N à NS N NS NS NS NS NS NIKE NS es FES RS 14 LISE S, à ee CAR C 24 VÉEUE E QOC VV AZ ï NCHAESE Ve TU \ Re 5 Vo AA VE Î | i kr | DA N x N LÀ CS /R D C4 Ci y NE RCA { k 4 ivre vue SCA AAC AAA VA AS Fr + LEURS Re AC aan LULU CRE CÈSES TES RENE OA | SURE A CEE MCE Ü YSECU / L/RAA /\ " / VUE AVAUAVACES ) CAT 7 ane RAT CACAT VLUVVYU RATE Ja *VVUL ut ue MUNTEËE. SÈÈ 1 AAMAAMAU MW YULCUTEEM Loue. 1e AU Ar VUE NIV 10A8) SUUUE AA A) AE LAIRA A © V v A CR À TU UUUS, DUT E nt DU EE En UE Fe, TIME 1ÈR ares Case PRET TEE AVE UN PYVEU UEFA ty VE VOTE ETC JET DIE ES UU UE TT MATE TT MAMA TC CCE UV SEEN M A NEA ET NOT AT EE | V CNY ve DER JUL UV VUDUL Ü DAT DUC AAA MIT EU NAALUEUCE nt Ve SAIT Re à SÉMUEMAAUL EE CE AUD" j, 7] À Nr ant CUS REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES BULLETIN BIMENSUEL DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D’'ACCLIMATATION DE FRANCE VERSAILLES, IMPRIMERIE CERF ET FILS, 59, RUE DUPLESSIS. J 3 | A REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES BULLETIN BIMENSUEL DE LA SOCIETÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE Fondée le 40 février 1854 | RECONNUE ÉTABLISSEMENT D'UTILITÉ PUBLIQUE PAR DÉCRET DU 26 FÉVRIER 1855 1891 — PREMIER SEMESTRE TRENTE-HUITIÈME ANNÉE PARIS MUASPLCE PDEMEMSOCEELLE AA MRIU EDEN ÉTÉ EE 1 — Le vs Le nos SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE ORGANISATION POUR L'ANNÉE 4891 CONSEIL. — DÉLÉGUÉS. — COMMISSIONS. — BUREAUX DES SECTIONS. CONSEIL D’ADMINISTRATION POUR 1891 BUREAU President. M. Albert GEOFFROY SAINT-HILAIRE (%), directeur du Jardin zoologique d’'Acclimatation du Bois de Boulogne. Vice-Preésidents. MM. Léon LE FORT (O0 #\, membre de l’Académie de médecine, pro- fesseur à la Faculté de médecine. DE QUATREFAGES (C. #), membre de l’Institut (Académie des sciences) et de la Société nationale d'agriculture, profes- seur au Muséum d'histoire naturelle, Le marquis de SINÉTY, propriétaire. Léon VAILLANT (%), docteur en médecine, professeur au Muséum d'histoire naturelle. Secrétaire général. M. Amédée BERTHOULE, avocat à la Cour d'appel, docteur en droit, k membre du Comité consultatif des pêches maritimes. Secrétaires. MM. E. DUPIN (%), Secrétaire pour l'Intérieur, ancien inspecteur des chemins de fer. C. RAVERET-WATTEL (%), Secrétaire du Conseil, chef de bureau au Ministère de la Guerre. Saint-Yves MÉNARD (%\, Secrétaire des Séances, médecin- vétérinaire, docteur en médecine, professeur à l’École centrale des Arts et Manufactures, membre de la Société centrale de médecine vétérinaire. : Pierre-Amédée PICHOT, Secrétaire pour l'Étranger, directeur de la Revue britannique. VI ANT MM. M. M. M. REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Trésorier. Georges MATHIAS, propriétaire. Archiviste-bibliothecaire. . MAGAUD D’AUBUSSON, avocat, docteur en droit. MEMBRES DU CONSEIL Camille DARESTE, docteur ès sciences et en médecine, directeur du laboratoire de tératologie à l'École pratique des Hautes- Études. A. GRANDIDIER (%), membre de l'Institut (Académie des sciences), voyageur naturaliste. LABOULBÈNE (O. %), professeur à la Faculté de médecine, membre de l’Académie de médecine. Édouard MÈNE (#), docteur en médecine, médecin de la maison de santé de Saint-Jean-de-Dieu. Le docteur Joseph MICHON, ancien préfet. À. MILNE-EDWARDS (O. #), membre de l’inslitut (Académie des sciences) et de l’Académie de médecine, professeur au Muséum d'histoire naturelle. Constantin PAUL (%#), docteur en médecine, membre de l’Aca- démie de médecine, médecin des hôpitaux. Aug. PAILLIEUX, propriétaire. Edmond PERRIER (#}), profes. au Muséum d'histoire naturelle. Edgar ROGER, conseiller référendaire à la Cour des comptes. Le marquis de SELVE \#), propriétaire. Ilcnry de VILMORIN (0. #), membre dela Société deals d’'a- griculture, ancien membre du Tribunal de Commerce de la Seine. Vèce-Preésident honoraire. le comte d'ÉPREMESNIL (#), propriétaire. Membre honoraire du. Conseil. Fréd. JACQUEMART (%), manufacturier, membre de la Société nationale d'agriculture de France. Administration. — Bureaux. Jules GRISARD (£ÿ A.), Secrétaire du Comité de rédaction. gérant des publications de la Société. ORGANISATION DE LA SOCIÉTÉ. - VII DÉLÉGUÉS DU CONSEIL EN FRANCE Boulogne-sur-Mer, M. CARMIER- | Sainé- Quentin, M. THEILLIER- ADAM. ; DESJARDINS. La Roche-sur-Yon, M. D. GOURDIN. DÉLÉGUÉS DU CONSEIL A L'ÉTRANGER Bruxelles, M. le comte DE LIEDE- | Rio-de-Janeiro, M. DE CAPANKMA. KERKE. Téhéran, M. le D' THOLOZAN. Pesth (Hongrie), M. Ladislas DE | Wesserling, M. GROS-F(ARTMANN. WAGNER. COMMISSION DE PUBLICATION MM. le PRÉSIDENT et le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL. MM. D'LE FORT, Vice-Président. Le Secrélaire pour l'Intérieur. Le Secrétaire du Conseil. Le Secretaire des Séances. Le Secrétaire pour l'Étranger. Le Trésorier. L'Archiviste-Billiothecaire. COMMISSION DES CHEPTELS MM. le PRÉSIDENT et le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL. Membres pris dans le Conseil. Membres pris dans la Socielé. MM. MAGAUD D'AUBUSSON. MM. DE BARRAU DE MURATEL. Georges MATHIAS. DITES AE LOU. Saint-Yves MÉNARD. Ch. MAILLES. ” Edg. ROGER. P. MÉGNIN. COMMISSION DES FINANCES MM. le PRÉSIDENT, le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL el le TRÉSORIER. MM. Eug. Dupin, Léon LE FORT et L. VAILLANT. COMMISSION MÉDICALE MM. le PRÉSIDENT et le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL. MM. E. DECROIX. MM. Saiut-Vves MÉNARD. Léon LE FORT. LABOULBEÈNE. Constantin PAUL. VIII REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. COMMISSION PERMANENTE DES RÉCOMPENSES MM. le PRÉSIDENT et le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL. Délégués du Conseil. MM. MAGAUD D’AUBUSSON, RAVERET-WATTEL et Saint-Yves MÉNARD. Délégués des sections. Première section. — Mammifères. — MM. MAILLES. Deuxième section. — Oiseaux. — G. MATHIAS. Troisième section. — Aquicullure. — RATHELOT. Quatrième section. — Znsectes. — Jules FALLOU. Cinquième section. — Végétaux. — Dr E. MENE. BUREAUX DES SECTIONS 4re Section. — Mammifères. 3° Section. — Aquiculture. MM. Saint-Yves MÉNARD, délégué | MM. L. VAILLANT, délégué du : du Conseil. Conseil. E. DECROIX, président. PERRIER, président. MÉGNIN, Vice-président. Baron J. DE GUERNE, vice- MAILLES, secretaire. président. . J. DE CLAYBROOKE, iCe-Se- D'AUDEVILLE, secrétaire. crétaire. J. DE CLAYBROOKE, vice- 2° Section. — Oiseaux. Secnétone - MM. Edgar ROGER, délégué du 4° Section. — Insectes. Conseil. MM. C. DARESTE, délégué du MAGAUD D’AUBUSSON, pre- Conseil. sident. Jules FALLOU, président. LEMOINE, vice-président. MÉGNIN, vice-président. MAILLES, secrétaire. | CLÉMENT, secrétaire. Comte D'ESTERNO, ice-se- J. DE CLAYBROOKE, ice crélaire. secrétaire. Section d’Aviculture 5° Section. — Végétaux. pratique. MM. Henry DE VILMORIN, délégué MM. OUSTALET, president. du Conseil et président. , H. VOITELLIER, vice-presid. Aug. PAILLIEUX, viCe-pré- Remy SAINT - LOUP, secre- sident. taire, Jules GRISARD, secrétaire. DAUTREVILLE, Vice-secrétaire. SOUBIES, Dice-secrétaire. TRENTE-QUATRIÈME LISTE SUPPLÉMENTAIRE DES MEMBRES Admissions du 12 octobre 1889 au 29 mai 1891. AUBIGNEAU (Antoine D’), propriétaire, à Moulins (Allier). AUBIGNY D'EÉsMyARDS (Comte D'), 69, rue de Courcelles. BABLSEN (Ernest), horticulteur, à Weinberge-Prag-Bohême (Autriche). BATIE (Charles DE LA), avoué, au Puy (Haute-Loire). BAUDIN (Joseph-Auguste), chef du service de l'Escompte (2° division), ‘à la Banque de France, 189, avenue de Neuilly, à Neuilly-sur-Seine. BELLAN (Georges), étudiant en médecine, 13, rue Jacques-Dulud, à Neuilly-sur-Seine. BizERAY (Eugène), à la villa de Jagueneau, par Saumur (Maine-ct- Loire). BONvVALOT, propriétaire, à Rochechouart (Haute-Vienne). BORDEAUX (Paul), avocat, 98, boulevard Maillot, à Neuilly-sur-Seine. BORDIER (D'), professeur à l'École d'anthropologie, 44, avenue Mar- ceau, à Paris, et au château de Bachais, près Grenoble {Isère). BOULLAYE D'ÉMANVILLE (Pierre DE La), 10, rue Galilée, Paris. BOUSCATEL (Georges), médecin-vétérinaire, 6, rue des Huissiers, à Neuilly-sur-Seine. BRAILLY (Ernest-Gustave), caissier d’administration en retraite, 79, avenue des Ternes, à Paris. BrIAnT (Etienne-Pierre-Marcel)}, médecin en chef de l'asile de Ville- juif (Seine). Browx (Henri), employé de commerce, 104, rue Lafayette, à Paris. BRULÉ (Eugène-Frédéric), receveur des finances en retraite, 1, rue Boutard, à Neuilly-sur-Seine. BUSSIÈRE (Marc), premier secrétaire général du Comice de Brantôme, au château de Puymarteau, par Brantôme (Dordogne). Busyx (le Cemte À. DE), boulevard de la Reine, à Versailles (Seine-et- Oise). Cauvin (Gustave-Albert}, employé de commerce, 26, rue d'Orléans, a Neuilly-sur-Seine. CHABANNES LA PALIGE (le Comte DE), château du Pin, par Moyaux (Calvados). . CHAILLAUX [C.), propriétaire-aviculteur, à Beaucamps (Nord). CHAPMAN (Henry), propriétaire, à The Grooe, Douro Road, à Chelten- ham (Angleterre). X REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. CESBRON (Fabius), avocat, 137, boulevard Sébastopol, à Paris. CLAYBROORE (Jean DE), officier d'Académie, membre des Sociétés Zoologique et d'Entomologie de France, 5, rue Sontay, à Paris. Cosnier, au château de Sauceux (Eure-et-Loir). Cor'riN (Joseph-Jules), propr., 15, rue Notre-Dame-de-Lorette, à Paris. CoTTin (Louis-Valence;,, licutenant-colonel de cavalerie en retraite, 76, rue Saint-Lazare, à Paris. CropPpi (Edouard), rentier, rue Théophile-Gautier, 3, à Neuilly (Seine). CueLz (Charles), à Villemétrie-Senlis (Oise). CuGINAUD (André), négociant en vins, à Brantôme (Dordogne). DAMPIERRE (Baron DE), château de Saint-Simon, par Jonzac (Cha- rente-Inférieure). DEBEAUVAIS (Louis), éleveur, passage des Thermopyles, 47, à Paris. DELAVAULT (Julien), curé à Goëx, par Lussac-les-Châteaux (Vienne). DEMANGEOT, banquier, 12, rue de Bellevue, à Boulogne (Seine. DESROSIERS (Charles), propriétaire, à Cuffy, par le Guétin (Cher). DHERSE (Louis', percepteur, à Longueval (Aisne), par Fismes (Marne). Dozzrus (Adrien), directeur de la Feuille des jeunes Naturalistes, 35, rue Pierre-Charron, à Paris. L Dumas (Alexandre), de l’Académie française, 98, avenue de Villiers, à Paris. FATIN, curé de Naujac, par Lesparre (Gironde). FourNiEr-SARLOVÈze (Raymond), propr., 11, rue Marignan, à Paris. GanxaAT (Claude), capitaine au 15° bataillon d'artillerie, à Saint- Servan (Ille-et-Vilaine). À GAUTHIER (Melchior), propriétaire, au château de Pierrefitte, par la Roche-Millet (Nievre). Gavoryx (Charles-Antoine), administrateur déléguée des raffineries de sucre de Saint-Louis, 2, place de la Préfecture, à Marseille (Bou- ches-du-Rhône). GEorrroY (Jules-Louis-Sévère), renlier, 8, avenue de Tourville, à Paris. GERrvAIS (Jules), 23, rue du Pont-Neuf, à Paris. G1GoN (Jules-Auguste), propriétaire, 29, boulevard Péreire, à Paris. GLorIAN (Louis), 129, rue de Flandres, à Paris. GOpiNOT DE VILAIRE {R.), directeur de l'Ecole d’arboriculture, à Bastia. GoxTÉ (Charles), propriétaire, 5, place de la Monnaie, à Nantes (Loire- Inférieure). GRENET (Albert), propriélaire-agriculteur, au château de la Planchette, par Corbielle-en-Gatinais (Loiret). GRuSs (Joseph-Daniel-Léon), éditeur de musique, 116, boulevard Haussmann, à Paris. GuiLLAUMIN (Alexis), au château de Lépine, par le Veurdre (Allier). HAVRINCOURT (Marquis p’}, 43, rue de Varenne, à Paris. LISTE DES MEMBRES ADMIS DANS LA SOCIÉTE. ii HECKEL (Edouard), docteur en médecine, directeur du Jardin bota- nique de Marseille, 31, cours Lieulaud, à Marseille. His (Gaston), négociant, 22, Grande-Rue, à Chantilly (Oise;. Hœssner (Emile), commerçant, 47, avenue de Neuilly, à Neuilly-sur- Seine. Horror (Léon), licencié en droit, 51, rue de Colombes, à Courbevoie (Seine). | Huer (Paul), 57, rue Cuvier, à Paris. JAGQUET (Louis), agent principal des cultures du Gouvernement, aux îles de Poulo-Condore (Cochinchine française). JALOUZET, conservateur des hypothèques, à Pithiviers (Loiret). JOUSSET DE BELLESME, directeur de l’'Aquarium du Trocadéro, 5, rue du Pont-de-Lodi, à Paris. JumEau (E.), négociant, fabricant de jouets, 8, rue Pastourel, à Paris. Kazrr (Ch.-J.), à Vannes-le-Châtel (Meurthe-ct-Moselle).. KALOUGSKY (Neophyt}, secrétaire de la Société d’Acclimatation de Moscou (Russie). KaAurFFrER (Ferdinand), bijoutier, rue Saint-Didier, à Nancy (Meurthe- et-Moselle). KERBERT (D' Coenraad), directeur du Jardin zoologique, à Amsterdam. LABORDE (Léo), docteur en médecine, propriétaire, à Préchac, canton de Villandrault (Gironde). LA CazE (Louis), ancien sénatèur, 107, rue de Grenelle, à Paris. LAING (James-Henry), Stanstead Park Foresti Hill, à Londres S. E. (Angleterre). LaAzouU (Charles), député du Nord, directeur du journal Za France, 144, rue Montmartre, à Paris. LARIBLE (Léon), propriétaire, 18, rue Bayeux, à Paris. Larour (le D' DE), propriétaire, à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme). LE CouLTRe (Albert), à la villa Belle-Rose, à Brunoy (Seine-et-Oise). LEJEUNE (Jean-Joseph), aux Essarts-le-Roi (Seine-et-Oise). LE FÉBURE pu Bus (Eugène), propriétaire, 8, rue Las-Cases, à Paris. LEMOINE (Paul), à Crosne (Seine-et-Oise). LEPINGLEUX-DESHAYES (Albert), naturaliste et homme de lettres, directeur-propriétaire de la Revue contemporaine, 158, boulevard Saint-Germain, à Paris. LEQUIEN (Édouard), 25, rue de Cerisy, à Amiens (Somme). LEROY (Martin), conseiller référendaire à la Cour des Comptes, 60, rue de Lisbonne, à Paris. : LESPERON (Léonce), propric.aire, château Saint-Rieul, à Villenarve- d'Ornon (Gironde). LETOURNEUR-HUGON (le Baron), propriétaire, rue Notre-Dame, à Granville (Manche). LunEAU fJules-Henri-Charles), entrepreneur de dallages, rue Inker- mann, à Angers. RE XII REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. MaAILLé (Comte François DE), 3, boulevard Malesherbes, Paris. MARGUERITTE (Gustave), 2, rue Meissonier, à Paris. MARTRAY (Gaston pu), 30, rue Basse-Saint-Jean, à one sUr— Marne (Marne). MARTEL (Henri), propriétaire, 29, boulevard de la Liberté, à Marseille. MERSEY (L.), inspecteur des Forêts, chef du service des chasses présidentielles, à Rambouillet (Seine-et-Oise). MÉTAxAS (Constantin, C.), à Bagdad (Syrie). Mizzy. (le Comte Léon DE), propriétaire, dd de l'Église, à Bourg-la-Reine (Seine). : MITSCHINER (Benjamin), curateur du Jardin zoologique de Moscou, à Moscou (Russie). MONNECOVE (Félix LE SERGEANT DE), rue Saint-Florentin, 4, à Paris. MorET (Auguste), propriétaire, 8, rue de l’Arcade, à Paris. Morxy (le Comte Serge), 15, rue La Pérouse, à Paris. NaAsT (Léon-André-Louis), négociant, 20, rue d'Hauteville, à Paris. Nicoras fils (Son Allesse Impériale Mgr le Grand-Duc), à Tsarkoe- Selo /Russie). Nos (Octave), administrateur des Messageries maritimes, 70 bis, rue de l’Université, à Granville (Manche). NOUËT DE LA BUZONNIERE, 9, rue de la Poule, à Orléans (Loiret). PacauD (André), château de Camusetterie, par Tournon-Saint-Martin (Indre). ParADis (Fernand), 20, rue ocepau es Paris. PARREAU (Eusèbe), ancien résident Sent officier. de la Légion d'honneur, à Hanoï (Tonkin). PELISSE (Claude), pharmacien de 1'° classe, 4, r. de la Sobante Paris. PErior (Émile), château de Chamirey, par le Bourgneuf {(Saône-et- Loire). PorLocx (J.-L.), négociant exportateur, 9, avenue des Tilleuls, villa Montmorency, Auteuil-Paris. PicHon (Charles-Édouard), commis principal au Ministère des Fi- nances, 47, rue Boulard, à Paris. PLzourTz (Henri), propriétaire, villa Saint-Jean, Grand-Pré (Ardennes). PONsARD (Philibert), avoué à Louhans (Saône-et-Loire). PonsarT (Hippolyte), curé de Moyvillers, à Moyvillers, par Estrées- Saint-Denis (Oise). brtss ‘ PORIQUET, sénateur, conseiller général de l'Orne, 58, rue Monceau, à Paris, et à la Blanche-Lande, par Morhée (Orne). PROST, maire, à Lons le-Saulnier (Jura). | Purpan [Charles DE), propriélaire, domaine ie M à Cané- : jean, canton de Pessac {Gironde). l QUANTIN (Albert), ancien imprimeur-éditeur, chevalier de la Les _-d’honneur, 6, rue du Regard, à Paris. RAYMOND (H.,, propriétaire, 32, avenue Kléber, à Paris. LISTE DES MEMBRES ADMIS DANS LA SOCIÉTÉ. XIIT Resour (Charles), fabricant de rubans, place Marengo, 5, à Saint- Étienne. Remwy-SainT-Loup, docteur ès sciences, attache au laboratoire de la Faculté des sciences de Marseille, 382, chemin d’'Endoume, à Marseille. : HUE RéviLLon (Stanislas), négociant, 89, rue des Petits-Champs, à Paris. RiIBOULLARD (Charles), 35, rue Bellefond, à Paris. Rorascxizp (Lyonnel- Walter), banquier, 148, Piccadilly, à Londres. RoussiGné (Charles), propriétaire, 8, rue Bayard, Paris. SAKAKINE (Stéphan), propriétaire, château de Cailloux, à Iodoigne (Belgique). SAMSON, administrateur du magasin « La Ville de Saint-Denis », 1, rue de Paradis, à Paris. SiB0N (Félix), chef de bataillon au 21€ régiment territorial d'infanterie, 170, avenue de Neuilly, à Neuilly (Seine). SINGARREAU, pharmacien à Rouillac (Charente). SiREDEY, docteur en médecine, 44, boulevard Maillot, à Neuilly (Seine). SourDIS (David), 43, rue du Faubourg-Saint-Honoré, à Paris, et au château de Monceau, par Tournan (Seine-et-Marne). TAIZON (Gustave), rentier, 50, rue Pierre-Charron, à Paris. TAïLLEVIGNES, directeur de l’École pratique d'agriculture d'Oudes (Haute-Garonne). TEMPLIER (Ch.), négociant à Melbourne (Australie). THOME (Eugène), propriétaire, 22, rue Bizet, à Paris. TINGuY (Vicomte DE), au château de Beaupuy, par la Roche-sur-Y on (Vendée). ToLLetr (Henri-Emile-Claude), ingénieur du service maritime et du canal de Nantes à Brest, à Châteaulin (Finistère). TourCHOT (A.-L.), 120, rue Chapeiï, Ottawa (Canada). Vasseur (Clovis), ancien notaire, à Margut (Ardennes). Vian (Georges-Édouard), député, à Saint-Chéron (Seine-et-Oise), et 34, rue de Châteaudun, à Paris. VipaL (Édouard), secrétaire de la Société d’horticulture et d’acclima- tation de Tarn-et-Garonne, à Montauban. ViGOuREUx (Eugène), 71, boulev. Victor-Hugo, à Saint-Ouen (Seine). VimoxT (Émile), rentier, 109, avenue de Neuilly, à Neuilly (Seine). VioLotT DE BEER (Jean-Baptiste-Claudius), conseiller général, proprié- taire au château de Glairans, par Mewens (Saône-et-Loire). WASQUER (Paul), 14, rue de Crussol, à Paris. ZELTNER (François-Arthur DE), étudiant en droit, 12, rue de Naples, à Paris. LA SOCIÉTÉ HORTICOLE DAUPHINOISE, à Grenoble Isère). ÉCOLE D'AGRICULTURE DE LABROSSE (Yonne). ALLOCUTION PRONONCÉE PAR M. À GEOFFROY SAINF-HILAIRE PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ ‘A l’ouverture de la 32e séance publique annuelle de distribution des récompenses. MESSIEURS, Il y a trente-huit ans que la Société d’Acclimatation dé- cerne des récompenses, qu’elle encourage par ses prix, par ses médailles, par ses primes ceux qui ont collaboré à son œuvre. Si nous établissions la liste de nos lauréats, nous ferions, par le fait, l’histoire de notre Société et aussi l’his- toire de l’'acclimatation elle-même dans tous les pays depuis quarante ans environ. Les temps sont bien changés. Lorsqu'en 1854 naissait notre Société, son programme était l’objet des critiques les plus vives; l’idée d'échanger avec les pays étrangers les pro- duits du sol et les animaux semblait alors inutile et mal avisée. On allait même jusqu’à la considérer comme pie. « Dieu, disait-on, a bien fait tout ce qu'il a fait, transporter » une espèce d’un pays dans un autre c’est en quelque sorte » aller contrée ses desseins, car il a doté chaque région de » tout ce dont elle peut avoir besoin. » à Les imprudents qui parlaient ainsi nr preuve, en vérité, de la plus grossière ignorance et leurs sots propos sont aujourd'hui oubliés. En effet, l’acclimatation a été de tous les temps, et les peuples n’ont jamais cessé de faire des efforts soutenus pour s'enrichir des espèces qu'ils n’a- vaient pas. Depuis quarante années ce mouvement à pris un incroyable développement ; on a par tout pays acclimaté à l’envi, si bien que l'équilibre économique des äiverses régions du globe en est aujourd’hui profondément altéré. Nous n’attendons pas, Messieurs, pour donner nos récom- penses que les efforts de nos lauréats aient bouleversé les ALLOCUTION DE M. LE PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ. AV conditions de la prospérité des peuples: nous donnons nos prix et nos médailles pour de moindres résultats. Un livre utile, riche en notions pratiques, en aperçus ingénieux; une expérience originale bien conçue et bien exposée; la mise en valeur de produits inconnus ou méconnus ; des élevages réussis ; des observations judicieuses sur les mœurs des ani- maux .ou les besoins des plantes ; des introductions d'espèces inté’essantes à étudier, arrêtent toujours l'attention de votre Commission des récompenses, car elle sait prévoir où peuvent conduire les plus modestes travaux. Ne voyons-nous pas à chaque pas dans la vie de grands effets résulter de petites causes. Et c’est ici le lieu, Messieurs, de rendre hommage au zele imperturbable, à l'équité toujours bienveillante de ceux de nos collègues qui prennent une part assidue aux travaux de la Commission des récompenses. Depuis bientôt trente ans, je vois à l'œuvre ces juges excellents. Ceux d'aujourd'hui, ne sont pas ceux d'hier, hélas ! car le temps a fait son œuvre, mais si les hommes ont changé, l'esprit de la Commission est resté le même, c’est en vérité le plus grand éloge que j'en puisse faire. D eee es me een mean RAPPORT SUR LES TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ EN 1889 ET 1890 Par M. LE D' Saint-Yves MÉNARD, Secrétaire des Séances. MESSIEURS, Le rapport que j'ai l'honneur de vous présenter sur les travaux de la Société comprendra les deux années 1889 et 1890. Il vous montrera que notre activité scientifique s’est encore accrue pendant cette période et que le zèle de nos collègues praticiens a redoublé. La Retue des Sciences naturelles appliquées, toujours remplie de documents, continue à nous faire honneur, à pro- pager le goût de l’acclimatation et à en vulgariser la connaïs- sance. L'Exposition universelle de 1889 a donné l'occasion d'y introduire ädes Chroniques spéciales dans lesquelles plusieurs de nos plus zélés collègues ont pris la peine de signaler, parmi les produits de l’industrie et des arts accumulés au Champ- de-Mars, ceux qui avaient pour nos lecteurs un intérêt parti- cuHeL.»., C'est ainsi que M. Magaud d’Aubusson nous a montré les collections de plumes d’Autruche venues de divers pays et nous a présenté, à ce propos, un historique complet de l’ex- ploitation de l’Autruche en domesticité. Cette industrie-qui, dans la seule colonie anglaise du Cap, a fourni à l'exportation pour 25 millions de francs en 1880, ne date pas de bien loin, et c’est la Société d'Acclimatation qui lui a donné la première impulsion, il y a 25 ans environ. Les piumes de Nandou, exposées dans le pavillon de la République Argentine et dans celui de l'Uruguay, sont divisées par M. Magaud d'Aubusson en deux catégories. Les unes pro- : TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ EN 1889 ET 1890. XVII viennent d'oiseaux sauvages tués à la chasse par les Indiens, les autres d'oiseaux élevés dans les fermes de la Pampa. Ces derniers font penser naturellement aux Nandous multipliés dans nos pays par nos collègues : MM. Bérenger, Dr Clos, Pays-Mellier, Mercier, Blaauw. Notre Secrétairé général, M. Berthoule, et M. Raveret- Wattel ont exploré le côté de l’eau. Le premier a décrit savamment l'exposition ostréicole qui donne une idée de l'im- portance de l’ostréiculture en France. Le second a passé en revue les principaux établissements de pisciculture repré- sentés à l'Exposition universelle, puis les appareïls exposés par divers fabricants ou amateurs. M. Fallou a consacré une chronique des plus instructives à l'exposition des insectes utiles et nuisibles, dans laquelle il a insisté naturellement sur la sériciculture et sur l’apiculture. MM. J. Grisard et Vanden-Berghe nous ont montré les principaux textiles importés des colonies : le Jute, l’Abaca ou Chanvre de Manille, le Phormium ou Lin de la Nou- velle-Zélande, les fibres d'Ananas, etc. Enfin, M. Pion a écrit pour la Revue un compte rendu détaillé du Concours universel d'animaux domestiques. Fa Tout en soignant son Bulletin, la Société ne s’en est pas tenue à ce mode de vulgarisation; etle a voulu offrir à tous le bénéfice de l’enseignement oral et elle a inauguré une série de conférences qui ont présenté un vif attrait. Dans la première, notre président, M. A. Geoffroy Saint- Hilaire, a esquissé l’histoire des Sociétés d’acclimatation fon- dées en divers pays après celle de Paris, et aussi l’histoire des jardins zoologiques et des jardins NEDONCE Een jardins publics ou jardins privés. M. A. Berthoule a traité dans la onde conférence un sujet qui lui est cher et familier. Son talent de description, secondé par de belles projections, nous a donné l'illusion d’une charmante excursion en Auvergne où nous avons exploré plus particulièrement les lacs de la région. Nous avons pris connaissance de la faune naturelle de ces lacs et nous avons acquis la conviction que les plus simples travaux de piscicul- ture, les plus modestes tentatives d’empoissonnement, pou- vaient donner là des résultats économiques d’une réelle B XVIII REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. importance, témoin les belles Truites sanmonées péchées dans le lac Pavin et dans le lac Chauvet. M. Jean Dybowski et M. E. André nous ont fait partager les charmes et les émotions de leurs voyages d’études; le premier dans le sud Algérien, le second dans les Cordillères des Andes. Tous deux nous ont donné une haute idée des services que peuvent rendre à l’acclimatation des naturalistes explorateurs. Notre spirituel collègue P.-A. Pichot, en nous initiant aux distractions du vieux sport de la fauconnerie, àa montré tant d'humour et de talent qu'il a réussi à acclimater les dames parmi nous, résultat précieux. M. Lemoine, l’aviculteur bien connu, a montré que les nom- breuses races et variétés de Poules qui plaisent aux amateurs pour leurs diverses particularités ne peuvent pas convenir dans tous les pays. Ce qui lui paraît être la Poule pratique dans chaque région, c’est la Poule locale, la Bressanne dans la Bresse et la Crèvecœur en Normandie, par exemple. Ces races locales sont acclimatées par avance, sont rustiques et écono- miques ; après une sélection bien conduite, elles deviennent suffisamment productives. : M. Retterer, au retour d’une mission au pôle nord, nous a raconté les péripéties de la pêche à la Baleine et nous a mis au courant de l’industrie à laquelle elle donne lieu. Enfin, M. le professeur Raïlliet, avec une science profonde mise à la portée de tous et avec beaucoup d'esprit, nous a parlé des parasites qu'il ne faut pas acclimater sur nous et nous a indiqué les moyens de nous en préserver. Dans le cours des deux années dernières marquées, l'une par l'Exposition universelle, l'autre par la première série de conférences, la Société d'Acclimatation à poursuivi ses tra- vaux ordinaires ; j'ai à vous en présenter une rapide ana- lyse en les prenant, suivant l'usage, dans l'ordre des sections établies. PREMIÈRE SECTION. À l’occasion de deux Castors du Rhône recus au Jardin d'Acclimatation, M. d Orcet a tenu à feire une petite mono- graphie du Castor d'Europe avant que les derniers représen- tants de l’espèce ne soient exterminés. TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ EN 1889 ET 1890. XIX M. d'Orcet a encore enrichi la Revue d’une étude pleine d'érudition sur les origines du Cheval. ER X La Chèvre a été à l’ordre du jour dans les deux années passées. M. E. Pion a commencé par faire ressortir l'utilité de la Chèvre et par montrer l'importance qu'elle a prise dans l'économie du bétail. Il y a en France près d’un million et demi de sujets de cette espèce représentant une valeur de 20 mil- lions de francs environ et donnant un rendement annuel de cent pour cent, soit 20 millions de francs, en lait, en viande et en peaux. Puis M. Paul Thomas, un passionné pour l'amélioration des Chèvres, après un voyage en Suisse fait tout exprès, nous a décrit de visu les sept races principales de ce pays, en faisant ressortir leurs qualités respectives. Ensuite M. A. Berthoule rappelle les premières tentatives faites naguère par la Société pour l’acclimatation de la Chèvre d’Angora en France et en Algérie. Sa toison a une grande valeur et sa viande est de meilleure qualité que celle de nos Chèvres ordinaires. La persévérance a manqué, les capitaux engagés n'ont pas été suftisants. Combien ne devons nous pas le regretter quand nous voyons la Chèvre d'Angora con- tribuer grandement à la fortune de la colonie anglaise du Cap? M. Leseble a décrit le Chien sauvage d'Australie, le Dingo, d’après un couple importé au Jardin d'Acclimatation et une portée de jeunes issus de ce couple. Les maladies de nos mammifères ont été l’objet des études de quelques collègues. M. Mégnin a décrit une phtisie bacté- rienne du Lièvre, et M. Railliet une nouvelle aflection du Lièvre et du Lapin causée par un ver intestinal. Votre rap- porteur a résumé ses observations sur la maladie des Chiens en indiquant un moyen d'empêcher la contagion dans les lieux d'élevage. XX REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. M: Pays-Mellier n’a pas manqué de nous parler, comme d'habitude, des nombreux animaux qu'il entretient dans son parc de la Pataudière. Son compte rendu ne comporte pas l'analyse ; tous les éleveurs gagneront à le lire en entier. Par” Il en est de même de la note de M. Blaauw sur la collection d'animaux réunie à S’Graveland, près d'Amsterdam. Elle débute par un fait d’un intérêt particulier, la reproduction des Antilopes Gnous. DEUXIÈME SECTION. À l’occasion du passage de Syrraphtes à travers l'Europe en 1888, M. Magaud d’Aubusson a écrit une intéressante mo- nographie de cette curieuse espèce asiatique ; l'Allemagne et l'Angleterre ont protégé les migrateurs et en ont vu quelques- uns se fixer et se reproduire. Cela peut étre un commence- ment d’accliimatement. Notre collègue signale ensuite aux colons algériens un oiseau insectivore qui vit dans l’Asie centrale et méridionale et qui pourrait être introduit en vue de la destruction des Criquets, c’est le Martin-Rose. x 4 Les lecteurs de la Revue ont apprécié comme elle le mérite une étude tres complète des Outardes, due à M. Lafourcade, médecin-vétérinaire de Paris. M. le professeur Dareste, continuant ses recherches sur l’incubation artificielle, a étudié les changements de tempéra- ture propres aux œufs et indépendants de la source de cha- leur. Au commencement de l'incubation, comme l'ont appris MM. Moitessier et d'Arsonval, les œufs absorbent de Ja chaleur tandis qu’ils en dégagent de plus en plus au fur et à mesure que les embryons se développent davantage. ai” Plusieurs collègues ont conservé la bonne habitude de nous tenir au courant des succès ou des insuccès dans leurs édu- # TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ EN 18$9 ET 1890. XXI cations. M. le D' Lafon (Lophophores); M. Leroy (Colins de Virginie) ; M. Delaurier (divers oiseaux exotiques); M. Godry (Nandous, Céréopes, Pintades de Verreaux, Tragopans, Hoc- cos, etc.). | Signalons encore d’intéressants articles de M. le marquis de Brisay {la chasse aux oiseaux dans l'Inde); M. le comte de Montlezun {Palmipèdes lamellirostres); M. Suchetet (Hybrides des anatidés); M. Huet (Hybrides chez les gallinacés). TROISIÈME SECTION. La Société a poursuivi en 1889 et en 1890 l'expérience de Quillan tendant à acclimater le Saumon Quinnat dans l'Aude et par suite dans tout le bassin de la Méditerranée. Les détails en sont exposés dans un article de M. l'ingénieur _ Bouffet et dans un autre de M. le Secrétaire général. Ils sont de nature à nous donner grand espoir de réussite. ra” M. Raveret-Wattel a mentionné l’acclimatation du Whitefish (Coregonus aibus) dans 1e lac d'Annecy, due à M. Lugrin; puis il a écrit une note intéressante sur les opérations de rempoissonnement effectuées au Canada, opérations qui ont porté sur 88 millions d’alevins de Saumons, de Truites, de Corégones ; enfin il a exposé les progrès de l'aquiculture marine en Norvège. Tout cela l'amène à regretter que nous ne soyons pas aussi avancés en France. XX M. Emile Bertrand a acclimaté d’une manière définitive, dans un étang des environs de Versailles, la Perche argentée d'Amérique ou Calico-ba:s. Si cette petite espèce de poisson n'a pas par elle-même une valeur considérable, elle peut, en raison de sa fécondité, devenir précieuse pour l'alimentation des Salmonides. : QUATRIÈME SECTION. M. le professeur Laboulbène nous a rappelé les tentatives faites pour l'introduction en France du Ver à Soie du Prunier XXII REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. (Attacus Cecropia), originaire d'Amérique. Elles ont été en- courageantes et elles méritent d’être renouvelées. x "+ M. Fallou a rendu compte de ses éducations de Vers à Soie du Mürier en plein air, à Champrosay. X *X * Le R. P. Camboué nous a envoyé de Madagascar des Arai- onées dont les cocons fournissent une soie susceptible d’être filée. L'éducation de ces nouveaux insectes séricigenes (Epeires) fut confiée à M. Fallou qui, malgré tous les soins, ne réussit pas à les faire vivre. Mais notre collègue n’est pas homme à se rebuter pour si peu. Il demande à recommencer l'expérience en variant les conditions d'installation et de nourriture des insectes. Pa M. Ch. Delagrange, pendant un séjour qu'il a fait à Smyrne, a étudié les chenilles d’un insecte séricigène {Lasiocampa olus) qui vivent sur les Cyprès. Les cocons qu’elles filent lui paraissent susceptibles de donner une bonne soie. Il y aurait lieu, suivant lui, de chercher à acclimater cet insecte dans le midi de la France et en Algérie. CINQUIÈME SECTION. Dans une courte note, l’éminent botaniste, M. Naudin, a montré l'importance commerciale qu'ont prise les écorces d’Acacias employées pour le tannage des peaux en Australie. Les Acacias tannifères lui paraissent susceptibles de s’accli- mater dans le Sud-Algérien sans grandes difficultés et sans dépenses considérables ; ce serait un élément de fortune pour notre colonie. | Au moment où l’acclimatement du Sfachys affinis était un fait accompli, où ces tubercules commencçaient à être récoltés en abondance et livrés à la consommation sous le nom de Crosnes du Japon, MM. Paillieux et Bois ont voulu résumer dans une excellente monographie tous les documents relatifs TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ EN 1889 ET 1890. XXII à l'introduction de ce légume, à sa culture, à sa composition chimique, à son usage alimentaire. MM. Paillieux et Bois ont donné aussi des renseignements sur leurs cultures de l’Igname plate du Japon ; sur l’importa- tion et la culture du Gongoulou du Kashmir, sorte de Navet rouge; sur le Concombre de Mandéra; le Haricot de terre; la Mitsuba du Japon ; l’'Olombé du Gabon; le Pugionium cornu- tum de Mongolie. Vous savez, Messieurs, combien M. Clarté a fait d'efforts persévérants pour acclimater le Goumi (Ælæagnus longipes » pour répandre sa culture et pour vulgariser l'emploi de ses fruits alimentaires. Notre collègue éprouve la satisfaction du succès et il résume dans une note concise les indications qui seront utiles à ses imitateurs. SEE M. Ruinet du Tailly a signalé un fait important, la fructi- fication de l'Eucalyplus globulus observée pour la première fois en Bretagne. Et, à cette occasion, M. Roussin, qui habite la même région, nous à donné une note sur quelques végétaux qu'il a importés lui-même du Japon. x % M. le D: Clos, directeur du Jardin des Plantes de Toulouse, signale à l'attention des horticulteurs quelques espèces de Duvaua, arbustes à feuilles persistantes originaires du Chili, qui pourraient être cultivés en France comme espèces orne- mentales. x y M. Garrigues, que vous connaissez par ses cultures indus- trielles de Bambous, a montré toutes les applications qu'on en peut faire à la consolidation des digues.et remblais, soit sur les bords des fleuves, soit sur les hanes de chemins de fer, soit autour des forts. x *% *X M. le baron d'Yyoire a indiqué un procédé pratique et fort XXIV REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. simple pour cultiver les Morilles dans un potager. Bien des amateurs sans doute le mettront à profit. xx Enfin, M. Kawamoura a écrit l'histoire de l’acclimatation d'un certain nombre de végétaux en Chine et au Japon et nous a fourni de précieux documents. Mais en dehors des travaux des sections, la Revue des Sciences naturelles appliquées justifie son titre par des séries de chroniques pour lesquelles elle met à profit le précieux concours de MM. Brézol, J. Loz, J. Petit. Ces chroniques asrémentées de faits divers relatifs à l’histoire naturelle, à l’économie du bétail, à l'horticulture et à l’agriculture, donnent à notre publication un attrait particulier. Je voudrais, Messieurs, vous avoir communiqué par ce rapide compte rendu l'admiration que m'inspire l’ensemble de nos travaux. Je suis sûr, en tout cas, d’être l'interprète fidèle de vos sentiments en témoignant la plus vive recon- naissance à ceux qui leur impriment la bonne direction, à notre cher Président et à notre dévoué Secrétaire général. RAPPORT AU NOM DE LA COMMISSION DES RÉCOMPENSES Par M. AMÉDÉE BERTHOULE, Secrétaire général de la Société. C’est un aimable devoir que celui qui incombe à votre rapporteur, de parler au nom de la Commission des récom- penses, car il a pour objet de faire état des entreprises menées à bien, des conquêtes réalisées, au cours d’une de ces campagnes de travail qu'à l’envi nous nous appliquons à rendre fécondes. Le compte rendu, présenté avec une si rare mesure par notre dévoué secrétaire des séances, et dont vous venez d'entendre la trop rapide lecture, montre bien quel orand angle embrasse notre action, et combien, pour étre variés et multiples, nos efforts sont néanmoins efficaces; c'est qu'ici, leur division est plutôt une marque de force qu'une cause de faiblesse ; la diversité n’en est qu'apparente, et, en réalité, à la facon des hardis capitaines, nous attaquons bra- vement la citadelle de la nature par tous ses flancs. La faune des régions les plus diverses et les plus lointaines prend pied en même temps sur le sol de notre vieux con- tinent, de par la volonté entreprenante de quelques-uns des nôtres : M. Blaauw naturalise le farouche Gnou de l’Afrique australe, M. Sharland nous donne le Mara de l'Amérique du Sud, le prince de Wagram subsiitue le Faisan vénéré de la Chine au moins brillant Faisan à collier, dans ses magni- fiques tirés de Gros-Boïis, tandis que, d’autre part, nos hu- mides domaines empruntent à l'Amérique du Nord ses pré- cieux Salmonides, et à l'Afrique un curieux et utile batracien. M. Delagrange nous ramène d’Asie-Mineure le Lasiocampa olus, pendant que, non moins active, notre cinquième Section enrichit le potager, le jardin ou le parc, de nouvelles plantes. Auprès des hommes d'application pratique, d'érudits écri- vains nous prêtent l'inestimable concours de leur plume, pour la vulgarisation des sciences naturelles, instruisant et guidant les uns, stimulant les autres, célébrant les succès obtenus. - XXVI REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Ainsi, peu à peu, patiemment mais solidement, s'élève le superbe édifice dont les fondateurs de notre associat'on jetaient les bases, il y aura bientôt quarante ans, après l'avoir dédié au Bien public. Grande médaille d'or A l'effigie d’Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Les magnifiques galeries souterraines du Trocadéro n’ont pas reçu un visiteur, depuis dix ans, qui n’ait admiré dans ses viviers, trop étroits pour en contenir les nombreux es- saims, un joli poisson vêtu d’émeraude et d'argent, aux allures vigoureuses, respirant la santé, d'une taille souvent démesurée, eu égard aux dimensions réduites de sa prison. Ce noble étranger, que vous connaissez bien sous son nom de Salmo Quinnat, est tout nouveau venu chez nous; ce n'est guère, en effet, qu'en 1879 que notre Société en rece- vait les premiers émissaires, des eaux lointaines de la Cali- fornie. Frappée des qualités que révélaient en lui les études zoologiques, elle avait résolu d'en entreprendre la naturali- sation, et elle eut la bonne fortune de trouver pour l’accom-— plissement de cette tâche, de la part de la Commission fédé- rale des pécheries des États de l’Union, le concours le plus libéral et le plus précieux. Suivant nos traditions, nous primes d’une main pour donner de l’autre, et chacune des colonies que nous recûmes successivement, aussitôt arrivée, fut disséminée sur divers points, et confiée à nos pisciculteurs les plus connus. L’Aquarium municipal du Trocadéro fut un des premiers à participer à ces distributions ; et lorsqu’en 1883 son directeur actuel, M. Jousset de Bellesme, en prenait l'administration, il pouvait y compter plusieurs centaines de sujets de cette espèce, provenant de l’éclosion des œufs que cet établis- sement tenait de la Société d'Acclimatation. Des soins en- tendus, une nourriture largement distribuée les poussèrent à un développement aussi rapide que remarquable ; en 1887, certains sujets dépassaient la taille de 0,80 et pesaient jus- qu'à 6 kilos. Mais, résultat autrement important, le seul que nous ayons à mettre en lumière et à retenir aujourd’hui, ils donnèérent, par la fécondation artificielle, des récoltes. RAPPORT AU NOM DE LA COMMISSION DES RÉCOMPENSES. XXVII d'œufs considérables qui se sont régulièrement renouvelées chaque automne. De 1885 à 1890, plus de 200,000 alevins, dont les plus petits mesuraient 0",10, sont sortis de l’Aqua- rium du Trocadéro. Ces jeunes élèves n’ont pas pris, nous avons le regret de le dire, le chemin que nous aurions voulu leur voir suivre. La Seine en a absorbé la presque totalité, et il est bien à craindre que leur jeunesse n'ait couru quelques dangers dans les joyeux parages de Bougival ; et d’ailleurs, ce fleuve ne possède t-il pas le Satmo Salar, sinon jusqu’à Paris où ses eaux coupées de barrages sont aussi trop impures pour l’attirer, du moins dans d’autres parties de son cours, et n’eüt-il pas été préférable, au lieu de mettre en lutte les deux espèces, de chercher à peupler un terrain neuf? Quoi qu’il en soit, les opérations du Trocadéro sont ins- tructives et intéressantes ; elles démontrent souverainement la parfaite rusticité du Saumon californien, sa malléabilité, la vigueur de sa croissance, et avant tout, son aptitude à se développer, même en eaux closes, sans avoir besoin, comme le Saumon d'Europe, d’'émigrer périodiquement à la mer, et sans rien perdre de ses facultés génératrices. L’Aquarium en est aujourd'hui à la deuxième ou troisième génération, sans apport de sang nouveau, et en dépit de la surface restreinte des viviers et de la qualité douteuse des eaux. Ce remar- quable résultat est tout à l'honneur de celui de nos collègues qui dirige, en savant, les opérations de pisciculture dont notre Revue donnait naguère le détail. Dès l'apparition du Saumon Quinnat, notre Société, sen- tant bien tout le prix que pouvait avoir sa naturalisation en France, plus spécialement au point de vue de sa diffusion dans celles de nos eaux que ne fréquente pas le Salar, avait, pour exciter des collaborations dans ce sens, institué un prix de 500 francs pour sa multiplication ; le libellé de cette fon- dation exigeait seulement l'existence de 500 alevins âgés d'un an, nés de parents existant dans les mêmes eaux depuis au moins dix-huit mois, et la production d’un rapport cir- constancié relatant les observations auxquelles aurait donné lieu l'éducation de ces jeunes poissons. Ce simple énoncé suffit à établir combien largement ont été réalisées les conditions du programme pour l'obtention de cette haute récompense, que l'Aquarium municipal du Trocadéro est appelé à recevoir aujourd’hui, sous la forme XXVIIT REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. d’une grande médaille d'or, d’égale valeur, à l'effigie d’Isi- dore Geoffroy Saint-Hilaire, notre premier et illustre pré- sident. Grande médaille d'or. Si l’industrie a, durant les cent années qui viennent de s'écouler, réalisé d’'admirables progrès, non moins superbes sont ceux accomplis par l'horticulture. Une activité presque fébrile l’a animée ; des associations multiples se sont formées, qui, toutes, travaillent avec entrain ; des feuilles périodiques se sont multipliées et répandues partout, attisant l'ardeur de chacun, surexcitant de fécondes émulations ; des plantes nou- velles ont paru, recueillies au milieu de mille périls, rap- portées au prix de soins laborieux par de hardis voyageurs, et prenant bientôt place, auprès de la flore indigène, dans nos parterres ou dans nos potagers, dans la forêt ou dans les champs ; et parallèlement, quelle merveilleuse transformation de l’ancienne culture, asservissant en quelque sorte la végé- tation aux exigences d’une consommation difficile ou d’un luxe raffiné ! L'histoire de cette grande, mais pacifique et bienfaisante révolution, a été retracée de main de maitre par M. Ch. Baltet, l’'éminent horticulteur, dans un mémoire plein de vie, dont notre Revue s'apprête à aborder la publication. Avec lui, nous voyons apparaître successivement le Mar- ronnier d'Inde à la lourde ramure, le Platane au tronc lisse. le coquet Tulipier, l’Aïlante, le Sophora au tendre feuil-- lage ; empruntés à l'Amérique, les Caryers, le Negondo, les Séquoias, géants de la forêt; à l'extrême Oriént, le faux Acajou, le Paulownia, le Laurier Camphrier, les Bambous, les Lilas, le Déodora, le Pin parasol...; à l'Océanie, les émules des énormes Wellingtonia, ces innombrables ÆEuwcalyptus, qui se sont si rapidement répandus sur le littoral Méditer- ranéen. Plus humbles que les rois du monde végétal, mais non moins utiles, sont les accroissements du potager : après la Pomme de terre et la Betterave à sucre, dont l'acquisition définitive sera la gloire de ce siècle, viennent, à distance, le Cerfeuil bulbeux, la Tomate de l'Amérique du Sud, l’Igname de Chine, le Maïs géant, le Riz sec, le Sorgho à sucre, le RAPPORT AU NOM DE LA COMMISSION DES RÉCOMPENSES. XXIX Soya, et, en dernier lieu, le Stachys qui, paru d'hier (1882), orâce à l’action de notre Société et au zèle infatigable d’un de nos anciens, a si vivement pris une large place sur nos marchés et envahi l’Europe. Ne parlons pas des fleurs, de peur de nous oublier au milieu de leurs magnifiques massifs, sous l’émerveillement de leurs mille coloris, et dans l’enivrement des plus suaves parfums. Est-il besoin de dire l'intérêt du récit de telles conquêtes? Plus qu'aucun autre, M. Baltet a travaillé à leur réalisa- tion, et par ses propres cultures, et par ses enseignements écrits. Aussi bien, le mémoire, doni nous venons d’esquisser quelques traits, est-il plutôt l'occasion que la vraie cause de la récompense qu'il recueille aujourd’hui. Notre grande mé- daille d’or est le prix donné pour une longue carrière fertile en fruits précieux. Grandes Médailles d'argent A l'effigie d’Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. C'est avec un succès constant que M. Blaauw poursuit ses travaux d'acclimatation, en dépit des difficultés que lui opposent et le naturel des animaux et l’inclémence du climat de la Hollande. Les Gnous, d’une humeur si farouche, oublient, à S'Grave- sand, les douceurs du ciel de leur patrie sud-africaine. Depuis nombre d'années, ils s’y reproduisent régulièrement, et, fait digne de remarque, telle est la salutaire influence du sol plus riche sur lequel ils ont été transportés, que leur taille s'y développe d'une manière frappante ; la croissance des jeunes s’y manifeste aussi sensiblement plus rapide. Il ne faut pas, sans doute, attribuer à une autre cause leur vi- œueur exceptionnelle, leur robuste santé, et l’aisance avec laquelle ils résistent, sans abris, aux sévères températures hibernales du nord. Les Nandous n’élèvent pas moins facilement leurs jeunes, dans ce parc privilégié ; mais si on ne constate pas chez eux la même progression de iormes, c’est que, pour ces oiseaux, la richesse des paturages, dont s’accommodent si bien les Antilopes de l'Afrique australe, ne saurait compenser la pri- vation presque absolue des insectes qui, à l’état de nature, entrent pour une large part dans leur alimentation. XXX REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. - M. Blaauw a également obtenu, à diverses reprises, des reproductions de Kangurous de Bennett. Ajoutons, enfin, qu’il possède une très remarquable collec- tion de palmipèdes de prix, qui ne lui donnent pas de moindres satisfactions : le Cygne à cou noir; l’Oie de Magellan à tête rousse qui, une premiere fois introduite en Angleterre, en avait peu après disparu, et que notre collègue a eu la bonne fortune de conquérir, d’une manière définitive, cette fois, il est permis de l’espérer ; l'Oie de l’'Orénoque, espèce très rare et très délicate, qu'il a été le premier à multiplier. Il y a là, en somme, tout un ensemble de travaux du plus haut intérêt, qui vous ont paru largement mériter à leur auteur la grande médaille d'argent hors classe de notre Société. Ardent et infatigable, le pied solide, l'œil sûr, le geste prompt, M. Charles Diguet est un grand chasseur devant le Seigneur. Conteur aimable, ses chroniques pleines d'humour, sans prétention scientifique déplacée, visent bien plutôt à délasser l'esprit. La note, toujours soutenue, est celle d’un enthousiaste du sport. Entre toutes, la chasse au marais, si fertile en imprévu, le passionne : « Il en est qui en meurent, s'écrie-t-il, mais comme en définitive il faut en finir par là, mourir de cela ou mourir d'autre chose, le résultat est le même, et au moins ne sera-t-on pas mort d’ennui (1). » Et comme on sent bien la plume de l'écrivain vibrer avec l'âme du chasseur, au récit de quelque joli coup de feu ! Quelle émotion l'anime encore quand il nous dépeint la fin du Cygne! « ...L'oiseau décrivit un cercle et obliqua vers nous, éclairé par le soleil ; l’astre faisait ressortir la blancheur de son plumage dans le ciel bleu ; cette blancheur était maculée par un filet de sang qui coulait sur la poitrine et teintait d’aurore le duvet éblouissant. Longtemps il plana haut sans prendre de parti, puis il baissa ! le rose deve- nait rouge vif, le sang coulait plus abondamment ; enfin, toujours éclairé par le soleil dans tout son éclat, il piqua en verticale sur la prairie et tomba comme une masse. (1) Za Chasse au marais, p. 31. RAPPORT AU NOM DE LA COMMISSION DES RÉCOMPENSES. XXXI Jamais je n'oublierai ce spectacle ; tout est lucide à mon esprit : le paysage, le grand oiseau blanc perdant son sang, le large ruban rouge tranchant sur le duvet immaculé ; sa lutte contre la mort, et sa lourde chute au milieu de la prairie cristallisée (1). » Entre temps, M. Diguet donne d’utiles conseils sur le dres- sage du chien d'arrêt et demande grâce aux vivisecteurs sans pitié, au moins pour le chien, le plus ancien et le plus fidèle ami de l’homme. Mais ce qui nous touche plus encore dans ses écrits, c’est l'esprit dans lequel ils sont conçus. À côté du chasseur, on est toujours sûr de trouver le conservateur intraitable, ennemi juré des larrons de tout ordre, bêtes ou gens, qui dépeuplent nos forêts et nos champs, et auxquels il fait bravement une guerre sans merci; il ne cesse de prêcher contre eux une salutaire croisade. Tantôt il s'adresse au législateur pour solliciter des lois de protection, tantôt il adjure les chasseurs imprévoyants d'épargner d’innocentes victimes, les pauvres canetons sans défense, la Caille verte du printemps, la oracieuse Hirondelle et les minimes insectivores, amis du laboureur. : Souvent aussi, M. Diguet s'associe à notre œuvre par des comptes rendus de nos travaux, par la vulgarisation des méthodes d'élevage, par la description des espèces nouvelles dont nous poursuivons la naturalisation. Votre Commission des récompenses ne pouvait méconnaître la valeur de cette spontanée et précieuse collaboration, qu'elle a été heureuse de récompenser par l'attribution d'une grande médaille hors classe. PREMIÈRE SECTION. — MAMMIFÈRES. . Médailles de première classe. S'il est vrai de dire que rien ne soit inutile dans l'œuvre de la création et que chaque être y ait recu son rôle, il faut bien reconnaître aussi que l’action de l’homme a jeté un trouble profond dans cette harmonie primitive ; son envahis- sement progressif, l'extension parallèle des cultures, devant lesquelles disparaissent les sauvages maquis et les paisibles (OF oc cr. p109 XXXII REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. retraites des grands couverts, le perfectionnement des engins de capture, et une ardeur immodérée, irréfléchie de destruc- tion, sont autant de causes qui ont ébranlé l'édifice originel. Déjà, certaines espèces se sont éteintes, d’autres sont mena- cées du même sort, d’autres encore nous paraissent avjour- d'hui inutiles ou dangereuses, qui, autrefois, étaient auxi- liaires, alors qu’elles servaient à modérer la propagation d'animaux en soi inoffensifs, mais dont l’excessive multipli- cation aurait pu devenir un fléau. Un livre, destiné à rendre pratique à ce point de vue l’en- seisnement de l’histoire naturelle, faisant connaître zoologi- quement les espèces, les services qu’elles nous rendent, les ressources qu'elles nous offrent, marquant bien, en consé- quence, celles qu'il convient d’épargner, doit donc être accueilli comme un ouvrage d'autant plus précieux qu'il est mis à la portée de tous par la clarté de l’exposé et par la sim- plicité de la forme. M. Bouvier a poursuivi et heureusement atteint ce but. Sans l’encombrer d’un bagage inutile, il a garde, néan- moins, d'en bannir l’anecdote, propre à frapper l'attention et à imprimer des souvenirs dans l'esprit des jeunes lecteurs auxquels il s'adresse de préférence. Aïnsi, revendique-t-il pour les célèbres baleiniers basques, entrainés par l’ardeur de la poursuite jusque dans les eaux de Terre-Neuve, la décou- verte de l'Amérique, un siècle avant Colomb. Ailleurs, il se fait notre auxiliaire, en tracant des voies à l’acclimatation, dont le rôle ne doit pas être seulement de conquérir des espèces étrangères, mais aussi de conserver ou de reconsti- tuer les espèces indigènes. Les portes des bibliothèques de l'enseignement viennent de s'ouvrir au livre de M. Bouvier; il les franchira, couronné par notre médaille de 1re classe. + L'Otarie, que les jeunes visiteurs du jardin d’Acclimatation du Bois de Boulogne connaissent bien, est d’une acquisition trop incomplète pour qu'on puisse dire les services que pourrait donner son élevage en captivité ; mais il est curieux à étudier, au point de vue zoologique, et les observations recueillies à son sujet ont au moins de l'intérêt à cet égard. RAPPORT AU NOM DE LA COMMISSION DES RÉCOMPENSES. XXXIIT Le jardin zoologique de Cologne en possède trois (un mâle et deux femelles), depuis 1887. Ils appartiennent à l'espèce Zalophus Californianus. Largement installés dans un vaste bassin de plus de 300 mètres superficiels, ils se sont trouvés dans des conditions suffisamment favorables pour permettre d’éclaircir ou de préciser plusieurs points de leur histoire naturelle, et four- nir les éléments d’une note que nous publierons avant peu. Des accouplements eurent lieu dès la première année; les parturitions se produisirent heureusement, après 342 et 347 jours de gestation. * Ce fait n’est pas absolument nouveau, bien qu’il soit, en somme assez rare jusqu'à présent. C'est ainsi qu'en 1882 on obtint des naissances dans le jardin de Cincinnati (Ohio). On en avait constaté, bien avant, dans celui de San-Francisco, mais grâce sans doute à des circonstances particulièrement convenables, les Otaries s’y trouvant en eau de mer et presque dans la région de leur habitat naturel. Vers 1883 ou 84, le Zoological Garden de Londres réussit à croiser l'Otarie du Cap (0faria pusilla © Less.)avec un splen- dide male des iles Falkland (Phoca Faiklandica & Shaw); mais la femelle, appartenant à une espèce beaucoup plus petite que celle du mâle, mourut en mettant bas. Les observations soigneusement recueillies à Cologne sur les mœurs de ces animaux à l’époque des amours, sur la du- rée des gestations, sur les tendres soins des mères pour leurs petits, plus encore que la réussite de leur reproduction en captivité, devaient frapper l'attention, et vous ont paru de nature à mériter à cet établissement une médaille d’argent de la Société. 0 Médailles de seconde classe. Les fraiches pelouses du jardin zoologique d'Amsterdam nourrissent, depuis plusieurs années, l'Élan de Norvège. Un premier pas vers l’acclimatation de cette belle espèce a été fait, l’an dernier, par la naissance de deux jeunes, dont le développement s’accomplit, paraît-il, avec une remarquable vigueur. Comme à Cologne, les hôtes de ce jardin sont soumis à une observation constante, de laquelle sortent les documents les plus utiles pour le naturaliste. C XXXIV REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. _ Nous sommes ici en présence d’une reproduction en capti- vité qui se produit pour la première fois. Il nous a paru qu’il importait d’en fixer l'événement par l'attribution d'une mé- daille de 2° classe. Monté sur ses longues jambes gréles, mais nerveuses comme des ressorts d'acier, le Mara s’est échappé, en quelques bonds vigoureux, de ses tristes solitudes de la Pata- gonie pour venir pâturer sur nos riantes prairies de France. Déjà, il y a trente ans, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire entre- voyait la possibilité, la facilité même de son acclimatation chez nous. Habitant les régions tempérées ou froides du Sud- Amérique, comment, disait cet illustre naturaliste, ne réussi- rait-il pas en Europe ? Comparable, mais supérieur au Lapin, il pourrait être, à la fois, nourri dans nos demeures, ou rendu à l’état sauvage. Il deviendrait le premier de nos animaux de basse-cour, ou bien un précieux gibier, ne ressemblant par ses allures à aucun autre, et offrant ainsi au chasseur un sport tout nouveau. Le vœu qu'émettait alors notre regretté fondateur de voir notre Association mener à bien la naturalisation du Lièvre des Pampas'est près de se réaliser. Déjà, le Jardin du Bois de Boulogne et plusieurs de nos col- lègues possèdent cet intéressant rongeur ; chez M. Sharland notamment, il paraît se plaire d’une manière toute satisfai- sante. Il s’y est reproduit à diverses reprises, et ces premières multiplications sont de nature à nous donner le meilleur espoir. Nous décernons à M. Sharland une medaille de 2 classe. Mention honorable. Tout ce qui concerne le Chien, ce précieux et fidèle servi- teur, est de nature à nous intéresser, et vous faites toujours bon accueil aux livres qui nous parlent de lui. M. Portanier a condensé dans le petit volume, dont il nous a fait hommage, les travaux de ses prédécesseurs. Sa classifi- cation a peut-être le tort d'être peu scientifique ; maïs elle ne prend, en réalité, qu'une place secondaire, et l'effort prin- cipal s’est porté sur l'étude de l'hygiène et de la médecine. RAPPORT AU NOM DE LA COMMISSION DES RÉCOMPENSES. XXXV Bien que l'ouvrage manque un peu du cachet original et personnel, diflicile à imprimer, il faut le reconnaitre, à un sujet si souvent et si supérieurement traité, il n’est cependant pas dépourvu d'utilité pratique. Votre Commission lui a attri- bué une mention honorable. DEUXIÈME SECTION. — AVICULTURE. Médailles de première classe. Après nous avoir présenté les Oiseaux au riche plumage, qui émaillent, comme autant de miroitantes pierreries, les forêts tropicales, M. le marquis de Brisay passe à une autre famille, de mise plus modeste, mais non moins digne d’in- térét par une douce humeur et une nature sociable, la famille des Gyrateurs (1). Ces Oiseaux ne chantent pas, mais leur langage est plein d’une grâce expressive pour qui sait le comprendre. « Leurs tendres roucoulements, écrivait le prince de Wied, charment l'oreille du chasseur, qui, abattu par la chaleur du jour, s’est étendu sur un lit de mousse, au pied d’un arbre énorme, auprès d’un clair ruisseau, tandis que la vanille et d’autres plantes embaument l'air de leurs parfums. » Ils méritaient certes bien d’être dépeints par une plume poétique. À propos de chaque espèce, l’auteur relate les particula- rités de ses mœurs, de ses facultés et de ses besoins, les détails de son habillement, son aptitude à oublier, en appa- rence du moins, les délices de la vie libre sous le ciel bleu inondé de lumière, pour subir la triste captivité de la volière. Non content de s’en rapporter à ses propres observations, il a voulu s'entourer de celles d’autres éleveurs distingués comme lui. Pour un tel observateur, l'élevage fournit d’incessants sujets d'étude et de méditation ; après avoir fait sentir com- bien il devient passionnant, avec quelle tendresse l'amateur recueillera la jeune Colombe abandonnée par ses parents, la prendra dans ses mains pour la réchauffer, la gavera à la bouche, en insinuant entre les lèvres le bec du pauvre oiseau qui cherche instinctivement sa pature, il nous montre ces centils animaux, créés avec un naturel sauvage, devenant (1) Colombes exotiques. Description, entrelien, élevage. XXAVI REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. bientôt familiers et reconnaissants, tellement attachés à la personne qui les a nourris, qu’ils ne peuvent plus la quitter, perchant sur son épaule, dormant sous son bras, témoignant d’une vive inquiétude si elle s'éloigne, et manifestant toute leur joie à son retour. Tout cela, dit dans le style le plus recherché, rend la lec- ture de ce livre charmante autant qu'instructive. À peine avions-nous quitté les Perruches, que nous arrivait à tire d'ailes un nouveau volume écrit, avec une égale cons- cience, avec une aussi parfaite connaissance du sujet et l'animation d’une même flamme, « Dans nos volières », et consacré à certaines espèces, les plus intéressantes parmi les Perruches, les Passereaux et les Faisans. Au souffle qui inspire ces écrits, la passion doit envahir les plus indifférents. À l'unanimité de ses suffrages, la Commission a décerné à M. le marquis de Brisay une médaille de l'° classe. xx Le Faisan, sous ses costumes si variés et si brillants, a conquis une telle place dans nos parcs, dans nos volières et dans nos chasses, qu’une étude spéciale de ce précieux oiseau était bien faite pour tenter un naturaliste du savoir de M. Mégnin. Il s’y est livré avec sa grande compétence. et d’une série d'articles réunis en un seul corps, il a constitué un ouvrage plein d’une réelle utilité (1). Notre collègue dépeint soigneusement chacune des branches de cette nombreuse famille, et donne les meilleurs conseils sur l'élevage et sur l'aménagement des parquets. Mais la partie la plus importante de cette remarquable mo- nographie, celle à laquelle l’auteur a donné à bon droit la plus large place, et qui tient bien de lui toute sa valeur ori- ginale, a pour objet l'étude des maladies des jeunes et des adultes. Avec quelle précision il en fait la diagnose ; avec quelle délicatesse il surprend sur le vif le minuscule ennemi, pour le convaincre de ses méfaits, car la plupart de ces maux, qui déconcertent si souvent l’éleveur, sont causés par ces infi- niment petits que la science moderne découvre un peu par- tout. Étranges organismes, dont l’admirable structure et les (1) Zes Faisans. Histoire naturelle, élevage, hygiène et maladies. RAPPORT AU NOM DE LA COMMISSION DES RÉCOMPENSES. XXXVI! transformations nous étonnent, et qui, doués d’une rare puissance génératrice, arrivent, par leur infinie multiplica- tion. à causer des désordres que l’exiguité de leur taille sem- blerait les rendre impuissants à produire : bactéries du cho- léra, bacilles tuberculeux, Syngames, Tænia, Sarcoptes, des plus minimes aux plus gros, ces néfastes parasites sont dé- masqués. Puis, ce sont les affections d'ordres différents, et à côté de chacun de ces maux, les préservatifs et les remèdes. En somme, ce livre présente un double caractère pratique et scientifique, qui lui donne une haute valeur aux yeux des amateurs et des aviculteurs de profession. Aussi bien notre médaille de l'e classe en est-elle la juste récompense. ar” Au nombre de nos aviculteurs les plus distingués, une des premières places appartient sans conteste à M. Maillard. Son parc du Croisic n’est pas seulement le mieux tenu qu'on puisse voir, mais dans nul autre un œil plus attentif ne se tient en éveil. Est-il besoin d'ajouter que, dans de telles conditions, les élevages, bien qu'ils s'appliquent à des espèces difficiles, donnent d’'heureux résultats. Des observations relevées avec une attention scrupuleuse, avec une suite remarquable, sont groupées sur des tableaux pleins de clarté dans leur concision, et fertiles en enseigne- ments précieux. Parmi les oiseaux vivant au Croisic, citons le Lophophore, le Tragopan, le Faisan d'Elliot, l’Oreillard, le Faisan de Wal- lich, 1 Eperonnier Chinquis, le Cygne à cou noir, qui a brave- ment supporté ce rude hiver, le Casarka, et tout un vol de Perruches et de Colombes. En 1889, M. Maillard n'avait pas élevé moins de 192 sujets d'espèces rares ; en 1890 ce chiffre a été dépassé. Nous y voyons figurer 30 Tragopans de Temminck, 26 Faisans d’El- liot, 45 Faïisans de Wallich, 8 Cygnes à col noir..... Mentionnons également un intéressant croisement de Lo- phophore et de Horsfield, dont les curieux produits vivent actuellement au Jardin zoologique du Bois de Boulogne ; enfin, de nombreuses naissances de Crossoptilons, dont la domestication, patiemment poursuivie, est bien près d’être définitivement accomplie. De tels résultats sont trop importants pour que notre XXXVII REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Société ne tienne pas à honneur de les récompenser. En son nom, je proclame M. Maillard lauréat de notre médaille de l'e classe. Toutes les tentatives d'acclimatation d'oiseaux étrangers ne réussissent pas également, entravées qu'elles sont, le plus souvent, par des difficultés d'ordres divers ; mais il en est, du moins, qui dédommagent largement l'éleveur et cou- ronnent heureusement ses efforts et ses sacrifices. Telle est celle qui avait pour but de doter nos chasses du Faisan vénéré Phasianus Reevesti, Gray. Importé pour la première fois en France, au Jardin d’Ac- climatation, en 1866, ce splendide oiseau a accepté sans hési- tation son nouvel habitat, en y conservant son brillant plu- mage, son humeur intrépide et sa fécondité ; puis, un jour, franchissant d’un hardi coup d'ailes les clôtures de ses par- quets, il a pris possession des forêts voisines, aupres de son plus modeste congénère, le Faisan à collier. Ce n’est encore que dans quelques coins de bois privilégiés qu'il a élu domicile, mais de là, il n'est peut-être pas trop téméraire de l’espérer, il poursuivra son vol, et de proche en proche, élargira son aire de dispersion. Ce succès est assurément remarquable par la rapidité avec laquelle il a été obtenu ; notre Société doit être fière de l'avoir provoqué. Jamais elle n’a perdu l’occasion de donner à des entreprises de cette nature ses généreux encouragements ; elle continue aujourd’hui cette tradition, en offrant une mé- daille de première classe à M. le prince de Wagram, qui, l’un des premiers, a répandu le Faisan vénéré dans ses chasses. « Mais cet oiseau est si beau, dit notre honorable collègue, qu'on a peine à le détruire. » C'est là un noble sentiment, à la vérité ; mais le chasseur, lui, est impitoyable. Cent coqs et plus sont déjà tombés sous le plomb cruel, dans les tirés de Gros-Bois ; d'autres ont été tués sur les terres voisines. Le Faisan vénéré n’est plus rare sur les marchés ; encore un peu, et grâce à des élevages comme ceux que vous récompensez, il sera devenu aussi commun qu'un gibier indigène. RAPPORT AU NOM DE LA COMMISSION DES RÉCOMPENSES. XXXIX L'existence d'hybrides est un fait intéressant pour le natu- raliste, qu'il importe d'enregistrer toujours avec attention. M. Duvergier nous en présente un exemple remarquable, sous la forme de jolis oiseaux (quatre mâles et une femelle) obte- nus par le croisement du Lophophore (Loph. refulgens) et d'une Poule Mélanote (Æuplocomus Melanotus). Ces deux genres sont assez éloignés l’un de l’autre ; le pre- mier est une forme à part, tandis que le second tient aux phasianides. Par son aspect général, le produit rappelait au premier abord le côté maternel houppifère; l’ensemble de sa manière d'être, son cri, ses allures décèlent, au contraire, le sang lophophore, dont il paraît tendre à se rapprocher de plus en plus, en avançant en âge. Il sera intéressant de pour- suivre l'observation, et de voir ce que deviendra la lignée par la suite: sera-t-elle féconde ? reviendra-t-elle à l’une des souches, ou bien aurons-nous, enfin, la surprise de voir ap- paraître une espèce nouvelle ? M. Duvergier recoit une médaille de re classe, pour cet élevage exceptionnel dont nous ne pouvions pas ne pas COnsa- crer l'événement. à KT Avec les notes de son carnet de chasse, M. Lafourcade a écrit sur les Outardes un mémoire que notre Revue a accueilli avec empressement. Son but est d’inspirer au lecteur le dé- sir de mieux connaître ce magnifique oiseau, visiteur capri- cieux et trop rare de nos plaines de la Crau. De la grande Outarde, il passe à la Canepetière, pour nous entrainer, plus loin, à la poursuite moins incertaine, quoique fertile aussi en difficultés, des légers Vanneaux et des Plu- viers. L'auteur étudie ces oiseaux avant, et ce qui n’est pas pour déplaire aux gourmets, après leur mort, digne émule en cela de Brillat-Savarin. En dehors de ses propres observations, M. Lafourcade a puisé aux meilleures sources, qu'il prend soin d'indiquer, avec une modestie qui lui fait honneur. Nous nous faisons un plaisir d'appeler notre aimable colla- borateur à recevoir une médaille de le classe. XL . REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. TROISIÈME SECTION. — AQUICULTURE. Médailles de première classe. Au moment où semble se manifester un renouveau, en France, en faveur de l’agriculture si injustement laissée dans l'oubli, les travaux théoriques viennent à l'heure. La création d'écoles départementales d'enseignement, à l'actif desquelles on compte déjà quelques services, malgré la facheuse parci- monie avec laquelle elles sont dotées, est née de cette pensée. En réunissant cet enseignement en volumes, M. Gobin a tra- vaillé utilement à la diffusion de pratiques fécondes encore trop peu répandues (1). Dans un premier volume, consacré aux eaux douces, l’au- teur donne une large place à la pisciculture artificielle, à l'aménagement et à l'exploitation des étangs. Une expérience plus effective lui eût permis, sans doute, de redresser quelques erreurs, d’ailleurs de peu d'importance ; mais en somme, il est bien complètement dans le vrai quand, résu- mant les données générales, il conclut que la clé du problème est une question d'alimentation ; faire naître des poissons, c'est chose élémentaire ; les faire vivre et les pousser rapide- ment jusqu’à leur taille normale, en leur conservant les qua- lités de la chaïr, 1à est la difficulté. On la résout en faisant artificiellement de la nourrilure naturelle, par la multipli- cation de la faune inférieure pour les jeunes, par la multipli- cation des poissons viclimnes pour les adultes. Simple ques- tion d équilibre à établir dans la population des eaux. Ce ne sont pas seulement nos eaux douces qui se dépéuplent; elle aussi, la vaste mer s’'appauvrit. Il est urgent d'y remédier si nous voulons conserver une de nos plus précieuses ri- chesses. Là encore l'élevage artificiel, que soutiendrait une réglementation protectrice plus sévère, serait de nature à donner de sérieux résultats. Quels énormes profits n’en a-t- on pas déjà tirés par l’ostréiculture ? Que ne doit-on pas en attendre, par la suite, dans les diverses branches de la faune marine ? Encourageons donc, dans toute la mesure possible, les efforts tentés dans ce but, car leurs conséquences écono- (1) Za Pasciculture en eaux douces, La Pisciculture en eaux salées. 2 vol, in-12. RAPPORT AU NOM DE LA COMMISSION DES RÉCOMPENSES. XLI miques peuvent étre incalculables. C’est la pensée qui a animé votre Commission, Messieurs, quand, par son vote, elle a accordé à M. Gobin une médaille d'argent de 1lr'e classe pour ses traités de pisciculture. FE” Les plus humbles dans la nature finissent par trouver un ami et un soutien; est-il possible, en effet, de s'arrêter à l'étude d'un être, si peu séduisant soit-il d'aspect, sans dé- couvrir quelque merveille d'organisme, ou quelque trait de mœurs qui le rende attachant. Ainsi, voyons-nous M. Héron-Royer se complaire à dé- peindre l'élégance du Discoglosse (Discoglossus auritus), ses _ formes gracieuses, son agilité, l’harmonieux coloris de sa robe, la douceur de son chant ; mais ce n’est pas tout encore, le dévoué admirateur de ce joli Batracien nous le recommande aussi comme un auxiliaire pour la destruction des larves, des Limaces et des insectes nuisibles à nos jardins. Telle est la fécondité du Discoglosse, qu’en trois ou quatre pontes succes: sives il ne produirait pas moins de 4,000 œufs, chaque année ; ses tétards, très petits, avidement acceptés par les pois- sons carnivores, deviendraient une importante ressource pour les pisciculteurs. Enfin, quoique originaire du nord de l'Afrique, il est assez rustique pour s’accommoder du climat Rde Paris. M. Héron-Royer a recu les premiers sujets de cette espèce en 1849, mais ce n’est guère que depuis 1885 qu'il s’est appli- qué sérieusement à leur acclimatation. D'abord captive dans un étroit jardin, en plein centre de Paris, la colonie a été transportée à Amboise, et sa multiplication y fut si active, qu’à certains jours, en se promenant dans les allées, on eût pu croire à « une pluie de Grenouilles » ! Cette acclimatation peut donc être considérée comme accomplie.’et les quelques mots que nous venons de dire suffisent à en montrer les mérites, et à justifier la médaille d'argent de 1° classe que votre Commission a décernée à M. Héron-Royer, bien connu, d’ailleurs, par ses études géné- rales et ses publications zoologiques sur les Batraciens. Médaille de seconde classe. Depuis nombre d'années, M. Hurst s'occupe de pisciculture XLII REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. pratique. D'abord mal outillé, mettant en usage de simples caisses flottantes, dans lesquelles les œufs et les alevins étaient abandonnés à peu près complètement à eux-mêmes, il possède aujourd’hui une installation moins rudimen- taire, comportant des appareils d’incubation et des bassins d'élevage. Son anxiété pour le bien-être de ses élèves lui a suggéré l'invention d’un ingénieux distributeur de nourriture, destiné à simplifier considérablement la main-d'œuvre, tout en leur assurant des repas bien servis. Après avoir demandé des œufs à l'établissement de Bouzey, si connu par sa magnifique organisation et par l’active direc- tion que lui imprime notre collègue, M. l'ingénieur en chef Denys, le laboratoire, créé sur le cours du Rabodeau, affluent de la Meurthe, est désormais en mesure de s’approvisionner lui-même, au moyen de sujets reproducteurs de ses élevages. Les travaux de M. Hurst ont d'autant plus de mérite qu'ils sont plus complètement désintéressés, leur unique objet étant le repeuplement des cours d’eau du pays. Nous décer- nons à leur auteur une médaille de 2 classe. QUATRIÈME SECTION. — INSECTES. Médaille de première classe. Me veuve Simon est trop connue ici pour qu'il soit besoin de rappeler ses travaux ; les applications des sciences natu- relles lui doivent de nombreux progrès que notre Société a plusieurs fois consacrés par ses récompenses. Cette année, c'est une ruche d’un modèle nouveau, une ruche d'étude, qui nous est présentée par elle. Cet appa- reil permet à l’apiculteur de suivre attentivement, sans le moindre danger pour lui, et sans leur causer aucun trouble, les laborieuses petites ouvrières dans la construction de leurs succulents palais de miel, et dans les phases successives des manifestations de leur activité. Nous avons l'honneur d'offrir à Mme Simon, au nom de la Société, une médaille de 1re classe pour cette ruche, ingé- nieuse dans sa conception autant que simple, qui nous parait susceptible de rendre de très réels services. RAPPORT AU NOM DE LA COMMISSION DES RÉCOMPENSES. XLI! Médaille de seconde classe. Nous devons à M. Delagrange d’avoir découvert la retraite du Lasiocampa otus, dont la Société désirait voir entre- prendre l'élevage en France. Ce Bombycien, autrefois indigène dans une partie de l’Europe méridionale, avait fait de l’ile de Cos, dont il portait le nom, son habitat de prédilection ; mais il avait disparu, de longue date, de notre vieux continent, sans guère y laisser d’autres traces que des réminiscences classiques d’Aristote et de Pline. M. Delagrange l’a retrouvé, en 1888, dans les cimetières turcs de l'Asie-Mineure, vivant en nombreuses colonies sur les épais massifs de Cyprès qui abritent, là-bas, le champ des morts. À plusieurs reprises, il en fit d'importantes récoltes dans le dessein de les rapporter en Europe, se procurant, non sans courir de graves dangers, les rameaux destinés à les nourrir, qu'il lui fallait arracher, à la dérobée, des arbres sacrés, et plusieurs fois son départ d'Orient dut être ajourné. Enfin, il parvint à réaliser ses vœux et à sauver, après bien des péripéties, une quarantaine de Chenilles, qui donnerent vingt-six cocons et seulement une douzaine d’éclosions. Mal- heureusement les accouplements subséquents furent stériles, en sorte que l’entreprise est à reprendre au point de départ. Il n’en reste pas moins acquis que l’ancien Bombycien de Cos est retrouvé, et sa patrie actuelle étant connue, on peut supposer que nous ne tarderons pas à le posséder et à le voir réintégrer ses anciens domaines, en étendre même les li- mites non seulement dans le midi de la France, mais jus- qu'en Algérie. | En reconnaissance de ce premier service, la Société décerne à M. Delagrange une médaille de 2e classe, en exprimant l’es- poir qu’il ne s’en tiendra pas là, et que, nous continuant son concours ef, nous aidant de ses relations personnelles en Orient, il reprendra activement avec nous cette importante tentative d’acclimatation. CINQUIÈME SECTION. — VÉGÉTAUX. Médailles de première et de deuxième classe. Au fond de notre pittoresque Bretagne, vers la pointe S.-0. de la Cornouaïlles, dans une contrée privilégiée, que réchauffe XLIV REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. de ses eflluves bienfaisantes le puissant thermosyphon qui traverse l'Atlantique, existent quelques véritables oasis où prospèrent bon nombre de végétaux exotiques. De ses voyages en Extrême-Orient, M. le commissaire de la marine Roussin, frappé de la similitude du climat de cer- taines régions du Japon avec celui de la Basse-Bretagne, eut la bonne pensée de rapporter une collection de végétaux dont il dota sa terre de Keravel, où ils furent cultivés avec soin. La plupart des espèces ont répondu à ses espérances et prospéré comme dans leur pays d’origine. De ce nombre sont deux espèces de Chênes verts à feuilles persistantes ; plusieurs Lauriers (Litcæa glauca, Laurus camphora, Machylus Thunbergii) que le froid exceptionnel de 1879 avait incom- modés sans les faire périr; le grand Cèdre, Cryplomeria Japonica, qui croit avec vigueur; les Pinus Massoniana et densiflora, que notre collègue considère comme définitive- ment acquis ; quelques Bambous. L'Eucalyplus globulus n’a jamais vécu au-delà de 5 à 6 années, succombant à des abaissements de température de — 6 à — &. L'Amydalina s’est montré plus résistant. Les Camellias, au contraire, prospèrent magnifiquement en pleine terre depuis de très longues années et donnent régu- lièrement d'énormes corbeilles de fleurs. Les cultures de M. Ruinet du Tailly, à Bodinio, dans cette même région, offrent aussi un grand intérêt. Elles com- prennent beaucoup de plantes qui, sous le climat de Paris, doivent être traitées comme plantes d'orangerie. Notre collègue a réuni une assez nombreuse collection d'Acacias provenant du Jardin d'Acclimatation d'Hyères ; les Rhododendrons de l'Himalaya, les Camellias, l’ Arabia Sie- boldii, s'épanouissent en pleine terre. Les Eucalyptus eux- mêmes se comportent mieux, jusqu'a présent, que chez M. Roussin; ce qui s'explique vraisemblablement par une alti- tude légèrement plus basse, par une exposition plus favorable et mieux abritée contre les grands vents du large. Ces cultures, bien faites pour charmer les yeux, méritaient aussi d’exciter votre intérêt, et c'est avec une vive satisfac- tion que la Commission des récompenses les a distinguées en attribuant une médaille d'argent à M. Roussin pour ses impor- tations et ses cultures, une médaille de 2 classe à M. Ruinet du Tailly pour ses cultures de végétaux exotiques. RAPPORT AU NOM DE LA COMMISSION DES RÉCOMPENSES. XLV Médail!'e de première classe. Pour qu'une plante d'importation étrangère se propage dans un pays où elle était inconnue, il ne suffit pas toujours qu'elle puisse prospérer et être utile, elle a besoin, le plus souvent, de l'effort personnel d’un homme de volonté qui sache persévérer dans sa culture, et lutter avec opiniâtreté pour la faire accepter autour de lui. Le Goumi du Japon (Elæagnus longipes) nous en est un nouvel exemple. Son introduction en France ne remonte pas à moins de quinze ou vingt ans, et il n’eût pas tardé à y perdre pied sans la ténacité avec laquelle notre collègue, M. Clarté, s’est attaché à le conserver. Il faut, certes, lui en savoir gré, car cet arbrisseau n’est pas sans valeur. Peu envahissant par sa nature, quoique assez rustique pour avoir résisté, dans la région de Baccarat, à des tem- pératures de — 25° centigrades, d'un port élégant et or- nemental, il se change littéralement, chaque printemps, en un véritable bouquet de fleurs d’un parfum suave, puis en une corbeille de fruits appétissants d'aspect. Ces baies, d’un rouge vif, assez semblables-à des cerises, se maintiennent de longues semaines dans toute leur fraicheur, tranchant gaie- ment par leur chaud coloris sur la verdure sombre des massifs ; sans grande saveur, il faut en convenir, elles sont néanmoins susceptibles de multiples utilisations. Notre col- lègue nous a appris à en faire de succulentes préparations au sucre, et, mieux encore, une excellente eau-de-vie compa- rable au meilleur Kirsch. Le Goumi, moins tendre aux gelées que nos Cerisiers, pourrait occuper auprès d'eux une large place. Ajoutons que ses fruits, dont les faisans sont très friands, devraient suf- fire, s’il était mieux connu, à le faire adopter comme couvert dans les tirés. M. Clarté a préché d'exemple par ses cultures et par ses écrits. Il n’en fallait pas davantage pour lui mériter la mé- daille d'argent de l'e classe qu’il est appelé à recueillir au- jourd'hui. Rappel de médaille de première classe. Avec nos traditions M. Albuquerque a transporté au Brésil XEVI REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. toute une collection de nos végétaux d'Europe, dont un bien faible nombre, malheureusement, ont pu résister sous le ciel tropical de la province de Saint-Paul. Notre collègue s’est installé en terrain neuf, au prix de mille peines. Émouvant, et bien propre à faire sentir com- bien solidement trempée doit être l’âme du colon, est le récit de ses premières luttes contre un climat excessif, sur un sol tantôt brülé par un implacable soleil, tantôt inondé par des pluies torrentielles, où nous le voyons obligé d'enseigner aux naturels indociles à conduire la charrue, souvent même de la diriger de sa propre main, puis un jour, terrassé par l'excès de fatigue, brisé par la maladie, condamné, deux an- nées durant, à se soutenir sur des béquilles, aux prises avec des difficultés matérielles d’un autre ordre, mais non moins graves, et malgré tout, le cœur haut, exempt de défaillances, « heureux, nous écrivait-il, de travailler pour l’acclimata- tion, la passion de sa vie ». M. Albuquerque cultive de nombreuses plantes potagères, mais son effort principal s’est appliqué à la création d’un vignoble important, dont l'étendue s’accroit progressive- ment; il a eu la gracieuse attention de nous adresser des graines de ses récoltes, et une caisse de ses vins dont notre cinquième Section a pu apprécier la chaleur. Cet intrépide planteur a déjà recu notre médaille de pre- mière classe, mais nous tenons à lui montrer avec quel inté- rêt nous suivons ses courageux travaux, en lui adressant, avec nos vœux et nos encouragements, un rappel de cette récompense. Médaille de seconde classe. Après le botaniste qui étudie scientifiquement les plantes étrangères et trace les voies à l’acclimatation, après le colon qui en risque la culture, il y a place pour le commercant qui leur ouvre ses comptoirs et les introduit dans la consomma- tion, car c'est par lui, en définitive, que les conquêtes de l’homme sur la nature prennent une solide assiette. M. Hédiard travaille activement, depuis de longues an- nées, à répandre les produits de nos colonies. Sa maison en est, en quelque sorte, une exposition permanente. Pour mieux assurer leur accès sur nos tables, il a eu l’in- génieuse idée de publier une brochure, dans laquelle il a RAPPORT AU NOM DE LA COMMISSION DES RÉCOMPENSES. XLVII réuni toutes les notes, toutes les recettes culinaires rela- fives a ces denrées, gâteaux de patates et de manioc, chayotte, couscouss, Karry, confitures de goyaves, tartines d'avocats... de quoi mettre tous les palais en liesse! J'en passe, et des meilleures; êt c'est là une œuvre patriotique, en vérité, car ces savoureux produits sont exclusivement pris parmi ceux de nos colonies françaises. Notre Société avait déjà donné à M. Hédiard une mention honorable en 1884; elle lui accorde, cette année, une médaille de 2 classe, pour ses nombreuses importations coloniales. Primes. Toujours infatigable, insouciant des années, dont il ignore le poids, et toujours heureux comme ceux qui travaillent avec volonté, M. Paillieux vise rarement un but sans l’at- teindre. Après le légitime et si rapide succès de ses cultures de Stachys, que nous récompensions à une de nos précé- dentes réunions générales, voici de nouvelles récoltes qui ne sont pas sans quelque valeur. Depuis longtemps nous cherchons à acquérir, pour notre sol, une Igname plate, de qualité supérieure et d’arrachage facile, que son rendement permette de placer en grande cul- ture, auprès de la Pomme de terre. Notre honoré collègue a tenté un premier pas vers ce but. Pendant deux années consécutives, il a pu mettre à notre disposition, pour les répandre, des centaines de tubercules de cette plante, quel- ques-uns de tres belle grosseur, obtenus au prix de quelles peines, lui seul le sait, sur ses terres sans abris, sous notre Giéldu nord. Nous devons regretter que la qualité de ces produits soit inférieure à celle de l'Igname pivotante, et plus encore que leur culture ne soit, à beaucoup près, ni aussi facile, ni aussi promptement rémunératrice qu'on l’eût désiré, et qu'ainsi la question reste entière; mais les efforts de M. Paillieux, portant sur des quantités aussi considérables, n’en ont que plus de mérites, Car ils démontrent souverainement ce que l'homme peut tirer de la terre par des soins tenaces et enten- dus, là où d’autres n’éprouveraient que des échecs. Votre Commission, pénétrée de cette pensée, a voté à M. Paillieux une prime de 500 francs, par une délibération que le Conseil lui-même a été heureux de ratifier. XLVIII REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. La justice des hommes est sujette à de lamentables erreurs, qu'on doit vivement déplorer si la mort a fermé les voies à toute réparation. L’exécuteur est souvent prompt, et le bras qui frappe est d'autant plus impitoyable qu'il croit atteindre un plus dangereux rival. Dans celui-ci, vous reconnaîtrez le chasseur à l’âme cruelle, et parmi les victimes, ces rapides oiseaux costumés en rapaces, au bec acéré, à la main armée de serres puissantes, mais qui n’ont été lancés dans les airs que pour maintenir l'équilibre parmi les êtres, et que nous devrions, nous dit-on, traiter en auxiliaires plutôt qu'en ennemis. Cependant, une voix vient de s'élever contre cette sen- tence, légèrement prononcée, demandant la révision d'un proces trop rapidement instruit, et plaidant avec une acerhe chaleur la cause des innocents. Les nouveaux éléments, jetés dans le débat, ont, à la vérité, une force incontestable et sont bien de nature à ébranler l'esprit du justicier. Avec une incomparable patience et une rare sagacité, M. Lataste a examiné les pelotes de rejection des rapaces, et les dissociant d’une main délicate, a dressé la carte de leurs menus habituels. Il y a trouvé, presque exclusivement, des débris de mammifères, un fort petit nombre de restes d'oi- seaux, et des traces abondantes d'insectes, pas de batraciens ni de reptiles. L’ uen rareté des débris de nos petits oiseaux ae à penser à l’auteur du mémoire que les rapaces, accusés de travailler à leur extermination, n’en font que très acciden- tellement leur proie. «J'ai été frappé, dit leur défenseur, de voir, dans la Tunisie méridionale, les rochers de certains défilés fréquentés à la fois par des multitudes d'oiseaux inoffensifs de toutes tailles et de toutes sortes, Ramiers, Tourterelles, Passereaux, et par des rapaces de toutes catégories, depuis la Cresserelle jus- qu'à l’Aïgle ; et ce peuple ailé circulait dans tous les sens, sans que ceux-ci parussent beaucoup s'inquiéter de ceux-là. J’ai compris alors que les moyens de défense des uns étant proportionnés aux moyens d'attaque des autres, les oiseaux normalement doués pour le vol ne fournissaient guère aux repas des rapaces, en dehors de quelques surprises relati- e RAPPORT AU NOM DE LA COMMISSION DES RÉCOMPENSES. XLIX vement rares, que des jeunes, des malades, des blessés... Qu'on ne m'oppose pas, ajoute-t-il, les chasses du Faucon, dont le succès est dû tout autant à l’art de l’homme qui les dirige, qu'aux aptitudes du rapace qui les exécute. Je ne connais. en somme, qu'un seul animal de proie dont la puis- sance soit vraiment formidable comme les appétits, c’est l'homme ! » La conclusion est un peu dure, mais qui voudrait la con- tester ? | Considérons, dit en terminant M. Lataste, que la nature vivante est dans un état d'équilibre, dont les conditions nous sont encore profondément inconnues, et auquel nous ne pouvons apporter une modification, sans nous exposer à des conséquences imprévues, qui peuvent être désastreuses. Sachons donc n'intervenir qu'avec prudence et circonspec- tion ; et c’est surtout dans le sens de la destruction qu’il importe de nous montrer réservés ; car une espèce mal à propos introduite dans un milieu, peut le plus souvent en être chassée ; mais une espèce supprimée de la surface de la pla- nète, l’est pour l'éternité. Ce plaidoyer, aussi savant que consciencieux et entrainant, mériterait de gagner une cause si ardemment soutenue. L'instance reste en état, et adhuc sub judice lis est; — en attendant que celui-ci ait rendu sa sentence, il nous a paru juste, tout en applaudissant le bouillant avocat, de lui offrir une prime de 200 francs, à titre d'honoraires. x C'est encore un de nos anciens que nous devons donner pour modèle à nos sériciculteurs, modèle de constance dans la poursuite du but, modèle aussi d'habileté et de bonheur dans ses efforts toujours marqués d’abnésgation personnelle. Les plus récents travaux de M. Fallou ont eu pour objet l’utilisation des Müriers de la région de Paris pour y popula- riser la culture du Sericaria Mori. Soignant ses innombrables élèves, comme lui seul sait le faire, veillant sur eux avec assiduité, presque avec ten- dresse, ceux-ci prospéraient merveilleusement et lui don- naient les plus belles promesses, lorsqu'un jour, une malen- contreuse tempête faillit tout compromettre; après le passage du néfaste cyclone, qu'avait accompagné une pluie torren- D L REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. tielle mélée de grêle, le sol était jonché de branches brisées, de feuilles déchirées et arrachées, et aussi, hélas ! de jeunes Vers, quelques heures plutôt magnifiques de santé, que de cruels oiseaux se disputaient entre eux ! Le désastre ne fut pourtant pas aussi complet qu’on pou- vait le craindre, et cette année-là même, la récolte fut encore de 7,800 cocons, représentant un peu plus de 8 kilogs de cocons fermés. La campagne suivante fut exempte d'un sem- blable sinistre, et par suite très heureuse. Au cours de ces dernières éducations, notre collègue a relevé de très curieuses notes sur le développement des Bombyciens et sur l'obtention des cocons anormaux. Nous devons ajouter qu'il sème généreusement autour de lui le produit de ses récoltes, ce qui, avec son exemple, est certes bien la plus sûre manière d'atteindre l'objectif qu'il a en vue, à savoir, d'appliquer ce vieux dicton « où vient la vigne vient la soie ». M. Fallou a obtenu, cette année, une prime de 100 francs ; mais toujours fidèlement attaché à sa ligne de conduite, il nous àa demandé d'employer cette récompense à la fondation d'un prix nouveau, dont les conditions seront ultérieurement déterminées. Par de soigneuses études et de longs tâtonnements M. Ra- thelot est arrivé à apporter des modifications avantageuses dans la construction des augettes d’incubation pour les œufs de Salmonides. Nous devons exprimer le regret que la Com- mission ne nous ait remis aucun rapport à ce sujet, et que l'auteur lui-même n’ait pu se rendre à notre appel, de facon à nous mettre en état de faire mieux ressortir les mérites de son appareil. Il nous à paru, dans un examen attentif, offrir divers avantages : les œufs s’y trouvent, suivant un système précédemment appliqué ailleurs. à l'abri des dépôts des eaux au moyen d’un courant ascendant ; un petit compartiment est, du reste, ménagé pour le filtrage, du côté de l’arrivée; de plus, le courant peut être établi par le fond, avec assez d'intensité pour enlever, en quelques instants, les sédiments et les coques des œufs, après l’éclosion ; enfin, un tube mobile extérieur, s'amorçant à la base même de la cuvette, permet, suivant LAC LIENSE qu'on lui donne au simple toucher, d'en RAPPORT AU NOM DE LA COMMISSION DES RÉCOMPENSES. LI modifier à son gré la hauteur d’eau, de la mettre même com- plètement à sec. Sans doute, cet appareil est susceptible encore de quelques perfectionnements ; ainsi, le déversoir fait-il, à notre gré, une trop forte saillie en dehors, et est-il exposé à des déplace- ments et à des heurts dangereux, desquels pourraient résul- ter soit le débordement, soit la mise à sec de l’augette, si la surveillance venait à être momentanément en défaut. Nous aurions aimé voir l'inventeur mettre en application son tube déversoir hélicoïdal, très ingénieux en vérité, et bien supérieur, nous semblait-il, à celui dont nous venons de parler; ainsi encore, est-il insuffisant pour faire face à un débit tres actif. Mais, tel qu'il est, l'appareil de M. Rathelot, si le prix, que nous ignorons, n’en est pas trop élevé, et avec les quelques retouches que l'expérience pratique permettra d'y apporter, constitue un progrès, et dénote une bonne volonté que nous nous plaisons à encourager, avec une libéralité à laquelle il est juste de rendre hommage, par lattribution d’un prix de 250 francs. Récompense pécuniaire. Nous avons rapporté les remarquables succès de l'Aqua- rium municipal du Trocadéro dans la multiplication du Sau- mon de Californie, il ne serait pas équitable de passer sous silence les mérites du modeste employé qui, depuis tantôt dix ans, remplit les fonctions de garde-chef de cet établis- sement. En cette qualité, M. Passavit est chargé de l'élevage du poisson et du travail si important de la récolte des œufs ; il s’en acquitte avec autant de zèle que d'intelligence. Une part lui appartient donc dans les heureux résultats que nous avions la grande satisfaction de signaler. À ce titre, il est attribué à M.Passavit une prime en argent de 100 francs. RAPPORUR AU NOM DE LA COMMISSION DE COMPTABILITÉ PAR M. GEORGES MATHIAS, Trésorier. MESSIEURS, Comme vous le disait l’année dernière à la réunion géné- rale mon honorable prédécesseur, les fonctions de trésorier d'une Société aussi importante que la nôtre sont très déli- cates; aussi je crois être l'interprète de tous en remerciant notre collègue, le Dr Saint-Yves Ménard, de tout le zèle, l'exactitude et l’aménité qu'il a apportés dans les fonctions de trésorier, si bien remplies par lui depuis 1882. En m'honorant de vos suffrages pour le remplacer, mes chers collègues, vous m'avez imposé une lourde tache : mais connaissant toute votre bienveillance, je n’ai pas cru pou- voir m'y soustraire et je ferai mes efforts pour la remplir, je l'espère, à la satisfaction de tous. J'ai l'honneur, Messieurs, de vous présenter le bilan de l'exercice 1889. Recettes ordinaires. Les cotisations annuelles s'élèvent à 37,000 francs, en aug- mentation sur les cotisations de 1888 (36,075 francs). Les droits d'entrée ont été de 1,220 francs correspondant à l'admission de 122 membres nouveaux. Les revenus des valeurs de la Société (2,588 francs) sont à peu pres les mêmes que dans l'exercice 1888. La Subvention du Ministère de l'agricuilure a été main- tenue à 1,500 francs. Les abonnements et annonces du Bulletin sont en légère diminution (2,432 fr. 50 c. au lieu de 2,623 fr. 70 c.). La location Barbier se continue à 3,000 francs. RAPPORT SUR LA SITUATION FINANCIÈRE DE LA SOCIÉTÉ. LIII La location de la salle a produit : Société centrale vétérinaire. ...... 1,000fr. »c. 2. CITES L'APPENRERRRERS 2,845 40 J'ai là à vous signaler, Messieurs, une augmentation con- sidérable sur l’année 1888, 2,845 francs au lieu de 950 francs, augmentation d'environ 2,000 francs. Les tirages à part 233 fr. 50.C. au lieu de 290 fr. 85 c. présentent une légère diminution. Les recettes ordinaires s'élèvent à 51,819 francs et sont supérieures de 1,448 fr. 35 c. à celles de l’année précédente. Recettes extraordinaires. La Société a recu une subvention de 1.000 francs du Mi- nistère des travaux publics et 500 francs du Ministère de la marine pour une expérience d'empoissonnement. Les cotisations définitives se sont élevées à la somme de 4,000 francs en diminution sur l’année 1888 où elles avaient atteint le chiffre de 5,750 francs. Enfin, au compte nouveau Acclimateur Naudin, nous Voyons figurer une somme de 59 fr. 50 c. Dépenses ordinaires. Les frais du Bulletin s'élèvent à 21,714 fr. 95 c. en dimi- nution sur l'exercice 1888 de 2,000 francs environ. Les frais de chauffages el d'éclairage qui ne figuraient en 1888 que pour 890 fr. 40 c. se sont élevés en 1889 à 1,360 fr. 40 centimes ; cette augmentation provient des nombreuses locations de la salle qui ont donné à la Société le bénéfice que je viens de vous signaler au chapitre : Location de la salle. Cotisations et droits perdus ne sont en 1889 que de 335 francs au lieu de 584 en 1888. Si les frais généraux ont un peu augmenté en 1889, 3,455 francs 30 cent. au lieu de 3,168 fr. 35 c. en 1888, par contre les frais de bureaux sont en diminution de 500 francs en- viron en figurant pour la somme de 83 fr. 10 c. LIV REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Les impressions diverses 692 fr. 35 c. en diminution sur 1888 (1,007 fr. 0 c.). Il en est de même pour les frais de correspondance 586 fr. 30 centimes en 1889. (824 fr. 60 c. en 1888.) Les frais de recouvrements ont été un peu plus élevés en 1889. (312 fr. 30 c.; en 1888, 2973 fr. 25 c.), Les impositions qui étaient en 1888 de 853 fr. 20 c. ont été pour 1889 de 1,128 fr. 35 c. Le loyer a été de 9,000 fr. 30 c. Personnel ‘1,089 fr. 80 c. | Vous vous rappelez, Messieurs, qu’en 1888 le personnel n'avait coûté que 8,154 fr. 80 c., c'est-à-dire à peu près 3,000 francs de moins qu'en 1887. Votre trésorier en vous faisant connaître ce fait vous en donnait la raison en ces termes : « Notre Secrétaire général a proposé de ne pas remplacer un employé de bureau, fort qu’il était de pouvoir assurer le service en donnant lui- même beaucoup de temps à la Société et en déployant un zèle et une activité que vous avez tous appréciés. » Je n’ai pas besoin de vous dire, mes chers collègues, que notre Secrétaire général a tenu parole. Aussi, cette année, avons-nous encore une diminution de 1,100 francs. En un mot la dépense du personnel qui était en 1887 de 11,276 fr. 95 centimes ne s'élève plus qu’à 7,089 fr. 80 c. en 1889 soit une diminution de 4,186 fr. 95 c. La sténographie 650 francs en-1888. 600 francs en 1889. Redevance au jardin sur cotisations encaissées en 1888, 2,390 francs ; en 1889, 2,460 francs. Cheptels (pertes) en 1888, 509 fr. 40 c., en 1889, 1517 fr. 55 centimes ; diminution 350 francs. | Les assurances sont les mêmes que l’année précédente. La dépense des eaux 152 fr. 60 c. en 1888 a été de 232 fr. 65 centimes en 1889. Dépenses extraordinaires. Une somme de 501 fr. 95 c. a été dépensée pour une expé- rience d'empoissonnement. RAPPORT SUR LA SITUATION FINANCIÈRE DE LA SOCIÉTÉ. LV BILAN AU 31 DÉCEMBRE 1889. Le bilan de la Société à la fin de l’exercice 1889 présente un excédent d’actif, 144,621 fr. 80 c., supérieur à celui de 1888 qui ne s'élevait qu’à 136,964 fr. 40 © , soit une augmen- tation de 8,000 francs environ. Actif. Sauf le chapitre cotisation, droits d'entrée à recouvrer qui est plus fort en 1889 qu’en 1888 tous les autres chapitres sont à peu près les mêmes qu’en 1888. Passif. Nous avons diminué encore le chiffre de nos dettes qui, au 31 décembre, ne s’élevaient plus qu’à 4,774 fr. 30 c. à divers et qu'à 182 fr. 15 c. au Jardin. LVI REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. BILAN AU ACTIF. 1838. 1389. Valeurs disponibles. — re (CES RS RE Entre 1.662 » 4.899 70 Banque de France..... 5.650 45 1.447 Obligations (chemins de ferteautres ce tee 60.219 70 60.219 70 Titre de rente Dutrône. 2100» 2.100 » Cotisations, droits d’en- trée, etc., à recouvrer. 9.180 » 13.155 » Crédit Lyonnais ....... 102 95 102495 79.515 100 mm O2 OAI Valeurs réalisables. | Bibliothèque........... 6.688 25 6.915 65 MObDINer RER Eer er 13.438 80 14.861 30 Valeur des animaux chez lesMchepteliers "1?" 5.025 80 5.330 05 Loyer d'avance "0 4.000 » 4.000 » Compagnie parisienne du gaz (cautionnement). . 280 » 280 » 29-052 85 eme OÙ CON Divers. 90 actions du Jardin d’Ac- climatation de Paris ../|........... DS 000 GE REA Eu 25.000 » Legs Vauvert de Méan. |........... 15000 AO MP PERTE EEE 15.000 » 149.447 95 153.911 35 RAPPORT SUR LA SITUATION FINANCIÈRE DE LA SOCIÉTÉ. LVII 31 DÉCEMBRE 1889. PASSIF. 18858. 1889 DER Spament nd... 4.257. 25 4.714 30 Jardin d’Acclimatation de Paris ....... 4.192 20 1205 D'or JET ENERR Er E EE e 1.000 » 1 000 Prix fondé par M. Cornély, de Tours... 1 ODOMEr” 1000 Prix fondé par M. Georges Mathias .... 500 » | 500 » Recettes faites pour l’exercice.......... 1589. 934 1011890. 1.833 10 | 1 12.423 55 9.289, 5! Prxecdent de laclif. 12... 136.964 40 144.621 80! MTS 15e 911035) LVIIT REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. COMPTE D'EXPLOITATION 1888 41889. Recettes ordinaires. me — Cotisations annuelles man eee 36207570 320008 Droitsid'entrée. PERS NA 11: Se 0 © 1722074 Revenus des valeurs de la Société...... 2.922 60 2 5881100 Subvention du Ministère de l’Agricul- DURÉE à Let PAS USSR 125008 1.000 » Bulletin (abonnements, annonces et ven- ES) RS A à ot cf 0 2 CAD MO ET à ND OBarbient A PEER D DONS | 3000: Location : ai 1 à la Sociélé centrale de Ha médecine vétérinaire... 1.000 » 4.000 » des séances EL IAIVOrS NRC Met SD 2.845 40 MENLESIVETSES PR Er AE DONS 28 50 » » Tirages a part: Peer CR Une 290 85 233 10 00.370 65 Excédent de dépenses pour 1888....... 2.130 300 D 10005 518192 Recettes extraordinaires, Subventions pour une expérience d’em- poissonnement "Ce CCR CC PRET | 300 » 1.500 » Cotisations définitives 27/0020 00e 5.150 0 4,000 » Manuel de l’Acclimateur de Naudin.... 7h lt HOMO Différence en notre faveur entre le prix d’achat et celui de remboursement de 2 obligations communales. .......... 119 10 1 Différence en notre faveur entre le prix d’achat et celui de vente de 22 obliga- tions IdHAMAQE EE APE, Une 258 » » » 6.484 20 d.559 90 RAPPORT SUR LA SITUATION FINANCIÈRE DE LA SOCIÉTÉ. HER AU 31 DÉCEMBRE 1889. Dépenses ordinaires, ET LU NN 21.714 Bhamiageletéclairage....:....1.....:.. 890 40 1.360 Cotisations et droits d’entrée perdus.... 584 » 335 HAS REnEMUX. ee, 000... 3.168 35 3.455 DR MENbUreAUx.................2. 583 85 83 Hnbressions diverses .. ................ 1-00 T0 672 Frais de correspondance. ............. 824 60 586 Frais de recouvrements ............... 273 25 ae ROSE A LL Le... Le 853 20 1.128 EE UE M Lu an. 8.815 40 9.000 Derecnirel, NOM SEE ARE 8.154 80 089 es 212. Meier. ua ue 650 » 600 MAP NQUDIiqUe.. -...., 0. eee. 374 5Ù » Redevance au Jardin sur les cotisations ST SSSSS PMNMNNENREE CR EAN. 21390; tr 2.460 Ghépielsi (perte)... sien... 509 40 157 BST RUES A A ANNE ER 17 85 77 LDERNTE 6 0 00 FRERE ER RRERR 1452 60 232 49.266 Excédent de recettes pour 1889.... 2 #39 53.100 95 51.819 Dépenses extraordinaires. Expérience pour empoissonnement à Quillan........................,...1 1.672 80 501 1.672 80 501 LX REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Au résumé, comme vous avez pu le voir, Messieurs, les dépenses ordinaires sont inférieures en 1889 à celles de 1888 de 4,090 francs environ. De plus nous avons pour l’année 1889 un excédent de recettes de 2,552 fr. 45 c. Nous sommes heureux de pouvoir vous annoncer ce résul- tat qui nous paraît satisfaisant, mais nous HENRI de ne pas nous arréter en si bon chemin. Permettez-nous de faire appel à votre dévouement et à votre amour de notre Société, qui, pour devenir encore plus grande et encore plus puissante, a besoin de grandes res- sources ; ces ressources nous pouvons les trouver surtout dans l’augmentation des membres de la Société. Chacun de nous doit donc faire tous ses efforts pour recruter le plus orand nombre possible d’adhérents ayant les qualités et les conditions voulues pour nous donner un utile concours. N'oublions pas que la cotisation est un des moyens les plus puissants pour augmenter la prospérité d’une Société. « L’ar- gent est non seulement le nerf de la guerre, mais encore l'instrument nécessaire de tous les travaux de la paix », disait dans un de ses discours d’inauguration un de nos regrettés présidents, M. Bouley. Aussi, mes chers collègues, en terminant, votre trésorier émet-il le vœu de voir affluer cet élément dans la caisse de notre Société, I. TRAVAUX ADRESSÉS À LA SOCIÉTÉ. LES BOVIDÉS Par M. J: HUCT, Aide naturaliste honoraire au Muséum d'histoire naturelle, Dans les deux familles que nous avons déjà passées en revue, nous avons vu que, dans la premiere, les Antilopes, ces animaux avaient des formes légères qui les rendaient rapides à la course et qu'ils étaient armés, sur le dessus de la tête de cornes puissantes et formées d’un noyau osseux, com- posé d’une matière dense et dure comme de l’ivoire, recouverte en plus, d'une enveloppe cornée, obtenue par l’agglomération des poils qui se soudent les uns aux autres, protégeant ainsi d'une facon solide, les noyaux dans lesquels passe un réseau sanguin très compliqué. - Dans la seconde famille, les Cerfs, nous trouvons encore des animaux à formes très légères, mais les armes qu'ils por- tent sur la tête au lieu d’être persistantes pendant toute la vie de l'animal, sont caduques, c'est-à-dire qu'elles tombent chaque année ; les animaux de cette famille sont donc, pour un temps très court äu reste, privés de leur moyen de défense, cela pour les mâles, car les femelles (1) fau contraire des Antilopes chez lesquelles les femelles ont des cornes), en sont toujours dépourvues ; en revanche elles se servent des pattes antérieures et peuvent très bien assommer leur adver- saire par ce moyen. En se levant sur les pattes postérieures, elles marchent sur deux pieds et frappent avec une extrême violence des coups qui ressemblent à des coups de marteau. Chez les Ruminants dont nous allons nous occuper à pré- sent, nous trouverons des animaux à formes lourdes, le plus souvent massives, trapues, la tête près des épaules, portée par un cou très court, ce sont les Bœufs ; chez eux, aux formes lourdes qui les distinguent nettement des Antilopes et des (1) A l'exception de la femelle du Renne toutefois, — KR. 5 Janvier 1891. 1 19 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Cerfs, viennent s'ajouter des caractères très distincts qui les feront toujours bien reconnaitre ; les cornes dont ils sont armés, et cela aussi bien chez eux que chez les Chèvres et les Moutons qui suivront, sont formées d’un noyau osseux, comme chez les Antilopes, mais au lieu d’être dur et com- pact, ce noyau est celluleux, l’étui osseux qui contient les cellules nombreuses est assez épais, mais son tissu est léger, et si ce n’était l’étui corné qui le recouvre, ces armes leur: seraient d’un faible secours, surtout pour les espèces dont les cornes sont très longues ; enfin pour terminer les caractères qui distinguent les Bœufs des autres Ruminants dont il nous restera à parler, nous dirons que tous ou presque tous ont des fanons, plus ou moins développés, ces fanons sont formés par un repli de la peau de la tête et du cou, qui prend sous la corge, suit le cou en dessous et va jusque sous la poitrine en passant entre les deux jambes de devant, en formant sur son parcours des creux et des saillies, qui font ressembler cet appendice à un lambrequin ; c’est la seule coquetterie que se permettent les Bœufs, sans cela ce seraient des animaux hi- deux, car la tête généralement lourde, ce gros corps porté par . des jambes courtes, épaisses, terminées par des sabots épais et larges, une queue plus ou moins longue, relativement mince, enfin souvent des oreilles démesurément grandes, font que la vue de ces animaux vous donne de l’effroi et en effet, quelques espèces sont des plus redoutables et il faut un véri- table courage pour les chasser. Sans parler du Bos taurus, Bœuf ordinaire, qui est répandu un peu par toute la terre, nous voyons que les lieux d'habitat des Bœufs sauvages sont: l’Europe, l'Asie, l'Afrique et l’Amé- rique septentrionale, et encore ne voyons-nous là qu'une seule vraie espèce de Bœuf, le Bison, car le Bœuf musqué qui habite la partie la plus septentrionale n’est qu’un véri- table chainon qui nous fera passer des Bœufs aux Moutons ; l'Amérique méridionale ne possède pas une seule espèce de ce genre. Les variétés de Bœufs sont très considérables ; chaque pays a la sienne, et en France, chaque province en a fourni une dont les caractères diffèrent beaucoup ; il serait bien intéres- sant de donner ici les dessins de tous ces types différents, mais le cadre est trop restreint et je me vois forcé de ren- voyer au ministère de l’agriculture, pour consulter un atlas, LES BOVIDES. 3 de belles et bonnes figures, de toutes les variétés de Bœufs connus, dessinées avec beaucoup de talent par des artistes de beaucoup de mérite; nous nous contenterons de donner deux types les plus tranchés pour montrer seulement ce qu'a pu faire la domestication et la sélection dans ce genre. On ne peut affirmer d'où dérive notre Bœuf domestique, at-il été produit par une espèce asiatique ou africaine ; il en est pour le Bœuf ce qu'il en est de tous les animaux sou- mis à notre domestication, cela se perd dans la nuit des temps, et il serait sans doute bien difficile de vouloir recher- cher la souche de ces animaux, contentons-nous de jouir de ce qu'ont fait nos ancêtres des temps les plus reculés ; car qui sait, si ce ne sont pas des races créées telles qu'elles sont, mais améliorées par les soins et les modifications qu'on leur a fait subir depuis tant de siècles ; toujours est-il que lorsque l’on veut essayer de domestiquer telle ou telle espece, on n'obtient que des déboires qui rebutent et les essais qui en restent là. LE BISON AUROCHS. BISON D'EUROPE. Bos Urus. D’Europe. Linné, Syst. Nat., éd. 10 et 12. — Pos Taurus var. ferus bonasus, Gmeling, Syst. Nat., éd. 13; Bos Urus, Bodd. — Pallas, Journ. de phys., tom. XXI, p.263. — Cuvier, Rech. sur les oss. fossiles, 1re éd., tom. IV; Mémoire sur les Ruminanis, pl. 2, fig. 1 et 2. Il est bien difficile de distinguer bien nettement les diffé- rences qui séparent l’Aurochs (Bison d'Europe) du Bison d'Amérique; les formes générales, la coloration et la disposi- tion du pelage sont exactement les mêmes, mais cependant chez notre Bison la queue est plus longue que chez le Bison d'Amérique, c’est là le seul caractère qui puisse l’en distin- guer ; autrement tout l’avant-train de l’animal, la tête, le cou, les épaules et les bras, sont revétus de longs poils; le train de derrière est au contraire couvert de poils ras, tout le pelage est brun roux; ce sont donc deux espèces bien voisines qui peuvent être confondues facilement, si on négligeait de faire attention à la longueur de la queue qui est cependant le seul caractère qui puisse les faire reconnaitre. 4 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. L'Aurochs vivait autrefois dans toute l’Europe, mais de siècle en siècle il s’est reculé vers le nord, poussé certaine- ment par la chasse que l’on lui faisait et aussi peut-être par le changement du climat, toujours est-il qu'à cette heure, on ne le rencontre plus qu’en Lithuanie, où il trouve un re- fuge sûr, protégé qu'il est par une défense expresse de l’Em- pereur de tuer un de ces animaux ; malgré cela il est bien probable qu'un jour ces Bisons disparaîtront, car si la pro- tection qui les sauve venait à prendre fin ils auraient vite disparu. L'Aurochs vit mal en captivité, surtout en France où la température est sans doute trop élevée pour lui; plusieurs fois déja la Ménagerie du Muséum a possédé des Aurochs, mais ils y ont vite dépéri; ils deviennent tristes et au bout de deux ou trois ans ils meurent phtisiques; cela est très étonnant puisque son congénère américain, non seulement vit très bien et se reproduit parfaitement en captivité, sans que l’on ait besoin de prendre des soins particuliers, s’accom- modant d'installations plus que médiocres et de nourriture quelle qu’elle soit ; — du foin lui suffit, serait-il même de qua- lité médiocre, un peu de son et c'est tout ; couchant l'hiver sur la neige, il faut que le temps soit bien mauvais pour le voir se mettre à l’abri. LES ZÉBUS. B'OSANMATEUS, Erxleben : Buffon, tom. XI, p. 439, pl. 42. — Pos taurus Indicus, Encyclo- pédie, pl. 4b, fig. 5. Toutes les variétés des Zébus que nous allons passer en revue, et qui doivent se ranger parmi les animaux domes- tiques, remplacent, dans les Indes, la Perse, l'Arabie, l’A- frique et Madagascar, nos Bœufs employés en Europe; le nombre des variétés est moins grand, mais il est comme les nôtres soumis à la domestication et employé à divers usages. Tous ces Bœufs zébus sont très reconnaissables à un carac- tère qui ne fait jamais défaut, c’est l'existence d’une bosse oraisseuse, qui se trouve placée sur les épaules ; cette bosse est quelquefois très développée et quelquefois aussi on en voit deux, placées l’une devant l’autre sur la ligne médiane des épaules: LES BOVIDÉS. | 5 Il y a de très grandes espèces, il y en a aussi de très petites ; les premières ont de grandes cornes, les secondes de très petites ; la coloration est très variable, on en voit de blanc-jaunâtre, de rouges, de gris, de noirs, et, même entre eux, un Zébu mâle noir avec une femelle de même couleur, peuvent donner naissance à des individus rouges ou ta- chetés. Dans l'Inde, on trouve une très grande espèce qui atteint la grandeur de nos plus forts taureaux, cornes de moyenne Zébu du Sénégal. srandeur, pelage ras et soyeux, généralement gris ou gris FOUX. Dans les mêmes localités on en trouve une autre race plus petite, qui ne dépasse pas la grandeur d’une vache moyenne, les cornes sont dirigées en avant, pelage blanc orisatre. | En Abyssinie on observe une très petite race, sans cornes qui n’atteint pas plus que la taille d'un Chien de Terre-Neuve, à coloration gris perlé en dessus, blanc en dessous, la queue est terminée par un long pinceau de poils noirs. _ Au Sénégal vit un grand Zébu, plus grand que le plus 6 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. grand de tous nos taureaux, à cornes très longues ayant un tour de spirale, un long fanon qui prend naissance sous la gorge, suit le cou, passe entre les jambes de devant et va jusque sous les cuisses ; la coloration est gris pâle marbré de oris plus foncé, c'est le Bos Galla, Salt, Travels et Gray, Cat. M. Brit. Mus. 1852, p. 20. Le Bos Dante (Link Beit. Nat. 11. p. 95. 1795) appartient encore au groupe des Zébus, il est beaucoup plus petit que le Bos Galla, mais rien ne le ca- ractérise bien nettement de ce dernier et n’est probablement que le représentant d'une race abâtardie. Bœuf Zébu de Madagascar. A Madagascar aussi existe une race de Zébu de grosseur moyenne, à cornes robustes, se dirigeant latéralement de chaque côté de la tête, les pointes revenant en avant; c'est un animal robuste, très fort et cependant très leste, ils sont généralement tout noirs et cependant quelques-uns des jeunes qui sont nés à la Ménagerie étaient rouges; ce fait prouve que ces animaux sont domestiqués et depuis déjà bien longtemps. Toutes ces races rendent de très grands services ; ce sont généralement des animaux robustes et beaucoup plus vifs que nos Bœufs, il y a même une variété de ces Zébus que l’on emploie en Cochinchine pour transporter les dépêches, on les nomme Bœufs des Stiengs ou Bœufs trotteurs, ce LES BOVIDÉS. 7 sont probablement des métis de Zébu et de Bos frontalis (Gayal) ; ils ont les cornes assez longues, disposées en lyre les pointes revenant en dedans; ce Bœuf est de grosseur ordinaire, mais la tête est plus fine et les jambes aussi, ce qui explique la faculté de courir et même de franchir des obstacles assez hauts ; nous avons vu un de ces Bœufs, que nous possédons depuis déjà longtemps à la Ménagerie, qui, s'étant échappé de son enclos, se mit à courir d’une façon très légère et à sauter par dessus des grilles de plus d’un mètre de haut, et cela sans effort et sans que ces obstacles aient en rien arrêté sa course. Ces Bœufs sont généralement d’un brun très foncé presque noir, mais presque toujours, les pieds à partir des genoux et des talons, sont plus ou moins mélangés de poils blancs, ce qui rappelle le caractère de la coloration blanche des pieds du Gayal. Ces Bœufs, en Cochinchine, peuvent fournir en trottant tres vite, une course de plusieurs lieues ; c’est pourquoi on les utilise à porter des ordres ou des dépêches, dans ce pays où les chevaux résistent mal aux fatigues et où ils sont peu ou point employés à des travaux rudes, ni à des courses de longue haleine. Ces Bœufs sont très rustiques, supportent très bien notre climat. Pourquoi n’essaierait-on pas l'introduction de cette race chez nous, leur allure vive pourrait certainement rendre des services dans beaucoup de cas, soumis à de certains travaux, ils feraient gagner beaucoup de temps. BUFFLE DE L'INDE. Bubalus, Buffelus, Blumenbach. Brisson, Xègne animal, p. 81. — Linné, Syst. Nat., éd. 10. — Gmel. Buflle Buff., Hist. Nat., t. I[, pp. 25, 27, 28. — F. Cuvier, Mama., lith., fig. — Pos Arne de Kerr, Anim. Kingd., 336, t. 295. — H. Smith, Grif. À. Kingd, APS; Gray, PNZ.US 41855, p: 17: Le Buffle est bien caractérisé par ses cornes longues, aplaties, maïs larges, sillonnées transversalement de rugo- sités très marquées; ces cornes atteignent quelquefois des dimensions très grandes, ainsi dans la variété que l’on a appelée Bubalus ATReE, elles atteignent jusqu'à deux rètres d'envergure. 8 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Le Bubalus bufflus est un animal lourd de forme, la tête est large, le cou court, le corps épais est supporté par des jambes courtes et épaisses, les sabots sont larges et grands, le pelage est court, ciairsemé, surtout sur la poitrine, la croupe, le ventre et les jambes ; le pelage est brun ou gris brun, mais jamais on ne le voit de plusieurs couleurs; on ne connaît qu'une seule variété, c’est la variété blanche ou Isabelle. Buffle de l’Inde, C'est un animal qui vit très bien en domesticité et pourvu que l’on ait le soin de lui donner de l’eau pour pouvoir se baï- gner, on peut le garder longtemps sans beaucoup de soins particuliers ; il est sobre et peu délicat sur la qualité de la nourriture; mais lorsque l’eau lui manque, le poil se ternit, il devient triste, il ne meurt pas, mais il devient fort laid. Quoique étant originaire de l’Inde, le Buffle s'est répandu par toute la terre, nous le voyons dans son pays d’origine, en Perse, en Syrie, en Egypte, puis en Italie où il est de grande utilité pour la culture du Riz. Le Buffle est doux de caractère, paisible, et pourvu qu'il N. + LES BOVIDÉS. 9 ait de l’eau à sa disposition où il puisse se tenir pendant plu- sieurs heures par jour plongé jusqu'aux yeux, on n’a rien à raindre de lui. Dans l'Inde, il parait qu'il livre quelquefois des combats Buffle de l'Inde, variété Arne, contre le Tigre et qu'il en sort presque toujours vainqueur, malgré son air nonchalant et lourd. Il faut donc que son cou- rage et sa force soient bien grands pour oser combattre un Tigre qui a pour lui une agilité et une force aussi très consi- dérables. BŒUF GAYAL. ‘ Bos frontalis. De Calcutta. LEambert, G&. Cuovier, t, IV, p. 506. — J.-W. Thomson, P. Z. $S., 1852, p. G6. —_—Sclat., P. Z. $., 1866, p. 1, pl. 1. Bos Sylhetanus, K. Cuv., 42. Liv. Desm., 1827, PB. Gaurus, H. Smith, Grif. Ann. Kingd., 897, 5. Cuvifrons, Hosdson, J. 4. S. B. V.; 223. Cette espèce, par la présence d'une loupe graisseuse sur le dos, appartient au groupe des JEbus, plutôt qu'à celui des Bœufs proprement dits. Grande espèce de la hauteur d'un grand cheval; les cornes 10 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. chez cette espèce sont implantées sur les côtés de la tête, comme chez les autres Bœufs, maïs leurs bases ne reposent pas sur un massacre recouvert de poils comme dans toutes les autres espèces, elles font suite à une espèce de bouclier qui recouvre l'os frontal. C’est une particularité unique dans le genre, car, si nous voyons un fait analogue chez le Bœuf du Cap, là ce sont les cornes qui se développent et recouvrent tout le front, tandis que chez le Gayal, il y a scission entre les cornes et le massacre. Le pelage de ce Bœuf est tout noir, à Bœuf Gayal. l'exception du front qui est gris roux, des ‘quatre pieds qui sont blancs, ainsi qu'un pinceau de poils qui termine la queue. Ce sont, parait-il, des animaux d’une grande force et qui occasionnent beaucoup de dégâts dans les plantations; une fois la nuit venue, ils sortent de leurs forêts, où ils se tiennent pendant le jour, et se répandent dans les vergers qu'ils labou- rent avec leurs cornes. ; Les habitants ont une grande peur de ce Gayal et, même pour une grosse somme, il est difficile de décider les in- LES BOVIDÉS. A1 digènes à en faire la chasse ou de chercher à prendre les jeunes. La chair en est excellente, mais les indigènes tiennent ce Bœuf en une espèce de vénération et refusent d'en manger. C’est à 1,300 pieds sur les montagnes boisées de l’Inde cen- trale et de Ceylan qu'habite ce Bœuf qui vit là et a les mêmes habitudes que le Yack au Thibet, grimpant et sautant sur les montagnes avec une grande agilité. Dans plusieurs localités de l'Inde, on tient cette espèce en domesticité, mais on ne s’en sert pas pour travailler. Bœuf des Stiengs. IL est bien probable que c'est cette espèce qui a servi à donner naissance à une variété domestique que l’on nomme le Bœuf des Stiengs ou Bœuf coureur, qui se trouve en Cochinchine et dont on se sert comme courrier dans cette contrée. Le Bœuf des Stiengs serait le résultat du croisement du Bos frontalis et du Bos Indicus, en effet, nous avons vivant un de ces Bœufs des Stiengs, qui a une petite bosse, est tres foncé de pelage et dont les quatre pieds sont mélangés de poils brun foncé et de blancs. 42 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. BŒUF GOUR. Bos Gaurus. De l'Inde. Geoffroy Saint-Hilaire, Mamm. — De Vassey, The cæ tribu, p. 91 et sui- vantes 1851. — Trouëssart, Grande Encyclopédie, article Bœut. — Brehm., Mamm. Ce Bœuf de grande taille se rapproche beaucoup du Bos Arne, mais il en diffère cependant par plusieurs caractères bien tranchés et surtout par la rangée d’apophyses suran- nexées à la colonne épinière qui forme depuis la base du cou jusqu'au milieu du dos, une véritable bosse, qui le fait res- sembler à un Bison. Bœuf Gour. Les formes de ce Bœuf sont lourdes ; les cornes en crois-. sant, sont courtes, épaisses, très recourbées vers les pointes et très rugueuses surtout à leur base et légèrement compri- mées d'un côté. Les membres sont gréles relativement au corps; la tête est aussi, proportion gardée, tres petite ; les sabots sont fort larges et tres longs. La coloration est d’un noir foncé tirant sur le bleuté, excepté sur le front où on voit une tache de poils blanchatres, LES BOVIDÉS. 13 cette coloration se retrouve aussi au-dessus des sabots, où elle forme de véritables bracelets, le poil court, offrant l’as- pect huileux d’une peau de Phoque; cet aspect est du sans doute justement, à cause de la coloration noir-bleuté dont sa robe est colorée. L'Inde continentale est sa patrie, il habite l’Indoustan, remonte jusqu’au pied de l'Himalaya, les montagnes de Myn- Pat où les Anglais l’ont découvert ; on le trouve aussi dans la presqu'ile de Maiacca ; il vit là de feuilles et de bourgeons d'arbres, se réunit par troupes de quinze à vingt dans les _ forêts de ces pays, où il passe pour étre très dangereux, sa . force étant très grande et son caractère très brutal. Plusieurs tentatives de domestication ont été faites, mais il paraît qu'elles n’ont guère réussi, le caractère farouche de ce Bœuf en a toujours empêché le succès ; il est bien recrettable que l’on n’y soit pas parvenu, car ce serait une espèce intéressante à étudier, cependant nous croyons que les jardins zoologiques pourraient le maintenir en captivité, puisque l’on y a bien introduit le Buffie du Cap, qui nous paraît aussi fort et aussi sauvage que le Bœuf gour, aussi faisons-nous des vœux pour que ce curieux animal soit amené en Europe ; la Société d’Acclimatation à là un grand intérêt scientifique et serait bien dans son rôle en cherchant à introduire dans son jardin d’Acclimatation, une espèce aussi intéressante que celle-ci. BOS SONDAICUS ou BENTENG. Bœuf aux fesses blanch?s. De l’Inde. Quoy et Gaimard, fig. 9 et 10. — Trouëssart, Grande encyclopédie, article Bœuf. Les cornes dans cette espèce sont dirigées d’abord un peu horizontalement de chaque côté du front, ce n’est que vers les pointes qu'elles affectent la forme en croissant, les deux pointes revenant l’une vers l’autre ; elles sont assez fortes et portées sur une tête longue, ce n’est que chez cette espèce que le crane a ces proportions allongées. Toute la robe de cet animal est d’un beau rouge-bai, à exception des fesses et des quatre jambes qui sont blanc pur; 14 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. le mâle ne porte pas de fanons sous le cou, comme cela se voit chez la plupart des autres espèces, la femelle est de la même couleur, mais elle est plus petite, ses cornes sont aussi plus faibles et inclinées sur le dos. On rencontre ces animaux vivant à l'état sauvage dans toutes les forêts de Java, Bornéo et Sumatra, descendant jusqu'à la presqu'île de Malacca et se retrouvant au nord jus- qu’en Birmanie. Bœuf Sondaique. Plusieurs essais de domestication ont été tentés qui ont donné de bons résultats. Cette belle espèce se croise facile- ment avec le Bœuf domestique et donne, paraïit-il, des produits très intéressants. Pourquoi, encore pour ce Bœuf, que nous ne connaissons que par les descriptions qui en ont été faites, ne fait-on pas une tentative d'introduction en France ; il serait cependant. bien facile de s’en procurer, puisque dans la petite île de Bali à l’est de Java, il vit à l'état domestique, on pourrait LES BOVIDÉS. 15 donc par un des navires du port de Marseille, faire venir facilement, les Bos Sondaïcus, Gaurus, etc., qui n’ont jamais été vus vivants dans les jardins zoologiques, mais dont les dépouilles ne figurent même pas dans notre grand musée d'histoire naturelle: ce serait à tous égards une lacune à com- bler ; non seulement l'étude de ces animaux mal connus serait très intéressante, mais encore les croisements que l’on pourrait obtenir d’eux, auraient pour résultat d'obtenir de nouvelles races à ajouter à celles que nous avons déjà. (A suivre.) LE PROCÈS DES MOINEAUX AUX ETATS-UNIS Par M. H. BRÉZOL. (SUITE *.) RELATIONS DU MOINEAU AVEC LES INSECTES. Nous abordons ici un autre côté du procès. L'importante question de savoir si le Moineau a des habi- tudes insectivores est certes une des plus intéressantes à trancher. Le Moineau, on l’a prouvé, nuit aux graines, aux fruits, aux céréales, fait diminuer le nombre des oiseaux indigènes dans les jardins, les fermes, les villages et les villes, mais si on pouvait prouver qu'il détruit un grand nombre d'insectes nuisibles, il y aurait peut-être quelque raison de continuer à le protéger, ou du moins d’empécher sa destruction complète. Les résultats lui sont malheureu- sement défavorables, et prouvent de manière irréfutable que ce n’est pas un insectivore normal, et qu’il ne mange pas les insectes les plus nuisibles. Il est avéré que le Moineau nourrit ses petits encore au nid d'insectes. Après avoir pris leur vol, ils continuent encore pendant quelque temps à suivre ce régime, et s'y remettent même parfois quand ils sont adultes. On cite des exemples de Moineaux détruisant de grandes quantités d’Ar7mMmy-worm, de Chenilles, de Sau- terelles et d’autres insectes ; ce sont là des cas exceptionnels prouvant non pas qu'il est insectivore, mais que suivant la constatation faite par le professeur Forbes pour beaucoup d’autres granivores, il peut, à un moment donné, substituer les insectes à son régime naturel de graines. Quelques-uns semblent avoir certaines préférences pour diverses espèces ou pour la généralité des insectes, ils prendront parfois plaisir à poursuivre les Papillons, les Sauterelles, pour les manger ou les porter à leurs petits, mais en dehors de ces © (A)! Voyez Rerue, 1890, p. 883, 973 et 1065. LE PROCÈS DES MOINEAUX AUX ÉTATS-UNIS. 17 circonstances, ils ne se dérangent guère pour chasser les insectes, et ne distinguent pas, du reste, ceux qui sont utiles de ceux qui sont nuisibles. Les insectes nuisibles que le Moineau détruit parfois sont beaucoup plus efficacement combattus par les oiseaux indigènes, et certains d’entre eux mangent, par exemple, les Chenilles velues, auxquelles le Moineau se garde bien de toucher. Presque tous ces oiseaux avant diminué ou ayant été chassés des endroits où le Moi- neau abonde, on voit combien la situation est menaçante. La tâche que le Moineau peut entreprendre comme insectivore serait donc beaucoup mieux remplie par les oiseaux indi- senes, et sa seule présence empêche, en outre, ces oiseaux de faire une besogne dont il ne veut pas se charger. On répond souvent à cet argument que les oiseaux indigènes ne consen- tiraient jamais à habiter les villes; cette allégation révèle une grande ignorance des faits; dans toutes les villes dont ils n'ont pas été chassés par le Moineau, on trouve des oi- seaux indigènes. Si Boston, Philadelphie, New-York avaient dépensé pour conserver ces oiseaux la dixième partie de ce qu'ils ont gaspillé pour le Moineau, il est probable que les arbres de leurs promenades auraient moins à souffrir des Chenilles. On peut, du reste, imputer au Moineau l’accrois- sement constant et alarmant des Chenilles velues qu'il ne mange pas, puisqu'il chasse les oiseaux qui s’en nourrissent. Les témoignages de M. C.-V. Riley, entomoloeiste du dépar- tement de l'Agriculture, du professeur Lintner, entomolo- oiste de l'État de New-York, du Dr John Leconte, de Phila- delphie, sont très nets à cet égard. Les faits sont, du reste, surabondamment prouvés par l'examen de 2,455 estomacs de Moïineaux fait en Europe et en Amérique. Excepté 522 es- tomacs examinés en 1886 au département de l'Agriculture, les résultats de ces autopsies sont généralement incomplets, mais ils suffisent cependant, car sur 2,455, 345 seulement ou 14 0/0 contenaient des débris d'insectes. Les renseignements tirés des 522 estomacs étudiés à New-York sont plus exacts, car on en a noté la date de la capture de chaque oiseau. En dehors des preuves anatomiques, on a encore les ré- Sultats des rapports des correspondants qui viennent eux aussi prouver que le Moineau est fort peu insectivore. 267 de ces rapports, disant le Moineau insectivore, sont comptés comme favorables à cet oiseau ; 5 Janvier 1891. 19 18 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. 138 rapports disent qu'il ne mange pas d'insectes ; 60 sont incertains ; 126 n'ont aucune valeur, ils se contentent, par exemyle, de rapporter que le Moineau mange des insectes quand il ne trouve rien d'autre. La majorité des correspondants, auteurs de ces documents, ne sachant pas distinguer les insectes nuisibles des insectes utiles, le Moineau a profité de tous les rapports le disant insectivore, mais d’après M. Riley, l’au- topsie prouve que quand le Moineau se nourrit d'insectes, il en mange plus d’utiles que de nuisibles. De tous les côtés, les preuves affluent que le Moineau n’est pas insectivore. Le colonel Russell, qui examina en Angleterre les estomacs de 47 Moineaux pris à la fois dans une ferme, y trouva seu- lement les débris de 6 petits insectes au milieu de pois verts et de graines. Le Dr Schleh examina des estomacs de Moineaux reçus de différents points de l'Allemagne, et en conclut qu'au nid et jusqu'à la semaine précédant celle où ils prennent définitive- ment leur vol, les jeunes Moineaux sont exclusivement insec- tivores ; deux semaines plus tard, l'élément insecte n’entre plus que pour 33 0/0 dans leur alimentation et pour 19 0/0 plus tard. Cette analyse, la plus favorable au Moineau de toutes celles qui aient été faites, serait un terme extrême, dont les autopsies du colonel Russell semblent former le terme opposé. On a souvent répété que les insectes constituaient en grande partie l'alimentation des Moineaux au printemps et à l'été. Si ce fait est vrai, on ne l’a jamais prouvé. C’est sans doute une conclusion précipitée déduite de deux observations principales : La première, que les jeunes surtout nourris d'insectes sont élevés au printemps et au commencement de l'été. La deuxième, que les Moïineaux ne songent plus aux insectes quand les céréales mürissant leur apportent une alimentation plus facile et plus abondante. On peut répondre à cela que sans doute il nait plus de jeunes Moïneaux en mai et en juin qu’en août, mais la proportion n'est pas connue. Dans la dernière semaine d'août 1887, on voyait souvent sur les pelouses des jardins publics courir de jeunes Moineaux récemment éclos. S'il nait autant de Moineaux en août qu’en mai, il y aura autant d'insectes mangés aux deux époques, LE PROCÈS DES MOINEAUX AUX ÉTATS-UNIS. 19 mais les insectes sont plus abondants en août qu'en mai, ce qui rend leur diminution moins appréciable. D'après M. Gurney, le Moineau mangerait plus d’insectes en août, en Angleterre, qu’en tout autre mois, et suivant le D: William Brodie, de Toronto, Canada, sur 85 estomacs, examinés en septembre, 54 à 62 contenaient des insectes. Des 522 estomacs examinés aux États-Unis pendant toute lannée 1886, 92 seulement, ou 17, 6 (0/0 contenaient des insectes. Quant à l’action du Moineau sur les Chenilles, MM. Riley et Coues affirment qu'il tend plutôt à faire augmenter le nombre des Chenilles velues qu'à le diminuer, celui surtout des Orgyia et des Hyphantria. Le professeur J.-A., Lintner, entomologiste de l'État de New-York, arrive à des conclu- sions semblables, en mentionnant les oiseaux qui chassaient les Orgyia avant que l’arrivée du Moineau ne les eùt re- foulés. M. Lintner affirme que l'accroissement extraordinaire de l'Orgyia pudibunda est dù au seul Moineau, et on arrive à cette singulière conclusion : Le Moïneau, introduit aux États-Unis pour détruire les Chenilles, y a simplement favo- risé leur multiplication. L'Orgyia pudibunda y croitrait sui- vant une progression parallèle à la sienne propre. On a toujours remarqué, du reste, que les Chenilles abondaïent dans les jardins dotés de nombreux Moïinéaux. Le professeur Lintner fait la même constatation pour l'Orgyia leucostigma, et cite un jardin d’Albany où cinq Ampelopsis quinquefolia abritaient sous leur feuillage très développé un nombre incal- culable de Moïneaux. Dans ce jardin, se trouvaient encore une volière à compartiments multiples et plusieurs plus petites regorgeant de Moineaux. Or, à quelques pas des Ampelopsis, deux Ormeaux avaient été complètement dé- pouillés de leurs feuilles par des Chenilles d'Orgyia. On rencontre, du reste, à chaque instant de ces sortes d'asso— ciations. Le Moineau ne pourrait, en effet, manger impuné- ment les Chenilles velues, mais il chasse les oiseaux tels que le Rouge-sorge, le Merle migrateur, le Loriot de Baltimore, le Coucou, l'Icterus galbula qui les mangent, espèces sem- blant uniquement créées pour nous protéger contre la mul- tiplication de ces Chenilles. On voit, par exemple, le Coucou, plus habile que le grossier Moineau, enlever rapidement du bec les poils des Chenilles de l'Orgyia leucostigma, avant 22 20 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. d'avaler la Larve elle-même. Ce fait a été constaté par le D: Le Baron, ancien entomologiste d'État de l'Illinois. Dès 1874, le D: J. Leconte constatait la disparition à Phi- ladelphie du Span-worm, une géométride, la Chenille de l'Ennomos Subsignaria, qui ravageait les arbres des boule- vards ; elle fut aussitôt remplacée par l'Orgyia leucostigma, qui, s’accroissant sans cesse, est devenue tout aussi génante, mais se voit respectée du Moineau à cause des poils rigides qui la revétent. En Nouvelle-Angleterre, le Moineau mangerait, parait-l, une Chenille, la Paleacrila vernata, qui ronge les feuilles des Pommiers et des Ormeaux. LES MŒURS INSECTIVORES DU MOINEAU. Dans cette partie du travail commun, M. Riley présente les conclusions qu'il croit pouvoir déduire des examens d’esto- macs de Moïneaux faits par M. C.-H. Merriam. Sur 522 estomacs étudiés en 1886, 92 contenaient des oraines, du gravier et des débris d'insectes, mais toujours la masse représentée par la nourriture animale avait fort peu d'importance à côté des aliments d’origine végétale. On a trouvé dans ces débris d'insectes des restes des prin- cipaux ordres des Héxapodes, et quelques Arachnides, le tout se répartissant ainsi : ÉMÉNOPLeRES PERMET MAR dans 59 estomacs. Coléopienes rares en 10 — Orthopieres NE LL Ite pre — 9 . Lepidopièeres emmener — 10 — Hémiplèress AUS EE er lie = © — ATACHITeS- EEE ME 0. — 5 — NÉVIODIeROS MORT En — 3 — DipLeres Re ere UE —" À — Tous ces insectes appartiennent aux espèces fréquentant les pelouses, les jardins, les parcs, et se tenant presque tou- jours sur le sol même ou à une faible hauteur. Le gravier était un mélange de quartzite et de débris de briques dures, destiné à triturer les parties les plus molles du corps des insectes. La plupart de ceux-ci ne sont pas nuisibles, ne causent aucun dommage spécial à l’agriculture, et même le # LE PROCÈS DES MOINEAUX AUX ÉTATS-UNIS. 21 plus grand nombre des Hyménoptères et des Arachnides lui seraient indirectement utiles, ainsi que quelques Hétérop- tères. Parmi les Coléoptères, il y en a plus de non nuisibles que de nuisibles, de sorte que les services rendus par les Moineaux, en détruisant les Orthoptères et des Lépidoptères, se trouvent compensés par le tort causé en tuant des espèces utiles soit directement, soit indirectement. En réfléchissant que l’année méme où ces animaux ont été tués les arbres des promenades de Washington supportaient les attaques de quatre insectes défeuillants, dont un seul, lAÆyphantria cunea fut trouvé, et à deux reprises seulement dans des estomacs de Moineaux, on doit facilement se con- vaincre de l’absolue inefficacité de ces oiseaux comme des- tructeurs d'insectes. Aucune des espèces qui rongent certains arbres des promenades ne fut, en dehors de l'Æyphantria. trouvée sous une quelconque de ses formes dans les estomacs examinés. | M. Leconte avait signalé la substitution à Philadelphie, sous l'influence du Moineau, de l'Orgyia à l'Ennomos, M. Ri- ley constate à Washington le remplacement d’une autre Chenille, la Paleacrita vernala, par la même Orgyia. Le Moineau, dit-il, fut amené à Washington à titre de protecteur des arbres, surtout des Ormeaux, qu’il devait débarrasser de la Paleacrita vernala, qui causait d'assez grands dégâts, mais seulement pendant les cinq ou six premières semaines du printemps. L'été et l'automne, on avait une période de répit, la larve descendant se métamorphoser en terre. L'in- secte parfait femelle étant aptère, des bandelettes goudron- nées ou huilées, nouées autour du tronc des arbres, arrétaient toute tentative d’ascension, quand il voulait remonter sur les arbres au début du printemps suivant. Ces bandelettes étaient autrefois d’un usage fort commun à Boston, à Cambridge, à Philadelphie, et plus tard à Baltimore. Les Ormeaux étant en même temps attaqués par la Galeruca Calmariensis, qui, pourvue d'ailes chez les deux sexes, n’est pas arrêtée par les ligatures du tronc, on introduisit le Moineau. Il fit d’abord quelque bien en mangeant les Paleacrita, mais on constata alors l'apparition d'un nouvel insecte, travaillant pendant toute la belle saison, et non plus au début du printemps seu- lement comme le premier. C'était l'Orgyia leucostigma, qui fournit plusieurs générations par an. La femelle est aptère 22 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. eomme celle de la Paleacrila, mais ses métamorphoses s’ef-. fectuent sur les arbres même, de sorte que les ligatures gou- dronnées sont sans effet. L'Orgyia est, en outre, plus abon- dante et attaque des arbres que la Paleacrilta respectait. Washington a donc échangé un fléau contre un pire, l’'Orgyia effeuillant absolument les arbres pour les couvrir ensuite de ses innombrables cocons. On ne peut, en général, encourager le développement d’une espèce animale sans restreindre celui d’une autre espèce, et l'inverse de cette proposition est éga- lement vrai. En mangeant les Paleacrila, le Moineau a favo- risé l’Orgyia, il s’est allié à elle dans la lutte pour l'existence. L'accroissance du Moineau réduit, en outre, le nombre des oiseaux indigènes qui mangeraient sans doute l'Orgyia. En comparant le contenu de l’estomac des Moineaux avec celui des espèces indigènes, on saisit encore mieux son inutilité. M. Merriam a trouvé dans l'estomac d'une femelle de Cou- cou, Coccygus Americanus, tuée aux environs de Washing- ton, 250 larves d'Zyphantria cunea, 1 gros Cerambyse, le Romaleuin atomariuin avec ses œufs, 1 Nezara hilaris, et 1 Escargot, Æelix alternata. L'estomac de ce Coucou contenait donc plus d'insectes nuisibles que ceux des 522 Moineaux. Des constatations ana- logues ont, du reste, été faites en Europe. M. Willis, de Sandas (Angleterre), a examiné, en 1882, les estomacs de 87 Moineaux, 7 seulement contenaient des in- sectes. M. Willis conclut de son travail que le Moineau est une espèce envahissante, et que l’homme est en droit de prendre toutes les mesures possibles pour restreindre son accroissement. Sur 100 estomacs présentés en 1865, par le Dr Edwards Crisp à la British Association, il n’y en avait pas 5 qui ren- fermassent des insectes. ; Le révérend J. Pemberton, de Bartlett, a trouvé des in- sectes à certaines époques dans l’estomac du Moineau, des produits végétaux à d’autres, à d’autres encore, un mélange d'insectes et de végétaux. M. John Cordeaux aurait constaté que le contenu de l’es- tomac de 35 jeunes Moïineaux était composé pour 2/3 de graines encore molles, laiteuses, et pour 1/3 d'insectes. è Dans un ouvrage intitulé The House Sparrow « Le Moiï- LE PROCÉS DES MOINEAUX AUX ÉTATS-UNIS. 23 neau domestique », publié en 1885, à Londres, par un orni- thologiste, M. J.-H. Gurney, se trouve deux chapitres écrits l'un par le colonel C. Russell, l’autre, sur le Moineau en Amérique, par le D: Elliott Coues. M. Gurney donne le résumé suivant des analyses d’esto- macs de Moineaux jeunes ou adultes, auxquelles il s’est livré pendant un an : Le contenu de l’estomac d’un Moineau adulte se compose pour 5 0/0 de graines et céréales et les 25 0/0 restant sont ainsi partagés : 10 0/0 de graines d'herbes. 4 0/0 de pois verts. 3 0/0 de coléoptères. 2 0/0 de chenilles. 1 0/0 d'insectes ailes. 5 0/0 de maticres diverses. Quand les pois verts abondent dans les jardins, la propor- tion de 4 0/0 est toujours dépassée. L'estomac des jeunes Moïneaux de moins de 16 jours ne contient pas plus de 40 0/0 de graines de céréales, avec 40 0/0 de chenilles et 10 0/0 de petits coléoptères. Les jeunes Moineaux au nid sont généralement nourris de chenilles et autres insectes, surtout en août, mais un grand nombre d’estomacs de ces jeunes oiseaux, ouverts en juin et en juillet, n'en contenaient pas. D'après le colonel Russell, le régime des jeunes Moineaux encore au nid se composerait pour une moitié de graines en- core vertes et autres matières végétales, pour la seconde moitié de chenilles. Cet auteur ayant examiné des estomacs de Moineaux venant des différentes régions de l'Angleterre, y a toujours trouvé beaucoup moins d'insectes qu'il ne l’au- rait supposé. D’après ses autopsies, l'estomac du Moineau adulte contiendrait des graines pendant la presque totalité de l’année, des pois verts l'été, un peu de graines d'herbes en mai et juin, époque où les céréales font défaut. De septembre à mars, il ne trouva jamais un insecte. Ils étaient rares de juin à mars chez les Moineaux assez forts déjà pour pouvoir se nourrir eux-mêmes. | Nous rappelons pour conclure les observations rapportées par le D' Schleh, d'Herford, Allemagne, dans son ouvrage - 24 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. intitulé : « Nutzen und Schaden des Sperlings im Houshalte der Natur ». (Utilité et inconvénients du Moineau dans l’é- conomie naturelle.) Or, on ne peut contester la bonne foi de l’auteur de cette brochure, qui déclare le Moineau utile, tous les insectes étant nuisibles selon lui. Les attestations des ornithologistes et entomologistes amé- ricains sont aussi probantes et plus nombreuses encore que celles de leurs collègues européens. Le D'John Dixwell a examiné les estomacs de 39 Moineaux, tués à l’époque où la Paleacrita ravageait les arbres, sans y trouver une seule de ces chenilles. Dans le numéro de mars 1879 du Scientific Farmer, le D' Maynard insere les résultats de 56 dissections faites par lui, du 17 septembre au 10 octobre 1878, sur des Moineaux jeunes et vieux tués à Boston, et il reste quelque peu étonné de ne pas avoir trouvé la moindre trace d’insecte dans lesdits estomacs. Le professeur S.-A. Forbes a examiné en septembre 1880 les estomacs de 35 Moïineaux tués dans les rues de villes ou villages de l'Illinois; il y a trouvé des graines de céréales, quelques graines de plantes communes et les débris de 3 Acridiens, débris représentant 6 0/0 de la masse totale des aliments. A la même époque, les insectes figuraient pour 30 0/0 dans l'alimentation du Rouge-sorge, pour 20 0/0 dans l'alimentation de l’Oiseau chat, Cat Bird, et pour 90 0/0 dans l'alimentation de l’Oiseau bleu, Blue Bird. Le Dr Warren, de Vesto Chester, Pennsylvanie, a reconnu que sur ‘o estomacs de Moineaux examinés en 1878, 93 contenaient seulement dès graines, et les 2 autres 1 coléop- tère chacun: Désireux de combattre l'opinion si répandue que le Moi- neau ne devient granivore que l'hiver, quand il ne trouve plus aussi facilement à se nourrir, il examina des estomacs de Moineaux tués en mars, avril, mai, juin ; 47 contenaient des céréales et des matières végétales, 1 seul contenait 1 ce- léoptère, 2 étaient absolument vides. Du 1° mars 1879 au 12 juin 1882, il examina 114 autres estomacs, dont 5 seulement lui offrirent des débris d'insectes. M. Charles Dury a publié, dans le numéro du 6 mai 1883 de la Commercial Gazette de Cincinnati, les résultats de plus de 50 examens d’estomacs de Moineaux, et ne trouva de LE PROCÈS DES MOINEAUX AUX ÉTATS-UNIS. 25 débris d'insectes que dans 3 de ces estomacs. Un de ces Moi- neaux non insectivores, avait été tué le 28 avril, dans un cerisier dévoré par une infinité de chenilles. M. James Fletcher, d'Ottawa, Canada, a examiné 12 esto- macs provenant de Moineaux tués au commencement de mars, tous contenant de l’avoine venant des déjections des chevaux, et du pain. Le Dr W.-S. Strode, de Bernadotte, Illinois, qui s’est livré à des expériences analogues pendant les mois d'août et septembre 1887, n’a pas trouvé d'insectes pendant la pre- mière moitié d'août, mais du blé, du seigle, et parfois quelques graines de mauvaises herbes. En septembre, c'était surtout de la pulpe de raisins, le Moineau enfonçant son bec dans les grains pour sucer le jus et la pulpe, sans avaler les graines. M. W. Brodie a trouvé au Canada que sur 43 estomacs de Moïineaux tués du 20 août au 13 septembre, 37 contenaient des débris d'Acridiens, et sur 307 estomacs provenant de Moïineaux tués du 7 mars 1881 au 20 septembre 1887, 132 contenaient des insectes se distribuant ainsi : Acridiens dans 58 estomacs, Coléoptères dans 4, larves de Géométrides dans 2, nymphes de Diptères dans 2. M. Otto Lugger, assistant de M. Riley, a examiné en mai 1883, à Baltimore, les estomacs de 12 Moineaux tués dans un jardin aux environs de la ville, sur des Rosiers grimpants couverts de Selandria. Il a trouvé des graines de céréales, de fleurs, 1 pois conte- nant une bruche, 2 pattes de mouche, mais pas une Selandria. Beaucoup des témoignages envoyés en réponse aux ques- tionnaires distribués dans les différents États sont favora- bles au Moineau, mais ces documents n’ont pas l’authenticité de la dissection, aussi ne peut-on leur accorder qu'une valeur relative, et cependant 4 d’entr'eux seulement disent que le Moineau mange les larves des Orgyia et 1 qu'il mange les larves de l'ÆZyphantria. Un certain nombre de ces rapports affirment que le Moi- neau mange les Acridiens, les Sauterelles et les larves des Noctuelles. Il pourrait donc rendre quelques services de ce côté, si ses innombrables défauts ne les faisaient payer un prix beaucoup trop élevé. Dans une autre circonstance encore, il se rendrait certai- 22 D6à REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. nement utile : en mangeant des larves de l'Œstre, Gastro- philus equi sur les déjections des Chevaux, mais ce service voit cependant son importance décroitre, par le fait que les rues des villes étant pavées, les larves d'Œstre périssent bientôt, sans pouvoir pénétrer dans le sol. On peut donc conclure que les insectes constituent excep- tionnellement l'alimentation du Moineau, et que s’il mange des insectes nuisibles, le hasard seul a déterminé son choix. Excepté le cas des Acridiens, des Sauterelles, des Paleacrita et de quelques autres, jamais le Moineau n'a arrêté les dégâts causés par une espèce d’insecte. Deux circonstances enfin tendraient encore à diminuer les rares services qu'on peut lui attribuer comme insectivore. La première, c’est qu'il mange souvent des insectes morts, dont l’autopsie lui attri- buera à tort la destruction. La seconde tient à ce qu'on le croit souvent insectivore parce qu'on l’a vu chassant des insectes, mais ces insectes ne sont généralement pas destinés à sa consommation personnelle, il les chasse pour en nourrir sa cCouvée. Pour en terminer avec les examens d’estomacs, sur 522 estomacs disséqués par le département de l’agriculture, 102 paraissaient contenir des insectes à un premier examen, 92 seulement en contenaient en réalité. On trouva de l’avoine dans 327 estomacs, du maïs dans 71, du blé dans 22; des oraines de fruits, de mures principalement, dans 57, des oraines fourragères dans 102, des graines de mauvaises herbes dans 85, du pain, du riz dans 19, des matières végé- tales indéterminées dans 219, des insectes nuisibles dans 49, des insectes utiles dans 50, des insectes sans importance dans 31. | L'avoine venait surtout des déjections des Chevaux, et la majeure partie de la matière indéterminée avait la même origine. Les États-Unis ne sont pas la seule nation où on ait dû prendre des mesures répressives contre le Moineau, après l'avoir inconsidérément amené d'Europe. Les fermiers de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande voyaient leurs récoltes si maltraitées par cet oiseau qu'ils ont dù recourir au poison. Ils employèrent à cet effet du blé trempé dans une solution vénéneuse et placé dans un récipient à l'arrière d'une char- rette en marche, de manière à le répandre le long des routes. LE PROCÈS DES MOINEAUX AUX ÉTATS-UNIS. 21 Ce procédé énergique a eu tout le succès désirable, et un poète local a même célébré cette victoire dans une pièce de vers publiée par le numéro de novembre 1882 de la publica- tion Garden and Field, éditée à Adélaïde. DOMMAGES DIVERS CAUSÉS PAR LE MOINEAU. A côté de la longue et probante énumération qui précède, viennent d'autres dommages ayant encore le Moineau pour auteur et qui, peu importants au premier abord, peuvent devenir génants ou dangereux par leur accumulation ou une incessante répétition. Le Moineau cause un tort assez considérable au feuillage des arbres et le détourne absolument de son rôle décoratif et ornemental en le souillant de ses déjections; cette nature de dommages s'étend aux bâtiments et à une infinité d'objets. Le département de l’agriculture n'avait pas mentionné ce chef d'accusation dans son questionnaire, mais beaucoup de cor- respondants l'ont inséré, et l’observation la plus superficielle permet de constater combien ces plaintes sont fondées. Partout où le Moineau installe son nid, ce genre de dégâts se manifeste à un degré plus ou moins accentué et n’est du reste pas localisé aux seules places de nichage. De légères modifications architecturales pourraient les empêcher d’édi- fier leurs nids sous les rebords des toits, mais on ne peut guère les empêcher de se percher sur toutes les parties en saillie, et les conséquences en sont immédiates. A Washing- ton, un grand nombre de statues et de fontaines des jardins publies sont absolument dégradées par les souillures des Moineaux, parfaitement distinctes à une certaine distance. Au printemps de 1886, on pouvait voir dans cet état plus de moitié des statues de la capitale et de nombreux monuments funéraires dans les cimetières. Quant aux bancs de prome- nades, le Moineau les salit au point qu'on ne peut s’y asseoir. Ces oiseaux se caractérisent encore par la rapidité avec laquelle ils accumulent, dans les endroits les plus divers, le foin, la paille, et les débris multiples dont ils font leurs nids. À Washington, par exemple, ils ont plusieurs fois envahi les lanternes des réverbères ou les globes des lampes électriques, s’obstinant, par exemple, à emplir la lanterne d’un bec de gaz, bien qu'on la vidàt chaque jour. > 28 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Sur les Smithsonian Grounds, ils ont presque dénudé des Cèdres, en enlevant, pour se constituer des nids, non seule- ment la rugueuse écorce extérieure, mais aussi les couches internes, et laissant le tronc absolument lisse. Autre motif de plaintes: son habitude de se nicher dans les tuyaux de descente d’eau et les chéneaux, qu'il obture d’une masse de débris empêchant ces organes de fonctionner au moment du besoin, ce qui peut déterminer d'importantes dégradations aux bâtiments. Les déjections accumulées sur les toits, entrainées par les pluies, peuvent devenir une cause d’épidémie dans les localités où on est réduit à boire l'eau des citernes. Les déjections des Pigeons ont déjà déterminé de graves mala- dies, dans des conditions analogues. Les masses de matières végétales qui constituent les nids sont une cause constante d’incendies ou de propagation d’in- cendies. On a signalé aux Etats-Unis l'incendie spontané des matières très divisées accumulées par les Souris dans leurs nids, et on peut citer à l'appui de cette hypothèse le fait suivant emprunté au numéro du 26 février 1887 du Scientific american : « Une forge, située à 4 milles de Potisville, Pennsylvanie, aurait été incendiée à trois ou quatre reprises, par la faute des Moïineaux qui accumulaient leurs nids dans la charpente des bâtiments. Ces nids, faits de chiffons de coton, constituaient toujours le foyer de l'in- cendie, dü soit à la combustion spontanée, soit aux étincelles retombant sur ces matières éminemment combustibles. À Sandy Spring, Maryland, on a dû renoncer aux couver- tures de chaume que les Moineaux étaient toujours à fouiller. On a fait du reste la même constatation dans certaines par- ties de l'Angleterre, où les couvertures en chaume sont tres communes ; ces dégâts y étaient attribués à la manie qu'a le Moineau de faire le mal. Il semblerait cependant qu'il y a là erreur, et non intention de nuire de la part de l'oiseau. Habi- tué à pénétrer dans les meules de blé pour aller chercher les erains des épis placés au centre, il répète la même manœuvre sur les toits de chaume qu'il prend pour des meules. Une de ses plus mauvaises habitudes consiste à voler les oraines données à la volaille, La perte paraît insignifiante à première vue, mais le nombre des rapports mentionnant ce orief tend à lui accorder une certaine importance. Les Moi- LE PROCÈS DES MOINEAUX AUX ÉTATS-UNIS. 29 neaux ne prennent pas ce que les Poules ont pu laisser, ils mangent en même temps qu'elles, puis, s’enhardissant, de- viennent assez audacieux, non seulement pour résister aux tentatives que les Poules font pour les éloigner, mais pour attaquer celles-ci et même les chasser. Proportionnellement à la taille, un Moineau mange plus qu'une Poule, et comme dans une basse-cour on trouve facilement dix Moïineaux pour une Poule, le grain pris chaque jour par ces maraudeurs arrive donc à constituer une certaine masse. Passons à la voix pour conclure. Quelques-unes des notes émises par le Moineau ne sont pas absolument anti-musi- cales, surtout quand un oiseau isolé se fait entendre dans une tonalité un peu basse, mais le plus fidèle partisan de ces oiseaux ne peut nier que ce ne sont pas des chanteurs, et les incessantes et discordantes criailleries d'une bande de Moi- neaux autour de ses nids ou de ses perchoirs constitue un véritable ennui, une torture pour l'oreille, agissant très dé- sagréablement surtout sur les personnes malades ou ner- veuses. PASrivre) SAUMON OUINNAT ET CPR OMR PNG EE NE CIE Extrait d’une lettre adressée à M. le Président de la Société Par M. JosipH VIDON, Pisciculteur à Bessernont, près Villers-Cotterets. La pisciculture que je dirige à Bessemont, près Villers-Cot- terets, chez M. de Marcillac, mérite, je crois, votre attention. Le Salmo Quinnatl réussit le mieux du monde dans nos eaux, il est rustique et facile à élever. Les alevins de cette espèce que nous avons recus à Bessemont ont été mis dès leur arrivée dans un aquarium où ils sont restés pendant cinq mois; ensuite je les ai transférés dans un petit étang de 20 mètres de largeur sur 80 mètres de longueur traversé par un petit cours d’eau, dont l’eau atteignait 22° et dont le fond était vaseux. Au bout de quinze jours on les aurait à peine reconnus tellement ils avaient prospéré. Ce poisson mange de tout avec avidité; il a besoin d’une forte nourriture. Nous la varions le plus possible en donnant de la viande, du pain, maïs, fromage et surtout du lait caillé. Pour augmenter la nourriture nous avions placé avec les Salino Quinnatl un grand nombre d’alevins de Brêmes, pen- sant que cette proie leur conviendrait; mais ils n'y ont pas touché et se contentaient de « labourer » la boue, comme les Carpes et de troubler l’eau. C’est alors que je leur ai donné une nourriture plus à leur goût et plus en rapport avec leur caractère sociable. Pour nous monter, nous avons acheté au Jardin d’Accli- matation cinq cents des alevins que j'avais fait éclore en 1888 à la pisciculture de l'établissement, à l'époque où jy étais employé; en outre, nous nous sommes procuré cinq cent cinquante autres jeunes poissons de même espèce chez un membre de la Société. Le développement de ces élèves est très satisfaisant. | Seule la Truite arc-en-ciel surpasse au même âge le Sazmo SAUMON QUINNAT ET TRUITE ARC-EN-CIEL. 31 Quinnat. J'en ai un bon nombre qui, à dix-neuf mois, pèsent 6 à 700 grammes. Les Quinnatl qui ont quatre mois de plus pèsent seulement 4 à 500 grammes. L'Ombre-Chevalier pourrait rivaliser avec ces deux salmo- nides pour la précocité; mais toutes les eaux ne lui con- viennent pas. Nous allons multiplier en grand à la pisciculture de Besse- mont le Saimo Quinnat et la Truite arc-en-ciel et nous pensons avoir des l’année prochaine 150,000 œufs de Quinnat et au moins 200,000 œufs de Truite arc-en-ciel. Nous espé- rons ainsi être pour la Société d’Acclimatation, qui a intro- duit ces précieuses espèces, d’utiles collaborateurs. En outre des Salmonides dont nous avons parlé, nous nous occupons de la reproduction des Carpes. Nous avons pu nous procurer des sujets de la belle variété longue et charnue qu'on trouvait jadis dans les environs de Compiègne, et qui est de beancoup supérieure aux Carpes arrondies qu'on ren- contre trop souvent. SUR LA NOURRITURE DE QUELQUES POISSONS DE MER (3° noTE *) Par M. H.-E. SAUVAGE. Depuis quelques années on a bien compris tout l'intérêt qui s'attache à l'étude de la nourriture des poissons de mer; des observations suiviés avec soin permettront seules, en effet, de déterminer la nourriture de ces animaux suivant les diverses époques de l’année, ces observations pouvant donner lieu à des conclusions pratiques des plus intéressantes. De même que les années précédentes, nos recherches ont plus particulièrement porté sur les Poissons de grande pêche, sans que nous ayons négligé d'étudier les Poissons qui fréquentent le littoral; ces recherches nous ont permis de constater les faits suivants : Scyllium catulus, Cuv. Des Roussettes adultes pêchées en mai, dans le Pas de Calais, contenaient en abondance, dans le tube digestif, des opercules de Buccin et des débris de Bernard Hermitte; nous avons trouvé la même pature, de juin à octobre, et de plus : Cancer pagurus jeune, Arénicole, Nereis, Nereïlepas. Scyllium canicula, Cuv. Nous avons trouvé le Nephrops norvegicus dans le tube digestif de cette espèce pêchée vers le banc du Galoper. Mustellus vulgaris, M. H. L’'Emissile semble se nourrir de préférence de Crustacés ; nous avons trouvé en mai et en juin chez des animaux pêchés dans le Pas de Calais : Bernard Hermitte, Crabe enragé (Carcinus mænas), Crevette grise, Squille Desmarest. Galeus canis, Rond. De même que la plupart des autres squales, le Milandre est très vorace ; nous avons trouvé dans le tube digestif en juin, juillet et août : Ammodyte’équille, () CE. Bulletin de la Société nationale d'Acclimatation, 5 juillet 1888. Revue des Sciences naturelles appliquées, 20 novembre 1889. SUR LA NOURRITURE DE QUELQUES POISSONS DE MER. 33 Raie bouclée jeune, Merlan, Poisson de Saint-Pierre jeune (Zeus faber), Morue jeune, Crevette grise, Ophmotryx fragilis. Acanthias vulgaris, Riss. La nourriture de l’Aiguillat se compose de poissons, de crustacés, de mollusques principa- lement ; nous avons trouvé de mai à août : Ammodyte équille, Petite Vive, Merlan, Aspidophorus cataphractus, Crevette grise, Crabe enragé (Carcinus mœænas), Bernard Hermitte, Natica Alderi, Trochus magus, Ophioglypta texlurata. Raia clavata, Lac. On pêche assez abondamment de jeunes Raiïes bouclées en rade de Boulogne, au petit chalut; nous avons trouvé dans le tube digestif, de maï à fin juillet, de petits crustacés : Æippolyte varicns, Gammarus marinus, Mysis, Bodotria arenosn, Crevette grise, Crabe enragé jeune, Idotea tricuspidata. Aspidophorus cataphractus, L. Cet Aspidophore, qui n’est pas rare en rade de Boulogne, se nourrit surtout de petits Crustacés ; nous avons trouvé dans le tube digestif en juin et en juillet: Crevet'e grise, Gammarus marinus et de nom- breux Copépodes, principalement des Temora. Cottus bubalis, Euph. Nous avons pêché de nombreux Cottes au chalut, en rade de Boulogne, du mois d'avril à fin août; la nourriture trouvée était : Gobius minutus, Carrelet jeune, Crevette grise, Carcinus mænas jeune, Tellina tenius, RiSsSOa pPurTva. Trigla gurnardus, L. En mai et en juin nous avons trouvé dans le tube digestif du Trigle gurnard: Gobius minutus, Ammodyte Equille, Crevette grise, Crabe enragé jeune. Mysis, ces derniers en grande abondance. Trachinus draco, L. Dans le tube digestif de la Grande Vive péchée au chalut en rade de Boulogne, nous avons trouvé d'avril à fin-juillet : Merlan jeune, Crabe enragé jeune. Bernard Hermitte jeune, Crevette grise, Eurydice pulchra, et, Sur un individu, deux exemplaires d’un Carabique, le Sphodrus tenruis. Trachinus vipera, Cuv. Nous avons trouvé dans le tube digestif de la Petite Vive péchée en rade de Boulogne, d'avril à fin-août: Gobius minutus, Crevette Du Sepiola atlan- tica, Loligo media. 11 Scomber scombrus, L. Il est rare qu’on-puisse étudier les résidus de la nourriture chez le Maquereau, le tube digestif étant presque toujours vide; nôus avons -cependant trouvé DJanvier 1801.12" 3 34 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. chez des poissons pêchés en juillet et en décembre dans le Pas de Calais des débris de Merlan jeune et d’Annélides ; nous avons trouvé des Copépodes dans des animaux de péche côtière, au commencement de décembre. Caranx trachurus, L. Dans le tube digestif de la Carangue nous avons trouvé de mai à juillet des débris de Merlan jeune, de Crevette grise et de Nereis; fin octobre des débris de Harengs. Callionymus lyra, L. Ce Callionyme se pêche fréquemment au petit chalut en rade de Boulogne ; nous avons trouvé en mai: Porcellana longicornis, Rissoa parva, Tellina fabula, Nereis, Nephthys; en août: Crevette grise, Gammarus, Nymphon gracile, Natica Alderi jeune, Donax anatinum jeune, Cardium edule jeune, Nephthys, Arénicole. Gadus luscus, L. Nous avons trouvé de jeunes Crabes (Carcinus mænas) et des Crevettes grises dans le tube diges- tif de Tacauds jeunes, pêchés en juin, en rade de Boulogne. Gadus morrhua, L. On prend la Morue à la palancre, sur les côtes du Boulonnaiïs; la nourriture trouvée a été, en mai: Gobius minutus, Crabe jeune (Carcinus mœænas), Gammarus, Mylilus edulis jeune, Nereis, Arénicole ; en juillet : Galathea strigosa, Porcellana longicornis ; en novembre : Gobius mi- nutus, Ammodyte Equille, œufs de poisson indéterminé, Cre- vette grise, Crabe enragé jeune, Bernard Hermitte, Gam- marus, Mysis, Arénicole. | Merlangus vulgaris, Bon. Sur les côtes d'Écosse on a remarqué que le Merlan se nourrit principalement d’autres poissons et plus rarement de crustacés ; la même observation a été faite pour les Merlans que l’on pêche à la palancre sur les côtes du Boulonnais ; nous avons trouvé en mai, juin, octobre et novembre: Gobius minutus, Ammodyte, Crevette grise, Gammarus, Arénicole, cette dernière espèce principa- lement en novembre. Limanda vulgaris, Goth. Les Limandes que l’on prend à la palancre sur les côtes du Boulonnais font presque exclusi- vement leur nourriture de Crustacés de petite taille et plus rarement d'Arénicoles ; nous avons trouvé de mai à fin novembre : Galathea, Eupuguras Berhardus jeune, Piri- mela denticulata, Gammarus, Ligia oceanica, Arénicole ; un individu péché en février avait le tube digestif rempli d’Ulva laclucaria. SUR LA NOURRITURE DE QUELQUES POISSONS DE MER. 33 Platessa vulgaris, Goth. Le Carrelet se prend à la palancre sur les côtes du Boulonnaïis pendant toute l’année ; sa nourri- ture consiste principalement en Crustacés et en Mollusques ; dans le résidu de la digestion nous avons trouvé en février : Crevette grise ; en avril : Crevette grise, Gammarus, Alauna rostratu (chez les individus jeunes pris au petit chalut). Tapes decussala jeune, Tellina ballhica, Nereis, Arénicole ; en mai : Crabe enragé jeune, Crevette grise, Donax anati- num, Syndesnia aiba, Tellina ballhica, Nereis, Nephihys ; en juin: Rissoa parta, Tellina ballhica, Cardium edule jeune, Moule jeune, Nereis ; en juillet, chez plusieurs indivi- dus le.tube digestif contenait en abondance des Cardium edule jeune et des Rissoa parva ; chez d’autres des Donax anatinum et des Tellina ballhica: en août : Donax anati- num jeune, Porcellana longicornis, Cuma (chez les individus jeunes), Nereis ; en octobre et en novembre : Nassa relicu- lata jeune, Nereis, Arénicole. Des Carrelets péchés au chalut entre le North Hinder et le West Hinder, à la fin du mois d'août, contenaient dans le tube digestif surtout des Crustacés et des Mollusques : Piri- mela denticulata, Diogenes varians, Eupagurus hermittus jeune, Nassa reticulata jeune, Natica Alderi jeune, Nutica fusea jeune, Scrobicularia prismatica, Mactra solida jeune, Tellina pusillu, Echinocyamus pusillus, Ophioglypha textu- rala. Platessa microcephalus, Donov. Dans le tube digestif de la Limandelle jeune, nous avons trouvé en avril de petits Crustacés : Mysis, Alauna rostrata, Gammurus. Flesus fiesus, L. De même que le Carrelet, et plus abon- damment que celui-ci, le Flet se prend pendant toute l’année sur les côtes du Boulonnais, à la palancre, ainsi qu’au chalut : la nourriture se compose principalement de Mollusques et de petits Crustacés; nous avons trouvé dans le tube digestif, en avril : Gaminarus, Alauna rostrata et Bodotria {ces deux dernières espèces chez les individus jeunes), Dexamine spi- nosa, Donax anatinum, Cardium edule jeune, Tellinu bal- thicx, Arénicole, fragments d'Obelia et de Sertularia ; en mai : Crevette grise, Cardium edule jeune, Donax anatinum, Teilina baithica, Syndesmia alba, Moule jeune, Nereis; en juin : Crevette grise, Rissoa parva, Tellina baithica, Tellina tenuis, Syndesmia alba (chez plusieurs individus les débris ” 36 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. de coquilles brisées remplissaient le tube digestif); en juillet nous avons plusieurs fois trouvé le tube digestif de Flets rempli de Rissoa parva avec quelques très jeunes Littorina rudis ; en octobre et en novembre : Tellina balthica, Syndes- mia alba, Donax anatinum, Nutica Alderi jeune, Aréni- cole. Solea vulgaris, Riss. En mai, juin et août nous avons trouvé dans le tube digestif de la Sole, pêche côtière : Cre- vette grise, Zdotea tricuspidatu, Gamimarus marinus, Tel- lhina balthica, Nereis, Arénicole. Des Soles pêchées au chalut au mois de juillet entre le North Hinder et le West Hinder contenaient : Gobius minutus, Ammodytes tobianus, Gala- thea, Crabe enragé jeune (Carcinus mænus), Mysis, Chiton albus, Tellina balthica, Tellina pusilla, Scrobicularia nilida, Nereis, Eunices, Phyllodore, £chinocyamus pusillus (abon- dant), fragments de Flustra foliacea. La nourriture trouvée dans des Soles prises au chalut au milieu du mois de décembre entre le Galoper et North Hinder était : Gobius minutus, Tellina pusilla, Porcellana longicornis, Echinocyamus pu- SULus. | Rhombus lævis, L. Nourriture trouvée en juin dans la Bar- bue : Merlan jeune. Rhombus maximus, L. Nourriture trouvée en juillet dans des Turbots péchés au chalut entre le North Hinder et le West Hinder : Ammodyte, Zellina balthica ; au milieu de décembre dans des Turbots péchés entre le Galoper et le North Hinder : Merlan jeune. Beione vulguris, C. V. Nourriture trouvée en juin dans l’'Orphée : Merlan jeune. Clupea harengus, L. De même que les années précédentes nous avons examiné un grand nombre de harengs provenant, tant de la mer du Nord que de nos côtes ; nous avons pu dès lors étudier la nourriture, qui consiste presque exclusive- ment en Copépodes ; voici d’ailleurs le dépouillement de nos observations faites en 1860 : ° Ainsi que nous l'avons noté les années précédentes, bien que l’on admette généralement que le Hareng ne prend plus de nourriture lorsqu'il est sur le point de pondre, nous avons cependant assez souvent trouvé des débris de nourriture dans le tube digestif de poissons dont les rogues et les lai- tances étaient bien développées. C’est ainsi que nous trou- SUR LA NOURRITURE DE QUELQUES POISSONS DE MER. 31 vons assez abondamment des Copépodes et des Annélides, correspondant à la nourriture rouge et verte des pêcheurs norvégiens sur des Harengs péchés à la fin du mois de juillet à Outer-Dowsing ; les Copépodes sont dans la proportion de 25 °/, les Annélides de 15 °/, chez les poissons examinés ; à la même date, des Harengs pêchés dans les parages de Mon- trose contenaient des Copépodes dans la proportion de 10 0, et des débris d’'Annélides formant feutrage dans le tube di- sestif, dans 9 °/, des poissons étudiés ; la même observation a été faite sur des Harengs pris à la même date, dans les parages de Peterhead, contenant des Copépodes sur 22 °/, des poissons, et des débris d’Annélides sur 4 °/. De même qu'en 1889, bien que les rogues et les laitances soient bien développées chez des Harengs péchés au com- mencement du mois d'août, par le travers d’Aberdeen, nous trouvons la nourriture rouge contenant des Copépodes sur le septième des poissons observés, la nourriture brun-rou- geñtre consistant en Copépodes et en débris de mollusques univalves chez 30 */, des Harengs, la nourriture rouge jau- nâtre composée de Copépodes et de débris d'Annélides dans la proportion de 14 °/,. À la même date, des Harengs, péchés près du cap Saint-Abbs, contenaient des Copépodes dans la proportion de 22 c/., des Copépodes et des Annélides dans celle de 9 c/,, des débris d’Annélides chez 15 ‘/ des poissons étudiés. Nous trouvons des Copépodes (Centropages, Temora, Pontellina), dans les proportions de 35 °/, chez des Harengs prêts à pondre et péchés à la fin du mois d'août, à Outer- Dowsing ; les Copépodes étaient également assez abondants dans le résidu de la digestion de Harengs péchés, à la même date, par le travers de Newcastle. La même observation a été faite sur des Harengs pêchés pendant le mois de septembre, dans le Fer-à-Cheval du Dogger-Bank, chez des poissons presque tous bouvards et dont quelques-uns même avaient déjà pondu, nous trouvons des Copépodes dans la proportion de 10 /,, des fragments de petits Gastropodes chez 20 °/, des poissons examinés, des débris d'Annélides chez 4 °/; chez 2 °/,, nous trouvons des Diatomées et quelques débris d'Hydraires (Obelia). Des Copé- podes, principalement des Temora, des fragments de petits Gastropodes, quelques débris d'Annélides ont été trouvés dans le tube digestif de Harengs pêchés par le travers de - 38 . REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Whitby et d'Harlepool, au commencement de septembre ; chez ces derniers, nous notons 7emora longicornis, Cen- tropages hamatus. Des Harengs, péchés à la même date, à Outer-Dowsing, contenaient, d’après M. E. Canu, Temora longicornis, très abondant, Pontellina Waliastoni, rare, Pa- racalemus parvus, rare, Centropages hamatus, très rare. C'est vers le milieu du mois d'octobre que commence la pêche du Hareng dans le Pas de Calais; à cette époque la rogue et la laitance sont généralement développées, bien que le poisson ne soit pas encore prêt à pondre ; pendant ce mois nous avons trouvé la nourriture rouge, composée de Copé- pode surtout de Temora longicornis, chez 20 °/, des pois- sons étudiés ; chez 16 2/, le résidu de la digestion d’un jaune- verdâtre était indéterminable. En novembre, surtout vers la fin du mois, la plupart des Harengs sont prêts à pondre ; la nourriture trouvée a été : Copépodes 20 ‘/,, Annélides 2 °c}, nourriture jaunâtre indé- terminable 12 °/,. À la fin de ce mois, nous avons trouvé la nourriture rouge consistant en Copépodes, chez 6 °/, des mâles examinés, chez 15 °/ des femelles ; les Copépodes trouvés étaient tous des Temora longicornis. Au moment où il va pondre, le Hareng prend beaucoup moins de nourriture qu'avant ou après la ponte. Pour des Harengs péchés au commencement de décembre nous trou- vons des résidus de la digestion, Copépodes, chez 24 °/, des poissons ayant pondu, tandis que nous ne trouvons de Copé- podes que chez 8 °/, des Harengs prêts à pondre. En janvier, les Harengs ont tous pondu, aussi trouvons- nous des résidus de la nutrition dans le tube digestif chez 30 °} des poissons examinés. Il en est de même au commen- cement du mois de février; nous avons trouvé, à cette époque : Temora longicornis, abondant; Paracalanus pau- vus, rare ; Centropages hamatus, rare. Conger vulgaris, Guv. Dans le tube digestif du Congre, nous avons trouvé, en juin, juillet et août, le Merlan, le Crabe enragé jeune (Carcinus mænas) et le Crabe tourteau jeune. ES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES PAR JuLES GRISARD ET MaAxIMILIEN VANDEN-BERGHE. Les deux dernieres Expositions universelles ont été, pour nous, l'occasion d'étudier sur des échantillons authentiques envoyés par les gouvernements étrangers, les qualités des différentes essences employées dans les arts et l’industrie. Plusieurs milliers de ces échantillons nous ont passé entre les mains et nous ont permis de les comparer et de contrôler, d’une façon rigoureuse, les documents que nous avions déjà réunis depuis nombre d'années. Disons, à ce propos, que la tâche aride que nous nous étions imposée, nous a été grandement facilitée par MM. les commissaires étrangers surtout, qui, à défaut de connais- sances spéciales sur le sujet qui nous intéressait, se sont toujours montrés empressés à nous être utiles dans la me- sure de leurs moyens. Nous devons tout particulièrement témoigner ici notre reconnaissance à notre ami M. le docteur Parra-Bolivar, consul général du Vénézuéla, qui a su orga- niser d’une facon si remarquable l'exposition des produits de son pays, ainsi qu'à MM. G. Niederlein de la République Ar- gentine, Cadiot du Paraguay, Crespo y Martinez du Mexique et notre compatriote M. C. Malfroy, officer assistant de la Nouvelle - Zélande, dont le concours nous a été des plus précieux. _ Malgré les innombrables notes prises de visu, nous avons dû nous reporter, pour faire un travail d'ensemble com- plet, à quelques ouvrages particuliers à la flore forestière de certaines régions, représentée imparfaitement dans les collections que nous avons examinées. Nous citerons parmi ces travaux ceux de MM. de Gayffier pour nos espèces indi- gènes, Mène et Dupont pour le Japon, H. Sebert pour la Nouvelle - Calédonie. Baron Von Mueller pour l'Australie, Henri Jouan et James Hector pour la Nouvelle-Zélande, etc. 40 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Quant aux bois de la Cochinchine, encore si mal connus, il y à peu d'années, disons qu'ils font en ce moment l’objet, dela part de M. Pierre, directeur du Jardin botanique de Saïgon, d'une savante et luxueuse publication qui, malheureusement, n’est pas à la portée de tous; ce motif nous a décidés à donner, d’après cet auteur, dont la compétence est indiscu- table, une large place aux productions forestières de notre colonie, en FETE" de cet ouvrage les renseignements pratiques qui s’y rencontrent. Le travail que nous commençons 2er à Pire pa- raître ne sera certes pas une œuvre littéraire : c’est une œuvre de consciencieuse compilation, à laquelle nous avons ajouté fréquemment nos observations personnelles ; elle a exigé de notre part des recherches considérables, souvent très laborieuses, et nous y avons apporté les soins les plus minutieux. C’est, croyons-nous, la première publication du senre faite à ce point de vue. Nous pensons que, par la nature même des faits qu’elle renfermera, cette étude trouvera auprès des lecteurs de la Revue des Sciences naturelles appliquées, un accueil aussi bienveillant que celui rencontré par nous pour nos précédents travaux. L'ordre scientifique nous a semblé préférable à l’ordre géo- graphique, car il évite de nombreuses et inutiles répétitions. Après quelques généralités sur les familles, nous énumé- rons les espèces ligneuses, les genres étant classés alphabé- tiquement dans les familles. Nous donnons, pour chaque espèce, sa synonymie scientifique et ses principaux noms vulgaires, puis une description sommaire de l'arbre, son habitat et, chaque fois que nous le pouvons, sa station naturelle. Pour les bois, nous indiquons leur aspect su sique et les qualités particulières qui les distinguent, ainsi que leurs usages et emplois. Enfin, nous complétons ces indications, s’il y a lieu, par un aperçu rapide sur les utilisations des autres parties de la plante. T1 nous semble inutile d'ajouter que nous donnerons, quand l’occasion s’en présentera, les indications relatives à la culture et à l’acclimatation, soit au point de vue de l’orne- mentation, soit à celui des avantages que l’industrie poürrait retirer de certains végétaux peu ou point connus dans notre pays. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 41 FAMILLE DES DILLÉNIACÉES. La famille des Dilléniacées qui comprend quarante-huit genres et environ deux cents espèces, offre une distribution séographique assez complexe ; cependant, on peut dire d’une manière générale que ces espèces se rencontrent dans les pays chauds. La moitié de celles-ci appartiennent à l'Asie tropicale et à l'Amérique, très peu à l'Afrique, et l’autre moitié à l'Australie où la plupart s’observent en dehors du tropique. Les Dilléniacées sont des arbres, des arbrisseaux et même de simples arbustes, à feuilles ordinairement alternes, plus rarement opposées, simples, entières ou dentées, souvent persistantes et coriaces. Cette famille ne présente guère qu'un intérêt scientifique, et les espèces utiles y sont assez peu nombreuses. Outre celles qui fournissent des bois, quelques-unes, toutefois, sont riches en tanin et donnent, au contact du fer, une couleur noire susceptible d'applications industrielles. Cette propriété est surtout remarquable dans_ le genre Schumaria; elle est moins accentuée dans les genres Tetracera, Davilla et Curatella. Leurs propriétés astringentes les font également employer en médecine. CURATELLA AMERICANA L. Curatelle d'Amérique. C'. Guianensis ? Brésil: Cajueiro bravo, Caimbahiba. Guyane : Paricé. Indiens : Curatahie. Vénézuéla : Chaparro colorado. Arbre de petites dimensions à tronc tortueux. Feuilles per- sistantes, alternes, ovales - oblongues, décurrentes sur le pétiole, subdenticulées et très rudes. Originaire de l'Amérique méridionale, il croît dans les sa- vanes de la Guyane, au Vénézuéla et dans le Nord du Brésil. Son bois de couleur brun rougeâtre, veiné ou jaspé, selon le sens dans lequel on le travaille, est lourd, dense, durable et bon pour la fabrication de divers objets tournés, mais il est ordinairement peu employé. À Cayenne, on le désigne quelquefois sous le nom d’Acajou bâtard à cause de sa cou- leur et de sa texture assez fine. 42 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. L’écorce est employée dans l’industrie pour le tannage des peaux, et la partie intérieure est utilisée. en médecine comme lotion astringente. Les feuilles du C. Americana présentent une rugosité peu ordinaire, commune à plusieurs espèces de la famille des Dil- léniacées, mais qui est plus accentuée dans celle-ci, par suite de la quantité plus considérable de matière siliceuse renfer- mée dans les feuilles, À la Guyane, ces dernières sont recher- chées des ouvriers indigènes, peu-habitués aux moyens em— ployés dans les grandes villes, pour le polissage du bois et même des métaux. Les Indiens s’en servent de la même facon pour leurs armes de chasse et de combat, arcs, assom- moirs, etc. Au Vénézuéla on les utilise également pour poncer les objets délicats. | Lécèrement écrasées et appliquées sur les ulcères, ces feuilles sont détersives ; leur décoction sert à laver les plaies et comme topique. Le C. Cambaiba À St H.se rencontre plus particulièrement au Brésil et sert aux mêmes usages que l'espèce précédente. Les Curatella ne renferment guère que deux ou trois es- pèces connues jusqu’à ce jour ; cultivés comme plantes orne- mentales, ils demandent moins de chaleur que les Dillenia et pourraient probablement réussir en serre tempérée. On les multiplie de boutures. DILLENIA AUREA Sy. Colbertia obovata B1. Dillenia ornata WALL. — pulcherrima KURZ. Annamite : So do. Indes Néerlandaises : Sempoer. Sempoe. Sompohr. Kmer : Dim-peloi. Phlu. Malacca : Simpoh. Arbre de moyenne grandeur, pouvant atteindre 8-15 mètres d’élévation, à tronc court, épais et noueux, recouvert d’une écorce blanche extérieurement, rouge en dedans, tombant par plaques polygonales. Feuilles oblongues, obovées ou acu- minées, cunéiformes aiguës ou obtuses à la base, crénelées ou dentées en scie. Indigène des régions centrales de Java, on le rencontre encore en Birmanie, en Cochinchine et au Cambodge où il est commun dans les régions montagneuses. cr 24: TE LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 43 Son bois est gris ou brun-rougeâtre, bien marbré et veiné, dur, compact, à grain serré, mais noueux et difficile à tra- vailler. Sa grande solidité et sa résistance le font employer à Java dans les constructions, mais on s’en sert surtout pour faire des poteaux. Les Cambhodgiens l'utilisent à la confec- tion de certains ustensiles tels que mortiers, auges, moulins MrIZ, etc. Dans l'Inde, on délaie dans l’eau le suc astringent du fruit et on s’en lave la tête pour empêcher la chute des che- veux. DILLENIA BLANCHARDIT PIERRE. Annamite: So ho. Arbre d’une hauteur de 10-15 mètres, dont le tronc n’at- teint guère qu'un diamètre de 25-30 centimetres. Feuilles stipulées, elliptiques, oblongues, aigués à la base, terminées par une courte pointe, complètement obovées ou obtuses, à peu ondulées sur les deux bords, coriaces, ponctuées sur les deux faces. Commun en Cochinchine et à l’île du Poulo-Condor, on le rencontre sur les coteaux boisés à une altitude variant entre 100 et 150 metres. Son bois est rougeâtre et un peu plus léger que celui des autres Dillenia, mais il est moins employé à cause de ses dimensions restreintes. DILLENIA ELATA PIERRE. Annamite : So bà nui. Kmer : Pelou pnom. Arbre d’une élévation de 25-30 mètres, à tronc grisâtre et à écorce rouge, d’un diamètre de 40-60 centimètres. Feuilles oblongues, rétrécies à la base, obovées au sommet, obtuses _aux deux extréminés, brillantes en dessus, légèrement velues sur la face inférieure. Assez répandu dans les montagnes de la Cochinchine et du Cambodge. Son bois, d’un brun-rougeâtre et conservant cette colo- ration à l’état sec, est fibreux et d’une densité moyenne. Sus- ceptible d’un beau poli, il se travaille assez facilement ; c’est d’ailleurs un des plus estimés parmi les divers bois fournis 44 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. par les arbres du genre Dillenia. Les Annamites et les Cam- bodgiens l’emploient pour colonnes de support et sous formes de planches ou de madriers. Sa conservation assez longue, même dans l’eau, le fait encore rechercher des indigènes pour la construction de leurs jonques. DILLENIA HOOKERI PIERRE. Annamite : So #ho. So bac. So trang. Arbre atteignant ordinairement une hauteur de 10-15 mè- tres dans les forêts, mais peu élevé et même buissonnant dans les clairières et les cultures en plaines. Feuilles longue- ment pétiolées, oblongues, lancéolées, souvent obtuses au sommet, dentelées en scie, presque glabres sur la face supé- rieure, tomenteuses argentées en dessous. Originaire de la Cochinchine, cette espèce est répandue dans les provinces de Saïgon, Baria, Tay-Ninh et au Cam- bodge, dans celles de Samrongtong, de Tpong et de Pussath. Son bois est rougeñtre, noueux, tordu et très peu utilisé ; les indigènes ne s’en servent guère que pour faire des po- teaux, des palissades, des manches d'outils, des clochettes pour les buffles, etc. Au point de vue ornemental, le D. Hookeri est une espèce qui mériterait d'être propagée; elle s'accommode de tous les terrains, mais sa croissance paraît très lente. DILLENIA OVATA WaLL. Annamitie : S6 trait. Kmer: Pelou. Arbre de 25-30 mètres de hauteur dont le tronc est recou- vert d'une écorce rougeâtre épaisse de 1 centimètre environ. Feuilles ovales ou ovales-oblongues, acuminées, obtuses et souvent obovées, très obliques à la base, ondulées sur les bords. Très commun dans la Basse-Cochinchine et le Cambodge, on le rencontre également à Malacca, Siam et Bornéo. La section transversale du tronc présente un bois rougeà- tre d’une teinte uniforme, ce qui fait que l’on ne distingue le cœur de l’aubier que par la texture plus fine de la partie cen- trale et le tissu moins dense de la périphérie. Un peu plus lourd que celui de ses congénères, susceptible de prendre un beau poli et d'être facilement travaillé, ce bois convient à RE D En ER LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 45 toutes sortes de travaux. Les indigènes l’emploient pour co- lonnes de cases, planches et madriers ; ils en font aussi des clochettes pour les bœufs et les buffles, car ils lui attribuent la propriété d'être bon conducteur du son lorsqu'il est sec. En Europe, ce bois pourrait être essayé dans l’ébénisterie, dans le cas où il serait facile d’en faire quelques chargements sur les navires en partance de nos possessions où l'arbre se rencontre abondamment. DILLENIA PENTAGYNA Roxs. Colbertia Coromandelina DC. Wormia Coromandeliana SpR. Annamite: So 0à. Kmer: Dom chhœu rué ou roré. Moï : Me roi ou M'’roi. Tamoul : Rawadam. Grand et bel arbre d’une hauteur moyenne de 25-30 me- tres sur un diamètre de 56-60 centimètres, dont le tronc est recouvert d'une écorce grisätre tombant par plaques. Feuilles alternes, oblongues et lancéolées sur les jeunes tiges, obovées ou à peine acuminées dans les vieux arbres, cunéiformes et aigués à la base, pubescentes sur la face inférieure. Originaire de l'Inde péninsulaire, on le rencontre encore spontané en Birmanie, à Bornéo, dans la presqu'ile de Ma- lacca, en Cochinchine et au Cambodge où il croît surtout dans les terrains silicieux. Son bois, de couleur gris brun, à peine rougeûtre, est dense, fibreux, et d’un travail assez difficile. Il est d’une bonne conservation, car M. Pierre dit avoir vu des poteaux enterrés depuis onze ans dans un sol humide, tout à fait intacts. On l'utilise pour toutes sortes de constructions, et il Convient même pour la marine; on en fait aussi des meubles estimés. Les Annamites s’en servent pour planches et madriers et surtout pour la préparation du charbon. Les feuilles, de dimensions colossales dans le jeune âge où elles peuvent atteindre jusqu'à deux mètres de longueur sur une largeur de vingt-cinq centimètres, sont souvent utilisées comme couverture dans les constructions passageres. Le D. pentagyna est un des plus beaux arbres d'ornement connus, sa croissance est très rapide et ses graines conser- vent leur propriété germinative pendant fort longtemps. 46 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. DILLENIA SPECIOSA TAUNB. Dillenia Indica L. Cochinchine : So X6. Inde: Chalta, Uva, Ruvya. Indes néerlandaises : Sompoer ayer. Sompohr ayer. S. tjaai. Sigoer. Grand arbre d'une hauteur de 20-30 mètres sur un diamètre de 40-50 centimètres, dont le port offre quelques ressem- blances avec le châtaignier à grandes feuilles. Feuilles al- ternes, persistantes, ovales-aigués, dentées en scie, d’un beau vert tendre en dessus. Originaire du Malabar, cette espèce croit encore à l'état sauvage dans la plus grande partie de l'archipel indien. Cet arbre fournit un bois gris-rougeàtre, dur, pesant et compact, qui se travaille aisément et résiste longtemps aux influences atmosphériques. On l’emploie pour la charpente, les constructions navales, la confection des roues de moulins. Sa longue conservation en terre le fait rechercher particu- lièrement pour poteaux. Plongé quelque temps dans l'eau courante, ce bois acquiert une dureté excessive et sert alors à fabriquer divers objets de fantaisie et de parure. L'écorce est astringente et sert pour le tannage des peaux. Comme chez plusieurs espèces de ce genre, le calice épaissi du D. speciosa contient un suc qui est employé, dans toute l'Asie méridionale, à la préparation de boissons et de ragoüts acides. Le fruit n’est pas comestible, mais on l'utilise aussi comme assaisonnement et pour remplacer le citron, sa sa- veur est acidule. Le D. scabrella (Colbertia scabrella Dox., Wormia sca- brella Srr.), Bengali : Agosthyo, est usité de même. On trouve encore aux Indes néerlandaises, parmi les espèces utiles de ce genre, le D. eximia Mio. « Ranggang bako », arbre de moyenne grandeur, des Lampongs, dont le bois pâle, dur, compact, d’un travail facile, s'emploie dans les constructions, et une espèce indéterminée, connue dans le pays sous le non de Sempoer raioe, dont le bois ressemble beaucoup à celui du D. speciosa. Enfin, le D. Baillonii PreRRE, mentionné par M. J.-L. de Lanessan, est un très bel arbre d'ornement, originaire‘ du Cambodge, dont le bois est analogue à celui du D. penta- gyna. IL est assez facile à travailler et les indigènes l’em- LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNLS ET EXOTIQUES. LT ploient pour faire des sceaux ; ils le disent cassant et l’es- timent moins que le Sobà nui (D. elala). Les Dillenia sont en général des végétaux assez délicats qui demandent chez nous la serre chaude et quelques soins. HIBBERTIA LUCENS A. BRoONG. et GRIs. Arbrisseau ou petit arbre à cime arrondie et très dense, dépassant rarement une hauteur de 5 mètres et un diamètre de 10-15 centimètres ; tronc recouvert d'une écorce fibreuse et très mince qui se détache en bandelettes perpendiculaires. Feuilles alternes, subsessiles, très rapprochées, allongées et étroites, légèrement échancrées au sommet, coriaces, lui- santes en dessus, soyeuses, argentées en dessous. Criginaire de la Nouvelle-Calédonie, cette espèce se ren- contre le plus souvent dans les terrains ferrugineux. Son bois, d’une teinte rougeàtre uniforme avec reflet gris, est très dur, un peu grenu et sans aubier. D'un travail assez facile, mais cassant et de faibles dimensions, il ne peut guère s'employer que pour le tour et quelques petits travaux de menuiserie. — Sa densité moyenne est de 0,686. L'AÆHibbertia scäbra A. BRGT. et GR. qui croît dans les mêmes localités est une espèce voisine qui produit un bois de même qualité ; elle ne se distingue de la précédente que par ses fruits capsulaires, plus larges et très rudes. TRISEMA CORIACEA Hoox. f. Petit arbre d’une hauteur de 5 mètres environ, sur un dia- mètre moyen de 20 centimètres; tronc recouvert d'une écorce blanchaâtre, fendillée transversalement. Feuilles al- ternes, ovales-allongées, obtuses au sommet, coriaces et gra- nuleuses, d’un vert pâle en dessus, marron en dessous. Cet arbre, qui se rencontre dans les sols ferrugineux de la Nouvelle-Calédonie, fournit un bois d’une teinte foncée, à grain fin et très dur qui, d'après M. H. Sebert, paraît con- venir aux ouvrages de tabletterie. Le T. Pancheri À. BrGT. et GR., originaire également de ce pays, donne un bois semblable, susceptible des mêmes applications. (A suivre.) INDUSTRIE DES ORANGES ET DES CITRONS EN ITALIE Par M. JuzreN PETIT. Nous empruntons à deux rapports adressés à leurs gouver- nements respectifs par le consul anglais de Livourne et le consul des Etats-Unis à Messine, les renseignements sui- vants sur la culture et l’industrie des Oranges. L'Oranger ne s’exploite plus guère en Sicile aujourd’hui, que dans la province de Palerme. tous les arbres de la pro- vince de Messine, détruits par la gomme pendant la période comprise entre 1865 et 1870, ayant été remplacés par des Citronniers greffés sur Orangers. Le port de Messine expédie encore des Oranges il est vrai, mais elles viennent de la pro- vince de Reggio, à l'extrémité méridionale de l'Italie. Ce sont . des fruits fermes, peu colorés, acides, envoyés pour la ma- jeure partie en Angleterre. Quoique le climat plus chaud de la partie sud de l'Italie, de la Calabre, et son sol sablonneux et léger, mürissant les Oranges plus tôt qu’en Sicile, permet- tent de commencer la récolte en octobre, la plupart d’entre elles restent sur les arbres jusqu’en décembre et janvier. Les Oranges se cueillent généralement en novembre en Sicile, où on préfère courir les risques de la gelée, très rare du reste, et attendre leur complète maturation; seuls, quel- ques fruits de Milasso à 50 kilomètres au nord-ouest de Messine, sont détachés encore verts, dès le mois d'octobre, et envoyés aux confiseurs anglais; ils peuvent se conserver pen- dant une quarantaine de jours. Les Orangers poussant en terrain sablonneux, mürissent plus tôt leur récolte que les arbres des terrains argileux ; il est vrai que ceux-ci peuvent la porter jusqu’en avril. L’Orange, pâle et de petite taille en sol sablonneux, prend sur sol argileux une teinte rougeâtre, et de plus fortes dimensions. Les fruits cueillis en novembre restent trois jours empilés { nn ia rad INDUSTRIE DES CRANGES ET DES CITRONS EN ITALIE. - 49 sur le sol au grand air, simplement protégés par des bâches, puis on enveloppe chacun d'eux de papier, et on les envoie par caisses à Messine. Aussitôt arrivés aux magasins de l’ex- portateur, qui achète souvent la récolte encore sur les ar- bres, tous sont examinés successivement, entourés de papier neuf et remis dans les caisses, puis on les expédie sans perdre de temps. Certaines maisons de Messine occupent pendant cette partie de l’année, jusqu’à trois cents femmes et jeunes filles, qui gagnent de 1 franc à 1 fr. 25 par journée de neuf heures à trier et envelopper les Oranges. L’emballage et le transport des caisses sont exécutés avec les plus grands soins par des hommes. On ventile aussi souvent que possible la cale des navires, généralement des vapeurs, qui les emmènent. Les Oranges se conservant le mieux, sont expédiées par voiliers aux Etats-Unis. Les Siciliens gardaient autrefois pendant quatre à cinq mois dans du sable, les fruits destinés à leur consommation personnelle, mais on parait avoir renoncé à cet usage. Le son qui avait été essayé pour remplacer le sable est également abandonné, car il active trop la végétation. Les grosses _ Oranges venues en terrain argileux, riche en matières orga- niques, sont exclusivement consommées dans l'ile. Cueillies à la fin de mai, on les emmagasine dans des grottes fraiches et bien ventilées, creusées dans les montagnes voisines de la ville. Disposés en deux couches sur de grands paillassons, ces fruits sont visités et retournés tous les jours ou tous les deux jours, et on élimine ceux qui présentent des symptômes de moisissure ou de corruption. Une des principales variétés de Citronniers cultivées en Sicile, est le {unare ainsi nommé parce qu’il porte simultané- ment des fleurs: et des fruits. Deux catégories de fruits se distinguent dans tous les Citronniers: les Citrons proprement dits, venant de boutons qui éclosent régulièrement en avril et en mai, et les Citrons bâtards, issus de boutons irréguliers se développant en février, en mai, en juin, en juillet, leur nombre dépendant surtout de la quantité de pluie tombée, de l’ardeur et de la durée- de l'été. Les premiers exigent neuf mois pour arriver à maturité parfaite, c'est-à-dire que si les fleurs éclosent en mai, les fruits seront muürs à la fin de jan- vier de l’année suivante. On prôcède à trois réccltes an- 5 Janvier 1801. 4 90 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. nuelles. La première se fait en novembre, ses fruits, impar- faitement mürs, se conservent jusqu’en avril et en mai. La deuxième se fait en décembre, et fournit des Citrons qu'on doit expédier dans un délai maximum de trois semaines, car ils jaunissent très vite. La troisième enfin, dont le produit est exclusivement réservé à l'exportation, s'exécute en mars et en avril. Les Citrons bätards diffèrent les uns des autres par la forme et la couleur; leur écorce est généralement mince, la pulpe ferme, riche en acides, les graines font toujours défaut. Ceux dont les fleurs éclosent au commencement de juin, res- tent verts jusqu'en avril de l’année suivante, et murissent seulement en juillet, au bout de treize mois environ. Résis- tant mieux aux vents, aux intempéries et aux attaques des insectes que les Citrons proprement dits, ils fournissent sou- vent une récolte plus abondante. | En dehors des fruits exportés sous leur forme naturelle, l'Italie expédie aussi en divers pays des écorces d'Oranges et de Citrons confites dans le sucre. Livourne, par exemple, possède sept usines se livrant à cette spécialité industrielle, pour laquelle elle occupe le premier rang. Les Oranges dont on y confit l'écorce, sont originaires de la Sicile, de la Sar- daigne et de la Corse, les Citrons viennent de Corse, de Sicile, de Calabre, des autres provinces méridionales de l'Italie, de Tunis, de Tripoli et même du Maroc. Le sucre servant à cette opération, est importé d'Egypte, le bois des caisses est fourni par le port de Trieste. Les Citrons corses sont les plus estimés; les fruits calabraiïs et siciliens viennent ensuite, puis au dernier rang, ceux de l'Afrique, qui appar- tiennent à une variété spéciale, car ils sont très gros, et leur peau lisse, non granulée, est dépourvue de l'huile essentielle à laquelle elle doit habituellement son arôme. Oranges et Citrons, coupés en deux dans le pays de production, sont mis dans de grandes futailles, contenant une forte saumure, qui peut ainsi les imprégner plus facilement. Apres leur arri- vée à l'usine, des femmes détachent les moitiés d’écorces avec le pouce et l'index, et les placent dans des vases pleins d’eau où elles se dessalent pendant deux ou trois jours, puis on les fait bouillir une heure ou deux, afin de rendre l'absorption du sirop de sucre plus facile. | À Cette absorption, lente, graduée, dure huit jours; elle s’o- es INDUSTRIE DES ORANGES ET DES CITRONS EN ITALIE. o père dans de grandes jarres de 500 litres environ de capacité, où les écorces sont en contact avec un sirop qu'on renouvelle tous les jours, le remplaçant par un autre plus riche en sucre. On les plonge ensuite dans une dernière solution fort épaisse maintenue à l’ébullition, puis on procède au confisage, qui consiste à les faire légèrement bouillir dans un sirop peu aqueux, et à laisser le sucre se cristalliser à leur surface. Des femmes les rangent enfin dans des boîtes aux:angles arrondis, pesant de 7 à 14 kilogs pour Hambourg, de 4 à 5 kilogs pour les Etats-Unis, de 2 kilogs 5 à 3 kilogs pour l'Angleterre, et ces boîtes sont emballées dans des caisses qui en contiennent 100 kilogs environ. L'industrie de Livourne, à etre cette ville fournit sim- plement la main-d'œuvre, tend du reste à trouver une concurrence en Angleterre, où des établissements de confi- sage se sont récemment installés, afin de traiter des fruits recus de Bastia. LA FAUCONNERIE D’AUTREFOIS LA FAUCONNERIE D'AUJOURD 'AHUI Conférence faite à la Société nationale d'Acclimatation le 21 mars 1890, PAR M. PIERRE-AMÉDÉE PICHOT. Mesdames, Messieurs, En venant assister dans cette salle à une conférence sur la fauconnerie, je crains que votre première impression n'ait été celle d’une déception lorsque vous avez vu monter à cette tribune un Monsieur en habit noir, au lieu du page en pour- point de satin et en manteau de velours, au Heu du chevalier bardé de fer, que vous aviez sans doute rêvé. C’est que la fauconnerie est en effet inséparable de ces sou- venirs de vie élégante et d'existence aventureuse qu’elle évoque infailliblement devant nous, et c'est bien cette asso- ciation intime qui a fait son malheur en laissant croire aux générations contemporaines, que l'art de la fauconnerie était un art du temps passé, aussi difficile à faire renaître et à voir fleurir de nos jours que les bastilles et les tours de Nesles, dont nous avons vu récemment la reconstitution... en carton, autour du Champ-de-Mars; aussi perdu que les diligences à cinq chevaux ou « les coucous ostinés » dans lesquels nos pères se rendaient à la campagne pour respirer les âcres sen- teurs des champs. | Avant de vous montrer qu'il n’en est point ainsi, que la fauconnerie n’est pas morte et que même elle n’a jamais été mieux pratiquée que par les adeptes qui en ont perpétué les traditions et perfectionné les procédés, je voudrais cependant m'attarder quelques instants avec vous dans ce passé qui n’est pas seulement charmant parce que nous le voyons à travers le prisme de l’éloignement et de la distance, mais parce qu'il est tout plein de cette atmosphère de poésie et de ce parfum LA FAUCONNERIE AUTREFOIS ET AUJGURD'HUI. 03 de noblesse dont il me semble que nous devons d'autant plus cultiver les foyers, que le siècle réaliste où nous vivons tend davantage à étouffer la voix des nymphes et des driades sous le bruit de l'enclume des forgerons, et, alors que l’autel des vestales n’est plus entretenu que par le pétrole et par l’élec- tricité, il est bon de songer un peu au feu de bois de nos pères. C'est si joli un feu de bois ! Un chevalier breton bardé de fer chevauchait dans la forêt de Broceliande, se dirigeant vers la cour du roi Arthus, vers ce château fameux dont il me serait difficile aujourd'hui de vous préciser la situation, malgré les progrès de la géogra- phie, mais qui était bien connu à cette époque, puisque notre chevalier était en route pour s’y rendre. Le chemin n'était cependant pas si connu que le chevalier ne se perdit dans les bois d'alentour !: Tout à coup, au détour d’une route, il se trouva en face d’une belle damoiselle montant un élégant palefroi, laquelle l’arrêta et lui dit poliment : « — Beau chevalier où vas-tu ? » — Que vous importe », répondit le chevalier du ton con- trarié des gens qui ont perdu leur route et qui risquent de passer la nuit dans un bois: » — Il m'importe, reprit la damoiselle, car je prends inté- rêt à ce que tu vas faire. Tu vas chercher le fameux épervier qui se tient sur un perchoir à la porte du château du roi Arthus ! » — C’est vrai, avoua le chevalier tout confus. » — Eh bien, je vais t'aider à atteindre ton but, mais écoute bien ce que je vais te dire. » Les damoiselles étaient très généreuses et très complai- _santes dans ce temps-là. Celle-là était fée d’ailleurs. Il serait trop long de vous redire les conseils qu’elle prodigua à l’aven- tureux chevalier pour lui permettre de surmonter tous les obstacles et de vaincre les monstres qui devaient lui barrer le chemin. Toujours est-il qu’elle échangea son élégant che- val qui connaissait les sentiers les plus secrets de la forêt, contre le lourd destrier de combat de son interlocuteur et, _ fort de sa protection, notre héros finit par découvrir le chà- teau du roi Arthus, qui se perdait un peu dans les nuages, j'imagine, comme aujourd’hui la tour Eiffel. Ayant surmonté tous les obstacles, il obtint le faucon merveilleux qui vint de 54 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. lui-même se percher sur son gant et, attaché aux jets qu'il portait aux pattes, le chevalier découvrit, à sa grande sur- prise, un livre composé de feuillets d'or. Une voix se fit en- tendre qui lui dit : « Prends ce livre précieusement, c’est le code d'amour rédigé par le Dieu d'amour en personne pour servir de guide à tous les loyaux amants. » Le chevalier rapporta donc en même temps que l’épervier, ce code dont il fit hommage à la dame de ses pensées, et ce code a été depuis lors appliqué dans toutes ces cours d'amour qui furent un des grands instruments de civilisation du moyen âge. L'influence de la femme, si puissante dans toutes les trans- formations sociales, était difficile à exercer dans ces temps sauvages, dans cet âge de fer où l’on passait sa vie à se battre, à voyager, où l’on était toujours sorti! Par la fau- connerie, les femmes prirent une grande influence dans les plaisirs extérieurs de leurs seigneurs et maitres dont.elles n'auraient guère pu partager autrement les ébats violents. Par les cours d'amour, elles tranchèrent une foule de diffi- cultés d'intérieur d’une facon un peu précieuse, un peu sub- tile peut-être et difficile à comprendre à notre époque. Et ainsi, jugeant et chassant tour à tour, elles assoient leur autorité et mènent ce monde barbare par le bout du nez aussi facilement que le monde civilisé. Nous voici donc en pleine poésie avec la fauconnerie du moyen àge et les trouvères qui, de château en château, s’en vont accorder leur lyre et chanter les hauts faits des belles châtelaines. C’est sous la forme d’un autour que le poétique amant du Lai d Yivenec apparut à son amie qui languissait dans une tour. Dans Guillaume au faucon, c'est sous l’allé- corie transparente de cet oiseau que la douce chàätelaine, aimée de Guillaume, explique à son baron, la passion qui allait causer la mort de son écuyer favori. Dans Garin de Monglave, une des plus belles chansons de geste du Cycle de Charlemagne, la reine avouant son amour pour Garin, dans son élan de franchise passionnée, n'oublie pas d'ajouter à la liste de tout ce qui lui est devenu indifférent depuis qu'elle aime, les joies de la fauconnerie : Voir voler autour, gerfaut ni faucon, Epervier ni sacret, ni vol d'émerillon, LA FAUCONNERIE AUTREFOIS ET AUJOURD'HUI. 9 ne peuvent la charmer ni la distraire. Dans la Vengeance de Raguidel, la belle Ydoine, se préparant à accompagner son ami Ydain à la cour, prend pour tout bagage un épervier sur son poing, comme nous prendrions aujourd'hui un sac de nuit. Enfin partout, dans le Roman de Méraugis de Portles- quez, dans le Bet Inconnu, l'épervier est le prix que se dis- putent les combattants dans les tournois pour l'offrir à leurs belles : | « — Beau sire, dit à Gifilet le bel inconnu, pour quelle cause voulez-vous dire que la belle Marguerite l’espervier ne doit avoir. » — Parce que ma mie est plus belle. » Et les épées de sortir du fourreau, les lances de frapper les boucliers sonores et les braves chevaliers de mordre la poussière. Mais si la fauconnerie occupe une place si importante dans les œuvres d'imagination de nos premiers poètes, c'est qu’elle était intimement liée aussi à tous les événements de la vi réelle, et nous la voyons jouer un rôle dans plus d’un épisode de notre histoire. Sous le règne de Chilpéric Ier, son fils, le jeune Mérovée, se voyant menacé par la terrible Frédégonde, s'était réfugié dans l'église Saint-Martin de Tours. Gontran Boson, chargé de le faire sortir par ruse de cet asile inviolable, ne trouva rien de plus tentant que de lui proposer une chasse à l’oiseau. « Que faisons-nous ici, lui dit-il, à croupir dans l’oisiveté et la pa- resse? Faisons venir nos Chevaux, prenons nos Autours et nos Chiens et allons-nous-en à la chasse. » Lors du siège de Paris par les Normands en 887, on vit un exemple touchant de l'affection que les guerriers portaient à leurs oiseaux ,de chasse. Douze braves qui avaient défendu avec acharnement la tête du grand pont. se voyant coupés et près de succomber au nombre voulurent, avant de mourir, détacher les longes de leurs Autours et leur rendre la liberté. Les oiseaux de vol partent avec les croisés pour la Terre- Sainte. Lorsque Philippe-Auguste débarqua devant Saint- Jean-dAcre, il avait un Gerfaut blanc qui rompit sa longe et vola sur les murs de la ville où il fut pris par les Sarrazins qui ne voulurent pas le rendre même contre une rancon de mille écus d'or. 56 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Richard Cœur-de-Lion fait demander à Saladin des vo- hailles pour nourrir les Faucons que le roi d'Angleterre avait apportés avec lui, et l’envoyé du sultan, avec une courtoisie dont on ne trouverait guère d'exemples dans la guerre mo- derne, s’empresse de souscrire à ce désir de confrère en vé- nerie, quoiqu'il fit remarquer, d’un air narquois, qu'après un si long et pénible voyage, c'était peut-être bien le chef des croisés, qui, plus que ses oiseaux, avait besoin de bouillon de poulet. Pendant les trèves, les adversaires échangeaient mutuel- lement les plus beaux échantillons de leurs volières de chasse; on vit même le don de certains Faucons de grand prix entrer dans les conditions des rancons ou des traités. Vers la fin du xrv® siècle, Bajazet, qui battit près de Nico- polis les chrétiens commandés par Jehan de Nevers, se fit gloire d’étaler devant ses prisonniers francs les trésors de sa riche fauconnerie, où l’on comptait sept mille oiseaux de vol. Lorsqu'il fut question de la rançon de Jehan de Nevers, le prince turc exigea douze Faucons blancs du Nord, oiseaux des plus puissants et de la plus grande rareté. Le roi Charles VI, pour achever d’adoucir le vainqueur, ajouta à ce lot officiellement stipulé, des Autours admirablement dressés et des Éperviers hautains de grand prix, le tout accompagné des gants brodés de perles fines destinés à les porter sur le poing. | Froissart raconte qu'Édouard d'Angleterre, traversant la France en grand appareil, avait trente fauconniers à Cheval, chargés d'oiseaux et soixante couples de Chiens et de Lé- vriers avec lesquels il allait chaque jour en chasse ainsi qu'il lui plaisait « el y avail plusieurs seigneurs et mouit riches hommes qui avaient aussi leurs Chiens et leurs ciseaux ». Le comte de Flandres était tenu en prison courtoise par ses sujets qui voulaient lui faire épouser, contre son gré, une princesse d'Angleterre. Il y avait déjà à cette époque une question de traité de commerce dont je ne vous dirai rien, Il obtint la permission d'aller voler en rivière bien et dûment accompagné ; mais ce ne fut pas l'oiseau qu'il suivit, mais la grande route, par laquelle il se rendit à la cour de France où il fut bien accueilli par Philippe de Valois. Les ennemis de Marie Stuart, pendant son emprisonne- ment à Tutberry Castle (1584-85), se souvenaient sans doute LA FAUCONNERIE AUTREFOIS ET AUJOURD'HUI. 97 de cette évasion, lorsqu'ils accusèrent son gardien, Sir Ralph Sadleir, grand fauconnier de la reine Élisabeth, d’avoir cher- ché à favoriser son évasion, un jour qu'il emmena sa captive assister à une chasse au vol un peu loin du château. L'Histoire d'Angleterre est, comme l'Histoire de France, remplie de souvenirs de chasse et de fauconnerie. C’est en suivant un vol à Hitchin, dans le Hertfordshire, que Henri VIII faillit perdre la vie dans un fossé plein de boue qu'il voulut franchir au moyen d’une des perches sur les- quelles on portait les Faucons. La perche se brisa et le roi piqua une tête dans la vase d’où l’un des fauconniers, Ed- mond Moody, eut assez de mal à l’extraire à temps pour l’em- pêcher d'être étouffé. Holbein nous a conservé le portrait d'un des fauconniers de Henri VIII. C’est Robert Cheseman, et je vais vous le faire voir d’après la toile conservée au musée de La Haye. Voilà le portrait de Robert Cheseman. Il n'y a pas d'erreur, vous savez, c'est un Holbein, ce n’est pas un Rembrandt comme celui qu'on vient de découvrir au Pecq ! (Projection : Portrait de Robert Cheseman.) En Angleterre, c'est sous Jacques Ie", comme en France sous Louis XIII, que la fauconnerie atteignit son apogée. Pendant tout le xvi siècle, elle s'était développée comme toutes les branches de la vénerie, d’une facon extraordinaire, et Budé, s'adressant. au roi François Ier qui lui avait com- mandé un traité de vénerie en latin, a pu lui dire sans trop de flatterie : « Sire, vous avez tellement dressé et poli l’exer- cice de la vénerie, qu’elle semble être parvenue à sa perfec- tion. » La chasse avait alors ses poètes, ses historiens, ses clas- siques, et au nombre était en première ligne le roi Charles IX. Tous les grands capitaines qui moururent à la guerre à cette époque, soit dans les guerres civiles, soit dans les guerres étrangères, tous les grands capitaines étaient fau- conniers. C'était pour eux une manière d'entretenir leur souffle, de dégourdir leurs membres et de se préparer aux grands combats lorsque l'heure de reprendre la cuirasse serait venue, La chasse seule pouvait en effet à cette époque, pendant 58 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. les trèves et les entr’actes de la bataille, donner de la vie et de l'animation à ces grandes demeures féodales, et on aime à se les représenter animées par tous ces personnages à Cos- tumes pittoresques. C'étaient les valets de Chiens avec leurs un Monte blanches houssines maintenant les meutes hurlantes et aboyantes, c'étaient les veneurs avec leurs costumes verts où rouges ou gris, selon les saisons et selon la chasse, c'étaient enfin les dames châtelaines sur leurs haquenées de Bretagne aux riches harnachements de velours, avec leurs chapeaux à plumes portés « à la Guelfe », comme dit Brantôme, et leurs bottines rouges faites de cuir damasquiné et leurs cottes agrafées plus haut que le genou, comme le décrit Ronsard. Ne trouvez-vous pas qu'il y avait là de quoi faire battre le cœur de tous ces vaillants hommes d’armes ? ï LA FAUCONNERIE AUTREFOIS ET AUJOURD'HUI. 39 Les manuscrits, qui datent de ces époques primitives sont des merveilles d'art encore fort appréciées par les amateurs de nos jours. Ils sont illustrés d'une quantité de miniatures qui représentent tous les détails des différents déduits, et ces Le DA avait } j EN er) ÉPAAUIE EN aeT f«E té NW M ! Le Rx ne : \ D S pi 4 NN d SAVE & at RAD LES NA 2 TS se. PQ Pa SA SU LSONE) < Le =RQ 4 #7 = SX ; 2 d ny SP, N\ Non A te 0 Pa à AE a AL miniatures sont parfois très amusantes dans leur naïveté et leur simplicité. Voici, par exemple, des miniatures tirées d'un traité de fauconnerie du xrve siècle « le roy Modus ». A gauche, vous voyez un chevalier qui part pour la chasse avec sa dame; au-dessous, des fauconniers exerçant leurs oi- seaux ; plus loin, le roi Modus donne lui-même des lecons de fauconnerie à ses courtisans, et enfin, une noble châtelaine nous montre « {& manière de faire son espervier nouvel voler ». Dans cette dernière miniature, vous voyez même un Chien, vous voyez même deux Chiens, quoiqu'il y en ait au 60 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. moins un qui ne ressemble pas beaucoup à un Chien, mais à cette époque-là c'étaient des Chiens. (Projection : Miniatures du roi Modus.) Je ne veux point vous entretenir longuement de cette litté- rature cynégétique; il y a cependant un de ces écrivains sur lequel j'appellerai spécialement votre attention, car il fut un homme à plusieurs points de vue remarquable. C’est Charles d'Arcussia de Capre, seigneur d’Esparron, de Pallières, de Revest et aultres lieux. Ce ne fut pas seulement un faucon- nier, mais encore un penseur et un poète. Il était gentil- homme de la Chambre et commenca à écrire sous Henri IV, mais c'est sous son fils et successeur Louis XIII qu'il composa la plus grande partie de son œuvre littéraire et didactique. Charles d'Arcussia était un seigneur provencal né à Aix, vers 1550, de Gaspard, vicomte d’'Esparron, et de Marguerite de Glandevès. Il épousa, en 1593, Marguerite de Forbin- Janson, dont il eut plusieurs enfants dont deux, Melchior et Gaspard, se distinguërent dans les ordres où ils entrerent. Il nous apprend que, dés son enfance, il avait la passion des oiseaux, il en avait de toutes sortes et de toutes les con- trées, et de cette facon il acquit une grande expérience dans le maniement de ces êtres subtils et la parfaite connaissance de leur naturel, indispensable, dit-il, pour devenir un bon fauconnier : : « Tout ainsi qu'on ne saurait lire sans la connaissance des lettres, de même on ne peut être fauconnier sans connaître les oiseaux. » Or l'oiseau.est pour d'Arcussia le chef-d'œuvre de la créa- tion, la perfection même. Il le chérit et il l’adore et place l'amour de l'oiseau au-dessus de tous les .autres amours terrestres. Je dis terrestres parce que d’Arcussia était un esprit fort religieux comme vous allez voir par le ton qui règne dans toute son œuvre. « On ne doit s’esbahir, dit-il, si notre roy aime tant les oi- » seaux, les ayant, Sa Majesté comme anges domestiques : » car si les anges de Dieu chassent les esprits malins, infects » et puants, comme l’ange Rafaël qui lia le diable Asmodée, » les oiseaux de Sa Majesté lient, chassent et mettent à bas » les oiseaux charogniers, hiéroglyphes des démons. Les » anges ont toujours les ailes à demi-ouvertes au trosne de LA FAUCONNERIE AUTREFOIS ET AUJOURD’EUI. 61 » l'Eternel où ils chantent incessamment ses louanges avec » leur douce mélodie; de même dans la chambre du roi un » nombre infini d'oiseaux, les uns qui gazouillent toujours, » les autres sur le poing des fauconniers, qui attendent d’être » employés et de plaire à leur maitre. J’estime que tout ainsi » que la qualité d'ange est par-dessus celle de l’homme, de » même la qualité des oiseaux est relevée par-dessus tous les » autres animaux. » Ainsi débute le traité de fauconnerie de Charles d’Arcussia, et ce ton semi-mystique est assez curieux, car il indique un changement dans les mœurs. L'influence de la religion se fai- sait sentir vivement dans tout ce que l’on faisait à cette épo- que. Tout en pratiquant la fauconnerie, l’auteur ne se fait pas faute d'en tirer des déductions morales, toujours char- mantes dans leur naïveté. D’Arcussia n’est pas exclusif dans l'éloge qu'il fait de la chasse; il lui assigne son véritable rang dans les préoccupations humaines et à une époque où l'on se plaît à dire que les seigneurs, les grands, ne s’occupaient exclusivement qu'à courir les bêtes fauves et à faire voler des oiseaux, il est plaisant de voir un des maîtres de l’art, un des passionnés de la volerie, donner en toute circonstance à son déduit favori une portée morale et mettre, par des rai- sonnements philosophiques, un frein à sa passion : « La trop fréquente continuation des exercices, dit-il, par » exemple, quelque vertueux qu'on soit, peut diminuer la » volonté que nous devons avoir en ce à quoi nous sommes » les plus obligés. Et combien que la chasse tienne le haut » bout parmi le rang des honnestes récréations, si faut-il que » ceux qui en usent soient guidés d’une vraie sagesse qui leur » en apprenne le temps, le lieu et la convenance. Saint Cas- » sian récite comme l’apôtre saint Jean rencontra un jour » un chasseur, lequel lui voyant tenir une perdrix vive sur » son poing demeura tout ravi de merveille et commenca à » lui dire: Pourquoi saint homme vous amusez-vous à des » choses si basses, vous qui êtes adonné à la contemplation » des choses célestes? Saint Jean lui répond: Et pourquoi ne » portez-vous pas votre arc bandé, puisque vous êtes chas- » seur? C'est, dit le chasseur, pour ne l’affaiblir, étant trop » longtemps tendu. — Ne vous esbahissez donc, dit l’'apôtre, » si je me récrée un peu avec cet oiseau, afin que mon esprit » en soit après plus vigoureux. Or je veux dire que les âmes 62 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. » les plus saintes peuvent user de la chasse, non comme » d'occupation ordinaire, mais d’un moyen pour relever l’es- » prit abattu d’un trop continuel étude ou de surcharge d’af- » jaires, en sa première vigueur. » J'ai insisté sur le caractère moral et mystique de la faucon- nerie de d’Arcussia parce que cette note spiritualiste y est très remarquable ét que nous la retrouvons dans plusieurs auteurs de cette époque et que cette note caractérise le mou- vement des esprits et la transformation des mœurs. Si bien qu'après avoir vu la fauconnerie amoureuse avec les trou- vères, militaire avec les croisés, nous la trouvons morale et religieuse avec les écrivains cynégétiques du xvyr° siècle et du commencement du XVIIe. La partie didactique de la fauconnerie de d’Arcussia est très complète, très détaillée, très étendue. Les récits qu'il fait des chasses au vol de la cour sont pittoresques et amusants et donnent raison à cet esprit subtil qui s'avisa un jour de trouver qu'avec les lettres formant les mots de Louis treizième roi de France et de Navarre on pouvait composer ceux de Roy très rare estimé Dieu de la fauconnerie. ._ Comme cela arrive toujours, le goût des gentilshommes campagnards pour la fauconnerie n’avait pu que s’accroitre à l'exemple du monarque. Tout gentilhomme qui se respecte doit avoir au moins un fauconnier à cheval avec trois ou quatre bons oiseaux et six couples de chiens pour les servir. Un peintre anglais nous a conservé le costume des pages de cette époque. Ceci vous représente un jeune fauconnier de la. cour d'Elisabeth. (Projection : Fauconnier d'après Taylor.) Quand on est allé très haut, aussi haut qu’on peut aller, il n’y a plus qu’à descendre. C’est ce qui est arrivé à la faucon- nerie. Louis XIV eut plus de goût pour la vénerie que pour la fauconnerie et réduisit les dépenses de la cour de ce chef. Ce fut le commencement de la décadence que Victor Hugo a bien rappelé dans le drame de Marion Delorme lorsque, met- tant en scène Louis XII « estimé Dieu de la fauconnerie » au moment où son fou l’Angély sollicite auprès de lui la grace de deux fauconniers qui se sont battus en duel et qui sont condamnés à mort, il place les paroles suivantes dans la bouche de ses personnages. à | LA FAUCONNERIE AUTREFOIS ET AUJOURD'HUI. L'ANGÉLY. (ARE CERN Vous tenez pour vertu Avecraison cet art de dresserles alèthes A la chasse aux perdrix ; un bon chasseur, vous l’êtes Fait cas du fauconnier. LE ROI. Le fauconnier est Dieu ! L'ANGÉLY. Eh bien, il en est deux qui vont mourir sous peu. LE ROI. A la fois ? ; L'ANGÉLY. Oui ! LE ROI. Qui donc ? L'ANGÉL.Y. Deux fameux ! ANCE) ROIS Qui de grâce ? L'ANGÉLY. Ces jeunes gens pour qui l’on vous demandait grâce. LE ROI. Ce Gaspard ? ce Didier ? L'ANGÉLY. Je crois qu'oui, les derniers. LE ROI. Quelle calamité, vraiment, deux fauconniers | Avec cela que l’art se perd ! Ah ! Duel funeste Moi mort, cet art aussi s’en va, — comme le resle ! — Pourquoi ce duel”? L'ANGÉLY. Mais l’un à l’autre soutenait Que l’alèthe au grand vol ne vaut pas l’alphanet. LE ROI. Il avait tort. — Pourtant le cas n’est pas pendable. ... Mais après tout mon droit de grâce est imperdable; S> C2 64 RÉVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Au gré du Cardinal je suis toujours trop doux..... Richelieu veut leur mort ! L'ANGÉLY. Dire, que voulez-vous ? LE ROI. Ils mourront! L'ANGÉLY. C’est cela. LE ROI. Pauvre fauconnerie ! Donc Louis XIII mort, la fauconnerie commenca à s'en aller « comme le reste ». Le journal de Dangeau, à la date du 12 avril 1715, porte que Louis XIV alla à la volerie de Ver- sailles avec Me la duchesse de Berry, Me de Charolais et beaucoup de dames de la cour qui montèrent à cheval au rendez-vous, puis la chasse terminée, le roi donna congé à la fauconnerie pour l’année. Ce devait être pour toujours, car il mourut le 1° septembre suivant. (A4 suivre.) II. JARDIN ZOOLOGIQUE D’ACCLIMATATION DU BOIS DE BOULOGNE. Chronique. Quel mois de décembre nous avons subi! Animaux et plantes souffrent depuis si longtemps qu’on peut se demander quelles pertes ré- sulteront de cet hiver rigoureux el prolongé. Comment le gibier-plume aura-t-il supporté cette dure période, la terre étant partout couverte de neige ; on peut tout craindre ? Dans notre Jardin zoologique du Bois de Boulogne, nous avons peu perdu, mais il est cependant prématuré d’apporter ici les observations que nous avons pu recueillir ; laissons donc pour aujourd’hui le Jardin de Paris et occupons-nous de nos succursales. Le Jardin zoologique de Marseille a récemment acquis plusieurs ani- maux intéressants, citons : un Orang-Outang (Siria satyrus), de Bor- néo, très remuant, plein de sante et qui a traversé sans en souffrir la période de mauvais temps qu'on a subie à Marseille aussi bien qu’à Paris ; plusieurs jeunes Ours de Russie (Ursus arctos) destinés aux be- soins de notre commerce ; un Porc-épic (Æystrix longicauda) de l'Inde. Cette espèce, très voisine de l’Æysérix cristata d'Algérie, s’en distingue par ses formes plus allongées, par sa tête moins large et aussi par la nature de ses plumes (c'est le terme consacré pour désigner les pi- quants des Porcs-épics), qui sont plus fines et moins raides; une Daine importée d'outre-mer, d’une localilé qui ne nous a pas été in- diquée ; cette Biche ressemble beaucoup à la femelle du Cervus Dama et cepeudant ses formes et les nuances de son pelage en different assez pour arrêter l'attention ; deux Microglosses (Microglossum aterrimum) de Java, curieux Perroquets de couleur noire, aux joues nues et rouges, dont la tête est couronnée de longues plumes dressées, qui forment une huppe mobile comme celle des Cacatoës. Les naturalisies ap- pellent le Microglosse Ara à trompe, à cause de la conformation de sa langue ; cette espèce, toujours rare, se payait, il y a vingt ans, jusqu’à 1,000 francs la pièce ; plusieurs Cailles de Madagascar (Margaroperdix striata), jolie espèce au plumage ocellé, à la gorge noire rehaussée de traits blancs. Introduit à l'ile de la Réunion, cet oiseau y vit à l’état sauvage dans les montagnes ; il reproduit facilement en volière ; nous l’avons éprouvé, en 1890, au Jardin d’Ac- climatation de Paris, où plusieurs jeunes ont été élevés ; deux Grues de Cochinchine (Grus Antigone) ; il ne faut pas confondre celle espèce qu'on rencontre dans les îles de la Sonde et en Indo-Chine, avec la grande Grue de l'Inde, que les Angiais appellent « Sarus-crane » et les naturalistes Grus lorquata. Ces deux espèces sont d’ailleurs faciles à distinguer, car l’Antigone est tout entière d’un beau gris cendré tandis que la Grue à collier est marquée de blanc au cou, immédia- tement au-dessous des parties nues, elle a aussi dans les ailes les 5 Janvier 1891. ÿ 66 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. plumes du vol blanches. Les formes de la Grue indienne sont beau coup plus lourdes. Dans les deux espèces, il y a des sujets d’une taille énorme, une des Sarus-crane du Jardin d'Acclimatation de Paris mesure environ 2 mètres de hauteur. Parmi les naissances obtenues au Jardin zoologique marseillais men- tionnons : deux jeunes Antilopes Nylgaux (Portax picta), mâle et femelle, nés de la même mère; on sait que dans cette grande espèce indienne, chaque portée donne deux petits; un jeune Antilope Bu- bale (AZcelaphus bubalis) d'Algérie; et un produit né de la Biche, is- sue du croisement du Cerf Axis mâle avec la Biche-cochon (Cervus porcinus). C’est le second jeune que donne ce curieux métis. Jardin d’'Acclimatation de Hyères. Sans êlre aussi rigoureux qu’à Paris, l'hiver s’est fait sentir dans ce pays; le thermomètre s’est abaisse jusqu’à — 5°, mais ce froid inusité a peu duré et nous n'avons aucune perte à constater. Le climat de la région semble se refroidir de plus en plus ; dans le courant de ces dernières années, nous avons subi des froids qui ont fait périr un grand nombre de plantes, aussi la cullure des végétaux exotiques devient-elle assez périlleuse. Cepen- dant le nombre des espèces que nous pouvons encore cultiver en plein air ou sous nos grands abris couverts de roseaux est encore assez grand pour répondre aux besoins de la clientèle qui s’est formée peu à peu. Aujourd'hui, cette clientèle est faite, et les divers établissements créés, comme le nôtre, pour la production des plantes vertes ornemen- tales, à Hyères, à Cannes, au Golfe-Jouan, à Nice et dans d’autres localités encore, voient venir des acheteurs de partout. Les horticul- teurs lyonnais ont été nos premiers clients, ceux de Paris ont suivi. Les Belges se sont difficilement décidés, puis les Allemands, les Russes. et les Anglais ont appris, à leur tour, le chemin de nos établissements A notre avis, la culture des plantes ornementales prendra, d'année en année, plus d'importance dans la région où nous avons placé notre succursale, car on y irouve des conditions très favorables. Mais pour que ces cultures donnent tous les résultats qu’on en doit attendre, il faudra savoir se décider à faire des installations vitrées pour protéger les plantes des abaissements de température qui trop souvent viennent anéantir les résultats obtenus par des années d’efforts, et pour les abriter aussi des vents violents qui sont une des difficullés de la cul- Lure dans la contrée. Quoi qu'il en soit, en arrivant en plein hiver dans ce merveilleux pays, quand on a supporié des semaines de froid intense à Paris, quand, sur la route, on a vu les campagnes couvertes de neige, on éprouve un sentiment de vive admiration en irouvant ici la verdure des Palmiers, les haies de Rosiers couvertes de boutons, le feuillage des Fusains égayé de milliers de fruits rouges, les bordures d’Zris stylosa montrant leurs belles corolles violettes. > { III. CHRONIQUE DES COLONIES ET DES PAYS D'OUTRE-MER. Le Sereh, Maladie de la Canne à sucre. Le docteur H.-J.-E. Peelen a publie à Batavia uñe brochure sur le Sereh (Maladie de la Canne à sucre), sa nature, ses causes et les moyens pour la prévenir, à laquelle nous empruntons les renseigne- ments suivants, qui corroborent assez bien les constatations du doc- teur Krüger. Tous les deux sont d'avis que cette maladie est causée par des bactéries. : Le docteur Peelen a essayé de les combattre au moyen d’une liqueur contenant 1 °/, d'acide sulfurique, ensuite avec de la chaux vive. Il a aussi essayé de purifier la terre avec des solutions plus fortes, avant de planter la Canne. Mais les résultats étaient loin d'être satisfaisants ; au contraire la chaux semblait les nourrir indirectement. Il n y a là rien d'étonnant. Le docteur Koch, entre autres, a déjà cons- taté, il y a longtemps, qu'une solution à 1 °/, d'acide sulfurique ne produit de l'effet sur ces espèces de bactéries qu’au bout d’une dizaine de jours et encore d’une manière très imparfaile, tandis que les essais dont il s'agit n’ont duré que vingt-quatre heures tout au plus. Si les essais étaient répélés avec une solution de 5 °/, d’acide car- bonique ou 5°/, de permanganate de polasse ou bien encore avec 1/5000 de sublimé corrosif, il est probable que les résultats seraient meilleurs sinon entièrement satisfaisants. Un fabricant de sucre très expérimenté dit à ce sujet avoir vu chez M. Van Heukeren, à Ardjowinangen (Java), une plantation d'essai, entreprise avec des plants fortement atteints de la maladie en question et traités avec ce qu’on appelle la bouillie bordelaise. On avait com- mencé par percer les Cannes et boucher les trous à l’une des extrémi- tés avec de la terre glaise pour verser ensuite la solution dans l'inté- rieur. Comme ce procédé était trop long pour être praliqué en grand, on a fendu ies Cannes dans toute leur longueur pour les faire tremper ensuite dans un bain de la même solution. Ces Cannes traitées de deux manières différentes ont été plantées et quoique une partie soit morte, l'aspect de la plantation etait très sa- tisfaisant et l’on ne reconnaît pas un plant atteint de Sereh. Ce fait prouve suffisamment que la maladie dont il s’agit est conta- gieuse et a pour cause le développement de bactéries pathogènes. Reste donc à trouver une solution infaillible pour détruire ces bac- téries et qui soit en même temps inoffensive pour les Cannes à sucre. Dans ce but, la durée de l'opération doit surtout être prise en conside- ration. Une solution à 5 °/, de sulfate de cuivre ne produit sur les bacilles, en cinq jours, qu'un effet très imparfait; celle à 1/3000 de su- blimé corrosif demande encore quelques heures; mais une solution à 1/1000 de sublimé produit l'effet désiré en quelques minutes. 68 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. }1 sera bon, après l'opération, de tremper la Canne dans de l’eau pure afin de prévenir l'effet nuisible trop prolongé sur ses cellules. Au sujet de la rougeur des veines de la Canne, le D' Krügerdit, avec raison, que ce phénomène la rend impropre pour la cullure, attendu que c’est un symptôme de la maladie. Le D' Peelen confirme ce fait et ajoute qu’en coupant les Cannes ainsi affectées, elles exhalent une odeur particulière et laissent échapper un gaz ammoniacal. Avec ces trois symptômes : rougeur des veines, gaz et odeur ammoniacale, on peut conclure sans s y tromper à l’existence des bactéries du Sereh. La maladie ne s’est pas montrée à Java dès le début dans toute sa force. Klle est née et s’est graduellement développée sous l'effet des influences pernicieuses auxquelles la Canne à sucre a été exposée pendant des années. Il a fallu plusieurs générations pour développer les bactéries pathogènes qui constituent la maladie dite Sereh. Il est donc évident que la Canne saine et vigoureuse doit pouvoir résister au début aux atteintes du mal. Le D' Krüger a introduit des tranches de Cannes malades dans des Cannes saines d'importation, afin de se rendre compte si l'infection était ainsi possible. Il lui semblait bien que la Canne ainsi traitée avait un aspect moins normal, mais il ne pouvait pas constater l'exis- terce de la maladie. Quelles sont donc les causes de la maladie dite Sereh ? Le Dr Peelen affirme que la seule cause qui a fait naître cette ma- ladie à Java, doit être cherchée dans l'infection provenant de la trop grande quantité d'engrais organiques que l’on a employés pendant des années. Et la preuve nous la trouvons dans le fait que dans de petites plantations de Cannes à sucre cultivées par des indigènes qui n’ont jamais eu l’idée de se servir d'engrais, la maladie est complètement inconnue. C’est donc uniquement le cultivateur européen qui, à force de vou- loir trop produire, a empoisonné ses terres avec toutes sortes d'engrais dans lesquels les bactéries du Sereh ont fini par se développer. La contagion étant venue des champs où la maladie a pris nais- sance, on se demande ce qu’il doit arriver lorsque ces mêmes champs sont actuellement plantés de Cannes saines et fraîches? Nous avons vu par l'expérience du D' Krüger que les tranches ma- ladcs introduites dans des Cannes saines ne donnent à ces dernières qu'un aspect un peu anormal. On pourrait déduire de ce fait que la Canne saine plantée dans un champ infecté ne souffrirait pas davan- tasc et que seulement à la deuxième ou troisième génération, la ma- ladie deviendrait visible. Cependant dans la pratique, le Sereh se produit dans ce cas beau- coup plus vite ; la première récolte est passable, mais déjà la seconde est perdue complètement. Il arrive même souvent que déjà la pre- mière plantalïon est sérieusement atteinte du mal. CHRONIQUE DES COLONIES ET DES PAYS D’OUTRE -MER. 69 Et nous croyons pouvoir dire ici que l'expérience du D' Krüger a péché par la base, attendu qu'il n'aurait pas dû faire sécher préala- blement les tranches contaminées qu’il a introduites dans les Cannes saines. C’est dans ce fait qu'il faut chercher probablement la cause de ce résultat contradictoire. S'il les a séchées à une température éle- vée, dans une étuve par exemple, la chose est certaine, car dans ce cas les bactéries ont été probablement tuées par la chaleur. Il n’est done pas Ctonnant que le savant docteur n’ait constaté qu'un aspect un peu anormal, mais aucune trace du véritable mal. Un dernier fait qui prouve que la cause du mal est bien celle que nous venons d'indiquer, est que la maladie s’est déclarée en premier lieu dans les régions occidentales de Java, là où le sol est moins fer- tile que dans la parlie orientale de cette île, et où, par conséquent, les cullivateurs ont employé le plus d'engrais organiques. Nous arrivons à présent aux moyens à employer pour combattre cette maladie. La combattre dans la véritable acception du mot, sera assez diffi- cile, mais impossible en grand surtout. Dans les cas désespérés, le mieux sera de désinfecter la Canne de la manière déjà indiquée plus haut et dont les stations d'essai pourront faire l'expérience. Mais il s’agit surtout de trouver les moyens pour arrêter le mal dans son développement. Les mesures préventives à prendre sont les suivantes : 1° Dans les plantations où la maladie ne s’est pas encore montrée, il faut s'abstenir d‘employer des plantes autres que celles provenant de la plantation même ; 29 Il est utile, à cette fin, d'avoir sa propre pépinière afin de ne pas être obligé d'acheter des plantes ailleurs ; 3° La culture des plants doit se faire avec beaucoup de soins ; 49 [l faut employer peu d'engrais et écarter surtout les engrais organiques. Mieux vaut se servir à cet effet de certaines cendres riches en phosphate de chaux et contenant souvent jusqu à 40 pour cent de matières charbonneuses non brûlées qui s'oxydent et se trans- forment en aeide carbonique lequel à son tour agit comme dissolvant des matières nutritives naturelles du sol. S il est prouvé que le sol est réellement trop pauvre en matières organiques pour que la Canne puisse s’y développer avaniageuse- ment, il est préférable d'employer tout simplement du nitrate de soude ou de potasse en ayant soin de ne pas en mettre trop à la fois, mais de recommencer souvent par pelites quantités ; 9° Pour les plantations mêmes, il est probable qu’il faudra souvent des engrais plus fertilisants ; mais dans ce cas, il faut éviter soigneu- sement le fumier. Le guano passe encore, mais pas le guano d'Écha- bou ; il est préférable d'employer le guano superphosphaté ordinaire, 0 | REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. qui, à cause de sa forle réaction et son dégagement d’acide sulfu- rique, n’est pas favorable au développement des bactéries. Pour les cultures déjà atteintes de Sereb, il est inutile de remplacer les plants par d’aulres venant d’ailleurs, de l'étranger même, si l’on ne désinfecte pas le sol. IL est bon aussi de le laisser se reposer ensuite pendant un an au moins et de le labourer de temps en temps pendant la belle saison sèche Si, après ces opérations, la térre est encore trop humide, on la recouvre d'une couche de Dadou ou de paille et l’on y meteo Inutile de dire que les nouveaux plants à employer doivent être parfaitement sains et qu'il faut éviter autant que possible de les faire venir de loin; le voyage sur mer leur est très nuisible. Quelques planteurs ont commencé à employer pour leurs cultures la Canne blanche parce que, jusqu’à présent, celle-ci n’a pas encore été atteinte du mal. Il ne faut cependant pas croire que la Canne blanche jouit d’immu- nilé à cet égard. Le fait est qu’étant délaissée, elle n’a pas été exposée aux dangers de la culture intensive à laquelle les besoins de la concur- rence de ces dernières années ont poussé les planteurs. On préférait la Canne noire parce que celle-ci donne un rendement supérieur et, en outre, on metlait tout en œuvre pour augmenter ce rendement. Mais si l’on cultive la Canne blanche comme on a cultivé la Canne noire, c'est-à-dire si l’on n’est pas plus circonspect à l'égard des engrais, on ne tardera pas à voir reparaître Ja maladie comme avant. Ajoutons ici que M. Aut. Marcks, de Java, a conseillé d'essayer la créoline contre cette maladie de la Canne à sucre, se basant sur le fait que cette matière, selon la force et la durée de son emploi, détruit parfaitement Iles micro-organismes. D’après les renseignements qu'il nous fournit à cet égard, une solu- tion contenant 2 °/, de créolive suffit pour tuer, en quinze minutes, une douzaine d'espèces de micro-organismes pathogènes, tandis qu'avec la même solution à 3 °/, la chose est règlée en moins d’une minute. Il est donc fort possible que la créoline réussirait également pour détruire les bactéries du Sereh. On pourrait en faire l'essai. M. J. Kuneman, de Soura-Raya (Java), est également d’avis qu'il ne faut employer pour engrais ni fumier, ni détritus de végétaux, ni feuilles mortes. Il conseille aux planteurs de traiter les terres avec du trisulfure de carbone pour détruire les nématodes et, en fait d'engrais, il les en- gage à choisir de préférence des matières fortes agissant promptement. Enfin, M. A. Sloop, de Soura-Raya, conseille l'emploi du pétrole brwé pour détruire les bactéries du Sereh. Cette huile minérale a assez bien réussi, en effet, pour combattre la maladie de la feuille du Caïéier, et l’on pourrait encore en faire l'essai dans le cas actuel. D' H. MEYNERS D'ESTREY. IV. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. Les métis entre le Bouc et ia Brebis (1) — La œuestion du. croisement de ces deux espèces intéresse les savants depuis fort longtemps, mais aucune des expériences faites, depuis Buffon, dans les Jardins zoologiques, n'a réussi, ce qui doit être attribué proba- blement au mauvais choix des Boucs. Néanmoins, les zoologistes et les éleveurs restent fermement con- vaincus de l'existence de ces animaux hybrides ; M. Nathusius seul nie, sans d’ailleurs donner des preuves suffisantes à l'appui, la véra- cité de ces faits. Cependant, le fait de l'existence d'animaux issus d’une Brebis et d'un Bouc, et obtenus par Buffon vers 1751-52, est indiscutablement établi. On doit regretter que Buffon 5e soit borné à les éiudier au point de vue de la ioison exclusivement et n'ait ;as consigné de marques caractéristiques plus essentielles. D’après Buffon, ces métis tenaient surtout des Agneaux de Brebis et s’en distinguaient seu- lement par une laine plus longue et plus grossiere. Schmalz, Pétri et Gelenius parlent également d'animaux inler- meédiaires entre la Brebis et la Chèvre, qu'ils ont eu l’occasion d’ob- server personnellement ; Bokm et Pétri pensent que s’il est assez aisé d'assortir un Bouc avec des Brebis, l’appariement de la Chèvre et du Bélier est difficile et même presque impossible. Cependant, Rousseau fait mention des animaux issus d'un croisement de ce dernier genre, il en donne la description et le dessin des sabots. M. Nathusius lui- même voit dans cette assertion de Rousseau une preuve suffisante en faveur de la possibilité d'obtenir des bâtards d’une Chèvre et d'un Bélier. Enfin, au Chili, d'apres Molina, Gay et autres, il existe un nombre énorme de ces métis (Chabins) que l’on obtient et élève d’une facon courante, pour ainsi dire, et non point à l’état d'exception. Ils y sont surtout appréciés pour leur toison et leur peau qui est plus forte et plus compacte que celle des Brebis. D’après Gay, ces animaux tiennent (le leur mére-Brebis pour les formes, mais ils ont la laine longue et abondante des Chèvres. Ces métis sont féconds entre eux, cependant, à la troisième et quatrième générations, ils. retournent au iype maternel, ce qui oblige les éleveurs à apparier de nouveau ces bêtes. Noas croyons devoir faire remarquer qu'en examinant le squelette et les organes des Chabins importés du Chili, M. Nathusius en est (1) Revue de la Société Impériale russe d’acclimatation, V° livraison. Article par M. Kouleschoff. HA REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. arrivé à douter qu'ils soient nés d’un Bouc, car aucune des marques caractéristiques de ce dernier animal n’a été trouvée chez les métis. En 1871, les professeurs Bohm et Zürn constataient chez des ani- maux issus de vingt Brebis Mérinos et d’un Bouc des formes sem- blables à celles des mères et la couleur noir-bigarrée de la toison qui était aussi celle du Bouc. Les métis n’avaient point de cornes ou bien les avaient difformes ; l'un deux élait reconnu pour un hermaphro- dite complet, tous les autres avaient leurs organes génitaux insuffi- samment développés. L'examen du squelette et des autres pièces ana- tomiques fait par le professeur Zürn lui fit conclure pour la complète identité de ces animaux avec la Brebis. Tout dernièrement enfin, à l'Exposition agronomique de 1887 à Kharkoff, M. Kouleschoff apprenait par M. Williamson, ancien élève de l'Institut agronomique Pierre de Moscou, que des expériences très concluantes de croisement entre un Bouc Angora et des mères Mérinos venaient d’être faites par lui sur la terre de Grouschevskaïa apparte- nant au grand-duc Michel Nicolaëvitsch. C’est le fait de l'apparition, dans un troupeau de Mérinos, d'un certain nombre d'agneaux à la laine grossière et que le berger prétendait être nés d’un Bouc, qui donna à M. Williamson l'idée de verifier cette assertion. Il fit couvrir dix mères Mérinos par un Bouc et les isola ensuite des autres ani- maux; d’ailleurs, il n'existait pas une Brebis commune ni dans les troupeaux du propriétaire, ni chez aucun des employés du domaine. De cet accouplement huil Agneaux sont nés dont quatre ont été offerts à M. Kouleschoff par le gérant de la propriété. Le printemps suivant, M. Kouleschoff eut l’occasion de voir, dans la propriété du comte Viasemsky, des métis provenant d'un Bouc Angora et des méres Mérinos. Cependant, il est à remarquer que dans les grandes bergeries où l’on tient ensemble les Brebis Merinos, les Chèvres et les Boucs, il est très rare de voir naître des Agneaux issus d’un Bouc, et on n'y connaît point de métis engendrés par une Chèvre et un Bélier. Mais du moment que l’on possède un Bouc capable de couvrir les Brebis, on peut obtenir tous les ans des métis en grand nombre. Le Jardin Zoologique de Moscou et l'Insiitut agronomique Pierre possèdent quatre moutons et une mère métis ainsi que deux sque- lettes et deux peaux d'animaux hybrides. Sans entrer dans une des-— criplion détaillée des particularités anatomiques propres à ces métis, voici les indices auxquels on reconnaît leur origine hybride. Tous les métis sans exception sont pourvus de cornes; dans cinq cas sur six, elles sont biangulaires, semblables à celles de la Chèvre, et chez un bâtard mâle du Jardin zoologique de Moscou, elles sont aussi rapprochées à la base que celles du Bouc. Les mères Mérinos n'ont les cornes que très rarement, les Béliers de cette espèce les ont, au contraire, très bien développées et d’une forme triangulaire parfaitement caractérisée. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS ZIVERS. 73 Quant aux deux crânes que possédait M. Kouleschoff, le premier, celui de la femelle, approchaïit du type Brebis par les fosses lacrymales très prononcées, par la longueur et la courbure des os nasaux, la conformation plate du front et les cornes très espacées. Les os nasaux du crâne mâle étaient au contraire aussi courts que ceux de la Chèvre et presque tout à fait plats, entre leur bord inférieur et les os inter- maxillaires, il existait une distance de 1 pouce environ. A leur point d’intersection, l’os lacrymal, l’os frontal et l'os nasal forment une fente, absolument imperceptible chez les Brebis. Les fosses lacrymales sont faiblement développées et ne sont point surmontées d’une espèce de crête. L'’os frontal est visiblement bombé; les cornes sont assez rap- prochées sans cependant l'être autant que celles du métis dont il est question plus haut. Les glandes du sabot existent chez tous ces animaux, faiblement prononcées seulement chez deux d'’enire eux, surtout aux pieds de devant. L'un des métis n’a pas de glande de l’aîne, les cinq autres en sont pourvus. La longueur de la queue varie considérablement, tantôt n’atteignant pas Je talon, tantôt descendant au-dessous. La queue se compose de 16 à 18 vertèbres. Les oreilles droites (érigées) des cinq animaux sont plus grosses que celles des Mérinos, un seul métis les a longues et à demi pendantes, c'est-à-dire presque semblables à celles d’un Bouc Angora. Quant à la toison, elle varie encore davantage. La tête et les jambes de tous ces animaux hybrides sont recouvertes d’un poil court et bril- lant, et seul le Bélier a au front et aux joues la laine fine des Mérinos. Les essais d’accouplement de ces métis entre eux et avec des mères des autres espèces, faites à l'Institut agronomique Pierre, ont prouvé d'une facon indiscutable ieur fécondité. Cath. KRANTZ. Oiseaux buveurs de sève. — Un correspondant du journal américain Forest and Stream, rapporte le fait suivant sur la singulière habitude qu'ont certains oiseaux de boire la sève des arbres. Un jour du mois de juin 1889, il remarqua qu’un grand nombre de Pics traver- sait à chaque instant la route sur laquelle il se promenait, aux environs de Kentville. Il n’y prêta pas grande attention tout d’abord, les Pics étant fort nombreux dans le pays, mais ayant constaté que tous ces oi- seaux se dirigeaient vers un petit bois, situé non loin de la route, ou venaient de ce bois, il voulut approfondir ce léger mystère. Il comp- tait trouver quelque vieil arbre chargé de nids contenant des jeunes auxquels les parents apportaient à manger, et s’apercut, en effet, après avoir pénétré dans le bois, que tous les Pics se rassemblaient sur le même arbre, un bouleau d’assez belle taille, mais il ne portait pas le moindre nid. A 14 ou 15 mètres du sol, les oiseaux avaient dépouillé à coups de bec une surface de plusieurs centimètres carrés de son écorce, et tous venaient se désaltérer à la sève coulant de cette large 74 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. blessure. Les Pics n'étaient pas seuls, du reste, une infinité de petits oiseaux se tenaient sur les arbres voisins de cette fontaine d’abon- dance, et s’y précipitaient dès qu'elle était abandonnée par les Pics, prêts à prendre la fuite si un oiseau de plus forte taille se pré- sentait. On avait constaté maintes fois, aux États-Unis, que les Écureuils entaillent, au printemps, l'écorce des Érables, pour boire la sève su- crée de ces arbres. De pelits oiseaux avaient souvent été surpris en train de perforer l'écorce des Bouleaux, mais jamais on n'avait vu les Écureuils ou les oiseaux exploiter régulièrement un arbre en y retour- nant à différentes reprises. Toujours ils en atlaquaient un nouveau quand ils avaient soif de sève. (Le Chenil.) La chair d’Anguille comme nourriture des Faisans. — Un propriétaire d’étangs, en Écosse, vient d'imaginer une nourriture nouvelle pour ses jeunes Faisandeaux. S’étant un jour trouvé à court d'œufs de fourmis et trop éloigné d'un centre pour en faire venir im- médiatement de naturels ou d'artificiels, il eut l’idée de leur dis- tribuer de la chair d'Auguille, qui lui était fournie en abondance par deux vastes étangs. Les résultats obtenus furent les plus satisfaisants, car cet éleveur, qui perdait auparavant le quart de ses élèves, n'en perd plus aujourd’hui qu’un ou deux sur vingt depuis qu il use de ce procédé. (Ze Sport.) Saumons dans la Canche. — Les Saumons, qui avaient dé- serté les fleuves et les rivières de la France, généralement chassés par la construction de différents travaux d’art, sembleraient revenir plus volontiers dans nos eaux. Depuis de longues années, ils ne dé- passaient guère l'embouchure de la Meuse vers l’ouest. Très nombreux dans certains affluents de ce fleuve et dans ceux du Rhin, ils se montraient rarement dans les affluents de l’Escaut, et exceptionnel- iement dans ceux de la Somme. Or. depuis 1883-1884, on en pêche chaque année dans la Canche, qui lraverse le département du Pas-de- Calais. D’après M. le D' Sauvage, directeur de la station aquicole de Boulogne-sur-Mer, cette réapparition des Saumons serait - due au dé- sensablement de l'embouchure de la Canche, obtenu au moyen d’une digue allant d Etaples à la mer, digue qui maintient dans le chenal un courant d’eau douce, s’avançcant jusque dans la Manche, et dont les Saumons savent parfaitement reconnaître l’existence. Depuis 1883, ces poissons se présentent en nombre de plus en plus considérable. On constate deux montées par an; une de grilses, de jeunes Saumons, au milieu de juin, l’autre de Saumons adultes, à la fin d'octobre. La ponte, qui commence dans la première quinzaine de décembre, se prolonge jusqu’au 15 janvier, quand l'hiver est-doux. (Le Chenil.) il CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 75 Les Dindons du Kentucky. — Les Dindons américains les plus renommés pour l'excellente qualité de leur chair sont ceux du Massachusetts qui doivent, paraît-il, cette priorité aux faînes dont ils se nourrissent, et aux soins que les éleveurs leur prodiguent. Pour la taille, ce sont les Dindons du Kentucky qui tiennent le premier rang, et ils constituent un arlicle de commerce assez important, car on en vend chaque année pour plus d’un million de francs dans cet État. Le Dindon du Kentucky, élevé dans des prairies où pousse la « Blue grass », l'herbe bleue, Poa tenuifolia, dépasse en poids ses con- génères des autres parties du monde. Des poids de 28 kilogs pour les mâles et de 14 kilogs pour les femelles, ne sont pas extraordinaires, quoique la moyenne se trouve de beaucoup inférieure. Ces Dindons kentuckiens atteignent des prix fort élevés. Une paire de Dindes cou- veuses se paie souvent de 128 à 256 francs, et une paire d'énormes mâles bronzés a été payée, l’an dernier, 640 francs par des Anglais. C’est là le prix le plus élevé que des Dindons aient jamais atteint. Les ken tuckiens estiment que la race bronzée est la première des races de Dindons. Plus grosse et d’un élevage plus facile que les autres, elle fournit surtout une chair excessivement savoureuse, que son léger fumet de gibier fait rechercher des amateurs. Le Dindon bronzé s’ob- tient en croisant le Dindon sauvage avec son congénère domestique. Le noir intense du plumage du premier, tempéré, adouci, par la teinte plus terne du second, donne alors le plumage bronzé si apprécié. Les plus beaux Dindons bronzés viennent du territoire indien où ils sont dus à l’accouplement en liberté de mâles sauvages avec des femelles de race domestique. (Le Chenil.) Un jardin d'essai au Congo. — Il existe à Libreville un jardin d’essai dans lequel la colonie fait exécuter, par un agent des cultures, des expériences très intéressantes ayant pour objet l’acclimatement au Gabon de diverses plantes, de nature à être utilisées par l’in- dusirie. Tout récemment, le personnel placé sous les ordres de cet agent a été occupé à la multiplication du Caoutchoutier arborescent, ainsi que du Sésame d'Orient. Le jardin de Libreville est aujourd’hui assez riche pour céder des plantes aux colons. C'est ainsi qu’il vient de mettre à la disposition de deux Français, établis dans l'Ogooué, mille pieds de Caféier de Libéria. On tente en ce moment de cultiver, dans ce jardin, des lé- gumes d'Europe. | | L’agent des cultures a fait récemment un voyage à M’Djolé, dans l'Ogooué. Il a constaté la fertilité de cette contrée, qui deviendra cer- tainement l'une des plus prospères de la colonie, lorsque l'agriculture s’y développera. Grâce au fleuve, les communications sont faciles, le climat est sain, surtout sur les hauteurs, où certaines plantes appar- ienant à la flore spéciale des montagnes de la zone intertropicale pour- 76 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. raient être cultivées avec chances de succès : le Quinquina, par exemple. Il est certain, d'autre part, qu'au cap Lopez, dans l’île Maudhji ei dans l’île M'Djolé, l'élevage du Bœuf réussirait. La culture des Coco- tiers fournirait également aux Européens qui s’établiraient dans cette contrée le moyen d’arriver rapidement à une certaine aisance. Quel- ques-uns de nos nationaux, du reste, s’y sont déjà installés. Plu- sieurs d'entre eux, MM. Timon et Rousselot, à Achouea, et Gazengel, à M'Djolé, possèdent aujourd hui des plantations de rapport, qui sont des établissements modèles. (Annales de l’Extréme-Orient.) Le Baobab (Adansonia digitata 1. A. Baobab, GAERTN. Ophelus salutarius, LOGUR.) est le plus gros des arbres connus ; son ironc ac- œuiert jusqu'à 25 mètres de circonférence, et sa hauteur, relativement faible, ne dépasse guère 15-20 mètres au plus. Ce tronc énorme est couronné par des branches horizontales, longues et fort grosses, por- tant des rameaux étalés, dont l’ensemble donne à cet arbre un aspect bizarre et imposant, surtout lorsqu'il est dépouillé de ses feuilles, qu'il perd chaque année. Ses feuilles sont alternes, ordinairement digitées et composées de 5-7 folioles ovales, presque cunéiformes, acuminées et le plus souvent légèrement dentées. Ses dimensions diminuent au fur et à mesure qu il s'éloigne de la mer. Originaire de la Sénégambie, l'A. digitata est assez commun à l'ile Sorr, près de Saint-Louis ; il se rencontre généralement dans touie l'Afrique, notamment en Egypte et aux îles du Cap-Vert. Introduit dans l’Inde, à la Martinique, à la Réunion et en Amérique, il s’y est parfaitement naturalisé. R Le Baobab est souvent creux et, pendant la saison des pluies, l’eau, qui s’amasse et se conserve dans l'intérieur du tronc, sert à désaltérer les hommes et les animaux, etles aide ainsi à supporter plus faci- lement la température brülaute du jour. Au Sénégal, quelques tribus de noirs utilisent encore les cavités naturelles de cet arbre, pour y déposer les cadavres des individus qu'ils jugent indignes de la sépulture. Ces sortes de cavernes, dues à la carie intérieure de la tige, sont alors agrandies par eux, régularisées et transformées en véritables chambres mortuaires. Les nègres de la côte d'Afrique regardent aussi le Baobab comme sacré et y atlachent leurs gris- gris, sortes d'amulettes auxquelles ils attribuent des vertus surna- turelles. Le bois, blanc, spongieux et très mou, n'est guère susceptible d’em- ploi ; cependant, d’après Duchesne, les naturels en feraient des canots et des pirogues d’une longueur démesurée. Le tronc et les grosses branches sont recouverts d’une écorce gris cendré, quelquefois verdâtre ou rougeâtre, luisante, douce au toucher et d’une épaisseur de un centimètre environ. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 14 Cette écorce donne des fibres textiles qui servent à fabriquer des cordes très solides; en Angleterre, on les fait entrer couramment dans la composition de la pâte à papier. Ces fibres sont désignées à Benguela sous le nom de Zicomite par les colons portugais. En Abyssinie, les Changallas et les Chohos emploient la partie fi- landreuse et tenace de l’écorce, à faire des espèces de bonnets ou de caloties qu’ils ornent de coquillages. Ces calottes imperméables à l’eau, leur servent à la fois de coiffure et de vases à boire. Les fila- ments grossiers qu'ils en retirent par les procédés les plus primitifs, constitue la matière première avec laquelle ils confectionnent leurs cordages, leurs liens et les pagnes qu’ils roulent autour de leurs reins. En 18148, M. le D' Duchassaing, médecin à la Guadeloupe, a pré- conisé l'écorce de Baobab comme succédané du Quinquina el du sul- fate de Quinine. Il ne paraît pas douteux, dit M. Guibourt, que la qualité émolliente de cette écorce ne puisse la rendre utile dans les cas spécifiés par Adanson, et dans d’autres qui prendraient également leur source dans un état phlegmasique des intestins; mais il est moins certain qu'on doive reconnaître à l’écorce de Baobab, une pro- priété anlipériodique analogue à celle du Quinquina. Les feuilles desséchées à l'ombre et pulvérisées, sont connues en Afrique sous le nom de Zalo. Les nègres les emploient comme émol- lientes et adoucissantes, dans les affections des voies digestives et respiratoires. Ils associent fréquemment le Lalo à leurs aliments, surtout au COuSCOUssow, pour combattre l’ardeur du sang et modérer la transpiration. Adanson dit avoir préparé avec les feuilles du Bacbab, ure tisane dont il faisait un usage journalier et à laquelle il attribue la santé inaltérable dont il a joui pendant son séjour au Sénégal. Elle constitue également un anti-dysentérique précieux. M. Stanislas Martin a donné le nom d’'Adansonine à une matière encore mal étu- diée, retirée de ces feuilles ; on la considère comme un antidole des Sérophanthus? Ce fait mérite confirmation. Les fleurs du Baobab sont blanches ou légèrement teintées de lilas et fort grandes, car leur diamètre peut atteindre jusqu'à 20 centi- mètres ; par le mucilage qu'elles renferment, elles participent, dans une certaine mesure, aux propriélés des autres parties de la plante. Le fruit, de forme variable, généralement ovale et allongé, plus ra- rement globuleux, est une coque ligneuse, assez volumineuse, mince, couverte extérieurement d’un duvet verdâtre, dense et un peu rude, remplie par une pulpe acidulée assez agréable que l’on désigne sous le vom de Pain de Singe où de Calebasse du Sénégal ; desséchée et ré- duite en poudre, elle est administrée, soit en infusion, soit en subs- tance, délavée dans l’eau ou du lait, pour calmer la soif. Cette matière appelée Bouï dans le pays, est féculente et conserve un goût aigrelet ; elle est considérée par les nègres comme très active pour arrêter l’hé- mopiysie et le flux diarrhéique, ainsi que pour prévenir les fièvres 78 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. puirides, assez communes au Sénégal pendant les mois de septembre et d'octobre. Prosper Alpin et Adanson sont d'accord, et avec eux un grand nombre de savants modernes, pour croire que cette pulpe formait la base la plus importante du produit apporté en Égypte par les cara- vanes sous le nom de Z'erre de Lemnos, dont les médecins faisaient un grand usage dans diverses affections fébriles et intestinales. La pulpe du fruit du Baobab se compose chimiquement de pecline, d’amidon, de glucose, de malate de potasse et d'une substance ex- itractive cristallisable mal connue. | La coque ligneuse du fruit sert de gourde et de récipient aux indi- genes; par l’incinération, ils en obtiennent des cendres riches en prin- cipes alcalins, propres à sapoaifier l'huile de palme qui commence à rancir. Les Indiens s’en servent comme de flotteurs pour leurs filets de pêche. Les semences sont oléagineuses, mais nous ne saurions dire si cette propriété recoit une application réellement industrielle dans les pays d’origine. En Nubie, les graines torrifiées de Baobab entrent encore dans la composition d'une décoction antidysentérique. Jules GRISARD. L'Arracacha (Arracacia æanfhorrhiza BAUER., Arracacha esculenta \ DC., Conium Arracacia HOOKX.) est une plante herbacée, vivace, à tige rameuse, glauque, striée, haute de 60-90 centimètres environ. Les feuilles radicales sont longuement pétiolées, biternatiséquées, à seg- ments ovales, grossièrement incisées-dentées, longues de 40-50 centi- mètres, glabres et d’un vert foncé; les caulinaires sont plus petites et peu nombreuses. Les fleurs, violettes ou jaunâtres, sont disposées en ombelles lécèrement concaves. La racine se compose d'un tubercule long, assez gros et charnu, blanc, jaune ou violet suivant les variétés. Originaire des régions froides de la Nouvelle-Grenade, cette plante se rencontre aussi à l’état spontané dans la Colombie. Elle se plaît dans les terrains accidentés, fertiles, profonds, humides et un peu argileux. Elle était connue en Amérique avant la découverte de ce pays et constituait déjà à cette époque une partie de la nourriture des indigènes. Sa cullure en grand a été continuée depuis par les colons espagnols, mais les essais tentés plusieurs fois en Europe, à des épo- ques différentes, pour son introduction et son acclimatation n’ont pas réussi, du moins jusqu’à ce jour. L’Arracacha est un excellent légume dont les propriétés alimentaires sont incontestables ; il présente quelque analogie avec la Pomme de terre, tout en rendant, aux populations de l'Amérique centrale, les mêmes services que ce précieux tubercule. Cette racine, connue des Anglais sous le nom de Peruvian Garrof, est appelée Apio au Vénézuéla ; elle affecte la forme et le volume d’une CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 79 grosse corne de Vache. L’Arracacha possède une saveur agréable, douceâtre, légèrement aromatique et sucrée, qui lui a fait donner par Roelz le nom de « Pomme de terre- céleri ». Ce tubercule est plus fari- neux que la Pomme de terre ordinaire ; sa consistance est assez sem- blable à celle de la Carotte. Il est mangé avec avidilé par les Bœufs et les Chevaux et sert aussi à engraisser les l’orcs et autres animaux domestiques. L’Arracacha est l’aliment essentiel des habitants des hauts plateaux de la Nouvelle-Grenade, où il entre dans la cuisine économique du pauvre comme du riche. On le mange préparé de toutes les facons, cuit à l’eau ou sous la cendre, grillé ou bouilli avec de la viande et des bananes. Très facile à cuire, d’une digestion facile, on s’accrutume facilement au goût de cette racine qui sert encore de base à plusieurs entremeis. Réduite en pulpe et cuite au four, dit le D' Sacc, elle donne un pain de bonne qualilé ; cuite avec du sucre, elle fournit des conserves recherchées ; délayée dans de l’eau et fermentée, elle produit une boisson assez forte que ses propriétés toniques rendent très utile. Enfin, on en extrait une fécule analeptique assez blanche analogue à l’Arrow-root, dont les grains, examinés au microscope, sont com- pacis, irréguliers, polyédriques ou cuboïdes. Outre la matière amylacée qu'il contient, l’Arracacha renferme encore du sucre incristallisable et un principe aromatique. Ce légume convient mieux que la Pomme de terre aux personnes qui ont l'estomac délicat, aux malades et aux convalescents. La variété jaune est la plus estimée, mais elle est in- fcrieure à la blanche sous le rapport du rendement. En Amérique, on procède de la manière suivante pour la récolte de la racine et sa reproduction : lorsque celle-ci a acquis tout son déve- loppement, elle est arrachée et coupée à 8 ou 10 centimètres au-dessus du niveau du collet ; les racines sont ensuite mises en réserves. Quant au collet destiné à la reproduction, il forme alors une espèce de roncon garni d’une quantité de bourgeons ; on le sépare en plusieurs parties que l’on replante ; si le collet est trop petit pour être divisé, on tle remet en terre immédiatement. Au bout de quelque temps, de nou- velles racines : se forment aux environs des parties amputées, des bourgeons rouveaux se développent autour du collet et donnent bientôt naissance à d’autres plantes. L’A. moschata est employé au Mexique aux mêmes usages que l'espèce dont nous venons de nous occuper. Maximilien VANDEN-BERGHE. OUVRAGES OFFERTS A LA BIBLIOTHÈQUE DE LA SOCIÉTÉ. Gutierrez (Donato), — El Alsgodonero. — Mexico, oficina typ. de la Secretaria de fomento, etc., 1885. Hamonville ile baron d’). — La vie des oiseaux, scènes d’après na- ture. — Paris, libr. Baïllière et fils, 1890. Ideas generales sobre el cultivo de la Caña de Azücar en el estado de Morelos de los Estados unidos mexicanos, 1885. Laboratoire d’études de la soie, rapport présenté à la Chambre de commerce de Lyon par la commission administrative. — Lyon, imprimerie Pitrat aîné, 1889. Lachaume (Jules). — Agricultor Cubano. — Plantas textiles su cul- tivo, extraccion de fibras, 1888. Lejeune (Luis). — Cultivo del Tabaco en Mexico. — Mexico, oficina de la secretaria de fomento, 1885. Lejeune (Louis). — Le Tabac mexicain, son présent et son avenir. — Mexico, imprimerie du Ministère des Travaux publics, 1885. Le Play (le D' José). — La Carpe, nouveaux procédés d'élevage et d'aménagement des étangs par le système de Dubisch. — Paris, G. Masson, éditeur, 1889. Lobato (José G.). — Estudio sobre las Aguas médicinales de la Re- publica mexicana. — Mexico, 1884. Lucas-Championnière (le D' Just). — Le massage et la mobili- sation dans le traitement des fractures. — Paris, A. Coccoz, likbraire- éditeur, 1889. Le même. — Traitement des fractures de la rotule par l'ouverture immédiate et large du genou. — Paris, A. Coccoz, libraire-éditeur, 1890. Le même. — Trépanation pour hémorrhagie cérébrale. — Paris, A. Coc- coz, libraire-éditeur, 1889. Lucas-Championnière et Danion (les D'$) — Sur le traitement électrique des fibromes utérins. — Paris, Société imp. Paul Du- pont, 1889. Marquet de Vasselot. — Déposilion concernant les droits sur les Maïs et les Riz. — Paris, imprimerie Dubreuil, 1890. Maria Campos (Ricardo de). — Datos mercantiles. — Mexico, 1889. Le Gérant: JULES GRISARD. 1 DISCOURS PRONONCÉ PAR M. EDMOND PERRIER PROFESSEUR AU MUSÉUM, PRÉSIDENT DE LA SECTION D'AQUICULTURE À L’OUVERTURE DE LA SESSION. Messieurs, Vous m'avez fait un honneur, dont je sens tout le prix, en me confiant, après mon sympathique collègue au Muséum, M. Léon Vaillant, la présidence de la section d’aquiculture. Vous avez voulu consacrer ainsi une fois de plus, cette union de la science théorique et de la science pratique qui est une condition de progrès pour l’une comme pour l’autre, et que personnifiaient si bien le fondateur de la Société d’Acclima- tation : Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, le fondateur de l’aqui- culture méthodique : Coste. Il n’est donné qu'à de rares esprits d'embrasser ainsi le côté purement spéculatif des sciences et leur côté économique; et je me fais une si haute idée de votre mission, du rôle que vous pouvez jouer dans l'accroissement ou, ce qui est souvent plus difficile, dans la conservation de la richesse du pays, que je reculerais devant la tâche de diri- ger vos travaux si la voie n'avait été aussi nettement tracée par nos illustres devanciers. Tandis que la terre avec laquelle l’homme est maintenu par toute son organisation en intime contact, a été de tout temps l’objet d’une culture attentive, que ses productions ont été soigneusement protégées, multipliées, déterminées, amé- Horées en vue de nos besoins, les eaux qui nous sont moins accessibles ont été jusque dans ce dernier demi-siècle pres- qu'entièrement abandonnées à elles-mêmes. Aujourd'hui encore, on les laisse le plus souvent produire ce qu'elles peuvent, et on leur prend le plus qu’on peut ce qu’elles ont produit. Elles sont, pour ainsi dire, en friches; nous n'y ramassons que des fruits sauvages, et malgré un arsenal déjà 20 Janvier 1891. 6 82 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. respectable de lois, décrets et règlements, nous ne sommes pas encore parvenus à mettre une juste mesure dans nos ré- coltes inconsidérées. C'était donc un rêve bien digne d’un grand esprit que celui de doter notre pays d’une exploitation aquicole, comparable et parallèle à son exploitation agricole. Ce rêve d’un savant illustre c’est à vous de le réaliser, c’est pour cela que votre Société a été fondée, car il n’y a pas d’acclimatation sans culture, ni de culture dans le sens large du mot sans acclimatation. La plupart de nos plantes culti- vées et nombre de nos animaux domestiques ne sont-ils pas, en effet, le produit d’heureuses importations sur notre sol d'êtres qui lui étaient complètement étrangers? La Pomme de terre, le Maïs, la Batate, le Coq, le Dindon, la Pintade en sont d'illustres exemples. L’aquiculture vous appartient donc dans toute son étendue, et nous pouvons rechercher ensemble quels sont les problèmes qu'elle soulève, sauf à choisir parmi eux d'un commun accord, ceux sur lesquels il nous paraîtrait pré- férable de faire porter tout d’abord l'effort de la Société, très jalouse, je puis le dire, de voir sa section d’aquiculture prendre un rôle de plus en plus actif. L'aquiculture se présente à nous sous deux aspects : l’a- quiculture d’eau douce et l’aquiculture marine. Toutes deux ont eu des adeptes zélés, des succès importants, et aussi des revers qui n’ont rien d’ailleurs de décourageant. Leur his- toire est trop connue pour qu'il soit utile de le rappeler, mais nous pouvons jeter un coup d'œil sur ce que l’on doit attendre de l’une et de l’autre. La production des alevins, leur conservation en chartre privée jusqu'à un certain âge auquel ils sont mis en liberté, paraissent avoir été jusqu'ici le principal souci des aquicul- teurs d’eau douce. Personne n’ignore que la question a un autre côté, et que c’est justement le plus important : il s’agit, l’alevin une fois lâché, de le faire vivre. C’est ici que le pro- blème se complique et que l’action commune peut utilement s'exercer. Les eaux qu'il s’agit de peupler se présentent dans les conditions les plus diverses : elles sont courantes ou stag- nantes ; ce sont des propriétés privées ou elles appartiennent à l'Etat; elles sont utilisées par l’agriculture, l’industrie, la navigation ou libres de toute servitude de ce chef. Si nous abordions dans toute son étendue, le problème du repeuple- ment des eaux de la France, il y aurait évidemment à recher- 4 À f 3 ÿ DISCOURS DE M. EDMOND PERRIER. 83 cher s’il n’y aurait pas lieu d'établir dans les eaux une divi- sion du travail analogue à celle qui s’est spontanément établie sur notre sol; est-ce bien un fleuve idéal que celui qui sert à la fois de route, d’égout et de lieu d'élevage pour le poisson ? Ne serait-il pas possible de concilier ces fonctions si diverses, dans une foule d’endroits où le poisson est toujours vaincu, l'ingénieur ou l'industriel toujours triomphant ? Maïs c'est là un problème dont la solution est lointaine, et, en ce qui con- cerne les cours d’eau, nous pouvons avoir une action plus immédiate en nous isolant tout d’abord de ce qu’on peut ap- peler les eaux industrielles pour nous occuper des eaux de culture proprement dites. Le problème de l’aquiculture est ici facile à poser, sinon facile à résoudre ; maïs ce n’est pas tou- jours celui qui a été poursuivi. On s’est dit quelquefois : Etant donné tel poisson précieux, semons-le partout et tàächons de le faire vivre. D’autres fois on s’est borné à chercher les moyens de faire prospérer nos espèces indigènes dans des eaux où elles étaient jadis nombreuses et où elles deviennent rares aujourd'hui. Le problème général de la pisciculture est un peu autre : Il faut considérer les cours d’eau comme des données primitives qu’om peut modifier dans une certaine mesure, aménager, si l’on veut, et se proposer de rechercher parmi les poissons comestibles du globe ceux dont le genre de vie est le mieux fait pour s’accommoder respectivement de ces données. Il n’est pas certain, tant s’en faut, que les animaux qui vivent dans un pays soient toujours les mieux faits pour y vivre : le Cheval, disparu d'Amérique au moment de la dé- couverte du Nouveau-Monde, en a depuis refait la conquête; le Surmulot chasse, partout où il pénètre, les Rats indigènes ; des faits analogues se produiraient certainement pour les poissons, si les essais tentés dans ce sens par divers membres de la Société étaient méthodiquement généralisés. Mais le peuplement ou le repeuplement des cours d’eau est simplement à l’aquiculture ce que le reboisement des montagnes est à l’agriculture. De même que l’agriculture a des champs, des jardins et des serres, l’aquiculteur peut faire vivre méthodiquement en stabulation des espèces communes régulièrement exploitées pour l'alimentation courante, des espèces améliorées de qualité supérieure, des espèces rares, véritables fruits de luxe. C’est évidemment dans cette voie de la domestication rationnelle des espèces indigènes ou exo- 84 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. tiques que l'avenir semble devoir donner d'importants résul- tats. Peut-être la domestication sur place des espèces de- vrait-elle précéder leur exportation, et là encore on comprend combien les relations étendues de notre Société peuvent rendre sa tâche féconde. La mer paraissait, il y a cent ans, contenir des réserves inépuisables. Il a fallu reconnaître que l’appétit des pêcheurs était plus grand encore que les ressources naturelles de l'Océan. On se plaint partout de la rareté croissante du poisson, et il y a longtemps qu'il ne serait plus question des Huiîtres francaises, si les efforts de Coste n'avaient conduit à la création d'une industrie puissante, occupant aujour- d'hui plus de 200,000 personnes : l’ostréiculture. Sur nos côtes, l'Huitre est désormais réduite en domes- ticité. À Arcachon, en Bretagne, il se fait infiniment plus de naissain que les parcs du littoral ne peuvent élever de co- quillage et, n'étaient les tarifs de transport, l'Huître serait aujourd'hui partout à bon marché ; on en peut dire autant de la Moule. S'il y avait à cela un réel intérêt, il n’est pas douteux que beaucoup de Mollusques alimentaires pourraient être élevés de la même facon. Leur prix est, à la vérité, si bas que, sauf pour quelques espèces, comme la coquille de Saint-Jacques, il ne serait peut-être pas suffisamment rému- nérateur. | Ce qu’on a fait pour l'Huître, ne serait-il pas possible de le faire pour le Homard, la Langouste et les plus gros Crabes ? Ne pourrait-on même procéder à l'élevage de certains Pois- sons et faire pour les Poissons les plus recherchés ce que les anciens avaient fait pour les Murènes ? La mer nourrit encore une foule de produits importants. Les Chinois savent faire travailler les Anodontes, ne pour- rait-on parquer l’Huitre perlière et lui faire fabriquer à vo- lonté et sous des formes prévues ses brillantes concrétions ? La pêche des Éponges est une industrie rémunératrice et dangereuse ; la culture des Éponges a été tentée non sans quelques succès en Amérique et à Trieste. Devons-nous en rester là, et n'est-ce pas à votre section d’aquiculture de sus- citer, de diriger et, s’il se peut, de faire réussir des tentatives que rien n'autorise à abandonner ? | « Il faut, dit un proverbe local, avoir tué ou volé pour être corailleur ». Est-il radicalement impossible de créer et DISCOURS DE M. EDMOND PERRIER. 89 d'exploiter méthodiquement des fonds coralligènes arti- ficiels ? En fait de biologie, Messieurs, il ne faut jamais prononcer le mot impossible. Les animaux, même les animaux marins, se montrent beaucoup plus accommodants qu'on ne le sup- pose d'habitude. S'ils sont intransigeants pour quelques-unes de leurs conditions d'existence, il est certaines concessions qu'ils font volontiers. Le malheur est que nous ne sommes que fort peu au courant de leurs préférences. C’est à nous de les interviewer, pour me servir d'un mot bien indiscret, avec une suffisante insistance pour leur arracher leurs NÉCPOLS. Il faut bien nous le dire : toutes ces questions que soulève laquiculture sont actuellement dans l'air. Notre Société non seulement ne peut pas s’en désintéresser, mais fondée, en somme, pour les résoudre, elle doit en quelque sorte les évoquer et s'attacher ardemment à leur solution. Sans doute la tache est vaste et ardue, mais elle est assez belle pour susciter quelque enthousiasme ; la Société d’Accli- matation a conscience du service qu'elle aurait rendu au pays, le jour où elle aurait organisé la fécondité régulière de ses rivières, de ses étangs, de ses mers, où elle aurait fait tourner au profit de la richesse nationale tout ce que ses eaux contiennent de vie. Nous nous attacherons, si vous le voulez bien, à quelques modestes parties de cette vaste tâche, sûrs d’être toujours secondés par nos confrères, et nous tà- cherons que notre œuvre puisse fournir à nos successeurs une base solide sur laquelle ils puissent asseoir en sécurité de nouvelles conquêtes. I. TRAVAUX ADRESSÉS À LA SOCIÉTÉ. NOTE SUR LES ÉDUCATIONS D'ANIMAUX FAITES A S'GRAVELAND EN 1890 Par M. F.-E BLAAUVW. Lettre adressée à M. le Président de la Société. Comme d'habitude je vous donne le résultat de mes éle- vages. | Antilopes Gnous (Catoblepas gnu). — L'époque de re- production de ces Antilopes recule toujours plus; bientôt l'hiver verra naître les jeunes. La vieille femelle importée a de nouveau donné un produit cette année, comme je l’avais prévu. C'est un mâle cette fois, le premier qu'elle ait donné. Une seconde femelle à donné un jeune du sexe féminin, le 13 septembre seulement, et le petit animal n’a pas eu à se louer du beau temps qu'il a eu en venant au monde. Peu de jours après sa naissance les pluies commencçaient, elles ont duré presque sans interruption jusqu à la fin de no- vembre. Alors la gelée est venue (le 23) et dure encore main- tenant (18 décembre) avec une rigueur exceptionnelle. Des nuits de — 15° se succèdent et même le jour il y a fréquem- ment 8° à 10° au-dessous de zéro. J'avoue que j'avais bien peur pour la vie du plus jeune des Gnous, âgé de trois mois à peine et qui a supporté toute cette gelée, tout ce vent gla- cial, à ciel ouvert, sans jamais chercher un abri. Il ne parait pas en souffrir. Le troisième jeune Gnou est né le 25 novembre par un vent glacial et une forte gelée, en plein champ, dans la nuit. Le matin on l’a trouvé glacé, presque mort. Toutes les ten- tatives faites pour le rétablir ont échoué, et il a succombé dans la journée. x ÉDUCATIONS D'ANIMAUX. 87 C’est le premier échec que j'ai à enregistrer dans mon élevage de Gnous : mais l'épreuve était en vérité trop forte. Pour résumer, depuis 1886 sont nés chez moi neuf jeunes Gnous. Si j'avais gardé tous les produits, mon troupeau serait naturellement plus nombreux, puisque les femelles repro- duisent à deux ans. Je n’ai jamais gardé plus de trois femelles en âge de reproduire. Kangurous de Bennett (/almatlurus Benneiti). — Ces Kangurous ont donné deux jeunes presqu'adultes à présent et deux autres jeunes se trouvent encore dans la poche ma- ternelle. La rusticité de ces animaux ici, ne laisse rien à désirer ; l'humidité, le froid, ils supportent tout. Cerfs du Mexique (Cariacus Mexicanus). — Une paire de ces animaux, que je possède depuis un an environ, m'a étonné par sa rusticité. Ces animaux passent les plus grands froids en plein air et jamais leur cabane, même la nuit, n’est fermée. | Ces Cerfs sont intéressants par leur changement de robe ; en été, le gris du pelage d'hiver fait place, au mois de mai, à une livrée d'été rouge couleur de renard. Le front devient d'un noir brillant et toutes les teintes blanches prennent un vif éclat. En pelage d'été, ces Cerfs, aux formes élancées, élégantes sont un des plus beaux animaux qu’on puisse voir. Au mois d'août la robe d'hiver reparait. Je n’ai pas encore eu de reproduction. L’an prochain j’es- père mieux réussir. Damans du Cap (Æyrax Capensis). — La paire que je possède depuis bientôt deux ans a donné naissance à un jeune au mois de février 1890. Peu de jours après sa naïis- sance, le jeune a disparu et bientôt après la mère est morte. Les Nandous {(Rhea Americana) ont fait une couvée qui a donné douze jeunes, qui tous sont venus à bien. Je possède toujours mon mâle Rhea Dariwini, sans avoir pu me pro- curer une femelle et sans avoir pu obtenir un croisement avec le Nandou ordinaire. Les Bernaches à tête rousse (Bernicla rubidiceps) continuent à reproduire ici régulièrement. La couvée de cette année a donné six jeunes. Bernaches mariées (Bernicla jubata). — Enfin, après deux années d'attente, ces jolies petites oies se sont décidées à 88 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. reproduire. La femelle a pondu six œufs qu'elle n’a pas voulu couver. Je n’ai encore rien obtenu des espèces suivantes : Anser hyperboreus, Anser minulus, Cygnus Bewicki, Grus viri- dirostris. De mes Oies de l'Orénoque (Chenalopex jubata), l'an passé, j'ai eu un jeune. Cette année la couvée a été de dix œufs et m'a donné cinq jeunes; l’un d'eux est mort, les quatre autres se sont élevés sans difficulté. Les Cygnes à cou noir (Cygnus nigricollis) ont donné trois jeunes. Dans une spacieuse volière de 200 mètres superficiels en- viron, j'avais cet été deux Éperonniers Chinquis, une paire de Colombes Diamants, une paire de Colombes Tranquilles, quelques Passereaux et une paire de Golins de Virginie. La femelle de cette dernière paire s’est mise à pondre en juillet seulement, et douze œufs furent déposés sous une touffe de hautes herbes. La ponte finie j'attendis l’incubation de la femelle ; le mâle Colin se montrait inquiet, ne cessait d’ap- peler la femelle du côté nid, mais elle faisait la sourde oreille. Cela dura deux jours. J’allais me décider à confier les œufs à une Poule couveuse, quand le mâle Colin trancha la question d’une manière efficace en se chargeant lui-même de la besogne. Il couva avec une assiduité exemplaire et mena à bien huit poussins que, triomphalement, il conduisit par la volière et éleva avec les plus grands soins. Dans cette même volière les Colombes Diamants et les Co- lombes Tranquilles élevèrent plusieurs jeunes sans s’in- quiéter mutuellement, et cependant les nids étaient placés sur le même arbuste. En somme, l'élevage de 1890, malgré l'été humide et froïd, a été passable. OUTARDES PLUVIERS ET VANNEAUX HISTOIRE NATURELLE — MŒURS — RÉGIME — ACCLIMATATION PAR PAUL LAFOURCADE, (SUITE À). CHAPITRE VIL Pluviers et Guignards (1). Perdrix, cailles et tourterelles, Huppes, faisans et arondelles, Plouviers, vanneaux, ostardes, grues, Cannes qui s’en vont courir les rues. Descamps, f. 488 (2). Les zoologistes classent ces oiseaux dans l’ordre des Cha- radridés de la grande famille des Échassiers. Dans ce genre Charadrius, Linné, Gmelin et Latham avaient compris des oiseaux dont les caractères étaient telle- (*) Voyez Revue, 1889, p. 353, 461, 5173, 689, 940, 1022 et 1169. (1) Appellations diverses selon les pays : Piviere, pavoncella, en latin. Piviere, pivier nunor, en alien. Bir bjius quouch, en turc. Regenvogel. (Locution proverbiale ; hyis spekvet met wit woorhoofd stand Pluvier. — Il est gros comme un Pluvier), en hollandais. N’mua, en russe. Xapadetos, (vu (6), en grec. Plü-vyay-plover, en anglais. Goldregenpfeifer, en allemand. Pluvié, pluvial, o pardal, en espagnol. Plouvier, plovier. Pluvier, dérivé du latin pluvia (pluie), cet oiseau arrivant dans nos pays aux approches de la saison des pluies (4). Dans la Beauce, Puviers. Dans l’arrondissement de Pithiviers, Guigners, Guignotïs. La ville de Pithiviers porte les noms de Pluviers, Pitiviers, Puviers. On dit qu’elle a pris son nom de Pluviers, de l'abondance des Pluviers aux environs, d’où vient que Robert Casal l’appelle Aviarium. {2} La Curne de Sainte-Palaye, Dictionn. de l'ancien langage françois, p. 346 et 347, Niort (1880). (a) Brachet, Dictionn. étymolog. de la langue française, p. 385 et 415. 90 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. ment différents qu'il importait d'en établir immédiatement une division. C’est bien une véritable famille que celle des Pluviers et des Guignards ; les types y sont nombreux, divers, à carac- tères saillants, depuis le modèle, le Pluvier doré, jusqu'à l'Endromie, vulgairement appelé Guignard. Près de quatre-vingt-deux espèces ont été signalées et reconnues ; trente-une ont été étudiées par quelques natura- listes. Temminck en présente sept : 1° Le Pluvier doré (Charadrius pluvialis) ; 2° Le Pluvier armé (Ch. spinosus) ; 3° Le Pluvier guignard (Ch. morinellus) ; 4 Le Pluvier à plastron roux (Ch. pyrrhothorax) ; 5° Le grand Pluvier à collier {Ch. hiaticula) ; 6° Le petit Pluvier à collier (Ch. minor); Le Pluvier à collier interrompu (CA. ARR ORU Sans compter ceux qu'il a oubliés, d'autant plus que ce genre Pluvier a des subdivisions. Ainsi Lesson a distingué : 1° Les vrais Pluviers ; 2° Les Pluviers à Éciect 3° Les Pluviers à ae nie grêles ; 4 Les Pluviers à huppe occipitale ; o Les Pluviers à lambeaux (1). Schlegel distingue : 1° Les Pluviers dorés ; 2 Les Pluviers guignards ; 3° Les Pluviers proprement dits (ceux que Boiïé dans son classement désigne sous le nom d'Æ- gialites) (2). Si on résume les travaux des naturalistes, l'étude de tous les Pluviers conduit à établir trois groupes : 10 Les Pluviers proprement dits, 2 Les Pluviers armés, 3° Les Pluviers à lambeaux. (1) Lesson, Traité d'ornithologie. (2) Schlegel, Revue critique des oiseaux d’Eurone. OUTARDES, PLUVIERS ET VANNEAUX. 94 Voici leurs caractères : a) Les Pluviers proprement dits n’ont pas de huppe; les ailes ne portent pas d’éperons cornés ; les tarses sont réti- culés. Dans ce groupe se trouvent : Le Pluvier doré, le Pluvier guignard, le Pluvier solitaire, les Pluviers à collier, les Pluviers à collier interrompu, les Pluviers à plastron roux, les Pluviers à face encadrée, les Pluviers étrangers, les Pluviers d'Egypte (1), les Pluviers Wilson, Azara, à face noire, à double collier, etc. b) Les Pluviers armés ont des tubercules cornés aux ailes et des écussons aux tarses. Dans ce groupe sont les Pluviers armés et les Pluviers de Cayenne. e) Les Pluviers à lambeaux ont des écussons sur la région tarsienne et des lambeaux charnus à la face. On remarque dans ce groupe : le Pluvier coiffé de Cuvier, le Pluvier à lambeaux orbitaires de Lesson. Comme on le voit, le genre Pluvier se compose d’une quantité d'espèces qui se trouvent réparties sur tous les points du globe. Je ne m'occuperai que de l’étude de trois Pluviers : le Plu- vier doré, le Pluvier à collier et le Guignard. Les caractères généraux sont tirés de la tête et des doigts : tête beaucoup trop grosse pour le cou qui la supporte, bec menu et petit, attaché très bas, renflé à son extrémité, légere- ment arrondi à la base, de couleur noire ; ailes assez longues, aiguës, queue courte, tarses grêles, trois doigts posant bien à plat sur le sol, colonne vertébrale composée de 12 à 13 vertèbres, sternum échancré en arrière, absence de jabot, taille de la Tourterelle. TYPE DU GENRE. Le Pluvier doré (Charadrius pluvialis. — Pluvialis apri- carius). — Toilette d'automne : Manteau à mouchetures d’un brun foncé sur fond jaune verdâtre. — Toilette de prin- temps : Large plastron noir couvrant entièrement la poitrine ; (1} C’est l'espèce dont parle Hérodote. L’occupation de ce Pluvier est de caercher, dans la gueule du Crocodile, les insectes et les vers qui s’y intro- duisent pendant les mouvements des mâchoires, C'est à I. Geoffroy Saint- Hilaire que l’on doit d'avoir précisé le fait par ses propres observations en ramenant ainsi à son véritable type ornithologique le fameux Z#ochylus d’Héro- dote. (D'Orbigny, Dictionn. d'hist. natur.,: p.179.) 92 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. deux étroites banderoles blanches partant du front, des- cendent régulièrement sur le cou qu'elles entourent en se perdant sous les ailes. C’est là le vêtement qu'endosse cet oiseau pendant la saison amoureuse. Ce Pluvier a de 28 à 30 c. de long, les ailes mesurent 0,60 c. d'envergure. Son poids est de 500 grammes environ. Pluvier à collier : Manteau de soie gris perle, collier noir, œil vif, clair, parfois si brillant que Toussenel lui a donné le nom de Pluvier aux yeux d’or. Guignard : Dos noir avec mouchetures grises, poitrine d'un gris roux que limite une étroite bande noire dans la saison du printemps, ceinture blanche, tête grise, tarses légèrement verdâtres ; oiseau moins gros que le Pluvier doré, 0,24 à 0,25 c. de long, les ailes ont 0,50 c. d'envergure. La taille de ces Pluviers est à peu de chose près celle du Pluvier doré. — Les Pluviers sont reconnus comme étant les plus actifs de tous les Echassiers ; ce sont des braves auxquels l'heure importe peu, aussi les voit-on constamment en mouvement. À les regarder courir, se démener, on les croirait mus par un ressort perpétuel. In'y a là rien qui doive nous étonner; la nature ne nous ménage-t-elle pas toujours d’heureuses surprises lorsqu'elle prend sous sa protection des êtres aussi intéressants que les Pluviers. Ces oiseaux marchent et courent très facilement, volent légèrement, avec vitesse quelquefois et sans jamais se lasser. Brehm dit qu’ils ne se décident à nager que contraints par la nécessité, mais ils le font très habilement (1). Le Guignard est peut-être moins élégant que le Pluvier doré, mais il est aussi vif, aussi agile ; il vole fort légèrement, et si la nature lui a donné une tête plus grosse que celle de son cousin, par contre sa chair est SE Celente et préférable même à celle du Pluvier doré. Les mœurs de ces oiseaux sont identiques ; méfiants, crain- tifs, on ne les approche que très difficilement. Les Pluviers et les Guignards se rencontrent sur tous les points du globe. Les Pluviers dorés habitent principalement l’Europe, l’Asie (1) Brehm, Loc. cit., p. 558. OUTARDES, PLUVIERS ET VANNEAUX. 93 et le nord de l'Afrique. On les voit constamment en Allemagne et en Angleterre, fréquemment en Belgique, en Hollande et en France. . Les Guignards se rencontrent dans l’Europe du Nord, en Asie, en Afrique. En Allemagne on les trouve dans presque tous les Etats. Ils sont moins communs en France, en Es- pagne, en Angleterre. | Brehm a rencontré le Guignard sur les crêtes élevées du Dovrefjeld, au cap Nord, sur les cimes les plus hautes du Riesengebirge, les Highlands. Radde l’a signalé comme un oiseau commun dans le sud de la Sibérie, la zone alpine des montagnes, au-dessus des tundras, à une altitude de 2,400 à 2,600 mètres au-dessus du niveau de la mer. Tous ces oiseaux émigrent pendant une partie de l’année. Dans les départements du nord de la France, le Pluvier doré a deux passages : 1° Celui du printemps qui commence dès les premiers jours de mars et se prolonge quelquefois jusqu’en avril; 20 Celui d'automne qui a lieu au mois d'octobre et au mois de novembre. Quelques individus restent dans les contrées septentrio- nales de notre pays jusqu'aux premières gelées; on en a vu même y passer l'hiver quand cette saison était modérée. Le Guignard est de passage périodiquement dans le nord de la France en mai et en août ; dans le centre, on le ren- contre en septembre ; on en a signalé en Normandie pendant le mois de février. | Pour me résumer : les Pluviers et les Guignards sont d’in- fatigables voyageurs que l’on rencontre un peu partout, en Europe, en Asie, en Afrique, surtout dans l'Algérie. Ils voyagent le plus souvent la nuit en se rangeant sur une seule ligne oblique; rarement dans leur vol ils suivent l’ordre triangulaire. J'en ai vu et tiré des quantités dans les champs labourés de la Beauce, principalement en automne. Les prairies de la Haute-Marne en sont également couvertes pendant la saison des brouillards et des pluies. Dans le Poitou, surtout la partie qu'on appelle la piaine, on les rencontre en bataillons serrés, mêlés aux Vanneaux, leurs compagnons de voyage et suivis de milliers d'Étourneaux. Je le répète : ces oiseaux sont essentiellement migrateurs: 94 _ REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. ils se montrent en France deux fois l’année, en septembre et en mars. Qu'ils sont longs les voyages à accomplir, véritables voyages au long cours, on peut bien les appeler ainsi, mais facile- ment supportés par des ailes aussi rapides que celles dont ces pèlerins sont si ingénieusement armés. _ Les Pluviers et les Guignards sont des oiseaux de marais; ils aiment assez suivre les cours d'eau, longer les rivières, s’abattre près des étangs et venir se jeter ensuite dans les grandes pièces de terre, prairies, chaumes, terres labourées, détrempées ou inondées par les pluies d'automne ou d'hiver. Véritables types de gaîté, de légéreté et de grâce, quel con- traste avec les Bécassines et les Maubèches, natures moroses, inquiètes et mobiles dont la voix perçante s'entend à travers la brume et le bruit. Tous les Pluviers recherchent de préférence les prés et les endroits marécageux. Aïnsi que les oiseaux de passage, ils élisent leur domicile dans les longues et larges terres, se tien- nent généralement au centre après avoir toutefois flanqué d’éclaireurs les rives du champ où le gros de la troupe s’est abattu. Le Pluvier doré et le Guignard fréquentent les plaines humides, les autres Pluviers vivent sur le bord des rivières, recherchent les plages graveleuses de la mer; aussi, dans certains pays, sont-ils connus sous le nom de Gravières. Bien que la gaîté soit le fond de leur caractère, ils sont très prudents et se laissent difficilement approcher par le chas- seur. Il faut croire que l'expérience leur a appris à distinguer l'homme de la nature de l’homme civilisé, j'allais dire comme Paul de Kock, l’homme policé. Pour eux, l’homme civilisé est un être antipathique qu'ils fuient du plus loin qu'ils l'apercoi- vent; l’homme des champs, au contraire, peut les aborder d'assez près même. Ici, encore une remarque ; ils savent parfaitement établir la différence entre le Chien de berger et le Chien de chasse; ce dernier est-il aperçu, même à distance, les oiseaux se réunissent, font entendre leur cri d’appel, quittent définitive- ment le sol et s'élèvent à une assez grande hauteur. Que de fois m’a-t-il été permis de contempler ce tableau. Berger jetant au vent la note mélancolique d’un refrain champêtre, chien paresseusement couché près du maitre et OUTARDES, PLUVIERS ET VANNEAUX. 95 scrutant l'horizon, moutons et brebis broutant quelques mai- ores Convolvulus et Taraxacum, sansonnets s’exercant comme de vrais écuyers à sautiller sur les housses laineuses, et, pour encadrer cette image champêtre, Pluviers et Van- neaux faisant entendre un pi-hui prolongé, chant de remer- ciement à la nature de leur avoir donné si bonne compagnie. Combien je regrette de n'être pas artiste; il serait si facile de traduire sur la toile ce petit poème d’une rusticité si vraie !.. Le Chien de berger, par un grognement sourd, a-t-il signalé la présence d’un importun, les oiseaux aux écoutes ont vite pris leur parti ; ils se mettent d’abord à courir avec rapidité, s'arrêtent de temps à autre et confient enfin le salut à leurs ailes, Ils commencent à raser le sol comme les Hirondelles, se redressent tout à coup dans les airs par la détente brusque de leurs ailes pointues, et ne tardent pas à disparaître dans les airs ainsi qu'un tourbillon chassé par le cyclone. CHAPITRE VIIL. = Mæœurs des Pluviers et Guignards. Les Pluviers, en général, sont des oiseaux très sociables : deux font cependant exception à la règle : le grand et le petit Pluvier à collier qui ont l’air de vivre en ermites ou tout au moins en frères quéteurs. Il semble que la Beauce, qui n’est plus, dans la saison d'hiver, qu'une série infinie de plaines nues, soit un de leurs séjours favoris. J’en ai tué et vu abattre des quantités dans le canton de Maintenon. C’est par bandes, par vols nombreux qu'on les rencontre ; il est rare de les trouver en petites sociétés. Comme le dit avec raison M. de Cherville (1), « les Pluviers sont des oiseaux que réunit un instinct social. Leurs agréga- tions ne se bornent pas, comme chez la Perdrix, à la famille ; leurs vols se composent des oiseaux d’un canton que sollicite probablement la nécessité de se réunir pour braver les dan- sers de longues traversées auxquelles leurs instincts de mi- tPBe marquis de Cherville, Les Oiseaux de chasse, p. 133. 96 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. grateurs les obligent. Leurs plus petites bandes sont toujours de cinquante, suivant Belon. » Il est donc bien entendu : les Pluviers et les Guignards sont très sociables et ont au plus haut degré l'amour de la famille. Je puis affirmer que le caractère le plus intéressant de l’es- pèce est la solidarité, aussi l’homme s’est trouvé là, tout exprès, pour tirer parti de cette qualité. Un coup de feu a-t-il fait quelques victimes ? on voit sou- dain toute la bande tourbillonner autour des blessés et des morts, passer au-dessus du chasseur en lui donnant à en- tendre qu'il faut s’occuper des mourants. Mais cet instinct de charité est tellement bien compris que l'être civilisé ne manque jamais de l’exploiter pour semer encore le carnage autour de lui. Si les Pluviers passent pour des oiseaux dont les sens et l'intelligence soient assez développés, par contre, on a dit et répété que les Guignards étaient sots et stupides. Allons donc! Pourquoi ne pas reconnaître, au contraire, qu'ils ont été éduqués comme les Pluviers, que l'instruction leur a été donnée par le même maître. Esi-ce parce que le Guignard a la tête plus grosse et plus ronde? Une anomalie, je le com- prends, mais que voulez-vous que le pauvret fasse à la nature de s'être montrée si bizarre envers la conformation de son chef? Une remarque qui a été faite : le Pluvier doré quitte ses compagnons à la tombée de la nuit et les appelle dès que l’aube apparait (1). Pendant la saison des amours, le mâle dessine dans l’air de capricieuses arabesques, descend ainsi qu'une flèche à côté de celle qu’il s’est choisi pour compagne, saute autour d'elle, balance la tête, ouvre les ailes et continue ce jeu jusqu’à ce que la femelle ait répondu à ses avances. Cette dernière a-t-elle consenti à recevoir les caresses si prodiguées d’un côté, tant désirées de l’autre, on voit le couple définitivement uni, vivre à l'écart et devenir de jour en jour plus solitaire. Il est rare que les mâles se disputent la possession des fe- melles ; on a pourtant vu des adversaires se rencontrer, se cuereiler. fondre l’un sur DLIE et lutter jusqu’à épuisement (1) D'Orbigny, loc. cit., p. 179. OUTARDES, PLUVIERS ET VANNEAUX. 97 complet ; de véritables duels dans lesquels la folie l'emporte le plus souvent sur l'amour. Je crois les Pluviers assez réservés sur la question de chas- teté ; ils peuvent ne pas être très austères dans leurs mœurs, mais il s’en faut de beaucoup que je les mette au rang des Chevaliers, qui se disputent constamment, non seulement pour la conquête d’une femelle, mais pour une futilité, pour la plus petite fadaise. Peut-on donner le nom de nid à la légère excavation pro- duite par le pas d’un cheval ou d’un bœuf sur le sol toujours humide”? IL est prouvé que cetle dépression creusée dans le sol et tapissée de quelques brins d'herbes desséchées et de débris de chaume, sert de nid à la femelle. Plusieurs Pluviers déposent simplement leurs œufs sur un terrain uni; quelques-uns, le Guignard, par exemple, vou- lant assurer plus de sécurité aux produits de leurs amours, se construisent un véritable nid avec du lichen et de la mousse. Les œufs des Pluviers à collier sont déposés non loin du bord de l’eau, dans un endroit sablonneux. Bientôt la femelle pond de trois à cinq œufs en forme de poire, tachetés d’une couleur jaune-olivätre avec des mou- chetures d'un brun noir foncé mêlé de rouge. Les œufs du Guignard sont à coquille mince, comme ceux du Pluvier doré, mais d'un jaune brunâtre clair, verdâtre, parsemé de taches foncées. Ceux des Pluviers à collier sont d’une couleur jaune roux, avec des taches de gris-cendré et de brun-noirâtre. Les œufs du Pluvier doré ont pour grand diamètre : 0,051 à 0,053; pour petit : 0,035 à 0,036. Ceux du Guignard : orand diamètre, 0,039 à 0,040 ; petit diamètre, 0,029 à 0,030. Les œufs des Pluviers à collier ont le même diamètre que ceux des Pluviers dorés. Les œufs sont couvés pendant seize jours avec beaucoup de sollicitude et la femelle ne les quitte sous aucun prétexte. Brehm dit que la femelle du Guignard couve avec une telle ardeur qu’elle se laisse presque fouler aux pieds plutôt que d'abandonner le nid ; elle sait d’ailleurs la protection que lui assure son plumage couleur du sol (1). (1) Brehm, Loc. cût., p. K62. 20 Janvier 1894. CE) 98 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Vers le quinzième ou le seizième jour, les jeunes éclosent et se comportent comme les poussins des gallinacés. Le père et la mère prennent bien soin des petits; le pre- mier veille sur eux, les avertit; la seconde les conduit et leur procure la nourriture. Dans le danger, ils cherchent toujours à attirer l'attention de l’homme ou de n'importe quel ennemi pour que les pous- sins aient le temps de trouver une retraite assurée; des les premiers jours ils savent se cacher. D'après Naumann, à trois semaines, les Pluviers peuvent se passer de leurs parents ; ils restent cependant avec eux jus- qu'à ce qu'ils soient complètement adultes et ils les accom- pagnent pendant leurs migrations. Le régime des Pluviers et des Guignards est exclusivement animal; les Vers de terre, Lombrics, les Insectes, les petits Mollusques constituent leur nourriture; quelques larves dissé- minées cà et là servent d’assaisonnement. On voit ces oiseaux constamment occupés à fouiller les rives des vallées basses et humides, les prairies détrempées par les pluies d'automne; on les rencontre aussi au milieu de ces grandes nappes d’eau que forment les chemins de tra- verse pendant la saison d'hiver. Leur bec est une véritable sonde. Toujours en mouvement, ils piétinent le sol, le frappent avec une certaine force pour contraindre les Vers de terre à sortir de leur retraite. Tout le monde connaît cette singulière habitude, mais ce que bien des personnes semblent ignorer, c'est que ces oiseaux sont toujours occupés à ce genre de chasse. Découvrez plusieurs Pluviers, aussi bien à midi qu'à six heures, vous les trouverez constamment au travail, à piéti- ner le sol ou à pétrir la bordure limoneuse de la plage. Un Echassier use aussi d’un stratagème analogue à celui employé par le Pluvier pour forcer le Ver de terre à fuir sa demeure, c’est le Courlis, mais au lieu de frapper le sol avec ses pattes, il se sert de son bec pour produire le tremblement de la terre et s'emparer du curieux assez simple pour venir s'offrir au long appendice nasal de l’échassier. J'ai fait l’autopsie de quelques Guignards et Pluviers que j'ai abattus ; chez tous, j'ai rencontré des insectes, des OUTARDES, PLUVIERS ET VANNEAUX. 99 Lombrics, de petits Mollusques mélangés à des graviers. Jamais je n’ai trouvé le plus petit brin d'herbe. Arrivés à la nappe d’eau, ils procèdent immédiatement à leur toilette ; deux ou trois fois par jour, à des heures régu- lières, on est certain de les voir se laver le bec et les pieds. Comme la Bécasse, dit M. de Cherville, ils sont réguliers dans leurs ablutions. Bien des précautions sont prises pendant que se fait cette opération, on dirait un régiment allant à la baignade. Chaque compagnie défile devant un gros d'oiseaux composant l’état- major, arrive au bord de l’eau, se lave les extrémités pen- dant que des vedettes espacées interrogent l'horizon. Le Pluvier a toujours la voix plaintive; c'est une sorte de chant monotone, d’un accent cependant assez agréable et que l’on peut traduire par le mot composé dis-lui. | Dans la saison des amours, d’après Brehm, il fait entendre un trille qui peut ainsi se noter : taludl, taludl, taludl, talual. Du plus loin que vous puissiez apercevoir des Pluviers dans la plaine, l'écho vous apportera la ronde très prolongée de l’'andante qu'ils viendront d'exécuter, {lui, tlui, llui. Tenez pour certain que vous avez été découvert et que la bande disparaîtra au plus vite. La voix du Guignard, à ce que dit le naturaliste allemand, est douce, flütée; on peut la rendre par durr ou duru. Celle des Pluviers à collier se traduit de trois manières : Le cri d'appel est dia ou deae; le cri d'avertissement par diu; le cri d'amour, duh, du, dull, dull, lullul, lull. Brehm avance que ce dernier cri est un chant véritable qui se ter- mine par un trille. J’ai eu dans mon carnier deux Pluviers dorés que j'avais blessés, l’un mortellement, l’autre, légèrement, au fouet de l'aile; ce dernier, à peine sorti du sac, a commencé à pousser cecri: pui, pui, pui; depuis il est resté muet ; je l'avais gardé deux jours. M. de la Blanchère (1) dit que le cri habituel des Pluviers dorés captifs est crri, cre, cré, créee; quand ils se batttent : Criit à lui. (A suivre.) (1) De la Blanchère, Les Oiseaux utiles et les oiseaux nuisibles. PRODUIPS DEPE 2 VO LAMENRE EN DANEMARK ET EN HONGRIE Par M. BRÉZOL. DANEMARK. En 1867, le Danemark exportait 900,000 œufs, valant 32,400 couronnes, ou 45,036 francs. Dix ans plus tard, en 1877, l'importance de ce commerce s'était deux fois décu- plée, et on expédiait à l'étranger 18,880,000 œufs, valant 1,285,150 francs. La progression n’a pas cessé de croître depuis, car 72,489,600 œufs, valant 4,69%0,251 francs, sont sortis du Danemark en 1885 ; 93,010,000 œufs, valant 5,601,868 francs, ont été vendus en 1886, et 110,934,500 valant 6,568,104 francs en 1887. Chose singulière, les Danois qui expédient leurs œufs à l'étranger, en empruntent à d’autres pays une quantité assez considérable, dont une faible partie seulement est réexpor- tée. Ces importations se chiffraient, en 1877, par 2,900,000 œufs ; par 2,487,520 en 1885 ; par 2,085,900 en 1886, et par 3,131,900 en 1887. En 1885, 1,760,000 œufs venaient du Schleswig-Holstein et du Lauenbourg, 520,000 de la Suède, 200,000 de la Russie ; 480,000 seulement ont été réexportés, Suivant une première hypothèse, les producteurs danois qui préfèrent réserver pour la vente leurs\produits dont le prix est généralement plus élevé, consommeraient le reste des œufs importés. On prétend aussi qu'ils servent à des applications industrielles, ou encore qu'on les réexporte comme œufs originaires du Danemark. Des 72,489.600 œufs sortis de ce petit royaume en 1885, l'Angleterre a recu 60 millions, l'Allemagne ‘7,120,000, chiffre dont une assez forte partie est encore passée en Angleterre sous pavillon allemand, la Suède 3,120,000, et les Etats-Unis qui promettent de devenir un important marché, 2,3290,000. Les éleveurs anglais, auxquels un œuf revient souveni à 29 centimes pendant les mois compris entre octobre et février, se sont maintes fois demandé comment leurs concur- rents danois pouvaient approvisionner en tout temps les marchés de la Grande-Bretagne à raison de 5 fr. 80 pour un PRODUITS DE LA,VOLAILLE EN DANEMARK ET EN HONGRIE. 1401 cent d'œufs. Les procédés suivis en Danemark expliquent jusqu'à un certain point cette différence dans les prix de revient. Les fermes à volailles y sont généralement de faible importance, et consistent le plus souvent en une simple pièce de terre de 1 hectare à 1 hectare 1/2, entourant une mai- sonnette: le système coopératif est en ce moment mis en essai à Roeskilde, dans l'ile de Zélande. Outre les poules de paysan qui sont de beaucoup les plus nombreuses, on rencontre comme races étrangères, des Ita- liennes et des Espagnoles, principalement des Minorque. L'orge constitue la base de leur alimentation, mais pendant la saison de ponte, on la remplace souvent par de l’avoine ou une pâtée de pommes de terre et de son; les Poules étant absolument libres, trouvent, du reste, un abondant complé- ment de nourriture autour des habitations. On admet géné- ralement en Danemark que l'entretien d’une Poule coûte 1 œre, 1 centime 3 par jour, 4 fr. 5 par an, mais ce chiffre serait, paraît-il, un peu trop faible. D’après un propriétaire du pays, une basse-coùur de 250 Poules coûterait 1,330 francs par an, chaque Poule produisant en moyenne 120 œufs à 6 fr. 65 le cent, soit 30,000 œufs valant 1,995 francs pour tout le poulailler, le bénéfice net serait de 665 francs. On considère, du reste, une production de 120 œufs par Poule comme un minimum, en dessous duquel il n’est guère possible de réaliser de bénéfices ; la moyenne varie d'ordinaire entre 140 et 160. On produit uniquement des œufs dans les fermes danoises, sans s'occuper des volailles de table ou de leur en- graissement, art qui y est absolument inconnu, les Poulets ne coûtent cependant pas trop cher dans cette région (1). HONGRIE. Le bureau de statistique agricole du ministère hongrois de l’agriculture, de l’industrie et du commerce, vient de publier quelques documents sur l'élevage de la volaille en Hongrie et son exportation. En 1884, la Hongrie seule, sans la Croatie et l'Esclavonie, exportait pour 24,691,000 francs de volailles, œufs, plumes, etc. En 1887, ce trafic a atteint le chiffre de 33,935,860 francs, qui se décompose de la façon suivante : (1) D’après une lettre de M. Conway Thornton au journal Zand and Water. 102 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Volailles mortes et vivantes.... 10,128,000 francs. CUS 08 TR OUR 11,266,030 — Plumes... CCRRPvR RER ARR 12,080,000 — Foies \d'O1é RE EPP PP 405,720 — Craisse d'Oie PAPA RUE 56,140 — Parmi les volailles, les Oies mortes et dressées constituent le principal {article d'exportation avec les Poules vivantes : les Canards et les Dindons viennent ensuite, puis les Pigeons, qui représentent une très faible somme. L'élevage des animaux de basse-cour est uniquement exercé en Hongrie par les classes les plus pauvres de la so- ciété. Les principaux lieux de production et d'expédition sont l’intérieur du pays pour la volaille, ainsi que les villes de Kecskemét, Felgyhaza, Mako, Oroshäza. Ce sont pour les œufs de grosse taille, Szegedin et Udvard, dans le comitat de Komorn, puis Bajmok, Püspôk-Ladany, Stuhlweis-Zenbaug, Keszthely, Szentes, Ivan, etc. Klausenbourg possède la répu- tation de produire exclusivement de très petits œufs. Buda- Pesth vient en première ligne pour les plumes ; pour les foies d’Oie, on cite Neuhaüsel, Galgôcez et Waag-Neustadt. Quant à l'écoulement de ces différents produits, Vienne est le principal marché de la volaille, mais on fait aussi d'importants envois er Allemagne, tres considérables surtout pour Dresde, Leipzig et Hambourg, beaucoup moins pour Wurzbourg, Cassel, Cologne, Brême, Hanovre, Munich, Breslau, Mayence, Heidelberg, Magdebourg et Berlin. C'est encore Vienne.qui recoit la plus forte quantité d'œufs, prin- cipalement, il est vrai, à titre d’entrepôt, ainsi que Tarnow en Galicie. L'Allemagne, la Suisse, puis l'Angleterre par l'in- termédiaire d'Anvers, viennent ensuite. Les plumes sont épurées mécaniquement à Prague, d’où elles gagnent les différentes villes de l'Autriche et de l'Allemagne. L’exportation des produits de la volaille prend également une grande importance en Russie. En 1881, dit la Pall Mall : Gazette, elle expédiait pour 2,025,000 francs d'œufs vers l'Allemagne et l'Autriche. En 1888, l'entrée de la France et de l'Angleterre dans sa zone d'opérations, élevait à 28,972,500 fr. l'importance de ce commerce, qui comprend, comme nouvel article, 711,200 kilogr. de jaunes d'œufs vendus en boites de fer blanc scellées. RAPPORT SUR LES EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE D'ÉDIiMBOURG ET DE LONDRES Par M. C. RAVERET-WATTEL. (SUITE.) HOWIETOUN FISHERY. Cette superbe ferme aquicole, située près de Sürling (Ecosse), appartient à Sir James R. G. Maïitland, Bart., qui l’a créée de toutes pièces et qui en a fait, en l’espace de dix ans, un établissement véritablement hors ligne, moins encore par le développement et le caractère tout à fait industriel donné à l'exploitation, que-par les études à la fois scientifiques et pratiques qui s’y poursuivent et qui contribueront à asseoir Ja pisciculture sur des bases vraiment rationnelles. La visite d'un pareil établissement n'est pas seulement fort intéres- sante; elle est aussi éminemment instructive. Commencé en 1873, l'établissement d'Howietoun a reçu, d'année en année, d'importants développements qui l'ont mis à méme de livrer au commerce des quantités considérables : lo d'œufs embryonnés pour l’incubation artificielle; 2 d’ale- vins et de sujets de divers âges pour le repeuplement des eaux; 3° enfin, de poisson pour le marché. Quatre millions de litres d’eau par vingt-quatre heures alimentent les bassins et les étangs, au nombre de trente-deux, non compris celui qui est uniquement consacré à la mise en essai et à la multipli- cation des végétaux aquatiques les plus intéressants au point de vue de la pisciculture. L'établissement possède, en outre, deux annexes: l’une à Craigend, où l’on compte quatre étangs, l’autre à Goldenhove, où se trouve un étang d’en- viron 4 hectares et demi, servant exclusivement à la pro- duction du poisson pour le marché. Le personnel permanent 104 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. comprend: un régisseur, trois hommes et quatre femmes, employés à la pisciculture proprement dite, plus quatre hommes de peine et deux ouvriers en bois. Un principe rigoureusement observé dans l'établissement est l'emploi exclusif, comme reproducteurs, de poissons sufi- samment âgés, c’est-à-dire ayant au moins six ou sept ans. L'expérience a démontré, en effet, que les jeunes sujets, bien que relativement plus prolifiques que les vieux, donnent généralement naissance à des alevins délicats dont la crois- sance laisse toujours à désirer; les poissons arrivés à leur entier développement produisent, au contraire, des alevins sains et vigoureux, qui croissent rapidement et prennent de belles dimensions. Nous reviendrons plus loin sur cette ques- tion importante. Une autre précaution , à laquelle on attache non moins d'importance, est la limitation du nombre des œufs dans les appareils d’éclosion, afin que ces œufs soient toujours baignés par un courant d’eau copieusement aérée. C'est à la stricte observation de ces deux règles que le pro- priétaire de l'établissement attribue surtout le succès constant de ses élevages et la belle venue des poissons qui peuplent les bassins. Récolte des œufs. — La récolte des œufs de Truite com- mence à Howietoun des la fin d'octobre, mais elle se continue jusque dans la seconde quinzaine de janvier, attendu que, comme partout, la date de la fraie varie considérablement, même pour des sujets de même àge et placés tous dans des conditions identiques. Il est possible, toutefois, d'avancer ou de retarder la fraie des Truites de tout un bassin à l’aide d’une alimentation spéciale. Les écarts de date obtenus, par ce moyen, peuvent s'étendre du commencement de novembre à la fin de décem- bre. En commencant, par exemple, dès les premiers jours de février, à nourrir les reproducteurs uniquement avec de la chair de Peignes {Pecten), on leur fait recouvrer, avant la fin d'avril, tout l’embonpoint perdu par les fatigues de la fraie précédente, et l’on assure par là une maturité précoce des œufs pour la fraie de l’automne suivant (1). (1) Les observations faites dans l’élablissement ont permis de constater que, pour certaines Truites, le temps qui s'écoule entre une ponte et la suivante est EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÉCHE. 105 Il serait toutefois dangereux d’abuser de ce moyen. On voit, en effet, souvent le Saprolegnia ferax sévir au prin- temps sur les Truites qui ont repris trop tôt leur embonpoint. On peut, il est vrai, en salant énergiquement l’eau, mettre jusqu'à un certain point le poisson à l'abri de la maladie; mais ce moyen n’est pas toujours applicable, notamment, quand l'étang alimente en aval d’autres bassins peuplés de jeunes sujets, pour lesquels la salure de l’eau présenterait de sérieux inconvénients; non pas que les jeunes poissons aient directement à souffrir de l’action de l’eau salée, mais parce que cette eau arréterait le développement des végétaux infé- rieurs et des infusoires, dont la pullulation est indispensable pour la nourriture de l’alevin. Aussi convient-il que l'étang réservé aux Truites qu'on prépare pour une fraie hâtive déverse ses eaux en dehors de l'établissement. A Howietoun cet étang présente, dans sa partie centrale, une dépression ménagée de telle sorte qu'une épaisse couche d’eau fortement salée puisse y être entretenue pendant de longues semaines sans entrainer une très grande consommation de sel. Les plus grands soins sont apportés à la récolte des œufs et de la laitance. Sauf dans des cas exceptionnels, c'est-à- dire pour de très forts sujets, on n'exerce pas la plus légère pression sur l'abdomen des femelles. En n’opérant que quand les œufs ont atteint juste le degré de maturité convenable, on obtient leur expulsion simplement en courbant un peu le corps du poisson. Il en est de même pour la laitance, dont on provoque l'émission en mettant un instant l'abdomen du mâle en contact avec les œufs déjà recueillis. Pendant le fort de la fraie, il n’est pas rare de récolter et de féconder, dans une seule matinée, plus de 50 litres d'œufs, ce qui en représente environ 400,000. Au reste, l’établisse- ment est, dès maintenant, en mesure de produire annuelle- ment jusqu'à 20,000,000. d'œufs (1), moyennant une dépense de 1,000 livres ster. (25,000 fr.). On espère réduire peu à peu le prix de revient, et l’abaisser suffisamment pour pouvoir parfois de moins d’une année ; on croit même que, chez presque tous les indi- vidus, la ponte se produit, chaque année, plus tôt que la précédente ; de sorte que, d’une façon générale, les sujets les plus âgés frayeraient les premiers, et les plus jeunes, au contraire, frayeraient les derniers. (1) Cette quantité représente un volume d’environ trois mètres cubes, et un poids de 3,000 kilogr., lequel, avec les emballages pour la vente et le transport, monte à près de 50 tonnes, soit le chargement de 10 wagons. 106 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. livrer les œufs au commerce à raison de 3 fr. le mille, tout en conservant un bénéfice très suffisamment rémunérateur. Incubation des œufs. — Les appareils d’incubation sont des augets en bois, que l’on noircit au fer rouge, à l’inté- rieur, pour éviter le développement des Byssus. Cette légère carbonisation de la surface du bois est si habilement faite et d’une facon si uniforme, par les ouvriers de l’établis- sement, que le bois parait être recouvert d’une couche de peinture noire. Le travail se fait à l’aide de fers plats, un peu lourds, à angles aigus et à long manche, comme les fers à souder. On passe rapidement l’outl, en appuyant fortement, pour qu'il n’y ait pas d'air interposé, ce qui permet de carbo- niser le bois sans crainte de l’enflammer. Aucun enduit ne vaut cette carbonisation superficielle, qui protège le bois inf- niment mieux que la peinture, tout en coùtant moins cher; elle est parfaitement saine et rend le nettoyage facile : un coup de brosse suffit pour donner à l'appareil une propreté complète. Pour l’extérieur, on emploie la peinture au minium, dont on applique généralement trois couches. Ces augets mesurent 2 mètres de longueur environ, sur 0®,25 de largeur. Les œufs y sont placés sur des claies en baguettes de verre, fixés non dans le sens de la longueur, comme dans les appareils Coste, mais perpendiculairement au courant. On pense que, grâce à cette disposition, les œufs peuvent absorber une plus grande quantité d'oxygène. Chaque auget peut recevoir 14,000 œufs de Saumon, ou 30,000 œufs de Truite, de Saimo fontinalis, etc.; or, 208 de ces appareils étant répartis dans les divers laboratoires de l'établissement, plus de 6 millions d'œufs peuvent être mis à la fois en incubation. De légers volets, formant couvercles, sont posés sur les appareils, afin de protéger les œufs, tant contre les dépréda- tions des souris et des rats, qui en sont très friands, que contre l’action nuisible de la lumière. La lumière, même diffuse, accélère l’évolution embryon- naire, et les alevins obtenus dans ces conditions sont tou- jours très délicats. Avant l’éclosion, on reconnait aisément les œufs qui ont subi l’action de la lumière au peu de dévelop- pement des yeux chez les embryons. De pareils œufs sont à rejeter, car ils ne donneraient rien de bon. Des embryons EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÈCHE. 107 vigoureux, qui se sont développés dans de bonnes conditions, ont toujours les yeux grands et bien noirs. Un autre inconvénient de la lumière pendant l’incubation, c'est de favoriser le développement des Byssus sur les œufs. Pour ces diverses raisons, l'emploi de couvercles sur les appareils d’éclosion est chose indispensable. Ce sont exclusivement des femmes que l’on emploie au rangement des œufs sur les claies, parce qu’elles y apportent plus de soin et d'adresse que des hommes. On ne pourrait obtenir de ceux-ci qu'ils ne poussent pas les œufs avec les barbes des plumes employées pour ce travail, tandis que les ouvrières savent, avec ces plumes, déterminer un petit cou- rant d’eau qui entraîne chaque œuf et le conduit à la place qu'il doit occuper. Une ouvrière exercée peut ranger les œufs de dix augets à l'heure, soit 140,000 œufs. Ce sont également des femmes qui surveillent les appareils d’éclosion et enlèvent chaque jour les œufs morts devenus opaques. Pour enlever ces œufs, on a depuis longtemps re- noncé à l’emploi des pinces encore en usage dans certains éta- blissements, et avec lesquelles on ne peut guère prendre un œuf sans heurter ou, tout au moins, déranger les œufs voi- sins, ce qui n’est pas éxempt d'inconvénients pendant la pre- mière période de l’incubation, soit pendant un mois environ. On se sert à Howietoun d’un modèle de pipette qui se com- pose d’un tube en verre terminé par une demi-sphère creuse, sur laquelle est tendue une mince feuille de caoutchouc. L’ex- trémité libre du tube de verre est légèrement évasée en en- tonnoir. Pour se servir de l'instrument, on appuie légère- ment avec le pouce sur le caoutchouc, on applique la partie évasée du tube sur l'œuf qu’on veut saisir, et on cesse d'ap- puyer sur le caoutchouc; la pression de l'air colle l'œuf au fond de l’entonnoir et il est facile de le retirer, sans déran- ser aucun des œufs voisins. Les ouvrières habituées à manier cette pipette vont très vite en besogne. A certains jours le chiffre des expéditions s'élève à 200,000 ou 250,000 œufs, lesquels, avant l'emballage, doivent être débarrassés de tous jes œufs non fécondés ou en mauvais état. Eh bien! même lorsque la proportion de ceux-ci atteint 5 pour 100, ce qui en représente 15,000 à enlever, deux ouvrières suffisent pour faire le travail en une matinée. De l’eau de source, à température pour ainsi dire inva- 108 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. riable, alimente les appareils d’éclosion. Elle subit un filtrage qui se faisait d’abord à l’aide de diaphragmes en flanelle, auxquels on a renoncé comme étant peu commodes et d’un nettoyage long et difficile. On leur a substitué des cadres garnis de toile métallique très serrée (24 fils au centimètre", dont le fonctionnement est, parait-il, très satisfaisant et qui se nettoient à la brosse, avec la plus grande facilité. Du reste, on ne se préoccupe pas outre mesure des légers sédiments qui, malgré ce filtre et l'emploi d’une eau constamment très pure, se déposent sur les œufs. Pendant la première période de l’incubation, les sédiments ne portent pas un préjudice sérieux, et, dès que les œufs sont embryonnés, il est facile de tenir ceux-ci propres au moyen d’'arrosages en pluie, répétés autant qu’il est nécessaire. Telle est l'égalité de température de l’eau employée pour les incubations, qu’on sait à l'avance le jour où se produira l'éclosion des œufs contenus dans tel ou tel appareil; on peut ainsi prendre, en temps utile, les dispositions nécessaires à l'installation des alevins. Ces dispositions consistent à enle- ver deux des quatre claies de verre qui garnissent chaque auget, puis à nettoyer avec soin l'appareil, lequel conservera seulement un nombre d’alevins moitié de celui des œufs qui étaient en incubation. Le reste des œufs est livré à la vente, dès que l’évolution embryonnaire est suffisamment avancée. Quand les rangs sont éclaircis, les embryons profitent d’une quantité d’eau proportionnellement plus considérable et mieux aérée; aussi se développent-ils parfaitement et, deve- vus alevins, ils commencent à manger beaucoup plus tôt et sont infiniment plus robustes que s'ils provenaient d'œufs restés en trop grand nombre dans les appareils jusqu’au mo- ment de l’éclosion. La vigueur de l’alevin dépend surtout de l'abondance d'oxygène qu'il a pu absorber pendant l’incuba- tion. C’est pourquoi rien n’est négligé dans l’établissement d'Howietoun en vue de fournir aux œufs une eau aussi aérée que possible; c’est dans ce but également que les claies char- gées d'œufs ne sont jamais recouvertes d’une couche d’eau de plus de 0,02 ou 0,025 d'épaisseur. Quand l'incubation est arrivée à son terme, on enlève les deux claies restantes, en mettant à même l’appareil les œufs qui les garnissaient, et il suffit d'élever très légèrement la température de l’eau, à l’aide d’un mélange convenable, pour EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÉCHE. 109 déterminer une éclosion générale; souvent, en moins d’une demi-heure, 90 pour 100 des œufs sont déjà éclos. L’opéra- tion se fait généralement le matin, entre neuf et dix heures ; vers trois heures de l’après-midi, tous les œufs sont éclos, les coques vides enlevées et le niveau de l’eau réglé dans l'appareil à la hauteur nécessaire pour les alevins, auxquels ne suftirait plus la mince nappe liquide qui convenait pour les œufs en incubation. Nourriture de l’alevin. — Des alevins issus de reproduc- teurs choisis avec le soin qu'on y apporte à Howietoun sont toujours très vigoureux et commencent à manger avant la complète résorption de la vésicule vitelline. De toutes les nourritures artificielles qui ont été essayées, ‘la suivante est celle qui a paru devoir être adoptée. On prend du filet de bœuf ou de cheval (l)}, dont on enlève toute la graisse; on le hache menu, puis on le piie dans un mortier de marbre, et on le passe dans un gros tamis. On y ajoute ensuite du jaune d’œuf dur, à raison de neuf jaunes par livre de viande. Les œufs doivent être pondus au moins depuis quelques jours, afin qu'après cuisson, le jaune soitle plus farineux possible (2). Quand la viande et ces jaunes ont été bien mélangés au mor- ter, on passe le tout dans un tamis fin et l’on obtient, après un nouveau pétrissage, une patée à peu près de la consistance du mastic de vitrier. On en fait des boulettes dont chacune représente la ration d’un repas pour la population de cinq bacs d'élevage, et voici comment se font les distributions : Une femme prend une sorte de petite raquette, de 7 à 8 ceni- timètres de diamètre, formée d'une monture en bois et d’une plaque circulaire en zinc perforé; elle y place une boulette et, pressant avec les deux pouces pour faire passer la pâte de viande par les petits trous du zinc, elle en fait un mince vermicelle auquel on donne une longueur de 4à 5 centimètres. Une légère secousse donnée à la raquette détache ces brins de vermicelle et les fait tomber dans l’eau, où les alevins ne leur laissent pas le temps d'aller au fond ; ils se précipitent (1) L’aloyau de cheval peut aussi être employé, mais celui de bœuf est géné- ralement trop gras, et le bifteck serait trop fibreux. Quant à la viande de mou- ton, elle ne convient nullement. (2) L'établissement tire ses œufs de l’étranger et les fait venir par caisses de . 420 à 150 douzaines, représentant la consommation d’une dizaine de jours. 110 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. sur cette nourriture fort de leur goût, s’en disputent les morceaux, et font tout disparaître en un instant. Mais il im- porte que la viande ait été bien dégraissée ; autrement la pâte obtenue se diviserait mal et les alevins cesseraient bientôt d'y toucher. La proportion de jaune d'œuf doit aussi être observée; quand elle est insuffisante, la pâte se désagrège promptement dans l'eau et tombe au fond. Tandis que, quand la préparation est bien faite et distribuée avec mesure, pas une parcelle ne se perd. Le zinc perforé doit être du n°8 ou 9. Si les trous étaient plus petits, ils laisseraient difficilement passer la pâte, et s’ils étaient plus larges, le vermicelle serait trop gros et les alevins ne pourraient pas le briser assez aisément. Bien que cette nourriture revienne, main-d'œuvre comprise, à 3 fr. 30 environ le kilogramme, on la trouve plus économique que le foie, qui ne coûte guère, cependant, que 0 fr. 20 le kilogramme. C’est qu'un kilogramme de cette pâtée représente plus de nourriture que 16 kilogrammes de foie, et qu'il ne s’en perd jamais. Les alevins en sont si friands qu'il est nécessaire de les rationner, car ils en absorberaient au point de se faire mal ; leur estomac serait bientôt distendu et presque aussi volumineux que l'était tout d’abord la vésicule vitelline. En pareil cas, une suffusion de sang se manifeste dans la région anale et la mort survient rapidement (1). Au bout de quinze jours, on remplace la pâtée par de la viande de cheval très finement hachée à la mécanique, puis pilée au mortier et passée au tamis. Cette viande est distribuée à l’aide d’une sorte de godet en zinc perforé n° 9, de 6 cen- timètres de diamètre, sur 12 à 15 centimètres de hauteur. Ce codet ést fixé à l'extrémité d’un long manche qui sert à l’agiter dans l’eau; la viande hachée tamise par les trous du zinc et se répartit convenablement dans le bac d'élevage. Les parcelles qui n’ont pas été assez finement hachées pour passer par les trous restent dans le godet et sont uti- lisées pour les sujets d'un an. On évite ainsi de donner des morceaux trop gros, avec lesquels de tout jeunes alevins peuvent s’étoufrer. (1) Quand, faute de pâtée, on est obligé d'employer du foie pour la nourriture de l’alevin, on préfère se servir de foie de mouton, plutôt que de foie de bœuf, parce qu'il se divise plus régulièrement, en tamisant à travers le zinc perforé dé la raquette. Bien que d’un prix plus élevé, il est en définitive moins coûteux que celui de bœuf, attendu qu’il donne moins de déchet. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÉCHE. AAA Transport de l’alevin. — Une fois les jeunes poissons installés dans leurs bacs d'élevage, on n’y touche plus que quand vient le moment soit de leur donner plus d’espace, soit de les livrer à la vente. Encore, pour les mettre dans les bidons de transport, évite-t-on, autant que possible, de les prendre avec un petit filet pour les compter; car le moindre frottement peut enlever, sur quelque point, le mucus protec- teur qui enduit le corps du poisson, et, dans ce cas, la nousse apparaît bientôt sur l'endroit offensé. Aussi, pour les livrai- sons d’une certaine importance, les alevins ne sont-ils pas comptés; on les vend par lots, c’est-à-dire que la population de chaque bac d'élevage est livrée pour cinq mille alevins. Elle est, en réalité, beaucoup plus nombreuse, puisqu'elle est le produit d'au moins sept à huit mille œufs, et que, pendant l'incubation, les pertes sont très faibles ; mais l’éta- blissement préfère vendre un peu plus cher et donner plus que le chiffre nominal, afin d'éviter un comptage nuisible aux alevins. Avant d'être expédiés, ceux-ci recoivent des soins spéciaux. On veille surtout à ce qu'ils ne pâtissent pas, car ils per- draient de leur vigueur, ne seraient plus en état de trouver leur nourriture dans les eaux où on les verserait, et périraient bientôt d'inanition, comme cela ne se produit que trop sou- vent chez nous, pour les neuf dixièmes des alevins qu'on verse trop jeunes en rivière. Mais ils ne doivent pas, non plus, recevoir une alimentation trop substantielle, attendu qu'ils supporteraient mal le voyage. L'emploi de la pâtée de viande et de jaune d'œuf jusqu’au jour du départ leur distendrait l'estomac et les exposerait aux inflammations. Si on leur donnait de la viande de cheval finement hachée, les fèces abondantes souilleraient l’eau des appareils et seraient très nuisibles. Aussi, pendant les huit jours qui précèdent l'expé- dition, ne donne-t-on plus aux alevins qu’un aliment léger : du foie de mouton, qui a malheureusement l'inconvénient de salir beaucoup le fond des bacs et de nécessiter de fréquents nettoyages. Aucune nourriture n’est donnée le jour du voyage ; la dernière ration est distribuée la veille au soir. La température de l’eau est aussi un point très important dans la question du transport de l’alevin. Beaucoup de pisci- culteurs emploient une eau aussi froide que possible. Or, rien ne nuit au poisson comme les changements brusques de tem- 112 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. pérature. À Howietoun, on ne croit pas devoir se servir d’une autre eau que celle dans laquelle se fait l'élevage, et qui est généralement à 10° centigrades ; on prend seulement des précautions pour qu’elle ne s’échauffe pas en route. Signalons toutefois que, pour des sujets plus âgés — d’un an et surtout de deux ans — cette température serait beaucoup trop éle- vée; on emploie alors force glace pour rafraichir l’eau des appareils de transport. Un trajet de plus de vingt-quatre heures est considéré comme nuisible pour le ‘tout jeune alevin, qui a besoin de manger souvent et qui, ne pouvant être nourri pendant le voyage, souffre de la faim en route. On estime que, pour les envois à petite distance, il est préférable d’expédier l’alevin huit ou dix jours avant qu'il ne soit en état de manger. À cet âge, le jeune poisson est très enclin à vaguer et, quand on le met en liberté, il a tout le temps de se choisir une place à sa convenance avant de commencer à sentir la faim. Ceci, toute- fois, suppose qu’il pourra trouver à se cantonner sur quelque haut fond de sable ou de gravier. Si non, on préfère attendre que l’alevin ait été nourri artificiellement pendant un mois environ. Dès qu'il est en état de manger de la viande de cheval pilée, il est assez fort pour supporter la faim pendant vingt-quatre heures sans perdre de sa vigueur, ce qui lui donne le temps de trouver quelque endroit favorable. Bassins d'alevinage. — C'est à cet Âge que, dans l’établis- sement, l’alevin est transféré des bacs d'élevage dans les bassins en plein air. Ces bassins, qui mesurent environ 30 mètres de longueur sur 5 mètres de largeur, ont près de 2 mètres dans la partie la plus profonde. Au début de l’exploi- tation, on croyait bien faire en versant les alevins sur les bords, qui ne présentent qu'une mince nappe d'eau. Mais on s’est aperçu que les jeunes poissons qui n'étaient habitués qu’au demi-jour du laboratoire, effrayés, sans doute, par le passage subit à la pleine lumière, se massaient sur un point, cherchant à se cacher les uns sous les autres, au- détriment des plus faibles, auxquels il arrivait presque toujours quelque accident. Aujourd'hui, on verse les alevins en eau plus pro- fonde ; ils se dispersent immédiatement pour gagner d'eux- mêmés, isolément, les endroits à leur convenance. | Pendant la première journée, ils s’agitent beaucoup; mais, EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÉCHE. 113 dès le lendemain matin, tous se sont casés et c’est alors que éommence réellement la difficulté de la nourriture artificielle. On a bien le soin de remplir les bassins plusieurs semaines à l'avance, pour qu'il s’y développe de la nourriture naturelle : des Entomostracés, des Gammarus, etc. ; mais, quoique déjà d'un grand secours, cette nourriture reste fort insuffisante. Des distributions doivent donc être faites au moins trois fois par jour, et le succès de l'élevage dépend de l’adresse qu'ap- porte le distributeur à réunir les alevins sur un point donné. On commence par jeter à la surface de l’eau et dans un endroit où il y a de la profondeur, une petite quantité du vermicelle préparé comme il a été dit plus haut. Ces vers artificiels, tombant dans plus d’un mètre d’eau, mettent quelque temps à descendre, et il est bien rare que deux, trois des petits poissons ne viennent pas se les disputer. Leurs mouvements sont bientôt remarqués et attirent d’autres consommateurs. Quand le vermicelle a disparu, on le remplace par une très petite quantité de viande de cheval hachée, qu'on distribue à l’aide d’un godet en zinc semblable à celui dont il a été question ci-dessus, mais plus grand et fixé à l'extrémité d’une gaule de près de trois mètres. Moins on donne de nourriture à la fois, mieux cela vaut, car si chaque petit poisson parvenait immé- diatement à saisir un morceau, tout se passerait avec calme : tandis qu'autour des morceaux parcimonieusement distribués des luttes vives s'engagent ; l'agitation bruyante qui en résulte éveille l'attention dés estomacs vides, et bientôt, de tous côtés, surgissent de nouveaux arrivants. En l’espace de sept à huit minutes, une main exercée peut ainsi, quand l’eau est suffi - samment claire, réunir sur un point tout l’alevin répandu dans un rayon de cinq à six mètres. Une ration suffisante est alors donnée; puis on recommence un peu plus loin, avec les mêmes précautions, et toujours où il y a de la profondeur, afin que le poisson ait le plus de temps possible pour saisir la viande au passage avant qu'elle n’atteigne le fond. Une femme convient généralement mieux qu’un homme pour ce travail, auquel elle apporte plus de soin, et c’est un point très impor- tant. Pour l’alevin de cet âge, et surtout pendant le premier mois qui suit la mise en bassin, une alimentation insuffisante est la principale cause de pérte et c’est, du reste, toujours pendant cette période que ‘la mortalité est 'plus grande. Lorsqu'on ne sait pas attirer convenablement les jeunes 21 Janvier 1891. 8 114: REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. poissons et les grouper pour les distributions de nourriture, beaucoup d’entre eux ne mangent pour ainsi dire pas; bientôt ils s’affaiblissent, perdent toute activité et deviennent de plus en plus difficiles à nourrir. C’est là une cause fré- quente d'apparition de La mousse chez l’alevin de trois mois. Mais il n’est même pas besoin de cette complication pour voir la population du bassin diminuer rapidement : les individus les plus faibles succombent successivement, et les plus forts commencent à dévorer leurs voisins, dont ils contribuent singulièrement à éclaircir les rangs. D'un autre côté, si l’on distribue la nourriture avec trop d'abondance, c’est-à-dire en en donnant assez, dans toute l'étendue du bassin, pour que chaque poisson y trouve sa part, le fond et les bords sont, en peu de temps, tellement souillés par de la viande non consommée et corrompue, que le poisson court les plus grands risques d’être envahi par le Saprotegnia. Rien n’est favorable au développement de ce parasite comme la présence dans l’eau de matière animale en décomposition. Pour tous ces motifs, la distribution de la nourriture exige une attention véritablement minutieuse. Mais, quand les alevins sont nourris avec les précautions convenables pendant une quinzaine de jours, ils acquièrent si bien l’habitude de se réunir dès qu’on jette les premières parcelles de viande qu’en cinq minutes, on a distribué la ration nécessaire à tout un bassin. Une seule personne suffit pour donner ainsi la nourriture dans seize bassins différents, huit fois par jour. Les distributions se continuent aussi nom- breuses jusqu'en septembre, où l’on supprime la première ration du matin et celle du soir. En octobre, on maintient seulement quatre distributions, qui ont lieu de dix heures du matin à trois heures du soir, et, pendant l'hiver, on ne donne plus à manger au poisson que de onze heures à deux heures et demie. Mais la quantité de nourriture distribuée augmente régulièrement. Cent mille Truites de dix mois consomment deux ou trois chevaux par semaine. Poissons de deux ans. — En mars de la seconde année, les jeunes Truites sont triées et passent dans les bassins consacrés aux sujets de deux ans. On vide les bassins qu’elles occupaient, on les nettoie à fond, puis on les laisse à sec pendant au moins quinze jours et, après les avoir de nouveau. ‘EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÉCHE. 145 remplis, on attend encore une quinzaine avant d'y remettre de l’alevin. Les sujets de deux ans sont triés avec soin et He par grosseurs, bien que, par suite de la régularité et de la bonne répartition de la nourriture, il se produise d'ordinaire, moins qu'ailleurs, de ces irrégularités de DMC si habi- tuelles chez les poissons. La nourriture est facile à distribuer aux Truites de deux ans. La viande de cheval hachée est semée à la main à la surface de l’eau. Comme les bassins ont de 2,50 à 3,50 de profondeur, les parcelles de viande ont tout le temps d'être happées au passage par le poisson, avant d'atteindre le fond. Les Truites arrivent d’ailleurs par bandes dès qu’elles voient approcher le distributeur. Un homme convient mieux qu’une femme pour donner la nourriture aux poissons de deux ans, parce qu'il est assez fatigant de distribuer la viande et de la bien répartir dans un bassin de quelque étendue. Si le distri- buteur marche et fait le tour du bassin tout en lancant la viande, il y a peu de danger que celle-ci soit donnée trop abondamment sur certains points. La quantité de nourriture distribuée est assez considérable. Trois seaux de viande hachée sont nécessaires, chaque jour, pour 20,000 ou 22,000 Truites. La nourriture est mesurée et non pesée; car on salt que chaque seau contient quatorze livres de viande. Ces seaux sont larges et peu profonds, afin qu'il soit facile d'y puiser, tout en marchant. Si l’ouvrier est habile, il peut répartir la nourriture aussi également qu’un semeur distribue la graine dans un champ. Soins donnés aux élevages. — Mais pour que le poisson puisse en profiter, il faut qu'il ne soit ni inquiété ni dérangé. C'est pourquoi on doit éviter les trop nombreux visiteurs, qui deviennent souvent une gêne. Les Truites connaissent très vite les personnes chargées de leur distribuer la nourri- ture, aussi bien que les heures auxquelles se font les distri- butions. Quand le moment approche, on les voit déià se réunir dans les endroits où elles sont habituées à recevoir leurs rations. Mais, à la vue d'étrangers, il leur arrive parfois de prendre peur; elles s’éparpillent dans toutes les direc- tions, et l’on a ensuite quelque peine à les réunir de nouveau pour leur repas. Dans ce cas, une partie de la nourriture se 116 REVUE: DES: SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. trouve presque. toujours perdue:et va souillèr le. fond. de l'eau; tout au moins, la distribution se fait-elle inégalement ; or, des Truites irrégulièrement nourries- sont, beaucoup plus que d’autres, sujettes aux maladies. Il ne faut-jämais perdre de vue qu'une grande régularité dans les distributions est le premier facteur du succès dans l'élevage du poisson. La mortalité est généralement très faible chez les Truites qui ont atteint dix ou douze mois; aussi, quand on fait passer les alevins d’un an dans les bassins consacrés aux sujets de deux ans, est-il largement suflisant de majorer de 10 2°}, da quantité de poissons qui doit finalement occuper ces bassins, car il faut toujours éviter que la population ne soit trop dense. _Mais il en est tout autrement quand on garnit les bassins servant._à élever les alevins jusqu’à l’âge d’un an. On doit généralement compter sur une perte de 50 °/, au minimum, et, par conséquent, mettre un nombre d’alevins double, si ce n’est triple, de celui qu'il s’agit d'obtenir. À Howietoun, lés bassins de 30 metres de longueur où l’on élève les yearlings (sujets d’un an) recoivent. ordinairement 30,000 alevins pour en produire 10,000. Mais on agit ainsi par mesure d'économie, c'est-à-dire pour s’éviter la surveillance continuelle, les soins minutieux qui seraient nécessaires pour réduire le déchet. En nourrissant l’alevin avec des précautions plus grandes, on arrive, en effet, .à produire 10,000 yearlings avec seule- ment. 15,000 alevins. On a même obtenu une proportion plus forte en employant, pour distribuer la nourriture, les appa- reils à fonctionnement automatique dont nous parlerons plus loin. C'est à l’'éleveur à calculer ce qui lui est le moins oné- reux : des soins minutieux, qui réduisent les pertes d’alevins, ou du déchet inévitable: quand le poisson est moins bien soigné. Dans les établissements où les œufs. s'obtiennent: à bon marché,.on a généralement avantage à supporter un fort déchet, plutôt qu'a le réduire en augmentant les frais de main-d'œuvre. | CLS TivreS LE GAMBIER ET LE CANAIGRE (MATIÈRES TANNANTES) | PAR M. J.: LOZ. Depuis un certain nombre d'années, les tanneurs, surtout à l'étranger, tendent à remplacer l'écorce de: chêne broyée, par des matières plus richement pourvues de principes actifs. Les Anglais et les Américains se sont principalement adressés : à un Cachou originaire de la Malaisie, le :Gambier, qui a presque complètement détrôné l'écorce de chêne en Grande- Bretagne, où il est actuellement d’un emploi général. Le Gambier arrive en Europe, sous forme dé petits cubes : d'apparence. terreuse, de couleur rouge -brunâtre, brune ou jaunâtre, ayant 2 centimètres 1/2, un pouce anglais, de côté. Parfois aussi, on le trouve. en galettes plates, ou en masses compactes. La croûte extérieure, plus colorée, est aussi plus dure que l’intérieur, dont la texture est légèrement poreuse. Le Gambier n’émet aucune odeur, sa saveur, primitivement amère, devient ensuite faiblement saccharine. Au microscope, on voit cette matière composée d’un entre-- lacs de cristaux ‘aciculaires de catéchine, principe actif du Cachou noir extrait de l’Acacia catechu. Sa composition chi- mique est en effet celle du Cachou noir, et indépendamment de la Catéchine, les deux produits contiennent une substance colorante jaune, la quercitine. Le Gambier trouve sa princi- pale application industrielle, dans les tanneries et les teintu- reries, mais il servirait encore à rehausser la coloration des bières anglaises brunes, et figure dans la pharmacopée an- glaise et indienne qui l'emploient sous les noms de Cachou pâle ou Terre japonaise, contre la diarrhée et la dysenterie. Sa consommation ayant crû d’une façon très rapide, le Gambier qui valait autrefois 250 francs la tonne, puis 320. francs et 380 francs jusqu'à la fin de 1879, atteint aujourd'hui des prix variant entre 1,000 et 1,200 francs. Cette hausse est unique- ment due, il est vrai, à ce que des commissionnaires de Sin- gapour accaparent toute la production de la presqu'ile de Malacca et de la Malaisie, afin d'imposer ensuite leurs condi- Q tions aux consommateurs. Voulant se soustraire à cette dépendance, les tanneurs anglais songent actuellement à pro- 418 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. pager la culture de l’arbrisseau produisant le Gambier, à Natal, à Bornéo, en Guinée, aux Antilles, des coïncidences dans la flore des différentes régions, permettant d'admettre qu'il réussirait partout où poussent le Cacaoyer, la Vanille, le Gin- gembre et le Bananier. Le Gambier s’extrait des feuilles d’un arbrisseau Malais de la famille des Rubiacées, l'Uncaria Gambir Roxs. (Nauclea Gambir HuxT.), végétal aux feuilles opposées, épaisses et charnues, contenant une forte proportion d'extrait quand elles sont jeunes, s’amincissant ensuite avec l’âge, qui les rend coriaces et fibreuses. Ses nombreuses petites fleurs sont portées par des pédoncules de structure toute particulière, dont la partie inférieure, s’allongeant après la floraison, se recourbe en crochet qui fixe les branches aux végétaux voi- sins ou aux tuteurs dont on munit les arbrisseaux. L’Uncaria Gambir vit à l’état sauvage ou cultivé à Malacca, à Singa- pour, à Penang, à Sumatra, à Java. La première mention faite du Gambier est due à un voya- seur allemand, qui envoyait, en 1780, une notice sur ce pro- duit à la Société hollandaise des Arts et des Sciences. Les arbres dont on l’extrayait, originaires de Pontjan, disait-il, avaient été introduits à Malacca en 1758. En 1807, les Linnean Transactions publièrent sur l'Un- caria Gambir une nouvelle notice due à William Hunter, secrétaire de la Société asiatique. Le Gambier se préparait alors exclusivement à Malacca, Siak et Rhio, sous forme de petits gâteaux de couleur blanche, cubiques ou circulaires. La qualité supérieure se consommait en guise de cachou avec le bétel; les produits inférieurs étaient expédiés aux tanneries de la Chine et de Batavia. « La culture de cet arbre, disait Hunter, exige un sol riche » et fertile; elle est surtout rémunératrice quand les pluies » sont fréquentes, pour les plantations situées sur le flanc » des collines, car si l’arbrisseau aime l’eau, ses racines re- » doutent l'humidité stagnante. Ces plantes se multiplient » par semis opérés en pépinière. Les premières pousses » apparaissent seulement après que les graines ont séjourné » trois mois en terre, mais leur végétation devient alors assez » active. Les arbrisseaux ayant atteint une taille de 20 cen- _» timètres environ sont transplantés à raison de 700 pour » une surface d’un o7long (670 mètres carrés). On obtient une LE GAMBIER ET LE CANAIGRE. 119 » petite récolte de feuilles au bout d’un an, une plus forte six » mois après, une encore plus forte au bout de six mois, on » est dès lors arrivé au rendement normal qui se continuera » à raison de deux récoltes par année pendant vingt ou trente » ans. Les seuls soins d'entretien consistent à bécher le » sol au pied des arbres, et à les ravaler de manière à ce » qu'ils ne dépassent pas une taille de 2 mètres. » Les deux récoltes de l’année fournissent 1,200 kilo- » grammes environ de Gambier sec par orlong. » En 1819, on opérait à Singapour les premières plantations d'Uncaria Gambir, dont le produit était alors uniquement destiné à l’Asie et on comptait bientôt jusqu'à huit cents exploitations. Elles disparurent ensuite peu à peu, par suite de diverses circonstances : la pénurie en combustible néces- saire pour faire infuser les feuilles et évaporer la liqueur ainsi obtenue, la longueur et la difficulté de ces opérations qui rendaient le recrutement du personnel assez pénible. Toutes avaient, pour ainsi dire, disparu en 1866, mais depuis, l’en- trée du Gambier dans l’industrie européenne et les prix de plus en plus élevés qu’il a atteints, ont fait renaître les plan- tations abandonnées. Suivant M. Jagor (1866), on laisse les arbres atteindre une taille de 2,50 à 3,25 et on les dépouille de leurs feuilles trois ou quatre fois par an. L’extraction de la matière contenue dans les feuilles s'exécute à l’aide de procédés des plus primitifs. Une chaudière plate, en fonte, de 1 mètre environ de diamètre, est placée sur un foyer en terre. Après y avoir versé une certaine quantité d’eau, on y jette les feuilles et les jeunes pousses, et on les soumet à l’ébullition pendant une heure ; puis les feuilles sont enlevées et pressées sur une planche qui ramène le jus exprimé à la chaudière. On évapore à consistance sirupeuse, et on recueille le liquide dans des seaux. Le refroidissement n’amène pas la cristalli- sation de la matière, par suite sans doute du phénomène des solutions salines dites sursaturées, qui, contenant une cer- taine quantité de sels cristallisables, restent cependant liquides aussi longtemps qu'on les met à l'abri des poussières et autres corps étrangers, pour se prendre en masse confuse dès qu’elles se trouvent en contact avec un corps solide quel- conque. L’ouvrier indigène détermine cette réaction en pla- çant deux seaux devant lui et en agitant leur contenu avec 120 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. un bâton tenu de chaque main, qu’il enfonce dans la masse et retire alternativement, sans brusquerie, et suivant une direction un peu oblique. Le liquide s’épaissit, se coagule progressivement autour du bâton, puis, quand tout le con- tenu des deux vases a pris une consistance pâteuse, on le coule dans des boîtes carrées pour le débiter ensuite en petits cubes qu’on laisse se dessécher à l'ombre. j Une plantation de sept à huit mille arbres, occupant cinq ouvriers, produit de 25 à 30 kilos de Gambier chaque jour, pendant toute la durée de l’année. Le Tropical Agricullurist disait de son côté en 1885 : « La » culture de l'Uncaria Gambir dans la presqu’ile de Malacca » et aux iles de la Sonde, est exclusivement entre les mains » des Chinois qui l’entreprennent, ainsi que l'extraction de » la matière en suivant des procédés extrêmement primitifs. » Ces individus n’exploïtent généralement pas pour leur » propre compte, mais pour un de leurs compatriotes enri- » chi, pour un {owkay, ayant grand soin de retenir la ma- » jeure partie du bénéfice comme rémunération de ses faibles » avances. Les capitalistes assistent à l'arrivée de tous les : » navires amenant des coolies chinois, afin d’y recruter leur » personnel de colons, et si faible que soit la somme qu'ils » leur laissent, ceux-ci finissent souvent, à force d'économie, » par devenir à leur tour des {owkays qui s’empressent » aussitôt de continuer ces lucratives opérations. » Pour établir une plantation, le coolie commence par » incendier une certaine étendue de forêt, suivant en cela » du reste, la méthode généralement appliquée dans la région » quand on veut créer une caféière. La culture du Gambier » marchant toujours conjointement avec celle du Poivrier, » l’espace ainsi dénudé est réparti entre les deux végétaux. » Les 1,000 à 2,000 poivriers, en effet, que le Chinois plante » à 3,25 les uns des autres feront attendre leur première » récolte pendant trois ans, tandis que l’Uncaria rapporte » au bout de dix-huit mois. Les pieds de Gambier sont espa- » .cés de 2 mètres, et on laisse les mauvaises herbes parmi » lesquelles domine le lalang, Imperata Kœæñigii, envahir » complètement le sol autour des arbrisseaux. Les Poivriers, » du reste, ne sont guère mieux traités. De chaque côté de » son jardin, le cultivateur a le droit d’abattre sur une lar- » geur déterminée, le bois dont il confecticnnera les tuteurs 121 eces— LE CANAIGRE. LE GAMBIER ET stes, et qui lui fournira le combustible n u de ses arb » LU ( CLS, C7 CCLLL LA 17 S Z 4 N° w RAREMENT AA TRES 0 » = pè= Su ines ler. certa Ù / du Gamb ion ce dans ymenosepalum » évapora 1 l encore en usa « t à m7] AIGRE (Aumez À 3 ion e érat thode » LE Can la mac une mé « à » saire », Vant ES 22 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. » gions montagneuses et boisées de la France, il préparera, » au moyen de gazons jetés sur des feux de branchages, un » mélange de terre calcinée et de cendres, qu'il étendra sur » la poivrière avec les feuilles de Gambier épuisées. Ces » plantations ne rapportent pas ce qu'on-serait en droit d’en » attendre, la facon barbare dont on traite les l’ncaria, les » stérilisant à une époque où les Poivriers sont encore en » plein rapport, à mesure que ces arbrisseaux avancent en » âge, leurs feuilles plus rares deviennent de plus en plus » coriaces, de moins en moins charnues, ce qui réduit consi- » dérablement le rendement. Une plantation de dix ans n’a » plus guère de valeur, et on l’abandonne généralement vers » la quinzième année, pour aller: s'établir plus loin. Cette » dégénérescence rapide est due à la façon antirationnelle » dont on dépouille les arbustes :de leurs feuilles, de leurs » rameaux'et de leurs bourgeons, à grands coups de cou- » teaux grossiers, taillés dans les bandes de fer entourant les » balles de marchandises. Le sujet ainsr maltraité, se trans- » forme bientôt en une sorte d’échalas susceptible de végé- » ter ‘encore, mais incapable de produire: Le sol sans om- » brage se durcit sous sa couverture de Zalang, incapable de » lui fournir la moindre substance assimilable. Quant aux » procédés d'extraction, ils sont aussi barbares que la mé- » thode de‘culture; et le type de fourneau en usage consume » inutilement une grande quantité de bois. :» Les procédés relatés par la publication: anglaise: diffèrent lécèrement de ceux que nous avons mentionnés précédem— ment. Le mélange de: feuilles et d’eau bouillante: est agité constamment avec un trident en bois, puis, quand le liquide a pris une: consistance sirupeuse,.on place les feuilles dans une auge en bois, et exprime leur liqueur qui est renvoyée à la chaudière, dont le contenu'est ensuite coulé dans‘de petits tubes en bois. Les feuilles épuisées, réchauffées avec une nouvelle quantité d’eau, donnent une: seconde liqueur trop pauvre en principes pour pouvoir être traitée directement, mais qui servira pour l’infusion suivante. Après cette seconde extraction; on les conduit à la poivrière, qui ne reçoit guère d'autre engrais. Dès que le liquide versé dans les tubes est assez refroidi pour qu’on puisse y plonger la main, le coolie détermine sa coagulation en ‘y enfonçant sa main à demi ouverte, dans LE GAMBIER ET LE CANAIGRE. 123 laquelle il agite vivement un petit morceau de bois. Le pro- duit se cristallise rapidement, et on le débite en cubes à l’aide de couteaux orossiers, puis ces cubes placés sur des ‘claïes en bambous à larges intervalles sont exposés pendant quatre à cinq jours à l’action de l’air qui les dessèche, leur enlève une :forte proportion d’eau, en réduisant considéra- blement leurs dimensions. En 1886, 1887 et 1888, Na en a importé approxima- tivement les quantités suivantes de Gambier : HSG0r 2. . 22,800 tonnes, valant 13 millions de francs HS. 22,000 tonnes, — 13 — 1888..... 22,500 tonnes. — 17 _ Les Etats-Unis en reçoivent chaque année pour près de 6 millions de francs. À côté du Gambier, nous signalerons l'emploi fait par les tanneurs américains, d’une nouvelle matière répondant au même but. En 1868, un explorateur envoyait à Washington des échantillons de racines d’un rouge foncé croissant abon- damment sur les deux rives du Rio Grande, à travers l'Ouest du Texas, le Nouveau-Mexique et la République mexicaine, racines employées depuis deux ou trois siècles en guise de matière tannante par les Indiens de la région, qui les dési- gnaient sous le nom de Canaigre. L'analyse y révéla une teneur en tanin de 32 °/,, mais personne ne songea d’abord à tirer parti de cette découverte. Le Canaigre ayant été mentionné à différentes reprises vers 1878 et 1879, de nouvelles analyses y trouvèrent 23,450/, de tanin, et 18°/, d'amidon. D’après les caractères de cette racine, on en faisait une Polygonée et la réalité de cette hypothèse fut en effet constatée en 1879 par M. Saun- ders, la plante étant le ÆEumex hymenosepalum ToRREY. Des tanneurs de Chicago se décidèrent à en faire l'essai vers 1885, et l'expérience fut trouvée si concluante, que le Canaigre ést aujourd’hui l’objet d’un important commerce. Les Américains l’emploient soit directement, soit sous forme d'extrait dosant de 40 à 70 °/, de tanin. L'introduction en Europe de ces substances exotiques exer- cera certainement une fàcheuse influence sur les demandes d'écorce de chêne française et par conséquent sur la culture forestière nationale. LA FAUCONNERIE D’AUTREFOIS LA FAUCONNERIE D'AUJOURD'HUI Conférence faite à la Société nationale: d’Acclimatation le 21 mars 1890, Par M. PIERRE-AMÉDÉE PICHOT. ( SUITE 2) Les premières chasses de Louis XV, qui n'avait que cinq ans et demi lorsqu'il monta sur le trône de ‘son bisaïeul, furent des chasses au vol, mais il ne prit pas un goût très vif pour cet exercice. On continua à recevoir à la Cour avec le cérémonial d'usage les présents de gerfauts que le roi de Danemark, le duc de Courlande et l'Ordre de Malte envoyaient au roi; les officiers de la fauconnerie figurèrent avec leurs habits d’uniformes dans les cortèges et les entrées solen- nelles, et vous avez pu voir l'été dernier, à l'Exposition du Ministère de la Guerre à l'Esplanade des Invalides, un cor- tège de figurines découpées et fort habilement gouachées par un peintre de l’époque, Lesueur. Cela représentait un retour de Compiègne ; le carrosse royal entouré de mousquetaires était suivi par un groupe d'officiers de la Grande Faucon- nerie et de pages du cabinet du roi attachés à ce service. Projection : Officier de la Grande Fauconnerie et page.) Mais la fauconnerie passait de mode de plus en plus. Le perfectionnement des armes à feu, le prix toujours croissant des oiseaux de chasse et leur rareté, la difficulté de trouver de bons fauconniers, hâtèrent l'abandon d’un déduit qui avait fait les délices de nos aïeux pendant quatorze siècles. Louis XV avait supprimé non moins de vingt-trois charges de gentilshommes de la Grande Fauconnerie et en avait réduit le personnel. Louis XVI n’aimait pas . Ho . au vol, et, pendant l’'an- (*) Voyez plus haut, page 52. LA FAUCONNERIE AUTREFOIS ET AUJOURD'HUI. 125 née 1775, il ne chassa qu'une seule fois à l'oiseau. Les faucon- niers qui avaient le‘soin des oiseaux, dont le nombre était e MERS E. Se 7 Fauconnier et Page du Cabinet du Roi . attaché: à la Grande Fauconnerie | Louis XV). de plus en plus réduit, parurent pour la derniere fois avec . leurs faucons sur le poing dans la grande procession des États généraux de Versailles, le 4 mai 1989: © 126 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Leroy, lieutenant des chasses du roi, nous a conservé, dans l'Encyclopédie, l'aspect d'une installation de faucon- nerie à cette époque. PLIX. î j (Projection : Jnéérieur d’une fauconnerie.) Vous voyez ici l’intérieur d’une fauconnerie. Des faucon- niers réunis autour d'une table soignent leurs oiseaux, rajustent des plumes neuves à la place de celles qui sont cassées, fabriquent ou réparent leurs accessoires. (Projection : Extérieur d'une fauconnerie.) LA: FAUCONNERIE AUTREXOIS EL AUJUUXD’AUL. : Â27 Maintenant voici l'installation extérieure de la même fau- connerie. Vous remarquerez à droite et à gauche les hangars sous lesquels on abrite les faucons attachés sur {& perche et les pelouses où on les met à Pair pour « jardiner » comme on disait, attachés sur des blocs, ou petits tertres de gazon. CHESEMAN MARS D RRS AU 4 Portrait de Robert Cheseman, fouconnier de Henri VIII. Enfin la Révolution éclate et la fauconnerie sombre dans la tourmente aussi bien en France que sur le continent Euro- péen. Puis viennent les grandes guerres de l’Empire et le changement de mœurs profond que la révolution, dans ses. phases successives, imprime à toute l’organisation sociale. On oublie faucons et vautours ; l'aigle seul, déchaperonné par une main puissante, prend son essor sur ces ruines, et mon- tant au-dessus des nuages, va se perdre dans l’arc-en-ciel tricolore qui annonçait au vieux monde sa régénération. 128 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Un pays cependant échappa à la tourmente, grâce à sa po- sition insulaire, grâce surtout au goût de ses habitants pour: la vie des champs et pour les sports de tout genre. Les tra- ditions de la fauconnerie s'étaient surtout conservées: en Ecosse où il y eut toujours des fauconniers autochtones fort experts à manier les faucons niais, c’est-à-dire dénichés dans leurs aires, le faucon se reproduisant abondamment dans les hautés montagnes, les falaises de rochers du nord de la Grande-Bretagne. Cette école de fauconnerie différait un peu de l’école du continent, où l’on se servait beaucoup plus d'oiseaux pris adultes et sauvages que l’on nomme hagards ou passagers. (Projection : Fauconniers anglais de la fin du XVIIIe siècle). Voici d’après un tableau de Ansdell le costume des faucon- niers de cette époque. | Les troubles du continent ayant chassé en Angleterre un certain nombre de fauconniers étrangers qui ne trouvaient plus en Europe l'emploi de leurs talents, il y eut au commen- cement du siècle comme une renaissance de la volerie lan- guissante, là-bas comme chez nous, par suite du perfection- nement des armes à feu et de la transformation des modes de chasse. ; Parmi ces fauconniers, presque tous Hollandais, que nous voyons à cette époque paraitre en Angleterre, je vous citeral le dernier fauconnier de Louis XVI, Francois Van den Heuvel, que nous trouvons de 1793 à 1799, chez le colonel .Thornton. Le colonel Thornton, un des types les plus intéressants que : j'aie rencontré dans mes recherches sur les anciens faucon- niers, était d’une vieille famille whig du Yorkshire. Son grand-père avait combattu pour les privilèges et les droits du citoyen anglais dans la révolution de 1688. Son père s'était signalé aux batailles de Falkirk et de Culloden en 1746, si bien que les rebelles, comme on appelait l’armée de Stuart, avaient mis à prix sa tête pour 25,000 francs qu'ils ne tou- chèrent jamais, car le père de Thornton ne mourut que de sa mort naturelle en 1771. Son fils, qui n’avait alors que deux ans, fut élevé par un oncle et se lanca vers dix-neuf ans dans la société élégante de Londres, dans une sorte de club que l'on appelait «le Savoir-vivre » et qui comptait parmi ses LA FAUCONNERIE AUTREFOIS ET AUJOURD'HUI. 129 membres les personnalités les plus éminentes du high-life anglais : lord Lyttleton, Sheridan, le prince de Galles, Fox, etc. Il y mena cette vie à grandes guides qui caractérisait la jeunesse dorée de cette époque, et vers 1780, un peu fatigué sans doute de cette existence excentrique et orageuse, il se retira dans sa terre de Thornville-Royal, où il réunit autour lui les amateurs de fauconnerie qui étaient déjà clair-semés dans le royaume. Là, son temps se partage entre tous les plaisirs de la chasse; il est maitre d’un équipage de fox- hounds; patronne les courses où il monte en personne avec une audace endiablée ; élève des chiens d'arrêt et des lévriers qui se signalent partout par leurs prouesses ; va d’un bout à l’autre du royaume ; fait dix-sept voyages avec des équipages de chasse, des maisons mobiles qu'il transporte sur les bruyères, se livre à des péches dangereuses où il manque parfois de perdre la vie, fait fabriquer exprès pour lui des armes à feu sur des perfectionnements qu'il indique, en un mot brûle les sports par tous les bouts. À ce train-là, il est probable qu'il ne brüla pas que les sports! Sa fortune subit quelques atteintes; des difficultés politiques (vous savez qu'il était d’une famille un peu révo- lutionnaire) compliquèrent ses difficultés financières ; il fut blessé dans son amour-propre et ses ambitions; le séjour de l'Angleterre lui était devenu pénible, et il résolut d’aller cher- cher sur le continent un emploi à son activité et à ses ta- lents. On était alors à l’époque de la paix d'Amiens. Voici que débarqua un beau jour, dans le port de Dieppe, un équipage étrange, sorte de maison roulante divisée en compartiments qui renfermait dans ses flancs une meute, un équipage de fauconnerie, une salle d'armes, un dessinateur... et même une jolie femme. La baleine de Jonas en eût crevé de dépit! C'est dans cet appareil que le colonel Thornton se mit à parcourir la France. Pendant l’émigration et les premières guerres de la République, le colonel Thornton et sa famille avaient pu rendre en Angleterre de nombreux services à des Français émigrés ou prisonniers de guerre. Il trouva donc des amis tout le long de sa route et fut invité à chasser chez beaucoup de propriétaires qui lui firent le meilleur accueil. Messieurs, lorsqu'on découple à la billebaude, c’est-à-dire 20 Janvier 1891. 9 130 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. au hasard, on risque parfois de mettre sur pied un tout autre animal que celui que l’on voulait chasser. C’est ce qui m'est arrivé avec le colonel Thornton. C'est le fauconnier et le sportsman que je poursuivais, et je me suis trouvé en face d'un fait historique qui jette un jour assez curieux sur les préludes de la lutte homérique que l’Empire entreprit contre l'Angleterre. Comme le chasseur se repose parfois à l'ombre d'un arbre, vous me permettrez de quitter un instant mon sujet et de vous dire quelques mots de cet incident. Lorsque le colonel arriva à Paris, son premier soin fut d'obtenir une audience du premier Consul qui était déjà l’objet de la curiosité et de l'intérêt général. Madame de Staëél, de sa plume venimeuse, n’a pu s'empêcher de le constater elle-même, et dans ses Dix années d'Exil, elle avoue qu’ « une nation éminemment fière, les Anglais, n'éläit pas tout à fait exempte à cette époque d'une curiosité pour la personne du premier Consul qui tenait de l'hommage ». Gela est vrai, positivement vrai. Beaucoup d’'Anglais admiraient à cette époque le premier Consul et étaient même assez parti- sans de la Révolution francaise. I1 ne s’en fallait même pas de beaucoup alors que la haïne séculaire et légendaire de l’Angleterre contre la France ne füt entièrement effacée, et l’on ne songeait pas du tout à reprendre en chœur ce vieux refrain que vous connaissez tous : Buvons un coup, buvons-en deux, À la santé des amoureux. À la santé du roi de France, Et mort à celui d'Angleterre, Qui nous a déclaré la guerre ! Ce fut l'irréconciliabilité du gouvernement anglais, la dupli- cité et la mauvaise foi du ministère britannique qui provo- quèrent la rupture et, soufflant sur la braïise, allumèrent un incendie qui devait avoir des conséquences si fatales. Le colonel Thornton ne venait pas seulement en France pour y faire un voyage de touriste et de sportsman ; il avait l'intention de s’y fixer. Or, ce projet rentrait tout à fait dans les vues du premier Consul qui, navré de l’état d'abandon dans lequel restaient les biens nationaux à la suite de la Révolution et de l’expropriation de leurs propriétaires sécu- laires, voulait attirer en France les capitaux étrangers pour Ne sie PS AS PES SA Le colonel Thornton (1757-1823). 132 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. mettre ces biens en culture et en valeur et déstériliser une partie considérable du patrimoine national. Le colonel Thornton pouvait donc s'attendre à étre bien accueilli aux Tuileries, puisque ses vues concordaient si complètement avec celles de Bonaparte. Eh! bien, une fois à Paris, il eut toutes les peines du monde à l’approcher à cause du mauvais vouloir des agents de l’ambassade britannique qui avait établi un véritable cordon sanitaire entre les Anglais alors à Paris et la personne du premier Consul. Le colonel finit cependant par triompher de tous les obstacles, entra en relations avec Bonaparte et obtint toutes les autorisations nécessaires pour parcourir la France avec ses équipages de chasse, visiter les domaines disponibles, en étudier les ressources en vue d’un établissement définitif. C'est le récit de ce voyage qu'il exé- cuta dans ces conditions singulières, qui fait l’objet d'un des récits les plus pittoresques et les plus amusants que j'aie lus sur cette époque si intéressante. C'est sur ces entrefaites que la paix est remise en question par la mauvaise foi du gouvernement anglais et de ses pléni- potentiaires dans la question de Malte, et le 11 mars 1803, dans une réception publique, Bonaparte adressait à haute voix à lord Withworth ces paroles de rupture: « Si vous voulez la paix, il faut respecter les traités; malheur à qui ne : respecte pas les traités. » Le gouvernement anglais ne res- pectait rien du tout. Le colonel Thornton, subitement arrété dans l'exécution de son projet, dut retourner en Angleterre, mais il avait conservé de son voyage en France un tel sou- venir, qu'après la chute de l'Empire, il revint dans notre pays pour y finir ses jours. Mais ses ressources avaient, subi depuis lors de rudes atteintes, et il n'avait plus cet enthousiasme pour les grandes choses qu'il avait rêvées la première fois. Il n'est plus question de ses plans industriels, de ses projets d'agriculture perfectionnée ; c’est un viveur fatigué qui nous revient, un sportsman toujours vert pour monter à cheval et pour boire, mais dont l'horizon est borné par l’âge. Il se con- tenta de louer le château de Chambord où l’on montrait en- core, il y a quelques années, le chêne auquel il pendaïit les chiens qui tournaient mal, les faucons qui ne volaient pas bien ; il y achève une ruine déjà commencée, et ses termes de loyer ne sont pas payés. Il achète cependant encore le domaine de Pont-le-Roi et tient une grande place dans le -(py81) MOT op neorqer o[ seide,p ‘eSedmbo uos Je (ueqooreq ep) Suiue|4 ‘NA 134 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. monde sportique et bruyant de la capitale. En 1823, un cheval de course, portant son nom, parait au Champ-de- Mars, mais au mois de mars de la même année, le colonel mourut à Paris emportant dans la tombe tout l'espoir d’une renaissance de la fauconnerie qu'il aurait peut-être provo- quée chez nous, si les circonstances lui avaient permis de se fixer en France en 1802, lors de son premier voyage. (Projection : Portrait du colonel Thornton.) Voilà le portrait du colonel Thornton, portant sur le poing son faucon favori qu'il appelait « Sans-Quartier ». Ce por- trait appartient à lord Rosebery. Un des exemples les plus remarquables d’une longue suite de fauconniers dans la même famille, est celui de la famille Fleming, dans le Renfrewshire. Jacques IV d'Écosse avait donné un chaperon orné de pierres précieuses à un membre de cette famille, dont le tier- celet avait battu un des faucons du roi. Voici le portrait du Fleming, châtelain de Barochan To- wers, peint vers 1811, par Howe. Il est entouré de tout son équipage, de ses fauconniers, de ses oiseaux et de ses chiens. Tous les fauconniers des Fleming furent Écossais. Dans ce tableau nous voyons le portrait très ressemblant du faucon- nier en chef, le fameux Anderson; puis à droite, son aide George Harvey. Il dut à sa renommée d’être choisi par le duc d’Athol pour avoir l'honneur de présenter au roi Georges IV, lors de son couronnement, les deux faucons dont les dues d’Athol étaient redevables à la couronne, à chaque change- ment de souverain. C’est ainsi que John Anderson parut à la cour le 19 juillet 1821, revêtu d’un costume assez singulier pour l’époque, la livrée d’apparat que les dues d’Athol avaient conservée depuis le roi Jacques. (Projection : Anderson en costume de cour.) Voici le portrait d’Anderson, en costume de cour. Je pense qu'il est inutile d'appeler votre attention sur sa casquette qui tient à la fois de la tour de Babel et du gâteau de Savoie. Ce n’est pas de la neige qu'il y a sur ce mont Blanc. Ce sont des plumes. | LA FAUCONNERIE AUTREFOIS ET AUJOURD'HUI. : 135 John Anderson, fauconnier de l’équipage de Barochan, en costume d’apparat au couronnement de Georges IV {19 juillet 1821). 136. REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Les fauconniers hollandais, qui avaient pris du service en Angleterre, allaient tous les ans chez eux se remonter en fau- cons de passage dont ils avaient introduit le maniement dans la Grande-Bretagne. On avait, en effet, continué à piéger les faucons de passage sur les vastes landes du Brabant, qu'ils traversent à l’automne en descendant vers le midi, au prin- temps en remontant vers ie nord. Un de ces Hollandais, Jean Daams, faisait, en 1808, pour la seizième fois, ce voyage avec ses aides Daankers et Peels, lorsqu'à son passage à La Haye, le roi Louis fut averti de sa présence et l’engagea à rester en Hollande pour remonter au château du Loo la fauconnerie royale abandonnée depuis le départ du staathouder Guil- laume V en 1795. Peels retourna seul en Angleterre, et la fauconnerie refleurit en Hollande, au château du Loo, dans le parc duquel se trouvait une importante héronnière. On appelle ainsi un bois où les hérons se réunissent pour nicher, comme les corbeaux, au sommet des arbres. En 1810, lors de l'annexion du royaume de Hollande à l'empire français, Na- poléon fit venir un instant Daams et Daankers à Versailles ; il n’assista que trois fois au vol de l'équipage ; la pensée du souverain était ailleurs, comme bien on pense, et on cite même de lui une distraction funeste lorsque, chassant un jour à tir pres de l'endroit où ses fauconniers exerçaient leurs oiseaux, il abattit d’un coup de fusil un faucon qui vint à passer à portée de son arme et dont il n'avait sans doute pas entendu les sonnettes. Cette fois encore, cette reprise de la fauconnerie sur le continent ne fut qu'un feu de paille. Cependant en Angleterre, les fauconniers hollandais conti- nuaient à exercer leur art et, en 1838, un des fauconniers du Club de Didlington vint en France chez le baron d'Offé- mont, dans les environs de Compiègne, pour voler la cor- neille et la perdrix, mais dans la même année, le baron d'Offémont et l'honorable Wortley Stuart se réunirent au duc de Leeds et à M. Newcome pour fonder au Loo même un club de fauconnerie. En 1840, ce club était monté sur un grand pied sous la présidence du baron Tindall; le roi avait mis à la disposition des membres un petit pavillon situé dans le parc du château et une installation où étaient également logés les hommes et les oiseaux. On eut de vingt à quarante faucons, et le nombre des prises était, chaque année, de deux à trois cents hérons. Le club du Loo eut une existence bril- LA FAUCONNERIE AUTREFOIS ET AUJOURD'HUI. 137 lante ; chaque année, les sportsmen les plus fameux de la France et de l'Angleterre s’y réunissaient pour jouir de leur sport favori. On organisa au Loo des courses de chevaux dont la mode se répandait sur le continent, et on menait brillante et joyeuse vie dans le pavil- lonproyalbwNietpeut-être trop brillante et trop joyeuse, car on y jouait beaucoup, on y faisait des dépenses excessives qui finirent par scandaliser la cour de ce pays économe et qui, en 1852, décidèrent le roi à supprimer ces réu- nions annuelles. Le club du Loo avait vécu. Il restera cependant de cette association célèbre un monument impérissa- ble, monument de science aussi bien que de sport ; c'est le Traité de faucon- nerie du professeur Schle- gel, de Leyde. Ce savant naturaliste et son collabo- rateur Verster de Wul- verhorst suivaient assidü- ment les chasses ; il étudia là sur le vif les oiseaux de proie, et de cette étude _ résulta le traité en ques- tion, magnifique in-folio, où toutes les espèces de faucon sont représentées en grandeur naturelle et coloriées. Nous allons en (Projection : Le vol du Héron.) extraire deux planches, pour vous faire voir les péripéties d’un vol de héron sur les bruyères du Loo. 138: : uorJ9o{01q) l'UOI9H ND 981€ PT REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Dans ce tableau le fauconnier qui monte à cheval est le fameux Mollen, qui vit encore à Valkenswaard où il piège les 4 ÿ faucons de passage. Celui qui rattache un faucon à droite est Bekkers, dans le mi- lieu le prince Alexan- dre des Pays-Bas. Dans ce second tableau, vous voyez la prise d’un héron. Au milieu le roi Guillaume, puis le duc de Noaiïlles, lord Seymour, etc. Le jeune homme qui in- dique du doigt la: facon de reprendre UMA COR MESTMENE Newcome. Messieurs, cette rapide histoire de la orandeur et de la décadence de la fau- connerie est lhis- toire des progrès de ma passion pour cet art. Comme Don Quichotte s’amoura- cha de la chevalerie en lisant les œuvres de Félician de Sylva, - de même c’est en feuilletant les vieux livres que je me suis enthousiasmé pour l'art de dresser les oiseaux de chasse, mais ce n’est ni Palmerin d'Olive ni Amadis des Gaules qui m'ont fait rêver; c’est le gerfaut blanc « la Perle »: LA FAUCONNERIE AUTREFOIS ET AUJOURD'HUI. 139 avec lequel Henri IV volait le héron dans la plaine Saint- Denis ; ce sont ces faucons du maréchal de Montmorency que Claude Gauchet, l’aumônier de Charles IX et de Henri IT, a immortalisés dans son poème fameux des Plaisirs des Champs. Puissiez-vous ne pas dire de moi comme Cervantès de son héros : notre hidalgo s’est acharné tellement à sa lecture qu’il s'est desséché le cerveau de manière à en perdre le jugement ! Mais je dois dire que si j'ai conservé un peu ma tête, c’est que j'avais un contrepoison qui manquait à Don Quichotte. C'était le journal quotidien, car je lisais le journal quotidien en même temps que les vieux livres. Eh bien, c’est un excel- lent contrepoison contre les romans de chevalerie que le journal quotidien ! On y trouve d’abord les discussions poli- tiques de nos sommités parlementaires, qui ne rappellent pas du tout les cours d’amours ; il y a les hauts faits des gentils- hommes à casquette de nos faubourgs qui n’ont abso-. lument rien de chevaleresque ; il y a les petites corres- pondances et les petites affiches qui elles, par exemple, vous font parfois rêver. Cette rubrique des petites cor- respondances est particulièrement intéressante dans les journaux anglais. Dans le Times, elle occupe la seconde colonne du journal et elle est populairement connue sous le nom de colonne des Agonisants à cause du nombre d'appels désespérés qui s’y font entendre. Colombe blessée écrit à Cicogne qu’elle meurt si Cicogne ne revient pas la protéger contre ses ennemis. Ce n’est que quatre mois plus tard que Cicogne répond qu'il ou elle ne revient pas. Puis ce sont des cœurs brisés, des pa- rents au désespoir, des amis inquieis qui réclament des nou- velles, qui assurent que tout est arrangé, que tout est oublié, que l’on apprendra dans tel ou tel endroit quelque chose qui intéresse, que le vieux toit paternel est en proie à la misère, que l'enfant est mort... que les serments d'antan sont oubliés ! Elle est navrante cette colonne des agonisants d’où s'élèvent des pleurs, des gémissements et des larmes comme des flots de ces fleuves de l'Enfer que cotoyaient Virgile et le Dante, et autrement vraie et palpitante que les romans réalistes de l’école moderne qui ont la prétention de peindre l'humanité 140 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. et qui confondent les ulcères avec les blessures etile sang avec la suppuration. | . Donc je lis souvent les journaux en guise de contrepoison, et c’est dans l’un d'eux que je découvris en 1865 une annonce qui ne manqua pas de piquer ma curiosité: « Un fauconnier très expert dans son art et possédant une dizaine d'oiseaux dressés demandait une place de sa spécialité chez un parti- culier ou dans un établissement public. » Ah ! m'écriai-je, voilà mon affaire ! J'écrivis en Angleterre d’où j'avais recu le journal en ques- tion et j'appris que ce fauconnier à la recherche d’une place, était, en effet, un des meilleurs fauconniers de l'Angleterre, l'Écossais John Barr. Il avait été jusqu'alors au service d’un prince Indien, interné en Angleterre, l’ex-Maharajah du Punjab : Dhuleep Singh, lequel, sur le point d'entreprendre un voyage en Égypte, démontait son équipage, et avait donné une dizaine d'oiseaux à John Barr, pour lui permettre de se TÉDACEE, Je vous laisse à penser si je fis des efforts pour lui trouver une place en France. Malgré mes velléités de reconstitution historique, je ne pouvais nourrir, même un instant, l’idée de faire de la fauconnerie dans la petite propriété aux environs de Paris, où, pendant la belle saison, je vais manger au frais le melon que j'apporte des Halles centrales, et où le plus gros ‘gibier que j'aietsous#mestonnelles/"c'estwdes hannetons. Mon ami, le comte Le Couteulx de Canteleu, le célebre veneur qui vient de publier un si remarquable Manuel de vénerie inoderne, me vint en aide et nous allâmes solliciter l'appui des Mécènes du sport et des grands propriétaires que cette résurrection intéressante pouvait tenter. On nous prit pour des chevaliers de la Table-Ronde, évoqués par l’enchan- teur Merlin. Enfin, M. Georges de Grandmaison se laissa séduire et fit venir John Barr et ses oiseaux au château des Souches, en Sologne. L'équipage, pendant son passage à Paris, reçut l'hospitalité du Jardin d’Acclimatation, cet éta- blissement modèle dont je ne ferai pas l'éloge ici, de crainte de faire rougir les cygnes qui neigent sur ses pièces d’eau. Vous savez d’ailleurs comme cet établissement est ouvert à toutes les idées nouvelles, à tous les perfectionnements. Nous lui devons l'introduction en France des expositions de LA FAUCONNERIE AUTREFOIS ET AUJOURD'HUI. A41 Chiens, et tous ces oiseaux curieux qui, vendus d’abord 3,000 francs la paire, sont aujourd’hui à la portée de toutes les casseroles. Le jardin a ouvert la voie aux exhibitions ethnographiques qui ont atteint, l’an passé, tout leur déve- loppement à l’esplanade des Invalides, et si quelques-unes de nos jolies parisiennes ont été... scalpées l’an passé par les Peaux-Rouges de Buffalo-Bill, c'est bien au Jardin d’Accli- matation qu’elles peuvent en faire remonter la responsabilité. Eh bien ! le Jardin d’Acclimatation offrit très gracieusement l'hospitalité à notre équipage, et pendant qu'il y séjourna, nous fimes quelques vols aux environs, à Fontainebleau, des vols qui ne relevaient pas de la Préfecture de police, non, de vrais vols d'oiseaux. John Barr et ses oiseaux ne devaient faire qu'un court séjour aux Souches, le château de M. de Grandmaïson, le temps d'organiser un Hawking club sur le modèle des clubs anglais. Nous continuâmes nos visites et notre propagande, et parmi les personnes que nous allâmes voir, fut le baron d'Offémont, l’ancien membre du club du Loo. « Je suis, nous dit-il, le dernier fauconnier de France. — Pardon M. le baron, répliquai-je, vous n'êtes que l’avant-dernier, car j'ai l’inten- tion de suivre vos traces. » Je crois qu'il fut un peu vexé de cette prétention ambitieuse de ma part, cependant il m’en- couragea à poursuivre ma tentative, sans toutefois me pro- mettre autre chose que sa sympathie. Enfin, grâce à M. le comte Alfred Werlé, de Reims, qui consacre à toutes les choses d’art une si belle part de sa fortune, mon projet finit par prendre un corps. M. le comte Werlé était le gendre du duc de Montebello. I obtint l'autorisation d'installer la faucon- nerie au camp de Châlons dont les vastes plaines sont admi- rablement disposées pour suivre de beaux vols et où, si le gibier est rare, il y a cependant assez de corbeaux, de pies et d'outardes pour faire les plus beaux vols du monde, les véritables vols de sport. MM. le baron d’Aubilly, le comte de Champeaux-Verneuil, le comte de Montebello, M. Julio Alfonso de Aldama vinrent se grouper autour de nous et formèrent les premières recrues de l'Équipage de faucon- nerie de Champagne. L'Équipage fit ses débuts pendant la saison de 1866. Il comptait à son rang une vingtaine d'’oi- seaux, la plupart des faucons pèlerins, sous la direction de deux hommes : John Barr, le fauconnier en chef, et un 122 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. nommé Philippe qui n'avait jusqu'alors donné l'essor qu'aux bouchons du champagne qu’il était chargé de mettre en bou- teille dans les fameuses caves de M. le comte Werlé. Cette année-là, le camp de Châlons était occupé par la garde impé- riale. Aussi les vols de l'Équipage furent- ils particulièrement brillants. Les offi- ciers en grand nombre venaient à cheval au rendez-vous où des breacks attelés à quatre chevaux amenaient toutes les élé- gantes châtelaines des environs. Nous avions quelquefois deux ou trois cents personnes au rendez-vous, et nous vo- lions entre autres la petite Outarde, ce qui ne luiétait pas arrivé depuis long- temps, à la petite Outarde ! Et pour cela nous avions un tres joli costume vert et rouge avec une plume noire sur un feutre gris. Je vais vous faire voir notre très joli costume. (Projection : Un fauconnier de Champagne, par $S. Arcos.) Hélas ! Messieurs, d’autres oiseaux de proie d’un nouveau cenre vinrent s'abattre sur nos campagnes. La guerre éclata, il fallut renoncer à notre sport pacifique. John Barr repassa en Angleterre où il est mort, mais ses lecons avaient fait des élèves, et notre exemple avait provoqué des imitateurs qui aujourd'hui ont repris la suite de nos affaires et se préparent à ajouter un nouveau chapitre à l’histoire de la fauconnerie. M. le baron d'Offémont ne sera plus le dernier fauconnier de France ! Ni moi non plus, j'espère ! (A suivre.) IT. EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. SÉANCE GÉNÉRALE DU 19 DÉCEMBRE 1890. PRÉSIDENCE DE M. A. GEOFFROY SAINT-HILAIRE, PRÉSIDENT. Le procès-verbal de la dernière séance générale ayant été adopté par le Conseil, conformément au règlement, il n’y a pas lieu d’en donner lecture. — M. le Président ouvre la première séance de la session par une allocution dans laquelle il passe en revue les travaux accomplis dans le courant de l’année écoulée. Il rappelle les progrès que nos publications ont faits et constate l'intérêt qu’elles excitent, comme il en recoit chaque jour de nombreux témoignages. Grâce aux efforts tentés pour vulgariser l’œuvre de la Société, l'accueil réservé à ses premiers travaux a fait place à un courant croissant de sym- pathie qui lui amène chaque jour de nouveaux membres et de nouveaux . Collaborateurs. Notre Revue va prendre, cette année, une plus grande extension encore et formera annuel- lement deux forts volumes ; on s’efforcera de donner aux tra- vaux de chaque section une place à peu près égale et suffi- sante pour intéresser ceux de nos membres qui s'occupent d'une spécialité. M. le Président émet le vœu que les Sections se montrent plus actives pour répondre à ce mouvement ; peut-être sera- t-il nécessaire de dédoubler certaines d’entre elles pour per- mettre, ou même provoquer, des études plus spéciales, plus nombreuses et mieux approfondies. Enfin, il passe en revue les travaux exécutés déjà et à exé- cuter dans le courant de l’année 1891 au Jardin d’Acclima- tation : construction de galeries de vente pour tout le maté- riel de la vie à la campagne ; création d’un Musée de chasse -et de pêche où seront réunies des collections à la fois histo- riques et ethnographiques de tous les instruments servant à la capture des animaux ; installation d’une serre destinée aux Expositions horticoles, enfin, construction de grandes serres, d’un jardin d'hiver avec aquariums et volières, salles de con- férence et musée de zoologie et de botanique appliquées. Ak4 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Ces améliorations et ce développement correspondront par- faitement, pense-t-1l, aux vœux des fondateurs du Jardin d'Acclimatation et en feront un établissement d'éducation po- pulaire d'instruction par les yeux. M. le Président proclame les noms des membres récemment admis par le Conseil. MM. BAHLSEN (Ernest), horticulteur, à Wein- berge-Prag (Bohême), (Autriche). BizeraAY (Eugène), à la villa de Jague- neau, par Saumur {Maine-et-Loire). BouscATEL (Georges), médecin-vétéri- naire, 6, rue des Huissiers, à Neuilly- sur-Seine. Brown (Henri), employé de commerce, 104, rue Lafayette, à Paris. CHaILLAUX (C.), propriétaire-aviculteur, à Beaucamps (Nord). CHAPMAN (Henry), propriétaire, à The à Cheltenham Grooc, Douro Road, (Angleterre). DESROSIERS (Charles), Cuffy, par Le Guétin (Cher). DozLrus (Adrien), directeur de la Feuille des Jeunes Naturalistes, 35, rue Pierre- Charron, à Paris. GoDINOT DE VILAIRE (R.), directeur de l'École d’Arboriculture, à Bastia. JumEAU (E.), négociant, fabricant de jouets, 8, rue Pastourelle, à Paris. LE CoULTRE (Albert), à la villa Belle Rose, à Brunoy (Seine-el-Oise). ” PTS CS ST PRÉSENTATEURS. A. Geoffroy Saint-Hilaire. Jules Grisard. | H. de Vilmorin. A. Berthoule. Brucker. G. Rogeron. À. Berthoule. À. Geoffroy Saint-Hilaire. Ed. Wuirion. A. Berthoule. A. Geoffroy Saint-Hilaire. D' L. Vaillant. A. Berthoule. Saint-Yves Ménard. D' L. Vaillant. , Berthoule. . Geoffroy Saint-Hilaire, Porte. . Berthoulc. . Geoffroy Saint-Hilaire. . Olivier. . Berthoule. . Geoffroy Saint-Hilaire. . Vaillant, . Berthoule. . Geoffroy Saint-Hilaire. Marquis de Sinéty. A. Geoffroy Saint-Hilaire. A. Porte. E. Wuirion. À. Berthoule. Dr Laboulbène. Saint-Yves Ménard. hr Hp> bp} en PROCÉS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 44 É . Berthoule. LEQUIEN (Edouard), 25, rue de Cerisy, à RE UE ù ue à A. Geoffroy Saint-Hilaire. Amiens (Somme). | M. Meégnin. LETOURNEUR-IIUGON (le baron), proprié- taire, rue Notre-Dame, à Granville (Manche). Jean de Claybrooke. Jules Grisard. Aug. Paillieux. Jules Grisard. Am. Pichot. Marquis de Sinéty. MarTEL (Henri), propriétaire, 29, boule- vard de la Liberlé, à Marseille. geries maritimes, 10 dis, rue de l'Uni- ; Dubois. versilé, à Paris. A. Geoffroy Saint-Hilaire. A. Geoffroy Saint-Hilaire. Pichon. Saint-Yves Ménard. PicHON (Charles-Édouard), commis prin- cipal au Ministère des Finances, 47, rue NoëL (Octave), administrateur des Messa- ( Danican-Philidor. Boulard, à Paris. ; Chatot. Jules Grisard. Aug. Paillieux. l G. Braun. ( | PoxsarD (Philibert), avoué, à Louhans (Saône-et-Loire). Jules Grisard. G. Ricffel. A. Berthoule. Dupin. Am. Pichot. PRoST, maire, à Lons-le-Saulnier (Jura). QuanTIN (Albert\, ancien imprimeur-édi- teur, chevalier de la Légion d'honneur, 6, rue du Regard, à Paris. A. Berthoule. Saint-Yves Ménard. DATES Vaillant: J'ALLEVIGNES, directeur de l'École pra- | | A. Berthoule. tique d'Agriculture d'Oudes (Haute- : Garonne). VASSEUR (Clovis), ancien notaire, à Mar- Leblanc. gut (Ardennes). Saint-Yves Ménard. VipaL (Édouard), secrétaire de la Société { A. Berthoule. d'Horuculture et d'Acclimalation de 4 C. Raveret-Wattel. Tarn-et-Garonne, à Montauban. Marquis de Sinéty. VIOLAT (Jean-Baptiste-Claudius), pro- { Chatot. priélaire, au château de Glaizans, par Jules Grisard. Mewens (Saône-et-Loire). | Aug. Paillicux. Le Conseil a, en outre, admis au nombre des Sociétés agrégées : L'ÉCOLE PRATIQUE D'AGRICULTURE DE LA BROSSE (Yonne). — M. Chappellier ayant signalé quelques inexactitudes dans 20 Janvier 1891. 4 i 116 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. un article sur la production du Safran en France, publié dans la Revue, d'après un journal anglais, M. le Secrétaire général s'est rendu au Ministère du Commerce pour recueillir des données précises sur cette culture. Il résulte des renseigne- ments pris par M: Berthoule que: le Safran était cultive autrefois d’une facon presque intensive. La culture et la pro- duction francaises donnaient des résultats tres importants ; mais, malheureusement, les chiffres ont décliné d’uge facon considérable. Le Safran n'est plus cultivé que sur 310 hec- tares exactement”; la production totale est tombée à 24 quin- taux, ce qui donne, en rendement moyen, par hectare, 0.08 de quintal pour une valeur de 292,428 francs. Le prix moyen du quintal étant de 12,014 francs, la valeur du produit à l'hectare est donc de 948 francs. Dans l’Annuaire du Minis- tère de l’agriculture, il y a, à la suite des chiffres indiqués tres sommairement ci-dessus, cette réflexion imprimée : « Les plantes industrielles autres que... n’ont plus en France qu'une importance secondaire. La Garance a disparu, et d’autres, comme le Safran, sont en voie d'abandon. » C'est évidemment sur cette note, insérée dans le livre de l'agriculture, que le chroniqueur anglais avait pris la source des observations qu’il a présentées et qui ont été reproduites dans la Revue. Ce qui est certain, C'est que, s’il y à encore un commerce du Safran d’une certaine importance, la culture de cette plante est tombée à l'état presque de néant; Île dernier chiffre indiqué se rapporte à l’année 1882, et ül parait que, depuis lors, les chiffres ont encore décrü d'une facon tres considérable. — M. le Secrétaire général fait une SL sur la Truite de l’Oued Zour. (Voy. Revue, 1889, p. 1182.) — M. le D' Camille Dareste offre à la Société, de la part de M. le capitaine de vaisseau Desportes, son parent. un fruit d'Onaye, dont ies graines servent aux Pahouins du Gabon, à empoisonner leurs flèches. Notre confrere signale ensuite l'existence à Lyon d’une race de Cobayes à longs poils sur laquelle il espere obtenir des renseignements. — }f. le Président dit que tous les animaux qu’on rencontre aujourd'hui en Europe proviennent d'un mâle rapporté du PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 147 Pérou, il y a plus de vingt ans, et offert alors au Jardin d’Ac- climatation par M. de Grehan. Cet animal, croisé avec des femelles de Cobaye, a donné des produits qui ont vivement excité la curiosité des amateurs ; ils sont maintenant répan- dus partout. À cette occasion, M. le Président fait remarquer que les Cochons d'Inde sont toujours de trois couleurs. Malgré des essais nombreux il n’a jamais pu obtenir que des sujets bico- lores, quoique depuis on soit arrivé à produire des animaux entièrement blancs ou entièrement noirs. — M. Chappellier rend compte de ses cultures d’Ignames sur lesquelles une note paraîtra ultérieurement dans la Revue. — À l’occasion de la communication de M. le Dr Dareste, M. J. Grisard dit que l'Onaye ou Inée est une Apocynacée, le Sirophanthus, grande liane creuse, à tige cylindrique, qui croît principalement au Gabon; elle s’enroule autour des troncs et s'élève au sommet des arbres les plus grands. Les échantillons de fruits de ce végétal sont encore assez rares en Europe et notre confrère rappelle que c’est à la Société d’Ac- climatation que MM..Gallois et Hardy doivent d’avoir pu faire l'étude des principes toxiques contenus dans ses graines, grâce à un follicule offert par M. le Président à M. Hardy (1). Le Strophanthus est un cardiaque de valeur, son action est prompte et plus durable que celle de la Digitale, ce qui le rend précieux, mais il demande à être manié avec beaucoup de précaution, car il peut devenir dangereux. Pour le secretaire des séances, JULES GRISARD, Secrétaire du Comité de rédaction, (1) Voyez Bull. de la Soc. nat. d’Acclimat., 1871, p. 235, et Revue des Sciences natur, appliquées, 1889, p. 671. {!T. JARDIN ZOOLOGIQUE D’ACCLIMATATION LU BOIS DE BOULOGNE. Chronique de quinzaine. L'hiver continue, la terre est couverte de neige, l'épreuve dure encore pour nos animaux ! Le moment nous paraît venu de parler de la facon dont ils ont supporté ces abaissements de température non in- terrompus. Occupons-nous aujourd'hui de nos Mammifères. Parmi eux, les mortalités causées par le froid ont été à peu près nulles. Une Anti- lope a succombé à une congestion, une autre à une fluxion de poitrine, un Phoque est mort sans cause connue. Sur une population comme celle qui vit ici, on peut dire cette mortalité sans aucune importance. Mais comment se comportent les animaux, souffrent-ils ? Au chenil, la santé est parfaite, les niches sont bourrées de paille, la nourriture est un peu plus abondante ; grâce à ces précautions, les Chiens gardent le poil brillant, ils sont gais, actifs. Contre notre attente, les espèces réputées frileuses, Setters, Lévriers, traversent cet hiver sans paraître souffrir. Il faut citer en particulier deux petits Lévriers de Bagdad, récemment offerts au Jardin zoologique d'Aceli- maitation par M. Paul Bonnetain qui ne sembient pas s’apercevoir du froid. Ils savent d’aïleurs bien s'abriter, car la nuit ils creusent comme un terrier dans l’abondante litière qui remplit leur niche. Au chalet des Cerfs qui contient des espèces originaires des parties les plus chaudes du globe, nous n'avons aucune observation à faire, car tous ces animaux ont déjà fait leurs preuves ; Cerfs axis, Cerfs des Moluques, Cerfs-cochons n’ont-ils pas supporté sans abri à l’état sauvage, dans maints endroits, la rigueur de nos hivers ; cependant comme dans ces espèces l’époque du rut n’est pas encore adaptée à nos saisons, les jeunes naissant par le froid succombent. Il en est de même d'ailleurs pour les espèces les plus rustiques dont les faons qui viennent par les pluies ou par les froids périssent. Parmi nos Cerfs, je dois une mention aux Cerfs à queue de bison (Elaphure) des parcs de l’empereur de la Chine, car le froid semble leur être particu-— lièrement agréable. Les autres espèces cherchent à s’abriter du vent, fréquentent le chalet, s’y couchent, ceux-ci semblent prendre plaisir à braver la froidure. Sous leur épaisse toison aux poils serrés, doublés d'un fin duvet, ils paraissent insensibles à la rigueur de la saison. La résistance au froid des animaux de la famille des Cerfs est très intéressante à constater; nous l’avons reconnue chez les espèces les plus diverses de l’ancien aussi bien que du nouveau monde. Mais elle n’est générale que dans les formes proches parentes du genre Cervus. Elle disparaît dans les espèces qui s'en éloignent, les Cervules d’Asie et les Cerfs daguets de l'Amérique du Sud. Dans ces groupes, il y a des espèces rustiques et d’autres qui ne le sont pas, ainsi le Cervule CHRONIQUE DU JARDIN ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. 119 de Reeves du nord de la Chine supporte vaillamment nos bivers, et son proche parent le Muntjac de l’Inde en souffre beaucoup. Passons maintenant aux Antilopes ; le sujet est bien plus complexe, car au lieu d'être en face d’un groupe très homogène, dont tous les représentants ont entre eux une étroite parenté, les formes, la manière de vivre de ces animaux sont très diverses. Les Antilopes venant de la même région se montrent très inégalement résistants au froid. Les espèces que nous entretenons ici dans nos parcs dont les cha- lets ne sont pas chauffés, sont les suivantes : Oryæ leucoryx (Algazelle) du Sénégal et de Nubie a supporté très bien l'hiver. Nous avions déjà fait l'épreuve de sa rusticité. Oryx Beisa (Beisa, de Nubie n'avait pas encore subi ici des abais- sements de température aussi sévères. Cette espèce, originaire d’un pays brûlant, s’est montrée bien plus résistante que nous ne l’aurions supposé. Nous avons cependant perdu une de ces Antilopes, elle a succombé à une congestion évidemment causée par le froid. Cette mortalité doit donc être considérée comme un accident. Portax picta (Nylgau) de l'Inde. Cette espèce a depuis longtemps fait ses preuves ici comme dans tous les jardins de l’Europe et en par- ticulier près de Turin où le roi Victor-Emmanuel en entretenait une troupe de plus de deux cents têtes dans le parc royal de 3,000 hec- tares de la Mandria. Boselaphus oreas (Elan ou Canna) du Cap de Bonne-Espérance. Cette grande et belle espèce souffre du froid. Elle a mauvais poilet ne conserve pas par ces mauvais temps son allure ordinaire. Elle résiste cependant. Catoblepas gnu (Gnou) du Cap de Bonne-Espérance. Ils ne semblent pas s’apercevoir de la température que nous subissons. Leur poil, doublé de duvet, les protège, ils se montrent aussi gais et alertes que de coutume. Il n’en est pas de même pour le : Catoblepas gorgon (Gnou bleu) du Cap de Bonne-Espérance. Il est triste, remue peu, et souffre évidemment. Antilope cervicapra (Antilope des Indes) de l'Inde, se montre abso- lument insensible à la rigueur de l’hiver, nous avons eu plusieurs fois l’occasion de le constater. Les espèces énumérées ici sont les seules laissées dans nos locaux non chauffés. Les Guibs (7ragelaphus), du Sénégal, les Coudous (Sérep- siceros) de Nubie, les Cephalophus de la côte occidentale d'Afrique, ont été rentrés dès les premiers froids. Ces espèces se montrent délicates ; il n’était pas utile de faire l'épreuve de leur rusticité. On voit, par ce que nous avons dit ici, combien sont diverses les résistances des diverses espèces d’Antilopes. Dans le même genre, parmi les espèces venues du même pays, nous constatons les diff$- rences les plus considérables. Ces observations sont, croyons-nous. intéressantes, elles le seront plus encore, quand elles s’appliqueront à un plus grand nombre d'espèces. IV. CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. Société nationale d’horticulture de France. — Ceux de nos confrères qui s'occupent de la naturalisation des végétaux exo-. tiques, et particulièrement de ceux appartenant à la flore australienne, liront avec intérêt les détails suivants que nous éempruntons au Journal de la Société d'horticulture. Il s’agit de la présentation faite dans une des dernières séances par M. Henry de Vilmorin, de rameaux d’Eucalypius des espèces : gompho- cephala, cordata et marginata. Ces rameaux ont été pris par lui sur des pieds plantés dans sa pro- priété du golfe Jouan (Alpes-Maritimes). Ils appartiennent à des es- pèces décrites depuis longtemps par les botanistes, mais qui, plantées sur la côte de Provence, n’y avaient pas encore fleuri ; or, les spécimens qu'en montre M. H. de Vilmorin ont fleuri chez lui ou portent des boutons de fleurs. D’après les renseignements que donne de vive voix à leur sujet cet honorable collègue, elles sont intéressantes à différents points de vue. L'Eucalyptus gomphocephala est chargé de boutons qui s’ouvriront au printemps prochain et qui sont remarquables par leur forme renflée dans le haut, rétrécie et prolongée dans le bas; c’est cette forme que rappelle sa dénomination spécifique de gomphocephala (à tête de clou). Cet arbre donne plus d’ombre que la généralité de ses congé- nères, ses feuilles étant plus amples. L'arbre lui-même est pyramidal. L'Æ. cordata présente une particularité fort remarquable. On sait que les Eucalyptus portent, dans leur jeunesse, des feuilles opposées, horizontales, sessiles, plus ou moins larges relativement à leur lon- gueur, tandis que celles qu’ils développent plus tard sont plus étroites et plus longues, pétiolées, alternes, dirigées dans un plan plus ou moins vertical, or, l'£. cordafa ne produit pas cette seconde sorte de feuilles et conserve toujours la première. Cette espèce est presque rustique et, en France, vient en plein air, jusqu’en Bretagne ; elle supporte bien le climat d'Angers. L'E. marginata se distingue surtout par les qualités de son bois. En général, celui des esvèces de ce grand genre n’est que médiocre, dit le rédacteur du procès-verbal (nous faisons nos réserves au sujet de cette appréciation), le sien, au contraire, est bon, se fend bien, et est propre aux constructions navales ainsi qu à l'emploi en traverses de chemins de fer, comme n'étant attaqué ni par les Tarets, ni par les Termites. Il est vrai que le développement n’en est pas aussi rapide que celui de la généralité des autres espèces ; néanmoins, M. H. de Vilmorin en possède un pied qui, âgé de neuf ans, mesure déjà 8 mè- tres de hauteur. Cet arbre offre, en outre, cet avantage qu il fructifie abondamment, ce qui en rend la multiplication facile. JC V. HYGIÈNE ET MÉDECINE DES ANIMAUX. Chronique. Avant d'en arriver aux maladies des animaux causées par des in- sectes ou des Arachnides microscopiques, nous voulons encore signaler quelques accidents qui peuvent atteindre nos précieux auxi- liaires et qui sont le fail d'insectes aussi volumineux que ceux que nous venons de passer en revue, mais qui appartiennent à d’autres ordres entomologiques : Ce sont les Abeilles, certaines Chenilles à poils urticants et le Blaps porte-malheur. L'ABEizze (4pis mellifica L.). — Tout le monde connaît l’Abeille, aussi ne la décrirons-nous pas. Tout le monde connaît aussi les effets de sa piqûre, mais ce qu’on ignore généralement, c'est que l’Abeille s'attaque quelquefois aux animaux, même aux plus grands, et peut occasionner des accidents terribles et même la mort. Un fait de ce genre a été constaté en 1852 par M. Clichy, vétérinaire distingué, exerçant à Jeanville (Eure-et-Loir) : Cinq Chevaux d'un cultivateur de Guilleville, qui étaient occupés à voiturer de la terre, furent attachés par le voilurier qui les condui- sait, et pendant un repos, aux branches d’un arbre qui sortaient du mur d'un jardin, lequel arbre servait d'appui à l’intérieur à un rucher. Il est très probable que les Chevaux, en tiraillant sur leurs longes, imprimérent des secousses à l’arbre en question et par suile au ru- cher ; toujours est-il que les Abeilles furieuses, sortirent en masses de leurs ruches et se précipitèrent sur les Chevaux. On devine l’état d'exaspération dans lequel se trouvèrent les malheureux animaux qu’on ne put éloigner du lieu de l’accid:nt qu'après avoir coupé leurs longes. À l'arrivée du vétérinaire qu’on était allé chercher en toute hâte, un des animaux était déjà mort; il était encore couvert d’Abeilles. Un autre, jeune Cheval de trois ans, d’une forte constitu-— tion, qu'on avait enfermé dans une écurie et laissé en liberté, se livrait à des mouvements tellement violents qu’il était impossible de l’ap- procher, se levant, se couchant sans cesse, se jetant contre les murs et se déchirant les flancs. Ce Cheval, sourd à la voix de son conduc- teur habituel, était d’une sensibilité extrême ; ses paupières gonflées recouvraient entièrement les yeux et sa respiration laborieuse était rendue plus difficile encore par la tuméfaction des ailes du nez. Ilne put être soumis à aucun traitement et mourut peu de temps après l’arrivée du vétérinaire. Du reste, le traitement appliqué aux trois autres et consistant en frictions sèches dans le but d'’arracher les aiguillons, en frictions 452 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. ammoniacales, en saignées, en breuvages acidules, n'eut pas plus de succès, et ils moururent aussi. Résultat : cinq Chevaux tués en quelques heures par des Abeilles !! Que ceci serve de lecon et qu’on se garde d’attacher des, Chevaux ou d'autres animaux de travail près d’un rucher. CHENILLES A POILS URTICANTS. — Les Chenilles de plusieurs Papillons de nuit, appelées Processionnaires (celles de la PAalena pro- cessionea de Linné et du Bombyx pityocampa God.) par exemple, qui vivent en société sur les Chênes et les Pins, protégées par une bourse soyeuse qui en renferme quelquefois de 6 à 800, sont couvertes de poils tres fins, très peu solides, qui se mêlent au tissu de leur nid ou de leurs cocons, ou voltigent dans l'air au voisinage des arbres qui nourrissent ces Chenilles. Ces poils pénètrent dans la peau des impru- dents qui touchent à ces nids, même quand ils ne sont plus habités depuis longtemps, et déterminent des démangeaisons assez vives et même des ampoules ; il suffit même souvent de s’assoir sous les arbres envahis par ces insectes, pour être victime des mêmes accidents. Ces faits, connus des anciens, ont été vérifiés bien souvent depuis, par Réaumur et par les naturalistes modernes. Mais il n'avait jamais été question de l’action des poils urticants des Chenilles procession- paires sur les animaux, quand M. Pourquier, vétérinaire à Mont- pellier, publia, il y a quelques années, la curieuse observation sui- vante : Chez un propriétaire de sa clientèle, des Chevaux étaient attaches chaque jour, pendant qu’on nettoyait l'écurie, à des arbres qui ornaient la cour; mais chaque fois aussi, les Chevaux étaient pris de violentes démangeaisons, qui se passaient quelque temps après qu'on les avait rentrés à l'écurie. Le vétérinaire appelé se perdait en conjectures sur la persistance et la périodicité bien constante de cette affection, quand, levant les yeux sur les arbres auxquels on attachait les Che- vaux, il vit que c'était une variété de Pins et qu’ils portaient de nom- breux nids de Processionnaires. Les arbres furent échenillés, les nids jetés au feu et les démangeaisons des Chevaux disparurent comme par enchantement. Nous avons été nous-mêmes témoins d’un fait analogue, mais les victimes étaient des Chiens. C'était à Bois-le-Roi, près de Fontaine- bleau. La propriétaire d’une charmante villa avait des King-Charles qui avaient la manie d'aller manger du chiendent dans une cour her- beuse qui était aussi plantée de Pins ; mais ils en revenaient chaque fois avec une vive irritation des lèvres et de la bouche; la langue même se tuméfiait et on n’arrivait à calmer les pauvres bêtes, qu’en leur faisant, avec une petile éponge, des gargarismes d’eau miellée et vinaigrée. Les Pins étaient aussi couverts de nids de Processionnaires dont les poils couvraient l’herbe qui poussait à leurs picds. On fut RES HYGIÈNE ET MÉDECINE DES ANIMAUX. 153 obligé d'établir une barrière pour empêcher les Chiens d'aller se livrer à leur manie, en attendant que l’on eût opéré un échenillage complet des arbres, et même un flambage de l’herbe contaminée afin de détruire les poils urticants qui la couvraient. BLAPS MORTISAGA (vulgairement Plaps porte-malheur). — Insecte coléoptère tétramère, famille des MELASOMES de Latreille, tribu des BLapsipes, genre Blaps. — -Loug de 20 millimètres environ, insecte d'un noir franc, à élytres presque lisses, soudées ensemble, extrémité de l'abdomen se prolongeant en arrière de ces élytres. Sa démarche est extrêmement lente; il habite les anfractuosités des murs et du sol et est commun dans les lieux sombres et malpropres; c’est pourquoi on le renconire assez souvent dans les écuries. Il sort la nuit et se nourrit principalement de substances végélales amylacées et de substances azotées: il peut rester longtemps à jeun. Quand on le saisit, cet in- secte exhale une odeur particulière produite par un liquide âcre et irritant secrété par des glandes anales. C’est un moyen de défense comme beaucoup d’autres insectes en possèdent. M. Tisserant, professeur à l'Ecole vétérinaire de Lyon, a attribué à ce liquide des accidents observés sur certains Chevaux d’une écurie, en 1885, accidents consistant en une dépilation des lèvres et du nez avec tuméfaction et chaleur, salive abondante, épaisse et mousseuse, langue présentant de grandes lignes d’excoriation comme si elle avait subi l’action d’un vésicant énergique. M. Tisserant pense que la recherche de leur nourriture amenait ces insectes dans la crèche et leur permettait ainsi de produire par l’ex- crétion de leur liquide, les effets vésicants observés. Pour se débarrasser de ces insectes, le même observateur conseilla de placer dans les lieux qu'ils fréquentaient des cuvettes à demi remplies d’eau de savon dans laquelle on s'était lavé les mains; des linges placés sur les rebords de la cuvette permettaient aux insectes d'arriver dans ce liquide dont l’odeur les attire, et d’y trouver la mort. D' PIERRE. Vi. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS, Le bétail sauvage de l'Indo-Chine. — On trouve dans les bassins du Mékong, de l’Irraouaddi, du Salouen, et probablement en d’autres parties de l'Asie, ainsi qu'à Bornéo et peut-être à Java, un bélail sauvage composé d'animaux magnifiques, au pelage d’un rouge brun avec les jambes blanches, au fanon retombant, aux poils de la queue noirs, aux cornes courtes, à l'ossature fine, race fournissant des quantités énormes de viande, qui serait peut-être la souche de cer- taines de nos races européennes. Un chasseur anglais affirmait qu’un taureau tué par lui présentait absolument tous les caractères des ani- maux de la race de Hereford. Ces bovidés diffèrent cependant du bétail domestique européen, par l’extrême agililé due à la conforma- tion de leur colonne vertébrale, qui leur permet de franchir d'un bond, des barrières plus hautes d'un mètre que leurs propres épaules. Excessivement forts et robustes, bien armés, ces animaux sont cepen- dant très craintifs, mais tous les mélis ou les hybrides qu’on obtient en les croisant avec le bétail domestique, se montrent au contraire excessivement farouches et méchants. Cette espèce pourrait être évi- demment croisée avec les races européennes. Dans la Birmanie, au Cambodge, dans la Basse-Cochinchine et la presqu'île de Malacca, il existe au moins deux espèces de bovidés ou plutôt de bubalidés sauvages, car elles sont absolument dépourvues de fanon, et qu’on englobe toutes deux sous les noms de Gaur ou Gayal dans l’'Assam, d'où la dénomination scientifique de Bos Gaurus. On leur donne en Birmanie le nom de Mitm'ings, on les nomme Kaling ou Kling chun au Cambodge, Con much en Cochinchine, Sladang dans la presqu'île de Malacca. L’une de ces espèces a les cornes courtes, et se montre irès farouche, elle vit isolée dans les profondeurs des jungles. L'autre, qui a de longues cornes, habite les mêmes jungles que la précédente, mais elle recherche la société de l’homme au lieu de le fuir. Ces deux espèces d'animaux ont un pelage brunûâtre, quatorze côtes au lieu de treize comme nos bovidés domestiques. Les seules marques blanches qu'ils portent, consistent en une étoile au milieu du front, et une touffe de longs poils blancs à l'extrémité des oreilles. Ces deux espèces ou variétés se retrouveraient à Bornéo. Le Cambodge possède en dehors des Klings ou Kling chan, un autre bovidé nommé le Khling pos ou Khling serpent et plusieurs espèces diverses constituant en tout deux sortes de bovidés ; deux de buba- lidés, et trois types intermédiaires entre les deux genres Pos et Taurus. : Une espèce de bétail sauvage encore différente des précédentes habile les montagnes de la Cochinchine centrale. Ce sont de magni- fiques animaux excessivement robustes, agiles comme des Chèvres, au CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 155 pelage brun-rougeâtre avec les quatre jambes blanches comme le bétail sauvage précédemment décrit, mais les cornes sont caractérisées par la spirale qu'elles décrivent. L’Asie moyenne possèderait donc trois races de bovidés sauvages, mais on ÿy rencontre encore un animal qui n'est ni un bœuf, ni un buffle, et présente au moins deux variétés. Habitant d’épaisses forêls situées à de hautes allitudes il se rappro- cherait beaucoup de l’Auroch, Bos Urus européen, dépourvu de fanon, armé de cornes lisses, il se montre excessivement agile et a également recu des indigènes le nom de Khling. L’Asie possède enfin son Buffle des marais, une brute sauvage, dan- gereux et inulilisable, quoique quelques-uns de ceux qui habitent certains marais silués à une altitude élevée, aient un caractère un peu plus sociable. Tous ces animaux sont parfaits de formes et généralement très timides, excepté les Buffles domestiqués, ils se montrent fort soumis, mais tous leurs métis au contraire sont excessivement vicieux et les indigènes ou les colons qui en ont obtenu ont toujours été obligés de les abattre. L’inde possèderait enfin une dernière espèce, une sorte de Bison. 5; Les parasites des insectes nuisibles. — La Revue des Sciences naturelles appliquees parlait, dans son numéro du 20 dé- cembre 1889, de l'Zcerya Purchasii, un insecte transporté sur des Aca- cias d'Australie en Californie, où il ravageait les vergers d'arbres frui- tiers, et principalement ceux d’Orangers. Il y a un an, les princi- paux propriétaires des champs d'Orangers de Los Angeles avaient dû renoncer à cette culture. Sur ces entrefaites, on apprit que le fléau était vivement combattu dans sa patrie par un insecte para- site, la Vedolia cardinalis. Des délégués furent aussilôt envoyés en Australie, et rapportèrent une colonie d’ennemis de l'Zcerya, qu’on placa dans le verger Wolfskill, à Los Angeles. Ces animalcules se multipliant rapidement, détruisirent en quelques mois tous les Zcerya de la région, et les Orangers qui n'avaient pas donné de fruils l’année précédente et étaient considérés comme perdus, portèrent une demi- récolte. HAE L’Oie à cravate. — On irouve à l'état sauvage dans quelques parties marécageuses des États-Unis, et souvent aussi à l’état domes- tique dans les petites fermes, une espèce d’Oie qui était très abon- dante autrefois à l’époque de l’arrivée des Européens, et qui a été peu à peu refoulée dans les régions déserles. C'est l’Oie à cravate, qu’on appelle à tort Oie-Cygne, Anser Canadensis où Anser parvipes. Se rapprochant beaucoup de notre Oie domestique, elle s’en distingue cependant par une structure plus svelte, un cou plus allongé, une coloration de plumage plus variée. La tête et la partie supérieure du 156 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. cou sont noires, la gorge blanche ou grisâtre, la poitrine d’un gris cendré, la partie supérieure du corps d’un gris brunâtre, les parties inférieures d’un blanc parfait. Les ailes ont seize à dix-huit rémiges noires. L'œil est brun, le bec noir, les pattes d’un gris foncé. Le mâle mesure 93 centimètres de longueur et 1 mètre 68 d'envergure, la femelle est un peu plus petite. En liberté ou à l’état domestique, la femelle pond au mois de mars de dix à douze œufs mesurant de 8 à 9 centimètres de longueur, et les couve pendant vingt-huit jours. Ces oiseaux ont été introduits depuis longtemps déjà dans les jar- dins zoologiques européens, et on en trouve dans beaucoup de basses- cours de l'Allemagne, surtout dans le grand-duché de Bade et le Wurtemberg. L'Oie-Cygne se contente, en effet, de la même alimentation que l'Oie commune, elle s'engraisse plus facilement et aiteint un poids supérieur, ainsi du reste que les produits de croisement qui sont très faciles à obtenir. Sa chair analogue à celle de l'Oie commune serait cependant plus fine. Ce sont surtout les produits du croisement de l’'Oie canadienne et de l’Oie commune qu’on fume et qu’on sale en Allemagne. JA L’Arachide souterraine (Arachis hypogæa L.) est une plante annuelle, pubescente dans toutes ses parties, appartenant à la famille des Légumineuses. Sa tige herbacée, verte et cylindrique, haute de 40-60 cent. est tan- tôt dressée, tantôt couchée sur le sol qu’elle couvre entièrement ; elle porte des rameaux assez nombreux, surtout vers la partie inférieure. Ses feuilles sont alternes, paripennées, composées de deux paires de folioles opposées, subsessiles, obovales ou ovales cunéiformes, obtuses et ciliées, d’un vert jaunâtre sur la face supérieure, plus pâles en dessous. Cultivée dans tous les pays tropicaux et subtropicaux, en Amé- rique, dans l’Inde, etc., cette plante est inconnue à l’état spontané. De Candolle la regarde comme originaire du Brésil, auquel appartiennent exclusivement les autres espèces; cependant, M. Flückiger exprime une opinion très favorable à son origine africaine. Sur la côte occi- dentale d'Afrique, l’Arachis hypogæa est devenu l’objet d’une culture importante et régulière de la part des indigènes. L'Arachide est aussi cultivée dans le sud de l’Europe, surtout en Espagne où elle est en quelque sorte naturalisée. Dans le midi de la France, les essais de culture commencés ont été abandonnés peu à peu comme étant trop dispendieux pour donner un profit véritable et non parce que cette planie n’y avait pas réussi. Dans nos établissements du Sénégal, l'exploitation de l’Arachide a créé une industrie qui a pris naissance il y a environ un demi-siècle, { CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 157 et tend à prendre encore une extension plus considérable. Cette culture constitue en ce moment la principale ressource de notre colonie. C’est le Cayor, le Baol, le Sine-Saloum, la Gambie qui en fournis- sent la plus grande partie. La concurrence de l'Inde en a fait dispa- raître la culture dans les rivières avoisinant Sierra-Leone, et cette culture tend à disparaître des Bissagos et de la Casamance ; on n’en cultive guère plus au Galam, dans le Haut-Sénégal : cela vient de ce que la graine de ces diverses localités donne une huile moins fine que celle des graines de la Sénégambie proprement dite. Les principaux marchés pour l'Arachide étaient naguère Gandiole, près de l’embou- chure du Sénégal, et Rufisque au fond de la baie de Gorée ; denuis la construction du chemin de fer à travers le Cayor, de Dakar à Saint Louis, les commerçants vont acheter l’Arachide tout le long de la voie ferrée et les anciens marchés de Gandiole et de Rufisque ont beau- coup diminué d'importance. Dans les pays chauds, M. Ch. Naudin estime que cette plante pourrait être cultivée en qualité de fourrage, car elle est reconnue très nourris- sante et surtout avantageuse aux vaches laitières auxquelles on donne tout à la fois l'herbe et les fruits appendus aux tiges, après avoir eu soin de les laver pour en détacher la terre. La partie la plus usitée de l’Arachis hypogæa est le fruit ou plutôt la graine que l’on désigne ordinairement sous le nom de piséache ou de noïsette de terre. Ces fruits, petits, ovoïdes, allongés, souvent étran- glés vers le milieu, sont recouverts par un péricarpe coriace et un peu spongieux qui se brise facilement sous la pression des doigts; ils contiennent une, deux et quelquefois trois ou quaire graines de la grosseur d’une aveline. Sur la plante, ils sont portés par un pédon- cule qui, après la floraison, s’allonge et se recourbe en s’enfon- cant dans la terre pour leur permettre d'y achever leur complèle ma- turité. C’est ce phénomène remarquable de végétation, auquel l’Ara- chide doit son nom spécifique, qui fait que les fleurs situées près du sol sont seules fertiles. Fraïches et crues, les graines, connues en Espagne et même à Paris sous l'appellation vulgaire de Cacahouetes, possèdent un goût rappe- lant vaguement celui de la noisette ou de l’amande, mais légèrement âcre. Les Espagnols, qui en usent comme aliment dans leur pays et dans les colonies, les font bouillir ou griller, ce qui leur enlève tota- lement cette âcrelé. Les nègres d'Afrique en font des espèces de gâ- teaux dont ils sont très friands. Ces amandes, torréfiées comme le café, ont élé employées quelquefois comme succédané de ce dernier produit, quoique n’en possédant aucunement l’arome. Les graines trilurées, mélangées au sucre et au cacao, entrent en Espagne dans la composition des chocolats inférieurs en usage chez les classes pauvres. L’Arachide fournit. par expression des amandes une huile douce, 158 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. limpide, de couleur blanche ou dorée, suivant la provenance de la graine ; cette huile, obtenue à froid en première pression, n’est pas siccative : elle est comestible, et, placée en lieu frais, peut se conser- ver sans rancir pendant plus d’une année. Sa saveur varie à Pinfini comme celle des vins, suivant le terroir et le climat qui ont mûüri le fruit. Le rendement de l’amande dégagée de l'enveloppe varie éga- lement beaucoup, entre 36 et 38 pour cent, comme la graine provenant de la côte de Coromandel et de Bombay, et 45 et 47, comme celle du Sénégal et de Mozambique. L’Arachide, pour donner une huile irréprochable, doit voyager dans sa cosse. Celle qui est décortiquée sur le lieu d’origine, comme on le fait dans l’Inde, ne donne à son arrivée en Europe qu'une huile rance et propre seulement à la savonnerie ; elle ne vaut généralement que de 50 à 60 centimes le kilogramme à Marseille, tandis que celle pro- venant des graines de qualité supérieure du Cayor, voyageant dans leur enveloppe, peut valoir, suivant les années, de 120 à 140 francs les 100 kilogramimes. L'huile d’Arachide obtenue à froid en première pression entre dans l'alimentation ; à l'état pur, elle est fort appréciée dans les ménages pour diverses préparations, et dans l’industrie elle n’a pas d’égale pour la friture de la Sardine destinée à l’exportation. Celle provenant de la graine du Cayor, par son goût de noisette, est recherchée, pour la fa- brication du beurre factice, en Hollande et dans d’autres contrées du nord de l’Europe. L'huile d’Arachide a les mêmes propriétés comestibles que l'huile d'olive et sert parfois, par un coupage intelligent, à améliorer celle-ci quand elle est trop forte, comme celle provenant du territoire napoli- tain; elle est employée aussi quelquefois, il faut le dire, d’une manière illégitime, pour abaisser le prix de l’huile d’olive de qualité supé- rieure. Comme huile d'éclairage de luxe, elle donne une lumière d’une douceur incomparable ; sa combustion est moius rapide que celle de l'huile d'olive; elle est excellente pour l’ensimage des laines dans l'industrie, mais on la trouve trop chère pour cet usage et on lui substitue l'huile d'olive de qualité inférieure. Employée en parfumerie pour la préparalion des huiles de toilette, elle exige moins d essences odorantes et donne une odeur plus suave que l'huile d'amandes douces. Enfin, l’huile d’Arachide peut recevoir, en médecine et en pharmacie, les mêmes applications que celle de l’olive. Elle a d'ailleurs été inlroduile dans la pharmacopée de l'Inde en remplacement de celle-ci. L'huile d’Arachide, extraite en deuxième pression d'une pâte chauf- fée, diminue beaucoup de valeur par ce fait et s’emploie dans la sa- vonnerie et pour divers graissages. L'huile extraite à froid donne un savon inodore, qui est plus blanc que celui fait avec l'huile extraite à chaud, lequel conserve une odeur désagréable. Es Der ee CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 159 D'après M. G. Pennetier, l'huile d'Arachis hypogæa se compose d’oléine, de palmatine, d’arachidine et d’hypogaïne. L’acide arachi- dique est solide, insoluble dans l’eau, très peu soluble dans l'alcool froid et soluble dans l’alcool bouillant d'où il se dépose par le refroi- _ dissement en paillettes nacrées. Cet acide gras se distingue des autres par son peu de solubilité dans l’alcoo! froid et son point de fusion qui est de 74 degrés. L'huile d'Arachide est fabriquée surtout dans quelques grandes villes de France telles que Marseille, Bordeaux, Dunkerque et très peu dans les autres villes d'Europe. Le tourleau est recherché comme engrais par l’agriculture, ainsi que pour la nourriture des animaux domestiques. Quand on lui donne cette dernière destination, le tourteau doit être soigneusement tamisé ; employé en guise de son pour les vaches laitières, il donne un laït plus crémeux et plus abondant; aussi certains agronomes de l’Allemagne du Nord disent-ils qu’un franc de tourteau rend deux francs de lait. Pour la nourriture des bœufs, on le mêle à la paille, au foin ou aux racines et on estime qu’on obtient par ce mélange une économie d’un franc par jour par tête de gros bétail. Ce qui fait la supériorité du tourteau d’Arachide sur celui des autres plantes oléagineuses, c’est la forte proportion d'azote qu’il ren- ferme, et que l’on évalue en moyenne à 7 pour cent, ou plus exac- tement, suivant M. Corenwinder, entre 6,66 et 7,32. En effet, l’ana- lyse de ce produit a fourni, sur 100 parties, les chiffres suivants : matières azotées 41,62 ; substances organiques non azotées 32,48 ; eau 12; huile 9,60 ; phosphates ct éléments divers 4,30. Ces chiffres varient du reste avec le degré de perfection de la fabrication, la na- ture des graines et leur origine. Un tourteau d’Arachide de bonne qualilé doit être d’une couleur blanc grisâtre sans indices de pelli- cules jaunes, d’un grain homogène et ne posséder aucune âcreté n° goût désagréable. Une variété de celte plante oléagineuse, cultivée à Java et à Ma- lacca, donne l'huile connue dans l’Inde sous le nom ae Kafzang. Enfin, comme dernière utilité de l’Arachide, nous signalerons l'em- ploi des racines dont le goût sucré comme celles de la Réglisse les fait uliliser dans les mêmes conditions que celles-ci. Maximilien VANDEN-BERGHE. Le Myrte piment ou Poivre de la Jamaique (Wyrlus pi- menta L., Eugenia pimenta DC.), est un très bel arbre d’une hauteur de 10 mètres environ, à tronc droit, recouvert d’une écorce brune et assez lisse. Ses feuilles sont persistantes, opposées, ovales-oblongues, entières et glabres ; assez analogues comme apparence à celles au Laurier, mais plus légères, elles exhalent une odeur aromatique comme les fruits. Ses fleurs, de couleur blanche, sont disposées en grappes. 460 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Originaire des Antilles et introduit dans les pays tropicaux, on le rencontre encore dans le Mexique meéridional, le Costa-Rica et au Vénézuéla. Objet d’une culture importante à la Jamaïque, dans les parties montagneuses et peu fertiles de l’île où la Canne à sucre ne réussirait pas, le Myrte piment est planté en rangées régulières et symétriques et forme des promenades agréables qui portent le nom de Pimento walics. Le fruit est une petite baie presque ronde, très rugueusc à la surface ue l'on cueille avant sa maturité; par la dessiccation, sa couleur de- vient alors brun rougeâtre. La coque du fruit renferme dans deux loges, séparées par une légère membrane, deux petits grains noirâtres d’un goût âcre et piquant, mais moins accentué cependant que celui de la coque elle-même, car c’est dans celle-ci que se trouve principa- lement l’arome. Il arrive ordinairement que l’un des grains est moins développé que l’autre. Si l'on distille ce fruit avec de l’eau, on sépare l'essence ou huile de piment, qui ressemble à l'essence de girofle et en diffère seulement par l'odeur. C’est un mélange d’une huile plus légère que l’eau et d’une huile plus dense. La première fut appelée par M. Pereira Light oùl où pimento hydrocarbon, car elle ne contient pas d'oxygène ; l’autre est l’ucide pimentique. Le stéaréoptène ou campbhre de l'essence de piment se nomme £ugénine ; il paraît être de même composition que l'acide pimentique. L’essence de piment sert aux mêmes usages que celle de Giroîle ; elle est aromatique, stimulante, tonique, carminative et anti- odontalgique. Le fruit entier ou pulvérisé est un condiment digestif plus doux que le poivre ordinaire, très recherché des peuples du nord de l'Eu- rope, notamment des Allemands qui l'utilisent souvent dans leurs pâtisseries et leurs sauces, mais son usage est peu répandu en France. D'un prix moins élevé que le Poivre moulu, on le mélange quelque- fois avec ce dernier dans le commerce de détail La sorte commer- ciale la plus estimée est le Piment anglais, Piment de la Jamaique, Poivre giroflé, dont les fruits offrent le volume d’un petit pois; on lui donne aussi le nom de éoufe-épice parce que son arome rappelle à la fois celui du Poivre, du Girofle et de la Cannelle. L'arbre commence à produire vers la septième année, et, si la saison est favorable, il donne environ 65 kilogrammes de baies vertes qui perdent à peu près un cinquième de leur poidsen se desséchant. JC ERRATUM. — Revue, 1890, p. 858, ligne 6 du bas, remplacer le mot X/rondelles par tourterelles. Le Gérant : JULES GRiIsARD. RTE. --udt M Né . [. TRAVAUX ADRESSÉS A LA SOCIÉTÉ. LE CHEVAL À TRAVERS LES AGES Par M. G. D'ORCET. (DESSINS DE NOLL G. D'ORCET.) (SUITE *) ÂTALANTE ET LES AMAZONES. Les Amazones jouent un rôle trop intéressant dans l’his- toire des races cavalières primitives pour pouvoir être pas- è a \ f #2 + LL PQ fi + LV O:Grassuk : ét. | ee 2) LS ASE & Jr: = D J À d } A:BARRET X à Amazone à cheval, d’après un tombeau de Salonique (Louvre). Dans l’art grec, l'amazone ne remonte pas à une haute antiquité. Les plus anciennes portent une sorte de jaquette matelassée très courte, encore en usage dans le Caucase, et un haut bonnet semblable à celui des Stra- diots du moyen âge. Celle-ci appartient à la dernière époque de l’art grec et n’est intéressante que par le type de son Cheval qui est lybien. En Asie-Mineure, les amazones sont montées sur de gros Chevaux celtes, (*) Voyez Revue, 1890, note de la page 1118. 5 Février 1891. #1 162 REVUE DES SCIENCES NATURELLES ALPLIQUÉES. sées sous silence. Comme ni la Bible, ni les textes égyptiens ou assyriens n’en disent rien, on serait tout d'abord porté à croire qu'elles n’ont jamais existé que dans l'imagination des Grecs. Il faut probablement reléguer dans le domaine de la fable leur intervention en faveur du roi Priam, car l'art de l'équitation était encore trop peu répandu pour qu'il se füt formé tout un peuple de femmes cavalieres. D'ailleurs, le Cheval n'existait point à cette époque dans la partie de l'Asie-Mineure qu'elles habitaient, car il n'avait pas franchi les Dardanelles. Du temps des Argonautes, on peut considérer, au con- traire, leur existence comme certaine. Non seulement elles étaient cavalieres, mais encore elles pratiquaient l'anatomie comme Médée, c'est ce qui indique le nom de leur capitale Thémis-Kyra, qui veut dire anatomie de la tête, ou tête coupée. Cette ville, située près d’Oia, devait être, comme elle, une académie de médecine fréquentée ou même fondée par des femmes. Les Amazones eurent maille à partir avec les héros argo- nautiques, elles envahirent l’Attique et furent vaincues par Thésée, Hercule et Bellérophon. Thésée épousa leur reine Hippolyte dont il eut un fils du même nom, et c’est sur ce nom que roule sa légende, car il veut dire « Cheval échappé ». Les Amazones s'étant réconciliées avec les Argonautes, durent prendre part à leurs expéditions, aussi, sur la liste de leurs heros ou sectes, voyons-nous figurer Atalante. La légende d’Atalante n’est qu'une variante de celle de Médée ; nous avons vu que Médée voulait dire « mesure », Atalante signifie « peser, équilibrer » et, par extension, « ju- ger ». Ce mot est arrivé dans le français sans passer par le latin, peut-être à la suite des Argonautes. C’est le «{alent », on peut le suivre dans notre langue au moins jusqu’au xive siecle. Atalante est représentée, comme Médée, par une tête en équilibre sur celle de son père qui se nommaiït Jasion, Jasius où Jasus. Ce nom veut dire la puissance qui imprime le mouvement, le cœur, et Atalante la puissance qui le regle, ou le cerveau. | | Médée ne prit pas part à l'expédition des Argonautes, mais ils avaient pour guide son frere Absyrte, dont le nom phénicien se traduit le pére de la série ou le cerveau. Les Amorrhéens refusaient à la femme la place que lui accor- { LE CHEVAL A TRAVERS LES AGES. 163 daient les Grecs. Leur Absyrte représentait le même principe qu'Atalante. Atalante prit part à la guerre contre les Centaures et en tua deux pour sa part avant de s’embarquer avec les Argo- nautes. On lui doit probablement en Gaule l'établissement de ces collèges de Druidesses qui furent si célèbres. De là, elle sauta jusqu'à l'Atlas. Comment y arriva-t-elle ? les renseigne- ments manquent. Toujours est-il que sa légende est intimement mélée à celle des Hespérides, et que la pomme lui fut aussi fatale qu'à notre mère Eve. S'il faut en croire Diodore de Sicile, les Amazones de l'A- frique occidentale auraient été bien plus anciennes et bien plus puissantes que celles de la mer Noire, et il est certain qu'elles y ont existé. car on retrouve leurs vestiges, à une époque historique, sur le lac Triton. Mais ces Amazones primitives n'auraient pas été cavalières, car, d’après M. Pié- trement, l'existence du Cheval fossile en Afrique n’est pas irréfutablement démontrée et il y est d'importation relative- ment récente. Les Amazones primitives de l'Atlas devaient donc servir dans l'infanterie comme les Amazones noires du roi du Dahomey, les seules qui existent à l'heure actuelle. Sont-elles sans aucun lien de connexité avec les cavalières argonautiques ? oui assurément, quant à la race, car ces der- nières étaient de type essentiellement grec. Cependant les Touaregs, qui sont d’origine argonautique, ont pu porter jus- qu’au cœur du continent noir la tradition de cette singulière institution, car les Amazones du Dahomey se rattachent à l'école anatomique par un détail caractéristique de leur ar- mement, l'énorme rasoir dont elles se servent, comme les Galles phrygiens, pour condamner les hommes à la chasteté à perpétuité. Si la légende d’Atalante ne dit point qu'elle soit arrivée jusqu'en Afrique, son nom y fut cependant porté par les Aroonautes, car Atlas n’est q'ie le même personnage sous une forme masculine. La fable en fait un astronome qui portait le ciel sur sa tête, parce que le ciel était la tête du macrocosme de l’école anatomique. Le nom de l'océan Atlantique est dunc moderne, il a remplacé celui de mer du pôle sous lequel le connaissaient les Égyptiens et les Amor- rhéens. Les anciens monuments des Khetas en Égypte re- 16% REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. présentent cette divinité sous la forme d'un Chien ou d’un Singe assis sur un pieu. Ils le nommaient Bar Styx ou Polichaon. Polos en grec veut dire axe autour duquel tourne un objet quelconque, et par extension cadran sotaire. Le contre-amiral Fleuriot de l’Angle a démontré que les menhirs qui allaient presque toujours par couples orientés de facon à former une méridienne, n'étaient que des cadrans solaires ou pôles. Cette invention était originaire des bords de l'Atlantique et appartenait à l’école ou période mégali- thique, dont les monuments existent encore, grâce à leurs masses. Le nom d’Atlas plus moderne n’a au contraire aucun rapport direct avec l'astronomie. Quoi qu'il en soit, il"fit oublier ceux de Bar-Styx et de Polichaon. Cette révolution scientifique est indiquée par le mythe de Persée qui changea Atlas en montagne en lui montrant la tête de Méduse. Cette tête était primitivement celle d’une Chatte, emblème des Ar- gonautes et de l’école de Médée. | C'était l'étude des phénomènes du cerveau et de la pensée qui prenait le pas sur celle des lois astronomiques. Il est à croire que la cavalerie joua un grand rôle dans ce change- ment de direction, car bien que Persée voyageàt avec l’aide des talonnières de Mercure, ce qui indique prohablement la navigation à voiles, son nom est la traduction phénicienne de cavalier, et ce fut d’une goutte de sang de la tête de Mé- duse que naquit Pégase. Ce nom n’a rien à déméler avec la cavalerie puisqu'il signifie source. Les Gorgones étaient censées habiter à l'extrême ouest, aux sources de l'Océan, dans les îles du Cap Vert. On ne pouvait donc les atteindre que par mer, à l’aide des navires à voiles, et Pégase, qui figure encore sur la proue des Kaïks grecs modernes, repré- sentait probablement le cheval ailé, c'est-à-dire le vaisseau à voiles. Mais Persée ne veut pas dire marin et les vaisseaux devaient être remplis des premiers chevaux qui débar- quèrent dans l'Afrique occidentale. Aussi Pégase figure-t-il souvent sur les monnaies lybiennes. Le type en est cepen- dant moderne, dans l’art grec primitif, il semble se confondre avec les Centaures qui sont représentés ailés. Les Cantabres étaient en effet aussi hardis marins qu'audacieux cavaliers ; ils connaissaient à coup sür les iles Fortunées, probablement l'Islande et peut-être l'Amérique du Nord. _ La légende de Bellérophon qui monta Pégase, rappelle LE CHEVAL A TRAVERS LES, AGES. 165 beaucoup celle de Persée, avec cette différence qu’elle eut la Lycie pour théâtre, et que le Cheval y était connu depuis longtemps. Ce héros, parti de Corinthe, dut probablement diriger une expédition maritime contre des pirates de l'Asie- Mineure. Pour en revenir aux Amazones d'Afrique, Diodore de Si- cile qui les mentionne comme étant plus anciennes que celles d'Asie, ne nous dit pas où était situé leur royaume, mais cette lacune peut: être comblée à l'aide de la tradition tout à fait historique, qui prouve qu'il a dû exister en Lybie des femmes guerrieres et cavalières, d'origine grecque, sur les bords du lac Triton. « Les Machlies et les Auséens, dit Hérodote, habitent au- tour du lac Triton, mais ils sont séparés par le fleuve du même nom. Les Machlies laissent croître leurs cheveux sur le derrière de la tête et les Auséens sur le devant. Dans une fête que ces peuples célèbrent tous les ans en l'honneur d'Athénée, les filles, partagées en deux groupes, se battent les unes contre les autres à coups de pierres et de bâtons, elles disent que ces rites ont été institués par leurs pères en l'honneur de la déesse née dans leur pays, que nous 'nom- mons Athénée, et elles donnent le nom de fausses vierges à celles qui meurent de leurs blessures. Maïs avant de cesser le combat, elles revêtent celle qui, de l’aveu de toutes, s’est le plus distinguée, d’une armure complète à la grecque, avec un casque à la corinthienne, et la faisant monter sur un char, elles la promènent autour du lac. » Les amateurs de sanscrit ont fait dériver {rito du sanscrit trito qui veut dire lac, de la racine {rit rivage, mais érüo est un mot du dialecte béotien qui veut dire littéralement 0b- servatoire, et par extension, tête. C'était la tête de Chatte, embléme des Argonautes, qui figurait aussi sur l'égide d'A- 1hénée trilogénie, c'est-à-dire la pensée fille de l'observation. Car: téré, tête de Chatte, veut dire aussi la tête qui observe, et par un rapprochement qui n'était pas fortuit, cette tête de Chatte était aussi l’'embléme des Francs qui se rasaient le front comme ies Machlies. Le nom des Awséens est aussi grec que français, il signifie oser, et celui des Machlies veut dire efféminé, mais on peut le traduire également combat à coups de pierre. Toute la léscende roule évidemment sur ce nom. Nous avons passé un mois en Tunisie au milieu des descen- 166 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. dantes de ces Amazones; les unes se tatouent du côté droit, les autres du côté gauche. Malheureusement, il ne nous a pas été permis d'examiner ces tatouages traditionnels qui contiennent probablement l’histoire de leur race. Elles sont oerandes et belles, de type phrygien. Le vékhil ou intendant de la propriété que nous habitions était d’un type grec telle- ment pur, que, lors de l'expédition française, il avait été pris pour un Français déguisé ce qui lui avait valu deux coups de sabre assénés par des compatriotes. Il nous a assuré que son type n’était pas rare en Tunisie. Les guerrières du lac Triton peuvent donc être consi- dérées comme les descendantes de la guerrière Atalante, qui introduisit dans cette partie de l'Afrique le Cheval médique avec la race des guerrières de Themiscyra. Du temps d'Hé- rodote, elles avaient déjà oublié l'usage du grec qui n'était plus usité que dans leur liturgie ; mais en souvenir de leur vie cavalière, elles se battaient encore et montaient sur un char de guerre une fois par an. Peu de temps après une autre expédition, partie de Lybie, introduisit ie Cheval médique dans l’Attique avec la culture de l’Olivier et l’usage des lampes. Auparavant, on ne s’éclairait qu'avec des torches. La race chevaline africaine à front droit supplanta à Athènes la race celte à front busqué qu'on voit encore at- telée à des chars à quatre roues sur des vases d'époque argonautique. Cette race convenait mieux à un pays mon- tagneux que le grand et lourd Cheval celte plus propre à tirer un chariot qu’à faire la guerre de montagne avec un cavalier sur le dos. C'était d’ailleurs le moment où la cava- lerie légère tendait à se substituer partout au chariot de guerre..Le cavalier passait partout, tandis que le chariot ne pouvait guère s'éloigner des plaines et des grandes routes. Ailleurs, il n'était qu'un embarras. Le type lybien se ré- pandit dans tout le sud de l'Italie et dans la partie orientale de l'Espagne, c’est celui des cavaliers du Parthénon. LE CHEVAL LYBIEN ET ARABE. La faune de l'Afrique est riche en Gazelles et en Antilopes, l'espèce équidée y est brillamment représentée par le Zèbre, mais aucun de ces animaux n'y a été réduit à l’état domes- LE CHEVAL A TRAVERS LES AGES. 167 tique quoique pour le Zèbre et plusieurs espèces d’Antilopes, la chose ne paraisse pas malaisée. Le Mouton du Sénégal semble indigène, c’est le Mouïflon à peine modifié. Le Buffle a été importé à une époque assez récente, ainsi que le Cha- meau inconnu avant la conquête romaine. Le Bœuf ressemble tellement à celui des cités lacustres de la Suisse, qu'il en pro- vient probablement. Le seul animal domestique véri'ablement aborigène est l'Éléphant. Aujourd’hui, il n'existe plus que dans l'Afrique trans équatoriale et l’art de le dresser a été perdu. Bien plus on le considère comme impossible à dresser. Il paraît cependant prouvé que l'Eléphant sud-africain ne diffère en rien de celui qui a existé si longtemps en Lybie et qui se dressait avec la plus grande facilité. Type lybien, d’après les médailles de Carthage, Il est plus allongé que le type de Phidias et que le barbe ou arabe moderne. Ainsi Appien nous apprend que les Carthaginoïis, menacés par la prochaine descente de Scipion, envoyèrent Asdrubal fils de Giscon à la chasse aux Éléphants. Il partit et les ra- mena tout domptés, prêts à figurer dans les rangs de l’armée carthaginoiïise. Le temps dont il disposait était très restreint, il fallait donc qu’il s’en trouvât assez près de Carthage, sans quoi ses compatriotes n’auraient pas détaché pour une expé- dition lointaine le meilleur de leurs généraux. En effet, à la bataille de Thapsus, Juba mit en ligne des Éléphants qui sor- taient de la forêt. Plutarque dit que Pompée, après sa courte campagne d’A- frique, s’y arrêta quelques jours de plus, pour chasser le Lion et l'Éléphant. Ce pays en fournit en quantité aux arènes de Rome tant que dura sa domination. Ce furent donc les musulmans qui l'exterminèrent avec tant d'autres choses utiles, Aujourd’hui 168 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. l’on se donne beaucoup de mal pour reconquérir cet exceilent auxiliaire, qui résiste, paraît-il, à la Mouche Tzétzé. Les écrivains bibliques connaissaient parfaitement l'ivoire qu'ils nommaient Sen, mais ils n'avaient pas vu l’animal qui le portait et n'avaient pas de nom pour le désigner. Son nom punique au dire de Servius était Cæsar. Il est à présumer que c’est la faute d’un copiste qui a mal transcrit le punique Césa trône. Les Berbères le nommaient ÆElev ou ÆEleren d'où semble provenir le grec ÆEtephas. Ce mot doit être d'origine punique, car il signifie face de la force et il ressemble beau- coup au grec Ælaphos qui ne désignait pas seulement un Cerf, mais tout animal sauvage de haute stature. Dans toutes les langues sémitiques son nom moderne est Pùu ou Phil, qui signifie grand, extraordinaire. Ce nom se rapproche telle- ment de celui même de l'Afrique Put ou Phul, qu'il y a tout lieu de croire à leur identité d’origine. ; Le Zèbre et plusieurs espèces d’Anes existant en Afrique, il peut paraître extraordinaire que ce pays n'ait jamais pro- duit aucune espèce de Cheval indigène. En effet, le détroit de Gibraltar est de date relativement très récente, c'est-à-dire postérieur à l'apparition de l'homme et du Cheval. Il a commencé par étre très étroit et barré de nombreux écueils qui permettaient à des animaux bons na- geurs de le franchir facilement. S'il faut en croire M. Charles Tissot, dans sa Géographie comparée de la province ro- maine d'Afrique, ce serait par cette voie que seraient arrivés les Sangliers et les Cerfs. I semblerait tout naturel que le Cheval et l’homme chassés de la Gaule par les rigueurs de la période glaciaire, eussent cherché un asile dans des contrées plus chaudes. On a trouvé, en effet, quelques vestiges fossiles d’équidés dans le nord de l'Afrique, mais à supposer qu'ils appartinssent à des Chevaux de la période quaternaïire, ce qui, d’après M. Piétrement, serait encore à démontrer, cette race se serait éteinte ou aurait émigré à des époques impossibles à déterminer. Il faut donc supposer que les Chevaux qui avaient émigré en Afrique lors de la période glaciaire, en revinrent avec l’homme lorsque l’Europe centrale se fut débarrassée de ses glaciers. Cette Europe était alors une île séparée de l’Asie par les vastes mers qui couvraient les plaines de la Russie et joignaient la Baltique à la mer Noire, tandis que ce qui forme LE CHEVAL A TRAVERS LES AGES. 169 aujourd'hui les états barbaresques faisait corps avec l'Es- pagne. C’est donc d'Afrique que vinrent les Berbères dont les vestiges sont encore si reconnaissables dans tous les pays latins. Peut-être cette race essentiellement primitive ramena- t-elle le Cheval. En effet, en Amérique où l'on a pu étudier les habitudes de cet animal en liberté, on a dû remarquer que son intelligence sociale était très limitée, et qu'il n'avait pas l'instinct qui faisait entreprendre au Bison des v oyages aussi longs que réguliers, suivant un itinéraire tracé d'avance et toujours le même, à travers une foule d'obstacles qu’un trou- peau de Chevaux n’essaie jamais de franchir, s’il est livré à lui-même. Telles sont les forêts, les grands courants d’eau et les chaînes de montagnes. Ainsi l'on n'a jamais entendu dire que des Chevaux des pampas de la Plata se soient risqués à traverser les Andes. N'étant guidés par aucun instinct spécial, ils périraient in- failliblement. C'est ce qui peut expliquer comment les Che- vaux chassés des pâturages de l'Atlantique par les glaciers, ont dù arriver en Afrique en très petit nombre, s'ils n’y sont pas venus à la suite de l’homme. Comme l’Asie-Mineure, l’A- frique est excessivement pauvre en graminées dont le Cheval sauvage fait à peu près son unique pâture. Faute de mieux, il broute l’Alfa, le Palmier nain et même le Thym sauvage qui pousse en abondance dans la saison des pluies et donne à tous les ruminants une nourriture recherchée par eux, qui produit un lait excellent. Mais c’est à peine si cette nourriture peut empêcher un Cheval de mourir de faim. Aussi n’avons-nous pas vu un seul Cheval pâturer avec les Vaches, en Tunisie, de méme qu'en Syrie, on l’attache par un pied à un piquet, au milieu d'un champ d’'Orge vert. On calcule la longueur de la corde d’après la ration qu’on lui veut donner et le soir l'animal a tondu une surface géométriquement circulaire. En Aloérie.l’introduction des prairies gazonnées et de la faux, sans laquelle on ne peut en recueillir le produit pour la morte saison, ne date que de la conquête. En Amérique, le Cheval est employé à propager les grami- nées qui y furent importées par les Espagnols avec quelques bottes de foin. La digestion des ruminants liquéfie leurs graines, tandis qu’elles traversent intactes les intestins du Cheval. Sa dent débarrasse la pampa de ses herbes grossières et les remplace par le gazon de nos prairies ; lorsqu'il à 170 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. accompli cette tiche préliminaire, la prairie est faite pour le Bœuf, puis pour la Brebis qui précède directement la charrue. Ce travail qui, en moins d'un siecle, a transformé si utile- ment les grandes plaines du vaste continent américain, n’a jamais été exécuté en Afrique ni en Asie; c’est à peine s’ilest commencé dans nos possessions les plus anciennes. Aussi, malgré la très légitime renommée des races Barbes et Arabes, jamais l'élève du Cheval n’y a pris un développement compa- rable à celui de l1 France et de l'Allemagne, pas même de l'Espagne ni de l'Italie, qui sont sous ce rapport en arrière de toute l’Europe. Dans ces deux pays, le Cheval est primé par la Mule. Dans tous les pays musulmans, l’Ane lui fait une concur- rence non moins redoutable que la Mule. La négliscence de tous les travaux publics mais particulièrement des routes, étant le résultat immédiat de la mauvaise administration qui distingue tous les états soumis à l'Islam, on a abandonné de bonne. heure les chariots tirés par des Chevaux. et même ceux tirés par les Bœufs, pour leur substituer le Chameau et la Mule beaucoup moins délicats en fait de nourriture et sur- tout beaucoup moins difliciles en matière de viabilité. Dans ces conditions le Cheval est devenu un animal com- plé‘ement factice dont l’existence- dépend uniquement de la culture de l’Orge ou du Maïs. L'hiver, il le mange en vert, l'été, il en consomme la paille triturée et le grain vanné à part. Cette nourriture artificielle est devenue pour le Cheval une seconde nature. Pendant les quinze ans que nous avons passés en Orient à dos de Cheval ou de Mule, nous n’avons jamais vu un de ces animaux essayer de brouter hors d'un champ d’Orge, à moins que ce ne füt du Trefle. Nous avons vainement essayé de les décider à goûter le foin qui nous arrivait souvent d'Europe dans des emballages. Ils seraient morts de faim à côté. Nous avons remarqué à Larnaka, contre les murs de la douane, de magnifiques touffes de Chien- dent panaché provenant des emballages. Si les Anes, Mules, ou Chevaux qui passent constamment dans leur voisinage voulaient bien se donner la peine d'en tàter en passant, ils l’'auraient propagé dans tout le pays, mais aucun ne veut essayer de cette plante exotique, et nous n'avons jamais pu _ LE CHEVAL A TRAVERS LES AGES. A7A faire comprendre aux ind'gènes que ce püt être une im- mense source de richesse, sinon la premiere. Telles sont les raisons pour lesquelles le Cheval, après avoir été cependant le principal véhicule de la diffusion de l'Islamisme, n’a joué dans le continent africain qu’un rôle très secondaire, à côté de celui qu'il remplit en Europe et parti- culièrement en France depuis le commencement de ce siecle. L'on s’imaginait que la locomotive le tuerait, tandis qu'elle n'a fait que le multiplier comme auxiliaire de plus en plus in- cispensable. En Afrique, où ce rôle ne fait que commencer, il n’est pas possible de modifier la race existante sans la multiplication préalable des prairies introduites depuis si peu de temps. La rénovation du Cheval algérien est depuis longtemps à l’é- tude. En Tunisie, le haras de Sidi Thabet, fondé par une so- ciété marseillaise quelque temps avant l'occupation française, essaie d'y introduire la production du Cheval de trait, car c'est celui que l’on demande. De toutes parts, on ne voit que charrettes maltaises attelées à de malheureux petits Barbes dans lesquels on retrouve le courage et quelques vestiges du sang Anezeh. Ces glorieux bidets trainant de lourds far- deaux font vraiment peine à voir. Avant les découvertes portugaises, le Cheval n'avait pas dépassé l’éqrateur. La Mouche Tzetzé lui interdit le centre africain où il trouverait probablement de riches paturages à son gout. Au Sénégal qui était connu des anciens, il est très mal nourri et saccommode peu de son climat brülant, aussi est-il très dégénéré. Il en est tout autrement en Abyssinie, où, sur les hauts-plateaux, il trouve des herbages et un climat souvent froid, aussi avec des soins promet-il de donner à l'a- venir d'excellentes races croisées de celles de l'Europe. On a vu récemment au Jardin d'Acclimatation les bidets des So- malis, un peu moins misérables, paraît-il, que ceux du Séné- gal, mais on n'en est pas moins autorisé à dire que les régions équatoriales ne produisent jamais de Chevaux d’un ordre supérieur. Nous ne savons rien de ceux de Madagascar, ni des iles Maurice et de la Réunion. Au Cap de Bonne-Espérance, le Cheval retrouve un climat et une nourriture qui lui permettent de prospérer, aussi l'usage s'en est-il propagé chez les Bassutos et chez les Zou- lous. Cependant même sous le 30° de latitude sud, il ne 172 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. trouve pas à vivre dehors toute l’année par suite de la cha- leur qui, pendant six mois, pulvérise la végétation. et il a besoin d’être abrité contre les ardeurs du soleil. Il ne s'y maintiendrait donc pas à l’état sauvage comme le Zèbre. Le Cheval sud-africain n’est pas d’origine africaine. Nous lisons dans l'ouvrage de M. Piétrement qu'il a été introduit au cap de Bonne-Espérance par les Hollandais, en 1650. Les premiers furent tirés de Java, de Batavia, de l'Amérique du Sud et de la Perse. Quand les Anglais s’en emparèrent en 1995, ils y introduisirent les races de leur pays. Tous ces Chevaux avaient cependant dü être précédés par ceux du Portugal qui sont excellents, mais quoique les plus anciens, leurs établissements sont les plus mal connus. Dans le nord de l'Afrique, le Cheval a pénétré à peu près en même temps par le détroit de Gibraltar et par l’isthme de Suez. Nous avons vu qu'une partie des peuples, entrainés par les Khetas, traversèrent le Delta sans s’y arrêter et vinrent s’é- tablir dans la Cyrénaïque. Les premiers envahisseurs, Grecs d’origine et de langue, le sont restés jusqu'aux invasions arabes qui les ont anéantis ou forcés à émigrer. Ils emme- naient avec eux quelques Chevaux, mais ces animaux, les doyens de tous ceux qui ont passé en Afrique, ne trouvaient pas des conditions favorables à leur expansion, dans un pays naturellement aride et sablonneux, où l’eau des pluies ne se conserve que dans le sous-sol et doit en être extraite pour les irrigations, avec des machines hydrauliques plus ou moins perfectionnées. Nous ne connaissons même pas les noms de ces premiers introducteurs du Cheval. Mais les Égyptiens nous ont trans- mis des renseignements très nombreux sur les expéditions argonautiques contemporaines de Sésostris qui rafraichirent les proto-colonies pélasgiques et leur apportaient des Che- vaux par mer, à la suite de l'agrandissement de leurs vais- seaux et de l'adaptation de la voile. ; À cette époque, les communications étaient beaucoup plus fréquentes entre tous les riverains de la Méditerranée qu'à la suite des invasions musulmanes. On retrouve dans leurs noms tous ceux des peuples historiques de races hellénique et sidonienne, mais les Égyptiens les désignaiert tous par la dénomination générique et d’ailleurs parfaitement juste de EL: LE CHEVAL A TRAVERS LES AGES. 173 Tamañou, prononciation égyptienne du grec Tomioi, coupés. à cause de leur usage de n’inhumer leurs morts qu'après les avoir coupés en morceaux. Cet usage permet de les suivre à la piste depuis leur point de départ, à l'embouchure du Danube, jusqu'à l'Égypte en passant par Gibraltar. M. Piétrement traite ces sépultures de mégalilniques ; cette expression ne nous parait pas acceptable. Nous avons eu l'occasion de traiter cette question avec feu le général Faid- herbe, et avec le D: Rouïre qui lui a succédé dans l’explo- ration de ce genre de dolmens ; tous deux nous ont assuré qu'ils n’en avaient jamais rencontrés dont la capacité in- terne dépassât 80 centimètres. Il était donc impossible d'y introduire un corps humain sans l'avoir dépecé ou brülé au préalable, et il en est de même de ceux qu'on retrouve en orand nombre dans le voisinage des Pyrénées. Sur les bords du Danube, ces petites maisons en pierres sont souvent rem placées par de petites maisons en terre cuite reproduisant le modèle adopté dans le pays. Une partie des Etrusques suivaient le même usage, les autres qui étaient d’origine da- naïenne inhumaient leurs morts entiers dans des hypogées en forme d'étuves où de grands dolmens, après leur avoir fait subir une dessiccation d’où ils tiraient leur nom de Danaï ou Sécheurs. (A suivre.) SUR LA CLASSIFICATION pes RACES DE POULES {(1re NOTE) PAR M. Rémy SAINT-LOUP, Attaché à l'École pratique des Hau'es Études. Une séance de la Société (2° section, 26 février 1890) a été consacrée à l'examen des propositions faites en vue d'arriver à une classification des races de Poules, d'établir leurs ori- gines, leurs affinités entre elles et enfin la synonymie. On a proposé pour cet objet l'étude comrarée du squelette, les études indépendantes monographiques, et enfin le simple examen des caractères extérieurs des principales races. Chacune de ces méthodes est excellente et peut donner dans son cadre des résultats immédiats, mais ne serait-il pas utile de définir exactement le but que se propose la Société dans cette révision de la faune galline. La distinction de ces races présente d'un côté un intérêt scientifique pour ainsi dire abstrait, et d'autre part un intérêt commercial ou industriel. Le programme d'étude semble de- voir différer dans l’un et l’autre cas. — Si l’on doit, en effet, cataloguer les Poules en n’admettant que les races zoolo- giques, c'est-à dire établies sur la constatation de caractères anatomiques et morphologiques profondément différentiels, il est probable que l’on n’inscrira qu'un très petit nombre de races représentées par une infinité de variétés. — Si au con- traire il s’agit d'un catalogue des races admises par l'indus- trie avicole, il suffira de dresser une liste en consultant chaque éleveur qui présentera les individus des races qu'il a acclimatées ou créées. : L'examen de cette liste permettra de résoudre la plupart des ditficultés de synonymie. | Déterminer les affinités de ces races est un problème qui peut donner lieu à des discussions sans fin. L'étude anato- mique ne su'fit pas, les adversaires d’une classification basée su: l'étude du squelette diront que, dans une même espèce, CLASSIFICATION DES RACES D£ POULES. 175 chez des individus absolument identiques en général, des particularités de structure dans la charpente osseuse peuvent être constatées sans imposer une distinction spécifique. Une étude a été faite dans cette direction par un natura- liste anglais et publiée dans un mémoire intitulé « Variations spécifiques dans le squelette des vertébrés, par R.-W. Scho- feld ». Un des exemples des plus probants a été fourni par la comparaison des crânes du Xañthornus xœantocephalus ; on peut se convaincre en examinant les figures qui représentent les crânes de ces oiseaux tués dans la même région et qui, par conséquent, ne sont pas déformés par ségrégation, com bien il faut se défier en classification spécifique de l’impor- tance exclusive des caracteres tirés du squelette. La question d’aifinité comprend d’ailleurs les relations d’o- rigine ; la généalogie des différentes races devra être suivie * jusque dans l'antiquité et les dissertations scientifiques et lit- téraires sur le sujet pourront former des bibliothèques. Il ne faut pas perdre de vue que les importations, les acclimata- tions, les croisements, par conséquent, ne datent pas d’au- jourd'hui et qu'il est extrémement difficile de déterminer la part qui revient. dans la formation de nos races, aux an- cêtres qui ont hawité l'Espagne ou le Maroc, l'Egypte ou la Turquie d'Asie, la Grèce ou ia vieille Bretagne. Les anciens Grecs ne distinguaient que deux races de Poules domestiques qu'ils appelaient Poules de la grande espèce et Poules de la petite espèce. Cette distinction serait loin de su.fire aux aviculteurs modernes, mais peut-être les zoologistes ne seraieni-ils pas éloignés de s’en contenter. Pour les uns comme pour les autres, la classification des races de Poules ne peut être qu'artificielle, c’est-à dire éta- blie sur certaines conventions dans l’ordre d'appréciation des caractères distinctiis. Les aviculteurs n’ont aucune raï- son de reluser un catalogue ainsi établi et pour lequel ni l'étude du squelette, ni celle des particularités anatomiques accidentelles ou ataviques ne sont nécessaires, mais seule- ment la détermination des caracteres extérieurs. Les zoologistes doivent admettre des classifications pro- visoires sans cesse remaniées à mesure que les “documents nouveaux seront acquis à la science, et ces classifications re peuvent actuellement commander le catalogue pratique in- dustriel. 156 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. En résumé, il semble que, sur ce sujet général, les travaux de la Société doivent s’accomplir dans deux directions ; d’une part, pour l'établissement d’un catalogue correspondant à l’état actuel de la galliculture en France et à l'étranger: d'autre part, pour la coordination des travaux de recherche, soit, du domaine de l'anatomie, soit de celui de D de l'archéologie et de la paléontologie. Il appartient aux commissions spéciales ou sections de distribuer aux membres de la Société, disposés à collaborer: à ces œuvres, leurs parts de travail, de manière à obtenir un effet utile. La spécialisation technique a donné de nos jours de bril- lantes récoltes de faits, on obtiendrait pour l'avancement des sciences des résultats de beaucoup plus éclatants si l’on con- sentait à sacrifier un peu la personnalité à la réalisation de travaux de synthèse. C'est dans cet esprit que. les fonda- teurs et les personnes qui dirigent la Société d’Acclimatation se sont donné une mission libérale et à laquelle chacun doit s’honorer d’adjoindre ses efforts. 3 On pourrait, dès maintenant, demander aux aviculteurs qui présentent des Gallinacés dans les expositions et les con- cours de vouloir bien remplir des feuilles questionnaires, dressées par la Société d'Acclimatation, et qui fourniraient des documents pour la constitution du catalogue pratique. Le travail serait encore facilité s’il devenait possible de réunir une collection photographique en parallèle avec les feuilles questionnaires. LA THONARA DE SIDI-DAOUD © Par M. AMÉDÉE BERTHOULE, Secrétaire général de la Société. Sous une sombre armure bleu d'acier, qui recouvre une carène arrondie, très renflée à son centre, la proue allongée en éperon, la queue découpée en hélice, prenant jour à l'avant comme par deux hublots timidement ouverts, le grand Scombre aurait pu servir de modèle à l’ingénieux inventeur du Nautitus. Cet intrépide marcheur, mieux taillé pour la course que pour le combat, dégagé de toute mâture encombrante, oréé sur les flancs d’une paire d’avirons solides, taillés en faulx, sur le patron de l'aile rapide de l'oiseau rameur, tire plus encore sa force de propulsion de sa forme même, et de la puissance de l'appareil interne. Ainsi construit pour les longues croisières, le Thon a faci- lement envahi toutes les mers du globe ; il est peu d'animaux marins dont l’aire de dispersion soit plus vaste, iln’'en est pas, peut-on affirmer, qui soient plus précieux à l’homme par la quantité de matières alimentaires qu'ils lui fournissent. Doué d'humeur sociable, rarement solitaire, on le voit de pré- férence aller de compagnie, souvent même par troupes très nombreuses. Ses Mœurs sont encore imparfaitement connues ; toutefois, ses voyages, nous n’osons pas dire ses migrations, s’accom-— plissent régulièrement à des époques de l’année, et suivant des directions assez nettement déterminées. On le voit apparaître sur certaines côtes à la suite des bancs de petits poissons dont il fait sa proie, poursuivi lui-même avidement par les Dau- phins, tour à tour chasseur et gibier, d'autrefois, mü par le seul instinct de la reproduction, en quête de ses frayères mystérieuses,. mais toujours d’allures vives et pressées, ignorant du danger, donnant naïvement, tête basse, dans les pièges grossiers tendus sur sa route, actionné en qe sorte, par une force irrésistible et Laure Ce poisson a, de tout temps, été très estimé pour les qua- (1) Communication faite dans la séance générale du 23 janvier 1891. 5 Février 1891. 12 178 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. lités de sa chair, partant, très activement pourchassé dans tous les parages qu'il fréquente. Les Grecs et les Romains en étaient particulièrement friands ; aussi, les riches pêcheries de Constantinople, plus tard celles de Venise et du golfe de Tarente, jouirent-elles d'une grande prospérité. De nos jours, cette pêche est très en faveur sur divers points du littoral méditerranéen, principalement en Provence, en Sardaigne, en Sicile, et sur les côtes d'Afrique. L'importance qu'ont acquise ses produits dans l’alimentation générale nous pa- raissent de nature à donner quelque intérêt à la description de l’une de ces pêcheries, aujourd’hui en pleine activité, que nous avons visitée naguère, au cours d'une exploration dans les eaux tunisiennes. Les vieux conteurs arabes célèbrent dans leurs récits imagés les vertus d’un Santon qui vivait dans le village de Bou-Krim, vers le ve siecle de l'Hégire ; il se nommait Sidi- Daoud, et se rendait populaire par sa charité, par l’austérité de ses mœurs, et par la sévère observance des préceptes de l'Islam ; sa vie était entourée de vénération, et sa renommée S’étendait au loin. Un jour, cependant, que, chargé d’ans et d’infirmités, il sentait la mort s'approcher, il rassembla ses fils autour de lui, et apres leur avoir fait ses exhortations, leur ordonna de l’attacher sur sa mule fidèle, dès qu'il aurait rendu son der- nier souffle, et de l’ensevelir au lieu où celle-ci, abandonnée à elle-même, suspendrait sa marche. Peu après, il s'éteignit doucement, en murmurant les louanges d'Allah. La Mule fut chargée des précieuses dépouilles, et poussée loin du village. Longtemps elle erra à l'aventure à travers la campagne, broutant tristement au passage quelques maigres touiïes d’Alfa, ou les feuilles du Tamarix, suivie par la foule des disciples en larmes. Enfin, le soir venu, elle s'arrêta sur une plage déserte, tournée vers l'occident que doraient encore les fugitives lueurs du crépuscule. Les volontés du marabout furent pieusement exécutées ; om l’'ensevelit à cette place même, et sur sa tombe s’éleva bientôt, sous le nom de Sidi-Daoud-En-Noubi, une modeste zaouïa qui fut entretenue avec soin, et qui est restée, depuis, un lieu de saint pelerinage. C’est là, non loin de l'extrémité de la presqu’ile, sur sa face occidentale, à moins de cinq milles de la pointe du cap Bon, LA THONARA DE SIDI-DAOUD. 179 en regard de l'ile de Zimbre, qu'est établie la florissante Thonara qui a pris le nom du célèbre santon; elle s'élève au fond d’une crique peu profonde, heureusement abritée par les terres contre les grands vents du nord et contre ceux de l’est. Les rives peu élevées sont incultes et désertes, moins par suite de l'infertilité du sol, qu'à cause de l'éloignement des centres de population, et de la privation absolue de toute voie carrossable; on ne voit émerger de leur ligne réculière- ment échancrée, lorsqu'on approche par mer, que la coupole Fig. 1. — Vue générale de l'usine de Sidi-Daoud. blanche de la Kouba, et les cheminées de l'usine, et, plus loin, les fumées flottantes d’un douar, dissimulé dans les maquis. L'accès de ce point de côte est d'autant plus difficile que, même par eau, on ne trouve aucun service organisé. Nous n'avons eu, pour notre part, à prendre aucun souci à ce sujet, grâce à l’aimable obligeance du comte Joseph Raïfo, le très heureux concessionnaire de la pêcherie. Après avoir reçu la plus gracieuse hospitalité à l’Ariana, charmante oasis aux portes de Tunis, nous embarquions vers minuit, à La Goulette, sur la chaloupe à vapeur attachée depuis peu au service de l'exploitation. Le ciel était pur, la nuit étoilée, la mer calme, pareille à un miroir d'argent ; aussi fimes- nous à plutôt une promenade qu'une traversée; quatre heures 180 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. plus tard, aux premières lueurs du jour, la sirène du bateau sifflait joyeusement à son entrée dans la rade, tandis que du ‘haut du minaret, une flamme saluait son arrivée. La baie de Sidi-Daoud, silencieuse pendant les deux tiers de l’année, s’anime tout à coup, en avril, comme sous les vivifiantes effluves du printemps, subitement envahie par une population de 3 ou 400 marins étrangers, qui arrivent là montés sur de lourds bâtiments siciliens chargés de vivres, du matériel de campement et de tous les objets nécessaires à l'exercice d’une éphémère, mais fructueuse industrie. Ces hommes, aux mains nerveuses, aux épaules larges, le teint marqué de hâle, le cœur trempé, choisis parmi les plus éprouvés, ont avec eux un aumônier, un médecin, des infr- miers, qui leur assureront les soins de l’âme et ceux du corps. Le minaret du bord), en leur rappelant le clocher du village, leur fera momentanément oublier, au milieu des rudes tra-. vaux, la femme et les enfants restés là-bas sur le rivage loin- tain de la patrie ; car on ne reçoit ici que des bras robustes et valides, et, fait digne de remarque, qui ne laisse pas d’a- voir sa signification, en l’absence du sexe faible, il nya jamais parmi ces gens ni querelles ni disputes ! On nous a cité, en remontant au plus loin, un seul cas de deux hommes prêts à en venir aux mains pour une cause ignorée. Sans chercher à les apaiser par une intervention sans doute im- puissante, le directeur les fit simplement conduire dans la brousse voisine, où on les laissa seuls, abandonnés à eux- mêmes, libres de vider à leur gré cette querelle. Quelques instants plus tard, ils rentraient à l’usine, la main dans la main. Les esprits s'étaient calmés, la paix était revenue dans les cœurs avec la raison. L'installation du campement est bientôt faite ; les nouveaux venus se répartissent par groupes dans une sean don de constructions basses, alignées sous un même parement de murs, dans lesquelles ïls trouveront le couvert et le hamac, le feu et la gamelle, quelque chose comme : EREDeuL d’un orand bateau de pêche. _ À leur tête est un Raïs (capitaine), dont l’autorité est sou- veraine, et qui seul, pendant les trois mois de campagne, commandera à toute cette petite armée, confiante en sa vieille expérience, et docile à obéir à sa voix. Le directeur de l'usine, le propriétaire lui-même, n’exercent qu'une simple LA THONARA DE SIDI-DAOUD. : A81 surveillance, sans autres pouvoirs que ceux de l'administra- tion. C’est qu'ici le rôle même du Raïs est d’une rare impor- tance ; lui seul a assez d'expérience, seul il connait suffisam- ment les habitudes du poisson, pas un autre n’a la vue assez exercée ni assez sûre pour décider avec opportunité de l'heure de l’action ; il y a trente ans passés que celui de Sidi-Daoud est à son poste, et son regard percant n’a encore jamais eu la moindre défaillance. Auprès des logements d'ouvriers, autour de l’ancien bordj qui sert d'habitation au maître, à ses hôtes, et à l'état-major de l'établissement, s'élèvent de vastes constructions indus- trielles, magasins pour les corps de métiers, cuves à salaison, séchoirs, chaudières, ateliers pour la mise en boîtes ou en barils, et dans une aile séparée, la chapelle dans laquelle la colonie se réunit chaque dimanche au son de la cloche, tout comme au pays, enfin les services de santé ; sur l'extrême pointe de la jetée, une statue de la Madone tient ses regards fixés sur les flots, comme pour les rendre favorables. Tout est groupé sur un même noyau, d’où la surveillance est facile. Jusque dans ses détails, l'installation est largement comprise, elle a recu les derniers perfectionnements de manière à faci- liter le travail et à donner des produits de la meilleure qua- lité possible. Voilà pour le bâtiment. La madrague est établie sur le modèle commun, au sud sud-est de l'établissement industriel où nous venons de nous arrêter, à l'entrée même de la baie. Elle se compose dans ses parties essentielles d’une longue ligne de filets s'étendant perpendiculairement à la rive, à proximité de laquelle ils s'appuient par une de leurs extrémités sur les enrochements des bords, l’autre s’avance en mer jusqu'à environ 2,000 mètres. Cette portion de l'engin porte le nom de côte ou queue ; elle est tressée en cordes d’alfa de la grosseur du doigt, à très larges mailles de 0,35. Cette muraille, dont la hauteur n'atteint pas moins de 30 metres, est fortement tendue au moyen de paquets de lièges flottant à la surface de l’eau, et de lourdes pierres attachées à sa ralingue infé- rieure; tout au bout, formant angle droit avec elle, s'ouvre la partie la plus intéressante des filets, l’e ou isoletta. Les câbles auxquels se rattachent les filets de l’île sont maintenus en place par une centaine de grosses ancres, et à flot par des lièges ; ils circonscrivent à la surface de la 182 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. mer une superficie affectant la forme d’un parallélogramme de 400 mètres sur 20, sensiblement orienté de l’ouest à l’est. Ce parallélogramme est divisé en cinq grandes chambres formées de tresses semblables à celles de la Côte, communi- quant entre elles par de larges portes en filets qu’on peut relever ou abaisser suivant les besoins, et aboutissant toutes à un compartiment, le dernier à l’est, appelé chambre de la Matance ou chambre de la mort, la cellule des condam- nés. Celle-ci est tissée à mailles plus serrées en solides cordes de chanvre ; elle comporte, de plus que les autres, un fond ou plancher en treillis de même nature, qui peut être hissé ou redescendu à volonté. C’est là que sont poussés et empri- sonnés les poissons au moment de la pêche. Ces simples explications permettent de suivre aisément le jeu de l'appareil. Les Thons, qui viennent de la direction de la Goulette, marchant au nord, le flanc droit au rivage, « tantôt à la facon des Loups, tantôt à la manière des Chèvres », suivant l’ex- pression d'Œlien, rencontrent sur leur chemin l’infranchis- sable obstacle formé par la longue muraille des filets de La Côte, et, pour leur malheur, ne cherchent pas à l’éviter en changeant de direction. Bien au contraire, ils en suivent imprudemment la ligne, la tête sur la trame perfide, et se trouvent ainsi conduits à l'entrée de la première chambre dans laquelle ils s'engagent sans méfiance. Une fois là, ils ne cessent d'évoluer tout autour, jusqu’à ce que, dans ce mouve- ment, ils viennent à passer devant l'entrée de la deuxième chambre où ils n'hésitent pas davantage à pénétrer. On peut, dès lors, les considérer comme tombés en la possession du pêcheur, qu'ils s’avancent ou non davantage dans ce dédale funeste. Les divisions de la Thonara servent à les tenir séparés, par bandes ni trop faibles ni trop fortes; on ne peut, en effet, sans encombrement et sans danger, prendre à la fois plus de 800 à 1,000 gros poissons, de même qu’on ne pécherait pas s’il y en avait moins de 4 à 500 réunis. Il s’en est trouvé, un jour, jusqu’à 4,000 à la fois ; il importe, en telle occurrence, de diviser la pêche en plusieurs opérations, en répartissant les prisonniers dans les chambres extérieures à celle de la Matance, où ils seront repris, l'heure venue. Le Raïs en appré- ciera le nombre, sans se tromper de plus de quelques dizaines, LA TIHONARA DE SIDI-DAOUD. 183 à travers cette tranche d’eau de trente mètres, au fond de laquelle ils s’agitent en tourbillonnant sans arrêt, les plus gros paraissant, à cette profondeur, de la taille d’une vulgaire Allache. C’est même un de ses principaux devoirs de faire les manœuvres nécessaires pour parquer les poissons en nombre convenable ; il se sert, dans ce but, d’un paquet de vieux filets, ou mieux encore d'un cräne de Chameau attaché au bout d'une longue corde qu’il promène sans brusquerie sous l’eau, poussant insensiblement ceux-ci là où il veut les enfermer. L'espèce n'acquiert, quoi qu'il arrive, aucune expérience du danger ; car, selon un mot du comte Raffo, « ceux qui s'échappent librement le font sans garder aucune défiance, n'ayant pas été inquiétés, et ceux qui restent ne pourront plus aller porter la mauvaise nouvelle au dehors », l'intelli- sence doit, d’ailleurs, être très pauvre chez ces animaux, si on en juge par le volume de leur cerveau qui, chez les plus oros, est à peine égal à un petit œuf de Poule. Les filets, qu'on a soin de relever chaque année à la fin de la campagne, sont tendus en avril, dès que le temps le per- met ; il serait impossible de procéder à cette laborieuse opéra- tion par une mer un peu forte ; on profite pour ce faire, sous l'excellent abri que forme la presqu'île, des premiers vents d'Est qui viennent à soufiler vers cette époque. Tout doit être prêt au commencement de mai, à la fête de la Sainte- Croix, date qui correspond habituellement avec l'apparition du Thon. De fondation, c’est l’occasion de réjouissances traditionnelles ; on immole sur le tombeau du marabout, qui a donné son nom à ce coin de terre, les plus jolis Bœufs du pays ; les Arabes des douars voisins accourent avec empres- sement, et se joignent aux pêcheurs pour honorer sa mémoire dans des copieuses et bruyantes agapes, dont le maitre de l'exploitation fait généreusement tous les frais. Dès le lendemain, chacun doit être à son poste, l'usine est ouverte, les machines et les chaudières sont prêtes à entrer en œuvre, les réservoirs à saumure sont emplis et mis à sa- turation (1), on arme les embarcations. La vie s’est ranimée sur cette plage, déserte quelques jours plus tôt ; elle s'agitera (1) Tous les usiniers qui font les conserves de poissons en saumure ont cou— tume, pour reconnaître si l’eau est à un degré convenable de saturation, de mettre une pomme de terre dans chaque récipient ; lorsque la tubercule flotte, le liquide est en état. 184 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. bientôt dans une activité fiévreuse, sur un simple signe du Raïs. Cependant, celui-ci entre en scène. Chaque matin, dès l'aurore, on pourra le voir sur sa petite barque noire, amar- rée au cœur de la madrague, balancée comme une faible co- quille, parfois violemment secouée par la vague, prête à cha- virer, lui, assis nonchalamment à l'arrière, indifférent au souffle du grand vent de mer, l'œil fixé sur l’onde bleue dont il scrute les sombres profondeurs. Le Raïs quitte ce poste une fois, dans le milieu du jour, pour le reprendre bientôt jusqu’au soir. À son retour, les vieux marins savent lire sur son masque impassible si le poisson entre ou si la Thonara est encore vide ; tous, anxieusement, fixent sur lui les regards, et les visages s’éclairent ou s’as- sombrissent suivant ce qu’on lit sur le sien. C’est que, pour ces hommes, c’est l'abondance ou la gêne, selon que la pêche est bonne ou mauvaise; leur salaire fixe suffit bien aux besoins présents ; mais pour l'hiver, pour les petits qui gran- dissent au foyer, dans les bras de la mère, il faut l’appoint qu'ajoutera à leurs maigres économies la part qui leur re- vient sur le produit de la courte campagne de pêche. Les jours, quelquefois, succèdent aux jours, une semaine entière se passe, puis une encore, et le Raïs part et revient régulièrement à ses heures sans mot dire à personne, sinon ce que lui arrache avec peine le directeur de l'usine, au rap- port du soir ; et alors, si la besogné est à jour, si les barques ont été radoubées, si tout est en ordre et en état dans l’in- térieur de l'usine, vient le désœuvrement, et, avec lui, la triste nostalgie s'empare de ces rudes marins que ni la tem- pête, ni les pénibles travaux ne rebuteraient. Les Thons tardant à entrer, au moment de notre arrivée, les heures d'attente furent très agréablement employées, un jour à la pêche en mer, à la senne et aux palangres ; en peu de temps, celles-ci ramenaient d'énormes paniers de fort joli poisson, Mérous blancs, Ombrines, Pagres de 20 à 25 ki- los, Scorpènes, Perches de mer, Murènes, Squales... Cet engin, très en usage sur toute la côte, est formé de cordeaux de 1,000 à 1,200 mètres de longueur, auxquels sont attachées, de distance en distance, des lignes amorcées avec des débris de poisson frais ; on les immerge plus ou moins loin de terre, à des Room caurs variables, suivant le temps, pour les re- lever quelques heures après. 4 LA THONARA DE SIDI-DAOUD. 185 Un autre jour, ce fut une exploration de l'ile de Zimbre, nous ne parlons pas d’une excursion aux curieuses grottes du cap Bon, la description de ces immenses et étranges palais souterrains ne devant pas prendre place ici. L'ilot, ou plutôt le rocher de Zimbre, émerge en pleine mer, par le travers ouest du cap Bon, à 8 milles environ de Sidi-Daoud. La chaloupe à vapeur de l'usine, la vaillante Daisy, sur laquelle le comte Raffo a bravement fait, naguère, la traversée d'Angleterre à Tunis, a, par temps calme, dé- a —— Fig. 2. — L'ile de Zimbre {1}. voré cet espace en moins d’une heure, et mouillé par un ex- cellent fond de plusieurs mètres dans une anse parfaitement abritée. Il y'a là quelques vestiges d’une ancienne jetée, œuvre, disent les vieux historiens, des Carthaginois qui y entrete- naient un petit corps de troupes. Sur le point culminant, dressé presque à pic à une hauteur de 2 à 300 mètres au- dessus des flots qui battent violemment ses assises, ils (1) Les planches 2, 3, 4, 6 sont extraites d’un rapport que nous avons eu l'honneur de présenter à M. le Ministre de la Marine, qui a bien voulu nous autoriser à les reproduire ici. (Rev. mar., déc. 90.) 186 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. avaient établi un de ces observatoires militaires, dont la construction leur était familière, sortes de tours du guet ou tours à signaux, du haut desquelles ils surveillaient les routes les plus fréquentées par les navigateurs. Ce poste fut aussi occupé, de nos jours, par des soldats tunisiens ; maïs, à cer- taine époque, les circonstances n'ayant pas permis de les ravitailler en temps voulu, ils purent se croire abandonnés ; l'ile, absolument inculte, ne leur offrait aucune espèce de ressources, leur détresse était extrême, et ils étaient menacés d’une fin tragique, lorsque la vague jeta à la côte les épaves de quelque navire broyé au large par un cyclone ; ils se : hâtèrent de construire un radeau avec ces débris, et profitant d’un vent favorable, se laissèrent pousser jusqu'à Sidi- Daoud, où ils furent largement secourus. Très pittoresque, à quelque distance, à cause de ses hautes falaises et de ses escarpements, l'aspect général de Zimbre est moins séduisant de près. Le sol, balayé par de furieux ouragans, est dépourvu de toute végétation fores- tière; il est couvert de maigres broussailles que déchirent par place des affleurements de roches. Ses seuls habitants sont les Lapins sauvages, et, dans la saison, des vols de Bécasses, de Caïlles ou d’autres oiseaux de passage, qui ne font guère qu'y poser le pied pour délasser leur aïle fatiguée. Cependant, l’ilot a trouvé son Robinson, qui vit là, à peine abrité sous un méchant réduit en pierres sèches, au milieu d’un petit carré de champs, où il a semé du blé et quelques légumes. Ses enfants le gênant dans son goût pour la solitude, il les a renvoyés ; il n’a plus auprès de lui d’autres compagnons que les animaux domestiques qu'il a amenés avec lui, une Génisse et un Bœuf dont il est très fier, des Poules et une couple de Chèvres. Entre temps, peut-être, recoit-il la visite furtive de quelque voilier en peine de son chargement, et c'est tout. Notre subite invasion n’a pourtant point semblé causer un trop grand déplaisir à cet étonnant misanthrope ; après nous avoir fait visiter la ferme et admirer le cheptel, très complai- samment il nous a conduits dans le hallier. Et nous n’avons pas observé sans curiosité ce sage aux formes rudes et gros- sières, à la barbe hirsute, aux épaules carrées, à la mine sauvage, mais à l'œil fin et pénétrant, qui dédaigne le com- merce des hommes, ou du moins leur société, et fuit le monde LA THONARA DE SIDI-DAOUD. | 187 pour vivre sur ce rocher solitaire, de sa vie à lui, sans maitre, sans contrainte, se chauffant au soleil, souriant aux étoiles, et n’entendant d'autre voix que celle de la tempête. Accidentellement, toutefois, l'ile est visitée par des Sici- liens qui s’en viennent jeter leurs filets dans ses eaux pois- sonneuses. D’avril à juillet, ils pêchent le Zarro et la Menora, l’une et l’autre espèces plus connues sous le nom de Rondina. Ce sont de jolis poissons, à la robe gris sombre mouchetée de larges taches bleues, d’une taille supérieure à celle de la Sardine, et appartenant à la famille des Ménides. Les pé- cheurs les font sécher au soleil, à même sur le sable de la plage, quand ils ne prennent pas le temps de les saler, et les transportent ensuite dans leur pays, où ils les vendent 50 fr. les 100 kïlogs. Le produit de cette courte campagne atteint trois mille quintaux métriques. La Rondina fréquentait aussi les eaux de La Galite ; mais elle en a complètement disparu, depuis 1887, nous ont dit les pêcheurs, à la suite du naufrage d’un bateau caboteur, chargé de plusieurs milliers de tonnes de soufre, qui s’y est perdu corps et biens. Enfin, au mois de juin, une trentaine de barques génoises croisent dans ces parages pour se livrer à la pêche de l’An- chois à l’aide de filets flottants qu’ils appellent rissolles. Leur prise moyenne annuelle est de 2,500 quintaux qu’absorbe le marché de Gênes. L’Anchois de Zimbre est plus renommé, s’il est possible, que celui de Tabarca ; aussi bien ces pêcheurs dédaignent-ils la Sardine, et la rejettent-ils à l’eau si elle vient à se maiïller dans leurs filets. Mais cette digression nous a trop longtemps éloignés de notre point de départ, nous y revenons à toute vapeur, par une mer légèrement houleuse, escortés par des bandes de Dauphins qui luttent de vitesse avec le léger vapeur, décri- vant de gracieuses courbes autour de lui. Cepéndant les Scombres ont envahi la Thonara, et tout à Coup, un matin, le tableau change, à Sidi-Daoud : de là-bas, à deux milles au large, le Raïs a fait un signal, le signal si impatiemment attendu du branle-bas. Le drapeau du bordj est hissé, les fourneaux s’allument et envoient au ciel leurs volutes de fumée noire ; les marins, le cœur ranimé, s’arment de leurs solides harpons, sautent dans les chaloupes, pèsent vigoureusement sur les longs avirons et s’égrènent sur la 188 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. route de la madrague, la Daisy donnant la remorque aux plus lourdes. C’est jour de Matance, jour de rudes fatigues, mails aussi jour de joie et de plaisir. La flotte de combat se compose de deux grands bateaux plats, en termes spéciaux le Vaisseau et le Capo-Rais, sur lesquels les hommes se tiennent pendant la tuerie, et de huit embarcations, montées de seize à vingt-quatre rameurs. Au fur et à mesure de leur arrivée, barques et chalands prennent leur rang de bataille, et forment le carré autour de la chambre de mort, les vaisseaux amarrés en face l’un de l’autre sur les flancs est et ouest de cette chambre, la flottille alignée sur les deux autres. Au centre, le Raïs dans son ca- not va commander et diriger la manœuvre. Dés que le blocus est achevé, les cabestans sont mis en mouvement, le filet de fond qui constituait le sol ou plancher de la chambre, est hissé lentement, et l’on fixe une de ses extrémités sur le bas- tingage du Capo-Raîs ; mais laissons le maître de la pêcherie décrire lui-même ces manœuvres : « Les hommes s’alignent sur le vaisseau, tirent sur le filet, et le rejettent en dehors, à mesure que, par suite de cette traction, leur bateau s’avance vers celui qui se trouve en face le Capo-Raïs, rétrécissant le carré sur deux de ses côtés. | » Un marin entonne d’une voix sonore un chant monotone après avoir invoqué le nom du Seigneur, et en chœur, ses camarades chantent le refrain. Si des étrangers sont présents, on improvise des couplets plus ou moins flatteurs à leur adresse, tandis que le filet continue à monter lentement mais régulièrement. » Les pauvres Thons, qui, effrayés d’abord par tout ce bruit, s'étaient tenus cois et aussi près du fond que possible, voient l’eau leur manquer peu à peu, et, éperdus, nagent fié- vreusement en cercle, cherchant une issue qui leur échappe. L'eau de la Méditerranée, claire et limpide, permet de dis- tinguer tous leurs mouvements. » Bientôt, le filet suivant sa marche ascendante, un Thon, puis deux, se montrent à fleur d’eau et rompent par de longs sillons la surface des flots ; puis, tout d’un coup, le carré est blanc d’écume; les poissons sortent à moitié corps de l’eau, la font voler par paquets à coups de queue, montent les uns sur les autres, s’entrechoquent, se blessent. C’est le plus beau "eZUCIJeJY CT — °L V2 7 LL me ÿ pi 190 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. moment pour les spectateurs étrangers ; ce qui se passe après sent trop la boucherie. » Pendant que le Raïs, sur son canot qui saute comme un bouchon, au milieu du tumulte, revêt à la hâte son costume de toile cirée, les chants s'arrêtent ; les hommes ne tirent plus que mollement sur le filet, et jettent des regards d’âpre convoitise sur les poissons; chacun d'eux voudrait avoir la gloire de frapper le premier coup. Ceux qui doivent passer sur le second vaisseau s’acheminent en sautant par dessus les chaloupes. L’impatience les gagne. Le Raïs, qui a ses rai- sons pour ne pas vouloir commencer avant le moment oppor- tun, les objurgue et les gronde, leur enjoint de continuer à hâler le filet; il agite, colère, le troncon de bois qui lui sert de sceptre, et finit par le jeter à la tête du plus récalcitrant. » Enfin, levant la main, il s’écrie : Pigliateli ! » En un clin d’œil, le filet est amarré au bordage du vais- seau et le massacre commence. » Serrés en ligne sur l'extrême bord des chalands, les hommes, l’œil ardent, les bras tendus comme un ressort, sont là prêts à frapper ; mais les poissons affolés passent rapides comme la flèche, se dérobent en bondissant dans des élans désespérés, évitant un instant le coup qui les menace. Efforts superflus ! lancé d’une maïn sûre, le harpon acéré les atteint, pénétrant cruellement les chaïirs, et d’une pesée éner- gique sur le pieu, un bras vigoureux les enlève et les précipite sur le sol des vaisseaux où ils se débattent dans une courte agonie. Ce sont alors, au milieu d’un sauvage et indescriptible débordement de cris, de gestes et d’injures (tous les acteurs sont Siciliens), une mélée tumultueuse, des corps à corps féroces autour de l’eau qui bouillonne. Les bateaux s’emplis- sent, la mer se teint du sang des victimes, qui rejaillit sur tous, surexcitant encore les auteurs de cette scène de car- nage. Et les bras frappent toujours, infatigables, et l’horrible tache rouge s’élargit à chaque instant davantage, sans s'effa- cer sous le choc des grandes vagues bleues. Le Thon demande à être hissé à bord la tête la première, car il perd ainsi ses moyens de défense ; ses violents coups de queue aident le pécheur plutôt qu'ils ne le gênent; mais il n’est pas facile de le saisir, et les amateurs, qui ne craignent pas de s’y essayer, sont souvent entraînés, dans un mou- vement mal assuré, à prendre un bain forcé. On s'y met à LA THONARA DE SIDI-DAOUD. 191 deux, à plusieurs même, si l’animal est de tres forte taille. L'opération, vivement menée, se poursuit au milieu d’un vacarme phénoménal. Les hommes travaillent à l’envi, jaloux en quelque sorte les uns des autres, « on les croirait enragés », dit notre hôte ; ils se disputent les poissons avec une furieuse apreté. Autrefois, ils étaient divisés par escouades, qui avaient un intérêt pécuniaire à faire pour leur compte les plus fortes prises possibles. Ce système a dû être abandonné; aujour- d'hui, le butin se partage également entre toute l’équipe. On ne lutte donc plus que pour « la gloire » ; mais l’acharnement apparent n’en est pas moindre. Enfin, l’œuvre de mort est accomplie. Tous ces lutteurs qui paraissaient prêts à en venir aux mains, et à s’entre-écor- ser sur place, rentrent subitement dans le calme. Les ri- vaux de tout à l'heure causent et rient paisiblement entre eux. À force de rames, on regagne le hävre, chargé des san- glants trophées. La matance est achevée. Voici venue l'heure des pacifiques travaux de l’usine. Arrivés à proximité des bâtiments, les embarcations versent leur cargaison à l’eau ; aussitôt les Thons sont tirés, à l’aide de crocs, sur un dallage déclive, jusque dans une vaste salle basse largement ouverte sur le port (fig. 5); des hommes exercés leur enlévent la tête d’un coup de hache; on leur coupe les nageoires, on les vide, et onles suspend par la queue aux madriers qui forment le plafond du Bois, c’est le nom du lieu, où on les laisse accrochés quelques heures, s'égoutter et s’attendrir avant la cuisson. Viennent ensuite les diverses opérations de salaison et de friturerie, car on fait également les deux préparations, qui sont conduites selon les procédés ordinaires. Quelle que soit l'importance de la pêche, et nous avons dit qu’elle était en moyenne de 800 à 1,000 poissons, tout le travail doit être fait en une seule fois, sans interruption, de jour ou de nuit. Autrefois, les salaisons absorbaient la majeure partie de la pêche; mais la proportion est désormais renversée, les préparations à l'huile, de plus en plus demandées dans le commerce, ayant de beaucoup pris le dessus sur les pre- mières. | | La cuisson se fait dans une série d'une quarantaine de cuves chauffées par des fourneaux à houille. Chaque cuve 4 192 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. contient environ 300 kiïlogs de poisson qu'on dispose, dépécé par tranches, dans des filets tressés en fer de la capacité des cuves; ces filets sont actionnés mécaniquement au moyen d’un-treuil. Les fourneaux, aussitôt la cuisson achevée, sont chargés de nouveau, amorcés, si on peut s'exprimer ainsi, de telle facon qu’au premier signal de pêche ils puissent être rallumés instantanément. ce | s _- DER TA =: : Ti té Sy ES L's SSI DA EE Re PSE ee EC Fig. 4. — Séchoir de têtes de Thons. Pendant l'ébullition, qui dure environ une lieure, un em- ployé, spécialement préposé à cet office, reste en permanence en. tête de l'angle droit formé par les deux lignes des feux; de temps à autre, on lui apporte à goûter un morceau de pois- son, et dès qu'il juge la cuisson à point, il fait un comman- dement auquel obéissent les hommes attachés à la manœuvre du treuil, en hissant les paniers en fer au- dessus des chau- dières ; les fourneaux : sont éteints et on laisse les viandes, ainsi suspendues, se refroidir. Puis, des wagonnets Decau- ville enlèvent ces monceaux de poissons cuits, et les trans- Portent: dans l'immense salle où.ils doivent être débités et mis en boîtes. "OUISNI R ANT — ‘€ DT Û Ü 4° Ov 1891. évrier l 5 F94 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Cette nouvelle manipulation ne se fait pas d’une ma- nière indifférente, car il importe de trier les morceaux suivant leur valeur ; le ventre et les parties qui l’avoi- sinent étant les plus estimés, sont placés à part et seront vendus plus cher. La capacité des boites est graduée de un demi à vingt kilogrammes, de manière à répondre aux exi- gences de la consommation. Les barils pèsent habituellement 90 kilogs. Quant à l'introduction de l'huile et à la fermeture, on y procède d’après les méthodes partout en usage. Cette préparation n’absorbe pas moins de 100 à 120,000 litres d'huile d'olives, soit pour 90,000 francs à peu près, ac- tuellement fournie par un usinier de Sousse; c’est le seul produit qui soit pris dans le pays. Le sel est apporté de Trap- ani ; le charbon et le fer noir proviennent d'Angleterre, les barils vides, de Savone. Les boîtes en métal sont fabriquées dans l’usine même, durant l'hiver, par quelques ouvriers, qui sont en même temps gardiens de la Thonara. Les salaisons n'’offrent, dans la manipulation, aucun in- térêt spécial ; elles portent sur deux cent cinquante tonnes de poisson. Quant aux produits, fritures ou salaisons, ils sont intégra- lement transportés en Italie, par un vapeur spécial apparte- nant à l'exploitation, et vendus, sur les marchés de Livourne et de Gênes, à des prix variant de 175 fr. les 100 kilogs pour les meilleures qualités, à 30 francs pour les salaisons de rebut. Toutes les parties de l’animal qui ne peuvent être utilisées ainsi qu'il vient d'être dit, les yeux, la tête, les entrailles, les nageoires et la queue sont soumises à une macération qui a pour but d’en extraire l'huile qu’elles contiennent. Ce pro- duit est recherché surtout pour le travail des cuirs. On en a obtenu 50,000 kilos, en 1889, vendus facilement 60 francs le quintal. Les œufs, près de leur maturité en cette saison, font de la boutargue, un peu moins estimée, il est vrai, que celle de Mu- let, mais qui vaut bien encore 3 franes le kilo. L'ossature et les derniers débris sont convertis en un engrais recherché par les cultures, de telle sorte que rien n'est perdu et ne reste sans utilisation dans ce précieux animal. La Thonara du cap Bon a une énorme importance, encore LA THONARA DE SIDI-DAOUD. 195 qu'elle donne des produits très variables d'une année à l’autre, comme il arrive partout où l’on s'attaque à des es- pèces nomades, dont les apparitions sont essentiellement capricieuses. Les plus mauvaises pêches correspondent à l’année 1886, pendant laquelle il ne fut pris que 6,700 Thons, et, en remon- tant plus haut, à 1874, année complètement nulle, un oura- gan ayant emporté la madrague au début même de la cam- pagne, les meilleures approchent du chiffre de 15,000; en Fig. 6. — Cuves pour la cuisson. 1877 et en 1878, on put inscrire au tableau 14,900 Scombres; 9,180 en 1889. En 1890, la pêche s’annonçait comme devant être moins heureuse; lors de notre visite, fin mai, c’est-à-dire, à près de moitié de la saison, c’est à peine si on atteignait le premier mille, et le poisson, en dépit des vents favorables, se montrait lent à venir. Dans le nombre, il n’est pas rare de trouver des individus pesant 300 kilos, quelques-uns arrivent même à 400, les plus petits, ceux-là très rares, descendent jusqu'à 40 RIlOS » la moyenne n’est pas inférieure à 100 kilos. En mai-juin, les Thons sont gras et très en chair, les or- 196 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. ganes indiquent les approches du temps de fraie ; un peu plus tard, au contraire, après la reproduction, ils maigrissent, leur chair devient molle, et comme rougie de sang. Ils ne supporteraient plus la préparation en conserves, aussi bien leur pêche cesse-t-elle dès les premiers jours de juillet, elle ne dure donc guère que deux mois. On ne signale pas de passage de retour sur cette côte. Une longue expérience a permis de reconnaitre la route que suivent les Thons, à ce moment de l’année; ils paraissent venir de Gibraltar et marcher invariablement de l’ouest à l'est. À Mahedia, au contraire, où cette pêche est assez abon- dante pour qu’on songe à y créer une madrague, ils se mon- treraient, nous a-t-on aftirmé, à la même époque, mais sui- vant une direction inverse, du sud au nord. L'état des organes de génération permet de supposer que la reproduction doit s’accomplir dans ces parages, en eaux pro- fondes, d'autant plus qu’on signale dans le golfe de. Gabès de fréquentes apparitions de bandes nombreuses de très jeunes poissons de cette espèce. Ajoutons, enfin, quoique les observations sur ce point soient encore très incomplètes, que la route de retour de ces animaux, de l’est à l’ouest, serait bien plus au nord. Il existe en Sicile et en Sardaigne de riches madragues, orientées dans ce sens, qui entrent en activité dans le cours de l’au- tomne, alors que celle de Sidi-Daoud est au repos. Il est vraisemblable qu’à l’aide des documents précis que pourrait fournir chacun de ces établissements, si on réussis: sait à les obtenir, et à les grouper, on arriverait à éclaircir un point d'histoire naturelle encore bien obscur, et pourtant plein d'intérêt. Dans un rapport statistique sur la pêche en Tumisie, M. Ponzevera, l’aimable et tres obligeant chef du service de la navigation et des ports dans la régence, dont les informas tions sont toujours consciencieusement recueillies, estimait à 10,000 quintaux métriques le poids des Thons péchés an- nuellement à Sidi-Daoud, chiffre concordant avec ceux que nous avons personnellement relevés, et leur valeur, sur place, à 900,000 piastres {la piastre tunisienne de 0 fr. 60). L'exportation des produits, suivant les mêmes informa- tions, s’élèverait pour un même temps à une somme de 1,650,000 p., ainsi décomposée : | LA THONARA DE SIDI-DAOUD. 19 5,000 barils de Thon à l’huile, de 50 kilos, vendus à raison de 135 p.l'un....... À 675,000 p. 5,000 barils de Thon salé, de 50 kilos, MTenAUS STORE 4 atie eue Lee 000 390,000 20,000 boîtes de Thon en conserves, pesant ensemble 250,000 kilos, au prix defo0Mp. Iles LOD/kKI1OS.. 7... 1.20 625,000 1,650,000 p. À ce produit considérable, il faut encore ajouter les divers autres profits accessoires de la pêche, huile de Thon, bou- targue, engrais, dont nous ignorons le chiffre, mais qui ne laissent pas d’être importants. | La valeur de l'usine et de son matériel peut être évaluée à 1,300,000 niastres; la madrague seule ne coûte pas moins de 30,000 francs, et elle dure deux années en moyenne, jamais plus de trois. Cette concession a été donnée, par la faveur du Bey, au commencement de ce siècle, à la famille Raffo, au pouvoir de laquelle il est constamment resté depuis l’origine ; un décret, en date du 9 djoumadi an 1294 de l'Hégire (1878), l'a prorogée jusqu’en 1943. Elle comprend le droit d'exploiter la Thonara du cap Bon, et d’en établir facultativement une deuxième à Raz-el-Djebel, avec cette faveur exceptionnelle d’une exoné- ration absolue de tous droits d'importation ou d'exportation pour les produits nécessaires à l’usine ou vendus par elle. Tel qu'il est actuellement aménagé, avec tous les perfec- tionnements industriels qui y ont été successivement intro- duits, avec son personnel spécial, nombreux, stimulé au tra- vail par un intérêt dans les produits de la pêche, avec son état-major expérimenté, assis qu'il est sur de solides capi- taux, maitre de la place en Italie, cet établissement doit être dans les mains de son heureux détenteur une source de grands profits et un instrument très puissant. La visite que nous y avons faite est pleine d'enseignements de toute nature, nous devons remercier M. le Comte Joseph Raïffo de son accueil si hospitalier, et du gracieux empres- sement avec lequel il nous en a montré l’organisation et le fonctionnement. L'étape de Sidi-Daoud est, sans contredit, l’une des plus intéressantes et des plus instructives de notre rapide voyage sur ces côtes ensoleillées. COMPTE RENDU. DES OPÉRATIONS DE PISCICULTURE AUX LABORATOIRES DE QUILLAN ET DE GESSE (1890) POUR L'ACCLIMATATION DUÜ SAUMON DE CALIFORNIE - Le 15 janvier 1890, nous avons recu, de la Société natio- nale d’Acclimatation de France, six caisses d'œufs de Saimo Quinnat venant de Californie. Chaque caisse renfermait onze châssis, dont un vide, ser- vant de couvercle aux autres. Trois ne contenaient rien, leur garniture ayant été conservée à Paris. C’est donc un total de cinquante-sept châssis qui nous est parvenu. D'après un comptage soigné fait sur six châssis, le nombre d'œufs reçus ce jour-là fut de 800 =< 57 = 45,600. La distribution en fut faite dès le 16 janvier entre les deux laboratoires de Quillan et de Gesse. Le premier recut 13,600 œufs, le second, 32,000. Les pertes constatées au déballage furent de 3,673. Le 17 et le 18, elles s’éleverent à 1,327. Le 31 janvier, elles ne furent plus que de 39, c’est-à-dire d'environ 1 pour mille. Les éclosions étaient complètes dès le 27 janvier, et le 31 nous possédions à Quillan 12,390, à Gesse, 26,653, soit en tout 39,043 alevins, dont la réussite était assurée, sauf la mOonaMté ordinaire inévitable ci RD PSrRCAP PES ... 39,08 À la fin de février, la résorption de la vésicule était complète. La perte totale, en alevins, à la fin de juin était de 1,148 Par suite, il ne restait dans les bassins que....... 317,899 Les lâchers des 26, 27 et 28 juin nous ÉDIÉVOErENE ee ri MAR en 9,440 Les lâchers suivants, Fe juillet à novembre 27,258 Total des laichers Rent 36,698 Il reste donc, à ce jour, dans les bassins de Gesse, nan euce Cl OUEN Le, 1,197 OPÉRATIONS DE PISCICULTURE EN 1890. 4199 Les lâchers furent commencés trop tard; la perte de juin, à peu près double de celle du mois de mai {226 contre 106), en est la preuve. Aussi, et dès que la. permission eut été donnée, y fut-il procédé aussi rapidement que possible. Les différents voyages s’effectuèrent sur des sujets de 0,04 à 0,06 sans aucune perte. Les points choisis parurent, d’ail- leurs, convenir à nos colons : quelques minutes après leur mise en liberté, ils se livraient à des ébats qui semblaient indiquer qu'ils ne se considéraient pas comme étrangers dans leur nouveau milieu. La taille des sujets restant dans les bassins varie de 0,10 à 0,15 ; on constate, en général, que leurs congénères de la rivière ont un cinquième en plus. Il nous reste 192 sujets de 1888 dont la taille varie de 0,30 à 0,35 du museau à l'extrémité de la queue. Maintenant, que sont devenus, dans la rivière, les jeunes Saumoneaux que nous lui avons confiés? — De fort jolis petits poissons. On en voit, on en pêche surtout à la ligne, parce qu'ils sont très avides des appâts qu'on leur présente. Les pêcheurs intelligents les rejettent à l’eau; j'ai été plu- sieurs fois témoin du fait. Mais combien qui n’agissent pas ainsi ! Il faut donc tenir pour certain qu’on en a pris et consommé un certain nombre. Les truites en ont avalé une quantité plus grande encore. Le reste prend ses ébats dans la rivière et y vit très bien, aussi bien que la truite. Le 13 juin dernier, j'ai vu un Saumon de 1888, pris par un de mes voisins, qui avait 0,27 de l’œil à la naissance de la queue et qui pesait 500 grammes. Ce fait a dù se produire plus d’une fois ; seulement, il est naturel qu'on ne vienne pas prévenir les agents chargés de la police de la pêche. Je conclus de ce qui précède que, pour réussir l’acclima- tation, il faut opérer avec de grandes quantités. Quillan, le 23 décembre 1890. Au moment de faire paraître ce numéro, nous recevons le rapport sur le dernier envoi d'œufs qui vient de nous arriver. Nous nous em- pressons de le faire connaître à nos collègues : L’Acclimatation du Salmo Quinnat dans le bassin de la Méditerranée a déjà fait l'objet de deux campagnes dans les 200 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. laboratoires de pisciculture de Quillan et de Gesse. Cent mille alevins y ont été élevés, que l’Aude et la mer se par- tagent maintenant. Cette entreprise va être poursuivie cette année sur un nouveau lot d'œufs fort important que la Société d’Accli- matation de France vient de nous faire parvenir. Le précieux envoi est arrivé à Quillan le 20 janvier par le train de 6 h. 30 du soir, après un voyage qui n’a pas duré moins d’un mois. Le temps avait été très froid depuis le départ de la station californienne d'origine. L'air était encore excessivement vif à l’arrivée ; le thermomètre marquait — Ÿ° centigrades à l’ex- térieur, + lo à l’intérieur de l'établissement. On pouvait compter sur une prospérité satisfaisante chez les arrivants, notre attente n’a pas été trompée. Le 21 janvier, en procédant au déballage et en déposant nos nouveaux hôtes sur leurs couchettes, nous avons pu constater qu'ils se portaient à merveille et que tout était en parfait état. Le lot de l’année dernière fut réparti entre les deux labo- ratoires de Quillan et de Gesse. Cette année, c’est Quillan qui accapare tout le lot qui nous est échu. Un accident, l'arrêt produit dans l'écoulement des eaux par les fortes gelées qui se succèdent depuis trois mois, en est la cause. Il n’y à d'ailleurs nullement lieu de regretter ce contre-temps, car l'eau filtrée dont nous disposons à Quillan est une garantie de réussite qui n'existe pas à Gesse, où l’eau, bien que lim- pide en apparence, charrie des matières limoneuses qui constituent un grave inconvénient. Il y a une amélioration à faire. En attendant qu'il y soit pourvu, le laboratoire de Quillan est bien suffisant pour opérer dans les limites où se maintient l'expérience et donner les meilleurs résultats et, à moins d'accident imprévu, tout fait présager pour cette année un succès qui n’aura rien à envier à ses aînés. Quillan, le 22 janvier 1891. Le Conducteur des Ponts et Chaussées, Directeur des laboratoires de pisciculture de Quillan el de Gesse, ALBOUY. PES POS IN DE SIRERES INDIGÈNES ET EXOTIQUES Par JuLes GRISARD ET MAxIMILIEN VANDEN-BERGHE. | (SUITE *) FAMILLE DES MAGNOLIACÉES. Les Magnoliacées se composent d'arbres et d’arbrisseaux à feuilles alternes, simples, entières ou très rarement lobées, coriaces et persistantes, caduques dans quelques espèces. Cette famille comprend quatorze genres et environ quatre- vingt-six espèces. La plupart des Magnoliacées, souvent recherchées chez nous pour l’ornement des parcs et des jardins, habitent les régions tempérées, notamment l’Amérique septentrionale et l'Asie orientale, plus rarement l'Amérique méridionale, l'Aus- tralie, la Nouvelle-Zélande et ie Japon. Cette famille offre beaucoup de rapports avec les Dillénia- cées et les Anonacées. On y rencontre un grand nombre d'espèces aromatiques, dont plusieurs fournissent à la matière médicale des produits d’une certaine valeur, quelquefois exportés en Europe, mais utilisés surtout dans leur pays d’origine. AROMADENDRON ELEGANS Br. Indes Néerlandaises : Kilung-lung. Kelatrang. Djalatrang. Madja. Kiloeng loeng. Arbre très élevé, à feuilles alternes, subdistiques, très entières, coriaces et luisantes, qui croit dans les grandes forêts de Java. D'après Blume, l'A. elegans que quelques auteurs font entrer dans le genre Talauwma, est un des plus beaux arbres qu'on puisse voir, et ses fleurs odorantes répandent un par- fum exquis. (*] Voyez plus haut, p. 39. 202 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Son bois, blanchâtre et léger, mais néanmoins très solide. est employé dans les constructions. Il est particulièrement estimé pour les travaux de menuiserie, quoiqu'on le dise peu durable. L’écorce et les feuilles sont aromatiques et très lécèrement amères. On les estime stomachiques, carminatives et antihys- tériques, ainsi du reste que les autres parties du végétal, fleurs, fruits et graines; on les ordonne contre les coliques et autres affections intestinales. Parmi les Magnoliacées de Java, cette espèce est la plus recherchée comme stomachique, parce qu’elle joint à son amertume l’arome le plus agréable. CERCIDIPHYLLUM JAPONICUM Sres. et ZUCC. Japon: Kadsoura. Kadsura. Grand et bel arbre à feuilles caduques, atteignant quelque- fois une hauteur de 25-30 mètres, sur une circonférence de 3 et même 4 mètres à la base, d’une croissance rapide, surtout dans les endroits élevés. Indigène du Japon, on le rencontre sur les versants nord, à une altitude de 700 à 900 mètres, dans les provinces de Sourgaou, Iwashiro, Shinauo, Rikouchiou, Matsou, etc., et dans les forêts de l'ile de Yéso. Il se plaît plus particulière- ment et atteint ses plus grandes dimensions dans les terrains : formés d'argile rocheuse et de ponce volcanique. D'une teinte rouge clair assez agréable, plus foncée au centre, le bois est d’une texture assez fine, droite et régu- lière. Les grandes dimensions de l’arbre permettent. de l’em- ployer comme charpente dans la construction des habitations qui demandent une certaine résistance, mais n’exigeant pas cependant une très longue durée. Il est d’un bon usage pour les travaux de menuiserie et même d’ébénisterie. Au Japon, il sert aussi à la fabrication de caisses, de planches et pour les ouvrages de tour. DRIMYS AXILLARIS Forsr. Wäintera axillaris WILLD. Nouvelle-Zélande : Horopito, Colons anglais : Pepper tree. Petit arbre svelte à feuilles alternes, très joli et toujours vert, que l’on rencontre abondamment dans toutes les iles de LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 203 Le la Nouvelle-Zélande, à une altitude variant entre 300 et 400 mètres. F Son bois fournit un bon placage pour l’ébénisterie ; il est encore susceptible d’être utilisé avantageusement pour le tour et la confection d'un grand nombre d'objets élégants, mais de faibles dimensions. Ses feuilles sont recherchées par les Maoris pour combattre quelques maladies. On rencontre aussi à la Nouvelle-Zélande, pres de Dune- din, une autre espèce très distincte, le D. cotorala RAoL, remarquable par son feuillage tacheté de rouge, et qui est employée dans les mêmes conditions. Le D. crassifolia H. Bx. est un petit arbre de la Nouvelle- Calédonie, à feuilles amples, très épaisses, charnues puis coriaces, qui donne un bois propre à plusieurs travaux d'ébé- nisterie. Son écorce pourrait, au besoin, être substituée à celle du D. Winteri. Toutes les espèces du genre Drimys possèdent, du reste, une écorce d’une saveur aromatique, piquante et poivrée, recherchée en médecine comme stomachique et stimulant. La plus célèbre est l'Ecorce de Winter ou Cannelle de Magellan, fournie au commerce par le D. Winteri Forstr (Canelo du Chili), grand arbrisseau de la côte ouest de l'Amérique du Sud. Les feuilles sont également aromatiques, mais on les emploie plus rarement. ILLICIUM ANISATUM JL. Badiane. Ilicium religiosum S1E8. et Zucc. Japon: Zririsi ja mou. Simiki. Tsikibi. Grand et bel arbrisseau toujours vert, s’élevant ordinaire- ment à 6-8 mètres de hauteur; tronc assez gros, ramifié et élancé comme celui du Peuplier. Feuilles persistantes, lan- céolées, alternes, éparses ou quelquefois rapprochées et dis- posées en rosette au sommet des rameaux. Originaire de l'Asie, la Badiane croit au Japon, aux Philip- pines, à Java et dans l'Inde, surtout dans les terrains frais et même humides. On trouve dans le commerce, sous le nom de Bois d’'Anis ou d'Aniselle, un bois de couleur brune, dur, fragile et cas- sant qui doit son nom à l'odeur douce et agréable d’anis qu'il 204 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. exhale. On l'emploie pour quelques travaux de menuiserie ou d’ébénisterie et plus particulièrement pour le tour, la tablet- terie et la marqueterie. On le recoit d'Amérique en büches d'assez fortes dimensions. Ce bois est attribué par un grand nombre d'auteurs à l’Z. anisatum, mais les dimensions restreintes de cette espèce et les lieux de provenance ne nous permettent pas de partager cette opinion. Le Bois d’Anis du commerce est en réalité fourni par plusieurs espèces de la famille des Lauracées et principalement par l'Ocotea cymbarum H. B. L'écorce rugueuse, grisaätre et fortement aromatique de l’Z. anisatuin est employée en pharmacie et en parfumerie; on la recoit ordinairement en fragments longs de 15 centi- mètres environ. Au Japon, où la Badiane est considérée comme sacrée, les feuilles et l'écorce pulvérisées finement après avoir été séchées servent à faire des baguettes que l’on brûle comme parfum dans les temples et les pagodes. Les fruits sont formés par la réunion de plusieurs capsules bivalves, ovales comprimées, disposées en une étoile orbicu- laire, renfermant chacune une petite amande blanchâtre re- couverte d’une coque mince et fragile. Ces capsules, désignées sous le nom d’'Anis étoilé, d' Anis des Indes, etc., sont em- ployées en médecine au même titre que l’Anis vert, c'est-à- dire comme stomachiques et carminatives, On en tire aussi une essence qui ressemble beaucoup à celle de l’Anis et qu’on lui préfère même parce que sa saveur est plus douce. C’est aux capsules de Badiane que l’anisette de Bordeaux doit le parfum qui la distingue; elles entrent aussi dans la prépara- tion de plusieurs liqueurs douces et d'articles de confiserie. ILLICIUM CAMBODGIANUM Hance. Badiane du Cambodge. Annamite : Dai hôi. Dai hoi mu. Kmer : Dai hôi nu. Arbre d’une hauteur de 8-15 mètres, à tête hémisphérique. Feuilles naissant par 4-5 ou subverticillées, dépourvues de stipules, elliptiques-lancéolées, aiguës, à base .obtuse ou sub- cunéiforme, épaisses, coriaces, glabres, brillantes en dessus, ferrugineuses en dessous. Cette espèce se rencontre au Codes à une altitude LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 205 moyenne de 900 mètres, au sommet de la chaine de l'Eléphant dans la province de Camchay. Le bois est d’un usage restreint et du reste assez peu estimé. L’écorce, les feuilles et les jeunes fruits sont aromatiques. L'Z. parvifiorum Micax. (1. anisaluin BARTR.) est un petit arbre de la Floride dont le bois est recherché pour les ou- vrages de marqueterie. Aux Philippines, les feuilles se pren- nent en infusion, le plus souvent mélées au thé et au café auxquels elles communiquent un arome particulier. Ses fruits offrent les mêmes usages et les mêmes propriétés que ceux de l’Z. anisatum L., mais ils sont moins odorants et moins usités. LIRIODENDRON TULIPIFERA L. Tulipier de Virginie. Liriodendron integrifolia HorrT. — procerum SALISB. Tulipifera Liriodendron Micz.. États-Unis : Tulip tree. White wood. Yellow Poplar. Un des plus grands et des plus beaux arbres de l'Amérique du Nord, dont la tige, droite et élancée, atteint quelquefois une hauteur de 30-40 mètres, sur un diamètre de 2 mètres et même plus. Feuilles amples, glabres, divisées en trois lobes obtus dont le supérieur est tronqué à l'extrémité. Originaire de l'Amérique septentrionale, on le rencontre depuis le Canada jusqu’à la Floride. Introduit en France et cultivé comme arbre d'ornement, car il est tres décoratif, le Tulipier y est rustique; il se plait surtout dans les sols francs, profonds et frais où sa croissance est rapide et continue. Son nom spécifique lui vient de ses fleurs en forme de tulipe, légèrement odorantes, nuancées de vert et de jaune pâle, avec une tache de couleur rouge-orangé. Son bois, ordinairement blanchâtre, prend dans les vieux arbres une teinte jaune assez agréable; très léger, tendre sans être mou, ligneux sans être filamenteux, il se travaille aisément, recoit un beau poli et se prête admirablement aux ouvrages de tour. Comme il n’est pas sujet à se fendiller, on l’emploie souvent dans la sculpture. Incorruptible et inatta- quable par les tarets ou autres agents destructeurs, ce bois peut être utilisé avec profit pour confectionner diverses pièces de construction navale; on prétend même que les l 206 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. plantes marines ne s’y attachent pas. En Amérique, où il remplace le Sapin, on s’en sert beaucoup en ébénisterie pour intérieurs de meubles, en menuiserie pour rayons, tables, ta- blettes, jalousies, meubles communs, etc., et sous forme de madriers, planches et voliges. On en fait aussi des panneaux de voitures, des coffres, des auges d’écuries, du bardeau, du merrain, des douves et des palissades de clôture. Les grandes dimensions du Tulipier permettent aux indigènes d’y creuser des pirogues et des canots d'une seule pièce ; ce bois entre aussi chez les modernes dans la construction des canots, ba- teaux plats, etc. L'écorce intérieure est fibreuse; d’une saveur aromatique et amère, son odeur rappelle celle du Cédrat. On y trouve de la gomme, du tanin et une matière extractive amère et cris- tallisable, désignée par Emmet sous le nom de Liriodendrine. En Amérique, cette écorce est fréquemment usitée en mé- decine comme tonique et fébrifuge; on lui attribue en partie les propriétés du Quinquina. En Virginie, sa décoction est un remède vulgaire contre une maladie spéciale de la race cheva- line. On en prépare aussi un hydrolat qui sert à donner du parfum à quelques liqueurs. L’écorce de la racine jouit des mêmes propriétés, mais on récolte plus généralement celle des branches au moment de la floraison. Les feuilles écrasées et appliquées sur le front passent pour calmer les céphalalgies. MAGNOLIA BAILLONI PIERRE. Arbre d'une hauteur de 20-30 mètres, à tronc grisàtre, d'un diamètre de 40-60 centimètres. Feuilles oblongues, lan- céolées, cunéiformes à la base, entières, coriaces et luisantes. Assez commun au Cambodge, on le. rencontre dans les régions montagneuses des provinces de Samrongtong, de Tpong et de Camchay à une altitude de 300 à 600 mètres. Le bois, de couleur gris-brun, léger, est assez durable; les indigènes l'utilisent pour planches, madriers, canots, man- ches d'outils ainsi que pour faire des cages d'Éléphants, des bois de fusils, des montures de sabres. L'écorce de la tige et celle de la racine contiennent un principe amer et stimulant commun à tous les Magnolias, qui les font employer contre les fièvres, les rhumatismes et les affections intestinales. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 207 MAGNOLIA DUPERREANA PIERRE. Arbre très ornemental, d’une hauteur de 25-30 mètres, à tronc lisse et blanchâtre, d’un diamètre de 25-30 centimètres. Feuilles longuement pétiolées, oblongues ou elliptiques, légè- rement cunéiformes à la base, entières et coriaces. Originaire du Cambodge, il habite le sommet de Knang- Repœu dans la province de Tpong. Son bois est blanc, léger, facile à travailler et brunit avec le temps. Les Annamites en font des planches, des embarca- tions, des cercueils, etc. L'écorce est amère et passe pour fébrifuge. Les feuilles sont préconisées dans quelques. affections sto- macales, notamment contre les crampes d'estomac. MAGNOLIA GLAUCA L. Magnolier bleu, Magnolier des marais, Arbre du Castor. Magnolia Virginica «à glauca J. États-Unis : Bay tree, Sweet Bay, Swcet Magnolia. Bel arbre pouvant atteindre, dans les lieux qui lui sont favorables, une hauteur de 15-20 mètres, sur un diamètre de près de un mètre. Feuilles caduques, alternes, ovales- oblongues, entières, d'un vert léger à la face supérieure, glauques en dessous, glabres. Fleurs blanches, à odeur forte, rappelant celle de la fleur d’Oranger. | On le rencontre dans la partie Est des États-Unis, depuis les Massachusetts jusqu'au Texas, surtout dans les endroits marécageux où il prend son plus beau développement. Son aubier, presque blanc, est employé pour manches d'instruments aratoires et autres, ainsi que pour divers pe- tits objets d'usage domestique. Son bois, de couleur claire, est tendre et peu résistant, compact et à grain fin, à rayons mé- dullaires nombreux, minces, d'un brun clair teinté de rouge ; il est surtout utilisé pour la marqueterie et les incrustations. Son écorce grise, amère et aromatique, désignée parfois sous le nom de Quinquina de Virginie, est tonique et fébri- fuge. On l’emploie aux États-Unis dans les rhumatismes chroniques et les habitants des parties marécageuses de ce pays en font un usage constant, sous forme d’infusion alcoo- lique, pour les préserver des accidents paludéens. 208 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. - MAGNOLIA GRANDIFLORA L. Magnolier. Laurier-Tulipier. États-Unis : Big Laurel, Buil Bay. Grand et très bel arbre d'ornement à cime pyramidale, dont la tige atteint jusqu’à 25-30 mètres de hauteur sur un diamètre proport'onné. Feuilles persistantes, amples, ovales, lancéolées, épaisses, luisantes et d’un beau vert en dessus. _ Originaire de la Caroline, le M. grandiflora à été intro- duit avec succes dans la plus grande partie des pays tem- pérés, où il constitue un des plus riches spécimen de la végétation exotique. Rustique dans le midi et l’ouest de la France, il acquiert souvent une hauteur de 10-12 mètres dans les terres franches et fertiles. Son bois est blanc ou srisètre, léger, spongieux, de mé- diocre qualité et d’une durée limitée, aussi n'est-il guère employé en Amérique que pour quelques travaux intérieurs de menuiserie demandant peu de résistance. L'écorce de la tige est légèrement tonique et fébrifuge ; on la trouve dans le commerce, mélée à celle des M. acuminata, auriculata et glauca, sous le nom d'Écorce de Magnolia de la pharmacopée des États-Unis. Les graines sont, dit-on, employées au Mexique contre la paralysie. Cette espèce et ses variétés sont des plantes qui, au point de vue de la beauté de leur feuillage et de leurs grandes et nombreuses fleurs blanches odorantes, se recommandent à la culture et à l'ornementation, car elles réussissent à souhait sous. le climat de Paris. Nous devons dire, cependant, que certaines variétés sont plus rustiques que l'espèce et de- mandent moins de soins. MAGNOLIA HYPOLEUCA Sres. et ZUCC. Japon : M6. Hôncki. Hoonoki ou F6 noki. Arbre ornemental d’une hauteur moyenne de 15 mètres, sur un diamètre de 1 mètre environ à la base; le tronc, recouvert d’une écorce blaänchàätre, porte des branches fortes, étalées, mais peu ramifiées. Feuilles caduques, verticillées, LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 209 amples surtout sur les sujets jeunes et vigoureux, nom- breuses, d’un vert gai, au milieu desquelles se montrent, en juin, de jolies fleurs blanches à parfum d’Ananas. Originaire du Japon, cette espèce est répandue dans les forêts montagneuses des îles de Kiousiou, de Nippon, de Sikok et dans la partie méridionale de Yéso ; elle est surtout commune dans les provinces de Shinano, de Hitachi, de Rou- kousen, Iwashiro, etc. Le M. hypoleuca offre un très beau bois brun-verdâtre, parsemé de taches claires et souvent irrisé de tons d’une grande richesse. Tendre, léger, à grain fin et très homogène, il est formé de fibres droites et régulières qui en rendent le travail facile. Ce bois est très employé pour la menuiserie fine et l’ébénisterie. L'industrie japonaise en tire un bon parti pour la confection des tables et des planches de cuisine, des établis de tailleurs, des planches d’impressions, des four- reaux de sabres et de lances, etc. On le recherche encore au Japon, pour la fabrication des gueitas de luxe, sortes de chaussures en bois qui remplacent les sabots, élèvent le pied à une grande hauteur du sol et le préservent de la boue si fréquente dans ce pays argileux et humide. | Cette chaussure, dit M. E. Dupont, rend de grands ser- vices aux Japonais, mais elle est volumineuse et génerait beaucoup la marche, si l’on n’avait pas la précaution de la faire avec des bois très légers. Un des types de guettas se compose d’une planchette horizontale légère, portée sur deux _ planchettes verticales. Ces dernières sont exposées à des chocs et supportent une pression considérable, parce que leur surface d'appui sur le sol est faible, et il est nécessaire de les faire en bois dur ; on choisit ordinairement l’'Arakachi (Quer- Cu$ acuta). On ne saurait se figurer, ajoute le même auteur, combien ces planchettes détériorent les chemins, car elles font l'effet de lames tranchantes qu’on enfoncerait d’une ma- nière continue dans le sol. Le charbon de bois obtenu avec cette espèce est très estimé pour le polissage des objets laqués et surtout pour celui des émaux cloisonnés. L’écorce est réputée au Japon contre les rhumatismes, les fièvres intermittentes et les maladies de l'estomac. Au point de vue de la culture, le M. hypoleuca recherche l'exposition au midi, les altitudes moyennes et les sols frais 5 Février 1891. 14 210 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. et légers ; les sables un peu argileux lui conviennent très bien. Nous citerons encore dans ce genre, les espèces suivantes : Le M. acuminata L. (M. Decandollei SAvr.), arbre de 25-30 mètres, originaire des États-Unis, dont le bois, cepen- dant d’un beau grain, n’a guère plus de force que celui du M. grandiflora, mais qui prend facilement un beau poli qui fait ressortir avantageusement sa couleur jaune brunâtre, et que l’on emploie plus généralement pour boiseries inté- rieures des appartements. Ses fruits allongés en forme de concombres lui font donner, aux États-Unis, le nom de Cucumber tree (Arbre à concombres). Le M. auriculata LAMKk. (M. auricularis SALISB.), éga- lement des États-Unis, employé aux mêmes usages que le M. grandifiora sous le rapport de son bois. Ses fleurs ser- vent à la préparation de quelques parfums peu stables. La teinture alcoolique de l'écorce des M. acuminata et auriculala est prescrite, aux États-Unis, contre les fièvres, les douleurs et autres affections rhumatismales. Les feuilles paraissent renfermer le même principe actif, mais elles sont d’un usage plus restreint. On rencontre encore à la Guadeloupe un Magnolia indé- terminé, de grande taille dont le bois peut être employé dans les constructions et pour faire des planches. Enfin le M. Campbellii Hoox. f. et Tx., est une belle espèce asiatique, originaire du Boutan et du Sikkim, à tronc droit, mais dont le bois mou est presque sans usage. MANGLIETIA GLAUCA Br. Manglietia Candollei Wazr. Michelia Dolisopa Bucx. Indes Néerlandaises : Manglict, Tjxumpaha boeloe. Arbre de moyenne grandeur que son beau feuillage et ses larges fleurs jaunâtres font rechercher comme plante orne- HONTE | Indigène d’'Amboine, de Sumatra et de Java, on le ren- contre plus particulièrement dans la partie occidentale de cette dernière île; il est également signalé au Népaul par De Candolle. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 241 Son bois, de couleur blanchätre ou quelquefois d'un brun pâle, est odorant, assez dur, compact et résistant. Il fournit un bon bois de charpente employé à Sumatra et au Népaul pour la construction des habitations, il est recherché prin- cipalement à Java pour la fabrication des cercueils de luxe, parce qu'on lui attribue la propriété d'empêcher, ou tout au moins de retarder considérablement la décomposition des cadavres. Le Michelia Tsjainpaca L. (M. sericea PERS., M. velutina BL.) doit sans doute être réuni à cette espèce ; c’est le « Garo Tsjampaca » de Rumphius qui, suivant ce botaniste, fournit un faux Bois d’Aloës. MICHELIA CHAMPACA :. Champac. Magnolia Champaca I. BN. Michelia Rheedii WiGuxrT. — suaveolens PERS. Annamite: Aoa su-nam. Su ném. Bengali: Champa. Hindoustani: Zchampa. Indes néerlandaises : Tjampaca ou Tjampakha. Kembang-Kantjil. Tamoul : Champacam. Shimbou. Télenga : Champacamu. Arbre d’une hauteur de 15-20 mètres, quelquefois moins, selon les conditions dans lesquelles il croît. Feuilles alternes, persistantes, longuement pétiolées, ovales-oblongues, lan- céolées, aigués aux deux extrémités, luisantes et coriaces. Originaire des montagnes de l'Inde, le M. Champaca est cultivé à Travancore, au Bengale, en Basse-Cochinchine, ainsi que dans tout l'Archipel malais et autres pays chauds. L'aubier est joli, de couleur blanc-grisätre, fibreux et de faible épaisseur ; il est employé à la fabrication de divers ustensiles de ménage et pour jougs de bœufs. Le bois, de cou- leur grisatre plus foncé et brunissant beaucoup avec l’âge, est fibréux, strié et d’une texture assez fine pour recevoir un beau poli, n’est guère utilisé dans les constructions, mais il est très recherché pour les ouvrages de tour, ainsi que pour planches, voliges, tables, coffres, quand on trouve des pièces de dimensions suffisantes, petits meubles et autres objets domestiques. Il fournit de belles montures pour les armes. L’écorce de la tige possède des propriétés aromatiques et 212 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. amères qui la font employer dans la médecine annamite et hindoue comme tonique, stimulante et fébrifuge. | Les bourgeons sont chargés d'une résine odorante, em- ployée comme antiblennorrhagique. Les feuilles pulvérisées et mélangées avec du Gingembre, de la Zédoaire et autres plantes analogues, sont usitées comme antiarthritiques ; on en prépare aussi des décoctions astringentes pour garga- rismes. Les fleurs répandent une odeur très agréable ; on en retire une huile essentielle d'une grande valeur, connue à Madras sous le nom de Sampaughi et aussi estimée, comme parfum, que l'essence de rose. On en prépare des pommades très suaves. Les Annamites recherchent ses fleurs dans toutes les cérémonies religieuses ou domestiques. Les Hindous vénèrent l'arbre lui-même et l'ont consacré au dieu Vischnou. Les fruits sont comestibles et servent à combattre les ma- ladies intestinales. | Les graines, àâcres et amères, sont prescrites comme fébri- fuges. Les racines sont recouvertes d'une écorce rouge, amère et acide, qui passe pour posséder des propriétés stimulantes, emménagogues et même abortives. M. Pierre pense, avec raison, que le M. Champaca méri- terait d’être plus répandu dans les pays chauds : c’est, en effet, un arbre utile et très ornemental qui croit bien dans tous les terrains, quoiqu'il préfère cependant un sol humide et profond; sa croissance est alors très rapide, car il peut être exploité pour son bois à partir de l’âge de quinze ou vingt ans. Les graines, perdant assez promptement leur faculté germinative, doivent être semées presque immédia- tement. Le Michelia excelsa BL. (Magnolia excelsa Waxr.), arbre à tronc droit et filé lorsque sa croissance a eu lieu en mas- sifs, ayant souvent 3-4 mètres de circonférence à la base, originaire des Indes orientales, donne un bois de char- pente estimé le meilleur des localités qu'il habite, suivant M. Naudin. Diverses autres espèces de Michelia fournissent de bons bois de charpente, notamment le M. montana BL. | LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 243 TALAUMA PLUMIERI SWwARTZ. Anona dodecapetala LAMx. Magnolia fatiscens RICH. — Plumieri SWARTZ. Talaume cærulea JAUM. Créoles des Antilles : Bois pin. Bois cachiment. Cächiman de montagne. Arbre d’une hauteur de 20-25 mètres, à feuilles alternes, ovales arrondies, réticulées, glabres et coriaces, qui croît spontanément aux Antilles surtout, à la Guadeloupe, Sainte- Lucie, Saint- Dominique et à la Martinique où il y est commun. D'une nuance très foncée naturellement, son bois devient noir comme l’ébène en vieillissant. Dur sans être lourd, on l’emploie dans la construction et pour la confection de divers ustensiles d'économie domestique en usage chez les créoles de la Martinique ; il est assez recherché pour les ouvrages de tour et de marqueterie, surtout lorsqu'il est vieux et bien sec. Sa densité est de 0,556, son élasticité de 0,871 et sa résistance à la rupture de 0,970. Les feuilles et les racines sont stomachiques et astrin- centes, les bourgeons sont considérés comme antiscorbu- tiques et la résine extraite du bois passe DR anticatarrhale et antileucorrhéique. Aux Antilles, les fleurs, extrêmement suaves, sont utili- sées pour aromatiser les liqueurs indigènes, auxquelles elles communiquent une finesse toute PÉDIURNE qui les fait fort apprécier. Le T7. Plumieri est chez nous de serre chaude, il réclame la terre de bruyère pure et une humidité constante. Ce genre renferme encore aux Indes néerlandaises, une autre espèce connue sous le nom de T'jampaka-oetan, Pana- naëäm et Tahas: c'est le Talauma villosa Mr, arbre de 20 mètres de hauteur environ, qui croît à Gorontalo. Son bois, de couleur jaune, à tissu peu serré, est employé dans quelques constructions, mais le plus souvent sous forme de planches. 214 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. La famille des Magnoliacées offre encore quelques espèces ligneuses utiles, savoir : L'Euptelea polyandra S. et Z. (Fasazacuru des Japo- nais). Petit arbre d’une hauteur moyenne de 10 mètres, sur une circonférence de 60 centimètres, dont le bois est em- ployé au Japon pour le chauffage et surtout pour la fabri- cation du charbon. Le Trochodendron aralioïdes S. et Z. Arbre d’une hau- teur moyenne de 10 mètres sur un diamètre de 30 centi- mètres environ, que l’on rencontre au Japon dans la partie septentrionale de l'ile de Nippon et jusque dans l'ile de Yéso, où il est désigné sous les noms de Yamagourouma et de Matsi noki. Son bois est employé dans le pays pour faire des ouvrages de tour et quelques autres objets de fantaisie ; on tire aussi de la glu de son écorce. Le Zygogynium Vieillardii H. BN. Petit arbre à feuilles alternes et persistantes, croissant à la Nouvelle-Calédonie. Le bois de cette espèce est excellent pour l’ébénisterie, mal- heureusement, ses faibles dimensions en limitent beaucoup l'emploi. [A suivre.) Il, CHRONIQUE DES EXPOSITIONS ET CONCOURS. VUE D’ENSEMBLE SUR LE CONCOURS GÉNÉRAL AGRICOLE PAR M. E. PION, Véiérinaire inspecteur à Paris. L'ordonnance du concours paraît plus heureuse que l'an dernier, en ce sens que l’on a mis au milieu un taureau de bronze entouré d’un parterre, et qu’on a évité, sur un même point, l'encombrement des prix d'honneur et la fatigue des yeux que ne distrayait aucun autre objet. D’une façon géné- rale, constatons un fait qui pourrait être à l'avantage de beaucoup de Porcs, et de beaucoup de Béliers, presque invi- sibles sous les galeries latérales : c’est le moins grand nombre des animaux exposés. Il serait bon que toutes les bêtes fussent en pleine lumière, comme dans un vaste atelier de peintre. Il n’en est pas encore ainsi, -- malheureusement. Les Porcs seuls n’ont baissé ni en quantité ni en poids. C’est que les charcutiers, après tout, savent toujours trouver l'emploi de ces masses adipeuses. Quant aux Moutons et aux Bœufs, ils ont diminué, parce que, l’an dernier, ils ont été fort mal vendus, par rapport au prix qu'ils avaient coûté. Aussi les producteurs ont-ils été prudents. Et cet argument s’ajoute à beaucoup d’autres pour nous prouver qu'il y a un excès, somme toute, dans cette trop graisseuse exhibition, et que ce concours ne donne, à tout considérer, que des viandes de luxe. — Espérons pourtant que la rivalité du Bœuf gras, rétablie cette année, avec toutes ses pompes et toutes ses œuvres, va favoriser les hauts prix et récompenser les éle- veurs de leurs efforts et de leurs sacrifices. Les mêmes précautions prises, l'an dernier, par le service sanitaire, ont été exigées pour l'admission de bêtes saines, exemptes de tout mal contagieux, accompagnées de certificats très valables et très probants. Même, par surcroît de précau- 216 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. tion, le ministère n’a pas permis la présentation de certains Porcs suspects, de la région du nord et de la banlieue de Paris. L'on voit que, peu à peu, la loi sanitaire du 21 juillet s'applique par approche et tend à entrer dans nos mœurs. Les Bœufs, au nombre de 196, sont divisés, comme d’habi- tude, en deux catégories : Ceux âgés de moins de 3 ans, ceux d'un âge supérieur à 36 mois. Toutes les races françaises sont là représentées, soit par bandes, soit par des sujets isolés. Il y a 9 bandes de 4 animaux chaque où le Nivernais domine, avec son habituelle supériorité; des Salers s’y remarquent, et des Normands y tiennent, comme toujours, une place très enviée. À citer, avec éloge les 5 Bazadais de M. Delplanche dont la robe enfumée est si étrange, et les 5 Garonnaïs, cou- leur d’épi mür, de M. Bernède. Les 5 Marchoiïis de M. Nadaud nous montrent quel parti l’on peut tirer de l'amélioration des races par elles-mêmes. Nous arrivons aux 13 Durham-Niver- nais de MM. Bellard et Chaumereuil (sans compter les autres qui ont des traces de Durham) et nous nous demandons quelle est l'utilité sensible de ce croisement. Je pense, et chaque année j'écrirai ici et ailleurs, sans me lasser, que la race Charollaise-Nivernaise peut se passer du sang anglais, qu'elle perd à ce mélange des qualités bien françaises, et que cette perte ne compense pas la précocité acquise. Aussi bien le nombre des Durhams figurant au catalogue des reproduc- teurs me fait-il peur, à juste titre, et semble-t-il me donner grand tort. Il est sans doute ridicule de vouloir endiguer ce torrent. Songez donc! 63 Taureaux Durhams avec leur gé- néalogie, avec des robes variées, avec des triomphes de pré- cocité, puisque certains, parmi eux, n'ont pas un an et ont à peine plus de six mois. Et de quels noms ne les a-t-on pas baptisés ! Il y a Kossuth, il y a Lord Singulier, il y a le Taureau Paulus. Comme il doit bien beugler, ce dernier! MM. Massé, Signoret et Souchard en sent les principaux et les plus heureux propriétaires. Je gémis de compter seule- ment 45 Taureaux Normands, moins de Charollais encore, quelques Limousins parmi lesquels je note les n° 604 et 605, bien gras pour être féconds, et une rangée de Salers, parmi lesquels le n° 615 accuse beaucoup de finesse pour sa race. Ne quittons pas les mâles, sans parler des Verrats. À re- marquer le très long Craonnaiïis du n° 366 ; et le n° 869 d'ori- gine anglaise, assez relevé et court, aux yeux très mobiles ; CONCOURS GÉNÉRAL AGRICOLE. 217 à signaler un verrat de 9 mois, n° 863, à M. Guillaumin (Alexis) et au même un autre mâle fils et petit-fils de Verrats primés, animal en tous points digne de ses ancêtres, et ca- pable de continuer leur géniture. Dans les Porcs, les plus riches en lard, côté des émasculés, admirons une Truie âgée de 10 mois et 20 jours et pesant 259 kilogrammes ; déjà pri- mée, cette année même, à Nevers et à Bourges, obtiendra-t- elle la même faveur du jury de Paris ? Il y a 35 bandes de Porcs, ni plus ni moins! C’est excessif assurément. Pourrai-je passer sans m’arrêter devant les Vaches nor- mandes, devant les hollandaiïses et les bretonnes ? L’éloge a été fait tant de fois de ces jolies fabricantes de lait et de beurré, à la robe si fine, aux regards si doux, que je n'ose le recommencer encore. Les 38 bêtes qui posent là, placides dans leurs stalles, constitueraient pour un nourrisseur la plus merveilleuse des étables qu'on puisse rêver. Les bêtes ovines, toujours si agréables à regarder, et dont les côtelettes sont actuellement si chères, sont un des plus indiscutables succès du concours. Honneur donc à nos races nationales dont la production devrait être actuellement en- couragée par tous les moyens possibles. Enrayons, s’il se peut, l'invasion du Mouton étranger, vivant ou mort! Favo- risons les Algériens qui, mieux chätrés, mieux nourris — voir les lots signalés au catalogue — rendront certainement d'énormes services à la Métropole. Je ne médirai pas des Dislheys-Mérinos de M. Triboulet (Somme), ni des South- downs de M. Mallet à Biévres ; mais j'exalterai avant tout, les Berrichons purs de M. Raoul Duval, les Charmois de M. Villeneuve et de M. Hincelin, les Solognots de M. Coret. Un peu de sang anglais ne peut nuire à ces races là : mais, par la suite, ne pourra-t-on s’en passer ? Je le souhaite ! Je ne cite pas les récompenses non encore distribuées au moment où j'écris ces lignes. L'on sait que les jurés, triés sur le volet, ont souvent des motifs sérieux de ne pas être de l'avis du public. Leur rôle, pour être impartial, n’a rien de commode, croyez-le bien. Maïs, en jugement d'animaux comme en jugement d'art, il y a plus d'amateurs que de con- naisseurs vrais. III. EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. SÉANCE GÉNÉRALE DU 9 JANVIER 1891. PRÉSIDENCE DE M. A. GEOFFROY SAINT-HILAIRE, PRÉSIDENT. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. M. le Président proclame les noms des nouveaux membres admis par le Conseil. MM. PRÉSENTATEURS. Ouen (Ehae-). A MillenetieeScnte NÉ PAUSE i E. Leroy. (Oise). Léon Vaillant. GEOFFROY (Jules-Louis-Sévère), rentier, Berthoule 8, avenue Tourville, à Paris. w mots or . Geoffroy Saint-Hilaire. His (Gaston), négociant, 22, Grande-Rue, : noue int-Hilai à Chantilly (Oise). | a cs M . Leroy. LE FÉBURE DU Bus (Eugène), propriétaire, Fe es See. 8, rue Las Cases, à Paris. | NA AE ni a à rquis de Sinéty. . Berthoule. LEMOINE (Paul), à Crosne (Seine-et-Oisé). . Geoffroy Saint-Hilaire. Souris (David), 43, faubourg Saint-Ho- . Berthoule. noré, à Paris, et au château de Mon- . Geoffroy Saint-Hilaire. ceau, par Tournan (Seine-et-Marne). C. Raveret-Wattel. A A E. Lemoine. A A — M. le Président annonce que la série des conférences de la session 1890-91 sera ouverte le 16 janvier : M. Jean Dybowski racontera son voyage au Sahara algérien en insis- tant sur la flore et la faune de cette région. Puis M. Germain Bapst, archéologue des plus érudits, traitera de la plante et de ses applications à l’orfévrerie française. Viendront ensuite les conférences de MM. Ménard, Pichot, Edouard André, Raveret- Wattel et Léon Vaillant. Des cartes d'entrée seront délivrées au secrétariat aux membres qui en feront la demande. — M. le Secrétaire des séances s'excuse d’avoir manqué à la dernière réunion sans avoir pu prévenir M. le Président. PROCÈS - VERBAUX. à 219 Avec lui était attendu le dossier de la correspondance de juin à décembre qui lui avait été envoyé, mais qui ne lui était pas parvenu. Ce dossier est définitivement égaré. Les membres dont les communications seraient restées sans réponse sont invités à les renouveler. M. le Secrétaire dépouille la correspondance du 26 dé- cembre 1890 au 8 janvier 1891. — MM. À. Quantin, de Paris; Ed. Vidal, de Montauban ; Bizeray, de Jagueneau remercient de leur récente admission. — M. W. Portmans, de Saint-Trond (Belgique), rend compte de son cheptel de Cygnes noirs. Les oiseaux ont dü étre transportés d’une propriété dans une autre ; ce déplacement n’a pas été favorable à leur reproduction. — M. Sénéquier, de Rascas-de-Grimaud (Var), a en cheptel des Tourterelles qui sont en bon état, mais qui n’ont encore donné aucun produit. — M. le baron Reynaud, du Puy, a recu un couple de Fai- sans vénérés ; le mâle a tué sa femelle. Il est plus heureux avec un couple de Colombes lophotes qui lui a donné deux jeunes en 1889 et un jeune en 1890. — M. Batardy, de Paris, a perdu son cheptel de Canards mandarins par suite du froid excessif. — M. Jalouzet, de Pithiviers (Loiret), adresse une demande de cheptel. — M. Alban de Verneuil, de Ribérac {Dordogne), n’a ob- tenu que des résultats médiocres de son couple de Pigeons romains. — M. le comte de La Bédoyère, de Roray (Oise), n’est pas satisfait non plus de son élevage de volailles de Houdan ; sur 14 jeunes éclos, 8 ont succombé à une épidémie régnante et 2 sont actuellement en mauvais état. — M. Gabriel Rogeron raconte d’une facon humoristique un trait de mœurs des oiseaux qu'il entretient dans son jardin. « La congélation de ma pièce d’eau l'hiver, ayant été la cause à plusieurs reprises d'accidents tragiques de plus d’une sorte parmi mes palmipèdes, depuis longtemps déjà, j'ai pris par prudence l’habi- tude d’obvier à ces risques, en rentrant mon personnel aquatique dans des endroits clos et abrités, tant que sévissent les grands froids. 220 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Ainsi cette année qui se présente comme particulièrement froide, Oies barrées, Bernaches des îles Sandwich et Jubata, Canards carolins, mandarins, etc., ont été renfermés dans une vaste chambre, d'où pendant le jour, par une porte pratiquée à cet effet, ils peuvent aller, venir, prendre l'air, paîlre même un peu d'herbe dans un petit parc attenant, lequel est muni d’un bassin dont la faible dimension per- met de briser facilement la glace. Mais, de peur de gêne réciproque dans un espace relativement restreint, quelques palmipèdes plus en- combrants, parmi lesquels mes Bernaches du Magellan et mon Cygne de Bewick avaient été enfermés ailleurs, dans d’autres locaux, malheu- reusement moins bien aménagés et surtout ne jouissant pas comme le précédent de parquets extérieurs. Je m'empresse aussi d'ajouter pour l'intelligence de ja suite de l’histoire que les Casarkas noirs et roux doués d’un exécrable caractère avaient été également exclus de cette réunion, bien moins pour la grosseur de leur taille que pour leur défaut complet de sociabilité. » Or, comme le froid semblait se prolonger outre mesure, mon pauvre Cygne paraissait s'ennuyer cruellement dans son étroite prison. Ces jours derniers voyant donc le ciel un peu éclairci et devenu plus clément, pris de commisération pour lui et afin de lui procurer un peu d'air et de distraction, je me décidai à le conduire passer la journée dans le parquet ensolcillé où se trouvait la plupart de mes palmipèdes. » Mais là, j'étais loin de m'attendre à pareil spectacle. À peine mon Cygne venait-il de franchir la porte, de faire son entrée royale et majestueuse dans le parquet, que tout à coup ce fut une indicible explosion de joie de toutes parts, et chacun d'’accourir aussitôt à sa rencontre, de saluer de cris assourdissants, de joyeux battements d'ailes le noble compagnon dont la rigueur des temps les avait sépa- rés depuis plus de trois semaines. De son côté le Cygne, non moins ému et heureux, poussait les mêmes cris de joie de sa voix forte ct harmonieuse (car cette espèce jouit d’une très jolie voix), s'avançait également vers eux, les saluant de son cou, de sa tête et leur tendant les ailes comme si, dans son effusion, il eût voulu enserrer tout son peuple dans ses vasies bras. Les Oies barrées, les plus taciturnes et les moins expansives d'ordinaire, étaient alors celles qui faisaient les plus de démonstrations, criant, agitant leurs ailes avec allégresse. Cette scène singulière dura ainsi plusieurs minutes, au point que les domestiques à ce tapage insolite arrivèrent en hâte, croyant à un égorgement général de mes oiseaux. Puis ce premier mouvement de reconnaissance réciproque et d’exaltation passé, tous reprirent leur calme habituel accentué encore par la rigueur de ces mauvais jours. | | » Ce fait, que j'ai cru devoir rapporter ici à cause de son origina- lité, prouve en même temps quel degré de sympathie tacite (jamais PROCÈS-VERBAUX. 221 jusque-là je n’avais remarqué grandes marques d'amitié entre mon Cygne et mes autres palmipèdes) peut s'établir entre compagnons de captivite d'espèces les plus diverses, et par là même combien il est préférable, tant pour l’agrément des oiseaux eux-mêmes qu’au point de vue du pittoresque et aussi du profit, de les laisser vagabonder ainsi pêle-mêle dans nos parcs ou nos jardins. C’est d’ailleurs ce que je fais pour mon compte et je ne crois pas m'en trouver plus mal ; ear mes oiseaux se portent à merveille dans cette demi-liberté et repro- duisent de même. Ceriaines espèces comme les Bernaches Jubata en sont d’ailleurs la preuve, puisque je suis à peu près le seul à obtenir une reproduction régulière de ces charmants oiseaux depuis plusieurs années. » — M. Ernest Varennes, de Ids-Saint-Roch (Cher), écrit : « Permettez-moi de vous signaler un fait qui m'a paru bien bizarre. Hier, mardi 16 décembre, à deux heures de l'après-midi, en présence de trois témoins, j'ai vu passer, à peu de hauteur, 27 Grues qui venaient du midi et qui se dirigeaient en droite ligne vers le nord. Ce fait a étonné les personnes présentes, moi-même qui m'occupe beau- coup d’ornithologie, je n'ai jamais vu semblable chose au mois de décembre. » Le vent était faible et venait du nord-est, le thermomètre mar- quait 5° au-dessous de 0, le baromètre 2 au-dessous de variable. » — M. Héron-Royer, d'Amboise (Indre), annonce que M. Mailles voudra bien faire à sa place une communication sur l’acclimatation du Discoglossus aurilus. — M. Vigour, de Saint-Servan (Ille-et-Vilaine), signale l'existence d’un réservoir d’eau de 7 hectares de superficie, sur les bords de la Rance, qui lui paraît favorable à des expé- riences de pisciculture. — M. le comte de Mondion, d’Artigny (Vienne), commu- nique les observations qu'il a faites sur la culture de plantes reçues de la Société : Ignames plates du Japon, Elæagnus longipes, Pitch-pin, pommes de terre Richter’s imperator. — M. Fabre-Firmin, de Narbonne, adresse une demande de cheptels. — M. Roussin, de Paris, a cultivé avec succès des pommes e terre Richter’s imperator et en a distribué à quelques amateurs. — M. le comte de Chavagnac fait part de ses observations sur la culture du Blé d'Australie, des Ignames rondes, du Pyrèthre, des Haricots cerise. ; 222 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. — M. le docteur Dareste, à propos d’un Cheval polydac- tyle dont le dessin et la description ont été envoyés à la Société par M. Géronimo, vétérinaire de l’armée italienne, donne des explications très détaillées sur cette conformation anormale de pied du Cheval. — M. le Président lit une lettre de M. Guery, de Dons point (Oise), sur un oiseau rare qui à été tué dans sa com- mune le 1er janvier et qui passait en compagnie de 70 à 80 sujets semblables. Des plumes qui accompagnent la lettre font reconnaître la grande Outarde (Ofis tarda). — M. le marquis de Sinéty a vu l’année dernière, en Seine- et-Marne, une bande de 15 à 20 Outardes, qui a séjourné pendant trois semaines et qui a été chassée sans succès. — M. Lafourcade rappelle un certain nombre de captures d'Outardes qui ont été signalées déjà ou dont il a eu person- nellement connaissance. . — M. le Trésorier présente le rapport de la commission de finance sur la situation de la Société au 31 décembre 1889. — M. Pélisse fait une communication sur les œufs arti- ficiets de Fourmis, aliment qu'il prépare pour l'élevage des faisandeaux et perdreaux. — M. le docteur Saint-Yves Ménard apprécie la composi- tion des œufs de Fourmis artificiels de M. Pélisse, qui en fait un aliment concentré très nourrissant, mais il attache aussi une grande importance à la forme même qui convient essen- tiellement aux oiseaux et qui lui donne une supériorité réelle sur les produits similaires qui sont offerts en poudre ou en patée. À ce propos, M. le Président présente un échantillon d’in- sectes séchés, recus du Mexique. Cela doit étre aussi un excellent aliment pour les jeunes oiseaux. — M. Méonin veut bien se charger de déterminer l’espèce de ces insectes. | M. Mailles, au nom de M. Héron-Royer, fait une commu- nication sur le Discoglossus aurilus. Le secrélaire des séances, D' SAINT-YVES MÉNARD. IV. EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DES SECTIONS. SECTION SPÉCIALE D'AVICULTURE PRATIQUE. Procès-verbal de la séance du 21 janvier 1891. Les membres de la Société nationale d’Acclimatation, convoqués à la suite de réunions préparatoires ayant pour objet la création d’une section speciale d’aviculture pratique, se sont réunis le 21 janvier 1891 pour organiser cette nouvelle section. L'assemblée constitue son bureau ; sont nommés : Président : M. E. LEMOINE (de Crosne). Vice-Président : M. H. VoiTELLIER (de Mantes). Secrétaire : M. RÉMY SAINT-Lour. Secrétaire-adjoint : M. DAUTREVILLE. M. Geoffroy Saint-Hilaire, président de la Société nationale d’Ac- climatation, expose le but que devra poursuivre la nouvelle section : « Elle aura à s'occuper de toutes les questions ayant irait à l'éfude et à l'élevage des oiseaux de basse-cour et immédiatement de l’orga- nisation d'expositions d'amateurs. (Par extension, les Lapins seront com- pris parmi les animaux de basse-cour.) » M. Geoffroy Saint-Hilaire expose que l’admission des animaux de basse-cour au concours général de Paris et aux concours régionaux a été un progrès très important, en Ce sens qu'il a permis de faire connaître les différentes races, mais on peut se demander si les ama- teurs d'oiseaux de choix, ceux qui se préoccupent de l'amélioration des races pures, de la création de variétés nouvelles, ont trouvé dans les concours organisés parle département de l’Agriculture les condi- tions les plus favorables à la mise en valeur de leurs efforts. » Dans l’organisation actuelle de laviculture française, il n’y a qu'un seul lieu où l'amateur puisse présenter ses produits au public, c’est l'Exposition annuelle du Palais de l'Industrie. Mais le concours général est, par la force des choses, devenu un grand marché sur lequel se présentent peu les amateurs. Seuls, les marchands y viennent d'ordinaire. » Sion considère ce qui se passe depuis longtemps déjà en Angle- terre et en Amérique, le mouvement qui s'est produit en Allemagne depuis quelques années, et plus récemment en Belgique, on est très frappé de l'importance prise dans ces divers pays par l'élevage des oiseaux de basse-cour de races pures perfectionnées. Les expositions organisées plusieurs fois par an par les Sociétés compétentes donnent 224 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. d'excellents résultats et les prix qu’on y décerne sont assez considé- rables pour constituer des encouragements effectifs. » Chez nos voisins il existe un grand nombre d’amateurs spécia- listes qui se consacrent à l'élevage de certaines races seulement, et qui obtiennent des produits absolument intéressants. Les amateurs manquent-ils en France? Nous ne le croyons pas, mais ils ont besoin d’être guidés et slimulés; c’est dans ce but que la Société nationale d'Acclimatation a décidé de dédoubler la seconde section (section des oiseaux) et d'organiser des expositions. » Pour intéresser le plus grand nombre possible d’éleveurs aux tra- vaux de la section d’aviculiure, on pourrait créer des associés qui pren- draient part aux réunions de la Section pendant les expositions. Ils recevraient tous les mois le Bulletin de la Section d’Aviculture pra!ique que la Société nationale d’Acclimatation se propose de créer pour pu- blier des travaux, des notes et des renseignements concernant les animaux de basse-cour, le matériel d’élevage, le commerce d’impor- tation et d'exportation des volailles et d’une facon générale tout ce qui se rapporte aux questions touchant à l’aviculture. » LES ASSOCIÉS PAIERAIENT UNE COTISATION ANNUELLE DE DOUZE FRANCS et seraient bonifiés, comme les membres de la Société d’Ac- climatation eux-mêmes, d’une remise de 40 °/, sur les prix que les exposants auraient à acquitier par têle de volaille présentée aux concours organisés par la Société. » Le droit d'entrée à payer étant fixé à 8 francs par tête de volaille ou par couple de pigeons, les membres et les associés auraient donc à verser seulement 1 fr. 80 par tête de volaille ou par couple de Pigeons. Les soins et les frais de nourriture des animaux pendant l'exposition seraient compris dans le prix du droit d’entrée. » Grâce à une entente avec l'Administration du Jardin zoologique d’Acclimataiion, les expositions pourront être faites sans frais, car l'établissement du bois de Boulogne propose de mettre à la disposi- tion de la Société des locaux dans lesquels seraient aménagées les cages contenant les animaux présentés. » Ceci exposé, M. Geoffroy Saint-Hilaire invite les membres de la section à discuter ce programme. La section d’aviculture pratique, après discussion, approuve l’en- semble du programme qui lui a été exposé et reconnaît l'opportunité des exposilions d'animaux de basse-cour et de matériel d'élevage. L'organisation de ces expositions sera faite par les soins du Bureau de la section el, si le Conseil de la Société nationale d’Acclima- tation l’approuve, la première exposition sera faite dans les locaux du Jardin zoologique d’Acclimatation du 44 au 20 avril pro- chain. PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DES SECTIONS. 220 ‘ Les droits d'entrée pour les animaux sont fixés à : 3 francs par Coq, Poule, Canard, Pintade, Lapin. 4 francs par Dindon, Oie. 3 francs par paire de pigeons. Pour l'installation des objets et appareils servant à l’aviculture, les emplacements seront payés à raison de 5 francs par mètre carré de surface occupée. Une réduction de 40 0/0 sur ces divers tarifs sera accordée aux membres de la Société nationale d’'Acclimatation et aussi aux membres associés dont la cotisation est fixée à 12 francs par an. Les animaux à exposer devront être remis au Jardin d’Acclimatation le mardi 14 avril et repris par leurs propriétaires dans la journée du lundi 20 avril. La journée du mercredi 15 avril est réservée pour les opérations du jury ‘et pour la visite des Sociétaires, des Associés, des action- naires du Jardin zoologique d Acclimatation et des membres de la Presse. Des prix sont conslitués et seront accordés sur la proposition du jury des récompenses qui sera nommé par le Conseil d'administration de la Société nationale d’Acclimatation sur la proposition de la Sec- tion d’Aviculture pratique. Il est entendu que cette première exposition sera exclusivement réservée aux aviculteurs français ; la Section se réservant de prendre dans la suite l'initiative de concours internationaux. Ce programme tracé, la Section d’aviculture pralique décide que ses séances auront lieu le premier et le troisième samedi de chaque mois, à trois heures de l’après-midi. Le Secrétaire de la Section d'avicullure pratique, Réuv SarntT-Lour. SECTION D’AVICULTURE PRATIQUE. PRÉSIDENCE DE M. H. VOITELLIER {DE MANTES). Procès-verbal de la séance du 24 janvier 1891. M. le Président donne lecture d'une lettre de M. Lemoine (de Crosne), qui donne sa démission de président de la Section d’Avicul- ture ; cette démission est acceptée. | L'élection du président à nommer en remplacement de M. Le- moine (de Crosne) est ajournée à la prochaine réunion. Les membres de la Section discutent dans quelles conditions devra 5 Février 1891. 45 226 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. être établi le programme des prix de la prochaine exposition et charge son vice-président, M. H. Voitellier (de Mantes) de lui sou- mettre, dans la plus prochaine séance, la liste des prix qui pourront être proposes. Le Secrétaire de la Section d’Aviculture pratique, RÉMY SAINT-LOUP. SECTION D’AVICULTURE PRATIQUE. PRÉSIDENCE DE MM. H. VOITELLIER ET E. OUSTALET. Procès-verbal de la séance du 27 janvier 1891. La Section procède à l'élection d’un président en remplacement de M. Lemoine (de Crosne), dont la démission a été acceptée dans la séance du 24 janvier. M. E. Oustalet, docteur ès sciences, aide naturaliste au Muséum, est nommé président de la Section à l'unanimité. La Section est informée que le Conseil d'administration de la Société nationale d’'Acclimatation met à sa disposition les sommes nécessaires pour couvrir les frais de l'exposition d animaux de basse- cour, qui doit avoir lieu du 14 au 20 avril prochain au Jardin zoolo- gique d’Acclimatation et constituer les prix qui seront décernés. Revenant sur la décision qu'elle avait prise dans la séance du 21 janvier, la Section décide que l'exposition du mois d'avril sera internationale. M. H. Voitellier (de Mantes) donne lecture du programme des prix qu'il a préparé sur l'invitation de la Section. Après avoir discute ce travail, il est décidé que la liste des prix à décerner comprendra : Neuf grands prix formant un total de 1,200 francs : cent trente- deux primes en argent ; cent cinquante-deux médailles d’argent et soixante-dix-sept médailles de bronze. Le programme détaillé des récompenses qui pourront être décer- nées aux exposants sera envoyé gratuitement à toute personne qui en fera la demande par leitre affranchie. En outre des prix et médailles ci-dessus énumérés le jury pourra décerner des premières mentions honorables et des mentions honorables. Les prix et mentions seront indiqués sur les cages par des plaques qui seront après le concours la propriété des exposants. Les inscriptions pour la prochaine exposition seront recues jusqu’au 1er AyRIL 1891, dernier délai, au siège de la Société nationale d’Ac- PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DES SECTIONS. 227 climatation, 41, rue de Lille, et aux bureaux de la Société du Jardin zoologique d’Acclimatation, au Bois de Boulogne. La Section d’'Aviculture pratique donne son approbation aux dispo- silions générales et au programme des prix qui lui ont été soumis. Elle se réserve cependant de les modifier et de les compléter si cela est reconnu nécessaire. Le Secrétaire de la Section d’aviculture, RÉMY SaINT-Loup. AVIS Les personnes qui désirent devenir ASSOCIÉS DE LA SECTION D’AVI- CULTURE PRATIQUE devront en donner avis par écrit au secrétaire général de la Société nationale d’Acclimatation (41, rue de Lille) et lui adresser leur cotisation (douze francs) pour l’année 1891. Ils recevront à la fin de chaque mois le Bulletin de la section d’Avi- culture pratique et seront bonifiés, comme les membres de la Société nationale d’Acclimatation, d'une remise de 40 °/, sur le montant des droits d'entrée qu'on devra acquitter pour prendre part aux exposi- tions organisées par la Société. Ÿ. JARDIN ZOOLOGIQUE D’ACCLIMATATION DU BOIS DE BOULOGNE. Chronique de quinzaine. Dans la précédente chronique, nous nous sommes occupés de la résistance au froid de divers Mammifères, nous continuerons aujour- d'hui cette revue. : Parmi les espèces qui ont souffert, il faut citer les Phoques et les Otaries; pendant ces longs jours d'hiver, ces animaux ont considéra- blement maigri, bien que leur ration de poisson ait été notablement augmentée. Deux des cinq Phoques que nous possédions ont même succombé. Quant aux Otaries elles s’abritaient dans la grotte et leur caractère pendant cette longue période à notablement changé. Elles sont au nombre de trois, une femelle et deux mâles, qui vivent en très mauvaise intelligence ; le plus faible doit constamment céder la place au plus fort; quand celui-ci monte sur le rocher, l’autre doit en des- cendre, et dans l'eau ce sont des poursuites incessanies, accompagnées d'aboiements sonores, des luttes sans fin, d'ailleurs sans peril. Ces jeux, qui sont pour nos visiteurs un intéressant spectacle, avaient cessé et bien souvent, contrairement à leurs habitudes, les deux mâles, vivant en paix, reposaient l’un près de l'autre. Ils élaient calmes et comme abattus. Le vent les fatiguait beaucoup. Le veni, c'est pen- dant le froid le plus grand ennemi! Paul Gaymard, le voyageur bien connu, qui plusieurs fois visita les mers polaires, nous a dit bien souvent qu'on supportait facilement une température de —40° lorsque l’air était calme, mais qu'on souffrait cruellement dès que le vent s’éle- vait. D'ailleurs, ne voyons-nous pas avec quel soin les animaux à l’état sauvage s'abritent du vent; ils le redoutent bien autrement que le froid. Parmi les Rongeurs qui viveut ici, nous avons perdu un Porc-épic sur six; un Hamster (Cricetus) sur quatre; un Chien de prairie sur six; un Castor du Rhône. Ces mortalités doivent-elles être toutes attribuées au froid ? La résistance des Rongeurs est en général assez grande ; il est vrai que la plupart des espèces trouvent des retraites en creusant le sol et que dans les abris que nous leur donnons, ils savent s’envelopper chaudement dans la litière. Ce n’est cependant pas le cas de nos Maras (Dolichotis Patagonica) qui, au nombre de sept, ont traversé sans accident la longue période du froid, réunis deux à deux, assis ou couchés, toujours tête-bêche, derrière un arbre qui les abritait un peu du vent. Parmi les Kangurous la mortalité a été assez sensible, car nous avons perdu un Kangurou rouge (acropus rufus) et un Kangurou bleu (M. erubescens) ; un autre animal de cette dernière espèce, pris de con- gestion, a pu se guérir. En fait, les vingt-cinq ou irente Kangurous qui vivent ici ont tres bien supporté le froid; les Bennett n’ont pas CHRONIQUE DU JARDIN ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. 229 paru s’apercevoir de l’abaissement de la température ; les Derby, d'or- dinaire délicats, n'ont pas eu un jour de tristesse. Dans leurs poils serrés et brillants, ils ont conservé toute leur activité. Il est vrai que nos observalions portaient cette année sur un lot de Kangurous de Derby nés ici et qui sont dans des condilions de vigueur très diffé- rentes de celles où se trouvent les sujets plus ou moins récemment importés. Les Kangurous à lèvres blanches (A7. melanops) et les Géants (M. giganteus) ont peu souffert. Un spécimen de cette dernière espèce est cependant actuellement malade et nous pouvons croire que c’est par suite du froid ; nous y reviendrons s’il y a lieu. Quant aux Kan- gurous rats (Æypsiprymnus murinus et Grayi), ils ont traversé ces longs jours enfouis suivant leur coutume dans leur litière sans donner lieu à aucune observation. Les Phascolomes australiens étaient au nombre de six, l’un d'eux a succombé, est-ce au froid ? La rusticité des Solipèdes est bien connue. Les Hémiones de l'Inde, le Kiang du Turkestan, le Zèbre vrai et les Zébres de Burchell que nous possédons sont tous bien portants, malgré leur séjour dans l'écurie très froide qu'ils habitent. L'endurance de ces animaux est établie depuis longtemps par les expériences faites ici même et dans la plupart des Jardins zoologiques. Nulle part d’une facon plus nette qu’au Muséum, car un Zèbre ayant, vers 1835, fait à son gardien, M. Martin, une morsure assez grave pour nécessiter l’amputation de la jambe gauche, fut relégué dans le parc de la ménagerie aujourd’hui occupé par les Gnous et y vécut pendant près de vingt ans s’abritant dans la loge encore existante dont il pouvait sortir librement. Après cette expérience prolongée dont nous avons été témoin, on peut af- firmer que l’espèce est vraiment rustique. Ces renseignements sur nos mammifères ne seraient pas complets si nous omeltions de parler des animaux contenus dans nos construc- tions chauffées. Éléphants, Girafes et Tapirs ne se sont pas apercus de la longueur de l'hiver, ils sont en parfait élat. Chez les Singes la mortalité n’a rien donné d’anormal. Notre Chimpanzé (Fatma), arrivé ici en janvier :890, a traversé l'épreuve et nous espérons le conserver longtemps eucore. Si nous jetons un coup d'œil sur l’ensemble des mortalités de WMam- mifères survenues entre le 26 novembre 1890, commencement des gelées, jusqu’au 22 janvier qui nous a donné le dégel définitif, nous voyons que si le froid a causé directement quelques morts, il a le plus souvent fait périr des animaux déjà plus ou moins affaiblis au mo- ment où la température est devenue rigoureuse. En somme, l'épreuve exceptionnelle que nous avons subie confirme pleinement ce que nous savions déjà, à savoir que des animaux bien nourris, soignés avec prudence et intelligence, peuvent supporter des hivers rigoureux. Bo VI. CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. Académie des Sciences. — Dans une de ses dernières séances, la savante compagnie a entendu une intéressante communication de M. le D' Ad. Chatin sur quatre espèces de Truffes qui accompagnent ordinairement la Truffe du Périgord (Tuber melanosporum T. cibarium). La première après celle-ci, par le chiffre de sa production et de son commerce, est le 7. wncinatum, de Bourgogne-Champagne. Il est regret- table que cette Truffe ne soit l’objet d'aucune culture, car elle possède des qualités très réelles et il y aurait intérêt à accroître sa production. Le T. montanum se distingue du 7. melanosporum var sa chair moins foncée et par ses veines vermiculées plus sombres et composées de cinq lignes au lieu de trois ; son arome est aussi moins développé. Eile vient en première ligne après la Truffe du Périgord. Le T. brumale ou Rougeotte, la meilleure espèce après les 7. mela- nosporum et montanum, accompagne partout la Truffe du Périgord qu'elle remplace parfois plus ou moins complètement. Son odeur agréable a quelque chose d'éthéré et de poivré. La Truffe blanche d'hiver (T. kiemalbum) est pourvue d'une écorce tout à fait caractéristique qui est d’une fragilité telle que le moindre choc la détache par plaques en mettant à nu sa chair blanche. Comme suite naturelle à cette communication, nous signalerons les recherches faites par le même auteur sur les Truffes d'Afrique ou Terfâs et soumises par lui à l'Académie, dans sa séance du 19 janvier dernier. L'Afrique compte plusieurs Terfâs, comme nous avons plusieurs Truffes en France. Ces tubéracées sont : Le Terfezia Leonis qui a déjà été décrit et figuré par Tulasne. Le T. Boudieri, nouvelle espèce dédiée par M. Chatin à son ancien élève et collaborateur, et sa variété Arabica. Enfin, un gros Terfäs blanc pour lequel M. Chatin propose le nom générique de Tirmania en reconnaissance de l’empressement mis par M. le gouverneur de l'Algérie à faire recueillir des matériaux pour les études de l’auteur. Les centres d’aire des Terfâs sont: l'Afrique septentrionale, de Biskra à Touggourt, dans le M’zab, au sud d'El Golea, le Hodna, etc., en Tunisie et au Maroc, dans le nord-ouest de l'Arabie, toutes régions où ils entrent pour une part importante dans l'alimentation des popu- lations, tant fixes que nomades. Le Zirmanta est surtout commun dans le M’zab et vers Touggourt. Comme aliments, les Terfâs se recommandent par une saveur agréable et une odeur douce que M. Chatin compare à celles du Mousseron, l’un de nos meilleurs champignons. JC VII. CHRONIQUE DES COLONIES ET DES PAYS D'OUTRE-MER.. Culture de 1a Cochenille aux îles Canaries. La Cochenille est originaire du Mexique, où le Cactus « Nopal » croît abondamment sur les hauts plateaux qui jouissent d’une température relativement fraîche. On consacre à cette plante des surfaces consi- dérables connues sous le nom de Nopaleries. Depuis la découverte de l'Amérique, la Cochenille constituait pour les Espagnols du Mexique une source inépuisable de richesse. Ils en conservaient le monopole en défendant sous peine de mort l'exportation de l’insecte ou de la plante même. On en obtint cependant quelques exemplaires à Saint- Domingue, mais les efforts pour les cultiver ne réussirent point. Les îles Canaries étaient le premier marché de Cochenille qui y fut importée du Mexique par le colonel Don Juan de Megliorini, gouver- neur de la province. Il entreprit la première culture à ses risques et périls et distribuait les jeunes femelles ainsi obtenues à qui en vou- lait. Les résultats de ses premiers essais étaient merveilleux et très importants aux Canaries déjà en 1828. La culture de cet insecte fut encouragée par le gouvernement espa- gnol. En 1827, on fonda un établissement officiel pour la culture du Nopal et l’achat des femelles nécessaires. Le directeur était obligé de propager l’insecte dans toutes les parties de l’île et de donner des instructions pratiques pour la culture. Don Santiago de Cruz fut chargé de l'élevage, et le colonel Megliorini fut nommé directeur en 1828. Le jardin destiné à l'établissement fut offert au gouvernement par la veuve de Don Antequera qui était le grand promoteur de cette industrie. Cette institution, qui devait enrichir ces contrées, rencontra au début beaucoup d'opposition, mais, soutenue par le gouvernement, sa situation ne tardait pas à devenir si brillante que tout le monde vou- lait y prendre part; les habitants se mirent à étudier la question, et lorsque les opérations furent bien comprises, on sacrifiait tout à cette industrie qui, au bout de très peu de temps, donnait de 30 à 40 pour ent de bénéfices. Les premières exportations eurent lieu en 1831, en destination de l'Espagne, de la France et de l'Angleterre. Cinq années plus tard, elles s'élevaient déjà à plus de 12,000 kilogs, et depuis cette époque la quantité a constamment augmenté. En 1852 surtout, la culture de la Cochenille prit un développement considérable à la suite de l'emploi du guano, et pendant la période de 1870 à 1879, la production était considérable. Jusqu’en 1860, la République de Honduras avait le monopole du commerce de Cochenille ; mais quelques années après, la production des îles Canaries dépassait celle de tous les autres pays du monde. \ 232 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. La Cochenille vit et prospère partout où le Cactus croît à l'état sau- vage. Elle fut introduite en 1845 en Algérie, où le nombre des Nopa- leries était déjà de 61,500 en 1853. Aux Canaries toutes les îles en produisent, excepté celles de Laurarote et de Fuerté Ventura. L'espèce de Cactus qu’on y cultive diffère de celle du Mexique; le Caclus des îles Canaries est l’Opuntia ficus indica. Ë La Cochenille est un insecte dont la femelle est privée d’ailes. Pen- dant fort longtemps, les Européens qui recurent de la Cochenille sous forme de grains bruns, secs et presque ronds — comme on l'expédie d’ailleurs encore aujourd’hui — croyaient que c'était une matière végé- tale. Cette opinion s’est maintenue encore assez longtemps quoique Acosta eût montré déjà en 1530 que c'était un insecte. A cet état de larve, ces insectes sont si petits qu’on ne peut les distinguer qu’à l’aide du microscope. Les femelles, qui sont beaucoup plus grandes que les mâles, acquièrent la grandeur d’une petite fève. Leur corps presque informe est tantôt ovale, tantôt rond. Tout mou- vement leur est interdit ; elles vivent sans se bouger sur les feuilles du Cactus dont elles sucent le suc au moyen d’une petite trompe pointue dont elles sont pourvues. Elles pondent leurs œufs à l’âge de deux ou trois mois et meurent presque aussilôt ne laissant qu une petite peau sèche qui protège les œufs. De ces œufs sortent les larves qui se répandent sur les Nopals ou Cactus auxquels elles s’attachent de préférence dans des endroits à l'abri du vent. Plusieurs reproduc- tions se font de cette manière dans le courant de l’année. Les Cochenilles fines de Nopal, de même que les insectes de la même espèce, secrètent une matière cotonneuse blanche qui les re- couvre sans les cacher, de sorte qu’elles ont l’air d'être saupoudrées de farine. Sous cette enveloppe cotonneuse elles pondent leurs œufs et la secrétion est parfois si abondante qu’elle pend en fibres blanches le long des Cactus. Elles changent plusieurs fois de peau et, ainsi que nous le verrons plus loin, on les recueille au moment où la ponte est finie et que l’on aperçoit les nouveaux-nés sur le Cactus. Les Cochenilles mâles furent pendant longtemps un sujet de dis- cussion et de recherches pour les naturalistes; Costa, de Naples, prouva dans ses écrits, publiés de 1827 à 1835, que l’insecte, consi- déré jusqu’à présent comme le mâle de la Cochenille, n’était qu'une petite Mouche vivant en parasite aux dépens de la Cochenille. D'après des observations récentes, les mâles des Cochenilles sont plus petits que les femelles, mais de la même forme que ces der- nières, avec lesquelles on les a toujours confondus croyant que c'étaient des anciens. Ils sont formés de facon à pouvoir se remuer pendant toute leur existence dans un certain sens, alors que les femelles, après leur première jeunesse, ne peuvent plus se remuer du tout. La première chose indispensable pour une culture de Cochenilles CHRONIQUE DES COLONIES ET DES PAYS D’OUTRE-MER. 233 est d’avoir une nopalerie ou plantation de Cactus bien située. Aux Canaries, partout où la culture du Cactus peut être rendue productive, le sol est couvert en grande partie de basalte. L'organisation d’une nopalerie est donc chose très importante, coûteuse et réclame beau- coup de soin et de travail. La terre doit être bien préparée et arrosée. Les pluies étant assez rares, il faut établir des réservoirs de dimen- sions en rapport avec l’étendue des plantations. Lorsque la terre est bien préparée et pourvue -d’engrais (ordinairement de guano) on plante le Cactus. Les plants servant de boutures sont coupés à l’ex- trémité inférieure et placés en lignes parallèles formant des allées de deux mètres de large. Les boutures sont plantées à une profondeur de 25 centimètres et à une distance de un mètre les unes des autres. La nopalerie ainsi préparée, les Cactus peuvent, au bout de deux ans, recevoir la Cochenille. Le guano constilue le meilleur fumier pour le Cactus parce qu'il adoucit considérablement la peau des feuilles, ce _ qui donne plus de facilité à l’insecte pour s’y attacher. Voici comment on procède : un certain nombre de femelles propor- tionné à la superficie de la plantation de Cactus que l’on veut peupler, sont placées dans des baquets de bois de 60 centimètres de long sur 90 cent. de large et 5 à 6 cent. de haut. Ces baquets sont mis dans une pièce où la température est maintenue à 30° centigrades, cha- leur nécessaire pour les faire éclore. On recouvre ensuite les baquets avec des bandes de linge de 30 centimètres de long sur 19 cent. de large, afin que les larves puissent s’y accrocher. Quatre à cinq minutes après l’éclosion, ces bandes sont entière- ment couvertes de larves sous forme de petits points noirs. On les dépose ensuite dans un autre baquet et l’on remplace les bandes dans le premier baquet par d’autres, jusqu’à ce que l’éclosion soit terminée. Les liuges chargés de larves sont alors portés à la plantation des Cac- tus où chaque feuille est enveloppée d’une de ces bandes que l’on attache au moyen des épines de la plante. Au bout de trois ou quatre jours, les larves quittent le linge pour s'attacher aux Cactus. On enlève les bandes et on laisse l’insecte se developper, ce qui dure ordinairement trois mois. Le moment pro- pice pour le recueilllir est venu lorsqu'il enfle, devient foncé et com- mence à se reproduire. On prend alors les Cochenilles à la cuillère ou au moyen d’une brosse pour les déposer dans un baquet. Cette culture de la Cochenille se fait en hiver et au printemps. À cette époque de l’année la production est moins abondante à cause de la température plus basse. Un kilogramme de Cochenilles ne donne à cette époque qu’un rendement de 3 1/2 à 4 1/2 le kilog. En été la cullure est plus simple et moins coûteuse. On met alors les Cochenilles dans de petits sacs très minces, qui sont placés sur les feuilles et remplacés par d’autres lorsque les insectes se sont répandus sur les feuilles. À cette époque, ‘on obtient pour un kilog. mis dans les 234 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. sacs, neuf à douze kilog. de Cochenilles. Ceux qui restent dans les baquets et dans les sacs, après l’éclosion complète, sont les Coche- nilles que l’on appelle #adres (mères). Après avoir cueilli la Cochenille sur les Cactus, l’on tue et l'on vend tout ce qui est impropre à la reproduction. Dans ce but, on plonge les insectes pendant un moment dans de l’eau bouillante, quoique ce procédé en diminue le poids et gâte la nuance argentée. Un hectare de Cactus en bon état peut donner, en été, de 8,000 à 9,000 et même jusqu à 11,000 kilog. de Cochenille fraîche ou verte: ce qui correspond à 1,500 à 2,200 kilog. de Cochenille sèche. On évalue le prix coûtant d'un hectare mis en culture, de 2,000 à 2,900 francs. L'année 1879 fut la dernière où la culture de la Cochenille prit de grandes proportions aux îles Canaries. Jusqu'à cette époque, la Coche- nille se vendait 1 fr. 50 à 2 fr. la livre espagnole de 460 grammes, et les madres de 3 fr. 50 à 4 fr. la livre. La Cochenille verte, qui était cultivée sur la côte sud, surtout en hiver, pour être vendue, comme madres vers l'été, se vendait 4,50 et 6 fr. la livre, suivant la quantité récoltée. On distingue dans le commerce plusieurs espèces de Cochenille : 1° La Cochenille nopal ou Coccus cacti, ja plus fine et la plus recher- chée. Elle produit, pour la teinture, la belle nuance rouge bien con- nue ; 29 La Cochenille blanche, cultivée également au Mexique ; 3° La Cocheniile des figuiers de l'Inde, que l'on recueille deux fois par an et qui donne le carmin ; 40 La Cochenille de la Canne à sucre ; 5° La Cochenille polonaise qui vit sur les racines du Scleranthus pe- rennis et qui donne une bonne matière colorante. Elle était autrefois un article de commerce important, avant l'introduction de la Cochenille du Mexique ; on l'emploie encore aujourd'hui en Pologne et en Russie pour teindre le cuir marocain, la soie et le crin. Les variétés commerciales de la Cochenille fine ou de nopal, sont au nombre de quatre: celle des îles Canaries, celle du Honduras, celle de Véra-Cruz et celle de Java. Les Cochenilies des Canaries et du Honduras sont les plus esti- mées et, par conséquent, les plus chères. La découverte de la fuchsine en 1859 a fait . de tort au commerce de Cochenille et à la prospérité des îles Canaries, mais depuis qu’un grand nombre de nopaleries sont converties en vignes, etc., l'équilibre s'est rétabli entre l'offre ei la demande. D' H. MEYNERS D’ESTREY. VIII. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. Les expositions horticoles du Jardin &Acclimatation. — Pensant qu'il serait avantageux de mettre en relations suivies les horticulteurs avec le nombreux public qui fréquente l'établissement, l'administration du Jardin d’Acclimatation construit une serre spécia- lement destinée à des expositions forales, auxquelles prendront part seulement les horticulleurs français. Le local sera mis gratuitement à la disposition des horticulteurs qui se seront fait inscrire à l’avance. Les frais de transport des plantes seront seuls à la charge des exposants. Les collections devront être soigneusement étiquetées et porter les noms et adresses des producteurs. Des commandes pourront être re- cues à l'exposition même, mais l'enlèvement des marchandises ven- dues ne devra s'effectuer qu'après la clôture de l'exposition. Voici le programme de ces expositions florales pour l’année 1891 : 1'€ EXPOSITION, du 15 au 22 février. — Azalea Indica, Azalea mollis, Camellia, Cinéraires hybrides, Imantophyllum, Jacinthes, Lilas culti- vés en serre, Narcisses, Oignons divers, Orchidées, Rhododendron forcés de serre et de plein air, Rosiers en pots forcés, Roses en fleurs coupées, T'ulipes, Arbustes en fleurs de la Nouvelle-Hollande, de serre et de plein air. % 22 EXPOSITION, du 2 au 10 mai. — Plantes de serre en fleurs ; plantes à feuillage coloré ou panacheé ; plantes annuelles, bisannuelles et vi- vaces ; arbres de plein air en fleurs, cultivés en pot ou en panier ; fleurs coupées en collection; Anémones, Iris, Pivoines, Roses, etc. 3° EXPOSITION, du 28 juin au » juillet. — Achimenes, Begonia tubé- reux, Caladium, Gesneria, Glaieuls, Gloxinia, Nægellia, Œillets, Orchi- dées de serre et de pleine terre, Pelargonium, Phlox decussata, Tydæa, Plantes annuelles et vivaces, cultivées en pot. 4° EXPOSITION, du 27 septembre au 4 octobre. — Fruits et légumes ayant atteint leur entier développement à cette époque ; fruits et lé- gumes cultivés pour l’ornementation ; Bégonia ligneux en collection ; Bégonias tubéreux simples et doubles ; Dahlias cultivés en pot ; fleurs de Dablias coupées ; Reines-Marguerites en pot et en fleurs coupées, pré- sentées par ruces et par couleurs séparées ; Plantes vivaces diverses. 9° EXPOSITION, du 8 au 15 novembre. — Bégonias ligneux cultivés pour la floraison hivernale ; Bouvardia ; Chrysanthèmes; Cyclamens ; Œillets (dits tiges de fer); Violettes en pot. Les fleurs coupées pourront être enlevées par les exposants le troi- sième jour de l'exposition. Nota. — La veille de l'ouverture de l'exposition, les actionnaires de la Société du Jardin zoologique d’acclimatation seront seuls admis. 236 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Les Corneilles américaines. — Les Corneilles sont assez nombreuses aux Etats-Unis, mais elles y vivent exclusivement en puissantes colonies rassemblées sur quelques points seulement, et soumises à d’assez fréquents déplacements. Tous les lieux que ces oiseaux ont habités ont toujours été situés dans la bande de terrain s'étendant en principe sur une largeur de 160 kilomètres à droite, et de 160 kilomètres à gauche d’une ligne menée de Washington, district fédéral de Colombie à l’est, à Saint-Louis, dans l’état du Missouri à l'ouest. Celte bande remonterait cependant un peu vers le nord-est au- delà de Washington. Le domaine des Corneilles traverse donc les étals de Maryland, de Pennsylvanie, de Virginie, de Virginie occidentale, du Kentucky, d’Indiana et d’Illinois. La plus importante des colonies de Corneilles est actuellement établie à Arlington, près de Washington, une autre a son quartier-genéral à 6 ou 7 kilomètres de Baltimore, Maryland, une autre est installée à Lancastre, Pennsylvanie, une dans le Comté de Jassamine, Kentucky, une dans l'île de Recdy Island, sur la Susquehanna, et quelques autres moins importantes en divers autres points. La colonie d'Arlington près de Washington, est une des plus puis- santes, et de nombreuses hypothèses ont été faites sur son effectif. On a été jusqu'à lui attribuer des millions d'individus, mais elle n’en posséderait pas plus de 500,000, paraît-il, et le chiffre est déjà res- pecteble. On a essayé de différents moyens pour déterminer le montant exact de sa population. Un des plus originaux consistait à tirer sur un arbre couvert de Corneilles un coup de canon chargé de gros plomb, puis à calculer l’effectif de la colonie en divisant l’aire totale qu’elle occupe par la surface de la zone que la mitraille avait balayée, et mul- tipliant par le quotient ainsi obtenu, le nombre des cadavres ramassés sur cette zone. À Baltimore, on a compté combien de Corneilles étaient installées sur un arbre, et en multipliant par ce chiffre le nombre des arbres habités par la colonie, on a trouvé une population de 250,000 à 500,000 de ces oiseaux. La colonie d’Arlington ne s’est pas établie à demeure en ce point, elle s’est déplacée chaque année jusqu’à présent, sur tout l'espace compris entre les Great Falls et le Mont Vernon. L'an dernier elle avait envahi le cimetière national, qui couvre une étendue de 6 hec- tares, en souillant de déjections ses arbres et ses monuments. Chaque malin, toutes ces Corneilles quittent leurs nids et partent par bandes rayonnant dans toutes les directions vers les champs cul- tivés où elles passent la journée, champs qui sont parfois situés à plus de 150 kilomètres de leur place de nichage. Elles reviennent le soir, et vont toutes dans un ravin voisin se charger l’estomac de cailloux qui faciliteront la digestion des Souris, des Poissons, des Grenouilles, des Crabes, des Serpents, des Escargots, des insectes, etc., dont elles CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 231 se sont nourries pendant la durée du jour. Elles aiment surtout les Terrapines, et on voit dans le Comté de Sumter, Géorgie, une colline entièrement couverte des carapaces des victimes tuées dans leurs ex- cursions. Elles détruisent aussi beaucoup de Souris de champs, sur- tout vers la fin de l'hiver, mais à côté de ces services réels elles prélè- vent, il est vrai, un tribut sur les jeunes Poulets, les petits oiseaux et les œufs. EPP: La nourriture du Saumon. — Un certain nombre de faits rela- tifs à l'existence du Saumon sont encore entourés du plus profond mystère, chose bien inexplicable quand on songe à l’époque si recu- lée depuis laquelle on traque et pêche ce magnifique poisson. Un naturaliste anglais, M. Archer, a fait récemment dans les rivières de la Norvège des expériences sur des Saumons capturés, à la nageoire dorsale desquels on adapiait une plaque portant la date de la prise et un numéro d'ordre et qu'on replaçait ensuite dans leur élément. Ces expériences ont démontré que tout en s'écartant parfois à 145 kilomètres des côtes, les Saumons revenaient généralement quand ils remontent le cours des rivières aux points même oùils avaient déjà été pêchés une première fois. Quant à la nourriture de ces poissons pendant leur migralion en mer, on ignore absolument quelle est sa nature. Dans les rivières, les Saumons se nourrissent d'Ephémères, d'insectes aquatiques, mais ceux quon prend en mer ont toujours l'estomac vide. Or, l'accroissement qu a subi la taille de ces poissons, quand ils reviennent après ‘un séjour de quelques semaines dans l’eau salée, prouve indubitablement qu'ils y trouvent une abondante ali- mentation. Dans quelques circonstances seulement, l'estomac des Sau- mons pris en mer contenait des traces d'aliments. Un de ces poissons, capturé dans un loch écossais, rejeta, au moment où on le sortait de l’eau, des débris d'Anguilles. L’Anguille, qui descend également à la mer pendant une partie de son existence, pourrait alors y servir de nourriture au Saumon. Le numéro du 26 juillet 1890 du journal anglais Field mentionnait un Saumon dont l'estomac contenait plu- sieurs jeunes Saumonneaux. Le Saumon deviendrait donc carnivore pendant son séjour en mer. Si du reste celte espèce ne se nourrissait que par voie de succion, ses dents inutilisées porteraient des traces de dégénérescence ; or, tel n'est pas le cas, ces dents courtes et arron- dies ayant bien les caractères d’organes servant à un usage continu. On cite en outre un pêcheur de la Severn, auquel un Saumon lacéra horriblement la main qu'il lui avait introduite dans les ouïes, et on a vu à diverses reprises des Saumons poursuivre d’autres poissons dans la mer. On a attribué à l’effroi l’état de vacuité dans lequel se trouve l'estomac des Saumons pris en mer. Au moment où le poisson se sent emprisonné dans les mailles du filet, il expulserait le contenu de son estomac. , (Le Chen:l.) 238 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Le rôle de l’acide formique secrété par les Abeilles. — Le miel de nos Abeilles, additionné de quelques gouttes de teinture de tournesol, lui communique une teinte rouge, caractéristique de la présence des acides. Cet acide est l'acide formique, que les Four- mis secrètent également, mais en plus grande quantité que les Abeilles, et c'est sa présence qui permet au miel de se conserver si longtemps. Le miel, traité par l’eau tiède, qui lui enlève son acide formique, perd cette facilité de conservation. La secrétion d’acide formique varie chez les différentes espèces d’Abeilles, et ce principe antiseptique est réparti dans le miel par l’aiguillon, à l'extrémité du- quel il se rassemble en gouttes microscopiques. Les Abeilles, dé- pourvues d’aiguillon de l'Amérique méridionale, font peu de miel, l'absence d'aiguillon amenant la suppression de la secrétion d’acide formique, qui seul permettrait au miel de se conserver. Des dix-huit espèces d’Abeilles qu’on rencontre dans le nord du Brésil, trois seulement sont armées d’'aiguillons. Les Fourmis ont, du reste, mis depuis longlemps en évidence les propriétés antiseptiques de l’acide formique. De nombreuses espèces de Fourmis édifient de vastes cités, faites d’une accumulation de débris végétaux, contenant ‘de nombreuses graines qui se conservent parfaitement pendant plu- sieurs années sans la moindre velléité de germination leur faculté germinative étant suspendue par l’acide formique. Le naturaliste anglais Moggridge a constaté, à diverses reprises, que ces graines germaient dès que les Fourmis abandonnaïent forcément ou de bonne volonté leur cité. JD L'Inule ou Aunée officinale (Znula Helenium L) est une grande et belle plante herbacée, vivace, pubescente dans toutes ses parties ; tige simple, ferme, cylindrique, dressée et rameuse au sommet; feuilles alternes très grandes, ovales-lancéolées, inégalement dentées- crénelées, vertes et rudes au toucher en dessus, blanchâtres et cotonneuses en dessous : les radicales oblongues-aiguës, portées sur un long pétiole canaliculé, les caulinaires plus petites, ovales- aiguës, sessiles et même demiamplexicaules ; fleurs terminales d’un beau jaune, formant des capitules volumineux, solitaires au sommet des rameaux. . Indigène de la plus grande partie de la France, cette plante est souvent cultivée dans les jardins. Elle croît naturellement en Angle- terre, en Hollande, en Allemagne et en Italie, dans les lieux humides, sur le bord des fossés, ainsi que dans les prairies fraîches et ombra- gées. Ce végétal se trouve encore assez communément aux environs de Paris, particulièrement dans les forêts de Sénart et de Montmo- rency. La racine épaisse, brune, rameuse, charnue, blanche intérieure- ment, est douée d'une saveur âcre, amère, légèrement piquante CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 239 d’une odeur forte, pénétrante, aromatique et camphrée. Par la dessic- calion, son odeur devient plus douce, et peut alors être comparée à elle de l'Iris, qui l’a fait quelquefois employer en parfumerie. La racine d’Aunée est la seule partie de la plante qui offre une utilité en médecine. Comme composition chimique, elle renferme : une huile volatile (camphre d'Aunée, Lélénol ou hélénine) susceptible de se concréter facilement, une matière extractive amère, de la cire, une résine brune, âcre et molle, de l’albumine végétale, de la gomme, des sels de chaux et de potasse, de l’acide acétique et, en plus grande partie, une fécule particulière nommée Jnuline découverte en 1804 par - Valentin Rose. Contrairement aux autres fécules, l’Inuline a pour caractères spé- ciaux : 1° de former une matière résinoïde lorsqu'on la soumet à l’ac- tion des acides; 2° de ne pas se prendre en gelée dans l’eau; 3° de se colorer en jaune et non en bleu par l’iode. L’Inuline précipitée et séchée se présente sous forme d’une poudre amorphe, fine, d’un blanc grisâtre, soluble dans l’eau chaude et l'alcool bouillant. Comme l’amidon, cette substance se convertit en sucre de raisin sous l’in- fluence de l’acide sulfurique étendu et bouillant. | Physiologiquement, la racine d’Aunée possède une action excitante et tonique qui l’a fait considérer de tout temps comme diurétique, sudorifique et emménagogue. Son usage est maintenant presque abandonné en médecine ; cependant, on l’associe encore quelquefois au fer dans le traitement de la chlorose, lorsque cet état se complique de dysménorrhée, c'est-à-dire lorsque la menstruation se fait d’une manière imparfaite et avec des douleurs plus ou moins vives. On la prescrit aussi contre les flueurs blanches atoniques. Cette racine est usitée le plus souvent en décoction ou en infusion dans l’eau ou dans le vin; cependant, on l’ordonne aussi en teinture, en sirop, en extraits aqueux ou alcooliques et en poudre. Mélangée à la graisse, elle a été recommandée en frictions contre la gale de l'homme et des animaux. Enfin, les tranches de racine fraîches d’Znula, confites dans le sucre, sont regardées comme un stomachique utile et agréable. En Orient et en Allemagne, cette racine est souvent usitée comme assaisonnement. En France et dans le canton de Neuchâtel (Suisse), les distilla- teurs la font entrer dans la préparation de l’absinthe. Maximilien VANDEN-BERGHE. IX. BIBLIOGRAPHIE. La pisciculture en eaux douces. — La pisciculture en eaux salées, par À. GOBIN, professeur départemental d'agriculture du Jura. — 2? vol. in-16 avec de nombreuses figures dans le texte,. Paris, J.-B. Baïllière, édit., 1889-1891. Après un certain temps de défaveur, ou tout au moins d'oubli, l’aquiculture a repris pied dans notre pays, qui avail été son berceau, et à voir l'accueil qu’elle y a recu, on peut prévoir enfin son légitime succès. Les laboratoires privés se multiplient, l’Elat lui-même, bien que un peu mollement encore, prend part au mouvement par la créa- tion d'écoles d'enseignement. L'heure était donc opportune pour des publications de la nature de celles que nous sommes heureux de signaler aujourd’hui à l'attention de nos lecteurs. Le premier volume est consacré aux eaux douces. Après quelques pages occupées par des considérations générales sur la constitution des eaux, sur la physiologie des poissons qui les habitent, et sur la repro- duction naturelle de ces animaux, l’auteur traite de la pisciculture artificielle, décrivant avec soin les procédés et les appareils en usage pour la récolte et l’incubation des œufs, et pour l'élevage des jeunes. Il s'occupe ensuite de l'aménagement et de l'exploitation des étangs et des cours d'eau, et enfin de l'acclimatation des espèces dans de nouveaux milieux. . Le second volume, concu d’après le même plan, complèle utile- ment le premier. L'élevage artificiel des habitants des mers est de date encore récente. Il n’en est que plus intéressant d'apprendre les résultats quil a déjà donnés avec l’alose, la morue, le homard, dans différents pays, notamment en Norvège, et surtout en Amérique où il est largement pratiqué par les soins de la commission fédérale. La culture des coquillages, plus ancienne, est partout en pleine prospé- rité, quoiqu'elle soit loin d’être arrivée à sou apogée. L'ouvrage rap- porte brièvement l'historique de l’osiréiculture ei en étudie le déve- loppement rapide dans les temps contemporains, en ayant soin de faire connaître les perfectionnements successifs qui ont porté cette industrie nationale à sa prospérité actuelle. M. Gobin s'étend à bon droit sur le dépeuplement des eaux et sur les moyens d'y remédier tant par leur aménagement que par la protec- tion du poisson et par son élevage. En somme, ces deux volumes, écrils par un homme qui connaît bien son sujet, contiennent d'utiles enseignements el sont de nature à rendre de très réels services. : ° Te Gérant : JULES GRISARD. I. TRAVAUX ADRESSÉS A LA SOCIETE. INFLUENCE DES GRANDS FROIDS SUR QUELQUES-UNS | DES ANIMAUX DE LA MÉNAGERIE DU MUSEUM Par M. A. MILNE-EDWARDS {1) La rigueur et la durée de l’hiver m'ont permis de faire à la Ménagerie du Muséum quelques observations qui ne man- quent pas d'interêt ; elles sont relatives à l'influence qu'un froid prolongé peut avoir sur des animaux appartenant à des pays et à des climats très variés. Les qualités de résistance qu'ils présentent à cet égard et ce que je pourrais appeler leur endurance au froid different beaucoup suivant les es- pèces, et on ne saurait d'avance prévoir comment ils se com- porteront dans telle ou telle condition de température ou d'humidité, car chacun a en quelque sorte son coefficient de résistance propre. _ L'installation des mammifères et des oiseaux à la Ména- gerie du Muséum laisse beaucoup à désirer ; les constructions datent du commencement du siècle et n’offrent pas les condi- tions hygiéniques convenables que l’on applique aujourd’hui dans tous les jardins zoologiques de l’Europe. La plupart des herbivores, Bœufs, Antilopes et Cerfs, sont répartis dans des parcs entourés d’un grillage ; ils n’ont d’autre abri qu’une petite cabane non chauffée, à parois peu épaisses, où, malgré toutes les précautions, la température diffère à peine de celle de l’air extérieur. Ces retraites, suffisantes en temps ordinaires, deviennent inhabitables dans les grands hivers. Aïnsi, dès le commen- cement du mois de décembre, l'eau des abreuvoirs y était congelée et elle .est restée deux mois dans cet état. Pendant plusieurs nuits, le thermomètre s’est abaissé à D° et meme à fe au-dessous de zéro, _Le bâtiment que l’ on désigne sous le nom de Rotonde et où 4) Communication faite à Pakcadémie ls sciences dans la séance du 26 jan- vier 1891. 20 Février 1891. 16 242 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. sont placés les grands herbivores, est pourvu de poêles, mais bien qu’un feu ardent y ait été entretenu jour et nuit, la température ne s’est pas élevée dans la partie centrale au- dessus de + %, et dans les loges des animaux où les surfaces de refroidissement sont considérables, elle est descendue à +22 ou 3. C’est là cependant qu'étaient entassés non seulement les Eléphants, Rhinocéros et Hippopotame, mais beaucoup de petits ruminants délicats. Il est facile de comprendre que dans de telles conditions les animaux aient cruellement souffert et que beaucoup d’entre eux aient succombé. Aussi l'hiver de 1890-1891 laissera-t-il au Muséum des traces lon- gues à effacer {1). Les gros pachydermes à peau nue se sont comportés plus vaillamment qu'on aurait pu s’y attendre : ils ne sont pas morts, mais cependant ils sont tous plus ou moins atteints ; l'Eléphant d'Afrique souffre d’une affection de la bouche ayant quelques-uns des caractères du scorbut. Le Rhinocéros du Soudan, qui vit au Muséum depuis 1880, a beaucoup maigri et sa peau est couverte de boutons purulents. L'Hippopo- tame, donné au gouvernement français en 1855 et qui, depuis trente-six ans, jouissait d'une excellente santé, a maïinte- nant la peau entamée par des fissures profondes et des exco- riations rappelant celles qui se produisent sur les engelures. Dans les parcs extérieurs se trouvait une famille nom- breuse de superbes Antilopes de la taille d’un petit Cheval, les Xobs ou Antilopes onctueuses du Sénégal ; elles provien- nent d’une paire de ces animaux offerte au Muséum en 1880 par le général Brière de l'Isle. Depuis cette époque, ils avaient donné naissance à plusieurs générations de descen- dants (2), et l’on regardait cette espèce comme presque ac- climatée ; mais elle n’a pas résisté à notre long hiver, et quatre de ces beaux ruminants, représentant chacun une va- leur de plus de 2,000 francs, sont morts successivement. Les Zèbres de Burchell, qui proviennent de l'Afrique aus- trale et que l’on considère comme peu sensibles au froid, ont mal supporté la rigueur de la température ; l’un d’eux est mort. | Je n'insisterai pas davantage sur les pertes inévitables qui (1) Trente-deux mammifères et soixante-six oiseaux sont morts pendant les deux mois de froid. | (2) En dix ans, j'ai enregistré treize naissances. INFLUENCE DES GRANDS FROIDS SUR LES ANIMAUX. 243 ont été la conséquence de l'hiver ; il est plus intéressant de mentionner les animaux dont l'endurance a dépassé les pré- visions, et qui ont traversé, sans paraître en souffrir, nos deux mois de gelées consécutives, tandis qu’à côté d'eux nos espèces indigènes pâtissaient et que des Cerfs et des San- oliers, placés dans les mêmes conditions, mouraient de froid. Je signalerai, en première ligne, les Antilopes onous {Con- nochetes gnu, Lich.) du sud de Pine Si eu le par la singularité de leurs formes et qui paraissent se plaire sous notre ciel. En 1882, pour la première fois, un jeune Gnou naissait au Muséum ; c'était une femelle dont la croissance fut des plus rapides, et qui, quelques années plus tard, s’est reproduite à son tour. Aujourd'hui la Ménagerie possède cinq de ces beaux ruminants, logés dans une petite cabane qu’il faut laisser toujours ouverte, car si on ferme les portes, elles sont bientôt brisées à coups de cornes : les Gnous restent dehors pendant les jours les plus froids sans que leur pétu- lance et leur gaieté s’en ressentent, et un jeune, âgé de six mois seulement, a montré la même résistance que ses pa- rents (1). Sous l'influence de notre climat, leur poil s'est mo- difié, et la robe d'hiver est devenue plus chaude par le déve- loppement, à la surface de la peau, d’une couche de poils duveteux beaucoup plus épaisse que chez les Gnous sauvages. Les Bubales de l'Afrique septentrionale et de l’Afrique orientale, les Bless-bock du Cap de Bonne-Espérance, ont bien résisté. Les grandes Antilopes nylgauts (Portax pictus Pallas), originaires du Bengale et de quelques autres parties de l’Inde, sont restées, sans inconvénient, dans une cabane ouverte, avec leur petit qui n'avait pas plus de quatre mois. Ces animaux ont supporté déjà le grand hiver de 1879-1880, et depuis 1870, nous avons eu de nombreuses naissances ; ils se préteraient fort bien à des essais d’acclimatation en France. Le-roi d'Italie a déjà réussi dans des tentatives du même genre et a obtenu un troupeau de près de trois cents têtes. Les Antilopes à Bezoards (Antilope cervicapra) sont origi- naires de l’Inde, maïs notre climat leur convient admira- blement. La beauté de leurs cornes et de leur pelage, l’élé- gance de leurs formes, la grâce de leurs mouvements, doivent les faire rechercher par toutes les personnes qui désirent (1) Des observations du même genre ont été faites ar M. Blaauw, qui pos- sède en Hollande plusieurs Chous et en a obtenu la ne AE eproduction, +9 L4 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. introduire dans nos forêts des espèces nouvelles. Il est peu d'Antilopes plus agiles, et j'ai vu l’une d'elles franchir sans effort une barrière ayant 1",70 de hauteur ; aussi faudrait-il des murs fort élevés pour les rétenir dans des enclos. La Ménagerie du Muséum possédait plusieurs de ces Anti- lopes, sur lesquelles le grand hiver de 1879-1880 avait passé sans accidents, quand, en 1884, effrayées par des Chiens qui s'étaient introduits dans leur parc, elles se tuërent toutes en se heurtant contre les grilles. J’ai pu de nouveau m'en pro- curer une paire, et, depuis 1885, j'ai obtenu quinze jeunes qui se sont parfaitement développés ; les derniers, dont la naissance remonte à trois mois à peine, sont restés à côté de leurs parents, dans un parc dont la cabane est constamment ouverte, et leur santé ne s’en est pas ressentie. Des Cerfs aussi ont montré une endurance extrême au froid. Je citerai d’abord une espèce intermédiaire, par la taille, au Cerf ordinaire et au Chevreuil, à pelage fauve ta- cheté de blanc, à cornes bien développées et à formes lé- gères, le Sika, du Japon. Une paire de ces jolis ruminants a été acquise en 1878, et nous lui devons une nombreuse lignée, car, depuis cette époque, vingt-cinq naissances sont ins— crites sur les registres de la Ménagerie, dont quatre datent de l’été de 1890. Les jeunes n’avaient même pas six mois au commencement de décembre, et néanmoins ils sont restés toujours en liberté dans leur enclos; ce serait encore là un gibier à introduire dans nos forêts. Les Cerfs porcins de Ceylan et de l'Inde ne ressemblent pas _aux précédents; ils ont des formes lourdes, des pattes rela- tivement courtes, un Corps massif mais très charnu, et leur chair est supérieure en qualité à celle des Cerfs de France ; ils sont robustes et résistent d’une manière extraordinaire au froid ; de plus, ils sont peu difficiles sur le choix de leur nourriture. Ils constitueront un remarquable gibier, quoi- qu'ils n'aient pas assez de vitesse pour être chassés à courre. La Ménagerie possède un petit troupeau de ces animaux, et trente et une naissances se sont succédé depuis 1885. Trois Faons sont nés à la fin du mois de septembre et un autre le 15 novembre; malgré leur faiblesse, ils ont passé l’hiver sans accident; cependant leur cabane n’est jamais fermée et ils sont constamment à l’air. Ils trouveraient un abri au moins équivalent dans les buissons et sous les ronceraies de nos bois. INFLUENCE DES GRANDS FROIDS SUR LES ANIMAUX. 245 Les petits Cerfs muntjacs du sud de la Chine (Cervulus Reevesii) me semblent dignes d'attirer d'une manière toute particulière l’attention de nos grands propriétaires, car leur acclimatation en France me parait maintenant une question résolue. Ils abondent aux environs de Canton et de Ning-po, où ils vivent au milieu des broussailles. Leur taille est celle d'un chien ordinaire; la tête des mâles est pourvue de courtes cornes et leur mâchoire supérieure porte de longues canines qui se prolongent au delà des lèvres et constituent de véritables défenses. Malgré ces armes, ils sont d’un ca- ractère tranquille et, contrairement à ce qui se passe pour les autres Cerfs, on peut impunément laisser plusieurs mâles adultes dans un même enclos. Leur corps est bien musclé et leur chair très savoureuse ; ils sont bas sur pattes et se dé- robent facilement au milieu des herbes. C’est en 1878 que j'ai pu m'en procurer une paire ; je l’ai placée dans un enclos communiquant avec un parc très étendu occupé par les An- tilopes nylgauts. Ces animaux ont pullulé, et je compte aujourd’hui quarante-cinq de ces jolis ruminants nés à la Mé- nagerie. J'ai pu en envoyer à différents jardins zoologiques, et j'en ai conservé un petit troupeau qui a résisté d’une manière admirable: 51 l'hiver de 1890-1891 a fait beaucoup de mal, d’un autre côté il peut être considéré comme un temps d'expériences qui a permis de reconnaître les qualités particulières d’en- durance de certaines espèces de ruminants, qu'il ne s’agit plus que d'introduire dans nos forêts, où, suivant toutes pro- babilités, ils se plairont. M. le Président de la République a bien voulu porter intérêt à ces tentatives, et il a autorisé M. Récopé, inspesteur des forêts de Saint-Germain et de Marly, à installer dans des réserves entourées de grillage des Cerfs Sika du Japon, des Cerfs Porcins du sud de l'Asie, des Cervules de Reeves, de la Chine et des Antilopes Cervicapres de l'Inde, qui, nés au Muséum et habitués peu à peu à notre climat, seront dans d'excellentes conditions pour apprendre à trouver eux-mêmes leur nourriture et leur abri. Ils devien- dront, je l’espère, la souche d’une descendance nombreuse qui, peu à peu, peuplera nos bois. Ces animaux seront l'objet d'une surveillance spéciale, et j'aurai soin de tenir l’Académie au courant des résultats qui auront été obtenus. ACTION DU FROID SUR, LES ERES VIVANES PAR M. MAURICE ARTHUS. EFFETS PHYSIOLOGIQUES DU FROID. Les phénomènes qui caractérisent la vie exigent pour se produire une certaine température. Toutes les fois que la température des êtres organisés vivants s’abaisse au-dessous d’un certain minimum, ou s'élève au-dessus d'un certain maximum, ces réactions vitales sont suspendues soit momen- tanément, soit définitivement. Tous les végétaux sont engourdis pendant l'hiver : les phénomènes de nutrition sans étre absolument supprimés, sont réduits au minimum. Tous les vertébrés à sang froid s’engourdissent pendant l'hiver : la respiration se ralentit, les mouvements deviennent nuls, la nutrition diminue considéra- blement : l'assimilation et la désassimilation sont extrême- ment faibles. Les microorganismes eux-mêmes qui sont en général remarquables par leur résistance aux agents physiques et chimiques, sont complètement inactifs lorsque la température s’abaisse suffisamment. On sait depuis longtemps que le déve- loppement et la multiplication des bactéries sont suspendus par le froid; et si une température même extrêmement basse est incapable de détruire les bactéries et leurs germes, les phénomènes caractéristiques de leur nutrition ne sont appré- ciables que lorsque la température du milieu est de plusieurs degrés supérieure à la température de congélation de l’eau. Cette action du froid sur tous les êtres vivants présente un certain nombre de particularités intéressantes dont nous signalerons les principales chez les végétaux et chez les ani- maux. nd | ACTION DU FROID SUR LES ÊTRES VIVANTS. 247 La vie végétale est un ensemble d’un certain nombre de fonctions qu'on peut ranger en deux groupes, fonctions de nutrition et fonctions de reproduction. Toute fonction ne commence à s’opérer que lorsque la tem- pérature de la plante ou de la partie de la plante chargée d'accomplir cette fonction atteint un certain degré. Cette température varie d’ailleurs dans une même plante pour les différentes fonctions, et dans les différentes espèces pour une même fonction. De sorte qu'au-dessous d’une certaine tempé- rature, toutes les manifestations vitales d’une plante peuvent être suspendues : la plante est comme morte; elle ne diffère du végétal mort que par la possibilité d'accomplir de nou- veau toutes ses fonctions lorsque sa température se sera élevée. La décomposition de l'acide carbonique de l'air, la fixation du carbone, le dégagement d'oxygène ne s’accomplissent qu'à des températures en général supérieures à 0. Cloëz et Gratiolet ont montré que le Vallisneria n’assimilait pas au-dessous de 6°, les Pofamogelon au-dessous de 10°; les feuilles des herbes des prairies ont besoin d’une tempéra- ture de 2°; les feuilles du Mélèze commencent à fixer du car- bone à 0,5. Ce n’est que parmi les Mousses, les Aloues et les Lichens qu'on trouve des plantes assimilant à des tempéra- tures plus basses. D'une façon générale, la fixation du carbone par les plantes, et par conséquent leur accroissement, diminue très notable- ment lorsque la température s’abaisse au voisinage de 0, et pour une température assez voisine de la température de congélation de l’eau toute assimilation est suspendue. L'absorption d’eau par les racines ne s'exerce pas non plus toujours aux basses températures. Si les racines du Chou et du Navet peuvent encore puiser dans le sol refroidi à 0° assez d'eau pour couvrir les pertes occasionnées par une transpira- tion modérée ; il n’en est pas de même pour toutes les plantes. Si le sol a une température moindre que 3°, les racines de Tabac, de Courge n’absorbent plus assez d’eau pour suffire aux besoins de leur transpiration. La chlorophylle, cette substance verte qui imprègne les grains de protoplasma et leur permet de fixer le carbone, ne se développe pas au-dessous d’une certaine température; il faut au moins 6° pour que les feuilles du Phaseoïus mulli- 248 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. florus et du Zea mais deviennent vertes; pour le Pinus Pinea il faut plus de ®. La sensibilité et le mouvement périodique des feuilles de la Sensitive ne se manifestent que lorsque la température de l'air ambiant dépasse 15°. Les oscillations périodiques des folioles de l’'Æedysarum gyrans n'ont lieu ques des tempéra- tures supérieures à 22°. Le développement de l'embryon ne commence pour le Blé et l’Orge qu'à 5°, pour le Haricot et le Maïs à 9,, pour la Courge à 14. Toutes les fonctions des plantes ne peuvent donc s’accom- plir qu’au-dessus d’une température déterminée ; le froid diminue donc l’activité vitale des végétaux, et s’il est assez intense, il peut la supprimer complètement. Parmi les modifications qu’un abaissement prolongé de température exerce sur les plantes, l’une des plus frappantes est le changement de couleur des feuilles qui persistent pen- dant l'hiver. Ce changement de couleur peut se produire de deux facons différentes : tantôt les feuilles se décolorent seu- lement, deviennent brunâtres, brun jaunätre, ou brun roux comme dans les Taxus, les Pinus (Pin), les Abies (Sapins), les Juniperus, les Buxus, etc.; — tantôt elles se colorent nettement en rouge sur leur face supérieure comme dans les Sedum, les Sempervivum, les Leduim, les Mahonia, les Vac- Cinium. Cette modification hivernale des feuilles est due à l'abaisse- ment prolongé de la température; au printemps ces feuilles redeviennent vertes ; — mais même pendant l'hiver, il suffit d'une simple élévation de température, même à la lumière très diffuse, pour ramener toutes choses dans leur état pri- mitif. En coupant par un grand froid d'hiver des branches de Buis dont les feuilles sont alors rouges et en les faisant plon- cer dans l’eau dans une chambre bien chaude, on voit ces feuilles devenir jaunes, puis jaunes verdâtres, puis vertes; en trois jours le Buis est redevenu aussi vert qu'il l’est au prin- temps à l’époque où la végétation est la plus active. Kraus a constaté qu'il suffit d’une seule nuit de gelée pour provoquer dans les Buœus, Sabina, Thuya le changement de coloration. Les feuilles qui sont protégées par d’autres feuilles ou par un abri quelconque ne subissent pas de décoloration; c’est- à-dire que cette décoloration ne se produit que dans les ACTION DU FROID SUR LES ÊTRES VIVANTS. 249 points où l’abaissement de température a été considérable par suite du rayonnement. Lorsque par une température sufisamment basse, les fonc- tions vitales d’une plante sont suspendues, il ne s'ensuit pas que celle-ci soit nécessairement atteinte d’une manière per- .manente ; elle peut persister assez longtemps dans cet état d'inaction et recommencer à vivre d’une vie active quand la température est plus favorable; à moins que pendant ce temps des circonstances secondaires, auxquelles elle est peu capable de résister, ne soient venues occasionner des dom- mages qui peuvent entrainer la mort. De nombreuses plantes, surtout dans la zone tempérée et froide, dont la limite inférieure de germination et de végé- tation est de plusieurs degrés supérieure à 0°, peuvent geler en bloc sans qu'après le dégel elles semblent avoir souffert. Mais ces mêmes plantes peuvent après le dégel avoir éprouvé des modifications assez profondes pour tuer certains organes ou le végétal tout entier. Une des causes qui agit le plus sur ces résultats en apparence contradictoires est la rapidité du dégel ; si le dégel est lent, le dommage peut être nul; mais un dégel trop rapide amène dans l’arrangement moléculaire des cellules un ébranlement qui équivaut à une destruction. Beaucoup de plantes meurent toujours quand leur sève se transforme en glace ou même s’abaisse à quelques degrés au dessus de 0°. Au contraire, beaucoup de mousses, de Lichens et peut-être quelques Champignons paraissent supporter sans inconvénient non seulement de fortes gelées, mais encore un passage rapide de leur sève de l'état solide à l’état liquide. Des organes particuliers renfermant très peu d’eau et des- tinés à résister à l'hiver sont insensibles au gel et au dégel, même dans des plantes très délicates : par exemples beau- coup de graines, les bourgeons hibernants des arbres et des arbustes, l'écorce vivante de leurs jeunes rameaux, etc. Le danger de mort par gel et dégel est d’autant plus grand que les organes de la plante contiennent plus d’eau. Des oraines desséchées sont insensibles aux plus grands froids suivis d’un brusque réchauffement ; lorsqu'elles sont gonflées d’eau, elles sont, au contraire, très facilement tuées par un brusque dégel. De cette étude rapide de l’action du froid sur les ER nous pouvons conclure que le refroidissement diminue dans 250 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. tous les cas l’activité des éléments vivants des plantes : les fonctions d’assimilation, de désassimilation, de reproduction sont diminuées ou suspendues. Lorsque la température s’a- baisse suffisamment, les tissus des plantes peuvent être pro- fondément altérés où même complètement détruits. Nous nous proposons de montrer que chez les animaux le froid diminue les fonctions vitales, et peut entrainer la mort s’il est assez intense. La température des plantes est presque toujours sensible- ment égale à celle de l’air qui les environne, de la terre sur laquelle elles reposent, ou de l’eau qui les baigne. La pro- duction de chaleur par les plantes est chose très faible surtout quand la végétation est suspendue ; leur température dépend donc du milieu ambiant presque exclusivement. Les animaux au contraire et surtout les vertébrés pro- duisent des quantités de chaleur souvent considérables ; d’au- tre part, ils perdent de la chaleur par conductibilité et par rayonnement; la température de leur corps résulte donc de deux actions opposées. Parmi les animaux, les uns pro- duisent assez de chaleur pour compenser leurs pertes, et leur température reste non seulement supérieure à celle du milieu ambiant, mais encore toujours égale à une valeur déterminée. Les autres, fout en produisant de la chaleur et en conservant toujours une température un peu supérieure à celle de l’air, ne peuvent pas suffire aux pertes par rayon- nement, de telle sorte que leur température s’abaisse avec la température extérieure dont elle suit les oscillations. Ces derniers animaux sont appelés animaux à sang froid; il serait préférable de les appeler animaux à température variable. Les oiseaux et les mammifères sont appelés ani- maux à température constante ou animaux à sang chaud. C’est donc chez les premiers, c’est-à-dire chez les inver- tébrés, chez les poissons, les batraciens et les reptiles qu'il faut tout d’abord étudier l’action du froid. | Lorsqu'apparaissent les premiers froids de l'hiver, les ani- maux à sang froid deviennent lents et paresseux ; les Gre- nouilles, par exemple, se meuvent avec une lenteur remar- quable qui contraste singulièrement avec la vivacité de leurs mouvements pendant l'été. On a étudié avec grand soin les modifications que présentent les propriétés des muscles et des nerfs sous l'influence du froid, et l’on a démontré que les ACTION DU FROID SUR LES ÊTRES VIVANTS. 291 muscles refroidis se contractent avec une certaine lenteur tandis que les mêmes muscles maintenus à une température de 20°, par exemple, se contractent brusquement. D'autre part, lorsqu'on fait contracter un muscle par l'excitation du nerf qui s’y rend, on constate qu’il s'écoule un certain temps entre le moment de l’excitation et le moment où commence la contraction ; ce retard est d'autant plus grand que le muscle est plus refroidi. On comprend dès lors pourquoi une Grenouille refroidie. aura des mouvements très lents : ses muscles ne peuvent plus se contracter qu'avec lenteur et ne répondent à l'incitation volontaire qu'avec un assez grand retard. La sensibilité est émoussée, des excitations, qui, à 20°, sont douloureuses, ne semblent plus être senties quand la tem- pérature tombe à 5° par exemple. Lorsqu'un muscle se con- tracte, l'animal a une sensation vague, mal définie, mais qui lui permet de régler la contraction de son muscle. Si la sen- sibilité est diminuée, cette sensation disparaîtra et l'animal ne pourra plus régler l'impulsion motrice suivant son désir ; de là l'incertitude et l’inhabileté des mouvements d’un batra- cien refroidi. Non seulement la sensibilité musculaire, mais toute sen- sibilité, mais même toute volonté est diminuée par le froid. L'animal ne réagit plus volontairement avec la même inten- sité pendant l'hiver que pendant la saison chaude. Pendant la période de froid, les animaux à sang froid consomment infiniment peu. Ils ne prennent plus de nourri- tare ; ils absorbent très peu d'oxygène, ils ne rejettent que des traces d'acide carbonique. Les échanges nutritifs sont sinon totalement supprimés, du moins réduits dans une pro- portion énorme. Aussi voit-on, dès que la température s’est notablement abaissée, tous les animaux à sang froid disparaître ; ils entrent dans la période du sommeil hibernal, jusqu'à ce que les premiers räyons du soleil du printemps viennent échauffer la terre et leur communiquer de nouveau la chaleur et la vie. Lorsque ces animaux subissent un abaissement de tempé- rature suffisant, lorsque, par exemple, la terre humide qui les entoure se congèle, ils peuvent être eux-mêmes gelés ; les liquides de leur organisme peuvent se solidifier. On a prétendu que des Grenouilles, des Crapauds, etc., avaient 252 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. pu être gelés au point que leurs muscles pouvaient être rompus comme des branches de bois gelé, sans que cette congélation entraîne la destruction des tissus et la mort. Ces faits semblent douteux, mais il est possible que des batraciens aient été pris dans la glace sans mourir, pourvu que la tem- pérature de cette glace ne se soit pas abaissée beaucoup au dessous de 0°. Ainsi donc les animaux à sang froid comme les plantes vivent pendant l'hiver d’une vie obscure, imparfaite. Les phénomènes de la vie de relation sont complètement abolis ; les phénomènes de la vie de nutrition sont considérablement diminués. Les mammifères et les oiseaux ont une température tou- jours constante supérieure en général à celle du milieu am- biant. Dans les conditions où ils se trouvent d'ordinaire, des mécanismes nerveux compliqués et mal connus régula- risent leur température. Mais il est possible d’abaisser par des procédés spéciaux la température générale de ces ani- maux, et d'étudier dans des conditions expérimentales par- faitement définies les modifications de leurs différentes fonctions. ; On peut refroidir expérimentalement les mammifères par différents procédés : l’immobilisation, soit par des moyens mécaniques, soit par la curarisation, soit par l’anesthésie détermine toujours un abaissement de la température du Sang pouvant atteindre plusieurs degrés. — Les animaux chez lesquels on entretient la respiration artificiellement après avoir pratiqué une section de la moelle épinière dans la région du cou se refroidissent également. On peut encore produire cette réfrigération en augmentant le rayonnement de la surface du corps par une couche de vernis par exemple, ou par l'enlèvement des poils ou des plumes. Enfin on peut refroidir les animaux à sang chaud en les plongeant pengans assez longtemps dans les liquides froids. Lorsqu'on immerge un Lapin dans l’eau à 15°, on voit sa température intérieure s’abaisser très rapidement; de 40° elle tombe à 28 en 1/4 d'heure ; puis elle continue à baisser et si on prolonge l'immersion pendant deux ou trois heures, le Lapin finit par mourir, sa température étant voisine de 20°. Un Chien de forte taille étant également plongé dans l'eau à 15° se refroidit de 3 à 4° par heure et meurt en six ou sept ACTION DU FROID SUR LES ÊTRES VIVANTS. 253 heures lorsque sa température s’est abaissée à 24° environ. Lorsque les mammifères sont ainsi refroidis, on peut noter des phénomènes analogues à ceux que présentent les batra- ciens refroidis : diminution de l’excitabilité des muscles et des nerfs, diminution du sens musculaire et des sensations en général, affaiblissement de la volonté; et enfin diminution considérable des échanges nutritifs ; la respiration devient moins ample, la quantité d'oxygène absorbée et d'acide car- bonique exhalée diminue, la production d’urée est également moindre ; les tissus conservent après la mort leurs propriétés pendant plus longtemps. On sait que les muscles des Batra- ciens isolés du reste de l’organisme se contractent sous l'influence des excitants plus longtemps que les muscles des oiseaux et des mammifères ; un cœur de Grenouille ou de Tortue plongé dans du sérum peut se contracter sponta- nément pendant plus de vingt-quatre heures. De méme les muscles des Vertébrés à sang chaud refroiïdis et leurs nerfs conservent plus longtemps leur excitabilité ; leur cœur ar- raché de la poitrine bat aussi plus longtemps. Si l’on refroidit seulement une partie du corps, on pourra constater sur cette partie ces diverses particularités sans entrainer la mort de l'animal. On a pu même faire quelques applications fondées sur ces observations. Les chirurgiens produisent aujourd’hui des anesthésies locales complètes par la réfrigération suffisamment puissante. On peut arriver sans la moindre difficulté à abolir complètement la sensibi- lité dans un doigt par un mélange réfrigérant de glace et de sel marin, ou par pulvérisation d’éther ou de chlorure de méthyle, sans déterminer de lésion grave dans la région anesthésiée. Les mammifères et les oiseaux sont pourvus d'organes destinés à les préserver du refroidissement. Ils ont des pe- lages, des fourrures, des toisons, du duvet qui diminuent considérablement leur rayonnement. Les Ours peuvent vivre dans des climats extrêmement froids, où la température s’abaisse quelquefois au-dessous de — 40° sans en souffrir no- tablement. On a signalé dans les parties septentrionales de notre hémisphère des Renards et des Loups qui présentaient sur le milieu ambiant un excès de température Mn 60°, 70° et même 790. Les Canards, les Oies, les Eïders, etc., sont pourvus d’un 254 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. duvet abondant et épais qui les protège d’une façon efficace contre les pertes de chaleur par conductibilité, et leur per- met de nager sur des étangs dont l’eau est à 0e. A l'approche de l'hiver, le poil des mammifères devient plus long, leur pelage plus serré — le plumage des oïseaux devient plus épais, le duvet devient plus abondant. Mais ce n’est pas seulement en se protégeant contre le refroidissement que les animaux peuvent conserver une tem— pérature élevée. Ils peuvent aussi produire de la chaleur en plus grande quantité. Tous les phénomènes chimiques qui s’accomplissent dans l'organisme sont accompagnés de déga- sœements de chaleur. Si pour üne cause quelconque l’animal tend à se refroidir, de la chaleur se produit en plus grande abondance par un mécanisme aussi remarquable que mal connu. Cette régulation de la température, cette résistance au refroidissement est sous la dépendance du système ner- veux. La section de la moelle dans la région du cou est suivie d’un refroidissement rapide; — les jeunes animaux chez lesquels le système nerveux est peu développé et peu perfectionné résistent mal au froid. Les adultes au contraire peuvent résister soit par une augmentation des combustions organiques, Soit par une diminution de la circulation péri- phérique. La chaleur animale est le résultat des oxydations qui s’accomplissent dans l’intérieur des tissus ; augmenter ces oxydations, c’est augmenter la chaleur produite. D'autre part la quantité de chaleur perdue par rayonnement est d'autant plus grande que la température de la surface du corps est plus élevée, et cette température est d'autant plus élevée que la circulation y est plus grande. Aussi sous l’in- fluence du froid voit-on la peau palir par suite du resser- rement de ses artérioles ; le sang y arrive moins abondant ; c'est autant de chaleur économisée. En outre, l’évaporation cutanée qui est une cause de refroidissement est d’autant moins grande que la peau est plus refroïdie. Tel est le méca- nisme de la résistance des animaux au froid. Cependant lorsque l’animal ne possède pas des moyens suffisants de défense contre le refroidissement, sa tempéra- ture s’abaisse progressivement, ses fonctions vitales dimi- nuent d'intensité, et la mort arrive lorsque la température du sang s’est abaissée à 24° environ. Les oiseaux et la plupart des mammifères peuvent ainsi ACTION DU FROID SUR LES ÊTRES VIVANTS. 259 lutter avantageusement contre le refroidissement pourvu que le milieu ambiant n’ait pas une température trop basse ; s’il en est ainsi ils se refroidissent eux-mêmes peu à peu et fi- nissent par mourir. Mais parmi les mammifères, il en est quelques-uns qui, tout en étant peu capables de conserver une température élevée, peuvent supporter victorieusement le refroidissement ; ce sont les animaux hibernants. Dès que la température s’abaisse un peu, ces animaux se refroi- dissent, mais tout en s’engourdissant ils ne meurent pas sous l'influence de ce refroidissement. Ces mammifères hibernants peuvent, sous l'influence de la chaleur, se ranimer, exécuter des mouvements plus ou moins rapides et jouir de toutes les facultés animales. Ils peuvent même produire alors beau- coup de chaleur et atteindre une température propre dépas- sant beaucoup celle du milieu où ils vivent. Ces animaux sont les uns de petits insectivores, Chauves- souris et Hérissons ; les autres, des rongeurs tels que la Mar- motte des Alpes, le Loir, le Lérot, le Muscardin et le Ham- ster de l'Europe septentrionale, le Porc-épic et l'Écureuil. Quelques grands mammifères, habitant les montagnes où le froid est long et rigoureux, présentent des phénomènes de même ordre : l'Ours brun, le Blaireau restent endormis dans leur tanière pendant l'hiver ; mais leur sommeil est moins profond que celui des petits mammifères. Buffon considérait les animaux hibernants comme des ani- maux à sang froid et pensait que la température interne de leur corps était toujours à peu près la même que celle de l'atmosphère. Spallanzani a montré qu'au contraire ces ani- maux présentent un excès de température de 15 à 20° sur celle de l’air lorsque celle-ci est assez élevée pour qu'ils restent éveillés. Ces animaux s’endorment toutes les fois qu’on les soumet, pendant quelque temps, à l'influence d’une température basse. Les Muscardins s’endorment vers 10 à 15; le Hérisson et la Chauve-souris à 6°; le Lérot à 4°: etc. Dans ses lecons sur la physiologie et l'anatomie com- parée de l’homme et des animaux, Milne-Edwards résume en quelque sorte l’histoire de ces animaux dans les lignes sui- vantes : « Les animaux hibernants nous offrent un exemple des harmonies de la création dont tout naturaliste doit être 296 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. frappé. Les mammifères, qui présentent cette particularité, sont seulement ceux qui se nourrissent d'insectes, de fruits ou d’autres substances analogues ou qui sont destinés à habiter les pays où pendant l'hiver ils ne pourraient trouver aucun des aliments dont ils ont besoin. Mais cette privation ne leur nuit pas, car le froid, qui fait disparaître de la surface de la terre les animaux et les produits végétaux qui leur con- viennent, les plonge dans un état de torpeur pendant lequel tous les besoins du travail nutritif deviennent presque nuls : ils restent alors cachés dans quelque réduit bien abrité; leur circulation se ralentit beaucoup; leur respiration, sans cesser complètement, diminue de facon que la combustion vitale devienne extrêmement faible et que la graisse, emmagasinée dans leur corps, suffise pour l’entretenir. » L'influence du froid sur ces animaux est extrémement nette : une Marmotte fait 30 respirations par minute à 20°; elle en fait 20 à T ; elle n’en fait que 8 vers 0°; et quand elle est engourdie, les respirations sont presque imperceptibles et extrêmement rares. La Chauve-souris respire 70 fois par mi- nute à 20°; elle ne respire que 8 fois à En même temps, la quantité d'oxygène absorbée diminue : une Marmotte qui consommait deux litres d'oxygène par heure à 20°, ne consomme que 1 litre 1/2 à % et seulement 40e pendant son sommeil hibernal, souvent même beau- coup moins. La consommation d'oxygène est souvent si faible qu'on peut conserver des Marmottes endormies dans l’acide carbonique pur pendant quatre heures sans les asphyxier ; cependant elles ont besoin d’air et finiraient par mourir si on les laissait trop longtemps dans l'acide PRE ou dans l'aimcontine Le refroidissement des hibernants est accompagné de ralentissement dans l’activité du cœur lors même que le re- froidissement est insuffisant pour amener la léthargie. Ainsi un Hérisson qui a % pulsations par minute en août à 19°, n’en a plus que 25 en novembre à 6°. — Le Lérot passe de 105 pulsations à 60 sans s’endormir ; la Marmotte de 90 à 10 ; la Chauve souris de 200 à 28. “Les conditions de l'hibernation sont comparables . au refroi- dissement des animaux à sang chaud; mais tandis que ces derniers meurent quand leur température atteint 20°, les hibernants peuvent se refroidir jusque vers 0°, le sommeil ACTION DU FROID SUR LES ÊTRES VIVANTS. 207 s’'établissant quand la température de leur corps s’abaisse au- dessous de 20°. Pendant le refroidissement, les phénomènes sont les mêmes dans les deux groupes. Ces phénomènes ont été admira- blement résumés par Milne-Edwards. Nous citerons ce pas- sage comme conclusion de cette étude sur l'influence du froid sur les animaux hibernants. « Les battements du cœur deviennent rares, le sang ne cir- cule plus que lentement ; les membres n’exercent plus de mouvements ; le corps devient froid; la sensibilité semble éteinte, et cet engourdissement est parfois si profond que les stimulants les plus énergiques suffisent à peine pour faire apparaître quelque signe de vie. » Nous pouvons résumer l’action du froid sur les êtres vi- vants en disant qu'un abaissement de température progressif diminue d’abord l'intensité des phénomènes vitaux ; puis, si la température continue à s’abaisser, supprime toute mani- festation vitale. Selon la nature de l'être ou de l’organe soumis au refroidissement. il peut y avoir suppression tempo- raire ou définitive de la vie. (À suivre.) 20 Février 1891, 17 ÉPOQUE DE LA PONTE DE QUELQUES POISSONS DE MER Par M. H.-E. SAUVAGE, Directeur de la station aquicole de Boulogne-sur-Mer. L'époque à laquelle les poissons de mer sont en état de reproduction, l'endroit précis où se fait la ponte, sont des questions des plus intéressantes à étudier, si l’on veut prendre des mesures pour empêcher la destruction abusive du poisson. Depuis quelques années nous notons avec soin l'état de développement des organes de la reproduction de tous les poissons que nous pouvons nous procurer ; voici le résumé de nos observations : Petite Rousselle. — Cette espèce parait avoir les organes de reproduction en état de développement pendant une grande partie de l’année. Au commencement de mai, nous trouvons un œuf dans chaque oviducte et des ovules à tous les degrés de développement ; au mois de juin, les œufs sont prêts à être pondus et avec eux sont des ovules de tous âges ; au mois de juillet, les ovules existent ; fin octobre, les ovules sont peu développés et la ponte est encore lointaine. Anguilles. — La ponte de cette espèce a lieu deux fois par an, fin juillet et fin octobre ou commencement de novembre. Au commencement de mai, nous trouvons des œufs dans chaque oviducte, tandis que vers le milieu de juin le fœtus est développé, bien que jeune encore; la ponte peut être retardée, aussi trouvons-nous dans les premiers jours de juillet des embryons non encore complètement développés et sur l'œuf. Dans les derniers jours d'octobre une ponte est sur le point de s'effectuer ; nous trouvons, en effet, à cette époque, des fœtus complètement développés dans chaque oviducte, des œufs et des ovules à tous les degrés de développement. Trigle Corbeau. — Au commencement de juillet, tandis ÉPOQUE DE LA PONTE DE QUELQUES POISSONS DE MER. 259 que des Trigles de pêche littorale ont un faible développe- ment des ovaires, chez d’autres, ces organes ne sont nulle- ment développés ; ce n’est que vers le milieu de mai que les laitances sont bien développées, les spermatozoïdes étant nombreux ; à cette date, les ovaires sont encore petits, bien que les ovules soient à tous les degrés de développement. M. Fulton (1), sur les côtes d’Ecosse, a constaté qu’en oc- tobre et novembre le Trigle Corbeau est absolument vide; nous avons cependant pêché sur l'Huîtrière, banc en face de Boulogne, des Trigla Gurnardus chez lesquels les ovaires existaient, bien que peu développés, il est vrai. Au mois de mai, chez l’Aspidophore, les ovules sont à tous degrés de développement ; cette espèce est côtière et se prend au chalut à Crevettes. On pêche le Maquereau en juin et en juillet dans le Pas de Calais; à cette époque, des poissons pris aux Ridens avaient la laitance très développée, pesant jusqu'à 45 orammes. Beaucoup de Maquereaux ont été péchés cette année avec les filets au Hareng dans les parages de Bou- logne ; ce n’est qu'à partir du milieu de novembre que nous avons constaté un commencement de développement des ovaires. dé | _ Au mois de mai, la Carangue a les ovaires complètement développés ; nous trouvons à cette époque les ovules muürs et les spermatozoïdes développés. M. W. Fulton a vu que, sur les côtes d’'Ecosse, le Callio- nyme lyre est prêt à pondre vers la fin du mois de mai ; nous avons constaté le même fait chez des Callionymes pris en abondance au petit chalut en rade de Boulogne, au milieu du mois de mai; sur 60 individus péchés, 44 étaient des femelles, 16 des males ; les organes de ces derniers étaient moins déve- loppés que les ovaires. Chez la Grande Vive on constate, de mai à fin juillet, que les ovules et les spermatozoïdes sont à tous degrés de déve- loppement ; c’est au milieu de juin que doit avoir lieu la ponte, la rogue et la laïitance étant müres à cette époque; la ponte doit se prolonger jusqu'à mi-juillet, ainsi que le montre l'examen des poissons de pêche cotière. Nous constatons le même fait pour la Petite Vive (Trachi- (1) Tne sparwning and spawning places of marine fo:d jishes. 260 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. nus vipera) ; la ponte a lieu de mai au milieu de juillet ; elle est achevée dès les premiers jours d'août. En juillet, nous avons trouvé le Charbonnier [Merlangus carbonarius) complètemert vide; la ponte doit être entière- ment terminée à cette époque. D'après M. W. Fulton, sur les côtes d'Ecosse, D Merlan pond de mai à juin, surtout en avril; nos observations ne semblent pas coïncider avec celles du naturaliste anglais ; au mois de juillet, des Merlans péchés dans le Pas de Calais ont un commencement de développement des ovaires; à la fin d'octobre, sur dix poissons péchés dans les mêmes parages, deux, dont un de 0,200 de long, l’autre de 0,170, ont les ovules à tous les degrés de développement. En novembre, nous avons examiné un grand nombre de Merlans péchés à la côte, à la palancre ; les ovaires étaient bien déve- loppés, dans la proportion de 10 pour cent des femelles. M. W. Fulton a vu que la Morue pond sur les côtes d'Ecosse de fin janvier à fin mai, principalement en mars et en avril ; nous avons constaté le même fait sur les côtes du Boulonnais ; en octobre et en novembre, les ovaires sont complètement atrophiés. La Morue Borgne (Gadus luscus) pond dans le Pas de Calais au mois de février ; à cette époque les ovaires sont complètement développés. La ponte de l'Orphi2 (Beloore vulgaris) a lieu sur les côtes du Boulonnaïs vers la fin du mois de juin ; à cette époque les rogues et les laitances ont atteint leur entier développement. Dans les mers d’Ecosse, le Carrelet pond de fin janvier jusqu'au milieu de mars. Chez les poissons péchés sur-les côtes du Boulonnais, nous ne trouvons pas d'organes de la reproduction depuis le mois d'avril jusqu'à la fin de no- vembre, ce qui confirme ce fait vérifié par M. Fulton que le Carrelet ne pond que vers 20 à 25 milles au large, les poissons adultes, qui se trouvent dans les eaux territoriales, émigrant vers la haute mer au moment de la ponte et revenant plus tard à la côte. Chez des Carrelets pêchés au milieu de dé- cembre entre les bancs du Galoper et du North Hinder, nous avons constaté que les rogues étaient bouvardes, le poisson étant prêt à pondre. Tandis que sur les côtes d'Ecosse, le Fe, ae M. W. Fulton, pond de février à juin, la ponte a lieu plus tôt sur les ÉPOQUE DE LA PONTE DE QUELQUES POISSONS DE MER. 261 / côtes du Boulonnais ; chez de nombreux poissons pêchés en mai et en juin à Boulogne, les organes de la reproduction n'existaient pas, tandis que les individus examinés fin oc- tobre et novembre avaient un commencement de développe- ment des glandes mâle et femelle indiquant que les Flets de- vaient pondre, au plus tard, vers la fin de janvier. La Limande pond dans les eaux territoriales de mai à juin; en hiver les glandes sont complètement atrophiées. Nous n'avons pu nous procurer de renseignements précis sur l’époque de la ponte du Twrbot et de la Barbue ; au mois de décembre, la Sole, pêchée sur les bancs de la partie sud de la mer du Nord, a les rogues bien développées. Sur 60 Célans (Alosa sardina) pris à la fin de décembre dans lés parages de Boulogne, nous trouvons 33 femelles et 24 mâles; 3 ont les axonges; les organes sont peu développés, ne pesant que de I gr. 50 à 2 gr. 50 chez les femelles, 1 gr. 7 à 4 gr. 75 chez les mâles. LA BETTERAVE ET LA CANNE À SUCRE PAR M. JuLIEN PETIT. L'industrie du sucre de Betteraves date de l’époque du blocus continental, des efforts faits par Napoléon I pour fermer le marché européen aux sucres des colonies anglaises. En 1813, la France produisait 4,000 tonnes de sucre de Bette- raves, et la priorité qu’elle avait prise sur les nations étran- sères se maintint jusqu’en 1878. L'Allemagne produisait 186,000 tonnes de sucre indigène, en 1871-72. — L'Autriche, 240,000 tonnes. — La Russie, 171,000 tonnes. — La France, 335,000 tonnes. En 1878, l'Allemagne monte à 380,000 tonnes. la France à 400,000, l'Autriche à 355,000. Depuis, l'Allemagne, l'Autriche et la Russie, sans compter les nations de second ordre, ont continué à accroître leur pro- duction, tandis que nous restions stationnaires jusque dans ces toutes dernières années. En 1880, l'Allemagne arrivait à une production de 570,000 tonnes, l’Autriche-Hongrie à 533,000, la France ne dépassait pas 331,000 tonnes. Deux srandes révolutions, en effet, s'étaient opérées dans l’industrie sucrière étrangère, une d'ordre essentiellement industriel, substitution du procédé dit de la diffusion aux anciennes mé- thodes du pressurage de la Betterave réduite en pulpe; une autre d'ordre agricole, remplacement par des Betteraves de petites dimensions mais dosant 14, 15, 16 c/, de sucre, des anciennes racines, très volumineuses, mais contenant seule- ment 9°}, de matière saccharine. En 1868, on installait en Autriche les premières sucreries par diffusion; en 1877 80 °/, des usines autrichiennes et 68 ‘/, des usines allemandes employaient ce procédé, alors que 5 fabriques seulement sur 4 à 500 l’essayaient en France. La révolution, si tardive qu’elle ait été, s’est rapidement opérée chez nous du reste, car, à l’époque actuelle, quelques rares usines seulement n’ont pas encore adopté les nouvelles méthodes. Grâce à ce double mouvement, la Betterave qui rendait en 1884, 5 kilogs 90 de sucre pour 100 kilogs de racines employées, en produisait 9 kilogs 62 en 1889, et nous pouvons ajouter que, comme te- neur en sucre, les variétés françaises ne le cèdent en rien LA BETTERAVE ET LA CANNE A SUCRE. 263 aux Betteraves étrangères. Ce résultat a été obtenu par une sélection méthodique des racines choisies pour servir de porte-graines, en n’élevant au rang de reproductrices que celles qui se faisaient remarquer, non seulement par une forme régulière facilitant l’arrachage, mais par une haute teneur en sucre, dosée en prélevant un échantillon de matière sur toutes les racines désignées par un premier choix portant uniquement sur les caractères extérieurs. En 1889, la Betterave a fourni 3,003,000 tonnes de sucre, la Canne à sucre en a donné 2,705,000, mais tandis que la production du sucre de Betteraves allait sans cesse croissant, elle était seulement de 867,000 tonnes en 1871-72, celle du sucre de Canne est restée à peu près stationnaire. Des deux modes de transformation qui avaient donné un si vif essor à la fa- brication du sucre de Betteraves, un seul, le procédé méca- nique, la diffusion, avait pu être appliqué à la Canne à sucre, et dans des conditions beaucoup moins avantageuses qu'en Europe, à cause de la grande quantité de combustible néces- saire. Quant à l'enrichissement de la matière première en sucre, il n'était pas possible d'y songer, la Canne multipliée par boutures pendant une longue suite d'années, ayant totale- ment perdu la faculté. de donner des graines; la teneur en sucre pouvait donc diminuer encore, mais on n'avait aucun moyen de l’accroitre, et les planteurs s’estimaient bien heu- reux d'éviter toute dégénérescence. Le ministère anglais des colonies avait cependant recommandé à ses agents d'appeler l'attention des planteurs sur les variétés nouvelles de Cannes à sucre, qui pourraient apparaître fortuitement dans leurs champs, de les leur faire isoler, et cultiver spécialement. Ces instructions furent mises en pratique aux îles Viti, dans le Queensland, à l’île Maurice, aux Antilles, à la Guyane, sans grands résultats il est vraï. Pour pouvoir sélecter les tiges les plus riches en sucre, et les multiplier avec leurs qualités propres, de façon à les cul- tiver uniquement plus tard, il fallait disposer de la reproduc- tion par graines; or cette question semble être en voie de solution à l'heure actuelle. Dans quelques rares circonstances, en effet, on avait vu des Cannes à sucre fructifier aux Bar- bades et dans d’autres colonies, mais les graines ainsi obte- nues étaient dépourvues de toute faculté germinative. De nouvelles tentatives ont eu plus de succès, paraît-il, car dans 264 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. son numéro de décembre 1887, le Bulleiin du Jardin royal de Kew annonçait que le professeur Harrisson et M. Bovell ve- naient d'obtenir à la station botanique de Dodd’s Reforma- tory, Barbades, des graines de Canne à sucre parfaitement constituées. Ces graines, semées depuis, ont donné naissance à des plants vigoureux, qui ont fructifié à leur tour et dont les produits ont fourni une seconde et nombreuse génération. Dans une conférence qu'il faisait récemment à la Société royale d'horticulture, M. Morris, du Jardin de Kew, a pu présenter à son auditoire des échantillons de graines de Canne à sucre des Barbades, de la taille et de la forme d'un ‘grain d'avoine, dont quelques-uns même avaient été mis en germination. MM. Harrisson et Bovell possèdent actuellement, à la sta- tion de Dodd, 130 pieds de Canne âgés de 2 ans, venus de graines, et 1,600 pieds d’un an, obtenus de la même facon. Ces graines ont été fournies par des Cannes originaires de Mau- rice et de Malaisie. Un certain nombre de variétés nouvelles ont déjà pu être distinguées et les plus remarquables ont immédiatement recu les noms suivants : Canne Armstrong, tige gris bleu. Canne Morris, tige vert jaunâtre. Canne Burke, tige jaune à taches rouge sang. Canne Gouverneur Lees, tige pourpre. Canne Hart, tige verte et pourpre. Canne Watt, tige jaune verdâtre. La régénération de la Canne à sucre, venant faire échec au développement récent de la Betterave, qu’elle entraverait certainement, aurait surtout une importance considérable pour l'Angleterre, dont l'énorme consommation ne peut être alimentée par ses colonies. L’Angleterre a en effet importé, l’an dernier, les quantités suivantes de sucre : Sucre de Canne brut. 501,751 tonnes. Sucre de Canne raffiné, 38,000 tonnes. Sucre de Betterave brut, 379,000 tonnes. Sucre de Betterave raffiné, 304,749 tonnes. Il est évident que le jour où ses colonies pourront lui livrer ce qui lui est nécessaire, en travaillant des Cannes amélio- rées, l'Angleterre se fermera aux sucres de Betteraves fran-. cais et allemands. LA FAUCONNERIE D'AUTREFOIS LA FAUCONNERIE D’AUJOURD'HUI Conférence faite à la Société nationale d’Acclimatation le 24 mars 1890, Par M. PIERRE-AMÉDÉE PICHOT. (SUITE ET FIN *.) Maintenant, Messieurs, je veux vous dire quelques mots de l'éducation du Faucon et de son dressage que nous appelons l'afjaitage. L'éducation du Faucon demande du soin et de la patience, de la douceur et du jugement, mais elle est loin d’être aussi difficile qu’on se l’imagine. C’est un apprivoisement au bout du compte, une sorte d'association entre l'oiseau et son fau- connier. Charlet, le spirituel dessinateur, à représenté dans une de ses amusantes lithographies deux gamins se rendant à l’école ; l’un à son petit panier bourré de tartines, et la lécende porte que celui qui n’a rien que ses cahiers sous le bras dit à l’autre : | « Donne-moi de quoi qu't'as et j'te donnerai de quoi qu'j'aurai. » Eh bien, voilà la fauconnerie. Ce n’est pas autre chose que d'apprendre à l'oiseau à mettre ses instincts à notre service. Aristote rapporte que les oïiseleurs thraces des environs d'Amphipolis avaient fait association avec les Éperviers. Ces hommes battaient les roseaux, les buissons, faisaient lever et partir les petits oiseaux, et les Éperviers les guettaient en l'air, leur faisaient peur et forçaient les oiseaux à se jeter dans les filets des chasseurs. C’est ce que j'appellerai de la fauconnerie libre. Les fauconniers n’ont pas attendu le xIx° siècle pour la rendre obligatoire. (*) Voyez plus haut, pages 52 et 194. 266 REVUE DES SCIENCES NATURÉLLES APPLIQUÉES. Il s’agit d’abord de se procurer un Faucon. C’est exacte- ment comme pour le civet de Lièvre ; il faut d'abord avoir un Lièvre. Pour faire de la fauconnerie, il faut un Faucon. Les Faucons se prennent jeunes dans le nid, c’est ce qu'on appelle des Faucons « niais », parce qu'ils ne sont pas encore très forts, ou bien ils se prennent adultes à l’état sauvage et on lestnomme”cthavards NES Faucons michentelensMles rochers, sur les entablements de hautes falaises ; on descend un homme avec une corde fixée autour des reins et il rap- porte les petits dans un panier attaché à sa ceinture. Une fois qu'on les a dénichés, on met ces jeunes Faucons dans une remise, une pièce bien aérée, bien éclairée, on les nourrit à la main et l’apprivoisement s'effectue naturellement. Quand ils sont bien développés, on les arme. Ce qu'on appelle armer, c’est leur mettre aux pattes (on dit #ains pour les Faucons) de petites lanières de cuir pour les attacher, c’est les habituer à porter le chaperon, c’est les munir d'un grelof. Le grelot sert à les reconnaître quand ils volent, à les retrou- ver quand ils sont perdus, à ne pas faire comme Napoléon qui à tiré sur son Faucon. Quand on entend « drelin, drelir » c'est comme si on vous criait : « Ne tirez pas ! » Le chaperon, lui, sert à les faire tenir tranquilles. Il ne faut pas que le Faucon s’agite, il a besoin de toutes ses plumes pour exercer son métier, il ne faut pas qu'il en casse. Lorsqu'il a la tête recouverte du éhaperon, il reste immobile sur son perchoir ou sur le poing qui le porte. Et puis cela le fait peut-être réfléchir aux lecons qu’on lui donne ; c’est comme le capu- chon du moine sous lequel le moine se recueille et s'isole des distractions du monde extérieur. Les Anglais n’enferment pas d’abord les jeunes Faucons. Ils les laissent voler en liberté comme des Pigeons autour de la demeure où on les élève. On leur donne à manger une fois par jour, à la même heure, et on les rappelle au moyen d’un sifflet. C'est la cloche du diner à laquelle ils sont aussi sen- sibles, croyez-le bien, que leurs maîtres. S'ils avaient la pré- tention de se nourrir tout seuls, de chasser pour leur propre compte, on leur mettrait aux « mains » des grelots tres lourds qui les empêcheraient d'atteindre les oiseaux qu'ils voudraient poursuivre. Élevés ainsi en liberté, les Faucons se développent bien, et on les reprend aisément lorsque l’on veut commencer le dressage. LA FAUCONNERIE AUTREFOIS ET AUJOURD'HUI. 267 Pour prendre les Faucons adultes et sauvages, on se sert de plusieurs sortes de pièges dont la première condition, cela va sans dire, doit être de capturer le Faucon sans le blesser et sans endommager ses plumes. Le moyen le plus ingénieux est celui employé par les Hollandais de temps immémorial sur les bruyères du Brabant et que se sont transmis de père en fils une longue série de fauconniers. Ils ont même fondé un village qui, à un certain temps, était presqu'exclusive- ment habité par des fauconniers et qui doit à l'industrie du piégeage qui le fit vivre le nom qu'il porte encore aujour- d'hui de Valkenswaard, « le village des Faucons ». Si vous jetez les yeux sur une carte de l’Europe où les chaines de montagnes soient indiquées ex relief, vous remar- querez une longe bande de plaines ou de dépressions qui s'étend du nord au midi. On suit ainsi les bords de la Bal- tique, les côtes de Suède et de Russie, on traverse le Dane- mark, le Hanovre, la Belgique, le plateau du Vexin, la Tou- raine, les Landes pour finir en Espagne. Eh bien, dans ce long corridor, il se produit deux fois par an, au printemps et à l'automne, un va et vient, une oscillation ou fluctuation mi- oratoire des oiseaux qui, ayant niché dans le nord, des- cendent vers le midi pour y chercher des climats plus doux, ou remontent vers les contrées sauvages qui les ont vus naître pour s’y multiplier à leur tour. C’est ce long corridor que descendent et remontent annuellement les Faucons, et la con- figuration du sol qui se resserre les accumule d’une facon toute spéciale à une certaine époque dans le Brabant. Les fauconniers hollandais les y attendent pour les détrousser au passage comme jadis les condottieri du moyen âge dans leurs castels fortifiés, qui dominaient les défilés et les grandes routes, attendaient les voyageurs de commerce pour préle- ver sur eux un péage. Voici le plan de l’attirail hollandais pour le piégeage. (Projection : Plan de la hutte hollandaise, d'après Harting.) Seulement le castel fortifié des fauconniers hollandais n’est qu'une simple hutte enfoncée en terre et recouverte d’un dôme de mottes de bruyères, de branchag ou de gazon (A). Extérieurement cela à l'air d’une taupinière, d’une forte tau- pinière. À l’intérieur, où l’on descend par un passage en pente et recouvert, des bancs de bois ou des tabourets plus 268 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. ou moins boiteux, un râtelier pour la pipe et une petite table ou une étagère pour les verres et l'inévitable bouteille de Skiddam, la compagne indispensable du veilleur solitaire qui doit y passer ses journées. Sur la facade de cette hutte, une fenêtre un peu basse et longue, presque au raz du sol per- mettant de surveiller la campagne, puis quelques chattières ou œils-de-bœuf facilitant les moyens d'observation et par où passent les cordes et filières avec lesquelles on agit sur l'attirail disposé à une trentaine de mètres en avant de la fenêtre. Cet attirail se compose de deux poteaux de 5 metres de haut (B), du sommet desquels partent des filières (C) qui aboutissent à la hutte (A) et qui, lorsqu'on tire dessus, font monter en l'air l’une un Pigeon vivant, que j'appellerai Pi- geon d'appel (P), l’autre un vieux Faucon hors d'usage (H) ou un balai de plumes noires à l'aspect féroce, parce qu'il doit jouer le rôle d’un Faucon comme vous allez voir (F). A droite et à gauche sont de petits abris en mottes de gazon (D) où sont enfermés d’autres Pigeons que je désignerai sous le nom de Pigeons de leurre et que l’on peut tirer dehors au moyen de filières et faire passer dans la circonférence de filets circulaires soigneusement repliés et dissimulés, mais prêts à se détendre et à se rabattre (E). L'installation ainsi disposée, on se met dans la hutte et l’on attend le Faucon. Mais le Faucon ne veut pas du tout venir se faire prendre ; il: n'y à jamais songé, et il passe souvent le matin, très loin, très haut et si haut même que les fauconniers ne pourraient. pas le voir. Comment faire ? Eh bien ! le fauconnier s’est fait aider par des oiseaux. Ces oiseaux sont des Pies-grièches, LA FAUCONNERIE AUTREFOIS ET AUJOURD'HUI. 269 Les Pies-erièches ont l'œil encore plus perçant que le fau- connier. On en attache deux à droite et à gauche de la hutte sur de petits tertres artificiels qui forment observatoire (G). Rien ne passe en l’air sans éveiller leur attention, et vous apprenez vite à estimer d’après leurs attitudes la nature de l'oiseau qui excite leur méfiance. Si c’est un vrai Faucon que la Pie-grièche a découvert, son agitation est de plus en plus intense à mesure que l'ennemi se rapproche. Elle cesse de Pie-grièche sur son observatoire. manger, elle bat des ailes et pousse de petits cris. Nous voilà donc assurés qu'il passe un Faucon quelque part; nous ne, Savons pas où, nous ne le voyons pas, mais nous en Sommes sûrs. Il faut attirer ce Faucon. Alors on agit sur les filières des poteaux; on fait voler le Pigeon d'appel, on fait voler le Faucon ou le plumeau terrible de facon à simuler un combat. L'oiseau passager a aperçu la manœuvre ; il y a là un camarade qui chasse ; il y a donc quelque chose à manger. « Sinous allions voir, » se dit-il, et il suspend son voyage et se rapproche. C’est bien cela, il ne s’est pas trompé; ilya du Pigeon dans l'air. Dix minutes d'arrêt, buffet! Et il se 270 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. rapproche toujours davantage. Le voilà presqu'à portée. L'acitation de la Pie-crièche est intense ; elle pousse des cris de terreur et se précipite au fond d'un petit réduit qu’on lui a ménagé et où elle se cache. Alors vous laissez retomber les fi- lières des poteaux; le Pigeon d’appel(P), pas plus rassuré que la Pie-grièche, s’empresse de se mettre à l’abri et vous faites sortir le Pigeon de leurre (K). Avec la rapidité de l'éclair, le Faucon passager a fondu sur lui et la lié; ils tombent à terre et alors tirant doucement sur votre Pigeon, vous l’entrainez lui et le Faucon qui le tient et qui ne veut pas le lâcher, dans l'aire de développement du filet circulaire que vous fermez et rabattez sur les deux oiseaux. Le Faucon est pris. Messieurs, voilà la Pie-grièche sur son petit observatoire à la porte de son buen retiro. Pour la protéger contre une sur- prise du Faucon, on a soin de l’abriter en outre par des cer- ceaux à droite et à gauche, ce sont les chevaux de frise de son petit castel. (Projection : Za Pie-grièche sur son observatoire.) Messieurs, la Pie-grièche que vous venez de voir en pein- ture, la voici maintenant en nature. C’est un assez joli oiseau comme vous voyez, blanc, noir et gris perle. Vous le trou- veriez peut-être encore plus joli, s'il y avait dessous un élégant chapeau et sous le chapeau une jolie femme. C'est à son habileté à dresser des Pies-arièches (auxquelles on peut aussi faire prendre de petits oiseaux), qu'un des an- cêtres de la famille de Luynes dut ses premières faveurs à la cour de Louis XIII. Lorsque d'Albert, duc de Luynes, né en 1578, à Pont-Saint-Esprit, fut présenté à lu cour à l’occa- sion du mariage de Henri IV et de Marie de Médicis, on pré- tend que lui et ses deux frères n'avaient qu'un seul manteau qu'ils portaient tour à tour et qu'ils se repassaient lorsqu ils allaient chez le roi. Maïs ils étaient très forts sur tout ce qui tient à la chasse au vol, et Louis XIII les prit en affection. Depuis, il y a eu des de Luynes qui ont occupé de grandes situations, qui ont été des hommes de guerre remarquables. même des hommes de lettres de talent. Je vous ai montré la Pie-grièche ; je ne puis pas vous montrer le duc de Luynes.…. il est à Clairvaux. Voilà la chasse du Faucon telle qu'elle se pratique encore LA FAUCONNERIE AUTRETOIS ET AUJOURD'HUI: 211 en Hollande, où les anciens fauconniers du Loo ont été prendre leur retraite et où elle sert à remonter les équipages anglais qui envoient tous les ans un ou plusieurs de leurs hommes, après le passage d'automne, prendre livraison des Hagards capturés par le vieux Mollen, ses fils ou ses élèves. J'y ai été moi-même dans le temps faire un séjour d’une hui- taine de jours avec mon collègue et ami de l'équipage de Champagne, Julio Alfonso-de Aldama. La saison du passage était déja presque terminée, cependant nous partageñmes avec Mollen les longues attenies de la hutte et nous assis- tâmes à plusieurs prises. Puis le soir réunis dans la petite auberge de Valkenswaard aytour du poéle de la salle com- mune, nous primes part à ces longues veillées des faucon- niers où il s’agit de commencer le dressage en habituant l'oi- seau à être porté sur le poing et en brisant son caractere farouche et indomptable par la privation de sommeil au moyen duquel on en vient très rapidement à bout. Rien de plus pittoresque que ces longues veillées dans cette salle fumeuse ornée tout autour de portraits de Faucons et de scènes de chasse. Quelques-uns des amis de Mollen venaient nous tenir compagnie, et là, chacun avec un Faucon sur le poing, attablés devant les immenses bocks de la Hollande, nous devisions jusqu'à une heure avancée de la nuit, de choses de chasse et de sport et évoquions dans les spirales bleuâtres qui s'élevaient du fourneau des longues pipes en terre blanche, les souvenirs des temps passés. Et que de fois remontés dans nos chambres d’auberge, nous avons vu le rêve donner un corps à ces souvenirs et pourfendant les monstres terribles de la forêt de Broceliande, eh! ma foi! nous avons délivré de belles damoiselles sur de blanches haquenées ! En quittant Valkenswaard nous passàmes par la Haye où nous rencontrames le prince d'Orange. La reine apprit par . lui le singulier séjour que venaient de faire dans un coin retiré de la Hollande deux étrangers venus pour étudier sur place un art pour lequel elle avait été naguère très passion née elle-même et elle voulut nous voir. Nous recüumes un _ beau jour l'invitation de nous rendre au château pour y pas- ser la soirée. C’est une cour très simple et très peu formaliste que celle de Hollande, et lorsque nous arrivàmes au château, on ne fit pas du tout sortir la garde pour nous recevoir. Un LATRU REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. suisse ou concierge, à moitié endormi, nous inäiqua un esca- lier, puis toute une série de corridors peu éclairés où nous nous égarames si bien que nous n’osions plus continuer notre route, et comme dans la Grande Duchesse, Alfonso me de- mandait déjà « dans la chambre au fond du couloir, qu'est-ce qui va nous arriver, mon Dieu ? » lorsqu'une porte s’ouvrit et nous nous trouvames en présence de la reine qui prenait le thé avec quelques dames. On nous fit le plus gracieux accueil, et il fallut raconter par le menu tout le détail de notre séjour à Valkenswaard. Sa Majesté était très intriguée de savoir comment, ne connaissant pas la langue, nous avions pu nous tirer d’affaires dans ce coin écarté de son royaume et il fallut lui expliquer comment nous avions fait par exemple pour retrouver le cimetière des fauconniers de Valkenswaard que nous avions voulu visiter. Oh! mon Dieu, c'était bien simple. Il avait neigé ce jour-là, et quand nous rencontrions un paysan sur la route, Alfonso creusait un trou dans la neige, s’y couchaït, et je faisais mine de l’ensevelir. Ceci joint à une pantomime énergique nous fit indiquer la route du champ de repos. Messieurs, je vous ai parlé du dénichage des Faucons pèle- rins, de leur prise au moment du passage. Je voudrais vous dire quelques mots du dénichage de l’Autour qui est encore assez fréquent dans nos forêts de haute futaie et que l’on peut se procurer plus facilement que le Faucon pèlerin. C’est l’oi- seau indiqué pour la petite chasse, ce que l’on appelait la basse volerie autrefois ; c’est l'oiseau pour gibier par excel- lence, le pourvoyeur de l'office et du garde-manger. Est-ce pour cela qu’au moyen âge on l’appelait « cuisinier » ou parce qu’on le gardait à la cuisine, son bloc placé près de la cheminée, pour qu'il se familiarisàt davantage avec la pré- sence de l’homme, le contact des chiens, les allées et venues de tout venant”? Je ne sais, mais il est de fait que pour que l'Autour atteigne le maximum de perfection, il faut qu'il vive dans la plus grande intimité avec son maitre, et qu'il soit tel- lement rompu et discipliné que rien ne l’effraye ni ne l’effa- rouche. C'est aussi peut-être pour cela qu’on ne le chape- ronne jamais. L’Autour n'existe plus aujourd’hui en Angle- terre ; les derniers y furent dénichés au commencement du siècle par le colonel Thornton dont je vous ai parlé. LA FAUCONNERIE AUTREFOIS ET AUJOURD'HUI. 273 Les Anglais étaient donc tributaires de l'Allemagne pour seremonter en Autours lorsque nous recommençcâmes à faire NAT ZE TA = NS AU ANNE, SA er. AR | NAIL NRA Ar À, SAC CEE & RE = Art a TES EDP EE d' SI Sy ss £ TE D . SA À < ce RE SAS n NS = LE RÉ TT EF SSSR CEE LL ‘Dénicnage d'Autours au Japon. de la fauconnerie en France. Aujourd'hui, c’est nous qui les leur fournissons. C’est un commencement de revanche. On fait ce qu'on peut, n'est-ce pas ? C'est ainsi que nous allons dénicher des Autours dans la 20 Février 1891. 18 74 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. 19 forêt de Lyons et autres grandes futaies. Au commencement, on ne savait pas bien ce que c'était qu’un Autour ; les gardes les appelaient de grands Emouchets, de grands ceci, de grands cela. Aujourd'hui ils les connaissent et tous les ans: nous en envoient vingt-cinq ou trente qui, après avoir fait un stage au Jardin d’Acclimatation, sont répartis dans les. divers équipages et chez divers amateurs. Les Autours nichent au sommet des plus grands arbres, plus souvent en lisière que dans le centre des massifs que préfèrent les Buses. C’est vers le 20 juin que les jeunes sont bons à prendre. Vers cette date, nous nous rendons dans la forêt de Lyons avec les ébrancheurs patentés de l'État; les gardes nous con- duisent aux nids qu'ils ont surveillés et un ébrancheur ou monteur, ayant fixé à ses pieds des griffes de fer, entreprend l'escalade. D'autres ébrancheurs se tiennent prêts à escalader rapidement les arbres voisins dans le cas où les jeunes oi- seaux, prenant leur vol au moment où l’on arrive à l’aire, iraient s’y percher ; cependant ils tombent généralement à terre. C’est une poursuite qui ne manque pas d'animation. L'habitude qu'ils ont de vivre dans les arbres a donné aux pieds des ébrancheurs une inclinaison toute particulière, si bien que lorsque vous voyez marcher un ébrancheur vous le reconnaissez facilement à la facon dont son pied ne repose pas à plat sur le sol et porte sur le bord externe. C’est exac- tement de cette manière que marchent les singes. Regardez marcher un singe; c’est sur la tranche de son pied qu'il appuie, comme un ébrancheur. On déniche les Autours partout de la même facon. Comme je n’ai pas d’ébrancheur français sous la main, vous ne serez peut-être pas fâchés de voir un ébrancheur japonais prenant des Autours. En voici un dans l'exercice de ses fonctions. (Projection : Dénichage d’Autours au Japon.) L'année de la guerre, une petite bande de fauconniers dont je faisais partie, revenait d'un dénichage d’Autours : nous avions nos oiseaux dans des paniers et nous les avions déposés sur le quai de la gare où nous allions prendre le train. Il faut croire que nous avions l'air un peu réaction- naires ! Un commissaire de surveillance nouvellement nom- mé, un commissaire de nouvelle couche, qui avait rôdé autour de nos bagages, s’avisa de nous demander ce que LA FAUCONNERIE AUTREFOIS ET AUJOURD'HUI. 275 nous avions là. L'un de nous eut la malheureuse idée de lui dire d’un air narquois que c'était des Aigles... en accentuant. Ce commissaire de surveillance n’en était pas un lui-même et absolument étranger aux pratiques de la fauconnerie, il se fâcha lorsque nous lui dîimes que nous comptions dresser ces oiseaux pour la chasse. II se révolta à l’idée qu’en plein xixe siècle, au lendemain de la proclamation de la Répu- blique, il put y avoir encore des gens avec des Aigles, qui allaient chasser au Faucon ! Chasse au Faucon, temps pro- hibé, ancien régime, justes lois (il y avait déjà de justes lois!). Si bien que notre homme nous fit passer dans son cabinet et nous y enferma à double tour, le temps de demander des instructions à la préfecture. Se souvenant de la lécende du débarquement à Boulogne, du prince Louis-Napoléon avec un Aigle apprivoisé, il télégraphia à la préfecture qu'il venait de mettre la main sur une bande de conspirateurs venant d'Angleterre par des voies détournées, avec une cargaison d'Aigles et qui se proposaient évidemment de renverser la République. Heureusement qu'à la préfecture, on connaissait le personnage comme très ombrageux. On nous connaissait aussi comme portant moins ombrage, et nos moyens révolu- tionnaires ne parureht. pas suffisants au gouvernement de M. Thiers pour maintenir notre arrestation. Deux heures après, notre farouche geôlier recevait une dépêche lui disant: « Relâchez vos prisonniers, vous avez fait une bétise. » Cette fois encore la fauconnerie l'avait échappé belle. L’Autour est, par excellence, le chasseur de poil. On le dresse aujourd hui presqu'exclusivement pour le Lièvre et le Lapin. Il peut travailler dans les futaies et sous bois aussi facilement que le Faucon pelerin en plaine, et c’est ainsi que l'utilisent nos fauconneries modernes, en Angleterre, Lord Lilford, le capitaine Salvin, M. Mann, M. Riley; en France, MM. Barrachin, Cerfon, Gervais, Belvallette. Chez MM. Ger- .vais et Barrachin, nous furetons les Lapins sous bois, un Autour sur le poing. L'oiseau a appris à connaitre les furets et ne s'occupe d’eux que pour suivre leurs évolutions avec intérêt. Dès que le Lapin s’élance hors de son terrier, l’'Au- tour le suit. Son adresse à éviter les troncs d'arbres et les branches est merveilleuse ; au bout de 100 à 200 mètres, le Lapin est pris. Mais parfois il se débarrasse de l'étreinte de son adversaire et réussit à se ferrer. Alors l'Autour revient 976 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. attendre un nouveau départ sur le poing de son maître ou se perche sur un arbre voisin d’où il juge que sa descente sera plus avantageuse. Avec un bon tiercelet d'Autour, nous ENS SNIE 1 \S \N ) PS WW = : Y 7 7) PT, UR | } Me IS RSS, RS : uor2oloxq) (OUQ9iT Un quvuauld 4RON YF Qi ID: Le) 2 | ‘ NY avons pris en plein bois, chez M. Paul Gervais, jusqu'à 23 Lapins d'affilée sans en manquer un. Si vous voulez voir un Autour prenant un Lièvre, nous allons lâcher un Lièvre. LA FAUCONNERIE AUTREFOIS ET AUJOURD'HUI. 217 Voilà l'Autour prenant un Lièvre; il lui a sauté sur le dos, lui a mis une main au collet et de l’autre il lui chatouille les reins d’une facon désagréable. Comme contraste, nous allons vous faire voir la prise d’un oiseau en l'air, par un Faucon de haut vol. (Projection : Pèlerin prenant un Canard.) Voilà le Faucon qui a’pris un Canard. Après être monté à une grande hauteur au-dessus du Canard, il s'est laissé tom- ber dessus comme une balle, et simplement en le froissant dans sa descente, en le frappant avec ses serres, il lui à cassé le col. M. P. Gervais est assurément le plus expert des faucon- 218 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. niers que nous ayons aujourd'hui en France. Il a étudié son art dans les divers pays où on le pratique encore, et son en- thousiasme était tel à un certain moment qu'il fallait que tout le monde chez lui s’occupât du dressage des oiseaux ; le jardinier portait un Faucon ; le cocher portait un Faucon ; le concierge portait un Faucon; tous les membres de sa fa- mille portaient des Faucons au moment du dressage ; c'était comme pour une moisson de plumes, il fallait que tout le monde mit la main à l'ouvrage pour rentrer la récolte, ef quand on disait que c'était fatigant, M. Gervais répliquait : « Changez de bras, mettez-le sur l’autre », mais il fallait que tout le monde portât son oiseau. M. Gervais a introduit chez lui le mode de piégeage des Faucons de passage usité en Hollande, et sur les plateaux de la Brie, aux environs de Meaux, il a fait chaque année à la hutte, que je vous ai décrite tout à l'heure, des prises d’oi- seaux superbes. Il n’a pas dressé que des Faucons ; il a dressé un fauconnier, Gille, chez qui la vocation s’est aussi déclarée d’une facon intense et qui est certainement aujourd’hui passé maître. M. Gervais a eu presque toutes les espèces d'oiseaux de vol et même un Aigle doré rapporté du Turkestan par MM. Benoît-Maichin et de Mailly-Nesles. L’Aïgle doré n’est pas usité chez nous, mais en Orient on le dresse pour de orosses proies que le Faucon serait impuissant à arrêter; le Loup, le Renard, l’Antilope, l’Onagre ou Ane sauvage. La dif- ficulté est d'amener l’Aiïgle à avoir assez faim pour qu'il se donne la peine de chasser et de poursuivre. Cet oiseau a, ce que j'appellerai, l'estomac philosophique. Il se dit que ce n'est pas beaucoup la peine de se donner tant de mal pour gagner de vitesse une proie qui ne lui procurera peut-être après tout qu'une déception culinaire. Il aime donc mieux attendre une bonne occasion pour se procurer facilement sa nourriture. L’Aigle doré de M. Gervais s'appelait « Auguste ». IL est mort l’an dernier seulement, et comme chezinous les Anes ne sont pas sauvages, c’est une autre proie qu'on lui faisait voler à Rosoy. Je crois que la mère Michel a dü souvent ré- clamer son chat dans les endroits où l’Aïigle de M. Gervais faisait son déplacement de chasse, mais cela, c’est entre nous, n'est-ce pas, et je vous prie de n’en rien dire. D'abord, Au- guste est mort l'an dernier et c’est à lui de se débrouiller LA FAUCONNERIE AUTREFOIS ET AUJOURD'HUI. 279 maintenant, sur les sombres bords, avec les mânes des Chats qu'il y rencontrera. (Projection : Aÿgle doré.) REC * Voici l’Aïgle de M Gervais. Vous le voyez là de grandeur naturelle. 280 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Une autre espèce d’Aigle, d’un emploi peu fréquent chez nous, mais que nous croyons reconnaître dans le Million des anciens auteurs, le Bonelli, est beaucoup plus petit que l’Aigle doré; par conséquent, il est d’un maniement plus facile. M. Barrachin possède deux de ces Aïgles, dont l’un est dressé au Lapin comme un simple Autour et se tire parfaitement de sa tâche, volant sous bois et se débrouillant dans les taillis avec beaucoup plus d’agilité qu'on ne pourrait le supposer chez un aussi gros oiseau. (Projection : Aigle Bonelli.) Voici un des Aïgles de M. Barrachin. Bonelli est son nom officiel, son nom d'Histoire... naturelle ; dans la vie privée, pour les dames, il s'appelle « Jupin ». L'établissement de fau- connerie de M. Barrachin est à une petite distance de Paris, et vous avez dû le rencontrer plus d’une #fois, à la gare du Nord, allant voir ses oiseaux. Il a toujours à la main un sac de nuit dans lequel il y a des Lapins et un tas de choses excel- lentes à manger pour les Faucons. C'est en Angleterre qu'il faut aller pour trouver aujour- d'hui des équipages de fauconnerie vraiment dignes de ce A> LA FAUCONNERIE AUTREFOIS ET AUJOURD'HUI. 281 nom. Le Old Hawking Club existe depuis 1863 et compte parmi ses membres actifs lord Lilford, M. Newcome, le fils de l'ancien sociétaire du Loo, M. Saint-Quintin, le comte de Londesborough, le duc de Saint-Albans, fauconnier hérédi- taire de la couronne d'Angleterre, etc. Les Faucons pèle- rins, au nombre d’une quinzaine, sont sous la direction im- médiate de l’'Hon. Gerald Lascelles, et le fauconnier en chef est John Frost, un élève de M. Newcome, le père. Le Old Hawking Club a particulièrement réussi le dressage des Fau- cons hagards pour le gibier et notamment le Grouse. Pour bien réussir ces vols, il faut que les oiseaux soient complè- tement sous la domination de leur maître, ce qui est tou- jours difficile à obtenir avec des Faucons pris sauvages. Il n’est pas probable que les anciens fauconniers aient jamais atteint une semblable perfection. C’est au OId Hawking Club que j'ai fait mes premières armes sur les dunes de Salisbury où, pendant les mois de mars et avril, le Club se réunit pour voler la Corneille. Je me souviens y être allé une fois avec mon pauvre ami Chéri-L.Montigny qui eût fait un fauconnier de premier ordre s’il avait vécu, maïs il est mort d’une façon horrible, mordu par un chien enragé. C'était le fils de Monti- gny, le directeur du Gymnase, et de cette excellente artiste, Rose Chéri, si appréciée et si honorée par tous ceux qui l'ont connue, non pas tant pour son talent, que pour cette renom- mée d’honnéteté et de vertu, qu’elle avait su conquérir jusque sur les planches. Chéri-Montigny ne parlait pas un mot d'anglais, il ne con- naissait que quelques poésies enfantines que l’on apprend dans les « nurseries » et il nous amusait beaucoup en les ap- pliquant à tort et à travers. Il lui est arrivé de traiter un vieux fauconnier barbu de « pretty girl » et une pimpante laitière de « old boy ». Après le Old Hawking Club, l'équipage le plus important de l'Angleterre est celui du major Fisher, de Stroud, dans le Glocestershire. Il chasse aussi le Corbeau dans les plaines de Salisbury. Mais sa grande spécialité est la Grouse d'Écosse. Voici un déplacement de chasse du major Fisher que vous reconnaitrez au milieu du groupe, avec sa barbe blanche, der-: rière le cadre qui porte les oiseaux. Je vous signale son Chien 282 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. d'arrêt, un fameux! Ce Chien mène à la remise où son odorat lui signale la présence du gibier; les Faucons volent en l'air au-dessus du Chien dont ils comprennent le travail et qu'ils (Projection : Équipage Fisher.) suivent comme les chasseurs, sachant que lorsque le pointer marque l'arrêt, les Grouses vont s'envoler et que ce sera à leur tour de payer de leur personne. se de M. Mann. ipa 1 1 Eau 284 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. (Projection : Équipage Mann.) ‘Voici maintenant l'équipage de M. Mann. M. Mann n'entre- tient des Faucons que depuis cinq ou six ans, mais il en a d'excellents, sous la direction d'A. Frost, son fauconnier, le frère du fauconnier du Old Hawking Club. Vous le voyez se promener, un Autour sur le poing, au milieu des blocs sur lesquels « jardinent » les pèlerins. (Projection : Équipage Watson.) Voici enfin les oiseaux du major Watson, du 11° hussards. Le 11° hussards est un des plus beaux régiments de cavalerie de l'Angleterre, et les vols de l'équipage du major Watson font le bonheur des différentes garnisons que ce régiment a été appelé à occuper. Messieurs, tel est l’état de la fauconnerie en Europe de nos jours. C’est en Orient qu'il faudrait aller pour retrouver les grands équipages et les grands sports de Bajazet et des croisades. Le temps me manque pour vous y conduire; c’est un peu loin, et je ne puis que vous faire entrevoir, dans la vision rapide d’une projection, nos Arabes d'Algérie sous la tente, vivant dans la plus grande intimité avec leurs oiseaux, (Projection : Tente arabe.) puis le fauconnier arabe lancé au grand galop à travers le désert, ses oiseaux perchés sur son épaule, sur son turban et l’entourant comme d’une auréole de plumes. Ceci est d’après un tableau populaire de Fromentin. (Projection : Fauconnier arabe. La réintroduction de la fauconnerie nous a fait connaître, Messieurs, un autre sport qui tient de près à la fauconnerie ; c'est la pêche au Cormoran, c'est la fauconnerie sous l’eau. La pêche au Cormoran n'avait pas été pratiquée en France de- puis bien longtemps. Vous savez qu’elle se pratique en Chine et au Japon. L'’amiral Layrle m'a dernièrement rapporté une photographie prise à l’entrée d'un fleuve du Japon, à Gifu, et vous allez voir comment les Japonais s’y servent du Cormo- ran. Vous savez que c’est un oiseau d’eau à pieds palmés comme le Canard. Son gosier est très grand, très large. On Equipoge du major Watson. 286 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. lui met un collier au bas du cou de sorte que lorsqu'il prend un poisson, il ne peut l’avaler et est obligé de le rapporter à son maître dans les profondeurs de son æsophage. (Projection : Rivière de Gifu.} \ DE : uorooforq) \? | S2DÊUD SUPIOWUO —\|\\\K Le dressage du Cormoran est un peu comme celui du Fau- con. C’est un apprivoisement et un dressage à revenir quand LA FAUCONNERIE AUTREFOIS ET AUJOURD'HUI. 287 on l'appelle. Chacun des bateaux de pêche que vous voyez sur cette rivière est accompagné de douze Cormorans que vous apercevez nageant autour de l’embarcation de leur maitre. La fauconnerie avait introduit la pêche au Cormoran en Angleterre : nous avons fait la même chose en France. Voici le capitaine Salvin, un de nos excellents confrères anglais, péchant dans une rivière du Yorkshire avec ses Cor- morans,. | ; J'avais jadis raconté au prince Napoléon la facon dont je pêchais au Cormoran. Le prince Napoléon avait épousé, vous le savez, la fille du roi d'Italie Victor-Emmanuel qui était orand amateur de sport et avait à Monza une ménagerie très bien entretenue. Le prince ne se rappelait pas bien ce que je lui avais dit, et il raconta au roi d'Italie qu'il connaissait quelqu'un qui péchait avec des Pélicans. Le roi fit aussitôt venir son faisandier et lui dit: « Vous avez des Pélicans qui ne font rien que manger toute la journée. Il faut les faire pêcher. » Et voilà le faisandier qui entreprend, respectueux de la volonté royale, le dressage de ses Pélicans, mais il avait beau les porter toute la journée sur un bras et changer de bras quand il était fatigué, il n’arrivait à rien, si bien qu'à un voyage du prince Napoléon en Italie, le roi lui exprima son déplaisir et son insuccès. J'eus à subir au retour du prince en France, le contre-coup de ces sanglants reproches ; nous eûmes une explication d'où il résulta qu'il y avait eu erreur et que Cormoran et Pélican, pour être de la même famille, ne sont cependant pas la même chose. Messieurs, voilà en peu de mots (en peu de mots ? en trop de mots, je le crains !) l’histoire de la fauconnerie passée et présente. Ce qu’elle sera dans l’avenir... dame ! c’est à vous à le faire cet avenir. Il y a évidemment un réveil de ce sport qu'il faut entretenir ; les excellents traités de nos contempo- rains: Magaud. d’Aubusson, Cerfon, Foye, Belvalette, en France, Salvin et Harting, en Angleterre, y contribueront puissamment en évitant bien des écoles. À l'Exposition uni- verselle, une section de l'Histoire du Travail avait été consa- crée à la fauconnerie. Il y a dans ce moment à Londres, à la Grosvenor Gallerie, une exhibition de sport où la faucon- 88 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. nerie occupe une place importante, et je vous engage à l'y aller voir. Donc les instruments de travail ne manquent pas ; il ne faut qu'un peu de bonne volonté et de persévérance. N'aurions-nous plus, Mesdames, cette tenacité et cette ar- deur que Shakspeare signale comme étant le propre du fau- connier français We’ll e’en to it like French Falconers. Nous poursuivrons, nous atteindrons notre but comme des fauconniers français. et faudrait-il prendre dans son mauvais sens le jeu de mots contenu dans la devise des fauconniers du Loo : Mon espoir est en pennes. Non, Messieurs, j'aime mieux m'arrêter sur cette autre devise d’un de nos fauconniers contemporains : Tout vient au poing de qui sait s’y prendre. ou bien encore sur cette autre du xvr° siecle, faisant allusion au chaperon qui aveugle momentanément la vision de l’oi- seau : Post tenebras lux. Après les ténèbres la lumière. Sans doute, il sera plus commode et plus sûr aujourd'hui pour nos ménagères d'aller aux halles centrales approvi- sionner notre garde-manger, et le cordon bleu a détrôné le cuisinier ; mais la fauconnerie n’en conservera que davan-. tage son caractère noble, désintéressé et artistique. Sans doute, vous ne réussirez pas du premier coup, sans doute vous aurez des déceptions et sans doute aussi quelques mécomptes, mais n'est-ce pas là toute la vie et ne faut-il pas que l’âme se trempe aussi bien aux petites qu'aux grandes choses! Ah! Messieurs, ce n'est pas dhier, allez, qu'un lau- connier fameux, Gace de la Bigne, chapelain du roi Jean pendant sa captivité en Angleterre, écrivait dans son vieux langage : | De chiens, d'oiseaux, d'armes, d'amour, Pour une joie, cent doulours ! ‘APE II. EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. SÉANCE GÉNÉRALE DU 23 JANVIER 1891. PRÉSIDENCE DE M. A. GEOFFROY SAINT-HILAIRE, PRÉSIDENT. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. À l’occasion du procès-verbal, M. Mégnin donne les rensei- ognements suivants sur les insectes qui lui ont été donnés à déterminer : « Monsieur le President, » À la précédente séance de la Société vous avez eu la bonté de me remetire un échantillon de petits insectes, ou Mouches desséchées, qui, au Mexique, servent à la nourriture des oiseaux qu'on élève soit dans les volières, soit dans les basses-cours, et vous m'avez demandé de vouloir bien déterminer l'espèce de ces insectes. Voici le résullat de l’étude que j’en ai faite. » Ces insectes desséchés, ainsi que l'avait déjà dit notre collèzue M. le baron de Guerne 1) après un premier et rapide examen, ne sont pas des Mouches, mais des Punaises aquatiques du genre Gorisa. Elles appartiennent à deux espèces : Corisa mercenaria Say et (orisa femorata Gruérin-Méneville. Elles sont en telle abondance dans les lacs de Chales et de Texcoco, au Mexique, que les Aztèques avaient eu l’idée de recueillir leurs œufs pour s’en nourrir ; celte coutume existe encore et a même été adoptée par les Espagnols. Pour se procurer ces œufs on place verticalement dans le lac, à quelque distance du rivage, des fascines formées de joncs pliés en deux ; au bout de douze à quinze jours ces fascines sont entièrement recouvertes de la ponte des Corises : on les retire alors, on les laisse sécher au soleil sur un drap et les œufs se détachent facilement. Ces œufs sont ensuite ta- misés et utilisés sous le nom d’haufle ou ahautle pour la préparation de galette, ou de gâteaux, dont les Indiens sont très friands (R. Blan- chard, Zoologie médicale). » Quant aux Corises elles-mêmes, on doit les pêcher avec de fins filets qui en recueillent des quantités, la preuve c'est que dans l’é- (1 Dans la précédente séance, M. de Guerne avait déjà fait remarquer que : les insectes présentés par M. le Président étaient des Hémiptères, « Ce sont, a- t-il dit, des insectes très voisins des corises qui se trouvent dans notre pays. Ils ont été recucillis dans l'eau, à telles enseignes, que j'ai ici un petit poisson qui a été pris avec eux. Ce sont ces Frestice der les œufs constitue”t la farine fossile que M. Virlet d’Aoust, dans son voyage au Mexique, a étudié d’un peu pie Il paraît que non seulement les oiseaux peuvent en manger, mais que les Mexicains consomment aussi ces œufs qu’on a appelés Oo: ithe ani- mal, par opposition aux terrains oolithiques. » 20 Février 1891. : 49 290 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. chantiHon de ces insectes desséchés que j'ai eu à examiner il y avait un petit poisson de deux centimètres de long, aussi desséché. » Cette utilisation des insectes eux-mêmes pour la nourriture des oiseaux, n’était pas encore connue en France, car les nombreux au- teurs qui s’en sont occupés au point de vue de l'utilisation de leurs œufs, à la nourriture de l’homme, n’en parlent pas. » Parmi ces auteurs, nous citerons Vallot, Comptes rendus Len. des sciences, XXIII, p. 774, 1846; Virlet d'Aoust, ibid., XLV, p. 865, 1877 ; Guérin-Méneville, Bull. de la Soc. d’Acclimatation, IV, p. 5178, 1857. » — M. le Président proclame les noms des membres admis par le Conseil dans sa dernière réunion : MM. PRÉSENTATEURS. A. Geoffroy Saint-Hilaire. aint-Yves Ménard. CuGinauD (André), négociant en vins, à S Arthur Porte. A Brantôme (Dordogne). . Berthoule. iaillon d’artillerie, à Saint-Servan (Ille- { Marquis de Sinéty. et-Vilaine). Vigour. A. Geoffroy Saint- Hilaire. Émile Moreau. Comte de Rivaud de la Raffinière. A. Geoffroy Saint-Hilaire. Arthur Porte. Ed. Wuirion. Pacaup (André), château de la Camuset- GaAnNAT (Claude), capitaine au 152 on trie, par Tournon-Saint-Martin (Indre). | Regour (Charles), fabricant de rubans, 5, place Marengo, à Saint-Étienne {Loire). — M. le Dr Saint-Yves Ménard procède au dépouillement de la correspondance, qui a été peu active depuis le 9 janvier. Le fait le plus intéressant, c’est l’arrivée d'œufs de Saumons de Californie, annoncée par dépêche de Washington. Ils ont été apportés par le paquebot «la Gascogne », et des leur arri- vée, ils ont été mis en distribution. Déjà, M. Adolphe Jacque- mart, de Reims, remercie la Société pour le lot qu'il a recu en bon état. — M. Albert Lecoultre, de Brunoy (Seine-et-Oise), adresse ses remerciements pour sa récente admission. — M. Folsch de Fels, de Marseille, ancien consul de Suède, de Norvège et de Danemark, se met à la disposition de la Société pour la faire profiter des excellentes relations qu'il a conservées. _— LeDr'J.-J. Lafon, de Sainte-Soulle (Charente-Inférieure), PROCÈS - VERBAUX. | 291 donne des renseignements circonstanciés sur ses cheptels de Lophophores resplendissants et de Colombes poignardées : : « J'ai l'honneur de vous annoncer que je viens de remettre à M. le Directeur du Jardin zoologique d’Acclimatation, le couple de Lophophores resplendissants, qui avait été placé en cheptel chez moi, il y a trois ans et dont le bail expire. » La production des œufs pendant l’année 1890 a été irrégulière et anormale, comme on en peut juger par les dates suivantes et les cir- constances qui ont accompagné la ponie de chaque œuf, Le 13 avril un œuf intact de 83 grammes. 17 — un œufintact de 85 grammes. 19 — un œuf cassé par le mâle probablement. 6 mai un œuf cassé et mangé. 8 — un œufintact de 82 grammes. Le mâle étant sequestré. 17 — un œuf pondu du perchoir avec une coquille inachevée et si mince qu’en tombant dans le filet qui existe sous le perchoir, il s’est brisé, il était du reste im- propre à l’incubation. 20 — au matin, on trouve dans le filet un œuf dont la co- quille est à peine ébauchée, impropre à l'incubation, mais l'œuf est entier, il pèse 73 grammes. 52 — un œuf intact du poids de 85 grammes. » En tout 8 œufs, dont 2 sont cassés et mangés, 2 sont hardés et des 4 mis en incubation, 2 ne sont pas fécondés, il y a deux nais- sances dont les deux jeunes ont été élevés, ce sont deux femelles que j'adresse au Jardin d’Acclimatation. L'une est née le 23 mai et l’autre le 23 juin, elles me paraissent vigoureuses et sont familières. » Le couple de Golombes Poignardées a produit 24 œufs pondus dons l'ordre suivant: des 1%r,3,8) 10,15) 17,122, 27,130lmai, 4,12, 18,20,-24,26 juin, 1], 17, 25 juillet, 8, 11, 22, 25 août, 15:et 18: sep- tembre. » pur ces 24 œufs, 14 portaient en un point comme un coup de bec, la coquille était trouée, quand il était possible je bouchais ce trou avec du papier gomme, mais dans ce cas jamais l’incubation n’a rien produit. 2 autres œufs ont été délaissés par les couveuses ; 8 ont été rejetés du nid par les couveuses ; 2 ont disparu de dessous les couveuses sans pouvoir me rendre compte de ce qu'ils étaient devenus ; 1 était clair ; 2 enfin ont produit deux jeunes qui se sont élevés et que je viens d'adresser à M. le Directeur du Jardin d’Acclimatation. » — M. Guy, de Toulouse (Haute-Garonne), informe la Société qu'il n’est plus en mesure de recevoir les œufs de Salmo Quinnat qu'il avait demandés. 19 0)24 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. — M. le baron d’Yvoire (Haute-Savoie) rend compte de ses observations sur le Zapallito del Tronco et sur le Dios- pyros Kaki : « J’ai été tres satisfait du Zapallito del Tronco. La chair de ce petit Potiron me parait vraiment d’une qualité supérieure. Coupée en petits carrés telle quelle et frite dans une pâte légère, cette chair farineuse et délicate a paru aussi savoureuse que les beignels de Pommes de terre préparés avec œufs et crème, etc. » Je remercie beaucoup M. Clarté et la Société qui m'a transmis ces graines. » Je désirerais surtout une variété de Kaki dont parle M. Cottiau dans son beau livre imprimé par la maison Hachelle et intitulé : Voyage dans l’Extréme-Orient. Le voyageur raconte qu'étant allé visiter une maison tenue par les missionnaires Lazaristes près de Pékin, on lui a offert des Kakis plus gros el meilleurs que tous ceux qu'il avait vus au Japon. Cette indication a une importance spéciale parce que le même voyageur note que le thermomètre descend à Pékin au-dessous de 30 degrés. IL est vrai qu’en élé, il monte aussi au-dessus de 30 degrés. Mais, enfin, il en résulte que ce Kaki chinois résisterait aux hivers les plus rigoureux de France. » Il serait possible par l’entremise des Lazaristes qui ont, je crois, une maison à Paris, de se procurer cette variété de Kaki, dans le cas où elle n’aurait pas encore été introduite en France. » La maison voisine de Pékin, dont parle M. Cottiau, étant un orphelinat agricole, les missionnaires seraient certainement en mesure d’en faire l'envoi dans les meilleures condilions. » — M. le Secrétaire général dépose sur le bureau un volume complémentaire à l’Æistoire naturelle des poissons de la France, par M. le D' Moreau ; il donne ensuite des renseigne- ments détaillés sur les quatre-vingt-dix mille œufs de Saimo Quinnat offerts à la Société par la Commission des pécheries des Etats-Unis. Comme les précédents, ils ont eu à traverser l'Amérique septentrionale, l'Atlantique et une partie de la France pour arriver au Havre dimanche dernier et à Paris lundi. Un petit prélèvement a été fait au profit de quelques membres de la Société, MM. Jacquemart-Ponsin, Levesque, Rivoiron, Vacher, Rathelot et du Jardin d’Acclimatation. La majeure partie a été envoyée aux laboratoires de la Société à Quillan et y est arrivée dans un état parfait de conservation. Cet envoi pourra donc augmenter les chances de réussite de notre tentative d’acclimatation du Salino Quinnat dans les eaux de la Méditerranée. PROCÈS-VERBAUX. 293 — M. le Président a constaté avec surprise pendant la période de froids rigoureux qui vient de s'écouler, la résis- tance d’un grand nombre d'animaux des climats chauds, mammifères et oiseaux du Jardin d'Acclimatation. Il est vrai qu'on à pris.soin de leur distribuer des rations abondantes pour leur permettre de réagir efficacement. — Quelques observations sont présentées par M. le marquis de Sinéty et M. le D: Saint-Vves Ménard. — Au nom de M. Métaxas, M. le Secrétaire lit un mémoire sur les animaux de la Mésopotamie. — M. de Claybrooke lit une note de M. Toukkaëff sur l'apiculture dans le Caucase. — M. Berthoule fait une communication sur la pêche du Thon à Sidi-Daoud (Tunisie). — M. le baron de Guerne offre à la Société, au nom de M. Héron-Royer, tout un ensemble de travaux qu’il a publiés depuis une quinzaine d'années, sur les Batraciens de la France. Ces travaux ont paru, pour la plupart, dans le Bulle- tin de la Société zoologique de France ; d’autres ont été insé- rés dans le Bulletin de l’Académie de Belgique. M. Héron- Royer a collaboré plusieurs fois avec un savant des plus distingués de la Belgique, M. Van den Beck, professeur de zoologie à l’Université de Gand. Le dernier travail, en date, de M. Héron-Royer, est consacré à une espèce des plus inté- ressantes qu'il a recue de New-York. C’est une Rainette, Rana versicolor qui, très probablement, s’acclimatera en France absolument comme le Discoglosse. L'auteur signale ce fait très curieux qu’elle se nourrit avec une prédilection toute particulière des Guépes, sans craindre le moins du monde les piqüres de ces insectes. M. le baron de Guerne offre également à la Société, au nom de M. Richard et au sien, trois petits opuscules qui résultent d’une série de tra- vaux faits sur les Canalites d’eau douce. Ce sont de petits Crustacés qui jouent un rôle important dans l'alimentation des Poissons. — M.E. Fischer adresse une note ayant pour titre : Réserve de potasse el d'azote dans le sol arable. Le secrélaire des séances, D' SAINT-VVES MÉXARD. II. COMPTES RENDUS DES SÉANCES DES SECTIONS. 1r0 SECTION (MAMMIFÈRES). — SÉANCE DU 23 DÉCEMBRE 1590. PRÉSIDENCE DE M. DECROIX, PRÉSIDENTe L'ordre du jour appelle : 1° La nomination du Bureau pour 1891. — Sont élus : Président, M. Decroix; Vice-président, M. Mégnin; Secrétaire, M. Mailles; Vice-Secrétaire, M. de Claybrooke. 2° La désignation d’un Délégué à la Commission des récompenses. M. Mailles est chargé de représenter la 1'° section et d’en être le rap- porteur. Nos lecteurs se rappellent que, récemment, notre collègue, M. Ro- dolphe Germain, a fait connaître (1) combien, en Indo-Chine, le rachi- tisme et l’ostéomalacie font de victimes parmi les animaux importés, et même parmi les hommes. M. Germain a indiqué le remède qui, selon lui, pourrait combattre efficacement ces maux, et surtout en prévenir l’apparition. C’est là une question dont l'importance n’échappera à personne ; aussi la Société a cru devoir appeler l’attention des autorilés sur ce sujet. — M. de Claybrooke donne lecture de la lettre qui sera adressée aux personnes qui peuvent s'occuper utilement de cette question, non seulement en Cochinchine et au Tonkin, mais aussi dans d’autres con- rees soumises aux affections précitées. Cetie lettre sera insérée dans la Revue. M. Decroix fait remarquer que les proportions de calcaire devraient, très probablement, varier suivant les climats ; M. Mailles ajoute que le fer contenu dans le sol est, souvent, en quantilé insuffisante, ce qui fait que les végétaux, atteints de chlorose, ne s’assimilent qu'impar- faitement les sels dont ils ont besoin. _ La rédaction du Questionnaire sur la résistance des animaux au froid et aux conditions auxquelles sont soumis les nouveaux importés est définitivement arrêtée, pour ce qui concerne les mammifères. Répondant à une question de M. Mailles, M. Geoffroy Saint-Hilaire dit que la Revue donnera bientôt un travail, fort complet, sur l’histoire du Bison d'Amérique et sur les causes de sa destruction. Des rensei- gnements relatifs à l'espèce européenne, l’Aurochs, et à l’état actuel de la colonie que le Tzar entretient en Lithuanie, seront demandés. Tout porte à supposer que, des deux espèces, celle d'Amérique est appelée à disparaître la première, malgré les efforts faits par le gou- vernement des États-Unis pour en protéger les derniers représentants. Le Secrétaire, Ch. MAILLES. (1) Voyez Revue, année 1890, p. 281. COMPTES RENDUS DES SÉANCES DES SECTIONS. 293 2e SECTION (orsEAUx). — SÉANCE DU 30 DÉCEMBRE 1890. PRÉSIDENCE DE M. LEMOINE, VICE-PRÉSIDENT. Il est procédé à la nomination du Bureau pour 1891 et d’un délégué à la Commission des récompenses. NPA Sont élus : President, M. Magaud d’Aubusson; Vice-président, M. Le- moine; Secrétaire, M. Mailles ; Vice-Secrétaire, M. le comte d’Esterno. M. Mathias est désigné pour les fonctions de Rapporteur. -_ M. le Secrétaire général demande si la seclion ne croirait pas utile de se fractionner en deux parties. L'une s’occuperait des oiseaux d’a- grément ou d'utilité, vivant dans les volières, les faisanderies ou en liberté. L'autre serait affectée spécialement aux volailles ou oiseaux de basse-cour. - Après examen de la proposition, la section estime que cette nouvelle organisation de la section constituera une amélioration. Le litre de la division nouvelle pourrait être « Oiseaux de basse-cour ». . M. Rathelot, parlant de la conservation des œufs de Poules, dit que ceux qui n’ont pas été fécondés se gardent bien plus longtemps que les autres, même après avoir élé couvés pendant plusieurs jours. M. Lemoine confirme ce dire et indique plusieurs procédés bons à employer pour la conservation des œufs, le son et l’eau de chaux, notamment. Re _ M. Dautreville reconnait que cette dernière méthode, bonne en elle- même, offre un inconvénient sérieux : si un œuf est cassé, acciden- tellement, il communique un mauvais goût aux autres. M. Rathelot se propose d'essayer de tremper les œufs dans une dissolution de gomme arabique; le résultat en sera peut-être bon. M. Mailles demande si la présence d’un Coq dans un poulailler influe sur l'abondance de la ponte. M. Lemoine dit qu'il semble que l'influence existe, mais à un faible degré. On l’attribue à l'excitation produite sur les organes de la repro- duction. MM. Rathelot et Dautreville ne sont pas convaincus que le Coq détermine une ponte plus abondante; les observations qu'ils ont faites ne semblent pas l'indiquer. Cette question est assez importante et mérite d'être élucidée par des expériences comparatives. Le Secrétaire, Ch. MAILLES. 2 :6 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. SECTION D'AVICULTURE.PRATIQUE . * Compte rendu de la séance ‘du 7 février 1891 PRÉSIDENCE DE M. OUSTALET, PRÉSIDENT. ; La section s’occupe de 1 Exposition avicole prochaine. Il est décidé qu’une Commission composée du Président de la Société d’Acclimatation, du Bureau de la Section, d’un membre délégué de la Section et d'un vétérinaire, s’occupera de la réception et de l’instala- tion des animaux. Cette commission aura qualité pour exclure de l’exposition les bêtes malades et suspectes. Le jury des récompenses sera composé de neuf personnes ayant chacune à faire l'examen d'une division ou d’une subdivision Chaque juge remeltra au Commissaire général du concours sa liste de récom- penses. Les grands prix seront décernés, sur la proposition du juge de divi- sion par la Commission composée du Président de la Société d’Ac- climatation, du Bureau de la Section et du membre délégué par la Section. Les exposants pourront, dans un délai de deux heures après l'affi- chage des récompenses décernées, déposer le texte des réclamations motivées qu'ils auraient à faire. Ces réclamations seront examinées par ie Commissaire général (Président de la Section) assisté d’un membre du jury choisi par le plaignant et d’un membre du jury délé- gué par le bureau. | Le Secrétaire de la Section, RÉMY SaInT-Loupr. CNE DUT 7 dan -IV. JARDIN ZOOLOGIQUE D’ACCLIMATATION DU BOIS .DE BOULOGNE. Chronique de quinzaine. Dans les précédentes chroniques nous avons donné des rensecigne- ments sur la facon dont nos mammifères se sont comportés pendant le dernier hiver ; nous nous occuperons aujourd'hui des oiseaux. Les Cogs et les Poules ont traversé la mauvaise saison sans en souf- frir sérieusement, car, sur les quelques centaines de volailles vivant ici, nous avons eu trois crêtes gelées, celles de trois Coqs de Dor- king et deux paites gelées, celles d’un Coq de la Campine et d'une Poule de Cochinchine. Encore faut-il constater que les cinq oiseaux touchés par le froid étaient affaiblis par la maladie ; s’ils ont été atteints par la gelée, c’est qu'ils ne réagissaient pas. La mortalité des Poules a été normale ici pendant ce lon. hiver et cependant on sait qu'un grand nombre de nos volailles couchent en plein air, sans aucun abri, sur des perchoirs. Depuis longlemps nous avons soumis à ce régime les races les plus délicates, les Yokohama, les Phénix du Japon, les Padoue à huppe blanche, les Dorking, et même par ces froids prolongés, nous nous en sommes bien trouvés. Remarquons que, sur les trois Coqs de Dorking qui ont eu la crête gelée, deux couchaient dans notre poulerie, un seul sur nos perchoirs en plein vent. Il convient cependant de faire observer que, si la sup- pression du poulailler présente des avantages au point de vue de la santé générale lorsqu'on est obligé, comme nous, de faire vivre sur un même point une grande quantité de volailles, on ne saurait recom- mander celte manière de faire à ceux qui ont en vue la production des œufs..Les poules habitant un chaud poulailler pondront certaine- ment plus tôt et plus abondamment que celles qui sont exposées nuit et jour aux intempéries. Les Dindons domestiques et sauvages ont traversé l'épreuve sans paraître en souffrir. Les Pintades domestiques ont trouvé l'hiver long, mais il n'y a pas eu de mortalité ; ces oiseaux couchaient dehors sans aucun abri. Quant aux Pintades exotiques (Numida tiarata, ptilorkyncha, cristata et vullurina), elles ont été abritées dans des volières non chauffées : elles ont souffert, mais nous n’avons pas eu de mortalité à enregistrer. Et cependant ces oiseaux comptent parmi les gallinacés frileux. Les Paons ordinaires, panachés et’ blancs, n’en sont plus à faire leurs preuves ; leur rusticité est éprouvée depuis longtemps. Cepen- dant nous avons dû. observer avec attention le Paon à ailes bleues (Pavo :nigripennis), qui est domestiqué depuis peu de temps et qui n'avait pas encore eu à affronter un aussi long hiver. Il a pu res- 298 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. ter dehors, sur les perchoirs, mais il a manifestement souffert, son attitude était bien différente de celle du Paon domestique. Quant aux Paons verts (Pavo spiciferus) ils vivent dans des volières chauffées ; nous n’avons même pas pensé à éprouver leur rusticité, car nous savons que cette belle espèce de Java et de l’Indo-Chine ne s’accom- mode pas des abaissements de température. Au commencement des froids nous étions en possession de neuf Eperonniers (3 Polyplectron Germaini; 6 P. chinquis) qui habitaient des volières ouvertes. Un seul de ces oiseaux a succombé, il a eu les pattes gelées. | | Pour les Faisans oreillards ou Ho-Kis (Crossoptilon) de Mandchourie l'épreuve n’était pas douteuse. On ne saurait irop recommander cet oiseau décoratif qui est appelé, nous l'avons déjà souvent répété, à vivre en liberté autour de nos demeures comme le Paon domestique. La rusticité des Tragopans (Ceriornis) et des Zophophores s'est affirmée une fois de plus pendant cet hiver. Jamais ces oiseaux n’ont été en meilleure santé et plus actifs. Au lieu de passer comme de coutume de longues heures dans leurs retraites ou immobiles sur le perchoir; ils se promenaient tout le jour dans leurs volières, les plumes lisses et brillantes, prenant plaisir à braver le froid. Nos observations sur les Faisans ne nous ont rien appris. Toutes les espèces du genre Phasianus proprement dit que nous possédons: Ph. colchicus, Mongolicus, versicolor, Elliotti, Reevesii, Sœmmeringi ont une rusticité absolue qui ne peut surprendre d’ailleurs, leur habitat originel étant connu. Nous devons cependant dire un mot des Faisans des bois destinés au repeuplement des chasses qui habitaient leurs volières spéciales pendant ce long hiver. Pour éviter une mortalité sérieuse, il a fallu les nourrir très généreusement. Réunis en grand nombre (environ cent par parquet), ces oiseaux se tourmentent, s’agitent ; arrivant pour la plupart du fond de l'Autriche, fatigués d’un long voyage, ils se reposent mal; ils souffrent du changement de régime qui leur est imposé et sont par conséquent dans de mau- vaises conditions pour résister. Il convient donc dans ces circons- tances de leur fournir une nourriture abondante et variée. L’aspect des nouveaux arrivés diffère très notablement de celui des oiseaux de même espèce qui vivent depuis un certain temps déjà dans les parquets ; autant les uns paraissent abattus, las, autant les autres conservent leurs allures normales et leur activité. Les Faisans dorés et d'Amherst (Thaumalea), les Wallich (Catreus) sont tout aussi résistants que les Faisans vrais (Phasianus). Quant aux Houppifères {Zuplocomus), ils n’ont pas tous la même aptitude à sup- porter le froid. Si les £. melanotus, albocrislatus, Swinhoeï ei les Faisans argentés bravent la gelée, les Faisans Prélats en souffrent et les Fair Sans de Vieillot en meurent s'ils ne sont pas entourés de soins suff- sants. ÿ 2 LEMM. 3 RÉ À 5 HO GROS £ CHRONIQUE DU JARDIN ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. 299 Comme de coutume, les Æoccos ont mal supporté l’abaissement dé température. Parmi ceux qui habitaient des volières non chauffées dans lesquelles le thermomètre est descendu à —12°, nous avons perdu 2 Crax Sclateri, 1 Mitlua tuberosa, 1 Milua tomentosa qui avaient eu les pattes gelées. Placés dans des conditions identiques, les Crax Salvini et carunculata ont supporté l'épreuve. Les Pénélopes que nous avons (Penelope marail, purpurascens, su- perciliata, pileata) ont passé l'hiver avec succès dans des volières non chauffées. Quoique originaires de la région tropicale du nouveau monde la plupart des espèces de ce genre se montrent rustiques. Les Coins et les Perdrix, qui habitent une volière où la température s’abaisse autant qu’à l'extérieur, n’ont pas donné de mortalité anor- male. Sans parler des Perdrix grises, chuckar et rouges, citons les espèces qui étaient présentes : Perdrix du Bontan (Arboricola tor- queola) ; _Perdrix de Chine (Bambusicola thoracica); Caïlle de Mada- gascar (Margaroperdix striata) ; Colin Houi, de Californie, de Sonnini; Françcolinus vulgaris, ponticerianus. bicalcaratus, Madagascariensis ; deux espèces de Tinamous (Crypéurus variegatus et Rynchotes rufescens. Pour ces oiseaux comme pour beaucoup d’autres, nous avons notablement animalisé la nourriture pendant le froid. C’est toujours d'un bon effet dans la mauvaise saison. Les grands Echassiers Auéruches, Nandous et C'asoars ont peu souffert, C’est une épreuve toujours dangereuse pour les Autruches de rester d'aussi longs jours sans sortir de leurs retraites chauffées, car ces oi- seaux ont grand besoin de mouvement et succombent très aisément à des congestions. Quant aux Nandous adultes ils n’ont pas cessé un seul jour de passer leurs nuits en plein air, au milieu de leur parc, couchés sur les tas de feuilles mortes qu'on leur avait fournis. Ils s’enfonçaient en quelque sorte dans cette litière. Les jeunes Nandous nés en 1890 ont été moins vaillants, quoique rentrés chaque soir dans un chalet non chauffé, il est vrai, deux sur sept ont succombé. Le fait ne saurait surprendre, ne savons-nous pas que les jeunes animaux sont moins résistants que les adultes. Nous nous abstiendrions de parler des Casoars Emeus (Dromaius) dont la rusticité est éprouvée, si l’un de nos élèves de la saison der- nière ne s'était cassé un membre en glissant sur la glace qui couvrait par places le sol du parc. Nous avons saisi l’occasion pour faire con- naissance avec la chair du jeune Emeu. Nous connaissions depuis longtemps celle des adultes, il était intéressant de pouvoir apprécier et faire apprécier la viande, qu’on nous permette le mot, du veau de Casoar. C'est à dessein que nous ne disons pas poulet, car la chair sa- voureuse de ces grands Echassiers est bien plus semblable à la viande de boucherie qu’à celle de la volaille. Le Casoar à Casque (Cusuarius galeatus) de Java qui vit ici a passé l'hiver dans un chalet non chauffé, mais où la température ne descend 300 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. pas beaucoup. Il a cependant supporté dans sa retraite un abaissement de température de — 6°. Ce fait de résistance méritait d'être cite, il confirme les observations déjà faites dans d’autres établissements. L'espace nous manque pour achever aujourd’hui ces notes sur les observations que nous avons pu recueillir pendant cet hiver sur nos animaux, nous achèverons dans le prochain numéro. Les lecteurs de la Revue nous pardonneront d'entrer dans autant de détails, mais il nous paraît indispensable d’atlirer l'attention sur ces faits, pour en conserver le souvenir d’abord et aussi pour faire contrôler nos dires. On sait avec quel empressement nous recevrons les renseignements que nos collègues de la Société nationale d’Acclimatation voudraient bien nous adresser. Avant de terminer, annoncons l’arrivée au Jardin zoologique d'Accli- matation d'une caravane de #oirs originaires du Dähomey, composée de quarante personnes, 25 femmes et 15 hommes. Ces sujets du roi Béhanzin sont très intéressants par l’ensemble de leurs caractères. M. le D' Hamy et ses collègues de la Société d’Anthropologie en font actuellement l'étude. Dans un des prochains numéros de la Xevue, nous publierons le texte de la conférence que fera jeudi 19 février sur l’ethnographie, la religion et les mœurs des populalions dahoméennes, M. Edouard Foa qui a pendant quatre années habité ces régions. V. CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. Société nationale d'agriculture de France. — M. Louis Passy signale une curieuse étude insérée dans le dernier volume publié par l'Université de Wisconsin, sur le régime alimentaire des Porcs. M. W. À. Henry, son directeur et en même temps l’un de ses pro- fesseurs, fait ressortir l'influence exercée sur l’économie animale par les cendres de bois et par la farine d’os associées à l'alimentation de ces animaux. | Un certain nombre de Pores nourris avec du Maïs additionné d’eau et de sel ont été groupés en plusieurs lots. Le premier lot n’a recu, pour toute nourriture, que les substances qui viennent d’être indiquées ; Le deuxième lot, outre ces substances, a recu chaque jour une petite quantité d’os pulvérisés ; Le troisième lot, traite de la même facon, quant au fond de la nour- riture quotidienne, avait en outre le libre accès à une mangeoire garnie de cendres de bois dur. On a répété l'expérience de ce régime à trois reprises. Voici quelle a été la moyenne des résultats obtenus : Pour le lot n° 1], n'ayant recu ni cendres, ni poudre d'os en dehors de sa ratiov, il a fallu 629 livres de farine de Maïs pour produire une augmentation de poids de 100 livres. Pour le lot n° 3, où la ration de fondation a été augmentée d’une certaine quantité de cendres, l'augmentation de 100 livres de poids a été obtenue avec 491 livres seulement de farine de Maïs. Enfin le lot n° 2, qui outre la ration commune a pu absorber une certaine proporlion de poudre d'os, n’a eu besoin que de 487 livres de farine de Maïs pour produire 100 livres d'augmentation de poids vif. 11 semblerait résulter de ces essais que les cendres aident la diges- tion et permettent ainsi d'obtenir, d’une quantité donnée d’alimenis, une augmentation de poids vif supérieure à celle que l’on réalise sans leur concours. Mais ce qui a paru le plus intéressant parmi ces résultals, c'est l'influence exercée sur les os des Porcs. En ne donnant ni cendres ni poudre d'os, on a trouvé que les os du squelette des Porcs présentaient une résistance beaucoup moindre. Dans ce cas, les os extrails des jambons se cassaient en deux, sous une pression de 301 livres. Quand ces os provenaient d'animaux qui avaient recu de la cendre, la pres- sion de rupture s'élevait à 581 livres, et pour ceux d'animaux ayant absorbé de la farine d’os, cette pression montait à 660 livres. Les os de jambon de ces différents lots de Porcs soumis ensuite à l’incineralion ont donné : 302 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. 197 grammes de substance minérale pour le 1® lot. 150 == mn — pour le 3° lot. 165 — == — pour le 2e lot: Le professeur Henry tire de ces expériences les conclusions sui- vantes : 1° L'emploi de la farine d'os et des cendres dans lalimentation de Porcs nourris au Maïs permet d'économiser environ 138 livres de ceïte céréale, ou 28 °/o, sur le montant total consommé pour produire une auzmentation de 100 livres de poids vif. 2° En ajoutant, à la rat‘on de Maïs, de la cendre ou de la farine d'os, on double à peu près la force de résistance des os de l'animal. 3° Les os incinérés des animaux, auxquels on a donné des cendres ou de la farine d'os, renferment environ 50 °/, de plus de cendre que les os des animaux nourris à la ration simple de Maïs. La viande des animaux des différents lots n'a présenté aucune diffé- rence dans la proportion du gras au maigre. Par conséquent les avan- tages de l'emploi des cendres de bois dur sont qu’elles paraissent bonnes à fortifier les squelettes et à activer la digestion (assimilation). Mais ces avantages, le dernier surtout, sont très importants, et doivent engager d'autant mieux le cultivateur à recourir à une substance de ce genre, qui ne lui coûte rien d'ordinaire. Son emploi paraît surtout indiqué pour le régime alimentaire des Truies pleines et des Porcs de croissance. — Dans la même séance, M. de Vilmorin a fait part à la Société des résultats obtenus de ses semis de graines de Topinambours récoltées en Corse par M. le D'J. Michon. Dans les diverses plantes, cultivées dans des conditions absolument identiques, se présentent de très grandes diversités de rendement; ce qui permet d'espérer que, parmi les plus productives, il pourra s’en trouver de plus fertiles que les races usuelles. Le point particulièrement intéressant dans les semis de 1890, est donc le haut rendement en poids de tubercules que certaines des plantes ont donné. Il reste à apprécier les Topinamkours nouveaux au point de vue de leur valeur industrielle, c’est-à-dire de leur contenu en éléments soit digestibles, soit transformables en alcool. Dans le Topinambour qui se propage par tubercules, c’est-à-dire par fractionnemeni de la plante-mère, les caractères de chaque individu se reproduisent exactement. Il y a donc certitude que si une plante est exceptionnellement bien douée, elle est acquise définitivement et qu'on peut sûrement la reproduire semblable à elle-même. JR CE VI. CHRONIQUE DES COLONIES ET DES PAYS D'OUTRE-MER. Quelques essences du Surinam. Parmi les bois du Surinam dont on trouve des spécimens au musée colonial de Harlem (Pays-Bas), qui cependant ne donnent qu’une faible idée des richesses forestières de cette contrée, il y en a qui ré- clament tout particulièrement , l’attention des technologistes et des architectes au point de vue de leur dureté, de leur compacité et de leur élasticité, qualités qui les rendent très utiles DOUE la construction des chemins de fer, des ponts, etc. Nous en passerons quelques-uns en revue dans cet article. Le Barklak compte deux espèces que les nègres des bois distin— guent comme Man et Onman. Le premier (Lecythis ollaria L.) est de la famille des Zecythidees, et le second (Bignonia inæqualis DC.) est de celle des Pignoniacées. Le mot espèce est donc ici employé plutôt pour indiquer leur ressemblance. Le Man-Barklak est un bois très dur, qui n’est jamais attaqué par les vers ou l'eau et est par conséquent très eslimé pour les travaux où il reste constamment en contact avec l’eau ou l'humidité. Cet arbre pousse partout quelle que soit l’allitude du pays. Il n'aime cependant pas les bords de la mer. Dans les plantations on se sert de son bois pour faire des tubes. L'arbre atteint environ 33 mètres de hauteur. Le diamètre du tronc est de 45 centimètres de long. - Le Bolletrie (Zucuma mammosa G.) de la famille des Sapotacées, donne un bois de menuiserie très dur et compact. Cet arbre produit aussi l’article tant recherché aujourd'hui : Balata, guita-percha du Su- rinam. Il atteint souvent une hauteur de 40 mètres avec un tronc de 6 mètres de circonférence. Le Geelhart (Wecfandra Roliei S.) de la famille des Zauwracées, croît dans les contrées élevées ou montagneuses en produisant un fruit vert-jaunâtre. 30 mètres de hauteur. Le Bruinhart |[Vouacapoua Americana AuBr.), famille des Zéqumi- neuses dans les contrées élevées ; 30 mètres de hauteur. Le bois de cet arbre est un des plus solides du Surinam. Le Groenhart [Bignonia leucoæylon 1..), famille des Bignoniacees, ressemble beaucoup au précédent ; 20 mètres de hauteur. Son bois est lourd, très recherché, mais un peu difficile à travailler. Le Locus (Æymenæa Courbaril L.), famille des Zéqgumineuses, pousse aussi bien dans les montagnes que dans les basses plaines, donne un fort joli bois de menuiserie. Cet arbre produit la gomme animé qui ressemble beaucoup à la gomme copal et exhale une odeur fort agréable 304 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. en brûlant. Dissoute dans de l'alcool à 40 degrés, elle forme un lrès bon vernis blanc. Le Peto (Mora excelsa B.), famille des Zégumaneuses, se rencontre beaucoup sur les bords des rivières Surinam et Coppena. Il atteint une hauteur de 50 mètres. Son bois est très dur et élastique, très utile pour les constructions navales. Le port de Saïint-Joris à Dordrecht, en Hollande, est bâti avec ce bois. Le Konatepie, connu sous le nom d’Acajou du Surinam, atteint une hauteur de 20 mètres ; produit un bois excellent pour la fabrica- tion des meubles. Le Purperhart (Copaifera pubiflora L.), famille des Zégumineuses, se trouve dans les contrées basses de la colonie. Son bois est excellent pour la fabrication des roues de voilures, est très élastique, et se laisse facilement travailler. Le Letterhout (Piratinera Guianensis AuBL.) et (Brosimum Aubletii) famille de Urticacees. Le bois de cet arbre-est dur comme de la pierre, on peut en fabriquer des marteaux pour enfoncer des clous. Il atteint unc hauteur de 25 mètres. Malgré ces immenses richesses, on ne rencontre au Surinam aucune entreprise sérieuse qui les exploite sur une grande échelle, ni pour la consommation locale, ni pour l’exportalion: Le bois de Surinam que l’on trouve dans le commerce est recueilli par les nègres, descendants de ceux qui, au commencement du xviue siècle, élaient esclaves et s’enfuirent dans les forêts où ils vécurent comme des sauvages, fiers de leur liberté et s’éloignant assez pour ne pas pouvoir êlre poursuivis par leurs maîtres. Ces nègres forestiers, vivant d’une manière très primitive, se privant de tout ce que donne la civilisation, ont peu ou point de besoins et vendent les produits de leur travail, le bois à des prix relativement {rès bas à des négociaais de la ville de Paramaribo, qui y font des bé- néfices considérables. Il faut voir ces nègres à l’œuvre pour s'expliquer comment ils peuvent livrer le bois à si bas prix. Ils parcourent d’abord les forêts afin de chercher les arbres qu'ils veulent abattre. Ensuite ils se met- tent à la besogne qui est pénible et non sans dangers. Les arbres abattus, ce qui demande souvent un travail long et fatigant, ils les dépouillent de leurs branches et de leur écorce. Enfin, ils les trans- portent à la rivière pour les réunir en radeaux. Cetle opération dure souvent des semaines et réclame beaucoup de bras. Les radeaux ainsi formés ils montent dessus pour les conduire à la ville et il arrive souvent des accidents très graves aux rapides et aux chutes d'eau qu’ils ont à traverser. Quelquefois ils laissent les radeaux descendre CHRONIQUE DES COLONIES ET DES PAYS D’OUTRE-MER. 305 le courant tout seuls, mais dans ces cas il arrive souvent qu'on les attend indéfiniment. Il est certain qu’une entreprise européenne bien dirigée trouverait de sérieux auxiliaires chez ces nègres, et permettrait de réaliser de beaux bénéfices. Dans le district de Nickerie, sur les bords de la Maralakka, M. E. Desse faisait, il y a quelques années, des coupes de bois qui l'ont enrichi rapidement. Les forêts du Ilaut-Para et du Haut-Surinam sont de véritables mines d’or. Et dans le Marowyne, feu le sieur Ka- pler en a fait autant. Il avait établi son entreprise à Albina et y a ra- masse une grande fortune. Que serait-ce donc si l’on organisait une grande exploitation avec des machines à vapeur, des chemins de fer, etc., en un mot tous les outils que la science moderne met à notre disposition | M. Ellis, de Paramaribo, nous présente un tableau fort intéressant indiquant la force de résistance des diverses espèces de bois du Suri- nam, malheureusement la place nous manque pour représenter ici ce tableau, mais la manière ingénieuse dont il est établi donne des preuves incontestables de la qualité de ces bois. Le tableau fournit le poids, en kilogrammes, que peut supporter une latte d’un mêtre de long sur 2 1/2 centimètres d'épaisseur ct de largeur de chaque espèce de bois. D' MEYNERS D'ESTREY. 2) Février 1891. | ; 920 VII. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. Les Gophers. — On donne dans toute la région occidentale des prairies de l'Amérique du Nord, le nom de Gopher, expression dont on reconnait difficilement l’origine française, gaufreur, à différentes espèces d'animaux, se caractérisant par l'habitude que toutes pos- sèdent de gaufrer la surface des prairies, en y creusant des trous ver- ticaux, dont la terre s’accumule en sortes de taupinières dans les intervalles. Le mot gaufreur employé primitivement par les Français qui s’élablirent entre le golfe du Mexique et les grands lacs canadiens, s’est peu à peu modifié dans la bouche des colons de race anglaise de manière à adopter sa forme actuelle. Dans l’état de Géorgie, le Gopher est un serpent (Coluber Coupen) qui se tapit dans des espèces de terriers. Dan; les États du Sud, ce mot s'applique à une Tortue fouilleuse, (Zerobastes Curolinus), dont les œufs sont fort estimés. Le Gopher, le Gaufreur proprement dit, est une sorte d'Écureuil, le Spermophilus, qui comprend plusieurs espèces : le Spermophilus Fran- klini, le Spermophilus Bullivorus, le Spermophilus Richardsoni. Brandt avait créé pour ces animaux un genre spécial, le genre Ofospermophilus. Tous sont connus dans l'Ouest des États-Unis sous le nom d'Écureuil des prairies. L'un d’enire eux surtoul, le Bullivorus exerce de grands ravages en Californie où les fermiers, les horticulteurs et les arbori- culteurs combattent cet horrible fléau par tous les moyens possibles, et principalement par les appâts phosphorés et strychninés, que le Gouvernement californien leur distribue gratuitement. Je Chien des prairies de Rafinesque, le Cynomys socialis, vient en- suite. Long de 33 centimètres environ, cet animal qui tient le milieu entre la Marmotte et le Spermophilus, habite surtout les prairies de l'Ouest des États-Unis comprises entre le Missouri et le 30° parallèle, et y vit de racines ct d'insectes. C'était le petit Chien des premiers colons français, qui lui avaient donné ce nom à cause de l'espèce d'aboiement qu'il émet ; les Indiens, eux, l’appelaient le Wiston- Wish. Il ferait, paraît-il, bon ménage avec les Hiboux et les Serpents à sonnette, qui lui demandent souvent l’hospitalité de son terrier. Le Gopher à gibecière, le Pouched Gopher, Rat à poche ou Mulot, encore un vieux souvenir français, le Ceomys bursarius enfin, est le plus re- doutable de ces animaux dans les terrains sablonneux. Piochant de la tête et des pieds de devant, semblables à ceux des Taupes, il sou- lève le sol meuble sur ses épaules, l’accumulant en gros monticules. La poche profonde qu'il porte de la bouche aux épaules,! recoit les herbes et les racines qu’il va emmagasiner dans son terrier. Atta- quant surtout les racines des vignes, ce concurrent du Phylloxéra CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS BIVERS. 307 cause de grands ravages dans les vignobles. On emploie dans les Vignes de Lucerne (Californie), des enfants payés à raison de 60 francs environ par mois, et qui sont constamment occupés à tendre des pièges à ce gênant rongeur, dont ils capturent mensuellement 130 à 150 in- dividus. Ces prises exigent une certaine somme de travail, les pièges venant de remplir leur office devant être soigneusement désinfectés, sinon un second animal, averti par les émanations que son prédeces- seur a laissées, se garderait bien d’y venir. On distingue enfin un dernier genre de Gopher, le Gopher rayé ou Écureuil de terre, comprenant plusieurs espèces du genre Tamia, proches voisines de l'Écureuil des arbres, les Tamia Leysterii, Ameri- cana, Mexicana, vitata. La diversité de ces animaux multiplie l’éten- due de leurs dévastations, ils dévorent, en effet, toutes les espèces de plantes cullivées, les fruits, les racines, les céréales, les jeunes pou- lets, les petits oiseaux, les œufs, et même les cadavres de leurs con- génères. É Les mois compris entre mai et septembre constituent la saison de travail pour les différents genres de Gophers, qui entreprennent un va et vient continuel entre les champs et leurs terriers, creusés jusqu'à une profondeur de 3 à 5 mètres, puis ils s’ensevelissent pour dormir pendant les six mois les plus froids de l’année, après avoir accumulé assez de racines, d'herbes, de pommes de terre et düe litres de blé pour vivre pendant dix-huit mois. IIS aiment surtout l'herbe fraiche, les blés verts, dont ils coupent les tiges à la base, dévastant ainsi des milliers d'hectares. Les pommes de terre en végétation figurent également parmi les cultures les plus ravagées. L'homme n’est pas seul, il est vrai, dans la lutte contre ces innombrables adversaires, dont la disparition ne pourra être amenée que par la substitution des cul- tures aux pâturages sur tout l'Ouest de l’Amérique septentrionale ; le Castor des prairies et les oiseaux de proie les trouvent un mets fort délicat, mais ces adversaires sont malheureusement peu nombreux dans les régions où les Gophers abondent. De tous ses ennemis, le plus redoutable est le Chien, surtout le Bulldog, et on cite de ces animaux qui en tuent facilement une cinquantaine en une seule sortie. (Saint-Louis Globe Democrat.) - Les Loups en Europe. — La Russie est l'État de l'Europe où les Loups causent le plus de ravages. On évalue en effet à 15 millions de roubles, à 60 millions de francs, le montant annuel de leurs déprédations contre les animaux domestiques et à 200 millions, le tort qu'ils causent aux animaux sauvages. ÿ En Allemagne, on a détruit 701 Loups en 1887, dont 50 en Alsace- Lorraine, et un nombre plus considérable en 1888 et 1889. En Norvège, pays plus privilégié, le Loup est animal fort rare et on en délruit seulement une quinzaine par an. RUE. TS D ES ES RE 308 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Abondance de Carpes dans l'Etat de New-York. —Ily a une dizaine d’années, des propriétaires de l’état de New-York habi- tant la vallée du Passaic, avaient fait venir d'Allemagne un certain nombre d’alevins de Carpes pour se livrer à leur multiplication en étangs. Le gouvernement américain prêla son appui à ces introduc- tions et, en peu de temps, quiconque voulait s'en donner la peine pouvait se livrer à l'élevage des Carpes. Tous les journaux de la région s'étaient consacrés à cet intéressant sujet. L'un recommandait les étangs profonds, un autre une faible hauteur d'eau, un troisième une nappe absolument close, d’autres enfin des étangs alimentés par l’eau courante d’un ruisseau. Les Carpes croissant et se multipliant, on songea bienlôt à en tirer un parti pécuniaire. Les premières qui arrivèrent sur les marchés atteignirent facilement un prix de 1 fr. 25 à la livre de 454 grammes, huit jours après, on les vendait 40 centimes; quinze jours plus tard, les marchands refusaient de s’en embarrasser, aucun acquéreur ne se présentant. Renoncçant à leurs projels de pisciculture, les propriétaires de la vallée du Passaic saignèrent leurs étangs dont le contenu alla enrichir la population de la rivière et se rejetèrent sur l'élevage pius rémunérateur des Porcs. Le Passaic jouit d’une abondante végétation aquatique, fournissant aux Carpes une masse de nourriture. Aussi, y ont-elles prospéré, mais leurs habitudes ne concordent pas avec celles des poissons indigènes. En se vautrant, en effet, dans la vase de la ri- vière, elles ont absolument modifié la nature de ses caux qui, de claires et limpides, sont devenues bourbeuses. Aussi les Bars, les Brochets et les Perches indigènes se mirent-ils à reculer progressive- ment devant les hordes étrangères. On croyait primitivement que celles-ci favoriseraient l'accroissement des espèces carnivores indi- gènes en leur fournissant une abondante nourriture, mais cette hypo- thèse dut également être abandonnée. Les. indigènes descendirent progressivement le cours de la rivière ct, arrêtés à un moment donne par les déversementis d’eaux empoisonnées de teintureries, de fabriques de produits chimiques et d'industries diverses, ils se sont tous assem- blés dans le lac Dundee, où on se livre depuis plusieurs années à une pêche fort rémunératrice qui aura bientôt achevé l'œuvre commencée par les Carpes. Celles-ci, maîtresses incontestées de la rivière, y ac- quièrent des dimensions énormes, des poids de 7 à 9 kilogs; on en a même capturé une de 9 kilogs ct demi et il en cxisterait qui pèsent de 13 à 14 kilogs. _ Contrairement à leurs habiludes en Europe, où elles ne mordent à l’hamecon que peu après le lever du soleil, on peut les prendre à la ligne pendant toule la durée du jour et de la nuit avec n'importe quel appât, Pois cuits, Vers et, en général, tout ce qui se mange. , (Le Chenil.) CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAIIS DIVERS. 309 L'apiculture dans les environs de Vladikavkaz (Caucase). — Une de ces curieuses monographies locales qui, réunies, donnent des tableaux réellement exacts de l’état d’une industrie, vient d’être faite par M. Toukkaëff. Elle se rapporte à l’apiculture dans les envi- rons de la ville de Vladikavkaz. Le territoire de Vladikavkaz, district de Ter, est peuplé par les Os- sèthes, tandis que ce sont ies Cabardins qui composent la population du district de Pjatigorsk. Bien que ce soient ces derniers qui aient initié les Ossèthes à l’art de l’apiculture, le miel ne se récolte chez eux que dans des proportions négligeables. Chez les Ossèthes du territoire de Vladikavkaz eux-mêmes, celte industrie est distribuée d’une façon fort inégale. Dans certains ha- meaux « aoul », elle n’existe pour ainsi dire pas, dans d'autres, sur une populalion de deux cents paysans, 5 ou 10 à peine s'y livrent. Mais c'est surtout le village chrétien (à 40 verstes de la ville de Vla- dikavkaz) qui.se distingue par le développement de l’apiculture. M. Toukkaëff nc peut donner de chiffres exacls, mais on pourra s’en faire une idée d’après les données suivantes : Le village chrétien possède cinq cents maisons ; on peut admetire sans exagération que deux cents propriétaires se livrent à l'élevage des Abeilles. Chacun a, au printemps, cent ruches en moyenne ; quelques- uns en possèdent jusqu’à cinq cents. Le village entier en compte 20,000. En automne, lorsque l’année est bonne, ce nombre est doublé. L'apiculture est devenue; pour les habitants du village, une des prin- cipales occupations. Les chiffres ci-dessus montrent quel est le nombre énorme des ruches concentrées dans un seul « aoul » et quelle quantité d’Abeilles auraient à alimenter les fleurs d’un territoire limité. Les apiculteurs du pays se rendent d’ailleurs parfaitement compile qu'il serait peu avantageux de garder toules les Abeilles au hameau. Aussi, dès le printemps, huit jours après Pâques, emportent-ils leurs ruches au loin, mais jamais à plus de 50 verstes du hameau. Les api- culteurs se réunissent par groupes de cinq à douze personnes pour installer toutes leurs ruches ensemble. L'endroit choisi doit répondre aux exigences suivantes : ; 1° Se trouver près d’une rivière et d'un bois, dont l’éleveur a plus besoin que ses Abeilles ; d’ailleurs, le bois, lorsqu'il est riche en arbres fruitiers et en tilleuls, devient précieux pour l’apiculleur, car il fournit alors la nourriture dès le début du printemps. 2° Il doit être couvert en partie par des petites herbes et en partie par les hautes herbes des steppes. Les premières fleurissent au prin- temps, mais, en été et en automne, ce sont les hautes herbes, plus résistantes au soleil, qui alimentent la population des ruches. On recherche également le voisinage du Sarrasin. Quelquefois toutes ces conditions réunies ne satisfont pas l’éleveur expérimenté : il 316 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. connaît bien quelles sont les plantes que les Abeilles visitent de pré- férence et il en voudrait voir davantage sur le territoire choisi. L'installation de la ruche est des plus primitives. On construit une habitation en osier que l’on habite en commun et les ruches rayon- nent autour du centre. En outre, chaque rayon est, sur la circonfé- rence, terminée par une petite guérite. On laisse là les Abeilles jusqu’en automne, c’est-à-dire jusqu'à fin septembre, si les circons- tances locales sont favorables. Mais si l'endroit se trouve peu satis- faisant pour une raison quelconque, on déménage les Abeilles. L'apiculteur y est constamment occupé par les soins à donner aux élèves jusqu'à ce qu’elles aient complètement fini d’essaimer. Au printemps, il nourrit les plus faibles tous les soirs ou tous les deux jours en les arrosant de miel fondu délayé avec de l’eau chaude. En même temps, il apprête de nouvelles ruches, De plus, on a à enlever, avant la période d’essaimage, les couches supérieures de la cire qui ne contiennent pas de miel. Entre temps, l’éleveur ne laisse point d'observer ses ruches et les personnes expéri- mentées savent dire, avant l’essaimage, si l’année sera bonne. Un des indices, grâce auquel on le reconnaît, est un grand bruit dans la ruche, la nuit. Les boures années, l’essaimage cesse avant le 1% juin, ou bien con- tinue jusqu’au 15 juin dans des endroits plus humides. Voici comment on rattrape les essaims. Les Ossèthes se servent à cet effet d'un appareil appelé « Sambou », qui se compose d’un cône en cerisier tronqué irrégulièrement à sa base ; un crochet de bois est fixé au sommet et ce crochet passe dans une courroie adaptée elle-même à un long bâton. Le propriétaire armé du Sambou invite gracieusement « la chaste duchesse aux ailes d’or » (la mère) (1) à y entrer et lui dit : « Viens donc dans la demeure ap- prêtée pour toi, capricieuse. » Tout en parlant, l’apiculteur frappe la perche avec une crécelle. Le Sambou est préalablement arrosé d’eau salée à l’intérieur et à l'extérieur. D'ordinaire «-la duchesse aux ailes d'or » ne se laisse pas prier longtemps ei fait entrer à sa suite toute la ruche. Du Sambou, on secoue les Abeilles dans les ruches qui sont également imbibées d’eau salée. Ensuite, la ruche est portée à sa place et on laisse l'ouverture bouchée pendant cinq minutes environ. Il n’en est pas de même lorsque plusieurs essaims, une centaine quelquefois, sortent ensemble. Dans la mêlée, en se précipitant les unes sur les autres, les mères périssent souvent; dans ce cas, on par- tage, et chacun a autant de mères qu’il doit avoir d’essaims. S'il y a moins de mères qu’on ne s’y attendait, c'est celui qui a le plus de ruches qui en souffre ; la perte lui est moins sensible. Après le premier, ou les quelques premiers essaims, l’apiculteur pro- (1) Expression caucasienne. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 311 cède à l’essaimage artificiel, ce qui se fait depuis fort longtemps dans le pays. Le moment est indiqué par les sons que font entendre les jeunes mères à peines sorlies de leurs cellules. Gn dit que le bruit provient de la lutte entre les jeunes méres, De très bonne heure, avant la sortie des Abeilles, l’éleveur choisit une ou deux ruches et en troue le fond en trois endroits afin de per- mettre à la fumée d’un petil morceau d’amadou allume d'entrer. Ce dernier est lui-même mis dans un creux au-dessus duquel la ruche est incliné. Ha Ainsi enfumées, les Abeilles sortent avec les jeunes mères et tombent sur une peau de Chèvre sauvage. Après avoir choisi la plus vive parmi les jeunes mères, on lui adjoint le nombre nécessaire d’Abeilles ou- vrières et on les fait entrer dans une nouvelle ruche dont loutes les ouvertures sont bouchées et que l’on place à une demi-versle de l’éta- blissement. Un quart d'heure plus tard seulement la porte d'entrée est ouverte. La ruche est laissée là pendant une huitaine de jours avant d'aller rejoindre les autres. Une nouvelle colonie est donc formée par une famille forte ou bien par deux ruches. La période d’essaimage finie, les apiculteurs propriétaires rentrent chez eux en laissant un ou deux gardiens. Les ruches ne restent alors plus longtemps aux champs ; on les trans- porte bientôt au village où il est plus facile de les garder contre Îles voleurs. Avec les grands froids (fin octobre-novembre), commence l'hivernage. Les habitations d'hiver sont de deux espèces : des bâti- ments en bois et des caves. Les premiers sont faits assez solidement, avec des planches en bois de tilleul, sans croisées, la porte fermant i en, Le plafond et le plancher en bois, pas d’étagères. Les murs ne sont point enduits. Les caves ne se distinguent de ces bâtiments que parce que l’on en enduit les murailles. Dans ces locaux les ruches sont empilées les unes sur les autres avec de la paille entre pour empêcher le froid d'y pénétrer. Après les avoir ainsi installées pour l'hiver, l’éle- veur ne les visite qu’une fois par mois ou même tous les deux mois. Pour se rendre compte de leur état, le connaisseur colle l'oreille à chacune des ruches à tour de rôle et juge, par le bruit qui en sort, si l’état est satisfaisant. Avant de rejoindre le quartier d'hiver, les ruches les moins fortes sont approvisionnées de nourriture pour toute la saison rigoureuse. À cet effet, on retire quelques rayons de miel d'une forte ruche et on les place dans celle qui ne l’est pas assez. Au printemps, au sortir de l'hivernage, on soutient les abeilles, si cela paraît nécessaire, avec du miel fondu délayé avec un peu d’eau tiède ; on arrose en même temps avec des cuillers spéciales les Abeilles et les rayons. La construction des habitations spéciales appropriées à l'hivernage est déterminée par les hivers assez rigoureux de la région de Vladikavkaz où, quelque- fois, la température descend à 20° au-dessous de 0°. 312 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Passons maintenant à la ruche faite à la mode du pays. Imaginez-vous un panier en osier fin, rappelant par sa forme une éprouvette. Il a 3/4 d'archine, c’est-à-dire 0",60 environ de long et 1/2 archine de diamètre, il pèse 7 livres. On l’enduit, à l’extrémilé seule- ment, d’un mélange de cendres de bois et de fiente de bêtes à cornes. Le côté à ouvrir a un couvercle plat en osier également. A l'intérieur, on fixe quatre petits bâtons pour servir de squelette, si je puis m'ex- primer ainsi, aux cellules qui vont être construites. On en fixe deux côte à côle à la base, les deux autres, plus longs, forment par leur entrecroisement la lettre X. La ruche fermée et renversée le côlé ou- vert en bas, est soulevée par deux ou trois cailloux pour la protéger de l'humidité du sol. Pour la garantir de la pluie, on la couvre d’un couvercle en chaume. Le produit de cette industrie — le miel — se consomme en parlie sur place, les montagnards le mangent et en sucrent certains plats farineux ; mais il est surtout un objet du commerce local, et sous ce rapport, il paye bien le travail de l’éleveur. La cire se vend sous trois aspects : 1° la livre de la cire des rayons valait, il ÿy a deux ans, 25 co- peks, elle en vaut 15 aujourd’hui; 2° la cire fondue et passée dans un sac de toile se vend 40 copeks la livre. Les resies contenus dans le sac valent 2 copeks la livre (1 copek vaut 3 centimes environ). Le commerce du miel commence en automne, entre le moment où les abeïlles en produisent et celui où elles commencent à en dépenser (fin août) : on vend en gros aux acheteurs qui arrivent à ce moment. Le prix dépend de la récolte, mais la moyenne est de 5 roubles par « poude » (40 livres russes); on vend aussi à 4 1/2, 6, 7 roubles. Au printemps le prix monte, il est de 8 à 10 roubles le poude. — On livre non pas le miel pur, mais tel qu'il est dans la ruche, les ruches mêmes vont quelquefois avec. On enfume les Abeilles des ruches,. destinees à la vente. La distance entre divers établissements est de 9 verstes environ. La population russe ne se livre point à l’art de l’apiculture. Cath. KRANTZ. Le Karité ou arbre à beurre d'Afrique (Bassia Parki, G. DoN; Butyrospermum Niloticum, KoOTScx.; B. Parkii, Korscx.) est un bel arbre d’une hauteur moyenne de 10 mètres, sur un dia- mêtre de 1 mètre environ et souvent ramifié comme le Chêne dont il rappelle un peu le port. Feuilles disposées en touffes à l’extrémité des rameaux, oblongues-lancéolées, atlénuées à = base, mucronées au sommet, entières, glabres et luisantes. Originaire de l'Afrique, le Karité est très abondant dans toule la région tropicale, particulièrement dans le Haut- Sénégal ainsi qu'au Soudan où il forme des forêts d’une immense étendue, notamment sur les rives du Niger. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 313 Son bois est résineux, très dur, mais d’une exploitation assez res- treinte jusqu’à ce jour. Les baies vertes et les jeunes pousses four- nissent un suc fortement astringent usité dans la médecine indigène. Le fruit esi une baie comestible ellipsoïde, verdâtre et charnue de la grosseur d’une noix, recouverte d'un péricarpe mince et solide. Il est consommé sur place par les nègres qui se montrent très friands de la pulpe. Les graines renferment une huile grasse, légèrement aromatique, de couleur blanc sale ou rougeâtre, ayant un peu l’aspect et presque la consistance du beurre. Cette huile, connue dans le commerce sous les noms de beurre de Galam, de Karité, de Bambouk, de Bambara, de Ghee, de Shea, etc., offre une saveur douce, agréable et dépourvue d'âcreté. René Caillié, dans son voyage en Afrique, rapporte ainsi le procédé ‘en usage chez les Mandingues pour la préparation du beurre de Karité : On expose le fruit au soleil pendant plusieurs jours pour le faire sécher, puis on le nile dans un mortier ; réduit en farine, il devient couleur de son de froment. Quand il est pilé, on le met dans une grande calebasse, puis l’on jette de l’eau tant soit peu tiède par des- sus, jusqu'à consistance d’une pâte claire que l’on pétrit avec les mains. Quand on veut connaître si elle est assez manipulée, on y jette un peu d’eau tiède : si l'on voit les parties grasses se détacher du son et monter sur l’eau, on y. met à plusieurs reprises de l’eau tiède; il faut qu’il y en ait assez pour que le beurre, détaché du son, puisse flotier. Cette matière grasse est considérée par quelques auteurs comme possédant les mêmes propriétés que le beurre animal et pouvant rem- placer celui-ci dans l'alimentation. C’est aussi, d’ailleurs, l'opinion de Mungo Park qui la dit plus blanche, plus ferme et, à son goût, plus agréable qu'aucun autre beurre de vache. Cette substance offre en outre l’avantage de se conserver très longtemps sans rancir, même sans être additionnée de sel. L'huile de Karité est d’un usage constant parmi les populations nigériennes qui l'utilisent soit dans les préparations culinaires ou pour alimenter leurs lampes primitives, soit comme onguent pour panser les plaies et les blessures (1) ou comme cosmétique pour peigner la chevelure des femmes. Dans quelques contrées de l'Afrique, les indi- genes désignent également ce produit sous les noms de Ce et de Mica- dania. Cette huile est également bonne pour la fabrication des bougies et des savons ; elle est en ce moment l'objet de transactions impor- tantes dans le Bas-Niger, où les forêts sont en partie exploitées par les Anglais. - (t) Ab. Hovelacque, Les Nègres de l'Afrique sus-équatoriale, p. 141. 314 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Le rendement des graines est d'environ 49 pour cent. Complètement soluble à froid dans l'essence de térébenthine, le Beurre de Galam est presque insoluble dans l'alcool et incomple- tement à froid dans l’éther. D'après Guibourt, la matière insoluble paraît être de la stéarine. Fondu au bain-marie, il laisse déposer des flocons rougeâtres d’une substance sucrée et des plus agréables qui doit provenir de la pulpe du fruit. Ce Beurre se refroidit lentement et commence à se figer à + 29 degrés, mais ne devient réellement solide qu'à + 21. Les alcalis le saponifient avec la plus grande facilité. Suivant M. de Lanessan, on trouve encore sur la côte occidentale de l’Afrique deux espèces de Bassia nommées au Gabon, Agali-djave et Agali-noungou, dont les graines donnent jusqu’à 56 pour cent d'une huile analogue au Beurre de Galam, qui est comestible lorsqu'elle est fraîche et que l’on emploie comme celui-ci contre leurs douleurs rhumatismales. Une autre espèce, connue sous le nom de Acole Ou- gounou, donne également une matière grasse semblable. Le Passia Parkii offrirait encore à l’industrie une ressource inat- tendue. En effet, M. Ed. Heckel, de Marseille, croit avoir trouvé dans cel arbre un remplaçant de l’Zsonandra gutla pour la production de la Gutlta-percha, dont les sources seraient prêtes d'être épuisées, si nous en croyons sir J. Hooker, par suite de l'apathie des indigènes indiens qui ne s adonnent que d’une facon tout à fait insuffisante à la culture de ce précieux végétal. Aussi, en raison de l'importance du Karité et de la facilité avec laquelle il prend un développement rapide, même dans les plus mauvais terrains, M. Heckel en propose-t-il l’acclimatation dans nos cclonies tropicales françaises, principalement en Cochinchine et au Cambodge, dont le climat lui serait tres favorable. À partir de quatre ans, le B. Parkii peut donner, par l’incision du tronc et de ses gros rameaux, environ 4 kilogrammes de véritable Gutta-percha annuellement, à condition toutefois que l’opération soit faite avec quelques précautions, de manière à ne pas épuiser préala— blement le sujet. Cette exploilation pourrait donc être commencée dès à présent et devenir, pour le Sénégal, une nouvelle source de prospérité si, comme il y a tout lieu de le croire, les assertions de M. Heckel sont exactes. JG L'Upas Tieuté des Javanais (S/rychnos Tieute LEscu. — Jettek et Tshittk des indigènes) est une énorme liane ligneuse, inerme, d'un diamètre de plusieurs centimètres, grimpant jusqu'au sommet des plus grands arbres qu’elle couronne de ses fleurs et de ses fruits. Son bois, blanchâtre et poreux, est recouvert d'une écorce blanche, ru- gueuse, amére et quelquefois parsemée de taches blanchâtres, d'aspect CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 315 crétacé, dues à l’abondance d’un petit lichen du genre Opegrapha. Ses feuilles sont elliptiques ou oblongues, acuminées au sommet, aiguës à la base, glabres sur les deux faces, de l’aisselle des feuilles avortées, sortent cà et là des crocs ou sortes de vrilles épaissies vers leur extrémité. Les racines s’enfoncent d’abord en terre à une profon- deur de 60 centimètres environ, puis s'étendent ensuite horizontale- ment à une grande distance; leur épiderme est mince, brun rougeâtre ou plutôt couleur de rouille et d’une saveur très amère. Originaire des forêts vierges de Java, cette espèce s’observe surtout dans les montagnes ombreuses et solitaires de l’île de Blanbargang où on la dit cependant assez rare. De tout temps, ce Sérychnos a fourni aux naturels des îles Moluques et de la Sonde un des poisons les plus violents du règne végétal pour empoisonner leurs flèches. L'Upas Tieuté, préparé mystérieusement autrefois par quelques initiés, s'obtient encore aujourd’hui par un procédé fort simple et très primitif, qui consiste à faire avec l'écorce fraîichement cueillie une décoction prolongée jusqu’à évaporation presque complète du mélange, qui prend alors une consistance siru- peuse et une couleur foncee; il ne reste plus alors qu’à dessécher ce résidu pour le rendre plus facilement transportable. Pelletier et Caventon ont décrit ce poison comme un extrait solide, brun rougeâtre, un peu translucide. À l’analyse, ce produit leur a donné une très forte proportion de strychnine .sans brucine, mais accompagnée d’une matière-brune qui jouit de la propriété de verdir par l’acide nitrique. Guibourt dit avoir vu le célèbre poison des Java- nais sous forme d’une poudre de couleur gris brunâtre. Les expériences de Magendie et Delille, faites avec le poison rap- porté par Leschenault, démontrèrent que les divers animaux soumis a son action, succombent, dans un laps de temps variant entre cinq et quinze minutes au plus, à une sorte d’asphysie causée par le téta- nos général et surtout celui des muscles de la poitrine, sans trace d’in- flammation des organes de la digestion et conservant l'usage des sens. Mérat et de Lens mentionnent ainsi l'opinion de Mayer sur l'Upas Tieuté: Employé à l'intérieur ou à l'extérieur, il produit des spasmes et des convulsions tétaniques ; il agit comme les autres poisons, par l'intermédiaire du sang, affecte la contractilité musculaire, paralyse l'action du cœur, puis porte son influence sur la moelle épinière sans jamais déranger d’une manière notable les fonctions dn cerveau. L'é- corce pulvérisée produit plus de raideur et de paralysie et moins de contractions spasmodiques que les préparations ‘artificielles. D’après les expériences de ce professeur, la décoction de l'écorce a amené la mort en deux heures vingt-deux minutes; la racine en quarante mi- nutes; l'extrait gommeux en neuf; l’'Upas préparé à la manière des sauvages en sept ; l'extrait aqueux.en six et enfin, l'extrait alcoolique, la préparation la plus toxique, en quatre minutes. ; ) 316 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Contrairement à l'opinion émise par le D’ Mayer, Horsfield, qui a expérimenté sur les lieux, à Java, le poison provenant du Sérychnos Tieute, dit que son aclion se porte totalement sur le cerveau et ses arnexes, tandis qu'avec celui de l’Antiar (Angiaris loxicaria LEscu), cette aclion est entièrement dirigée sur le système circulatoire de la poitrine et de l’abdomen. Le premier foudroie le système nerveux, le second détruit l'équilibre du système vasculaire. C'est d'ailleurs cette opinion qui est aujourd'hui admise, sur- tout depuis les derniers travaux sur les effets physiologiques de la strychnine. Le S. Tieute peut être chez nous l’objet d’une certaine curiosité, mais nous doutons qu'il entre jamais dans la pratique thérapeutique, tant à cause de sa rareté que par la difficulté de se procurer l'écorce dans des conditions favorables de conservation. Au point de vue mé- dical, ses effets seraient identiques à ceux que l’on obtient des autres végétaux de ce genre riches en strychnine. M. V.-B. La culture de la Menthe poivrée en Amérique. — Le comté de Saint-Joseph dans le Michigan, et le comté de Wayne dans l'Etat de New-York, sont les deux régions des Etats-Unis où la pro- duction de la Menthe poivrée a pris le plus d'extension. Datant de 1846 environ, cette ‘culture étend continuellement l'aire qui lui est affectée, et tous les agriculteurs de la région font de la Menthe, aujourd’hui, sur la totalité ou une partie de leurs terres. Les champs les plus vastes du comté de Saint-Joseph appartiennent à M. Henry Hall, aux Trois-Rivières. La ferme, qu’entourent 900 acres (364 hec- tares) de terres labourables, est située à 8 milles, 13 kilomètres, au sud-est des Trois-Rivières ; 163 hectares sont affectés chaque année à la Menthe. Quand la plante ne produit plus qu’une faible quantité de feuilles, on retourne le champ et on y sème du trèfle, dont les longues racines .pivotantes détruisant la compacité du sol le prépare- ront à être de nouveau remis en Menthe. Quatre distilleries installées sur ce domaine produisent chaque jour 250 kilogs d'huile essentielle de Menthe. , é Peu de plantes exigent autant de soins de culture que la Menthe, mais la valeur de la récolte dépend beaucoup aussi de la température Pour créer. un champ de Menthe, on laboure et herse en août, septembre et octobre, puis on donne un nouvel hersage au prin- temps. On procède à la ‘plantation au moyen de troncons de racines, déposés de distance en distance dans des sillons écartés d’un mètre. Du moment où la Menthe lève à celui où elle est récoltée, elle doit être soigneusement nettoyée et binée pour éliminer toute mau- vaise herbe, le fléau de cette culture. La plante fleurit vers le 15 août, et on procède immédiatement à sa récolte faite à la faux ou à la fau- cille. On obtient ainsi trois récoltes pendant trois années successives, CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 317 mais l’ordre primilif de la plantation a complètement disparu alors, les touffes de Menthe poussent çà et là et non plus en lignes; par- tout apparaissent des mauvaises herbes, de 20 kilogs environ d'huile essentielle à l’hectare, chiffre obtenu les premières années, le rende- ment s’abaisse à 10 kilogs. Après le fauchage, la Menthe est étalée sur le sol où elle se dessèche, puis on procède à l'élimination des mauvaises herbes et on la conduit sur des wagonnets à la distille- rie. Là, elle est soumise pendant une heure à l’action de la vapeur, qui en sépare l'huile essentielle qu'on recueille ensuite dans le ré- frigérant. | Cette huile est souvent adultérée avec de l’eau, de l'alcool, de l'huile de castor, ou appauvrie par l'extraction d'une partie du men- thol qu’elle contient. (Pharmaceutical journal.) Culture de Camphriers dans la Floride. — Se basant sur la rareté relative et surtout Ja cherlé du camphre sur les marchés anglais, les Américains ont imaginé de cultiver l’arbre qui le produit, le Laurus camphora, dans la Floride, dont le climat rappelle sensi- blement celui de l'Algérie. | Le Camphrier prospère dans toutes les parties de la Floride; il atteint une hauteur de trois mètres en quatre ans et près de douze mêtres en dix ans, avec un tronc de 35 centimètres de diamètre. La premiére taille doit être faite vers la quatrième ou cinquième année et se continue tous les ans dans le but de bien former la tête de l'arbre, de sorte que l’on a ainsi continuellement une certaine quantité de bois à distiller. De la douzième à la quinzième année, l'arbre est assez fort pour être abattu et fournit un bois très estimé et recherché pour l’ébénis- terie. Celle culture promet donc d'être rémunératrice, et l’on estime que, dans dix ans, il y aura probablement plus de Camphriers que d'Oran- gers dans la Floride. (Revue horticole.) Le Laurier de Pompéi. — Les historiens ont maintes fois dis- cuté l’époque de l’année 79 à laquelle eut lieu la terrible éruption du Vésuve qui anéantit les villes de Pompéi et d'Herculanum. On a récemment découvert, dans les cendres de Pompéi, un arbre enlier, aux rameaux couverls de baies, qui n’élait autre qu'un Laurier-sauce (Laurus nobilis). Le degré de maturation des fruits semble indiquer que l’éruplion aurait eu lieu en novembre: (Ze Chenil.) NIIT. BIBLIOGRAPHIE. Les Sociétés chez les animaux, par le D' Paul GirOD, profes- seur adjoint à la Faculté des Sciences de Clermont-Ferrand, pro- fesseur à l'Ecole de médecine, lauréat de l’Institut. — 1 vol. in-8°, de 342 pages, avec 53 fig. intercalées dans le texle. Un des derniers volumes parus de la « Bibliothèque scientifique contemporaine », publiée par la librairie J.-B. Baillière et fils, est consacré à l’une des parties les plus intéressantes de l’histoire des mœurs des animaux, nous voulons dire celle qui traite de leurs asso- ciations, de leur formation et de leur but ; du merveilleux instinct qui pousse certains groupes à se réunir el les amène à accomplir tant d'œuvres admirables; du #odus vivendi de ces sociétés diverses, auxquelles les nôtres bien souvent pourraient emprunter des exemples salutaires et d'utiles enseignements. L'auteur nous indique d'abord dans son introduction de quelle nature sont ces associations. Dans les associations indifférentes, les animaux se réunissent en grand nombre pour atteindre plus sûre- ment un résultat déterminé: en général de longs voyages; mais chacun reste indépendant dans la masse commune et indifférent au sort heureux ou malheureux de ses voisins ; on se sépare aussitôt le but atteint. Dans les associations réciproques la réunion est encore tem- poraire, mais ici chaque animal met en commun sa force et son intel- ligence, et ne reprendra sa liberté qu'après l’action. Enfin, dans les associations permanentes, l'association est plus durable, et la famille ainsi que l'individu ne forment plus qu’un organe ou un membre de l'organisme social. Noùs passons ensuite én revue ces différentes espèces d'associations chez les vertébrés, puis chez les invertébrés. | Dans la première partie on nous parle des poissons migrateurs et particulièrement des banes de Harengs, des montagnes d'oiseaux ou accumulation énorme de ces animaux sur certains points, des voyages des Hirondelles, des migrations des Rats ei des Lemmings, etc... Puis vient la description de ces gigantesques nids ou plutôt de ces réu- niors de nids, construits par des oiseaux dits les Républicains, qui les habitent souvent au nombre d’un millier d'individus ; l’histoire des Castors, des troupeaux chez les mammifères et particulièrement des réunions souvent considérables de Singes, ainsi que de l’organisation sociale des anthropoïdes. Dans la deuxième partie, nous lisons avec intérêt un résumé très clair sur les mœurs admirables et-les-seeiétés si bien organisées des insectes et surtout des hyménoptères sociaux, tels que les Fourmis, les Termites, les Abeilles, elc... Plus loin l’äuleur nous donne des BIBLIOGRAPHIE. 319 détails sur des associations d’autre nalure que celle-ci, comme le commensalisme et le parasitisme ; nous voyons l’histoire du Bernard- l'Hermite, les commensaux des Fourmis, les parasites des Abeilles, enfin le fameux Coucou, qui ne pond ses œufs que dans des nids étrangers, forçant les oiseaux plus pelits et d'espèce différente à couver pour lui. Enfin la théorie des colonies linéaires ou coalescents chez les uns, les échinodermes et les mollusques, prennent place dans ces pages à la suite du chapitre qui traite des associations chez les animaux inférieurs, Ascidies, Bryozoaires, Hydres, Éponges, Coraux, etc. On voit par ce qui précède quel intérêt présente ce petit livre, plein de faits et merveilleux de précision. Emanant d’un auteur qui a déjà rendu de si grands services à l’enseignement par ses publications sur les manipulations de zoologie et de botanique, il pourra prendre place dans la bibliothèque de tous, et c’est fort à propos qu’on pourra dire de lui : Indocti doceant, ament meminisse periti. Parmi les derniers ouvrages que M. Gadeau de Kerville a eu l’ama- bilité d'offrir à notre Société, nous citerons les suivants : 10 Sur un cas d'amitié réciproque chez deux oiseaux (Verruche et Stur- nidé) avec une figure. Extrait du journal « Le Naturaliste », numéro du 1° août 1890; 20 Note sur la venue du Syrrhapte paradoxal en Normandie (avec une planche en bistre), Rouen, 1890, I br. in-8°. 3° Les Insectes phosphorescents, notes complémentaires et bibliogra- phie générale (anatomie, physiologie et biologie), Rouen, 1887, 1 vol. in-8° 136 pages; | 40 Le 2% fascicule de la Faune de la Normandie, publiée chez J.-B. Baillière et fils. (Extrait du Bulletin de la Société des Amis des Sciences naturelles de Rouen, 1" semestre 1889). Ce fascicule comprend les oiseaux (carnivores, omnivores, insec- tivores et granivores). Nous n’avons pas à insister sur l'intérêt que présentent ces faunes locales et surtout celles écrites par un natura- liste aussi érudit et aussi consciencieux que M. H. Gadeau de Kerville. La faune ornithologique de la Normandie était déja bien connue; mais l’auteur a tenu à contrôler tous les faits avancés dans les diffé- renis ouvrages et à recourir aux sources originales pour les confirmer; il a donc en cela rendu un véritable service aux observateurs et aux naturalistes. Nous attendons avec impatience le 3° fascicule qui trailtera des Pigeons, des gallinacés, des échassiers et des palmipèdes. R. OUVRAGES OFFERTS A LA BIBLIOTHÈQUE DE LA SOCIÉTÉ. Michotte (Félicièn). — La Ramie, conférence faite à la Société cen- trale du travail professionnel. — Paris, typographie Blind. Nardy père. — Les plaines sableuses de l’Alentejo (Portugal). — Hyères, lithographic Bloch et Réau, 1890. Nehring (prof. D').— Aus den Verhandlungen der Berliner anthro- pologischen Gesellschaft, 1889. Le méme. — Sitzungs- Bericht der Gesellschaft nalurforschender Freunde, 1889. Le même. -— Ueber Sus Celcbensis und Verwandte. — Berlin, 1889, in-4°, planches. L'auteur. Pezuna y Estomago. Reglas sencillas para atender y cuidar al caballo en la caballeriza 6 en el camino. — Mexico, 1886. Santiago Ramirez. — Nolicia historica dela Riqueza minera de mexico. — Mexico, 1884. Reichenow [D' Ant.) — Systematisches Verzeichniss der Vügel Deutschlands. — Berlin, 1889. ; Rivière (Charles). — Algérie. Horticulture générale, végétation, cultures spéciales, acclimatalion. — Alger, Giralt, imprimeur, 1889. Rodigas (Émile). — Une visite à l'établissement de l’horliculture in- ternalionale (Linden), au parc Léopold, à Bruxelles. — Grande imprimerie Var:derhaeghen. Rolland (G.). — Sur les grandes dunes de sable du Sahara. — Paris, Gauthier-Villars, imprimeur-libraire, 1890. Le même. — Grande faille du Zaghouan et ligne principale de disloca- tion de la Tunisie orientale. — Lille, imprimerie Le Bigot frères, 1890. | MERE Ruiz ÿy Sandoval (Alberto). — El Alsodon en México. — México, oficina typografica de la Secrelaria de fomento, 1884. Rutherford (William-Gunion). — The fourth book of Thucydides. — London, Macmillan and Co., 1889. | Sahut (Félix): — Comparaison des climats du midi et du sud-ouest de la France. — Montpellier, imprimerie centrale du Midi, 1889. Sappa (prof: Mercurino). — Colombi Reggianini, le piche Danesi. — Mondovi, typografia et librairia Ghiolti, 1889. Le Gér2at: JULES GRISARD. I. TRAVAUX ADRESSÉS A LA SOCIÉTÉ. ACTION DU FROID SD UDESUDR ES" VIVUNTS Par M. MAURICE ARTHUS. (SUITE ET FIN *) All ÉTUDE SOMMAIRE DES MALADIES PRODUITES PAR LE FROID CHEZ LES ANIMAUX. Nous avons précédemment montré l'influence du froid sur les différentes fonctions vitales. Nous avons précisé les con- ditions de la mort chez les Oiseaux et les Mammifères non hibernants, les conditions de l’'hibernation chez les animaux à sang froid. Le froid peut amener la mort des animaux su- périeurs par simple refroidissement, sans produire d’acci- dents locaux; comme, d'autre part, il peut déterminer l’appa- rition de lésions bien limitées plus ou moins graves d’ailleurs. De nombreux cas de mort par le froid ont été observés chez l'homme notamment pendant la fameuse retraite de Moscou. Les soldats qui ne pouvaient pas réagir d'une facon suffi- sante tombaient dans une sorte d’idiotisme accompagné de difficulté de parler, d’affaiblissement de la vue et de lourdeur dans les membres : ils marchaient encore quelque temps soutenus par leurs camarades; mais peu à peu leurs jambes fléchissaient, et, la faiblesse augmentant, ils tombaient pour ne plus se relever; ils passaient à un état d’assoupissement qui se prolongeait jusqu'à la mort. La mort arrivait ainsi sans produire de lésions anatomiques reconnaissables. | Dans la plupart des cas cependant le refroidissement donne lieu à des lésions des tissus, et ces lésions sont limitées aux régions du corps les moins bien protégées. Ces lésions peuvent être légères et ne se traduire que par une rougeur plus ou moins intense et une douleur en général assez vive, (*) Voyez plus haut, page 246 5 Mars 1891. 91 322 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. — ou bien elles peuvent être plus profondes. détruire l’épi- derme et une partie du derme, faire naître des phlyctènes pleines de sérosité sanguinolente ; — enfin, si le froid est assez vif, l'effet local peut être la congélation. Cette congéla- tion n’est pas toujours suivie de la destruction totale du tissu affecté. Hunter fit à cet effet une expérience intéressante; il gèle l'oreille d'un lapin dans l’eau glacée. Après une heure de séjour dans la glace, l'oreille est tout à fait roide, une incision n’en peut faire couler le sang. Maïs peu à peu l'oreille maintenue à l’air tiède se dégeèle, recouvre son élasticité naturelle, laisse couler du sang. Elle devient bientôt chaude, s'épaissit, s’enflamme, et puis au bout d'un certain temps tous ces phénomènes disparaissent, elle ne diffère plus de l'autre oreille. Sous l'influence du froid les vaisseaux se contractent, les tissus pâlissent et se rétractent. Lorsque la chaleur revient, la dilatation succède à la rétraction des vaisseaux ; l’anémie locale fait place à l'hypérémie,; — et souvent cette congestion secondaire peut produire l’œdème, l’inflammation et même la gangrène; aussi doit-on éviter de réchauffer trop rapide- ment et trop fortement les parties congelées pour ne pas dé- terminer des désordres graves et parfois même irréparables. Le froid peut produire des accidents par un mécanisme plus compliqué. Nous avons indiqué comment l'organisme animal se défendait contre le refroidissement; nous avons montré notamment comment les artérioles cutanées rédui- saient leur diamètre et forçaient par conséquent le sang à se répandre en plus grande abondance dans le système des vaisseaux viscéraux. C’est dire que, sous l'influence de refroï- dissement cutané, il peut se produire un afflux de sang con- sidérable dans les organes internes, une congestion intense du poumon, de l'intestin, des reins, etc., congestion souvent capable de déterminer les lésions temporaires ou perma- nentes d'une inflammation. On a prétendu qu'inflammation devait être considéré comme synonyme d'infection; on a admis dans une certaine école qu'il n’y avait inflammation que lorsque des microorganismes pouvaient se développer. Mais on n’a pas donné la démonstration rigoureuse de cette hypothèse, et nous avons le droit d'admettre jusqu’à preuve du contraire que dans certains cas il se développe des lésions inflammatoires (bronchite, entérite, néphrite, etc.) par le ACTION DU FROID SUR- LES ÊTRES VIVANTS. . 323 seul balancement des mécanismes neuro-vasculaires qui pro- duisent la congestion. Mais nous devons reconnaître aussi que dans un grand nombre de cas les congestions viscérales, en affaiblissant la résistance des tissus au développement des germès qui les abordent permet la pullulation des microbes. La congestion dans ce cas est la condition première du développement des microorganismes ; l’inflammation est la conséquence de leur activité vitale. C’est ainsi qu'il faut comprendre l'apparition des broncho-pneumonies qui sont si fréquentes chez l’homme et chez les animaux pendant la période de froid. Que de fois la maladie microbienne avec ses caractères francs et ses signes cliniques s’est greffée sur une légère congestion pul- monaire qu'on pourrait presque appeler régulière et physio- logique! Nous avons assez souvent constaté des faits du même genre chez des chiens. Ces animaux exposés à un refroidissement très vif présentaient les signes d’une affec- tion pulmonaire grave; nous en avons sacrifié avant que la maladie n’ait achevé son évolution, et nous avons tres sou- vent constaté à côté d’une congestion pulmonaire généralisée de petits noyaux disséminés dans toute l'étendue du poumon et présentant les caractères de l’hépatisation pneumonique. Ces noyaux correspondaient à autant de colonies micro- biennes qui avaient pu se développer gräce à l’affaiblisse- ment de la résistance du tissu pulmonaire simplement con- gestionné. On a souvent attribué au froid dans l’étiologie des maladies un rôle trop considérable ; on n'a pas seulement fait des pneumonies, des pleurésies, des néphrites «4 frigore ; —- mais on a imaginé des myélites, des névralgies a frigore, ce qui nous semble fort exagéré. Toutefois il est une maladie dans l'apparition de laquelle le froid joue un rôle considé- rable, c'est le rhumatisme, sous ses deux formes articulaire et musculaire. C’est surtout à la suite d’une exposition pro- longée au froid humide tel qu’on le trouve réalisé dans cer- tains climats, dans les constructions neuves et dans les habi- tations souterraines que le rhumatisme se développe. . Nous nous bornons à ce résumé des principales influences morbides du froid chez l'homme et chez les animaux. Les animaux sont exposés comme l'homme aux actions nuisibles du. refroidissement ; les conséquences sont toujours les 324 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. mêmes ; la réaction de l'organisme et sa résistance au froid peuvent seulement augmenter ou diminuer selon les espèces. Le froid produit également des lésions dans les tissus végé- taux ; mais l’organisation des plantes étant plus simple que celle des animaux, plus réduite surtout pendant la saison d'hiver, l’action du froid est purement locale ; les parties d'organes congelés sont les seules qui soient atteintes par le froid et qui doivent disparaitre. II ACTION PHYSIQUE DU FROID CHEZ LES VÉGÉTAUX. Sous l'influence du froid, il peut se produire des déchi- rures dans le tronc ou dans les grosses branches des arbres. On a distingué trois sortes d'accidents : la gélivure, la rou- lure et la lunure. La Gélivure consiste en un fente parallèle aux rayons médullaires, se produisant par conséquent dans le sens lon- gitudinal des troncs, soit verticalement, soit obliquement, suivant la direction des fibres du bois, pénétrant plus ou moins profondément vers l’axe de la tige, traversant l’écorce ou laissant celle-ci intacte, selon l'intensité du phénomène. — Des accidents de cette nature s’observent surtout sur le Chêne, le Hêtre, le Sapin, le Platane, le Noyer, etc., — les jeunes rameaux en sont exempts. ULLL AAC LR 3 DS Exemple de gélivure. — On a repré- Coupe d’une tige montrant les couches senté la section de trois crevasses : concentriques annuelles du bois, la l'une, petite n'intéressant que le zone corticale des fissures rayon- bois ; les deux autres, plus grandes nantes correspondant à la direction intéressant le bois et l'écorce, l’une des rayons médullaires, pénétrant jusqu’au centre de l’arbre, ACTION DU FROID SUR LES ÊTRES VIVANTS. 329 . La Roulure consiste en ce que la constriction des couches externes du bois a été assez forte non seule- ment pour faire écla- ter celui-ci verticale- ment — car elle est ordinairement accom- pagnée de gélivure —, mais encore pour les détacher des couches Æxemple de roulure. — à représente une cre- è à , pe vasse ayant intéressé l’écorce et les zones su— internes moins froi- perficielles du bois. Les zones les plus externes des. Ce cas se pré- se sont détachées des zones profondes et ont olissé sur elles, grâce aux crevasses concen- s : sque 8! .& ente Su tout lot CIS triques à, de sorte que l’écartement est plus les couches ligneusesS considérable pour les zones extérieures. Au manquent d'homogé- voisinage de la fente, on a accentué les direc- te ne che: de tions des rayons médullaires pour montrer leur rs rejet successif, leur discontinuité qui rend bien Chêne, l’Epicéa, etc. compte du mécanisme de la roulure. … On appelle Zunure la destruction des couches externes du bois, les couches profondes restant vivantes. Cet aubier ne se transformera pas en bois parfait. L'arbre restant vivant finit par envelopper d’une couche de bois parfait l’aubier mort qui ne tarde pas À devenir jaune, rouge ou brun et à se détruire par la vermoulure ou la pourriture. Quelquefois la destruction n’a intéressé que certaines par- ties de la zone cambiale ; il reste des bandes étroites de tissu vivant séparées par des îlots de tissu déchiré et mort ; c'est ce que les forestiers appellent gélivure entrelardée. Quand, au printemps, les feuilles commencent à se dévelop- per sur ces arbres qui ont subi une gélivure partielle, elles ont besoin d'eau en abondance pour suffire aux dépenses de l'évaporation et de la transpiration. Si le nombre des vais- seaux détruits est trop considérable, les feuilles ne reçoivent qu'une quantité d’eau insuffisante, de sorte que la plante, tout en bourgeonnant, ne tarde pas à se faner et à périr. Si, au contraire, les parties vivantes sont assez nombreuses pour permettre la compensation des pertes de la transpira- tion, il ne tarde pas à se développer un bourrelet vivant qui s'avance peu à peu au-dessus des tissus détruits, et bientôt l’état normal se rétablit. Il est facile de comprendre le mécanisme de ces déchirures produites par le froid. Le tissu des arbres n’est pas homo- 326 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. gène ; les différentes parties qui le constituent ont des pro- priétés physiques différentes ; sous l'influence du froid, elles se contractent; mais la contraction n’est pas la même pour les diverses couches, ou même pour les divers éléments d’une même couche. Aïnsi se comprennent les déchirures et les décollements résultant d’un fort refroidissement. Sous l’ac- tion d’un froid très vif, les couches périphériques se contrac- tent violemment, et comme le refroidissement n'atteint que lentement les zones profondes, ilen résulte que les parties superficielles doivent se rompre suivant une direction paral- lèle à la direction de l'axe: c’est ce qui se produit dans la gélivure. Lorsque la température s'élève de nouveau, les zones contractées reprennent leur volume primitif, les deux lèvres de la solution de continuité se rapprochent, et à la place de la crevasse béante qui s'était produite, on ne cons- tate plus que l'existence d’une fente cicatricielle qui s'ouvrira de nouveau pendant la saison des froids. On a constaté la formation de petits glacons dans l'inté- . rieur des plantes, et on a d'abord pensé que ces glacons à arêtes vives devaient déterminer des perforations dans les parois cellulaires, incapables de se prêter à l'augmentation de volume de leur contenu sous l'influence de la congélation. La formation de glace dans l’intérieur des plantes n'est plus à démontrer : pendant l'hiver, lorsque la température s'abaisse notablement, les végétaux deviennent rigides, friables, craquants ; dans certaines plantes même on a ob- servé la présence de gros glacons visibles à l'œil nu. Mais on doit se demander si ces aiguilles de glace se développent dans l'intérieur des cellules, ou seulement dans les espaces intercellulaires, si la mort des tissus gelés est le résultat de la perforation des cellules, ou s’il faut en chercher l’explica- tion dans un autre mécanisme. Gœppert en éxaminant les cellules des tissus congelés n’a jamais pu y découvrir la moindre trace d’une perforation. Schacht à montré qu'on peut presser entre les doigts tm morceau de pomme de terre gelée sans que le liquide qui s’en écoule contienne des grains de fécule, ce qui prouve avec certitude que les fentes qu’on supposait devoir être pro- duites par les aiguilles de glace dans les parois cellulaires seraient au moins plus petites que les plus petits grains d’a- midon. Lorsqu'on plonge un tissu gelé dans la glycérine, on . ACTION DU FROID SUR LES ÊTRES VIVANTS. 327 voit les cellules de ce tissu se vider peu à peu ; leur contenu liquide est attiré par la glycérine et leur membrane s’at- faisse. On ne comprendrait pas cette diminution de volume du contenu cellulaire si la paroi présentait des déchirures, même extrémement petites. Enfin, un fait bien souvent observé et absolument incon- testable prouve que ces membranes restent intactes. On sait qu'une même plante placée dans les mêmes conditions de re- froidissement peut ou non périr, selon que le dégel est rapide ou lent. On ne comprendrait pas ces différences si la mort était due à la perforation des parois cellulaires. Les cellules ne sont donc pas déchirées par les aiguilles de glace ; l'augmentation de volume de l’eau pendant la congé- lation, qui est de 1/17 environ ne suffirait d’ailleurs pas à rompre des parois, surtout lorsque les cellules ne renferment pas, avant la congélation, le maximum de liquide qu’elles peuvent contenir. On n’a d’ailleurs jamais démontré la formation de glaçons dans l’intérieur des cellules végétales. Prilleux a fait des observations intéressantes sur les feuilles d’Zris Germanica. À la suite d’un froid de 4 à 5° au- dessous de 0, il a vu apparaître sur les deux faces des feuilles des taches blanchâtres, allongées, alternant avec les ner- vures, correspondant à des glaçons qui s'étaient formés dans Coupe d’une feuille. Coupe de la même feuille gelée. — Il Le parenchyme et l’épiderme. s’est produit une cavité par déchirure du parenchyme. Cette cavité ren- _ ferme des aiguilles de glace. le parenchyme de la feuille. En faisant des coupes de ces feuilles, il vit que ces glaçons formaient sous l’épiderme, dont ils étaient séparés par une couche de cellules à chlorophylle, des masses occupant de grandes lacunes limitées de toutes parts par des cellules qui semblaient intactes. Il en conclut que la glace se développe à l'extérieur des cellules, dans les lacunes, dans les espaces intercellulaires dont elle détermine 328 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. l'agrandissement. Cet accroissement des espaces intercellu- laires peut amener des accidents graves dans la vie des plantes, car les décollements qui en résultent peuvent inter- cepter définitivement les communications entre le sol nour- Aiguilles de glace ayant décollé les parties superficielles. É f 9 “” Panaches de glace t'aver- f\ sant l'épiderme. Groupe de fines Kg aiguilles de glace: > sous l’épiderme. Coupe d’une tige. Coupe de la tige gelée. ricier et les parties terminales des feuilles. IL faut noter encore que ce décollement est favorisé par la contraction des parois des cellules sous l'influence du froid, contraction qui peut s’accomplir sans déchirure, grâce à l'exosmose du contenu cellulaire favorisée par la congélation de la plante comme nous l’expliquerons plus loin. Ces décollements qui accompagnent la formation des gla- cons dans les méats intercellulaires ont été très nettement observés par Sachs sur le pétiole du Cynara scolynius. Au- Section d’un pétiole. — Les petits Le même péliole gelé, — Au dessous cercles représentent la section des paquets vasculaires réunis entre eux _ par du parenchyme qu’on a revré- senté seulement dans la partie gau- che de la figure. de l’épiderme on voit le parenchyme décollé séparé de l’épiderme par des aiguilles de glace, Les faisceaux sont entourés de parenchyme; le parenchyme a été déchiré en tout sens par la rétraction et les espaces libres remplis d’aiguilles de glace. dessous de l’épiderme décollé, on voit les faisceaux vascu- laires entourés de parenchyme et séparés les uns des autres par des espaces vides dans lesquels s’est formée la glace : le tissu parenchymateux, sous l’action de la contraction des . ACTION DU FROID SUR! LES ÊTRES VIVANTS. : 329 éléments des faisceaux, s’est rompu et a donné lieu à l’appa- rition de ces vastes cavités. C’est un phénomène qu'on doit rapprocher de la gélivure des grands arbres; mais-iei les déchirures affectent une forme irrégulière par suite de la dis- position spéciale du tissu. Quelquefois les glacons prennent un très grand dévelop- pement ; on les voit sur certaines tiges sortir de l’intérieur des tissus en perforant l'écorce. John Herschel vit sur des tiges de Chardon gelées, sur des pieds d'Héliotrope, des masses volumineuses de glace per- pendiculaires à la tige, semblant passer à travers des cre- vasses de l'écorce, s’arrêtant brusquement au niveau de la surface de séparation de l'écorce et du bois, adhérant fort peu au bois sous-jacent. Dunal observa des phénomènes analogues chez deux es- pèces de la famille des Labiées, le Salvia pulchella et le Plec- rantnus TUgosus. John Le Conte vérifia les faits énoncés par Herschel sur deux plantes du genre Pluchia, le Pluchia bifrons et le Pluchia camphorata : les lames de glace dépassaient par- fois 15 cent. de longueur, pénétrant jusqu’au bois avec lequel elles ne présentaient aucune adhérence. Caspari fit des observations sur des plantes exotiques cul- tivées en pleine terre dans le jardin de Schæœneberg près de Berlin. Il vit des glacons formant une couche compacte de 2 à 4 millimètres d'épaisseur au-dessous de l'écorce dans la- quelle ils avaient déterminé, par leur dilatation, la formation de fissures qui permettaient de les apercevoir directement. Ailleurs il vit des lames de glace longues de 10 centimètres, larges de 1 centimètre, ayant l'épaisseur d’une forte feuille de papier, rayonner de la surface du corps ligneux, traverser le cambium et l'écorce en déchirant ces couches et empor- tant des lambeaux de leurs tissus. - On a donné de ces faits plusieurs explications dont aucune ne semble absolument satisfaisante. L'expérience prouve simplement que, sous l'influence de la gelée, la couche d'eau qui recouvre immédiatement la membrane cellulaire se con- gèle; une nouvelle couche sort de la cellule pour ramener les choses en leur état primitif et subit à son tour la congéla- tion ; et ainsi de suite ; au fur et à mesure que le contenu de la cellule vient s'épancher au dehors, il se forme une nou- 330 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. velle couche de glace qui repousse vers l'extérieur les couches précédemment formées. Cette perte d’eau pendant la congé- lation a été bien mise en évidence par cette observation de Du Petit-Thouars : les Daphnis éprouvent une diminution de volume de leur tige par la congélation, leur écorce doit se rider pour rester appliquée sur les parties profondes; ce n’est qu'après le dégel que les rides disparaissent, les couches internes ayant repris leur volume. Dans les jardins ces panaches de glace se développent de préférence sur les chicots restés vivants des plantes vivaces qu'on a l'habitude de couper presque au niveau du sol à la fin de l’automne. Le système radiculaire de ces plantes est alors hors de proportion avec les parties aériennes et l’on conçoit comment les cellules de l'écorce, perdant de l’eau à la suite de la gelée, en prénant aux tissus plus intérieurs, la reperdant de nouveau et ainsi de suite, finissent par fournir assez d’eau pour qu'il se développe des lames de glace de plus de 10 centimètres de longueur. Le Verbesina se signale par des glacons énormes à une température où aucune autre plante n'en a formé. Les glacons qui s'y sont développés pendant la nuit y persistent pendant le jour alors même que la température est un peu supérieure à O0. Toutes ces actions mécaniques du froid sont fort impor- tantes, mais elles ne suffisent pas à nous expliquer les phéno- mènes de mort des cellules par le gel et le dégel. Les cellules gelées se distinguent par des modifications propres dans leur protoplasma et dans leurs qualités endos- motiques; celles qui renferment des liquides perdent la faculté de se gonfler ; elles laissent suinter leur contenu qui remplit les espaces intercellulaires ; elles deviennent molles de sorte que l’organe gelé perd sa turgescence, et sous l’in- fluence d’une évaporation un peu active se dessèche avec une grande rapidité. À l'aspect mat des feuilles succède une trans- lucidité très frappante qui provient de ce que les cellules ne sont plus entourées que de l’eau extravasée au lieu de l’air qui remplit normalement les méats intercellulaires. Après le dégel, les plantes mortes se courbent plus ou moins; leurs feuilles se ternissent, leurs tissus sont gorgés de liquides qu’on peut chasser par la moindre pression ; elles brunissent et se dessèchent. Les liquides de nature différente - ACTION DU FROID SUR LES ÊTRES VIVANTS. 331 contenus dans les diverses cellules se mélangent et subissent des altérations profondes. Tous ces faits sont le résultat d’une modification dans les propriétés physiques ou plutôt physico-vitales du protoplasma ét de la membrane. Les cellules vivantes ne se comportent pas comme de simples filtres : les liquides qui traversent leur paroi n’obéis- sent pas aux lois simples de l’osmose ; le protoplasma vivant intervient pour modifier le phénomène physique. On rencontre, en effet, dans les tissus végétaux des cellules renfermant des liquides bien différents de ceux des cellules voisines ; souvent à côté de cellules incolores, on en voit qui sont gorgées d’un liquide fortement coloré. Payen a montré chez les Urticées à côté de tissus acides des cellules contenant un suc alcalin ; et pourtant on sait combien est énergique l’action osmotique qui s'exerce à tra- ve sune paroi mince entre un liquide acide et un liquide alcalin. Sachs a fait voir que les cellules à parois minces des faisceaux fibrovasculaires de la Courge contiennent un liquide fortement alcalin ; les cellules parenchymateuses qui les en- veloppent ont au conträire une réaction nettement acide. Dans les cellules gelées au contraire, les membranes laissent filtrer le contenu avec une tres grande facilité. Si on fait une coupe de Betterave rouge non gelée et qu'on la plonge dans l’eau, le liquide ne se colore que d’une façon très faible ; une Betterave gelée au contraire produit une colora- tion rouge intense en quelques instants. Sachs a vu que les tissus gelés perdent de l’eau alors même qu’on les conserve sous une couche d’eau ; lorsqu'on les im- merge dans une solution de sel, ils absorbent plus de sel que les tissus sains. Le tissu congelé a donc des propriétés osmotiques tout à fait différentes de celles des tissus vivants. Gœppert a observé un fait fort intéressant: On sait que sous l'influence du gel les cellules et les tissus noircissent ; il s’ac- complit dans leur substance des oxydations qui sont empê- chées par la vie du protoplasma. En prenant des plantes qui renferment de l'indigo incolore, et les soumettant à l’action du froid, Crœppert a vu que ces plantes se coloraient en bleu toutes les fois que la gelée avait déterminé la mort; lorsqu'au 392 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. contraire la congélation n'avait pas produit ce changement de coloration, les plantes pouvaient recommencer à végéter après leur dégel. Le protoplasma des cellules vivantes est animé de mouve- ments lents, mais continus. Ces mouvements diminuent d'in- tensité lorsque la température s’abaisse:; ils cessent complè- tement au-dessous d’un certain minimum. C'est ce qu’on observe avec la plus grande netteté sur les poils staminaux du Tradescantia virginica. Si on refroidit ces poils au voi- sinage de 0°, on voit le protoplasma quitter la membrane et se réunir au centre de la cellule en formant plusieurs masses sphériques complètement immobiles. Si on les réchauffe à 1%, on voit ces sphères protoplasmiques se renfler, se Poil unicellulaire épidermique rempli Le poii congelé ; le protoplasma formé d’un protoplasma granuleux homo- ‘ des masses arrondies séparées des gène dans lequel on voit au micros- parois entourées par le suc cellu- cope s'accomplir des mouvements. laire clair et transvarent. rejoindre, s'appliquer de nouveau contre la membrane, pous- ser des pseudopodes, s’anastomoser en réseau de telle sorte que le protoplasma reprend sa configuration et sa mobilité normales. Lorsque la température s’est trop abaissée, ces phénomènes de retour à la vie ne se manifestent plus, le pro- toplasma reste réuni en boules entourées du liquide cellu- laire, qui à été comme exprimé de sa substance. Il est intéressant de signaler à ce propos une idée émise tout récemment par M. Kienitz-Gerloff. On sait aujourd'hui que très ordinairement les corps protoplasmiques des cellules vivantes sont en communication les uns avec les autres. La plante peut être considérée dès lors comme un plasmodium soutenu par des cloisons incomplètes et par des cellules mortes formant squelette. Ce plasmodium pousse des pseu- dopodes, les feuilles qui sont rentrées sous l’action des pre- ACTION DU FROID SUR LES ÊTRES VIVANTS. SR miers froids et abandonnent les membranes cellulosiennes ; les feuilles mortes ainsi vidées se détachent ensuite. Telles sont les principales modifications physiques qui s’'accomplissent pendant la gelée et par la gelée dans les tissus végétaux : infiltration et flaccidité des tissus, dépôts de glacons entre les cellules, établissements de phénomènes osmotiques physiques, suppression de la motilité. Toutes les plantes gelées présentent: ces caractères à un degré plus ou moins marqué. Comment se fait-il alors que, selon les condi- tions dans lesquelles s'opère le dégel, les lésions soient répa- rables ou définitives ? | On sait que des plantes congelées peuvent végéter de nou- veau après le dégel. Schôüllenbach raconte qu'il a l'habitude de mettre dans l’eau froide les plantes qui ont gelé pen- dant les nuits de printemps, elles se couvrent ainsi d’une mince couche de glace qui rend le dégel plus lent, et la plante qui, sans cette précaution, aurait péri, se trouve sauvée. Les racines et parties souterraines des plantes qui gèlent et dégèlent en méme temps que le sol souffrent rarement ; mais, si on les déterre pendant qu’elles sont gelées pour les porter dans une atmosphère chaude, leurs tissus se désorga- nisent. Si sur des plants de Tabac cultivé en plein air on touche avec le doigt chaud les feuilles gelées, les parties qu'on à touchées se désorganisent tandis que le reste de la feuille qui se dégèle lentement à l’air froid ne souffre pas. L’explication qu’on a donnée de ce fait n’est pas absolu- ment satisfaisante : On a supposé qu'il se produit une déshy- dratation des tissus congelés ; si le dégel se fait lentement, la reconstitution progressive des combinaisons détruites peut s'effectuer ; si le dégel est rapide, le mal est irréparable. On trouve dans les propriétés de certains corps simples des transformations analogues : le soufre fondu refroidi brusque- ment présente des propriétés physiques et chimiques qui le séparent absolument du soufre lentement refroidi; pour lui faire reprendre ses propriétés, il faut le réchauffer peu à peu. Ne pourrait-on admettre que le protoplasma subit pendant le réchauffement brusque une modification allotropique qui, en lui donnant des propriétés physico-chimiques nouvelles, le rend impropre à accomplir ses fonctions vitales et entraine par conséquent la mort de la cellule. LES BOVIDÉS PAR Me Je UE Aide naturaliste honoraire au Muséum d’histoire naturelle, (SUITE ET FIN) BŒUF YAK. Bos (Poephägus) gr'unniens. Thibet. Linné, Syst. Nat., 12, 1, p. 99; — Gmeling, Nov. Acta. Patrop., 1773 ; — Vache de Tarterie, Buff., ist. Nat., t. XV, p. 136; — Vache grognante. L’Asie centrale est le lieu d'habitat de ce Bovidé, on le rencontre en Mongolie, au Thibet et dans le Turkestan où il est très commun et où il vit à l’état domestique. C'est un Bœuf tres remarquable par les longs poils dont il est revêtu, non seulement sur la tête, mais encore sous le cou, aux jambes et sur les côtés du corps où ils atteignent une telle longueur, qu'ils traînent jusque par terre; sur le nez, les joues, les épaules et le dos, les poils sont de longueur ordi- naire, la queue qui n’est pas très longue est aussi revêtue de poils très longs qui trainent sur le sol. La coloration est très variable, ce qui prouve bien que cet animal est depuis longtemps domestique; on en voit de noirs, de roux plus ou moins foncé, de blancs et de tachetés de gris sur blanc, de noir sur blanc et de gris sur gris. Tous les jardins zoologiques d'Europe ont eu et ont encore vivante cette belle espèce, mais ce sont des animaux qu'il faudrait tenir dans des parties élevées et très boisées; il faudrait aussi qu'ils eussent à leur disposition des cours d’eau où ils puissent se baigner, dans les ménageries ces conditions sont difficiles à donner, de là une dégénérescence qui fait que les jeunes se rabougrissent et que le pelage diminue de lon- gueur en même temps que les animaux deviennent plus petits. (*) Voyez plus haut, p. 1. l99900$ e] e queuayredde imoquog esoy 9p [eul#H0 uissop o[ saide,q) SPA SON Ne DENT AR Nsre 1 i Î | LES BOVIDÉS. “a 337 Ces Bœufs habitués à la vie des montagnes acquièrent une sureté de pied qui les rend très utiles pour les transports dans ces parages souvent impraticables ; la chair est, paraît- il, très bonne, et de leur poil on fait des cordes très solides. La queue est aussi très recherchée, on l'utilise à beaucoup de choses: elle sert d’abord à désigner la qualité des mandarins chinois et, suivant le rang, ils font porter devant eux une, deux ou trois de ces queues qui sont choisies parmi les plus blanches, enfin, des plus colorées on fait des chasse-mouches. Comme on le voit on pourrait dire que rien n’est perdu dans cet animal, quand nous ajouterons que de la peau on fait de l'excellent cuir. BOS ÆQUINOXIALIS (d’Abyssinie). Blyth, P. Z. $., 1877, p. 754; — 1866, Bubalus Cafer, var. æquinomialis, Blyth. P. Z. $., p. 371, fig. 1 et 1a; — 1872, Pubalus centralis, Gray, Cat. Rum. Mamm. Brit. Mus., p.11 ; — 1873, Bubalus pumilus, et B. Stirps orientalis, Brooke, P. Z. S., pp. 480, 483, pl. 42. | Bien que cette espèce ait été considérée par quelques au- teurs comme n'étant qu'une variété du Bos Cajjer, nous n’hé-. Bos æquinoxialis, sitons pas à l’en séparer et de la considérer comme une bonne espèce, car s'il s'en rapproche par quelques caractères de pelage, il s’en éloigne beaucoup par la taille, par les cornes, 5 Mars 1891, 99 338 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. par les oreilles, par la queue qui est beaucoup plus courte et aussi par le caractère qui est beaucoup plus doux. Il ne peut non plus se rapporter au Bubalus pumilus de la côte occidentale, il en diffère par les cornes et par la colora- tion. : Le Bos ægquinoxialis n’a pas les formes lourdes du Bos Cafjer, au contraire il est assez fin, et surtout la tête n’a pas le caractère raccourci qui frappe chez le Bœuf de la région australe; les cornes n’ont pas du tout de rapports et bien qu'elles recouvrent un peu le front, il y a toujours une ligne médiane formée par un sillon qui les séparent, et jamais chez le mâle, tel vieux soit-il, on ne voit les cornes former cet énorme bouclier que l’on voit chez le Bos Cajfer; enfin la queue est notablement plus longue et les oreilles sont bien plus garnies de poils sur leurs bords. | | En 1886, nous avons reçu d'Abyssinie trois de ces Bœufs, ils étaient encore jeunes, mais à cette heure ils sont parfaite- ment adultes et maintenant il ne pourra donc plus se pro- duire de bien grandes modifications. Cet animal est couvert de poils bruns, comme dans presque tout ce groupe. Les poils sont durs, mais ils sont très fournis et cachent complètement la peau; aux jambes de devant, à la hauteur des genoux, les poils dans cette portion sont plus allongés et un peu plus foncés que sur les autres parties de l'animal. | Ce sont des animaux fort doux qui ne témoignent jamais de fureur, que l’on peut mener à la main, et qui recherchent même les caresses, ils ont plutôt les allures des Bœufs domes- tiques que celles de leurs congénères de la partie australe. BOS CAFFER. Afrique australe. 1779, Sparman, Act. Stockholm; — Ejusd., Voyag. en Afr., traduction fran- çaise, t. Ip. 67, pl. 2: — Cap Ox Pennaut, quad, p.28 Pos Cafer, Gmel. Bodd. — Schrb, Saügt., pl. 301: — Shaw, Gén. Zool., v. 1, part. 2, p. 416; — Cuvier, Os. foss., y. IV, pl. 2, fis. 14-15. Cette magnifique espece est de toutes la plus forte, le corps est épais, la tête large et courte, les jambes courtes et vigou- reuses, l'œil farouche, tout dans cet animal représente la force brutale dans toute son acception. -— . - LES BOVIDES. 339 Les cornes, dans cette espèce, prennent un développement considérable qui ne se rencontre dans aucune autre. Chez celle-ci, la base des cornes envahit tout le front de l’animal surtout chez le mâle et arrive à former là une masse cornée, rugueuse, bosselée, qui est une arme terrible, mue par la force puissante de ce Bœuf. | Bos Cafler mâle. Le pelage est court sur tout le corps, excepté sur la ligne médiane et supérieure du cou, sous la gorge, où il est un peu plus long; aux genoux en avant, on voit une touffe de poils frisés et d’un brun un peu plus foncé. Tout le pelage aussi bien chez le mâle que chez la femelle est roux marron, un peu plus foncé sur la tête et le cou. La queue est très courte et garnie d’un pinceau de poils qui a 40 centimètres de longueur, elle ne descend pas plus bas que les talons. Ces animaux sont redoutables, car leur puissance est énorme, leur caractère est méchant et ne s’assouplit pas par ss CO 10 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. la captivité ; ainsi, depuis 1877, nous avons une paire de ces animaux, qui sont nés à Londres et ramenés jeunes au Mu- seum, ils y ont eu des jeunes, malgré cela, le caractère du mâle est toujours resté féroce et il serait téméraire de s’ap- procher de lui. J’insiste sur ce point, parce que le Bos æqui- noxialis que l’on a prétendu n'être qu'une variété du Bos Cajfer, au contraire, s’en éloigne encore par ses habitudes qui sont très douces. N, É Bos Caffer femelle, Le naturel de ce Buffle est si sauvage et si féroce que les Caffres eux-mêmes hésitent à le chasser. Jules Verreaux me racontait que la chasse de cet animal était la seule vraiment dangereuse qu'il connut ; lorsque l’on ne faisait que blesser l'animal, il était bien difficile de se garer de ses coups, ou de pouvoir se sauver des attaques de tout le troupeau dont l’appel du blessé a été entendu. Ce ne sont donc pas des animaux qui puissent être con- servés en captivité pour leur agrément; mais je crois que l’on devrait essayer des croisements avec nos espèces, ce serait au moins intéressant. Lorsque la femelle est prête à mettre bas, il faut absolument la séparer du mâle dont la brutalité est telle qu’il la tuerait; du reste l'esprit paternel n’est pas poussé très loin chez les ruminants en général et encore moins en particulier chez la famille des Bœufs. LES BOVIDÉS. | L34 BOS HARVEYI. Côte occidentale d'Afrique. Rochbr., Bull. Soc. Phil., 1882 ; — Taurus Var, Harvey, Mag. Nat. Hist., 1828, p. 217. Sous ce nom, M. de Rochebrune décrit une autre espèce de Zébu et voici la description qu'il en donne : « Animal robuste, trapu; tête courte, ainsi que les cornes, » un peu dirigées en avant et faiblement courbées; front » large, couvert de poils frisés brunâtres; oreilles droites, » ovales, petites; yeux très saillants; bosse dorsale peu éle- » vée, large; fanon pendant, très développé; jambes épaisses, » courtes ; queue longue, terminée par un fort bouquet de » poils roussätres; pelage d’un blanc jaunâtre; doigts rudi- » mentaires armés d'ongles longs, robustes, arqués, plus » longs aux pieds de devant. Le caractère principal sur il notre savant confrère a formé son espèce nous parait d’une médiocre importance, l'allongement des petits sabots des petits doigts ne provien- drait-il pas d’une simple modification, amenée par la confi- guration du sol ? On voit souvent chez nos Bœufs et Vaches des allongements des petits sabots, lorsque ces animaux sont tenus trop longtemps à l’étable ou qu’ils ne marchent que sur . des terrains mous. Quoi qu’il en soit, nous indiquons cette espèce, pour men- tionner tout ce qui porte un nom dans le genre Bœuf. BOS TRICEROS. Du Sénégal. Rochbr., Bull. Soc. Phil., 1882 ; — Nouv., Arch. Mus., 2e série, t, III, p. 159; — Acad, Sc., Comptes rendus, 1880. Bien que nous n’ayons pas vu le type de cette singulière espèce décrite et figurée par M. de Rochebrune, nous ne manquerons pas de la mentionner, d'autant plus que depuis déjà fort longtemps, le squelette entier de ce Bœuf existe à la galerie d'anatomie du Muséum d'histoire naturelle, mais n'avait jamais été décrit, pensant sans doute avoir af- faire à une de ces anomalies comme il s’en rencontre quel- quefois. 342 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Le séjour au Sénégal de M. de Rochebrune lui a permis de bien étudier cette espèce et, suivant lui, elle ne fait aucun doute ; nous empruntons à notre confrère la description qu'il en a donnée : | « C’est un animal de taille assez haute, fort, à corps maigre, relativement long, à partie antérieure large, la pos- térieure étroite; peau à rides profondes dans la région du cou et des flancs ; tête allongée ; cornes frontales de volume mé- diocre, présentant une double courbure, étui portant dans les Bos triceros. deux tiers inférieurs six ou huit lignes concentriques plus ou moins espacées, rugueuses et imbriquées, la partie supérieure lisse, à fibres onduleuses et sillonnées, à partir de la pointe jusqu’au milieu de la portion lisse ; corne nasale parfois co- nique, plus ordinairement ayant la forme d’une pyramide tronquée, rugueuse, sillonnée, semblable aux cornes frontales par sa contexture et son mode de développement; oreilles droites, longues, elliptiques, nues ; fanon développé, ventre légèrement levretté, bosse haute, conique ; pelage court, lus- tré, rougeâtre pâle, mélangé de gris bleuâtre plus spécia= lement en dessus; queue mince, dépassant le jarret, à LES BOVIDÉS. 343 bouquet terminal peu fourni; membres relativement grêles ; sabots courts, elliptiques, à bouts arrondis. » Commun, parait-il, au territoire du Fouta-Djalon, Oualo, Cayor, haut du Fleuve; Cap Blanc, Joalles, Rufisque, Saint- Louis, Dakar, etc. Ce Bœuf est employé au transport des marchandises, surtout par les Maures Trarzas, Braknas, Douaïchs et Oualed-Embrak ; souvent employé comme ani- mal de boucherie, mais moins fréquemment que le Zébu de grande race. » BOS PUMILUS. Côte occidentale d'Afrique. 1806, Turton, Trans. Syst. Nat., p.121: — 1837, Bubalus brachyreros, Gray, Mag. Nat. Hist., v. 1, p. 587; — Pos brachyceros, Du Chaillu, Expl. Eg. Af., p. 175, 1861: — Pubalus reclinis et B, planiceros, Blyth, P. Z. &., p. 111et 158, fe. 3 et 4 ; Bubalus pumilus, Brooke, P. Z. $S., p. 454, 1875, pl. 54. À l'exception de quelques Pœufs zébus, qui sont d’une taille très retite, le Bos pumlus est de tous ceux de ce genre Bos pumiius. le plus petit, il atteint à peu près la taille d’une Vache bre- tonne et c’est le seul qui ait la robe brillante, rien que ce ca- 344 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. ractère de coloration le fera toujours reconnaître à première vue, en effet, au lieu d’avoir le pelage d’une couleur sombre, comme le Bos æœquinoxialis ou le Bos Cajfer, sa robe est d’un beau roux jaunâtre sur toutes les parties du corps, aussi bien sur la tête que sur le cou et les membres. La ménagerie du Muséum d'histoire naturelle a, pendant quelque temps, possédé vivant un de ces Bœufs, malheureu- sement il est mort assez promptement. Cette espèce paraît très délicate, il lui faudrait pour l'hiver une bonne installa- tion qui la mette à l'abri des intempéries de nos longs hivers. Le caractère de ce Bœuf est doux et, comme le Bos æqui- noæialis de la côte orientale, il paraît rechercher l'approche de l’homme, il semble très heureux des caresses que l’on lui donne. I1 serait donc à désirer, à tous égards, de voir cette jolie espèce s’acclimater de facon à avoir des produits, ce sont des animaux vigoureux, quoique d’une taille petite et qui cer- tainement pourraient rendre des services en même temps qu'ils satisferaient les yeux par leurs formes et leur colo- ration. BISON D'AMÉRIQUE. Pos Americanus. Gmel., Syst. Nat., I, 1788, 204 ; — Desmarest, Mamm., II, 1822, 496 ; — Harl., Faun. Am., 1825, 268 ; Godm., Amm. N. H., Il, 4; — Richards., #. B. A., [, 1829, 279 ; — Wagn., Schreb. Saügt., v. A, 1838 ; — Gieb, Saügt., 1855, 271. Pos (Bonasus) Americanus, Wagn., suppl. Schreb., IV, 1844; — Turn., Pr. Zool. Soc., 1850, 174; — Aud. et Bach., NV. Am. quad., Il, 1851, 32, pl. LVI, LVII. Bison Penn., Hist. Quad., 1781, 19 ; — Bison d'Amérique, E. Geoffroy Saint- Hilaire et Cuv., ist. Mamm., 1819, Taurus Mexicamus, Hernandez. Le Bison américain a beaucoup d’analogie avec l’Aurochs et certainement ces deux espèces proviennent d’une même souche, dont les individus ont subi des modifications suivant les milieux où ils se sont trouvés ; quoi qu’il en soit, nous in- diquerons cette espèce, malgré qu'il soit bien difiicile de les bien caractériser l’une et l’autre. Chez celui-ci, qui est beaucoup plus gros que le Bison d'Europe, les jambes sont relativement plus fortes, la tête est également plus forte, plus large et la queue plus courte; à - LES BOVIDÉS. 345. part ces quelques différences de longueur et de grosseur, les autres caractères du pelage sont à peu près identiques, la tête, les joues, le cou, le garrot, les côtés du corps en avant, et les jambes de devant sont couverts de longs poils ainsi que le dessous de la mâchoire inférieure, où ils forment là une grande barbe, au contraire, le train postérieur, qui est surbaissé, est couvert de poils courts. Le Bison d'Amérique. En été, les poils longs tombent et alors tout l'animal est revêtu de poils courts ; la teinte générale est brun marron foncé. Les cornes sont peu développées, épaisses, recourbées en haut et en dehors, la pointe se dirigeant un peu en dedans. Le Bison tend de plus en plus à disparaître grace à la chasse incessante que l’on lui fait dans l'Amérique du nord. où il habitait autrefois jusque sur les côtes de l'Atlantique, mais depuis longtemps déjà, il s’est retiré poursuivi sans re- lâche et maintenant il faut aller jusque bien au nord de l’Ar- kansas pour rencontrer ces animaux qui, comme l'Aurochs, finiront par disparaitre. Le Bison se reproduit très bien en captivité et peut-être pourrait-on en tirer parti, si on voulait bien s’en occuper au 346 REVUE DES SCIENCES -NATURELLES APPLIQUÉES. point de vue agronomique, non seulement la peau fournirait un bon cuir, mais aussi la toison de laine donnerait bien cer- tainement un bon prix, car cette toison pèse de 4 à 5 kilos, ce qui donnerait un revenu annuel, puisque chaque hiver ces animaux en sont revêtus. En terminant ce travail, nous apprenons que des mesures de protection vont être prises par le gouvernement américain afin d’épargner, s’il en est encore temps, le reste de ces ani- maux qui, si l’on arrive trop tard, ne seront plus bientôt qu’à l’état légendaire comme ce serait certainement arrivé pour les Otaries à fourrure, si la chasse n’en avait pas été ré- glementée d’une manière sérieuse. BŒUF MUSQUÉ (Musk-ox). Bos moschalus. Amérique du Nord. Zimmerman, Geng. Geschichte, 11, 1780, 86 ; — Grmel., Syst. Nat.,], 17188, 205; — Godm. 4m. N. H., II, 29; — Wagn. Schreber’ Saugt. v. Il, 1838, 1706 ; — Pos (Ovihos) moschatus, Wagn. Suppl. Schreb., IV, 1844, 512, V, 1855, 471 ; — Ovibos moschatus, Blainv., Bull. Sie. Phil., 1816 ; — Des- marest, Mamam., 11, 1822, 492 ; — Harl., Faun. Am., 1852, 265; — Richard, Faun. Bor. Am., 1829, 275 ; — Ogilby, Pr. Zool. Soc., Lond., 1836, 137 ; — Musk Bison. Penn., ist. quad., 1781, 9; — Artic. Zoo!., 1, 1784, 8; — Cuvier, Os. foss., v. IV, p. 59, pl. 3, fig. 9-10. ? Ce Bœuf à formes de Mouton a comme eux le chanfrein busqué, le nez est couvert de poils ; les formes sont plus lourdes encore que chez les autres espèces du même groupe, la tête est grosse, le cou court, les jambes courtes et épaisses. Les cornes épaisses à la base, recouvrent totalement le front, puis elles se compriment en s’abaissant verticalement de chaque côté de la tête jusque vers les pointes qui se relèvent en haut et un peu en avant; ces cornes sont jau- natres. | Tout l'animal est revêtu d'une toison de poils très longs sur le cou et tout le corps, ces poils descendent jusque près des. sabots, ils sont brun foncé mélangé de gris; sur le dos, on observe une large tache formée de poils gris roussàtres, le bas des quatre pattes ainsi que le nez sont blanc grisâtre, La queue est très courte et cachée dans les longs poils dont la croupe de l’animal est garnie. 847 Le Bœuf musqué. à à A ER æ CDS _— >) = 2 D à 1 A = A as) = D (ar des Rennes, des Loups, des Ce Bœuf habite dans les steppes de la S gnie squé. Le Bœuf mu 348 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. troupes de vingt ou trente, vivant là de mousses et de lichens, dans ces contrées désolées et froides, où l'on s'explique mal qu'un animal puisse subsister ; aussi, comprend-on le manteau dont ces Bœufs sont couverts, manteau doublé puisqu'il est composé de deux sortes de poils, l’un très long, c’est le jar, l’autre court, touffu et très serré, c’est le duvet, qui forme sur tout le corps une véritable couverture très épaisse. Les Esquimaux font une chasse très active de ces Bœufs, et quoique la chair ait un goût musqué, ils la font sécher et s’en nourrissent ; le poil est utilisé pour différents usages, ils se font des chaussures avec le cuir qui, paraît-il, est très fort. Jamais on n'a vu cette espèce dans les ménageries ; cela est facheux, car ce serait un sujet d'étude très intéressant ; aussi faisons-nous des vœux pour que ce curieux animal soit un jour amené en Europe où il serait certainement visité par beaucoup de naturalistes. Race normande, LES, BOWIDES. 212 NRA 349 LES BŒUFS DOMESTIQUES. BoOS (aurus. Linné, Syst. Nat., Bos taurus, variété domestique, Erxl. Gmel. Bœuf. Buff., EnsiNat tt INe, ps 1871pl 14; Bien que les animaux domestiques n’entrent pas dans le cadre de cette liste du genre Bos, nous croyons devoir men- tionner, en terminant, quelques-unes des nombreuses races Race flamande. l obtenues par des croisements, sans cependant entrer dans le détail des caractères qui les distinguent, ce qui demanderaïit tout un volume. Les races françaises, belges, hollandaises, suisses sont très nombreuses, mais elles le sont bien davantage en Angle- terre, nous renverrons, pour plus de renseignements, le lecteur à l’Atlas publié par les soins du Ministère de l’a- criculture. Qu'il nous suffise de citer, entre un grand nombre d’autres : 300 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. La race normande, taille ordinaire, variée de brun et blanc, — flamande, — — noire ou brun fonce, = éalers: I Wiorte: noire lustré, NN ISATONMaAISEr = — grise ou roussâtre, — limousine, — très forie, rousse ou gris roux, — landaise, — — rousse, — auvergnatc, — pelite, variée de couleur, — charolaise, — — — on — chalette, — yariable, = == — ‘June, —\ 1 pelite, me Êe — nantaise, — ordinaire, — — TAN SEMIRE, = —= or FT = boureuimonne = TE ne = MAITNC: —— — = — —. comlaise, — = — = — suisse, — variable, —— == — cotentine, — {Orte, — — — : miverpaise, = 1 Doute, = == — pdysd'Auge, =. tres grande, :— = —— bernaise,- : — grande, tachetée, var. Simmenthal, —- durham, — énorme, variée de blanc, de rouge ct brun. Et beaucoup d’autres qu'il serait trop long d’énumérer ici et qui, pour les faire bien connaître, exigeraient un dessin pour chacune d'elles, ces races, reposant sur des carac- tères de formes, qu'il serait bien difficile d'exprimer autre- ment que par des figures prises à bonne source. RAPPORT SUR LES EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE D'ÉDIiMBOURG ET DE LONDRES Par M. C. RAVERET-WATTEL. (SUITE ET FIN *). Mode d'emploi de la viande de cheval. — Au début, la viande était hachée à l’aide d’une machine américaine {la machine Starret, de New-York), très employée dans la char- cuterie. À cette époque, un cheval suffisait à la consomma- tion de quatre ou cinq jours ; on en utilisait la viande aussi longtemps qu’elle restait fraiche (1). Aujourd'hui qu'on abat dans l'établissement jusqu’à cinq chevaux par semaine, on se sert d’une machine à hacher qui peut recevoir 25 kilogrammes de viande à la fois et que quatre hommes mettent en mouvement. Toutefois lorsqu'elle est peu chargée, déux hommes suffisent pour la manœuvrer. On songe, actuellement, du reste, à utiliser l’eau comme force motrice pour actionner cette machine. Un cylindre met en jeu une série de couperets, qui débitent très rapidement la viande sur un billot en hêtre, lequel pivote sur lui-même, dans le sens horizontal, et se déplace à chaque coup de couperet. Pour utiliser la chair adhérant aux os, on fait bouillir ceux-ci dans une gigantesque marmite. La viande ainsi bouillie est donnée aux Truites de trois ou quatre ans ; celles de deux ans ne sen soucient pas. Quant aux poissons plus âgés, que l'on garde comme reproducteurs, ils sont exclusi- vement nourris de Peignes {Pectlen opercularis\, pour leur faire produire des œufs de couleur très saumonée (2). {*) Voyez plus haut, p. 103. (1) Si ia viande est avancée, à moins d’être pressées par la faim, les Truites n’y touchent pas. Pour la conserver, on la mettait dans un ruisseau qui traverse l'établissement et dont l’eau est très froide. Ce procédé cst celui qui parait donner les meilleurs résultats. Dans une eau à 10° centisrades, la viande se conserve tres bien. (2) On a parfois utilisé dans l'établissement diverses espèces d’abats : les pou- mons de Mouton sont donnés crus et hachés ; le cœur de Mouton se fait bouillir 392 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Pour économiser la main-d'œuvre, tout en rendant aussi régulière que possible la répartition de la nourriture, on se sert, dans plusieurs bassins, d'appareils que j'ai déjà men- tionnés et qui donnent d'excellents résultats. Ce sont des godets en zinc, semblables comme forme à ceux décrits ci- dessus, qu’on emploie pour distribuer la viande hachée dans les bacs d'élevage, mais d’un plus grand modèle; ils sont fixés à l'extrémité de longues gaules, auxquelles une petite roue hydraulique imprime un mouvement de va et-vient continuel. Les godets, remplis de viande hachée, plongent tour à tour dans l’eau, y décrivent un court trajet, puis en sortent pour y rentrer de nouveau, et ainsi de suite. laissant chaque fois échapper quelques parcelles de viande, que les poissons s’empressent de saisir au passage, et dont ils ne cessent de guetter la chute. Tandis que, dans des bassins où la nourriture est distribuée à la main, il n’est pas rare de voir périr d'inanition 40 pour 100 des alevins, avant que ceux-ci n'aient appris à profiter des distributions faites, la perte est pour ainsi dire nulle dans les bassins où fonc- tionnent les appareils distributeurs. Les jeunes poissons se tiennent en foule autour des appareils et suivent le va-et- vient des godets d’où s'échappe la viande hachée. Quand les plus ardents ont pris leur part, d’autres les remplacent, et les rangs sont toujours serrés ; aussi est-il rare que des par- celles de viande aïllent jusqu’au fond du bassin. C’est seule- ment quand en on donne trop souvent, ou en trop grande quantité à la fois, qu'il peut y avoir de la nourriture perdue. Expédilion du poisson vivant. — Appareils de transport. — Jusque dans ces derniers temps, le transport de la Truite d'une certaine grosseur présentait de telles difficultés, qu'on ne pouvait guère songer à ‘employer ce moyen pour le repeuplement des eaux. Les études faites à Howietoun ont modifié les choses, et des Truites de 250 grammes, même engraissées pour le marché, peuvent être expédiées vivantes, à ‘7 ou 800 kilomètres, par les voies ferrées, tout en lais- sant un joli bénéfice à l’éleveur, alors même que les frais et ne s’emploie que pour les poissons déjà forts. Le foie convient pour le tout jeune alevin ; 15,000 alevins de 4 à 5 mois consomment le foie entier d’un Mou- ton en une journée. Le foie de Lapin se divise facilement, surtout quand on la plongé pendant quelques secondes dans de l’eau bouillante. LEA EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÉCHE: : 393 de transport doublent le prix de revient du poisson. La Truite réclame des précautions minutieuses avant de pouvoir étre expédiée sûrement, même à peu de distance ; mais si l’on considère : 1° combien peu de poissons survivent à un voyage pendant lequel il a fallu souvent renouveler l’eau des appareils de transport ; 2° les difficultés, les ennuis de toute sorte que suscite ce renouvellement de l’eau, on reconnait vite les avantages de quelques soins préalables qui per- mettent de ne plus avoir à s inquiéter de rien en route. Trois dangers principaux sont à craindre quand on est obligé de changer l’eau : Il y a d'abord la question de tempé- rature. Bien que la Truite puisse supporter de grands écarts de température, des changements brusques, surtout s'ils sont répétés à de courts intervalles, déterminent presque toujours cette. congestion de l'appareil respiratoire que les piscicul- teurs désignent sous le nom de fièvre des branchies, et qui est pour le plus souvent mortelle. En second lieu, on perd beaucoup de poisson des suites des blessures qu’il recoit dans les manipulations inévitables avec des changements d’eau. Enfin, il peut arriver que l’eau introduite, en route, dans les appareils diffère notablement de celle à laquelle est habitué le poisson, et, dans ce cas, de sérieuses pertes sont à craindre. Tous ces dangers disparaissent si l’on n’est plus obligé de renouveler l’eau, et voici comment on peut s’en dispenser. Il faut: 1° empécher le poisson de souiller, pendant le trajet, l’eau des appareils de transport; 2° donner aux récipients une forme telle que l'agitation du liquide, par les cahots du voyage, suffise pour lui restituer en partie l'oxygène que consomme le poison ; 3° enfin, employer des appareils dont la forme n’amène pas le poisson à se courber plus ou moins et à rester presque constamment dans cette position. C’est qu’en effet, la plus légère incurvation du corps suffit pour que le jeu des opercules cesse d’être régulier, et de là, immédia- tement, une gêne plus ou moins grande dans les fonctions de la respiration. Nécessité, par suite, d'employer des bacs rec- tangulaires pour Îles sujets d’une certaine grosseur, car dans un appareil rond ou ovale, si les poissons sont nombreux, tous ceux qui se trouvent à la circonférence sont obligés de faire épouser à leur corps la courbe des parois. Du reste, même quand l'appareil ne renferme que quelques poissons, il est rare que ceux-ci se tiennent au centre : probablement à 5 Mars 1891. 23 354 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. cause des secousses de la route et dans la crainte d’être pro- jetés le museau en avant contre la paroi, ils se tiennent de préférence le flanc contre celle-ci, en se courbant, par suite, plus ou moins. Dès que le poisson a de 16 à 18 centimetres de longueur, c'est-à-dire pour les sujets d'environ deux ans, on n’emploie plus, à Howietoun, d’autres appareils de transport que des bacs rectangulaires en tôle galvanisée {1}, de 0,60 de large, sur 0,90 de long, et 0",30 de haut. Ces bacs recoivent un couvercle très élevé, de forme presque ogivale, dont les courbes sont calculées de telle sorte que, dans les cahots du voyage, l’eau qui est projetée sous cette petite voùute, en suit les contours et gagne une sorte de faux-plafond en zinc perforé, d'où elle retombe en pluie, en s'aérant copieusement. Pleins d’eau, ces bacs pèsent 250 kiïlog. ; aussi a-t-il fallu les monter sur quatre petites roues en fonte et les munir de solides poignées, afin de pouvoir les déplacer sans difficulté en les trainant ou en les poussant devant soi, à la facon des petits chariots à bagages employés dans les gares de chemin de fer. Pour les mettre en wagon, ou les charger sur des voi- tures, on passe deux bras en bois dans quatre anses fixées sur les côtés, et quatre hommes enlèvent facilement cette charge. Pour les yearlings, on se sert sans inconvénient de bidons circulaires, de forme conique, ayant 0®,60 de diametre à la base et 0,95 de hauteur, couvercle compris. Outre deux fortes poignées, qui suffisent dans les cas ordinaires, ils ont, comme les bacs rectangulaires, des anses permettant d'y passer deux perches et de les transporter comme une chaise à porteurs, quand le trajet à faire est un peu long. Comme dans les autres appareils, le couvercle est muni d'une sorte de faux-plafond pour faire retomber l’eau en pluie. On y loge, en outre, de la glace pour conserver la fraicheur de l'eau. Le bidon plein pèse ‘5 kilog. Plus ie poisson est jeune, plus il est promptement mis en état de voyager. Deux ou trois jours de séquestration suf- fisent pour les yearlings, qu'on pêche avec beaucoup de soin dans les bassins, afin d'éviter toute espèce de blessure. On (1) Les ustensiles galvanisés, ou plus exactement sengués, doivent, quand ils sont neufs, subir un lavase énergique avant d'être mis en service. À Howietoun, on y fait, pendant trois ou quatre mois, séjourner de l'eau qu'on renouvelle piusieurs fois dans l’intervalle, EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÈCHE. 399 les transfère dans de petits bacs facilement maniables, et on les soumet à l’action d’un fort courant, pour les bien net- toyer, puis on les met à la diète jusqu’au départ. _ Pour les poissons de deux ans, une préparation un peu plus longue est nécessaire ; on les entrepose habituellement pendant plusieurs jours dans de petits bacs d'attente. La pêche, qui se fait dans des bassins contenant jusqu'à 30,000 poissons, demande d'autant plus de soin qu'à cet âge les Truites vont presque toujours en bandes et que, par suite, le filet en capture souvent plus qu'il n’en faut. Les bacs où on les conserve après la pêche sont recouverts d’une toile tendue pour éviter que les poissons ne sautent hors de l’eau. Douze heures avant de les expédier, on les met, par quan- tités de 50 au plus, dans de petits bacs mobiles, d’où on les fait passer facilement dans les appareils de transport. Les sujets plus âgés doivent étre retirés des bassins et mis à l'étroit pendant près d’une quinzaine de jours avant le moment où ils seront expédiés. On les soumet également à une diète absolue. L'expérience a montré que l’eau des bacs d’attente ne doit jamais dépasser 4,5 cent., afin que le poisson n'ait pas à subir un changement de température trop considérable quand on le met dans les appareils de transport, où la pro- vision de glace entretient l’eau à 2° environ. Pour donner une idée de la perfection de l'outillage et de l'excellente organisation de tous les détails du service à l'établissement, notamment de la rapidité avec laquelle s’ef- fectuent les diverses opérations relatives aux envois de poisson vivant, il suffit de dire que, pour des expéditions s'élevant parfois jusqu'a 3 tonnes 1/2 (3,500 kilog.) de Truites, il s'écoule souvent à peine quinze minutes depuis le moment où l’on commence à faire passer le poisson des bacs d'attente dans les appareils de transport, jusqu’à celui où ces appareils, chargés sur des voitures, partent pour le chemin de fer. Préparation des sujets reproducteurs. — Alimentation spéciale. — On attache à Howietoun une extrême impor- tance à n’employer que des œufs provenant de reproducteurs qui, âgés d'au moins six ou huit ans, ont été élevés et choisis avec le plus grand soin. 356 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Chaque année, dans le courant de février, le bassin où se commence l'élevage des sujets que l’on destine à la repro- duction, est complètement mis à sec, nettoyé avec soin et rempli de nouveau. On attend quelques jours, puis on y met 5,000 yearlings, qu'on choisit parmi les plus beaux de l’an- née et qu'on nourrit régulièrement et copieusement de viande de Cheval. Au mois de janvier suivant, on les met plus au large dans un bassin d'environ 100 mètres de longueur sur 20 mètres de largeur, où on les laisse atteindre l’âge de neuf ans, époque à partür de laquelle ils cessent généra- lement de progresser et commencent à devenir moins bons pour la reproduction. Quelques individus pourraient sans doute continuer à être utilisés et prendre même encore du développement ; mais c’est l'exception. Chez des sujets de cet âge, les œufs ont atteint leur maximum de grosseur, mais sont, par contre, moins nombreux que chez des pois- sons plus jeunes ; on n’en ei guère que 500 pour chaque livre de poisson. Quand les Truites élevées pour la reproduction arrivent à leur quatrième année, on commence à leur donner chaque jour une ration de Moules et deux rations de viande de Cheval. La cinquième année, on augmente la proportion de Moules et on réduit celle de viande. Sous l'influence de ce régime, les œufs produits sont d'un beau jaune orange et très transparents. L'année suivante, on substitue aux Moules des Peignes (Pecten), qui amènent une coloration rougeñtre des œufs. À partir de cette époque, on ne donne plus aucune autre espèce de nourriture aux poissons, dont les œufs de- viennent, chaque année, d’un rouge de plus en plus vif. Les Truites nourries uniquement de viande de Chéval produisent des œufs nombreux, mais extrêmement pales. Celles qu'on nourrit de Peignes donnent des œufs moins nombreux, mais plus gros et plus foncés. À conditions de nourriture égales, ce sont les poissons les plus âgés qui donnent les œufs les plus gros et les plus foncés, maïs aussi les moins nombreux. Les sujets males de six ans sont facilement envahis par {a mousse (le Saprolegnia ferax) et, quand il y en a beaucoup d'atteints dans un bassin, la contagion peut s'étendre aux femelles. Il est utile, par suite, de séparer les males dès qu'ils ont frayé pour la première fois. Tenues dans des bas- sins distincts, les femelles mangent copieusement et sont peu EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÉCHE. : 391 exposées à la maladie. On évite, en outre, par là des frais de nourriture. Alimenter uniquement avec des Peigens toute la population d'un bassin est une forte dépense devant laquelle on n'hésite pas quand il s’agit de s’assurer une abondante récolte d'œufs d'excellente qualité. Mais on regarde à donner la même nourriture à de vieux males dont on n'utilise guère qu'un quart pour les fécondations artificielles. D'ailleurs, isolés des femelles, les mâles profitent mieux ; ils se battent moins entre eux et n'ont pas de ces blessures qui facilitent l'invasion de Saprolegnia. Les Salmo fontinalis qu'on élève pour la reproduction demandent plus de soins encore que les Truites. Ils sup- portent mal les changements de température. La végétation du Saprolegnia est plus rase sur leur peau que sur celle des Truites ; mais elle n’en exerce pas une action moins funeste. Quand, au printemps, sous l'influence d’une copieuse nourri- ture, les S. fontinals ont repris l'embonpoint que leur avait fait perdre la fraie, — ce qui, chez eux, se produit plus tôt en saison que chez les Truites, — sl survient pendant quel- que temps un fort vent d'est, on voit fréquemment apparaitre sur leur corps des taches qui sont bientôt couvertes de mousse. L'autopsie fait constater chez les poissons ainsi atteints une inflammation considérable de la partie inférieure de l'intestin. D'un autre côté, si les poissons ne sont pas suf- fisamment nourris, la production d'œufs s’en trouve nota- blement réduite. En les alimentant modérément au printemps et en automne, on peut, sans inconvénient, les engraisser pendant l'été, et, au contraire, les laisser jeüuner pendant l'hiver, à la condition, toutefois, qu'ils soient placés dans des bassins suffisamment profonds, c’est-à-dire présentant, au moins 2,90 d’eau. Les sujets de deux ans ne donnent que de petits œufs ; mais, l’année d'après, les œufs sont aussi gros que chez les poissons de quatre ans, âge auquel le S. fontinalis parait être complètement adulte. Les individus qui pro- viennent d'élevages faits pendant plusieurs générations de suite à Howietoun réussissent généralement mieux que ceux qu'on obtient d'œufs importés. Cette espèce se croise sans difficulté avec les Salvelins de la Grande-Bretagne, et les hybrides obtenus sont tous fertiles. Les bassins. — Tous les bassins d'élevage, de forme rec- 398 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. tangulaire et à parois verticales, sont entièrement planchéyés, bien qu'ils aient, pour la plupart, 20 mètres environ de lon- gueur, sur 5 mètres de large et 1",50 de profondeur (1), et que plusieurs d’entre eux mesurent jusqu'à 50 mètres de lon- gueur. Le revêtement en bois est, comme l'intérieur des ap- pareils d’incubation, légèrement carbonisé à l’aide de fers rouges, qui pèsent de 13 à 14 kilogs. Ce mode de construction, évidemment très coûteux, est considéré comme présentant des avantages qui compensent largement l'inconvénient de la dé- pense. Il permet notamment d'économiser l’espace et d’avoir constamment, grâce à la forme des bassins, une partie du fond à l’abri des rayons du soleil. Mais il ne doit pas être employé pour les bassins destinés aux truites de forte taille ; la profondeur de l’eau étant aussi grande sur les bords qu’au milieu, le poisson pourrait y prendre le même élan, et dans les sauts d'un mètre qu'il.fait souvent, il courrait grand risque de retomber hors du bassin. Aussi, dans les bassins consacrés aux sujets reproducteurs, qui ont, au centre, plus de trois mètres d’eau, le fond va-t-il en se relevant beaucoup vers les bords. Ceux-ci ont eux- mêmes une pente de 45° et sont gazonnés avec soin, pour que le poisson ne puisse s’y blesser en sautant. La profondeur des bassins est subordonnée à la quantité d'eau qui les alimente. Moins le courant est fort, plus on donne de profondeur pour éviter que l’eau ne s’échauffe trop pendant l'été; aussi donne-t-on aux bassins simplement creusés dans le sol toute la profondeur possible en se con- servant le moyen de les vider complètement quand il est besoin. Jamais la profondeur n’est considérée comme trop grande, pourvu toutefois que le poisson n'échappe pas à la surveillance. Avec une eau claire, transparente, la profon- deur peut être plus considérable que si l’eau est trouble; 1,80 dans le premier cas, 1",35 dans le second, voilà les limites dans lesquelles on croit prudent de se tenir. Dans la pratique, 1,50 est une excellente moyenne pour l’alevin nourri artificiellement, quand on tient à ce qu'il prenne un beau développement dès l’âge d’un an. Avec moins de 1",20 (1) Cette profondeur est beaucoup trop grande pour le tout jeune alevin de S. fario et de S. levenensis; mais elle est, parait-il, sans inconvénient pour l’alevin de $. fontinalis et des autres espèces de Salvelins, qui s’en accom -mode presque aussitôt qu’il a résorbé la vésicule vitelline. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 359 d’eau, les yearlings viennent mal si le courant n’est pas très fort, et chacun sait qu'un fort courant présente de nombreux inconvénients, outre celui d’une grande consommation d'eau: il faut de larges tuyaux d’amenée et de sortie, qui sont très dispendieux, des vannes de grandes dimensions, également coûteuses à établir et peu faciles à manœuvrer; de plus, les réparations sont très fréquemment nécessaires aux grilles de clôture, aux berges des bassins, etc. Quand, au contraire, on donne trop de profondeur, le poisson cesse d’être suffi- samment en vue, et il devient difficile de le rassembler pour les distributions de nourriture et pour le contrôle journalier de l'effectif des bassins. Apres la question de profondeur, vient celle, très importante aussi, de l'orientation des bassins. On doit étudier la direction du vent dominant et distribuer les bassins perpendiculairement à cette direction, c'est-à-dire de facon que le vent les frappe par le travers, au lieu de les balayer dans le sens de leur longueur. D’après les observa- tions faites, le vent de sud-ouest serait peu nuisible ; mais, au printemps, quand les alevins viennent juste d'être mis en liberté, si le vent d'est souffle avec quelque force pendant deux ou trois jours, on voit fréquemment le Saprolegina ferax envahir la population .des bassins exposés à ce vent. À toute époque de l’année, le vent d’est exerce sur le pois- son une action nuisible, inexpliquée. Mais c’est, parait-il, surtout au printemps et principalement sur le Saino fonti- nalis que cette action se ferait sentir. Si le vent d’est persiste pendant quelques jours, on ne tarde pas à observer, particu- lièrement chez le poisson copieusement nourri, des symp- tômes de malaise, fréquemment suivis de l'apparition du Sa- prolegnia, même, du reste, dans les bassins dirigés du nord au sud (1). Toujours est-il, cependant, que les alevins réus- sissent beaucoup mieux dans des bassins qui vont du nord au sud que dans ceux qui sont dirigés de l’est à l’ouest, et qui sont balayés dans toute leur longueur parle vent d'est, fu- neste à ces jeunes poissons. De plus, d’étroits bassins allant du nord au sud, conservent toujours plus de fraicheur que (1} On considère le Salmo fontinalis comme un poisson très délicat dans cer- taines eaux. Îl résiste mal aux changements brusques de température, et le fait est d'autant plus frappant que ce poisson supporte sans difficulté apparente de très grands écarts de température, Comme tous les Salvelins, il paraît se plaire surtout dans les eaux profondes ou dans les cours d’eau bien abrités par des arbres, où les changements de température ne s'effectuent que lentement. 360 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. ceux qui sont dirigés de l’est à l’ouest. Cela tient à ce que si un bassin a, dans sa longueur, une de ses rives exposée au soleil, la chaleur reflétée est plus vive que si l'extrémité de ce bassin, c’est-à-dire un petit côté seulement, reflète la chaleur. Évidemment, dans un bassin allant du nord au sud, la surface de l’eau reçoit plus de soleil que dans un bassin allant de l'est à l’ouest ; mais, dans le dernier cas, la réverbération produite par les rives inclinées compense largement l’action directe du soleil sur la surface de l’eau. L'inclinaison des rives est généralement comprise entre 45 et 60°, et les rayons de chaleur, par suite de leur déviation dans l’eau, frappent ces rives plus près du fond que si les rayons restaient en ligne droite. La partie de la rive en dehors de l’eau, dans un bassin dirigé de l’est à l’ouest, réfléchit les rayons vers la sur- face de l’eau, où ces rayons sont aussi réfractés. De là, un échauffement de l’eau qu'il est prudent d'éviter par une meil- leure orientation des bassins. Empoissonnement. — Comme on l’a vu plus haut, l’éta- blissement livre pour l’empoissonnement des poissons de divers àges. L’alevin n’est généralement expédié qu’un mois ou deux après la résorption de la vésicule vitelline. Ce laps de temps suffit à l'élimination de tous les individus délicats, chétifs ou mal conformés, qui disparaissent rapidement. Il ne reste plus ainsi que des sujets vigoureux, très aptes à donner de bons résultats si on les place dans un milieu favorable, c'est-à-dire surtout dans de petits ruisseaux d’eau vive, pure, coulant en nappe mince, sur un lit de sable et de gravier, où ils peuvent trouver à la fois des abris et une nourriture appropriée à leurs besoins. Les yearlings, ou poissons d'environ un an (1), convien- nent excellemment aux opérations d’empoissonnement. Ils sont assez forts pour trouver aisément leur nourriture et évi- ter ainsi la plus grande cause de mortalité, chez les jeunes poissons; ils supportent facilement le transport, souffrent (1) En fait, cette appellation s'applique à des poissons qui peuvent avoir de 10 à 14 mois. Dans la pratique, en effet, afin d'éviter tout malentendu, on compte l’âge du poisson non d’après la date de sa naissance, mais d’après la date à laquelle il a commencé à manger. Ainsi, par exemple, une Truite de 1890 est une Truite ayant commencé à manger en février ou mars 1890, bien qu’elle soit née, peut-être, dès la fin de 1889, au lieu du commencement de 1890. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÉCHE. 361 peu du voyage, s’habituent rapidement aux eaux dans les- quelles on les verse et réussissent aussi bien dans un étang que dans un cours d’eau. Leur longueur varie généralement de 0,07 à 0m,13. Mars et avril paraissent être l’époque la plus favorable pour les verser dans les eaux à repeupler, et la température étant encore assez basse à cette époque de l’année, un trajet même d’une quarantaine d'heures peut être fait sans danger. A cet âge la moyenne de la mortalité est très faible et s’abaisse parfois à 10 ou 12 pour 1,000. Les sujets de deux ans sont recommandés pour le peu- plement d'eaux profondes, renfermant déjà soit du poisson commun (Brochets, Perches, etc.), soit des Truites de forte taille, qui pourraient nuire beaucoup à des Truitelles d’un an, ou bien encore lorsque la question de dépense importe peu et qu'on tient surtout à avoir, le plus rapidement possible, des poissons de belle dimension. A cet âge, la longueur varie de 0®,12 à 0m,22. Des Truites ayant déjà ce développement ne peuvent être expédiées économiquement à des distances né- cessitant un voyage de plus de trente heures, et il est toujours prudent de les faire accompagner pendant tout le trajet. Mais elles présentent l'avantage d'atteindre fréquemment un poids de 250 à 375 grammes avant la fin de l'été suivant et ayant, comme c’est le cas pour la variété de Lochleven, revêtu l'écaille de Smolt, elles s’acclimatent tres facilement dans toutes les eaux. Des poissons plus âgés sont, quant à présent, trop dispendieux à transporter pour qu'on puisse songer à leur emploi dans des travaux de repeuplement. L'’établisse- ment expédie néanmoins des Truites de deux livres, quand la durée du trajet ne dépasse pas 20 heures, et même jus- qu'à des sujets de 5 livres si le voyage ne doit pas excéder 10 heures ; mais ces envois sont toujours hasardeux. Les détails qui précèdent montrent que la culture des Sal- monides a pris, à Howietoun, les proportions d’une vaste exploitation industrielle et que cette culture peut devenir des plus avantageuses quand on y apporte les connaissances et les soins nécessaires. On ne saurait donc trop désirer voir notre pays profiter de l'exemple donné et accorder enfin à l’industrie aquicole toute l'attention qu’elle mérite. LES TAMARIX ET LEURS APPLICATIONS Leur valeur au point de vue du reboisement PAR MALOUS REICH; Les Tamarix poussent partout à l’état sauvage sur le littoral de la Provence et du Languedoc, mais ce sont surtout les terrains incultes et plus ou moins salés du delta du Rhône et les lagunes du Languedoc qui constituent leur zone de prédilection. | À ma connaissance, on n’a jamais dans cette région planté les Tamarix dans le but de dessaler les terres et « cette cul- ture passagère » n'a probablement jamais existé. Du reste, ce serait une erreur de croire que les Tanarix absorbent une assez forte quantité du sel contenu dans le sol pour rendre ce dernier cultivable. 1 est vrai qu'on trouve toujours autour d’une touffe de Taïnarixæ le sol plus ou moins dessalé et cou- vert d’une certaine végétation, mais ce dessalement est pro- duit par un effet absolument mécanique et analogue à celui qu'obtiennent les agriculteurs de la région, en couvrant la terre d’une couche de litière grossière produite par les marais (CAC LMIUNEUS MAPURA OT PNA Met") MEESMEUINEE et les brindilles de -Tamarix qui tombent annuellement au pied de la touffe forment rapidement une couche qui conserve au sol son humidité, empêche l’'évaporation et rend par là impossible l'ascension du sel contenu dans le sous-sol. Le procédé in- diqué par M. de Rivière dans son mémoire sur la Camargue a été peut-être appliqué par lui à Faraman, mais il n'en reste aucune trace. — Il est vrai que ce domaine avait été à peu près complètement abandonné pendant ces 50 dernières an- nées jusqu'en 1884; les troupeaux de Bæœufs sauvages qui, pendant ce temps, avaient libre parcours partout ont du faire périr toutes les plantations faites par M. de Rivière, comme (*) Extraits de diverses lettres communiquées par M. Jean Vilbouchevitch. Sur le même sujet consulter Revue, 1800, p. 849 et 906. . LES TAMARIX ET LEURS APPLICATIONS. 363 ils avaient complètement nivellé tous les fossés d’écoulage et d'arrosage. Néanmoins nous avons encore trouvé en arrivant à Faraman des vestiges de travaux considérables exécutés par l’ancien propriétaire, et, notamment des digues plus ou moins bien conservées grâce aux Tamarix plantés-au mo- ment de leur établissement. Souvent ce ne sont même que quelques-uns de ces arbres qui, seuls, indiquent l’emplace- ment d'une ancienne digue nivellée depuis longtemps par les Bœufs. Ces sujets isolés de Tamarix ont pris parfois un développement considérable et il n’est pas rare d'en trouver ayant un diamètre de 30 à 40 centimètres et une hauteur de 5 à 1 metres. Le premier procédé de reboisement indiqué par M. de Ri- vière, consistant dans la plantation en boutures de toute la surface à reboiser, est le seul pratique. Les boutures de Ta- marix reprennent avec la plus grande facilité même dans un terrain très salé où l’on ne rencontre plus que quelques rares Salicornes. Il est inutile de défricher les parties qu’on veut reboiser, mais on fera toujours bien de nettoyer le terrain des Salicornes et autres plantes qui rendraient la plantation plus difficile. PRG Le mode de nettoyage le plus économique d’un terrain couvert de Salicornes (Sweda et Chenopodium) est d'y mettre tout simplement le feu pendant un jour de vent du nord, mais ce procédé ne réussit qu'autant que les « En- ganes » (nom donné dans la région à ces plantes) se touchent. Quand ces touffes ne sont pas en trop grand nombre, on peut se borner à ne couper d’un coup de pioche que les plus grosses, car les petites ne génent pas pour l'alignement de la plantation de Tamarix. Enfin, j'ai eu recours à la charrue en profitant des jours de repos forcé que nous fait la culture de la vigne, pendant les mois de l'hiver qui précèdent et suivent la submersion. Dans ce cas, on peut se borner à labourer le sol à 12 ou 15 centimètres de profondeur, juste assez pour faire tenir la charrue et pour arracher les « Enganes » dont les racines sont peu profondes..... -.... Je ne pense pas qu'il soit bien utile, comme vous le croyez, de semer des graminées pendant la première pé- riode de la plantation des Tamarix; il faudrait attendre l'apparition spontanée du Lolium perenne qui est un indice certain d’un dessalement commençant. Quant au Poa ma- 364 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. ritima et au Triticum glaucuin, is n'ont pas une très grande valeur nutritive et ne sont acceptés par les moutons que pendant qu’ils sont encore tendres. Mais revenons à nos boutures ; ces dernières devront être coupées, autant que possible, sur des branches de 3 ans de 15 à 20 millimètres d'épaisseur et d'une longueur de 50 cen- timètres; on les plante en carré à 1.50 de distance en tous sens ; au lieu de les appointer à la hache et de les enfoncer dans le sol avec un maillet, on fera bien d'opérer comme pour la plantation d’une vigne avec un pal en fer. Le prix de ces boutures revient à 5 à 6 francs le 1000 et la plantation au pal coûte 18 à 20 francs le 1000; il est bien rare que le nombre des manquants dépasse la première an- née 10 °/,, mais on fera toujours bien de les remplacer à la 2e année. Les jeunes touffes prennent vite un grand développement et à la troisième année on peut commencer à les élaguer; cette première coupe peut donner 4 à 500 fagots valant 10 à 12 francs les 100 ; ce rendement en bois est doublé ou triplé à la 5° ou 6° année et est augmenté encore par la produc- tion de piquets qu’on peut obtenir à cette époque. Ces terrains ainsi reboisés qui n'avaient aucune valeur comme paturages avant la plantation se gazonnent assez vite et deviennent à partir de la 5e ou 6° année une grande res- source pour les troupeaux de Moutons ; par contre, il faut en tenir éloignés les troupeaux de Bœufs qui broutent les branches jeunes et cassent les plus fortes. Il n’y a aucun avantage de défricher ces terrains reboisés pour y cul- tiver des céréales, car le résultat de cette opération serait médiocre et le bénéfice du dessalement disparaîtrait promp- tement. Le second procédé de reboisement indiqué par M. de Rivière n'offre aucun avantage sur le premier, et serait certainement beaucoup plus long et coûteux ; aussi ne l’ai-je jamais vu appliqué dans la région même quand il s’agit de la conso- lidation des digues. | Dans le cas où l’eau douce peut être amenée sur un terrain à reboiser, on peut obtenir d'excellents résultats par le semis des graines de Tamarix ; au bord des rizières nous voyons chaque année de nombreuses touffes de Tamarix pousser spontanément, et dont les graines avaient été apportées par LES TAMARIX ET LEURS APPLICATIONS. 369 le vent. Ces sujets venus par graines se développent bien plus rapidement que ceux obtenus par boutures, et ils cons- tituent plus facilement de vrais arbres, car les derniers con- servent presque toujours la forme buissonnante. Les Tamarix constituent le meilleur obstacle qu'on peut opposer à l’envahissement des sables au bord de la mer. Une digue plantée en boutures de Tamarix devient en peu d'année une véritable montille de sable, de laquelle émergent les branches qui à leur tour poussent des racines et conso- lident ainsi l'apport du sable fait par les vents et par la mer. Je me propose de semer l’année prochaine (4° année de reboisement) sous les Tamarix : 77ifolhum pralense, Lo- lium perenne, Melilotus cærula et Avena elatior (fromen- tal). Nous avons semé depuis quelques années des prairies sur rizière qui avait été elle-même semée dans un terrain très salé où il n’y avait presque aucune végétation auparavant. Les prairies sont superbes, mais je remarque que certaines oraminées s’accommodent encore mieux à ce milieu que d'autres qui se développent moins ; je me propose de faire un choix parmi les premieres et d'essayer de les faire pousser sous les Tamarix, dans un terrain non préalablement dessalé par une rizière. Je vous dirai plus tard quel aura été le résultat de cet essai. Notre sol de Camargue est de l’alluvium du Rhône, en général dans la Basse-Camargue surtout, de l'argile com- pacte, quelquefois mélangé de sable. Le terrain est le même jusqu'à une très grande profondeur (20 à 40 mèêtres), mais comme à 50 ou 80 centimètres le sous-sol est tellement im- prégné de sel qu'aucune plante ne pourrait y développer ses racines, nous n'avons en somme qu'une couche de terre vé- sétale de 50 à 80 centimètres de profondeur. Et en effet, les racines des plus gros Ormeaux et des grands Tamarix ne descendent jamais plus bas. Le sous-sol est généralement humide, mais cette humidité ne profite guère aux plantes. Pendant l'été le sol se fendille partout où il n’est pas très salé et la sécheresse est souvent si grande que même les Or- meaux en souffrent et meurent; seuls les Tamarix y résis- tent et sont toujours verts. Jusqu'à présent on n'emploie le bois des Tamarix dans la région que comme bois de chiauffage pour les fours des bou- É, 366 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. langeries ou dans les cuisines des fermes. Il est vrai que par suite du recépage irrationnel qu'on fait subir à ces végétaux, tous les 3 ou 4 ans, on ne trouve que rarement des branches un peu fortes. Ce bois ne peut pas être employé pour les travaux de charronnage parce qu'il se gerce profondément dès qu'il sèche; il est au contraire précieux pour la construc- tion des digues, des piquets faits avec les branches les plus fortes se conservent de longues années dans la terre sans subir la moindre altération, et les branches minces, liées en fagots, fournissent les meilleures fascines. — Dans l'industrie de la vannerie, le bois de Tamarix n’est pas employé dans la région où les oseraies abondent et fournissent une excellente matière première. L'importance des Tamarix pour la région du Bas-Rhône deviendrait beaucoup plus grande si on utilisait la précieuse qualité qui les distingue de la plupart des autres végétaux, de pousser avec vigueur dans les terrains les plus salés où toute autre culture est impossible. — Le reboisement de ces vastes plaines par les Tamarix pourrait seul amener leur transformation et leur utilisation, mais il faudrait que ce reboisement füt fait avec méthode et esprit de suite. Il fau- drait que l’accès des plantations jeunes füt défendu aux troupeaux de Moutons pendant les premières années et, si possible, toujours aux troupeaux de Bœufs. Les plantations devraient être faites d’une manière régulière et les man- quants remplacés pendant les premières années ; le recépage devrait également être fait d’une facon rationnelle, en un mot les plantations devraient être exploitées comme le sont les reboisements faits par l'administration forestière..... LAN LT Par des raisons qu’il serait trop long à expliquer ici, nos reboisements n’occupent jusqu'à présent qu'une tres petite surface (2 hect. à peine), mais nous nous proposons d'en planter 3 hectares cet hiver et d’en faire autant pendant les années suivantes, car les fascines de Tamarix, très recherchées pour la construction des digues, commencent à manquer dans le pays et leur prix augmente tous les ans. Nos reboisements proprement dits ne datent que de trois ans, mais depuis bien longtemps j'ai planté des Tamarix un peu partout, aux bords des chemins, des canaux et des digues. En général, on ne trouve qu'une flore très pauvre dans les LES TAMARIX ET LEURS APPLICATIONS. 367 terres incultes de la Basse-Camargue ; sur des milliers d’hec- tares il n'y a que des Enganes {Chenopodium et Sueda) et des Saladelles (Statice Limonium) ; plus rarement déjà : Poa marilima, Atriplex portulacoides, Chenopodium maritima, Artemisia palmata, Triticum glaucum et Aster tripolium. Dès la seconde année on trouve sous les touffes de Tamarix : Bromus mollis et sterils, Fesluca ovina, Poa annua, Lolium perenne ; Potentulla repens et verna, Lotus divers, Medicago divers, Trifolium pratense, et diverses composées (Grapha- lim, Cirsium, etc.). À la troisième année la flore s'enrichit souvent de Dactylus glomerata, d’autres Bromes et de Fé- tuques, le Trèfie s'étend, il y a quelques touffes de Guimauve (Atthæa officinalis) et de différentes composées (Juncus oleraceus), etc., en un mot, le sol autrefois nu se couvre de végétation, à la condition toujours que les troupeaux n’y mettent pas les pieds. Des herbages ainsi gazonnés se louent, suivant leur situation plus ou moins exposée aux eaux, à raison de 15 à 30 francs par hectare, tandis que les terres simplement couvertes de Salicornes ne valent qu'un à cinq francs, et encore ! Je crois qu’on doit envisager le reboisement par les Ta- marix à deux points de vue différents : le premier est celui de l'exploitation des terres reboisées comme pâturages et le se- cond celui de l’utilisation du bois de Tamarix. Dans le pre- mier cas, il sera nécessaire d’émonder au moins une partie des Tamarix et de les établir sur des troncs de 1,50 à 2 mètres de hauteur, sauf à les couronner ensuite comme on le fait pour les Saules ; le Tamarix se plie très bien à ce ré- gime, car, en laissant toutes les touffes en buissons, il ne resterait point de place pour laisser pâturer les moutons. Dans le second cas au contraire où le rendement en bois de faseines est envisagé comme le principal revenu, on laisse aux Tamarix leur forme buissonnante et on les coupe tous les trois ou quatre ans ; dans ces conditions le pâturage doit être interdit pendant la premiere année qui suit la coupe, et il devient presque impossible dès la troisième année par l'en- vahissement des branches qui couvrent tout l’espace libre entre les souches. _ Depuis près de vingt-cinq ans, je lutte avec les diffi- cultés que suscite la présence du sel dans le sol sans pouvoir: en venir toujours à bout. Pendant longtemps j'ai cherché à me 368 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. procurer une espèce de Peuplier {le Populus diversifolia) signalé par un voyageur russe (Regel, je crois) dans les steppes de la Mongolie, mais il m'a été impossible de le trou- ver ; il doit exister dans le Jardin botanique de Tiflis. L'Ai- lante pousse assez bien ici, mais il périt dans les terres un peu salées. En général, ce sont les Ormeaux, les Saules, le Robinier, le Pin d’Alep, quelques Thuyas et Cypres.L'Atriplex frulicosa (poussant dans des sols déjà plus salés), le Prunus spinosa, le Phillyrea angustifolia et la plupart des Peupliers qui végètent bien dans nos terres légèrement salées, à condition, toutefois, qu'ils reçoivent de temps à autre un peu d’eau douce. J'ai lu avec grand intérêt dans la Revue publiée par la Société d’Acclhimatation, l’article sur le Sacsaoul que vous me signalez et j'essaierai de m'en procurer. Depuis quelques années, j'ai essayé différentes plantes de l'Australie, mais je n'en ai trouvé qu'une, le Chenopodiuim nuürariaceum, qui s’accommode bien à notre sol et climat et encore ne vaudra- t-elle jamais beaucoup plus que les « Enganes » du pays. Voyez-vous, il n'y a que le Tamarix |! L’'Hippophae rhaninoides pousse bien dans notre sol, mais à lui aussi il faut de l’eau douce de temps en temps, tandis que les Tamarix s’en passent. « Je remercie de tout mon cœur M. Reich de la bonne volonté qu'il a mise à réunir ces renseignements précieux. Puissent les autres agriculteurs de la région méditerranéenne, puis- sent les savants voyageurs, qui ont suivi pendant de longs mois les routes bordées de Tamarix des déserts de l'Asie et de l'Afrique, en faire autant ; et bientôt il nous sera permis de mettre un peu d'ordre dans cette question si embrouillée des Tamarix, qui — je ne me las- serai pas de le répéter — est d’un intérêt pratique de premier ordre pour de vastes régions inculles, dont aucun des continents ne manque; elle l’est aussi pour la France en première ligne ; moins pour les sa- lants du midi que pour les déserts de l'Algérie et de la Tunisie, dont les conditions économiques autant qu'hydrographiques ne laissent pas encore admettre, comme réalisable de nos jours, la mise en culture totale par la voie du dessalement radical et de l'irrigation. » J. VILBOUCHEVITCH. » Nous sommes absolument du même avis et nous rappelons que tous renseignements sur celte queslion seront reçus avec gratitude par la Société nationale d’Acclimatation de France. Réd. Il. EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. SÉANCE GÉNÉRALE DU 6 FÉVRIER 1891. PRÉSIDENCE DE M. A. GEOFFROY SAINT-IILAIRE, PRÉSIDENT. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. — M. le Président proclame les noms des membres ré- cemment admis : MM. PRÉSENTATEURS. Baupin (Joseph-Auguste), chef du ser- vice de l’Escomple (2° division) à la Banque de France, 189, avenue de Neuilly, à Neuilly-sur-Seine. BruLÉé (Eugène-Frédéric), receveur des Finances, en retraite, 1, rue Boutard, à Neuilly-sur-Seine. À. Berthoule. D' Laboulbène. Léon Weill. A. Berthoule. A. Geoffroy Saint-Hilaire. C. Raveret- Wattel. A. Berthoule Le GIGon (Jules-Auguste), propriétaire, 29, boulevard Péreire. J. de Claybroke. A. Geoffroy Saint-Hilaire. A. Geoffroy Saint-Hilaire. C. Raveret-Wattel. Edgar Roger. A. Berthoule. A. Geoffroy Saint-Hilaire. Marquis de Sinéty. A. Berthoule. A. Geoffroy Saint-Hilaire. D' Labculbène. | A. Berthoule. ) A. Geoffroy Saint-Hilaire. LEROY (Martin), conseiller référendaire à la Cour des Comptes, 60, rue de Lis- bonne (Paris). MaILLé (comte François DE), 3, boulevard Malesherbes (Paris). MorerT (Auguste), propriétaire, 8, rue de l’'Arcade (Paris). TinGuy (vicomte H. DE), château de Beau- puy, par la Roche-sur-Yon (Vendée). AT N parte Torrer (Henri-Émile-Claude), ingénieur { A. Berthoule. vdu Service maritime et du canal de 4 D' Laboulbène. Nantes à Brest, à Châteaulin (Finistère). ( Vigour. — M. le Secrétaire procède au dépouillement de la corres- pondance. — M. Cuginaud, de Brantôme (Dordogne), demande à re- cevoir des œufs de Truite Saumonée et de Truite Arc-en-ciel. — M. Gorry-Bouteau rend compte des résultats quil à obtenus des œufs de Dorking qui lui ont été envoyés par la Société et demande à participer à la distribution des œufs de Ver à soie du mürier offerts par M. Fallou. | 5 Mars 1801. « 110% 270 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. — M. le vicomte d'Adhémar de Case-Vielle adresse une demande analogue. — M. Rabuté, d'Eu (Eure), fait parvenir un compte rendu de son cheptel de Lapins-Béliers. Les résultats n’ont pas été très satisfaisants, la femelle étant malade chaque fois qu'elle était présentée au mâle. Notre confrère espère être plus heu- reux cette année. — M. le baron Reynaud, qui a perdu la femelle de son cheptel de Faïsans vénérés, annonce le renvoi du mâle; il adresse en même temps deux jeunes Colombes Lophotes, produit des oiseaux qui lui ont été confiés. — M. Clarté, de Baccarat, offre à la Société des échan- tillons d’eau-de-vie et de sirop de Goumi. — Remerciements. — M. Ch. Naudin (de l’Institut) écrit d'Antibes : « À propos du Koudzou (Peraria Thunbergiana) dont M. le D' Clos a entretenu dernièrement la Société d'Acclimalation, j'aurai quelques remarques à faire. » Depuis sept ou huit ans cette légumineuse est cultivée à la villa Thuret, où elle prospère sans, pour ainsi dire, qu'on s’en occupe: Chaque année, elle émet de sa souche de longs sarments volubiles ou étalés à terre, mais je ne l’ai pas vu produire les tubercules dont il est question ; je n’y ai trouvé, en la déterrant, que de longues racines assez menues. Quoi qu’il en soit, les Chinois en retirent une fécule qui paraît avoir chez cux une certaine valeur commerciale. Ils en font no- tamment des tablettes, dont la consistance et la couleur rappellent assez bien une gomme claire concrétée, et qui servent à faire des po- tages. Je me rappelle avoir recu, il y a quelque temps, de M. le marquis d'Hervey de Saint-Denys, quelques-unes de ces tablettes de Koudzou, mais l’essai culinaire qu'on en a fait leur a été peu favorable. Ce nou- veau mets a été trouvé à peu près aussi insipide que de l’empois ; dans tous les cas bien inférieur à d’autres fécules d’un usage plus habituel chez nous. Il ne me paraît donc pas que le Koudzou, en tant que plante potagère, ait le moindre avenir en Europe. A ce point de vue, sa cullure ne paierait certainement pas ses frais. » Serait-il plus avantageux comme plante filassière ? Ses sarments longs de plusieurs mètres et tenaces pourraient le faire croire, mais il ne faut pas oublier que le monde est déjà pourvu d’un grand nombre de plantes textiles, la plupart de culture plus facile et moins dispen- dieuse que ne le serait celle du Koudzou, auquel il faut de bonnes terres, meubles et profondes, qu'on réserve avec raison à des plantes qui promettent des bénéfices plus assurés, Tout ce qu’on pourrait faire dans cette voie serait de le planter dans des localités abandonnées par l'agricullure, par exemple à la lisière des bois ou au travers des brous- Le PROCÈS-VERBAUX. 371 sailles, mais, dans de telles situations, pourrait-il lutter contre les occupants naturels du sol? C’est plus que douteux. » Comme plante d'ornement le Koudzou est fort inférieur à la Gly- cine et à nos anciennes plantes grimpantes, les Chèvrefeuilles, les Liserons, les Bignones, etc. Tout ce qu'on pourrait faire serait d'en planter quelques pieds auprès des arbres d’un parc, ou dans des haies, qu'ils revêtiraient pendant une partie de l’année de leur feuillage et leurs grappes de fleurs violettes. En faire une planie de curiosilé ou de fantaisie, c'est vraisemblablement tout ce qu'on pourra lui demander. Au point de vuc botanique il aurait un intérêt plus réel. » Je crois qu'il y a mieux à attendre du Sacsaoul (Æaloxylon am- modendron) que M. Leroy, d'Oran, cultive avec succès. C’est une plante des plus laides, du moins telle qu’elle m’apparait à la villa Thuret, où d’ailleurs elle vient mal et lentement, probablement parce qu’elle n’y trouve pas la nature de terrain qui lui conviendrait, mais elle pourrait devenir des plus utiles si elle s’accommode des sables et du climat sahariens. Elle rend des services très appréciables dans les déserts de l'Asie centrale, pourquoi n’en serait-il pas de même dans ceux de l'Afrique ? C’esi surtout quand on songe à traverser le Sahara par des voies ferrées, qu’il y a intérêt à y essayer, dès à présent, toutes les plantes, arbres, arbrisseaux et autres, qu’on peut supposer capables d'y vivre. » — Il est déposé sur le Bureau quelques numéros de la Revue internationale de médecine dosimétrique vétérinaire, d'hygiène et d'économie rurale, publiée sous la direction du professeur Burgsræve, auteur de la Méthode dosimétrique. — M. Hédiard présente à la Société quelques petits tuber- cules alimentaires qu'il a reçus de la Martinique sous le nom créole de « Topinambour » ; le rendement en est considé- rable. Les habitants des Antilles estiment beaucoup ces tu- bercules, dont la chair blanche est très fine ; ils entrent dans les ragoüts et accompagnent bien le poisson salé. C'est sans doute au Maranta juncea qu'il faut en rap- porter l’origine. — M. le Secrétaire général offre, au nom de l’auteur, M. Bouvier, un volume ayant pour titre : Les Mammifères de la France. Notre confrère s’est attaché à rendre son ouvrage populaire et pratique. Il indique les noms spéciaux à chaque province, ce qui est un excellent moyen de le mettre à la portée de tout le monde, les mœurs des animaux y sont étudiées soigneusement, ce livre est donc de nature à rendre de réels services. 372 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. — M. Raveret-Wattel donne lecture de la lettre suivante qu'il a recue de notre savant collègue, M. le Dr Von Mueller, botaniste du gouvernement, à Melbourne : | « ... J'ai adressé à la Société d’Acclimatation, par le steamer Océanien, de la Compagnie des Messageries maritimes, un assez fort paquet de graines d’Acacia pycnantha fraîchement récoltées. Ce paquet était expédié par l'intermédiaire du Secrétaire de la Compa- gnie, à Marseille, qui a dû l'acheminer sur Paris... Bien"que l’Acacia pycnantha soit introduit depuis longtemps déjà en France et en Algérie, il ne paraît pas y avoir été, jusqu'à présent, cultivé, sur une échelle un peu importante, pour la production du tanin. C'est au point de vue de cette production spéciale, l'espèce la plus recom-. mandable pour les terrains sableux, et peut-être pourrait-elle réussir même dans le sud-ouest de la France. Cet Acacia peut végéter où le decurrens, le mollissima et le dealbata ne sauraient être cultivés ; mais, bien que l'écorce soit aussi riche qu'aucune autre en tanin, elle est moins épaisse que celle des trois espèces qui viennent d’être mentionnées. Les rameaux florifères sont tres fournis et très odorifé- rants, et ils paraîtraient pouvoir être utilisés par la distillerie, comme ceux de l’Acacia Farnesiana. L'odeur est, toutefois, quelque peu dif- férente. » Je vous adresse, en même temps que cette lettre, des grains d'Eucalyptus leptophleba, espèce dont on n'avait jamais, jusqu’à ce jour, distribué des semences. Elle fournit un bois très durable pour les iraverses de chemins de fer. » Cette lettre était en outre accompagnée de deux petits sachets de graines de Xochia melanocoma, plante qui peut parfaitement réussir dans les régions chaudes et sèches et qui fournirait, sur ces points, des ressources précieuses pour l'alimentation des bestiaux et des moutons en particulier. M. Raveret-Wattel donne ensuite communication d’une lettre de M. Marshall Mac-Donald, commissaire général des pêcheries des États-Unis, sur un fait d'extension de l’hahi- tat du Salmo purpuratus de l'Amérique du Nord : | «... Je vous adresse un extrait du journal Forest and Stream relatif aux travaux d’acclimatation que nous poursuivons dans notre grand parc national, aux sources du Yellowstone. La région, actuellement, complètement dépourvue de poissons, comprend une superficie de 1,500 milles carrés; les eaux y sont on ne peut plus favorables aux Salmonides. Quand l’œuvre d’acclimatation sera complète, nous au- tons, dans les limites du parc et sous une surveillance absolue, les espèces suivantes ayant chacune leur district spécial, savoir : L'Ombre (Zhymallus montana) ; PROCÈS-VERBAUX. 313 La Truite à ventre rouge (Salmo purpuratus) : La Truite d'Europe (S. fario) ; La Truite Arc-en-ciel (S. 2rideus) ; La Truite de Lochleven (S. Zevenensis) ; La Truite des lacs {S. Namaycush) ; Le Brook-Trout (S. fontinalis) ; et une petite espèce de Whitefish, le Corogonus Williamsonii. » La seule espèce native que l’on rencontre sur le plateau volca- nique, en amont des cascades de la rivière, est le S. purpuratus. Elle existe dans Yellowstone Lake et dans ses affluents, ainsi que dans plusieurs cours d’eau qui, de même que le Yellowstone lui-même, appartiennent au bassin du Missouri. Celte espèce est la même que celle que l’on trouve dans Snake River, cours d’eau appartenant au versant ouest et tributaire de l’océan Pacifique. Or, de Snake River, les Truites n'ont pu gagner la région de Yellowstone Lake qu’en traversant la ligne de partage des eaux des deux océans, à 3,000 mètres au-dessus du niveau de la mer. Les recherches faites nous ont permis de relever la route suivie par cette remarquable mi- gration, qui a introduit et définitivement établi une espèce du versant occidental dans toute la partie supérieure du bassin du Missouri. Un plateau marécageux occupe la ligne de partage. Là des Castors ont construit leur digue sur un cours d’eau alimenté par la fonte des neiges et, en élevant le niveau de ce cours d’eau, qui se déversait d’abord entièrement dans Snake River, l'ont amené à former à cer- taines époques de l’annce, un bras qui va se jeter dans le Yellows- tone, en ouvrant ainsi à la Truite une route vers l’est. Et voilà com- ment le Yellowstone et tous ses tributaires ont été peuplés par une espèce primitivement spéciale au versant occidental. J'ai pensé que cet exemple remarquable de ce que peut faire une migration natu- relle, secondée dans le cas présent par le concours inconscient des Castors, serait de nature à vous intéresser.» — M. Brézol donne lecture d’une note sur la laiterie en Californie. — M. de Claybrooke communique à la Société un rapport de M. Godry, de Galmanche, près de Caen, sur ses éduca- tions d’oiseaux en 1890. — M. le Secrétaire général lit une note de M. Jourdain sur les parcs à Huitres de Saint-Vaast-la-Hougue. Pour le secrétaire des séances, JULES GRISARD, Secrétaire du Comité de rédaction, III. COMPTES RENDUS DES SÉANCES DES SECTIONS. 4 SECTION. — SÉANCE DU 13 JANVIER 1891. PRÉSIDENCE DE M. J. FALLOU. x La section procède à l'élection de son bureau et à la nomination d’un délégué à la commission des récompenses. À Sont nommés : Président : M. J. Fallou; Vice-président : M. Pierre Mégnin; Secretaire: M. Clément; Vice-secrétaire : M. J. de Claybrooke; Déléqué à la commission des récompenses : M. J. Fallou. M. Mailles signale une énorme quantité de Vers blancs dans la contrée qu’il habite (La Varenne-Saint-Hilaire); il ajoute qu’il re faut pas compter sur les gelées pour les détruire, ces larves sentant par- faitement venir la gelée et s’enfoncant en terre quand elle approche. Parmi les moyens de destruction artificielle, le sulfure de carbone n'est pas plus efficace; une capsule de sulfure de carbone mise dans un pot avec six Vers blancs les a laissés vivants au bout de neuf jours, M. Fallou confirme la grande quantité de Vers blancs cette année; en arrachant des Pommes de terre, ilen a trouvé jusqu'à neuf par pied. Il signale l’erreur qui court dans les campagnes que le Ver blanc meurt au simple contact de l'air, quand on retourne la terre. Il a expérimenté le fait en plaçant plusieurs Vers blancs en plein soleil sur un chemin empierré ; loin de mourir ils se sont trainés jusqu’à la terre meuble voisine, où ils se sont enfoncés aussitôl. I1 annonce qu'on a tenté dernièrement de nourrir les vers à soie avec de la Scorsonère et aussi avec de la Ramie. Certains sérici- culteurs américains, par suite de la maladie des Mûriers, ne pouvant se procurer des feuilles en quantité suffisante pour leurs élevages de Vers à soie, eurent l'idée de présenter à ces animaux des feuilles de Ramie; ils constaièrent avec plaisir que non seulement elles furent rapidement et avidement dévorées, mais que les vers ne paraissaient nullement incommodés par ce changement de nourriture. Les cocons qu'ils obtinrent ainsi différaient des cocons provenant d'animaux nourris avec des feuilles de Müûrier par leur grosseur qui était plus considérable et par leur soie qui était plus fine. M. Mailles demande quelle est l'espèce de Ramie employée, M. Fal- lou révond que c’est le Bælmeria nivea. M. Fallou présente les résuliats d’élevages faits par lui et pour bien démontrer l'importance des soins à donner, il signale la différence totale entre les cocons « point de départ » et les cocons finaux. Le vice-secrétaire, J. DE CLAYBROOKE. COMPTES RENDUS DES SÉANCES DES SECTIONS. 379 5e SECTION (véGétTaAux). — SÉANCE DU 20 JANVIER 1891. PRÉSIDENCE DE M. H. DE VILMORIN, PRÉSIDENT. La Section procède à la nomination de son bureau et du Délégué à la Commission des récompenses. Sont désignés pour remplir ces fonctions : | Président : M. II. de Vilmorin; Vice-Président : M. A. Paillieux ; Secrétaire : M. J. Grisard; Vice-Secrélaire : M. Soubies ; Délégué aux Récompenses : M. le D' Mène. M. le Président présente, au nom de M. le professeur de Heiïldreich, des Lentilles, variété à petites graines de Grèce. | M. Paillieux engage ses collègues qui possèdent des terrains sa- blonneux à faire l’essai de cette variété qui est très tendre, à saveur moins forte que la grosse Lentiile et qui, de plus, a le grand avantage de ne pas être attaquée par les Bruches. M. Hédiard dit, à ce propos, qu’il tire d'Auvergne une pelite Len- tille verte qui est également exempte de Bruches. M. le Président fait remarquer que dans certains districts du Canada la Bruche est complètement inconnue, aussi y fait-on en grand la cul- ture des Pois. À Antibes, les Iaricots sont souvent endommagés par cet insecte. M. le Secrétaire présente, au nom de M. le baron Von Mueller, un important envoi de graines d’Acacia pycnantha, espèce très intéressante comme plante tannante. : M. le Président donne quelques détails sur cet Acacia qu'on ren- contre sous la forme de deux types bien distincts. L’A. pycnantha, type, à feuilles spatulées ou en raquettes, et la forme ou variété petiolaris dont les feuilles sont plus allongées. Elle est remarquable par sa belle floraison d'un beau jaune intense; cultivée dans le Midi, on en recoit les branches à Paris plus tard que celles de l'A. dealbata. Sa croissance est rapide, et au golfe Juan, cet Acacia graine abondamment et se ressème de lui-même. M. Paillieux distribue des bulbes de Camassie comestible. M. de Vilmorin offre : 1° des bulbes d’une très jolie Iridée, encore rare en Europe : l’Acidanthera bicolor, qui donne en août-septembre de grandes fleurs klanches teintées de lilas; on la cultive beaucoup aux environs de Boston; 2° des graines d’un Abies hybride, âgé au- jourd’hui de 25-30 ans et provenant d'une graine unique obtenue par la fécondation du Pinsapo par le Cephalonica. Le port de l'arbre est intermédiaire entre les deux espèces, mais il sera surtout intéressant d'étudier les variations de seconde génération qui, au point de vue ornemental, peuvent donner des formes nouvelles. Le Secrétaire, Jules GR1SARD. IV. JARDIN ZOOLOGIQUE D’ACCLIMATATION DU BOIS DE BOULOGNE. Chronique de quinzaine. Nous terminerons aujourd’hui la publication des notes prises sur nos animaux pendant les froids rigoureux que nous avons traversés. La rusticité des Grues a dépassé notre attente. Nous possédions, au commencement de l'hiver, environ quarante de ces oiseaux, représen- tant les espèces suivantes : Grus torquata (Inde), Americana (Mexique), viridirostris (Chine), leucogeranos (Japon, Cunadensis (Amérique sep- tentrionale), Awséralasiana (Australie), couronnée bleue du Cap (Ba- learica requlorum), de Paradis du Cap (Tetrapterix paradisæa), Demoi- selle de Numidie (Anthropoïdes virgo). Nous avons perdu, pendant les deux mois d'hiver, une Grue de Paradis tuée par ses compagnes, et un autre spécimen de la même espèce qui s’est déchiré à coups de bec la peau des phalanges des pieds. Le froid aidant, ces plaies sont devenues de mauvaise nature, et la Grue est morte. Deux jours après ce décès, un autre oiseau de même espèce s’est mis, lui aussi, à attaquer la peau de ses phalanges. Immédiatement saisi et mis à l'abri, dûment soigné, il a été guéri; nous n'avions jamais observé le fait que nous rapportons ici, et nous ne savons à quoi l’attribuer. Quoique nos Grues aient traversé l'hiver sans donner de mortalité sérieuse, il faut constater que plusieurs d’'entr’elles ont souffert ; les Grues de Paradis et les Grues de l'Inde qui passaient la nuit dehors sans abri, juchées sur une patte, la tête sous l'aile, avaient au matin un piteux aspect. Bien qu'ils fussent généreusement nourris, ces oiseaux ont notablement maigri pendant ces longs jours de souffrance. Quelques-uns de nos Zbis exposés au froid ont bien supporté l'épreuve. Sans parler de l’Zbis melanopis qui vit à la Terre de Feu et par consé- quent ne craint rien, nous avons constaté la rusticité de l’Zbrs religiosa de Nubie et de V’Z. sérictipennis d'Australie ; ils passèrent l'hiver dans un abri où la température était sensiblement la même qu’à l'extérieur. Les Hérons Goliath, originaires de Nubie, nous ont vivement étonnés par leur attitude. La nuit ils étaient abrités dans une cabane non chauffée, et tout le jour restaient exposés au froid perchés sur la branche d'arbre qui domine leur bassin. Pendant cette rude saison, la chasse au fleuron, c’est-à-dire la cap- lure des oiseaux de mer au moyen de grands filets tendus perpendi- culairement au rivage, nous a procuré beaucoup de sujets. En aucun temps nous n'avions recu autant d'Huîtriers (Hæmatopus ostralequs) ; il nous en est arrivé de la baie de Somme environ deux cents. La mortalité sur ces nouveaux venus a été considérable et cela se com- prend aisément quand on se rend compte des fatigues qu’ils avaient à supporter. C’est la nuit, à marce haute, que se prennent les oiseaux CHRONIQUE DU JARDIN ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. S'IL dans les fleurons ; ils ont donc à attendre en se débattant dans les filets environ six heures pendant lesquelles ils restent exposés au froid et au vent. Tout compte fait, il s'écoule environ quarante à cinquante heures entre le moment où ils se prennent et celui où nous les rece- vons au Jardin. D'ordinaire cette longue station dans les filets, cette abstinence prolongée, ce voyage, ces délais n'ont aucune mauvaise conséquence, mais avec des abaissements de température comme ceux de cette saison, il n’en a pas été de même. Ajoutons que plusieurs de ces Huîtriers nous sont arrivés avec les pieds gelés. Sans entrer dans la nomenclature de tous les Échassiers qui vivent ici, Citons encore les Weka Rails (Ocydromus) d'Avstralie, les Rales à plasiron (Rallus pectoralis) du même pays qui ont bien passé l'hiver seulement abrités contre le vent. Quant aux grands Rales du Brésil (Aramides Cayennensis), logés dans une volière non chauffée, ils ont résisté jusqu’au 15 décembre, mais l'épreuve devenait trop longue; l’un d'eux eut un pied gelé; il fallut placer ces oiseaux dans un lieu plus chaud. G Les Poules Sultanes que nous avons et qui sont originaires de toutes les régions du globe (Madagascar, Cochinchine, Sénégal, etc.), ont bien passé l'hiver dans une volière froide dans laquelle la tem- pérature est descendue jusqu'à — 5°. Enfin, pour en finir avec les Echassiers, nommons les Cagous (Azi- nochetes jubatusj de la Nouvelle-Calédonie qui ont très bien supporté la rigueur de la saison dans une volière non chauffée, ce qui équivaut à dire dans un lieu où la température élait à Lrès peu de chose près aussi basse qu’à l'extérieur. Parmi les Palmipèdes, le froid a fait peu de victimes grâce aux pré- cautions prises. Les Pélicans ont vaillamment supporté l'épreuve pen- dant vingt-cinq jours, mais, dans le courant de décembre, il a fallu les abriter, leur souffrance était manifeste. Par contre, les Pingouins du cap de Bonne-Espérance (Spkeniscus demersus) ont résisté le mieux du monde. Une des femelles a même donné un œuf le 20 janvier. Ces oiseaux étaient gais et ne paraissaient nullement incommodés par la température. Ils passaient la nuit dans les niches ouvertes qui sont en tout temps à leur disposition. Pour les Mouettes et les Goëélands (Zarus), la souffrance a été évi- dente. À plusieurs reprises nous avons dû faire rentrer des Mouettes ayant le plumage couvert de glacons et dont les ailes s’attachaient, se figeaient sur le sol glacé. Quand nos pièces d’eau sont gelées, chaque jour, et ce n’est pas une petite besogne, la glace est cassée pour permettre aux oiseaux de boire et de se baigner. Ces baignades par le temps froid ne sont pas sans danger, car si les oiseaux ne sont pas en parfaite santé ou s'ils ont fait un long voyage, leurs plumes mal lissées, dégraissées si l'on peut ainsi dire, se mouillent. Revenus à terre, les oiseaux se couchent 378 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. et, souvent alors les plumes chargées d’eau se couvrent de petits gla- cons, s’attachent au sol gelé, il arrive même que les paltes humides s'y trouvent fixées. S'il n’est pas secouru à temps, le sujet est certaine- ment perdu, on Je retrouve mort, fortement lié à la glace qui couvre la terre. Nous avons vu périr de la sorte non seulement des oiseaux délicats et de petite taille, mais aussi des Cygnes, des Oies, des Ca- nards domestiques qui, ayant été affaiblis par la maladie ou par un voyage prolongé, ne pouvaient réagir. Les Cygnes n’ont donné lieu à aucune observation intéressante, ce genre est d’ailleurs très rustique. Une seule espèce, le Cygne blanc du Brésil et de la Plata (Cygnus coscoroba), a besoin de ménagements. Le Cygne à cou noir (Cygnus nigricollis) de l'Amérique du Sud, s’est très bien comporté ; il a souffert, mais nous n’avons enregistré aucun décès. Quant aux Cygnes noirs d'Australie, ils se montrent aussi rustiques que nos Cygnes blancs. Par prudence nous avons rentré quelques Oies: Les Surcidiornis melanota de l'Inde, les PBernicla Sandrvicensis, les Chloëphaga rubidiceps, de l'Amérique australe; ces espèces sont rares, difficiles à remplacer ; il ne convenait pas de les exposer et cependant nous savons qu’elles ont bien supporté ailleurs ce rude hiver. Toutes les autres Oies de notre collection : Bernaches du Magellan, Bernaches mariées d’Aus- tralie, Bernaches cravant et ordinaires, Oies barrées de l'Inde, Oies d'Egypte, etc., sont restées exposées sans aucun abri. Les Canards délicats ont été l’objet de soins particuliers, nous avons mis en volière, c'est-à-dire à l’abri du vent, les Dendrocygnes (D. viduata, D. autumnalis), les jolies Sarcelles à ailes bleues du Chili (Querquedula cyanopterai, les Sarcelles à bec rouge du Brésil (Q. Brasi- liensis). Tous les autres Canards sont restés dehors et pour quelques- uns l'épreuve a été trop forte. Les Casarka rutila, du bassin méditerra- néen, et les Bahama (Dufila Bahamensis) des Antilles ont beaucoup souffert. Pendant les premières semaines aucune mortalité ne s’est produite, mais à la longue la fatigue est venue et nous avons fait des pertes sensibles, surtout quand le sol des parquets habités par ces oiseaux a été complètement envahi par une couche de glace. Les Colombes pour la plupart logées dans la grande volière et dans la pelite volière des Perdrix ont été mises à une dure épreuve. Les espèces pour lesquelles la mortalité a été nulle, ou à peu près, sont les suivantes : Columba maculosa, Chili ; Pigeon roussard (Columba qui- nea), Sénégal; Colombe maillée (C. Cambayensis), Senégal ; Colombe jounud {C. gymophthalmos), Brésil; Pigeon Ramiret (Columba picazuro), Brésil ; Columba fasciata, Mexique ; Columba leuconota, Himalaya ; Co- lombes turverts (Chalcophaps Indica et chrysochlora), Indo-Chine et Australie ; Pigeon Nicobar (Calænas Nicobarica), Indo-Chine ; Pigeon Wongawonga (Leucosaroca picata), Australie ; Colombe Longhup (Ocyphaps lophotes), Australie. Est-ce à dire que toutes ces espèces CHRONIQUE DU JARDIN ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. 379 soient rustiques au même degré? Les Lophotes, les Pigeons de l’'Hi- malaya, les Pigeons du Chili, ne craignent rien et peuvent être laissés jour et nuit dehors. Les autres espèces étaient exposées aux abais- sements de température, mais non aux vents. Par contre, les Colombes poignardées (Phlogænas cruentata), que nous faisions vivre depuis cinq ans déjà en volière ouverte, n’ont pu sup- porter l'épreuve, elle a été trop longue. Les Colombi-gallines à mous- taches (Geotrygon mystacea) de la Martinique ont également succombé. Les Pigeons Gouras (Gowra coronata et Victoriæ) ont bien résisté dans une volière non chauffée, mais fermée. Leur endurance de cette année confirme l’observation faite pendant le grand hiver de 1879-1880. Ces oiseaux avaient supporté, dans le compartiment, encore aujour- d hui affecté à cette espèce, un abaissement de température de — 17° alors qu’il faisait à l'extérieur — 21°. Cette année, le thermomètre est descendu moins bas sans doute, mais l'épreuve a élé plus longue. Les Passereaux exotiques ont permis quelques observations qui méritent d’êlre notées, car les oiseaux mis en expérience étaient logés dans une volière couverte, adossée à un pavillon et garnie de paillas- sons sur deux faces, le devant seul ouvert. Dans ces conditions, la température était identiquement la même dans la volière qu’à l’exté-— rieur, mais les habitants de ce compartiment étaient bien abrilés contre tous les vents. Nous y avions risqué un Merle bronzé (Zompro- colius chalybæus), Sénégal ; un Martin rosé (Pastor roseus), de l'Inde, et deux Garrulax Sinensis. Ces quatre oiseaux avaient pour compa- gnons des Tisserins travailleurs (Quelea sanguinirostris), du Sénégal : des Paddas (Padda orizivora), de Java ; des Paroares huppés (Paroaria cucullata), de l'Amérique du sud; des Cardinaux rouges (Cardinalis Virginianus), des Etats-Unis. Les quatre oiseaux délicats inscrits en tête de cette liste sont encore en bonne santé à l'heure actuelle ct parmi leurs compagnons la mortalité a été insignifianle. Dans le second compartiment de la volière habitée par les Passe- reaux que nous venons d’énumérer, c’est-à-dire exposés au froid, mais abrilés du vent, nous avions logé les Perruches : de Pennant, Omni- colores, Palliceps (Platycercus Pennanti, eximius, pallidiceps), d'Aus- tralie ; à front pourpre (Cyanoramphus Nove Zelandiæ);, Calopsittes (Ca- lopsitta Nove-Hollandie) ; Polytelis Barrabandi, d'Australie ; Bouton d’or (Conurus aureus), du Brésil; Bolborhyncus lineolatus, du Mexique. Cette volière contenait aussi environ deux cents Perruches ondulées (e- lopsiltacus undulatus), d'Australie. Dans cette agglomération d'oiseaux la mortalité a été à peu près nulle, Nous nous abstiendrions de parler des Aras et Cacatois qui vivent au Jardin d’Acclimatation dans des locaux maintenus à une tempéra- ture de + 12° au moins, si nous n’avions au cours de cet hiver rigou- reux observé chez des Ara Canga du Brésil et chez des Cacatua Sul- plurea des Moluques, une endurance remarquable. Un marchand du 380 . REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Havre se mit en route le 6 janvier avec une pacotille d'oiseaux ; arrivé à Paris vers 7 heures du matin, il chargea sa marchandise sur une voiture à bras, jeta par dessus une légère couverture et arriva au Bois de Boulogne vers 9 heures. Acheter des oiseaux réputés frileux qui avaient été exposés à un froid aussi violent pendant environ quinze heures, c’est-à-dire pendant la nuit et toute la matinée, n’était _ pas possible. Nous les considérions comme condamnés à une mort certaine ; ils avaient d’ailleurs à l’arrivée le plus mauvais aspect. Conservés en dépôt aux risques du vendeur, ces robustes perroquets n’ont pas succombé. Deux jours après leur arrivée, ils étaient aussi gais et en aussi bon état que les nôtres. Nous arrivons au terme de la tâche que nous nous étions imposee, car nous avons successivement passé en revue tous les groupes d'ani- maux qui vivent au Jardin d'Acclimatation. L'énumération de ces faits aura-t-elle intéressé les lecteurs de la Æevue ? nous voulons le croire. L'observation nous apprend que certains groupes zoologiques, quelle æue soit la patrie des espèces qui le composent, ont une grande rus- ticité que dans d’autres cette rusticité est inégale. Nous avons cons- taté que certaines espèces même délicates, criginaires de régions très chaudes, peuvent être conservées pourvu qu’on sache prendre quelques précautions élémentaires. Par plusieurs faits probants nous avons montré que si le froid fait souffrir et peut amener la mort, le vent est encore plus à redouter ; qu’il fatigue les animaux, cause leur amaigris- sement et que pour combattre les effets du froid et du vent, il faut nourrir abondamment. Nous avons cité plusieurs cas dans lesquels il a été reconnu avantageux d’animaliser la nourriture de certains oi- seaux granivores. ; Nous avons indiqué à plusieurs reprises que les voyages causent aux animaux une grande fatigue. Enfin, nous avons fait voir que l’ac- tion du froid se prolongeant, les animaux s’épuisant cessent de résis- ter. Ce qui explique comment certains sujets ayant supporté sans inconvénient apparent des froids très vifs, succombent au bout d’un certain temps, lorsqu'ils subissent l’action d’abaissements de tempé- rature, même moins considérables que ceux précédemment endurés. Les animaux souffrent d'autant plus que le froid dure plus longtemps. V. CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. Académie des Sciences. — Séance du 16 février 1891. — De l’action des froids excessifs sur les animaux. — Les expériences que j'ai faites depuis vingt-cinq ans, pendant les froids violents de nos hivers les plus rigoureux, notamment en 1879-80, m'ont permis de déterminer le degré d'aptitude de chacune de nos espèces domestiques à sup- porter, sans inconvénients sérieux, les basses températures. Le degré de résistance au froid que possède chacune de ces espèces m'a paru dépendre : 1° de la puissance de calorification très inéga- lement développée ; 2° de la force de la réaction qui active la circula- tion dans les parties superficielles du corps et prévient les slases sur les parties profondes de l'organisme ; 3° de la faible conductibilité du pelage, des toisons ou fourrures qui peuvent restreindre dans d’é- normes proportions les pertes de calorique ; 4° de la faible impres- sionnabilité des appareils organiques, notamment de celui de la respi- ration, des sereuses, des reins et auires viscères. La dernière condition a une importance capitale. Si l’impressionna- bilité est exagérée, comme sur presque tous les animaux des contrées chaudes, les autres, si bien réalisées qu’elles puissent être, ne réussissent pas, même ensemble, à conjurer les effets funestes des basses températures de longue durée survenant sans transition insen- sible. Chacune des conditions de résistance au froid a une valeur qui peut être, dans la pratique, déterminée d’une manière suffisamment exacte : la puissance de calorification, par degré auquel se maintient la température animale de l’ensemble du corps et par la somme des pertes éprouvées en un temps donné, pertes qui peuvent s'élever du dixième au quinzième du poids du corps par période de vingt-quatre heures ; la force de réaction, par la température de la surface de la peau et du tissu cellulaire sous-cutané, l’action protectrice des plumes, fourrure ou toison, par le degré de chaleur conservée dans leurs couches profondes; enfin, la susceptibilité organique par la rareté ou la fréquence, comme par la gravilé des effets pathologiques attri- buables au refroidissement. Quant à la valeur de la résultante des conditions susdites diver- sement combinées, elle ne saurait être déterminée théoriquement avec exactitude ; mais elle peut être mesurée avec assez de précision à l'aide de l'observation et des expériences. Les données obtenues à cet égard deviennent des éléments précieux pour dresser l'échelle de ce qu’on appelle la rusticité des animaux. En voici quelques-unes. Contrairement aux prévisions de la théorie, le plus pelit de nos ani- maux domestiques, le Lapin est doué au maximum de la résistance au froid. Les adultes de cette espèce ont pu supporter pendant cinq et six jours des froids de — 10° à — 15°, sans perdre plus de 1° et quelques dixièmes de leur température intérieure, ni éprouver consécutivement 382 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. d'indisoosition appréciable. Ceux que j'ai laissés pendant deux mois de cet hiver, de la fin de novembre à la fin de janvier, dans neuf cabanes cubiques complètement ouvertes sur l’une de leurs faces, donnant accès au vent et à la neige, par des froids de — 10° à — 20° et même de — 25° dans notre région de l'Est, sont tous demeurés en parfaite santé. Ceux de ces animaux qui furent privés d'aliments pendant un ou deux jours éprouvèrent ure perte diurne oscillant entre le quinzième et le huitième du poids du corps. Ceux qui passèrent un jour et une nuit dans des maisonnettes construites avec d’énormes blocs de glace, touchant le dessous et les côtés du corps, y conser- vérent aussi leur température intérieure à 1° et quelques dixièmes au-dessous de la normale, quoique les oreilles et les pieds éprou- vassent un abaissement de 12°, 15°, même de 20°. Dans des galeries sous la neige, les choses se passèrent comme dans les groties de glace. Aucune modification appréciable n’est résuliée du refroidis- sement des extrémités. Mais là les jeunes sujets périssaient suivant l'ordre de leur jeunesse. Le Mouton m'a montré ensuite une résistance au froid égale à celle du Lapin, pourvu qu'il conservât son épaisse toison exempte d'humi- dité. Après les nuits les plus froides passées en plein air, il avait encore à peu près à l’intérieur le degré normal et à la surface de Ia peau sous la toison 36° à 370. Le Bouc et le Porc, à peu près nus, tant leurs soies sont clairse- mées, ont offert presque la même résistance que la bête ovine. Leur peau, une fois la réaction bien élablie, se maintenait à 34° ou 35° C. dans la plupart des régions. Dans l’ordre décroissant de l’aptitude à supporter le froid, le Chien s'est placé à la suite des animaux précédents. Tenu en plein air sur le sol glacé, ou simplement abrité sous une niche ouverte, il a conservé, malgré des frissons et des tremblements, sa temperature intérieure à 1° ou 2° près, sans devenir malade. L’un d’eux, pourtant, a péri après avoir éprouvé une réfrigération excessive. La résistance des solipèdes domestiques au refroidissement m'a paru, sauf pendan/ le travail, inférieure à celle des autres animaux. Aux basses températures susmentionnées, la chaleur de la peau a baissé de 6°, 8°, 10°, s'ils avaient de longs poils, et de 10° à 12° avec ur pelage ras ou très court. À ces basses températures, la chaleur de la peau et du tissu cellulaire sous-cutané perdait, dans les régions inférieures des membres et au pied, 25° à 30°. Quant aux oiseaux de basse-cour, leur plumage, s’il est bien fourni et sec, leur donne au plus haut degré l’aptilude à braver, comme on le sait, les froids les plus vifs. Cet hiver, mes Poules, Cogs, Dindes, tenus à dessein dans un local dont la température suivait presque celle du dehors, se sont maintenus, sans exception, en très bon état. | G. COLIN. VI. CHRONIQUE DES COLONIES ET DES PAYS D’OUTRE-MER. Culture du Poivrier au Malabar. Les renseignements contenus dans cet article ont été fournis par une personne qui, pendant plusieurs années, a été chargée de la sur- veillance d'une plantation de Poivriers au Malabar. Il s’agit ici, naturellement, du Piper nigrum que l’on cultive sur une très grande échelle, dans le nord du Malabar surtout. Le fruit de cette plante grimpante est le grain de poivre qui vient en grappes et non en cosses comme on le pense quelquefois. Disons aussi que le poivre blanc est absolument la même baie dont l’épiderme a été lavée. Avant d'être mûres ces baies ressemblent beaucoup à une grappe de groseilles vertes. À l’état sauvage la plante grimpe après tous les arbres, mais plus rarement après les Palmiers. A en juger d’après l'extension de la consommation de plus en plus grande que prend cet article, la culture du poivre, déjà très lucrative, peut s'attendre à un avenir encore plus brillant que par le passé. Il n’y a, en effet, pas un pays au monde qui n'en consomme de fortes quan- tités; à Pékin comme à Chicago, chez les sauvages de l'Afrique comme chez les millionnaires de l'Australie, le poivre est devenu, comme le sel, un article de première nécessité. Le Poivrier pousse à des altitudes diverses variant entre le niveau de la mer et 5,000 pieds au-dessus de ce niveau, mais il aime surtout les vallées chaudes, humides, aux pieds des Ghaïites occidentales, par exemple, où il donne un produit abondant et d’un goût exquis. Au Malabar, le climat n’est pas favorable à l'Européen. En vivant sur les sommets des collines où l’on sent la moindre petite brise, on se sent assez bien ; mais dans les vallées on étouffe et on se sent mal à l'aise. Même les indigènes s’en plaignent. On n’a de la fraîcheur au Malabar que lorsqu'il y a du vent, aussitôt que le vent se calme la chaleur revient plus forte que jamais. Si pendant deux ans le vent ne soufflait _pas au Malabar, il ne resterait rien, ni de sa population, ni de ses cultures, ni de ses rizières, à l'exception, peut-être, de quelques indi- gènes aux ventres proéminents et aux jambes grêles, errant comme des désespérés au milieu des déserts et des jungles envahis par la végéta- tion tropicale. La culture du Poivrier, si l’on peut l'appeler ainsi, en est encore à son début; quoique la plante ait été cultivée depuis des siècles, elle n’a encore rien perdu de son aspect et de son goût sauvages, elle n’a pas recu les soins nécessaires à son amélioration. On peut donc plutôt apprendre 4, qu'apprendre de ces colons quelque chose relative à cette 384 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. culture. D'ailleurs ils n ont pas la prétention de vouloir nous instruire, quoiqu'ils répondent avec empressement aux questions qu'on leur fait. Ils font tout par habitude et sans savoir pourquoi. Les indigènes du Malabar disent qu’il y a cinq variétés de Poivriers : Kulloo Vully, Balan (ou Valan) cotta, Oudaram cotta, Kruvandery et Chennen cotta. Ces noms sont plutôt ceux de la baie que de la plante, car Cotta signifie baie en malais. Ainsi: Chennen cotta, veut dire à petites ou rares baies ; Kruvandery, à courtes baies ; Ë Oudaram cotta, à baies qui tombent. Chacune de ces variétés possède les propriétés qu'indique son nom. Mais ces variétés, si elles méritent ce nom, n’ont aucune valeur, et si par hasard il s’en présente, il faut les arracher. Xwlloo Vully (plante de roche ou de pierre) porte ce nom parce que les baies sont lourdes comme des pierres, tandis que Palan cotlta (jeune baie), est appelée : ainsi à cause du temps qu'il lui faut pour mûrir. Il n’y aurait done au Malabar, en réalité, que deux variétés de Piper nigrum : l'une à petites feuilles, tiges et branches, grappes courtes, poussant rapidement sans trop s'étendre et à l'aspect assez grossier ; l’autre à grosses feuilles, tiges et branches, grappes longues, poussant luxurieusement. On pourrait appeler la première Xwlloo Vully, quoi- qu'elle comprenne les trois variétés citées plus haut, et la seconde Valan cotta. ‘ Le Kullco Vully est le Poivrier originaire du Malabar. On le rencontre partout dans les jungles au-dessus des Ghatles et même dans la vallée d’'Ochterlony, à 5,500 pieds au-dessus du niveau de la mer. Mais à cette dernière altitude, tout en poussant bien, elle produit peu de fruits, excepté dans quelques endroits privilégiés, c’est-à-dire chauds et humides. Dans les vallées de 2,090 à 2,590 pieds d'altitude, sur un sol riche en feuilles pourries, la plante pousse avec une vigueur extraordinaire, couvrant même les rochers, enfonçant ses racines dans les fentes et les fissures, enveloppant tout dans un habit de verdure. C'est là qu’élait son berceau, d'où lui vient le nom de plante, de roche grim- pante ; c’est là que furent pris les premiers plants qui ont servi à créer les immenses cultures du Malabar et qu'on appelle Kwloo Vully. Les trois autres variétés viennent de la même plante, mais ont été cultivées à des altitudes diverses ou dans des localités moins favo- rables. Mais d’où vient l’autre variété à longue queue la Valan Cotta 2? Elle n’est probablement pas originaire du Malabar. Peut-être bien vient-elle des pays au-dessus des Ghailes. On y a: trouvé des Poivriers sauvages qui lui ressemblaient parfaitement, mais qui rampaient par terre. Nous croyons que le Kwlloo Vully et le Valan Cotta sont des plantes: CHRONIQUE DES COLONIES ET DES PAYS D’OUTRE-MER. 389 hermaphrodites, et que le Chennen Cofta, le Kruvandery et l'Oudaram Cotta sont des plantes mâles ou femelles. Mais il existe encore une autre variété qu’il est bon de rappeler ici. On la trouve rarement dans le nord du Malabar quoique assez souvent dans le Sud, on l'appelle Coftayam Vully. Cottayam est à Taluk, où se trouve Tellichery ; c’est le centre du district poivrier le plus connu de l'Inde. Le Coftayam Vully s'obtient au moyen de semis provenant de ce district. On peut se procurer les semis pendant les mois de janvier ou de fevrier. Il est assez difficile de les obtenir bien mûrs parce que les baies ne mürissent pas toutes en même temps et que les oiseaux dévorent celles qui sont mûres. Il est préférable de semer avec de la graine fraiche quoique la graine sèche peut être également employée. La levée se fait au bout de cinq à six semaines. Il faut que la terre soit constamment humide, sans être trempée. L'ombre est inutile. Si l'on peut en donner un peu, cela ne peut pas faire du mal. Au Malabar, la culture se fait presque exclusivement au moyen de boutures. Les indigènes prétendent gagner une année avec ce système. Ceci est vrai. Mais il est probable qu’ils ne veulent pas non plus se donner la peine d'établir des pépinières. Après avoir élé coupées, les boutures peuvent se garder pendant une semaine dans un endroit frais avant d’être plantées. On en met 5 à 8 dans le même trou sans se préoccuper du haut ou du bas des boutures. Elles poussent bien n’im- porte dans quel sens. D' MEYNERS D'ESTREY. notes eme a 5 Mars 1891, ; 25 VII. HYGIÈNE ET MÉDECINE DES ANIMAUX. Chronique. Poux ET RICINS. Pendant la saison de l’hiver, lorsque nos animaux domestiques sont revêtus de la toison épaisse dont la bonne nature les couvre pour résister à l'abaissement de la température, ils sont particulièrement victimes de légions de parasites qui pullulent au fond de leurs poils et vivent à leurs dépens soit en sucant leur sang, après avoir pique la y : / À L4 sun D — SS * FAN MAN HEIN K #1 # fr ul EH ? PART FPE pr Lg nn Le ÉRAREEETEER a x" PHFETHE Tr : Fig. 1. — Ricin du Chien. À Zrichodectes latus ©; 8 et € Organes du mâle. peau au moyen dé fines lancettes dont le bec des uns est armé, soit en grattant la surface cutanée et en absorbant les produits d'excrétion et les pellicules épidermiques qu’ils détachent au moyen des mâchoires dont la bouche des autres est munie. C’est que ces parasites, que le vulgaire confond sous le nom général de Poux, forment deux groupes bien distincts : les Poux suceurs, ou Vrais Poux, et les Ricins, ou Poux à mächoires, Poux gratteurs. Le corps des uns et des autres est assez HYGIÈNE ET MÉDECINE DES ANIMAUX. 387 semblable, mais leur tête est très différente : celle des vrais Poux est plus petite, plus allongée et c’est de sa pointe qu'émerge la trompe, munie à son interieur de fines lancettes, qui constitue l'organe de ponction et de succion (fig. 2). La tête des Æïicins est au contraire large, aplatie et coriace, et c’est en dessous qu'est située la bouche, armée d’une paire de mâchoires dentées qui servent à gratter la peau et surtout à aider le petit animal à grimper le long des poils et à y adhérer (fig. l). Les Poux suceurs sont bien plus malfaisants que les Ricins; la piqûre des premiers s'accompagne d'une vive démangeaison comparable à celle de la gale. Les Æicins sont seulement agaçants par le léger prurit que cause leur reptation sur la peau ; ils pullulent surtout sur les : Pig. 2. — Pou suceur du Chien (ematopinus piliferus). individus jeunes ou à constitution affaiblie et sont plutôt un symptôme qu'une cause de maladie. — La maladie cutanée causée par les Poux s'appelle Phthiriase. Les espèces quadrupèdes domestiques nourrissent presque toutes deux espèces de Poux, l'une (ordinairement la plus grande) qui appar- tient au groupe des vrais Poux, ou PÉDICULIDES, et au genre Hemato- pinus, et l’autre qui appartient au groupe des RIGINS et au genre Trichodectes. D' PIERRE. (A suivre.) VIII. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. Les Pigeons et l’agriculture, — La question de l'utilité ou de la nuisibilité des Pigeons a été discutée plus d’une fois par les ornitho- logistes et les agriculteurs. Un article très détaillé a été écrit sur ce sujet, il y a déjà longtemps, par le pasteur Snell, de Hohenstein, duché de Nassau, article que le Journal d’Avicullure de Dresde reproduit pour satisfaire au désir de l’Union des Sociétés allemandes des amateurs de Pigeons-voyageurs. Durant une période de temps considérable, le pasteur Snell se livra aux plus scrupuleuses observations sur la nourriture que ses Pigeons rapportaient des champs. Nous n’exirayons de ce consciencieux travail que quelques données essentielles. La nourriture favorite des Pigeons, qui, entre parenthèses, ne de- mandent à être alimentés que l'hiver, pendant que la terre est cou- verte de neige, sont les graines des mauvaises herbes en général et surtout celles des légumineuses croissant à l’état sauvage et désignées par les agriculteurs sous le nom général de Vesces. En outre, les Pi- geons sé nourrissent des pois et des lentilles ainsi que de diverses graines oléagineuses et de graminées, mauvaises herbes qui, en nuisant à la moisson de l’année, compromettent encore, par la dis- persion de leurs graines, celle des années suivantes. Païmi elles, nous mentionnerons l'Ervum hirsutum dont les siiques aussitôt mûres laissent tomber les graines que le vent disperse par les chämps. Ces graines sont douées d’une résistance telle qu’elles peu- vent germer même au bout de quelques années. C’est ainsi que quelquefois un champ de blé ou de froment promettant une abondante récolte, se trouve tout à coup envahi par cette herbe. Ce sont ces graines qui restent par terre sans germer qui servent de nourriture aux Pigeons tandis que les grains de blé tombés à terre germent et pouürrissent après la première pluie. Les graines d’Ærvum hirsutum restent au contraire intactes tant qu’elles sont exposées à la lumière et ce sont elles encore qui sont la ressource des Pigeons pen- dant la disette entre l’époque des pousses du printemps et jusqu'à la moisson. Dans chaque petit trou du sol, on en trouve de 6 à 10. Snell a remarqué que ses Pigeons dédaignaient les champs de fro- ment au mois d'août, après la moisson, mais semblaient avoir de la préférence pour les champs couverts de chaumes de blés, et lors- qu’une année après, le même champ fut semé en Trèfle, les Pigeons h’allaienut presque pas ailleurs. Ne s’arrêtant pas à ces observations générales, M. Snell chercha à les préciser en les exprimant er chiffres. Dans ce but, il analysa quotidiennement pendant une année, la nourriture de ses 40 Pigeons en remarquant les endroits où ils allaient butiner ou en en abattant un CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 389 de temps en temps pour pouvoir examiner le contenu de ses viscères. C'est ainsi qu'il constata que du 24 novembre au 17 décembre et du 19 décembre au 14 janvier, c’est-à-dire pendant 48 jours, et du 1°r juillet au 1e" août, durant une période de 32 jours, en tout pen- dant 80 jours, les Pigeons s'étaient nourris d'Ervum hirsutum exciu- sivement. Pendant 108 jours encore, ce même Ærvum leur fournissait la moitié de leur nourriture dont l’autre moitié consistait en grains de blé et de diverses herbes nuisibles. Le reste de l’année — 177 jours, — les Pigeons étaient en partie entretenus à la maison et en partie nourris avec des graines du blé versé mélangé ; des graines de mau- vaises herbes parmi lesquelles les plus nuisibles, comme la Moutarde sauvage, que les Pigeons détruisent en quantité. De plus, ces oiseaux consomment les graines de l’Oseille, des Bluets et du Convolvulus (Liseron), etc. ; ils mangent les bulbes’(oi- gnons) du Gagea arvensis et de l’Aliium oleraceum, de petits escargots de jardin, les Chenilles, le Nociua segetum, ainsi que diverses larves. Quelle quantité énorme de graines des mauvaises herbes se trouve sur les champs et est détruite par les Pigeons, M. Snell l’a démontré en examinant et en comptant les graines qui se trouvaient dans l'es- tomac des Pigeons abattus dans ce but. Ainsi, le gésier d’un jeune oiseau tué le 16 juillet dans la soirée, ne contenait pas moins de 3,982 graines. En admettant que depuis le matin une quantité égale à la moitié de ce nombre ait été digérée, nous aurons le total de 5,373 graines nuisibles qu’un Pigeon détruit en une journée. La moitié en reste dans le gésier de chaque vieil oiseau, de sorte que pendant la couvaison, chaque Pigeon n’absorbe pas moins de 8,000 graines d’Ervumn hirsutum, par conséquent, d'après le calcul exposé plus haut, en 188 jours, l'oiseau aura empêché le développement de 800,000 graines. En admettant le chiffre de 500,000, 20 paires de ces oiseaux auront détruit en une année plus de 20 mil- lions de graines de mauvaises herbes. Si l’on considère, en outre, qu’à l'exception de la Perdrix et de la Caille, les autres oiseaux dé- daignent l’Ervum hirsutum et que le Pigeon est presque seul à para- lyser ou, tout au moins, à atténuer les funestes effets de ce fléau des champs de blé, on sera forcé de reconnaître, avec M. Snell, que c’est là un oiseau des plus utiles, un précieux auxiliaire pour l’agriculieur. Son activité dans ce sens est assez considérable pour lui faire par- donner le tort qu'il fait aux plantes cultivées pendant une certaine période de l’année. M. Snell a fait encore cette observation que, d’une façon générale, l’'Orge, le Froment et le Lin étaient bien venus surtout dans les champs fréquentés par les Pigeons pendant toute l’année et surtout après les semailles. Des cultivateurs expérimentés à qui il fit part de ces conclusions en convinrent d’ailleurs. Ces diverses remarques ont été confirmées depuis par d’autres ob- 390 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. servateurs, comme Zorn (Bavière), Leffroy et Vitry (France) et Bo- nizzi (Italie). On sait en outre qu'en Belgique, les agriculteurs protègent d’une facon toute particulière les Pigeons, les considérant comme des colla- borateurs utiles. On y construit même des pigeonniers spéciaux pour faciliter à leurs habitants la recherche de la nourriture. L'INC: KRANTZE Importation d'oiseaux en Amérique. — Un certain nombre d'Allemands, établis dans l'Orégon (États-Unis), se sont fait récem- ment expédier du Harz, pour une somme de 1,000 dollars, de 5,180 fr., d'oiseaux chanteurs et de passereaux divers : Sansonnets, Merles, Cailles, Rossignols, Pinsons, Chardonnerets, Becs-croisés, etc. Avant d’être rendus à la liberté, les nouveaux arrivés ont été conservés pen- dant quelques jours dans de vastes volières afin qu'ils puissent se remettre des fatigues du voyage, puis on les a lâchés aux environs de Portland. Depuis, on a trouvé, non loin de cette ville, un nid de Pinson, preuve d’un commencement d’acclimatation. On espère ob- tenir de cette tentative des résultats plus satisfaisants que ceux donnés par les expériences analogues tentées sur de nombreux points des États-Unis, qui ont simplement abouti à doter l'Amérique septentrio- nale d'un véritable fléau, représenté par des hordes de Moineaux voraces. L'Orégon se rapproche un peu de l'Allemagne par son climat et sa nature boisée, mais l'hiver y est assez doux pour que les oiseaux insectivores y trouvent constamment de quoi se nourrir. Comme la mauvaise saison serait trop froide pour les oiseaux européens, dans la région montagneuse qui couvre la partie orientale de l’Orégon, et lété trop chaud, dans la Californie, située au sud de ce territoire, on espère qu'ils resteront dans la région voisine du littoral. H.B. Les Saumons de l'Alaska. — Après les phoques à fourrure des îles Aléoutiennes, pour le massacre desquels le gouvernement améri- cain perçoit annuellement 1 million de dollars, soit environ 5,180,000 francs de droits, le produit le plus important du territoire d’Alaska, est le Saumon pourpré, Salmo purpuratus, uommé jadis Kramya Ryba par les Russes, et désigné actuellement par les Américains, sous les déno- minations de Red fish, poisson rouge, ou de Blue back sawqui, sawqui à dos bleu. Ce salmonide n’atteint pas de très grandes dimensions, car il dépasse rarement un poids de 3 kilogs 5, bien qu’on ait cependant parfois capturé des individus de 7 kilogs. Comme le Samo Salar ou Saumon commun, il remonte le cours des fleuves et des rivières, mais à l'encontre de celui-ci, il fraie toujours dans les lacs, et ne pénètre- rait jamais dans les fleuves qui ne servent pas d’exutoires à une de ces nappes d’eau et ne sont pas alimentés par la fonte des neiges. On pêche chaque année dans les eaux de l'Alaska pour 3 millions CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 391 de dollars, pour 15,540,000 francs de Saumons, représentés en majeure partie par le Salmo purpuratus. Re. Le Taro ou Golocase comestible (Colocasia antiquorum SCHOTT.; Colocasia esculenta SGHOTT. ; drum esculentum 1.) est une plante herbacée, vivace, à feuilles radicales longues de 60-70 centi- mètres sur 50 de largeur, cordiformes, longuement pétiolées. Le rhizome est tubéreux, napiforme ou irrégulièrement bi ou trifurqué; sa grosseur est variable. Originaire de l'Inde où elle croît dans les lieux bas et humides, cette plante s’est ensuite répandue en Egypte et dans l’Amérique méridionale; elle est surtout cultivée en Océanie, depuis les temps les plus anciens, avec un soin et une habileté remarquables que l’on ne rencontre pas toujours dans nos cultures européennes. Les jeunes feuilles, après avoir été bouillies et blanchies, servent à préparer un potage maigre assez agréable; lorsqu'elles ont atteint leur complet développement, on les mange apprêtées de diverses manières, mais elles sont loin de justifier entièrement le nom de Chou caraïbe que l’on donne à la plante dans les colonies des Antilles. Quand on les fait cuire dans le jus exprimé de la noix de Coco, ou bien avec de la noix de Coco rapée, on obtient un mets désigné par les indigènes de l'Océanie sous le nom de Zu-loloï et sous celui de Lu effanu dans l'archipel Tonga. Le Zu-faï est la préparation des feuilles avec l’eau de mer et le Zu-alo-te-buaka celle qui consiste à faire cuire les feuilles de Taro avec de la viande, principalement du Porc. Le Colocasia antiquorum est sans contredit le succédané le plus sé- rieux de la Pomme de terre et ses rhizomes se prêtent admirablement à toutes les préparations culinaires de ce précieux tubercule. C’est un aliment de première nécessité pour la plupart des indigènes poly- nésiens. En Océanie, dit M. H. Jouan, on cuit les racines dans des trous pratiqués en terre, au fond desquels on met des cailloux que l’on fait rougir avec des feux de branches sèches. Les objets qu'on vent faire cuire sont placés sur les pierres rougies, bien enveloppés dans des feuilles de Cordyline australis ou de Bananier,; on remet ensuite par dessus des pierres rougies également, sur lesquelles on verse de l’eau pour développer la vapeur. Le tout est promptement recouvert de terre pour empêcher la vapeur et la chaleur de s'échapper. Le four est ouvert au bout de deux heures environ. Les racines cuites sont écra- sées avec un pilon en pierre dure, en ayant soin de les mouiller avec de l’eau; on les bat jusqu’à ce qu'on obtienne une masse de pâte adhé- rente, nommée Po, forme sous laquelle les indigènes consomment ordinairement le Taro. Cette bouillie se conserve pendant plusieurs jours. On fait aussi de la Poï sèche de la même manière, mais en la délayant moins; comme 392 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES, elle ne se mange pas sèche, on la garde par petits paquets enveloppes dans des feuilles et on la délaye au fur et à mesure des besoins. Cette préparation peut se conserver ainsi pendant plusieurs mois. Aux îles Sandwich, c'est une des principales provisions que font les naturels lorsqu'ils voyagent sur mer. Les indigènes de l’archipel de Cook préparent avec la racine du Colocasia antiquorum une pâte fermentée qu’ils appellent 7%00 et qui s’exporte dans les îles voisines. Suivant M. G. Cuzent, pour préparer cet aliment, on enlève l’épiderme du tubercule, on coupe la racine par morceaux que l’on jette dans un grand trou pratiqué dans le sol à cet effet. Quand ce trou est rempli, on le recouvre de feuilles sèches et on laisse ces amas pourrir et fermenter pendant plusieurs mois; plus les racines sont pourries et possèdent une odeur forte, plus le Tioo est estime. C'est aux îles Pomotou qu’on en fait la plus grande consommation ; les indigènes en sont très friands et les pêcheurs de nacre mettent comme conditions particulières, qu’en outre de leur salaire ordinaire, ils recevront une certaine quantité de cet aliment. Pour les Européens, la manière la plus usitée de préparer le Taro consiste à faire cuire cette racine avec de l’eau dans des marmites de fer. Supérieur à l’Igname par ses qualités nutritives, le Taro lui est inférieur comme rendement. Cette racine contient une grande quantité, environ 33 pour cent, de fécule blanche, onctueuse au toucher, inodore et insipide, à grains globuleux très petits, plus ou moins réguliers, devenant translucides lorsqu'on les humecte d’eau froide, mais beaucoup plus vers le centre qu’à la périphérie. | Dans le Colocasia antiquorum, ainsi que dans toutes les Aroïdées, la fecule est associée à un principe âcre qui disparaît par l’action du feu. Quand on prépare cette fécule, il faut avoir la précaution de ne pas délayer avec la main la pulpe qui est sur le tamis, parce que le prin- cipe âcre qu'elle renferme est tellement fort, dit M. Cuzent, qu'il occasionne au bout de quelques minutes une cuisson très vive avec rubéfaction de la peau et picotements très douloureux, ce qui faib qu’en cas pressant, on pourrait employer la râpure du Taro en guise de sinapisme. Débarrassée de son âcreté par des lavages successifs, puis séchée au soleil, la fécule du Taro sert quelquefois à falsifier l'Arrow-root ; à Taïti, les indigènes la délayent avec du lait de Coco et en font des gâteaux fort bons et d’une digestion facile. Le C. antiquorum ou Taro véritable comprend un grand nombre de variétés, qui consistent, d'après Vieillard, dans la couleur plus ou moins verdâtre ou violacée. du tubercule. Les colons distinguent deux variétés principales : la première colorée en brun foncé, dont le produit, après la cuisson, est mou, gélatineux et piquant au goût, CHRONIQUE GÉNÉRALE El FAITS DIVERS. 393 celle-ci est plus estimée des indigènes ; la seconde, blanche avec une légère teinte purpurine à l'intérieur, donne un produit compact, ferme, farineux et d’un goût agréable assez apprécié des Européens. La culture du Taro se fait généralement dans les terrains arrosés par des ruisseaux, mais dont le sol n’est pas trop délayé ; il se plait également dans les terrains humides, les marais inondés et la vase. JC: Comment nous recevons les différents produits phar- maceutiques exotiques. — L'Aloës des Barbades est généra- lement importé en Europe dans des gourdes pesant de 450 grammes à 9 kilogs ; après introduction de la matière à l’état liquide, on obture l'ouverture avec un morceau d’étoffe. L’Aloès de Curacao est em- ballé dans des caisses qui en contiennent 34 kilogs. La variété dite Socotrine arrive surtout par Bombay dans des caisses doublées d’étain, ayant généralement servi à transporter aux Indes des bou- teilles de Cognac Martel. Une autre variélé qu’on suppose produite par le même végétal que l’Aloës des Barbades, est amenée dans des peaux, de Chèvres généralement, mais parfois aussi dans des peaux de Singes. Une dernière variété, enfin, arrive dans des boîtes de fer- blanc. Les Amandes amères les plus estimées viennent de Mogador et arrivent en Europe en serrons, en balles enveloppées d'une peau de vache non tannée, pesant 100 kilogs. On en extrait de l'huile fine d'Amandes, puis les tourteaux sont traités une seconde fois pour donner de l’huile essentielle. La Sicile produit également des Amandes amères. Le Baume du Canada arrivait autrefois du Bas-Canada en gros barils et en caque ; on ne le recoit plus maintenant qu'en boîtes mé- talliques contenant 18 kilogs environ. Le Baume de Tolu, qu’on recevait en Europe au commencement du xix° siècle, était enfermé dans des calebasses. Il arrive actuellement en boîtes métalliques de forme cylindrique, mesurant 15 centimètres de diamètre et pesant environ 4 kilogs 1/2. Les deux variétés de Cachou, le noir et le pâle, viennent de l'Inde, on les reçoit généralement sous forme de masses compactes, sauf une faible partie du Cachou pâle, qui se vend en petits cubes. Les fleurs de Camomille sont l’objet d'une culture assez importante en Belgique, d’où on les expédie en balles de 45 kilogs ; cette culture s’est récemment introduite en France, et les fleurs qu'on y obtient sont préférées aux belges à cause de leurs fortes dimensions et de leur couleur plus franche. 11 vient d'Allemagne beaucoup de Camphre xaffiné, mis en pains de 2 kilogs 250 ; un grand nombre de raffineurs donnent à ces pains un poids de 6 kilogs 1/2. 394 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. L'écorce de Cannelle est toujours retravaillée avant d’être mise dans le commerce, et cette sorte de triage fournit les menus débris que vendent les pharmaciens. Les Cantharides arrivent en barils qui en contiennent souvent 250 kilogs. Trieste est leur principal port d'expédition. Les mouches de Chine, Mylabris, sont expédiées en boîtes de 45 à 46 kilogs. L'écorce de Cassia vient surtout de Canton, d'où on l’expédie en liasses peu serrées. Les Philippines en produisent ézalement et l'ex- pédieut en Europe par Cadix. La Chiretta s’introduit en liasses plates de 60 à 90 centimètres de long, nouées avec une bande de bambou. On a souvent constaté une fraude consistant à bourrer le centre des liasses d’une herbe quel- conque, surtout de Garance, Rubia tinctoria. : La GCivette, renfermée dans des cornes d'animaux, arrive en Europe de la côte d'Abyssinie. Les feuilles de la Coca sauvage de l'Amérique du Sud sont surtout importées dans des balles en jonc tressé, tandis que celles de Java sont soigneusement emballées dans des caisses doublées de plomb. Les planteurs anglais de Ceylan, peu satisfaits des bas prix payés pour l'écorce de Quinquina, ont entrepris la culture de la Coca, et ce sont eux qui envoient actuellement à Londres la variété portant à tort le nom de Coca de Bolivie. Le fruit de la Coloquinte s’importe entier, sans être pelé, de Mo- gador, mais en très petite quantité, car il sert simplement à la déco- ration des pharmacies. Les Coloquintes employées en thérapeutique sont des fruits originaires de Turquie qui se vendent pelés deux fois le prix des Coloquintes de Mogador. Cette majoration des prix s’ex- plique par la différence de coloration des graines, qui ne permet pas d'obtenir des poudres pâles du fruit de Mogador. C'est là du reste une simple question de maturation, mais les acheteurs en font l'unique caractère permettant de reconnaître les graines les plus estimées. L’essence de Roses est surtout expédiée du Kizanlick, centre de la production en Turquie, dans des vases en contenant 1/2, 1 et 2 kilogs. Cette région en exporte chaque année 2,000 kilogs environ, valant 1,500,000 francs. La gomme d'Acacia, très fine et fort blanche, commence à devenir assez rare à l’époque actuelle. Elle arrivait en serrons de 150 à 200 kilogs. Celle qu’on recoit surtout aujourd'hui, est de qualité inférieure comme coloration, et surtout comme propriétés adhésives ; elle vient des ports égyptiens en barils et caisses de dimensions variables. Une autre gomme similaire, celle du Kordofan, arrive en Europe par Mo- gador, mais on ignore l'endroit exact où elle se recueille. La gomme de Benjoin de Siam, principalement employée dans la préparation de l'encens, et caractérisée par son agréable odeur de vanille, s’importe sous forme de larmes agglomérées dans des CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 395 caisses. Le Benjoin de Sumatra nous arrive en caisse de 90 kilogs environ. L'huile d’Anis étoilé arrive en grande quantité de Macao, Chine et du Tonkin, enfermée dans des boîtes de fer blanc assez élégantes, munies de deux poignées et portant la marque du fabricant. Chacune de ces boîtes pèse 7 kilogs 250. Elles sont elles-mêmes logées par quatre dans des caisses. | Les huiles de Limon et de Bergamote arrivent surtout de Sicile, Palerme et Messine, dans des vases en cuivre d'une contenance de 5 kilogs 1/2, 11 kilogs ou même 45 kilogs. Le fond de ces vases est renforcé par une lame de plomb, de sorte que l'huile contient souvent de légères traces de ce métail. Les huiles de Cajeput, de Citronnelle et de Verveine arrivent dans des bouteilles ayant contenu des liqueurs alcooliques d’exportation, consommées dans les localités où ces huiles se préparent. L'huile de Castor arrive en grandes quantités de Calcutta dans des boîtes de fer-blanc d’un poids approximatif de 18 kilogs; on en exporte aussi beaucoup de Livourne. L'huile de foie de Morue norvégienne, la plus éstimée, arrive dans des vases cylindriques de tôle d’une capacité de 112 litres dont l’ou- verture de vidange, est fermée par un tampon vissé. On extrait à Terre-Neuve une huile de qualité inférieure qui arrive en Europe en tonneaux de dimensions irrégulières. L'Ipécacuanha est mis.dans le commerce sous forme de racines mises en balles et comprimées en serrons quand elles sont encore fraiches. Beaucoup de balles arrivent aussi de Rio-Janeiro dans une enveloppe en toile. La Manne vient surtout de Palerme, mise en boîtes de fer-blanc de 6 à 7 kilogs. La variété de Musc la plus fine vient du Thibet d’où on l’expédie en petites boîtes valant de 2,000 à 2,500 francs. Les racines d'Iris de bonne qualité sont l'objet d’exportations assez importantes par le port de Mogador, d’où elles sont expédiées en serrons de 135 kilogs, mais la qualité la plus pâle et la plus fine vient de Livourne. L'écorce des Quinquinas sauvages des forêts de la Bolivie et de l’Equateur n’est plus aujou-d’hui qu’une chose du passé, sa récolte étant peu rémunératrice, à cause de la concurrence des écorces recueil- lies dans les plantations de l'Amérique, de Java et de Ceylan. On rencontre fort peu d'emballages en serrons dans des peaux de vache, mode universellement adoptée autrefois. On recoit de l'Inde des balles fortement comprimées, formées de menus débris destinés à la prépa- ration des sels de quinine, et des caisses d’écorces de choix, soigneu- sement emballées, pour la vente dans les pharmacies. Les racines de Rhubarbe s’importent presque exclusivement de 396 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Chine, et la majeure partie de celles qu’on produit en Angleterre se consomment à l'étranger, leur emploi dans les officines anglaises étant interdit par la direction pharmaceutique. Le Safran le plus estimé vient de Valence, il voyage en caisses dou- blées à’étain, d’un poids approximatif de 45 kilogs. Les Safrans d’Ali- cante et de Barcelone sont généralement adultérés par un enduit de craie ou de carbonate de baryte en poudre, qu'on fait adhérer avec de la glycérine ou toute autre matière gluante. Les variétés de Salsepareille de la Jamaïque et de Lima sont im- portées en liasses de 900 grammes, réunies elles-mêmes en balles de 56 kilogs. La Salsepareille du Honduras est bottelée, puis recouverte de peau de vache. Le Senné de Tinnevelly arrive en balles comprimées sous un volume aussi faible que possible, le fret se payant d’après l’emplace- ment occupé, et non d’après le poids ; ia variété d'Alexandrie s'ex- porte surtout en caisses. Le Spermaceti vient d'Amérique, en boîtes de 18 kilogs. On en recoit également des Seychelles et de l’île Maurice. La variété de Tamarins la plus estimée arrive en tonneaux des Bar- bades ; les qualités inférieures sont importées de Saint Kitts. Les Indes orientales et l'Egypte en produisent une variété noire, desséchée, comprimée, qui s'emploie surtout dans les assaisonnements. La Vanille arrive généralement en paquets de gousses liés aux deux extrémités et au milieu, parfois seulement au milieu. L'île Mau- rice et les Seychelles fourniraient les gousses les plus recherchées comme dimensions et qualité. Les produits pharmaceutiques sont l’objet d'innombrables adulté- rations, nous nous contenterons de signaler quelques-unes des plus importantes. Les feuilles de l’£Epleurum serrulatum se vendent sous le nom de feuilles de Buchu long. Le fruit du Mucuna urens à la place de la fève de Calabar. La Cétoine dorée, Cefonia aurata, est substiluée aux Cantharides. L'Ophelia angustifolia à la Chiretta. La racine du Psy- chotriæ emetica, à ]Ipécacuanha. L’écorce du Séenostamum acutatum devient un succédané du quinquina. Les fruits de l'Z/icium religiosum se mêlent à ceux de l’Zl/icium anisatum, et enfin les demi-fleurons du Souci des champs, servent à adultérer le Safran. (Pharmaceutical journal.) Le Vomiquier Noix vomique (Sérychnos Nux vornica Tin., S. colubrina WiGuxT. non L. ?; S. ligustrina BLUME.) est un petit arbre d'une hauteur moyenne de 5-6 mètres, à tronc court et épais, souvent courbé, irrégulièrement ramifié, recouvert d’une écorce gris cendré ou jaunâtre. Ses feuilles sont opposées, courtement pétiolées, ovales- arrondies, simples, entières, rondes ou cunéiformes à la base, atté- CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 397 nuées au sommet, d'un beau vert foncé, glabres et lisses sur les deux faces. Originaire des régions montagneuses de l'Inde, cette espèce se ren- contre surtout dans les districts des côtes de Coromandel et du Mala- bar, dans les lieux arides et sablonneux. On la retrouve encore à Ceylan, en Birmanie, en Cochinchine, à Java, Timor, dans le royaume de Siam et quelques parties de l'Australie. Introduite en Europe vers la fin du xvrri® siècle, elle est cullivée dans les serres, mais elle n’y fleurit pas. Son bois, dur, très amer et d’une longue conservation, est employé comme médicament dans l'Inde, topiquement surtout, contre les dou- leurs rhumalismales. L'écorce du tronc et des rameaux, connue sous le nom d’Æcorce fausse d'Angusture, se présente le plus souvent en morceaux irréguliers, compacts, pesants, creusés en goutlières ou en plaques concaves an- guleuses, plus rarement enroulées sur elles-mêmes. La couleur de cette écorce est assez variable extérieurement et on en trouve des échantillons gris blanchâtre, rougeâtres, et même d’un rouge brun assez fonce; elle est aussi parsemée, à la surface, de petites glandes subéreuses, blanches, jaunes ou rougeâtres. Sa cassure est droite et nette et sa section transversale montre une ligne bianche, fine, très apparente, qui partage l'écorce en deux couches concentriques. Son odeur est nulle ; sa saveur très amère et très persistante permet de la distinguer facilement de lAngusture vraie, fournie par un végétal du genre Galipea. Dans l'Asie tropicale, l'écorce du S. Nu vomica est souvent employée au traitement des affections cutanées rebelles, mais elle est sans usage en Europe. C’est en faisant l’analyse de cette écorce que Pelletier et Caventou découvrirent la Brucine, alcaloïde ainsi nommé parce qu’à ce moment on supposait que l’écorce avait pour origine un Prucea. Le fruit est une baie globuleuse du volume et de la forme d’une petite orange, recouverte d'une écorce mince, dure, de couleur rouge ou jaune orangé à la maturité. Il renferme intérieurement une pulpe blanche, visqueuse, acide et amère, dans laquelle on trouve plusieurs graines irrégulièrement orbiculaires, aplaties, légèrement déprimées vers le centre, d’un gris clair, luisantes, soyeuses, veloutées, recou- vertes de poils serrés et rayonnants, couchés sur la surface de la semence. La graine, débarrassée de l’épicarpe et de la pulpe, présente un dia- mètre de deux centimètres environ sur une épaisseur moyenne d'un demi-centimètre ; on la désigne dans le commerce de la droguerie sous le nom de Noix vomique. Cette semence est très dure et il faut recourir à la râpe pour la pulvériser. L'intérieur se compose d'un albumen soudé intimement avec l’épisperme, compact, d'apparence cornée, d’une saveur âcre, nauséeuse et très amère, 398 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. L'action puissamment toxique de la Noix vomique est due à la pre- sence de trois bases principales qui sont : la Strychnine, la Brucine et l’'Igasurine dont nous allons nous occuper sous le rapport des pro- priétés. La Sérychnine, un des alcaloïdes végétaux les plus vénéneux que l’on connaisse, a été découvert par Pelletier et Caventou en 1818, en étu- diant chimiquement les diverses parties de plusieurs espèces de Sérychnos, ei notamment les graines du $. Nux vomica. La strychnine appartient à la classe des poisons narcotico-âcres dits éé/anisants; c’est une substance dont l’action toxique est caractérisée par des mouve- ments convulsifs, dans lesquels la colonne vertébrale est brusquement recourbée en avant ou en arrière, car son action s'exerce en général sur la moelle épinière, et en particulier, d’après Flourens, sur la moelle allongée. La strychnine est inaltérable à l'air, inodore, non fusible et non volatile, mais elle se décompose facilement sous l’in- fluence de la chaleur. Sa solution est extrêmement amère, même très étendue, et laisse un arrière-goût métallique. Obtenu à l’état de pureté, cet alcaloïde cristallise en octaèdres ou en prismes blancs, solubles dans l'alcool aqueux, insolubles dans l’éther et dans l'alcool absolu. Combiné avec des bases, il donne naissance à divers sels neutres cristallisables, très amers et très vénéneux, souvent usités en médecine. À l’aide d'un moyen d’oxydation, Rousseau a converti la strychnine en acide strychnique, cristallisant en prismes aiguillés, blancs, très fins, d’une saveur acide et sans amertume. La strychnine est une des bases du traitement dosimeétrique des maladies aiguës à la première période. ; La Brucine, découverte également par les mêmes chimistes, s'obtient dans la préparation de la strychnine, dont elle est séparée par l’alcool bouillant. Inodore, d’une saveur tres amère, cet alcaloïde est moins vénéneux que la strychnine et se dissout plus facilement que celle-ci dans l’eau froide et dans l’eau chaude; il est insoluble dans l’éther. La brucine cristallise en prismes droits à base rhomboïdale, blancs, transparents et souvent assez volumineux. Au point de vue de la thérapeutique, elle agit à peu près comme Ia strychnine, mais à dose cinq fois plus élevée. L'Zgasurine, découverte en 1853 par Desnoix dans les liquides réac- tifs, est considérée par Schützenberger comme formée de bases dis- tinctes et nombreuses, différant l’une de l’autre par leur composition chimique, leur solubilité et la quantité d’eau qu’elles perdent lors- qu'on les chauffe à 130 degrés. Cette substance cristallise en prismes soyeux, disposés en aigrettes ; elle participe aux mêmes propriétés toxiques que les autres alcaloïdes des S/rychnos, et ses effets sont intermédiaires entre la strychnine et la brucine. L'igasurine se dis- tingue principalement de cette dernière par sa plus grande solubilité dans l’eau. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 399 D'après l’analyse faite par MM. Flückiger et Hanbury, la Noix vomique desséchée à 100 degrés centigrades et brûlée avec de la chaux sodique, a donné 1,822 pour cent d’azote, ce qui indique 11,3 pour cent de matières albuminoïdes. Cette graine renferme en outre 4,14 pour cent de graisse, ainsi que du mucilage et du sucre. D’après les mêmes auteurs, la proportion de strychnine qui existe dans la Noix vomique paraît varier de 0,25 à 0,50; celle de la brucine a été estimée de facons différentes : 0,12 d'après Merck, 0,5 d’après Wittsteinet 1,01 d’après Mayer. | La Noix vomique etsurtout son principe le plus immédiat, la strych- nine, comptent parmi les agents les plus puissants de la thérapeu- tique, mais leur mode d’action n’est encore connu que d’une façon insuffisante. À faible dose, ce médicament constitue un tonique amer et stimu- lant très efficace dans la gastralgie chronique; il est également regardé par un grand nombre de médecins comme le premier des reconsti- tuants. On l’associe encore au fer avec beaucoup de succès dans les formes variables de l’anémie. Diverses préparations de Noix vomique sont souvent usitées pour réveiller l’appétit et combattre utilement la constipation habituelle. Enfin, on a obtenu de bons résultats de la Noix vomique dans les cas de paralysie consécutive à une hémor- rhagie cérébrale, mais qui ne dépend pas de lésions organiques incu- rables, ainsi que dans l’épilepsie, la chorée, l’'emphysème pulmonaire, les vomissements nerveux, etc. On la prescrit sous forme de teinture, d'extrait alcoolique, de pilules, plus rarement en poudre. Ses contre- poisons seraient le tanin, proposé par Guibourt, l’émétique et surtout le Haschisch. Dans l'Inde, la Noix vomique donne lieu à un commerce considé- rable; Bombay, Madras et Calcutta exportent chaque année, sur le marché de Londres, une grande quantité de ce produit. Dans la dro- guerie, la Noix vomique se vend tantôt entière, tantôt en poudre, mais cette dernière forme permettant d'y introduire frauduleusement d'autres substances inertes, il vaut mieux tâcher de se procurer les graines entières. La richesse de la poudre en stryÿchnine peut être ap- préciée en la mouillant avec de l’acide azotique concentré : la prépa- ration sera d’un rouge d'autant plus intense que la proportion d’al- caloïde sera grande. La strychnine ne donne lieu qu’à un commerce restreint; on ne la prépare guère qu’en petite quantité et suivant les besoins. | Le genre Kérychnos renferméæencore quelques espèces intéressantes que nous examinerons ultérieurement. Maximilien VANDEN-BERGHE. IX. BIBLIOGRAPHIE. Les Mammifères de la France. Æfude générale de toutes nos espèces considérées au point de vue utilitaire, par M. A. BOUVIER. — 1 vol. in-12 de 370 pages, illustré de 266 figures dans le texte, Georges Carré, éditeur. Sous une forme claire et succincte, essentiellement pratique et mise à la portée de tous, notre collègue, M. Bouvier, vient de publier un livre d’une réelle utilité, destiné à la divulgation des connaissances élémentaires de l’histoire naturelle. Un premier volume est consacré aux Mammifères, d’autres suivront bientôt où seront successivement étudiés les oiseaux, les reptiles et les poissons de notre pays, formant ainsi un tout complet embrassant toute la faune indigène. L'auteur a adopté la classification zoologique, évitant la division plus volontiers admise dans l’enseignement pratique, quoique l’appli- cation n’en soit pas sans inconvénients, en animaux utiles et animaux nuisibles. 11 estime, en effet, à bon droit selon nous, que toutes les créations ont eu un but dans la nature, et que chaque animal a eu son rôle à remplir dans ses magnifiques harmonies. Sans doute, l’ac- tion de l’homme, avec toutes les conséquences de son envahissement, extension des cultures, disparition des couverts et des sombres re- traites, perfectionnement des engins de chasse et de pêche, âpre ar- deur de destruction, a eu pour premier résultat de bouleverser, en principe à son profit, cet ordre originel. Quelques espèces, dont le rôle était de modérer l’excessive multiplication de certaines autres, n’ont plus aujourd'hui la même utilité; mais la plupart sont encore nos auxiliaires, et, à ce titre, il faut savoir subir d’accidentels dommages, « car on ne peut espérer avoir des serviteurs sans avoir aussi des gages à payer ». D'ailleurs, la balance est le plus souvent difficile à établir entre les services rendus et les dégâts causés; ce qui est vrai dans un cas ne l'est plus dans l’autre ; aussi bien est-il plus sage de re- server la question au lieu de jeter, dès l’abord, dans l'esprit de la jeu- nesse, des idées difficiles ensuite à redresser. Les descriptions sont sobres, dégagées de tous détails trop scientifiques, mais parfaitement précises et largement suffisantes pour caractériser chaque espèce. Ainsi encore la synonymie s’y trouve-t-elle ramenée aux désignations locales, usitées dans les provinces. Enfin, de nombreuses figures insé- rées dans le texte, en frappant les yeux, secourent la mémoire. Ce livre, que M. Bouvier a dédié à la jeunesse des écoles, peut avoir sa place dans toutes les mains et prendre un rang utile dans toutes les bibliothèques. Il est de ceux, assez rares en somme, à la diffusion desquels on doit se plaire à travailler. B. Le Gérant : JULES GRISARD. I. TRAVAUX ADRESSÉS À LA SOCIÉTÉ. OUTARDES PLUVIERS ET VANNEAUX HISTOIRE NATURELLE — MŒURS — RÉGIME — ACCLIMATATION PAR Pace LAFOURCADE, (SUITE *). CHAPITRE IX. Émigration des Pluviers et des Guignards. Les Pluviers sont, avant tout, des oiseaux émigrants ; ils ne séjournent que peu de temps dans le même lieu, lors même qu'ils y trouveraient une nourriture abondante et facile. ( Ce sont d’infatigables voyageurs, à l’aile pointue, au vol rapide, qui émigrent du nord au midi en nombreuses co- lonnes, traversent la Méditerranée d’une seule traite et s’a- battent tumultueusement sur les champs de l'Algérie aux premières pluies d'octobre. Les Pluviers dorés voyagent en trombes tourbillonnantes, drues, serrées, innombrables, plus larges que profondes qui s’annoncent de loin par d’aigus sifflements, rasent le sol comme les Hirondelles, se redressent tout à coup dans les airs avec la prestesse d’un ressort, disparaissent et réappa- raissent aux regards avec l’instantanéité de l'éclair et fran- chissent en quelques secondes les limites de l'horizon (1). Tous voyagent sur une seule ligne droite ou oblique. Les Guignards rasent aussi le sol en vols puissants et ra- pides. Lorsque ces oiseaux se montrent chez nous en automne, la direction qu'ils suivent est celle du nord au midi; ils fuient le nord avec son climat rigoureux et ils ne reviendront dans (*) Voyez Revue, 1889, note p. 1169 ; et plus haut, p. 89. (1) Toussenel, loc. cif., p. 450. 20 Mars 1891. $ 96 402 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. les pays septentrionaux qu’à l'approche des grandes cha- leurs ou vers la fin du printemps. Le vol des Pluviers est peu élevé, de vingt à trente pieds du sol et toujours du côté opposé au vent. Lorsque j'ai parlé des migrations des oiseaux, à l’article Outarde, j'ai insisté sur ce fait à savoir : que le climat avait parmi les oiseaux des espèces qui lui appartenaient d’une manière spéciale ; espèces choisissant une demeure qu’elles ne quittaient plus (oiseaux sédentaires), espèces changeant continuellement de place suivant que la température ou la nourriture les appelait dans un lieu ou dans un autre (oi- seaux errants). Les oiseaux véritablement voyageurs, les vrais émigrants, appartiennent à deux climats différents ; en automne, ils se portent au midi, du moins dans nos contrées ; au printemps, ils reviennent au nord. | La durée de l’émigration des Pluviers et des Guignards varie peu. Bien qu'ils n’aient point de patrie qui les rappelle, . qu'ils ne connaissent pas de toit paternel, leur rôle est de se répandre un peu partout afin de trouver une nourriture suffisante et pour eux-mêmes et pour leurs petits. Bien des oiseaux émigrants sont tellement agités pendant les préparatifs annonçant l'heure du départ qu'on les voit se réunir, se grouper, consulter l'horizon et battre fréquemment de l'aile. Quelques-uns, plus pressés, essayent de prendre leur vol, mais reviennent bientôt vers le groupe lorsqu'ils s’aper- coivent qu'ils ne sont pas suivis. Jamais les Pluviers ne se quittent au moment des voyages ; jamais ils n’affrontent iso- lément ou par petits groupes les périls d’une traversée; ils savent trop ce qu'il en coûterait à l’audacieux qui voudrait seul se frayer un passage au travers des déserts du monde. « Les migrations sont des échanges pour tous pays (excepté les pôles à l’époque de l'hiver). Telle cause de climat ou de nourriture qui décide le départ d’un oiseau est précisément celle qui détermine l’arrivée d’une autre espèce. Quand l’'Hi- rondelle nous quitte aux pluies d'automne, nous voyons ap- paraître l’armée des Pluviers et des Vanneaux à la recherche des Lombrics exilés de leur demeure par l’inondation (1). » Üne remarque à faire encore au sujet de l’émigration : (1) Michelet, L’Oiseau, éclaircissements, p. 373. OUTARDES, PLUVIERS ET VANNEAUX. ( 403 chaque espèce a, entre le pôle et l'équateur, comme un canton particulier, dont le rayon est calculé à près de 20 degrés. Aïnsi, par exemple, les Grives et les Bécasses vont de la Sibérie et de la Laponie en Allemagne ; les Plu- viers, les Vanneaux, comme les Caïlles, des parties septen- trionales et médianes de l'Europe, en Égypte et en Barbarie. Les Pluviers sont des touristes qui ont la connaissance exacte des localités qu’ils ont parcourues ; ils n’errent jamais au hasard et, comme les Outardes, ne choisissent pas, at- teisgnant leur but du premier coup et en ligne droite. — D'après M. de la Blanchère, le Pluvier doré vit très bien dans les jardins ; il y cherche les Vers et les Limacons et, par conséquent, est un des plus jolis oiseaux que le jar- dinier puisse apprivoiser pour s’en faire un aide assidu. J'ai réussi à garder deux Guignards pendant près de trois mois ; l'enclos que je leur avais ménagé dans mon jardin se trouvait séparé de celui où se trouvaient les Poules par un treillage en fil de fer. | Ces oiseaux avaient été soignés à la suite d’une légère blessure à l'aile reçue le jour de l’ouverture de la chasse en septembre 1872 et, leur guérison opérée, ils supportaient gaiement les ennuis de la captivité. Comme nourriture je leur donnaïis : des Vers, des Mol- lusques que j’alternais avec de la mie de pain. Jamais ils ne m'ont paru effarouchés lorsque je décelais ma présence par un sifflement tout particulier ; il est vrai de dire que les Gal- linacés, voisins de mes deux Échassiers, connaissaient déjà depuis pas mal de temps les roulades flütées qui annon- caient toujours mon arrivée, et, comme j'étais obligé de passer devant les Poules avant de parvenir jusqu'aux Plu- viers, ceux-ci étaient déjà avertis lorsque je commencçais à ouvrir la porte de leur maison. Je les trouvais toujours côte à côte, debout, sur une patte, ou endormis le bec sous l'aile, l'un près de l’autre. Ils ne poussaient que de faibles cris, et une remarque que j'ai faite, c’est que le chant du Coq faisait ordinairement taire ce Lui, Lui, lui, poussé presque en sourdine. C'était d’ailleurs là toute leur conversation. En octobre, l'appartement de mes deux prisonniers fut agrandi et il me prit la fantaisie de leur faire rendre visite par deux Poules de petite taille ; celles-ci entrèrent car- £O£ REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. rément dans le local affecté aux Pluviers-Guignards, s’arré- tèrent aussitôt qu'elles les aperçurent et poussèrent leur cri d'appel auquel le Coq répondit. Que firent alors les deux Guignards ? ils se jetèrent sur les impolies, sans doute parce qu’elles n'avaient pas annoncé leur visite, les forcèrent à fuir et les poursuivirent à ou- trance. Je riais de ce manège, quand, tout d'un coup, les Poules firent volte-face et se présentèrent résolument devant eux. Un combat acharné s’engagea, les Guignards prirent la position du chevalier combattant, la tête basse et piquèrent leurs adversaires de leur bec au cou et sur la tête. Les Gallinacés se défendaient, mais parvenaient diffici- lement à parer les coups que leur portaient les trop peu galants et courtois Échassiers. Quelques plumes restèrent sur le théatre de la lutte; je dus, en m'interposant, faire cesser ce duel par trop inégal. J'avoue avoir félicité mes Guignards ; je les récompensai de s’être si bravement battus en leur distribuant une ample provision de petits Escargots qu'ils se mirent à picoter avec fureur, comme s'ils voulaient assouvir leur rage sur les pauvres Mollusques. À voir les quatre oiseaux aux prises, il me semblait étre le témoin de quatre 7rignons s'alignant bravement, mais sans épée et sans dague. Il faut croire que le Guignard ne craint pas de se mesurer non plus avec les petits et moyens rongeurs. Quelques jours après cette équipée, je vis un de mes oiseaux rester comme fasciné devant un Rat qui s'était aven- turé dans l’enclos. | Le rongeur, de son côté, regardait l’oiseau toujours immo- bile comme une statue. À un mouvement que fit Ratapoil, mon Guignard lui présenta le bec et poussa le cri de guerre cri, 1, 1; le Rat ne voulut pas en entendre davantage et battit en retraite. _. Il était sans doute bien jeune, le rongeur; il n'avait pas encore perdu sa queue à la bataille. Mes Guignards ont dis- paru un beau jour, je ne sais comment. J'ai toujours accusé une Fouine de les avoir volés ; elle en était bien capable. Ce qu'il y a de certain, c'est que longtemps après, en défaisant un tas de bourrées, je trouvais les carcasses et les plumes des oiseaux. | OUTARDES, PLUVIERS ET VANNEAUX. 405 La bête puante avait jugé prudent de déloger après le méfait qu'elle avait commis. CHAPITRE X. De la Chair des Pluviers et des Guignards. La chair des Pluviers et des Guignards a des qualités que reconnaîtront certainement tous ceux dignes de figurer dans la classe des gastrosophes. Les anciens faisaient plus de cas de la chair du Guignard ; en cela, ils ne se trompaient pas. Il y a un moment de l’année, en décembre, où le eee doré a la chair huileuse que je compare pour le goût à celle du Räle d’eau. Voici l'opinion de Lemery : Les Pluviers doivent être choisis gras ; ils excitent alors l’appétit, nourrissent médio- crement, se digèrent aisément, sont propres pour pousser les urines, pour fortifier le cerveau, purifier le sang et com- battre l’épilepsie. Ils contiennent beaucoup d'huile, de sels volatiles ; ils con- viennent en tout temps à toute sorte d'âge et de tempéra- ment (1). x La chair du Pluvier est un aliment délicat qui excite l’ap- pétit, se digère bien et convient à tous les tempéraments, dit _ le docteur Delaporte, déjà cité. Et il ajoute : Il faut manger les Pluviers jeunes et gras, rôtis à la broche comme la Caïlle. On en fait différentes autres préparations indiquées dans les magistères, mais moins délicates. Voici maintenant l'opinion du baron Brisse : Parmi les nombreuses espèces de Pluviers, on distingue le Pluvier doré dont la chair est très délicate et surtout très recherchée. Quand il est gras, le Pluvier constitue une alimentation un peu stimulante qui ne convient que dans les convalescences très avancées. La chair est peu nourrissante et de digestion facile. Quand il gèle et que le Pluvier doré établit sa résidence auprès des étangs et dans les lieux humides, il est excellent. (1) Lemery, Traité des Aliments. 406 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. On le mange au gratin, à la poële, à la braise et à la broche. C'est surtout de cette façon qu'il est préférable, et lorsqu'il est jeune et tendre il figure bien dans un salmis. Les Pluviers s’accommodent parfaitement de la truffe. Quand ils sont flambés et vidés, on les fait revenir dans une casse- role avec du beurre bien frais, quelques belles truffes pelées et entières, du sel, du poivre et un bouquet garni. On mouille avec un verre de vin blanc sec et deux cuillerées de sauce brune (espagnole). Quand les Pluviers sont cuits, on les dresse en les couvrant de truffes. Sur le tout, on verse la sauce et on y ajoute le citron. | La chair des Pluviers est d’un goût très délicat. Il ne faut pas confondre la chair du Pluvier-avec celle du Vanneau, bien qu’elle soit assez semblable par le goût (1). La chair du Pluvier doré est cependant plus sèche que celle du Guignard, bien, je le répète, qu’elle aït parfois, pen- dant l'hiver, un goût huileux. Celle du Guignard est très délicate. Tous ces oiseaux que l’on détruit dans le département d'Eure-et-Loir sont envoyés directement aux pâtissiers de Chartres qui en font d'excellents pâtés. Dans les contrées du centre de la France, les chasseurs considèrent le Guignard comme un des plus fins gibiers, sa chair a autant de délica- tesse que celle de la Bécasse. C’est au passage du mois de septembre qu'il est le plus estimé. Maintenant que j'ai fait connaître les qualités de la chair des Pluviers et des Guignards, il faut bien que je copie les recettes principales données avec tant de goût par un fervent de saint Hubert, un conteur charmant et un gourmet qui n’a peut-être pas son pareil dans l'univers depuis la disparition de Ch. Monselet, j'ai nommé M. Florian Pharaon. Ainsi donc, je vais attaquer les questions gourmandes : La première est le Pluvier à la ficelle : « Un soir, dit Florian Pharaon, nous vinmes camper sur les bords du Chélif au pied de la côte ombreuse de Sidi al Tandjerett. Les Courlis commencaient à sillonner l'air en sifflant lorsque le caïd Ben-Chalabi vint me prévenir qu'une (1) Baron Brisse. Extrait de l’Encyclcpédie illustrée d'économie domestique, par Jules Trousset, p. 1887. | | OUTARDES, PLUVIERS ET VANNEAUX. 407 escouade de Pluviers, capitaine en tête, patrouillait à trois cents pas du bivouac. » Les Arabes prétendent que tous les oiseaux émigrants sont organisés militairement et que chaque vol a une avant et une arrière-garde. » Pour approcher sûrement une bande, il suffit donc de tromper les vedettes. Armés de nos fusils de chasse, nous nous dirigeâmes, à grand tapage de voix, vers le grand fleuve africain en tournant par un demi-cercle les Pluviers placés en sentinelle. | » Notre marche franche et bruyante ne les effraya pas et nous pûmes arriver derrière une dépression de terrain au fond de laquelle une vingtaine de Pluviers sautillaient gra- cieusement. Un homme du Ouamri développa alors son bur- nous sur un bâton et nous nous embusquâmes derrière cet engin mobile à la vue duquel le Pluvier ne fuit pas. » Silencieux nous nous avancions, lorsque arrivés à portée, le caïd Ben-Chalabi donna le signal du feu par ces mots: Bessem Allah ! — Au nom de Dieu! » Tout gibier tué au fusil n’est mangeable, pour un musul- man, que si le chasseur prononce cette formule sacrée en plaçant le doigt sur la gâchette. » Les Pluviers furent remis à Kara, cuisinier nègre du général Yusuf, dont la réputation était grande à cette époque en Algérie. » Ce ne fut qu'au bivouac du lendemain qu'il prépara le fruit de notre chasse: le Pluvier a besoin de 24 heures de repos. » Ce gibier ne se vide pas. Après l'avoir apprêté, Kara fit une incision à la fourche du sternum et introduisit par cette ouverture un bouquet de plantes aromatiques, un morceau de beurre frais, une pincée de sel et compléta l’assaisonne- ment en versant une cuillerée de vinaigre. Cela fait, il plaça devant le feu très ardent du bivouac trois bâtons formant trépied ; il y attacha une forte ficelle à l'extrémité de laquelle il pendit le rôti. par les ailerons, puis, donnant un tour de fuseau à cette broche perpendiculaire, il livra le Pluvier tournoyant à l’action du feu. » Cette facon de rôtir est la meilleure et la plus expéditive en plein vent, et, certes, si le Pluvier eût été une Bécasse, le _ manger eüt été fin. 408 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. » Nous nous en régalàâmes cependant: faute de Grives, il faut bien se contenter de Merles (1). » Le Pluvier à la turque. — Les Arabes disent: « Le Pluvier a l'élégance et les vices du courtisan : vivant, il est vaniteux ; mort, il ne laisse que son plumage. » Il est vrai que les Arabes considérés comme cuisiniers ont une réputation détestable et qu'en ce qui concerne la venai- son, ils n’ont aucune doctrine. J'ai eu dans ma vie d'Afrique un cuisinier turc nommé Baba-Moustapha. Au point de vue culinaire, le Turc est le Français de l'Orient. Un jour, aux environs de Cherchell, dans la plaine de l’'Oued-Billia, nous avions fait ample moisson de Pluviers et de Vanneaux. En pays arabe on chasse pour se nourrir. Le butin étalé, Baba-Moustapha vint choisir les plus beaux Pluviers. « Ils sont salés, dit il, en les soupesant. » Cette observation me parut assez bizarre et j'en demandai l'explication. J’appris alors que le meilleur Pluvier est celui qui se tue dans les plaines du littoral. Au départ, pour prendre les forces nécessaires afin de traverser la mer, il sé- journe environ trois semaines et prend un embonpoint suc- culent que lui procure une nourriture imprégnée d’émana- tions salines. À l’arrivée, il est étique par suite des fatigues du voyage et se nourrissant de la même façon qu'au départ, il atteint, par le même procédé, un bien-en-chair que les gourmets recherchent. C’est ainsi que j’appris que le Pluvier tué sur le bord de la mer était préférable à celui tué dans l’intérieur des terres. La broche nous manquait et mes lecteurs savent déjà comment on y supplée. Le gibier troussé est suspendu à l’aide d’une ficelle devant un foyer; en lui imprimant un mouvement de fuseau, on présente dans une rotation rapide chacune de ses faces à l’action du feu. Comme la Bécasse, le Pluvier ne se vide pas. L'on place au-dessous du rôt des tranches de pain d'une certaine épaisseur sur lesquelles la bête se vide. Cette méthode n'aurait rien d’extraordinaire si je n’indi- (1) Florian Pharaon, Chasse illustrée, 21 avril 1872. OUTARDES, PLUVIERS ET VANNEAUX. 409 quais le procédé employé par Baba-Moustapha: A la partie supérieure du sternum, il avait pratiqué une incision béante par laquelle il introduisait, tour à tour, du jus de Citron et des billes de beurre manié de poivre, sel et gingembre. Le Pluvier est certainement délicieux, mais la rôtie !..…. La langue française manque d'expression pour décrire la succulence de la rôtie (1). Avis à ceux de nos braves troupiers d'Afrique qui voudront essayer la recette préconisée par un Français et découverte par un Turc. Voici maintenant d’autres questions gourmandes et émi- nemment françaises : Pluviers rôtis. — Ne videz jamais de beaux Pluviers dorés, bardez-les et enveloppez-les dans du papier beurré; mettez-les à la broche avec des rôties de pain qui recevront le sang et la graisse fondue mélangée au beurre. Servez-les sur ces rôties. Pluviers rôtis pour entrée de broches. — Ayez de beaux Pluviers dorés, jeunes et bien gras; faites une farce avec leurs intestins, lard râpé, persil, échalotes, sel et poivre; gar- nissez avec cette farce l’intérieur des Pluviers; enveloppez- les dans des bardes de lard et des feuilles de papier beurré et mettez-les à la broche. Quand ils sont cuits, enlevez le lard et le papier ; dressez-les sur un plat et versez dessus un ra- goût aux truffes. Pluviers braisés.— Quand les Pluviers sont plumés, vidés, etc., mettez-les cuire dans une bonne braise à laquelle vous ajouterez du coulis ; après qu'ils seront suffisamment cuits, dégraissez la sauce ; passez-la au tamis et servez les oiseaux dessus. Salmis de Pluviers. — Prenez de vieux ou de jeunes Plu- viers que vous faites revenir dans du beurre ; parez-les ; en- levez les membres, pilez les carcasses et mettez en les débris dans une casserole avec échalotes, ail, persil, sauce espagnole, vin blanc; faites bouillir une demi-heure ; jetez-y les membres des Pluviers sans les faire bouillir. Dressez sur un plat avec (1) Florian Pharaon. Chasse illustrée, année 1873. 410 REVUE DES SCIENCES NATURÉLLES APPLIQUÉES. garniture de croûtons séchés au four ou cuits au beurre et arrosez-les avec la sauce. Les Guignards s’accommodent de la même facon que les Pluviers. On les préfère rôtis. — En France, on ne chasse positivement pas les Pluviers et les Guignards ; on les rencontre. Peut-on donner, en effet, le nom de chasse à cette ruse employée par nos Nemrods, d’enserrer les oiseaux de facon à ce que la volée passe à proximité de un ou plusieurs fusils. C’est pourtant ce qui se fait, et pas autre chose. Dans la Beauce, on tue des Pluviers à l'ouverture de la chasse. J’en ai abattu cinq d’un coup de feu, un matin d’ou- verture, dans la grande plaine de Bellebat, près Pithiviers. Ils étaient partis devant le nez de mon chien et le vent qui souffait avec violence me les fit passer à portée. Je ne pus redoubler quand je vis pareille dégringolade ; cela m'était ce- pendant bien facile. Dans l'arrondissement de Pithiviers, il n’est pas un chasseur dont le carnier ne contienne au moins un ou deux Guignards. En octobre, ces oiseaux sont plus rares ; ils ont quitté la vaste plaine pour se diriger vers la vraie Beauce; ils vont alors se jeter dans les terres labourées, surtout dans le can- ton de Maintenon. Je connais pas mal de disciples de saint Hubert qui en sacrifient tous les ans de cinquante à soixante, chacun pour son propre compte. | Dans le Poitou, que d’hécatombes également pendant l’an- née ! Les prairies de la Haute-Marne, dit mon collègue Bour- rier, sont cernées, en septembre, par les chasseurs champe- nois, et les Pluviers qui y prennent le frais, le repos et la nourriture, tombent par douzaines sous les coups de feu bien dirigés, partant à la fois de toutes les rives. En Algérie, ces oiseaux sont également fort nombreux. Dans presque toute l'Italie, surtout en Toscane, on en détruit, pendant la saison de chasse, des quantités considérables. Les Toscans sont, en général, réputés pour être fins gour- mets ; aussi, au proverbe qui exalte la chair du Vanneau, ils ont judicieusement substitué celui-ci : | Tordo e piviere Grive et Pluvier Boccon de cavaliere. Bouchée de chevalier. Et c’est fort logique. OUTARDES, PLUVIERS ET VANNEAUX. 41 Qui n’a pas mangé Vanneau N'a pas mangé bon morceau. Voyons, est-ce pour célébrer, pour porter aux nues la va- leur gastronomique de cet oiseau qu'on l’a ainsi chanté et fait passer à la postérité ? À mon avis, il n’en vaut pas la peine ; je lui préfère de beaucoup le Pluvier. La chasse des Pluviers commence dés les premiers froids ; la saison d'hiver est favorable à ce genre de gibier. En Italie, on tue pas mal de Pluviers et de Guignards au fusil, mais le nombre est assez restreint si on le compare aux nombreuses victimes que l’on prend dans les mailles trai- tresses des filets et. des pantières. Peut-être sont-ils moins sauvages en Toscane. On ride qu'il suffit de marcher en boîtant pour arriver assez près de la bande (1). On les prend au filet au moyen d’un cri spécial, sorte d’ap- pel auquel répondent les Pluviers. Ces oiseaux sont également chassés en Alsace et dans le nord de l’Allemagne. On réussit à les approcher par les grands vents parce qu'alors ils se décident plus difficilement à prendre leur vol. Ch. Diguet, dans son Livre du Chasseur, conseille pour les tirer le plomb n° 4. « En plein jour, depuis dix heures du matin jusqu’à quatre ou cinq heures du soir, les Vanneaux, par centaines, se pré- lassent sur les bancs de sable qu’on remarque au milieu du Rhin. Le soir et le matin, ils tournoient sur les champs labourés les plus voisins du fleuve. Les Pluviers sont aussi très nombreux ; les Étourneaux foisonnent, etc... ), PENSER Du Rhin, tous ces effrénés voyageurs gagnent les lacs de la Suisse, les rivages de l’Adriatique ou de la Médi- terranée, et enfin la Sicile, dernière étape d'où ils s’élancent vers le continent africain. » Hélas ! ces marais miraculeux pour la chasse disparaîtront bientôt peut-être devant le drainage et la canalisation (2). » (1) M. A. Renault a chassé en Toscane et a fait une relation intéressante sur les Pluviers dorés, qu'il a publiée dans le journal Za Chasse illustrée du 25 juin 1877, p. 197, (2) Maurice Engelhart, Les chasses en Alsace et dans le grand-duché de TEE (Uustration du 19 décembre 1887 .) 412 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. La chasse de ces oiseaux, au fusil, peut se faire lorsque la lune est à son deuxième quartier ; on va, alors, le long des prairies, dans la saison des pluies, et l’on est certain de tirer autant de Pluviers que l’on veut, mais il faut agir de ruse, c'est-à-dire découvrir les oiseaux à distance et les cerner. Pendant l’année 1849, quand le général Margueritte inau- gura en Algérie la nouvelle cité à laquelle il donna le nom de Canardville, la crémaillère, comme le dit le brave et regretté soldat, fut pendue dans les règles. Je le laisse parler : « Pour cette solennité et pour faire à Canardville une con- sécration digne de son présent et de son avenir, nous réso- lûmes, les six chasseurs que nous étions, de faire une guir- lande de gibier autour du logis principal. » Le troisième jour au soir, cette guirlande était arborée ; les trente-deux mètres de développement qu’elle avait étaient composés, sans la moindre interruption, d’un chapelet de Gazelles, Lièvres, Outardes, Canards, Grues, Sarcelles, Van- neaux, Pluviers, Courlis, Bécasses, Ràles, Perdrix et Cailles. » Cela faisait près de trois cents pièces de gibier dont la plus grande partie fut expédiée à nos amis et connais- sances jusque sur la côte, en passant par Teniet, Milianah, Blidah, etc. # » C’est ainsi que Canardville fut consacré et glorifié par tous les estomacs reconnaissants (1). » Canardville était situé à l'extrémité ouest du petit plateau qui domine le confluent de l’Oued-Issa, rivière, et du N’har- Ouassel, près &e Teniet-el-Häd. Quel pays de Cocagne que l'Algérie à cette époque-là ! Mon beau-père qui accompagnait Margueritte dans ses chasses me parlait souvent de la fameuse tournée qui eut lieu pendant l’automne de 1850, aux environs de Taguini, Oued-Ourq. Soixante fusils, total : 618 pièces; dans ce nombre sont compris 17 Outardes et 94 Pluviers gris. J’emprunte à Belèze la description de la chasse aux Plu- viers par les filets, les collets, etc. Quand on chasse le Pluvier au filet, on emploie des 24appes de 20 mètres de long sur 3 de large; on les dispose tout à bout, au lieu de les mettre l’une en face de l’autre. (1) Général Margueritte, Chasses d: l'Algérie, p. 229. OUTARDES, PLUVIERS ET VANNEAUX. AE On choisit les prairies humides ; il faut tendre avant le jour parce que les troupes s’écartent un peu la nuit et se ‘réunissent au lever du soleil ; il faut alors que tout soit prêt. Il faut aussi disposer les nappes de manière qu'elles s’a- battent du côté du vent, car les Pluviers volent contre sa direction. Pour appelants, on se sert de Vanneaux parce qu'ils sont plus faciles à conserver que les Pluviers et qu’ils appellent ceux-ci tout aussi bien que ceux de leur espèce ; on emploie aussi quelquefois pour M#ouvant un Pluvier empaillé et il faut bien observer de lui tourner le bec du côté du vent et de ne pas trop l’agiter, surtout lorsque les Pluviers approchent, car ses mouvements n'étant point naturels, ceux-ci recon- naîtraient trop facilement la ruse. On prend aussi les Plu- viers avec des nappes tendues comme pantières sur les bords d'un endroit où ces oiseaux passent la nuit. On les prend aussi en tendant des collets autour des abreuvoirs qu'ils fréquentent. Les Pluviers répondent à l'appel à vanneau. On a cependant un appeau particulier pour cette chasse. Cet engin ressemble à celui que l’on appelle le Courcailler (1); c'est un os de mouton taillé en flûte, bouché à une extré- mité, mais portant sur les côtés deux ouvertures; l’une enduite de cire dans laquelle on fait un trou avec une épingle qu'on agrandit peu à peu jusqu'à ce qu'on ait obtenu le ton désiré; l’autre se bouche et se débouche alternative- ment avec le doigt, de manière à faire entendre à peu près wiurut (2). On peut réussir à tuer les Pluviers au moyen de la hutte de feuillage, de la vache artificielle, des moquettes et avec les flambeaux ; cette dernière chasse est assez fructueuse parfois. Elle se fait avec un falot que l'on promène sur le bord des prairies, des terres labourées habitées par les Pluviers. Les oiseaux sont attirés, fascinés par l'aspect de la lumière qui se reflète sur la nappe d’eau qui couvre les labours ou les prés humides, de sorte qu'il devient facile de les approcher et de les tuer commodément. Mais le genre de chasse le plus productif est, sans contre- (1) Appeau pour les Cailles, (2) Belèze, Dictionn. univ. de la vie pratique à la ville et à la campagne. A X REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. dit, celui que l’on pratique au moyen des filets. Les panneau- teurs, fort au courant des habitudes du Pluvier, ont reconnu la singulière habitude qu'ont prise ces oiseaux de raser le sol et d'annoncer leur arrivée de fort loin ; or, en homme averti qui en vaut deux, rien ne leur est plus facile d’imiter le eri des oiseaux et de faire donner le vol tout entier sur l'engin perfide. On a vu des centaines de Pluviers donner tête baïis- sée en plein dans des filets préparés et tendus à cet effet. Aux Halles Centrales, il se fait un commerce assez consi- dérable de Pluviers. À Za Vallée, presque tous les facteurs reçoivent, chaque année, des quantités de Pluviers dorés. La Hollande approvisionne pendant les mois de mars et d'avril le pavillon de la volaille de son gibier d’eau ; les Van- neaux, les Pluviers, les Sarcelles dominent dans ses envois. Quel est le chiffre des Pluviers qui arrivent, tous les ans, au pavillon de la Vallée ? Si je compare les statistiques pen- dant deux années, je trouve : Année 1884... 5,643 Pluviers et Guignards. Année 1888... 6,200 _ [AE Différence peu sensible, on le voit, et ce sont là des chiffres officiels. — Ces oiseaux introduits aux Halles Centrales se sont vendus, en moyenne, 0 fr. 82 pièce. Les départements français expédiant le plus de Pluviers aux Halles sont: la Somme et l’'Eure-et-Loir; presque tout le gibier d’eau vient en partie du premier de ces deux dépar- tements. Le service des perceptions municipales (octroi) a rangé les Pluviers et les Guignards dans la deuxième catégorie. Le droit d'entrée est de O0 fr. 30 par kilo. — Les œufs du Pluvier sont moins agréables au goût que ceux du Vanneau; néanmoins, dans la cuisine, on les emploie aux mêmes usages. On les sert à la coque; il s’en fait un commerce assez grand dans la Hollande. — Ilest dans les usages du Pluvier à collier interrompu de nettoyer la gueule du Crocodile après le repas et un peu avant le moment où ce dernier vient faire sa sieste habi- tuelle sur le bord des rivières. | J'ai parlé du fait dans la classification des Pluviers, mais je le trouve si intéressant que j'éprouve le besoin d'y revenir encore; pour donner plus d’attrait à la narration, le lecteur OUTARDES, PLUVIERS ET VANNEAUX. AE) me permettra de citer le passage écrit de main de maître par l'auteur de l'Ornithologie passionnelle : « C’est cette espèce-là (Pluvier à collier interrompu) ou l'autre, ou une espèce voisine (Pluvier à collier et Pluvier doré), qui entretient commerce d'amitié avec le Crocodile du Nil et lui sert de cure-dent après ses déjeuners. Comme le Crocodile n’a pas de langue mobile pour se rincer la bouche à l'instar des autres bêtes, il a grand besoin de l’aide d'un plus petit que lui pour se désobstruer les molaires à la suite de ses repas. Il a donc confié cet office de curage à un petit oiseau que les Arabes nomment le fouilleur, et qui fréquente les égouts des cités et les berges des fleuves où il a chance de rencontrer son pourvoyeur. Aussitôt que le Crocodile qui l'attend l’aperçoit, il ouvre sa large gueule comme fait le patient pour son opérateur et tient complaisamment ses ma 416 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. choires entr’ouvertes tant que dure l'opération, ayant grand soin de ne pas les refermer que l'oiseau ne soit dehors. Le fait avait été observé par Hérodote, il y a près de trois mille ans, et consigné par lui dans ses intéressants récits sans que personne voulüt croire à sa véracité, tant l'esprit des mortels est rebelle aux enseignements de l’histoire ; et il a fallu pour vaincre l'incrédulité des modernes qu’un savant de nos jours, que l'illustre Geoffroy Saint-Hilaire, eût vérifié de ses propres yeux l'exactitude du témoignage d'Hérodote. Si le Directoire n'eüt pas décidé l'expédition d'Egypte, et si Geoffroy Saint-Hilaire n’eût pas fait partie du corps sa- vant destiné à accompagner l’armée expéditionnaire, le monde savant en serait encore à cette heure à douter de la sincérité du père de l'Histoire, et voilà à quoi tient la réputa- tion des grands hommes ! Or, depuis que Geoffroy Saint-Hilaire a réhabilité Héro- dote sur la fameuse question du Trochilus si vivement agitée dans le siècle dernier, des curieux ont voulu tenter la même expérience sur le Caïman des Antilles et voir si celui-là se conduirait comme le Crocodile de l'Egypte. L'observation américaine a confirmé de nouveau la version d'Hérodote. Le Caïman de Saint-Domingue a recours, comme tous les indi- vidus de sa race, aux bons offices d’un petit oiseau pour le curage de sa mâchoire. Seulement ce dernier n'appartient plus à la famille des Pluviers, mais à celle des Todiers. Il paraît que le Pluvier à collier a fait autrefois merveille dans la médecine; il avait la spécialité de guérir la jaunisse. Ecoutez d’ailleurs Toussenel : « Le Pluvier aux yeux d’or n'a jamais beaucoup fait parler de lui dans les traités de chasse et de cuisine; mais la thérapeutique d'autrefois a cité son nom avec éloge. Il fut une époque, en effet, où ce petit oiseau guérissait la jaunisse, et où il suffisait au malade de le regarder fixement dans ses prunelles d'or et avec une forte volonté de lui repasser son mal pour que la guérison radicale s’accomplit instantanément. La malheureuse bête comprenait si bien d'avance le sort qui l’attendait qu’elle tremblait de tous ses membres à l'approche de l’ictérique et ne pouvait supporter son regard. Heureusement pour l'oiseau que la jau- nisse, inconstante comme toutes les affections de l’homme, a cédé à l'empire de la mode et ne veut plus aujourd’hui ie guérie que par la carotte. » OUTARDES, PLUVIERS ET VANNEAUX. 417 Ainsi voilà qui est bien entendu. Il fallait que l’ictérique ait cet œil puissant et fascinateur pour donner tant de frayeur au malheureux Pluvier que l’on soumettait, pour le quart d'heure, à la plus rude des épreuves, et cependant, cet oiseau a les yeux tellement étincelants qu’il est difficile d'en soutenir le regard. | Ayant eu l'occasion de voir de près plusieurs Pluviers à collier, j'ai été frappé du brillant de l'iris; on dirait une perle enchâssée dans un anneau de plumes; l'iris est, en effet, si vif, si éclatant que je ne m'explique pas encore comment la vieille médecine pouvait recommander au malade de fixer le regard de l’oiseau pour que la teinte jaune des muqueuses, caractéristique de la jaunisse, soit immédiatement remplacée par la coloration ordinaire, indice de la santé. Qui sait!.. les hommes des temps passés, les ictériques surtout, possédaient peut-être des yeux d’où partaient à vo- lonté des étincelles magnétiques. À juste titre, ces charmeurs devaient porter le nom de dompteurs d'animaux ou bien de dompteurs d'hommes, des spirites si vous aimez mieux. Mais il est plus que probable (et la vérité me fait un devoir de le déclarer ici) que les organes visuels de nos aïeux, vifs et fermes, je le reconnais, n'avaient cependant guère plus de puissance fascinatrice que ceux de leurs descendants. À notre tour, nous, les enfants de générations plus récentes, savons accorder à la vue un éloge tout particulier : les yeux sont le miroir de l’âme, a-t-on dit; cet apophtegme est vrai et je ne l'expliquerai pas. Qu'ii me suffise de dire que je renverse la thèse d'autrefois. Pour affronter le regard du Pluvier aux yeux d’or, il n’est nullement besoin aux humains de posséder un œil de spirite; pour supporter au contraire la vue de l'ictérique, le Pluvier à collier n’a qu'une chose à faire : Lever les yeux au lieu de les baisser et fixer carrément le malade. Quoi qu'il en soit, la croyance ancienne à recruté de nos jours quelques prosélytes. Pauvre petit Pluvier ! il ne ferait pas bon pour toi que Bidel ou Pezon aient la jaunisse; tu ne peux déjà pas sou- tenir la fixité du regard de l'homme ordinaire, comment ferais-tu donc pour oser te mettre en face de ceux dont les yeux inspirent une terreur profonde aux animaux les plus farouches |... (A suivre.) 20 Mars 1891. S 97 LES FERMES À VOLAILLES AUX ÉTATS - UNIS PAR M. BRÉZOI. L'élevage de la volaille, sauf quelques cas exceptionnels, est considéré comme un simple accessoire dans nos fermes européennes. Aux États-Unis, où des idées analogues ré- gnaient autrefois, on tend actuellement à créer des établis- sements uniquement consacrés à cette industrie, mais en partant d’un principe dont l'évidence a été maintes fois dé- montrée : ne jamais rassembler plus de dix à vingt Poules ou Poulets dans la même enceinte, et ne pas chercher à entre- prendre simultanément la production des œufs, des volailles, et leur engraissement, ces diverses opérations constituant autant d'industries distinctes. Les fermes à volailles amé- ricaines, les poultry farms, répondent du reste à un besoin évident étant donné le chiffre de 800 millions de Poules et Poulets consommés chaque année aux États-Unis, et les bé- néfices sont assez sensibles, si on admet que le kilogramme de viande volaille vendu 4 fr. 40 revient seulement à 1 fr. 10. La question des débouchés acquérant une importance capitale en semblable circonstance, ces établissements, créés tous dans les deux ou trois dernières années écoulées, se sont ins- tallés dans des régions situées à proximité de villes POP leuses. En 1887, la Glebe Poultry farm, dirigée par M. Pierce, se fondait à Portland dans le Maine. Contrairement à la presque totalité des établissements similaires, elle fait à la fois des œufs et de la volaille. Vendant chaque année 14 à 15,000 volailles, elle en entretient 7 à 8,000 l'été, 2 à 3,000 l'hiver, qui donnent par jour de 180 à 609 œufs; jusqu'à présent, la saison d’éclosion y a commencé le 15 janvier, mais on se pro- pose de l'avancer désormais et de débuter dès la fin de dé- cembre. Quinze couveuses, chauffées à la vapeur et contenant cha- LES FERMES A VOLAILLES AUX ÉTATS-UNIS. &A9 cune 15 à 1,600 œufs, sont disposées dans une vaste salle où les jeunes Poussins sont également conservés pendant les premiers jours qui suivent leur éclosion. On les installe en- suite, par groupes de quinze, dans de vastes bâtiments longs de 70 à 80 mètres, où chaque parquet de 15 occupe un espace couvert de 10 mètres carrés et dispose d’une cour entourée d'un treillis de fil de fer de 3",30 de large, sur 10 de long. En dehors de 800 Plymouth-rocks, de 400 Livournes et de 50 Vyandottes, l'établissement n’élève que des produits de croi- sement assez divers. La nourriture est très variée ; deux fois la semaine, chaque parquet recoit 1,200 grammes de viande ; les Poulets sont toujours approvisionnés d’une certaine quantité d’écales d'œufs broyées, renouvelées chaque semaine. Les poulaillers nettoyés tous les jours, sont lavés à grande eau et soumis à des fumigations d'acide sulfureux deux fois par an. Deux à neuf hommes, suivant le nombre des animaux, suftisent lar- sement à assurer ces divers services. Les fermes à volailles abondent dans le Nouveau-Jersey et se sont surtout concentrées à Hammonton, non loin de Phi- ladelphie, où on a créé, depuis 1888, quarante de ces établis- sements possédant un ensemble de 100,000 volailles, dont le chiffre sera, paraît-il, quintuplé l’an prochain. Ces fermes fonctionnent avec des frais généraux aussi réduits que pos- sible. Pendant une partie de l’année seulement, en hiver, elles ne produisent pas d'œufs et ne conservent pas leurs Poulets plus de dix semaines. Les œufs qu’on y traite viennent surtout du Delaware et du Maryland, les Poulets obtenus se vendent à New-York et à Boston. Pendant l'été le per- sonnel se consacre à la culture des arbres fruitiers, très prospère dans la région. Parmi les fermes à volailles d’'Hammonton, nous citerons celle de M. G. Pressey, où l’incubation s'effectue dans six couveuses contenant 300 œufs chacune, chauffées à 40° par des lampes brülant de l'huile. Chaque opération y dure en moyenne vingt et un jours. M. Pressey a obtenu l’an der- nier 5,000 jeunes Poulets, dont 4,500 ont pu étre élevés. Dans la ferme de M. C. Howe, les incubateurs chauffés à l'eau chaude sont du système Keystone ; ils recoivent 864 _ œufs chacun. 120 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Chez M. Browning, on emploie le Prairie State Incubator., fonctionnant également par l’eau chaude. Nous citerons en- core la ferme Jacob et la ferme Philips, qui serait lé plus im portant de ces établissements. Les Poulets sont nourris jusqu'au moment de la vente d'une pâtée faite avec des farines de rebut, du son, quelques œufs, un peu de viande grossière et d'os pulvérisés. Les États-Unis possèdent encore des fermes à Canards or- ganisées d’après les mêmes principes. Chaque établissement élève 6 à 7,000 jeunes Canards, en fait pondre un millier qui donnent de 10 à 19,000 œufs pour l’incubation de l’année sui- vante et n'en conserve que 150 à 200 pendant l'hiver. INSECTE NUISIBLE AUX POMMIERS ET AUX POIRIERS L'ANTHONOMUS POMORUM LI. SES MOEURS, AVEC DE NOUVELLES REMARQUES SUR SA NYMPHOSE Moyen rationnel de destruction Par M. DECAUX, Membre de la Société Entomologique de France. Il est une vérité que l’on ne saurait trop répéter : Ce n’est que par la connaissance complète des mœurs et métamor- phoses, depuis l'œuf, des insectes nuisibles à nos richesses agricoles et forestières, que l’on pourra arriver à un mode pratique de destruction de ces bestioles, soit directement, soit en facilitant la multiplication de leurs ennemis naturels : les parasites. Trop souvent lorsqu'on a affaire à un insecte commun, connu, on croit pouvoir se dispenser d'en étudier les mœurs à nouveau ; à quoi bon, se dit-on! les maitres de la science Ratzeburg, Frauenfeld, Goureau, etc., ont déjà fait et refait ce travail. C'est toujours une erreur, les savants les plus consciencieux ont pu se tromper, ou bien des mœurs mul- tiples ont pu leur échapper, et leurs successeurs s’en rap- portant aux lumières de maîtres si universellement appréciés ne se sont pas toujours donné la peine de contrôler leurs observations. Lorsqu'un insecte nuisible se présente à nos yeux, il faut essayer d’en surprendre les mœurs, sans nous occuper s’il est connu ou inconnu. Ce n’est qu’une fois toutes nos observa- tions prises et inscrites, depuis la ponte jusqu’à l’insecte par- fait, soit en l'élevant en chambre, soit en l’élevant à l'air libre, recouvert d’une cloche en gaze que nous pourrons alors consulter ce qui a été écrit sur cet insecte par nos devan- ciers ; si les renseignements s'accordent, tant mieux; s'il y a contradiction, il faut recommencer les années suivantes pour 422 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. éclaircir les points douteux. Ces études ne sont jamais per- dues, elles nous forcent à un redoublement d'attention. L'Anthonomus pomorum L., si nuisible aux Pommiers, in- secte trop répandu, malheureusement, et par cela même très connu, pourra servir de preuve à ma démonstration. Vers 1880, voulant venir en aide à un ami, qui possède 5 ou 6 hectares de vergers plantés de Pommiers et Poiriers, attaqués par un nombre considérable d’Arthonomus pomo- rum, je résolus d'étudier leurs mœurs en captivité, à l'air libre. Je fis choix dans le potager d’un Pommier nain (en cordon) couvert de boutons à fleurs, que je recouvris d’une orande cloche en gaze, puis en battant les Pommiers, sur le parapluie, je pus choisir deux ménages assortis d’Anthono- mus, que je déposai sous ma cloche. . Mœurs. — La femelle, après avoir choisi un bouton à fleur, le perce avec son rostre ou bec, de manière à atteindre les étamines, et dépose un œuf dans ce trou, puis elle se transporte sur un autre bouton et ainsi de suite jusqu'à l’é- puisement de sa ponte qui dure plusieurs jours et comporte environ 60 œufs. La petite larve éclôt au bout de 5 à 7 jours, elle ronge pour se nourrir les étamines, le pistil et souvent une partie de l'ovaire. La fleur ne peut plus s'ouvrir, le bou- ton contaminé se dessèche, prend une teinte jaune-rougeatre très reconnaissable ; au bout de 10 à 12 jours, la larve, ayant atteint tout son développement, se change en chrysalide dans l’intérieur du bouton, passe 6 à 8 jours dans cet état, puis se transforme en insecte parfait, qui attend pour sortir que ses téguments soient assez durs pour s'échapper de sa prison. qu On trouve ces insectes pendant l'été et l’automne; aux premiers froids, ils cherchent un abri sous la mousse, au pied des arbres, dans les crevasses, sous les écorces, pour y pas- ser l'hiver, et recommencer leur œuvre de destruction l’an- née suivante. À l'état parfait, ces insectes vivent des feuilles de l’arbre qui les a vus naître, ils sont peu voraces, et leurs dégâts, sous cette forme, sont inappréciables. L’'Antho- nomus pomorum vit de préférence aux dépens du Pommier, mais il attaque également le Poirier, le Cognassier et le Néflier. En suivant les divers états de l’'Anthonomus sur mon édu- stp at, INSECTE NUISIBLE AUX POMMIERS ET POIRIERS. 422 cation sous cloche, mon attention fut appelée sur plusieurs boutons tombés au pied de l'arbre, l’un d'eux ayant été ou- vert, je trouvai le bouton creux et rongé par la larve, mais abandonné par celle-ci; soupconnant quelque chose d'anor- mal, je pris une feuille de papier blanc et déposai dessus quatre boutons contaminés, pour pouvoir suivre ce qui se passerait. Le lendemain, vers 10 heures du matin, je pus constater la sortie de deux larves, qui gagnerent le sol avec assez de vitesse pour des bestioles privées de pattes. Je les vis s'enfoncer en terre et disparaitre. Les boutons conta- minés tombés à terre peuvent être estimés du quart au tiers du nombre total. Fortement intrigué, j’attendis une semaine et, à l’aide d’une bêche, je parvins à retrouver plusieurs nymphes à l'abri, dans une petite coque de terre agglutinée à l'aide d'un mucus produit par la larve. Ces coques se trou- vaient à 20 ou 25 centimètres de profondeur. Pour suivre cette nouvelle transformation et m’assurer si les choses se passent de la même façon à l’état libre, j'avisai un gros Pommier dans le potager, je bêchai avec soin le des-: sous de l'arbre et je fus assez étonné de recueillir sur une surface de quelques mètres carrés, 20 coques semblables qui furent déposées dans un pot à fleur, rempli de terre et enterré sous ma cloche. Un mois après, je visitai mon pot et en retirai avec soin une coque, la nymphe était bien vivante ; en septembre, en octobre, même résultat ; fin mars je trou- vai un insecte parfait encore mou, les insectes sortirent vers le 15 avril. | Ainsi l’Anthonomus pomorum L., pour assurer la repro - duction de son espèce et pour échapper à ses nombreux ennemis, a une transformation en terre. J'ai consulté les nombreux auteurs qui ont suivi les mœurs de cet insecte, tous ont constaté sa transformation dans les boutons, qui est sa facon normale de vivre, mais la nymphose en terre leur a complètement échappé. INSECTE PARFAIT. — Long. 5 à 6 millimètres en y compre- nant le rostre, funicule de 7 articles, fémurs antérieurs avec une petite épine, écusson couvert de pubescence blanche, tibias antérieurs en arc, téguments bruns, fascie postmédiane des élytres blanche, entourée de noir. LARVE. — Long. 6 millimètres, blanche, allongée, tête 424 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. petite, ronde, noire et armée de deux dents écailleuses ; le corps est formé de douze segments et privé de pattes. Elle se tient courbée en arc dans le bouton. DESTRUCTION. — En mettant à profit la connaissance com plète des mœurs de l’Arthonomus, il est facile de com- prendre que les fumigations à l’acide sulfureux et autres, le seringage avec de l’eau pétrolée, la nicotine, même le sulfure de carbone lancé à l’état de vapeur, par un pulvérisateur, seront toujours d’un effet nul ou à peu près, à l’air libre. Ces procédés coûtent cher. sont d’une application lente et peuvent tout au plus tuer les insectes parfaits posés sur l'arbre au moment du traitement (ce qui n’est pas prouvé). Les accouplements et les pontes se prolongeant pendant trois semaines, il faudrait donc recommencer chaque jour. L'œuf n'est détruit par aucun de ces procédés ; la larve aussitôt éclose s’empresse de boucher avec ses détritus le trou de ponte fait par la mère, elle est dès lors à l’abri de tous les agents extérieurs. Heureusement, en suivant les différentes péripéties des métamorphoses de la larve de l'Anthonomus pomorum, nous avons remarqué que le bouton contaminé se dessèche et prend une teinte jaune-rougeâtre, très facile à reconnaître ; nous en profiterons pour les couper avec une serpe à greffer emmanchée au bout d’un bâton de 4 à 5 mètres, auquel sera adopté une petite poche pour recevoir chaque bouton; il faudra également ramasser les boutons tombés au pied de l'arbre, pour empêcher la transformation en terre. Tous ces boutons devront être détruits par le feu. Ce procédé, appliqué en grand, chez mon ami (800 pom- miers et poiriers de 20 à 30 ans), a donné d'excellents résul- tats, il a l’avantage de ne rien coûter; une personne peut ébourgeonner avec soin, de 6 à 10 arbres à l'heure, soit 100 arbres par jour. La moyenne des boutons contaminés par arbre, en y ajoutant ceux tombés à terre, a été d’un peu plus d’un demi-litre soit pour le tout 500 litres, ce qui représente un nombre considérable d'insectes détruits. Supposant que la nature, toujours prévoyante, devait avonr: créé un ennemi naturel de l’Arthonomus pomorum, j'ai ré- servé et déposé sur un drap étendu au soleil environ 50 litres de boutons contaminés (pour enlever l'humidité et empêcher w D INSECTE NUISIBLE AUX POMMIERS ET POIRIERS. 425 - la moisissure), puis ils furent déposés dans un grand baquet à lessive, recouvert par une gaze. Quinze à vingt jours après, il en est sorti une grande quantité d'Æyméroplères para- sites, de trois espèces différentes : Pompla graminellæ GraAv., Bracon variator N. DE E., ces deux espèces en erand nombre, et Pleromalus pomorum DEcAUx, quelques exemplaires seulement. Je me suis empressé de les mettre en liberté, puis j'ai brülé ce qui restait, c'est-à-dire les bou- tons et des Anthonomus par centaines. Avec du soin, il parait démontré qu'il est possible de détruire les diverses espèces d'Anthonomus qui attaquent nos arbres fruitiers, sans faire périr leurs parasites, en faisant éclore les insectes contenus dans les boutons contaminés. L’Hyménoptère très vif, s'envole aussitôt qu'on lève la gaze, l'Anthonomus fait le mort quelques instants et donne le temps de refermer la gaze. Il suffit de quelques minutes chaque jour pour cette opération, qui peut durer 8 à 15 jours. Il est facile de com- prendre que ces parasites seront autant d’auxiliaires pour l’année suivante et que l’Arthonomus disparaîtra d'autant plus vite. Pimpla graminellæ GRrAv. Long. 5 1/2 millimètres, noir, fluet, antennes noires en dessus et roussâtres en dessous ; palpes blancs ; on voit un point blanc à la racine des ailes. L’abdomen est séparé du corselet par un simple étran- glement, il est fluet, noir, sauf les 8e, 4, 5e segments qui sont d'un fauve pâle et bordés de noir. Les pattes anté- rieures et intermédiaires ainsi que les hanches sont blan- châtres ; les hanches et les cuisses postérieures sont fauves, mais l'extrémité de la hanche est blanche; les tibias posté- rieurs et les tarses sont annelés de blanc et de noir; les ailes sont hyalines, de la longueur de l'abdomen. | Bracon variator N. DE E. Long. 3 millimètres, noir, an- tennes noires, mâchoires et palpes jaunâtres; tête et corselet d’un noir luisant ; abdomen séparé du corselet par un étran- glement profond, même longueur que ce dernier, noir avec les côtés des premier et deuxième segments fauves; pattes fauves ; hanches, l'extrémité des tibias et les tarses des pattes postérieures noirs. Ailes dépassant l'abdomen, hya- lines avec une légère teinte brune sur les ailes ‘supérieures. 426 REVUE. DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Pleromalus poinorum DEcaAux (1). Long. 3 millimètres, bronzé-verdatre, antennes noires, à premier article fauve; tête bronzé-verdâtre, ponctuée ; thorax de la largeur de la tête, ovalaire, ponctué d’un bronzé verdâtre; écusson ponc- tué, bronzé; abdomen ovoconique, terminé en pointe, lisse, luisant, d'un bronzé vert; pattes d’un noir bronzé à tarses d'un brun fauve ; ailes hyalines dépassant un peu l'ab- domen. Les parasites jouent un rôle considérable dans la nature ; ils contribuent d'une manière incessante à maintenir la diffu- sion des espèces Phytophages, ils ont tous à peu pres la même maniere de vivre. La femelle du parasite épie l'Antho- nomus et aussitôt que celle-ci a déposé son œuf dans le. bouton, elle introduit son oviducte dans le même trou et y dépose un œuf à son tour; la larve du parasite éclôt quelques jours après celle de l'Arthonomus, elle s'introduit sous la peau de celle-ci, ronge d’abord les tissus adipeux, ce qui n'empêche pas l'Axfhonomus de continuer à manger et à se développer, et finit par la dévorer en entier avant de se mé- tamorphoser dans une petite coque quelle se construit avec la peau de sa victime. (1) Cette espèce, que je crois nouvelle, portera le nom de pos#orum, en atten— dant la révision du genre P/eromalus. a LES OBS INDUSTRTERLS INDIGÈNES ET EXOTIQUES Par JULES GRISARD ET MAXIMILIEN VANDEN-BERGHE. (SUITE *) FAMILLE DES ANONACÉES. La famille des Anonacées se compose d'arbres ou d’ar- brisseaux à rameaux créles, contenant un suc aqueux. Leurs feuilles sont ordinairement alternes, simples, souvent en- tières, non stipulées et à nervures pennées. Les plantes de cette famille croissent dans les pays inter- tropicaux du nouveau et de l’ancien continent, excepté en Europe où on ne rencontre aucune espèce spontanée ; plu- sieurs remontent en Amérique jusqu'à la partie méridionale des États-Unis. Quelques Anonacées sont cultivées dans les pays chauds comme arbres fruitiers, d’autres fournissent au commerce des substances aromatiques, des parfums, des condiments et des médicaments. ANONA RETICULATA Lin. Petit corossol. Antilles: Cachiman. £ Arbre de 5-7 mètres de hauteur, à feuilles lancéolées- Oblongues, pointues, pubescentes et glanduleuses, rougeâtres en dessous. Originaire des Antilles; cultivé dans la plupart des pays chauds. Le bois de cette espèce, quoique mou et filandreux, comme celui du plus grand nombre des Anona, est néanmoins uti- lisé dans les constructions, mais il est peu employé en raison de ses petites dimensions ; sa cassure est assez longue et fibreuse. — Densité : 0,556. Elasticité : 0,871. Rupture: 0,970. (*) Voyez plus haut, pages 39 et 201, 428 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Le bois de l’4. muricata L. (A. sylvestris BürM.) est blanc. très léger (Pesanteur spécifique 0,400) et de peu de durée. aussi ses applications sont-elles très restreintes. Celui de l'A. squainosa L. possède les mêmes qualités et est employé aux mêmes usages. Voici quelques autres espèces du méme genre sur les- quelles nous n'avons pu recueillir que des renseignements incomplets. Anona& Africanà L. Arbre de moyenne grandeur, à feuilles lancéolées, pubescentes ; originaire d'Amérique et d'Afrique, où il croit abondamment dans les forêts sèches de la Casa- mance. Suivant Lécart, son bois est dur et sert à faire des pieux et des entourages. On peut l’employer également dans la fabri- cation des courbes d’embarcations. Anona bullata À. Ricx. Cette espèce porte à Cuba le nom de Laurel à cause de l’odeur de son bois qui, très résistant, suivant Ramon de la Sagra, est employé dans les construc- tions pour charpentes. Son fruit, dur et âpre, est mangé par les pores et ses feuilles sont recherchées par les chevaux et les bœufs. Anona montana Macr. Petit arbre de 5-7 mètres dont le bois est employé, à la Guadeloupe, pour faire du charbon. AnOna Mmucosa JACQ. (A. muscosa AUBL. À. obtusifolia DC.). « Cachiman morveux » de la Guadeloupe et des forêts de la Martinique. Petit arbre à feuilles oblongues-lancéolées, glabres, dont le bois est peu employé. Le fruit est co- mestible. Anona palustris L., Baga, Palo Bobo des Antilles espa- ognoles, arbrisseau à feuilles ovales- oblongues, coriaces, croissant dans les lieux marécageux de la Jamaïque. Le bois de ses racines est si doux, si pliant, même lorsqu'il est sec, que les gens du pays l’emploient fréquemment, au lieu de liège, pour faire des fonds de boîtes entomologiques et pour boucher les bouteilles et les calebasses. Le fruit de cette espèce n’est pas comestible. Enfin, le catalogue de l'Exposition du Paraguay mentionne encore l’Anona sylvatica S'-H1L. « Araticu-guazu » du pays, petit arbre de 6 mètres de hauteur sur un diamètre de 0®,35, commun partout, employé dans la charpente et l’ébé- misterie. LES! BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES EF EXOTIQUES. 429 Les Anona sont surtout intéressants comme arbres frui- tiers et les anones fournies par les A. Cherimolia, squa- mosa, muricata et reticulata sont particulièrement es- timées (1). BOCAGEA PHILASTREANA PIERRE. Annamite : (6 gi4y. Arbre de 20-25 mètres, à tronc grisätre, d'un diamètre moyen de 25 centimètres. Feuilles lancéolées, entières, ar- rondies à la base, acuminées et obtuses au sommet, coriaces, luisantes en dessus, pâles en dessous. Originaire de la Cochinchine, il se rencontre fréquemment dans les montagnes de Dinh, près Baria et au Cambodge, à 200 ou 300 mètres d'altitude. Le bois de cet arbre est blanc, léger et flexible, mais il ré- siste peu à l'humidité et son usage est assez restreint. Les indigènes en font des arcs, des manches d'outils, des mon- tants de voitures, des jougs et même quelques meubles, car il se couvre de veines noirâtres en vieillissant. Le B. Gaudichaudiana H. Bx. fournit un bois analogue. - Les Indes néerlandaises possèdent aussi une espèce indé- terminée de Bocagea, connue sous le nom de Lemay : c’est un arbre de grosseur moyenne qui donne un bois de couleur brune, compact, mais noueux, difficile à travailler et de peu d'emploi pour les travaux ordinaires. CANANGA ODORATA Hook. f. et TH Alanguillan ou Aguillon. Bonga Cananga RUMPH. Unona odorata DEN. Uvaria odorata LaAmx (non L.). — Cananga VAHL. Cochinchine : Thom-Shui. Java : Kenang. Tsjampa. Malais et Sondanais : Kananga. Martinique : Canany. Grand et bel arbre dont le tronc, d’une rectitude parfaite, atteint jusqu'à 20 mètres d’élévation, branches peu nom- breuses mais tres ramifiées. Feuilles oblongues ou ovales- (1) Voyez plus loin : Les anones et leurs fruits, page 477. 430 . REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. oblongues, arrondies et légèrement obliques à la base, acu- minées, pubescentes en dessous, glabres avec l’âge. - Supposé originaire de la Birmanie, on le rencontre dans la Basse-Cochinchine, au Cambodge où il est cultivé, dans la plupart des pays tropicaux, les îles de l'Océanie et en Aus- tralie, ainsi qu'à la Martinique où il est assez répandu. Son bois, léger quoique assez dur, n’est guère employé que pour des ouvrages de peu de durée, à cause de sa corruptibi- lité, dans les Indes néerlandaises on le fait cependant entrer dans la construction ; à la Martinique, on s’en sert pour la fabrication de quelques objets de tabletterie. Les fleurs jaunâtres, qu'il fournit toute l’année, sont tres odorantes, mais à l’état de culture seulement; elles sont usi- tées, dans l'Extrême-Orient, pour les cérémonies religieuses et privées ; les femmes malaises s'en servent comme objet de parure. On en extrait aussi un parfum très estimé parti- cipant à la fois de l'Œillet. de la Jacinthe et du Jasmin. Ce produit, dont le commerce s’est emparé il a quelques années, est désigné en parfumerie sous le nom de Ylang-Ylang. Mais c'est surtout artificiellement que ce parfum est produit com- mercialement, en voici la composition : 90 grammes d’ex- trait de Tonka, 120 grammes d'extrait de Musc, autant d’ex- trait de Tubéreuse et de Cassia, 240 grammes d'extrait d’Iris, 4 gouttes d'essence de fleur d’'Oranger, 1 gramme de Néroli, et quantité suftisante d'alcool pur, pour obtenir ? litres de parfum. Aux Moluques, on en fabrique avec de l'huile de coco, en y joignant des fleurs de Michelia Champaca et du Curcuma, une pommade semi-liquide nommée Borri-borri ou Borbori, dont on se frictionne le corps dans la saison froide et pluvieuse pour se mettre à l’abri des fièvres, et dont les femmes aiment à inonder leur chevelure noire et pen- dante, au sortir du bain. Sans aucun doute, dit M. Guibourt, c'est cette huile qui, connue ou imitée en Europe, est vendue sous le nom d'huile de Macassar. M. Jeanfrancois, de Saïgon, qui s'est occupé de la distilla- tion des fleurs et des feuilles de l'Alanguillan, n’a pu obtenir de ces dernières qu'une huile âcre et nauséabonde. La chair du fruit du C. odorata est douce et aromatique. Cet arbre est.d’une croissance rapide et fleurit en Cochin- chine dès la deuxième année de plantation. . LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 431 DUGUETIA GUIANENSIS DC. Aberemoa Guianensis AUBL. Guatleria Aberomoa DUN. \ Guyane française : Babubali. Guyane anglaise: Yari-Yuri. Guyane hollandaise : Priti-jari. Colons : Lanshout. _ Arbre de moyenne taille à feuilles ovales, oblongues, ai- ouës et tomenteuses, que l’on rencontre dans les forêts de la Guyane. Son bois est employé dans le charronnage et sert principa- lement à la confection des essieux et autres parties des cha- riots en usage dans le pays. | Le D. Quitarensis, « Lance wood » des colons anglais (Bois de lance) est un petit arbre, atteignant au plus 7-8 mètres de hauteur, dont les branches souples et élastiques servent pour cette raison à la fabrication d'excellents manches de fouets. MILIUSA BAILLONTI PrERR&. Annamite : Xéxg mdr. Moï du Dongnai: S6 Khpai. Kmer : Dom chhœu Kæupai Arbre de 25-30 mètres dont le tronc, recouvert d’une écorce brune, offre un diamètre de 40-50 centimetres. Feuilles caduques, oblongues, lancéolées, légèrement obli- ques à la base, membraneuses, pubescentes sur les deux faces. | Très commun en Cochinchine dans les forêts de Bien-Hoa et de Baria, ainsi que dans les montagnes de la province de Chaudoc. Son bois, de couleur jaunâtre, est d'une teinte uniforme depuis le cœur jusqu'aux couches les plus extermes de l’au- bier. Quand il est sec, dit M. Pierre, ses fibres très longues deviennent cà et là d’une teinte brune. D'une densité moyenne, il est d’une longue durée pour les travaux inté- rieurs, mais il résiste peu aux intempéries et aux attaques des xylophages. Les Annamites l'utilisent pour poteaux, ma- driers, planches, meubles, avirons, etc. C’est le bois que les Moïs et les Kmers recherchent le plus pour la fabrication dc leurs arcs. 432 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. MILIUSA MOLLIS PIERRE. Joli petit arbre d'ornement à rameaux ascendants, haut de 8 10 mètres environ. Feuilles persistantes, subsessiles, oblon- œues, lancéolées, terminées par une pointe aiguë et très fine, submembraneuses, ciliées sur les bords, glabres en dessus, pales ou ferrugineuses en dessous. Originaire de la Cochinchine et du Cambodge, cette espèce y est cependant assez rare ; elle fournit un bois de couleur jaunâtre, composé de fibres très longues et très denses, que les indigènes emploient pour arcs, manches d'outils, che- villes, etc. MILIUSA VELUTINA Hookr f. et Tx. Guatteria velutina À. DC. Uvaria velutina Düx. — dillosa ROXE. Moi: Tom xd. Toi. Arbre de 20-25 mètres, d’une croissance rapide, dont le tronc est recouvert d'une écorce rugueuse. Feuilles caduques, tres variable de formes et de dimensions, ovales, ovales- oblongues ou elliptiques-oblongues, acuminées, terminées par une pointe courte, subaiguë et le plus souvent obtuse, ar- rondies ou subcordées à la base, membraneuses, très velues sur les deux faces. Origimaire de l'Inde, cet arbre est aussi très répandu dans la Cochinchine française, le Cambodge, etc. De couleur blanc-grisatre au moment de la coupe, le bois se marque de veines brunes par la dessiccation. Mou, assez léger, à grain moyen et à fibres longues, il est employé pour lambris, manches d'outils, flèches, jougs, etc.; on en fait même des avirons. Il est facilement attaquable par les insectes. Le genre Miliusa renferme encore deux espèces, indigènes de la Cochinchine et du Cambodge, qui ont été déterminées par Pierrer Le M. campanulata. Petit arbre d’une hauteur variant entre 2-5 mètres, dont le bois, jaunâtre, assez dense et tres flexible, est d'un emploi restreint par suite de l’exiguïté du tronc. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 433 Le M. fusca. Arbre de 4-10 mètres d’élévation, qui fournit un bois jaunâtre, dur et flexible que les indigènes utilisent pour arcs, manches d'outils, supports, etc. Ces deux der- nières espèces pourraient être employées avantageusement, croyons-nous, dans la carrosserie et le charronnage pour timons, flèches, brancards et autres pièces demandant à la fois de la résistance et de la souplesse. MITREPHORA BOUSIGONIANA PIERRE. Annamite: C4 gié. Moï: Boung to. Arbre de 10-15 mètres de hauteur, d’un port élégant, à tête pyramidale et à rameaux étalés. Feuilles oblongues, lancéolées, terminées par une pointe aiguë assez longue, cor- dées ou arrondies à la base, coriaces, pubescentes sur la face inférieure. | Répandu en Cochinchine dans les provinces de Bien-Hoa et de Baria, on le rencontre particulièrement dans la région des fleuves Songbai et Dongnai. Son bois, de couleur blanc jaunätre, est léger, très flexible, mais peu durable. Les Annamites l’emploient pour faire des arcs, des manches d'outils, des brancards et des balanciers. Au point de vue botanique, cette espèce offre les plus grandes affinités avec le M. Thorelii PiERRE (annamite Æ'da cong hèn ; Kmer : Co giîié nui), arbre d’une hauteur de 15-20 mètres, des régions montagneuses de la Cochinchine, dont le bois est exactement le même que celui du M. Bousigoniana. MITREPHORA EDWARDSII PIERRE. Kmer : Dom chhœu con hen titey. Petit arbre d’une élévation de 8-10 mètres, dont le tronc ést recouvert d'une écorce épaisse et noirâtre. Feuilles per- sistantes, subsessiles, ovales oblongues, lancéolées, acumi- nées, arrondies ou cordées à la base, légèrement coriaces, ciliées sur les bords. | Originaire des régions élevées de la Cochinchine, il croit encore spontanément dans les royaumes de Siam et du Cam- bodge. Cette espèce est très ornementale et se développe bien dans les terrains rocailleux et accidentés. Son bois, de couleur jaunâtre, assez dur et très flexible, 20 Mars 1891. 28 434 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.- est estimé et propre à divers travaux ; en Cochinchine, on l'emploie ordinairement pour balanciers, manches d'outils et autres objets à l'usage des indigènes. OROPHEA THORELII PIERRE. Petit arbre très gracieux, haut de 4-8 mètres, à rameaux très pressés et très feuillus ; tronc d’une longueur de 1-2 mè- tres, noirâtre et d’un très faible diamètre. Feuilles oblongues- lancéolées, terminées par une longue pointe, obtuse au sommet, étroites et obtuses à la base, presque membraneuses; brillantes en dessus, pâles en dessous. Croissant naturellement dans les montagnes de la Cochin- chine et du Cambodge. Son bois est blanc et rayé de lignes brunes lorsqu'il est vieux. Les indigènes ne l’emploient guère que pour man- ches d'outils, balanciers, etc. L'Orophea desmos PIERRE est une espèce rare que l’on ne rencontre que dans les montagnes du Cambodge occidental. C'est un petit arbre de 4-12 mètres de hauteur, qui présente un bois jaunâtre très flexible, assez dur, mais peu employé à cause de ses petites dimensions. D’après M. Pierre, il n’y au- rait même pas lieu d'en tenir compte au point de vue forestier. OXANDRA VIRGATA A. RICH. Guatteria virgata DUNAL. Uvaria lanceolata SWARTZ. — virgala NWARTZ. Cuba : Yaya, Bois de lance. Arbre de médiocre dimension, à feuilles elliptiques oblon- gues, acuminées, atténuées, à base anguleuse, glabres, à ponctuations subpellucides. | Originaire de la Jamaïque et de Cuba où il est commun dans les forêts. Le bois de cet arbre est dur et sert Comme bois de char- pente dans les constructions civiles, il est plus particuliè- rement recherché pour lattes et chevrons. Les branches fournissent des baguettes souples et flexibles, utilisées comme manches de fouets, cannes pour la pêche, etc. L | | 4 | LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 435 L’'O. laurifolia À. Ricx. (Gualteria laurifotia Dux., Uva- ria laurifolia SWwARTz) donne, comme l'espèce précédente, un bois tenace et élastique qui le fait avantageusement em- ployer pour diverses pièces de carrosserie. POLYALTHIA NITIDISSIMA BENTH. Unona fulgens LA BILL. FT nitidissima D'UN. Uvaria lucida VENT. £ Arbre de 5-8 mètres d'élévation, à cime lèche et diffuse, dont le tronc n’atteint guère plus de 15 centimètres de dia- mètre. Feuilles alternes sur deux rangs, ovales ou lancéolées, légèrement ondulées, souvent un peu tordues, coriaces et très luisantes en dessus. Indigène de la Nouvelle-Calédonie où il vient çà et là sur les rivages, on le rencontre aussi sur quelques parties du lit- toral australien. Le bois de cet arbre est jaunätre, mou et de peu d'intérêt. Le Mum pesand ou pesang (Polyalihia Jenkinsii BENTH. et Hook. f.) est un arbre de la presqu'ile de Malacca, à bois blanc jaunâtre extérieurement, devenant jaune à l'intérieur, tendre et à grain grossiér. Il ne se fend pas en séchant et l’on s’en sert pour poutres, supports de vérandahs, etc. Le Baloen adoek ou Baloen anjoek (Polyalthia subcor- data BL. ?) donne un très bon bois de menuiserie ; il est aussi employé pour faire des pirogues. 02. écorce fournit une matière colorante brun-foncé. Le Pamelesian des Indes néerlandaises (Polyalthia Sp.) est un arbre de taille moyenne que l’on trouve dans les hautes régions de Ménado. Son bois est grisâtre. veiné de brun, assez compact, mais facilement attaqué par les ter- mites. On l’emploie quelquefois dans la construction pour faire des poutres et des solives. SAGERÆA HOOKERI PIERRE. Bocagea elliptica Hoox. fils. Sageræa elliptica Hoox. fils. Uvaria elliptica À. DC. Annamite: Sang mây. Kmer: Thnong. Arbre entièrement glabre, haut de 15-20 mètres, dont le 136 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES: tronc grisätre très droit et d’un diamètre de 20-30 . centi- mètres, est terminé par une cime pyramidale. Feuilles alternes, entières, ordinairement linéaires-oblongues, obli- ques et obtuses on arrondies à la base, lancéolées et obtuses au sommet, épaisses et coriaces. Répandu par grandes masses et rarement associé à d’autres espèces, il croît généralement à une altitude de 400 mètres environ, dans les forêts des régions élevées de la Cochin- chine, du Cambodge et de l’île Phu-quôc. Son bois, de couleur jaunâtre ordinairement, prend une teinte brune et même noiràätre en vieillissant. Dur, assez léger, fibreux et flexible, 1l est d’une bonne conservation. Les Annamites s’en servent pour poteaux, chevrons et lambris ; ils en font aussi des chevilles, des arcs, des manches d’ou- tils, etc. | Le S. Hookeri est un bel arbre d'ornement bien que d’un feuillage un peu sombre. UNONA BRANDISANA PIERRE. Unona latifolia Hoox. f. et TH. Annamite : 7/%dm shui. Arbre de 15-25 mètres, à tronc grisätre et raboteux. Feuilles ovales ou ovales-oblongues, cordiformes, brusque- ment acuminées, terminées par une pointe obtuse. Assez commun dans toutes les régions forestières de la Basse-Cochinchine et du Cambodge, on le retrouve encore en Birmanie et dans le royaume de Siarn. Son bois est blanc, mou et très corruptible ; néanmoins on s'en sert pour faire des vases, des boîtes, des manches d'ou- tils, etc. Ses fleurs sont très odorantes et peuvent être utilisées en parfumerie au même titre que celles du Cananga odorala.: UNONA CERASOIDES H. BN. : Polyalthia cerasoides BEenrx. et HooKx. f. Guatteria cerasoïdes D'UN. Uvaria cerasoïdes ROxB. Ne Knere Puce . Arbre d’une hauteur moyenne de 15 mètres, mais d’un LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 431: tres faible diametre. Feuilles oblongues, lancéolées, obliques, obtuses ou arrondies à la base, terminées par une pointe obtuse et assez longue, légèrement coriaces. Croissant spontanément dans les montagnes du Coroman- del, en Birmanie, en Cochinchine, et dans le royaume de Siam, cette espèce est assez commune dans le Cambodge et assez rare dans les provinces françaises de la Basse-Cochin- chine. | Dans la province de Bombay, son bois jaunâtre passe pour avoir une certaine valeur ; cependant M. Pierre ne croit pas qu'il soit d’un grand usage, vu les faibles dimensions du tronc. Dans l'Inde, rapporte M. Brandis, l’'U. cerasoïdes devient un arbre de grande taille dont le bois est estimé et assez employé. UNONA HARMANDII PIERRE. Arbre de 10-12 mètres à tronc tortueux et d’un faible dia- mêtre, feuilles oblongues, lancéolées, obtuses, légèrement obliques à la base, terminées par une pointe assez longue et quelquefois obtuse. Cette espèce est assez répandue dans les forêts de la Cochinchine entre le Songbhé et le Dongnai, dans la province de la Bien-Hoa. Son bois, jaunâtre et flexible, est rarement employé, si ce n'est toutefois pour faire des objets de petites dimensions, chevilles, manches d'outils, etc. _ UNONA JUCUNDA PIERRE. Annamite : Vép nur (Baria) ; Ma trinh (Bien-Hoa). Un des plus grands arbres de la famille des Anonacées, dont le tronc d’un diamètre de 30-40 centimètres est re- couvert d'une écorce gris-clair et épaisse, atteint environ 30 mètres de hauteur. Feuilles oblongues, lancéolées, acumi- nées et aiguës, obliques à la base et presque membraneuses. Commun dans les forêts de plaines ou de montagnes de la Basse-Cochinchine et du Cambodge. Son boïs est jaunâtre, flexible, Jéger. et d’un travail facile, mais il ne se conserve bien qu'à l'abri des intempéries. On fait des poteaux, des jougs, des manches d'outils, etc. 438 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. UNONA MESNYI PIERRE. Polyalthia aberrans MAINGAY. Melodorum clavipes HANCE. Annamite: Vu bd. Kmer: Dôm romduol. Petit arbre de 8-12 mètres à tronc noueux et noiratre. Feuilles oblongues, lancéolées, acuminées, entières, coriaces, glabres sur les deux faces. Cette espèce se rencontre à Malacca, Siam, en Go au Cambodge et dans l’île de Phu-Quôc, près des lieux habités. Son bois, blanc ou jaunâtre, assez lourd et d’une bonne conservation, est employé par les indigènes pour faire des arcs, des chevilles, des brancards, etc. Les longues branches du tronc fournissent des fouets très flexibles. Les fruits sont des petites baies ovales ou oblongues, dont le périsperme charnu et légèrement sucré, est mangé par les natifs. Les noms annamites Com ngüoi, riz cuit; Muon duong, peu sucré, etc., donnés par M. Pierre, indiquent à peu près la saveur de ces fruits. L’U. Mesnyi est une espèce très ornementale; son feuillage glauque, très dense, et ses rameaux penchés lui donnent une physionomie originale. UNONA SIMIARUM H. B\. Polyalthia simiarum BENTEH. et Hook. je Guatteria simiarum HAM. — fasciculata Warz. Annamite et Moï: Mindo. Très bel arbre d'ornement, à tronc grisaätre, d’une hau- teur de 25-30 mètres, sur un diamètre de 30-35 centimètres. Feuilles oblongues ou elliptiques-oblongues, lancéolées et ter- minées par une pointe assez courte et obtuse, arrondies ou légèrement obliques à la base. Cette espèce se rencontre très connerie Cl du in Basse-Cochinchine, le Cambodge, l’Annam et le Silhet, elle croît aussi en Birmanie, dans la péninsule de Malacca, SAM 6 ÉCART EEE SEE EN : 13 b DEN YU da) PIN AD : LE Ji -3% L] < « LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 439 Son bois est employé pour la fabrication des meubles, cages d’éléphants, lambris, manches d'outils, etc. Celui de l’U. Tho- relii PIERRE (Annamite : Gio tom), est un peu jaunâtre avec des stries noirâtres vers le centre et s'emploie de la même facon. Les fleurs de l'U. simiarum sont très odorantes et pourraient être utilisées avec avantage dans la parfumerie. UNONA TRISTIS PIERRE. Petit arbre d'une hauteur de 3-8 mètres sur un diamètre de 5-6 centimètres. Feuilles oblongues, lancéolées, termi- nées par une pointe assez longue, aiguës ou légèrement obtuses à la base, coriaces, pales ou presque argentées en dessous, brillantes en dessus. LD Originaire de la Cochinchine où il croît dans les terrains argileux, il est assez commun dans la province de Bien-Hoa. entre la jonction du Songbé et du Dongnay, plus rare dans les provinces de Tayninh et de Baria. Le bois, de couleur jaunâtre, assez dur, ne peut guère étre utilisé que pour chevilles, claies et autres objets de petites dimensions. Par l'originalité de son feuillage, il se recom- mande à la Culture, mais n'offre qu'un très médiocre intérêt comme essence forestière. Ce genre renferme encore un grand norbre d'espèces dont les plus importantes sont : | L’U. corticosa PIERRE (Annamite : Cdy nhoc ne espèce assez répandue dans certaines forêts de la Cochinchine. Son bois, blanc et léger, n'offre guère plus de valeur que celui des espèces précédentes, aussi est-il peu CHOSES L' écorce sert à faire des liens grossiers. L'U. debilis Pierre (Annamite : Näp ou Nan arbre de 6-10 mètres de hauteur, originaire de la Cochinchine. Son bois, blanc ou jaunâtre, quoique assez dur, est peu utilisé. L’U. evecta PreRRe. Arbrisseau ou petit arbre de 8-10 mê- tres, se rencontrant dans la Basse-Cochinchine, le Cam- bodge,le Laos et le royaume de Siam. Le bois dé cette espèce est blanc jaunâtre et très flexible; son emploi .est restreint à cause du peu de: développement du tronc. Les feuilles, comme celles debeaucoup d’Anonacées, sont usitées en in fusions théiformés, après avoir été léserement orréfées, pour combatire.la fièÿres 110 21 à EUR PR 1? RER 155 MENT 25 Lisez 410 . REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. L'U. Hancei Pierre. Petit arbre de 8-10 mètres de haut, indigène de la Cochinchine, qui fournit un bois blanc jau- nâtre assez dur, mais dont les petites dimensions le rendent d'un usage restreint. Il se recommande à l’horticulture par l'élégance de son port et de son fewllage. L'U. luensis PIERRE. Très petite espèce de la Cochinchine, intéressante au point de vue décoratif. Son bois est flexible et assez résistant; les indigènes s’en servent quelquefois pour fabriquer leurs arcs. Les feuilles sont jaunâtres et très odorantes. 710 Enfin, l’Unona sylvalica Dun. ( Meiodorum arboreum Lour., Uvaria Melodorum RAUESCH.). Grand arbre à ra- meaux ascendants et à feuilles ovales-oblongues, aiguës, entières, tomenteuses en dessous, originaire de la Cochin- chine où il porte le nom de Cay-nhaoc ; son bois est bon pour la construction. UVARIA PARVIFLORA RICH. Casamance : Diar. Sénégal : N'diar. Sérères : Baliboup. Petit arbre à feuilles alternes, simples, ovales, oblongues, coriaces et glabres, commun dans la Casamance et le pays des Sérères. Son bois, de couleur jaune, dur, élastique, à grain serré et très fin, est bon pour l’ébénisterie, malheureusement il est de petites dimensions. Sa flexibilité et sa résistance le rendent excellent pour la confection des avirons et des mâts d’embar- cations. Ses baies, désignées sous le nom de Poivre de Sedhiou, sont utilisées comme épices; elles sont aromatiques et sto- machiques. | L'U. grandifiora Roxs. (U. purpurea Bi.) est un arbre de taille moyenne, des contrées occidentales de Java où il porte le nom de Kadjand. Son bois, d'un brun pâle, compact et d'un travail facile, est ue dans les constructions et pour la charpente. Sous le nom d'Zvaria longifolia vel odorata L., le ca- talogue du premier envoi des établissements français dans l'Inde à l'exposition permanente des colonies mentionne un grand et bel arbre que les colons de Pondichéry nomment LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET: EXOTIQUES. A « Arbre de la liberté, à rectitude de son tronc. | Il croît à l'état sauvage dans l'intérieur de l'Inde et il est cultivé comme arbre d'ornement. Suivant M. Perrottet, son bois peut être débité en _.… d’une grande longueur, sa dureté, son grain fin et serré le rend propre à nombre de travaux. u Citons enfin l'U. neglecta À. Ricx., ae arbre élégant, à feuilles alternes, subsessiles, variées de forme, maïs le plus souvent obovales, longuement acuminées, coriaces et glabres, qui, de même que l'Oxandra virgala, porte à Cuba le nom vulgaire de « Yaya ». Les usages de son bois sont du reste exactement les mêmes que ceux de cette dernière espèce. Son écorce est me sous forme de décoction, contre le tétanos. Son fruit est mangé par les animaux de basse- cour et plait surtout aux Pigeons. cause de son port majestueux et de la XYLOPIA ÆTHIOPICA A. Rica. Poivrier d'Éthiopie. Habrelia Æthiopica À. DC. Unona Æihiopica DUN. Uvaria Æihiopica G. et PERR. Xylopia undulata P. DE BEAUV. Gabon : Ogana. Sénégal : N'ghiarr. Ile San Thomé : Cabela. Grand arbre rameux, d'un port élégant, dont le tronc laisse exsuder une grande quantité de résine à odeur d’en- cens et de benjoin. Feuilles alternes, entières, ovales, lan- céolées aiguës, épaisses, glabres et presque glauques. _ Originaire des régions les plus chaudes de la côte occiden- tale d'Afrique, cette espèce se rencontre dans les forêts du Gabon, du Congo, du Sénégal, de Sierra-Leone, à San Thomé, ainsi que dans les terrains humides de la Haute-Casamance. Son bois, d’une grande flexibilité, convient à toutes sortes d'usages ; les Portugais en font de grandes exportations à Bissao et à Cachéo ; il est très employé dans les établisse- ments français de la Sénégambie pour la confection des mâts d'embarcations et des avirons. FAUX Le fruit, appelé Poivre d'Ethiopie, Poivre de singe, se compose d’une petite gousse noiratre, longue de 2-3 centi- 42 . REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. mètres, renfermant cinq ou six petites graines ovoïdes allon- gées, luisantes et rougeûtres. Ce produit se trouve rarement dans le commerce, mais les nègres en font une grande con- sommation comme condiment stimulant et s’en servent en guise dé poivre pour assaisonner leurs aliments. Les graines sont quelquefois usitées dans les affections diarrhéiques. Le bois des racines peut être employé aux mêmes usages que le liège. | XYLOPIA FRUTESCENS AueL. Arbre aux Épices. Poivre indien. Xylopia muricala ARRAB. — setosa POIR: Brésil : Pindaiba branca. Caraïbes : Alasa Pegrecou. Guyane: Conguérécou. d'érérécou. Arbrisseau ou petit arbre de 5-7 mètres de hauteur, à feuilles alternes, oblongues-lancéolées, linéaires, aiguës au sommet. FE 3 | | D'origine américaine, on le rencontre surtout à la Guyane et dans les provinces septentrionales du Brésil. Son bois, d’une couleur un peu brunâtre, d’une densité de 0,625, peut être utilisé dans quelques constructions légères. L’écorce et les semences sont aromatiques et d'une saveur piquante ; on les emploie comme épices en leur attribuant des propriétés stomachiques et digestives. Au Brésil, les graines passent pour guérir les morsures de serpent. Le liber peut servir à la confection de cordages et de tissus grossiers. Le X. frutescens est considéré comme un uen de la vessie ; des expériences ont constaté son efficacité dans le traitement des affections catarrhales des membranes mu- queuses et particulièrement de celles des voies urinaires. Ses préparations pharmaceutiques sont désignées sous les noms d’alcoolé, perles et pilules d'Æthérolé de Conguérécou. Sa dé- coction légère est prescrite contre la leucorrhée et les co- Tiques d'estomac. Les X. frutescens et emarginata se bouturent avec la plus grande facilité et sont, pour cette raison, très PERDRE à Vétaz blissement de haies vives. : : | it] 4 GA D GROS) LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. k43 XYLOPIA PIERREI HANCE. Annamite : Gièn träng. Kmer: Dôm chhœu crai sûr. Très bel arbre d'ornement dont la tige peut atteindre jus- qu’à 25-30 mètres de hauteur. Feuilles caduques, oblongues, lancéolées, très obtuses au sommet, aiguës à la base, coriaces ou submembraneuses, brillantes et glabres en dessus, pubes- centes en dessous. Indigène de la Cochinchine, cette espèce se trouve commu- nément dans les régions montagneuses des provinces de Bien- Hoa et de Chaudoc ainsi qu’à l’île de Phu-Quôc. Son bois est jaunätre, dur, léger et composé de fibres me gues et flexibles. Les Cambodgiens disent qu'il ne dure pas plus de deux ans quand il est exposé aux intempéries; aussi, rapporte M. Pierre, n'est-il employé ordinairement que dans les œuvres intérieures des constructions et pour des utilités spéciales comme balanciers, brancards de voitures, arcs, manches d'outils, etc. L'écorce, grisätre en dehors, rouge en dedans, est très as- tringente ; on la substitue quelquefois à la noix d’arec dans la préparation du bétel. XYLOPIA VIiELANA PIERRE. Annamite : G2 n do. Kmer: Dom chhœu crar crohom. Arbre de 20-25 mètres d’élévation, d’un port très gracieux, dont le tronc est revêtu d’une écorce rougeàtre. Feuilles per- sistantes, ovales-oblongues, acuminées, le plus souvent obtuse au sommet, arrondies ou subcordées et légèrement obliques, à la base submembraneuses. Commun dans toute la Basse-Cochinchine, le Cambodge, Siam, les îles de Phu-Quôc et de Poulo-Condor, le X. Vie- lana est souvent réduit à l’état de buissons dans les clairières. Son bois, de couleur jaunâtre, assez dur et très flexible, s'emploie dans les travaux intérieurs des constructions et semble posséder les mêmes qualités que celui de l'espèce pré- cédente. Le Xylopia Africana Ouiv. (Inhé branco à San Thomé) donne un bois de très bonne qualité. Suivant les différentes Lk REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES, CS iles où on le rencontre, il porte le nom de Uñé branco, Lnnué bolina, etc. : A 4 Nous mentionnerons encore comme appartenant aux Ano- nacées : L'Asimina triloba Dun. (Anona triloba L.) Asiminier, petit arbre du sud des États-Unis qui, suivant Buchoz, donne un bois souple, ployant et fort dur, mais de petite dimen- sion. — Son fruit est comestible, mais peu estimé. Cepen- dant, dans son Manuel de l'Acclimateur M. Naudin ex- prime le regret que les horticulteurs et les pépiniéristes n'aient pas donné à l’Asimier toute l'attention qu'il parait mériter. Les fruits, les Asimines, dit-il, ont la forme d’une . petite banane, tout en étant proportionnellement plus courts et plus épais; ils en rappellent aussi la saveur et ils y ajoutent un parfum des plus agréables. L’Asimine pourrait devenir un fruit de premier ordre si elle était perfectionnée par la culture et la sélection. Son seul défaut est de contenir trop de pépins qui sont d’ailleurs fort gros et diminuent d'autant la quantité de la chair. Il serait à désirer qu'on en obtint des races ou variétés sans pépins, comme on l’a fait pour beaucoup d’autres fruits. L'Enantia chlorantha OLrv. Arbre de l'Afrique tropicale, à feuilles alternes, membraneuses, dont le bois n’est pas em- ployé, quoique possédant les qualités d’un bon bois de me- nuiserie. | Les Rollinia multiflora et longifolia St-Hiz. connus sous l'appellation de « Lance wood » (Bois de lance). Ce sont des arbres, originaires du Brésil et de la Guyane, qui four- nissent un bois souple et élastique, utilisé pour brancards ou autres pièces de carrosserie ainsi qe pour quelques menus travaux de menuiserie. (A suivre.) DE LA CROISSANCE APPLICATION DE SON ÉTUDE A L'ÉLEVAGE ET A L'AMÉLIORATION DES ANIMAUX Conférence faite à la Société nationale d’Acclimatation le 13 février 1891, Par M. LE D' SAaINT-Yves MÉNARD. Mesdames, Messieurs, Quand un auditoire très distingué veut bien répondre à l’appel de la Société d'Acclimatation, il peut avoir deux exi- gences bien légitimes, celle de prendre ici quelques notions instructives et celle d’y trouver aussi un peu d'agrément. : Réciproquement, celui qui a honneur de parler au nom de la Société a deux devoirs à remplir. Je ne me dissimule pas le double devoir qui m'’incombe ce soir ; mais, franche- ment, je suis obligé de me récuser pour la seconde partie. J’ai eu beau creuser mon sujet, je n'ai pas su y trouver les côtés agréables. . Ma conférence sera-t-elle au moins instructive ? Je ne sais, mais c'est à cela que tendront tous mes efforts. La Société d’Acclimatation cherche à vulgariser toutes les connaissances qui peuvent aider à tirer parti des animaux et des plantes acclimatés ou susceptibles de l'être; c'est à ce titre que l'étude de la croissance a paru devoir figurer au programme de notre série de conférences. . L'intérêt qui s'attache à cette étude est de toute évidence. Ne voyons-nous pas, en effet, tous ceux qui se livrent à Pélevage des animaux suivre leur développement avec une solicitude particulière ? depuis le propriétaire d’une écurie de courses fondant les plus grandes espérances sur un poulain de bonne origine qu'il regarde grandir, jusqu'à la fermière qui prodigue des soins maternels à une couvée de petits poulets, jusqu'à l'amateur d’acclimatation qui, dans la saison de l'élevage, passe plusieurs fois par jour devant ses pares et ses, volières.…,. | | Je veux précisément accentuer, s’il est possible, cet intérêt 446 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. que nous inspirent les jeunes animaux et chercher à vous montrer à quel point leur croissance aura de l'influence sur leur état futur et sur les services qu'ils pourront nous rendre. Pour cela nous analyserons ce phénomène physiologique de la croissance, nous nous rendrons compte, par exemple, de son activité et de sa durée, nous rechercherons les causes qui peuvent modifier et cette activité et cette durée de la crois- sance. Et si, parmi ces causes, il en est qui se trouvent sous notre dépendance, peut-être arriverons-nous à les faire agir pour transformer les animaux, pour les rendre mieux appro- priés à nos besoins, pour les améliorer, en un mot. Suivant le titre de la conférence, je ne devrais vous parler que des animaux, me sera-t-il permis, sans offenser notre espèce, de dire, à l’occasion, un mot de la croissance de l’homme ? Si nous suivons un animal depuis sa naissance, nous le voyons grandir graduellement pendant plusieurs mois et pen- dant plusieurs années pour la généralité des espèces ; puis à un moment donné il cesse de grandir, il est parvenu au terme de sa croissance ; on dit qu'il est arrivé à l’âge adulte. Tel est au moins le cas des animaux supérieurs. J’ai lu, j'ai écrit même, sous forme dubitative, que les poissons, les reptiles, les batraciens, auraient au contraire le privilège de se développer indéfiniment. J'avoue que je n’en sais rien. Des collègues plus compétents vous édifieront sur ce point. La seule réflexion que je fasse, c’est que la Grenouille du fabuliste n'aurait pas eu, dans ce cas, une prétention si exa- gérée! alors même que l’on ne connaissait pas la Grenouille importée d'Amérique sous le nom de Grenouille-Bœuf. Mais nous n'avons en vue que les animaux supérieurs. Pour eux. la croissance a certainement une durée limitée, et vous verrez que cette durée de la croissance est chose importante à con- sidérer. Mais si notre animal grandit dans le sens vertical, c'est-à- dire si sa taule s'élève, en même temps il se développe en largeur, et il y a souvent opposition entre l'augmentation de la taille et le développement en largeur. Quoi qu'il en soit, la hauteur verticale ou la taille est la dimension qui permet le mieux de suivre la croissance, c’est elle seule qu'on mesure habituellement pour en apprécier l’activité. DE LA CROISSANCE DES ANIMAUX. .. 447 : - La science n’est pas très riche en observations de cette: nature sur les animaux. Sans faire fi de celles qui sont présentées par les auteurs, je vais m'appuyer surtout sur des. recherches faites au Jardin d’'Acclimatation de 1874 à 1884, sous la direction de notre Président. Elles s'appliquent à des animaux de taille très élevée, à des Girafes et à un Éléphant ; par suite elles donnent des indications plus nettes et plus tranchées. C’est le cas de dire qu’elles donnent des indications sur une grande échelle. Ire OBSERVATION sur la Croissance de cing Girafes importées le 20 juillet 18724. Ces Girafes, capturées dans leur pays d’origine, en Abys- sinie, vers l’âge de six à huit mois, ont voyagé assez long- temps en caravane pour aller s anne sur la mer Rouge, à Souakim. RIGOLO. Jeep me 1E7S DIET EE PE ER L'ESSAI GR ET En PS RE ES Se SES ne [Le CL EE EU EE RC RS ES CR ES mcm LEURS ON RSS ER re en C2 AE PE a ERP EE Re PO (ES TE IE Een es ER ER A ER EE RP LE RO TN A BEI EE ei DEN ERA RTS DES 7 RS Er el es BON ÉERENE ET) HIITITA TN Après quelques semaines de traversée, elles ont été en che- min de fer de Marseille à Hambourg, leur première destination, et de là à Paris où elles sont arrivées vers l’âge de 14 mois. Leur première année s’est donc achevée et leur seconde s’est 448 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. commencée pendant un voyage pénible et pendant une pre- mière période de captivité. Après avoir été sevrées brusque- ment et prématurément, elles n’ont pas eu une bonne alimen- LAMARK. PRE Fee PU AD NP 1e re nn Eesti euente jeu ee pole ee tation, ou du moins elles n’ont guère pu en profiter. Dès leur arrivée, au contraire, elle sont trouvé une installation confor- ROSALIE. 4 A Sept Ve. Vers ut Sept ee Vars emma | RSS a ei —< Hars\ Ji | D EE EE D Æ us ete ennne sn un A : RE HD PE ME FE CCE RE A ER RE a Ra FA ie D A EE me 1.60 d En as nt — = PAIE RENE = << PE de roms ir rar és a pee — — = ter —- ER ee ne DE LA CROISSANCE DES ANIMAUX. 449 table et elles ont été soumises à un très bon régime, grâce auquel elles se sont rapidement développées. Il y avait deux mâles, qui ont recu les noms de Rigolo et MARGUERITE. itun | ape Sept [ec [Aer Jun | Spe [%e. [Mans Vuin] Se] Dec. [MarsVain|Sope [re [fard Z ie 8x | n 1073 CO ES EE EE SES EE CP EE OR en (EE En 79 | CS SE ee ER A MR ep ON ne or | CERN — de Lamark, puis trois femelles, Rosalie, Marguerite, José- () phine. JOSÉPHINE. _ fee 292 l7ee Vere Vin [SET 7e Vrëne in] ne [Dee Juin [Sepe[ Fée VianVein | Sept | Des arr] Serbe ess 3 5 2 | 78 7 ë 76 ai 8 19 20 Mars 1891. 99 450 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Nous avons commencé à prendre leurs tailles au bout de 5 mois, en décembre 1874. Nous les avons mesurées au garrof, très exactement, à l'aide d’une potence, d’abord tous les trois mois, puis de six mois en six mois, et d'année en année. | Rosalie est morte en 1879 d’une congestion pulmonaire, Lamark en 1880 d’une congestion intestinale, et Rigolo en 1881 d’un écartèlement, sans avoir été jamais malades dans le cours de leur existence. L'observation s’est continuée sur Marguerite et Joséphine. Une circonstance intéressante à signaler, c’est que Rosalie s'est trouvée dans un état intéressant de janvier 1877 à mai 1878 et qu’elle a allaité son petit jusqu’à la fin de 1878. | Ajoutons que la nourriture a été, en toutes saisons, com- posée d'aliments secs, regain de luzerne et maïs concassé (à peu près à discrétion) et que l’eau a toujours été donnée à la température de 30° environ. Dates des mensurations. Rigolo. Lamark. Rosalie. Marguerite. Joséphine. Mètres. Mètres. Mètres. Mètres. Mètres. 1874 4 décembre... 157) 1.88 12199 1.80 1:91 lens ME ENnArs PER lon 19% 2 12 1.94 1.96 lun rires 1.98 199 DPI 2.04 2.105 — 1e septembre.. IE 2.15 2.20 2.08 215 — ]l®r décembre... 2120 D OA Re Oil 2e 2.18 1876 1° mars...... DOS D) ED AS 2128 2.93 = leiquin, Rte 20 2.40 2245 2.28 291 — 1% septembre. 2.40 2.44 2.46 DA 2.35 lol EmMArS ere 260 2.50 2.50 2.36 2.43 ns laSeplembre. 2.59 2.60 2.60 2.44 D A5 0 1818 1°" septembre. 28 710 Die 22109 2.50 2.60 1879 1°" septembre. 2.16 2.78 DA 2.56 2.67 1880 1° octobre.... 2.86 2.86 » 2,65 DS 1881 1° octobre. ... » » » 2.70 2.85 1885 1e janvier. ... » » » 250 2185 Ie OBSERVATION Sur la croissance de deux Girafes nées au Jardin d’'Accli- matation. Si les Girafes importées n’ont pu être mesurées pour la première fois qu’à l’âge de vingt mois, nous avons eu la te at ns matt ex tt 0 2. os à à de he à à és dé mclt | | 1 DE LA CROISSANCE DES ANIMAUX. 451 bonne fortune de compléter l'observation sur des sujets que nous avons vus naître, Clotilde le 10 mars 1878, Médard le 8 juin 1882. Ces deux Girafeaux, contrairement à leurs aînés, ont passé les premières années dans les meilleures conditions hygié- niques, allaités par leurs mères qui étaient bien nourries, sevrés graduellement et habitués peu à peu au régime alimen- taire qui à paru le plus convenable. Nous aurons à revenir MÉDARD ET CLOTILDE. LFe er ec ë CRUE 5e | PE nf D CS RE Le, ESS RTE) Re sur les conséquences de cette différence ; mais dès maintenant nous pouvons constater que leurs tailles à vingt mois dépas- saient la moyenne des autres de 14 centimètres pour Clotilde, de 50 centimètres pour Médard, Clotilde a été expédiée en Amérique le 29 décembre 1881 : l'observation s’est continuée sur Médard. 452 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Clotilde, fille de Rosalie, née le 10 mai 1878. — 1878. DATES. TAILLE. Mètres. LOTS PARRR 150 lÉAUINReENE 1.45 DOUTE C EE 1.53 IE AO aUEe 1.61 1er septembre. 1.65 ISMoctobrentt 109 » » » » JO 0e vo TS ANDRE 2 1.84 lÉRurdleler 193 » » lEanvientre 2.05 » » 1MMOCtoObre RE 2-18 IIIe OBSERVATION Médard, fils de Joséphine, TAIZLE. Mètres. 1.35 1.48 1.55 né le 8 juin 1882. TT — DATES. 8 juin. léiillete lat: JSseptembre.> 12" octobre. 1% novembr e. es ic" décembre. —- Léfranmiers » NÉE ARE LE uilere 1°" octobre. Iimanvien 1 juillet. 12 février. 1833. 1884. SD sur la croissance d’un Éléphant de l'Inde (Toby) importé au Jardin d'Acclimatation. DEAR > Cut Le uin | Sept Per Jun |Sept DE Lt UE EU &o TOBY. Pere Juin Sept|Dec Ée lun \Sept | | es 5 EEE | D : | ie He) = — À —_—_— HE IL == SC Len Fe = = Ï COURSE DE CE de|”T Eléphant au À PA OISSANÉE ——— B L2 He AR CAR D 7 OT NOIRS TUE EN SN ENONCE bris À DE LA CROISSANCE DES ANIMAUX. 453 Cet animal, arrivé le 19 juin 1874, paraissait avoir huit mois tout au plus. Nous l'avons mesuré à la potence tous les deux mois jus- qu'au le" mars 1877 et une dernière fois le le septembre 1871, peu de temps avañt son départ pour Londres. DATES. TAILLE. ACCROISSEMENT. Mètres. Centimètres. 1874. — 1°" septembre ..... 1.04 » — 1SNnovembre. 0 1 en 2 mois 1875. — 1° janvier........ 1.14 3 _— — MAS ra 1220 6 — — malt ere, 1.24 4 — — ÉPle See de 1.29 5 — — lérseptembress. 1.35 6 — — 1énoyembre uv 1.39 4 — Sr 1 janvier... ...: 1.44 b) — = ÉDORTATS ER Sc 1.48 - 4 — —— STI AMEN 2 cute 1.51 3 — — poulies ra 1.54 3 — == Méseptembre ee 1.59 5 — = Ifnovembre,;: 1.62 3 — 1837. — 1% janvier..... 1.65 3 = — RÉ ETTAES RENE ee 1.66 IL — = septembre." 1.74 8 en 6 mois. Pour rendre plus saisissants les résultats de nos observa- tions, nous les avons représentées par des tracés graphiques qui donnent pour chaque sujet la courbe de croissance. . Nous avons établi de même la courbe de croissance pour l’homme, d’après les moyennes de Quételet (tableau IT). De l'examen de ces courbes de croissance et de celui des tableaux de mensuration, nous sommes arrivés à faire ressor- tir certaines données intéressantes sur le phénomène de la croissance. a) Une chose nous frappe tout d’abord, c'est la grande ressemblance des courbes, dans leur direction générale, chez l'homme, les Girafes et l'Éléphant ; ce sont approximative ment des paraboles. Cependant la taille, dans notre espèce, ne mesure pas les mêmes régions du corps que dans les espèces quadrupèdes. 454 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. b) Nos tracés montrent que la croissance, très active dans les premières années, se ralentit de plus en plus dans les années suivantes. Pour les Girafes, les moyens d’accroissement annuel sont : lre année. %e année, 3° année. 4° année. 5c année. 6° année. 7e année. S$c année” 65° 39€ 29€ 16° Tite 8° NE 50 Pour l'Eléphant, l'accroissement annuel est de : 9€ année 2 , lre année. (du 115 1875) 3e année. 4° année. » 30€ 2 [ET c 11 environ. Pour l’homme : l'e année. 2° année, 8e année. 20€ JC He d . L'HOMME. @ | ESS RE MT CE ne nl DRE HAN on SE" A A BE rpg pets RE SR SV ES AE 1 z RQ ro eu nee 7 rene ES rot he ts RSR NE Der DATA er te ts [22 | 72173 |174 [75 |16 [17 [18 | 19 | 20 Ent E3 | [261251 à A OR RS RO EE 9 A En M En te rte ne Ni et terme) A nn ann Res ARS one BE (ne RO A a ER A La comparaison de ces chiffres fait ressortir une donnée assez positive : pour les trois espèces observées, l’accroisse- ment de la première année est à peu près double de celui de la seconde et triple de celui de la troisième. Dans les années suivantes, la diminution se continue graduellement, mais. d’une manière moins sensible et moins régulière. On ne connaît pas généralement d’une manière précise PTS TER DE LA CROISSANCE DES ANIMAUX. 455 cette marche de la croissance des animaux; on ne sait pas à quel point elle est active dans les premiers temps de l’exis- tence : dans la 1re année deux fois plus que dans la seconde, trois fois plus que dans la 3° année!! Nous pouvons en tirer immédiatement une conséquence pratique de la plus grande importance : Les moyens qui ten- dent à favoriser le développement des animaux et que nous rechercherons tout à l'heure doivent être appliqués dès le plus jeune âge, quand ce développement se produit au maxi- mum ; ils ne le seront jamais trop tôt, pour donner leur sum- mum d'effet. Est-ce ainsi que les choses se passent d'ordinaire ? hélas ! non. La nourriture par exemple, qui peut influer sur le déve- loppement des animaux, est bien souvent donnée avec parci- monie aux jeunes bêtes. Elles ne rendent encore aucun service, dit-on, elles ne produisent ni travail, ni lait, ni viande, inutile de faire un sacrifice aussi tôt, les fortes ra- tions viendront plus tard. Eh bien ! non ; plus tard, il est trop tard, le temps de la croissance active est passé, il ne se retrouve plus. Notez que le sacrifice fait en temps opportun serait faible. Dans leur première année par exemple, les animaux pour être fortement nourris n’exigent qu'une quantité absolue de nourriture assez petite. Accroissement proportionnel des membres et du (Tronc. — Dans la hauteur verticale qui représente la taille d’un animal, nous avons à distinguer plusieurs parties, notamment les régions inférieures des membres, détachées du tronc, et le tronc lui-même. Il n’est pas sans intérêt de savoir dans quelles proportions les membres et le tronc participent à l'accroissement. Exa- minez un poulain à sa naissance, il est tout en jambes pour ainsi dire ; jusqu'à l’âge de 2 ans, les membres s’allongent un peu, plus tard ils ne s’allongent presque plus ; au contraire le tronc se développe, sa hauteur verticale s’augmente pro- portionnellement beaucoup plus. Les éleveurs de Chevaux mettent cette donnée à profit sans s'en rendre bien compte pour suivre la croissance des poulains. Ils tendent une ficelle du coude au boulet et la reportent en haut, du coude au garrot. Dans le jeune âge, la * 456 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. ficelle dépasse le garrot, à l’âge adulte elle y arrive tout juste. Tant que la ficelle dépasse, l'animal doit donc encore grandir. Cette disproportion dans l'accroissement des membres et du tronc nous permettra tout à l'heure d'expliquer une modi- fication de la conformation dans les races améliorées. Si les membres sont très développés à la naissance chez les quadrupèdes où ils entrent immédiatement en fonction, il en est tout autrement pour l’homme chez qui ils restent assez iongtemps inactifs. Tandis que la taille est un peu plus que triplée, la cuisse devient cinq fois plus longue qu’elle n’était à la naissance. Le bras, qui sert plus tôt, était déjà assez développé; il ne devient que trois fois et demi plus long. INFLUENCES. - L'activité de la croissance est soumise d’ailleurs à un cer- tain nombre d'influences qu’il est utile de connaitre. Hérédité. — En première ligne se place l'influence hérédi- taire. La taille et le développement général du corps sont des caractères que les parents transmettent aux enfants. Dans une espèce sauvage, qui est généralement homogène, les animaux arrivent presque tous à la même taille ou à peu près. Dans une espèce domestique. d’une race à l’autre, on rencontre précisément, entre autres caractères distinctifs, des tailles bien différentes (races bovines bretonne et nor- mande); mais, dans chaque race, la taille varie assez peu, le père et la mère transmettant leur taille commune. Dans l'espèce humaine, on raconte que Frédéric-Guil- laume Je, qui avait formé un régiment de géants, ne tolérait le mariage de ses gardes qu'avec des femmes de leur taille pour assurer le recrutement du régiment. Qu'arrive-t-il maintenant, si l’un des parents est grand et l’autre petit ? si l’on croise, par exemple, une grande race et une petite race. Le produit est généralement intermédiaire, mais il se rapproche davantage de la taille de la mère. Nous l'avons constaté au Jardin d’Acclimatation, après avoir uni par le mariage, à deux reprises différentes, un Cheval Siamois « Robinson » de tres petite taille (1",18) avec une jument Landaise « Grisette » de 1",38. Les enfants, Julie et Fantine, ont eu la taille de 1",32, bien plus voisine de celle de la mère. DE LA CROISSANCE DES ANIMAUX. 457 Cela donne raison au point de vue de l'amélioration physique de notre espèce, aux petits hommes qui prennent généralement de grandes femmes. Sexe. -— Vient ensuite l'influence du sexe. Du sexe d'un individu dépendent et sa taille à la naissance et sa taille défi- nitive à l'âge adulte. Ainsi, Médard avait, à la naissance, 5 cen- timètres de plus que Clotilde. Puis Rigolo et Lamark, à l’âge dé six ans, mesuraient en moyenne 2,76, tandis que Rosalie, Marguerite et Joséphine n'avaient que 2,64. Différence : 12 centimètres. Remarquez que cette différence en faveur des mâles ne s’accuse qu'à l’âge de la puberté, entre 3 et 4 ans. En effet, à 2 ans, les mâles avaient la taille moyenne de 1",99 et les femelles celle de 2,10, ils étaient plus petits ; il faut arriver à l’âge de 4 ans pour que les premiers l’emportent sur les seconds, de 9 centimètres. L'observation des Girafes a permis de mesurer en quelque sorte l'influence des sexes, mais cette influence était connue de tout temps d’une manière vague pour les animaux domes- tiques. On savait par exemple que le Taureau prend un plus grand développement que la Vache. Si le Taureau devient plus grand que la Vache, il est un être (j'allais dire d’un 3° sexe) qui grandit plus que le Tau- reau, c'est le Bœuf. A l’époque où l’on recherchait pour les cérémonies du carnaval des colosses de l’espèce, on voyait de _temps en temps des Bœufs normands de 2 mètres à 2",20, tandis qu'on ne voit pas de Taureau de cette taille. Gestation et allaitement. — Je vous ai dit que l’une des Girafes en observation, Rosalie, s’est trouvée dans un état intéressant bien avant l’achèvement de sa croissance, vers l’âge de 3 ans 1/2. C'était une occasion de trancher une ques- tion discutée depuis longtemps, à savoir si la gestation et l'allaitement ralentissent la croissance ou la laissent s’accom- plir normalement. Rosalie a porté de janvier 1877 au 10 mai 1878 et elle a nourri jusqu’au mois de décembre suivant. Or, pendant les deux années 1877 et 1878, elle a grandi de 19 centimètres. Marguerite et Rosalie qui n’ont pas été dans le même cas, ont grandi l’une de 18 centimètres, l'autre de 21 centimètres, 458 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. ce qui n’est pas davantage en moyenne. Il est vrai de dire que nos Girafes recevaient la nourriture à peu près à dis- crétion. La conclusion, c'est que la gestation n’a pas d'influence sur la croissance pourvu que les mères soient bien nourries. Cette notion a une conséquence pratique qu'on ne saurait trop faire connaître dans les pays d'élevage. En Normandie, par exemple, on hésite à demander un premier produit aux jeunes Juments et aux jeunes Vaches de deux ans, précisé- ment parce que l'on craint d’entraver leur développement régulier. La science nous apprend que c’est là une erreur qui se traduit chaque année par une perte pour les éleveurs. Moyennant un petit supplément de nourriture, ils obtien- draient un Poulain de plus de chaque Jument. Influence des saisons. — De tout temps, les éleveurs ont constaté que la croissance des animaux subit un ralentisse- ment très marqué pendant l'hiver et se trouve suractivée pendant l'été. On a attribué ce fait à une différence de régime qu'entraine la différence des saisons. Pendant l'hiver, en effet, la végétation presque supprimée ne fournit pas d’ali- ments, et comme les réserves de fourrages sont généralement insuflisantes, les animaux passent par des alternatives d'abondance et de disette. Eh bien, notre observation des Girafes démontre que la différence des saisons ne se réduit pas à une question de nourriture ; nos animaux recevaient les mêmes aliments à discrétion en tout temps, cependant leur croissance subis- sait un ralentissement marqué pendant les saisons froides, Et ce ralentissement constaté, mesuré, présente d'autant plus d'importance dans le cas particulier que l’action du froid était partiellement combattue par une distribution de chaleur artificielle. Les chiffres ont leur éloquence. Pour la renforcer encore, nous avons additionné les accroissements pendant 4 tri- mestres chauds et pendant 4 trimestres froids. Pendant 4 trimestres chauds, Joséphine a grandi de.. 9e. — — froids, —- — ‘ de.., 20 Dierence teen 9 c. DE LA CROISSANCE DES ANIMAUX. L59 Pendant 4 trimestres chauds, Lamark a grandi de.... 32c. — — froids, — PA TCrE 27 DINÉTENCE EN A OC. Pendant 4 trimestres chauds, Rigolo a grandi de..... 39C. = — froids, — — de..... SOC: DitérencenMen tn Ut GIC> L'influence des saisons se trouve marquée sur les courbes de croissance par les ondulations qui viennent interrompre la régularité des paraboles. Si la régularité du régime alimentaire, si le chauffage de l'habitation sont impuissants à combattre complètement le ralentissement de la croissance en hiver, il ne s'ensuit pas que nous devions négliger ces moyens, bien au contraire. Dans les campagnes, dans les pays pauvres surtout, nous trouvons les jeunes animaux en bon état pendant l'été, ïls s'accroissent ; puis, quand vient l'hiver, ils ne reçoivent à l'étable qu'une ration parcimonieuse, ils maigrissent, ils ne se développent plus. Nous ne saurions trop conseiller d'aug- menter les provisions d'hiver et de réduire au besoin le nombre des animaux qui doivent les partager. Alimentation. Durée de la croissance. — L'influence de l'alimentation sur la croissance est une des plus importantes à étudier, d’abord parce qu'elle est puissante, ensuite parce qu'elle est, plus que toute autre, sous notre dépendance, Elle agit non seulement sur l’activité de la croissance, mais encore sur sa durée; elle agit par sa quantité et par sa qualité. Pour nous rendre bien compte de son action, il nous faut analyser le phénomène de la croissance sous le rapport de sa durée, comme nous l'avons analysé jusqu'ici sous le rap- port de l’activité. Pour cela, nous avons besoin de connaître le mode d’ac- croissement du squelette qui forme la base du corps. Si nous considérons à part un des os des membres, un tibia par exemple, chez un animal en état de croissance, nous. voyons qu'il est divisé en trois parties : corps ou diaphyse, extrémités ou épiphyses, la diaphyse séparée des épiphyses par une couche de cartilage. Voici deux tibias où cela se voit 460 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. nettement. Je ne pouvais guère en choisir de plus visibles, ce sont des tibias d'Eléphant; je les dois à l’obligeance de M. Tramond, naturaliste. La diaphyse s’allonge aux deux bouts par l’ossification des couches cartilagineuses qui la touchent, puis de nouvelles couches de cartilage se forment et repoussent les épiphyses ; C'est ainsi que l'os grandit. En même temps il s’épaissit par la formation de couches osseuses sous le périoste. À un moment donné, toute l'épaisseur du cartilage est en- vahie par du tissu osseux, il ne se forme plus de nouvelles couches de cartilages, les épiphyses sont soudées à la dia- physe, l'os ne grandit plus. Quand les dernières épiphyses sont soudées aux diaphyses, l'animal a achevé sa croissance, il est arrivé à l’âge adulte. La durée de la croissance, de la naissance à l’âge adulte, est variable d’une espèce à l’autre: Ce eeRE 9 ans Lapins... AINC ee PC DR PONS BCE ER 9 — OI PART 15 mois Mouton ser 4 — Canard .... CHÉVTe PR ASE Dindon "7 CHEN. RS l'an 1/2 . Éléphant.. 0 JS 10m ACrnale eue 8 ans Auiruche PS ans Tel est l’état de nature. Précocité.— Supposons maintenant que des animaux à l’état de domesticité reçoivent une alimentation particulièrement propre à développer le tissu osseux, du lait avant tout, puis des fourrages riches en calcaires, comme la Luzerne, le Trèfle ; ensuite des grains, des farines, des tourteaux, riches en acide phosphorique et en sels minéraux. Dans ce cas, la formation des os va se faire plus rapidement, la soudure des épiphyses aura lieu un peu plus tôt que d'habitude, surtout si, par suite de-la régularité du régime, les saisons d'hiver ne viennent pas retarder sensiblement la croissance. Des animaux aussi bien soignés arrivent donc à l’âge adulte plus tôt que ceux de leur espèce, c’est ce qu’on appelle des animaux précoces. La précocité ainsi acquise est héréditaire, elle se transmet aux enfants; puis elle s’augmente chez eux de génération en DE LA CROISSANCE DES ANIMAUX. AG génération, si bien que, dans certaines familles, dans certaines races domestiques qui ont été l’objet de soins assidus pendant une assez longue suite d'années, la croissance peut durer un he | Per Dre an, deux ans de moins qu'à l’état de nature. C’est ainsi que les Bœufs de Durham sont adultes à trois ans au lieu de cinq ; les Moutons de Dishley, à deux ans au lieu de quatre. 462 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. À quoi cela nous avance-t-il, direz-vous ? À quoi cela nous avance ? mais cette précocité est un avantage considérable, au point de vue de la production économique! Les animaux précoces ont été mieux nourris, plus chèrement nourris c’est vrai, cependant ils ont coùté moins en deux ans que les autres en quatre ans. Ils ont fait l’économie des rations d’en- tretien pendant deux ans. Et puis, la précocité a une conséquence d’un autre ordre, mais non moins importante; c'est que les animaux maintenus au repos prennent une conformation toute différente et très favorable à la production de viande. DE LA CROISSANCE DES ANIMAUX. 463 L'ossification se fait si rapidement, les épiphyses se soudent si vite que les os n’ont pas le temps, pour ainsi dire, de s’al- longer et de grossir ; au contraire, les parties charnues pro- fitent de toute l’activité de la nutrition. Or le squelette, chez un animal de boucherie, c’est le déchet, on doit le réduire au minimum. Tandis que les Bœufs ordinaires donnent 50 à 55 0/0 de viande, les Bœufs précoces donnent 60, 65 0/0 de leur poids. e Vous allez comparer sur l'écran des projections un animal 464 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. précoce et un animal non précoce dans plusieurs espèces do- mestiques destinées à la production de viande. Pour l'animal précoce, tous les détails de sa conformation feront ressortir cette donnée générale : développement mi- nimum du squelette, développement maximum des parties charnues. Les extrémités des membres, tout entières osseuses, sont minces et courtes, le corps est près de terre ; la tête est fine, les cornes courtes et effilées, l'encolure peu développée. Au contraire, le tronc et les régions supérieures des membres qui s'y attachent sont développés en hauteur et en largeur. Le dos ne présente plus une arête saillante correspondant à la colonne vertébrale ; c'est une table à large surface où do- minent les masses charnues fournissant les faux-filets, mor- ceaux de premier choix. Cette transformation, cette amélioration des animaux est absolument l’œuvre des éleveurs, des Bakewell pour les moutons de Dishley, des Colling pour les bœufs de Durham ; elle s’est fixée par hérédité dans nos races perfectionnées, grâce à une sélection attentive, mais elle est due, croyez-le bien, au régime alimentaire propre à activer la croissance. Il ne faut pas d’ailleurs un bien long temps pour obtenir de bons résultats dans cette voie d'amélioration. Comparez les Poules cochinchinoïises d'il y a vingt-cinq ans et celles d’au- jourd'hui. Au lieu de ces oiseaux hauts sur patte que nous avons connus, nous trouvons dans les basses-cours des Poules presque près de terre, larges de corps et bien charnues. Il en sera de même de bien des animaux que nous prenons à l’état de nature et que nous cherchons à acclimater. Tels quels, ils n’offrent peut-être pas de grands avantages appa- rents, mais ils sont prêts à nous rendre service, si nous savons les transformer et les approprier à nos besoins. C’est une conviction que je m'’estimerais heureux, Mesdames , Messieurs, de vous voir partager avec nous après cette conférence. Il, EXTRAITS DES PROCÈS - VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. SÉANCE GÉNÉRALE DU 29 FÉVRIER 1891. PRÉSIDENCE DE M. A. GEOFFROY SAINT-IHILAIRE, PRÉSIDENT. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. — M. le Président annonce la perte que la Société vient de faire dans la personne de M. Richard (du Cantal). ïlu vice-président en 1854, M. Richard (du Cantal) conserva ces fonctions jusqu’en 1871, ue à faquelles il fut appelé à l'honorariat. Les membres de notre association ont entendu maintes fois notre regretté confrère développer ses idées sur la produc- tion animale, l'amélioration des races et en particulier celle du Cheval. Né à Pierrefort (Cantal), le 4 février 1802, M. Richard, s’é- tant engagé comme volontaire, fut attaché comme vétérinaire au le régiment d'artillerie, alors en garnison à Strasbourg. C’est dans cette ville qu’il suivit les cours de la Faculté de médecine et se fit recevoir docteur. Après avoir professé, pendant quelque temps à Grignon, un cours d'économie du bétail, il fonda, en 1838, une école d'agriculture en Auvergne. Deux ans après il était attaché à l'Ecole royale des haras, dont il devint le directeur en 1844, fonctions qu'il occupa jusqu’en 1848. À cette époque, M. Richard fut élu membre de la Constituante et député à la Chambre législative. — Dans ces deux assemblées, par son savoir technique, il rendit de grands services et fut chargé de faire, sur diverses questions, objet de ses études ordinaires, des rapports très remarqués. Rentré dans la vie privée, en 1851, il se retira en Auvergne pour se consacrer entièrement aux soins de sa ferme de Souillard. L'administration des haras le chargea, en 1869, d'organiser dans toute la France des cours et des conférences pour la vulgarisation des doctrines qui étaient siennes. Cet agronome distingué a laissé un certain nombre d’ou- vrages importants dont le plus connu est son livre sur La conformation du Cheval. Il a publié de plus : Principes généraux sur l'amélioration des races de Chevaux et autres animaux domestiques et Etude sur le Cheval de service et 20 Mars 1891. 30 466 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. de guerre; il laisse de plus un Dictionnaire raisonné d'agri- culture et d'économie du bétail, en deux volumes, livre pra- tique destiné aux gens de la campagne. M. Richard (du Cantal) a en outre collaboré, pendant sa longue existence, à un certain nombre de journaux agricoles, notamment au Bulletin de la Société d’Acclimatation dans lequel il a fait paraître, à diverses reprises, des travaux im- portants sur l’agriculture et l’acclimatation. — M. le Dr Saint-Yves Ménard procède au dépouillement de la correspondance : — M. A. Von Klein, directeur du jardin zoologique de Co- penhague, écrit qu’il a obtenu le croisement du Dingo d’Aus- tralie (Canis Dingo) et du Chien des Esquimaux (Canis Groentandica). Ce métis devra être fort intéressant à étudier. — M. Huet fils, du Muséum d'histoire naturelle, signale la résistance au froid de quelques animaux de cet établisse- ment : L'hiver que nous venons de subir nous a mis à même de confir- mer des observations relatives à la résistance des animaux exotiques au froid, observations qui corroborent pleinement celles faites en 1879-1880. | Nos quatre Gnous se portent très bien ; le jeune, né en mai der- nier, a conservé sa folle gaité pendant toute la durée des froids. Un des mâles ne pouvant être enfermé la nuit vu l’exiguïté de la cabane, a passé ainsi tout l'hiver et l'ouverture de la cabane était tournée du côté nord-ouest. Nous avions une paire de Cygnes noirs et une paire de Cygnes à cou noir (Brésil) vivant côte à côte dans des parquets séparés seu- lement par un grillage ; ils étaient donc dans des conditions d'exis- tence absolument identiques. Les Cygnes noirs paraissaient reéel- lement souffrir tant et si bien que le 13 janvier l’un mourait, et l’autre le 15. Les Cygnes à cou noir, au contraire, ont parfaitement résiste. — M.Chatôt, de Saint-Germain-du-Bois (Saône-et-Loire), fait connaître la mort d’un Agouti femelle qu’il avait en chep- tel et annonce le retour du mâle. _ — La Société de répression du braconnage de pêche d'Hes- din (Pas-de-Calais) adresse une demande d'œufs de Salmo Quinna. — M. le comte CG. mn de Milan, s'inscrit pour obtenir des graines de Riz sec. _PROCÈS-VERBAUX. 467 — M. de Rerdec de Milizec Die Re des Pommes de terre Richter’s imperator. — M. le Président annonce qu'il a reçu de . MOSS le 11 février, le télégramme suivant : Jour fondation, Société Acclimatation Moscou, membres réunis en séance solennelle envoient à la Société-mère initiative de idée féconde acclimatation, leurs sentiments d’estime, reconnaissance, sympathie. Société Moscou exprime spécialement au Président ses remerciements pour son concours au progrés du Jardin zoologique de Moscou. — Président, Anatole BOGDANOFF, Secrétaire, KOLOUCHSKY. — Il a été répondu immédiatement par télégramme et aussi par une lettre dont nous reproduisons le texte ici : Monsieur.et cher Président, C’est avec une vive satisfaction mêlée de reconnaissance, que j'ai recu hier votre aimable dépêche, et j’ai accueilli avec joie cette nou- velle preuve des sentiments de confraternité, d’étroite sympathie et de courtoisie qui ont toujours existé entre nos deux Sociétés. Veuillez presenter à celle que vous présidez si dignement nos plus sincères remerciements. Je ne saurais vous dire, en ce qui me concerne, combien je suis heureux des relations cordiales et de la parfaite communauté d'idées qui relient votre institution à la nôtre. Je me rappelle sans cesse les sentiments d'estime et d'amitié que le premier président de notre So- ciété nourrissait à votre égard, et aussi la sympathie que vous voulez bien lui témoigner en retour; héritier de ces mêmes sentiments, je me sens profondément honoré de votre bienveillance pour moi et je vous en exprime toute ma gratitude. - Vous savez, Monsieur et cher Président, quel intérêt nous prenons aux travaux de la Société d’Acclimatation de Moscou et quels vœux nous formons pour le développement et la prospérité de votre beau Jardin zoologique; ces progrès ne peuvent manquer de se réaliser sous votre puissante impulsion et avec l’aide de votre science, de votre dévouement; qu'il me soit permis d’applaudir aux succès déjà rem- portés. Veuillez agréer, etc. Signé : À. GEOFFROY SAINT-HILAIRE. — Au nom de M. Magaud d’Aubusson, M. le secrétaire des séances lit une note sur quelques oïseaux de l’Australie. — Au nom de M. Krantz, M. Berthoule lit un mémoire sur la pêche en Finlande. Le secrélaire des séances, D' SAINT-YVES MÉNARD. II. COMPTES RENDUS DES SÉANCES DES SECTIONS. 2 SECTION: SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1891. PRÉSIDENCE DE M. MÉGNIN. M. Magaud d'Aubusson étant en Égypte, et M. Lemoine n’assistant pas à la séance, M. Mégnin est prié de remplir les fonctions de prési- dent. Le procès-verbal de la réunion précédente est lu et En A cette occasion, M. Geoffroy Saint-Ililaire fait observer qu'il existe bien d'autres procédés de conservation des œufs, dont plusieurs au moins aussi efficaces que ceux qui ont été indiqués dans le procès- vérbal. M. Mégnin exnlique comment se pratique intaes On coupe le doigt à l'articulation d'une aile seulement, en évitant de toucher au pouce. On peut cautériser avec de la cendre, ou mieux, au perchlo- rure de fer. Le plus souvent, on ne constate, d’ailleurs, qu’une hémor- rhagie insignifiante. \ Il ne faut pas confondre l’éjointage prosrement dit avec l’ablation des plumes d’une aile. Les ® éjointées abritent moins bien leurs œufs que les autres; c’est là le seul inconvénient sérieux que présente l'opération. M. Geoffroy Saint-Hilaire dit qu'il faut s'abstenir d’ one pendant les froids et les fortes chaleurs. L'opération faite sur les jeunes oiseaux réussit ordinairement bien. Mais il arrive souvent que des plumes inatlendues poussent ensuite. Il vaut donc mieux attendre que les sujets soient plus âgés. M. Geof- froy Saint-Hilaire est partisan de la cautérisation au nitrate d'argent. Les espèces qui nichent dans des situations élevées sont gênées par l'éjointage, et refusent souvent de nicher à terre. A propos de l’entrave Danin, M. Mégnin, répondant à M. Geoffroy Saint-Hilaire, dit que les Perdrix qui ont été longtemps entravées ne reprennent pas immédiatement leur pleine facullé de voler. C’est là un réel inconvenient que présente ce procédé. M. Fallou rend compte des expériences qu'il a faites avec les Co- rises du Mexique. Les Pinsons et surtout les Alouettes s’en sont montrés friands. Les autres espèces renfermées dans la DS. ont refuse cet aliment. M. Geoffroy Saint-Hilaire fait observer que, souvent, des oiseaux refusent une nourriture nouvelle et l'acceptent ensuite volontiers. Au Mexique, on vend ces insectes couramment. Il faudrait peut-être les amollir au préalable. COMPTES RENDUS DES SÉANCES. DES SECTIONS. 469 A propos des Punaises d'eau qui sont d'un usage courant au Mexique pour la nourriture des jeunes Faisans et des observations échangées sur leur valeur nutritive probable, M. Dautreville fait observer qu’il n'y a qu’un moyen de trancher nettement la question, c'est d’avoir recours à l’analyse chimique. 2 s La quantité d'azote, de matières grasses, ajoute M. Mégnin, et l'acide phosphorique (à l’état de phosphates) doivent être exactement dosés, afin de pouvoir établir une comparaison entre la valeur alibile de ces animaux desséchés et la traditionnelle larve de Fourmi. _ M. Gcoffroy fait remarquer à ce sujet que depuis longtemps il re- cherche la composition des œufs de Fourmi, et qu’il se propose d’en faire faire une analyse. M. Dautreville répond que l'essai complet a été fait par lui en 1883-1884-1885. Alors quil présentait un produit désigné encore aujourd'hui sous le nom de poudre toni-nutritive destinée à remplacer les œufs de Fourmi, d'une composition analogue, produit qui fut- récompensé trois années de suite par la Société. M. Dautreville ajoute que les analyses de larves de Fourmi, d’Asticots, de Vers de terre et de farine répétées au laboratoire d'essai de la pharmacie centrale de France, doivent se trouver dans les archives de la Société, encastrées dans les communications qu'il a adressées à cette Cpoque. _ M. Dautreville promet d'ailleurs de rechercher et d'apporter, s'il les retrouve, les analyses en question. Cette discussion amène M. Geoffroy Saint-Hilaire à parler d'un produit récemment présenté à la Société par M. Pelisse, pharmacien à Paris, sous le nom d'œufs de Fourmi artificiels dont la composition n'est pas donnée. La paternité de ce produit, fait remarquer M. Mégnin, revient de droit à M. le docteur Régnard qui l'avait composé pour ses élevages de gibier. M. Pelisse n’aurait fait, d’après M. Mégnin, qu'exécuter une formule donnée par le docteur Régnard. M. Rémy Saint-Loup appelle l'attention de la section sur le rôle que joue l’acide formique dans les larves naturelles et qui semble man quer dans les artificielles. Le Secrétaire, Ch. MAILLES. “IV. HYGIÈNE ET MÉDECINE DES ANIMAUX. Chronique. Poux ET RiciNs (suile). Phithiriase du Cheval. — Le Cheval suit la règle que nous signalons ci-dessus, c’est-à-dire qu'il nourrit deux espèces de Poux: Un Pou suceur, grand et noir, l’Hematopinus tenuirostris et un petit Ricin, le Trichodectes equi. La phthiriase que cause le premier est bien plus sérieuse et bien plus grave que celle que détermine le second, et elle se constate surtout chez les Chevaux adultes; elle a pour symptômes : une vive démangeaison et l'apparition de petites papules rouges, dis- crètes, qui se dénudent de poils et qui se remarquent surtout près de la crinière sur les bords de l’encolure. C’est le résultat des piqûres de l'Hematopinus tenuirostris. Cette phthiriase est très contagieuse, et, pour peu que les Chevaux soient amaigris et débilités par les priva- tions, on la voit se répandre avec rapidité sur tous les Chevaux d’une même écurie; elle a alors autant de gravité que la gale, qu’elle com- plique quelquefois. La phthiriase que cause le Trichodectes equi, ou petit Pou du Cheval, se développe particulièrement chez les jeunes Chevaux, bien qu'on la voie aussi quelquefois chez des Chevaux plus âgés, à poils longs et bourrus: elle affecte le tronc et particulièrement les régions poste- rieures. Les seuls symptômes qui la caractérisent sont: une déman- geaison très modérée et la présence du parasite et de ses œufs ou lentes; la peau ne présente aucune lésion, on voit seulement à la direction et à l’enchevêtrement des poils ou des crins, que l’animal s’est gratté; il y a quelquefois de légères excoriations à la peau par ce fait. Rien n’est plus facile que de débarrasser un Cheval des Poux qui l’incommodent, et les moyens sont nombreux : frictions avec la pom- made mercurielle; onctions avec un corps gras quelconque, lotions avec une infusion de Tabac; insufflation de poudre de Cévadille, de graines de Staphisaigre, Pyrèthre, de graines desséchées de Fusain, etc., etc.; le plus simple et le plus radical de ces moyens est la lotion avec une décoction de Tabac en feuilles (30 grammes pour un litre d’eau), après tonte préalable. Si la décoction est faite avec de l’huile, elle est encore plus efficace qu'avec de l’eau. Nous devons prévenir nos lecteurs que l'acide phénique, très effi- cace pour détruire les microbes de la fermentation putride, est com- plètement inefficace dans le cas de phthiriase, ou de gale, à moins d'être employé à un degré de concentration qui serait dangereux pour le malade. Phthiriase du Bœuf. — Le Bœuf, comme le Cheval, nourrit deux espèces de Poux : un Pou suceur, l’Hematopinus eurysternus, et un petit Ricin, le Zrichodectes scalaris. Les phthiriases que ces Poux pro- "HYGIÈNE ET MÉDECINE :DES ANIMAUX. ; : : &7A voquent ont la plus grande analogie avec celles du Cheval, elles ont les mêmes caractères et affectent les mêmes régions. On peut les traiter par les mêmes moyens, mais, à cause de la propension qu'ont les grands ruminants à se lécher, il faut éviter de se servir d'agents toxiques et particulièrement de pommade mercurielle ; on se conten- tera de lavages sulfureux ou même de l’emploi de simples corps gras. Phthiriase du Chien. — Le Chien nourrit aussi deux espèces de Poux: un Pou suceur, l'Æematopinus piliferus (fig. 2), et un Ricin, le Tricho- dectes latus (fig. 1). Contrairement à ce qui se voit chez nos grands herbivores, ici c’est le Ricin qui est le plus grand. C’est surtout chez les Chiens adultes à poil long et grossier, comme les Griffons d'arrêt ou courants, que vit ce dernier, et ce sont particulièrement les petits Chiens d'appartement, les Caniches, les Maltais, les petits Griffons de dames, que tourmente le premier. Pour débarrasser les uns et les autres de leurs Poux, il est souvent indispensable de les tondre, sur-. tout quand ils ont le poil très feutré, ce qui rend impossible toute pénétration jusqu’à la peau d’un liquide médicamenteux quelconque et surtout des poudres parasiticides de Pyrèthre, de Cévadille, et de graines de Staphysaigre, qui, avec les bains sulfureux, sont très pro- pres à combattre la phthiriase des Chiens. Pour les petits Chiens d'appartement à poil blanc, il faut un traitement qui soit efficace sans salir, et il faut donner la préférence aux lotions ou bains insecticides ; voici la formule d’une de ces lotions : Carnorate dersonden Lu. 50 grammes. A dissoudre dans eau tiède. ...... Un litre. Puis faire infuser dans cette solution alcaline : poudre de Staphysaigre. 10 grammes. Comme pour les grands ruminants, il faut éviter d'employer contre la phthiriase du Chien, les préparations mercurielles ou à base de Tabac. Phthiriase du Chat. — Le Chat n’a qu'une espèce de Pou, un Ricin, le 7richodectes rostratus, qui le tourmente rarement ; pour l’en débarrasser, il suffit de projeter au fond du poil de la RER de pyrèthre bien fraîche. Phthiriase de la Chèvre et du Mouton. — Le Mouton, outre son Mé- lophage qui est un Diptère dégénéré, n’a qu’une seule espèce de Poux, un Ricin : le Zrichodectes sphérocephalus, et encore est-il extrêmement rare. La Chèvre a deux espèces de Poux beaucoup plus communs : l'Hematopinus stenopsis et le Trichodectes climax. Si ce n’était la déman- geaison, qui amène la chute de quelques mêches de laine ou de poil, l'effet de ces parasites est peu marqué et peu important; du reste, on en débarrasse les animaux par les mêmes moyens que pou les grands ruminants. Phthiriase du Porc. — Le Porc n’a qu'une espèce de Poux, c’est l'Hematopinus suis, maïs il est énorme, plus grand que celui du Che- val, et produit des effets analogues : éruption papuleuse, prurit 472 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. intense, qui l’incile à se vautrer dans la fange, ou à démolir son toit par ses gratlages répétés. Une onclion d'huile à brûler chaude suffit à le débarrasser de ses parasites et à calmer ses tourments. Phihiriase des volailles. — Les Poux des volailles appartiennent tous au groupe des Ricins et sont extrêmement nombreux en espèces très variées de formes et de dimensions. La Poule domestique en nourrit jusqu’à sept espèces et le Pigeon cinq. — (Il ne faut pas confondre avec les vrais Poux dont nous nous occupons, le parasite que le vul- gaire appelle perit pou rouge du poulailler, qui est un Acarien du genre Dermauysse et sur lequel nous reviendrons un jour.) Fig. 5 et 4. — Ricins de Gallinacés. Fig. 5.— Lipeurus mesopelius Fig. 4. — Menopon productus et ses œufs (grossi). (grossis). | _Les Poux ou Ricins des volailles (fig. 3 et 4) sont peu dangereux et leur grand nombre indique plutôt un état valétudinaire qu'une maladie de leur fait. Néanmoins il est bon d'en débarrasser les volailles, car ils ne laissent pas que de les troubler dans leur repos. Pour cela il faut mêler de la poudre de pyrèthre fraîche, ou de Staphysaigre, dans le sable fin ou la cendre que l’on met à leur portée pour qu'elles puissent se poudrer, et, de plus, on leur insufle cette même poudre au fond des plumes avec un instrument ad hcc. On peut encore incor- porer cette même poudre dans du savon noir et on lubréfie le fond des plumes avec cette sorte de pommade. : D' PIERRE. Y. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. Exposition d'oiseaux de basse-cour. — La section &’avicul- ture de la Societé nationale d’Acclimatation de France fera, du 14 au 20 avril 1891, au Jardin d'Acclimatation du Bois-de-Boulogne, une’ exposition internationale d'animaux de basse-cour. Les demandes de renseignements ainsi que les demandes d’admis- sion doivent être adressées sans retard à M. le Secrétaire général de la Société d’Acclimatation, 41, rue de Lille, à Paris. Exposition agricole et horticole de Mantes. — La So- ciété agricole et horticole de l'arrondissement de Mantes ouvre, en 1891, un concours général auquel sont conviés les exposants français et étrangers dont l'industrie se rapporte à l’agriculture et à l’horti- culture. | L'exposition aura lieu du 9 au 13 juillet, à Mantes-la-Jolie (banlieue ouest de Paris, embranchement des lignes du Havre et de Cher- bourg). Le concours comprendra les animaux des espèces chevaline, bovine, ovine, porcine, les animaux de basse-cour, es concours spéciaux de semoirs, faucheuses, moissonneuses, moissonneuses-lieuses, pulvéri- sateurs, machines à battre, pressoirs, exposition d'instruments agri- coles, les produits de l’agriculture, les plantes d'utilité et d’agré- ment, les fleurs, les fruits, les instruments horticoles et une exposition scolaire. La laiterie au Danemark. — Depuis une dizaine d'années environ que les écrémeuses à force centrifuges ont été introduites dans la pratique de la laiterie danoise, la production des établis- sements, consacrés à cette industrie, s’est considérablement accrue. Le Danemark exportait, en 1883, 8,700,000 kilogs de beurre, le poids du beurre exporté atteignait 11,800,000 kilogs, en 1885. C'était là seulement le début de la progression, .car les exportations an- nuelles du beurre danois se chiffrent actuellement par 27 et 28 mil- lions de kilogrammes. La culture des céréales a cédé la place aux herbages et le Danemark, qui vendait jadis du blé à l'étranger, en importe maintenant. L'adoption des écrémeuses centrifuges a accru de 10 °} le ren- dement en beurre du lait et à permis, en accélérant le traitement, d'opérer sur de plus fortes quantités de matière. Le nombre des lai- teries en participation augmente sans cesse, et celles qui existaient: primitivement ont vu leur importance s’accroitre considérablement. On attribue la richesse en matière grasse du lait des vaches da- noises, qui fait faire prime à leur beurre sur le marché anglais, au 474 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. mode d'alimentation en usage, ces animaux recevant, chaque jour, 5 kilogs de tourteau de colza. Le recrutement de bonnes trayeuses est la seule difficulté que ren- contrent les propriétaires des laiteries. Les grandes fermes ont une surveillante qui dirige les femmes chargées de traire, opération payée à raison de 30 centimes par traite. On accorde aux Vaches dans les laileries danoises la même atten- tion qu’on donne aux chevaux dans les écuries bien tenues. Le fumier est enlevé chaque matin, et les animaux subissent un étrillage quo- tidien. HUB: . Le transport des œufs. — Dans le transport des œufs desti- nés à l’incubation, on doit redouter, en dehors de la rupture de la coque, tout choc violent et prolongé susceptible, sans briser cette coque, de détruire l’équilibre interne du jaune, du vitellus et de l’al- bumen, du blanc. La facon dont le jaune est suspendu à l’intérieur de. l'albumen par deux appendices connus sous le nom de chalazes, donne cependant une certaine solidité à cet équilibre. Le voyage que font les œufs dans de bonnes conditions n’en altère pas la vitalité. On peut placer au printemps sous une couveuse des œufs venus de France en Angleterre, et on est certain d’en obtenir une forte propor- tion de poulets. Les embryons n’ont donc pas souffert du voyage. Le meilleur mode pour l’emballage des œufs consiste à envelop- per chacun d’eux dans de petites feuilles de papier mince, et à les placer entre des lits de foin dans un panier d’osier. Le panier peut, en effet, être bousculé sans que l’embryon en soit incommodé, et sans crainte de rupture de la coquille, car l'extrême élasticité du foin, empêche les œufs de se heurter et les parois du panier amortissent parfaitement les chocs extérieurs. Il n’en serait pas de même avec une paroi rigide de bois, qui transmet le choc. Le foin doit donc être employé de préférence à la menue paille, aux grains d'avoine, au son, à la sciure de bois et aux autres corps analogues, car ces matières, plus ténues, passent, par suite des trépidations dues au transport, à travers les intervalles des œufs et se rassemblent au fond du panier ou de la caisse, laissant un libre contact s'établir entre les coques, d'où fréquentes ruptures. | On se demande souvent si un long voyage réagit sur la vitalité des œufs. On fait facilement éclore en Angleterre des œufs venus de France et il y a de longues années, alors que la traversée de l’Atlan- tique exigeait deux fois plus de temps qu à l'époque actuelle, on a souvent fait éclore, en Amérique, des œufs pondus en Europe, ou ayant effectué le voyage inverse. Un éleveur anglais, M. Teebay, exposa même une grosse Poule Brahma qui avait traversé l'Atlantique à l’état d'embryon. Ces tra- versées n'ont cependant pas grandes chances de réussite quand il faut -CHRONIQUE GÉNÉRALE,ET. FAITS DIVERS. … 478 franchir l'équateur pour aller, par exemple, aux Indes ou au Cap de Bonne-Espérance. | EN ‘a Le S'ockhkupu mentionnait récemment deux envois d'œufs destinés à l'incubation, expédiés d'Angleterre à Sydney. Ces œufs avaient été enduits de suif, enveloppés isolément dans du papier de soie, et dis- posés par couches dans des caisses avec de la sciure de bois. Ils arri- vêrent en bon état, sans une seule rupture, et furent immédiatement placés dans un incubateur, mais aucun ne fournit d’éclosion. Quel- ques-uns cependant contenaient des poulets à l’état embryonnaire. Cet insuccès était inévitable, par suite de l’obturation des pores de la coque au moyen du suif. On eût peut-être mieux réussi en faisant voyager les œufs dans des jarres de terre afin d'éviter l'évaporation de leur matière, mais sans cependant pouvoir répondre du succès. Pour un voyage de durée moyenne, on obtiendrait probablement, de meilleurs résultats en emportant une bonne couveuse Cochinchinoise, de caractère docile. La poule serait placée sur un nid suspendu, reposant sur une couche de tourbe humectée chaque jour. La traversée devrait avoir une durée telle, que l’éclosion s'effectue vers l’époque de l’arrivée. Pour les voyages à l’intérieur même d’un pays, il a tou- jours été constaté qu’on avait plus de ruptures quand les œufs étaient transportés par la poste que lorsqu'ils l’étaient par chemin de fer. | (D’après M. W. B. Tegetmeier.) Poulets chasseurs de Souris. — J'ai eu chez moi plusieurs Poulets et Canards qui pouvaient rivaliser d'adresse avec le meilleur Chat pour guêter, saisir et croquer les Souris. Voici comment je suis arrivé à dresser, sans m'en douter, ces jeunes oiseaux à chasser les Souris. Chaque année, je vais passer quelques mois aux bords de la mer et j'emporte comme bagage culinaire une cargaison de volailles que je tâche de maintenir dans un état passable d’embonpoint jus- qu’au jour de l’holocauste. Mais vu la nature de la localité, ce n'est pas aussi facile qu’on pourrait le croire d’abord, et malgré le grain et les pâtées à discrétion, ma basse-cour, qui n’est autre que le sable de dune, n'offre aucune nourriture en verdure ou en insectes à ses hôtes qui en souffrent beaucoup, aussi se jettent-ils avec avidité sur la moindre feuille de salade et sur les petits morceaux de viande. Si mes Poulets ne prospèrent pas à souhaits aux bords de la mer, je n’en dirai pas autant des Souris et des Rats, ils pullulent prodigieu- sement malgré une destruction sérieuse. Un jour que toutes les souricières étaient garnies de leurs prises, afin de les replacer de suite, je les débarrassais et je jetais négli- gemment ces petits rongeurs dans la basse-cour, mais je vis aussitôt Poulets et Canards se jeter sur ce friand morceau et s’en repaitre avec avidité. À quelques jours de là, me souvenant de ce qui s'était passé, je voulus m'offrir le spectacle d’une chasse à courre aux Souris par ma 176 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. meute de volailles ; je lâchais donc quelques Souris vivantes dans la basse-cour. Aussitôt elles furent poursuivies, happées par les Pou- lets plus vifs que les Canards et finalement mises en pièces et avalées. A dater de ce jour mes Poulets-chasseurs (avant d'avoir subi la sauce ainsi nommée) étaient dressés ; je les voyais auprès d’un tas de bois, dans l'écurie, auprès des fourrages, guêter les Souris avec la patience d’un chat; aussitôt qu'une imprudente se montrait à portée, elle était saisie et emportée au milieu de la cour, malgré ses cris aigus, qui ne manquaient pas d'attirer le reste de la basse-cour affamée ; l'heureux Poulet-chasseur, la Souris dans le bec, était poursuivi à outrance par ses compagnons suivis des Canards moins vifs à la course, mais parfois plus habiles et prompts à profiter du moment op- portun pour prendre et avaler la victime ou ses débris qui, après avoir passé cent fois de bec en bec, devenaient la proie du plus adroit. CRETTÉ DE PALLUEL. Les Cygnes des marais d'Abbotsbury. — Les rives des ma- rais d'Abbotsbury, en Angleterre, présentent un singulier aspect au printemps. Partout au bord de l’eau dormante, on voit des Cygnes vivant en liberté sur ces marais, qui veillent par couples, à la sécurité de leurs œufs, un des oiseaux faisant sentinelle à côté de celui qui couve. Les Cygnes sont strictement monogames en effet, et ils ne com- mencent à couver que vers leur troisième année, le mâle alternant avec la femelle pour maintenir les œufs à une douce température. La femelle pond de cinq à huit œufs blancs, très gros, à coque fort épaisse, et les couve pendant cinq semaines avec l’aide du mâle. Les nids, faits de roseaux desséchés, et atteignant d’assez fortes dimensions, sont dissimulés derrière des touffes d’osiers, et séparés les uns des autres par les milliers de découpures, de petites criques, entaillant les rives du marais. Peu craintifs en temps ordinaire, ces oiseaux se laissent facilement approcher par l'homme, mais ils deviennent fort farouches quand ils couvent ou que leurs jeunes sont encore po et défendent énergiquement les approches de leur domicile. Les Cygnes établis à Abbotsbury ne sont pas indigènes, mais on ignore par qui, et à quelle époque ils ont été installés sur ce marais, où ils se reproduisent abondamment, le climat leur étant sans doute favorable. Leur nombre diminuerait cependant, car les anciennes raditions rapportent qu'il y en avait autrefois de 7 à 8,000. Plus tard on n’en compta plus que 1,500, puis 800 environ, chiffre actuel de la colonie. Souvent des Cygnes sauvages, des Cygnes chanteurs, Cygnus musicus, appelés « Hoopers » dans la région à cause du cri hoop qu’ils font entendre, viennent leur tenir compost mais ReLE pendant fort longtemps. Le Cygne est probablement le seul animal domestique chez lequel une alimentation plus abondante a pu accroître le poids et la taille, CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 477 sans réagir sur l’élégance des formes. Les Cygres d'Abbotsbury n’ont pas du reste à redouter cette cause de dégénérescence esthétique, car ils ne sont pas nourris par l’homme, les rives et le fond du marais, leur fournissant amplement ce dont ils ont besoin. Bb: Repeuplements artificiels en Morues et en Homards. — Le professeur Spen cer Baird, membre de la Commission des pêche ries des Etats-Unis, vient d'obtenir un plein succès dans ses tentatives d'introduction du Saumon dans le bassin de l'Hudson, le fleuve de l’état de New-York. M. Adolphe Nielsen, président de la Commission des pêcheries de Terre-Neuve, a obtenu une réussite non moins complète dans ses expériences sur la reproduction artificielle de la Morue et du Homard, poisson et crustacé qu'il a introduits, grâce à cette méthode, dans la Trinity Bay, la baie de la Trinité, où les laboratoires d’incubation avaient été installés. Pour amener à bonne fin l’éclosion des œufs de Morue, il faut, paraît-il, plus de soins qu'il n’est nécessaire d’en accor- der aux œufs de Homard. Les œufs des Morues doivent être maintenus flottants à la surface de l’eau, et sont excessivement sensibles aux influences extérieures, tandis que les œufs des Homards vont au fond des appareils d'incubation. Une eau de mer très pure, douée d’un cer- tain degré de chaleur et de salure, se renouvelant continuellement alimente ces appareils. Au mois de mai et de juin 1890 on avait capturé 700 Morues arrivées à différents étals de maturation reproduc- tive, et on les enferma dans des bassins couverts de treillages en fil de fer, alimentés d’eau de mer, en les nourrissant de Harengs, de Cape- lans, etc. À la fin de juiliet on avait obtenu 33 millions d'œufs, dont on fit éclore 17 millions et les jeunes poissons obtenus furent déversés dans Ja Trinity Bay. On pourrait faire éclore, chaque saison dans ces bassins, une quantité beaucoup plus considérable d'œufs de Morue, quantité suffisante pour donner 300 millions d’alevins. Les résultats ont été encore plus favorables avec les Homards, 20 millions d'œufs, recus de différents points de la côte, furent placés dans 432 appareils incubatoires, maintenus à flot non loin de la côte de la baie, de manière à être animés d’un balancement continu favo- rabie à l’éclosion, vingt-quatre hommes étaient chargés de la garde de ces appareils qui fournirent aux eaux de la baie 15 millions de jeunes Homards robustes et bien vivants. Joie Les Anones et leurs fruits. — Les végétaux du genre Anona sont des arbrisseaux ou de pelits arbres fruitiers, souvent cultivés en Amérique et dans nos colonies. Parmi les espèces nombreuses de ce genre, quelques-unes ne méri- tent qu'un intérêt médiocre, Mn au contraire, sont particuliè- 478 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. rement recherchées pour leurs fruits, tels que le Chérimolier, l’Attier et les Corossols ou Cachimans que nous allons successivement examiner. I. — Le Chérimolier (Anona Cherimolia Mic: À. éripeluta AT.) est un petit arbre d’une hauteur de 4-5 mètres, à rameaux lâches, rudes et ponctués ; ses feuilles sont assez grandes, ovales, obtuses, molles, d’un beau vert en-dessus, pubescentes sur la face inférieure. | Indigène du Pérou, de l'Equateur et de la Colombie, cette espèce croît spontanément dans les régions montagneuses de la Cordillère des Andes, où elle atteint jusqu'à 1,500 mètres environ d’altitude. Elle a été introduite au Brésil, au Vénézuéla et aux Antilles ; elle est encore cultivée dans toute l'Amérique centrale et au Mexique. Son fruit est une baie mamelonnée oblongue, de la grosseur d'une belle pomme ; d’abord de couleur verdâtre, elle devient ensuite gris-brun et passe au noir à sa maturité. Ce fruit renferme intérieure- ment une chair blanche, délicate, succulente, exhalant un agréable parfum de Fraise et d'Ananas. Le Chérimolier est un fruit de table que l’on mange ordinairement cru et sans sucre; c'est le plus estimé parmi les espèces du genre, aussi le place-t-on à côté du Mangoustan et de l’Ananas. Il n'est pas indigeste et peut même être consommé par les malades, à condition : toutefois qu'il ait atteint sa complète maturité. Par la fermentation, il produit une sorte de boisson alcoolique qui tourne facilement à l’aigre. M. Sagot dit avoir préparé avec le fruit du Cherimoya, infusé dans l’eau-de-vie, une liqueur alcoolique, sucrée, excellente, qui peut pren- dre rang parmi les meilleures liqueurs de table. Son parfum est péné- irant et délicat, sans analogie avec celui d'aucun autre fruit d'Europe. Dans l'Amérique équatoriale, la pulpe est souvent employée en guise de cataplasmies pour adoucir les inflammations locales. Au Pérou, dit M. À. Baïllon, on recherche comme médicament astringent les fruits tout à fait jeunes et verts ; on les prescrit en décoction et en poudre desséchée, dans le cas de diarrhée et de dysentérie. Les graines brunes, luisanies et fort lisses, passent pour un excel- lent insecticide. L II. — L'Anone squameuse ou Attier (Anona squamosa I.) est un arbrisseau de 4-5 mètres de hauteur, à feuilles oblongues, glabres, peu coriaces, d’un vert foncé en dessus. Originaire de l'Amérique tropicale et des Antilles, cette espèce est cultivée dans toutes les régions chaudes des deux mondes comme arbre fruitier. Le fruit appelé Pomme-canelle, Corossol écailleux, Cachiman, etc., dans nos colonies des Antilles, est presque globuleux ou de forme un peu conique, verdâtre, jaunâtre ou grisâtre, et de la grosseur d'une Orange. Il se compose extérieurement d’un péricarpe assez dur, cons- titué par une série de mamelons saillants, convexes et imbriqués, imitant assez une pomme de Pin ; à l’intérieur, il contient une pulpe CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 47) molle, blanche et très sucrée que l'on mange à la cuillère, en ôtant -une partie de l’enveloppe. | Ce fruit exhale une odeur forte et agréable et sa saveur rappelle la -Cannelle ; il est délicieux, sain et nutritif. Comme il ne renferme aucune acidité, dit Ainslie, les personnes les plus délicates qui n’ose- raient manger des fruits d’une autre sorte, peuvent faire usage de celui-ci sans inconvénient. On peut préparer avec le suc exprimé une boisson fermentée, analogue au cidre, mais qui ne se conserve pas comme ce dernier. toi Les fruits encore verts sont astringents; on les fait souvent cuire à l’eau avec du Gingembre et préparés de ceite manière, ils deviennent légèrement laxatifs. Les graines, crustacées, noires, sont irritantes, car Royle rapporte que dans l'Inde on emploie leur poudre pour détruire la vermine ; les Brésiliens s’en servent également dans ce but. Enfin, les noirs de la Réunion prétendent que les feuilles, en cataplasmes, font aboutir les tumeurs. III. — Le Corossolier, Grand Corossol ou Cachiman épineux (Anona muricata L.; Anona sylvestris BURM.) est un grand arbris- seau ou un petit arbre toujours vert, à feuilles alternes, amples, ovales, entières, pointues, lisses, sans stipules ; originaire de l’Amé- rique méridionale, cette espèce est cultivée dans nos colonies des Antilles, dans l’Inde et à Java. Ses fruits sont volumineux, cordiformes, oblongs et portent le-nom de Sapadilles ; ils sont hérissés de petites pointes molles, charnues et recourbeées au sommet, et pèsent de un à plusieurs kilogrammes. La surface du fruit, verdâtre ou jaunâtre, forme une sorte d’écorce à -odeur térébenthacée et d’une saveur désagréable. Elle s’enlève assez facilement et met à nu une pulpe blanchâtre, de consistance buty- reuse, d’une saveur douce, légèrement acide, rappelant à la fois celle de la Fraise, de l’Ananas et de la Cannelle. L’odeur de cette pulpe est agréable et peut se comparer à celle des pommes et des poires. On mange les fruits mürs de l’4. muricala crus, avec ou sans sucre; on les emploie aussi pour faire des confitures ou comme légumes, en les faisant frire ou bouillir, lorsqu'ils n’ont atteint que le quart environ de leur grosseur ordinaire. Ces fruits sont très sa- voureux, mais on s’en lasserait facilement si on en mangeait trop sou- vent. Le suc qu’ils renferment à leur complète maturité sert à pré- parer une boisson fermentée qui s'obtient au bout de quarante-huit heures, en mêlant les fruits ou le suc fraîchement exprimé avec du sucre. Ce liquide doit être bu presque aussitôt, car il ne se conserve pas et s’acidifie rapidement, dans ce cas, il peut alors fournir un vinaigre excellent. Les fruits, dit M. Baïillon, sont aussi employés comme médica- ments : mûrs, ils passent pour antiscorbutiques et fébrifuges. De plus, on les cueille avant leur maturité, on les fait sécher, puis on les ré- 480 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES, duit en une poudre qui s’administre dans les cas de ‘flux intestinal et de dysentérie, alors que les phénomènes inflammatoires ont été dis- sipés par un traitement approprié. Ils agissent alors par le tannin qu'ils renferment. Une décoction de fruits verts s'applique topique- ment sur les aphtes des enfants ; ils renferment à ce moment du sucre et de l’acide tartrique. | Les feuilles, comme celles de plusieurs autres espèces, servent à préparer des cataplasmes ; à la Guyane, on les considère comme un précieux antispasmodique. Dans l'Inde, elles sont quelquefois prises en infusion théiforme. Les feuilles, les fleurs et les bourgeons, pos- sèdent, dit-on, des propriétés pectorales et béchiques. Les graines sont astringentes et émétiques ; elles doivent êlre reje- tées comme aliment. IV. — Le Cachiman, Mamilier, Petit Corossol, etc. (Anona reticu- lata L.) est un arbre de 5-7 mèlres de hauteur, à feuilles lancéolées- oblongues, glanduleuses, aiguës, pubescentes et rougeâtres en dessous. Indigène des Antilles, de Panama et de la Nouvelle-Grenade, l'A. reti- culata s’est répandu dans toute la région tropicale de l’Amérique, puis dans l'Asie méridionale, dans l'Inde et à Java. Le fruit ou Cœur de Bœuf est une grosse baie globuleuse, jaunâtre, partagée en aréoles pentagonales irrégulières. Le fruit vert est em- ployé comme médicament astringent de la même manière et dans les mêmes circonstances que celui de l’A. muricata. À Cuba, disent MM. Bois et Maury, les Espagnols le coupent par tranches avant sa complèle maturité, mettent ces tranches à confire dans du sucre en poudre et les laissent sécher; ces sortes de pâtes ont un goût assez agréable. Dans d’autres régions on fait bouillir le fruit ou on le mé- lange presque comme un légume à certains potages ou à certaines sauces. Mür, il se compose intérieurement d’une chair blanche ou rose, selon les variétés, ferme, à saveur sucrée, mais assez peu esti- mée: aussi, n’y a-t-il guère que les nègres ou les gens pauvres des Antilles qui en fassent usage. Le suc qui s'écoule des branches coupées esi âcre etirritant ; il produit une inflammation de la conjonctive lorsqu'il tombe dans les veux. Les feuilles possèdent une odeur forte et un peu fétide, elles sont aussi narcotiques. Les À. Pisonii MART. et Marcgravii MarRT. donnent également des fruits comestibles. Ceux de l’A. palustris L. ont une odeur repous- sante de fromage pourri et passent pour être vénéneux. Les feuilles dont l’edeur rappelle celle de la Sabine, sont anthelmintiques. Maximilien VANDEN-BERGHE. ERR 1 TUM. — Page 367, ligne 13, au lieu de Juncus lire Sonchus. Le Gérant : JULES GRISARD. 1. TRAVAUX ADRESSÉS À LA SOCIÉTÉ. ÉTUDE SUR LE MOUTON AFRICAIN Par M. E. PION, Vétérinaire inspecteur de la boucherie, La campagne, pour les Moutons algériens en l’année 1890, a été bonne et fructueuse, affirment les acheteurs et les ven- deurs de la Villette. Les moutonniers que j'ai interrogés sont tous de cet avis. Les apports les plus considérables ont eu lieu à la fin du printemps et durant l'été tout entier, ce qui correspond, à deux mois près, à la saison où les herbages printaniers sont dans toute leur verdeur sur les Hauts-Pla- teaux. On abat des Africains à la Villette encore aujourd’hui en novembre, et j'ai pu en compter 333 qui sont passés le jeudi 20 novembre aux parcs de comptage du marché. Le maximum des prix atteints a été de 0 fr. 98 la livre, viande nette, vendue à l’abattoir. Les prix minima ont flotté entre 0 fr. 65 et 0 fr. 75. Les brebis toujours ont été moins payées que les moutons. Une chose importante à considérer et à encourager, c'est le nombre des moutons dits de réserve qui achevent leur croissance et leur engraissement aux environs de Marseille. Cette réserve s'élève à plus de 300,000 têtes de bétail. Il est des échaudoirs à la Villette qui n’ont pas cessé de travailler ce Mouton depuis le début de la saison. Quoique Paris soit l'endroit où il se consomme le plus de ces animaux, on en tue beaucoup dans les grandes villes du midi, et même je sais pertinemment qu’à la foire de Saint-Amand (Cher), le 20 octobre dernier, un lot d’Africains a été vu en tres bon état Nos pâturages de la Sologne ne peuvent qu'amélio- rer ce Mouton, et peut-être l’Africain, très vigoureux, résis- terait-il mieux que le Solognot aux nombreux parasites cachés dans l’eau marécageuse et produisant la cachexie. Mais, si d’un côté il est avantageux d’engraisser l’Africain en France et de lui donner plus de poids et plus de valeur, l'on se demande pourquoi les colons d'Algérie ou les Arabes 5 Avril 1891. 31 182 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. eux-mêmes ne livreraient pas leurs Moutons mis à point en Algérie, afin de pouvoir vendre directement et de profiter de tous les bénéfices inhérents à ce commerce. L'Zcho de Constantine a donné, à ce sujet, des détails qui ne sont pas sans intérêt. Nous en extrairons le passage sui- vant: « Nos expéditions d'Algérie à Marseille se chiffrent par 30,000 Moutons en moyenne par semaine. » Une partie de ces Moutons sert à l’alimentation de Mar- seille, Montpellier, Avignon, Toulon, Lyon et Paris; mais une grande partie est vendue à des engraisseurs du midi, puis au bout d’un mois ou deux est revendue comme « 7éserves d'Afrique », avec des différences en plus de 0 fr. 20 à O0 fr. 30 et 0 fr. 40 par kilo. Ainsi qu'on a pu le voir dans les dépêches publiées par l’Zrdépendant, le Mouton à Marseille s’est vendu de 145 à 158 fr. les 100 kïlos nets. » 12,000 Moutons se sont vendus de 18 à 22 francs pièce. » Ce sont ces Moutons qui, n'ayant pas un état de graisse suffisant, sont achetés par des engraisseurs ; la semaine der- nière, «les réserves d'Afrique » ont été vendues au marché dela Villette Pan de Er 60 Mir 0 IIeReTOEnEES » Voilà les faits sur lesquels j'appelle l’attention des éle- veurs et des engraisseurs algériens. » Pourquoi expédier à Marseille des Moutons demi-gras ? Vous avez de ce fait une perte de 4 à 5 fr. par tête au mini- mum. | » Vous avez ici, sur place, les fourrages, les orges meilleur marché que dans la métropole ; pourquoi craindre de donner aux Moutons que vous destinez à la vente, de l'orge et du fourrage, indépendamment des pâturages ? Ce sera de l’ar- gent bien placé. » Votre Mouton au lieu de peser 16 à 17 kilogs comme la moyenne des troupeaux de cette année, atteindra facilement 19 à 22 kilos viande nette, vous aurez de ? à 3 kilos de béné- fice, de plus, au lieu de se vendre 1 fr. 40, ils atteinmdront facilement 1 fr. 80 comme les Moutons dits « réserves d’A- frique ». 17 X 140 — 23 fr. 80 par Mouton. 20 x: 180 — 36 fr. 00 par Mouton. » Différence en plus pour le même Mouton engraissé com- plètement une moyenne de 8 à 10 francs par tête. Calculez la ÉTUDE SUR LE MOUTON AFRICAIN. 483 perte subie par l'Algérie pour ces 12,000 Moutons vendus sur pied de 18 à 22 francs ; elle est énorme; car ce même fait se renouvelle chaque semaine. » Avant de penser à introduire des races perfectionnées, commençons par savoir engraisser la race ovine que nous possédons, et ne laissons pas ce soin. aux engraisseurs du midi. » La question du Mouton africain va prendre, d'ici peu, une importance très considérable : c’est qu’elle est un fragment de la grande question du Mouton; or, le renouvellement de nos traités en 1892, et les conséquences économiques qui vont en découler naturellement, vont rendre de plus en plus urgentes l'appropriation et l’utilisation de tous nos produits. Naguère, la France produisait assez de bêtes ovines pour se suffire à elle-même, et le fermier y trouvait une sérieuse rémunération. Vers 1883 une baisse énorme étant survenue dans le prix des viandes, une grande partie des éleveurs, reconnaissant que le métier ne leur rapportait plus rien, abandonnèrent ou restreignirent leurs bergeries. Cette crise ne pouvait durer, car une marchandise comme la viande ne peut longtemps rester avilie. Cependant les exigences de la consommation étaient les mêmes, pour ne pas dire plus grandes. Quand on s’aperçcut que l’entreprise redevenait fructueuse, on n'avait plus assez de Brebis sous la main, on n'avait plus l'habitude de faire des élèves. Dans ce siècle de bien-être progressif avec l'accroissement de la ration de viande, les demandes, fatalement, devinrent plus fortes que les offres. Or, le Mouton ne pousse pas aussi vite que l'herbe, tant s'en faut. Les importateurs étrangers, trouvant une affaire bonne à exploiter, expédièrent alors sur Paris de nombreux troupeaux venus d'Allemagne, de Hongrie et de Russie. C’étaient et ce sont encore des Métis mérinos de haut rendement. L’invasion, en grossissant, se fit systématique. Durant que la Plata se mettait de la partie en nous envoyant ses Moutons gelés, l'Allemagne nous les apportait régulière- ment dans des wagons refrigérants ; et la frontière ayant été fermée aux moutons vivants pour cause de fièvre aphteuse ou de cocotte, ces apports, d’ailleurs favorisés par les tarifs douaniers, devinrent de plus en plus considérables, et notre or s’en allait et s’en va encore enrichir nos voisins de l'Est. Que faire ? IL fallait respecter les traités, il fallait obéir aux 4384 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. lois sanitaires internationales. Le Ministère euùt-il barré la route devant l'importation, le résultat eût été une hausse excessive du Mouton, déjà si cher, déjà considéré comme une viande de luxe. C’est alors qu’on se tourna un peu tard vers l'Agriculture française et qu'on lui dit : « Mais faites-nous donc du Mouton de facon à lutter à armes égales au moins contre la concurrence étrangère. » Vaine demande! Nos marchés à la Villette en réunissant à peine parfois le chiffre de 5 à 6,000 Moutons, — c’est-à-dire trois fois moins que par le passé, — nous ont appris cet hiver et ce printemps que nos pays de culture ne pouvaient suffire pour l'instant à la consommation parisienne. Il y a donc une question du Mouton, question de premier ordre pour la fortune publique. Or, le débouché étant assuré, et le repeuplement normal de nos bergeries ne pouvant s’opérer avant quelques années au moins, au lieu de regarder vers l'Est comme vers un pis-aller, nous tournons les yeux avec confiance du côté de la Méditerranée ; l'Algérie, avec ses innombrables troupeaux, a la puissance à la fois et l'intérêt de nous aider. L'Algérie possède très certainement de 7 à 8,000,000 de bêtes ovines, et elle pourrait en nourrir davantage. On y remarque trois variétés principales qui sont, par ordre d'im— portance : l’Africaine, la Barbarine, et une troisieme, résultat d'un croisement avec le Mérinos. Ces races, à nez busqué, à tête forte, à cornes très grosses en spirale, parfois à 4 cornes, dont deux rabattues et deux dressées en l’air, à laine gros- sière, presque jamais blanche, presque toujours d’un roux ardent, parfois tachée de noir, sont d'excellentes marcheuses. Elles sont de hautes tailles (90 à 80 centimètres) et peuvent donner, si on les pousse à la nourriture, de 20 à 25 kilog. de viande nette. Les Moutons Barbarins, avec les mêmes caractères que les précédents, ne prennent ce nom, dans le commerce du moins, que s'ils possèdent un élargissement étrange de leur appen- dice caudal. C’est une sorte de poche triangulaire où s’accu- mulent des réserves de graisse en prévision des jours de ÉTUDE SUR LE MOUTON AFRICAIN. 4S5 famine. Ce magasin doit être utile et estimable dans l'extrême sud de l'Algérie, mais il est fort déprécié à Paris. Malgré un air de famille aisément reconnaissable, les troupeaux expé- diés manquent d'uniiormité. Les premiers envois du printemps sont médiocres, ceux qui suivront seront meilleurs. Parmi eux l’on distingue avec plaisir des sujets vêtus d'une laine meilleure, moins mêlée de poils, moins rigide, plus fine, soit qu'ils aient ressenti les effets de l’ancienne bergerie de Geryville ou de Ben-Chicao, soit que leurs maîtres aient suivi les conseils et adopté les Béliers de Mondjebeur. Ces bêtes ont donc des toisons fort différentes et de valeur inégale. Ces 8,000,000 de bétes ovines appartiennent presque exclusivement aux indigènes dont c’est la fortune la plus sure. 250,000 Moutons seraient seulement entre les mains des colons sédentaires, et c’est pourquoi nous nous adresse- rons surtout aux Arabes, en essayant de leur prouver que, sans toucher à leurs habitudes anciennes, sans augmenter leur travail, sans porter atteinte à leur liberté, ils peuvent améliorer la laine de leurs troupeaux, et en augmentant le poids de la viande, augmenter tous leurs profits à la fois. BEM pastorale avec ses beautés etlses péripéties a inspiré justement les poètes (1). L’Arabe, en effet, a raison de dire que ses troupeaux sont un bien de Dieu (Kher Eurby). Les Brebis fécondes, en mettant bas deux agneaux par an, répareront les pertes subies par le berger ; ces silos ambu- lants (Metamir Rahala) font que le nomade peut porter par- tout avec lui et sa nourriture et sa chère indépendance. Mais si le maître du Mouton, — ainsi Dieu l’a voulu, — peut se passer de travailler, il est vrai aussi que la vente de ses bêtes à un plus haut prix lui procurera les choses de plaisir et de luxe qu’il convoite chez l'Européen. Pourra-t-il jamais être assez riche à une époque où les jouissances de ce monde sont plus enviables et plus chères qu'autrefois ? Non, sans doute. Ces bergers, dont le métier est si digne de louanges, ces fortunés possesseurs de ghelem ne peuvent aujourd'hui récuser les fières paroles qu'ils disaient, il y a trente ans, à nos premiers colons : « Comme le misérable habitant du T'ell, (!} Je recopie ici avec des addendas et des modifications un travail qui m'a été demandé par l’Association de l'Afrique du Nord, 486 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. » nous n'avons pas besoin de labourer, de semer, de récolter, » de dépiquer les grains, de travailler, en un mot, à la facon » des vils esclaves ; nous, nous sommes indépendants, nous » prions, nous commercons, nous chassons, nous voyageons, » et si la nécessité se fait sentir de nous procurer ce qui, » chez les autres, n’est obtenu que par la sueur et la peine, » nous vendons nos Moutons et nous avons immédiatement » armes, chevaux, femmes, bijoux, vêtements, tout ce qui » peut nous plaire ou embellir notre existence. » Or, toutes ces délices et toutes ces tentations seront de plus en plus disputées et coûteront de plus en plus cher. IT Quels seront les moyens les plus efficaces pour donner aux troupeaux arabes les qualités de laine et de viande des- tinées à parfaire leur réputation ? S'il y a quelque chance de réussite, ce sera par le croisement, par le choix des Brebis et des Béliers, par une castration mieux faite, par une nourrilure et des abreuvoirs mieux assurés. CROISEMENT. — L'on est étonné de prime abord de ne pas trouver en Afrique de plus lourdes et plus fines toisons sur le dos des Moutons : l’on sait pourtant que les célèbres Mé- rinos ont dû prospérer dans ce milieu-là, et ont laissé de leurs traces dans le Sahara, si l’on en croit ces deux vers qui vantent la beauté de certaines Brebis, laineuses jusqu'aux yeux et jusqu'aux onglons. Techouf, choufet el hama Ou temchy, mechit el haytama. Elle voit comme le Hibou — et marche comme la Tortue. On croirait que les Maures ont fait passer cette race somptueuse en Espagne où elle a pris de la valeur sans changer beaucoup ni de climat ni de régime, et cet argument nous donne le droit de penser que la terre d'Afrique serait toujours préférable au Mérinos. Je lis dans Magne cet alinéa dont la vérité reste entière aujourd'hui. « L’apathie des » Arabes est la cause de l’infériorité des laines barbaresques, » le mélange, dans le même troupeau, de Brebis presque irré- » prochables et de Béliers très défectueux, a produit ces ÉTUDE SUR LE MOUTON AFRICAIN. 457 » Moutons dont le corps est couvert en partie de laine pas- » sable, et en partie de véritable crin, ou de laine et de » jarre mélées à peu près en quantités égales sur toute l’é- » tendue de la toison. » Le croisement seul saura modifier cet état de choses avec avantage. Une expérience très chè- rement payée d’ailleurs a prouvé que les seuls améliorateurs possibles de la race africaine doivent être les Mérinos de moyenne taille, ayant l'habitude de la transhumance. On les choisira dans le Midi de la France ou dans l'Espagne. Ce seront les Béliers des Corbières, de la Crau, du Roussillon, de la Vieille-Castille, du royaume de Léon. Leur conforma- tion, leur rusticité, leur habitude de la marche, leur connaïis- sance du soleil et du froid tour à tour : toutes ces conditions ne peuvent faire perdre au Mouton africain ses qualités na- tives. Il y a déjà eu, en ce sens, des résultats indéniables, tels que ceux obtenus dans les troupeaux du Caïd des Aziz. Pourquoi ne pas tenter de les étendre, et de les imposer même par le bon exemple et par la libéralité ? Permettez-moi de m'expliquer. Qui veut la fin veut les moyens. Je sais que les Arabes, pareils en cela à beaucoup de Français, ne voudront pas délier les cordons de leur bourse pour acheter de bons Béliers ou pour en payer la location ; ils sont méfiants et ils sont routiniers à la fois, ce qui n’a pas lieu de nous étonner. Hé bien! il faut leur donner des Béliers pour rien, et leur en donner beaucoup, et établir partout où l’on pourra des bergeries modèles. Rien ne se fait sans ar- sent et, certes, ce serait là de l'argent placé à un bel inté- rêt. Avouons-le franchement : les conseils seuls, tout secs, non accompagnés d’encouragements matériels, ne feraient pas plus d'effet qu’un sermon prêché dans le Sahara. Que le ministère de l'Agriculture, dont la dotation est trop mince, hélas ! fasse son possible, que des sociétés bienfaisantes et civilisatrices s’occupént avec ferveur de la question ; s’il faut faire malgré elle le bonheur de toute une contrée, c’est par la générosité qu’on y arrivera sûrement. (A suivre.) LE PROCÈS DES MOINEAUX AU EE DAMILS LIN Par M. H. BRÉZOL. (SUITE LT FIN *). LÉGISLATION. Il est évident que pour résister à un aussi redoutable fléau une prompte et vigoureuse législation est nécessaire dans les États envahis et ceux qui ne le sont pas encore, aussi les propositions suivantes sont-elles soumises à l'étude des as- semblées législatives des différents Etats et territoires : 1° Abrogation immédiate de toutes les lois protégeant le Moineau ; 2 Etablissement de lois prescrivant en toute saison la destruction du Moineau, de ses nids, de ses œufs et de ses jeunes ; 30 Établissement de lois considérant comme un délinquant punissable par l'amende, la prison ou les deux pénalités réunies, quiconque nourrira intentionnellement des Moi- neaux, excepté dans le cas où les aliments sont empoisonnés, quiconque introduira des Moineaux ou aidera à en introduire dans les localités où ils ne se rencontrent pas encore, qui- conque enfin résistera aux personnes chargées de la destruc- ton des Moineaux, de leurs nids, de leurs œufs, ou empéchera l'application des procédés désignés ; 4 Établissement de lois protégeant le grand Lanier du Nord, ou Oiseau-boucher, le Faucon des Moineaux, et le Chat-huant, qui tuent de grandes quantités de Moineaux ; 5 Nomination dans chaque localité d’une personne chargée de détruire les Moineaux dans les rues, les parcs, sur les places publiques, partout enfin où l'emploi des armes à feu est interdit. Certains États, au nombre de sept, ont déjà pris l'avance et établi une lécislation spéciale contre le Moineau. (*) Voyez Revue, 1890, note p. 1065 ; et plus haut, p. 16. LE PROCÈS DES MOINEAUX AUX ÉTATS-UNIS. 489 Dans l'État de New-York, le nourrir ou l’abriter consti- tue un délit. Dans le Michigan, on paie, d’après une loi de 1885, une prime de 1 cent (5 centimes) par Moineau tué. Dans l'Ohio, une loi de 1883 l’a exclu de la liste des ani- maux légalement protégés et on paie une prime de 10 cents (50 centimes) pour 12 moineaux tués. On peut le détruire en toute saison dans la Pennsylvanie, d’après une loi de 1883; dans le Massachusets, d’après une loi de 1885, dans le Rhode-Island, d’après une loi de 1887. Une loi de 1885, rendue pour le New-Jersey, l’a exclu de la liste des animaux protégés. Il est compris dans la protection accordée à tous les autres oiseaux dans les huit États suivants : Arkansas, Caroline du Sud, Iowa, Kansas, Mississipi, Missouri, Montana, Ten- nessee, mais dans le Missouri on peut les détruire s'ils cau- sent du dommage aux récoltes. Une disposition spéciale de la loi interdit de les détruire dans les quinze États suivants : Colorado, Connecticut, Dis- trict de Colombie, Delaware, Illinois, Indiana, Kentucky, Louisiane, Maine, Nebraska, Nevada, New-Hampshire, Vermont, Virginie occidentale, Wisconsin ; mais dans l'II- linois, le Kentucky, et la Louisiane, on peut tuer les Moï- neaux eausant des dégâts dans les champs. La loi est muette à l'égard du Moineau dans les dix-huit Etats et territoires suivants : Alabama, Alaska, Arizona, Cali- fornie, Caroline du nord, Dakota, Floride, Géorgie, Idaho, Maryland, Minnesota, Nouveau-Mexique, Orégon, territoire indien, Utah, Virginie, Washington, Wyoming. Afin d'empêcher les Moineaux de s'emparer des boîtes ins- taHées pour les espèces indigènes, telles que les Roitelets, les Oiseaux bleus, les Hirondelles, les Martinets, on pourrait les fermer aussitôt que ces oiseaux les quittent, à l’automne, et ne les rouvrir qu’au printemps. Les boites destinées aux Roiïtelets seraient en outre percées d'ouvertures assez pe- ttes pour que les Moïineaux ne puissent y pénétrer. On recommanderait pour la destruction des Moineaux les armes telles que les chasseurs de plumes en emploient, de petit calibre, à faible charge, produisant seulement une légère détonation, insuffisante pour effrayer et éloigner les autres oiseaux. En protégeant les nombreuses espèces qui n'im- 490 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. migrent pas l'hiver, telles que les Pies, les Chickadees, les Nut-hatch, les Roitelets, les Moineaux américains et les Pin- sons, en les préservant des attaques des Moïneaux, en leur donnant un peu de nourriture, on arriverait certainement à les fixer dans les villes, autour des habitations, dans les jar- dins, où elles remplaceraient avantageusement le Moineau. Le seul moyen rationnel à employer pour la destruction, consisterait à offrir une forte prime à la personne qui aurait, dans un temps donné, sur une région déterminée, tué le plus erand nombre de Moineaux, et à donner des primes moindres aux individus venant ensuite. Une certaine somme ainsi dé- pensée produirait des résultats beaucoup plus nets que le paiement de primes minimes pour chaque Moineau tué. PRIMES A LA DESTRUCTION. 1 n’est pas pratique, en effet, d'offrir une prime par tête de Moineau tué, tandis qu’il est possible d’en restreindre consi- dérablement le nombre par une action générale des habitants et une législation intelligente, et cela sans grever lourde- ment le budget. Les primes offertes pour la destruction des espèces nuisibles manquent généralement leur but, et si on réussit, l'opération a coûté beaucoup plus qu’elle n'aurait dû. Quand une espèce nuisible, lé Loup par exemple, est devenu rare dans une ré- gion, on peut alors offrir des primes pour obtenir une extinc- tion complète et une intelligente économie conseille même de faire ces primes assez élevées. Il vaut mieux, en effet, payer fort cher les deux derniers Loups d’un pays, que.de les laisser faire souche nouvelle par la promesse d'une récompense trop peu encourageante. Une prime n’est efficace que si elle assure, des la fin de la première année, la destruction de la majorité des animaux mis hors la loi, mais alors la dépense devient colossale. Le calcul de cette dépense pour un État est facile à établir. Prenons l'Ohio à titre d'exemple, et supposons qu'aucun Moineau ne puisse plus pénétrer dans cet Etat après l’ouver- ture de la campagne d'exécution. L’Ohio s'étend sur une superficie de 10,320,000 hectares. Les villes, les villages y sont nombreux, séparés par un pays agricole riche et fertile LE PROCÈS DES MOINEAUX AUX ÉTATS-UNIS. - 491 représentant les 3/4 de la superficie totale. Les Moïneaux vont librement par les grandes villes, où on peut en voir des volées de plus de 10,000, maïs leur nombre total pour l'Etat est difficile à apprécier, et on en est réduit aux hypothèses. Admettant que le cinquième de cette vaste étendue soit occupé par des terrains vagues, il reste 8 millions d'hectares de bons terrains à Moineaux, et à 5 Moineaux seulement par hectare, on trouve un total de 40 millions d'oiseaux. Il est certain que cette évaluation est beaucoup trop basse, maïs on doit toujours se tenir en dessous du chiffre réel dans les esti- mations de cette nature. Si on exterminait tous ces Moineaux en les payant 1 cent ou 5 centimes par tête, la dépense s’élèverait à 2 millions de francs, mais ce massacre ne peut être exécuté en un an, et il est peu probable du reste que beaucoup de chasseurs se lais- sent tenter par une aussi faible rémunération, qui n’amène- rait sans doute même pas l’arrêt de l'accroissement. Au début de la campagne, on en tuerait par milliers, mais le Moineau est défiant, il sait parfaitement éviter le danger. Dès que le nombre de ces oiseaux aurait assez décru pour qu'un bon tireur ou un habile piégeur ne puisse plus en tuer plus de 100 par jour, la prime de 5 centimes cesserait d’être rémuné- ratrice, les chasseurs interrompraient la campagne, le Moi- neau recommencerait à se multiplier, tout serait à refaire sur de nouvelles bases. Bien mieux, la tentative d’extermina- tion aurait réparti les survivants plus uniformément sur toute l'étendue de l'Etat, et il en résulterait un accroissement de leur multiplication. L'Etat aurait donc, à la fin de l’année, dépensé une forte somme d'argent, pour avoir encore plus de Moineaux qu'avant l'ouverture de la campagne. En suppo- sant que la prime soit assez forte pour assurer la destruction immédiate d’une grande quantité de Moineaux, en admettant par exemple que la campagne, commencée le 1% janvier, ait mis bas 20 millions de Moineaux en trois mois, janvier, fé- vrier, mars, comme il n’y a pas encore reproduction à cette époque, il ne- restera plus que la moitié, que 20 millions des oiseaux au 1°" avril. Nous passons au second trimestre. Les Moineaux laissés en paix, élèveraient 2 couvées, de 4 ou 5 jeunes chacune, pendant ces trois mois : avril, maï, juin. Les 10 millions de couples élèveraient donc 20 millions de couvées, ou plus de 80 millions 492 REVUE LES SCIENCES NATURKLLES APPLIQUÉES. de jeunes. Mais, en raison de la prime, beaucoup de Moineaux adultes seront encore tués, et avant d’avoir pu se reproduire; d'autres seront tués après la première couvée; d’autres, enfin, auront les 2 couvées. Afin de ne pas exagérer l’ac- croissement, admettons que chaque couple élève seulement une moyenne de 4 jeunes pendant ce trimestre, et que les 2/5 des adultes et la moitié des jeunes soient tués avant son expi- ration. Nous avons alors, avec 20 millions de Moineaux adultes formant 10 millions de couples, 40 millions de jeunes dont la moitié, ou 20 millions, seront tués avant le 1e juillet, avec les 2/5 des adultes ou 8 millions. Il restera donc au 1 juillet 12 millions de Moineaux adultes, et 20 millions de jeunes, au total, 32 millions d'oiseaux. Des primes pour 28 millions de têtes auront été payées aux chasseurs pendant le second trimestre de l’année. Les Moineaux adultes seront encore plus défiants pendant le troisième trimestre : juillet, août. septembre, mais les jeunes de l’année étant plus nombreux et moins expéri- mentés, ce sont eux qui paieront la plus forte part du tribut. Il périra environ moitié des jeunes ou 10 millions, et 1/3 des adultes où 4 millions. Les 6 millions de couples d'adultes auront une 3° couvée pendant ces trois mois, couvée que nous supposons plus faible : que les premieres, de 2 jeunes seulement par couple, et dont la moitié sera également détruite. Ce sont donc 12 millions de jeunes qui écloront et 6 millions d’entre eux seront tués avec 10 millions des jeunes des deux premières couvées, et 4 millions d'adultes, au total, 20 millions de victimes pour le 3° trimestre. Le 4 trimestre de l’année commence le 1er octobre avec 8 millions de Moineaux adultes, 10 millions de jeunes des deux premières couvées, 6 millions de jeunes de la troisième couvée, au total, 24 millions d'oiseaux. Tout accroissement cesse pendant ces trois mois : octobre, novembre, décembre. Les oiseaux sont de plus en plus dispersés, de plus en plus sauvages, et il n’y en aura guère que 40 ‘/, de tués, soit 9,600,000 ; il en restera donc 14,400,000 à la fin de la pre- mière année de proscription, et on aura payé des primes pour 97,600,000 Moineaux. Pendant l’année suivante, les oiseaux réduits au tiers de leur nombre primitif et devenus plus sauvages encore après LE PROCÈS DES MOINEAUX AUX ÉTATS-UNIS. 1 108 cette série de persécutions, seront très difficiies à approcher. Si on veut maintenir la même proportion entre le chiffre total des oiseaux et le nombre de ceux qui seront tués, il faudra certainement majorer la prime. On arrivera à cette condition, en répétant les calculs faits pour la première année, à ne plus avoir que 5,184.,000 Moineaux à la fin de Ja deuxième année, et on aura payé des primes pour en détruire 25 milhons. "Tes Une nouvelle augmentation de la prime sera nécessaire au début de la troisième année si on veut conserver la méme proportion ; 10 millions de Moineaux périront alors pendant cette année, et il en restera 2 millions à son expiration. La quatrième année qui amènera encore une majoration de la prime, réduira le nombre des Moineaux vivants à 672,000 ;, elle en verra périr 3,500,000. A la fin de la cinquième année l'État n'aura plus que 241,865 Moineaux, et on en aura tué de nouveau 1,300,000. Le tableau suivant résume les étapes successives que nous venons de franchir pour obtenir ce résultat. La condition sine quä non de la réussite, on a pu le remarquer, est d’avoir pour chaque année un rapport constant, toujours le même, entre le nombre des oiseaux tués et celui des oiseaux pré- sents sur toute la surface de l'État pendant cette année. On obtient, avec les hypothèses précédentes, les chiffres de 5/6, ou 84 3/10 °/, pour la valeur de ce rapport, c’est- àa-dire que chaque année doit voir périr les 5/6 de tous les Moineaux, ceux existant déjà dans l'État ou qui y sont nés pendant le cours äe cette année, de sorte qu’au début de chaque année il ne reste en vie qu’un nombre de Moineaux représentant les 36 °/, de ceux qui s’y trouvaient au début de l’année précédente. Or, pour maintenir la constance de ce rapport, il faudrait faire croitre la prime individuelle propcr- tionnellement à la diminution des Moineaux. Pour abaisser le nombre des oiseaux à 241,865, il aura fallu en tuer et en payer 120,516,849. 49% REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Tableau hypothétique, montrant les effets probables Sur le nombre des Moineaux de l’Ohio, d'une prime élevée et- annuellement pro- gressive, pendant ÿ années conséculives. Trimestres. De janv. à mars. D’avril à juin... De juillet à sept. De janv. à mars. D'avril à juin... De juillet à sept. D'oct. à décem. De janv. à mars. D'’avril à juin... De juillet à sept. D’oct. à décem. De janv. à mers. D'avril à juin... De juillet à sept. D'oct. à décem. De janv. à mars. D'avril à juin... De juillet à sept. D'oct. à décem. : \ Nombre ne Nombre | Nombre | Nombre | Nombre | des tout Moineaux des des de a Rae au début | couples tas Moineaux| jeunes Moineaux de chaque) Run ne aduites | Moineaux Fe a trimestre. ï 14 [ucs, RE trimestre | ire ANNÉE. 40.000.000 20.000.600 20.000.000/10.000.000/40.000.000! 8.000.000 20 000.000 32.000.000! 6.000.000112.000.000 4.000.000! 6.000.000! 10.000.000 D'oct. à décem. 24.000.000 9.600.000 Total des Moineaux tués la 172 ânnée..... 2e ANNÉE. 14.400.000 7.200.000 7.200.000! 3.600.000114.400.000! 2.880.000| 7.200.000 {1.520.000 8.640.000 | 3.456.000 Total des Moineaux tués la 2° année..... 3e ANNÉE. 5.184.000 2.592.000 2.592. 000! 1.296.000! 5.184.000! 1.036.800] 2.592.000 4.147.000 717.600! 1.555.200 518.400 3.110.400 1.244.160 Total des Moineaux tués la 3€ année. .... 4 ANNÉE. 1.866.240 933.120 933.120 466.560! 1.866.240 373.248 933.120 1.492.992 279.936 559.872 186.622 279.936 466.560 1.119.746 147.898 Total des Moineaux tués la 4° année. .... je ANNÉE. 671.848 335.924 335.924 167.962 671.848 134.370 335.924 537.478 100.777 201.554 67.185 100.777 167.962 403.108 161.243 Total des Moineaux tués la 5° année. .... Total des Moineaux tués. 3 des Moineaux tués. Rapport pour 100 — 20.000.000 28.000.000 20.000.000 9.600.000 50 46 2/3 45 1/2 40 77.600.000[84 3/10 7.200.000! 50 10.080.000] 46 2/3 2.160.000! 4.320.000! 1.440.000! 2.160.000! 3.600.000! 7.200.000! 45 1/2 3.456.000! 40 27.936.000/84 3/10 2.392.000! 50 3.628.800! 46 2/2 777.60) 1.296.000! 2.592.000! 45 1/2 1.244.160! 40 10.056.960/84 3/10 933.120) 50 1.306.368] 46 2/3 933.118] 45 1/2 447.898] 40 3.620.504[84 3/10 335.924] 50 470.294| 46 2/3 335.924] 45 1/2 161.243] 40 1.303.385]84 3/10 LE PROCÈS DES MOINEAUX AUX ÉTATS-UNIS. 495 Le montant des primes payées pendant ces cinq années ne peut étre fixé d'avance, car on ignore à combien la prime de la l'e année devra s'élever pour assurer la destruction de la moitié des Moineaux pendant le 1e trimestre, 1 ou? cents, 5 ou 10 centimes, par tête ne suffiraient certainement pas, et il est même douteux qu’on puisse réussir, en payant 3 cents ou 15 centimes par tête de Moineau. Les primes des années suivantes devront être fixées de même à l'expiration de chaque année. Au commencement de la nouvelle période annuelle, on sera en présence des Moineaux devenus trois fois moins nombreux, et au moins trois fois plus sauvages, il faudra donc tripler au bas mot la prime de l’année précédente. Les sommes qu'exigerait la destruction des Moineaux dans ces conditions, aux différents taux de 5, 10, 15, 20, 25 cen- times pour la première année, taux se doublant ensuite d'an- née en année, ont été calculées dans les tableaux suivants : Prime par tête de Moineau, 5 centimes la première année. Nombre de Ne NE PE Prime. Sommes payées. Nnnée. 11.0 77.600.000 0.05 3.880.000 francs. 22 DETT CORAN 21-936.000: 0. 0:10 12.193.600 — A TANNOC ue 00 20e -10.056.000 0.20 2.011.200 — HD ANNÉE 5 ere 3.620.504 0.40 1.448.201 — DÉRANTÉR Le à à 1.303.385 0.80 1.042.708 — Somme tolale à dépenser en 5 ans.... 11.175.709 francs. Prime par tête de Moineau, 10 centimes la première annee. année: ti 77.600.000 0.10 7.760.000 francs. AMANNÉS dense 27.936.000 0.20 5.587.200 — DL ANNÉE es cle o « 10.056.000 0.40 4.022.400 — 4 année. ....... 3.620.504 0.80 2.896.403 — HAN de 1.303.385 1.60 2.085.416 — Somme totale à dépenser en à ans.... 22.351.419 francs. Prime par tête de Moïneau, 15 centimes la première annee. léfannéese2 4. 11.600.000 0.15 11.640.000 francs. 2e année....:... 21.936.000 0.30 8.380.800 — dr année ep 10.056.000 0.60 6.033.600 — 49 ‘année. se nne 3.620.504 1.20 4.314.604 — 52) année... pa 1.303.385 2.40: 3.128.124 — Somme totale à dépenser en 5 ans.... 33.527.128 francs. 496 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. Prime par téle de Moïneau, 20 centimes la première annee. 10 ANNÉCE TRE 17.600.000 0.20 15.520.000 francs. DÉPRANIÉ CES EEE DIE OJS6 000 MODELO MEME EAN DIE A MONNNÉS 06 0021010 0 10.056.000 0.80 8.041.800 — HO TANNOS S 0 2-00 8 60 3.620.504 1.60 5.792.806 — SANNTESE à 06e 000 1.303.385 3.20 4.170.832 — Somme totale à dépenser en 5 ans.... 44.702.838 francs. Prime par téle de Moineau, 25 centimes la première année. MÉANNÉe RER 51.600.000 0.25 19.400.000 francs. AÉPANTOCE 2 e EE 27.936.000 0.50 13.968.000 —- A NÉE 09 à borde 10.056.000 1.00 10.056.000 — ARE ere 3.620.504 2.00 7.241.008 — BOL ENNNÈCAN 240 60 1.393.385 4.00 5.213.510 : — Somme totale à dépenser en 5 ans.... 95.8:8.518 francs. On voit par les tableaux précédents que la destruction des Moineaux dans un État tel que l'Ohio, coùûterait en 5 ans, plus de 11 millions de francs en partant d’une prime de 5 cen- times par tête, plus de 22 millions en partant d’une prime de 10 centimes, plus de 33 millions en partant d’une prime de 15 centimes, près de 45 millions en partant d'une prime de 20 centimes, et près de 56 millions en partant d'une prime de 25 centimes. Si on se rappelle avec quelle modéra- tion les hypothèses servant de base à ces calculs ont été établies, on voit combien il serait absurde d'essayer de dé- truire le Moineau par l'offre des primes individuelles. Aucun État ne pourrait supporter la dépense qui en résulterait, dépense si considérable, que la loi l’autorisant serait certai- nement rapportée à l'expiration de la première année. La mise en exécution de ces mesures rencontrerait du reste une foule de complications (1). On a songé bien des fois, vu cette impossibilité d'établir (1) Cette hypothèse s’est réalisée au Michigan où une prime de 5 centimes est payée pour chaque tête de Moineau présentée à l'autorité. D'après le bulletin de la station agronomique de cet Etat, les mumcipalités paieraient plus de primes pour la destruction d'oiseaux utiles tels que la Linotte, la Linotte à tête rouge, le Moineau chanteur, le Gros bec et le Thrushe, oiseaux privilégiés cepen- daut par la loi, et dont le meurtre est un délit puni d'une amende de 5 dollars, que pour les Moineaux, les employés chargés de la vérification étant incapables de distinguer, aux caractères empruntés à la tête, le Moineau des autres oiseaux. LE PROCÈS DES MOINEAUX AUX ÉTATS-UNIS. 497 une prime par tête de Moineau, à payer pour la destruction des œufs ; le moyen parait rationnel eï pratique au premier abord, mais il se heurte aussi à de nombreuses difficultés d'application. Celui qui découvrirait un nid, en enlèverait les œufs qu'il se ferait payer, mais il aurait grand soin de laisser le nid en place, car quelques jours plus tard, les oiseaux y auraient pondu de nouveau. En laissant chaque fois 1 ou 2 œufs, on peut faire pondre au Moineau 30 ou 40 œufs consécutifs. M. Shaw, de West Berlin, Ohio, a vu, en 1887, un de ses voisins enlever successivement 40 œufs d'un nid, et le Dr Coues cite un Moineau qui pondit 35 œufs en 35 jours. Du 22 avril au 27 juin 1889, enfin, M. Blake, de Providence, Rhode-Island, a pu enlever 953 œufs d’une cinquantaine de nids. Les œufs de Moineaux présentent en outre de telles varia- tions de couleur et de grosseur, qu'il est souvent très difficile de les distinguer de ceux des autres oiseaux, qui courraient alors grand risque d’être également détruits. 51 le calcul démontre la non-eflicacité des primes indivi- duelles pour la destruction d’une espèce nuisible, les Etats- Unis peuvent encore s'appuyer pour cette démonstration sur une expérience récente. Le 5 mars 1887, en effet, le territoire de Montana offrait une prime de 10 cents, de 50 centimes, pour chaque Chien des prairies détruit, et une prime de 5 cents, de 25 centimes, pour chaque Écureuil de terre ; 7 mois après, le 12 septembre, les 260,000 francs affectés à ce chapitre du budget étaient épuisés. On avait tué 153,709 Chiens de prairies, payés 80,000 francs, et 698,971 Écureuils de terre, payés 180,000 francs. Aucune diminution ne pouvait étre constatée dans les ravages de ces animaux. Aussi une session extraordinaire fut-elle immédiatement demandée, et on rapporta la loi. Une institution : les clubs à Moïneaux, Sparrows-clubs, semble donner d’excellents résultats dans certaines parties de l'Europe où on fait une guerre acharnée à cet insuppor- table oiseau. Chaque membre du club doit présenter à la fin de l’année un nombre déterminé de têtes de Moineaux, sinon, il paie une amende proportionnée au chiffre manquant. Ces amendes, parfois renforcées par des cotisations, servent à constituer des primes pour les membres ayant tué le plus de 5 Avril 1891. j 82 / 198 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Moineaux. Un de ces clubs fonctionne dans une petite ville anglaise de 3,000 habitants, Straford-sur-l’Avon ; en 1887, il y a fait détruire 19,000 Moïneaux payés 30 centimes la douzaine. On trouve déjà quelques clubs analogues aux Etats-Unis et leur multiplication produirait certainement d'excellents effets. Il serait aussi très utile d'organiser de temps en temps de orandes chasses aux Moineaux. Dans une de ces battues, faite à Wadsworth, Ohio, en 1888, 26 chasseurs ont tué 980 Moineaux. Le Moineau est du reste comestible et vaut les autres petits oiseaux comme gibier. Les restaurateurs ne se font certes pas faute de le servir sous le nom de rice-bird, d'oiseau de riz, à l’époque même où ces oiseaux ne sont pas encore arrivés dans la plupart des États de l’Union. Il devient surtout excellent s’il s’est nourri de céréales ou de riz sau- vage, et on peut encore, layant pris vivant, l’engraisser pen- dant quelques jours avec de la farine de froment ou d'avoine. DESTRUCTION DES MOINEAUX PAR LES POISSONS. Le département de l’agriculture recoit souvent des de- mandes de renseignements sur les procédés les plus effi- caces à employer pour l’empoisonnement des Moineaux. Des données exactes sur ce sujet lui faisant absolument défaut, il a dû entreprendre une série d'expériences, afin de déterminer le mode le plus économique et le plus prompt; trois sortes de poisons ont été l'objet de ces expériences : la strychnine, l’arsenic, le sublimé corosif. La strychnine fut employée sous deux formes : en cristaux et en extrait de noix vomique. Les essais par l’arsenic portèrent sur l'acide -arsénieux ou arsenic blanc, l’arsénite de cuivre ou vert de Paris, l’arsénite de chaux ou pourpre de Londres, l’arsénite de soude, l’arsé- nite de potasse ou liqueur de Fowler. Le sublimé corosif, comme le cyanure de potassium et le phosphore, est un composé trop dangereux à manipuler pour qu’on puisse en conseiller l'emploi. L’arsenic produit des résultats assez efficaces, mais il est un peu coûteux. Avec l kilogr. 800 d'acide arsénieux, on peut traiter un bushel, 36 litres de blé, ce qui fait varier entre 5 et 7 francs le prix de cette quantité de grains empoi- sonnés, qui détruira plus de 35,000 Moineaux. LE PROCÈS DES MOINEAUX AUX ÉTATS-UNIS. 499 La strychnine est plus active, 28 grammes suffisent pour empoisonner un bushel, 36 litres, qui revient alors à 14 ou 15 francs, mais avec les 672,000 grains d’un bushel, à raison de 6 à 7 grains par tête, on peut tuer 100,000 Moineaux. Pour un oiseau aussi défiant que le Moineau, l’arsenic, à action lente, est préférable à la foudroyante strychnine, susceptible de produire son effet pendant que les Moineaux sont encore en train de manger et d'empêcher ceux qui viendraient ensuite de toucher aux grains empoisonnés. On a constaté qu'aussitôt avertis, les Moineaux se gardaient bien de manger de ces grains. La meilleure méthode consiste à rassembler pendant plusieurs jours les Moineaux sur un point donné, en distribuant le même grain que celui qui est empoisonné, puis un beau jour on leur fait manger celui-ci. CAPTURE DES MOINEAUX AU FILET. M. Hill, auteur de cette notice, s’est créé une spécialité à Indianapolis, Indiana, en capturant des Moineaux expédiés . ensuite dans toute la région aux amateurs de tir, qui pré- ferent de beaucoup au lourd Pigeon cette cible de dimensions réduites et aux allures extrémement vives. Il décline éner- giquement toute responsabilité dans la dispersion de l'oiseau : « Si, dit-il, j'en ai envoyé des milliers à travers l'Illinois, » l'Indiana, l’Iova, le Maryland, le Michigan, le Missouri, le Nebraska, l'Etat de New-York, la Pennsylvanie, la Virginie » occidentale et le Wisconsin, ces Moineaux étaient destinés à servir de cibles pour le tir, et plus de ‘0 °/, d’entre eux ont été tués. » Ce serait le meilleur oiseau de tir, car il est extrêmement leste, si sa petite taille ne le rendait difficile ‘à atteindre. Le {7ap-shooting des Moineaux n'est pas une invention américaine; du reste, il est connu de longue date en Angleterre, et Charles Dickens le mentionne dans un de ses romans, mais il a pris beaucoup plus d'extension en Amé- rique, non par raison d'économie, il est vrai, les Moïineaux coutant souvent, grâce aux longs voyages, beaucoup plus cher que les Pigeons. L'arrivée des Moineaux dans l’Indiara est assez récente et ils ont dù, pour qu'une industrie telle que celle de M. Hill ait pu se créer, s’y multiplier plus que partout ailleurs. En 1872, en effet, deux paires de Moineaux s’échap- paient, à Indianapolis, de la volière où on les tenait en- Ÿ A A4 500 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. fermées, puis diverses personnes en amenèrent des autres parties des Etats-Unis et leur rendirent la liberté; on peut évaluer à plusieurs centaines le nombre d'oiseaux dont cet État fut ainsi doté. Un peu plus tard, les employés des chemins de fer se mi- rent à prêter leur concours à ces introductions. Ils laissaient les Moineaux pénétrer dans des wagons chargés de blé, puis en fermaient les portes, pour ne les ouvrir qu'aux points où ce désagréable volatile ne s'était pas encore implanté. D’après M. Hill, la dispersion des jeunes Moineaux s’opé- rerait surtout l’été et en automne, tandis que les adultes se diffuseraient plutôt au printemps, à l’époque de la pariade, et il est persuadé qu'une chasse active peut, au bout de quelque temps, les éloigner d’une région. Malgré son abondance, c’est l'oiseau le plus difficile: à pren- dre avec des filets, et l’auteur rapporte à ce propos l’aven- ture d’un Moineau qui, ayant pu s'échapper de ces filets, alla se poster non loin de là, empêchant par ses cris et ses objur- gations tout autre oiseau de s’en approcher. Le narrateur de cette petite scène, voyant sa journée fort compromise, dut abattre le Moineau babillard d’un coup de fusil. Autour d'Indianapolis, comme partout ailleurs, l'abondance des Moïineaux a amené une diminution dans le nombre des autres oiseaux. Un bon tendeur au filet peut e en prendre une ceniaine en moyenne, le chiffre maximum qui ait été constaté est 366. M. Hill en capture 40,000 environ par an. } Les filets servant à cette chasse, forment à 2 grands rectangles de 10 mètres de long sur 2 mètres 30 de large, étendus parallèlement à terre et séparés par un intervalle de 4 me- tres (fig. 2). Sur cet espace libre, on dispose les appeaux, Moineaux attachés au moyen d’une sorte de collier [figure 1) à l'extrémité d'une baguette longue de 60 centimètres en- viron, le fy-stick (fig. 4), susceptible de se mouvoir autour d’une de ses extrémités, au moyen des longues cordes, g h (fig. 2) qui aboutissent à l'endroit où se tient le chas- seur, généralement derrière une haie ou un LE PROCÈS DES MOINEAUX AUX ÉTATS-UNIS. 501 accident de terrain. La meilleure partie du talent du tendeur ESS US o 7 ESS # GS & SAS A 2 4) SOLS es de filets consiste à savoir disposer son appareil en un lieu 02 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. C2 de passage des Moïneaux, en un endroit qu'ils traversent pour aller de leurs nids aux champs où ils passent la journée. Dès que le chasseur aperçoit une volée de Moïineaux, il tire sur les ficelles aboutissant aux baquettes des appeaux, qui s'élèvent et s’abaissent, éveillant par ces mouvements l’at- tention de leurs congénères. Ceux-ci s’avancent rapidement; au moment où ils vont se poser à terre, le chasseur hâlant sur une corde 4 d (fig. 2), qui aboutit aux deux filets, leur fait décrire un demi-cercle sur leur grand côté intérieur, et ils s’abattent sur les Moineaux en se recouvrant légèrement sur toute leur longueur (fig. 3). Is doivent être pris au vol par les deux nappes de filets se refermant, et dont les mailles, si le chasseur est habile, les saisiront au moment où le mouvement du vol rapproche leurs ailes dans une position verticale. Ce mode de chasse exige une parfaite connaissance des habitudes du Moineau, qui est surtout diflicile à prendre à cause de l’irrégularité de son vol. Les Moineaux ainsi capturés s’habituent assez vite à la vie recluse; on les garde par plusieurs milliers à la fois dans des bâtiments spéciaux où la mortalité ne dépasse pas 3°). LE MOINEAU DOMESTIQUE ET LE MOINEAU FRIQUET À SAINT-LOUIS (MISSOURI). En 1869, dit M. Otto Nidmann, auteur de cette partie du réquisitoire, un habitant de Saint-Louis, M. Cavins, mettait en liberté, au centre de notre ville, quelques couples de Moi- neaux domestiques, Passer domesticus, qu'il venait de re- cevoir de New-York. | LE PROCÈS DES MOINEAUX AUX ÉTATS-UNIS. 903 Un an plus tard, un marchand d'oiseaux ramenait d’Alle- magne 23 Moineaux friquets, Passer montanus. MM. Daen- zer et Kleinschmidt, deux Allemands établis à Saint-Louis, qui avaient déjà tenté d'introduire les oiseaux chanteurs européens, firent aussitôt l'acquisition des Friquets, et le 25 avril 1870, ils les mettaient en liberté dans le parc La- fayette. Saint-Louis possédait désormais les deux types de Moineaux qui, pendant quelque temps, se firent peu remar- quer, mais des renforts arrivaient continuellement, des mar- chands d'oiseaux, profitant de la naïveté du public, se mirent à faire venir de New-York des quantités de Moineaux que certains habitants s'empressaient d'acheter pour leur rendre la liberté. ; Les deux espèces, s’accroissant d’une facon surprenante, occupaient, vers 1879, la totalité des 1600 ou 19700 hectares que couvre la ville de Saint-Louis. Les Friquets dominaient au sud, les Moïineaux s'étaient réservés les quartiers du nord, mais vers 1877 déjà, ils tendaient à refouler leurs congénères et la guerre commença au printemps de 1878, les Moineaux domestiques expulsant les Friquets des boîtes où ils se préparaient à faire leur nid. Sur 12 boîtes pla- cées contre la maison de M. Widmann, les Moïineaux n’en prirent qu’une au printemps, laissant les autres aux Friquets, mais quand l'hiver fut venu, ils durent renoncer à se percher dans les arbres dénudés et chercher des abris plus chauds. Un beau matin, une nuée de Moineaux s’abattait sur les boîtes et en expulsait les Friquets, dont un seul couple put rester en possession de la sienne, grâce à la situation isolée qu'elle occupait. M. Widmann a constaté en cette circons- tance que le Friquet justifierait bien mieux le nom spécifique de domestique, improprement attribué au Moineau. Le Fri- quet se nomme 7ree-Sparrow, Moineau des arbres, dans les pays de langue anglaise, mais s'il vit dans les arbres, c’est uniquement parce que son congénère ne le laisse pas s'établir auprès des maisons. Le Moineau s’accroissant toujours, le Friquet dut lui abandonner la ville et aller s'installer où il pouvait, dans les anfractuosités des arbres et les fissures des rochers. Cet oiseau serait une bien meilleure acquisition que le Moineau, et quoiqu'il ait quelques-unes de ses habitudes en partage, il ne participe pas des instincts querelleurs rendant le Moineau si désagréable. Comme tout autre oiseau, il défen- 504 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. dra son logis, mais ne se montre jamais agressif. Il n'attaque pas les autres oiseaux pour se distraire, comme fait le Moi- neau, bien au contraire, il se plait en la société des espèces indigènes et on le voit souvent en compagnie des oiseaux hivernant, tels que le Juneo et le Moineau des arbres cana- dien, oiseau dans la voix duquel les premiers émigrants européens ont sans doute reconnu quelques-unes des tonalités de celle du Friquet, ce qui lui a fait donner le même nom de Tree-Sparrow, Moineau des arbres, car les deux plumages sont essentiellement différents. La voix du Friquet n’est certes pas un chant, mais elle comporte une certaine mélodie, surtout, et c’est le cas le plus fréquent, quand une bande de ces oiseaux se fait entendre en chœur. Elle rappellerait alors la voix du Bobolink et du Blackbird. Le Friquet n’a que 2 couvées, le Moineau en a 3, et non 4 et 6 comme on le dit parfois. Quant aux dégâts commis par le Moineau, M. Widmann ne peut que constater une chose, sans cependant vouloir for- muler une accusation positive, c’est que depuis son arrivée, les jardins produisent beaucoup moins de pêches. Le Mar- tünet, l’Oiseau-bleu, le Roiïtelet, souffrent surtout de ses attaques, mais il est à espérer qu'ils apprendront à mieux se défendre. Le Martinet, du reste, a déjà fait de grands progrès sous ce rapport; en quelques années de contact per- manent et de querelles, il a appris à mieux garder son nid, à défendre plus énergiquement son domicile. Aussitôt arrivé, au début du printemps, le Martinet se met à la recherche d'une boite, celle de l’année précédente autant que possible. Sa femelle le rejoint ensuite, et c’est beaucoup plus tard seulement qu'ils se mettent à faire un nid. Autrefois, ils sor- taient ensemble, mais les Moineaux leur ont inculqué des connaissances tactiques, et, actuellement, l'un d'eux reste toujours au logis pour empêcher les Moineaux de s’en em- parer. Un Martinet réussit assez facilement, en effet, à empêcher un Moineau de violer son domicile, mais jamais il ne peut le reconquérir quand celui-ci s’en est emparé. Le Moineau, on doit le reconnaître, est plus courageux, plus intelligent que les oiseaux indigènes, et il possède, en outre, certaines qualités que ceux-ci devraient bien lui em- prunter. Son activité est merveilleuse, on est tout étonné de la masse de matériaux qu’un couple de ces oiseaux accumule LE PROCÈS DES MOINEAUX AUX ÉTATS-UNIS. 909 en quelques heures pour se faire un nid. Si ce nid est détruit par l’homme, ils recommencent le lendemain, et ils recom- menceront les jours suivants, avec une persévérance surpre- nante. Le caractère le plus frappant du Moineau, et qui explique jusqu'à un certain point son énorme multiplication, est l'attachement des parents pour leurs petits. Le Moineau n'abandonne jamais sa couvée. Si un des parents est tué, l’autre le remplace, se chargeant de toute la besogne. Un jeune tombe-t-il du nid, les parents ne l’abandonnent pas, ils le nourrissent, l’abritent et le défendent. Si on enlève un jeune Moineau de son nid pour l’élever en cage, la mère viendra le nourrir pendant des semaines entières, dût-elle à cet effet pénétrer dans les appartements. Beaucoup de jeunes Martinets tombent également de leur nid, les parents font grand ramage autour, essaient de les faire voler, puis, voyant que tout est inutile, ils les laissent mourir de faim sous leurs yeux, au pied du nid. Pendant les années de sécheresse, beaucoup de Martinets délaissent en- core leur couvée qui ne tarde pas à périr. Des 4 à 6 œufs pondus par sa femelle, le Martinet ne réussit guère à élever que ? petits, tandis que le Moineau, lui, mène à bonne fin les 4 ou 5 qu'il a faitéclore. Si les oiseaux des États-Unis savaient mettre à profit les lecons que leur donné le Moineau, ils diminueraient considé- rablement la crainte qu'on a de les voir déplacés ou re- foulés. M. Wiämann avait écrit les lignes précédentes au mois de mars 1858 ; quelque temps après, le 2 juin, il modifiait lége- rement l'opinion presque favorable qu'il venait d'émettre sur le Moineau : « J'ai toujours beaucoup aimé les oiseaux, ajoutait-il » alors, et je me sens toujours porté à l’indulgence en signa- » lant leurs défauts. Quoique j'aie vécu en guerre avec le » Moineau depuis qu'il à pénétré dans notre ville, j'espérais » toujours que les oiseaux indigènes apprendraient à résister » à l'étranger, dont on pouvait, jusqu'à un certain degré, » tolérer la présence. C’est animé de cet esprit de concilia- » tion que j'ai écrit l’article précédent, mais l'expérience » faite au printemps de cette année vient de me démontrer » que toute indulgence envers le Moineau serait criminelle. » Une surveillance absolue m'a révélé le fait que le Moineau 906 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. » » » mange les œufs des Martinets. J’ai vu 6 nids contenant chacun 4 à 6 œufs détruits de cette facon. Les Martinets s'étaient défendus avec succès jusqu'à une période de froid qui sévit vers le 15 mai, mais alors, la rareté des insectes ailés les força à aller au loin et à demeurer longtemps de- hors pour chercher leur nourriture. Ces absences permi- rent aux Moineaux de commettre leur crime. Ils eurent seulement le temps de percer des trous dans les œufs d’un des nids, trous devant sans doute leur servir à en boire le contenu ; ils avaient dû manger jusqu'aux coquilles dans les autres nids, mis au pillage, car on n'en a pas trouvé trace. Les Moineaux n’ont manifesté que dans un cas l’in- tention de s'établir au domicile des Martinets dont ils ve- naient d’anéantir la couvée future. Partout ailleurs, ils se sont retirés aussitôt leur crime commis. Les Martinets gardent bien le nid le matin, mais l'après-midi, surtout quand le temps est froid, ils partent en chasse pendant plusieurs heures, laissant les Moineaux maîtres du logis. Il y a huit ans environ, constatant que les Moineaux étaient incorrigibles, j'essayai de faire la part de chacun, en disposant des boîtes à leur usage exclusif dans un en- droit donné et en essayant de leur faire comprendre qu'ils y seraient tolérés, mais n'avaient pas le droit d’aller s’éta- blir ailleurs. Cela me réussit d’abord, puis je fus forcé de reconnaître que le seul moyen de protéger nos oiseaux était de détruire énergiquement les nids et les couvées des Moineaux. Le printemps dernier, plus chaud que celui de 1888, s’est trouvé favorable aux Martinets qui pouvaient passer la journée presque entière au nid et avaient réelle- ment appris à se défendre contre les attaques des Moi- neaux, mais le froid printemps de 1888 m'a prouvé que cet oiseau dépendait trop immédiatement de la température, et je me vois contraint de prononcer le verdict que le Moi- neau ne sera pas plus longtemps toléré chez moi, je le dé- truirai sans merci, par tous les moyens, en toute saison, et non plus seulement au printemps, ainsi que j'ai fait jusqu'à présent. » LE PROCÈS DES MOINEAUX AUX ÉTATS-UNIS. 507 Distribution du Moineau dans les différentes parties des Etats-Unis : MAMA. 4 pe depuis 18800 Michisan "tr... depuis 1871 ÉRRANSASE ee + IS 16 ...Minnesotas 22... — 1876 Balfornie re 5 21 MONT MISSISSIpIs. 24 — 1872 Caroline du nord... , — 18717 Missouri....... Ka — 1869 Caroline du sud.... lot Montana.t lt... — 1885 PolGmDie.s . 5 ..... 0 L610 2 Nebraska. 2.1. 0 — 1874 Holorado:...…..... —- 1886 New-Hampshire.... — 18% Ponnechiout,,.. ... MO OOMONEN IErSey. +. 100 — 1866 MARGE: 5, ,. 00 — 1885 New-York......... — 1850 Mianide:,,,...., D PSS ONLOMIONNS Sul un ce — 1869 Éric Le — 18671 Pennsylvanie ...... — 1831 1115171070 DRRPNNNEES 0 — 1884 Rhode-Island...... — 1858 noise. La, e de, loi. Tennessee:..# "Au. — 1871 TER NET NSP nr MS TDN TON AS LES LE — 1867 'ENTET POPEEPSS to tonte Ù tasse À NE — 1873 LAID ORNE mn LOI N eEMONEbEN: ere — 1874 ÉEMLUGe.. 1... nl ON CO ONIRRINIERe ss ete til — 1830 Fouisiane = .:.. .. — 1874 Virginie occidentale — 1866 MERE M2, 1, Er LOS ONE NVISEONSIN. 20. 50 — 1871 Mémamd:.,,.,,,. = ISO EM YONNE. "RIT - — 1855 Massachusels,..... — 1869 Au Canada, ils arrivaient : dans l'Ontario, en 1870 ; à Québec, en 1870 ; dans la Nouvelle-Écosse, en 1875; dans le Nouveau-Brunswick, en 1876 ; dans le territoire du nord-ouest, en 1886 ; dans l’île du Prince-de-Galles, en 18817. (Voir la carte page 508.) PP TS UE VIN ON TR VUS DST LU — 7 fable CLS en popmdinnnsi REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. SF A HeOrléans à PBouc/ies di Y Mrs S'ÉSSÈPÉ ; ù Q À K ÿ co DS (=) Ù 10 (4 Carte de la répartition du Moincau anglais (Pesser domesticus) à la fin de l'année 1886. LE DISCOGLOSSE DU NORD DE L’AFRIQUE (DISCOGLOSSUS AURITUS H.-R.) ET SON ACCLIMATATION EN FRANCE Par M. HÉRON-ROYER. Le Discoglosse à oreilles est commun en Algérie; il habite aussi le Maroc et la Tunisie. Cet élégant Batracien de l’ordre des Anoures appartient, comme les Sonneurs et les Alytes, à la section des Opisthocæliens, la concavité articulaire de ses vertèbres étant tournée en arrière; cela le distingue nette- ment des Grenouilles, des Rainettes, des Pélobates et des Crapauds, chez lesquels la concavité articulaire des vertèbres est tournée en avant. Cette différence de structure a son importance pour le zoologiste. Elle désigne la place que l'animal doit occuper dans la classification, et nous verrons bientôt qu'il était utile de la signaler, parce qu'elle concorde avec d’autres caractères embryologiques que nous aurons à examiner plus loin. Les Discoglosses sont encore peu connus en France, où ils n’ont de représentant qu'en Corse. Ce genre peu nombreux en espèces, comprend seulement le Discoglosse peint (Disco- glossus pictus Orrx.) et le Discoglosse à oreilles (Discoglossus auritus H.-R.), qui fait l’objet principal de cette note. Le premier habite l'Espagne, le Portugal, la Sardaigne et plusieurs autres îles de la Méditerranée. Quant au second, nous savons déjà qu'il occupe le nord de l'Afrique ; plusieurs naturalistes ont aussi signalé sa présence en Sicile et au sud de l'Espagne (1). Ces deux espèces sont différenciées par la forme de la tache temporale : étroite chez D. pictus, large chez D. auri- lus. Chez le premier, l’oreille est dissimulée sous la peau ; chez le second, elle est apparente et le tympan se montre (1) À propos du Discoglossus auritus. — Bull. de la Soc. +ool. de France, XUI, p. 220, 1888. ; | 510 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. circulaire tout comme chez les Grenouilles. Le Discoglosse peint a le corps court et trapu et ses membres postérieurs sont plus épais et plus courts que chez le Discoglosse à oreilles. Ce dernier atteint à une plus grande taille et ses formes sont plus élancées ; son aspect et celui de notre jolie Grenouille agile (Rana agilis THomaAs), mais sa coloration est beaucoup plus variée : elle présente un ensemble de nuances et de dessins le plus souvent symétriques et très agréables à la vue. On en trouve de très différents sous le rapport des couleurs et des dessins et on en voit qui pos- sèdent une coloration uniforme et sans dessins apparents. Les tons gris-jaunâtre, verdâtres, fauves, marrons, rouges et même rosés, leur sont communs ; le bronze et les reflets métalliques rehaussent souvent ces diverses teintes. Aussi, dans une ponte, est-on certain de trouver de très nombreuses variétés, si bien, qu'un peintre ne pourrait jamais les repré- senter toutes. Le ventre est toujours sans tache et d’un blanc de peau vernissée. : Malgré cette riche coloration, le Discoglosse sait se dissi- muler aux regards, il aime à se blottir sous les feuilles, au pied des plantes ; s’il se cache dans un trou quelconque, il en laisse émerger le bout de son museau; dans l’eau, il se pose sur les plantes ou entre leurs feuilles et, n’était la partie supérieure et métallique de son œil, qui brille au soleil comme un diamant, il passerait souvent inaperçu. Le Discoglosse à oreilles est aussi diurne que nocturne ; il est prudent et sait se faufiler entre les plantes sans être vu ; si par hasard il se trouve dans une allée, lorsqu'une personne vient vers lui, en deux ou trois bonds il disparaît. Les jeunes sont peu fuyards : moins ils sont âgés, plus ils sont faciles à approcher et même il est prudent, les premières semaines qui suivent leur transformation, d'apporter un peu d’at- tention en marchant dans les jardins où l’on élève ce Ba- tracien. Le Discoglosse n’est donc pas un animal encombrant, il ne coûte aucun frais d'entretien ; au contraire, il se charge de dévorer une quantité énorme de petits invertébrés à tous les états, car son appétit est insatiable et dépasse de beaucoup celui du Crapaud commun ; il aime le soleil dont l’ardeur ne fait qu'activer sa digestion. Comme tous les Batraciens, son LE DISCOGLOSSE DU NORD DE L’AFRIQUE. o11 sang est à température variable et, plus la chaleur en est élevée, plus il est actif. L'œil des Discoglosses est un peu différent de celui des Gre- nouilles et des Crapauds; il est un peu plus petit, saillant et rond comme celui des Sonneurs ; la pupille est presque cir- culaire, elle se termine en pointe à sa base, en sorte qu’elle se montre sous la figure d’un cœur: le filet doré qui suit le bord de l'iris est interrompu en bas, et là, il laisse voir une commissure très appréciable qui facilite la dilatation pupil- laire dans l'obscurité. En haut de l’œil s'étend la large bande métallique or dont j'ai parlé déjà. Le Discoglosse à oreilles chasse aussi bien la nuit que le jour ; il semble résulter de ce fait, qu'il n’a pas de repos quo- tidien. Cependant lorsqu'il a besoin de se reposer, il s’enfouit à quelques centimètres dans le sol, à l'endroit qui lui paraît propice, et y reste plusieurs jours sans bouger ; alors ses paupières sont closes, tout comme dans le sommeil. Plu- sieurs fois j'en ai déterré bien doucement pour les sur- prendre et toujours j'ai vu leur paupière baissée et l’œil à demi rentré dans l’orbite. C'est ainsi, comme on pouvait le supposer, que ce Batracien répare ses fatigues. Le Disco- glosse peint agit de même, mais j'ai observé que son repos est beaucoup plus prolongé, surtout après une ponte, tandis qu'en pareille circonstance le Discoglosse à oreilles continue ses amours sans interruption ; de plus, j'ai constaté bien des fois, depuis six ans, l'extrême vigueur des mâles de cette dernière espèce et j'ai poussé l'expérience jusqu'à donner quatre femelles à un seul mâle et toutes leurs pontes furent fécondées. Les amours de ce Batracien sont fort curieuses à obser- ver (1) : comme chez la plupart des Anoures, le mâle précède la femelle à l’eau. Il se place près du bord, laisse émerger sa tête en se cramponnant à quelques plantes, et se rengorge fièrement, en regardant la femelle qui est restée sur la rive : puis, doucettement, il se met à chanter un 7'a-a, ra-a, ra-a assez sigmificatif, qui invite la femelle à venir à lui. Celle-ci reste souvent impassible devant ces premiers appels ; mais le mâle, toujours impatient du succès qu'il médite, reprend son (1) Note sur les amours, la ponte et le développement du Discoglosse. — Bull, de la Soc. zool, de France, X, p. 565, 1885. 012 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. chant un peu plus vif et mieux roulé ; puis il fait quelques mouvements et s'approche autant que possible de la femelle qu'il désire. En même temps il continue sa sérénade, qui consiste en un chant doux et comme partant du ventre, dont le timbre varie avec l'intensité de la passion ressentie par le mâle. Si la femelle se fait trop désirer, notre mâle sort de l’eau, va vers elle, la pousse du bout de son museau comme pour lui indiquer l’onde nuptiale. Reste-t-elie à terre malgré ces He TEE ARE > D æ & », 77 RSS oR 7 à e& cp F4 V9, AT Le Discoglossus auritus. avances galantes, il s’en retourne, plonge et revient prendre la position qu'il occupait d'abord, sort sa tête de l’eau et recommence à chanter. La femelle, dans son apparente insouciance, n’est point inactive : elle souffre, et laisse s’opérer le passage des œufs des oviductes aux chambres utérines. Lorsque ce travail maternel est achevé, elle va vers le mâle en glissant dans l’eau, la tête en avant. Le mâle nage aussitôt à sa rencontre, la saisit vers la région pectorale, puis vivement fait glisser jusqu'au bas des lombes ses bras vigoureux, effectuant ainsi une friction sur le ventre de sa compagne. A peine cette friction est-elle opérée que la femelle a lancé | | | * LE DISCOGLOSSE DU NORD DE L'AFRIQUE. 513 ses œufs avec force ; ceux-ci s’étalent en gerbe au sortir du cloaque et tombent sur les plantes, sur les cailloux ou sur le fond de la mare. Au moment de cette ponte le mâle a lancé la liqueur génératrice et les œufs se sont trouvés fécondés avant qu'ils n’aient gagné un point d'appui. Puis, chose cu- rieuse, par un effet d'attraction les œufs vont l’un vers l’autre, à moins qu'un obstacle ne s’oppose à leur rencontre; dans tous les cas, ils forment un ou plusieurs petits amas : ils ne se superposent point, n’adhèrent point les uns aux autres, mais sont simplement fixés à leur base. L'un des hémisphères de l’œuf est brun noir ; il est toujours tourné en haut, même chez les œufs qui restent isolés ; l’'hé- misphère inférieur est blanc. L'œuf repose dans des enve- loppes muqueuses et transparentes qui le protègent durant la segmentation et les premières phases évolutives de l'embryon. Dès que celui-ci est assez fort, il déchire son chorion et con- tinue à évoluer dans l'œuf, malgré les débris qui l’embar- rassent, jusqu à ce qu'il ait la force de crever la capsule in- terne qui le retient prisonnier ; il traverse alors la couche adhésive, et commence à nager dans l’eau. Mais souvent le jeune embryon, en quittant les enveloppes protectrices, n'est pas assez robuste pour gagner les plantes les plus proches et il tombe alors sur le flanc, en attendant que le développement de sa queue lui permette de nager. Des lors, la petite larve, dont la taille n’est pas supérieure à trois millimètres, va se fixer aux végétaux au moyen du mucus qui s'échappe de sa fossette sous-buccale. Cet organe provisoire est d’une structure toute différente de ce que l’on avait observé jusqu'ici chez les embryons d'Anoures : qu’on se figure un museau un peu allongé et arrondi, ayant son extrémité terminée par un boutoir dont l'ouverture est fermée par une languette triangulaire. Voilà l'organe en question. Mais comme cet organe doit disparaître, il passe par des changements qui tiennent au développement même de l'animal et qu'il nous serait trop long de décrire ici. Le museau se raccourcit promptement, mais le boutoir per- siste jusqu’à la disparition des branchies externes, puis il se résorbe pendant que la bouche se complète et que s'établit le spiraculum : peu à peu, on voit les opercules, qui donnent passage aux branchies externes, s’avancer au-dessus de celles- ciet les recouvrir entièrement, en qu elles rétractent leurs 5 Avril 1891, 33 514 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. longs rameaux. Puis ce processus continue sa marche envahis- . sante vers la ligne médiane et bientôt les deux opercules vont se rejoindre, quand un repli de la peau se forme au-dessus d'eux et vient les dissimuler sous sa vote membraneuse. Le spiraculum ainsi formé est propre au groupe des. Anoures opisthocæliens. Chez les procœliens, les choses se passent différemment : l’opercule droit se soude au tégument, tandis que le gauche conserve seul son orifice évacuateur. Il peut sembler, à première vue, que les larves des deux groupes se ressemblent en ce qu’elles ne présentent qu'un . seul orifice apparent, d’où s'échappe l’eau qui a servi à bai- oner les branchies internes, mais c’est là une erreur qu'on a propagée trop longtemps, faute d'observations minutieuses. Comme je viens de l'expliquer, les deux conduits latéraux existent chez les larves d’opisthocæliens, et il suffit pour s’en , convaincre de soulever le repli qui abrite les ouvertures laté- rales. Ce type présente donc, en somme, une structure peu différente de celle qu’on observe chez les larves de Pipa et de Dactylèthre, dont les spiraculums sont symétriques, plus espacés et non dissimulés. Ce caractère embryologique a une valeur que je ne pouvais omettre de signaler ; il nous démontre l'importance de la classification des Batraciens anoures, basée sur la forme de la vertèbre, comme l’a fait judicieusement ressortir le docteur Raphaël Blanchard (1). | Le développement du Discoglosse à o’eilles jusqu'à l’état : parfait s'opère normalement en quarante à cinquante jours, sous notre climat; chez la plupart de nos Batraciens indi- Le gènes, il faut compter soixante-quinze à cent jours, suivant les espèces et suivant la saison. L'avantage est donc du côté du Discoglosse. De plus, les jeunes grandissent très promp-. tement, en quelques mois ils sextuplent leur taille et, l’année suivante, ils peuvent se reproduire. L'acclimatation de cet Anoure est un fait accompli ; je lui ai fait subir bien des épreuves, notamment celle de nos hivers . et une longue privation de nourriture : grâce à.sa robuste constitution, il a fort bien résisté. Elevé dans des cages aux.. dimensions moyennes de un demi-mètre de longueur, il a donné chaque année des pontes productives, et malgré la , (1) Bull, de la Scoc,.zool. de France, X, p. 584, 18S5. L J | LE DISCOGLOSSE DU NORD DE L’AFRIQUE. 915 petitesse des cages dont je me suis servi, les jeunes ont acquis un développement normal et ont donné eux-mêmes naissance à de nouvelles générations (1). Celles-ci ne cessent de se propager à leur tour avec une étonnante rapidité, surtout depuis qu’elles sont en liberté dans un jardin entouré de murs. Là, trois petits bassins sont à leur disposition : le plus grand n’a que deux mètres de long, avec une profondeur en pente douce, de zéro à quatre-vingt dix centimètres. Cet aménagement suffit grandement à leurs besoins de reproduction et à loger leurs larves, comme à les protéger durant les froids les plus rigoureux. En Algérie, le Discoglosse commence à pondre en janvier. Eh bien ! depuis plusieurs années, les nouveaux acclimatés n’éprouvent plus le besoin de se reproduire avant le mois d'avril, exactement comme la majorité de nos Batraciens. Maintenant que toute difficulté est aplanie et que ce nouvel importé se reproduit sous notre climat, il serait utile de le répandre dans nos départements. Déjà, nous savons qu'il se propage très bien aux environs de Paris, par les soins assidus de M: Ch. Mailles. Bientôt, nous le verrons dans le départe- ment de l'Indre où M. Raymond Roliinat va s'occuper de le répandre. De mon côté, je continue à le multiplier dans le département d’Indre-et-Loire. J’engagerai même, si je pou-- vais être entendu, la Société nationale d’acclimatation à user des puissants moyens dont elle dispose pour faciliter la pro- pagation de cet Anoure. Les services qu'on doit en attendre sont comparables à ceux que nous rendent les oiseaux insec- tivores, surtout depuis qu’on commence à s’apercevoir que la disparition du Crapaud, en France, n’est plus qu’une question: de temps (2). (1) Bull. de la Soc. 2001. de France, XV, p. 14, 1890. (2} Aux nombreuses causes de destructions dont le Crapaud est la victime, il convient d’en ajouter une nouvelle, encore peu connue, Nos voies ferrées sont autant de pièges immenses dans lesquels il trouve une mort certaine : son peu d’agilité ne lui permet pas de franchir le rail, quand il s’est aventuré sur la voie. LES PARCS À HUITRES DE SAINT-VAAST-LA-HOUGUE (MANCHE) Par M. S. JOURDAIN, Ancien Professeur de Faculté. Lorsqu'on quitte le port de Barfleur, situé à l'extrémité nord-est de la presqu'ile du Cotentin, et qu'on se dirige vers le sud en suivant le rivage, on ne tarde pas à arriver à la pointe de Réville, que signale un petit phare à feu fixe. A cette hauteur, le rivage éprouve un brusque retrait d'environ 3 kilomètres vers l’ouest, puis, à partir de l'embouchure de la Saire, petite rivière qui arrose un pays d'une surprenante fertilité, il reprend sa direction primitive, sur une longueur de 3 kilomètres jusqu'à Saint-Vaast-la-Hougue, localité bien connue des naturalistes. Au sud de cette ville, nous trouvons un nouveau retrait d'un kilomètre de la côte, puis au delà de Morsalines, village assis au pied de coteaux verdoyants, la ligne côtière reprend la direction générale nord-sud jusqu’à la baie de Carentan, où elle s’infléchit brusquement à angle droit, pour former le rivage du département du Calvados. Dans cette excursion sur la côte orientale du Cotentin, nous rencontrons donc deux petites baies. L'une, que nous nommerons la Baie de la Saire, comprise entre le rivage de Réville au nord, celui de Saint-Vaast à l’ouest et, du côté de la haute mer, à l’est, abritée par un îlot granitiqué, Tatihou, auquel on peut se rendre à pied sec à toutes ies basses mers. L'autre, dite Anse du Cui-de-Loup, limitée au nord par le territoire de Saint-Vaast, à l’ouest par la commune de Mor- salines et à l’est par une chaussée insubmersible, protégée elle-même par une digue-chaussée, qui réunit Saint-Vaast à l’ilot rocheux sur lequel se dresse le donjon pittoresque de la Hougue. Cet îlot envoie dans le Cui-de-Loup une étroite levée de dune, en forme de crochet, que les plus hautes mers ne recouvrent jamais en totalité. Cette introduction géographique permettra à nos lecteurs d'être fixés avec une entière précision sur les points du LES PARCS A HUITRES DE SAINT-VAAST-LA-HOUGUE. 017 rivage oriental du département de la Manche, que l'industrie huitrière a utilisés comme parcs pour le dépôt et l'élevage des Huitres. Ces parcs sont situés à Saint-Vaast-la-Hougue et ont été établis depuis de longues années dans la baïe de la Saire et plus récemment dans le Cul-de-Loup. Les premiers, beaucoup plus étendus que les seconds, sont des parcs de dépôt et des étalages. Ils comprennent: 1° les anciens parcs, dont l'étendue dé- passe 20 hectares (201,632 m. c.), divisés en 83 parcs. 20 Les grands étalages de la Couleige d’une contenance de 58 hectares, divisés en autant de parcs. Actuellement ces parcs sont inoccupés. 3° Les dépôts et les étalages sous Tatihou, avec les parcs de la Toquaise, occupant une superficie de près de 20 hec- tares (196,500 m. c.). Nous dirons peu de chose des dépôts et des étalages. Il nous suffira de rappeler qu'on y dépose l’'Huître jeune pour qu’elle s’y développe et devienne marchande. Ordinairement le dépôt s'effectue en mai et, vers la fin d'octobre, l’'Huitre s’est assez accrue pour être transportée dans les vieux parcs, d’où elle sera livrée à la consommation. Depuis 1880 des essais d'élevage ont été tentés dans l’anse du Cul-de-Loup, où des parcs spéciaux ont été installés. L'Huitre y est déposée à l’état de naissain et y est amenée à la taille marchande. En 1881, sept concessions d’une étendue totale de 17 hec- tares furent accordées. Aujourd'hui ‘7 hectares seulement sont restés occupés par trois concessionnaires, MM. J. Au- guste Asselin, Marc Thin et Constant Levêque. Chaque parc est circonscrit par une clôture basse, en bois assemblés. La sole est disposée en pente et, pour que le dé- vasement s'opère avec plus de facilité, on a ménagé des com- munications entre les différents compartiments. La sole est en outre recouverte d’une couche de petits galets. Le naissain provient d'Auray ou d'Osigose. Les A à teurs de Saint-Vaast s’approvisionneraient volontiers à Arca- chon, mais le syndicat de la Société huîtrière de cette localité, qui ne parait point établi sur des bases très libérales, prohibe la vente du naissain. Le naïissain qui arrive à Saïint-Vaast a séjourné 9 à 10 mois 918 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. sur les collecteurs. On ne l’expédie point immédiatement après l'avoir détroqué, c'est-à-dire détaché des collecteurs, mais on attend 15 à 20 jours avant de le faire voyager. À son arrivée à Saint-Vaast, on le dispose dans de larges caisses en bois, dont le fond est fermé par un treillage métal- lique. Le naissain y séjourne une année et y acquiert un diamètre de 4 centimètres à 5 cent. 1/2. Toutefois, quand la saison a été favorable et que la température a été clémente, la jeune Huiître peut atteindre jusqu'à 6 cent. 1/2. Pendant cette pre- mière année, la mortalité est assez élevée et peut être évaluée à 20 et 25 0/0. En avril et mai de l’année suivante, les jeunes Huiîtres sont retirées des caisses et disposées sur la sole même du parc, qui a été au préalable nettoyée avec le plus grand soin. Elles y demeurent deux années, pendant lesquelles elles exigent une Surveillance incessante et des lavages répétés. Au cours de la deuxième année l'Huître s’épaissit, se goffe, Comme disent les ostréiculteurs, et en moyenne acquiert un diamètre de 5 à 7 cent. 1/2. La troisième année, la croissance est faible, de 1/2 à 1 cen- timètre. | Durant la période de sole la mortalité est d'environ 20 à 39 0/0. Donc, en dépit de tous les soins apportés à l'élevage, on voit qu'il n’y a guère que 40 à 60 0/0 du naïssain qui atteint la taille marchande et 084 VY#1-37-Aë/L1A Æ ? F S ù SES D *73#9 C2; " Lg HD jADY RUES = EPA 0" SIOIO* CAR A S111VSY43A S == 2 5 REIN. 200) DOTLAN [euJP9;S 2LIDION5S- 3119] | 272 3977) | LA sep à 9 si vv à DD = VAYYT/HL-AVIL HD sue e2g ———— è DS TJ0UF SP 222 ppp que nue) pp 22-7720 04) D) y & E LD S A1 & C2 é Ç LOC LUOIPD RP SIO110 FD71) 2077 TJIAUOUITUL (> % @ Ori S27082 SIDSS (TT. { { ; N/A 2022277 U01J7IS LE Char 0 ZULO DD 2P UOLLT22$ 7177 VOL OLUTIDDP T0 1474 101] DES pue} Tree te 2use|2q 2P jSsnop ;jjued 2SSaJpnea|qel Oo681-S881 0Y3AVIONL nG WNIVNOVT cd AIN HOM'IVI A NOWAVS A4 NOILVIVWI199V.Q SIVSS33 7/70 (C SWII3 ce MS Le ] SIVANVIS Supplément à la Revue des Sciences naturelles appliquées (5 mai 1891). CLIMATATION & MULTIPLICATION DU SAUMON DE CALIFORNIE. \| 4 ACCLIMATATION & MULTIPLICATION DU SAUMON DE CALIFORNIE. 604 vage. Ces Saumons furent disséminés dans les mêmes localités que l’année précédente, auxquelles s’adjoignirent l'Ornain à Vitry-le-François, et l'Orne à Allemagne à titre d’essal. Ces voyages cependant étaient pénibles et très dispendieux, entrepris sur une aussi grande échelle. Et, de plus, dès la seconde année, je jugeai que nous opérions sur un théâtre trop vaste pour le nombre d’alevins dont nous disposions. Le but final de nos efforts persistants était d'obtenir que le Sau- mon de Californie püt arriver à se reproduire spontanément dans nos eaux. Il fallait évidemment faire la part d'une des- truction considérable. Même avec les chances favorables que présentaient des alevins de 10 centimètres, vigoureux, com- bien sur 30,000 parviendraient à atteindre leur troisième années ? peut-être 500. Il y avait donc grand avantage à ce que les colonies ne fussent pas placées dans des localités trop distantes les unes des autres afin que le moment de la reproduction étant venu, les survivants pussent se réunir pour frayer. Je fus donc amené à concentrer les efforts de l’Aquarium sur une région plus restreinte, plus facile à obser- ver, et de préférence en aval de Paris. Là se trouve un assez grand nombre de cours d’eau habités par la Truite, eaux vives, fraiches, aérées, pourvues de Vérons et dans lesquelles notre nouveau Salmonide devait se plaire. L'Eure, l’Iton, la Rille, la Charentonne d’un côté, de l’autre, l'Oise, l'Epte, le Gambon, l’Andelle formaient un excellent champ d’essai d’un accès et d’une surveillance re- lativement faciles. Aussi à partir de 1887, à part quelques exceptions, la majeure partie de nos alevins a-t-elle été affectée à cette région. Les stations principales d’acclima- tation ont été : Saint-Germain-des-Angles, pour l'Iton, Beaumont-le-Roger, pour la Rille, Bernay, pour la Charentonne, Hécourt, pour l'Eure, Bézu-Saint-Éloi, pour l'Epte, Les Andelys, pour le Gambon, Lyons-la-Forêt, pour la Lieurre, Fleury-sur -Andelle, pour l’Andelle, La Seine et la Marne furent conservées plutôt à titre d'essai qu’autrement. 602 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. En 1887 et 1888 notre fond de roulement en fait de repro- ducteurs étant établi et fonctionnant régulièrement, 60,000 alevins furent mis en liberté dans ces localités. En 1889, les alevins furent élevés et conservés à l’Aqua- rium pendant toute l’année, en vue de l'Exposition univer- selle, aussi avaient-ils 20 centimètres lors de leur mise en liberté pendant l'hiver 1889-90. Ce fut certainement un tour de force que d'élever 30,000 alevins dans un espace aussi restreint sans pertes sensibles pendant un an, et de les offrir en magnifique condition aux innombrables visiteurs qui passèrent à l’aquarinm pendant cette année. Aussi la vue de cet élevage excita-t-elle l'admiration des piscicul- teurs français et étrangers comme en témoignent les nom- breuses lettres que je recus à cette époque. Un résultat plus sérieux fut le fruit de cette exposition. De tous côtés le goût de l'élevage du Saumon de Californie se manifesta par des demandes d'œufs, d’alevins, de renseignements, en tel nombre que nous n’y pümes toujours satisfaire. Mais comme je l’exposerai tout à l’heure, je pus à ce moment déterminer en France une trentaine de grands propriétaires à suivre notre exemple et à nous prêter leur concours pour la propa- gation du Saumon de Californie dans nos cours d'eau, en se livrant à un élevage méthodique calqué sur celui de l'aqua= PLU mn. , Pendant l’année 1890 les mêmes opérations furent con- tinuées sans incident de nature à être noté. En résumé, depuis le mois d'août 1885 jusqu'au mois de décembre 1890 180,000 alevins de Saumons de Californie, dont les plus petits mesuraient 10 centimètres, ont été dispersés dans les cours d’eau du bassin de la Seine. Je citerai seulement pour mémoire les envois de Saumons de Californie qui ont été faits par l’aquarium au Chih. Une première expédition de 400 jeunes Saumons fut faite avec succès en 1887. Elle a été relatée dans le journal La Nature. Un second envoi, fait en 1888, eut moins de succes. Notre production d’alevins ayant en certaines années dépassé le chiffre moyen de 30,000, nous nous sommes ef- forcés d'encourager les efforts des pisciculteurs français en mettant à leur disposition, toutes les fois que la chose a été possible, des œufs ou des alvins. Ces dons ont été faits, non en vue de l’empoissonnement direct des cours d’eau, car la | ‘14 L ACCLIMATATION & MULTIPLICATION DU SAUMON DE CALIFORNIE. 603 quantité dont nous disposions était trop minime (ce n’est pas avec un ou deux milliers d'œufs ou d’alevins qu’on peut espérer acclimater une espèce dans un milieu où surgissent de tous côtés des chances de destruction), mais pour des essais d'élevage et de reproduction analogues à ceux aux- quels l’aquarium se livre. Des centres de production de Saumon de Californie ont été ainsi établis à : Givonne (Ardennes), par M. Leblanc ; Theix (Puy-de-Dôme), par M. Chauvassaigues ; Servagotte (Isère), par M. Rivoiron ; Port-Villez (Eure), par M. l'ingénieur Caméré ; Vitry-le-Francois (Marne), par M. André ; Bourges (Cher), par M. Ancillon ; Saint-Étienne (Loire), par M. Bastide ; Lyons-la-Forêt (Eure), par M. Boissel ; Vesoul (Haute-Saône), par M. l'ingénieur Bouvaist ; Vendôme (Loir-et-Cher), par M. Coupa ; Hondouville (Eure), par M. Heudebert ; Gaillon (Eure), château des Rotoirs, par M. Desbrière ; Montgseroult (Seine-et-Oise), par M. Fleurimont ; Perruel (Eure), par M. Fauquet ; Rouen (Seine-Inférieure), par M. Goubert ; Plélan (Ille-et-Vilaine), par M. Levesque ; Les Andelys (Eure), par M. Morin fils ; Lyon (Rhône), par M. Oddos (parc de la Téte-d'Or) ; Hécourt (Eure), par M. Plouin ; Boulogne (Pas-de-Calais), par M. le D' Sauvage : Noisiel (Seine-et-Marne), par M. Henri Ménier ; Esches (Oise), par M. le marquis de Beauvoir. Dans toutes ces localités, nos collaborateurs sont pourvus d'une installation de pisciculture qui leur permet de pour- suivre avec soin ces intéressantes expériences et recoivent de l'aquarium, suivant les besoins, des œufs, des alevins de Salmo Quinnat et les renseignements nécessaires pour l'élevage. Tel est l’ensemble des opérations que l’aquarium de la ville de Paris à accomplies en vue de l'introduction et de la multiplication du Saumon de Californie dans les eaux fran- çaises. Sans entrer dans plus de détails, disons maintenant quelques mots des résultats obtenus. 604 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. En commencant cette entreprise, nous ne nous sommes pas fait illusion sur la longueur du temps nécessaire pour acclimater une espèce nouvelle. J'ai pensé dès le début qu'il s’écoulerait une dizaine d’années avant qu'on vit le Saumon de Californie prendre place sur nos marchés, en supposant que nos efforts soient continus et persévérants. On comprend facilement qu'il soit très difficile d'obtenir des renseignements précis sur le sort des alevins qui sont mis en liberté dans un ensemble de cours d’eau aussi étendu que le bassin de la Seine. Nous mettons bien nos poissons dans des localités déterminées que nous jugeons propices à leur dévelop- pement, mais leur opinion à cet égard peut ne pas étre la même que la nôtre. Ils se déplacent facilement dans une direction que nous n’apprécions pas, peuvent accomplir de longs trajets inconnus et aller habiter des localités très diffé - rentes de celles que nous avions choisies. Les pêcheurs qui les reprennent ignorent souvent nos essais, et quand ils les connaissent ne se donnent que très rarement la peine de nous en avertir. Il est évident qu’un très grand nombre de ces Saumons ont été péchés soit à la ligne, soit au filet. Ils passent généralement pour des Truites si le pêcheur est inattentif. S'il est bon observateur il pense généralement avoir affaire à un petit Saumon. Ce n’est donc que très exceptionnellement, lorsqu'un de ces poissons tombe entre les mains d’un pêcheur instruit, que nous sommes mis au courant de sa capture. : Dans ces conditions, le seul point qui nous parüt impor- tant, c'était d'obtenir çà et là quelques indications précises sur des captures de Saumon de Californie, afin de bien nous assurer que tous les alevins que nous lancions dans les rivières n'étaient pas détruits et de pouvoir juger, d’après la croissance plus ou moins rapide des sujets repris, si ces poissons se trouvaient dans des conditions favorables à leur développement. Cela nous suffisait pour être fixés sur la possibilité de Pacclimatation de cette espèce et l'opportunité de la continuation de nos travaux. Sous ce rapport nous avons été bien servis, et les quelques faits, peu nombreux, mais très précis, que nous avons re- cuetllis et que nous allons relater brièvement, nous per- mettent d'affirmer que si l’acclimatation du Saumon de Cali- fornie entreprise par l'aquarium est une œuvre de longue ACCLIMATATION & MULTIPLICATION DU SAUMON DE CALIFORNIE. 605 haleine, elle est possible, et je puis ajouter, dès à présent, certaine. En effet, ces renseignements démontrent qu’abandonné à lui-même dans nos cours d’eau, le Quinnat s’y développe parfaitement et y atteint rapidement une grande taille. Le Gambon. — Le premier document de cette nature qui nous soit parvenu est tiré de cette très petite rivière qui tra- verse les Andelys et que j'avais reconnue dans ma première exploration comme très favorable à la culture des Salmo- nides. Dès 1885, des alevins y furent déposés et confiés à la surveillance de M. Morin fils, pisciculteur émérite, qui habite les Andelys. Pendant l’été de 1888, M. Morin me signala la reprise de quelques-uns de ces Saumons et la présence de plusieurs d’entre eux qui s'étaient cantonnés à la pile d’un pont dans la ville même, vivant évidemment des détritus de cuisine jetés à l’eau. L'endroit devait être bon, car le Gam- bon ayant été vidé entièrement et nettoyé à fond, manœuvre qui se fait à l’aide d’un faux bras de la rivière, les Saumons qui, pendant cette mise à sec, avaient dû se réfugier dans la Seine, étaient revenus prendre leur place primitive. On allait les voir par curiosité et les habitants avaient le bon esprit de les respecter. Je fis le voyage tout exprès pour constater le fait. Ces poissons, reconnaissables à la couleur bleu-verdâtre de leur dos, pouvaient avoir à ce moment 65 centimètres. Ils étaient fort beaux, le corps épais et très vifs. Il n'était pas facile d’en déterminer le nombre, car ils étaient campés sous une arche très longue et obscure d’où ils se laissaient dériver au courant à tour de rôle, en aval du pont, pour rentrer dans l’ombre aussitôt qu'ils apercevaient du mouve- ment sur les berges. Il est très probable que ces Saumons ont pu frayer en octobre 1888. La Seine. — Le second exemple à citer est beaucoup plus singulier. Au mois de juin 1888, un pêcheur de Paris, M. Du- puy, notaire, prenait à l’épervier dans la Seine, à Marly, un Saumon de Californie. Les incidents de cette capture ont été racontés en 1889 dans le journal £a Nature, avec détail. Le point sur lequel je veux seulement appeler ici l'attention, c'est la taille extraordinaire de ce poisson. Il mesurait en effet 1,05 et pesait 10 kilogrammes. Cette croissance pourra _ paraitre invraisemblable à ceux qui n’ont jamais fait d'éle- 606 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. vage de Saumon de Californie, car l’animal en question ne pouvait avoir plus de trois ans et demi; mais à l'aquarium, dans des conditions très défectueuses, nous pouvons obtenir dans ce même laps de temps des Saumons de Californie me- surant 80 centimètres et pesant 6 à 7 kilogrammes. L'écart n'est donc pas considérable. Il est très admissible que, dans de bonnes conditions, cette espèce puisse atteindre la taille d'un mètre en trois ans et demi. Le Saumon de M. Dupuis était, parait-1l, cantonné sous la machine de Marly, dans des fosses où le petit poisson abonde. II était donc dans des con- ditions d'alimentation exceptionnelles. Peut-être encore était-ce un Saumon ayant accompli un voyage à la mer et étant parvenu à remonter la Seine jusqu'à Marly. L'Eple. — En 1887 et 1888, à la demande de M. de Saint- Marceaux, le sculpteur bien connu, grand amateur de pêche, l'aquarium fit quelques lancements de Saumon de Californie dans deux petits afluents de l’Epte, la Levrière et la Bonde, bonnes rivières à Truites qui passent à Bézu-Saint-Éloi et qui étaient à peu près dépeuplées. Les alevins déposés dans cette localité disparurent et, au premier abord, on supposa qu'ils avaient été détruits. Or, au mois d'octobre dernier, 1890, un amateur de pêche qui habite Gisors et qui est très expérimenté dans toutes les questions de pisciculture, M. de Boispréaux, signala dans les journaux de la localité la reprise à Gisors (c’est-à-dire au dessus de Bézu) de plusieurs Saumons de Californie pe- sant environ 10 livres chacun. Ils s'étaient cantonnés dans Gisors même, devant le marché au poisson, où ils vivaient des débris qu'on jette à l’eau. C'est là qu'ils ont été repris. Ce fait, comme on le voit, présente de l’analogie avec celui qui a été observé par M. Morin, sur le Gambon. Ces Sau- mons proviennent, à n’en pas douter, des alevins disséminés à Bézu-Saint-Éloi. L'Ilon. — Cette rivière, très riche en petit poisson, a recu des alevins de Saumon de Californie des le début, en 1885. La première colonie fut confiée à un minotier d’Évreux, M. Vacher, fils, qui exposa ces poissons sous son nom à un concours agricole et les lanca ensuite dans l’Iton. M. Vacher, qui s’occupait de pisciculture au point de vue commercial, ne m'a jamais donné de renseignements sur ces poissons. À Évreux, les usines sont abondantes, et craignant OC NT SE ACCLIMATATION & MULTIPLICATION DU SAUMON DE CALIFORNIE. 607 que la rivière dans cette partie ne füt peu propre au déve- loppement des alevins, je transportai mon centre d’empois- sonnement à Saint-Germain-des-Angles où un propriétaire, M. de Courcy, président du Syndicat de l'Tton, voulut bien s'occuper activement, avec un zèle et une habileté que je ne saurais trop louer, de la multiplication du Saumon de Cali- fornie dans l’Iton. M. de Courcy a pêché à plusieurs reprises dans cette rivière des Saumons de belle taille. M. Samson, usinier à Saint-Germain-des-Angles, m’a dit en avoir repris évalement, et il paraîtrait qu'au dessus d'Évreux, à Bonne- ville, on en aurait repris d'assez grandes quantités. On m'a signalé encore la reprise d’un de ces Saumons dans la Marne, par M. Georges Ohnet, dans les environs du Grand- Morin, mais le fait n’est pas assez certain pour que je le mette au même rang que les précédents. En résumé, il ressort des faits précédents, qu'il a été repris sur divers points du bassin de la Seine des Saumons de Californie, que ces poissons produits par l'aquarium du Trocadéro et déposés à l’état d’alevins dans les cours d’eau, ont prospéré et considérablement grossi, ce qui démontre que cette espèce de Salmonides est acclimatable et que les travaux auxquels cet établissement s’est livré depuis 1883 n’ont pas été infructueux. | Nous continuerons nos efforts jusqu’au moment où le Sau- mon de Californie paraîtra avec abondance sur les marchés, ce qui arrivera selon toute probabilité à partir de 1895. Tel est l’état actuel du problème que l’aquarium poursuit. Je ne saurais oublier, en‘terminant cette note, que l’aqua- rium du Trocadéro tient les œufs d’où sont sortis tous ces alevins de la générosité de la Société nationale d’Accli- matation. D'autre part, il est juste de revendiquer pour le Conseil municipal de Paris le mérite de l'exécution de cette œuvre éminemment utile, laquelle n’est que le prélude de travaux plus importants qui conduiront, j'en ai le ferme espoir, au repeuplement des cours d’eau de la France entière. LES BOLS INDES PRITELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES PAR JULES GRISARD ET MAxIMILIEN VANDEN-BERGHE. ((SUTE A) FAMILLE DES CAPPARIDACÉES. La famille des Capparidacées se compose en général de plantes sous-frutescentes, d'arbrisseaux, rarement d’arbres. Ce sont des végétaux à feuilles ordinairement alternes, en- tières, quelquefois ternées ou digitées, mais le plus souvent simples, que l’on rencontre dans les régions tropicales et sub- tropicales du globe, plus particulièrement de l'Amérique et de l'Afrique. Quelques espèces croissent dans la région médi- terranéenne et dans l'Amérique boréale. Plusieurs offrent des propriétés antiscorbutiques et stimulantes qui, chez certaines plantes, deviennent àcres, vésicantes, parfois toxiques. CAPPARIS FERRUÜUGINEA L. Câprier ferrugineux. Capparis octandra JAGQ. Antilles : Mabouya. Bois puant. Bois caca. Bois de corne fétide. Petit arbre de 3-7 mètres de hauteur, à feuilles lancéolées, acuminées, glabres en dessus, pubescentes en dessous, assez commun aux Antilles. On le rencontre surtout à la Jamaïque et à Saint-Domingue. | Son bois, gommeux, rougeàâtre ou blanc, moiré de jaune, est très lourd et très compact; sa texture fine permet de lui donner un beau poli. Quoique incorruptible et peu sujet à se gercer, il est peu employé à cause de l'odeur fétide qu'il ré- pand étant vert. L'écorce âcre et même vésicante de la tige est usitée aux Antilles comme rubéfiant; l’odeur excrémentielle des diffé- rentes parties de la plante, feuilles, fleurs, fruits et racines, lui font attribuer des propriétés antihystériques. (*) Voyez plus haut, pages 39, 201 et 425. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 609 Ce genre qui renferme surtout des arbrisseaux, offre cepen- dant encore quelques arbres intéressants parmi lesquels nous citerons : Le Capparis grandis HEYx. (Cochinchine : Cay main ou Cay uinain). Petit arbuste inerme de 2-5 mètres de hauteur, sur un diamètre de 10 centimètres environ, à feuilles ternées, lancéolées, entières et glabres, que l’on trouve en Cochin- chine sur le bord des cours d’eau. Son bois, dur, lourd et durable, est bon pour le tour et la gravure. Ses fruits sont * comestibles. Le Capparis Mitchelli Linpz. (Busbeckia Michelli F. MueLL) Queensland : Mondo. Petit arbre de 5-10 mètres de hauteur sur un diamètre de 25-30 centimètres, dont le tronc et les branches sont couverts d’épines courtes. Indigène de l'Australie, il croit dans les plaines et les taillis des forêts ouvertes. Le bois est de bonne qualité, dur et à grain serré, mais l'arbre est souvent tortueux et de petites dimensions, ce qui fait qu'il est peu exploité. Le Capparis nobilis F. Müezz. (Busbeckia arborea K. MuEeLL., B. nobilis EnDr.) du Queensland et de la Nouvelle- Galles du Sud, où il est connu sous le nom de Raruin, est un petit arbre rabougri, à branches couvertes d’épines stipulées, dont le bois possède également une assez grande dureté et une texture fine. Ces deux espèces sont susceptibles d’être utilisées pour des ouvrages de tour et de fantaisie deman- dant de la solidité, mais peu de volume. C’est encore à ce genre qu'appartient le Câprier commun ou épineux (Capparis spinosa L.) dont les boutons et les fleurs confits dans le vinaigre constituent les cdpres du commerce, recherchées en cuisine comme assaisonnement et comme condiment. CRATÆVA RELIGIOSA Forsr.- Cratæva Guineensis Sox. et THÜNN, — lelta DC. —"Adansonii DC. Cochinchine : C«-lo-ngauh. Inde : Kuda-Kukkn. Sénégal : Kred-kred. Taïti : Pua-veoveo. Petit arbre de 10-12 mètres de hauteur, sur un diamètre de 15-30 centimètres. Feuilles trifoliées, à folioles lancéo- 20 Avril 1801. 39 610 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. lées, acuminées, lisses, d’un vert sombre sur la face supé- rieure, plus pâles en dessous. Indigène de l’Inde et de la Cochinchine, il croit aussi naturellement au Sénégal et dans les iles de l'Océanie où il est surtout commun dans les parties montagneuses de Taïti, Son bois, blanc, dur, à grain fin et serré, est bon pour le tour et la menuiserie. Ses feuilles sont usitées dans la méde- cine des indigènes, dans l'Inde, on les prescrit en décoction à l'intérieur comme stomachiques et en cataplasmes pour résoudre les tumeurs lymphatiques. Leur saveur est légè-: rement amere et l'odeur qu'elles exhalent lorsqu'on les froisse rappelle un peu celle de lHellébore. Le Craiæva odorata, HamirT. (C. religiosa, HAMILT., non L., C. Roxburghü R. BR.) est un arbre à feuilles glabres, len- ticellées, trifoliées, originaire de l'Inde, qui offre un bon bois de menuiserie. L'écorce, les feuilles et la racine sont em- ployées comme stomachiques et toniques. Le Cratæva gynandra L. (Vénézuéla : Toco) fournit un bois de couleur gris-jaunâtre, veiné de rouge pâle, léger, mou et d’une texture fibreuse. Peu utilisé dans les constructions, on s’en sert souvent au Vénézuéla pour faire des planches communes et des caisses d'emballage pour le savon. À la Guyane, l'écorce de la racine passe pour posséder des pro- priétés vésicantes. MORISONIA AMERICANA L. Capparis Morisonia SW. Guadeloupe : Arbre du diable. Mabouya peau. Martinique : Pois Mabou. Mexique : Arbor del diablo. Palo del muerto. Palo bobo. Micaqguahuitl. Petit arbre de 4-5 mètres d’élévation à feuilles simples, oblongues, glabres et coriaces, qui croit naturellement au Mexique et dans les forêts de la Guadeloupe. Son bois est assez dur et d’une conservation presque indé- finie, mais il est rare et peu employé à cause de l’odeur désa- oréable qu'il exhale lorsqu'il est frais. Sa densité est de 0,704; son élasticité, comparée à celle du chêne, égale 1,105 et sa résistance à la rupture 1,196. Sa cassure est courte et fibreuse. | \ Toute la plante possède une odeur infecte analogue à celle du Capparis ferruginea ; ses fruits sont regardés comme ds - nf arc eh tdi * ji dut) LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. GA antispasmodiques ; les fleurs et les racines passent pour apéri- tives et antihystériques. Les racines de cet arbre sont longues, grosses, nerveuses, compactes et pesantes et servent aux sauvages pour faire des massues. | On attribue à cette espèce les propriétés du Pareira brava. À cette famille, appartiennent encore les espèces sui- vantes : L'Apophyllum anomalum F. MüELLz. Arbre d’une hau- teur de 8-10 mètres sur un diamètre de 20-25 centimètres environ, que l’on trouve au Queensland, dans les taillis du district des Brigalows et dans le North-Australia. Son bois est très dur et susceptible de quelques applications industrielles. Le Mærua Angolensis DC. { Muriangombe du Ben- guella). Arbre de 5-7 mêtres de hauteur, inerme, à feuilles simples ou unifoliées, croissant spontanément dans les forêts du Cayor, du Oualo, de la Casamance, du Gabon et des ré- sions arides du littoral du Benguella. Son bois, rouge, léger, fin et serré est bon pour la fente et la menuiserie, mais il est de faibles dimensions. Les M. Senegalensis et rigida R. Br. sont deux espèces voi- sines des mêmes régions dont le bois présente les mêmes qua- lités physiques et peut être utilisé pour les mêmes travaux. FAMILLE DES VIOLARIÉES. Cette famille se compose d'herbes et d’arbrisseaux, plus rarement de petits arbres à feuilles généralement alternes, excepté dans un petit nombre d'espèces exotiques où elles sont opposées. La plupart sont propres à l'hémisphère boréal ; quelques espèces ligneuses, cependant, appartiennent aux régions tro- picales des deux continents. Les tiges de presque toutes les Violariées renferment un principe âcre doué de propriétés émétiques. Les feuilles de quelques Alsodeia sont amères et astringentes, d’autres du même genre sont mucilagineuses et mangées comme légume après cuisson ; leurs écorces sont fébrifuges. 612 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Les bois sont rares dans cette famille et nous ne pouvons ouère citer que deux espèces exotiques appartenant à des genres differents. MELICYTUS RAMIFLORUS Fonrsr. Nouvelle-Zélande : Mahoé. Hinahina. Vaïti : Tentia. Petit arbre élégant et touffu d’une dizaine de mètres de hauteur environ, à feuilles lancéolées, allongées comme celles du saule, abondant dans toutes les iles aussi éloignées du sud que Otago. Le bois rougeûtre, à grain très serré, dur quoique léger, est susceptible de poli; malgré son usage très restreint à la Nouvelle-Zélande, M. Henri Jouan le dit bon pour l’ébénis- terie et autres travaux. Les feuilles sont recherchées par les bestiaux qui les man- cent avec avidité. Dans les possessions portugaises de l'Afrique, le genre Alsodeia est représenté par une espèce ligneuse indétermi- née nommée Sûd-Sûd ; c'est un petit arbre des régions élevées de San-Thomé, dont le bois, de longue durée, paraît propre à la construction comme chevrons, poutres et petites char- pentes, ainsi que pour palissades, piquets, traverses, vis de pressoirs, etc. | FAMILLE DES BIXACÉES. Les Bixacées sont des arbres de moyenne grandeur ou des arbrisseaux souvent épineux, croissant entre les tropiques, la plupart en Amérique et quelques-unes dans l'Asie aus- trale et en Afrique. Leurs feuilles sont alternes, simples, entières, parsemées de points glanduleux ou de lignes trans- parentes, quelquefois coriaces et persistantes. | Les propriétés des végétaux de cette famille sont très va— riées. Quelques espèces donnent des fruits comestibles ou sont employées comme médicaments, d’autres fournissent des matières colorantes utilisées pour la teinture. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 613 FLACOURTIA CATAPHRACTA Roxs. EFlacourtia Jangomas GMEL. Roumea Jangomas SPRENG. Séigmarota Jangomas LOUR. - Annamite vulgaire : Mông quûn. Annamite mandarin : Pin mên hiûn. Cochinchine : Cay-mu-cuon. Sondanais : Roekum sëpat. Tamoul : T'alishaputrre. Petit arbre de 5-6 mètres de hauteur à feuilles alternes, petites, stipulées, glabres et dentées, qui croît dans quelques parties de l'Inde et très abondamment en Cochinchine, par- ticulièrement sur les bords des cours d’eau ainsi qu'à Java et Bali. Son bois est rouge ou rougeàtre, dur, susceptible d’étre travaillé aisément et de recevoir un beau poli; lourd, ra- rement creux et paraissant de bonne conservation, il peut être employé en menuiserie, ainsi que pour planches, che- vrons, lattes, etc. À Java, on l'utilise pour confectionner les mortiers dont les indigènes se servent pour décortiquer le riz. Les Anna- mites ne l’emploient guère que pour le chauffage. Sa densité moyenne est de 0,910. Les jeunes rameaux servent à préparer des collyres. Les pousses encore tendres sont mangées dans l'Inde où on leur attribue des propriétés toniques, stomachiques et as- tringentes. Les feuilles en infusion passent pour guérir les enrouements. Les fruits sont recommandés pour combattre la diarrhée et les affections bilieuses ; ils sont estimés des Ma- lais qui les rendent plus mous et plus doux en les roulant entre les mains. Enfin, la décoction des racines est donnée comme tisane en Cochinchine, pendant les derniers mois de la grossesse. FLACOURTIA RAMONTCHI L'HériTr. Ramontchi. Sligmarota Africana LOUR. Indes Néerlandaises : Boyo. Réunion : Prunier mûle ou Prunier de Madagascar. Arbre de taille médiocre, très rameux, dont le tronc, re- couvert d’une écorce grisâtre, n’atteint guère plus de 2-3 mè- tres d’élévation. Feuilles alternes, oblongues ou ovales- arrondies, crénelées, glabres, d’un vert lisse et brillant. GAZ REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Originaire de Madagascar et cultivé à la Réunion, on le rencontre encore aux Indes néerlandaises dans. les forêts du centre de Java. Son bois est dur, lourd et très compact, mais il est peu employé par suite de la difficulté qu'il présente à être tra- vaillé. L'écorce est prise en infusion par les créoles pour com- battre les affections goutteuses. Le fruit est une petite baie de la grosseur d’une cerise, charnue, noirâtre ou violacée à la maturité, d’une saveur douce, un peu vineuse, que les indigènes mangent dans cet état ou qu’ils font confire lorsqu'elle est encore verte. Le F. Ramonlehi cultivé en serre tempérée forme un élé- gant arbrisseau ; il demande un peu d'humidité et une terre substantielle tourbeuse. Dans les endroits où il est rustique, on peut en faire des haies défensives. Le Flacourtia Rukain Zorx. et MoriTz. en malais: Roekum ou Rokam, sondanais : Koeda Sondak est un arbre que l’on rencontre dans les parties montagneuses de Java. Son bois, d’un ton blanchâtre mais sans éclat, est tendre et d’un grain grossier; comme il ne se fend pas en séchant, on s’en sert, toutefois, pour la fabrication des meubles et dans la construc- tion. Hooker dit que cette espèce est très cultivée pour ses fruits comestibles, dont la taille est celle d’une grosse cerise. Le Djoekoem ou Djoekem des Indes néerlandaises, gros arbre des Lampongs, est une espèce indéterminée du genre Flacourtia dont le bois, mou et spongieux, est assez peu estimé, mais néanmoins employé à Sumatra dans la cons- truction. LUDIA HETEROPHYLLA Laux. Ludia Mauritiana RAEUSCEH. Réunion : Bois sans écorce, Change écorce, Goyavier marron blanc. Petit arbre généralement rabougri, d’un diamètre de 15-20 centimètres environ, dont le tronc est recouvert d’une écorce caduque. Feuilles alternes, lancéolées, elliptiques, décur- rentes, à dents obtuses, petites sur les jeunes rameaux, grandes et entières lorsqu'elles sont adultes, luisantes et veinées en dessus. Originaire des îles Mascareignes. Le bois est dur, plein, solide, à grain serré et à fibres LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 615 droites; il se travaille facilement, mais il renferme souvent des défauts et résiste peu à l'humidité. Employé quelquefois pour petites charpentes, chevrons, solives ou pour douves de barils, il est plus souvent recherché pour la confection des avirons, en raison de sa flexibilité; on l'utilise aussi beaucoup à la Réunion comme combustible. Les anciens colons se ser- vaient autrefois de ce bois pour faire des services de table et autres objets d'utilité domestique. Sa densité moyenne est de 0,826; sa cassure est courte et sèche. L'écorce des vieux arbres est considérée comme un excel- lent émétique. Le Ludia sessuifiora LaAMx.(£, tuberculata JAcQ. L. myr- tifolhia Sies. non LAmx.) est une espèce voisine également indigène de Maurice et de la Réunion où il porte les noms de Bois rouge, Bois de Madagascar et Goyavier marron rouge. Son bois, dur, serré, liant, est bon pour charpentes et avi- rons ; on l’emploie dans les mêmes conditions que celui de l'espèce ci-dessus. | PANGIUM EDULE REIN w. Malais : Panji. Sondanais : Patjocng. Arbre à tronc droit et très élevé. Feuilles simples, alternes, éparses, cordiformes, fort amples et à trois lobes quelquefois entières. Cultivé aux Moluques et dans tout l’Archipel indien. Le tronc fournit un bois d’une texture fine et à fibres courtes, mais droites, que l’on utilise à Java pour faire des charpentes et des lattes; comme il est sujet à se gercer faci- lement, on ne l’emploie dans la construction qu'à défaut d’autres. D'après Blume, son suc renferme un alcaloïde ana- logue à la ménispermine. Son fruit est un drupe de la grosseur et de la forme d’un œuf d'autruche. Il renferme, sous une chair blanchätre et peu épaisse, plusieurs noyaux dont les graines sont véné- neuses, mais elles deviennent comestibles par la torréfaction ou après avoir subi une macération prolongée; on en tire aussi une huile rougeâtre, non alimentaire, utilisée pour l'é- clairage, mais donnant beaucoup de fumée. Citons encore comme appartenant à la famille des Bixa- TES Sr 616 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. L'Aphloia theæformis BENx. (Ludia heterophylla Bory. Neumannia theæformis À. Ricx. Prockia theæformis Wizzp.) Cet arbre, désigné à la Réunion, sous les noms de Goyavier sauvage ou de Fandamane, fournit un bois d’une durée et d’une résistance moyennes, bon pour charpentes et douvelles de barriques. L'écorce nauséeuse de la tige est employée à Maurice comme ipéca. | L’Azara microphylla Pur. Cette espèce donne, au Chili, le bois de Chinchin. D'après CI. Gay, les Azara chiliens ont des fleurs parfumées, d’où leur nom vulgaire de Aromo, et sont propres à l’ornementation. Plusieurs espèces sont en effet cultivées dans nos serres. La plupart des plantes de ce genre portent encore le nom de Liben ou Lilen; leur bois est de mauvaise qualité et peu susceptible d'emploi. Le Bixa orellana L. Arbrisseau élégant d’une hauteur de 4-5 mètres, à feuilles alternes, ovales et acuminées, originaire de l'Amérique et cultivé dans plusieurs parties de l'Inde. En Amérique, le bois sert à faire quelques pièces de charronnage, mais on l’emploie plus communément comme combustible. Dans les Indes néerlandaises, le B. orellana est très souvent planté en haies vives, à cause de sa croissance rapide et de la facilité avec laquelle il se reproduit. L'écorce est utilisée pour cordages et liens grossiers. Le fruit est une capsule assez volumineuse qui renferme une vingtaine de graines entourées d'une matière visqueuse d’un roûge vif, qui constitue le Ro- cou employé comme matière colorante. Le Cochlospermum gossypium DC. (Bombax gossy- pium L.) Arbre d’une hauteur de 12-15 mètres, à feuilles alternes, digitées, d’un très bel aspect au moment de sa flo- raison. Son bois, de couleur jaunâtre, est filandreux et de peu de durée. Offrant en partie les qualités du liège, on l’em- ploie comme tel, dans l'Inde et à Ceylan, pour faire des flot- teurs de filets et autres objets. On s’en sert aussi quelquefois pour fabriquer des caisses d'emballage d’une grande légèreté. L’Hydnocarpus anthelminticus Pierre. (Cochinchine : Cham-bao, Dai-phong-tu). Arbre de 8-15 mètres d’élévation sur un diamètre de 20-25 centimètres. Son bois, de couleur jaune rougeâtre, est lourd, résistant et à grain assez serré. Cette espèce est considérée comme anthelmintique. L'Hydnocarpus heterophyllus BL. (Cochinchine : Gia-da- trang\. Arbre de 15-20 mètres de hauteur, dont le tronc LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 617 acquiert environ 25-30 centimètres de diamètre ; feuilles alternes, serretées, caduques. Le bois est jaunâtre et bon pour constructions intérieures. Le Lætia hirtella H. B.(Vénézuéla : Trompillo ou Trom- pilo). Arbre de dimensions régulières, dont le bois, plus dur que celui du Cedro (Cedrela), est employé au Vénézuéla pour charpente, tables et travaux d’ébénisterie ordinaire. FAMILLE DES PITTOSPORACÉES. Les Pittosporacées sont des arbres ou des arbrisseaux quel- quefois grimpants, à feuilles alternes, entières ou découpées, dépourvues de stipules. | Répandues surtout dans les régions de l'Australie extra- tropicale, les espèces de cette famille se rencontrent aussi, mais plus rarement, dans les îles de la mer du Sud, au Japon, dans les parties intertropicales de l'Asie, à Maurice et jus- qu'au Cap de Bonne-Espérance. La plupart sécrètent une résine aromatique, incolore ou faiblement colorée, qui ne paraît pas avoir d'applications jus- qu'à ce jour. Quelques-unes produisent des fruits qui sont mangés par les indigènes, malgré leur goût àpre; un petit nombre sont cultivées dans nos jardins d'Europe. PITTOSPORUM UNDULATUM VExrt. Pittospore ondulé. Australie (Colons anglais) : Vaictorian Laurel. Taïti : Ofeo. Arbre magnifique et très rameux, dont la hauteur varie de 15 à 20 mètres dans les terrains humides et rocailleux, mais qui reste à l’état d'arbrisseau dans les endroits stériles et exposés. Feuilles persistantes, très rapprochées et même quelquefois subverticillées, ovales-oblongues, ondulées, aro- matiques lorsqu'on les froisse. Fleurs blanches très odo- rantes, disposées en grappes au sommet des rameaux. Originaire de l'Australie, il croît dans la Nouvelle-Galles du sud et dans la province de Victoria, principalement sur les bords des cours d’eau ; on le rencontre également à Taïti. Son bois, d’une teinte blanc-grisätre agréable à l'œil, d’une 618 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. texture fine et serrée, est de bonne qualité : on l'utilise ordi- nairement pour le tour, mais il peut être substitué au buis pour divers travaux, notamment pour la gravure sur bois. Les propriétés astringentes de l'écorce la font employer pour le tannage des peaux. Par la distillation des fleurs, on obtient, sous forme d’une huile essentielle, un parfum de valeur analogue au Jasmin. À Taïti, elles entrent, avec l’huile de coco, dans la prépara- tion du Monoï, cosmétique très estimé des indigènes. Cette espèce se recommande à l'ornementation par la beauté de son feuillage en toutes saisons et par la durée de ses baies, jaune-orangé, disposées par grappes d’un gracieux effet. Rustique dans la région de l'Oranger, on le multiplie de boutures et de marcottes, plus rarement de graines semées sur Couches ou sous châssis. Le P. undulatum est le type le plus recherché pour greffer les autres espèces. Ces végétaux demandent une terre substantielle, un peu sableuse, et des engrais doux et liquides. _Les autres espèces intéressantes de ce genre sont : Le Pittosporum bicoltor Hook. (P. discolor REGEL, L. Huegelianum Purr.) Victoria et Tasmanie : Victorian Chee- sewood des colons anglais. Petit arbre à écorce lisse et à feuilles coriaces d’un beau vert, haut de 8-12 mètres sur un diametre de 20-30 centimètres, que l’on trouve au Queens- land dans les forêts ouvertes des districts de West Moreton et des Darling Downs, et dans les ravins humides et om- bragés de Victoria et de la Tasmanie. Son bois est blanc et à orain serré ; il est très estimé pour la confection des queues de billard, des manches d'outils, haches, instruments de jar- dinage, etc. Le Pittosporum ferrugineum AïT. qui dore un bois rouge rarement employé à cause de ses dimensions restreintes. Le Pittosporum eugenoides À. CuNNG«x. (P. umbellatum GAERTN.) Nouvelle-Zélande : Tarata. Colons anglais : Hedge Laurel. Joli petit arbre buissonnant, de la Nouvelle-Zélande, atteignant environ 10-12 mètres de hauteur dans de .bonnes conditions. Son bois est blanc, doux, à grain serré, mais peu propre à aucun usage spécial. Le P. Cotensoi Hoox. f. est un bel arbrisseau ou un petit arbre très rameux fréquemment planté en bordure et recher- ché surtout pour l'établissement des haies vives. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 619 Le Pütosporum phillyroides DC. (P. acacioïides À. CUNN. P. oleæfolium À. Cunx.) Colons anglais : Weeping Pitto- sporum. Petit arbre d’un port gracieux dont les formes va- riables ont occasionné une grande confusion dans la syno- nymie. Originaire de l'Australie, il croit généralement sur les côtes du littoral; mais souvent aussi, il s'avance assez loin dans l’intérieur des terres. Son bois est blanc, lourd, com- pact, dur, durable et de bonne qualité, mais peu connu en dehors de son lieu de production. Le Pitosporum rhombifolium A. Cunx. Arbre d'une hauteur moyenne de 15 mètres, sur un diamètre de 25-30 centimètres. Indigène de la Nouvelle-Galles du Sud et du Queensland, il croît spontanément dans les taillis au bord de Brisbane-River. Son bois, comme d’ailleurs celui de la plu- part de ses congénères, est blanc, assez dur, d’une texture fine et serrée, mais il est peu utilisé jusqu’à présent. Piltosporum Tobira Ait. (Evonymus Tobira THUNB.) Ja- pon : Tobira riba. Tobera. Kaido kiwa. Petit arbre de 5-6 mètres de hauteur sur un diamètre moyen de 30 centimètres, à feuilles persistantes, oblongues et épaisses. Originaire du Japon, il croît naturellement dans les îles de Kiousiou et de Nippon, principalement sur le mont Kimbosan dans la pro- vince de Figo. Les Japonais se servent du bois pour con- fectionner de petits meubles. Les feuilles additionnées de sel sont usitées pour combattre les maladies de l'espèce bovine. En dehors des Piüttosporum dont nous venons de parler, nous ne voyons guère à citer comme bois, dans cette fa- mille, que le Bursaria spinosa Cv. (Cyrilla spinosa SPR., lea spinosa ANDREwWS), Box tree des colons anglais de l'Australie d’où il est originaire. C’est un arbre de 10-12 mètres, à écorce rugueuse, dont le bois, blanc, dur et fin est bon pour le tour, la sculpture et même la gravure. Cultivé en serre tempérée cet arbre toujours vert, se couvre de fleurs qui exhalent une odeur très agréable. FAMILLE DES POLYGONACÉES. Les Polygonacées sont des végétaux herbacés ou frutes- cents, dressés ou volubiles, rarement arborescents. Leurs 620 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. feuilles sont alternes, engaïînantes à leur base ou adhérentes à une gaine membraneuse, très rarement opposées, simples, entières ou ondulées, quelquefois incisées, généralement pen- ninervées. Ces plantes croissent pour la plupart dans les régions tempérées de l'hémisphère nord, mais elles sont moins fré- quentes entre les tropiques où on ne les rencontre que dans les régions élevées. Quelques-unes sont aquatiques ou pa- lustres. Les espèces herbacées sont alimentaires ou médicinales et renferment des acides oxalique, citrique et malique. Les oraines de certaines abondent en fécule nutritive; les ra- cines de la plupart contiennent des matières astringentes unies quelquefois à un principe résineux qui les rendent pré- cieuses en médecine. Plusieurs sont cuitivées dans nos jar- dins comme ornement. GOCGCOLOBA PUBESCENS L. Raiïisinier à grandes feuilles. Coccoloba grandifolia JAGQ. Arbre de 20-25 mètres d’élévation, remarquable par ses feuilles extrêmement larges, subsessiles, arrondies en cœur, rudes, coriaces ou cartilagineuses, très légèrement velues sur les deux faces. | On le rencontre communément aux Antilles et notamment à la Guadeloupe et à la Martinique. Le tronc de cet arbre a l’avantage, sur celui des autres espèces, d'être très droit jusqu'à une assez grande hauteur. Il fournit un bois rouge foncé, pesant, presque aussi dur que le bois de fer, dont il porte quelquefois le nom ; d’une résistance moyenne, très flexible et incorruptible, il est excellent pour les constructions et l’ébénisterie, mais assez difficile à tra- vailler et à manier. On en fait des pieux qui durcissent beau- coup en terre. Sa densité est de 0,890, son élasticité de 2,105 et sa résistance à la rupture de 0,778. On mange ses fruits comme ceux de l’espèce suivante, ils sont plus gros mais cependant moins fréquemment em- ployés. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 621 GOCGCOLOBA UVIFERA L. Raisinier à grappes. Peuplier d'Amérique. Polygonum uviferum L. Antilles : Raisinier à fruits. R. des bords de la mer, Bois à baguettes. Cuva : Ubero de playa. Salvador : Papaturro. Grand et bel arbre rameux, d’une hauteur de 20-25 mètres, dont le tronc, épais de 30-40 centimètres, n'offre une recti- tude parfaite que jusqu'à 3 mètres environ du sol. Feuilles alternes, subsessiles, entières, cordées, coriaces, glabres en dessus. Originaire des Antilles, il est surtout commun à la Guade- loupe et à la Martinique; on le retrouve également à l’état sauvage dans l'Amérique centrale, et il remonte jusqu'à la Floride en recherchant les sables maritimes du littoral. Son bois rougeâtre, veiné, dur, plein et massif, est bon pour le charronnage et la menuiserie; on l’emploie quelquefois dans les constructions et on en fait aussi de jolis meubles. Les indigènes l'utilisent souvent comme combustible et pour la fabrication d’un charbon qui dégage une vive chaleur. Ce bois donne par décoction, ainsi que l'écorce, un extrait rouge- brun, opaque, à cassure noire et luisante, employé en méde- cine, comme astringent. Ce produit constitue un des Æinos d'Amérique du commerce. Par ébullition, ce bois donne encore une belle couleur rouge usitée en teinture. L’écorce est employée pour le tannage et pour teindre en noir. Les fleurs de cette espèce ont une odeur suave. Les fruits, appelés Mangles rouges dans nos colonies, sont des akènes trigones, de la grosseur d’une petite cerise, for- mant une grappe assez volumineuse. On les vend sur les marchés, mais ils sont peu recherchés. La pulpe rouge dont ils sont entourés est comestible, son goût est agréable, sa saveur acidule et sucrée; on en prépare aussi une sorte de boisson vineuse rafraichissante. Les racines possèdent les propriétés astringentes des autres parties de l’arbre. Ces Coccoloba sont de serre chaude. Parmi les autres végétaux ligneux de la famille des Polygo= nacées, il convient encore d'ajouter : 622 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Le genre Ruprechtia représenté dans l'Amérique méri- dionale par plusieurs espèces (R. excelsa, Viraro, coryfolia, trifiora, etc.) connues sous les noms espagnols de Palo de tanza, Viraro, Manzano del Campo, etc. Elles fournissent, en général, des bois estimés, employés dans la construction légère, l’ébénisterie, ainsi que pour la fabrication d’instru- ments agricoles, formes de chaussures, cuillères, etc. Le Trigoniastrum hypoleucum M1io., Mata passeh des Malais. Petit arbre ou arbuste qui fournit un bois jaune citron très pâle, dur, à grain fin, employé pour faire des tables; il se fend beaucoup en séchant. Le Xanthophyllum flavescens Roxg. est un arbre de 20-25 mètres de hauteur sur un diamètre de 30-35 centimè- tres, à feuilles alternes, coriaces et glabres, que l’on ren- contre dans les forêts de la Cochinchine. Son bois blanc jaunâtre, à grain fin et serré, est bon pour les ouvrages de tour. Le Xanthophylluin Griffithii, Hook. f., Limah Broh des Malais. Arbre toujours vert, donne un bois blanc jaunâtre, tendre, d’une texture grossière, sujet à se fendre. Le Xanthophylluim rufum A. W. BENN., Xraboo des Ma- lais. Arbre de haute futaie, fournit un bois blanc sale, strié de raies brunâtres, à grain moyen, dur, moins susceptible de se tourmenter en séchant que l’espèce précédente. Le Xanthophyllum vitellinuim BL., Kiendoh, Kitelor ou Kitetohr des Malais, donne un bon bois de charpente, solide, à fibres entrecroisées et très durable. FAMILLE DES VOCHYSIACÉES. Cette petite famille se compose d'arbres, plus rarement d’arbrisseaux, à feuilles opposées ou verticillées, coriaces, penninervées, très entières, accompagnées de stipules ou de glandes. Les Vochysiacées habitent les régions tropicales de l’Amé- rique du Sud, particulièrement le Brésil et la Guyane, où elles croissent sur le bord des rivières et dans les forêts vierges. Les plantes qu’elles renferment ont peu d’usages; leur suc résineux n'est guère employé non plus que l'essence par- fumée de leurs fleurs singulièrement irrégulières. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 623 VOCHYSIA GUIANENSIS AUBr. Cucullaria excelsa WILLo. Vochy Guianensis AUBL. Guyane : Bois Crureau. Itaballi. Copaiyé. Guyane anglaise : C'opay-yè wood. Arbre de 15-20 mètres de hauteur, sur un diamètre de 60- 0 centimètres, à feuilles opposées, obovales oblongues, briè- vement acuminées, entières, luisantes sans être épaisses, à nervures latérales serrées, droites et parallèles. Originaire des forêts de la Guyane. Son bois, de couleur rouge pâle, tendre, facile à travailler. mais peu durable à l’air, est bon pour la confection des douves de barriques à sucre. Sa densité moyenne est de 0,840 et sa résistance à la rupture de 142 kilog. (1). Les Vochysia tetraphylla et {omentosa, connus sous les : mêmes noms créoles, offrent un bois analogue. Le Qualea cærulea AUgL. (Guyane: Couaïe. Grignon- fou.) est un arbre résineux de la même famille, à feuilles ovales, léscérement acuminées, que l'on trouve abondamment dans les forêts de la Guyane. Son bois est rougeatre, léger, tres liant, mais il est inférieur au Grignon franc (Bucida) comme force et comme conservation. Excellent pour faire des mâtures, il peut encore remplacer le Sapin dans tous ses usages. Par la dessiccation, il perd une grande partie de son poids et peut alors être débité facilement en planches. Sa densité moyenne est de 0,798. Résistance à la rupture : 146 kiïlog. (A suivre.) (1) Dans les expériences faites à la Guyane par M. Dumonteil, sur la résis- tance des bois à la rupture, la force en kilogrammes a été établie comparati- vement sur des parallipipèdes de 1,20 de longueur sur 5 centimètres de lar- geur : cest le chiffre donné par cet ingénieur que nous avons adopté. Pour les bois des autres pays, la force de résistance et l’élasticité sont comparées au chêne, celui-ci étant pris comme unité. COUP D'ŒIL SUR LE CONCOURS HIPPIQUE DE 1891 Par M. E. PION, Véiérinaire inspecteur à Paris. J'ai eu, l’an dernier, ici même, l'occasion de parler du concours hippique et de porter un jugement sur son en- semble, sur ses tendances, sur ses mérites, le tout mélé de quelques critiques indispensables. Aujourd'hui, je répéterai en partie mes premières appréciations, avec un correctif cependant : c'est que le Concours a paru, cette année, plus utilitaire, que celui de l’an dernier. Je m'explique : j'avais plaisanté légèrement la Société d’où cette institution est sor- tie. Je m'étais permis de ne pas trouver atteints tous les buts qu'elle s’est proposés : la précocité du dressage, l’heureux choix des croisements ; je prétendais que les gentilshommes, maitres absolus des réceptions et des récompenses, traitaient la chose en famille, c’est-à-dire se partageaient libéralement entre eux les faveurs et les avantages. Cette année, un pro- grès a été réalisé. En masse, ce concours est meilleur. Le jury a-t-il mieux choisi, a-t-il été plus sévère dans ses refus, a-t-il moins subi certaines influences de certains hommes de che- val? Je n’en veux rien savoir. Je sais au moins ceci, grâce à l’obligeance de M. Weber, qui m'a prêté libéralement de très justes idées, c’est que la partie vétérinaire de la chose, si je puis m'exprimer ainsi, a veillé avec un soin jaloux sur l’ad- mission et sur la santé des Chevaux, c'est que les avis de ces praticiens ont été écoutés plus que de coutume. L'on sait que ce concours ne comporte pas uniquement les Chevaux de luxe et que les races de gros trait y figurent, apportant l’anti- thèse de leurs masses musculaires à côté de la finesse exa- gérée des pur sang. Il y a donc là de quoi contenter les goûts les plus variés, bien que l’armée, la noblesse et la bourgeoisie provoquent et légitiment certainement les huit dixièmes de cette Exposition. La Normandie mérite, sans conteste, tous nos éloges, pour l'élevage et le dressage de ses merveilleux trotteurs. Sur 271 Chevaux âgés de quatre ans seulement, elle en montre, à elle seule, la plus grande partie, dont la précocité et les COUP D’OEIL SUR LE CONCOURS HIPPIQUE DE 1891. 625 allures ont fait les délices des connaisseurs. Leurs allures ont paru moins empatées, plus hautes, plus dans la ligne, et si les efforts du dressage ont pu parfaire aussi vite des ani- maux aussi jeunes, c'est que l’art du dressage n'est pas un vain mot dans le Calvados, dans l'Orne et dans la Manche. De même le Midi avec ses Tarbais, le sud-est avec ses Chevaux de selle, sont dignes de tous les applaudissements. Je citerai en particulier l'Ecole de dressage de Rochefort qui du n° 329 au n° 349 nous montre des échantillons vraiment très remarquables. Ces progrès dus à l'énergie et à la persé- vérance de nos éleveurs nous font croire que d'ici à peu de temps, les Français, en général, seront moins frappés d’an- glomanie, puisqu'ils auront, en ce point-là, carrément rat- trapé leurs rivaux. Je rappelle, en passant, que, grâce à la campagne entreprise par M. Cavailhon, du Rappel, et aux essais fructueux tentés de toutes parts, des Français, oui, des Français, se sont transformés en excellents jockeys — O0 vieille Angleterre, tu ne l'aurais pas cru ! — Si l’on quitte les tribunes avoisinant la piste pour aller visiter les écuries, l’on tombe tout d’abord dans une exhibi- tion de voitures et de harnais toute resplendissante ; la fine fleur de la sellerie est là; les cuivres sont fouillés de cise- lures ; les cuirs assouplis sont presque brodés ; les vêtements sont dignes de ceux qui les doivent porter ; avec un tel luxe d'objets de toilette, on croirait que les écuries vont se trans- former en boudoirs. Si nous pénétrons plus loin, nous arri- vons dans une demi-obscurité très peu favorable à l’inspec- tion des animaux qui y sont noyés. Situées à contre-jour, les stalles pourraient cacher bien des tares et bien des défec- tuosités. Et c’est dommage; car les bêtes qui y sont signalées par des flots de rubans doivent regretter de ne pas montrer avec coquetterie leurs têtes intelligentes, leur profonde poi- trine et leurs jàämbes intactes. Les palefreniers ont fait dans cet endroit une vraie dépense d'efforts artistiques. — Est-ce. une contagion du Salon de peinture qui s'installe au-dessus ? — Les paillassons s’étalent avec des lisières fort amusantes ; les tresses de paille sont prodiguées ; même les bat-flancs — Ô délicate attention! — sont revêtus d’une crinoline aux couleurs diverses. Ce n’est pas tout; des fleurs de sable blanc, des fleurs de sable jaune se dessinent dans les allées, sous nos pas. Est-ce assez joli? Vous en oubliez presque les Che- vaux. Du côté opposé, la lumière donne à pleines fenêtres; 20 Avril 1894. 40 626 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. les robes éclatent somptueusement, celles des alezans dorés et des baïis-cerise surtout; un peintre en profite pour faire un portrait en pied d’une bête select, médaillée et rubanée au possible. Ici les amateurs peuvent jouir de la forme et de la beauté. Nos compliments à M. Gost, un éleveur normand, à M. Louis Pingrié, de Nantes ; au dresseur Leneveu. Je me garderai d'oublier l’école de dressage de Scées dont M. Chaffin est l’habile directeur. Le travail de tous ces agents de l’amé- lioration chevaline doit être louangé sans réserves ; s'ils produisent en vue du luxe, s'ils font, selon les demandes, du brillant et du précoce, ils ne manquent pas non plus de patriotisme, puisqu'ils nous préparent des cavaliers ca- pables de tenir au besoin un brin de conversation hippique avec les uhlans. À quelle journée accorder la palme, parmi tant de journées où les habits rouges, les redingotes noires, les cochers — il y a beaucoup de races dans ces derniers, — les officiers de toutes armes, les gentlemens, les charretiers mêmes ont fait voir si vaillamment tant de qualités diverses ? Chacun, selon son monde, trouve du charme à telle ou telle épreuve. Inutile de dire que les grands succès sont toujours pour les plus nobles, les plus hardis et les plus beaux cavaliers. Voir le Figaro du 3 et du 9 avril, où tout le Gotha peuple les tri- bunes, où les plus jolies femmes applaudissent et excitent l’'émulation comme dans un tournoi véritable du moyen âge. Pour qui voudrait suivre“ce concours avecihsoin "rente serait négligeable, rien ne serait indifférent. Il faudrait le matin assister à la présentation des Chevaux, au moment où l’on ne peut pas être troublé par la foule. C’est là, qu’à froid et loin des maquignons, le connaisseur assoierait des ju- gements pleins d’impartialité. Il y faudrait du loisir et de l’obstination. Ce concours est d'une telle importance que plusieurs grands articies suffiraient à peine pour le décrire en entier. Je vous ferai grâce de la liste des prix et des péri- péties de courses où des dames se sont fort solidement tenues en selle, où des enfants de douze à quinze ans ont enlevé leur monture avec maitrise et ont battu des cavaliers adultes — courses du 7 avril. — Je dirai pour finir que les Chevaux, quand ils sont prêts à sauter, semblent éprouver parfois une véritable contagion de là peur ou de la désobéissance. Si le premier s'arrête net devant la haie, les suivants en font « autant. J'ai remarqué lx chose à plusieurs reprises. I. EXTRAITS D:S PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DES SECTIONS. 5e SECTION (vÉGÉTAUX). — SÉANCE DU 24 FÉVRIER 1891. PRÉSIDENCE DE M. A. PAILLIEUX, VICE-PRÉSIDENT. » Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. Hédiard entretient la Section des divers produits végétaux ali- mentaires qui nous sont fournis par l’Algérie et dont l'usage est plus répandu en France que dans notre colonie même. Il est regrettable que les prix de transport soient aussi élevés, ce qui en empêche cer- (ainement la vulgarisation. L’emballage de certains fruits réclame aussi des soins spéciaux très minutieux sans lesquels ils ne sauraient arriver en bon état; sur les caisses de Mandarines notamment la perte à l'ärrivée est quelquefois considérable. Les Chayottes sont encore des fruits très goùlés à Paris en ce moment. M. Paillieux annonce que le Cerfeuil bulbeux, après être longtemps resté confiné dans les jardins de quelques amateurs, vient d'être mis au commerce qui le paie fort cher ; c’est la première fois que ce légume est ainsi demandé. Sa culture cause malheureusement trop de désap- pointement et la production des racines marchandes est fort irrégulière. Quant aux menus tubercules, ils peuvent fournir les éléments d’une délicieuse purée. Notre confrère espérait présenter à la Section des Capucines tubé- reuses, mais la gelée a détruit les tubercules qu'il possédait. Cuit, ce légume n’est pas bon, mais coupé en tranches très minces et assai- sonné comme le Concombre, il est excellent. En Bolivie on le mange avec de la mélasse lorsqu'il a été gelé après cuisson. M. Hédiard dit avoir recu du Mexique une sorte de Piment noir d’un goût très fin ; il se propose d'en essayer la culture dans l'espoir que les graines ont conservé leur faculté germinative. M. Paillieux donne lecture d’une note sur ses diverses cultures en 1890. M. Chappellier entretient la Section d’un système de taille appli- cable à la vigne, imaginé par M. Dezeimeris. Notre confrère veut bien promettre sur cet intéressant sujet une note qui sera insérée dans la Revue. Le Secrétaire, Jules GRISARD. SECTION D’AVICULTURE PRATIQUE. Compte rendu des séances des 91 février et T mars 1891. La Section prend des dissositions pour le choix du matériel destiné à former les cages où seront exposés les oiseaux du concours. M. le 628 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Président. de la Société d’Acclimatation étudiera ces questions, qui seront résolues par une entente avec le Jardin d’Acclimatation. Le Secrétaire de la Section rend compte des observations commu- niquées par divers correspondants et appelle l'attention sur les desi- derata exprimés. Les aviculteurs amateurs désirent que la section parvienne à donner, dans ses expositions, une part plus large aux volailles d'agrément, aux Pigeons, aux Pintades, Faisans, etc. Les observations relatives à l’ex- position et au classement des Pigeons méritent surtout d'arrêter l’at- tention et pourront être utiles pour l’organisation des concours ulté- rieurs. Il est certain que la Section d’aviculture a dû limiter dans sa première exposition sa liste de récompenses à un certain nombre de races, mais à mesure que l'importance des adhésions s’affirmera, le programme des expositions sera étendu de manière à donner pleine satisfaction aux amateurs et à faire valoir les efforts d’aviculteurs qui se sont fait un programme de spécialisation et dont les collections sont remarquables. Actuellement et pour le prochain concours du 14 avril, il est im- possible d'apporter de profondes modifications au programme adopté, il suffit de rappeler que la Section s’est réservé le droit d’affecter des prix supplémentaires à des lots méritants. M. le Vice-Président de la Section et M. Leudet font observer qu'il y aurait lieu de décider ce qu'il sera fait des œufs pondus pendant la durée de l'Exposition. Ces œufs seront ou bien rendus aux proprié- taires des animaux exposés ou bien détruits. Un avis spécial pour avertir les exposants sur ce point, sera placardé dans le local de l'exposition. M. Geoffroy Saint-Hilaire demande que la Section s'occupe des expériences à faire d'une manière générale et en dehors du concours, sur divers modes d’alimentalion des volailles, qui ont été proposés dans ces derniers temps L'examen de cette question est ajournée. Différents points de détail sont ensuite passés en revue. Le modèle des médailles à distribuer est choisi. Des affiches appli- quées dans le local de l’exposition indiqueront le détail des règlements, qui seront faits de manière à empêcher tout ce qui ne serait pas équi- table. Les exposants qui auraient marqué leurs volailles ou les cages d’un signe distinctif seraient, par le fait, exclus du concours, d’autre part il y aura lieu de régler l’incompatibilité des fonctions de membre du jury et de la qualité d’exposant. La section statuera sur cette ques- tion dans sa prochaine séance. Le Secrétaire-adjoint de la Section, DAUTREVILLE. . PR ER M ET ee COMPTES RENDUS DES SÉANCES DES SECTIONS. 629 Compte rendu de la séance du 21 mars 1891. PRÉSIDENCE DE M. OUSTALET, PRÉSIDENT. La Section délibère pour régler une question effleurée dans la pré- cédente reunion, il s’agit de décider si les exposants qui seraient appelés à faire partie du jury des récompenses abandonneront d’une manière générale leurs droits au concours. Il serait fâcheux que des aviculteurs d’une haute compétence et qui pourraient rendre de grands services pour le classement des animaux par ordre de mérite, fussent empêchés de recevoir des récompenses pour les sujets qu'ils pour- raient présenter. Il est décidé que : Tout juré ou membre du bureau se retirera de toute délibération et s’abstiendra dans tous les cas où il s'agira de juger la subdivision dans laquelle il expose, à moins qu'il n’ait formellement déclaré au préalable son intention de rester hors concours. Plusieurs exposants ont demandé si le Commissariat de l'Exposition d’Aviculture se chargerait de recevoir et de réexpédier les animaux directement adressés au Jardin d'Acclimatation. D’autres demandent à obtenir une réduction sur les tarifs d'expédition des chemins de fer. La section a déjà précédemment décidé la formation d’une Com- mission chargée de la réception des animaux. M. Dautreville accepte de surveiller l'installation et de donner les ordres nécessaires pour le soin des envois adressés au Jardin d'Acclimatation et des réexpéditions aux propriétaires. M. Dautreville sera seconde dans ces fonctions de commissaire de l’Exposition par les membres délégués du bureau. La Section et la Société déclinent toute responsabilité pour les accidents qui pourraient arriver aux animaux pendant les voyages. M. Mégnin veut bien se charger de l'inspection sanitaire. Pour ce qui est de la réduction de tarifs des chemins de fer, les exposants pourront l'obtenir eu demandant auprès des Compagnies de profiter du tarif spécial aux Expositions. Si des animaux mouraient pendant la durée de l'Exposition, l’au- topsie en serait faite et les propriétaires seraient informés. Une autre question est posée. Les exposants absents pourront-ils faire exécuter des ventes par le Commissariat de l'Exposition ? Le Commissariat accepte de se charger de la vente des animaux sur l’avis exprès des exposants qui auront indiqué le prix ferme de vente. Les fonds provenant de ces ventes seront déposés à la caisse de la Société d’'Acclimatation où les intéressés devront les réclamer. 2 Toutes les indications supplémentaires pouvant intéresser les expo- sants présents seront affichées dans le local de l'Exposition Le Secrétaire de la Section d’aviculture, RÉMY SAINT-LOUP. III. CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. Société de Géographie de Paris. — Les procès-verbaux des séances de la Société de Géographie de Paris renferment assez souvent des notes d'histoire naturelle sur des sujets encore peu connus et même nouveaux. C’est ainsi que nous relevons le passage suivant, emprunté au journal russe Mosskovski Viedomosti (Séance du 9 janvier 1891) : « De soigneuses investigations entreprises par ordre du gouver- nement, dans le district du Kouban, ont prouvé que les îles de la rivière de même nom, lieux bas et marécageux, situés entre l’embou- chure du Kouban et les contreforts ouest du Caucase, sont de colos- saux nids de Criquets où ces insectes se multiplient avec une rapidité étonnante, pour aller de là faire leurs incursions dévastatrices dans les régions voisines du Kouban et dans le sud de la Russie. — Tant que les îles du Bas-Kouban exisleront dans cet état, il sera inutile de combattre ces insectes voraces ; aussi a-t-on formé le projet de dessécher les îles au moyen d’un réseau de canaux de drainage. A cet effet, une Commission sera envoyée sur les lieux au printemps de 1891, pour faire les études hydrographiques nécessaires et le devis des travaux indispensables. » À rapprocher de ces faits la notice dans laquelle M. Allain appelait l'attention (Séance du 6 février 1891) de la Société sur la multitude d'insectes existant dans les régions avoisinant le lac Tchadé ou Tchad : « Ils pullulent, dit-il, dans le pays arrosé par cet immense marais ou étang qu'on est convenu d'appeler le lac Tchadé et qui n’est vraiment un lac qu’au moment des pluies. Barth et Nachtigal, comme Overweg, ont dit que cette région était la région par excellence des insectes ! » Si l'on considère le temps que des insectes, partant du lac Tchadé, mettent pour se répandre en nuées innombrables, soit en Égypte, soit en Algérie, ne trouverait-on pas là aussi l’origine ou le pays de nais- sance de ces terribles acridiens, connus sous le nom de Criquets ou de Sauterelles, qui portent partout la famine avec la dévastation, et la science ne pourrait-elle pas, par suite d’une étude sérieuse et d’une connaissance approfondie, trouver un remède à tant de maux ? Ne pourrait-elle pas au moins pénétrer le secret de ces fabuleuses émi- grations ? » — Voici, d'autre part, un menu asiatique assez aliéchant, dont M. Edouard Blanc, l’intrépide voyageur qui a passé l'hiver dernier dans le Pamir, nous donne la composition. Qu'on en juge : « Apprenant ma présence à Hachgar, le gouverneur ou Tao-tai, Daryn-Chang, m’envoya, par un officier de sa maison, un compliment sur papier rouge et une invitation à un thé préparé depuis trois jours. CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. 631 ..... Les ailerons de Requin, les holothuries farcies de moelle, les tiges de Nelumbium speciosum et les Crabes confits étaient assez médiocres. Mais si le Canard à la mode de Yunnam et les andouillettes de foie du même volalile étaient tout à fait supérieurs, en revanche œufs farcis d’une gelée parfumée et les racines de Bambou marinées dans l'huile de ricin et qu’on mange à la fin du repas en les assaisonnant avec des œufs de poisson, sont détestables. Les queues de Rat au sucre et les Sangsues confites ont été remplacées par de très bonnes Sala- mandres confites et farcies. En somme, le Tao-taï est un homme savant en cuisine et un grand administrateur. » Nous demandons à M. Edouard Blanc la permission de ne pas être de son avis et penser que son excessive bienveillance pour les talents culinaires du Toa-taï provenait à coup sûr de ce fait qu’il était, de son propre aveu, dans un état très accentué d’inanition quand il recut cetie répugnante hospitalité. j — Dans une lettre en date du 22 décembre 1890, M. Edouard Blanc signalait à la Société de Géographie le grand nombre d'animaux qu’avaient récoltés deux explorateurs russes, MM. Groum-Grjimaïlo, dans le cours de leur voyage dans l'Asie centrale. Voici ce passage : « Parmi les animaux les plus curieux qu'ils ont capturés, il faut signaler les Chevaux sauvages, non pas les Chevaux descendant d’ani- maux domestiques redevenus sauvages, comme ceux des Pampas de l'Amérique du Sud, mais le véritable type primitif d’où descendent les races de Chevaux domestiques. L'existence de ces animaux mention- née par divers voyageurs, avait été contestée jusquà présent. MM. Groum-Grjimaïlo ont résolu la question d’une facon définitive, car ils ont réussi à rapporter trois échantillons de ces Chevaux qu’ils ont tués en Dzoungarie, près de Gachoun, point situé au nord de Goutchen, après une recherche longue et difficile, faite spécialement pour ce but, dans la direction du nord, en dehors de leur itinéraire principal. » Ils ont constaté également l'existence de Chameaux sauvages, animaux fort rares, dont ils ont poursuivi une bande, signalée par les indigènes jusqu’à une très grande distance de Dga, dans la direc- tion du Lab-Nor, mais sans parvenir à les atteindre. » Ils ont aussi rapporté une nouvelle espèce de Moufflon qui vient s'ajouter aux dix ou douze types si curieux et si intéressants au point de vue de l’origine de notre Mouton domestique, par lesquels ce genre est, à notre connaissance, représenté en Asie centrale. » IV. HYGIÈNE ET MÉDECINE DES ANIMAUX. Chronique. r La maladie du Ver rouge. — La maladie causée par le Ver rouge est certainement celle qui fait le plus de ravages dans les faisanderies depuis quelques années ; depuis deux ans on la voit même dans certaines basses-cours où elle décime aussi les Poulets. Fig. 1. Nos anciens ne connaissaient pas cette affection, c’est seulement depuis une vingtaine d’années qu’on l’ob- serve en France. Elle est connue de- puis bien plus longtemps en Angle- terre et surtout en Amérique où, dès le commencement de ce siècle, elle faisait parler d'elle. Il est donc très probable qu’elle est passée des États- Unis en Angleterre transportée par des volailles de prix et qu'elle a en- suite passé la Manche de la même façon, avec des Faisans d'espèces rares, ou de repeuplement. Le Ver rouge des faisandiers est connu des naturalistes sous le nom de Syngamus trachéalis. Son nom de Syngamus, qui est composé de deux mots grecs signifiant par leur assem- blage mariés ensemble, lui vient de ce que le mâle et la femelle adhèrent par leurs organes génitaux d’une ma- nière inséparable ; on dirait un seul Ver avec un grand corps et deux têtes portées sur des cous inégaux. — (De là le nom de Ver fourchu que lui don- nent encore les faisandiers). — C’est à la femelle qu’appartient le grand corps et le petit cou, et la seconde tête avec le grand cou représentent le mâle. Nous montrons dans la figure 1 ci-contre et très grossis, ces deux Vers dans leur position naturelle : (A A) est la femelle dans le corps de laquelle on voit les longs tubes ova- riens simulant des intestins; (8) est HYGIÈNE ET MÉDECINE DES ANIMAUX. . 633 èn forme de cloche {c) et le mâle; ils ont tous les deux la tête consti: tuée par une large ventouse munie de lancettes à l’intérieur. Tous les deux suceut le sang, après avoir entamé la peau, de la même manière que les Sangsues. Mais c’est la femelle qui en absorbe le plus: elle en devient toute gonflée et toute rouge, et ce sang lui est nécessaire pour la formation des milliers d'œufs qui se développent dans son corps. Quand elle est complètement repue, ce qui demande quelques semaines, elle double, triple et même quadruple de longueur et de grosseur, car à l'origine elle n’est guère plus grande que le mâle, — elle mesure alors 20 à 22 millimètres de longueur sur 1 à 1 1/2 millimètre d'épaisseur. C’est dans la trachée que les jeunes Syngames, après avoir voyagé dans les sacs aériens, les poumons et les bronches, se fixent et vivent aux dépens de leur hôle; on les y trouve souvent au nombre de plu- sieurs couples, et ce nombre peut aller jusqu à une trentaine ; ils sont solidement attachés par les deux ventouses du mâle et de la femelle. Lorsque plusieurs couples de Syngames se trouvent côte à côte, ils finissent, lors- qu'ils sont repus et ont triplé et même qua- druplé de volume, par obstruer totalement la irachée, et amènent ainsi la mort de l'oiseau par suffocation. Lorsqu'on fait l'autopsie d'un Faisan- deau tué par le Ver rouge, rien que par transparence on reconnaît la présence de ces parasites, comme le montre la figure 2 (A) ci-contre. Si maintenant on fend ce tube à l'aide de fins ciseaux et qu'on tienne écartés les bords de l’incision, on voit les parasites fixés à la muqueuse comme le montre encore la figure 2 (B!. Le Syngame femelle, arrivé à son com- plet développement et ayant le corps rem- pli d'œufs microscopiques, ne peut pas les pondre, puisque le mâle, soudé à l’appa- reil génital, en ferme complètement l’en- irée ; il faut que le parasite meure et c'est à la suite de la décomposition de son Corps, qui est très rapide, que les œufs sont mis en liberté. Le Syngame, en mou- rant se détache de la muqueuse trachéale et est expulsé dans un accès de toux par l'oiseau malade. C’est généralement en buvant que l'accès de toux se produit, et c'est le plus souvent dans l’eau que tombe le Ver rouge mort et que son corps se décompose. Les œufs qui sont ainsi mis en liberté y éclosent, et l'embryon, qui a la forme d'un Anguillule Fig. 634 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. microscopique (fig. 3), vit dans cette eau, jusqu’à ce qu'un oiseau y venant boire, il puisse rentrer dans un corps vivant de volatile, ache- Ke 1) MensOn développement et jouer dans sa trachée R CL | | le rôle que ses parents ont joué chez un autre. it) Voilà le principal moyen de propagation du | Syngame Il y en a d’autres. Ainsi un Ver rouge | expulsé dans un accès de toux, peul tomber sur | | DT QE = le sol et être ingurgilé immédiatement par d’au- tres oiseaux qui le prennent pour un petit Ver de | terre ou un Ver de vase, auxquels il ressemble. Ou bien son corps se décomposant, ses œufs res- tent mêlés à la terre ou au sable et sont absorbés ! Inconsciemment avec des graines ou des graviers :— car, rappelons qu'il y a des milliers d'œufs dans le corps d’un seul Syngame et que deux ou trois arrivés à bon port suffisent largement a —— a — PER AN NT —— SCANS pour propager l'espèce. | Tant que les Syngames, qui sont fixés dans la trachée d'un oiseau, sont petits et ne gênent pas la respiration, celui-ci a toutes les appa- rences de la santé ; mais quand ils ont grossi et que la respiration devient difficile, alors apparaissent les premiers symptômes de la ma- ladie : l'oiseau mange, boit, est ingarmnbe et gai, mais de temps en temps il bâille et fait entendre une petite toux avortée caractéristique. — (Gape en anglais veut dire béillement, c'est pourquoi nos voisins ont nommé gape la maladie caisée par le Ver rouge). La rapidité avec laquelle un oiseau succombe à la maladie du Ver rouge est en raison inverse de son âge el en raison directe du nombre de parasites qu'il nourrit. En effet, plus un oiseau est jeune et plus il a la trachée étroite ; cinq à six Syngames le tueront et laisseront vivre un Faisan plus âgé dans la irachée duquel ils seront à l'aise. Les Faisans adultes nourrissent tres souvent quelques Syngames sans en être incommodés. Aussi, tout en ayant l'apparence d’une santé parfaite, sont-ils d'actifs propagateurs de la maladie Cependant s'ils succombent moins souvent que les jeunes, ils ne sont pas toujours épargnés, mais quand ils meurent c'est par trentaine au moins que l'on trouve les couples de Syngames dans leur trachée. Ce sont certainement des Poules, en apparence parfaitement saines, qui, ayant servi de couveuses dans des faisanderies où régnait le Ver rouge, ont rapporté ce parasile dans leur basse-cour en y rentrant, et c'est ainsi qu'aux environs de la forêt de Fontainebleau on voit main- tenant la maladie du Syngame dans des fermes, où elle était totale- ment inconnue auparavant. Dans notre prochaine chronique nous parlerons du traitement de la maladie du Ver rouge. D' PIERRE. Fig. 3. Y. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. Sur un Cheval polydactyle. Lettre adressée à M. le Directeur du Jardin zoologique d’Acclimatation. « Pendant une tournée que je viens d'accomplir dans la province, par raison de service, j’ai eu occasion de voir un des cas d’anomalie de construction du Cheval décrit par M. Gurlt. Le cas est, à mon avis, des plus intéressants et me paraît digne d’être porté à votre connaissance dans l'intérêt de la science et de l’importante institution zoologique que vous dirigez. » Voici le cas : il m'a été présenté -un poulain âgé de deux ans, de moyenne taille, de race commune, de belles formes, doué de mouvements vifs parfaitement libres et réguliers. A la face intérieure de chacun des canons antérieurs à proximilé des pâturons, on observe un prolongement qui a l'apparence d'un petit doigt de Bœuf. Ce petit doigt, parfai- tement détaché, est mobile et se trouve consli- tué de trois phalanges, la troisième desquelles est pourvue de sabot. L’extrémité de ce doigt dépasse de peu la couronne du pied. Les deux doigts sont parfaitement semblables l'un à l'autre el disposés de facon symétrique ; ils ne se tou- chent pas, ni pendant le repos de l'animal, ni dans ses mouvements, et cela à cause du poitrail très bien développé et de la bonne facon de la- quelle les extrémités antérieures en dépendent. » Ci-joint, vous trouverez une esquisse des membres antérieurs de l'animal en question vus de face. Je regrette de ne pouvoir, pour le moment, vous montrer un dessin plus exact, ne sachant, pour mon compte, faire mieux. » Veuillez agréer, etc. » Padoue, novembre 1890. » Nicolas Dr GERONIMO, » Sous-Lieutenant vétérinaire dans l’armée italienne. » M. le D' Camille Dareste, dans la séance du 9 janvier dernier, a bien voulu compléter cette communication par les observations sui- vantes : Vous connaissez tous le pied de Cheval, formé par un doigt unique, aux membres antérieurs et aux membres postérieurs. On voit, dans ce dessin, à la partie interne du pied, entre le canon et le pâturon, naître des deux côtés un petit doigt surnuméraire. Ce doigt, trop 636 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. petit pour toucher la terre, est constitué, comme le doigt unique, de trois phalanges, dont la dernière est enfermée dans un sabot. M. le Président m'a demandé de vous présenter quelques considéra- tions sur la signification de cette anomalie. La polydactylie chez le Cheval est une anomalie qui n’est pas très fréquente assurément, mais dont on connaît depuis très longtemps un certain nombre d'exemples, dont plusieurs ont même un intérêt historique. Bucéphale, le célèbre cheval d’Alexandre-le-Grand, était, dit-on, polydactyle. On raconte également que Jules César avait aussi un cheval à plusieurs doigts. Quand on examine les cas de polydactylie du Cheval, mentionnés dans les ouvrages de tératologie, on voit qu'ils se présentent dans des conditions assez différentes, et qu'ils se rattachent, au moins, à trois types bien distincts. | 1° Le doigt unique du Cheval, celui qui termine le talon, est fendu dans toute sa longueur, de manière à former deux doigts distincts. Il n’y a là qu’une très légère déviation de l’état normal. Mais elle est très intéressante, parce qu'elle reproduit, dans l’espèce du Cheval, une particularité que vous connaissez tous chez les animaux ruminants, qui ont, comme on le dit, le pied fourchu. 2° Il existe un ou plusieurs doigts surnuméraires, pareils à ceux qui sont représentés dans le dessin mis sous vos yeux. Leur nombre peut varier. Ordinairement ils n’existent qu’à un seul pied, mais ils peuvent exister sur tous les quatre. Dans certains cas on rencontre deux doigts surnuméraires sur un seul pied. 3° Une troisième forme de polydactylie, très rare, consiste dans l'existence des deux doigts surnuméraires; tandis que le doigt median, le doigt normal du Cheval, fait complètement défaut. Cette forme est très rare. Je n’en connais que deux exemples mentionnés par Ercolani. Ces faits s'expliquent d’une manière très simple. Le pied de Cheval s’écarte considérablement, en apparence, de la conformation générale du pied des mammifères. Mais quand on exa- mine les diverses anomalies quil présente, on voit que l'on peut en rendre compte par la réapparition du type primitif. ù Après le carpe, aux membres antérieurs, et le tarse aux membres postérieurs, dont la constitution anatomique représente très exacte- ment celle des régions analogues chez les autres mammifères, vient un os unique, très allongé, le canon, et qui est terminé par trois pha- langes. ‘Qu'est cet os unique ? Il représente évidemment le métacarpe aux membres antérieurs, le métatarse aux membres postérieurs. Or il est très probable que le canon provient de la soudure de deux éléments primitivement distincts, deux os métacarpiens ou deux métatarsiens. Ce fait a été établi pour les ruminants chez lesquels les deux moitiés du canon, primitivement distinctes, se soudent pour former un os CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 637 unique, tandis que les deux moitiés des phalanges restent séparées et constiluent les deux doigts de ces animaux, ou le pied fourchu. L'existence des deux doigts à l'extrémité du canon du Cheval est évi- demment un fait de même nature. L'existence des doigts surnuméraires résulte du développement complet des parties qui sont rudimentaires dans l'état normal. Le canon des Chevaux, comme d’ailleurs celui des ruminants, porte latéralement leurs os allongés que l'on désigne sous les noms syno- nymes d'os séyloides et de péronés. Ces os sont la réalité des métacar- piens ou des métatarsiens rudimentaires, et par conséquent des doigts qui ne se sont pas développés. S'il arrive que ces os se développent complètement, ils produisent à leur extrémité un doigt formé par trois phalanges. Enfin, il peut se faire que le canon avorte plus ou moins complète- ment, tandis que les os styloïdes se développeront en produisant des doigts à leur extrémité. Le membre sera donc terminé par deux doigts provenant des mélacarpiens ou des métatarsiens latéraux ; et non, comme dans le cas des Chevaux à pieds fourchus, des métacarpiens ou des métatarsiens internes. Toutes ces anomalies s'expliquent donc par le développement com- plet des parties qui existent actuellement dans le pied de Cheval ; mais qui, dans l’état normal, restent à l’état rudimentaire. Ce sont de re- marquables exemples de l’unité de composition des animaux vertébrés, à la démonstration de laquelle Geoffroy Saint-Hilaire a consacré ‘Sa vie. Il est très digne de‘remarquer que cette conformation animale du pied de Cheval constitué par un doigt médian plus volumineux et deux doigts surnuméraires latéraux et ne posant pas à terre, caractérisait un animal, actuellement perdu, et qui a vécu dans diverses parties de l'Europe pendant la période pliocène. Cet animal, qui ressemblait -d’ailleurs entièrement aux Chevaux par le reste de son squelette, a été décrit par :es paléontologistes sous le nom d’Æpparion. Les partisans -des idées de Darwin sur l'évolution et le transformisme admettent que l'Hipparion était l'ancêtre de nos Chevaux actuels. Dans ces idées, la production accidentelle des doigts supplémentaires dans l'espèce che- valine serait un fait d'atavisme, la réapparition de caractères perdus -depuis longtemps, mais existant virtuellement dans le type du Cheval. Ce n’est point ici le lieu de discuter cette hypothèse. Contentons- nous de dire qu’elle est très séduisante, et qu’au premier abord, elle semble rendre compte des faits. Mais n'oublions jamais que l'hypothèse n’est point la science, et qu’elle ne peut devenir une vérité scientifique ‘que par la démonstration. Cette démonstration arrivera-t-elie un jour ? -C'est le secret de l’avenir. 638 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Le commerce des œufs en Angleterre. — L'application récente du bill Mac-Kinley a eu pour résultat immédiat de diriger vers l'Angleterre certains produits de l’agriculture canadienne qui trou- vaient jadis un débouché aux Etats-Unis. De 1868 à 1890, l'exportation des œufs canadiens s’était décuplée, et la presque totalité de ces œufs allait aux Etats-Unis, mais le bill Mac-Kinley frappe ces produits d’un droit d’entrée de 25 centimes à la douzaine, ce qui a considérablement réduit les expéditions. Le Ca- nada a alors songé à écouler son excédent vers l'Angleterre qui a consommé 1,132,000,000, plus d'un milliard d'œufs en 1889, c'est-à- dire six fois autant que les Etats-Unis. Les journaux canadiens font aux éleveurs de volaille de leur pays quelques communications sur le commerce des œufs en Angleterre qui peuvent évidemment inté- resser les producteurs français. Vers le milieu d'octobre, les œufs atleignent les prix suivants en Angleterre : À Liverpool, les meilleurs œufs français, danois ou irlan- dais, se vendent de 10 fr. 45 à 11 fr. 60 le grand cent, {ke great hun- dred, de 10 douzaines ou 120. À Glasgow, les œufs anglais valent alors 11 fr. 60 le grand cent, les œufs étrangers de 8 fr. 10 à 11 francs. À Bristol, les œufs irlandais valent 11 fr. 60 et les meilleurs œufs français de 10 fr. 45 à 11 fr. 40. A Londres, les meiileurs œufs anglais valent 17 fr. 40 le grand cent, les meilleurs œufs français 15 fr. 10, les œufs français de seconde qualité 12 fr. 20. Ces prix diminuent de mars à juin, puis remontent et atteignent leur maximum d'octobre à décembre. | Les œufs canadiens peuvent, paraît-il, rivaliser avec les œufs euro- péens pour la forme, le poids et les dimensions. Ils sont triés en trois catégories, gros, moyens et petits, à l’aide d’anneaux de diamètre différent. Les œufs que l'Angleterre recoit de l'exportation, sont em- ballés entre des lits de paille longue dans des caisses de 1 mètre 80 de long sur 60 centimètres de large et 30 centimètres de profondeur. Ces caisses en contiennent 12 grands cents ou 120 douzaines, 1440, et peuvent être sciées par le milieu qui porte à cet effet une sépara- tion, ce qui facilite la vente an détail, 60 œufs sont prélevés dans chaque caisse et brisés pour en constater l’état, on paie seulement à l'expédition les 1,330 œufs restants. Les commissionnaires chargés de la vente prélèvent généralement 5 0/0 sur son produit pour leur frais et leur rémunéralion. Quant à la volaille, frappée par le bill Mac-Kinley d'un droit d'en- trée de 25 centimes à la livre de 45H grammes, on ne vend en Angle-+ terre que des Dindons et des Oies abattus après un jeûne de 24 heures et ayant le gésier absolument vide. Les Dindons doivent avoir conservé la tête et le plumage, les Oies au contraire s’expedient plu- mées sauf sur les ailes. Toute volaille deslinée à l'exportation doit être tuée le jour précédant son envoi, être expédiée dans des caisses LE RE CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 639 ne dépassant pas un poids de 90 à 100 kilogs, et contenant de 18 à 20 poules ou poulets. Chaque caisse portera une étiquette indiquant son poids et le nombre ainsi que l'espèce des volailles qu’elle contient. Pendant le mois de décembre 1890, l’Angleterre a recu 660 caisses contenant chacune dix à douze volailles canadiennes arrivant dans des bâtiments pourvus d’une installation réfrigérante. Les Poulets se vendaient de 1 fr. 15 à 1 fr. 75. Pendant ce même mois de décembre, le Canada a expédié en Angleterre 1,003 caisses de 120 douzaines d'œufs. | HABI L'arbre à Baume de Tolu. — Le Myroxylon toluifera MH. B. K. (Myrospermum toluiferum A. Ricx., Toluifera Balsamum MILx. ; Myroxzylon Hanburyanum K1.\, est un arbre toujours vert, d'un port ornemental, atteisnant une hauteur moyenne de 20 mètres ; son tronc, droit, élancé, est recouvert d’une écorce lisse, jaunâtre ou brunâtre. Ses feuilles sont alternes, accompagnées de stipules et composées de 7-9 folioles entières, ovales, sinuées, acuminées au sommet, coriaces, d'un vert clair, marquées de lignes ou de points translucides, la termi- nale souvent plus grande que les autres. Originaire de l'Amérique méridionale, il croît naturellement dans la Colombie, au Vénézuéla et à la Nouvelle-Grenade, on le rencontre également à l’'Equateur, au Brésil et au Pérou. Le tronc laisse écouler, à l’aide d’incisions profondes, un suc balsa- mique, incolore, presque transparent, de consistance molle sans être visqueuse, d’une odeur douce, agréable et d’une saveur aromalique, chaude d’abord, douceâtre, puis ensuite piquante et légèrement âcre : c'est le Baume de Tolu, appelé aussi Baume d'Amérique, de Cartha- gène, etc. Sous l'influence de l'air, il se durcit et se résinifie, devient jaune fauve, brun clair ou rougeâtre, translucide, plus rarement opaque. | MM. Flückiger et Hanbury résument ainsi les informations de M. John Weir, qui, après avoir rencontré des difficultés considé- rables, réussit à obscrver les procédés de la recolle à la Nouvelle- Grenade, dans les forêls voisines de Plato, sur la rive droite de la Magdalena : Pour recueillir le baume, on pralique dans l'écorce deux entailles profondes, obliques, dont les extrémités inférieures se rejoignent en formant un angle aigu ; au-dessous de ces incisions en forme de V, on pratique une cavité, en enlevant de l'écorce ct du bois et l’on y fixe une calebasse de la taille et de la forme d’une lasse à thé. On ré- pête ce.te opération assez de fois pour qu'on puisse voir jusqu à vingt calebasses disposées sur divers points d’un même tronc. Lorsque la partie inférieure n'offre plus place à de nouvelles incisions, on dresse parfois 1e long de l'arbre un échafaudage grossier et on pratique plus haut une nouvelle série d entuilles. Le récolteur de baume visite de 640 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. temps à autre les arbres, accompagné d’un âne qui porte une paire de sacs en peau, dans lequel il vide le contenu des calebasses. Le baume est envoyé dans ces sacs vers les ports, où il est transvasé dans des cylindres d’étain qui servent à l'expédier en Europe. La saignée des arbres se pratique au moins pendant huit mois de l’année ; à la longue, elle les épuise et rend leur feuillage moins touffu. Ce baume n'est l'objet d'aucune exploitation au Vénézuéla, du moins jusqu’à présent. Le baume de Tolu tient du Benjoin et du baume du Pérou, mais il se distingue de ce dernier par la rapidité avec laquelle il se solidifie. Il se compose chimiquement d’une résine soluble et d’une résine inso- luble dans l'alcool froid, d'une huile essentielle ou folène, d’acides cin- namique et benzoïque. Ce baume est insoluble dans l’eau froide; mais l’eau bouillante le prive en parlie de son huile volatile et de ses composés acides ; il est entièrement soluble dans l'alcool, moins dans l’éther, et sa solution est colorée en rouge sous l’action de l'acide sulfurique concentré. Les propriétés physiologiques du baume de Tolu le font rechercher en médecine comme stimulant balsamique dans toutes les affections chroniques de l'appareil respiratoire. On l’a également recommandé dans les maladies inflammatoires des organes génito-urinaires, le ca- tarrhe de la vessie, la leucorrhée, la blennorrhée, etc. La fumée du papier nitré imbibé de teinture de Tolu, séché et roulé en cigarettes, dit le D' Héraud, a été indiquée dans les catarrhes bron- chiques chroniques et dans l’asthme nerveux catarrhal. Le baume de Tolu entre dans la composition de pilules et de pas- tilles, des baumes de Nerval et du Commandeur, ainsi que de plusieurs autres préparations pharmaceutiques. IL forme la base du sirop de Tolu, d’un usage si répandu dans la médecine des enfants. On l’administre quelquefois en substance à la dose de 25 centigrammes à 2 grammes. On distingue commercialement deux sortes de baumes, l'un sec ou solidifié, l'autre mou. Ces produits sont quelquefois falsifiés avec de la colophane et autres matières résineuses; l'odeur se reconnaît à l'odeur caractéristique que répandent les résines en brûlant et à leur solubilité dans les huiles essentielles et le sulfure de carbone. Maximilien VANDEN-BERGHE. ERRATUM. — Dans la rédaction de la communication faite par M. Chappellier à ia séance du 19 décembre dernier, sur ses cultures d'Ignames de Decaisne, et insérée au Bulletin du 5 avril 1891, p. 521, le passage suivant a été inexactement reproduit : « L'Igname de Decaisne ne présente qu’un ?nterét relatif au point de vue de la culture potagère. » — M, Chappellier avait dit : ne présente aucun intérét. L Le Gérant : JULES GRISARD. 1. TRAVAUX ADRESSÉS À LA SOCIÉTÉ. VARIATIONS CLIMATÉRIQUES EN EUROPE Par M. C4. NAUDIN (DE L'INSTITUT). Les climats de l’Europe se refroidissent-ils comme on l’a souvent prétendu ? La question a été résolue affirmativement par les uns, négativement par les autres. Arago, se fondant sur la lenteur avec laquelle se refroidit la masse encore en fusion du globe terrestre à quelques kilomètres de la surface, déclarait que ce refroidissement n’abaisse pas la température générale des climats de plus d’un dixième de degré en mille ans. Admettant ce point de vue, on peut se demander s’il n'y a pas d’autres causes, encore ignorées, qui agissent à la sur- face du giobe de manière à amener un refroidissement géné- ral sensible au bout de quelques siècles. Nous en saurions quelque chose si, depuis et y compris l’époque romaine, il avait été fait des observations quelque peu précises que l’his- toire nous aurait conservées, mais alors, et bien des siècles plus tard, le thermomètre n’avait point été inventé et il n'existait pas de science météorologique, ce qui fait que, pour ce long passé, nous en sommes réduits aux récits de quelques chroniqueurs fondés sur des appréciations personnelles ou sur des faits locaux, telles que des chaleurs ou des froids inusités, dont l'influence se faisait principalement sentir sur les travaux et les produits de l’agriculture. Toute base solide nous manque donc pour décider si, dans le cours d'une ving- taine de siècles, les climats de l'Europe ont subi quelque modification remarquable. Aujourd'hui qu'il existe une science météorologique, aidée de bons instruments, nous pouvons recueillir pour nos suc- cesseurs des matériaux qui leur permettront peut-être de trancher la question controversée. Sans rien préjuger de 5 Mai 1891, 41 642 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. l'avenir et en nous fondant sur un siècle, ou guère plus, de bonnes observations météorologiques, nous pouvons du moins reconnaître qu'il existe des périodes alternantes de refroidis- sement et de réchauffement plus ou moins prolongées, de telle sorte qu’au premier abord on pourrait croire à des alté- rations du climat. Il est certain, par exemple, que, depuis quatre ans, un refroidissement général a lieu sur l'Europe occidentale, plus ou moins marqué suivant les lieux, et qu'on a observé même en Algérie. IL a été surtout sensible dans le midi de la France, ainsi qu’on le verra par le résumé des ob- servations que je fais depuis une dizaine d'années, à la villa Thuret. près de la ville d'Antibes. Je dois dire tout de suite que le site de cet établissement, que rien n’abrite contre les vents dominants dans ce pays qui sont surtout les vents d'est et d'ouest, est moins favorisé au point de vue du climat, queles villes de Cannes, Nice, Mentonlet”autres localités plus rapprochées des hauteurs qui arrêtent les vents froids. J’estime qu'à la villa Thuret {je ne dis pas à Antibes même, qui est plus rapproché des abris naturels), la température moyenne annuelle est environ d’un degré plus basse que dans les villes et localités que je viens de citer. Pour mettre en relief le refroidissement des quatre pre- mières années, il suflira de comparer leur température moyenne à celle des six années précédentes. C’est ce que fera ressortir le tableau suivant : Annees chaudes. Année météorologique 1880-1881. Température moyenne 14°,886. = = 1881-1882. — — 150,067. == — 1882-1883. — _— 149,324. —- — 1883-1884. — — 15°,005. = == 1881-1585. — — 140,918: == = 1885-1836. = — 140,643. Années froides. Année météorologique 1886-1887. Température moyenne 132,966. ii — 1887-1888. — — 139,463. se Fes 1888-1889. — — 1391618 20 = 1889-1890. — — PRIS 7062E On voit que dans les six premières années la température 4 VARIATIONS CLIMATÉRIQUES EN EUROPE. 613 moyenne a dépassé 14 degrés et même est arrivée deux fois à 15°, tandis que dans les quatre dernières elle n'a pas atteint 14. La différence sera encore plus sensible en comparant la moyenne des six années chaudes à celle des quatre années froides; pour les premières elle est de 14,817; pour les autres de 13°,788, ce qui leur donne une température moyenne inférieure de 1°,029 à celle des six années précédentes. C'est sur l'été, plus que sur les autres saisons, qu’a porté le refroi- dissement.-La moyenne estivale des six années chaudes a été de 23,277; celle des quatre années froides seulement de 220,01, accusant ainsi une perte de 1°,2. Ce déficit de chaleur a influé d’une manière très sensible sur la végétation de diverses plantes exotiques, dont la flo- raison a été plus ou moins retardée sans qu’elles aient souf- fert autrement. En voici un exemple pris entre beaucoup d’autres : le Kaki de la Chine (Diospyros sinensis) à fruits verdâtres, qu’il ne faut pas confondre avec celui du Japon à fruits rouges et qui est beaucoup plus rustique, muürissait régulièrement ses fruits dans les premières années ; depuis que l'été s’est refroidi, ces fruits n'arrivent même plus à toute leur grosseur, et ils tombent encore verts dans les mois d’oc- tobre et de novembre. Il y a souvent de grandes inégalités de température entre une année et celle qui la suit; c’est là un fait assez ordinaire, mais ce qu'il y a de particulier dans la situation présente c’est l'alternance des séries plus ou moins longues d'années qui se suivent et se ressemblent par un même caractère mé- téorologique. Évidemment le feu central n’a rien à voir ici; les causes de ces alternances doivent être cherchées ailleurs que dans l’intérieur du globe, mais elles peuvent être encore situées fort loin. Jusqu'ici on à fait honneur au Gulf stream de la douceur des hivers sur les côtes occidentales de l'Eu- rope, et il semble bien que cette opinion était fondée, cepen- dant voici, qu'après les dernières observations faites sur l'océan Atlantique par le prince de Monaco et ses collabora- teurs, on lui conteste cette influence bienfaisante. Ce fleuve d’eau chaude aurait-il changé de direction? Ce serait à croire en présence des froids rigoureux qui, en décembre, se sont abattus sur la Bretagne et autres localités jusque-là si favo- risées. Reconnaissons que nous savons peu de chose des causes qui produisent les irrégularités météorologiques, et 644 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. qu'il pourra encore s’écouler bien du temps avant qu'on Le ait découvertes. Au moment où je terminais cette note, j'ai recu de M. le D' Fines, un des vétérans de la météorologie francaise, le tableau de ses observations faites à Perpignan en 1889. Elles concordent de tout point avec les miennes en signalant l’abaissement de la température en Roussillon, dans ces der- nières années, seulement il fait remonter un peu plus haut la période de refroidissement. Il est bon de savoir que le climat du Roussillon diffère en plusieurs points essentiels de celui de la Basse-Provence, incomparablement mieux abritée que lui contre les vents du nord, ce qui compense et au-delà, sa situation un peu plus septentrionale. La chaleur de l'été est aussi forte, peut-être même plus forte à Perpignan qu'à Nice, mais l'hiver y est beaucoup plus rude, et les pluies moins abondantes. Les longues sécheresses sont plus fré- quentes en Roussillon qu’en Provence. r ETUDE SUR LE MOUTON AFRICAIN Par M. E. PION, Vétérinaire fnspecteur de la boucherie, (SUITE ET FIN *.) Pour 40 ou 50 francs, l’un dans l’autre, on pourra obtenir à leur point de bons Béliers ordinaires, comme:l a été fait à Moudjebeur, sous la direction de M. Couput. Les Cheiks, les Aghas, les Caïds auront certainement l’étrenne des premiers animaux distribués; mais si les chefs commencent, les su- bordonnés suivront. Et puis, les métis obtenus moitié sang africain, moitié sang mérinos ne pourront-ils pas, dès leur deuxième année, être employés comme reproducteurs. De leur accouplement sortiraient des poitrines plus amples, des reins plus larges, une toison plus unie. Le zootechnicien Sanson, dont l'opinion est précieuse, dit ceci : « Il est certain » que les Mérinos algériens ont un grand avenir, et que le » mieux est, pour notre colonie, d'en étendre le plus possible » la production et l'exploitation. Leur viande a, en France, » un débouché assuré, et leurs toisons ont une valeur de » beaucoup supérieure à celles que peuvent atteindre les » autres variétés ovines de l'Algérie. » Les adversaires de tout croisement ont prétendu que le Mérinos affaiblirait le sang des africains et les laisserait sans défense contre le climat et contre la disette. Les faits acquis leur ont donné tort, surtout dans les parties de la colonie où lon peut nourrir même pendant la sécheresse. Malgré tout, nous ne pouvons nous empêcher de citer ici l'opinion de M. Rimbert qui pratique et connait l'Algérie depuis 1854. « Dans les sphères officielles on patronne le croisement Mé- rInos qui n’a donné jusqu à ce jour que des résultats négatifs pour nous, car, je puis dire, ayant reçu l’approbation de nom- breux colons qui s'intéressent à la question et qui la con- naissent d'autant mieux qu'ils font l’engrais des Ovins depuis vingt-cinq ans et plus, que vos croisements Mérinos sont un (*] Voyez plus haut, page 481. 616 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. danger : ils coûtent au budget du gouvernement général des fonds qui seraient beaucoup mieux appliqués à prendre dans notre race indigène des sujets de choix, Béliers sans cornes et Brebis à laines fines et queues fines ; on obtiendrait ainsi des sujets résistants et alors on pourrait les introduire d’a- bord dans la partie est du département de Constantine pour arriver à diminuer les larges queues. Engagez les éleveurs indigènes par la voie de vos administrateurs, soit civils, soit militaires, à supprimer autant que possible tous ces Béliers sans valeur qui déprécient leurs troupeaux et à faire un meilleur choix des reproducteurs. Qu'ils nourrissent les Ovins comme ils nourrissent les juments et vous obtien- drez des résultats productifs et qui se solderont par des bénéfices. Par la nourriture, vos toisons seront mieux fournies et d'une plus grande valeur, les laines poreuses disparaitront et en même temps vos Ovins arriveront à des poids de viande bien supérieurs. Un expéditeur et colon, M. T..., me disait : « En dix-huit mois ou deux ans, avec la race indigène, on peut produire un Mouton de 20 à 22 kilos, viande nette, tandis qu'il faudra trois ans à un croisé Merinos pour atteindre le même poids, ét'encore sil y arrive Des troupeaux de race indigène ont pesé à Marseille 28 et 30 kil. de viande nette ; que pouvez-vous espérer, si vos Moutons de cette année ne pèsent que 16 à 17 kil. en moyenne ? C’est que les Moutons sont jeunes et n'ont pas été nourris pendant l'hiver, tandis que les Moutons de M. T..… ont rendu 21 à 22 kil. au commencement du printemps et ont été vendus à 35 francs pièce tous frais payés. Nourrissez donc vos troupeaux et vous aurez es ren— dements comme poids et comme qualité. Une question très importante pour la nourriture des troupeaux pendant l'hiver, c'est celle de l’ensilage des fourrages verts au printemps ; avec l’ensilage, vos luzernes, vos sainfoins du Sahel, conser- veraient toutes leurs feuilles, les troupeaux ne laisseraient rien perdre des herbes ensilées ; le chardon lui-même s'as- souplit et devient comestible. » Mais que dire, par contre, de ces fantaisistes, non instruits par la perte des Rambouillets délicats, et gros mangeurs, qui rêvent les races du nor pour améliorer les Algériens Ÿ ÉTUDE SUR LE MOUTON AFRICAIN. 647 Une requête adressée au Comice agricole d'Algérie par le Syndicat des bouchers en gros de la Villette dans le but d'activer et d'améliorer la production du Mouton africain a reçu la réponse suivante. (Il est bon de méditer en cette sorte de confiit zootechnique le pour et le contre, afin de ne pas subir le.détestable empire du parü-pris. D'ailleurs, la réponse en somme parait favorable aux croisements) : « Nos éleveurs, ou du moins la grande majorité, reconnaissent maintenant, grâce aux résultats obtenus depuis deux ans par les distributions de Béliers de notre bergerie nationale de Moudjebeur, que la sélection qui n’a jamais donné ici que des résultats insignifiants, doit faire place aux croisements. C’est aussi l'avis que vous exprimez. Le temps manquerait d’ailleurs, pour agir par sélection, opération d’ailleurs difficile en présence du mélange et de l’'abätardissement de nos races. Obtenir un produit homogène avec ces éléments, dans ces conditions spéciales de milieu, de climat, me semble être une impossibilité. Il en est tout autrement, au contraire, avec le croisement qui donne des résultats rapides et presque mathé- matiques. Malheureusement, le genre de vie spéciale imposée à nos Moutons, errant dans les grandes steppes à tempéra- tures extrêmes, nous force à être très prudent dans le choix des sujets amélioratéurs à introduire. Il faut bien se rappeler que l'élevage est exclusivement, dans les milieux indiqués ci-dessus, entre les mains des Arabes qui possèdent ainsi les plus grands parcours. La zone d'élevage, très restreinte, où l’'Européen peut opérer, est ré- duite au climat littoralien et montagneux, c'est-à-dire relati- vement peu développé. De là s'imposent deux modes de production. Les races anglaises, si perfectionnées et de développement précoce, ne pourraient pas prospérer en pays arabe. Là le Mouton doit vivre de ce qu'il trouve : il n’a ni abri ni sup- plément de nourriture et il s’'abreuve périodiquement quand il trouve un point d’eau ! . Pendant quatre ou cinq mois, il n’a pour toute provende que des pâturages aromatiques et sodiques composés de thym, d’armoises, de soudes, etc... L'animal soumis à ce régime doit pouvoir vivre, sinon pro- fiter pendant cette période si dure à traverser : son état de 648 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. transhumance exige en outre, qu’il soit bon marcheur puis- qu'il est obligé de faire souvent 30 ou 40 kilomètres par jour. Les essais faits avec le Mérinos nous ont prouvé qu'on pouvait lutter, au point de vue de l'endurance, avec le Mouton arabe auquel il est bien supérieur ; il est acquis, dès maintenant, que, seul, il peut prospérer entre les mains des indigènes. Il a, de plus, une force d'atavisme, aidée, sans doute, par son origine, qui pourra mieux nous permettre de nous débarrasser spontanément des Moutons à larges queues si peu appréciés sur vos marchés. D'un autre côté, le Mérinos, par sa laine, aura toujours une grande valeur aux yeux des indigènes qui détiennent l'élevage et avec lesquels il faut compter. Ensuite, la qualité de la viande est indiscu- tablement supérieure à celle du Mouton arabe. Voilà pour le premier mode de traitement, qui est et sera toujours le plus important, l'élevage indigène. Quant à la deuxième question, qui rentre plus directement dans l’indi- cation que vous donnez, elle est entièrement liée elle-même au développement de la colonisation. . En effet, il y aurait intérêt à essayer l’acclimatation du Southdown, du Dishley, etc., et des petites races françaises donnant une viande recherchée, mais cette opération d’éle- vage et surtout d’engraissement ne peut s’obtenir que par des Français, et cela sur une zone littoralienne relativement | très restreinte où la nourriture est régulièrement assurée. Or, dans cette région du littoral, le cultivateur n’est nul- lement porté vers l'élevage, car il trouve, dans ses achats aux indigènes, et dans l’engraissement temporaire, des béné- fices bien supérieurs à ceux de l'élevage proprement dit. Il ne faut pas l'oublier, et cela complique malheureusement la question : qu'en Algérie l'élevage est à peu près complè- tement entre les mains des Arabes, fournisseurs de trou- peaux, peu homogènes par leur nature et dans des états d'entretien entierement subordonnés à l’inclémence des ré- gions de parcours. L'administration seule a assez de pouvoir sur lui pour le pousser dans la voie du progrès, mais il faut qu’elle mette à sa portée les ressources qui lui sont nécessaires en lui four- nissant gratuitement des Béliers de races meilleures et en surveillant avec une attention suivie la réforme de ses trou- peaux. » ÉTUDE SUR LE MOUTON AFRICAIN. 649 Quelle sera la manière d'utiliser ces Béliers ? M. Couput, pour éviter les maladies contagieuses que ne manqueraient pas d'apporter les étalons rouleurs, a proposé de créer des dépôts dans chaque commune ; naturellement on les propor- tionnerait au nombre des Brebis. Ces animaux, abrités sous un gourbi, seraient surveillés par un assès responsable ; on les nourrirait un peu mieux que les autres, afin de les mettre en état de suffire à la lutte. Serait-ce bien charger le budget des communes que de leur demander de pareils sacrifices ? JIT CHOIX DES BÉLIERS ET DES BREBIS Si, faute d'initiative ou faute d'argent, l’on ne peut opérer des croisements raisonnables, il semble qu'il soit aisé de prendre pour étalons seulement les plus laineux, les plus forts, les mieux conformés parmi les agneaux. Est-ce trop exicer des bergers indigènes ? Pour espérer vendre, il faut offrir une marchandise marchande. De grâce, songez au choix des pères, si vous désirez de beaux enfants. Quant aux Brebis vieilles, fatiguées, usées, les nomades auront intérêt à s’en défaire sitôt la première poussée des touffes de diss et d’alfa. Plus tard, ces bêtes ne peuvent plus profiter. Ce sont des bouches inutiles. Les malades et les affaiblis devraient être supprimés, car ils sont nuisibles à cette armée en marche. Pourquoi ne pas tuer de suite, au lieu de les laisser mourir, les Agneaux mal venus, insuffisants, condamnés par avance à végéter ? On n’a pas besoin pour cela d'attendre la période de disette, le bedrouma. Il y a une chose à savoir, c'est qu'il vaut mieux posséder moins de Moutons, mais les posséder plus lourds. Dix Moutons débiles et amaïgris ne vaudront jamais trois Moutons fleuris d’embonpoint, sains du poumon et résistants à la fatigue. Cela tombe sous le sens. IV CASTRAFION. Le berger arabe use du bistournage de préférence à toute autre manière de châtrer ; mais il le pratique un peu tard ? 650 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. soit habitude invétérée, soit qu'il pense laisser ainsi aux Agneaux plus de vigueur pour suivre leur mère et supporter les longs parcours. Cette opération malgré tout, quoique non sanglante, est fort (louloureuse et fait maigrir les animaux: le fâcheux, c'est que les Moutons sont plus ou moins bien bistournés, et qu'ils gardent encore trop de nature, ce qui alourdit leur tête. Certaines d’entre elles mises sur la ba- lance, à la Villette, ont pesé douze livres. Cela augmente aussi l'épaisseur de leur cou au détriment des reins et des gigots si estimés dans leur ampleur. Si les Arabes enle- vaient tout à fait les testicules, soit par arrachement ou torsion, après une simple incision aux bourses, soit par le fouettage qui consiste à lier sous le ventre la masse entiere, et barrer le cours du sang et la vie avec, ils obtiendraïent d'emblée une meilleure conformation. Les Moutons n'au- raient plus le dos de Mulet, ni cet allongement de tout le corps qui les fait, de loin, dans les boucheries, ressembler à des Chèvres. Tous les moutonniers de Paris ont la même opinion sur ces points. Il faudrait châtrer tous les mâles, en ne réservant que les reproducteurs, et les châtrer à six mois au plus tard. Si dans un troupeau il reste trop de Béliers, si des Agneaux mal bistournés sont sujets encore aux brülants désirs de la lutte, ils se tourmenteront, se battront, se con- sumeront en inutiles ardeurs. Il en serait de même, en France, pour nos Mérinos du sud, pour nos Gascons et Py- rénéens qui semblent les frères des Moutons africains, et qui pratiquent, eux aussi, la transhumance, si nos bergers n’a- vaient pas la coutume de bien s'entendre à ces simples pra- tiques. | Il faut considérer la castration bien faite comme essentielle au point de vue des résultats. y NOURRITURE, ABREUVOIRS. I semble qu'il n’y ait rien à dire sur ce sujet de première importance, puisque la nourriture en Algérie est ou n'est pas, selon l'abondance des pluies, selon l'intensité de la sé- cheresse. Or, l’effrayante mortalité des troupeaux, — elle est parfois ÉTUDE SUR LE MOUTON AFRICAIN. 651 d’un cinquième — n’a pas d'autre cause que la disette, que l'impureté ou l’insuflisance: des eaux. Les maladies de foie qui font la jaunisse, la bronchite vermineuse, l’étisie, la cachexie, enfin toutes les affections dues à la famine ex- pliquent ces pertes que l’on peut considérer comme abso- lument fatales. Je dois à l’obligeance de M. Redon, vétérinaire, ayant vécu sur les hauts plateaux, actuellement chef du service sani- taire au Marché de la: Villette, des détails fort curieux sur les conditions d'existence jusqu’à présent inéluctables de ces no- mades et de leurs troupeaux. L'on s'étonne, devant cet état de choses, de ne pouvoir apporter de prompts remèdes, et l’on songe de suite à l’Europe qui prévoit, qui récolte, qui conserve et remplit ses lourds greniers. N’allons pas comparer entre elles des situa- tions aussi dissemblables : ici, il serait ridicule assurément de demander des abris pour un bétail toujours en marche, de conseiller des réserves de foin à des hommes qui n’ont jamais su cultiver, de changer pour l’instant des parcours connus, consacrés, héréditaires, offrant de rares citernes au milieu des solitudes de la soif. Non, non, la transhumance, dirigée par les caprices du ciel, sera éternelle comme le cli- mat qui l’a faite. Mais si l'homme ne peut agir ni sur le froid, ni sur le soleil, il peut agir sur les sources, sur les puits, sur les torrents. La lutte à entreprendre ici n’est pas au-dessus de nos forces, et par ce point là l’on arriverait, avec de la patience et des sacrifices, à améliorer le régime pastoral et, par conséquent, à en diminuer les mortels incon- vénients. Voici le fragment d’une brochure, parue à Alger en 1888, et signée par M. Couput. C’est comme un tableau pris sur le vif : « L’Arabe pasteur est un nomade, des pentes sahariennes » jusqu'aux marchés du Tell, il parcourt, tous les ans, entre » l'aller et le retour, plusieurs centaines de kilomètres, em- » menant avec lui tente, famille, troupeaux. Mais les péré- » grinations ne se font pas pendant toute l’année et dans » toutes les régions; c'est à certaines époques seulement » qu'ils viennent vers le nord ou s’enfoncent dans le sud, et » ces époques ne varient qu'avec la durée plus ou moins » longue de chaque saison. Le chemin parcouru n'est pas 652 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. » non plus l’œuvre du hasard. De plusieurs régions diffé- » rentes les troupeaux viennent passer au même point : car » l’eau manque dans nombre d’endroits, pendant plusieurs » mois de l’année, et les points d’eau deviennent des points » de halte forcée pour tous. L’on voit parfois des animaux » maigres, surmenés, suivre une piste d’un certain nombre » de kilomètres en largeur, déjà pâturée, piétinée, n’offrant » plus de ressources, alors qu’à une certaine distance les » Moutons pourraient encore trouver une nourriture suffi » sante. C’est qu'en abandonnant la route parcourue par » ceux qui les ont précédés, ces malheureux et derniers » troupeaux s’éloigneraient trop des sources connues, et » mourraient de soif, avant de pouvoir trouver où s’a- » breuver. » La même main ingénieuse qui, grâce aux puits artésiens, a fait surgir des oasis au milieu du désert, peut créer de nouvelles stations, de nouveaux chemins, de nouveaux abreu- voirs, ce qui étendra les parcours. L'on se figure aisément quelle heureuse influence aurait sur la santé des gens et des bêtes une eau prise dans les profondeurs du sol, un eau non saumâtre et non peuplée de ces mille et un parasites qui in- festent les organes et font périr les animaux. Il y a loin de cette coupe aux lèvres des Moutons, répondra un. financier effrayé de ces entreprises qui auraient l’excuse d'être au moins nationales. Mais que de millions, répartirai-je, gas— pillés par ailleurs, jetés dans de sottes spéculations, auraient trouvé leur emploi pour la gloire et la prospérité de PAI- vérie. J’ai dit plus haut que, sans multiplier le nombre des têtes de bétail, il était préférable de ne point perdre.la nourriture, et d’en faire profiter seulement les sujets capables de la bien changer en graisse et en viande. Maintenant, une question ? Est-ce que les paturages, laissés au régime de la transhu- mance, sont actuellement aussi vastes qu’autrefois ? Est-ce que les forêts où les troupeaux pituraient à leur guise n’ont pas été préservés avec jalousie contre la dent des Moutons et surtout contre la dent des Chèvres ? Est-ce que les con- cessions accordées aux Alfatiers depuis que leur papier est à Ja cote, n’ont pas amoindri la quantité de nourriture jadis abandonnée au seul Mouton ? Les pâturages, paraît-il, au- raient été, de ce fait, réduits d’une facon notable. Puisque ÉTUDE SUR LE MOUTON AFRICAIN. 653 toute chose, en Algérie, est ordonnée par l'administration et par les bureaux arabes, pourquoi ne pas user d’une large tolérance à cet égard? IL ne faut certes pas décourager les bergers juste au moment où on a le plus besoin de leurs précieux produits. Le Mouton ne peut, par sa nature, com- mettre en forêts les dégats dont les Chèvres sont capables. Tout le monde sait cela. Le malheur est que les nomades, effarouchés dans leur indépendance et gênés dans leurs cou- tumes peu correctes, incendient maintes fois, par vengeance, les forêts où ils ne doivent plus pénétrer. Le Mouton a pour sa défense ceci, qu'il broute à ras terre, et il suffirait de lui interdire les plantations les plus récentes. Personne n'aurait pu croire assurément qu’un beau jour le pasteur, le forestier et le papetier se trouveraient en présence, au même endroit, avec des intérêts divers. NE De quelle facon le cultivateur du Tell et du Sahel s’y pren- dra-t-il pour faire de beaux Moutons, en rapport avec la fer- tilité uniforme du sol et les provisions qu’il peut emmagasiner ? Evidemment, chez lui l’eñgraissement exigera des frais, que n’a pas le nomade. Mais s’il peut préparer des Moutons pour l'hiver, il y trouvera, j'imagine, de grands avantages. C’est l’époque où Paris et les centres populeux paient la viande le plus cher. Si le colon se livre déjà, non sans succès, à cette spéculation pour les villes du littoral africain, il aura intérêt, sans doute, à augmenter ses bergeries en vue de fournir la métropole. | Il pourra choisir dans les troupeaux des nomades et ache- ver à son profit ce que le berger arabe aura commencé. Qu'ils suivent donc les judicieux conseils donnés par M. Rimbert, au sujet de l’ensilage. Il indique de creuser en terrains secs des fosses de trois à quatre mètres de large à la partie supé- rieure, de deux à trois mètres à la cuvette. La longueur dé- pend de la quantité à ensiler et du cheptel à nourrir ; mais il vaut mieux faire plusieurs silos. Une longueur de sept à huit mètres est suffisante, afin que votre silo, une fois ouvert, puisse être consommé dans un espace de quinze à vingt jours. 654 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. « Ne pas craindre de faucher le matin et d’ensiler de suite les fourrages coupés, même chargés d'humidité ; la voiture ou le chariot doit suivreles faucheurs ou la faucheuse. C’est donc une économie de fanage et vous n'avez plus à craindre la pluie une fois votre fourrage en silos. ILeest vrai que par la pluie, si le silo n’est pas plein, il faut le recouvrir d’une bâche et continuer le remplissage dès que la pluie a cessé ; une heure ou deux après suffisent pour que le fourrage soit égoutté, bon à mettre en silos. Les Maïs verts, les Sorghos se mettent également en silos ; mais, pour cela, il faut les couper, afin que le tassement se fasse dans de bonnes conditions. On recouvre le silo de la terre sortie du fossé et cela suffit pour le tasser et le préserver de l’air et de la pluie, si l’on a soin de former un toit à double pente, suivant la nature et la position du terrain ; de plus, il sera bon de faire une rigole pour empêcher que les eaux fluviales ne s’in- filtrent dans votre silo. Vous pourrez ainsi conserver du fourrage vert jusqu'aux mois de février et mars, c’est-à-dire jusqu’au printemps. J'en ai fait l'expérience moi-même, avec de la luzerne que j'avais fait faucher de grand matin et ensiler de suite, même chargée de rosée. A l'ouverture du silo, une odeur alcoolique très forte s’en exhale ; mais dès que les bêtes ont goüté au fourrage ensilé, elles délaissent le meilleur fourrage conservé par les procédés ordinaires. La Luzerne avait conservé toutes ses feuilles et ses fleurs, la tige était souple, et, sauf la cou- leur un peu jaune, vous auriez cru qu'elle sortait de la prairie. » Nous aurions tort de ne pas appuyer sur une autre consi- dération très importante. Par les routes et par les chemins de fer, multipliés et prolongés, les deux régions que l'Atlas sépare vont se rapprocher commercialement de plus en plus. Alcer n’est plus qu’à deux jours de Paris; dans un proche avenir la vapeur, la rapidité des échanges et des transports modifieront le fatalisme des Hauts-Plateaux, y exciteront le travail, y transformeront des coutumes plusieurs fois sécu- laires, et cette nouvelle direction des choses de l'Afrique, cette profonde pénétration des idées et du génie européens, Dieu aussi les aura voulues. | ÉTUDE SUR LE MOUTON AFRICAIN. 65 Qc VII M. H. de Lancey, chroniqueur du journal L’Acclimatation, vient de nous parler du Mouton allemand et il ajoute : « Nous allons donc, pendant quelques mois, manger du Mouton algérien. Nous ne perdrons pas au change, soyez-en con- vaincus. Le Mouton algérien fait aussi bonne figure sur le gril et à la broche que le Mouton allemand, j'en parle sciemment et je vous le certifie. » Ces paroles sont exactes. Actuellement les bons africains, — et il en viendra de meil- leurs encore, — exposés sur le marché de la Villette valent de 95 à 85 centimes la livre, poids net. C’est un chiffre cela ; il y a trois ans leur viande était cotée seulement 60 à 65 cen- times. Il y a donc progrès. Ils trouvent tres vite des ache- teurs. Leur poids en moyenne est de 35 à 40 livres nettes. Ils atteignent le prix de 95 centimes, lorsque la bande est uni- forme et qu'il ne s’y trouve pas des Moutons trop médiocres qui sont une dépréciation pour l’ensemble. Etablissons ceci : c'est qu'il y à à la Villette déjà quelques lots d’Africains ayant atteint le degré d'amélioration que nous voudrions pour tous. Ces derniers se paient 15 centimes et moins par livre que nos meilleures races francaises. Ils coûtent de 25 à: 26 francs sur les marchés de Boufarick et de la Maison- Carrée, ce qui est un prix déjà très fort; mais, venu de si loin, le Mouton renchérit à mesure qu’il s'approche du port d'embarquement. Après les fatigues du voyage il est bon que ces malheureux se reposent un peu en France, avant d’être livrés aux abattoirs. De vrai, ils le méritent ! Quand ils arrivent de Lagouhat, par exemple, ils ont, pour gagner Alger, à parcourir 448 kilomètres. Puis c'est l’'embarque- ment, dit M. H. de Lancey, spectacle absolument curieux, car voilà comment il s'opère: on établit un pont de bateaux du quai au navire, on pousse les animaux en les piquant avec des baguettes et en les excitant par les cris de arri, arri. Un plancher montant les introduit dans le navire; là on les précipite le long d'une autre planche jusque dans la cale où ces pauvres ovidés tombent souvent la tête en bas, non sans béler lamentablement. 2,000 Moutons à chaque voyage peuvent tenir dans le bâtiment. Le débarquement à Marseille est plus aisé: un treuil est installé sur le pont; 656 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. on attache le mouton par les pattes de derrière, un tour de roue et les voilà en l'air. Le long des flancs du navire sont accostés des chalands qui se relient au quai, et les Moutons, sous la conduite d’un congénère marseillais dressé à ce mé- tier, viennent ensuite se grouper sur le quai. Puis, c’est le voyage de Marseille à Paris, tres fatigant, on le conçoit, quelles que soient la rusticité et l'endurance des sujets. Il n'y a pas de doute, ajoute l’auteur cité, qu'ils ne doivent, au mi- lieu de ces pérégrinations, perdre quelques livres de la graisse amassée sur les pâturages des Hauts-Plateaux algériens. Quels frais, d'une facon générale, aura faits un Mouton arrivé sur le marché de la Villette? 2 fr. 50 d'Alger à Mar- seille -— 3 fr. 50 de Marseille à Paris. Avec le droit d’abri, lé placement et les autres soins, il aura coûté de 7 fr, 25 à Tir. 50 au plus. Avec son prix d'achat, il reviendra donc à son expéditeur, au prix de 32 fr. 50, — s'il donne 35 à 40 li- vres de viande nette, à 90 c. ou 95 c., il vaudra, pour la bou- cherie en gros, 31 fr. 50 ou 33 fr. 25 auxquels il faudra ajouter 1 fr. 90 à 2 fr. pour la peau, et 1 fr. 50 d’abats, de sang et d’intestins — menu. — La valeur du Mouton pendu à la che- ville sera donc de 35 fr. ou de 36 fr. 75. Cet écart, en le supposant toujours vrai, et en défalquant les pertes probables, soit 3 ou 5 °/ au maximum, constitue- rait encore de beaux bénéfices pour l'expéditeur. Si nous calculons pour 100 Moutons, nous aurons la différence entre 3,290 fr. et 3,6% fr. dont il faudra défalquer 97 fr. 50 ou 162 fr. 50 pour les pertes possibles, plus 35 fr. de commission. Il restera 425 fr.; moins 132 ou 197 fr. 50, soit : 227 fr. 50 ou 292 fr. 50 de bénéfices nets. Mais ici nous parlons seulement des expéditionnaires qui sont déjà de seconde main, et parfois de troisième et qui ont acheté la marchandise sur les bords de la Méditerranée. Ces intermédiaires ont leurs intérêts que nous ne contesterons pas; mais le point essentiel ‘de cette brochure est.de démon- trer que l’Arabe des Hauts-Plateaux doit voir s’'augmenter le prix de ses Moutons, en raison de la tenue plus élevée des cours et des demandes du Commerce. Je ne doute pas que les frais d'étape depuis les Hauts-Plateaux jusqu’au littoral ne doublent le prix du Mouton à son origine. Des Arabes ache- teurs, en effet, commissionnés par les intermédiaires, vont jusque chez les producteurs nomades,'et delà emmènent les ÉTUDE SUR LE MOUTON AFRICAIN. 657 bêtes, et les soignent durant un trajet parfois très long. Il y faut du temps, des haltes et de la nourriture. Ces Moutons ont donc passé par deux mains au moins avant leur embar- quement. Ce serait aux Arabes, propriétaires de troupeaux, d'éviter ces coûteux intermédiaires, de choisir et d'envoyer eux-mêmes leurs Moutons jusque dans les marchés. Plus tard avec de meilleures routes, avec des haltes approvisionnées, avec le chemin de fer même — ce qui serait préférable — ils pourront obtenir ces résultats fort désirables. Il est juste, en effet, que l’éleveur et l’engraisseur de Moutons aient un profit, eux surtout, quand les intermédiaires en ont toujours et souvent plus qu'eux. La toison d'un africain tondu vaut, en Algérie, de 2 fr. 50 à 3 fr. prix courant ; il faut ajouter ce prix à la valeur du Mouton. La laine en est nerveuse, résistante, et, mélée à des laines plus fines, elle se prête bien à la confection des étoffes de fantaisie. Si elle avait en elle du mérinos elle doublerait presque. La toison du Mérinos avec la peau vaut de 8 à 12 fr. Il suffirait qu’elle s’en rapprochàât. Un conseil en passant. Pourquoi les importateurs — si ce n’est les Arabes — impri- ment-ils sur le dos de leurs Moutons, une marque, au goudron chaud sans doute, qui détériore la peau et la déprécie de 0 fr. 25 à 0 fr. 30? Leur fendre ou leur rogner l'oreille ne suffit donc pas? La fressure du Mouton africain n’est presque jamais perdue. Le foie est sain, ce qui n’arrive guère chez les Mou- tons français. — Quant au poumon il est fréquent de le trou- ver atteint d’un reste de bronchite plus ou moins guérie. Le Mouton africain, arrivé vivant à Paris nous donne sa viande et sa dépouille, et ce n’est pas lui qui mettra sur le pavé des centaines de travailleurs, comme l'ont fait les Mou- tons gelés de l'Allemagne et de la Plata. Il a un avantage sur ses camarades de l’Europe, et un très grand, il ne peut être charbonneux, par conséquent il est absolument salubre. Je souligne à dessein ces deux mots. La meurara, maladie qu'il contracte dans l'abondance des pâturages printaniers et la succulence des plantes aroma- tiques, n’est pas le charbon. « Il y a des races, dit M. Nocard. qui possèdent une immunité naturelle contre le charbon. La race des Moutons algériens en est le type. Les animaux résis- tent même aux inoculations charbonneuses du laboratoire, 5 Mai 1891. 42 658 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. pourvu qu’elles ne soient pas pratiquées dans des conditions exceptionnelles de gravité. C’est M. Chauveau qui, le pre- mier, a constaté ce fait aussi curieux qu'inattendu. » Seule la clavelée assez bénigne en Algérie est à craindre par le con- tact de ces Moutons avec nos Moutons français. C’est à la police sanitaire, pratiquée avec soin sur les deux rives de la Méditerranée, à conjurer ce péril. L’Alsérie pourrait expédier en France, si elle le voulait, un million de Moutons chaque année qui lui seraient payés, au bas mot, 12,000,000. Dans ce grand nombre d'animaux, il est impossible qu'il n’y ait pas des sujets d'élite, dignes d’être admirés par les amateurs. Certes, il ne déplairait à personne de voir, au Concours général, des Moutons africains purs dans les stalles du Palais de l'Industrie. Des races qui n'y avaient jamais figuré, des races jadis dédaignées, ont obtenu des récompenses bien méritées.-Cette année même, le 28 janvier, un groupe de 15 Africains, fort soignés, a forcé le jury à l'attribution d’un prix supplémentaire. C’est une. invi- tation à la lutte zootechnique entre les éleveurs de la colonie. Nous attendons, l'an prochain, plusieurs lots des différentes provinces qui ne manqueront pas d’être un intéressant objet de comparaison. Concluons. Le ministère de l’agriculture, le gouvernement de l’Algérie, les bureaux arabes, les communes mixtes, les Sociétés agricoles, les Associations comme celles de l'Afrique du Nord, doivent poursuivre obstinément, pour le bien gé- néral, l'amélioration possible du Mouton africain. Les Arabes, s'ils le veulent, pourront se rendre ainsi à eux-mêmes et rendre à la France un très signalé service. SUR LES ÉLEVAGES FAITS AU PARC DE LA PATAUDIÈRE EN 1890 Lettre adressée à M. le Directeur du Jardin zoologique d’Acclimatation Par M. G. PAYS-MELLIER. Mon cher Directeur, Je vous envoie la liste des reproductions des Mammifères - qui vivent au parc de la Pataudière, obtenues en cette année 1890. J'ai peu réussi dans mes oiseaux : des deuils de famille survenus au mois de mars et la maladie de mon faisandier, frappé de paralysie à cette même époque, ne m'ont pas permis de donner tous les soins et toutes les attentions nécessaires à cette saison des pontes et des couvées. J'ai eu cependant la ponte des Hoccos globicères ; et de deux œufs, un jeune est né. Passons en revue les Mammifères qui vivent dans les par- quets que j'ai formés : CERFS. Repro- Nais- Re Nc UCPUIS. Sances OBSERVATIONS. == MER UM , E. — Cerf axis. 2 2 1 1 Cette magnifique espèce ne craint (Cervus ‘axis.) point nos hivers et reproduit ré- Ceylan. gulièrement ici, en mars et avril, un jeune à chaque fois. Cerf de Virginie. 1 2 1 » La vicille Biche a toujours eu deux (C. Virginianus.) jeunes à chaque mise bas de juin Amér. sept. | en juillet, et c’est presque tou- jours ainsi dans celte espèce. Cette année, exceptionnellement, elle n’a qu’un jeune. L'autre Biche, née l’an dernier, n’a pas encore reproduit. 660 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. * Repro- Nais- ducteurs. sances. OBSERVATIONS. ESPÈCES. CE M. PAM ro Ces animaux, les plus gracieux du genre, supportent bien les froids et ne sont jamais renfermés pen- dant l'hiver. Cerf-cochon. 2 3 1 2 Très rustiques ; supportent les (C. porcinus.) froids les plus rigoureux ; les Inde. Biches reproduisent en toutes saisons et élevent facilement leurs jeunes. _ Daims blancs. 1 1 » » Tres rustiques ; la femelle jeune (C': dama.) n’a pas encore reproduit. Europe. | Rennes. 1 1 » » Nous les uourrissons de lichen, de (C. tarandus.) maïs, de pommes de terre cuites; Laponie, ils vivent tres bien, sont doux et Amér. du Nord. familiers, mais ils souffrent un. peu des fortes et trop longues chaleurs. La femelle devient en rut au mois d'octobre et son rut dure à peine deux jours ; trop jeune l’an dernier, elle est pleine cette année. Cerf Muntjac. 2 6 1 3 Vivent très bien en captivité, sup- (C. aureus vel auratus.) Sumatra, Java. Cervule de Reeves. (Cervulus Reevesii.) Nord de la Chine. portent assez bien le froid dans une cabane bien close. Les Bi- ches reproduisent en loutes sai- sons et deviennent en rut ordi- nairement sitôt leur mise bas. Cette jolie espèce très naine se reproduit très facilement tous les mois de l’année ; j'ai eu des jeunes en plein hiver ; malheu- reusement, sur dix naissances, on est à peu près certain d’avoir sept ou huit mâles et une ou deux femelles seulement ! Pour- quoi? Je l’ignore... J'ai accou- plé tantôt des jeunes mâles à des vieilles femelles, tantôl des jeu- ÉLEVAGES FAITS: AU PARC DE LA PATAUDIÈRE EN 1890. 661 Repro- Nais- É BRON OUOICURS NSOTOESS OBSERVATIONS. res M. EF. MA FE En nes femelles à des vieux mâles sans mieux réussir. Ces ani-— maux résistent aux froids les plus rigoureux. ANTILOPES. Antilope de l'Inde. 1 3 1 1 Supporte très facilement nos hi- \Antilope cervi- capra.) Inde. vers les plus rigoureux ; repro- duit très bien un jeune à cha- que mise bas, mais en toutes saisons. À. algazelle. Pal Craint les grands froids ; nous la (Oryæ leucoryx.) renfermons pendant les nuits Afrique occident. d'hiver ; reproduit tous les ans à des époques irrégulières. J’ai eu des jeunes en janvier, avril, juillet. La femelle n’a pas repro- duit cette année, le mâle étant irès jeune, mais elle est, en ce à moment, pleine très avancée. Antilope Guevei. 2 3 2 Mâles et femelles ont des cornes (Cephalophus courtes et annelées ; fragiles, fri- Maxiwellii.) leuses, ces jolies pelites bêles Sierra-Leone, sont rentrées dès les premiers Sénégal. froids. Elles reproduisent bien, mais les mâles adultes se battent et se tuent quelquefois au mo- ment du rut des femelles qui a lieu en toutes saisons. Gazelles d'Arabie. 1 2 1 Frileuses ; sont rentrées chaque (Gazella Arabica.) l'unenés nuit et pendant tout l'hiver. Les Arabie. en 1889. mâles adultes, dans cette espèce, deviennent toujours méchants ; on doit les tenir séparés, car ils tueraient sûrement les femelles qui reproduisent chaque année à des époques irrégulières. 662 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Repro- Nais- ESPÉCE SE NS MEANS OBSERVATIONS. ct M. EF. M. EF. tue Gazelle rufifrons. » 1 >» » S'est accouplée l’an dernier avec un Sénégal. mâle Gazelle subgutturosa, dont elle a eu une femelle. Elle craint beaucoup le froid, mais vit bien en captivité ; elle est à la Patau- dière depuis plus de huit années. Gazelle leptoceros. » 2 1 » Très frileuses ; un jeune mâle est Sennaar, l’une née né d'un accouplement avec le Kordofan. en 1889. mâle Arabica. Elle en avait eu une femelle l’an dérnier. Gazelle de Perse. 1 » 1 » Cette Gazelle résiste parfaitement à (G. subgutturosa.) notre climat ; elle reproduit faci- Perse, Tartarie, lement, donne presque toujours Afohanistan. deux jeunes, quelquefois trois à chaque mise bas. Malheureuse- ment, les mâles au bout de trois ou quatre ans deviennent très méchants, tuant leurs femelles (ce qui m'est arrivé deux fois de suite), et attaquant même les per- sonnes et tous les autres animaux. La femelle qui me reste aujourd'hui n'a eu qu'un jeune pour sa pre- mière mise bas; d’autres jeunes femelles avaient eu, à la Patau- dière, deux jeunes à leur pre- mière fois. KANGUROUS. Kangurous rouges. 1 1 2 » Ne craignent pas le froid ; reprodui- [Macropus rufus.) sent facilement, mais sont sujets Australie. plus que les autres Kangurous, je crois, à ce terrible mal incurable et spécial à ces sortes d'animaux : la carie des os matillaires. À quoi attribuer celte maladie ? Je l'i- gnore absolument, Car je n'ai pu en remarquer la cause et je l’ai observée pourtant plusieurs fois ÉLEVAGES FAITS AU PARC DE LA PATAUDIÈRE EN 1890. 663 Repro- Nais- MAPnGRSe à UNION Sant OBSERVATIONS. D 2 Rs MEME M. F. Es au château de Beaujardin, autre- fois, sur des Kangurous en liberté dans le parc et à la Pataudière, sur d’autres en captivité très étroite. Malgré de nombreux es- sais, aucun remède ne m’a réussi. Kang. de Bennett. 2 1 » 1 Le plus rustique des Kangurous : (Halmaturus résiste à tous les hivers les plus Bennetti.) durs et reproduit avec la plus Tasmanie. grande facilité. Kang. Pétrogale. 1 2 1 1 Reproduit en toutes saisons, mais (Petrogale craint les grands froids et la pluie; Xanthopus.) si on ne le rentre pas pendant les Australie mérid. hivers rigoureux, on le trouve mort, un matin, avec le sang iui sortant aux yeux et aux oreilles. Kangurous rat. 1 3 2 3 Ces petits Kangurous reproduisent (Hypsiprymnus avec la plus grande facilité ; ils murinus.) s’enfoncent dans la litière épaisse et ï dont ils ne sortent que le soir et Kangurous lapin. 1 1 1 » résistent ainsi aux hivers. (H. cuniculus.) Ces deux pelites espèces ont abso- Nlle-Galles du Sud. lument les mêmes habitudes. PHASCOLOMES. Phas. Wombat. 1 » » » Je n'ai jamais pu obtenir la repro- (Phascolomis duction de ces animaux qui vivent Ursinus.) très bien en captivité ; un Wom- Tasmanie. bat mâle est à la Pataudière de- et L'OL E Lo puis 1882, sa femelle est morte Phas. à front large. l'an dernier. Il résiste parfaite- (P. latifrons.) ment à tous nos hivers les plus Australie mérid. , froids. Les P, latifrons sont un peu plus délicats et ils craignent la neige et les nuits très froides, aussi, nous les rentrons pendant l'hiver. 664 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. DIVERS. Repro- Nais- ESPÈCES. ducieurs. sances. OBSERVATIONS. Lo. 2 on on. 2 YA DPMRES M. F. RE Lamas. 2 3 1 1 Les femelles de ces grands et beaux (Auchenia lama.) animaux portent un an : l'une a Chili, Pérou, eu une jeune femelle, à la Patau- Mexique. dière, le 7 septembre 1889, et une seconde jeune femelle le 5 sep- tembre dernier ; elle avait été couverte par le mâle dés le len- demain de la mise bas. Les Lamas reproduisent facilement et sont très rustiques ; ils n’ont besoin d’aucun soin particulier, un simple abri ou hangar leur suffit pour se mettre à couvert des pluies. Mouflons 1 1 1 » Très rustiques, reproduisent régu- à manchettes. lièrement en avril ou mai. | (Ovis éragelaphus.) Afrique sept. Moutons 1 3 2 3 Cette race est très avantageuse et race laitière. mériterait certainement l attention l'exel. des éleveurs. La laine très abon- dante est remarquablement fine et belle et la chair excellente. Les Brebis qui ont bien souvent irois jeunes à chaque mise bas, et quelquefois quatre, fournissent un lait exquis et très crémané qu’elles conservent pendant un très long temps. Ici, on les trait, comme des Chèvres, chaque jour. Moutons 1 3 2 1 Ces Moutons curieux et sans laine à tête noire et à sont uniquement décoralifs ; ils grosse queue. sont fragiles, craignent l'humi- Soudan, Abyssinie. dité et les grands froids. Ils re- produisent, chaque année à des époques irrégulières, décembre, février, avril. ÉLEVAGES FAITS AU PARC DE LA PATAUDIÈRE EN 1890. 665 Repro- Nais- , ESPÈCES. duCleurs. sances. OBSERVATIONS. + MT MU F7 Chèvres d’Angora. 1 2 1 1 Cette race, dont la soie sert à la fa- Capra Angorensis.) brication du mobhair et des super- Asie mineure. bes étoffes asiatiques, vit bien en captivité et reproduit régulière- ment, chaque année, en avril ou mai. Chèvres naines. 1 1 1 1 Est un peu frileuse, nous la rentrons (Capra depressa.) pendant l'hiver. Elle reproduit St-Paul-de-Loanda, facilement à des époques irrégu- Sénégal. lières et donne toujours deux jeunes et quelquefois trois à cha- que mise bas. J’ai remarqué que les mâles, ici, meurent toujours au bout de peu d'années et qu’ils sont beaucoup plus fragiles et plus difficiles à conserver que les femelles. Porcs-épics. 2 2 2 » Nous rentrons les Porcs-épics pen- (Hystrix cristata.) dant l'hiver. Ces animaux repro- Afrique. duisent bien à toutes les époques de l’année; ils vivent tous en- / semble et élèvent leurs petits en famille, sans se chercher querelle. Tatous Encouberts. 2 2 » » (Ces singuliers animaux recouverts (Dasypus d’un bouclier sont très familiers sexcincius.) et ils sortent de leur cabane dès Amérique mérid. qu’ils entendent le moindre bruit. Ils se nourrissent de soupe au .lait et d’un peu de viande crue ; ils sont en parfait état et arrivés cette année seulement à la Patau- dière, nous en espérons la repro- duction prochaine. Originaires de l'Amérique méridionale, nous les rentrons pendant les froids. Agoutis. 1 2 1 » Ces petits animaux craignent l’hi- (Dasyprocta aguti.). ver, et si on les laisse exposés Guyane, Brésil. aux grands froids, les ongles et les phalanges de leurs pieds gèlent et tombent. Nous les rentrons dès 666 REVUE DES SCIENCES NATURÈLLES APPLIQUÉES. ESPÈCES. ; Repro- Naïis- ucteurs. sances. RE CA OBSERVATIONS. M. EF. NO NES Le les premiers froids. Ils reprodui- sent facilement. Marmottes. (Arctomys.) Alpes et Bobac, Asie septentr. 2 2 » » Piusieurs de ces Marmottes sont familières et vivent depuis long- temps à la Pataudière, mais je n’ai jamais eu de reproduction. Toutes s’endorment pendant l'hi- ver et elles restent en léthargie complète jusqu'au mois de mars. Cobayes. (Cavia.) (Variété à longs poils.) Myopotames Coypous. (Myopotamus.) Chili, Paraguay, » » >» » Cette variété me vient d'Angleterre et elle est fort jolie; les poils soyeux sont d’une telle longueur qu'on ne distingue aucune forme et qu’en courant, ces petits ani- maux ressemblent à une boule de soie de différentes couleurs. Ils reproduisent aussi facilement et aussi abondamment que les autres variétés, mais ils craignent les grands froids et nous les ren- trons pendant l'hiver. » 1 » » Ces animaux reproduisent parfaite- ment à la Pataudière et j’en ai eu beaucoup autrefois ; je n’ai, pour le moment, qu'une femelle. hivers les plus rigoureux et vi- j'en ai encore aujourdhui qui sont très familières et très dou- Tucuman. Les Coypous ne craignent point les vent facilement en captivité. Loutres. 3 1 >» » J'ai eu bien souvent des Loutres, (Lutra vulgaris.) Europe. ces, qui me suivent et qui vien- nent à mon appel se faire cares- ser, mais je n'ai jamais pu en obtenir la reproduction en cap- tivité. Je les nourris de soupe au lait, d'un peu de viande crue ou de poisson de temps en temps. ÉLEVAGES FAITS AU PARC DE LA PATAUDIÈRE EN 1890. 667 Repro- Nais- ESPÈCES. ducteurs. sances. OBSERVATIONS. == ES COUR UE | Ca Nyctereutes. 2 1 1 »> Les Nyctereutes du Japon ressem- (Procyonides.) blent un peu aux Ratons laveurs, Japon comme couleur et un peu comme et formes, ils sont cependant plus Sibérie. Dors le EN) jolis, plus élégants et plus grands. Je n’ai jamais vu ces animaux dans les collections zoologiques, et la femelle qui vient de Sibérie et qui est bien différente des Nyctereutes du Japon est, m'a- t-on assuré, l'unique de cette es- pèce actuellement vivant en Eu- rope. Malgré tous mes essais, je n’ai jamais pu réussir à la faire accoupler avec les mâles du Japon. En 1889, la femelle du Japon a élevé sept jeunes (tous mâles) d’une seule portée. Celte année, un jeune seul a été trouvé mort en naissant. Ces animaux ne craignent pas le froid et vivent de soupe au lait et d’un peu de viande crue. SINGES : Nous préservons Ces animaux du Macaques froid et de l'humidité etils vivent à face noire. TR LE bien depuis plusieurs années à la (Aacacus Pataudière, mais ne se reprodui- cartonarius.) sent pas. et Bonnet chinois. oo» 2 » » (M. Sinicus.) Bengale, Inde. LA CHASSE DE LA CALE EN OUIEP UNE Par M. MAGAUD D'AUBUSSON. Le Caire, 8 avril 1891. À cette époque de l’année, on se livre avec ardeur à la chasse de la Caille qui inonde les champs de la campagne égyptienne. Elle est répandue dans toutes les cultures, blé, orge, avoine, fèves... elle vous part sous les pieds, dans les sentiers herbeux qui circulent à travers les récoltes. Et cela dans toute la Basse-Ecypte, depuis un mois. C’est une véritable crue, comme celle du Nil, qui, à l'exemple de cette dernière, a ses périodes de lente ascension, de maximum d'intensité et de décroissement. Dans les premiers jours de mars, les Cailles commencent à arriver des profondeurs de l'Afrique, bien que, dès la fin de février, on en rencontre déjà quelques-unes. On tire parfois quelques rares individus dans le mois de janvier. Cette année même, il en a été tué une demi-douzaine dans la plaine des Pyramides et à Matarieh, aux premiers jours de janvier ; mais il est possible que ces oiseaux, pour une cause quel- conque, n'aient pas poussé plus loin leur migration et soient restés dans le pays lors de leur retour d'Europe. Le 6 mars, j'ai chassé dans la plaine des Pyramides ; le vrai passage commençait à s'effectuer, trois fusils ont abattu quarante pièces, sans chiens, avec des rabatteurs. Dans le courant de mars le passage s’accentue, il bat son plein à la fin de ce mois, et en avril. Dans cette saison, les cailles semblent littéralement pleu- voir du ciel. Les marchés en regorgent; dans la rue, dans les cafés, on est assailli par des Bédouins munis de petits sacs, qui vous proposent une série de numéros pour des lots de cailles vivantes, on en charge des bateaux, à destination d'Europe, de Londres principalement, par trente, quarante mille et plus. Des navires marchands partent d'Alexandrie avec cargaison exclusive de cailles vivantes. Elles sont enfermées dans des cages basses, superposées ; l'installation est curieuse à voir, mais on ne s’imagine pas quelle odeur infecte répand cette immense agglomération LA CHASSE DE LA CAILLE EN ÉGYPTE: ‘": 669 d'oiseaux. Les pertes doivent être considérables, surtout par un gros temps. | Enfin, une odeur de cailles rôties embaume toutes les cui- sines, car on fait ici, de ce gibier, une prodigieuse consom- mation. Les amateurs les conservent vivantes dans des cages où ils les engraissent avant de leur accorder l'honneur de la broche, et pour pouvoir en manger lorsque le passage est terminé. | | Ces cages, construites avec soin, sont formées d’un cadre en bois mesurant environ 0,85 sur 0,65, haut, sur trois côtés, de 0,10, et percé latéralement de deux trous d’un peu plus de 0,03 de diamètre, pour établir un courant d'air. La face antérieure est abaissée en forme de mangeoire, d’une largeur de 0®,06 environ. La face postérieure est légèrement évidée en dessous pour permettre de nettoyer la cage. Le tout est recouvert d’une toile clouée sur le cadre jusqu'à la limite de la mangeoire, et portant en son milieu une sorte de manche, également en toile, au moyen de laquelle on intro- duit les oiseaux dans la cage, et que l’on ferme par un cor- don. La nourriture se compose habituellement de petites lentilles décortiquées, dont on remplit la mangeoïire, en réser- vant une place pour l'abreuvoir qui doit toujours étre ali- menté d’eau fraiche et propre. Lorsqu'elle arrive de l’intérieur de l'Afrique, la caille est maigre. Elie se refait, avant son départ pour l’Europe, dans les grasses plaines de la Basse-Egypte. Celles que l'on tue pendant le mois d'avril sont chargées d’embonpoint, et ce sont naturellement les plus estimées des gourmets du Caire et d'Alexandrie. Mais on admet, cependant, que la Caille est plus fine et de meilleure graisse lorsqu'elle revient d'Europe. On la chasse ici de plusieurs facons. Les sportsmen em- ploient le chien, comme en Europe, mais c'est le petit nom- bre. La plupart des chasseurs au fusil la tirent au rabat. On embauche un certain nombre de bédouins qui foulent len- tement les récoltes, en poussant des cris, et font lever-le gibier. Quelquefois on se sert du corbeau comme pour la chasse du canard dans les roseaux. Les indigènes qui prennent les cailles vivantes se servent du filet, connu sous le nom de drap de mort, qu'ils promènent sur les récoltes. Pendant deux mois de l’année, toute une classe d'individus n'a pas d'autre industrie que de prendre des cailles vivantes 670 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. et de les apporter à des entrepreneurs qui les expédient en Europe. La chasse de cet oiseau a donné naissance à un sport fort gouté des Alexandrins, c’est ce qu’on appelle le {ir de la Caïülle au bédouin. Lorsque le passage est terminé et que les chas- seurs ont mis le fusil au raâtelier, les amateurs de tir se rendent dans la campagne accompagnés d’un bédouin qui: transporte des cages remplies de cailles. Le bédouin se place à une certaine distance du tireur, prend un oiseau et le lance dans l'air. L’amateur tire, tous ceux qu'il tue lui appartiennent, et il paye ordinairement 50 centimes {deux piastres égyptiennes) au bédouin pour chaque oiseau manqué. Mais des paris s'engagent entre les sportsmen présents, et souvent les coups de feu reviennent à des taux formidables. Ce tir est assez difficile, car le rusé bédouin s'efforce de lancer la caille de facon à se ménager le plus de chance possible. Il est aussi des tireurs, connus pour leur habileté, à qui on fait payer l'oiseau manqué un prix supérieur à deux piastres. On rencontre ici une foule de gens qui ont l’intime con- viction que la caille se reproduit en Afrique, pendant son séjour d'hiver. Des trafiquants qui sont allés dans l’intérieur prétendent qu'ils ont vu des nids et tué des jeunes. Il n’en est rien cependant. L'observation a été certainement mal faite, ou plutôt ces trafiquants ont cru sur parole les indi- scènes, et n’ont rien vu. La caille se reproduit en Europe, et n’a pas de ponte d'hiver. Depuis que le passage a commencé, j'en ai examiné des centaines et des centaines et je n’en ai trouvé aucune dont le plumage puisse laisser supposer une naissance africaine. Il n’y avait pas un seul jeune. Ce qui est plus croyable, c’est que quelques-uns de ces oiseaux, en très petit nombre, exceplionnellement, pour des causes diverses, peuvent ne pas accomplir le voyage d'Eu- rope, et nichent dans la Basse-Egypte, pendant que leurs congénères se reproduisent, à la même époque, en Europe. En effet, un chasseur intelligent et digne de foi m'a affirmé qu'il avait trouvé des cailles et des nichées près d'Alexandrie, en été. Cette affirmation, je le répète, en tant que rare excep- tion, n’infirme en aucune facon les règles ordinaires de la re- production des oiseaux migrateurs. OUTARDES PLUVIERS ET VANNEAUX HISTOIRE NATURELLE — MŒURS — RÉGIME — ACCLIMATATION Par PAUL LAFOURCADE. (SUITE *). CHAPITRE XI. Les Vanneaux (l). Grande famille également que celle des Vanneaux et dont les espèces nombreuses ont été classées de la manière sui- vante : 1° Espèce à pouce apparent ; écussons aux tarses ; [fosses nasales élerdues jusqu'aux deux tiers du bec. Principaux individus : Vanneau huppé, Vanneau échasse, « . Vanneau à pieds jaunes, Vanneau armé, Vanneau grivelé, Vanneau tricolore, 20 Espèces dont le pouce est à peine visible ; tarses réti- culés ; fosses nasales courtes. Type unique : Vanneau squatarole, Squatarole gris, (*) Voyez Acvue, 1889, note p. 1169 ; et plus haut, p. 89 et 401. (1) Appellations diverses selon les pays : Vanello, pavoncello, en 2falien. Kievit, Geknof de Kievit, en hollandais. Käoxzpos (6), en grec. Lapwing. Peewit, en anglais. Kibitz, en allemand. Vanso, en espagnol, (ave fria), Oiseau froid, (frailecillo ave del orden de los zancudos). Ancien langage : Vanel. Le plus lourde n’est qu’uns vaneau, » (Poésie de Froiss., p. 285.) L'’espervier d'hyver, quand il est bon, prend la pie, le jai, la chouette, la grésille, le vanel. » (Fouall. faucon., p. 61.) Au pluriel : Vaneraulx. Sept vingt faisans qu’envoia le seigneur des Essars et quelequés dou- zaines de ramiers, cercelles, butors, pluviers, vanceraulx. » (Rabel, 1, p. 239) (a). ÿ (a) La Curne de Saiïnt-Palaye, Dictionnaire de l’ancien langage français. a 672 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. La plupart des Vanneaux faisant partie du genre 7ringa de Linné, Brisson, le premier, les en sépara. Cuvier établit la distinction de ces oiseaux en prenant en considération les pouces, les écailles des oe et les fosses nasales (1). Lesson établit cinq groupes : 1° Les Vanneaux inermes, 2 Les Vanneaux armés, 3° Les Vanneaux à lambeaux membraneux, 4 Les Vanneaux hirondelles, 5° Les Vanneaux pluviers. Dans le premier groupe sont : Le Vanneau commun |Vaneillus cristatus), commun dans toute l’Europe. _ Le Vanneau à écharpe (VW. curctus) ; on le rencontre aux iles Malouines. Le Vanneau à pieds jaunes (V. flavipes); se trouve en Égypte. * Le Vanneau à dos brun (V. fuscus); lieu de prédilec- tion : le Brésil. A Le Vanneau à échasses (V. grallarius); commun en Europe. - | Dans le deuxième groupe : Le Vanneau armé (Tringa Ca yennensis), se rencontre fréquemment au Brésil et dans la Guyane. Au troisième groupe, sont classés : Le Vanneau galline (Vanellus gallinaneus) et le Van- neau grivelé(V. albicapillus), communs dans le Sénégal. Dans le quatrième groupe : | Le Vanneau à longues ailes (Tringa macropterus), commun à Java. | Enfin, le cinquième groupe comprend les Vanneaux plu- viers, Squataroles (Tringa helvetia). Cet oiseau est commun en Europe, en Amérique, surtout aux États-Unis ; il est long de dix pouces et demi et ne porte pas de huppe (2). - (1) D’après le Diction. d'hust. natur., par dOibieny. p. 202, (2) Lessor, Traité d'ornithologie, p. 542, Paris, 1831. 5 Mai 1891. Vanneaux huppés mâle et femelle, 634 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Belon avait figuré le Vanneau squatarole sous le nom de Pluvier gris et Buffon l'appelle Vanneau pluvier. C’est probablement de cet oiseau dont parle Aristote, sous le nom de pardilis, bien que le célèbre philosophe ait peut- être eu en vue le Pluvier doré. Son nom de Squatarola lui vient des Vénitiens. | Le nom de Vanneau a été donné à tous ces oiseaux, sans doute, dit Buffon, par rapport au bruit que font leurs ailes, bruit comparable à celui produit par le van qu'on agite pour nettoyer le Blé ou toute autre graminée. Par la même analogie, les Anglais lui ont donné le nom de Lapiving; les Grecs, æex, æg'i où Paon sauvage; les Italiens le connaissent sous le nom de paonsello ou patonzino. Aldrovande appelaït le Vanneau en laün : Capella, non pas que cet oiseau ait une ressemblance avec la Chèvre ou par sa tète où par ses yeux, mais parce que son cri a quelque rap- port avec celui d’un Chevreau. | Ménage dit que le nom de Vanneau vient de paonneuu ; la ressemblance avec le Paon aurait été une des raisons pour qu’on l’appelât ainsi. Dans certains pays, on le connait sous le nom de Dix-huit à cause de son cri. En Vendée, Vana. Quand on étudie de près les Vanneaux, on est tenté de vouloir les ranger dans la famille des Charadridés. Si les caracteres zoologiques different, les mœurs de ces oiseaux ont tellement d'identité avec celles qu’offrent les Pluviers qu'on ne peut se refuser à absoudre les naturalistes qui ont cru pouvoir ne pas les séparer. Nous voyons, en effet, le Pluvier varié, dernier moule de cette famille de Charadridés, se rapprocher du Vanneau et permettre à MM. Degland ét Gerbe de le considérer comme un type intermédiaire entre cette famille et celle des Van- nelidés, type auquel ils ont donné le nom de Vanneau suisse . Les caractères généraux sont tirés de la tête et des pieds. Tête assez forte, proportionnée d’ailleurs au corps, huppe longue et déliée (1), bec plus court que la tête, renflé brus- quement aux deux tiers, ailes longues et larges, tarses (1) Chez le Vanneau commun. OUTARDES, PLUVIERS ET VANNEAUX. 679 minces, toujours réticulés, quatre doigts äont un en arrière, plus haut placé que les autres, et portant légèrement sur le sol: Taille d’un beau Ramier. Je ne m'occuperai que du Vanneau huppé et du Vanneau suisse. TYPE DU GENRE : Le Vanneau huppé. Manteau noir à reflets bronzés, au soleil, couleur vert foncé ; les deux côtés du cou, une partie de la poitrine, le ventre blancs, plumes rectrices blanches et d’une couleur café au lait; huppe occipitale, œil et bec noirs, pattes d'un rouge foncé, sale. Cet oiseau offre quelques variétés de plumage. On a signalé des individus à dos blanc (collection de Des- meezemaker, à Bergues), d’autres de couleur isabelle {musée de Boulogne), d’autres avec un plumage entièrement blanc, avec tout ce qui est ordinairement noir, d’une belle couleur calé au lait et les plumes rectrices rousses (1). Comme on le voit, les toilettes changent suivant les sai- sons ; elles sont diversifiées selon les individus et les climats qu'ils habitent. L'oiseau a 0,36 €. de long ; les ailes 0,75 c. d'envergure; le poids est de 600 grammes environ ; la taille est celle d’un Pigeon. Vanneau suisse. C'est le Vanneau pluvier, dont j'ai parlé plus haut; on l’a appelé le Pluvier varié (Pluv. varius); il ressemble au Plu- vier doré en robe d'hiver. D’après Baldamus, on n’aurait aucune donnée certaine sur sa reproduction bien que Tem- minck ait assuré qu'il se reproduisait dans les régions arc- tiques. Ce dernier naturaliste ajoutait que le Vanneau suisse ni- chait dans les prairies marécageuses et pondait trois ou quatre œufs de couleur brune olivâtre semée de taches noires. | | Le Vanneau suisse ne porte pas de touffes de plumes sur la tête. R {1} D'après Degland et Gerbe.. 676 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. — Les Vanneaux sont communs partout dans l'Europe : on les rencontre surtout en Hollande et en Angleterre. Dans l'Inde, l'Afrique, la Chine, les Vanneaux se montrent en bataillons serrés ; au pays des Hindous, ils élisent leur domicile à proximité des marais ; dans la Mongolie, c'est également sur les prairies inondées que ces oiseaux s’ob- servent le plus communément ; l'Afrique avec son sol grave- leux et sablonneux n’est pas une patrie pour eux, mais ils semblent cependant avoir, en parte, adopté cette contrée, celle dont les marais n’ont pu encore être desséchés. « En Europe, dit Brehm, la Hollande est le pays où il y a le plus de Vanneaux ; ils sont aussi caractéristiques du pays hollandais que les canaux, les vaches noires et blanches, les moulins à vent, les maisons du pays entourées d'arbres élevés. » Ces oiseaux se rencontrent sur toute la surface du globe ; comme les Pluviers ils fréquentent les marais, comme eux ils s’établissent dans les prairies basses et humides et les terres labourées. Tous sont actifs, vifs, gais et possèdent au plus haut degré l'amour de la famille. Les Vanneaux apparaissent en France à l’époque des mi- orations ; ils appartiennent, comme l’a fort bien écrit M. de Cherville, à « l'immense légion de ces hôtes temporaires et fugitifs qui ne nous visitent qu à de rares intervalles ». Il est un fait certain : En France le Vanneau ne se trouve pas à toute époque; c’est un oiseau vagabond recherchant une température douce ; pendant les mois de mai, juin, juil- let, août et septembre il réside au nord ; le reste de l’année, son habitat ordinaire est le midi. On peut dire que dans notre pays on le voit apres les pre- miers dégels ; à l'automne, il a disparu complètement. D’après Von der Mühle, il nicherait en Grèce. Lindermayer dit tout le contraire. Les Vanneaux sont bien, comme les Pluviers, des oiseaux de marais ; une raison anatomique me porte à croire qu'ils recherchent de préférence les terrains humides, les labours, c’est Ja mollesse ‘de leurs mandibules ; le bec. est, en effet, peu résistant, fait pour fouiller les terres fraichement remuées. « Les terres fraiches, remuées et cultivées, leur convien- OUTARDES, PLUV:ERS ET VANNEAUX.:: :: 677 nent tout aussi bien, et si l'homme leur faisait moins peur et les traitait avec plus d'égards, on les verrait marcher dans le sillon à la suite de la charrue, à l'instar des Corneilles, des Pies, des Etourneaux (1). » Ils aiment aussi les terrains caillouteux, dit mon collègue Pascault. Je lui demandai la raison : « Savez-vous que dans le Berry, me répondit-il, les Vanneaux se rencontrent tout aussi bien dans les endroits pierreux que sur le bord des étangs, des marais ou dans les prés bas et humides. Comme l'oiseau auquel on a donné le nom de Tourne-pierre et qui est à peu près de sa taille, le Vanneau, malgré le peu de soli- dité de ses mandibules, retourne délicatement, avec son bec, de petits cailloux, voire même une pierre et gare alors à l’An- nelé ou au mollusque à qui il aurait pris fantaisie de venir prendre le frais sous cet ombrage improvisé. » J'avoue avoir ouï dire cette particularité des habitudes du Vanneau ; je n’y ai cependant pas cru ; devant la sincérité d’un Cho je suis forcé de m'incliner. J'ai vu des Vanneaux dans la Beauce; je les aï toujours rencontrés dans les labours ou dans les sat (ces oiseaux avaient, en partie, déserté les marais pour s'engager plus avant dans les terres), pataugeant, ainsi que les Pluviers, dans les terrains détrempés et se servant de leur bec comme d’une véritable sonde. Ces oiseaux se sont tellement identifiés avec les Pluviers qu'il est difficile de les séparer. Mêmes mœurs, mêmes habi- tudes, sociables au même degré, ils vivent côte à côte, se montrent aux mêmes époques, se nourrissent de la même manière et recherchent les mêmes localités. Que de fois, en effet, m'’est-il arrivé d’apercevoir une bande de Vanneaux et, à quelque distance, des Pluviers, presque sur le même champ et semblant vivre en bonne intelligence. En peut-il être autrement ? Par un pacte d'amitié scellé depuis des siècles, la nature n’a-t-elle pas fait contracter une alliance entre ces oiseaux, alliance que rien ne détruira et que l’on peut dire éternelle. Je sais des chasseurs, qui ont gardé rancune au Vanneau d’avoir fait du Pluvier son véritable ami. Pourquoi ? L’atta- chement existe et continuera d'exister tant que l’homme, ce (1) Toussenel, loc. cit., p. 442. : 678 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. civilisé, se montrera le grand destructeur ; il n’est pas près de se rompre, croyez-le !... Le Vanneau évite l’homme, surtout l'homme accompagné d'un Chien. Les raisons sont celles que j'ai données pour le Pluvier, je n’ai pas à m'y arrêter. Par contre, la société de certains animaux est loin de lui déplaire. Pendant que le laboureur fait la sieste après son repas du midi, il n’est pas rare de voir les Vanneaux se rap- procher des Bœufs et exécuter devant les paisibles ruminants une sarabande échevelée. J'ai été témoin du fait. Quel mobile faisait agir les oiseaux ? je ne saurais le dire, mais je me rappelle avoir assisté à un quadrille effréné exécuté par des Vanneaux, et les Bœufs me faisaient l'effet d'oublier, pour l'instant, et la dureté du sol et la profondeur du sillon. Les Vanneaux n’éprouvent pas la moindre frayeur devant le berger et savent, aussi bien que les Pluviers, établir la différence entre le Chien de berger et le Chien de chasse. On a vu cependant de ces oiseaux s’avancer en bon ordre contre un Chien errant dans la plaine et le poursuivre en se maintenant à une légère altitude. Les Vanneaux hantent de préférence les terres humides et détrempées où ils savent trouver les vers, les insectes, les mollusques dont ils font leur nourriture habituelle. Dans une relation publiée par M. Noë, je lis le fait suivant: « Il semble que le Vanneau n'ait en propriété qu'une seule faculté, celle de trouver la subsistance nécessaire à son en- graissement; stupide, dénué d’instinct, ayant mauvaise vue, le Vanneau donne facilement dans tous les pièges tendus par le chasseur {1)». Je ne suis pas de l’avis de M. Noë, oh ! mais pas du tout, et l’observateur consciencieux ne partagera certainement pas la manière de voir de l’honorable colla- borateur à la Chasse illustrée. D'abord, je vais laisser parler un ami des bêtes : « En consacrant un court chapitre au Vanñeau, j'ai voulu tout d'abord répondre à certains esprits, évidemment fort mal faits, prétendant ne voir en lui qu’un être malfaisant, et en second lieu, je tenais à prouver que chez les animaux comme chez les gens, l’esprit sait venir à propos, lorsqu'il s’agit de satisfaire une passion. (1) Noë, Chasse illustrée, 24 décembre 1874, p. 338, . dl . À À x dE ET OUTARDES, PLUVIERS ET VANNEAUX. 679 » Sur le premier point, je me hâte de le déclarer, le Van- neau est d'autant plus inoffensif qu'il est plus bête, et si une chose pouvait lui étre reprochée, dans une certaine mesure toutefois, c’est le soin vraiment par trop méticuleux avec lequel il se gare des coups de fusil. » Nous ne saurions en vérité le blâmer de cet excès de prudence ; ce n’est pas s'avancer que de l’avouer ; à sa place nous n’en agirions pas autrement. » Et plus loin : « Rien au monde n’est curieux comme de suivre ces oiseaux quand, à l'exemple de Marlborough, ils s’en vont en guerre, et, certes, si bêtes qu'on les suppose, ils savent alors prouver qu'à l’occasion, tout comme les autres, ils ont de l'esprit. » Dès qu'ils apercoivent l’un de ces petits monticules qui dénotent la présence de l'ennemi, ils débarrassent l’orifice du trou des chapelets terreux qui l’obstruent, puis, se plaçant à côté de l'entrée, ils frappent fortement la terre et la piétinent avec une sorte de fureur; ensuite, l'œil fixe, ils restent immo- biles à guetter leur proie. Attiré par la curiosité, le Ver donne sottement dans le piège; bientôt il arrive en se trainant, et à peine a-t-il mis le nez à la fenêtre que le Vanneau à l’affüt le happe prestement avec le bec (1). » Écoutons maintenant un naturaliste distingué, nous ver- rons ce qu'il pense du Vanneau : « Plus on observe le Vanneau, plus on acquiert la convic- tion qu'il possède certaines qualités à un degré extraordi- naire. Sa vigilance qui irrite contre lui le chasseur est un signe de très haute prudence et il est d'autant plus vigilant qu'il est doué d'organes d’une extrême acuité. Il sait bien discerner l’homme des champs du chasseur ; comme le Cor- beau, on dirait qu'il sent le fusil; comme la Corneille, il est d'une défiance dont rien n’approche. » Regardez un Vanneau, il n’est jamais tranquille ; c'est un mouvement continuel, toujours instable, toujours mobile; ce sont ces qualités qui constituent ses vrais moyens de défense. Il est incroyable de penser que le Vanneau possède un sen-— timent très exact des distances, se rappelle de l’endroit où un de ses camarades a été frappé en sa présence, ef cet (1) C. d'Amezeuil, Comment l'esprit vient auxsbêtes, p. 358, Paris, 1877. 680 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. endroit lui demeure suspect pendant plusieurs années ; ja- mais vous ne le verrez s’en approcher. » Le Vanneau ne craint pas les oiseaux de proie, s’en prend aussi aux habitants de rivage plus gros et de taille plus forte que lui, Hérons, Cigognes, il les poursuit et les chasse de son domaine, car, avant tout, le Vanneau veut régner en maitre. » Rien n'est plus amusant, et en même temps plus curieux, que des Vanneaux attaquant une Buse, un Milan, un Cor- beau ou un Aigle même. On voit qu'ils sont sûrs de la vic- toire, qu'ils combattent en paladins, riant et se moquant de l'air stupide de leur ennemi qui demeure impuissant, mais enflammé de colère contre cet insaisissable agresseur. » Dans ces circonstances, ces oiseaux intelligents se por- tent un mutuel secours et leur courage augmente avec leur nombre, si bien que le rapace, harcelé de toutes parts, aban- donne toujours sa poursuite. Il se produit ainsi ce fait sin- gulier, c'est que le Vanneau devient, par le fait, le gardien et la sentinelle des oiseaux de rivage qui vivent à portée de ses avertissements (1). » M. de la Blanchère a omis d'ajouter que dans ces combats si fréquents le Vanneau pousse toujours son cri de guerre : chraërt, chraërt. J'ai été témoin du fait suivant : Des Vanneaux procédaient à leurs ablutions dans le large chemin de traverse situé entre la Grande-Brière et les fermes de Tressonville {arrondissement de Pithiviers) quand, tout à coup, un Émouchet s’en vint planer au-dessus de la bande. Que venait faire l'importun ? était-il s‘mplement mü par un sentiment de curiosité, pensait-il trouver l’occasion favo- rable pour s'emparer d'une sentinelle un peu trop avancée ? Je le voyais faire le Saint-Esprit et, par des mouvements d'ailes bien calculés, se rapprocher de la vedette qui se tenait à la gauche de la troupe. Les Vanneaux devinèrent de suite la position critique dans laquelle se trouvait leur compagnon et avant que le rapace ait pu poser sa serre sur le dos de l’infortuné, ils volèrent à son secours. - L'oiseau de proie essaya de jouer du bec et des ongles: mais les Vanneaux lui tinrent tête, le harcelèrent et, enton- nant leur chant de victoire, ils le forcèrent à. prendre la fuite. (1) -De la Blanchère, Chasse dlustrée, 26 mai 1877, p. 166.:: 682 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Tant d’audace méritait châtiment ; l’'Emouchet paya cher sa témérité. Ne sachant plus où donner de la tête, il vint me passer à portée ; un coup de feu le fit descendre; c'était un Émerillon, de la variété que nos paysans beaucerons ap-. pellent la Gorge-blanche. La haine des Vanneaux contre les oiseaux carnassiers est prouvée ; c’est toujours avec courage qu'ils les combattent, qu'ils les forcent à se retirer. On a vu des Vanneaux ne pas craindre de se mesurer avec un Chien et même un Renard. Les services qu'il rend aux oiseaux de rivage sont incal- culables ; aussi les Grecs lui ont-ils donné le nom de bonne- mère. Quand arrivent les premières chaleurs du printemps, les Vanneaux commencent à se séparer; un combat terrible s'engage alors entre les mâles pour la possession des femelles qui se retirent de l'arène et vont attendre, comme le dit M. Noë, dans les oseraies de l’étang voisin la visite de l’heu- reux vainqueur. Sa passion satisfaite, la femelle s'occupe alors du nid qu'elle construit le plus souvent sur une motte de terre dé- garnie d'herbe, une légère éminence, assez élevée pour étre à l’abri des inondations si fréquentes pendant les crues du printemps. | « Le nid de Vanneau est construit d’après des procédés particuliers à cet oiseau; il choisit pour l'établir un tertre, une éminence, une taupinière à l’abri de l'invasion des eaux, fauche l'herbe de très près sur une longueur de 12 à 15 cen- timètres et pond des œufs sur le résultat de la fenaison. Le matelas est mince, mais les jeunes Vanneaux appartiennent à cette catégorie d'enfants rustiques qui se servent de leurs jambes pour buissonner en sortant de la coquille (1). » La ponte est de quatre œufs, assez grands relativement, ovoïdes, renflés au gros bout, légèrement arrondis, finissant en pointe à l'extrémité opposée, à coque lisse, grenue, d’un vert olivâtre et parsemée de taches d’une couleur de rouille (grand diamètre : 0,045 à 0,047 ; petit diam. : 0,032 à 0,034). Les œufs du Vanneau suisse sont de couleur brune, olive clair quelquefois avec des taches noires. (1) De Cherville, Le Sport gaulois, 1e' avril 1887. OUTARDES, PLUVIERS ET VANNEAUX. 683 La symétrie existe dans l'emplacement de ces œufs; la femelle les dispose toujours d’une manière régulière, en rond et se touchant au centre sur le petit bout; la position des œufs est uniforme jusqu'à la fin de l’incubation. La femelle commence à les déposer dans le nid vers la fin de mars, mais la véritable ponte a lieu au commencement d'avril, dans les premiers jours du mois le plus souvent. Pendant l'incubation, le mâle vient voltiger au-dessus du nid et trahit toujours par des saccades prolongées la pré- sence de la couvée. L'incubation dure de seize à dix-huit jours ; le dix-sep- tième ou dix-huitième jour au plus tard, vingt jours selon quelques naturalistes, les jeunes Vanneaux voient le jour, commencent à sortir de la coquille et essayent leurs forces ; au bout de trois jours ils courent déjà comme père et mère. Certains auteurs veulent que la ponte se fasse vers le milieu d'avril. À noter, comme pour le Pluvier, l'amour des parents pour les petits ; même affection, même tendresse. Le mâle s’acquitte à merveille de la mission que lui a confiée la nature; il veille sur ses enfants; la femelle leur procure la nourriture en les conduisant de suite sur le bord de l’étang ou du marais le plus proche. À l’époque de la chasse, le Vanneau qui n’a que sa vie à défendre fuit de très loin et ne revient pas sur le chasseur. Mais à l’époque de l’incubation et surtout quand il fait l’édu- cation de ses nouveaux-nés, il est d'une hardiesse de héros ; il pousse des cris sauvages, fait mille tours au-dessus de la tête du passant et fond sur lui avec une audace qui ne laisse rien à désirer. Un nid de Vanneau vient-il à être découvert, la femelle ne fait qu'une courte envolée et ne tarde pas à revenir sur ses œufs après la disparition de l’importun. Les jeunes Vanneaux, au bout de quelques semaines, peuvent vivre sans que les parents aient à s'occuper d'eux ; ils se réunissent cependant quand approche le moment des voyages. | (A suivre.) LE MATAMBALA (COLEUS TUBEROSUS Beta) INTRODUCTION ET PROPAGATION AU GABON-CONGO NOTE COMMUNIQUÉE PAR MM. PAILLIEUX xT BOIS. En juillet 1884, notre correspondant dans le Transvaal, M. Mingard, nous adressait quelques tubercules de cette plante sous le nom de Pomme de lerre sauvage. I nous disait, dans la note qui accompagnait l'envoi, que les Mag- wambas l’appellent Matambala, qu'ils Papprécient beaucoup et la préfèrent à tout autre tubercule. Ces tubercules, envoyés en stratification dans le sable, nous parvinrent en bon état. Plantés sur couche et sous châssis, ils végétèrent vigoureusement et donnèrent naissance à de nombreuses tiges qui s’étalèrent sur le sol, se marcottèrent spontanément et ne tardèrent pas à emplir le coffre dans lequel nous les avions plantés. Mais, ces pieds, arrachés à l'automne, ne nous ont donné qu'une récolte à peu près insignifiante. La plante n’avait pas eu la somme de chaleur nécessaire pour former ses tubercules et il nous parut absolument inutile de faire de nouvelles ex- périences de culture sous le climat de Paris. L'envoi de notre obligeant correspondant ne fut cependant pas perdu ; nous fimes des boutures, ce qui nous permit de donner la plante au Muséum et à diverses personnes. L'hiver suivant le Malambala a fleuri dans les serres de notre éta- blissement national et il nous a alors été possible de recon- naître en lui le Coleus luberosus BENTH., de la famille des Labiées. Les pieds donnés au Muséum furent M nee ELONEAIR professeur Max. Cornu en confia deux à M. Pierre, qui partait pour aller occuper le poste de Directeur du Jardin colonial, à Libreville (Gabon-Congo). M. Pierre cultiva le Coleus tuberosus et le succès qu'il obtint fut tel qu'il s'employa activement à propager la plante LE MATAMBALA AU GABON-CONGO. :: | 685 dans la colonie. M. Thollon, attaché à la mission Brazza, la transporta à Brazzaville, où elle se multiplia ét se répandit rapidement. Dans un récent voyage à Paris, M. Thollon nous a donné les renseignements suivants sur notre Labiée : «Le Matambala croît avec une-vigueur extrême pendant la saison des pluies. Pendant la saison sèche (de juin à oc- tobre), la plante végète, mais a besoin d’être arrosée pour produire des tubercules. C’est pendant cette période que les fleurs se montrent. » La récolte doit être faite de ie en janvier. On obtient par touffe une douzaine de tubercules de la BEORCA d'une noix et beaucoup d’autres plus petits. “» La plante n’a pas encore été, jusqu'à ce jour. soumise à une culture raisonnée. On se contente de détacher des ra- meaux qui, mis en terre, s’enracinent avec la plus grande facilité, et qui, abandonnés à eux-mêmes sans aucuns soins, donnent cependant le résultat indiqué plus haut. » M. Thollon considère le Matambala comme l’un des lé- œumes les plus utiles à propager dans nos possessions équa- toriales de l'Afrique où il remplacerait la Pomme. de terre qui y est incultivable. I en a fait manger à un grand nombre de voyageurs qui ont éprouvé un plaisir extrême, car sa saveur a une telle analogie avec celle de la précieuse Solanée, qu'ils ont tous cru retrouver ce légume favori dont l'absence, dans les régions tropicales, constitue l’une des plus dures privations pour les Européens. Nous avons eu le vif plaisir de recevoir ces jours derniers une lettre de M. Pierre dont nous reproduisons ci-dessous quelques passages : « C'est en 1887 que j'ai apporté dans la colonie deux tuber- cules de Matambala que M. Cornu m'avait confiés. J’en remis un à M. Thollon qui le transporta. dans l’intérieur de l’Ogoué, à Brazzaville. » Il y en a maintenant dans l’'Oubanghi, par 60° lat. N. et 13° long. E. La plante s’est propagée dans ces pays avec une rapidité extraordinaire. » La mission Crampel qui, paraît-il, en a trouvé vers le 4° lat. N., en a mangé les tubercules et l'emportera peut-être jusqu'au lac Tchad. » Le Coleus luberosus existe également dans le Loango où 686 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Mgr Carrie l’a introduit de pieds venant de Brazzaville. » La plante s’est améliorée dans l’intérieur et je suis cer- tain que, si la culture était mieux faite, on obtiendrait encore de bien meilleurs résultats. Il faudrait planter en terrain bien préparé, pas trop sec, brumeux et surtout laisser plus de distance entre les plantes. » Le goût du tubercule rappelle beaucoup celui de la Pomme de terre. C’est une plante d'avenir, surtout dans l’intérieur de notre colonie. A Libreville où nous sommes par 5° plus au nord, je n'ai obtenu que des résultats mé- diocres. » La plante est connue dans tout l’intérieur et à la côte sous le nom de Poñme de terre de Madagascar, que doit lui avoir donné M. Thollon. Ce nom étant impropre, je fais mon possible pour le combattre. » On voit par ce qui précède que, si l'envoi de notre corres- pondant n’a pas donné de résultat utile pour la France pro- prement dite, il a permis de doter notre colonie du Gabon- Congo d’un excellent légume très apprécié, qui pourra égale- ment être cultivé dans toutes les régions ayant un: climat analogue. Une autre Labiée tubéreuse pourrait sans doute être ré- pandue avec succès dans nos colonies de l'Afrique équatoriale ; nous voulons parler du Plectranihus Madagascariensis BENTH. qui est cultivé à Madagascar et à l’île Maurice sous le nom de Ouinime, Houmime. M. Daruty de Grandpré a attiré notre attention sur elle. Les petits tubercules qu'elle produit avec une extraordinaire abondance se consomment aussi de la même manière que la Pomme de terre. : LA LUITE DE L'HOMME CONTRE LES ANIMAUX Conférence faite à la Société nationale d’Acclimatation le 143 mars 1891, Par M. PIERRE-AMÉDÉE PICHOT, Mesdames, Messieurs, Un des fondateurs de la science géologique en Angleterre, le révérend professeur Buckland, doyen de Westminster, fai- sait, au commencement de ce siècle, un cours de géologie à l'Université d'Oxford. IL avait exploré, l’un des premiers, les cavernes oolthiques du Yorkshire et avait mis au jour et reconstitué selon les méthodes du grand Cuvier quelques-uns de ces gigantesques fossiles qui ont autrefois peuplé notre globe et dont les ossements ont longtemps frappé d’étonne- ment ceux qui les découvrirent, donnant naissance à la légende de l'existence d'une race de géants, dont les hommes de notre époque ne seraient que les descendants dégénérés. Les travaux des géologues et les progrès de la paléontologie ont prouvé qu'il n’en était rien et que les géants des premiers âges du monde n'étaient que des sauriens et autres reptiles, dont nos Lézards et nos Couleuvres ne sont aujourd'hui que de diminutifs représentants. Le professeur Buckland avait donc reconstitué dans son cours devant un auditoire attentif et émerveillé les Ichthyosaures, ces Crocodiles-poissons qui mesuraient jusqu'à dix metres de long et les Plésiosaures dont le cou de Cygne dominait les vagues comme celui de la Girafe domine les buissons, le Ptérodactyle, gigantesque reptile à ailes de Chauve-Souris et à tête de Crocodile, le Chei- rothérium ou Labyrinthodon, qui a laissé sur les terrains argileux de l’époque conchylienne des empreintes de doigts que des bottes seules pourraient ganter et il avait évoqué devant son auditoire cette faune bizarre et gigantesque qui dépasse en réalité tout ce que l’on pourrait imaginer dans le cauchemar le plus effrayant. Un des émules et élèves du pro- fesseur, M. Henry de la Bèche, tout en prenant des notes sur 683 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. le cours de son maitre, avait esquissé sur une des pages de son cahier un croquis humouristique que l’on a retrouvé dans les papiers du professeur et que son fils nous a conservé. Le dessinateur, franchissant par la pensée l’espace de plusieurs siècles, supposait qu’à la suite de quelque bouleversement vio lent du globe, les grands sauriens étaient revenus sur terre ; qu'au lieu du professeur Buckland c'était un professeur Ichthyosaure qui faisait part à ses élèves du résultat de ses fouilles et de ses découvertes, et que, du haut d'un rocher comme du haut de sa chaire le doyen de Westminster, il dissertait sur un crâne fossile placé devant lui. (Projection : Caricature par H. de la Bèche.) Ce crâne était un crâne humain et le savant Crocodile s’ex- primait ainsi sur son compte : . € Ichthyosaures et chers élèves, il vous suffira de jeter un coup d’œil sur le crâne placé devant vous, pour. vous con-. vaincre qu’il a dû appartenir à un animal d’une espèce infé-, rieure et rudimentaire ; ses dents sont dérisoires, la puissance de ses mâchoires insignifiante et l’on se demande avec stupé-, faction comment un animal aussi, déshérité pouvait se pro-. curer sa nourriture. ». Eh bien ! Messieurs, en raisonnant ainsi, mon a con- . | $ LA LUTTE DE L'HOMME CONTRE LES ‘ANIMAUX. 689 frère (le conférencier ichthyosaure d'Henry de la Bèche),:se serait trompé et ce sont les péripéties de la lutte prolongée de l’homme contre des êtres plus forts et mieux armés que lui par la nature, que je voudrais aujourd'hui esquisser rapide- ment devant vous, non pas en entrant dans le fond du sujet et en abordant tous les détails (car je n’ai pas la prétention de pouvoir résumer en une heure de conversation l'histoire de tous les siècles), mais en vous montrant par quelques épisodes ce que fut, ce qu'est encore, cette lutte de l’homme contre les animaux et comment nous pouvons dire à cette heure avec une certaine satisfaction et même une pointe d'orgueil en parlant du crâne si dédaigneusement traité par le professeur ichthyosaure : « Petit bonhomme vit encore! » Quand l’homme, dernier né de la création, fit son appari- tion sur terre, les révolutions successives du globe qui en avaient déjà profondément modifié la constitution et la sur- face, avaient fait disparaître la plupart des grandes espèces d'animaux que nous ne retrouvons aujourd'hui qu'à l’état de fossiles ; mais les forêts et les bois, les montagnes et les plaines, les océans et les fleuves, contenaient encore un nombre assez considérable d'êtres sauvages et redoutables, autant par leurs proportions gigantesques que par leurs ins- tincts carnassiers, pour en rendre le séjour aussi désagréable que dangereux. Devant ces ennemis armés de toutes pièces, recouverts de cuirasses impénétrables, la gueule garnie d'armes blanches admirablement disposées pour saisir et pour déchirer, ayant des organes qui leur permettaient souvent de poursuivre leur proie aussi facilement sur la terre que dans l’onde ou dans l'air, la lutte était pour l’homme bien inégale et l'espèce humaine semblait destinée à disparaitre rapidement. Il y avait d’abord plusieurs espèces d’Ours, dont l’une, l'Ours des cavernes, a servi à caractériser cette époque et dont la taille dépassait de beaucoup celle de toutes les espèces d'Ours vivant aujourd’hui et il y en avaif tellement que dans des grottes aux environs de Liège, Schmerling a recueilli plus de mille dents de cet animal et que les débris extraits des cavernes de Gaylenreuth en Franconie se rapportent à près de 800 individus. Les félins qui ne sont plus: représentés :maintenant en Europe que par le Lynx et le Chat sauvage, l'é- -taient alors par le Chat-Tigre, la Panthère, le Lion et un félin 5 Mai 1891. | LE 690 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. plus grand encore, puis il y avait des Loups en bandes innom- brables, des Hyènes, des Gloutons et des Fouines. L'Eléphant parcourait le sol, et le gigantesque Mammouth promenait sa fourrure dans tout le centre de l’Europe jusqu'à la Cas- pienne et à l’Oural, en Sibérie, en Chine et dans le nord de l'Amérique. Voici le Mammouth tel à peu près qu'il a été retrouvé. or (Projection : Mammouth d’Adams.) C'était un Mammouth qui avait fait un faux pas. Cela peut arriver à tous les animaux de notre époque et à l’époque pré- historique, paraît-il, cela arrivait déjà aux Mammouths. Celui- ci était tombé dans un trou rempli d’eau ou avait glissé sur la glace ; l’eau s'était congelée autour de lui et Ce gigantesque animal avait été conservé comme les poissons que l’on envoie à la halle. Au commencement de ce siècle un naturaliste russe, adjoint de l'Académie de Pétersbourg, Adams, entendit parler par les indigènes des embouchures de la Léna d’un animal énorme qui passait la patte par une crevasse ; il finit -par le découvrir, maïs le bloc ne fondait que lentement ; il ne put s'en emparer que deux ans plus tard pour le trans- LA LUTTE DE L'HOMME CONTRE LES ANIMAUX. 694 porter au musée de Saint-Pétershbourg, et alors le cadavre avait été pas mal endommagé par les chiens des Jakoutes qui s'étaient montrés très friands de cette conserve alimen- taire. On retrouve dans le nord de la Sibérie des débris de Mammouth en si grand nombre que ses défenses seules ont été de nos jours l’objet d’un important commerce d'ivoire. Après le Mammouth venaient les Rhinocéros dont on a re- constitué plusieurs variétés, puis des Bœufs sauvages, des Cerfs aux ramures gigantesques, des Hippopotames et des Sangliers, des Chevaux sauvages en très grand nombre, des Rennes, des Chèvres, des Lièvres, des Castors et divers rongeurs, des Aigles et divers oiseaux de proie, en un mot soixante-six espèces de mammifères et quarante-cinq espèces d'oiseaux. Voilà donc l'espèce de société ou la société d'espèces dans laquelle l'homme faisait son apparition et au milieu de la- quelle il lui fallait conquérir sa place au soleil à la force du poignet, on peut le dire, car il n'avait que ses dix doigts pour se défendre. Nu et dénué de tout, sans vêtements pour se couvrir, sans toit pour s’abriter, sans armes pour se protéger, au milieu de forêts profondes où les gros animaux avaient seuls tracé des sentiers, dans des plaines et des régions montagneuses bouleversées par les cataclysmes récents et les orages, l'existence des premiers hommes a dû ressembler singulièrement à celle des Lapins que le moindre bruit rem- plit de terreur et qui vont bondissant de fourrés en fourrés, lorsqu'ils n’ont pu réussir à dissimuler leur personne en se faisant tout petits au fond d’un sillon ou en se pelotonnant au pied d’un arbre. Notez que ces premiers hommes ne pou- vaient lutter par le nombre contre les masses grouillantes, rugissantes et dévorantes qui les entouraient de toutes parts, car si les vestiges humains remontent aujourd'hui à une très ancienne époque, ils sont d’abord excessivement rares et très disséminés et ce n’est que dans la suite des siècles que leurs groupements prennent de l'importance et marquent leur place d’une facon tant soit peu notable dans les rangs des êtres organisés. C'est dans ces conditions d’infériorité que l’homme dut chercher sa subsistance et assurer sa sécurité. Heureusement il était créé omnivore et tout ce qui lui tomba sous la main dut aussi lui tomber sous la dent. Il se nourrit de plantes, de 692 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. fruits, de coquillages et de proies infimes qui ne pouvaient lui échapper par la course; l’'Huitre ou l’Escargot par exemple que nous mangeons encore aujourd’hui, mais dans des condi- tions meilleures, et cette existence toute de crainte, de pri- vations, de misères, était analogue à celle que nous voyons mener de nos jours à certaines peuplades arriérées, qui, à travers les stades successifs de la civilisation, sont restées dans un état voisin de l'état de nature. Mais peu à peu l’homme cherche à sortir de cet état précaire et à faciliter ses moyens de lutte ; il invente des armes factices n’en ayant pas de naturelles, et ces premières armes, servies par son intelligence et son audace, centuplent ses moyens de défense et d'attaque. À partir de ce jour, il déclare la guerre à toute la nature animée ; ce sera une guerre à mort, poursuivie sans trève ni merci, guerre impitoyable, où malgré toutes les apparences, ce n’est pas la force qui prime le droit, mais l'intelligence et l'esprit qui viennent à bout de la matière brutale. Les premières péripéties de cette lutte se perdent dans la nuit de la préhistoire, mais les fouilles des géologues nous en ont fait retrouver les instruments. Dans un journal quotidien qui ne date que d'hier‘, à propos d’une de ces manifestations que l'on attribue à la politique et qui ne sont peut-être qu'un réveil instinctif de notre besoin de domination sur les animaux, je lis que l’on a arrêté deux anarchistes qui déclarent être d'anciens garcons bouchers ; ils étaient armés d’os de Moutons transformés dans leurs mains en massues redoutables. Ce détail donne beaucoup de poids à l’idée que je me fais de l’origine des mouvements popu- laires, car nous voyons ces mêmes armes entre les mains de nos premiers ancêtres. Une pierre tenue à la main, un bâton, une massue, les mirent sur un pied d'égalité avec le Bélier qui frappe avec sa tête ou le Cheval qui rue avec son pied ; au moyen de pointes aiguës, ils peuvent percer comme le Taureau avec sa corne ou comme l'oiseau de proie avec son bec : avec des silex tranchants, ils lacèrent et coupent comme les carnivores avec leurs dents et ils empruntent même ces armes toutes préparées à leurs ennemis, car dans les cavernes à ossements de l’époque moustérienne, on trouve des maächoires d'ours et de tigres pourvues de leurs canines (1) Gaulois, 24 janvier 1891. LA LUTTE DE L'HOMME CONTRE LES ANIMAUX. 695 formidables et faconnées de manière à constituer entre les mains de l’homme une arme des plus dangereuses. On a été longtemps sans comprendre la nature des pre- miers instruments en pierre que l’on découvrait dans les fouilles. Les Grecs et les Romains les considéraient comme des pierres tombées des nuages pendant les temps d'orage, et pour ce motif les désignerent sous le nom de ceraunies, ce qui veut dire pierres de tonnerre ou pierres de foudre. Galba, avant de devenir empereur, ayant vu tomber la foudre dans un lac des Cantabres, le fit fouiller et y trouva douze haches ; RS SR 3 S ST ; M) 7 di (e ! \ ÈS > = = Vertèbre de Renne percée d’une pointe de silex. (Extrait de L'Enfance de l'humanité, du Dr Verneau. Paris, Hachette.) il les considéra naturellement comme des amulettes éma- nant directement des puissances célestes qui l'informaient par ce moyen qu'il deviendrait empereur. L'Espagne apporta une fois, comme tribut à Rome une pierre de foudre et on se servit de céraunies pour orner les diadèmes d'Isis et de Junon. Les guerriers germains en portaient sur leurs casques d’or pour s'assurer la victoire, et au x1Ie siècle, Marbode, évêque de Rennes, leur attribuait des vertus surnaturelles, dont une page entière contiendrait à peine l’énumération. Enfin, en Italie, on suspendait des pointes de flèche en silex aux cha- pelets et aux colliers pour préserver du mauvais œil. Ce n’est que vers la fin du xvre siècle que l’on commença à soupçonner leur véritable nature, maïs ce n’est qu’en 1723 que de Jussieu, comparant la pierre de foudre aux instru- 694 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. ments encore en usage chez les peuples primitifs, proclama devant l’Académie qu'avant la découverte des métaux les habitants de la France et de l'Allemagne devaient être de véritables sauvages et que les pierres de foudre étaient les armes et les outils dont ils se servaient. Petit à petit la vérité se dégageait. Vers le milieu de ce siècle, à la suite de fouilles faites dans les sépultures du Danemark, elle éclata lumineuse à tous les yeux. Enfin, tout dernièrement, les fouilles de MM. Lartet et Christy, en Dordogne, prenaient sur le fait l'arme de nos premiers ancêtres et retrouvaient aux Eyzies une vertèbre de jeune Renne traversée par une pointe de silex qui était restée dans l’os après avoir tué l’animal. (Projection : Veréèbre de Renne percée d’une pointe de silex.) Telles furent les armes des premiers êtres humains, armes essentiellement de chasse, car chasseurs ils devaient l'être pour se défendre contre les grands animaux et contre les carnassiers redoutables, et de même que leurs premières armes sont des armes de chasse, leurs premières œuvres d’art sont la reproduction de sujets de chasse. Sur une corne de Renne nous trouvons gravées en creux des têtes de Che- vaux, des têtes de Bouc au milieu desquelles se promène un petit bonhomme portant pour tout attirail un bâton ou casse- tête qu'il tient de la main droite et appuie sur son épaule. C’est l’anarchiste de ce temps-là. Puis sur un autre fragment de corne de Renne découvert à Laugerie-Basse, nous voyons un chasseur couché à plat ventre, à l’affüt d’un Aurochs qu'il se prépare à harponner au moyen d'une sagaie attachée à une corde. Beaucoup d’autres gravures primitives nous (Projection : Afüé à l’Aurochs gravé sur corne de Renne.) donnent sinon des représentations complètes de chasse, sujets un peu complexes pour les artistes inexpérimentés de cette époque, du moins des représentations individuelles d'animaux blessés et presque toujours blessés aux pattes ou à la jonction des pattes et du corps, ce qui indique que les premiers chasseurs, se rendant bien compte de l’in- suffisance de leurs armes pour donner la mort d’un seul coup, cherchaient à atteindre leur proie aux endroits les plus susceptibles de retarder leur course et de les empêcher de s'échapper. Aux armes de pierre succédèrent les armes de LA LUTTE DE L'HOMME CONTRE LES ANIMAUX. bronze, puis les armes de fer, et sur toute la surface du globe, la néces- sité de donner la mort pour se dé- fendre ou pour se nourrir, pour É# conquérir les espaces incultes sur les animaux qui les détenaient, se montre à nous comme le premier stimulant du perfectionnement des facultés humaines et comme la base de toute civilisation. Aujourd'hui que nous vivons dans une sécurité relative, par rapport aux attaques des fauves et des gros animaux, nous avons quelque peine à nous figurer ce que fut l’état de lutte continuelle des premiers hommes contre les êtres sauvages qu'ils trouvèrent en possession du sol, et nous sommes même tentés de traiter un peu dédaigneusement les Nemrods modernes, les succes- seurs de ces héros que les civilisa- tions antiques divinisèrent, parce qu'étant plus près de l'époque de lutie, sinon en pleine période de combats, elles comprenaient mieux les services rendus à l'humanité par les chasseurs qui, déblayant le terrain, préparaient l'avènement de la période pastorale, puis de la pé- riode industrielle, ces évolutions successives et nécessaires de toute civilisation. C'est ainsi que Bès en Egypte, Izdubar et Hea-Bani en Chaldée, Melkart en Phénicie, Sam- l£ son en Judée, Hercule en Grèce, Ÿ sont les personnifications de l’âge de lutte contre les grands animaux. Afût à l’Aurochs gravé sur corne de Renne. 695 (Œxirait des Origines de la chasse, par Mortillet. Paris, Lecrosnier et Babé,) 696 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Castor et Pollux, Persée et Thésée sont d'intrépides chas- seurs de bêtes fauves. Adonis et Méléagre trouvent la mort dans ces luttes contre les monstres dont lies anciens codes font à l’homme un devoir. La loi de Zoroastre fait une obli- gation de détruire les animaux nuisibles, œuvre détestée d’Ahriman, et les bêtes fauves sont représentées dans la Bible comme un des quatre fléaux dont les hommes sont menacés : € En même temps, je vis paraitre un cheval pâle et celui qui élait monté dessus s'appelait la Mort, et l'enfer le sui- vant et le pouvoir lui fut donné sur la quatrième partie de la terre pour y faire mourir les hommes par l'épée, par 1 famine, par la maladie et par les bêles sauvages. » Aïnsi nous apparaît la mort dans l’Apocalypse (1). Ezéchiel avait menacé Jérusalem dans des termes sem- blables de la colère divine : « J'enverrai tout ensemble contre Jérusalem ces quatre plaies mortelles, l'épée, la famine, les bêtes fauves et la peste pour y faire mourir les hommes (À). L'homme s’est défendu avec énergie et d’une facon vic- torieuse, on peut le dire; mais qu'on ne s’y trompe pas; la guerre n’est pas encore finie, la lutte dure encore, et il suffirait de quelques années de désarmement, de quelques années de repos, pour étre de nouveau envahis par les bêtes sauvages, et pour voir menacée sérieusement la paix qui règne déjà sur les territoires civilisés. Ce n’est que par un effort continuel et une vigilance incessante que l’homme maintient sur terre sa domination. Nous en avons la preuve dans les statistiques modernes qui nous font toucher du doigt combien nous sommes encore en pleine période de destruction. Dans l'Inde, où l’homme civilisé se trouve placé aux avant-postes de combat, les rap- ports officiels publiés chaque année accusent une mortalité de 22 à 23,000 êtres humains qui périssent sous la dent des fauves ou par le venin des Serpents. Et ces statistiques ne portent que sur quelques provinces, où le service est bien organisé, comme le Bengale, l'Oudh et les provinces du nord-ouest. Quant aux animaux auxiliaires de la civilisation, aux ani- maux domestiques, il en périt un nombre plus grand encore, (1) Apocalypse ; ch. vi, v. 8. -(2) Ezéchiel ; ch. x1v, v. 21. me ES LA LUTTE DE L'HOMME CONTRE LES ANIMAUX. 697 et le chiffre de 60,000 par an est facilement atteint. Vous pensez bien cependant que l’homme exerce sur les animaux nuisibles de ces contrées de cruelles représailles, et la même statistique enregistre la mort violente de 1,835 Tigres, 1,874 Ours, 6,278 Loups et plus de 300,000 Serpents ! Le gou- { #\ il Poste français attaqué par les Tigres au Tonkin. (D’après une gravure du Petit Parisien illustré, du 25 janvier 1891.) vernement paie des primes pour ces destructions ; elles sont donc constatées d'une facon officielle et très suffisamment exacte. Ceci vous donne une idée de l'intensité des bêtes fauves sur certains points du globe, où elles disputent pied à pied à l'homme la possession de leurs repaires, et tout derniè- 698 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. rement, au Tonkin, une de nos colonnes fut attaquée par des Tigres et un petit poste ne dut son salut qu’à la précision de ses armes à feu. Je puis vous faire voir cet épisode de la guerre coloniale dans ce pays que l’on a appelé un placement de père de famille. (Projection : Poste francais attaqué par des Tigres au Tonkin.) Je n'ai pas besoin d'aller si loin pour voir l’homme à l'œuvre dans sa mission destructive contre les animaux. Une statistique dressée en Prusse pour l’année 1886, n’enregistre pas au tableau des Tigres et des Ours, il est vrai, mais accuse la destruction de 84,801 Renards, 5,051 Blaireaux, 606 Chats sauvages, 5,475 Martes, 5,312 Fouines, 27,608 Putois, 23,578 Belettes, 4,092 Loutres et 119,691 oiseaux de proie. Voyez ce que cela représente d’incursions dans les basseés-cours et de produits utilisables perdus pour l'humanité! Et il n’y a pas si longtemps qu’en France les bêtes fauves exercaient leurs ravages jusqu'aux portes de Paris! L’archéo- logie et la science préhistorique nous ont montré que notre territoire avait été peuplé d'Ours et de Lions, d’Eléphants et de Rhinocéros. Nos ancétres, aidés, il est vrai, par un puissant auxiliaire, le changement de climat, les ont fait dis- paraître, maïs jusqu’à nos jours, les Loups, par exemple, sont restés de terribles ravageurs de nos plaines et de nos forêts. Les mémoires du temps passé sont remplis du récit de leurs méfaits. En 1595, Pierre de l'Estoile, sous le bon roi Henri IV, parle d’un loup qui, traversant la Seine à la nage, vint cueillir un enfant sur la place de Grève et le manger. C'était sa facon à lui, de comprendre la poule au pot. Aussi dut-on, dès les premiers temps de notre organisation sociale, s'occuper officiellement de leur destruction et créer pour poursuivre les loups et protéger les populations, un corps de fonction- naires spéciaux. Charlemagne ordonna à ses comtes d'établir, chacun dans son gouvernement deux louvetiers (luparii), et le fameux capitulaire « de Villis » ne néglige d’in- diquer aucune des prescriptions nécessaires pour combattre ces animaux avec efficacité. Cependant jusqu'à la fin du xvire siècle, non seulement il y eut surabondance de loups communs, de loups vulgaires, ce que j'appellerai le corps du LA LUTTE DE L'HOMME CONTRE LES ANIMAUX. 699 ballet, mais il y eut parmi ces loups des étoiles et des pre- miers sujets, qui se sont fait un nom et se sont immortalisés dans notre histoire. L'un de ceux qui fit le plus parler de lui, dans les gazettes du temps, par les reporters de l’époque, fut celui qui est connu sous le nom de Bêle du Gévaudan. Nous savons au- jourd’hui sans conteste, que cette bête n’était qu'un loup, peut-être même deux loups, mais de son vivant la supersti- tion et la terreur populaires lui avaient prêté les formes les plus fantastiques empruntées aux grands félins, au Singe et à la Hyène. : la Bére DH Gao 1 Î 6% (Projection : La Béte du Gévaudan, d'après une gravure de 1764.) Elle avait, disait-on, la gueule presque semblable à celle du Lion, mais beaucoup plus grande, des oreilles pointues se dressaient au-dessus de sa tête, deux rangées de dents dont deux ressemblaient à des défenses de Sanglier, un dos de Requin recouvert d’écailles de Crocodile, des sabots aux pattes de derrière comme le Cheval, ia queue d’un Léopard et les dimensions d'un Veau, enfin tout ce que l’imagina- tion populaire pouvait lui prêter lorsque l'imagination po- pulaire se met à faire une œuvre d'art ! Ce loup avait pris un goût tout particulier pour la chair humaine, et c'est vers le mois de juin 1764 qu'il se mit à table. Pendant près de dix-huit mois il répandit une terreur inouïe en Bourgogne 700 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. et en Auvergne, dévorant de préférence les femmes et les enfants. On envoya un détachement de dragons pour l’atta- quer dans son repaire: cinquante-six dragons du régiment de Clermont-Prince, sous les ordres de M. Duhamel, mais ils ne purent l’atteindre en six mois de poursuites. On pouvait déjà dire des dragons comme des carabiniers de l’opérette moderne, qu'ils arrivaient toujours trop tard. Puis un des plus célèbres louvetiers normands, M. d'Enneval, qui avait, dans son pays, détruit plus de mille Loups, vint l’attaquer avec ses meutes et diriger les chasses, sans plus de succès. La maudite bête échappait toujours ! Connaissant son pen- chant pour le beau sexe, M. d'Enneval avait fait attacher à des poteaux de gros Moutons coiffés et habillés en femme, dressés sur leurs pattes de derrière et les bras ouverts, mais le rusé compère ne s’y laissait pas prendre et évitait les em- buscades où l’attendaient les chasseurs s’il était venu donner des sérénades gastronomiques à ces Moutons déguisés. L’évêque de Mende ordonna des prières publiques, comme au temps des plus grandes calamités, et les États du Langue- doc votèrent une récompense importante au vainqueur du monstre. Enfin, le roi Louis XV confia la mission de détruire la bête à un des meilleurs officiers de sa louveterie, le che- valier Antoine, porte-arquebuse de Sa Majesté qui partit pour le Gévaudan avec les équipages royaux et des gardes choisis dans les capitaineries de Saint-Germain et de Versailles. Pendant deux mois encore le chevalier Antoine lui fit une guerre sans relâche, détruisant chemin faisant nombre de loups sans doute, maïs ne pouvant jamais rejoindre celui que l’on cherchait de toutes parts et qui continuait ses ravages, se transportant avec une célérité étonnante d’un point à un autre souvent fort éloigné. Enfin le 20 septembre 1965 le che- valier Antoine fut avisé que l’animal avait été aperçu dans les bois de l’abbaye royale de Chases où il envoya aussitôt les valets de limier et quarante tireurs de Langeac. Lui-même se postant habilement dans un défilé par où il jugeait que le Loup pouvait passer, le vit venir dans un sentier et comme il tournait la tête pour le regarder, il lui tira par derrière un coup de tromblon qui était chargé de cinq dés de poudre, de trente-cinq postes ou chevrotines et d’une balle de ca- libre. Cette mitraillade jeta la bête par terre, mais elle se LA LUTTE DE L'HOMME CONTRE LES ANIMAUX. 704 releva et courut sur le chasseur. M. Antoine appela au secours et ce fut un garde du duc d'Orléans, nommé Reinhardt, qui, arrivant à temps, déchargea un coup de carabine sur la bête en furie. Elle fit encore vingt pas'en plaine avant de tomber morte. Le fils du brave porte-arquebuse porta le cadavre. à Paris pour le présenter au roi. Cet animal avait tué quatre- vingt-trois personnes, en avait blessé vingt-cinq ou trente et on avait dépensé pour arriver à sa destruction plus de 29,000 livres, comme il ressort d’un compte de dépenses qui est conservé à la Bibliothèque. Les populations délivrées ne respirèrent pas longtemps cependant, car l’année suivante un nouveau loup se mit à prendre la suite des affaires de la bête du Gévaudan, si bien que l’on crut un instant que l’on s'était trompé et il fallut recommencer la campagne qui fut menée cette fois. par le marquis d'Apcher, dont un des gardes, le sieur Chastel, tua cette nouvelle bête et peu après une autre femelle qui n’était pas moins redoutable. Le Gévaudan n'eut pas seul la spécialité des Loups fameux. Il y en eut dans presque toutes les provinces de France, et le vainqueur du Loup du Gévaudan se signale encore, notam- ment aux environs de Versailles, en y détruisant un Loup monstrueux dont le roi fit peindre la prise par Oudry au même titre que les plus grandes batailles de ses généraux et dont l'original est une des belles toiles de ce peintre dans le musée du Louvre. (Projection : ÆHallali du grand loup de Versailles.) Les registres des paroisses mentionnaient à chaque instant la sépulture de jambes, de bras, ou de parties de cadavres, provenant des sanglants exploits de ces terribles fauves contre lesquels le gouvernement français dut à plusieurs re- prises prendre des mesures énergiques. En 1797, un état des primes payées pour leur destruction nous indique qu'on n’en avait tué cette année là pas moins de 5,351. Le Marchand Gonicourt, membre du Conseil des Cinq cents, avait porté la question de la destruction des Loups devant l’auguste assemblée dans les termes suivants qui sont assez pittoresques : « Des renseignements positifs ont instruit votre Commis- 302 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. sion que ces animaux féroces commencent à donner de justes inquiétudes ; que voyant sans doute quelques Moutons se réunir, ils ont cru devoir en faire autant. » Ces paroles pro- voquèrent une bruyante hilarité, nous dit le Monileur du 15 messidor, mais on n’en vota pas moins une loi qui récom- pensait en monnaie sonnante et non en assignats, la destruc- tion de ces fauves. Vous venez de voir la part prise dans la destruction du Loup du Gévaudan par l’équipage de Louis XV. Depuis Henri IV, un équipage pour la chasse du loup avait toujours été attaché à la maison royale. Le Béarnais, passionné pour toutes les chasses rudes et difficiles, avait créé ce service en attachant à sa maison la meute alors fameuse de M. d’Andresy et avait mis la louveterie sur le pied où elle était encore au xvicsiècle. De cette facon les rois de France ne satisfaisaient pas seulement à leurs plaisirs, mais ils continuaient la mission providentielle que les hommes se sont transmis d'âge en âge depuis les temps les plus reculés ; en luttant contre les bêtes fauves et en détruisant les animaux nuisibles. La vieille France a donc donné le jour à une foule de lou- vetiers illustres. Je ne vous parlerai ni des Jean de Clamor- san, auteur du premier traité sur la chasse du Loup, ni du seigneur d’Andresy, ni de Robert Monthois autre auteur cynégétique fameux, ni de Saint-Victor pauvre gentilhomme de province qui, jusqu'à l’âge de quatre-vingt-quatre ans, courut le pays avec sa meute et ses gens « sans avoir d'autre asile que son équipage et les lieux qu’il louait pour s’y éta- blir, vivant là comme dans un camp avec ses domestiques et partageant avec eux, à la fin de l’année, ce qui lui restait de ses faibles revenus ». Aujourd'hui on dirait de lui que c'était un socialiste ! Leverrier de la Conterie, d'Oillamson, Le Pro- vost, de Saint-Sauveur, le chevalier de Lisle de Moncel, le comte de Vigny, aïeul du poète, les la Rochejaquelein, le marquis du Hallays, le baron d'Haneucourt, ont laissé des noms célèbres dans l’histoire de la lutte contre les bêtes fauves de notre pays. Disons toutefois un mot d’une Diane chasseresse que nous trouvons exerçant son art en pleine période de la Révolution. Marie-Cécile-Charlotte de Laurétan naquit à Zutkerque, LA LUTTE DE L'HOMME CONTRE LES ANIMAUX. 703 château des environs d'Andruicq, dans le Pas-de-Calais, le 17 août 1747. Elle avait vingt-quatre ans lorsqu'elle épousa le baron de Draeck dont elle eut un fils qu’elle perdit jeune, et pour se distraire de ce violent chagrin, elle s’adonna à la chasse et se voua à la destruction des bêtes fauves et notam- ment des loups qui étaient particulièrement nombreux alors dans la contrée, où ils avaient trouvé un repaire inaccessible dans la forêt d'Eperlecques. Bientôt elle se consacra si com- plètement à cette poursuite qu'elle revêtit le costume masculin. pour traverser plus facilement les bois et les fourrés où elle allait appuyer ses chiens. « Il fallait, dit un récit du temps, la voir la tête nue, l’epieu au poing, parcourir les coteaux suivie de chasseurs à la mine sauvage et de chiens non moins rébarbatifs. Les paysans effrayés faisaient la haie au cortège et les jeunes filles n’écartaient qu'en tremblant les rideaux des fénêtres pour voir passer la Diane de Brédenarde, avec ses sanglants trophées dont, au retour, on clouait les têtes contre la porte du château. » Six cent quatre-vingts Loups périrent ainsi de la propre main de la baronne, qui finit par purger la contrée de ces fauves et alors elle dut se contenter de proies de moindre importance et poursuivre les Renards, les Blai- reaux et les Lièvres. Les services qu’elle avait ainsi rendus aux paysans auraient dû lui assurer le respect de tous, mais, pendant la Révolution, « en bloc » (1) le peuple, surexcité, ne distinguait pas toujours entre ses bienfaiteurs et ses ennemis, et le château de Zutkerque fut pillé et saccagé par des bandes de soi-disant patriotes qui semblaient travailler à venger les Loups. La baronne n’en continua pas moins à chasser, et de 1809 à 1813, elle est encore signalée comme dirigeant des bat- tues dans le Pas-de-Calais, notamment à Ablain-Saint-Nazaire et à Hesdin. Elle mourut sans postérité le 19 janvier 1823 et repose dans le cimetière de Zutkerque, où l’on peut voir sa tombe. La baronne avait un piqueur non moins extraordi- naire qu'elle et non moins enragé pour la chasse ; c'était bien le cas de dire comme vous allez voir « tel maitre, tel valet ». Peu de temps avant la mort de la baronne, le général qui commandait à Boulogne-sur-Mer lui avait fait demander de lui envoyer quelqu'un pour apprendre à son ordonnänce à (1) « La Révolution est un bloc dont on ne saurait rien distraire... » [Discours de M. Clémenceau à la Chambre des Députés, le 29 janvier 1891), 10% REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. sonner de la trompe. La baronne lui envoya... sa femme de chambre, la fameuse Caroline qui portait, comme sa mai- tresse, le costume masculin. Celle-ci n’est morte à Zutkerque qu’en 1854 où 1855, et pour obéir aux dernières volontés de la baronne, elle ne quitta jamais son costume viril. Une longue blouse bleue lui descendait jusqu'aux chevilles, laissant voir le bas des jambes du pantalon ; elle portait les cheveux cou- pés courts et était coiffée d’une casquette. C’est dans cet atti- rail que, jusqu'à sa mort, on a pu la voir parcourant le pays où elle vendait des balais de bouleau coupés dans les bois que l'on pouvait maintenant, grâce à elle et à sa maîtresse, par- courir en tous sens impunément, sans craindre de fàcheuses rencontres, du moins de la part des bêtes féroces. (A suivre.) il. EXTRAITS DES PROCÈS - VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. SÉANCE GÉNÉRALE DU 20 MARS 1891. PRÉSIDENCE DE M. A. GEOFFROY SAINT-HILAIRE, PRÉSIDENT. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. — M. le Président proclame les noms des membres récem- ment admis par le Conseil : | MM. PRÉSENTATEURS. BELLAN (Georges), étudiant en Hédeciries. Desbrosses. 13, rue Jacques-Dulud, à Neuilly-sur- 4 Martin. Seine. Saint-Yves Ménard. : nue A. Berthoule. 1 ui de Naujac, par pr: l'abbé Laborde. G. Mathias. Horror (Léon), licencié en droit, 51, rue d pertoue: de Colombes, à Courbevoie (Seine). Re La % D' L. Le Fort. LarTour (le D' DE), propriétaire, à Saint- a peroute Paul- Trois-Châteaux (Drôme). PUS D D' L. Le Fort. Nasr (Léon-André-Touis), négociant, 20, a NN | rue d'Hauteville, à Paris AN RÉ k ï Ed. Wuirion. È à ffr . me . . PLonTz (Henri), propriétaire, villa Saint- Er Connor Eee Jean, à Grandpré (Ardennes). nr : L. Vaillant. RéviLLon (Stanislas), négociant en pelle- { A. Geoffroy Saint-Hilaire. teries, 89, rue des Petits-Champs, à 4 Arthur Porte. Paris. Ed. Wuirion. À. Berthoule. D' L. Le Fort. H. de Vilmorin. TOURCHOT (A.-L.), négociant, 120, rue Chapel, à Ottawa (Canada). M. le Secrétaire procède au dépouillement de la correspon- dance : MM. Hottot, de Courbevoie, et Clovis Vasseur, de Marguet (Ardennes), adressent des remerciements au sujet de leur ré- cente admission. | — M. Albouy, directeur de l'établissement de pisciculture de Quillan, écrit à M. le Secrétaire général : 5 Mai 1891. 45 706 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. « Le moment est venu de vous rendre compte de nos opérations sur 1e dernier envoi d'œufs de Saimo Quinnai qui m'est parvenu par vos soins le 20 janvier dernier, » Placés dans les incubateurs du laboratoire de Quillan, dès le 21, l’éclosion des nouveaux venus a été plus laborieuse que d’habitude. Cela tient, sans doute, à la température glaciale qui a régné pendant tout le temps de leur voyage. Alors que les années précédentes tout le monde était sorti de sa prison dans la quinzaine de l’arrivée, c’est à peine si, cette année, l’on pouvait en compter la moitié un mois el demi après. » Les éclosions sont complètes depuis le 12 mars, et la situation au 15 s'établit ainsi qu’il suit : Nombre.d'œufsmecus#e.E MAMAN. EN TT PONEr 66.858 Pérteau(déballase Mere 2 PRE Ne RER 457 Es 2 janvier HG: | du 22 au 31 PTE OT RME EN 2 ANT nel 162 2.790 —-du, Lau PSE VHIeL RER ET NN OUEE 1.164 — pendant la première quinzaine de mars.... 331 Reste dans les augeltes, alevins} CIF 64.128 » Il résulle de ce compte que, jusqu’à présent, nous arrivons avec une perte d'environ 4 0/0. » Je ne puis pas prévoir les sacrifices que nous imposera la période de résorption de la vésicule. Mais les alevins paraissent vigoureux, et tout semble indiquer que nos résultats, déjà bien supérieurs à ceux des années précédentes, se maintiendront à un niveau satisfaisant. » — M. le Dr J.-J. Lafon complète en ces termes les obser- vations qu’il a présentées déjà sur l’action de la présence du Coq sur la ponte des Poules. « Puisque la communication que j’ai eu l'honneur de faire, au sujet de la question de l'influence du Coq dans une basse-cour sur la pro- duction des œufs, vous a paru avoir de l'intérêt, je vais compléter l’observation de la Poule Langshan ayant eu deux Poussins dans les premiers jours d'octobre, en ajoutant que des deux Poussins un seul s'est élevé ; c’est une Poule, par conséquent aujourd'hui âgée de cinq mois, elle a pondu son premier œuf le 10 mars 1S91, tandis que sa mère, avec laquelle elle est toujours restée sans Coq, garde le nid pour couver. » La race Langshan n'est cependant pas une race précoce, mais, comme pour la production des œufs, la PE DOUTE bien dé- pendre aussi de la nourriture et de l'hygiène. » — MM. Martial, de Riom, et Rathelot, de Paris, remercient la Société pour les œufs de Saumon qu'ils ont reçus. — Un grand nombre de demandes sont adressées à la PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 707 Société pour prendre part à la répartition des graines annon- cées dans le supplément de la Revue. — M. Vilbouchevitch nous communique les quelques obser- vations suivantes, que lui a adressées, à propos de son article sur les Tamarix, M. Gaston Gautier, auteur d’un travail re- marquable paru dans la Revue scientifique du 4 mars 18%6, sous le titre de : « La culture des terrains salés » : « À propos du Tamarix Gallica, je vous dirai que c’est un arbris- seau répandu dans tout notre midi. Il vient admirablement dans les terres salées, mais aussi dans celles qui ne contiennent pas de chlo- rures, à condition que les vents de la mer lui apportent, de temps à autre, des émanations marines. Je l’ai rencontré cependant assez sou- vent, même dans l’intérieur des terres, et venant très vigoureusement. Je crois donc plutôt que c’est une plante qui s’accommode d'un mi- lieu salé, mais qui n’a pas nécessairement besoin de ce milieu. Il n’en est pas de même de certaines espèces, comme les Staticées par exemple, qui ne sauraient vivre autre part que dans ce milieu salin. Le Tama- rix n’est ici employé que comme bois à chauffer dans les campagnes et pour tenir les talus des chemins et fossés. Il y a longtemps que j'avais signalé les propriétés tanniques de ses écorces et de ses gales. : » Quant au Tamarix Germanica (Myricaria), je crois que vous avez tort de le considérer comme capable de croître dans les terrains salés. Il vient aussi dans notre département, sur les bords des rivières. C’est une plante qui ne pousse guère que dans les sables et qui périrait infailliblement là où elle rencontrerait une notable proportion de sel. Ce qui lui est plus nécessaire, je crois, c’est la nature physique du sol désagrégé, sableux. » — M. Fabre-Firmin rend compte de ses cultures de Crosnes du Japon. — M. le Dr Léon Le Fort rend compte d’une expérience qu'il poursuit depuis plusieurs années en Sologne où il entre- tient un troupeau de Dindons sauvages d'Amérique (Voyez Revue, p. 561). — M. le Dr Jousset de Bellesme, directeur de l’Aquarium du Trocadéro, lit un mémoire sur des tentatives d'empoisson- nement des rivières du bassin de la Seine en Saumon de Ca- lifornie (Voyez Revue, p. 594). Au cours de la séance MM. Chappellier, comte d’'Esterno, Fallou, Mailles et Rathelot, réunis en commission, ont procédé 708 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. au dépouillement des votes pour la nomination du Bureau et des Membres du Conseil sortants. Le nombre des votants était de 368. Voici le chiffre des voix obtenues par chacun des candidats : Président : M. A. Geoffroy Saint-Hilaire......... 366 Voce=présrdentse MM: D'LenHont et EN Er ONU delOuatrefases rene cr CAS 0O Marquise RSinEEMReEre" 366 Leon Vaillant RER 368 Secrétaire général: M: À. Berthoule.............. 367 Secrétaires : MM. Eug. Dupin (Intérieur)......... 368 Raveret-Wattel (Conseil)....... 368 Saint-Yves Ménard (Séances)... 368 P.-A. Pichot (Etranger)........ 368 TeSoncente AMPNCE orSeSAMAUNAS EEE CPP EEE ER 366 Membres auNConseE MINI D EREEMeNe.E CCPACEREE 368 À. Milve-Edwards...... 369 Dr Constantin Paul... . 366 Marquis de Selve...... 367 En conséquence, sont élus pour 1891 : Président : M. A. Geoffroy Saint-Hilaire. Vice-Présidents : MM. D' Le Fort, de Quatrefages, marquis de Sinéty, Léon Vaillant. Secrétaire général : M. A. Berthoule. Secrétaires : MM. Eug. Dupin (Intérieur), Raveret-Wattel (Conseil), Saint-Yves Ménard (Séances), P.-A. Pichot (Etranger). | Trésorier : M. Georges Mathias. Membres du Conseil : MM. D' Mène, A. Milne-Edwards, D' Constantin Paul et marquis de Selve. Le secrétaire des séances, D' SAINT-YVES MÉNARD. II. CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. Académie des Sciences. — Séance du 16 mars. — Effets du froid sur les poissons marins. — Les froids exceptionnels qui ont régné en Provence, au mois de janvier, m'ont fait connaître quelques particula- rités intéressantes au sujet de la sensibilité ou de la résistance de certaines espèces de poissons marins. Mes observations constituent deux catégories bien distinctes : les unes ont porté sur des animaux gardés en captivité, les autres se rattachent à des phénomènes qui se sont produits en pleine nature, dans l'étang saumâtre de Berre. Au laboratoire maritime d'Endoume (Marseille), plusieurs bacs de 896 litres, absolument isolés, établis dans une vaste salle au rez-de- chaussée, non chauffée, étaient peuplés depuis plusieurs mois de di- vers poissons, la plupart adultes, quelques-uns encore à l’état d’ale- vins et en voie de croissance, tous bien adaptés au milieu et prenant la nourriture qui leur était régulièrement distribuée. Il s’agit donc d'individus en parfait état de vigueur. Cette collection ichtyologique comprenait les espèces suivantes : Hippocampus guitulatus Cuy. Blennius pavo Risso. Blennius tentacularis Brun. : Gobius capito Val. Sargus vulgaris S. St.-H. Sargus Rondeletii C. et V. (adultes Box salpa L. et alevins). Pagellus bogaraveo Brun. Oblada menalura 1. (jeunes). Crenilabrus massa Risso (et Var.). Smaris vulgaris Cuv. et Val. Julis Giofredi Risso. Julis vulgaris Cuv. et Val. Motella fusca Risso. Mugit auratus KR. (jeunes). Peu de temps après les premières gelées de décembre, la tempéra- ture des bacs descendit à + 8° C. Ce refroidissement, qui ne me semblait pas encore devoir être bien grave, fut cependant immédia- tement ressenti à des degrés divers par nos poissons. Tous devinrent moins actifs et refusèrent la pâture d'Amphipodes vivants sur laquelle ils se jetaient auparavant avec avidité. Les Girelles ne tardèrent pas à manifester un malaise plus accentué. Au bout de deux jours, durant lesquels la température de + 8° s'était maintenue, elles moururent, à l'exception d'une seule, d'assez forte taille, qui avait déjà résisté à des blessures provenant de morsures des Oblades et qui ne périt que plus tard, à + 40 C. . Après quelques journées d’accalmie, le froid s'établit d'une manière persistante et progressive à partir du 6 janvier jusqu’au 23, atteignant, le 18, au jour, en dehors du laboratoire, — 92,5. A l'intérieur, l’eau de nos bacs, qui, à dessein, ne fut pas renouvelée, descendait pro- gressivement d’abord à + 5 le 10 janvier, puis à + 3 le 17, à + 2 les 20, 21 et 22, pour remonter, à partir du 23 jusqu’au 31, d’abord à 710 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. + 4, puis à E 5, + 8 et à + 9 le 26, moment où s'est arrêtée la mortalité de nos poissons. Tous résistaient encore à l'exception des Girelles, du 10 au 12 janvier, et subissaient la température de + 4. Bientôt, cependant, on en voyait quelques-uns nager avec affolement, puis perdre l'équilibre de leur attitude habituelle et arriver le ventre en l'air à la surface, s’agitant encore lentement un jour ou deux lors- qu’on les excitait, montrant de véritables congestions dans les orbites et au voisinage des ouïes, et finissant par périr, alors même qu'on les plaçait à ce moment dans de l’eau plus chaude. Les Box salpa, les Oblada melanura, les Pagellus bogaraveo, les Smaris vulgaris, les Sargus vulgaris, les Sargus Rondeletii ont élé frappés successivement, mon- trant plus ou moins de résistance individuelle, après avoir été exposés durant quatre jours à la température de + 4°. Les individus les plus endurants de ces espèces s’éteignaient quelques jours plus tard, lors- qu’ils avaient subi l’abaissement à + 3 et à + 2. A ce moment, les alevins de Sargus Rondeletii ont manifesté à leur tour du malaise el ont succombé au bout de trois jours en même temps que l’Hippo- campe, les Blennies, l’un des petits Mugils et quelques Crénilabres. Il ne survivait, le 26 janvier, quand l’eau des bacs était remontée à —+ 9°, que les deux tiers de nos Crénilabres, un Mugil auratus jeune, les Motella fusca et tous les Golius capito. On remarquera que ces poissons vivent d'ordinaire dans la zone liltorale, où ils doivent être exposés plus que tous les autres aux oscillations thermiques. Ils n’au- raient pas été soumis d’ailleurs, en liberté, à de si rudes épreuves. En effet, tandis que la neige couvrait le rivage avec un froid de — "7 à — 9,9, les eaux de la mer à la côte, dans l’anse des Cuivres, n'étaient pas descendues au-dessous de —+- 10°. Toutes nos bêtes, sans excep- ter les Girelles, auraient donc pu traverser cette période critique sans se réfugier dans les zones plus profondes. -Les conditions favorables de la pleine mer ne se maintiennent pas, on le comprend aisément, dans nos lagunes et aux embouchures du Rhône, ni même dans le grand étang saumâtre de Berre, qui a éprouvé cette année une dépopulation extraordinaire, du moins en ce qui con- cérne sa faune ichthyologique adventice. Je rappelle que l'étang de Berre est une petite mer intérieure, de plus de 15,000 hectares de su- perficie, mais dont la profondeur maximum ne dépasse pas 8 mètres à 10 mètres. La salure des eaux varie, suivant les points et les circons- tances, entre 0°,5 B. et 2°,5: tandis qu'au même densimètre et à Ja même température la mer, au large du laboratoire de Marseille, accuse 4 B. Presque chaque année le froid tue ou endommage dans l'étang une certaine quantité de poissons. Ce phénomène est connu sous le nom de Yartegado. Les Sardines sont frappées lés premières, en de- cembre:; au contraire les Melettes (Melelta phaierica), les Esprots mé- diterranéens, résistent aux plus basses températures. Toutefois les eaux ne gèlent qu'exceptionnellement. Cette année, la surface totale CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. . qi de l’élang a été couverte de glaçons qui, chassés par le vent du nord- ouest, se sont cutassés vers la rive sud et y ont persisié plusieurs semaines. Il résulte des observations faites par M. le commissaire de la marine Dangibeaud que, du 18 au 24 janvier, dans les canaux secondaires de Martigues, la température était descendue jusqu’à un mètre sous la glace, à 0° et même à — 1° ; et que le maximum dans le canal maritime, à 6 mètres de profondeur, même avec les courants d'entrée amenant de la « Grande Mer » une eau plus chaude, n’avait pas dépassé + 4°, + 59, + 69, et n'était que de + 1° le 22 janvier, au moment de la sortie des eaux de l’étang vers la mer. Les Muges {(Mugil chelo, cephalus, capito, auratus) et les Loups (Za- brax lupus), qui sont les espèces nomades les plus importantes, ont été absolument anéantis. Les Anguilles ont été aussi fortement atteintes, à l'exception de celles qui, dans les endroits les plus profonds, ont pu s’envaser au début du froid. On aura une idée exacte de ce dommage par les chiffres suivants, représentant les quantités de poissons de cette catégorie pêchés dans l'étang en 1889. Muse 0 289 019kilops: Loupe ee CR 39,012 Ans NE Eu 30,575 Il était important de constater l’état de la faune sédentaire dont les espèces doivent nécessairement posséder plus de rusticité. Cette po- pulation spéciale comprend les animaux suivants : Hippocampus guttulatus, Siphonostoma argentatum, Syngnatus buccu- lentus, Nerophis ophidion, Gobius lota, Gobius j010, Blennius pavo, Cre- nilabrus massa varielas, Flessus passer, Atherina mochon. J'ai reconnu les 23 et 24 février, en exécutant et en suivant les pêches usuelles, que si un certain nombre d'individus de ces espèces avaient succombé, saisis par le froid dans les parties côtières peu profondes, il en persistait du moins de grandes quantités en par- fait état, dans les fonds de 6 mètres à 10 mêtres. Les eaux de l'étang n'étaient encore, le 24 février, à 1 mètre, qu’à + 5° C. Les Melettes, les Aferina hepsetus, les Anchois et les petits Gobius minutus commencçcaient cependant déjà leur mouvement d'entrée. Les Anguilles (Belone acus) qui se présentaient avec eux étaient, par contre, fà- cheusement impressionnées par ces eaux froides ; leurs bandes re- broussaient chemin et quelques-unes se laissaient prendre à demi mortes. J'ai noté ces remarques, que je ne puis exposer plus longuement ici, parce qu’elles me semblaient avoir quelque importance au point de vue de la distribution géographique des espèces. A.-F. MARION. U e IV. CHRONIQUE ÉTRANGÈRE. Exportation des Moutons de Hongrie. M. Pion vient de terminer dans ce numéro son étude sur le Mouton africain. Il nous a semblé intéressant, au moment où l'attention est appelée sur la race ovine, de donner l'extrait d’un document publié par le Pester Lloyd sur l'exportation des Moutons en Hongrie (1) : « Notre exportation de Moutons à l’élranger et surtout en France, si florissante il y a quelque temps, est tombée rapidement pendant les quatre dernières années. Rien ne saurait mieux mettre en lumière ce fait regrettable que le tableau suivant : EXPORTATIONS A — en Autriche. en France. en Allemagne. totales. Serres 109,458 107,132 28,852 246,245 SE UE 118,634 126,389 124 245,247 ISSN .... 150,635 64,060 » 215,339 1986 NA ae 2 .. 163,156 2,449 » 165,727 1e NUIT al 107,515 378 » 107,933 » Ces chiffres comprennent les Moutons sans compter les Agneaux; c'est-à-dire que la Hongrie cesse à peu près d'exporter ses Moutons au delà du territoire douanier de la monarchie. » L'élimination presque complète des Moutons hongrois de leur marché principal d'exportation, la France, doit être attribuée uni- quement à des motifs de politique douanière. Le droit d'entrée, fixé en 1863 à 30 centimes par tête, a été porté, en 1885, à 3 francs et, en 1887, à 5 francs. Cette augmentation a eu pour l'exportation hongroise des suites doublement fâcheuses : elle a rendu difficile le trafic des Moutons en général et mis les Moutons hongrois dans l'impossibilité de concourir avec les Moutons russes, italiens et allemands ; ceux-ci, en effet, pesant en moyenne 55 à 60 kilogrammes, supportent plus facilement le droit d'entrée que le Mouton hongrois, qui ne pèse, en moyenne, que 40 kilogrammes. » Quant à l'interdiction d'importation des bestiaux dans l'empire d'Allemagne, elle nous a complètement fermé le marché de ce pays; si bien que le Mouton hongrois ne peut être placé aujourd'hui qu'en _ Autriche et principalement à Vienne. » Subissant le contre-coup des mesures douanières adoptées en (1) Bulletin du Ministère de l'agriculture, mars 1891. CHRONIQUE ÉTRANGÈRE. ré a France, le trafic général du marché de Budapest a plutôt diminué qu’augmenté pendant les cinq dernières années, mais le trafic des Moutons hongrois sur le marché de Paris a tout particulièremnt di- minué dans une proportion énorme. Tandis qu'on y comptait, en 1885, 221,011 Moutons hongrois et, en 1886, 218,023, ce nombre tombe, en 1887, à 105,100 ; en 1888, à 56,132 et, en 1889, à 20,047, c’est-à-dire à 201,964 de moins que cinq ans plus tôt. Ainsi que le montre le ta- bleau qui précède, sur ces 20,047 Moutons hongrois importés à Paris, 318 seulement ont été envoyés directement d'ici; les autres y étaient parvenus par voie indirecte. » Tandis que le marche de Budapest restait stagnant, que celui de Presbourg, si animé autrefois, devenait presque nul et que le nombre des Moutons hongrois sur le marché de Paris diminuait considéra- blement, le trafic du marché de Vienne augmentait, au contraire, pen- dant les cinq dernières années, de près de 50 °/,. En effet, le nombre des Moutons vendus sur ce marché qui, en 1885, élait de 168,525, s’est élevé à 351,131 en 1889. » Cette transformalion des marchés de Paris, de Budapest et de Vienne a eu pour les négociants hongrois et pour les producteurs les conséquences les plus défavorables. Ces derniers durent se rabattre sur le marche viennois où, naturellement, la demande n’augmentant pas dans la même mesure que l'offre, ‘ils durent céder leurs produits dans de mauvaises conditions; le prix d’une paire de Moutons en graissés tomba de 20-25 florins à 12-14 florins sur tous les grands marchés de la monarchie. » Il est inutile de démontrer le dommage que cet état de choses oc- casionna à l'élevage des Moutons en Hongrie, dommage d’autant plus grand que le prix de la laine s’avilissait en même temps. ._» Le Ministère de l'Agriculture, alors que le président du conseil actuel, M. le comte Szapary, était à la tête de ce département, s’oc- cupa de cette question en vue de découvrir le moyen de relever l’ex- portation des Moutons hongrois. Différentes circonstances renduient la solution très compliquée. D’abord il était hors de doute que, faute de cunventions vétérinaires, l’interdit qui peut être mis par la France aussi bien que par l'Allemagne sur l'importation des bestiaux nuirait toujours à la sûreté et à l’accessibilité du marché, même si la trans- formation radicale de la tendance protectionniste actuelle déterminait un Courant plus favorable à notre commerce de Moutons vivants. Il n’y a qu'un moyen de relever notre exportation de ce produit : c'est d'exporter de la viande de Mouton. Les droits préievés en France sur notre viande de Mouton ne peuvent être modifiés avant l'expiration du traité, c'est-à-dire avant la fin de 1892. Cette circonstance, comme le fait que l'exportation de la viande de Mouton à Paris a pris une grande extension dans l’autre moitié de la monarchie et que, vu la consommation considérable de la France, la viande de Mouton ex- 714% REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. portée par nous y trouve toujours des acquéreurs sûrs, peuvent être considérés comme constituant de bonnes conditions pour notre exXpor- tation de viande de Mouton. » C'est pourquoi les Ministres de l'Agriculture, du Commerce et des Finances, d'accord avec la municipalité de Budapest, ont résolu de créer dans la capitale, fùt-ce au prix de grands sacrifices, un #aïché d’expoitation pour la viande de Mouton, qui facililerait à la production ovine du pays l'accès des marchés de l'ouest et surtout du marche de Paris. » Mais avant de faire l'essai d’un établissement de ce genre, il faut examiner sérieusement s'il a chance de succès et se bien rendre compte des résultats qu’on peut être en droit d’en attendre. Plusieurs obstacles rendent difficile l'exécution de cette entreprise. D'abord, nos chemins de fer ne disposant pas de wagons propres au transport de la viande, l’achat de ces wagons ne pourrait être exigé d’aucun entrepreneur. Puis, il n'existe pas d’abattoir à Budapest convena- blement aménagé pour la manutention de la viande de Mouton expor- table. De plus, Budapest est beaucoup plus éloigné de Paris que ne le sont les marchés d'exportation occidentaux, et la différence des frais d'exportation réduirait encore la faculté de concurrence des en- trepreneurs de Budapest. Enfin, à Budapest, les droits d'octroi, de pâturage ei de parcage sont très élevés ; les impôts de consommation sont aussi considérables ; de là des difficultés sérieuses avec lesquelles l'entrepreneur aurait à lutter au début. » C'est pour aviser au moyen de les aplanir que MM. Baross, comte Bethlen et Wekerle, après avoir entendu les représentants de la ca pitale, ont ordonné une enquête à laquelle fut invité à prendre part le chef d’une maison d'exportation de viande bien connue. » Voici les décisions qui ont été prises aux cours des délibéra- tions : » Le Ministre de l'Agriculture, reconnaissant que l'impulsion à donner à l'exportation de la viande de Mouton profiterait tout d’abord aux intérêts de l’agriculture, a pris à la charge de son département l'achat des wagons propres au transport de cet article. Le Ministre du Commerce a accordé des remises de frais de transport pour les Mou- tons venant à Budapest, ainsi que pour la viande dirigée sur Paris, et a promis de faire construire une voie ferrée reliant l’abattoir à la: gare de chemin de fer. La municipalité de Budapest a voté, pour la construction d'un abattoir spécial, la somme de 25,000 florins; la taxe d’abatage y sera de 5 kreulzers ; l'octroi et le droit de pâturage seront réduits de 7 et de 3 kreutzers à 1 kreutzer ; enfin la capitale prend à sa charge le droit de parcage. Le Ministre des Finances a accordé des réductions d'impôts de consommation. » Lorsque le gouvernement et la ville eurent ainsi écarté toutes les difficultés, une maison d'exportation a déclaré être prête à lancer ca en. ft LME En CHRONIQUE ÉTRANGÈRE. 75 commerce. Aussi l’installalion d'un marché pour l'exportation de la viande de Mouton u’est-elle plus qu’une question de peu de temps, qui sera résolue dès que l’abattoir projeté et les wagons nécessaires au transport auront été construits. » Cetle entreprise, selon toute probabilité, produira le meilleur effet sur notre commerce et indirectement sur notre production. Car, si l'exportation s'élevait au début à un wagon seulement de viande de Mouton, ce qu'il est permis d'espérer sans crainte d'être accusé d'exagération, l’entreprise d'exportation aurait besoin, pour produire ces 50 à 60 quintaux métriques, de 300 à 360 Moutons par jour, ce qui ferait une consommation de 2,100 à 2,500 par semaine et de 120,000 à 160,000 par an. » La création de ce marché d'exportation à Budapest est un pas de plus vers le but que nous visons : faire de notre capitale le centre du commerce international des bestiaux. La situalion de Budapest, entre l'orient producteur et l'occident consommaleur, lui assure à ce point de vue des avantages indéniables ; et comme ses institutions de police vétérinaire, destinées à favoriser le développement du commerce des bestiaux, ne laissent que peu de chose à désirer, comme l'entente entre la ville et le gouvernement est de jour en jour plus complète, nous estimons que le projet repose sur des bases solides et que nos efforts doivent être couronnés de succès. » V. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. Concours de volailles. — La ville de Houdan (Seine-et-Oise) organise un concours de volailles et autres animaux de basse-cour. Ce concours aura lieu les samedi 16 mai et fieucre 17 mai pro- chain. Prix d'entrée : le samedi, 1 franc, le dimanche, entrée gratuite. — Ligne de Granville, Paris-Montparnasse. Société centrale d'Apiculture.— La dixième exposition inter- nationale des Insectes utiles et de leurs produits, des Insectes nui- sibles et de leurs dégâts aura lieu cette année, du 23 août au 27 sep- tembre, dans l’Orangerie des Tuileries. La Société centrale d’Apiculture et d’Insectologie fait, dès à pré- sent, appel à toutes les personnes que la question intéresse ei qui désirent participer à cette exposition, afin qu’elles se mettent en mesure de lui envoyer leurs collections et leurs produits en temps opportun. Pour l’Apiculture, s'adresser à M. SEVALLE, secrétaire général de la Société, 167, rue Lecourbe, et pour l'Entomologie, à M. WALLES, 18, rue Dauphine. Animaux exotiques lâchés dans la forêt de Marly. — Il y a une quinzaine de jours, a eu lieu, dans la forêt de Marly, le lâcher des Cerfs exotiques, mis à la disposition de M. Recopé, ins- pecteur de la forêt dont la chasse est réservée à M. le Président de la République. L'envoi consistait en un couple superbe de Cerfs Sika, du Japon, en trois Cerfs porcins de la Chine, ravissants petits animaux dont la taille ne dépasse pas beaucoup celle d’un gros Lièvre et qui a toule la grâce d’un Chevreuil, et enfin en un couple d’Antilopes cervicapra de l'Inde. Tous ces animaux, placés séparément dans des boîtes et chargés sur un fourgon, sont arrivés en excellent état : les bonds auxquels ils se sont livrés en sortant de leurs boîtes en témoignaient éloquemment. (Le Chenil.) Deux Oïisons dans un œuf. — Un propriétaire anglais, M. W. Leach, vient d'obtenir deux Oisons, en parfaite . d'un seul œuf soumis à l'incubation. Expériences américaines sur des Vaches laitières. — On vient de faire à la station expérimentale du New-Hampshire, sous la direction du professeur Witcher, une série d'expériences ayant pour CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 717 but de déterminer l'influence exercée sur la lactation par la fréquence des traites. Une Vache, de race Durham, qui donnait en vingt-quatre heures 6 kilogs 463 de lait contenant 3,89 °/, de matière grasse, ou 251 grammes de matière grasse totale, fut soumise pendant vingt-quatre heures à une traite toutes les heures. On obtint, dans ces conditions, 1 kilogs 371 de lait contenant 5,27 °/, de matière grasse, ou 388 grammes de matière grasse totale, soit un accroissement de 54,5 2/0 dans la teneur en matière grasse. Une autre Vache, de la race de Jersey, donnait avant l’expérience 4 kilogs 567 de lait par vingt-quatre heures, lait contenant 6,02 0/, de matière grasse, ou 279 grammes de matière grasse par jour. Avec la traite horaire qu’en opéra sur cet animal pendant soixante-douze heures consécutives, formant trois périodes de vingt-quatre heures chacune, on obtint les quantités de lait et de matière grasse suivantes : Pour cent Matière Augmentation de Lait. de matière grasse par la matière grasse. 24 heures. grasse pour cent. Premières 24 heures... 4 k 76 5,05 0 k 335 24,25 Deuxièmes 24 heures... 4 80 5,94 O0 285 4,00 Troisièmes 24 heures... 4 94 5,714 0 283 9199 Motaux ee ue JE) 18,73 0 £ 903 » Moyenne pour 24heures. : 4K*833 6,24 0 301 10,00 On a douc trouvé avec cette Vache une nouvelle variation de la teneur en matière grasse qui diminuait progressivement, alors qu'elle s'accroissait au contraire chez la Vache Durham quand on la trayait toutes les heures. On avait trouvé, en effet, 1,36 °}, de matière grasse dans les 113 premiers grammes de lait fournis par celle-ci, et 8,04 °/0 dans les derniers 113 grammes obtenus. On peut donc conclure que les circonstances suivantes influent sur la qualité du lait : 1° La race ; 29 les caractères individuels ; 3° le temps écoulé depuis la mise bas ; 49 le moment où la traite est opérée, le matin ou le soir ; 5°la plus ou moins grande fréquence des traites. H. B. Terrapines américaines.— La saison des Terrapines, Terrapene carinata, ces excellentes Tortues d'eau saumâtre qui jouissent d’une si grande vogue aux Etats-Unis, s’est ouverte vers la fin de novembre, caractérisée par des prix plus élevés encore que ceux qu’on avait constatés jusqu’à présent. Les plus beaux de ces Chéloniens se vendent de 260 à 310 francs la douzaine, les prix moyens sont de 186 francs la ‘douzaine ‘et la plus mauvaise Terrapine trouve amateur pour. 13 francs. | Les principaux marchés pour la Terrapine sont les villes de Wa- 718 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES, shington et de Ballimore, qui en consomment plus que toute autre cité des États-Unis et n’en recoivent pas assez pour satisfaire aux de- mandes. Les Terrapines ont été peu nombreuses aux Étais-Unis cette année, ce qui explique, jusqu à un certain point, les prix élevés qu’elles ont atteints. Le millier d'individus de la baie Chesapeake et de ses baies tributaires qui se livrent à celte pêche, n’en ont guère pris que 750,000, ce qui, au prix moyen de 15fr. 50, représente, il est vrai, une somme de 11,625,000 francs. Les Terrapines vivent dans la vase de petites criques situées le long des côtes. Un des meilleurs procédés de capture consiste, paraît-il, à profiter de leur excessif instinct de curiosité. Les pêcheurs, après avoir ancré leur canot en travers d’une de ces baies, font grand bruit en frappant sur les flancs de l'embar- cation. Les Terrapines éveillées par le vacarme sortent de l’eau, et sont prises avec des épuisettes. On les fait aussi sortir de la vase en agitant celle-ci avec des tridents, et elles viennent alors se prendre dans des filets tendus à l’avance. Les pêcheurs d'Huîtres en trouvent souvent aussi dans leurs dragues, pêle-mêle avec les Mollusques. La Terrapine se vend vivante, et doit être nourrie jusqu’au moment de la mise en vente. On en trouve beaucoup sur les côtes des deux Caro: lines, du nord et du sud, mais les plus estimées sont celles de l’em- bouchure du Potomac et de la baie Chesapeake, à l'embouchure du Patuxent. Les Terrapines se nourrissent de poissons auxquels elles ajoutent un régime végétal de Cresson et de Céleri aquatique. On a créé, dans ces dernières années, le long de la baie Chesapeake, un grand nombre d'établissements destinés à l'élevage des Terra- pines, et un sénateur, M. Bayard, serait même propriétaire d’un des mieux installés. Ce sont de vastes bassins d’eau salée, entourés de grillages contre les attaques des Renards el des Rats musqués, grands amateurs de Terrapines. Sur une ligne sont rangés les couvées, caisses à demi pleines de sable dont les femelles ne peuvent plus sortir quand elles y ont pénétré. Jusqu'à l'âge de dix mois, les jeunes Terrapines sont élevées dans des bassins distincts de ceux des parents qui pour- raient parfois les dévorer. En dehors des Terrapines consommées aux Etats-Unis, on en exporte des quantilés considérables à Londres, les Anglais ayant pris, eux aussi, goût à la chair de cette Tortue. sh Le prix si élevé des Terrapines a bien entendu provoqué la recherche de leurs succédanés. Certaius individus recueillent pour les restaurateurs des grandes villes de petites Tortues de marais, d’eau douce, assez communes dans la région séparant le New-Jersey de l'Etat de New-York où on les désigne sous le nom de Terrapines à pattes rouges. Ces Tortues, bien entendu, sont services comme des Terrapines authentiques. Le métier est assez rémunérateur, les restaurateurs payant ces Tortues 15 à 20 fruncs la douzaine. On cite certains pêcheurs qui en vendent. ainsi une centaine de barils par an. | | RE UPS CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 719 Les Noisettes. — Les différentes espèces du genre Corylus, Noi- setier, ont en Europe un habitat excessivement étendu. On cueille en effet des noisettes en France, en Espagne, en Italie, en Angleterre, en Allemagne, en Autriche, en Suède-Norvège, en Russie, dans les Bal- kans et sur les plus hautes montagnes de la Grèce. Le Corylus Avellana primitif a engendré de nombreuses variétés culturales. En Bavière, dans la Franconie, on estime particulièrement la variété très précoce dite Lamberti, nom qui dériverait de lombardie, cette variété ayant été introduite en Allemagne par des moines Lom- bards. Les religieux du couvent de Zell, près de Wurzbourg, la per- fectionnèrent encore, et créèrent la variété connue sous le nom de noisette de Zell, qui résiste le mieux au froid. L'Allemagne importe cependant pour près de 3 millions de francs de noisettes chaque année. j Les noisettes espagnoles, très grosses, sont également fort estimées, mais elles dérivent de l'espèce Corylus tuberosa et non du Noisetier commun. | _ Le pays par excellence, pour la production des noisettes, est l'Ilalie, et les fruits de la province d’Avellino, ville située entre Naples et Caserte, sont connus du monde entier sous le nom d’Avelines. Indeé- pendamment des arbres croissant dans les bois de Bagnoli, d’Irpino, de Montetta, le Noiselier est l’objet d'une véritable culture dans cette région. Les environs d’Avellino possèdent plus de 700 hectares de terrain plantés en Noisetiers et produisant annuellement 17,000 hecto- litres de fruits. Les Noiïseliers sont également cultivés sur tous les points de la même ‘province, à Atripalda, à Allavilla, à Irpina, à Lauro, à Mercogliano, etc., et l’ensemble de ces plantations produit annuellement 80,000 hectolitres de noisettes, dont 65,000 hectolitres sont exportés. On distingue de nombreuses variétés dans cette région; les plus estimées sont la Cassa rossa, la Cassa bianca, la Cassa forcina, qui se mangent après dessiccation. D’autres variétés, la Mortarelli, la Cannel- lina, la Santa Anna, qui sont très précoces, se consomment à l’état frais. Les noisettes destinées à l’exporlaltion sont desséchées en les exposant au soleil ou à la fumée d’un feu de bois vert ; les premières étant, bien entendu, les plus estimées. La région d’Avellino envoie ses produits en France, en Angleterre, en Allemagne, en Autriche et jusqu’en Amérique. La Sicile, qui produit également beaucoup de noisettes, en exporte annuellement 15,000 hectolitres, dont 5,000 hectolitres sont expédiés en Allemagne, et une quantité à peu près égale en Angleterre. Les plantations de Noisetiers siciliennes contiennent à l’hectare 1,600 arbres rapportant 1 fr. 20 au moins et souvent 10 et 12 francs chacun par an. - L’abondance plus ou moins grande de la récolte soumet les cours 720 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. des noisettes ilaliennes à de grandes fluctuations. Elles valaient 106 francs aux 100 kilogs en 1880, et 50 à 52 francs en 1887. J. L. Culture des fleurs dans le midi de la France. — La cul- ture et la distillation des fleurs constituent la principale industrie de la région avoisinant Grasse, Cannes, et le golfe Juan, qui constitue un immense jardin de 28,000 heclares. La récolte des Violettes, Viola odorata, les premières messagères du printemps, là comme ailleurs, commence le 15 janvier et dure jusqu’au 15 avril. La région de Grasse seule en produit 150,000 kilogs par an. En fevrier et mars, fleurissaient les Jonquilles, Marcissus jonquilla, dont on consomme 15,000 kilos à Grasse. La révolte des Roses et celle des fleurs d'Oran- cer se prolonge du 15 avril à la fin de mai. La région de Grasse pro- duit 1,860,000 kilogs de fleurs d’Oranger, et 130,009 de Roses. Du 15 mai à la fin de juin, on recueille 25,000 kilogs de fleurs de Réséda, Resedu odorata, et 145,000 kilogs de fleurs de Jasmin, Jasminus gran- diflorum. Du 20 juillet au 10 octobre, on recueille 75,000 kilogs de Tubéreuses, À gapanthus umbellatus. La Cassie, Acacia Farnesiana, qui fournit un parfum très concentré et fort pénétrant, commence à fleurir en octobre et cesse vers le 15 avril, à l’apparition des Roses. Elle fournit 50,000 kilogs environ de fleurs. Hyères, Ollioules et diverses autres localités se consacrent encore à la culture des fleurs, mais pour la vente en bouquets et non plus pour la fabrication des extraits et des essences. rh ÉD: ERRATA. — P. 637, ligne 5 et suivantes : Au lieu de : « L’exis- tence des doigts surnuméraires résulte du développement complet des parties qui sont rudimentaires dans l’état normal. Le canon des Che- vaux, comme d’ailleurs celui des ruminants, porte latéralement leurs: os allongés, etc. » IT faut lire : « L'existence des doigts surnuméraires résulte du développement complet de parties qui sont rudimentaires dans l’état normal. Le canon des Chevaux, comme d’ailleurs celui des: ruminants, porte latéralement deux os allongés », etc. Ligne 20 et suivantes : Aw lieu de : « Toutes ces anomalies s'ex- pliquent donc par le développement complet des parlies qui existent actuellement dans le pied de Cheval. » ZZ faut lire : « Toutes ces ano-. malies s'expliquent donc par le développement complet de parties D existent viriuellement dans le pied du Cheval. » Ligne 26 : Au lieu de : «Il est très digne de remarquer que cette conformation animale... » Il faut lire : « Il est très digne de remarque: que cette conformation anomale... » - Le Gérant : JULES GRISARD. I. TRAVAUX ADRESSÉS A LA SOCIÉTÉ. LE CHEVAL À TRAVERS LES AGES Par M. G. D'ORCET. (DESSINS DE NOLL G. D'ORCET.) (SUITE *.) Les Danaï devaient former une caste aristocratique parmi les Tomioi, car tous les anciens tom beaux de Carthage ap- partiennent à ce type. Les Lybiens inhumaient au contraire les leurs dans une corbeille, après les avoir découpés, lors- qu'ils ne les brülaient pas, aussi leurs inscriptions funèbres commencent par le mot {ken qui signifie corbeille. Elles sont gravées sur une pierre plantée debout, au pied de laquelle on ne trouve jamais rien, le temps ayant consumé com- plètement les débris des enfouis en pleine terre. Maïs cet usage s’est transmis jusqu'à nos jours dans la vallée de l’Oued Aïn et Hallab, et les pierres se nomment encore S’n0b, pour then Ob, corbeille d’Ob, ou de la déesse des ténèbres. D'après le. général Faidherbe, l’état de guerre perpétuelle dans lequel ces planteurs de pierres vivaient avec leurs voi- sins, qui les traitaient de payens, les forcaient de se marier - entre eux et ils étaient tous blonds à yeux bleus. Ce sont les descendants des introducteurs du Cheval barbe qui se trouvent en bien plus grand nombre chez les Touaregs. M. Piétrement tend à voir des Germains ou des Vandales dans les blonds nombreux qu’on trouve dans tout le nord de l'Afrique et des descendants de leurs Chevaux dans les types busqués, assez communs, paraît - il, dans le nord- ouest. Mais à l’époque de Tacite, les Chevaux des pays d’où venaient les Vandales étaient très petits, très laids et très mauvais, et ceux qui figurent sur la colonne Trajane n'ont pas le type busqué, il paraît d’ailleurs qu'ils n'étaient pas communs dans ces pays de forêts, car les Germains (*} Voyez Revue, 1890, note de la page 1118, et plus haut p. 161. 20 Mai 1891. 46 722 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. étaient surtout fantassins, sans en excepter les Francs. Chez les Vandales, les chefs seuls étaient montés et en passant par PI. 1. — Stèle d'Abizar (Algérie). Elle porte une inscription en caractères lybiens que M. Tissot traduit d’après M. J. Halévy. Pabavadil fils de Kenroun Bavaï, mais le monu- ment n’est pas antérieur au 1v° siècle avant notre ère et correspond à une foule d’autres du même genre trouvés en Gaule, en Italie et en Grèce, avec des inscriptions qui ne sont que des dédicaces de cimetière. Babavadil veut dire les ports de l'impuissance, ou de la mort, lé reste se lit très correctement /& Æhar l’Aron (Carnifici clistæ), c’est-à-dire : Au bourreau à la manne d’osier, On donnait le nom de K4ar, en grec Ckaro ou Charon, à des fossoyeurs ou bourreaux qui formaient un corps de po- lice spéciale et étaient chargés de dépecer les cadavres qu'ils enterraient ensuite dans une manne d’osier. Nous avons exploré nous-mêmes en Afrique un nombre cousidérable de ces sépultures de la secte anatomique ; on vient d’en trouver tout récemment à Breviers dans l'Hérault. M. de la Pouge, professeur d'anthropologie à Montpellier, y a constaté l'opération , du décharnement. Sur une autre stèle lybienne, on trouve le mot dr qui veut dire horreur ; sur une troisième, les trois mots dik Khan San (la petute “maison guérit l'impuissance). Ges petits dolmens oikowriai (mansioncula) se nommaient donc en lybien Khan ou Qan, qui a la même significa— . tion. Notre planche représente un de ces khar ou coupeurs de cadavres, ou plutôt c’est le dieu Charo en personne, emportant à travers le désert l’âme du défunt dépouillée de sa chair. Le style est aussi barbare que celui de l’Esculape chypriote. M. Tissot s’imaginait que ce cavalier . était nu, mais il porte le costume collant des Touaregs actuels et des cavaliers d’époque romaine que nous donnons plus loin. Un voile en pointe lui cache le bas du visage, c'était une mode cilicienne apportée par les Argonautes, qui s’est conservée chez les Touaregs avec leur écriture également originaire d'Asie, qu'ils nomment encore Tamakak. Le type du Cheval est à front droit, c’est tout ce qu’on peut en dire. LE CHEVAL A TRAVERS LES AGES. | 723 les Gaules et l'Espagne, ils avaient dû se débarrasser de leurs vilains chevaux allemands, pour de bons coursiers cauchois ou espagnols. D'ailleurs, les Chevaux à type bus- qué qui dominaient sur tout le littoral de l'Atlantique .et particulièrement en Portugal, étaient bien antérieurs aux invasions des Vandales, puisque c’est celui qu’on retrouve dans les Chevaux à tête lourde et massive de la numisma- tique numide. Les Maures, maîtres de l'Espagne, ont dû en ramener dans leur pays en très grand nombre à cause de la ._ supériorité de leur taille et de leur force. Il est donc tout na- turel que M. Piétrement en ait vu beaucoup dans les parties de l'Algérie qui avoisinent le Maroc. Nous n’en avons pas vu en Tunisie où la race indigène a été en grande partie re- nouvelée au xi° siècle par les Anezés qu'y transporta la srande émigration hilalienne. Mais la presqu'ile arabique qui n’a élevé des Chevaux qu’à une époque très tardive, à cause de l’aridité naturelle de son sol, n’en a jamais produit un assez grand nombre pour modi- fier profondément les races avoisinantes, et elle a dû ses étonnants succès bien moins à la quantité qu’à la qualité de ses Chevaux et de ses cavaliers, qui les uns et les autres étaient dressés et équipés à la mode parthe. En effet, il ne faudrait pas croire que le cavalier arabe qui ne put être arrêté qu'à Poitiers par la grosse cavalerie cau- choise, fut le léger cavalier algérien que nous connaissons sous le nom de spahis. L'homme était protégé par un casque conique et un lourd haubert de mailles assez semblable à celui du cavalier mède de la page 534, il était armé d’une longue épée, généralement droite et d’une lance de bambou, d’au moins trois mètres de long, ferrée aux deux bouts. Ce lancier était accompagné de trois archers sans armure défensive et d’un page monté, porteur des armes de rechange, qui tenait les chevaux lorsque l’escouade combattait à pied. Mais c'était surtout le harnachement du Cheval qui avait changé. La simple peau de bête du cavalier primitif avait fait place à une lourde, selle dont les hauts arcons protégeaient celui qui le montait par devant et par derrière. Des plaques de métal garantissaient le poitrail du Cheval et souvent son front ; enfin la manœuvre de toute espèce d'armes était sin- gulièrement facilitée par l'invention des étriers, dont l’hon- neur, Croyons-nous, revient aux Parthes. 124 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Aussi la légion romaine, qui avait battu la cavalerie gau— loise si bien que l'arme en avait été complètement dépréciée, ne tint pas contre l’Arabe solidement campé sur ses étriers. Les archers commencaient par la cribler de flèches hors de portée de ses lourds javelots, puis les lanciers la chargeaient avec leurs longues lances. Cette tactique nouvelle des Arabes nécessita la réorganisa- tion de la cavalerie byzantine et franque. La véritable lance ne semble pas avoir précédé l'invention de la véritable selle et des étriers. Auparavant on ne s’en servait que comme arme de trait. Un cavalier à poil, ou sur une simple couver- ture ne pouvait pas avoir l'assiette assez solide pour charger la lance en avant contre de l'infanterie protégée par ses bou- cliers, ou des cavaliers armés de solides hauberts et bien campés sur leurs étriers. Aussi les premiers succès des cavaliers arabes furent-ils foudroyants, mais par l'introduction de l'usage de la lance en arrêt et de la selle à arcons et à étriers, l'avantage final devait forcément rester au plus fort Cheval, au plus capable de supporter le plus lourd cavalier et la plus massive ar- mure. La défaite du cavalier arabe à Poitiers était donc iné- vitable, elle fut encore facilitée par l'emploi d’une arme d’au- tant plus terrible qu'elle était maniée de plus haut, la masse ou martel d'armes, dont Charles Martel a gardé le nom. Les Arabes ne purent jamais remédier au défaut de taille et de masse de leurs chevaux, tant à cause de l’aridité naturelle de la plupart des pays qu'ils occupaient, que de leur igno- rance en matière d'irrigation et de culture des prairies qu'ils auraient pu établir dans leurs montagnes. Les Maures excellaient dans la culture maraichère, mais chez eux comme chez tous les Musulmans, les autres cultures et l'élève du bétail sont en retard de plusieurs siècles, sur celles de l’Europe. La décadence de leur cavalerie et son ir- rémédiable infériorité fut la cause de la chute du khalifat de Bagdad détruit par les Croisades. Cette destruction aurait été suivie du subjuguement de tous les pays musulmans, si la prépondérance de la cavalerie n'avait été immédiatement détruite par l'invention de l’arbalète promptement suivie de celle de l'artillerie et de la mousqueterie. Les Turcs, qui prirent immédiatement la place des Arabes, n’ont jamais été et ne sont encore que des cavaliers plus que médiocres, mais LE CHEVAL A TRAVERS LES AGES. 725 ils se distinguerent d’abord comme archers, puis comme ar- quebusiers et artilleurs, et ce fut ainsi qu'ils enrayèrent pen- dant quelque temps la décadence générale de l’Islamisme. Cette décadence causée par les défauts inhérents au régime alimentaire du Cheval africain, entraîna nécessairement la sienne. Il y a tout au plus un siècle et demi que l'Occident a rendu hommage à la perfection de ses formes et à son in- telligence supérieure. Mais si le mélange de son sang entre pour une part très considérable dans l'amélioration de la race normande moderne, elle ne l'empêche pas d’être délaissé par suite de son manque de taille et de masse en Afrique comme ailleurs ; toute construction de voies carrossables lui est mortelle, et il est abandonné même dans la cavalerie légère partout où on ne peut pas le conserver entier, parce que dès qu'il est hongre, il perd la plus grande partie de l’ardeur qui lui tient lieu de vigueur et on l’abandonne aux officiers d'infanterie. Seuls les spahis lui sont restes fidèles, mais leurs chevaux sont tous des étalons. Il en est tout autrement des Chevaux syriens, dont beau- coup ont assez de masse et de taille pour pouvoir être attelés, mais leur prix sera toujours trop élevé pour les employer autrement que comme animaux de luxe et de reproduction. Malgré certains traits communs avec les nobles montures des premiers cavaliers de l'Islam, malgré la migration en masse des tribus arabes au xr° siècle, ce type était trop rare, et les pâturages africains étaient trop maigres pour modifier avantageusement l’antique Cheval africain, tel que nous le connaissons d’après les médailles lybiennes et numides. Il était petit, maigre, bas sur jambes et sensiblement ensellé comme son père, le Cheval assyrien, mais il possédait en moins le ventre arrondi que le premier devait aux riches pâturages de l’'Euphrate et des froids plateaux de l'Asie mi- neure, où le foin croît en abondance. Aussi le plus grand mérite du barbe est-il dans l’intelli- gence que révèle la beauté de sa tête. Pour le reste, il ne payait pas plus de mine que son cavalier. Voici le portrait que Tite-Live fait de la cavalerie numide. « Au premier abord, rien de plus misérable ; hommes et chevaux sont d’as- . pect également chétif. Le cavalier est à peine couvert d’un manteau flottant et n’a d’autres armes que ses javelots ; le Cheval n’a point de brides et paraît disgracieux, même dans 726 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. la course avec son cou raide et sa tête au vent. » (Tome LXXXV, xi). En effet, les Numides portaient le surnom d’infreni parce qu'ils ne se servaient ni de mors ni de brides. La plupart du temps ils se dispensaient même du licou en poil de chèvre avec lequel ils attachaient leurs montures lorsqu'ils voulaient les forcer à ne pas s'éloigner d’un endroit déterminé. Les mé- dailles numides représentent le Cheval complètement nu, dirigé avec une houssine d’une main et un javelot de l’autre. Les Arabes de Syrie en expédition se dispensent même de la houssine, le Cheval est complètement nu, l’homme n'est vêtu que de ses tatouages et de sa couftié. Sa seule arme est la lance. Sa monture se dirige uniquement par la voix, les jambes et la main gauche frappant sur les épaules ou la croupe. Ces expéditions ayant surtout pour but d'enlever ses chevaux à la partie adverse, l'emploi des armes à feu serait considéré comme un crime, tout coup de lance qui atteindrait le Cheval comme une maladresse. Si le cavalier tombe, le Cheval retourne dans sa tribu à fond de train, ni bride ni selle ne permet de lui mettre la main dessus pour le faire prisonnier, telle est la raison de la nudité du Cheval et du cavalier. Il y à une trentaine d'années, en allant visiter les ruines de Balbec, nous avons été poursuivis par une quarantaine de ces cavaliers tatoués, pour avoir traversé leur territoire sans leur autorisation. Arrivés sur leurs limites, nous savions que nous étions en süreté et qu'ils ne les franchiraient pas. Nous fimes donc volte-face pour les considérer plus à notre aise. Quoiqu'ils n’eussent rien pour retenir leurs Chevaux, tous s’arrêtèrent à la limite. C’étaient tous des animaux de prix et nous n'avons pas remarqué qu'ils fussent disgracieux dans leur course quoiqu'ils allongeassent librement le cou, mais les Chevaux numides, tels que les représentent les mé- dailles, ont toujours la tête lourde et quelquefois légère- ment busquée. Comme formes, ils sont beaucoup moins élé- gants que ceux des médailles d'Utique et de Carthage, dont la race était l’objet de tous les soins d’un peuple riche et civi- lisé. D'ailleurs, la plupart de ces Chevaux s’attelaient et jouissaient d’une grande réputation dans le cirque de Rome. Mais avant de paraître dans la ville éternelle, ils avaient commencé par courir dans le cirque de Carthage qui fut un “LE CHEVAL A TRAVERS LES AGES. ‘4 127 des plus magnifiques de l'antiquité. Il est même à croire que. Carthage a précédé Rome dans ce genre de sport, et que cette dernière ville lui a emprunté les combats d'animaux qui n'étaient pas d'usage en Grece. Ce cirque, dont on voit aujourd’hui les restes à Carthage, a été détruit successivement par les Romains, les Vandales et les Musulmans. Sous trois couches de cendres mélées d’osse- ments humains, nous avons retrouvé avec le comte d'Héris- son, la divinité protectrice du cirque primitif qui est aujour- d'hui au Louvre. C’est un Hadar ou Neptune en marbre grec, qui n’est pas du plus merveilleux style, quoique antérieur à l'an 147 avant notre ère. Cette rudesse permet de supposer qu'il a été exécuté à Carthage et alors tout l'intérêt de ce monument serait dans la tête du Cheval à grosses lèvres qui sert d’attribut au dieu Hadar. Belle ou laide, nous n’en con- naissons pas d'autre en ronde bosse dans cette partie de l'Afrique. La même divinité présidait au cirque de Rome, sous le nom grec d'Æippoposeidon, Neptunus equestris, mais les Romains le nommaient plus familièrement Consus, dieu des Conseils. Généralement les Phéniciens étaient une race morose qui n'avait ni théâtres, ni jeux, et cultivait fort peu le sport, mais _ Carthage n’était qu’un comptoir établi auprès de la ville gréco-lybienne de Campé qui avait conservé sa complète autonomie et se trouvait, au dire de Virgile, en relation de parenté avec Rome. Il n’y a rien de surprenant, par consé- quent, à ce que ces deux pays eussent une foule d’usages communs, les Lybiens ne partageant point l’animosité des Carthaginois contre les Romaïns. La domination romaine fut pour l'Afrique septentrionale une époque de prospérité qu'elle n’a jamais retrouvée sous celle de l’Islamisme. Les monuments en font foi. Ce que ses doctrines en ont fait justifie pleinement sa déchéance. L'élève du Cheval y prit du commencement de notre ère jusqu’à la conquête musulmane, un développement prodi- gieux, Car, après le type cauchoïis, celui que les Romains esti- maient le plus était le type numide. Les musulmans s’en ser- virent pour remonter la brillante cavalerie qui les porta en moins de deux siècles des frontières de la Chine à celles de la Gaule, mais ils ne surent pas maintenir cette source de force incomparable et tout périclita entre leurs mains par suite du 728 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. joug insupportable qu’ils ont toujours fait peser sur les classes productrices. On ne peut aller chez eux sans y trouver les traces de la plus déplorable administration. « L’herbe pousse sous les pieds des Chevaux arabes, disait un proverbe oriental, mais sous ceux des Chevaux turcs, il ne pousse plus rien. » Les mosaïques trouvées dans les ruines du luxueux palais de Pompeianus, situé dans l’Oued Atmenia en Algérie témoi- onent hautement que les éleveurs de Chevaux du vie siècle n'étaient pas moins soigneux que ceux d'aujourd'hui. Les constructions de cette époque rappellent complètement celles de la Tunisie moderne. Elles étaient couvertes par des toits ou dômes et leurs fenêtres possédaient des vitraux formés de disques de verre enchâssés dans du plâtre, luxe que les Gau- lois contemporains ne semblent pas avoir connu. PI, 9. — Chevaux lybiens des écuries de Pompeianus. Mosaïque africaine du vie siècle de notre ère. Ces Chevaux appartiennent au plus beau type Barbe tel qu'il existe encore. Ils portent des couvertures (scordisca) tout à fait semblables au djellat actuel. Le luxe de leurs mangeoires hexagonales indique qu'ils étaient traités avec beaucoup de soins, comme le sont encore les Che- vaux de luxe chez jes Africains. Ces mangeoires prouvent que les Ly- biens ne connaissaient pas le foin sec et qu’ils nourrissaient exclusi- vement leurs Chevaux avec de la paille triturée et de l’orge. Les Chevaux sont attachés deux à deux de chaque côté d'une mangeoire hexagonale devant une large provende de . paille triturée et d'orge. Leurs licous sont les mêmes que ceux dont nous nous servons aujourd'hui, de riches couver- tures protègent leur robe soyeuse. Leurs noms sont écrits au-dessus d’eux. Ce sont Aüus, Pullentianus, Delicatus, Scholasticus, puis une jument favorite Polidoxe avec cette devise flatteuse : Vincas non vincas, te amamus. Un autre tableau nous représente la femme de Pompeianus, = LE CHEVAL A TRAVERS LES AGES. 129 richement vêtue à la romaine, assise au pied d’un dattier, dans un jardin planté de cyprès et de citronniers. À ses côtés tenant d’une main une ombrelle, de l’autre un Singe, se tient une servante portant la gandoura et les braies collantes des Tunisiennes modernes. Au-dessus on lit en caractères latins, la devise punique FILOSO FILOLOCVS « joie d’un grand homme merveilleusement puissant », le punique était donc la langue domestique de Pompeianus. A p LE OS 4 DOS ) { ï PI. 5. — Pompeianus on Mosaïque africaine du vie siècle de notre ère. Ce seigneur africain vivait très peu de temps avant la grande expan- sion de la cavalerie arabe et par conséquent il nous donne à peu de choses près le harnachement et l'équipement des premiers cavaliers du prophète, avec cette différence qu'ici ce sont de simples chasseurs. Comme celui du Garamante précédent, le costume était complètement collant. La selle était déja haute à ce point qu'elle devait être très in— commode sans étriers. On n’en voit point, mais la position des jambes indique que les pieds doivent être passés dans des cordons attachés à la housse, En basse latinité, le nom de l’étrier est s/apes, dont les Italiens, les Allemands et les Anglais ont fait staf. Estrier vient du français sau— toir, sa première forme semble, en effet, avoir été un sautoir de corde attaché à la housse. Une troisième composition le représente à Cheval avec ses amis Crescentius, Vernacel, Cessonius, Neantus. L'épieu à la main, ils poussent des Antilopes dans des filets tendus. L'un des rabatteurs à pied, un géant porte le nom espagnol de Diaz. Les Chevaux sont bridés et caparaconnés comme ceux des Tunisiens modernes, la selle se relève fortement en avant et en arrière. L'arçon n’est pas loin, l’étrier non plus, car les pieds des cavaliers semblent s'appuyer sur des boucles de corde, ou peut-être des poches, ménagées dans le caparacon. En Orient, la plupart du temps, les étriers ne sont pas fixés; ils sont attachés aux deux bouts d’une simple corde, ou d’une + 730 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. courroie qu'on passe sur le harnachement. Les novices ont quelque peine à s'y maintenir, car ils s’allongent sous le pied, mais on finit par en prendre l'habitude et s’y appuyer très solidement. La position des pieds de Pompeianus et de ses amis s'explique difficilement, sans des étriers en Cordes AU Les costumes n’ont rien d’antique, cavaliers et valets de pied portent des braies et des justaucorps serrés, avec des bottes pour les cavaliers et des jambières pour les piétons. Tous ont des ceintures de cuir à larges boucles. Les Chevaux sous leur caparacon ont les allures du type arabe le plus élégant et le plus perfectionné. Leur prix attei- gnait d’ailleurs une moyenne très élevée pour l’époque. Une loi de Valens et Valentinien de l’an 367 fixait à 23 solidi ou 467 francs environ de notre monnaie, la somme à payer par les colons et autres contribuables pour chaque Cheval dû pour le service militaire. Il est vrai que les empereurs romains aimaient à forcer leurs évaluations administra- tives. ‘ Trente-quatre ans plus tard, Honorius abaïssait à 20 solidi (407 fr. 60 c.) la somme à payer en Afrique comme équivalent des Chevaux dus Curatoricio nonune. 9 solidi (142 fr. 70 c.) étaient prélevés sur cette somme pour les Contubernales, c'est-à-dire pour l'administration de la cavalerie. En 401, cette taxe fut encore réduite à 18 solidi (366 fr. 39), pour la Numidie, et à 15 solidi (305 fr. 70), pour la Lybie et la Byzacène. Il en résulte que les Chevaux de l'Algérie actuelle , et du Maroc étaient beaucoup plus estimés que ceux de la Tunisie. L'Atlas possède en effet des pâturages naturels qui permettent d'obtenir des Chevaux d’une taille supérieure. La Tripolitaine n’en possédant point, le Cheval a toujours dû y être fort rare, aussi n’en est-il pas question dans les taxes de l'administration impériale. Le Cheval lybien rachète son défaut de taille et de vigueur par son intelligence qui le rend éminemment propre à être dressé pour les exercices de manège. Nous avons assisté à Utique aux carrousels ou fantasias donnés à l’occasion des mariages, dans les tribus bédouines. Celle au milieu de la- quelle nous nous trouvions, n’en possédait pas plus de quatre ou cinq assez jolis et fort soignés, car hors la guerre, ils ne servent qu'à ces fantasias. LE CHEVAL A TRAVERS LES AGES. . : -731 Les cavaliers ressemblaient à leurs Chevaux. Ils étaient plutôt gracieux et élégants que vigoureux. Ces Bédouins étaient des Kabyles ayant conservé le profil aquilin du type phrygien, tandis qu'il est écrasé chez les Arabes. De même que les anciens Ciliciens et les Touaregs actuels, ils se voilent le bas du visage. La croupe de leur Cheval est riche- ment caparaçonnée. Cavaliers et montures sont parés de fleurs. | Ces descendants des Lybiens ne recherchent pas les luttes de vitesse. Ils se contentent de tourner dans un cercle beau- coup plus étroit que ceux de nos cirques forains. Un de leurs exercices favoris est de planter le fer de leur lance à terre, et de galoper tout autour, sans en lâcher l'extrémité. Souvent un compère se couche tout de son long sur le dos, au son d’une musique composée d’un hautbois et d’un tambourin, le cavalier fait exécuter une sorte de danse cadencée à son Che- val qui pose successivement un pied puis l’autre sur la poi- trine nue du compère, sans le blesser. C’est le nec plus ultra du dressage pour le Lybien moderne, et malheureusement il n'y a pas grand'chose à demander de plus à son Cheval, qui ne peut avoir d'avenir que comme haquenée ou monture _de dame. | Au point de vue spécial qui nous occupe, c’est-à-dire de l'histoire du Cheval d’après les monuments figurés, le type _ arabe nous fournit si peu de documents, que nous ne pou- vons pas lui consacrer un chapitre à part. En effet, il est venu à une époque où les Grecs, jadis si artistes, n'étaient pas moins iconoclastes que les Musulmans ; aussi ne connals- sons-nous pas une seule représentation figurée de ces hardis cavaliers qui poussèrent une double pointe de l'Yémen aux Indes et à la Gaule. Tout ce que disent les auteurs arabes de l’origine de leurs Chevaux est une fable. On sait aujourd'hui qu'ils ne des- cendent pas de ceux de Salomon, et que si ce prince, lui- même, fut le premier maquignon de son siècle, il ne vendait que les produits de ses voisins, le territoire de la Judée étant un des plus impropres que l’on connaisse à l'élève du Cheval. Il en est de même de la plus grande partie du grand conti- nent arabique, de sorte que, comme nous le disait récemment “un ex-major militaire de l’armée turque, ayant longtemps 132 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. séjourné dans ces contrées, il n'existe pas, à proprement par- ler, de Cheval arabe. Aujourd’hui, comme autrefois, il n’est qu'une sous-variété du Cheval de la vallée de l’Euphrate, et les hauts plateaux où on l'élève dans l'Arabie proprement dite, ne sont que le prolongement du bassin de ce fleuve. Là, comme sur ses bords, on trouve des pâturages assez riches pour faire paître des poulinières en liberté, avec leurs pou- lains. Ces pâturages sont aussi pauvres en graminées que ceux que nous avons vus en Syrie, et les Arabes ne con- naissent pas l’usage de la faux. Aussi dans les saisons sèches, leurs Chevaux sont-ils souvent soumis à des mortalités effrayantes. Il en résulte que le nombre de Chevaux que peut fournir la péninsule arabique est tout à fait insignifiant. Le oouvernement turc a dù tout récemment en interdire l’ex- portation, parce que les Anglais les achetaient tous pour la remonte de leur cavalerie des Indes. En fixant à vingt mille têtes le nombre des Chevaux existant dans l’immense continent arabique, on ne doit pas être très loin de la vérité. Si c’est là que s’est formée cette cavalerie musulmane qui a fait la conquête de la moitié de l'Asie, et de toute l'Afrique septentrionale, elle se remontait néces- sairement ailleurs. Aussi peut-on remarquer que ses pre- mières conquêtes ont eu pour objet de s'assurer la pro- priété des pays véritablement producteurs de chevaux, tels que la Mésopotamie, la Perse, l'Egypte, et toute l'Afrique septentrionale. Ce n’est pas des sables de l'Arabie mais des bords de la Manche, que sont partis les cavaliers Hyksos ; Ismaël n’a jamais pu dompter de cheval sauvage, dans un pays où il par- vient à grand'peine à subsister dans ses pâturages les plus riches. Sauf dans ces régions privilégiées qui ne s’éloignent pas de l’Euphrate, l’Arabe moderne achète un poulain, qu'il élève, comme dans tout l'Orient, à l'orge, et cet orge n’est pas plus aborigène que lui, il est venu avec les peuples cavaliers. -]l-s'ensuit que si l’agriculture disparaissait de l'Arabie, le Cheval ne serait pas en état de lui survivre. C'est ce qui arriva lorsque la rupture des digues du Mareb détruisit les fameuses prairies d’or des écrivains arabes. Hommes et chevaux durent émigrer. Des travaux de ce genre ont pu permettre dans l’Yémen, d'arriver à produire les 80,000 Chevaux de robe pie que Mouzeïkia voulait emmener LE CHEVAL A TRAVERS LES AGES. 133 avec lui, lorsque le prophète Zaritah lui prédit la destruc- tion de la digue de Mareb, mais aujourd'hui le district le plus riche en Chevaux de la péninsule, le Nedj, n’en compte pas plus de 5,000. Il faut donc en conclure que la domination turque qui, depuis deux siècles, a laissé s’effondrer tous les travaux d'utilité publique, par suite d’une administration vicieuse, n’a pas été moins funeste au berceau de l'Islamisme qu’au reste de son vaste empire. Partout la suppression des spahis a porté un coup mortel à la production chevaline. Les Tures qui sont fantassins de leur nature, n’ont jamais eu que cette cavalerie formée par des milices indigènes, composées des anciennes aristocraties locales. Aujourd’hui, pour le peu de cavalerie régulière qu’elle possède, elle doit tirer des Che- vaux. de la Hongrie ou de la Russie. Le peu qui reste de Che- vaux arabes atteint des prix trop élevés, pour remonter de simples cavaliers. (A suivre.) NOTE SUR LE LORIOT JAUNE (ORIOLUS GALBULA) Par M. ALBERT CRETTÉ DE PALLUEL. Le Loriot jouit d’une notoriété (1) antique et proverbiale à cause de son chant sonore et éclatant, de son beau plumage, de l’art qu’il déploie dans la confection de son nid, et de son goût prononcé pour les cerises, les figues et le raisin. Tout le monde connaît le Loriot; pour le savant c’est l’Oriolus Galbula ; pour l’homme de la campagne, c'est compère Loriot qui mange les cerises et laisse Les noyaux (2), il le dit lui- (1} Dans toutes les langues anciennes et modernes, dans tous les idiomes des diverses parties de la ne et des pays voisins, le Loriot reçoit toujours un nom dont l’étymologie se rapporte, soit à son chant, soit à son plumage, soit à son mode de nidification, soit à l’époque de son arrivée dans nos climats. Pline et autres auteurs anciens désignaient le Loriot sous le nom de Galgulus ou (albulus (de galbus, verdâtre), c’est-à-dire l'oiseau à plumage verdâtre, qui est bien la livrée de la femelle et des jeunes; ou sous le nom de CXorion, dérivé du grec (chlorôs, jaune) qui dépeint le mâle adulte au plumage d'or. Dans le midi de la France, on le nomme Awriol ou Aowriol, dérivé du latin oreolus, jaune d'or ; dans le pays messin, Merle d’or ; dans le wallon, on l’ap- pelle Oromiel, c’est-à-dire Merle d’or. Certains savants veulent voir dans le nom de Loriot, Auriol, Auriou, Luriot, Berlusiau et autres synonymes de Loriot, suivant les divers pays, l’onomatopée de son‘chant. En vieux français, le Loriot était désigné sous les noms d'Orow ou Auriouz. En Allemagne, le Loriot est vulgairement nommé P/ingstvogel, c’est-à-dire oiseau de la Pentecôte, époque de son arrivée dans ce pays. (2) Interprétation populaire du chant du Loriot : Je suis le compère Loriot Qui mange les cerises et laisse les noyaux. Au laourioù, figo maduro. Au Loriot, la figue mûre. C'est-à-dire quand le Loriot arrive, la figue est mûre, L’ORION. ' Quand cerises sont en saison, Je dis Confiteor Deo ; * Mais rien ne vaut confession Qui ne fait satisfaction. (Calendrier des bergers, Paris, 1493.) Suivant Hoëfer, le Loriot dirait tout simplement son nom en chantant : le-lo-ri-ot. Cette interprétation est la plus simple et la plus exacte. En Languedoc, 4 l’éouridou veut dire faire le bouffon, le niais, le fin, dis- simuler. (L' abbé De Sauvages, Dict, languedocien français, Alais, 1820. ) L'oouriol claou los foedos, jitto lous buous, ; c’est-à-dire le Loriot enferme les Brebis et met au large les Bœufs, ou quand NOTE SUR LE LORIOT JAUNES (if 735 même, le gredin d'oiseau, s’écrie l’irascible jardinier ; les gour- mets, alliés naturels des chasseurs, prétendent, et ils n’ont pas tort, que le Loriot, après s’être gavé de cerises et de figues, devient un savoureux gibier digne d’un coup de fusil et du tour de broche. Pour les jolies femmes, le Loriot est une charmante parure de plumes qui, au dire de leur modiste, fait très bien sur une toque de loutre ou toute autre coiffure. Mais ce que chacun ne sait pas ou serait tenté d'oublier trop sou- vent, c’est que ce superbe et intéressant oiseau est un de nos auxiliaires les plus précieux. Si le Loriot pouvait aussi bien parler qu'il sait chanter, nul ne pourrait mieux que lui pré- senter sa défense, exposer les immenses services qu'il nous rend et réclamer à juste droit la protection qui lui est due; mais il ne sait que chanter et cela se trouve encore à mer- veille, car il est probable qu'il n'aurait pas plus de succès que les éloquents écrivains ou orateurs, ornithologistes ou législateurs qui ont en vain plaidé sa cause. Cependant, si cet oiseau était mieux connu peut-être l’épargnerait-on da- vantage, et c’est dans cet espoir, bien faible, il est vrai, que je me suis décidé à réunir quelques notes qui, si elles n’ont pas d'autre mérite, auront au moins celui de mettre en évi- dence les services considérables qu'il rend aux arbres des bois, des vergers,.et même aux plantes potagères. Les obser- vations que j'ai eu l’occasion de faire ne répondent pas suffi- samment à l'ampleur du sujet, mais enfin j'aurai fait preuve de bonne volonté et apporté ma part coniributive à l’histoire de cet intéressant et utile oiseau. Le Loriot est migrateur, il arrive sous nos climats dans la seconde quinzaine d'avril, ou dans le courant de mai, et re- part à la fin d'août; il séjourne donc ici à l’époque où les insectes qui s’attaquent aux parties extérieures des végétaux fourmillent et causent de grands dégâts. Pour satisfaire un appétit famélique, il consomme une quantité prodigieuse d'insectes et à cet effet déploie, c’est là le cas de le dire, une activité dévorante ; depuis le lever jus- qu'au Coucher du soleil il parcourt les bois, les avenues, les vergers, les jardins, sans trêve ni merci, visitant les arbres les plus élevés comme: les buissons les plus près de terre, inspectant les branches, les feuilles, en tout sens, tan- arrive le Loriot, on enferme les Brebis et on lâche les Bœufs dans les pâtures, (Duval, Phoodftes patois en dialecte de Rouerque, Rodez, 1845.) 736 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES, tôt il s’élance à la poursuite d’un Papillon, tantôt il broie d’un coup de bec un Hanneton ou gobe une Chenille ; tout lui est bon ; les plus gros insectes comme les plus petits. Cepen- dant le goût prédominant du Loriot est bien marqué pour les larves de Lépidoptères, autrement dit les Chenilles, et no- tamment pour les espèces les plus volumineuses que ne peuvent pas attaquer les petits oiseaux insectivores. Parmi les Chenilles que j'ai trouvées contenues dans l'estomac d’un certain nombre de Loriots tués aux environs de Paris je puis citer : Le Grand Paon de nuit (Saturnia pyri) et le Petit Paon de nuil (Saturnia carpini). Les larves énormes de ces deux Lépidoptères dévorent indistinctement tous les arbres fruitiers ainsi que le Charme; généralement elles ne sont pas nombreuses sur le même arbre, mais elles ne le quittent pas, et ne rongeant les feuilles qu'à demi ou aux trois quarts, au bout de peu de temps, on est tout étonné de voir un arbre fruitier dans le plus pitoyable état. Certaines années ces deux espèces sont assez nombreuses pour nuire notablement aux vergers. Les Smerinihes, leurs larves, sont presque de même grosseur que celles des espèces précédentes et, comme elles choisissent pour leur nourriture les feuilles les plus tendres, c’est-à-dire celles qui garnissent les pousses de l’année, elles épuisent considérablement les arbres aux- quels elles s’attaquent. Smerinthus populi, que le Loriot va prendre sur les Peupliers, le Tremble, les Saules, le Bouleau et l’Osier. Smerinthus tiliæ, sur le Tilleul et l'Orme. Smerin- thus ocellata, sur les Saules et les arbres fruitiers, notamment sur les Pommiers, Pruniers, Amandiers. Lasiocampa populi- folia, qui mange les feuilles des jeunes pousses des Peupliers et arrête ainsi la croissance de ces arbres. Jimera pennaria, nuisible aux Chênes, aux Peupliers, et aux arbres fruitiers. Boarmia repandaria, qui s'attaque au Chèvre-feuille et à divers arbustes. Æibernia defoliara, espèce d'autant plus préjudiciable qu’elle s'attaque à tous les arbres. Tefhea sub- tusa, qui se cache entre les feuilles du Saule qu’elle ronge, mais le Loriot sait parfaitement l’y découvrir et l’extraire de sa cachette. Mamestra brassicæ, qui infeste et infecte les. plantations de Choux et de Tabac. Lasiocampa Neustria, vulgairement La Livrée, une des Chenilles les plus nuisibles tant pour les arbres fruitiers que pour les arbres forestiers et même pour l’homme. Cette Chenille, à chaque mue qu’elle NOTE SUR LE LORIOT JAUNE. 731 opère, abandonne sa peau couverte de poils qui vont s’atta- cher aux branches, aux feuilles et aux fruits des arbres. Il en résulte un véritable danger pour ceux qui vont récolter ces fruits et pour ceux qui les consomment ; car les poils de la Livrée occasionnent de vives démangeaisons sur la peau de l’homme et une inflammation douloureuse des muqueuses des yeux, de la bouche et de la gorge. Chaque année, les journaux signalent des accidents de ce genre arrivés à des personnes qui ont mangé des cerises cueillies sur des arbres infestés par la Livrée; à des enfants qui ont joué avec le sable répandu sous des arbres et contenant des dépouilles de cette Chenille. Quant au Loriot, il trouve cette larve repous- sante délicieuse et s’il découvre un endroit où elle abonde, il y revient sans cesse, surtout si à ce moment il doit pour- voir sa nichée d’une nourriture saine et abondante. Je puis l'affirmer, car j'ai été témoin du fait suivant : Le jardinier me prévint qu'un couple de Loriots ne quittait pas une planta- tion de Cerisiers, au moment de la maturité des fruits, « ils vont tout dévorer, Monsieur, ils sont là à la journée, ils en mangent tant qu'ils peuvent et ils en emportent à plein bec à leurs petits, je les ai vus, et quand ils partent de là, je vois les queues de cerises qui leur sortent du bec. » Armé d’une longue-vue je m'embusquai de façon à voir à mon tour, et je constatai que ces Loriots se gavaient de Chenilles, puis en em- portaient à plein bec à leur nichée; ce n’était pas des queues de cerises qui pendaient de chaque côté du bec, maïs bien des Chenilles de la Livrée dont ces Cerisiers étaient couverts. Le Loriot ne se contente pas de détruire la Livrée à l'état de larve, il recherche encore sa chrysalide contenue dans un léger cocon blanc, garni de poils et saupoudré d’une matière jaunâtre et pulvérulente. La répugnance qu'inspire ce cocon n'empêche pas le Loriot de l'avaler tel quel avec satisfaction, paraît-il, puisque j'en ai trouvé souvent dans son estomac. Le Loriot, l’avons-nous déjà dit, fait la chasse aux Papil- lons,f il sait les attraper très adroitement et les avale en entier. Le Papillon que j'ai eu l’occasion de trouver le plus souvent dans l'estomac des Loriots est le Papillon blanc du Choux (Mamestra brassicæ). — Le Loriot détruit pour s'en nourrir une grande quantité de Sauterelles (1) vertes (Lo- (1) J'ai déjà signalé le Loriot comme étant un destructeur de Sauterelles : voir le travail que j'ai publié dans le Bulletin de la Société d’Acclimatation en 20 Mai 1891. | 47 138 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. custa viridissima} et de Hannetons ; inutile d'insister pour faire ressortir le service qu’il nous rend en détruisant ce pernicieux coléoptère ; tout le monde connait les dégâts qu'il commet, soit à l’état de larve, connue sous le nom de Ver blanc, en rongeant les racines des végétaux, soit à l’état parfait, en dépouillant de leur verdure les arbres fruitiers et forestiers. Le Loriot ne dédaigne pas les petits coléoptères tels que les Charancons, par exemple; tout en fouillant les massifs de Tilleuls pour y chercher des chenilles, il saisit et avale un joli petit insecte vert émeraude qui ronge les feuilles de ces arbres, c’est le Polydrosus sericeus. Il n’est pas toujours facile de déterminer les chenilles con- tenues dans l'estomac d’un oiseau, on ne peut guère les re- connaître que si la digestion n’est pas trop avancée, car voici comment s’opère cette fonction chez le Loriot, comme chez beaucoup d’autres oiseaux conformés de même : En saisissant une chenille, il commence par lui donner un coup de bec sur la tête, ou la secouant vigoureusement et la frappant contre une branche, il lui brise tout le système nerveux et la met dans l'impossibilité de résister à la déglutition. La chenille avalée suit l'œsophage et arrive dans l'estomac; là elle se plie d’abord en deux, puis, obéissant aux mouvements péri- staltiques de l'estomac, elle se tord sur elle-même comme une corde, se replie une seconde, une troisième, une quatrième fois et ainsi de suite, toujours sous l'impulsion des mou- vements de torsion imprimés par l'estomac ; toutes les ma- tières molles et liquides s’échappent alors de la peau ainsi tordue qui finit par se briser en petits morceaux. Quand les Loriots arrivent, iln y a pas encore beaucoup d'insectes, surtout de chenilles, ils se rejettent alors sur quelques coléoptères qui commencent à se montrer au soleil. C'est une bonne fortune pour eux de trouver par ce temps de disette des baies de Lierre qu'ils recherchent avec avidité faute de mieux. Si les premiers jours de leur arrivée le temps se montre rigoureux, ils en souffrent beaucoup et parfois ne peuvent résister à l’abstinence tant leur noir de beaucoup manger est grand. « Il nous est arrivé plus d’une fois, dit Gérardin, en her- borisant dans les forêts au commencement du printemps, mai 1868. — Mémoire sur les oiseaux acridiphages, voir aussi Note sur la Caille et le Loriot. (Bulletin de la S. d’Accl., août 1878.) id $ ! 1 1 L: L à NOTE SUR LE LORIOT JAUNE. 739 d'y rencontrer des Loriots au moment de leur arrivée ; ils paraissaient tellement affamés que, sans redouter notre pré- sence, ils se jetaient avidement sur les insectes qu'ils aper- cevaient à terre, nous en avons même tué plusieurs dans ce moment et ils étaient d’une maigreur extrême (1). » Aussitôt que les jeunes sont sortis du nid et peuvent suivre leurs pa- rents, ils se mettent en route pour gagner à petite journée le midi de la France, s'arrêtant dans les endroits où ils trouvent encore quelques chenilles ou des fruits tendres tels que Merises, Cerises, Mures, Baies de Sureau, Raisin et Figues. Les Loriots vieux et jeunes aiment en effet beaucoup ces fruits, mais ils n’en consomment pas autant qu’on se l’imagine généralement ; l'analyse du contenu de l’estomac de sujets tués sur les arbres portant ces fruits est là pour en donner des preuves irréfutables, et dans tous les cas le peu de tort qu'ils font à nos vergers, en prélevant une part sur leurs produits, est largement compensé par les services qu'ils leur rendent en les échenillant. D'ailleurs, ils ne font qu'obéir aux lois naturelles de propagation et de multipli- cation des espèces sur terre, car c’est ainsi qu'ils répandent un peu partout les semences des fruits dont ils n'ont absorbé que les parties molles, tandis que les graines, pépins et noyaux sont rendus à la terre et croissent là souvent où l'espèce n'existait pas encore. Le Loriot est donc, non le déprédateur des arbres fruitiers, mais bien leur propagateur naturel. J’ajouterai même encore qu'il n’y aurait rien de surprenant à ce que le Loriot, qui ne choisit pour sa nourri- ture que les fruits très mürs, ne soit guidé par son instinct pour choisir ceux qui sont attaqués intérieurement par des larves d'insectes qui vivent de la pulpe des fruits. En effet, dans la seconde quinzaine de juillet, au moment de la par- faite maturité des Cerises que l'on nomme Bigarreaux, Guignes, Merises, on trouve dans la pulpe de ces fruits des petites larves de diptère qui font rejeter ces fruits avec dégoût, parce que ces petites larves ou Vers ressemblent par trop au précieux Asticot (2) des pêcheurs à la ligne, aussi (1) Tableau élémentaire d'ornithologie, par Gérardin, Paris, 1606, t. I, p. 152. (2) On nomme vulgairement Asticot les larves de grosses Mouches telles que la Mouche verte (Zucilia Cesar), la Mouche bleue (Calliphora vomitoria) et la : Mouche vivipare (Swrcophaga carnaria). Les poissons sont très avides de ces larves, aussi les pêcheurs à la ligne amorcent-ils leurs engins de pêche avec ces 740 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. n'insistons pas. Certaines années, plus de la moitié des Ce- rises contiennent de ces Vers; avec un peu d'habitude et d'attention, rien qu’en examinant des Cerises et en les pal- pant, on peut distinguer celles qui sont ainsi attaquées, elles cèdent un peu à la pression du doigt et sont molles dans une certaine étendue, et en regardant attentivement on peut voir un petit trou par lequel ledit Ver vient respirer ; car il vit en plein dans le jus de la Cerise et éprouve le besoin de venir prendre l’air de temps en temps. Il est probable que le Loriot sait aussi distinguer ces Cerises habitées de celles qui ne le D sont pas et qu'il les préfère de beaucoup, car elles lui offrent une nourriture plus substantielle et plus à son goût. Ce qui me confirmerait dans cette opinion, c'est qu'étant à même d'observer des Loriots installés dans des Cerisiers et en train de manger des Cerises, je les ai vus palper ces fruits avec le bec, puis après cette auscultation préalable, se contenter souvent de ne prendre qu'une partie de la Cerise, proba- blement celle contenant le Ver, et laisser la partie saine et le noyau attachés à la queue du fruit et sans l’arracher de l'arbre. Pour arriver à exécuter cette opération, le Loriot se livre à des exercices de gymnastique qui rappellent beaucoup ceux des Mésanges : il se pend à demi par les pattes, la tête en bas ou à peu près, s'allonge démesurément en avant, à droite, à gauche, enfin prend les postures les plus excen- triques pour arriver à son but sans quitter la branche sur laquelle il est perché. Le petit Ver qui habite les Cerises donne naissance à une Mouche qui est la Mouche des Cerises (Ortalis cerasi). Ce diptère ne laisse pas que d’être fort nui- sible puisqu'il attaque un de nos meilleurs fruits, il respecte cependant les Cerises aigres dites Anglaises, le Loriot aussi, serait-ce pour le même motif ? Ou n'est-ce pas parce que les Cerises aigres ne contenant pas de Vers, le Loriot trouve cette nourriture moins à son gout ? On a bien exagéré les dégats que les Loriots occasionnent en mangeant des fruits dans les vergers et les plantations de Cerisiers de diverses espèces ; c’est à tort qu'on leur attribue toutes les dépréda- tions que l’on y constate et qui sont, en réalité, le fait d'une multitude d’autres oiseaux ; en effet, les Loriots ne sont nulle part assez nombreux pour qu'il soit possible de s’apercevoir larves qui vivent de chair en putréfaction. Beaucoup d’oiseaux recherchent ces larves pour s’en nourrir. NOTE SUR LE LORIOT JAUNE. : TAN de la quantité de fruits qu'ils peuvent consommer, mais ils ne sont pas seuls amateurs du joli fruit rouge; les Moineaux par bandes innombrables s’abattent sur les Cerisiers, les Merles, les Grives, les Pies, les Geais, les Becs-fins, les Mé- sanges, etc., etc., toute une bande éhontée et affamée, pille les Cerisiers et se moque des bonshommes de paille que le jardinier y place avec rage ; — quant aux Loriots, d’un naturel extrêmement sauvage et méfiant, un rien les effarouche, il est donc bien facile de les éloigner des Cerisiers. Quand le Loriot s’est bien régalé de chenilles et autres in- sectes, il prend un instant de repos et fait entendre son chant sonore et éclatant, mais il ne tarde pas à reprendre sa course et ses recherches, c’est pourquoi on l'entend tantôt d'un côté, tantôt d'un autre ; aperçoit-il un rapace ou un oiseau de rapine, comme un Geai, une Pie, il le poursuit courageusement à coups de bec et l’épouvante par ses cris; s’il rencontre d’autres Loriots dans son domaine, il les attaque hardiment, ce sont alors des poursuites interminables, des cris aussi variés que retentissants ; un couple de Loriots suffit pour donner de l’animation à un parc et à l’égayer. La facon dont le Loriot construit son nid a de tout temps attiré l’attention, et ce n’est pas la partie la moins intéres- sante de son histoire. Les auteurs anciens et même ceux de notre époque décrivent ce nid comme étant suspendu (1), et le bon public, toujours ami du merveilleux et prêt à exagérer les choses, a fini par croire que le nid du Loriot est suspendu à deux crins de Cheval ou à deux brins d'herbe ! Il n’en est cependant pas ainsi; le nid du Loriot est placé entre deux branches parallèles, rapprochées et situées dans le même plan, ou dans l’angle plus ou moins aigu formé par deux rameaux à leur naissance sur une branche; il est fixé à ces branches par ses bords, de manière que la partie qui porte les œufs ne repose sur rien et se trouve réellement à l’air libre. L'oiseau fixe ainsi son nid en construisant d’abord la forme ou charpente de brins d'herbes, de crin, de morceaux d’é- toffe, de laine, de toile d'Araignée ou de soies de chenilles qu'il enroule d’une branche à l’autre, puis il garnit l’intérieur de matières molles, de crin et de laine. Le Loriot recherche ardemment les morceaux d’étoffe pour attacher son nid aux (1; Les auteurs anciens tels que Pline, Aldrovande, etc., ont appelé le Loriot Picus nidum suspendens. 742 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. deux branches qui le supportent, aussi trouve-t-on souvent dans son nid des choses qui ne laissent pas que de surprendre. Moquin-Tandon (1) cite deux nids de Loriots dans lesquels on avait trouvé : dans l’un un ruban et une belle manchette de dentelle ; dans l’autre une manchette brodée que l'oiseau avait prise dans un jardin sur un arbuste où nie avait été mise à sécher. Nid du Loriot jaune, Florent-Prévost, connaissant cette particularité des mœurs du Loriot, était arrivé à faire prendre à des Loriots, au moment où ils faisaient leur nid, des morceaux d’étoffe de diverses couleurs qu'il avait placés à dessein sur un buisson. Le Loriot recherche aussi les morceaux de papier blanc ou colorié qu'il peut rencontrer. M. Traverse, préparateur à la Faculté des sciences de Toulouse, a trouvé, dans la charpente (1) Notes ornithologiques, par A. Moquin- “Tandon. (Revue et Magasin de zoologie, n° 11, 1857, p. 100.) NOTE SUR LE LORIOT JAUNE. 743 d'un nid de Loriot, une lettre chiffonnée (1). L'abbé Vincelot cite le fait suivant : « Nous avons vu, ces jours derniers, dans une maison de Cholet, dit l’Zntérêt public (1 juin 1870;, un nid de Loriot qui avait été enlevé par deux enfants dans un jardin de Saint-Melaine. Ce nid, tapissé extérieurement d'images coloriées, représentant des soldats, contient à l’in- térieur, sous un réseau de crin, de fils d'herbes ténues, un bulletin de vote oui, que le pauvre oiseau avait ramassé au moment du plébiscite et dont il avait tiré le meilleur parti possible. » La facon dont les Loriots s’y prennent pour bâtir leur nid n'est pas moins curieuse que la construction elle- même ; Audubon a passé des semaines à regarder travailler des ne de Baltimore, à l’aide d’une longue-vue. et a constaté que ces oiseaux employaient le même procédé pour construire leur nid que nos tisserands pour faire une chaîne et une trame, et que l’un d’eux apportait les matériaux néces- saires pendant que l’autre se livrait à cette opération artis- tique (2,. Les frères Muller ont répété les observations d'Au- dubon pour notre Loriot, et ils auraient constaté que c’est le mâle qui commence la partie extérieure du nid, fixe les liens qui, passant d’une branche à l’autre, soutiennent l'édifice et forment sa charpente ou carcasse ; pendant que le mâle est ainsi occupé, la femelle lui apporte les matériaux dont il a besoin ; mais quand il s’agit de l’intérieur du nid, la fe- melle seule s'occupe de cette dernière et délicate partie du travail. Quand vient l'hiver, les arbres perdent leurs feuilles et les branches, dépouillées de cette parure, laissent à découvert les nids d'oiseaux édifiés pendant la saison dernière. On voit fort bien alors des nids de Pie, de Corneille, de Merle, de Grive, de Pinson, etc., etc., mais point de nids de Loriot. Cette remarque m'a toujours frappé, j'en ai fait part à plu- sieurs dénicheurs d'oiseaux d’une grande expérience et nous avons été unanimes à reconnaître l'exactitude de ce fait ; comment donc l'expliquer ? Bien des gardes forestiers et autres habitants des bois m'ont assuré que le Loriot mettait .. (1) Les noms des oiseaux expliqués par leurs mœurs, par l'abbé Vincelot, t. I, p. 206, Paris-Angers, 1872. (2, Les frères Muller ont publié en Allemagne un travail très intéressant sur les oiseaux chanteurs. Il a été fait une sorte de traduction de cet ouvrage per Rothschild, éditeur, à Paris, en 1870, avec it de Champfleury. k 744 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. autant de soin à défaire son nid qu'à le construire ; maïs leur assertion ne repose pas sur le fait de visu et quant à moi, je n’ai jamais pu arriver à constater rien de semblable. Cependant cette remarque mérite une certaine attention de la part des ornithologistes et je la signale tout particuliè- rement aux investigations de ceux à même d'étudier à loisir la nidification du Loriot dans tous ses détails. — Le Loriot serait-il à ce point jaloux de la construction artistique de son nid, que pour n’en laisser la possession à personne, il préférat le détruire, ou a-t-il un autre motif, ce qui est bien plus pro- bable, pour ne laisser, par exemple, aucune trace de son séjour dans l’endroit qui a servi de berceau à sa famille ? toujours est il que je ne connais guère d'oiseau plus attaché à son nid et à sa couvée ; il les défend avec un courage, avec une audace dont on n’a pas idée sans l’avoir expérimenté soi-même ; il n'hésite pas à tenir tête au rapace et même à l’homme qui veut lui enlever sa nichée. « Je visitais un nid de Loriot, dit Paessler, dont je venais de chasser la femelle, et pour en voir l’intérieur, j'abaissai les branches sur lesquelles il reposait. La femelle poussa un long cri, rauque, un véri- table cri de combat, s’élança sur moi, passa tout près de mon visage, et se posa sur un arbre derrière moi. Le mâle accou- rut : même cri, même tentative de m’éloigner (1). A l’appui de cette observation du savant naturaliste allemand, voici ce que je puis ajouter : ayant trouvé un nid de Loriot dans un petit bois des environs de Paris, je désirai prendre les œufs avant qu'ils ne fussent éclos, sachant que les Loriots recom- menceraient une autre couvée. Ce nid était placé sur un jeune Frêne, à l'extrémité d’une branche, à plus de 4 ou 5 mètres du tronc de l'arbre et à une hauteur de 3 ou 4 mètres du sol ; il ne fallait donc pas penser à prendre les œufs à la main dans le nid sans avoir préalablement coupé cette longue branche, M’étant muni à cet effet d’une scie à main, je grimpai sur l'arbre, et j'avais à peine commencé mon œuvre que le couple de Loriots m’aperçut et se mit à pousser des cris épouvantables ! C'était à croire qu’on égorgeait quel- qu'un au coin du bois. Je continuai cependant ma besogne, mais les Loriots ne l’entendaient pas ainsi; ils passaient et repassaient au-dessus de ma tête toujours en criant et en se (1) La vie des animaux, par A.-E. Brehm, édition française revue par Gerbe, t. I, p. 264. NOTE SUR LE LORIOT JAUNE. 745 rapprochant de moi à tel point que pour éviter leurs coups de bec, je dus battre en retraite et descendre de l'arbre au plus vite. Autre exemple : un couple de Loriots avait cons- truit son nid sur un Chêne auprès de la hutte d’un sabotier dans la forêt de la Hunaudaye (Côtes-du-Nord). Les petits venaient d’éclore quand une Buse, qui rôdait souvent par là pour enlever les Poulets du sabotier, découvrit la nichée et eut l’idée de s'offrir ce hors-d’œuvre ; elle approchait du nid quand les Loriots l’aperçurent ; ce fut alors un terrible vacarme, ils éclataient de colère, poursuivaient la Buse avec un tel acharnement, leurs attaques étaient si vives, si rap- prochées que le rapace ne pouvant plus penser à s'éloigner et battre en retraite, vint se réfugier au plus épais d’un gros Chêne ; les Loriots l'y poursuivirent, les plumes de la Buse arrachées à chaque coup de bec de Loriots volaient dans l'air comme si l’on avait secoué un oreiller de plumes éventré ; enfin pendant que l’un des Loriots harcelait la Buse et volti- geait autour de sa tête, l’autre prenant son élan à distance, se dirigea en droite ligne et avec la rapidité d’une flèche sur la Buse, qui tomba raide morte la gorge traversée par le bec de son adversaire. On peut dire qu’en général tous les oiseaux sont très attachés à leur couvée, qu'ils défendent leurs petits avec un courage remarquable et particulier qu'ils ne montrent même parfois qu'en cette circonstance, em- ployant à cet effet, soit les moyens de défense que leur à donnés la nature, soit les ruses que leur inspire l'instinct, et ce qui est bien particulier et digne de remarque, leurs enne- mis, souvent très supérieurs comme force, se retirent presque toujours avec une sorte de crainte qu'ils ne montreraient pas en d’autres temps. Mais de tous les oiseaux, le Loriot ma toujours paru celui qui présentait l'exemple le plus remarquable de courage pour défendre sa couvée ; en tout temps d’ailleurs, il se défend énergiquement, j'en appelle au souvenir des chasseurs qui ont blessé et ramassé sans pré- caution des Loriots, ils doivent se rappeler de fameux coups de bec sur les doigts. OEUFS DE FOURMIS ARTIFICIELS POUR L'ÉLEVAGE DES FAISANDEAUX, PERDREAUX POUSSINS DE RACES DÉLICATES ET DE TOUS LES OISEAUX INSECTIVORES Par M. PELISSE. Tout le monde sait que le gibier est l’objet des convoitises d’un nombreux public, chasseurs et gourmets. Les émules de saint Hubert voient dans la chasse un moyen très sportif d'exercer leurs muscles et leur adresse. Les disciples de Brillat-Savarin, songeant surtout aux plaisirs de la table, recherchent avec non moins d’avidité Perdreaux et Faisan- deaux dont le fumet et la saveur font un délicieux régal. Du reste, le gibier n’est pas seulement un produit de luxe, un mets très délicat, c’est aussi un aliment très nutritif que les médecins recommandent aux personnes débiles, aux convalescents, aux malades. Aussi que de gens s’emploient à le poursuivre ou s’inté- ressent à sa perte. Mais malheureusement pour tous, dans l’ardeur qu'ils mettent à la satisfaction immédiate de leur passion favorite, ils ne songent guère au lendemain, et taris- sent bien vite la source de leurs plaisirs et de leur bien-être. Le gibier devient rare en France, les chasseurs le consta- tent avec douleur chaque année et se voient trop fréquem- ment exposés à rentrer bredouilles. Les gourmets, un peu plus heureux, ont au moins l'avantage de pouvoir s’en procurer de l'étranger. Mais leur palais délicat n’y trouve pas toujours son compte. Quelle différence, par exemple, entre un bon Lièvre de chez nous et un grand Lièvre des plaines teutonnes ! Et puis c’est une rente que nous faisons à nos voisins. Il y a donc là un intérêt économique qui n’est pas à négliger. Si nous jetons un coup d’œil sur le tableau qui reproduit le mouvement de nos marchés, nous constatons avec peine « que la France occupe un rang inférieur à l'Angleterre, à D A; OEUFS DE FOURMIS ARTIFICIELS. 747 l'Allemagne, à l'Autriche, à la Hongrie, à la Hollande, à la Belgique même. Relevé du Gibier vendu aux Halles centrales pendant les trois dernières années. oo mo PROVENANCE FAISANS. PINTADES. PERDREAUX. DU GIBIER. 1887 | 1888 | 1889 | 4887 | 1888 | 1889 | 1887 | 1888 | 1889 MMlemagne.s ..... .. 10,100 | 21,456| 9,850| Néant| Néant | Néant Hollande et Belgique.| 18,700 | 39,643 | 17,475 2 » » Mnaleterre......... 10,800 | 24,957 | 11,400 » , , à Dsnasnel te... .. _ 4,000! 8,589] 4,637 , , » _ )480,000 »343,493 419,526 LHETO LA RARES Néant | Néant | Néant| 60,000 | 48,562 | 63,757 IUERTENE 0 MERE » » » Néant | Néant | Néant Autriche et Hongrie.| 27,606 | 56,212 | 41,240 ” » ANR) France. ...... | 6,515/13,427| 7,855] 2,819| 3,457 | 4,647] 58,677 | 52,349| 60,038 77,721 |164,284 | 92,437 | 62,819 | 52,019 | 68,404 |538,677 | 395,842 | 479,564 Aïnsi qu'il ressort de ce tableau, l'Autriche et la Hongrie, la Belgique et la Hollande nous fournissent la plus grande partie des Faisans consommés à Paris. Les Perdreaux que nos ménagères nous servent sur nos tables sont presque tous étrangers. En se plaçant au point de vue économique national seul, nos propriétaires fonciers se procureraient, par la loca- tion de chasses giboyeuses et par la vente directe de leur gibier, des bénéfices très appréciables. Ils trouveraient à Paris et dans nos grandes villes un débouché assuré et fruc- tueux pour leurs produits. Malheureusement le gibier. en France, va toujours diminuant, tandis qu'il augmente sensi- blement en Allemagne et en Angleterre. On attribue la cause principale de cette dépopulation au nombre trop considérable des chasseurs et particulièrement au braconnage qui est ré- primé chez nos voisins les Allemands avec une extrême sévé- rité, une sévérité telle que nous ne pouvons espérer la voir passer dans nos lois. Mais le gibier a, selon nous, encore à se défendre contre des ennemis non moins dangereux et non moins terribles : ce sont les oiseaux de proie. Je cite pour mémoire le Milan, 748. REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. l'Épervier, le Grand-Duc, l’Autour vulgaire, la Buse dont on connaît les méfaits ; le Corbeau et la Pie dont on se méfie moins, qui s’attaquent aux petits Perdreaux et aux Faisan- deaux moins protégés contre leurs entreprises que ne le sont les poussins dans les fermes. Nous ne pouvons passer sous silence la Belette ni la Fouine qui mangent les œufs, nos Chats domestiques aussi friands des jeunes poussins que des Souris, ni enfin le plus rusé de tous, maître Renard. Ces animaux ne sont pas moins nuisibles que les braconniers, car ils s’attaquent à de jeunes poussins sans défense et incapables de trouver leur salut dans la fuite. Un seul d’entre eux suffit à détruire ou perdre plusieurs couvées. On ne pourra jamais en réduire assez le nombre. Il faudra de toute nécessité re- courir à d'autres moyens, et nous croyons que le remède le plus efficace contre le dépeuplement du gibier, c'est l'élevage. C’est par ce moyen seul que l’on pourra mettre les petits à l’abri de leurs ennemis, jusqu'à ce qu'ils soient en état de se soustraire à leurs attaques. Beaucoup de nos grands proprié- taires l'ont compris ; aussi, en est-il un très grand nombre qui s’adonnent aujourd'hui à l'éducation du gibier dès son plus jeune âge. C’est là un système qu’on ne saurait trop préconiser, à raison des excellents résultats qu'il a produits, et dont la nécessité s'impose d'autant plus impérieusement qu'il n’est plus possible de satisfaire par la nourriture natu- relle aux besoins toujours croissants de l'élevage. L'élevage du gibier à plumes qui nous préoccupe particu- lièrement, notamment du Faisan et du Perdreau, exige de très grands soins et comporte une difficulté principale qui a sur- tout attiré notre attention, c'est la nourriture. Perdreaux et Faisandeaux à l’état sauvage, pendant les trois premiers mois qui suivent leur éclosion, se nourrissent d'œufs de Fourmis principalement, de larves d'insectes, de brins d'herbe et enfin de graines. Maïs les œufs de Fourmis leur sont indispensables. Il faut donc leur en fournir à tout prix ou les remplacer par une nourriture équivalente, sous peine de voir les oiseaux dépérir et la mort faire parmi eux de nombreuses victimes. Une nourriture très azotée est seule capable de diminuer, même de réduire presque à néant, les décès par diphtérie ét par ver rouge. Mais substanter trois mois durant au moyen d'œufs de Fourmis ces jeunes gallinacés, voilà qui n’est pas facile à OEUFS DE FOURMIS ARTIFICIELS. 749 réaliser, surtout si l'on a quelques centaines d'élèves, et alors que les fourmilières d'une région ont été ravagées par les eaux. On a donc cherché une nourriture artificielle appropriée à leurs besoins. À cet effet, on a fabriqué nombre d’aliments répondant plus ou moins à ce desideralum ; pâtes fibrinées, poudres azotées, sang desséché, etc. Quelques-unes de ces compositions ont donné des résultats plus ou moins heureux ; mais, de l'avis de tous les éleveurs, ces résultats jusqu'à pré- sent n’ont jamais approché de ceux obtenus avec les œufs de Fourmis auxquels il faut toujours revenir quand c’est pos- sible. Ces tentatives étaient pourtant fort utiles, puisque très souvent on est contraint de recourir à une nourriture artifi- cielle. Le problème pour n'être pas résolu d’une facon satis- faisante était-il donc insoluble ? Ne pouvait-on trouver une nourriture artificielle dont la composition chimique, la con- sistance, la forme et la couleur se rapprochassent aussi près que possible des œufs de Fourmis ? Enfin ne pouvait-on fabriquer des œufs de Fourmis artificiels ? Le moyen rationnel pour atteindre ce but était de se procurer des œufs frais de Fourmis des prés (la meilleure espèce), de les séparer complètement des matières terreuses végétales et animales auxquelles ils sont naturellement mé- langés, puis d'en faire une analyse rigoureuse au laboratoire. Le problème se trouvait ainsi posé : d’une part, rechercher quels sont les principes entrant dans leur composition, et en fixer les proportions ; d'autre part, se procurer séparément chacun des éléments, puis les combiner et les mélanger dans des proportions et des conditions convenables, enfin leur donner la consistance, la forme, la couleur, en un mot l'as- pect des œufs de Fourmis naturels. C’est ce que nous avons fait d’après les conseils de M. le D: Regnard, professeur à l’Institut agronomique. Les œufs de Fourmis naturels forment un aliment complet. On y trouve des matières inorganiques, des chlorures, des phosphates, des carbonates et des matières organiques qui renferment les aliments azotés et respiratoires. Nous avons réuni toutes ces matières dans la composition des œufs de Fourmis artificiels. La poudre de viande, très riche en ma- tières protéiques, donne abondamment l'azote. Le Blé dur de Taganrok, la fécule de Pomme de terre, la farine de Maïs 750 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. fournissent, outre l’azote contenu dans le gluten, l'aliment respiratoire par excellence : l’amidon. En associant à ces substances, en proportions convenables, du chlorure de so- dium, des phosphates de chaux, de potasse et de soude et du carbonate de chaux, on a exactement tous les principes contenus dans les œufs de Fourmis naturels. Il faut donner ensuite à cette association de produits la consistance et l'as- pect de l'œuf naturel. Pour cela, toutes ces substances, préa- lablement réduites en poudre et mélangées avec soin, sont arrosées avec de l’eau, dans laquelle on a battu des blancs d'œufs, et soumises à un pétrissage mécanique. On obtient ainsi une pâte molle et homogèue, on la passe dans une filière à vermicelle et on coupe les fils à la longueur d’un œuf de Fourmi. Il ne reste plus qu'à sécher le produit dans une étuve pour le débarrasser de l’excès d'humidité qu'il con- tient. Cette opération demande à être faite avec soin, lente- ment et à basse température, sous peine de provoquer la décomposition des principes albuminoïdes. Le produit doit être conservé à l'abri de l'humidité, seule précaution à prendre pour le garder intact plus de deux ans. Mode d'emploi. — On jette un demi-litre ou 350 grammes d'œufs de Fourmis artificiels dans deux litres d’eau bouil- lante pour qu'ils s’imprègnent et se gonfient; on les laisse cuire deux minutes et demie en les remuant sans cesse afin qu'ils ne puissent s’agglomérer et former une pâtée ; on les retire ensuite de l’eau au moyen d’un tamis en crin de vingt centimètres de diamètre sur lequel on les laisse égoutter deux ou trois minutes. Enfin, on les étale par petites portions sur des assiettes, et, pour en éviter l’agglutination, on les sau- poudre avec une pincée de farine d'Orge ou de Maïs en imprimant quelques légères secousses à l’assiette qui les con- tient. Le temps de cuisson est très important pour cet aliment ; deux minutes ne suffisent pas pour que l’humidité ait bien pénétré jusqu’au centre, et si on le laisse trois minutes dans l’eau bouillante, il devient filant, tout colle ensemble et la séparation des œufs devient impossible. On sait par expérience dans le monde des éleveurs du gibier à plumes qu'une alimentation variée produit d’excel- lents résultats. | | Il faut donc commencer par nourrir les jeunes Poussins OŒUFS DE FOURMIS ARTIFICIELS. 751 avec des œufs de Fourmis naturels pendant les huit premiers jours, puis introduire progressivement dans leur alimentation les œufs de Fourmis artificiels, en ayant soin de diminuer peu à peu la quantité des œufs naturels et d'augmenter dans les mêmes proportions celle des œufs artificiels. De cette manière, on arrive, après douze à quinze jours, à ne plus traiter les élèves qu'avec des œufs de Fourmis artificiels. Ce régime peut être continué pendant un certain temps, qui varie de trois semaines à un mois, suivant la prospérité des oiseaux. Nous voilà au moment où le gibier est assez fort pour qu'on l’habitue à se nourrir de graines. À cet effet, on mé- lange le petit blé avec les œufs artificiels en observant la même transition que précédemment entre les œufs naturels et les œufs artificiels. Malgré la réunion de tant de conditions favorables, on est pourtant fondé à se demander si les résultats pratiques sont venus confirmer nos prévisions. À cette question importante, capitale, nous ne saurions mieux répondre qu’en reproduisant ici les appréciations de divers expérimentateurs autorisés et compétents. Voici ce qu'écrit, dans le jourrial L’Æleveur (1), un de nos plus émi- nents professeurs d’agronomie, M. le docteur Regnard : « Mon expérience, dit le docteur Regnard, a porté sur 400 Faisan- deaux et autant de Perdreaux Les Faisandeaux n’ont eu des œufs de Fourmis naturels que pendant huit jours. Les œufs de Fourmis artifi- -ciels leur ont ensuite été substitués et cette nourriture a été maintenue jusqu’au moment où les oiseaux se sont envolés. La mortalité n’a pas été de deux pour cent. » De son côté, M. Vélain, professeur à la Sorbonne, a bien voulu nous communiquer les renseignements suivants : « J'ai soumis au régime des œufs de Fourmis artificiels un certain nombre d'oiseaux de volière qui tous, à de rares exceptions prés, se sont bien trouvés de ce nouveau mode d’alimentation. Ces exceptions ne portent que sur des oiseaux qui 2e se nourrissent que de graines, et parmi ces derniers, il en est encore, tels que les Serins, qui les recherchent volontiers, mais pas d’une facon exclusive. » Tout autres sont les Alouettes, Bergeronnettes, Mésanges, Merles (1) Voir la livraison du 9 mars 1890. 752 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. et Huppes qui en deviennent très friands et peuvent se contenter pendant plusieurs semaines d’une pareille nourriture. » De ces expériences qui durent depuis plus de six mois, je n’en reliendrai que deux qui sont bien significatives : » Deux Merles qui commencçaient à manger seuls ont été nourris pendant huit jours par un mélange, à parties égales, d'œufs de Fourmis très divisés et de ces graines pilées désignées sous le nom de pâtée de Mésange. La semaine suivante, j'ai séparé les œufs des graines et j'ai toujours remarqué que le vase qui contenait les œufs était toujours vidé le premier, si bien que j'en suis arrivé à ne plus renouveler les graines, cette fois non pilées, qu’un jour sur deux, puis à les laisser soumis au régime seul des œufs artificiels pendant plusieurs jours de suite, voire même une semaine. Comme terme de comparaison, un Merle de la même couvée a été soumis à la nourriture ordinaire ; or ce sont les deux précédents qui se sont notablement développés plus vite, et sont toujours restés plus vigoureux que le troisième, jusqu'à ce que je les réunisse ; il a suffi de quelques semaines d’une alimen- tation semblable pour que les différences très appréciabies entre ces trois Merles disparusseuL. » La même expérience faite sur des Alouettes a produit des résultats comparables, avec celte différence que ces oiseaux s’accommodent mal d'une nourriture composée exclusivement d'œufs artificiels. Mais en les associant avec des graines, les Alouettes deviennent rapidement grasses. » Parmi les oiseaux précédemment indiqués, ce sont de beaucoup les Huppes qui se jettent sur ces œufs avec la plus grande avidité. J'ai fait l'essai d’enfouir dans du sable des Vers de vase et des œufs artifi- ciels ; ce sont ces derniers qui le plus vite ont disparu. » Avec les Rossignols, j'ai été moins heureux; mais il est juste d'ajouter que les essais faits dans ce sens sont peu concluants ; les Rossignols que j'avais entre les mains se trouvaient dans de mau— vaises conditions et je les ai rapidement perdus. » En résumé, j'estime que vos œufs artificiels deviennent une nourriture très profitable pour un grand nombre de passereaux. » : Des expériences de même nature ont été entreprises dans divers grands domaines de la France. Nous nous bornerons à citer ici les plus concluantes : 1° M. Levasseur, régisseur du domaine de Bois-Boudran (Seine-et-Marne), en soumettant 300 Faisandeaux au régime des œufs de Fourmis artificiels, a observé que les jeunes oiseaux en étaient très friands, et déclare que cet aliment remplace très bien les larves naturelles. Il insiste sur la cuisson de cette nourriture qui demande à être faite avec le plus grand soin ; OEUFS DE FOURMIS ARTIFICIELS. 753 20 M. Marinoni fils, au domaine de Follainville, près Mantes (Seine -et-Oise), a nourri 200 Faisandeaux et 200 Perdreaux avec nos œufs de Fourmis artificiels. Il est très satisfait de cette expérience et a promis de la renouveler. Son garde chef n’emploie pas tout à fait le même procédé de préparation que nous avons indiqué : lorsqu'il retire les œufs de Fourmis artificiels de l’eau bouillante, il les fait saisir par l’eau froide ; cette modification lui réussit fort bien; 30 M. Catois, au domaine de Meurcé (Sarthe), est très satisfait de cette nourriture qu'il trouve plus pratique que les œufs de Fourmis naturels, presque impossibles à trouver en certains temps. Nous sommes particulièrement flattés de consigner dans ce . travail la communication faite par M. Geoffroy Saint-Hilaire à la Société nationale d’Acclimatation le 9 janvier dernier : « Nous remercions M. Pelisse de tous les détails qu’il vient de nous donner sur ses œufs de Fourmis ; nous ies trouvons intéressants. Les expériences que j'ai faites, moi, directement, et que j'ai fait faire à quelques-uns des amateurs avec lesquels je suis en relations, ont été favorables ; elles ont donné lieu à des témoignages de satisfaction. Il eût été imprudert de se prononcer d’une facon complète après un premier essai, mais enfin tous les renseignements concordent cepen- dant pour reconnaître qu'après un certain nombre de jours, les jeunes Faisans se sont jetés avec avidité sur la nourriture dont M. Pelisse est l'inventeur. Nous sommes donc là, Messieurs, en présence d’un élé- ment intéressant qui mérite certainement d’être examiné, médité, recommandé, sinon pour le substiluer absolument aux œufs de Fourmis, au moins pour être un adjuvant, pour devenir un concours très important. » Des faits qui viennent d’être exposés ci-dessus, ainsi que des observations qui nous parviennent chaque jour, il n’est pas téméraire de conclure que les œufs de Fourmis artificiels constituent un aliment de premier ordre, capable de suppléer à l’insuflisance des œufs de Fourmis naturels et de les rem- placer avec économie, puisqu'un kilogramme de cette nourri- ture équivaut à 10 litres d'œufs de Fourmis naturels complè- tement desséchés et dépouillés de toutes les substances étrangères qui les accompagnent. 20 Mai 1891. 18 LA PÈÊCHE EN FINLANDE EXTRAIT DES TRAVAUX DE LA SECTION ICHTYOLOGIQUE DE LA SOCIÉTÉ IMPÉRIALE RUSSE D'ACCLIMATATION DES ANIMAUX ET DES PLANTES, VOL. 1) TRADUIT PAR OC" IR RAMNITEZ: La nature elle-même semble avoir ordonné au Finnois de se livrer à la pêche, en dotant la Finlande d’une côte très étendue et finement découpée, en plaçant à proximité de la côte d'innombrables écueils et îles, en parsemant le pays d'une quantité de beaux lacs d’une merveilleuse limpidité. Si le Finnois n'est guère bien partagé sous le rapport du sol, les eaux excessivement poissonneuses lui fournissent une compensation, et en effet, elles sont devenues depuis fort longtemps la source des revenus et le gage de la prospérité de toute une population. La pêche, qui depuis un temps immémorial était exercée sans qu'aucune intervention législative y mit un frein, rap- portait de moins en moins lorsque l’wkase du 4 décembre 1865, qui fait époque dans l'industrie poissonnière du pays, vint y mettre de l’ordre. En vertu de cet ukase, le droit de la pêche en mer, dans les lacs et autres cours d’eau, appar- tient aux propriétaires riverains, excepté dans le cas où, par un contrat de fermage ou un jugement des tribunaux, il a été aliéné au profit d’un particulier. Quant à la pêche en pleine mer, sur les côtes, écueils et îles, tout habitant du pays peut s’y livrer, à moins que ces îles et écueils ne soient propriétés particulières ou que la pêche n'en soit affermée. . La pêche au crochet et au filet appartient de droit, confor- mément à l'usage, à tout le monde, presque partout, et est autorisée par la loi en ce qui concerne les écueils extérieurs et la piage. Afin de prévenir la destruction du poisson par l'emploi de certains engins et la mise en œuvre de certains procédés, la plupart des communes ont pris des arrêtés légalises par les LA PÊCHE EN FINLANDE. 755 gouverneurs des provinces, concernant les lieux, l’époque et le mode de pêche. Par ces statuts, les pêcheurs s'engagent à favoriser les migrations naturelles du poisson, le dévelop- pement et la multiplication du fretin, et à ne se servir que des engins désignés, par exemple, de filets aux mailles d’un diamètre minimum déterminé. La loi exige, en outre, que les propriétaires des bassins fixent, par une convention mutuelle, les dates exactes de l'ouverture et de la fermeture de la pêche du Saumon commun et du Saumon de lac afin de ne pas troubler le poisson et de lui permettre de gagner tranquil- lement les endroits où il a l'habitude de déposer ses œufs. Ces dates varient suivant les contrées ; c’est ainsi que pour la rivière d'Ouléo, la date de la fermeture de la pêche est fixée au 24 août et celle de l'ouverture au 1e" juin de l’année suivante; tandis que dans les autres rivières l'interdiction de pêcher, commençant du 1e au 15 septembre, ne s'étend qu’à la durée de l'hiver et seulement jusqu’au moment de la débâcle qui arrive vers le 1 mai. Par exception toutefois, dans la Vouokssa, la pêche est ouverte dès le 15 février. Pour assurer l'exécution des dispositions de la loi, il existe en Finlande un emploi particulier, celui d’inspecteur de la pêche, occupé aujourd’hui par l'honorable M. Malmgren, à qui nous adressons ici tous nos remerciements pour les ren- seignements qu’il nous a très obligeamment fournis. Ce fonc- tionnaire relève du département de l'Agriculture au Sénat. Ce corps, pénétré de toute l'importance de la pêche pour le pays, et la considérant avec raison comme l’industrie vitale de la Fin- lande, ne recule devant aucun sacrifice pour assurer sa bonne organisation et la faire profiter de tous les progrès. C’est ainsi qu'il prend l'initiative d’expéditions savantes chargées d’étu- dier sur place l’industrie du poisson dans tous les pays où elle existe, et cherche à se rendre un compte exact des améliora- tions qui peuvent être apportées soit dans la réglementation de la pêche, soit dans les procédés employés. La loi réglementant la pêche, la création des diverses ad- ministrations ayant le même objet ont déjà eu cet effet bien- faisant d'amener un accroissement notable dans les produits de la pêche annuelle du Saumon et des diverses autres espèces d'un prix plus élevé. Il existe en Finlande trois modes de pêche : la péche en pleine mer et le long des côtes, la pêche du Lavaret et du 756 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Saumon dans les grands fleuves et enfin celle qui se pratique dans les lacs et rivières intérieurs. La pêche des deux pre- mières catégories constitue un métier indépendant ; elle se poursuit sans interruption autant que le permettent la loi, la saison, etc. Toute la population finlandaise, les riches comme les pauvres, consomment presque quotidiennement de la Sar- delle (siiakRa), la pêche de ce poisson tient donc le premier rang au point de vue économique. La Sardelle, appelée sala- koucha, et plus exactement su/akka, dans le pays (Clupea harangus), est une variété du Hareng commun. Elle vit en grands bancs le long de toute la côte finlandaise. On Ia péche à l’aide de filets à mailles très serrées que l’on étend pour la nuit sur des bancs de sable ou qu'on fixe au fond d’un canot. Ce canot n’est point retenu par une ancre, mais flotte au gré du courant. Le petit bateau sans voiles est, suivant l’impor- tance de la famille, monté par deux ou six hommes, et lors- qu'il s’agit de vider le filet, il y a de la besogne pour tout le monde. Les lieux de la plus forte pêche sont les îles d’Oland, les écueils d'Abo, les côtes des gouvernements de Niuland et de Vasa. Dans le laps de temps compris entre 1871-1895, les iles d'Oland expédièrent tous les ans 7 à 8,000 tonneaux de Sardelle salée, c'est-à-dire 56,000 à 64,000 pouds (le poud vaut environ 14 kilogr.), et le gouvernement de Niuland jus- qu’à 2,000 tonneaux ou 16,000 pouds. Dans ces chiffres n'est pas comprise l'énorme quantité de ce poisson très savoureux et très sain que l’on consomme sur place. En 18%5, la pêche de la Silakka occupait 764 bateaux et 354 filets, et elle a produit 5,721 tonneaux ou 45,770 pouds de poisson salé. Nous devons à ce propos faire cette réserve que tous nos chiffres relatifs au produit de la pêche ne sont qu'approximatifs et sont évidemment bien au-dessous de la réalité. Suivant les renseignements officiels qui ne se dis- tinguent pas toujours par une scrupuleuse exactitude, le pro- duit annuel de la péche atteint en moyenne 0 à 80,000 ton= neaux ou 560 à 640,000 pouds. | Pour l’année 1879, nous trouvons 5,021 familles ou mé- nages vivant exclusivement de la pêche sur les côtes et en. pleine mer. Nous n'avons pu nous procurer les renseigne- ments exacts que pour cette année, mais nous pouvons LA PÉCHE EN FiNLANDE. j 757 assurer toutefois que si les chiffres qui nous sont fournis ne présentent pas une augmentation sensible sur ceux des dernières années, ils présentent encore moins une dimi- nution, Ménages Bateaux Produit de la pêche (en pouds). Gouvernements, vivantdepêche de à exclusivem. pêche. Silakka. Sardine. ne iuland... On LI 185 0 591150 (18.120 RNA oA0 TES TÉBTERES 2,040 3,146 239,650 20 41,800 Miloret.:.3..; 1,092 1,537 59,780 230 21,760 VERS CREER 1,108 1,167 167,280 150 24,860 OHléaborei. 214 608 25,360 30 8,860 Nora « 5,021 7,643 985,220 19,150 111,820 Comme on le voit, d’après ce tableau, la pêche de la Sar- delle est concentrée dans les gouvernements d’Abo et de Vasa, c'est-à-dire dans la partie méridionale et la partie moyenne du golfe Bothnique, et surtout autour des îles d’Oland qui en sont le centre. D'autre part, la pêche de la Sardine d'Estonie (Clupea sprattus) se fait avec le plus de succès dans la gorge du golfe de Finlande où ce poisson arrive de la mer Baltique et des détroits danois. La bonne Sardiñe finlandaise qui ne le cède en rien à celle de Réval ou de Lüssegul, se pêche près d'Exneis où il existe un établissement de pisciculture fort bien aménagé..Le siège le plus important de la pêche du Saumon et du Lavaret sont les grandes rivières : le Tornéo, le Kémi, l'Ouléo, le Koumo, le Kuméléné et la Vouokssa. La pêche est faite en partie à l’aide de caisses spéciales (« zagon », en russe) installées dans les cours d'eaux et en partie au filet. Au moment où commence sa congélation, le lac de Ladoga abonde en Saumon (« Lohnen », en finnois) que l’on prend dans des filets d’une espèce particulière. Les sujets capturés atteignent rarement plus de 15-16 livres russes, mais ils sont très gras et d’une saveur très recher- chée. Toute la pêche du lac et de la Kumméné s’expédie, suivant un vieil usage, fraiche ou gelée à Saint-Pétersbourg, tandis que dans d’autres endroits, on sale le poisson avant de l'envoyer aux lieux de vente, ce qui lui retire la meilleure part de sa saveur et, par conséquent, de son prix. Le Saumon 758 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. frais que l’on appelle « graflax » dans le pays est consommé cru par les indigènes ; mais il faut avoir l'habitude du poisson cru pour ne pas éprouver de la répugnance à imiter ceux-ci quoique le Saumon cru soit en réalité un mets très fin et très délicat comme l’est aussi la Silakka crue à peine salée. Voici quelques données sur les proportions qu'atteint la pêche du Lavaret et du Saumon dans les rivières : Tornéo, Kémi, lio, Ouléo et quelques autres. Cette pêche est propriété de l'Etat. Saumon Lavaret (en pouds). me DSL 9 ARTS NN 14,750 2,520 1812. :2 CNE SP PRNRARESE 16,056 1,401 1918: LU 00e dE PAMENNART 15 7308000204 LS; Eee CAR CREER 13,490 1,450 LOST RUE LACIE CERN RE 17,384 2,434 Quant au produit de la pêche de la rivière de Koumo, pêche appartenant à l'Etat également, il est malaisé d’en évaluer exactement l'importance, mais on sait qu’elle est prise à ferme pour la somme de 12,236 mark (3,050 roubles métal), de plus, les particuliers en tirent pour 20,000 mark (5,000 roubles métal) environ de poisson. Le rendement de la pêche de ces deux espèces — Lavaret et Saumon — n’a point baissé depuis 1875, et même, au contraire, il est en voie d’accroisse- ment. Nous pouvons donc considérer la moyenne de la pêche pendant ces cinq années comme représentant assez exacte- ment le revenu annuel de ces pêcheries. Si nous passons maintenant au poisson des lacs, c’est à la « Mouikka » (Coregonus albula, « siklüsa » en suédois) que nous devrons attribuer la première place au point de vue quantitatif. Ce poisson joue sur la table du paysan de l’inté- rieur du pays le rôle de la Silakka pour les habitants de la côte. Les œufs de la Mouikka accommodés avec de la crème, de l'oignon et du poivre constituent un des hors-d’œuvre les plus recherchés du pays. On en vend des quantités énormes aux marchés de Helsingfors et des autres villes. Dans la soupe au poisson, la Mouïkka remplace avantageusement la Gremille (Acévine). Parmi les autres poissons qui peuplent les rochers et sur- tout les lacs et les rivières, nous devons nommer : la Perche LA PÉCHE EN FINLANDE. 759 (Perca fluviatilis), le Brochet (Æsoxæ lucius), le Sandre (Lu- cioperca sandra), la Brême (Abramis brama), le Gardon (Idus mélanotus), le Leuciscus rutilus, l’Anguille (An- guilla vulgaris), la Lamproïie (Peiromyzon fluviatilis), la Lotte (Lotta vulgaris, la Truite {Trutta lacustris et fario), le Thymalle {Trutta trutta), la Sole (Flatessa flesus), ainsi que beaucoup d’autres espèces. La pêche se fait à l’ha- mecon avec ou sans ligne, au filet, au tramail et à la bor- digue. Bien qu'à l’intérieur du pays, la pêche ne soit qu’une occupation auxiliaire pour le cultivateur, cependant en dehors de la consommation ménagère, une quantité considé- rable de poisson est dirigée sur les marchés des villes. Dans ces dernières années une enquête a été ouverte dans les communes concernant la pêche dans les lacs et ri- vières ; les chiffres n’en peuvent être qu'approximatifs, mais réunis et groupés, ils suffisent cependant pour donner une idée de la place que tient dans le pays cette branche de l’économie rurale. D’après ces renseignements, le rendement de la pêche dans les lacs et rivières de la Finlande, pour l’année 1899, peut être représenté par les chiffres suivants (en pouds) : 7 Auires Gouvernements. Saumon. Thymalle. Lavaret. Mouikka. espèces. Total. Nalandr. 2... 864 » 360 2,650 11,440 15,614 DORE «0 2,455 » 4,100 3.110 13,160 24,026 Tavasgoust..... 208 » 10 13,550 17,270 31,098 Mibore: +4... 4,160 190 9,900 30,730 12,750 57,130 Saint-Michel... » » 600 30,310 23,350 54,260 ROUOpLON. 1. 4 120 813,140 78511500" v21,100"" 59,918 MAR AE. ct 190 16 1,530 20,000 7,300 29,036 Ouléabors..: .. . OBS 000MMAIES SOI 65H 0MMIO; 350002183885 HO MS 063022100681 150152;6000 117,320 319 267 Si nous ajoutons à cela la pêche maritime, le produit de là pêche de la Finlande se chiffrera, pour l’année 1879, par un total de plus d’un million de pouds de poisson. On se rendra compte que ces chiffres sont plutôt au-dessous de là réalité, en considérant que la Finlande exporte chaque année plus de 300,000 pouds de poisson, rien que pour les pays voi- sins, la Russie et la Suède. Ajoutons qu'elle a commencé à en fournir à l'Espagne. 760 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Si nous nous en rapportons aux documents de la douane, qui offrent toutes garanties possibles d’exactitude, voici quelle a été l'exportation pour ces dernières années. NEEES Poisson vivant Saumon Silakka Autres poissons Écrevisses et poisson frais. salé. salée. en salaison. (centaines). IROITE POP 99,220 10,868 98,224: 17,615 31,990 SNS ES 96,935 11,928 115,560 21,088 20,060 SHC Ce 95,701 16,280 135,856 17,296 20,840 LS TER 89,020 11,920 126,960 17,600 21,500 1878 (la guerre). 59,096 8,048 171,144 8,936 22,000 SO ie 53,678 6,504 201,106 13,868 \oHe21 lESOPEENE 94,043 9,570 165,064 7,720 30,100 LSSLE NE 91,313 10,430 183,672 9,360 32,156 so en, 96,526 10,780 197,250 11,730 34,968 188210 96,805 10,618 1192/5100 820008 RS La valeur du poisson exporté de la Finlande en 1874 attei- gnait la somme de 1,525.327 mark ou 381,332 roubles, en 1880 elle était de 2,569,548 mark — 642,387 roubles métal. Il n’est pas sans intérêt non plus de noter la répartition de l’ex- portation entre divers pays. Exportation (en pouds). TER En Suëde. En Russie. — — Poisson frais et poisson vivant........ 83,517 10,526 SaUMONUSAlE à, MEME AD LV NE 1,962 1 608 Silakka salée. Bee Dre AR 117,936 47,128 Nuires poissons FAléS PME PRET 6,512 1,208 Écrevisses (centaines!...........1..... 30,189 1 À la pêche maritime des poissons proprement dits se rat- tache la chasse aux Phoques qui a lieu à la fin de l'hiver et au commencement du printemps. Ce n’est point le courage, la hardiesse ou le sang-froid qui font défaut aux pêcheurs fin- Jandais, mais les Phoques ne sont guère nombreux aux côtes de ce pays. La chasse aux Phoques ne joue donc qu’un rôle secondaire, elle n’atteint pas l'importance d’un métier spé- cial faisant vivre son homme. Les intrépides chasseurs fin- landais trainent leurs canots sur la glace jusqu'en mer ouverte, et là ils les attachent à d'énormes blocs de glace flottants sur lesquels ils s'installent pour la chasse, C’est seu- LA PÈCHE EN FINLANDE. 761 lement lorsque la glace est complètement fondue que la compagnie rentre avec son butin, et si la chasse a été heu- reuse, il y à jusqu’à cent bêtes par canot. En 1875, il y eut 1,740 Phoques abattus, pour le gouver- nement de Vasa seul, et les îles Oland ont fondu 419 pouds de graisse de Phoque pure ; dans la période comprise entre 1871-1881, on tuait chaque année une centaine de Phoques dans le golfe de Finlande. En 1879, 5,422 Phoques ont été tués sur les côtes de la Finlande, dont 2,300 dans le golfe Both- nique, 1,600 dans le golfe de Kinlande et 300 à 400 dans le lac Ladoga. En 1882, le total des bêtes tuées atteignait 5,279; elles ont fourni 6,055 pouds de graisse. La chasse au Phoque est pratiquée surtout par les habitants des îles Oland, le long de la côte du gouvernement de Vasa et sur les îles Hochland, Lavansaari et Seïskaari; à noter ce fait curieux que le Phoque se rencontre non seulement dans le lac Ladoga, mais aussi dans celui de Saïmen. En ce qui concerne la pisciculture artificielle, la question a été soulevée en Finlande, il y a un siècle, par le « magister » G.-R. Jers, dans son ouvrage intitulé : Sur les causes de la diminution de la pêche du Saumon dans la rivière de Koumo, et édité en 1771, à Abo ; mais la question ainsi posée resta à l’état stationnaire. C’est seulement bien plus tard que, sur l'exemple venu de France, on essaya de l'élevage artifi- ciel. Vers 1858-1862, plusieurs établissements furent fondés par des particuliers et attribués au ressort de l’ancien ins- pecteur de la pêche, M. Holmberg qui a étudié cette industrie en Norwège. La plupart de ces établissements, créés grâce à l'initiative de ce fonctionnaire, se consacrèrent à l'élevage des alevins du Saumon, qui trouvent un débouché lucratif dans ces pays du nord et n'exigent point de soins particu- liers. Les premiers établissements de ce genre furent fondés par MM. Schatélovitch, à Stoxfors sur Kumméné, Droujinine, à Khovinsaari, paroisse de Kumméné, général major Kleichills, à Abbosfor sur Kumméné, Lébédeff, près de Keksholm, sur la Vouokssa, Alfmann, sur le ruisseau Ourpal (gouvernement de Viborg), von Notbeck, à Tammerfors, le baron F. Linder, sur la Svarto et le pasteur Hartmann, dans la paroisse de Krono- borg ; les trois derniers établissements s’attachèrent surtout à l'élevage de la Truite de rivière. En 1863 et 1664, deux nouveaux. établissements pour l'élevage du Saumon furent 762 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. fondés sur le Tornéo et l’Ouléo, par des Sociétés par actions qui ont, dans ces deux rivières, la ferme de la pêche appar- tenant à l'État. Ces établissements ne cessent pas de mettre à l’eau des alevins, de Saumon surtout. C’est ainsi que, par exemple, les trois établissements de la Kumméné ont mis chacun, tous les ans, 100,000 alevins ; ceux d’Ouléo, du ruis- seau Ourpal et de Keksholm en ont fourni dans les mêmes proportions. Les brillantes espérances que l'on fondait sur la piscicul- ture artificielle en Finlande n'ont cependant pas donné tout ce qu'on en attendait, et l'honorable inspecteur, M. Malmgren lui-même, considère le procédé comme peu applicable dans le pays, il espère davantage de l'élaboration d'un ensemble de mesures législatives relatives au flottage du bois, etc., pour favoriser la multiplication naturelle du poisson dans les lacs et rivières de la Finlande, PHOPHUPEIRER DE L'EUPHRATE (POPULUS EUPHRATICA Orv. — P. DIVERSIFOLIA A.-G, Scun. *) Par M. J. VILBOUCHEVITCH. (Communication faite en séance du 5 avril 1891.) Le nom du Populus Euphratlica ne vous est pas inconnu, ‘puisque votre société a eu à s’en occuper, il y a deux ans, lors d’un envoi de graines, qui lui furent adressées par M. Metaxas, de Bagdad. Ce Petplier s’accommode fort bien de terrains salés ; tous les Peupliers en général paraissent avoir un peu cette qualité (1), au même titre qu'une série d’autres essences forestières or- dinaires ; mais l'espèce ÆEuwphratica la possèderait au plus haut degré. Vous savez, Messieurs, que le boisement artificiel d’un sol, surchargé de sels solubles, comme il y en a en abondance dans tous les continents, entre autres sur les côtes de la France, en Algérie et en Tunisie, n’est pas toujours chose facile. Je crois donc que sur cette matière aucune indication ne doit être négligée. C’est à ce titre que j'ai cru utile de vous pré- senter les renseignements sur le Peuplier de l'Euphrate que j'ai pu réunir, en grande partie, grâce à la bienveillante obli- (*) Kirghize : Tal-Touranquyl ; Touranga ; Douranda ; Dourangoun (ces dénominations sont le plus souvent employées par les voyageurs russes tels que Prjevaiski). s Malham, d’après Franchet [plantes du Turkestan, récoltées par Capus). Oussak ou Oussiak, d’après Borszezov. Arabe : Safsaf; arab; ce dernier nom désigne plus particulièrement le 2. Euphratica ; c'est de lui qu’il est question dans les psaumes et non du Salix Babylonica ; cependant en général, les deux noms s’appliquent assez indistinc- tement aux Saules aussi bien qu'aux Peupliers différents, Persan : T'erangout ; Patta. Afghan : Padda ; Paddanne. Indes : Verne: Bahan; Bhan; Janglh benti; Safe dar. Pendjab : Ban. Sindh : Pathr. Brahoui : Hodoung. ({yclopedia of India. Balfour.) (1) Voyez le remarquable travail de M. Gaston Gautier, Revue scientifique, mars 1876. — Richthoffen, China. 16-17. — La lettre de M. Louis Reich. — Obroutcheff : La dépression Transhaspienune. LS 764 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. geance de M. J. Grisard, de MM. Franchet, Bonnet et Bois, du Muséum d'histoire naturelle, et de M. Gaston Gautier, de Narbonne. Le Peuplier de l’'Euphrate est un arbre qui a dérouté la sa- gacité de plus d'un voyageur. Voici comment le Dr Kremer, qui l’a découvert le premier en Algérie, décrit les circons- tances dans lesquelles il l’a rencontré (1). C'était non loin de la frontière du Maroc, près Lalla- Magrhnia. Le D' Kremer avait apercu, en passant, de la ver- dure sortant d’un ravin à quelque distance des voyageurs ; il y descendit et y trouva des arbres, alignés le long d’un tor- rent (qui était l'Oued-el-Hammam-el-Guelta). Il en reconnut plusieurs comme étant des Pistachiers at- lantiques ; il y avait aussi des Oliviers de bonne espèce. Enfin, il vit un arbre qui lui parut être « un beau Saule, à coup sûr, une espèce nouvelle ». En remontant le long du ruisseau, il observa « de gros Peupliers à tête arrondie, d’un très beau port ». En remontant encore, il se trouva auprès d'arbres « dont les rameaux portaient à la base des feuilles de Peuplier, au sommet des feuilles de Saule et dans le milieu des feuilles de formes intermédiaires entre les deux premières formes »... « Cette fois, raconte-t-il, j'y perdis mon latin. » Ce n’est qu'après avoir consulté les sources que Kremer s’est avisé qu'il venait de faire la découverte du L. Euplra- lica, décrit en 1806 par Olivier (2). Messieurs, voici les planches de Kremer, qui représentent trois formes du Peuplier de Lalla-Magrhnia. En réalité, la diversité du feuillage du Peuplier de lEuphrate est encore plus grande que l’on ne le voit sur ces planches (3). (1) Le Peuplier de l'Eughrate, 1866, Metz (Warion) et Paris (J.-B. Bal- lière), (2) Il se guida sur ce fait que toutes les feuilles, quelles que soient leurs formes, avaient à leur base à droite et à gauche du sommet du petiole, une pe- tite glande — caractère, qui appartient à certains Peupliers et non aux Saules, (3) C'est chez Brandis et Stewart qu’on trouvera le plus de détails sur le feuillage du Peuplier de l’Euphrate. Les “Heures et la description d'Olivier sont dans son ouvrage Voyage dans l'empire ane, l'Égypte et la Perse, 1801-1807. Planches 45 et 46 de la troi- sième livraison et pp. 449-450 du troisième volume. I y a encore des planches du P. diversifolia, de PAS Russe, dans les Images de Trautvetter (16). M. Franchet a bien voulu me faire voir au Muséum une Le d’échan- LE PEUPLIER DE L’EUPHRATE. 165 L’aire de distribution géographique de notre Peuplier est très vaste. Si nous allons de l’ouest vers l’est, nous trouvons tout d'abord quelques stations très éloignées les unes des autres, au Maroc, en Algérie, au Sahara oranais (dans les environs du 32° degré de latitude nord, d'après le Dr Bonnet); puis l'espèce saute brusquement à une petite oasis située au milieu du désert de Lybie, où l’a vue Acherson ; nous la retrouvons en Egypte. En Asie, elle vient en Palestine, en Syrie, en Mé- Sopotamie, en Perse, au Khorossan, en Afghanistan, au Beloudjistan ; elle monte dans l’'Hymalaya jusqu’à l'altitude de 13,500 pieds {1); elle abonde au Pendjab ; elle est connue au Transcaucase, en Turkmenie, Dzongarie et Mongolie ; elle S'y avance jusqu'à la frontière ouest de la Chine. Au Turkes- tan elle monte, dans le Zariavchan, jusqu’à 2,480 mètres. Le Peuplier de l’Euphrate est très ancien, comme Kôppen l'a noté et serait le plus proche parent du P.mutabilis Heer qui fut très abondant en Europe durant l’âge du myocène, et a été constaté entre autres le long des côtes de la Baltique, en Suisse, en Autriche, en Italie..... Le P. Euphratica lui-même aurait été beaucoup plus ré- pandu autrefois qu'il ne l'est de nos jours (2). Le bord des cours d'eau paraît être l'habitat préféré de notre Peuplier. D'après Regel, il occupe au Turkestan, le plus souvent, de vastes étendues de roselières, en compagnie de l’Anabasis Aphyllum, du Lycium, du Nitraria, de l'Apocynum. tillons de P. Ewphratica rapportés des différents pays par les grands auteurs, et j'ai pu m’assurer qu’il y a presque autant de formes différentes que de nu- méros. — Nous avons dit que Kremer n’a pas été seul mis dans l’embarres par l'étrange Peuplier. D’autres ne s’en sont même pas aussi bien tirés que lui. Ainsi Schrenck qui a décrit le Peuplier pour l’Asie centrale, en lui donnant très heureusement le nom de P. diversifolia, en a détaché en même temps et dans les mêmes stations une autre espèce encore, qu’il dénomma P. pruinosa, qui, cependant, n'est lui aussi qu'une forme du même Peuplier polymorphe. Albert Regel en a acquis la certitude après avoir observé et examiné bon nombre de sujets, et pendant des années, autant à l’état spontané, que dans les rues eu cours des villes du Turkestan ; et Wessmayl (Les Peupliers, p. 54 56) lui donne raison. (1) À 10,500 et à 12,000, il y en a encore de fortes forêts. (2) On trouvera des indications locales précises dans Boissier (Flora orien- talis); dans Brandis et Stewart (Forest-Flora of Northwest, central and Sou- thern India, 1874, p. 474); dans Kôppen (Geographische Verbreitung der Hobz- gewächse des europäischen Russlands, 1888, t. Il, 351). 766 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Braisdis et Stewart décrivent d’une facon très intéressante comment les graines du Peuplier de l'Euphrate sont apportées tous les ans par le vent sur les atterrissements que l’Indus met à nu au retrait estival des eaux. Le Peuplier fixe l’alluvion et y forme des espèces de forêts, dans lesquelles, seul ou mélangé d’Acacia Arabica (1), il re- présente les hautes futaies, tandis que des Tamarix consti- tuent le taillis. Comme la plupart des auteurs ont passé sous silence cette propriété particulière de notre Peuplier de pouvoir pousser dans le sel, et que cette propriété nous importe avant tout, je tiens à vous citer Les passages qui la mettent en évidence. 1° En suivant une piste qui m'avait été indiquée par M. Reich, j'ai trouvé cette phrase d’un récit de voyage d'A. Regel (2). M. Regel décrit une localité et ajoute : « Le P. di- versifolia y croissait en abondance sur un vrai salant... » % Dans la description de Kremer, l'eau de l’Oued, qui « baignait les racines » des arbres, est définie comme étant « très limpide et fraîche, mais salée, très amère, impotable et purgative, sans doute à cause de ce qu’elle contient du sel marin et du sulfate de magnésie ». Les eaux des Oueds de cette localité du Sahara oranais où le P. Euphratica a été constaté par le D: Bonnet, sont également toujours plus ou moins salées, suivant l’importance variable de leur débit, et leurs rives se couvrent facilement d’efflorescences salines. C’est le cas de bon nombre de fleuves de ces déserts. Quand on relit les ouvrages relatifs à l’Asie centrale, on est amené à voir que, dans ces steppes infinies, qui sont aussi la patrie de notre Peuplier, le sable et la glaise sont salés également et uniformément presque partout ; les rives des ri- vières sont également recouvertes en été d’une croûte épaisse de sel (presque toujours les sulfates y dominent et les chlo- rures sont presque absents; il y a néanmoins des exceptions). 3° On ne saurait désirer une confirmation plus catégo- rique que celle-ci que j'ai trouvée en feuilletant le Garten- flora et qui appartient encore à Regel ; il décrit le port du P. Euphratica et spécifie que, d'ordinaire, les troncs sont incrustés de sel. J'aurais encore à citer ce passage. M. Franchet m'a fait voir dans l’herbier du Museum d’his- (1) Brandis et Stewart, p. 22. (2) Bulletin de la Soc. Imp. de Géographie de Russie. LE PEUPLIER DE L’EUPHRATE. 767 toire naturelle un échantillon du Peuplier Euphratica rap- porté par M. Belanger de Poulidellack, en Perse, et portant cette inscription faite par la main de l’auteur : N° 596, Désert salé. Ces quelques témoignages me paraissent assez concluants. Cependant, on peut faire une objection : Puisque notre Peuplier est toujours sur le bord de quelque cours d’eau, sa compatibilité avec le sel n'est-elle pas étrai- lement liée à la condition d'avoir en même temps assez d'eau à sa disposition ? S'il en est ainsi, quel avantage pré- senterait-il sur ces autres espèces de Peupliers et sur tous ces arbres et arbustes assez nombreux que M. Reich énumérait dans sa lettre, imprimée à la Revue ? Cette objection, je n’ai pas encore pu l’écarter complète- ment, bien que je puisse citer cette affirmation assez catégo- rique de Regel (1) : « Le P. diversifolia est peut-être l’un des meilleurs arbres pour boiser une steppe, privée d’eau. Il paraît n’éprouver le besoin de quelque humidité qu'au premier printemps; plus tard, l'humidité inhérente au sel lui suffit. » Il faut dire aussi que, parmi ces rivières du désert qui, au premier abord, paraissent fournir de l’eau en abondance au P. Euphratica, beaucoup se dessèchent complètement tous les ans dès le commencement de l’été. Tel l’'Oued où M. Bonnet a vu ses P. Euphratica, je tiens le fait de l’auteur même. Il serait pourtant agréable d’être mieux renseigné sur ce point essentiel par des botanistes connaissant aussi bien que Regel, notre Peuplier ; et précisément de savoir si l'espèce ne dégénère pas obligatoirement en buisson dans les stations sèches. La question de la taille et de la qualité du bois est en gé- néral la question fondamentale ; car, si l'extrême bizarrerie du P. diversifolia suffit pour la faire rechercher par l’horti- culteur, il est évident que l’acclimateur et l’agriculteur n’ont d'intérêt à faire des démarches pour se le procurer et des dépenses pour le planter en grand, que si l'essence est suscep- tble de faire valoir le terrain qu'il occupera. « J'ai cherché à me faire une idée de ce que le Peuplier de (1) Gartenflora, 1880, 768 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. l'Euphrate promet à ce point de vue ; mais les sources que j'ai consultées ne permettent pas de conclure. Je ne puis que vous rapporter, sans les commenter, quel- ques appréciations. D'abord pour le port : D'après Regel (1) l'aspect des arbres adultes est tres étrange. Le tronc, le plus souvent recouvert de sel, comme nous l'avons dit, est tortueux. La tête ressemble pour la plupart à celle d’un Chênè : ce pendant certains sujets prennent volontiers une forme plus ou moins pyramidale. L'arbre n’a pas une apparence très majestueuse; il dépasse rarement la hauteur de 30 pieds. Cependant son aspect est agréable et on est étonné de le voir d’un vert si gai (2). Middendorff (3), qui a vu le P. diversifolia au Turkestan comme Regel, ne lui reconnait pas cette dernière qualité, . I se présente, dit-il, tantôt comme buisson, tantôt avec un vrai tronc, mais son aspect est toujours tres laïd, avec son drôle de feuillage coriace. Les fourrés de 2. diver- sifolia et de Tamarix ne sont pas des oasis dans le désert. » Kremer trouvait son Peuplier'« fort curieux et gracieux ». Il indique une taille qui n’est pas bien plus grande que celle du Turkestan. M. Bonnet n’a pas vu non plus d'arbres de plus grandes dimensions. Mais le P. Euphratica en atteindrait de considérables au Pendjab où, ainsi qu'au Turkestan, on ne dédaigne pas de le planter dans les jardins et le long des routes. En effet, aux Indes, le Peuplier de l’Euphrate est, sous tous les rapports, un arbre des plus utiles. Ecoutez seulement ce qu’en dit Brandis : « Les arbres des forêts du Sindh (4) mesurent de 40 à 50 pieds sur 5 ou sur 8. Ils ont des troncs régulièrement conformés, mais pas bien droits. Au Ladak, la hauteur est de 20 pieds ; l'épaisseur de 3 à 4. (1) Garte:flora, 1818, p. 109. (2) Des P. diversiflora que Borszezow a vus le long de l'Amou-Darya et de ses principaux bras, y mesuraient 20 pieds de haut et avaient 3 à 6 pouces de diamètre. (3) Einbluk in das Ferghana Thal, 1880. (4) Désert salé et aride de l'Inde (nord-oues'}. Re ln, LE PEUPLIER DE L’EUPERATE. 769 La rapidité de croissance est considérable (1). Son bois est plus dur que celui du Peuplier blanc de l'Inde (2); blanchätre dans l’aubier, rougeâtre dans le cœur (3), veiné de brun-foncé, ou bien presque noir chez les sujets âgés. Au Pendjab méridional, le bois ne sert qu’au revêtement des murs, mais au Sindh il est largement employé en général et fournit des poutres et ‘solives, des parquets et des objets tournés. \ Les jolies boites laquées du Sindh sont faites généralement en bois de P. Euphratica. La faculté calorique du bois n’est pas bien grande; c’est ce qui le fait dédaigner par les chauffeurs des petits va- peurs du pays; au Sindh et dans le sud du Pendjab, il: n’est employé comme chauffage que dans le ménage; mais au Ladak, où il y a pénurie de bois, il jouit d’une grande estime. Au Sindh, les couches intérieures de l'écorce fournissent des mèches à fusil, et l'écorce même est donnée aux malades comme vermifuge. Les feuilles constituent un bon fourrage pour les Chèvres aussi bien que pour le bétail; par endroits, dans la plaine comme au Thibet, les arbres sont expressément et régulière- ment étêtés dans ce but (4). » Avec le botaniste anglais Anderson, qui a vu le P. Eu- phraiica sur la frontière de l'Afghanistan, lors des récents travaux de délimitation des deux pays, ça va encore bien. Parmi les arbres cultivés autour des autels, à Nutschki, An- derson en a mesuré un qui avait neuf pieds six pouces de circonférence à six pieds du sol; les autres arbres du pays, bien que moins grands, étaient tous de mêmes dimensions suffisantes ; mais — c'est ici que l'affaire se corse —, le bois (1) Il y a trois à quatre couches annulaires sur un pouce de distance ra- diale ; ces anneaux sont souvent de largeur bien inégale les uns par rapport aux autres. (2) Que Brandis définit comme étant tendre et léger, mais à grain bien uni- forme. SAT (3) « Rayons médullaires jolis, nombreux ; pores plus grandes que celles du P, migra et du P. alba, disséminées régulièrement, une à une ou par groupes de deux à trois. Le bois vieux est rouge, très dur et ressemble à celui du Poi- rier » (Kremer). (4) D'après les mêmes auteurs, le Peuplier de l’Euphrate servirait aussi sur les bords de l'Euphrate et du Tigre, à faire des planches et même des canots. 20 Mai 1801, 49 770 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. n’était pas bon; il ne serait employé que comme combus- tible. Ici encore, l'arbre fournit aux Chameaux une nourriture précieuse (1). Mais nous voilà au Turkestan et nous trouvons, d’après Middendorff, le bois du Peuplier de l’Euphrate géné- ralement dédaigné par les habitants (2); mais on cultiverait l'espèce par endroit, dans des champs arrosés, pour la van- nerie. Enfin, d'après Regel, le bois est tendre et ne vaut que comme combustible. Maïs, employé de cette facon, il brülerait comme du charbon de terre — à la manière du saxaoul (3). À quoi ces divergences peuvent-elles bien tenir | Nous n’avons pas de raison de mettre en doute l'exactitude des observations, les différences sont même très naturelles vu l'étendue considérable de l’aire de distribution géographique de notre peuplier. En définitif, ces choses-là ne peuvent être jugées sérieuse- ment que sur la foi d'expériences de cultures faites sur place — en Camargue — si vous voulez, ou en Algérie, et le résul- tat ne peut être généralisé chaque fois que pour le petit pays où l'expérience a été faite. Pourvu que nous ayons des plants, nous tirerons la chose au clair bien vite. Peut-être même se lrouve-t-1l déjà en ce moment des échantillons cullivés en France; puisque, lors de sa décou- verte, le D' Kremer en a mis quelques-uns dans la pépinière de Lalla-Magrhnia et plus tard à celle de Nemours (Algérie), « derrière la maison de la pépinière, au pied de la montagne, le long du canal d'irrigation, en se dirigeant vers la source ». Il en a également greffé avec bon succès sur un Peuplier blanc de Hollande dans la cour de l'hôpital de cette ville, en face de son logement. Longtemps encore après être rentré à Nancy, Kremer recevait des boutures et des greffes de Ne- mours et doit en avoir distribué à ses amis. * M. Kremer a été aussi en correspondance avec MM. Audi- bert frères, horticulteurs de Tonnelle (Bouches-du-Rhône), (1) The Afghan delimitation Comission in Transactions of the Linnean Society, de Londres. Botanique, 11 ser., Ile vol. Je n’ai pas vu le texte moi- même. (2) La pénurie des bois y est cependant extrême. (3) 11 y a une contradiction, puisque le saxaoul est dur comme picrre. LE PEUPLIER DE L’EUPHRATE. 771 {maison disparue à ce qu'on m'a dit), à propos de ses Peu- pliers. k Dans sa brochure il parlait de l'intention qu'il avait d'en mettre un dans le jardin des plantes de Metz. Les graines, reçues en 1888 de Bagdad par votre Société, ne doivent pas avoir germé, puisque aucune communication n’est parvenue au bureau. En général les Peupliers ne se multiplient pas facilement par graines (1). Il serait beaucoup mieux d'avoir des greffes ou des bou- tures. Le Muséum, qui est en correspondance avec des botanistes du Turkestan, en avait déjà recues un jour, malheureuse- ment, quand les greffes sont arrivées à Paris, elles étaient mortes. Messieurs, je tiens encore à vous signaler une information que je n’ai pas pu contrôler et d’après laquelle, il y a quelques années, il aurait été mis en commerce sous le nom de 2. Eu- phratica des plants de P. Boleana. qui est une variété asia- tique fasciée du Peuplier blanc (2). Messieurs, je crois que la Société nationale d’Acclimatation de France rendra un bon service à l’agriculture des terrains salés de tous les pays, si elle arrive à faire des expériences en grand avec le Peuplier de l’Euphrate. (1) Il y a une description du fruit chez Olivier... — Au Pendjab l’arbre fleurit en février, au moment où il ne porte encore que quelques vieilles feuilles de l’année passée; et les graines mûrissent d'avril à juin (Brandis). Sur le bord de l'Euphrate, Olivier a récolté en mai des fruits mûrs. {2] Voici les quelques indications d'ordre culturai qu’on trouve chez les auteurs cités : Le Peuplier de l'Euphrate pousse de ses racines une multitude de rejets; c'est ainsi qu’il arrive à couvrir de grandes surfaces, du moment qu'il s'installe quelque part (Regel) ; cela le fera toujours un peu encombrant dans les jardins. Il repousse vigoureusement après être taillé; au Sindh on met à profit cette pro- priété et on élève le Peuplier en taillis pour avoir des solives. L'arbre supporte l’étêtage pendant de longues années. Ainsi que les Saules, le Peupiier de l’Eu- phrate se couvre dans la partie inférieure du tronc de nombreuses racines cornées, s'il est sujet aux inondations; dans ce cas, la partie interne de l’écorce se trouve aussi souvent percée de prolongements du bois épiniformes, courts et durs, ce sont des bases de branches mortes ; les Ormes présentent le même phénomène, [Brandis et Stewart.) k - | | LA LUTTE DE L'HOMME CONTRE LES ANIMAUX Conférence faite à la Société nationale d’Acclimatation le 143 mars 1891, Par M. PIERRE-AMÉDÉE PICHOT. (SUITE *.) Malgré la guerre incessante faite contre les Loups en France, l'espèce est loin d’y être éteinte. Nos forêts et nos montagnes leur servent toujours de refuge, et il n’en est pas tué moins de 7 à 900 par an sur toute l'étendue de notre terri- toire. D'ailleurs nos frontières ouvertes ieur donnent des faci- lités pour se recruter par des importations étrangères, et à la suite des guerres continentales, les mouvements de troupes chassent devant elles des bandes d'animaux sauvages, Loups et Sangliers, qui viennent nous demander l'hospitalité. Pour ces malfaiteurs, hélas ! on ne réclame jamais l’application des lois d’extradition. . | La position insulaire de la Grande-Bretagne lui a permis de se débarrasser des fauves depuis déjà longtemps. C’est vers le milieu et la fin du xvre siècle qu’il est fait mention des derniers Sangliers; les derniers Loups tués en Angle- terre remontent au règne de Henri VIE (1485-1509) et s'il en est encore signalé dans le nord de l’Ecosse et en Irlande pendant environ deux siècles encore, je crois qu’ils ne sont plus guère connus que par les traditions populaires au commencement du xviie siècle. De même que dans beau- coup de Musées d'Angleterre on vous montre le crâne de Shakspeare, de même on vous y montre le crâne du der- nier Loup. C'est vers 1700 que se place la dernière des- truction de loups dans le Sutherlandshire. Elle est drama- tique. Un garde du nom de Polson, de Wester Helmsdale, avait découvert dans les rochers de Glen Loth la tanière d’un Loup qui ravageait la contrée; il s’y rendit avec son fils et un petit gardien de troupeaux. L'entrée de la tanière (*) Voyez plus haut, page 687, ‘ -LA LUTTE DE L'HOMME CONTRE LES ANIMAUX. 773 était fort étroite; les deux petits gamins parvinrent à se “glisser dans l'étroite ouverture pour examiner l'intérieur pendant que Polson montait la garde à la gueule du terrier. Les hardis explorateurs se trouvèrent tout à coup devant le liteau sur lequel grouillaient cinq petits louveteaux qu'ils se mirent en devoir d’étrangler sur l’ordre de leur père lorsque subitement parut la mère Louve rappelée au logis par les vagissements de sa progéniture. À la grande terreur du garde elle se précipita, la gueule écumantz, dans l’étroit corridor qui menait à son logis et Polson n'eut que le temps de se jeter sur elle et de la saisir par la queue au moment où elle allait disparaître dans le corridor. « Père, crièrent les samins, qu'est-ce qui bouche la lumière ! » — « Vous ne le saurez que trop tôt, malheureux ! si la queue casse ! » répondit le père en enroulant fortement autour de sa main l’appendice de l'animal. La lutte fut héroïque ! L'amour paternel tirait d'un côté et l'amour maternel de l’autre. Enfin le garde put dégager son couteau de chasse et lardant les reins de la Louve qui ne pouvait se retourner, il finit par la mettre à mort et par dégager le passage. La lutte de l’homme contre les bêtes féroces et les grands fauves présente un intérêt tout particulier à cause des risques que l’on y court et des dangers auxquels on est exposé. Ne croyez pas cependant que ce soit aux seuls animaux carnassiers que l'homme ait eu à disputer l'empire du monde. Il en est de plus humbles de figure et de moins redoutables en apparence, qui ont indirectement menacé son existence et contre lesquels il doit soutenir chaque jour une guerre sans trève ni merci, sous peine d’avoir à leur céder la place. Tel est par exemple le Lapin qui, au commencement du premier siècle de notre ère, avait tellement pullulé dans les îles Ba- léares, son lieu d’origine, que les habitants menacés de la fa- mine par ses ravages furent obligés de réclamer l'assistance militaire de l'empereur Auguste pour étre délivrés de ces commensaux absorbants. Une ville de Catalogne, Tarragone, passe pour avoir été presque détruite et rendue inhabitable, à un certain moment, par les terriers et les galeries que les La- pins avaient creusés sous ses fondations. Et dans des temps plus rapprochés de nous, le Lapin ne fut-il pas un des fac- “. L] 714 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. teurs les plus importants de la Révolution française ? Les dégâts commis par le gibier en général et le Lapin en parti- culier furent un des griefs que les révolutionnaires exploi- tèrent contre le trône et contre l’autel. Il est vrai qu’alors la chasse avait dévié de sa mission providentielle et la lutte contre les animaux s'était transformée petit à petit en plaisir de luxe et en sport. De là les abus des capitaineries où le gibier s'était multiplié dans des proportions incompatibles avec l’évolution pastorale et agricole, ce cycle nécessaire par où l'humanité est forcée de passer dans sa marche ascendante vers le progrès ; de là ce discrédit jeté sur la chasse qui était devenue l’apanage d’un petit nombre de privilégiés ; de là la réprobation qui s’est attachée si injus- tement à l'exercice d’un art qui, maintenu dans de sages limites, doit trouver encore de nos jours une application utile à l'humanité. Sans doute la Révolution francaise a eu d'autres mobiles que la reprise de la lutte contre les ani- maux un instant oubliée ou dénaturée. Mais cette lutte y a joué un rôle, et c’est à bien plus juste titre que nos auto- ritèés municipales pourraient élever sur les places publiques des statues aux Lièvres et aux Lapins qu’à certaines person- nalités contestables de nos dissensions civiles, quoiqu'à vrai are, il en est qui puissent passer aussi pour de fameux rongeurs | | Je viens de vous dire que la lutte contre les animaux s'était modifiée dans la suite des temps et que ce qui n'était, au début de l’apparition de l’homme sur le globe, qu'un combat brutal pour assurer sa sécurité et proté- ger sa faiblesse, était devenu chez les peuples civilisés un plaisir de luxe et un art d'agrément au méme titre que le piano et la peinture. Oui, la chasse est devenue un art et un arttrès compliqué ayant ses règles, ses traditions, ses dilettantes. Et la chasse s’est surtout perfectionnée et affinée dans les pays où le nombre des animaux sauvages ve- nant à diminuer, il fallait plus d’habileté pour les poursuivre et pour les atteindre. Le Chien, cet utile auxiliaire du chas- seur, devait logiquement être le premier animal dont l’homme ait cherché à s’assurer les services et par suite le premier domestiqué. Cela est confirmé par les découvertes de la paléontologie. Partout où l’on trouve les restes de plusieurs # LA LUTTE DE L'HOMME CONTRE LES ANIMAUX. 175 espèces d'animaux coexistantes, le Chien est l’une d'elles, et partout où l’on n’en trouve qu’une seule, il est celle-là, et Buffon avait pressenti les découvertes de la science pré- historique lorsqu'il a dit : Le premier art de l’homme a été l'éducation du Chien et, le fruit de cet art, la conquête et la possession paisible de toute la terre. Un autre auxiliaire de l’homme dans la lutte contre les animaux est le Cheval. Il a été, lui aussi, l’un des premiers animaux domestiqués. Il semble avoir existé jadis à l'état sauvage sur presque toute la surface du globe, mais il fut longtemps considéré par les hommes préhistoriques comme un simple gibier ; ils le mangeaient comme nous l'avons mangé pendant le siège de Paris, et ils le trouvaient proba- blement excellent car ils arriverent, à le détruire sur cer- taines parties du globe avant de le domestiquer sur d’autres, d'où il nous est revenu. Le Chien et le Cheval voilà quels furent les auxiliaires de l’homme pour transformer en art la lutte des premiers âges contre les animaux. Autre chose est d'attendre sournoise- ment, au coin d’un bois ou d’un passage, un animal peu mé- fiant et de l’y détrousser comme un voleur à coups de silex ou de bâtons, et autre chose est d'attaquer la piste d’un animal déjà fort loin de vous, de le suivre à travers des fourrés épais ou des landes broussailleuses, de le mettre £ sur pied, de déjouer ses ruses et de finir par le forcer à s’a- vouer vaincu. La chasse brutale à la force du poignet ne peut se faire que dans un pays neuf où l’animal est en nombre et avant qu'il n'ait appris à redouter et à craindre son ennemi mortel. Lorsqu'il a été mis en éveil par les attaques continuelles dont il a été témoin, dont il a failli souvent être victime lui-même, alors il faut que l’art vienne au se- cours de la nature, que le chasseur mette à profit ses obser- vations sur les mœurs des animaux, appelle à son secours ces auxiliaires que je viens de vous citer, afin d'utiliser la finesse de leur nez ou la vitesse de leurs jambes pour continuer une lutte dans laquelle il serait évidemment inférieur à l'animal qu'il poursuivit. Et c’est ainsi que s’est formée la vénerie qui nulle part n’a atteint une plus grande perfection qu'en France, et qui tient encore une place si importante dans les rouages de la société civilisée, où chez nous par ‘exemple 300 équipages occupent un personnel de 700 per- 716 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. sonnes, 1,200 Chevaux, 7,000 Chiens pour prendre environ 7,000 animaux par an. Après avoir sifflé le Chien et appelé le Cheval pour l'aider dans sa lutte contre les animaux, l'homme réclama les ser- vices du Faucon pour atteindre les oiseaux dans les airs où il lui était difticile de les suivre avant l'invention des ballons, et de les atteindre avant la découverte des armes à feu, car s’il s’est servi d'armes de jet et notamment de l'arc dès la plus haute antiquité, la flèche n’avait ni assez de précision, ni assez de rapidité pour frapper sûrement un but mobile, tel que l'oiseau, dont on a souvent comparé la vélocité à celle de la foudre. De toutes les associations qui se sont formées pour mener à bien cette lutte de l’homme contre les animaux, il n’y en a certainement pas de plus surprenante ni de plus charmante que celle du chasseur avec cet être presque insaï- sissable auquel l’espace semble appartenir, et qui paraît si difficile à réduire aux lois étroites de la captivité. C’est cependant ce que l'homme a accompli. L'année dernière j'ai eu l'honneur de retracer devant vous l’histoire de la chasse au vol. Le Chien, le Cheval, le Faucon, voilà donc les trois princi- paux alliés qui, dès la plus haute antiquité, ont permis à l'homme d'assurer sa domination sur les animaux du globe. Je dis les trois principaux, parce qu'il y en a bien d’autres dont l’usage, pour ne pas s’être autant généralisé, n’en a pas moins eu de l'importance et a marqué une des phases de la lutte. L'Éléphant, par exemple, a été transformé en véritable machine de guerre, en forteresse ambulante pour fouler les épais fourrés, les jungles de l’Inde, et résister par sa masse aux impétueux assauts du Tigre acculé. J aurais voulu vous montrer quelques-unes des péripéties de la chasse au Tigre avec l'Éléphant, mais je n'ai pu me procurer que quelques- unes des photographies que le prince Henri d'Orléans a rap- portées de son voyage dans les Indes où, avant d'aller explo- rer. les plateaux du Thibet, il a abattu de sa main plusieurs des fauves habitants des jungles. Ces photographies vous feront voir l’Éléphant, cet utile auxiliaire de l’homme, pris sur le vif dans l’exercice de ses fonctions cynégétiques, et vous remarquerez un retour de chasse où le Tigre qu'on vient de tuer, est couché en travers de la selle. (Projections : Éléphants de chasse du prince Henri d'Orléans aux Indes.) LA LUTTE DE L'HOMME CONTRE LES ANIMAUX. 117 Les bêtes féroces à leur tour ont été réquisitionnées pour nous aider dans la lutte. Les Égyptiens avaient utilisé l’élas- ticité de jarret et la force de mâchoires du Chat et du Lion lui-même ; les Francs trouvèrent la chasse avec le Guépard pratiquée en Syrie lors des premières croisades et elle fut introduite en Europe vers l’année 1413 par un marquis d'Este qui, ayant voyagé en Orient, rapporta un de ces félins de l’île de Chypre où on lui en avait fait cadeau. Pendant la seconde moitié du xve siècle, il y eut toujours un certain nombre de Guépards à la cour de Ferrare; on voit figurer dans les livres de comptes de la maison d’Aste des dépenses pour colliers, laisses, achat et entretien de « Léopardi », qui ne sont autres que des Guépards. Leur renommée vint jusqu'à la cour de France. Louis XI, écrivant vers 14796 à son très cher et aimé cousin Hercule Fe: d’Este, lui demande de lui envoyer un de ces « Liépars » dont il a entendu parler. Louis XIT s’en servit pour prendre des Chevreuils. Gessner raconte qu'il y en avait de deux espèces à la cour de François If. Sous Henri IT on les gardait au château d’Anet, puis après la mort de ce prince, on les transporta au château de Saint-Germain. Les derniers qu'on vit à la cour de France étaient sans doute ceux que Marie de Médicis avait amenés de Florence et dont parle Henri IV dans une lettre adressée au marquis de Rosny en 1601. Le Guépard n’est plus employé aujourd’hui comme auxi- liaire de l’homme qu’en Perse et dans les Indes où les princes et les souverains en entretiennent dans leurs équipages. Cet animal est un type ce transition entre les félins et les chiens, aussi les naturalistes lui ont donné le nom générique de Cynailurus, Chien-Chat. Chats par la tête, la longue queue, le pelage, ils sont Chiens par la hauteur des jambes et presque la forme des pattes, car leurs ongles très peu ré- tractiles sont presque toujours abaïssés et s'émoussent par le frottement contre le sol. Ce sont des animaux moins féroces que les félins, mais la vue du sang les excite et les rend redoutables. Leur dressage ressemble beaucoup à celui du Faucon ; on les prend par le jeune et la faim ; on les tient dans l'obscurité au moyen d’un masque ou chaperon dont on leur recouvre les yeux, et que l'on n’ôte qu’au moment de les lancer sur la proie qu'ils doivent poursuivre. On les porte à la chasse soit à cheval, et dans ce cas le Guépard se tient sur 7178 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. un coussin disposé derrière la selle du veneur, soit sur une petite charette traînée par des Zébus ; c'est ce dernier mode qui est le plus usité dans l’Inde. On approche ainsi le plus qu'on peut les troupeaux d’Antilopes que l’on veut surprendre et lorsqu'on ne peut plus avancer sans donner l'éveil au WU À ne A Ne. NS Re \ N SU ve NON Va De NN N (Projection : File d'Indiens se rendant à la chasse.) gibier, on lâche le Guépard en lui découvrant les yeux. Il a vite aperçu le gibier, car il est à jeun et attend avec impatience le moment de se repaitre; dès qu'il a choisi sa proie il s’avance vers elle à bon vent en se trainant sur le (Projection : Chariot à Guépard.) ventre et en rampant à travers les herbes, mettant à profit tous les accidents de terrain, puis lorsqu'il est à bonne portée, il se découvre, bondit comme une flèche et saute à la gorge de l’Antilope avant que l’animal ait eu le temps de se recon- naître et de prendre sa course. S'il manque l’Antilope il est oie.) 0 nt sa pi d saisissa uepar ection : G (Pro) NA fe QG WO 2: : 4 p , Z Z 4 He 2 le ASE P ÿ \ 2 pe LU WN D, / vÿ s I ER | le ) ole. a sa pi d sur a Gucpai (Projection : 780 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. rare que le Guépard poursuive plus de quelques centaines : de mètres et le léopardier, comme on appelait au moyen âge l’homme chargé des Guépards, le remet à la laisse en lui pré- sentant un leurre exactement comme pour le Faucon. Si le Guépard a fait prise il faut user de beaucoup de précautions et de ruses pour lui ravir sa proie sans l’irriter, car malgré tout l’art avec lequel il est dressé on n’est pas encore arrivé à lui faire comprendre les beautés du partage. Il y a encore un souverain qui possède des Guépards fort bien dressés pour la chasse et que je vais vous faire voir dans la projection sui- vante. C’est le Shah de Perse que l'artiste a représenté en visite chez le Chat, je veux dire chez son Guépard. (Projection : Le shah de Perse et ses Guépards.) Vous avez pu voir que les peuples les plus anciens avaient honoré à l'égal des dieux, si non divinisé même, les héros dans lesquels se personnifiait la lutte triomphante des pre- miers hommes contre les animaux. Dans la célébration des pre- mières fêtes religieuses, il n’est donc pas étonnant de trouver sous un symbole quelconque le souvenir de cette lutte. Pour ne citer que les fêtes de l’antiquité qui nous sont le plus fami- lières, les jeux Pythiens furent institués en l'honneur d'Apol- lon, en souvenir de sa victoire sur le serpent Python,etles jeux Olympiques célébrerent les triomphes d'Hercule que rap- pelèrent encore les jeux Néméens. Ces fêtes, ces jeux, émi- nemment gymnastiques au début, tels que sont aujourd’hui les congrès de nos bataillons scolaires, qui ne nous ont ce- pendant délivré de rien du tout, contribuèrent à faire en- trer la lutte contre les animaux dans le domaine de l’art et à entretenir chez les masses qui ne chassaient plus le gout instinctif et héréditaire du combat des premiers temps du monde. Les jeux du cirque qui, sous les Romains, atteignirent leur maximum de splendeur donnèrent un nouveau stimulant à cette lutte, car la faune de tous les points du globe dut fournir à ces spectacles et par des chasses réelles préluder à ces chasses artificielles et improvisées. Qu’on en juge par le nombre d'animaux qui furent en certaines circonstances immolés dans ces fêtes : Scaurus, un célèbre édile de Rome, exposa dans l’amphi- théâtre, cinquante-huit ans avant notre ère, cent cinquante Panthères. Probus fit planter le cirque d'arbres de haute LA LUTTE DE L'HOMME CONTRE LES ANIMAUX. 781 futaie et y lâcha ensemble jusqu'à mille Autruches et autant de Cerfs, de Sangliers, de Daims et de Chevreuils qui furent livrés en curée au peuple. Une autre fois cent Lions, cent Lionnes, autant de Léopards de Libye et trois cents Ours mordent le sable de l’arène et peut-être aussi les jambes des spectateurs. Enfin le goût de ces tueries devint tel qu’on vit l'empereur Commode descendre dans l'amphithéatre et tuer de sa propre main d’un coup de flèche ou de javelot les ani- maux qu'on faisait courir devant le peuple pour l’amuser. En cela il se montrait, dit-on, fort habile et abattait ses victimes d’un seul coup, comme le dernier des Mohicans, Hélas ! pour l'honneur de l'humanité, le sang des animaux n’a pas seul rougi l’arène. Homo homini lupus, a dit un latin: l'homme est le loup de l’homme; l'homme est sa propre bête fauve, et dans la déviation de cet instinct de préserva- tion qui, dès les premiers àâges du monde, en avait fait un ennemi mortel de toute la faune animée, il a tourné contre lui-même ses propres armes. Les voûtes du Colisée n’ont pas seulement retenti des rugissements des Lions et des Tigres, des Panthères et des Hyenes ; les gémissements des gladia- teurs mourants, des prisonniers livrés aux bêtes, se sont longuement répercutés sous ses arceaux sonores ! Au milieu de ce concert lugubre de plaintes et de ràâles d’agonisants, montent heureusement vers le ciel les hymnes et les der- nières prières des premiers chrétiens, qui, immolant à leur foi naissante une vie misérable, attestent plus fortement encore que la longue suite de triomphes sur la nature bru- tale dont je viens de vous entretenir, la supériorité de l'homme sur la brute et l'essence impérissable de l'humanité. Gérome nous a rappelé dans un ses beaux tableaux une de ces scènes émouvantes, La voici : (Projection : Za dernière prière.) Les combats d'animaux et les boucheries sanglantes du cirque ont disparu dans la suite des temps et gràce à l’adou- cissement des mœurs, et c'est à la cour des rajahs de l'Inde, chez le Guicowar de Baroda par exemple, qu’il faudrait aller aujourd'hui pour retrouver ces sports barbares dans toute leur splendeur. Mais longtemps en Angleterre et en France on s’est amusé de combats de bêtes que l’on excitait les unes contre les autres ; les combats de Cogs, les combats de 782 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Chiens ou d'Ours ont été longtemps des passe-temps popu- laires, et à Vienne, en Autriche, il est encore fait mention de combats de Lions contre des Chiens dans l’année 1790. Des arènes de Carthage, où sainte Perpétue avait été exposée dans un filet aux colères d’une vache furieuse, les courses de Taureau ont passé en Espagne avec les Carthaginoïis qui peuplèrent les côtes, et en Provence avec les Amorrhéens qui fondèrent Arles, et elles s’y sont perpétué jusqu’à nos jours. Ce que sont ces luttes d'adresse et de sang-froid, vous avez pu en juger à Paris pendant ces dernières années, car on nous en a donné le simulacre sur divers hippodromes sans compter {a gran Plazza de loros construite tout exprès avenue Pergolèse, mais chez nous la tradition est rompue et nous avons quelque peine à goûter aujourd'hui ces spectacles dont les finesses et l'escrime nous échappent ; cependant la lutte de l’homme contre les animaux y est devenue un art raffiné dans lequel l’homme a remporté de nombreux triomphes. Sur l’ancienne Plazza de Madrid qui a duré cent vingt-cinq ans, de 1749 à 1874, on a vu au moins trois mille sept cent cinquante courses où plus de vingt-deux mille cinq cents Taureaux ont été vaincus loyalement et tués en duel à l'épée, tandis que les Taureaux, eux, n’ont tué que huit hommes, savoir : trois matadors, un banderillier, un piqueur, un amateur et deux simples bourgeois dans des courses au Taurillon. | Dans notre Provence et dans nos provinces landaïises, les courses de Taureaux ont été encore moins homicides, car là le sang n’est pas versé, du moins devant le public ; pour le pauvre Taureau, la course est toujours le prélude ou l'ouver- ture du drame de l’abattoir. On se contente de lutter d’agi- lité avec nos petits Bœufs de la Camargue ou des Landes pour enlever une cocarde placée entre leurs cornes, et à défaut de cirque antique, comme les arènes d'Arles on de Nimes, pour se livrer à ce sport, on se contente d’une simple enceinte de planches érigée sur la place publique ou de barrières circu- laires formées en plein champ par un enchevêtrement de voi- tures, de charrettes et d'instruments aratoires. (Projection : Cowrse dans les arènes d’Arles.) Voici la représentation d’une course de Taureaux dans les arènes d'Arles, puis un des pittoresques gardiens des trou- Course de Taureaux dans les arènes d’Arles. 784 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. peaux de Taureaux dans la Camargue, véritable chevalier moderne armé de sa lance et portant sur l’arcon de sa selle sa bonne amie. (Projection : Gardien de Camargue.) Mais en Espagne comme en Provence, le gout pour les courses de Taureaux fait tellement partie du caractère natio- nal que l’on à prétendu que pour y assister, les enthousiastes amateurs sacrifieraient jusqu’à leur part de paradis. C’est ainsi que notre poète provençal, Mistral, nous a re- présenté un mauvais sujet de Tarascon frappant aux portes Gardien de Taureaux de Camargue et sa « chatto ». du Paradis dont saint Pierre lui refuse naturellement l'entrée. — Puisque j'ai tant fait que de venir jusqu'ici, lui dit Jarjaye, c'était le nom du Tarasconais, et que la vue n’en coûte rien, laisse-moi un peu voir le Paradis, on dit que c’est : si beau. — Soit, dit le saint, en considération des mérites de ton père qui porte ma bannière pieds nus dans les processions, je veux bien t'accorder ta demande, mais il est entendu que tu ne mettras dans le lieu saint que le bout de ton nez. — Ca va, dit le misérable et tandis que saint Pierre entr”ou- vrait la porte, Jarjaye se retournait et entrait à reculons, sous prétexte que l'éclat de la lumière l’éblouissait, Il pro- mettait bien toutefois de ne plus bouger, dès que le bout du LA LUTTE DE L'HOMME CONTRE LES ANIMAUX. 785 nez serait entré. Saint Pierre, fidèle à sa parole, ne voulut pas chicaner sur un détail, quoiqu'il s’apercût qu'il était joué, car une fois le bout du nez passé, le corps du pécheur ne voulait plus sortir. Le porte-clefs était aux cent coups pour savoir comment se débarrasser de l’intrus. Il alla trouver saint Yves, le pa- tron des avocats, qui lui conseilla de prendre un avoué et de faire citer Jarjaye par huissier devant le divin tribunal. Trouver un huissier en Paradis, c'était bien impossible et d'avoué, il n'y en avait peut-être pas davantage. Heureuse- ment saint Luc vint à passer; il est l'ami des Bœuñs et le pa- tron des toréadors, et lorsque saint Pierre lui eut conté son embarras et qu'il eut appris que Jarjaye était de Tarascon, il envoya une troupe de petits anges courir de l’autre côté de la porte du Paradis en criant comme les gamins d’Arles, de Beaucaire, de Tarascon et de Nîmes lorsqu'ils voient arri- ver une bande de Taureaux pour les courses : « Zi bioow, li bioou ! les Bœufs, les Bœufs. » Le pauvre Jarjaye, surpris par ces cris affolants, ne put y tenir. « Quoi, dit-il, on fait ici des courses de Taureaux ? » et il se mit à courir comme un étourdi et se précipita derrière les petits anges. Derrière lui la porte se referme et saint Pierre, mettant le nez au fenestron, lui dit d’un ton gouailleur : | — Eh bien, Jarjaye, comment la trouves-tu ? — Mauvaise, lui répond le malheureux expulsé en faisant une triste mine, mais tout de même si ça avait été les Bœufs je n'aurais pas tant regretté ma part de paradis! Et là-dessus, il s’enfonca dans l’abîme ! dins lou garagai (A suivre.) 20 Mai 1891. 50 II. EXTRAITS DES PROCÈS - VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. SÉANCE GÉNÉRALE DU 3 AVRIL 1891. PRÉSIDENCE DE M. A. GEOFFROY SAINT-HILAIRE, PRÉSIDENT. f Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. — M. le Secrétaire des séances s'excuse de ne pouvoir assister à la réunion. — M. le Secrétaire général procède au dépouillement de la correspondance. — Des remerciements au sujet de sa récente admission sont adressés par M. L. Fatin, de Naujac (Gironde). — MM. Zeiller, Joncquoy, R.-M. Romand, de Forestier comte de Coubert, D.-D. Gourdin et J. Fallou remercient des envois de semences qui leur ont été faits par la Société. — M. J.-B. Laville adresse une demande de Pommes de terre Richter’s imperator. — M. Chatot, de Saint-Germain-du-Bois (Saône-et-Loire), rend compte de ses cultures de Crosnes du Japon. — M. Laborde, curé de Vertheuil-en-Médoc (Gironde), accuse réception et remercie du cheptel de Faisans versico- lores qu'il vient de recevoir. — M. de Barrau de Muratel écrit du Montagnet (Tarn) : « Je viens d'apprendre un fait assez curieux par sa rareté et qui m'a paru de nature à vous intéresser, c’est un fait de superfétation parfaitement constaté sur une Jument et dont voici les détails. » Un de mes voisins avait fait saillir une Jument au mois de février, deux mois et demi après, la Jument donna des signes de chaleur et fut ramenée à l’étalon qu’elle accepta. Au mois de janvier suivant, onze mois après la première saillie, la Jument mit bas deux Poulains en même temps, l'un parfaitement arrivé à terme, et le second impar- faitement développé, tous les deux succombhèrent. Un vétérinaire de Castres, M. Garrigues, appelé pour étudier ce fail anormal, reconnut facilement que le premier poulain était à terme, mais que le dévelop- pement du second annonçait une gestation de huit à neuf mois au plus. Ce fœtus serait donc le produit de la deuxième saillie faite à deux mois et demi de distance de la première. J’ai entendu dire que le fait de superfétation chez les Juments était, sinon contesté, PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 787 du moins très rare, celui-ci est authentique et officiellement cons- taté, à ce titre, j'ai pensé qu'il pouvait être utile de vous le faire connaître. » — M. Vilbouchevitch communique l’extraït suivant d’une lettre qu'il a recue de M. Ussèle à propos de l'emploi du Tamarix articulata (Farash) pour les travaux de reboise- ment dans l'Inde : « Je ne puis malheureusement vous fournir aucun renseignement sur les Tamarix que, dans mes voyages, je n'ai jamais rencontrés comme objet d’une culture spéciale. Dans les Indes, le Farash n'a été employé, au moins à Changa Manga (1), que pour obtenir une couver- ture du sol, et l'on a utilisé pour cela son affection particulière pour les terrains humides. S'il n’a pas dans ce pays les qualités qu'on lui reconnaît en Egypte, cela tient très certainement à la différence des climats, et les exemples ne manquent pas d'espèces sylvicoles dont les qualités se diversifient avec la situation. Peut-être même trouverait- on la cause de la qualité ou du défaut des bois par l’analyse chimique de leurs œuvres, qui indiquerait les éléments assimilés dans tel ou tel pays, utiles à leurs qualités et puisés dans des sols différents. Pour ma part, je n’hésite pas à altribuer, dans ces circonstances, une importance exceptionnelle au régime des eaux pluviales très différent aux Indes angiaises et en Egypte. » — M. Joseph Clarté demande divers renseignements sur le Citrus triptera du Japon. — M. Dubor exprime le désir de recevoir des graines de végétaux pouvant convenir au climat de la Tunisie. — M. le Président dépose sur le bureau une note de M. Huet, aide naturaliste honoraire, chargé de la Direction de la ménagerie du Muséum, note relative à la multiplication de la Cigogne en captivité. M. le Président dépose également une note de M. Sharland dans laquelle notre confrère constate les effets de la tempé-- rature rigoureuse de cette année sur ses élevages de la Fon- taine-Saint-Cyr. — À cette note, qui a été insérée dans le numéro du 20 avril de la Revue, M. le Président ajoute des renseignements intéressants recueillis par lui lors d'une visite faite à la propriété de M. Sharland et insiste particulièrement sur ce fait que les éducations ont lieu à Fontaine-Saint-Cyr, sans les précautions ordinaires prises dans les ménageries, (1) Voyez la Revue scientifique du 21 février 1891. 188 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. en semi-liberté et presque toujours sans chauffage, même par les froids les plus durs et les plus persistants. — La parole est à M. le Secrétaire général pour la lecture de quelques pages envoyées du Caire par M. d’Aubusson qui promet à son retour des renseignements plus complets, notamment sur l'élevage des Autruches. À ce sujet M. le Secrétaire général présente quelques observations sur les élevages d’Autruches tentés en Algérie et sur les conditions dans lesquelles ils ont été faits. — Sur l'invitation de M. le Président, M. Vilbouchevitch donne lecture d’une note sur le Peuplier de l’'Euphrate. À l'occasion de cette communication, M. le Président exprime le désir de faciliter l'introduction de cette essence qui serait utile dans les terrains salés, il espère que l’ar- boretum de M. Lavallée, à Segrez, pourra fournir du plant O1 qu'on pourra en demander à notre collècue de Bagdad, M. Métaxas. — M. le Président donne la parole à M. Hédiard qui présente à l'assemblée différents produits venant des colonies, Cacao, Gingembre, Ignames, Patates rouges de la Martinique, Hari- cots de Madagascar, Manioc, Chou caraïbe, etc. M. Hédiard insiste particulièrement sur l'utilité qu'il y aurait à tenter dans le Midi de la France, et surtout en Algérie, la culture de certaines espèces d'Ignames dont il offre de donner des tuber- cules à la Société. | M. le Président remercie M. Hédiard de sa communication et des offres qu'il a bien voulu faire et donne ensuite lecture d'uné note de M. le marquis de Brisay concernant les effets du froid sur ses élevages à Auray (Morbihan). : M. le Président fait ressortir certaines contradictions ap- parentes entre les observations dont il vient de donner com- munication et celles recueillies à Fontaine-Saint-Cyr par M. Sharland. — Il est d'avis qu'on ne peut encore tirer des conclusions absolues des tentatives faites jusqu’à ce jour et des résultats obtenus. En dehors des conditions climatériques d'élevage, il y a celles d'alimentation et bien d’autres encore qu'il y aurait lieu d'examiner. Elles feront toutes l’objet d’un questionnaire que M. le Président, d'accord avec la Section, se propose d'adresser à tous ceux qui s'occupent de l’acclimatation des oiseaux. PROCÈS -VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 789 L'ordre du jour étant épuisé et personne ne demandant la parole, M. le Président lève la séance. Pour le secrélaire des séances, JULES GRISARD, Secrétaire du Comité de rédaction, SÉANCE GÉNÉRALE DU 17 AVRIL 1891. PRÉSIDENCE DE M. A. GEOFFROY SAINT-IILAIRE, PRÉSIDENT. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté sans observation. — M. le Président proclame les noms des membres récem- : ment admis par le Conseil : MM. PRÉSENTATEURS. À. Berthoule. Edgar Roger. G. Rogeron. A. Berthoule. Eug. Dupin. A. Geoffroy Saint-Hilaire. | | | | Cosnier, au château de Sauceux (Eure- et-Loir). Croppr (Édouard), rentier, rue Théophile- Gautier, 3, à Neuilly. DEBEAUVAIS (Louis), éleveur, passage des Eug. Dupin. Thermopyles, 47. ug. Dupin Edgar Roger. A. Geoffroy Saint-Hilaire. De Quatrefages. Weil. A. Berthoule. A. Geoffroy Saint-Hilaire. Marquis de Sinéty. Heckez (Édouard), docteur en médecine, directeur du Jardin botanique de Mar- seille, 31, cours Lieutaud, à Marseille. Jousser DE BELLESME, directeur de l’'A- quarium du Trocadéro, 5, rue du Pont- de-Lodi, L2 À. Berthoule. Edgar Roger. Marquis de Sinéty. PARADIS (Fernand), colombophile, 20, rue Rochebrune. Eug. Dupin. À. Geoffroy Saint-Hilaire. D' Ménard. À. Berthoule. WAsQUEZ (Paul), 14, rue de Crussol. Eug. Dupin. A. Geoffroy Saint-Hilaire. PELISSE (Claude), pharmacien de l'e classe, 4, rue de la Sorbonne. 790 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. En l'absence de M. le Dr Saint-Vves Ménard, qui s'excuse de ne pouvoir assister à la séance, M. J. Grisard procède au dépouillement de la correspondance : — Des remerciements sont adressés par M. Jousset de Bellesme au sujet de sa récente admission dans la Société. — MM. Ch. Mailles et Jalouzet accusent réception et re- mercient des végétaux qu'ils viennent de recevoir en cheptel. — M. E. de Carheïl annonce le renvoi de son cheptel _ décomplété de Canards Aylesbury. — M. Alexis Guillaumin rend compte des améliorations qu'il a apportées dans la race porcine craonnaise. Cette race est originaire de la Mayenne d’où elle s’est répandue dans tout l’ouest de la France. C’est dans ce département et dans la Sarthe que notre confrère est allé chercher ses premiers reproducteurs, mâles et femelles. La sélection rigoureuse à laquelle cet éleveur s’est livré pendant plus de trente ans lui a permis de corriger la plupart des défauts de conformation des animaux élevés dans l’ouest et de créer dans l'Allier, à Lépine, une porcherie modèle qui jouit d'une réputation méritée. — M. Cuginaud, de Brantôme (Dordogne), accuse récep- tion des œufs de Truite saumonée qui lui ont été adressés par la Société et qu’il a reçus en parfait état. — M. le Président présente quelques observations au sujet de l’exposition et du concours d’aviculture ouverts récemment au Jardin zoologique d'Acclimatation du Bois de Boulogne. Il fait ressortir les avantages que présentent, à tous les points de vue, ces réunions où éleveurs et amateurs sont mis en contact. L'exposition annuelle du Palais de l'Industrie était un pro- grès ; mais les conditions de cette exhibition générale des différentes classes d'animaux destinés à l'alimentation sont peu favorables à un examen complet des oiseaux de basse- cour. Les journaux spéciaux rendent certainement des services, mais rien ne peut suppléer à l'examen personnel, équivaloir aux rapports directs de l’acheteur et du vendeur. Le Conseil et la Section d’aviculture ont utilement tra- vaillé à combler une lacune, ils ont réalisé dans le mode PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 794 d'exposition des améliorations importantes, leur œuvre sera certainement féconde ; une seule et très légère critique pour- rait toutefois être formulée. Dans leur désir d'encourager les exposants, ils n’ont pas songé assez peut-être que les récompenses multipliées perdent leur valeur. Mais au fond, cela importe peu ; ce qu'il y a de certain, c'est que le Conseil d'administration et la Section d’avicul- ture ont bien mérité de-la Société et son Président est heu- reux de remplir le devoir qui lui incombe en leur transmet- tant les remerciements et les compliments de tous. M. de Claybrooke notamment a donné le concours le plus dévoué à l'exposition et mérite à ce titre une mention spéciale. Il y a lieu également de féliciter M. Voitellier pour le système de cage qu'il a inauguré au Jardin, système grâce auquel tous les volatiles sont vus au même niveau et bien en lumière. — M. le Président dépose sur le Bureau un œuf de Cane très curieux qui lui à été envoyé par M. Renard pesant 290 grammes. Il a été fendu dans l’oviducte de l'oiseau, per- pendiculairement à son axe, la fente s’est réparée, maïs est encore bien visible. Cet œuf qui a été préalablement cuit est ouvert par un des membres de la Société ; il renferme deux jaunes, mais non deux œufs distincts encastrés l’un dans l’autre comme sa taille pouvait le faire supposer. — M. le Secrétaire général dépose sur le Bureau plusieurs ouvrages offerts à la Société dont l’arrivée trop tardive ne lui permet pas de présenter un compte rendu. M. le Secrétaire général présente ensuite quelques échan- tillons de Salmonides qui lui ont été adressés. Ces spécimens recueillis dans la partie supérieure du cours de la Loire constituent de précieux documents pour l'enquête ouverte au sujet du mode de reproduction des Saumons. Ils sont la preuve évidente que le dépôt des œufs, leur fécondation, leur éclosion ont lieu dans le haut des cours d’eau aboutis- sant à la mer à laquelle les alevins vont ensuite demander leur développement. — M. de Claybrooke donne lecture, au nom de M. Pion, de la seconde partie du mémoire sur le Mouton africain, rédigé par notre confrère. — M. Berthoule entretient l'assemblée des observations par lui recueillies sur l’industrie de l'élevage des Autruches 792 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. en Algérie, notamment à l'établissement de M. Viol, à Aïn-— Marmora et au Jardin du Hamma, dirigé par M. Rivière. Cette communication est accueillie avec un vif intérêt par l'assemblée. M. le Président en remerciant l’auteur insiste sur la con- clusion de son rapport : « Donnez à l’Autruche de l’espace et une nourriture suffisante et tout ira bien. » Il fait part à ce sujet de ses impressions personnelles lors de ses voyages en Algérie et notamment à la ferme d’Aïn-Marmora. — Les succès obtenus dans l’éducation du Nandou auraient dû servir d'enseignement. M. le Président fait en outre re- marquer que les élevages si prospères au sud de l'Afrique ont été entrepris d’après les expériences faites par des Fran- çais, soit en France même, soit à Alger. Il ajoute que les œufs d’'Autruche obtenus en Algérie sont, aussi bien que ceux du Cap, propres à l’incubation par les couveuses arti- ficielles. Vu l'heure avancée, la communication de M. Julien Petit sur l'essence de Rose est renvoyée à la prochaine séance. Pour le secrétaire des séances, Jules GRISARD, Secrétaire du Comité de rédaction. II. COMPTES RENDUS DES SÉANCES DES SECTIONS. es 1re SECTION (MAMMIFÈRES). — SÉANCE DU 14 AVRIL 1891. PRÉSIDENCE DE M. DECROIX, PRÉSIDENT. M. Decroix parle des dépôts de transition de l’armée, où les che- vaux sont placés en attendant d'être aptes au service. Ces animaux prennent peu d'exercice dans ces dépôts et ne sont pendant ce slage utiles à rien. D'autre part, l’état de stabulation relative auquel ils sont alors soumis a pour résultat fréquent d'amener la déformation du pied. Enfin, la nourriture revient à environ 1 franc par jour et par têle dans les dépôts de transition. M. Decroix préféèrerait que le Gouver- nement n'achetât les Chevaux qu'à l'âge de 5 ans. Il faudrait, dans ce cas, les payer plus cher, mais ils pourraient être utilisés de suite. Alors les jeunes bêtes de trois à cinq ans, au lieu de ne rien faire, travailleraient chez les éleveurs, au rouleau ou à la herse, ce qui au- rait le double avantage de les utiliser et de les fortifier. Le Secrétaire, Ch. MAILLES. 28 SECTION (oISEAUX). — SÉANCE DU 21 AVRIL 1891. PRÉSIDENCE DE M. DECROIX. M. Berthoule donne lecture d’une lettre de M. d'Aubusson, qui remercie la Section de l'avoir réélu président ; mais il offre sa démis- sion, son éloignement ne lui ayant pas permis d'assister aux séances de la présente session. À l'unanimité, la Section refuse cette démission, considérant que l'absence du président n’est que passagère, et que la Société, la Sec- tion en particulier, tirera profit du séjour de M. d’Aubusson en Egypte, par les renseignements que notre collègue fournira sur les oiseaux de Ce pays, ou qui y sont de passage. Du reste, une note relative aux Cailles est déjà parvenue et M. Berthoule en donne lecture. | A l’occasion de cette communication, M. Berthoule dit que ce n’est pas seulement en Egypte que l’on détruit abusivement la Caille. En Tunisie, il en est de même. Les pauvres oiseaux sont aussi expédiés vivants en Europe, notamment en Angleterre. Ils arrivent, pour la plupart, morts ou mourants à destination, ayant subi un voyage de plusieurs jours, entassés dans des cages superposées. Ils constituent 794 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. alors un médiocre aliment et sont vendus à bas prix. M. Mégnin fait observer que ce colportage est absolument illégal chez nous, et qu'il n’a lieu qu’en violation de la loi, tres explicite, de 1844. M. le Secrétaire général rappelle que la Section s'est déjà occupée de la question. La Société, en 1880, a réclamé auprès du ministère compétent, sans résultat d’ailleurs. M. Cretté de Palluel pense que l'observation stricte de cette loi n'aurait guêre d'autre résultat que de nous priver de ce gibier pen- dant que nos voisins, les Anglais surtout, continueraient de plus belle à en consommer. M. Berthoule est d'avis que le fait d'observer nos lois et de donner l’exemple de la modération suffirait bien à expliquer cette prohibition en France. M. Mégnin dit que les massacres de Cailles ont également lieu en Grèce, en Italie, en France et au Maroc. M. Mailles demande où ces oiseaux se rendent en hiver. Selon Brehm, les Cailles iraient au Cap de Bonne-Espérance, tandis que de Serres croit que tous les oiseaux qui viennent en Europe pendant la belle saison et s’y reproduisent, n’ont pas de but arrêté dans leur voyage d'hiver ; ils vont plus ou moins loin, suivant les circonstances, comme les espèces du nord descendent plus ou moins dans l'Europe méridionale pendant les froids. M. Jonquoy croit que la Bécasse se fait de plus en plus rare, en Nor- mandie au moins. M. Cretté de Palluel explique que, pendant les grands froids, ces oiseaux se rendent sur les côtes de Bretagne, où on les détruit en grand nombre. Ensuite, notre collègue fait une communication sur le Loriot. D'après lui, cet oiseau touche rarement aux Cerises, quoi qu'on en ait dit, et rend de grands services comme insectivore. M. Mailles dit que les Fauvettes, celle à tête noire en particulier, détruisent beaucoup de Cerises, concurremment avec les Moineaux. M. Rathelot a observé ce fait également. Le Secrélaire, ChMIATELES 4 SECTION. — SÉANCE DU 21 MARS 1891. PRÉSIDENCE DE M. FALLOU, PRÉSIDENT. Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté. M. Jonquoy demande si les Asticots sont nuisibles aux jeunes Faisandeaux auxquels on les donne en remplacement des œufs de Fourmis. COMPTES RENDUS DES SÉANCES DES SECTIONS. 195 M. Mégnin répond qu'ils constituent une excellente nourriture à condition d’être débarrassés des matières animales putréfiées qui les souillent ordinairement. Il dit que, dans ce but, certains éleveurs construisent des verminières formées de sortes de tiroirs superposés dont le fond est garni de toiles métalliques à mailles assez larges pour laisser passer les Vers. Dans le tiroir supérieur, qui est décou- vert, on place des malières animales sur lesquelles les insectes viennent pondre et qui servent de nourrilure aux larves. Lorsque ceiles-ci sont arrivées à leur complet développement, elles descen- dent pour se chrysalider et tombent successivement dans les autres tiroirs qui sont remplis de sor et arrivent au dernier (dont le fond est plein) complètement nettoyées. M. Rathelot s'excuse de n'avoir pas fait le rapport dont l'avait chargé la section à propos du projet de loi relatif à l'entrée des Cocons étrangers en France. M. Mégnin cst d'avis que l’on doit ac- corder ‘une large protection aux producteurs qui sont charges d'im- pôts et ne peuvent sans cela lutter avec l’étranger. M. Daulreville indique la formule d’un liquide insecticide (Liqueur de Van Swieten) dont il a etudié l’action. Dans un litre d’eau : 1 gramme sublimé corrosif et 5 grammes chlorhydrate d’ammo- niaque. Des Caoutchoucs, des Aspidistras et des Palmiers ont pu être ar- rosés avec cette liqueur, deux fois par semaine, pendant six mois sans en souffrir. M. Dautreville propose par conséquent d’en essayer l'emploi pour la destruction des insectes et principalement du Ver blanc. ; M. Mailles dit avoir trouvé des larves qu'il croit être celles de Taupins et qui étaient carnassières. M. Mégnin s'étonne peu de ce fait, car il a rencontré dans des cadavres la larve de Tenebrio obscurus, et l’on sait que celle de Tenebria molitor se nourrit ordinairement de farine. M. Fallou montre une série de Pombyx Rubi mâles qu'il a capturés autour d’une Chrysalide de femelle non encore éclose. Il a remarqué que la chenille de ce papillon a parfaitement résisté au froid rigoureux et prolongé de l'hiver dernier, il en a été de même pour une chenille de Zeuzère trouvée dans une branche de Pommier. Notre collègue fait aussi passer sous les yeux de la Section une boîte contenant tous les Lépidoptères qu'il a rencontrés sur le Rosier et dont le nombre s'élève à une quarantaine d'espèces. Le Secretaire, A.-L. CLÉMENT. IV. HYGIÈNE ET MÉDECINE DES ANIMAUX. Chronique. MALADIE DU VER ROUGE (swile et fin). Traitement. — D'après la description que nous avons faite de la ma- ladie causée par le Ver rouge (Syngamus trachealis), le traitement comporle deux indications à remplir: 1° prévenir l'extension de la maladie en détruisant les embryons partout où ils peuvent exister; 2° chercher à débarrasser les malades des parasites qui ont envahi leur trachée. Nous avons vu que les embryons vivent très longtemps dans l’eau de boisson où ils existent particulièrement apportés par les expecto- rations des malades qui viennent boire. Nos expériences nous ont dé- montré qu'on délruit facilement ces embryons en faisant dissoudre dans l’eau un ou deux grammes d'acide salicylique ou de salicylte de soude, quantité qui est parfaitement inoffensive pour les oiseaux. Quant aux embryons qui vivent aussi très bien dans la terre humide, ou aux œufs microscopiques qui peuvent se trouver sur le sol, il est nécessaire aussi de les détruire, soit en répandant à la volée du sul- fate de fer pulvérisé, soit en transplantant les parquets ailleurs, dans une partie du terrain non infectée. Ce traitement préventif est indis- pensable, et c'est même le plus essentiel, et c’est pour l’avoir négligé que beaucoup d’éleveurs de Faisans d’espèces rares ont vu la maladie persister pendant des mois dans leurs élevages et faire beaucoup de victimes. L’isolement parfait des malades doit être aussi pratiqué, puisque chaque malade est un disséminateur de la cause du mal et en répand les germes dans ses expectorations. Pour traiter les oiseaux malades du Ver rouge un des moyens vul- gaires que presque tous les faisandiers connaissent, est l’emploi de l’Ail haché mélangé aux pâtées. Ce moyen est connu de longue date, car Montagu, il y a une soixantaine d'années, l'employait déjà en An- gleterre concurremment avec des moyens préventifs analogues à ceux que nous indiquons, et de la manière suivante : émigration des lieux infectés; substitution complète d'aliments nouveaux aux aliments anciens, et dans les aliments nouveaux figuraient surtout le Chènevis et l'herbe des champs ; enfin, comme boisson, au lieu d’eau ordinaire, une décoction de Rue et d'Ail. Nous nous expliquons parfaitement l'efficacité de l’Aïl qui renferme une essence vermifuge qui est en même temps volatile ; il faut, pour arriver à la trachée où sont logés les Syngames, un agent qui soit doué HYGIÈNE ET MÉDECINE DES ANIMAUX. 797 des deux qualités que possède l’Ail à un très haut degré: être vermi- fuge et volalil et être éliminé par les voies respiratoires. Outre l’Ail, nous avons expérimenté une autre substance qui, comme lui, à l'avantage d'être vermifuge et très odorante, et de plus stupéfiante comme l’éther, ce qui augmente ses qualités parasiticides : c'est l'Assa fœtida que nous avons employé en poudre avec partie égale de Gentiane jaune pulvérisée et mêlée à la pâlée à Faisans dans la proportion d’un gramme du mélange par tête et par jour. Un autre moyen, excellent aussi, ce sont les fumigations d'acide sulfureux. Pour les pratiquer, on enferme tous les Faisandeaux ma- lades dans une pièce dans laquelle on fait brûler du soufre ; ils y con- tractent des toux violentes et expectorent des Vers, mais on a soin de les surveiller et de les sortir de la pièce lorsqu'il y a imminence de suffocation. On doit répéter les fumigations tous les deux ou trois jours jusqu’à guérison. Nous ne parlerons que pour mémoire de certains moyens méca- niques qui ont été conseillés même par des naturalistes éminents, car nous les avons reconnus être impraticables ou dangereux. Ainsi Wiesenthal et Cobbold, dans leur livre Zes Parasiles, page 445, disent qu'avec une plume ébarbée presque jusqu’au bout et introduite dans la trachée, on peut détacher les Vers rouges cet les tuer et que le moyen est encore plus efficace si la plume a été trempée daus une substance vermicide. Nous révoquons fortement en doute l'efficacité de ce moyen, parce que nous savons par expérience que les Vers scnt trop fortement attachés pour que le frottement des barbes d'une plume suffise pour les détacher; ensuite, arriverait-on à les détacher ils tomberaient au fond de la trachée et n’étoufferaient que mieux l'oiseau ; enfin le diamètre de la trachée dun Faisandeau qui est à peine celui d’une plume de Corbeau ne permettrait jamais l introduc- tion d'une plume suffisamment résistante pour produire l'effet cherché. Nous le répétons, la chose essentielle dans le traitement du Ver rouge, ce sont les moyens préventifs et ce sont surtout sur ceux-là qu'il faut insister. D' PTER°2E, V. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. Canards en Chine. — La Chine possèderait, paraît-il, à elle seule plus de Canards que les autres pays du globe. Autour de tous les villages, des maisons isolées, sur les routes, dans les rues des villes, sur les canaux, les étangs et les rivières, on ne voit que des Canards, dont l'élevage constitue surtout la spécialité des individus habitant des jonques sur l’eau. De grandes maisons d’éclosion pro- duisent un chiffre total de Canetons évalué à 50,000 par an. Le Canard salé et fumé et les œufs de Canards jouent un rôle important dans l'alimentation des Chinois. ÉD BOM L'industrie des Poussins en Égypte. — L'incubation artifi- cielle, d’origine égyptienne, du reste, jouit encore dans ce pays de ja même vogue qu’au temps des Pharaons. Un des établissements pour l'éclosion des œufs, décrit par le Consul général des États-Unis dans un rapport adressé à son Gouvernement, consiste en un vaste bâtiment construit en briques cuites au soleil, ayant 22 mètres de long sur 18 mètres de large et 5 mètres de haut. Il contient 12 salles d'incuba- tion susceptibles de couver chacune 7,500 œufs à la fois, ou 90,000 pour tout l'établissement. La saison de travail dure trois mois, mars, avril, mai, et pendant cette période, on fait trois séries d'opérations durant trois semaines chacune. On enlève les Poussins pendant la quatrième semaine de chaque période, et on remet les appareils en état pour l’incubation suivante. Cet établissement fait donc éclore 270,000 œufs par saison et en obtient 234,000 Poussins. Les pertes ne pour- raient guère être réduites, car on est obligé de faire venir les œufs par grandes quantités et de localités éloignées, ce qui peut altérer leur vitalité. Ces œufs se paient 20 centimes la douzaine, alors que les 12 Poussins sortant de l'incubation valent 75 centimes. Les pertes subies par les Poussins après leur éclosion sont excessivement faibles. Le personnel de l'établissement se compose simplement d'un homme et d’un enfant, qui suffisent à effectuer les différentes opérations né- cessaires : maintien de la température au voisinage de 36 degrés, placement des œufs, leur retournement, quatre à cinq fois en vingt- quatre heures, et enlèvement des Poussins. L'Egypte ferait éclore 75 millions d'œufs par an dans des établisse- ments analogues, qui équivaudraient environ à un million et demi de poules couveuses. JL Crocodiles voyageurs. — Dans les premiers jours de l’année 1885 un Crocodile de 5 mètres de long, débarqué inopinément à la Barbade, Antilles anglaises, où ces Sauriens sont absolument inconnus, était tué à coups de fusil par quelques soldats du génie. D’après l’en- CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 799 quêle faile sur l'origine de ce Crocodile, il ne pouvait venir de l'em- bouchure de l’Orénoque, le point le plus voisin du continent américain, situé à 500 kilomètres environ de la Barbade. Les courants, en effet, qui viennent de ces parages auraient porté dans une direction opposée le tronc d’arbre sur lequel l'animal avait fait le voyage. On reconnut enfin quil ne pouvait avoir été amené que de l'embouchure du fleuve des Amazones ou de celle de l'Essequibo, ce qui allongeait considéra- blement sa traversée. Le même fait vient de se renouveler dans l’île des Cocos, égale- ment privée de Crocodiles, où un de ces repliles a été découvert un beau matin et a pu commettre quelques méfails avant d’être tué. Les terres les plus proches de l'ile des Cocos sont Java, éloigné de 1,200 kilomètres, et les côtes nord-ouest de l'Australie, plus reculées encore. JPRP Le Ver à soie de la Ramie. — Une dame américaine des environs de Philadelphie avait obtenu au printemps dernier, par suite de la clémence de l'hiver précédent, l’'éclosion d'œufs de Vers à soie à l'éducation desquels elle se livrait, à une époque bien antérieure à l’époque normale. Les Müûriers el l'Osage-Orange, Maclura aurantiaca, arbrisseau dont on emploie souvent les feuilles aux Etats-Unis pour nourrir les Vers à soie, n'étaient pas encore entrés en végétation. Ayant constaté que les feuilies de la Ramie, Bæhmeria nivea, vrésen- taient une certaine analogié avec celles du Müûrier et de l'Osage- Orange, qui sont comme elles des Urticées, l’'éducatrice américaine eut l’idée d’en nourrir sés Vers, qui les mangèrent fort avidement. On atteignit ainsi le moment où les feuilles de l’'Osage-Orange se déve- loppent ; les Vers à soie précédemment nourris de Ramie furent alors partagés en deux lots, dont l’un continua à recevoir des feuilles de PDœhmeria, tandis que l’autre recevait des feuilles d'Osage-Orange, de Maclura. Les cocons des deux lots furent envoyés séparément à Philadelphie, où des experts conslatèrent que ceux des Vers nourris de Ramic élaient plus gros et avaient une soie plus fine que ceux des Vers nourris de Aaclura. (Æeiw Bulletin.) L’Aliboufier (Séyrax -officinale L.) est un grand arbrisseau ou un petit arbre d’une hauteur de 4-5 mètres, à tige dressée et rameuse, à feuilles alternes, entières, ovales, presque glabres en dessus, cou- vertes en dessous d’un léger duvet formé de poils blancs et étoilés. Originaire de l’Asie-Mineure, on le trouve sur le Liban, en Arabie, ainsi que dans la région méditerranéenne, l'ile de Chypre, la Grèce et l'Italie méridionale, mais il n’est exploitable qu'en Orient. L’Aliboufier officinal est encore cultivé dans les jardins et les pares de la Provence. En Espagne et en Portugal, où on le désigne sous le nom d Zséoraque, 800 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. cet arbrisseau est également recherché comme plante ornementale pour la décoration des massifs. Dans son pays d'origine seulement, le S/yraæ officinale laisse exsu- der, à travers l'écorce, un suc résineux, balsamique, connu dans la droguerie sous le nom de Séyraæ, ou mieux, de Séorax. Ce baume qui se solidifie rapidement à l’air, se présente sous forme de larmes jaunâtres, brillantes, agglutinées ou empâtées dans une substance vilreuse d’un rouge plus ou moins foncé. | D'une odeur très agréable, analogue à celle de la Vanille, le Storax possède une saveur aromatique et un peu amère. Ce produit est inso- luble dans l'eau et soluble en grande partie dans l'alcool bouillant ; un peu de chaleur suffit à le rendre pâteux. Comme composition chi- mique, il est formé de résine, d'essence volatile et d'acide benzoïque, ces deux derniers corps en très faible proportion. Le Storax s'emploie en parfumerie et les artificiers s’en servent quelquefois dans la composition de certains feux. En médecine on l'a administré souvent avec succès : à l'extérieur, pour combattre quelques maladies de la peau; à l’intérieur comme pectoral et expec- torant dans la bronchite chronique et la phtisie pulmonaire, il pos- sède les mêmes propriétés excitantes que le Benjoin. Cette substance est souvent brûlée comme encens dans les temples orientaux. Le Storax se rencontre dans le commerce, soit en masses agglomé- rées renfermant des larmes amygdaloïdes : c’est le S{orax blanc ou en larmes, soit en gâteaux comprimés, d’un rouge brun, renfermant sou- vent une grande quantité de ligneux et de matières terreuses : c’est le Sioraxz en pains. Cette dernière sorte est peu estimée. Ce produit est imporié du Levant dans des caisses de différentes dimensions, mais il ne donne lieu qu à un commerce assez restreint, car son emploi est de plus en plus rare et tend même complèlement à disparaitre. | Le Slorax, appelé aussi S/yrax ou Sforaz calamile parce qu'on le recevait aussi enveloppé dans des feuilles de roseau, ne doit pas être confondu avec le Styrax liquide qui est fourni par le ZLiquidambar Ortentale. | JACE Le Gérant : JULES GRISARD. OUTARDES PLUVIERS ET VANNEAUX HISTOIRE NATURELLE — MŒURS — RÉGIME — ACCLIMATATION Par PAUL LAFOURCADE, (SUITE ET FIN *). CHAPITRE XII. Régime et mœurs des Vanneaux. — Le régime des Vanneaux est exclusivement animal; il est le même que celui des Pluviers : insectes, mollusques et vers forment la base de leur alimentation. C'est toujours dans les terrains humides, les prairies marécageuses qu'ils s’abattent, sûrs qu'ils sont d'y trouver en abondance leur nourriture ; ils sont très friands de Limaces et de Limacons. L'eau leur est indispensable ; après chaque repas, ïis courent à la nappe d’eau et ‘procèdent à leur toilette. Brehm le dit : le Vanneau n’est heureux que s’il a de l’eau à discrétion. J'ai fait l’autopsie de plusieurs de ces oiseaux ; constam- ment j'ai rencontré dans l'estomac des vers, des mollusques, des larves et quelques petits cailloux. J’ai raison d'avancer que le Vanneau se régale d'avance quand il peut s'emparer des Limaces. Les Vanneaux captifs placés dans mon jardin avaient fini par se dégoûter des Vers de terre et des Escargots à ce point qu'ils me refusaient cette nourriture; j'eus alors l’idée de leur donner des Limaces ; dès qu'ils apercurent les mol- lusques, ils voletèrent à une certaine hauteur et, comme le chien sautant apres l’objet que tient son maitre, finirent par se saisir des animaux gluants. — Quand et à quel moment ces oiseaux prennent-ils ce qu'on peut appeler le repos ? (*) Voyez Kevue, 1889, note p. 1169 ; et plus haut, p. 89, 401 et 671. 5 Juin 1891. 51 802 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Le lecteur me permettra cette demande, cette question s’il le veut, quand il saura que quelques zoologistes ont écrit que les Vanneaux passaient la nuit à chercher des vers dans la terre humide, comme si après les fatigues de la journée, à soleil couché, ils oubliaient de demander quelques heures à un sommeil réparateur. Les Vanneaux ne passent pas la nuit à faire la chasse aux vers et aux mollusques ; ils se reposent ; leur sommeil n’est peut-être pas bien long, mais enfin, ils dorment. Doués d’une circulation rapide, d’une force motrice éner- gique et d’une vive activité, ils ont, en général, un sommei: léger et assez court. Ils dorment depuis le soir jusqu’à l'aurore; je ne m'avance nullement en soutenant que quelques-uns ont coutume de faire la sieste au milieu de la journée. Mais le soir venu, les Vanneaux se réunissent par troupes, par bandes ou par petites compagnies, se cachent la tête sous une aile, presque toujours celle du côté gauche ou bien se rétractent le cou sur lequel ils laissent reposer leur bec et enfin reposent le plus souvent sur une patte. Ils peuvent être tranquilles, les vigies sont là pour éviter toute surprise. — Le Vanneau a la voix aussi plaintive que le Pluvier. Le cri d'appel est kiwit, kiwit, prononcé tantôt d'une manière brève, tantôt longuement ; ils le poussent à PAR et au moment de prendre leur essor. Le cri d'angoisse est kraërt, kraërt ; le Vanneau blessé fait entendre ce cri au moment où le chasseur va le saisir. Le cri plaintif est pi-hi, pi-hi. Le cri d'amour est Bach courrkoït, Pit kiwit, kiwit, kiouit. On ne peut, dit Naumann, séparer ce cri de ses mou- vements ; ils forment un tout qui est l'expression du plus grand bonheur de l'oiseau. Pendant la saison des amours, le cri que pousse ordinaire- ment le Vanneau est courkoït, courkoït, répété plusieurs fois. — Le vol de ces oiseaux est une série successive de sac- cades, de mouvements brusques et irréguliers et de culbutes. Les Vanneaux accomplissent leurs voyages avec une rapidité étonnante ; aucun autre oiseau ne peut exécuter avec ses ailes des tours si variés, véritables tours de passe-passe. OUTARDES, PLUVIERS ET VANNEAUX. 803 Leurs migrations quotidiennes ont toujours lieu en grand nombre ; ils vivent en France pendant presque toute l’année, excepté cependant quand le froid est par trop rigoureux ; comme leur instinct les pousse à rechercher une tempéra- ture douce, très clémente, c’est pendant le printemps et l'été qu'ils résident dans nos climats. À l'automne, ils sont déjà partis dans le midi. En Allemagne, le Vanneau arrive fin octobre et repart au commencement de mars ; à cette saison, on le voit se diriger vers le nord. Les Vanneaux, dit Brehm, sont, avec les Hirondelles, les premiers messagers du retour du printemps, au même titre que l’Etourneau et l’Alouette. Dans les voyages on ne les trouve jamais isolés; leurs migrations s’accomplissent comme celles des Pluviers. Sur une seule ligne, le gros de la troupe se meut dans l’espace, flanqué de droite et de gauche d’éclaireurs ; le gros de la troupe devance toujours le régiment de quelques heures dans les « hôtelleries achalandées où, à certaines époques de l’année, on est à peu près certain de les rencontrer ». (De Cherville.) Les Vanneaux voyagent par n'importe quel temps ; aussi quand les tempêtes, ‘les tourmentes de neige les surprennent en route, bien des leurs, aux prises avec les vicissitudes de l'atmosphère ou en proie aux souffrances intolérables de la faim, ne tardent pas à succomber. Cependant lorsque le temps est incertain, ils hésitent par- fois sur le parti qu'ils doivent prendre et ce n’est que quand la saison prend un caractère décidé qu’ils accomplissent leurs voyages ou qu'ils les continuent. Leurs pérégrinations s'’accomplissent presque toujours par le vent du sud ; le soir, on entend leur voix dans les nuages. Par la saison des pluies, les Vanneaux émigrent du nord en même temps que les Pluviers. Les émigrations ont lieu à des dates si régulières qu’elles ont pu servir à fixer les dates et que le mois d'octobre a reçu au Kamstchatka le nom de mois des Vanneaux (1). — Les Vanneaux sont très faciles à apprivoiser, surtout (1) Toussenel, loc. cit., p. 442. 804 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. lorsqu'ils ont été pris jeunes. On n’a qu'à leur couper le fouet de l'aile et les laisser dans un enclos. Ils aiment assez la société des Gallinacés, maïs veulent toujours les dominer. D'un caractère assez difficile, ils se chicanent parfois et acceptent le défi qu’on leur propose avec des airs de matamore. J'avais réussi à garder deux paires de ces oiseaux et les avais placés au milieu des Poules de ma basse-cour; ce n'étaient que disputes continuelles ; il s'en trouvait un, le chef sans doute, dont la huppe était plus longue que celle de ses compagnons, qui cherchait noise à une petite Poule noire qui portait comme lui une touffe de plumes sur la tête. Ce Vanneau la harcelait sans cesse, et comme ses cama- rades, ne partageant sans doute pas les goûts belliqueux de leur capitaine, restaient impassibles devant des provocations si répétées, il semblait les inviter à le suivre en faisant mou- voir les brins délicats de son aigrette. Le Vanneau captif est tres intéressant à étudier ; gracieux, vif, élégant, d'une coquetterie sans pareille, c’est bien un de nos plus jolis oiseaux. Quand il est en marche, le Vanneau relève et abaisse la huppe ; il trottine certainement avec élégance. On l’a d’ailleurs écrit quelque part: Rien n’est plus gracieux qu'un Vanneau. Comme nourriture, ils mangeaient des Vers de terre, des Limaces et des Escargots. Le Vanneau craint le froid; pendant l'hiver on doit le soustraire aux rigueurs de la température. Brehm dit que cet oiseau captif se complait dans la société des Chiens, des Chats, mais qu'il veut régner en maitre sur les autres oiseaux de rivage. J'ai étudié les Vanneaux prisonniers du Jardin des Plantes et assisté plus d’une fois à des rixes entre ces oiseaux et des Barges, Bécasseaux, etc.; les Vanneaux m'ont toujours paru les plus forts; les petits échassiers poussaient un faible cri et se sauvaient à toutes jambes. Par contre, lorsque les Riquets à la bouppe rencontraient sur leur passage un Canard, sur- tout le Canard mandarin, ils jugeaient prudent, à leur tour, de déguerpir devant le palmipède. Je suis resté un jour pendant près d’une demi-heure à suivre les ébats de deux Vanneaux avec une Cigogne; les OUTARDES, PLUVIERS ET VANNEAUX. 805 € oiseaux semblaient jouer à cache-cache. Pour l'observateur attentif, il était facile de s'assurer que tous trois prenaient un réel intérêt à se divertir ; à la fin le grand échassier, fatigué sans doute, se reposa sur une patte, les deux Vanneaux imitèrent la commère. Quelques personnes ont réussi à garder des Vanneaux et à les faire reproduire en captivité. M. Jourdan, de Voiron (Isère), dans une lettre adressée à M. le Directeur du Jardin zoologique d’Acclimatation de Paris (1880), lui annonce qu'il possède trois Tiroteros {Vanneaux armés, Vanellus Cayennensis) qui ont couvé chez lui avec une assiduité toute particulière ; cinq œufs ont été pondus par eux. Le lot comprenait un mâle et deux femelles. Ces dernières couvaient l’une le jour, l’autre pendant la nuit, et le mâle veillait constamment à leur côté et ne läissait appro- cher aucun oiseau (1). M. Huot, dans l'Encyclopédie moderne, dit que le Vanneau est très facile à apprivoiser ; après lui avoir amputé le fouet de l’aile, on lui laisse parcourir les jardins et les vergers, et il y devient utile par la quantité de Vers et de Limaces qu'il détruit. Ch. Diguet reconnait aussi que cet oiseau s’apprivoise par- faitement, est d’un bon auxiliaire pour détruire les Vers des jardins. Interné, il'ne tarde pas à suivre les allées et venues du personnel ; c’est un hôte charmant et très gaï. — Les qualités gastronomiques du Vanneau sont très con- testables ; quelques-uns prônent la chair de ce gibier, disent qu'elle est d'un gout agréable, surtout lorsqu'elle a été pré- parée avec un certain soin culinaire. D’autres, au contraire, assurent qu’elle est peu délicate et indigne de figurer sur une table. Demandez à un Rüsse le cas que l’on fait de cet oiseau dans presque tout l'émpire, il vous répondra ceci : « Chez nous, le Vanneau ne Yaut pas un coup de fusil. » Posez la même question à un Francais, il vous dira que le Vanneau est assurément un gibier digne d'estime. Il est vrai que la France, Toussenel l’a écrit, est le seul pays d'Europe où l’on en mange, parce que la France est le seul pays d'Europe où le gibier-plume aime à être mangé. {t) Pulletin de la Société d'Acclimatation (année 1880). 806 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Faut-il dire que chez les anciens, le Vanneau passait pour un mets très délicat; assurément il est difficile de se pro- noncer. Hippocrate vante la chair de cet oiseau ; Galien, au con- traire, affirme que l’on ne doit jamais en faire usage. Ces discussions, assurément fort intéressantes entre méde- cins, ont-elles au moins fait jailir la lumière? je crois pouvoir répondre par la négative. Si Hippocrate et Galien, médecins gastrosophes, ont soutenu chacun une thèse différente, un motif plausible devait leur tenir lieu d’excuse : la question religieuse. En matière de théologie, les Casuistes ont placé le Vanneau dans la catégorie des oiseaux bons tout au plus à parader sur une table en temps d’abstinence. C'est M. d’Amezeuil qui raconte le fait, et il ajoute: « L'idée n’est pas mauvaise, car la chair est sinon des plus fines, du moins fort agréable au goût. » Je ne suis pas de cet avis et préfère partager la manière de voir de bien des gastrosophes. « Le Vanneau de la Toussaint a le droit d’'aspirer aux honneurs de la broche, mais non ceux du Carême..... Le Vanneau de Carême est maigre, Dieu ne le défend pas. » (Toussenel.) D'après Aristote, les Grecs étaient fort amateurs de ce genre de gibier et savaient le préparer avec des épices ; ils en composaient des mets appétissants et très délicats. Dans son Trailé des Aliments, le médecin Lemery dit que la chair du Vanneau que l'on a choisi tendre et gras excite l'appétit sans nourrir beaucoup ; il lui reconnaît les mêmes qualités que celles du Pluvier. M. Delaporte reconnait le Vanneau jeune comme un rôti de haut goût (1). | Ecoutons encore Toussenel; son opinion prime celle des guérisseurs d'autrefois et des docteurs de nos jours : «€ On sait, par l'expérience de la Bécasse et de la Bécas- sine, à quel point la vermivorie réussit à affermir la chair. Elle profite aussi au Vanneau, maïs dans des proportions beaucoup moindres. Tout le monde connaît ce dicton culi- naire : « Qui n’a goûté ni Pluvier ni Vanneau ne sait pas ce que gibier vaut. » (1) De la Porte, Los. cit. OUTARDES, PLUVIERS ET VANNEAUX. 807 » Le Pluvier et le Vanneau sont assurément deux gibiers estimables aux environs de la Toussaint et je serais désolé de leur dire quelque chose qui püt les humilier, mais fran- chement, le préjugé populaire leur a fait une réputation plus haute que leur mérite. » L’adulation exagérée est un poison qui gâte tout ce qu'il touche et qui dessert toujours ceux qu'on voudrait servir. Quand on connaît la Grive, la Caïlle, la Bécasse, l'Ortolan, le Rouge-Gorge, le Bec-Figue et vingt autres, on n’a pas besoin d’avoir tàté du Pluvier pas plus que du Vanneau pour savoir ce que gibier vaut. » Le Vanneau est-il réellement un oiseau de carême? On demandait un jour à Mgr Dupuch, évéque d'Alger, si le Van- neau était un gibier d’abstinence : « Tant plus il est gras, tant plus il est maigre, » répondit le spirituel prélat. Quand un prince de l'Église parle ainsi, d'une facon aussi catégorique, il n’y a plus de débat possible à soutenir à l’en- droit de l'orthodoxie religieuse. Vous n'avez donc pas besoin, Madame, de tomber aux genoux de votre révérend pour le prier de vous absoudre d’avoir mis en pratique ce plat de carême. A mon tour, je vais donner mon opinion sur la chair du Vanneau ; voici ce que j'en pense: Il est difficile de dire à quelle saison de l’année et en quel pays le Vanneau est réellement gibier exquis, mais ce que je puis affirmer, c'est que sans condiments, sans apprêts, cet oiseau ne justifie pas le proverbe dédié à son adresse. Cependant, je lui reconnais certaines qualités pendant la saison d'automne ; à cette époque, il est ordinairement gras, bien en chair et le crois digne de figurer sur les meilleures tables après avoir exécuté quelques tours sur la broche, en- viron vingt minutes. Un jeune Vanneau rôti ne vaut assurément pas une Bé- casse, mais c'est encore un excellent manger, préférable à tous les Pigeonneaux du monde. Sa chair, peut-être un peu plus sèche que celle du Pluvier, possède un certain arome, et si mince que soit l’aiguillette, c’est toujours, croyez-moi, une excellente bouchée. Je me prononce donc sans aucune espèce de réserve : Mangez du Vanneau pendant le mois d'octobre, mais n’in- vitez pas un ami à diner pour lui servir un Vanneau au mo- 808 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. ment de la pariade, en mars, votre convive pourrait se fàcher tout rouge et croire que vous lui faites l’injure de vouloir le régaler avec un Coucou. Je demande maintenant au lecteur la permission de lui faire connaître les recettes principales léguées par le baron Brisse et ses successeurs. | Laissez-moi d’abord vous parler du Vanneau à l’'éminence tant prôné par le spirituel collaborateur de la Chasse Illus- trée, Florian Pharaon : Vanneau à l’éminence. — Le Vanneau algérien est plus parfait que celui de France par suite des aromes qu'il absorbe dans les prairies salées du littoral ; aussi est-il très renommé et tres recherché par les gourmets. Pour le préparer à l’éminence, on le trousse sans bridage de ficelle et on le fixe à la broche au moyen d’attelles. Tout perforage serait regrettable au point de vue de la cuisson, car le Vanneau ainsi que la Bécasse ne se vide pas et on ex- trait seulement le gésier précaulionnersement. À l’aide d’une incision faite à la naissance du cou, on in- troduit un assaisonnement léger, suivant le goût, et quelques olives, deux ou trois dont on a préalablement retiré les noyaux. Puis l’on dispose dans la léchefrite des rôties de mie de pain qui reçoivent tout ce qui s'échappe de l'oiseau. Sa cuisson ne demande guère plus de vingt minutes. Ce fin manger mérite l'attention des connaisseurs (Florian Pharaon). | Vanneaux en salmis. — Prenez des Vanneaux cuits à la broche et refroidis, coupez-les par membres, parez-les, met- tez les parures et le foie bien écrasé dans une casserole avec bouillon, un peu de vin blanc, quelques échalotes, sel, poivre, muscade ràâpée et blond de veau; faites bouillir cette sauce pendant vingt minutes, passez-la, faites-y chauffer les mor- ceaux de Vanneaux et servez-les garnis de croûtons frits. . Vanñeaux rôtis. — Lorsqu'on veut faire rôtir des Van- neaux, on ne les vide pas; vingt-cinq minutes suffisent de- vant un bon feu de bois ; on les sert sur des tranches de mie de pain frites dans le beurre et laissées dans la cuisinière pendant la cuisson des oiseaux qui les arrosent de leur jus. Quand les Vanneaux sont jeunes et gras, ce mets est des plus délicats. OUTARDES, PLUVIERS ET VANNEAUX. 809 Au résumé, les Vanneaux s’accommodent comme les Plu- viers. Dans les Antilles, les Vanneaux sont ordinairement rôtis sur des briques ou des pierres rougies au feu ; après culsson, on les retire de cette espèce de fournaise et on les dresse sur un plat au milieu de Patates et d'Ignames grillées. CHAPITRE XIII. Chasse du Vanneau. — Œufs de Vanneau. Chasseurs, je dois vous dire (oh! ma colère éclate, Vraiment cela n’a pas de nom!) Que pour se procurer cette chair délicate L'argent vaut bien mieux que le plomb. JOBEY. — Pas plus que le Pluvier, le Vanneau ne se chasse : on le rencontre ; d’ailleurs, si l’on veut admettre la chasse de cet oiseau par le fusil, il faut reconnaître qu’il y a peu de dis- ciples de saint Hubert qui se livrent à la chasse poursuite de cet échassier si méfiant. Rencontrez des Vanneaux et si vous avez la chance que votre coup de feu ait porté dans le tas, que deux ou trois oiseaux gisent à terre, ne vous pressez pas d'aller ramasser les victimes, huit fois sur dix, la volée reviendra sur ses pas et vous passera quelquefois sur la tête. Mais, je le répète, la chasse du Vanneau au fusil est fort difficile, avec chien et même sans chien. Si le toutou vous accompagne, c'est un vrai supplice; il faut constamment le tenir entre ies jambes et, à chaque instant, avoir l'œil sur lui. Sans chien, vous avez beau vous coucher, ramper, vous couler le long d'un fossé, vous n’arriverez que fort rarement à portée de fusil. Ici, je donne la parole à M. de Cherville : « Lors donc que vous apercevrez une bande de Vanneaux, vous ferez sagement de profiter de l’aubaine en remettant au lendemain l’apurement de vos petits comptes avec toutes autres espèces de passagers ou d'oiseaux sédentaires. Malheu- reusement facile à donner, le conseil n’est point aisé à mettre en pratique et neuf fois sur dix, le Vanneau condamne ceux 810 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. qui le convoitent au supplice de Tantale. Si on essaye de l’approcher quand il est à terre, il semble d’abord que la chose va marcher comme sur des roulettes ; tant que le chasseur est hors de portée, les Vanneaux paraissent y mettre une complaisance dont on songe déjà à les remercier ; ils vont, viennent, picorent, se distribuent des coups de bec; ils se groupent, ils s'éparpillent à droite et à gauche en sautant avec une telle prestesse qu'ils ont l'air de glisser sur le sol; pas un cri, pas une attitude qui révèle que les oiseaux sont à l'éveil. Vous calculez déjà le nombre de victimes que votre fusil va faire dans ces rangs si compacts et si pressés. Mais aussi- tôt que la distance commence à se rétrécir, la scène change d'aspect; vous n'avez pas entendu le coup de sifflet du machi- niste, vous avez peine à admettre que de simples échassiers rivalisent avec les auteurs dramatiques modernes dans la science des trucs et cependant vous êtes témoin d’un change- ment à vue de la Biche au bois. De noire que la rendait l’agglomératlon des oiseaux, la prairie est devenue blanche; ce sont les Vanneaux qui ont ouvert leurs ailes doublées d’hermine ; ils piètent en voletant pendant une douzaine de mètres, comme tous les oiseaux à vaste envergure, montent, passent deux ou trois fois au- dessus de votre tête, mais à distance respectueuse, probable- ment pour vous narguer, puis disparaissent. » On peut approcher sûrement les Vanneaux à l’aide d'un cheval ou d’une voiture. Il est recommandé de mettre une sonnette au cou du cheval, les oiseaux étant accoutumés à entendre les grelots que portent dans la région cervicale, les chevaux employés aux travaux champêtres ou les chevaux de poste passant sur les routes ou sur les traverses. Le chasseur se fait un rempart du corps du cheval, l'arme prête, les épaules courbées et en faisant manœuvrer l'animal de facon à tourner les Vanneaux ; on peut arriver à bonne portée et rien n’est alors plus facile que de frapper dans le tas. Avec la voiture, ces oiseaux se laissent également appro- cher ; seulement il est utile, pour ce genre de chasse, de se joindre un collaborateur ; c’est un véritable travail d'esprit de savoir décrire des arcs de cercle, d'enfermer les Vanneaux dans une circonférence, assez vaste d’abord, et d'en diminuer CT Un, PT POS JS OUTARDES, PLUVIERS ET VANNEAUX. 811 les rayons au fur et à mesure qu'on se rapproche des oiseaux. Le rôle du conducteur est de bien diriger l’attelage, d'arré- ter haridelle et véhicule au moment où le chasseur abaisse son arme et va tirer dans la bande ; ce dernier n’a même pas besoin de se dissimuler au travers d'un feuillage ou des bottes de paille, les oiseaux ne faisant guère attention qu’au cheval. Ce mode de chasse est le seul qui m’ait réussi. Des chasseurs ont prétendu que, si le Vanneau est méfiant sur terre, il n’en est pas de même quand il est sur le bord des marais et que, s’il voit un bateau s'approcher ou s’il s’en trouve le long du rivage, il est tres facile de s’en emparer. N'ayant pu contrôler ce fait, je le signale en passant.! Le Vanneau étant un oiseau fort curieux de son naturel, on a prétendu qu'il suflisait de mettre un mouchoir blanc sur le sol pour que le Vanneau vienne immédiatement voler autour. Pendant la pariade, dans la saison des amours, au moment où le premier œuf a été pondu, on a affirmé que le Vanneau venait planer au-dessus de tout objet suspect ; il était dès lors possible qu’un mouchoir blanc l’attirat. On disait prover- bialement : l’Alouette au miroir, on devait donc ajouter : Le Vanneau au mouchoir. J'ai essayé de ce truc sans avoir jamais réussi. Une volée de Vanneaux, àu Moulin apparent, près Poitiers, ne fit pas plus attention au mouchoir blanc que si ce linge eùt été de couleur. Bien mieux, la nuée ‘d'oiseaux s’effraya en voyant s’agiter l’étoffe et disparut bientôt. I paraît que le mouchoir blanc à lui seul ne suflit pas encore ; il faut avec cela que le chasseur ait un Chien blanc. Ch. Diguet dit « qu'ils se trouvent attirés par cette place blanche qu'ils n’ont pas la coutume de voir auprès du corps blanc qui se meut {le Chien). Ils se lèvent de l’endroit où ils se trouvent, tournoient, plongent pour voir de près, se relèvent et reviennent. Alors on les tue (1). » Mais l’auteur du « Livre du Chasseur » a répondu ainsi à cette gasconnade. (1) Ch. Diguet, Le Livre du Chasseur, p. 109. — La première tactique est de marcher vers le Vanneau en décrivant des lignes irrégulières, sans avoir l'air de le surveiller, de se baisser, de se relever, d’imiter l’homme ivre ; l'oiseau observe ce manège avec curiosité et oublie que ce prétendu disciple de Bacchus a un fusil sous le bras et peut se laisser approcher. 812 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. «Je vous donne ces tactiques pour ce qu’elles valent, ne les ayant point expérimentées. Si un de mes lecteurs les essaye et qu’elles lui profitent, je le prie de m'en faire part. Pour moi, ce que j'ai dit de la chasse au Pluvier s'applique à celle du Vanneau. On le tire également avec du 4. On prend aussi les Vanneaux au moyen de filets. Les filets sont à nappes de grandes dimensions dont les mailles ont de 8 à 9 centimètres de large. On place dans ces vastes rêts cinq ou six oiseaux empaillés ressemblant à des Pluviers ou à des Vanneaux et à côté, des appelants. I n'y a plus qu'à attendre le passage des Vanneaux ; ces oiseaux répondent aux appels et ne tardent pas à venir s’abattre sur le filet et, à un moment donné, ils s’empétrent dans les mailles et sont faits prisonniers. L'appeau dont on se sert pour chasser le Vanneau est le même que l’appeau à Coq de Bruyère, maïs plus petit ; il a la forme d’une trompette et porte une anche comme l’appeau du Canard, mais l’anche est plus faible et la pièce par où l’on souffle est allongée en forme de tube (1). En Angleterre voici comment on procède pour chasser le Vanneau. Les chasseurs se réunissent, ordinairement cinq ou six, et quand ils ont rencontré une bande de Vanneaux au repos, ils tendent leurs filets à quelque distance de la troupe en les laissant entre eux et les filets; alors ils avancent doucement en frappant des cailloux les uns contre les autres. Ordinairement ce genre de chasse se pratique le soir. Au fur et à mesure que les chasseurs avancent les oiseaux s’éveillent, secouent leurs plumes et vont donner à coup sûr dans le filet que l’on fait tomber et la bande entière est à la merci des panneauteurs. Dans le Royaume- Uni on dit cette chasse assez mod Les chasseurs de Vanneaux choisissent de préférence les prai- ries inondées. Les massacres se font en règle. Les oiseaux ayant l'habitude de procéder à leurs ablutions plusieurs fois dans la journée, ils cernent les terres humides et une petite guerre commence tant les coups de feu se succèdent rapide- ment. Pour me résumer : la chasse du Vanneau est fort pénible surtout pendant la saison d'hiver. (1) Belèze, loc. cit. OUTARDES, PLUVIERS ET VANNEAUX. 813 — J'ai parlé du nid du Vanneau; j'ai fait connaître les pro- cédés particuliers employés par cet oiseau pour sa construc- tion, le moment de la ponte, la forme, la disposition des œufs dans l’intérieur du nid. Pour le plus grand plaisir des amateurs, il faut que je m’'arrête encore sur la question des œufs ; avant de les leur offrir à la coque ou sur le plat, ils me permettront de les montrer au naturel. Il est facile de reconnaître les œufs de Vanneau; leur forme est oblongue, la couleur vert foncé olivâtre, parsemée de petites taches noires ; le volume est celui d’un œuf de Pigeon. Au toucher, le doigt percoit une légère sensation comme s’il se promenait sur une surface grenue. Quand on casse un œuf de Vanneau, l’albumine est blan- châtre, opaline et tout à fait translucide ; le jaune ressemble au Champignon appelé l’'Oronge dépourvu de son capulet ; il est couleur d'orange à maturité. On s'assure que les œufs sont frais, quand l'herbe du nid n'est pas flétrie par l’incubation; on peut également les exa- miner en les plaçant entre l’œil et la lumiere. Dans les départements français où les marécages donnent asile à de nombreux vols de Vanneaux, la Loire-Inférieure, par exemple, on fait la chasse aux œufs ; aux environs de Nantes, on en-détruit des quantités considérables. Le nid du Vanneau n’est quelquefois pas facile à trouver ; le chasseur, le passant, le braconnier sont avertis de sa pré- sence par le départ brusque de la pauvre mère, mais cette envolée est de peu de durée; la mère revient et, grâce à cet amour de la progéniture, elle indique elle-même la place exacte où se trouve la nichée. La contrée de l’Europe où il se fait un commerce impor- tant d'œufs de Vanneau est la Hollande, le pays néerlandais siriche en marécages. C’est dans le Zuiderzée que s'opère la grande récolte; les œufs sont expédiés en Angleterre, à Lon- dres principalement. Les habitants d’outre-Manche les gobent par milliers. Les Belges ne le cèdent en rien aux Anglais, mais, comme le dit Ch. Diguet, ils sont reconnus si gourmands qu'ils aiment à mettre panse sur forme ; ce sont des tueurs et non des chasseurs. À partir de Bruxelles, tous les magasins de comestibles en sont approvisionnés. 814 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Il s’en fait, dans le Nord, une consommation insensée (De Cherville). Les œufs de Vanneau se font cuire à la coque, comme ceux de la poule, en évitant de les faire durcir ; le blanc seul doit être à l’état solide et le jaune à celui dit mollet ; on en casse le bout le plus pointu afin de découvrir l'intérieur; on n’a plus qu’à les dresser sur une serviette pliée en les entourant de cresson. Le baron Brisse ajoute à la recette : « Ce hors-d'œuvre, d'une élégance et d’une distinction extrêmes, doit toujours être accompagné de beurre frais. » À Londres, les restaurateurs les font bouillir et les servent tout bonnement dans leur coquille; le consommateur est libre de les éplucher et de s’en façonner une salade, si mieux il n'aime les manger à ia croque au sel. En France, on en fait quelquefois des omelettes. Ces œufs sont d’une délicatesse extrême, mais on a de la peine à se les procurer à cause du peu de fécondité des oiseaux qui les pondent. Je ne crois pas cependant que l’on ait surfait leur réputa- tion ; pour ma part, j'en ai gobé, mangé et j'avoue qu'ils sont excellents, j'aurais, d’ailleurs, fort mauvaise grâce, croyez- le, de ne pas assurer qu'ils sont exquis. | Je n'avais jamais entendu dire que l’on püt falsifieriles œufs de Vanneau, c’est Toussenel qui me l’apprend. Je sais qu’il y a pas mal de commerçants qui se font de la falsification une source certaine, autant que malhonnête, de revenus, mais c’est sur le lait, le vin, le beurre principale- ment que s’acharnent ces affreux spéculateurs. Écoutons Toussenel : Li «J'ai oui dire, et je le crois sans demander de preuve, que l'art de la chimie est parvenu à falsifier ce produit alimen- taire comme tous les autres. Maïs je me féliciterais sincè- rement, cette fois, des progrès de la science, si cette falsifi- cation avait pour résultat de forcer les chercheurs d'œufs de Vanneau à renoncer à leur criminelle industrie, car le Van- neau est un des grands protecteurs de la sécurité de l’homme en général et du Hollandais en particulier, et si l’homme et le Hollandais pouvaient prêter l'oreille aux conseils de la sa- gesse, la sagesse leur dirait que le Vanneau mérite d'être placé sous la protection spéciale de la loi, au méme titre que OUTARDES, PLUVIERS ET VANNEAUX. 815 la Cigogne, attendu que c’est lui qui défend les digues de la Hollande contre les ravages des insectes qui ruinent ces constructions par leurs menées souterraines et que c’est uni- quement pour vaquer à cette œuvre qu'il a fait des polders ses demeures de prédilection. Saviez-vous, lecteurs, que M. de Bismarck était très friand d'œufs de Vanneau ? Non, n'est-ce pas ! Eh bien ! je vais vous l’apprendre. Tout d’abord il est bon de vous dire que, dans l’empire des bonnes mœurs, ces œufs paraissent sur les tables les plus somptueuses. Le cuisinier-chef du comte de Bismarck ne manquerait certainement pas de lui en faire servir à son déjeuner, surtout pendant les premiers jours d'avril. | La popularité du chancelier est très grande en Allemagne : j'avoue que c’est justice. Chaque année, le 1°" avril, anniversaire de sa naissance, ses loyaux sujets tiennent à honneur de lui manifester leur admiration et ils le font souvent de facon fort bizarre. Les uns se contentent d'envoyer des télécrammes, les autres des poésies, des cadeaux plus sérieux. Connaissant le goût tout particulier qu’a le Chancelier pour l'omelette aux fines herbes, les fidèles de Jever et de Schæœn- hausen lui envoient, à cette date mémorable, des œufs de Vanneau. ‘ La chose est compréhensible. Celui qui a toujours aimé la casse et la brouille devait se régaler avec une omelette. Mais, le croirait-on ? il faut que l’omelette soit simple, au naturel, sans jambon ! M. de Bismarck a d’ailleurs toujours été très délicat à l'endroit de la cuisine. Simple élève à l'institution Plamann de Berlin, il prisait fort peu le régime culinaire de la pension. Les brouets que l’on servait aux élèves étaient par trop spartiates, la viande n'était pas dure, mais élastique ; le dimanche seulement des beignets de pommes de terre râpées paraissaient sur la table. Plus tard, au gymnase de Frédéric-Guillaume, Trina Noë- mann, cette cuisinière qui n'avait pas d'égale dans l’art d'appréter les poitrines d’oie fumée, devait devenir l’amie du comte en réussissant également les omelettes à la farine et les nouilles aux pruneaux. Ce dernier mets n’est pas une conception fantaisiste ; il paraît que ça se mange et bon 816 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. nombre d’Allemands en sont fanatiques ; grand bien leur fasse ! : La gourmandise étant encore un des péchés mignons du comte de Bismarck, les habitants d'outre-Rhin ont pensé et pensent avec raison qu'il convenait à leur plus grand politique de s'asseoir devant une table plantureusement servie. | Et voilà comment il se fait que chaque année, à la date du ler avril, les admirateurs du grand chancelier lui envoient des corbeilles de fleurs au milieu desquelles se trouvent adroite- ment dissimulés des œufs de Vanneau. — Le Vanneau a peut-être le caractère frondeur ; dans le fond, cependant, il n’est pas ce que l’on appelle un oiseau méchant. Il a bien, si vous voulez, l'humeur belliqueuse du Chevalier, mais il n’a pas, comme ce dernier, la singulière manie de chercher querelle pour les choses les pius futiles. J'ai parlé et de sa tenue en société et de ses manières ; si je l'ai complimenté d’avoir su se créer d’étroites relations avec certains animaux, par contre, je lui ai reproché de vouloir exercer une véritable domination sur quelques oiseaux de rivage. Pour des natures qui se valent, pourquoi cet esprit d’ascen- dance ? Il n’est pas permis au Vanneau de jouer au rôle de potentat ou de savant quand il sait pertinemment qu'il abaisse les mérites incontestables de la Barge et du Bécasseau. J'ai horreur des vantards et n'ai pas assez de rires et de hausse- ments d’épaules pour tourner en ridicule la race des poseurs. Le Vanneau, si utile à l’agriculture, si gai, si vif, si élégant, avait besoin d’une petite lecon, je la lui ai donnée en passant. Mais puisqu'il s’est trouvé des gens assez làches pour le calomnier, vous allez bien me permettre de prendre sa défense. Le quatrain de Jobey me donnera l’occasion de le réha- biliter : Sur le Vanneau pluvier on fait beaucoup d'histoires ; Néanmoizs, cest un fait certain Qu’avec son ventre blanc et ses deux ailes noires Il a l'air d'un domini:ain. Le poète a dit vrai, mais nous savons tous que l'habit ne OUTARDES, PLUVI:ERS ET VANNEAUX. 817 fait pas toujours le moine ; par son plumage, en effet, le Van- neau ressemble bien à un membre de la confrérie de saint Dominique. Si je reconnais de réelles vertus au Vanneau, c’est que l’ordre dans lequel les naturalistes l’ont classé ne s’est jamais rendu profondément odieux comme celui où se sont inscrits Torquemada et consorts, inquisiteurs de l'Espagne. — Aux Halles centrales, pendant l'année 188%, il a été introduit 87,227 Vanneaux. Pendant l'année 1888 près de 92,000 de ces oiseaux ont été reçus au pavillon de la volaille. Ils se sont vendus au prix moyen de 0 fr. 57 c. Les départements français qui expédient le plus de Van- neaux aux Halles, sont : l’Eure-et-Loir, le Loiret, le Loir-et- Cher, le Cher, la Haute-Marne, la Somme, la Loire-Inférieure et les départements qui forment la Normandie. | Le service de l'octroi de Paris a rangé les Vanneaux dans les oiseaux de la deuxième catégorie, au même titre que les Pluviers et les Guignards. Le droit à percevoir, comme entrée, est de 0 fr. 30 c. par kilo. Et maintenant, je termine la Monographie de l'Outarde, du Pluvier et du Vanneau, en remerciant le lecteur d’avoir bien voulu me lire avec indulgence. 5 Juin 1891. 52 EXPLOITATION DES ÉTANGS Par M. DE LÉPINAY. La propriété du Ris comprenait en 1889 et 1890 trois étangs de 2 hectares 75 ares environ chacun, un étang de 22 hec- tares, un étang de 3 hectares 50 ares, deux pêcheries de 3 ares environ et un réservoir de 3 ares. Deux des étangs de 2 hectares 75 ares ont été disposés pour l'élève des jeunes poissons ; on avait espéré, dans le principe, pouvoir produire le nourrain tout entier dans les pêcheries, mais cela n’a pas été possible; on a obtenu la quantité nécessaire qu’en ajoutant des mères dans les étangs d'élevage. ; Ces deux étangs ont fourni environ 5,000 nourrains chacun (en 1889 et en 1890) du poids moyen de 130 à 140 grammes l’un ; ils ont été distribués comme il suit : De 4,500 à 5,000 dans l'étang de 22 hectares, de €00 à 1,000 dans l'étang de 2 hectares 95 ares, et environ 3,000 dans l'étang de 3 hectares 50. Ce dernier est dans une situation toute spéciale; entourant l'habitation, il reçoit tous les résidus qui en proviennent ; sa profondeur est fort grande, il n’a pas de laisse et contient 80,000 mètres cubes d’eau. La nourriture à été faite en 1889 au moyen de 110 doubles décalitres de drêche, pesant à sec 3 kilog. 200 par double décalitre, ce qui représente environ 352 kilog. de dréche sèche par semaine. On peut établir, à cause de quelques difficultés qu'il y a eues dans la fourniture, que la nourriture a été donnée pendant dix-huit semaines, représentant, à 20 francs par semaine, 260 francs, non compris le transport de la bras- serie aux étangs. Le résultat obtenu a été de 65 quintaux (l’ancien quintal de 50 kilos) de Carpes, pesant individuellement 630 grammes en moyenne ; le produit a donc été sensiblement égal à 100 kilog. de Carpes par hectare d’étang. La quantité de Brochets, de Tanches et d’Anguilles n’était pas considérable, mais pouvait atteindre environ 150 kilogs. dr rénale de nie-fn le st ii it GRR: ot die . l | F 4 . 4 EXPLOITATION DES ÉTANGS. 819 À raison du roulement des pêches annuelles, ce revenu peut être espéré chaque année. En 1890, le produit n’a été que de 54 à 55 quintaux de Carpes, mais la Tanche a été fort abondante. Au prix moyen de 40 francs par 50 kilogs, le pro- duit aurait été ainsi de 2,400 francs, soit, en retirant la valeur de la nourriture, approximativement 2,000 francs, ce qui représente, pour les 33 hectares aménagés, un revenu moyen de 60 francs environ. Suivant la forme indiquée par Puvis, l’empoissonnement doit être fait de très bonne heure, c’est-à-dire en novembre ou décembre. Bien que le poisson ne mange pas en hiver, il lui est nécessaire d’avoir un certain temps pour reconnaitre ses fonds, et si on empoissonnait en mars seulement, on risquerait de perdre un temps précieux. Dans cette étude préalable, la nourriture doit être donnée dès les premiers jours du beau temps ; mais elle peut l'être en moins grande abondance que dans les mois de juin, juillet et août. On a employé la drêche des fabriques de bière; cette année, il est fait un essai sur la drêche de distillerie des Topi- nambours ; on peut également employer tous les tourteaux et même les fumiers, le poisson étant de tous les êtres celui qui profite le mieux de la nourriture qu’on lui donne quelles que soient sa nature et sa qualité. On peut ajouter que les subs- tances animales ou végétales ainsi jetées dans les étangs et non absorbées par le poisson, seraient entraînées par le cou- rant et utilisées assurément au moyen d’un emploi judicieux de ces eaux dans l'irrigation des prairies. Il paraît qu’en Limousin quelques propriétaires ont nourri le poisson avec du Maïs à fourrage haché très menu, et qu'ils s’en sont très bien trouvés. Il est à remarquer que le nourrain doit être alimenté comme le poisson de vente pour arriver à donner un poids supérieur à 100 grammes, aussi la dréche a-t-eile été distri- buée entre les cinq étangs ; elle n’a pas été spécialisée au poisson de vente. LES BOIS ANDUS TRTELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES Par JULES GRISARD ET MAxIMILIEN VANDEN-BERGHE. (SUITE * FAMILLE DES HYPÉRICACÉES. Cette famille comprend huit genres et environ deux cent quarante espèces ; elle se compose d'herbes vivaces, rarement annuelles, de sous-arbrisseaux, d’arbrisseaux ou quelquefois d'arbres à feuilles opposées, verticillées dans quelques espèces seulement, entières, penninerves, sans stipules, souvent par - semées de points glanduleux transparents. Une grande partie de ces végétaux sont répandus dans les régions tempérées et chaudes des deux mondes, mais toutes les espèces frutescentes ou arborescentes sont intertropicales. Les Hypéricacées sont des plantes à parenchyme glandu- leux plein d’une résine incolore ou jaune, produisant sur les feuilles un pointillé pellucide; en général, leurs propriétés sont peu développées. Les espèces ligneuses laissent exsuder abondamment des sucs résineux, balsamiques, auxquels se joignent une certaine quantité d'huile volatile et un principe extractif amer, résidant dans l'écorce, qui donnent à ces plantes des propriétés diverses. CRATOXYLON FORMOSUM Bent. et H00K. Klodea formosa JACK. Cratoxylon Cochinchinense BLUME. Hypericum Ægipticum BLANCO ? — Cochinchinense ? LOUR. Tridesmis formosa KORTH VERNH. Annamite : Vgéng-ngang-do. Kmer : Lon gieng, Lon hirn. Bel arbre forestier dont le tronc, élancé, épineux, atteint environ 15-18 mètres de hauteur, sur un diamètre propor- (*) Voyez plus haut, pages 39, 201, 42% et 608. | | LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 821 tionné ; recouvert d'une écorce rugueuse, d'aspect grisaätre extérieurement, brune intérieurement, s’exfoliant en petites plaques minces. Feuilles opposées, entières, irrégulières de forme, à points pellucides. Très répandue dans toute l’Indo-Chine, cette espèce se ren- contre aussi dans la presqu'ile de Malacca, dans les îles Phi- lippines, Bornéo, Java, Sumatra, etc. L’aubier est blanchâtre et d’une faible épaisseur. Le cœur fournit un bois brun rougeâtre, parsemé de veines brunes plus foncées, quelquefois vertes ou roses autour des nœuds. D'un grain fin, serré et assez dur, ce bois possède des fibres longues et très flexibles ; il se conserve bien dans l’eau et les insectes ne l’attaquent pas. Sa densité est de 0,960. Le C. formosum est recherché des Annamites qui s’en ser- vent pour faire des piliers de cases soignées, des palissades, des pilotis, des mâts, des avirons, en un mot, pour tous les ouvrages demandant à la fois de la résistance et de la flexi- bilité. Par ses qualités physiques, il conviendrait très bien pour le tour, la menuiserie fine, l’ébénisterie et le placage. Les fleurs donnent une belle teinture rouge. CRATOXYLON HORNSCHUCHII BLUME. Hornschuchia hypericina BLUME. Sondanais : Hermang, Marong, Remang. Arbre à feuilles opposées, brièvement pétiolées, oblongues- lancéolées. Croissant naturellement dans lés Indes néerlan- daises. Bois durable, à grain fin et égal, dur, mais ayant besoin d'être immergé et séché lentement si on veut l'empêcher de se fendre ; on l’emploie dans la construction, lorsqu'on trouve des pièces de dimensions suffisantes, et à la confection de divers ustensiles de ménage. Il sert aussi à préparer un char- bon de très bonne qualité. À Java cette espèce est usitée comme astringent et diuré- tique. CRATOXYLON NERIIFOLIUM Kurz. Arbre d’une hauteur de 15-20 mètres sur un diamètre assez faible. Feuilles opposées, presques sessiles, oblongues, 822 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. lancéolées, courtement acuminées, cordées à la base, co- riaces, brillantes en dessus, pâles et glauques en dessous. Très peu répandu en Basse-Cochinchine, il se rencontre surtout au Cambodge et en Birmanie, depuis Chittagong jus- qu'à Tenasserim. Le bois de cet arbre est rouge brun et assez dur ; les nœuds dont il est parsemé le font employer pour le placage. Les indigènes l'utilisent pour construire leurs habitations, quoi- qu'il ne soit pas de longue durée pour les travaux extérieurs ; ils en font également des charrues, des manches d'outils et autres objets. L'écorce peut être employée en teinture. CRATOXYLON POLYANTHEMUM KorrTH VERH. Anvuamite : Vqan nganh. Malacca : Summam Phat. Petit arbre d’une hauteur de 8-10 mètres sur un diamètre de 15-20 centimètres, à tronc épineux, peu élevé, rougeûtre. Feuilles de formes variables, généralement ovales, oblongues ou linéaires, lancéolées, aiguës aux deux extrémités, quelque- fois obtuses. Assez répandue dans toute la Basse-Cochinchine et le Cam- bodge, cette espèce se rencontre aussi dans toute l’Indo- Chine, en Chine et à Bornéo. Son bois, d’un rouge très pâle, lourd, parsemé de nœuds et ne se fendant pas en séchant, est susceptible, comme la précédente, d’être utilisé pour le placage et l'ébénisterie, mais les dimensions restreintes de l'arbre en limitent un peu l'emploi dans l’industrie locale. CRATOXYION PRUNIFOLIUM Dyer. Ancistrolobus prunifolius HORT. BOT. CALCGUT. Hypericum prunifolium WALL. Tridesmis pruniflora Kurz. Annamite : Van nan. Kmer: Long Hien ou Longieng. Petit arbre de 8-10 mètres de hauteur, à tronc épineux, rougeätre. Feuilles juvéniles oblongues, oblongues-obovées ou linéaires-oblongues, lancéolées dans les rameaux flori- feres, légèrement coriaces, brunes en dessus, ferrugineuses ou cendrées en dessous. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 823 Cette espèce se rencontre dans toute la Basse-Cochinchine, mais elle n’y est pas très commune. L'’aubier est mince et blanchâtre et le cœur de couleur blanc-jaunâtre ou légèrement rosé, souvent traversé de lignes brunes. Quoique ses fibres soient assez longues, son crain est serré ; il est très noueux et convient admirablement pour le placage. Les Annamites et les Cambodgiens l’em- ploient pour palissades et piliers de cases. Les indigènes, dit M. Pierre, assurent qu'il peut résister trois ou quatre ans dans l’eau ou dans le sol humide, aussi est-il encore utilisé pour pilotis. Dans son catalogue raisonné des bois de la presqu'ile de Malacca, le D' Maingay cite encore le Grongong (Cratoæylon arborescens BL.) dont le bois d’un rouge sombre, à grain orossier, est employé pour poutres légères ; ce bois est tendre, mais ne se fend pas en séchant. Le Cratoxylon microphyllum Mio. des Indes néerlandaises donne un bon bois de charpente. Mentionnons encore dans la famille des Hypéricacées les espèces suivantes qui, quoique secondaires sous le rapport du bois, sont assez intéressantes par leurs produits : Haronga Madascariensis CHoisy.{(Z.paniculata Lopn.; Arungana paniculata PERS.). « Guttier du Gabon ou Rougo de Madagascar ». Petit arbre qui habite Madagascar, la Réu- nion, le Gabon et le Zambèze ; ses feuilles sont persistantes, opposées, ovales-oblongues, aiguës au sommet, arrondies à la base, tomenteuses dans le jeune âge. Son boïs est de bonne qualité, mais ses usages ne sont pas définis. L'écorce, peu épaisse, fendillée, sécrète abondamment une résine visqueuse et amère, d’abord jaune citron, puis rouge orangé, assez semblable au Sang-dragon. Cette substance est regardée comme un fébrifuge léger ; on l’emploie encore, ainsi que les feuilles pilées, en fumigations et en applications dans le traitement des fistules urinaires. Les feuilles doivent leurs propriétés à une huile essentielle qui se retrouve aussi dans les fleurs. Cette espèce porte les noms de Mutune au Zambèze, et de Gina ou Ogina au Gabon. L'AI. Madagascariensis demande la serre chaude. Hypericum lanceolatum LaAmKk. (Campylosporus reticu- latus SPAcH. ; Hypericuin Penticosia COMM.) ; à la Réunion : 824 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Ambaville, Fleur jaune, Penticosia. Arbrisseau tortueux d’un faible diamètre, à feuilles opposées, lancéolées, entières, penninerves et ponctuées. « e Bois blanchâtre à grain uni et serré, assez dur, à fibres « droites, à cassure courte; peu employé à cause de ses di- mensions restreintes, on s’en sert néanmoins dans la con- fection de quelques petits meubles. Sa densité est de 0,685 après une année de coupe. | À la Réunion et à Maurice on utilise le suc gommo-résineux odorant, qui découle du tronc, pour combattre les affections : syphilitiques et goutteuses ; ce produit est connu sous le nom de Baume de Fleur jaune. Vismia Guianensis PERS. (Æ/ypericum Guianense AUBL.; H. bacciferum L. fils). Arbre d’une hauteur de 7-8 mètres, à tige quadrangulaire et à feuilles persistantes, opposées, ovales-lancéolées, acuminées, dilatées à la base, glabres en dessus, roussâtres en dessous, criblées de points diaphanes. Indigène au Vénézuéla où on le désigne sous le nom de Lacre blanco, on le rencontre plus abondamment à la Guyane où il est appelé « Arbre à la fièvre, Bois sanglant, B. à dartres, B. cossais, B. d’Acossais ou d'Acossois ». C’est le Caopia de Pison et de Marcgraff. Son bois, de couleur rouge pâle, est parsemé de veines fines et claires ; il est assez léger, quoique d’une dureté régu- lière, son grain fin et sa texture fibreuse. Peu employé au Vénézuéla, ce bois est assez joli pour être utilisé dans l’ébé- nisterie de luxe. À la Guyane, ce bois est employé dans les constructions et on recouvre les cases de son écorce intérieure. Sa pesanteur spécifique est de 0,650. En incisant l'écorce, on obiient un suc résineux, jaune rou- seatre, assez semblable à celui fourni par les Guttifères et connu sous le nom de Gomme-gutte d'Amérique. On l'em- ploie desséché comme purgatif et extérieurement dans le traitement des maladies de la peau. Le Vismia Cayennensis PERS., « Bois Baptiste » de la Guyane, « Bloodwood » de la Trinité, donne un suc analogue employé aux mêmes usages et confondu dans le commerce sous le même nom. Les feuilles opposées, entières, de cette espèce, sont parsemées de glandes à huile essentielle. Enfin, le Vismia ferruginea H. B. (Hypericum cuspida- PPS NS D ESPN PS ROSES PS CP PONT: CCR ER S NET PT OS TS NS LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 829 tum Wiccp.). Onotillo du Vénézuéla, fournit un bois assez compact, de couleur jaune rougeâtre, susceptible de poli, mais dont l'emploi est peu répandu. FAMILLE DES GUTTIFÈRES. La famille des Guttifères renferme vingt-huit genres et environ trois cent soixante-dix espèces, toutes ligneuses, se composant d'arbres et d’arbrisseaux quelquefois grimpants, parfois épiphytes, à rameaux souvent tétragones et articulés. Les Guttifères sont remarquables par leurs belles feuilles opposées, quelquefois alternes, rarement verticillées, simples, presque toujours entières, rarement dentées, découpées ou Stipulées, souvent épaisses, coriaces, glabres et luisantes, à nervures pennées. Toutes les espèces sont originaires des régions les plus chaudes du globe et les plus rustiques ne dépassent guëre la ligne tropicale. Le plus grand nombre se trouvent réparties entre l'Amérique et l'Asie ; elles sont peu nombreuses en Afrique. Presque toutes les Guttifères sont riches en suc résinoïde ou gommeux, jaune verdätre, plus rarement blanchätre, dont le plus connu, comme emploi industriel, est la Gomme-gutte. Ce suc contient un principe résineux, âcre, souvent doué de propriétés drastiques, parfois stimulantes ou toniques. Quelques-unes sont cultivées pour leurs fruits comestibles estimés : il nous suffira de citer le Mangoustan et l'Abricotier de Saint-Domingue. Plusieurs, enfin, donnent des bois re- cherchés pour leur durée et leur conservation. CALOPHYLLUM GALABA JAcQ. Galaba à fruits allongés. Calophyllum apetalum WiLio. == inophyllum B Calaba LAMK. — spurium CHOISY. — Wightianum WALL. Antilles françaises : Calaba et Galba. Cuba : Ocuje, Arbol del aceita de Maria. Jamaïque : Santa Maria. Saint-Domingue et Trinité : Bois Marie, Palo Maria. Réunion : Tacamahaca rouge. Vénézuéla : Maria. Arbre résineux, élevé, à cime ample et diffuse, dont le 826 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. tronc est recouvert d’une écorce brune et épaisse. Feuilles opposées, ovales-obtuses ou elliptiques-obliques et souvent émarginées, un peu glauques, douces au toucher, lisses et coriaces. Originaire des Antilles, cette espèce est très commune à la Martinique où on la plante en lisière ; elle croît également au Malabar, sur la côte de Coromandel, où elle est plus rare, on la retrouve encore dans toute la région sud de la Réunion et au Vénézuéla. En Cochinchine, cet arbre n'’atteint que de faibles dimensions, mais il est d’une rare beauté. Son bois, gris rougeâtre, à grain gros, de bonne qualité, est assez flexible et résistant ; on le considere de plus comme incorruptible. On l’emploie généralement pour les grosses pièces de charpente et plus rarement pour le charronnage. On s’en sert aussi pour mâture et bordage des navires aux quels il fournit de bonnes courbes. On en tire encore d'ex- cellentes planches, mais elles ont le défaut de se tourmenter un peu lorsque le bois est débité. avant d'être entièrement sec. Au Vénézuéla on l'utilise souvent comme bois d'ébénis- terie. Sa densité varie entre 0,604 et 0,750; son élasticité, comparée à celle du Chéne, est de 0,947, et sa résistance à la rupture égale 1,278. Sa cassure est assez longue, fibreuse, avec esquilles et éclats. Par l’incision du tronc et des grosses branches, on obtient un suc résineux solide, d’un brun verdâtre, à poussière jau- nätre, d’odeur forte, non désagréable, s’épaisissant à l'air et devenant gluant et tenace. Cette oléo-résine est employée aux Antilles comme vulnéraire et désignée sous le nom de Baume Marie où Baume vert des Antilles (1). Les feuilles sont détersives. Les fruits, de la grosseur d’une cerise, sont rouges, allongés et ressemblent assez à ceux du cornouiller mâle ; ils se composent d’un sarcocarpe mince et d'an noyau ligneux, jaunâtre et peu épais, renfermant une amande jaune, huileuse ou rougeàtre. Ces fruits sont mangés par les indigènes. On retire aussi de l’amande une huile jaune citron, presque solide à + 4 degrés et d’une densité de 0,965, utilisée dans l’Inde pour combattre les affections cuta- nées et par l'éclairage. Saponifiée par la soude, elle donne un. savon solide, de couleur jaune serin ; on s’en sert aussi en peinture et pour la préparation des vernis gras. (1) Voir page 876 : Huile ct résine de Calaba. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 827 CALOPHYLLUM DRYOBALANOÏDES PIERRE. Annamite : Công trang ? Công nui. Un des plus beaux arbres forestiers de l’Indo-Chine, crois- sant sur la montagne Dinh, près Baria, en Basse-Cochinchine; son tronc, d’une hauteur de 20-30 mètres, atteint un dia- mètre de 40-45 centimètres. Feuilles longuement pétiolées, ovales ou oblongues-lancéolées, aiguës ou obtuses à la base, terminées par une pointe élargie et obtuse. L’écorce, rouge et très rugueuse, sert à la confection de seaux, hottes, cloisons et autres objets exigeant de la légèreté et de la solidité. Cette espèce fournit un bois rouge ou rougeâtre, à aubier d'une teinte plus pale; sa conservation est assez longue, cependant il est un peu moins estimé que ses congénères, bien qu'employé aux mêmes usages. Sa densité est encore plus faible que celle du C. Saigonense. Les branches princi- pales sont utilisées pour de menus travaux. CALOPHYLLUM INOPHYLLUM L. Galaba à fruits ronds. _Balsamaria inopryllum LouRr. Bintangor marilima RüUMPH. Calophyllum Bintangor ROxB. == Blumei WiGuxrT. = ovatifolium NORONH. Annamite vule. : MWa-u, M6 h%. Bornéo : Tjemplong, Kapar naga, Gambir. Cambodge : Karg, Kthäng. Ceyÿlsn : Domba-gass. Cochinchine : Wouou, Mun, Mohu. Célèbes : Poenaga, Penanga. Hawaï : Kamani. Java : Njam- ploeng, Patoe, Jamplond. Madagascar: Fowrha, Fooraha. Malais : Kapoe- ratja, Kapoor rantjang. Marianues : Daou. Marquises et Taïti : Tamanu, Temanu. Ménado : Rinkaren. Nouvelle-Calédome : Pitt, Pitts, Pio. Réu- nion : Tacahamaca blanc. Sandwich : Kamani, Kamanou, Singapoore : Bin tagou. Sumatra : Penaga, Bientangoor. Taïti : At. Tamanu. € Grand arbre résineux à cime irrégulière et très garnie, atteignant généralement une hauteur moyenne de 20 mètres, sur un diamètre de 60 centimètres à un mètre; tronc légèe- rement tortueux et recouvert d’une écorce épaisse, rugueuse, fendillée en damier, de couleur brune, les jeunes rameaux tétragones. Feuilles opposées, entières, grandes, obovales ou ovoïdes, souvent émarginées, coriaces, lisses et luisantes, à \ 828 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. nervure médiane saillante, les secondaires finement pennées. Fleurs blanches, en grappes opposées en croix, d’une odeur douce rappelant celle du tilleul. Cet arbre magnifique semble être originaire de l’Archipel indien ; on le rencontre à Sumatra, Sumbawa, aux Philip- pines, aux Moluques, dans les Indes orientales, à Madagascar, à la Réunion, enfin, dans la plupart des îles de l'Océanie. Aux iles Marquises, où le C. inophyllum atteint des proportions gigantesques, il forme des forêts sombres et épaisses où les Canaques vont déposer leurs cercueils. Abondant en Cochin- chine, dans les plaines et sur le bord des fleuves et des arroyos, cette espèce est souvent plantée comme arbre d’or- nement dans un grand nombre d’endroits, notamment à Saïgon et dans les environs. En général, le C. inophylluin préfère les côtes et dépressions qu’il peuple abondamment, mais on le rencontre aussi dans les terres basses. L'aubier est peu épais, un peu pâle dans les jeunes arbres ; le bois qui porte le nom de Æiboenaga aux Indes néerlan- daises, est rosé ou rougeätre plus foncé dans les arbres âgés, dur, à grain serré, fibreux et très élastique. Les fibres sont fines, en gros faisceaux ondulés, décrivant de très longues spires s’élevant en sens contraire et par couches, de la péri- phérie vers le centre. D'une durée assez longue dans les constructions exposées aux intempéries, il résiste encore assez bien aux insectes. | On l’emploie avec avantage dans l’ébénisterie, surtout pour le placage, en raison de l'aspect agréable des taches qui le marbrent et lui donnent l'apparence de l’acajou. On s’en sert aussi dans la menuiserie et dans la charronnerie, pour faire des jantes de roues, des brancards, des moyeux, des flèches, etc.; c'est de plus, un excellent bois pour la confection des pièces de charpentes. Aux Moluques, ses qualités de durabilité le font employer pour la mâture et la construction des barques. Ce bois est susceptible d'un beau poli, mais il est difficile à travailler, surtout à rabotter, à cause de son fil court et irrégulier, et s'écaille facilement sous l'outil. Suivant les conditions de développement de l’arbre, la na- ture du sol, l'exposition, etc., la texture du bois se trouve quelquefois modifiée : ses fibres sont souvent moins contour- nées, son grain est moins fin et sa durée plus faible que celui LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 829 qui provient des îles océaniennes, ce qui explique ses usages nombreux et variés. D'après M. G. Cuzent, on rencontre à Taïti deux variétés du C. inophyllum qui ne diffèrent entre elles que par la cou- leur de leur bois et par leurs fibres qui sont droites ou on- dulées. La première qui porte le nom de Tamanu hiva, offre un bois dur qui se travaille facilement et dont les indigènes font des piquets pour enclore leurs terrains ; la deuxième a le bois moins dur et on doit le débiter longtemps avant de s’en servir, en ayant soin de le laisser sécher complètement à l'ombre, car il se fend facilement. Autrefois, cet arbre était recherché des Taïtiens pour faire des pirogues et pour sculp- ter leurs grandes idoles ; de nos jours, ils s’en servent encore pour fabriquer divers objets de ménage, tels que des petits bancs et des vases à Popoi, sorte de bouillie préparée avec le fruit de l'arbre à pain. Ce bois est très estimé des Annamites qui en font des colonnes pour les cases de luxe, des piquets de palissades, des mortiers à décortiquer le riz, etc. Sa den- sité est de 0,924. L'écorce est vantée comme diurétique; écrasée, elle sert en application sur les orchites ; quelques industriels l’uti- lisent aussi pour faire de la pâte à papier. L’amande du fruit donne une huile grasse semblable à celle du C. Calaba et servant à peu près aux mêmes usages. CALOPHYLLUM MONTANUM VrIEILLARD. Nouvelle-Calédonie : P10, Tamanow de montagne. Bel arbre d’une hauteur de 15-20 mètres sous branches, dont le tronc, recouvert d'une écorce noirâtre, rugueuse, profondément crevassée, peut atteindre un diamètre de 80 centimètres. Feuilles elliptiques-lancéolées, entières, obtuses, à nervures fines et serrées. Originaire de la Nouvelle-Calédonie, cette espèce est assez abondante dans les endroits très élevés de la baie du Sud, où elle se plait dans les terres ferrugineuses. Le bois fourni par cet arbre est rougeàtre, d’une belle apparence, dur et très résistant, mais il est difficile à tra- vailler car il s’écaille aisément et se fend facilement. Ce défaut, dit M. H. Sebert, est dû à la disposition des fibres réunies en gros faisceaux ondulés. 830 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Ce bois, qui est d’une bonne conservation, s'emploie géné- ralement pour la charpente, le charronnage et pour la mâture des petites embarcations. On le recherche également pour l’ébénisterie et la menuiserie fine, à cause de son aspect soyeux et de sa jolie teinte jaunâtre sur laquelle se détachent des veines rouges apparentes lorsqu'il est verni. Sa densité moyenne est de 0,904. CALOPHYLLUM PULCHERRIMUM WaLL. Annamite : Cay Công, Väy ôc. Arbre d'une hauteur de 15-20 mètres, dont le tronc est droit et élancé. Feuilles petites, ovales-oblongues ou oblon- oues, atténuées aux deux extrémités, aiguës à la base, ter- minées au sommet par une pointe obtuse, lisses et coriaces. Indigène des provinces occidentales du Cambodge, on le rencontre également dans l’île de Phu-Quôc. L’aubier est d’un rouge pâle et peu distinct du vieux bois. Suivant M. Pierre, le bois du V&y Ôc est un peu plus dense et moins foncé que celui du C. Thorelii. Son grain plus fin, susceptible d’un plus beau poli ne permet pas néanmoïns, dit le même auteur, de l’employer dans la menuiserie de luxe. Ainsi que ses congénères, ses fibres sont longues, un peu orosses et ses vaisseaux gorgés de matière résineuse assurent sa conservation. Si les proportions de son tronc étaient plus élevées. ajoute M. Pierre, il serait employé à tous les usages du Công. lia (C. Saigonense) et lui serait même préféré. CALOPHYLLUM SAÏGONENSE P1ERRE. Annamite : Công tia. Kmer : Pohon ou Phaong. Arbre d’une hauteur de 15-25 mètres, dont le tronc acquiert un diamètre de 40-45 centimètres. Feuilles elliptiques-obo- vées ou elliptiques-oblongues-lancéolées, arrondies où le plus souvent aiguës à la base, toujours terminées par une pointe obtuse. Originaire de la Cochinchine où elle croît surtout dans les terrains sablonneux et sur les montagnes jusqu'à une altitude de 3,400 mètres, cette espèce est encore abondante dans toutes les plaines de l’île de Phu-Quôc. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 831 Son bois se compose de trois parties très distinctes sous le rapport de l'aspect : l’aubier, blanchâtre ou rouge très pâle, spongieux et assez épais ; le bois proprement dit, d'une teinte rouge, rougeâtre, plus rarement d’un rose pâle, et le cœur de couleur plus foncée. Ce bois est assez léger, d’un grain fin, à fibres longues, droites et ses vaisseaux sont gorgés d’une matière résineuse tenace; les couches annuelles sont très apparentes sur la section. transversale du tronc. Facile à tra- vailler, rarement creux, d'une longue conservation dans l’eau et dans la vase, il est inattaquable par les insectes et très peu par les tarets. Excellent pour toutes les constructions, surtout pour la marine, la charpente et les pilotis, il est également bon pour le charronnage et la menuiserie. Très joli étant verni, il convient aussi, mais à un moindre degré, à l’ébénisterie. Les Annamites l’emploient pour piliers et colonnes de cases et plus particulièrement pour mâts d’embarcations. Les bran- ches maïtresses sont utilisées pour timons, flèches, bran- cards, manches d'outils, chevilles, etc. Les Chinois s’en servent communément pour monter les paillottes qui doivent servir d’abri aux constructions qui se font pendant la saison des pluies. Les fleurs sont recherchées des abeilles. D’après M. Pierre, le C. Saigonense ést une essence qui mériterait d’être propa- gée, particulièrement dans les terrains sablonneux et pier- reux de la Cochinchine. CALOPHYLLUM SPECTABILE WiLLp. Apoterium Soulatri BLUME. Calophyllum acuminalum LAMK. — Diepenhorstit Miq. — hirlellum Mi. — Soulatri BURM. Annamite : Công tau lau, Công trang. Malais : Soelatrie. Arbre croissant naturellement dans les terrains inondés du Delta et sur les montagnes dans l’Indo-Chine, à Maurice, à la Réunion, Singapore, etc. Feuilles courtement pétiolées, grandes, elliptiques-lancéolées, quelquefois ovales-oblongues, obtuses ou aigués à la base, courtement acuminées, obliques et obtuses au sommet, très coriaces. 832 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. L’écorce, blanche ou grise, jaunâtre en dehors, rouge en dedans, très fibreuse, sert à confectionner des seaux servant à la récolte des huiles et des résines, des hottes et divers autres récipients. L’aubier est blanchâtre, peu épais et ne différant guère du cœur qui est rouge. Cette espèce est moins durable et moins estimée que les autres Calophylluin, mais on l’emploie néan- moins aux mêmes usages et pour la construction. Le C. spectabile convient à tous les terrains et sa crois- sance est un peu plus rapide que celle de ses congénères ; ses fruits sont oléagineux. CALOPHYLLUM TACAMAHACA WiLLp. Calophyllum inophyllum Lamux. {non L.). = lanceolarium ROxB. — . lanceolatum BL. Maurice et Réunion : Tacamahaca blanc, Tatamaka. Arbre d’une hauteur moyenne de 10 mètres, à feuilles ovales-elliptiques, un peu aiguës, rarement échancrées. Indigène de l’île Maurice et peut-être Madagascar, cette espèce est encore assez commune à la Réunion, dans les forêts de Saint-Pierre, à l’'Entre-Deux et sur les bords de la rivière des Galets. Son bois, blanc, à grain fin et uni, est d’une grande flexi- bilité et d'une résistance supérieure ; se conservant bien, même dans l’eau, il se travaille aussi facilement. Excellent pour le charronnage, il est encore recherché pour les répa- rations des bordages de navires et la fabrication des avirons. Sa densité de fraiche coupe est de 0,874. Le C. Tacamahaca se distingue par son odeur agréable de Vétiver et donne une gomme résine analogue à celle du C. Calaba. - CALOPHYLLUM THORELII PIERRE. Annamite : Công mèu. Kmer : Dom chhœu phaong k'érng. Très bel arbre d'ornement à tronc droit, croissant à l’état spontané dans les forêts de la Cochinchine, atteignant une hauteur de 25-30 mètres, soit 14-20 mètres sous branches, sur un diamètre de 30-50 centimètres. Feuilles longuement LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 833 pétiolées, oblongues, aiguës au sommet, brillantes en dessus, pales en dessous. Son bois est rose ou d’un rouge vineux et l’aubier d'un rouge gris pâle. En Cochinchine, dit M. Pierre, ce bois est très estimé dans toutes sortes de constructions ; ses planches ne se fendent pas, sa durée dans l'eau est très grande et il n'est pas attaqué par les xylophages. Il est surtout employé dans la construction des barques de mer, auxquelles il fournit des mâts excellents. Son biber est fibreux et ses fleurs sont très recherchées par les abeilles ; les fruits, à mésocarpe charnu, à cotylédons très adhérents, fournissent autant d'huile que ceux du C. ino- phyllum. C'est une des bonnes essences à propager en Co- chinchine. Citons encore dans ce genre : Le Calophyllum angusti- foliuim RoxB. qui suivant cet auteur est un grand arbre qui fournit les mats connus sous le nom de Peon. Le Calophyllum Brasiliense MART. (Jacaré-uba ou Landi des Brésiliens). Arbre d’une hauteur de 25 mètres environ, sur un diamètre moyen de 60 centimètres, commun dans les forêts de la province des Amazones. Son bois ne sert pas dans les constructions, parce qu'il n’est pas d’une longue durée lors- qu'il est exposé aux intempéries, mais il est d’un bon usage pour tous les travaux intérieurs. Au Brésil, le suc résineux, jaune et amer qui exsude du tronc, est employé comme dissolvant du brai pour le calfatage. Il trouve également son utilité dans l’art vétérinaire ; en médecine, on l'applique dans les cas de rhumatismes. | Le Caiophyllum canum Hook. fils. Arbre indigène des forêts de la presqu'ile de Malacca où il porte les noms de Moontangoo et de Muntangoo booga. Son bois, blanc-bru- nâtre, rayé et diversement marqué de brun en tous sens, est tendre, d'une texture très grossière, mais il ne se fend pas en séchant. On l'utilise surtout pour la mâture des bateaux. Le Calophyllum lanigerum Mio., de Bangka et Riouvw, Bintangoor batoe en Sondanais, est recherché pour mâts de bateaux. Le Calophyllum plicipes Mio., de Bangka, en Sondanais : Bintangoor priët, donne un bois de construction. Le Calophyllum Teysmanni Zoir. (C. lanceolatuim TEYSM. et RINN.) des montagnes de Java, en Malais : Soelatri dont le 5 Juin 1894. 53 834 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. bois agréablement tacheté est utilisé pour meubles ordinaires. Le Calophyllum tomentosum Wicr., de Ceylan, donne, suivant Thwaïtes, un bois estimé dans les constructions et ses semences fournissent une huile, appelée Keena-tel, qui sert à l'éclairage. Un grand nombre d’autres Calophyllum indéterminés des Indes néerlandaises fournissent des bois de charpente et des pièces pour la mäture et la construction des barques, bateaux, etc. Quelques-uns donnent des écorces utilisées pour la couverture des toits de maisons et bâtisses indigènes. Les principaux sont les Bintangoer boenga, boenoet, djalai, djangkai, mera, oendjam, poetih, le Bintangor tawah, le Djindjit, le Meliko, le Miedieng et le Minjinjiem. CLUSIA ROSEA L. Clusier rose. _Clusia alba Wizrp. TELUS POIR. Antilles : Fiquier maudit, Fiquier marron, Liane meurtrière, Mille-pieds. | Panama : Cope granle. Trinité : Cupey. Vénézuéla : Copey ou Cupay. Arbre d'une hauteur moyenne de 10 mètres, épiphyte, à écorce lisse et à feuilles obovales-obtuses, un peu échancrées, croissant souvent sur des arbres plus gros que lui, en diri- geant ses racines vers la terre pour y prendre plus de nourriture, étouffant aussi quelquefois le sujet sur lequel il s'attache. Originaire des forêts humides et chaudes des Antilles, cette espèce se rencontre également à Panama et au Vénézuéla. Son bois est rouge, assez pesant, mais on ne l’emploie guère que comme combustible. Son latex jaune, épais, amer et balsamique, peut être sub- stitué à la scammonée dont il possède à peu près les pro- priétés. Aux Antilles, ce suc résineux sert à panser les plaies des Chevaux et à goudronner les barques. Le Clusia rosea, une des plus belles espèces horticoles du genre, est souvent cultivé dans les serres chaudes, ainsi que les C. alba et flava; ces deux dernières fournissent aussi un suc 2ommeux, de couleur jaune, usité en médecine aux An- tilles. La résine odoriférante des C. mulliflora et thurifera, est brûlée comme encens dans les églises catholiques du Pérou et autres parties de l'Amérique du sud. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 829 Le Clusia insignis MarT. (Baisam tree des colons anglais de la Guyane). Arbre forestier du nord du Brésil et de la Guyane où il est parfois abondant, surtout dans les terrains sablonneux et perméables, qui, d’après le catalogue des pro-. duits des colonies françaises, serait encore une des espèces qui donnent le Bois de Parcouri. Ses grandes fleurs roses rappellent assez celles de quelques Magnolia. La corolle et les étamines laissent exsuder une quantité de résine qui, mélangée au beurre de Cacao, est employée au Brésil contre les douleurs. Le fruit, de la couleur et de la grosseur d’une orange, est mangé par les habitants. Le tronc laisse écouler une gomme jaune, sans emploi jusqu'ici. Le Clusia pedicellata Forsr. (Mou des Néo-Calédoniens) ne donne qu’un bois médiocre et peu employé. On extrait de l'écorce une gomme-résine d’un beau jaune, soluble dans l'alcool, mais dont les usages sont peu connus. Le Clusia pseudo-china Poxpp. et ENpz. L'écorce de cette espèce possède une saveur amère qui la fait regarder au Pérou comme fébrifuge; on la trouve quelquefois mélée frau- duleusement aux écorces de Quinquinas. Le Clusia venosa JAcQ. non L. connu aux Antilles sous le nom de Paléluvier de montagne, est également considéré comme antipériodique dans son pays d’origine. DISCOSTIGMA CORYMBOSA PAncx. et SEBERT. Nouvelle-Calédonie : Vermont. Arbre de moyenne grandeur dont le tronc est recouvert d'une écorce blanchâtre, lisse, d’une épaisseur de 6 milli- mètres environ. Feuilles opposées, courtement pétiolées, ovales-oblongues, coriaces, à nervures paralleles, nom- breuses, fines, saillantes sur les deux faces. Originaire de la Nouvelle-Calédonie, cette espèce se ren- contre abondamment dans toutes les forêts de l'ile. Son bois, blanc jaunâtre, tendre, à grain assez gros, se travaille bien, mais il est cassant, sujet à la vermoulure et d’une durée limitée lorsqu'il est exposé aux intempéries. Il doit aussi être écorcé immédiatement après l’abatage, car autrement il tombe rapidement en poussière. On ne l’emploie guère que pour la grosse menuiserie. 836 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. DISCOSTIGMA MERGUENSE Pzx,. et TR. Garcinia Merguensis WiGHT. _ Annamite : SOn ve. Joli arbre d'ornement, dont le tronc, peu élevé, droit, re- couvert d’une écorce grise, atteint un diamètre de 25-30 cen- timètres. Feuilles ovales-oblongues ou oblongues, insensi- blement acuminées, coriaces. Cette espèce est très répandue au Cambodge, dans l'ile de Phuquôc, la Basse-Cochinchine et la presqu'île de Malacca. Son bois, de couleur jaune-rougeûtre, flexible et léger, est d'un usage restreint. L'écorce laisse écouler une sorte de gomme-gutte qui devient brun rougeätre après dessiccation, surtout lorsqu'elle est exposée à la lumière ; cette écorce est en outre utilisée en teinture. Le fruit, quoique d’un médiocre intérêt, est ap- précié des indigènes. DISCOSTIGMA VITIENSIS A. BrGr. et Gris. Garcinia Viliensis SEEM. Nouvelle-Calédonie : Bambaiï. Petit arbre à ramules tétragones, dont l'écorce grisâtre s’enlève en couches minces foliacées. Feuilles opposées, sub- sessiles, ovales-lancéolées, longues de 6 centimètres sur une largeur de 3 centim., blanches en dessus, à nervures pen- nées, peu visibles, à peine saillantes sur la face supérieure. Croissant naturellement dans les plaines de la Nouvelle- Calédonie, cette espèce se rencontre PORIOUS dans les ter- rains ferrugineux. Le bois, de couleur verdâtre à la périphérie, prend une teinte rougeätre vers le centre. Lourd, d’une dureté moyenne et d’un grain assez fin, il peut étre employé pour tous les travaux de menuiserie. Sa densité moyenne est de 1,018. Le Discostigma fabrilis Mio. (Garcinia fabrilis MrQ.) Sie- baroeiwie, de Sumatra, fournit un bois employé ‘aux Indes néerlandaises pour lambourdes de planchers. Suivant M. Die- penhorst, ce bois aurait une certaine valeur. (À suivre.) LES POMMES AU CANADA PAR M. JULIEN PETIT. L’arboriculture, on le sait, est très florissante au Canada. Les habitants déclarent fièrement que c’est chez eux que mürissent les plus belles Pommes, et le gouvernement cana- dien encourage autant qu'il est en son pouvoir le dévelop- pement donné à la culture des arbres à fruits. Le Canada possède cinq fermes-écoles, placées sous la haute autorité de M. Saunders. Le plus important de ces établissements est celui d'Ottawa, puis viennent la ferme de la Nouvelle-Écosse, celle du territoire nord-ouest, celle du Manitoba et celle de la Colombie britannique. Dans ces divers établissements on a entrepris de sérieuses études sur les arbres fruitiers. Le territoire du nord-ouest subit souvent pendant un mois entier une température infé- rieure à 18° degrés au-dessous de 0e, s’abaissant parfois même à 30° et 3% degrés au-dessous de 0° ; il faut donc sur ce territoire des arbres fruitiers en état de résister à la rigueur et à la rudesse des hivers. Cinquante ou soixante variétés de Pommiers russes ont été plantées à titre d'essai à Indian-Head par l'Ecole d'agriculture, et leur vigueur, après avoir supporté deux étés et un hiver, prouve que les arbres russes prospèreront probablement sous ce climat. Le territoire du nord-ouest ne sera jamais cependant un véritable pays à fruits. D’après le professeur Saunders, la Colombie britannique est la partie du Canada où la culture des fruits, Pommes, Poires, Prunes, Cerises, a pris le plus d'importance. La Nouvelle-Écosse est la région fournissant les meilleures Pommes. et ses produits commencent à se faire connaître dans le monde entier. La fameuse vallée d'Annapolis, longue de 160 kilomètres, pour une largeur variant de 3 à 10 kilomètres, est entièrement plantée en Pom- miers donnant des fruits de choix, de grandes Pommes, comme disent les propriétaires de la région. Les arboricul- teurs sont surtout placés dans des conditions exceptionnelles pour l'envoi de leurs fruits vers les marchés européens. 838 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Grâce, en effet, à la proximité des côtes, les Pommes chargées sur wagons de chemin de fer le matin sont embarquées l'après-midi dans les différents ports de la région qui restent ouverts tout l'hiver. Ces Pommes, la variété Gravenstein principalement, sont très estimées à Londres. Les Ribston- Pippins, les Kings, les Blenheim, les Baldwin, les Golden- Russets, les Nonpareilles, viennent ensuite dans l’ordre d’es- time auprès des consommateurs. Les Ribston-Pippins se vendaient de 6 fr. 60 le bushel, le boisseau de 36 litres 35, à ‘7 fr. 90 à Londres en 1880. En 1887, elles valaient de 7 fr. 7% à 14 fr. 30. Le prix du bushel des Blenheim variait, en 1880, entre 6 fr. 60 et 8 fr. 90, et en 1886, entre 6 fr. 60 et 9 francs. Les Golden-Russetts, fruits tardifs valent beaucoup plus cher, 15 fr. 50 le bushel en moyenne. Les Nonpareilles, petites Pommes à la saveur très fine, mürissant seulement en mai et en juin, atteignaient des prix très élevés avant l'énorme développement que la culture des Pommes a pris en Australie. Les Pommes australiennes peuvent arriver vers la fin d'avril sur les marchés de Londres. Les Pommes de l'Ontario méridional, qui se sont acquis une haute réputation en Angleterre, y atteignent les prix les plus élevés. Le climat, en effet, et le sol de cette région sont merveilleusement favorables à la culture des arbres fruitiers. Le Greening est la meilleure Pomme d'exportation de l’'On- tario, quoique sa teinte verte paie peu de mine. Cette pro- vince possède actuellement 80,000 hectares de vergers et leur étendue s’accroit sans cesse, ainsi que l'exportation de leurs produits à l'étranger, mais les bénéfices sont assez réduits. Les fermiers de l'Ontario s'accordent cependant pour ‘dire qu'un verger de Pommiers constitue le meilleur élément d'une ferme. Un Pommier, ayant plus de vingt-cinq ans, produit en moyenne, dans cette région, 220 litres de Pommes. En plantant une centaine d’arbres à l’hectare on obtient un revenu brut de 910 francs. Les Pommes canadiennes expédiées à Londres étaient au- trefois confiées à des courtiers qui les vendaient aux en- chères. On a renoncé à ce système qui ne permettait pas d'atteindre des prix rémunérateurs et on l’a remplacé par la vente au moyen de représentants. LES POMMES AU CANADA. 839 En 1883, le Canada expédiait en Angleterre 38,200 hecto- litres de Pommes. En 1884, les expéditions atteignaient 98.300 hectolitres, et 290,300 hectolitres en 1889, dont 110,000 hectolitres expédiés de la Nouvelle-Écosse. Cette même province et celle d'Ontario ont, en outre, envoyé 25,800 hectolitres de Pommes aux États-Unis. On affirme que la Nouvelle - Écosse pourrait doubler le nombre de ses arbres fruitiers, cependant si les débouchés sont faciles à trouver, les bénéfices restent tres faibles. Les prix de vente sont peut-être assez élevés à Londres, mais pour un panier de fruits qu'on en vend, on a un certain nombre d’autres paniers dont le contenu, absolument endom- magé, ne peut même être présenté aux acquéreurs. La res- ponsabilité de ces pertes incombe tout entière aux expédi- teurs dont les modes d'emballage sont si primitifs que les fruits ne peuvent supporter le voyage. Chaque variété de Pommes, en effet, exige un mode spécial d'emballage, les fruits un peu spongieux veulent être plus serrés que les fruits à chair ferme. D'un autre côté, la plupart des arbori- culteurs entassent trop de fruits dans leurs paniers. Les Canadiens ont songé surtout à l'exportation des Pommes d'été et d'automne, parce que les consommateurs anglais veulent des fruits à cette époque, quel qu’en soit le prix, mais on se plaint au Canada de l'élévation des tarifs des Compagnies de chemins de fer anglaises, et surtout des taxes locales, qui empêchent par exemple d'envoyer des fruits à Birmingham et à Manchester qui constitueraient cependant d'importants centres de consommation. Les Compagnies canadiennes de chemins de fer et de trans- port par navires, de leur côté, ne veulent pas être respon- sables des conséquences des retards, des pertes, des accidents, de tout dommage survenant pendant le voyage, et leurs tarifs pour le transport des Pommes sont plus élevés que ceux relatifs à la farine. L'évaporation, la transformation des fruits en fruits secs a été recommandée à diverses reprises, mais c’est une opération assez coûteuse à cause de l'énorme masse d’eau qu’on doit évaporer à l'aide de la chaleur, et elle n’est pratique au Canada que pour les Pommes. Aux États-Unis, on avait d’abord cru que la dessiccation se substituerait partout au canning, à la 840 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. conservation des fruits dans des cans, des boîtes de fer-blanc hermétiquement closes. C'était une erreur et sur toute l’éten- due des États-Unis, excepté en Californie, on en est revenu aux procédés du canning, l'evaporating, la dessiccation simple ne s'employant plus que pour les Pommes. Au Canada, on a reconnu, après expérience, que la dessic- cation n'était pas une industrie secondaire à adjoindre à un établissement agricole. Les petits appareïls ne conviennent pas en effet à cette industrie où il faut aller vite pour faire bien. Les arboriculteurs canadiens envoient donc aux usines de dessiccation les Pommes qu'ils veulent transformer en Pommes sèches, c’est-à-dire celles qui ne pourraient être em- portées sous leur forme naturelle : fruits abattus par le vent ou attaqués par les parasites. Les Pommes de bonne saveur et de taille régulière sont pelées mécaniquement. Les Pommes plus petites ou celles qui ont des formes irré- gulières ou portent des meurtrissures sont pelées à la main: Les fruits dépouillés de leur couche extérieure se découpent ensuite en tranches au moyen de machines, on soumet ces tranches à des fumigations d'acide sulfureux qui les empé- chent de brunir, puis on les étend sur des claies en fil de fer galvanisé et on les dessèche dans des étuves à air chaud. En même temps que la dessiccation il s'opère une sorte de matu- ration diminuant l'acidité et aecroissant la richesse saccha- rine. Les tranches desséchées restent pendant plusieurs jours amoncelées, puis elles sont expédiées dans des caisses pesant 90 livres anglaises, 22 kilog. ‘7. Les pelures et les cœurs des Pommes restant comme sous- produit servent à faire du cidre, ou on les dessèche pour les vendre aux fabricants de gelées de fruits ou de vin. FF s LA LUTTE DE L'HÔMME CONTRE LES ANIMAUX Conférence faite à la Société nationale d’'Acclimatation le 143 mars 1891, Par M. PIERRE-AMÉDÉE PICHOT. (SUITE ET FIN *.) Si la passion de certains peuples pour les jeux du cirque trouve une explication dans l’hérédité et la transformation artistique des instincts chasseurs des premiers hommes et des sociétés primitives, on peut de même voir dans les exercices des dompteurs une application de cette tendance naturelle de l’homme à plier sous ses lois tous les représen- tants de la faune terrestre, même les plus sauvages, les plus sanguinaires et les plus irréductibles à la captivité. C'est à cette tendance et à cette aptitude à la domination que nous avons dû nos espèces domestiques, aujourd’hui si complètement assimilées aux conditions de vie sociale que nous leur avons faites, que le type sauvage, primitif, de la plupart a complètement disparu de la surface du globe et que toutes les théories qui veulent voir dans les races encore existantes à l’état sauvage les ancêtres de nos auxiliaires à deux et à quatre pattes, sont soumises à bien des contesta- tions et ne reposent que sur des hypothèses dont, à mon sens, on n’a jamais pu faire la preuve d’une facon satisfaisante. Je crois pour ma part que dès qu’une espèce est entrée dans l’'engrenage de la domestication, tous les individus qui la composent y sont rapidement absorbés et transformés au point de ne plus laisser trace de leur premier état. Maïs il y a des espèces irréductibles, inconciliables avec la civilisation, irréconciliables en un mot avec la vie sociale, et celles-là maintiennent partout leur personnalité, leur autonomie ; malgré des tentatives répétées d’apprivoisement qui se sont produites depuis des siècles, nous les voyons encore mourir dans la peau où elles étaient nées. Celles-là sont destinées à (*) Voyez plus haut, pages 687 et 772, 842 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. disparaître ne pouvant coexister avec la race humaine qui n’admet pas le partage de l'empire du monde; elles finiront dans les jungles et les forêts, sinon derrière les barreaux des baraques des foires. Et cependant que de fois les hommes leur ont tendu la perche avant de leur en donner des coups ! Les Egyptiens semblent avoir, dans un temps, apprivoisé les Lions et les avoir dressés à combattre à côté de leurs maitres. Les empereurs romains se sont fait trainer dans des chars atte- lés de bêtes féroces. Aucune ne s’est assimilée à ces genres d'exercices. Nos Bidels et nos Pezons n’ont pas été plus heu- reux et les spectacles qu'ils nous donnent sont sans lende- main pour les animaux qu'ils font un instant passer sous leur joug. J'ai connu quelques-uns des fameux dompteurs de notre époque, et je me suis bien rendu compte en les voyant à l'œuvre dans l'intimité, de la facon dont s'exerce sur les animaux cette espèce de fascination mystérieuse et de pres- tige par lesquels l’homme a pu assurer sa domination sur des êtres plus forts que lui. La force matérielle y est sans doute pour queique chose, mais la supériorité intellectuelle pour bien davantage et il y a peu de dompteurs qui se font obéir de leurs pensionnaires par la brutalité et les mauvais traite- ments. C’est en causant pour ainsi dire avec son premier Tigre que le célèbre Martin, mort il y a quelques années à l’âge de 90 ans, sans avoir été mangé, est parvenu à appri- voiser ce féroce animal et à s’en faire un véritable ami. II est vrai que Martin était alors inspiré par l'amour auquel on doit tant de miracles ! Ecuyer dans un cirque ambulant qui se trouvait en 1820 à la foire de Leipzig, il s'était follement épris de la fille du propriétaire d’une ménagerie qui sollicitait le public dans la baraque à côté. Les parents de la jeune fille lui avaient refusé sa main sous prétexte que le jeune écuyer sans fortune n'aurait pas le moyen de subvenir aux besoins d’une famille. Un jour que Marün confiait ses peines aux animaux de la ménagerie qu’il visitait souvent, comme vous pensez bien, pour passer devant le comptoir où la jeune fille percevait la recette, un Tigre lui allongea à travers les barreaux un coup de griffe auquel il riposta par un coup de canne. Depuis ce jour, le Tigre ne le quittait plus des yeux dès qu'il le voyait venir. Martin, frappé de cette manifesta- tion d'intelligence, entreprit de faire sa paix avec l'animal LA LUTTE DE L'HOMME CONTRE LES ANIMAUX. 313 rancunier, et au bout de très peu de temps, ils étaient, à tra- vers les barreaux, les meilleurs amis du monde. Alors, Mar- tin obtint, non sans peine, du vieux domestique qui soignait les animaux de le faire entrer le matin, lorsqu'il n’y aurait personne, dans la cage du Tigre. Ses premières visites furent très courtes, on le conçoit; l'animal s’habitua peu à peu all HN À, If à AN ju us \\\ { ul A Portrait du dompteur Martin. L à sa présence et au bout de très peu de temps Martin fit appeler devant la cage où il jouait avec le Tigre comme avec un Chat, toute la famille de la jeune fille dont il demandait la main et à laquelle il apparut comme Daniel dans la fosse aux Lions devant le roi Darius. « Croyez-vous maintenant, demanda-t-il, que je sois en état de faire rapide- ment fortune et de gagner le painfde ma femme et de mes enfants ? » On n'eut garde de contredire un amant aussi au- dacieux et le mariage ne tarda pas à se faire. | Eh bien! j'ai connu Martin à la fin de sa carrière : il n’exer- 844 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. çait plus depuis longtemps et avait pris sa retraite comme directeur du jardin zoologique de Rotterdam. Tout vieux qu'il fut alors et un peu lourd d'aspect, son regard avait conservé Le dompteur Charles. tant de feu sous ses lunettes d’or et sa voix tant d'autorité, que je l’ai vu se faire obéir presque instantanément d’un Ours qu'on venait de débarquer dans le jardin zoologique et qui se LA LUTTE DE L'HOMME CONTRE LES ANIMAUX. 849 refusait absolument à sortir de la caisse dans laquelle il avait voyagé. Je regrette que la projection que je vais vous faire voir ne puisse vous donner qu'une idée bien imparlaite de l'éclat du regard que mon ami Martin projetait sur ses pen- sionnaires. (Projection : Portrait de Martin.) Voici encore le portrait d’un dompteur célèbre, le fameux Charles, dans une des cages de sa ménagerie. À la facon dont ils se regardent, je crois qu'il ne ferait pas bon mettre le doigt entre le dompteur et ses animaux. (Projection : Ze dompteur Charles.) Aussi, Messieurs, quoi que j'aie pu vous dire de l'influence mystérieuse que l’homme exerce sur les animaux et de la terreur qu'il peut inspirer en certaines circonstances aux bêtes féroces, je ne vous conseille pas de tenter l'expérience si vous ne vous en sentez bien la vocation, vous rappelant ce que disait un clown du cirque, qu'il était très facile de se rendre invisible en allant arracher un poil à la moustache d'un Tigre irrité. On est sûr de disparaitre... dans les pro- fondeurs de son gosier. Quoi qu'il en soit, la lutte contre les bêtes féroces se pour- suit activement sur toute la surface du globe et l’on peut prévoir le temps où elles disparaitront elles-mêmes. Chaque jour voit reculer les limites de leur empire; dans quelques pays, elles ont déjà si complètement disparu que leur exis- tence n’y est plus qu’un souvenir historique, à ce point que le gouverneur de l’Algérie, M. Tirman, me racontait dernière- ment qu'il n'avait entendu qu'une seule fois le rugissement du Lion; encore, vérification faite, n'était-ce que le ronfle- ment d’un voyageur qui dormait dans une chambre à côté de la sienne dans l'hôtel de Bouïra où il était descendu. Un voyageur qui revenait de cette partie de l'Afrique où les Romains se sont longtemps approvisionnés de bêtes féroces pour leurs cirques, me donnait enfin des Panthères qu'il avait vues la description suivante, manifestement inexacte : « La Panthère est un animal plat, plus taché que tacheté en général, ayant le poil usé par plaques. Elle a des dents en flanelle rouge tout autour et on la trouve au pied des lits ou devant les causeuses. » 816 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Je ne vous ai jusqu'ici parlé que de la lutte de l'homme contre des animaux qui, par la masse de leurs corps, la puis- sance de leurs moyens d'attaque ou de défense, attirent tout naturellement l'attention de l'observateur, du chasseur, du voyageur, ce que j'appellerai les animaux encombrants, mais il en est encore qui, pour tenir une place plus modeste dans l'espace, n’en sont pas moins les ennemis les plus redoutables, les adversaires les plus irréconciliables de l'humanité. Ce sont les insectes, dont je voudrais vous dire quelques mots avant de terminer cet entretien. Et il ne faut pas mépriser ces infiniment petits qui ont d’abord pour eux la puissance redoutable du nombre et qui, dans le plébiscite de la vie, votent tous ou presque tous avec un remarquable ensemble contre nous. D'ailleurs sont-ils bien individuellement si faibles qu'ils le paraissent au premier abord? Les appareils dynamométriques nous permettent de constater que l'effort musculaire d’un homme tirant des deux mains est de 55 kilogrammes. Nous ne tirons donc pas l’é- quivalent de notre propre poids. Eh! bien, le Hanneton, ce Hanneton que nous avons un peu taquiné dans notre enfance au bout d’un fil, est plus fort que nous, car il tire quatorze fois le poids de son propre corps. Vous avez pu voir dans les foires des chariots trainés par des Puces et dans ces chariots il y a tout un monde de voyageurs, Puces également, per- chées sur le siège, à l’intérieur, sur les marchepieds. Deux Puces suffisent pour mettre tout cela en branle. La pro- chaine fois que vous serez sur la place de la Madeleine, au lieu de monter dans Passy-Bourse ou Madeleine-Bastille, essayez donc de pousser l’omnibus ou de le tirer! Vous m'en direz des nouvelles. Les Pyramides dont nous sommes fiers ne sont guère plus hautes que 90 fois la taille d’un homme ordinaire ; les Fourmis ou Termites de l'Amérique construisent des fourmilières qui ont mille fois leur taille. Quant à la facon dont les insectes se multiplient, un Bombyx pond jusqu’à 700 œufs, et un seul couple de Pucerons peut en moins d'un an fournir huit générations qui représentent AA1 QUADRILLIONS 461 TRILLIONS 10 MILLIARDS d'individus de son espèce. Et il faut que tout cela mange, que tout cela se nourrisse et il n’y a pour ces consommateurs ni douanes, ni octrois, ni LA LUTTE DE L'HOMME CONTRE LES ANIMAUX. 847 frontières, ni traités de commerce, ni tarifs de pénétration. Aussi l’homme a-t-il dû depuis longtemps leur déclarer la cuerre et leur disputer pied à pied la possession du sol et la jouissance de ses récoltes. En 1688, en Irlande, les Han- netons furent si nombreux qu'ils obscurcirent l'air dans l’espace d’une lieue et détruisirent entièrement la campagne. « Leurs mâchoires voraces, dit un chroniqueur du temps, faisaient un bruit comparable à celui des scieurs de long, et le bourdonnement de leurs ailes ressemblait à des roulements lointains de tambours. » En 1479, ils occasionnèrent une famine en Suisse et furent cités devant le tribunal ecclé- siastique de Lausanne, lequel, après müre délibération, les condamna et les bannit du territoire. II y a bon temps que les Hannetons en ont rappelé. Le moine Alvarès, un célèbre voyageur du xvie siècle, rencontrant en Éthiopie des Sauterelles, essaya aussi d'attirer .sur elles la colère divine et les exorcisa : « J'en fis prendre » quelques-unes, écrit-il, auxquelles je fis une conjuration » par moi composée la nuit précédente, les requérant, ad- » monestant et excommuniant; puis leur enjoignis d’avoir » dans les trois heures à vider de là, tirer à la mer ou » prendre la route de la terre des Maures. En refus de quoi, » j'adjurai tous les oiseaux du ciel, tous les animaux de la » terre et les tempêtes de l’air à les dissiper, détruire et » dévorer. Je prononçai ces paroles en leur présence, afin » qu'elles n’en ignorent, puis les laissai aller pour avertir » les autres. » Mais elles se sont bien gardé de le faire, et ces mêmes Sau- terelles sont les insectes que nous connaissons sous le nom de Criquets et qui, après avoir été une des plaies d'Égypte, menacent aujourd'hui encore nos possessions d'Algérie. Il y a de ces Criquets, ou des espèces analogues, dans toutes les parties du monde; les recherches des naturalistes améri- cains, en faisant mieux connaitre leurs mœurs et les particu- larités de leur existence, nous permettront, je crois, à l’ave- nir, de mieux combattre leurs invasions et peut-être même d'arriver à les détruire radicalement comme des bêtes féroces. Il semble en effet que ces insectes sont cantonnés sur certains points du globe qui sont les foyers permanents d’où s’é- chappent à intervalles plus ou moins rapprochés leurs hordes innombrables pour aller chercher une nourriture qui leur fait 848 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. défaut dans ces centres permanents de production. Quelques- uns de ces centres ont déjà été reconnus ; ce sont, pour les États-Unis, les hauts-plateaux des montagnes Rocheuses ; pour la Russie, les plaines désertes qui se trouvent à l'embouchure du Danube ; pour la région méditerranéenne les hauts-pla- teaux de l'Algérie. C’est là qu'il faut que l’homme porte tous ses efforts pour les détruire. Et ce n’est pas chose facile, car les pontes de ces insectes couvrent quelquefois des espaces de 40 à 590 kilomètres carrés. Les œufs au nombre de 40 à 100 sont enfouis dans la terre, dans une petite coque de grains de sable agglomérés ; les jeunes naissent de vingt à vingt- cinq jours après la ponte et ils ont à subir diverses transfor- mations avant de pouvoir voler. Mais pendant ce temps, ils mangent et ils marchent, ils marchent en colonnes serrées, tous se dirigeant dans le même sens comme poussés par un instinct irrésistible et couvrant de grandes étendues de ter- rain, ce qui à 200 ou 300 individus par mètre carré donne environ 3,000,000 d'individus par hectare. Aussi n'est-il pas étonnant de lire dans l'histoire qu'après la bataille de Pul- tawa, l’armée de Charles XII fut arrêtée plusieurs heures par un vol de Sauterelles, qui, s’abattant sur les Chevaux ef les hommes, les aveugla comme un nuage. Voici la projection d’un vol de Sauterelles s’abattant sur une ferme de la Hon- erie. Vous pouvez juger du mal que les paysans ont à se défendre contre cette invasion avec leurs instruments ordi- naires. (Projection : Criquets s'abattant sur une ferme en Hongrie.) Dans ces derniers temps on a imaginé un certain nombre d'appareils plus ingénieux pour les détruire. Je ne vous par- lerai que des appareils appliqués à Chypre parce qu'ils ont débarrassé l'ile après une campagne de six années (1882- 1887) des Criquets qui étaient si nombreux que les habitants menacaient d'abandonner leurs terres. Ces appareils se com- posent de grandes bandes de toiles de 85 centimètres de hauteur terminées par une bande de toile}cirée de 10 centi- mètres. de largeur. Avec ces toiles on forme des barrages en-V en avant des hordes envahissantes dont on; hâte la marche en opérant des battues. Les Criquets montent à l'as- saut, et glissant sur la toile cirée, ils retombent au bas du barrage qu'ils cherchent à contourner. Alors sur le chemin AT EY V Pl #4) VA ARS S LS \E e, \ #3 Criquets s’abatiant sur une ferme en Hongrie. 1891. 54 890 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. qu'ils sont forcés de parcourir, ils rencontrent des fosses sgarnies de feuilles de zinc sur lesquelles ils roulent et ils tombent en masses profondes dans ces fosses où on les brüle et où on les écrase. Les appareiïls chypriotes commencent à être appliqués en Algérie ainsi que certaines machines améri- caines qui tiennent à la fois des balayeuses que vous voyez fonctionner dans nos rues et des moissonneuses aujourd'hui d’une application presque générale et rendent de bons ser- vices tant que les Criquets n’ont pas les ailes assez déve- loppées pour prendre leur vol. (Projection : Arabes traquant des Criquets dans l’appareil chypriote.) Est-il besoin, Messieurs, de vous rappeler les ravages de ce puceron qui, sous le nom de Phylloxéra, ce qui veut dire dessécheur de feuilles, a fait périr, en quelques années, nos meilleurs vignobles ? Originaire d'Amérique, il s'était forte- ment implanté vers 1869 dans le sud-est et le sud-ouest de la France. En 1870, le Gard, le Vaucluse, les Bouches-du-Rhône, le Var étaient complètement envahis. Aujourd’hui, on peut estimer à 1,200,000 hectares la surface de vignes sur la- quelle il exerce ses ravages, c’est-à-dire la moitié de tout le vignoble français, soit une perte de ‘,200,000,000 de francs. Ce puceron a longtemps embarrassé les naturalistes par la bizarrerie de ses transformations et la subtilité avec laquelle il se cache. Sous une de ses formes, ce sont les feuilles de la vigne qu’il attaque; sous une autre, ce sont ses racines, et c’est sous cette dernière forme qu'il est le pius destructeur. Si ce puceron n'avait que ses pattes ou ses ailes pour se transporter d’un point à un autre, il mettrait beaucoup de temps à se répandre, car à pied il ne franchit guère plus de 80 centimètres à l'heure. C’est une petite vitesse, mais il enfourche le vent et ie vent se charge de le transporter pour rien et de le répandre partout. Vous voyez donc comme il faut promptement agir dès qu’on a constaté sa présence et avec quelle rigueur il faut attaquer et détruire immédia- tement tous les points contaminés. Le Phylloxéra a la vie dure et, sur les cinq mille procédés qui ont eu la prétention d'obtenir le prix de 300,000 francs proposé pour le meilleur moyen de destruction, il en est bien peu qui se soient montrés efficaces. Il est vrai qu'il y en a eu de bizarres ou de peu pra- tiques, tels que d’enfouir un Crapeau au pied de la souche LA LUTTE DE L'HOMME CONTRE LES ANIMAUX. 851 ou de la badigeonner avec de l’Aïl pilé avec de l’onguent gris. Aujourd'hui, grâce à l'emploi des insecticides violents, tels que le sulfure de carbone que l’on fait pénétrer dans la terre avec des injecteurs spéciaux, grâce à la submersion des vignobles quand on peut la pratiquer, on lutte avec des chances de succès plus ou moins variables. Après vous avoir parlé des animaux qui veulent nous manger et de ceux qui veulent manger ce que nous man- seons, boire ce que nous buvons et nous faire périr par la famine, il me resterait encore à vous faire connaître tous ceux qui s’attaquent à nos œuvres, qui détruisent ce que nous construisons, qui transforment la surface du globe en une vaste toile de Pénélope, ne nous laissant jamais un instant en repos. Ici ce sont les Tarets, sorte de mollusques maritimes, qui, rongeant les pilotis des digues de la Hollande, ont, en 1931-1932, menacé de retirer à l’homme ce que ses efforts persévérants avaient gagné sur l'Océan ; là ce sont les Pho- lades, autres mollusques marins, qui rongent les pierres les plus dures, font écrouler les falaises et taillent des brèches dans les jetées. Les bois de nos meubles, les étoiïres de nos vêtements, le papier de nos livres, les toiles de nos peintres sont l'objet de convoïitises innombrables de la part d'amateurs voraces contre lesquels nous devons lutter sans cesse, lutter toujours. Le soir, dans les ombres de la nuit, des milliers de trous s'ouvrent silencieusement à la surface du sol et les Lombrics ou Vers de terre émergent par ces ouvertures. Tantôt ils laissent l'extrémité de leur corps plongée dans la galerie qu'ils viennent d'ouvrir, afin de s’y retirer à la moindre alerte, et l’extrémité supérieure se promène seule en rayonnant à tà- tons à la surface ; tantôt ces aveugles sortent complètement de leur abri et vont à la découverte. Ils n’ont pas d’yeux pour voir, ni de narines pour sentir, mais ils promènent devant eux, une bouche engloutissante qui mange et dévore tout ce qui se trouve à leur portée : les feuilles, les détritus organiques, le sable, les pierres et la terre même dont ils s'as- similent toutes les particules nutritives. Et tout cela est broyé dans leur puissant tube digestif, tout cela est réduit en poudre, en poussière impalpable ; ils ameublissent la croûte terrestre que les eaux viennent entraîner ensuite .des som- 852 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. mets dans les vallons et que le vent roule dans la plaine; ils ébranlent les fondations par une fouille continue, inces- sante, et font remonter à la surface les entrailles même du globe qu'ils retournent comme un gant après les avoir fait passer par leurs puissants laminoirs et les avoir désagrégés par leurs sucs gastriques. La marée montante de leurs déjec- tions comble les canaux, efface les routes et s’accumule len- tement à la base de nos plus orgueilleux monuments en attendant qu'elle les recouvre et les ensevelisse sous des couches d’humus superposées où nos successeurs seront tout surpris de les retrouver un jour comme nous avons été surpris de retrouver nous-mêmes les travaux de nos devanciers. Messieurs, Cette lutte de l’homme contre les animaux qui se poursuit depuis des temps si reculés et dont je n'ai pu vous retracer que quelques épisodes, cette lutte au moyen de laquelle la communauté humaine a pu se maintenir d’abord et puis fran- chir progressivement tous les échelons de la civilisation que nous avons déjà parcourus, n’a-t-elle donc eu pour but que d'assurer la prédominance d’une espèce animale sur une autre espèce animale, la victoire d'une partie de la matière, sur les autres parties de la matière ? N’est-il pas surprenant que ce soit l’être le plus faible qui soit arrivé à dominer les autres et que le hasard seul ait, pendant une si longue suc- cession de siècles, favorisé une usurpation fortuite et entre- tenu une illusion ? Par la doctrine du transformisme et en imaginant une évolution naturelle à tout corps organisé, on à cherché à expliquer ce phénomène, et des savants éminents, mais que je qualifierai de modestes, ont eu la pré- tention de nous faire remonter dans les arbres d'où ils admet- taient que nous fussions descendus. Chez quelle autre espèce animale a-t-on donc vu s'opérer une transformation analogue à celle que l’on peut suivre chez l'espèce humaine depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours ? Non seulement les espèces animales restent stationnaires dans leur bestialité, mais elles disparaissent lorsqu'elles ne peuvent pas graviter paisiblement autour de ce centre d'attraction qui est l'homme, lorsqu'elles ne peuvent pas se plier à ses besoins et se cour- ber sous son joug. LA LUTTE DE L'HOMME CONTRE LES ANIMAUX. 893 Il y a là, pour nous, Messieurs, un mystère que l’on ne peut aborder qu’en tremblant, mais un fait que l’on doit constater avec assurance et qui distingue notre vie de la vie des animaux. Partout les forces brutales, aveugles de la création cèdent devant un quelque chose d’immatériel dont nous avons été tout d’abord les dépositaires inconscients, mais qui, petit à petit, à mesure que nous nous dégagions des limbes de la sauvagerie primitive, a aflirmé son existence. Non, nous n'avons pas mangé que pour vivre et nous n'avons pas vécu que pour manger. Nous marchons vers un but plus haut et plus noble que la simple conquête du monde matériel. Dans nos aspirations qui sont comme le souvenir confus d'un rêve que nous aurions vécu, nous débarrassons l'essence immatérielle de l’homme de sa gangue et nous brisons les barreaux de chair d’un prisonnier, et après avoir vaincu le monde animal, il n’y aura plus qu'à nous vaincre nous- mêmes pour lui rendre sa liberté ! Tel est l’objet de nos luttes et de nos combats de chaque jour ; tel est le but que nous ne devons pas perdre de vue sous peine d’en retarder la conquête, telle est la conviction qui doit soutenir l'humanité à travers ses peines, ses mi- sères, ses défaillances et qui inspire le poète lorsqu'il dit au Ver de terre qui rampe à ses pieds: Tu n’es que le mangeur de l’abjecte matière. La vie incorruptible est hors de ta frontière; Les âmes vont s'aimer au-dessus de la mort. Tu n’y peux rien. Tu n’es que la haine qui mord. RIEN tâchant d’être TouT, c'est toi. Ta sombre sphère C'est la négation et tu n’es bon qu'à faire Frissonner les penseurs qui sondent le ciel bleu Indignés, puisqu'un ver s’ose égaler à Dieu (1). (1) Victor Hugo, La Légende des siècles, 1. I. Il. EXTRAITS DES PROCÈS - VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. SÉANCE GÉNÉRALE DU le MAI 1891. PRÉSIDENCE DE M. A. GEOFFROY SAINT-HILAIRE, PRÉSIDENT. M. le Président déclare la séance ouverte et donne la parole à M. le Secrétaire pour la lecture du procès-verbal de la précédente réunion. Ce procès-verbal est lu et adopté sans observation. M. le Président proclame les noms des nouveaux membres admis par le conseil de la Société dans sa dernière séance. MM. PRÉSENTATEURS. La CAZzE (Louis), ancien sénateur, 107, é Fos D Cr rue de Grenelle, à Paris. me Wuirion. Lazou (Charles), député du Nord, direc- { A. Geoffroy Saint-Hilaire. reur du journal Za France, 144, rue | A. Porte. Montmartre, à Paris. De Quatrefages. SAMSON, administrateur du magasin La | A. Berthoule. Ville de Saint-Denis, 1, rue de Paradis, 4 A. Geoffroy Saint-Hilaire. à Paris. A.1Porte. t À. Geoffroy Saint-Hilaire. Vian (Georges-Edmond), député, 34, rue COMNO SES ARMES : A. Porte. de Châteaudun, à Paris. + Wuirion. — M. le Secrétaire procède au dépouillement de la corres- pondance. — M. le Secrétaire des séances s'excuse de ne pouvoir assister à la réunion. — MM. Vian, député, Jousset de Bellesme, L. Cosnier et le Dr Heckel adressent des remerciements à la Société, au sujet de leur récente admission. — M. Maurice Faure accuse réception de la montée d’An- guilles qui lui a été adressée et exprime sa gratitude. — M. le vicomte d’Adhémar ce Case-Vieille remercie éga- lement de l’envoi qui lui a été fait de graines de Ver à soie. — M. J. Grisard annonce le dépôt sur le bureau de deux brochures de M. Sahut : l’une intitulée San Rafaël el le jar- din de maison close; la seconde relative à la reconstitution des vignobles, au greffage des plants et aux soins à leur donner en cas de gelée. PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 855 — M. le Président donne la parole à M. le Secrétaire gé- néral qui, en l’absence de M. d’Aubusson, donne lecture d’une note contenant les documents par lui recueillis en Égypte, sur les Caiïlles. Cette note, ajoute M. Berthoule, déjà lue en section, a sou- levé de nombreuses observations consignées au procès-verbal et relatives aux mesures à prendre pour empêcher la des-- truction complète de ces précieux oiseaux. Il semble donc inutile en séance générale de renouveler la discussion. — M. le Président prie M. Forest de communiquer à la réunion les observations par lui faites au cours de sa récente € exploration de Mogador à Biskra. — M. Forest examine d’abord les conditions des relations commerciales dans les régions qu'il a parcourues, puis donne lecture d'une note concernant les animaux domestiques du Maroc et l'importance des transactions ayant pour objet les peaux de Chèvres. Après quelques mots sur les tentatives de forages de puits artésiens opérées par Mgr Lavigerie, M. Forest se livre à un examen détaillé des conditions dans lesquelles pourrait être créé, avec chances de succès en Algérie, un établissement d'élevage d’Autruches. M. le Président fait observer que les questions abordées par l’orateur sont multiples ; que plusieurs d’entre elles ont été déjà l’objet de discussions approfondies au sein de la Société, qu'il importe donc en ce moment de savoir si les conclusions personnelles de M. Forest aboutissent à un projet basé sur des faits et des idées nouvelles, si la réalisation de ce projet doit être prochaine et si les moyens d'exécution ont été trouvés. M. Forest croit que sa pensée ressort de son exposé même. Son projet est d'établir en effet en Algérie, malgré des tenta- tives antérieures peu heureuses, une autrucherie considé- rable. Son idée est nouvelle en ce que, renonçant aux erre- ments suivis jusqu'à ce jour, il a l'intention de s'installer non “plus sur le littoral, mais en plein Sahara. Les éléments né- cessaires à l’entreprise, argent, oiseaux, etc., sont réunis, mais il reste à obtenir des concessions de terrain et des auto- risations pour l'obtention desquelles il avait cru pouvoir compter sur l'appui moral de la Société. Après quelques courtes observations de MM. d’Esterno et 896 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Decroix, M. le Président résume le débat. — Les objections faites à M. Forest témoignent de l'intérêt qu'il attache à la question ; elles ont eu pour but de l'amener à formuler plus nettement sa pensée afin que le conseil de la Société, auquel seul en pareil cas appartient l'initiative, puisse ap- précier s’il y avait lieu pour lui d'apporter son concours auprès du gouvernement à l’entreprise et de fixer la mesure dans laquelle ce concours devrait être donné. — M. J. Grisard donne lecture d’un mémoire remis par M. Paillieux et relatif au Matambala au Gabon-Congo. — M. de Claybrooke lit ensuite une note de M. Petit sur l'essence de rose, et l’ordre du jour étant épuisé, M. le Prési- dent lève la séance. SÉANCE GÉNÉRALE DU 15 MAI 1891. PRÉSIDENCE DE M. A. GEOFFROY SAINT-HILAIRE, PRÉSIDENT. Après avoir déclaré la séance ouverte, M. le Président donne la parole à M. le Secrétaire pour la lecture du procès- verbal, qui est adopté sans observation. M. Grisard procède ensuite au dépouillement de la corres- pondance : | Des remerciements sont adressés par M. Bivort de la Saudée au sujet d’un envoi d'œufs de Truite arc-en-ciel qui lui a été fait par la Société. — M. de Lépinay adresse à M. le Secrétaire général une note sur l’exploitation des étangs (Voyez p. 818). — Il est déposé sur le bureau : 1° une note rédigée par M. Vilbouchevitch au sujet du MWitraria Schoberi, plante utile des terrains salés. | | 2 Une brochure de M. le D' Maisonneuve intitulée : Recherches sur un Autonome qui s'attaque aux boutons à fieurs des Poiriers. .-3° Deux volumes publiés en 1890 par M. Van Gorkom sur les Cultures des Indes néerlandaises. — C’est une œuvre très consciencieuse et très intéressante, remplie de documents précieux mais qui, malheureusement, est écrite en hollandais et par conséquent à la portée d’un petit nombre seulement de nos confrères. — M. Grisard donne enfin communication d’une demande PROCÈS -VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 857 de renseignements” complémentaires, adressée par M. l'Am- bassadeur d'Angleterre relativement aux usages industriels du Genét. — M. le Secrétaire, en l’absence de M. Cretté de Palluel, donne lecture d’une note contenant de curieuses observa- tions recueillies par celui-ci sur les mœurs et la nidification du Loriot jaune. (Voyez Revue, page 134.) — M. le Président, après avoir constaté l’intérét de cette notice, donne la parole à M. Chappellier qui entretient l’assem- blée d’études actuellement faites sur une maladie à laquelle seraient sujets les vers blancs du Hanneton, maladie causée par un champignon donti on s'occupe de développer la culture afin d’en faire, s’il est possible, un agent de destruc- tion de ces larves, fléau de nos jardins. — M. Pichot fait {observer à ce propos que des tentatives analogues sont faites en Amérique pour arriver à la destruc- tion des Sauterelles. — C’est encore en multipliant un cham- pignon et en répandant ses spores sur les œufs que l’on opère. — M. Brézol donne des renseignements intéressants sur l'exploitation des Acajous. — M. le Président, après avoir remercié notre collègue, donne lui-même lecture d’une note de M. Huet sur l'éducation des Cigognes. Il croit, toutefois, devoir mêler une légère critique aux éloges que mérite ce travail. L'alimentation des jeunes échassiers, comme celle des petits des Spheniscus, par leurs parents, se prolonge beaucoup plus longtemps que ne semble le croire M. Huet. — La nourriture avant d’être donnée aux jeunes oiseaux est soumise par les père et mère à un premier travail de trituration et de diges- tion qui leur occasionne une grande dépense de suc gastrique et est souvent pour eux-mêmes une cause d’épuisement et de mort. — M. Pichot demande ensuite la parole pour une commu- nication concernant les tentatives d’acclimatation et d'élevage faites tant par feu M. Cornély, à Tours, que par lui-même, du Mara de Patagonie, espèce de Lièvre de forte dimension et d'aspect gracieux, ayant l'avantage d’être exclusivement herbivore. Pour le secrétaire des séances, JULES GRISARD, Secrétaire du Comité de rédaction. III. COMPTES RENDUS DES SÉANCES DES SECTIONS. 3° SECTION (AQUICULTURE). — SÉANCE DU 29 AVRIL 1891. PRÉSIDENCE DE M. ED. PERRIER, PRÉSIDENT. M. A. Berthoule, secrétaire général, donne lecture du procès-verbal de la précédente séance qui provoque quelques nouvelles observa- tions relatives à l'emploi de la lumière électrique pour la pêche. M. le Président fait remarquer qu’il ne s’agit pas, pour obtenir une pêche fructueuse, d'éclairer les profondeurs de la mer, mais plutôt d'attirer à la surface les poissons. La question n’est pas neuve et il est facile d'éclairer l’eau à une faible profondeur. Les travaux pour- suivis par S. A. S. le prince de Monaco sont tout différents : il. cherche à découvrir, dans un but scientifique, des espèces nouvelles, à des profondeurs où il ne peut être question de pêche pratique. M. de Guerne présente à l’assemblée un nouveau système de nasse en rotin qui présente un grand intérêt pour l’exploration de ces pro- fondeurs. Cette nasse, formée de trois panneaux qui peuvent se rabattre l’un sur l’autre, a l’avantage d’occuper relativement peu de place, lorsqu'elle est démontée, et le rotin remplace utilement les toiles métalliques qui éloignent les poissons, ou bien les filets qui ne résistent ni à la dent de certains poissons ni aux pinces des crabes. La question du peuplement des eaux douces de l’Algérie étant à l'ordre du jour, M. le Secrétaire général expose à l'assemblée la situa- tion actuelle. : Les poissons d’eau douce sont rares en Algérie, les cours d’eau de cette région, ceux mêmes qui forment parfois des torrents, étant souvent durant l'été complètement desséchés. La Truite ne se ren- contre que dans les petits cours d’eau du massif montagneux qui entoure Philippeville. Cette Truite, qui présente l’aspect d’une variété particulière, a été désignée sous le nom de Salar macrostigma. Malgré l'intérêt qu'il y aurait à protéger ces précieux poissons, il existe pas trace de législation à ce sujet, et les Arabes pêchent au gré de leur fantaisie en toutes saisons et avec toutes sortes d'engins. M. le Secrétaire général pense qu'il serait du devoir de la Société d'intervenir, auprès de M. le Ministre des Travaux publics, pour obte- nir, soit une législation spéciale, soit l’application de la loi de 1829. L'époque du frai variant suivant les espèces de Truites et suivant les climats de novembre à mai, des renseignements doivent être envoyés par M. l'Ingénieur de Philippeville sur les habitudes du Salar macros- tigma. M. le Président appelle ensuite l'attention de l'assemblée sur la production des éponges en Tunisie : La colonie souhaite qu’on s'occupe de cette question, et la Société COMPTES RENDUS DES SÉANCES DES SECTIONS. 899 nationale d’Acclimatation désire encourager les études et les efforts individuels qui seront tentés pour le développement et l'amélioration de cette production. Les éponges, dit M. Berthoule, existent sur les côtes d'Algérie et de Tunisie, mais sans valeur commerciale à l’ouest, elles deviennent plus fines à mesure qu'on avance vers l’est. Les eaux de Sfax et de Djerba sont riches en éponges, et en exportent pour des sommes importantes. La qualité de ces éponges est très variable et l’on en trouve de très grossières à côté d’autres presque fines. On peut en conclure que ces côtes peuvent produire de bonnes éponges. Les fonds de pêche sont nombreux et quelques-uns bien abrités permettraient de tenter une expérience en sûreté. Ne serait-il pas possible de créer un champ d'expérience qu’on ensemencerait des meilleures variétés et qui serait ensuite protégé et exploité rationnel- lement? C’est à la science de dire d’abord ce qu’on peut faire. M. le Président et M. de Guerne estiment que la première chose à faire serait de déterminer les espèces d'éponges indigènes. La cause véritable de la faible production de la Tunisie réside cer- tainement dans la destruction par une pêche aussi abusive qu'’inin- telligente. Quant à la possibilité d’acclimater de nouvelles espèces d’éponges, on est fixé sur ce point. Il y a trente ou trente-cinq ans, la Société d'Acclimatation tenta d’introduire l’éponge de Syrie dans nos eaux. Une commission composée. de MM. Drouyn de Lhuys, ministre des affaires étrangères, président de la Société, de Quatrefages, E. Pereire, Duméril Cloquet; de Maisonneuve, étudia la question et désigna sur le littoral algérien divers points pour ces expériences. Des éponges importées ne furent malheureusement pas placées aux endroits indi- qués et furent détruites par les pêcheurs marseillais. Mais le résultat partiel obtenu donne, du moins, la certitude de l'utilité des efforts qu’on tenterait de nouveau. L'assemblée décide que la Section sera prochainement convoquée pour entendre la lecture d’un rapport sur la question de la protection des poissons des eaux douces d'Algérie et pour étudier la question de la production artificielle des éponges en Tunisie. Le Secrélaire, A. D'AUDEVILLE. 5° SECTION (vécéÉraux). — SÉANCE DU 7 AVRIL 1891. PRÉSIDENCE LE M. H. DE VILMORIN, PRÉSIDENT. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. Paillieux présente un lot de Chicorces sauvages diversement 860 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. panachées de rouge, de jaune et de vert tendre. Les tons variés de cette jolie salade sont obtenus au moyen d’une simple couverture de paille jetée au printemps sur les plants. L'étiolement produit les parties claires qu’on remarque sur le fond naturellement vert foncé rougeâtre de cette chicorée. Les graines de cette variété ont été obligeamment envoyées à notre confrère par M. le D' Gruyère. — M. le Président signale à cette occasion une nouvelle salade vendue à Paris depuis peu sous le nom de Chicorée améliorée et qui n’est autre que les repousses de côté de la Witeloof ou Endive, Chi- corée à grosses racines, après qu’on en a coupé la partie centrale. Cette salade qui ressemble à la Mâche ronde est cultivée sans être abritée de la lumière. Elle est très bonne et très agréable à trouver pendant les derniers mois de l'hiver. — M. Mailles offre : 1° Quelques tubercules d’un Boussingaultia qui lui paraît distinct du Baselloïdes par sa tenue et ses feuilles moins ondulées ; 2° des plants de Sedum pulchellum, espèce qui reste verte toute l’année et demande ombre et fraîcheur; 3° des épis de Maïs ridé sucré nain hâtif du Mexique. À propos de cette dernière présentation, M. le Président signale comme particulierement intéressant la variété Evergreen. Le Maïs est le légume de prédilection des Américains, qui le mangent à l’état naturel, beurré. On le vend aujourd’hui couramment à Paris. M. Hédiard ajoute qu'il est excellent en purée. M. Mailles s'étonne que la Brède ne soit pas plus cultivée, les Mauriciens apprécient cependant beaucoup ce légume. M. le Président lui reproche d’être moins bon que l'Épinard, il est moins onctueux et présente une certaine âcreté, il n’offre donc chez nous aucun avantage. M. Hédiard pense que la plante doit être coupée fort jeune pour l'alimentation. M. Paillieux donne lecture d’une note sur le Coleus éuberosus qui rectifie celle qui a été publiée dans le bulletin de la Société en novembre 1885 et fait connaître l’heureuse introduction du Matambala et sa rapide propagation dans le Gabon-Congo. — Il signale ensuite une publication de M. Colenso sur les plantes comestibles des Maoris. M. Hédiard présente une série de racines et tubercules alimentaires des colonies et distribue diverses graines de cucurbitacées. . M. le Président offre des graines de Syringa Japonica, bel arbre, complètement rustique sous le climat de Paris, qui donne de grandes grappes de fleurs blanches assez semblables à celles du Troëène. Le Secrétaire, Jules GRISARD. IV. CHRONIQUE DES COLONIES ET DES PAYS D’OUTRE-MER. Diffusion et imbibition. La diffusion appliquée déjà depuis longtemps à la fabrication du sucre de Betterave et adoptée depuis 1884 par les fabricants de sucre de Cannes de plusieurs colonies, a engagé aussi les fabricants de sucre de Java à entrer dans cette voie ou du moins à essayer ce système. M. Zuur, un des grands partisans de la diffusion, mit son établisse- ment de Djatie-Wangi à la disposition de ceux qui voudraient en faire l'essai, et plusieurs fabricants contribuaient pécuniairement aux frais de cette opération. La première batterie fut ainsi installée à Java. On s’apercut bientôt que pour la fabrique de Djatie-Wangi la capa- cité de la batterie était insuffisante, et quoiqu'il fût prouvé que la diffusion pouvait être employée, on n'avait pu se rendre compte des résultats financiers de ce système. La Nederlandsche Handel-Maaischappy (Société de commerce néer- landaise) prit alors la suite de cette affaire et fit installer la batterie dans la fabrique Tirto, laquelle étant plus petite paraissait devoir mieux convenir pour cet appareil. Inutile de dire que les intéressés élaient on ne peut plus impatients de connaître les résultats que l’on obtiendrait à Tirto et qui, ainsi qu'on l’espérait, seraient concluants cette fois. L'installation fut transportée par mer de Tjeribon à Pekalongan. Malheureusement le navire fit naufrage et n’arriva jamais à destina- tion. La batterie est encore à l'heure qu’il est au fond de la mer de Java. Cependant la première expérience à Djatie-Wangi ayant prouve qu'on obtient un rendement supérieur avec la diffusion, deux fabri- cants de sucre de Java se laissèrent tenter par des fabricants d’appa- reils et se décidèrent à employer la diffusion. Les deux systèmes, moulins et diffusion, ont pour but d'extraire le plus possible de jus de la Canne. On a beau presser la Canne, il est impossible d'en extraire tout le jus par ce moyen. Le résidu (ampas) retient toujours une quantité assez notable de sucre qu'il est impos- sible de lui enlever par la pression, ce qui constitue une perte dans le rendement assez considérable. Avec la diffusion, système basée en grande partie sur la théorie de l’osmose, cette perte est bien moins grande, car on peut pousser l'opération assez loin pour qu’il ne reste plus qu’un liquide ne conte- nant que des traces de sucre. On parlait aussi d’un système mixle, composé en partie de presses 862 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. pour écraser les Cannes à sucre ou de cylindres et en partie d’ap- pareils à diffusion. Au lieu d’un moulin à trois cylindres, on employait un moulin à cinq cylindres. Dans le premier moulin, la Canne était écrasée, dans le second, elle était pressée. Etant déjà écrasée, la pres- sion ultérieure était plus efficace et le rendement un peu meilleur. Cette première amélioration des presses fut bientôt suivie d’une seconde. On comprit que le résidu des presses, l’ampas, comme sub- stance spongieuse, absorberait facilement l’eau et que, en la traitant par l’eau chaude ou mieux encore par la vapeur, il se produirait de l’osmose, que les cellules non écrasées crèveraient et rendraient ainsi le jus sucré qu'elles pouvaient encore contenir. On avait ainsi trouvé le système de l’imbibition qui fut appliqué assez généralement à Java. Il est incontestable qu’avec la diffusion, le rendement est plus grand qu'avec l’imbibition, mais il reste toujours à savoir si le résultat financier est plus favorable, c’est la queslion qui intéresse le plus le fabricant. On ne peut, quant à présent, donner un avis certain relatif à cette question. Le système de diffusion n’a pas encore fait ses preuves et est susceptible de bien des perfectionnements. En attendant l’Zndische Mercuur examine la situation actuelle de la question, en se servant des données et des chiffres que l’on a bien voulu leur fournir. Lorsqu’en 1886 un fabricant de Java demanda à M. Avises, directeur de la Compagnie de Fives-Lille (Nord), son opinion au sujet de la diffusion, en lui disant qu'il avait les moyens pour se procurer une semblable installation, celui-ci lui répondit : « Attendez un peu, nous ne sommes pas encore prêts. » En 1890, lorsque la situation finan- cière de ce même fabricant ne lui permit plus de faire les frais de celte installation, il reçut la réponse de M. Avises: « Maintenant nous sommes prêts ». Ne pourrait-on pas conclure de ce fait que la solution du problème laisse encore à désirer et que les perfectionnements n’ont pas encore dit leur dernier mot. | Les rapporis des fabriques prouvent qu'avec la diffusion, il y a une perte de 0,592 °/ de sucre et qu'avec l’imbibition, il y en a une de 1,609 °/,. En chiffres ronds, il y a donc un avantage de 1 °/, en fa- veur de la diffusion. ‘Avec la diffusion la densité des jus normaux a diminué de 30 °/b, avec l’imbibition cette diminution n’a été que de 9 2/6. En admettant que le produit de la Canne à l’hectare a éte de 800 pikols, on aurait avec la diffusion un rendement de 8 pikols de sucre de plus à l’hectare qu’avec l'imbibition. . Une plantation de 500 hectares donnerait donc 4,000 pikols de sucre de plus que d'ordinaire, et en supposant que ce sucre puisse CHRONIQUE DES COLONIES ET DES PAYS D’OUTRE-MER. 863 se vendre à raison de 17 francs le pikol, le fabricant trouverait un avantage de 68,000 francs en employant la diffusion. Ce chiffre représente le bénéfice brut. Pour connaître le bénéfice net, il faut en déduire les frais supplémentaires qu’entraîne le sys- tème de la diffusion. | Pour établir ce calcul, il faut supposer une fabrique à moulins que l'on veut transformer en usine à diffusion. Les frais d'une plus grande consommation de combustible jouent ici nécessairement le rôle principal. Avant de les établir qu’on nous permette quelques observations. Généralement à Java on se sert de l’ampas ou résidu des moulins comme combustible. Cet ampas étant encore très humide, on le fait sécher au soleil. Ce séchage qui dépend surtout de la température et de l’atmosphère cause souvent des déceptions. 1 Avec les fours dits Godillot, on avait cru résoudre ce problème parce que ces fours pouvaient être chauffés avec l'ampas humide. Il est peu probable cependant qu'avec ces fours le problème soit résolu. L'ampas contient une certaine chaleur qui, selon les diverses na- tures de la Canne, est plus ou moins grande. En le faisant sécher au soleil, cetle chaleur ne se modifie pas beaucoup. L'’ampas non séché au contraire retient une certaine quantité d’eau qui doit s’évaporer pour qu’il soit sec. Il faut une certaine cha- leur pour provoquer cette évaporation. En le faisant sécher, cette cha- leur est fournie sans frais par le soleil, tandis que dans les fours Godillot il faut que cette chaleur se produise ariificiellement. Il est donc probable œue ces fours font perdre au combustible une partie de son effet et ceci d'autant plus avec la diffusion parce que le résidu ne peut alors être employé qu'avec les fours Godillot. Avec la diffusion, l’humidité du résidu est beaucoup plus grande œue celle de l’ampas. Il faut donc presser ce résidu, afin de pouvoir l'utiliser comme combustible. Une seule pression ne suifit même pas; il en faut deux. Ii faut donc. deux moulins. Il est possible que ces moulins demanderont un peu moins de force que pour écraser la Canne, mais leur chauffage n’en coûtera pas moins cher. En admettant qu'une installation complète d'appareils à diffusion, y compris tous les accessoires, machine à couper, pompes, chau-— dières, tuyaux, etc , reviennent à 200,000 francs, ce qui ne me paraît pas exagéré et que l’on amortisse ces frais de premier établissement d'un dixième par an, soit 20,000 francs, le bénéfice de 68,090 francs, constaté plus haut, sera réduit à 48,000 francs par an. Avec l'imbibition il y avait une diminution de densité de 9 °/, et avec la diffusion une diminution de 30 °/, sur le poids primitif de la Canne, ce qui fait une différence de 21 °/.. Il y a donc 10,500 kilog. d’eau de plus à évaporer avec la diffusion qu'avec l’imbibition. 864 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. En admettant que 1 kilo de charbon suffit pour évaporer 8 kilog. d’eau, nous trouvons une augmentation de combustible de 1,300 kilos par hectare, soil 650 tonneaux de charbon par 500 hectares. Nous venons de voir que les bénéfices bruts, après déduction des intérêts du capital engagé et de son amortissement, se trouvent déjà réduit à 48,000 francs. Les 650 tonneaux, de charbons au prix de 45 francs la tonne, constitueraient une dépense de 29,000 francs en- viron: et ce prix sera probablement plus élevé dans des pays où a houille doit être importée d’ailleurs. En 1889, les charbons anglais coûtaient 60 francs la tonne en Extrême-Orient. Quoi qu'il en soit, en prenant pour base le prix actuel de 45 francs la tonne, le bénéfice de 48,000 francs est réduit à 19,000 francs. La pratique a confirmé que l'ampas bien sec contient à peu près un tiers de caloricité de la houille. En supposant qu'avec une pression ordinaire le rendement supérieur soit de 70 0/o, il reste comme résidu ou ampas humide, 80 °/, du poids primitif de la Canne. Supposons en outre que cet ampas humide con- tienne 50 °/, d'eau, il reste comme ampas sec 15 °/, du poids primitif de la Canne. Avec 800 pikols, soit 50 tonnes de Cannes à l’hectare, on obtien-— drait ainsi à 15 °/o un combustible équivalant à deux tonnes et demie de charbon. Pour 500 hectares, l’ampas représenterait par conséquent une valeur de 500 fois 2 1/2 tonnes de charbon à 45 fr. la tonne, soit 56,290 francs. Comme le résidu de la diffusion a, comme Conbuetible) une valeur bien inférieure à celle de l’ampas des moulins, nous devons admettre, par ce fait, une diminution de un cinquième au moins de la valeur primitive. Cette diminution représenterait en espèces une somme de 11,250 francs et en soustrayant cette somme encore de ce qui nous reste du bénéfice brut de 19,000 francs, nous ne trouvons plus que 7,150 francs. Lorsque au début nous fixâmes le bénéfice brut à 68,000 francs, nous pensions que la production de 4,000 pikols en plus n’occasionnerait aucune augmentation de frais. Ceci est à peu près exact. Les frais de plantation et d’autres dépenses invariables ne subiront aucune aug- mentation. Supposons quela main-d'œuvre reste la même avec la nou- veille installation, il n’en est pas ainsi de l’emballage et du transport du sucre de l’usine aux ports d'embarquement. En prenant pour cou vrir ces frais supplémentaires les 7,750 francs restant du bénéfice brut, il en résultera que les avantages de la diffusion seront réduits à zéro. Et comme nous n’avons pas exagéré les chiffres et que dans toutes ces sortes d'opérations il faut laisser une marge pour l’imprévu, il est plus que probable que les résultats du nouveau système se tar- duisent par un désavantage sur l’ancien. CHRONIQUE DES COLONIES ET DES PAYS D’OUTRE-MER. 865 On dira peut-être qu'avec la diffusion on économise la défécation, mais ceci est une question qui n'est pas encore bien établie. Des fa- bricants employant la diffusion sans défécation ont trouvé dans la vente de leurs sucres une diminution de prix assez sensible. Avec la diffusion, les jus sont plus clairs qu'avec l’imbibition, le rendement en sucre cristallisable doit donc être plus fort et il y aura moins de mélasse. On constitue certainement un avantage dont il faut lenir compte, mais pour le chiffrer, il faudra travailler la même Canne simultanément au moyen des deux procédés, afin de pouvoir ‘établir la comparaison. Abstraction faite de la différence qui peut exister entre les qualités et la nature des Cannes employées, il résulte des essais faits en deux fabriques différentes que, avec la diffusion, les jus ont une pureté moyenne de 88,65 ‘/, tandis qu'avec l'imbibition, cette pureté n'est que de 87,21 ‘/. Cette différence est si insignifiante qu'elle n’est même pas chiffrable en espèces. En supposant que les facteurs qui sont à l’avantage de la diffusion et que nous ue sommes pas en mesure de chiffrer, puissent faire peser Ja balance en faveur de ce nouveau système, il est certain que cette faveur sera si minime que la moindre perte imprévue ne manquera pas de l’absorber. En résumé, aux fabricants de sucre de Canne qui n’ont pas de très grands moyens pour risquer la transformation de leurs usines, nous sommes obligés, quant à présent, de recommander la sage prudence et de s'abstenir jusqu’à nouvel ordre de l'emploi de la diffusion. ’ D' MEYNERS D'ESTREY. 5 Juin 1891, CE (a: Y. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. Exposition de pêche de Bâle. — Une exposilion de pêche qui promet d'offrir un grand intérêt doit se tenir à Bâle du 4 au 27 sep- tembre et éventuellement jusqu’au 4 octobre 1891. Nous en insérons le programme dans l'espoir qu'il pourra être utile de le connaître à ceux de nos confrères qui voudraient soil participer à ce concours soit même simplement visiter l'exposition suisse. I. Aquarium. Exposilion de poissons vivants ; on exposera s’il est possible des échantillons de toutes les espèces vivant dans le Rhin et ses affluents. II. Aquariums d'appartements. HI. Pisciculture artificielle, à — Modèles ou dessins d'appareils pour l'élevage. db — Appareils d’incubalion, œufs, alevins vivants, materiel de la pisciculture artificielle, aliments pour alevins. IV. Animaux aquatiques conservés dans l'alcool. V. Matériel de Pêche. Matériel pour le transport et la conservation des poissons vivants ou morts. Pièges, elc. VI. Ennemis de la pêche et de la pisciculture. VII. Matériel pour la destruction des ennemis des poissons. VIII. Modèles de matériel de pêche. IX. Conserves, poissons conservés, fumés, salés. X. Histoire de la pêche, gravures, diplômes, sceaux. XI. Préparations anatomiques, squelettes. XII. Littérature. Les Poneys des Shetlands. — JIes Poneys shetlandais, les Shellies, comme on les nomme dans les pays de langue anglaise, per- draient, paraît-il, du terrain dans les graudes villes de l'étranger, et surlout aux États-Unis, où ils étaient à une certaine époque l’objet d'un véritable engouement. On restreindrait maintenant l'emploi de ces chevaux nains aux buts pour lesquels ils semblent avoir été créés : servir de montures aux enfants et d'objets de curiosilé. Plusieurs éla- blissements avaient été fondés aux États-Unis, dans l’Iowa, l'Hlinois, le Michigan, dans les Éiats de l'est encore, où on pratiquait à grands frais l'élevage des Poneys, ou l'acclimatement de ceux qu'on faisait venir de leur patrie. La réduction de taille des Poneys shetlandais est évidemment une conséquence des condilions du milieu dans lequel ils se sont formés, et des difficultés qu’ils éprouvaient à se procurer une nourriture assez riche et assez abondante sur leurs îles iuferliles, tout animal se modi- fiant peu à peu afin de s'adapter à l'habitat que la nature lui a dévolu. Cette sorte de dégénérescence cest eusuite fixée par l’hérédité. La fai- CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 867 blesse de leur taille est donc due à la limitation des ressources ali- mentaires dans ses îles natales et aussi à la consiitution du sol de ces iles, de formation ignée, dépourvu de calcaire dont la maigre végéta- tion n'aurait par conséquent pu fournir à une race plus massive les élémeuts d’un puissant squelelte. Cette proportionnalité, cette rela- tion entre le milieu et ses produits, nous la retrouvons en Bretagne où le Durham et les chevaux corpulents n’ont pu se substituer aux races locales qu'après que le chaulage eut apporté au sol les éléments nécessaires à leur constitution. Nous la retrouvons dans toutes les iles graniliques privées de calcaire, aux Feroë, en Islande, à Jersey et à Guernesey, dont les races bovines sont caractérisées par la faiblesse de leur taille, en Corse et en Sardaigne où les vaches de la race ibé- rique ne rendent que 70 kilogs de viande, où des chevaux de souche arabe ont vu leur taille réduite à 1 mètre. Une race forte et puissante introduite dans ces îles faites pour nourrir des animaux plus chétifs, verrait sa descendance décroitre peu à peu, de génération en généra- tion. On a beaucoup discuté sur l’origine des Poneys des Shetlands et un groupe d’hippologues leur attribue même une ancienne infusion de sang arabe. Quant à la surabondance des poils qu’on constate chez les individus récemment importés, elle est en relation directe avec la rigueur du climat et le manque de soins dont ces petits animaux sont l’objet dans leur patrie. Un poney bien logé, bien nourri, sous un climat tempéré, abandonne bientôt sa fourrure polaire pour revêtir une robe au poil fin et court, mettant bien mieux en valeur la finesse de ses formes. Le Poney shetlandais adopté par la mode, le Poney conventionnel, a une taille de 1 mètre à 1 mètre 10 ; il est court-jointé, semble plus large, moins grêle si cette expression peut être appliquée à un Poney, que ses congénères de l'Islande, de la Hongrie et des îles Feroë, que l'on a souvent vendus sous son nom aux États-Unis, mais il.se dis- tingue surtout par son allure indifférente et apathique. Ce n’est certes pas un animal vif, et toujours il semble prêt à s'endormir en mar- chant. Très résistant, susceptible d'effectuer une somme considérable de travail, en comparaison de son poids si minime, il ne se surmène cependant jamais, et reste toujours dans les limites rationnelles de la fatigue. Dans les régions un peu froides, le Shelty, le Shetlandais adopte un poil d'hiver rappelant la fourrure primitive et différant considérable- ment par ses touffes, épaisses et laineuses, du pelage d'été, qui est plus fin, plus net, plus lisse el plus serré. Quand ce poil pend en larges pièces pendant la période de la mue, au printemps, ces petits animaux présentent un aspect à la fois comique et bizarre. Comme couleurs, le Shelty dispose des mêmes robes que les autres chevaux, quoique la tradition ne lui attribue que la robe-baie comme 868 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. couleur originale. Les Shetlandais sont dociles, intelligents, plus ro- bustes, plus résistants que les autres variétés de Poneys, surbout dans leurs îles natales où il n’est pas rare de rencontrer un lourd indi- vidu monté sur une de ces mignonnes bêtes et ayant bien soin de relever très haut les genoux, afin que ses pieds ne traïnent pas à terre. On en a vu faire des étapes de 90 kilomètres, dans de mauvais chemins, et avec une lourde charge sur les reins. Héréditairement habitués à monter et à descendre des pentes raboteuses et rapides, ou à traverser des marais pour aller chercher des charges de tourbe, ils ont acquis un pieu excessivement sûr. Quand un Shelty rencontre une place suspecte, sournoisement dissimulée sous une mousse traîlresse ou une mince couche de glace, il lui suffit d’en flairer la surface pour savoir s’il peut hardiment s’y aventurer. Elevés comme ils le sont, sur les maigres herbages des îles natales, si froides, si brumeuses, si désolées, ne recevant que peu ou pas d'avoine, n’ayant en guise d’écurie pendant l'hiver ou quand la tem pête fait rage, que la cabane où vit toute la famille des propriétaires, ils ne peuvent qu'être devenus dociles et robustes. Toutes les difficul- tés qu'a rencontrées l’acclimatement de ces diminutifs de Chevaux dans des pays plus favorisés étaient dues à une stabulation trop stricte et à une alimentation trop copieuse succédant brusquement à la dure existence, au grand air et aux repas cueillis sur les pointes des ro- chers. Ils se portent beaucoup mieux en passant l'hiver dans une écurie mal close, laissant libre passage aux quatre vents, que dans un box soigneusement, mais hermétiquement ferme. S'ils sont doux et familiers d'ordinaire, leur mansuélude a des limites cependant. On cite, aux États-Unis, un ravissant pelit étalon, que des gamins tourmentaient en lui jetant des pierres à travers les bar- reaux de son paddock, et qui ne voulait plus laisser péncirer ni homme, ni animal dans son enclos. S'il est un animal au monde dont l'existence puisse s'écouler dans des conditions très dissemblables ou se modifier avantageusement, c'est celle du Poney des Shetlands. Dans les villes, il est essentielle- ment le Cheval de luxe, on pourrait presque dire le Cheval inutile. Dans ses îles ou chez le pauvre paysan écossais, c'est le Cheval de labeur et de peine, mais il peut encore mener une existence plus misérable qu’au pays natal, s’il a le malheur d’être condamné à traîner les wagons des mines de houüille, dans lesquelles il pénètre pour n'en plus sortir vivant. On distingue plusieurs variétés de Poneys des Shetlands portant chacune le nom d’une de ces îles. Les plus beaux, les plus recherchés dans les villes sont les Poneys de l’île principale de Shetland. | Ceux d'Unst, une petile ile située au nord est de la Grande-Shet- land, sont surtout condamnés à la dure existence dans les mines du CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 869 Nord de l'Angleterre. L'élégance et la régularité de formes que les amateurs de Poneys demandent à ces animaux leur font généralement défaut, mais ils sont robustes, énergiques, et excessivement intelli- gents. Quoique cette variété soit moins estimée que celle de la grande île, c'est cependant un de ses représentants, Dumpling, qui a rem- porté le premier prix des Poneys à New-York en 1888. De formes très basses, il avait la tête fine et intelligente, les membres menus et se caractérisait par une grande affectuosité. Les Poneys de Yell, îlot situé entre l’île Shetland et Unst, sont éga- lement de bons travailleurs quoique les plus petits de tous, caracté- ristique qu’accompagne une extrême grossièreté de structure. Les Poneys de Fettar, îlot toujours situé au nord de l’île principale de l’archipel, Poneys qu’on dénomme parfois aussi lady Nicholson, sont plus larges et moins dociles que les variétés précédentes. M. Nicholson introduisit, il y a bien des années, un étalon arabe dans cette île, et l’étalon, croisé avec les juments locales, aurait produit la race actuelle. Quelle que soit la valeur des Chevaux de l’île Fettar, les qualités recherchées chez les Poneys leur font généralement défaut. Quant aux Poneys islandais, ils restent inférieurs sous tous les rap- ports à ceux des Shetland. Avec une tête plus grossière, ils ont une constitution plus délicate que celle des Shelties et généralement un fort mauvais caractère, mais, en revanche, ils se montrent plus vifs, plus gais, n’ont pas cet air de mélancolie somnolente, qui caractérise les diverses variétés des Shetlands. S'ils se paient moitié meilleur marché, ils ont le grand inconvénient d’avoir moins de longévité que les Shetlandais. La vie moyenne d’un Islandais ne dépasse pas douze à treize ans, alors qu’un Shetlandais fait encore un excellent service à vingt ans, et atteint souvent vingt-cinq ans. H. BRÉZOL. Les oiseaux des marais aux États-Unis. — Les représen- tants des différentes espèces d'oiseaux des marais et des côtes dimi- nuent considérablement aux États- Unis, paraît-il, de nombreux individus s’étant fait une profession de la récolte de leurs œufs, qu'ils vont surlout chercher dans les lieux voisins de la mer. Certains gourmets en font une importante consommation et, de plus, leur albu- mine a lrouvé diverses applications industrielles. Pour l’un comme pour l’autre de ces modes d'emploi, la fraîcheur des œufs est indispen- sable. Cette condition accroît encore les proportions du désastre, car si les dénicheurs trouvent sur les côtes des œufs dont l’incubation est déjà commencée, ils les brisent afin d'éviter toute erreur quand ils repasseront le lendemain ou les jours suivants, et d’être bien certains que les œufs qu'ils trouveront alors dans ces mêmes nids sont absolument frais. On comprend combien ces pratiques doivent nuire à la multiplication des espèces aquatiques. | Les oiseaux des marais vivant aux États-Unis descendent d’ Mure 870 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. vers les États du sud au commencemerft de l'hiver et en suivant les côtes. Ils pondent dans les États méridionaux et remontent ensuite vers le nord, mais cette fois en suivant la vallée du Mississipi. Le vol de tous ces oiseaux est extrêmement rapide, car ils franchissent de 150 à 200 kilomètres à l'heure; aussi une journée leur suffit-elle souvent pour aller de la région des grands lacs, lac Supérieur, lac Michigan, lac Huron, lac Erié, lac Ontario, à leurs quartiers d'hiver du sud. On a tué dans le Maine des Canards sauvages dont l’estomac contenait encore des grains de riz cueillis dans les Carolines, à 1,600 kilomètres plus au sud. Le Palmipède n'avait pas encore digéré en arrivant dans le Maine le repas absorbé aux Carolines. Tous les oiseaux aquatiques sont descendus vers le sud l’an dernier en une seule masse, dans laquelle dominaient les Canards de la Caro- line, Anas sponsa, et le Canard des radeaux ou Raft-Duck, Anas obscura. On y voyait aussi quelques Canards sauvages européens, Anas boschas, désignés aux États-Unis sous les noms de Mallard ou de Canard an- glais, quélques Sarcelles communes, Querquedula crecca, quelques Sarcelles aux ailes bleues, Querquedula discors, quelques Canards siffleurs, Mareca Penelope et Mareca americana, quelques ‘Souchets, Spatula clypeata. La Sarcelle aux ailes bleues, Quer aie discors, est le plus beau de tous ces oiseaux ; le plumage du mâle a, pendant l’automne, une teinte ardoisée mêlée de gris et de brun, mais au printemps, les extrémités de ses ailes s’azurent de taches bleues, et il porte sur la tête une marque en forme de croissant, des plus originales. Ces oiseaux des marais arrivent d'ordinaire et très régulièrement les uns à la suite des autres dans les États du sud, et tous suivent un chemin unique à travers les airs, quand même il y aurait huit Le d'intervalle entre le passage de deux bandes successives. - Les premières espèces qui atteignent les régions chaudes sont la Sarcelle commune et la Sarcelle aux ailes bleues. Elles commencent à arriver dans le sud vers la fin du mois d’août et s’en vont en compa- gnie d'un Canard sauvage local, qui n'émigre jamais, marauder dans les rizières des Carolines. Les plus fortes bandes de Sarcelles ne descendent cependant que vers le 15 septembre, il en arrive encore béatücoup en octobre, el on en a même vu qui n’opéraient leur migra- tion qu’en décembre. Au commencement de novembre, les palmipèdes de toutes les autres espèces viennent également se jeter dans les rizières où ils font un séjour de six semaines pour se diriger ensuite vers le sud, laissant seulement les Canards sauvages européens, Anas boschas, et les Sarcelles dans les Carolines. “Au début du printemps, tout ce peuple ailé prend son vol mais avec moins de régularité qu'a la descente. Du 1% mars au 1e" mai, ce sont les Canards sauvages européens, les Canards siffleurs ét les Sarcelles qui partent pour fairé leur nid dans les Etats du CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 871 “centre. Quelques espèces ne remontent qu’en petit nombre vers l’ex- ‘trême nord des États-Unis, où on les paie de 2 fr. 50 c. à 10 francs la pièce au mois de mars ; une paire de Canards sauvages européens vaut seulement de 2 fr. 50 c. à 3 francs à cette époque, et une paire de - Sarcelles aux ailes bleues, de 1 fr. 30 c. à 2 francs. La Sarcelle com- mune et le Canard des Carolines valent &@e 1 franc à 1 fr. 50 c. Beaucoup d'individus adoptent la profession de chasseurs de gibier -d'eau, qui est, en somme, assez rémunératrice dans le sud des États- Ünis quand on conuaît les endroits où les bandes de ces oiseaux prennent leurs ébats ou viennent pour leurs repas. Un adroit chasseur sachant trouver son chemin en canot dans les méandres du marais, en “état, par conséquent, de suivre son gibier de près, peut tuer une cen- taine d'oiseaux aquatiques en deux jours, car ce mode de chasse “exige toujours un déplacement, et il a encore des chances pour abattre au retour un Dindon sauvage, quelques Loutres, un Daim, ou “même un Ours. _ Souvent aussi, il est vrai, à la suite d’une tempête ou d’un brusque déménagement des Canards, motivé par une cause quelconque, le chasseur rentre bredouille. Les chasseurs de Canards de Savannah- (Géorgie ont des canots spéciaux, les bateaux à canards, qui leur $ervent à la fois, pendant leur expédition, de cuisine, de salle à man- ger et de chambre à coucher. Ils emportent de l’eau dans une ou deux «dames-jeannes, des vivres, de l’eau-de-vie, et se mettent en campagne. 1 Is font d’abord charger leurs embarcations à bord d’un navire à vapeur remoniant le fleuve Savannah qui sépare la Géorgie de la Ca- roline, puis, quand ils ont franchi de cette façon de 40 à 150 kilo- “mètres, ils redescendent en canot tout en chassant. Des branches vertes sont plantées à l’avant de la barque qui flotte entrainée douce- ment par le courant si le chasseur se maintient dans le fleuve, sous l’action des rames assourdies par des chiffons, s’il pénètre dans les marais, les rizières et les lagunes latérales. Les oiseaux des côtes, eux, se chassent en pénétrant à marée haute et en canot dans les nombreuses lagunes qui découpent le rivage de la Géorgie jusqu'aux petites criques où ces oiseaux passent la journée, bien dissimulés par les hautes herbes. Leur expédition terminée, les chasseurs regagnent la ville et trouvent généralement un navire qui consent à remorquer leur embarcation. (Morning Nerws, Savannah.) - La Tortue Caspienne dans les environs de Moscou. —- Dans la faune de la Transcaucasie, la Tortue rappelle ses aïeux anté- diluviens, par ses formes massives, sa pelite tête aux yeux brillants montée sur un long cou et surtout par sa solide carapace, sur laquelle les roues des camions (arba)lourdement chargés des PUR peser sans qu'elle le sente, 5our ainsi dire. 872 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Il existe deux espèces de Tortues sur les côtes occidentale et me- ridionale de la mer Caspienne, Testudo Græca avec des points et des lignes au milieu de chaque écaille et les mouchelures noires irrégu- lières caractéristiques de l'espèce, et Cisfudo lutaria décrite par Kessler, qui a la carapace plus haute et comme serrée derrière, composée de lames de forme particulière. M. Salomon, de la Société impériale russe d’Acclimatation des ani- maux et des plantes, en a transporté 8, en 1887, à Moscou et s’est livré à des observations sur elles, pendant tout un été. Malgré la lenteur devenue proverbiale de ses mouvements, la Tortue: se perd assez vite de vue, car si-elle n’avance que lentement, elle va droit et obstinément au but : une herbe succulente qui l’a séduite de loin, ou une nierre grise avec laquelle elle se fond si bien par sa cou- leur qu’on a peine à la distinguer. C'est là, d’ailleurs, son meilleur moyen de défense contre les oiseaux de proie. : Sans doute, par son intelligence, la Tortue occupe un des derniers échelons, mais on ne peut pas lui refuser la manifestation de certains instincts supérieurs. C’est ainsi que les Torlues de M. Salomon re- connaissaient fort bien leur maïlre et la petite fille qui venait leur offrir la ration d’herbes tendres parmi lesquelles elles appréciaient surtout les feuilles de la Dent-de-Lion ou Pissenlit (Zeontodon tara- æacum) et du Plantain (P/antago major). Mais elles devenaient surtout démonstratives et empressées lorsqu'elles voyaient venir une frian- dise : un cœur de salade, un Chou ou une tartine de pain trempée dans du lait, de l’eau-de-vie ou de l’eau chaude. Elles se mettaient à mâcher, à ronger à qui mieux mieux ; mais c’est le cœur de Chou qui excitait toute leur convoitise. Elles en venaient aux... pattes. Ordi- nairement la plus grosse finissait par s'emparer du morceau qu'elle cachait sous sa carapace. Cette Tortue a été malade, après quelques jours de temps froid, une mucosité coulait constamment de sa bouche et elle avait l'air bien abattu, mais il suffit de la mettre à l’eau et au soleil pour qu'elle se remît bientôt. En général, on peut dire que la bête ne s’anime que par de belles journées ensoleillées ; pendant les froids, elle semble entrer en lé- thargie, se blottit dans sa tanière qu’elle ne quitte plus. Dans ce fait que le soir chaque Tortue regagne le même coin une fois choisi, on ne peut ne pas voir la preuve de l'existence chez elle d’un rudiment de mémoire. ‘Mais ses instincts intellectuels se manifestent surtout à la ponte des œufs. Après avoir été recherchée par son mâle une des Tortues se mit à pondre le 14 juin. La bête commenca par choisir un emplacement à mi-côte d’une plate-bande, elle y creusa un trou avec ses pattes de derrière. Cela fait, elle se mit à travailler de ces mêmes pattes avec une régularité remarquable. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 873 Abaissant sa patte gauche, elle creusait la terre et ensuite, tenant sa patte à la paroi gauche de la petite frsse, elle élevait la terre jus- qu’à la surface. Là, après avoir laissé un peu reposer cette patle, elle s y appuyait ainsi que sur les deux pattes de devant, tout en enfon- çant sa patte droite dans le trou pour y faire le même travail qu'avait opéré auparavant la gauche. Ensuite, lorsque ce fut de nouveau le tour de la patte gauche, avant de la descendre, la Tortue rejeta de côlé, par un mouvement cir- culaire la terre exlraile pour qu'elle ne vint pas tomber de nouveau dans la fosse ouverte. Elle rentra après, irès souple, dans le petit trou où elle ramassa encore de la terre et, s'appuyant sur le côté gauche, mit dehors de la terre avec sa palte droite. Elle travailla ainsi jusqu’à ce que la petite fosse ronde eut atteint plus d’un demi-pouce de profondeur, un peu moins de longueur et. encore moins de largeur. Si l’on raisonne tous ces mouvements, on demeure convaincu qu’au point de vue de l’économie du travail, ce sont là les mouvements les plus profitables et stricts nécessaires — résultat, sans doute, d'une expérience séculaire transmise à notre Tortue par voie d'hérédité. Une fois la fosse finie, la Tortue se reposa pendant une dizaine de minutes au bout desquelles elle pondit, ezpulsa sans trop d'efforts, un œuf qu’elle prit soigneusement dans ses pattes de derrière et déposa debout dans le coin droit de la petite fosse. Un deuxième œuf suivit immédiatement, et lorsque tous les six eurent été pondus, la fosse se trouva exactement remplie. La mêre les examina, les tâta et eut même le malheur de trouer la coquille de l’un d'eux, avec son ongle. Après quoi, la bête ramassa avec ses pattes de derrière la terre ex- traite auparavant et les en recouvrit; et lorsque la petite fosse ronde fut comblée, elle enfonca la terre en se levant et s’asseyant régulie- rement dessus et l’égalisa si bien en se tenant toujours appuyée sur ses deux pattes de devant et en se balançant, le plastron de sa cara- pace contre terre, qu'après son départ il fut impossible de distinguer l'endroit où avait eu lieu la ponte. — Afin de garantir les œufs contre la pluie et de leur donner une température approchant davantage de celle des climats chauds, M. Salomon recouvrit l'endroit où ils avaient été ensevelis, d’un cadre de bois peint en uoir à l’intérieur et fermé d’un verre de vitre, ce qui forma une espèce de châssis. La nuit et lorsqu'il pleuvait, on prenait toujours la précaulion de recouvrir encore soigneusement le tout d'une grande auge renversée, mais en dépit de tous ces soins, aucune Tortue ne vint à éclosion, et lorsqu'à la fin du mois d’août la fosse fut rouverte, les œufs exhalaient déjà une odeur très désagréable. Après en avoir enlevé la coquille, on vit le blanc occuper toute une moitié de l'œuf en loug, et le jaune l’autre, ce qui prouve que les œufs n’avaient probablement pas éte fécon- dés, à moins que cela n'ait lenu aux conditions différentes du climat 874 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. et à une chaleur solaire insuffisante. Les œufs de la Tortue sont un peu plus gros que ceux du Pigeon et également obtus aux UE bouts. Actuellement, la plupart de ces Tortues se trouvent au Jardin zoolo- gique de Moscou et une seule chez M. Salomon où elle mange rarement el prospère vivant dans une cheminée à la hollandaise, chauffée par un fourneau de cuisine placé à côté. C. KRANTZ. Décadence de l'Aviculture chez les paysans russes et mesures à prendre pour son relèvement. — Nous extrayons de l’article paru sous ce titre, dansle Bulletin de l’Aviculture de Saïint- Pétersbourg, les passages caractéristiques suivants : On a maintes fois constalé que depuis l’abrogation du servage, l’éle- vage de la volaille s'était relevé et développé dans les exploitations rurales de certaine importance, tandis qu'il tendait à tomber de pie en plus chez les paysans. Pour en faire comprendre les raisons, nous sommes obligés de remonter quelque peu en arrière. Avant 1861, le propriétaire confiait le soin de son poulailler, à une de ses femmes-serves qui devait lui fournir bon an, mal an, 120 à 150 œufs par chaque Poule, ou 10 à 12 Poussins et 40 à 50 œufs. Stimulant son zèle par la peur d'une punition qui allait jusqu’à lui faire acheter des œufs et des Poussins pour compléter le nombre exigé, le maître trouvait là un revenu fixé et assuré — el ne s’en préoccupait guère. D'autre part, les serfs ayant à exploiter la terre appartenant au seigneur, considéraient l'élevage comme très avantageux, malgré tous les dégâts faits par la volaille aux champs, car il permeltait aux femmes de payer en nature la redevance d'œufs et de Poussins préle- vée par les seigneurs ou même quelquefois de changer chez le mar- chand ambulant, de ces produits reslants, contre de la cotonnade aux couleurs voyantes, etc. Avec les nouvelles conditions d'existence créées pour tous en Russie par le manifeste du 19 février 1861, tout cela devait forcément changer. Les seigneurs, privés du travail gratuit des serfs, durent songer à faire valoir eux-mêmes leurs exploitalions rurales, dans les plus petits détails. Et aujourd’hui, à côté des éleveurs-amateurs, il y a en Russie des fermes-modèles d'élevage vendant très bien des sujets et des œufs de race, il s’est formé des sociétés Jd’Aviculture qui organisent des concours et des exposilions, il existe même tout un commerce d’oi- sceaux de basse-cour reproducleurs. | Chez les petits cultivateurs-serfs affranchis, les mêmes causes ont eu des effels opposés. é Les lots de lerrain à eux concédés, d’après la loi, par les seigneurs pour un prix exorbitant (la liquidation de celte opéralion de rachat divisé en payements successifs dure encore) élant très petits, insuffi- red TE En | 4 4 3 È CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 879 sänts même à subvenir à leurs besoins, le cullivateur libre ne peut rien laisser perdre. Aussi, les dégâts faits aux champs par le bétail et la volaille sont la source de la plus grande partie des procès agraires, en Russie. Le paysan russe réduit done son élève de volaille à des proportions insignifiantes. D'un autre côté, sa femme trouve un dé- bouché plus lucratif dans le travail au dehors. Mais la cause es- sentielle primordiale de cet état de choses reste le dégât fait aux champs. Il serait donc opportun aujourd’hui, vu surtout l'accroissement de la demande en œufs dont la plus grande partie doit être fournie par les paysans, de prendre des mesures pour relever cette branche de l'économie rurale chez eux comme chez des propriétaires de plus grande importance, Voici une mesure simple et facilement réalisable que préconise dans ce but M. Voronoff, et qui paraît de nalure à intéresser les Aviculteurs français soucieux du développement et de la prospérité de cette in- dustrie dans les campagues. On sait qu'il est question en Russie de doter chaque école rurale d’un lopin de terre pour y enseigner aux élèves les perfectionnements à introduire dans la culture très primitive des paysans russes. C'est là un moyen tout indiqué pour remédier, par la même voie d’exemple vivant, à l’état de décadence de l’Aviculture dans les campagnes. 11 suffira pour cela de construire un petit poulailler pour 5-10 Poules, dans le champ d’études, et de mettre dans les mains de l'instituteur un manuel élémentaire de ce genre d'élevage. Le reste viendra tout seul. L'énergie de l'enseignant sera récompensée par la perspective d’avoir des œufs gratuits et même quelquefois un bon rôt; les 5-10 Poules avec leur Coq seront volontiers fournis par les patrons de l’école ou la paroisse, lorsqu'on saura qu’il ne s’agit pas là d'un pot-de-vin, mais d'une chose utile pour tous les élèves. La nourrilure est là ioute trouvée représentée par les miettes de pain et les restes des repas des élèves mangeant à l'école; si ce n’est pas suffisant l’instituteur pourra fournir le reste à ses frais. Les petits élèves se mettront gaiement à soigner les oiseaux à tour de rôle, sous là direction et d’après les instructions du maître, metlant ainsi en pratique la théorie enseignée. Il est inutile d’insister sur le nettoyage à faire le matin et la nour- riture à donner le soir, qui n'entraveront en rien les études des en- fants qui viennent à l’école à sept heures du matin pour n’en sortir qu'à quatre heures de l’après-midi ; les élèves des écoles rurales pro- fessionnelles, tout en faisant tous 1e travaux agricoles, trouvent bien le moyen de ne pas négliger leurs études théoriques. _ Les plus courageux pourront recevoir en TRE ones . ET ei même des Poussins pour les élever chez eux. 8:6 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Reste la question des dégâts que pourraient faire ces Poules chez les propriétaires voisins. Mais il n’y a rien de plus simple que de l’éviter et même c'est là un exemple à donner. Sur le lot de terre concédé à l’école, il est facile de détacher 8 mètres carrés environ, et même moins, pour une basse-cour. Les élèves construiront eux-mêmes, sans grandes diffi- cultés, une palissade ou une simple haie avec des matériaux apportés de chez eux, — et une fois qu'il y aura une cour pour !a promenade des oiseaux, aucun dégât aux champs n’est plus à redouter — chose à laquelle ne sont pas encore arrivés les cultivateurs russes. Ils se ren- dront compte de l'utilité des petits sacrifices à faire en terre et en matériaux de construction, lorsqu'ils auront vu dans la pratique les. avantages du sysième qui supprime du coup la cause de tant de que- relles, discussions et procès. C. KRANTZ. Huile et résine de Calaba. — Le fruit du Calophyllum ino- phyllum est un pelit drupe ovoïde de 4 centimètres de diamètre environ, lisse et d’une couleur jaune à sa maturité. Immédiatement après l’épi- derme, se trouve une pulpe mince, d’une saveur agréable qui rappelle un peu celle de la Pomme. Au centre de la pulpe, on rencontre une coque de faible épaisseur, ligneuse, peu résistante et de couleur grise. L’amande, formée par deux cotylédons d’un jaune pâle, épais, charnus et soudés ensemble, est enveloppée d'une couche spongieuse, épaisse, à face interne lisse. Fraîche, cette amande est inodore, d’un goût fade d’abord, puis ensuite légèrement âcre ; elle empâte la bouche, émulsionne la salive et la rer d spumeuse. Dans cet état, dit M. G. Cuzent, l'’amaude est complètement dépourvue d'huile ; ce n’est que plus tard, quand elle a perdu sa couleur jaune pâle, et qu’en vieillissant, elle devient d’un jaune d’ocre, que le suc gommo-résineux fait place à une huile abon- dantie, d’une odeur aromatique, que la simple pression des doigts suffit pour expulser des cellules qui la contiennent. | Comme nous venons de le voir, les amandes des fruits du Calo- phyllum inophyllum ne renferment pas d’huile, mais un suc visqueux qui se transforme en matière oléagineuse lorsqu'elles ont été exposées au soleil pendant deux mois environ. L'huile s'obtient alors en rédui- sant les amandes en poudre grossière dans des sacs de coutil que l’on soumet ensuite à la presse. Cette huile est grasse, d’un jaune verdâtre, d'une saveur fade ct peu agréable. Sa densité est de 0,942 ; elle se solidifie à + 5°. On obtient encore une grande quantité d'huile en repilant le tourteau et en exposant la pâte au bain-marie, afin de coaguler l’albumine, et l'on soumet de nouveau à l’action de la presse. | ; Les propriétés physiques et chimiques de l'huile de C. 2nophyllum ont été étudiées d’une facon complète par M. Cuzent qui a observé CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 877 qu'elle était sans action sur les papiers réactifs. Soumise à l’ébullilion, cette huile s'épaissil et se colore fortement. Elle est insoluble dans l’éther et le chloroforme; traitée par l'alcool, elle se mélange avec lui sans se dissoudre et le liquide devient vert-clair ; cette coloration est due à la résine en dissolution. Par le repos, l'huile prend une teinte jaune en se séparant de la résine et vient occuper la parlie supérieure de l’éprouvelle. Si on décante alors l’alcool et qu’on plonge dans de l’eau bouillante le tube qui ne contient plus que de l'huile, celle-ci s'éclaircit, devient translucide et ressemble à de l'huile d'olive. La potasse caustique à chaud forme avec l'huile de Calaba un savon jaune très soluble dans l’eau; la soude caustique et l’ammo- niaque liquide la transforment également en un savon dur, de cou- leur verte, très soluble dans l’eau; enfin, l’acétate de plomb donne un savon verdâtre, complètement oldhle dans l’eau. L'huile de C. inophyllum, connue en Océanie sous le nom d'Auïle de Tamanou, peut servir dans les arts, notamment en peinture, sur- tout lorsqu'elle a été débarrassée de la matière résineuse verte qui la colore plus ou moins, suivant l'état de maturité des amandes em- ployées. Au point de vue industriel, cette huile entre dans la prépa- ration de certains vernis gras et fournit, par la saponification, un savon jaune citron, aromatique, très dur et d'excellente qualité. L'huile de Calaba est aussi utilisée pour la trempe des outils en acier, auxquels elle communique un tranchant fin et doux. En lhérapeulique, elle passe pour posséder des propriétés calmantes dans la goutte et les douleurs rhumatismales. Sur la côte de Coro- mandel, on s’en sert pour guérir la gale; dans les autres parties de l'Inde, elle est employée en frictions pour calmer les douleurs articu- laires. M. H. Jouan dit cette huile bonne pour l'éclairage... et l’ali- mentation ? Les indisènes de la Nouvelle-Calédonie exposent les amandes au feu et en retirent une matière noire à l’aide de laquelle ils se dessi- nent des tatouages sur le visage, lorsqu'ils se préparent au combat. À Taïti, les naturels râpent les amandes pour parfumer, avec l'huile qui en sort, les teintures de Curcuma longa et de Morinda citrifolia, avec lesquelles ils colorent leurs étoffes. L'écorce du tronc du C. inophyllum renferme dans les crevasses et laisse écouler, à l’aide d’incisions, une résine jaune verdâlre, molle, d'une odeur agréable, qui reste longtemps fluide, mais finit, avec le temps, par se dessécher et devenir solide. Elie est alors friable, à cas- sure vilreuse, et possède une légère odeur de lavande et d’angélique. Cette substance est presque entièrement soluble dans l'alcool; la solution est d'un vert bleuâtre et laisse déposcr, par évaporation, une résine teintée de bleu; le liquide qui surnage est jaune et rougit le tournesol. Ce produit constitue le Baume vert de l'Inde ou Paume Marie des Antilles; c’est aussi le Tacamahaca des Indes orientales 878 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. des auteurs allemands et le Tacamahaca ordinaire ou Baume Focot de Guibourt. Plusieurs Calophyllum donnent également des résines analogues qui se distinguent par une coloration verte plus ou moins foncée, par une consistance plus ou moins ferme et par des réactions chimiques fort peu importantes. Leurs usages sont d'ailleurs les mêmes, c'est-à-dire qu’elles servent pour calfater les navires, panser les ulcères et cica- triser les blessures. | Le C. Calaba fournit le Baume vert d'Amérique et le C. Tacamahaka WiLLp. la résine connue sous le nom de Baume vert de Bourbon. Maximilien VANDEN-BERGHE. | La culture du Ricin au Sénégal et aux Etats-Unis. — Les baisses de prix si appréciables qui ont affecté depuis quelques années la majeure partie des produits coloniaux, a fait prendre une certaine extension à la cullure du Ricin, Æicinus communis au Sénégal. Les graines de cette plante qu’on suppose originaire de l'Afrique tropicale, fournissent une huile primitivement employée en thérapeutique, mais qui a depuis trouvé de nombreuses applications dans le graissage des machines, la fabrication des savons, celle des succédanés du beurre et la teinture des étoffes. Le promoteur de l'introduction de cette culture au Sénégal est un pharmacien de la marine à la demande duquel le gouvernement a accordé 12,000 francs. de subsides, destinés à faciliter les premières tentatives. En juin 1888, on semait 16,500 graines de Ricin, dans un terrain sablonneux et sté- rile, situé non loin de Saint-Louis. Malgré la sécheresse, on recueillit 200 kilogs de graines. Le produit de cette récolte fut distribué .à différents cultivateurs qui en ensemencèrent 19 hectares, et depuis cette époque si récente cepeudant, le Ricin a parfaitement fait son. chemin. Or éprouva tout d’abord quelques difficultés à vaincre les répugnances des indigènes qui ne comprenaient pas l'utilité du Ricin. Mais quand ils eurent constaté qu’on offrait un prix avantageux de ces graines, eb que les Arachides croissaient sans peine entre les pieds de Ricin, ils l’adoptèrent franchement. Les premiers essais avaient été surtout encouragés par les fabricants d'huile de Marseille et de Bordeaux, désireux de trouver un succédané à l’Arachide, dont la récolte est souvent fort aléatoire. Un hectare pro- duisait de 4 à 6,000 kilogs de graines valant, en 1888 et 1889, de 28 fr. 50 à 32 fr. 50 aux 100 kilogs rendus à Marseille. Les pieds de Ricin portent des graines pendant plusieurs années, sans exiger le moindre soin, et ils prospèrent jusque dans les sabies salés du littoral. Les vents du désert n’exercent aucune influence défavorable sur cette culture, qui ne trouve aucun ennemi dans le monde des in sectes. De plus, il n’y a pas. à s'occuper du renouvellement dela plan- talion, les graines tombées des capsules entr'ouvertes au moment de la CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 879 récolte suffisant au remplacement des pieds épuisés. Ces graines peu-: vent se charger en vrac sur les navires, ce qui simplifie les transports et diminue le fret, aussi le gouvernement a-t-il l’inteution de pousser au développement de celte culture en Algérie. Le gouvernement allemand, dont les colonies de la côte occidentale d'Afrique, Kameron et Togo, n ont qu'un produit d’exportation, les Arachides, constate avec une certaine inquiétude le résultat de ces expériences. La culture du Ricin a pris également un certain développement aux Etats-Unis, où ses graines sont populairement connues sous le nom de Fèves de Castor, Castor beans, et leur huile sous celui d'huile de Castor. Saint-Louis est le grand marché pour l'huile de Ricin aux Etats-Unis qui provient surtout de graines récoltées dans le Missouri, le Kansas, et l'Illinois, car cette plante ne peut supporter le climat des élats du nord, aux gelées trop hâtives. On avait primitivement donné plus d'extension à cette culture, mais on l’a peu à peu réduite aux seules régions où son succès est assuré. En 1879, le sud du Missouri,.le Kansas et l'Illinois possédaient 27,592 hectares plantés de Ricins ; en 1884, ce chiffre était réduit à 3,766 hectares. Cette diminution est également imputable au prix élevé que la main-d'œuvre a atteint aux Etats-Unis, or les capsules des.Ricins ne mûrissent pas simultané- ment, celles qui occupent une position moyenne arrivent à maturité bien avant celles du sommet, ce qui nécessite des récoltes fréquentes et successives, assez coûteuses étant donnée la hauteur des Ricins, qui varie de 3 à 10 mètres. On a l'intention aux Klats-Unis de pro- pager cette culture dans la Géorgie où le Ricin deviendrait vivace par suite de la clémence de l’hiver, ce qui permettrait d'économiser les frais annuels de l’ensemencement. Le Ricin prospère surtout aux Etats-Unis, dans les bonnes terres à Blé un peu sablonneuses, el par conséquent ne retenant pas l’eau. On sème sur ados, écartés de 2 môètres, les pieds élant séparés par un même intervalle de 2 mètres sur les ados. Tous les 12 ou 15 métres, on ménage un interligne de 2",69 pour le passage des voitures. Les graines de Ricin ayant une germination fort lente, les agriculteurs ont recours à différents procédés pour en réduire la durée. Les uns immer- gent ces graines dans l’eau chaude pendant un léger espace de temps, d’autres les laissent macérer plus longtemps dans l'eau froide. Les capsules récoltées sont exposées à l’action desséchante du soleil, sur des aires eu terre ballue, des toiles ou des planchers. Elles s'ouvrent alo:s en trois valves mettant les graines à nu. Le Ricin succède généralement au froment dans l’assolement du Missouri, et les hons cultivateurs récoltent de 16 à 19 hectolitres de graine à l’hectare, beaucoup moins par conséquent qu’au Sénégal. TE OZ VI. BIBLIOGRAPHIE. La Plume des Oiseaux, hisioire naturelle et industrie, par LacRoOIX-DANLIARE, 1 vol. in-16 de 250 p., avec 100 fig., cart. (Bibliothèque des Connaissances utiles). 4 francs. Librairie J.-B. Bail- lière et fils, 19, rue Hautefeuille, à Paris. Le nombre des oiseaux dont les plumes ou le duvet sont utilisés est considérable, il n’est pas si modeste volatilè qui ne trouve aujour- d'hui son emploi dans l’industrie du plumassier. Aussi l’auteur s'est-il attaché seulement aux principaux types de la faune ornithologique. De ces derniers, il a esquissé à grands traits la physionomie, les mœurs, l'habitat, le mode de propagalion et d'élevage ainsi que les moyens de capture et de destruction. Il a cherché à donner à chacun de nos oiseaux la place qu’il méritait en raison de son importance commerciale et industrielle. Quant au plan général, il est bien simple et découle, pour ainsi dire, de la nature des choses : il comporte, après un apercu sur quelques- uns des oiseaux producteurs de plumes utiles, la préparation et la mise en œuvre de leurs dépouilles, leurs différentes applications, les procédés qui servent à en assurer la préservation et ia conservation, la nomenclature des principaux marchés, l'état des prix de revient, enfin la situation du commerce d'importation et d'exportation qui se rallache à ces différents produits. La Pêche et les Poissons des eaux douces, descriplion des poissons, engins de pêche, lignes, amorces, etc., par ARNOULD LocarD, 1 vol, in-16 de 350 p., avec 150 figures, cart. (Bibliothèque des Connaissances utiles). 4 francs: Librairie J.-B. Baillière et fils, 19, rue Ilautefeuille, à Paris. Il ne suffit pas de jeter dans l’eau une nasse, un épervier, une ligne quelconque, pour en retirer du poisson. Il faut savoir à quelle sorte de poissons on peut avoir affaire ; or, cela ne s’oblient qu après une élude suivie des caraclères propres à chacune des nombreuses espèces qui composent notre faune ichtyologique. Il importe ensuite d'en bien connaître les mœurs, les habitudes, le genre de vie pour ar- river à se rendre un compte exact de la nature des milieux où l’on aura la chance de les rencontrer. Tel est le but de la premiére parlie de cet ouvrage où sont décrites toules les espèces de poissons qui vivent dans nos eaux douces, fleuves ou rivières, lacs ou élangs. Dans la deuxième partie, on passe en revue la ligne et ses nom- breux accessoires, qu’elle soit fixe ou mobile, entre les mains du pê- cheur ou posée au bord de l’eau; on fait connaître la lougue série des diverses amorces ou appâts, susceptibles d'attirer le poisson ; enfin, on décrit tous les genres de pêche, non seulement avec toutes sortes de lignes, mais encore avec d’autres engins, lels que filets, nasses, tridents, elc. | G. DE GUÉRARD. Le Gérant : JULES GRISARD. TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS MENTIONNÉS DANS CE VOLUME. ALBOUY. Opérations de pisciculture aux laboratoires de Quillan et de Gesse, 198, 538 706. Annales de l'Extréme-Orient. Un jar- din d'essai au Congo, 75. ArTaus (Maurice). Action du froid sur les êtres vivants, 246, 321. ASSINARE. À propos de l'exposition ornithologique de Bâle, 544. AUDEVILLE (A. D’). Procès-verbaux. — Sections. Séance du 29 avril 1891, 858. BarRAU DE MuraTEez (de. Sur un cas de superfétation, 786. BERTHOULE (Am.). Rapport au nom de la Commission des récom- penses, xXxv. — Production du Safran en France, 146. —- La Thonara de Sidi-Daoud, 177. — Saumon de Californie, 292. — Pisciculture, 538, 791, 858. — Destruction de la Caille, 793. — Production des éponges, 859. — Procès-verbaux. — Sections. Séance du 18 mars 1891, 538. — Bibliographie La pisciculture en eaux douces. — La pisciculture en eaux salées, par A. Gobin, 240. | — Les Mammifères de la France, par M. A. Bouvier, 400. — Traité de zootechnie générale, par Ch. Cornevin, 559. BLaauw (F.-E.). Educations d’a- nimaux faites à S'Graveland en 1890, 86. Bocpanorr. Télégramme de félici- tations, 467. Brézoz (H.). Le procès des Moineaux aux États-Unis, 16, 488. —— Produits de la volaille en Dane- mark et en Hongrie, 100. — Le bétail sauvage de l’Indo-Chine, 154. 20 Juin 1891. Brézor (H.). Les Corneilles améri- caines, 236. — Les Loups en Europe, 307. — Importation d'oiseaux en Améri- que, 390. — Les fermes à volailles aux États- Unis, 418. î — La laiterie en Danemark, 473. — Les Cygnes des marais d’Abbots- bury, 476. — Le commerce des œufs en An- gleterre, 638. — Expériences américaines sur les Vaches laitières, 716. — Les fleurs dans le mid:, 720. — Canards en Chine, 798. — Les Poneys des Shetlands, 866. Brisay (le marquis de). Les oiseaux de volière en Bretagne, 584. CHappeccier (P.). Cultures d’Igna- mes, 21, 640. — Taille de la vigne, 556. — Ver blanc du Hanneton, 857. C'henit (Le). Oiseaux buveurs de sève, 13. — Saumons dans la Canche, 74. — Les Dindos du Kentucky, 75. — La nourriture du Saumon, 237. — Abondance de Carpes dans l'Etat de New-York, 308. — Le Laurier de Pompéi, 317. — Lâcher d'animaux exotiques dans la forêt de Marly, 716. CLayBrooKkE (J. de). Procès-verbaux. — Sections. Séance du 13 janvier 1891, 374. CLÉMENT. Procès-verbaux. — Sections. Séance du 17 février 1891, 537. — Le nid des Guêpes, 537. CRETTÉ DE ParLuELz. Poulets chas- seurs de Souris, 475. — Note sur le Loriot jaune, 734. — Les Cailles, 794. DarEsTE (D' Camille). Sur l’Onaye : du Gabon, 146. — Cobayes à longs poils, 146. 56 882 Daresre (D' Cam.). Sur un Cheval polydactyle, 635, 720. DauTREvVILLE. Analyse des œufs de Fourmis, 469, — Liqueur insecticide, 795. — Procès-verbaux. — Aviculture. Séance des 21 février et 7 mars 1891, 627. DEcaux. Insecte nuisible aux Pom- miers et aux Poiriers, 421. Decroix. Chevaux de l’armée, 793. Farzou (J.). Le Ver blanc ; le Ver à soie de la Ramie, 374. — Corise du Mexique, 468, 537. — Abeille maçonne, 537. — ]nusectes nuisibles, 795, Foresr. Autrucherie à créer dans le sud algérien, 855. Gaurier (Gaston). Les Tamarix, 707. GEorrroy SainT-HiLaire (Alb.). Al- locution prononcée à la 32% séance publique annuelle, x1v. — Ouverture de la session, 143. — Cobayes à longs poils, 146. — Mort de M. Kichard {du Cantal), 465, — Lettre à la Société d’Acclimata- tion de Moscou, 467. — Sur l'éjointage, 468. — L'exposition de la Section d’Avi- culture, 790. — Œuf de Cane monstrueux, 791. — Elevage des Autruches, 792. — Alimentation des jeunes Cigognes, SON GEroniMo (Nicolas di). Sur un Che- val polydactyie, 635. GrisarD (Jules). Procès-verbaux. — Séances générales. Séance du 19 décembre 1890, 143. — 6 février 1891, 369. — 3 avril 1891, 786. — 17 avril 1891, 789. Le 187 mai 1891, 854. — 15 mai 1891, 856. — Procès-verbaux. — Sections. Séance du 20 janvier 1891, 375. 24 février 1891. 627. — 1 avril 1891, 859. — Le Baobab, 76. — Sur l’Onave du Gabon, 1417. — Le .Myrte piment, 159. | — Le Karité ou arbre à beurre d’A- frique, 312. — Le Taro ou Colocasse comestible, Se REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. GrisarD (J.). Le Manioc et sa fécule, DDC à — L'Alboufier, 799. | — Chronique des Sociétés savantes, 1505230901 8867 — et VANDEN-BERGHE ( Maximilien). Les bois industriels, indigènes et exotiques, 39, 201, 427, 608, 820. GuérarD (G. de Bibiiographie. La plume des oisvaux, par Lacroix- Danliard, 880. — La pêche et les poissons des eaux douces, par Arnould Locard, 880. GuErne (baron J. de). Corise du Mexique, 289. — Travaux de M. Héron-Royer, 293: —. Pisciculture et pêche, 358, 858. GuizcaumiN. Race porcine Craon- naise. 790, Hépiarp. Topinambour de la Mar- tinique, 371. — Produits coloniaux, 627. Héron-Royer. Le Discoglosse du nord de l’Afrique, 509. Huer Je). Les Bordés MAROE Huer fils. Résistance au froid de quelques auimaux du Muséum, 468. Jardin zoologique d’acclimatation. Chroniques, 65, 148, 228, 297, 376; Jourpaix (S.). Les pares à Huitres de Saint Vaast -la- Hougue, D16. Jousser DE Bezcresme (D'\, Accli- matation et multiplication du Saumon de Califorme, 594. Ke Bulletin. Le Ver à soie de la Ramie, 799. Kranrz (Cath.). Les métis entre le Bouc et la Brebis. 71. — L’Apiculture dans les environs de Vlatikavkaz (Caucase), 309. — Les Pigeons et l’agriculture, 388. — La pêche en Finl:nde, 754. — La Tortue Caspienne dans les en- virons de Moscou, 871. — Aviculture en Russie, 874. Laron D’ J.-J.). Cheptels de Lo- phophores. et (Colombes poi- gnardées, 291. — Influence du Coq sur la ponte des Poules, 534, 706. TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS. | 883 LaFrOURCADE (Paul). Outardes, Plu- viers et Vanneaux, 89, 401, 670, 801. LE Fort (D' Léon). De l'élevage des Dindons sauvages américains, 561. Lépinay (de). étangs, 818. Loz (J.). Le Gambier et le Canai- ane, AT. == L'Oie à à cravate, 155. — Les Saumons dE l'Alaska, 3 390. — Repeuplements artificiels en Mo- rues et en Homards, 471. — Les Noisettes, 719. — L'industrie de poussins en Égyp- te, 798. — Culture du Ricin au Sénégal et aux Etats-Unis, 878. Mac-Donazr. Sur le Salmo purpu- ratus, 312, Macaun Dp’AuBusson. Notes de voyage en Ég gypte, 566. — La chasse de la Caille en Égypte, 668. Marces (Ch.). Sections. Séance du 23 décembre 1890, 294. = 30 décembre 1890, 295. REA 3 février 1891, 468. GE 14 avril 1891, 793. — 24 avril RSS — Le Ver blanc et le ue de carbone, 374. — Les Cailles, 794. — Sur diverses plantes, 860. Marion (A.-F.). Effets du froid sur les poissons marins, 709. Maruias (G.). Rapport au nom de la Commission de comptabilité, LII. MÉGxin. Corise du Mexique, 289. — Éjointage, 468. — Verminière, 795. MéÉnarp (D' St-Yves). Rapport sur les travaux de la Société en 1889 et 1890, xvt. — Procès-verbaux. — Poe géné- rales. Séance du 9 janvier 1891, 218. — 23 janvier 1891, 289. — 29 février 1891, 465. = 6 mars 1891, 533. — 20 mars 1891, 705. — De la croissance des animaux, 445. Exploitation des Procès-verbaux. — Mexupter (D'). Les Sojas et le pain des diabétiques, 546. Mevners D'Esrrey (le D'). Le Se- reh, 67. — Culture de la Cochenille aux Ca- naries, 231. — Quelques essences de Surinam, Ë 303. — Culture du Poirier au Malabar, 383. — Le Jute du Bengale, 540. — Diffusion et imbibition, 861. MiLNE-Epwarps (A.). Influence des grands froids sur quelques-uns des animaux de la ménagerie du Muséum, 241. Morning News. Les oiseaux des ma- rais aux Etats-Unis, 869. MuEzzer (baron vou). Végétaux aus- traliens, 372. NaupiN (Ch.). Sur le Koudzou et le Sacsaoul, 370. — Variations climatériques en Eu- rope, 641. Orcer (d’). Le Cheval à travers les anes OMS ParLLieux. Sur divers végétaux, 627, 859, 860. — et Bois (D.). Le Matambala au Gabon-Congo, 684. Pays-Mezrier (G.). Sur les élevages faits au parc de la Pataudière, 659. | Périsse. Œufs de fourmis artificiels, 146. PERRIER (Edmond). Discours pro- noncé à la séance d’ouverture de la Section d’aviculture, 81. Pester Lloyd. Exportation des Mou- tons de Hongrie, 712. Pgrir (Julien). Industrie des Oranges et des Citrons en Italie, 48. — Les parasites des insectes nui- sibles, 155. — Le rôle de l’acide formique secreté par les Abeilles, 238. — La Betterave et la Canne à sucre, 262. — Terrapines américaines, 717. — Crocodiles voyageurs, 798. — Les Pommes au Canada, 837. Pharmaceutical Journal. Culture de la Menthe poivrée en Amérique, 3116 — Comment nous recevons les pro- duits pharmaceutiques, 393. 884 REVUE DES SCiENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Prcnor (Pierre-Amédée). La faucon- nerie d'autrefois et la faucon- nerie d’aujourd’hui, 52, 124, 26. — La lutte de l’homme contre les animaux, 687, 712, 841. — Parasite des Sauterelles, 857. — Le Mara, 857. Pierre (D'). Hygiène et médecine des animaux, 151, 386, 470, 632, 796. Pron (E.). Le concours général agri- _ cole, 215. — Etude sur le Mouton africain, 481, 645. — Le concours hippique de 1891,624. R. La Société chez les animaux, par le D' Paul Girod, 318. — Travaux de M. Gadeau de Ker- ville, 319. Raverer-Warrez (C.). Expositions internationales de pêche d'E- dimbourg et de Londres, 103, SH Reicx (Louis). Les Tamarix et leurs applications, 362. Revue horticole. Culture de Cam- phriers dans la Floride, 317. RoGEron (Gabriel). Palmipèdes. Trait de mœurs, 219. Saint-Louis Globe Democrat. Les Go- phers, 306. SainT-Loup (Remy). Sur la classifi- cation des races de Poules, 174. 590. — Procès-verbaux. — Aviculture. Séance du 21 janvier 1891, 293. nus 24 janvier 1891, 225. Séance du 27 janvier 1891, 226. — 7 février 1891, 296. — 21 mars 1891, 629. SAUVAGE (H.-E.). Sur la nourriture . de quelques poissons de mer, 32. — Époque de la ponte de quelques poissons de mer, 258. ScHOMBURGK. Cultures diverses en Australie méridionale, 525. SHARLAND. Our les animaux vivant dans le parc de la Fontaine- Saint-Cyr, près Tours, 571. Sport (le). La chair d’Anguille comme nourriture des Faisans, 74, TEGETMEIER. Le transport des œufs, 474. Ussère, Les Tamarix, 787. VANDEN-BERGHE (Maximilien). L'Ar- racacha, 78. — L'Arachide souterraine, 156. — L’'Inule ou Aunée officinale, 238. — L’Upas Tieuté des Javanais, 314. —— Le Vomiquier Noix vomique, 396. — Les Anones et leurs fruits, 477. — Le Genêt d'Espagne et sa toile, Dh — L'arbre à baume de Tolu, 639. — Huile et résine de Calaba, 876. VARENNES (Ernest). Passage de Grues, 221. Vipon (Joseph). Saumon Quinnat et Truite Arc-en-ciel, 30. VizsoucHevitTCx (J.). Le Peuplier de l’Euphrate, 763. VirmoriN (H. de'. Sur divers végé- taux Op SDUr Yvoire (Baron d’}. Sur le Zapallito et le Kaki, 292. FIN DE LA TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS. INDEX ALPHABÉTIQUE DES ANIMAUX MENTIONNÉS DANS CE VOLUME. GÉNÉRALITÉS. Apiculture, 309-312, 716. Aviculture, 223-227. 296, 627-629, 790, 874-876. Concours général agricole, 215-217. Croissance des animaux, 445-464. Fauconnerie, 52-64, 124-142, 265-288. Insectes, 537, 794-795. Laiterie, 473-474, Mammifères, 65, 294, 400, 716. Œufs, 100-102, 474-475, 638-639, 791. Œufs artificiels de Fourmis, 746-753. Oiseaux, 65-66, 73-74, Oiseaux d’eau, 575 Oiseaux de proie, 575. Pêche et pisciculture, 103-116, 177-197, 295, 318-319, 390, 468-469, 584-590. -516, 869-871. 240, 351-361, 538-539, 154 162, 818-819, 858-859, 866, 880. Plume, 880. Poissons de mer, 32-38, 258-261, 108. Poules (classification), 174-176, 297, Volailles, 100-102, 418-420. Abeille, 151-152, 238. Abeille maçonne, 537. Agouti, 581-582, 665. Alpaca, 581. Anguille, 74. Anthonomus pomorum, 421-426. Antilope, 86-87, 149, 2429, 243-244, 580, 661. Autruche, 569-570, 791-792, 855- 856. Bernache, 87-88. Bison, 3-4, 344-346. Blaps, 153 Bœuf, 348-350. — musqué, 346-348. D rayel 91H — Gour, 12-13. — Sondaïque, 13-15. Bouc, 11519, 202: Bos, voy. Bœuf. — equinozialis, 331-338. \ Bos Caffer, 338-340. — Harveyi, 341, — triceros, 341-343. nr DUMUUS, 343-942. Bovidés, 1-15, 154-155, 334- 350. Pracon variator, 425-496. Brebis, 71-73. Buffle, 7-9. Cacatois, 5717, 578. Cagou, 377. Caille, 668-670, 793-794. Caille de Madagascar, 65. Canards, 378, 569, 798, 870-871. Carpe, 308. Casoar, 299-300, 573. Cerf, 87, 148, 244-945, 659-661. Cervule, 580, 660. Chacal, 582. Cheval, 161-173, 624-626, 631, 635- 637, 120, 121-733, 115-116, 186- 7187, 192, 866-869. 886 Chèvre, 665. Chien, 148, 382, Cobaye, 666. Cochenille, 231-234. Colin, 88, 299. Colombe, 291, 378-319, 570. Coq. Voy. Poule. Corisa, 289-290, 468, 537. Corneille, 236-237. Coypu, 582, 666. Criquet, 630. Crocodile, 798-799. Cygne, 88, 220-221, 378, 466, 476- 477. 466, 115-776. Daman, 87. Dindon, 75, 561-565, 569. Discoglosse, 509-515. Echassiers, 371. Faisan, 74, 298. Faucon, 52-64, 124, 142, 265-288, 567-568. Flamant, 575. Garäe-bœuf, 574. Gazelle, 580, 661-662. Gnou, 466. Goura, 578. Grue, 65-66, 221, 376, 572-573, 851. Guépard, 777-1780. Guêpe, 537. Guignard, 89-99, 401-417. Hanneton, 857. Héron Goliath, 376. Elocco, POÈE Homard, 477. Huître, ni Huîtrier, 376-37 Ibis, 376, 574. Tcerya, 155. Jabiru pe Kangurou, 87, 228-229, 581, 662- 663. Lama, 664. Lapin, 381-382. Lophophore, 291. Loriot jaune, 734-745. Loup, 307. 698-704. Loutre, 666. Mammouth, 690. Mara, 228, 581. Marmotte, 666. Moineau, 16-29, 488-508. Morue, 4771. Mouette, 371. Mouflon, 664. Mouton, 382, 481-487, GMT 645-658, REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Myopotame, 582, 666. Nandou, 87, 299, 574. Nyctereute, CCE Oies, 88, 378, 568-569, 576, 116. Oie à cravate, 155-156. Otarie, 228. Paon, 297-298. Passereaux, 379. Pélican, 377. Pénélope, 299. Perdrix, 299. Perroquets, 65, 379-380, 576-577 Perruche, 577-578. Phascolome, 663. Phthiriase, 470-472. Pic, 73-74. Pigeon, 388-390. Pigeon Goura, 379. Pimpla graminelle, 495. Pingouin du Cap, 377. Pluvier, 89-99, 401-417. Porc, 301-302, 382, 790. Porc-épic, 589. 665. Poule, 475-476, 534-536, "sue -D45, 568, DOS 593, 106, 198, 874-876. Poule Se D14. Poux, 386-387, 470-472. Processionnaire, 152-153. Rana versicolor, 293. Renne, 660, Ricins, 386-387, 470-472. Salmo. Voy. Saumon. purpuratus, 312-373. Sarcelle, 870-871. ar, TARDE de Californie, 30-31, 198- 200, 594-607, 706. Serpentaire, D75. Singe, 582-583, 667. Souris, 475-476. Syngamus trachealis, 632-634. Tatou, 665. Taureau, 182-785: Terrapine, 717-718. Thon, 177-197. Tortue, 871-874. Tragopan, 298. Truite arc-en-ciel, Vache, 716-717. . Vanneau, 671-683, 801-817., Ver à soie, 374, 7199. — blanc. 374. — Toute, 032-6092 Mb Vak, 334-337. Zèbre; 290, 242% Zébu, 4-7. 30-31. INDEX ALPHABÉTIQUE DES VÉGÉTAUX MENTIONNÉS DANS CE VOLUME. GÉNÉRALITÉS. Jardin d'essai àu Congo, 75-76. Expositions horticoles, 235. Végétaux, 375, 393-396, 525-539, 627, 720, 860. Végétaux (action du froid), 324-333. Acacia, 312, 3175. Adansonia, 16-78. Aliboufer, 799-800. Alsodéia, 611, 612. Anona, 427-429, 471-480. Anonacées, 427-444, Aphloria theeformis, 616. Apophyllum anomalum, 611. Arachide, 156-159, < Arb:e à baume de Tolu, 639-640. — à beurre, 312-314. Aromadendron, 201202. Arracacha, 78-79. Asimina triloba, 444. Aunée, 238-239. Azara microphylla, 616. Badiane, 203-205. Baobab, 76-78. Barklak, 302. PBassia Parkii, 312-314. Betterave, 262-264. Pignonia, 303. Bixa oreliana. 616. Bixacées, 612-617. Bocagra, 429. Bolletrie, 303. Brosimum, 304. Bruinhart, 303. Pursaria spinosa, 619. Calophyllum, 825-834, 876-8178. Camphrier, 317. Canaigre, 123. Cananga odorata, 429-430. Canne a sucre, 67-70, 262-264, 861- 865. Capparis, 608-609. Capparidacées, 608-611, Cercidiphyllum, 202. Cerfeuil bulbeux, 627. Chicorée 859-860. Citronnier, 48-51. Olusia, 834-835. Coccoloba, 620-621. Cochlospermum gossypium, 616. Coleus tuberosus, 684-686. Colocase comestible, 391-393. Copaifera, 304. Cratæva, 609-610. Cratozylon, 820-823. Curateile d'Amérique, 41-42. Dicostygma, 835-836. Dillenia, 42-47. Dilléniacées, 41-47. Drimys, 202-203. Duquetia, 431 Enanthia chlorantha, 444. Eucalyptus, 150. Euptelea, 214. Flacourtia, 613-614. Grambier, 117-193. Geelhart, 303. Genêt, 555. Groenhart, 303. Halozylon ammodrendron, 371. Haronga Madagascariensis, 823. Hibbertia, 41. Hydnocarpus, 616-617. Hymenea, 303-304. Hypericum, 823-824. Igname, 521-524, 640. 883 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Illicium, 203-205. Poivre de la Jamaïque, 159-160. Inule, 238-239. Poivrier, 383-385. Jatropha Manihot, 552-554. Polyalthia, 435. Jute, 540-543. Polygonacées, 619-622. Kaki, 292. Pommier, 837-840. Karité, 312-314. Pueraria Thunbergiana, 370 371. Kochia melanocoma, 372-373. Purperhart, 304. | Konatepie, 304. Qualea rærula, 623. Koudzou, 370-371. Ramie, 374. Letitia hirtella, 617. Ricin, 878-879. Laurus, 317. Rollinia, 444. Lecythis ollaria, 303. Rumex hymenosepalum, 123. Lentille de Grèce, 375. Ruprechria, 622. Letterhout, 304. Sacsaoul, 371. Liriodendron, 205-206. Safran, 145-146. Locus, 304-305. Sageræa, 435-436. Lucuma mammosa, 303. Soja, D46-551. Ludia, 614-615. Strophanthus 147. Maerua Angolensis, 611. Styraz officinale, 199-800. Magnolia, 206-210. Syringa Japonica, 860. Magnoeliacées, 201-214. Talauma, 213. Manglietiu 210-211. : Tamarir, 362-368, 707, 181. Maranta juncea, 371. Topinambour de la Martinique, 371. Manioc. 552-554. Strychnos, 314-316, 396-399. Matambala, 684-686. Taro, 391-393. Melycytus ramiflorus, 612. Topinambour, 302. Menthe, 316-317. Trigoniastrum hypoleucum, 622. Michelia, 211-212. Trisema, 41. Miliusa, 431-433. Trochodendron, 214. Mitrephora, 433-434. Truffe, 230. Wora excelsa, 304. Tuber, 230. Morisonia Americana, 610-611. Tulipier, 205-206. Myrozylon toluifrra 639-640. Unona, 436-440. Myrte piment, 159-160. Upas tieuté, 314-316. Nectandra, 303. Uvaria, 440-441. Noisetier, 719-720. Vigne, 556-558. Onaye, 146, 147. Violariées, 611-612. Oranger, 48-51. Vismia, 824-825. Orophea, 434. Vochysia, 623. Oxandra, 434-435. Vochysiacées, 622-623. Pangium edule, 615. Vomiquier Noix vomique, 396-399. Peto, 304. Vouacupoua, 303. Peuplier de l'Euphrate, 763-771. Xanthophyllum, 622. Piratinera, 304. Xylopia, 441-444, Pittosporum, 617-619. Zapallito, 292. Pittosporacées, 617-619. Zygogynium, 214. FIN DE L'INDEX ALPHABÉTIQUE DES VÉGÉTAUX. TABLE DES MATIÈRES DOCUMENTS RELATIFS À LA SOCIÉTÉ. Organisation pour l’année 1891. D Sato D D. 22 centaine Le ce | Délégués de la Société en France et à l’étranger.................. VIT RéommSsionidepublicattons. 4... .1. 4, .1a ut. VII = dECheplelS prete. el ue PR CCE à VII = des finances. 1.0 501. LORS RSS NES Rire à VII Tr HHÉCQNO ES LATE AR ne ENS ER ER ee VII htlipermanente des récompenses. :...........01...)...1.. VIII RADARS EC HONS M A ln. du Nan di lie cale VIII Trente-quatrième liste supplémentaire des Membres................ De TRENTE-DEUXIÈME SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION Discours prononcés à la séance. A. GEOFFROY SAINT-HiLAIRE. — Allocution..................... XIV D° Sarnt- Yves MénarD. — Rapport sur les travaux de la Société Gt 1680 et ÉCIUESMRMERPRR PRE EPP DRE PR EN ENTREE enr) XVI Am. BERTHOULE. — Rapport au nom de la Commission des récom- penses. 1... DE re PNUD Re O6 UN DAC PAPE VAE ANR TEE XXV G. Maruaias. — Rapport au nom de la Commission de comptabilité. . LIT GÉNÉRALITÉS. PERRIER (Edmond). — Diseours prononcé à la séance d'ouverture de ÉRSEtHonEd A QuiCuIRUre EPS APE AN MANS TR an ne 81 Braauw (F.-E.). — Note sur les éducations d'animaux faites à S’Gra- veland en 1890........ DER bide dead AT A SRRNEULE PNEUS ANR UE 86 : Mizne-Epwarps (A.). — Pine des grands froids sur quelques-uns des animaux de la Ménagerie du Muséum..................... 241 ARTHUS (Maurice). — Action du froid sur les êtres vivants. ..... 246, 321 St-Louis Globe Democrat. — Les Gophers........................ 306 890 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. SarnT-Yves Ménarp (D'). — De la croissance; application de son étude à l'élevage et à l’amélioration des animaux................ 445 Brézoz (H.):—"lalaiterie en Danemark PEER ES NE 4T3 TecerMetEr (W.-B.). — Le transport des œufs.................. AT 4 Macau p’AuBusson. —-Notes de voyage en Égypte............. 566 SHARLAND. — Rapport sur les animaux qui vivent dans le parc de la Hontaine-Saint- Cyr, près l'ours. LP ee US CDI re Brézoz (H.). — Le commerce des œufs en Angleterre. ........... 638 Naunin (Ch.), de l’Institut. — Variations climatériques en Europe... 641 Picaor (Pierre- Amédée). — La lutte de l’homme contre les animaux (conférence) Lit 70 Re RL CULTR AEINIREErRR 684; 712,874 Parisse Ni ufs arupciels de RourmIS RP EE UPS 146 PREMIÈRE SECTION. — MAMMIFÈRES. Huer (Ji). Les Bovidés 20 See ER PRE EE SPReE 1, 334 KRanTz (C.). — Les métis entre le Bouc et la Brebis..........,.... 71 BrézoL (H.). — Le bétail sauvage de l’Indo-Chine................ 154 Orcer (G. d’). — Le Cheval à travers les âges.............. 161,481 BRézoz (.): "Les Loups en Europe RE PAPIER PRESS 307 Pron (E.). — Étude sur le Mouton africain ................. 481, 645 GEroniMo (Nicolas di). — Sur un Cheval polydactyle.............. 635 Daresre (Dr Camille). -— Observations sur le même sujet...... 635, 120 Pays-Mezcier (G.). — Sur les élevages faits au parce de la Pataudière, en 1890750422 0R RE MEN RTE PRE DRAM PT TR NE PRREE 659 Pester Eloyd. — Exportation des Moutons de Hongrie............. 112 Le Chenil. — Animaux exotiques lâchés dans la forêt de Marly...... 116 Brézoz (H.). — Expériences américaines sur les Vaches laitières... 716 = — Les Poneys des Shetlands........... Del PES A 866 DEUXIÈME SECTION. — OISEAUX. Brézor (H.). — Le procès des Moineaux aux États-Unis........ 16, 488 Prcmor (Pierre-Amédée). — La fauconnerie d'autrefois et la faucon- nemed'aujourdhui4{contérence) 14 PRIVE MERE 4 59141900) HeNChenis— Oiseaux buveursidesèven ESA ERENEERELERE TERRE 43 Le Sport. — La chair d'Anguille comme nourriture des Faisans...... 74 Le Chen Mes Dindons dutKentucky. 12 LUN CETTE 15 LarourcADE (Paul). — Outardes, Pluviers et Vanneaux. 89, 401, 671, 801 Brézor (H.). — Produits de la volaille en Danemark et en Hongrie. 100 Loz (J.).=—-L'Oieà'eravatess FEES Led anses it LPS 155 Sainr-Lour (Remy). — Classification des races de Poules...... 474:591 Beézor (H-) = Les Corneilles américaines 4/24 lt OR EE 236 Kaanrz (C.).— Tes Pigeons et l’agriculture. 4%, CHEN x. 388 Brézor. (H.). — Importation d'oiseaux d'Amérique.............. at-il NE — Les fermes à volailles aux États-Unis............ AIS CRETTÉ DE PALLUEL. — Poulets chasseurs de Souris.............. 475 Brézoz (H.). — Les Cygnes des marais d’Abbotsbury............ AT6 TABLE DES MATIÈRES DU PREMIER SEMESTRE. 891 ASsiNARE (Fr.). — À propos de l'exposition ornithologique de Bâle.. 544 Le Forr (D' Léon). — De l'élevage des Dindons sauvages américains. D61 Brisay (marquis de). — Les oiseaux de volière en Bretagne pendant D D OR uit Ce OMR UN dE 584 Macau» D’AUBUSSON. — La chasse de la Caille en Égypte......... 668 RME ONE dANS RU ŒUP ne. eu 4 Le duge coes «= ce cent. - die 716 CRETTÉ DE PALLUEL. — Note sur le Loriot jaune................ 134 A C'anards en Chine... 4.2.1... .....4. 0e, 198 Loz (J.). — L'industrie des Poussins en Égypte................. 198 Brézor {H.). — Les oiseaux des marais aux États-Unis........... 869 Kranrz (C.). — Décadence de l'aviculture en Russie, moyens à RE LOESOn Tel VEMENEs ie à. «du sue os: wo o à sie e egen eee 874 TROISIÈME SECTION. — AQUICULTURE. Vipon (Joseph). — Saumon Quinnat et Truite Arc-en-ciel. ......... 30 SAUVAGE (H.-E.). — Sur la nourriture de quelques poissons de mer.. 32 Le Sport. — La chair d'Anguille comme nourriture des Faisans...... 74 Le Chenil. — Saumons dans la Canche............ PRE Ne 7 RavereT- WaTrTEL (C.). — Rapport sur les expositions internationales dénéche d'Hdimbaurgeet, de Londresa.ssn mms loemesoc 103, 354 BerTHouze (Amédée). — La Thonora de Sidi-Daoud.............. 177 ALBOUY. — Opérations de pisciculture aux laboratoires de Quillan et La Gusss (ROOMS MNT ERA ARE TE RER 198 PARC Nourriture du! Saumon...) . adieu va ele 237 SauvaGE (H.-E.).— Époque de la ponte de quelques poissons de mer. 258 Le Chenil. — Abondance de Carpes dans l’État de New-York....... 308 Bon) Lcs Saumons del'Alaska:.:...:1..4! 0)... 390 Loz (J.). — Repeuplements artificiels en Morues et en Homards..... 477 Héron-Royer. — Le Discoglosse de l'Afrique septentrionale. ....... 509 Jourpais (S }. — Les parcs à Huîtres de Saint-Vaast-la-Hougue.... 516 Jousser DE BELLESME. — Acclimatation et multiplication du Saumon A Qi A Ni Me. Ad dint. 594 Ps lulien) = Ulerrapines américaines. 2,1: 2 y rl (0) =) Laspêche en Finlande4i. 4. ....41,1.4 30 PART 154 PenmiCiulien) == Crocodiles voyageurs. ,4,..,..44:.4.. 1.41... 198 LÉpiNay (DE). — Exploitation des étangs.............. RL ARTE 818 KranTz (C ). — La Tortue caspienne dans les environs de Moscou... 871 QUATRIÈME SECTION. — INSECTES. Perir (Julien). — Les parasites des insectes nuisibles............. 155 Mevwers D'EsTRey (D'). — Culture de la Cochenille aux Canaries.. 231 Perir (Julien). — Rôle de l'acide formique secrété par les Abeilles... 938 KRAnTz (C.). — L'apiculture dans les environs de Vladikavkaz..... 309 DEcaux. — Insecte nuisible aux Pommiers et aux Poiriers.......... 421 Kew Builetin. — Le Ver à soie de la Ramie...................., 799 892 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. CINQUIÈME SECTION. — VÉGÉTAUX. Grisarp (Jules) et VANDEN-BERGHE (Maximilien). — Les Bois indus- triels indigènes etexoliques LECLERC TUE 38, 201, 427, 608, 820 Perir (Julien). — Industrie des Oranges et des Citrons en Italie..... 48 Mevners D'Esrrey (D' H.). — Le Sereh, maladie de la Canne à SUCTO CLR GUN CM ÉMTO RAS LHC DRE EE DES AR RE ES ER Re 67 Annales de l'Extréme-Orient. — Un jardin d’essai au Congo........ 75 GrisarD (Jules). — Le Baobab (Adansonia digitata)..... te tas OO 16 VANDEN-BERGHE (Max.). — L’Arracacha....................... 18 Loi). Le Gambiertet le lCanaigre MERE ECO REC 14 VANDEN-BERGHE (Max.). — L’Arachide souterraine. .............. 156 GrisarD (Jules). — Le Myrte piment ou poivre de la Jamaïque..... 150 VanDEN-BERGHE (Max.). — L’Inule ou Aunée officinale............ 238 Pgrir (Julien). — La Betterave et la Canne à sucre............... 262 Meyxers D’EsrRey (D' H.). — Quelques essences de Surinam. ..... 303 GrisarD (Jules). — Le Karité ou arbre à beurre d'Afrique.......... 312 VANDEN-BERGHE (Max.). — L'Upas tieuté des Javanais............ 314 Pharmaceutical journal: — La culture de la Menthe poivrée en Amé- rique 0 61120 DO RAR AN EE RO ET ER EEE 316 Revue horticole. —:Culture de Camphrier dans la Floride........... san LefCheml = \LerLeurer(de Pompe EE RNME CEE EN CEA EEE 317 Rgicx (Louis). — Les Tamarix et leurs applications. .............. 362 Meyners D'EsTrey {D'}.— Culture du Poivrier au Malabar........ 383 Grisarp (Jules). — Le Taro ou Colocase comestible. .............. 391 Pharmaceutical journal. — Comment nous recevons les produits phar- maceuliques exotiques PEL ENMPEE PCR PR PPT EN ENPE PEE PRET TT 393 VANDEN-BERGHE (Max.). — Le Vomiquier Noix vomique........... 396 = Les Anones et leurs fruits ............. 477 CHAPPELLIER (P.). — Cultures d’Ignames................... 521, 640 SCHOMBURGK. — Cultures diverses en Australie méridionale. ........ 525 Mevyners D'Estrey (D'). — Le Jute du Bengale................. 540 Mexnuptrer (D' A.). — Les Sojas et le pain des diabétiques. ......... 546 Grisarv (Jules). — Le Manioc et sa fécule...... 1 EL MIN TERRE D52 VANDEN-BERGHE (Max.). — Le Genêt d'Espagne et sa toile ........ 555 CrarPezuier (PP) = Tailleide laine, PME CN NES 556 VAanNDEN-BERGHE (Max.). — L'arbre à baume de Tolu............. 639 Pairzieux et Bois. — Le Matambaäla, introduction et propagation au Gabon-Congos\'ates DÉMARRER MN MER ARIANE 684 Loz (9): :— "Tes Noiseltes 4 MMS OR LE EE 719 Brézos (H.). — Culture des fleurs dans le midi de la France. ....... 120 VizBoucaeviTCx (J.). — Le Peuplier de l'Euphrate............... 163 GrisanD (Jules). — L’Aliboufier (Szyrax officinale). ............... 199 Perir (Julien). =— "Les Pommes au Canada... 837 Mevyxers D EsTrey {D'}. — Canne à sucre. Diffusion et bon 861 VANDEN-BERGHE (Max.). — Huile et résine de Caïaba............. 876 Loz (J.). — Culture dn Ricin au Sénégal et aux États-Unis. ....... 878 TABLE DES MATIÈRES DU PREMIER SEMESTRE. EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. Séances générales. Procès-verbal. de la séance du 19 décembre 1890................. 2 janvier février — DETENTE ns DRAC CIE EC ET EC EEE ICECTACEC etoile eMolrotler a fetes ete are celle oflell ol et où slefohenler miettes sMetlshla el 1e Pen slot ol alle. she e Mal elea) steleol etrehiet ee tee Mere Tel aliet ste) eleb alle ne alto eee ep ele amet hel ele etehobialits CHONORONCAL A OMC TE GO UC Séances des Sections. 4e Section. — Mammifères. Séance du 23 décembre 1890. — AMC avril 01894; 2. Section. —- Oiseaux. Séance du 30 décembre 1890. — S ofévrier 1801. — OH avril — , Section spéciale d’uviculture. Séance du 21 janvier 1891... — DE), — nn. LS DR Le — 1 février — ... — Lie = £ — HMOMATS E—— à. — 214 — EN 294 7193 5° Section. — Agquiculture. Séance du 18 mars 1891.... _ DOTavrile SE 4° Section. — Insectes. Séance du 13 janvier 1891... — 17 février — ... — 24 mars — ... 52 Section. — Végétaux. Séance du 20 janvier 1891... — 24 février — ... — 7 avril — ... JARDIN ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. CONTES 2 MAMAN NE OR RER CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. Société nationale d'Horticulture de France....................... ÉMPAOCIIPIdES, SCIEN COS RM Re nn eee deu sen 230, 381 Société nationale d'Agriculture de France ....................... Société de Géographie de Paris..... ss ns HYGIÈNE ET MÉDECINE DES ANIMAUX, GRADE QUES APP PNR ANT, 65, 148, 298, 297, 393 143 218 289 369 465 933 105 186 189 824 856 316 150 7109 301 630 151, 386, 470, 632, 796 894 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. EXPOSITIONS ET CONCOURS. Pion (E.). — Vue d'ensemble sur le concours général agricole... .... 215 Les expositions horticoles du Jardin d'Acclimatation............... 235 Exposition d'animaux de basse-cour au Jardin d’Acclimatation....... 4T3 —1 Lagricoleret”horticolerde Mantes Pr re PRE ETS 473 Pron (E.). — Coup d'œil sur le concours hippique en 1891 ........ 624 Concours! de volailles a Houdan LL Le Ver ee A DRE à 716 Sorieté:centrale d'apicultures Re ee APN TE tee 716 Fxpositionyde peche de Bale Pre EP ERP PAPER EE 866 BIBLIOGRAPHIE. La pisciculture en eaux douces. — La pisciculture en eaux salées, par A. Gobin.s.... seras MARS AP ner ER PRO 240 La Société chez les animaux, par le D' Paul Girod................ 318 Les mammifères de la France, par M. A. Bouvier................. 400 ‘ Traité de zootechnie générale, par Ch. Cornevin.................. 559 La plume des oiseaux, histoire naturelle et industrie, par Lacroix- Däanliards. tea ER DSC LR ORNE ER ER 880 La pêche et les poissons des eaux douces, par Nocard............. 800 Ouvrages ofierts a la /bibhothèque ee ere Ter 80, 319, 320 FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES. TABLE DES GRAVURES Affût à l’Aurochs gravé sur corne de Renne........... 695 Éd One... .,... 281 Te 1... .. 280 Æmazone a cheval: . … ......1 161 Anderson (John), fauconnier .. 135 Autour prenant un Lièvre .... 276 Bête du Grévaudan, d’après une ravie dei 17164... ....... 699 Es d Amérique... .......: 345 LIEU LUNA 463 Bœuf domestique (race nor- mande)... 348 — — (race flamande). 349 ae 0 10 ==, (GOUT EN CREER 19 RISQUE... .. .. 347 IS NMAIQUEr 2... . 14 UE OHENCS 0 r ....... 11 — Zébu de Madagascar... 6 Bosegamarials. .. ........ 337 — Caffer (mâle)........... 339 — — (femelle) ......... 340 ES... 343 A COS RU due. à 342 Eultede indé. :.::....... 8 == _ Vars Arhes -... 9 nie 1e 10, 0 121 Caricature par H. de la Bêche. 688 Carte de la répartition du Moi- neau aux États-Unis....... 08 — de l’acclimatation du Sau- mon de Californie dans le Has dela Seine:.112. 4 601 Aéhation a Guépard........1. 118 Charles le dompteur......... 844 Cheseman (Robert), fauconnier dethienrs VIIT.2,,6 00 _127 Cheval. Type lybien..... 167, 728 Cormorans anglais ..,....... 286 Course de Taureaux dens les arènes d'Arles. 4 RE 183 Criquets s’abattant sur une fermesentElonorie. RE 849 Crocodile et Pluvier ......... 415 Cuves pour la cuisson des ROSE TOR 195 Dénichage d'Autours au Japon. 273 Dindons sauvages........... 263 Discoglosse à oreilles. ....... 512 HquipasenBisher Peer 282 == denNt Mann 70 283 == du major Watson... 285 Fauconnerie (intérieur et exté- PEUT UNE) UP MN 126 — Miniatures du roi Modus. 58, 59 Fauconnier de Champagne.... 142 Fauconnier et page.......... 125 Fleming (de Barochan) et son ÉQUIDASE Pa Te 133 Gardien de Taureaux de Ca- margue et sa chatto........ 184 Graphiques de croissance des animaux. 447,448, 449, 451, 4592 mer HOMMES 40 NES 454 Guépard saisissant sa proie... 779 nr SUR Sd pDROIe Ve Ne 119 Indiens se rendant à la chasse. 778 Jambes d’un Cheval polydac- CRUE ER RE PHONE CRT 635 Mammouth d'Adams......... 690 Mhrtimpledompteur..#"#"#" 843 Nattanzas (Lai, Sr ta 189 MOURUT ue SPAS 461 Nid de Loriot jaune ......... 142 Pèlerin prenant un Canard.... 277 Pie-grièche sur son observa- TORRES a 269 Pièges à Faucons....... 268, 269 — Moineaux.. 500, 501, 502 896 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Pompéianus à cheval......... 129 POTCS. 25e 8 à LACET 462 Pou suceur du Chien ........ 381 Prise du Héron......... COINS Riein (du Chien Per RE 386 —\ des gallinacés... 472 Séchoir de têtes de Thons.... 192 Sidi-Daoud (vue générale).... 179 Stéle d'Abizar. RANCE PERS 122 Thorton (le colonel)......... 131 Tigres au Tonkin, attaque d’un poste francais PAPE ERTE 697 Usine de Sidi-Daoud (arrivée des \Thons):.. rer en 193 Vanneau huppé (mâle et fe- melle}:. LV, 2,006 Reel Végétaux. Effets du froid. 324,325, 321, 328, 052 Ver rouge (Syrgamus) 632, 633, 634 Vertèbre de Renne percée d’une pointe de silex "22000 693 Molidu ETÉérOn PA ere 137 Yaks, d’après Rosa Bonheur... 335 Zébu du'Sénéral. (ICONE 5 — de Madagascar......... 6: Zimbre:(Ile de) 1:10 185 FIN DE LA TABLE DES GRAVURES. ANGES HUTURELLES APPLOUÉE … SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE A PARAISSANT A PARIS LES 5 ET 26 DE CHAQUE MoI5% % 2 À ———— { 4 À 38° ANNEE # N° 1. — 5 Janvier 1891 Premier Semestre AU SIÈGE SOCIAL DE LA SOCIUTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE #1, RUE DE LILLE, 41 PARIS SOMMAIRE B, Travaux ndressés à la Société, J. HUET.— Les Bovidés...........°.... hrs LATE H. BREZOL. — Le procès des Moineaux aux Rats Une (suite). : M Joserx VIDON. — Saumon Quinnat et ‘lruite arc-en-ciel...,....,.... H.-E. SAUVAGE. — Sur la nourriture de quelques Ps de mer (3° nOle)ERAMMIERRe ÉCRIT Juzes GRISARD th Nate VANDEN-BERGHE. — Les Bois industriels indigènes et exotiques en Juzien PETIT. — Industrie des Oranges et Citrons en Italie, .......,... PrERRE- AMÉDÉE PICHOT. — La Fauconnerie d'autrefois et la Fauconnerie d'aujourd'hui... pee eee etes. 0ee eee ose. ee 0e + 0 . 318. Jardin zoologique d’Acclimatation du Bois de Boulogne Chronique asser ee eee CL ET eee 0e et os e EEE, Chronique des Colonics cé des Pays d'outre-mcr. Le Sereh (Maladie de la Canne Sucre) PR EPP : EV. Chronique généralc ct faits divers. Les métis entre le Bouc et la Brebis....... à ire Os INC Te CURE : Oiseaux MOAGEE S Idée sève... EME EEE PERRET En om Et MORE Gide DD: 1500 0 à 0) don do as dound a ARTE à Les Dindons du Kentucky. - — Un jardin d? essai au Cong A in co Le Baobab. PRE due Ro CRE RO Se de RTE Pet L’Arracacha ............. - ser HÉDAReR PE CD dote ee ; ‘ Ouvrages offerts à la Bibliothèque de la Société......................... = CONSEIL D'ADMINISTRATION BUREAU Président, M. Albert GEOFFROY SAINT-HILAIRE (%#), di- recteur du Jardin zoologique d’Acclima- tation du Bois de Boulogne. Vice-Présidents. MM. Léon LE FORT (0. ÿ#), membre de l'Académie de médecine, prolesseur à la Faculté de médecine. De QUATREFA AGES (GC. %\, membre de l’Enstitul (Académie des sciences) et de la Sociélé nationaie d'agriculture, professeur au Muséum d'histoir. naturelle. Le marquis de SINÉTY, preprictaire. Léon VAILLANT (ÿ). ‘docteur en médecine, Pro eU au Muséum d'histoire natu- relle. * Secrétaire-général. . Amédée BERTHOULE. avocat à la Cour d'appel, docteur en droit. membre du Comité eon- sullatif des pêches maritimes. Secrélaires. MM. &. DUPIN (). Secrétaire pour l’intérieur, ancien inspecteur des chemins de fer. CG. RAVERET-WAT TEL ($), Srcrétaire du Conseil, cheï de bureau au ministère de la guerre, Saint-Yvecs MÉNARD (Y), Secrétaire des Seances, médeein-vétérinaire, docteur en médecine, professeur à FEcole centrale des arts et manufactures. membre de la Sociétécentralude médecine vétérinaire. védée PICHOT. Secrétaire pour l'étran- directeur de la Revue brilannique. BUREAU (suite). Trésorier. M. Ccoe MATHIAS, propriétaire. Archivisle-Bibliothécaire, M. MAGAUD D’AUBUSSON, avocat, docteur eb droit. MEMBRES DU CONSEIL MM. Camille DARESTE, docteur ès sciences et ce médecine, directeur du laboratoire de 16 ratologie à | Ecole pratique des hautes études, A. GRANDIDIER (3%), membre “e l'Institut, (Académie des HR VOYASQUT Nalu- « raliste. à LABOULBÈNE (0. X), professeur à la Facul- té de médecine, de médecine. $ Edouard MENE (%), docteur en médecine, mé- decin de la maison de santéde Saint-Jean du-Dicu. Le docteur Joseph MICHON, ET préfet. A. MILNE EDWARDS (O. à l'Académie Ge médecine, Muséum d'histoire naturelle. # Constantin PAUL (%), cocteur en médecine, « membre de l'Académie de médecine, mé- degin des hôpitaux. Aug, PAILLIEUX. propriétaire. Edmond PERRIER (3), professeur au Muséum d'histoire naturelle. Edgard ROGER {%), conseiller référendaire à la Cour des Comptes. Le marquis de SELVE 3%), propri“iaire. Henry de VILMORIN. (0 3%). membre dela Soriété nalhouale d’a-riculture, ancien membre du Tribunal de comnmcrce de la Seine. membre de l’Académie L %, membre dé ‘@ Pinstitul Académie des selences) ct de professeur au SLIENCES NATURELLES APPLIQUÉES PUBLIÉE PAR LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE PARAISSANT A PARIS LES 5 ET 20 DE CHAQUE MOIS ———— 38° ANNÉE Ne Ma O Janvier ; LSSE Premier Semestre AU SIÈGE SOCIAL DE LA SOCIRTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 41, RUE DE LILLE, 41 PARIS ru SOMMAIRE Evmoxp PERRIER. — Discours prononcé à l'ouverture de la session de la Seclion.d'aquiculture eee RER RE SR UE. SI 8, Travaux ndressés à la Société, F.-E. BLAAUW. — Note sur les éducations d'animaux faites à S'Gra- veland en 1830 :%0 80cm RENE een ep ele € (is) PAUL LAFOURC ADE. — Outardes, "Pluviers et Vanneaux : - histoire natu- relle; mœurs ; régime; acclimatation (SUItO) LUE SN EVANS ER 8) BRÉZOL. — Produits de la volaille en Danemark et 5a Hongrie EERSES #00 C. Re AL WATTEL. — Rapport sur les Expositions internationales de pêche d’Edimbourg et de Londres {suite}. ........ URI A 103 J. LOZ. — Le Gambier et le Canaigre (matières tannantes)........ 114 Pignre- AMÉDÉE PICHOT. — La Fauconnerie d'autrefois et la Fauconnerie d'at'ourdiniASuite) Re Cere ARTE D JEU PAIEMENT LR EL ed 124 4. Extraits des procès-verbaux des séances de la Société. Séance-générale du 19 décembre ABS90 C2 RME RER PER 145 ERE. Chronique du Jardin zoologique d'Acclimaéntion............... ..... 148 EV. Chronique des Sociétés savantes ....,.... ...,... Jin APE APT TNA 150 V. Elygiène cé médecine des animaux Chronique Lie Sete 154 VE. Chronique genérale et faits divers. Le bétailsauvare-de lIndo=Chine eee TE RER 154 Les parasites des insectes nuisibles. — L'Oie à cravate ..... ..... 155 L'Arachidesoutenrainen tome Rene eee 156 Le Myrte piment ou Poivre dela Jamaique "eme 159 CONSEIL D'ADMINISTRATION Ù BUREAU BUREAU (suile). Président, Trésorier. M. Georges MATHIAS, proprictaire. M Albert GEOFFROY SAINT-HILAIRE (%), dr DES FE NE recteur du Jardin zoologique d’Acelima- Archiviste-Bibliothécaire. tation du Bois de Boulogne. M. MAGAUD D'AUBUSSON, avocat, docleur en roit. Vice- Présidents. pe MEMBRES DU CONSEIL MM. Léon LE FORT(O. #), membre de l'Académie üe médecine, professeur à la Faculté de MM. Camille DARESTE, docteur ès sciences et en médecine. Pe ÇQUATREFAGES (C. %), membre de l’Institut (Académie des sciences) et de la Sociélé nationale d'agriculture, professeur au Muséum d’ histoire naturelle. Le marquis de SINÉTY, propriétaire. Léon VAILLANT (ä), docteur en médeei ie, pro es es au Muséum d'histoire natu- reile, Secrélaire-général. Amédée BERTHCUL E, avocat à la Cour d'appel, docteur en droit. membre du Comité con- sullatif des pêches maritimes. Secrélaires. MM. E. DUPIN (%), Secrétaire pour l’intérieur, ancien inspecteur des chemins de fer. C. RAVERET-WATTEL (#), Secrétaire du Conseil, chef de bureau au ministère de médecine, directeur du laboratoire de té- ratologie à l'Ecole pratique des hautes études, À. GRANDIDIER (3% (Académie des sciences), raliste.. LABOULBÈNE (0. &), professeur à la Facul- té de médecine, membre Ge l’Académie de médecine. Edouard MÈNE (3%), docteur en médecine, mé- decin de la maison de santéde Saint-Jean- de-Dieu. Le docteur Joseph MICHON, ancien préfet, A. MILNE EDWARDS (O0. #), membre de PInstitut (Académie des sciences) et ce l'Académie Ge médecine, professeur aw Muséum d’histoire naturelle. Constantin PAUL (%), cocteur en médecine, membre de l'Académie de médecine, Wé- deein des hôpilaux. Aug, PAILLIEUX, propritaire. Edmond PERRIER (%), professeur au Muséum cb membre de l'Institut, , Voyageur natu- .. la guerre. d'histoire naturvlle. Saint-Yves MENARD (GX), Secrèélaire des Edgard ROGER (X), conseiller référendaire à Séances, médvcin-vétérinaire, docteur en la Cour des Comptes. médecine, professeur à l'Ecole centrale des arts ct manufactures, membre de la Société centralede médecine vétérinaire. .- Amédée PICHOT, Secrétaire pour l'élran- ‘ ger, directeur de la Revue brilannique. | Le marquis de SELVE 3%), propriétaire. Henry de VILMORIN (O. ÿ&), membre dela Soxiélé nationale d’asriculiure, ancien membre du Tribunal dc commerce de la Seine. SUNCES NATORELLES APPLIQUÉES PUBLIÉE PAR LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE PARAISSANT A PARIS LES 5 ‘ET 20 DE CHAQUE MOIS a 38: ANNÉE — N°3. — 5 Février 1891 Premier Semestre AU SIÈGE SOCIAL DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 41, RUE DE LILLE, Æ1 PARIS SOMMAIRE 5, Fravans rdressés à la Société, G. D'ORCET. — Le Cheval à travers les âges (dessins de Noll G. Fo (Suite) Tiers: RRQ NE PRE AR Ru. Le 162 RÉNY Dh LOUP. — Sur la classification des races de Poules (fre note). 25 cent Mens Re EE CRT 2e 0 Police lee ORNE Awénée BERTHOULE, — La Thonora de Sidi-Daoud....... 1.1.1. 177 ALB }UY.— Compte rendu des opérations de pisciculture aux laboratoires de Quillan et de (esse (1890) pour l’acclimatation du Saumon de Californie, 198 Juzes GRISARD et MaximiztEN VANDEN-BERGEHE. — Les Bois industriels indigènes et exotiquesi{Stite) mme Re En 201 EE, Chronique des expositions et concours. E. PION. EER. Extraits des — Vue d'ensemble sur le Concours général agricole.......... 215 procésverbaux des séances de la Société. Séance générele du 9 janvier 1891... IV. Extraits des procès-verbaux des séances des sections. Section spéc:ale d’'Aviculture pratique. — Séance du 2! janvier 1891. .... 223 V. Chronique du Jardin zoologique d'Acclimatation.,........................ 228 VE, Chronique des Sociétés savantes, Académie des Sciences...... se onbec: Jens eee et e-- C LRCE 230 VIE. Chronique des Colounies et des pays d'outre-mer. Culture dela Cochenmille aux Colonies 0e Rec A VIEI. Chronique genérale et faits divers. Les Expositions horticoles au Jardin d’acclimatation....... Di Les Corneilles américaines.......... ; EE PRES A0 fete se CO La nourriture du Saumon: M Ne TS re NP ste ue: RON Le rôle de l’acide formique secrété par les Abeilles, — L’Inule ou Aunée officinale. ......... ee. eee eee . e 0 e0ces ee e .. 238 EX. Bibliographie... ...... 0e .0e0e6090 9800009979 22.02 te 0e ee * « e 240 CONSEIL D'ADMINISTRATION BUREAU BUREAU (suite), rs M. G re i . Georges ropriétaire. M. Albert GEOFFROY SAINT-HILAIRE (%#), di- $ des recieur du Jardin zoologique d’Acclima- Archiviste-Bibliothécaire. tation du Bois de Boulogne. M. MAGAUD D'AUBUSSON, avocat, docteur en Vice- Présidents. Léon LE FORT (0. #), membre de l’Académie de médecine, professeur à la Faculté de médecine. De QUATREFAGES (C. %<), membre de l’Institut (Académie des sciences) et de la Société nationale d'agriculture, professeur au Muséum d'histoire naturelle. Le marquis de SINETY, propriétaire. Léon VAILLANT (%). docteur en médecine, pote au Muséum dise naiu- relle MM. Secrétaire-général. M. Amédée BERTHOULE, avocat à la Cour d’appel, docteur en droit. membre du Comité con- sultatif des pêches maritimes. Secrétaires. MM. E. DUPIN (%), Secrétaire pour l’intérieur, ancien inspecteur des chemins de fer. C, RAVERET-WATTEL ($#), Secrélaire du Conseil, chef de bureau au ministère de la guerre. Saint-Yves MÉNARD CH), Secrétaire des Séances, médecin-vétérinaire, docteur en médecine, professeur à l'Ecole centrale des arts et manufactures, membre de la Sociétécentralede médecine vétérinaire. P.-Amédée PICHOT, Secrétaire pour l’étran- ger, directeur de la Revue britannique. droit. MEMBRES DU CONSEIL MM. Camille DARESTE, docteur ès sciences et en médecine, directeur du laboratoire de té- ratologie à l'Ecole pratique des hautes études. A. GRANDIDIER (39), membre de l’Institut, (Académie des Sciences), voyageur natu- raliste.. LABOULBÈNE (O0. &), professeur à la Facul- ié de médecine, membre de l’Académie de médecine. Edouard MÈNE (#), docteur en médecine, mé- decin de la maison de santéde Saint-Jean- de-Dieu. Le docteur Joseph MICHON, ancien préfet. A. MILNE EDWARDS (O0. #), membre de l’Institut (Académie des sciences) et de l'Académie de médecine, professeur au Muséum d'histoire naturelle. Constantin PAUL (3%), docteur en médecine, membre de l’Académie de médecine, né decin des hôpilaux. Aug. PAILLIEUX, propriétaire. Edmond PERRIER (X), professeur au Muséum d'histoire naturelle. Edgard ROGER (%), conseiller référendaire à la Cour des Comptes. Le marquis de SELVE (%), propriétaire. Henry de VILMORIN (O0. %), membre de la Société nationale d'agriculture, ancien membre du Tribunal de commerce de la Seine. REVUE DES SUIENCES NATURELLES APPLIQUÉES PUBLIÉE PAR LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE PARAISSANT A PARIS LES 5 ET 20 DE CHAQUE MOIS 38° ANNÉE —— © N° 4 — 20 Février 1891 . Premier Semestre AU SIÈGE SOCIAL DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 41, RUE DE LILLE, 41 PARIS SOM MAIRE . Fravaux ee à la Société. . MILNE-ED WARDS. — Influence des grands froids sur quelques-uns ie animaux.de. la Ménagerie du Muséum, EPP Re NN ee 249 Maurice ARTHUS. — Action du froid sur les êtres vivants. ...,........ 246 H.-E. SAUVAGE. — Epoque de la ponte de quelques Poissons de mer. 258 Juziin PETIT. — La Betterave et la Canne à sucre...............,.. "002 PrerRE-AMÉDÉE PICHOT. — La Fauconnerie d’autrefois et la Fauconnerie d’aujourd’hui {suite et fin) ....... Dot sr ne PU Dre EL COLE Sete MONS EE. Extraits des prorcés-verbaux des séances de la Société. Séance. générale du 29 Janvier 1OJIPE RE SCENE RE NES ee 289 EEI. Comptes rendus des séances des sections. : re section. — Séance du 23 décembre 1890.........:........... Re 0) 2e section. — Séance du 30 décembre 1890............... tr UE Section d'Aviculture pratique. — Séance du 7 février 1891......... .... 296 IV. Chronique du Jardin Zoologique d’Acclimatation,....,................... 297 V. Chronique des Sociétés savantes. Société. nationale d'agriculture de France.... .............. Ps cie 301 VI. Chronique des Coloaïes et des pays d’outre-mer. Quelques essences du Shrinam, 202 "ner UV Re ER 303 VIH. Chronique générale et faits divers. es Gophers ne Nr re Re AR ne AE Tee ue 306 Les Loups en Europe se RS aretrree D e e leNT NE Re RE EE ONE Abondance de Carpes dans État de New-York. .... SE SD 2H SEC 308 L'apiculture dans les environs de Vladikavkaz (Caucase})......... 3: 5 RO AUS Le Karité ou Arbre à beurre d'Afrique ..... de dose US Sue NN I RNS 312 L'Upas Tieuté des Javanais.............. SN ne D A AR ER 314 La culture de la Menthe poivrée en Amérique ..... PR PR ot Culture de Camphnets'dans la Floride "TE nee ere Re POI Le Paurnerde Pompes te rer "2e RE a SC HE 317 VIRL. Bibliographie. ....... se ee Homer eee ne DU Be 2 PUR ST a SA EE STE 318 Onvrages offerts à la Bibliothèque de la Soie UE NP EE Su a RARE 320 CONSEIL D'ADMINISTRATION BUREAU BUREAU (suite). Président. AU, M. Gcorges MATHIAS, propriétaire. M. Albert GEOFFROY SAINT-HILAIRE ($#), di- recieur du Jardin zoologique d’Acclima- Archiviste-Bibliothécaire. tation du Bois de Boulogne. M. MAGAUD D’AUBUSSON, avocat, docteur en droit. Vice-Présidents. MM. Léon LE FORT (0. #), membre de l’Académie MEMBRES DU CONSEIL de médecine, professeur à la Faculté de MM. Camille DARESTE, docteur ès sciences et en médecine. médecine, directeur du laboratoire de té- De QUATREFAGES (CG. %), membre de ROSE à l'Ecole pratique des hautes l’Institut (Académie des sciences) et de la etu Société nationale d'agriculture, professeur A. GRANDIDIER (%), membre de l’Inslitut, au Muséum d'histoire naturelle. iQ des Sciences), voyageur natu- Le marquis de SINÉTY, propriétaire. raliste.. ; Léon VAILLANT (3%). docteur en médecine, LABOULBEÈNE (0. #), professeur à la Facul- professeur au Muséum d'histoire natu- té de médecine, membre Ge l’Académie relle. de médecine. Secvétaire-général. Edouard MENE (%#), docteur en médecine, mé- decin de la maison de santéde Saint-Jean- de-Dieu. . Amédée BERTHOULE, avocat à la Cour d'appel, Le docteur Joseph MICHON, ancien préfet. docteur en droit, membre du Comité con- A. MILNE EDWARDS (O0. #), membre de sultatif des pêches maritimes. l’Institut (Académie des Sciences) et de Muséum d'histoire naturelle. l'Académie de médecine, professeur au pérenne Constantin PAUL (%), Gocteur en médecine, MM. E. DUPIN (#), Secrétaire pour l’intérieur, membre de l’Académie de médecine, iné- ancien inspecteur des chemins de fer. decin des hôpilaux. C. RAVERET-WATTEL (%), Secrétaire du Aug, PAILLIEUX, propriétaire. Conseil, chef de bureau au ministère de Edmond PERRIER (%), professeur au Muséum la guerre. d'histoire naturelle. Saint-Yves MÉNARD (%), Secrélaire des Edgard ROGER (%), conseiller référendaire à Séances, médecin-vét rinaire, docteur en 5 la Cour des soie médecine, professeur à l'Ecole centrale Le marquis de SELVE (3), propriélaire. des arts et manufactures, membre de Henry de VILMORIN (O. %), membre de la la Sociétécentrale de médecine vétérinaire. Société nationale d'agriculture, ancien P.-Amédée PICHOT, Secrétaire pour l’étran- membre du Tribuñhal de commerce de la ger, directeur de la Revue britannique. | -_ Seine. DES : SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES PUBLIÉE PAR LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE PARAISSANT A PARIS LES 5 ET 20 DE CHAQUE MOIS —— È À 38e ANNÉE Pr) Em NOUS ER Nbars : LS Premier Semestre AU SIÈGE SOCIAL DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 41, RUE DE LILLE, #1 PARIS SOMMAIRE B. Travaux adresses à la Société, Maurice ARTHUS. — Action du froid sur les êtres vivants (suite et fin}.. 321 J.'HUET.-— Les Bovidés {suilé et fin) ter RP 334 C. RAVERET-WATTEL. — Rapport sur les HÉxpositions internationales de pêche d'Édimbourg et de Londres (suite et fin) ....... ..,......... 391 Louis REICH. — Les Tamarix et leurs applications ; leur valeur au point de.vue duyreboiséement- 4. #10 PER RRRR de A RE ES 362 LI, Extraits des procès-verbaux des séances de la Société. Séance générale du 6 février 1891... PR RS RU ER D a. À Sn 369 EH, Comptes rendus des séances des sections. ) RE = es 4e section. — Séance du 13 janvier 1891.... ..... Re RNA ee SR eu SRE 5e section. —- Séance du 20 janvier 1891, .. ............ dede Co SM ANRONE 1Y, Chronique du Jardin Zoologique d'Acclimatation du Bois de Boulogne. Chronique de quinzaine. ..... SRE sde 0 ct RE ue A 376 V. Chronique des Sociétés savantes. — Académse des sciences... ......... .. 381 VE. Chronique des Colonies et des pays d’outre-mer. … Culture du Poivrier au Malabar. .. VII. Hygiène et médecine des animaux, RE PAM PR EE no a os 383 Chrome messe ES Me A Mn A A Can Lis 3806 VEIS. Chronique générale et faits divers, Les Piseons et l'agriculture 2 2e BU ce Importation d'oiseaux en- Amérique. — Les Saumons de Alaska. + 20 390 Le Taro ou Colocase comestible... ..... He dans dus etre De EC 391 Comment nous recevons les différents produits pharmaceutiques exotiques. 393 Le Vomiquier Noix vomique....1....70. €. ee ei CE AR 396 Re lee ven be pare Do ne DE NE CI IX. Bibliographie ........ ROUE EE A CONSEIL D'ADMINISTRATION BUREAU Président. M. Albert GEOFFROY SAINT-HILAIRE (ÿ#), di- recteur du Jardin zoologique d’Acclima- tation du Bois de Boulogne. Vice- Présidents. Léon LE FORT (0. %#), membre de l’Académie de médecine, professeur à la Faculté de médecine. - De QUATREFAGES (C. %), membre de l’Institut (Académie des sciences) et de la Sociélé nationale d'agriculture, professeur au Muséum d'histoire naturelle. Le marquis de SINÉTY, propriétaire. Léon VAILLANT (3%). docteur en médecine, - pioise-A au Muséum d'histoire natu- relle. MM. Secrélaire-géenéral. . Amédée BERTHOULE, avocat à la Cour d'appel, docteur en droit, membre du Comité con- sultatif des pêches maritimes. Secrétaires. E. DUPIN (#), Secrétaire pour l’intérieur, ancien inspecteur des chemins de fer. C. RAVERET-WATTEL (%#), Secrétaire du Conseil, chef de bureau au ministère de la guerre. Saint-Yves MÉNARD C4), Secrélaire des Séances, médecin- vétérinaire, docteur en médecine, professeur à lEcole centrale des arts et manufactures, membre de la Société centralede médecine vétérinaire.’ P.-Amédée PICHOT, Secrétaire pour l’élran- ger, directeur de la Revue britunnique. MM. BUREAU (suile). Trésorier. : M. Georges MATHIAS, propriétaire. Archiviste-Bibliothécaire. M. MAGAUD D’AUBUSSON, avocat, droit. MEMBRES DU CONSEIL Camille DARESTE, docteur ès sciences et en médecine, directeur du laboratoire de té- ratologie à l'Ecole pratique des hautes études. A. GRANDIDIER (%#), membre de l’Institut, (Académie des Sciences), voyageur nalu- raliste. LABOULBÈNE (O té de médecine, de médecine. Edouard MENE (), docteur en médecine, mé- decin de la maison de santéde Saint-Jean- de-Dieu. Le docteur Joseph MICHON, ue préfet. A. MILNE EDWARDS (O0. #), membre de l’Institut (Académie des sciences) et de l'Académie de médecine, professeur au Muséum d'histoire naturelle. Constantin PAUL (%), docteur en médecine, membre de l'Académie de médecine, iné- decin des hôpitaux. Aug, PAILLIEUX, propriétaire. Edmond PERRIER (%), professeur au Muséum d'histoire naturelle. -- : Edgard ROGER (3), conseiller référendaire à la Cour des Comptes. Le marquis de SELVE (5), propriétaire, Henry de VILMORIN (O0. #&), membre de la Société nationale - d'agriculture, ancien menane du Tribunal de commerce de la eine docteur en MM. . X), professeur à la Facul- membre de l’Académie REVUE o DES à SUIENCES NATURELLES APPLIQUÉES PUBLIÉE PAR LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE PARAISSANT A PARIS LES 5 ET 20 DE CHAQUE MOIS Pi s # DR 3 Le 5) Los 98° ANNEE À , JF Ce FA N°6 — 20 Mars 1391 7 ; Premier Semestre 0 LT OT De 0 © AU SIÈGE SOCIAL DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 41, RUE DE LILLE, Æ41 PARIS SOMMAIRE F, Travaux ndressés à Ia Société, Pau LAFOURCADE. — Outardes, Pluviers et Vanneaux; histoire nalu— relle, mœurs, régime, acclimatation (SUITE AT EURSE A ee à LUE 401 BRÉZOL. — ne “fermes à volailles aux Biats- Unis MAIN NES 418 DECAUX. — Insecte nuisible aux Pommiers et aux Po: riers : l'Anthonomus pomorum L.; ses mœurs, avec de nouvelles remarques sur sa nymphose; moyen rationnel de destruction, RNA ne CCE ae US is see 421 Jures GRISARD et MaxiMILIEN VA ANDEN-BERGHE. Les Bois dustriels indigènes et exotiques (suile).. SAR A a CR DE SU cie 427 Dr SAINT- Yves MÉNARD. — De la Croissance. Ho de son étude à l’élévage et à l’anélioralion des animaux eue RAC On 445 LE. Extraits des procès-verbaux des séances de la Société. é Séance générale du 29-févrien 1891P PER Een Fi gré UE 1 ORNARSReRS 465 EEE. Comptes rendus des séances des sections. 2e section. — Séance du 3 février 1891...... ........ be SR NS TAC 50 HO LV, Hygiène cet médecine des animaux, CHIONQUE EEE EE PRE EC ER RE ee EE à déve si blos Va ea 470 V. Chronique générale ct faits divers. Exposition d'oiseaux de basse-cour. — Exposition egricole et ho:ticoite de. Mantes. — La laiterie au Danemark ...5,...... 0%, Lis TE TS RES Le trausport des œufs...... re SR Cr ER OO DS EE re Poulets chasseurs de Souris.......... M Reste elr NES SA CET ARE 47 Les Cygnes des marais d' Abbotsbury. TR A a te. sue 476 Repeuplements artificiels en Morueset en Ilomards, — Les Anones ct leurs fruits we ce’ sta oise :t 5 nel cherches je) 2e). ea eus 2... D 'Efeo teens. Canale eue louer 477 CONSEIL D ADMINISTRATION BUREAU Président. M. /ïbert GEOFFROY SAINT-HILAIRE (3), di- recteur du Jardin zoologique d’Aceclima- tation du Bois de Boulogne. Vice- Présidents. LCon LE FORT (O. ##), membre de l’Académie de médecine, professeur à la Faculté de médecine. De GUATREFAGES (C. 3%), membre de l'Institul (Académie des Sciences) et de la Sociélé nalionale d'agriculture, professeur au Muséum d'histoire naturelle. Le marquis de SINETY, proprictaire. Léon VAILLANT (#), docteur en médecine, DORE au Muséum d'histoire natu- relle. MM. Secrélaire-général. . Amédée BERTHOULE, avocat à la Cour d'appel, docteur cn droit. membre du Comité con- sultatif des pêches maritimes. Secrélaires. MM. E. DUPIN (%), Secrétaire pour l’intérieur, ancien inspecteur des chemins de fer. C. RAVERET-WATTEL ($#), Secrétaire du Conseil, chef de burcau au ministère de la guerre. Saint-Yvcs MÉNARD C#), Secrétaire des Séañces, médecin-vétérinaire, docteur en médecine, professeur à l'Ecole centrale des arts et manufactures, membre de la Société centralede médecine vétérinaire. P.-Amédée PICHOT, Secrétaire pour l'élran- ger, directeur de la Revue bril: innique. BUREAU f{suile). Trésorier. M. Gcorges MATHIAS, propriétaire. 2 Archiviste-Bibliothécaire. M. MAGAUD D’AUBUSSON, avocat, droit. MEMBRES DU CONSEIL Camille DARESTE, docteur ès sciences et en méuecine, directeur du laboratoire de té- ALBI à l'Ecole pratique des hautes ctudes A. GRANDIDIER (3%), membre de l'Institut, (Académie des Sciences), \oyageur natu- raliste.. LABOULBENE (0. %), professeur à la Facul- té de médecine, membre Ge l’Académie de médecine. Edouard MENE (%#), docteur en médecine, mé- decin de la maison de santéde Saiut-Jean- de-Dicu. Le docteur Joseph MICHON, ancien préfet. A. MILNE EDWARDS (0. x, membre de Pinstilut (Académie des sciences) ct ce l'Académie @e médecine, professeur au Muséum d'histoire naturelle. Constantin PAUL (%), cocteur en médecine, membre de l'Académie de médecine, iuné- decin des hôpitaux. Aug. PAILLIEUX, propriétaire. Edmond PERRIER (4%), professeur au Muséum d'histoire naturelle. Edgard ROGER (3%), consciller référendaire à la Cour des DORE Le marquis de SELVE (%), mens laire. Henry de VILMORIN (0. à %), membre de la Soxiclé nalionale das HiCulLure, ancien membre du Tribunal de commerce de !a Seine. docteur en MM. SUIENCES NATURELLES APPLIQUEES PUBLIÉE PAR LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE PARAISSANT A PARIS LES 5 ET 20 DE CHAQUE MOIS 38: ANNÉE — RO RSR A ri LS OL Premier Semestre AU SIÈGE SOCIAL DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 41, RUE DE LILLE, 41 | PARIS SOMMAIRE EF. Travaux ndressés à In Société, E.-PION. "Etude surdleMouton ttc ER ee AS1 HLBREÉZOI = UE procès des Moineaux aux Ktats- are Isuite et fin)... 488 HÉRON-ROYER. — Le Discoglosse du nord de l'Afrique (Discoglessus auritus H.-R.) et son acclimatation én France ere nee DIRES 509 S. JOURDAIN. — Les. parcs à Huitres de Saint-Waast-la— Houeue SOS Se Pate dose ete ne nee ee nee NE EN A PEU ED EEE 1100010 CHAPPELEIER:=—= Cultures dlsnames er me :- Wei SCHOMBURGK. — Cultures diverses en Australie modonnle LEE 525 IE. Extraits des procès-verbaux des séances de la Société. Séance générale du 6 mars 1891 702 EN EEE RER 333 FEH, Comptes rendus des séances des sections. 4e section. —'Séance du lL ÉVMeRMeNIER PEN RE n : 337 Section d’'Aquiculture, — Séance du 18 mars 1891 .... ........ ..... 538 V. Chronigue des colonies et des pays d'outre-mer. Le Jute‘du. Béngale, 42 0 EPS RE ee Fa 040 V. Chronique générals et faits divers, À propos de l'exposition ornithologique de Bile. ................ J44 Les Sojas etile pain des (AabÉques APE NE d46 Le Mantoc et sa fécule 22m ee PR ANR OR EE D02 Fe Genêt d'Espagne et Sani ee MR EN D09 Taille dela. Vienne. ENONCE ANR EN PRE EN EE 390 NI: Bibliographie... 220 00800 OO MERE CC CSS PEER ETES 59) CONSEIL D'ADMINISTRATION BUREAU Président. M. Albert GEOFFROY SAINT-HILAIRE (#), di- recteur du Jardin zoologique d’Acelina- talion du Bois de Boulogne. Vice- Présidents. Léon LE FORT (O. ÿ#£), membre de l'Académie de médecine, prolesseur à la Faculté de médecine. De QUATREFAGES (C. 2%), mémbre de l’Institut (Académie des sciences) et de la Société nationale d’agricullure, professeur au Muséum d'histoire naturelle. Le marquis de SINÉTY, propriétaire. Léon VAILLANT (%). docteur en médecine, Mot au Muséum d'histoire nalu- relle. MM. Secrélaire-général. . Amédée BERTHOULE, avocat à la Cour d'appel, docteur en droit. membre du Comité cn: sultatif des pêches maritimes. Secr'élaires. E. DUPIN (3%), Secrétaire pour l’intérieur, ancien inspecteur des chemins de fer. _C. RAVERET-WATTEL ($#), Secrétaire du Conseil, chef de bureau au ministère de la guerre. Saint- Yves MÉNARD C&), Secrélaire des Seunces, médecin-vétérinaire, docteur en médecine, professeur à l'Ecole centrale des arts et manufactures, membre de la Sociétécentralede médecine vélérinaire. P.-Amédée PICHOT, Secrétaire pour l'élran- ger, directeur de la Revue brilannique. \MIM. BUREAU (suile). Trésorier. M. Georges MATHIAS, propriétaire. Archiviste-Bibliothécaire. M. MAGAUD D’AUBUSSON, avocat, droil. MEMBRES DU CONSEIL Camille DARESTE, docteur ès sciences el en médecine, directeur du laboratoire de té- ratologie à l'Ecole pratique des hauies études. A. GRANDIDIER (3% x), membre de l'Inslilut. (Académie des Sciences), voyageur nalu- ralisie.. LABOULBÈNE (0. à té de médecine, de médecine. Edouard MENE (%#), docteur en médecine, mé- decin de la maison de santéde Saint-Jean- de-Dieu. Le docteur Joseph MICHON, ancien préfet. A. MILNE EDWARDS (O0. X&), membre de l’Institut (Académie des seienccs) ét ce l'Académie de médecine, professeur au Muséum d'histoire naturelle. Constantin PAUL (%), cocteur en médecine, nembre de l’Académie de médecine, iné- decin des hôpitaux. Aug, PAILLIEUX, propriétaire. Edmond PERRIER (%), professeur au Muséum d'histoire naturcile. Edgard ROGER (%X), conseiller référendaire à la Cour des LORS Le marquis de SELVE (%), De laire. Henry de VILMORIN (0. à X%), membre de la Société nationale d'a “riculture, ancien membre du Trbunal de commerce de l2 Seine. docteur en M. X), professeur à la Facul- membre ce l’Académie REVUE SUIENCES NATURELLES APPLIQUÉES PUBLIÉE PAR LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE PARAISSANT A PARIS LES 5 ET 20 DE CHAQUE MOIS 38° ANNÉE INOTSrT DOMRA vrrl 25 \ > Q à] \ % & #] A Premier Semestre NE CL ÉUtn| \ On &, p + ge) C2: LL» 45 ©: «11 ras AU SIÈGE SOCIAL DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D’ACCLIMATATION DE FRANCE 41, RUE DE LILLE, 41 PARIS SOMMAIRE EL. Travaux ndressés à la Société, Dr Léon LE FORT. — De Mélevase des Dindons sauvages américains, 561 MAGAUD D’AUBUSSON. Notes de voyage en Ée eypte ART 2 566 SHARLAND. — Rapport sur les animaux vivant dans le parc de la Fontaine-Saint-Cyr [près Tours) entre le 1° novembre 1390 oct le Aer avril 1801.06 Re Re A OR ES 571 Marquis DE BRISAY. — Les Oiseaux de volière en era pendant l'hiver 1890-91. ..... see décret EU TI AN RASE 5S4 Rémy SAINT-LOUP. — Se a Classification dés. races de Poules {2e note). 591] Dr JOUSSET pe BELLESME. — Acclimatation et multiplication du Saumon de Californie (Salinmo Quinnat) en France et nn dans le bassin de la Seine pendant la période 1885-1890. Jus SMART D9 % Juzes GRISARD et MaximiztenN VANDEN- BERGHE. — te Bois industriels indisgènes-el exoliques (suite). + MEME MSN EE RER 608 E. PION. — Coup d'œil sur le Coneours hippique de 4S91............ ... 624 LE. Extraits des procés-verbaux des séances des sections. . be section. — Séance du 24 février 1891... Section d'A viculture Éiai que —_ Séances des 22 février et 21 mers Rage 1EF3, Chronique des sociétés savantes. .… LV, Elygiéne et médecine des animaux. Chroniques. etre 3. Chronique géncralc et faits divers. Sur un Cheval polydactyle Le commerce des œufs en Angleterre L’arktre à Raume de Tolu »ee0 +0 ee. ee et. ee 0 6 8 0e + © © « « ete 2e 00. Se 9 ve se 00... Fee + > ee © ue 2e oo eme ms mo ee > + nn se en CONSEIL D'ADMINISTRATION BUREAU Président. M. Albert GEOFFROY SAINT-HILAIRE (%#), di- recteur du Jardin zoologique d’Aectima- tatiog du Bois de Boulogne. Vice- Présidents. MM. Léon LE FORT (O0. #), membre de l’Académie de médecine, professeur à la Faculté de médecine. le QUATREFAGES (G. 3%), membre de l’Institut (Académie des sciences) et de la Sociélé nationale d'agricullure, professeur au Muséum d'histoire naturelle. Le marquis de SINÉTY, propriétaire. Léon VAILLANT (%#), "docteur en médecine, professeur au Muséum d'histoire natu- relle. Secrélaire-général. Amtdée BERTHOULE, avocat à la Cour d ‘appel, docteur en droit, membre du Comité con- sultatif des pêches maritimes. Secrétaires. MAI. E. DUPIN (#), Secrétaire pour l’intérieur, ancien inspecteur des chemins de fer. _C. RAVERET-WATTEL (%), Secrétaire du Conseil, chef de bureau au ministère de la guerre. Saint-Yves MÉNARD (%), Secrélaire des Séances, médecin- vétérinaire, docteur en médecine, profcsseur à l'Ecole centrale des arts et manufactures, membre de la Sociétécentralede médecine vétérinaire. P.-Amédée PICHOT, Secrétaire pour l'étran- ger, directeur de la Revue britanniqgite. | BUREAU (suite). Trésorier. M. Georges MATBIAS, propriétaire. Archiviste-Bibliothécaire. M. MAGAUD D’AUBUSSON, avocat, docteur en droit. MEMBRES DU CONSEIL MM. Camille DARESTE, docteur ès sciences et en médecine, directeur du laboratoire de té- ralologie à l'Ecole pratique des hautes études. A. GRANDIDIER (%), membre de l'Institut, au dés sciences , Voyageur natu- aliste LABOULBÈNE (0 té de médecine, de médecine. Edouard MÈNE GS) docteur en médecine, mé- decin de la maison de santéde Saint- Jean- de-Dicu. Fe docteur Joseph MICHON, ancien préfet, . MILNE EDWARDS (OC. %), membre de l’Institut (Académie des Seiences) et de l'Académie de médecine, professeur au Muséum d'histoire naturelle. Constantin PAUL ÉK), cocteur en médecine, nembre de l'Académie de médecine, mné- decin des ‘hôpitaux. Aug, PAILLIEUX, propriétaire. Edmond PERRIER (3%), professeur au Muséum d'histoire naturelle. Edgard ROGER (3%), conseiller ré . [a Cour des ténipies Le marquis de SELVE (3), propriétaire, Henry de VILMORIN (O. %), membre de la Société nationale d'agriculture, ancien membre du Tribunal dc commerce de Ja Seine. . #), professeur à la Facul- membre &e l’Académie férendaire à REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES PUBLIÉE PAR LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE PARAISSANT A PARIS LES 5 ET 20 DE CHAQUE MOIS 38e ANNÉE No O0. — 5 Mai 1801 V4, © VTD. | de fe 4 Ne P8/T Premier Semestre : | le 1F0 A mm LT 0 M4 ds eu AU SIÈGE SOCIAL DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D’ACCLIMATATION DE FRANCE 41, RUE DE LILLE, 41 PARIS SOMMAIRE B. Fravaux adressés à la Société, : Ca. NAUDIN. — Variations climatériques en Europe..................... 641 E. PION. — Étude sur le Mouton africain (suite et fin) .....,....... 645 G. PA YS-MELLIER. — si les élevages faits au pe de. la Daudet en 4890... 54080 SRE PA ns NN ESC RE RS 659 MAGAUD D'AUBUSSON. — [a chasse de la Caille en Égypte . 4 668 Pauz LAFOURCADE. — Outardes, Pluviers et Vanneaux : histoire natu- relle, mœurs, régime, acclimatation (Suite) 2. AE MARS EN 7 OURS 671 PAILLIEUX et BOIS. — Le Matambala (Coleus tuberosus Ne ; intro- duction et propagation au Crabon-Congo TRE EE ANT RRECES 6S4 PiERRE-AMÉDÉE PICHOT. — La lite de l'homme contre les animaux (Gonférencerfaité le 132mars MST) TERRE RE 687 EE. Extraits des procès-verbaux des séances de la Société. Séance générale du 24 février 1891 ............ ren USE +5 sh EM 1HE, Chronique des sociétés savantes. Académie des sciences... ......... Re PEN ne ME De EEE Eee Cr LE) IV, Chronique étrangère. Exportation des Moutons de Hongrie.......... sed ee ne M RES er V. Chronique généralse et faits divers, Concours de volailles. — Société centrale d’Aviculture. — Animaux exotiques lâchés dans la forêt de Marly. — Deux Oisons dans un œuf. — Expériences américaines sur des Vaches laitières. ......... Roue 716 Lerrapines américaines. A0 Pen re Eee ER OT RU LE cn o T7, Les Noisettes re PP ER RER ARE HET SE SAR AE OU 2e OMR 119 Culture des fleurs dans le midi de la France. .............. 120 CONSEIL D'ADMINISTRATION BUREAU BUREAU ({suite). Fr M. G in . Georges , propriétaire. M. Albert GEOFFROY SAINT-HILAIRE (S), di- de de recteur du Jardin zoologique d’Acclima- Archiviste-Bibliothécaire. tation du Bois de Boulogne. M. MAGAUD D’AUBUSSON, avocat, dociéur en droit. Vice- Présidents. MM, Léon LE FORT(O. %#) HE A GUe r MEMBRES DU CONSEIL , on . membre de l’Académi de médecine, professeur à la Faculté MM. Camille DARESTE, docteur ès sciences et en médecine. médecine, directeur du laboratoire de té- De QUATREFAGES (C. %), membre de ne à l'Ecole pratique des hautes l’Institut (Académie des sciences) et de la CORRE: Société nationale d'agriculture, loue A. GRANDIDIER (%#), membre de l’Institut, Le marquis de SINÉTY, ropriétaire. raliste. Léon NAME NI AS de Du en ae LABOULBÈNE (0. %), professeur à la Facul- professeur au Muséum d'histoire natu- té de médecine, membre de l’Académie relle. » de médecine. Edouard MÈNE (#), docteur en médecine, mé- Secrélaire-général. decin de la maison de santéde Saint=Jean- de-Dieu. . Amédée BERTHOULE, avocat à la Cour d'appel, Le docteur Joseph MICHON, ancien préfet, docteur en droit. membre du Comité con- A. MILNE EDWARDS (O0. #), membre de sultatif des pêches maritimes. l’Institut (Académie des sciences) et de l'Académie de médecine, professeur au Muséum d'histoire naturelle. Secrétai PR ACIQUTES: Constantin PAUL (%), cocteur en médecine, MM, E. DUPIN ($#), Secrélaire pour l’intérieur, membre de l’Académie de médecine, iné- ancien inspecteur des chemins de fer. decin des hôpilaux. C. RAVERET-WATTEL (3%), Secrétaire du Aug, PAILLIEUX, propriétaire. Conseil, chef de bureau au ministère de Edmond PERRIER (%), professeur au Muséum | la guerre. d'histoire naturelle. Saint-Yves MENARD (%), Secrétaire des Edgard ROGER (%), conseiller référendaire à Séances, médecin- vétérinaire, docteur en la Cour des Lones médecine, professeur à J’Ecole centrale Le marquis de SELVE (%), propriétaire. des arts et manufactures, membre de Henry de VILMORIN (O. %), membre de la la Sociétécentralede médecine vétérinaire. Société nationale d'agriculture, ancien .- Amédée PICHOT, Secrétaire pour l’étran- membre du Tribunal de commerce dé la ger, directeur de la Revue britannique. Seine. Re REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES PUBLIÉE PAR LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE PARAISSANT A PARIS LES 5 ET 20 DE CHAQUE MOIS 38° ANNÉE N° 10. — 2O Mai 1391 Premier Semestre toi A ex 4 dé } 5% BJ % JUN 1’: ) à t ee Ne THsguianu CET V2 AU SIÈGE SOCIAL DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D’ACCLIMATATION DE FRANCE 41, RUE DE LILLE, 41 PARIS SOMMAIRE E. Travaux ndressés à la Société, ' G. d'ORCET. — Le Cheval à travers les âges (dessins de Noil. G. d’Orcet) lsuite) se cnsieretelele sou. 200 000 000 00 00 000000000800. Se. 124 ALBERT CRETTE DE PALLUEL. — Note sur le Loriot jaune (Oriolus Cala) eue sn ou e êe 20 ain oi ea DR LE PELISSE. — Œufs de Fourmis artificiels pour Télevage des Faisandeaux, C. KRANFZ. — La Pêche en Finlande. [Extrait des travaux de la Section ichiyologique de la Société impériale russe d’acclimatation des animaux et des plantes /vol, 1): 2400 RE ET dE as 0 o à 754 J. WILBOUCHEVITCH. — Le Peuplier de l'Euphrate {Populus Euphra- tica Oriv., P. diversi'ohia, A.-G. Sr dd ee AAn 0 ue a 0e CR DE 7010 PIeRRE-AMÉDÉE PICHOT,. — La lutte de l’homme contre les animaux. — Conférence faite à la Société nationale d’acclimatation le 13 mars 1891 (SALE ST RAR Re Re de OMR AE EE UE CNE Tire ER, Extraits des procéseverhaux des séances de la Société. Séance générale du 3 avril 1891 e 0009 0 9 se * es © » CR ee > ee . ... CCC] 786 Séance générale du 17 avril 4891..... ; ie Pace See « "189 LKE. Compéces rendus des séances des sections. 1re section (mammifères). Séance du 14 avril 1891.,..... LES se LE OR ER 5 4109 2e section (oiseaux). Séance du 21 avril 1891... EMA AR RE 793 Ae-Section. Séance du21 mars 180180 pe Re LATE EV, Hygiène et médecine des animaux. Chronique. — Maladie du Ver rouge (suite et fix)... ........ à ini eee 796 v. Chronique générals et faits divers, Canards en Chine. — L'industrie des Poussins en Egypte. — Crocodiles ; VOYASEUTS ...0.0e 2... * 00 00 2600 00% . © . + o sn +. | ets la ee 0 e 798 Le Ver à soie de la Ramie. — L’A liboufier...... HA ee RE RUE eee. 799 CONSEIL D'ADMINISTRATION BUREAU Président. M. Albert GEOFFROY SAINT-HILAIRE ($#), di- recteur du Jardin zoologique d’Acclima- tation du Bois de Boulogne. Vice- Présidents. Léon LE FORT (0. #), membre de l’Académie de médecine, professeur à la Faculté de médecine. De QUATREFAGES (CG. %), membre de l’Institut (Académie des sciences) et de la Société nationale d'agriculture, professeur au Muséum d'histoire naturelle. Le marquis de SINÉTY, propriétaire. Léon VAILLANT (3%), docteur en médecine, RARES au Muséum d'histoire natu- relle, M M n Secrétaire-général. M. Amédée BERTHOULE, avocat à la Cour d'appel, docteur en droit, membre du Comité con- sultatif des pêches maritimes. Secrétaires. MM. E. DUPIN (#), Secrétaire pour l’intérieur, ancien inspecteur des chemins de fer. CG. RAVERET-WATTEL (ÿ#), Secrélaire du Conseil, chef de bureau au ministère de la guerre. Saint-Yves MENARD (%), Secrétaire des Seunces, médecin-vétérinaire, docteur en médecine, professeur à lEcole cenirale des arts et manufactures, membre de la Sociétécentrale de médecine vétérinaire. .- Amédée PICHOT, Secrétaire pour l’étran- ger, directeur de la Revue britannique. BUREAU (suite)e Trésorier. M. Georges MATHIAS, propriétaire. Archiviste-Bibliothécaire. M. MAGAUD D’AUBUSSON, avocat, docteur en droit. MEMBRES DU CONSEIL MM. Camille DARESTE, docteur ès sciences et en médecine, directeur du laboratoire de té- ratologie à l'Ecole pratique des hautes études. A, GRANDIDIER (3%), membre de l’Institut, (Académie des sciences), voyageur natu- raliste.. LABOULBENE (0. %), professeur à la Facul- té de médecine, membre de l’Académie de médecine. Edouard MENE ($#), docteur en médecine, mé= decin de la maison de santéde Saint-Jean- de-Dieu. à Le docteur Joseph MICHON, ancien préfet. A. MILNE EDWARDS (O0. #%), membre de l’Institut (Académie des sciences) et de l'Académie de médecine, professeur au Muséum d'histoire naturelle. Constantin PAUL (%), docteur en médecine, membre de l’Académie de médecine, mné- decin des hôpilaux. Aug, PAILLIEUX, propriétaire. Edmond PERRIER (3%), professeur au Muséum d'histoire naturelle. à “pa Edgard ROGER (3%), conseiller référendaire à la Cour des Comptes. ce Le marquis de SELVE (%), propriélaire, : Henry de VILMORIN (0. #), membre de la Société nationale d’asricullure, ancien membre du Tribunal de commerce de la Seine. REVUE DES SLIENCES NATURELLES APPLIQUÉES PUBLIÉE PAR LA SOCIÈTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE PARAISSANT A PARIS LES 5 ET 20 DE CHAQUE MOIS 88e ANNÉE ; : » a Nu 11. — 5 Juin 1481 %< & +À Premier Semestre AU SIÈGE SOCIAL DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 41, RUE DE LILLE, 41 PARIS SOMMAIRE I. Travaux adressés à la Société. Pauz LAFOURCADE. — Outardes, Pluviers et de histoire natu- relle; mœurs ; régime ; acclimatation {suite et fin). ..... ee a ES (I Dr LÉPINAY, — Exploitation des’ étansents ane er RS 818 JuzEs GRISARD et MaxtimMiIzrEN VANDEN-BÉRGHE. — "Las Bois i me dustriels indigènes et exotiques {suite)............... Bts CL Do st CAD JULIEN PETIT- —-Les Pommes. ant Canada st ee nee 2e Op PigrREe-AMÉDÉE PICHOT. — La lutte de l’homme ne les animaux == Conférence faite à la Société nationale d’acclimatation le 43 mars 1891 (Sûite Chen) SCT RTC Eee GS Oibin à mnt die eo eme et cet MO LE, Extraits des procés=verbaux des séances de la Société. Séance générale du 1° mai 1891,....,...... here Séance générale du 15 mai 1891 ..00@c0cee 854 CCC RCE eteereet ee0%er 0.0 eee 001 eee. e € 896 EEE, Comptes rendus des séances des sections. 3e section (aquiculture). Séance du 29 avril 1891..,..... ee di h LLE . 858 be section (végétaux). Séance du 7 avril 1891............. Tate GE LS 05 859 EY, Chronique des colonies et des pays d'outre-mer. Diffusion et imbibition "0" 00e 6200036. 0ece .0 ee s ee 861 V. Chronique générale et faits divers, Exposition de rêche de Bâle, — Les Poneys des Shetlands...,....,...... 866 Les Oiseaux des marais aux États-Unis. .,....... RE Jon) La Tortue Caspienne dans les environs de Moscou... 17... ET eo | Décadence de l’Aviculture chez les paysans russes et mesures à prendre pour son relèvement.. 00 ce 0e eee: 0e eee e.*.e.e 20.0. e e e 874 brule siuéeiio do Cale. eee eee see eee eme: Bees eee .. 810 La culture du Ricin au Sénéval Et aux Btals-Dniss ORPI VE, Bibliographie .......s.seoooooooressoonéreossee es0e9 006660000900 c0eececeecee 880 CONSEIL D'ADMINISTRATION BUREAU Président. M. Albert GEOFFROY SAINT-HILAIRE (#), di- recteur du Jardin zoologique d’Acclima- tation du Bois de Boulogne. Vice- Présidents. MM. Léon LE FORT(O. #), membre de l’Académie de médecine, professeur à la Faculté de médecine. De QUATREFAGES (C. %%), membre de l’Institut (Académie des Sciences) et de la Société nationale d'agriculture, professeur au Muséum d'histoire naturelle. Le marquis de SINÉTY, propriétaire. Léon VAILLANT ($#), docteur en médecine, PACE au Muséum d'histoire natu- relle Secrétaire-général. . Amédée BERTHOULE, avocat à la Cour d’appel, docteur en droit, membre du Comité con- sultatif des pêches maritimes. Secrétaires. MM. E. DUPIN (%#), Secrétaire pour l’intérieur, ancien inspecteur des chemins de fer. C. RAVERET-WATTEL (#), Secrétaire du M à chef de bureau au ministère de gue Saint-Yves MÉNARD C6) Secrétaire des Séances, médecin-vét rinaire, docteur en médecine, professeur à l'Ecole centrale des arts et manufactures, membre de la Sociétécentralede médecine vétérinaire. P.-Amédée PICHOT, Secrétaire pour l’étranr ger, directeur de la Revue britannique, BUREAU (suite)e Trésorier. M. Georges MATHFAS, propriétaire. Archiviste-Bibliothécaire. M. MAGAUP DATEUSOSE avocat, docteur en roi. MEMBRES DU CONSEIL MM. Camille DARESTE, docteur ès sciences et en médecine, directeur du laboratoire de té- ratologie à l'Ecole pratique des hautes = études. A. GRANDIDIER (%), membre de l’Institut, (Académie des sciences), voyageur natu- raliste.. LABOULBENE (0. &), professeur à la Facul- té de médecine, membre de l’Académie de médecine. Edouard MÉNE (%#), docteur en médecine, mé- decin de la maison de santéde Saint-Jean- de-Dieu. Le docteur Joseph MICHON, ancien préfet. A. MILNE EDWARDS (0. *X), membre de l’Instilut (Académie des Sciences) et de l'Académie de médecine, professeur au Muséum d'histoire naturelle. Constantin PAUL (3%), docteur en médecine, membre de l’Académie de médecine, iné- decin des hôpilaux. Aug, PAILLIEUX, propriétaire. Edmond PERRIER (%), professeur au Muséum d'histoire naturelle. s Edgard ROGER (%), conseiller référendaire à la Cour des Comptes. Le marquis de SELVE (%), propriétaire. Herrry de VILMORIN (O0. %), membre de la Société nationale d'agriculture, ancien membre du Tribunal de commerce de la Seine. s Ve REVUE \ AD SCIENCES MATURELLES APPLIOUÉES PUBLIÉE PAR LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE PARAISSANT A PARIS LES 5 ET 20 DE CHAQUE MOIS 38° ANNÉE N° 12. — 20 Juin 18391 Premier Semestre AU SIÈGE SOCIAL se DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 41, RUE DE LILLE, Æ%1 PARIS SOMMAIRE Organisation de la Société pour 1891........ eh EE DO ALAN GE D not Foie 5 III Délégués du Conseil en France et à l'Etranger... M OR OLDEG cie Di 0 DB CCE on de VII Commissions... 00 SL dues ae ee CC eee Rs PA RO te sde SPA : VII Bureaux des SECHONS CERF RE EE RP PRE SE RE DES E d00 rate en Sen sets cle RME Allocution prononcée par M. A. Geoffroy Saint-Hilaire, président de la Société... ....... XIV Rapport sur les travaux de la Société en 1889 et 1899, par M. le Dr Saint-Vves Ménard. XVI Rapport au nom de la Commission des récompenses, par M. Amédee Berthoule...,..... XXV Rapport au nom de la Commission de comptabilité, par M. Mathias ....,.......,........ LIT Table alphabétique des auteurs "2" Pete RCE Sale ed SRE RE RTC 881 Index alphabétique des animauxs. 01 25/6007 0 CR ete ER Sr 885 —_ — VÉTÉTAUR en Came ARR ER MR EDS Cr Eng Ne ‘ 887 Table des matières. ......:.. Ga ee 0e ee eee 2e lee ee MUR NE ET PRE ‘ 889 Table des ÉTANVUrESS 22". ER eee OR EPST RE TS UOTE AE : 895 CONSEIL D'ADMINISTRATION BUREAU Président. M. Albert GEOFFROY SAINT-HILAIRE (%), di- recteur du Jardin zoologique d’Acclima- tation du Bois de Boulogne. Vice- Présidents. Léon LE FORT (0. #), membre de l’Académie de médecine, professeur à la Faculté de médecine. 3 De QUATREFAGES (C. #4), membre de l’Institut (Académie des sciences) et de la Société nationale d'agriculture, professeur au Muséum d'histoire naturelle. Le marquis de SINETY, propriétaire. Léon VAILLANT (%#), docteur en médecine, PRISE EU au Muséum d'histoire natu- relle. MM. Secrélaire-général. M. Amédée BERTHOULE, avocat à la Cour d'appel, docteur en droit, membre du Comité con- sultatif des pêches maritimes. Secrétaires. MM. E. DUPIN (#), Secrétaire pour l’intérieur, ancien inspecteur des chemins de fer. C. RAVERET-WATTEL (#), Secrétaire du Conseil, chef de bureau au ministère de la guerre. Saint-Yves MENARD (%), Secrétaire des Séances, médecin-vétérinaire, docteur en médecine, professeur à l’Ecole centrale des arts et manufactures, membre de la Sociétécentralede médecine vétérinaire. P.-Amédée PICHOT, Secrétaire pour l’étran- ger, directeur de la Revue britannique. BUREAU (suite). Trésorier. M. Georges MATHIAS, propriétaire. Archiviste-Bibliothécaire. M. MAGAUD D'AUBUSSON, avocat, docteur en droit. MEMBRES DU CONSEIL MM. Camille DARESTE, docteur ès sciences et en médecine, directeur du laboratoire de té- ratologie à l'Ecole pratique des hautes études. A. GRANDIDIER (%), membre de l’Institut, (Académie des sciences), voyageur natu- raliste.. LABOULBENE (O0. %), professeur à la Facul- té de médecine, membre de l’Académie de médecine. Edouard M£NE (3%), docteur en médecine, mé- decin de la maison de santéde Saint-Jean- de-Dieu. Le docteur Joseph MICHON, ancien préfet. A. MILNE EDWARDS (O0. #%), membre de l’Institut (Académie des sciences) et de M l'Académie de médecine, professeur aw Muséum d'histoire naturelle. Constantin PAUL (%}), docteur en médecine, membre de l’Académie de médecine, mé- decin des hôpitaux. Aug, PAILLIEUX, propriétaire. Edmond PERRIER (%), professeur au Muséum d'histoire naturelle. ? Edgard ROGER (%), conseiller référendaire à la Cour des Comptes. Eu Le marquis de SELVE (#), propriétaire, Henry de VILMORIN (0. #), membre de la Société nationale d’agriculture, ancien membre du Tribunal de commerce de la Seine. LA REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES (Bulletin bimensuel de la Société nationale d'Acclimatation.) Paraissant à Paris le 5 et le 20 de chaque mois. RÉDACTION ABONNEMENTS Au siège de la Société, Paris, province et étranger : &l, RUE DE LILLE UN AN: 25 FRANCS UN NUMÉRO PRIS SÉPARÉMENT : UN FRANC Les abonnements partent du 1° janvier et sont faits pour l’année entière. La Revue est envoyée gratuitement aux Membres de la Société nationale d’Acclimatation de France. La Sociéténe prend SOUS Sa responsa bilité aucune des opinions émises par les auteurs des articles insérés dans sa Revue. La reproduction des articles publiés dans la Revue n’est autorisée qu’à la condition d’en indiquer la source. AVIS AUX AUTEURS ET ÉDITEURS La Revue donnera une analyse sommaire des ouvrages qui se rapportent aux travaux de la Société et dont les auteurs ou éditeurs auront adressé deux exem- plaires au bureau de l'Administration, rue de Lille, 41. CHEMINS DE FER DE PARIS À LYON & À LA MÉDITERRANÉE EXCURSION EN SAVOIE Train de Plaisir de Paris à Aix-les-Bains et à Chambéry Permettant de visiler Annecy, les Gorges-du-Fier (Lovagny), les lacs du Bourget ét d'Annecy. | Prix du voyage (Aller el Retour) : 44 francs en 2° classe. — 82 francs en 3° classe. Aller : Départ de Paris...... + Le 18 juin, à 21h.20) soir: Arrivée à Aix-les- Bains. Eat Le 19 — à 4h. 34 matin. NrnnCer an GNAmDerye 25... Let à 51h. matin. Retour : Départ de Chambéry. ...... Le 26 — à 10 h. 10 soir. Départ d’Aix-les-Bains .... Le 26 — à 10 h. 45 soir. Arrivéera Paris da. Le 27 — à 3h. 45 soir. On pourra se procurer des billets pour le train de plaisir, à partir du 1° juin à la gare de Paris-Lyon, 20, boulevard Diderot ; à la gare de Paris-Nord,; dans les bureaux succursales de la Compagnie P.-J,.-M., rue de Rambuteau, 6; rue de Rennes, 45; rue du Louvre, 44; rue Saint-Lazare, 88: rue des Petites-Ecuries, 11; rue Saint- Martin, 252; place de la République, 8; rue Sainte-Anne, 6 et rue Molière, 7; au bureau général des billets de chemins de fer de l'hôtel Terminus de la gare de Paris- Saint-Lazare (General Ticket office), ainsi que dans les bureaux des diverses agences de voyages. NOTA. — Les voyageurs du train de plaisir qui, à l'aller, descendront à Aix-les- Bains, pourront ensuite se rendre à Chambéry, au moyen des trains ordinaires, pendant les journées du 19 au 26 juin 1891. EXTRAITS DES STATUTS & RÈGLEMENTS Le but de la Société nationale d’Acclimatation de France est de concourir : 1° À l'introduction, à l’acclimatation et à la domestication des espèces d'animaux utiles et d'ornement ; 2° au perfectionnement et à la multiplication des races nouvellement introduites ou domesti- quées ; 3° à l'introduction et à la propagation des végétaux utiles ou d'ornement. Le nombre des membres de la Société est ar Les Français et les étrangers peuvent en faire partie. Pour faire partie de la Société, on devra être présenté par un membre sociétaire qui signera la proposition de présentation, ou en faire la demande à M. le Secrétaire général; Chaque membre paye : 1° un droit d'entrée de 10 fr.; 2° une cotisation annuelle de 25 fr., ou 250 fr. une fois payés. La cotisation est due et se perçoit à partir du 1° janvier. Suivant convention passée avec le jardin zoologique d'Acclima- tation et expirant le 31 décembre 1891, chaque membre ayant payé sa cotisation recevra : Une carte personnelle et six billets d'entrée aux Jardins d’Accli- matation de Paris et de Marseille, dont il pourra disposer à son gré. Les memobres qui ne voudraient pas user de leur carte person- nelle peuvent la déléguer. Les sociétaires auront le droit d’abonner au Jardin d’Acclimata- tion les membres de leur famille directe (femme, mère, sœurs et filles non mariées et fils mineurs), à raison de 12 fr. 50 par per- sonne et par an. Il est accordé aux membres un rabais de 5 pour 100 sur le prix des ventes (exclusivement personnelles) qui leur seront faites au Jardin d’Acclimatation de Paris (animaux et plantes). La Hevue des Sciences naturelles appliquées {Bulletin bimensuel de la Société) est gratuitement délivrée à chaque membre. La Société confie des animaux et des plantes en cheptel. Pour obtenir des cheptels, il faut : 1° être membre de la Société; 2° justifier qu’on est en mesure de loger et de soigner convenable- ment les animaux et de cultiver les plantes avec discernement; 3° s'engager à rendre compte, deux fois par an au moins, des ré- sultats bons ou mauvais obtenus et des observations recueil- lies; 4 s'engager à partager avec la Société les produits obtenus. Indépendamment des cheptels, la Société fait, dans le courant de chaque année, de nombreuses distributions, entièrement gratuites, des graines qu'elle recoit de ses correspondants dans les diverses parties du globe. La Société décerne, chaque année, des récompenses et encoura- gements aux personnes qui l’aident à atteindre son but. (Le programme des prix, le règlement des cheptels et la Liste des animaux et plantes mis en distribution sont adressés gratuite- ment à toute personne qui en fait la demande par lettre afiranchie.) Versailles, imprimerie Cerr ET Fizs, rue Dubplessis, 59. > F et DH AL pa {A Wu a @ |". ad Hé à die r un mn — ntm... 07 Rp VE NES VAN Ze x (AFVNA VA AAA | CAD AANRF AAA à AA Na NAN AIT AARAN ; Un A / ON AAA A AAGA A'x AA A À YA AL ARR AN ANA ORNE ARR AAA OO RAR APT PAPA / | \ ! A A A pa AY NA, à | | Va La | | | Per \ A} NOEL ZROT VA AYAR) AANANNAAN A QE à a . * > TN AN 7 PA. , S z RNA AR ER : 6 | - A AA 2 DAC VA F : FN NAN AY * / AAA A RAR OU RONA ANA A wÿ SAN AT À NAN ANA je ET PAPA AMAR AR AAA ANA Tala ; AAA Aa nana A TNA # AANAAA AA»! VPN SERA Se . 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