v TZ = - = ; ere =. _ re : , - .. see - L nee =” An. è . Era Re L - - - le am = He LR = : we : - > . » LS : CA Nr: — . - . ut - MeV: > ; = - + à L A x Ann RNCS Rte a m0 um ee nd - = : A - - = one hs : È ÉRr se SSL À ge : PETER rt - : : ci : En 200 : à = ame ce cs éèe TER TETE DAPLENE ge M GIQUE D PTDRT D Area ER 0 EM Pad en pee Re DS 0 one ce De : EE 2 TT LATE ne des di EE ECS RERO LUE RENTE SI DPI CEE ES SAN SNS TRE MEN orme bare der PT SL EN AR TER LTÉE LT En ee aataea * HARVARD UNIVERSITY fi LIBRARY OF THE Museum of Comparative Zoology l ui e \ LU RU 1 ira L ! PNR l Dr Or à | \ 7. MAN TMS ST NM | ATARI tn tue re CAR L CR REVUE DES SCIENCES NATURELLES Montpeliier. — Typographie et Lithographie d . PELLE 1 eHMIMAUTAM 874 LUE. ! 1 / DES SCIENCES NATURELLES FONDÉE A MONTPELLIER PAR M. EE. DETTIBRUEELI. PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE MM. FLAHAULT, E. PLANCHON, P. de ROUVILLE, A. SABATIER, AVEC LA COLLABORATION DE MM. Andouard,— Baillon,— Barthélemy,— Baudon,—Bavay,— Bleicher,— Bonneau, —Cazalis de Fondouce (P.), — Collot, — Contejean,— Corre (A.),— Courchet, — Dieulafait,— Doûmet- Adanson, — Drouët, — Durand,— Duval-Jouve,— Estor,— Fabre (G.),;—Faure (4A.),—F. Fontannes,— Forel, — Genevier, — Giard (A.), — Giltay,—Heckel, —Hesse,—Jobert,— Joly,— Jordan,—Jourdain,— Lichtenstein (J.),— Loret,—Marchand (Léon),—Marès(P.),—Martins(Ch.),—Matheron,— Miergues, —Peccadeau de l’Isle,— Perrier,—Planchon(G.),— Robin,— DeSsaint-Simon, — De Saporta, — Senoner,— De Seynes, — Sicard (H.), — Vaillant (L.), — Valéry-Mayet,— Vieillard, — Vézian, etc, 3° SÉRIE, — TOME Il. MONTPELLIER BozHu Er FILS, IMPRIMEURS-ÉDITEURS, RUE D ALGER, 10. CAMILLE COULET, L1BRAIRE-ÉDITEUR, GRAND RUE, 9. PARIS À. DELAHAYE ET E. LECROSNIER, PLACE DE L'ÉCOLE-DE-MÉDECINE. 1883 ; MTAU ne HERANR M'AATAR et [aker] Ju L281ep2 Enr Ke) é #AG 20% au Br £ NOTA EE RIITARAR À su KOPPANDEELEON A) TRE —Vavaitnobrsd —.yorslélinse — mott2sE L + #ollon —,(41) s020bn9T 6b aline — 106100 {TONER tosmñol--Msitot Strat... Net i} de raate — rte. — rnb fev dé. bararl« SM ul L lsstvonsto —:lon0#;meonaabrot .Ef, AVetnet2 YO Te + gr = VosoH—-,i549 si RO - A) baie —,donofe-f by atosan nl RER MIT LC RTC CORNE CL A NO ot —,(,0) cool, rsiten t MSIE sb sas — 2006 9 -- tondie ,5$ vos ae … tome chisllleiT = +646 NT-MABREN — ,( 7) ta 4H = (HS A aMoP -— ane € k HALTETTAOM € | OÙ asaun'a aunt termeenuannmr AE TE ao aan td TN nt ratio MR RULES | - ATOS Le Lu UT AU NPA RARE A SR (ETES 41; £a! MÉMOIRES ORIGINAUX. LA FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES ÉTUDE CRITIQUE DE L'OUVRAGE DE DARWIN PORTANT LE MÊME TITRE Par M. J. WIESNER D'recteur de l’Institut de Physiologie végétale à l Université de Vienne. Traduit par M. F. KIEFER ee INTRODUCTION. Le nouveau livre de Darwin renferme, comme tous les autres ouvrages de cei homme de génie, une abondance extraordinaire d'observations et de faits biologiques du plus haut intérêt. Mais on ne peut s'empêcher de reconnaitre également que l'illustre savant, en étudiant la vie végétale, a mis le pied sur un do- maine où la supériorité du génie importe moins peut-être que la rigueur de la méthode. Dans la physiologie expérimentale des plantes, loute la sagacité d’un observateur reste impuissante si elle n’est guidée par des méthodes chimiques et physiques d’une rigueur absolue, Or Darwin, il faut l’avouer, n’a pas apporté à ses expériences toute l'exactitude voulue, et ce seul fait enlève à ses conclusions et à ses théories leur principale valeur. Résumons ces théories. L’extrémité libre de tout organe végétal en voie de dévelop- pement possède un mouvement propre et décrit en général à reculons une spirale irrégulière : ce mouvement s’appelle cireumnutation. Gette faculté de se mouvoir est une force in- née à la plante, force vitale et spontanée qui est la cause pre- mière de tous les mouvements partiels, étudiés jusqu'ici sous les noms d’héliotropisme, géotropisme, hydrotropisme, etc. 3e sér., tom. 31, L 6 MÉMOIRES ORIGINAUX. Cette théorie est mal fondée, ou du moins exagérée. À mes yeux, la cireumnutation, chez une foule de plantes, tient à l’iné- galité de croissance des diverses parties d’un même organe et n'est qu'un phénomène mécanique. Il suffit de comparer les cellules d’un tissu végétal pour voir qu’elles n’ont nile même volume ni la même forme, ce qui fait supposer que leur force d’accroissement n’est pas non plus la même. Considérons même des organes qui poussent en ligne droite, et ne sont pas hélio- tropiques. Dans ces tissus, quoique orthotropiques, il se trouve des cellules de nature différente, et par conséquent d'énergie vitale diverse. L’épiderme renferme des cellules épidermiques, des stomates, des poils ; le tissu interne se compose de paren- chyme, de collenchyme, de sclérenchyme, sans parler des fais- ceaux fibro-vasculaires, qui sont eux-mêmes d’une nature si complexe. Est-il admissible que tous ces éléments si divers s’accroissent d’une manière uniforme ? Ne faut-il pas reconnaître au contraire qu’il ne peut manquer de se produire des tiraille- ments intérieurs entre les différents tissus se développant chacun d’une façon particulière ? Mais une erreur contre laquelle je ne saurais trop protester dès maintenant, c’est l’assimilation de tous les mouvements des plantes à des phénomènes d'irritalion. Entrons dans quelques détails. Si je prends une lige en voie d’accroissement, je constate qu’une certaine portion est susceptible de se mouvoir ; si la lu- mière agit sur cette portion, elle se courbe. Or, si je n’éclaire que la base de cette portion héliotropique, aucun mouvement ne se manifeste ; tandis que si j'éclaire seulement le sommet, non-seulement celui-ci se courbe, mais la base suit également le mouvement du sommet. Darwin en conclut que l’influence héliotropique s’est propagée du sommet à la base, et que l’on se trouve en présence d’un véritable phénomène d’irritation. J'aurai à prouver le contraire. Je montrerai que jamais il n’y a transmission ni propagation de mouvement ; que nous n'avons affaire qu'à des actions absolu- FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. 4 ment localisées, et que l’héliotropisme ne se constate jamais que dans les parties directement soumises à l’effet de la lumière. Darwin prétend encore que l’action de la pesanteur s'exerce sur l'extrémité des radicelles, qui pourtant, comme on sait, ne se courbent jamais, et ne sont nullement géotropiques. Il consi- dère donc cette extrémité comme le siège et le point de départ d'une irritation qui provoque une courbure dans la partie de la radicelle où s’opère la croissance. Je pense prouver plus loin que la courbure des racines est produite par l’action directe de la pesanteur sur les parties mêmes qui se courbent, sans qu'il y ait à invoquer l'influence mystérieuse de la pointe toits que Darwin est tenté . comparer au cerveau des animaux inférieurs. Les idées de Darwin sont assurément fort séduisantes, mais elles n’en offrent que plus de danger. Elles risquent de détourner les esprits de la méthode expérimentale rigoureuse, pour les lancer de nouveau dans cette voie funeste des hypothèses spécu- latives, qui à une époque encore récente ont enrayé si longtemps le progrès des sciences naturelles. CHAPITRE PREMIER. COUP D'OEIL GÉNÉRAL SUR LES FORMES DE MOUVEMENT DANS LES PLANTES. On croyait naguère que le règne végélal se distinguait du règne animal par l'absence de mouvement. Gette opinion a été renversée d’une manière inattendue par l'ouvrage de Darwin. Toutes les parties des plantes en voie de développement, sou- vent même encore après leur développement, sans excepter les parties souterraines, sont, de jour et de nuit, dans un état conti- nuel d'évolution et de déplacement. L’ensemble de ces mouvements a reçu de Darwin le nom de circumnutation ; l’auteur, nous le répétons, y voit la ma- nifestation d’une force vitale innée à tous les végétaux. Tout acte vital se trahit par un mouvement. Cela est vrai même pour 8 MÉMOIRES ORIGINAUX. les phénomènes chimiques et physiques qui se produisent dans l'organisme, tels que la transformation des sucs nutritifs en substance organisée des plantes. Toutefois nous n'avons pas à nous occuper aujourd’hui des mouvements que les gaz et les liquides accomplissent dans l’intérieur des tissus. Ces mouve- ments se produisent également dans le règne inorganique, et nous ne voulons fixer notre attention que sur les mouvements particuliers aux végétaux et sur les phénomènes que l’on peut appeler proprement des actes vitaux. Nos observations ne s’étendront même pas à la généralité de ces derniers mouvements, et nous laisserons de côté ceux qui s’accomplissent dans le protaplasma de chaque cellule, parce qu'ils sont étrangers à la vraie circumnutation, telle que Darwin la définit, aussi bien que les mouvements des spermatozoïdes et les oscillations des cellules nues. Nous nous arrêterons exclusivement à ces mouvements des plantes qui consistent en de vrais déplacements et en une sorte de locomotion des racines, des tiges et des feuilles. Or comme ces organes ne possèdent la faculté de se mou- voir que pendant leur période de développement, leurs mou- vements peuvent être désignés sous le nom de mouvements de croissance et divisés en deux catégories : d’une part, ceux qui concernent la croissance en longueur, suivant la direction géné- rale de l’axe, et d’autre part ceux qui suivent des directions di- vergentes. Les physiologistes trouvent superflu de donner une explica- tion de la croissance en longueur, dont nous aurons pourtant à faire mention quelquefois. Quant à la seconde catégorie de mou- vements, ils lui ont donné le nom de nutation. Darwin n’admet pas la croissance directe en longueur ; il ne formule pas explicitement cette opinion, mais il n’est jamais question chez lui que d’oscillations, et il résume par ce mot toutes les formes de mouvements des plantes, soit dans les or- gaues aériens, soit dans les parties souterraines. Je montrerai néanmoins que cette croissance normale, directe el sans com-— . FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. 9 plication d’aucune sorte, est le cas le plus fréquent dans la nature. Examinons, en attendant, les diverses formes de la nutation proprement dite. Si l’on prend de jeunes plants de cresson, bien droits, et qu’on les expose à la lumière oblique, on voit bientôt toutes les tigelles se courber vers la lumière. Si l’on place au contraire les jeunes plants dans une position horizontale et dans une obscurité com- plète, ils se relèvent verticalement et poussent dans la direction où elle est sollicitée par la pesanteur. Mais si sur des plants po- sés horizontalement on fait arriver un faisceau de lumière, /le redressement ne se fait plus suivant la verticale, mais oblique- ment dans la direction de la source lumineuse. Dans le premièr de ces trois cas, c’est la lumière qui agit; dans le second, c’est la pesanteur ; dans le troisième, l’action de la pesanteur se combiñe avec celle de la lumière. Toutefois la nutation comprend aussi des mouvements qui sont ou du moins paraissent étrangers à toute influence extérieure. Ainsi, quelle que soit la position d'un embryon dicotylédoné, d’un haricot par exemple, la tigelle se dirige toujours de telle façon que sa pointe ait les cotylédons devant elle. Cette courbure provient d’une inégalité de crois- sance entre les deux faces de la tigelle. La face attenante aux cotylédons ne pousse pas aussi vite que le côté opposé, ce qui force la tigelle à se plier en avant. Il faut donc distinguer deux sortes de nutations : celle qui est provoquée par des influences extérieures, et celle qui paraît spontanée et qui dépend sans doute de quelque cause organi- que encore ignorée. La première a reçu le nom de nutation paratonique ou réceptive, et la seconde celui de nutation spon- tanée. Les forces extérieures qui provoquent la nutation paratoni- que sont : la lumière, la pesanteur, l’action unilatérale d’un air humide, et enfin la traction toujours combinée avec la pression. Sous l’action de la lumière, la plupart des plantes poussent dans le plan d'incidence de la lumière, soit en se dirigeant vers 10 MÉMOIRES ORIGINAUX. la source lumineuse, soit en s’éloignant d'elle, Cette forme de nutation s'appelle héliotropisme. D'autre part, des plantes en voie de développement qu’on écarte de la position verticale tendent à y revenir. Leurs tiges se relèvent vers le haut et leurs racines s’infléchissent vers le bas. Ce phénomène porte le nom de géotropisme. Sous le nom d’hydrotropisme, on désigne les mouvements qui portent les plantes à la rencontre de l'humidité. Parétraction et pression, il faut comprendre le double effet produit dans un organe qui se courbe. Du côté convexe, les cel- lules éprouvent une tension, une traction en un mot, tandis que du côté concave elles subissent une compression. D’ordinaire, le côté où s'exerce la traction se développe avec plus d'énergie, tandis que la croissance est ralentie du côté où s'opère la com- pression. La nutation spontanée comprend l’épinastie, l’'hyponastie, la nutation simple, la nutation révolutive, celle en ligne ondulée, celle en ligne brisée, et finalement ce que Darwin appelle la cir- cumnutalion. Épinastie.— Il existe des bourgeons foliaires et d’autres orga- nes encore qui, sans influence extérieure, se développent tou- jours plus à la face normalement supérieure qu’à la face infé- rieure. Les bourgeons de Tilleul et beaucoup d’autres feuilles nous en offrent un exemple. Ces organes s’infléchissent par con- séquent de haut en bas; c’est là ce qu'on appelle épinastie. L'hyponastie produit l'effet inverse: la face inférieure se dé- veloppe plus fortement et dirige la feuille de bas en haut. Mais il arrive qu'un même organe présente successivement l’un et l’autre phénomène pendant sa période de croissance, et cela explique comment beaucoup de feuilles forment d’abord une sorte de voûte qui couvre le bourgeon, puis se déplient pour exposer leur face supérieure aux rayons solaires. Ajoutons toutefois que certaines influences extérieures ne laissent pasd'in- tervenir dans l’un et l’autre phénomène. Par nutation révolutive, on désisne le mouvement de spirale FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. 11 par lequel les plantes grimpantes s’attachent à leur support. Cette flexion tient à ce que toute une série de cellules situées vers l'extérieur de la tige, sur une ligne ascendante et spiralée, possèdent une force de croissance plus grande que les autres ; ces cellules, hypertrophiées en quelque sorte, produisent une convexilé extérieure de la tige et forcent la concavité correspon- dante à s'appliquer contre le support. La nutation en ligne ondulée est beaucoup plus répandue que la précédente, et affecte presque toutes les tigelles et tous les pé- tioles en leur faisant prendre une forme d’S. Elle tient à ce fait que vers le sommet de l’organe la face postérieure se développe plus vite, landis que vers la base c’est la face antérieure qui pousse plus fort, pendant que vers la partie médiane de la tigelle le développement est égal sur les deux faces. Dans sa forme la plus simple, la nutation ondulée se produit dans un même plan, d'ordinaire vertical, mais une série d’intermédiaires se ratta- chent à la nutation révolutive précédemment décrite. Il est bon de dire un mot d’une dernière sorte de nutation qui a élé moins souvent étudiée et que nous sommes tenté d'appeler nutation en ligne brisée. Beaucoup de tiges poussent en zigzag. Les entre-nœuds successifs divergent alternativement à droite et à gauche de l’axe central, comme on le voit dans le Jujubier. Les feuilles se trouvent toujours placées au point d’in- tersection de deux lignes brisées et extérieurement à l'angle formé par elles. Cette brisure de l'axe est produite parce que chaque entre-nœud croît plus fort à l'endroit ou s’insèrent les feuilles qu'à l'endroit opposé. Voici maintenant ce que Darwin appelle circumnutation. L'auteur identifie ce phénomène avec la nutation révolutive ; la seule différence qu'il y voit, c’est que les mouvements y sont moins prononcés et ne sont appréciables à l'œil qu’au moyen d'expériences qui en exagèrent l'amplitude. Celte circumnutation résume, dans l'esprit de Darwin, toutes les diverses espèces de mouvement que nous venons d’énumérer, mais c’est là une pure hypothèse ; or dans les sciences natu- 12 MÉMOIRES ORIGINAUX. relles il faut renoncer aux hypothèses et procéder par expérimen- tation. Darwin prétend bien l'avoir fait; malheureusement ses expériences sont loin d’être concluantes. Mentionnons maintenant d’autres mouvements qui ne sont pas bornés, comme les précédents, à la période de croissance, mais qui fonctionnent encore après que les plantes ont atteint leur complet développement. Ici encore il faut établir deux catégories : les mouvements paratoniques et les mouvements spontanés. Un exemple typique des mouvements spontanés de cetle sorte nous est offert par les feuilles de l’Æedysarum gyrans ; mais comme Darwin les considère avec raison comme étran- gers à la circumnutation, il n’en sera pas question ici. Au contraire, les mouvements paratoniques intéressent à un haut degré le problème actuel. Certains de ces mouvements s’exécutent brusquement et d’autres avec lenteur. Les premiers sont des phénomènes d’irritation et demandent un mot d'explication. En touchant une feuille de Mimosa, je la vois se replier et se rabattre instantanément, et la force du phénomène est hors de proportion avec celle du contact. Le contact agissait seulement comme jirritation; il a provoqué mais non opéré le mouve- ment. Une comparaison fera mieux saisir notre pensée. Le doigt qui presse la détente de l’arbalète occasionne e départ de la flèche, mais c’est l’arc en se détendant qui lui imprime son mouvement etla force avec laquelle elle fend les airs. Autre point à remarquer : l’irritation se transmet de proche en proche aux diverses parties de l’organe, comme on le voit encore dans la feuille du Mimosa. Ces sortes de phénomènes sont donc nettement caractérisés. L'irritation provoque l'emploi de forces préexistantes et est étrangère à la croissance. Quant aux mouvements plus lents, tels que les phénomènes du sommeil nocturne (Mimosa, Acacia, Robinia) ou du sommeil diurne (Robinia), ils n'ont pas encore reçu d'explication satis- FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. 13 faisante. Toutefois il est impossible de leur reconnaître le carac- tère d’une irritation, et on les attribue avec quelque vraisem- blance à un changement de distribution de la sève et du liquide cellulaire, qui en se portant vers un seul côté y détermine une pression unilatérale et provoque un mouvement. Quoi qu’il en soit, si Darwin exclut de la circumnutation les mouvements brusques provenant d’une irrilation, il y comprend les mouve- ments lents dont nous venons de parler et les appelle nyctitro- pisme, parhéliotropisme. Quant aux mouvements des vrilles, Darwin n’en ayant pas fait mention,, nous omettrons nous-même d’en parler. Ces quelques explications préliminaires sur les mouvements des végétaux doivent suffire pour expliquer le but de notre ouvrage, et nous permettront de faire comprendre que la circwmnutation, telle que Darwin la définit, n’est pas la manifestation d'une force mystérieuse innée à la plante, mais qu'elle est simple- ment l'application de forces mécaniques et physiques qui s'ex- pliquent de la façon la plus naturelle. CHAPITRE If. MÉCANIQUE DES MOUVEMENTS DE NUTATION. D’après l’opinion commune, tous les phénomènes de nutation sont le résultat d’une inégalité d’accroissement. Cette théorie a le mérite de la simplicité. Une tige éclairée d’un seul côté se développe plus vite à la face obscure. Celle-ci devient, par suite, convexe et la face éclairée concave, ce qui force la tige à s’in- fléchir vers la lumière. Or, d’après M. Sachs, le principal rôle dans le phénomène de la croissance appartient à la turgescence des cellules, et M. de Vries a démontré de son côté que l’allongement acquis par crois- sance pouvait être annulé de nouveau quand on diminuait la turgescence par des moyens artificiels. Comme Darwin s’est fondé sur cette affirmation pour avancer queles mouvements de putation et les courbures organiques qui 14 MÉMOIRES ORIGINAUX. en résultent, devaient être attribués, non à la force de crois- sance, mais à la turgescence, je crois nécessaire d’insister sur ce point. Plongez une tige en voie d'accroissement dans une solution de chlorure de sodium: aussitôt vous la verrez se raccourcir. La solution enlève aux cellules une partie de leur liquide, et la force d'expansion produite par la turgescence cellulaire diminue. Chaque cellule, et par suite l'ensemble de l’organe, se contracte; M. de Vries appelle cette contraction : plasmolyse. Si l’on a soin de faire des marques à la tige, on voit que toutes les parties ne se contractent pas également, mais que e’est dans la région où l'accroissement est le plus actif que la contrac- tion est aussi la plus forte. M. de Vries a conclu de cette expérience que ce qu'on appelle force de croissance n’est qu’un effet de turgescence, effet tout passif et produisan, l'extension des cellules dont les parois sont douées d’élasticité. Il ne devait pas êlre question, selon lui, d’in- tussusception, c’est-à-dire d’intercalation de nouvelles molécules de cellulose, ce second phénomène ne se produisant que dans la suite. M. de Vries, appliquant cette théorie à l’héliotropisme, a pré- tendu que les courbures provoquées par lui pouvaient se re- dresser et s’annuler de même au moyen de la plasmolvyse, ainsi que celles du géotropisme, de l’hydrotropisme, etc.; et Darwin, abondant dans le sens de M. de Vries, regarde la crois- sance comme une chose accessoire et place la turgescence au premier rang, De grandes restrictions sont ici nécessaires. On sait que la croissance des plantes est soumise à certaines conditions. Ces conditions varient d’une plante à l’autre, souvent d’un organe à l’autre, mais elles sont constantes et invariables pour un seul et même organe. Aiasi, la tige de la Vesce se développe dans des limites de température très précises, et c’est exclusivement dans ces mêmes limites que se produisent tous les mouvements de nu- tation de cette plante. Or, la turgescence et la plasmolyse sont FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. 15 tout à fait indépendants de ces limites de température. Des expériences concluantes m'en ont donné la certitude. Ce seul seul fait montre déjà que la turgescence n’est pas la cause pre- mière et le point de départ de la croissance. Celle-ci est, à mon avis, la résultante de forces multiples, parmi lesquelles la turges- cence tient son rang, mais qui toutes agissent en même temps. L'’intussusception, et la croissance en général, ne succède pas à la turgescence, mais l'accompagne, bien que dans le début elle lui soit subordonnée dans une certaine mesure. M. de Vries a tiré de ses expériences des conclusions qui ne sont pas suffisamment fondées. Que produit en effet la plasmo- lyse? Elle fait contracter un organe en voie d'accroissement. Qu'est-ce à dire ? En détruisant la turgescence, elle a simpie- ment détruit l'effet de la torgescence qui distendait les cellules, et l'on n’en peut conclure qu’une seule chose, c’est qu'il n'y a pas eu encore assez de matière cellulosique interposée pour fixer définitivement le progrès qu'avait fait l'organe et l’allongement qu'il avait pris. Je vais apporter maintenant une série de faits qui prouvent que, même au début de la croissance, il faut compter comme facteurs actifs, non-seulement la turgescence, mais encore un certain nombre d’autres causes que M. de Vries a négligées. La première expérience doit servir à distinguer nettement la turgescence simple de la turgescence telle qu’elle apparait durant la croissance. Elle est empruntée à M. Sachs". Prenons une radicule embryonnaire de Vicia Faba un peu flétrie, et posons-la sur la surface d’un liquide, de telle sorte qu'un seul côté soit en contact avec l’eau. En moins d’une mi- nute, la radicelle se dressera verticalement. C’est là un phéno- mène de turgescence simple. Les cellules en contact avec l’eau ont absorbé du liquide et se sont distendues, tandis que les cellules supérieures sont restées dans leur état primitif. La 1 4rb, des bot. Instituts zu Würzbourg, Heft 3, pag. 397. — Voy. aussi Frank; Beilräge zur Pflanzenphysiologie, pag. 43. 16 MÉMOIRES ORIGINAUX. croissance n’y est pour rien, et, ce qui le prouve, c’est que le Vicia Faba ne germe pas au-dessous de 5°C., tandis que notre expérience se reproduit tout aussi bien dans l’eau à 1° ou 2C, et même à la température de la glace; elle ne demande qu’un peu plus de temps. D'autre part, si l’eau est à 0°C., la radicule prend une certaine quantité d'eau, puis reste stationnaire ; mais dès que j'élève la température jusqu'à la limite de croissance, elle absorbe une nouvelle quantité d’eau et la croissance véri- table commence. Ces faits prouvent clairement que la turgescence n’est pas le seul facteur de la croissance. Mais voici de nouvelles observa- tions qui confirment ce point. Choisissant dix beaux embryons de Phaseolus multiflorus, de même vigueur et de même forme, je traçai sur chaque tigelle épicotylée, dens la région de la plus grande croissance, 15 divi- sions distantes d’un millimètre. Cinq de ces embryons furent plongés dans une solution de salpêtre à 10 0/0, et j’attendis qu'ils fussent arrivés à leur maximum de contraction. Elle eut lieu au bout de deux heures et comporta un raccourcissement de 1,9 millim. Les cinq autres embryons avaient été placés pen- dant ce temps dans de bonnes conditions de végétation, et au bout de quatre heures el demie la zone d’accroissement s'était allongée de 6,2 millim. Je les plongeai à leur tour dans une solution de salpêtre à 10 0/0, en faisant usage du procédé de M. de Vries, qui facilite beaucoup la plasmolyse, c'est-à-dire en opérant la résection de la tigelle et en la partageant par le milieu. Si l'allongement acquis par la tigelle avait été simplement un effet de la turgescence, la plasmolyse aurait dû produire un raccourcissement de 6,2 + 1,9 millim., ou 8,1 millim. Or le raccourcissement ne fut que de 6,2 millim. Il y avait donc eu pendant ces quatre heures et demie une croissance véritable, c'est-à-dire irréductible par la plamolyse. Deuxième expérience. — Un embryon de Phaseolus fut isolé dans une atmosphère où l’on avait placé un bain de potasse. La FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. 17 radicule plongeait dans une solution nutritive contenue dans un cylindre de verre. Un autre cylindre de verre recouvrait l’em- bryon et plongeait dans le bain de potasse. Le germe consomma l'oxygène de l'atmosphère où il était enfermé, et au fur et à mesure le bain &e potasse s'éleva dans le cylindre. Dès que le bain cessa de s'élever et qu'il n’y eut par conséquent plus d'oxygène à consommer, le germe cessa de croître. Conclusion : l'oxygène est un des facteurs indispensables de la croissance. Mais peut-être soutiendra-t-on que cet oxygène est nécessaire à la simple turgescence ? C'est une erreur. Prenons une eau que l’ébullition aura privée de lout son oxygène ; isolons-la de l'at- mosphère ambiante par un bain de mercure, et plaçons-y une tigelle plasmolysée : la turgescence ne s’en produira pas moins et la tigelle reprendra sa longueur primitive. Troisième expérience. — L’embryon de Phaseolus multiflorus ne germe pas à moins de 60°C. Les parties épicotylées de ce même Phaseolus plasmolysées reprennent au contraire leur tur- gescence et leur longueur première même sur une eau maintenue entre 1et:9°. Ici se présente une objection. Certaines plantes se flétrissent à une basse température du sol, parce que les feuilles perdent leur eau, sans que les racines puissent la leur restituer. Mais dans ce cas un germe de Phaseolus se flétrirait au-dessous de 6° ; il se conserve toujours frais au contraire, sans s’accroître toute- tois. Quatrième expérience. — J'ai déraciné des plants de Taraxa- cum officinale bien pourvus de racines, de feuilles et de boutons, et je les ai laissés à une température de 4 à 5°. Au bou! de vingl- quatre heures, les hampes et les boutonsn’avaient pas grandi, mais étaient restés parfaitement turgescents. Je fis la résection des hampes aux deux extrémités et je les plongeai dans une solution de sel de 10 0/0. Elles s’y contractèrent de 10 0/0. Chaque hampe avaitétéexaciement mesurée avant commeaprès la plasmolyse. Ces hampes contractées furent ensuite plongées dans l’eau, trois à une température de 15° et les trois autres à une température de 18 MÉMOIRES ORIGINAUX. 1°,5 à 2°,5. Au bout de trois quarts d'heure, les unes comme les . autres avaient repris leurs dimensions premières. Toutes ces expériences prouvent surabondamment que la tur- gescence est simplement une condition accessoire, indispensable si l’on veut, de la croissance, mais qui n’en est pas la cause effi- ciente et unique, comme le croyait Darwin. | Or, comme les mouvements de nutation ne s’accomplissent que pendant la période de croissance, leur explication doit être recherchée non dans le simple phénomène de turgescence, mais dans celui plus complexe de la croissance, et en particulier dans l'inégalité de croissance des organes. Ainsi se trouve réfutée cette assertion de Darwin d’après laquelle « l’accroissement n’a qu’une action secondaire sur la circumnutation, et la cause primordiale de celle-ci est la turges- cence des cellules, amenant la tension des parois cellulaires ‘». CHAPITRE IT. HÉLIOTROPISME. [l y a deux espèces d’héliotropisme : l’un, appelé positif, porte les plantes vers la Inmière ; l’autre, plus rare, et appelé négatif, les porte dans une direction opposée. L’héliotropisme positif se remarque dans la presque généralité des tiges, pendant toute la durée de leur croissance. Même les tiges appartenant à des plantes poussant à la grande ardeur du soleil, et que leur raideur semble rendre réfractaires à l'hélio- tropisme, s’y montrent sensibles dès qu’elles poussent dans des endroits, ombragés (Cicorium Intybus, Verbena officinalis, Sisym- brium strictissimum, Achillea millefolium). À la limite des plan- tes héliotropiques et anhéliotropiques, se trouvent les tiges de Dipsacus et d’Equisetum. Comme plantes franchement anhélio- tropiques, on peut citer le Verbascum thapsus et le V. phlomoïdes. 1 Darwin; The power of movement in plants, London, 1880, pag. ?, trad. franç. Introd., pag, 3, FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. 19 L’héliotropisme est plus difficile à constater dans les feuilles, parce qu’elles subissent encore d’autres influences. Cependant, si une feuille tenue à l'ombre est éclairée d’un seul côté, elle se tourne sensiblement vers la lumière. Quand certaines Campanules (C. Trachelium, C. persicifoliæ) se trouvent dans l'épaisseur des forêts, leurs feuilles s’étalent horizontalement dans toutes les di- rections. Mais si elles sont placées à Ja lisière des bois, toutes les feuilles se dirigent vers la lumière. Il arrive même assez souvent, dans ce cas, que les feuilles soient toutes disposées du même côté de la tige, et que la tige elle même subisse une forte tor- sion, pour permettre cette disposition unilatérale. Les jeunes embryons de Sapin offrent un autre exemple d’hé- liotropisme foliaire. Quand ils poussent en pleine forêt, tous les cotylédons se placent en forme d'étoile dans un même plan horizontal. Au contraire, quand ils se trouvent à la lisière des forêts, ils se dirigent tous du côté de la lumière, et chacun se courbe en prenant la forme d’une faucille posée à plat. L’héliotropisme affecte donc les tiges et les feuilles, c'est-à- dire tous les organes végétatifs ; il existe également dans les fleurs et dans les capitules. Mais il affecte rarement les verti- cilles floraux eux-mêmes, et je ne l’ai constaté que sur la cou- ronne florale du Melampyrum nemorosum, sur les étamines de Plantago media, sur les ovaires de l’Epilobium roseum et de l’Arabis turrita. En général, quand les fleurs et les capitules se tournent vers la lumière, c’est le pédoncule qui est le siège du mouvement, et les fleurs elles-mêmes restent dans un état purement passif. Quoi qu'il en soit, il faut distinguer ici deux sortes de mouve- ments : ou bien les fleurs prennent une direction fixe vers la lu- mière, ou bien elles suivent le cours du soleil. Toutefois, entre ces deux cas extrêmes, nous pouvons constater une foule d’in+ termédiaires. L’AHelianthus annuus, où grand soleil, est ordinairement cité comme type des fleurs qui suivent la marche du soleil; c’est à 20 MÉMOIRES ORIGINAUX. tort. Il ne présente que faiblement ce phénomène, et seulement au moment où la floraison va commencer, à condition encore qu'il soit placé dans un endroit peu éclairé. Un bien meilleur exemple nous est offert par le Tragopogon pratense etle T. orien- tale, qui suivent franchement le cours du soleil. Un peu avant le lever de l’astre, leurs capitules encore fermés sont tournés déjà vers l’orient. Au moment de son lever, les capitules s'ouvrent et se tournent exactement vers lui. Si en ce moment vous traver- sez un pré en vous dirigeant vers le couchant, toutes les fleurs vous regardent, et si vous le traversez en sens inverse, vous n’apercevez que les involucres. Ces fleurs suivent la marche du soleil jusqu’à l'heure de midi ; elles se ferment alors, mais les capitules fermés continuent leur marche versle couchant. Au cré- puscule du soir, ils se redressent sous l'influence du géotropisme, et l’aube matinale les attire de nouveau vers l’orient. Il faut re- marquer que, dans les journées très chaudes, ces fleurs ne sui- vent le soleil que jusque vers onze heures et que la lumière trop intense les frappe d’immobilité. Ce qui forme ici l'exception devient la règle pour d’autres plantes. Le Sonchus arvensis, par exemple, suit le soleil depuis son lever, mais ne va pas au-delà du Sud-Est, où il reste sta- tionnaire, pour se redresser le soir sous l’action du géotropisme. Je montrerai plus tard que cette suspension du mouvement héliotropique est produite par la trop grande intensité de la lumière. On a constaté récemment des phénomènes d’héliotropisme positif même parmi les champignons, notamment dans le pied unicellulaire qui supporte le sporange des Pilobolus. Nous aurons à revenir sur ce fait, qui intéresse tout particulièrement le débat. HéLiorropisME NÉGATIF. — L’héliotropisme négatif est re- gardé à tort comme très rare. Il ne produit pas des mouvements aussi apparents que l’autre, mais il est très répandu. Certaines racines aériennes fuient manifestement la lumière. Les racines souterraines cultivées dans l’eau et obliquement FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. 21 éclairées montrent la même répulsion. Le fait est frappant chez le Sinapis alba. Il faut dire néanmoins que toutes les racines aériennes n’y sont pas sensibles au même degré. Sur 61 espè- ces observées par moi, 27 le sont très fortement, 24 médiocre- ment, 6 d’une façon très faible et 4 d’une manière absolument nulle. Les vrilles de la Vigne ordinaire et de la Vigne vierge, du Smilax aspera, du Bignonia capreolata fuient manifestement la lumière. Il en est de même de plusieurs tiges quand elles pous- sent à une lumière vive (Hedera helir, Tropæolum majus). Le phénomène est encore assez sensible dans plusieurs autres espèces (Cicorium Intybus, Galium verum, G. Mollugo, Urtica dioica ; pousses de Cornus mas, de Quercus Cerris, d’Acer campestris). SIÈGE DE L'HÉLIOTROPISME. — Le siège de l’héliotropisme se trouve dans la région de l’organe en voie de développement, et même il ne comprend pas cette région tout entière. Il est facile de constater que l’extrémité de l'organe, la partie la plus jeune par conséquent, ne réagit pas contre la lumière. L’héliotropisme n’est possible que dans une région inférieure, et par conséquent plus ancienne. Je puis ajouter dès maintenant que le géotropisme n’agit également que sur cette région. Ainsi, la cime de tout organe est anhéliotropique. L’héliotropisme com- mence uñ peu plus bas seulement, pour aller en augmentant et arriver à son maximum, puis diminuer de nouveau et dispa- raitre à mesure que l’on approche de la partie inférieure de la tige, qui ne croit plus. La force d’héliotropisme est donc parallèle à la force de croissance ; mais les maxima de l’une et de l’autre ne correspondent pas exactement, comme nous le montrerons plus loin. Ainsi, l'extrémité de la tige est anhéliotropique, et si elle s’in- cline vers lalumière, c’est par un mouvement tout passif. N’étant pas turgescente comme les parties en plein accroissement, mais au contraire molle et flasque, le moindre poids l’incline, comme 3e sér., tom. 1. 2 22 MÉMOIRES ORIGINAUX. il arrive dans le Corylus Avellana et l’Ulmus campestris, où la partie héliotropique est assez étendue pour permettre cette cour- bure. Aussi les rameaux de ces arbres poussent-ils toujours dans la direction de la lumière. Le même effet se produit chez les boutons de Pavot et de beaucoup de Géraniums ; mais si la partie héliotropique sous-jacente est trop courte, la cime reste immo- bile, comme dans les Cornus. INTENSITÉ DE LA LUMIÈRE. — J'ai fait mes observations à ce sujet avec un bec de gaz d’une énergie uniforme de 6,5 bougies normales anglaises, et j'ai pris pour unité cette flamme placée à un mètre de l’objet éclairé. Or j'ai constaté que la plupart des embryons sont encore sensibles à une intensité égale à 0.008 de cette unité. D'autre part, il y a un maximum d'intensité lumineuse où l'embryon commence à se montrer sensible ; puis, à mesure que l'intensité baisse, la force héliotropique augmente, atteint un maximum, pour diminuer ensuite et arriver à zéro. Le tableau suivant va vous faire comprendre cette marche : Maxim. Optim. Minim. Vicia sativa (partie épicotylée)........ 204 0.44 0.008 Pisum salivum...,. subie UE us 210 0.11 0.008 Pic Rabd ue eee ns dre bites 123 0 7 118 0.012 Helianthus annuus (partie hypocotylée). 330 0.16 0.027 Salix alba (pousses étiolées).......... 400 6.25 1.560 N.-B. — La valeur maximum n'a pu être constatée que d’une facon approximative. Ces rapports entre l’intensité lumineuse et l'énergie de l’hélio- tropisme s'expliquent tout naturellement si l’on admet que les phénomènes d’héliotropisme résultent de la différence d’éclai- rement entre la face antérieure et la face postérieure. Le côté directement exposé à la lumière subit l'intensité lumineuse la plus forte, et cetle intensité va en diminuant à mesure que la lumière pénètre dans les tissus sous-jacents, jusqu’à la face pos- térieure. Quand la lumière est très-vive, cette différence est peu FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. 23 sensible ; d’autre part, il se présentera une limite inférieure où la lumière trop faible n’agira plus sur l'organe: c’est notre mini- mu». Mais à partir du maximum, l’héliotropisme doit évidem- ment grandir, pour atteindre un optimum, puis diminuer peu à peu et s’abaisser jusqu’au minimum. . Cette explication est confirmée par une foule de faits. On sait, par exemple, que sous l’action de la lumière la croissance en longueur est ralentie. Il suffit de comparer un embryon poussé dansl'obscurité avec un autre poussé à la lumière. Le premier est bien plus long. Or, une lige éclairée latéralement est soumise à l’une et à l’autre condition. La face exposée à la lumière se comporte comme l'embryon poussé au grand jour, etse déve- loppe lentement; la face opposée pousse plus vite, comme l’em- bryon tenu à l'obscurité. Or, comme les deux faces sont soudées l’une à l’autre, l'organe dévie et se courbe. Si l’on éclaire avec une intensité constante une série de ger- mes que l’on fait pivoter régulièrement sur leur axe, de manière à les soustraire aux effets d’héliotropisme, on remarque que les germes s’allongent d'autant plus qu’ils sont plus éloignés de la source lumineuse. Toutefois cette différence cesse à une certaine limite, à partir de laquelle toutes les tiges gardent la même lon- gueur. La lumière est devenue trop faible pour que la plante réagisse, et celle-ci se comporte comme si elle était dans une obscurité complète. Ces faits montrent clairement que la lumière ralentit la crois- sance ; il y a même certains degrés d'intensité qui l’arrêtent complètement. Des germes de Vicia sativa tirés de l’obscurité et exposés aux rayons solaires cessent de grandir, alors même que toutes les autres conditions de germination se trouvent les plus favorables. Cela rend compte de l’immobilité des capitules de Tragopogon pendant les fortes chaleurs du milieu du jour, et de celles des Sonchus arvensis, dont les mouvements s'arrêtent même déjà vers 10 heures du matin. Ajoutons l’intéressante observation que certains bourgeons foliaires suivent la marche du soleil comme les fleurs, et, 24 MÉMOIRES ORIGINAUX. comme elles, subissent un temps d’arrêt vers le milieu du jour (Helianthus tuberosus). DIRECTION DE LA LUMIÈRE. — L'héliotropismeétant l'effet d’une différence d’éclairemententre les deux faces d’un organe, il va de soi que si la lumière tombe d’aplomb sur le sommet de cet organe, aucun effet héliotropique ne pourra se produire. Maissi l'organe est éclairé obliquement, il s’infléchira jusqu'à ce que son sommet arrive dans la direction de la lumière, et, cette di- -reclion atteinte, il n’en déviera plus. Cela est vrai pour l’héliotropisme tant positif que Sega. Dans la nature, cette direction définitive est rarement atteinte. L’explication est très simple. Si la lumière tombe à angle droit sur un organe, elle agit avec la plus grande force sur les tissus; mais comme cet angle diminue à mesure que l’axe dévie vers la lumière, l’action de celle-ci diminue également ; la tige, tout en se rapprochant de la lumière, se trouve moins éclairée, tandis que les feuilles commencent à être orientées plus favorablement pour recevoir la lumière. COULEUR DE LA LUMIÈRE. — Tous les rayons du spectre solaire, même les rayons calorifiques obscurs et les rayons invisibles si- tués au-delà du violet, ralentissent la croissance , mais tous n’a- gissent pas au même degré. Le minimum d'influence se trouve aux rayons jaunes du spectre; à partir de ce point, l’action grandit d'une part jusqu’à l’ultra-violet, et d'autre part jusqu’à l’ultra- rouge. Getétat de choses ferait supposer que tous les rayons du spec- tre provoquent de l’héliotropisme positif et, que cette force hé- liotropique doit augmenter à parlir des rayons jaunes jusqu’au violet d’une part et au rouge de l’autre. Il n’en est rien : cette contradiction n’est qu’apparente. La lumière jaune, n’ayantqu'une action trés faible sur la croissance, ne peut agir que si la lumière est très intense. Or, dans ces conditions la lumière traverse l'organe de part en part, si bien que les deux faces se trouvent également éclairées, d'autant plus que les tissus se laissent facile- FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. 25 ment traverser par les rayons jaunes. Toutefois, si la tige était plus épaisse, il y aurait, à coup sûr, une manifestation d’hélio- | tropisme. Les expériences de réfraction peuvent servir à constater avec précision le degré de sensibilité héliotropique d’un organe. LUMIÈRE INTERMITTENTE, — L'action de la lumière oblique se continue encore pendant un certain temps après que la lumière a disparu. Une quantité déterminée’ de lumière provoque un ré- sultat héliotropique également déterminé, qu'on peut schéma- tiser par une courbe d’abord ascendante puis descendante. Ce résultat ne peut être modifié par aucune influence ultérieure, et le mouvement héliotropique se continue aussi bien dans l’ob- scurité et malgré l’effet géotropique qu’on essaie de provoquer, en plaçant l’organe horizontalement. J'ai appelé ce phénomène : induction photomécanique. L'induction photomécanique résulte d’une surabondance de lumière reçue par un organe. Pour mesurer cet excédant, je fus amené à faire des expériences sur la lumière intermittente. En plaçant des germes de Cresson et de Vicia dans une lumière in- termiltente de seconde en seconde, je vis que les effets d’hélio- tropisme étaient aussi forts que si la lumière eüt été continue. On peut même éclairer un germe à raison d’une seconde de lu- mière pour deux secondes d'obscurité, sans qu'il se courbe moins vite ou moins fort que si la lumière était continue. Mais c’est la limite inférieure de temps, et l’excédant équivaut donc à deux tiers de la lumière continue *. ACTION COMBINÉE DE L HÉLIOTROPISME POSITIF ET NÉGATIF. — L'héliotropisme positif, nous l'avons vu, ne se manifeste non plus que dass les organes en voie de développement ; seulement il est plus tardif que l'héliotropisme positif. 1 Voy. Mikosch et Stôhr; in Sitz. d. Kais. Akad. der Wiss., 15 juillet 1880; et Revue. des Sc. natur., 3° série, tom. I, pag. 403. 26 MÉMOIRES ORIGINAUX, L’explication à donner est la même, avec cetle différence que c’est la face éclairée qui pousse le plus vite et infléchit l’axe vers l'obscurité. [Il y a en effet des organes négativement héliotro- piques qui ne poussent pas du tout à l'obscurité : par exemple, les axes hypocotylés de Gui, et j’ai constaté que la quantité de lumière nécessaire pour faire développer un germe, suffit égale- ment pour développer l'héliotropisme négatif. Cependant il y a des racines aphéïiotropiques, c’est-à-dire négativement héliotropiques, qui, loin de cesser de pousser à l'obscurité, s’y développent plus vite. @e fait semble tellement opposé à ma théorie, qu’on n'a pas manqué de l’invoquer pour me combattre. Maïs la contradiction n’est qu'’apparente. La tige du Tropæolum majus est aphéliotropique, comme la constaté M. Sachs. Mais j’ai reconnu qu’à une faible lumière elle montre d’abord de l’héliotropisme positif, et que le mouvement inverse ne se produit qu'à une lumière intense. Il en est de même des bourgeons de Lierre et d'une foule d’autres tiges, surtout vers la fin de la période de croissance. Il n’y a donc pas de raison pour que ces organes poussent plus lentement à l’ob- scurité. C’est le contraire qui doit avoir lieu, puisqu’à une lumière faible ils sont soumis à l’héliotropisme positif. J'ai pu constater que l’héliotropisme négatif est très-répandu dans la nature, et il est permis de penser qu’il est commun à la généralité des plantes. À mon avis, les deux modes d’héliotro- pisme sont inséparables, Chaque organe possède dans ses tissus complexes des éléments positifs et négatifs, dont les uns recher- chent la lumiére, les autres l’obscurité. Or, tant que la tige est riche en parenchyme et que les faisceaux vasculaires (libéro-li- gneux) ne sont pas encore formés, elle manifeste de l’héliotro- pisme posilif, et ce n’est que plus tardivement, alors que les fais- ceaux sont développés, qu’elle montre de l’héliotropisme négatif. J'en conclus que le parenchyme forme l’élément positif et les faisceaux vasculaires l'élément négatif, Cette conclusion est confirmée par l'expérience suivante. On sait que si l’on expose des embryons à un soleil intense, ils ne FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. 27 se développent pas du tout, puisque la lumière intense arrête la croissance des tiges. D'autre part, il existe une limite inférieure d'intensité lumineuse à laquelle les embryons grandissent aussi vite qu’à une obscurité complète. Voici maintenant mon expé- rience. Si l’on expose un enbryon aux divers degrés d’intensité lumineuse compris entre ces deux limites extrêmes, on remarque les variations suivantes: À partir de la limite supérieure, la croissance augmente à mesure que la lumière diminue ; elle atteint bientôt un premier maximum peu élevé, après quoi elle commence à diminuer, pour arriver à un certain minimum. Enfin elle reprend une marche ascendante, pour atteindre un second maximum très élevé, au moment où la valeur de la lumière équivaut à l'obscurité. Cette expérience nous amène aux conclusions suivantes : La faible croissance qui se manifeste à la haute intensité de la lu- mière doit être attribuée aux éléments négatifs dont la lumière vive favorise le développement et qui trouvent un optimum de végétation à un certain degré d'intensité. À partir de ce point, ce sont les éléments positifs qui entrent en jeu etse développent d'autant plus vite que la lumière devient plus faible. Si donc un orgare possède des éléments négatifs et positifs, on le verra ma- nifester de l’héliotropisme positif ou négatif selon le degré d'’in- tensité lumineuse qu'il recoit et aussi selon la proportion res- pective des deux espèces d'éléments qu’il renferme. Si, comme c'est la règle chez les jeunes organes, le paren- chyme, c'est-à-dire l’élément positif, l'emporte, la plante montrera de l'héliotropisme positif à une lumière faible et aucun hélio- tropisme à une lumière intense. Mais dans une tige plus âgée, où les éléments négatifs, c’est-à-dire les faisceaux vasculaires, sont devenus plus abondants, la lumière intense provoquera for- cément de l’héliotropisme négatif. Dans certains cas au contraire les deux effels peuvent se com- battre et s’annuler. MÉCANISME DE L'HÉLIOTROPISME — J'ai pu constater, pour 28 MÉMOIRES ORIGINAUX. l’héliotropisme positif, que la turgescence est plus grande à la face obscure de la tige que du côté opposé. Cette différence suffit à elle seule à produire une courbure héliotropique, en suppo- sant toutes les autres conditions de tension égales. J'ai constaté en outre une supériorité de ductilité dans les tissus de la face non éclairée, ce qui favorise cette même courbure héliotropi- que dans les organes multicellulaires. Quant aux organes unicel- lulaires, comme le pied sporangifère du Pilolobus crystallinus, cette différence de ductilité entre la face obscure et la face éclairée est la cause unique de l’héliotropisme, puisqu'il ne peut exister qu'une pression unique dans une seule et même cellule, et que l’on ne peut pas faire intervenir la différence de lurgescence. Jl n’y a pas lieu d'admettre la distinction que Pfeffer a voulu établir entre deux prétendues espèces d’hélictropismes positifs: celui des organes unicellulaires produit uniquement par la diffé- rence de turgescence, et celui des organes pluricellulaires, où in- terviendrait en outre la différence de ductilité. | On n’est pas encore bien fixé en détail sur le rôle complet de la lumière, soit dans l’héliotropisme, soit dans les modifications du protoplasma; mais ce qu'il est permis d'affirmer, c’est que la lumière diminue la turgescence et l’élasticité dela paroi cellu- laire. Ces deux propriétés se trouvant plus développées vers la face obscure, il en résulte forcément un plus grand allongement de ce côté. Pour les organes unicellulaires, la turgescence est plus grande quand ils sont placés à l'ombre. Mais supposez celle lurgescence suffisante pour exercer une tension sur les parois : il arrivera que, si vous l’éclairez obliquement, la paroi éclairée perdra de son élasticité, et le côté opposé, continuant son mouvement d’ex- pansion, infléchira la cellule vers la lumière. Le mécanisme de l'héliotropisme négatif s’est dérobé jusqu’à présent à mes inves- tigations, et, comme je suis l'ennemi des hypothèses vaines, je ne tenlerai aucune explicalion. CRITIQUE DES THÉORIES DE DARWIN AU SUJET DE L'HÉLIO- FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. 29 TROPISME. — Abcrdons maintenant les théories darwiniennes sur l’héliotropisme. Elles peuvent se résumer en cinq propositions : 1° Les mouvements héliotropiques ne sont que les modifica- tions diverses d’uneseule et mème force innée aux plantes et ap- pelée circumnutation. | 90 L’héliotropisme augmente en raison de l'intensité de la lumière. 3° La lumière agit sur les plantes de la même façon que sur le système nerveux des animaux, c’est-à-dire qu’elle les irrite. Ce ui le prouve, c’est quela courbure héliotropique, tout en gran- ‘dissant avec elle, ne diminue pas de même. 4o La lumière agit conme une irritation, puisque les plantes sont sensibles à tous les contrastes de lamière et d’obscurité. 5° L'influence de la lumière se propage des parties lumineuses vers les parties obscures, et provoque ainsi des effets d’hélio- tropisme, même dans des parties qui par elles-mêmes ne sont pas héliotropiques. Je vais commencer par l’examen de la dernière des cinq propositions. Elle me paraît en effet la plus importante. Les expériences de Darwin à ce sujet ont porté sur des cotylé- dons de diverses Graminées aussi bien que sbr des tigelles. Or, comme toutes les Graminées se distinguent par la complication de leurs mouvements, nous allons fixer plus particulièrement notre altention sur les expériences concernant les ligelles. Darwin exposa à la lumière oblique .des germes de Brassica oleracea d’un pouce anglais de long. Ils se courbèrent en arc dans toute leur longueur, du eôlé de la lumière. Darwin conclut que la flexion de la partie inférieure est produite par l’héliotro: pisme aussi bien que la supérieure, et résulte d’une irritation dont la partie supérieure est ie point de départ. Ce qui doit le prouver, c’est que la partie inférieure, qui se courbait dans une tigelle intacte, restait droite, et demeurait inerte quand la ti- gelle était décapitée. 30 MÉMOIRES ORIGINAUX. Voici ma réponse. [l y a déjà un certain nombre d’années que j'ai attiré l'attention sur le fait suivant, observé dans le Phaseo- lus multiflorus", Si l’on coupe le sommet héliotropique de la tigelle, la croissance s'arrête et tout mouvement d’héliotropisme et de géotropisme se trouve supprimé, bien que les cotylédons contiennent encore des matières nutritives et que la tigelle pos- sède encore une portion susceptible de croissance, comme il était facile de le constater en la comparant à d’autres tigelles conservées intactes. D'autres expériences analogues me permirent de tirer la con- clusion suivante : Des tiges en voie d’accroissement supportent difficilement d'être mutilées, et toute mutilation suspend ou ra- lentit la croissance. Or, en supprimant la croissance on supprime par le fait même toute espèce d’héliotropisme et de géotropisme, Si la croissance est seulement ralentie, l’héliotropisme et le géo- tropisme diminuent en proportion. Il ne faut pas oublier en ef- fet ce point capital, que l’héliotropisme est en raison directe de la croissance. Pour ne pas fatiguer le lecteur, je ne rapporterai ici que les plus importantes des nombreuses expériences que je fis sur ce sujet. Il est bon de remarquer que je me servais d’un ra- soir pour couper la cime des tigelles, afin de ne pas écraser les tissus, et que je les plaçais dans les conditions de végétation les plus favorables. Pour les expériences de géotropisme, je plaçais les germes horizontalement, et pour celles d’héliotropisme je les exposais à l’optimum de l'intensité lumineuse propre à chaque organe. Dans le tableau suivant, la lettre L indique la longueur de l’or- gane avant la décapitation ; {, la longueur de la cîme retranchée: T, l'accroissement en un nombre d'heures déterminé. Expériences sur des embryons étiolés de Phaseolus multiflorus. Embryon. L l T = (24 heures). a 44 millim. 0 48 9 b 42 2 30 1 Die undulirende Nutation. Sitzungsb. der Kaïis. Akad. der Wissench., B. LXXVII, 1878, pag. 25. FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. al c 44 4 18 d 39 6 15 e 38 8 10 Î 31 10 4 g 34 12 0 h 45 0 83 Les exemplaires e et f, quoique fortement décapités, auraient encore pu s’accroître de 20 à 24 °/; À ne tarda pas à se redres- ser verticalement sous l’effet du géotropisme ; « et à trahirent des mouvements géotropiques, mais en moindre proportion que h; c-e se redressèrent proportionnellement à leur force décrois- sante; f ne trahit que de faibles vestiges de géotropisme, g n’en montra plus aucune trace. Embryons éliolés d’Helianihus annuus. L l T (48 heures). a 52 millim. 0 millim 8,4 °%o b 43 H) 0 C 48 10 0 d 47 0 16 d se redressa très promptement sous l’effet du géotropisme, et devint vertical ; a se redressa beaucoup, b sensiblement, e au- cunement. On sait que les embryons d’Æelianthus annuus ne sont que très faiblement héliotropiques. Dans l'expérience con- comitante que je fis avec la lumière oblique, a manifesta peu d’héliotropisme, b et c aucun ; mais l'embryon resté intact se courba sensiblement vers la source lumineuse. Embryons étiolés de Brassica oleracea. L l T (24h) (72 h.) a 32 millim. 0 millim. 1087: 03 b 30 2 11 31 C 31 4 7 19 d 29 6 3 7 e 30 8 (0) 0 f 28 10 0 0 g 29 12 0 0 h 32 14 0 0 i 26 16 0 0 k 29 0 36 115 32 MÉMOIRES ORIGINAUX. k s'infléchit très vite lorsqu'il fut exposé lentement, b, c faiblement, d d’une façon tous les autres point du tout. à la lumière, a plus à peine sensible, et Dans des expériences parallèles sur le géotropisme, les em- bryons placés à l'obscurité dans une position horizontale se re- dressèrent diversement. k promptement, a imparfaitement, b et c faiblement, d presque insensiblement, et les autres point du tout. | Comme tous les sujets avaient été marqués de divisions mil- limétriques à l’encre de Chine, je pus vérifier leur croissance, tant chez ceux qui avaient élé décapités que chez ceux qui étaient restés intacts. Je pus conclure que la croissance avait été ralentie ou arrêtée selon que la mutilation avait été plus ou : moins grande. En rapprochant l’ensemble de mes expériences de celles- de Darwin, je constate une entière concordance dans les faits. Mais je constate non moins clairement que Darwin en a forcé les dé- ductions. Les embryons mutilés au point de perdre leur faculté de croissance, perdent par cela même leurs facultés héliotropi- ques, et Darwin a lort de dire que des embryons décapités, mais conservant encore quelque faculté de croissance, ne se montrent plus héliotropiques. L’illustre savant a fait une seconde série d'expériences aux- quelles il attache la plus grande importance, et dont voici le résumé. On sait que des tigelles exposées à la lumière oblique se cour- bent dans toute leur longueur et jusqu’au ras du sol. Or, Dar- win ayant enveloppé le sommet des tigelles d'une baudruche couverte d’une couche d’encre de Chine pour intercepter la lu- mière, les tigelles ne se courbèrent plus du tout. La baudruche p’avait produit aucun effet par elle-même, et, ce qui le prouve, c’est que des tigelles enveloppées d’une baudruche simple n'en continuaient pas moins à se courber. Darwin tira done la conclu- sion suivante : ÿ C'est le sommet seul de la tigelle qui est affecté directement FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. 33 par la lumière, et ce sommet transmel l'héliotropisme à la base, qui par elle-même est inerte. Darwin crut en trouver de nouvelles preuves dans les expé- riences suivantes. Des graines de Brassica oleracea furent placées sous une cou- che de sable fin d’un quart de pouce d’épaisseur. On avait expé- rimenté qu’une couche de 1/10 de pouce suffisait pour intercep- ter tout rayon lumineux, tant à l’état sec qu’à l’état humide. Lorsque les axes hypocotylés eurent atteint une longueur de 0,04 ou 0,55 de pouce, ils furent chaussés d’une épaisse cou- che de sable et exposés à l’action d’une lampe de paraffine pen- dant neuf heures. Toutes les tigelles s’infléchirent vers la lu- mière, et la base se courba si fortement qu'elle creusa dans le sable un sillon de 0,01 de pouce. Darwin se crut donc autorisé à attribuer cette inflexion de la base à la transmission de l’hé- liotropisme émané du sommet de la tigelle. | Pour moi, je vois d’abord dans cette expérience et dans tou- ies les autres analooues, une preuve de la grande force héliotro- pique du sommet de l’axe épicotylé. Cela est parfaitement d’ac- cord avec mes théories, car la force de croissance est beaucoup plus forte au sommet de la tige qu’à la base, et j'ai fait voir que l'énergie héliotropique est en raison directe de celle de la crois- sance et a son siège dans la même région de la tigelle. En second : lieu, j'y vois la constatation de ce fait : que la base de la tigelle est absolument insensible à l’action de la lumière, c’est-à-dire anhé- liotropique. Mais quant à la transmission de l’héliotropisme, elle n’est rien moins que prouvée. En effet, si l’on songe d’une part à la grande force d’héliotro- pisme qui fait courber ces tigelles si tendres, et: d'autre part à Jeur peu d'élasticité, il faut admettre que la force exercée au sommel enlrainera nécessairement la base. Ajoutez que le poids de la cime que la courbure héliotropique met en surplomb, en- irainera encore davantage la partie inférieure. Ce poids est peu de chose, je l'avoue ; mais en exerçant une traction sur la face obscure et une pression sur la face éclairée, il détermine une 34 MÉMOIRES ORIGINAUX. croissance inégale dont l’effet s’ajoutera à celui de la courbure héliotropique. Voici maintenant une expérience personnelle que j’oppose à celles de Darwin. Le but en avait été d’abord d'isoler les effets de la gravitation de ceux de l'héliotropisme, mais elle s'applique admirablement au but nouveau que je me proposais. Il s'agissait de soustraire des pousses de Cresson de ? à 5 centimètres, à l'effet de la gravitation, tout en les tenant éclairées d’un seul . côté. Voici l’appareil que j'imaginai. Qu'on se représente une grosse pendule marine avec son cadran vertical. Les aiguilles sont remplacées par un disque de métal muni de quatre cornets en métal, orientés dans le sens des aiguilles et pouvant recevoir de petits vases cylindriques. Les embryons de Cresson furent plan- tés dans de petits vases de terre, et, quand ils eurent atteint la hauteur voulue, on disposa les vases dans les quatre cornets du disque, puis l'horloge fut mise en marche. Le disque faisait un tour par heure. L'appareil se trouvant placé dans ma chambre obscure, dont j'ai donné ailleurs la description, je posai une flamme de 6,5 bougies normales en face de l’axe de rotation du disque, qui élait couvert d’une couche de noir opaque, ainsi que le reste de l'appareil. Chaque pousse de Cresson tourna donc comme fait l'extrémité des aiguilles dans une horloge, en passant successivement par les positions verticale, debout, hori- zontale et verticale renversée, tout en présentant sans cesse le même côté à la flamme. Celle-ci était placée à 2,50, de ma- nière à réaliser l’optimum d'intensité lumineuse pour l’héliotro- pisme. Comme terme de comparaison, des embryons de Gresson du même âge que ceux de l'appareil de rotation furent placés sur un terrain immobile à une distance égale de la lumière. La courbure héliotropique se produisit en même temps sur l'un et l’autre appareil. Mais quand je changeais la distance de la flamme, elle se produisait plus vite sur l'appareil de rotation, parce que le géotropisme négatif contrariait la croissance dans FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. 35 les germes immobiles, tandis que j'ai toujours pu constater que l’optimum d’éclairement annulait les effets de géotropisme. Exposons maintenant l’ensemble des résultats de notre expé- rience. Sur l'appareil de rotation, les tigelles ont conservé leur partie inférieure absolument droite et la cime se dirigeait vers la lumière en formant brusquement un angle avec la base. Sur l'appareil immobile, les tigelles se sont courbées dans toute leur longueur, jusqu’au ras du sol. D'où vient cette différence ? Les conditions d'éclairage étant les mêmes, les effets d’héliotropisme ne peuvent être dissem- blables. La différence doit donc venir de ce que les tigelles en rotation étaient soustraites à l’action unilatérale du géotropisme. La courbure de la base dans les tigelles immobiles ne résulte donc pas de l’héliotropisme, mais du poids avec lequel le som- met, en se courbant héliotropiquement, pèse sur la partie infé- rieure. C’est un phénomene de croissance produit par la traction opérée sur la face obscure de l'organe et la pression exercée sur la face éclairée. Or, sur l'appareil de rotation, ce double effet de traction et de pression se trouvait complètement sup- primé. Je dois ajouter que la courbure héliotropique des tigelles for- mait un angle droit avec le plan du disque de rotation. Ge fait indique que la cime obéissait à l'influence lumineuse avec une exactitude absolue , car elle se plaçait parallèlement au plan d'incidence des rayons. Deux conséquences ressortent de cetle expérience. Premièrement, la théorie de Darwin sur la transmission et l'irritation héliotropiques est fausse, car, s’il y avait transmission, la base de la tigelle n’aurait pas manqué de se courber en recevant l'irritation de la cime. Deuxièmement, la base de la tigelle est insensible à l’action de l’héliotropisme. Cette expérience, répétée avec des germes de toute espèce, m'a toujours donné les mêmes résultats. Jamais je n’ai vu se courber que la partie de la tigelle directement héliotropique. 36 MÉMOIRES ORIGINAUX. Avait-elle 1 à 1,5 centim. de long, elle s’infléchissait jusqu’au ras du sol ; avait-elle de ? à 4 centim., elle se courbait jusqu’à la moitié ou au tiers de là hauteur. Ne négligeons pas de re- marquer que si les tigelles courtes se plient jusqu’au sol, on ne peut pas accuser l'appareil de rotation de fausser les effets de l’héliotropisme dans les tigelles plus longues, qui ne se cour- bent que jusqu’au tiers ou à la moitié. N'est-il pas évident que ce que Darwin regardait comme le résultat d’une irritation est donc un effet du surplombement de la cime, qui fait intervenir dans la croissance le double effet de traction et de pression ? | Je vais prouver à présent que, même les parties suscep- üibles d’héliotropisme ne se courbent pas lorsqu'elles ne sont pas directement éclairées, alors même qu’une partie voisine s'infléchit. Ce fait achèvera de ruiner la théorie de l’irritation transmise. Quatre embryons de Brassica oleracea furent placés, comme pour l'expérience précédente, däns les quatre cylindres de l’ap- pareil de rotation ; seulement ils étaient encore tous les quatre susceplibles de se plier héliotropiquement jusqu’au ras du sol, et n'avaient qu’un centimètre de hauteur. Devant deux des em- bryons, deux feuilles de métal enduites d’une couche de noir opaque furent disposées de telle façon que la partie supérieure de la tigelle restât seule éclairée. La moitié inférieure se trou- vait dans l'obscurité, mais avait encore assez d’espace devant elle pour s’infléchir librement. Deux plaques latérales intercep- taient la lumière réfractée. Au bout d'une heure et demie, je vérifiai les résultats. Les deux tigelles entièrement éclairées s'étaient courbées jusqu’au niveau du sol; dans les deux au- tres, la partie inférieure, restée à l'obscurité, s’élait maintenue droite. Dans une autre expérience, je ne mis pas assez de terre pour remplir complètement le'ceylindre de verre, dont un rebord de 3 à 4 millim. fut laissé libre et couvert extérieurement de pa- FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. 37 pier noir, tandis qu'intérieurement j'appliquai une couche de couleur noire. Ainsi la tigelle, en sortant de terre, ne rencontrait pas aussitôt les rayons lumineux ; elle avait à traverser d’abord une zone d’obscurité, jusqu’au moment où elle dépassait le niveau des rebords du cylindre. Le résultat de l’expérience fut que les parties non directement éclairées demeurèrent verticales, bien qu’elles fussent très fortement héliotropiques. Je renouvelai ces diverses expériences de rotation avec des embryons de Phalaris canariensis, pour lesquels Darwin semble avoir une sorte de prédilection, et qui sont en réalité d’une étonnante sensibilité. Ainsi, les germes étiolés de ce Phalaris (toujours rouges dans cet état) se courbent aussi rapidement vers la lumière que des germes de Vicia en pleine croissance. Les résultats furent les mêmes, avec cette particularité que la différence de courbure entre les germes tournants et les germes immobiles était moindre que dans les embryons dicotylédonés. Cela confirmait encore ma façon de voir. Il y a en effet une grande différence de volume et de poids entre les sommets des tigelles monocotylédonées et dicotylédonées ; la cime du Pha- laris, n’élant qu’une pointe légère, exerçait une moindre pression sur la base de l’organe. Je fis encore une série d'expériences avec le Vicia sativa. Il y a déjà plusieurs années que j'ai fait connaître l’extrême sensi- bilité de ces sortes de germes quand ils sont étiolés : l’héliotro- pisme y est si fort qu'il annule presque le géotropisme. Je les choisis de 3 à 4 centim. de longueur, et je les plaçai dans de petits pots, la tête en bas. On n'avait donc pas à craindre d’in- fluence géotropique, et la cime ne pouvait pas non plus peser sur la base. La lumière se trouvant placée à la distance optimum de 1m,50, les uns furent éclairés dans toute leur longueur, et les autres sur une longueur de 7 ou 8 millim. à partir de la pointe. Des feuilles de métal plantées dans la terre des pots servaient d'écran et la base des tigelles se trouvait dans une obscurité absolue. Le résultat fut que la cime se courba constamment vers 3° gér., tom. 11. 3 38 MÉMOIRES ORIGINAUX. la lumière, en formant avec la partie non éclairée de la tigelle un angle presque droit. Au contraire, les germes éclairés dans toute leur longueur s'infléchissaient en formant un angle plus ouvert, et la courbure héliotropique descendait jusqu’à un point inférieur à celui où elle s’arrêtait brusquement dans les autres. Comme je n’oubliais jamais de tracer sur les tigelles des divi- sions millimétriques, je pus constater à chaque expérience quela courbure ne porte que sur la région en pleine croissance, etseu- lement si elle est directement exposée à la lumière. Voici une expérience qui se recommande par sa simplicité. Faites pousser des germes de Vicia sativa devant une flamme normale, en les plaçant exactement sur le même plan horizontal que la lumière. Exposez-les un moment à une faible lumière solaire, tombant aussi horizontalement, afin d'augmenter leur sensibilité; puis exposez-les de nouveau à la lumière normale, en les maintenant toujours horizontales, mais de telle sorte que la tigelle soit perpendiculaire au plan d'incidence de la lumière. II vous sera facile, au moyen d'écrans, de constater que la partie héliotropique de la tigelle ne se courbe que dans les points ex- posés directement aux rayons lumineux. Disposez les écrans de manière à mettre exactement la tigelle dans l'ombre, et vous verrez que la courbure héliotropique ne se manifestera qu’au fur et à mesure que la croissance portera la cime en dehors de la zone obscure. La théorie de Darwin se trouve donc renversée de fond en comble, puisque même les parties susceptibles encore d’héliotro- pisme ne se courbent qu'autant qu’elles sont directement expo- sées à la lumière. Aucune transmission d'irritation ne se produit, et pour ce quiest du sillon que les tigelles de Darwin impriment sur le sable, on n’y peut voir qu’une pression mécanique. Cette pression esl d’ailleurs très faible, et, pour peu que le sable soit tassé, aucun sillon ne se produit pas plus que dans l'argile fine- ment pétrie. 9 INTENSITÉ LUMINEUSE. — Selon Darwin, l’héliotropisme aug- C2 FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. mente avec l'intensité de la lumière. Ce principe n’est pas plus fondé que le principe contraire, soutenu par Payer. Mes expériences personnelles m'ont démontré qu'en présence d’une intensité lumineuse décroissante, l’héliotropisme augmente d’abord graduellement jusqu’à un certain maximum, puis dimi- nue, pour tomber peu à peu à zéro. Les idées de Darwin sur l'intensité lumineuse pouvent se ré- sumer dans les deux propositions suivantes : 1° L’intensité lumineuse n’est pas proportionnée à l’héliotro- pisme, ce qui prouve qu'elle agit comme un stimulant. 2° La durée de l’éclairement n’est pas proportionnée à l’hélio- tropisme, ce qui prouve encore un phénomène d'irritation. Examinons d’abord le premier point. Le manque d’accord entre l’héliotropisme et l'intensité de la lumière s’explique d’une façon bien simple : c'est que la différence d’éclairement entre la face obscure et la face éclairée de l'organe, différence qui provoque l'héliotropisme, n’est pas toujours en rapport avec l'intensité lu- nineuse. Il y a là un effet purement physique, sans qu’il soit né- cessaire de faire intervenir une irritation nerveuse. Le second point n'est également vrai que dans un certain sens, et il trouve son explication dans ce que nous avons dit plus haut de l'induction photomécanique. Si j'expose un germe à la lumière jusqu’à ce que l'induction héliotropique ait eu lieu et que je le place ensuite dans l’obscu- rité, la courbure héliotropique se produit aussi bien que s’il avait continué de séjourner à la lumière. Les germes de Vicia et de Cresson manifestent leur hélictropisme dans un temps donné, que la lumière soit continue ou qu’elle soit intermittente à raison d’une seconde d'éclairage pour deux secondes d’obscurité. Tou- tefois, ily a un minimum d’éclairement où l’héliotropisme est exactement proportionné à la lumière. Cette persistance de l'effet lumineux qui se continue dans l'obscurité pourrait facilement donner le change et faire supposer 40 MÉMOIRES ORIGINAUX. uu phénomène d'irritation nerveuse, comme le veut Darwin. Mais cette persistance, comme toute la question de l'induction photomécanique, se résout par une explication physique. La for- mation de la chlorophylle, c’est-à-dire d’une individualité chi- mique, se produit de même. J'ai été le premier à le montrer‘, et MM. Mikosch et Stôühr * l’ont démontré à leur tour par des expé- riences faites dans mon laboratoire, mais par une autre méthode. Pourtant, personne n'est tenté de faire un rapprochement entre ce phénomène et l’action du nerf optique. D'ailleurs MM. Bunsen et Roscoe %, dans leurs belles recherches sur l’induction pholo- chimique, ont montré que des faits analogues avaient eu lieu même en dehors du règne organique. Dans une expérience mé- morable, ils ont montré que si l’on met en présence de l’hydro- sène et du chlore, l’acide chlorhydrique ne se produit pas avec une activité uniforme lorsqu'on expose le mélange à la lumière. Celle-ci favorise la combinaison avec une force croissante jusqu'à une limite déterminée, et, si la lumière disparaît, la combinaison ne s’arrête pas pour cela, mais persiste dans l'obscurité pendant un temps donné et continue à produire de l'acide. Cette induc- tion photochimique offre une analogie frappante avec les phéno- mènes de l’héliotropisme, et il est à croire qu’elle y joue un rôle. Sans doute il reste encore des points obscurs, mais ce que nous connaissons permet de faire ce rapprochement. Il y a toujours avantage à rapprocher un problème soumis à l’étude d’un pro- blème déjà résolu, et c’est ainsi que procèdent les sciences naturelles. La théorie des ondulations en acoustique n'est-t-elle pas née d’une comparaison entra les ondesliquides et les ondes so- nores ? Mais que pouvons-nous gagner à rapprocher l’action encore 1 Die Entstehung des Chlorophylls in der Pflanze. Wien, 1877, pag. 87 et suivantes. 2 Loc. cit. 3 Poggendorfs' Annalen, B. X, 1857, pag. 481 et suiv, FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. 41 inexpliquée de l’héliotropisme de l’action plus inexpliquée encore du système nerveux? Nous épaississonsles ténèbres au lieu de les dissiper. Au contraire, si tout ce que nous connaissons de la vie des plantes a pu s’expliquer jusqu'ici par des effets mécaniques, il faut chercher également dans des effets mécaniques l'explication de ce que nous ne connaissons pas. La m$canique de la végétation renferme encore bien des mystères, mais nous en connaissons du moias certains facteurs, ne fût-ce que la turgescence, qui, de l’aveu même de Darwin; nous rend compte, à elle seule, d’une foule considérable de phénomènes. CONTRASTES LUMINEUx.— Il ne reste plus à examiner que le quatrième point de la théorie de Darwin. Si les plantes héliotropiques sont sensibles aux contrastes lumineux, s’ensuit-il que la lumière agisse comme une irritation nerveuse ? Il est bon de reproduire textuellement le passage de Darwin. « Avant de connaître la sensibilité extrême des cotylédons du Phalaris, j'étais occupé à une expérience sur la circumnutation d’ua embryon de cette plante dans l'obscurité. Pour faire les observations, je me servais d’une petite bougie que j’approchais pendant une ou deux minutes de la plaque de verre perpendicu- laire où se transcrivaient les mouvements de cireumnutation. Je fis ainsi dans un jour dix-sept observations à un intervalle d'une demi-heure ou de trois quarts d'heure. Le soir nous fümes tout surpris de voir que vingt-neuf cotylédons étaient sensiblement courbés et s’infléchissaient vers la paroi de verre, dans la direc- tion où se trouvait chaque fois la lumière. Ainsi, les apparitions si courtes de la bougie avaient suffi pour provoquer l’héliotro- pisme. »Le même fait fut observé avec des germes de Solanum Lyco- persicum, et nous fûmes tenté de l’attribuer à un phénomène d’induction photomécanique. Mais depuis que nous avons lu les observations de M. Wiesner, nous ne doutons pas que les effets de la lumière intermittente ne soient plus forts que ceux d’une 42 MÉMOIRES ORIGINAUX. lumière continue, puisque les plantes se montrent particulière- ment sensibles aux contrastes lumineux ‘.» Darwin appuie donc sa théorie en partie sur ses expériences personnelles, en partie sur les miennes. Les siennes, quoique un peu primitives et grossières, ont donné les mêmes résullats que les miennes, à savoir : que la lumière continue apporte à la plante un excédant de lumière. Quant à savoir si la lumière inter- mittente agit plus fortement que la lumière continue, comme le prétend Darwin, son expérience ne permet pas de se prononcer, tandis que les miennes tranchent la question. Or elles ont formellement prouvé que l'effet de la lumière intermittente n’est pas le moins du monde plus fort que celui de la lumière continue. En dehors de l'induction photomécanique, elles ne montrent qu’une chose, c’est que la plante éclairée d’une manière continue reçoit un excédant de lumière qui reste sans action sur la courbure héliotropique et qui pourrait s'appeler lumière latente. Il n’y a donc là rien qui justiäe la théorie des contrastes, que Darvin formule eucore à propos de quelques autres faits. Par exemple, des plantes, après avoir séjourné dans l'obscurité, se courbent plus rapidement vers la lumière; des germes émer- geant de l’obscurité du sol sont plus sensibles que des bourgeons foliaires habitués aux rayons solaires. Ces faits sont exacts. On a bien souvent fait remarquer aussi que les plantes étiolées sont d’une sensibilité plus grande. Mais tous ces phénomènes s’expli- quent bien plus simplement que par des effets de contraste, et tout bonnement par l’augmentation de l'énergie de croissance que les plantes acquièrent à l’ombre. Plus la lumière est intense, plus la croissance décline, et plus un éclairement unilatéral provoque rapidement les courbures héliotropiques. Je dois citer ici une expérience personnelle qui me paraît tout à fait probante, J’ai constaté que des germes très sensibles peu- PE 1 La faculté motrice, pag. 461-62 de la Trad. franç., pag. 457 de l'Édition anglaise. FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. 43 vent augmenter encore de sensibilité si l’on diminue légèrement la turgescence des cellules, puisque la turgescence contrarie un peu la courbure héliotropique. On y arrive, soit en plongeant la plante dans une faible solution da sel, soit en la laissant un peu se flétrir, soit en l’exposant péndant quelque temps à la lumière. Or tout cela revient à dire qu'un germe étiolé de n'importe quelle façon, et ayant poussé à l’ombre, montre une plus grande sensibilité héliotropique quand on l’expose à la lumière. On est donc autorisé à conclure de tous ces phénomènes d’in- termittence lumineuse, qu’il n’y a rien de moins fondé que le rapprochement, qui semble d’abord si naturel, entre l’action que les contrastes lumineux exercent sur le système nerveux des animaux et celle qu'ils produisent sur les plantes, puisque cette derniére trouve ailleurs une explication plus simple et plus facile. CHAPITRE IV. GÉOTROPISME. Si l'on place une tige dans l’obscurité en lui donnant une position horizontale, elle tend à reprendre la direction verticale en redressant son extrémité supérieure, et l’incurvation se pro: duit dans la zone de la plus forte croissance. Au contraire, si, tout en maintenant cette tige dans la position horizontale, on la retourne à de courts intervalles, de façon que ce ne soit pas toujours la même côté qui regarde le sol, ou bien si on la fait tourner par un mouvement continu autour de son propre axe, ou encore si on lui imprime un mouvement de rotation autour d'un axe étranger, de telle sorte que la cime de la tige décrive un cercle dans un même plan vertical, il ne se produit point de redressement. Gette propriété des plantes a reçu le nom de géo- tropisme, et l'expérience qui précède montre que le géotropisme agit dans le sens de la pesanteur. Les racines se comportent exactement de même que la tige, mais en sens inverse : elles se courbent vers le sol. L'illustre physiologiste anglais Knight a montré dès le commen- 44 MÉMOIRES ORIGINAUX: cement de ce siècle que le géotropisme ne pouvait être qu'un effet de la gravitation universelle. Si l’on place des plantes sur une roue horizontale que l’on fait tourner pour engendrer la force centrifuge, on remarquera que les tiges et les racines, si elles sont libres dans leurs mouvements, prennent une direction intermédiaire eutre la pesanteur et la force centrifuge ; qu’elles suivent, en un mot, la résultante de l’une et de l’autre force. Ce qui Je montre encore mieux, c’est que la tige se dirige con- stamment vers le centre de la roue et la racine vers la périphérie. Or, si l’on soumet à la force centrifuge deux liquides de densité différente, le plus lourd est toujours entraîné le plus loin du cen- tre. Il n’est donc plus permisde douter que la direction des Liges et des racires ne soit gouvernée par la gravitation. De quelle manière la gravitation agit-elle sur les végétaux ? Cela est encore un mystère, Nous savons seulement que dans les tiges couchées horizontalement la face inférieure s'accroît plus vite, tandis que l’inverse a lieu dans les racines. C’est cette différence d’accroissement qui a pour résultat l'incurvation de l'organe. Mes expériences personnelles m'ont démontré que l’incurva- tion géotropique ne pouvait être attribuée à une tension passive, comme en produirait la simple turgescence, et qu'il faut absolu- ment faire intervenir la croissance. Aussitôt qu'un organe ne trouve plus d'oxygène pour se développer, ou que la tempéra- ture est trop basse ou trop élevée, le géotropisme disparait en même temps que la croissance. GÉOTROPISME POSITIF ET NÉGATIF. —Le mot de géotropisme a été introduit par M. Frank ‘, qui a fait adopter également les Lermes de géotropisme négatif pour la courbure des tiges vers le haut, et de géotropisme positif pour la courbure des racines vers le sol. Darwin appelle ce dernier géotropisme et l’autre apogéo- tropisme. M. Frank en reconnaît encore une troisième espèce, 1 Leiträge zur Pflanzenphysiologie. Leipzig, 1868. FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. 45 qui fait prendre à certains organes une direction perpendiculaire à celle de la pesanteur, c’est-à-dire horizontaie. Darwin l’adopte également et la désigne sous le nom de diagéotropisme. Nous verrons plus loin ce qu'il faut en penser. PESANTEUR ET CROISSANCE. — La courbure héliotropique, comme nous l'avons déjà vu, s'explique le plus naturellement du monde par la différence d’éclairement, et en conséquence par la différence d’accroissement qui se produit eutre la face obscure et la face éclairée d’un organe. Il n’en est pas de même pour la courbure géotropique, où la pesanteur agit uniformément sur l’une et l’autre face. Comment donc expliquer cette incurvation ? Il y a d'abord à se demander si la courbure géotropique se produit parce que la croissance dela face convexe est accélerée, ou bien parce que celle de la face concave est ralentie. Cette question a été examinée tout récemment par MM.Elfving et Schwarz *, qui ont constaté que des plantes qu’on faisait tourner lentement autour d’un axe horizontal ne poussaient ni plus ni moins vite qu’en restant immobiles. Seulement, par une interprétation erronée, ils ont conclu « que la pesanteur u’exer- çait aucune influence sur la force végétative d’un organe géotropi- que». Il faut raisonner autrement.Dans une tige placée horizontale- ment, la face inférieure pousse plus vite que la supérieure : là- dessus, pas le moindre doute. Or, si je fais mouvoir cette tige autour de son axe, la face inférieure devient tour à tour la face supérieure. Si dans la première position sa croissance a été accélérée, dans la seconde elle est ralentie. Si je trouve donc en fin de compte que cetle face, comme tout l’ensemble de l’organe, ne s’est accrue ni plus ni moins vite que dans la position nor- male, je dois conclure, non que la pesanteur n’a eu aucune influence, mais qu’elle a ralenti la croissance de la face supé- 1 Act. Soc. scient. fenn., tom. XII, 1880, 2 Bot. Zeitung, 1881, pag. 176 et suiv. 46 MÉMOIRES ORIGINAUX. rieure exactement dans la mème mesure qu’elle a accéléré celle de la face inférieure. La différence entre l’héliotropisme et le géotropisme est donc celle-ci : La face obscure, dans la courbure géotropique, croît aussi vite que l'organe tout entier quand il est soustrait à la lumière; au contraire, si l'organe est soustrait à la pesanteur, la face supé- rieure pousse plus lentement que la face supérieure. VARIATIONS DU GÉOTROPISME. — Le géotropisme offre les degrés d'intensité les plus variés. Les tiges et les racines maïi- tresses sont les plus fortement géotropiques, celles de deuxième évolution le sont déjà bien moins, et celles de troisième sont parfois tout à fait insensibles. Mais si l’on coupe la tige ou la racine maîtresse, les tiges ou racines secondaires héritent de leur puissance géotropique aussi bien que de leurs fonctions. Pour se rendre compte de cette inégalité de force géotropique, il suffit de se rappeler que le géotropisme, comme l’héliotro- pisme, est proportionné à l’énergie végétative d’un organe. Orce sont les tiges et les racines maîtresses qui, se trouvant dans des conditions de nutrition les plus favorables, possèdent aussi la plus grande force de croissance. Nous avons constaté nous-même, dans la première partie de ce travail, que la mutilation des tigelles, en ralentissant ou en suspendant la croissance, suspen- dait ou ralentissail au même degré les facultés héliotropiques et géotropiques. Nous aurons l’occasion de constater le même fait pour les racines. Seulement la force géotropique ne dépend pas uniquement de l’énergie végétative d’un organe ; elle est encore en rapport avec un degré d’inclinaison sur l'horizon, Il va de soi que la pesanteur aura d'autant plus d'action sur une tige qu’elle s’approchera davantage de l'horizontale, et M. Sachs a démontré que des tiges faiblement géolropiques devenaient incapables de se redresser dès que l'angle qu’elles formaient avec la verticale dépassait une certaine ouverture. FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. 47 ACTION COMBINÉE DE L'HÉLIOTROPISME ET DU GÉOTROPISME. — Il est important de ne pas oublier que la plupart des organes aériens s’orientent sous l'influence combinée de l’héliotropisme et du géotropisme. H. von Mobl ‘ et Müller ? ont fait l’importante observation que les tiges, obéissant à la fois à l’héliotropisme positif et au géo- tropisme négalif, prennent une position intermédiaire entre ces deux forces. Cette position varie avec la nature de l'organe. Les bourgeons foliaires se rapprochent davantage de la normale géo- tropique et les tigelles davantage de la normale héliotropique. Sous l'influence de l’induction photomécanique, les choses se passent un peu différemment. Si l’organe, après avoir été exposé à la lumiére latérale, est placé horizontalement dans l'obscurité, il continue à se courber uniquement dans le sens de l’héliotro- pisme induit. L’induction pholomécanique rend en effet les plantes insensibles au géotropisme, comme nous l'avons con- staté précédemment. Il existe aussi une induction géotropique, et elle nous fait comprendre pourquoi il est si difficile de faire dévier les tiges maîtresses de la direction verticale, qui est la normale géotro- pique. D'autre part, l'héliotropisme annule parfois absolument les effets géotropiques, dans les organes exposés à leur optimum d'intensité lumineuse. Ajoutons encore que les chaumes des Graminées conservent à chaque entre-nœud, même après leur période de croissance, une zone capable d’accroissement. Si quelque accident amène le chaume dans la position horizontale, la face inférieure de cette zone, s’accroissant plus vite que l’autre, le ramène vers la verti- cale et le redresse. Ce redressement se fait plus vite à la lumière que dans l'obscurité, ce qui fait supposer un effet combiné de l’héliotropisme positif et du géotropisme négatif. La réaction d’un organe contre la pesanteur et contre la lu- 1 Arb. des bot. Instit. zu Würzbourg, B. IL, 1879, pag. 265. 2 Flora, 1876, pag. 94. 48 MÉMOIRES ORIGINAUX. mière varie selon son âge. Dans l’axe hypocotylé du Cresson, par exemple, la cime extrême est également insensible à l’hé- liotropisme et au géotrorisme. La région sous-jacente, un peu plus âgée, est légèrement apogéotropique et fortement héliotro- pique. Gela fait comprendre pourquoi les tigelles de cette plante et de beaucoup d'autres se courbent vers la lumière en formant un arc de cercle. L’extrémité obéit directement à l’héliotropisme et entraîne la base ; mais celle-ci devient apogéotropique vers la fin de la croissance, et se relève vers la verticale en réagissant contre la pesée de la cime. Ces observations préliminaires sur le géotropisme étaient nécessaires avant d'aborder le fond du débat. TaéoriEs DE DARWIN SUR LE GÉOTROPISME. — Les théories de Darwin sur le géotropisme peuvent se résumer dans les deux formules suivantes : 1° Le géotropisme, tant positif que négatif, n'est qu'uneforme de la circumnulation. 90 Le séotropisme posilif des racines a son siège dans l’ex- trémité radicellaire, qui, tout en étant elle-même insensible au géotropisme, le transmet sous forme d'’irritation à la partie de la racine où se produit la courbure. Voici maintenant les faits sur lesquels Darwin a fondé ses théories. Ciesielski' a observé qu’une racine dont on coupe l'extrémité ne redevient géotropique qu'après avoir reconstitué son extré- mité, et que des racines amputées ainsi, après avoir séjourné préalablement dans la position horizontale, se courbent néan- moins dans le sens du géotropisme positif. M. Sachs admet le premier de ces deux faits et nie le second. Darwin, ayant répété de mille manières les expériences de Giesielski, reconnaît qu'elles ne réussissent pas toujours, parce que l’amputation a besoin d’être faite avec les plus grandes précautions pour ne pas déchi- rer les tissus voisins, mais qu’en définilive l’assertion de Gie- 1 1 Beiträge z. Biologie der Pflansen, publiés par Cohn, H. IL, pag. 21. FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. 49 selski est exacte. Seulement, au lieu d’expliquer comme luile phénomène par l'induction géotropique, il ÿ voit un effet d'irri- tation transmise de la pointe radicellaire à la région où s’opère la plus forte croissance. De nouvelles expériences le confirmè- rent dans cette opinion. Seize vigoureux plants de haricots, dont la radicelle s'était dé- veloppée dans un plan rigoureusement vertical, furent couchés par lui horizontalement pendant 1 h.37m. Le sommet de la racine fut ensuite amputé transversalement sur une longueur de 1,5 millim., et les plants remis dans la position verticale. Dans l’espace de 6 à 9 h., douze racines se courbèrent géotropiquement par rapport à leur position horizontale antérieure. Les quatre autres ne manifestèrent aucun géotropisme et continuèrent à s’allonger dans le sens vertical. Lorsqu'on laissait les plants sé- journer moins longtemps dans la position horizontale, avant de faire la résection de la pointe, la courbure géotropique se pro- duisait de même, mais d’une façon moins prononcée. Dans une seconde série d'expériences, des plants de Vicia Faba furent fixés do manière que la radicule se trouvàt exactement horizontale. Les uns furent laissés intacts et les autres cautérisés à leur extrémité radicellaire avec de la pierre infernale. Les ra- cines des premières se courbèrent suivant la verticale, celles des autres restèrent immobiles. Ce n’est qu'après un intervalle assez long, quand la pointe se fut reconstituée, qu’elles se courbèrent à leur tour vers le sol. Darwin interprète ces faits de la manière suivante : 1° La racine n’est sensible au géotropisme que si elle reste intacte ; 2° Si la pointe est amputée, la racine continue à croître, mais se montre insensible au géotropisme. La pointe radicellaire est donc le siège de la sensibilité géotropique, qui se propage de là comme une irritation nerveuse vers la région où se produit la courbure. Je vais à mon tour rapporter une série d'expériences person- nelles qui renverseront, je l'espère, les théories séduisantes du savant anglais. Je crois devoir avertir d’abord que j'opérais de deux manières, 50 MÉMOIRES ORIGINAUX. Ou bien je plaçais les embryons tout simplement dans des endroits humides, ou bien je les mettais dans de la sciure de bois mouillée. Les deux procédés donnaient le même résultat. Mes expériences ont porté sur: Vicia Faba, Phaseolus multiflorus, Maïs, Pois. Les cotylédons furent fixés à des épingles, de telle façon que la courbure de nutation spontanée se produisit dans un même plan horizontal. De cette manière, on évitait la confusion entre celle-ci et la vraie courbure géotropique. Dans les tableaux suivants, L marque la longueur primitive des racines ; T 24—48 l'accroissement obtenu en vingt-quatre ou quarante-huit heures. L'’amputation des racines se faisait à 1 millim. du sommet et emportail la zone de croissance, qui se trouve toujours à moins de 0,5 millim. de l'extrémité. Embryons de Maïs. — Sujets intacts. L T 24 T 48 a 19 millim. 80 246 % b 24 71 169 c 26 86 11 d 32 77 199 Moyenne... 77,50}, 221 Sujets amputés. a {7 millim. 58 °/e 99 % b 25 69 103 Cet 3 5 d' 28 34 34 On voit que les sujets amputés croissaient moins vite que les sujets intacts, contrairement à ce que dit M. Sachs. Les sujels amputés a’ b', qui conservaient encore une force de croissance relativement grande, se courbèrent géotropiquement, sans que leur extrémité mutilée se fût reconstituée. Les deux autres c’ 4 restèrent inertes. FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. 51 Embryons de Pois. — Sujets intacts. E T 24 T 48 a 23 millim. 80 ‘ho 110 b 25 46 132 C2) 37 122 d 29,5 49 146 Moyenne... 42,7 127 Sujets amputés. a 20 millim. 54e 14% b' 26,5 ja 13,2 c 28,5 14 12,2 d' 30 9 14,8 Moyenne... 9,7 13,5 Les sujets a b c d se courbèrent géotropiquement ; les autres demeurèrent inertes. Mais je crains de fatiguer en transcrivant toutes les expériences que j'ai faites, et qui toutes furent on ne peut plus concordantes. Je me bornerai à indiquer les conclusions que je me crois auto- risé à en tirer. 1° Les racines décapitées s'accroissent moins que les racines restées intactes. 2° Des racines, même amputées, sont susceptibles de géotro- pisme si la mutilation n’a pascomplètementsupprimé la croissance. 3° Le géotropisme ne se propage pas de la pointe radicellaire vers la région où se produit la courbure ; celle-ci est directement soumise à l’action de la pesanteur. 4° Des racines décapitées, après avoir séjourné préalablement dans la position horizontale, se courbent plus vite vers le sol que si on les avait décapitées dans une position verticale et couchées horizontalement seulement après leur mutilation. C’est là un effet d'induction géotropique, et cette induction n'a rien de com- mun avec l'irritation darwinienne. Je ne puis m'empêcher, en terminant ce chapitre, de relever 52 MÉMOIRES ORIGINAUX. une contradiction singulière dans le livre de Darwin. Pourquoi, par exemple, ne regarde-t-il pas aussi le géotropisme négatif comme un phénomène d'irritation. Il pourrait invoquer absolu- ment les mêmes arguments pour la tige que pour la racine. La mutilation produit les mêmes effets dans l’une et dans l’autre, et comme les expériences sont plus faciles à faire avec les tiges, on ne comprend pas que Darwin les ait négligées. DrAHÉLIOTROPISME.— La propriété qu'ont les feuilles de se pla- cer suivant un plan perpendiculaire au plan d'incidence des rayons lumineux, est considérée par Darwin comme étrangère à l'héliotropisme ordinaire aussi bien qu’au géotropisme. Il y voit un phénomène spécial produit par une force particulière, aussi bien que MM. Frank et Sachs, et on a créé pour lui le terme nou- veau de diahéliotropisme. Avant d'aborder cette question, j'ai voulu me rendre compte de la position exacte que les organes foliaires prenaient par rapport à la lumière. Ayant appliqué de légères bandes de pa- pier Talbot sur des feuilles diversement orientées, je reconnus que chacune avail la position dans laquelle le papier noircissait le plus vite. Je pus constater ainsi que les feuilles ne s’orien- taient pas vers les rayons lumineux directs les plus intenses, comme on le croit généralement, mais vers la plus forte lumière diffuse. J’en ai vu beaucoup qui restaient exposés pendant une ou deux heures aux rayons directs du soleil sans être influencées par eux ni modifier leur orientation. Il arrive aussi que certaines espèces de feuilles coupent la lu- mière autrement qu’à angle droit. Gelles-là se distinguent par leur épiderme inférieur organisé pour amortir les rayons lumi- neux. Telles sontles feuilles tomenteuses du Sorbus Aria, qui sont toujours dressées. La face inférieure de celles du Populus alba est également protégée par un feutrage de poils; celles du Po- pulus nigra, au contraire, n’ont point de poils protecteurs à la face inférieure, parce qu'elles n’exposent jamais leur face supérieure aux rayons du soleil. L’Evonymus europæus place ses feuilles FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. 53 dans l’inclinaison chimiquement la plus favorable, mais les re- jets de cet arbuste ne se comportent pas de même. Comme leurs feuilles sont épaisses et riches en parenchyme, elles se placent presque verticalement, comme celles du Sorbus Aria. L'exemple de l’Evonymus permet de constater l'intervention du géotropisme. On se rappelle en effet que les feuilles sont très sensibles au géotropisme négatif pendant toute la période de leur croissance. Or, comme les rejets de l’Evonymus ont une énergie végétative plus grande, le géotropisme négatif y est plus fort et ne peut pas être contrebalancé par l’héliotropisme, comme dans les feuilles normales. Je crois que les feuilles prennent leur orientation définitive avant la fin de leur période de croissance. Le Cornus mas est déjà fixé avant d'atteindre le tiers de son développement. Mais avant de s’immobiliser, les feuilles exécutent des mouvements assez variés. Ains', pendant la nuit ou dans l'obscurité, elles se redressent sous l'influence du géotropisme négatif. Darwin, en constatant ce fait, a eu le tort de l’expliquer par certains effets d'hérédité, alors que le géotropisme en rend si fa- cilement compte. Voici l'expérience qu'il a faite et que j'ai répétée après lui, en la corrigeant un peu pour éliminer des causes d’erreurs négligées par lui. On place des tiges de Vicia Faba sur un clinostat à plan de rotation vertical, de manière que les tiges soient parallèles au plan d'incidence de la lumière. Les feuilles, se trouvant ainsi éclairées par leur face supérieure, se comportent comme le dit Darwin. Pendant la nuit, elles se rapprochent un peu de leur axe, et au retour du jour elles s’en éloignent, pour prendre une inclinaison perpendiculaire aux rayons incidents. Ces mouvements sont évidemment étrangers au géotropisme, puisque le clinostat supprime les effets de ce dernier. Mais ils sont produits simplement par l'hyponastie propre aux feuilles du Vicia Faba, dont la face inférieure, se développant plus vite que la face supérieure, produit ce mouvement vers l’axe. 3e série, tom. xt. 4 54 MÉMOIRES ORIGINAUX. D'autre part, puisqu'’au retour de la lumière les feuilles s’éloi- gnent de nouveau de l’axe, c’est qu’elles deviennent négativement héliotropiques. Or ce sont justement ces deux effets : hyponastie d’une part et héliotropisme négatif de l’autre, qui vont nous livrer tout le secret du prétendu diahéliotropisme de Darwin. En effet, les jeunes feuilles commencent par être hyponastiques, comme le montre l’espèce de voûte qu’elles forment au-dessus du bourgeon. Mais cet état n’est que transitoire, sauf de rares exceptions (Allium ursinum ; Perce-neige). Bientôt elles deviennent épinastiques, et leur pointe tend à se rejeter en arrière et à s'éloigner de l’axe. Or, comme la pesanteur vient en aide à l’épinastie, il arrive que certaines feuilles de consistance molle restent éloignées de l’axe même pendant la nuit. Toute- fois en général elles possèdent un géotropisme négatif très éner- gique, qui dans l’obscurité triomphe de l’épinastie et de la pe- santeur et rapproche l’organe de la verticale. Mais au retour de la lumière, les feuilles tendront à se mettre en angle droit ayec elle. Or ce mouvement n’est autre chose qu'un effet d'héliotropisme négatif, puisqu'il nous montre sim- plement un organe, en voie d’accroissement, se développant plus fort à la face éclairée qu’à la face obscure Ge qui le prouve encore plus clairement c'est que, pour pro- duire cet accroissement inégal, la lumière a besoin d’être très- vive, absolument comme pour l’héliotropisme négatif. La cou- leur de la lumiére n’est pas non plus indifférente : les rayons les plus favorables sont ceux compris entre le violet et le bleu ; les rayons verts et rouges ont peu d'effet, et les rayons jaunes n’en ont aucun. Or toutes ces conditions sont les mêmes que dans l’héliotropisme négatif, et telles que nous les avons constatées dans l2 première partie de ce travail. Ïl arrive bien, dans quelques cas exceptionnels, que la lumière gaible développe de l’héliotropisme posilif; mais cela est de si peu d'importance pour notre question que je ne m y arrêterais même pas s’il ne s’agissait pas d’expliquer à ce propos une apparente contradiclion. FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. 55 Il semble d’abord impossible qu'une même feuille manifeste en même temps de l’héliotropisme négatif et positif. Rien de plus vrai pourtant. Rappelons-nous ce que nous avons dit de certaines Campanules poussant à la lisière des bois, orientant leurs feuilles à la fois vers la lumière latérale et vers celle du zénith. Sous cette double influence, les feuilles sont toutes ramenées en avant, au point que la face postérieure de la tige semble à première vue complétement nue. Or c’est l'héliotropisme positif qui attire ces feuilles vers la face antérieure de la tige, pour les rapprocher de la lumière, tandis que, dans le même temps, l’hé- liotropisme négatif les étale horizontalement, c’est-à-dire perpen- diculairement au plan d'incidence des rayons du zénith. Les jeunes pousses de sapin se comportent exactement de même. D'autre part, nous savons que la lumière faible développe l'héliotropisme positif et la lumière intense l’héliotropisme néga- tif. L'âge produit de son côté les mêmes phénomènes dans les feuilles que dans la tige. Au début de la croissance, pendant que l'organe est riche en parenchyme, c’est l’héliotropisme positif qui domine ; vers la fin, quand les faisceaux vasculaires se dévelop- pent, c’est l’héliotropisme négatif qui l'emporte. Gette alternance est même plus manifeste que dans les tiges. Quant au poids de la feuille, rappelons-nous qu’il n’agit pas seulement en tant que fardeau, mais qu'il opère aussi le double effet de traction et de pression, qui provoque une croissance inégale aux deux faces de l’organe. Tous ces faits se trouvant ainsi remémorés, nous allons, pour les résumer, suivre le développement d’une feuille et nous rendre compte de l’ensemble de ses mouvements. Au début l’hyponastie, faisant croître plus fort la face inférieure, replie la feuille en forme de voûte au-dessus du jeune bourgeon. Bientôt apparaît la période épinastique, et, la face supérieure se développant plus vite, la feuille se rabat en dehors. Seulement ce mouvement, qui l’entraînerait trop loin et le mettrait dans une position défavorable par rapport à la lumière, est corrigé par 56 MÉMOIRES ORIGINAUX. l'effet de la gravitation, et le géotropisme négatif soutient l’or- gane. Comme ces deux forces se contrebalancent, la feuille prend une position intermédiaire jusqu’à ce que l'intervention de la lumière développe l’héliotropisme, qui prévaut bientôt sur toutes les autres influences et donne à l’organe son orientation défini- tive. L'ensemble de tous ces mouvements a placé la feuille dans une position perpendiculaire aux rayons lumineux, position que Darwin appelle diahéliotropisme. Le diahéliotropisme n’est donc pas un ere spécial : il ne résulte pas d’une force nouvelle et mystérieuse ; il n’est que l'effet combiné de plusieurs influences parfaitement connues. Ainsi, tout le secret du diahéliotropisme se trouve divulgué et se résume dans la réaction de diverses forces, principalement du géotropisme négatif et de l’héliotropisme négatif. Quant au diagéotropisme, qui selon Darwin place ïes feuilles dans un plan perpendiculaire à celui de la pesanteur, les exem- ples qu'il allègue sont trop rares et trop contestables pour que nous nous y arrêtions, L’hydrotopisme ne me paraît pas encore bien éclairei non plus. Toutefois les expériences que j'ai faites pour contrôler celles du savant anglais m’ont permis de constater qu’il ne se transmet pas de la pointe radiculaire vers la zone d'incurvalion, mais qu'il agit directement sur cette dernière. SENSIBILITÉ DES RACINES.—Nous passons maintenant à un point essentiel de ce débat, et il faut l’étudier avec d’autant plus de soin qu'il sert de base à l’ensemble des théories émises par Darwin sur la circumnutation. Darwin a observé qu’une pression exercée latéralement sur la pointe radiculaire provoque dans la zone de croissance, c’est-à-dire à un point éloigné de celui où la pression s'exerce, une courbure en sens inverse de la pression. Le savant physio- losiste explique ce singulier phénomène par un effet d’irritation transmis de la pointe de l'organe à la région subjacente. Voici une de ses expériences. Des embryons de Vicia Faba FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. 57 furent placés par lui de telle sorte que la radicule formât un angle très ouvert et même droit, avec une lame de verre placée au-dessous. La radicule, en s’allongeant, approchait du verre; on remarquait que, même avant de subir la moindre pression con- tre l'obstacle, elle se détournait et glissait le long de la lame, grâce à une courbure qui se produisait à l’arrière de la pointe radicellaire, dans la zone de croissance. Ce phénomène paraît des plus extraordinaires, et, même en admettant que la pointe subit une légère pression, il restérait encore inexplicable, puisqu'une telle pression serait incapable de produire une courbure de 8 à 10 millim. en arrière du point de contact. Il n’y a, suivant Darwin, qu’un effet d'irritation qui puisse en donner une explication satisfaisante. Pour éclaircir moi-même ces singularités, j'ai fait une série d'expériences dont je dois rendre compte. De petits morceaux de carton ou de papier-sable de 0,5 millim. de côté furent collés avec de la gomme laque à l'extrémité de la radicule de Vicia Faba, el nous pûmes constater effectivement qu'il se produisait toujours une courbure qui portait la racine du côté opposé à celui où le carton se trouvait fixé. Seulement, comme la radicule du Vicia Faba possède des mouvements de nutation spontanée, comme par exemple ce que Darwin appelle la courbure de Sachs, il faut, pour éviter toute confusion, pren- dre soin de placer la radicule bien en face de soi et coller le carton, soit à droite, soit à gauche. Je répétai cette expérience avec le Phaseolus multiflorus, le Maïs, le Pois, et j'obtins toujours le même résultat. Or il ne peut être question d'aucune pression, puisque le carton pesait à peine quelques milligrammes et que des pressions bien plus for- tes ne font pas dévier les radicules. Ainsi, on les voit pénétrer perpendiculairement dans une nappe de mercure, perforer du pa- pier brouillard, ce qui ne s’explique que par une pression directe de la radicule sur l'obstacle qu’elle rencontre. Je fus même curieux de mesurer la force de cette pression, et 58 MÉMOIRES ORIGINAUX. je fis construire le petit appareil suivant. Un ressort en arc, muni d'un prolongement horizontal, supporte une petite capsule de métal garnie au fond d’une mince lame de verre. La capsule porte une aiguille qui joue le long d’une tige de fer à divisions millimétriques ; ces dernières indiquent le poids exact que sup- porte cette espèce de balance. L'appareil installé, je piquai sur une épingle un embryvn de Vicia Faba dont la radicule, au début de l’expérience, se trouvait à { millimètre au-dessus du fond de la capsule. Les cotylédons étaient enveloppés d’un manchon de ouate humide et le tout tenu à l’obscurité à une température favorable. Dans les premières vingt-quatre heures, la pression dela racine équivalut à 0,95 gram. La courbure de Sachs produisit en- suite une déviation; la racine n’appuya plus que par une de ses faces et la pression descendit à 0,34 grammes. Dans une seconde expérience où la lame de verre fut couverte d’une feuille de papier brouillard, la pression s’éleva à 1,4 gram. Je voulus savoir également si une racine posée horizontalement avait la force d’écarter un obstacle, et je plaçai devant des radicules de Faba des morceaux de liège secs de 0,75 gram., et du liège entouré de papier buvard humecté de 1,25. Les uns et les autres furent repoussés. Ces ré- sultats me convainquirent que ce n’était pas le poids ou la pression du carton ni du papier-sable qui faisait courber la radicule dans l'expérience de Darwin. Pour m'en assurer encore mieux, je remplaçai les morceaux de carton par de simples parcelles de bois et de sable qui adhéraient sans gomme. Alors je constatai avec surprise qu'il ne se produi- sait plus aucune courbure du tout. Je dirigeai mes recherches dans ce nouveau sens, etje vis que la gomme laque toute seule, sans ajouter de papier, suffisait pour provoquer une courbure. L'endroit où l’on appliquait la petite gouite cessait aussitôt de croître, et il se produisait une légère convexité au côté diamétralement opposé qui conti- nuait à se développer. Mais la région située en arrière et du FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. 29 même côté que la goutte, poussait plus vite que le côté opposé, et la convexité produite de cette sorte rejetait la radicule en sens inverse. Le microscope me permit de constater que le point touché par la gomme laque était mort : c'était sans doute un effet de l'alcool renfermé dans la préparation. Nous nous trouvions donc en pré- sence du même phénomène que celui que produit la cautérisa- tion ou la mutilation unilatérale dela pointe radiculaire, et nous pouvons résumer les résultats de ces expériences dans les conclu- sions suivantes. La mutilation latérale de la pointe radiculaire arrête la crois- sance du point mutilé ; le point diamétralement opposé conti- auant à croître, il se produit en cet endroit une légère convexité. Cependant les cellules lésées meurent. Or nous savons qu’en ar- rière d’un point lésé il se produit presque toujours une abon- dante formation de cellules nouvelles. C'est ce qui arrive dans le cas actuel. Une énergie végétative plus considérable se ma- nifeste dans les tissus situés en arrière de la lésion et du même côté. De là résulte une inégalité de croissance entre les deux fa- ces dela radicule, et par suite une courbure qui porte l’extrémité dans une direction opposée à la lésion. On voit que tout cela est bien naturel et qu’il est inutile de faire intervenir une irritation quelconque. Or,comme c’estlà-dessus que s’est fondé Darwin pour comparer la pointe radiculaire au cerveau des animaux inférieurs, toute sa théorie s'écroule par la base. Néanmoins il ne faut pas oublier que le savant anglais a été le premier à constater ces phénomènes intéressants, et je pro- pose en conséquence de les désigner sous son nom et de les appe- ler : courbure de Darwin. CHAPITRE V. CIRCUMNUTATION. Nous voici arrivé enfin à ce que Darwin appelle cireumnuta- tion. Il faut entendre par là l’ensemble de tous les mouvements 60 MÉMOIRES ORIGINAUX. que les plantes exéculent pendant toute la période de leur crois- sance et quelquefois encore après avoir atteint leur entier déve- loppement. Tous ces mouvements font décrire à la plante une sorte de spirale, et Darwin les rapporte à une force innée que possèdent tous les végétaux et qui réagirait contre les influences extérieures, telles que lumière, pesanteur, etc. Deux questions doivent d’abord être résolues : 1° La circumnutation est-elle aussi généralement répandue que le croit Darwin ? 2° Toutes les nutations paratoniques et spontanées sont-elles des effets d'une force primordiale et innée aux plantes ? Avant de les aborder, il est bon d'examiner si les expériences de Darwin offrent toutes les garanties d’exactitude nécessaires. Des plants poussant dans des vases de terre sont abrités contre le jour et ne reçoivent que la lumière verticale ou horizontale, grâce à une large feuille de verre disposée horizontalement ou verticalement au-dessous ou en avant de la plante. A la partie de l'organe qu’on veut observer, un fil de verre long de 3/4 de pouce est fixé par une extrémité au moyen d’une solution alcoolique de gomme laque que l’on fait préalablement évaporer pour qu’elle durcisse en moins de deux ou trois secondes. A l’autre extrémité du fil est attachée une goutte presque imperceptible de cire noire. Au-dessous ou en arrière de celte goutte se trouve, au bout d’un bâton fiché dans la terre, un morceau de carton avec un point noir au centre. On observe à travers la paroi de verre, et, quand la goutte de cire se trouve juste en face du point noir, on marque un premier poini sur la vilre avec une pointe très fine pourvue d'encre de chine bien épaisse. D’autres points sont marqués à de courts intervalles à mesure que la goutte de cire se déplace, puis les divers points sont reliés par des lignes droites qui en réalité devraient être courbes si l’on mulüipliait assez les observalions. On obtient ainsi un dessin qui reproduit les mou- vements de la plante et qui les amplifie jusqu'à trente fois. Une première critique à faire, c’est que les mouvements ne sont pas représentés exactement par le dessin et que l’accroisse- FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. 61 ment en ligne droite, par exemple, ne peut pas du tout être consi- gné ni figuré. Darwin trouve des courbes et des spirales là où il n'yaen réalité qu'un développement rectiligne. Pour rémédier à cet inconvénient, j'ai fait mes observations, non à l'œil nu, mais avec un tube optique simple muni aux deux bouts de fils entrecroisés dont le point d’intersection cor- respondrait à l’axe du cylindre, et j'ai observé à la fois horizonta- lement et verticalement pour suivre en même temps la croissance en longueur et les äéviations horizontales. Abordons maintenant la première des deux questions que nous nous sommes posées. Est-il vrai que les extrémités de toutes les plantes ont des mouvements de circumnutation pendant leur pé- riode de croissance? Nous allons examiner successivement les racines, les tiges et les feuilles. Darwin a fait à ce sujet l’expérience suivante : Il fait pousser des radicules d’'Æsculus Hippocastanum le long d’une plaque de verre inclinée de 70—80° sur l’horizon et noircie à la flamme de térébenthine. La radicule, en poussant le long du verre, trace dans la couche de fumée une ligne ondulée, ou plutôt spiralée. Parfois la ligne est interrompue, ce qui prouve que la radicule s’est écartée du verre pour y revenir un peu plus loin dans sa marche descendante. J'ai répété les expériences de Darwin, et en général J'en ai constaté l'exactitude. Néanmoins j'ai remarqué également que chaque fois que la couche de noir de fumée n’était pas trop épaisse, il ne se produisait pas d’interruptions dans la li- gne. Cela me suggéra la pensée que la cause des interruptions se trouvait dans la suie même, et réellement je pus observer que la radicule, après avoir poussé devant elle et accumulé une petite quantité de suie, glissait par-dessus, ce qui produisait une interruption dans la ligne, puis venait de nouveau s’appli- quer contre le verre. La suie m'avait tout l’air de produire sur la pointe radiculaire le même effet que la gomme laque ou la pierre infernale, et de la porter dans une direction opposée au point de contact. 62 MÉMOIRES ORIGINAUX. Ces déviations de la racine, et par suite les interruptions du dessin, disparurent lorsque je modifiai mon mode d’expérimenta- tion comme il suit : J’établis une plaque de verre sous une inclinaison de 80° sur l'horizon. J’y collai avec de la cire des rondelles de liège où je piquai avec des épingles des embryons de Vicia Faba, de ma- nière à ce que les radicules placées verticalement touchassent presque le verre. Gelui-ci fut couvert d’une légère couche de Lycopode, et le tout placé dans de bonnes conditions d’obscu- rité, de température et d'humidité. Or les radicules poussèrent constamment en ligne droite, sans la moindre interruption dans le dessin. Je conclus de là que la circumnutation n'existe pas dans les racines, ou que, si elle existe, elle est réduite à de si minimes proportions qu'il est impossible de la constater à l’œil nu. Je poursuivis alors mes observations à l’aide du microscope de Hartnack, qui me donnait un grossissement de 32 avec l’ob- jectifn° 3 et l’oculaire n° 2. Voici comment j'opérai : Je pris de petits tubes de verre dans lesquels j'introduisis des embryons maintenus au moyen de tampons de ouate humide, l'orifice inférieur des tubes étant également bouché avec de la ouate. Je fixai les tubes sur la table du microscope avec du mastic de Jolly, de manière que la radicule se présentât dans une direction exactement verticale en face du tube du micros- cope, celui-ci étant couché horizontalement. Les divisions micro- métriques permettent l'orientation la plus rigoureuse. Le mi- croscope se trouvait placé sur un bâti solide, de manière à éviter toute espèce de trépidation, et la lumière était naturellement ex- clue. Voici le résultat de mes expériences. Brassica oleracea. Longueur de la radicule : 15 millim. Di- rection : renversée et verticale. Au bout de trente-cinq minutes, l'extrémité dévia de 18 divisions micrométriques (0°”,288). Au bout desoixante-huit minutes elle revint à sa position primitive, puis dépassa la verticale et se recourba vers le sol. Gette double FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. 63 oscillation se fit dans un même plan vertical et fut bien faible, puisqu'elle ne mesurait qu’un degré d’une circonférence qui aurait eu pour rayon la longueur de la radicule. Deuxième expérience. Longueur de la radicule : 20 millim.; direction : naturellement verticale vers le sol, l’extrémité corres- pondant à 0 du micromètre. Après 5 minutes..... Positions de l'extrémité. 5) 1" oscillation nds à da une. ce: 10 fr (à droite) M en due Re ANA AS PAS Nr AE É a: TER HS?) Ps Es CAISSE LL D Mode LL htilattrso ot FAR En BRON AR not lé de sidi QU us ERRCNE) nant TN en Le de ds: à 3 TF1 EN PE NÉS PNR SERRE 5 EE PRE M Re NRAT es Rene JE ea 5) ne em ne ne eo ac 10 DRE PMU ES RS, ACTE LUN 10 Fe ENIBERINENES A UE io eo aton ASUS he PAIE AE EN RIT so Mau) Ho Rsss ER Se perd Are cine à 10 OÙ a: sh el ES RP AE 13 En eme Ni. nn de 15 Ets Er EEE LP ARR ea e ettey deb D Que aan nous toners Den. RER Hénre MM RER NE Ode Da is name à 3 à D À partir de ce moment, la racine poussa dans une direction rigoureusement verticale pendant deux heures. L’amplitude des oscillations avait atteint 07",95, Dans son développement ultérieur, la radicule accuse nette- ment la courbure de Sachs. Il est donc à supposer que le mou- vement de va-et-vient est produit dans un sens par la nuta- tion spontanée et dans un sens inverse par le géotropisme; ce dernier ramène l'extrémité dans la verticale. C’est tantôt la nuta- tion, tantôt le géotropisme qui la fait dévier, et dans les moments 64 MÉMOIRES ORIGINAUX. où ces deux forces se font équilibre, la racine pousse en ligne droite. Toutes les expériences que je fis me donnèrent des résultats analogues. J’en profitai pour savoir dans quel endroit précis se trouvait le siège des mouvements. Dans ce but, j’enveloppai les radicules de ouate humide sur une longueur plus ou moins grande, et je constatai que l’on pouvait envelopper la moitié de la longueur, soit 10 millim. sur 20, sans arrêter les mou- vements ; mais que si l’on ne laissait libre que 2-4 millim. de l’extremité, les mouvements ne se produisaient plus. Je m'’as- surai ainsi que le siège des oscillations était dans la zone de crois- sance. Il ne s’agit pas ici de la petite courbure qui se produit tout à l’extrémité de la radicule et qui n’a rien de commun avec la circumnutation, admise par Darwin. Je voulus aussi contrôler une autre assertion de Darwin, qui prétend que la circumnutation servait aux racines à trouver les passages les plus commodes pour pénétrer dans le sol. I! doit donc admettre qu’elle s’accomplit avec une certaine force. Or il n’en est rien. Il suffisait en effet d’interposer une couche insi- gaifiante et peu dense de ouate humide entre la radicule et la paroi du tube pour arrêter tous les mouvements. La circumnuta- tion étant capable de vaincre une si faible résistance ne peut donc être d'aucune utilité à la plante. En résumé, il résulte de mes observations : 1° Que les racines poussent très souvent en ligne absolument droite ; 2° Que si elles font des mouvements, ceux-ci sont tellement faibles qu'ils ne peuvent intéresser en rien le développement de la plante ; 30 Ces mouvements s'expliquent parfaitement par la réaction de : la nutation spontanée et du géotropisme, auxquels il convient d’a- jouter d’autres causes de déviation, telles que la différence de structure des tissus, etc.; 4° C’est dans la région de croissance que se trouve le siège de: la prétendue circumnutation. FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. 65 Si l’on étudie la circumautation dans les tiges, il faut distin- guer tout d’abord les tiges orthotropes des tiges à nutation on- dulée. Les premières ne décrivent que des oscillations horizon- tales etabsolument irrégulières, tandis que les secondes manifes- tent un système plus ou moins facilement reconnaissable. Les tigelles de Hartwegia comosa, Allium Cepa, A. Porrum, qui sont orthotropes, oscillent à peine de quelques centièmes de millimètre, et très irrégulièrement. Le Maïs se comporte de même ; l'Impatiens Balsamina exécute des oscillations lentes et insignifiantes. Le Peperomia thrichocarpa suit un mouvement d’ascension tout à fait fait rectiligne. Les tiges qui sont douées de nutation ondulée se comportent différemment. Pour les observer, on marqne un point de la ti- gelle avec l'encre de chine, ou mieux avec l’encre ordinaire, qui sous le microscope se décompose en un pointillé trés-fin, tandis que l'encre de chine donne une teinte uniforme. On voit ce point se mouvoir d’abord d'avant en arrière dans le plan de la courbure de Sachs, et ce mouvement, après avoir atteint peu à peu une vitesse maximum, se ralentit de nouveau. Quand la por- tion de la tige, qui avait d’abord la position horizontale, s’est peu à peu relevée jusqu’au point d'atteindre la verticale, le mouve- ment se poursuit encore un peu au-delà. Mais cet excédant est si peu de chose qu'il n’influe presque en rien sur les ondulations du sommet de la tige. Pour donner une idée de la rapidité de ces mouvements, il suffit de jeter les yeux sur le tableau suivant. Le point marqué à l'encre marchait de gauche à droite devant le micromètre du mi- croscope. Brassica oleracea. Millimètres. De 10. RE WA AUS Tone 0.115 10 15 10 30 0.157 10 30 10 45 0.208 10 45 11 — 0.307 11 _ 11 15 0.198 Je fis d’autres expériences avec le Vicia Faba, en suivant la 66 MÉMOIRES ORIGINAUX. méthode de Darwin ; seulement je remplaçai le fil de verre par une soie de porc de 3 centimètres. Je remarquai fort bien des déviations horizontales, mais je constatai aussi qu’au bout de six heures d’oscillation la tige suivit pendant vingt-quatre heu- res un mouvement ascensionnel absolument rectiligne. L’Helianthus annuus manifeste des mouvements plus irrégu- liers, compliquant les oscillations du plan de nutation avec d’au- tres mouvements obliques ou perpendiculaires. Le Phaseolus multiflorus montre encore plus d'irrégularité. Il est à peine besoin d’ajouter que toutes mes expériences se faisaient à l'obscurité, avec des tiges placées verticalement, pour exclure toute espèce de géotropisme ou d’'héliotropisme. J'ai observé ainsi une foule de plantes, telles que Abies excelsa, Brassica oleracea, Impatiens Balsamina, Bellis perennis, Plan- tago lanceolata, Goldfussia anisophylla, cette dernière pour joindre encore l’épinastie et l’hyponastie à tous les autres mouvements. Or voici les conclusions que je me crois autorisé à en tirer: 1° Il y a un grand nombre de tiges qui poussent en ligne droite, orthotropes; toutefois ce développement rectiligne ne se fait pas avec une précision mathématique. Il comporte certaines oscillations, d’ailleurs si insignifiantes qu’elles se mesurent par centièmes de millimètre. Si c’est là ce qu’on entend par mou- vements de eircumnutation, ils s’expliquent plus que suffisam- ment par la différence de forme et de constitution des tissus en voie d’accroissement. 2° Dans les tiges à nutation ondulée, le mouvement d’ascen- sion est accompagné de plusieurs autres. Dans l’obscurité, ces mouvements se produisent, soit dans un plan vertical (celui de la nutation) et d’un côté seulement de l’axe ou de chaque côté alternativement, soit en sortant parfois du plan vertical. On constate une transition insensible entre la nutation ondulée proprement dite et la nutation révolutive. On observe aussi parfois des mouvements en avant et en arrière qui font reconnaitre la nutation en ligne brisée. 3° Si l’on fait intervenir l’héliotropisme et le géotropisme, on FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. 67 voit s’établir une sorte de lutte entre ces diverses forces, qui se combattent et produisent les mouvements les plus variés ; mais si l’on fait agir toutes ces forces dans un même plan, les mouve- ments ne s’écartent plus de ce plan. Cherchons à nous rendre compte des phénomènes de circum- nutation dans les feuilles. Les expériences faites avec les feuilles semblent donner plei- nement raison au fondateur de la théorie de la circumnutation. Elles produisent des diagrammes d’une complication extrême et en tout semblables à ceux que publie Darwin. Mais cette variété de mouvement n’a pas lieu de surprendre quand on songe à la variété des influences auxquelles les feuilles sont soumises. Elles obéissent au géotropisme, à l’héliotropisme, à l’épinas- lie, à l’hyponaslie; en un mot, à toutes sortes de nutations spon- tanées et paratoniques, Or, il suffit d'analyser les effets de chacune de ces influences pour se rendre complètement compte de tous les mouvements des organes foliaires, si capricieux qu'ils sem- blent être, sans avoir besoin de faire intervenir celte force nouvelle et mystérieuse que le savant anglais appelle cireum- nulation. Je ne veux schématiser aucune de mes expériences, pour deux raisons : la première, c’est qu'on les comprend parfaitement sans le secours d'aucun dessin; la seconde, c’est que jamais deux feuilles de la même plante ne se comportent de la même ma- nière et qu'on ne peut pas conclure de l’une à l’autre. Je don- nerai simplement le résultat de mes expériences. 1° Un grand nombre de feuilles poussent en ligne droite (Dracæna, Maïs, Fuchsia ; etc.); 2° Certaines feuilles décrivent de légères oscillations, pareilles à celles de la tige, qui s’expliquant de même par l’asymétrie des tissus ; 3° Le mouvement principal de la feuille se produit dans un plan verlical passant par la nervure médiane, Si la feuille a une position oblique, il se produit des écarts plus ou moins grands, 68 MÉMOIRES ORIGINAUX. et ces déviations deviennent encore plus considérables quand la lumière se croise avec la verticale et la nervure médiane. Darwin regarde la circumnutation comme une force univer- selle, une faculté commune à tous les végétaux. Il l’étend aux cryptogames comme aux phanérogames, et cite l’exemple des Oscillaires dans la section des Thallophytes, et celui des Spiro- gyra, dont les mouvements ont été décrits par Hofmeister en 1874. J’ai fait des expériences sur deux espèces dont l’héliotropisme avait été depuis longtemps constaté. Elles appartiennent aux genres Mucor et Pilolobus. J'ai cultivé du Mucor racemosus sur du pain bis. Les filaments sporangifères se trouvaient placés verticalement. Les sporanges mûrs avaient un diamètre de 0"",08. Il ne se produisit pas le moindre mouvement de circumnutation sous le microscope ; seulement il fallait prendre la précaution de recouvrir la plante d’un verre de montre, car à l’air libre les pédicelles sont dans ua état continuel de trépidation produit par les courants d’air ou la respiration de l’observateur. Je recommande tout particulièrement, pour ces expériences, le Pilolobus crystallinus, qui se développe sur le fumier de cheval et que l’on voit croître trés vite sous le microscope même. Îl ne manifeste pas plus de circumnutation que le Mucor racemosus. CONCLUSION. Il est temps de résumer l’ensemble du débat et de rappeler en quelques mots les conclusions auxquelles nos expériences nous ont amené. Darwin prétend qu'il existe dans le règne végétal une force primordiale qui est la cause de tous les mouvements, tant spon- tanés que paratoniques, que les plantes accomplissent. A cela nous répondons tout d’abord que cette force, quelle qu’elle soit, n’est pas universelle, puisque nous avons pu con- stater que beaucoup de tiges, de racines et de feuilles poussaient FACULTÉ MOTRICE DES PLANTES. 69 en ligne droite et restaient étrangères à la circumnutation. En second lieu, l'observation attentive, au lieu de ramener tous les mouvements des plantes à une force unique, nous a fait voir partout des causes multiples combinant leurs effets et agis- sant ensemble sur un même organe. Il se produit des phénomè- nes complexes que nous avons pu analyser et décomposer en isolant les uns des autres les agents qui concourent à leur for- mation. Nous n'avons constaté qu'un seul seul facteur commun : c’est la croissance. Les mouvements ne s’accompliissent qu'aussi long- temps que les organes sont en voie de développement, et en même temps que disparaît la croissance disparait aussi la pré- tendue circumnutation, non moins que l’héliolropisme, le géotro- pisme et le reste. Or ce fait n'a même pas été aperçu par Dar- win, qui n'a voulu voir partout qu'un simple effet de turgescence. Nos expériences sur l’héliotropisme ont au contraire mis ce point hors de doute. Nous avons vu aussi qu'il n’y avait pas lieu d'admettre une force spéciale pour ce que Darwin appelle diahéliotropisme. Là comme ailleurs notre méthode analytique a pu décomposer les effets combinés des divers agents qui intervenaient dans ces sortes de phénomènes ; el après avoir assigné à chacun la part d'influence qui lui revenait, après avoir montré ce qu’il fallait attribuer à l’héliotropisme, ce qui provenait du géotropisme ou de la nutation spontanée, rien ne nous est plus demeuré inexpliqué. Reste la théorie de l'irritation, par laquelle Darwin croit que l'influence de la lumière ou de la pesanteur se transmet, comme dans le système nerveux des animaux, d’un point à un autre, c’est-à-dire de l’extrémité de l'organe à la partie où l'effet méca- nique doit se produire: nos expériences en ont également dé- montré l'erreur. Pour l’héliotropisme, nous espérons que les faits que nous avons produits n’ont pas laissé subsister le moindre doute à cet égard. Quant aux effets que la mutilation produit sur les racines, nous opposons à la théorie de J’irritation une 3e sér., tom. 1. x) 10 MÉMOIRES ORIGINAUX. explication plus simple. La diminution de la force de croissance causée par toute mutilation diminue en même temps toutes les facultés de nutalion spontanée ou paratonique ; or, comme énergie végélative conserve loule son activité dans les tissus voisins de la mutilation, il se produit des différences de déve- loppement qui provoquent des déviations et des courbures dont il est inutile de chercher une autre explication. Ajoutons qu'il n’est pas exact que les plantes soient particu- lièrement sensibles aux contrastes lumineux ; une plante cultivée au demi-jour et à la lumière diffuse est plus sensible à l’hélio- tropisme que celles qui sont tenues à une obscurité complète. Ainsi tombe le dernier argument de Darwin, qui voyait dans cetle sensibilité une analogie que manifestent également les ani- maux en présence des contrastes de lumière. Tout nous engage donc à rester sur le terrain de l’observation expérimentale dans toute cette question des facultés motrices des plantes, et de nous mettre en garde contre les ingénieuses hypothèses qui, au lieu de donner une explication claire d’une série de faits fort naturels, voudraient nous faire voir partout des causes mystérieuses, inexplicables, et je dirai presque surnatu- relles. Te LES PROCÉDÉS OPÉRATOIRES EN HISTOLOGIE VÉGÉTALE Par M. L. OLIVIER, Docteur ès-Sciences. (Suile et fin !.) VI. COLORATION. 1.— Matières albuminoiïides. ProropLasMa.— On a cru pendant longtemps que «les réac- tions chimiques du protoplasma vivant sont essentiellement différentes de celles du protoplasma mort * ». En 1874, M. Sachs écrivait : « Des dissolutions de diverses matières colorantes, par exemple les solutions aqueuses des principes colorants des fleurs ou des fruits, ou l’extrait de cochenille dissous dans l’acide acé- tique faible, sont impuissants à colorer le protoplasma vivant. Mais si on le tue auparavant, ou si l’action prolongée du réactif lui-même lui fait perdre ses propriétés vitales, il absorbe alors la matière colorante et même en proportion plus grande que la dissolution ; sa coloration est en effet beaucoup plus intense que celle du réactif. Les dissolutions de l’iode dans l’eau, dans l'alcool, dans l’iodure de potassium, dans la glycérine, agissent de la même manière; elles donnent toutes au protoplasma une coloration jaune ou brune, plus intense que la leur.» Ces idées ont élé acceptées sans centeste jusqu’à ces dernières années ; on peut même dire qu’elles ont encore cours dans la science. Cependant un travail récent de M. Pfeffer “ semble destiné à les modifier profondément. Étudiant les phénomènes osmotiques 1 Voy. Revue des Sciences naturelles, 3° série, tom. I, fase, IV. 2 J. Sachs; Traité de Botanique, traduction française de 1874, pag. 54. Paris, Savy, éditeur. 3 J, Sachs; loc. cit. 4 Pflanzenphysiologie, I, pag. 31 et 50, 1881. 72 MÉMOIRES ORIGINAUX. chez les végétaux inférieurs, et en particulier chez les Myxomy- cèles, ce savant à remarqué que la couche membraneuse du pro- toplasma est assez molle pendant la vie pour qu’un petit cristal, une bactérie, puisse s’y enfoncer et la traverser sans la trouer. Dans cet état, il suffit d’y pratiquer un orifice au moyen d’une aiguille pour voir toute la masse protoplasmique manifester im- médiatement les colorations considérées comme exclusives au protoplasma mort. Or on sait, du moins pour un grand nombre de Thallophytes, qu’une piqûre ne tue pas le protoplasma. M. Pfeffer en conclut que celui-ci, vivant, est perméable à toutes les substances qui le colorent après la mort; mais que c’esl la couche membraneuse qui, tant qu’elle est indemne, s'oppose à l'introduction de certaines de ces matières à l’intérieur du corps protoplasmique. Il appuie cette opinion sur ce fait, bien observé par lui, que la couche périphérique devient dure et cassante dès que le protoplasma cesse de vivre. Un rien suffit alors pour qu'elle se fende, et par suite laisse pénétrer le réactif colorant dans le protoplasma. Mais il n’en est plus ainsi, selon lui, lors- qu'avec des précautions infinies on parvient à tuer l’organisme sans fissurer la couche memhraneuse. Dans ces conditions, les agents qui ne colorent pas le protoplasma vivant ne colorent pas non plus le protoplasma mort. La possibilité démontrée de colorer le protoplasma central des Amibes, alors que les pseudopodes demeurent hyalins, semble contredire la théorie du botaniste allemand ; mais on doitremar- quer que les pseudopodes des Amibes ont, comme les cils des Infasoires, la même nature que la couche membraneuse du pro- toplasma. Il semble donc que celle-ci se comporte, à l'égard des matières colorantes, comme avec les divers agents minéraux, admettant les uns et refusant aux autres le passage. À la première catégorie appartiennent la cyanine ou bleu de quinoléine, l’éosine, la fuchsine, le brun d’aniline. A la seconde, la liqueur de campêche ou de safran, la solution d’extrait de cochenille dans l’acide acétique faible, la solution ammoniacale de carmin. PROCÉDÉS OPÉRATOIRES EN HISTOLOGIE VÉGÉTALE. 73 Voici La liste des principaux réactifs dont on se sert pour colo- rer le protoplasma. Iode. — On sait que l’iode colore en jaune foncé les matières albuminoïdes. M. Poulsen' recommande de l’employer sous la forme suivante, pour colorer le protoplasma en brun clair el permettre d’apercevoir plus facilement les bactéries et les cils vibratiles des micro-organismes : Ode DISUDMIMES T5 cine à sue se 05,05 Iodure de potassium....,...... 0, 20 ? 15,25. Baudishilée. "fu, cas 7 SPACE On se sert aussi, dans le même but, dela solution d’iodedans l’eau ou l'alcool (teinture d’iode) à diverses doses, enfin dans a glycérine à laquelle on ajoute une petite quantié d’iodure de potassium. Alcalis.— Traité par l'acide nitrique, puis par l’ammoniaque ou la potasse en solution dans l’eau, le protoplasma se colore en jaune; il prend la teinte violet foncé lorsque l’action de l’aleali a été précédée de celle du sulfate de cuivre en solution concentrée etd’unlavage à l’eau. On juze mieux de la coloration en introdui- sant l’alcali en courant lent entre le porte-objet et la lamelle, l’as- piration duliquide sefaisantau moyen d’un bout de papier à filtre. Acide chlorhydrique.— Le protoplasma devient rose ou faible- ment violet lorsqu'on le fait séjourner quelques instants dans l'acide chlorhydrique bouillant. Acide sulfurique et sucre.— On traite les préparations par l'acide sulfurique ; on les lave à l’eau distillée, de façon à les débar- rasser autant que possible de l’acide ; puis on fait passer entre les deux verres quirenferment les objets un courant d’une solu- tion concentrée de sucre; toutle protoplasma devient rose ou violet. Dans cette opération, la difficulté consiste à régler très exacte- ment le temps de l'immersion dans l’acide sulfurique. 1 Loc. cit. 7 > MÉMOIRES ORIGINAUX. Trop courte, elle est inulile ; trop prolongée, elle détruit tout le proteplasma. On peut dire cependant qu’en général, quand on emploie l'acide anglais concentré, il faut en arrêter l'effet dès que le protoplasma commence à devenir très faiblement rosé. Acide acétique et cochenille.— À la solution de cochenille dans l'alcool à 60°, on ajoute environ ? °/, d'acide acétique. Ce réactif donne au protoplasma une teinte rosée ou violacée. Carmin.— On fait dissoudre le carmin dans l’ammoniaque et on laisse la solution s’évaporer à l’air, de façon à l’obtenir aussi »eu alcaline que possible. Dans ces conditions, elle colore en rouge le protoplasma. Couleurs d’Aniline. — L'emploi des couleurs d’aniline comme réactifs du protoplasma est récent. Il donne de bons résultats. Malheureusement les réactions diffèrent suivant l’origire des produits, ceux-ci n’étant pas identiques dans toutes les fabriques. On fait usage du Pourpre, du Bleu, du Jaune, principalement en solution alcoolique. Le Violet d'Aniline dissous dans l'alcool est particulièrement précieux en ce qu'il colore en bleu-violet la masse fondamentale du protoplasma, tandis que sous son in- fluence les noyaux, les substances ternaires, les mucilages, les matières amylacées, deviennent rougeûtres ‘. M. Koch * s’est servi du Brun d'Aniline et de l’Hématoxyline pour colorer les bactéries et les photographier plus facilement; on doit alors conserver ces Algues dans de la glycérine addition- née d’acétate Ce potasse; dans cette solution, la coloration se maintient. La même précaution està prendre quand on a trailtéles bactéries par le Violet de Méthyle ou Violet de Paris. Ce réactif, en solution alcoolique, nous a été d’un grand se- cours dans l’étude des micro-organismes. Nous l’avons fait agir très concentré sur des cils vibratiles qui sont invisibles lorsqu'ils ne sont pas colorés, mais s’aperçoivent très bien dans ce liquide. 1 Poulsen; loc. cil., pag. 48. 2 Apud Cohn; Beitr. z. Biol. der Pfl., IL, pag. 406. PROCÉDÉS OPÉRATOIRES EN HISTOLOGIE VÉGÉTALE. 75 Le protasplasma fondamental s’imprégnant facilement de cette substance, il est souvent nécessaire, sous peine de masquer ses dérivés inclus, d'employer le violet de méthyle très étendu: versée sur la préparation, une goutte au -—#— où même au —"— suffit dans bien des cas. On peut faire agir cette solution d'une façon immédiate sur le protoplasma ou bien après le traitement par l’acide osmique. Dans ce dernier cas, il y a encore coloration. Nous l’avons re- connu chez certaines Algues, par exemple chez le Clathrocystis roseo-persicina, les Euglènes, plusieurs organismes nudoflagellés, et dans les cellules des Phanérogames. M. Certes, qui a fait une heureuse application de ce réactif à l’analyse micrographique des eaux, recommande del'introduire mélangé à la glycérine diluée. «Il faut, dit-il', prendre des précautions pour que l’action de la glycérine soit très lente et n’amène pas leratatinement des tissus. Dans ces conditions, l'élection des matières colorantes se fait mieux ; les organismes restent transparents, et, si l’on veut con- server des échantillons, la glycérine constitue un milieu conser- vateur et maintient les organismes à l'abri de l’évaporation. » Tandis que le viclet de méthyle tue le protoplasma en même temps qu'il le colore, au contraire les solutions aqueuses très faibles de Brun d'Aniline, de Fuchsine et d'Éosine colorent le protoplasma sans le tuer immédiatement. On a vu des organismes vivre plusieurs heures après avoir été colorés par ces matières. M. Koch? a employé l’Éosine en solution alcoolique pour tuer et colorer en rose-rouge le protoplasma des Sarcina, Bacteriurn et Bacillus. La solution aqueuse de Cyanine ou Bleu de Quinoléine, en pé- nétrant dans le protonlasma vivant, y condense la matière colo- rante en quantité suffisante pour que la teinte en soit appréciable. M. Certes” a pu montrer aux membres de la Société zoologique 1 Comptes rendus, 14 juin 1880. 2 Loc, cit. 3 Bull. Soc. Zool., 22 février 1881. 76 MÉMOIRES ORIGINAUX. de France des Infusoires vivants qu'il avait colorés plusieurs heures auparavant au moyen de la cyanineet du Brun d’Aniline, dit brun Bismarck. Ces résultats sont importants : on pourra désormais, en en te- nant compte, étudier sur le vivant les phénomènes de conju- gaison et de reproduction chez les Algues et les Infusoires, au lieu de se borner, comme on était réduit à le faire en bien des cas, à examiner les organismes tués à des stades différents de leur évolution, Noyau.— En général, les matières qui colorent le protoplasma, l’iode, la fuchsine, le carmin, colorent aussi le noyau. Celui-ci absorbe en plus grande quantité la substance colorante. On peut l’étudier en outre à l’aide de réactifs particuliers. Soumis à l’action de l'acide osmique, les noyaux deviennent noirs. La glycérine iodée les rend jaunâtres. D’après M. Treub*, le Vert de Méthyle colore en vert très foncé les noyaux qui ne sont pas en voie de division, en vert pâle ceux qui se divisent, parce qu’en réalité ce reactif ne coloredans le noyau que la chromatine. Dans ses recherches sur la division des cellules, M. Strasbur- ger? a employé les couleurs d’aniline avec 1 °/ d'acide acétique comme réaclifs des noyaux. La coloration très intense qu'ils prennent dans ces conditions les différencie nettement des autres parties du protoplasma. On emploie dans le même but l’acide acétique et la cochenille. M. Strasburger * immerge les préparations dans l'acide acétique, les lave à l’eau distillée, quelquefois neutralise l’acide au moyen d’une solution alcaline faible, puis fait agir la leinture de coche- nille. M. Guignard ‘ préfère à ce réactif le carmin, pour étudier les noyaux dans le sac embryonnaire et le suspenseur des légu- mineuses. Ille fait dissoudre dans un mélange d’une partie d’eau, EEE EE SR CE RSR > — | 1 Archives Néerlandaises, tom. XV, 1880. 2 Zellbildung und Zelltheilung, III, Aufl. 1880. 3 Studien über Protoplasma, 1876. 4 Ann. Sc. nat., 6e série, XII, 1881. PROCÉDÉS OPÉRATOIRES EN HISTOLOGIE VÉGÉTALE. 77 deux parties d'alcool absolu, une partie de glycérine additionnée de borax. M. Poulsen‘ obtient la solution de carmin destinée à colorer les noyaux en chauffant 0,6 de carmin dans 2? gram. d’am- moniaque jusqu’à réduire de moitié le volume de la solution; il y ajoute 60 gram. d’eau, 60 gram. de glycérine et 15 gram. d’alcool absolu ; puis il filtre après éclaircissement du liquide. Nous nous sommes servi du carmin tel que M. Guignard le préfère, pour suivre le curieux phénomène de la fragmentation des noyaux dans les cellules hypertrophiées à la suite de bles- sures ? ; nous avons obtenu un excellent résultat de l’hématoæy- line. Extraite du bois de campêche, cette matière n'existe ce- pendant qu’en petite quantité dans la teinture de campêche. Nous l'avons préparée d’après la méthode indiquée par M. Poul- sen *. On met 9,35 d’hémaloxyline en poudre dans 10 gram. d’eau; on y ajoute, pour fixer la couleur, quelques gouttes d'une solution filtrée d’alun renfermant 3 gram. d’alun pour 30 gram. d’eau. Lorsque les préparations séjournent quelque temps dans l’hématoxyline ainsi préparée, les noyaux se colorent en beau bleu. Le picrocarminate d'ammoniaque ou picrocarmin de Ranvier est aussi d’un usage précieux pour l’étude des noyaux aussi bien chez les Phanérogrames * que chez les Microphytes et les Infu- soires *. Pour ces derniers, :!. Certes dose ainsi la solution du réactif : Givebtinert ts 2m. cat lfpartie. ANSE Re RC RAT r : RTE Picrocarmminate. ie ss ee Lis — 1 Loc. cit., pag. 42. 2 Bull. Soc. Bot., 10 mars 1882. Loc. cit., pag. 46. Poulsen; loc. cit., pag. 46, Voyez à ce sujet Ranvier ; Trailé d'Histologie. Paris, Baillière et fils. Comptes rendus, 3 mars 1879. D OO à © 78 MÉMOIRES ORIGINAUX. La coloration a lieu après la fixation par l’acide osmique ou indépendamment de laction de cet acide. Ces divers réactifs peuvent être employés (à la condition d’en varier la concentration) pour étudier au sein du protoplasma la structure intime du noyau, le nucléole, le mode de répartition de la chromatine, tous les phénomènes de la division, la forma- tion du tonneau, de la plaque équatoriale et des pôles, etc... On consullera avec fruit, sur ce sujet, les récents mémoires de MM. Baranetzki ‘, Zacharias ?, Strasburger *, Schmitz *, Treub * el Guignard *, et le résumé que M. Van Tieghem donne de leurs travaux dans son Traité de Botanique ” en cours de publication. Corps PIGMENTÉS. — [L'influence des agents chimiques sur les corps pigmentés du protoplasma a été beaucoup étudiée : peu de réactifs sont néanmoins connus. On sait que l’étioline devient bleue quand on la traite par l'acide sulfurique ou l’eau chlorée ; que la matière verte à laquelle on réserve maintenant le nom de chlorophylle jaunit sous l’action prolongée des acides étendus, tandis que les acides chlorhydrique et sulfurique concentrés la colorent en bleu ou en vert-bleu ; on indique l'emploi de l’ucide chlorhydrique ou de l’eau à 50°C. pour déceler l’hypochlorine, l’usage de la potasse pour colorer en brun l'anthoxanthine et la garance *, du chlorure de fer pour rendre cette dernière sub- stance rouge ou orange. Mais là se bornent à peu près nos con- naissances sur les réactifs de ces matières, dont l'étude présente cependant an grand intérêt pour la physiologie, l’agriculture et l’industrie. 1 Botanische Zeitung, 1880. 2 Ueber die chemische Beschaffenheit des Zellkerns, in Bot. Zeit,, 18 mars 1881. 3 Loc. cit., 1880. 4 Sitzungsberichte der Nalurf. Gesellsch. zu Halle, 1878 et 1879. 5 Archives Néerlandaises, tom. XV, 1880. 6 Loc. cit., 1881. 7 Paris, Savy, 1882, — Fascicule 4, pag. 343 et suivantes. 8 Decaisne ; Recherches anatomiques et physiologiques sur la Garance et le éveloppement de sa matière colorante, 10 PL. Bruxelles, 1837. PROCÉDÉS OPÉRATOIRES EN HISTOLOGIE VÉGÉTALE. 79 CRISTALLOIDES PROTÉIQUES. — Les colorations que ces corps prennent sous l'influence de certains réactifs aident, indépen- damment des autres caractères, à les distinguer des cristaux minéraux. « Ils manifestent, dit M. Sachs", toutes les colorations essentielles du protoplasma : l’accumulation des matières colo- rantes, la coagulation, la coloration en jaune par l’iode. » Aussi est-ce à ces agents que l’on recourt pour diagnoser les cristalloïdes du protoplasma lorsqu'ils sont incolores, comme ceux de la pomme de terre, du Lathræa squammaria, les grains d’aleurone des graines oléagineuses et de l’albumen du Ricin. Dans les pétales de la Pensée (Viola tricolor) et des Orchis, les fruits du Solanum americanum, les filaments sporangifères des Pilobolus, où ils sont colorés, ils peuvent être décolorés par l'alcool, puis colorés à nouveau par les agents qui viennent d’être indiqués. 2. — Matières ternaires. Ammon. — L’iode est le meilleur réactif de l’amidon. On dit généralement dans les Traités de chimie qu'il le bleuit. Il importe de savoir dans quelles conditions. Quand on fait agir une solu- tion aqueuse d’iode sur les grains d’amidon du haricot, par exemple, ces grains bleuissent immédiatement. Mais il faut bien remarquer que : Lo La coloration disparait sous l'influence d’une forte chaleur, puis reparaît après refroidissement. 29 La coloration bleue du grain n’est due qu’à une partie de la matière qui le compose. Oa distingue en effet dans chaque grain l’amylose, qui en con- stitue en quelque sorte le squelette, et la granulose, qui en rem- plit les interstices et peut en être extraite par la diastase. La pre- mière jaunit, tandis que la seconde bleuit fortement sous l’action de l’iode. Le plus souvent'elles coexistent ; mais il est des cas où 1 Loc. cil., pag. 68. 80 MÉMOIRES ORIGINAUX. elles sont isolées. L’amidon amorphe du Baccillus Amylobacter et du Spirillum amyliferum est constitué uniquement par la gra- nulose : l’iode le colore en bleu. Chez les Floridées, l’amidon existe sous forme de grains d’amylose pure auxquels la solution d'iode communique une colorat'on jaune. Enfin quand il y a, comrue chez la pomme de terre, à la fois de l’amylose et de la granulose dans le grain d’amidon, on peut au moyen de l’iode colorer le grain en jaune après avoir extrait la granulose. Les réactions de l’amidon sont sensibles à ce point qu’on peut les effectuer et les reconnaître sur les très petits grains d’amidon que renferment les corps chlorophylliens. La coloration par l'iode est bien visible quand on a eu soin d’éclaircir le corps chlorophyllien par l'acide acétique, ou d’en augmenter ia perméa- bilité en le soumettant à l’action de la potasse. Chez les Euglènes, une variété de l’amidon appelée Paramylon forme de longs bâtons cylindriques, des disques ou des corps ellipsoïdaux ; l’iode la colorant en jaune, elle paraît être tout à fait semblable à l’amylose. Chez plusieurs Infusoires, M. Certes ‘, faisant usage du sérum iodé, préconisé par M. Ranvier*, a mis en évidence une matière amylacée, colorée en brun acajou ou rouge vineux par ce réactif. Il la considère comme identique à la matière glycogène, dont CI. Bernard a fait connaître l’existence dans le foie des ani- maux supérieurs et de beaucoup d’Invertébrés. Il est vraisem- blable qu’elle existe avec ces mêmes caractères chez beaucoup de plantes, la constitution fondamentale de l’amidon et de la ma- tière dite glycogène élant la même. Tannixs. — Les sels de fer sont les réactifs des acides tan- niques. Ils les colorent généralement en noir ou en bleu foncé, quelquefois en vert. L’acétate de fer donne une coloration bleue très intense, le chlorure de fer une teinte vert foncé. 1 Comptes rendus, 12 janvier 1880. 2 Traité technique d'Histologie, pag. 158. PROCÉDÉS OPÉRATOIRES EN HISTOLOGIE VÉGÉTALE. 8! On emploie aussi le chromate de potasse, le violet d’aniline en solution alcoolique et le chloroiodure de zinc étendu. Les tannins deviennent rouge-brun dans le premier cas, rouges dans le second, rouges ou violets dans le troisième. Le développement du Penicillium glaucum et du Sterigmato- cystis nigra dans une solution de tannin exposée à l’air, dédou- ble le tannin en glucose et acide gallique. Peut-être le phéno- mène est-il dû à une diaslase formée en très petite quantité dans les cellules de la plante. Le même dédoublement s’opère par les acides étendus. Il est probable qu'il a lieu aussi à l'inté- rieur des cellules tannifères par les progrès de la végétation, car on voit quelquefois ces cellules perdre peu à peu leur tannin et acquérir à mesure une proportion de plus en plus forte de glu- cose, transformation qui est surtout sensible pendant la matura- ration des fruits ‘. ya là un intéressant sujet d'étude ; on peut par la micro- chimie déterminer très exactement la localisation du tannin ; il serait très important d’en suivre les métamorphoses. La difficulté consiste probablement à bien mettre la diastase en évidence, car, pour les sucres, les moyens de les déceler sont nombreux. Sucres. — Le sulfate de cuivre, suivi de l’action de la potasse après lavage, communique aux sucres une coloration qui permet de les reconnaître dans les tissus des plantes. Mais la colo- ration est différente suivant que le sucre appartient au groupe des Saccharoses (C** H**0*) ou des Glucoses (G'? H'?0'?). M. Poulsen* recommande d’opérer de la façon suivante. On fait une coupe pas trop épaisse du tissu ; on la plonge pen- dant un temps qui varie de ? à 10 minutes dans une solution concentrée de sulfate de cuivre; puis on la lave rapidement à l’eau distillée el on la soumet à l’action d’une solution chaude de potasse. Les ceilules qui renferment de la saccharose maui- 1 Van Tieghem; Traité de Botanique, pag. 542, Savy, éditeur. Paris, 1882. 2 Loc. cit., pag. 33. S2 MÉMOIRES ORIGINAUX. festent alors une coloration bleu clair, tandis que celles qui ren- ferment les glucoses prennent une teinte rouge orangé. Quand on traite les premières par l'acide sulfurique ou le nitrate de potasse à chaud, elles perdent leur coloration bleue et deviennent comme les secondes rouge orangé. M. Gaston Bonnier” a pu, par l'emploi de la liqueur de Fehling, déterminer au microscope la localisation, l'abondance relative des saccharoses et des glucoses dans les nectaires des fleurs. « On met dans la préparation une goutte de la liqueur de Fehling étendue; on chauffe la préparation. On regarde au mi- croscope dans quelles régions s’est formé le précipité jaune ou jaune rougetre. On intervertit ; on remet une goutte de liquide cupropotassique; on rechauffe. On examine de nouveau le préci- pité. S'il est beaucoup plus abondant que dans le premier cas, c’est que l'accumulation de saccharose est notable. Il faut, bien entendu, qu'il y ait un excès de tartrate dans la première opé- ration pour que le glucose ait été précipité. » Cette manière d’opérer est trés-délicate, exige une grande habitude et de nombreuses précautions. » Si l’on fait bouillir le liquide sous la lamelle, de façon à pro- duire de violents mouvements, le précipité se distribue dans toute la préparation; on trouve alors une teinte jaune générale et l’on ne peut rien conclure. » Il faut en outre faire l’opération le plus vite possible, sans quoi, l’eau dissolvant les sucres peu à peu, on aurait encore un précipite général. Enfin il ne faut pas que la préparation soit très mince, si l’on veut bien juger de l'intensité relative des teintes obtenues par la réaction. » Les meilleures conditions sont donc d’opérer vers 90 à 95 degrés, avec des coupes peu minces. Si le résultat se trouve trop masqué par la dissolution des sucres dans l’eau de la pré- paration, on opère en faisant chauffer les coupes dans un petit 1 Les Nectaires; Étude critique, anatomique et physiologique, in Ann. Sc. nal., 1879. PROCÉDÉS OPÉRATOIRES EN HISTOLOGIE VÉGÉTALE. 83 tube, puis eu les reprenant avec une pince pour les examiner ensuite, une fois le précipité obtenu dans les cellules. » Sans prendre toutes ces précautions dans mes premiers es- sais, j'avais cru ce procédé de recherche impraticable. Il m'a donné ensuite de très bons résultats dans beaucoup de cas, car en comparant l'observation de ces précipités plus ou moins in- tenses avec les résultats fournis par le procédé de recherche précédent dans les cas très-nets, j'ai trouvé une concordance suffisante. » En somme, la teinte jaune produite par la liqueur de Feh- ling, l’augmentation de la teinte après l’interversion, ne sont pas des preuves absolues de la présence des glucoses et des saccha- roses', mais c’est un caractère important qui, joint à d’autres, peut servir à démontrer la présence des sucres dans les cellules. Si l'on a reconnu par un dosage la présence réelle des deux genres de sucres, ce procédé donne d’excellentes in- dications sur la manière dont ils sont distribués dans les tissus”. » Hurces, MarièRes Grasses, RÉsINEs. -— Le réactif général de ces substances est la teinture alcoolique d’'Alcanna. On extrait la matière colorante des racines de l’Alcanna tinctoria. La teinture colore en rouge, non pas les gouttes d'huile individuellement, mais l’ensemble constitué par ces gouttes et le protoplasma qui les contient lorsqu'elles y sont assez nombreuses. Il en est ainsi dans les graines oléagineuses. Le réactif montre que l’huile est toujours située en dehors des grains d’aleurone*. La teinture d’Alcanna colore également les résines en rouge. On emploie aussi la cyanine comme réactif des matières gras- ses. Ces substances absorbent très énergiquement la matière colorante de la solution aqueuse ou alcoolique de bleu de qui- { «Puisque certaines gommes peuvent précipiter le tartrate, il en est de même de certaines variétés de dextrine et de la dextrine ordinare en présence des acides. » 2 Gaston Bonnier ; loc. cil., pag. 83. 3 Poulsen; Loc. cit., pag. 41. 84 MÉMOIRES ORIGINAUX. noléine. Les moindres particules graisseuses du protoplasma peu- vent ainsi acquérir une grande netteté, comme l’ont montré les expériences tentées par M. Certes’ sur plusieurs organismes infé- rieurs, animaux ou végétaux. MuarLaces. — Les couleurs d’aniline colorent très fortement les membranes mucilagineuses, que l’iode seul ou l’iode employé après l’action de l'acide sulfurique ne colore pas en bleu. Le chloroiodure de zinc leur communique une teinte jaune; ils pren- nent, d’après M. Solla* et M. Hôhnel *, une belle couleur jaune après quelque temps d'immersion dans l’ammoniaque addi- tionnée de nitrate de potasse*. CELLULOSE. — La cellulose des membranes végétales a pour formule chimique C'‘*H'°0'°. Mais elle existe chez les plantes à des états différents de condensation, Le polymère (C‘*H'°0*°) *, que l’on peut prendre pour type de la cellulose, ne bleuit pas par l’iode, mais manifeste une belle coloration bleue à la suite du traitement parl’iodeetl’acide sulfurique. Lepolymère(C'?H'°0!°}°, qui est assez rare, bleuit directement par l’iode comme la gra- nulose : il en est ainsi dans les paraphyses et les parois des thè- ques des Lichens et chez plusieurs champignons. Nous avons obtenu un bon résultat de la solution iodée au ti- tre de 1 gram. d’iode dans 3 gram. d’iodure de potassium et 600 gram. d’eau. L’acide sulfurique et l’iode s'emploient d’une façon succes- sive. L’iode peut être en solution aqueuse ou en solution alcoo- 1 Sur ce sujet voyez: Balbiani,; Recherches sur les phénomènes sexuels des Infusoires, note 1, pag. 27, 1861. — Ranvier ; loc. cit., pag. 102. — Adrien Certes ; Sur un procédé de coloration des [nfusoires et des éléments anatomiques pendant la vie, Comptes rendus, 8 mars 1881. 2 Mittellamelle der Holzelemente u. d. Hoftüpfelschliessmembran, Bot. Zeilg:, 1880, Nr. 26. 3 Voyez Poulsen; loc. cit., pag. 61. 4 Beitr. zur Kenntniss d. chem. und phys. Beschaffenheit der Intercellular sub- stanz, Desterr. botan. Zeitschr, 1879, november. PROCÉDÉS OPÉRATOIRES EN HISTOLOGIE VÉGÉTALE. 8 (} lique. L’acide sulfurique peut être remplacé par l'acide phos- phorique. Enfin, à l'emploi successif des deux agents, iode et acide, on peut substituer un seul réactif qui a le même effet : le chloroiodure de zinc. Il esttrès important de remarquer que le chloroiodure de zinc ne peut pas être rigoureusement défini au point de vue quanti- talif, le même réactif ne convenant pas également bien à toutes les espèces de plantes. Bien souvent nous avons observé que le chloroiodure de zinc, qui venait de nous donner d'excellentes in- dications sur des coupes d’une espèce, n’agissait pas nettement sur une autre espèce. C’est que les cellules végétales renferment diverses matières qui, dans bien des cas, peuvent s'opposer à la réaction. Aussi avons-nous pris le parti de les bien laver (soit dans l’eau, l'alcool, l’éther ou le chloroforme) avant de les soumettre à l’action des réactifs. Enfin nous employons quatre ou cinq préparations différentes du chlcroiodure de zinc, et quand l’une ne nous donne aucun résultat nous recourons à une autre. Nous préparons le chloroiodure de zinc en ajoutant à une so- lution aqueuse de chlorure de zinc très concentrée une quantité variable d’iodure de potassium. Tantôt nous y versons une petite quanlité d’iode, tantôt nous n’en meltons pas. En modifiant la proportion de ces éléments, en étendant ou non d'eau les mélanges, nous en obtenons une série de quatre, cinq ou six, dont un au moins peut nous servir lorsque les autres ne nous sont d'aucune utilité. M. Poulsen ‘ indique l'emploi successif de la potasse et du sulfate de cuivre pour colorer en bleu intense les membranes âgées de cellulose. Le carmin en solution alunée colore en rouge intense les membranes cellulosiques. M. Tangel ?, qui a bien étudié cette 1 Loc. cit., pag. 59. ? Ueber offene Communication zwischen den Zellen des Endosperms, in Pringsh. Jahrb., XII, 1880. 3° sér., tom. m1, 6 86 MÉMOIRES ORIGINAUX. coloration, prépare le réactif de la façon suivante : Il sature d’alun l’eau distillée, il y ajoute une pelite quantité de carmin, il fait bouillir pendant dix minutes et filtre après éclaircissement. La solution a l'avantage de ne colorer ni la lignine ni la subérine. LIGNINE Où LIGNOSE. — Sous l'influence du chloroiodure de zinc employé seul, ou bien de l’iode et de l’acide sulfurique em- ployés simultanément, les membranes lignifiées jaunissent. Elles bleuissent lorsque l’action de ces substances a été précédée de l'immersion des tissus dans un acide, surtout l’acide sulfurique, l’acide chromique et l’acide nitrique. Ces réactions étant communes, d’après nos recherches, aux parois des cellules ligneuses, des fibres lignifiées et des vais- seaux âgés, il nous paraît légitime de conclure qu'elles sont con- stituées par la même matière ligneuse. La lignification consiste en une impréguation de la cellulose primitive, c’est-à-dire que la molécule polymère (G**H"°0"°)° se décompose en un polymère moins élevé qui se colore et im- prègne l'autre partie du polymère restée à l’état de cellulose. D'après Bergmann, la lignose a pour formule C°*H**0*?, qui, pour pouvoir être comparée à celle de la cellulose, peut s'écrire à peu près sous cette forme C‘? H°0’. La matière qui imprègne la cel- lulose est donc moins oxygénée que celte dernière substance : l’action des acides consiste à l’éliminer des membranes. M. Van Tieghem a fait connaître, en 1863, une réaction des membranes lignifiées sur laquelle a été fondé depuis un moyen de les caractériser. Ce moyen consiste dans l'emploi d'une ma- tière qui, en présence des acides, se forme dans les membranes lignifiées. Il est dû à M. Wiesner'. D’après M. Poulsen ?, on opère de la façon suivante : On fait une solulion aqueuse et mieux alcoolique de phloroglucine, et l’on en dépose une goutte sur la lame de verre où se trouve le tissu végétal, celui-ci ayant 1 Sitzungsber. der Wiener Akad., 77, Bd. 1, Abth. Januarheft. 2 Loc. cil., pag. 40. PROCÉDÉS OPÉRATOIRES EN HISTOLOGIE VÉGÉTALE. 87 été préalablement plongé dans l'acide acétique. Les parties li- gaifiées prennent bientôt une coloration rouge intense et la con- servent pendant longtemps. M. Wigan‘, M. Maschke *, M. Vogl*, ont, d’après M. Poul- sen ‘, employé la solution aqueuse de cochenille en mélange avec l'acide acétique ou l’alun pour colorer les cellules prosenchyma- teuses du liber. La coloration, qui est rouge, devient très intense après le séjour prolongé du tissu dans la solution. CUTINE, SUBÉRINE. — La véritable subérine constitue un composé défini, non un mélange, Quand les membranes dites subérifiées ou cutinisées, après avoir été traitées par un acide bouillant, se colorent en bleu sous l'influence du chloroiodure de zinc, c’est qu’elles sont seulement lignifiées, La vraie subé- rine jaunit sous l’action de ce réactif, mème après l’immersion dans les acides bouillants. La réaction est la même quand au chloroiodure de zinc on substitue l'iode ou l’acide sulfurique. La cutine, qui se comporte de cette façon, semble être identi- que à la subérine. Elle peut être assez fidèlement représentée par celte formule C'*H''0?. Mais les cuticules d’où le traitement par les acides permet de mettre à nu la cellulose et de la colorer ensuite, ne sauraient être considérées que comme lignifiées. Nous avons constaté que la lignine et la subérine retiennent les couleurs d’aniline bien plus énergiquement que ne le fait la cellulose. Nous fondant sur cette observation, nous avons réussi, par l'emploi de ces couleurs, à bien différencier, dans les coupes microscopiques des tissus végélaux, les parties cellulosiques et les parties non cellulosiques des membranes. Nous faisons bai- gner les coupes dans une solution moitié alcoolique, moitié aqueuse de fuchsine ; puis nous les plongeons dans l'alcool 1 Boian. Zeitg., 1862, pag. 129 et 139. 2 Botan. Zeitg., 1859, pag. 22. 3 Anat. und Histol. der unterirdischen Theile von Convolvulus arvensis, Sitzungsber. d. Wiener Akad., XIII, 1863. # ‘Loc. cit., pag. 42. 88 MÉMOIRES ORIGINAUX. absolu. Après ce dernier traitement, les parties cellulosiques sont décolorées, tandis que les parties cutinisées ou subérifiées conservent pendant très longtemps encore la couleur rouge de la fuchsine. Comme on le voit, ce procédé ne saurait servir pour l'analyse, mais il est d’un usage commode pour permettre de lire très rapidement les coupes en distinguant immédiatement les différences les plus saillantes de la constitution chimique. Sur ces réactions microchimiques de la cellulose, de la lignine et de la subérine est fondée en partie la détermination de la na- ture des fibres qui entrent dans la composition industrielle des étoffes. M. Vétülart ‘ a publié sur ce sujet un important ouvrage auquel nous empruntons les indications suivantes. Pour désagréger les fibres du tissu à examiner, on le fait bouil- lir pendant une demi-heure dans une lessive contenant 10 °/, de carbonale de potasse ou de soude. Gette opération a aussi pour but de gonfler les parois cellulaires et de les rendre plus pénétrables aux réactifs. Dans les cas, d’ailleurs assez rares, où elle est insuffisante, MM. H. Beauregard et V. Galippe * recom- mandent de plonger le tissu pendant dix minutes dans une solu- tion concentrée de potasse ou de soude. Ce traitement doit être suivi du lavage du tissu à l’eau distillée. Lorsque l’échantillon est séché, on dissocie les filaments et l’on soumet à l’action des réactifs l’une des trois parts que l’on en fait. Nous devons nous borner ici à signaler la distinction que l’iode et l'acide sulfurique, ou bien le chloroiodure de zinc, per- mettent d'établir entre les éléments qu’ils colorent en bleu et ceux qu'ils colorent en jaune. Pour l'effectuer, M. Vétillart con- seille l'emploi d’une solution d’iode fraîchement préparée en saturant de ce métalloïde 100 gram. d’eau distillée à laquelle on a préalablement ajouté 1 gram. d'iodure de potassium. Quant à l'acide sulfurique, il recommande de mélanger 2? volumes de 1 Études sur les fibres végétales textiles employées dans l’industrie. Paris, 1876. 2 Guide de l'élève et du praticien pour les travaux pratiques de micrographie. paris, Masson, 1880. PROCÉDÉS OPÉRATOIRES EN HISTOLOGIE VÉGÉTALE, 89 glycérine concentrée à 1 volume d’eau distillée, solution dans laquelle on introduit peu à peu 3 volumes d’acide sulfurique du commerce marquant 66° Baumé. Le vase où s'effectue cette opé- ration doit être entouré d’eau. Les fibres que l’on soumet à l’action de ces réactifs doivent être aussi sèches que possible. Dans ce but, on les expose à la chaleur. On place les fibres sur le porte-objet et on y dépose une ou deux gouttes de la solution iodée. Quand elles s’en sont bien imprégnées, on enlève l’excès du liquide au moyen d’un papier à filtre. On pose alors sur les fibres le couvre-objet ; puis on fait passer un courant de la solution d’acide sulfurique sous cette petite lamelle. On observe alors les réactions qui se pro- duisent : on voit, parmi les éléments appartenant aux dicotylé- dones, la jute se colorer en jaune ; le lin, le chanvre, le sunn, le coton, se colorer en bleu ; — parmi les Monocotylédones, le Phormium tenazx, V’'Agave americana devenir jaunes ; l’alfa et la sparie complètement bleus. Les lecteurs que cet examen micro- chimique des fibres textiles intéresse, consulleront avec profit l'ouvrage de M. Vétillard, rempli de détails précis, qui ne sauraient trouver place ici. VII. — CONSERVATION. Les procédés de conservation des préparations histologiques étant généralement bien connus, nous n’aurons que peu de chose à en dire. La Glycérine est le liquide le plus souvent employé dans ce but. Il est cependant des cas assez nombreux où l’on ignore qu'elle ne vaut rien, (est ainsi qu’il ne convient de l’employer ni pour les Floridées, ni pour les Diatomées, ni pour les Bacté- ries. Les membranes des Floridées, surtout lorsqu'elles n’ont pas été plongées d’abord dans l'alcool absolu, se gonflent dans la glycérine au point que la forme des cellules n’est plus recon- naissable. Les ponctuations des Diatomées ne s’y aperçoivent pas nettement ; les parois cellulaires des Bactéries deviennent si 90 MÉMOIRES ORIGINAUX. claires dans la glycérine qu'il est très difficile deles y apercevoir. Ces Algues se conservent très bien au contraire dans la Géla- tine glycérinée. M. Nordstedt’s' la recommande surtout pour les Desmidiées ; il la prépare en mélangeant à chaud Gélatine pure............ "1 partie. AU US LITE EN RE EAER 3 parties, Glycérmestss else 2 4 = qu’il décante ensuite. On doit à M. Kaiser” une autre préparation. Il abandonne pendant deux heures une partie en poids de gélatine de France dans six parties d’eau distillée ; il y ajoute ensuite sept parlies de glycérine pure, et dans 100 gram. du mélange il introduit 1 gram. d’acide phénique. Il chauffe et agite le tout pendant dix ou quinze minutes, jusqu’à ce que la masse soit devenue fluide et claire ; après quoi il filtre. Cette gélatine glycérinée offre sous une mince épaisseur la clarté et la translucidité de l’eau. Elle convient à toutes les pré- parations qui, devant être recouvertes d'une lamelle, sont ce- pendant si délicates que la pression de la lamelle les déforme : tels sont les grains de pollen, les grains d’amidon, les fécules, les cellules de levüre, les spores, surtout celles des algues unicellu- laires, comme les Desmidiées. Le même liquide est excellent pour conserver la structure du protoplasma et la distribution des corps chlorophylliens dont la forme et la position ont été fixées par l'alcool absolu ou l'acide osmique. Quand on a fixé ainsi la préparation, on la porte dans la glycérine étendue, puis dans la gélatine giycérinée. Après le re- froidissement de ce liquide, on peut luter la lamelle recouvrante. Une autre substance est encore préférable, en raison de la différence des réfringences, pour la conservation des Diatomées : APRES IN 1 Om anwändandet af gelatinglycerin vid undersükning og preparering af Desmidieer, Botaniska Notiser, 1876, Nr. 2. 2 Bolanisches Centralilatt, 1880, Nr. 1, pag. 25.— Confer. : Glycerin-Gelatine for Mounting, in Journal of Royal micr. Soc., vol. III, 1880, pag. 502. L'ÉTAGE URGONIEN DU LANGUEDOC. 91 c'est le Baume du Canada ; on liquéfie le baume en le chauffant. Les stries les plus fines des Diatomées y sont indéfiniment vi- sibles. Au baume pur on peut substiluer une solution très concentrée de baume dans l’éther ou le chloroforme ; ce mélange est plus pur. Les objets délicats et riches en eau ne se conservent bien dans le baume qu'après avoir été desséchés à l'air ou traités par l'alcool absolu ou l'huile de girofle. Toutes les préparations, même celles qui sont faites au baume, doivent être lutées. L'URGONIEN DU LANGUEDOC Par M. A. TORCAPEL. Le terrain néocomien recouvre, dans les départements du Gard et del’Ardèche, des surfaces considérables. Sauf quelques poin- tements du Jurassique supérieur, quelques îlots irréguliers for- més par les étages supérieurs du groupe crétacé et par les dépôts tertiaires, ses assises puissantes occupent la plus grande partie d’un polygone dont les sommets seraient les villes de Privas, Alais, Ganges, Montpellier et Avignon. Il constitue ainsi, entre le Jurassique des Cévennes et le Rhône, une bande irrégulière dont la longueur est de 120 kilom. et dont la largeur atteint, entre Alais et Avignon, environ 60 kilom. Dans ce vaste périmètre, le terrain néocomien forme en quel- que sorte l’ossature de la contrée, et ce sont les dislocations qu'il a subies et sur lesquelles se moulent, pour ainsi dire, les dépôts subséquents, qui ont déterminé latopographie générale du pays, Le long du bord occidental et aux extrémités de la bande néo- comienne, on voit ses couches inférieures reposer, enstratification concordante, sur les calcaires massifs du Jurassique supérieur. On observe successivement, à partir de ces calcaires, les couches 92 MÉMOIRES ORIGINAUX. à Terebratula Janitor, les couches de Berrias, les marnes à Belemnites latus, et enfin les calcaires et les marnes à Echino- spatagus cordiformis où Calcaire à Spatangues. Je ne reviendrai pas aujourd’hui sur ces diverses zones, dont j'ai déjà indiqué la composition et la puissance dans mes précédentes études sur les lignes de Lunel au Vigan et d’Alais au Pouzin. Le présent travail a pour objet spécial les couches néocomiennes supérieures à ce dernier horizon, couches qui constituent spécialement, pour la plupart des auteurs, l'étage urgonien. Ces couches, dont la stra- tigraphie dans le Languedoc n’a pas encore été donnée d’une manière complète, sont cependant bien dignes d'attirer l’atten- tion par l'importance qu’elles prennent dans cette région, et qui paraît avoir été jusqu'ici méconnue. Lorsqu'on s’écarte, en effet, de la limite occidentale du néo- comien pour se rapprocher du Rhône, on trouve les couches à Echinospatagus cordiformis ‘ presque partout recouvertes par l'étage urgonien, dont les couches puissantes, se continuant jus- qu’au Rhône, occupent, par suite, des surfaces extrèmement con- sidérables. Ce sont elles qui constiluent notamment les vastes plateaux de Larnas et de Saint-Remèze dans l'Ardèche ; de Lussan, d’Uzès et de Nimes dans le Gard ; et les sommets les plus élevés de la contrée, tels que le Serre-de-Bouquet, la Dent- de-Retz près Vallon, etle Mont de la Serre près Beaulieu (Ar- dèche). La chaîne du Bois des Lens (Gard) est également formée par ces couches. Les observations que j'ai faites depuis quelques années, en m'aidant des déblais faits pour la construction des chemins de r de la région, m'ont conduit à reconnaître dans cet élage trois zones bien distinctes que nous étudierons successivement, savoir : I. À la base, une zone calcaire à Ammonites et à Ancyloceras, que je désignerai sous le nom d’Urgonien inférieur ou Cruasien * ; 2000 2 0 + ES 1 Syn.: Spatangus relusus, Toxaster complanalus. 2 De Cruas (Ardèche), où cette zone offre un beau développement, L'URGONIEN DU LANGUEDOC. 93 IT. Une zone de marnes et de calcaires plus ou moins mar- neux constituant l’Urgonien moyen, et pour laquelleje proposerai le nom de Barutélien ‘ ; IIT. Une zone calcaire renfermant de nombreux Chama, for- mant l'Urgonien supérieur du Languedoc, et que je désignerai sous le nom de Donzérien*. En proposant ces désignations nouvelles, je ne cède pas à un vain désir de faire du neuf. La Géologie n’est déjà que trop en- combrée de termes qui souvent ne répondent pas à des horizons bien définis; mais lorsqu'un groupe de couches, offrant d’ailleurs un développement suffisament étendu, a été bien déterminé straligraphiquement, c’est-à-dire par sa position dans l’échelle des strates et par les fossiles qu'il contient, il me paraît utile de lui donner ur nom qui permette de le désigner d’un mot, sans avoir recours à des circonlocutions. Outre qu'on simplifie ainsi le langage et qu'on le rend plus précis, l’élude comparative des couches de même âge ou d’âges voisins, dans des contrées dif- férentes, devient bien plus facile. La distinction des zones est d’ailleurs indispensable pour assurer les progrès de la Paléoniologie. Plus, en effet, on avance dans l’étude des fossiles, plus on reconnaît l’importance de la spécification exacte du niveau de leur gisement ; et le moyen le plus simple d'arriver à cette spécification, est de désigner les diverses zones qui constituent chaque étage par les noms des localités où elles offrent le développement le plus typique. I, — De L’Urgonien inférieur ou CRUASIEN. Celte zone se subdivise en deux assises distinctes : 1° une assise inférieure formée de calcaires compactes ou légèrement marneux renfermant des Ancyloceras en assez grand nombre, et qui cor- respond au Calcaire à Criocères de M. Lory : je la désignerai sous ce nom ; et 20 une assise supérieure formée de calcaires un peu 1 De Barute] (Gard),carrières situées à 7 kil. de Nimes et ouvertes dans cette zone. 2? De Donzère (près Viviers), où le calcaire à Chama forme de grands esçar- pements. 94 MÉMOIRES ORIGINAUX. crayeux ou subcrislallins, contenant beaucoup de silex et formés en partie de débris organiques, que j’appellerai Calcaire à silex et à lumachelles. Mais avant de décrire ces deux assises, il convient de bien préciser l'horizon du Calcaire à Spatangues, qui forme en quelque sorte le soubassement des couches urgoniennes. C’est d'autant plus nécessaire qu’on a englobé sous cette designation des cou- ches diverses qui doivent en partie être rattachées à l’Urgonien. Je rappellerai donc que la zone à Echinospatagus cordiformis, ou Calcaire à Spatangues ‘, est constituée dans le Gard et dans l'Ardèche par des marnes noduleuses et des calcaires plus ou moins marneux, gris-bleu assez foncé, jaunissant à l’air, en bancs de 0%,20 à 0,30, souvent divisés en polyèdres bicolores. Les calcaires etles marnes alternent irrégulièrement, et on y trouve communément Echinospatagus cordiformis, Ostrea Couloni, Pho- ladomya elongata, Ammonites Astierianus, Am. cryploceras, Am. radiatus, 4m. Liebigi, Nautilus pseudo-elegans. Les Bélemnites y sont rares. + Cetle zone est presque partout fossilifére et bien connue des géologues de la région. Elle affleure sur presque tout le pour- tour occidental de la bande néocomienne, et notamment dans l'Ardèche, à Baix, Villeneuve-de-Berg, Ruoms, Sampzon, et dans le Gard à Rousson, les Tavernes, la Cadière, Sauve, sur quelques points aux environs de Nimes, etc., etc. 1° CALGAIRES À CRIOCÈRES. — Au-dessus des calcaires à Spatan- gues se développent les couches à Criocères, dans lesquelles les calcaires deviennent plus compactes et sont en bancs plus épais. Les lits marneux intercalés s’amincissent de plus en plus et dis- paraissent même presque entièrement dans la partie supérieure. La masse est alors à très gros bancs. En même temps la nuance de la roche s’éclaircit, passe au bleu et devient jaunâtre sous l'influence de l’air. La cassure est largement conchoïdale. C’est ainsi que se présentent les couches puissantes exploitées pour 1 Hauterivien des auteurs. L'URGONIEN DU LANGUEDOC. 95 la fabrication de la chaux hydraulique à Cruas, et à Lafarge près du Teil, où elles n’ont pas moins de 150 mètres d’épaisseur. Dans la partie supérieure de cette assise, le calcaire devient encore plus compacte et peut être exploité comme pierre d’ap- pareil, C’est dans ces bancs que se trouvent les carrières à pierre de taille de Cruas, celles de Saint-Thomé et celles qui sont exploitées à Nimes, le loug de la route d’Alais, au pied de la colline des moulins à vent, et qui sont désignées sous le nom de roquemaillères. Les calcaires à Criocères constituent le sommet des collines qui longent l'Ardèche entre Villeneuve de-Berg et Sampzon. Ils s'étendent de là, du côté du Rhône, jusqu’à une ligne passant par Vallon, Valvignières, Saint-Thomé, Lafarge, et remontent la rive droite du fleuve jusque près de Baix. Dans le Gard, ils sont peu développés vers l'Ouest ; on les observe cependant à Quissac (couches à Ostrea macroptera), et ils augmentent d’épaisseur eu se rapprochant de Nimes, où leur puissance est de 150 mètres au moins. On en voit une belle coupe dans les tranchées du che- min de fer entre Saint-Just et Euzet et entre Beaucaire et Comps ; mais cette partie inférieure du Cruasien est souvent cachée par les calcaires à silex et à lumachelles qui forment la partie supé- rieure de la zone. J'ai recueilli dans les calcaires à Criocères les espèces suivantes: Nautilus pseudo-elegans, d'Orb., trouvé à Beaucaire. — plicalus, SOw. — Beaucaire, Euzet. Ammoniles recticostatus, d'Orb. — Cruas, Nimes. — Leopoldinus, d'Orb. — Beaucaire. — Matheroni, d'Orb. — Cruas. —— cultratus, d'Orb. —— Beaucaire. — cryptoceras, d'Orb. — Euzet. — ophiurus, d'Orb. — Cruas, Nimes. — subfimbriatus, d'Orb. — Nimes. — Emerici, Raspail — Nimes. — trois autres espèces non décrites. Ancyloceras Duvalii, Lév. — Nimes. — Matheronianus, d Orb. — Cruas, Lafarge. 96 MÉMOIRES ORIGINAUX. Ancyloceras Renauxianus, d'Orb. — Cruas. sd . Ostrea macroptera, Sow. — Quissac. Nemausina neocomiensis, E. Dumas ; très commune. Cette faune justifie amplement la distinction que j'établis entre ces calcaires et ceux de la zone sous-jacente, ainsi que le nom de Calcaire à Criocères, que je donne à cette assise, en la considérant comme le prolongement de celle désignée ainsi par M. Lory ‘, dans le Dauphiné. Les fossiles, sans être très rares, n’y sont cependant pas communs. 2° CALCAIRES A SILEX ET A LUMACHELLES.— Au-dessus des cal- caires bleus de l’assise à Criocères se présentent d’autres calcaires dont la couleur la plus ordinaire est le blond, mais qui sont souvent blanchâtres et chargés de rognons siliceux. Ces calcaires ne sont plus, comme les précédents, formés d’une pâte compacte et finement lameileuse, mais bien de petites particules arrondies donnant à la roche un aspect oclithique et la rendant sub- crayeuse. Ils contiennent en outre des cristaux lamellaires qui ne sont autre chose que des débris d’encrines et de bryozoaires. Dans certains bancs, ces cristaux sont extrêmement abondants, très fins, et rendent la roche saccharoïde ; d’autres fois ils se mélangent avec un nombre infini de fragments de coquilles, de piquants d'oursins, qui font passer la roche à une véritable lumachelle. Ces Calcaires à silex et à lumachelles sont à bancs d'épaisseur très variable, à stratification ordinairement confuse, à cassure fragmentaire. Ils sont très résistants, souvent caverneux et coupés par de grandes fentes verticales, avec crevasses remplies d’ara- gonite, de bauxite et autres minéraux. Ils forment générale- ment des massifs rocheux en saillie sur les terrains environ- nants. Cette assise n’a pas échappé à l'attention de M. É. Dumas”, et il — 1 Ch. Lory, Description géologique du Dauphiné, $ 156. 2 É, Dumas; Statistique géolog. du Gard, pag. 322. L’'URGONIEN DU LANGUEDOC. 1 a signalé des calcaires à lumachelles au pic d'Hortols, dans l'Hé- rault, et près de Sommières ; mais il la comprend, ainsi que la précédente, dans son étage des «Calcaires jaunes et bleus à spatan- goïdes ». Je l’ai reconnue moi-même, très nettement caractérisée, dans le revers méridional des collines qui environnent la ville de Nimes, où les bancs les plus cristallins sont recherchés pour la fabrication des pavés. Les calcaires rocheux d’où sort la belle source de la Fontaine, ceux du Mont-Duplan, appartiennent à cette assise. Les carrières du Mont-Cavalier sont également ou- vertes dans ces calcaires, qu’on peut aisément étudier dans les grandes tranchées du chemin de fer d’Alais. Leur superposition aux calcaires à Criocères sous-jacents peut être observée nette- ment au pied de la colline de la Tour-Magne, près du Cimetière protestant, où on voit ces derniers calcaires, exploités dans les carrières, recouverts par un gros banc pétri de rognons de silex qui forme la base du calcaire à lumachelles. A Nimes, la puissance de ces calcaires ne parait pas dépasser une centaine de mètres, mais elle augmente beaucoup d’impor- tance à mesure qu'on s'avance vers le Rhône. Ils ont été tra- versés sur une grande longueur dans les tranchées du chemin de fer de la rive droite, entre Aramon et Pont-d’Avignon. Ils forment tout le plateau dit des Roches Castillonnes, entre Aramon et Pujaut. La barre rocheuse qui traverse la vallée du Rhône à Roquemaure, le massif de la Montagnette, entre Tarascon et Barbentane, le rocher des Doms, à Avignon, appartiennent éga- lement à cette zone. Dans toute cette région, les calcaires à lumachelles sont très rocheux et ressemblent beaucoup aux calcaires à Chama de l’Urgonien supérieur, avec lequel ils ont été confondus, en sorte qu'on leur a souvent donné le nom de calcaires à Chama, alors même qu'ils ne contiennent pas ce fossile ni aucune autre espèce de chamacée. En remontant le Rhône, on retrouve ce calcaire entre Viviers et le Teil, et entre Rochemaure et Cruas. Il y recouvre les bancs à Crivcéres, dont le distinguent sa structure suboolithique et 98 MÉMOIRES ORIGINAUX. les rognons siliceux qu’il contient en abondance. Sa puissance, dans cette région, est d’au moins 200 mèt. Cette assise est également bien marquée près d'Euzet-les-Bains. Les travaux du chemin de fer y ont mis à jour des Ancyloceras gigantesques (ils atteigaent jusqu'à 0®,22 de diamètre à la crosse), parmi lesquels j'ai cru reconnaitre l’4. Emerici. Les fossiles sont du reste très rares dans cette assise, et ce n’est guère qu’en y faisant des déblais considérables qu'on arrive à en découvrir. Ceux que j'ai pu y observer, et qui sont presque ex- clusivement des Céphalopodes de grande taille, sont : Nautilus neocomiensis, d'Orb., trouvé à Lafarge, Les Issards. — plicaius, SOWw. — Lafarge. Ammonites recticostatus, d'Orb. — Rochemaure. — incertus, d Orb. — Lafarge. — Matheroni d'Orb. — Nimes. Ancyloceras Duvalianus, d'Orb. — Euzet. _— Emerici, Lév. (?)t — Euzet. Toxoceras Honoratianus, d'Orb. — Cruas. Nemausina neocomiensis, E. D., très commun. Cette faune n'offre rien qui la distingue essentiellement de celle de l’assise précédente ; c’est pourquoi j’ai réuni ces deux assises pour former une seule subdivision. Il. — DE L’Urgonien moyen ou BARUTÉLIEN. Les calcaires rocheux Cruasiens sont recouverts, dansle Lan- guedoc, par un système de marnes el de calcaires plus ou moins marneux qui occupent une bonne partie des plateaux urgoniens de la contrée, et qui paraissent avoir été confondus jusqu’à pré- sent avec les marnes à Belemnites lalus du Néocomien inférieur. Cette zone affleure dans toute l'étendue du massif languedocien, mais c’est aux environs de Nimes qu’elle semble offrir le déve- 1 É. Dumas cite cette espèce à Villeneuve-lès-Avignon, dont les calcaires appartiennent à cette zone. + L'URGONIEN DU LANGUEDOC. 99 loppement le plus complet el qu'elle est le plus facile à étudier; c'est aussi là que je l’ai observée pour la première fois. Lorsqu'on sort de Nimes par la route qui conduit à Uzès en traversant le plateau de Féron, on voit sur la droile, après avoir dépassé les casernes d’Artillerie et le pont du Chemin de fer, les calcaires à lumachelles former la pente sud et le sommet du Mont-Cavalier; les calcaires à Criocères et les couches à Spatan- gues affleurent ensuite successivement le long de la route. Toutes ces couches plongent vers le Sud (voir la coupe [). Entre les kilomètres 3 et 4 de la route, par suite d’une ondulation, le plongement change de sens, et on parcourt de nouveau, en sens inverse, les couches qu'on vient de traverser. Au haut de la mon- tée on est sur le calcaire à Criocères, et près des cantines de l’Artil- lerie on retrouve, plongeant d'environ 30° au Nord, les calcaires à lumachelles, qu’on reconnaît, bien qu’ils soient assez réduits sur ce point, à leur surface rocheuse et à leur structure subcris- talline. On observe ensuite, recouvrant ces calcaires, les couches ci-aprés : Calcaire gris-clair marneux se délitant en plaquettes, partie supérieure du calcaire à lumachelles............... RTE A. Marne grise, argileuse, et couches de calcaires marneux, avec Echinospatagus argilaceus, Botriopygqus obovatus, Ancy- RIRES OT ET QTUEIUUS ne aie e eat ot mna ais oo pe no à &'e à aie PRO BH’ Calcaire jaunatre assez compacte. .......4,...4,.: 4.0 60 C. Marne argileuse formant le fond du vallon du mas de Seynes. 40 Calcaire marneux noduleux et couches de marne intercalées. 10 Calcaire jaune clair, compacte ou un peu marneux, subooli- thique, avec Térébratules et Nemausina neocomiensis, tra- versé dans la grande tranchée de la route............... 400 E. Marne argileuse et calcaire marneux.!.......:........... 29 Calcaire à Chama ammonia, à la base duquel se trouve un banc compacte, rosé, avec Osirea aquila. CB SCD ICE MI DECO DER ET CET EN | Toutes ces couches se recouvrent successivement en stratifi- cation concordante et plongent au Nord de 25 à 30° en moyenne. Getle coupe nous offre ainsi la série complète des couches 100 MÉMOIRES ORIGINAUX. comprises entre le calcaire à lumachelles et le calcaire à Chama, système que nous désignons sous le nom de Barutélien. En continuant vers Uzès, on marche sur le calcaire à Chama. et après avoir traversé le point culminant du plateau, on voit le calcaire, dont le plongement était au Nord, s’incliner bientôt vers le Sud. Et près de la maison du cantonnier les couches marneuses réapparaissent sous ce calcaire; on retrouve alors en sens inverse la série précédente, et, grâce aux déblais faits pour la rectification de la route, on peut étudier d’une manière plus complèle la partie supérieure du système. Voici la coupe que j'ai relevée sur ce point, en descendant à partir des calcaires à Chama. Calcaire jaunâtre compacte, rosé dans les bancs inférieurs, base du calcaire à Chama. Calcaire marneux jaunâtre, par couches irrégulières, avec marnes intercalées: Rhynconella gibbsiana, Panopæa plicata, Echinospalagus argilaceus, Ostrea aquila........ 25 2 Marne argileuse jaunâtre, avec Corbis corrugata........ 3.50 Marne naduleuse: 2... Et SR ES TER À Marne grise arpeuse. 1. 221.045 CRC RRREE 45 Calvaire grisjaunâtre compacte ou marneux, avec couches de marne intercalées, à stratification peu régulière, Nemausina neocomiensis...... sr ee EUR s TC 4.50 Marné'grise n0dnleuse..,..0,...20.02 ARR 6 Calcaire comme le précédent... "1.1.0, PRE 100 Marne noduleuse et argileuse.................. ce OR Galcdire gris compacte. ..1..440.2.0:. SSSR 2 Marne jaune noduleuse, avec Echinospatagus argilaceus. 15 Calcaire gris, noduleux assez compacte......... Re 0.60 Marne grise argileuse, avec Echinospatagus argilaceus.. 11 Calcaire marneux jaune ou bleu, buttant par faille contre le calcaire à Chama, épaisseur visible, au moins..... 50 Toutes ces couches se succèdent régulièrement, avec un plon- gement Nord de 50° dans le haut et de 300 à la base. Bien que cette coupe ne donne pas la série complete, puisque la partie inférieure disparait dans une faille, nous remarquons L'URGONIEN DU LANGUEDOC. 101 cependant qu'elle concorde bien avec la précédente et qu’elles accusent toutes deux, entre les calcaires à lumachelles et les calcaires à Chama : A. Des marnes argileuses ou noduleuses sur 50 mètres environ d'épaisseur. B. Une première assise calcaire d'environ 60 mètres de puissance. C. Une nouvelle série de marnes sur 40 à 50 mètres. D. Une seconde assise calcaire de 110 mètres d'épaisseur. E. Une troisième série de marnes de 55 mètres d'épaisseur. Ce qui donne à l'ensemble une puissance de 320 mètres. Si, quittant la route d’Uzès, on se dirige vers l'Ouest, on voit ce système prendre encore plus de développement. Il s'étale, dans cette direction, sur toute la surface du plateau qui s’étend entre la route de Nimes à Sauve et le vallon du Mas de Thérond (voir la coupe Il). Le chemin de fer d’Alais le traverse entre le Mas de Ponge et Fons, sur 6 kilom. de longueur. Près de là se trouvent les belles carrières de Barulel, qui ont fourni une grande partie de la pierre d’appareil des monuments romains de Nimes. Ces carrières exploitent le calcaire de l’assise supérieure, qui est sur ce point d'un grain serré et très homogène. — Au-delà, le système marno-calcaire se continue à l'Ouest jusque vers Montpezat, et dans la vallée de la Courme. Du côté de l'Est, le Barutélien a aussi un grand développe- ment. Le bas-fond de Cabrières et le vallon de Lédenon sont creusés dans cette zone, et on peut suivre son prolongement dans la plaine Doume, au-dessus d’Aramon. Sur ce point, il est réduit à ses couches inférieures, qui sont emprisonnées par des failles dans les calcaires cruasiens. Près du château des Issards et à Pont-d’Avignon, on voit ces couches inférieures recouvrant le calcaire à silex et à lumachelles *. Dans cette région, les cou- ches marneuses du Barutélien ont été ravinées par les courants de la vallée du Rhône, et il en est résulté, entre autres accidents, la formation d’une vallée entre le calcaire à Caama du plateau de nee | De ne 4 Voir la Note additionnelle. 3e sér., (om. ur. =J 102 MÉMOIRES ORIGINAUX. Malmont, au-dessus de Rochefort, et le massif cruasien des Roches Castillonnes, Cette vallée a été remplie plus tard par les dépôts de la mer subapennine, et telle est l’origine de la bande tertiaire si remarquable qui s'étend en ligne droite de Fournès à Pujaut. Non loin de là, à Tavel, on retrouve le Barutélien, dont les calcaires sont exploités comme pierre de taille. C’est dans ces couches que sont situés les magnifiques gisements de phosphate de chaux de cette localité. On Île retrouve encore à Lirac et près de Saint-Victor-Lacoste, exploité comme pierre de taille et pour la fabrication de la chaux hydraulique. J’y ai recueilli l’Ancy- loceras Tabarelli. Partout, dans le reste du Gard et dans l’Ardèche, où on peut observer les couches inférieures au Calcaire à Chama, on voit que celui-ci repose sur le Barutélien. Les bas-fonds de Valvi- gnières et de Belvézet, les vallons de Lussan et de Seynes, au pied du Serre de Bouquet, sont creusés dans les marnes de cette zone. Sur ce dernier point il a environ 120" de puissance (voir la coupe IT), Dans l’Arcèche, il forme sur le plateau de Saint- Remèze une bande marneuse qui s’étend de la Bastide-de-Virac jusqu’à Larnas. Ces détails suffisent pour montrer qu'il ne s’agit pas ici d’un dépôt local et accidentel, mais d’un système qui a partout une grande puissance dans le Languedoc, et dont nous résumerons comme suit les caractères pétrographiques et paléontologiques. Les marnes du Barutélien sont grises ou bleues et jaunissent à l'air. Elles sont le plus souvent noduleuses, et, même dans les parties où elles sont le plus argileuses, elles sont toujours gru- meleuses, un peu sableuses et rudes au toucher. Elles se délitent en plaquettes irrégulières marbrées de gris et de jaune ocreux. Dans certains bancs, elles prennent l’apparence des marnes à Belemnites latus, mais elles n’ont jamais la régularité de ces der- nières et sont toujours entremêlées de nodules el de lits calcaires qui les en distinguent. Les calcaires sont d’un jaune terreux vers la surface et bleu- clair dans la profondeur. Ils sont généralement noduleux, à pâle L'URGONIEN DU LANGUEDOC. 103 plus ou moins compacte et souvent suboolithique ou finement grumeleuse. Ils offrent fréquemment des veines et des marbrures couleur lie de vin ou amaranthe, provenant d’infiltrations ferru- gineuses. Cette particularité se remarque surtout dans les bancs exploités à Saint-Victor-Lacoste, et les rend susceptibles d’être utilisés comme marbre d'ornement. En ajoutant aux fossiles cités plus haut ceux que j'ai re- cueillis sur d’autres points, nous oblenons la liste suivante : Nautilus plicatus, Sow. Ammonites difficilis, d'Orb. Ancyloceras Matheronianus, d'Orb. — Tabarelli, Astier. Echinospatagus argilaceus, Phill. (Toxaster Ricordeanus, Gott.) Botriopyqus obovatus, Agassiz. Ostrea aquila, d'Orb. Corbis corrugata, d'Orb. Panopæa plicata, Sow. (P. Prevosti, d'Orb). Pinna Pouthieri, nobist. Cyprina Saussuri (?), Brongn. Venus. Rhynconella gibbsiana, Sow. (R. lata, d'Orb.). Rhynconella depressa, d'Orb. Terebratula biplicata, Brocchi. Serpula antiquata, Sow. Nemausina neocomiensis, très commun. Cette faune renferme un assez grand nombre d'espèces qui se retrouvent dans l’Aptien, mais les espèces les plus caractéristi- ques de cet étage y font encore défaut, et il n’est pas douteux que notre zone barutélienne n’appartienne à l'Urgonien. IT. — DE L'Urgonien supérieur ou DONZÉRIEN. La dernière assise de l’Urgonien du Languedoc est constituée par des calcaires compactes très puissants, el remplis de Chama 1 Très grande espèce triangulaire, voisine du Pinna Nepluni, mais non arquée, dédiée à M. Pouthier, chef de section principal du chemin de fer, qui l’a trouvée à Euzet. 104 MÉMOIRES ORIGINAUX, empâtés dans la roche et ordinairement impossibles à détacher. Ainsi qu’on l’a vu par les coupes précédentes, la base de cette assise est formée par un calcaire blond, suberistallin, qui ressem- ble beaucoup au calcaire à lumachelles cruasien, mais dans Jequel on trouve des Chama, ainsi que l’Ostrea aquila. Au-dessus, les calcaires deviennent plus blancs, très cris- tallins, etse chargent de Chama. Sur certains points, ils deviennent crayeux et oolithiques, comme à Orgon, et donnent alors de belles pierres de taille. Ce faciès est susceptible de se développer à toutes les hauteurs de la masse, mais cependant plus communé- ment dans les bancs supérieurs. On l’observe notamment au Serre-de-Bouquet et au Bois des Lens (Gard), à la montagne de la Serre (Ardèche), près de Bourg Saint-Andéol et à Saint-Martin d’Ardèche. Mais le plus ordinairement le calcaire est compacte, rocheux, à cassure fragmentaire, et d’un aspect qui rappelle les couches massives et ruiniformes du Jurassique supérieur, Il est très sou- vent caverneux, et c’est dans cetle assise que se trouvent les belles grottes de Vallon et de Saint-Martin, Les fossiles qu’on y rencontre sont, d’après M. Émilien Dumas‘: Requienia (Chama) ammonia, Matth. — — carinata, Math. (Caprotina Lonsdali, d’Orb). Caprotina trilobata, d'Orb. Nerinea gigantea, d'Hombres-Firmas. — Archimedi, d'Orb. Pterocera... Rhynconella Renauxiana, d'Orb. Hemicidaris neocomiensis, Cott. Encrines. Polypiers, T'hamnastrea, Meandrina, etc. Je puis ajouter à cette liste les espèces suivantes que j'ai recueillies dans cette zone : Gervilia anceps, Desh. Rhynconella gibbsiana, Sow. (R. lata, d'Orb.). LNH DIS BON PSM LRQ, BRL UD SORT ,S'HpA TEL HOT ARTERESERSSS 1 É. Dumas; Loc. cit., pag. 332. L’URGONIEN DU LANGUEDOC. 105 Terebratula faba, SOw. —_ sella, SOW. La puissance de ce calcaire peut être évaluée à 200" dans le massif de Serre-de-Bouquet. Il présente au moins la même puis- sance dans les gorges du Gardon et dans ies plateaux rocheux de l'Ardèche et du Gard, dont il constituele couronnement sur de grandes étendues. C’est dans ce ealcaire que le Gardon, l'Ardèche et la Cèze ont creusé les gorges profondes par lesquelles elles tra- versent le massif urgonien pour gagner le Rhône, fet que ce fleuve jui-même a pratiqué, entre Viviers et Donzère, l’étroite coupure dite Robinet de Donzsère, par laquelle il fait son entrée dans la région de l'olivier. Sur ce point, la puissance du calcaire à Chama est de 300" au moins, et cet horizon ne peut y être confondu avec aucun autre du même étage, vu qu'il y existe seul. C’est ce qui nous a engagé à donner à cette zone le nom de Donzérien. Ici se termine la série des couches de l’Urgonien du Lan- guedoc, le calcaire à Chama donzérien étant recouvert par des calcaires marneux et des marnesà Belemnites semicanaliculatus, Ammonites Dufrenoyi, Amim. fissicostatus, etc., qui appartiennent évidemment à l’Aplien. En récapitulant les faits stratigraphiques que nous venons d'exposer, nons résumerons dans le tableau suivant la composi- tion de cel étage. APRTEN Pan ee mis se à 10 0 | Marnes et calcaires à Amm. Dufrenoyi. rade Calcaire à Chama, puissance SU: ERP Ce IR ets URGONIEN Calcaire et marnes à Echino- moyen ) spalagus argilaceus (Ricor-? Barutélien (Néocomien LMP MIEIPUS) une 117 AUU d'ou0r supérieur.) Calcaire à silex et à lumachel- inférieur lost: FAP. SE FA RATE 200% ? Cruasien ( Calcaire à Criocères... 150" NÉDOOMIEN SE 2... . | Calcaire marn. à Echinospatagus cordiformis. D'où il résulte que l’Urgonien atteint dans le Languedoc une 106 MÉMOIRES ORIGINAUX. puissance totale d'au moins 800 mètres. Il ne le cède donc en rien sous ce rapport à l'Urgonien du Dauphiné et de la Provence. IV. — EXTENSION DES ZONES LANGUEDOCIENNES DANS LE DAUPHINÉ ET LA PROVENCE. En raison de la puissance que nous avons reconnue aux trois zones urgoniennes du Languedoc et de l’uniformité remarquable que présente l’ensemble de l'étage dans tout le Gard et l'Ardèche, il est évident que leur présence ne saurait être limitée à la rive droite du Rhône, et que l’on doit trouver leur prolongement sur la rive gauche. Voyons ce qui se passe, à cet égard, pour cha- cune de nos subdivisions, d’après les faits constatés jusqu’à présent. CRUASIEN. — Ainsi que nous l'avons vu, le Cruasien comprend deux assises, dont l’inférieure répond évidemment au Calcaire à Criocères de M. Lory. Cet éminent géologue a en outre signalé, à la partie supérieure des Calcaires à Criocères, des couches à lumachelles alternant avec ces calcaires ‘. Le Cruasien est donc bien représenté dans le Dauphiné, et sa composition semblé y être très analogue à celle qu’il a dans le Languedoc. Dans le Vaucluse et les Bouches-du-Rhône, le Cruasien se re- trouve dans les couches comprises entre la zone à Æchinospata- gus cordiformis et les calcaires crayeux à Chama d'Orgon, cou- ches qui comprennent, comme sur la rive droite du Rhône, des calcaires compactes à Céphalopodes et des calcaires à lumachelles, et dont M. Leymerie a fait son calcaire provençal ?. IL paraît correspondre aussi aux couches de Barrème à Crio- cères et à Scaphytes Yvani, désignées par M. Coquand sous le nom de Barrémien; mais comme ces couches supportent directement l'Aptien, elles paraissent jouer un rôle différent dans la série stratigraphique, et des recherches ultérieures me paraissent né- 1 Ch. Lory ; Description géologique du Dauphiné, ÿ 168. 2 A. Leymerie; Éléments de géologie, pag. 410. L'URGONIEN DU LANGUEDOC. 107 cessaires pour décider s’il y a équivalence complète entre le Cruasien et le Barrémien. Dans ce cas, le Barutélien et le Donzé- rien manqueraient dans les Basses-Alpes. BARUTÉLIEN ET DONZÉRIEN. — Les roches de Donzëère se re- lient évidemment avec les calcaires du Dauphiné que M. Lory a si bien décrits sousle nom de Calcaires à Caprotines ", et il ne pa- raît pas impossible que les #arnes à Orbitolines intercalées dans ces calcaires ne soient le prolongement de notre Barutélien. Mais c’est surtout dans le Vaucluse et les Bouches-du-Rhône que ces deux zones doivent être représentées, et je pense qu’on pourra les y retrouver assez facilement. Je crois même déjà pouvoir donner comme très probable leur existence dans la région d’Orgon. En effet, les calcaires crayeux à Chama, qui dans cette loca- lité recouvrent directement les calcaires à lumachelles, ne ter- minent nullement l’Urgonien, ainsi qu'il résulterait de la coupe donnée par M. Renaux et reproduite par M. É. Dumas dans sa belle Statistique géologique du Gard. Il est facile de constater au contraire que cette assise crayeuse est recouverte par un sys- tème marno-calcaire très puissant, où les fossiles paraissent être fort rares, mais qui, par sa pétrographie, rappelle tout à fait les couches de Barutel : ce sont les mêmes alternances de marnes noduleuses jaunes ou grises, et de calcaires noduleux compactes ou marneux; On reconnaît même dans la masse, comme aux en- virons de Nimes, deux assises principales de calcaire intercalées dans les marnes. Ces couches affleurent entre Orgon et Cavaillon sur une longueur de ? kil. 1/2, avec un pendage vers l'Ouest de 109 en moyenne, ce qui leur donne une puissance de plus de 400 mêtres. — Près de Cavaillon, elles disparaissent sous les al- luvions de la Durance, mais un peu plus loin se dresse, dans la même direction, le rocher isolé au pied duquel est bâtie cette ville. Or, on reconnaît que ses bancs, riches en Chama, présentent le même pendage et la même inclinaison que le système précé- 1 Ch, Lory ; loc. cit., S$ 165 à 168. 108 MÉMOIRES ORIGINAUX. dent. Il paraît, par suite, érès probable qu’il y a continuité souter- raine dans les couches, et que ce rocher n’est autre qu’un témoin, respecté par les érosions, de la zone donzérienne du Languedoc, dont il a d’ailleurs {a structure compacte et cristalline, tandis qu'il ne ressemble en rien au calcaire crayeux d’Orgon. Il y aurait ainsi, dans cette région, deux horizons à Cham : l’un formé par les couches crayeuses couronnant les calcaires à lumachelles d’Orgon, et se rattachant au Cruasien ; l’autre beau- eoup plus puissant, formé par le calcaire compacte de Cavaillon, prolongement du Donzérien. Le système marno-calcaire intermé- diaire représenterait alors le Barutélien. La série des couches urgoniennes serait ainsi encore plus complète ici que dans le Languedoc, où l'on ne trouve nule part de couches à Chama recouvrant directement les calcaires à lumacbhelle. Je suis porté à croire que des observations ultérieures confir- meront ces indications et qu’on trouvera, soit dans la-région du Mont-Ventoux, soit dans les environs de Marseille, une coupe plus complète qui fournira cette confirmation; je rappellerai, en atten- dant, que M. Coquand, contredit, il est vrai, par M. Hébert, a soutenu l'existence de deux horizons de calcaires à Chama dans les environs de Marseille. Nimes, le 4 août 1882. NOTE ADDITIONNELLE. (Voir pag. 101). M. Toucas, qui a observé ces couches près du château des Issards {, les place à la base des calcaires compactes qui longent le Rhône et qui appartiennent au Cruasien : il y a là une erreur, probablement matérielle, de notre savant confrère. Il est facile de voir, en effet, dans la tranchée du chemin de fer, que ces couches marneuses recouvrent lesdits calcaires, et si, sous le château, elles paraissent leur être inférieures, c'est par l'effet d'une faille bien visible qui a redressé ces calcaires et contre laquelle les couches marneuses sont plaquées. 1 Toucas ; Bull. Soc. géol. de Fr., 3° série, IV, pas. 316. 109 CLASSIFICATION DES CYSTIQUES DES TÉNIAS Fondée sur les divers modes de formation de la vésicule caudale Par M. A. VILLOT. PREMIER GROUPE. Cystiques dont la vésicule caudale procède du Proscolex par simple accrois- sement et modification de structure, sans qu’il y ait, à proprement parler, production d’une partie nouvelle. Ce groupe correspond aux «Blasenwurmers de Leuckart et doit être considéré comme représentant, parmi les Gystiques des Ténias, un degré supérieur d'organisation. Indépendamment de leur hydropisie plus ou moins marquée et du développement re- latif de leur vésicule caudale, dont on s’est servi jusqu'ici pour les distinguer, les Gystiques composant ce premier groupe ont ordinairement une enveloppe adventice fournie par leur hôte. Celui-ci est toujours un animal appartenant à l’embranchement des Vertébrés (Mammifères, Oiseaux, Reptiles ou Poissons). GENRE CYSTICERQUE (Cysticercus). Le nom de Cysticerque, proposé par Zeder pour désigner l’en- semble des Gystiques monocéphales, n’a plus aujourd’hui de sens précis. Leuckart le donne indifféremment à ses Cysticerques proprement dits et à ses Gysticercoïdes. Moniez l’applique à tous les Cystiques des Ténias et même à tous les étais asexués des Cestoïdes. Ce défaut de précision dans la nomenclature ne nous paraît pas sans inconvénient. Aussi pensons-nous qu'on doit réserver le nom de Cysticercus aux Gysticerques proprement dits de Leuckart, qui forment notre premier genre. Les Cysticerques sont des Cystiques monosomatiques et monocéphales, non proli- 110 MÉMOIRES ORIGINAUX. fères ou exceptionnellement prolifères. Leur prolifération, lors- qu’on l’observe, n’affecte jamais que la vésicule caudale. Le genre Cysticerque, ainsi défini, doit comprendre les espèces inscrites par Diesing sous les noms de Cysticercus et de Piestocystis. Nous lui rapportons aussi les deux Gryporhynchus décrits par Nordman et Aubert. Nous citerons seulement, à titre d'exemples : Cysticercus cellulosæ, larve du Tænia solium ; Cysticercus bovis, larve du Tænia saginata [mediocanellata); Cysticercus tarandi, larve du Tænia Krabbei ; Cysticercus tenuicollis, larve du Tænia marginata ; Cysticercus pisiformis, larve du Tænia serrata ; Cysticercus fasciolaris, larve du Tænia crassicollis ; Cysticercus longicollis, larve du Tænia crassiceps ; Cysticercus talpæ, larve du Tænia tenuicollis ; Cysticercus dithyridium, larve du Tænia perlata. GENRE CoEnuRE (Cœnurus). Le groupe des Cœnures, tel que nous l’admettons, correspond exactement au genre Cœnurus, proposé par Rudolphi. Les Cœ- aures sont, pour la structure comme pour le développement, des Cystiques très voisins des Gysticerques ; mais ils diffèrent de ces derniers par une particularité importante : ce sont des Gystiques polysomatiques. Nous disons « polysomaliques» et non «poly- céphales », car chacun des corps produits eu grand nombre par la vésicule caudale d’un Cœnure ne porte jamais qu'une tête. C'est là un fait qui justifie pleinement le démembrement du genre Polycephalus de Zeder, et sur lequel nous croyons devoir insister, car sa signification ne paraît pas avoir été comprise par les auteurs. Indépendamment de ce mode de proliféralion, qui porte sur le corps et qui est caractéristique du genre, les Cœnures nous en offrent un autre, qui est beaucoup moins constant. La vésicule caudale d’un Cœnure peut en effet, comme celle d'un Cysticerque, produire par bourgeonnement exogène d’autres vé- sicules caudales. | CYSTIQUES DES TÉNIAS. 111 Le genre Cœnurus ne renferme encore qu’un petit nombre d'espèces, très imparfaitement décrites pour la plupart. La mieux connue est le Cœnurus cerebralis, qui vit dans le cerveau de diverses espèces de Ruminants et qui devient Tænia cœnurus dans l'intestin du Chien. GENRE ÉcxiNocoQuE (Echinococcus). Les Cystiques réunis par Rudolphi sous la äénomination géné- rique d’Échinocoques différent beaucoup moins des Cœnures et des Cysticerques qu’on ne l’a cru jusqu'ici; mais il existe entre les uns et les autres des différences caractéristiques qui ne per- mettent pas de confondre ces trois genres. Nous avons dit que les Cysticerques sont des Cystiques monosomatiques et monocé- phales ; les Cœnures, des Cysliques polysomatiques et monocé- phales. Les Échinocoques sont des Cystiques à la fois polysoma- tiques et polycéphales, Leur vésicule caudale (vésicule mère) produit par bourgeonnement de nombreux corps (vésicules pro- ligères), et ceux-ci portent de nombreuses têtes. Les Échinoco- ques sont, en réalité, les seuls Cystiques vraiment polycéphales. Aussi Rudolphi aurait-il pu conserver pour elles la dénomination générique de Polycephalus, créée par Zeder. La multiplicalion de l’individu ne porte pas seulement, chez l’Échinocoque, sur la tête et le corps ; elle peut aussi, comme chez les Cœnures et les Cysticerques, affecter la vésicule caudale. Celle-ci produit alors par bourgeonnement, exogène ou endogène, des vésicules se- condaires (Tochterblasen), qui bourgeonnent elles-mêmes de nombreuses vésicules proligères et de nombreuses têtes. Bien plus, des vésicules secondaires peuvent, à leur tour, produire des vésicules tertiaires (Enkelblasen), qui se comporteront comme la première et les secondes. On ne connaît encore bien positivement qu’une espèce d’Échi- nocoque, l’Echinococcus rolymorphus de Diesing, qui est parasite de l'Homme et d’un grand nombre d’autres Mammifères, et qui se transforme en Tænia echinococeus dans l'intestin du Chien. 112 MÉMOIRES ORIGINAUX. Les Échinocoques désignés par les auteurs sous les noms d’Echi- mococcus scolecipariens, d'Echinococcus altricipariens, d’Echino- coccus multilocularis, ne représentent en réalité ni des espèces ni même des variétés, comme on l’a dit, mais bien des phases diverses du développement de l’Echinococcus polymorphus. DEUXIÈME GROUPE. Cystiques dont la vésicule caudale se forme par bourgeonnement du Proscolex, c’est-à-dire par adjonction d’une partie nouvelle. Ce deuxième groupe correspond aux «a Cystercoïden » de Leuckart et aux « Platycercen » de Küchenmeister. Ge sont des Cystiques qui se distinguent, à première vue, de ceux du premier groupe par une différenciation moindre de leurs tissus, et cette simplicité relative de leur organisation a fait méconnaitre jus- qu'ici leurs véritables homologies. On observe chez eux, non- seulement une téte, un corps et une vésicule caudale, comme chez les Cystiques de notre premier groupe, mais encore une quatrième partie, qui leur est propre et que nous désignons sous le nom de blastogène. La tête représente à elle seule le futur Sco- lex. Le corps et la vésicule caudale sont des parties propres au Gystique. Quant au blastogène, il représente le Proscolex, qui conserve ici son autonomie. Tous lés Cystiques de notre second groupe sont parasites des Invertébrés. Ils se logent dans les tis- sus ou dans la cavité du corps de leur hôte ; mais celui-ci ne leur fournit pas d’enveloppe protectrice. PREMIÈRE SECTION. Cystiques dont la vésicule caudale se forme par bourgeonnement endogène. La tête des Cystiques appartenant à cette première section est enveloppée non-seulement par le corps et la vésicule caudale, mais encore par le blastogène. GENRE PoLycERQUE (Polycercus). Le nouveau genre que nous proposons sous ce nom a pour CYSTIQUES DES TÉNIAS. 113 type le Gystique du Lombric (Luwmbricus terrestris), découvert à Odessa par Mecznikoff et rapporté à tort au genre ÆEchinococcus. Chez les Polycerques, le blastogène ne se borne pas à la pro- duction d’une seule vésicule caudale ; il se forme ordinairement une douzaine de vésicules caudales dans son intérieur, et cha- cune de ces vésicules contient elle-même un corps et une tête. Le Cystique du Lombric n’est, en réalité, ni polycéphale ni poly- somatique, mais bien polycerque. L’Échinocoque, au contraire, est un Gystique polycéphale, polysomatique et monocerque. Les ressemblances sur lesquelles on s’est fondé pour rattacher les deux formes à un seul et même genre se réduisent en définitive à de simples analogies, qui ne portent pas sur des parties homo- logues. Le genre Polycerque ne comprend encore qu'une seule espèce que nous désignerons sous le nom de Polycercus lumbrici. Le Polycerque du Lombric est, d’après Leuckart, la larve du Tænia nilotica, qui vit dans l'intestin du Courevite isabelle (Cursor europeus). GENRE MONOCERQUE (Monocercus). Les Cystiques qui on! le plus d’affinités avec les Polycerques sont ceux que nous désignons sous le nom générique de Mono- cercus. Pour concevoir le type de ce nouveau genre, il suffit de se représenter un Polycerque dont le biastogène, au lieu de bour- geonner de nombreuses vésicules caudales, n’en produirait qu'une. Les Monocerques sont, en quelque sorte, des Polycer- ques non prolifères, la prolifération ou la non-prolifération étant ici, comme en bien d’autres cas, le seul caractère que l’on puisse faire valoir pour distinguer les genres. Le Gystique de l’Arion, découvert par von Siebold et désigné par les auteurs sous le nom de Cysticercus arionis ou de Scolex commutatus, est un monocerque, Monocercus arionis, qui devient Tænia arionis dans l'intestin du Totanus hypoleucos. Une autre espèce très voisine du Gystique de l’Arion, et que j'ai décrite 114 MÉMOIRES ORIGINAUX. sous lenom provisoire de Cysticercus glomeridis, doit aussi pren- dre place dans le genre Monocerque; elle portera désormais le nom de Monocercus glomeridis. Je serais tenté de rattacher en- core au genre Monocerque : 1° le Cystique signalé par Leuckart dans le foie du Lymnæus pereger et rapporté, d’après son arma- ture céphalique, au Tænia microsoma du Canard ; ?° le Cystique décrit par Ratzel sous le nom de Cysticercus lumbriculi, qui est très probablement la larve du Tænia crassirostris, parasite ordi- naire des Bécassines, des Chevaliers et des Pluviers. DEUXIÈME SECTION. Cystiques dont la vésicule caudale se forme par bourgeonnement exogène. La tête des Cystiques appartenant à cette deuxième section n’est enveloppée que par le corps et la vésicule caudale. GENRE CERCOCYSTE (Cercocystis). Nous proposons de désigner sous cette dénomination géné- rique les Cystiques non proliféres, dont le blastogène, après avoir bourgeonné la vésicule caudale, reste adhérent à cette vésicule et lui forme une sorte d’appendice caudal. La seule et unique espèce que l'on puisse actuellement rap- porter à ce genre est le Cystique découvert par Stein dans la larve du Tenebrio molilor. Cette curieuse espèce, qui parait très rare, figure dans nos catalogues sous le nom de Cysticercus tenebrionis ou de Scolex decipiens ; elle devra maintenant porter le nom de Cercocystis tenebrionis. Autant que j'en puis juger par les des- sins de Stein et par les mœurs de la larve du Tenebrio molitor, le Cercocyste du Ténébrion doit être la larve du Tænia microstoma, découvert par Dujardin dans l'intestin de la Souris (Mus mus- culus). GENRE STAPHYLOCYSTE (Siaphylocystis). Les Cystiques que j’ai décrits sous ce nom en 1877, dans mon Mémoire sur les migrations etles métamorphoses des Ténias des CYSTIQUES DES TÉNIAS. 115 Musaraignes, ont beaucoup d’affinités avec les Cercocystes ; mais ils nous offrent la particularité d’être constamment prolifères. Leur blastogène bourgeonne de nombreuses vésicules caudales, et celles-ci, restant adhérentes les unes aux autres par leur base, forment une colonie en grappe. Est-il besoin d’ajouter, pour répondre à quelques critiques qui m'ont été adressées au sujet de la création de ce nouveau genre, que les Staphylocystes ne sont pas des Cysticerques prolifères, bien qu'ils soient des Gysti- ques monosomatiques et monocéphales ? Ils ne sont pas non plus les seuls Gystiques qui forment des colonies en grappe. Ces ca- ractères, qui pourraient rapprocher les Staphylocystes de certai- nes formes appartenant aux genres Cysticercus, Cœnurus et Echinococcus, n’ont dans ma classification qu’un rang secon- daire; ils ne sauraient, par conséquent, mettre en question l'autonomie du groupe que j'ai établi sous le nom de Séaphylo- cyslis. Le genre Staphylocyste est actuellement représenté par deux espèces que j'ai décrites et figurées, en 1877, sous les noms de Staphylocystis bilarius et de Stiphylocystis micracanthus. Toutes deux sont parasites du Glomeris limbatus et vivent dans le tissu adipeux qui entoure les tubes de Malpighi de leur hôte. Elles passent à l’état de Scolex, de Strobile et de Proglottis dansl’intes- tin des Musaraignes terrestres. Le Siaphylocystis micracanthus est la larve du Zænia pistillum. Le Staphylocystis bilarius est très probablement la larve du Tænia scalaris, Ces deux Ténias sont parasites du Sorex araneus. GENRE UrocysTE (Urocystis). Les Urocystes ont des affinités évidentes avec les Cercocystes et les Staphylocystes, mais ils n’en doivent pas moins, en raison de leurs caractères propres, former un nouveau genre. L'Urocyste est essentiellement caractérisé par son mode de prolifération. Ses bourgeons, au lieu de se développer simultanément et de rester adhérents les uns aux autres, comme chez les Staphylo- 116 MÉMOIRES ORIGINAUX. cystes, se développent successivement, en série linéaire, et se détachent dès qu'ils sont parvenus à maturité. Aussi une colonie d’Urocystes ne se compose-t-elle ordinairement que de deux indi- vidus placés à la suite l’un de l’autre : un Gystique plus ou moins développé en tête, et un bourgeon représentant le blastogène sous forme d’appendice caudal. On ne connait malheureusement de ce genre qu’une seule espèce, que j'ai découverte en 1880 et à laquelle j'ai donné le nom d’Urocystis prolifer. Elle est rare. Je ne l’ai observée qu’une seule fois, dans un Glomeris limbatus recueilli à la Grande-Char- treuse. Les métamorphoses ultérieures de cette larve microscopi- que me sont inconnues et n’ont probablement pas encore été décrites ; mais on sait dès à présent que le Scolex, qui doit figu- rer en tête du Strobile, possède une longue trompe invaginée dans le fourreau du bulbe, et une couronne simple de très petits crochets. Quant à l'hôte définitif, Mammifère ou Oiseau, il appar- tient certainement à la faune alpestre. GENRE CRYPTOCYSTE (Cryptocystis). Les Cystiques pour lesquels je propose le nom générique de Cryptocystis ressemblent tout particulièrement aux Urocystes par la simplicité relative de leur organisation et par ce caractère im- portant qu’ils se séparent du blastogène dès qu’ils parviennent à maturité ; mais ils ne sont pas prolifères comme les Urocystes, Le seul et unique représentant de ce genre est le curieux Gys- tique découvert par Mecznikoff dans la cavité viscérale du Tricho- dectes canis, Quoi qu'on en ait dit, le Cystique du Trichodecte n’est point dépourvu de corps et de vésicule caudale, et il ne correspond nullement, comme on l’a cru jusqu'ici, à une téte d’Échinocoque. Le corps et la vésicule caudale, réduits à l’état d’une simple membrane et en contact immédiat avec la lête, ont élé pris par les descripteurs pour une cuticule. Il est vrai que chez le Cystique du Trichodecte, de même que chez l'Échinoco- que, il exisie un cou développé dans lequel la tête proprement CYSTIQUES DES TÉNIAS. 117 dite s’invagine ; maisle Cystique du Trichodecte n’a pas, comme l'Échinocoque, sa trompe invaginée dans le bulbe et les crochets ne sont pas renversés. Les caractères spécifiques fournis par l’ar- mature céphalique ne laissent aucun doute sur la destinée de ce Cystique. Le Cryptocystis trichodectis est la larve du Tænia cucu- merina, qui vit dans l'intestin du Chat, du Chien et de l'Homme (pendant l’enfance). Cette classification, que jesoumets à l'appréciation des Helmin- thologistes, me paraît avoir plusieurs avantages sur celles qui ont été proposées jusqu'ici. Elle met en relief le fait, généralement méconnu, de la pluralité des types chez les Cystiques des Ténias. Elle groupe de la manière la plus naturelle les formes les mieux connues. Elle éclaire d’un nouveau jour les affinités de ces diver- ses formes, et doune une base rationnelle à la détermination de chacune de leurs parties constituantes. Grenoble, le 11 août 1882. 3° sér., tom. si. 8 118 REVUE SCIENTIFIQUE. Zoologie. Physiologie des nerfs et des muscles, par M. Ch. Ricmer. 1 vol. in-8. Germer-Buaillière ; Paris, 1882. M. Ch. Richet vient de faire paraître un livre, la Physiologie des nerfs et des muscles, où l'étudiant trouvera amplement exposés tous les renseignements que la science possède actuellement sur ce sujet si délicat, le plus délicatet le plus ardu assurément de toute la Phy- siologie. C’est un traité complet sur la matière, que chacun consul- tera avec fruit. Mais ce n'est pas à ce titre que nous le signalons aux lecteurs de la Revue. Si nous nous étendons un peu sur son compte, c'est que, en même temps qu’un ouvrage d'enseignement, ce livre est un véritable recueil de Mémoires originaux. — Il ne renferme pres- que pas de chapitre où l’auteur n'ait pas eu à rendre compte de ses propres recherches. Aussi croyons-nous devoir résumer quelques- unes des lecons qui lui appartiennent le plus en propre. Après une entrée en matière consacrée à la physiologie générale de la cellule, et dans laquelle on s’attache à montrer que les propriétés contractiles du muscle existent déjà, bien qu’à un moindre degré, dans toute cellule vivante, nous arrivons au chapitre de la contraction musculaire. De nombreux travaux ont été faits sur ce sujet. L'auteur a particu- lièrement étudié les phénomènes de la contraction dans les muscles de la pince de l'écrevisse. Comme on sait, il y a trois éléments à con- sidérer dans la contraction simple : La période qui s’écoule entre l’excitation et le début de la secousse, ou période latente; La période d’ascension du muscle ; La période de descente. La force d'excitation, à mesure qu’elle s'accroît, rend le temps perdu plus petit. Néanmoins sa durée ne paraît pas diminuer au delà de 0,0006 de seconde sur un muscle normal. La fatigue augmente la période latente ; le poids tendant le mus- cle augmente cette même période ; la chaleur la diminue, le froid l’augmente. Le temps perdu est extrêmement diminué pour une secousse ve- ZOOLOGIE. 119 nant après une ou plusieurs autres, qui, si elles n’ont pas produit d'effet visible, ont augmenté l’excitabilité. Il tend vers un minimum de 0,002. — La méthode employée par M. Richet, et consistant à ébran- ler le muscle par plusieurs secousses successives, est celle qui permet le mieux d'apprécier le minimum possible de la période latente. Le chiffre de 0,902 obtenu ainsi diffère beaucoup du minimum de 0,01, généralement admis (Richet). Chez les animaux à sang chaud, le temps perduest voisin de 0,007; chez la grenouille et l’écrevisse 0,008 ; chez la tortue 0,02; chez le li- maçon 0,3. La contraction est d'autant plus prolongée que l'intensité de l'exci- tation est plus grande. La durée de la période de descente est très variable suivant l’état du muscle et très difficile à mesurer exactement. Si l'on excite le muscle avec de très forts courants d'induction, le relâchement consécutif à la contraction se fait en deux périodes : une de relâchement brusque et une de relâchement lent ou contracture (Richet). Si l’on excite très fortement, par des courants d'une certaine fréquence, un muscle tendu par un poids léger, il y aura une série de secousses plus ou moins fusionnées. Le muscle ensuite se relâchera, mais pour secontracter de nouveau spontanément et par saccades ou ondées, de manière à regagner à peu près son premier niveau; puis il se relâchera définitivement. C’est le phénomène de l’onde secondaire (Richet). Les différents muscles d'un même animal ont chacun sa forme de contraction. La contraction des muscles lisses est très lente. Si l’on excite le muscle par deux excitations égales et très rappro- chées, on obtiendra une secousse totale qui sera près de vingt fois plus élevée que celle qui aurait été produite par chaque excitation séparé- ment. Des excitations successives augmentent l'excitabilité du muscle. Un courant faible, même s’il n’a pas provoqué de secousse, rend le muscle apte à donner peu après une secousse plus forte sans une ex- citation plus forte. C'est ce qu’on appelle l'addition latente. Quand les excitations sont assez fréquentes pour ne pas donner le temps au muscle de se relâcher, il y a tétanos. Il faut quarante exci- tations par seconde pour produire chez l’homme le tétanos des muscles striés; deux suffisent pour les muscles lisses, quarante pour le muscle caudal de l’écrevisse en été, vingt pour le muscle de la pince. Le tétanos du muscle caudal ne peut se prolonger longtemps. Après 120 REVUE SCIENTIFIQUE. une cinquantaine de contractions, le muscle s’épuise, se relâche, et au bout de moins d'une minute il n’est plus excitable. Au contraire, le tétanos du muscle de la pince peut n’atteindre son maximum qu'au bout d'une minute et durer presque indéfiniment. Le relâchement finit par n'avoir plus lieu, et le tétanos fait place à la rigidité cadavérique. Si l'on prend des excitations faibles et très fréquentes, on peut obte- nir un tétanos rythmique composé d'ascensions et descentes successi- ves et régulières. Un muscle qui se contracte vibre à raison de 36 à 40 vibrations par seconde. La tension du muscle par un poids modifie beaucoup la forme de la contraction et peut même l'annuler: il y a alors contraction latente. La contractilité du muscle n'est peut-être qu'un changement d'élasticité. La tonicité n’est qu’une diminution de son extensibilité sous une influence nerveuse. L'irritabilité est inhérente à la fibre musculaire. Elle persiste quand les nerfs sont morts, quand la circulation a cessé, quand toute trace de sang a été expulsée — tant que le muscle vit. — Ælle dispa- raît quand, sous l'influence de l’absence de nutrition et de l’accumu- lation des produits d'altération, le muscle meurt. — Le temps né- cessaire pour amener cette mort du muscle varie beaucoup. La mort du muscle est caractérisée à son début par la rigidité ca- davérique. Ce phénomène est dû à la coagulation de la myosine. La rigidité cadavérique n’est pas toujours facile à distinguer de la con- vulsion du tétanos et de l’état cataleptique. Cependant, dans le pre- mier cas,le stéthoscope révélera le bruit musculaire, et dans le second des courants électriques provoqueront des contractions. M. Richet consacre un certain nombre de chapitres à l’étude de la constitution chimique des muscles, des phénomènes chimiques, ther- miques et électriques de la contraction, tels que la variation négative. Le muscle, pendant sa contraction, produit de l'acide carbonique, absorbe de l'oxygène, et par conséquent il se fait au moment de la contraction un dégagement de force qui se traduit par un travail extérieur mécanique et de la chaleur. L'appareil musculaire est non seulement l'appareil du travail mé- canique extérieur, mais encore l'appareil de la calorification, quoique tous les autres tissus puissent, mais à un moindre degré, produire de la chaleur. ZOOLOGIE. 121 L'auteur insiste sur les rapports très frappants qui existent entre les muscles et les appareils électriques de certains poissons, appareils qui, comme le muscle, répondent à une excitation nerveuse, et dans lesquels on observe des phénomènes analogues à la période latente. Il termine la partie de son Traité relative aux muscles par l'examen des données que peut fournir à la physiologie la pathologie des muscles. Passant ensuite à l'étude du système nerveux au point de vue de l’histoire et de l’anatomie générale, il compare le nerf au muscle, définit la vibration nerveuse, et décrit les procédés dont on s’est servi pour mesurer l’ondée nerveuse. On sait que la vitesse de l’influx nerveux, dans les nerfs moteurs, est environ de 30 à 35 mètres chez les animaux à sang chaud. Dans les nerfs sensitifs, elle paraît atteindre 50 à 55 mètres. La compression du nerf retarde notablement la transmission. La transmission est également très lente chez les ataxiques. Comme le muscle, le nerf est irritable et son irritabilité propre ne cesse que par sa mort. Cette mort du nerf survient beaucoup plus vite que celle du muscle. Au bout de 20 à 30 minutes, chez un ani- mal à sang chaud, un nerf privé de sang cesse de fonctionner. Les excitants du nerf, comme ceux du muscle, sonttoutes les forces qui modifient son état. Il y a des excitants électriques, thermiques, mécaniques et chimi- ques en dehors de la volonté. Vient ensuite l'examen des actions réflexes et du rôle de la moelle dans ces phénomènes. Les lois de localisation, d'irradiation et de coordination sont exposées. Les réflexes semblent être appropriés à un but, comme la défense ou la conservation ; l’occlusion des pau- pières, la toux expulsive, le vomissement, en sont des exemples. Si, sur le dos d'une grenouille décapitée, on dépose une goutte d'acide acétique, l'animal fera avec sa patte des mouvements tels qu'il sem- blera vouloir se débarrasser de la substance qui l’irrite. Si on place cette goutte d'acide sur le haut de la cuisse, le membre postérieur correspondant se fléchit de manière à venir frotter le point irrité. Si avant de renouveler l’irritation on ampute le pied, l'animal recom- mence à faire les mêmes mouvements; mais, comme s'il se rendait comple que son but ne peut plus être atteint avec ce membre, il se sert de celui du côté opposé. Ces expériences de M. Pflüger sem- blent prouver qu'il y a encore beaucoup à faire pour expliquer l’ac- tion réflexe. Les réflexes sont ensuite étudiés en particulier dans leurs différen- tes formes, puis l'irritabilité cérébrale. 122 REVUE SCIENTIFIQUE . La substance grise du cerveau est probablement excitable par l'électricité, alors que les agents mécaniques et divers sont inefficaces ou à peine efficaces. M. Richet a entrepris d'étudier les résultats de ce qu'il appelle l'excitation ganglio-musculaire, c'est-à-dire l'excitation simultanée du nerf moteur et du centre nerveux; il a constaté ce fait que l'ex- citation simultanée du cerveau diminue l'excitabilité du nerf et du muscle,— seulement la secousse est prolongée. — Ce fait fournit une explication du phénomène de l'addition latente, car si une première excitation détermine de la part de la cellule nerveuse une réaction prolongée, une seconde excitation trouvera uu organe dont l’excita- bilité est tout autre qu'au début etse superposera à la première. La réponse des centres nerveux à l'excitation est prolongée et dure près de deux ou trois secondes, alors que la réponse du muscle ou du nerf ne dure que deux ou trois dixièmes de seconde. La dernière lecon est consacrée à la comparaison des nerfs et des muscles, surtout au point de vue de l'irritabilité. Tous les éléments vivauts, muscles, nerfs, cellules, sont irritables, c'est-à-dire qu'ils réagissent d'une certaine manière sous l'action des excilations extérieures. Pour les nerfs et pour les muscles, les conditions de cette irritabilité présentent des ressemblances frap- pantes : non seulement on observe dans les deux cas des phénomè- nes semblables, tels que le retentissement prolongé, mais ils se com- portent de même, par exemple, vis à vis des poisons. Au début, il y a accroissement d'irritabilité, puis diminution, puis extinction. L'état de santé ou de stabilité des tissus ne répond pas à leur maxi- mum d’excitabilité. L'hyperexcitabilité est le premier phénomène de la mort. Entre les muscles, les nerfs, les extrémités nerveuses périphéri- ques et ies centres nerveux, il existe une sorte de hiérarchie; sous l'influence de l’anémie, les derniers meurent avant les premiers. Enfin, après quelques considérations sur l'énergie latente que ren- ferment les organismes vivants, M. Richet conclut d’ailleurs, avec Ja majorité des physiologistes de l’école moderne, en donnant raison à Descartes contre La Fontaine et en déclarant que la bête est une machine. The genesis of the egg in Triton, par M. T. Iwaxawa. (Quart. Journ. micr. Science, XXII, pag. 260-278, pl. XXII, XXIV.) La formation de l’œuf par l’épithélium germinatif, tellequ'elle a été fait connaître par Waldeyer, a été récemment décrite d’une manière ZOOLOGIE. 123 un peu différente par quelques auteurs, et certains même, comme Nussbaum, non contents de nier l'existence des îlots d’épithélium germinatif, refusent aux œufs une origine épithéliale. M. Iwakawa a repris la question en cherchant à suivre l'ovogénèse chez le Triton adulte. Ses observations ont porté sur Le Triton pyrho- gaster du Japon. Les ovaires du Triton ont, comme chacun le sait, la forme de sacs atténués vers les extrémités dans la cavité desquels font plus ou moins saillie les œufs à divers états de développement. La paroi est consti- tuée par trois couches : en dehors par l’épithélium germinatif formé de grandes cellules hexagonales à gros noyau elliptique de 0,023 sur 0,016, puis un stroma conjonctif, et en dedans un épithélium de revêtement à grandes cellules allongées, à contour ondulé avec des noyaux elliptiques un peu plus grands que ceux de l’épithélium ger- minatif. L’épithélium germinatifest partout continu et ne présente nulle part aucune interruption; mais il estloin d’être uniforme, et l'on reconnaît épars çà et là des points sur lesquels les cellules sont beaucoup plus petites que partout ailleurs. Sur les coupes, on constate que dans ces points l'épithélium est plus épais, les cellules plus serrées, chevau- chant même les unes sur les autres. C’est dans ces points que vont se former ou que viennent de se former les jeunes œufs qui dérivent bien réellement, par formation endogène, de l’épithélium germinatif. A cet effet, le noyau de l'une des petites cellules épithéliales sé di- vise; l’un des deux noyaux reste semblable aux noyaux voisins produits, tandis que l’autre devient un centre d'attraction pour une partie du protoplasma de la cellule mère qui s’accumule à l’entour et lui forme un corps cellulaire. La cellule ainsi constituée est la celulle-germet. Elle augmente de volume, repoussant le noyau sœur, qui devient con- cavo-convexe, et vient à faire hernie au dehors de la cellule mère et au-dessous des cellules épithéliales voisines ; elle se dégage enfin complètement de la cellule mère. La cellule-germe ainsi formée est entièrement dépourvue de mem- brane. Les cellules épithéliales voisines se groupent autour d'elle et lui font un revêtement ; comme leurs caractères ne diffèrent en rien des cellules des jeunes follicules, il paraît probablequ'elles constituent le follicule. Dans quelques cas cependant, l'auteur a vu plusieurs noyaux dans la cellule-germe. Ses observations ne lui permettent pas { L'auteur lui donne ce nom pour ne pas préjuger si elle deviendra l'œuf seu- lement, ou l'œuf et le follicule. 124 REVUE SCIENTIFIQUE. d'infirmer d’une manière absolue la théorie de Nussbaum sur la for- mation des follicules par l'œuf lui-même. Le protoplasma de l'œuf reste transparent jusqu'à ce qu'il ait atteint un diamètre de 0"%,25; alors on voit apparaître vers la périphérie les premières sphérules deuto-plasmiques sous l'apparence de granula- tions ou plutôt d'amas de granulations réfringentes d’un diamètre de 0,001. Entre les agglomérations vitellines, on aperçoit de très petites gra- nulations d’un diamètre souvent inappréciable. A mesure que le développement avance, les agszlomérations sont de plus en plus étendues et formées en même temps de sphérules de plus en plus grosses. Elles s'étendent vers le centre, ce qui dans l'œuf avancé leur donne l'aspect de pyramides à base située dans la zone subcorticale et à sommet dans le protoplasma périnucléaire.Les ban- des protoplasmiques qui séparent les agglomérations de granules persistent très longtemps et ne disparaissent que lorsque l’œuf a plus d’un millimètre de diamètre. Il est donc évident que les sphérules vitellines ne sont pas des cellules, qu’elles apparaissent dans le pro- toplasma de l'œuf et ne dérivent pas de l’épithélium folliculaire, puis- qu'elles sont toujours séparées de lui par une zone corticale de protoplasma clair. Jusqu'à ce qu'il ait atteint un diamètre de 1,1, l’œuf est entière- ment dépourvu de membrane. A ce stade, il se différencie à la partie périphérique de la zone corticale une couche transparente nettement délimitée en dehors, mais continue en dedans avec le protoplasma cor- tical. Ce n’est qu'au stade où l'œuf a un diamètre de 1"",5 que cette membrane acquiert un double contour et constitue une membrane vitelline bien caractérisée. Elle est ainsi formée par l'œuf et non par l’épithélium folliculaire. L'auteur a fait sur la vésicule germinative certaines observations trop incomplètes, qui montrent que de bonne heure elle subit certains changements internes importants et se divise peut-être. L'existence du noyau vitellin (vésicule embryogène de Balbiani) n'est pas constante et paraît être sans importance. H. A. Rogin. Recherches sur la poche du noir des Céphalopodes des côtes de France, par M. P. Giron. (Arch. de Zool. exp., X, pag. 1-100, pl. I-V.) ANATOMIE : La poche du noir existe chez tous les Céphalopodes dibranchiaux, mais atteint son plus grand développement et son ZOOLOGIE. 125 maximum de complexité chez les Décapodes; chez les Octopodes, elle. est plus réduite et semble avoir subi un arrêt de développement. Dans le premier cas, elle se présente comme un organe pyriforme situé sur la ligne médiane, l'extrémité postérieure déjetée un peu à droite, surtoutlorsqu'elle estdistendue,et recouverte directement par le tégu- ment chez le mâle, en partie par les glandes nidamentaires et acces- soires chez la femelle. Sa portion étirée, qui dans la Seiche forme un canal bien distinct du corps de la poche, s'accolle au rec- tum et va s'ouvrir dans son intérieur, au peu au-dessous de l'orifice anal, au sommet d’une papille particulière. Immédiatement avant sa terminaison, elle se renfle en une petite ampoule limitée par deux étranglements, l’ampoule terminale. Chez les Octopodes, la poche, beaucoup moins développée, est enfouie dans une fossette creusée à la face antérieure du foie et enveloppée avec cet organe dans une tunique commune. La grande veine et Les nerfs viscéraux, qui dans le premier groupe passent derrière la poche, lui sont ici antérieurs; mais le canal reprend ses rapports normaux et s'ouvre très près de l'anus. La Sépiole présente dans la disposition de sa poche à encre des ca- ractères très différents,suivant qu on l'observe à l’époque de la repro- duction ou nou. Dans le dernier cas, aucune particularité importante ne la différencie des autres Décapodes. Lorsqu'elle vient à la côte pour s'y reproduire, au contraire la poche porte de chaque côté deux pro- longements aplatis, l’un antérieur et l'autre postérieur, limitant un angle dièdre dans la cavité duquel est située une glande spéciale qui sécrète un liquide muqueux, incolore et coagulable par l'alcool. L’au- teur n a pu trouver à cette glande ni conduit ni orifice qui lui per- mette d'émettre une hypothèse sur son rôle. Si, après avoir fendu la poche du noir sur la ligne médiane, on enlève à l'aide d'un courant d'eau l'encre qu’elle contient, on con- state qu’elle est constituée par un vaste réservoir au fond duquel fait saillie une masse de tissu spongieux, hémisphérique chez la Seiche, plus indépendante chez le Calinar, limitée par une membrane propre, perforée seulement d’un très petit orifice par lequel suinte constam- ment de l'encre. Cette partie est la glande du noir; le reste de la poche constitue la vésicule. Enfin, à l’ampoule terminale sont annexés des replis glanduleux constituant la glande terminale. Chez le Poulpe, la glande et la vésicule sont seulement séparées par un dia- phragme à orifice excentrique ; la glande terminale est rudimentaire. La poche du noir recoit le sang de l'aorte antérieure. Celle-ci, après avoir fourni des artères au cœur, aux branchies, aux corps fongifor- mes, se bifurque en deux branches terminales : l'une {artère de la 126 REVUE SCIENTIFIQUE. glande du noir) qui se rend à la glande après avoir émis une branche intestinale, l’autre qui se distribue au manteau et aux glandes géni- tales etenvoie un rameau au rectum et à la vésicule du noir (artère de la paroi). Des veines correspondantes déversent le sang de la poche . dans la grande veine. Les neris proviennent des nerfs viscéraux et du ganglion sto- macal du stomato-gastrique. La glande du noir est constituée par une série de lamelles ou trabé- cules légères et ondulées, à peu près règulièrement concentriques,ana- stomosées et circonscrivantdes aréoles qui communiquent ensemble, La coloration des trabécules, de noir intense dans le voisinage de l’ori- fice de la glande, devient de plus en plus claire à mesure qu'on s'en éloigne et blanchâtre dans une partie compacte opposée à ce point. Cette région est une zone formative où s'organisent sans cesse de nouveaux trabécules, tandis qu'ils se détruisent dans la zone périphé- rique. Chaque trabécule est constitué par un stroma conjonctif tapissé sur ses deux faces par une couche de cellules sécrétantes. A l’état jeune, c'est-à-dire dans la zone formative, ce sont des cellules cylindriques présentant à la base un gros noyau entouré de protoplasmes granu- leux, et vers l'extrémité libre une région claire hyaline. Elles ne diffè- rent des cellules calyciformes que par l’absence d'une paroi propre nettement différenciée. Dans la partie hyaline, apparaissent peu à peu detrès fines granulations noires qui s'y accumulent jusqu à ce que, dans la zone périphérique, cette région se détache et tombe dans les aréoles, La portion protoplasmique des cellules reste longtemps encore adhérente au trabécule, puis se charge elle-même de pigment et se détache. L'encre est constituée par les masses pigmentaires plus ou moins dissociées. La vésicule est tapissée par un épithélium très différent, formé de cellules plates régulièrement hexagonales, chargées de pigment, excepté dans leur partie centrale nucléaire.Dans l’ampoule terminale, l'épithélium devient cylindrique. L'ensemble de la glande et de la vésicule est entouré d'une tuni- que conjonctive, d'une couche argentine spéciale ou couche des pail- lettes et d'une tunique musculaire formée d'un plan interue de fibres longitudinales et d'un plan externe de fibres transversales. Des opi- nions très diverses ont été émises sur la nature des paillettes qui don- nent à la couche argentine ses propriétés optiques. L'auteur a pu en suivre le développement et a constaté que ce sont de petits bâtonnets qui apparaissent dans des cellules spéciales autour du noyau et sont ZOOLOGIE. 127 plongées dans le protoplasma en zones concentriques rayonnant au- tour du noyau. La cellule paraît finir par se désorganiser et les pail- lettes devenir libres. Puysroco@ie : Le noir est un liquide d’un brun noir, intense, sans odeur, d’une saveur légèrement salée, présentant une réaction alcaline. Examiné au microscope, il se montre constitué par un sérum incolore tenant en suspension des corpuscules pigmentaires d’une ténacité extrême. L'analyse quantitative lui donne la composition suivante: Eau. mp}rv.e. niU10 Dis lolalsis Dos Mprac» 61e ne me. 60 Matières organiques solubles (eau, alcool, éther)..... « 0.850 Matières organiques insolubles,.... .,... stérs dd neo 'alet AU 119 40 10 solubles... 2.935 Substances minérales ..,.... Haninbles G:675 L'analyse qualitative fait reconnaître dans les cendres de l'acide carbonique, des sulfates et des chlorures de sodium, de potassium, de magnésium et de calcium, des carbonates de chaux et de magnésie, du peroxyde de fer. Les matières organiques solubles paraissent être des matières grasses. Le pigment ou matière organique insoluble { méläine de Bixio),est une matière quaternaire qui, d’après l’une des analyses de M. Girod, présente la composition suivante : DE SES CR n desert ide : 59.6 He de ebtie M'treiue ne A 4,04 AT ni» . À concert - 8.8 O nee ol Ge 2 las are a eTS soda tte 1198-20 D'autres analyses ont donné des résultats presque identiques. La présence du fer et l’absence du cuivre dans la sécrétion de la poche à encre devait frapper l'attention. On sait en effet que, d'après M. Frédéricq, le fer ferait totalement défaut dans le sang et y serait remplacé par le cuivre entrant dans la composition de l’hémocyanine, matière qui elle-même tient lieu d'hémoglobine. Cependant, si le fer existe réellement dans le produit de la sécrétion, il ne peut provenir que du sang. L'auteur a donc été amené à faire de nouveau l'analyse du sang et a constaté que le fer y existe à côté du cuivre. La sécrétion de l'encre est continue et elle coule constamment de la glande dans la vésicule poussée par vis à tergo. A l’état de repos, la quantité d'encre qui passe dans la vésicule en un temps donné est constante, mais peut augmenter par une excitation qui détermine la contraction des parois. 128 REVUE SCIENTIFIQUE. L'encre s'accumule dans la vésicule, et à un moment donné est expulsée par la contraction de ses parois coïncidant avec le relâche- ment successif des deux sphincters. Pendant l'expulsion, le spincter anal se contracte. Au moment où l'encre va pénétrer dans la cavité palléale, l'animal fait une inspiration violente, de sorte que l’encre se mêle à une quan- tité assez considérable d'eau de mer ; puis elle est expulsée au dehors dans un mouvement d'expiration. En résumé, on peut reconnaitre dans l’excrétion du noir trois temps: 1° Passage de l’encre de la glande dans la vésicule; 2° Passage de l’encre de la vésicule dans la cavité palléale ; 3 Expulsion de l'encre. Les contractions de la paroi de la poche du noir sont sous la dépen- dance des filets du stomato-gastrique qui s’y distribuent. Quant aux mouvements expiratoires, Frédéricq a démontré qu’ils dépendent des nerfs palléaux. Il faut chercher la cause du réflexe dans limpression périphérique des nerfs de la sensibilité générale ou de la sensibilité spéciale. La sécrétion de l'encre est pour l’animal un moyen de protection et non un véritable phénomène d'excrétion, puisqu'on n'y trouve aucun des produits caractéristiques des excrétions.M.Girod a même constaté que, contrairement aux assertions de M. Yung, les poisons, et en particulier la strichnine et la nicotine, ne passent pas dans l'encre. DÉVELOPPEMENT : Deux opinions étaient en présence sur l'origine embryologique de la poche à encre: l’une due à Ussow ‘, qui la con- sidère comme un diverticule du proctodæum, et par conséquent une formation épiblastique; l’autre, soutenue par Bobretzky ? et appuyée sur des figures qui la font dériver du mésenteron, c'est-à-dire de l'hy- poblaste.M. Girod se range à la première des deux opinions. Le dou- zième jour dela vie embryonnaire, chez Ja Seiche, se montre le mame- lon anal, qui bientôt se creuse d’une dépression. Cette dépression va en s’approfondissant et bientôt se bifurque ; l’une: des branches devient le rectum, tandis que l’autre forme la poche à encre. Celle- ci est d’abord tapissée par une seule couche de cellules épiblastiques; mais bientôt, vers l'extrémité aveugle, ces cellules se multiplient et 1 M. Ussow; Zoologisch. embryologische Untersuchungen. (Arch. f. nalürg. XL, 1874.) 2 Bobretzky ; Observations sur le développement des Céphalopodes. (Mémoires de la Société des Amis de la Nature de Moscou.) ZOOLOGIE. * 1997 forment une masse compacte, la glande du noir, dès lors distincte de la vésicule. La vésicule et son canal s’accroissent et s'étendent en avant; la glande se divise en étages et se creuse d’aréoles, et l’état définitif est atteint après que le mésoderme s’est condensé autour de la po- che du noir pour lui fournir ses enveloppes conjonctives et mus- culaires. La poche du noir, par ses connexions avec le rectum et par ses rap- ports avec une masse glandulaire située le long de la partie adhérente de la branchie et présentant le mode de vascularisation caracté- ristique de la glande purpurigène des Gasléropodes, est évidemment l'homologue de la glande anale décrite par M. de Lacaze-Duthiers dans cette dernière classe de Mollusques. H. A. RoBin. Étude sur le Sternaspis scutata, par M. Rirseu. (Ann. des Sc. nalur., 6e sér., XIII.) Les auteurs les plus récents, et ils sont assez nombreux, qui se sont occupés du Sternaspis, sont loin d'être d'accord sur sa position zoologique, et si la plupart le rangent parmi les Annélides polychètes, quelques-uns en font un Géphyrien armé et d'autres même, comme Vejdovsky, le considèrent comme un type intermédiaire entre les deux groupes. La monographie de M. Rietsch, en étendantet en préci- sant les connaissances dues aux travaux de Müller, Krohn, Claparède, Kowalewsky, etc., parait devoir faire résoudre la question en le ran- geant définitivement comme un type aberrant parmi les Annélides. Les récentes études de Hatschek sur l’Echiure tendent d’ailleurs à montrer que les Géphyriens armés sont beaucoup moins éloignés des Chétopodes qu’on ne l’admet généralement. Le Sternaspis scutatu, reucontré dans le golfe de Gascogne et diffé- rents points de la Méditerranée occidentale et de l’Adriatique, habite la vase à une profondeur de 50 à 300 mètres. Les plus grands indi- vidus ne dépassent pas 30" de longueur sur 10% de largeur. Le corps est assez nettement annelé et caractérisé par la présence, à la face ventrale et vers la partie postérieure, d'un bouclier chitineux au- quel est dû le nom du genre. La bouche est légèrement ventrale et surmontée d’un lobe céphalique peu développé ; elle est suivie de trois couronnes de soies interrompues sur la ligne médiane dorsale et ventrale et implantées à la limite postérieure des 2°, 3° et 4° an- neaux. Le septième anneau porte deux appendices coniques, puis viennent huit anneaux extérieurement dépourvus de soies; la région 130 REVUE SCIENTIFIQUE. du bouclier est elle-même, à en juger par le nombre des faisceaux de soies insérés sur le bord de cet organe, formé: par la coalescence de 16 anneaux, de sorte que le nombre total des anneaux serait de 31. Le corps se termine par deux touffes de filaments rougeâtres, rétractiles, les branchies insérées sur deux plaques perforées situées de chaque côté de l'anus. A l’état de repos, toute la partie antérieure au septième anneau est rétractée et invaginée dans le reste du corps. Téguments, muscles, soies. — Le tégument est constitué par un hypoderme d'une seule couche de cellules revêtu d’une cuticule stra- tifiée et mince dans la région antérieure du corps, épaisse au con- traire dans la région postérieure et surtout le bouclier, etencroûtée de calcaire. La surface du corps tout entière est revêtue de très petits cônes dont l’axe est parcouru par un filament que l’auteur croit de nature nerveuse. Immédiatement au-dessous de l'hypoderme et rattachée à lui par une couche conjonctive difficile à mettre en évidence, vient l'enve- loppe musculaire, formée d’un plan externe de fibres transversales in- terrompues sur laligne médiane dorsale et ventrale, et d’un plan interne de fibres longitudinales. Ces dernières s’'insèrent sur les bords du bouclier et sur les dissépiments qui limitent chaque an- neau ; celles qui servent à la rétraction de la partie antérieure du corps se différencient en muscles assez distincts destinés à tirer en arrière le tégument lui-même ou le cerveau, à renverser les soies, etc. On peut distinguer trois groupes de soies : celles des trois couron- nes antérieures ; celles rudimentaires que l'on observe après avoir ouvert l'animal dans les segments 8-14, et qui ne traversent pas la cuticule ; et enfin les 15 paires de faisceaux portés par les bords du bouclier. Nous laisserons de côté celles du deuxième groupe, qui ont subi un arrêt de développement et ne semblent présenter aucune particularité digne de remarque. Les soies antérieures vont en di- minuant de longueur dans chaque demi-couronne, de la face dorsale à la face ventrale ; elles sont en effet de plus en plus usées, la soie la plus jeune étant toujours la plus dorsale, de sorte quon peut suivre dans chaque groupe l'évolution complète des soies. Chacune d’elles est de forme cylindro-conique et se développe dans un folli- cule formé par un refoulement de l’hypoderme. La cellule qui forme le fond du follicule prend des dimensions énormes et sécrète seule la soie tout entière ; lorsque celle-ci est très avancée dans son dé- veloppement, la cellule géante diminue peu à peu de dimensions et ZOOLOGIE. 131 finit par n'être plus distincte des cellules voisines. Le follicule de la soie la plus dorsale émet un diverticule latéral qui deviendra le follicule de la soie suivante. Dans les faisceaux postérieurs, les soies sont de deux sortes : fortes et pennées, ou plus minces et lisses. Elles se développent de la même manière que les soies antérieures. Les soies sont donc bien des formations cuticulaires, et par conséquent ectodermiques et non pas mésodermiques, comme le pensent Hatsc- hek et Vejdovsky. Tube digestif. — La bouche s'ouvre au milieu d'un petit mamelon extérieur et conduit dans un pharynx volumineux et protractile, mais de consistance assez molle. Le tube digestif est très allongé et enroul é sur lui-même ; on peut y distinguer un œsophage for- mant deux tours de spire, un estomac très spacieux et un rectum. Partout une enveloppe péritonéale à cellules bien nettes revêt le tube digestif, dont la paroi est soutenue par une couche conjonctive, avec quelques fibres musculaires clairsemées. L’épithélium, quoique partout cylindrique et d’une seule couche, présente des variations assez notables dans les différentes régions. Dans le pharynx, ses cel- lules sont très allongées, surtout sur les bourrelets de la muqueuse, et présenten & un plateau et des cils vibratiles ; dans l’æsophage, elles deviennent moins hautes et plus larges. Dans l'estomac, l’épithélium change de nature ; il n’est plus cilié que sur les parois d'une gout- tière ventrale qui se prolonge jusqu’au rectum ; partout ailleurs les cellules cylindriques chargées de granulations réfringentes ont un caractère glandulaire et sécrètent un liquide rappelant les caractères dé la bile. Dans l'intestin grêle, le caractère glandulaire disparaît graduellement, mais l’épithélium reste non cilié. Le rectum a la structure de la peau, dont il n’est qu’un refoulement. Les parois de l’œsophage et de l’estomac présentent un très riche réseau vasculaire. Système nerveux. — Le système nerveux central se compose d’une masse cérébroïde petite,logée dans le lobe céphalique; d’un large collier æsophagien, d'un cordon ventral sans ganglions, terminé par un énorme renflement qui s'étend sur toute la longueur du bouclier. Ce renflement, de forme biconique, d'abord constitué par des dilata- tions irrégulières, présente ensuite environ 25 paires de prolonge- ments latéraux d’où naissent des nerfs et qui paraissent représenter autant de ganglions. Dans toute l'étendue du système nerveux, sauf le collier œsopha- gien, on trouve à la fois des cellules nerveuses et une masse fibreuse, 132 REVUE SCIENTIFIQUE Les cellules sont en général situées vers la périphérie ; cela est sur- tout le cas pour le cordon ventral, où elles sont disposées en bandes sur les parties latéro-inférieures et aussi dans la région ventrale. Dans le renflement terminal, elles sont plus abondantes et entourent presque complètement la masse fibreuse. Le système nerveux est enveloppé dans toute son étendue d’une gaîne conjonctive riche en vaisseaux, qui dans le renflement posté- rieur envoie même des prolongements au milieu de la substance ner- veuse. La partie antérieure du cerveau est seule en contact direct avec la cuticule. Sur la face ventrale du cordon nerveux naissent des nerfs impairs en apparence, qui dérivent cependant de deux racines et sont en réalité formés par deux nerfs renfermés dans une gaine commune. Les nerfs, après avoir envoyé quelques rameaux aux muscles, vont se terminer en se ramifiant sousl’hypoderme.L’auteur pense qu’ils sont en conti nuitéavec les filaments axiaux des cirres cutanés, mais sans l'avoir observé directement. Circulation et respiration. — Le système circulatoire est extrème- ment compliqué, et il n’est guère possible de résumer sans figures la longue description donnée par M. Rietsch. Deux troncs longitudi- naux principaux peuvent être considérés comme en constituant la partie centrale. L'un, le vaisseau dorsal, naît en arrière de l'union des deux vaisseaux provenant de la masse branchiale, s'accole à l'estomac, qu'il suit dans toute sa longueur, se détache au niveau de l'æsophage, et vase terminer en un riche réseau sur le pharynx et les ganglions cérébroïdes. L'autre, le vaisseau ventral, prend naissance au-dessous du pharynx, s’accole au système nerveux, envoie des branches aux parois des segments, aux organes segmentaires, aux organes sexuels, etc. Ses branches forment au-dessus du bouclier un plexus extrêmement serré et se terminent par des extrémités libres renflées en grappes d'ampoules pyriformes. Enfin le vaisseau ventral se re- courbe sous l'intestin, qu'il accompagne dans toute sa longueur, et communique par un très riche réseau capillaire avec un sinus situé sous la gouttière ciliée. Les vaisseaux branchiaux. qui communiquent non seulement avec le vaisseau dorsal, mais avec le sinus de la gouttière vibratile, et par son intermédiaire avec le vaisseau ventral, sont très-nombreux et disposés en deux houppesqui vont s’insérer sur les plaques perforées, traversées elles-mêmes par de courts canaux qui communiquent avec les branchies. Ces vaisseaux présentent une rigidité particulière due à ce que chacun d'eux est enfermé dans une même gaîne avec un axe ZOOLOGIE. 133 formé de cellules annulaires sécrétant des anneaux chitineux; l'inté- rieur du cylindre creux ainsi formé est occupé par des fibres longi- tudinales. Ces files de cellules chitinogènes sont des prolongements de l'hypoderme. Les branchies sont des filaments minces et très extensibles formés par un prolongement du tégument revêtu de nombreuses fibres mus- culaires. Une cloison conjonctive divise leur cavité en deux canaux qui communiquent aux extrémités et recoivent le sang des canaux qui traversent les plaques perforées. Dans cet ensemble de vaisseaux, il est impossible de reconnaître un cercle d’artères et de veines où le sang circulerait d'une manière régulière ; il est d'ailleurs à remarquer que nulle part les parois des vaisseaux ne renferment des fibres musculaires. Il paraît probable que le sang est seulement soumis à des mouvements oscillatoires dé- terminés par les contractions de l’animal. Le sang est d’une couleur rouge intense et ne renferme pas de corpuscules figurés. On trouve au contraire, dans le liquide de la cavité générale, des corpuscules amæboïdes abondants. Organes segmentaires, — Une paire d'organes segmentaires sont situés à la partie antérieure du corps et intriqués dans les circonvolu- tions de l'æsophage. Chacun d’eux est d'une masse creuse, de consis- tance molle et de forme trilobée, dont l’un des lobes se continue en une sorte de canal qui va s'attacher à la paroi du corps, mais ne s'ouvre pas à l'extérieur. L'auteur n'a pas non plus vu d'entonnoir vibratile faisant communiquer l’intérieur de l'organe segmentaire avec la cavilé générale. Les organes segmentaires sont tapissés par unecouche de cellules à nombreux noyaux constamment en voie de division. Leur absence de communication, soit avec l'extérieur, soit avec le tube digestif, ne permet de hasarder aucune hypothèse sur leur fonction. Leur paroi est très richement vascularisée. Organes sexuels. — Les organes génitaux ont à peu près la même forme dans les deux sexes, mais se distinguent à première vue par la couleur rouge et l’aspect granuleux de l'ovaire, contrastant avec le blanc uniforme du testicule. Les glandes sexuelles se développent, comme chez tous les Chéto- podes ou les Géphyriens, en connexion avec le vaisseau ventral ou ses ramifications, mais elles atteignent un degré de différenciation inusité et acquièrent des parois propres qui font que les œufs etles spermatozoïdes ne tombent pas dans la cavité générale. L’ovaire ou 3° sér., tom. x. 9 134 REVUE SCIENTIFIQUE. le testicule est constitué par une masse divisée en quatre lobes accom- pagnant quatre des grosses branches du vaisseau ventral, et s’enrou- lant avec le tube digestif; chez le mâle, ces lobes présentent même souvent des ramifications correspondant avec les ramifications du vaisseau sur lequel ils se sont développés. Du point où les quatre lobes se réunissent vers le douzième anneau, partent deux oviductes ou spermiductes qui vont s'ouvrir à l'extérieur, à la face ventrale, dans le septième anneau. Ces oviductes paraissent représenter une seconde paire d'organes segmentaires. Les produits sexuels se développent à la surface même du vaisseau axial de la glande génitale. Une des cellules du revêtement péri- tonéal se différencie, augmente de volume et se pédiculise; une anse vasculaire s'étend d’ailleurs dans le pédicule jusqu'à arriver en con- tact avec elle. Lorsque cette cellule a achevé son évolution en œuf ou en cellule mère de spermatozoïdes, elle tomhe dans la cavité de la glande génitale, où elle est rejetée à l'extérieur par les conduits évacuateurs qui présentent un revêtement cilié. Embryogénie. — La fécondation est extérieure et s'effectue depuis la fin de février jusqu’à la fin de mars. L'auteur a pu pratiquer à cette époque des fécondations artificielles. La segmentation est totale et inégale. L’œuf se divise en deux sphères inégales, dont la plus petite se divise elle-même en deux ; puis la plus grosse en produit une petite semblable aux deux autres. Au stade suivant, on voit quatre petites sphères et quatre grosses, dont l'une plus grosse que les autres. Les petits segments se multiplient rapidement,et par un processus d’épibolie enveloppent complètement les gros segments. La larve devient alors ciliée et commence à nager à la surface de l’eau. Bien- tôt les cils s'allongent en un panache à l'extrémité antérieure et dis- paraissent au contraire à l'extrémité postérieure; puis ils se localisent en une couronne située un peu en arrière de l'extrémité antérieure. Enfin, quarante heures environ après la fécondation, la vie pélagique cesse, la larve perd ses cils et commence à exécuter des mouvements vermiformes. Les grosses cellules endodermiques continuent à se multiplier, surtout vers les extrémités, et constituent un tube digestif qui au quatorzième jour est encore fermé à l'extérieur. A cette épo- que, il n'existe aucune trace du mésoderme. L'auteur n'a pu suivre plus loin le développement. H.-A. Romin. ZOOLOGIE. 135 Beitrage zur Kenntniss der ersten Entwicklungsvorgange im Insecten-ei; par M. Aug. WeissmanN. (Beiträge zur Anatomie und Em- briologie als festgabe Jacob Henle, zum 4 april 1882, dargebracht von seinen Schülern. Bonn, 1882.) Les recherches de M. Weissmann sur les premiers phénomènes du développement des Insectes et la formation du blastoderme chez ces animaux, ont porté sur deux Hyménoptères du groupe des Cyni- pides, le Rhodites rosæ et le Biorhiza aptera, un Diptère du genre Chironome et un Orthoptère, la Taupe-Grillon. Il décrit séparément les faits observés dans ces divers types et termine par quelques consi- dérations générales. Les observations ont été faites sur les œufs vivants. Rhodites rosæ. — L'œuf, long de 0",32 et large de 0",3 lorsqu'il est mür, est enveloppé d'un chorion, mais paraît manquer de membrane vitelline ; celle-ci s'est nettement montrée cependant au pôle posté- rieur,au commencement du développement embryonnaire. La coque se continue en un long pédoncule dans lequel pénètre un peu la substance de l'œuf. A la vésicule germinative a succédé un noyau clair sans membrane d'enveloppe, le premier noyau de segmentation. Après une contraction du vitellus qui laisse un espace vide sous le chorion, le noyau se résout en une traînée blanchâtre, longitudinale, irrégulière, qui se divise en deux moitiés ; celles-ci diminuent de longueur et se condensent aux pôles en deux nouveaux noyaux que l’auteur nomme les noyaux polaires. On pourrait, comme on va le voir, les appeler noyaux entoblastique et ectoblastique. Ces noyaux exécutent des mouvements amœæboïdes; puis l’un d'eux, le noyau polaire postérieur, s'allonge en une traînée occupant à peu près la moitié de la longueur de l'œuf; la partie antérieure de la traînée se détache pour constituer un noyau qui se divise pendant que de nouveaux noyaux se forment de la même manière quele premier, par bourgeonnement, du noyau polaire postérieur. Le phénomène se continue de la même manière jusqu’à ce qu'il y ait environ trente noyaux. Les noyaux, au moment de se diviser, s’allongent toujours et prennent la forme de biscuit, mais ne présentent jamais de fuseau nucléaire. Lorsque les noyaux sont au nombre de trente, ils se portent à la périphérie, et le vitellus, qui jusque-là n'avait pris aucune part à la division, s accumule autour d’eux et se condense en une couche super- 136 REVUE SCIENTIFIQUE. ficielle de balles vitellines mal distinctes d'abord, qui prennent bientôt le caractère de véritables cellules et constituent le blasto- derme. Le blastoderme n'est donc pas formé comme l’ont vu chez d'autres Insectes Bobretzky, Graber, Brandt, etc., par des cellules apparaissant profondément dans le vitellus et se portant à la surface. Le noyau polaire postérieur nese distingue plus de tous les autres éléments quien sont dérivés, et les cellules blastodermiques sont toutes uniformes et présentent un gros noyau sur lequel s'appliquent directement les granulations deutoplasmiques, la périphérie étant constituée par une couche de protoplasma clair. Au moment où les noyaux dérivés du noyau polaire postérieur se portent à la périphérie, le noyau polaire antérieur, qui jusque-là n'a subi aucune modification, s’enfonce dans le vitellus, et, par un pro- cessus semblable à celui des autres noyaux, se divise et donne nais- sance à une traînée de noyaux s'étendant dans toute la longueur de l'œuf. Mais, contrairement aux noyaux dérivés du noyau polaire pos- térieur, ceux-ci s'entourent immécGiatement de protoplasma et con- stituent de véritables cellules : ce sont les cellules vitellines. Les éléments du blastoderme se multiplient pendant ce temps, les granulations deutoplasmiques disparaissent, et le blastoderme vient à être constitué, comme c’est l'ordinaire chez les Insectes, par une couche de cellules cylindriques claires reposant sur une couche pro- toplasmique homogène qui paraît servir à son alimentation. Ainsi constitué,le blastoderme s'épaissit à la face ventrale pour former la plaque ventrale, et s'amincit au contraire du côté dorsal, sans qu’il s'établisse cependant une solution de continuité. L'amnios apparaît comme un prolongement de la partie dorsale de l'extrémité céphalique, formé d'une seule couche de cellules qui s'étend sous la face ventrale; il n'existe par conséquent pas d'enveloppe séreuse. L'auteur n'a pas vu de second repli venir à la rencontre du premier. Quoi qu'il en soit, l’amnios vient à envelopper complètement l'embryon, comme chez les autres Insectes. Cette membrane est d'une minceur telle qu'il est impossible d'y reconnaître de structure, excepté en un point au-dessus de la tête, où elle est au contraire très épaisse et formée de grosses cellules. Elle disparaît tout d'un coup, quelque temps avant l'éclosion, peut-être avalée par l'embryon. Un peu après l'apparition de l’amnios, la plaque germinative se replie vers l'intérieur en une invagination linéaire transversale qui s'approfondit de plus en plus, puis reste stationnaire et finit par dispa- raître. M. Weissmann considère cette invagination comme une invagi- nation gastréenne homologue à l'invagination longitudinale des autres ZOOLOGIE. 137 Insectes. Elle ne prend cependant aucune part à la formation de nou- velles couches cellulaires. Le mésoderme, au contraire, paraît dériver entièrement des cellules vitellines. Au milieu de celles-ci, en effet, on distingue, surtout dans la moitié postérieure de l'embryon, en arrière de l'invagination trans- versale, des cellules arrondies d’un caracière spécial, qui se séparent peu à peu et se disposent en dessous du blastoderme en une couche mésodermique définie. Le processus commence à la face dorsale et vers l'extrémité antérieure céphalique. Les grosses cellules entodermiques granuleuses limitent elles- mêmes le mésentéron qui renferme ce qui reste du vitellus. En même temps que l’invagination gastréenne s’effaçait, se sont formés la bouche et l'étranglement céphalique ; le proctodæum appa- raîit un peu après les stomodæum. La larve, au moment de l’éclosion, présente treize anneaux distincts; il est impossible de déterminer si la partie antérieure correspond à un seul segment, comme chez les Muscides, ou à la tête entière, comme chez les autres Insectes. En arrière de la bouche, trois paires de tu- bercules indiquent les rudiments des membres buccaux. La première forme les mandibules courtes et à pointe cornée qui constituent le seul organe de mastication de la larve. La deuxième paire devient rudimentaire et forme deux papilles tactiles représentant les palpes maxillaires. Les appendices de la troisième paire, enfin, se soudenten une plaque médiane dont le bord chitinisé protège les machoires. Les antennes apparaissent comme deux tubercules des lobes procéphali- ques, et chez la larve ne dépassent pas l'état de mamelons tactiles. Les segments du tronc ne présentent de traces de membres à aucun stade du développement. Biorhiza aptera (forme parthénogénétique du Teras terminalis). — Aumoment de la ponte, le vitellus pénètre dans le pédoncule de l'œuf, mais il se rétracte bientôt, el l'apparition de la membrane vitelline s'oppose à ce qu'il y pénètre de nouveau. Le protoplasma est accumulé au pôle antérieur dansun espace clair au milieu duquel est situé le premier noyau de segmentation. Celui- ci exécute des mouvements amæboïdes, puis s'allonge transversale- ment ou obliquement et se divise en deux noyaux polaires. A peine formé, le noyau polaire postérieur prend lui-même l'aspect d'un nuage et commence à se diviser. Le noyau polaire antérieur reste quel- que temps inactif et reconnaissable à sa grosseur plus considéra- ble; mais au bout de quelque temps il se divise lui-même, et il devient 138 REVUE SCIENTIFIQUE. impossible de distinguer les noyaux qui en sont dérivés de ceux qui proviennent du noyau polaire postérieur. Les noyaux atteignent le nombre d’une centaine avant qu’il ap- paraisse autour d'eux un corps cellulaire. Une partie d’entre eux se portent à la surface et forment le blastoderme, comme chez le Rhodites. Il est permis de supposer que ce sont, comme dans cette espèce, ceux qui proviennent du noyau polaire postérieur; mais il n’est pas possible de s'en assurer par l'observation directe. Un fait intéressant et non observé ailleurs est l'émission, par les cellules de l'extrémité antérieure du blastoderme, de pseudopodes grêles et anastomosés, semblables à ceux des Radiolaires qui s'avan- cent dans la chambre située sous la membrane vitelline. Ces pseudo- podes ne se montrent que pendant un temps assez court, peu après la formation du blastoderme. Les gouttelettes graisseuses qui apparaissent dans les cellules vi- tellines en rendent l'observation impossible. L'amnios se forme comme chez le Rhodites. L'invagination gas- tréenne n’a pas été observée. Le développement des segments céphaliques et des membres buc- caux est plus facile à suivre que chez le Rhodites, maïs est d'ailleurs le même. Le petit segment antérieur de la larve répond à la tête en- tière. Pas plus que chez le Rhodiles, il n'existe de membres aux segments thoraciques. Chironomus, sp. — L'espèce de Chironome observée par l'auteur n’a pas été déterminée; ses œufs, pondus dans des cordons gélatineux, sont caractérisés par leur forme renflée à l'extrémité qui correspond à la tête de l'embryon, pointue à l’autre extrémité, convexe d’un côté et presque plane de l’autre. Les œufs fraîchement pondus présentent déjà une contraction no- table du vitellus, laissant sous la membrane vitelline une chambre spacieuse remplie de liquide. A la surface du vitellus, se montre une couche de protoplasma bien differenciée ou écorce plasmique (Plasma- rinde). Avant la formation d'aucun élément blastodermique, il se dé- tache de l’œuf des masses protoplasmiques avec ousans noyau, qui se subdivisent souvent après être devenues libres, au pôle antérieur de l'œuf. Dans un cas, l’auteur les a observées au pôle postérieur. Gesont de véritables globules polaires. Ils persistent longtemps, exécutent des mouvements amæboïdes et rampent à la surface de l'œuf, où on peut les retrouver dans tous les points. Plus tard se forment, avant le blastoderme proprement dit, Les cel- ZOOLOGIE. 139 lules du pôle (Polzellen), que l'auteur a depuis longtemps fait connaître et qui constituent au pôle postérieur une masse de douze cellules. Puis des noyaux pénètrent dans l'écorce plasmique, lui empruntent leur corps cellulaire et forment le blastoderme. Au pôle antérieur se dis- tingue un noyau inactif qui, lors de l'achèvement du blastoderme, s'enfonce dans le vitellus, peut-être pour y jouer le même rôle que chez le Rhodites. Gryllotalpa. — Dans les très gros œufs de cette espèce, il n'existe pas d’écorce plasmique. En les dilacérant peu après la ponte, on trouve dans le vitellus même des cellules complètes à protoplasma clair, qui se portent peu à peu à la périphérie et s’y divisent de façon à former des ilots de cellules plus petites. Les îlots, en s'étendant, se rencon- trentet s’anastomosent en un réseau puis en une couche continue, le blastoderme. En résumé, le blastoderme de ces divers types d'Insectes présente dans son mode de formation des variations considérables ; 1° Lorsque les œufs sont très gros (Gryllotalpa), des cellules appa- raissent dans le vitellus et se portent à la surface ; 2° D'autres fois des noyaux libres se portent à la surface, et autour d'eux se différencie un corps cellulaire riche en vitellus {nutritif (Rhodites, Biorhiza) ; 3° Ou bien les noyaux se portent de même à la surface, mais y trouvent une couche de protoplasma différencié à l'avance (Chiro- nome) ; 4° Il yfaut ajouter le cas des Podurides, où l'œuf très petit se divise immédiatement et forme une vésicule blastodermique par segmenta- tion totale, L’écorce plasmique du Chironome, décrite depuis longtemps par l’auteur et niée depuis, existe bien réellement,mais n’est pas le siège d'une formation cellulaire libre. Il est à remarquer que les noyaux, dans leur division, ne présentent pas les formes que l'on considère généralement comme accompagnant toujours la karyokinèse. Les mouvements amæboïdes n’ont rien de commun avec la formation du fuseau et ont seulement un rôle nutritif. Les noyaux ne sont pas non plus nécessairement un centre d'attraction pour le protoplasma, puisqu'ils restent longtemps indé- pendants de tout corps cellulaire. L’antithèse des deux premiers noyaux chez les Cynipides est un fait très-important et dont il convient de chercher l'existence ou l’ab- sence dans les autres types. H. À. Rosnx. 140 REVUE SCIENTIFIQUE. Recherches sur l’organisation des larves des Ephémérines, par M. VayssièREe. (Thèse de doct. ès-Sciences et Ann. des Sc. nat., 6e série, XIII.) Dans le travail quilui a servi de Thèse, M. Vayssière a étudié l'or- ganisation des états larvaires des Ephémérines. Après avoir consacré un chapitre aux recherches bibliographiques, il commence véritablement son travail par l’étude de la structure ex- terne des larves, en insistant tout particulièrement sur les diverses transformations que subissent les organes trachéo-branchiaux pen- dant la durée de la vie larvaire d’une même espèce. C’est chez des individus de l’Heptagenia longicauda que ce naturaliste a pu suivre tout le développement, depuis l’état larvulaire, pendant lequel ces in- sectes ne présentent aucune trace d'organes respiratoires externes, jusqu'aux derniers stades de la vie aquatique, qui sont caractérisés par la présence de trachéo-branchies bien développées, insérées sur les parties latérales des sept premiers anneaux de l'abdomen. Chez les Heptagenia, et en général chez toutes les Éphémérines, il n’y a que l'abdomen qui porte des organes respiratoires ; cependant on a constaté chez quelques-uns de ces insectes (Oligoneuria rhenana et garumnica, et Jolia Ræseli) des trachéo-branchies, non seulement sur les segments abdominaux, mais encore à la base de la tête et sur la face inférieure du prothorax. M. Vayssière passe ensuite en revue les diverses larves qu'il a pu se procurer; il décrit leur structure externe et, se basant sur la forme des trachéo-branchies, il établit cinq subdivisions qu'il caractérise de la manière suivante : « La première renferme toutes les larves munies d'organes respira- toires formés chacun d’une lame plus ou moins étendue, garnie sur son pourtour de tubes respiratoires dont les dimensions sont en raison inverse de la grandeur de la lame. » Dans la seconde nous trouvons les Ephémérines dont les trachéo- branchies, tout en étant lamelleuses, n'offrent plus de traces de di- gitations. » Les larves de la troisième subdivision sont munies de trachéo- branchies formées d'une lame protectrice, à la face interne delaquelle se trouve tantôt une houppe de tubes respiratoires, tantôt une petite grappe bifide de lamelles très délicates. » Chez les larves des genres Cœnis et Tricorythus, qui constituent la quatrième subdivision, nous voyons les branchies trachéennes de la deuxième paire se transformer en organes protecteurs recouvrant toutes les paires suivantes. ZOOLOGIE. 141 » Enfin la cinquième subdivision contient Les larves dont l'appareil respiratoire est complètement caché et protégé par des prolonge- ments méso-thoraciques dans l'épaisseur desquels naîtront plus tard les ailes supérieures ; chez ces Insectes, nous avons une véritable chambre respiratoire qui peut communiquer avec l'extérieur, soit par toute sa partie postérieure (Bætisca}), soit par trois ouvertures seule- ment : deux ventrales et une dorsale (Prosopistoma). » Nous ne pouvons entrer dans l'examen de toutes les descriptions données par M. Vayssière sur chacune de ces larves, et nous ren- voyons le lecteur au mémoire original. A la fin de ce chapitre, qui forme la majeure partie de ce travail, l’auteur se demande s'il ne serait pas convenable de considérer les fourreaux des ailes et les ailes elles-mêmes comme des appendices dorsaux correspondant aux trachéo-branchies, et pouvant bien n'être que des organes respiratoires modifiés. Le chapitre IIT est consacré à l’appareil circulatoire ; cette partie, bien qu elle soit assez courte, présente toutefois un certain intérêt, car M. Vayssière montre que chez les larves des Éphémérines l'appareil circulatoire est moins réduit que chez les autres Insectes, et ses obser- vations concordent complètement avec celles de Zimmerman. Ces naturalistes ont constaté dans les soies la présence de vaisseaux arté- riels partant directement du cœur ; ils ont aussi observé qu’antérieu- rement le vaisseau dorsal donnait naissance, sur son prolongement, à une forte aorte qui arrive jusqu’à la base de la tête. Les antennes, d'après M. Vayssière, contiendraient chacune aussi un petit tronc artériel, pulsatile à sa base, destiné à faciliter la circulation du sang dans ces organes. Il s'occupe, dans le chapitre suivant, du tube digestif et des modifications plus ou moins grandes que présentent les diverses parties de ce système organique chez les genres qu'il a étudiés. Il insiste particulièrement sur les transformations successives que subit la lèvre inférieure dans la série des genres qui composent cette famille. Aïnsi, tandis que chez les Heptagenia, les Cloeopsis…, nous observons une lèvre inférieure possédant toutes ses pièces élé- mentaires, chez les Leptophlebia, les Ephemerella, les Bœtisca et sur- tout les Prosopisioma, nous voyons ces mêmes pièces se souder plus ou moins les unes aux autres, s’atrophier et disparaître en partie. L'hypopharynx a aussi attiré l'attention de ce jeune naturaliste; les modifications que présente cette pièce de la bouche d’un genre à l'autre, et son indépendance par rapport à la lèvre inférieure, font supposer à M. Vayssière que cet organe constitue un nouvel appen- 3e sér., tom. 11. 10 142 REVUE SCIENTIFIQUE. dice céphalique, ce qui porterait donc à cinq le nombre des méta- mères ou zoonites de la tête (zoonite des antennes, zoonite des mandibules, zoonite des mâchoires, zoonite de l'hypopharynx, et zoonite de la lèvre inférieure). On observe dans la disposition des tubes de Malpighi une sorte de concentration correspondant à celle de l’appareil trachéo-branchial. Dans le chapitre qui suit, M. Vayssière nous fait connaître la dis- position du système nerveux dans la généralité des Ephémérines ; puis il fait ressortir l'excessive cencentration des centres de ce sys- tème organique chez la larve du Prosopistoma : ainsi, chez cet animal, au lieu d’avoir une chaîne ganglionnaire composée de 10 ou 11 centres (un ganglion pharyagien, 3 g. thoraciques et 6 ou 7 g. abdominaux), chez le Prosopisioma nous n'avons plus qu’un ganglion pharyngien rattaché par deux commissures à un volumineux centre thoracique représentant, à lui seul, tout le reste de la chaîne ganglionnaire. — Il est très-probable que le système nerveux du Bœtisca obesa est à peu près identique à celui du Prosopisioma ; malheureusement M. Vayssière n’a pu se procurer que quelques dépouilles nymphales de Bætisca et s’est trouvé, par suite, dans l'impossibilité d’étudier son organisation interne. Ce travail est terminé par une courte description de certains para- sites que ce naturaliste a observés chez quelques larves. Ce mémoire est accompagné d’un grand nombre de figures, de faciès de larves, qui peuvent être d’un grand secours pour les per- sonnes qui ne s'occupent de ces Insectes qu’au point de vue zoolo- gique. SD Botanique. L'espèce végétale considérée au point de vue del’anatomie comparée; par M. J. Vesque. (Ann. des Sc. nat., 6° série, tom. XIII, pag. 5.) . Nous avons analysé précédemment! un travail où M. Vesque a mon- tré que les caractères anatomiques peuvent être fort utilement exa- minés quand il s’agit de reconnaitre les affinités naturelles des plantes, et où il considère que la description anatomique doit désormais être jointe à la description des organes floraux des familles. a 1 Revue des Se. nat., 3° série, tom. I, pag, 414. BOTANIQUE. 143 Il revient aujourd’hui sur cette question pour l’aborder d’une façon plus générale. Son but est de démontrer qu’un simple examen d’un petit fragment de feuille permet de définir les conditions de milieu dans lesquelles le végétai à vécu, et de conduire en même temps à la con- naissance des familles et des espèces. L'auteur considère comme suffisamment établi par ses précédentes recherches, que la facilité avec laquelle un organe s'adapte aux milieux est en raison inverse de son importance. Le végétal et ses différents membres s'adaptent au milieu inerte (eau, air, sol) dans une mesure variable. L'adaptation à ce milieu inerte reçoit del’auteur lenom d'Épharmonie : c'est, selon lui, presque exclusivement sur des caractères épharmoniques que repose aujourd’hui la distinction des espèces végétales ; il faut donc les étudier de près. « Les principales conditions physiques, dit l’auteur, auxquelles la >plante fixée par ses racines dans un endroit quelconque doit s’adapter, >sont l'éclairage et l'humidité relative; l'adaptation à cette dernière »veut se produire de deux manières différentes : par la diminution de la ÿtranspiration et par l’emmagasinage de l’eau dans certains organes. »Les transformations qui s’introduisent ainsi dans les tissus entraïnent ÿsouvent l'apparition de nouveaux éléments mécaniques destinés à les >soutenir ». Nous avons donc à étudier : 1° Comment la plante s'adapte à l’éclai- rage, au point de vue de l'assimilation ; 2° Comment elle se protège con- tre une transpiration très active ; 3° Comment elle emmagasine de l’eau ; 4 Par quels moyens mécaniques les tissus parenchymateux de la feuille évitent de se faner. M. Vesque étudie tout particulièrement les caractères épharmoniques de la feuille, comme y étant le plus développés. La plante s’adapte à l'éclairage, avant tout, par les modifications du tissu assimilateur, du parenchyme en palissades et de l’ensemble du mésophylle. Elle se protège contre une transpiration trop active par la réduction de la surface totale des feuilles, par l’épaississement et les ornements de la cuticule ; en rendant difficile l’accès de l’air aux stomates, en déve- loppant son système pileux. La plante emmagasine de l'eau dans son corps de diverses façons : par le développement d’un épiderme multiple ou d’un hypoderme, par les vaisseaux et les réservoirs vasiformes. Quant au soutien des tissus exposés à se faner, il est obtenu par le développement des systèmes mécaniques du faisceau fibro-vasculaire ; par des fibres mécaniques qui parcourent les parenchymes ; par des cel- 144 REVUE SCIENTIFIQUE. lules scléreuses résultant de la transformation secondaire de certaines cellules secondaires du mésophylle. Une étude attentive de tous ces caractères permet à l’auteur de distin- guer ce qui doit être attribué à l’'épharmonie. La filiation pure a produit des groupes considérés aujourd’hui comme genres, sous-genres et même comme espèces linnéennes ; ces caractères de filiation sont, d’une facon générale, devenus les caractères spécifiques en zoologie; au lieu de s’en tenir là, les botanistes, insistant à peine sur ces formes phylétiques, les ont subdivisées plus ou moins d’après les caractères épharmoniques. Ainsi, tous les végétaux qui ne diffèrent entre eux que par des carac- tères épharmoniques constituent une forme qui équivaut à l’espèce zoolo- gique. « Si la science était encore à faire, il y aurait un procédé très simple jet très clair qui consisterait à donner un nom à la dernière subdivision >de qualité phylétique, celle qui représenterait l'espèce avant l’interven- >tion de l’épharmonisme, et d'y ajouter un adjectif indiquant le mode >d’épharmonie qui est venu lui imprimer son cachet ; cet adjectif serait >toujours le même pour désigner la même épharmonie ». Après avoir appuyé sa thèse sur quelques exemples, l’auteur aborde la question de la définition de l'espèce. Il lui semble rationnel, et sans doute beaucoup de ceux qui se sont trouvés aux prises avec la nécessité de déterminer beaucoup de formes considérées aujourd’hui comme de bonnes espèces seront de son avis; il lui paraît rationnel de considérer comme des espèces les formes phylé- tiques telles qu'elles sont avant l’action de l’épharmonie. Elles corres- pondraient aux espèces zoologiques. On définirait alors l’espèce : l’ensemble de tous les végétaux apparte- nant à la même division phylétique indivisible, prise au moment où les différences épharmoniques commencent à s’y introduire. Mais ces adaptations sont accomplies et « nous nous trouvons en pré- »sence d’une multitude de formes mal délimitées qu'on pourrait multi- »plier à l'infini, formes qui sont considérées comme des espèces par les »>Jordaniens ; mais il y a un moyen terme qui consiste à considérer »ycomme espèce l’ensemble des végétaux descendant d’un même ancêtre »sur lequel l’épharmonie est venue agir et qui sont adaptés de la même »manière au milieu dans lequel ils vivent. » En admettant cette deuxième manière de voir, l'espèce serait l’ensem- ble des végétaux appartenant à la même division phylétique, présentant les mêmes organes épharmoniques, et ne différant entre eux que par le plus ou moins grand développement que présentent ces organes. BOTANIQUE. 145 Cette dernière définition, moins logique que la première, correspond à la notion actuelle de l'espèce botanique, et il convient sans doute de l’a- dopter pour ne pas faire table rase des idées fixées par le travail et les efforts de nombreuses générations. Nous ne suivrons pas l’auteur dans l'application qu’il fait des princi- pes que nous venons d'exposer à la monographie des Capparidées li- gneuses: une monographie de ce genre ne saurait guère se résumer et nous entrainerait trop loin. Observations sur les Loranthacées ; par M. M. Treus!. (Ann. du Jard. Bot. de Buitenzorg, vol. III ; Leide, 1882, pag. 1-9, et pl. I-II. Voy. aussi Ann. Sc. nat. Bot., 6e série, tom. XIII, pag. 250.) Le Viscum articulatum Burm. se trouve fréquemment à Buitenzorg (Java) ; la fleur femelle présente deux feuilles carpellaires qui ne sont pas creusées en gouttière et réunies par leurs bords, mais seulementsou- dées par le parenchyme de leurs faces supérieures planes. C’est aux dépens de l’assise sous-épidermique de ces feuilles carpellaires soudées que se forment les cellules mères des sacs embryonnaires ; elles sont presque toujours reconnaissables de bonne heure; pourtant M. Treub n’a pas réussi à découvrir de relation entre leur nombre et leur position, et les carpelles. La cellule mère se divise en deux cellules filles; contraire- ment à ce qui se passe dans le Loranthus sphærocarpus, c'est la cellule fille inférieure qui se transforme en jeune sac embryonnaire, tandis que la supérieure se résorbe, l'inférieure dédouble son noyau; arrivé à cet état, un seul sac embryonnaire se développe (tandis que dans le Viscum album il y en a le plus souvent deux). L'auteur y a trouvé jusqu'à trois antipodes, sans pouvoir cependant constater toujours leur présence; vers le sommet du sac, il a vu aussi une vésicule embryonnaire et deux synergides, sans oser affirmer pourtant d’une façon positive que le développement de ce sac rentre dans la règle posée par M. Strasburger. À la suite de la fécondation, il se forme un suspenseur très court. L'étude de cette espèce confirme pleinement que, comme M. Van Tieghem l’a fait connaître pour le Viscwm album, iln’y a ni ovules ni placenta dans ces plantes, mais seulement des sacs embryonnaires. Dans le Gui, ces sacs correspondent encore à chaque feuille carpellaire ; ici ils sont épars dans la masse du tissu de ces feuilles. EE) 1 Voy. Revue des Sc. nat. de Montpellier, 3e série, tom. I, pag. 221. 146 REVUE SCIENTIFIQUE. Notes sur l'embryon, le sacembryonnaire et l’ovule; par M. M. Treus. (Ann. du Jard. Bot. de Buitenzorg; Leide, 1882, vol. III, pag. 76-79, et pl. XIII-XV.) On serappelle les intéressants résultats publiés en 1879 par M. Treub sur l’embryogénie des Orchidées. Le même savant a étudié, à Java, quelques nouvelles espèces dont le développement confirme pleinement les vues qu’il exposait il y a trois ans. Les cellules du suspenseur du Peristylus grandis se prolongent comme celles de toutes les Ophrydées étudiées antérieurement et for- ment des digitations de diverses formes destinées à enlever aux funicu- les et au placenta les matières nutritives qu ils renferment. Les Avicennia (Verbénacées) ont un nucelle fort peu développé; il se compose presque uniquement de la cellule primordiale et de l’épi- derme qui la revêt. Après qu'une segmentation transversale s’est pro- duite dans la cellule primordiale, la cellule fille inférieure devient le sac embryonnaire, l’autre se divise d’une facon irrégulière. Bien avant la fécondation, l’épiderme du nucelle a complètement disparu. Le sac embryonnaire est occupé par l’albumen; pourtant une grande cellule du sac se distingue de toutes les autres dès le début ; M. Treub lui donne le nom de cellule cotyloide. De bonne heure elle s’avance d’un côté hors du micropyle ; de l’autre, elle s’allonge, s’élargit et se ramifie démesurément, minant l’ovule en tous sens ; elle entre dans le placenta, où ses digitations entourent de tous côtés le faisceau axile. Cette cellule remplit la fonction de sucoir ; elle absorbe les matières nutritives répan- dues dans le placenta et dans l’ovule ; elle n’est jamais ramifiée, mais présente un grand nombre de noyaux. Étude comparée sur les tubes cribreux ; par M. Ed. de Jancezewskr.(Mém. de la Soc. des Sc. nat.et Math. de Cherbourg, tom. XXIII, 1881.) Le savant professeur de l’Université de Cracovie s'efforce, dans cet important mémoire, d'éclairer l'histoire de ces éléments particuliers dé- couverts en 1837 par Hartig au milieu de la partie libérienne du fais- ceau vasculaire, et connus depuis sous le nom de tubes cribreux ou vaisseaux grillagés. ; On sait depuis plusieurs années qu’ils existent dans les faisceaux des cryptogames vasculaires, mais la connaissance de leur structure était encore bien imparfaite. L'auteur démontre leur présence dans le liber de tous les genres et de toutes les espèces de ce groupe qu’il a étudiées. BOTANIQUE. 147 Le genre Jsoetes est le seul qui laisse encore quelque doute à cet égard. Leur présence est absolument caractéristique pour le liber des cryp- togames vasculaires. L'auteur établit leur complète homologie avec les tubes cribreux des phanérogames, bien que, contrairement à l'opinion en faveur jusqu'ici, ils soient complètement imperforés. Ils constituent souvent à eux seuls tout le liber de ces plantes ; ils sont généralement prismatiques et se terminent par des cloisons, tantôt horizontales, tantôt plus ou moins obliques. Quelle que soit son épaisseur, la membrane de ces tubes est toujours plus ou moins richement munie de pores qui cor- respondent aux cribles des phanérogames, mais demeurent toujours imperforés. Le passage de la membrane épaissie du tube à la membrane du pore est brusque on insensible, et c’est pour cela que les pores peu- vent être bien accentués, à peine reconnaissables lorsqu'on les examine de face. Dans le Pteris aquilina, les ouvertures du crible imperforé sont comblées par une substance calleuse, tout à fait exceptionnelle chez les cryptogames vasculaires. Les tubes cribreux existent aussi chez les Gymnospermes ; ils y sont perforés, mais dépourvus d’enveloppe calleuse, uniquement constitués par la cellulose. À un âge avancé, ils sont ordinairement oblitérés par suite de la pression exercée sur eux par le parenchyme libérien ; leur contenu, limpide et dépourvu de substances organisées, passe à travers les cribles complètement débarrassés de substance calleuse. ; Chez les Monocotyledones, l'étude des tubes cribreux, lorsqu'il s’agit d’en suivre l'évolution complète, présente de grandes difficultés dans les pays du Nord, en raison du petit nombre des plantes de ce groupe qui possèdent des tiges vivaces. M. de Janczewski a pu néanmoins y décou- vrir des faits nouveaux d’un haut intérêt. Ici la perforation du crible n’a pas lieu par la dissolution totale du Callus, maïs par sa condensation et parce que le protoplasma perce la substance calleuse dans toute son épaisseur. Lorsqu'ils sont ouverts et en communication les uns avec les autres, les tubes cribreux des Monocotylédones contiennent un proto- plasma pariétal, vivent par conséquent et sont actifs. Pendant cette pé- riode, le crible s’oblitère en automne pour se rouvrir au printemps. Chez les Dicotylédones, les tubes cribreux ont la même origine et le même mode de développement que chez les Monocotylédones. Dans les deux cas, ils sont d’abord fermés, et s’ouvrent par la pénétration du pro- toplasma à travers leur membrane. Beaucoup d’entre eux se ferment à l’automne pour se rouvrir au printemps. Quel que soit le groupe où on étudie ces éléments anatomiques, on les trouve toujours formés de cellulose pure. 148 REVUE SCIENTIFIQUE. Le développement des cellules spiralées; par M. L. Mançn. (Ann. Sc. nat., Bot., 6° série, tom. XIII, pag. 208, et pl. I.) On sait depuis longtemps qu'il existe des cellules spiralées, isolées au sein du parenchyme de la tige ou des feuilles de certaines plantes. Leur développement peut se rattacher, d’après M. Mangin, à deux modes différents. Dans les Crinum, les cellules spiralées se développent dans les lacu- nes du parenchyme à la façon des poils internes de certaines plantes, et l'existence de ces cellules est liée à l'existence de méâts qui favorisent leur développement. Chez les Nepenthes, le parenchyme où apparaissent ces cellules reste toujours compact ou ne présente que de petits méats; elles s’y forment aux dépens de certaines cellules qui s’agrandissent sans se cloisonner et dont la membrane s’épaissit ensuite. On peut rattacher ce mode de dé- veloppement à celui des cellules scléreuses de certaines Aroïdées, et l’analogie de ces deux formations est rendue plus frappante par l’examen des Salicornia, où les cellules spiralées du S. fruticosa sont remplacées par des cellules scléreuses chez le S. macrostachya. Sur quelques cuticules fossiles ; par M. R. Zeizcer. (Ann. Sc. nat., Bol., 6° série, tom. XIUI, pag. 213, avec 3 pl.) L'auteur a eu la bonne fortune d’étudier des échantillons de charbon feuilleté provenant du bassin houiller de la Russie centrale. Il a reconnu que ces feuillets élastiques ne sont autre chose que des cuticules fossiles appartenant au Bothrodendron punctatum Lindl. et Hutton, qu'il faut rattacher probablement aux Lépidodendrées. La matière charbonneuse interposée n’est pas de la houille, mais de l'acide ulmique, soluble, à une température peu élevée, dans l’ammonia- que et la potasse. M. Zeiller a trouvé aussi, dans le terrain jurassique, des cuticules fossiles d’une curieuse fougère, le Cycadopteris Brauniana Zigno ; elles présentent ceci de particulier que les stomates y sont logés au fond de cryptes analogues à celles du Laurier-rose, fait isolé jusqu’à présent chez les fougères. Le Frenelopsis Hoheneggeri Schenk, conifère du terrain crétacé du midi de la France, présente aussi de singuliers stomates, assez voisins de ceux des Marchantiées. BOTANIQUE. 149 Sur une nouvelle catégorie de plantes grimpantes ; par M. M. Treus. Ann. du Jard. Bot. de Buitenzorg, vol. III; Leide, 1882, pag. 44-76,etpl. VII-XII ) Il s’agit de plantes grimpantes pourvues de crochets irritables. Les unes, comme chez les Uncaria (Rubiacées), sont des pédoncules modi- fiés ; ils se fixent avec une facilité et une force remarquables et subis- sent à la suite de la fixation un épaississement considérable. Dans les Ancistrocladus, type tout particulier étudié dès 1849 par M. J.-E. Planchon, et dont la position est encore bien douteuse, ils sont formés par les rameaux d’un sympode successivement atrophiés à droite et à gauche, mais qui dans le jeune âge portent des feuilles rudi- mentaires à leur extrémité. Dans les Artabotrys, ces crochets sont des rameaux fflorifères. Ce sont encore des rameaux dans les Luvunga (Aurantiacées), et dans les Olax (Olacinées). Sur les urnes du Dischidia Rafflesiana; par M.M. Treus. (Ann. du Jard. Bot. de Buitenzorg, vol III; Leide, 1882, pag. 13-37, et pl. INI-V.) Le genre Dischidia (Asclépiadées) est remarquable en ce que quel- ques espèces sont ascidifères, tandis que d’autres ne présentent aucune trace d’urne. Le D. Rafflesiana est une plante essentiellement épiphyte ; il est probable qu’elle ne touche jamais le sol. Les urnes sont morphologiquement des limbesfoliaires ; la surface in- terne de l'urne correspond à la face inférieure de la feuille, la surface externe à la face supérieure. Les ascidies de cette plante ne sont aucunement carnivores ; en face des observations toutes négatives que l’auteur à faites dans ce sens, il n'hésite pas à considérer ces organes comme destinés à réaliser pour la plante une double épargne d’eau, en recevant l’eau des pluies que des racines adventives absorbent ultérieurement; d'autre part en recueillant le produit de la transpiration qui protège et alimente probablement aussi ces racines. Fanerogamer fran Novaja Semlja, Wajgatsch och Chabarova ; par MM. Fr. Ksezzuan et Lunpsrrôm, avec ? pl. (Extrait do Vega-expedit. vetensk. Iakttag, vol. I; Stockholm, 1882.) Les expéditions suédoises dirigées successivement par M. Nordenskiôld au nord de l'Asie ont considérablement étendu nos connaissances de la flore de la Nouvelle-Zemble et des terres voisines. 150 REVUE SCIENTIFIQUE. La plupart des points explorés par MM. Kjellman et Lundstrôm ne l'avaient pas encore été au point de vue botanique, circonstance qui ajoute beaucoup d'importance à leurs découvertes. Trente-six espèces ou variétés nouvelles pour la Nouvelle-Zemble, quarante-neuf pour l’île de Waïgatsch, constituent un total très considé- rable si l’on considère la grande pauvreté relative de ces régions déshé- ritées. On ne connaissait guère jusque-là que cent plantes phanéroga- mes aux iles de la Nouvelle-Zemble. Parmi les espèces nouvelles que les savants voyageurs y ont recueil- lies, signalons: Campanula rotundifolia form. linifolia, Rubus Cha- mæmorus, Comarum palustre, Halianthus peploides. Deux Glyceria nouveaux, le G. tenella Lge et le G. Kjellmamt Lge, sont figurés à la suite du catalogue complet de cette flore. En même temps qu'il publiait cet intéressant mémoire en collaboration avec M. Lundstrôm, M. Kjellman, ayant seul pris part à l'expédition de la Véga en 1878-80, fournit une série d'études sur la flore et la dis- tribution géographique des plantes phanérogames sur les côtes de la Sibérie asiatique. Les voyages antérieurs et la connaissance profonde qu'il y à acquise de la flore arctique, l’immense étendue de pays sur laquelle il a porté son attention, ajoutent un grand intérêt à ces tra- vaux ; qu'il nous suffise de dire que, depuis les travaux de sir Joseph Hooker sur les flores polaires, rien d'aussi important ne nous paraît avoir été fait sur cette question. Ajoutons que les données fournies par les longues recherches des savants suédois ne confirment pas du tout l’opi- nion du savant professeur anglais sur l’origine américaine des flores arctiques. Nous aurons l’occasion de revenir ultérieurement surce sujet. Om Algvegetationen i det Sibiriska Ishafvet; par M. Fr. K3ELLMaN. (Vega-exped. Vetensk. Iakttag. vol. L ; Stockholm, 1882.) Les côtes de la Sibérie asiatique présentaient, au point de vue de la flore marine, un intérêt tout particulier, dû surtout à la grande quantité d’eau douce qui y est sans cesse apportée par les grands fleuves de l’Asie. Au moment où l'expédition de {a Véga fut entreprise, on ne connaissait avec certitude aucune algue provenant de cette immense région. Les recherches poursuivies par M. Kjellman pendant ce voyage nous apprennentquelesalgues existent en beaucoup de points le long de la côte; elles appartiennent presque toutes à la région sublittorale. Dans les ré- gions plus profondes, qui ont été le mieux étudiées, M. Kjellman n'a trouvé que les Lithothammion polymorphum, Phyllophora interrupta BOTANIQUE. 151 et une Phæosporée, le Lithoderma fatiscens. La région littorale est presque dépourvue de végétation ; on n’y trouve guère que l’Entero- morpha compressa et l'Urospora penicilliformis, connues déjà sur d’autres points de la mer polaire. Aucune Fucacée n’a été trouvée entre les bouches de l’Yénisséi et le voisinage du détroit de Behring. Mais à mesure qu’on s’approche de ce point, la flore marine devient moins pauvre. Les espèces les plus abondamment répandues, sont : Polysiphonia arc- tica, Rhodomela tenuissima, R. subfusca, Sarcophyllis arctica, Phyl- lophora interrupta, Sphacelaria arctica et Phlæospora tortilis. Le genre Laminaria y est représenté par quatre, le genre Alaria par deux espèces. Les exemplaires de Laminaires dépassaient quelquefois 2 mètres de longueur. ’ La région qui s’étend à l'O. du cap Tscheljuskin est notablement diffé- rente de la région située à l’E. de ce cap. La flore des côtes de la Sibérie occidentale se rapproche beaucoup de celle du Spitzberg et de la Nouvelle-Zemble. Celle des côtes de la Sibérie orientale laisse déjà entrevoir l'influence de l'océan Pacifique, surtout par la prédominance des grandes Fucacées. En résumé, M.Kjeilman a récolté 35 espèces, dont 12 Floridées, 16 Fu- cacées, 6 Chlorosporées, L Phycochromacée : ce n’est pas plus de la moi- tié de ce qu’on connaissait dans la mer Blanche et les mers du Spitzberg. Les progrès en Médecine par l’expérimentation; par M. H. BouLey. Cours de pathologie comparée professé au Muséum en 1880-81.Paris, Asselinet Cie. Bien que l’ensemble du livre de M. Bouley n’ait avec la connaissance des plantes aucune relation directe ; bien que l’histoire de la gale et de la cachexie aqueuse du mouton sortent complètement du cadre de nos études; bien que les liens existant entre une foule de maladies parasi- taires et les organismes végétaux microscopiques soient encore dans la plupart des cas fort obseurs, nous ne pouvons pas passer sous silence cet important ouvrage, que nous pouvons corsidérer comme un exposé méthodique et critique des faits si nombreux dévoilés depuis un quart de siècle sur les maladies parasitaires. Nous laisserons de côté les intéressants chapitres qui traitent de la morve, de la variole, de la vaccine jennérienne et de son origine, du cho- léra des poules, de la rage, de la pébrine et de la flacherie. Nous y ren- contrerions encore beaucoup d'incertitude qu’un avenir prochain dissi- perasans doute. Le lecteur y trouvera de nombreux enseignements d’une haute portée, et nous ne saurions assez recommander la lecture de ces 152 REVUE SCIENTIFIQUE. pages à tous ceux qui désirent acquérir l'esprit de la méthode scientifique. Nous nous arrêterons seulement sur quelques-unes de ces savantes leçons relatives à l'infection charbonneuse, pour en résumer l’histoire, et montrer en même temps par quelle suite d’efforts la science actuelle a pu fournir à la médecine et à l’art vétérinaire les moyens de garantie dont nous disposons aujourd'hui. La maladie connue sous le nom de charbon sévit de temps immémo- rial sur les moutons dans diverses régions de l’Europe, notamment dans la Brie et la Beauce. La Beauce, région très fertile et très productive, perd annuellement, par le fait de cette terrible maladie, 20 0/0 environ de sa population ovine. Cette perte n’est pas inférieure à 7 ou 8 millions. Le charbon exerce depuis fort longtemps ses effets. Dans les anciens Traités, il est signalé sous les divers noms de pisse-sang, de sang, de coup de sang, de maladie du sang, de sang de rate. Dans ces appellations diverses, on retrouve toujours cette idée dominante : que le siège de la maladie estle sang, et que la mort résulte de l’altération qu’il a subie. Le sang est noir et épais; il coule comme une gelée fluide; l’ensemble des tissus est très foncé ; la rate surtout est noire, gonflée, flasque, ir- régulièrement bosselée à sa surface. M. Delafond, chargé en 1842 d'étudier la maladie du sang, dépourvu des moyens de recherche que les progrès de la science ont créés, et se fondant sur la seule observation des symptômes et des conditions exté- rieures, conclut de ses recherches que la maladie du sang est la consé- quence d’un excès de sang et surtout d'une prédominance des globules rouges dans ce liquide. Cette opinion, il la fonde sur la croyance d’une partie des éleveurs, sur le fait que les animaux les plus jeunes et les plus forts sont le plus fréquemment atteints, sur la richesse tout excep- tionnelle du sol dans les régions où la maladie fait le plus de victimes, sur la nature même des symptômes. Il en déduit logiquement que les moutons doivent être soumis à un régime moins fortifiant. Un fait signalé par Delafond aurait dû pourtant l’éclairer. C’est la manifestation de la pustule maligne, observée sur les personnes qui dépouillent les animaux morts de la maladie du sang ; il ne trouve, pour l'expliquer, que des causes étrangères en réalité à la maladie, des gaz malfaisants émanés des bergeries et pouvant amener une asphyxie lente, etc. L'opinion de Delafond rencontra une résistance naturelle de la part de ceux qui voyaient tous les jours la maladie évoluer sous leurs yeux. En 1852, l'Association médicale et vétérinaire d’Eure-et-Loir présenta BOTANIQUE. 153 à l’Académie de Médecine un rapport mémorable, dans lequel est démon- trée la nature contagieuse de la maladie dusang et l'identification du sang de rate du mouton, de la fièvre charbonneuse du cheval, de la maladie du sang de la vache, de la pustule maligne de l’homme. Ce mémoire dé- montre qu’il n’y à là qu'une même maladie, à formes variables, mais une dans son essence. Comment l'Association d'Eure-et-Loir est-elle arrivée à ce résultat ? Par l’inoculation. Du même coup, elle avait identifié les diverses for- mes de la maladie, montré qu’elles se reproduisent avec leurs caractères propres du mouton sur l’homme, sur le cheval, sur le bœuf, sur le lapin, et réciproquement. Elle démontrait, en outre, que la virulence est due à un être organisé qui se retrouve dans tous les organes des animaux infectés, où qu'on le puise ; que l’activité de cet être virulent ne s’atténue pas par des inocu- lations successives; que tous les organismes n’en peuvent subir les effets; que le mouton lui constitue le milieu le plus favorable, qu'après lui viennent par ordre d'aptitude le lapin, le cheval, la vache (on sait au- jourd'hui qu’elle peut aussi atteindre le porc) ; que la maladie se trans- met surtout par transfusion, quelquefois par contact, plus rarement par cohabitation. Les découvertes récentes n’ont en rien modifié les données acquises en 1852 par une expérimentation rigoureuse. Des efforts de Delafond, efforts tout de raisonnement et de simple observation, il ne restait rien. L’être, cause déterminante de la maladie, est une bactérie spécifique- ment bien connue, à laquelle on à donné le nom de Bacillus anthracis. C’est dans le sang des animaux malades qu’elle se multiplie et se pro- page à l'infini ; elle s’y présente sous forme de bâtonnets courts et rai- des dont les caractères morphologiques ont été fort bien décrits par M. F. Cohn, de Breslau. Veut-on étudier ses propriétés physiologiques, il faut alors la cultiver dans un liquide homogène ; M. Pasteur considère l’urine neutre ou un peu alcaline comme lui convenant le mieux. Dans ce milieu artificiel, la bactérie du charbon, la bactéridie, comme on la nomme vulgairement, se multiplie sous une forme nouvelle; les cellules qui la constituent, au lieu de se séparer aussitôt après s'être segmentées, forment de longs filaments enchevêtrés, cotonneux, à articles plus allongés que dans le sang. Dans le sang des animaux malades ou récemment morts, on ne trouve jamais de spores ; mais dans les cultures artificielles, surtout dans les parties les plus accessibles à l’air, on voit chaque article des filaments 154 REVUE SCIENTIFIQUE. allongés former une petite spore ovoïde brillante, autour de laquelle la paroi de la cellule primitive ne tarde pas à se résorber. Ces spores tom- bent alors au fond du vase de culture. A l’état de vie active, la bactéridie est essentiellement aérobie, elle consomme une quantité considérable d'oxygène et le remplace par un volume à peu près égal d'acide carbonique. Si l’air lui manque,elle meurt; à l’état de spores, elle supporte plus facilement l’absence d'oxygène, ce dont on ne saurait s'étonner. Quelle est donc son action sur l'organisme ® Les admirables travaux de M. Pasteur nous ont appris tous les détails de sa vie et de son évo- lution, et des phénomènes qui l’accompagnent dans l'organisme infecté. Nous savons déjà que c'est dans le sang que la bactéridie se développe; être aérobie avant tout, nous devons nous attendre à la voir enlever au sang son oxygène. Mais, en s’y introduisant, elle y trouve des éléments anatomiques, des globules rouges, cellules vivantes qui ont une grande affinité pour l’oxygène et qui vont le lui disputer. La lutte pour l’exis- tence s'engage entre les deux organismes. Cette lutte s'engage fréquem- ment, non seulement entre deux organismes hétérogènes comme le glo- bule du sang et la bactéridie, mais entre des organismes de même ordre, entre différentes formes de bactéries. La victoire est alors au plus fort. Dans le cas du mouton et dans les conditions ordinaires, la bactéridie l'emporte toujours, parce que le sang, privé de son oxygène, ne peut plus nourrir les tissus ; en même temps, la circulation se ralentit par l’épais- sissement graduel du sang aussi bien que par des embolies capillaires. Il est très important de signaler ici ce fait très remarquable de l'inap- titude des moutons d'Algérie à subir les effets de la bactéridie, alors que les moutons de France n’y échappent pas; il n’est pas moins inté- ressant de constater que, dans les races réfractaires, les jeunes sujets ne le sont pas. Ces deux faits nous montrent combien un organisme peut différer d’un organisme d’ailleurs tout voisin au point de vue de la lutte dont nous parlions tout à l’heure ; sans entrer ici dans de plus longs détails sur ce point, qu’il nous suflise de penser que dans certaines con- ditions il suffira de favoriser un peu l’un des deux organismes pour lui assurer la victoire. C'est ce qu’a réalisé M. Pasteur dans une expérience justement célè- bre. On sait depuis longtemps que les oiseaux sont réfractaires au char- bon; leur température ordinaire dépasse de 5 degrés celle des mammifè- re : selle est de 42°. Or, à cette température, la bactéridie se développe très péniblement. Les oiseaux ne doivent-ils pas leur immunité à cette température plus élevée ? L'expérience répond affirmativement à cette question. BOTANIQUE. 155 Si-on plonge dans de l’eau à 25° les pattes d’une poule inoculée, ce qui abaisse en peu de temps la température de son corps jusqu’à 37 ou 38, elle meurt en vingt-quatre ou trente-six heures, complètement en- vahie par la bactéridie et avec tous les symptômes que présentent les mammifères; tandis qu'une autre poule témoin, maintenue dans les conditions normales, ne subit aucun effet de l’inoculation. Fait plus remarquable encore : si l’on prend la poule refroidie et ino- culée avant que le parasite ait envabi tout l'organisme et sion la ré- chauffe, elle se rétablit peu à peu. Mais la bactéridie forme des spores dont l'apparition et la présence doivent nécessairement intéresser la question qui nous occupe. Nous savons qu'on ne trouve pas ces spores dans le sang d’un animal vivant ou mort depuis peu. Il en est autrement d’un sang charbonneux qui demeure au contact de l’air en dehors du corps. Les bactéridies s’y résolvent en une quantité énorme de spores que M. Pasteur a retrou- vées répandues en quantité considérable partout où les animaux morts du charbon ont été enfouis; ces spores conservent leur vitalité pendant de longues années, car on en a retrouvé de vivantes sur le sol où des en- fouissements avaient eu lieu douze ans auparavant. Ce fait nous révèle aussi que l’enfouissement des animaux morts con- stitue l’un des plus grands dangers de contagion. Apportées à la surface par les vers de terre, par les labours, elles sont transportées par les vents à l’état de poussières, déposées sur les plantes qui servent de pâture aux troupeaux, répandues sur le sol que les moutons ont l'habi- tude de flairer continuellement ; les spores arrivent par là dans le tube digestif et dans les voies respiratoires, et profitent de la moindre lésion pour pénétrer dans l'organisme, germent aussitôt et se reproduisent à l'infini, en reproduisant tous les symptômes ordinaires de la maladie. Voilà l’histoire de la bactéridie telle que les découvertes récentes nous permettent de la tracer. Elle nous suffit déjà pour saisir la nature des précautions qu’il faut prendre pour empêcher l’envahissement ou la propagation de la maladie ; mais on est allé plus loin. En poursuivant ses recherches sur le choléra des poules, M. Pasteur reconnut que le microbe virulent, cause de cette maladie,est constamment dépourvu de spores ; si on abandonne pendant un certain temps à elle- même, au contact de l’air, une culture artificielle de ce microbe, le microbe finit par mourir, par suite d’épuisement du milieu nutritif. Mais avant ce moment il possède une virulence atténuée et qui peut être reproduite par la culture avec son degré d'atténuation. Un peu plus tôt, sa virulence est plus forte, et ainsi de suite jusqu’à la virulence initiale. Voilà donc un virus doué d’une telle puissance qu’à la dose la plus minime il 156 REVUE SCIENTIFIQUE. donnait infailliblement lieu à des accidents mortels : autant d'animaux piqués par une aiguille trempée dans le sang d’un malade, autant de morts; c’est ce virus qui par son atténuation peut être transformé en un véritable vaccin, qui devient un préservatif contre ses propres attein- tes, en donnant aux animaux qu il atteint l’immunité qui suit son inva- sion. Ce qu’il y à, dans toute cette série de découvertes, de plus inattendu, c'est que, suivant l'expression de M. Bouley, « le microbe atténué peut » faire souche de microbes dans lesquels l'énergie de la virulence se » trouve contenue dans les limites mêmes où elle à été réduite chez les » ascendants, et qu’il est possible de constituer des races spéciales de » microbes, pour ainsi dire assujettis, j'allais preque dire domestiqués, > appropriés aux usages de l’homme ! » Or, ce que M. Pasteur à fait pour le choléra des poules, M. Tous- saint l’a entrepris pour la bactéridie. S'inspirant des idées du maître, M. Toussaint s’est appliqué à rechercher si l'on ne pourrait pas rendre le charbon inoculable, comme le choléra des poules, dans une mesure qui demeurât compatible avec la vie, de manière que l'organisme fût sauvegardé par une première atteints de la maladie devenue bénigne, contre les attaques, graves jusqu’à la mort, de cette maladie, quand elle est contractée par les voies ordinaires de la contagion. En soumettant à l’action d’une température de 55° le sang charbon- neux défibriné, M. Toussaint a réussi à destituer les bactéridies de l’excès de leur énergie et à les transformer en agents d’une virulence modérée, ne traduisant leurs effets que par une fièvre charbonneuse légère, à la suite de laquelle l’immunité est acquise. Le même résultat a été obtenu par le mélange du sang charbonneux défibriné avec de l’acide phénique, dans la proportion de 10 0/0. L’acide phénique, comme la chaleur, exerce sur la bactéridie une action alté- rante, insuffisante pour la tuer, qui rend sa présence compatible avec la conservation de la vie de l’animal auquel on l’inocule. Ces deux résul- tats, malgré leur importance capitale, ne pouvaient être définitifs. M. Pasteur reprit lui-même la question en collaboration avec MM. Chamberland et Roux, et rendit compte des résultats obtenus dans la séance de l’Académie des Sciences du 28 février 1881. Il s’agit avant tout d’atténuer la vitalité de la bactéridie, de façon à en atténuer les effets nuisibles, tout en garantissant l'organisme contre une nouvelle atteinte. On ne pouvait songer à atteindre ce résultat par un procédé identique à celui qui avait été employé pour le choléra des poules, car la formation des spores qui se produit dans la bactéridie dès que les conditions de vie lui sont défavorables, vient singulièrement BOTANIQUE. 157 compliquer le problème. L'air ne les empêche pas de se former ; le temps ne les altère pas et n’en diminue pas la virulence. Mais si l’on pouvait empêcher la formation des spores tout en atténuant la virulence du microbe, le problème serait résolu. C'est ce qu'a réalisé M. Pasteur. Voici comment : La bactéridie ne se cultive pas au-dessous de 16°. A cette température, elle ne peut arriver à son complet développement ; elle ne forme pas de spores. L'influence des températures les plus éle- vées compatibles avec leur culture produit le même résultat. A 45°, la bactéridie ne se cultive plus dans le bouillon neutre de poule, tandis que sa culture y est rapide et abondante de 42 à 43°; mais les spores ne s’y forment pas. Cultivée à cette température au contact de l’air pur, la bactéridie ne se multiplie que par scissiparité et ne le fait pas au delà d’un mois. Au bout de ce temps, elle meurt. Mais après huit jours déjà elle a, quoique vivante, perdu toute sa virulence, et ne peut plus l'exercer même sur les animaux pour lesquels elle a le plus d'aptitude. Bien plus, cette atténuation obtenue par l’artifice de la culture en liquide chaud peut devenir un caractère de race : la bactéridie affaiblie peut faire souche ; cultivée ensuite dans un liquide à la température ordinaire, elle devient apte à produire des spores qui ont exactement le deoré de virulence de la bactéridie atténuée dont elle provient. Le virus charbonneux devient ainsi un virus vaccinal contre le char- bon, au moyen duquel on peut donner aux moutons, aux vaches, aux chevaux, une fièvre charbonneuse atténuée, compatible avec leur vie et capable de les préserver ultérieurement de la maladie mortelle. Peut-on, par un procédé quelconque, ramener la bactéridie à son degré primitif de virulence? Oui, répond M. Pasteur; on le peut par des cultures successives appropriées au’ degré de virulence actuel de la bactéridie à laquelle on veut rendre sa virulence initiale ; dans ces con- ditions, elle retrouve peu à peu sa faculté de pullulation dans les milieux organiques, faculté qu’elle avait en grande partie perdue. La bactéridie remonte lentement la pente le long de laquelle elle était descendue. Pourrait-on citer un plus remarquable exemple de ce que peut la méthode expérimentale, et les longs détails sur lesquels nous venons d'insisterne devraient-ils pas assurer d’une façon absolue la victoire de l'expérience sur le raisonnement, si trompeur quand le moindre dé- tail nous écarte de la vérité ! 3e sér., tom. w. 11 RÉUNION EXTRAORDINAIRE DE LA SOCIÊTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE A FOIX (ARIÈGE) DU 17 AU 27 SEPTEMBRE 1882. La session que la Société géologique de France vient de tenir à Foix, sous la présidence de M. Hébert, a mérité plus qu'aucune de celles des années précédentes sa qualification d'extraordinaire, grâce au concours insolite d’un nombre considérable de notabilités étrangères, réunies pour les travaux de la Commission géologique internationale. MM. Beyrich et Hauchecorne, de Berlin; de Moeller, deSaint-Péters- bourg; Blanford, de Calcutta; Zittel, de Munich; Siegen, du Luxembourg; Capellini, de Bologne; Giordano, de Rome; Hughes, de Cambridge; Dewalque, de Liège; Mayer, de Zurich; Renevier, de Lausanne ; Villanova, de Madrid, s'étaient rendus, en dépit de la distance, au rendez-vous assigné l'an dernier, et par leur présence et leur précieuse participation aux courses etaux séances de la Société, ont transformé sa réunion en vraie session de Géologie internationale. La France comptait parmi ses représentants les plus autorisés, MM. Hé- bert, Lory, Gosselet, l'abbé Pouech, ce vénérable pionnier de la géologie ariégeoise ; une quarantaine de disciples et d’adeptes s'étaient groupés autour de ces chefs, en sorte que le nombre et l'autorité des assistants, l'intérêt des terrains visités, les conditions toutes particulières de coupes préparées avec soin et des bons aménagements matériels disposés par M. de Lacvivier, notre guide si compétent dans ces régions si difficiles, tout a contribué à donner à la réunion de cette année un caractère exceptionnel. Nous mentionnerons encore, pour surcroît de circonstances favorables, le soin qu'avait pris le savant Professeur de la Sorbonne d'extraire de ses collections les principaux réprésentants des faunes de la région, déterminés par lui-même, autour desquels étaient venus se ranger, dans les vitrines de la Société d'Histoire naturelle de l'Ariège, des échantillons de premier SESSION DE FOIX. 159 choix recueillis par de zélés amateurs, professeurs au Collège, MM. Am- bayrac, Bastian, et par M. Grégoire, avocat. On n’a pas tous les jours l’occasion d'étudier le terrain en si savante compagnie, et de féconder les observations locales par des comparaisons sorties de bouches aussi accréditées ; ces communications réciproques, cet enseignement mutuel où la bienveillance et l’aménité des rapports con- fondaient pour un moment maitres et disciples, doublaient pour chacun le charme et le profit des excursions, en même temps qu'ils consacraient à nouveau, d’une façon éclatante, le grand fait de l'identité, à travers l’espace, des phénomènes physiques et organiques dont l'observation fait l’objetde la géologie ; roches et fossiles ont plus d’une fois révélé ces traits merveilleux d'identité, en dépit du temps et des distances ; des organismes à peine accentués, de forme et de nature encore discutées, se sont montrés dans ces lieux reculés des Pyrénées, revêtus des mêmes traits, occupant la même place que dans les contrées les plus orientales; et il n’est pas jusqu’à des accidents pétrographiques, développés tout au plus sur quelques millimètres d'épaisseur, qui n'aient rappelé des similarités dans les régions les plus éloignées. Toutefois, des faits non moins remarquables de localisation, expression nouvelle de ces antinomies que la nature semble se plaire à présenter dans tous les domaines, n’ont pas fait défaut à l'observation, et ont établi d’une manière non moins probante la réalité de différenciations à une même époque, dans les organismes et dans les sédiments. Ce cantonnement de conditions de tous ordres devait surtout apparaitre à l’occasion des derniers dépôts crétacés, dont les travaux du regrettable Leymerie ont si magistralement mis en relief l’économie spéciale et les curieuses transformations dans nos régions du Sud-Ouest et du Midi; les dépôts tertiairesne devaient pas moins frapper par l’étroite dépendance qui relie leur pétrographie à leur situation géographique; placés en France et en Espagne aux pieds de la grande muraille Pyrénéenne, ils traduisent par leur nature les phénomènes hydrographiques dont ils sont les produits: accumulation de cailloux dans les parties voisines de la muraille, amas de matières détritiques de plus en plus atténuées dans les parties plus distantes, vraie bouillie pyrénéenne daus la région déprimée du bassin de la Garonne, ils retracent encore dans leur situation, par rapport à l'horizon, les mouvements successifs qu’a subis la grande chaine ; l’horizontalité des uns, l’inclinaison des autres, ont permis de fixer la date de son dernier exhaussement. Ces grands faits géologiques ressortaient comme d'eux-mêmes des mille et une observations de détail auxquelles la Société a eu l’occasion de se livrer ; elles ont porté sur une grande variété de terrains ; on en jugera 160 SOCIÈTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE. par l’énumération rapide que nous allons en faire, en suivant l’ordre des plus récents aux plus anciens. Les moraines, les roches striées, n’ont pas arrêté longtemps la Société; elle s'est bornée à les constater dans les vallées de l'Ariège et du Vic- Dessos et à y constater les caractères ineffaçables du grand agent de trans- port dont le siège était prochain et dont quelques flaques de neige aperçues à l'horizon sur les hauts sommets, semblaient les derniers représentants. Le terrain tertiaire s’est présenté à nous sous la forme si locale des pou- dingues dits de Palassou, et sous celle des dépôts nummulitiques, laquelle, pour être moins localisée, n’en a pas moins un caractère si étrangement propre à la région méditerranéenne: les premiers nous ont montré dans leur épaisseur des parties calcaires et marneuses, indices d’une sédimen- tation plus calme, dont l’abbé Pouech à fait connaitre la faune contempo- raine de celle de Montmartre, et à leur base, des couches qui renferment, plus à l'Est, dans l'Aude, une faune de l’âge du calcaire grossier; les seconds formaient l’ancien Épicrétacé de Leymerie : ils sont aujourd'hui rangés à la place qui leur convient dans la série générale des terrains, et reconnus pour uue forme régionale de l'Éocène moyen du Nord. La craie d'Ausseing et les assises qui la surmontent n’ont été, elles non plus, rapportées à leur véritable niveau dans la série générale qu’à une époque très récente : on se rappelle les belles observations de Ley- merie à leur sujet; elles étaient bien faites pour surprendre le géologue le plus expérimenté et le jeter en dehors de la série normale adoptée jus- que-là pour la succession des faunes et des terrains. Leymerie, comme pour l'Épicrétacé, se crut en face d’un nouveau terme, lequel aurait encore présenté la particularité si curieuse d'offrir une récurrence de faune, l'exemple d’un retour à l'existence d'organismes dejà éteints. Il établit son Garumnien et sa Colonie ; aujourd’hui la paléontologie a retrouvé ses droits et la Géologie comparée ses synchronismes ; les prétendus colons sont des nouveaux venus qui inaugurent dans notre Midides époques déjà reconnues dans le Nord : le Garumnien de Leymerie est devenu le Danien de Desor; disons toutefois que les faits constatés par la Société ne lui ont pas permis d'établir, dès cette session, une ligne définitive de démarcation entre le Danien et le vrai Senonien; l’Ostrea Verneuilii en bancs si puissants et la gigantesque Actéonelle dont le poids faisait plier nos bras avides à la recueillir, n’ont pas encore reçu leur plece définitive dans la série. Nous laissons avec intention de côté tout ce qui est relatif aux horizons des Hippurites, constatés par nous, durant la session, dans tant de lieux différents ; nous nous boruons ici à un simple procès-verbal, et nous ne cherchons pas matière à discussion; qu'il nous suffise de dire que nous laissons à M. de Lacvivier, dont les études persévérantes ne pourront SESSION DE FOIX. 161 manquer de porter fruit, le soin d'établir l’ordre normal de chacun des termes de cette formation si complexe de grès, de marnes et de bancs de rudistes qui se sort si souvent rencontrés sous nos pas, par suite des failles sans nombre qui découpent le pays ; nous ne saurions trop l’engager, pour faciliter sa tâche, à poursuivre ces horizons jusque dans l’Aude, où la suc- cession moins faillée nous parait avoir été définitivement établie par des travaux récents. Le Cénomanien nous a fourni un exemple remarquable du profit que retire la Géologie locale des recherches d'amateurs passionnés ; c’est à des Oursins trouvés par M. Ambayrac que la connaissance du Cénomanien est due dans ces contrées ; à ce point de vue, Foix nous a rappelé Semur; on se rappelle toutes les richesses dont la géologie de l’Auxois est redeva- ble aux Collenot, Bochard et Bréon. Les difficultés ont été moindres dans l’Ariège pour ce qui touche le Gault et l'Urgonien : le premier s’y montre sous sa forme pétrographique absolu- ment pyrénéenne, mais avec ses fossiles du Nord les mieux caractérisés ; le second, si essentiellement méridional, y présente ses barres escarpées, ses calcaires massifs, ses sections de rudistes ; il est étrange de voir, sur un “parcours aussi long que celui qui s'étend entre la Provence et le comté de Foix, des formes orographiques et une pétrographie aussi constantes ; ajoutons que la présence de l’Ostrea aquila sous la barre urgonienne trans- porte dans ces régions occidentales la question, si palpitante pour le massif de la Clape, des rapports de l’Urgonien et de l’Aptien. Le Jurassique de l’Ariège, avec ses dolomies supérieures, ses brèches, ses rares couches à Nérinées, ressemble peu aux calcaires à Polyplocus et à Moravica de nos départements occidentaux ; notre Oxfordien en est ab- sent ; le Lias moyen et l’Infralias sont les deux seuls horizons fossilifères qui se font reconnaitre au milieu des couches dont la magnésie semble avoir fait disparaitre toute possibilité de millésime. L’Infralias avec ses Avicula contortaetses bactryllium, comme le calcaire à milliolites avec ses lithota- mium, ont, grâce aux savantes communications de M. Capellini, relié les horizons les plus lointains de l'Est et de l’Ouest et consacré ce que nous rappelions plus haut : l'identité des phénomènes organiques sur de grandes distances. Le Trias, substratum du Jurassique, nous a montré ses marnes irisées, ses cornieules et ses gypses : nouveau trait d'unité de formation, celle-ci à travers le globe tout entier, dont les géologues suisses, en particulier, ont tiré si bon profit pour se reconnaitre dans les massifs si tourmentés des Alpes. M. Capellini nous à fait retrouver le Verrucano dans des échantil- lons de volumineux poudingues quartzeux observés hors place, mais que M. de Lacvivier à reconnus pour appartenir à la base du Trias. 162 SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE. Ni leterrain Pénéen ni le terrain Carbonifère, ne se sont offerts à nous ; le Devonieu, avec ses calcaires griottes, ses calschistes colorés, nous a pré- senté sa pétrographie familière; la question de savoir s’il ne serait pas mieux de l'appeler Carbonifère supérieur à été réservée. Le terrain Silurien, dont un mamelon se voit sur les bords de l'Ariège, à Montgaillard, s’est présenté à quelques-uns de nous sous la forme d’ardoises et de schistes quartzeux; quelques empreintes de Graptolites se sont montrées à M. Hughes dans des morceaux transportés et enveloppés dans une brèche que {out concourt à faire cénomanienne. LesSchistes cristallins et le Granite avec ses apparences d’inclusions, n’ont pas fait défaut à notre écrin géologique. Les Gneiss ont rappelé par leur structure glanduleuse Les roches similaires du plateau ceutral; n’oublions pas les calcaires cipolins qui y sont intercalés et qui ont, avec les roches qui les renferment, offert à M. Hughes les caractères du Dimétien ; signalons encore les roches si spéciales aux Pyrénées: l’Ophite et la Lherzolite ; l’'Ophite, véritable protée déjouant les analyses et en apparence réfractaire à une synthèse pétrographique, dont ni l’âge, ni la nature, ni le rôle, n’ont encore été définitivement précisés. Mentionnons enfin la Bauxite, ou, pour parler plus correctement, le fer oxydé pisolitique avec sa gangue d’argile rougeâtre, dont la place en- tre l'Urgonien et le Jurassique supérieur présente dans toute la région de Foix une constance si remarquable, et nous aurons dressé le bilan des faits principaux constatés par la Société dans la session de cette année : résultats désormais acquis, matériaux d’élucidations ultérieures, la Géologie locale en recueillera un large tribut dont ne pourra que bénéficier la Géologie générale. Nous ne poserons pas la plume sans nous acquitter d’un devoir de gratitude pour l’excellent accueil qui nous a été fait par les Administra- teurs du Département et de la Ville et par Messieurs les Magistrats ; M. le Préfet a honoré nos séances de sa présence et nous a adressé des pa- roles flatteuses de sympathie et de bienvenue ; M. le Maire a bien voulu nous convier tous à particiciper aux fêtes que la ville de Foix donnait à l'occasion de l'inauguration de la statue de Lakanal, et réserver une place d'honneur sur l’estrade et au banquet à notre Président. Le palais de Justice avait été mis à notre disposition, et la salle des assises érigée en salle des séances de la Société. Nous devons aussi des remerciements au cercle de Saint-Girons, qui nous a permis de tenir dans l’un de ses salons notre séance de clôture. Nos derniers mots seronture nouvelle expressio: de notre reconnaissance SESSION DE FOIX. 163 pour les services rendus à ses confrères par M. de Lacvivier, et pour les précieuses leçons d'observation et de pratique géologiques que nous de- vons à notre Président, M. Hébert. Il ÿ a quelques années, l’Institut consa- crait sa notoriété européenne; mais les honneurs du fauteuil académique ne lui ont pas fait délaisser les bancs moins moelleux de l’école ; nous vou- lons dire de l’école des faits, dans laquelle chaque année, pendant plusieurs mois, avec une humilité digne d’admiration et un opiniâtre labeur, il vient épeler quelques pages du Grand Livre, et amasser les documents qui lui permettent de continuer l’œuvre stratigraphique des Brongniart et des d'Orbigny, pour la plus grande gloire de la Géologie française, dont il est tout ensemble l’éminent représentant, l’ouvrier infatigable et, sans conteste, l'interprète le plus dévoué et le plus bienveillant. P. DE ROUVILLE. L'Éditeur-Gérant : Caarces BOEHM. Eee ee oo MONTPELLIER. —— TYPOGRAPHIE ET LITHOGRAPHIE DE BOEHM El FIES | 4 po + | eueungE fe 107 Nudyrieate x ele { abeauélloon x io, T2 LL RAMOlani eq Bd LU AT A GEL 200 | AR fusion be] she e (EE 5 44 il s' ROMANS 'ARCTURE it ju uémno0b ebl salé me mn es St vb Ligiq just ab 1] daningeont 29b.3 idquss jou, uivag't “euaiiee c ci HIT ECS al ni 0h ls basis eut À p DOUT QUMMENT ES 4 sidmeiits ii ANRT U nee TG 6h co 4 | désires -oipodtié ee ie “noïd lang ol 4 uovot do wi ‘ s PE L Ê ti ; 1 a ” { 14 i pe AN an À : “HARTHOM AU UE Me dis cimetières is Thé n \ & ? h D U "à. 1 « { (La pe 7 AT t | | | LÉ SU en 4! j À rià Lorf 5 ‘ < pal F2 er it * à P à | ÿ 5 dr) P î +: & "+ TI 0 Re L Trio! Ÿ: MAJOU nan) : PO GAMPA +07 DCR 1 Ex y y L , : N PU 2 ee PRE: al PT “ Fo. Li > Ÿ … per # il t rt QT Li 7 # . } eu , "ds : 5 LI .à : | PT LA SE i q 1 F4 < i Las + 4/2 ï Le, VU a s\ , : #7 y ll 4 Ê 2 4 + on Ç d À “a - LL 4 Fra à Tel En s” 0% MU j { À " + ù LR TES. | AT EE + men dre Mann het dt — A et MOT MIHTANOONMANEr ad AMMON TT me MÉMOIRES ORIGINAUX. DE IA SPERMATOGÉNÈSE CHEZ LES NÉMERTIENS Par Armand SABATIER. L'étude de la Spermatogénèse présente de réelles difficultés qui proviennent de plusieurs causes. Comme tous les phénomènes qui touchent aux transformations, aux modifications cellulaires, les phénomènes de la spermatogénèse exigent en effet l'emploi de moyens d'étude et de méthodes d'observation variés et per- fectionnés. Les contradictions qui existent entre les résultats obtenus par des observateurs également expérimentés, prouvent suffisamment combien l’observation est difficile et demande un œil rompu à l'examen microscopique et un esprit formé à la coordination des faits recueillis. En outre, les phénomènes de la spermatogénèse se passent presque toujours dans des organes profondément situés et cachés dans les régions centrales de l'or- ganisme. On ne peut donc les observer très généralement que sur des parties arrachées à l’organisme, dépourvues de vie, et ayant subi des préparations susceptibles de les altérer plus ou moins. Une autre difficulté de l’étude de la spermatogénèse est une conséquence de l’intermittence de cette fonction chez la grande majorité des animaux et de la durée limitée de ses phénomènes. À ce point de vue comme à bien d’autres, l'étude de la sperma- togénèse peut être comparée à celle de l'ovogénèse. Les difficultés que je viens de signaler sont de nature à embar- rasser le chercheur et à faire subsister sur bien des points et pour beaucoup d’animaux des obscurités et des doutes. Des phases d’une durée très courte dans l’évolution de l'élément spermatique peuvent longtemps échapper à la sagacité de l’obser- vateur, et c’est là ce qui a contribué à introduire dans les travaux SORSÈT., EU. 12 166 MÉMOIRES ORIGINAUX. des naturalistes qui se sont occupés de ce sujet, des confusions et des méprises d’une importance réelle. L'origine de tel ou tel élé- ment représentant une phase du développement du spermato- zoïde, a été souvent méconnue et recherchée dans une direction fausse. Tel élément qui provenait des transformations ou des modifications d’un autre a été considéré comme l’élément d’ori- gine. L'élément mère a été pris pour l'élément fille, et vice versa. Ce n’est pas ici le lieu d'en citer des exemples. L'occasion s’en présentera quand, poursuivant la publication de mes études sur ce sujet dans les différents groupes du règne animal, j'aurai à faire l'histoire et la critique des travaux qui ont précédé les miens. Pour aujourd'hui, je désire exposer les phénomènes de la spermatogénèse dans un groups de Vers où j’ai trouvé des con- ditions d'observation qui me permettaient d'éviter la plupart des obstacles et des causes d’erreur que je viens de signaler. Les petits Némertiens sur lesquels ont porté mes recherches appartiennent au genre Zetrastemma, et plus particulièrement au Tetrastemma flavida (M° Intosch). Ces petils animaux sont très communs à Cette, soit dans les bassins du port, soit dans les ca- naux, soit dans l’étang de Thau. On les recueille abondamment à toute époque de l’année et particulièrement au printemps, en été et en automne. Placés sous le compresseur, ils acquièrent une transparence qui permet d'observer, même à de très forts gros- sissements, les phénomènes qui se passent dans la profondeur des tissus et des organes. Les régions latérales où se trouvent les poches ou sacs spermatiques ou ovulaires, suivant le sexe de l’a- nimal, deviennent suffisamment translucides sous l’effet de la compression, et on peut faire ainsi sur le vivant, sans prépara- tion préalable, sans le secours des réactifs qui peuvent altérer ou modifier la forme et les relations des éléments, on peul, dis-je, faire directement, pendant un temps suffisamment prolongé et avec de forts grossissements, une étude des modifications qui se succèdent dans l'élaboration de l'élément reproducteur. Cette étude peut être d’ailleurs d'autant mieux faite el poursuivie SPERMATOGÉNÈSE CHEZ LES NÉMERTIENS. 167 d’une manière d'autant plus complète, que chez un même Né- mertien toutes les poches génitales ne présentent pas toujours, à un moment donné, un même degré de développement. Géné- ralement, en effet, les poches sexuelles ont leurs éléments à un degré de maturité d'autant plus avancé qu’elles sont situées plus près de la région céphalique. On peut donc, dans bien des cas, observer sur un même animal des degrés différents de déve- loppement des éléments sexuels suivant qu’on l’observe sur tel ou tel point de sa longueur. On comprend aisément combien cette heureuse circonstance facilite l'étude des phases successives et assure l'appréciation exacte de la filiation des transformations et des phénomènes. On verra du reste, dans le cours de ce Mémoire, les observations intéressantes qui ont résulté de ce fait, et les rapprochements d’une réelle importance qui ont pu en être déduits. Les observations qui servent de base à ce travail ont été faites au Laboratoire de la Station zoologique de Cette. Les recherches sur la spermatogénèse dans divers groupes, qui seront publiées ultérieurement dans ce recueil, ont été également faites pour la plupart sur des animaux recueillis dans cette Station maritime, qui offre bien des avantages. Non seulement la faune y est à la fois trés riche et très variée, mais elle renferme un très grand nombre d’espèces qu’il est extrêmement facile de recueillir en grand nombre dans les canaux et sur les bords de l’étang de Thau, C’est là un avantage que les travailleurs n'ont pas l’habitude de dédaigner. Les moyens d’étude ont élé l'observation de l’animal sous le compresseur, soit à l’état vivant, soit après séjour dans le carmin de Beale, durant un temps suffisant pour colorerles éléments, soit ‘après un séjour dans l'alcool, dans l'acide picrique ou dans le picrocarminate, soit après traitement par le chlorure d’or. Les animaux traités par ces divers réactifs étaient, pour l’observation, placés dans la glycérine, qui leur redonnait de la transparence. Les phénomènes observés dans les conditions qui précèdent présentent quelques variétés, mais peuvent facilement, ainsi qu'il 168 MÉMOIRES ORIGINAUX. « sera facile de l'établir, être ramenés à un processus général dont la simplicité est digne d’être remarquée. Décrivons d’abord l'aspect des poches spermatiques et de leur contenu à l’état de maturité, et nous examinerons ensuite la série des formes et des transformations qui conduisent à cet état. Il y aura d’autant plus lieu d’insister sur les particularités de ce processus, que les données actuelles de la science à cet égard se réduisent à peu près à rien. Dans sa magnifique Monographie des Némertiens, publiée en 1873 et 1874, et dont le contenu constitue l’ensemble des données à la fois les plus classiques et les plus avancées sur l’organisation de ces animaux, M° Intosch fait à peine mention du äéveloppement des spermatozoïdes. La disposition même de ces éléments dans les poches ou sacs spermatiques n’a pas été reconnue par le naturaliste anglais, qui se borne à dire que le contenu des. poches est d’abord finement granuleux, ensuite cellulo-granulaire, et qu’à l’état de maturité elle présente une apparence finement fibreuse ou striée. « Parfois ajoute-t-il, il y à à la fois dans le même sac des gra- nulations et des spermatozoïdes, et alors les premières sont sou- vent disposées avec une certaine régularité *.» Les quelques figures relatives aux sacs spermatiques contenues dans les belles planches de l'ouvrage en question, sont également bien insuffisantes. Nous espérons pouvoir combler cette lacune, et la suite de ce travail prouvera si nos prétentions sont justifiées. Les sacs spermatiques du Tetrastemma flavida mâle sont pyri- formes dans le jeune âge. Plus tard, ils prennent une forme ovalaire que modifie plus ou moins le contact ou la pressioz exercée par les organes voisins, et notamment par les sacs sper- matiques voisins et les culs-de-sac intestinaux. Ils sont placés entre la couche musculaire interne de chaque côté du corps et les culs-de-sac glandulaires de l'intestin, et sont formés par une 1 W.-C.-Me Intosch ; À Monogr. of the brit. Annelids, part. I: The Nemertleans, 1873 et 1874, pag. 87. Ray Society. SPERMATOGÉNÈSE CHEZ LES NÉMERTIENS. 169 membrane transparente spéciale qui est attachée à la couche musculaire interne de la paroi du corps par des tubes courts, parfois en entonnoir, qui passent au-dessus des troncs nerveux latéraux et qui s'ouvrent à l'extérieur par des pores latéraux servant d’issue aux spermatozoïdes (fig. 3, 7, 13). Si, pendant la saison favorable qui s’étend des mois d’avril- mai aux mois d'octobre-novembre, on examine un Tetrastemma mâle sous le compresseur à une faible grossissement, on voit facilement cette série de poches ou sacs remplie d’un contenu finement strié dans des directions diverses. Si l’on examine ensuile un des sacs à un fort grossissement, on reconnait que son contenu se divise en faisceaux finement striés, affectant des directions variées et s’entrecroisant dans tous les sens (fig. 1, 2). Les faisceaux sont de volumes très différents. Dans certains sacs, ils sont volumineux ; dans d’autres, ils sont grêles ; dans d’autres enfin, il y a à la fois de gros et de petits faisceaux. Les faisceaux, examinés avec soin, présentent la disposilion sui- vante : ils sont fusiformes et coudés suivant un angle d'ouverture variable au niveau de leur partie moyenne. Cette portion moyenne a un aspect plus ou moins granuleux et constitue une zone de largeur variable (fig. 5, À BC) ; les deux cônes du fuseau sont au contraire nettement siriés et d'autant plus nettement qu’on se rapproche de la partie centrale. Vers les extrémités des cônes, les striations deviennent plus fines, plus ou moins distinctes (fig. 8 b). C'est là la disposition la plus générale et qui est clairement représentée dans la fig. 2. Mais il faut ajouter qu'il m'est arrivé, quoique assez rarement, d'observer une autre dispo- silion. Dans ce cas, les striations semblent partir d’une masse granuleuse pour diverger en éventail vers le centre du sac sper- matique. C’est là ce que l’on peut voir dansles fig. 3 et 4, aux points a, a ; c’est aussi le type de la poche /ig. 1. Mais,dans ce cas comme dans le premier, les masses granuleuses d’où partent les lignes striées sont situées à la surface du sac et adhèrent à la paroi membraneuse. Les lignes striées se dirigent plus ou moins directement vers la cavité du sac spermatique. 170 MÉMOIRES ORIGINAUX. Si l’on comprime fortement l'animal et qu’on produise la rup- ture des sacs et la sortie de leur contenu, on voit s'échapper des faisceaux plus ou moins conservés selon leur degré de maturité, et, quand celle-ci est complète, on trouve ces faisceaux décom- posés en une quanlité innombrable de spermatozoïdes dont la forme est représentée fig. 5. Leur tête conslitue une portion cylindrique brillante assez lon- gue, à laquelle fait suite une queue très fine et très délicate. Tels sont l'aspect et la constitution des poches spermatiques quand elles approchent de l’état de maturité ou qu'elles y sont parvenues. Voyons maintenant quels sont les phénomènes suc- cessifs qui précèdent la constituliou de Ja forme spermatozoïde et qui y conduisent. Si l’on examine sous le microscope un Tetrastemma mâle jeune, et à l’époque où les poches séminales sont encore peu développées; ou bien encore si sur un Tetrastemma adulte onporte son attention sur les poches encore petites et peu développées, on remarque les faits suivants. A côté des poches séminales gros- ses et renfermant plus ou moins de fuseaux spermatiques, on trouve des poches petites, transparentes, à contenu très fine- ment granuleux, incolores, dépourvues de granules pigmentés. Le contenu de ces poches est un protoplasma homogène sans éléments figurés évidents (7ig. 6 mm, fig. 10 B), mais à côté on observe des sacs plus nombreux qui possèdent au centre du protoplasma une sphère transparente qui ne peut être prise que pour unnoyau (fig. 6 nn, fig. 7 n, fig. 10 À et 10 B). Le contenu de ces sacs spermatiques, qui présentent probablement un état plus avancé que les sacs sans noyau apparent, suggère immédiatement l’idée que l’on est en présence d’une cellule, d’un élément cel- lulaire; et la ressemblance avec les ovules jeunes du Tetrastemma femelle est tellement complète, que si l’on ne trouvait à côté de ces sacs des sacs à spermatozoïdes, on ne douterait pas un instant que l’on n’eût affaire à un Tetrastemma femelle. Le lecteur pourra en juger en comparant la fig. 6 avec la fig. 8, qui repré- SPERMATOGÉNÈSE CHEZ LES NÉMERTIENS. 171 sente un jeune Tetrastemma flavida femelle. Dans les deux cas, les poches sont remplies par une masse de protoplasma très fine- ment granuleux, incolore, transparent, et ayant au centre un noyau clair, qui devient d’autant plus distinct que le protoplasma devient plus épais et plus coloré. Je tiens à citer un fait qui montrera combien la méprise est fac.le et la confusion possible, même pour un observateur de pre- mier ordre. Pendant le séjour que le professeur Carl Vogt a fait, au mois de mars 1882, eu Laboratoire de la Station zoologique de Cette, je soumis à son examen un Tetrastemma mâle, pour le rendre témoin des phénomènes de la spermatogénèse. J'avais, sous mon microscope, bien et dûment constaté la présence de spermatozoïdes et de faisceaux spermatiques dans les poches. Mais le compresseur ayant été transporté sur le microscope de Carl Vosgt, il s’écria dès le premier examen: «Mais c’est une femelle ! Les poches renferment des œufs ! » « C’est un mâle, ré- pliquai-je. » «C’estune femelle, répliqua encore Carl Vogt; venez voir ! » C'est ce que je fis, et je m’aperçus que tandis que j'avais observé les poches sexuelles antérieures de l’animal, où la sper- matogénèse était plus avancée et où les spermatozoïdes étaient très évidents, l'examen de Carl Volgt avait d’abord porté sur les sacs postérieurs, où le processus d: formation n’était pas encore accentué, et où chaque sac était rempli par une masse de proto- plasma granuleux possédant un noyau clair au centre. En passant des poches postérieures aux poches antérieures, on pouvait d’ailleurs saisir toutes les phases intermédiaires du processus, telles que je vais bientôt les exposer. La ressemblance entre ce que j’appellerai dorénavant l’ovule mâle et l’ovule femelle tient non seulement à l’aspect général, mais encore à la constitution des parties. Les ovules jeunes des deux sexes ont un protoplasma incolore et transparent et un noyau clair dans lequel on ne distingue aucune structure spé- ciale. Mais à mesure que les ovules vieillissent, leur coloralion acquiert progressivement une teinte brune tenant à la présence de granulations semées au milieu du protoplasma. La seule dif- 172 MÉMOIRES ORIGINAUX. férence à signaler, c’est que, dans l'ovule femelle, les grains pig- mentaires sont fins et la matière colorante estsouvent intimement unie avec les globules vitellins ; tandis que dans l’ovule mâle les grains de pigments deviennent plus gros et plus distincts. Le noyau prend aussi dans les deux cas des aspects identiques. Ils paraissent l’un et l’autre plus ou moins remplis de gros nucléoles arrondis (fig 9, 10 À, 11, 12 C, 12 D, 14). Dans un sac mâle ainsi constitué, le premier phénomène qui se produit est un phénomène de dissociation, de fractionnement. Ce phénomène peut se produire de plusieurs manières ; je vais les décrire successivement. Dans le plus grand nombre des cas, la surface du protoplasma forme des saillies et des creux et devient inégale, bosselée (fig. 12 À, B, C; fig. 13). L’ovule mâle rappelle alors assez bien le vitellus de l’œuf femelle pendant sa période de pétrissage. Les saillies arrondies de la surface se prononcent de plus en plus et finissent par devenir indépendantes et par se détacher sous forme de sphères de protoplasma qui sont situées à la surface de la masse centrale doni le volume a subi une diminution propor- tionnée à ses pertes. Ces sphères se forment sur presque toutes les régions de la périphérie du protoplasme. Leur volume est très variable, les unes étant grosses et rares, d’autres étant pe- tites et nombreuses. Il arrive en effet naturellement que le nombre des sphères est en raison inverse de leur volume. Le noyau de l’ovule mâle ne m'a paru dans aucun cas prendre part à cette segmentation superficielle. Il reste indépendant et in- tact, et ne se segmente pas lui-même. En traitant ces sacs spermatiques par le carmin de Beale, le noyau prenait une coloration plus prononcée. Le protoplasma se colorait à son tour, mais pius tard et d’une manière moins intense. Les globules ou sphérules périphériques se coloraient au même degré que le protoplasme central ; mais la coloration n’a jamais révélé la présence d’un noyau central dans les sphérules périphé- riques. Dans d’autres cas, presque aussi nombreux queles premiers, SPERMATOGÉNÈSE CHEZ LES NÉMERTIENS. 173 il se produit dans l'épaisseur du protoplasme, sur un des côtés du noyau, une sorte de retrait ou de désagrégation de la substance, d’où résulte une fente qui s’élargit et forme une cavité très trans- parente, de forme plus ou moins arrondie, comme dans la ig.10 A. D’autres cavités semblables se forment sur d’autres points de la périphérie, et enfin ces cavités, s’allongeant et se rapprochant comme dans la fig. 11, finissent par séparer du protoplasma central des masses périphériques qui, ou bien restent appliquées aux parois de la poche sous forme de masses aplaties, ou bien prennent la forme de sphérules. On conçoit d’ailleurs que les deux processus qui précèdent ne différent entre eux que ; ar des nuances secondaires etse ramè- nent l’un et l’autre à une désintégration de la masse du proto- plasma de l’ovule, en vertu de laquelle les couches périphériques du proltoplasme se détachent des parties centrales et forment des masses périphériques indépendantes, à la constitution desquelles ne participent ni le noyau de l’ovule ni les parties centrales du protoplasme qui enveloppent directement ce noyau. Il est possible d’ailleurs &e retrouver sur le même animal et côte à côte des poches où ces deux processus différents peuvent être observés (fig. 7); et même, dans une même poche, on peut trouver, d’un côté des sphérules qui se sont détachées directement en exagérant leur salilie, et des masses elliptiques ou arrondies qui ont été séparées par la formation ce fentes et de vacuoles. La fig. 12 D peut être considérée comme fournissant un exemple des deux processus. Ces deux processus se ramënent donc facilement l’un à l’au- tre et ont l’un et l’autre pour effet commun de détacher de la périphérie de l’ovule mâle une couche superficielle appelée à devenir ainsi indépendante, pour subir des modifications qui vont faire bientôt l’objet de notre étude. Enfin un troisième processus, que je n’ai observé que rarement sur certains sujets, et pendant l'automne, est celui que repré- sentent les fig. 18 a, b, c, d,e; et fig. 19, 20 et 21, A, B, C. Ce processus diffère du second par une circonstance qui me 174 MÉMOIRES ORIGINAUX, paraît fort digne de remarque. Chez les animaux qui l'ont pré- sentée, les poches spermatiques ne m'ont jamais montré de noyau central. Elles m'ont toujours paru formées par un proto- plasma très finement granuleux, incolore, assez transparent et homogène dans toute son épaisseur (jig. 18 a). Au centre de cette masse, se produit une fente (fig. 18 b, c) qui se ramifie et prend de l’extension (fig. 19 a, a), formant ainsi une cavité étoilée au centredu protoplasma. Cette cavité s'accroît progressive- ment (fig. 21 A, B, C) pendant que se produisent dans le proto- plasma des transformations qui seront ultérieurement décrites pour arriver à une forme semblable à la fig. 16. En définitive, par suite de l’élargissement de la cavité centrale et de l'allongement des bras de l'étoile, le protoplasme se trouve réduit, par la disparition du protoplasme central, à sa portion péri- phérique, qui est subdivisée en masses plus ou moins arrondies, Cette forme de spermatogénèse a quelque chose de remarqua- ble en ce qu’elle nous montre clairement : 1° que le noyau de l’ovule n’est point un élément important dans les phénomènes de la spermatogénèse ; 2° que la spermatogénése a surtout pour siège et pour éléments le protoplasma de l’ovule; 3° que le protoplasma central lui-même se résorbe, se détruit, et que c’est le protoplasma périphérique seul qui est réellement le siège et qui constitue les matériaux des phénomènes de la spermalogénèse, Ce sont là des faits que je tiens à enregistrer, car ils ont une importance que la suite de ces publications mettra, je l’espère, en évidence. Il résulte de ce que nous venons de voir que, quel que soit le processus employé, le résultat est en définitive le même, etque l’on arrive dans tous les cas à avoir sous les yeux des masses péri- phériques de proloplasma adhérentes à la paroi du sac, masses isolées les unes des autres, à formes plus ou moins arrondies et de volume variable. Quant à la partie centrale, qu’elle soit compo- sée d’un noyau et d’une mince couche de protoplasma ambiant ou qu'elle soit uniquement forméede protoplasma, elle se résorbe et disparait dans la succession des phénomènes, La formation de SPERMATOGÉNÈSE CHEZ LES NÉMERTIENS. 175 l’excavation centrale ne neut être l’effet d'un simple retrait, car les masses périphériques n’acquièrent pas, comme transparence, des modifications qni permettraient de considérer leur isolement centrifuge comme le résultat d’un accroissement de densité. D'ailleurs, dans le cas où il existe un noyau, on ne saurait avoir de doute, car le noyau disparaît progressivement et il n’en reste plus aucune trace dans les poches où la spermatogénèse a par- couru toutes ses phases. Il nous reste maintenant à suivre les phénomènes qui se pas- sent dans ces masses de protoplasma arrondies ou en forme de gâteau situées à la périphérie et appliquées sur la paroi du sac spermatique. Toutes ces masses finissent par se résoudre en sphérules, car les gâteaux aplatis se subdivisent eux-mêmes en masses secondaires qui s’arrondissent en devenant plus ou moins indépendantes (Ag. 12, 13, 14, 15, 20). Dans chacune de ces sphérules naissent par voie endogène, près de la surface, un grand nombre de granulations plus grosses que les fines granulations qui remplissaient au début le protoplasme. Ces granulations se distinguent facilement de ces dernières par leur volume même. Tout aussitôt et très rapide- mént, le protoplasme de la sphérule s’allonge sous forme de deux cônes opposés très finement striés suivant leur longueur, et la masse proloplasmique prend ainsi la forme d’un fuseau parfois légèrement rétréci dans la zone intermédiaire. Le plus souvent, les deux cônes forment un angle plus ou moins ouvert, fig. 5 D. En même temps, les granulations qui occupent cette zone intermé- diaire se disposent parallèlement à l’axe du fuseau. Les stries, d’abord très fines, deviennent plus tard bien plus prononcées (fig. 9 À, fig. 17). La zone des granulations, où la forme de la sphérule se recon- naissait encore au début (7ig. 5 D), se rétrécit et s’efface peu à peu (fig. 5 Bet 5 G), pendant que les stries de la zone voisine s'accentuent davantage. Enfin les filaments qui cor- respondent aux stries deviennent de plus en plus indépendants, la zone intermédiaire s’atrophie etles filaments acquièrent la 176 MÉMOIRES ORIGINAUX. forme de vrais spermatozoïdes tels qu’ils sont représentés fig. 5. Les corpuscules ont une tête cylindrique assez longue, réfrin- gente, suivie d’une queue très fine, dont la longueur ne dépasse pas de beaucoup la longueur de la tête. On trouve souvent, en désagrégeant les faisceaux par la pres- sion, des spermatozoïdes qui présentent un léger renflement, comme dans la fig. 5 À, à l'extrémité de la tête. Ce sont des spermatozoïdes dont la formation n’est pas encore terminée. La tête des spermatozoïdes est en effet le résultat de l’élonga- tion en cylindre d’une des grosses granulations qui sont nées par voie enGogène dans l'intérieur des sphérules de protoplasme. Quand cette élongation n’est pas encore complète, il reste une extrémité encore un peu renflée, mais que les progrès du déve- loppement font bientôt disparaître. Ce petit renflement peut encore provenir d’un fragment du protoplasma qui formait l’atmosphère primitive du granule. Voilà quel est le processus suivi dans la formation des sper- matozoides. Mais les faisceaux prennent ensuite une forme un peu différente. Les faisceaux appliqués contre la paroi du sac, au lieu de s’allonger en forme de fuseau, ivradient au contraire leurs filaments en forme d’éventail. Cette forme ne diffère pas essentiellement de la première, attendu que dans celle-ci les deux cônes du fuseau forment généralement un angle plus ou moins ouvert. Si l'angle compris entre les deux cônes est très aigu, les deax cônes se confondent presque ou sont très voisins, et quand les spermatozoïdes arrivés à malurité se dissocient par leurs extrémités, ils présentent des aspects semblables à ceux de la fig. 4, où le faisceau a, qui forme un éventail bifide, rend très bien compte du processus. La forme en éventail n’est dans la plupart des cas qu'un état plus avancé et dissocié de la forme fasciculée. Je dois ajouter que, dans un même sac spermatique, toutes les sphérules de protoplasme ne subissent pas en même temps le processus qui les transforme en spermatozoïdes, et que, à côté de faisceaux développés, on en trouve de moins avancés, et SPERMATOGÉNÈSE CHEZ LES NÉMERTIENS. 177 des sphérules ou masses de protoplasme qui n'ont encore subi aucune modification. J'ajoute également, et en insistant sur ce point, que l’appari- tion des granules, et surtout leur tranformation en spermato- zoïdes, doit se faire avec une très grande ra pidité, car les phases intermédiaires sont extrêmement rares. Si nous résumons les notions qui ressortent de l'étude qui précède, nous dirons que : 1° Les poches séminales ou sacs séminaux forment chez les Némertes les spermatospores ou ovules mâles, composés d’une masse de protoplasma finement granuleux , dans laquelle le noyau, tantôt fait défaut, tantôt se développe. “ 2° La portion centrale du protoplasma tend à s’atrophier, tandis que la portion périphérique s’en sépare, devient indépen- dante, sous forme de plaques et de sphérules appliquées à la paroi interne du sac. La portion centrale est le protoblastophore, et les sphérules périphériques constituent les protospermo- blastes. 30 Dans la couche périphérique cu superficielle de ces der- niers, naissent, par voie endogène, de nombreuses granulations plus grosses que les granulalions primitives du protoplasma. L'apparition de ces granulations est corrélative de la division du protoplasme périphérique des sphérules en petites régions, qui constituent les deutosrermoblastes, dont la granulation centrale et le protoplasme s’allongent pour former les spermatozoïdes. La portion centrale des protospermobiastes qui adhère à la paroi constitue le deutoblastophore. Elle s’atrophie et disparaît. Il est donc facile d'établir un parallélisme exact et complet entre la spermatogénèse chez les Annélides et chez les Némertiens. Seulement la spermatogénèse, chez ces derniers vers, présente quelques particularités très remarquables, qui permettent d’appré- cier le rôle et l'importance relative du noyau et du protoplasme dans la constitution de l’appareil reproducteur mâle. Des publi- 178 MÉMOIRES ORIGINAUX. cations ultérieures sur ce sujet, dont les matériaux sont déjà entre mes mains, me permeltront de développer ce sujet spécial. Mais, pour cette fois, je me borne à faire remarquer que, dans la constitution, soit des proto, soit des deutospermoblastes, la portion périphérique du protoplasme devient l’élément exclusif de for- mation. Le protoplasma central et le noyau, quand il existe, sont appelés à s’atrophier et à disparaître. C'est là un fait sur lequel j’insiste à dessein, car il doit en ressortir des conséquences qui me paraissent dignes d'intérêt. Il me sera en effet possible d'établir, dans la suite de mes pu- blications sur ce sujet, que dans tout élément cellulaire il y a antagonisme ou polarité différente entre les portions centrales composées du noyau et de la couche de protoplasma qui le re- couvre directement d’une part, et les couches périphériques de protoplasma d’aulre part. Ces polarités sont de nature sexuelle ! la polarité centrale cor- respondant à l'élément femelle et la polarité périphérique à lé- lément mâie. Ces deux polarités de nom contraire ont de l’attrac- tion l’une pour l’autre. Toute cellule dans laquelle les deux po- larités sont mainteaues en équilibre est une cellule neutre. C'est un élément complet dans lequel rien ne fait défaut et qui est ca- pable de se reproduire sans avoir besoin d’une influence exté- rieure, pourvu qu'il soit assez jeune et ait une provision suffisante de principes nutritifs. Mais toute cellule dans laquelle, par suite de la disparition partielle ou totale de l’un des éléments polaires, l'équilibre est rompu, acquiert une polarité prédominante et devient par cela même sexuée. Il suffit pour cela d’une modifi- cation de sa nutrition et de son développement qui subordonne un des éléments polaires à l’autre, mette en évidence et en ac- tivité une polarité sexuelle que neutralisait la polarité sexuelle opposée. Il résulte de là que toute cellule dans laquelle l’élément cen- tral se désagrège et disparaît, devient par cela même un élément sexué mâle, et que toute cellule dans laquelle l'élément central devient prédominant et dans laquelle l'élément périphérique est SPERMATOGÈNÈSE CHEZ LES NÉMERTIENS. 179 détruit ou rejeté, devient un élément sexué femelle. Les deux Mémoires que j'ai publiés dans ce recueil (De la spermalogénèse chez les Annélides' et le présent Mémoire) apportent déjà des matériaux à l'appui de la première des deux propositions, c’est-à- dire au mode de production de la polarité mâle dans la cellule ovulaire. D’autres faits queje publierai successivement viendront appor- ter un contingent considérable de nouvelles preuves. Quant au processus de formation de la sexualité femelle, je ne crains pas d'avancer que j'ai déjà recueilli un groupe suffisant de faits pour en établir la réalité. Ces faits seront également publiés. Le 8 novembre 1882. EXPLICATION DES PLANCHES. Fig. 1. Sac spermatique de Tetrastemma flavida dans lequel tous les faisceaux spermatiques sont développés et disposés en éven- tail. a sac; b paroi du corps. Observé le 21 mars 1882. Fig. 2. Sac spermatique dans lequel les faisceaux spermatiques sont encore fusiformes et coudés au niveau de la région moyenne. a a sacs ; b paroi du corps. Observé le 5 mars 1882. Fig. 3. Sac spermatique avec masse protoplasmique centrale et noyau. a faisceau de spermatozoïdes déjà étalé en éventail; b gâteau de protoplasma isolé; c masse centrale de protoplasma avec noyau. Observé le 28 mars 1882. Fig. 4. Sac spermatique avec masses périphériques de protoplasma b,b,b,b, et spermatozoïdes en éventail c,c,c,c. Observé le 1° avril 1882. Fig. 5. Spermatozoïdes de Tetrastemma fiavida. a encore imparfaits ; b développés. Fig.5 A. Fuseau de spermatozoïdes observé sur un Tetrastemma traité par le carmin de Beale. a région moyenne occupée par des gra- nulations assez grosses disposées enséries suivant l’axe du fu- seau ; d d, les deux cônes du fuseau à stries fines. Fig.5B. Fuseau dont la région moyenne a diminué d'étendue ; les grosses granulations se sont allongées pour former les têtes des sper- matozoides. Fig. 5C. Fuseau dont la région moyenne a presque disparu. Les têtes des spermatozoïdes sont bien formées. Quelques spermato- zoïdes commencent à se détacher pour se disposer en éventail. 1 Revue des Sciences Nat., 3me série, tom. I, 1882. 180 Fig. Fig. MÉMOIRES ORIGINAUX. 5 D. Boule de protoplasme a renfermant des granulations et de laquelle partent les deux cônes formant entre eux un angle aigu. 6. Partie d’un Tetrastemma observé le 3 juin 1882. & paroi du du corps ; b culs-de-sac latéraux de l'intestin à parois glandu- laires et à vésicules refringentes ; #2 sacs spermatiques remplis de protoplasme et sans noyau apparent ; 7 sacs jeunes avec pro- toplasme clair, hyalin, finement granuleux, et noyau central; p sacs dans lesquels il s’est développé quelques faisceaux de spermatozoïdes et renfermant de petites sphères de protoplasme nageant dans un liquide transparent et destinées probablement à être résorbées. Fig. 7 Sacs spermatiques d’un Tetrastemma mâle observé le 5 mars 1882. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. a poche où le protoplasme périphérique s’est détaché en sphé- rules ; d id. avec un petit faisceau de spermatozoïdes ; c proto- rs central et spermatozoïdes périphériques ; # sac jeune à protoplasme clair et transparent ; d culs-de-sac intestinaux ; e paroi musculaire du corps. 8. Portion d’un Tetrastemma femelle jeune, le 1‘ avril 1882. aaaa œufs jeunes et très jeunes, à protoplasme transparent, finemert granuleux, tous ont un noyau hyalin ; dculs-de-sac intestinaux. 9. Portion d’un Tetrastemma femelle plus âgé, et dont les œufs sont plus avancés. a a a œufs à protoplasme brunâtre, avec noyau clair renfermant des nucléoles nombreux ; b paroi du corps ; d culs-de-sac intestinaux. Observé le 12° avril 1882. 10 A. Trois sacs spermatiques d'un Tetrastemma mâle, observé le 6 novembre 1882. Protoplasme à grains de pigment brunâtres. Noyau avec nucléoles nombreux. Une ou deux cavités formées par la résorption du protoplasma. b paroi du corps ; c noyaux très réfringents elliptiques à la face profonde de cette paroi. 10 B. a un sac au même stade que les précédents; bb trois sacs jeunes remplis de protoplasme transparent et encore sans noyau apparent. 11. Sac spermatique observé le 28 mars 1882, après traitement par le carmin de Beale; noyau à nombreux nucléoles ; cavités tendant à isoler des masses périphériques de protoplasme. 12 À et B. Deux sacs spermatiques, observés le 28 mars 1882, après séjour dans le carmin de Beale. 12 C et D. Sacs spermatiques du même Tetrastemma ayant subi le même traitement, et montrant à la fois des sphérules eb des gâteaux périphériques. 12 E. Sac à sphérules e très réfringentes et probablement stériles. 13. Sac spermatique dont toute la couche périphérique de proto- plasme s’est isolée sous forme de globules. 14 À. Sac spermatique observé le 29 mars 1882 et renfermant à la fois une masse centrale avec noyau, des gâteaux de proto- plasme périphériques libres ou encore adhérents, des sphérules libres et des faisceaux fusiformes de spermatozoïdes. LES VAMPYRELLA. 181 Fig, 14Bet C. Idem. Observés le 9 avril 1882. Fig.15. Idem. Observé le 5 mars 1882. Fig. 16. Sac spermatique dont la partie centrale est dépourvue de proto- plasme : sur les parois sont appliqués des faisceaux de sperma- tozoïdes et un gâteau a de protoplasme. Fig. 17. Portion d'un sac spermatique montrant un gâteau a de proto- plasme et une masse b de protoplasme qui est devenue le point de départ de la formation de deux faisceaux de spermatozoïdes. Fig. 18. Série de poches observées le 31 octobre 1882, et remplies de protoplasma sans noyau. b, c montrent le commencement la fissure centrale ; d et e montrent la fissure élargie et les faisceaux de spermatozoïdes commençant à se produire. Fig. 19. Idem. aa sacs avec cavité centrale étoilée; b sac avec quelques faisceux qui débutent. Fig. 20. Sac observé le 21 octobre. Fissure centrale; quelques sphérules de protoplasme se sont isolées. Quelques faisceaux de sperma- tozoïides commencent à paraître sous la forme de stries fines. Fig. 21. Sacs observés le 6 novembre 1882, avec cavité centrale élargie, avec masses protoplasmiques périphériques et sphérules plus ou moins isolées, et avec faisceaux de spermatozoïdes commençant à paraître. LES VAMPYRELLA LEUR DÉVELOPPEMENT ET LEUR PLACE DANS LA CLASSIFICATION Par M. J. KLEIN, Professeur à l'École polytechnique de Buda-Pesth. (Publié en allemand en août 1882, dans Botanisch. Centralbl., tom. XI, nos 31-33.) On rencontre, aux plus bas degrés de l'échelle des êtres orga- nisés, des formes qu'il est bien difficile de ranger, soit parmi les animaux, soit parmi les plantes, C’est le cas du Vampyrella ; c’est principalement par les zoologistes qu’il a été étudié jusqu'ici, et cela a suffi pour le faire considérer généralement comme un animal. Pour légitimer les nouvelles recherches que je publie aujour- d’hui sur cet organisme, qu'il me suffise de dire que les princi- paux phénomènes de son développement paraissent devoir le faire placer parmi les plantes plutôt que parmi les animaux. 3e sér., tom. II. 13 182 MÉMOIRES ORIGINAUX. Le genre Vampyrella a été établi par Cienkowski en 1865 ; l’auteur a décrit en même temps le développement de trois espèces de son nouveau genre : V. pendula. V.Spirogyræ et V. voraæ ‘.Il range les Vampyrella parmi les Monades, qu'il considère comme des animaux formant des zoosporanges et réalisant par là un pas- sage au règne végétal. Il signale en même temps la grande ressemblance qui existe entre ses Monades et les Myxomycètes. En 1866, M. de Bary, s'appuyant sur le précédent travail, range les Monades à la suite des Myxomycètes *, et mentionne encore les nombreux caractères communs entre les représentants de ces deux groupes. Dans la suite, les zoologistes seuls se sont occupés du Vam- pyrella, et, chose toute naturelle, ils se sont attachés surtout aux points de son histoire qui le rapprochent des animaux, si bien qu'ils l'ont relié directement au règne animal ou au « règne des Protistes ». Hæckel le compte parmi les Monères, premier groupe de son règne des Protistes, et ajoute aux trois espèces connues une espèce nouvelle, le V. Gomphonematis *. Hertwig et Lesser au contraire , cherchent longuement à démortrer que le V. Spirogyræ doit être rattaché aux Rhizopodes *. Enfin nous retrouvons encore le Vampyrella mentionné dans quelques Traités de zoologie *. Si donc la plupart des observateurs qui se sont occupés des Vampyrella les ont rattachés directement aux Animaux, quelques- uns d’entre eux pourtant ont insisté sur les ressemblances qu’ils présentent avec les Myxomycètes. Des recherches nouvelles, qui auraient pour but principal de montrer les liens du Vampyrella 1 Beiträge zur Keuntniss der Monaden (Arch. für mikr. Anatom. de M. Schulze, tom. I, pag. 203-232 et pl. XII-XIV). 2 De Bary, Morphol. und Physiol. der Pilse, Flechten und Myxomyc., pag. 312. 3 Hæckel, Biolog. Studien, tom. I, pag. 8, 72 et 163. 4 Arch. für mikr. Analomie, tom. X, supplément pag. 61. 5 Claus, Grundzüge der Zoologie, 2e édit., pag. 100. — Schmarda, Zoologie, 2e édit., tom. I, pag. 230. LES VAMPYRELLA. 183 avec les végétaux, devaient donc paraîlre fort désirables ; aussi ai-je saisi avec empressement l’occasion qui s’est offerte à moi, au commencement de 1881, d'étudier de nouveau ces organismes. J'en trouvai à cette époque trois espèces vivant côte à côte au milieu de plantes d’eau récoltées aux environs de Buda-Pesth, que je cultivais dans un verre. Dès 1868, j'en avais étudié une autre espèce à Zurich et j'y avais observé notamment la copula- tion des zoospores, qui n’est signalée dans aucun des travaux publiés jusqu'ici sur les Vampyrella. Au commencement de 1882, je trouvai le V. Vorax Cnk, de sorte que j'ai pu étudier cinq espèces dont trois nouvelles. Ce sont les Vampyrella variabilis Klein, V. Voraæ Cnk, V. pen- dula Cnk, V. inermis Klein, V. pedata Klein. J'ai eu en même temps l’occasion d'étudier un organisme certainement voisin des Vampyrella, qui constitue peut-être une forme de passage entre les Vampyrella ei le Monas amyli Cnk ; il m'a paru intéressant d’en faire connaître le développement. DÉVELOPPEMENT DES VAMPYRELLA. Voici en résumé le développement des Vampyrella, d’après les travaux antérieurs, surtout d’après celui de Cienkowski. Il constituent, sur diverses algues, des cellules-kystes à contenu légèrement coloré en rouge, surtout à l’état des maturité. C’est « l’état cellulaire » de Cienkowski. Le contenu de ces cellules se divise et s'échappe en nombreux zoospores amiboïdes pourvus de prolongements ciliaires ; ils se nourrisssent et reviennent bientôt à l’état cellulaire, Il se forme plus tard à leurs dépens (sauf toutefois chez le V. vorax) une deuxième forme de cellules-kystes dont le contenu rouge ne s’échappe pas, mais se contracte à l’intérieur de la membrane primitive, et se recouvre d’une nouvelle enveloppe. C'est l’état dormant, « Ruhezustand » de Cienkowski. On ne connaît pas le développement ultérieur de cette sorte de spore. J'arrive maintenant à mes propres observations. 184 MÉMOIRES ORIGINAUX. Vampyrella variabilis Klein. — J'ai trouvé ce Vampyrella sur une algue filamenteuse indéterminable, sur les cellules de laquelle il formait des cellules-kystes nombreuses, très variables de forme et de grandeur, ce qui leur vaut leur nom spécifique. La plupart des cellules sont arrondies ou elliptiques, mais elles peu- vent aussi avoir la forme de biscuit ou de demi-lune, ou être irrégulières ; elles sont même parfois, et ce sont les plus grandes, irrégulièrement lobées. Leur grandeur moyenne varie entre 16 et 28 4 ; les plus longues atteignent pourtant 32, 60 et jusqu'à 92 » pour les plus grands individus lobés. La membrane cellulaire est mince et simple ; l’iode et l’acide sulfurique la bleuissent. A l’état de maturité, le contenu des cellules-kystes est plus ou moins coloré en jaune, passant au rouge orangé finement ponctué, et présente une place obscure vers le milieu de la cellule ; il arrive parfois, surtout dans les cellules lobées, qu'il y ait plusieurs de ces taches sombres ; elles se trouvent alors au milieu des lobes. Lorsque les cellules-kystes sont müres, la sortie du contenu commence. Il est exceptionnel que le contenu s'échappe sans se diviser ; cela n’arrive que pour les cellules-kystes les plus petites : c'est souvent en 2-4 parties, et pour les grandes cellules lobées en 5-10 parties, que le contenu se divise. Il est de règle que ja sortie commence à la fois en autaut de points qu'il y aura de corps nouveaux formés aux dépens du contenu primitif. S'il ne s’en forme que deux, ils s’échappent par les deux extrémités opposées de la cellule-kyste ; s’il s’en forme quatre, leur sortie se fait en croix ; s'il y en a plus, leur sortie est irrégulière. : Au moment où la sortie commence, on voit apparaître à la surface de la cellule-kyste d’étroites protubérances qui grossissent peu à peu et prennent la forme de massue ; en même temps, apparaissent à la périphérie de fins prolongements en forme de cils et dans l’intérieur une ou deux vacuoles ; les prolongements s’épaississent plus tard ; l’intérieur de la masse se charge de petites granulations ponctiformes faiblement colorées en rouge, tandis que les vacuoles disparaissent bientôt fig. 7. LES VAMPYRELLA. 185 A ce moment-là, le contenu rouge de la cellule-kyste est en- core indivis et accolé à la paroi ; maïs une sorte de secousse se produit, et tout à coup il est séparé en autant de parties qu'il s’est formé de protubérances à la surface de la cellule-kyste ; en même temps, la tache sombre qui se trouvait au milieu du con- tenu en est séparée et demeure dans la membrane du kyste, comme un produit non digéré de la nutrition, sous forme d’une masse irrégulière, brun sombre (fig. 8). Quelquefois pourtant les choses ne se passent pas d’une façon aussi brusque etle contenu de la cellule-kyste, au lieu de se divi- ser tout à coup, s’étrangle en se détachant de la paroi cellulaire, et ce n’est que plus lard que l’étranglement se continue jusqu’à division complète. Les corps issus de la fragmentation du contenu glissent peu à peu hors de la membrane, qui demeure bientôt complètement vide. Ils sont devenus des zoospores ; leurs dimensions varient d’après celles de la cellule-kyste, mais sont presque toujours voi- sines de 12. Ils ont la surface hérissée de petit prolongements cillés ou pseudopodes, qui leur impriment des mouvements lents. Au moment de leur mise en liberté, les zoospores du V. variabilis sont généralement arrondis et les pseudopodes sont régulièrement répartis à leur surface ; ils conservent cet aspect même lorsqu'ils se meuvent; mais plus tard, et pendant toute la durée de leurs mouvements, ils changent continuellement de formes et sont parfois allongés, parfois irréguliers, lobés-anguleux; il en résulte que les pseudopodes ne sont pas non plus régulière- ment répartis ; ils sont généralement plus nombreux du côté vers lequel leurs mouvements les dirigent. Lorsqu'ils rampent sur des” algues, ils sont complètement aplatis ; les pseudopodes n'existent alors qu'à leurs deux extrémités et sont diversement répartis suivant les mouvements de l’ensemble. Il arrive qu’exception- nellewent il n'y ait que un ou deux pseudopodes très gros et très longs qui dépassent le diamètre du zoospore (fig. 9). Que deux de ces zoospores viennent à se rencontrer, que leurs pseudopodes se touchent : aussitôt ils se confondent, et les deux 186 MÉMOIRES ORIGINAUX. zoospores s'unissent ; l'union se fait successivement sur une plus grande largeur ; le corps des deux zoospores se rapproche, jus- qu’à ce que la fusion des deux zoospores soit complète. Les zoospores du V. variabilis s'unissent donc lorsqu'ils se rencontrent. C’est, à coup sûr, dans l’histoire de leur développe- ment un fait important, qui nous sera fort utile quand il s'agira de discuter la place qu’il faut donner à ces organismes dans la classification. Les corps résultant de la réunion de deux zoospores ont la physionomie de zoospores plus grands que de coutume ; ils sont lobés-anguleux, subissent comme les premiers des mouve- ments qu'ils doivent à leurs nombreux pseudopodes, qui chan- gent de nombre ot de position. S'ils rencontrent un nouveau zoospore, ils s'unissent encore à lui et peuvent le faire sucessi- vement, de façon à former des corps protoplasmiques très grands, irréguliers, mobiles,tellementsemblables aux plasmodes des Myxo- mycètes qu’on pourrait les désigner par le même nom (fig. 6). Il arrive que la copulation se fasse d’une façon si particulière, qu’il est intéressant d’en suivre les détails. J’ai observé une cel- lule-kyste réniforme dont le contenu rouge sortit en même temps par les deux extrémités opposées ; avant que les deux zoospores fussent complètement sortis, ils rapprochèrent leurs parties libres et se réunirent, alors que chacun d’eux avait encore sa partie postérieure engagée dans la membrare du kyste ; l’un des deux zoospores se dégagea alors de cette mem- brane et se réunit d’une façon plus complète à l’autre (/ig. 13). La masse protoplasmique ou le plasmode ainsi constitué se débarrassa bientôt complètement de la paroi cellulaire et se mit en mouvement, pour se réunir plus tard avec un autre pelit ZOOSpore. Dans un autre cas, j'ai vu une cellule-kyste commencer à produire quatre zoospores : deux à droite, deux à gauche suivant le mode que j'ai décrit ; mais au lieu de se rendre individuel- lement indépendants, alors qu'ils étaient à peine détachés de la membrane cellulaire, les deux zoospores de droite se réuni- LES VAMPYRELLA. 187 rent entre eux ; les deux de gauche en firent autant, de telle sorte qu’au lieu de quatre zoospores il ne s’en forma définitive- ment que deux grands. L'un d’eux avait des mouvements tout particuliers ; les deux extrémités du zoospore paraissaient avoir des tendances à s’écarter l’une de l’autre; les pseudopodes se formaient de préférence vers les deux extrémités, tandis que la partie intermédiaire rétrécie n’en présentait pas. Le mouvement des deux extrémités ea sens contraire devint toujours plus éner- gique, et la partie qui les unissait de plus en plus longue et étroite, jusqu’à ne former plus qu’un mince filet qui finit par se rompre, de sorte qu’en définitive la masse formée originairement par la réunion de deux zoospores en formait deux de nouveau après cette division. Les deux zoospores continuërent à se mou- voir et disparurent entre les filaments d’algues. L'autre grand zoospore formé par la réunion des deux zoospores primitifs à la sortie de la-cellule-kyste ne se divisa pas, mais se mut comme un plasmode, changeant continuellement de forme, et s’unit plus tard à un autre zoosnore. Les phénomènes de la copulation se présentent sous une forme très remarquable dans les cellules-kystes multilobées (fig. 6). J'y ai vu le contenu rouge faire saillie à la fois en dix points de la surface, et former des prolongements en massue de grandeurs différentes, n'ayant au début qu'un seul pseudopode et une ou deux vacuoles. Les trois plus grands prolongements, devenus de plus en plus puissants, arrivèrent définitivement au contact les uns des autres, et s’unirent, tout en restant encore en continuité avec la masse contenue dans l'intérieur de la cellulle. Plus tard, s’infléchissant de l’autre côté, toute cette partie s’unit à une masse analogue formée par la réunion de quatre prolongements. Il en résulta un grand plasmode qui finit par s’unir aux trois prolongementis restants, unis déjà entre eux. Le tout finit par se diviser en deux masses plasmodiques inégales, qui se mirent à ramper au milieu des filaments d’algues et à y puiser leur nourriture. J'ai observé parfois que de semblables zoospores, après avoir 188 MÉMOIRES ORIGINAUX. longtemps erré sans pouvoir en trouver d’autres auxquels ils puissent s'unir, présentaient cette particularité, que j'ai déjà signalée, de ne former qu’un ou deux pseudopodes très longs à l'aide desquels ils atteignaient d’autres zoospores glissant au milieu des filaments d’algues ot s’unissaient à eux. Au début, cette union ne se réalisait que par les pseudopodes longs et minces; mais peu à peu les deux corps protoplasmiques se rapprochaient jusqu’à se confondre complètement en une seule masse (/ig. 11). Dès que les plasmodes sont formés, ils recherchent leurs plantes nourricières. Les plus grands entourent un ou plusieurs filaments d’algues et prennent une forme diversement lobée. Un plasmode peut puiser de la nourrilure à la fois dans plusiears cellules d'algues par plusieurs points de sa surface et passer ensuite à l’état de cellule-kyste. Pour cela, les lobes s’arron- dissent peu à peu ; les pseudopodes, qui ne cessent d'exister pen- dant toute la période de nutrition, sont détruits. Tout le plas- mode se raidit, s’immobilise, en conservant à peu près la forme qu'il avait pendant la période de nutrition, et forme ainsi des cellules-kystes où chaque lobe paraît s'être nourri pour son compte, el possède une tache sombre qu’on ne trouve pas pen- dant la période végétative; au moment où se forme le kyste, une membrane cellulaire se constitue tout autour de la masse protoplasmique. Si les kystes se forment aux dipens de plasmodes de petite dimension, non lobés, ils sont eux-mêmes subsphériques ou ellipsoïdes, ou de même forme que le plasmode. Les zoospores qui ne sont pas unis à d’autres se nourrissent cependant; ils s'appliquent contre une des faces de la c2llule nourricière, y demeurent un instant en repos sans retirer leurs pseudopodes, en percent la membrane, et, par un mouvement brusque, le contenu vert tout entier passe dans la masse de la zoospore, qui forme alors une petite cellule-kyste sans qu'il se produise aucun phénomène de copulation avec une autre z00- spore. Les zoospores peuvent s’unir à d’autres au moment même où LES VAMPYRELLA. 189 ils se nourrissent ; j'ai vu quelquefois que des zoospores appli- qués contre une cellule d’algue dont ils élaient occupés à absorber le contenu, arrivaient par un autre“point de leur sur- face au contact d’un autre zoospore et s’unissaient à lui. Les deux phénomènes marchaient de front, s’accomplissaient en même temps, et il fallait peu de temps pour que la cellule-kyste füt formée à l'endroit même où ce double phénomène s’élait pro- duit. Au début, le contenu vert se reconnaît encore sous forme de parties distinctes à l’intérieur de la masse rouge du Vampyrella; plus tard, le mélange devient plus complet, de sorte que le kyste jeune présente une coloration verte à peu près uniforme; puis le Vampyrella digère peu à peu ce qu'il a absorbé, devient rouge brun ; il prend définitivement la coloration rouge du kyste mûr, où les taches sombres deviennent bientôt visibles. Les kystes reproduisent de nouveaux zoospores avec toute la série des phénomènes que nous venons de décrire, et pendant plusieurs semaines successivement ; l’alzue nourricière est peu à peu détruite; les fragments, qui par suite de l’évaporation de l'eau demeurent accolés aux parois du verre, s’y dessèchent en partie. J'y ai trouvé, au milieu des cellules-kystes que je viens de dé- crire, une nouvelle forme de kyste différent des premiers en ce que le contenu rouge n’en sort pas, mais se débarrasse simple- ment des produits de autrition non digérés et s’entoure d’une nouvelle membrane plus épaisse que la première, à double con- tour. La membrane extérieure, lâche, déprimée, est la membrane primitive de la cellule ; à l’intérieur se trouve le kyste nouveau avec son épaisse membrane ; entre les deux, on voit sous forme de granulations brunes les matières rejetées lors du second en- kystement. La membrane interne est très finement échinée. Le contenu est homogène, rouge orangé finement ponctué, un peu plus épais sur les bords qu’au centre dans les kystes les plus gros (fig. 14). J'ai observé les kystes de cette deuxième espèce pendant plusieurs semaines de suite, sans qu’ils aient subi de change- 190 MÉMOIRES ORIGINAUX. ment; ils me paraissent destinés à un plus long repos. Ils corres- pondent à l’état dormant de Cienkowski. Mais comme les pre- miers sont susceptibles aussi de s'arrêter pendant quelque temps, je crois qu'il est nécessaire d'insister sur la grande durée relative du repos pour les secondes, et de lesnommer Xystes durables. Ns paraissent spécialement appelés à assurer la perpétuité des Vampy- rella pour le cas où la destruction complète des algues ou une des- siccation excessive les empêche temporairement de vivre. J’espérais qu’en soumettant ces kystes à une dessiccation plus ou moins longue, je pourrais étudier leur développement ulté- rieur ; mes efforts n’ont pas abouti jusqu'ici. Vampyrella vorax Cnk. — Le V. vorax forme les kystes qui sont depuis longtemps connus autour des Diatomées. Je l’ai trouvé au commencement de mars 1882, au Jardin botanique de Buda- Pesth, entourant une petite espèce de Synedra vivant en colonies sur les tubes d’un Vaucheria. La grosseur et la forme des kystes sont très variables et dépendent l’une et l’autre du nombre et de la position des Diatomées qu'ils entourent. On en trouve de sphériques, d’ellipsoïdes, d’irrégulièrement lobés ; les cellules- kystes les plus petites ont 32 &, les plus grandes atteignent 60 ou 100 w. La membrane et la cellule-kyste sont simples et très minces; l’iode et l'acide sulfurique la bleuissent d’une façon bien nette. Le contenu en est finement ponctué et présente une colura- tion rouge sale. Quant aux Diatomées que la cellule-kyste entoure, elles conservent leur couleur jaune caractéristique jusqu’au voi- sinage de la maturité, époque à laquelle chaque squelette de Dia- tomée ne renferme plus que les débris non digérés de son con- tenu sous forme d’une petite masse brun sombre, qui est en même temps unsignede la maturité de la cellule-kyste. Son contenu rouge subit à ce moment une légère modification : en effet, il pa- raissait jusque-là répandu à peu près également dans tout le kyste ; mais, dès qu’il est mür, le protoplasma se détache du squelette de Diatomées et forme une sorte d’auréole ponctuée autour d’elles. C'est aussitôt après que commence la sortie de la matière rouge (/ig. 15, 16). LES VAMPYRELLA. 191 S'il s’agit de cellules-kystes très pelites, le contenu tout entier en sort sans se diviser ; mais plus souvent, suivant les dimensions de la cellule, il se divise 2 à 6 fois ", La sortie commence généra- lement à se produire en autant de points qu’il y aura de zoospores; mais il arrive aussi qu’il y en ait définitivement moins qu'il ne paraissait devoir s’en produire : j'ai eu l’occasion de voir une cellule-kyste dont le contenu sortait à la fois par six points dif- férents, mais deux des prolongements qui s’étaient formés ren- trèrent dans la masse et se réunirent à deux autres proéminences, de sorte qu’il n’y eut définitivement que 4 zoospores au lieu de 6. La sortie commence le plus souvent à se produire très brus- quement, et par tous les points à la fois; quant à la division totale de la masse protoplasmique à l’intérieur de la cellule-kyste et à la fin de l'expulsion, toutes deux ont lieu très lentement; pendant la sortie, les différentes parties présentent déjà des formes très variables et des pseudopodes plus ou moins nombreux (fig. 16). Les zoospores libres présentent des formes toutes particulières; ils sont rarement sphériques ; presque toujours ils sont irrégu- liers, anguleux, ont des formes très variables et des pseudopodes très irrégulièrement répartis, mais développés surtout aux angles et du côté vers lequel se fait le mouvement (fig. 17). Leurs mouvements sont assez vifs et rappellent un peu ceux des vrais amibes. La rapidité des contractions et des changements de forme rappelle beaucoup ce qui se passe chez les amibes et établit une différence entre le V. voraæ et les autres Vampyrella, qui ont des mouvements lents et des changements de forme peu sensibles. Les zoospores ont des dimensions variables; lorsqu'ils sont sphériques, ils ont un diamètre de 16 à 20 4, lorsqu'ils sont irréguliers, ils deviennent souvent beaucoup plus grands. Lorsqu'ils s’allongent par suite de leurs mouvements de rep- tation, on reconnaît qu'ils sont formés d’une substance fon- damentale incolore où sont répandues des granulations rouges { Voy. les dessins de Lüder dans Bot. Zeit., 1860, pag. 379. 192 MÉMOIRES ORIGINAUX. ou jaunes avec de petites souttelettes d'huile. Quelque fois le zoo- spore parait tout écumeux, par suite de la présence d'un grand nombre de petites vacuoles entre lesquelles est répandue la ma- tière rouge. Les zoospores du V. voraæ s'unissent entre eux ; leur copula- tion est même particulièrement facile à observer. Elle se produit à peu près comme dans les autres Vampyrella, avec cette diffé- rence toutefois qu'ils produisent souvent, pendant leur période de mouvement, de très longs prolongements qui leur permettent de s’unir à une grande distance les uns des autres. Dans ce cas, ils mettent longtemps à se rapprocher; le filet protoplasmique qui les unit se raccourcit lentement, jusqu’à ce que le mélange des deux masses soit complet. Si les pseudopodes par lesquels a eu lieu le contact sont courts, la copulation est naturellement beaucoup plus rapide (fig. 18). Si des plasmodes s'unissent entre eux, comme je les ai vus quelquefois s'associer par 2? ou 4, leur mobilité est encore plus grande et leurs changements de forme encore plus rapides que ceux des zvospores. Les différentes parties constitutives de ces plasmodes paraissent alors avoir des tendances à se séparer les uns des autres ; les filets qui les unissent changent sans cesse de forme et de longueur ; ils arrivent à une finesse excessive, sans se rompre pourtant. La cohésion y paraît très grande et paraît suffire pour assurer l’union des différentes parties qui ten- dent à se séparer, et pour les rapprocher plus tard en une masse homogène. On y observe des tiraillements tout particuliers entre les diverses parties. C’est à ce moment surtout que les dif- férentes régions du plasmode présentent l'aspect écumeux dont j'ai parlé plus haut, et qui est dû à la présence d’une grande quanlité de petites vacuoles. Dans cet état, les zoospores et les plasmodes du V. vorax rap- pellent beaucouple Leptophrys décrit par MM. Hertwig et Lesser, et je suis tout disposé à croire qu’il ne constitue en réalité que l’état zoospore du V. vorax. Ges savants ont du reste reconnu la possibilité de cette identité, mais la présence des vacuoles et du LES VAMPYRELLA. 193 noyau qu'ils croient avoir trouvé chez le Leptophrys, leur en a fait repousser la réalité. Or les vacuoles se produisent dans tous les Vampyrella au moment de l'émission des zoospores, et dans bien d’autres cas encore. Du reste, la possibilité de former des vacuoles est un des caractères du protoplasma, et nous ne sau- rions la considérer au point de vue de la caractéristique de ces êtres. Qu'il me soit permis de faire remarquer en passant qu'il ne me paraît pas légitime de fonder de nouvelles espèces et de nouveaux genres sur des formes douées de mouvement, car on peut con- fondre les zoospores des divers Vampyrella les uns avec les autres, aussi bien qu'avec certains Rhizopodes, tandis que leur forme durable ou d’autres états de leur développement permet- tent fort bien de les distinguer ; l'exemple que j’étudie, aussi bien que ce que j'aurai à dire des zoospores du V.pedata, montre combien il est facile de tomber dans l'erreur au sujet de ces corps. Les plasmodes formés de la réunion de plusieurs zoospores ne se divisent ultérieurement qu’autant qu'ils ne se sont pas nourris. [l m'est arrivé de voir deux plasmodes se confondre et continuer à se mouvoir ; une nouvelle division suivie d’une nouvelle fusion se produisit entre eux, mais alors ils commen- cèrent à se nourrir et cessèrent de se diviser ; au contraire, la masse se transfofma aussitôt en kysle. Les zoospores aussi bien que les plasmodes se nourrissent dès qu'ils rencontrent un aliment, mais il ne leur est pas indifférent ; d'après mes observations, c’est presque exclusivement une petite espèce de Synedra vivant en groupes que les zoospores et les plasmodes envahissent ; je les ai vus au contraire négliger com- plètement une petite Vavicula qui se trouvait abondamment mêlée aux Synedra, bien que souvent ils vinssent au contact d'individus de cette espèce. Cependant, lorsqu'une Navicule se trouvait nichée au milieu d’un groupe de Synedra, elle était envahie comme ces dernières, mais j'ai vu rarement des kystes enfermant à la fois plusieurs espèces. 194 MÉMOIRES ORIGINAUX. Ces Diatomées sont complètement entourées par le protoplasma du Vampyrella ; si elles élaient libres, elles sont très fréquem- ment entraînées dans ses mouvements pendant quelque temps ; puis la masse entière s'arrête quelque part, les pseudopodes sont résorbés ; la masse s’arrondit et forme définitivement une légère membrane ; le nouveau kyste est constitué ; les Synedra y sont généralement disposées en faisceau, mais quelquefois aussi ils sont plus ou moins entrecroisés (fig. 15, 16). Beaucoup de Synedra étaient fixés par groupes aux tubes d’un Vaucheria ; lorsque les zoospores ou les plasmodes venaient à les entourer, ils s’enkystaient là sans se mouvoir davantage. Si un même plasmode entoure à la fois deux groupes voisins de Diatomées, les kystes qui en résultent se moulent à peu près sur ces groupes, et conservent la forme générale qu’ils avaient pen- dant leur période de nutrition. C'est dans le kyste qu’alieu en réalité la digestion des Diatomées. La matière jaune, qui était au début régulièrement répartie, se contracte et se colore peu à peu en brun. Plus tard on ne voit plus dans chaque cellule de Diatomée qu'une petite masse brun sombre, résidu de la digestion ; puis le contenu rouge du kyste sort de nouveau sous forme de zoospores, et l’évolution recom- mence. Les kystes que nous venons de décrire ont une durée assez tai- ble ; il se produit plus tard des kystes durables ; ils ne renferment pas de Diatomées, ce que Cienkowski avait déjà fait remarquer ; ils ne se forment pas, comme chezles autres Vampyrella,par une simple modification des premiers ; ils sont formés par de grands zoospores ou par des plasmodes qui ne se sont pas nourris antérieurement. Les plasmodes s'arrêtent, subissent une contrac- tion, s’arrondissent, s’entourent d’une légère membrane, et forment ainsi un kyste sphérique ou ellipsoïde. Le contenu a absolument la couleur et l’aspect de gros zoospores ou de plasmodes qui seraient contractés, mais ils subissent des modifications ultérieu- res ; leur contenu subit une nouvelle contraction, se recouvre d'une nouvelle membrane, d’abord simple, puis à double con- LES VAMPYRELLA. 195 tour et de plus en plus épaisse, qui devient plus foncée et ornée de grosses ponctuations. Il arrive que le protoplasma subisse une troisième contraction et se recouvre d’une troisième enve- loppe intérieure aux deux premières. Le kyste durable est alors définitivement constitué avec ses trois enveloppes ; l’extérieure, tendre et déprimée, disparait complètement dans la suite ; la seconde, plus épaisse, laisse souvent apercevoir de petites verrues sur sa face interne ; la troisième enfin est directement appliquée contre le protoplasma, sombre, rouge-brun, et séparé en petites gouttes huileuses.Dans l’espace entre les deux enveloppes internes on observe quelquefois quelques granulations rejetées par le protoplasma lors du dernier enkystement. Les dimensions de ces kystes sont très variables. Les plus grands ont 36 y comme diamètre de la membrane externe, 28 x pour la membrane moyenne, 20 & pour la membrane interne (fig. 19). Je ne puis rien dire encore du développement ultérieur de ces kystes durables. Vampyrella pendula Cnk. — Cienkowski a, je l’ai déjà dit, étu- dié le développement de ce Vampyrella ; je n’ai qu’à confirmer ses observations sur presque tous les points ; sur quelques-uns seulement je crois nécessaire d'ajouter quelques renseignements complémentaires, notamment sur la copulation des zoospores, que j'ai observée aussi sur cette espèce. J'ai trouvé le Vampyrella pendula sur plusieurs espèces d’ŒÆdo- gonium indéterminables, parce qu’elles ne fructifiaient géné- raiement pas. Il forme des kystes sphériques fixés à la paroi cellulaire de l’ŒÆdogonium par un petit pédicelle. Le pédicelle, aussi bien d’ailleurs que le kyste, est entouré d’une très déli- cate petite membrane, que Gienkowski nomme le voile, de sorte que tout l’ensemble a l’apparence d’une poire. Le diamètre des kystes varie entre 16 et 36 y; leur paroi bleuit sous l’action de l'iode et de l'acide sulfurique (/ig. 20). Le kyste mür est päle, rouge brique et finement ponctué; au milieu se voit une tache sombre, Le contenu coloré se divise 196 MÉMOIRES ORIGINAUX. d'ordinaire en 2-4 parties et ne reste indivis que dans les kystes les plus petits. Dans ce dernier cas, le contenu sort par la partie supérieure du kyste; dans les autres, il s'échappe par deux ouver- tures latérales opposées l’une à l’autre, ou par quatre ouvertures disposées en croix sur les côtés du kyste. La sortie s'effectue ordinairement en même temps en autant de points qu'il y aura de zoospores formés aux dépens du contenu, mais la division n’en a lieu que pendant la sortie même. Sur ce point, mes ob- servations différent de celles de Cienkowski; il croit que le contenu du kyste se divise avant la sortie et que la séparation en différentes parties a lieu dès ce moment. Je n’ai pas réussi à le voir une seule fois, malgré de longues recherches. Si la division doit se faire en deux, on voit en deux points opposés de petites protubérances protoplasmiques incolores appa- raître à la surface ; elles grandissent à vue d’œil, se hérissent de nombreux pseudopodes très fins. D'abord en massue, ils augmen- tent et s’élargissent (jig. 21), en se colorant peu à peu en rouge; il y apparaît aussi temporairement une ou deux vacuoles. En même temps, le contenu à l’intérieur du kyste s’est détaché de la paroi et s’étrangle légèrement dans son milieu. C'est suivant cet étranglement qu’a lieu la séparation des deux masses, qui aban- donnent en même temps dans la membrane la petite masse brune qui apparaissait sous forme de tache au milieu du protoplasma. Les zoospores constitués dès lors sont sphériques et toul couverts de très fins pseudopodes également répandus sur toute la surface. Ils conservent cette forme el la disposition des pseu- dopodes pendant leurs mouvements, qui sont lents d’ailleurs. La grandeur des zoospores varie suivant la grandeur des kystes et atteint 12 à 14 u (fig. 22). La copulation des zoospores se produit de la même façon que dans les espèces précédentes. Si deux d’entre eux se rencontrent et se touchent par leurs pseudopodes, aussitôt ils s’unissent par un lien délicat et incolore, qui se raccourcit de plus en plus ; le corps des deux zoospores vient à se toucher, et finalement ils s'unissent complètement (fig. 23). J'ai vu jusqu’à quatre zoospores LES VAMPYRELLA. 197 de cette espèce s’associer, tantôt d’égales dimensions, tantôt iné- gaux. La copulation peut aussi se produire entre deux corps proto- plasmiques formés déjà chacun de la réunion de deux zoospores. Quel que soit le nombre des zoospores unis, nous avons tou- jours affaire à un plasmode, bien que sa forme soit toujours assez régulièrement sphérique, tout au plus ovoïde, et que ses dimensions ne dépassent guère celle d’un gros zoospore. A peine formés, les plasmodes cherchent à senourrir, tandis que les zoopores isolés se meuvent très longtemps sur les fila- ments d'algues, sans prendre aucune nourriture. J’ai, par exem- ple, suivi pendant des heures deux zoospores sans qu’ils aient cherché à se nourrir ; ils finirent par se rencontrer sur un fila- ment d’Œdogonium, et la copulalion eut lieu entre eux. À peine fut-elle accomplie, que le plasmode constitué perça la paroi et absorba le contenu d’une cellule. Cependant, si les zoospores ne s'unissent pas, ils finissent pourtant par prendre de la nourri- ture ou meurent. Pour se nourrir, le plasmode ou les zoospores se fixent sur une cellule d'Œdogonium, où ils restent quelque temps en re- pos ; les pseudopodes disparaissent en ce moment et la mem- brane cellulaire de l’'ŒÆdogonium est dissoute. Il se produit une légère secousse qui fait passer la plus grande partie du contenu vert de la cellule de l’'ŒÆdogonium dans le corps protoplasmique du Vampyrella considérablement gonflé. C’est sans aucun doute un effet de pression hydrostatique dû à la dilatation de la mem- brane cellulaire de l’'ŒÆdogonium. Le reste du contenu est ensuite sucé peu à peu par le Vampyrella. Le protoplasma vert absorbé se trouve au début accumulé au milieu du corps du Vampyrella, qui conserve encore un prolongement incolore engagé dans la cellule de l’algue. Ce prolongement rentrera plus tard dans la masse, et le contenu vert régulièrement réparti de façon à cacher presque complètement le contenu rouge. L'ensemble a un con- tour net et pourtant très délicat, et forme bientôt une légère tige, hyaline, incolore, qui peut présenter pendant un temps très court quelques granulations ; elles disparaissent bientôt et font 3e sér., tom. 11. 14 198 MÉMOIRES ORIGINAUX. place au pédicelle particulier du kyste qui développe à l’intérieur de la première sa membrane propre, tandis que la membrane extérieure constitue le voile. Ge nouveau kyste met tout au plus trois-quarts d'heure à se former, depuis le moment où il se nourrit jusqu’à ce qu'ilsoit complètement achevé (fig. 25). | Le contenu des kystes tout jeunes est d’un vert presque pur, c’est à peine sisurles bords on voit une coloration rouge pâle. Plus tard ilse colore tout entier en rouge brun, prend enfin une colo- ration rouge brique pâle, avec une tache obscure au milieu. Le kyste est mür ; dès ce moment, son protoplasma peut constituer des zoospores et l’évolution recommence telle que je viens de la faire connaître. J'ai encore à faire sur celte espèce une autre observation qui a échappé aux recherches de Cienkowski. Zoospores. et plas- modes peuvent en effet passer à l’état de repos sans avoir pris aucune nourriture; les pseudopodes sont résorbés et la masse se recouvre d’unelégère membrane : les kystes ainsi constitués sont sphériques et libres. En outre, comme Cienkowski l’a fait connaître, le V. pendula possède aussi des kystes durables qui se développent de la même manière que ceux du V.variabilis (fig. 26). Les kystes ordinaires, après avoir rejeté des résidus de nutrition, se contractent, consti- tuent une nouvelle membrane plus épaisse que la première et à double contour, munie de petites pointes aiguës ; le contenu. est rouge-orangé foncé, et divisé en un grand nombre de goutte- lettes d'aspect huileux. Certains kystes paraissent particulière ment destinés à devenir des kystes durables, car parmi ceux qui sont pédicellés on en voit parfois quelques-uns qui son aussi munis de petites pointes. Peut-être que les kystes dura- bles ne peuvent être produits que par un plasmode, bien que j'aie acquis la certitude que, si cela est, cette transformation n’est pas nécessaire, car j'ai vu des kystes issus de plasmodes se transformer directement en zoospores. Je ne puis rien affir- mer encore au sujet du développement ultérieur des kystes durables du V. pendula. LES VAMPYRELLA. 199 Vampyrella inernus Klein. — J'ai donné ce nom à l'espèce que j'ai étudiée en 1868 à Zurich. A plusieurs égards, il ressemble aux espèces précédentes, mais il s’en distingue pourtant par diverses particularités qui le caractérisent nettement. Comme le V. pendula, c'est sur des Œdogonium que le V. inermis forme des kystes presque identiques à ceux de la précédente espèce ; comme eux, ils sont munis d’un voile, d'un pédicelle, colorés en rouge et finement ponctués avec une tache sombre au centre. J'y ai toujours vu la masse protoplasmique s'échapper sans se diviser pour former un seul zoospore, toujours sphérique , pourvu de deux sortes de pseudopodes, très fins, aigus ; les au- tres, beaucoup moins nombreux d’ailleurs, en wassue, changent continuellement de place et de forme (/ig. 28, 29). La copulation des zoospores se produit comme dansies précé- dentes espèces; j'y ai pourtant noté parfois des particularités qu'il ne sera peut-être pas inutile de signaler. J'ai vu, par exem- ple, une fois, le contenu rouge sortir d’un côté de la cellule-kyste, sous la forme d’une protubérance en massue, qui se couvrit bien- tôt de pseudopodes ; la tache brune était déjà rejetée de côté. C’est à ce moment qu'un zoospore s’approcha du côté opposé de la cellule-kyste ; aussitôt le protoplasma sortit aussi en face de ce zoospore, forma une protubérance de plus en plus grande, qui s’unit au zoospore en attirant vers lui tout le protoplasma qui avait fait hernie sur l’autre face de la cellule. Bientôt, tout le protoplasma eut quitté la cellule-kyste ; la copulation fut dès iors complete. Ailleurs, j'ai vu la réunion des zoospores se faire à l’intérieur même du kyste, où un zoospore étranger allait s’unir à celui qui était occupé à en sortir. Le plasmode constitué présente du côté vers lequel il pro- gresse une marge étroile et témoigne que la fusion des deux masses n'est pas complète dés le début. Le protoplasma y est en effet accumulé en certains points; il est, comme les zoospores, muni de fins vseudopodes, mais en possède, en outre, de très 200 MÉMOIRES ORIGINAUX. gros, lobés, irréguliers et très mobiles, du côté vers lequel il progresse (fig. 30). Plus tard, le mélange devient complet et la marge disparaît partout, excepté du côté vers lequel a lieu le mouvement. Plus tard, il se fixe sur une cellule d'Œdogonium, lui enlève son contenu et forme un kyste. Tous ces phénomènes se passent comme dans le V. pendula ; les kystes durables que j'ai pu observer présentent, avec ceux de l'espèce précédente, une différence intéressante; leur membrane primitive n’est pas hérissée des petites pointes que je viens de signaler chez le V. pendula. C'est pourquoi je l’ai nommé inermis. Pas plus que pour les espèces précédentes, je ne puis rien dire encore du dé- veloppement ultérieur de ces kystes durables (fig. 31). Vampyrella pedata Klein. — Cette espèce présente des carac- tères si particuliers qu'il faudrait peut-être la considérer comme un représentant d’un nouveau genre; cependant la plupart de ses caractères la rapprochent des Vampyrella. J'ai observé le V. pedata sur trois espèces d'Œdogonium. Ses cellules-kystes sont relativement grandes, elles ont de 44à 52 y de largeur sur 28 à 32 de hauteur. Leur forme est sphérique, ellipsoïde ou ovoide irrégulière ; chaque cellule-kyste est pourvue d’un pied qui la fixe dans la cellule vidée de l'Œdogonium dont elle s'est nourrie. Une seule fois, j'ai vu un exemplaire qui était pourvu de deux semblables prolongements, enfoncés dans deux cellules contiguës de la plante nourricière. La membrane de la cellule-kyste est mince et simple, très délicate à la surface du pied ; l’iode et l'acide sulfurique la bleuissent (/ig. 32, 33). Lors de la maturité, le contenu est rouge brique foncé, à grosses poncluations, avec des gouttelettes huileuses très réfrin- gentes. Il y a toujours au milieu de la cellule quelques petites taches formées par les résidus non digérés de la nutrition. La cellule-kyste forme ordinairement deux zoospores, quelque- fois un seul, ce qui arrive pour les kystes les plus petits. Dans le cas le plus ordinaire, c’est par deux points opposés sur le côté de la cellule-kyste qu'a lieu la sortie ; elle est indiquée tout LES VAMPYRELLA, 201 d’abord par une ligne claire qui sépare tout à la fois à l'intérieur de la cellule les petites taches et les granulations protoplasmiques. Deux prolongements apparaissent, faiblement colorés en rouge d’abord, sans vacuole et sans pseudopode ; ils grandissent à vue d'œil : le contenu se détache de la paroi du kyste ; la masse s’étrangle suivant la ligne claire et se sépare définitivement eu deux corps entre lesquels les résidus de la nutrition demeurent seuls (fig. 33-35). Les deux zoospores, complètement dégagés, irrégulièrement sphériques, se meuvent lentement, et sans le secours de pseudo- podes qui n’existent pas. Peu à peu leurs mouvements s’accen- tuent ; on voit alors apparaître, du côté vers lequel ils progres- sent, une marge très étendue parfaitement limitée vis-à-vis do la partie rouge, dans laquelle se voient des courants de très fins granules en différentes directions (fig. 36). Cette marge n’est antre chose qu’une sorte de gros pseudopode qui se meut de droite et de gauche, qui entraine derrière lui la masse colorée en lui faisant subir le contre-coup de ses mouvements : il est rare qu’on y ob- serve de vrais pseudopodes ; cela ne paraît se produire que très peu de temps avant la période de repos ; ils sont alors courts, très gros et irréguliers (fig. 37). Ces zoospores ont été à deux reprises décrits par les zoologistes et considérés par eux comme des Rhizopodes, ce qui s’explique par l'ignorance dans laquelle ils étaient de leur état de kystes aussi bien que de leur mode de nutrition. Hertwig et Lesser ! l’ont nommé Hyalodiscus rubicundus et F.-E. Schulze ? l’a dési- gné sous le nom de Plakopus ruber. Ge dernier savant donne une courte description, avec de nombreuses figures, de la structure particulière et des curieux mouvements de ces zoospores. Les uns comme les autres ont cru y voir un noyau que je n’y ai jamais observé. Aussitôt après leur formation, les zoospores ont une coloration tellement foncée, qu'il n’est pas possible d’en étu- a —————————————————— Zn, 1 Loc. cit., pag. 49. 2 F.-E. Schulze ; Archiv für mikrosk. Anat., vol. XI, pag. 348. 202 MÉMOIRES ORIGINAUX. dier l'intérieur ; plus tard ils sont un peu plus brillants, vrai- semblablement par suite des transformations que la respiration fait subir au contenu. On y observe bien alors une masse som- bre, mais ce n’est autre chose que le résidu de la digestion, et on ne saurait le confondre avec un noyau. Ces zoospores peuvent s’enkyster même sans avoir pris de nourriture ; ils forment dans ces conditions des kystes sphériques, libres, à membrane délicate. Lorsque plus tard ils se résolvent de nouveau en zoospores, on n’y retrouve plus ce prétendu noyau, mais des granulations opaques persistent seulement dansla mem- brane vidée du kyste (/ig. 38). Les zoospores du V. pedata se meuvent rapidement et pendant longtemps, quelquefois pendant plus de huit heures, sans pren- dre de nourriture, bien que souvent ils rampent sur les filaments d’'ŒÆdogonium. Je n’ai pu acquérir la preuve qu'ils se réunissent entre eux, malgré de longs efforts. Divers indices pourtant me font croire que cette copulation a lieu. Pendant leur période de nutrition, les zoospores du V. pedata se fixent pendant quelque temps sur une cellule d'Œdogonium, presque sans se mouvoir ; la paroi cellulaire est bientôt dissoute, mais l'absorption du contenu de la cellule se fait d’odinaire len- tement; si l’'Ædogonium a de grosses cellules, le contenu d’une seule d’entre elles suffit au zoospore, qui ne l’absorbe même pas toujours tout entière. Dans les petites espèces d'ŒÆdogonium, le zoospore, avant de s’enkyster, vide successivement plusieurs cel- lules, quelquefois assez éloignées les unes des autres. Il arrive aussi qu'un zoospore absorbe le contenu de deux cellules voisi- nes, et qu’alors il s’enkyste sur place avec les deux pieds dont j'ai parlé au début ; mais ce dernier cas n’est pas fréquent. Pres- que toujours, après s’être nourris, les plasmodes aussi bien que les zoospores continuent à se mouvoiret s’en vont sur d’autres cellules voisines du même filament, ou même sur d’autres fila- ments. Au moment de l’enkystement, il arrive fort fréquemment que la couleur du Vampyrella pedata soit un peu verte, mais elle se transforme peu à peu, prend la coloration foncée caractéristi- LES VAMPYRELLA. 203 que de la maturité, qui persiste pendant ün à trois jours, et pâlit ensuite pour laisser apparaître en même temps les taches foncées que nous avons fait connaître. Je n’ai pas jusqu’à présent trouvé de kystes durables chez le Varnpyrella pedata. À la suite de l’histoire des Vampyrella, je dois faire connaître encore un organisme qui rappelle beaucoup les précédents, mais qui, à quelques points de vue, notamment par son mode de nutrition, se rapproche considérablement du Monas amyli Cnk. C'est en raison de cette ressemblance que je l’ai nommé Wona- dopsis vampyrelloïdes. Sa parenté avec le Vampyrella est incon- testable. Au fond du verre où je cullivais les Vampyrella variabilis, pendula el pedata, se trouvaient des masses mucilagineuses, formées de la réunion d’un grand nombre d’algues vertes unicel- lulaires qu’il faut sans doute rapporter au genre Tetraspora. C'est au milieu de ces cellules que se trouvait mon Monadopsis ; il y formait de très petites cellules-kystes, sphériques ou ellipsoïdes, qui rappellent les kystes les plus petits du V. variabilis (fig. 39). Leur membrane est très délicate, prend une coloration bleue très nette sous l’action de l'iode et de l’acide sulfurique ; leur contenu est rouge pâle, finement ponctué, avec quelques granu- lations obscures. Il quitte plus tard la membrane, tout à fait comme dans les Vampyrella ; presque toujours je l’ai vu sortir en deux où trois parties ; l'émission commence chez les Vampy- rella en autant de points différents qu’il se formera de zoospores. Mais il m'a paru qu'ici la division du protoplasma se fait dès avant la sortie. Le protoplasma sort sous forme d’un petit prolon- sement de plus en plas gros, et chaque zoospore abandonne lentement la membrane du kyste (fig. 40) ; après leur sortie, le mouvement de ces zoospores n’est pas plus rapide ; leur colora- tion est rouge pâle ; formes anguleuses variables, à la manière des Amibes les plus petits. Leurs angles sont finement étirés en psea- dopodes à peine visibles, qui les rappro-hent beaucoup des corps 204 MÉMOIRES ORIGINAUX. à forme d’Actinophrys qui proviennent des zoospores de Monas Amyli ! (fig. 41). Je n’ai pu observer directement la copulation de ces zoospores, mais elle me paraît fort probable; car si je n’ai pu la constater c'est fort probablement à cause de la petitesso et de la faible coloration de ces corpuscules, qu’on ne peut suivre dans leurs mouvements au milieu des algues où elles vivent. Qu’un de ces zoospores arrive au contact d’une de ces cellules que, sans une détermination plus exacte, rous rapporterons au genre Zetraspora : aussitôt il s’y étale, s’élargit à sa surface, de façon à l’entourer de la même façon que le fait le Monas Amyli autour des grains d’amidon (fig. 42). Quand la cellule verte est complètement englobée, le Monadopsis s’entoure d’une nouvelle membrane à l’intérieur de laquelle sont enfermées les cellules du Tetraspora. Il y a même des kystes dans lesquels on trouve jusqu’à 3 cu # cellules vertes à la fois (/ig. 43). Dans ce cas, un seul zoospore de Moncdopsis n’a pu suffire, car ils sont indivi- duellement bien trop petits; mais il a bien fallu que plusieurs d’entre eux se réunissent d’abord, ou tout au moins qu'ils se soient rencontrés en même temps autour des cellules nourri- cières et qu'ils se soient réunis au moment même où ils les entourent, comme cela arrive aussi pour le Monas Amyli *?. Les cellules vertes englobées dans le jeune kyste paraissent intactes au début et sont entourées d’une couche gris pâle. Mais la masse verte se rétrécit peu à peu, tandis que la couche grise devient de plus en plus épaisse et se colore peu à peu en rouge. Enfin a matière verte disparaît complètement ; le kyste est mür ; l’évolution que nous venons de décrire recommence. Après la sortie des corps protoplasmiques, qui vont constituer les zoospores, on voit encore dans la membrane vidée du kyste quelques petites granulations de couleur foncée, dont nous avons déjà constaté la présence dans le kyste mür; ce sont les résidus 1 Voy. Cienkowski; Das Plasmodium. Pringsheims’ Jahrb., Band III, pl. XIX, fig. 10 et 11. 2 Voy. Cienkowski; loc. cit., pag. 431 et pl. XIX, fig. 13-15. LES VAMPYRELLA. 205 de la digestion qui, après l’émission des zoospores, se réunissent toujours en un globule légèrement coloré, formé vraisemblable- ment à l’intérieur de la membrane non digérée de la cellule nour- ricière (fig. 44). Peut-être existe-t-il encore d’autres périodes de l’évolution du Monadopsis qui m'ont échappé. J’ai cru pourtant devoir en dire ici ce que j'ai pu en connaître, parce que cet être me paraît bien être une forme de passage entre les Vampyrella et le Monas amyli. PLACE DES VAMPYRELLA DANS LA CLASSIFICATION. Nous ne pouvons songer à établir avec quelque précision le développement des Vampyrella que si nous attachons une égale importance à tous les états de leur développement. On n'y était pas arrivé jusqu'ici : d’abord parce que nos connaissances présen- taient de nombreuses lacunes sur certains points, puis aussi parce que la plupart des auteurs se sont attachés de préférence à l’état libre ; iis ont élé amenés tout naturellement à considérer les Vampyrella comme des animaux, et avant tout comme des Rhi- zopodes. Les recherches de Cienkowski le mirent sur la voie en lui faisant reconnaitre la ressemblance des Vampyrella et des organismes voisins avec les Myxomycèêtes ; il les connaissait pourtant encore trop imparfaitement, puisqu'il n’y avait vu ni la copulation des zoospores ni la formation du plasmode ; c’est pourquoi il considère encore les Vampyrella et les formes voisines comme des Animaux, comme des Monades, formant le passage au règne végétal. Si au contraire nous nous rappelons ce que nous venons de voir sur le développement de ces êtres, nous serons amené à conclure qu’ils ont bien plus de rapports avec les plantes qu'avec les animaux, et nous reconnaîtrons que, d’une part, ils ont bien des traits communs avec les Chytridiacées, qu’à d’autres égards ils ne peuvent être éloignés des Myxomycètes. Leur vie dans l’eau et la forme de leurs kystes rappellent les 206 MÉMOIRES ORIGINAUX. Chytridiacées'. Comme eux, les Vampyrella ont des cellules- kystes d’où s’échappent des corps mobiles, des zoospores ; et ilest à remarquer qu’à côté de différences notables, les zoospores des Chytridiacées présentent aussi des mouvements amiboïdes et des changements de forme”. Le mode de nutrition est le même des deux côtés, mais se fait plus rapidement chez les Vampyrella que chez les Chytridiacées. Chez ces dernières, on trouve aussi, dans les kystes vidés, ces corps bruns que nous avons reconnus chez tous les Vampyrella ; des deux côtés, ce sont des résidus de la digestion *. Enfin il faut ajouter encore que les phénomènes de copulation sont connus déjà dans les Chytridiacées, et que So- rokin a vu les zoospores s’accoupler dans son Tetrachytriwm tri- ceps. L’Olpidiopsis Saprolegniæ,Chytridiacée connue depuis long- temps pour vivre dansles tubes de Saprolegnia, émet des z00- spores qui pénètrent dans les tubes du Saprolegnia, qui s'y meu- vent el y changent de forme grâce à leurs mouvements amiboï- des, et forment plus tard des sortes de plasmodes de dimensions a-sez considérables, qui sont probablement formés par la réunion d’un certain nombre de zoospores à l’intérieur même des Sapro- legnia *. D'autre part, les mouvements, les changements de forme et le fusion des zoospores, la formation des plasmodes, sont iden- tiques chez les Vampyrella et les Myxomycètes, ce qui permet- trait encore de considérer les Vampyrella comme des Myxomy- cètes aquatiques. Qu'ils vivent dans l’eau, on ne saurait à coup sûr fonder une différence sérieuse sur cet habitat; le développe- ment des Myxomycètes se fait toujours dans des lieux humides, el il y a d’ailleurs beaucoup de familles animales et végétales dont certains représentants vivent dans l’eau, tandis que les autres ha- 1 Braun ; Ueber Chytridium, etc. 2 Sorokin ; Einige neue Wasserpilze. Bot. Zeit., 1874, pag. 307.-A, Fischer, Bot. Zeit., 1880, pag 705. 3 Nowakowski ; Beitr. z. Kenntn. d. Chytridiaceen, Beitr.z. Biologie der Pflan- zen de F. Cohn. Band II, pag. 77 et pl. IV, fig. 1, 7 et 9. 4 A. Fischer; Bot. Zeit., 1880, pag. 705. LES VAMPYRELLA. 207 bitent l’air, et qui constituent pourtant des séries des plus natu- relles. Cette circonstance que les zoospores et le plasmode lui- même peut s’enkyster sans s’être nourri, se retrouve encore chez les Myxomycètes, où nous connaissons des kystes provisoires formés dans des circonstances défavorables, qui peuvent, comme ceux des Vampyrella, revenir plus tard à l’état de mouvement". De tout ceci il résulte, je crois, que les Vampyrella se rap- prochent beaucoup des Chytridiacées, mais que leur parenté avec les Myxomycètes est encore plus étroite. Je suis d’avis qu’on pourrait les considérer comme l’origine d’une série double qui passerait aux Myxomycètes par une série d’intermédiaires encore inconnus, et d’autre part aux Chytridiacées. Le noyau manque, il est vrai, chez les Vampyrella, tandis qu'on le trouve chez les Myxomycètes et les Chytridiacées ; l’absence du noyau me paraît être le signe d’une organisation plus simple, marquer par conséquent l'infériorité des Væmpyrella par rapport aux deux groupes en présence, mais ne me semble pas suffire pour les en éloigner. On peut ajouter encore, en faveur de la même idée, que la fusion des zoospores n'a pas encore atteint le degré de développement auquel il est arrivé chez quelques Chytridiacées et les Myxomycètes, puisqu'elle y paraît nécessaire pour que la suite du développementaitlieu ; chez les Vampyrella, nous savons que les zoospores peuvent continuer à se développer, se nourrir, et former de nouveaux kystes, même s'ils ne se sont pas copulés. C'est un phénomène fréquent chez les organismes inférieurs, qui constituent des formes de passage d'un groupe à l’autre, que certain caractère qui leur est particulier ce soit pas d’ailleurs également développé dans toutes les espèces. Ainsi, bon nombre de Chytridiacées sont uniquement asexuées, n’ont que des zoo- spores; d’autres, notamment le Tetrachytrium, présentent une copulation des zoospores ; d’autres enfin, telles que le Zyygochy- trim, présentent des phénomènes de copulation qui les rappro- ! De Bary ; Morphol. und Physiol. d. Pilze, Flechten, und Myxomyceten, pag. 310 et 311. 2C8 MÉMOIRES ORIGINAUX. chent des Myxomycètes, avec lesquels les affinités des Chytridia- cées paraissent aujourd’hui démontrées. Les Vampyrella en sont un autre exemple en ce qu’ils sont ordinairement unisexués et se reproduisent par des zoospores chez lesquels pourtant des phénomènes de copulation apparaissent sans s’y manifester encore comme nécessaires. A Lous les caractères que nous avons signalés en faveur de la thèse qui voit dans les Vampyrella des plantes plutôt que des animaux, nous pouvons ajouter celui du bleuissement des mem- branes de leurs kystes par l’iode et l’acide sulfurique, caractère commun à presque toutes les membranes cellulaires végétales. Leur mode de nutrition milite encore en faveur de cette manière de voir, carles Vampyrella,comme la plupart des champignons para- sites,se nourrissent aux dépens de certaines espèces déterminées. Je n’ai pas vu les zoospores du V.variabilis se nourrir sur deux espè- ces, bien qu’à côté d’eux il y eût divers Spirogyra, Mougeotia, Œdogoniuwm et Cladophora. Il en est de même pour les V. pen- dula, V. inermis et V. pedata. Enfin le V. vorax se nourrit pres- que exclusivement, nous l'avons vu, d’une seule espèce de Diatomée. Les vrais Amibes et d’autres Rhizopodes se comportent tout autrement, se nourrissent de n'importe quel protoplasma vivant ; le Vuclearia, que Cienkowski place près de Vampyrella parmi les Monades, vide successivement les cellules d'algues très différentes qu'il rencontre sur son passage. Il n’en est pas moins vrai que le développement des Vampyrella est en beaucoup de points le même que celui de certains animaux. Leurs zoospores ressemblent d’une façon si frappante aux Rhi- zopodes du genre Actinophrys, qu'on les a souvent désignés sous le norn d’Amibes en forme d’Actinophrys. Il faut ea excepter les zoospores du V. pedata qui n’a pas les pseudopodes semblables à ceux des Actinophrys, mais dont les mouvements n’en ont pas moins les mêmes caractères. Il est encore, dans le mode de nutrition, un fait qui rapproche les Vampyrella des animaux : nous savons en effet que le plas- mode ou le zoospore s’applique contre la cellule nourricière, en LES VAMPYRELLA. 209 perce la membrane et en absorbe tout d’un coup ou du moins en très peu de temps le contenu ; mais si nous passons en revue les divers moyens par lesquels les plantes parasites absorbent leur nourriture,nous y verrons une foule de procédés avec lesquels celui des Vampyrella a des ressemblances qui rendent son mode d'absorption moins particulier qu’il ne le semble au premier coup d'œil. Il y a donc, dans l’histoire de ces êtres, certains faits qui les rapprochent des animaux ; d’autres au contraire les placent plus près des plantes. Nous pouvons les considérer comme des êtres intermédiaires : ils appartiennent à cet ensemble d'organismes qui peuvent à la fois être considérés comme le point de départ des animaux et des plantes. C'est pour ces êtres, pour ainsi dire ni animaux ni plantes, qu’on a cru devoir créer un troisième règne, celui des Protistes ; il n’a pas encore élé adopté d’une façon générale, et à vrai dire sa création ne me paraît pas suffisamment motivée.On range dans ce règne des Protistes tous les organismes très simples qu'il est difficile de rapporter nettement à tel ou tel groupe ; mais suivant que certains d’entre eux présentent des caractères qui rappellent davantage les plantes ou qui rappellent au contraire davantage les animaux, on pourrait distinguer des Prolistes animaux et des Protistes végétaux. Les uns passent aux plantes, les äutres aux animaux. Si nous remontons la série, nous arrivons quelque part à des êtres qui ne peuvent être plutôt placés d’un côté que de l’autre. C’est là le point de départ commun qui nous sert de base et que nous considérons comme la souche commune aux deux règnes. La nature n’a pas les limites nettes, cela est plus vrai que partout ailleurs lorsqu'il s’agit de l’histoire du développement des êtres ; et pourtant nous ne pouvous la concevoir qu’au moyen de lim'tes qui sont nécessaires. Mais n'est-il pas plus légitime et plus simple de ne chercher une limite qu'entre les animaux et les plantes, au lieu de jeler entre eux un nouveau règne que nous aurons également à limiter vis-à-vis des plantes d’une part, vis- 210 MÉMOIRES ORIGINAUX. à-vis des animaux de l’autre, et où nous éprouverons en outre la difficulté de savoir si tel ou tel Proliste est plus végétal qu'animal, et inversement ? La distinction entre les animaux et les plantes a été établie sur l'observation des formes les plus élevées, ce qui est légitime et naturel, car entre les plantes élevées en organisation et les animaux les plus différenciés, il n’y a pas seulement des différences mais des caractères opposés qui s’excluent réciproquement. Ces caractères opposés deviennent de moins en moins nombreux et moins définis à mesure qu’on descend dans la série, puis s’effa- cent complétement. La même chose n'existe pas quand il s’agit des Protistes, parce que bon nombre des êtres qu'on y a rangés peuvent encore être déterminés comme animaux ou comme plantes,et que le nombre de ceux qu’on ne peut encore rapporter ni à l'un ni à l’autre des deux groupes est si faible que l’établis- semeni d’un règne nouveau pour eux me paraît tout à fait superflu. Ces êtres-là appartiennent aussi bien aux plantes qu'aux animaux ; ce sont des formes de passage, des points de départ communs dans deux directions divergentes, que les zoologistes et les bota- pistes ont autant d'intérêt à suivre de ia façon la plus attentive. Nous connaissons déjà la parenté des Vampyrella avec les Myxomycètes et les Chytridiacées d’une part, avec les Rhizopodes et d’autres organismes amiboïdes d’autre part. Nous avons con- staté que certaines particularités les relient aux uns et aux autres. Nous pouvons donc espérer que leur étude, poursuivie de près à ce double point de vue, nous amènera à préciser plus exactement leur place. Si maintenant nous cherchons à déterminer les plus proches parents des Vampyrella et leur position relative, nous aurons à nous occuper successivement du Z'onadopsis, du Monas amyli de Cienkowski' (Protomonas amyli, Hæckel) *, du Protomyxa oo 1 Pringsh. Jahrb. Band II, pag. 427.-Archiv. für mikr. Anatom. Band T, pag. 204-213. 2 Hæckel, Biol. Studien. Band I, pag. 71. LES VAMPYRELLA. 211 aurantiaca.de Hæckel, et: peut-être aussi de son Myxastrum. ra- dians ". Le Monas amyli possède des kystes aux dépens desquels se forment beaucoup de zoospores ; ils sont formés parune division du contenu du kyste, qu’ils abandonnent ensuite. Au, début, ils sont oblongs, fusiformes.et munis de deux cils; plus tard, ils prennent, la forme d’amibes et se fusionnent plusieurs ensemble pour: former, de petits plasmodes. Pour arriver à cette fusion, plusieurs zoospores s’appliquent sur un même grain d’amidon de Nitella, se réunissent.en formant autour du grain une sphère protoplasmique, puis un kyste. Le: Monas amyli possède d’ailleurs aussi des kystes durables, comme les Vampyrella. Le Protomyxa et le Myxastrum sont des organismes. marins. Lepremier forme des kystes sphériques, remplis d’un. proto- plasma coloré en rouge orangé intense. Le contenu se divise plus tard en nombreux corps dépourvus d’enveloppe qui quittent le kyste et constituent les zoospores ; ils ont au début la forme d’une poire et sont terminés à leur extrémité effilée par un cil délicat: ils ont donc la forme et le mouvement des zoospores de Myxomycètes. Plus tard, les zoospores du Protomyxa pren- nent.aussi la forme amiboïde et s’accouplent les uns avec les autres, lorsqu'ils se rencontrent. Il se forme ainsi des plasmo- des munis de vacuoles s’anastomosant entre elles, comme celles des Myxomycètes. Après avoir pris sa nourriture, qui con- siste en Diatomées.et autres organismes dont les parties dures sont rejetées, après l’absorption de leur contenu, le plasmode du Protomyza s'arrondit, sécrète une membrane et forme un nouveau kyste. Les zoospores du. Monas amyli et du Protomyxa sont dépour- vus.de, noyau.et ont le même degré de développement que ceux des Vampyrella, mais la forme initiale des zoospores des deux premiers organismes les rapproche davantage des Myxomycètes. Le Myxastrum radians semble avoir atteint un degré de dé- 4 Loc. cit, pag. 10 et 30. 212 MÉMOIRES ORIGINAUX. veloppement encore plus élevé ; le contenu de ses kystes se di- vise en effet en plusieurs parties munies chacune d’une enve- loppe ; Hæckel leur donne le nom de spores. Chacune de ces spores, après s'être dégagée de la membrane du kyste, produit un zoospore en forme d’Actinophrys. Ces zoospores grandissent, peut-être seulement par suite de leur nutrition, peut-être aussi par copulation (le fait n’a pas été observé), contractent et résorbent leurs pseudopodes, sécrêtent une enveloppe et retournent à l’état de kyste. De tous les organismes que nous connaissons, c’est peut-être celui-là qui présente, avec les Vampyrella, la plus étroite parenté et qui établit le passage entre eux et les Myxomycètes. Mais nous avons constaté chez le Vampyrella divers caractères qui le rapprochent des animaux, et nous pouvons encore nous demander quels sont les êtres qui forment le passage entre eux et le règne animal. Les données actuelles ne sont peut être pas suffisantes pour établir de très près la parenté du Vampyrella avec les animaux ; mais il faut en tout cas la chercher parmi les Rhizopodes les plus inférieurs, etnotamment parmi les Amibes'. Il est possible que le Vuclearia établi par Cienkowski, et peut-être aussi l’Actino- phrys sol, appartient à ces formes de passage qui unissent les Vampyrella au règne animal. Quant au Vuclearia, ses zoospores ont, extérieurement du moins, la plus grande ressemblance avec ceux des Vampyrella. Au point de vue de leur forme, deleurs pseudopodes, de leurs mouvements, et aussi dans une cerlaine mesure au point de vue de leur mode de nutrition, il y a presque similitude entre les deux genres ; mais le développement du Nuclearia estencore trop imparfaitement connu pour nous permettre de conclure à leur parenté étroite. Ge que nous savons de l’Actinophrys nous autorise pourtant à la regarder dès maintenant comme vraisem- blable. 1 F.E. Schulze; Hypothetischer Stammbaum der Rhizopoden. Archiv. für mikr. Anatomie. Band XII, pag. 21, pl. I. LES VAMPYRELLA. 213 Il est certain que l’Actinophrys sol se relie directement au Mu- clearia. Tous deux sont constitués par un protoplasma incolore très vacuolaire, ont un noyau presque toujours central, et se rapprochent encore par la forme de leurs pseudopodes, par leur vacuole contractile, leur mode de nutrition et de division. Je crois devoir ajouter encore quelques observations person- nelles sur l’Actinophrys, dont la connaissance demande, je crois, à être complétée. Il me semble qu'il y a bien à ajouter encore sur la copulation ou la conjugaison de cet être, qui ne me paraît pas se produire aussi fréquemment que Hertwig et Lesser le prétendent. Mon intention n'est pas de développer ici la structure et le développement de l’Actinophrys sol ; je ne ferai qu’ajouter quel- ques renseignements complémentaires sur la division ella copu- lation dans cette espèce. J'ai pu suivre pendant six Jours de suite cinq 4ctinophrys que je cultivais dans une même préparation. Au début, ils avaient à leur disposition peu de nourrilure et témoignaient une remar- quable mobilité. D'eux d’entre eux, très différents de grosseur, vinrent en contact et formèrent, après leur fusion complète, un nouvel individu très grand, complètement sphérique, pourvu d’une cavité contractile. Plus tard, il se forma dans la prépara- tion une masse d’infusoires, el notamment de petits organismes mobiles monadiformes ; ils constituèrent pour les Actinophrys une nourriture très favorable. Ceux-ci se mirent à grossir aussi bien que ceux qui ne s'étaient pas accouplés, prirent la forme oblongue ou en biscuit, et laissèrent voir deux noyaux qui se trouvaient chacun au milieu d’une des moitiés de l’ensemble. La division ainsi préparée s’effectua alors ; les deux moitiés s’éloi- gnèrent l’une de l’autre; le protoplasma qui les réunissait devint de plus en plus étroit, se réduisit à un mince filet, et finit par se rompre. Cette division se reproduisit sous mes yeux 4 ou 5 fois en six jours. Pendant ce même temps, je ne pus voir qu'une seconde copulation, qui même n’aboutit pas complètement ; les 3e sér,, (Om. 11 15 214 MÉMOIRES ORIGINAUX. deux Actinophrys, au moment où leur union allait être complète, se séparèrent l’un de l’autre ; l’un d’eux recommença à se divi- ser comme antérieurement. De ces exemples et de quelques autres dans le détail desquels je crois inutile d’entrer, je crois pouvoir conclure que la copulation est un phénomène assez peu fréquent chez l’Actinophrys ; ceux de ces organismes qu’on ren- contre avec deux ou plusieurs noyaux oblongs ou en forme de biscuit, qu'Ehrenberg avait déjà observés et auxquels il a donné le nom d’A. difformis, sont, selon moi, des individus en voie de division et non de conjugaison ‘. Mais ce qui nous intéresse le plus en tout ceci, c’est qu'il y a réellement une copulation chez les Actinophrys, que cette co- pulation ressemble assez à celle que nous avons observée dans les Vampyrella pour que nous puissions reconvaître entre eux des caractères de parenté. Mais puisque nous savons déjà que le Nuclearia ressemble d’une manière remarquable à l’Actinophrys, nous avons aussi à voir par quels liens le premier s’unit aux Vampyrella. Le Nuclearia et l'Actinophrys ont tous deux des noyaux qui manquent aux Vampyrella, et marquent par conséquent un état de développement un peu plus élevé. C’est aussi le cas pour la plupart des Amibes, qui à d’autres points de vue aussi se relient aux Vampyrella, sans qu’on ait pourtant la preuve de leur parenté. On ne connait, je crois, aucune forme dépourvue de noyau qu’on puisse considérer comme intermédiaire entre le Vampy- rella et le Nuclearia. Sije considère l’Actinophrys et le Nuclearia comme formant le passage du Vampyrella aux animaux, c’est que je considère tout ce que nous savons des deux premiers comme étant avant tout de nature animale. Tels sont le mode de nutrition, la diges- tion des matières nutritives, la division, phénomènes qui oni tous lieu pendant la période de mouvement et se passent tout à 1 Ebrenberg; Infusionsthierchen, pl. XXXI, fig. 8. LES VAMPYRELLA, 215 fait comme chez les animaux déjà différenciés les plus voisins des êtres qui nous occupent ; ils diffèrent au contraire de cequi se passe ordinairement chez les plantes. Je pourraisajouter encore, à l'appui de ma manière de voir, la présence d’une cavité con- tractile. Si nous essayons de représenter dans un tableau les affinités et la parenté du Vampyrella avec les différents groupes inférieurs des plantes et des animaux, voici, à mon avis, comment nous pourrons l’établir. RÈGNE VÉGÉTAL. RÈGNE ANIMAL. En SR CC RS ZYGOMYCÈTES : . Rhizopodes TO Zygochytrium ? : FA . a S . 0 . Pa Tetrachytrium . . = : MYxOMYCÈTES . Actinophrys E 0 ® L * © . 0 . 5 “ Olpidiopsis Saprolegniæ . . . À L Amibes . . (Myxastrum)? : ia : ; . Nuclearia Protomyxa . .Monas amyli Monadopsis fire VAMPYRELLA Dans ce tableau, le Yampyrella occupe la place d’un point de départcommun aux deux règres; pourtant il est déjà plus végétal qu’animal, les principales particularités de son développement en témoignent. De cette souche, nous voyons sortir directement les Myxomy- 216 MÉMOIRES ORIGINAUX. cètes en passant par certains intermédiaires tels que le Mona- dopsis, le Monas amyli, le Protomyxa et peut-être le Myvastrum. Les Myxomycètes terminent cette série, car les autres champi- gnons nes’y laissent pas rattacher. Du Monas amyli sort une nouvelle série constituée par les Chytridiacées, et tout d’abord par l'Olpidiopsis Saprolegniæ, qui passe successivement au Zetrachytrium et au Zygochytrium, et par ces intermédiaires aux Zygomycètes. Il est plus difficile de rétablir les rapports généalogiques des animaux avec le Vampyrella. Ils paraissent passer d’une part aux Amibes, d'autre part aux Nuclearia, puis à l’Actinophrys et aux Rhizopodes, mais sans qu'il soit possible d'établir les degrés successifs de parenté que les recherches ultérieures feront peut- être découvrir. Il y a des organismes plus simples encore que le Vampyrella, mais nous ne pouvons dire encore quels liens les unissent entre eux. Je n'ai pas l'intention de rechercher non plus quels rapports existent entre les plantes à chlorophylle et celles dont nous venons de parler. De Bary l’a essayé récemment pour une autre série de champignons ‘. Il reste encore bien des choses à dire sur ce point, mais je n’ai voulu ici qu'étudier un petit rameau de l’arbre généalogique commun aux animaux et aux plantes. COUP D'OEIL GÉNÉRAL ET CARACTÉRISTIQUE DES ESPÈCES DE VAMPY- RELLA CONNUES ET DES ESPÈCES LES PLUS VOISINES. Pour compléter ce que j'ai dit, je crois devoir caractériser briè- vement les espèces connues de Vampyrella et les formes qui se relient le plus directement à elles, pour les réunir en famille. Ce sont le Monadopsis vampyrelloïdes, le Monas amyli, le Protomyxa aurantiaca et peut être le Myrastrum radians. A l’ex- ception de cette dernière espèce, toutes présentent les mêmes particularités que les Myxomycètes au point de vue de la forma- _1 De Bary et Woronin, Beiträge zur Morph. und Phys, der Pilze, Reihe 4, pag. 107-136. LES VAMPYRELLA. 217 tion du plasmode. Ils s’en distinguent surtout par leur vie aquati- que; c'est pourquoi je propose de leur donner le nom de Æydro- mytacées. Famille des HYDROMYxACÉES. Organismes parasites à vie aquatique formant des kystes des- quels procèdent directement, au moment de la maturité, un ou plusieurs zoospores. Les zoospores dépourvus de noyaux pren- nent la forme d’Actinophrys ou d’Amibes, et se réunissent deux par deux ou davantage lorsqu'ils se rencontrent, pour former des plasmodes. Les zoospores, aussi bien que les plasmodes qui en proviennent, peuvent former de nouveaux kystes après s'être nourris. Il se forme plus tard des kystes durables encore inconnus chez le Monadopsis et le Protomyxa. Cette famille comprend les genres suivants : 1° Vampyrella Cnk ; 2° Monadopsis Klein ; 3° Monas Cnk ; 4° Protomyx Hæckel. [. Genre Vampyrella Cnk. La caractéristique que je donne de ce genre est tout entière fondée sur mes observations person- pelles, qui d’ailleurs confirment celles de mes devanciers en tout ce qu'elles ont d’essentiel. Kystes à coloralion passant de l’orangé pâle au rouge brique sombre, ayant lors de la maturité une ou plusieurs taches fon- cées. Membrane du kyste bleuissant sous l’action de l’iode et de l'acide sulfurique. Le contenu coloré sort intact ou après s’être divisé en ?-4 corps protoplasmiques nus, rarement plus, Ce sont des zoospores qui se meuventau moyen de pseudopodes ou d’un bord mobile incolore. La sortie du contenu se produit en général en autant de points qu'il y aura de zoospores formés dans chaque kyste. La division a lieu pendant la sortie. La tache sombre demeure dans la membrane vidée du kyste, elle con- stitue un résidu de la digestion. Lorsque les zoospores s'unissent, les pseudopodes se fusionnent d’abord, puis ensuite le corps des zoospores ; 2 à 4 zoospores peuvent s’unir ensemble. Les plas- modes sont pelits, à peine plus grands que les gros zoospores, et ne présentent ni vacuole ni anastomoses. Les zoospores , 218 MÉMOIRES ORIGINAUX. aussi bien que les plasmodes, après s’être nourris, se transfor- ment presque immédiatement en kystes. Pour se nourrir, les zoospores et les plasmodes entourent complètement l’algue nocrricière, ou bien s'appliquent à sa surface, en dissolvent la membrane cellulaire et en sucent le contenu. Les z0ospores (et mème les plasmodes chez le V. pendula) peuvent passer à l’état de repos sans prendre de nourriture ; pour cela, ils rétractent leurs pseudopodes et se couvrent d’une enveloppe délicate. Finalement, is forment des kystes durables, et (à l'exception du V. vorax) sans que le contenu des kystes ordinaires sorte ; il se débarrasse seulement de ce qu'il ne digère pas, se contracte et s'entoure d'une nouvelle enveloppe. Le développement ulté- rieur de ces kystes est encore inconnu jusqu’à présent. On en connait sept espèces qu’on peut partager comme l’in- dique le tableau suivant : | V. Gomphonematis Hæckel : À V. vorax Cnk,. ; a. Kystes sessiles. À A. Zoospores munis de | V. Spirogyræ Cnk. V pseudopodes. . variabilis Klein. b.. Kyatés _pédicellas QU RS Et Aus . Kystes pédi ù V. inermis Klein. B. Zoospores sans pseudopodes, se mouvant au Le": : | : P nn V. pedata Klein. moyen d’une marge hyaline. —1.V. Gomphonematis Hæckel (Biol. Stud. I, pag. 163 et PI, VI, fig. 1-4). Kystes sphériques ; diamètre 60 à 70 y ; membrane du kyste transparente, amorphe, à doubles contours fortement indi- qués, dont l’épaisseur atteint le dixième du diamètre du kyste; ne bleuitpas par l’iode et l'acide sulfurique. Contenu du kyste rouge brique brillant, quelquefois plulôt orangé, très finement granuleux. Il se divise en quatre parties disposées aux quatre angles d’un tétraèdre, qui sortent plus tard et deviennent autant de zoospores à forme d’Actinophrys. — Zoospores à pseudopodes nombreux, fins, aigus, dans lesquels on voit des granules en mouvement. En progressant sur des objets solides, ils pren- nent des formes irrégulières toujours changeantes. Copulation des LES VAMPYRELLA. 219 zoospores inconnue.— Pour se nourrir, les zoospores entourent les cellules de Gomphonema, et après avoir absorbé le contenu d’une ou plusieurs de ces Diatomées, s’enkystent immédiate- ment, Kystes durables inconnus. À été observé par Hæckel en 1869 près de Bergen, en Norvège, sur une Bacillariée marine qu’il a nommée Gomphonema devasta- tum. Les kystes avaient pris la place qu'occupaient primitive- ment les cellules de la Diatomée, au sommet de ses pédicelles. — ?. V. vorax Cnk. (Voy. ci-dessus ; et Lüders, Bot. Zeit., 1860, pag. 377.) Kystes différents de forme et de grosseur comme la nourriture qu'ils englobent; diamètre 32 à 100 y. Membrane du kyste simple et très mince, bleuissant nettement par l’iode et l'acide sulfurique.— Contenu rouge-jaune sale, finement ponctué ; celui des kystes les plus petits sort sans se diviser ; presque toujours il se forme 2 à 6 zoospores qui sortent en même temps par autant de points qu'il y a de zoospores formés. — Zoospores de diverses grosseurs, de 16 à 20 », rarement sphériques, très irréguliers pendant le mou- vement, à formes très mobiles.— Pseudopodes fins, aigus, peu nombreux et très inégalement répandus, sans mouvement inté- rieur.— Zoospores s’unissant deux par deux ou davantage, for- mant des plasmodes très irréguliers, lobés et allongés, à très nombreuses petites vacuoles qui leur donnent l'aspect écumeux ; les plasmodes se divisent communément en deux ou trois parties qui peuvent ensuite se réunir de nouveau.—Pour se nourrir, Les zoospores ow les plasmodes entourent des Diatomées (Synedra) et les entraînent souvent pendant quelque temps ; puis il se forme autour du zoospore ou du plasmode une délicate membrane ; c’est à l’intérieur du kyste ainsi formé que s’accomplit la digestion. — Kystes durables formés ultérieurement ; ne renferment pas de Diatomées, formés par des zoospores ou des plasmodes qui ne se sont pas nourris ; pour cela, ils s’arrondissent, forment une très légère enveloppe ; le contenu en devient sphérique, se con- tracte et s'entoure d'une nouvelle enveloppe, épaisse, à double con- tour. Le contenu subit une troisième contraction et se recouvre d'une 220 MÉMOIRES ORIGINAUX. troisième membrane épaisse encore et à double contour. L’enve- loppe extérieure disparaît plus tard complètement, la deuxième présente souvent à sa surface quelques proéminences irrégulières, la troisième est directement appliquée sur le contenu, qui est rouge brun et divisé en granules épais, d’aspect huileux. Forme les kystes de Diatomées connus depuis longtemps. Je l'ai trouvé au Jardin botanique de Buda-Pesth, sur une petite Synedra qui vivait en groupes sur des tubes de Vaucheria. Cien- kowski l’a aussi observée sur différentes Diatomées, sur des Euglènes et des Desmidiées. Elle ressemble beaucoup à l'espèce précédente, mais s’en distingue nettement, notamment par son habitat, qui est toujours l’eau douce. —3.V. Spirogyræ Gnk (loc. cit., pag. 218 et fig. 44-56).—Kystes sphériques ou sphéroïdaux, plus rarement irréguliers, ayant envi- ron 60 y dansle sens transversal. Membrane bleuissant par l’iode et l'acide sulfurique, et enveloppée en outre, dans la jeunesse, d’une membrane délicate : le voile; le contenu, rouge brique, irréguliè- rement chargé de grosses granulations vers le milieu, se divise en deux et quatre parties qui sortent en différents points pour constituer les zoospores. — Zoospores ou bien sphériques ou bien irrégulièrement allongés pendant la période de mouvement. s seudopodes nombreux, effilés; les zoospores ont aussi de temps en temps, lorsqu'ils sont arrondis, des prolongements hyalins, obtus ; les deux espèces de pseudopodes sont animées de mouve- ments intérieurs. — Gopulalion des zoospores inconnue. Pour se nourrir, les zoospores ne rétractent pas leurs pseudopodes, s'appliquent en un point quelconque de la plante nutritive (Spi- rogyra), en percent la membrane, absorbent le contenu de ses cellules, et ne passent généralement à l’état de kystes qu'après avoir vidé plusieurs cellules. Les kystes durables succèdent directementaux kystes ordinaires; pour cela, le contenu rejette le résidu de la digestion et s’entoure d'une nouvelle membrane papilleuse. Vit sur les Spirogyra, sur lesquels il forme les kystes rouges connus déjà depuis longtemps. LES VAMPYRELLA, 221 —4, V. variabilis Klein (Voy. ci-dessus). Aystes très différents de forme et de grandeur ; sphériques, ellipsoïdes, ovoïdes irrégu- liers, ou présentant d’autres formes irrégulières et lobées ; dia- mètre des kystes sphériques 16-28 y, des kystes allongés 32-60 y, et exceptionnellement jusqu’à 92 w. Membrane du kyste simple, tendre, bleuissant par l’iode et l'acide sulfurique. Contenu du kyste rouge ou rouge-orangé, finement ponctué, avec une ou plusieurs taches sombres, suivant la forme du kyste. — Le con- tenu des petits kystes sort sans se diviser ; ordinairement, le con- tenu se divise en 2-4, erceptionnellementen dix parties, qui sortent en méme temps par autant de points qu'il y a de parties. La division et la séparation des résidus de la digestion ont lieu pen- dant la sortie. — Zoospores petits, 12 y environ, rarement arrondis, presque toujours oblongs, plus ou moins irrégulière- meut lobés, changeant de forme pendant le mouvement. Pseudo- podes fins, effilés, pas très nombreux et inégalement distribués, sans mouvement de granulations à leur intérieur. — Gopulation des zoospores deux par deux ou davantage, formant des plasmo- des de 68 y de grandeur, irrégulièrement lobés, anguleux. — Mode de nutrition comme dans l’espèce précédente. — Aystes durables, comme ceux de l’espèce précédente, à membraneinterne ornée de très petites verrues; diamètre : 12-28 y. Trouvé par moi sur diverses algues indéterminables aux envi- rons de Buda-Pesth. —5. V. pendula Cnk (loc. cit., pag. 221, et ci-dessus). ÆAystes sphériques, firés aux plantes nourricières par un pédicelle hyalin. Kyste et pédicelle enveloppés tous d’eux d’une membrane très délicate ou voile persistant, qui donne à l’ensemble la forme d'une poire. Diamètre du kyste 16-36 x. Membrane se colorant en bleu par l'iode et l'acide sulfurique. Gontenu rouge brique plus ou moins pâle, finement granuleux, avec une tache sombre en son milieu. — Le contenu des tout petits kystes sort sans se diviser, ailleurs il se divise en 2-4 parties ; la sortie a lieu simultanément en autant de points qu’il y a de parties formées. La séparation et l'élimination du résidu de la digestion ont lieu pendant la sortie. 222 MÉMOIRES ORIGINAUX. — Zoospores toujours sphériques, de 12-24 u, à surface entière- ment recouverte de pseudopodes nombreux, également répartis, effilés. — Copulation des zoospores par 2? ou par #4, déter- minant la formation de plasmodes sphériques ou tout au plus ovoides, d'un diamètre de 48 4 au maximum ; ils se meuventau moyen de pseudopodes identiques à ceux des zoospores. — Les zoospores, comme les plasmodes, peuvent s’enkyster d’une façon durable sans s’étre aucunement nourris. — Mode de nutrition identique à celui des espèces précédentes ; mais ici les pseudo- podes sont rétractés. — Kystes durables comme ceux de l'espèce précédente, avec cette différence qu'ici la membrane externe du kyste se recouvre de pointes qui s’avancent jusqu’au voile. Trouvé pour la première fois par Cienkowski, observé ensuite par moi. Vit sur les Œdogonium, et, d’après les observations de Cienkowski, sur les Bulbochaæte et sur d’autres Conferves. — 6.V.inermis Klein (Voy. ci-dessus). Très voisine de l'espèce précédente par la plupart de ses caractères ; elle s’en distingue par les suivants : le contenu des kystes sort toujours (?) sans se diviser ; Zoospores présentant, en outre, de nombreux pseudo- podes fins ; d’autres pseudopodes moins nombreux, gros, en massue, lobés, changeant de formes. — Le plasmode forme, du côté vers lequel s'effectue son mouvement, des prolongements väriables de forme et de grandeur, entourés d’une bordure hyaline étroite, qui circonscrit le contenu rouge. Le reste de la surface du plasmode est couvert de fins pseudopodes. — Membrane in- terne des kystes durables dépourvue de pointes. Observée par moi sur des Œdogonium à Zurich. —7.V. pedata Klein (Voy. ci-dessus). Xystes sphériques, hémi- sphériques, ellipsoides ou ovoïdes irréguliers, fixés dans les cellules des plantes nourricières par un ou deux gros prolonge- ments (pieds). Membrane simple, délicate, bleuissant par l'iode et l'acide sulfurique, hauteur des kystes 28-32 y, larg. 44-52 y. Contenu rouge brique sombre (quelquefois rouge viande sale ou brun jaunûtre) à grosses granulations, ayant toujours plusieurs taches sombres à l’état de maturité. Le contenu des petits kystes LES VAMPYRELLA. 923 s'échappe sans se diviser ; ordinairement il se divise en deux parties : dans ce cas, la séparation est indiquée d'avance par une ligne claire dépourvue de granules ; la sortie s’effectue par deux points opposés. Le résidu de la digestion persiste sous forme de globules colorés en brun. — Zoospores irrégulièrement arrondis et dépourvus de pseudopodes développant, seulement du côté vers lequel s'effectue le mouvement, une marge large, hyaline, occu- pant quelquefois la moitié du bord du zoospore, laissant voir dans son intérieur des courants de divers sens. — Copulation des zoospores incertaine, mais rendue vraisemblable par l’observa- tion de kystes doubles ; zoospores susceptibles de s’enkyster sans s'être nourris. — Mode de nutrition comme dans les quatre espèces précédentes ; un zoospore peut pourtant absorber à la fois le contenu de plusieurs cellules contiguës, pour s’enkyster ensuite. Kystes durables inconnus. Vit sur divers Œdogonium. Devra peut-être un jour être séparé des Vampyrella, pour être considéré comme le représentant d’un genre nouveau, lorsqu'on en connaîtra les kystes durables. IT. Genre Monadopsis Klein (Voy. ci-dessus). Renferme une seule espèce : M. vampyrelloïdes Klein. Kystes petits, presque toujours sphé. riques ou ellipsoïdes, à contenu rouge pâle, finement ponctué, dans leque! on voit encore des granulations obscures. Membrane colorée en bleu par l'iode et l’acide sulfurique ; le contenu se di- vise en deux ou trois parties qui quittent le kyste en même temps. La division n’a lieu que lorsque l’émission est commencée, — Zoospores très petits, rouge pâle, ponctués, irrégulièrement an- gulaires, amiboïdes, munis de quelques pseudopodes courts, ef- filés. Copulation des zoospores vraisemblable, se produisant sans doute pendant la nutrition.— Les zoospores, pour absorber leur nourriture, englobent les cellules d'algues unicellulaires et forment autour d’elles un nouveau kyste, soit qu'il n’y ait qu'un seul zoospore, soit que deux ou quatre se réunissent à ce mo- 224 MÉMOIRES ORIGINAUX. ment pour former un kyste commun. Dans la membrane vidée du kyste, on trouve des granules foncés entourés d’une légère enveloppe : ce sont les résidus de la digestion, — Kyste durable inconnu. | Observé par moi en même temps que les Vampyrella, autour de colonies de Tetraspora. Il. Genre Monas Cnk (Protomonas) Hæckel. (Gienkowski; Pringsh. Jahrb. f. wiss.Bot., tom. IT, pag. 427 et pl. XIX, fig. 7-17.— Arch. f. mikr. Anatom., tom. I, pag. 213, fig 1-5. — Hæckel, Biol. Stud., I, pag, 71.) Ce genre ne contient non plus qu’une seule espèce. M. amyli Cnk.(Protomonas amyli(Hæckel). Kystes sphériques, à membrane simple et délicate à contenu incolore, dont la divi- sion produit de nombreux zoospores. — Au début, les zoospores sont oblongs, fusiformes, munis de deux cils qui leur impriment des mouvements analogues à ceux des anguillules;plustardils pren- nent la forme d’Amibes ou d’Actinophrys,se couvrent d’un grand nombre de pseudopodes fins, aigus, etsontanimés de mouvements lents pendant lesquels ils changent de forme. La fusion de plu- sieurs zoospores amiboïdes forme un petit plasmode. Pour se nourrir, les zoospores ou les plasmodes entourent les grains d’a- midon et forment un nouveau kyste. Fréquemment, plusieurs zoospores entourent le même grain d’amidon et se fondent en- semble. — Les kystes durables se forment aux dépens des kystes ordinaires en rejetant le résidu de leur digestion, et se recou- vrent d’une nouvelle membrane ; à la face interne de la mem- brane primitive se forment des verrues en forme de coin, qui s’avancent vers l'intérieur. IV. Genre Protomyxa Hæckel {Biolog. Stud., tom.I, pag. 10-29 et 71, pl. I, fig. 1-12). Ce genre n’a encore qu’une seule espèce. P. aurantiaca Hæckel. Kystes sphériques, diamètre 120-200 y; membrane du kyste assez épaisse, amorphe, vitreuse et inco- LES VAMPYRELLA. 225 lore : n’est pas colorée en bleu par l’iode etl’acide sulfurique. Le con tenu rouge orangé, finement granuleux, se divise, lors de la maturité, en un grand nombre de parties arrondies, d’un dia- mètre de 17 y ; la membrane du kyste crève, et tous ces corps protoplasmiques sortent pour former les zoospores. Zoospores en forme de poire au début, munis d’un cil fin à leur extrémité ef- filée, à mouvements lents. Les zoospores deviennent plus tard amiboïdes et changent continuellement de forme pendant leurs mouvements. Les zoospores amiboïdes se fusionnent entre eux et constituent des plasmodes qui atteignent 0,5 à 1%, vacuo- laires, avec de longs pseudopodes qui s’anastomosent entre eux. Les Diatomées et les autres organismes qui leur servent de nour- riture sont, pendant la période de nutrition, englobées par les zoospores ou les plasmodes ; le contenu en est sucé et les enve- loppes sont rejetées. La masse protoplasmique prend alors une forme sphérique, sécrète une membrane et forme un nouveau kyste. — Kystes durables inconnus. Espèce maritime ; observée par Hæckel en 1867 aux îles Ca- paries. Elle se nourrit surtout du contenu de différentes Diato- mées et d’Infusoires. Il n’est pas possible de dire aujourd’hui si d’autres organismes que ceux-ci doivert être rangés dans la famille des Hydrom yxa- cées ni quels pourraient être ces organismes. Il y a parmi les êtres les plus inférieurs une foule de formes qui sont encore in- connues ou dont la connaissance est fort incomplète, de telle sorte qu'il n’est possible de rien dire de précis sur leur classifi. cation. Il y a là encore un vaste champ ouvert aux recherches ultérieures. (Mai 1882.) 226 MÉMOIRES ORIGINAUX. EXPLICATION DE LA PLANCHE. Fig. 1-14 Vampyrella variabilis Klein. 1-5 Kystes de différentes formes. 6 Kyste quadrilobé dont le contenu commence à sortir par dix points à la fois. 7-9 Le même kyste ; états successifs. — 7. Le contenu commence à sortir sous forme de quatre prolongements disposés en croix.— 8. le contenu se divise en quatre parties et rejette le résidu de la digestion — 9. Le contenu est complètement sorti; le résidu de la digestion demeure dans la membrane vidée du kyste. 12 Différentes formes de zoospores. 11 Zoospore muni seulement de deux longs pseudopodes. 12 Un plasmode formé de deux zoospores unis par un filet proto- plasmique étroit. 13 Kyste oblong irrégulier, dont le contenu sort pour former deux grands zoospores qui vont se réunir de nouveau immédiate- ment après leur sortie. 14 Kystes durables. 15-19 Vampyrella vorax Cnk. 15 Kyste entourant un groupe de Diatomées. 16 Kyste dont le contenu s'échappe en deux parties. 17 Zoospore sphérique. 18 Copulation des zoospores au début. 19 Kyste durable. 20-26 Vampyrella pendula Cnk. 20 Kyste mûr. 21-22 Le même kyste pendant la sortie de son contenu. 23-24 Copulation de deux zoospores ; états successifs. 25 État de repos d’un zoospore. 26 Kyste durable. 27-31 Vampyrella inermis Klein. 27 Zaospores en mouvement avec les deux sortes de zoospores. 28, Commencement de la sortie d’un zoospore d'un seul côté du kyste. 29 Commencement de la copulation de deux zoospores. L'un d'eux est encore engagé dans le kyste. 30 Plasmode formé de la fusion de plusieurs zoospores, animé d’un mouvement rapide vers la droite. LES VAMPYRELLA. 297 Fig. 31 Kyste appartenant très probablement au cycle d'évolution de cette sepèce. 32-38 Vampyrella pedata Klein. 32 Kyste mûr pourvu de deux pieds. 33 Kyste au moment où la sortie des deux zoospores commence à s’indiquer. 34-35 Le même kyste pendant la sortie des zoospores ; en 35, les résidus de la digestion sont rejetés par le protoplasma et demeurent dans la membrane du kyste. 36 Un zoospore, animé d’un mouvement vers la droite et pourvu de ce côté d’une marge incolore. 37 Zoospore muni de prolongements courts et obtus. 38 Kyste complètement vide, ne renfermant plus que les résidus de la digestion. 39-44 Monadopsis vampyrelloïides Klein. 99 Kyste mûr. 40 Sortie des zoospores par trois points à la fois. 41 Zoospores en mouvements. 42 Zoospore commençant à entourer une cellule d’algue verte. 43 Jeunes kystes à différents états de développement, renfermant des grains verts, de diverses dimensions et en nombre différent. 44 Kyste vide ne renfermant plus que le résidu de la digestion en- touré d’une enveloppe jaune-brun pâle. 228 EXCURSIONS BOTANIQUES EN ESPAGNE Par G. ROUY ORIHUELA, MURCIA, VELEZ-RUBIO, HELLIN, MADRID, IRUN. . (Mai 1881 — Juin 1882.) Dans le Bulletin de la Société Botanique de France (xxvin, pag. 153; xxix, pag. 40), j'ai déjà publié le compte rendu d’excursions faites autour de Jariva, à VALLDIGNA et à la SIERRA MarioLa, en mai 1879 et juin 1880. En 1881 et 1887, j'ai plus particulièrement consacré le temps dont je pouvais disposer, en Espagne, à étudier la végétation des environs de Murcia, d’Orihuela, d’Hellin, et à me rendre de Murcia à Velez-Rubio, dans le but d'explorer la sierra de Maimon, voisine de la sierra de Maria, mais dont le nom ne parait pas figurer dans les différents ouvrages publiés sur la flore espagnole. C’est le compterendu de ces diverses herborisations que je vais donner, en le faisant suivre de l'indication de localités nouvelles pour un grand nombre de plantes et d'observations sur certaines espèces ou variélés inédites, rares ou litigieuses. M. À. Guillon, d'Angoulême, le zélé botaniste auquel M. Cos- son a dédié le genre Guillonea, jusqu'ici particulier à l'Espagne, m'a accompagné en 1882. Son aménité bien connue a rendu le voyage des plus agréables, et, grâce à la parfaite entente qui n’a jamais cessé de régner entre nous, nous avons pu éviter ce fléau du naturaliste à l'étranger : l'ennui. Je netraiterai ici, bien entendu, que la partie botanique de ces excursions. En effet, dans un travail de ce genre, qui doit sur- tout être substantiel au point de vue scientifique, tout en restant concis, il ne m'appartient pas d'entrer dans les développements historiques ou descriptifs que nécessiteraient les très intéressants EXCURSIONS BOTANIQUES EN ESPAGNE. 299 monuments et les magnifiques panoramas répandus dans cette région du sud de l'Espagne, si curieuse, et cependant encore relativement bien peu fréquentée par les savants et les artistes. D'autre part, au point de vue purement matériel, les renseigne- ments utiles que peut désirer le voyageur sont fournis en abon- dance dans les Guides ou ltinéraires, sans lesquels actuellement peu de touristes ou excursionnistes se meltent en route ‘. 4° — COMPTES RENDUS D’HERBORISATIONS I. — CENTRE D'EXCURSIONS : ORIHUELA. Ville de 21,000 habitants, à 26 kilom. de Murcie, chef de district de la province d’Alicante, dont elle est éloignéo de 90 kilom., Orihuela est située au pied d’une sierra qui porie son nom et domine une vaste plaine (la huerta) très fertile, traversée par le Segura. Les excursions les plus intéressantes que l’on peut faire d’Ori- huela sont : 1° Rocher et col de San Miguel. 1 Voici la définition, indispensable pour l'intelligence du texte, des quelques mots espagnols forcément employés dans le cours de ces comptes rendus d’herborisations : Sierra : chaine de montagnes. Serrata : chaîne peu élevée, à sommets peu distants. Cerro : montagne isolée; ce mot s'applique aussi aux différents pics qui forment une chaîne. Les mots pico, picacho, sont pris dans le même sens, mais ils se rap- portent généralement aux pics des montagnes d'altitude plus considérable que celles composées de cerros ; le terme cabezo est plus particulièrement attribué à un pic très-élevé qui domine de beaucoup les autres hauteurs (a/{os) de la chaîne. Puerto : col, port, passage entre deux montagnes. Rio : fleuve, rivière, ruisseau devenant torrent. Barranco : ravin, petit torrent souvent à sec. Rambla : tranchée naturelle, souvent assez large, s'étendant entre deux montagnes ou deux chaines et présentant ordinairement l'aspect du lit desséché d’un fleuve ou d'une rivière, quelquefois même d'un torrent. Fondas : hôtels d'une certaine importance. — Posadas : hôtels de petite ville ; bonues auberges. — Venias: auberges médiocres, souvent bicoques, isolées çà et là sur les routes, 3e sér., tom. !1. 16 230 MÉMOIRES ORIGINAUX. 2° Sierra de Callosa. 3° Cerro de Urchillo. 4° Plaine entre la ville et la gare et salines de Beniel, 1° Rocher et col de San Miguel. On doit, dès que l’on est sorti de la ville, suivre le sentier assez escarpé qui conduit à l’important séminaire conciliar de San Miguel. Le long de ce chemin et sur les rochers avoisinants, on peut récolter : Sisymbrium Irio L., Koniga maritima R. Br. et var. rubescens, Fu- mana lævipes Spach, Frankenia pulverulenta L., Reseda lutea L. var. maritima Müll., Polygala rupestris Pourr., Linum strictum L., Malva Nicæensis All., M. microcarpa Desf., Erodium Chium Willd. var. Murci- cum (E. Murcicum Willd.), Psoralea bituminosa L., Paronychia argen- tea Lam., P.capitata Lam., Mesembryanthemum nodiflorum L., Anacy- clus Valentinus L., Phagnalon saxatile Cass., Kentrophyllum lanatum DC., Atractylis cancellata L., Centaurea Melitensis L. var. Apula (C. Apula Lam.), Campanula Erinus L., Hyoscyamus albus L., Lavan- dula multifida L., Teucrium pseudochamæpytis L., Plantago Lagopus L., P. albicans L. var. latifolia Willk. et Lge, Camphorosma Monspe- liaca L., Emex spinosus Campb., Rumex bucephalophorus L. var. Græ- cus Steinh., Asphodelus fistulosus L., A. tenuifolius Cav., Asparagus albus L., Andropogon hirtum L. var. longearistatum Willk. (A. pubes- cens Vis.), Stipa tortilis Desf., Lamarckia aurea Mœnch. La plupart de ces plantes se retrouvent du reste en abondance sur toute la sierra d'Orihuela. L’exploration des rocailles, champs et vignes situés au-dessus du Collegio et sur le versant oriental du cerro, face à la Muela et à la sierra de Callos., permet de recueillir les espèces suivantes, dont quelques-unes sont précieuses, entre autres les Ceniaurea saxicola Lag. et Sideritis glauca Cav., qui n'existent que là et sur la sierra de Gallosa : Brassica Cossoniana Boiss. et Reut., Fumana glutinosa Boiss., Helian- themum racemosum Dun. var. farinosum Dun., Dianthus Broteri Boiss. et Reut. var. macrophyllus Wilik. (D. Valentinus Wilik. olim}), Lava- tera maritima Gouan, Ruta angustifolia Pers., Rhamnus lycioides “A EXCURSIONS BOTANIQUES EN ESPAGNE. 231 Ononis minutissima L. var.calycina Willk. (0. barbata Cav.), Herniaria polygonoides Cav., Ptychotis ammoides Koch, Galium setaceum Lam., Asperula aristata L. f. var. macrosiphon Willk. et Lze, Scabiosa Mons- peliensis Jacq., Phagnalon saxatile Cass. var. intermedium DC. (Co- nyza intermedia Lag., P. Lagascæ Cass.), Picnomon Acarna Cass., Centaurea saxicola Lag., Convolvulus althæoides L. var. nanus Choisy, Cuscuta Epithymum L. var. macranthera Engelm., Orobanche loricata Reiïichb., Teucrium capitatum L. var. genuinum et var. gracillimum Rouy, Sideritis glauca Cav., Satureia cuneiïfolia Ten. var. canescens, Thymus Barrelieri Rouy var. intermedius, Plantago ovata Forsk., Caroxylon tamariscifolium Moq., Mercurialis annua L. var. Huetii J. Müll. (M. Huetii Hanry), Stipa parviflora Desf. Prenant ensuite à gauche pour descendre sur la ville, en faisant le tour du cerro et passaat par le col de San Miguel, on peut en- core rencontrer, en plus de certaines des espèces précédentes : Scabiosa maritima L. var. grandiflora Boiss. {S. grandiflora Scop., S. Cupani Guss.), Carduus Valentinus Boiss. et Reut., C. pyenocephalus L., Kentrophyllum arborescens Hook. (Durandoa Clausonis Pomel), Periploca lœævigata Ait, Echium pustulatum Sibth. et Sm., Lafuenta ro- tundifolia Lag. (Durieua spicata Mérat), Teucrium buxifolium Schreb., Sideritis Romana L., Plantago Bellardi Al]. 2° Sierra de Callosa. La sierra de Callosa, dominant le village de ce nom, à 6kilom. d’Orihuela, est une montagne d'environ 800 mètres d'altitude. Quoique plus élevée que le cerro de San Miquel, elle présente un peu moins d'espèces que ce dernier, par suite de son extrême aridité ; elle offre cependant les plantes suivantes : Nigella Damascena L., Brassica Cossoniana Boiss. et Reut., Carrich- tera Vellæ DC., Fumana lævipes Spach, Reseda Phyteuma L. var. in- tegrifolia Texid., R. Gayana Boiss. var. brevipes Rouy (R. leucantha Hegelm.), Frankenia pulverulenta L., Silene glauca Pourr., Dianthus Broteri B. et R. var. macrophylius Wilik., Lavatera maritima Gouan, Fagonia Cretica L., Ruta montana Clus., Rhamnus lycioides L., R. oleoides L., Psoralea bituminosa L., Herniaria polygonoides Cav. var. diffusa Rouy (H. paniculata Webb), Rubia peregrina L. var. angusti- 232 MÉMOIRES ORIGINAUX. folia G. et G. (R. angustifolia L., R. longifolia Poir.), Galium setacenm Lam., Scabiosa Monspeliensis Jacq., Phagnalon saxatile Cass., Carduus Reuterianus Boiss. var. pycnocephaloides Lge, Centaurea saxicola Lag., Kentrophyllum arborescens Hook., Microrhynchus nudicaulis Less. var. divaricatus DC., Vincetoxicum officinale Mœnch, Withania frutescens Pauq., Teucrium capitatum L. var. genuinum et s-var. procumbens, Side- ritis glauca Cav., S. Romana L., Statice echioides L., Stipa tortilis Desf., Lygeum spartum Loœfi. La route de Murcie à Alicante traverse, entre Callosa et Ori- huela, des champs de céréales et d'oliviers et des cultures de palmiers où vézgétent les : Moricandia arvensis DC., Lepidium Draba L., L. graminifolium L., Lavatera triloba L., Pezanum Harmala L., Senecio linifolius L., Ana- cyclus clavatus Pers., Achillea santolinoides Lag., Onopordon Illyricum L., Galactites tomentosa Mœnch, Picnomon Acarna Cass., Centaurea Melitensis L., C. Seridis L. var. maritima Willk. (C. maritima Duf.), C. aspera L., C. Nicæensis All. (C. furcata Desf.}), Kentrophyllum lana- tum DC., Echinops strigosus L., Scolymus Hispanieus L., Xanthium spinosum L., Convolvulus althæoides L., Marrubium Alysson L., Bro- mus rubens L. Ça et là, dans quelques bas-fonds plus ou moins humides: Ononis procurrens Wallr., Silybum Marianum Gærnt., Séatice delicatula Gir. et var. Tournefortii Bois., Phalaris paradoxa l., Imperata cylindrica P. B. 3° Cerro de Urchillo, D'Orihuela au pied du cerro de Urchillo, non loin du village de ce nom, situé à 7 kilom. de la ville, on rencontre : Polygala Monspeliaca L., Lotus siliquosus L , Vicia grecilis Lois., Scorpiurus subvillosa L., Acacia Farnesiana Willd., Lythrum acutan- gulum Lag., Sium latifolium L., S. angustifolium L., Achillea Agera- tum L., À. santolinoides Lag., Asteriscus spinosus G. et G., Centaurea pullata L., C. Nicæensis AIl., C. aspera L., C. Seridis L. var. maritima Willk., Samolus Valerandi L., Stachys hirta L., Marrubium Alysson L., Ballota hirsuta Benth., Lippia nodiflora Spreng., Euphorbia pubes- cens Desf.. Asparagus acutifolius L., Polypogon Monspeliense Desf., EXCURSIONS BOTANIQUES EN ESPAGNE. 233 -Piptatherum miliaceum Coss., Trisetum neglectum R. et Sch., Hordeum maritimum With. Dans les rocailles du cerro, et principalement dans les ébou- lis et rochers de la partie supérieure, croissent un grand nom- bre de plantes des plus intéressantes : Moricandia arvensis DC., Diplotaxis Lagascana DC. var. genuina (Pendulina Lagascana Willk.) et var. intricata Rouy (P. intricata Willk.), Koniga maritima R. Br. var. rubescens, Capparis spinosa L., Helianthe- mum lavandulæfolium DC., H. paniculatum Dun. var. genuinum et var. longifolium Willk., Fumana glutinosa Boïss. var. juniperina Willk. (H. juniperinum Lag.), Viola arborescens L., Reseda Gayana Boiss. var. brevipes Rouy, R. lutea var. maritima Müll., R. Phyteuma L. var. in- tegrifolia Texid., Polygala rupestris Pourr., Malva Hispanica L., Fa- gonia Cretica L., Ononis tridentata L. var. angustifolia Lge, O. Hispa- nica L.f., Anthyllis genistoides Duf., Doryenium suffruticosum Vill., Coronilla juncea L., Poterium Magnolii Spach, Sedum Clusianum Guss., Galium setaceum Lam., Asperula aristata L. f. var. brachysiphon Willk. et Lge, Scabiosa Monspeliensis Jacq. var. subacaulis Rouy, S. maritima L. var. grandiflora Boiss., Senecio linifolias L., Cupularia viscosa G. et G., Helichrysum decumbens Poir., Phagnalon saxatile Cass. var. inter- medium DC., Notobasis Syriaca Cass., Kentrophyllum arborescens Hook., Centaurea Lagascæ Nym. (C. incana Lag. non Ten.), Microlon- chus Clusii Spach, Microrhynchus nudicaulis Less. var. divaricatus DC., Zollikoferia pumila DC., Sonchus tenerrimus L., Scorzonera graminifolia L. var minor Willk. et Lge (S. pinifolia Gouan), Picridium Tingitanum Desf. var. subacaule Willk., Catananche cœrulea L., Cam- panula dichotoma L., Coris Monspeliensis L., Erythræa Barrelieri Duf., Convolvulus althæoides L., C. lanuginosus Desr. var. sericeus Boiss. (C. linearis DC.), Cuscuta Epithymum L. var. vulgaris Engelm., C. planiflora Ten. var. Tenorei Engelm., Chœnorrhinum crassifolium Lge, Orobanche barbata Poir., Phelipæa Muteli F. Schultz, Thymus membra- naceus Boiss. et Reut., Satureia cuneifolia Ten. var. canescens, Side- ritis leucantha Cav. var. serratifolia Willk., var. paucidentata Willk. et var. irtesgrifolia Coss. (S. Bourgæana Boiss. et Reut.), Teucrium pseu- dochamæpytis L., T. buxifolium Schreb., T. pumilum L., T. capitatum L. var. gracillimum Rouy s-var. rubriflerum (T. Majorana Pers.), Plan- tago albicans L. var. angustifolia Willk., Daphne Gnidium L., Thesium divaricatum Jan, Mercurialis annua L. var. Huetii J. Mull. (M. Huetii Haary),Chamærops humilis L., Asphodelus fistulosus L., Asparagus albus 234 MÉMOIRES ORIGINAUX. L., Avena barbata Brot. var. media Rouy, A. bromoides Gouan var. genuina et var. filifolia Rouy, Melica minuta L. var. saxatilis Coss., Dactylis glomerata L. var. lobata R ouy et var. juncinella Boiss. 4° Plaine entre la ville et la gare; Terrains salés près Beniel. La gare du chemin de fer de Murcie à Carthagène, à laquelle on a cru devoir donner le nom de station d'Orihuela, quoiqu'elle se trouve à plus de 13 kilom. de cette ville et qu'aucune route digne de ce nom, aucun service de diligence, ne réunisse les deux points, celte gare est située au pied d'un coteau sur lequel végé- tent quelques plantes à mentionner: Helianthemum racemosum Dun. var. farinosum Dun., H. squamatum Pers., H. paniculatum Dun., Reseda Gayana Boiss. var. brevipes, Elæo- selinum Lagascæ Boiss., Artemisia Hispanica Lam., A. glutinosa J. Gay, Lavandula multifida L.,Thymus membranaceus Boiss. etReut.,Teucrium Carthaginense Lge. Dans les sables de la gare, on peut prendre: Zygophyllum Fabago L., Peganum Harmala L., Kentrophyllum arbo- rescens Hook., Verbascum sinuatum L., Lygeum spartum L. Dans les dunes et sur les monticules qui s'étendent entre la gare et la ville, se rencontrent la plupart des plantes signalées entre Orihuela et Urchillo, et vers Callosa ; de plus, dans les landes salées voisines de Beniel, croissent : Frankenia Reuteri Boiss., Linum maritimum L., Mesembryanthemum nodiflorum L., Aizoon Hispanicum L., Statice cœsia Gir., Statice deli- catuls Gir., Atriplex glauca L., Suæda pruinosa Lge, Salsola vermicu- lata L. var. villosa Moq. (S. villosa DC.), Halogeton articulatus Bge, Salicornia macrostachya Moric., Junceus maritimus Lam., Imperata cylindrica P. B. II. — CENTRE D'EXCURSIONS : MURCIA. Le botaniste de passage à Murcie, capitale de la province de ce nom, doit tout au moins faire deux herborisations : l’une à Monte-Agudo, au nord-est de Murcie, et l’autre sur la sierra de EXCURSIONS BOTANIQUES EN ESPAGNE. 299 Fuensanta, au sud de la ville. Ces deux courses, d’ailleurs, join- tes à celles exécutées autour d'Orihuela, donnent un aperçu très suffisant de la végètation des environs de Murcie. 1° Monte -Agudo. Sortant de Murcie par la route d’Alicante, on peut recueillir le long de cette route, dans les champs et les fossés : Thalictrum glaucum Desf., Ammi majus L. et var. intermedium G. et G., Scandix Pecten-Veneris L., Scabiosa maritima L. var. grandiflora Boiss., Galactites tomentosa Mœnch, Picnomon Acarna Cass., Onopordon Illyricum L., Centaurea pullata L., C. Seridis L,. var. maritima Willk., Echinops strigosus L., Pinardia coronaria Less., Piptatherum milia- ceum Coss., Ægilops ovata L. On arrive bientôt (5 kilom.) au petit village de Monte-Agudo, pittoresquement situé au pied et sur les flancs d’un coteau peu élevé, mais presque abrupt, au sommet duquel existent les ruines d’un château-fort; j'ajouterai que ledit château est en partie couvert de cultures d'Opuntia, ce qui n’en rend point l'ascension plus agréable. L’exploration du Monte-Agudo procure, outre plusieurs plantes ubiquistes dans le sud-est de l'Espagne, quelques espèces inté- ressantes, telles que : Centaurea Seridis L., Lycium intricatum Boiss., Thymus Barrelieri Rouy var. ericoides (T. hyemalis Lge) Brassica Cossoniana Boiss. et Reut., Plantago ovata Forsk., etc. Voici, au surplus, la liste des plantes que le 4 juin 1882, !.A. Guillon et moi y avons remarquées : Brassica Cossoniana Boiss. et Reut., Capparis spinosa L., Polygala rupestris Pourr., Veiezia rigida L., Alsine procumbens Fenzl, Erodium malacoides L. var. subtrilobum Lge (E. subtrilobum Jord.), Pezanum Harmala L., Ononis Hispanica L. f., Mesembryanthemum nodiflorum L., Sedum altissimum Poir., Eryngium campestre L., Rubia pere- grina L. var. angustifolia G. et G., Galium saccharatunm All., Atrac- tylis cancellata L.. Kentrophyllum arborescens Hook., Carduus Valen- tinus Boiss. etReut. var. pyenocephaloides Rouy, Centaurea Seridis L., C. aspera L. s-var. subinermis, Andryaia Ragusina L., Zollikoferia rese- 2306 MÉMOIRES ORIGINAUX. dæfolia Coss. var. viminea Lge, Withania frutescens Pauq., Lycium intri- catum Boiss., Phelipæa cœæsia Reut., Teucrium capitatum L. var genuinum et var. gracillimum, Thymus Barrelieri Rouy var. ericoides (T. hyemalis Lge), Plantago ovata Forsk., P. amplexicaulis Cav., Statice Thouini Viv., S. echioides L., Caroxylon tamariscifolium Moq., Camphorosma Mons- peliaca L., Salsola longifolia Fo:sk., Rumex bucephalophorus L. var. Hispanicus Steinh., Asparagus aphyllus L., A. albus L., Stipa tortilis Desf., Melica ciliata L. var. intermedia (M. slauca F. Schultz) et var. elata (M. Magnolii G. et G.), Dactylis glomerata L. var. australis Wilk. 2° De Murcia à Algezsares et au sanctuaire de la Fuen santa. Au lieu de suivre le chemin fort poussiéreux qui conduit à la Fuen santa (Fontaine sainte), chemin dont les bords n’offrent, en juin, que des plantes desséchées et de peu d'intérêt, ce que nous avons pu constater au retour , il est préférable de tâcher de gagner directement, à travers les cultures, le village d’Alge- zares. Ce trajet n’est pas toujours commode, et, sans même tenir compte des exclamations plus ou moins compréhensibles de bra- ves gens dont on parcourt les propriétés sans cependant causer aucun dommage, l’on est exposé à rencontrer certains obstacles, larges fossés ou haies d’Opuntia, qui souvent vous obligent à revenir quelque peu en arrière. Mais ce sont là minces incidents pour le botaniste, et d’ailleurs on peut aiusi recueillir entre. Murcia et Algezares plusieurs plantes, dont quelques-unes non à dédaigner : Ranunculus arvensis L., Erucastrum incanum Koch (Hirschfeldia adpressa Mœnch), Moricandia arvensis DC., Rapistrum rugosum All., Zyÿgophyllum Fabago L., Lythrum acutangulum Lag., Œnanthe peuce- danifolia Poll. var. major Rouy, Pinardia coronaria Less., Achillea Ageratum L., A. santolinoides Lag., Onopordon Illyricum L. Centaurea pullata L., C. Melitensis L., C. Nicænsis AÏl., C. Seridis L. var. ma- ritima Willk,, Scolymus Hispanicus L., Echium plantagineum L., Mar- rubium Alysson L., Ballota hirsuta Benth., Atriplex glauca L., Suæda fruticosa Forsk., Cyperus escalentus L., Lygeum spartum Lœfl., Phalaris paradoxa L. À Alocezares (6 kilom. de Murc'e), on doit prendre sur les bords de la route qui va à Beniajan : EXCURSIONS BOTANIQUES EN ESPAGNE. 237 Reseda lutea L. var. brevipes, Melandrium macrocarpum Willk. Lavatera Cretica L., Malva microcarpa Desf., Polycarpon tetraphyl- lum L., Anacyelus clavatus Pers., Atractylis humilis L., Teucrium pseudochamæpytis L., Caroxylon tamariscifolium Moq. Il convient alors de suivre le chemin qui s'élève sur les flancs de la sierra jusqu’au sanctuaire de Fuen santa, en ne négligeant pas, bien entendu, de s’écarter quelque peu sur les rochers de droite et de gauche, car lesdits rochers présentent des rarelés telles que Galium Murcicum Boiss. et Reut., Umbilicus Gadita- nus Boiss., Erucastrum Bæticum Lge, etc. En opérant ainsi, l'on s'expose à employer deux heures pour faire un trajet demandant environ une demi-heure, mais aussi cela permet d’entasser dans la boîte ou dans le cartable nombre de plantes peu communes : Clematis Flammula L., Erucastrum Bæticum Lge (Corynolobus Bæti- cus R. Rœm.}, Carrichtera Velle DC., Helianthemum marifolium DC. var. cinerascens Willk., Viola arborescens L., Reseda Gayana Boiss., Ononis Hispanica L. f., O. Sicula L., Coronilla minima L. var. australis G. et G. (G. Clusii Duf.), Herniaria polygonoïdes Cav. var. intermedia Rouy, Umbilicus Gaditanus Boiss., Thapsia villosa L., Eryngium campestre L., E. ilicifolium Lam., Galium Murcicum Boiss. et Reut., G. setaceum Lam., Asperula aristata L. f. var. macrosiphon Willk. et Lge, Callipeltis cucullaria DC., Vaillantia hispida L., Filago spathulata Presl var. prostrata Willk. et Lge, F. micropodioides Lge, Micropus bombycinus Lag., Kentrophyllum arborescens Hook., Ery- thræa latifolia Sm. var. tenuiflora { E. tenuiflora Hoffg. et Link) et var. pseudolinarifolia Rouy, Linaria lanigera Desf., Digitalis obscura L.,Trixago ApulaStev. var. lutea Willk. et Lge (Rhinanthus Trixago L.), Teucrium aureum Schreb. var. latifolium Willk.et Lge et s-var. canes- cens (T. gnaphalodes G. et G. non Vahl)., Lavandula multifida L., Satureia cuneifolia Ten. var. canescens, Statice echioides L., Uropetalum sero- tinum Gaw., Asparagus albus L., Andropogon hirtum L. var.longearis- tatum Willk. (A. pubescens Vis.}, Stipa parviflora Desf., Avena barbata Brot. var. triflora Willk., Cheilanthes odora Sw. Après s’être reposé quelques instants sous les arbres qui en- tourent la magnifique Fuen santa, on doitexplorer les grands ro- chers qui la dominent, et, tant après leurs parois que parmi les rocailles de leur base, on récolte : 238 MÉMOIRES ORIGINAUX. Delphinium peregrinum L., Moricandia arvensis DC., Reseda lutea L. var. brevipes, Spergularia campestris Willk., Elæoselinum Lagascæ Boiss., Cynoglossum pictum Desf., Chænorrhinum crassifolium Lge var. intermedium Rouy, Lafuentea rotundifolia Lag., Phelipæa lavandulacea F. Schultz, Statice delicatula Gir., Melica minuta L. var. vulgaris Coss. — Retour à Murcie. IT. — DE MURCIA A VELEZ-RUBIO. Distance, aller et retour : 216 kilom. C’est une absence d’envi- ron huit jours, étant donné qu’il faut au moins consacrer deux journées bien employées à l’exploration des environs immédiats de Velez-Rubio et particulièrement de la haute sierra de Maimon, en négligeant même la sierra de Maria, dontla flore est actuelle- ment bien connue, grâce aux recherches de Clemente, Webb, M. Willkomm, Bourgeau, Rossmaessier, etc. D'autre part, la pensée de nous voir cahotés six jours sur huit en patache espagnole (vulgo « tartana »), le iong d’une route forcément difficile dans certains passages, et presque totalement dépourvue d’ombre, n’a rien de bien tentant, la tartana, sorte de voiture à deux roues et non suspendue, ne pouvant être considérée comme le plus agréable des modes de locomotion, mais constituant cependant le seul moyen de transport pratique pour se rendre, muni d’un assez volumineux bagage, de Murcie à Velez. Toutefois, M. À. Guillon et moi nous estimons qu'après tout nous éviterons ainsi les entassemeuts des diligences, et qu’en outre, étant absolument nos maîtres, nous serons à même de nous arrêter, le long du parcours, où bon nous semblera et de faire dès lors quelques découvertes dans des régions jusqu'à présent peu fréquentées par les botanistes. Cette perspective, jointe au désir de voir le sud de la province de Murcie et un peu le nord de celle d’Almeria, nous décide. Je dois dire que nous eûmes à passer quelques mauvais mo- ments, tant de jour que de nuit; mais nos excellentes récoltes, ainsi que les superbes panoramas qu’il nous fut donné de contem- plier, compensèreut amplement les petits inconvénients du voyage. EXCURSIONS BOTANIQUES EN ESPAGNE. 239 PREMIÈRE JOURNÉE. — De Murcia à Totana, par Alcantarilla, Lebrilla et Alhama (44 kilom.). De Murcie à Alcantarilla, la route est bordée de magnifiques platanes entretenant une douce fraicheur dont nous apprécions le prix, tout en admirant les splendides jardins ou cultures que nous traversons et qui ont fait considérer la vega de Murcie comme ne le cédant pas aux célèbres campagnes de Grenade et de Valence. Mais, après avoir passé Alcantarilla, changement radical : plus rien que des champs desséchés que coupe une roule poussiéreuse complètement dépourvue d'arbres. Gà et là, quelques pins parasols, quelques robustes Opuntia, quelques Agave à hampe gigantesque sur le point d’ouvrir ses fleurs, enfin de rares oliviers plus ou moins rabougris, interrompent seuls la monotonie du paysage ; l'horizon est limité par des montagnes dénudées où la végétion arborescente, s’il en existe, est tellement réduite qu’elle nese distingue pas sur le fond gris uaiforme qui de tous côtés borne la vue. Inutile de dire que dans ces terres brülées, dans ces fossés à sec, nous essayons ea vain de trouver quelques plantes bonnes à signaler ; le soleil et la poussière ont presque tout anéanti. Tout au plus pouvons nous voir : Ranunculus muricatus L. Moricandia arvensis DC., Lepidium Draba L., Rapistrum rugosum All., Peganum Harmala L., Echinops strigosus L., Galactites tomentosa Mœnch, Senecio linifolius L., Scolymus Hispa- nicus L. Nous arrivons enfin à Zotana, où nous consacrons tout le temps qui nous reste, avant la tombée de la nuit, à changer de papier nos récoltes des jours précédents. DEUXIÈME JOURNÉE. — De Totana à Puerto de Lumbreras, par Lorca. En quittant Totana, ville dont la population de cultivateurs est fortement mêlée de gitanos, nous entrons dans une région plus favorable au botaniste, car nous trouvons des champs 240 MÉMOIRES ORIGINAUX. rocailleux, des ruisseaux à sec, des garrigues et d'anciennes salines. À 4 kilom. de Totana, le lit desséché d’un torrent, descendant de la sierra située à droite de la route, attire notre attention, et nous y prenons : Diplotaxis Lagascana DC. var. genuina, var. Webbiana (D. hispida Webb non DC.) et var. intricata (Pendulina intricata Willk.}, Guiraoa arvensis Coss., Astragalus pentaglottis L., Herniaria cinerea Lam., Pinardia coronaria Less., Achillea santolinoides Lag., Artemisia Barre- lieri Bess., A. Herba-alba Asso var. incana Boiss., Kentrophyllum lana- tum DC., Centaurea Seridis L. var. maritima Willk., Caroxylon tama- riscifolium Moq., Asphodelus tenuifolius Cav., Macrochloa tenacissima Kunth. Dans une petite garrigue, à environ 11 kilom. de Totana, nous faisons une seconde halte et nous recueillons : Eruca stenocarpa Boiss. et Reut. var. major Rouy (E. orthosepala Lge), Capparis spinosa L., Reseda lanceolata Lag. et var. trisecta Rouy (R. constricta Lge), R. lutea L. var. pulchella Müll., Zizyphus Lotus Lam., Kentrophyllum arborescens Hook., Centaurea Melitensis L., C. Nicæensis AIl., Scolymus maculatus L., Marrubium Alysson L., Teucr. capitatum L., Thymus hirtus Willd. var. erianthus Boïiss. et var. capi- tatus Boiss., T. Zygis L. var. gracilis Boiss., T. membranaceus Boiss. et Reut., Camphorosma Monspeliaca L., Euphorbia Lagascæ Spreng., Cha- mœærops humilis L., Ægilops triuncialis L., Lygeum spartum Lœfl. Un peu plus loin, la route longe d’anciennes salines qu’on s'efforce de mettre en culture; l’un de nous y récolte: Picridiwm Tingitan. Desf., Sonchus zollikoferioides Rouy, Statice echioides L., Beta maritima L., Salicornia macrostachya Moric., Emex spi- nosus Campb., Dactylis glomerata L. var. australis Willk., et nous arrivons peu après à Lorca, ville de 53,000 habitants. Getle importante cité, divisée en deux parties par le rio Guadalantin, est située au pied de la sierra del Cano, couronnée par un ancien château-fort assez bien conservé, paraît-il. L'exploration de cette sierra, d'altitude d’ailleurs peu considérable, pourrait peut-être nous procurer quelques plantes non encore vues, mais nous EXCURSIONS BOTANIQUES EN ESPAGNE. 241 n'avons que juste le temps de déjeuner à Lorca et de continuer ensuite notre route jusqu'à Puerto de Lumbreras, où nous remar- quons, dans les champs qui précèdent le village, quelques beaux pieds d’Hippomarathrum pterochlænum Boiss. TROISIÈME JOURNÉE. — De Puerto à Velez-Rubio. Puerto de Lumbreras est situé à la bifurcation des routes d’Al- meria par Huercal-Overa et de Grenade par Velez-Rubio et Guadix. Avant de nous engager sur cette dernière, il nous paraît utile d’explorer les sables de la Rambla qui traverse le village, ainsi que le coteau sur lequel s’étage la partie occidentale de Puerto. Dans les sables de la Rambla, sur ses bords et au pied du coteau, dans des terrains salés, croissent : Hypecoum procumbens L., Erucastrum incanum Koch, E. Pseudosi- napis Lge, Frankenia pulverulenta L., Silene inaperta L., Zizyphus Lotus Lam., Lathyrus Clymenum L., Eryngium ilicifolium Lam., Ono- pordon corymbosum Willk., Centaurea Malacitana Boiss. et Reut., Achillea Ageratum L., Statice Thouini Viv., S. echioides L., S. salsu- ginosa Boiss., Halogeton sativus Moq., Osyris alba L., Euphorbia ter- racina L. et var. angustifolia Lge (E. Valentina Ortega), Piptatherum paradoxum P. B. Sur le coteau de Puerto on peut recueillir: Diplotaxis Lagascana DC. var. intricata, Alyssum campestre L., Helianthemum lavandulæfolium DC., H. lineare Pers., Reseda stricta Pers., Polygala exilis DC., Anthyllis cytisoides L., À, genistoides Duf., Doryenium suffruticosum Vill. et var. Hispanicum Rouy, Astragalus Narbonensis Gouan, Hippocrepis glauca Ten., Herniaria polygonoides Cav., Helichrysum Stœchas DC. var. Hispanicum ([H. Hispanicum Jord. et Fourr.), Micropus supinus L., Atractylis humilis L., Centaurea intybacea Lam., Crupina Crupinastrum Vis., Xeranthemum inapertum Willd., Urospermum picroides Desf., Scorzonera graminifolia L. var. minor Willk. et Lge, Zollikoferia resedæfolia Coss. et var. minor Rouy, Z. Spinosa Boiss. (Lactuca spinosa Lam.|, Echium plantagineum L., Nonnea nigricans DC., Lavandula Stæœchas L., L. multifida L., Bal- lota hirsuta Benth., Sideritis leucantha Cav. var. flavovirens Rouy, Teucrium capitatum L. var. genuinum et s.-var. rubriflorum, var. gTa- cillimum Rouy ets.-var. rubriflorum (T. Majorana Pers.), Lygeum spartum Lœfl. 242 MÉMOIRES ORIGINAUX. Ces récoltes faites, nous partons pour Velez. Le chemin suit la Rambla pendant environ 6 kilom. et s’engage ensuite dans un défilé où nous descendons forcément de voiture, le malheureux mulet pouvant à peine tirer le véhicule et les colis. Nous essayons bien d’herboriser quelque peu sur les bords de ce ravin, mais Moricandia arvensis DG., Anchusa ITtalica Retz, Artemisia glu- tinosa J. Gay, Helichryswm serotinwm Boiss., Thymus Zygis L. sont les seules plantes que nous apercevons dans ces terrains arides. Ce mauvais passage franchi, la route devient sensiblement meilleure. Après avoir traversé de nombreux torrents de peu d'importance, tels que les ramblas del Yunque, de la Calderona, de la Oliverica, en serpentant sur les nombreux contreforts du Cabezo de la Jara et de la sierra Cambi, elle longe pendant quel- que temps la rambla de Nogalte. Au Puerto de Viotar, point cul- minant (alt. 850 m.), la route, suivant la rambla de la Charche, commence à descendre sur Velez-Rubio, distant encore d’une dizaine de kilomètres. Nous faisons, durant ce parcours, trois haltes. La première, un peu avant la venta de Montalon, nous procure: Reseda lanceo- lata Lag. et var. trisecta, R. lutea L. var. pulchella Müll., Herniaria fruticosa L., Crucianella angustifolia L., Atractylis cancellatæ L., Scrofularia crithmifolia Boiss. var. major Rouy, Carozylon tamariscifolium Moq., Dactylis glomerata L. var. australis Willk. La seconde, à l’endroit où la route franchit la petite rambla de la Oliverica, nous permet de récolter : Reseda lutea L. var. stricta Müll., Buffonia tenuifolia L., Retama sphærocarpa Boiss., Paronychia nivea DC., P. aretioides DC., Her- niaria polygonoides Cav., Galium fruticescens Cav., Scabiosa Monspe- liensis Jacq., Centaurea aspera L. s.-var. subinermis, C. Malacitana Boiss, et Reut , Zollikoferia resedæfolia Coss., Scorzonera graminifolia L. var. intermedia, Chænorrhinum crassifolium Lge, Phelipæa arenaria Walp., Beta atriplicifolia Rouy, Parietaria diffusa M. et K., Gastri- dium lendigerum.Gaud., Cynosurus echinatus L. EXCURSIONS BOTANIQUES EN ESPAGNE. 243 La troisième enfin, au pied du cerro Retamar, situé sur la gauche de la route à 4 kilom. de Velez, nous met à même de prendre : Diplotaxis virgata DC., Ononis ramosissina Desf. var. vulgaris Willk. et Lge, Anthyllis cytisoides L., Thapsia villosa L., Galium seta- ceum Lam., Callipeltis cucullaria DC., Centranthus Calcitrapa Dufr., Anchusa Italica Retz, Digitalis obscura L., Thymus Zygis L. var. flori- bundus Boiss., T. membranaceus Boiss. et Reut., Rumex induratus Boiss. et Reut., Euphorbia Nicæensis All., Macrochloa tenacissima Kunth. IV.— CENTRE D'HERBORISATIONS : VELEZ-RUBIO. Velez-Rubio, chef-lieu du district septentrional de la province d'Almeria, est situé presque au pied d’une haute chaîne à peu près dépourvue de végétation arborescente et couronnée par d'immenses rochers bizarrement découpés, abrupts du côté de la ville : c’est la sierra de Maimon. Plus loin à l’ouest, sur la route de Grenade, se trouve la sierra de Maria, qui fait pour ainsi dire suite à la sierra de Maimon et dont l'altitude ne paraît point différer sensiblement de celle de cette dernière chaine ‘. Parmi les autres montagnes, tout aussi dénudées, qui entourent Velez- Rubio, il convient de citer : au sud-ouest, la sierra de las Estancias, que précède la serrata del Castellon, parallèles aux sierras de Maimon et de Maria ; à l’est, la sierra del Viento ; au nord-est, le cerro de las Dos Hermanas et le cerro Piar ; plus 1 M. Willkomm cite, dans le Prodromus floræ Hispanicæ, certaines plantes (Silene Boryi, Telephium Imperati, ete.) comme ayant été récoltées sur la sierra de Maria, entre 4000 et 6500 pieds et de 5800 à 7000 pieds. J'estime que les chiffres de 6500 et 7000 pieds sont trop forts pour l'altitude de la sierra de Maria. La carte d'état-major de la province d'Almeria, dressée par les soins de M. le colonel Francisco Coello, ne mentionne aucune altitude pour les diftérents pics de la sierra de Maria ; mais l'altitude du pic le plus élevé de la sierra de Maimon, le cerro de Maimon grande, est comptée pour 5700 pieds. Or, la sierra de Maria ne parait nullement plus haute que la sierra de Maimon, et en tout cas il est difficile d'admettre que la différence d'altitude de ces deux chaînes si voisines puisse être de 1300 pieds. 244 MÉMOIRES ORIGINAUX. loin, au nord, au delà des contreforts du cerro de Maimon grande qui s'étendent entre Velez-Rubio et Velez-Blanco, le cerro de Almezara et la Muela de Montreviche. On conçoit qu'il eût fallu au moins un mois pour explorer avec le soin nécessaire, non-seulement ces diverses montagnes, mais encore les nombreux altos qui, dans un rayon de quatre lieues, couvrent les environs de Velez-Rubio. A notre grand regret, nous étions loin de pouvoir disposer d’un laps de temps aussi considérable, et nous dûmes resteindre nos excursions à la sierra de Maimon, en lui consacrant le peu de temps qu’il nous était donné de passer à Velez. 1. Cerro de Maimon grande. La première herborisation, que jefis seul, fut consacrée au cerro de Maimon grande, le plus rapproché de Velez. En sortant de la ville par la porte de Grenade, on voit le long des fossés quelques plantes relativement vulgaires, mais cepen - dant peu répandues dans ces régions : Epilobium hirsutum L., Lythrum Salicaria L., Rubus discolor W.et N., Pulicaria Dysen- terica Gærtn., Juncus effusus L.; dans les fossés, Samolus Valerandi L., Alisma Plantago L., Chara hispida L. Commencçant bientôt l'ascension du cerro, je recueille dans les champs, les vignes, les ravins : Ræœmeria violacea Medik., Matthiola tristis R. Br., Biscutella auri- culata L. et var. erigerifolia Wilik. (B. erigerifolia DC.), Rapistrum rugosum All., Helianthemum hirtum Pers. var. aureum Dun., Agros- temma Githago L., Linum suffruticosum L., Calycotome spinosa Link, Astragalus Glaux L., Hippocrepis comosa L, var. prostrata Boiss., Rosa agrestis Savi, Poterium Magnolii Spach, Paronychia nivea DC., Orlaya platycarpos Koch, Galium fruticescens Cav., G. Parisiense L. var. vestitum G. et G. (G. litigiosum DC.), Callipeltis cucullaria DC., Scabiosa Monspeliensis Jacq.,Santolina Chamæcyparissus L.var. incana G. et G., Anacyclus clavatus Pers., Inula montana L., Leuzea conifera DC., Serratula pinnatifida Poir., Andryala Ragusina L. var. minor Lgé, Echium Italicum L., Cynoglossum cheirifolium L., Verbascum Thapsus L. var. semidecurrens (V. montanum Schrad.), Marrubium EXCURSIONS BOTANIQUES EN ESPAGNE. 245 supinum L. var. Boissieri Rouy (M. sericeum Boiss.), Daphne Gnidium L., Allium sphærocephalum L., Andropogon hirtum L. var longearis- tatum Willk. (A. pubescens Vis.), Stipa tortilis Desf., Cynosurus echi- natus L. Dans les éboulis situés au pied des grands rochers abrurpts, et sur les parois de ceux-ci, se trouvent les : Eruca stenocarpa Boiss. et Reut. Alyssum campestre L. var minus Rouy, Biscutella stenophylla Duf. (forma siliculis lævibus et forma siliculis scabriusculis), Arenaria capitata Lam., A grandiflora L., Cerastium Boissieri Gren., Dianthus brachyanthus Boiss. var montanus Willk. et Lge, Rhamnus lycioides L., Ononis brachyantha Rouy (0. parviflora Cav.an Lam.?),Vicia onobrychioides L., Paronychia aretioides DC., Chærophyllum nodosum Lam., Galium aciphyllum var.cæspitosum Willk. et Costa, Onopordon acaule L., Carduus Granatensis Willk., Centaurea ornata Willd. var macrocephala Willk., C: macrorhiza Wil k., Xeranthemum inapertum Willd., Zollikoferia resedæfolia Coss. var. minor, Scorzonera graminifolia L. var. minor Willk et Lge, Leontodon Hispanicus Mér., Echium angustifolium Lam, var humile Rouy, Convolvulus lanuginosus Desr. var. sericeus Boiss., Orobanche barbata Poir., Lavandula lanata Boiss., Marrubium supinum L. var. bombycinum Rouy, Sideritis leucantha Cav. var. integrifolia Coss. (S. Bourgæana Boiss. et Reut.}, Nepeta amethystina Desf. var. intermedia Rouy (N. Murcica Guir.) et var. alpina Willk., Uropetalum serotinum Gaw., Echinaria capitata Desf. var. pumila Willk. (E. pumila Willk. olim), Notochlæna vellea Desv. Le long du ruisseau (barranco del Cuballon) qui serpente sur les flancs du cerro croissent : Ononis procurrens Wallr., Rosa Almeriensis Rouy, Cirsium Monspessulanum Al. var. ferox Coss., Chœnorrhinum villosum Lge var. Granatense Bourg. (Linaria Granatensis Willk.), Samolus Valerandi L., Mentha silvestris L. var. candicans Benth. Sous les rochers d’où jaillit le ruis- seau, dont la source est souterraine, existe l’Adéanthum Capil- lus-Veneris L. En descendant sur Velez, on trouve encore, sur le versant sud-est du cerro: Geranium purpureum VNill., Antirrhinum Barrelieri Bor., Digitalis obscura L., Nepeta amethystina Desf. var. genuina. 3e sér., tom, JI. 11 246 MÉMOIRES ORIGINAUX. Pendant que je fais l’ascension du cerro de Maimon grande, M. Guillon consacre deux heures à l’exploration du premier coteau de la serrata del Castellon. Outre plusieurs plantes déjà mentionnées dans la course précédente, il y recueille les Mat- thiola lunata DC. et Anthyllis tetraphylla L. que rous n’avions pas encore vus. 2° Altos de Caveles et cerro de la Pena alta. Notre seconde herborisation se fait également sur la sierra de Maimon, mais à l’ouest, à l’autre extrémité de la chaîne, sur le cerro de la Pena alta, au-dessus de la fontaine dite Fuen santa et des coteaux de C'aveles. Nous partons de Velez en tartana, emportant le nécessaire pour déjeuner dans la montagne. Suivant pendant 6 kilom. la route de Grenade où, seuls, les Lavatera triloba L. et Phlomis Herba-Venti L. var. tomentosa Boiss. fixent notre attention, nous prenons ensuite le premier chemin sur la droite. Ce chemin nous conduit à une ferme dont la propriétaire, jeune femme née de mère française, nous accueille avec affabilité, ce que nous appré- cions d’autant plus qu’en dehors des fondas ou des posadas, l'étranger est quelquefois un peu froidement reçu dans les cam- pagnes de la Péninsule. Nous abandonnons notre voiture pour quelques heures et, lestés de nos ustensiles et provisions, nous commençons, par une chaleur accablante, à gravir les hauteurs de Caveles sur lesquelles se dresse le cerro de la Pena alta; notre but est d’arriver, en deux ou trois heures bien employées, au pied de certaines roches situées un peu avant la Pena et à l'ombre desquelles nous nous proposons de déjeuner. Malheureu- sement, nous constatons bientôt que trois profonds ravins, sans compiler plusieurs crevasses de moindre importance qu'il nous était impossible d’apercevoir de la ferme, vont nous occasionner des montées et des descentes fort rudes, non faites pour nous ragaillardir ; de plus, cela va nous retarder assez pour que vers midi seulement nous puissons être auprès des susdites roches EXCURSIONS BOTANIQUES EN ESPAGNE. 247 qui devaient nous procurer un peu d'ombre! Mais nous ne som- mes pas venus dans les sierras du sud de l'Espagne pour y jouir de toutes nos aises, et nous arrivons, en définitive, à nous consoler assez rapidement de nos petits déboires en récoltant les rares espèces qui foisonnent sous nos pas. De la ferme de Fuen santa aux grandes garrigues situées en- tre les champs etles éboulis, dass les cultures et les ravins, nous prenons : Papaver dubium L., Biscutella auriculata L., Silene Cucubalus Wib. var. breviflora Rouy, Lathyrus Cicera L., Paronychia aretioides DC., Queria Hispanica L., Galium Aparinella Lge, G. verticillatum Danth., Callipeltis cucullaria DC., Senecio linifolius L., Scorzonera gramini- folia L. var. minor Willk. et Lge, Asterolinum stellatum Hoffg. et Link, Verbascum phlomoides L. var. decurrens (V. australe Schrad.), Antir- rhinum Barrelieri Bor., Linaria melanantha Boiss. et Reut., Rumex intermedius DC. var. heterophyilus Willk., Melica ciliata L. var. intermedia (M. glauca F. Schultz) et elata Rouy (M. Magnolii G. et G.). Dans les garrigues, avant les éboulis, se rencontrent : Dianthus brachyanthus Boiss. var. montanus Willk. et Lge, Astragalus incurvus Desf., Onobrychis stenorhiza DC., Telephium Imperati L., Scabiosa tomentosa Cav., Knautia (Trichera) subscaposa Boiss. et Reut., Galium aciphyllum var. longicaule Willk. et Costa, Centaurea Bois- sieri DC., Anarrhinum laxiflorum Boiss. Dans les éboulis situés entre les garrigues et les roches qui précèdent les grands rochers, existent : Platycapnos grandiflorus Rouy, Erucastrum Bæticum Lge, Alyssum montanum L., A. campestre L. var. minus, Helianthemum lineare Pers. var. scopulorum Rouy; H. cinereum Pers. var. Lagascanum Dun., Saponaria ocymoides L., Cerastium Riæi Desm., Arenaria obtu- siflora Kze, Scaudix pinnatifida Vent. var. velutina Coss., Cirsium echi- natum DC., Carduus Granatensis Willk., Chænorrhinum crassifolium Lge var. parvifloram Lge (Linaria Sætabensis Leresche), et le si cu- rieux et rare Sideritis stachyoides Willk., qui n’existe que sur les deux chaînes voisines, les sierras de Maria et de Maimon. Après avoir déjeuné sommairement auprès de ces roches, je continue seul l'ascension de la partie supérieure du cerro. Les 248 MÉMOIRES ORIGINAUX. éboulis et les gradins qui s'étendent jusqu’à la base des grands rochers (penas) procurent encore quelques plantes intéressantes : Koniga spinosa Spach, Vella spinosa Boiss., Resedau Bætica J. Gay, Silene Saxifraga L. et var. Hispunica Rouy, Erodiwm cheilanthifolium Boiss., Hypericum ericoides L., Centaurea ma- crorhizsa Willk., Jurinæa pinnata DC., Crepis albida Wilk. var, minor Willk. s.-var. mollis, Festuca Clementei Boiss., et une véritable rareté, le Teucriwm thymifolium Schreb., espèce ex- clusivement espagnole, d’après les auteurs, et pour laquelle cepen- dant aucune localité précise n’avait encore pu être indiquée. Enfin, dans les anfractuosités des penas, poussent, outre quelques-unes des espèces précédentes, Genista Lobelii DC. et Globularia ilicifolia Willk. De ce point, le regard embrasse un ensemble imposant de hautes montagnes envoyant dans toutes les directions d’innom- brables contreforts, et même, à plus de 120 kilom., l’on peut apercevoir la sierra Nevada, dont les gigantesques sommets sont toujours couverts Ge neige. Le botaniste parvenu au faite du cerro de la Pena alta a bien mérité les quelques instants de re- pos qui lui sent nécessaires pour contempler cet admirable spec- tacle et lui permettre de se préparer à une descente fatigante, sinon dangereuse, à travers des éboulis ou blocs de rochers vous entrainant quelquefois un peu plus vite qu’il n’est nécessaire. En moins de trois heures, je suis rendu à la ferme, où mon aimable campaguon de voyage vient bientôt me rejoindre. Le retour de Velez-Rubio à Murcie s’effectue, comme de juste, par le chemin de l'aller ; mais, d’un commun accord, au lieu de nous arrêter de nouveau à Totana, dont nous avions conservé un souvenir peu agréable, nous faisons en sorte d’aller de Puerto de Lumbreras à A/hama. Arrivés dans ce dernier bourg et notre installation faite afin d’y coucher, nous profitons d’une heure environ, dont il nous reste à disposer avant la tombée de la nuit, pour escalader les gradins et murailles de la colline dite del Cas- tillo (du Château). Dans les cultures d’Opuntia et les vignes, nous recueillons en hâte quelques plantes : EXCURSIONS BOTANIQUES EN ESPAGNE. 249 Brassica Cossoniana Boiss. et Reut., Alsine procumbens Fenzl, Eryn- gium campestre L, Ptychotis ammoides Koch, Vaillantia hispida L, Anacyclus clavatus Pers., Cupularia viscosa G. et G , Centaurea Seri- dis L., C. aspera L. var. scorpiurifolia Willk. (C. scorpiurifolia Duf.), C. sonchifolia L., Scolymus maculatus L., Ballota hirsuta Benth., Æogi- lops triuncialis L. V.— CENTRE D'HERBORISATIONS : HELLIN. Station de la ligne de Chinchilla à Murcie et Carthagène, la ville d’AHellin, dont ia population n’est que de 13,000 habitants, est une des localités les plus riches, au point de vue botanique, de la province d’Albacete, dont elle est un chef-lieu de district (par- tido judicial). Différentes excursions peuvent être faites en prenant Hellin pour point de départ; mais comme ce sont toujours à peu près les mêmes plantes qui constituent le fond de la végétation, l’on peut, pour avoir un aperçu assez complet de la flore des environs de cette ville, se contenter de faire deux herborisations : la première au cerro del Pino, commençant à la gare d’Hellin, permet de récolter les plantes des coteaux d’altitude moyenne (de 400 à 000 mètres); la seconde, à la sierrd de las Cabras, dans les champs, cullures et garrigues entre la sierra et la route de Mur- cie, enfin dans les landes d’Agramon, met à même de recueillir les plantes des montagnes de cette région ainsi que les espèces salicoles du centre de l’ancienne province de Murcie'. 1° Cerro del Pino. Vu d’'Hellin, le cerro del Pino paraît presque dépourvu de vé- gétation et l’on est volontiers tenté de négliger cette colline aride dont l’aspect ne laisse guère soupçonner la diversité et la valeur des espèces qu'elle offre au botaniste. Je lui ai, dans l’après- 1 L'ancienne province de Murcia comprenait les deux provinces actuelles de Murcia et d'Albacete. 250 MÉMOIRES ORIGINAUX, midi du 26 mai 1881, consacré quatre heures, et il est facile de se rendre compte, en parcourant la liste suivante des plantes qui s'y trouvent, que je n'ai pas eu à regretter l'emploi de ce temps : Nigella Damascena L., Hypecoum grandiflorum Benth., Glaucium corniculatum Curt., Fumaria capreolata L. var. albiflora Hamm. (F. pallidiflora Jord.), Sisymbrium Columnæ Jacq., Erucastrum incanum Koch, Eruca vesicaria Cav., Koniga maritima R. Br., Biscutella steno- phylla Duf., Helianthemum strictum Pers., H. marifolium DC. var. niveum Willk. (H. dichroum Kze), Fumana glutinosa Boiss., Viola ar- borescens L., Reseda Phyteuma L. var. integrifolia Texid., R. Gayana Boiss. var. brevipes Rouy, Polygala rupestris Pourr., Silene nocturna L. var. micrantha Willk. (S. permixta Jord.), S. glauca Pourr. var. minor Rouy, Dianthus Broteri Boiss. et Reut. var. macrophyllus Willk., Arenaria obtusiflora Kze, Alsine tenuifolia Crantz var. confertiflora Fenzl, A. procumbens Fenzl, Spergularia diandra Heldr., Linum Nar- bonense L., L. strictum L., Malva Nicæensis AIl., Ononis reclinata L. var. minor Moris (0. mollis Savi), O. ornithopodioides L., O. Columnæ AI. var. calycina Rouy, Anthyllis Arundana Boiss. et Reut., A. ono- brychioides Cav., Medicago Helix Willd. var. spinulosa Moris, Trifo- lium scabrum L., Astragalus incurvus Desf., Psoralea bituminosa L., Hippocrepis ciliata Willd., Queria Hispanica L., Parouychia argentea Lam., P. nivea DC., P. aretioides DC., Umbilicus hispidus DC., Se- dum gypsicolum Boiss. et Reut., Caucalis leptophylla L., Duriæa His- panica Boiss. et Reut., Elæoselinum Lagascæ Boiss., Bapleurum opa- cum Lge, Pimpinella dichotoma Cav., Galinm setaceum Lam., G. deci- piens Jord.et var. depauperatum Rouy (G. Chamæaparire Willk, et Costa), Asperula scabra L. f. var. brachysiphon Willk. et Lge, Callipeltis cucullaria DC., Crucianella angustifolia L., Vaillantia muralis L., V. hispida L., Centranthus Calcitrapa Dufr., Scabiosa Monspeliensis Jacq., Bellis microcephala Lge, Anacyclus clavatus Pers., Asteriscus spinosus G. et G., Cupularia viscosa G. et G., Phagnalon rupestre Cass., Helichry- sum serotinum Boiss., Filago pseudo-Evax Rouy, Micropus bombycinus Lag., Atractylis humilis L., Onopordon 1llyricum L., Galactites tomen- tosa Mœnch, Carduus Valentinus Boiss. et Reut., C. pycnocephalus L., Centaurea linifolia Vahl var. submollis Rouy, Crupina Crupinastrum Vis., Xeranthemum inapertum Willd., Thrincia hispida Roth var. minor Boiss., Urospernum picroides Desf. var. pumilum, Picridium Tingitanum Desf. var. subacaule Willk., Andryala Ragusina L., Anagallis cæœrulea Schreb. var. parviflora (A. parviflora Hoffg. et Link), Coris Monspe_ liensis L., Asterolinum stellatum Hoffc. et Link, Convolvulus lineatus L., EXCURSIONS BÜTANIQUES EN ESPAGNE. 251 C. lanuginosus Desr. var. sericeus Boiss., Cuscuta Epithymum L. var Kotschyi Engelm. (C. microcephala Welw.), Lithospermum frutico- sum L., Solanum villosum Lam., Hyoscyamus albus L., Antirrhinum Orontium L. var. nanum Gaut., Chænorrhinum crassifolium Lge var. elongatum Rouy, Teucrium capitatum L., T. gnaphalodes Vahl, T. pseudochamæpytis L., Ballota Hispanica Benth., Marrubium Alysson L., Phlomis Lychnitis L.,Sideritis leucantha Cav. var.integrifolia Coss., Stachys hirta L., Satureia cuneifolia Ten. var. canescens, Thymus vul- garis L. var. verticillatus Willk. et Lge, T. Barrelieri Rouy var. inter- medius, Rosmarinus officinalis L., Plantago Psyllium L., P. Lagopus L., P. albicans L., Thesium divaricatum Jan, Euphorbia exigua L. et var. retusa L., Uropetalum serotinum Gaw., Asphodelus cerasiferus J. Gay, A. fistulosus L, Lygeum spartum Lœfl., Echinaria capitata Desf. var. pumila Willk., Stipa tortilis Desf., S. capillata L., S. parviflora Desf., Avena barbata Brot. var. triflora Willk., A. bromoides Gouan - var. microstachya Willk., Melica minuta L. var. vulgaris Coss., Sclero- poa rigida Gris., Lamarckia aurea Mœnch, Wangenheimia Lima Trin., Bromus rubens L., Vulpia sciuroides Gmel. var. longearistataWillk. (V. Broteri Boiss. et Reut.), Lolium strictum Presl var. tenue Godr. (L. tenue Guss. non L.), Brachypodium ramosum R. et Sch., B. distachyum P.B., Ægilops ovata L., Ceterach officinarum Willd. Je n’ai pas besoin d’insister sur l'intérêt que présente la décou - verte, dans cette région, des Helianthemum stricitum Pers., Arenaria obtusiflora Kze, Anthyllis Arundana Boiss. et Reut., Umbilicus hispidus DG, Sedum gypsicolum Boiss. et Reut., Pimpinella dichotoma Gav., Bellis microcephala Lge et Teucrium gnaphalodes Vahl. 2° Sierra de las Cabras ; garrigues, landes et salines entre Hellin et Agramon. Départ d’Hellin aussi matin que possible et de préférence en voiture, car la distance à parcourir est assez considérable (aller et retour, 36 kilom). À un kilomètre environ de la gare d’Hellin, sur le bord de la route, exisle une petite garrigue où poussent en abondance, avec l’Helianthemum lavandulæfolium DC., les Thymus Zygis L. et Funkii Coss. J'ai eu la satisfaction d’y trouver, au milieu des 252 MÉMOIRES ORIGINAUX. parents, un pied d’un hybride (>rmant de très fines granulations incolores. Mais cette substance présente des degrés très divers de concentration et de délimitation. Tantôt les petites masses ressemblent à un nuage finement granuleux qui n’est pas nettement délimité du vitellus ambiant. D'autres, et c’est le plus grand nombre, sont assez net- tement circonscrites par une ligne limitante qui n'est jamais très tranchée sur le frais, d’où il résulte que, dans certains œufs, ces éléments ne sont pas toujours faciles à apercevoir et à dis- tinguer, et qu'il faut appeler à son aide les réactifs. L'emploi de l'acide acétique au 1/200° produit immédiatement une con- centration de la substance des éléments, et par conséquent accen- tue la zone qui les délimite d’avec le vitellus ambiant. Les corpuscules prennent alors un aspect très net, et leur profil se détache très franchement sur le fon1 du vitellus, qui prend, sous l'influence de l’acide acétique, une structure plus granuleuse et plus sombre (fig. 69, 70, 71), tandis que de grosses granulations plus ou moins disposées en traînées apparaissent dans le nucléus de l'œuf. Si l’on essaie sur les œufs jeunes l’action des réactifs colorants, du carmin de Beale par exemple, on remarque que les corpuscules ci-dessus se colorent moins vivement que le nucléus et acquièrent 392 MÉMOIRES ORIGINAUX. des teintes exactement égales à celles des cellules folliculaires qui commencent à apparaître à la surface du vitellus. J'ai dit que ces corpuscules se trouvaient surtout autour du nucléus, à la surface duquel ils paraissent quelquefois appliqués, mais avec lequel ils ne se confondent jamais. Mais on en trouve de plus rares, il est vrai, à diverses profondeurs de la couche vitelline, et enfin appliqués à la face profonde de la membrane amorphe capsulaire. Ce sont ces corpuscules que Kowalevsky, Giard, Seeliger, etc., ont considérés comme des cellules folliculaires ou des élémenis pénétrant de l'extérieur dans le vitellus pour s’y multiplier et conslituer plus tard les cellules granuleuses. Ce sont également ces corpuscules que H. Foll a cru devoir regarder comme nés par bourgeonnement du nucléus de l’œuf, et comme constituant également l’origine des mêmes cellules folliculaires. Ces deux opinions sont, à mon avis, également erronées, et je dois exposer ce que l'observation soutenue et très multipliée m’a réellement démontré. Mes observations ont porté surtout sur Ciona intesti- nalis et sur Molqula nana, c'est-à-dire sur des représentants des deux types différents de constitution de la couche granuleuse, l’une étant continue à la surface du vitellus et l’autre étant for- mée de globules isolés et indépendants. Je dis dès l’abord que, selon moi, ces corpuscules prennent leur origine dans le vitellus même, et qu'ils se portent vers la périphérie pour constituer les cellules folliculaires. Il est à remarquer d’abord que la constitution des cellules folliculaires du début est identique avec celle des corpuscules intra-vitellins que nous étudions. C’est là un fait qui a été re- connu par Kowalevskyet tous ceux qui ont regardé ces corpus- cules comme des cellules folliculaires immigrées. Mais ce fait est la négation même de l'opinion de H. Foll, qui fait provenir ces corpuscules d’un bourgeonnement du nuecléus de l’œuf. Getts opinion à été inspirée à son auteur par celte circonstance, que les corpuscules sont souvent appliqués à la surface du vitellus comme un véritable bourgeon. Mais je dois affirmer qu'il ne RECHERCHES SUR L'OEUF DES ASCIDIENS. 393 m'a jamais été donné d’apercevoir un de ces prétendus bour- geons sans qu'il me fût extrêmement facile de constater l'exis- tence d’une surface de séparation très nette entre le nucléus et le corpuscule. D'ailleurs cette application des corpuscules contre la surface du nucléus, de manière à représenter une sorte de protubérance du nucléus telle qu’on peut l’apercevoir (fig. 54, 55 ab, 56), n'existe jamais à un si haut degré qu'après l'action des réactifs qui ont amené une contraction du vitellus et du corpuscule et un aplatissement de ce dernier contre le nucléus. Sur les œufs frais (fig. 66, 67, 68), on aperçoit les corpuscules les plus rapprochés du vitellus, soit avec leur forme sphérique qui témoigne de leur indépendance, soit avec une forme légère- ment ellipsoïdale qui permet la même conclusion. Sur des œufs même où, soit l’eau de mer, soit les réactifs, ont produit une certaine déformalion des masses de l’œuf et du aucléus en particulier (fig 53, 59, 63), on aperçoit les corpuscules logés dans des excavations de la surface du nucléus, mais toujours parfaitement indépendants. Une apparence qui s’est produite quelquefois sous l'influence des réactifs (fig. 57, 60) a pu con- tribuer aussi à faire croire à un bourgeonnement du nucléus. Il m'est arrivé d'observer en effet une sorte de bourgeon qui semblait relié au nucléus par un véritable pédicule rétréci, et à première vue j'avais considéré de pareils cas comme une dé- montration des assertions Ge H. Foil. Mais un examen plus appro- fondi m'a montré clairement que le pédoncule n'existait pas, mais élait seulement un espace cylindro-conique c'eusé dans le vitellus par le retrait du nucléus ou par la marche centrifuge du corpuscule, espace conservé à l'observation par la coagulation du vitellus sous l'influence des acides. Mais d’ailleurs, je le répète, dans ces cas même, il n'était guère possible de considérer le corpuscule comme une portion de substance nucléaire détachée par bourgeonnement, car la conslitution des deux parties était très différente. Tandis, en effet, que sous l'influence de l’acide acétique très dilué le nu- cléus s'était rempli de grosses granulations réfringentes, le cor- 394 MÉMOIRES ORIGINAUX. puscule maniféslait une structuré presque hyaline et très fine- ment granuleuse. L'opinion de H. Foll ne m'a donc pas paru en harmonie avec lés faits, et, tout en repoussant la communauté dé nature du nucléus et des corpuscules, j'ai été conduit par l'observation à admettre entre les corpuscules et les cellules folliculaires uñé pêrenté qui ne me paraissait pas douteuse. En cela, je me trouve d'accord avec les zoologistes qui ont considéré les corpuscu- les intra-vitellins comme des cellules folliculaires immigrées. Mais il me reste à donner les raisons qui font que, loin d’admet- tre une double migration des corpuscules, là première centripète et la seconde centrifuge, je crois au contraire à une migration centrifuge unique, les corpuscules naissant dans le sein du vitellus pour se porter au dehors et y constituer les cellules folliculaires. Ces raisons sont nombreuses et me paraissent avoir une sé- rieuse valeur. Quoique quelques-unes aient été déjà énoncées précédemment, je demande la permission d’y revenir. Il faut considérer d’abord le mode de formation de ces cellu- les. On suit leur organisation progressive dans l’intérieur de la masse vitelline, Paraissant au voisinage du noyau sous forme d'un nuage de substance claire avec de fines granulations, elles sé circonscrivent de mieux en mieux à mesure qu'elles appro- chent de la surface. Arrivées à la face profonde de là capsule amorphe, elles s'aplatissent contre elle progressivement et finis- sent par former ces lentil'es très minces déjà décrites (Ag. 64, 65, 67). Dans certains cas, on peut observer le corpuscule émergeant de la surface vitelline dans un espace libre situé entre le vitellus et la capsule, et produit très probablement par l'action de l’eau de mer ou de l'acide acétique (fig. 62, 68, 69), car il s’observe ässez rarement. Ordinairement, le corpuscule se dégage du vitéllus en s’aplatissant, ainsi que le représente la fig. 69. Remarquons que les fig. 62, 68, 69, démontrent d’une ma- nière non douteuse l'existence d’une membrane autour de l'œuf, au moment où se forment les cellules folliculaires et les corpus- cules intra-vitellins. REÉCHERCHES SUR L'OEUF DES ASCIDIENS. 39 L'ensemble de ces observations ne permet réellement qu’une interprétalion, et l’on.est forcé de penser que les corpuscules preanent naissance dans le vitellus et émigrent vers la périphérie pour venir s'appliquer et s’aplatir contre la face profonde de la membrane capsulaire. Les contractions du vitellus rendent compte de cet aplatissement, qu'il serait autrement difficile d'expliquer. Il est en outre impossible d'admettre que ces corpuscules intra- vitellins sont des corps extérieurs ou des cellules qui ont immi- gré dans le vitellus. Il faut en effet remarquer que l’on observe parfois ces corpuscules sur des œufs chez lesquels les cellules folliculaires n’existent pas encore (fig. 63, 64,65, 66): on ne sau- rait donc considérer ces. dernières comme ayant produit les se- condes ; l'introduction de corpuscules extérieurs n’est pas davan- tage admissible, car la membrane est là pour s'opposer à leur introduction, puisqu'elle s’oppose à la sortie des cellules follicu- laires et les oblige à s’aplatir contre la surface du vitellus. D'ailleurs, comment comprendre que les cellules folliculaires pénètrent dans le vitellus. Ces cellules sont, au début, extrême ment aplaties et forment des lentilles très minces, ainsi que je lai déjà fait remarquer; il faut supposer pour cela qu’elles per- dent cette forme et acquièrent une forme arrondie pour s’en- foncer dans la substance vitelline. Or je ne crois pas qu’en pré- sence des observations que nous avons faites sur ces cellules, on puisse hésiter entre les deux processus, dont l’un les fait prove- nir du vitellus et explique très facilement leur aplatissement extrême par. la puissance d’expulsion de ce dernier, et dont le second admet des changements, de la forme aplatie à la forme sphérique, que rien ne prouve ni n'explique. En outre, les partisans de l'immigration se trouvent en pré- sence d’une difficulté plus grande encore s'ils admettent, comme Giard et Seeliger, la formation des cellules folliculaires par les cellules étrangères à l’œuf. Il faut en effet expliquer d’abord l’aplatissement extrême. de ces cellules et ensuite leur retour à la forme sphérique Pour cela, je ne vois pas d'explication rationnelle, tandis que l’émi. 396 MÉMOIRES ORIGINAUX. gration périphérique est une explication des plus simples et qui n’a contre elle aucun fait d'observation. Mais encore, quand on se trouve en présence de jeunes œufs comme ceux des fig. 68, 69, 70, 71, qui présentent quelques rares cellules folliculaires avec des corpuscules intra-vitellins, il reste à dire pourquoi certaines cellules folliculaires ont immi- gré dans le vitellus, tandis que les autres sont restées à la sur= face. Ce n’est certainement pas le nombre et l’entassement qui ont nécessité cette immigration et déterminé cette différence si notable dans les phénomènes. Si les cellules folliculaires ont, comme les corpuscules intra-vitellins, pour origine commune des éléments étrangers primitivement à l'œuf, il reste encore à ex- pliquer cette différence considérable dans les destinées de ces éléments et dans leurs rôles. L'ensemble des faits observés et leur interprétation la plus rationnelle me paraissent devoir faire considérer les corpuscules intra-vitellins comme émigrant pour devenir l’origine des cellules folliculaires. Cette interprétation me semble l'emporter de beau- coup sur l'interprétation inverse, par la simplicité, la facilité et la valeur des raisons qui plaident pour elle. Mais il est encore des observations directes qui viennent apporter leur poids dans la balance et indiquer le sens de la route suivie par les corpus- cules intra-vitellins. J’ai pu en effet observer quelques œufs qui, après traitement par l'acide acétique ou par la glycérine formique, présentaient à l’état permanent, par suile de la coagulation du vitellus, la route frayée par le corpuscule dans le sein du vitellus. Les fig. 57, 59, 60 montrent, entre le nucléus de l'œuf et le corpuscule, une cavité cylindro-conique indiquant clairement que le chemin parcouru déjà par le corpuscule se trouve entre le nucléus et lui, et non entre le corpuscule et la surface du vi tellus. Nous trouvons donc là la preuve d’une direction centrifuge dans le transport du corpuscule, direction que d’ailleurs tout semblait nous indiquer. Les corpuscules intra-vitellins sont plus ou moins nombreux, plus ou moins volumineux ; leur formation est plus ou moins RECHERCHES SUR L'OEUF DES ASCIDIENS. 397 précoce; toutes conditions qui sont parfaitement en harmonie avec le nombre plus ou moins grand des cellules folliculaires primitives, avec leur volume très variable et avec leur époque d'apparition très inégale et peu en rapport avec le volume des œufs, Ils sont plus ou moins apparents suivant que le vitellus est plus ou moins sombre. On peut observer leur formation mème alors que les cellules foliculaires forment une enveloppe continue autour de l’œuf ; mais il est probable qu’alors même, ils viennent, en partie du moins, s'ajouter aux cellules folliculaires existantes, s’intercaler dans leurs intervalles et continuer à accroître le nombre de ces dernières. | Quand le vitellus nutritif se dépose au sein du protoplasme et l’obscurcit, l'observation des corpuscules intra-vitellins devient difficile et même impossible sur des œufs entiers. Il est probable qu'après l’organisation complète de la couche des cellules folliculaires et pendant que les dépôts de vitellus putritif se font dans le sein du protoplasme, la ségrégation de corpuscules intra-vitellins subit un temps de ralentissement ou même d'arrêt, pour reprendre son activité un peu avant l’épo- que de la maturation de l’œuf, Cette nouvelle séparation da substance claire, granuleuse, semble se faire alors plus près de sa surface et devient l’ori- gine des cellules granuleuses, ou prétendues cellules du testa. Ces derniers restent au sein du vitellus, au voisinage de la surface, jusqu’à l’époque de la maturation de l’œuf, et leur sortie tardive caractérise une phase différente de la vie de ce dernier. Mais néanmoins il n'existe probablement pas une diffé: rence radicale entre ces deux ordres de production. Les cellules folliculaires et les cellules granuleuses sont, les unes etles autres, des éléments éliminés du sein du vitellus à des époques différen- tes de l’ovogenèse. Le long examen auquel nous venons de nous livrer nous autorise à affirmer que les globules granuleux, ou prétendues 3e sér., tom. l1, 29 398 MÉMOIRES ORIGINAUX. cellules du testa, ne proviennent ni des cellules capsulaires ni du bourgeonnement du nucléus, et nous devons par exclusion pla-. cer leur origine dans le vitellus lui-même. C’est d’ailleurs là, ainsi que je l'ai déjà démontré, que nous les trouvons en voie de formation. A propos de ces globules granuleux, nous devrons nous deman- der si ce sont de vraies cellules, comme l'ont pensé Kupffer, Kowalevsky, Giard, Seeliger, etc., ou si, comme l’a prétendu seul Semper, ce ne sont pas de vraies cellules, mais de simples globules ou gouttes de substance protoplasmique. Je dis dès l'abord qu’il y a du vrai dans les deux opinions opposées. Les corpuscules du testa, ou corpuscules granuleux, sont des rudi- ments de production endogène d'éléments cellulaires vrais. Il y a tendance en effet, chez eux, à une sorte de concentration de la substance nucléaire (/ig. 38, 46) au sein d’une atmosphère de protoplasme qui tend à se circonscrire et à devenir indépendante. Mais l'effort n’aboutit pas, et la cellule, non-seulement reste im- parfaite, mais présente des phénomènes de dégénérescence et des indices de dégradation même avant que d’être arrivée à sa con- stitution complète. Les raisons et les conséquences de ces singu- liers phénomènes seront d’ailleurs déduites ultérieurement. Ainsi donc, les corpuscules du testa sont des cellules dégéné- rées avant même que d’être entièrement formées, des globu- bules celluloïdes dont l’organisation est imparfaite. Ici se termine cette première étude sur l’œuf des Ascidiens ; les déductions biologiques générales que je désire en tirer trou- veront leur place dans un mémoire ultérieur. Pour aujourd’hui, je résume en quelques propositions les résultats acquis par l'étude que nous venons de faire. Ces résultats peuvent se formuler ainsi : 1° Chez les Ascidiens, l'ovaire se compose, à l'origine, d’une agglomération de noyaux appartenant au mésoderme et réunis par une faible quantité de substance intermédiaire claire. L'ovaire a donc la constitution et les caractères d’un tissu conjonctif RECHERCHES SUR L'OEUF DES ASCIDIENS. 399 embryonnaire dans lequel les atmosphères protoplasmatiques ne sont point nettement délimitées. Cette siructure se retrouve chez l'adulte dans les portions de l'ovaire où il y a nouvelle forma- tion d'œufs. 2° L’œuf a pour point de départ un corpuscule de ce tissu conjonctif embryonnaire constituant l'ovaire. 3° Ce corpuscule, dans lequel se développent une ou deux gra- aulations qui seront le ou les nucléoles, constitue lui-même le nucléus de l’œuf. 4o Autour de ce nucléus se forme et se dessine une couche de protoplasma transparent et incolore, et ainsi sont réunis les éléments essentiels de l’œuf. 9° Autour de l’œuf ainsi constitué se forme une première mem- brane très délicate, qui peut être rapportée à la substance inter- médiaire du tissu conjonctif embryonnaire de l'ovaire : c’est la membrane capsulaire amorphe. 6° Au-dessous de cette membrane apparaissent à la surface du vitellus des éléments folliculaires qui seront les cellules fclli- culaires. Ces éléments n’ont pas pour origine des éléments exté- rieurs étrangers à l'œuf et qaiseraient venus s’appliquer et s’aplatir à sa surface. Ge sont de petites masses formées au seia du vitellus et éliminées par la surface de celui-ci, masses d’abord claires et homogènes, et qui s’individualisent comme cellules en acquérant un noyau, des granulations, et une membrane limitante. Ces cellules, se multipliant, forment une couche continue autour de l'œuf. Elles peuvent rester stationnaires, ou bien croître démesu- rément et devenir fortement saillantes à la surface de l'œuf. Au-dessous d’elles et aux dépens de leur face interne, se con- stitue une seconde membrane reposant sur le vitellus : c’est la membrane sous-capsulaire, qui peut devenir plus ou moins épaisse. Dans d’autres cas, les cellules folliculaires restent aplaties, se sclé- rosent et constituent ainsi autour de l’œuf une enveloppe épaisce et anhiste. 7° Les cellules dites improprement du testa, ou cellules gra- nuleuses, ont pour point de départ le vitellus de l’œuf, dont elles 400 MÉMOIRES ORIGINAUX. représentent un élément éliminé. Ce sont des cellules encore imparfaites, en voie de se constituer, mais entachées de déca- dence et de dégénérescence avant d'avoir atteint ce but : ce sont des globules celluloïdes. 80 Les corpuscules intra-vitellins ne sont ni des éléments venus de l'extérieur ni des cellules capsulaires qui ont immigré dans le sein du vitellus, mais des masses de protoplasme clair finement granuleux, qui se forment au sein du vitellus par voie de concentration et qui, émigrant ultérieurement vers la surface, constituent, dans une première phase de l’ovogenèse les cellules capsulaires, et dans une seconde phase de l’ovogenèse les cellules granuleuses, improprement nommées cellules du testa. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE VII. Fig. 1. Ovaire de Ciona intestinalis adulte suspendu à l’estomac et à la première partie de l'intestin. est. estomac, ov. ovaire, int. intestin, éest. testicule. — Grossissement de 3. Fic. 2. Deux lobes de l'ovaire de Ciona intestinalis très jeune traités par le carmin de Beale (27 janvier 1883). end. endothélium. O. ovules. Zeiss. ocul. 2, obj. K. Fic. 3. Jeunes ovules de Ciona intestinalis jeune, le 20 janvier 1883. Observés dans le sang de l’animal. a jeunes ovules agglomérés; b un ovule isolé; c ovule plus jeune; d corpuscule du tissu con- jonctif embryonnaire ovarien. Fic. 4. Ovules plus avancés du même animal. Fc. 5. Endcthélium de la surface de l'ovaire, imprégnation par une solution de nitrate d'argent au 1/300. Fi. 6. Portion de la surface de l’ovaire de Ciona intestinalis jeune. a, a corpuscules conjonctifsembryonnaires appelés à former des ovules ; a’ nid de ces corpuscules; b cavité vasculaire avec glo- bules sanguins épars ; c endothélium; d jeunes œufs avec cellu- les folliculaires restées appliquées à la surface du vitellus. Traitement par le carmin de Beale et la glycérine formique. Zeiss. oc. 3, obj. F. Fic. 7. Lobule d'un ovaire jeune d’une Ciona jeune, le 24 janvier. RECHERCHES SUR L'OEUF DES ASCIDIENS. 401 Traitement par le carmin de Beale et la glycérine formique. a corpuscules conjontifs embryonnaires; a’ nid de corpuscules ; c endothélium ; e œuf isolé, avec les cellules folliculaires sous- capsulaires; f corpuseules conjonctifs embryonnaires situés entre les œufs. Fi. 8. Coupes faites sur l'ovaire de Molgula nana. a corpuscules con- jonctifs embryonnaires ; a’ nids de corpuscules ; d jeunes œufs. Fic. 9. Préparation obtenue par dilacération d'un ovaire jeune de Ciona; Fc. Fic. Fire. Fic. Fic. Fi. Fic. Fi. 10. a. 2. 13. 14 15. 16. 17: A faisceau d’ovules suspendus à un pinceau de fibrilles et renfermant tous les termes de passage entre les corpuscules con- jonctifs embryonnaires et les œufs. a a deux jeunes œufs ayant une cellule folliculaire. Les autres n’en ont pas. Quelques-uns ont des granulations b attachées à leur surface. B groupe de corpuscules et de jeunes ovules. Zeiss. oc. 3, obj. F: Œuf jeune de Molqula socialis. La capsule est pédonculée. Autour du vitellus sont les cellules folliculaires, dont l’une a, restée libre au niveau de l’infundibulum du pédoncule, a con- servé sa forme arrondie et prouve bien la situation sous-capsu- laire des cellules folliculaires. Deux jeunes œufs de Ciona, avec cellules folliculaires déjà organisées et recouvertes par la capsule, Préparation obtenue par dilacération. Grappe d'œufs de diver- ses dimensions de Ciona. Capsules pédonculées. Cellules folli- culaires bien développées À dans l’eau de mer; B après séjour de dix jours dans le carmin de Beale. Un œuf de la même préparation, plus âgé. Les cellules follicu- laires commencent à faire saillie à la surface. Œuf frais de Ciona observé dans le sang de l’animal le 10 jan. vier 1882. Capsule, et cellules folliculaires faisant saillie dans le vitellus et non encore à l'extérieur. Œuf de Ciona pour montrer la saillie déjà prononcée des cel- lules folliculaires. & la membrane sous-capsulaire; b la mem- brane capsulaire amincie. Les cellules folliculaires commencent à se cloisonner intérieurement, Œuf de Ciona dont la membrane capsulaire a disparu. Les cellules folliculaires cloisonnées ne sont plus rattachées à l'œuf que par leur base, qui adhère à la membrane sous-capsulaire. a couche des cellules granuleuses, ou globules celluloïdes. Œuf jeune de Ciona traité par le carmin de Beale depuis dix jours, et écrasé. Les cellules folliculaires font une légère Fic. Fic. MÉMOIRES ORIGINAUX. saillie extérieure. La membrane capsulaire se montre indépen- dante et détachée des cellules. Il n’y a pas encore de membrane sous-capsulaire. PLANCHE VIII. . 18. Œuf jeune de Ciona. Carmin de Beale et glycérine formique. Om®,03 de diamètre. Capsule séparée des cellules folliculaires restées à la surface du vitellus. Zeiss. oc. 3, obj. F.. . 19. Œuf de Ciona plus âgé. Couche complète des lentilles folli- culaires. . 20. Œuf de Ciona ayant 0"®,05 de diamètre. Même traitement. Cellules folliculaires détachées. Deux cellules &, b sont restées attachées à la capsule. . 21 Œuf de Molgula nana de 0"",07 de diamètre. Même traite- ment. Les cellules folliculaires détachées de la capsule et adhé- rant au vitellus. .22 Œuf jeune d’Ascidia grossularia (Van Bened.) pour montrer les cellules folliculaires sows la membrane capsulaire. . 28. Œuf jeune de Ciona traité par le nitrate d'argent. Cellules folliculaires à la surface du vitellus. 24. Œuf jeune de Ciona de 0"%,03 de diamètre. Disques lenticu- laires très aplatis. 25. a, b. Œufs très jeunes de Molgula socialis, 0" 024, et 0m", 028 de diamètre, avec deux ou trois disques folliculaires. c. Œuf de M. socialis de 0"",07, avec couche complète de cellules folliculaires détachées de la capsule. d. Œuf de M. nana très jeune de 0"",017, avec trois dis- ques très aplatis et quelques corpusculesconjonctifs de0",003 de diamètre, dont l'un a déjà une couche de protoplasme et devient un ovule. Fi1G. 26. Œuf jeune de Ciona ayant 0"",017 de diamètre, avec quel- ques disques folliculaires inégaux. Fic. 27. b. Œuf jeune de Ciona avec quelques disques féliieulaires. Diamètre 0"",04. c. Un disque de l’œuf précédent avec surface interne inégale. Fic. 28. a. Œuf de Ciona de Om"08 de diamètre, avec quelques disques isolés et une calotte æ. b. Œufjeune de 0"®,05 de diamètre, avec de petites calottes œ,y,2. Fc. Fire. Fire. Fi. Fic. FiG. Fc. Fic. Fic. Fic. FiG. Fi. Fic. Fic. Fi. RECHERCHES SUR L'OEUF DES ASCIDIENS. 403 29. a. Œuf jeune de Molgula nana de 0"",024 de diamètre, avec très jeune ovule qui lui est adhérent. Quelques disques. b. Œuf de 0*",017 de diamètre, avec quelques disques un peu saillants. Ce, Id 10 90. a. Œuf de Phallusia cristata, avec capsule et couche sous- jacente de cellules folliculaires vues de profil. b. Cellules folliculaires vues de face. 31. Œuf de Molqula nana après l’action de l’eau de mer. x cel- lules folliculaires jeunes; y globules celluloïdes. 32. Œuf de Phallusia cristata dans l’eau de mer. x cellules folliculaires ; y globules celluloïdes. 33. Cellules folliculaires du même, isolées pour montrer leur cloi- sonnement. 34. Portion de ces dernières pour montrer la forme et la constitu- tion des cloisons. 35. Œuf de Phallusia cristata presque mûr. æ grandes vésicules provenant du cloisonnement des cellules folliculaires ; y globu- les celluloïdes plongés dans du vitellus clair périphérique. 35. a. Quelques globules celluloïdes isolés, avec grains arrondis de substance jaune. 30 bis. Œuf de Ph. cristata, avec îlots épars de globules cellu- loïdes. 35 ter. Un de ces îlots avec grains jaunes à forme plate. 36. Œuf jeune de Clavelina lepadiformis de 0"®,01 de diamètre. f, 2, cellule folliculaire; a, b, c, disques très aplatis (emprun- tée à Seeliger). PLANCHE IX, 354, Phallusia cristata. Œuf dont les globules celluloides ou cel- lules granuleuses commencent à sortir du vitellus. 37. Œuf de Molgula nana traité par l'acide acétique au 1/200°. æ tissu aréolaire ovarien provenant du cloisonnement des cellules folliculaires. Quelques cellules granuleuses aplaties sont sorties du vitellus. 38. Œuf mûr de Phallusia cristata dans l’eau de mer. Vitellus entièrement rempli de globules vitellins, opaque; y cellules granuleuses devenues libres, avec grains jaunes réunis au cen- tre, et formant une sorte de noyau. 39. Œuf de Ciona intestinalis traité par le carmin de Beale, et 404 Fi. 40. Fi. Fi. FIG. Fi. Fi. Fi. Fic. Fic. Fic. MÉMOIRES ORIGINAUX. montrant la manière dont les cellules granuleuses sortent du vitellus sous forme de bourgeons. Nucléus de l'œuf invisible dans le vitellus opaque. Œuf mûr de Ciona pris dans l’oviducte, avez grandes cellules folliculaires. La couche des cellules granuleuses s’est séparée du vitellus et adhère à la membrane sous-capsulaire. 41 Œuf de C. intestinalis frais, dans l’eau de mer. æ grandes cel- 42. 43. 44. 45. 46. 47. lules folliculaires cloisonnées, commencant à devenir coniques ; y ellules granuleuses renfermant de gros grains jaunes. Œuf de Botrylloïdes rubrum le 17 juin, dans l’eau de mer. Vitellus rouge foncé, segmenté et à la phase Gastrula. Couche de cellules granuleuses roses, petites et à plusieurs couches. æ couche épaisse, cartilaginiforme, formée par la sclérose des cellules folliculaires. La face interne de cette couche est mame- lonnée et a laissé son empreinte sur une membrane z qui paraît recouvrir la couche des cellules granuleuses. Œuf de Molgula socialis, le 6 avril 1882. x cellules follicu- laires à base épaissie ; y cellules granuleuses, dont quelques- unes semblent se segmenter. Œuf de M. socialis, 26 avril. Les cellules granuleuses n’ont fait saillie que sur un point. Surface du vitellus mamelonnée par suite de la présence des cellules granuleuses dans les cou- ches superficielles du vitellus. Œuf de M. socialis traité par le carmin de Beale, et dont les cellules granuleuses commencent à être expulsées. Œuf de Molqula nana le 7 janvier, après quatre heures de traitement par le carmin de Beale. æ cellules folliculaires ; 7 cellules granuleuses, dont quelques-unes se sont désagrégées; nucléus, n' nucléole déformé. PLANCHE X. Œuf de Molgula socialis avec quelques cellules granuleuses plus ou moins aplaties. Les cellules foliculaires ont été déta- chées. 4. Œuf de Phallusia mamillata avancé, traité par le carmin de 49. Beale. æ cellules folliculaires ; y cellules granuleuses libres et éparses, recouvertes par une membrane z et remplies de gra- nulations jaunes. Œuf de P. mamillata. æ cellules folliculaires cloisonnées ; y cellules granuleuses éparses et aplaties entre le vitellus et la Fic. Fic. F'1G. FTC. Fire . 50. 51. 52. 53. D4. RECHERCHES SUR L'OEUF DES ASCIDIENS. 405 membrane vitelline z et avec granulations jaunes; sc mem- brane sous-capsulaire. Portion de la surface d’un œuf deMolgula socialis. æ' cellules folliculaires devenues areolaires ; y cellules granuleuses libres; y'cellules granuleuses semblant soulever une membrane vitel- line &. Œufde Didemmum cereum observé le 3 mars 1882. Embryon urodèle dont la tête est en À et la queue en B ; y cellules gra- nuleuses entassées ; æ cellules folliculaires. Œuf de Botryllus marionis, le 4 mars 1883. æ cellules follicu- laires ; y cellules granuleuses formant des groupes épars et irréguliers à la surface du vitellus. Œuf de Ciona, le 10 janvier, traité par le carmin de Beale, avec plusieurs corpuscules intra-vitellins, dont l’un est logé dans une excavation du nucléus. a,b. 55. a,b. 56. a,b. 57, 58, 59... 71, représentant de jeunes œufs de Ciona avec corpuscules intra-vitellins. Ces figures sont destinées à représenter le mode d’origine des corpuscules intra- vitellins et leur relation avec les cellules folliculaires. 3e sér.ÿ tOM. IE 29 406 LA MINÉRALOGIE D'APRÈS HÉRODOTE, CTÉSIAS ET LES MONUMENTS ÉGYPTIENS Par M. J. THOULET. Hérodote, né à Halicarnasse, en Asie-Mineure, rédigea ses Histoires vers l’an 456 av. J.-C. ; c’est du moins à cette date qu'il fit la lecture du commencement de son ouvrage aux Grecs assemblés pour célébrer les Jeux olympiques. Douze ans après, en 44%, il put en lire la fin pendant la fête des Panathénées, et ses auditeurs, saisis d'enthousiasme à cet émouvant récit des luttes et des gloires de la patrie, donnèrent à chacun des neuf livres le nom d’une des muses. En se plaçant au point de vue tout spécial de l’histoire minéralogique, on s’aperçoit bientôt qu'Hérodote ne fournit le plus souvent que des renseignements assez vagues ; mais comme parmi les peuples dont il décrit les coutumes il en est sur lesquels on ne connaîtrait sans lui que peu de chose, ses indications ne laissent pas que d’être extrêmement précieuses. L'œuvre est en outre si nettement et si habilement divisée que la chronologie devient aisée à saisir et qu’il suffit de faire la part des erreurs dont la critique moderne ,dans sa sévérité, a souvent convaincu le Père de l'Histoire. La Grèce proprement dite est une des nations au sujet desquelles Hérodote se montre le plus sobre de détails techniques ; par bonheur, les documents relatifs à cette contrée sont nombreux, et ce qui manque dans un auteur setrouve dans un autre, de sorte que lorsqu'il s’agit de se rendre compte de l’état industriel et scientifique des Grecs, l’em- barras tient quelquefois à cette abondance d'informations plutôt qu’à leur rareté. Nous allons, autant que possible, suivre l’ordre adopté par Hérodote. Après la Grèce, nous examinerons les colonies de l’Asie- LA MINÉRALOGIE AU TEMPS D'HÉRODOTE. 407 Mineure et nous passerons en revue chacune des nations voisines, dont la plupart se sont ensuite confondues avec le vaste empire des rois de Perse. Depuis la guerre de Troie, c’est-à-dire pendant un intervalle de temps dépassant cinq cents années, l’industrie du fer s'était vulgarisée, et dans certaines villes s’élaient établis des forgerons. En 620, la Pythie ‘ avait prédit aux Lacédémoniens, alors en guerre avec les Tégéates, qu’ils vaincraient leurs ennemis s'ils parvenaient à trouver et à rapporler dans leur ville les ossements du héros Oreste ; le Spartiate Lichas les découvrit dans la cour d’un forgeron de Tégée et assura ainsi la victoire à sa patrie. En effet, s’élant par hasard arrêté devant sa boutique, tout émer- veillé de l'adresse de l’ouvrier façonnant le fer, celui-ci l’inter- pella en lui disant qu’il serait bien plus étonné s’il voyait le cer- cueil long de sept coudées enterré dans le sol de sa cour.Lichas se rappela l’oracle, et par une ruse s’appropria les ossements. Il est intéressant de remarquer, grâce à cette légende, que les Spartiates, auxquels le fer aurait été si nécessaire pour la fabrica- tion de leurs armes, mirent plus de temps encore que les autres Grecs à connaître le travail de ce métal, tant il est vrai que jus- qu'à ces derniers temps et avant que la guerre füt devenue une science, une civilisation militaire était forcémentl’ennemie de tout développement industriel et peut-être même intellectuel. L'or est encore rare, au moins à Sparte, puisque les Lacédé- moniens sont obligés d'aller acheter à Sardes, au roi Crésus?, l’or nécessaire pour revêlir une statue d’Apollon destinée à la ville de Thornax en Laconie. Il est assez difficile de deviner ce qui devait constituer le paiement : il n’était pas évidemment en pièces d’or, qu'on aurait pu immédiatement employer pour la statue, el Sparte était assez pauvre en objets manufacturés. Quoi qu'il en soit, Crésus, qui tenait à gagner l'amitié de la république, refusa d'accepter ce paiement, de sorte que, par reconnaissance, on lui 1 Hérod., I, 68. 2 Hérod., I, 69. 408 MÉMOIRES ORIGINAUX envoya un vaste cratère d’airain orné extérieurement jusqu’au bord, de figures, de plantes et d’animaux,et fabriqué probablement hors du territoire de Lacédémone. Cependant les autres peuples de la Grèce et même du Péloponèse ne subissaient pas la même diselte de métaux précieux, car, sans recourir aux découvertés archéologiques et en ne nous appuyant que sur le témoignage d'Hérodote ‘, nous voyons les Argiens, après avoir été défaits par les Spartiates et avoir perdu Thyrée, promulguer une loi pour défendre à toute femme de porter des bijoux en or avant le jour où la ville serait reprise. On recueillait l’or dans des laveries établies le long des cours d’eau et dont on a retrouvé des traces en divers endroits, et particulièrement à Haliacmon, sur le versant oriental du Pinde. La seule mine située en Grèce proprement dite et dont Héro- dote fasse mention, est celle du Laurium, à l'extrémité méridio- nale de l’Attique, vers le cap Sunium, où l’on exploitait une galène argentifère. D’après Xénophon et Vitruve, on y travaillait depuis le temps de Cécrops, vers — 1500, ou tout au moins à l’époque de la guerre de Troie, et l’on trouve encore des traces de fonde- ries près des villages modernes de Thorico, de Gypriano, d’Er- gastiria, de Berzéko et de Sintérini. Ces mines étaient considé- rées comme épuisées du temps de Strabon * mais de nos jours une compagnie industrielle, imitant un procédé mis en usage au même endroit par les anciens, a songé à tirer parti des vieilles haldes et scories, qui contiennent de 6 à 7 °/, de plomb et 100 ou 120 gram. d’argent à la tonne. Après Marathon, Thémis- tocle, comprenant bien que la lutte entre l’Europe et l'Asie, loin d'être terminée, ne faisait que commencer et qu'une puissante marine offrait la seule chance de salut, sut persuader cette idée aux Athéniens et fit appliquer le produit des mines du Laurium, jusqu'alors partagé entre tous les citoyens, à la construction de cent cinquante galères. Quelques années plus tard, en 480, ces navires vaincront à Salamine. 1 Hérod., I, 82. 2 Strabon, IX, 23. LA MINÉRALOGIE AU TEMPS D HÉRODOTE. 409 Tout proche du continent hellénique existaient quelques gise- ments minéraux exploités. Ainsi l’île de Mélos (Milo), dans l’Archipel, produisait en abondance le soufre, dans deux localités portant aujourd’hui les noms de Stakistra et de Firlingo, l’une à l’est, l’autre à l’ouest du mont Kalamo. Autrefois, l’île était tres boisée, et, pour extraire le soufre, les anciens employaient des sortes de fourneaux de galère chauffés au bois. La principale exploitation était située au pied même du mont Kalamo, vers l’est ; elle estreconnaissable à de vastes amas de résidus au milieu desquels on rencontre des fragments de poterie et les débris des vases en terre dans lesquels on distillaitle minerai ‘. On trouvait aussi à Mélos l’alun et l'argile smectique ou terre à foulon. Cette dernière substance avait une importance particulière à une époque où les vêtements étaient fabiiqués exclusivement avec dela laine exigeant un.dégraissage préalable. Cette abondance de minéraux avaitélé la cause de la prise de possession de l’île par les Giblites, tribu phénicienne dont la capitale était Gebel ou Byblos. Le pré- pondérance de cette tribu marque la fin de la première période de l’histoire phénicienne et précède immédiatement la période pendant laquelle Sidon domine à son tour, de sorte qu’on peut la ramener au xvi® siècle environ avant notre ère *.C’est alors que les flottes phéniciennes, chassées du continent grec par les races aryennes, jetaient des colonies à Chypre,à Rhodes et dans pres- que toutes les iles de la mer Égée jusqu’à la Thrace, l’Hellespont et la mer Noire, pour profiter des richesses des peuples de la Colchide, les Saspyres, les Chalybes et toutes les tribus toura- niennes du Pont-Euxin, habitant les massifs montagneux com. pris entre l'Halys et le Caucase, et qui, depuis l'antiquité la plus reculée, se livraient à l’exploitation des métaux et surtout du fer et de l’étain. On tirait de ces contrées lointaines l’ambre, l'or, l'argent, le plomb, qui auparavant étaient obligés de suivre la voie 1 Fouqué ; Les anciens Volcans de la Grèce. (Revue des Deux-Mondes, 15 jan- vier 1867.) 2 Maspero; Hist. anc. des peuples de l'Orient, pag. 244. 410 MÉMOIRES ORIGINAUX de terre à travers l'Arménie et la Syrie, Les Sidoniens travaillèrent les mines d’or du mont Pangée, celles de Thasos, de Samothrace ; et comme les Bithyniens recueillaient une grande quantité d’ar- gent dans leurs montagnes, afin que les minerais fussent obligés de passer par leurs mains, ils occupèrent Pronectos, à l'entrée du golfe Astacenus (golfe d’Ismid). On voyait alors un vaisseau phénicien partout où pouvait s'établir un commerce, une indus- trie, partout où le génie d’une race active et pacifiquement civilisatrice pouvait élever un comptoir, creuser une mine, bâtir une usine ou construire un atelier de teinture. L'ile de Siphnos (Sifanto), voisine de Mélos et également co- lonisée par les Phéniciens, possédait des mines d’or et d'argent tellement abondantes " que les Siphniens passaient pour les plus richés des insulaires. Leur forum et leur prytanée étaient en mar- bre de Paros, ce qui fixe une date pour l’ouverture des carrières de cette dernière île et du dixième du produit de leurs mines ; ils avaient consacré à Delphes «un trésor que nul ne surpasse en magnificence ». Le reste, selon la coutume primitive, était partagé entre tous les citoyens. L’or et l’argent étaient épuisés du temps de Pausanias, mais il existait encore à Siphnos des gisements de plomb, de cuivre et de fer”. Tant de richesses excitèrent l'envie des Samiens, gens fort pratiques d’ailleurs, qui, assiégés dans leur ville par les Spartiates et les Corinthiens (532), venaient d'acheter la relraite des alliés en donnant aux Lacédémoniens une grande quantité de monnaie d’or en appa- rence, mais qui n’était en réalité que du plomb doré. Les Samiens attaquèrent donc les Siphniens elles pillèrent. Notons, en passant, que les envahisseurs arrivèrent porlés sur des vaisseaux rou- ges (pros), car «jadis tous les vaisseaux étaient peints de cette couleur». On trouve déjà dans Homère une allusion à cette coutume. De l’autre côté de la Grèce, dans l’île de Zacynthe, on savait 1 Hérod., IIL, 57. 2 Hérod. ; trad. angl. par Rawlinson, Il, 455. LA MINÉRALOGIE AU TEMPS D HÉRODOTE. 411 tirer parti des sources bitumineuses, qui y existent encore main- tenant. Si nous suivons la côte seplentrionale de la mer Égée, nous rencontrons un vaste district minier. Les mines d'argent du fleuve Strymon furent célèbres dans l'antiquité ; elles étaient si- tuées non loin du lac Prasias (lac du Butkowo), en Péonie, près du mont Dysore et de la frontière de Macédoine ; elles étaient déjà exploitées du temps du tyran Pisistrate', car en — 538, celui- ci employa leur revenu à affermir son pouvoir lorsqu'il rentra pour la troisième fois dans Athènes après la victoire de Pallène. De — 497 à — 454%, ces mines rendirent à Alexandre I‘, fils d'Amynlas, qui régna sur la Macédoine”, un talent d'argent, c’est- à-dire plus de 4,000 fr., par jour. La mine voisine de Siderokapsa est encore exploitée aujourd'hui. Les mines d'or de Scapté-Hyla eurent une renommée au moins aussi considérable que celles du Strymon. Exploitées d’abord par les Sidoniens”, elles se trouvaient sur le continent de Thrace, près de la ville de Datum, en face de l’île de Thasos, qui elle- même possédait sur son territoire d’autres mines à peine infé- rieures aux premières. Les Thasiens tiraient 80 talents des unes et un peu moins des autres. « Les mines sont dans l’ile entre les lieux que l’on appelle Enyra et Cinyra, vis-à-vis Samothrace ; c'est une haute montagne bouleversée par les fouilles ». Ces ter- mes d'Hérodote sembleraient montrer que le gisement était peut- être du genre de ceux de la Californie, pour lesquels on emploie l’ingénieux système de désagrégation sous l’action d’un jet d’eau puissant, car une montagne u’est bouleversée tout entière que lorsque l'or est distribué dans toute sa masse, à moins toutefois que l'expression ne fit que signifier que l’exploilation se faisait à ciel ouvert. La femme de Thucydide était de ce pays et avait la propriété de quelques-unes des mines. C’est là que se retira 1 Hérod., I, 64. 2 Hérod., V, 17; VI, 23, 46: VII, 112. Thucyd., LV, 105. 3 Hérod., VI, 46. Thucyd., I, 100. 412 MÉMOIRES ORIGINAUX l'illustre historien lorsqu'il fut exilé d'Athènes, et il y écrivit son histoire de la guerre du Péloponèse. La Thrace avait enfin des sources d’eaux minérales‘ près du Téare (Karagatch), affluent secondaire de l’Hèbre (Maritza) ; elles étaient au nombre de trente-huit, coulant de la roche même, les unes froides et les autres chaudes, et leurs vertus étaient déjà appréciées, car «elles guérissent toutes les maladies et principa- lement la gale des hommes et des chevaux ». Une région voisine de la Grèce joua un rôle important dans l’histoire des mines et de la métallurgie, et, à ce titre, elle mérite d’attirer l'attention d’une manière spéciale. De l’autre côté de la mer Égée se développe le rivage dentelé de l’Asie-Mineure, dont le royaume de Lydie occupe à peu près la partie centrale ; à l'intérieur, se trouvent de hautes montagnes, et de l’une d'elles, le mont Tmolus, descend le célèbre Pactole, qui arrose la ville de Sardes et va mêler ses eaux à celles de l’Hermus, Toute la contrée est aurifère ; mais primitivement le précieux métal arra- ché aux montagnes s'était, à cause de sa densité considérable, concentré dans la plaine de Sardes et de Magnésie, située en contre-bas. Ces vastes placers, enrichis par le lent travail des eaux pendant des centaines de siècles, livrérent leur or presque sans travail aux premiers ouvriers. Les pays environnants étaient presque aussi bien partagés. Déjà Homère cite les Halisones et Alybe, « d’où l'argent tire son origine »; la Bithynie, la Thrace, la Mysie, possédaient de l’or et des mines d'argent ; la légende de Midas, roi de Phrygie, qui changeait en or tout ce qu’iltouchait, était déjà ancienne du temps d’Hérodote. En outre de ces con- ditions d’un ordre pour ainsi dire tout matériel, le système so- cial favorisait alors l’accumulalion des richesses entre les mains d’un seul. À l’époque d'Homère, quatre cents ou cinq cents ans avant Crésus, la tribu était encore trop petite, son chef n'avait ni assez de terrain ni assez d'hommes pour que ses trésors de- vinssent jamais considérables ; et cependant on sait l’étonnante Hérod,, IV, 90. LA MINÉRALOGIE AU TEMPS D'HÉRODOTE. 413 quantité de bijoux d’oret d’argent retrouvés par M. Schliemann. Il fallait un état social plus avancé, résultant du groupement des tribus par suite de l’absorption politique des plus faibles par les plus forts, afin de concentrer sous un seul maître les territoi- res et les hommes, c’est-à-dire les mines et les ouvriers. Les relations commerciales étaient à peu près nulles, rien ne sortait du pays par voie d'échange : les rois finissaient donc par tout réunir ; et comme ils n'avaient guère à faire de dépenses, sinon des offrandes aux dieux, leurs trésors ne cessaient d'augmenter et arrivaient à atteindre un total fabuleux. Hérodote ! nous a laissé l’énumération des dons faits par les rois lydiens aux principaux oracles. Vers l’an—710, Gygès envoie à Delphes de riches présents, « car, de toutes les offrandes d’ar- gent qui se trouvent dans le temple, le plus grand nombre vient de lui; il dédia aussi une immense quantité d'ouvrages d'or, parmi lesquels six cratères pesant trente talents», ce qui, à 26 kilog. letalent, donne un poids de 780 kilog., soit environ deux millions et demi de franes de notre monnaie. Avant lui, Midas, fils de Gordius roi de Phrygie, avait consacré le trône royal sur lequel il s’asseyait pour rendre la justice, et, au témoi- gnage de Théopompe et de Phanias d’Érèse, ce don fut le pre- mier qui fut fait en or et en argent au sanctuaire de Deïphes*. Alyatte envoya à son tour un grand cratère d'argent avec une soucoupe de fer forgé ou d’acier (xXmau). Pausanias* vit cette soucoune et dit que ses différentes parties n'étaient point fixées ensemble par des clous ou par des rivets, mais soudées, et Athé- née“ rapporte qu’elle était couverte de figures de plantes et d'animaux. Hérodote * ajoute que « cet objet est le plus digne de remarque de lous ceux consacrés à Delphes, car il est l'œuvre de Glaucus de Chios, qui le premier de tous les ‘hommes inventa 1 Hérod., I, 14. ? Hérod., trad. Rawlinson, note I, 155. FPAUS x, XVI, 41e # Deipnosoph., V, 13; Hérod., trad. Rawlinson, note I, pag. 161. 5 Hérod., I, 25. 414 MÉMOIRES ORIGINAUX l'art de souder le fer». Ce passage ne nous permet malheu- reusement pas de fixer d'une manière très exacte l’époque où fut introduit en Grèce le procédé de soudure, car cette soucoupe avait peut-être été fabriquée très longtemps avant d’être offerte, et nous n'avons point d’autres informations au sujet de ce Glaucus. Crésus, le dernier des Mermnades, succéda en—560 à son père Alyatte. Il commença par soumettre tous les peuples ses voisins, Phrygiens, Mysiecs, Maryandiniens, Chalyses, Paphla- goniens, Thraces, Thyniens, Bithyniens, Cariens, Ioniens, Do- riens, Éoliens et Pamphyliens. Son empire s’étendait sur toute l’Asie-Mineure, à l'exception de la Cilicie et de la Lycie ; il était borné au nord par le Pont-Euxin et la Propontide, à l’ouest par la mer Égée, au sud parla mer Intérieure, à l’est par le fleuve Halys, qui lui servait de frontière avec les Mèdes. Aussi les ri- chesses de Crésus élaient-elles immenses et la liste de ses dons est encore plus longue que celle des rois ses prédécesseurs. Afin de se rendre propice le dieu de Delphes", il immole en son hon- neur trois mille têtes de bétail, puis il entasse sur un bûcher des lits revêtus de lames d’or et d'argent, des coupes d’or, des vête- ments ; il ordonne à ses sujets d'apporter ce qu'ils ont de plus précieux, recueille tout le métal et en fait au marteau cent demi- briques, dont quarante d’or affiné, pesant chacune un talent et demi, et soixante d’or blanc à deux talents chaque. Get or blanc (evxos ypuoos) est l’alliage d’or et d’argent appelé eexrpov en grec, electrum en latin, et à propos duquel les commentateurs se sont livrés à de si longues discussions. Outre ces briques, Crésus en- voie à Delphes un lion en or pur de dixtalents, un cratère d’or pesant huit talents et demi et douze mines, un cratère d'argent contenant huit cents amphores, quarante barils d'argent, des va- ses à libations en argent, une statue de femme en or, de trois coudées ; des colliers et des ceintures. L’oracle d’Amphiaraüs eut un bouclier d’or massif et une javeline d’or d’une seule pièce ; le temple d’Apollon Isménien, à Thèbes en Béotie, reçut un tré- 1 Hérod., I, 50. LA MINÉRALOGIE AU TEMPS D HÉRODOTE. 415 pied d’or, Éphèse des vaches d’or, Minerve de Delphes un grand bouclier d’or ; enfin chacun des habitants de cette ville de Del- phes eut deux statères d’or, c’est-à-dire environ 38 fr. 30 de notre monnaie. Sans accepter d’une façon absolument aveugle les allégations d’Hérodote et tout en admettant que l'historien, par enthousiasme, ait forcé sinon le nombre des offrandes du moins leur poids, il est certain que de pareilles offrandes avaient une valeur immense. Il y eut dans la suite des siècles quatre centres de production des métaux précieux: d’abord l’Asie-Mineure, puis l'Espagne carthaginoise et romaine, au xvi° siècle le Mexique et le Pérou, en 1848 la Californie, et enfin, plus récemment et sur une échelle moindre, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Chacune de ces régions, grâce à sa richesse minérale, a fait jouer à un peuple un rôle important dans l’histoire de l'humanité. Mais, par suite des relations étroites qui existent à notre époque parmi les na- tions, ce qu’un mathématicien appellerait volontiers la force vive de cette richesse métallique est aujourd’hui devenue bienfai- sante au lieu d’être funeste. Dans l'antiquité, les effets de la secousse sociale produite par un excès de métal précieux étaient ceux d’un torrent furieux qui dévaste tout sur son passage ; mainteoant ils ressemblent à ceux d’un fleuve paisible et bien- faisant, répandant la vieet la fertilité le long des rives qu'il arrose, Il n’est point d'histoire plus triste que celle de Crésus : ce roi, que la fortune accable de ses faveurs, qui recoit d’elle la gloire, la richesse, la puissance, et qui, simple au milieu de son bonheur, accueille à sa cour, avec une égale bonté, le sage Solon et l’exilé Adraste, excite l’envie des Perses, et en quelques jours il perd son trône, ses enfants et sa liberté. Carthage, enrichie par les mines d'Ibérie, brille pendant un moment d’une splendeur inouïe etne tarde pas à être écrasée par l’implacable jalousie de Rome. La vaillante Espagne de Ferdinand et d'Isabelle s’em- pare du Mexique et du Pérou, elle devient la toute-puissante Es- pagne de Charles-Quint ; mais déjà, sous Philippe If, la chute com. mence ; elle s'accélère sans cesse, et Montezuma et les [Incas sont 416 MÉMOIRES ORIGINAUX vengés par l’amoindrissement et la pauvreté des fils de leurs spo- liateurs. Quelles que soient les circonstances accessoires qui, pro- voquées par l’ensemble de la civilisation, font sentir leur in- fluence, le phénomène reste essentiellement le même dans sa nature ; il se produit une surexcitation générale, un éclat mo- mentané, et, bientôt après, la ruine. Les Lydiens !, les premiers, font usage de monnaies d'or et d’argent frappées ; cetle même souplesse d'esprit qu’ils déploient en inventant les jeux, afin de se distraire de leurs souffrances pendant une famine, ils lamon- trent dans leur génie commercial, qui se retrouve encore chez les Tyrrhéniens ou Etrusques, ces grands travailleurs de métaux, co lonie lydienne fondée vers—1500. Mais les Lydiens sont anéanti: par les Perses, les Perses par Alexandre, les Ibériens par les Car. thaginois; les Carthaginois, les Étrusques, par les Romains; les Indiens par les Espagnols, les Espagnols par eux-mêmes ; tous tombent à leur tour. Par bonheur, l'Américain du Nord et l’An- glo-Saxon laissent se répandre sur le monde l’or de la Californie et de l’Australie, et, grâce au commerce, à l’industrie et surtout à la liberté, ils trouvent maintenant la vie dans cette richesse qui avait causé la mort des autres nations. Hérodote se montre très sobre de détails sur les Assyriens et les Babyloniens ; cependant il avait visité leur pays, maisil réservait peut-être ses renseignements pour ie livre spécial qu'il consacra à ces peuples et qui n’est point parvenu jusqu'à nous. Dans son Histoire ?, il se borne à mentionner le bitume, dont on se servit en guise de ciment pour joindre les briques des murailles de Babylone. Ce bilume venait de la rivière Is, qui se jelte dans l’Euphrate auprès de la ville du même nom, appelée aujourd’hui Hit et située à une cinquantaine de lieues au nord- ouest de Babylone. La rivière se nomme maintenant Oued Amitsch etles sources de bilume y existent encore, Les mu- railles de cette capitale étaient percées de cent portes, toutes { Hérod., I, 94. 2 Hérod., I, 179. LA MINÉRALOGIE AU TEMPS D HÉRODOTE. 417 d’airain, avec des linteaux et des jambages de même métal. Le temple de Jupiter Bélus possédait une statue du dieu assis sur un trône entouré de degrés, en face d’une large table, et le tout, en or massif, pesait 800 talents ou 15,600 kilogram.; le même sanctuaire renfermait des autels &or et une autre statue d’or massif, haute de douze coudées, c’est-à-dire environ six mètres, devant laquelle on brülait actuellement pour 1000 talents d’en- cens. Il y a dans ce passage uneexagération évidente; Hérodote semble même s’en apercevoir, car, à deux reprises différentes, il décline toute responsabilité et annonce qu’il tient ses informa- tions de la bouche des prêtres Chaldéens. Il décrit aussi‘ les grands travaux exécutés vers — 550 par la reine Nitocris, qu’on croit femme d’Evilmérodach et mère de Nabonahid, le dernier roi de Babylone, le Balthasar de la Bible et le Labinetos des historiens grecs. Les principaux étaient l'immense bassin destiné à recevoir les eaux du fleuve et le pont sur l’Euphrate, tous deux construits en pierres de taille reliées entre elles avec du fer et du plomb. On voit que, depuis Homère, ce dernier métal a trouvé un emploi plus utile que celui de lest à faire enfoncer plus rapidement les lignes de pêche. Ces quelques renseignements permettent de reconnaitre que ces peuples étaient experts dans l’art de travailler les métaux, et cette opinion a été confirmée par les fouilles opérées depuis 1842 par MM. Botta, Layard et par d’autres savants. On a en effet reconnu qu’à Ninive comme à Babylone, les ouvriers se servaient d'instruments de fer et d’acier* et confectionnaient des armes ciselées, des cottes de mailles et des cuirasses, des meubles incrustés ou revêtus de plaques métalliques, des feuilles de bronze travaillées au repoussé, des vases couverts de sujets variés et de nombreux bijoux, bra- celets ou pendants d'oreilles. Ils assemblaient leurs meubles avec des clous de cuivre et on a retrouvé dans les ruines de Ninive des roues en cuivre montées sur un axe en fer. Un 1 Hérod., I, 183. ? P. Gaffarel; Hist. anc. des peuples de l'Orient, pag. 202. 418 MÉMOIRES ORIGINAUX. recueil d’hymnes antiques, faisant partie de la bibliothèque du roi Assur-[bani-Pal, le Chiniladanos des Grecs, qui régnait de — 669 à 647, renferme le passage suivant: «Feu, c’est toi qui mêles le cuivre et l’étain ; c’est toi qui purifies l’or et l’argent.» Les Assyriens et les Babyloniens avaient porté très loin leurs connaissances en minéralogie. On possède, dit-on, une série de tablettes d'argile recouvertes de caractères cunéiformes et don- nant un catalogue de minéraux divers ; un autre catalogue a été laissé par le Maure Abolays', dont l’ouvrage, traduit par Iehuda Mosca vers le milieu du xrr° siècle, comprend 325 minéraux connus des Chaldéens et répartis entre les douze signes du zodia- que, suivant les rapports que l’on supposait exister entre les différentes pierres et chacune des constellations. Voici les noms modernes de ces pierres ; nous nous bornons à citer, sans vouloir discuter en rien la plus ou moins grande exactitude de la traduc- tion: hyacinthe ou grenat, améthyste, jaspe, saphir, agate, émeraude, onyx, cornaline, chrysolite, aigue-marine, topaze et rubis. Parmi les hiéroglyphes ninivites, on trouve des signes spé- ciaux pour distinguer les métaux usuels et les métaux précieux. Ainsi que le fait observer M. G. Rawlinson *, les Touraniens vivant au milieu desgisements de l’Altaï, où les minerais et les métaux à peu près purs se rencontrent presque à fleur de terre, appri- rent vite l’art du mineur, du fondeur et de l’orfèvre, et ils l’im- plantèrent en Chaldée. Les plus vieilles tombes de ce pays ren- ferment des objets en or, en bronze et en fer : couteaux, hachettes, faux, bracelets, boucles d’oreilles ciselées. A côté, on trouve des instruments en silex taillé et poli. Maïs le métal le plus répandu est le bronze *, tandis que le fer est rare et sert surtout à confectionner les bijoux. L’admirable position géographique de Babylone avait fait de RC SPEARS 1 Dieulafait ; Diamants et pierres précieuses, pag. 42, 3 G, Rawinson; The five great monarchies, tom. I, pag, 98-99. 3 Maspero ; ist. anc. des peuples de l'Orient, pag. 141. LA MINÉRALOGIE AU TEMPS D HÉRODOTE. 419 cette ville un centre commercial de la plus haute importance, où venaient affluer, apportées, soit par les caravanes, soit par la voie maritime, les matières premières des pays les plus lointains. Ces matières, après avoir été travaillées à Babylone ou à Borsippa, repartaient pour être distribuées dans l’Asie entière et même en Europe par les nombreuses routes qui convergaient sur cette capitale. Au beau temps de Ninive ‘, sous le règne de Touklat- Habal-Asar Il, c’est-à-dire de — 745 à — 727, trois routes principales suivaient la vallée du Tigre : l’une traversait le grand Zab et débouchaïit sur le lac d’Ourmiah; l’autre se dirigeait sur Ecbatane, la troisième remontait le petit Zab, et les carava- nes, par ces trois routes, rapportaient les produits del’Inde, l'or, le fer, le cuivre, et les pierres précieuses telles que la cornaline, l’agate et le lapis-lazuli. La région était tellement riche que Tri- tantechme, fils d’Artabaze, gouverneur de l’Assyrie pour le roi de Perse Cyrus, tirait de cette satranie un artabe d’argent par jour?. Or un artabe perse valant un médimne d'Athènes et trois chénices attiques, seit 545 litres ; si nous prenons le nombre de 10 au lieu de 10,47 pour densité de l’argent, afin de donner aux évaluations leur valeur minimum, nous arrivons à un total d’en- viron 540 kilogram. d’argent, valant 108,000 francs par jour, et pour un an 39,420,000 francs. Avant d'aborder l'étude des connaissances minéralogiques et métallurgiques chez les peuples de l’Asie occidentale, il n’est pas inutile de résumer l'histoire des Mèdes et celle des Perses. Le développement intellectuel et scientifique d’une nation est trop directement lié à son état politique pour qu’on néglige une occasion d'appuyer par un exemple cette vérité que le passé tout entier a élevée au rang d’axiome. Les Mèdes composaient une tribu aryenne sortie par émigra- tion de l'antique Bactriane ; sur leur route, ils avaient heurté et vaincu les Touraniens, premiers habitants de la contrée située 1 Maspero ; Jbid., pag. 370. 2 Hérod., 1, 192, 420 MÉMOIRES ORIGINAUX. entre la mer Caspienne et le golfe Persique ; mais au x° siècle avant l'ère chrétienne, ils avaient été asservis par les rois d’As- syrie. Vers — 750, sous la conduite de leur chef Arbacès, ils se révoltèrent, assiégèrent dans Ninive le roi Assur-Nirari, le Sar- danapale des Grecs, s’emparèrent de la ville et reconquirent ainsi leur liberté. Déjocès, vers — 700, sut réunir les diverses tribus mèdes ; il bâtit Echatane et fonda la dynastie royale, Ses succes- seurs furent Phraote (— 656 à —634), Cyaxare (—634 à —595) et Astyage (—595 à —559). Sous ce roj, la suprématie passa aux Perses gouvernés par Cyrus (—559 à —529), petit-fils d’Astyage, vainqueur de Crésus à Thymbrée, près de Sardes, et conquérant de Babylone. Après lui régnèrent Cambyse (—529 à 522—), qui annexa un grand nombre de provinces, et Darius (—522 à —485), qui commença les guerres médiques. La décadence de l'empire perse, que ses premiers souverains avaient élevé à un si haut de- gré de puissance, date de ce roi ; cette vaste monarchie fut brus- quement arrêtée dans son développement par la Grèce, à Mara- thon, à Salamine, à Platées et à Mycale ; à partir de ce moment, elle se décomposa lentement de Xerxès à Darius Codoman(—485 à — 330), et elle finit par tomber en lambeaux sous les coups d'Alexandre. Les renseignements que nous ont laissés les historiens grecs sur la Médie et la Perse nous viennent non seulement d’Hérodote mais aussi de Ctésias, qui, né à Gnide, en Asie-Mineure, fut méde- cin d’Artaxerxès Mnémon (—404 à — 362) et, d’après Diodor, habita la Perse pendant dix-sept ans. Les Égyptiens eurent dans l'origine le privilège de fournir des médecins aux rois de Perse; mais Darius Le", ayant eu à se plaindre de l’un d’eux, appela auprès de lui le Grec Democédèés, alors au service de Polycrate, tyran de Samos, et depuis cette époque les médecins royaux furent tou- jours des Grecs. Certains historiens supposent que Ctésias était au nombre des auxiliaires grecs du prétendant Cyrus et qu'il fut fait prisonnier à Cunaxa ; d’autres racontent au contraire qu'il était déjà alors au service d’Artaxerxès et soigna même la blessure reçue par le roi à cette bataille. Sans entrer dans cette LA MINÉRALOGIE AU TEMPS D HÉRODOTE. : 421 discussion biographique, d’ailleurs étrangère au sujet que nous traitons, et prendre parti, soit pour Tzetzès, soit pour Xénophon, on peut dire que Ctésias écrivit ses œuvres environ 400 ans avant J.-C., c’est-à-dire moins d’un demi-siècle après Hérodote, de sorte qu'aujourd'hui on est presque en droit de considérer ces deux auteurs comme contemporains. Ls séjour de Ctésias en Asie coïncida avec la guerre du Péloponèse, c’est-à-dire avec le moment où le commerce entre l’Europe, la Perse et l'Inde présenta justement sa plus grante importance. Ge médecin joua même un certain rôle politique, et vers la fin de sa vie il servit d’intermédiaire dans les relations toujours assez tendues existant entre le grand roi et les petits tyrans des îles de la mer Égée ou les villes grecques de l’Asie-Mineure. Ctésias, dont les œuvres sont généralement imprimées à la suite de celles d'Hérodote, à écrit plusieurs ouvrages, les uns politiques, d’autres relatifs à l’histoire naturelle, dont il ne reste plus que des fragments, et cette perte est regrettable, car, en dépit d’une excessive crédulité, défaut assez commun chez les savants de l'antiquité, la position occupée à la cour par l’auteur devait lui avoir fourni, plus qu’à tout autre, la possibilité de voir par lui-même bien des faits dont nous aurions eu ainsi Connaissance. Dans l’antiquité comme de nos jours, l’Asie était le gouffre où s’engloutissaient les richesses métalliques du monde entier; l’or et l'argent, une fois entrés dans cette contrée, n’en sortent plus et sont à jamais perdus pour l’entretien de l’activité humaine. On ne sait pas exactement ce que deviennent lous ces trésors. Les Asiatiques aiment, il est vrai, le fasie; mais, quelle que soit la quantité d’or ou d’argent employée pour l’ornementation, elle ne suffit pas à expliquer une absorption se continuant pendant plusieurs milliers d'années. Sion se reporte aussi loin que pos- sible dans l'histoire, on trouve ce goût du luxe dans toutes les coutumes comme dans tous les arts. Dejocès, le premier roi des Mèdes, fonde Ecbatane vers 700 et entoure la ville de sept rem- parts dont chacun possède des créneaux d’une couleur particu- lière : ceux des premiers remparts étaient blancs, ceux du second 3e sér., tom. II. 30 422 MÉMOIRES ORIGINAUX. noirs ; ceux des autres étaient pourpres (puxex), bleus, rouges, et enfin plaqués d’argent et d’or'. L’adjectif grec dont Hérodote se sert dans son récit montre que les Phéniciens, qui déjà du temps d’Homère teignaient les tissus en pourpre, avaient continué la pratique de cette industrie, puisque leur nom était devenu synonyme de la teinte employée. Nous traduisons par le mot rouge le mot caædapœuvos et nous donnons à cette couleur la nuance, non pas de la sardoïne comme certains auteurs qui font une mauvaise lecture du texte grec, mais celle de la sandaraque, qui est le réalgar ou sulfure d’arsenic. Ce corps est assez abon- dant dans la nature; on en connaît des gisements en Chine, et aujourd'hui les Chinois s’en servent comme peinture et comme médicament. Toutefois, il est douteux qu’on l’ait jamais trouvé en assez grande abondance pour qu’il pût être em- ployé à peindre les créneaux d’un rempart, et il est plus pro- bable qu’on se servit d’ocres ferrugineuses fortement calcinées, donnant une couleur rouge très belle, très abondante, facile à pré- parer et connue de toute antiquité. Il est curieux de remarquer que, de nos jours, le palais de l’empereur de Chine à Pékin est dé- fendu par un certain nombre de murailles dont chacune est peinte d’une couleur différente ; mais le mot d'Hérodote prouve que le réalgar était exploité, du moins chez les Grecs. Dès leur origine, les peuples asiatiques, riches des produits de leur propre territoire et de ceux des nations étrangères, ne savent plus, pour ainsi dire, à quel usage dépenser leur or et leur ar- gent. Au temps des premiers rois perses, on a déjà l'habitude d’enterrer les morts couverts de vêtements précieux, d'or et de bijoux ?. Quand Astyage, effrayé par un songe, remet vers— 580 son petit-fils Cyrus à Harpage, afin que celui-cile laisse dévorer par les bêtes sauvages”, l’enfant est «orné pour la mort», c’est-à-dire « paré d’or et d’une robe de couleur variée ». Un peu 1 Hérod., I, 98. 2 Hérod., I, 111. 3 Hérod., I, 109. LA MINÉRALOGIE AU TEMPS D'HÉRODOTE. 423 plus tard, au moment de la splendeur de l'empire perse, le luxe augmente, et dans ses voyages le grand roi ne boit plus que de l’eau du fleuve Choaspe, préalablement bouillie et transportée dans des vases d'argent. Les métaux abondaient en Perse aussi bien que dans les con- trées voisines : les Massagètes, qui habitaient à l’orient de la mer Caspienne et autour de la mer d’Aral', employaient l'or et le cuivre. « Les pointes de leurs javelots et de leurs flèches, leurs haches, sont de cuivre ; les parties métalliques de leurs casques, de leurs liares, de leurs bretelles et de leurs ceintures, sont en or. Pareillement, autour du poitrail de leurs chevaux, ils posent des cuirasses de cuivre, tandis que le métal des brides, des mors, des harnais, est d’or. Ils ne se servent ni d'argent ni de fer, car il ne s’en trouve point dans leur pays*.» Les Éthiopiens donnent en cadeau au roi, tous les deux ans, deux chénices d’or purifié. Le chénice étant une mesure de 1,08 litres, les deux chénices d'or pèsent 41,688 kilogr. et valent environ 150,000 francs. L'Inde produisait de l’or et payait en poudre de ce métal l'impôt dont elle avait été chargée en — 523 par Darius. Ce roi régla le tribut que dut payer chaque nation vassale, et à cette occasion fixa même la valeur officielle de l'or à treize fois celle de l'argent. Hérodote donne avec détail le chiffre de l'impôt pour chaque province de l'empire et en cite la somme en talents d'argent ou d'or: le ta- lent d’or de poids euboïque contenait 60 mines de 324 gram. chacune, tandis que le talent d'argent, poids de Babylone, en con- tenait 70. «L'argent de Babylone étant réduit en poids euboïque, on à en tout 9,540 talents d’argent ; l'or étant évalué treize fois plus que l'argent, la poudre d’or donne 4,680 talents euboïques. En additionnant ces deux sommes, on trouve pour total de impôt annuel payé à Darius, en poids euboïque, 14,560 talents, nombre rond, en négligeant une somme minime. Tou- 1 Hérod., I, 215. 1 Hérod., LIL, 97. 2 Hérod., IT, 95. 424 MÉMOIRES ORIGINAUX. tes ces sommes font, à peu de chose près, soixante millions de notre monnaie. Arrien rapporte qu’Alexandre trouva 50,000 ta- lents d'argent à Suse lorsqu'il s'empara de cette ville. Le roi faisait fondre les métaux qu’il recevait et on les versait encore liquides dans des vases en terre cuite ; quand ils étaient refroidis, on brisait l'enveloppe, et, lorsque le roi avait besoin d'argent, il faisait frapper ce qui lui était nécessaire. Darius! fabriquait sa monnaie avec l'or le plus pur, et Aryande, gouver- neur de l'Égypte, afin d’imiter son maître, fit aussi sa monnaie avec l'argent le plus pur, auquel les Grecs donnaient pour cette raison Je nom d’aryandique. La Médie possédait du cuivre, du fer, de l’or et de l'argent en petite quantité, plusieurs espèces de marbres, entre autres celui de Tebriz, des pierres précieuses et du lapis-lazuli. Une autre région aurifère de l’Asie venait encore alimenter en métaux précieux la Perse et la Médie; elle était voisine de celle habitée par les peuplades limitrophes des territoires de Caspatyre et des Pactyices, qui se trouvent au nord des autres Indiens *. Cette désignation d'Hérodote est assez vague, et il est difficile de faire l'identification avec une carte moderne. Les Pactyices ou Pactyes possédaient l’Arachosie, sur la rive droite de l’Indus, c’est-à-dire l’Afghanistan actuel. L’or se trouvait dans des déserts de sable, mais les véritables déserts ne commencent que del’autre côté de la frontière, vers l’ouest, en Perse, dans la province du Khorassan, ou au nord-ouest, dans le grand désert du Karakum. Ces territoires, assez éloignés de celui des Pactyes, constituaient la Drangiane, l’Arie, la Parthie et la Bactriane. Certains savants ont identifié la ville de Caspatyre avec Caboul, d’autres avec Cache- mire, D’après M. Vivien de Saint-Martin, le pays où l’or est dé- terré par les fourmis d'Hérodote est celui de Darada, au nord- ouest de Cachemire”. Il s’agit sans doute de placers aurifères, qui 1 Hérod., IT, 96. 2 Hérod., III, 102. 3 Vivien de Saint-Martin; Aist, de la Géographie, pag. 87. LA MINÉRALOGIE AU TEMPS D'HÉRODOTE. 425 du reste existaient encore dans plusieurs autres localités, puisque les Indiens obtenaient aussi de l’or, bien qu’en quantité beau- coup moindre, en creusant « dans la contrée ». Le désert est ha- bité par d'énormes fourmis ‘, grosses presque comme des chiens et un peu plus que des renards, qui se cachent dans des terriers etqu’on a supposées être des hyènes ; leur vitesse est sans pareille et leur odorat est assez développé pour leur permettre de re- trouver la trace des hommes qui sont venus bouleverser les ter- riers et emporter dans des sacs la terre mélangée d’or. Les In- diens profitent de l'instant de la journée où la chaleur est si forte qu’elle oblige les hommes à s’arroser à grands flots d’eau fraiche et qu’elle force les fourmis à se cacher ; ils approchent montés sur des chameaux accompagnés de chamelles auxquelles on a pris leurs petits et que l’espoir de les retrouver rend infatigables à la course. [ls chargent la terre et s’enfuient au plus vite. Or, il est impossible d'identifier ces fourmis avec des hyènes, qui fouissent le sol ilest vrai, mais qui ne chargent point les hommes et ne sont pas réellement dangereuses ; on a cru aussi voir dans ces animaux les pangolins ou mangeurs de fourmis, qui creusent des sortes de terriers dans les plaines sablonneuses du nord de l'Inde. Dans tous ces dangers, on aperçoit moins une simple exagération naturelle chez «quiconque a beaucoup vu» qu'un mensonge fait de propos délibéré et très calculé, accepté et rap- porté par Hérodote avec sa crédulité habituelle. Les rois mèdes ou perses qui exploitaient ces gisements y employaient évidem- ment leurs prisonniers de guerre, et ces récits avaient le double but d'empêcher les ouvriers de s'enfuir et surtout d’effrayer ceux qui auraient été tentés de parcourir ces régions et de découvrir le secret de leur richesse. Le mensonge est trop souvent une nécessité du commerce ; dans tous les payset dans tousles temps, il donne plus de prix à la marchandise et fait peur aux concur- rents. On retrouve les mêmes fables à propos de certaines con- trées du nord de l’Europe où l’or abonde et où il est recueilli par 1 Hérod., III, 102. 426 MÉMOIRES ORIGINAUX les Arimaspes‘', hommes n’ayant qu’un seul œil et qui ravissent ce métal à des griffons, animaux terribles, moitié oiseaux et moitié lions, appartenant à la même famille naturelle que l’oiseau roc des conteurs arabes, et non sans quelques rapporls avec les chérabins de l’Écriture qui gardent l’entrée du Paradis. Ctésias indique le pays des Pygmées, où l’argent abonde dans certaines mines plus profondes que celles de Bactriane et où l’on trouve de l'or qui ne se recueille pas dans les fleuves, comme au Pac- tole, mais que les habitants tirent de montagnes peuplées de griffons*. Ce pays des Pygmées est certainement la région située au nord de l’Europe d'Hérodote ; malheureusement ces renseigne- ments sont encore trop vagues pour nous permettre de retrouver la position géographique des Pygmées, que les Grecs ont placés dans mille endroits, en Thrace, dans l'Inde, en Éthiopie, et cela peut-être parce qu’ils n'étaient nulle part. Nous achèverons rapidement de passer en revue les informa- tions minéralogiques que nous donne Ctésias sur l'Inde. La pierre pantarba, selon les commentateurs”, serait l’hydrophane, variété d’opale qui devient translucide après avoir été mouillée ; on lui attribuait la propriété d’attirer les autres pierres plongées dans l'eau, et cette croyance s’est prolongée jusqu'au roi Khosroës, qui retrouva ainsi, dit-on, certains joyaux tombés dans le fleuve. Le fer abonde dans les régions septentrionales de l'Inde et a son gisement dans des montagnes tournées vers le nord * ; nous verrons tout à l'heure combien cette indication est exacte. L’onyx, la sardoine, et d’autres pierres à fabriquer les cachets, se tiraient de grandes montagnes identifiées par Veltheim * avec les monts Bala Gaut, près de Barygaza, aujourd’hui Beroah, dans le Dékan 1 Hérod., IIL, 116. 2 Veltheim; Von den Goll grabenden Ameisen un? Greifen der Allen, eine Vermüthung ap. vermischte Aufsetze, tom. II, pag. 267. 3 Leonhard ; Jandbuch der Oryklognosie, pag. 134. 4 Ritter ; Erdkunde, II, pag. 794. $ Veltheim ; £twas über die Onyxgebirge des Clesias und den Handel der Allen nach Ostindien. LA MINÉRALOGIE AU TEMPS D'HÉRODOTE. 427 et dans le voisinage d’Ozène, appelée maintenant Ougein. Cette dernière ville est dans le Sindhia, au nord-est de Bombay, par 23° lat. nord et 74° de long. est de Paris environ. En réalité, ces mines sont plus à l’ouest, dans le Guzerat. Une fontaine était remplie d’or liquide ; au fond, il y avait du fer dont on avait fabriqué deux épées : l’une appartenait au roi Artaxerxès Mnémon, l’autre à sa mère Parysatis ; fixées dans le sol, elles possédaient la vertu de chasser les nuages et la grêle. Faut-il conclure de là que les propriétés des paratonnerres étaient soupçonnées dès celte époque ? Une autre fontaine repoussait de son sein tout ce qu’on y jetait, excepté le fer, l’argent, l'or et l’airain. Pline la nomme Side, Diodore Silla et Strabon Silia. Nous retrouverons plus tard toutes ces légendes dans les œuvres des voyageurs du moyen âge qui se sont faits l’écho de Ciésias.Cette révérence pour les classiques et leurs affirmations existe encore de nos jours chez certains savants, qui, n’admettant point qu’on puisse taxer d’absurdité ou d’exagé- ration un texte écrit en grec, ont pensé que cette fameuse fon- taine était le lac Arsenes en Arménie, aujourd’hui appelé lac de Van *, qui jouit de cette fabuleuse propriété de rejeter les corps pesants, par suite de la viscosité du liquide qui l’emplit et qui est un mélange de naphte et d’asphalte. Inutile de répéter une fois de plus que la réalité donne tort aussi bien à l’auteur qu'à ses commentateurs, On trouve plus d’exactitude dans l’opinion que se fait Utésias de la nature de l’ambre. D’après lui, un certain fleuve de l'Inde nommé Hyparchus fournit tous les ans de l’ambre pendant trente jours ; le succin provient de l’arbre siptachora, qui ombrage les bords de ce fleuve ; la résine tombe dans l’eau en larmes qui durcisseni et deviennent de l’ambre.Au reste, la question de l'origine de cette substance est loin d’être résolue, même aujour- d’hui.Un autre arbre nommé Parybum, originaire de l'Inde”, jouit 1 Pline, L, XXXI, 2. 2 Ctesias ; De rebus indicis, pag. 104. 3 Jbid., pag. 99, Apud Apollonium. 428 MÉMOIRES ORIGINAUX de la propriété d'attirer à lui l'or, l'argent, l’étain, le cuivre, et tous les autres métaux, sauf l’électrum, et jusqu'aux oiseaux que leur mauvaise fortune fait voltiger dans son voisinage. Le moyen âge a supprimé l'attraction des oiseaux, mais il a conservé la foi dans la baguette de coudrier, qui découvre les veines métalliques au sein de la terre et qui, si elle possédait cette vertu singulière, serait sans doute un rameau de l’arbre parybum. Il est intéressant de comparer les renseignements donnés sur l'Inde par les anciens avec ceux que l’on possède aujourd’hui ; c’est pourquoi nous empruntons les lignes qui suivent à un écrivain moderne, M.A. Legoyt, dans un ee NUE sur les ressources industrielles de cette contrée ‘ « La richesse minérale de l’Inde est encore peu connue, par suite de l’absence ou de l'extrême imperfection des voies de communication. On y a cependant constaté l'existence de tous les métaux, depuis le fer jusqu'à l’or, ainsi que des pierres les plus précieuses et notamment du diamant. L'or se récolte principale- ment dans le lit des cours d’eau qui descendent des montagnes et dans les bras principaux du Gange. On le trouve encore dans plusieurs districts du Mysore, principalement à neuf milles à l’est de Boodicotta, où le sol en est imprégné ; dans les montagnes du Nielgherry, surtout à l’ouest ; enfin dans les montagnes voisines de Koondanad et de Ghaut. On peut évaluer à 200 milles anglais (322 kilom.), montagnes comprises, l'étendue territoriale qui, dans les localités que nous venons de nommer, présentent des gîtes ou des sables aurifères. Le cuivre est produit en abondance dans la province de Delhi, où les Indous l’extraient à peu près à ciel ouvert. La province d’Ajmeer en contient également de fort estimé ; le minerai y est presque à l’état métallique, sans aucun mélange de soufre, d’arsenic ou &’autre corps. Le plus pur donne jusqu’à 50 °/, et le plus mélangé 6 °/, au moins de son poids. Mais l'Inde est surtout riche en minerais de fer ; les montagnes Pie. 5 SUNSET OR STE SRUN CORRE OST 1 A Legoyt; Des intérêts de l'Angleterre dans l'Inde. (Revue Contemporaine, 2e série, tom, [, XXX VI de la collection (1858), pag. 43.) LA MINÉRALOGIE AU TEMPS D'HÉRODOTE. 429 granitiques du Népaul et du nord en recèlent des quantités énor- mes. Les mines de Lahore sont connues par l’abondance de leur rendement. À Oripa et dans le Béjapoor, la fonte du minerai est une industrie considérable. A Porto-Novo, dans la présidence de Madras, des forges ont été établies par une société d'actionnaires qui est également propriétaire des hauts-fourneaux de Brypoor dans le Malabar, Le minerai apporté à ces forges est extrait dans le voisinage, où il se trouve en abondance. Le Mysore est rempli de mines de fer ; son extraction occupe un grand nombre de personnes à Coinbetore et dans le Malabar. Le fer oligiste, recueilli dans les riches exploitations de Cutch, donne l'acier le plus pur qu'il y ait au monde. L'Inde produit encore le plomb, l’antimoine, le soufre et l’alun. Ses mines de houille sont inépuisables ; et cependant, faute de moyens de transport, leur exploitation est à peine commencée. Le charbon de Burdwan vaut celui de Newcastle et les mines de cette localité ont des gîtes d’une profondeur extraordinaire. Le sel se trouve partout ; dans les plaines de Mysore, les puits sont salés et le sol se couvre souvent d’une efflorescence saline. Toute une rangée de montagnes s'étendant de l’Indus à l'Hydaspe est entièrement composée de la fameuse roche salée de Lahore. On trouve le nitre en quantité considérable dans le Bengale, dans l’Oude et autres localités ; le sulfate de soude (sel de Glauber) près de Cawnpoor, le carbonate de soude à Sultanpour, Ghazepoor et Tirhoot. De nombreuses carrières fournissent les marbres, les granites de toute couleur, les porphyres aux plus riches nuances.Ce n’est plus dans les célèbres mines de Golconde que le diamant est exploité ; on le trouve maintenant dass le lit du Krishna ainsi que dans la province de Gundivana, près du confluent de l’Hebe et du Mohannudy. Aprés la saison des pluies, les indigènes le recueillent dans la terre rouge que les eaux ont détachée des montagnes. Il existe cependant des mines de diamant dans le sud de l'Inde, à neuf milles environ au nord-est de Cuddapah, sur les deux rives du Pennar. Quoique presque complètement épuisées, 3e sér., tom, 11. 91 430 CORRESPONDANCE. elles donnent encore quelquefois des diamants d’un fort volume que l’on trouve, soit dans la terre d’alluvion, soit dans les rochers de la dernière formation. On rencontre encore le diamant dans ie Bundelcund, sur le plateau qui entoure Pannab, là où le sol est graveleux. Les autres variétés de pierres précieuses de l’Inde sont : le rubis, que l’on trouve sur les plateaux de Mysore ; le béryl, la topaze, le grenat, le jaspe, l’opale, l’onyx, ete. Les mines de cornaline de la province de Guzerat, au milieu des jungles les plus sauvages, sont fort riches. Les produits sont envoyés à Cambay, où ils se transforment, sous la main d’oivriers habiles, en bijoux d’une extrême élégance. (A suivre.) CORRESPONDANCE SUR L'ÉVOLUTION BIOLOGIQUE DES APHIDIENS La question de l’évolution biologique des pucerons, qui continue à occuper les savants depuis les temps de Réaumur et de Bonnet, qui mirent hors de doute le fait de la reproduction de ces animaux sans le concours du mäle, a été reprise avec plus d'ardeur que jamais de- puis l'apparition du Phylloxera. Nos lecteurs connaissent certainement les diverses opinions qui se sont manifestées à cet égard et les discussions auxquelles ont pris part des savants de la valeur des Steenstrup, Carus, Van Beneden, Leuckart, Van Siebold, Huxley, Morren, Claparède, Mecznicoff, etc. Dans une des dernières séances de l’Académie des Sciences (le 4 dé- cembre 1882), un de nos compatriotes, M. J. Lichtenstein, a pu donner l'histoire complète de l'évolution biologique du puceron de l'Ormeau (Tetraneura rubra), qui émigre des feuilles de l'Ormeau aux racines du Chiendent. M. Balbiani a cru devoir faire à ce sujet diverses observations dans lesquelles il a rudement pris à partie M. Lichtenstein, en com- battant ses nouvelles théories. M. Lichtenstein a répliqué à son tour, et comme la question nous paraît très intéressante au poiut de vue des métamorphoses de ces ÉVOLUTION BIOLOGIQUE DES APHIDIENS. 431 Insectes, nous avons cru devoir mettre sous les yeux de nos lecteurs l'attaque et la riposte, avec notre impartialité habituelle, nous réser- vant de donner plus tard notre opinion sur ce sujet, qui se rattache étroitement aux études d’embryologie et de spermatogénèse dont s’oc- cupent quelques Professeurs de notre Ecole ou de nos Facultés. Remarques à l’occasion des Communications de M. LICHTENSTEIN sur les Pucerons; par M. BALBIANI. € Dans sa Note, insérée aux C'omptes rendus du 4 décembre, comme dans plusieurs de ses Communications antérieures à l’Académie, M. Lich- tenstein fait des allusions, tantôt directes, tantôt détournées, au désac- cord existant entre lui et moi au sujet de ses théories sur les Pucerons. Je prie l’Académie de me permettre de replacer le différend dans son véritable jour. > M. Lichtenstein a d’abord fait une théorie sur la biologie des Puce- rons, consistant à admettre que ces Insectes accomplissent le cycle de leur existence sur deux plantes d'espèce quelquefois très différente, par exemple sur les feuilles de l’Ormeau et les racines du Chiendent. C’est chez le Phylloxera vastatrix qu'il crut avoir observé pour la première fois ces migrations alternatives d’un végétal à l’autre. Il sup- posa qu'après avoir vécu d’abord à l’état de pondeuses aptères sur les racines de la vigne, le Phylloxera émigrait, sous la forme ailée, sur les chênes kermès (Quercus coccifera) des garigues du Midi, et y déposait ses descendants sexués, dont la progéniture reviendrait à la vigne, pour recommencer indéfiniment le même cycle de migration. » A l’époque où M, Lichtenstein publia ses observations (1874), j'étais à Montpellier et en mesure de les contrôler immédiatement. Une visite aux garigues des environs me mit presque aussitôt en présence des émi- grants de M. Lichtenstein et suffit à me convaincre que cet observateur avait été la dupe d’une ressemblance de formes; qu’il avait confondu deux espèces absolument différentes de Phylloxera, et, comme celle du chêne kermès était nouvelle, j'eus le plaisir de la lui dédier, car c'était lui qui, en réalité, l'avait découverte {voir ma Note aux Comptes rendus du 14 septembre 1874). » Cette observation eut un double résultat : le premier, immédiat, fut de montrer l’inutilité de la destruction par le feu des garigues de Mont- pellier, que M. Lichtenstein réclamait déjà dans les feuilles publiques comme moyen de préserver les vignobles du pays {Messager du Midi da 432 CORRESPONDANCE. 3 septembre 1874)1. Le second résultat fut de me rendre très scep- tique à l'égard de toutes les histoires de semblables migrations des Puce- rons que M. Lichtenstein a racontées depuis dans les Comptes rendus et presque tous les Recueils entomologiques de l’Europe; car s’il avait pu commettre une première erreur en mêlant l’histoire de deux Pucerons différents, rien ne me garantissait qu'il ne retomberait pas de nouveau dans une méprise semblable. D'autre part, l'observation, suivie pendant plusieurs années, que j'avais pu faire de deux des espèces les plus com- munes de ce groupe, le Phylloxera de la vigne et le Phy!loxera du chêne des environs de Paris, m'avait toujours montré l’insecte passant son existence tout entière sur la même espèce de plante et souvent sur un même pied de cette plante?. » M. Lichtenstein cite, en confirmation de ses théories, les observa- tions de Targioni-Tozzetti, Kessler, Horvath, Buckton, Riley et Monell. I faut rabattre au moins quelques noms de cette liste. Ainsi, Riley et Monell (1879) ne parlent, dans leurs observations sur les Pemphigiens des Ormes américains, que du passage de ces Pucerons des galles des feuilles aux écorces de ces mêmes arbres ; ils suspectent fort ce que dit M. Lichtenstein deleur migration sur les racines des Graminées. Kes- sler (1880) admet comme une simple hypothèse la migration de la pre- mière génération ailée des Aphidiens de l’Ormeau sur une plante inconnue. Seul, M. Targioni-Tozzeti (1876) dit avoir observé chez le Phylloxera florentina une migration dansle sens de M. Lichtenstein, l’insecte passant du Quercus ilex sur le Q. sessiliflora. M. Lichtenstein paraît aussi trop disposé à interpréter en faveur de son hypothèse ces faits, connus depuis longtemps, de migrations en masse de certains Pucerons, tels que ceux rapportés par Morren sur l'Aphis percicæ, par Hogg sur l'A. rumicis, par Doué sur des Pucerons verts qui, en 1847, se sont abattus sur Paris et les environs en si grande quantité que «toute la surface de la cour du collège Louis-le-Grand était transformée en un beau tapis vert. » (Bull. de la Soc. entomol. de France, 2° série, tom. V, 1 Cette mesure n’eût pas sauvé la vigne: elle n'aurait eu d'autre résultat que de rendre encore plus triste l'aspect des campagnes méridionales après que le Phylloxera eut achevé son œuvre de dévastation. ? Plus tard, M. Lichtenstein a prétendu que l'espèce du Chéne kermes n'était autre que le Phylloxera quercus de Boyer de Fonscolombe, émigré du chêne blanc sur cet arbuste. J'ai montré que cette hypothèse était tout aussi insoutenable que la première. (Comptes rendus, 16 octobre 1876.) 3 Et non Riley à Mounell, comme on lit par erreur dans les Comyles rendus du 4 décembre, où l'on a imprimé aussi Quercus conifera pour coccifera. ÉVOLUTION BIOLOGIQUE DES APHIDIENS. 433 1847, pag. LXXV.) Quoi qu'il en soit des faits invoqués par M. Lichten - stein à l’appui de ses théories biologiques, tout ce que je maintiens contre lui, c’est qu’elles ne se vérifient pas pour les espèces tout au moins d’Aphidiens dont les mœurs nous sont le mieux connus, et que per- sonne jusqu'ici, à ma connaissance, n’est venu les soutenir à l'égard de ces espèces. » M. Lichtenstein est anssi l’auteur d’une autre théorie relative à la reproduction des Phylloxeras, théorie contre laquelle je me suis déjà élevé plusieurs fois devant l’Académie. Pour lui, les femelles aptères sont des pseudogynes bourgeonnantes, leurs œufs sont des bourgeons, l’ailé est une pseudogyne pupifère mettant au monde, non des œufs, mais des pupes toutes formées, etc. Par ces appellations, M. Lichten- stein ne se propose rien de moins que de substituer une théorie génésique toute nouvelle aux idées universellement reçues de la parthénogénèse des Phylloxeras!, Les zoologistes ont déjà apprécié comme il convient la valeur de cette tentative ?.» MIGRATION DES PUCERONS. Réponse de M. Lichtenstein à M. Balbiani. Dans une Note publiée dans les Comptes rendus de l'Académie, du deuxième semestre, n° 25, M. Balbiani essaye encore de protester contre ma théorie de la migration des pucerons d’une plante à uue autre, et cela quand, depuis dix ans que j'ai publié le fait, il aurait eu dix fois l’occasion de le vérifier, tout comme l’a fait son éminent Col- lègue M. le professeur Targioni-Tozzetti (de Florence), qui a obtenu les mêmes résultats qe moi. M. Balbiani aurait vu alors que, comme l'avait dit du reste déjà Boyer de Fonscolombe en 1834, le Phylloxera quercüs, qui paraît être un insecte méridionali, vit successivement sur le Quercus cocciferu comme Pseudogyne fondatrice et émigrante, et sur le Quercus pubescens comme Pseudogyne bourgeonnante et Pupifère, cette dernière rappor- tant les seœués sur le coccifera. C'est donc à tort que M. Balbiani crut devoir faire, en 1874, une 1 Voir mon Mémoire sur la reproduction du Phyllorera du chéne, dans les Mémoires présentés par divers savants à l'Académie des Sciences, tom. XXII, n° 14, 1874. 2 Bertkau ; Berichl über die wissenschaftl. Leist im Gebiele der Arthropoden. (Archiv für Nalurgeschichte, XXXVN Jahrg., 2 Bd, 1879.) 434 CORRESPONDANCE. nouvelle espèce, qu'il nomma Ph. Lichtensteinii, avec l'insecte vivant sur le Quercus coccifera, puisque cet insecte n'était que la larve du Phylloxera quercüs de Boyer. Je croyais que ces faits, qui sont ici du domaine public et que tous nos propriétaires et bon nombre de nos paysans ont pu vérifier cent fois : la migration du Phylloxera du Chêne kermes au Chêne blanc, fin mai, ne serait pas ignorée d’un savant qui a lui-même, sans s'en douter peut-être, fait l'histoire du Phylloxera du Nord, le Phylloxera coccinea, espèce qui n’a pas de migration et qui forme des replis galli- formes sur les bords des feuilles. M. Balbiani cite cette espèce dans sa Note du 17 juillet 1876, mais en commettant une nouvelle erreur ; car lui, qui nie les migrations, fait émigrer celle-ci (/,c. cit., pag. 13, lignes 23/24), et justement c’est une de celles qui n'émigrent pas. M. Balbiani cherche à rayer quelques noms de la liste des savants éminents qui veulent bien admettre mes théories et les discuter. Mon excellent ami Riley a observé une espèce sur l'Ormeau (Schizoneura americana)qui n’émigre pas ; jaicité demême, comme non émigrant, le Pemphiqus spirothecæ ; — le Phylloxera de la vigne et le Coccinea, dont M. Balbiani a fait l'histoire, n'émigrent pas non plus ; mais les exceptions confirment la règle, et, en histoire naturelle surtout, il n’y a jamais de règle sans exception. M. Monnel a constaté la migration d'un autre puceron de l'Ormeau (Colopha ulmicola). M. Kessler {de Cassel) a donné, non pas comme hypothèse mais comme certitude, le fait de l'émigration d’un troisième puceron de l’Ormeau (Tetraneura ulmi), et ce même savant m’écrit: «J'ai informé M. le professeur Balbiani que j'avais pu constater la »vérité de votre théorie de l’émigration sur le Schyzoneura corn et »sept espèces d’Aphis. » Il me semble que M. Balbiani, en gardant cette lettre en poche et en écrivant les mots : « M. Kessler admet comme une simple hypo- »thèse la migration », a un peu manqué d'impartialité ; et je ne sais pas comment il a pu terminer sa phrase en affirmant que pour les espèces d'Aphidiens les plus communes, mes théories d'émigration n'étaient pas confirmées, quand Kessler lui écrivait: «Les pucerons du cornouillier, du fusain, du prunier, du sureau, du laurier-thym, du pommier, du poirier, émigrent en mai-juin et reviennent sur les arbres d'où ils sont partis en août-septembre ». Il est vrai que M. Kessler écrit en allemand ; mais je crois que M. Balbiani comprend parfaitement celte langue et n'aura pour ex- cuse peut-être que d’avoir tardivement reçu la iettre de M. Kessler. En ce cas, je compte sur une prompte rectification. ÉVOLUTION BIOLOGIQUE DES APHIDIENS. 435 M. Balbiani s'étonne encore de ce que j'invoque à l’appui de ma théorie des migrations les faits de migration en masse de certains pu- cerons cités par Morren, Hogg, Doué, et il aurait pu ajouter par Ron- dani, Von Gleichen,Gôtze, de Geer, Kaltenbach, Koch, Ratzburg, etc. ; mais depuis quand est-il interdit à un observateur de rappeler les travaux de ses prédécesseurs et de démontrer que le fait scientifique qu'il cite est confirmé par des observations irrécusables émanant des plus illustres savants de notre siècle ou du siècle passé ? Quant à mes théories sur l’évolution biologique des pucerons, sur leur reproduction quelquefois illimitée ou indéfinie, sur l'inutilité de l'œuf d'hiver, je les soutiens et je les défendrai, car je me propose de substituer une théorie toute nouvelle aux idées uuiversellement re- çues sur la parthénogénèse des pucerons en général et du Phylloxera en particulier. Il est évident que je ne suis pas de taille à répondre à M. Balbiani sur les questions d’embryogénie : je laisserai ce soin à M. Targioni-Tozzetti, qui s’en acquitte en maître, dans la Note lue le 28 mai 1882 à la Société entomologique italienne. Je ne sais pas assez l'italien pour oser en donner une traduction, qui du reste allon- gerait trop cette Note ; mais pour juger de l'utilité ou de l’inutilité de l'œuf d'hiver, il serait bon que tous les recueils qui ont reproduit la lettre de M. Balbiani au Ministre de l'Agriculture la fissent suivre de la réponse du savant italien. M. Balbiani termine enfin son article par ces mots : « Les zoolo- »gistes ont déjà apprécié comme il convient la tentative de M. Lich- »tenstein », et là-dessus il me renvoie au compte rendu de M. Bertkau (de Bonn), de 1879. J'ai cherché vainement dans cet ouvrage, où je suis, il est vrai, discuté et critiqué souvent, mais avec la plus grande courtoisie, le passage auquel pouvait faire allusion M. Balbiani. Bertkau, avec lequel j'ai l'honneur d'être en correspondance, ne trouve pas ma comparaison de l’évolution du Phylloxera à celle d'un végétal, heureuse, et combat surtout le mot pupe et pupifère ; mais il n'a jamais attaqué la théorie des migrations. Voici du reste sa plus forte critique, qui n'est pas de 1879, mais bien de 1877-78, pag. 564. « Ebenso macht er (Lichtenstein) die Sitzungsberichte ü Verhand- »lungen der verchiedensten Gesellschaften unsicher mit seinen vunausgetragenen Ansichten über geflügelte Larven, ungeflügelte »Weibchen, Pseudogynen, etc.» Ce qui veut dire: « M. Lichtenstein inquiète les procès-verbaux et »transactions des Sociétés les plus diverses avec ses idées encore trop »peu müries sur des larves ailées, des femelles aptères des Pseudog y- nes, etc.» 436 CORRESPONDANCE. Je ne trouve certes pas là une appréciation trop sévère de mes nouvelles doctrines ; Bertkau m'engage à mürir mes idées, et je lui ai répondu : « Merci de votre bon conseil, je le suivrai, et j'espère vous »convertir vous-même un jour à mes théories ». Mais, à la place de M. Balbiani, j'aurais laissé Bertkau tranquille, ainsi que ses comptes rendus, car il est rudement sévère parfois, et sa longue critique d’un travail qui a paru dans les Annales des Sc. nat., tom. XV,n°{,art. Ieet no 2 et 3, art. 4, sous le titre d'Histoire du dé- veloppement de l'œuf et de l'embryon des Aphidiens ovipares, dans lequel il montre l'auteur en complet désaccord avec Huxley, Mecznikoff, Claparède, Weismann, Butschli, etc., se termine par ces mots: « Dem Referenten will es scheinen als ob sich Balbiani selbst uber »die Bedeutung der Cellule antipode und ihrer abkômmlinge die » Masse polaire, nicht recht klar geworden seit.» Dire à un auteur qu’il paraît qu'il ne se comprend pas lui-même, me paraît dépasser un peu les limites d'une critique courtoise, et M. Balbiani, en invoquant contre moi l'appréciation d'un savant qui l'a si malmené, fait preuve d'une grande abnégation. Les zoologistes, j'aime à l’espérer pour M. Balbiani, ne partagent pas tous l’opinion de Bertkau, et peut-être mon honorable et savant contradicteur a-t-1l eu un grand tort de l’invoquer à mon égard. En tout cas, il vaudrait mieux opposer à des faits que je cite d'au- tres faits qui les démentent, que de dire que mes idées sont approu- vées ou combattues par telle ou telle personnalité savante. Des preu- ves négatives ne sont pas des preuves, et puisque notre différend avec mon honorable contradicteur a surgi du fait de la migration d'un puceron de l’Ormeau aux racines du Chiendent, ce que je prouve en apportant des racines puceronnées en été, des galles pleines d'émi- grants au printemps, des pupifères, des sexués morts et des œufs vi- vants sous les écorces, en automne et en hiver, que M. Balbiani me cherche une galle habitée après le mois de juillet, des pupifères et leurs sexués sans rostre avant l'automne (pour cette espèce et à l'air libre bien entendu), alors je lui dirai: Je me suis trompé, c'est à recom- mencer ; mais quand sur les Ormeaux couverts de milliards de puce- rons en mai-juin, il ne pourra plus en trouver un seul en juillet-août, 1l sera bien forcé de dire: Ces insectes ont fémigré, mes observa- tions confirment celles de... J. LICHTENSTEIN. 1 Bertkau ; Bericht über die wissenschafll, Leistungen, etc. (Archiv. für Natur- gesch, 1871-72, pag. 16, lignes 15 à 16.) ÉTUDE GÉOLOGIQUE DU MONT VENTOUX. 437 P.-S. — Dans le n°3 de la Revue Entomologique (Caen, 1883), M. Horvath, de Buda-Pest, confirme, par de nouvelles observations, le fait de la migration des Pucerons et en cite de nouveaux exemples. J. L. UNE THÈSE DE DOCTORAT A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE MONTPELLIER. M. Fr. Leenhardt, chargé d'un cours de sciences et de philosophie naturelles à la Faculté de Théologie protestante de Montauban, vient de présenter comme Thèse inaugurale, à la Faculté des Sciences de Mont- pellier, une Étude géologique de la région du Mont Ventoux (In-4°, 268 pag., 4 planches, 1 carte). La Faculté ayant reconnu dans ce travail et dans les réponses aux questions proposées par elle et fermant la seconîe Thèse, toutes les garanties d'aptitude et de savoir qu’elle était ea droit d'exiger d’un can- didat à une chaire d'enseignement supérieur, a été unanime à décerner à son auteur le titre de docteur ès sciences ; elle a trouvé dans la Mono- graphie soumise à son jugement les preuves d'un talent et d’une con- science d'observation qui permettent d'attendre du jeune chargé de cours des contributions précieuses à la science géologique. Elle aurait désiré peut-être une extension et une généralisation de ses principaux résultats qu'eût réalisées une comparaison plus étendue avec les régions voisines ou classiques ; elle n’en a pas moinsrendu un hommage mérité àla netteté de son analys? stratigraphique dans une région où les difficultés maté- rielles s’ajoutent à celles qui résultent des accidents des fractures et des dislocations. La deuxième partie du travail, consacrée à l’étude des mouve- ments divers qui ont donné à la région du Ventoux son orographie spé- ciale, n’a pas donné des preuves moins satisfaisantes d’un labeur patient et d’une sagacité souvent heureuse dans la recherche et la découverte des éléments de cette dynamique ; peut-être l'importance des plissements a-t-elle trop primé, dans l'esprit de l’auteur, celle des failles profondes ; quoi qu'il en soit, l’œuvre nouvelle n’en constitue pas moins un précieux document où quelques-unes des questions les plus actuelles, afférentes à la géologie de nos régions du Snad-Est, trouvent des jours nouveaux et des éléments favorables pour leur solution. M. Leenhardt reconnaît successivement, dans son champ d'étude, les 438 ÉTUDE GÉOLOGIQUE DU MONT VENTOUX. parties moyenne et supérieure du terrain jurassique, une formation lacus- tre tertiaire (Horizon de Suzette, Sextien), la molasse et les alluvions. Les unités géognostiques ne sont donc pas nombreuses, mais elles sont susceptibles de présenter des subdivisions qui se dégagent de l’ensemble avec une remarquable netteté : Jurassique supérieur, Néocomien, Urgo- uien, Cénomanien, Horizon de Suzette, Terrain lacustre, Molasse infé- rieure, Molasse supérieure, Alluvions anciennes, Alluvions plus récentes; en outre, quelques-unes d’entre elles offrent à l'observateur des diversités locales remarquables, judicieusement saisies et lumineusement décrites sous le nom de faciès, qui complètent le tableau de l’économie géologique de la région. L'Infracrétacé nous a particulièrement intéressé ; ses relations avec le Jurassique supérieur nous ont révélé des faits de continuité organique et sédimentaire d’une importance capitale. L'auteur reconnaît successivement, dans le Jurassique, les couches à Ammoniles tortisulcatus,lazone à Am.polyplocus, l'horizon des calcaires ruiniformes correspondant au niveau de la Terebratula moravica et du Diceras lucii, enfin une zone terminale de calcaires de plus en plus blancs vers le haut, plus ou moins bien stratifiés et quelquefois bréchoïdes, qui contiennent la Terebratula janitor Pictet, accompagnée des Ammonites basilicæ Favre, ptychoicus Quenstedt. C’est dans cette même zone terminale que M. Torcapel, dans son récent travail sur la ligne du chemin de fer du Pouzin, cite aussi la Terebratula janitor, et avec elle les Ammonites stascyzii, semisul- catus, etc... La majorité des formes néocomiennes détermine cet auteur à placer la Janitor dans le Crétacé. M. Leenhardt, dont le silence sur cette remarquable observation est regrettable, rappelle le fait, signalé par M. Jeanjean, du gisement à Saint- Hippolyte (Gard) dela même Terebratule au-dessous de lazone à mora- vica, et déduit de cette double situation du même fossile, supérieur tont ensemble et inférieur àla zone corallirène, la conclusion que le calcaire à Janitoretlecalcaire à Terebratula moravica constituent un même horizon dans le Jurassique supérieur. Cette conclusion ne sera logique qu’à la con- dition que la Terebratula janitor, bien et dûment trouvée dans le Gard sous la Moravica, s'y accompagne, comme l’affirme M. Jeanjean, du cor- tège des formes de la faune à Ammonites transitorius de M. Hébert. Si la réalité de cette faune à ze niveau est définitivement établie, le titho- nique au sens d'Oppel aura sa raison d'être; si la zone à Moravica ne recouvre que quelques Janilor diffuses et isolées des représentants de la faune à Ammonites transitorius, on n'aura affaire qu'à l’un des exemples sinombreux de fossiles précurseurs, ou plus simplement, suivant ÉTUDE GÉOLOGIQUE DU MONT VENTOUX. 439 l'expression de M. Lory, de fossiles mauvais témoins, dont la présence ne saurait recevoir une valeur chronologique ; la conclusion de l’auteur de la Thèse demeure done subordonnée à cette démonstration. M.de Lappa- rent, dans son excellent Traité de Géologie (pag. 895), a adopté le fait paléontologique affirmé par M. Jeanjean ; nous ne partageons pas son avis sur le caractère kimméridgien de la faune à Transitorius, qu'avec M. Hébert nous considérons bien plutôt comme Néocomienne, au risque d'inaugurer dans nos régions une ère prématurée pour les débuts de l'organisme crétacé. Lefait incontestable de fusion pétrographique entrele Jurassique et l’In- fracrétacé, si bien mis en lumière par M. Leenhardt, ne selimite pas aux parties les plus inférieures de ce dernier; ses observations le poursuivent jusque dans l’Aptien. Résumons brièvement les différents termes établis par l’auteur dans le Crétacé inférieur. Le Névcomien forme une unité géognostique dans laquelle quelques niveaux fossilifères, suffisamment distincts, permettent d'établir quatre groupes : le calcaire de Berrias dans le bas, n° 1; les marnes ou calcaires à Ammonites neocomiensis, n° As le calcaire à Crioceras Duvalii, n° 3 ; enfin, au plus haut, le calcaire à Ammonites difficilis, n°4. L’Urgonien, de son côté, présente deux niveaux de, calcaire à Orbito- lines séparés par l'horizon du calcaire à Requienies, Ut, U?, U3. Dans une région particulière où se trouve la localité de Vaison, M. Leenhardt constate l'existence d’un ensemble de couches à faunede Céphalopodes qu’il appelle du nom spécial de calcaire de Vaison, V. Enfin le terrain aptien lui offre trois niveaux : à la base, des calcaires marneux à Ammonites consobrinus At; plus haut, l'horizon des marres à Ammonites Dufrenoyi, le vrai Aptien de d'Orbigny A*; enfin,à la partie supérieure, des marnes gréseuses à Ammoniles semicanalicu- latus AS. Une étude minutieuse des faunes et des caractères pétrographiques de chacun de ces onze termes, pour les détails de laquelle nous renvoyons le lecteur à la Thèse elle-même, conduit l’auteur à établir: En premier lieu un Pré-urgonien dans N3 (pag. 47, note, pag. 85). En second lieu, le passage insensible de N#* à Ut (pag. 54, 55, 60, 61, 62). En troisième lieu, la transition de V à Ut (pag. 87). Enfin, en quatrième lieu, le passage de V à At, (pag. 101-102). De pareilles relations de pénétration et de fusion amènent M. Leen- hardt à ne voir dans le terme de Vaison qu’un faciès particulier (faciès à cépha'opodes) d’un groupe de couches maintenu à titre de formation distincte jusqu’à ses conclusions sous l'appellation ordinaire d'Urgonien, 440 ÉTUDE GÉOLOGIQUE DU MONT VENTOUX. mais qui n’aurait, par le fait, aucune existence individuelle, puisqu'il se fondrait, par ses analogies propres, dans le Néocomien d’une part, et, par l'intermédiaire du terme de Vaison, dans l’Aptien inférieur d'autre part. A ce fait d'union pétrographique intime avec le Néocomien dans le bas, et dans le haut avec l’Aptien, se joint, contre la réalité d’un étage urgo- nien, l'absence, dans cet étage prétendu, d’une faune suffisamment spéciale. L'Urgonien de quelques géologues, plus énergiquement affirmé par eux dans son existence que par d'Orbigny lui-même, son promoteur, cessera donc d’avoir toute raison d’être, autrement qu à titre de simple accident coralligène développé dans la mer néocomienne vers le moment où I or- ganisme aptien allait prédominer. Avec M. Hébert, nous consacrerons donc à nouveau l’union du Néocomien et de l’'Aptien ; avec lui, nous repousserons le terme d'Urgo-Aptien, sans oublier toutefois, comme paraît l'avoir fait l’auteur de la Thèse, que cette conclusion, qui est la sienne (pag. 113), n’est autre que celle que Coquand, de regrettable mémoire, à explicitement déduite de ses recherches et qu’il a formulée dans son langage si remarquablement incisif. (Bullet. Soc. géol., 23, pag. 580.) Nous sommes donc amené, avee M. Leenhardt, à entrevoir le moment où la ligne de démarcation tirée entre la formation jurassique et le Cré- tacé devra être effacée, tout au moins dans nos régions méridionales, ou ne demeurer plus que comme l'expression historique d’un hiatus imaginaire. Nous trouvons encore dans le travail du jeune Docteur la mise en relief de deux grands faits géologiques qui tendent chaque jour à se généra- liser : nous voulons dire la variabilité d'épaisseur dans une même for- mation à de très petites distances, et la multiplicité des faciès d’un même dépôt sur des surfaces aussi très circonscrites. La diversité des conditions physiques où se sont formés les dépôts dans un lieu donné, ne se dérobe plus aux recherches stratigraphiques modernes ; nous démêlons aujourd'hui l'élément différentiel au milieu des ressemblances ; nous dégageons le particulier de l’ensemble; les faunes générales se décomposent pour nous en zones et en stations; de même nous retrouvons les contours les moins accusés des anciens riva- ges, les hauts-fonds et les bas-fonds des anciennes mers. La multiplicité des physionomies du Néocomien de la région du Ventoux, les variations locales qu’il présente dans ses épaisseurs, saisies par M. Leenhardt, le mettent sur la trace d’une différence remarquable de conditions dans la la nature des apports et la profondeur des eaux au sein d'une même mer, dans des lieux différents: faciès coralligène, faciès à orbitoli- ÉTUDE GÉOLOGIQUE DU MONT VENTOUX. 441 nes, faciès pélagique des dépôts les plus récents du Crétacé inférieur (pag. 61, 86), faciès siliceux (pag. 50), faciès ferrugineux (pag. 52), du calcaire à Ammonites difficilis, faciès mixte ou de passage entre les deux (pag. 55); épaisseur pour un même terrain de 1,500 mètres aa Ventoux (pag. 59), de 50à 60 mètres seulement sur un point rapproché, de 200 et 300 mètres dans un autre lieu (pag. 63), inégalités locales et se compensant de l'Urgonien et du Néocomien (pag. 175), sont autant d'éléments de variation qui permettent de contempler par la pensée le nombre et la diversité des conditions de toutes sortes accumulées à une même époque dans des localités très rapprochées. Un intérêt d’un nouvel ordre s'introduit dans la considération des épaisseurs locales : c'est leur retentissement dans les conditions dyna- miques elles-mêmes. M. Leenhardt montre très nettement cette influence sur la nature et l’intensité des plissements. « Les couches puissantes et résistantes de la partie S.-0., dit-il, ne se sont pas prêtées aussi faci- lement à des plissements multiples que les couches réduites et de nature moins résistante de la partie N. et E. Il en est résulté la dissymétrie des deux côtés du grand pli anticlinal de Bluye. Le côté sud est resté intact avec sa grande masse, tandis que le côté nord à été affecté par des plissements de second ordre compliqués, dont les inégalités mêmes pourraient encore, dans une large mesure, être attribuées à la même cause ». Rien de plus naturel en effet que cette solidarité entre la forme et l'amplitude des plis et la nature et l’épaisseur de l’étoffe plissée. La seconde partie de la Thèse de M. Leenhardt est consacrée, comme nous l’avons dit en commencant, à l'étude très attentive des divers mou- vements dont la région du Ventoux à été le théâtre et dont s°n dernier relief estle résultat ; l’auteur serattache, nous le répétons, à l’école suisse dans la question de la primauté des plis sur les failles. Nous sommes porté, pour notre part, à ne voir, avec M. Lory, dans les premiers que des arrière-conséquences des secondes ; quoi qu’il en soit, les éléments dynamiques d'une région aussi complexe demandaient à être soigneuse- ment analysés et en même temps saisis dans leur succession. Dans sa troisième partie (pag. 255, formation progressive du sol et de son relief), l’auteur nous fait assister aux différentes étapes que le relief a cû traverser pour se constituer dans l’état où nous le voyons aujourd’hui, etest conduit à confirmer le fait, chaque jour mieux reconnu, de l’ancien- neté des premiers délinéaments de la constitution topographique d’une région à laquelle un dernier événement, le plus souvent très récent, est venu imprimer le dernier trait de sa physionomie ; sans s’expliquer d’une 44? ÉTUDE GÉOLOGIQUE DU MONT VENTOUX. manière nette sur la portée du rapprochement, il signale, à propos des orientations diverses qu’il al’cccasion de relever dans le mamelonéde son champ d’études, les principaux systèmes de montagnes d'Élie de Beau- mont; nous aurions aimé à le voir mener à bout cette comparaison et y recueillir, à l'avantage ou au préjudice de la théorie en question, des élé- ments nouveaux d'appréciation. Ces quelques lignes, à l’occasion de l'événement académique qui vient de s’accomplir dans notre Faculté, et qui intéresse la vie scientifique de la Province, permettent de reconnaitre, en dépit des desiderata énon- cés en toute liberté, la valeur du travail qui en a été l’occasion et l’objet. L'étude géologique de la région du mont Ventoux de M. Leenhardt, restera une excellente page de géologie locale. Ajoutons que le mérite typographique de Ia Thèse, la netteté des cou- pes, la bonne exécution des profils dans l’intérieur du texte, n’ajoutent pas peu à l’agrément du livre et font honneur aux presses d'où il est sorti : c’est une nouvelle consécration, ajoutée à tant d’autres, de l’ap- titude reconnue de la maison Boehm à suflire aux exigences si diver- ses, si spéciales et souvent si délicates, des travaux scientifiques ; la carte lithographique de la région du Ventoux à été exécutée dans les ateliers de M. Wüdhrer, à Paris : c'est dire que M. Leenhardt a eu le bon goût de se montrer non moins jaloux de la forme que du fond, pour le meilleur succès desa Thèse inaugurale. P, DE RoUVILLE. 443 REVUE SCIENTIFIQUE. Botanique. Les Gaines protectrices et leurs renforcements (Die Schutzscheiden und ihre Verstärkungen) ; par M.S. Soawsxoener. (4bhandl. d. K. Akad. d. Wis- sensch zu Berlin, 1882, avec 5 pl.) [. DÉTERMINATION ANATOMIQUE. — Les gaines protectrices, dans le sens que Caspary attache à ce mot, se rattachent à des tissus nettement caractérisés au point de vue anatomique. On peutles distinguer en gaines générales et gaines partielles, suivant qu'elles enveloppent l’ensemble des faisceaux ou un faisceau libéro-ligneux séparé (Mestombündel). Ordinairement formées d’une seule assise cellulaire, les gaines peuvent aussi être constituées par deux assises, par suite d’une division tangen- tielle des cellules. L'allongement, dans le sens de l’axe, des éléments qui constituent la gaine, les cloisons transversales obliques qui les limitent aux deux extrémités, les pores ovales et obliques de leurs parois, forment une organisation typique qui offre néanmoins de nombreux ter- mes de passage vers les cellules purement mécaniques. On ne saurait, d'autre part, établir une limite bien tranchée entre Jes gaines protec- trices réelles et les enveloppes analogues que forment parfois des éléments libériens, chez certains rhizômes par exemple. Les taches sombres que présentent les parois radiales des cellules des gaines protectrices servent parfaitement à les caractériser. Mais il faut se garder de les considérer comme un caractère anatomique propre à la cellule intacte; cette apparence est due purement à un plissement ondulé des parois, provenant lui-même d’une diminution dans la turgescence de ces cellules. Comme les formations qu elles protègent, les gaines protectrices con- stituent un système continu. Les tissus protecteurs et les tissus conduc- teurs ainsi associés concourent à un but commun et forment un tout bien défini. IT. DES RAPPORTS DE PERMÉABILITÉ. — Les cellules des gaines pro- tectrices sont ordinairement plus ou moins cuticularisées et possèdent, d’une facon générale, une perméabilité manifestement moindre que celle des tissus environnants. Dans bien des cas pourtant, leurs parois se com- portent à l'égard des réactifs comme de la cellulose pure, sauf aux endroits correspondant aux taches sombres ; l’ensemble de ces points forme alors 444 REVUE SCIENTIFIQUE. une sorte de réseau cylindrique à larges mailles, à travers lesquelles les sucs trouvent un passage facile (tiges aériennes des Æquisetum, des Piper spurium, etc., racines jeunes des Coffea, Helleborus, etc.) La même remarque s'applique encore aux cas où les cellules de la gaine sont cutinisées sur tout leur pourtour, sauf en face des faisceaux de liber mou (Leptom!), comme dans l’Aristolochia clematitis, le Clematis erecta, etc. D'ailleurs, de ce fait que l’action de l’acide sulfurique concentré laisse dans chaque cellule une membrane de cutine, il ne faudrait pas conclure à une imperméabilité complète. Dans certaines racines, on trouve parfois cutinisées, non seulement les cellules de la gaine, mais encore celles du péricambium et de l’écorce, alors que l'examen des organes frais et l’ac- croissement des parois des cellules ainsi cutinisées indiquent une per- méabilité manifeste. On doit se borner à dire que cette faculté existe tout au moins dans les cellules des gaines à un degré moindre que dans les tissus voisins. Cette propriété permet aux gaines de pouvoir rem- placer les enveloppes externes jusqu’à ce qu’il se développe en dedans d’elles une enveloppe subéreuse protectrice. Dans ce cas, leurs cellules se divisent pour suivre l'accroissement en épaisseur de l'organe. IL résulte d'expériences de Schwendener sur les Carex hirta, Convallaria maialis, Triticum repens, que les éléments de la gaine, chez ces végé- taux, acquièrent avec l’âge une imperméabilité complète. L'auteur, dans ses observations, s’est servi d'une solution iodée ; une solution de tannin injectée dans le cylindre central d’un fragment de racine d'Jris germa- nica, préalablement imprégnée d’un sel de fer, a fourni des résultats analogues. | En ce qui concerne la perméabilité de la gaine, il faut tenir compte 1 L'auteur se sert ici des expressions dont s’est servi G. Haberlandt pour dési- gner les deux parties d’un faisceau. Dans bien des cas, Leplom est sans doute synonyme de {issu cribreux ou de liber mou, et Hadrom de partie vasculaire ou æylème; cependant, chez certaines Dicotylédones, au tissu cribreux appartiennent encore des éléments contenant des cristaux, de l’amidon ou de la chlorophylle, tandis quele mot de Leptom ne désigne que les tubes cribreux et leurs cellules- compagnes ((eleitzellen) incolores. De même aussi l'expression de æylème ne répond à rien de bien déterminé au point de vue histologique, étant employée à désigner, tantôt les vaisseaux seulement (beaucoup de Cryptogames), tantôt les vaisseaux et le parenchyme ligneux (Monocotylédones), tantôt enfin les vaisseaux, le parenchyme ligneux et des éléments mécaniques (Dicotylédones), Pour éviter cette confusion, il serait à désirer qu'on précisât mieux le sens attaché à ces mots et qu'on apportät dans la terminalogrie des modifications correspondantes. — (Note de Schwendener.) BOTANIQUE. 445 de la présence des pores à travers lesquels s’effectue l’endosmose, et qui persistent alors que les parois ont commencé à s’épaissir, comme on l’ob- serve chez les Graminées, Cypéracées, Juncacées, Potamées, ete. Mais plus tard, à la chute de l'écorce, la fonction de ces pores cesseet la gaine devient imperméable. Dans les végétaux où le passage des sucs s'arrête avant que la paroi interne des cellules de la gaine ne commence à s'épais- sir, cette dernière ne montre dans la suite aucune trace de pores (racine des Dracæna et Cordyline, d'Iris et de Dasylirion, etc. Ces données diverses sont aussi parfaitement applicables aux gaines partielles des Cypéracées, Juncacées, et souvent aussi des Graminées. III. DES PLACES PERMÉABLES (Durchgangstellen). — Tandis que dans les racines et les rhizômes des Graminées, Cypéracées, Juncacées, d’une partie des Palmiers, de beaucoup d’autres Monocotylédones et de beau- coup de Dicotylédones, les gaines protectrices sont formées d'éléments anatomiquement semblables, on trouve chez d’autres Monocotylédones, et spécialement chez les Orchidées et beaucoup de Liliacées, chez une grande partie des Dicotylédones et chez les Fougères, des gaines formées de deux sortes de cellules, certaines d’entre elles étant à parois minces et perméables . Les cellules de cette dernière catégorie sont tantôt isolées, tantôt associées de diverses manières ; elles ne sont parfois cutinisées que sur leurs parois radiales et aux points correspondant aux taches sombres, signalées par Caspary ; d’autres fois elles abandonnent, par l’action de l'acide sulfurique, une enveloppe de cutine complète, mais d'une minceur telle qu’elle ne peut être un obstacle aux phénomènes osmotiques. Les régions de la gaine ainsi constituées ont été désignées par l’auteur du nom de Durchgangstellen {lieux de passage).La perméabilité des parois tangentielles dans ces régions apparaît très manifestement par l'emploi des réactifs, pourvu qu’on agisse sur des racines adultes déjà, mais cepen- dant pourvues encore de leur écorce fraîche et vivante (Zris germanica, Certamium fallax), car plus tard, à la chute de l'écorce, la gaine devient totalement imperméable. Il est intéressant de r2marquer que ces places perméables ont une situation constante en face des faisceaux vasculaires primaires, et un certain nombre d'auteurs, pour lesquels les vaisseaux et les trachées ont un rôle physiologique important, pensent que ces lieux perméables sont destinés à faciliter le passage des sucs vers l'écorce fra'cheet vivante. — Pour ce qui est de l'opinion de M. Ollivier, pour lequel la situation de ces places serait en relation avec la production des radicelles latérales, Schwendener la déclare dépourvue de fondements solides. Cette idée est 3e sér., tom. 11. 31 446 REVUE SCIENTIFIQUE. tout d’abord entièrement inadmissible dans les cas où ces régions n’offrent la largeur que d'une seule cellule; etlorsque, comme on l’observe dans les racines aériennes de diverses Orchidées, elles offrent uue lon- gueur et une largeur de plusieurs cellules, il existe une seconde gaine extérieure à parois épaisses qui rendrait surperflues les places à paroïs minces de la première gaine. L’inutilité de ces dernières pour la produc- tion des radicelles est confirmée, du reste, par diverses observations faites sur les Oncidium et Lælia, d'où il résulte que les cellules de la gaine sont résorbées lors de la sortie des radicelles. Enfin, dans tous les cas, la production de ces dernières a lieu à une distance du sommet où il n'existe encore dans la gaine aucune différenciation entre des cellules à parois minces et des cellules à parois épaissies. Pour ce qui est de la signification physiologique des vaisseaux, Schwendener croit pouvoir conclure de ses propres expériences et de celles de M. H. Volkens, que ces éléments anatomiques fonctionnent surtout comme des réservoirs destinés à fournir ou à enlever de l’eau aux tissus voisins, suivant les besoins. Cette opinion lui paraît d'autant plus plausible que la structure des vaisseaux elle-même est conforme à cette interprétation ; incapables d'entrer eux-mêmes en turgescence, les vais- seaux sont pourvus d’épaississements divers, spiricules, anneaux, etc., qui leur permettent de supporter la pression des tissus environnants. Quant aux pores de leurs parois, ils seraient destinés à augmenter leur perméa- bilité sans nuire à leur solidité. Les trachées d’un faible calibre servi- raient à entretenir les sucs des tissus immédiatement voisins, tandis que les gros vaisseaux porteraient les liquides à de plus grandes distances. D’après cette théorie, il est aisé de prévoir que cette organisation de la gaine se trouvera répétée dans les organes où l’on rencontre, indépen- damment du réservoir normal représenté par les vaisseaux du bois, une seconde source de sucs extérieure à la première (voile des racines aérien- nes des Orchidées et des Aroïdées). Il existe alors en effet une seconde gaine qui présente des points perméables, comme la gaine interne, et ce sont eux que pendant longtemps, d'après les données de Schleiden, on avait considérés comme des stomates. M. Schwendener signale encore les faits suivants : 1. Les cellules de la gaine externe, dans les racines aériennes qui vien- nent d’être mentionnées, se comportent vis-à-vis des cellules internes du voile de la même manière que la gaine interne vis-à-vis des cellules du pericambium, qui sont munies de pores sur leurs parois externes, tandis que les parois adjacentes des cellules de la gaine n’en offrent pas. 2. Les cellules de la gaine externe offrent souvent des parois épais- BOTANIQUE. 447 sies de la même manière que celles de la gaine interne, bien qu'à un moindre degré. 3. Dans la gaine externe, on peut encore retrouver cette tendance des parois radiales des cellules à former des plissements ondulés quand les tissus voisins se contractent suivant leur longueur. 4, Ily a lieu de remarquer encore que, de même que celles de la gaine interne, les cellules de la gaine externe (endoderme d'Oudemans) perdent tôt ou tard leur perméabilité, soit par suite d’une subérisation locale des cellules corticales voisines, soit par suite d’une autre méta- morphose. A l’appui de l’analog'ie qu'il a établie plus haut entre le cylindre vas- culaire central et le voile au point de vue physiologique, Schwende- ner fait ressortir la ressemblance de structure qui existe entre les tra- chées et les éléments de ce voile. Les particularités énoncées plus haut au sujet dela situation des places perméables des gaines générales relativement aux faisceaux, s'appliquent aussi aux gaines particulières. Tel est le cas des Orchidées, Liliacées, Broméliacées, Fougères. Très caractéristique parfois au point de vue anatomique, comme elle l’est chez le Cypripedium venustum par exemple, la gaine tend à se rapprocher, chez beaucoup d’autres Orchidées, de ces enveloppes constituées de cellules simplement mécaniques, comme on en trouve autour des faisceaux isolés de certains rhizômes (Carex arenaria, Triticum repens, Luzula sylvatica, ete.). Chez les Bromé- liacées, l’auteur n’a que rarement rencontré de gaines dont les éléments fussent bien distincts des cellules libériennes voisines. Comme dans les gaines générales, les places perméables des gaines particulières alternent avec le bois et le liber. Quant à leur disposition symétrique à droite et à gauche de chaque faisceau, alors qu’une seule à la partie interne de ce dernier, en face des vaisseaux spiralés et an- nelés, eût suffi pour que la symétrie fût conservée, l’auteur est disposé à croire qu’elle résulte de ce que le liber a attiré vers lui, en quelque sorte, ces voies d’endosmose pour s'approprier plus aisément les sub- stances plastiques (albumine, hydrates de carbone, etc.). Dans la racine, cette considération ne saurait entrer en ligne de compte, chaque faisceau vasculaire étant placé entre deux faisceaux libériens. — Lorsque le liber est enveioppé par les vaisseaux et les cellules qui les accompagnent, ainsi qu’on l’observe dans la plupart des organes souterrains des Mono- cotylédones, la gaine, lorsqu'elle existe, n’offre naturellement aucune place caractérisée par une plus grande perméabilité. Chez les Fougères, la situation des places perméables suit la règle ginérale. 448 REVUE SCIENTIFIQUE. Les gaines générales des rhizômes possèdent des cellules dont l'épais- sissement des parois et la forme concordent parfaitement avec ce que l’on observe dans les gaines générales des racines et les gaines spéciales des faisceaux foliaires. Mais l’auteur n’a jamais pu y apercevoir ce places perméables, et il admet qu’elles y font absolument défaut. Il est probable que, dans ce cas, toutes les fois qu’elles ne possèdent aucune gaine imperméable pendant leur trajst à travers l’écorce, les traces des faisceaux fonctionnent comme des canaux d'irrigation. L'auteur ne peut décider si, suivant les circonstances, le cylindre central des racines laté- rales peut remplir un rôle semblable. Il faut tenir compte encore des interruptions qui, dans certains endroits des entre-nœuds, mettent l’écorce en relation avec le parenchyme médullaire. Chez beaucoup d'autres plantes, cette relation s'établit encore à l'entrée des traces foliaires dans le système vasculaire périphérique, mais alors par l’inter- médiaire des rayons médullaires qui les accompagnent dans leur trajet de l'écorce vers l'intérieur. IV. RENFORCEMENT MÉCANIQUE DE LA GAINE. — L’épaississement des parois cellulaires de la gaine, de même que les cellules épaissies qui avoisinent cette dernière, constituent un appareil de soutien. Vu la grande variété que présentent les divers modes de renforcement méca- nique de la gaine, étudiés déjà par Russow, il est utile de les grouper et de les classer. Schwendener distingue les types suivants: a. Épaississement des parois cellulaires de la gaine — Ces épais- sissements se montrent très fréquemment chez les Monocotylédones, très rarement chez les Dicotylédones, jamais chez les Gymnospermes et les Archégoniées. Schwendener distingue, d’après cet épaississement des cellules, trois dispositions différentes : 1° épaississement régulier des cellules sur tout leur pourtour ; 2° épaississement plus considérable sur les parois latérales et internes ; 3° gaines à parois cellulaires minces. L'épaississement des parois cellulaires de la gaine ne paraît soumis à aucune règle fixe. Cependant, lorsqu'il existe deux gaines concentriques, comme dans les racines aériennes des Orchidées, etc., on observe une certaine symétrie, en ce sens que si les cellules de la gaine interne sont épaissies en dedans, celles de la gaine externe le sont en dehors, et vice versa. La même symétrie s’observe encore entre les épaississements des cellules corticales externes de certaines racines, celles des Salsepa- reilles par exemple, et les épaississements de la gaine. Le différence de tension existant entre le parenchÿme de l'écorce gorgé de suc et les tissus voisins serait une des principales causes des BOTANIQUE. 449 modes d’épaississement des cellules, modes qui d’ailleurs ne seraient que de simples variétés de structure d’une valeur à peu près égale au point de vue mécanique. Lorsque la gaine est formée de plusieurs assises cellulaires sembla- bles, sa solidité est naturellement d'autant plus considérable, b. Épaississement des parois des cellules corticales voisines. — Cette disposition paraît être typique pour les Fougères ; les cellules de la gaine conservent ici la minceur de leurs parois, tandis qu’il existe une enveloppe de cellules corticales fortement épaissies et générale- ment colorées en brun foncé. De même que la gaine des racines de Fou- gères, cette enveloppe protectrice se trouve interrompue au niveau des faisceaux primaires. L'épaississement des cellules est d’ailleurs tantôt excentrique, tantôt égal sur tout leur pourtour. Ainsi que l'avait remar- qué déjà M. Van Tieghem, l’épaississement commence dans l’assise im- médiatement voisine de la gaine, pour se continuer ensuite en dehors ; il peut être assez considérable pour oblitérer complètement la cavité des cellules. Une svrte de transition vers le type suivant a été observée par l’auteur chez quelques Cypéracées (Scirpus natalensis, Carex arenaria, Cypc- rus vegetus), dans lesquelles les cellules de la gaine, minces d'abord, finissent par s’épaissir elles-mêmes. e Épaississement simultané des cellules de la gaine et des cel- lules corticales voisines.— Ce cas, que l'on peut considérer comme une combinaison des deux types précédents, se trouve réalisé dans les racines des Carex curvula et rupestris, du Juncus glaucus, des Poa compressa etpratensis, etc., dans le rhizôme des Convallariaet Luzula. Les cellules de la gaine se différencient de très bonne heure par l’appa- sition des places sombres dont il à été question déjà. d. Épaississement simultané des cellules de la gaine et des cellules intérieures adjacentes. — Ce cas est plus rare et n’a été observé par l’auteur que chez le Restio sulcatus. e. Renfoncement de la gaine par le revêtement libérien situé au- dessus des faisceaux de liber mou (Leptombündel).— Cette disposi- tion caractérise des cas isolés ; elle est très nettement exprimée chez les Laurinées. Ces épaississements localisés se montrent encore, bien qu'avec quelques différences, chez l’Anthurium, où le liber primaire est en- tièrement enveloppé par des cellules appartenant en partie à la gaire, en partie à l’écorce et au cylindre central. À ce type peut être rattaché encore le revêtement libérien de la tige du Piper spurium et du Cubeba officinalis, ainsi que du Potamogeton 450 REVUE SCIENTIFIQUE. lucens, revêtement composé de vraies cellules libériennes, situées en dedans de la gaine. f. Renforcement de la gaine par des bandes d'épaississement dans le parenchyme cortical voisin.—A cetype se rattache le réseau fibreux des Viburnum, de quelques Pomacées, Spiréacées et Amygdalées, et que l’on retrouve aussi chez les Taxinées et les Cupresssinées. On trouve chezle Sequoia sempervirens plusieursréseaux semblables concentriques. Les parois des cellules de la gaine demeurent généralement minces. Le Sciadopitys verticillata rentre dans ce même type. Quant aux épaissis- sements plus étroits que l’on observe, soit dans une partie, soit dans l’en- semble des cellules corticales des Podocarpus, Sequoia gigantea, Reti- nospora, Cryptomeria, etc., on ne doit point les considérer comme con- stituant une gaine, mais on doit les rapprocher plutôt des réseaux filamenteux que présentent les cellules du voile dans les racines aériennes des Orchidées exotiques. De même encore les épaississements en réseau de l’assise sous-épidermique de la racine du Mahonia aqui- folium doivent être considérés, non pas comme formant une gaine, mais comme servant à renforcer l’épiderme. g. Renforcement par un anneau de parenchyme à consistance cornée, séparé de la gaine par deux à quatre assises de cellules cor- ticales à parois minces.— Des dispositions de ce genre nous sont offertes par les Aroïdées (Scindapsus pinnatifolius, etc.) et par des Bromé- liacées des genres Tillandsia, Bromelia, Bonapartea, etc. La tige cou- chée du Polybotria meyeriana présente une sorte de forme intermé- diaire, la gaine externe étant, en certains endroits seulement, appliquée contre la gaine interne. Si l’on attribue aux Lycopodiacées une vérita- ble gaine, on doit les rattacher au même type. V. DE LA SUBÉRISATION DES MEMBRANES CELLULAIRES DE LA GAINE AU POINT DE VUE MÉCANIQUE. — Il ressort de ce qui a été dit plus haut que le rôle des gaines protectrices n'est pas de s’opposer plus ou moins au passage des sues, mais de remplir des fonctions purement mécaniques. Or tout rôle mécanique suppose l'existence de propriétés physiques correspondantes. Pour ce qui a rapport à l’élasticité des cuticules et des membranes subérisées, il faut remarquer que les faits sur lesquels on s’appuie ont trait à des tissus altérés par l’action des réactifs ; d’autres fois encore on apris pour de l’élasticité un phénomène de croissance purement passive. Les expériences faites sur diverses cuticules ont toujours démontré une extensibilité très faible ; il en est de même des tissus subérisés. Dans BOTANIQUE. 451 tous les cas où le résultat obtenu paraît être contradictoire, il faut tenir compte de la disposition des séries de cellules péridermiques, ou bien encore de leur composition chimique plus ou moins exactement connue, Il reste dans tous les cas établi que la swbérine est moins extensible que la cellulose pure. Quand les cellules des gaines protectrices sont réelle- ment subérisées, on est en droit de leur attribuer les mêmes propriétés physique : qu’à la cuticule et aux lames péridermiques. Bien que des expériences faites sur des gaines protectrices et sur des cuticules nor isolables soient très difficiles, Schwendener se croit néar- moins autorisé à penser que les membranes subérisées possèdent une très grande résistance dans le sens transversal. Il termine ces considé- rations en concluant que «la subérisation ne diminue pas seulement la perméabilité, mais encore l'extensibilité, tandis qu'elle augmente la solidité absolue.» Ainsi s'expliquent naturellement les plissements ondulés qui se mon- trent sur les parois des cellules des gaines protectrices lorsque leur tur- gescence devient moindre ou lorsqu'il se produit une diminution dans la traction exercée par les tissus voisins, plissements qui sont exagérés encore par l'emploi des réactifs. Des diverses expériences exécutées par lui, Schwendener conclut que « les lamelles cutinisées des membranes cellulaires ne se plissent que par suite d’une diminution de longueur survenant dans les cellules, etla cause de ce plissement réside toujours dans ce fait que ces lamelles sont moins extensibles, et par celà même moins capables de se contracter que la cellulose ordinaire.» VI. VALEUR MÉCANIQUE DE LA GAINE., — &@. Tout observateur attentif peutse convaincre que les tissus conducteurs sont fréquemment protégés par des dispositions mécaniques qui jouent un rôle purement local et n’entrent pour rien dans la solidité de l’organe considéré dans son entier. Mais on ne peut se faire une idée bien nette de la direction et encore moins de l'intensité des pressions contre lesquelles doit s'exercer ce rôle protecteur. On peut admettre seulement que la manière dont se fait sentir ce besoin de protection peut être déduite des rapports morpholo- giques de ce revêtement protecteur, car toute construction établie dans un but rationnel doit être, en quelque sorte, une image des forces aux- quelles elle est destinée à résister. b. On remarque dans certaines racines, surtout après un séjour plus ou moins prolcngé dans l’eau, que l'écorce isolée du cylindre central se raccourcit sensiblement, tandis que les faisceaux isolés s’allongent, ce qui indique une pression longitudinale chez ces derniers et une traction transversale dans l'écorce. Les faisceaux ont à subir en outre une traction 452 REVUE SCIENTIFIQUE. transversale, diminuée cependant par ce fait que l'écorce se sépare sou- vent partiellement du bois. Par son peu d'extensibilité, le réseau subérisé s'oppose, bien que faiblement, à la tension longitudinale, Il ne faut pas oublier, du reste, que la résistance dans le sens transversal peut com- penser, en partie au moins, le manque de résistance dans le sens de la longueur. Au reste, jamais dans les organes intacts on ne remarque de plis ondulés, ce qui indique un état de tension constante. Il existe toujours une corrélation entre l'existence de ces appareils protecteurs et celle des tensions dans les tissus de la plante, en ce qui concerne le moment et le lieu de leur apparition. D'après la forme même des cellules et de leurs épaississements, on peut s’apercevoir qu’une portion quelconque de la gaine doit offrir plus de résistance dans le sens longitudinal que dans le sens transversal, et c’est aussi dans cette dernière direction que les changements de volume des cellules corticales seraient surtout dangereux pour l'organe. En général, la présence de parties molles et perméables dans la paroi cellu- laire ne diminue que peu la résistance à la traction, les parties solides étant réunies en réseau par de nombreuses anastomoses. Mais lorsque les cellules épaissies de la gaine le sont sur tout leur pourtour, la solidité de l’appareil est sacrifiée à ce besoin de libre endosmose qui se fait sentir dans les tissus, et on voit apparaitre les places perméables (Durchgangstellen). Bien que les renforcements divers de la gaine soient en général desti- nés à résister aux tractions, soit longitudinales, soit transversales, il est pourtant des dispositions qui sont manifestement destinées à résister à la flexion. Tels sont par exemple les cas où, comme on l’observe chez le Juncus Jacquini et l'Zris Sibirica, l'épaississement en forme d'U des parois radiales des cellules de la gaine est beaucoup plus consicérable que ne l’exige le besoin de résistance à la traction. Cette tendance est bien plus manifeste encore lorsque les cellules de la gaine ont un diamètre plus considérable au niveau de chaque faisceau de liber mou (Leptom). C'est ce que l’on observe chez beaucoup de racines aériennes d’Orchidées, chez les Renanthera et Vanda en particulier. Ces dispositionse se retrouvent encore dans les gaines extérieures ; la forme semi-lunaire du revêtement externe chez les Fougères et le Fre- nella rhomboidea est destinée, en partie au moins, à satisfaire à ce besoin. Dans les racines âgées de Fougères, spécialement chez celles qui pos- sèdent des gaines extérieures, de même que chez le Restio sulcatus, les Dasylirion, Philodendron, Monstera, etc., certaines Broméliacées et diverses Graminées, ces gaines extérieures prennent la forme de tubes BOTANIQUE. 453 clos, vraisemblablement pour être mieux en état de résister à des pressions radiales. Elle consistent presque constamment en éléments parenchyma- teux et concordent ainsi avec les péricarpes de certains fruits et les enveloppes de certaines gaines, qui jouent le rôle d'organes protecteurs grâce à leur faculté de résistance. VII. INFLUENCE DU CLIMAT ET DE LA STATION.— La relation qui existe entre la structure des gaines protectrices et de leurs renforcements d’une part, et la mesure dans laquelle se fait sentir ce besoin de protection de l’autre, nous conduit à nous demander si ce besoin ne serait pas en rela- tion avec les conditions de climat et de milieu. Les données fournies par l'anatomie comparée nous autorisent à répondre par une affirmative ; mais en cela, comme toutes les fois qu'ils agit de résoudre de semblables questions, nous devons nous en tenir aux points extrêmes, sans chercher à expliquer toutes les particularités de structure et toutes les formes de transition que nous pourrons rencontrer. Si nous comparons tout d’abord certaines Fougères et certaines Monocotylédones de notre flore dont la station nous est bien connue, nous ne pourrons nous empêcher de remarquer que celles qui croissent dans les murs et dans les fentes des rochers où elles sont exposées à de longues périodes de sécheresse, sont communément pourvues de gaines internes et externes très développées, tandis que les Fougères des lieux humides ne possèdent qu'une gaine à parois minces et un renforcement à peine appréciable. On peut citer parmi les plantes du premier groupe l’'Asplenium Ruta muraria et les Asplenium adulterinum, Halleri, fissum, palmatum, etc., le Cheilanthes odora, le Ceterach officina- rum, etc., l'Alliwm fallaæ, les Iris florentina et germanica, V'Agrostis vulgaris, ete. Parmi celles du second groupe, le Struthiopteris germa- nica, l'Asplenium filix femina, VOsmunda regalis, etc., le Marsilia quadrifolia, les Alismacées, Butomées, etc. Ce contraste dans la structure est bien plus accentué encore chez cer- tains végétaux exotiques naturels à des contrées où la sécheresse est bien plus grande et la chaleur plus intense. C’est ainsi que parmi les Aroïdées les espèces grimpantes ou épiphytes (Monstera, Tornelia, Scin- dapsus, Raphidophora), possèdent pour la plupart un puiss?nt manteau de parenchyme corné, tandis que les Acorus, Caladium, Diffenba- chia, etc., propres aux lieux aquatiques, ne développent aucun épaissis- sement de ce genre. Les exceptions signalées par divers auteurs et obser- vées par Schwendener lui-même, doivent être probablement attribuées à des dessèchements périodiques de l'argile ou des sables dans lesquels vivent ces plantes. Dans tous les cas, on ne saurait porter un jugement 454 REVUE SCIENTIFIQUE. décisif sans une connaissance parfaite des conditions biologiques. D’une manière générale, on doit s'attendre à voir l'influence en question se ma- nifester avec la plus grande netteté possible lorsque, les autres conditions extérieures restant les mêmes, il y aura la plus grande diversité dans les conditions d'humidité et dans l’état physique du sol qui en est la consé- quence. Il est cependant aux règles précédemment énoncées des exceptions re- marquables.C'est ainsi que les Colocasia antiquorum, Alocasia metal- lica, Xanthosoma violaceum, Spathiphyllum lancæfolium,etc., mon- trent une gaine externe très développée, tandis que leur écorce interne se change tout entière en une enveloppe cornée très résistante, disposition qui, contrairement à ce qu'on pourrait attendre d'après le milieu, rappelle les plantes des lieux arides. Nous trouvons même dans notre Flore des plantes qui, contrairement à ce que sembleraient devoir nous faire prévoir leurs stations bien connues, peuvent rivaliser quant à leur struc- ture avec les végétaux les mieux organisés contre la sécheresse (Blech- num spieans, Poa pratensis). On trouve enfin de très fortes gaines chez un bon nombre de plantes de nos fossés, de nos rivages, de nos marais et des prairies humides (Careæ, Juncus, Cyperus, Schœnus, Alopecurus fulvus, Gladiolus communis, etc.). On peut donc affirmer que, tandis que toutes les plantes des lieux secs et arides sont en harmonie parfaite les unes avec les autres en ce qui concerne leur structure, les végétaux des lieux humides se laissent diviser en deux groupes, les uns possédant une gaine puissante, les autres en étant privés. De plus, la comparaison des plantes annuelles et des plantes vivaces nous apprend que l’existence de la gaine n’est pas nécessairement liée avec la faculté que possèdent ces dernières de supporter l’hiver, car les Graminées, les Joncées et les Cypéracées annuelles ne se distinguent point en cela de leurs congénères vivaces. Or, si nous comparons entre elles les diverses stations désignées dans les Flores sous les noms de prairies marécageuses, tourbières, etc., nous pourrons les grouper en deux catégories : 1° les lieux qui offrent aux organes souterrains un milieu toujours constant et surtout toujours saturé d’eau; 2° ceux qui sont tantôt submergés et tantôt soumis à des dessèchements temporaires. Ces changements entraînent nécessairement un retrait périodique du sol, et par suite une compression des organes souterrains qui y végètent, organes dont la turgescence varie néces- sairement avec ces conditions. Si l’on étudie les plantes qui végètent dans les lieux humides de ces deux catégories, on peut se convaincre qu’un état de mollesse et d'humidité constantes du sol détermine la pro- duction de gaines à parois cellulaires minces, tandis qu’un dessèchement BOTANIQUE. 455 périodique non seulement amène un renforcement de cette même gaine, mais encore procure au cylindre central une solidité remarquable. Telle est la loi qui se déduit très naturellement des observations directes, pourvu que l’on n’ait en vue que les termes extrêmes, et non ces nom- breuses formes de passage sur lesquelles nos connaissances sont encore incomplètes. Les racines des végétaux aquatiques, munies d’une puissante gaine, sont généralement pourvues en outre d’un manteau de cellules à parois solides et épaisses qui protège et maintient béantes, pendant la séche- resse, les nombreuses lacunes de l’écorce. Mais comme il existe en outre une gaine interne pour protéger le cylindre central, il est naturel de sup- poser que cette dernière n’a de fonctions à remplir que relativement aux forces qui ont leur siège dans le végétal lui-même, c’est-à-dire qui ont pour origine un changement quelconque dans la turgescence des tissus. C’est seulement quand l'écorce primaire consiste en minces cellules et tombe de bonne heure, comme chez le Restio sulcatus, que la gaine prend le rôle d’un second tégument. Si le milieu dans lequel se dévelop- pent les racines est constamment mou et humide, la présence d’un manteau cortical et d’une gaine externe devient inutile. On doit encore attribuer aux puissantes gaines externes des Dasyli- rion, Graminées, Fougères, etc., un rôle protecteur à l’égard du cylindre central contre la perte d’eau et les brusques variations de température. Elles seraient, à ce point de vue, comparables au testa de certaines graines et aux péricarpes résistants de certains fruits. La subérisation plus ou moins complète de leurs cellules et le contenu résineux qu’elles renferment souvent, viennent à l’appui de cette supposition. Chez les Dicotylédores, où la gaine est rarement épaissie et a un rôle spécial, la protection du liber mou est généralement confiée dans la racine à un revêtement libérien, comme on l’observe aussi dans les tiges, et la production d’une enveloppe imperméable est la conséquence, tantôt d’une subérisation précoce de l’écorce primaire, tantôt de la for- mation d’une enveloppe péridermique en dedans de la gaine. Ce qui est dit des racines peut être également appliqué aux rhizômes. Enfin il y a lieu de remarquer que, chez les plantes nageantes ou flot- tantes, les tiges exposées aux mouvements de l’eau sont beaucoup mieux protégées par les enveloppes dont il vient d’être question que les racines qui plongent dans le sol. VIII. LES GAINES CONSIDÉRÉES COMME TÉGUMENTS. — D’après les pro- priétés que présentent les gaines, il est permis de les ranger, au point de vue morphologique et physiologique, à côté des formations cutanées. 456 REVUE SCIENTIFIQUE. Elles sont en effet comparables à ces dernières par la cutinisation de leurs parois et l’épaississement des cellules qui les renforcent fréquem - ment, épaississement analogue à celui que présentent aussi les assises sous-épidermiques, principalement dans les cas où la présence d’un cylindre solide est nécessaire pour maintenir la forme de l'organe (racines et rhi- zômes des plantes des sables et des marais). On peut établir encore un parallèle assez naturel entre les gaines et les formations cutanées, en ce qui concerne le mode d'épaississement des cellules, les formes de passage qui existent entre le parenchyme à éléments courts et les longues cellu- les fibreuses, leur accroissement ultérieur, quand l'organe continue à gagner en épaisseur. Et lorsque l’écorce externe tombe, la gaine tient le rôle d'un second tégument jusqu'à ce qu'une nouvelle enveloppe protec- trice se soit développée pour la remplacer. Caspary a du reste très clairement expliqué son opinion sur ce rôle de la gaine. IX. DÉVELOPPEMENT DE LA GAINE. — On peut admettre, en ce qui con- cerne le développement de la gaine, les modes suivants: 1° La gaine peut se former aux dépens du cambium proprement dit (gaines particulières des Juncacées et Cypéracées, rhizômes et appendi- ces foliaires souterrains). 2° Elle peut naître d’un tissu procambial ou d’un méristème dont la partie périphérique se différencie plus tard en tissus corticaux, tandis que la partie interne donne naissance aux faisceaux que protège la gaine. Comme exemple de ce type, l’auteur signale le rhizôme du Convallaria maialis. 39 La gaine peut provenir encore d’un parenchyme dont les cellules, nées par divisions tangentielles, sont rangées en séries radiales. Ce sont alors les cellules internes de chaque série qui constituent la gaine, les extérieures se changeant en tissus corticaux. 4 La gaine peut se constituer enfin à l’aide d’un parenchyme semblable ; mais la seconde assise interne forme seule la gaine, la plus interne appartenant au cylindre central. C’est là un cas particulier, mais qui, comme le précédent, se rencontre dans les vraies racines (racines d'Equisetum). Les renforcements de la gaine, lorsqu'ils sont extérieurs à cette der- nière, naissent, soit d'un cambium spécial, soit aux dépens du paren- chyme adjacent. L'étude des gaines protectrices donne une confirmation nouvelle de ce principe, qu’une classification des tissus doit s'appuyer sur la fonction ét la structure, et non sur des détails variables du développement. LiiyGx BOTANIQUE. 457 Origine et insertion des racines adventives et modifications corré- latives de la tige chez les Monocotylédones ; par M. L. ManGin. (Annales des Sc. nat., 6° série, tom. 14, 1882.) Les études antérieures à celles de M. Mangin avaient porté surtout sur l’anatomie de la tige des Monocotylédones en elle-même, malgré l’atten- tion qu’aurait dû éveiller la propriété générale que possèdent ces tiges de développer des racines adventives destinées à remplacer la racine prin- cipale d'existence éphémère. Seuls, MM. Trécul, Falkenberg et de Bary s'étaient occupés de la question, avec des divergences d'opinion très marquées. Dans ces conditions, l’historique de la question aurait été très restreint si M. Mangin n'avait cru devoir passer en revue les diverses opinions émises jusqu’à ce jour sur la morphologie interne des Monoco- tylédones. Il résulte de l’analyse des nombreux mémoires écrits sur ce sujet, que les opinions de ces différents auteurs peuvent, d’une manière générale, être réduites à deux. Suivant l’une d'elles (Mohl, Unger, Karsten, Schacht, Sanio, Guillaud, etc.}, il y a entre l’écorce et le corps central un méristème qui peut disparaître après la différenciation des tissus ou persister durant la vie entière de la plante. D'après la seconde opinion (Nägeli, Schleiden, Falkenberg, de Bary, etc.), les tissus de la plante dérivent tous du méristème primitif, et le méristème secondaire n’est qu’un reste de ce méristème primitif. Après cet exposé, M. Mangin rentre dans le corps du sujet. Chez les Monocotylédones, la racine principale étant prématurément détruite, la tige développe tout un système de racines adventives destiné à la rem- placer. Par suite, la tige présente deux régions physiologiques distinctes : une région végétative subissant l'influence modificatrice du milieu et une région destinée à supporter les organes de la reproduction, de très courte durée et de structure constante. Ces deux régions sont ou nettement séparées (Zridées, Aroïdées, etc.) ou passent graduellement de l’une à l’autre (chaume des Graminées). Il peut encore se faire que la partie végétative soit uniquement souterraine ou qu’elle présente en outre une partie aérienne portant l'appareil assimilateur (Ruscus, Canna). Enfin quelques rares Monocotylédones ont des formations secondaires (Vucca, Dracæna). Quoi qu’il en soit, il y a toujours deux sortes de tiges à considérer : les tiges avec racines et les tiges sans racines. Ces dernières offrent, après l’apparition des bourrelets foliaires, une région centrale qui se développe en direction centrifuge et une région périphérique à développement 458 REVUE SCIENTIFIQUE. centripète ; lorsque les deux processus de formation sont arrivés au contact, la distinction entre les deux parenchymes est impossible si les parois de leurs cellules restent minces. Mais le plus souvent les assises extérieures au cylindre central constituent une gaine de protection formée de cellules lignifiées et fortement épaissies (Pédoncules floraux et tiges aériennes). En ce qui concerne les racines adventives, le résultat général des nombreuses recherches de M. Mangin réside dans ce fait, qu’elles ne s'insèrent jamais directement sur les faisceaux de la tige, mais qu'elles sont mises en communication avec eux par l'intermédiaire d’un réseau de faisceaux anastomosés (réseau radicifère) indépendants du corps central des racines adventives. Ce réseau, ainsi que les racines adventives, est formé par une couche génératrice spéciale qui n’est que la continuation du péricambium de la racine. Comme ce méristème diffère du péricambium, qui ne produit que des racines, M. Mangin lui donne le nom de couche dictyogène. Examinons l’évolution de cette couche dans différents groupes. 1° Monocotylédones a réseau radicifère super ficiel.— Le développe- ment du cylindre central étant centrifuge et celui de l’écorce étant cen- tripète, il en résulte, entre ces deux régions, la formation d’un anneau géné- rateur quise divisetoutd’abord en direction tangentielle et forme un réseau procambial qui n'est autre chose que la couche dictyogène. En même temps, certaines de ces cellules se divisent dans tous les sens et consti- tuent de la sorte de petits mamelons d’où procéderont désormais et d'une manière exclusive le corps central et l’écorce des racines adven- tives. Quant à leur coiffe, elle sera formée aux dépens de la portion du parenchyme cortical qui sera traversée par la racine. Pendant le dévelop- pementdes racines, les files procambiales de la couche dictyogène se ligni- fieront et formeront ainsi le réseau radicifère. Toute cette évolution peut se faire sans interruption, de telle sorte qu’on trouvera sur la tige des racines à tous les états de développement; ou bien il peut se produire un arrêt dans cette évolution, et l’on aura alors des racines latentes qui ne deviendront visibles à l’extérieur qu'après la reprise de la végétation. Tous ces phénomènes s’accomplissent en même temps que les divisions s’opèrent dans les cellules internes de l'écorce jusqu’au moment où l’endo- derme est constitué. Dès lors toute activité cesse, aussi bien dans l’écorce que dans la couche dictyogène. Les cellules endodermiques alternent toujours avec celles de la couche dictyogène, etde plus sont caractérisées, soit par des plissements sur les parois latérales, soit par l'épaississement des parois cellulaires. Il y a ici une différenciation rapide de l'écorce qui n’est précédée que par des cloisonnements sans importance. Mais BOTANIQUE. 459 souvent avant la fin de la différenciation du méristème, il se produit dans la partie interne de l'écorce un cloisonnement tangentiel qui permet de reconnaître dans cette région une portion externe irrégulière et une por- tion interne régulière. C’est par ce processus que certaines plantes accroissent beaucoup leur parenchyme cortical (Asphodelus, Musa, Strelitzia, ete.). Tous lies phénomènes que nous venons d'analyser, et qui ont été observés en suivant le développement des tissus à partir du sommet végétatif, sont pleinement confirmés par l’examen des plantules en germination. Quant au réseau radicifère en lui-même, qui est placé en dehors des faisceaux communs, il forme un certain nombre de systèmes étoilés, dont jes rayons s’anastomosent, chaque étoile représentant la base d’inser- tion d’une racine. Il est constitué par des vaisseaux rayés toujours fer- més et par du tissu libérien disposé contre l'endoderme en une couche continue à la périphérie du corps central. Les racines s’insèrent avec le réseau radicifère par leurs faisceaux ligneux ; les faisceaux libériens res- tant en dehors de ceux-ci et s’y superposent plus ou moins exactement. Ce réseau radicifère est bien une formation indépendante, puisqu'il se trouve souvent sur des portions de tige dépourvues de racines (Acorus calamus, Ruscus aculeatus,) etn'est qu'un intermédiaire entre les vais- seaux de la tige et ceux de la racine. On ne rencontre jamais de vais- seaux annelés ou spiralés dans ce réseau, ils sont toujours rayés, ponctués ou réticulés. Ce type de structure général, que nous venons de passer en revue, peut être modifié dans sa position ou simplifié dans sa manière d’être. Lorsque les racines sont localisées à la face inférieure des tiges (Zris flo- rentina, Achmea fulgens, etc.), le réseau radicifère n'existe que sur cette face, et on ne trouve à la face supérieure, entre l’écorce et le corps central, que quelques cellules plus petites que celles du parenchyme cor- gical. Chez d’autres Monocotylédones, les racines sont localisées aux nœuds, soit uniformément autour du nœud (Convallaria maïalis, Calla palustris, etc.), soit sur l’un des côtés seulement (Zleocharis pa- lustris). Aussi dans les entre-nœuds on ne trouve, entre l’endoderme et le corps central, qu’une simple couche de cellules représentant le péri- cambium de la racine et ne se divisant jamais. Au contraire, aux nœuds, elle se divise tangentiellement et constitue la couche dictyogène ; dans le Tradescantia virginica,les phénomènes sont analogues aux précédents, mais les couches corticales internes se multiplient d'une façon assez importante pendant la transformation du méristème primitif et avant l’apparition de l’'endoderme. 460 REVUE SCIENTIFIQUE. Enfin les racines peuvent être localisées, soit près de la base souter- raine de la tige (Antholyza), soit tout à fait à la base (bulbes solides et écailleux), de telle sorte que le réseau radicifère n’est plus représenté que par un anneau puissant de faible hauteur entourant les faisceaux du bulbe. Au point de vue des simplifications de structure, disons de suite que le réseau radicifère est naturellement peu développé quand le cylindre central de la racine est très réduit. Mais les plantes aquatiques sont remarquables à ce point de vue. Déjà très réduit dans les Typha et Butomus umbellatus, le réseau radicifère peut n'être formé que par deux ou trois cellules vasculaires caractéristiques (Z/odea), ou bien atteindre le dernier terme de la simplification dans certaines plantes où il n’est représenté que par quelques cellules étroites et allongées (Vallis- neria spiralis). Les types cités jusqu'ici appartiennent aux tiges exclusivement sou- terraines : il importe d'examiner les tiges aériennes, dans lesquelles le changement de milieu a produit quelques modifications. Dans les Aroïdées et principalement dans la tribu des Monstérinées, les racines sont bien développées sur toute la longueur de la tige, mais sort localisées à peu près sur le tour de sa circonférence, de sorte que ce n’est que dans cette région que l’on observe la présence de l’endo- derme et du réseau radicifère. Sur les autres points de la circonférence, le parerchyme interfasciculaire central passe directement au parenchyme cortical. Dans les Villosées, qui ont une tige triquètre et chez lesquelles les racines s’insèrent sur le milieu des faces planes, le réseau radicifère forme trois bandes réticulées occupant les faces de la tige. Dans les Graminées et les Commelynées, qui ne développent des racines qu'aux nœuds, le réseau radicifère forme un simple anneau en- tourant le corps central. Mais dans ces régions le parenchyme inter- fasciculaire central renferme un lacis de faisceaux sinueux qui se con- tinue aussi bien avec les racines adventives qu'avec les faisceaux des bourgeons. Or on croyait que ce lacis était simplement formé par les anastomoses des faisceaux des racines adventives, qui se seraient de la sorte insérées sur les faisceaux du bourgeon axillaire. M. Mangin amon- tré que le lacis interfasciculaire est tout à fait indépendant du système radical, puisque d’une part il se développe au centre de la tige sans la moindre relation avec les racines, et que d’autre part il existe dans les portions de tige qui jouent simplement le rôle de support pour les organes reproducteurs et sont par suite dépourvus de racine. C’est dans la suite du développement seulement que le réseau radicifère contracte des relations aussi bien avec les faisceaux communs qu'avec ceux du Jacis sinueux. BOTANIQUE. 461 20 Monocotylédones avec méristème secondaire.—Dans les plantes de ce groupe (Fuwcca, Dracæna), il n y à pas de trace de réseau radicifère, et ce sont les faisceaux secondaires qui forment l'intermédiaire entre la tige et les racines adventives. De plus, ces faisceaux étant indépendants des feuilles, il y a lieu d'admettre l’analogie frappante que ce système de faisceaux présente avec le réseau radicifère ; cette analogie est d’ailleurs pleinement confirmée par l’étude du développement et l’examen des types de transition. À ce dernier titre, les Aloïnées et les À gave sont des types bien intéressants. Chez les A/oe, après la différenciation des tissus, il persiste une assise génératrice, un méristème secondaire de même ori- gine que la couche dictyogène, qui par son évolution progressive forme une couche épaisse de tissus secondaires, parenchymes et faisceaux. L’ap- parition de l’endoderme met fin à son activité; si donc on fait des coupes dans les points où le méristème est encore actif, on aura la disposition des Fucca ; si au contraire la coupe passe dans les points où le méri- stème est mort, on a la disposition ordinaire des Monocotylédones déjà étudiées (Asphodelus luteus, Sisyrinchyum striatum, etc.). Il y a done similitude complète d'origine, de structure et de fonctions entre le réseau radicifère et les faisceaux secondaires des Aloïnées. La structure des tiges d’Agave se rapproche encore plus de celle des Yucca. L’A gave americana, par exemple, présente des stolons se terminant par de jeunes pousses qui développent des racines à leur base. Ces stolons ont la structure ordinaire d’une tige et n’offrent ni formations secondaires ni réseau radicifère, et, partant, jamais de racines adventives. Tout autre est la structure de la base des pousses feuillées qui supportent les racines. A ce point, l’endoderme a disparu et les assises internes à cette couche organisent par cloisonnement un méristème qui forme les racines ainsi que le système fasciculaire qui les rattache à la tige. C’est exclusivement sur ce système que s’insèrent les racines à des profondeurs variables, selon qu’elles sont plus ou moins loin du sommet ; ce qui distingue ce méristème de celui des Aloïnées et le rapproche encore plus des Ywcca, c'est qu’il conserve son activité pendant toute la vie de la plante. L’assi- milation avec le réseau radicifère est encore ici plus vraisemblable, si l’on note que la tige des Agave est très courte et n’a, par suite, aucun rôle à jouer comme organe de soutien. Enfin, dans les Monocotylédones nettementarborescentes (Yucca, Dra- cæna, etc.), l’origine du méristème secondaire est la même que celle de la couche dictyogène ; il procède ici comme ailleurs, dans les 4/oe et les Agave, de l’assise périphérique du cylindre central. Ce méristème orga- nise les faisceaux secondaires qui courent dans toute la longueur de la tige et contractent des connexions avec les racines dans les portions sou- 3° sér., tom. Ir, 29 462 REVUE SCIENTIFIQUE. terraines seules. Ces faisceaux à cellules vasculaires courtes ponctuées et jamais spiralées, sont les seuls intermédiaires entre le tissu conduc- teur de la tige et celui de la racine, et constituent, en outre, un appareil de soutien. L'origine, le rôle et la structure de ce sytème fasciculaire secondaire, permettent de dire qu’il n’est, en somme, que le résultat d’un développement exagéré du réseau radicifère des autres Monocotylé- dones. 3° Pandanées.—On ne trouve ici aucune trace de méristème secondaire. Les tissus s'organisent comme dans les autres plantes, et la différence ne s’accentue qu'au moment où le corps central et l'écorce, tout en étant différenciés, sont encore séparés par un anneau de tissu actif des restes du méristème primitif; cet anneau générateur organise les ébauches seules des racines, mais ne produit jamais ni méristème secondaire ni réseau radicifère. En outre, les racines se dirigent perpendiculairement à l’axe de la tige, s’insinuent de bas en haut entre les faisceaux com- muns, sur lesquels elles s’accolent au bout d’une certaine distance. Ce fait particulier se produit de la facon suivante. Le parenchyme interfasci- culaire et voisin des ébauches des racines repasse à l’état de méristème et forme des cordons procambiaux qui s’allongent dans le corps central et se terminent près des faisceaux centraux. La lignification de ces cor- dons commence au centre de la tige et se continue jusqu’à la base de la racine, c’est-à-dire en direction inverse du développement du precambium. Ces phénomènes sont uniformes chez les Pandanées, tandis que d’autres (Sabal A dansoni) ont un réseau radicifère superficiel, comme la généra- lité des Monocotylédones. Entre ces deux types, on trouve tous les types intermédiaires, notamment les Cyclanthus, qui, en outre d’un réseau radicifère, présentent une pénétration plus ou moins profonde des fais- ceaux de la racine dans le corps central. PU : L’'épiplasma des Ascomycètes et le Glycogène des végétaux ; par M. L. Errera. Bruxelles, 1882 (Manceaux, édit.). Le protoplasma ordinaire non différencié comme générateur des grains d’amidon, ne formant pas les leucites actifs de M. Van Tieghem, auxquels M. Errera donne le nom d’Amyloplastes, est, selon cet auteur, capable de former, au moyen de corps ternaires dissous, un hydrate de carbone voisin de l’amidon : le Glycogène. Le développement de ce corps serait indépendant de la chlorophylle BOTANIQUE. 463 puisqu'il se forme abondamment dans les champignons les plus variés ; c'est même là seulement que sa présence est indiscutable. Mais toutes les autres plantes qui ont été soumises à l'étude ont révélé l'existence d’une substance qu'on peut légitimement considérer comme un Glycogène analogue sinon identique au Glycogène développé dans le foie des animaux. L'auteur signale le Glycogène dans les Algues vertes. Il considère comme constitués par cette matière les corps d’aspect amylacé signalés par Nägeli chez les Algues Floridées (Callithamnion, Nitophyllum, Polysiphonia. Cystoclonium, Delesseria, Rhytiphlæa) étudiés depuis par M. Van Tieghem (Comptes rendus 1865) et par M. Rosanoff, qui les ont considérés comme très voisins de l’amidon. M. L. Errera les a décou- verts encore dans un Lemanea. Tous les Glycogènes étudiés ne constitueraient pas une seule espèce chimique, mais formeraient un groupe d'hydrates de carbone répondant à la formule CSH1005 Aq. Leurs solutions aqueuses sont opalescentes, fortement dextrogyres (+ 2110), facilement précipitées par l'alcool, sans action réductrice sur les liqueurs de Fehling et de Trommer. Ils sont tous incristallisables. Les Glycogènes ne sont pas solubles dans l’eau ; malgré les apparences, ils y forment seulement une sorte d’empois mince, dû à un état de division mécanique et de gonflement extrêmes. Dans les Ascomycètes, où M. Errera à pu mieux étudier l’évolution et le sort du Glycogène, il croit pouvoir le considérer comme une réserve provisoire, qui est employée au moment de la maturation des spores et fournit les matériaux pour la formation de l'huile des spores mûres. Observations sur les Algues calcaires confondues avec les Fora- minifères et appartenant au groupe des Siphonées dichotomes ; par M.Moxier-CaLuas. (Bull. Suc. géol. de France, 3° série, tom. VIT, pag. 661.) Dès 1877, M. Munier présentait à l'Académie des Sciences une courte note dans laquelle il démontrait que les organismes fossiles connus sous le nom de Dactylopores et rattachés parles anciens paléontologistes aux Foraminifères, sont en réalité Ces Algues représentées encore aunjour- d’hui dans nos mers. Il y établissait l'identité générique entre le Cymo- polia Liamx et les Polytrypa fossiles, et constatait même que les formes vivantes et fossiles sont assez difficiles à distinguer spécifiquement. Les fig. 1-4 sont très démonstratives sur ce point. La /£g. 1 représente une section transversale d’une partie du cylindre central du Cymopolia Rosarium Lamx, montrant : 1. les canaux qui recevaient les cellules 464 REVUE SCIENTIFIQUE. verticillées ; 2. les cavités centrales qui logeaient les sporanges.La fg.2 représente une coupe du Polytrypa elongata Defr. Dans la fig. 3, on Fic. 1, 2, 3, 4, voit des ceilules verticillées du Cymopolia Rosarium, isolées du cylindre calcaire par un acide ; A représente la paroi de la cellule centrale; B, le premier rang des cellules verticillées ; C, les cellules terminales en ombelles, au centre desquelles se voit un sporange axile D; un rameau du Polytrypa elongata fossile, obtenu par moulage est figuré en 4. Toutes les formes vivantes et fossiles présentant ces caractères doivent être confondues et constituent dans le groupe des Algues vertes une section importante de la grande famille des Siphonées, les Siphonées verticillées. Elles comprennent plus de cinquante genres, la plupart triasiques, juras- siques, crétacés et tertiaires. Les mers actuelles n’en renferment plus que sept genres, dont le plus connu est le Dasycladus Ag., autour duquel se groupent les Jalicoryne Harv. Cymopolia, Lamx, Polyphysa Lamx, Acetabularia Lamx, Neomeris Lamx, et enfin le Bornetella établi par M. Munier aux dépens de certaines espèces de Neomeris (N. nitida Harv.),dans lesquelles la position du sporange est différentede celle qu’elle occupe dans les Neomeris types. Le même savant s’est occupé depuis des Ovulites, rangés jusque-là par les paléontologistes parmi les Foraminifères monothalamiens. Il a reconnu que ces organismes sont encore des Algues Siphonées identiques ou très voisines des Coralliodendron (Penicillus), des Espera et des Rhipocephalus, qui vivent dans les mers chaudes ou tempérées. Le Coralliodendron |(Penicillus) arbuscula vit abondamment aujour- d’hui sur les côtes occidentales de l'Australie. Lorsque l’on examine attentivement les rameaux qui composent la frende des Coralliodendron et qui s’insèrent sur un stipe plus ou moins élevé, on remarque bien vite qu’ils sont formés de parties étranglées BOTANIQUE. 465 simulant de fausses articulations superposées, À, fig. 5.Ces articles sont très inégaux dans cette espèce, les uns allongés, les autres courts et arrondis ; ils sont formés par une enveloppe cal- caire qui recouvre les parois d’une cel- lule centrale unique et arrondie. En les examinant à un fort grossissement, on voit qu'ils présentent, comme les Ovu- lites, des canaux B, traversant l’enve- loppe calcaire. Ces canaux ne sont autre chose que les intervalles destinés à lais- ser passer les prolongements qui héris- sent la cellule et qui viennent se mettre Lorsque les fausses articulations sont séparées les unes des autres par rupture C, celles qui sont simplement super- 5 f posées une à une ne peuvent jamais présenter qu'une seule ouverture ‘à chaque extrémité, tandis que celles qui donnent naissance à deux rameaux en portent toujours deux à leur partie supérieure (1 et 7). Fic. 6. E en contact avec le milieu ambiant. c | | Il n'est pas possible de distinguer généri- -* quementles Coralliodendron vivants des Ovu- lites fossiles. Tout au plus les Ovulites peu- vent-ils être considérés comme une section sans grande importance des Coralliodendron. Encore faudra-t-il en exclure l'Ovulites elon- gata, représenté /ig.6, qui est un Corallio- dendron proprement dit. Les unes et les autres entrent dans le groupe des Siphonées dichotomes. M. Munier en décrit plusieurs espèces et donne en même temps la diagnose du genre modifiée par l'étude comparée des formes vi- vantes et fossiles. Fig. Let3. Cymopolia Rosarium Lamx. Fig. 2 et 4. Polytrypa elongata Defr. Fig. 5. À. rameau de Coralliodendron (Penicillus) arbuseula (grossi 3 fois) C. articles isolés, 1 et 7 articles de dichotomisation présen- 466 REVUE SCIENTIFIQUE. tant deux ouvertures à leurs parties supérieures ; 2-6 et 8 articles simples — B. surface extérieure des articles grossie. Fig. 6. À. rameau restauré de Coralliodendron elongatum (grossi 4 fois) B. surface extér. des articles grossie. — C. articles. BIBLIOGRAPHIE. Literatura Hymenopterorum-Chrysididæ Faunæ Hungaricæ; par Alexandre Mocsary. Budapesth, 1882. — SUR LES MIGRATIONS DES PUCERONS ; par le D'G. pe Honvarx, directeur de la Station phylloxérique hongroise. (Revue d'Entomologie ; Caen, 1883, n° 3.) Les deux ouvrages ci-dessus, dont la science entomologique est rede- vable au savant Professeur du Musée national Hongrois, méritent une mention toute spéciale et seront accueillis avec enthousiasme par tous les hyménoptérologues. Chacun sait combien il est difficile, de nos jours, dès que l’on s’occupe d'une question spéciale, de trouver l'indication de tous les travaux qui ont paru à son sujet. Or, sous le titre modeste de Literatura Hymenopterorum, M. Alex. Mocsary a réuni dans une élégante brochure de 120 pages, admirablement ivprimée, les noms de tous les auteurs qui ont écrit sur les hyméno- pières, non seulement en indiquant le titre de l'ouvrage, mais même en relevant le plus souvent le nom des insectes dont l’auteur s’est occupé et en donnant les genres et espèces nouveaux. Ce catalogue de la littérature hyménoptérologique est fait avec beaucoup de soin et sera complète- ment indispensable à tous les auteurs qui voudront publier quelque travail sur les Hyménoptères. Il serait vivement à désirer que cet exem- ple fût suivi pour les autres ordres d'insectes. En effet, depuis la Biblio- theca Entomologica de Hagen, en 1862-63, il n° y a pas eu d'ouvrage énurmérant les travaux entomologiques, ou du moins, s’il y en a eu, ce n’ont été que quelques additions à l'ouvrage de Hagen, publiées tantôt dans un recueil, tantôt dans un autre, mais rien de complet. Inefaut guère plus penser, de nos jours, à faire un catalogue exact de tousles ouvrages parus sur l’entomoltgie en général, mais on peut encore, et M. Alex. Mocsary vient de le prouver, très bien faire le catalogue de tous les ouvrages parus sur tel ou tel ordre d'insectes. Puisse cet exem- ple être suivi, puissions-nous successivement voir une Literatura Co- leopterorum, Lepidopterorum, etc., etc. Conçus sur le même plan que celui de Mocsàry, qui peut servir de modèle, ces ouvrages seraient vive- ment appréciés par tous les entomologistes. BIBLIOGRAPHIE. 467 Avec son catalogue des auteurs qui se sont occupés d'hyménoptérolo- gie, M. Mocsary, qui est un travailleur infatigable, à publié ur ouvrage sur les Chrysidides de Hongrie, qui a été couronné par l’Académie des Sciences hongroise et édité aux frais de cette savante corporation.[l aura pourles lecteurs français l'inconvénient d'être écrit en langue hongroise, et son titre : À Magyar Fauna Fémdarazsai, les effrayera d’abord ; mais, tout patriote que soit M. Mocsary , ot en écrivant dans la langue de son pays, il a pensé aux peuples latins, ces ignorants auxquels les languesslaves sont inconnues, et a fait suivre son travail d’un résumé écrit dans le plus pur latin, qui permet aux lecteurs français peu ver- sés dans l'idiome Magyar d'apprécier le mérite de l'ouvrage en se re- portant au texte hongrois pour la partie synonymique, qui est traitée avec un soin tout particulier. L'auteur a adopté pour sa classification les données de Dahlbom divi- sant les Chrysides d’après la conformation du dernier segment de l’ab- domen ; mais au lieu des Phalanges de l’auteur suédois, M. Mocsary se sert des nouveaux noms des sous-genres proposés par M. Lichtenstein, de Montpellier : Holochrysis,Gonochrysis, Monochrysis, Dichrysis, Trichysis, Tetra- chrysis, Pentachrysis, Hexachrysis. Son travail gagne beaucoup en clarté par ces noms faciles à compren- dre et à retenir et qui nous paraissent bien préférables à ceux de Virides, Zonatæ, bicolores, auratæ, employés par le dernier auteur français qui s’est occupé de l’étude de cette charmante famille! et qui les classe d’après les couleurs. M. Alex. Mocsary, décrit neuf espèces nouvelles, savoir : HoLopyGA similis, bellipes. HoLoCHRYsIs carinæventis. Gonocarysis Frivaldszhyi, fallax, venusta. TETRACHRYSIS placida, Chevrieri (nec Abeille). HExACHRYSIS calimorpha. De plus, dans une critique des plus courtoises du remarquable travail de notre compatriote M. Abeille, M. Mocsary relève quelques erreurs en restituant les noms de Dahlbom ou Fôrster à quelques espèces mal placées par le savant francais. Ces petits désaccords entre les deux plus récents travaux sur les Chrysidides s'expliquent facilement, surtout par le fait que M. Mocsary avait sous les yeux toutes les espèces de Forster, ce qui n'avait pas été donné à M. Abeille. 1 Synopsis critique et synonymique des Chrysides de France ; par Elzéar ABEILLE DE PERRIN, Paris, 1878. 468 BIBLIOGRAPHIE. En somme, le beau travail de Mocsary sur les Chrysidides de la Hon- grie est indispensable à tous ceux qui s’occupent de l'étude de ces petits bijoux vivants qu’on appelle les Guëpes dorées ou Chrysides, et le nom- bre de ces amateurs d'insectes brillants est déjà fort considérable. Après son compatriote M. Mocsary, un autre savant entomologiste, M. Horvath, directeur de la Station phylloxérique hongroise vient nous apporter, dans une Revue entomologique française, le résultat de ses observations sur l’évolution biologique des pucerons. Ces observations confirment en tous points les faits déjà connus et publiés par M. Lich- tenstein sur l’évolution biologique et les migrations des pucerons de l'Or- meau., Aux faits connus M. Horvath ajoute celui d'une migration d’une autre espèce de puceron, le Pemphigqus Zeæmaydis Léon Duf. = Pem. Boyeri Passerini, des racines du Maïs ou tronc des Ormeaux. Il ajoute qu’il ne sait pas à quelle espèce, vivant sur l’Ormeau, il pourrait ratta- cher cette forme. Comme il n’y a qu’une seule espèce de Pemphigus connue sur l'Ormeau, il nous semble qu’il y a grande probabilité que ce sera celle-là, Pemphigus pallidus Haliday, dont M. Horvath aura découvert les formes souterraines. Ce qui nous surprend dans le travail de l’entomologiste hongrois, c’est qu’en constatant l'exactitude des observations de notre entomolo- giste languedocien et en adoptant même (provisoirement sans doute) ses dénominations, il dit en terminant qu’il n’admet pas les œufs uniques renfermant les germes des deux sexes, les œufs bourgeons, les larves bourgeonnantes, les pupifères aiïlés, ete. M. Horvath croit qu'on n'a pas besoin de recourir à des hypothèses aussi étranges pour expliquer le développement parthénogénésique de ces insectes polymorphes. Nous attendons M. Horvath à l’œuvre, et lirons avec beaucoup d'intérêt une histoire simplifiée de l’évolution biologique des Aphidiens ; mais si lui- même constate que l’œuf est wnique et que plus tard les sexes sont sépa- rés, il faut bien que les germes mâle et femelle soient réunis sous la même enveloppe dans l’œufqui est unique? RÉ». 1 Revue entomologique ; Caen, 1883, n° 3, pag. 64. L'Éditeur-Gérant : Cnances BOEHM. MONTPELLIER. — TYPOGRAPHIE ET LITHOGRAPHIE DE BOEHM ET FILS MÉMOIRES ORIGINAUX. ESSAI SUR LE VOL DES INSECTES Par le D' AMANS. Le sujet n’est pas neuf, mais il est loin d’être épuisé. Malgré les minutieuses dissections des Dufour, Chabrier, Audouin, Latreille, etc.; malgré les remarquables expériences des physiolo- gistes contemporains, on n’a pu encore dégager de l’aéronautique animale une application satisfaisante pour l'aéronautique méca- nique. Les uns étaient trop exclusivement anatomistes, les autres pas assez; à ce dernier groupe nous pouvons ajouter l’école des ballonnistes. Le ballon aura été plus nuisible qu'utile à l'étude de la navigation aérienne; en passionnant les esprits pour un premier résultat acquis, il les a détournés de l'étude autre- ment féconde de la machine animale. Les insectes sont plus lourds que l’air et se passent de l’hy- drogène ; tâächons de les imiter dans tous leurs détails d’organi- sation, et l'air deviendra notre domaine. « La mécanique peut toujours reproduire un mouvement dont la nature est bien dé- finie», dit le professeur Marey. Sans doute ; etsi l’on n’a pas en- core abouti, c’est que justement cette nature ne nous paraît pas bien définie. Il y a tant de détails dans l’aile d’une insecte ; tous ont leur importance ; imprudent celui qui en oublie un seul! Chabrier néglige la surface alaire, Marey la base, Petitgrew quel- ques éléments de la base. Ges trois auteurs ont attaqué vigou- reusement le problème du vol. Notre compétence n’est pas en- core assez grande pour porter un jugement sur l’ensemble de leurs travaux ; nous nous bornerons, pour le moment, à des criti- ques de détails, nous basant toujours sur une auatomie des plus rigoureuses. Celle-ci sera toujours notre clef, et nous n’aborde- rons la physique et la mécanique qu'après avoir construit une 3e sér., tom. 33 470 MÉMOIRES ORIGINAUX. carcasse exacte, soit de Demoiselle, soit de Bourdon. Nous serons à temps, plus tard, de généraliser, de simplifier la carcasse, d'en éliminer certaines pièces, d’en remplacer d’autres ; de telle sorte que, l'électricité aidant, la machine aérienne ne ressemblera pas plus à un Bourdon que la locomotive à une Gazelle. Le temps de cette transformation n'est peut-être pas très éloigné ; que les anatomistes et les mécaniciens se donnent la main une bonne fois, et le problème est résolu. Nous nous proposons d'étudier l’anatomie du thorax chez trois types très différents par leur structure et leur vol : chez l’Æschna, le Sirex et la Locuste. Mais la fonction du vol leur est commune et l'instrument du vol peut aussi se réduire à un type commun. Nos recherches ont été poursuivies dans le laboratoir> de Zoologie de la Faculté des Sciences de Montpellier. ANATOMIE DU THORAX DES LIBELLULES ‘. Le prothorax ne jouant pas un grand rôle dans le vol, nous étudierons surtout le mésothorax et Le métathorax, c’est-à-dire la portion alaire proprement dite. Celle-ci a la forme d’un coin à grosse extrémilé dirigée en avant ; un plan vertical axial donnerait une section pentagonale ; un second plan perpendiculaire au premier, incliné de 450 environ en arrière sur le sternum du métathorax, donnerait une section trapézoïde à grand côté supé- rieur. Un abdomen très long, une grosse tête, achèvent de donner à l’ensemble l’aspect d’un coin ovoïde, oblong, très renflé à l’un des bouts, très effilé de l’autre. Les ballonnistes” sont bien obligés i Mes recherches ont porté sur une Æschna de grande taille, envoyée de Saïgon par M. Rigal, pharmacien de la marine. Nous avons reçu aussi de lui le magnifique orthoptère dessiné PI. III. Ne ne saurions assez vivement remercier M. Rigal de cet intelligent cadeau ; il serait à désirer que les pharmaciens et mé- decins de la marine suivissent son exemple et fissent profiter de leurs voyages les naturalistes sédentaires et fixés. Il suffit d'un flacon et de l'alcool pour conserver de si précieux matériaux. 2 Voir Revue Scientifique, ESSAI SUR LE VOL DES INSECTES. 471 d'abandonner l’ancienneforme des montgolfières et de se rappro- cher de celle que nous indiquons, s'ils veulent tant soit peu se diriger : on a tout intérêt à imiter la nature. Analysons ce coin. L'animal décapité et vu de face, présente (u, fig. ?) une sur- face bombée de chaque côté de la ligne médiane (le côté antéro- supérieur (0, /ig. 2) de notre pentagone). C'est le front de Chabrier, formé par la réunion des flancs du premier segment alaire. La soudure est interrompue vers le haut par une fente en forme de V, de chaque côté de laquelle le iergum' forme une saillie à pointe dirigée en arrière. Cette saillie estformée par deux plans, un plan supérieur la plate-forme, et un plan latéral le mur, aux pieds duquel on voit le sillon (1). Ge sillon la sépare des flancs proprement dits. Une membrane (a, fig. 1, ?) tendue entre les deux branches du V permet à cesbranches de s’écarter légèrement en avant et en dehors. On remarque sur le bord postérieur de celte saillie, vers le liers externe, un coude que nous nommons premier pivot (c,, fig. 1, 2). Continuons notre voyage sur le tergum. En nous supposant à l'extrémité des branches du V, nous voyons à nos pieds une fosse, en face un dôme, à droite et à gauche la surface d’inser- tion des ailes antérieures. On descend dans la fosse au moyen d’un gradin (d, fig. 1, 2?) séparé de la saillie triangulaire par la suite de la membrane du V. Ce gradin constitue la lame anté- rieure du tergum interalaire ; ce tergum forme une sorte de dôme élastique (e) plongeant en avant sous son rebord antérieur, sous le gradin, que nous nommerons ressort antérieur. Les ex- trémités (d,) de ce ressort viennent s'engager dans une échan- crure de la base radiale. Le dôme se continue latéralement par une ligne brisée dont l’angle regarde en dehors, en avant et en bas. Cette direction, non signalée par Chabrier, est, comme nous le verrons tout à l'heure, d’une importance capitale pour la réali- 1 Les expressions de tergum et de pectus, de flancs et de sternum, nous suffiront dans le cours de notre Mémoire. N'ayant pas pour but d'établir l'homologie des pièces du squelette dans la série des Insectes, nous laisserons se battre les nomen- clatures variées de Kirby, Mac-Leay, Audouin, Jurive, etc, 472 MÉMOIRES ORIGINAUX. sation d’une aile artificielle. Au niveau de cet angle, le dôme subit une dépression jusque sur la ligne médiane, pendant que son contour fuit en dehors. Un rebord postérieur (9) termine cette dépression, destinée à loger la base cubitale dans le cas de l’aile au repos. En arrière du ressort antérieur, on remarque une saillie de renforcement (r fig. 1), et au niveau de l’angle tergal (f) deux plis divergents destinés également à résister aux efforts d'élévation. Ces renforcements dénotent dans les extrémités du ressort antérieur et dans le coude tergal, les points d’attaque de la base de l'aile. Au contraire, le rebord postérieur de la dépression s’unit par un ressort coudé (g,, fig. 1) à la base de la nervure postérieure ; les branches de ce ressort sont étroitement appliquées l’une contre l’autre lorsque l'aile est au repos (fig. ?). En arrière du dôme est une surface tribosselée (k), qui est l'homologue de la membrane interfrontale. Elle est bordée, du reste, latéralement par une saillie (4) homologue de la saillie frontale ; cette saillie porte de même un tubereule qui est le pre- mier pivot de l’aile postérieure. En arrière de cette surface tri- bosselée est le tergum interalaire postérieur, plus long que l’an- térieur, et à sillon médian sur le dôme. A cela près, mêmes formes de ressort antérieur, de ressort postérieur, et de contour latéral. Le bord antérieur de la saillie frontale est mou, de sorte que le ressort postérieur du premier segment alaire peut jouer et l’aile antérieure peut s’abaisser sans que la postérieure bouge. Même facilité de déplacement pour le tergum métathoracique, en arrière du ressort postérieur. Si nous considérons que les saillies frontales sont en réalité des appendices des flancs, nos deux tergum interalaires et la surface intermédiaire tribosselée forment une svrte de toit mobile, élastique, convexe, articulé latéralement avec la base des ailes, pouvant jouer en avant, en arrière et au milieu. La base des ailes est formée de deux tubérosités : la premiére, radiale (R, fig. 1, 2, 7), formée par les bases des nervures antérieu- res; la seconde, cubitale (C), par les bases des nervures postérieu- res, Six nervures principales partent de la base de l'aile, trois ESSAI SUR LE VOL DES INSECTES. 473 internes (radiale, cubitale, postérieure) et trois externes (prora- diale, sous-radiale, sous-cubitale), ou bien encore trois antérieures (proradiale, radiale, sous-radiale) et trois postérieures (1-6, fig. 7). Le coude tergal (f) s'articule avec la tubérosité cubitale et envoie un deses plis dans l'intervalle qui sépare la seconde tubérosité de la première. Celle-ci porte deux échancrures : une (c pour le premier pivot, l’autre (d:) pour la tête du ressort antérieur; au repos, cette dernière tête est en dessous, en avant et en dedans du premier pivot. Nous avons distingué une nervure proradiale ; en réalité, elle n’est guère distincte qu’à la base; elle se fond rapidement avec la radiale, de manière à constituer la nervure antérieure proprement dile. La /ig. { représente l'insertion tergale de la base de l'aile. La base pariétale ‘ de l’aile (SS'S”, jig. 3) présente aussi des saillies correspondant plus spécialement aux nervures externes. La première (S) bascule sur le deuxième pivot (c,); la seconde (S”) bascule sur le troisième pivot (c,) et correspond à la nervure sous-radiale (3, fig. 3); la troisième ($”)saillie pointue se meut dans l’aisance: elle correspond à la nervure sous-cubitale(S, fig. 3, EE Les flancs forment les points d'appui de l'aile. Le sillon frontal (i) se continue en arrière et va rejoindre son homologue (n) ; un autre sillon (S, fig. 3)le coupe obliquement, séparant ainsi le frent du flanc moyen. Il se continue en haut par une fourche dont cha- que extrémité sert à faire basculer la base de l'aile; ce sont ces deux extrémités que nous appelons second pivot et troisième pivot (c,,c,, fig. 3). Le second pivot est en dessous, en dedanset en arrière du premier; le troisième, un peu plus bas que le second mais sensiblement en projection horizontale sur la ligne du pre- mier au second. Les trois pivots sont plus élevés que l’articula- tion tergo-alaire. La /ig. 9 nous les montre dans l’espace avec leurs côtes relatives. { On sait que l'aile peut être considérée comme formée par l'adossement de deux membranes. On peut donc distinguer une base tergale et une base parié- tale. 474 MÉMOIRES ORIGINAUX. Nous pouvons déjà conclure que la base de l'aile doit être con- sidérée comme formée de deux plans dont l’angle au repos est très obtus; le premier pivote autour d’une ligne allant du coude tergal au premier pivot. Ce premier plan correspond à la portion radiale. Le second plan pivote autour d’une ligne allant du coude tergal à l’angle du ressort postérieur. L'existence de ce second plan paraît peu évidente au repos, à cause de la dépres- sion tergale où vient se loger la tubérosité cubitale; il semble alors que l’aile soit formée d’un seul plan formant avec sa symé- trique un angle ouvert en avant. Mais abaissons l'aile, et nous verrons les deux portions se distinguer nettement. L’antérieure se porte en avant et en bas ; la postérieure la suit, et force lui est de se dresser sur la ligne postérieure, dont nous avons déjà étudié la direction; en même temps qu'elle bascule sur le troisième pivot, elle subit un léger écartement de la portion antérieure, ce qui augmente encore son angle avec celle-ci. En résumé, l’aile commence à frapper l’air avec sa portion antérieure, et la colonne d’air frappé vient buter contre une surface &e plus en plus grande représentée par la portion postérieure. Nousremarquons, en outre, un phénomène très important : l'aile se porte en avant. La fig. 10 donnera use idée de ces rabattements. Soit x y, la ligne de terre entrele plan de la plate-forme frontale et un plan perpendiculaire ; soit À BC, la nervure radiale au repos; la nervure proprement dite BC formeavec le diamètre longitudinal (AB, /ig. 1), de la tubé- rosité radiale un angle obtus dirigé en avant. À, B,C, représente la position d’abaissement : on voit que l’aile s’est portée en avant. Pourquoi ce déplacement en avant? L’aile forme un levier double du troisième genre (non pas un levier simple, comme on l’a dit); c,, c, sont les deux points d’appui, d et / les deux points d’appli- cation. Le dôme élastique soulevé aux points d et f est forcé- ment comprimé, car ces points se rapprochent de la ligne mé- diane. Il se développe donc une force d’élasticité; celle-ci se dirige du côté où il y a du jeu, c’est-à dire en arrière, du côté de la surface à trois bosses. Mais si le tergum est poussé en arrière, ilen est de même des petits bras de levier représentés par les ESSAI SUR LE VOL DES INSECTES. 475 tubérosités radiale et cubitale; par suite, les grands bras de levier, c’est-à-dire l’aile proprement dite, seront portés en avant. En résumé, l’aile ne peut pas se porter en bas sans se porter en même temps en avant. Ce mouvement est très souple, par suite du premier pivot et de la membrane interfrontale. La fig. 10 représente plus spécialement le rabattement du bord antérieur du plan radial. Quant au plan postérieur ou tibial, il pivote sur la ligne postérieure en prenant son point d'appui sur le troisième pivot, son principal point d’application étant au coude tergal. Le tergum étant déjà poussé en arrière par le sou- lèvement du ressort antérieur, le plan tibial s’archoute sur le troisième pivot et tourne sa face en avant; ce mouvement lui est permis, car l'extrémité postérieure de sa base est libre de se mouvoir. Son golfe d'évolution est formé d’une membrane molle. Le ressort antérieur a besoin d’espace pour se dégager de dessous la plate-forme ; les branches du V le lui donnent en s’écartant légèrement, mais elles tendent à se rapprocher; même état de tension dans les bords du tergum tirés en haut, en arrière et en dedans. Aussi, à peine la force d’abaissement at-elle cessé, que l’aile, sous l'influence de cette tension, se relève brusquement et reprend sa posilion d'équilibre. Tous ces mouvements peuvent être observés sur le cadavre, et il n’est nullement besoin d’air pour faire mouvoir la base de l'aile. Chabrier donne beaucoup trop d'importance à ce phénomène; il n’a du reste rien déduit de la géométrie de la base de l’aile. Nous reviendrons sur ce mé- canisme en discutant les diverses théories. Continuons l'anatomie de la face externe de la cage ailée. Nous avons déjà vu la partie supérieure des flancs antérieur et moyen, le premier formant le front et la plate-forme ; le second porte en haut une saillie analogue. Le sillon qui le limite en arrière se pro- longe, de même que l’antérieur, en une fourche qui fait bascu- ler l’aile postérieure. Les deux sillons pariétaux se bifurquent aussi, en formant ainsi la limite inférieure des flancs. La rainure longitudinale se continue en arrière par les bords postérieurs du plan postérieur, séparés de l'abdomen par une 476 MÉMOIRES ORIGINAUX. membrane molle. Nos trois flancs, considérés en dessous de la rainure, ont une forme pentagonale qui décidément s’est imposée à l’évolution de l’Æschna. La région inférieure ou sternale, légèrement convexe, est formée par la surface d'insertion des pattes. La charpente en est formée: 1° par la suite des sillons qui viennent aboutir sur la cloi- son médiane ; 2° par cette cloison médiane (g, fig. 6) ; 3° par les segments triangulaires (z,z", fig. 6) situés à la bifurcation des sil- lons ; les trous des pattes (p,p") sont de chaque côté de la cloi- son. En arrière des trous postérieurs, s'étend un plancher formé (a, fig. 5) par les bords inférieurs des flancs postérieurs. Pénétrons dans la cage (fig. 5). Surla ligne médio-sternale, nous voyons un squelette qui sert, tant pour les muscles des ailes que pour ceux des pattes. Il s'étend exactement au-dessus des bords internes de chaque cercle pédieux. La partie principale (B) a la forme d’une selle dont les prolongements latéraux s'unissent à la fourche du stigmale métathoracique (9 g'); sa base est fixée entre les deux segments alaires. En avant, sa pointe s'enfonce entre deux cupules mobiles (2); en arrière, entre deux cupules (&') fixées à cette pointe par leurs bords internes ; ces cupules sont infundibuliformes, échancrées en dehors. L’antérieure a son pied fixé au rebord antérieur du cercle pédieux mitoyen. La pointe postérieure de la selle dépasse les cupules et porte deux forts tendons à sa base; des lendons s’échappent aussi du centre des cupules (x,a'). Comment s’unit le métathorax au prothorax ? Au moyen de deux cercles (b,c) qui n’ont de commun qu’une commissure supé- rieure (0) à la base du front, etune commissurelatérale (p, fig. 5, 6). Au-dessus de cette commissure, le cercle postérieur porte une lame quadrilatère (a) convexe qui descend vers la ligne médiane de façon que les angles inférieurs soient très rapprochés. C'est encore la partie inférieure de ce cercle qui porte le pédicelle de la cupule antérieure ; elle forme en outre, sur la ligne médio- sternale, un épaississement (à, /ig. 6) qui s'enfosceentre les deux pattes mitoyennes. La pcrlion correspondante du cercle antérieur [À ESSAI SUR LE VOL DES INSECTES. 477 limite en arrière les pattes antérieures, mais là nous sommes dans le prothorax, en dehors de notre domaine. Pour les autres détails du sternum, examinons la fig. 5. Nous y voyons de for- tes crêtes (S,S’) correspondant aux sillons externes, la fourche du stigmate gg’ et les godets pariétaux (7,7", fig. 5,6), formés et soutenus par la partie inféro-antérieure des flancs postérieurs et mitoyens. Il nous reste à décrire la face inférieure du tergum (voir fig. 4). Le ressort antérieur présente sur son milieu une épine (u) recourbée en arrière: c’est l’apophyse onguiculée. Il se réunit au ressort postérieur par une surface dont la première partie (jusqu’au niveau du coude tergal) porte une plaquette échan- crée (B) pour l'insertion des muscles élévateurs. En dehors de la surface se trouve une fosse fermée par la base de l'aile; le fond en est en partie masqué par deux cupules situées, l’une en avant, l’autre en arrière de la crête pariétale ; la première (2) tournée en avant, la seconde (;) en arrière, le pédicelle de la première laissant basculer le plan radial, le pédicelle de Ja secontle le plan cubital. Nous voyons beaucoup d’autres tendons s'insérant sur les parois de cette fosse ; leur étude viendra avec celle des muscles. Tout ce que nous disons du mésothorax peut s'appliquer au métathorax. Muscles, — La fig. 11 nous montre une section transversale des principaux muscles, les fig. 12, 13, 14, 15 un aspect lon- gitudinal, les /ig. 16, 17 leurs insertions supérieures, la fig. 5 leurs insertions inférieures. Nous distinguons trois groupes de muscles : 1° vn groupe élévateur (Bsx, fig. 11, 16); 2° un groupe abaisseur pectoral (y/hijk); 3°un groupe abaisseur dorsal (q). Groupe élévateur.— Le muscle 8 s’insère : 1° en haut sur la palette bien échancrée, en forme de lemniscate, palette déjà citée ; 2° en bas sur la selle. Il est donc dirigé de haut en bas, légère- ment de dehors en dedans et d’arrière en avant. C’est un mus- cle élévateur, le Sternali-dorsal. A 478 MÉMOIRES ORIGINAUX. Le muscle (s), bien plus grêle, s’insère : 1° en haut, sur l’échan- crure externe de la palette tergale (B, /ig. 4, 16) ; 2° en bas, au- dessous du Sternali-dorsal. Nous pouvons le dénommer le Petit élévateur, Le muscle (x) reliela palette tergale à l’extrémité de la crête pariétale S. [1 complète l’action du Sternali-dorsal en diminuant la courbure du tergum : c’est l’Élévateur transverse. Groupe Abaïsseur pectoral.— On peut y distinguer un groupe antérieur (Premier pectoral et Petit abaisseur antérieur) destiné à agir sur la portion radiale de l’aile, et un groupe postérieur (Deuxième pectoral, Abaisseurs moyens et Petits abaisseurs posté- rieurs) destiné à agir sur la portion cubitale. Le Premier pectoral (2) s'insère : 1° en bas, non sur une ner- vure, comme le dit Chabrier, mais sur une cupule pédicellée, située en avant de la selle (x, fig. 5) ; 2° en haut, sur la cupule elliptique antérieure (x, fig. 4), dont le pédicelie tire sur lanervure pro-radiale, entre le premier et le deuxième pivot. Le Petit élé- vateur ({) s’insère : 1°en haut, à côté de x; 2° en bas, sur la lame quadrilatère (a, fig. 6). Le Second pectoral (})s’insère : 1° en haut, sur la cupule pos- térieure (y, fig. 4), dont le pédicelle tire sur la nervure cubilale en arrière du troisième pivot; 2° en bas, sur le godet antéro-infé- rieur du flanc moyen (y, fig. 5). Les muscles h et à ou Abaïisseurs moyens s’insèrent : 1° en haut, entre les deux branches de la bifurcation, sur la membrane qui sépare la tubérosité radiale de la tubérosité cubitale. Chabrier leur donne une insertion plus extérne et en fait des Élévateurs : ce sont, pour nous, les Abaisseurs moyens ; 2° en bas, dans la hanche, de chaque côté d’une palette £ (/ig: 6), autour de laquelle tourne la patte d'avant en arrière, de haut en bas, de dehors en dedans. Les petits Abaisseurs postérieurs (k, 7, /ig. 11) sont aussi grèles que les précédents et plus courts. Le plus en dehors X est le plus court ; il s'insère en bas sur une saillie du flanc moyen, au niveau du tiers supérieur ; ilen est de même pour 7, mais au ESSAI SUR LE VOL DES INSECTES. 479 niveau du tiers inférieur (7, fig. 6). [ls s’insèrent tous les deux, en haut, au niveau du coude du ressort postérieur (1, fig. 16). Groupe Abaisseur dorsal.—1] n’a pour représentant que le mus- cle (g, fig. 16, 17).Ils’insére en avant sur l’apophyse onguiculéew, en arrière, à côlé et en dedans de la palette postérieure. Il est, par sa direction, analogue aux muscles dorsaux des autres insectes. Son homologue existe dans le deuxième segment alaire ; Chabrier l’a cherché ea vain. Nous pouvons l’appeler le muscle Dorsal.— Citons encore ls muscle Fwlcro-basilaire, situé dans la base tibiale, qui sert à relier les deux portions de la base de l’aile et à brider leur écartement dans le maximum d'abaissement. Nous pourrions faire pour les muscles de l'aile postérieure une explication semblable. La fig. 16 montre l’homodynamie des mus- cles au point de vue de leurs insertions supérieures et infé- rieures. Le Petit abaisseur antérieur (/’) s’insère en bas, sur la branche postérieure de la fourche du stigmate {9', fig. 6). A la pointe même dela selle sternale s’insèrent deux paires de mus- cles qui se dirigent en arrière et en dehors, l’une en bas, l'autre en haut, pour s'appliquer sur le côté postérieur des flancs pos- térieurs. Ces muscles paraissent destinés à rétrécir ou dilater l'entrée du thorax (E, F, /ig. 15). Nous avons donc en tout 52 muscles. A la rigueur, les Pectoraux («y) suffiraient pour déterminer une vibration complète. L'élas- ticité du tergum pourrait leur servir d’antagoniste. Le concours des autres muscles apporte la souplesse et la variété des angles d'incidence. Nous avons fini la description anatomique des segments ailés de la Libellule. Ce sera pour nous un puissant levier dans la dis- cussion qui va suivre. Borelli ‘, le premier, donne une théorie sur le vol. Elle peut se réduire aux propositions suivantes: 1° L'action de l’aile est comme celle d’un coin ; 20 L’aile consiste en deux portions : une porlion antérieure rigide et une portion postérieure flexible ; { Borelli ; De motu animalium; in 4°, ? vol. Rome, 1680. 480 MÉMOIRES ORIGINAUX. 3° La flexion ascendante de la portion postérieure a pour résultat nécessaire un transport horizontal du corps de l'oiseau ; 40 Pour résister à la pesanteur, les ailes frappent verticalement en bas. Les idées de Borelli ont été adoptées par la majorité des ana- tomisles suivants. Chabrier ‘, lui, ne se préoccupe nullement des détails qu'il a si soigneusement exposés pour en déduire la nature de l'in- cidence sur l'air: 1° Les muscles élévateurs cessant d’agir, les ressorts du tergum brusquement détendus et les muscles rele- veurs de l’abdomen donnent à l’animal une force centrifuge et élévatrice. Gette action est secondée par les muscles abais- seurs, qui, prenant un point fixe sur la base des ailes, attirent en haut le sternum; 2° Les pectoraux cessant d'agir, les ailes sont remises en position verticale par l’abaissement du tergum et la contraction des élévateurs. Cette théorie est singu- lière en ce sens que les pectoraux sont considérés, non comme abaisseurs des ailes, mais comme élévateurs du sternum ; il n’y aurait pour les ailes qu’une période d'activité correspondant au coup asceadant ; pendant l’élévation du corps, l'aile serait passive. Petigrew lui reproche de négliger les muscles élévateurs ; mais, loin de les négliger, nous trouvons qu'il en a abusé. Le duc d’Arsyl?, Owen”, Macgillivray*, Bishop”, Liais* Girard, adoptent les idées de Borelli. Pour eux, l’aile frappe perpendi- culairement vers le bas. L’anatomie de la Libellule nous montre au contraire la marge antérieure de l'aile se portant en avant en décrivant une courbe. Strauss-Durkheim compare l'aile à une tige rigide suivie d’un voile ; il lui fait aussi frapper l'air perpendiculairement. 1 Chabrier ; Essai sur le vol des insectes, (Mémoires du Muséum d'Histoire naturelle, VI, VII, VIIL.) 2 Le duc d'Argyl, « Reign of Law » Good ivords, 1865. 3 Owen; Anatomie comparée. 4 Macgillivray ; Oiseaux de la Grande-Brelagne. 5 Bishop; Art. Mouvement, de l'Encyclopédie d'Anatomie et de Physiologie. 6 Liais; Sur le vol des oiseaux et des insectes (Annales des Sciences na- turelles.) ESSAI SUR LE VOL DES INSECTES. 481 Enfin Marey‘, tout en apportant une analyse très minutieuse des mouvements de l’aile, ne nous donne pas une théorie nou- velle et différente de celle de Borelli. Il est sans doute préféra- ble, entre une vérité ancienne et une erreur moderne, de choisir la première ; mais encore faut-il démontrer la vérité d’une façon irréfragable. Soit un carré de papier tenu obliquement dans l'air ; âchons-le : il tombera en décrivant une courbe dans le sens de cette obliquité; supposons que cette obliquité vienne à changer de sens, nous avons une chute dans une nouvelle direc- tion. Ce fait exact nous parait être la base de la théorie de M. Marey. L'’aile, pour lui, se réduit à une tige flexible anté- rieure suivie d’un voile membraneux. Ceci posé, abaissons l'aile: par suite de l’inégale résistance à l’air de la tige et du voile, il se forme un plan incliné suivant lequel l’aile descend ; relevons l’aile : pour les mêmes motifs, il se forme un plan incliné de sens contraire, suivant lequel l’aile remonte. Un point quel- conque de cette tige décrit une sinussoïde ; il suffit d’un abaisse- ment et élévation allernalifs pour pousser l'aile en avant. La for- malion de courants de sens contraires peut délerminer celle d’une sinussoïde bouclée. Nous reviendrons du reste sur le 8 de chiffre en étudiant les osselets des hyménoptères. Déjà cepen- dant, il nous semble que M. Marey n’a pas tenu assez compte des pièces de la base de l’aile et du tergum ; sans cela, il n'aurait pas donné à l’air une part si importante et à l'animal volant une part si minime. Il est parfaitement exact que l'appareil musculaire peut, à la rigueur, se réduire à des muscles Élévateurs et à des muscles Abaisseurs, mais cela dans plusieurs directions obliques. De plus, l’anatomie de l’Æschna nous a montré une propulsion toute mica- nique, due au jeu du tergum. Il est encore exact qu’une partie de l’aile postérieure fuit en arrière dans le coup descendant; mais quelle partie? Il était important de le préciser. La partie posléro-supérieure seule fuit 1 Marey; La machine animale, Germer—Baillière, 1882, 48? MÉMOIRES ORIGINAUX. et se tord suivant une ligne de résistance variable, suivant la nature et la vitesse de l’aile. Au contraire, la partie postéro- inférieure, le plan tibial, se porte en avant, prêt à recevoir la colonne d'air frappé et à s'appuyer sur elle. Il est exact qu'avec la théorie de M. Marey l’animal s’avancera; la sinussoide qu'il décrira sera plutôt descendante qu’ascendante, son aile ayant trop peu de prise sur l'air frappé. Il est facile d'obtenir cette sinussoide descendante chez un insecte voilier quelconque. Il suffit pour cela, avec de fins ciseaux, de détruire l'angle des plans radiaux et cubitaux. L’insecte peut alors s’avancer..., mais en tombant '. Petitgrew * a des idées très différentes de celles des auteurs précédents. Il tient compte de l'anatomie de la base de l’aile ; de à, une théorie plus complète. Il attribue le transport horizontal : 1° à ce fait que les ailes, à la fois pendant l'élévation et l’abais- sement, sautent en avant suivant des courbes qui, eu s’unissant, forment une courbe ondulée continue ; 2° à la construction des ailes (ce sont des vis ou hélices élastiques qui se tordent et se détordent quand elles sont mises en vibration, et tendent à porter en haut et en avant tout poids qui y est suspendu ; 30 à la réaction de l’air sur les faces inférieures des ailes, qui agissent toujours comme des cerfs-volants ; 4° à la force toujours variable qui pousse les ailes et qui est la plus grande au commencement du coup descendant, la plus petite à la fin du coup ascendant ; 5° à la contraction des muscles volontaires et des ligaments élasti- ques ; 6° à l’effet produit par les surfaces diversement inclinées, formées par les ailes durant leurs oscillations ; 1° au poids du corps. Cette dernière force agit sur l’aile de la même façon que sur notre morceau de papier. Examinons ces diverses propositions, Le n° {° est exact et con- forme à la structure du levier radial. Marey aussi donne la courbe ondulée ; seulement il laisse à l’air la cause exclusive de sa formation, c’est-à dire de la propulsion ; 20 La comparaison RS 1 Note présentée à l'Académie des Sciences par le D' Amans, avril 1883. 2 Petitgrew; La locomotion chez les animaux, ESSAI SUR LE VOL DES INSECTES. 483 de l’aile à une hélice nous semble juste. L'étude de l’Æschna, du Bourdon et du Sirex, des Locustes, Criquets, etc., etc., ne nous laisse aucun doute à cet égard. La ressemblance est surtout frappante chez ia grosse Sauterelle femelle de Saigon. Les ailes antérieures, qui ne mesurent pas moins de 8 à 10 centim. de longueur, forment une surface gauche hélicoïdale très remar- quable. Marey reproche à Petitgrew de se laisser entrainer par une simple apparence: « Ea admettant, dit-il, que l’aile pivote sur son axe, cette rotation se borne à une fraction de tour, puis est suivie d’une rotation de sens inverse, qui dans une hélice détruirait complètement l’effet produit par le mouvement précé- dent. » Ce n’est point une réfutation : notre vilebrequin ne tra- vaille pas dans le bois, mais dans l'air. Notre hélice, dans le coup descendant, présente à l'air sa concavité, dans le coup ascendant sa convexité. Or, il résulte des expériences de Didion! que, si l’on fait mouvoir dans l’air une surface courbe dont la flèche est comprise entre le tiers et le quart de la largeur, la résis- tance, quand la convexité est tournée en avant, n’est que les 0,77 de celle qu'éprouverait une surface plane égale à la projection de la surface courbe perpendiculairement au mouvement ; tandis que lorsque c’est la concavilé qui est en avant, la résistance est représentée par 1,94, celle de la surface plane étant 1. Par con- séquent, le coup d’aile ascendant aura à lutter contre une force bien moindre que le coup descendant, et l’elfet produit sera une propulsion suivant l’axe de l’animal. 3° La comparaison à un cerf-volant jure avec la précédente. Un cerf-volant est une surface rigide, un plan incliné tenu en équilibre par la tension d’une corde, la pesanteur et la résistance de l'air. Supposons un courant aérien dirigé contre la surface inférieure du plan incliné ; ce courant est nécessaire, sinon celui qui tient la corde est obligé d’en créer un, et alors nous entrons dans la première hypothèse. Dans ce cas, la résultante du poids et de la poussée aérienne est normale à la surface ; si le courant TT —————————pZ ef, 1 Didion ; Lois de la résistance de l'air sur les projectiles, 48! MÉMOIRES ORIGINAUX. augmente d'intensité, le cerf-volant monte sur le grand cercle décrit avec la corde comme rayon; s’il diminue d'intensité, le cerf-volant descend sur ce grand cercle, tend à devenir vertical et à tomber. Si on lâche de la corde, le cerf-volant monte poussé par une force normale dans le sens du rayon; mais, tout en montant, il décrit une courbe plus basse que la direction de cette force, car il a aussi à lutter contre la pesanteur et la résistance de l’air supérieur. On ne pourrait guère comparer ces phénomènes à ceux de l'aile que dans l’action de planer, car alors les ailes sont immo- biles et forment une surface inclinée. Les autres propositions se déduisent tout naturellement de la forme en hélice combinée avec l’action des muscles et le poids du corps. En somme, la théorie de Petitgrew nous semble plus conforme à l'anatomie que celle de Marey. Pour mieux dire, il y a du vrai dans toutes les théories que nous avons examinées; et, d’un autre côté, toutes nous semblent pécher par la base de l’aile. Voici les réflexions que nous inspire } Æschna. 1° Coup descendant. — Les Sternali-dorsaux cessant de se con- tracter, le lergum se détend brusquement ; les Pectoraux se contractent, chacun suivant sa direction particulière, et ceci n’est pas indifférent, l’antérieur tirant beaucoup plus en avant. Sous l'influence des Pectoraux et de leurs satellites, le plan antérieur de l’aile est porié en avant et en bas, l’extrémité de l’aile décri- vant un are de grand cercle oblique par rapport à l’axe de l’ani- mal, et venant s'appuyer dans l’espace au-delà du niveau de la tête. Une large commissure chitineuse (p®', fig. 7, 8) indique le niveau du point d'appui ; c’est elle .qui relie la nervure radiale à la nervure cubitale, c’est d’elle que part la ligne de moindre résistance. Cette ligne, qui a frappé M. Marey, existe réellement, mais dans la partie postéro supérieure seulement, car le plan postérieur ou tibial, loin de s'échapper en arrière et en haut, se porte lui aussi en bas et en haut, mais moins vite en avant, à cause de la direction de son pectoral ; de plus, la portion tibiale ESSAI SUR LE VOL DES INSECTES. 485 s’écarte un peu de la portion radiale à la fin du coup descendant, ce qui augmente la torsion de la base de l'aile. En résumé, l'aile s'enfonce comme une vrille dans l'air, s'empare de la colonne d’air frappé par son extrémité antérieure, la refoule graduellement vers le plan postérieur. L’extrémité de l’aile frappant l’air avec la plus grande vitesse, et par suite avec la plus grande intensité, se fixe dans l’espace pendant que la colonne d’air vient soulever l'animal par les aisselles et le projeter en haut et en avant. 2° Coup ascendant. — L’hélice se détord sous l’action du tergum et des Élévateurs; comme elle présente à l'air supé- rieur des surfaces convexes, sa force d’impulsion donnée par le coup descendant n’est pas sensiblement ralentie. L'animal a gagné du terrain etse prépare à recommencer. Ailes artificielles. — C'est la morale obligée de toute étude sur le vol. Les ailes arlificielles de Borelli, de Marey, sont con- formes aux théories de leurs auteurs : une tige rigide suivie d’un voile membraneux. Les expériences do Marey sont très ingénieuses, surtout au point de vue de la transmission des forces au moyen d’un courant d'air comprimé. [l a réussi ainsi à faire tourner un appareil mobile autour d’un axe vertical; mais ce n’est pas là le cas d’un appareil véritablement aérien, et, dans ce cas, nous conservons des doutes sur l’efficacité de ses ailes. Petitgrew a construit une aile ondulée spirale qui se tord etse délord pendant son action, pour former une vis ou une hélice mobile. L’aile peut être mise en mouvement par la vapeur à l’aide d’un piston à action directe. La marge antérieure de l’aile est formée par un roseau élastique courbé de haut en bas; à cette marge sont attachés des roseaux élastiques amincis qui rayonnent vers l'extrémité de l’aile et se courbent également de haut en bas. Ces derniers sont disposés de manière à donner à l’aile un certain degré de spiralité, les marges antérieures et postérieures étant disposées en divers plans de manière à paraître se croiser. L’aile est attachée au côté du cylindre et sa racine s’y meut dans une articulation en boule. Des chaines mobiles 3e sér., tom, Ii. 94 486 MÉMOIRES ORIGINAUX. relient la base de la tige aux extrémités opposées du piston ; des cordes élastiques supérieures et inférieures aident à élever et à abaisser l’aile. On voit que l’auteur a senti la nécessité d’appli- quer certaines substances élastiques à la base de l’aile et que cette base peut se mouvoir dans tous les sens, contrairement aux ailes de Marey. La surface de l'aile est aussi très différente; étant convexe supérieurement, elle est plus efficace. Petitgrew a donc tenu compte de ce fait, que l'aile véritable est une surface gauche hélicoïdale, à concavité inférieure, et dont la base se meut dans plusieurs plans verticaux. Mais est-ce tout ? Que signifie donc cette insertion spiralée de la base des ailes ? Comme nous avons pris la peine de le démontrer pour l’Æs- chna, et comme nous le démontrerons pour les autres insectes, la base de l’aile forme une sorte d'angle dièdre ; les deux plans basculent en avant et en bas dans le coup descendant: L'air vient frapper le plan postérieur, où une nervure transversale munie d’un voile lui résiste. Chez les Hyménoptères et Orthoptères, une membrane fait suite au plan postérieur; elle est fixée aux parois du corps, relie l’aile antérieure à la postérieure; l'air s’y engouffre et la force de propulsion est augmentée. L'auteur anglais a négligé ce détail, qui doit avoir son importance, puis- que nous le trouvons chez tous les insectes ; en le négligeant, il construit une base d’aile toute nue, exactement comme celle de Marey. La surface de l’aile a beau être hélicoïdale, nous ne voyons pas sa grande supériorité sur celle de Marey, car celle.ci devient aussi successivement tendue et détendue sous la résis- tance de l’air. L’aile ondulée peut, il est vrai, tourner dans tous les sens à ia base ; mais [à encore la direction de cette rotation est réglée uniquement par l'air, et ce n’est pas là le cas des in- sectes, dont la volonté est souveraine en pareille matière, du moins dans les diverses directions compatibles avec les muscles. Si nous voulons reproduire cette volunté, tâchons au moins d'imiter ses instruments. Si nous avions à imiter l’Æschna, par exemple, nous commencerions par construire une carcasse ESSAI SUR LE VOL DES INSECTES. 487 ovoïde, très allongée, en baudruche, soutenue par des cerceaux élastiques. Un des cerceaux pourrait nous servir à imiter la crête pectorale et sa bifurcation terminale. Notre aile se com- poserait de deux nervures : une tige flexible, amincieà l'extrémité, représenterait la nervure radiale; une tige semblable, mais moins forte, représenterait la nervure tibiale. Une membrane de baudruche ou de toute autre substance jugée préférable, sera tendue entre les deux nervures et en arrière de la seconde. Quelques nervures transversales me serviront à limiter la ligne de moindre résistance ; la baudruche ira en s’a- mincissant vers le bord postérieur. Je ne tordrai pas la surface de cette aile, mais j’en disposerai soigneusement les plans de la base, de manière à faire mon dièdre etson angle d'insertion. Les bases de mes tiges seraient fixées : la première entre le premier et le second pivot, la seconde sur le troisième pivot par des articulations en boule. De petits bras de leviers se continuant en dessous et en avant, viendront s’articuler avec un dôme élasti- que fixé au plancher par deux cordes élastiques {les analogues des Sternali-dorsaux). Le second bras de levier de chaque tige serait saisi au-dessus des pivots par un moteur spécial. La direc- tion du moteur, la topographie générale de la carcasse, seraient conformes autant que possible à la nature. Quant à la nature du moteur, nous nous adresserions à l'électricité. Un appareil très simple permettrait de réaliser les premières expériences. Suppo- sons un Pectoral coupé transversalement, de maniêre que deux barreaux soient en regard au niveau de la section et susceptibles d’être alternativement attirés et repoussés. À chaque alternative correspondront une élévation et un abaissement des ailes; le poids de la carcasse ne sera pas bien augmenté, puisqu'un simple fil le reliera au moteur. On pourrait ainsi faire une première série d'expériences dans lesquelles on anaiyserait les phénomènes du vol avec une incontestable supériorité de méthode. Nous n’avons tenu compte, comme moteurs, que des Pectoraux et des Sternali- dorsaux, mais les expériences nous montreraient la nécessité ou linutilité de telle autre pièce anatomique. 488 MÉMOIRES ORIGINAUX. Une autre disposition enccre plus simple : Tàchons simplement de réaliser le dôme élastique avec le mode d’articulations que nous avons décrit. Faisons mouvoir ce dôme par la méthode de Marey, c’est-à-dire par de l’air alternativement comprimé et di- laté. Une machine électrique pourrait être aussi employée. L’expé- rience nous apprendra bientôt les meilleures dispositions à em- ployer. Nos idées, onle voit, ne sont pas basées sur une théorie pro- prement dite. Une théorie rationnelle sur le vol ne peut être for- mulée qu'après des dissections variées et de nombreuses expé- riences sur la résistance de l'air, Les lois de cette résistance sont encore dans la brume, et, quant à l’anatomie, nous n’oserions partir d’un seul type d’insecte pour lancer une théorie. Mais en attendant que la théorie arrive, nous avons l’Æschna sous la main : c’est peut-être l’insecte au vol le plus rapide ; le nombre de ses vibrations est de 28 à la seconde, sa vitesse n’est pas in- férieure à celle de l’hirondelle. L’Æschna nous a révélé, non sa théorie, mais les détails de sa machine ; nos idées sont donc pra- tiques et peuvent être le point de départ d'expériences fécondes. Ce n’est point un idéal, mais c’est un premier pas à l’abri d'aussi nombreuses déceptions que celles des Henson, Strongfellow, Philips, Nadar, De La Lancelle, Giffar, et autres chercheurs de navigation aérienne. Fic. 1. Face supérieure et externe du premier segment alaire. a mem- brane située entre les deux branches du V; b plate-forme; C, premier pivot ; d ressort antérieur ; e partie convexe du tergum ; f coude tergal; g ressort postérieur ; à dépression ter- gale; k surface à trois bosses ; 4 homologue de la plate-forme ; R tubérosité radiale; C tubérosité cubitale; A B diamètre longi- tudinal de la tubérosité radiale. L’aile est représentée dans l’abaissement. On voit ses six nervures. Fi. 2. Face supérieure et externe des segments alaires, les ailes en po- sition de repos. abe, deFghRC comme dans la #g. 1 ; © sillon de la plate-forme ; o crête frontale ; m niveau de la bifureation ESSAI SUR LE VOL DES INSECTES, 489 du sillon mésothoracique; m’ niveau de la bifurcation méta- thoracique ; # rainure longitudinale ou limite supérieure des flancs. FiG. 3. Creux de l’aisselle de l’aile antérieure droite ; ablmnok comme dans la fig. 1; S sillon mésothoracique ; S’ sillon métathoraci- que; c,cC; premier, second et troisième pivots; ss's” saillies des nervures externes. Fic. 4. Face supérieure et interne des segments alaires. B palette d’in- sertion du Sternali-dorsal ; « cupule d'insertion du Premier pectoral © y.... du Second pectoral ; w%' apophyses ongui- culées. FiG. 5. Plancher sternal méso et métathoracique. a lame quadrilatère : c anneau prothoracique; b anneau métathoracique s’unissant au précédent en o et en p, c’est la porte d'entrée de la cage alifère ; d, pointe antérieure ; d, pointe postérieure de l’apo- physe d'insertion du Sternali-dorsal ; 8 surface de cette inser- tion ; : son union avec la cloison qui sépare le cercle moyen des pattes du cercle postérieur ; gg’ fourche du stigmate ; « cupule du premier Pectoral; «, son pédicelle ; y godet d'insertion du Second pectoral ; £ apophyse d'insertion des Abaisseurs moyens; e tendons des muscles Sternali-abdominaux; À limite inférieure des flancs postérieurs; f des flancs antérieurs; p cercle des pattes mitoyennes ; p' des pattes postérieures ; ss’ stigmates. Fic. 6. Autre aspect de la j£g. 5, mêmes lettres, mêmes indications. Seulement, j'ai enlevé le squelette supra-sternal. Il ne reste alors que le stroma g, situé entre les cercles des pattes; l’anneau d'entrée b envoie une pointe médiane X entre les deux cercles mitoyens. Fic. 7. Aile antérieure. Comparer les lettres avec celles dela fig. 1. La nervure antérieure forme une sorte de sinussoïde à grand rayon de courbure. æy représente la ligne de moindre résistance à l'air ; ? représente un épaississement chitineux, correspondant au point d'appui dans l'air; v est un petit voile attenant à la nervure postérieure. Fic. 8. Aile postérieure. J'ai dessiné seulement la charpente de l'aile. Fic. 9. Rapports approximatifs des têtes articulaires, l'aile étant au repos. Soit æy la ligne de terre, située dans un plan passant par les rainures longitudinales (n fig. 2); ce. cs est une ligne idéale joignant les trois pivots ; la ligne d,fg, représente à peu près les bords du tergum (voir fig. 1}, elle passe par l'extrémité 490 MÉMOIRES ORIGINAUX. du ressort antérieur,par le coude tergal et par le pliant du res- sort postérieur. Cette figure montre les rapports à peu près exacts des têtes articulaires à l’état de repos. Fic, 10. Positionde la nervure antérieure avant et après l’abaïssement. Soit æy la ligne de terre dans un plan horizontal passant par la plate-forme à (30° environ sur celui dela figure précédente) ; ABC est le commencement de la nervure antérieure; AB est le diamètre de la tubérosité radiale ; Mest une des branches du V ; æ est la pointe de la plate-forme. FiG. 11. Section transversale des muscles du vol. « Premier pectoral ; Z Petit abaisseur antérieur ; 8 Sternali-dorsal ; s Petit élévateur ; Rkiabaisseurs moyens ; y deuxième pectoral; y petits abaisseurs postérieurs. Fig. 12-13-14-15. Aspect longitudinal des mêmes muscles. La fig. 15 nous montre : 1° les muscles dorsaux gq s’insérant aux apo- physes unguiculées ; 2° les muscles E et F constricteurs du flanc postérieur, c’est la limite postérieure du flanc postérieur méta- thoracique ; Test la cloison médio-longitudinale du sternum. F16. 16. Insertions supérieures des muscles du vol. Outre les muscles de la fig. 11, nous voyons les muscles dorsaux gg' et les mus- cles transversaux æx'. Dans la fg. 17, nous pénétrons plus inti- mement dans le creux de l’aisselle. (Dans les deux figures, c’est le côté gauche qui est représenté ; Les lettres ont, du reste, la même signification que dans les figures 11,12, 13, 14 et 15. OBSERVATIONS SUR QUELQUES ANNÉLIDES DE L'ÉTANG DE THAU Par M. H. ROBIN. Le phénomène de la phosphorescence est extrèmement fré- queut chezles Annélides Chétopodes el a été signalé par la plupart des auteurs qui se sont occupés de ce groupe ; M. de Quatrefages 1 Claparède rapporte cette espèce au genre Syllides d'OBrsted ; mais, comme l'a récemment montré Langerhans, elle doit au contraire se placer dans le genre Pionosyllis de Malmgren. (Laugerhans ; Die Wurmfauna von Madeira — Zeitsch. f. wiss. Zool., XXX, 1879, pag. 543.) ANNÉLIDES DE L'ÉTANG DE THAU. 491 et récemment M. Panceri l’ont étudié d’une manière spéciale. Pendant mon séjour à la Station zoologique maritime de Cette, où M. le professeur Sabatier a bien voulu me recevoir durant les mois de juillet et d'août derniers, j’en ai pu constater des exemples nombreux chez des types variés d’Annélides errantes ou même sédentaires. Je n’ai pas fait, au point de vue physiologique, d’ob- servations nouvelles sur la prodaction de la lumière ; je dois cependant faire remarquer que j'ai observé la phosphorescence chez des larves polytroques indéterminées avant que les tissus d’origine mésodermique soient différenciés, ce qui me paraît ren- dre peu probable la théorie qui attribue la production de lumière à la contraction musculaire. Mais, tandis que la plupart des Annélides phosphorescentes sont relativement rares à Cette ou du moins isolées, il en est une qui, par son abondance, détermine la phosphorescence des rivés de l’étang de Thau: c’estle Pionosyllis pulligera, brièvement décrit par Krohn*, qui l'a trouvé à Villefranche, étudié depuis d’une façon plus complète par Claparède * à Port-Vendres. Outre la propriété d'émettre de la lumière, j'ai pu, grâce à l'abondance des matériaux, constater chez cette espèce quelques particularités anatomiques intéressantes, ce qui me détermine à en reprendre la description pour la compléter. J’y joindrai celle d’une autre Annélide de petite taille qui vit avec elle et présente les mêmes mœurs, et que je rapporte avec doute à la Grubea limbata de Claparède. Ces deux espèces sont particulièrement abondantes dans l'étang de Thau, à l'extrémité de la jetée qui protège à l’est le chenal de la mer à l'étang. Pour se les procurer, il suffit de recueillir en cet endroit les feuilles de Zostères rejetées au rivage ou d’arracher les Ulves des rochers et de les agiter dans une cuvette de porcelaine au fond de laquelle on recueille les Annélides avec une pipette. 1 Krohn; Ueber Syllis pulligera eine neue Art. (Archiv. für Naturgeschichte, XVIII, 1852.) 3 Claparède ; Glanures zootomiques parmi les Annélides de Port-Vendres. (Mé- moires de la Sociélé des Sciences physiques et naturelles de Genève, XVII, 1864.) 492 1 MÉMOIRES ORIGINAUX. PIONOSYLLIS PULLIGERA, Krohn. La description et les figures que Krohn donne de cette espèce sont si imparfaites qu’il me paraît bien difficile de la reconnaître, et en donnant ce nom à l'espèce que j'ai observée, je ne pfétends la rapporter qu'à celle décrite et figurée dans les Glanures zootomiques et identifiée par Claparède au type de Krohn. La forme des palpes soudés dans leur tiers inférieur, diver- gents et étalés dans leur partie libre ; la longueur considérabie, la forme irrégulière et vermiforme des antennes, de l’un des deux cirres tentaculaires et des cirres dorsaux ; la largeur et la briè- veté du pharynx, sont des caractères indiqués ou figurés par Cla- parède et qui permettent bien de reconnaître l'espèce. Je mai cependant jamais remarqué l'alternance régulière de cirres plus longs et plus courts qu'indique Claparède. La longueur des cirres est très variable et parait tenir à leur extrême fragilité, qui fait que chaque individu présente toujours de nombreux cirres en voie de rédintégration. Je n’ai non plus jamais trouvé, chez les individus adultes, plus de 22 à 24 segments, quoique, d’après Claparède, leur nombre chez les mâles soit de 24 à 28. Outre deux taches pigmentaires, il existe quatre yeux, les deux yeux de chaque côté étant très rapprochés. Contrairement à l’as- sertion de Claparède, les yeux postérieurs sont pourvus d'un cristallin volumineux et dirigé en dehors ; ce cristallin est seu- lement plus enfoncé dans le pigment, et par conséquent moins visible que celui des yeux antérieurs. Le fait le plus intéressant observé par Claparède est l’exis- tence chez le mâle adulte, dans les segments antérieurs à ceux qui renferment les testicules, d'organes très différents constitués par la juxtaposition d’un grand nombre de tubes aveugles qui semblent partir tous d’un même point, Quoique tenant ces organes pour évidemment glanduleux, il a vainement cherché un canal excré'eur s’ouvrant à l’extérieur. Pour le savant genévois, ces organes existent seulement dans les segments antérieurs à ANNÉLIDES DE L'ÉTANG DE THAU. 493 ceux qui renferment les testicules, et sont les homologues de ces organes : il pense qu’il n’est pas improbable que ces organes doivent être considérés comme des organes segmentaires très modifiés, dont les testicules ne sont eux-mêmes que des transfor- mations. J'ai retrouvé ces organes, qui n'existent qu’à l’état adulte et probablement chez les mâles seuls, mais qui coexistent avec les testicules dans un grand nombre d’anneaux, quoique ne s’étendant pas aussi loin en arrière. Ge sont des organes à peu près sphéri- ques ou un peu allongés dansle senstransversal,constitués,comme l’avait vu Claparède, par un grand nombre de cæcums qui diver- gent d’un même point. Mais en ce point il existe un pore assez large bordé par un bourrelet et ouvert à la partie antérieure et dorsale du parapode. Autour de ce pore, sur un espace assez éten- du, le tégument est revêtu de cils vibratiles. L’organe est par conséquent une glande pédieuse. Elle ne peut être considérée comme homologue à un testicule, puisqu'elle se rencontre sou: vent dans un même segment avec un testicule bien constitué. Quant à l'hypothèse que ce serait un organe segmentaire modifié, je ce puis ni l’infirmer ni la confirmer : je n’ai pu trouver nulle part, dans le Pionosyllis pulligera, d'organes segmentaires vrais ; cependant la transformation serait très considérable si elle était vraie. D’après Krohn et Claparède, la femelle porte ses œufs fixés sur le dos de deux en deux anneaux et les jeunes éclosent avec la forme Chétopode ; je n’ai pas observé de femelle à cet état, quoique j'en aie rencontré plusieurs dont les œufs contenus dans la cavité générale paraissaient mûrs, Les femelles étaient d’ail- leurs beaucoup plus rares que les mâles MM. Marion et Bobretzky ‘ attribuent avec doute à cette espèce une Annélide du golfe de Marseille qui atteint une taille de 9 à 147% et possède jusqu'à 54 segments sétigéres ; la trompe s'étend 1 Marion et Bobretzky ; Annélides du golfe de Marseille. (Ann. des Sc. nat. 6e sér., Il, 1875, pag. 31.) 3e sér., tom. 11. 39 494 ANNÉLIDES DE L'ÉTANG DE THAU. jusqu’au onzième segmert. Ces caractères me semblent devoir rendre l'assimilation impossible, et si l'espèce de Marseille est réellement un Pionosyllis Syllides (Glap.), c’est une espèce non décrite, à moins que ce ne soit le P. divaricata de Keferstein. GRUBEA LIMBATA, Claparède La Grubea qui accompagne le Pionosyllis pulligera, quoique ressemblant beaucoup à la Grubea limbata de Claparède, s’écarte sur plusieurs points importants de la description de cet auteur, et ce n’est qu'avec doute que je la rapporte à la même espèce. Les différences les plus importantes sont le fait que l’anneau buccal est parfaitement distinct en dessusaussi bien qu’en dessous, et la direction du cristallin des yeux postérieurs tournée en dehors et non en arrière ; le corps, quoique plus allongé (4°°,5 au lieu de 2°%,5), ne compte que 25 segments sétigères et non 27 chez les individus complètement adultes ; enfin la couleur est orangée ou rougeâtre. Le revêtement chitineux de la trompe est tantôt épaissi et crénelé à son bord libre, tantôt au contraire régulière- ment aminci et comme tranchant, ce qui ne peut par conséquent pas fournir un caractère spécifique. Le corps est sensiblement cylindrique, présentant partout, excepté à l'extrémité postérieure, un diamètre de 1/3 de milli- mètre. Les cirres dorsaux sont tous de même longueur, y compris celui du second segment. Chez les individus non adultes cepen- dant, le dernier ou les deux derniers pieds en voie de dévelop- pement sont différents des autres et ressemblent à ceux de la Grubea fusifera figurée par M. de Quatrefages" (il ne me parait pas impossible que cette figure représente elle-même un individu incomplètement adulte). Le segment anal ne porte pas de soies, mais seulement deux cirres un peu plus allongés que ceux des anneaux sétigères. La tête porte deux palpes soudés sur la ligne médiane dorsale 1 De Quatrefages; Histoire naturelle des Annelés, pl. vu, fig. 16. ANNÉLIDES DE L'ÉTANG DE THAU. 495 en un seul lobe à peine échancré à sa partie antérieure, écartés, au contraire, en une large gouttière à la face inférieure, et trois antennes, deux insérées sur les côtés et près du bord antérieur, etune médiane près du bord postérieur. Des six yeux, les deux antérieurs, simples taches pigmentaires allongées, sont placés près de la base des antennes paires ; les quatre autres, beaucoup plus grands et pourvus d’un cristallin cylindrique très saillant dans les yeux antérieurs, plus enfoncé dans le pigment dans les yeux postérieurs, sont situés plus en arrière. Les antennes et les deux paires de tentacules portés par l’an- neau buccal sont fusiformes, le renflement basilaire étant granu- leux, l’extrémité au contraire limpide et transparente. Les cirres sont plus longs et régulièrement coniques, jamais moniliformes, uniformément granuleux. Chaque pied est constitué par un lobe sétigère assez saillant, ua grand cirre dorsal et un court cirre ventral conique. Les mou- vements du lobe sétigère entraînent le cirre ventral, mais sont indépendants de ceux du cirre dorsal, sur lequel la rétraction complète du lobe sétigère n’a même pas d'influence. Chaque pied porte un faisceau de soies composées à article terminal en serpe à une seule pointe, de la forme ordinaire chez les Syllidiens ; le nombre de ces soies est en général de sept, quelquefois moins, et en arrière un fort acicule conique terminé en pointe mousse qui ne traverse pas la cuticule. Le follicule de l’acicule est très pro- fondément situé, et à l'état de rélraction atteint presque la ligne médiane. Quoique ayant observé un grand nombre d'individus, je n’ai rien trouvé qui puisse rappeler les « faisceaux de longues soies capillaires dorsales» (Pubertats-bortsten de Langerhans), que Claparède à observées chez un mâle adulte. Dans des cas rares, il y a dans quelques-uns des pieds deux acicules au lieu d’un seul. Le tube digestif ressemble à celui des autres Grubea et des Syllidiens d’une manière générale. Deux masses glandulaires jaunâtres, situées sur le côté de l’anneau buccal, paraissent dé- boucher sur le bord de l’orifice buccal et mériteraient le nom de 496 MÉMOIRES ORIGINAUX. glandes labiales ou de glandes salivaires, à plus juste titre que los organes qui sont d'ordinaire désignés ainsi. La trompe qui occupe les trois premiers segments est colorée par un pigment rougeâtre (dans un individu, je l’ai trouvé d’un beau vert de Bo- nelli foncé), interrompu sur une étroite bande annulaire vers son tiers postérieur, et tapissée d’une épaisse cuticule réfringente et souvent renflée et crénelée à son bord libre ; quelquefois, au contraire, mince et comme tranchante. Un stylet médian, situé à quelque distance en arrière du bord libre de la trompe, consti- tue toute l’armature buccale. Une couche glandulaire assez épaisse revêt extérieurement la trompe et verse le produit de sa sécré- tion dans sa gaine. Puis vient un proventicule ou gésier à parois musculo-glanduleuses extrêmement épaisses, présentant environ vingt bandes de glandules et occupant deux segments et demi. Le ventricule est très court et reçoit les produits de secrétion de deux glandes arrondies (glandes salivaires de M. de Quatrefages) et fait place à un intestin tapissé d'une couché hépatique brune et peu étranglé au niveau des lignes interannulaires. L'intestin uri- naire de Claparède, dont la couleur jaune-clair tranche avec la couleur brune de l’inteslin biliaire, occupe les trois derniers seg- ments. Comme M. de Quatrefages l'avait signalé chez la Grubea fusi- fera, il existe dans cette espèce un vaisseau dorsal assez gros et très net. J’ai pu m’assurer que ce vaisseau, au moins dans la partie antérieure du corps, donne dans chaque anneau une bran- che de chaque côté. En avant, il se bifurque en deux branches qui descendent latéralement dans l'anneau buccal et forment une sorte de collier à la gaine de la trompe. Malheureusement, l’opa- cité de l'intestin, jointe à l'extrême transparence du vaisseau dor- sal, que l’on ne distingue guère dans cette région que parses contractions, ne m'a pas permis d'observer sa terminaison posté- rieure. Les éléments du sang ne paraissent d’ailleurs pas diffé- rer de ceux du fluide périviscéral, et il est possible que les deux systèmes communiquent entre eux. Je n’ai pas observé l’apparition des produits sexuels ; en voie ANNÉLIDES DE L'ÉTANG DE THAU. 497 de développement, ils remplissent la cavité générale dans toute la portion postérieure du corps en arrière du huitième segment. La femelle, comme M. de Quatrefages l’a déjà observé chez la Grubea fusifera, porte les œufs fixés à la partie dersale de la base de ses pieds par un court pédoncule réfringent. En général, il y -a sur chaque pied un seul œuf, rarement deux ; dans ce cas, les œufs sont aplatis sur la face adjacente par compression récipro- que et les pédoncules sont accolés. Le pédoncule paraît adhérer à l’orifice par lequel les œufs ont été expulsés. L’opacité des œufs ne permét pas de suivre le développement. De même que chez le Pionosyllis pulligera et les autres espé- ces qui portentainsi leurs œufs, les jeunes naissent avec la forme Chétopode et ne passent pas par une forme larvaire. A la sortiede l'œuf, le jeune présente une tête bien développée, mais non dis- tincte de l’anneau buccal, un premier segment apode tranchant sur le reste du corps par son aspect granuleux, trois segments pourvus de pieds sétigères et un segment anal. La tête présente déjà les trois antennes et les deux paires d’yeux à cristallin, mais non les taches pigmentaires. En arrière des yeux, sur les côtés, on observe deux dépressions bien limitées et tapissées de cils vi- bratiles analogues aux fossettes ciliées des Némertiens. M. de Quatrefages signale des organes semblables chez la Grubea fusi- fera adulte, mais il m’a été impossible de les retrouver à l’état adulte dans l’espèce de Cette. Le segment buccal indistinct et le segment opaque et granuleux qui lui fait suite, sont dépourvus d'appendices. Au contraire, les trois segments qui suivent possè- dent des pieds pourvus de soies avec un cirre dorsal qui ne dé- passe pas la longueur du lobe sétigère ; enfin le segment anal apode porte deux cirres un peu plus longs que les cirres dor- saux des pieds. La trompe n’est pas encore constituée. La Grubea n'a pas de générations alternantes. (Extrait du Bulletin de la Société philomathique de Paris.) 498 LES CHROMATOPHORES DES ALGUES Par Fr. SCHMITZ. Recherches comparées sur la structure et le développement des corps chlorophylliens et des corps colorés analogues chez les Algues. (Suile et fin.— Voir le numéro de mars 1883.) DIviSiON DES CHROMATOPHORES. — L’accroissement des chro- matophores est généralement limité. Il se continue longtemps, puis s'arrête simplement ou bien se termine par la bipartition. Dans les cellules végétatives qui s’accroissent rapidement, il y a alternance régulière des deux phénomènes, pour le chromato- phore comme pour la cellule elle-même. Mais dans celles qui deviennent des cellules durables ou qui s2 transforment en cel- lules reproductrices, l’alternance de l'accroissement et de la divi- sion devient irrégulière ; tantôt l’une, tantôt l’antre, prend le dessus, jusqu’à ce qu'enfin, par latransformation en cellules dura- bles, tout processus s'arrête. À la reprise de la végétation, l’al- ternance redevient régulière. Cette division est le plus souvent une binartition, rarement une multipartition. Dans les deux cas, la division est tantôt égale, tantôt inégale. Le processus de la division varie chez les diverses algues ; tous les cas particuliers peuvent cependant se ramener aisément à deux types principaux qui se répètent partout sous des formes plus ou moins modifiées. Le procédé le plus simple est l’étranglement. Le chroma- tophore s’allonge plus ou moins. Au moment de la division, un sillon annulaire apparaît à la surface externe ; d’abord peu pro- fond, ce sillon s’accentue de plus en plus. Le chromatophore subit ainsi un étranglement progressif, et l’isthme qui réunit ses deux mpitiés se rétrécissant toujours davautage, devient un mince filament (/ig. 21,°) qui se partage en deux ; les deux CHROMATOPHORES DES ALGUES. 499 moitiés du chromatophore se séparent et s’éloignent plus ou moins. Le rétrécissement peut conserver sa longueur primitive jusqu’à la fin de la division ; il arrive aussi qu'il prend la forme d’un filament diversement allongé et délié qui réunit plus ou moins longtemps les deux moitiés en voie de séparation, jus- qu'à ce que, s'étant rompu en un point quelconque, la division soit consommée. Tandis que dans ce mode de division la substance du chro- matophore primitif en voie de bipartition se rétrécit en un filament étroit qui s2 rompt ensuite, le second type est essentiel- lement caractérisé par la séparation du chromatophore sans con- traction préalable. Le chromatophore, sur le point de se diviser, s’allonge un peu perpendiculairement au plan de division. Sa substance, jusqu'alors finement réticulée, offre des rayures lon- gitudinales plus ou moins apparentes et, par suite de la fusion plus ou moins complète des fibrilles étirées du réseau, se montre formée, tantôt d’un petit nombre de fibres, tantôt d'un grand nombre de fibrilles déliées et parallèles ; dans certains cas cette structure rayée est trop fine pour pouvoir être aperçue à l’aide des moyens acluellement à notre disposition. Ces fibres grosses ou fines s’étirent plus ou moins pendant la séparation des deux moitiés, et, se rompant plus ou moins tardivement, amènent la division complète du chromatophore ; ou bien l’on voit, par l’ob- servation directe, une division simultanée et uniforme du chro- matophore, sans qu’ilaitété possible de reconnaitre le phénomène dans tous ses détails. Dans le dernier cas, les deux portions ont, après la division, leur face de séparation entièrement unie. Dans le premier cas, au contraire, les fiprilles parallèles s’étirent plus ou moins avant la division, et ensuite le bord des deux moitiés séparées du chro- matophore paraît dentelé par les extrémités plus ou moins lon- gues des fibrilles. Des fibrilles de protoplasma hyalin s’attachent très souvent à ces dentelures (fig. 15). La différence entre les deux modes de division consiste essen- tiellement en ce que, dans le premier cas, la substance du chro- 500 MÉMOIRES ORIGINAUX. matophore primitif se rétrécit en un seul cordon épais, pour se partager ensuite, tandis que dans le second cas elle se différencie, soit en nombreuses fibres relativement épaisses, soit en un très grand nombre de fibrilles déliées qui se divisent finalement à la manière du cordon unique. Ces deux procédés de division se combinent très diversement l’un avec l’autre. A côté de l’étranglemernt et de la fragmenta- tion typiques, on trouve les formes les plus variées de la divi- sion avec le mélange des deux types. Il arrive aussi, assez fré- quemment, qu’au moment où la division va avoir lieu, il se produit à la surface du chromatophore un rétrécissement annu- laire qui n'arrive pas jusqu’à l’étranglement ; mais, le second type intervenant alors, la fragmentation s’accomplit, autant que mes observations me permettent de l’afärmer ; ce mode de divi- sion est le plus fréquent pour les petits chromatophores discoïdes. Dans d’autres cas, le retrécissement annulaire est assez prononcé lorsque la fragmentation s'opère. Ailleurs (dans les grands chro- matophores discoïdes) ilse forme une fragmentation locale, limi- tée d’abord à la formation d’une fissure ; celle-ci s’élargit ensuite en une brèche plus ou moins grande, et ce n’est que plus tard que la séparation des deux moitiés achève la division du chro- matophore. | À côté de ces combinaisons variées de l’étranglement et de la fragmentation, l’on voit fréquemment et très généralement les chromatophores des mêmes algues se diviser, tantôt suivant l'un, tantôt suivant l’autre de ces deux types. Dans certains cas, l’un des procédés de division prédomine si bien qu'il paraît quelque- fois exclusif ; mais chez la plupart des algues on trouve réunis les procédés les plus variés, soit qu'ils se produisent simultané- ment dans la même cellule, soit qu'ils se succèdent dans les diverses phases de la vie de cette cellule, soit enfin qu'ils soient répandus dans les diverses cellules de la même plante. Dans les cas même où l’une des formes de la division paraît dominer exclusivement, il serait possible, en s’y appliquant avec persévérance, de trouver des formes aberrantes. CHROMATOPHORES DES ALGUES. 501 Dans le cours de cette division, chaque faisceau de filaments et de fibrilles s’allonge assez jusqu’au moment de sa séparation complète, ainsi que je l’ai déjà dit. Il en résulte que les fragments du chromatophore s’étirent en pointes plus ou moins longues, ou bien leur bord paraît garni de dentelures plus ou moins saillantes. Les pointes et les dentelures qu'offre la substance colorée du chro- matophore sont fréquemment, une fois la division accomplie, reliées par des fibrilles denses de protoplasma hyalin, et plus tard les fibrilles leur restent même adhérentes (fig. 15). Je n’aipu me convaincre que ces fibrilles hyalines tirent leur origine de la substance du chromatophore ; peut être sont-elles produites par les prolongements colorés des filaments et des fibrilles. Il me paraît plus simple de n’y voir que des fibrilles denses du protoplasma ambiant, fibrilles qui offrent précisément les mêmes caractères que celles que l’on voit souvent s'insérer à la surface du noyau. Il faut ajouter quelques détails à cette description générale de la division du chromatophore. Les petits chromatophores discoïdes qui existent dans la majo- rité des algues unicellulaires, s’allongent un peu et subissent en leur milieu un léger rétrécissement annulaire. Cette première phase de la division se retrouve très-fréquem- ment chez les Biddulphiées (Biddulphia, Triceratium, Amphi- tetras, Amphipentas) et chez les autres Bacillariacées, chez les Microspora, Botrydium, Vaucheria et autres Chlorophycées ; on l’observe encore chez un grand nombre de Phæophycées (Fucus, Haligenia, Elachistea, etc.) et chez beaucoup de Floridées (Calli- thamnion, Spermothamnion, Griffithsia, Bornetia, Nitophyl- lum, etc.). À ce retrécissement succède parfois un étrangle- ment complet; mais le plus souvent la division du chromato- phore se termine par la scission brusque du retrécissement ; le bord des deux moitiés séparées se montre, tantôt garni de den- telures plus ou moins évidentes (très apparentes chez les Botry- dium), tantôt entièrement lisse (la plupart des Floridées). Les deux nouveaux chromatophores ainsi produits atteignent bientôt 90? MÉMOIRES ORIGINAUX. la dimension du chromatophore primitif et s’éloignent l’un de l’autre. A ces petits chromatophores discoïdes, il faut joindre les chro- matophores allongés ou rubanés qui se divisent en segments égaux ou inégaux. On en trouve chez beaucoup de Phæophycées (Ectocarpus) et aussi chez beaucoup d’espèces de Floridées. Chez ces plantes, la division se fait en général plutôt par étranglement que par scission, et l’on voit par exemple, dans les grandes cellu- les internodales des Ceramium, toutes les phases dela division du chromatophore avec un retrécissement plus ou moins al- longé. La division s'opère de la même façon chez ces chromatopho- res lorsqu'ils renferment plus de pyrénoïdes ou d’amas d’ami- don : ils s’étranglent peu à peu transversalement, et l’ensemble des pyrénoïdes et des amas d’amidon se divise en deux parts qui se répartissent chacune dans un des fragments du chroma- tophore. Ce processus s’observe chez les Urospora, Mesocarpus, Spirogyra, etc. Le phénomène de la division se complique chez les grands chromatophores discoïdes, qu'ils aient des pyrénoïdes ou amas d’amidon, ou qu'ils en soient dépourvus. Ici également il se forme une fissure au milieu du chromatophore sans amener de division (Œdogonium, Draparnaldia). Au commencement de la division, de telles fentes prennent naissance par une fissure locale et limitée du chromatophore ; puis ces fissures s'étendent et se confondent avec les sillons plus ou moins profonds produits par le retrécissement de la surface des disques ; les chromato- phores arrivent ainsi à prendre des formes très élégantes, par exemple dans les cellules caulinaires du Draparnaldia glomerata, chez beaucoup d’espèces d’ŒÆ'dogonium, etc., tandis quedes exem- ples plus simples d’unetelle conformation se retrouvent chez beau- coup de Bacillariacées (Pinnularia viridis, d'après Pfitzer). Chez les Siphonocladées, la division des chromatophores s’ac- complit d'une manière un peu différente, selon qu'il s’agit @e la bipartition des petils disques subanguleux ou de la multipartition CHEROMATOPHORES DES ALGUES. 503 des grands disques chlorophylliens que ces végétaux renferment. C’est dans le premier cas que le mode de division est le plus conforme au développement typique (Valonia, Chætomorpha).Sans qu'il y ait eu au préalable un étranglement annulaire, la sub- stance du chromatophore paraît, dans le cours de la division, éli- rée en un certain nombre de filaments courts et parallèles. Ceux-ci s’allongent encore un peu, puis se rompent successivement ; les fragments pourvus d'un bord dentelé s’éloignent alors l’un de l’autre, restant seulement réunis par d’épaisses fibrilles proto- plasmiques qui partent de chacune des denticulations (fig. 15). Il arrive encore assez souvent, en particulier dans les cellules âgées pourvues d’une couche chlorophyllienne interrompue et réticulée, qu'une partie de la substance du chromatophore se ré- trécit en un ou plusieurs filaments épais et se sépare plus ou moins ;, ces filaments se rompent ensuite et laissent le fragment détaché pouvu de dents aiguës. S'agit-il au contraire de la mul- ipartition des grands disques chlorophylliens, ainsi qu’on latrouve de loin en loin, quand les chromatophores ont cessé de se divi- ser, dans les cellules des Siphonocladées, des fissures simultanées tou successives se produisent dans toutes les directions et décou- pent les disques en gros fragments dissemblables. Toutes ces fissures laissent voir les bords finements dentelés des fragments, ainsi qu'on l'a vu à propos de la bipartition des petits disques. Dans tous ces cas, la division du chromatophore se fait indépen- damment des amas d'amidon qu’il renferme et sans les intéresser en aucune manière ; seulement, d’après le sens de la division, ils échoient à l’un ou l’autre des fragments. Les phases de la division se passent essentiellement comme dans les cas précédents, pour les chromatophores qui possèdent un seul pyrénoide médian ou un seul amas d’amidon, même s’il y a quelque différence extérieure. La principale différence que l’on trouve ici consiste en ce que la division du chromatophore est précédée de la division du pyrénoïde, c’est-à-dire de l’amas d’a- midon. Celte dernière division est souvent accomplie lorsque l'étranglement marginal du chromatophore commence (Tetraspora 504 MÉMOIRES ORIGINAUX. lubrica), ou bien l'étranglement est déjà sensible avant que la division du pyrénoïde soit terminée (Goniwm tetras, d’après Gohn). Dans les deux cas, la division du pyrénoïde, c’est-à-dire de l’a- mas d’amidon, coïncide régulièrement avec celle du chromato- phore : ces deux phénomènes ne sont pas seulement simultanés, mais sont dans une dépendance mutuelle plus ou moins étroite, sans que cela amène de déviation essentielle daus le mode de division primitif. Il en est de même dans la bipartition des chromatophores étoilés, qu'il s'agisse d’un simple étranglement ou d’une sépara- tion complète. Le chromatophore se divise d’abord par le milieu, après quoi l’on voit se multiplier les prolongements étoilés des deux moitiés (Zygnema) par le dédoublement longitudinal des rayons préexistants (comme on l’observe très bien dans les corps étoilés de Licmophora flabellata) ; dans d’autres cas, c’est le nombre des rayons qui augmente en premier lieu par division du bord, c’est-à-dire par une formation nouvelle de prolonge- ments étoilés, puis le chromatophore se partage transversale- ment (Cosmarium, Staurastrum et autres Desmidiées); enfin il est des cas où la même division partage d'abord les prolonge- ments rubanés du chromatophore, puis le chromatophore lui- même. L'existence de pyrénoïdes et d'amas d’amidon complique dans tous ces cas la marche de la division, mais d’une manière identique à celle que nous avons décrite à propos des chromato- phores discoïdes, et sans que cela exige une mention particulière des détails. On trouve chez un grand nombre d’Algues les modes les plus variés de division des chromatophores et les conformations les plus irrégulières se mêlent aux formes les plus régulières. Les cellules tubulaires des Vaucheria en fournissent des exemples : on y trouve assez souvent, au milieu des petits disques chloro - phylliens plus ou moins allongés, des chromatophores de forme très élirée ou étranglée çà et là, à la suite d’une division pro- longée ou incomplète; d’autres fois, par suite d’un accroisse- ment rapide de l’isthme qui réunit les deux moitiès séparées par CHROMATOPHORES DES ALGUES. 505 l’étranglement, les chromatophores sont pourvus de longues pointes. Les longues cellules tubuleuses du Bryopsis plumosa (fig. 21), et particulièrement leur portion caulinaire, offrent au contraire des formes très variables. Leurs petits mais épais chromatophores discoïdes sont tantôt ovales, tantôt fusiformes, et contiennent ré- gulièrement un seul pyrénoïde avec ou sans enveloppe amyla- cée. Fréquemment, la division de ces corps se fait simplement par une scission médiane et transversale, pendant que le pyrénoide se partage en deux portions égales, soit en même temps, soit un peu plus tôt (fig. 21°). Mais, très fréquemment aussi, j'ai vu les chromatophores se multiplier de la manière suivante : il se forme d’abord près de l’une des extrémités un faible étranglement an- nulaire, puis le petit fragment s'accroît, et lorsqu'il a atteint la dimension du grand, il s’en sépare par scission (fig. 21, *,*,°, 7). Le pyrénoïde se divise d'ordinaire peu avant cette sépa- ration (rarement de meilleure heure) en deux portions inéga- les (fig. 21, *,°,"); la plus petite se rend dans le petit fragment du chromatophore et se sépare avec lui. On observe assez fré- quemment que l’étranglement se produit avec beaucoup de len- teur à l'extrémité du chromatophore, tandis que l'éloignement des deux parties fait allonger toujours davantage l’isthme qui les unit et le réduit à l’état de filament mince ; à la fin, les deux fragments sont terminés par uae extrémité longuement atténuée, ou bien ils restent réunis par un cordon assez long (fig. 21, *). Dans d’autres cas (dans les vieilles tiges en particulier), tout le chromatophore se transforme par un allongement continu en un long corps fusiforme, terminé en pointe aux deux extré- mités ; en même temps, le pyrénoïde unique qu'il renferme se par- tage, par divisions répétées, en deux, trois ou même quatre pyré- noïdes ou amas d’amidon qui produisent autant de renflements locaux dans le chromatophore. On observe des variations de même nature dans la division des chromatophores de beaucoup d’autres algues ; il en résulte le développement de formes très diverses (Ceramium, Polysipho- 506 MÉMOIRES ORIGINAUX. nia, ete.) Aussi dois-je laisser ici de côté l’énumération détaillée de toutes les formes isolées que présente l’histoire des diverses Algues. Les phénomènes décrits à propos de la bipartilion égale ou inégale vont se reproduire dans la division du chromatophore en plus de deux fragments. Elle se fait en partie par un simple étran- glement du bord du chromatophore primitif qui le divise en plu- sieurs articles, en partie aussi par le concours de fissures et de déchirures qui se rattache au type de la scission. La multiparütion s’observe assez rarement dans les cellules végétatives des algues. On ne la trouve dans le cours normal de l'accroissement, d’après mes propres observations, que dans les grands disques chlorophylliens que nous avons vus exister parfois dans les cellules des Siphonocladées. Il peut arriver exception- uellement et rarement du reste (cellules allongées des Siphonées) que les fragments du chromatophore commencent à se diviser de nouveau avant que la première division soit terminée (fig. 21,°). J'ai vu au contraire à plusieurs reprises, chez les Floridées con servées en culture (notamment chez les Polysiphonia), que les rubans chlorophylliens étroits de leurs cellules âgées se rédui- saient en un grand nombre de petits disques empilés, dont la pré- sence donne aux cellules un aspect extérieur tout particulier. Dans ce cas, la division est évidemment la conséquence de ce changement dans l’aspect extérieur et s'éloigne du cours normal du développement. La multipartition des chromatophores est un phénomène fré- quent dans la formation des cellules reproductrices (zoospores), aux dépens d’une cellule mère renfermant un ou plusieurs grands chromatophores. De la bipartition régulière et répétée des chro- matophores sans accroissement des fragments produits (Ulothrix sonata), on passe, par tous les intermédiaires, à la multipartition simultanée des chromatophores (Urospora mirabilis, cellules d’Ulva), de même que dans le phénomène de la division cellu- laire chez les diverses espèces d’Algues l’on observe tous les passages entre la bipartilion répétée et la multipartition simul- tanée de la cellule. CHROMATOPHORES DES ALGUES. 507 Lorsque les chromatophores possèdent un seul pyrénoiïde ou un seul amas d’amidon, les divisions successives de ces deux corps se succèdent très étroitement, ainsi qu'on l’a vu. La frag- mentation du pyrénoïde n’est alors que la préface de la division du chromatophore. Je ne suis pas éloigné de croire que le premier phénomène n’est pas seulement l’avant-coureur du dernier, mais aussi qu’il en est la cause efficiente ; de même qu’en présence du fait analogue de la coïncidence de la division du noyau et du proloplasma cellulaires, on a été amené à penser et on pense aujourd’hui que le noyau ne prépare pas seulement la division cellulaire, mais qu’il la produit; que le noyau est, en un mot, l'organe spécial de la multiplication de la cellule. Cette interpré- tation est en complète contradiction avec ce qui a lieu dans les chromatophores pourvus de plusieurs pyrénoïdes : ici la division du chromatophore est entièrement indépendante de la division des pyrénoïdes. Mais ce qui montre dans les deux cas que la signi- fication des pyrénoïdes est la même, c’est que l’on trouve des formes d’algues chez lesquelles les individus jeunes ont dans leurs cellules isolées un seul chromotophore pourvu d’un unique pyrénoïde, tandis que les individus plus développés possèdent des chromatophores à deux pyrénoïdes et davantage (Ulothrix zonata). Si les pyrénoides nus ou enveloppés d'’amidon ne peuvent être considérés comme la cause efficiente de la division des chro- matophores, on peut se demander, en retournant la proposition, si la division des pyrénoïdes est produite par l'influence des chromatophores. Gette question se lie étroitement à celle qui a été posée précédemment (pag. 336) à savoir : si le pyrénoïde est formé ou non de substance vivante, et naturellement, dans ce der- nier cas, si sa division est purement passive et produite par la sub- stance qui l’environne. Cette dernière question, pas plus que la précédente, ne peut être décidée sûrement à l’aide des faits con- aus jusqu'ici. Mais les faits connus se concilient également bien avec cette supposition, que le pyrénoïde renferme en lui-même l'impulsion nécessaire à sa division ; comme avec cette seconde 508 MÉMOIRES ORIGINAUX. supposition, que la substance ambiante du chromatophore influe sur le pyrénoïde vivant pour l’amener à une division active ; et aussi avec cette dernière, que le pyrénoïde, dépourvu de vitalité propre, est simplement divisé par la substance du chromato- phore. On peut aussi se demander si la division du chromatophore lui-même est produite par l’activité de sa substance propre ou par l'influence du protoplasme cellulaire qui l'entoure. Les deux suppositions sont fondées. Tandis que le fait, observé chez les Chlamydomonas et autres algues semblables, de la division du chromatophore à la suite de la division de la cellule plaide en faveur de la dernière interprétation, la fragmentation répétée des chromatophores sans division apparente du protoplasme dans les grandes cellules des Characées, Siphonées, etc., fait plutôt supposer une multiplication indépendante et active des chroma- tophores. Mais les deux raisons älléguées n'ont, comme on le voit aisément, aucune valeur démonstrative absolue. Il en est de même des autres raisons que l’on a pu déduire de temps à autre des faits en question : un auteur isolé peut, grâce à elles, consi- dérer comme plausible l’une ou l’autre interprétation, mais elles ne lui fournissent aucune preuve certaine. Dans ces circonstan- ces, il est certainement plus convenable de s'arrêter provisoire- ment aux faits accessibles et de considérer simplement la mul- tiplication du chromatophore par division comme l'expression de l’activité vitale que l’on voit se manifester dans toute l'éten- due de la cellule, sans s’occuper à rechercher si la cause la plus prochaine de ce phénomène est dans le chromatophore lui-même ou dans le protoplasma ambiant. Il me paraît d’ailleurs très vrai- semblable de supposer que la masse entière de la cellule vivante (protoplasma, noyau et chromatophores) forme un tout doué d'activité vitale, dont les diverses parties fonctionnent comme organes du tout et non comme des corps différents et agissant indépendamment les uns des autres. NAISSANCE DES CHROMATOPHORES. — On ne trouve dans les CHROMATOPHORES DES ALGUES. 509 cellules des algues aucun mode de maltiplication des chromato- phores autre que celui que j'ai décrit dans les chapitres précé- dents. Cette affirmation contredit ce que l’on trouve aujourd’hui dans les manuels sur la reproduction des corps chlorophylliens, à savoir : que dans beaucoup de cas ces corps naissent du proto- plasma de la cellule. Des recherches comparatives très étendues m'ont démontré que ces données reposent sur des erreurs, au moiss en ce qui concerne les algues. Ici la multiplication des chromatophores est toujours une division, jamais une formation nouvelle. Ce fait sera mieux démontré par quelques exemples. Dans les cellules végétatives colorées des thalles articulés, l’ob- servation la plus superficielle prouve déjà que les chromato- phores se multiplient par division. [L n’y a pas la moindre preuve en faveur de la formation nouvelle. Il en est ainsi et sans excep- tion pour toutes les cellules végétatives des filaments de Spirogyra, Mesocarpus, Microspora, Conferva, Chætomorpha, Urospora, Ulo- thrix, Schizogonium, Hyalotheca, etc., des Bangia, Erythro- trichia, etc.; pour les Cladophora, Ectocarpus, Callitham- nion, etc. ; cela est aussi vrai pour les thalles des Colecchæte, Ulva, Monostroma,Anadyomene, Dictyota, Cuttleria, Nitophyllum, Delesseria, etc.; il en est de même pourles thalles épais, multi- cellulaires, des Fucus, Chorda, Laminaria, Polysiphonia, Lau- rencia, elc., etc. Il est plus malaisé de décider la question en ce qui concerne les cellules incolores qui forment le thalle de nombreuses algues. I faut ici bien distinguer les diverses parties du thalle qui peu- vent être incolores. Et d’abord, les parties profondes du corps des Algues à thalle épais apparaissent presque incolores ou entièrement hyalines, comme chez beaucoup de Floridées et de Phæophycées. Or, par une recherche attentive, on peut voir que les cellules de ces régions hyalines du thalle renferment des chromatophores très faiblement colorés ou presque incolores, qui échappent à une observation superficielle grâce à leurs faibles dimensions et à leur 3e sér., tom. 11 36 510 MÉMOIRES ORIGINAUX. nombre très restreint dans des cellules distantes les unes des autres (par exemple dans l’intérieur de la tige des Haligenia bul- bosa, Bifurcaria tuberculata, etc.). Les chromatophores inco- lores se comportent du reste comme ceux qui appartiennent aux cellules des parties colorées du thalle et se multiplient comme eux par division. Quand un nouveau développement commence dans ces parties incolores du thalle, les nouveaux filaments cellu- laires (filaments cellulaires secondaires qui sont si répandus dans les algues à thalle épais) bourgeonnent, ou bien des bour- geonnements et des ramifications prennent de nouveau naissance dans le sein du thalle ; en même temps, les chromatophores su- bissent de nombreuses divisions, se colorent vivement et donnent ainsi aux jeunes tissus nouvellement formés l’aspect des autres parties du thalle. Dans les parties âgées du thalle qui ont perdu leur couleur et dont les cellules ne sont plus susceptibles d’ac- croissement, l’on chercherait en vain des chromatophores en voie de formation, puisque les anciens ont péri : il ne se formeici pas plus de nouveaux chromatophores que de nouvelles cellules. Il en est de même des poils hyalins qui couvrent plus ou moins abondamment le thalle d'un grand nombre d'algues. Malgré le manque de coloration qui paraît les caractériser, certains de ces poils renferment des chromatophores colorés, visibles par un fort grossissement, bien que dans certains cas leur coloration puisse être plus faible que dans le reste du thalle (par exemple dans les longs poils des filaments rameux des Chætophora, Dra- parnaldia, Ectocarpus, Elachistea, etc.). Dans d’autres cas, les chromatophores sont pendant l’accroissement de ces poils encore moins colorés, et il est à la fin impossible de les distinguer (par exemple dans les poils du conceptacle du Fucus vesiculosus). Dans d’autres cas enfin, notamment dans les poils isolés si géné- ralement répandus sur le thalle des Floridées, on ne peut recon- naître clairement des chromatophores que dans les premières phases du développement de ces cellules ; il arrive même qu'on ne puisse les reconnaître avec certitude, tandis que dans les poils entièrement développés on ne les trouve plus (Batrachospermum, CHROMATOPHORES DES ALGUES. 511 Nemalion, Helminthocladia, Helminthora, Callithamnion, elc.). On ne trouve jamais de formation nouvelle de chromatophores dans ces poils. Les rhizoïdes hyalins des algues offrent les mêmes différences que les poils. Dans certains de ces organes, les chromatophores disparaissent complètement. Dans un grand nombre, les chroma- tophores persistent dans les cellules isolées. L’intensité de la co- loration des chromatophores diminue encore ici pendant le déve- loppement des rhizoïdes ; les chromatophores s’amincissent, se retrécissent et deviennent même presque invisibles, mais ils exis- ‘tent pourtantet offrent,par une recherche attentive, un corpsréelle- ment différencié (beaucoup de Floridées). Ils conservent surtout la faculté de s’accroîire à nouveau, de former de la matière colo- rante, et dese multiplier par division quand la cellule elle-même vient à former un système radiculaire, comme cela a lieu si fré- quemment chez les grandes algues (Siphonocladées, Phæophycées et Floridées), Je n’ai jamais vu de ramifications se produire chez les rhizoïdes qui ne renferment pas de chromatophores. L'étude du méristème offre plus de difficultés. Si les cellules du méristème sont colorées, il n’est pas difficile de prouver que les chromatophores se forment par division (Batrachospermum, Callithamnion, Griffithsia, Monospora, Sphacelaria, Halopteris, Dictyota, Castagnea, Cladophora, Draparnaldia, etc.). Mais dans les méristèmes hyalins, il est difficile de décider de quelle ma- nière se forment les chromatophores des jeunes cellules provenant du méristème, et une recherche incomplète pourrait faire croire momentanément qu'il y a formation nouvelle. Mais une recherche attentive à l’aide de grossissements plus forts conduit à des résultats tout différents. Dans quelques cas, on peut démontrer aussi dans les plus jeunes cellules du méristème la présence de chromatophores différenciés, qui sont, il est vrai, petits et faiblement colorés, mais qui s’accroissent etse multiplient comme ceux des parties âgées du thalle (Ceramium, Helmin- thora, etc.). Mais ailleurs, l’observation des chromatophores presque incolores ou entièrement incolores contenus dans les cel- 512 MÉMOIRES ORIGINAUX. lules du méristème, devient très difficile et exige l'emploi des plus forls grossissements et une grande attention dans le manie- ment de la vis micrométrique du microscope. Les Characées à méristème complètement hyalin m'ont offert sous ce rapport la plus grande difficulté. J'ai longtemps cherché en vain des chromatophores bien définis et clairement reconnais- sables dans les cellules terminales, quand je croyais même les apercevoir (Chara, Nüitella, Tolypella). Je suis enfin parvenu à reconnaître, d’abord chez le Chara fœtida, qu’il existe, dans la couche protoplasmique des cellules terminales, des chromatc- phores disciformes, bien définis malgré leur faible dimension : ils sont d’ordinaire extrêmement peu colorés; j'ai pu ainsi me convaincre que le méristème des Characées contient des chro- matophores tout formés, quoique extrêmement difficiles à dis- tinguer. Le fait de la présence constante, dans les méristèmes des algues, de chromatophores tout formés, bien que les cellules soient tout à fait incolores, permet de donner une explication simple de la naissance des chromatophores colorés dans les parties âgées du thalle, Ceux-ci proviennent des premiers par une division répé- iée, en même temps que leur coloration devient de plus en plus foncée. Mais rien ne vient encore à l’appui de la formation nou- velle. Cette règle que les chromatophores des tissus jeunes diffèrent toujours des chromatophores adultes, lesquels étaient eux-mêmes peu apparents et presque incolores lorsqu'ils faisaient partie d'un méristème hyalin, ne s'applique pas seulement aux cellules ter- minales des thalles en voie d’accroissement, mais encore aux amas cambiaux qui, chez les algues, sont répandus dans les parties âgées du thalle. On en trouve un exemple dans les cellules des jeunes nemathécies du Polyides rotundus, qui sont entièment hyalines au début ; mais une recherche approfondie montre clai- rement que ces cellules à peine visibles, minces, contiennent des chromatophores hyalins ; ceux-ci, par la culture des plantes, ne tardent pas à se colorer plus ou moins et à devenir distincts. En CHROMATOPFHORES DES ALGUES. En général, quand les tissus colorés proviennent d'un méristème hyalin, leurs chromatophores colorés naissent des chromatophores incolores du méristème, dans quelque partie du thalle où ce der- nier soit placé. Toutes mes recherches ont confirmé celte pro- position. Ce qui se passe dans les cellules tubuleuses des Siphonées, des Dasycladées et des Siphonocladées, vient compléter les données précédentes sur la présence de chromatophores dans les cellules des méristèmes. Dans toutes les espèces de ces groupes que j'ai pu étudier avec soin (Caulerpa, Bryopsis, Derbesia, Codium, Udotea, Halimeda, Vaucheria, Botrydium, Dasycladus, Valonia, Siphonocladus), j'ai va aisément qu'il n’y a jamais de formation libre dans l'extrémité en voie d’accroissement des cellules tubu- leuses, que les chromatophores y existent au contraire toujours, et que ceux-ci engendrent par division et multiplication répétées la masse entière des chromatophores du thalle. On peut encore démontrer la présence, dans les rhizoïdes plus ou moins hyalins de ces algues, de chromatophores isolés, malgré la faible colora- ration et même la transparence qui les rendent presque invisi- bles : ceux-ci sont, à n’en pas douter, lorsque les rhizoïdes se ramifient à nouveau, la source des chromatophores colorés de ces nouvelles formations. Il n’y a donc, dansles parties végétatives du thalle des algues, aucune preuve en faveur de la formation nouvelle des chroma- tophores. Je dois m’appesantir maintenant sur les cellules reproductrices et les cellules durables des algues, notamment sur les espèces au sujet desquelles la littérature scientifique renferme de nom- breuses données, car les résultats de mes observations ne concor- dent pas avec elles. J’examinerai d’abord les cellules durables qui n’ont pas une origine sexuelle. La formation de cellules et de tissus durables est très répandue chez les algues et a lieu suivant des procédés qui varient dans les divers groupes. À côté des spores durables où des œufs qui se forment, isolés ou en grande quantité, dans des parties déter- 14 MÉMOIRES ORIGINAUX. minées du thalle (Tetraspora, Eudorina, Draparnaldia Stigeoclo- nium), ilse produit fréquemment des propagules mulicellulaires (caractéristiques chez le Sphacelaria tribuloïdes et, d’après Solms, chez le Melobesia callitamnioïdes) ; en outre, des cellules isolées du thalle ou des fragments assez grands (Zygnema, Cladophora), voire même des morceaux entiers du corps végétatif, peuvent se transformer en organes durables. Ces organes sont diversement construits suivant leur destination. Toutes ces formations durables, malgré la différence de leur origine, présentent ce caractère commun, que pendant leur pro- duction les chromatophores s’accroissentetse multiplient si vive- ment qu’ils occupent la plus grande partie de la cellule, à laquelle ils communiquent une couleur beaucoup plus foncée qu'aupara- vant. Les chromatophores se disposent en une couche pariétale continue (cellules palmelloïdes de Stigeoclonium), dont la struc- tureestextrêmement difficile à reconnaître, et donnent à la cellule un aspect tel qu’on la croirait remplie de protoplasma uniformé- ment coloré. Les cellules durables, au moment de leur formation, accumu- lant en elles une grande quantité de malières nutritives et d’au- tres substances. Mais les cellules durables adulles offrent des différences individuelles suivant qu’elles sont organisées pour un long temps de repos et d'inactivité (comme chez la plupart des algues marines qui n’ont pas à redouter une complète dessic- cation), ou qu'elles sont armées pour supporter une complète dessiccation (comme chez la plupart des algues d’eau douce et chez les algues marines, qui habitent à la limite supérieure des flots). Dans le premier cas, la disposition primitive du contenu est à peine changée, sa structure est aussi facile à déterminer ; dans le second cas, non seulement la structure interne est très modifiée, mais l’aspect de la cellule est changé par la formation d'une membrane épaisse, colorée, en partie subérisée ou cuticu- larisée. Toutefois les cellules durables se ressemblent sur un point: leurs chromatophores restent indépendants et bien délimités, CHROMATOPHORES DES ALGUES. 515 mais sont recouverts et cachés par une grande quantité de gout- telettes d'huile, de graisse et de grains mucilagineux. Il est très simple de considérer ces cellules durables comme des ceilules dormantes ou des bourgeons dormants détachés du thalle de la plante-mère, ou comme des portions du tissu qui entrent dans une période de repos (comme cela se voit très sou- vent chez les algues marines brunes et rouges, et assez souvent chez les algues vertes, telles que Anadyomene, Valonia, etc.). Le phénomène est si facile à constater chez les algues marines qu’il ne vaut pas la peine d’en donner des exemples spéciaux. Les cellules durables des Bacillariacées d’eau douce montrent les chromatophores entièrement intacts. Au moment de la trans- formation en cellules durables, il se fait dans la cellule une telle accumulation de matières grasses réfringentes, réduites à l’état de gouttelettes ou de masses globuleuses, que sa cavité en est presque remplie; les chromatophores et le noyau restent avec leur disposition première et sont toujours faciles à reconnaitre. Tantôt la membrane cellulaire n’éprouve aucune modification ; tantôt la cellule, avant d’entrer en repos, forme à l’intérieur de la double membrane primitive une ou plusieurs enveloppes et s’entoure ainsi parfois d'une épaisse cuirasse au-dessous de la première enveloppe. Le phénomène est tout différent chez les algues d’eau douce, et en particulier chez les Chlorophycées. Dans beaucoup de cas il est vrai (Cladophora), une courte recherche permet de reconnaître que, dans les cellules durables, les chromatophores ont été con- servés. Îl arrive aussi (Cl1dophora fracta) quelquefois qu’une production abondante de grains d’amidon dans les chromatophores et de gouttes de matières grasse, ainsi que de grains mucilagineux entre eux, rend difficile à reconnaître la forme propre de ces chro- matophores. Il en est de même dans les vieilles cultures et les accumulations de Spirogyra, Œdogonium, etc... Maisilne s’agit ici que de cellules durables destinées à un long repos et non de celles qui doivent supporter la dessiccation. Chez celles-ci, il se produit d’une part, vers l’intérieur, une euveloppe formée d’une 516 MÉMOIRES ORIGINAUX. membrane à plusieurs assises, en partie au moins cuticularisées; d'autre part, l’on voit s’accumuler entre les chromatophores une grande quantité de gouttelettes réfringentes de matières grasses, plus ou moins grosses, plus ou moins colorées ; les grains d’ami- don qui s'étaient formés, au début, dans le sein des chromato- phores sont employés en grande partie ou même en totalité. Les gouttelettes grasses naissent ensemble dans l’intérieur du protoplasma (soit dans la couche pariétale, soit dans Les trabécules), et non pas dans le suc cellulaire, pas plus que dans les chromato- phores ; leur présence eu si grande quantité augmente les masses protoplasmiques à un tel point qu'elles finissent par se toucher et se souder, oblitérant ainsi fréquemment la cavité cellulaire. Pendant ce temps, les chromatophores, se décolorant en partie, contractent et épaississent leur masse ; non seulement ils restent à l’état de corps indépendants dans l’intérieur de la masse gros- siérement granuleuse de la cellule, mais leurs pyréncides mêmes restent clairement reconnaissables. La cellule durable adulte est d’ordinaire entièrement remplie de protoplasma ; les gouttes réfringentes de matière grasse y sont distribuées en grand nombre ; entre elles se trouvent les chro- matophores avec le noyau groupés comme à l’origine,quelquefois seulement un peu rétrécis et plus ou moins décolorés, et renfer- mant dans certains cas des grains d’amidon isolés. Cette masse protoplasmique grossièrement granuleuse, et par là très peu transparente, estenveloppée à l'extérieur d’une membrane élégam- ment sculptée, formée de plusieurs couches, et colorée ; celle-ci contribue encore à augmenter l’opacité de la cellule durable. Une recherche comparée, faite avec soin sur des cellules dura- bles fraiches ou traitées par les réactifs (les plus convenables sont l'alcool ou l’acide picrique dans l'huile éthérée ou l’acide picrique dans l’hydrate de chloral) permet de reconnaître clairement la structure décrite et de suivre, quand cela est possible, le dévelop- pement de ces cellules, commeje l'ai fait pour celles des Zygnema, Eudcrina elegans, Tetraspora lubrica, Draparnaldia glomeratx. Les Zygnema en particulier, grâce à la forme caractéristique de CHROMATOPHORES DES ALGUES. 17 leurs chromatophores, laissent voir aisément, à l’état adulte, la structure précédente. Parmi ces formations durables asexuées, les formes uni ou pauci-cellulaires, qui sont distribuées d'une manière régulière ment répétée dans des parties fixes et caractéristiques du thalle (Vaucheria geminata, Monospora), sont désignées du nom de spores asexuées, tandis que les autres se distinguent par les noms de bourgeons ou germes dormants, sans que l’on puisse établir de limites précises et absolues entre les deux. Aux premières, il faut joindre les carpospores des Floridées, qui sont distribués de la même manière sur le corps fructifère de ces algues ; il faut distinguer au contraire les spores asexuées dépourvues de poils qui naissent en plus grand nombre dans l’intérieur d’une cellule mère, comme les tétraspores des Floridées et des Dictyotées, les petites spores du Phyllosiphon Arisari. Il y à encore d'ordinaire dans ces cellules sexuées une grande quan- tité de gouttes réfringentes de matière grasse qui cachent la forme des chromatophores et celle du noyau. Mais les chromatophores n’en sont pas moins conservés avec leur forme définie et leur coloration intense. La plupart des algues brunes et vertes possèdent des cellules reproductrices asexuées mobiles, c’est-à-dire des zoospores. Il en est de ces zoospores comme des corps reproducteurs immobiles : ils contiennent des chromatophores définis etindépendants. Mais il est en général difficile de les distinguer comme corps indépen- dants. La masse entière du protoplasma esl très condensée et réduile à la plus petite surface possible, afin de rendre aussi faible qu'il se peut la quantité de matière nécessaire pour former les organes mobiles. Les chromatophores sont aussi très étroitement serrés les uns contre les autres, mais leur forme primitive n’est pas beaucoup changée. L'observation du développement permet de suivre le phénomène du resserrement des chromatophores et de coustater qu'il n’y à jamais dissolulion des chromatophores primitifs, que ceux-ci au contraire prennent part au moins en partie à la for- b18 MÉMOIRES ORIGINAUX. mation des zoospores. Par cette observation, l’on peut encore reconnaître que les pyrénoïdes, quand ils existent, se conservent dans les zoospores, mais sont difficiles à observer ; en outre, que l’amidon qui remplissait le chromatophore s’est dissous et qu’il n’est resté parfois qu’une petite quantité de grains amylacés dans l'enveloppe du pyrénoide, plus rarement dans les autres parties du chromatophore. Ces données sont basées sur un grand nombre de recherches comparées faites sur le développement des zoospores des algues vertes et brunes. J’ai suivi de près la formation des zoospores dans la plupart des groupes de Phæophycées et de Chlorophycées, et obtenu toujours le résultat énoncé plus haut, malgré les asserlions contraires de tous les auteurs ; aussi je ne pense pas qu’il faille généraliser ce résultat et l’étendre à la formation des zoospores de toules les algues. Je crois inutile de donner une description précise du phénomène dans chacun des groupes d'al- ques vertes et brunes ; je crois seulement devoir faire mention des quelques formes chez lesquelles les résultats énoncés peuvent être facilement observés et précisés. Ce sont, parmi les algues vertes, les genres Ulothrix, Urospora, Microspora, ŒEdogonium, Cladophora, Chætophora, Vaucheria sessilis, etc., et les genres Ectocarpus,Chorda, Scytosiphon, Laminaria, etc. , parmiles algues brunes. Les cellules reproductrices sexuées des algues fournissent un résultat tout à fait analogue à celui que nous avons obtenu avec les cellules asexuées mobiles ou immobiles. Elles se rapprochent de celles-ci au point de vue des rapports morphologiques du développement et de l'aspect extérieur, el l’on ne peut aucune- ment les en distinguer au point de vue de la conformation. La même concordance se montre dans la disposition des chromato- phores à l’intérieur de la cellule. Chez les algues dont les cellules de l’un et de l’autre sexe sont semblablement conformées, représentent des isogamètes, les chromalophores se comportent de la même manière que dans les cellules asexuées. Ils se conservent toujours intacts, ainsi que les CHROMATOPHORES DES ALGUES. 519 pyrénoides, tandis que les grains d’amidon diminuent ou même se dissolvent en entier. C’est ce que l’on observe trés clairement dans les cellules sexuées des Conjuguées, Desmidiées et Bacillariées, et fréquemment dans les zoospores sexués des Cladophora, Ulo- thrix, etc... Seulement il arrive parfois que dans les zoospores sexués (Botrydium granulatum), les chromatophores sont recou- verts et cachés par des grains muqueux rouges. Souvent aussi le protoplasma de ces cellules se contracte et s’épaissit tellement que les chromatophores se rapprochent les une des autres et ne laissent plus distinguer leurs limites propres (Achnanthes, Cocconema). Mais une observation attentive du développement permet de voir que les chromatophores de la cellule mère ne se dissolvent jamais, mais qu'ils prennent part directement ou après une divi- sion préalable, à la formation de la cellule sexuée. La plupart des algues possèdent des cellules sexuées de formes différentes et de conformation variée suivant les plantes consi- dérées. Et d’abord, les cellules mâles se comportent diversement. Quelquefois, là notamment où la différence entre les cellules sexuées n’est pas très tranchée, les chromatophores se ressemblent, comme chez les [sogamètes, et ne sont pas modifiés (Scytosiphon tomentarium). Si la différence, s'accroît, les chromatophores des cellules mâles tendent à s’amoindrir, leur couleur diminue d'intensité (Bryopsis) ; ils prennent assez souvent une coloration vert-jaunâtre, et fréquemment ils sont cachés par une masse plus ou moins grande de grains mucilagineux oranges. Dans d’autres cas, les chromatophores des cellules adultes sont entièrement invisibles. C’est ainsi que j'ai vu dans les sporanges mâles du Fucus vesiculosus, au début de leur développement, une grande quantité de petits chromatophoses disciformes bien formés. Dans la suite, le nombre des noyaux s'était accru par des bipartitions répétées, la couleur des chromatophores s'était affaiblie, et eux-mêmes étaient difficilement reconnaissables. Enfin, comme cela arrive dans les sporanges asexuées du Lamina- ria digilata et d’autres Phæosporées, les chromatophores et les noyaux, après la fragmentation du protoplasme de la cellule 520 MÉMOIRES ORIGINAUX. mère, se sont groupés par paires dans les cellules filles. Pendant le cours de la division du protoplasma, on pouvait encore recon- naître dans quelques cas rares un seul chromatophore dans cha- que anthérozoïde presque incolore. Après l’apparition du petit point rouge oculiforme qui carac- térise les zoospores mâles (ainsi que tous les autres zoospores des Phæophycées), je ne pouvais plus en général distinguer le chromatophore, soit qu'il fût masqué par l'éclat et la réfrin- sence de la ponctuation rouge, soit qu'il eût perdu ses limites, ce qui me parait vraisemblable. Les chromatophores des autres algues brunes, distincts au début de la formation des cellules mâles, ne peuvent plus se reconnaître dans les anthérozoïdes adultes. Les jeunes sporanges mâles du Dictyota renferment des chro- matophores très nets, dont la présence leur donne une couleur brun-jaunâtre ; je n’ai pu les retrouver dans les spermaties entiè- rement incolores. La réduction des chromatophores va bien plus loin dans le développement des cellules mâles, qui en sont privées dès le début de leur formation. C’est le cas des anthérozoïdes des Characées. Les anthéridies de ces plantes, dans leurs premiers états for- més de 1 à 4 cellules hyalines, m'ont offert des chromatophores incolores, bien délimités (mais grâce seulement à une recherche minulieuse et à l'emploi des plus forts grossissements). Mais dans l’intérieur des anthéridies adultes, les filaments cellulaires qui renferment en dernier lieu les anthérozoïdes m'ont toujours paru dépourvus de chromatophores ; je n’ai pu non plus distin- guer ces derniers dans les cellules de ces filaments, qui conti- nuaient à se multiplier par division. Je n'ai rien trouvé que l'on püt rapporter à un chromatophore dans les anthérozoïdes qui se forment aux dépens de la masse entière de la cellule, le noyau excepté, et ne laissent ainsi aucune place pour un chro- matophore. C’est de la même manière que, d’après mes observations, les anthérozoïdes de Vaucheria prennent naissance, mais sans que CHROMATOPHORES DES ALGUES, 521 les chromatophores y soient intéressés. Les nombreux noyaux que renferment les cellules-anthéridies de ces algues accroissent peu à peu leur subs'ance (ainsi que cela a lieu d'ordinaire dans les cellules sexuées), en s’entourant d’une grande partie du protoplasma ambiant, et forment ainsi des cellules anthérozoïdes particulières au milieu du plasma cellulaire, renfermant les chro- matophores. Aussi ne trouve-t-on jamais de chromatophores dans les an- thérozoïdes devenus libres. Les spermaties des Floridées ne renferment pas davantage de chromatophores. Chez toutes les Floridées où j'ai pu suivre attentivement le développement des spermaties, les cellules mâles étaient, dès leur naissance, complètement incolores. Leur protoplasma, tantôt dépourvu de vacuoles (Batrachospermum), tantôt possédant une grande vacuole centrale (Polysiphonia atro- rubescens), laissait voir, à part quelques petits grains réfrin- gents, un seul gros noyau sphérique ; on ne pouvait jamais reconnaître dans ces cellules quoi que ce fût qui püût être rap- porté à un chromatophore. Les cellules mâles des Floridées sont non seulement privées de chromatophores à l’époque de leur maturité sexuelle, mais elles en sont même dépourvues dès leur origine, tandis que les cellules qui les supportent en possèdent toujours dans toutes les authéridies de Floridées que j'ai étudiées. Tandis que dans les cellules mâles la réduction progressive des chromatophores s'accompagne de différenciations spécifiques, les cellules femelles conservent toujours leurs corps chlorophyl- liens, bien que les organes femelles aient un développement spé- cifique propre, d'autant que l’on attribue moins d'importance à la conservation de la couleur (qui a à peine besoin de fonctionner au moment de la fruclification). Les formes les plus simples des cellules femelles se rattachent étroitement aux formes des [sozgomèles, et, comme elles, laissent constater aisément leurs chromatophores colorés (Ectocarpus, Scytosiphon) ; il faut y joindre les cas où les cellules femelles 522 MÉMOIRES ORIGINAUX. grandes sont fortement colorées et remplies de granulations : chez elles, la contraction de la masse protoplasmique est telle, qu'il n'y à qu’une comparaison de tout le développement qui puisse faire reconnaître la conservation des chromatophores pri- mitifs, malgré leur rapprochement étroit, Dans ce cas, il y a une masse si grande de gouttelettes grasses réfringentes dans la substance protoplasmique qui entoure les chromalophores, que ceux-ci sont cachés et méconnaissables. Une recherche plus attentive permet, non seulement de récon- naître la présence des chromatophores, mais même celle de leurs pyrénoïdes, et parfois de l'enveloppe amylacée de ces derniers ; ces chromatophores sont beaucoup plus colorés que ceux des cellules végétatives, en sorte que la couleur des cellules femelles est accrue. On peut rattacher à ce groupe les cellules femelles des Œdogonium, Volvox, Coleochæte, Vaucheria, Fucus, Cutleria, Dictyota, Bangia, Porphyra. À la coloration foncée des cellules femelles des algues brunes et de la plupart des algues vertes, il faut opposer la décoloration complète des cellules femelles des Characées, c’est-à-dire de la cellule centrale du bourgeon sporigène. J’ai pu, grâce à une recherche minutieuse et à l’emploi de très forts grossissements, reconnaître dans la couche protoplasmique pariétale de cette cellule centrale, dès l’apparition des grains d’amidon, de petits chromatophores incolores et disciformes. Ceux-ci sont bientôt cachés et rendus invisibles par l’accumulation considérable des grains d’amidon dans la cellule. Mais l'observation précédente des premières phases du développement montre que, chez les Characées, des chromatophores prennent part à la formation de la cellule femelle. Les Floridées montrent un rapport intime entre leur mode de fructification et la manière dont elles se comportent. Chezles unes, la cellule femelle ou trichogyne se transforme elle-même en fruit ; chez d’autres, elle se combine avec des cellules accessoires parti- culières, cellules carpogènes, pour donner le fruit; chez d’autres enfin, l'influence de la fécondation se fait sentir sur les cellules CHROMATOPHORES DES ALGUES. 523 carpogènes qui se développent en fruit. Dans le premier cas, j’ai vu dans les espèces étudiées avec soin (Nemalion multifidum, Helminthocladia purpurea) les chromatophores entièrement can - tonnés dans la partie inférieure du trichogyne et renfermant un gros pyrénoïde, tandis que chez le Batrachospermum monili- forme les chromatophores étaient présents, mais difficiles à dis- tinguer. Dans le second cas, je n’ai pu encore décider s’il y a ou s’il n’y a pas de chromatophores dans la partie inférieure du trichogyne (Polyides rotundus) ; jusqu’à présent, je n’en ai pas vu. Dans le dernier cas, je dois contester absolument, d’après les exemples que j'ai étudiés (Callithamnion corymbosum), la présence de chromatophores dans le trichogyne. Les cellules carpogènes, au contraire, qui jouent le rôle de cellules femelles et se déve - loppent en fruit, renferment toujours des chromatophores évi- dents, quoique toujours incolores. On trouve également dans les cellules femelles des algues formées à la manière ordinaire, les chromatophores, tantôt colo- rés, tantôt incolores, mais toujours sous forme de corps difié- renciés. Dans l'acte de la fécondation, chez toutes les algues, les deux cellules femelles différenciées, semblables ou différentes, se confondent en une seule cellule. Le noyau de l’une se réunit au noyau de l’autre ; les deux protoplasmas se fondent en nn seul corps qui entoure les chromatophores des deux cellules pri- mitives. Dans le cas où la cellule mâle ne renferme pas de chro- matophores, tous ceux que renferme la cellule fécondée provien- nent de la cellule femelle. Mais si la cellule mäle en possède, ou si les deux cellules reproductrices sont semblables, les chroma- tophores de la première s'associent à ceux de la cellule femelle et forment par leur réunion l’ensemble des chromatophores de la cellule-œuf. Dans ce cas, ils sont distribués et groupés dans l'œuf dans un ordre précis; ils sont fréquemment serrés les uns contre les autres ou masqués par des gouttelettes réfringentes. Dans quelques cas, on peut constater dans l'œuf fécondé une fusion des chromatophores. Chez les espèces de Spirogyra à une seule spire, les deux rubans chlorophylliens des cellules sexuées 524 MÉMOIRES ORIGINAUX. se soudent l’un à la suite de l’autre dans la zygospore, formant ainsi un seul ruban spiralé et soudant leurs deux extrémités en un ruban continu. Il en est de même dans la zygospore des Æpithe- mia, où les deux chromatophores, en forme de ruban plan, se fusionnent bout à bout en une seule plaque chlorophyllienne. Ailleurs, on ne trouve pas dans l’œuf fécondé une telle réunion des chromatophores, comme on peut le démontrer dans les zygo- spores des Zygnema, qui contiennent toujours quatre corps chlo- rophylliens étoilés. Les cellules copulatrices du Monostroma bul- losum m'ont toujours montré, aussi longtemps que jeles ai obser - vées, les deux chromatophores des deux cellules copulées entié- rement séparés, comme on peut le lire dans le Traité de Reinke. Berthold mentionne le même fait pour les zygospores des Ectocarpus siliquosus et Scytosiphon tomentarium, tandis que tous les autres auteurs passent cette question sous silence. Les cellules fécondées se développent ensuite : tantôt elles donnent une nouvelle plante ou un nouveau corps cellulaire, comme cela se passe d'ordinaire (Fucacées, Cutleriacées, Dietyo- tées, Floridées, Bangiacées), tantôt se préparent à subir un temps de repos plus ou moins long, se transformant directement ou après quelques segmentations en spores durables. Dans le premier cas, pendant que l’œuf s’accroit et se divise progressivement, les chromatophores eux-mêmes subissent un accroissement et une multiplication successives, comme c’est l’usage dans les cellules vésétatives. Dans le second cas, au contraire, l'œuf fécondé se transforme en cellule durable, par le même procédé que les cellules asexuées {la plupart des Chlorophycées). Toute la cellule s’entoure d’une membrane plus ou moins épaisse, à plusieurs couches en partie cuticularisées ; dans le protoplasma de la cel- lule, il se forme toujours une grande quantité de gouttes graisseuses de dimensions variées, qui s'accumulent autour des chromatopho- res et donnent au contenu cellulaire un aspect sombre et gros- sièrement sranuleux. Par suite, les diverses parties du protoplasma (couche pariétale, trabécules,etc.) se dilatent jusqu’à se toucher latéralement, en sorte que la cavité cellulaire est complètement CHROMATOPHORES DES ALGUES. 595 réduite. L’arrangement et le groupement des chromatophores et des noyaux, quoique modifiés pour chacun de ces corps, restent les mêmes dans l’ensemble, si même il arrive que ces parties soient entourées et presque entièrement couvertes et marquées par la masse des grains réfringents, grands et petits. Dans la dernière phase de la maturation des spores durables, l’amidon, qui est si abondant dansles chromatophores des algues vertes, se réduit en tout o1 en partie ; en même temps la quantité de gouttelettes hui- leuses augmente et la coloration des chromatophores s’amoindrit plus ou moins. Une observation plus approfondie du développement des spores durables et de la structure interne des spores minces devient impossible, grâce à la présence de la membrane cutinisée, colorée en brun jaunâtre et élégamment sculptée, et aussi par suite de l’état grossièrement granuleux du contenu, les gouttelettes hui- leuses qu’il renferme avec des granules d’amidon contribuant à assombrir la spore par leur réfringence. En outre, les gouttelettes d'huile ne sont pas toujours incolores, et il se développe entreelles, en partie au milieu de la spore, en partie à sa périphérie, une grande quantité de grains rouges d’hé- matochrome, qui colorent la spore entière ou sa portion centrale seule. Tout cela contribue à rendre impossible la connaissance exacte de la structure des spores, si l’on se borne à la rechercher sur ces organes vivants. Mais, par l'emploi approprié de réactifs durcis- sants (alcool, acide picrique) et de substances éclaircissantes (huile éthérée, hydrate de chloral), on parvient à pénétrer la structure interne de ces spores durables ; les gouttelettes huileu- ses sont ainsi en effet en partie dissoutes, en partie confondues, tandis que les grains d’amidon ne nuisent plus à l'observation, grâce à l'huile éthérée ; l’emploi des réactifs colorants ne pour- rait être d'aucune utilité parce que les couches cutinisées de la membrane ne les laissent pas passer. On mel par ce moyen en évidence la masse serrée des chromatophores et du noyau de la spore. On peut aussi constater non-seulement qu'il ÿ à un noyau, se sér., tom. x, 37 526 MÉMOIRES ORIGINAUX, mais encore que les chromatophores y sont avec leur forme pri- milive, bien qu’un peu contractés ; leurs pyrénoïdes n’ont pas disparu ; l'enveloppe amylacée seule a été employée. IL est très aisé de reconnaître une pareille structure chez toutes les algues dont les chromatophores ont une forme spéciale caractéristique (Zygnema, Spirogyra); on ne peut le faire qu'avec hésitation chez les espèces dont les chromatophores ont une forme peu frappante (Vaucheria). Ainsi que me l'ont montré les recherches précédentes, les cel- lules reproductrices et les cellules durables peuvent provenir de cellules végétatives asexuées ou d'œufs fécondés. Mais partout les chromatophores restent différenciés, Les cellules reproductri- ces et les cellules durables se comportent toutes ainsi dès leur naissance. Les chromatophores y prennent un nouvel accroisse- ment et s’y multiplient, comme dans les cellules végétatives. Le nême phénomène s’observe très clairement dans la forma- tion des cellules reproductrices qui n’ont pas à subir un long temps de repos. Toute la cellule s'accroît, aussitôt fixée ou après un court repos, en une jeune plantule en germination. Dans son intérieur, les chromatophores se multiplient, comme dans les cel- lules végétatives. Il en est de même dans toutes les cellules qui germent après un temps de repos plus ou moins long, ainsi que le prouvent suffisamment les données actuelles de la science. Dès le commencement de la germination, la quantité de gouttelettes huileuses diminue plus ou moins dans la spore, les grains d’hé- matochrome disparaissent en partie ou en totalité, et la cellule revient à la structure qu’elle possédait avant sa transformation. Le protoplasma, en se dilatant, rompt la membrane externe cutinisée, et la cellule en voie de germination apparaît au dehors avec la structure typiquo des cellules végétatives. Mais les gouttelettes d'huile, qui sont abondantes, et les goulles d'héma- tochrome rappellent encore l’étai précédent de cellules durables. Au moment de ce réveil de la vie cellulaire, les chromatophores et l’ancien noyau entrent de nouveau en activité. Dans tous les cas, les cellules durables asexuées se comportent de la même CHROMATOPHORES DES ALGUES. 227 manière que les œufs fécondés qui ont pris l’état de cellules durables. Tout le phénomène de la formation des cellules durables, qu’il résulte ou non d’une fécondation sexuée, consiste donc en ceci, que le cours normal de l'accroissement végétalif est tempo- rairement interrompu, la cellule subissant un long temps de repos : le protoplasma se condense en même temps qu'il se rem- plit de gouttelettes grasses ; les grains d'amidon se dissolvent en grande partie ou même entièrement; les chromatophores, pour le moment hors de service, se contractent un peu pendant que l'intensité de leur coloration diminue parfois. Au moment de la germination, sous l'influence de conditions extérieures favora- bles, la vie de la cellule se réveille, les gouttelettes d'huile dis- paraissent, le protoplasma entre de nouveau en activilé, les chro malophores et le noyau reprennent leur fonctionnement. Mais on ne trouve jamais de formation nouvelle de chromato- phores, soit au moment de la naissance, soit au moment de la germination des cellules durabies. Le cours entier du dévoloppement des algues n'offre pas da- vantage de multiplication des chromatophores par formation nouvelle; on n'observe jamais que la division. Il y a longtemps qu'on l’a établi pour la mulliplication végétative des cellules colorées du thalle. On l’a constaté aussi pour les cellules des méristèmes incolores. On pourrait établir également que dans lu reproduction sexuée ou asexuée des individus il n’y a jamais formation libre des chromatophores, mais toujours division des chromatophores préexistants. Toujours, chez les algues, autant que les recherches antérieures permettent une opinion sur ce point, les chromatophores formés indépendamment restent tels et se multiplient aussi indépendamment comme des organes du corps de la cellule, à la manière du noyau. Par ce moyen, la forme caractéristique que les chromatophores possèdent se pro- page de génération en génération, et on comprend facilement que, dans une espèce donnée, la forme des chromatophores doive être comptée parmi les caractères spécifiques. 528 MÉMOIRES ORIGINAUX. COPULATiON DE PLUSIEURS CHROMATOPHORES. — La multipli- cation des chromatophores par division s'accompagne rarement d’une diminution dans leur nombre, résultant de la réunion de plusieurs d’entre eux. On n’a encore constalé que peu de cas d’un tel phénomène. On peut y rattacher les cas précédemment e:posés des Spiro- gyra et des Epithemia, chez lesquels les chromatophores des deux cellules conjuguées, s’unissant bout à bout dans la zygospore, forment ensemble un ruban unique. Un processus semblable se retrouve dans la formation des zoospores des algues vertes. Chez les Cladophora et les autres Siphonocladées, on voit s’assembler autour de chaque noyau le protoplasma ambiant ; les chromatophores se rapprochent si étroitement qu'on ne peut plus les distinguer les uns des autres. Leur ensemble forme en apparence un seul corps qui apparaît aussi comuwue tel dansles zoospores. Lors de la germination, il se produit une division de ce corps chlorophyllien unique en plu- sieurs chromatophores indépendants. Ces faits permettent de penser que les chromatophores pri- mitifs, au moment de la formation des zoospores, s’approchent les uns des autres jusqu’à se souder complètement, mais que leur indépendance primitive est cependant conservée, et qu'à la germination ils se séparent de nouveau. Mais je préfère l’expli- cation qui consiste à admettre que les chromatophores, d’abord indépendants, se confondent, au moment de la formation du z00- spore, en un corps chlorophyllien homogène qui, lors de la germi- nation, se mulliplie de nouveau par division. Cette dernière opi- nion est plus conforme aux faits ; il m'a été d’ailleurs impossible de distinguer et d'isoler dans le zoospore les chromatophores pri- mitifs. On trouve le même procédé dans la formation des zoospores de l’Halosphæra viridis. Les cellules de cette algue renferment dans leur couche pariétale un grand nombre de petits disques chlorophylliens, irrégulièrement anguleux, qui se forment par le morcellement d'un grand disque à bords découpés et lobés. Lors CHROMATOPHORES DES ALGUES. 529 de la division du protoplasma cellulaire, les nombreux fragments qui se produisent s'accumulent autour du noyau en une masse hémisphérique. A l’intérieur de celle-ci, les disques chlorophyl- liens sont si serrés les uns contre les autres qu’il est impossible de les distinguer, et l’on doit se borner à admettre qu'ils se confondent en un corps chlorophyllien unique et en forme de bassin. Chez les autres algues, je n'ai encore pu constater une telle réunion des chromatophores. Dans quelques cas, il est plus facile d'établir la présence dans le zoospore de chromatophores indé- pendants (notamment dans les grandes zoosnores de Vaucheria). Une recherche approfondie permettrait peut-être de retrouver un tel phénomène chez les algues vertes. Chez les Phæophycées et les Rhodophycées, je ne l’ai jamais observé. Il reste encore à démontrer si la copulation de plusieurs chro- matophores se présente à l’occasion dans les cellules végétatives du thalle. Mes observations antérieures ne fournissent aucune preuve à l'appui de cette proposition. DISPARITION DES CHROMATOPHORES ET DES PYRÉNOÏDES. — Nous avons démontré qu'il n’y a jamais formation libre des chroma tophores chez les algues, ou du moins qu'aucune apparence ne vient en appuyer l'existence. On peut au contraire prouver que dans divers cas il y a disparition des chromatophores existants. Non seulement la mort de la cellule entraine naturellement celle des chromatophores, mais encore ceux-ci disparaissent souvent dans les cellules qui sont adaptées à une fonction spéciale dans l’économie de la plante, et auxquelles ils sont inutiles. C'est le cas chez les algues dont le développement végétatif considéra- ble correspond à une ramification abondante et à une division des fonctions étendue. La disparition des chromatophores est en général préparée par le ternissement de leur coloration ; la Aisparition forme le dernier degré de la rétrogradation du chromatophore, de même que la décoloration en conslitue la première phase. Nous en avons 30 MÉMOIRES ORIGINAUX. mentionné la plupart des cas dans les chapitres précédents. La modification de la couleur conduit toujours à la décoloration complète ; elle rend les limites du chromatophore de moins en moins distinctes, et finit même par les rendre invisibles, On constate très clairement la disparition des chromatophores dans les cellules des poils et des rhizoïdes de quelques algues (tandis que chez les autres espèces on ne remarque que l'indice d’une faible rétrogradation des chromatophores, qui sont même quelquefois entièrement conservés). On pourrait encore trouver une telle disparition dans l’intérieur du thalle des grosses algues, par exemple dans la tige des grandes Laminariées. Je n'ai pu cependant en observer aucun exemple ; toutes les recherches que j'ai faites m'ont permis de constater des chromatophores différenciés dans les cellules médullaires des Fucacées et des Laminariées. Au contraire, on peut directement constater une disparition complète des chroma'ophores dans la formation des cellules mâles des Fucus et des autres algues brunes. La cellule hypogyne de l’Helminthocladia purpurea est un des exemples où j'ai pu suivre entièrement la disparition des chromatophores. Cette cellule renferme au début, comme ses voisines, un noyau et un chromatophore très apparents. Pendant que la cellule trichogyne s'accroît, le chromatophore perd peu à peu sa cou- leur et se contracte, en même temps que le pyrénoïde, apparent jusque-là, se détruit entièrement. Le chromatophore est alors incolore, peu clairement délimité, et à la fin n’est même plus du tout distinct. Dans les deux ou trois cellules qui supportent le tri- chogyne, les chromatophores disparaissent en partie, se rétrécis- sent, perdent de leur couleur, mais ne deviennent jamais invisibles. Tous ces exemples montrent suffisamment qu’il y a parfois disparition complète des chromatophores dans des cellules où le protoplasma reste vivant. On n’a pu toutefois jamais constater de formation nouvelle de tissus verts au moyen de cellules hyalines. Quoi qu'il en soit, l’on ne connaît pas encore le mécanisme de cette disparition : les chromatophores, contractés et décolorés, sont-ils absorbés et utilisés par le protoplasma qui les entoure, ou CHROMATOPHORES DES ALGUES. 531 la substance fondamentale du chromatophore, après sa décolo- ration, se confond-elle par la perte de ses limites avec le prolo- plasma ambiant ? On ne peut décider entre les deux hypothèses, quoique la première paraisse plus vraisemblable. Les pyréuoïdes, ainsi qu’on l’a vu dans l’Helminthocladia pur- purea, disparaissent en même temps que le chromatophore ou même avant lui. Ils persistent en effet aussi longtemps que le chromatophore lui-même est conservé, Aucune de mes recher- ches n’a pu me permettre de constater la disparition des pyré- noiïdes dans les cellules végétatives des algues. Je ne l'ai pas davantage observée dans la formation des cellules femelles ou des cellules durables. Le pyrénoïde n’est jamais dissous, mais persiste dans la formation des zoospores ou des spores immobiles des cellules reproductrices sexuées ou asexuées et des cellules durables, quoique les grains d’amidon du chromatophore et ceux de l’enveloppe amylacée du pyrénoïde soient employés et dissous. J’ai déjà établi dans les chapitres précédents, pour beau. coup de cas isolés, mais je dois constater ici, sous forme de con- clusion, que l’on n’a encore pu démontrer nulle part qu’il y eût dissolution ou disparition des pyrénoïdes, bien que dans le cours du développement ces corps fusseat parfois difficilement recon- naisables. Ces faits prouvent bien que les pyrénoïdes ne constituent pas des inclusions inanimées des chromatophores, des malières de réserves formées et accumulées par hasard, mais que, parties actives et essentielles du chromatophore, ils prennent une part importante à la vie de ces corps: LES CHROMATOPHORES SONT DES PARTIES INTÉGRANTES ET ESSEN- TIELLES DE LA CELLULE. — On peut se demander maintenant jusqu’à quel point les cellales de toutes les régions du thalle ren- ferment des chromatophores, jusqu’à quel point aussi ceux-ci doivent être considérés comme parties intégrantes et essentielles des cellules des algues. Toutes les cellules reproductrices, quelle que soit leur origine, 532 MÉMOIRES ORIGINAUX. renferment toujours, comme on l’a vu, des chromatophores ; on .n trouve aussi toujours dans les cellules du méristème, qu'il soit coloré où incolore. Il en résulte que tous les tissus proviennent de cellules pourvues de chromatophores. Aussi les cellules ne peu- vent-elles être dépourvues de chromatophores que si ces corps, d’abord présents, ont ensuite disparu, ousi, dans la division d’une cellule, tous les chromatophores ont échu à l’une des cellules- filles, l’autre en restant dépourvue. Les deux procédés sont représentés, nous l’avons vu, dans la formation du corps des algues. Mais les cas dans lesquels on peut constater l’un ou l’autre processus (poils et rhizoïdes de la plupart des algues, cellules mâles des Fucacées, Floridées, Characées et de quelques autres algues) sont ceux où la cellule est adaptée à une fonction spéciale pour laquelle le chromatophore est inutile, jamais ceux où la cellule doit faire partie des régions vivaces du thalle. Les cellules dépourvues de chromatophores se divisent encore parfois (sporanges mâles des Dictyotacées et des Characées), mais cette division a une durée limitée et n’aboutit jamais qu'à l'augmentation du nombre de ces cellules spécialisées. Cette division n’a en aucun cas pour conséquence la formation de parties végétatives du thalle. Celui-ci est toujours constitué par des cellules pourvues de chromatophores, soit que ces corps aient une forme bien arrêtée et impriment aux cellules qui les contien- nent une physionomie caractéristique, soit qu'ils aient peu d’ap- parence à cause de leur faible coloration et qu’au premier examen ils se dérobent aux yeux de l'observateur. Nos observations n'ont pu embrasser le domaine entier des aloues et nous n'avons pas tenu compte particulièrement des formes gigantesques de la flore antarctique. Aussi est-il possible qu'une étude comparée de ces formes puisse modifier sur certains points les résultats acquis. Je ne puis notamment regarder comme invraisemblable que le cambium cellulaire qui contribue à l’épais- sissement de la tige des grandes Laminariées soit dépourvu de chromatophores, pas plus que les tissus profonds de cette tige, qui en dérivent. CHROMATOPHORES DES ALGUES. 533 Mais cette supposition ne peut encore s'appuyer sur des faits, d'autant plus que jusqu'ici mes recherches m'ont montré des chromatophores dans les cellules incolores de la tige des Lamina- riées et des Fucacées. Des faits observés, on peut conclure que, chez les algues, les chromatophores constituent une parlie essentielle du corps de la cellule, que leur existence est constante et qu'ils ne font défaut que dans les cellules adaptées à une fonction spéciale et où leur présence serait superflue. DÉRIVÉS INCLUS DANS LES CHROMATOPHORES. — La description morphologique des chromatophores doit être complétée par une étude détaillée de leurs produits. Les produits, qui apparaissent non pas avec une forme précise, mais comme des substances dissoutes, ont enccre une origine douteuse. Il y a un seul fait certain au sujet de la solution de matière colorante, c'est qu'il est à peine douteux qu’elle provient du chromatophore lui-même. Mais on n’a que peu de données certaines sur la manière dont elle se forme, sur son emploi ulté- rieur, sur les produits auxquels elle donne naissance. On ne peut garantir encore si la même matière colorante, la chlorophylle, nuancée dans sa teinte par divers mélanges, existe seule dans les chromatophores de toutes les algues, ou si l’on trouve dans les diverses algues diverses matières colorantes chimiquement voi- sines. La composition de ces couleurs est elle-même sujette a controverses. Mais toutes ces questions sortent du domaine de la morpho- logie pure et peuvent rester indécises. Les-produits du chromatophore, doués d'une forme arrêtée, exigent au contraire une discussion approfondie. Parmi eux, on trouve d’abord dans la plupart des algues vertes les grains d'amidon.Dans le plus grand nombre des Chlorophycées, ces grains sont régulièrement disposés en grand nombre dans le chromatophore ; ils manquent en général dans les cellules en voie de végétation active, tandis qu'ils s'accumulent dans celles 534 MÉMOIRES ORIGINAUX. dont l'accroissement est prolongé (Valonia utricularis) ; dans d’autres cas, il n’est pas possible de constater leur formation dans les chromatophores, en particulier dans la plupart des espèces de Vaucheria, et fréquemment chez les Chroolepus, Microspora, Botrydium et Euglena. Ge n’est que dans quelques cas isolés qu'une observation suivie permet encore de reconnaitre la formation de grains d’amidon chez ces plantes ; le plus souvent, au contraire, surtout chez les Vaucheria, Microspora et Euglena, l'apparition dans le chromatophore de nouveaux produits figurés, montre bien qu'il ne s’y forme jamais d'amidon. Celui-ci manque fré- quemment chez toutes les algues à chromatophores bruns ou rouges (Bacillariées, Bangiacées et quelques autres Chlorophycées, telles que les Porphyridiwm, toutes les Phæophycées et les Rho- dopnycées). La formation des grains d’amidon dans les chromatophores verts se fait suivant deux types distincts. Une partie apparaît sous forme de grains isolés disséminés sur les bords du chroma- tophore; mais le plus grand nombre s’assemble en une couche sphérique autour des pyrénoïdes, formant une enveloppe amy- lacée. Les deux formes s'associent dans les chromatophores pourvus de pyrénoïdes (fi. 5, 6); les grains isolés se forment d'ordinaire beaucoup plus tard que les autres et manquent fré- quemment dans les cellules en voie de végétation active (fig. 3, 4,7,13, 27), tandis que dans certains cas (quelques Palmella- cées) les grains de l'enveloppe amylacée apparaissent plus tard en plus petit nombre que les grains iso'és. Là cùles pyrénoides fon: défaut, comme chez les Characées, il ne se forme näturelle- ment que des grains isolés et point d’enveloppe amylacée. Le développement des grains d’amidon isolés se suit très bien daos les chronratophores plats des algues filamenteuses fraîches, conservées en culture (Mesocarpus, Urospora, ŒEdogonium). Il faut peu de temps pour voir de pelits grains apparaître el s'ac- croitre en dimensiou et en nombre dans les parties du chroma- tophore qui en étaient dépourvues. Ils se présentent d’abord comwe des portions arrondies où allongées des chromatophores, CHROMATOPHORES DES ALGUES. 335 plus réfringentes et, vues sous de forts grossissements, plus colo- rées que la substance ambiante des chromatophores. Sur des matériaux durcis et colorés (par l'acide picrique), on reconnaît qu’à ces places correspondent des corps de forme définie, en- foncés dans la substance fondamentale du chromatophore, et que leur coloration bleue, sous l'influence de l’iode, fait regarder comme de l’amidon. Les pheses ultérieures du développement montrent ces corps de plus en plus grands et épais et de plus en plus fortement colorés par l’iode. On trouve à la fin, dans les chromatophores des cellules vivantes, des grains d’amidon bien délimités, incolores et très réfringents. Le grain d’amidon, isolé dans la plupart des algues vertes, n’atteint pas, par son accroissement indénendant, une bien graude dimension et reste, d’après mes observations, enfermé pendant la vie de la cellule dans l’intérieur du chromatophore. Il arrive aussi parfois, comme chez les Phanérogames, qu’un certain nom- bre de grains d’amidon voisins s'associent en grains composés. Aux places où une telle réunion de grains a lieu, le chromato- phore s’épaissit et l’épaississement augmerte à mesure que lamas d’amidon s'accroît; cet épaississement fait saillie plus ou moins à la surface du chromatophore disciforme, tantôt des deux côtés, tantôt d’un seul côté. Autour du grain d’amidon en voie d’accroissement, la substance du chromatophore qui l'entoure immédiatement paraît plus condensée et se sépare incomplète- .ment du reste du chromatophore en une enveloppe differenciée. Je ne puis insister sur toutes les différences qu'offrent les grains d’amidon des diverses algues. Je crois seulement devoir mettre er évidence quelques détails particuliers. On trouve par exemple, dans les ceilules âgées ou dans les spores durables des Siphonocladées, des grain: isolés si épaissis qu ils occupent toute la masse du chromatoihore disciforme où ils ont pris naissance. Autour du grain, la couche enveloppante verte du chromaiophore s’amincit de plus en plus et finit par disparaître à l'observation. Toit le chromatophore est employé lors de ia formation du grain d’amidon. 536 MÉMOIRES ORIGINAUX. Les grains d’amidon des Characées se comportent autrement. Les cellules végétatives de ces plantes renferment dans leurs petits disques chlorophylliens isolés un nombre indéterminé de grains d’amidon de dimensions très faibles. Ceux-ci forment peu à peu un nombre plus faible de grains composés, dont l'épaisseur augmente plus ou moins. Dans les vieilles cellules de la tige, ils occupent bientôt presque toute la masse du chromatophore et ont enfin la forme de petits amas incolores de grains associés, qui parfois abandonnent leur situation primitive dans l’intérieur de la couche protoplasmique pariélale et sont entraînés par les cou- rants du protoplasma. Les grains d’amidon des spores de Characées méritent une mention particulière. La jeune cellule centrale du bourgeon spo- rigène offre ici, comme on l’a vu, dans sa couche protoplasmi- que pariétale, plus ou moins poreuse, un grand nombre de chro- matophores incolores qu’il est très difficile de distinguer. Les grains d’amidon commencent bientôt à s’y former. J’ai vu très clairement, chez le Nitella translucens, dans la couche pariétale presque close, des chromatophores incolores, à peine distincts des ponctuations du protoplasma, grâce à leur constitution homogène, et qui renferment chacun un ou deux petits grains d’amidon. Ces grains s'accroissent beaucoup et deviennent de gros grains lenti- culaires à couches concentriques très apparentes, qui se répan- dent dans l'intérieur de l'œuf. Une petite quantité de protoplasma remplit les intervalles entre ces grains. On trouve dans ce pro- toplasma une grande quantité de petits grains d’amidon irrégu- liérement anguleux, qui occupent à la maturité presque tout l'in- térieur de l’œuf, sauf son extrémité antérieure, constituant le point d’imprégnalion ; entre eux, dans la partie inférieure de la cellule, se trouve le noyau uniformément comprimé. S'il est dif- ficile de distinguer dès le début les chromatophores, il n’est pas moins difficile de reconnaitre comment ils coopèrent à la forma- tion de ces nombreux grains d’amidon. Je me bornai à établir que ces grains émanent des chromatophores, comme cela a lieu dans les cellules végétatives des Characées. CHROMATOPHORES DES ALGUES. 537 La formation des grains qui constituent les amas d’amidon paraît au premier abord plus compliquée que celle des grains isolés ; à cause des rapports iramédiats des premiers avec le py- rénoïde, nous l’avons déjà antérieurement étudiée. Mais quand on compare étroitement la description antérieure avec les données qui précèdent, on voit que le développement de ces grains est tout à fait identique à celui des grains isolés. Seulement, la for- mation de grains composés est plus fréquente que chez ceux-ci ; ils atteignent, par exemple chez les Spirogyra et les Œdogonium une épaisseur considérable. Il arrive encore ici parfois que, pendant l'accroissement, toute la masse périphérique du chromatophore est employée. Je l'ai observé assez souvent dans les cellules âgées des Siphonocladées. L’enveloppe verte qui entoure au début l’amas d’amidon, dimi- aue de plus en plus et finit par disparaître. On ne peut alors d'or- dinaire reconnaître la composition de l’enveloppe amylacée en plusieurs morceaux, tous les grains d’amidon s'étant réunis en une couche sphérique continue ou parfois ({ladophora sp.) en deux demi-sphères asymétriques. La description du développement des grains d’amidon ne donne aucune jadicalion sur leur origine ; la discussion de cette ques- tion nous conduirait trop loin. Je vais montrer en peu de mots que, comme supplément à ma théorie de la naissance et de l’ac- croissement de la membrave cellulaire (Sitzungsber. d. niederrh. Ges. f. Natur-und Heilkunde zu Bonn, 1880, séance du 6 dé- cembre, pag. 250), j'adopte complètement les idées que Strasbur- ger, dans son récent travail Sur la structure et l'accroissement de la membrane cellulaire, 1882, a développé sur la naissance et l’accroissement des grains d’amidon. Les grains d’amidon naissent par la transformation d’une petite partie de la substance du chromatophore en substance amylacée ; ils grossissent parce que celte transformation s’étend peu à peu aux couches ambian- tes du chromatophore, et la matière amylacée nouvellement for- mée s'étend de plus en plus autour du noyau primitif. Par cette transformation continue, la substance amylacée arrive 538 MÉMOIRES ORIGINAUX. à occuper un espace plus grand que la substance du chromato- phore. Par suite, celle-ci est naturellement un peu comprimée sur ses côtés ; c’est ce qui provoque en partie la formation de l’en- veloppe condensée autour du grain ou de l’amas d’amidon. En outre, l'accroissement des grains et de l’amas d’amidon s’accom- pagne toujours d’un épaississement du chromatophore disci- forme ; cet épaississement produit dans le cas des amas d'amidon une saillie assez considérable à la surface du chromatophore (Spirogyra, Pleurotænium) (comp. fig. 14). Celte théorie de la structure et de l’accroissement des grains d’amidon n'indique nullement si la substance même est amorphe, cristalline ou organisée. Cette théorie établit seulement que l’accroissement du grain se fait par une transformation répétée de la substance du chro- matophore, c'est-à-dire du protoplasma, en matière amylacée et par l’apposition de cette dernière sous forme d’une couche mince autour du grain préexistant. Dans cette couche, la substance amy- lacée pourrait être aussi bien amorphe que cristalline (le grain entier représentant un sphéro-cristal, comme Schimper (Bot. Zeit. 1881, pag. 226) l’a montré), ou même organisée (comme la théorie moléculaire de Nægeli ou de Strasburger permet de le comprendre). Une discussion plus approfondie de la question nous mènerait trop loin. Dans les algues citées jusqu'ici, les grains d’amidon étaient uniquement situés dans l’intérieur des chromatophores, jamais dans le protoplasma cellulaire. On trouve des cas tout différents dans les autres plantes de ce groupe. Et d’abord, chez toutes les Floridées on trouve des grains amyloïdes qui naissent dans le protoplasma de la cellule et non dans les chromatophores (/ig. 25). Mais leur production a lieu, dans tous les cas que j’ai observés, dans le voisinage immédiat des chromatophores, le long de leur surface ou près des bords amincis des plaques où rubans disciformes. Ainsi , dans les cas où ils ne se forment pas dans l’intérieur du chromatophore, c'est CHROMATOPHORES DES ALGUES. 539 sous son influence directe qu'ils prennent naissance ; cela sem- blerait prouver qu'il y a une matière en dissolution excrétée par le chromatophore et reçue par le protoplasma ambiaut, qui de son côté engendrerait en ce point la substance amyloide. Par leur forme et leur constitution, ces grains rappellent les grains d’amidou véritables, mais ils s’en distinguent par quelques carac- tères, et notamment par la coloration particulière que l’iode leur communique. Au lieu de se colorer en bleu comme l’amidon des Phanérogames, les grains amyloides des Floridées prennent une nuance qui varie du brun jaunâtre au brun rougeâtre. On les a par suite distingués sous le nom d’amidon des Floridées. Ces grains, disposés d’abord dans le voisinage immédiat des chromatophores, s’accroissent peu à peu (évidemment par l'appo- sition de nouvelle substance à leur surface) et, grâce aux mouve- ments du protoplasma das lequel ils restent plongés, se répan- dent dans touie la cavité de la cellule. Leur quantité est variable ; les cellules âgées des espèces vivaces de Floridées sont assez souvent presque complètement remplies degrains d'amidon, landis que d’autres espèces en sont dépourvues. Ils constituent du reste aussi une réserve nutritive. Les grains d’amidou des Floridées sont, au début de leur déve- ment, répartis d’un manière caractéristique dans les cellules des Némaliées (Nemalion, Helmäinthocladia). Ces cellules renferment, comme on l’a vu, un chromatophore étoilé, asymétrique, du milieu duquel rayonnent de tous côtés un grand nombre de pro- longements rubanés. C’est autour du noyau central de celte étoile, dans le protoplasma limitrophe, qu'apparaissent les pre- miers grains régulièrement distribués (/ig. 12) en une couche sphérique. Au centre de chaque éloile se trouve un pyrénoïde arrondi et assez gros, qu'envelopps une mince enveloppe colo- rée ; la couche sphérique des grains d’amidon, dont la conti- nuité est seulement interrompue par les prolongements étoilés, est ainsi très rapprochée du pyrénoïde ; il semble alors que l’on soit en présence d’un amas d’amidon homogène, comme chez les aleues vertes. Mais une observation attentive permet de recon- 540 MÉMOIRES ORIGINAUX. naître la connexion réelle des parties, surtout quand la quanti'é de grains augmente dans la cellule et qu'il s’en forme de nouveau le long des bords des prolongements étoilés. Il faut rapprocher de l’amidon des Floridées une formation analogue qui est très répandue chez les Phæophycées (Ectocar- pées, Laminariées, Dictyotées, etc.) Il se développe, comme chez les Floridées, sur toute la sur- face du chromatophore, des grains réfringents de dimensions variées, disposés dans le protoplasma limilrophe, évidemment sous l'influence du chromatophore et entraînés ultérieurement dans toutes les parties de la cellule par les mouvements du pro- toplasma. Ces grains se dissolvent, comme ceux des Floridées, dans l’eau et l'alcool, et se comportent de la même manière qu'eux avec tousles dissolvants ; la solution iodée ne les colore pas, ce qui les distingue de l'amidon véritable. Ils grossisseni du reste dans la cellule vivante, comme l’ami- don des Floridées, mais ne présentent jamais de stries concentri- ques apparentes. Dans les jeunes cellules des Phæophycées, ile s'accumulent près du bord ou à la surface des chromatopho- res discoïdes, qu'ils recouvrent parfois complètement ; dans les cellules âgées, ils sont encore plus abondants et se distribuent en partie dansle voisinage immédiat des chromatophores, en partie dans le protoplasma cellulaire. Je ne les ai pourtantjamais vus en aussi grande quantité que chez les Floridées. À cause de leur analogie avec les grains d’amidon des Flori- dées, je propose de les désigner, en attendant, sous le nom d'ami. don des Phæophycées. On trouve fréquemment une forme d’amidon analogue chez les Euglènes et chez les plantes voisines ; on l’a désignée de- puis longtemps du nom de paramäidon. J'en ai observé des grains chez l’Euglena viridis (fig. 19) et l'Euglena oxyuris (fig. 20); ils sont de dimensions variables, de forme ovale allongée ; ils n’offrent pas de couches concentriques et présentent seulement une condensation de matière en leur milieu. Ces grains naissent, comme chez les Floridées et les Phæophycées, près de la sur= CHROMATOPHORES DES ALGUES. 5Æi face des chromatophores, sous forme de granules peu nombreux d’abord, mais dont le nombre et la grosseur augmentent sans cesse. Les plus âgées apparaissent autour du noyau du chromato- phore étoilé en une couche poreuse sphérique ; plus tard, des grains de même nature prennent naissance en plus grand nombre le long des prolongements étoilés, et de là se répandent dans toutes les parties de la cellule. Les grains de paramidon ne se colorent pas par l’iode et se distinguent par à de l’amidon vrai. Les premiers grains formés chez les Euglènes sont disposés, comme chez les Némaliées, autour du centre de l'étoile chloro- phyllienne, en une couche interrompue seulement par les prolon- gements du chromatophore. Ce noyau central renferme lui- même un pyrénoïde incolore entouré par une mince couche de la substance verte du chromatophore. Les grains de paramidon forment une couche si exactement close et si étroitement appli- quée contre le noyau central dn chromatophore étoilé, qu’il sem- ble que l’on ait affaire à un amas d’amidon ordinaire (Euglena viridis, plus rarement £. oxyuris). Mais un examen attentif mon- tre que le faux amas d’amidon des Euglènes arrive à cet état autrement que les vrais amas des aulres algues ; les grains de paramidon, au lieu de naître dans le chromatophore, autour du pyrénoïde, apparaissent dans le protoplasma qui entoure immé- diatement le chromalophore. Les grains de paramidon sont assez souvent, chez l’Euglena viridis, irrégulièrement groupés. Leur disposition, normale en couche sphérique simple, est alors peu apparente el même tout à fait méconnaissable. C'est ce qui arrive notamment lorsque des grains de parami- don plus ou moins nombreux sont en même temps répandus dans toute la cellule. Il n’y a plus alors aucune apparence de faux amas d’amidon, d'autant plus que, chez l’Euglena viridis, le pyrénoide tranche alors sur la substance du chromatophore, plus fortement réfringente. Chez l’Euglena oxyuris, dont les cellules renferment deux ou 3e sér., tom, … 38 54? MÉMOIRES ORIGINAUX. plusieurs chromatophores étoilés, rangés l’un à la suite de l’au- tre avec le noyau intercalé et renfermant chacun un pyrénoïde très apparent (/ig. 20), les faux amas d’amidon deviennent mé- connaissables par suite de l’accumulation de nombreux grains de paramidon dans toutes les parties de la cellule ; mais dans les cellules où ces derniers sont peu nombreux, les faux amas d'amidon se distinguent aisément, même si les grains qui les constituent sont peu régulièrement disposés. Chez les autres espèces d’Euglènes et chez les genres voisins, on sait qu’il existe des grains de paramidon plus ou moins nom- breux, mais on n’a pas de données suffisantes sur leur mode de développement. Je crois pouvoir déduire cependant des représentations que l'on en a faites, que partout l’organisation des grains de parami- don est semblable à ce qui existe chez les Euglena viridis el ozyuris. Une étude approfondie de ces organismes, que je n’ai pu encore trouver vivants, pourrait seule décider la question. La forme d’amidon étudiée en dernier lieu constitue le terme final de la série des produits des chromatophores que rapproche une analogie morphologique évidente et un ensemble de réac- tions chimiques concordantes, Ils prennent sans doute tous naissance par une transformation locale de la substance proto- plasmique et s’accroissent par apposition. Leur formation est également sous la dépendance étroite des chromalophores. Seulement, tandis que les vrais grains d’ami- don naissent et atteignent leur grosseur définitive, toujours, dans l'intérieur du chromatophore, l’amidon des Floridées et des Phæophycées et le paramidon se forment hors du chromatophore dans le protoplasma, et seulement dans les parties du proto- plasme immédiatement voisines du chromatophore, au lieu que leur accroissement se fait, tantôt au voisinage du chromatophore, tantôt dans toute l’étendue de la cellule. Dans ces divers cas, par suile de ma théorie de la formation de l’amidon, la matière amylacée doit tirer son origine de sub- stances diverses. Elle se forme, dans un cas, par la transformation CHROMATOPHORES DES ALGUES. 545 de la subslance fondamentale du chromatophore ; dans l’autre cas, par la transformation du protoplasma. Peut-être pourrait-on, à cause de la grande analogie qu’il y a entre les substances du chromatophore et du protoplasma, trouver là un nouvel appui à la théorie de la formation de l’amidon ? À côté des produits solides des chromatophores, on trouve, dans un certain nombre de Chlorophycées (Vuucheria, Micro- spora), à ia place des grains d'amidon, de pelites gouttelettes sphé- riques, brillantes, qui se dissolvent dans l’alcoo!l et dans l’éther. Elles naissent, comme l’amidon des Floridées, près du bord des chromatophores. dans le protoplasma limitrophe. Elles peuvent être considérées, au moins chez les Vaucheria, au point de vue de leur signification biologique, comme l'équivalent des grains d’amidon manquants. Mais à cause de leur solnbilité dans l'alcool et l’éther, on les oppose aux grains d’amidon comme goutteletles d'huile. On peut se demander pourtant s’il ne serait pas plus convenable de les réunir au groupe des produits analogues des chromatophores que nous venons d’étudier, et dont elles ne se distingueraient que par leur solubilité dans l'alcool et l’éther, de même que le groupe des grains d’aleurone comprend des corps solubles et des corps insolubles, Le mode de formation de ces gouttelettes d'huile et la manière dont elles se comportent mor- phologiquement les rapproche à tel point des grains d’amidon des Floridées et des Phæophycées, qu’un tel rapprochement me paraît parfaitement fondé. Des grains ou des gouttelettes de malière grasse, plus ou moins solubles dans l'alcool et l’éther ou dans d’autres dissolvants, apparaissent sous une autre forme dans les cellules des algues, en partie au voisinage des grains d’amidon, et toujours sous la dépendance du chromatophore. C’est ce qui arrive très généra- lement chez les algues vertes, cultivées dans des conditions défa- vorables (par exemple dans un appartement). On trouve alors régulièrement disposés, près du bord du chromatophore où à sa surface, des grains ou des gouttelettes brillantes de toutes dimen- sions ; leur nombre s’accroit et ils se répandent dans les autres 544 MÉMOIRES ORIGINAUX. parlies du protoplasma cellulaire. Pringsheim a décrit leur aspect chez le Mesocarpus scalaris (fig. 3) ct les a désignées du nom de globules de matière tannique. Des globules de grande dimension, doués d'uve réfringence différente, apparaissent, chez quelques algues vertes (Spirogyra, Zygnema), au voisinage du chromato- phore et sous son influence directe; à cause de leur solubilité dans l’alcool et l’éther, on les considère d’ordinaire comme for- més d'huile ou de matière grasse. On les trouve chez les indivi- dus dont la végétation est languissante (par suite de conditions extérieures défavorables). Chez la plupart des algues (Zygnema), la quantité de ces gouttes d'huile ou de graisse augmente de plus en plus sous l'influence de cultures défavorables; elles naissent dans le voisi- nage du chromatophore et se répandent de là dans toute la cel- lule, où, particulièrement dans les cellules qui doivent prendre l’état de cellules durables, elles s'accumulent en masses considé- rables. Mais toujours ces globules graisseux se produisent sous l’in- fluence du chromatophore et ne se distribuent que plus tard dans les autres parties du protoplasma. Les gouttes huileuses, de dimension variée, que l’on observe si souvent chez les Bacillariées à végétation languissante, paraissent moins évidemment sous la dépendance du chromatophore. On peut cependant par analogie affirmer qu'ici, comme dans les cas précédents, les globules hui- leux ou graisseux sont soumis à l'influence immédiate des chro- matophores. Je ne puis affirmer qu’il en soit de même pour les gouttelettes huileuses ou graisseuses et les grains mucilagineux qui appa- raissent au moment de la formation des spores durables et rem- plissent la cavité de la cellule. Il me parait au contraire vraisem- blable qu’une partie de ces corps prend naissance dans le proto- plasma, hors de l’irfluence des chromatophores; la preuve on est difficile. J'en dirai autant des globules hyalins peu brillants, facilement solubles, qui remplissent souvent le protoplasma des cellules des CHROMATOPHORES DES ALGUES. 545 Phæophycées et leur donnent, lorsqu'on les regarde avec de faibles grossissements, un éclat si particulier, mais qu'il ne faut pas confondre avec les grains d’amidon. Il en est de même de la plupart des autres formations globu- leuses qui apparaissent isolées ou en grande quantité dans le proto- plasma des algues les plus diverses (Microdictyon, Chondriopsis cærulescens d’après Kny, Arachnophyllum), et dont la nature chi- mique est encore indéterminée. Tous ces corps, décrits comme produits réels des chromato- phores, ne se forment cependant jamais dans le chromatophore, mais dans le protoplasma qui l'entoure, C’est le cas de toutes les formations de cette nature que j'ai étudiées et surtout des goutelettes graisseuses qui, d'après les auteurs, se forment dans les chromatophores des Spirogyra. Une recherche attentive, au moyen de très forts grossissements, m'a montré que, chez toutes les espèces de ce genre observées par moi, les gouttelettes sont très clairement situées hors des chromatophores (et plutôt à leur face interne) dans le protoplasma voisin ; et même, avec de faibles grossissements, le doute n'est pas possible. Je suis aussi persuadé que, chez les Mesocarpus et les autres algues vertes, les mêmes gouttes graisseuses sont situées dans le protoplasma et non dansle chromatophore, quoiqu’au premier abord le contraire paraisse vrai. Pour si étendues qu’aient été mes recherches, je n'ai pu trou- ver un seul cas où les gouttes d'huile se fussent formées dans le sein du chromatophore vivant, et je dois, en dépit de toutes les données antérieures de la littérature scientifique, contester d’une manière générale la présence de gouttes huileuses dans les chro- matophores des algues. À part les pyrénoïdes et les grains d'amidon, je n’ai trouvé dans les chromatophores aucur autre corps différencié et indé- pendant. Les granules rouges {points oculiformes) que présen- tent à l’une de leurs extrémités les zoospores de beaucoup d’al- gues vertes et les cellules isolées des Volvocinées, Chlamydomona- 510 MÉMOIRES ORIGINAUX. des et Euglènes, et les corps rouges analogues que l’on rencontre dans les zoospores des Phæophycées, sont situés dans le proto- plasma, au voisinage du bord du chromatophore, mais jamais dans l’intérieur de celui-ci. Il n’a été trouvé nulle part d’autres inclusions dans les chromatophores, et, pour ma part, je n’en ai jamais rencontré d’autres. . CHROMATOPHORES ET NOYAUX. — Il a été question à plusieurs reprises, dans ce qui précède, de l’analogie qui relie les chroma- tophores et les noyaux, les pyrénoïdes et les grains de chroma- tine. La preuve de cette analogie sera le dernier but de ce travail. Au milieu des diverses interprétations émises dans ces derniers temps au sujet de la structure du noyau, il est nécessaire que j'esquisse rapidement la facon dont je la comprends moi-même après l’étude comparative que je viens d'en faire. D’après ces interprétations, le noyau consiste en une substance fondamentale, finement réticulée, dans laquelle est plongée la chromatine différenciée sous diverses formes. La chromatine apparaît parfois sous la forme d’un corps arrondi, le nu- cléole; d’autres fois sous forme de corps en nombre variable, sou- vent nombreux, de dimension différente, et dont le contour est en partie sphérique, en partie fusiforme. Quelquefois la nucléine présente à la fois la forme de minces filaments plus ou moins ramifiés et diversements agencés, et d’un ou plusieurs nucléoles pelotonnés. Enfin il arrive aussi que la chromatine tout entière prend cette dernière forme. Dans tous les cas ces corps, qui paraissent formés de nucléine, sont plongés dans une substance fondamentale que sa structure finement réticulée et ses réactions chimiques rapprochent du protoplasma, et que l’on peut considérer comme une partie dif- férenciée de celui-ci. Pendant l'accroissement du noyau, les grains ou les filaments de chromatine s’accroissent aussi et se muitiplient par division; il semble aussi, dans certains cas, qu’il y ait formation nouvelle. CHROMATOPHORES DES ALGUES. 547 La division du noyau met fin à la multiplication de la chromatine. Dans les cas les plus simples la division des nucléoles pelo- tonnés est suivie d’un étranglement plus lent ou plus rapide de tout le noyau (vieilles cellules de Chara, cellules tubuleuses de Bryopsis), sans qu’une partie de la substance fondamentale soit abandonnée au protoplasma ambiant. Dans d’autres cas, un fragment médian de la substance fondamentale privé de chro- matine est séparé par la division et se réunit au protoplasma qui entoure le noyau (Codiwm). Mais dans un grand nombre de cas, il survient une complication : on voit dans la substance fondamen- tale du noyau primitif, différenciée en filaments parallèles et peu délimitée vis-à-vis du protoplasma cellulaire, les grains de chro- matine subir des changements de forme variés, puis se séparer en deux groupes constituant les deux noyaux secondaires ; autour de ces deux groupes, les filaments parallèles se rassemblent pour constituer la substance fondamentale des deux nouveaux noyaux. Parmi les diverses formes que prend le noyau dans le cours de sa division, la plus simple est celle du noyau constitué par un corps arrondi, pourvu d'un ou plusieurs nucléoles, plongé au milieu d’une substance fondamentale réticulée, de même que la forme la plus simple de la division est celle qui se fait par l’étran- glement des nucléoles, suivie de l’étranglement du noyau tout entier ( noyaux des cellules âgées des Mitella). Cette forme sim- ple de noyau se rattache directement à celle que possèdent beau- coup de chromatophores pourvus d’un ou de plusieurs pyrénoï- des. La substance fondamentale des chromatophores présente aussi une structure réticulée ; ses réactions chimiques sont très sem- blables à celles de la substance fondamentale du noyau, ainsi qu’à celle du proloplasma. Les pyrénoïdes eux-mêmes offrent dans leurs réactions chimiques la plus grande analogie avec les nu- cléoles. Comme ces derniers, ils grossissent pendant l’accroisse- ment du chromatophore et se multiplient en partie par étrangle- ment et division, en partie par formation nouvelle. En somme, 018 MÉMOIRES ORIGINAUX, la division du chromatophore s'opère d’abord par la division du pyrénoïde, puis par la division de la substance fondamentale, soit au moyen d'un simple étranglement, soit par la scission d’une zone médiane de cette substance, différenciée en fibrilles paral- lèles. Si à la concordance dans la structure et dans le mode de division nous ajoutons ce fait : que jamais, dans les plantes, les noyaux ni les chromatophores ne naissent par formation nouvelle, mais toujours par division d’un noyau ou d’un chromatophore préexistant, nous pouvons conclure à l’analogie morphologique complète de ces deux formations. Cette analogie se traduit encore par un certain nombre de détails. Les chromatophores et les noyaux peuvent se déformer plus ou moins, tous deux sont également enveloppés par le pro- toplasma dela cellule; ils offrent encore une ressemblance évi- dente dans la forme extérieure, depuis la forme arrondie jusqu’à la forme rubanée et plus ou moins lobée, et même, au point de vue de la variabilité des formes, le chromatophorel’emporte sur le noyau; les uns et les autres, enfin, peuvent dans certains cas se fusionner deux à deux ou plusieurs ensemble. À côté des analogies réelles qui unissent les formes de noyaux et de chromatophores que nous avons étudiées, des différences essentielles viennent dans certains cas séparer ces organes. C'est ainsi qu’il n’y a pas d’analooie parfaite entre les formes compli- quées de la division du noyau et le mode de division des chro- matophores dans lesquels les pyrénoïdes se multiplent par étran= glemert, sans présenter de changements de forme particuliers. D'autre part, un grand nombre de chromatophores manquent de pyrénoïdes ; la plupart des algues, de même que les Archégo- niées et les Phanérogames, sont dans ce cas. Aussi les formes com- pliquées de noyau et les chromatophores sans pyrénoïde offrent- ils entre eux moins de caractères morphologiques concordants qu’il n’y en aentreles noyaux et les chromatophores précédem- ment étudiés. Mais une recherche étendue montre ces cas extré- mes reliés par un grand nombre de formes de passage et plaide en faveur d'une analogie complète entre toutes ces formations, ’ CHROMATOPHORES DES ALGUES. 549 analogie d’ailleurs aussi grande que le permet la différence des fonctions. Il ne me paraît nullement hasardé de considérer les noyaux et les chromatophores comme formant deux séries parallèles ayant un point de départ commun, et de les regarder comme des orga- nes analogues du protoplasma présentant dans quelques cas des différences dans la forme en rapport avec leur adaptation à des rôles et à des fonctions différentes. Toutes les considérations qui résultent de la morphologie comparée me paraissent favoriser ce rapprochement. Le parallélisme des noyaux et des chromatophores conduit à la recherche de nouveaux problèmes, amène une série de nou- velles questions. On peut se demander si tel ou tel phénomène se passe dans le développement de l’un et l’autre organe ou s’il est propre à l’un d’eux seulement ; une semblable question se pose à propos de l'absence des pyrénoïdes dans la plupart des chromatophores et de la présence constante de chromatine dans le noyau. On peut aussi se demander si, en dépit des résultats opposés des recherches antérieures, les chromatophores des Flo- ridées et des Phæophycées(de même que ceux des Archégoniées et des Phanorogames) ne contiennent pas des pyrénoïdes distribués sous forme de granules très fin, comme la chromatine dans beau- coup de noyaux dépourvus de nucléoles. Les recherches ulté- rieures ne pourraient-elles pas de même faire connaître des cas où la division des chromatophores se rattacherait immédiate- ment à la division indirecte du noyau? La plupart des questions de cette nature ne conduiraient pour le moment à aucun résultat. Mais, pour ce qui est d’autres questions, le résultat des recherches sera plus favorable ; les ré- sultats acquis pour plusieurs d’entre elles ont été appréciés pré- cédemment. J'ai été moi-même conduit, en comparant les chromatophores avec les noyaux, à examiner la question de la formalion nouvelle des chromatophores. Les deux organes du protoplasma qui, à cause de leurs rap- b50 MÉMOIRES ORIGINAUX. ports morphologiques, doivent être rapprochés l’un de l’autre, sont pourtant adaptés à des fonctions toutes différentes. Par suite de cette différence dans les fonctions, la différencia- tion morphologique s’est produite évidemment dans des direc- tions différentes et a donné naissance à des formes variées (par exemple aux noyaux riches en chromatine et aux chromataphores dépourvus de pyrénoïdes chez les Phanérogames). Mais si l’on remonte jusqu'au point de départ des deux séries, on reconnaît la concordance progressive du développement morphologique. Il faut se demander maintenant si entre les deux formations et surtout entre les premiers termes des deux séries, il n’y aurait: pas un rapprochement plus étroit que celui qu’entraîne l’accord des propriétés. Ne peut-il arriver qu’un membre de l'une des séries puisse se rattacher à l’autre série en changeant de fonction, qu’un noyau puisse se transformer en chromatophore, et réciproquement; ou plutôt, puisque les changements de fonctions ne se font d’ordi- naire que chez des organes jeunes, si un fragment nouvellement formé de noyau ne peut devenir chromatophore, et réciproque- ment? Un seul et même organe ne pourrait-il pas, dans certains cas, remplir les deux fonctions à la fois ? Il résulte des données anciennes de la littérature qu’un tel phénomène s’accomplit quel- quefois ; que, par exemple dans les méristèmes, les noyaux for- ment à leur surface externe un grand nombre de petits chroma- tophores. Mais les recherches nouvelles ne fournissent aucun fait de ce genre, et mes propres recherches sur les algues ne m'ont jamais offert de cas d’une telle transformation ou d’un tel cumul de fonctions. Toujours les deux organes ont paru complè- tement séparés, et les deux fonctions si différentes qu’un organe adapté à l’une d’elle est incapable d'accomplir l’autre. Tandis que les chromatophores el les noyaux ne peuvent échanger leurs fonctions ni remplir la fonction opposée en même temps que la leur, le protoplasma, lorsqu'un de ces deux orga- nes vient à manquer, peut cumuler les deux fonctions en même temps. C’est ce qui arrive pour l’un et l’autre organe chez les CHROMATOPHORES DES ALGUES. 091 Thallophytes. On y connaît des cellules pourvues d’un noyau indépendant et dunt le protoplasma remplit la fonction de chro- matophore aussi bien que des cellules privées de noyaux et pourvues de chromatophores. Il y aussi des cellules dont le pro- toplasma ajoute à sa propre fonction celles du noyau et du chro- matophore, notamment un grand nombre de cellules de” Phyco- chromacées. Nous devons encore nous demander en passant si, dans une cellule, les noyaux et les chromatophores peuvent être incom- plètement séparés, de même que, dans la nature, des organes appartenant au même corps peuvent n’être qu'incomplètement différenciés. Il serait en effet remarquable qu'un noyau ou un chromatophore puisse être imparfaitement limilé vis-à-vis du protoplasma cellulaire, leur substance fondamentale passant peu à peu à celle du protoplasma. Un tel fait n’a pas été constaté pour les noyaux. Je n’ai pu davantage l’observer pour les chro- matophores, Aussi doisje m'en tenir à la nolion déjà acquise que, au moins parmi les algues, il n’existe pas de chromato- phores incomplètement différenciés. ConczusIoN. — La description précédente des chromatophores repose sur une longue série de recherches entreprises, dans le cours de l’année dernière, sur l’organisation des cellules des algues. Les résultats les plus importants que j'ai consignés avaient été déjà acquis, il y a plus de deux ans, pour un certain nombre d’algues, pendant un séjour que je'fis à la Station zoolo- gique de Naples. Je dus me demander aussitôt si ces résultats ne concerrnaient que quelques groupes d’algues ou s'ils s’appli- quaient à tuutes ces plantes, si l’on ne trouvait chez elles que des chrematophores différenciés et si ces organes ne se multi- pliaient que par division, sila formation libre n’intervenait jamais, dernière opinion à laquelle toutes les données présentes de la littérature s’opposaient entièrement, En réponse à cette question, j'entrepris sur les Phanérogames une série d'observations qui me conduisirent à des données absolument conformes aux résultats 992 MÉMOIRES ORIGINAUX. antérieurs. Mais je m’aperçus bientôt que, par suite de la diffi- culté qu’il ya à distinguer les chromatophores dans les méri- stèmes et les organes sexuels des Phanéroganes et des Arché- goniées, ces recherches exigeraient un temps beaucoup trop long; c’est pourquoi je me limitai à une étude comparée des algues, afin d'établir au moins, dans cette division du règne végétal, la valeur des résultats obtenus. J’eus encore quelques difficultés à vaincre: les Characées, no- tamment, me retardèrent à cause de la difficulté qu'il y a à mettre en évidence les chromatophores dans les cellules termi- nales et les cellules sexuelles de ces plantes. Je réussis pourtant à démontrer que les résultats obtenus pour les autres algues avaient chez elles une égale valeur. L’exposé des résullats obtenus s'adresse donc uniquement aux Algues, et rien n'indique jusqu’à quel point ces résultats sont vrais pour les Archégoniées et les Phanérogames. Des recher- ches ullérieures pourront seules nous renseigner à cet égard. Pourtant, le fait de leur valeur générale dans une des grandes di- visions du règne végétal, rend très vaisemblable qu'ils ont une valeur égale dans les deux autres divisions des Archégoniées et des Phanérogames. EXPLICATION DES PLANCHES. Afin de faciliter l'intelligence des figures, les chromatophores ont été légèrement ombrés, tandis que les pyrénoïdes, de même que les nucléoles des noyaux, ont reçu une teinte foncée ; les dessins ont été faits sur des préparations durcies et colorées ou sur des cellules vivantes. Fic. 1. Licemophora flabellata [traité par l’acide picrique et l’héma- toxyline). Cellule avec deux chromatophores, vue de côté ; cha- que chromatophore possède un pyrénoïde en son milieu; entre les deux chromatephores, la masse protoplasmique avec un noyau.— Gross.200. Fic. 2. Le même. Cellule vue du côté dorsal.— Gross. 200, Fie. 3. CHROMATOPHORES DES ALGUES. 553 Mesocarpus scalaris (cellule vivante). Chromatophore isolé avec plusieurs pyrénoïdes ; au milieu le noyau, vu par trans- parence ; à la surface des chromatophores sont dispersés un certain nombre de globules de différentes grosseurs, situés dans la couche mince de protoplasma qui entoure le chromatophore. Les enveloppes amylacées sont dessinées sous forme de nom- breux petits grains d’amidon. — Gross. 800. Fig. 4 Spirogyra sp. (traité par l'acide picr. et l’hémat). Ruban FiG. 5. Fic. 6. | FAT M Fic. 8. Fic. 9. chlorophyllien irrégulièrement lobé. Amas d'amidon avec l'en- veloppe amylacée formé d’un grand nombre de petits grains ; pyrénoïdes un peu contractés : par suite l'étendue, réciproque des diverses parties de l'amas d’amidon apparaît clairement ; deux amas d’amidon au commencement de leur bipartition. — Gross. 800. Œdogoniwm sp. (traité par l'acide picr. et l'hémat.). Chroma= tophore divisé en nombreux rubans allongés et confluents ; ces rubans renferment plusieurs amas d’amidon et de nombreux grains isolés. Enveloppe amylacée de l'amas d’amidon formée de gros grains séparés ; pyrénoïdes un peu contractés. Noyau au milieu de la cellule, entouré par le chromatophore pariétal. — Gross. 800. Œdogonium sp. (traité par l’acide picr. et l’hémat.). Chroma- tophore, divisé sur les bords, avec des amas d’amidon isolés et de nombreux grains séparés. A côté de l’amas d’amidon, sur le côté interne du chromatophore, un noyau qui apparaît dans la figure par transparence.— Gross. 800. Cladophora arcta (traité par l’acide picr. et l’hémat.). Demi- cellule avec un ruban chlorophyllien pariétal, irrégulièrement interrompu ; il renferme de nombreux amas d’amidon. A la face interne du chromatophore, nombreux noyaux. L’enveloppe amylacée sphérique des amas d’amidon apparaît, en coupe optique, forméede grains plus ou moins apparents.—Gross. 800. Achnanthes longipes (traité par l'acide osmique et la glycérine). Cellule vue du côté dorsal. Protoplasma un peu contracté. Chromatophores disciformes, pariétaux avec pyrénoïdes isolés. — Gross. 800. Le même. Chromatophores isolés. Division des pyrénoïdes, Les chiffres indiquent l’ordre des phases de la division.— Gross. 800. Fic. 10. Achnanthes subsessilis [traité par l’acide osm. et la glyc.), Fia. 11. Fire. 12. Fi. 13. Fic. 14. Fra. 15. Fie. 16. MÉMOIRES ORIGINAUX. Cellule vue du côté dorsal, avec deux chromatophores.—Gross. 800. Helminthocladia purpurea (cellule vivante). Cellule corticale du thalle cylindrique, vue de face.— Gress. 800. Le même. La même cellule en coupe longitudinale optique. Autour du milieu du chromatophore étoilé, de nombreux grains d'amidon groupés en une couche sphérique. À côté du chroma- tophore, le noyau dans le protoplasma ambiant. Des filaments protoplasmiques partent du fond de la cellule et s’attachent, à moitié de sa hauteur, à la couche protoplasmique pariétale.— Gross. 800. Draparnaldia glomerata (traité par l'acide picr. et l’hém.). Cellule d’une jeune tige. Chromatophore annulaire, pourvu d'un bord irrégulièrement lobé, traversé par un grand nombre de petites ouvertures, sur le point de passer à la forme treil- lissée des cellules caulinaires âgées. Plusieurs amas d’amidon de différentes grosseurs sont inclus dans le chromatophore. Le noyau, placé à la face interne du chromatophore, apparaît par transparence dans la figure. Des dentelures du chromato- phore se détachent d’épaisses fibrilles protoplasmiques (figurées par une ligne ponctuée) qui s’attachent au bord de la paroi transversale de la cellule.—Gross. 800. Draparnaldia glomerata {traité par l’acide picr. et l’hém.). Jeunes cellules des rameaux. Chromatophore sous forme de plaque pariétale recouvrant toute la surface cylindrique de la cellule, avec deux amas d’amidon. Noyau à la face interne du chromatophore. La figure montre le noyau placé sur le côté supérieur de la cellule cylindrique et les deux amas d'amidon contre les faces latérales.—Gross. 800. Valonia macrophysa (traité par l'acide picr. et l’hémat.). Portion de la couche clorophyllienne pariétale. Chromatopho- res disciformes à bords finement dentelés, unis par de courtes ou longues fibrilles protoplasmiques. Quelques chromatophores avec des amas d'amidon, à enveloppe amylacée sphérique, ne présentant pas, en coupe optique, des grains bien évidents. Py- rénoïdes un peu contractés.—Gross. 800. Nemalion multifidum (cellule vivante). Cellule corticale du thalle cylindrique, A côté du centre de l'étoile chlorophyl- lienne, un noyau très net.— Gross. 800, CHROMATOPHORES DES ALGUES. 555 FiG. 17. Podosira Montagnei (traité par l'acide picr. et l’hém.). Chro- matophores disciformes, lobés, disposés en couche pariétale, sans pyrénoides.—Gross. 800. Fic. 18. Urospora mirabilis (cellule vivante). Filaments cellulaires vus de face. Chromatophores disciformes avec pyrénoïdes nus, unis çà et là par des fibrilles protoplasmiques. Vacuoles dans le protoplasme entre les chromatophores. Noyau invisible dans la figure.—Gross. 400. FiG. 19. Euglena viridis (cellule vivante). Cellule contractée longitu- dinalement, vue en coupe optique. Chromatophore étoilé avec nombreux grains de paramidon autour du centre {qui est, chez les divers individus, très diversement épaissi), et le long des prolongements étoilés. A l'extrémité antérieure du corps fait saillie, sur la trompe, le cil flagelliforme, et à côté se trouve le point rouge oculiforme ; à l’intérieur, le noyau. Le pyrénoïde se distingue rarement sur les cellules vivantes.— Gross. 800. Fi@. 20. Euglena oxyuris (traité par l’eau iodée et l’hématox.). Cellule presque entièrement développée, en coupe longitudinale optique. Au milieu, le noyau (2); dans la moitié postérieure, un chroma- tophore étoilé avec un pyrénoïde sphérique ; dans la moitié antérieure, un chromatophore (6) au début de sa bipartition; le pyrénoïde étiré longitudinalement, un peu étranglé au milieu; grains de paramidon accumulés en grand nombre autour du centre des chromatophores; d, vacuoles arrondies ; 0, point oculiforme rouge ; e, trompe pourvue de son flagellum. Fia. 21. Bryopsis plumosa (traité par l’acide picr. et l’hém.). Chroma- tophores disciformes, en voie de division.— Gross. 800. Fra. 22. Hyalotheca mucosa (traité par l’acide picr. et l’hém.). Cellules isolées ou chromatophores isolés avec les diverses phases de la division de l’amas d’amidon. Protoplasma et chromatophores un peu contractés par l’acide picrique. 1. Chromatophore isolé ; enveloppe amylacée très grossière- ment granulée. 2. Chromatophore au début de la division ; les prolongements du bord commencent à se fendre ; commence- ment de la division du pyrénoïde;— 3-5. Phases suivantes de la division de l’amas d’amidon; division du pyrénoide achevée; 3. chromatophore complet avec enveloppe amylacée formée de très petits grains; 4. Partie centrale du chromatophore avec l’amas d'amidon et l'enveloppe formée de grains plus gros ; 5. Fic. FiG. Fic. Fic. Fi. 24. 25. 26. 21. MÉMOIRES ORIGINAUX. la même enveloppe grossièrement granulée. — 6-8. Division du chromatophore terminée; les moitiés hémisphériques de l’enveloppe amylacée sont complétées par la formation de nou- veaux grains d'amidon.— Gross. 800. . Porphyridium cruentum (cellule vivante). Cellule en coupe optique. Chromatophore étoilé avec pyrénoïde arrondi. Noyau dans la portion la plus grande de la cellule ; dans l'intervalle des prolongements courts du chromatophore, sont des goutte- lettes brillantes isolées.— Gross. 1400. Batrachospermum moniliforme (cellule vivante). Cellule d’un rameau latéral, vue de face. Chromatophores disciformes, de grandeur et de forme différentes.— Gross. 1400. Le même, en coupe longitudinale optique. Protoplasma pourvu de nombreux grains d’amidon des Floridées.— Gross. 1400. Striatella wnipunctata (traité par l'acide pier. et l’hém.). Masse protoplasmique médiane avec le noyauet les deux chro- matophores en forme de demi-étoiles, dont l’un a subi la divi- sion. Nombreux pyrénoides rapprochés au milieu des chroma- tophores.— Gross. 400. Zygnema sp. (traité par l'acide picr. etl'hémat.). Cellule avec les deux chromatophores étoilés, en coupelongitudinale optique. Enveloppe amylacée des amas d’amidon formée de nombreux grains très petits. Pyrénoïdes contractés.— Gross, 800. 557 EXCURSIONS BOTANIQUES EN ESPAGNE Par G. ROUY. ORIHUELA, MURCIA, VELEZ-RUBIO, HELLIN, MADRID, IRUN. (Mai 1881.— Juin 1882.) (Suite!) 2, — LOCALITÉS NOUVELLES. La plupart des plantes que, seul en 1881 ou en compagnie de M. A. Guillon en 1882, nous avons récoltées en Espagne, ont élé prises par nous à des localités où elles ne sont point mention- nées dans le Prodromus floræ Hispanicæ, l'ouvrage le plus complet et le plus récent sur l’ensemble de la flore espagnole. Il est donc utile, dans le but d’arriver à une connaissance aussi exacte que possible de la végétation de la Péninsule, de signaler ces plantes à leurs localités nouvelles ; mais il m’a paru nécessaire de don- ner, en outre, l'énumération méthodique de toutes les espèces mentionnées dans le compte rendu qui constitue la première partie de ce Mémoire, car quelques-unes de ces plantes ont été signalées seulement d’après les indications de botanistes déjà éloignés de nous, tels que Cavanilles, La Gasca, Webb, etc., et il est bon, dès lors, de rappeler leur présence au même lieu à une date toute récente. La liste suivante comprendra donc toutes les espèces, variétés ou formes rencontrées par moi en Espagne en 1881 et 1882. Les plantes dont les noms seront en italique n'avaient pas encore été signalées à la localité, ou à l’une des localités où je les indique ; ce sont par conséquent celles qui, au point de vue de la géographie botanique de la Péninsule, présentent le plus d’in- 1 Voir numéro de décembre 1882, 3e sér., lom, 11. 39 558 MÉMOIRES ORIGINAUX. térêt. En parcourant celte énumération, 1l sera facile d'appré- cier, par le nombre relativement considérable des espèces souli- gnées, combien de découvertes restent à faire, même actuellement, dans ce riche pays d'Espagne, dont la flore, malgré les recherches consciencieuses des explorateurs, n’est encore que si imparfaite- ment connue. Pour abréger, et afñn d’éviter la répétition continuelle des noms de localités, j'ai attribué à chaque herborisation un numéro d'or- dre indiqué Gansle tableau ci-dessous : ORIHUELA. . Cerro et col de San Miguel. . D'Orihuela à Callosa (a huerta). . Sierra de Callosa. . D'Orihuela à Urchillo ({a hwerta). . Cerro de Urchillo. . Plaine entre la ville etla gare (/a huerta), salins de Benie], coteau de la gare. D OÙ à © NO MurcIA. 1. De Murcia à Monte-Agrdo. 2. Monte-Agudo. 3. De Murcia à Algezares. 4, D'Algezares à Fuensanta et rochers de Fuensanta. VELEZ-RUBI0. 1. Cerro de Maimon Grande. Sierra de Maimon. 2. Cerro de la Pena alta. — HELLIN. 1. Cerro del Pino. 2. Garrigues entre Hellin et la Sierra de las Cabras. 3. Sierra de las Cabras. 4. Salins d'Agramon. IRUN. Li . Environs du bourg. 2. Coteau et ermitage de San Marcial. Clematis Flammula L. Murcia, 4. — Thalictrum glaucum Desf, Murcia, 1.— Ranunculus Amansii Jcrd. var. minor Rouy. Irun, 2. — EXCURSIONS BOTANIQUES EN ESPAGNE. 559 R. muricatus L. De Lebrilla à Aïhama. — R. arvensis L. Murcia 3. — Nigella Damascena L. Orihuela, 3. Hellin, 1.—Delphinium peregrinum L. (D. junceum DC.) Murcia, 4. Hypecowm procumbens L. Puerto de Lumbreras.— H. grandifiorum Benth. Hellin, 1. Madrid: Casa de Campo. — Glaucium corniculatum Curt. Hellin, 1. — Rœmeria violacea Medik. Velez-Rubio, 1. — Papa- ver dubium L. Velez-Rubio, 2. Platycapnos spicatus Bernh. Hallin, 3. — P. grandiflorus Rouy Velez-Rubio, 2. — Fumaria capreolata L. var. albifiora Ham. (F. pal- lidiflora Jord.) Hellin, 1. Matthiola lunata DC. Velez-Rubio : serrata del Castellon, — M. tristis R. Br. Velez-Rubio, 1. — Malcomia Castellana Rouy. Madrid : Casa de Campo.— Sisymbrium Irio L. Orihuela, 1.— S. contortum Cawv. Madrid : Casa de Campo. — S. Columnæ Jacq. Hellin, 1.—$S. polycera- tium L. Madrid : Casa de Campo. — Moricandia arvensis DC. Abon- dant aux environs de Murcia, Orihuela, Totana, Hellin; plus rare vers Puerto de Lumbreras. — Brassica lœvigata Lag. Madrid : Casa de Campo. — B. Cossoniana B. et KR. Orihuela, 1, 3. Murcia, 8. Alhama. Hellin, 3. — Erucastrum incanum Koch. Murcia, 3. Puerto de Lum- breras. — Æ. Bœticum Lge (Brassica Bætica Boiss.). Murcia, 4. Velez- Rubio, 2. — Æ. pseudo-Sinapis Lge. Puerto de Lumbreras. — Diplo- taxis virgata DC. De Puerto à Velez. — D. Lagascana DC. (Pendu- lina Lagascana Willk.) Orihuela, 5; de Totana à Lorca. — var. Web- biana Rouy (P. Webbiana Willk.). Orihuela, 6. de Totana à Lorca. — var. ’ntricaia Rouy (P. intricata Willk.). De Totana à Lorca. Puerto de Lumbreras. — Eruca vesicaria Cav. Hellin, 1, 2. — Æ. stenocarpa B. et R. Velez-Rubio, L. — var. major Rouy [E. orthosepala Lge). De Totara à Lorca. — Koniga maritima R. Br. Hellin, 1. — var. rubes- cens Rouy. Orihuela, 1, 5. — K. spinosa Spach. Velez-Rubio, 2. — Alyssum montanum L. Velez-Rubio, 2. — A. campestre L. Puerto de Lumbreras. — var. minus Rouy. Velez-Rubio, 1,2. — A. Granatense B. et R. Hellin, 3.— Carrichtera Vellæ DC. Orihuela, 3. Murcia, 4.— Vella spinosa Boiss. Velez-Rubio, 2. — Biscutella ambigua DC. var. Lusitanica Rouy (B. Lusitanica Jord.). Murcia, 4. — B. stenophylla Duf. Velez-Rubio 1. Hellin, 1. — B. auriculata L. Velez-Rubio, 1, 2. Hellin, 2. — var. erigerifolia Willk. (B. erigerifolia DC.). Velez-Ru- bio, 1. — Lepidium Draba L. Orihuela, 2. — L. graminifolium L. Ori- huela, 2. — Senebiera didyma Pers. Irun. 1. — Guiraoa arvensis Coss. De Totana à Lorca. — Rapistrum rugosum All. Murcia, 8. de Lebrilla à Alhama. Velez-Rubio, 1. Capparis spinosa L. Orihuela, 5. Murcia, 2. De Totana à Lorca. 60 MÉMOIRES ORIGINAUX. Cistus albidus L, Hellin, 4. — C. Clusii Dun. Hellin, 4. — Xelian- themum lavandulæfolium DC. Orihuela, 5. Puerto de Lumbreras- Hellin, 2. — H. hirtum Pers. Hellin, 3. — var. aureum Dun. Velez- Rubio, 1. — Æ. racemosum Dun. var. farinosum Dun. Orihuela, 1, 6. Hellin, 2. — 71. strictum Pers. Hellin, 1. — 7. lineare Pers. Puerto de Lumbreras. — var. scopwlorum Rouy.Velez-Rubio, 2. — H. squama- tum Pers. Orihuela, 6. Hellin, 2. — 7. cinereum Pers. var. Lagasca- num Dun. Velez-Rubio, 2. — Æ. paniculatum Dun. Orihuela, 5, 6. Hellin, 2. — var. longifolium Willk. Orihuela, 5. — H. marifolium DC. Hellin, 3. — var. cinerascens Willk. Murcia, 4. — var. niveum Willk. (H. dichroum Kze). Hellin, 1. — Fumana lævipes Spach. Ori- huela, 1, 3. — F. glutinosa Boiss. Orihuela, 1. Hellin, 1, 3. — var. juniperina Willk. (H. juniperinum Lag.}. Orihue:a, 5. Viola arborescens L. Orihuela, 5. Murcia, 4. Hellin, 1, 3. Polygala depressa Wend. Irun, 2. — P. vulgaris L. Irun, 2 — P. rupestris Pourr. Orihuela, 1, 5. Murcia, 2. Hellin 1, 3. — P. Monspe- liaca L. Orihuela, 4. — P. exilis DC. Puerto de Lumbreras. Reseda Bœtica J. Gay. Velez-Rubio, 2. — R. Gayana Boiss. Murcia, 4. Hellin, 2. — var. brevipes Rouy (R. leucantha Hegelm). Orihuela, 8, 5,6. Hellin, 1. — R. Phyteuma L. var. tntegrifolia Texid. Orihuela, 3, 5. Hellin, 1. Madrid: Casa de Campo. — R. séricta Pers. Puerto de Lumbreras. Hellin, 1, 2. — var. Funki Willk. Hellin, 2. — KR. lan- ceolata Lag. De Totana à Lorca. De Puerto à Velez. — var érisecta Rouy (R. constricta Lge). De Totana à Lorca. De Puerto à Velez. — R. lutea L. var. hispidula J. Mull. Hellin, 3.— var. maritima. J. Mull. Orihuela, 1, 5. — var. stricta J. Mull. De Puerto à Velez.— var. pul- chella J. Mull. De Totana à Lorca. De Puerto à Velez. — var. brevipes Rouy. Murcia, 3.4.— R. virgata B. et R. Madrid: bord de la route de Ségovie. Frankenia pulverulenta L. Orihuela, 1, 3. Puerto de Lumbreras.— F. Reuteri Boiss. Orihuela, 6. Hellin, 4. Agrostemma Githago L. Velez-Rubio. — Melandriwm macrocarpum Willk. Murcia, 3. Hellin, 3. — Silene Cucubalus Wib. var. brevi- flora Rouy. Velez.-Rubio, 2. Hellin, 5. — var. rupicola Bor. Irun,2. — var. lancifolia Rouy. Hellin, 2. — S. Saxifraga L. Velez-Rubio, 2. — var. Hispanica Rouy. Velez-Rubio, 2.— S. inaperta L. Puerto de Lumbreras. — $S. colorata Poir. var. vulgaris Willk Madrid: Casa de Campo.— S. glauca Pourr. Urihuela, 3. Hellin, 3. — var. minor Rouy. Hellin, 1. — S. nocturna L. var. micrantha Willk. (S. permixta Jord). Hellin, 1. — S. Gallica L. Irun, 2. — S. cerastioides L. (S. coarctata Lag). Hellin, 3. — Saponaria ocymoides L. Velez-Rubio, 2. — EXCURSIONS BOTANIQUES EN ESPAGNE. 561 Dianthus Broteri B. et R. var. macrophyllus Willk. (D. Valentinus Willk.). Orihuela, 1,3. Hellin, 1,3. —D. brachyanthus Boiss. var. mon- tanus Willk. Velez-Rubio, 1,2. — Velezia rigida L. Murcia, 2.— Sagina procumbens L. Irun, 2.— Buffonia tenuifolial. De Puerto à Velez. - Alsine tenuifolia Crantz var. confertifiora Fenzl (A. conferta Jord). Hellin, 1. — A. procumbens Fenzl. Murcia, 2. Alhama. Hellin, 1. — Arenaria grandiflora L. Velez-Rubio, 1. — A. obtusiflora Kze. Velez- Rubio, 2. Hellin, 1. — A. capitata Lam. Velez-Rubio, 1. — Cerastium Riæi Desm. Velez-Rubio, 2. — C. Boissieri Gren. Velez-Rubio, 1. — Spergularia media Pers. Hellin, 4.— S. rubra Pers. var. longipes Lge. Madrid : Casa de Campo. — S. campestris Willk. Mureia, 4. — S. diandra Boiss. Hellin, 1, 2. — Linum Narbonense L. Hellin, 1,2. — L. suffruticosum L. Velez-Rubio, 1, 2. — L. strictum L. Orihuela, 1. Hellin, 1. — L. maritimum L. Orihuela, 6. — ZLavatera maritima Gouan. Orihuela, 1, 3. Hellin, 3. — L. #riloba L. Orihuela, 2. Velez- Rubio, 2. — L. Cretica L. (L. silvestris Brot). Murcia, 3. — Althæa hirsuta L. Hellin. 3. — Malva Hispanica L. Orihuela 5. Hellin, 2. Madrid : Casa de Campo. — M. Ægyptia L. Hellin, 2. — M. silvestris L. Irun, 1. — M. Nicæensis AI. Orihuela, 1. Hellin, 1. — M. micro- carpa Desf. Orihuela, 1. Murcia, 3. Geranium purpureum Vill. Velez-Rubio, 1. — Erodium cheilanthi- folium Boiss.Velez-Rubio, 2.— E. malacoides L'Hérit. var. subtrilobum Lge [E. subtrilobum Jord.). Murcia, 2.— Æ. moschatum L'Hérit. Irun,1. — E. Chium Willd. var. Muwrcicum Rouy (E. Murcicum Willd). Orihuela 1. Androsæmum officinale All. Irun, 1.— Hypericum ericoides L. Velez- Rubio, 2. Oxalis corniculata L. Irun, 1. Zygophyllum Fabago L. Orihuela 6. Murcia, 3. — Fagonia Cretica L. Orihuela, 3,5. Peganum Harmala L. Orihuela 2, 6. Murcia, 2, 8. De Lebrilla à Alhama. — Ruta montana Clus. Orihuela, 3. — R. angustifolia Pers. Orihuela, 1.—R. bracteosa DC. Irun, 2.— Haplophyllum Hispanicum Spach. Hellin, 2. Rhamnus oteoides L. Orihuela, 3. — RA. lycioides L. Orihuela, 3. Velez-Rubio, 3.— Zizyphus Lotus Lam.De Lorca à Totana. Rambla de Puerto. Fistacia Lentiscus L. Hellin, 3. Ulex Europæus Sm. var. pubescens Irun, 2.— Genista umbellata Poir. Hellin, 2.— G. Lobelii DC.Velez-Rubio,2.— Cytisus Fontanesii Spach. Hellin, 2. — Calycotome spinosa Link. Velez-Rubio, 1. — Retama 562 MÉMOIRES ORIGINAUX. sphærocarpa Boiss. De Puerto à Velez. Hellin, 2. Madrid : Casa de Campo. — Ononis tridentata L. var. angustifolia Lige s.-var.-dentata Villk. Orihuela, 5. — O. Sicula L. Murcia, 4. — O. reclinata L. var. minor Moris (O0. mollis Savi). Hellin, 1. — O. ornithopodioides L. Hallin, 1, 3.—0. Hispanica L. f. Orihuela 5. Murcia, 2, 4.— O. ramo- sissima Desf. var. vulgaris Willk. De Puerto à Velez. — O. Natrix L. var. media Boiss. (O0. picta Desf.). Hellin, 3, — O. procurrens Walir. Orihuela 2. Velez-Rubio, 1. — O.minutissima L. var. calycina Willk. 10. barbata Cav.). Orihuela, 1. — O. Columnæ All. var. calycina Rouy Hellin, 1, 3 — O. brachyantha Rouy. Velez-Rubio, 1. — Anthyllis tetraphylla L. Velez-Rubio : serrata del Castellon. — A. lotoides L. Madrid : Casa de Campo. — A. cytisoides L. Puerto de Lumbreras. De Puerto à Velez. Hellin, 2.— A. genistoides. Duf. Orihuela, 5. Puerto de Lumbreras. — A. sericea Lag. Hellin, 2. — A. Arundana Boiss. et Reut. Hellin, 1. — A. onobrychioides Cav. Hellin, 1, 3. — Medicago Helix Willd. var. spinulosa Moris. Hellin, 1.— Melilotus Neapolitana Ten. Hellin, 3. — M. parviflora Desf. Hellin, 2. — M. elegans Salzm. Haellin, 3. — M. sulcata Desf. var. angustifolia Willk. Hellin, 2. — Trifolium lappaceum L. Hellin, 2. — T. scabrum L. Hellin, 1. —T. procumbens L. var. majus Koch. Hellin, 3. — Dorycnium suffruticosum Villk. Orihuela, 5. — var. Hispanicum Rouy. Puerto de Lumbreras. Hellin, 2.— Lotus siliquosus L.Orihuela, 4.— As/ragalus Narbonensis Gouan. Puerto de Lumbreras.— À. incurvus Desf. Velez-Rubio 2. Hel- lin,1.—A.Glaux, L. Velez.-Rubio, 1.— A. pentaglottis L. De Totana à Lorca. — Biserrula Pelecinus L. Madrid : Casa de Campo. — Psoralea bituminosa L. Orihuela, 1, 3. Hellin, 1. — Vicia sativa L. var. ériflora, Irun, 1. — V. onobrychioides L. Velez-Rubio, 1. — V. elegantissima Shuttl. Hellin. 3.—V.gracilis Lois. Orihuela, 4.—Lathyrus Clymenum L. Puerto de Lumbreras. — L. Cicera L. Velez-Rubio, 2. — Coronilla juncea L. Orihuela, 5. Hellin, 3. — C. minima DC. var. australis G. et G. (C. Clusii Duf.). Murcia, 4, — C. scorpioides Koch. Hellin, 2. — Hippocrepis glauca Ten. Puerto de Lumbreras. — H. comosa L. var. prostrata Boiss. Velez-Rubio, 1. — H. squamata Coss. Hellin, 2. — À. ciliata Willd. Hellin, 1. — Onobrychis stenorhiza DC. Velez- Rubio, 2. Hellin, 2. — Scorpiurus subvillosa L. Orihuela, 4. Acacia Farnesiana Villd. Orihuela, 4. Rubus discolor W. et N. Velez-Rubio, 1. — Rosa sempervirens L. Irun, 1. — var. microphylla DC. Irun, 1. — R. Cantabrica Crép. Irun, 1.— R. Pouzini Tratt. var. nuda Gren. (R. Hispanica B. et R.) Madrid : Casa de Campo. — var. Diomedis Crép. (R. Diomedis Gren.) Madrid : Casa de Campo. — R. canina L. var. suffulta Christ. Madrid : EXCURSIONS BOTANIQUES EN ESPAGNE. 563 Casa de Campo. — À. agrestis Savi. Velez-Rubio, 1. — R. À lmeriensis Rouy. Velez-Rubio, 1. — Poterium Magnolii Spach , Orihvela ‘5. Velez-Rubio, 1. Epilobium hirsutum L. Velez-Rubio, 1. — Lythrum acutangulum Lag. Orihuela, 4. Murcia, 1. — L. Salicaria L. Velez-Rubio, 1. Tamarix Hispanica Boiss. et Reut. Hellin, 4. Telephium Imperati L. Velez-Rubio, 2. — Polycarpon tetraphylium L. Murcia 2. Irun, 1. — erniaria polygonoides Cav. Orihuela 1. de Puerto à Velez. Puerto de Lumbreras.— var. intermedia Rouy. Murcia, 4. — Var. diffusa Rouyÿ (H. paniculata Webb). Orihuela 3. Hellin, 3.— I. fruticosa L. De Puerto à Velez. Hellin, 3. — H. cinerea DC. De Totana à Lorca.— Queria Hispaniea L. Velez-Rubio, 2. Hellin, 1.— Paronychia argentea Lam. Orihuela 1. Hellin, 1. — P. nivea DC. De Puerto à Velez. Velez-Rubio 1. Hellin, 1. — P. capitata Lam. Ori- huela, 1. — P. arelioides DC. De Puerto à Velez. Velez-Rubio, 1, 2. Hellin, 1. — Lœflingia Hispanica L. Madrid : Casa de Campo. Umbilicus pendulinus DC. Irun, 1. — U. Ga ditanus Boiss. Murcia, 4,.— U. hispidus DC. Hellin, 1.— Sedum Clusianum Guss. Orihuela, 5. — S. gypsicolum B. et R. Hellin, 1. — S,. Anglicum Huds. var. Raii Lge (S. arenarinm Brot.). Irun, 2. — S. hirsutum Al]. Irun, 2. — S. altissimum Poir. Murcia, 2. Mesembryanthemum nodiflorum L. Orihuela, 1, 6. Murcia, 2. — Aiszoon Hispanicum L. Orihuela, 6. Hellin, 4. Elæoselinum Lagascæ Boiss. Orihuela 6. Murcia 4. Hellin, 1. — Thapsia villosa L. Murcia, 4. De Puerto à Velez. Madrid : Casa de Campo.— Orlaya platycarpos Koch.Velez-Rubio, 1.— Daucus polyga- mus Gouan. Irun, 2.— Duriæa Hispanica B. et R. Hellin, 1, 2.— Cau- calis leptophylla I. Hellin, 1. — Torilis heterophylla Guss. Madrid : Casa de Campo. — Ferulacommunis L. Madrid : Casa de Campo.— Œnan- the peucedanifolia Poll. var. major Rouy. Murcia, 3. — Chærophyllum nodosum Lam. Velez-Rubio, 1. — Scandix Pecten Veneris L. Murcia, 1. —S. pinnatifida Vent. var. velutina Coss. Velez-Rubio, 2. — Sium latifolium L. Orihuela, 4.— S, angustifolium L. Orihuela, 4.— Ammi majus L. et var. intermedium G. et G. Murcia, 1. — Péychotis am- moides Koch. Orihuela 1. Alhama.—Pimpinella dichotoma Cav. Hellin, 1. — Apium graveolens L. Irun, 1. — Petroselinum peregrinum Lag, Irun, 2. — Bupleurum opacum Lige. Hellin, 1. — B. semicompositum L.Hellin, 4.— Hippomarathrum pterochlænum Boiss. Puerto de Lum= breras.—Eryngium campestre L. Murcia, 2, 4. Alhama.— E, #icifolium Lam. Murcia, 4. Puerto de Lumbreras, Rubia peregrina L. var. angustifolia G. et G. (R. angustifelia L, ; 564 MÉMOIRES ORIGINAUX. R. longifolia Poir.)}. Orihuela 3. Murcia 1. — Galium aciphyllum Willk. et Costa. var. cæspitosum. Velez-Rubio, 1. — var. longicaule Velez-Rubio, 2. — G. fruticescens Cav. De Puerto à Velez. Velez-Rubio, 1.— G. Murcicum B. et R. Murcia, 4. — Galium saccharatum All. Murcia, 2. — G. Aparine Lge. Velez-Rubio, 2. — G. setaceum Lam. Orihuela 1, 3. Murcia 4. De Puerto à Velez. Hellin, 1. — G. Pari- siense L. var. vestitum G. et G. (QG. itigiosum DC.). Velez-Rubio, 1.— G.decipiens Jord. Hellin, 1. — var. depauperatum Rouy (G. Chamæaparine Willk. et Costa). Hellin, 1. — G. verticillatum Danth. Velez-Rubio, 2. — Vaillantia muralis L. Hellin, 1. — V. hispida L. Murcia, 4. Alhama. Hellin, 1.— Callipeltis cucullaria DC. Murcia, 4. De Puerto à Velez. Velez-Rubio, 1, 2. Hellin 1, 3. — Asperula scabra L. f. var. macrosiphon Lge. Orihuela, 1. Murcia, 4. — var. brachy- siphon Lge. Orihuela, 5. Hellin, 1. — A. arvensis L. Hellin, 2. — Crucianella angustifolia L. De Puerto à Velez. Hellin, 1. — C. patula L. Hellin, 2. Centranthus Calcitrapa Dufr. De Puerto à Velez. Hellin, 1.3. Scabiosa Monspeliensis Jacq. Orihuela 1, 3. De Puerto à Velez. Velez-Rubio, 1. Hellin, 1,3. — var. subacaulis Rouy. Orihuela 5. Hellin, 1. — S. maritima L. var. grandiflora. Boiss. (S. grandiflora Scop., S. Cupani Guss.). Orihuela, 1, 5. Murcia, 1. — S. tomentosa Cav. Velez-Rubio, 2. — Trichera subscaposa B. et R. (sub Knautia) Velez-Rubio, 2. (A suivre.) LA MINÉRALOGIE D'APRÈS HÉRODOTE, CTÉSIAS ET LES MONUMENTS ÉGYPTIENS Par M. J. THOULET. (Suite et fin 1.) Près de l'empire Perse s'étend une vaste contrée qui, ben qu'ayant excilé à diverses reprises la convoitise des conquérants asiatiques et européens, ne perdit cependant jamais sa liber'é grâce à la vailance de ses habitants et surtout grâce à une con- figuration géographique que la nature semble avoir faite à des- sein pour repousser l'invasion : c’est la Scythie. Les anciens ne lui donnaient pas de limites très précises: tantôt ils la faisaient commencer au Danube, tantôt ils la plaçaient entre la mer Cas- pienne el le lac d’Aral, et ils l’étendaient indéfiniment au nord et au nord-est de cette dernière mer. À vrai dire, ils appelaient Scythes tous les barbares des régions septentrionales de l'Eu- rope et plus spécialement de l’Asie. Ils partageaient la Scythie entre une foule de peuplades ou tribuS$-de noms différents ; cette confusion géographique et politique avait son explication, non seulement dans l’élat de barbarie dé ces peuples, mais encore dans leur vie nomade qui les faisait sans cesse changer la place de leurs campements selon les hasards des saisons ou ceux des invasions étrangères. Attlaqués d’abord par Cyrus, ils le batti- rent, le tuèrent(—52?9) et leur reine Tomyris enferma son cadavre dans une outre remplie de sang, afin, dit-elle, d’assouvir la soif de sang du conquérant *. Vers —508, Darius [* entra sur leur territoire; les Scythes inaugurèrent ce genre de combat 1 Voir numéro de mars 1883. 2 Hérod., I, 214. 3e sér., tom, 11. 40 566 MÉMOIRES ORIGINAUX, qui, plus de deux mille ans plus lard, devait sauver leurs des- cendants des attaques d’un autre conquérant : ils reculérent, faisant le désert derrière eux, mais combattant toujours, et for- cèrent enfin à battre en retraite leurs ennemis exténués de fati- gues etde privations, décimés par les flèches d’une cavalerie insaisissable. Ceite campagne de Darius en Scythie est le pre- mier échec sérieux éprouvé par la puissance perse, que les guerres médiques allaient ébranler bien plus cruellement encore ; elle marque le premier pas dans cette voie de décadence qui devait aboutir à l’anéantissement de l’empire du grand roi sous Alexan- dre, Ce dernier essaya aussi de réduire les Scythes, mais ce fut en vain. Les indications fournies par Hérodole sur ces peuples sont vagues et tellement mélangées de fable qu'il est impossible d’y faire la part de la réalité et celle de l'erreur. Nous n’en parlons ici presque que pour mémoire. Ainsi, sous le règne des trois fils de Targitas, premier habitant de la Scythie', on vit tomber du ciel plusieurs objets d’or, une charrue, un joug, une hache et une coupe ; les deux frères aînés s’approchèrent et ne purent les ramasser parce qu’ils étaient brülants, le plus jeune fut seul'capa- ble de les manier et de les emporter, et cette heureuse fortune lui valut la royauté. Les Scythes prétendent que ce phénomène -eut lieu mille ans avant l'invasion de Darius. Il est curieux de remarquer que la hau‘e température des météorites au mo- ment de leur chute, car il ne s’agit ici que de météorites, est déjà mentionnée et, en outre, le fait de la fabrication d'objets usuels avec le métal extra-terrestre vient corroborer cette opi- nion que les fers méléoriques au moyen desquels les Sibériens et les Groënlandais font maintenant encore la pointe de leurs flèches, jouérent un rôle important dans la métallurgie antique et peut-être mème donnèrent aux hommes les premières notions du fer. Ces peuples Scythes menaient une vie pastorale, avaient une 1 Hérod., IV, 5, LA MINÉRALOGIE AU TEMPS D HÉRODOTE. 567 industrie toute rudimentaire ; cependant Hérodote prétend' qu'ils doraient le crâne de leurs ennemis et s’en servaient en guise de coupe, mais pour cela il n’est point besoin d’une habileté bien extraordinaire. Ils ne faisaient usage que d’objets d’or, peut- être parce que ce métal se présente naturellement dans un état de pureté et avec une malléabilité qui facilitent sa mise en œu- vre ; l’Oural et l’Altaï ont d’ailleurs une foule de gisements au- rifères avantageusement exploités de nos jours, et on prétend même que le nom d’Altaï signifie or en langue tartare. C'est ainsi que les Scythes enterraient des coupes de ce métal dans les tom- beaux de leurs rois; ils ne possédaient ni argent ni airain. Il est toutefois difficile de concilier cette allégation avec une lé- gende rapportée par le même auteur. Entre le Borysthène (Dnié- per) et l'Hypanis (Bug), un lieu nommé Exampée *, à quatre jours de navigation du Pont-Euxin, est célèbre par une vaste chaudière d’airain faite de pointes de flèches dont chacune avait été fournie par un Scythe : il est donc prouvé que ces peuples connaissaient le cuivre; en outre, à supposer qu'ils ne fissent point de cas de l’or, ce métal, quelque abondant qu'il soit, est encore trop rare dans la nature pour qu’on en fabrique des objets aussi communs, chez une population guerrière, que des pointes de flèches. Au même endroit, on remarquait une fontaine amère dont les eaux se mélaient à celles de l'Hypanis et les rendaient mauvaises à boire ; on a supposé qu'il s'agissait tout simple- ment de l’eau de la mer, qui remonte jusqu'à Nicolaïef. Une autre légende, que nous citons parce qu'elle a pour objet une pierre, montre une fois de plus qu'en dépit du progrès accompli par l'humanité, les croyances des peuples ne varient guère dans le cours des siècles. Au bord du Tyras *, fleuve de Scythie, on voyait sur une roche une trace d’Hercule en forme d’un pied humain de la longueur de deux coudées. Aujourd’hui, 1 Hérod., IV, 65. 2 Hérol., IV, 81. 8 Hérod., IV, 82. 568 MÉMOIRES ORIGINAUX. à Ceylan, sur le pic d'Adam, les Indous révèrent l’empreinte d'un pied de Bouddha selon les uns, d'Adam lui-même ou de saint Thomas suivant les autres, et l'on retrouverait aisément, sans sortir d'Europe, des miracles du mème genre et d’origine plus récente encore. Hérodote parle de l’ambre et de l’étain ‘ ; mais si, à l’ordi- naire, le Père de l'Histoire admet sans discussion les récits les plus invraisemblables, ii montre une telle circonspection à pro- pos de l'étain, qu’il nie ce que nous savons être véritable et refuse de croire que l'ambre provient de la mer septentrionale. Or, cette substance se recueille précisément à l'embouchure de la Vistule et du Niémen. Il ne croit pas davantage à l'existence des îles Cas- sitérides et se borne à dire que l’ambre et l’étain arrivent des extrémités de la terre. On ignore maintenant encore quelles sont ces îles mystérieuses, ignorance attribuable en partie à ce que le nom pouvait s'appliquer à tous les gisements d’étain situés dans des îles, aux Scilly ou tout proche de la mer, comme dans le Cornouailles, en Bretagne el en Galice. Pendant longtemps, Hérodote et Diodore de Sicile ont été à peu près les uniques sources où il était possible de puiser des renseignements sur l’histoire, les mœurs et les connaissances des anciens Égyptiens; aujourd'hui, la découverte d’innombra- bles documents originaux, le déchiffrement des caractères hié- roglyphiques et cunéiformes, et les recherches philologiques des érudits modernes, ont ouvert à la critique historique un vaste horizon et toute la vie politique, sociale et religieuse des peuples de l'Orient s’est dévoilée subitement. l'étude des sciences miné- ralogiques et métallurgiques chez les Égyptiens a tiré grand pro- fit de ces découvertes. Dans l'examen auquel nous nous livrons en ce moment de l’œuvre d'Hérodote, nous ne nous restrein- drons pas exclusivement aux données de l’auteur grec, et, dans le but d'offrir un tableau plus complet du développement scien- tifique à cette époque, nous nous garderons de refuser l’aide de pee l'Hérod., IE, 145, LA MINÉRALOGIE AU TEMPS D HÉRODOTE. 569 travaux plus récents. Parmi les documents qui nous ont le plus servi pour cette partie de notre étude, nous signalerons le mé- moire intitulé : Les métaux dans les inscriptions égyptiennes, par R. C. Lepsius, traduit de l'allemand par M. W. Berend et publié dans la bibliothèque des Hautes-Études ‘. La Grèce procède ma- tériellement des peuples du Nord, car les Pélasges venaient de la Thrace, et les Hellènes, qui les chassèrent, avaient eux-mêmes traversé la Thessalie ; mais intellectuellement elle dut à ses voi- sins méridionaux et orientaux les premiers principes des sciences et des arts, semence fertile, destinée à germer, à grandir et à porter bientôt les fruits si merveilleux de la civilisation belléni- que. Cette loi semble générale dans l’histoire ; les hommes ont marché du nord au sud et les idées du sud au nord. Cécrops fondait Athènes, Erechthée apprenait aux habitants de l’Attique comment se cultive le blé, Danaüs apportait la civilisation dans le Péloponèse et Lélex à Mégare ; tous arrivaient d'Égypte. Le Phénicien Cadmus bâtissait Thèbes et enseignait aux Béotiens le plus précieux des arts, l'écriture, qui fixe la pensée et lui permet de braver le temps; le Phrygien Pélops débarquait dans l’ouest du Péloponèse et laissail son nom à sa nouvelle patrie. La civili- sation grecque apparaît au moment où s’accomplissent autour du bassin oriental de la Méditerranée la proscription des Hycsos ou impurs, la sortie des Hébreux et les conquêtes de Sésostris, gra- ves événements dont le coutre-coup, en créant une nation nou- velle, allait avoir tant d'influence sur l’esprit humain. Ainsi va le monde : l’enfant remplace le vieillard, les berceaux se remplis- sent, les tombes se ferment ; tout meurt ici-bas, sauf la foi en la vérité et l’espoir en ce qui est meilleur, sentiments éternellement jeunes dans le cœur des hommes. Nous trouvons dans Hérodote et à propos de l'Égypte, la pre- mière théorie géologique complète, et les passages de son second livre où elle est énoncée devraient lui valoir le litre de Père de la Géologie. Il reconnaît en effet que l'Égypte a été autrefois un 1 30e fascicule, 1877. 570 MÉMOIRES ORIGINAUX. golfe marin allongé comparable à la mer Rouge, et que les sédi- ments apportés parle Nil pendant une suite extrêmement consi- dérable d'années se sont lentement amoncelés pour produire la configuration actuelle ; il suppose que le phénomène s’est pro- longé pendant dix à vingt mille années. La durée des temps ne l’effrayait pas plus qu’elle n’effraie aujourd hui Darwin. Cetle idée ne semblait pas extraordinaire aux anciens, landis que pendant le moyen-âge elle fit peur, sans doute à cause d’une obéissance trop passive à la lettre des livres religieux ; de nos jours, elle est admise de nouveau, en conséquence des études géologiques. La stratigraphie et la paléontologie ont tellement élargi l'horizon des temps, que si parfoisl'intelligence s’arrête épouvantée à la pensée de millions de siècles, elle est forcée de s’incliner devant les inductions rigoureuses tirées d’un fragment de coquille ou de la simple empreinte d’un végétal ou d’un animal inférieur. La thévrie d'Hérodote n’est pas une conceplion de l'esprit née fortuitement et confirmée ensuite par un heureux hasard : elle se base sur de véritables observations identiques à celles des savants modernes. Il remarque la configuration spéciale de l'Égypte « qui s’étend plus loin dans la mer que les pays conti- gus ‘ », les coquillages qui se trouvent dans les montagnes et les «fflorescences salines ; il compare le sol à celui des contrées voi- sines et constate qu’il ne ressemble ni à celui de l'Arabie ni à ceux de la Libye et de la Syrie. Le premier, noir et friable, est un limon, une alluvion ; le sol de la Lybie est plus rouge, plus sablonneux ; celui de l'Arabie ou de la Syrie plus argileux, plus caillouteux. C'est de la véritable géologie comparée. Hérodote, à propos du Delta et sans se douter du très grand nombre d'années nécessaires à sa formation, ne laisse cependant pas que de qua- lifier celle-ci de récente ?. Ce mot seul renferme tout l'esprit de la géologie moderne ; pour le retrouver, il faudra attendre plus de deux mille ans. L'historien cite comme termes de com- À 1 Hérod., IE, 12. 2 Hérod., IL, 15. LA MINÉRALOGIE AU TEMPS D HÉRODOTE. 571 paraison plusieurs autres plaines d’alluvion, celles qui entou- rent Ilion, Teuthranie, Éphèse, et la vaste plaine du Méandre en Asie-Mineure, ainsi que les sédiments de l’Achéloïüs en Grèce, qui ont déjà réuni au continent la moitié des îles Échinades ‘. Il est à remarquer que Lyell, après avoir traité la même question ?, n’est pas plus avancé que le savant grec. Les obser- vations nautiques du lieutenant Newbold, les sondages prati- qués en 1850 par M. Horner, avec les conseils de la Société royale de Londres, près de la base du piédestal qui supporte la statue colossale de Ramsès, dont le règne remonterait à 1361 ans avant J.-C., ont fourni certains nombres qu'il est inutile de ciler parce que la découverte subséquente et indiscutable des affaissements éprouvés par l'Égypte les a fait révoquer en doute sans permettre de les remplacer par de plus exacts. Cette terre des Pharaons avait un antique renom de richesse. Dans l'Odyssée *, nous avons vu que lorsque Télémaque, à la re- cherche de son père, arrive à Lacédémone chez le roi Ménélas, celui-ci lui raconte comment, à son retour de Troie, il a été jeté par la tempête sur les rivages de la contrée baignée par le fleuve Égyptos et en a rapporté de précieux dons. « Polybe, qui habite Thèbes d'Égypte, où de splendides palais renferment d’immen- ses richesses * » lui a donné deux grands bassins d'argent, deux trépieds et dix talents d’or ; Alcandre, épouse de Polybe, a of- fert à Hélène « une quenouille d’or et une corbeille d'argent massif bordée d’un cercle der ». Cependant l'Égypte proprement dite, presque entièrement formée par les alluvious du Nil, ne possède aucune mine sur son propre territoire et, pour se pro- curer les métaux, elle devait les exiger des peuples vaincus à titre de tributs et surtout tenir sous sa domination les districts miniers voisins. Cette disette de métaux exerça une influence 1 Hérod., IT, 10. 2 Lyell; Principes de Géologie, XNIII, pag. 566, 3 Homère ; Odys., II. 3 Homère ; Odys., IV. 572 MÉMOIRES ORIGINAUX. importante sur la politique égyptienne. C’est ainsi que la posses- sion et la défense des gisements du Sinaï, les seuls où les Pha- raons eussent la possibilité de s’approvisionner du cuivre néces- saire à l'armement de leurs soldats, occasionnent de nombreu- ses guerres et sont cités dans les documents se rapportant à près de vingt dynasties. Ces mines sont situées dans la vaste péninsule qui, s’avançant en pointe sur la mer Rouge, sépare celle-ci en deux golfes : l'Héropolitique ou golfe de Suez à l’ouest, et l’Elanitique ou golfe d’Akabat à l'est ; elles se trouvent dans la portion occidentale de la presqu'île, non loin du mont Sinaï, un peu au-dessus de ce désert de Pharan où les Hébreux errérent pendant si longtemps, et elles représentent probable- ment le pays de Magan, riche en cuivre desinscriptions assyricn- nes. Leur situalion géographique les rendait difficiles à défendre, mais faciles à attaquer par les peuples nomades du voisinage, et leur possession était par conséquent aussi précaire qu’elle était indispensable. Le fondateur de la 1v° dynastie, le prédécesseur immédiat de Chéops, Snewrou, le Soris de Maréthon, s’en em- para et les fit exploiter ; mais les successeurs de ce roi les perdi- rent, et elles ne furent reprises aux nomades que par Merira Papi I", second roi de la vi dynastie. Sous son règne et grâce à l'administration habile du ministre Ouna, qui les fit visiter régu- lièrement par des inspecteurs spéciaux, elles prirent un grand développement. Le Pharaon Nowerkara ou Papi Il, dela mème dynastie, les déferdit avec succès ; mais, perdues bientôt après, elles ne furent recouvrées que par les souverains de la xnie dynas- tie. Leur possession était regardée comme tellement nécessaire que, par exception à la politique d'extrême prudence et de non- expansion territoriale alors en vigueur, ces mines de cuivre et de turquoises furent pendant un certain temps le seul point occupé par les Égyptiens sur le territcire asiatique ; pour les protéger, on établit même une série de postes militaires dans les gorges du Sinaï. Ramsès IT (Sésostris, x1xe dynastie) en prit un soin particulier ; enfin Ramsès III (xx° dynastie) battit les Arabes qui les avaient pillées à plusieurs reprises et les replaça définitive- LA MINÉRALOGIE AU TEMPS D'HÉRODOTE. 573 ment sous la domivation des Égyptiens, dont elles suivirent désor- mais la fortune. Ces mines n'étaient d’ailleurs pas les seules de la région ; en 1877, une mission scientifique envoyée par le vice-roi d'Égypte et sous la direction du capitaine anglais Burton, a reconnu l'exis- tence de nombreux ateliers métallurgiques anciens et de 32 villes, sur une bande de terrain s'étendant le long de la mer, depuis Akabat jusqu’au Ouadi-Hamz, sur plus de trois degrés de latitude. Elle a découvert plusieurs mines d’or et d'argent; au Djebel Abiad, d'énormes filons de quartz contenant du cuivre et de l’ar- gent; à Makna, des filons de quartz dont certains échantillons ont donné jusqu'à 15 et 20 °/, d'argent; à Evnoureh et dans deux autres localités, des mines de turquoises ; au sud-est de Makna, près de Moïlah et au port de Wedge, du soufre ; près de El Haura, une mine d’or; ailleurs, des carrières de gypse, de sel gemme, ües dépôts de salpêtre ; à Schuwak, la Soaka de Ptolé- mée, les ruines de deux grandes villes de mineurs avec des aque- ducs, des débris de fours et d’ateliers, des meules de granite pour broyer le quartz, des scories. Les anciens travaux, encore intacts, montrent l’habileté et la science des ouvriers qui les exé- cutaient *. Après chaque victoire, les Pharaons ne manquaient jamais d'imposer aux peuples vaincus un tribut en métaux et en pierres précieuses. Plus on étudie l'histoire et plus on se persuade de l’enchaînement logique et fatal des événements; les mêmes besoins imposent les mêmes façons d'agir. Les Hébreux, dont le territoire manquait de mines, n'avaient d'autre moyen de pos- séder des métaux que de les enlever à leurs voisins ; les procédés métallurgiques consistaient surtout à livrer bataille, el, s’il sur- venait une défaite, le peuple entier en était réduit, au comme temps des Juges, à aller faire aiguiser ses couteaux et réparer le 1 Extrait d’un rapport officiel publié au Caire par le gouvernement égyptien, sur les découvertes faites en Arabie par le capitaine Burton, 1878, présenté par M. de Lesseps à l'Académie des Sciences. (Compt. rendus, 27 mai 1878, tom. LXXX VI, pag. 1314.) 574 MÉMOIRES ORIGINAUX. soc de ses charrues chez les Philistins. Les connaissances mi- néralogiques des Égyptiens n’ont pu être étudiées sérieusement qu'à partir du moment où l'on a été capable de déchiffrer les inscriptions hiéroglyphiques dont la majeure partie offre le récit de triomphes militaires. Les inscriptions retraçant sur les parois du pronaos du grand temple de Karnak les campagnes de Thout- mosis LI, représentent les vaincus chargés d'or, d'argent, de kesbet, de mafek, de cuivre, de fer et de plomb. C’est sous les souverains de la xvirr° dynastie que l'Égypte aiteignit l’apogée de sa puissance, après d’heureuses campagnes contre les Retennou de la Syrie et du Liban, battus à Mageddo ou Esdrelon, près du lac de Tibériade, contre Babylone, Ninive, toute la Syrie et même l'Arménie, contrées qui furent alors soumises à un empire s'é- tendant en Afrique sur l’Abyssinie, le Soudan etla Nubie actuels. Le plus souvent, le but véritable d’une guerre était, plutôt que l’adjonction de nouvelles terres, d'obtenir les métaux qu'un commerce nul, une industrie relativement dans l'enfance et une cer'aine disposition d’esprit spéciale aux peuples méridionaux, étaient impuissants à fournir en quantité suffisante. Dés leurs premières dynasties, les Égyptiens ont fait une in- croyable consommation de pierres d'ornement, telles que granites roses, porphyres, syénites, diorites, basaltes, calcaires et autres, destinées à la construction des temples, chambres sépulcrales, sarcopbages, statues, obélisques. Pour édifier la tombe qui devait renfermer sa momie, chaque Pharaon faisait tailler le rocher et remuer la terre ; dès le début de son règne, les personnages les plus importants du pays avaient déjà parcouru tout le royaume à la recherche d’un bloc d’albâtre ou de granite digne de faire le sarcophage d’un roi ; la population de villes ou de provinces entières avait été envoyée aux carrières et aux chantiers de consiruetion ‘. Il n’était pas nécessaire d'aller bien loin pour s’ap- provisionner : la chaîne des montagnes qui borde toute l'Égypte et suit la côte occidentale de la mer Rouge renferme de nombreux 1 Maspero ; His. anc. des peuples de l'Orient, pag. 65. LA MINÉRALOGIE AU TEMPS D'HÉRODOTE. 575 gisements de roches. Hérodote ‘ mentionne les carrières d'où furent tirées les pierres qui servirent à élever la grande pyra- mide de Chéops (1v° dynastie); elles étaient près de Memphis, dans la chaîne arabique, et bien que leur nom ne soit pas dans le texte, on reconnaît en elles Les carrières de Tourah ou Trouwou, souvent citées dans l’histoire égyptienne. On avait employé la pierre d’Ethiopie* pour construire le premier gradin de la pyra- mide de Chéphren, frère ou fils de Chéops. Les carrières de Memphis et celles d'Éléphantine (Souan, Syène ou Assouan) fournirent les matériaux du temple de Minerve à Saïs. On ignore à quelle époque ces dernières furent ouvertes, néanmoins on sait que pendant l’occapation de l'Égypte par les rois pasteurs elles furent, sinon entièrement abandonnées, du moins peu travaillées. En effet, Ahmès I, le libérateur de son pays elle fondateur dela xvrrr® dynastie, en reprit l'exploitation. Ménephtah ou Séti IT, dernier roi del: xix° dynastie, y fit travailler les Hébreux peu de temps avant leur Exode: enfin Nectanébo (xxx° dynastie), le dernier roi national de l'Égypte, aussi bon architecte que mau- vais guerrier et politique inhabile, y laissa des traces de son administration. Les carrières de Massarah sont aussi très connues. Les métaux et les minéraux les plus recherchés des Égyptiens étaient l'or, l’électram, l'argent, le kesbet, le mafek, le cuivre, le fer et le plomb; nous allons les passer successivement en revue. L'or (nub) était assez abondant: les inscriptions le représentent en pépites, en poudre renfermée dans des bourses, en plaques, en barres, en briques et surtout en anneaux. Cette forme est précisément celle que donnent aujourd’hui les nègres du Sénégal aux lingots qui leur servent de monnaie. On en rencontrait en Égyple proprement dite, dans le Djebel Zabara, où l'on parve- nait au moyen d’une route partant d’Apollinopolis Magaa ou de 1 Hérod., IL, 24. 2 Hérod., II, 127, 576 MÉMOIRES ORIGINAUX. Coïtra Apollinopolis (Edfou) et se dirigeant à l’est. Ces mines étaient exploitées par Séti [°° (xrx° dynastie), qui fit creuser de nombreux puils artésiens pour leur fournir de l’eau. D’autres mines ouvertes dansles montagnes entourant le portde Bérénice sur la mer Rouge (Djebel Ouadi Lechuma et Djebel Ferajeh) se reliaient par une route avec Ombos sur le Nil; d’autres enfin se trouvaient dans cette partie de la chaine arabique traversée par la route de Koptos (Kouft) sur le Nil, à Leukos Hormos (Kosséir) sur la mer Rouge. On a reconnu vers ce point, et surtout dans le Ouadi Fanachir, des traces d'exploitations anciennes, et nous avons vu qu'il existait des mines d’or sur le rivage oriental du golfe Élanitique. Cependant, le principal gisement de l'or était en Éthiopie; le métal précieux abondait dans cette région, portant le nom d'Etbaye, jadis occupée par les Blemmyes et les Méga- bases, et hab'tée de nos jours par les Arabes Bicharieh. M. Linant de Bellefonds, en 1831 et 1832, a étudié ces gisements et en a publié la carte ‘: il a dans ce but parcouru la contrée s'étendant entre la mer Rouge et le grand coude du Nil, qui oblige les cara- vanes à traverser le désert séparant Korosko de Abou-Hamed. Les mines exploitées par Ramsès IT (Sésostris, xrx° dynastie), qui répara les routes y aboutissant, sont groupées principalement dans la vallée de Ollaki. Diodore les mentionne; abandonnées pendant plusieurs siècles, elles furent reprises en l’an 255 de l'hégire (877 de l'ère chrétienne) par les Arabes, sous la direction d’Abou Abd el Haman el Omari, et d’après l'historien Macrizi elles acquirent alors une importance considérable. Maintenant, elles sont de nouveau abandonnées, et M. Linant de Bellefonds en a vu les ruines dans les massifs montagneux du Djebel Gerfa, du Djebel Kawewad et du Djebel Reft, situés au milieu des plaines de sable de la Nubie, à peu près en face de Djeddah et de la Mecque, sur l’autre rive de la mer Rouge. La plupart de ces indications proviennent du temple de { Linant de Bellefonds : Carte de l’Etbaye et du pays habité par les Arabes Bicharieh. LA MINÉRALOGIE AU TEMPS D 'HÉRUDOTE. JT Medinet-Hahou, village moilerne qui occupe l'emplacement de l'antique Thébes. Sur les murailles de l’une des chambres du trésor de Ramsès IIT {xxe dynastie) étaient représentées huit bourses portant les indications : or d'Éthiopie, de la montagne, de l’eau, de Apollinopolis magna, d'Ombos et de Koptos. D’après les renseignements fournis par la tombe de Rekmara sous Thout- mosis IT (xvin* dynastie), on a tout lieu de croire à l'existence, dans le Liban, de mines d’or qui fureut exploitées caaque fois que cette région fit partie de l'empire des Pharaons. L'or s’oblenait par un larage; le signe caractéristique de ce mélal sur les monumentsest, selon les uns un collier, selon d’au- tres le sac allongé ou le linge replié aux deux bouts tombants dans lequel on lavait le sable. Dans son livre, M. Linant de Bel- lefonds donne le dessin d’un appareil ingénieux destiné à écono- miser, pour ce travail, l’eau si précieuse dans ces contrées. Les Égyptiens étaient habiles artisans ; les tombeaux des Beni- Hassan, dans l'Heptanomide, sont ornés de curieuses peintures représentant divers métiers pendant la période thébaïne, c’est-à- dire de la xr° à la xxr° dynaslie: sculpteurs sur pierre, verriers, potiers, forgerons. Ils recouvraient d’or jusqu'aux pierres pré- cieuses, comme le lapis lazuli. On mentionne l’emploi de chars en argent doré et certaines enveloppes de momies en carton étaient dorées après avoir été d'abord revêtues d’une couche de plâtre. Le roi Mycérinus (n° dynastie) fit enfermer le corps de sa fille dans une statue en bois creux représentant une génisse agenouil- lée dont le cou et la tête étaient plaqués d’épaisses lames d’or et portant entre les cornes le cercle du soleil fabriqué avec le même métal . Nous retrouvons là le procédé de fabrication du veau d’or des Hébreux et des premières statues grecques. Enfin Ahmès [I], (xxvi® dynastie) envoya à Cyrène une statue dorée de Minerve Après l'or, le métal le plus estimé était l’électrum ou asem des hiéroglyphes. Nous savons qu'on donnait ce nom à un alliage d’or et d'argent composé, d’après Pline, de vingt parties du se- —————————————————_————————————— MHÉrod PI T147 578 MÉMOIRES ORIGINAUX. cond métal pour cent du premier, mais qu’en réalité il s'agissait simplement d’un mélange des deux métaux ayant une couleur moins jaune que l'un et moins blanche que l’autre. Cet alliage, qui d’ailleurs existe dans la nature, se fabriquait artificiellement, soit dans un but d'économie, soit pour obtenir une nuance spé- ciale; nous avons vu qu'Homère en fait mention à plusieurs reprises et on l’a quelquefois confondu avec l’'ambre. Le nom grec de l’alliage est masculin (omexrpos}, tandis que celui de l’autre est neutre (ro wexrpov), et dans les trois passages où il est cité par le poëte, la construction grammaticale est telle que la distinc- tion du genre par le cas est impossible. Les Romains l’appelaient electrum, parce qu’en latin tous les noms des métaux sont neutres. On a trouvé à Dendera l'inscription suivante : «Il a été décriété à Ammon une grande salle revêtue d’or bon (pur), des colonnes à cha- pitaux de lotus et de papyrus travaillées en électrum ». Il suffit de comparer la description poétique, par conséquent exagérée, du palais de Ménélas à Lacédémone ‘, où étincellent partout l'or, l’électrum, l'argent et l’ivoire, pour reconnaitre une fois de plus les liens étroits qui rattachent la première civilisation grecque à la civilisation égyptienne. Ménélas, faisant construire son palais, s'était souvenu de cette terre d’Égyple qu'il avait visitée et où il avait amassé de nombreuses richesses et de l'or ?. En Égypte, on rencontre l’électrum à peu près exclusivement dans les temps anciens; sous les Psammétik (xxvi° dynastie), on n'en voit pres- que plus de traces, ce qui prouve que le progrès accompli par les sciences mélallurgiques permettait d'accomplir facilement la séparation de l'or et de l’argent. Thoutmosis IIT (xvrn* dynastie) dédie à Ammon thébain deux obélisques de granite rose aux pyra- midions d’électrum, et Ramsès II (xix° dynastie) offre à Osiris, dans le temple d’Abydos, des baitants de porte en électrum ou recouverts de ce métal. Les inscriptions hiéroglyphiques représentent l'argent (hat) 1 Hom.; Odys., IV. 2 Hom.; Odys., Il. LA MINÉRALOGIE AU TEMPS D'HÉRODOTE. 579 purifié et non purifié. Dans le premienr cas il est en tas et en petits morceaux, tandis que dansle second il est, comme l'or, en anneaux, en briques ou en plaques. Nulle part il n’est question de mines d'argent en Égypte. Les pays aurifères du sud produisaient de l’électrum, mais on ne savait pas, dans le commencement, en iso- ler l’argent, puisque dans le butin pris sur les peuples de ces contrées méridionales on mentionne à neine ce dernier métal. On le tirait surtout d'Asie, de Syrie, du Kefa occidental et du pays de Pount ou Arabie, qui est précisément la contrée explorée par le capitaine Burton. Dans les tombeaux de Thèbes ou dans les inscriptions de Thoutmosis III, à Karnak, les tributs apportés par les Rotennou ou Assyriens consistent principalement en argent. Ces peuples possédaient même des charriots d'argent ou d'argent et d'or. Le kesbet, si fréquemment cité dans les annales d'Égypte, repré- sente trois substances différentes : d'abord le lapis lazuli, puis le verre bleu artificiel colcré par des minerais de cuivre et quel- quefois de cobalt. Ce kesbet, pulvérisé puis refondu, servait à faire de l’émail ; enfin le même mot désigne aussi le sulfate de cuivre qui colore les verres en bleu. On fabriquait en kesbet un grand nombre d'objets d'ornement et d’amulettes, des colliers, scara- bées, têtes de bélier, yeux, cylindres, perles, cœurs, vases. Les Égyptiens avaient des verres violets au manganèse ; ils s’en ser- vaient pour leurs émaux et en ornaient des bagues et d’autres bijoux communs dans les collections. Ils avaient tant de goût pour les émaux bleus, qu'au dire de Théophraste et de Pline, les au- ciennes annales mentionnaient avec le plus grand éioge le nom aujourd’hui perdu du Pharaon qui remplaça le vrai lapis, devenu fort rare, par une composition artificielle offrant la même nuance ou à peu près. Heureux temps où les rois s’occupaient de miné- ralogie ! Le lapis véritable de Scythie venait du Badakschan en Bactriane, au sud-ouest du plateau du Pamir el au nord est de l'Afghanistan ; de à il parvenait par la Parthie etla Médie à Baby- ione, puis à la Méditerranée. Au temps des Ptolémées, son marché était, d’après Brugsch, la ville de Teflel ou Tefzer en Palestine, 580 MÉMOIRES ORIGINAUX. On manufacturait en outre du kesbet de cuivre à Pouzzoles, en Italie et en Espagne, et les Phéniciens se chargeaient de le trans- porter de ces contrées en Égypte. Le mafek était l'émeraude, originaire d’Asie. On appelait aussi de ce nom la malachite ou carbonate de cuivre et le verre coloré en vert par le cuivre. La déesse locale du Sinaï, Hathor, est nommée « maîtresse du mafek et dame des pays à mafek », c'est-à-dire dela péninsule dont nous avons parlé précédemment. Ces mines el celles du Ouadi Maghara fournissaient aussi du kesbet, de sorte qu'on pourrait peut-être donner à ce dernier, mot une quatrième signification, celle de l’azurite ou carbonate de cuivre, à proportion d’acide un peu différente de celle de la malachite. Enfin le mafek était encore la chrysocolle ou soudure d’or de Pline, composée de cuivre, d’or et d'argent. La chryso- colle se fabriquait à Gypre, en Arménie, en Macédoine, en Espa- gne ; la malachite provenait d'une île voisine de Carthage ', de Scythie, de Baciriane, d'Égypte, près de Coptos, et d’Éthiopie, à vingt-cinq journées de marche de cette même ville de Coptos. Parmiles autres pierres précieuses employées parles Égyptiens, on cite la cornaline, dont nos musées contiennent une foule d'échantillons, le kenem ou rubis, le nesem ou lurquoise,le taheu, topaze jaune ou jaspe jaune venant d'Asie et du pays de Bek, à l’est de l'Égypte, enfin le hertes ou quartz laiteux, originaire du pays de Setet, en Éthiopie. Si maintenant nous abordons l’étude des métaux usuels connus des Égyptiens, nous arrivons au cuivre (komt), qu’on voit repré- senté en plaques à Medinet Habou. On ne faisait pas de distinc- tion entre lui et le bronze, et nous avons essayé de donner l’ex- plication de cette confusion à propos de la minéralogie à l'époque homérique. Lepsius parle d’un cuivre noir parfois cilé dans les monuments égyptiens et qui, d’après lui, désignerait le cuivre sans mélange, par apposition au cuivre de nuance plus claire des alliages et au bronze ; mais ne semble-t-il pas plus probable NPD 1 Théophraste ; Pierres, 46. LA MINÉRALOGIE AU TEMPS D HÉRODOTE. 581 d'appliquer cet adjectif « noir » tout simplement au véritable cuivre, qui est noir, c'est-à-dire brut, par opposition avec le métal travaillé ou brillant? On se rappelle l'immense importance des mi- nes du Sinaï, et tout d’ailleurs prouve la rareté extrême, en Égypte, du cuivre, dont il n'existait que quelques gisements peu abon- dants dans le désert entre le Nil et la mer Rouge. Dans les ancien- nes inscriptions, les objets fabriqués avec ce métal sont toujours apportés en tribut par les Asiatiques, le cuivre en lingots par les Tahi de Syrie, le cuivre brut par ces mêmes Tahi, les Rotennon de la Syrie septentrionale et les Anoukasa, qu’on suppose avoir habité l’Éthiopie. Le mot spécial employé pour ces derniers signifie « cuivre dans sa gangue », ce qui prouverait deux choses : d’abord l’antique existence de mines de ce métal dans le sud de l'Égypte, et ensuite c’est que peut-être le mot « noir » pourrait aussi s’appliquer à des minerais de cuivre tels que la philipsite ou le cuivre gris, dont la couleur, sans être tout à fait noire, est d’un bleu foncé assez sombre et qui, apportés en tribut par certains peuples habitant des districts miniers, étaient traités en Égypte. Le cuivre purifié venait des Asi. Ce métal servait à une foule d’usages : on en fabriquait des statues, des sistres, des clefs, des clous, mille autres objets et surtout des armes. Hérodote raconte ‘ l’arrivée, sous le rêgne de Psammétik (xxvi° dynastie), de pirates cariens et ioniens, et dit que les Égypliens, à la vue de leurs armes, reconnurent en eux les hommes d’airain annoncés par une ancienne prophétie. Les sujets de Psammétik et leurs ancêtres avaient depuis trop long- temps exploité la région du Sinaï pour que leur étonnement eût grande raison d'être. Peut-être cependant pourrait-il s'expliquer, non par les lances ou les épées, mais par les cuirasses et les autres armes défensives usitées en Grèce, mais très peu connues du même peuple en Égypte, où la chaleur du climat et l’ardeur du soleil auraient transformé une armure d'airain en un vérita- ble instrument de supplice. Toutefois, les Égyptiens avaient des 1 Hérod., IL, 152. 3e sér., tom. u. 4 582 MÉMOIRES ORIGINAUX. casques, puisque ce même Psammétik dans sa jeunesse, c’est-à- dire avant l’arrivée des étrangers, excite la jalousie des rois ses collègues et est exilé par eux pour avoir offert aux dieux une libation dans son casque d’airain " ; on a retrouvé dans les tom- beaux des rois, à Thèbes, des dessins d’armures de bronze, et la collection du D' Abbott possède des plaques de bronze ayant fait partie d’un corselet et marquées au nom de Sheshonk *. Hérodote parle encore * avec détails de l’ambassade envoyée en Éthiopie par Cambyse, conquérant de l'Égypte. Les ambassadeurs appor- taient aux Macrobes un vêtement de pourpre, un collier d’or contourné, des bracelets, un vase d’albâtre rempli de myrrhe et un tonneau de vin de palmier. Les Éthiopiens ont peine à com- prendre l’usage du vêtement et se font expliquer par les Perses l’art de la teinture ; mais l’or ne produit aucune impression sur eux, car leur pays renferme de telles quantités de ce métal qu’on en fabrique les entraves des prisonniers, tandis que nulle part au contraire on n’y rencontre trace de cuivre. L’abondance de l'or est confirmée une fois de plus ; toutefois, si les Anoukasa payant leur tribut en cuivre brut habitaient réellement l’Éthiopie, les monuments et Hérodote seraient en désaccord, et lorsque ce cas se présente, il est cerlain que la vérité ne se trouve pas du côté de l’histoire. Il reste peu à dire au sujet des autres métaux employés par les anciens Égyptiens. Le fer ou acier (men) servait à fabriquer divers ustensiles et certaines pièces d’armures qu’on croit être des casques ; ces casques en cuir auraient été recouverts de lames de fer ; le métal provenait de l’Asie et surtout de la Perse el de l'ile de Gypre. On connait un gisement de fer spéculaire à Ham- mami, dans le désert, au nord-ouest de Kosséïr. Le mot ba, au sujet duquel s’éleva autrefois une controverse importante, s'ap- plique à un minéral en général, à une pierre comme à un mine- pipe en ponte agninte om detre etent pes SERRES ‘ Hérod., Il, 151. 2 Rawlinson ; Herodotus, tom, Il, note, pag, 231, 3 Hérod., III, 19, 23. RE LA MINÉPALOGIE AU TEMPS D HÉRODOTE. 583 rai; mais Lepsius nie qu’on l’ait jamais rencontré avec la signifi- cation de métal. Cependant les épées et les armes peintes sur les tombes de Thèbes sont souvent colorées en bleu, nuance caractéristique du fer ou de l'acier, et il serait étonnant que les Égyptiens eussent ignoré l'usage de ce métal, car, sile fer se rouille et disparaît sans laisser de trace, il n’en est pas moins vrai que, selon une remarque de M. G. Rawlinson ‘, Moise appelle l'Égypte un « fourneau à fer * », et que Og, roi de Bashan, qui vivait environ 1450 ans avant Jésus-Christ, possédait un lit en fer *. Le plomb (fat) est indiqué dans le temple de Médinet-Habou:; et comme, de même que le cuivre, il se pesait par tb, il y aurait lieu de supposer que ces deux métaux étaient à peu près aussi répandus l’un que l’autre. L’étain n’a jamais été reconnu dans les monuments égyptiens : on en trouve pourtant une telle quan- tité dans les bronzes de l’époque, qu’il est fort à présumer qu’il y a été introduit avec intention. Quant au zinc, rien ne permet de supposer qu'il ait été connu. En revanche, l'alun d'Égypte était très estimé et constituait une source importante de revenus, car en — 548, lorsque les Delphiens firent une quête pour recon- struire le temple de Delphes détruit par un incendie, le Pharaon de la xxvi° dynastie, Amasis ou Ahméès IT, qui se montra toujours si favorable aux Grecs, leur donna mille talents d’alun *. Le natron ou carbonate de soude, si commun dans les lacs de la Basse-Égypte, était employé dans les embaumements”*. Nous ajouterons quelques mots au sujet de l’ambassade dont nous avons parlé précédemment et qui fut envoyée par Cam- byse *, conquérant de l'Égypte, aux Éthiopiens du Haut-Nil. Au nombre des particularités remarquables signalées par les ambas- { Rawlinson ; Æerodotus, tom II, note, pag. 140, 2 Deut., IV, 20. <’Deut., Lil, 11. 3 Hérod., Il, 100. 5 Hérod.. IL, 86. 6 Hérod., III, 23-24, 584 MÉMOIRES ORIGINAUX. sadeurs à leur retour, se trouve d'abord une fontaine dont l’eau, jouissant des mêmes vertus possédées plus tard par celle de Jouvence, rajeunit ceux qui s’y baignent. Cette eau était huileuse, elle exhalait une sorte d’odeur de violette et était si légère que, de tous les objets qu'on y jetait, aucun ne surnageait. Tous ces caractères, un peu amoindris il est vrai, peuvent s'appliquer à une source de pétrole, bien qu’on n’ait jamais, à ma connaissance, signalé de gisement d'huile minérale dans ce pays, d’ailleurs assez peu étudié. Une telle découverte n'aurait rien d'impossible, par suite de la nature volcanique des rivages de la mer Rouge, si bien manifestée par leur disposition en ligne droite. Les ambas- sadeurs visitèrent aussi des sépulcres en cristal (ÿx)os) taillés en en forme de colonne creuse dans laquelle on enfermait le cada- vre préalablement enduit de plâtre. Le cristal est si transparent qu'on aperçoit le corps à travers les parois, et il offre encore l'avantage d’être extrêmement commun et aisé à travailler. Il est assez difficile d'imaginer quel était ce minéral: le traducteur ! met en note le nom de feldspath; mais toute personne un peu au courant de la science minéralogique aura peine à admettre cette interprétation à cause du manque de transparence du feldspath et de ses clivages, qui le rendent presque impossible à tailler. Le spath d'Islande, ou carbonate de chaux cristallisé, est transparent et assez tendre; mais comment supposer qu'il se soit trouvé en blocs assez gros pour qu’on pût y introduire un corps humain ? La seule supposition plausible serait d'admettre que ce verre était de l’obsidienne. Cette roche est commune. Dans un passage des Histoires ?, il est dit que les Arabes de l’armée de Xerxès, de l’autre côté de la mer Rouge, armaient l'extrémité de leurs flé- ches de pierres qui, elles aussi, devaient, comme au Mexique du temps de Montezuma, être en obsidienne. En outre, Hérodote, dans un autre passage *, dit que, pour embaumer un cadavre, on 1 Giguet, pag. 165. 2 Hérod., VII, 69. s Hérods, I 06: ua LA MINÉRALOGIE AU TEMPS D'HÉRODOTE. 585 commence par pratiquer sur le ventre une incision au moyen « d’une pierre d'Éthiopie tranchante »; or on connaît les cou- teaux d’obsidienne employés par tous les peuples habitant de: contrées volcaniques à obsidienne. Ge fait me semble réscudre la question, et je préfère de beaucoup cette opinion à celle qui sup- pose qu'il s'agissait d’albâtre, quoiqu’on soit forcé d’avouer que les caractères formulés par Hérodote sont si peu distinctifs qu'on ne saurait meltre trop de prudence à les faire servir à une déter- mination minéralogique. Si maintenant nous quittons l'Égypte et si, reprenant Héro- dote pour notre guide unique, nous nous avancons vers l’ouest, tout en restant sur le continent africain, nous parvenons à une vasle région, la Lybie, s'étendant d’une facon assez indétermi- née depuis la Cyrénaïque, la grande Syrie et le Sahara, jusqu’à l'océan Allantique. Les peuples qui l’habitaient étaient pauvres en métaux .Ceux qui marchèrent contre la Grèce, sous les ordres de Mardonius ‘, étaient vêlus de cuir et leurs armes consistaient simplement en javelots durcis au feu. Néanmoins les femmes * portaient autour de chaque jambe un anneau de cuivre, coutume qui n’a cessé de persister et qu’on retrouve encore chez les fem- mes kabyles. Plus loin, à dix journées de marche des Anses *, voisins du lac Tritonis, ces chotts africains maintenant à sec et que des esprils entreprenants cherchent à rendre aux flots de la Méditerranée, dans le grand-désert, on voit des bancs de sel en grands grumeaux formant des tertres, et au-delà il existe aussi du sel, d’abord à Angila, où les Nasamons vont récolter les dattes, puis chez les Garamantes, chez les Atarantes ; en un mot, sur toute cette région qui s'étend au sud de l'Algérie et où l’on reconnaît toujours les mêmes gîtes. Les Gyzantes ‘, habitant le territoire de la ville actuelle de 1 Hérod., VII, 71. 2 Hérod., IV, 168. 3 Hérod., IV, 180. 4 Hérod., IV., 194. 586 MÉMOIRES ORIGINAUX. Sfax, en Tunisie, se teignent le corps en rouge comme les Ara- bes de Xerxès. On ne sait s’il s’agit d’un pigment minéral du genre de l’ocre ou du vermillon, ou d’un pigment végétal, comme celui dont se servent les peuples du Caucase, dont parle aussi Hérodote, qui, au moyen de feuilles d'arbre broyées et mêléesavec de l’eau, peignent sur les vêtements des figures de toute sorte tellement solides que, loin de disparaître au lavage, elles vieillis- sent avec la laine, absolument comme si elles avaient été tissées dans l'étoffe. Dans l’île Cyraunis (Cercina), il y a un lac donnant de l’asphalte ‘ et d’où les femmes retirent de la poudre d’or mêlée à la vase. Aucune localité aurifère n’est signalée en ce lieu. Au delà des colonnes d’Hercule, les Carthaginois trafiquent avec des hommes qui leur donnent de l’or en échange de marchandises *. Il s’agit bien certainement de la côte du Sahara et du Sénégal, et il est curieux de remarquer que le système employé du temps d'Hérodote est presque identiquement le mode de troque en usage entre les traitants de nos comptoirs français du Haut-Séné- gal et les Maures, pour leur commerce d'or, de gomme, de plu- mes d’autruche et de moutons. 1 Hérod., VII, 69. 2 Hérod., IV, 196. 587 D'UNE ALTÉRATION SPÉCIALE DES ŒUFS DE QUELQUES ASCIDIENS Par M. A. SABATIER. Dans mes Recherches sur l'œuf des Ascidiens, publiées dans le précédent numéro de cette Revue (mars 1883), j'ai signalé dans les cellules folliculaires et dans les globules celluloïdes (préten- dues cellules du testa) de l’œuf de quelques Ascidiens, la pré- sence de grains de substance jaune, très consistante, semi-opaque, peu réfringente, d’une coloration variant du jaune clair au jaune foncé. Ces granules, que j'ai surtout retrouvés chez les Phallu- siades, doivent être distingués de la substance jaune verdûtre, transparente, hyaline, réfringente, qui se présente à l’état diffus et non réunie en grains dans les globules celluloïdes des œufs de Ciona, et parfois aussi dans ceux de Phallusia mamillata. Dans tous les cas, ces deux substances ne sauraient être consi- dérées comme identiques, et sont, comme nous le verrons ulté- rieurement, de nature très différente. Dans le Mémoire que je viens de citer, je m’engageais à revenir sur le développement de cette première substance jaune, et je faisais remarquer qu’elle se formait dans les parties de l'œuf qui sont appelées à être rejetées et à ne pas participer à la con- stitution de l’embryon. Je tiens aujourd’hui ma promesse en étudiant uue singulière altération du vitellus lui-même de l'œuf de quelques Phallusiades, altération qui consiste dans le dévelop- pement de la substance jaune dans le centre même de l’œuf, sous des formes et avec des aspects parfois très bizarres. Quand on dilacère surle porte-objet du microscope un ovaire de Phallusia mamillata ou de Phallusia cristata, à toute époque de l’année on rencontre, mélés avec des nids d'œufs sains, un très grand nombre d’œufs qui sont constitués de la façon sui- 588 MÉMOIRES ORIGINAUX. vante: ces œufs sont tous composés, d'une manière constante, d'une enveloppe capsulaire amorphe, d'une couche unique de cellules folliculaires, et d’une masse de substance jaune de forme très variée, suspendue au centre d’une substance claire, hyaline, tout à fait incolore. L’enveloppe capsulaire amorphe est formée par ure mem- brane mince. La couche de cellules folliculaires a des caractères constants. Elle est toujours composée d’une couche unique de cellules qui ont conservé une forme aplatie et polygonale. Leur face interne présente une convexité plus ou moins prononcée , el dans leur in- térieur se trouve parfois, mais nontoujours, un petit noyau dis- coïde autour duquel se trouvent répandues des granulations for- mées d’une substance jaune quiest tout à fait identique à celle qui constitue la masse centrale de l’œuf. La face externe des cellules folliculaires est appliquée contre la face profonde de la mem- brane capsulaire, qui conserve sa forme régulièrement sphérique. On voit donc que la portion folliculaire de ces œufs, qui ont pour- tant atteint parfois un volume moyen, s’est arrêtée dans son développement, et que les cellules qui la composent ont conservé une forme de début telle qu’on ne l’observe sur les œufs sains que lorsqu'ils sont encore de faibles dimensions. Jamais en effet, sur les œufs atteints de la modificalion que j'étudie, les cellules folliculaires ne m'ont paru faire saillie à la surface de l'œuf et présenter cet accroissement de volume et ce cloisonnement in- terne qui les transforment en masses considérables de tissu spon- gieux à cavités ou cellules plus ou moins arrondies ou polyédri- ques, masses qui forment les grands cônes périphériques des œufs de Ciona, ou le stroma conjonctif de l'ovaire des Phallu- siades par exemple * Le contenu de l’œuf est encore plus caractéristique que son enveloppe folliculaire. Il est composé d’une substance lout à fait oo ne 1 Voir : Recherches sur l'œuf des Ascidiens (PI. IX, fig. 40 ; PL. VII, fig. 32, 33, 34, 35, 35 bis), Revue des Sciences naturelles, mars 1883. OEUFS DE QUELQUES ASCIDIENS. 589 incolore, parfaitement hyaline, sans granulalions, et paraissant douée d’uue consistance subcartilagineuse. Enfin, dans le centre de l’œuf, au sein de cette substance hyaline, subcartilagineuse, se trouve englobée la masse jaune centrale, sur les formes et les propriétés de laquelle je tiens à insister. Les formes varient infiniment et revêtent les aspects les plus bizarres.Tantôt la substance jaune forme une masse unique, sans traces de divisions et se rapprochant beaucoup de la forme sphé- rique (PI. XV, fig. 1). Mais, dans ce cas même, la sphère n’a pas une surface parfaitement régulière et présente des bombements et des sillons qui sont l'indice d’une tendance à la subdivision en sphères ou polyèdres secondaires. Cette disposition, qui est rela- tivement rare, donne l'aspect de certains œufs à la période de pétrissage qui précède la sortie des globules polaires et les phé- nomènes de segmentation. Les autres formes présentent une agglomération de sphérules de volumes parfois très différents, et plus ou moins en contact les uns avec les autres par des facettes aplaties. Dans d’autres cas, la substance jaune est formée par une agglo- mération de polyédres appliqués les uns contre les autres et repré- sentant, à s'y méprendre, un œuf à segmentation totale dans une des premières stades de segmentation (Pl. XV, fig. 2 et ? bis). Parfois, les polyèdres sont à peu près égaux et symétriquement placés ; le plus souvent, ils sont inégaux, de telle sorte qu’on pourrait croire avoir sous les yeux, soit des œufs à segmentation régulière, soit des œufs à segmentation irrégulière. Dans d’autres cas, assez rares, les sphères jaunes, aulieu de for- mer une agglomératiou sphéroïldale, sont placées en série linéaire et forment une masse allongée d’aspect plus ou moins elliptique (PI. XV, fig. 10), mais le plus souvent irrégulière et à axe parfois angulaire (P1. XV, fig. 8). Les cas les plus fréquents sont ceux où l’on trouve une sphère centrale ou une masse centrale de sphères à la surface de laquelle viennent adhérer d’une manière assez irrégulière des sphères en général plus petites (PI. XV, fig. 13), ou des séries plus ou moins 590 MÉMOIRES ORIGINAUX. irrégulières de sphères dont le volume décroit généralement avec la distance de la masse centrale (PI. XV, fig. 3, fig. 4, fig. 7). L'agglomération centrale de sphérules plus ou moins concen- trés peut être entourée de sphérules libres placés à des distances variables et jusqu’au contact de la couche folliculaire, repré- sentant ainsi comme les satellites d’une petit système planétaire (PLXN, M9 1, fig: Le) Enfin une agglomération centrale distincte peut faire défaut, et la structure jaune peut se présenter, et se présente souvent en effet, sousl’aspect de traînées plus ou moins volumineuses, plus ou moins capricieuses et bizarres de sphères de substance jaune de volumes à peu près égaux. Les sphérules peuvent même avoir de très faibles dimensions et représenter des granulations jaunes bizarrement distribuées (PI. XV, fig. 5). Tels sont les divers aspects présentés par la substance jaune considérée dans sa forme et sa distribution. Examinons mainte- nant quelle est sa nature et quelle est la structure intime des sphérules qui en sont formés. J’ai essayé, à l’aide des réactifs, de me rendre compte de la nature de la substance jaune dont sont composés les globules et les granulations. Ma première pensée a été que cette matière pourrait être surtout graisseuse. Aussi ai-je traité les œufs, soit par l’éther, soit par l’acide osmique, mais je n’ai pas obtenu les réactions qui caractérisent les corps gras. Traités par la potasse caustique, les œufs étaient détruits et dissous, mais la substance jaune était tout à fait intacte. Le réactif de Millon ne faisait pas apparaître la coloration caracté- ristique des natures albuminoïdes. Les masses jaunes, mises à nu par la potasse et soigneusement lavées, étaient traitées ensuite par la solution iodée et l'acide sulfurique concentré, sans prendre la coloration bleu violet, carac- téristique des matières amylacées ou cellulosiques. La forme et l'apparence des masses jaunes, et la présence constatée de la cel- lulose dans la tunique des Ascidiens, avaient soulevé dans son esprit la question de savoir si l’on n'était pas en présence de OEUFS DE QUELQUES ASCIDIENS. 591 corpuscules amyloïdes semblables à ceux qui se forment dans les centres nerveux de l’homme ou dans la prostate. Les masses jaunes traitées par les acides acétique, chlorhy- drique, sulfurique, azolique, concentrés, ont été immédiatement le siège d’une vive effervescence et m'ont démontré que j'avais affaire à un carbonate. La base de ce sel m'a été révélée en soumet- tant les corpuscules à l’action de l’acide chlorhydrique et trai- tant ensuite la dissolution filtrée par l’oxalate d’ammoniaque. Il s’est formé immédiatement un abondant précipité blanc d’oxalate de chaux. Les corpuscules étaient donc constitués par du carbo- nate calcaire. Quant à la substance colorante jaune, qui varie d’ailleurs d’intens:té, je n’ai pu en déterminer la nature, mais je suis assez disposé à la considérer comme provenant de la fixa- tion, sur la substance calcaire poreuse, de la matière colorante des glandes jaunes qui tapissent l'intestin, matière qui diffuse en tres faible quantité à travers les parois intestinales, et qui ne s’accu- mule et se ne fixe que sur le carbonale poreux. Il est à remarquer en effet que chez les Ascidies dont il est ici question, les ovaires sont à l’état diffus, pour ainsi dire, et disséminés à la surface de l'intestin. D'ailleurs la coloration des corpuscules calcaires est très variable, ce qui prouve que la substance colorante ne fait pas partie essentielle et rigoureusement déterminée de la composition du corpuscule. En outre, chez les jeunes Phallusies, la coloration est notablement plus faible que chez les Phallusies de grande taille. J'ajouterai enfin que dans un même corpuscule les parties centrales sont plus colorées que les parties superficielles ; ce qui s'explique très naturellement, attendu que les parties centrales, de date plus ancienne, ont eu plus de temps pour s'imprégner de la substance colorante. Dans les œufs traités par les acides, on voit sous le micros- cope la masse jaune diminuer progressivement de volume, en même temps que se dégagent des globules de CO*. On voit que la masse est attaquée de la surface au centre; et en disparaissant elle laisse à sa place une masse de substance claire, incolore, représentant avec quelques déformations, et à 592 MÉMOIRES ORIGINAUX. l'état réduit ratatiné, la forme de la masse calcaire primitive. Cette masse présente des striations concentriques fines correspon- dant à chaque sphérule composante. Elle constitue le stroma or- ganique dans lequel s'étaient déposées les particules calcaires. Dans le liquide environnant, se déposent bientôt des cristaux de sulfate de chaux, ou de nitrate, ou d’acétate, suivant l'acide à l’action duquel on a eu recours. Mais si, au lieu de faire agir les acides purs, on a recours à des acides très affaiblis, comme l'acide acétique à 1/200°, ou l’alcool acéto-nitrique de Beale étendu d’eau, on obtient des résultats inté- ressants, en ce que la faiblesse et la lenteur de l’action des réactifs suppriment la brutalité de la réaction première et per- mettent d'analyser la structure intime des corpuscules. Je prie le lecteur de jeter les yeux sur les /ig. 7 et 7 bis, qui représentent le même œuf de Phallusia cristata, le premier après un traitement de quelques minutes par l'acide acétique à 1/200:, et le second après seize heures de séjour dans la même liqueur. Dans la fig. 7, la décoloration, c'est-à-dire la destruction du carbonate, s’est faite jusqu'à une certaine profondeur, et l’on peut distinguer facilement les portions encore foncées des parties claires. Das la fig. 7 bis, la décoloration est complète, et il ne reste qu'une teinte jaune très pâle. Mais ce que l’examen de ces figures démontre clairement, c’est que lesglobules ou masses jaunes sont composées de couches concentriques qui sont elles- mêmes subdivisables en petits cylindriques disposés comme en pavés sur la couche sous-jacente, et donnant ainsi aux globules une structure à la fois stratifiée et rayonnante. On s’aperçoit également que les sphères les plus volumineuses sont aussi celles qui résistent le mieux et le plus longtemps à la décoloration, ce qui semblerait indiquer chez elles une consis- tance plus grande qui retarde l’action des réactifs. La structure qui ressort de l’examen des fig. 7, 7 bis et de la fig. 9, qui représentent des globules isolés d’un autre œuf de la même préparation, conduisent à penser qu'il y a au centre des sphérules une partie nucléaire qui a été formée la première OEUFS DE QUELQUES ASCIDIENS. 593 et à la surface de laquelle ont été déposées successivement les couches périphériques. Ce noyau d’ailleurs s'aperçoit, dans cer- tains cas, sans le secours des réactifs, ainsi que le représente la fig. 8, reproduisant un œuf examiné dans le sang de l’animal. Ainsi que nous l’avons déjà dit, la coloration du noyau est beau- coup plus foncée et atteint la nuance bistre foncé. L'observation faite sur des œufs {rès jeunes et très petits, tels que ceux de la fig. 6, À, B, G, nous montre clairement les débuts des masses jaunes. On voit en effet que dans ces œufs, encore très jeunes, il s’est formé de petits noyaux agglomérés ou dissé- minés de substance jaune. Ces petites masses serviront de centres d’attraction aux dépôts ultérieurs, et formeront les noyaux centraux autour desquels se disposeront les stratifications successives de la substance jaune. J'ai essayé, sur les œufs que j’étudie, l’action des réactifs co- lorants, et en particulier celle du carmin de Beale, qui a un si grand pouvoir de pénétration. La substance hyaline subcartila- gineuse qui remplit l’œuf est presque réfractaire à la coloration. Quant aux masses jaunes, elles se coloraient lentement et faible- ment, mais d’une manière uniforme. Mais quand les œufs avaient séjourné quelques heüres dans les liqueurs acidulées faibles, on obtenait par le carmin de Beale, après les avoir bien lavées à l’eau distillée, des phénomènes très particuliers de coloration. La substance hyaline restait incolore ou à peu près, la masse calcaire se colorait faiblement, mais la zone périphérique du stroma, décalcifiée, se colorait d’un rouge vif. L'examen qui précède nous aulorise donc à considérer les masses jaunes comme formées par des agglomérations de sphéro- cristaux de carbonate de chaux, sphéro-cristaux qui sont pro- duits par le dépôt de petits cristaux rayonnant autour de noyaux primitifs qui ont eu probablement pour point de départ, ou le noyau, ou ses granulations et nucléoles, ou des corpuscules cen- trifuges au moment de leur formation périnucléaire. Les couches superposées, se multipliant, ont envahi le nucléus et le protoplasme ovulaire proprement dit; aussi l’un et l’autre ont-ils disparu dans 594 MÉMOIRES ORIGINAUX. l’œuf ainsi altéré. Ils peuvent être comparés aux cystolythes que l’on observe dans les cellules de certains végétaux (Urticées, Acanthacées, etc.), avec cette différence que le stroma organique n’est point ici formé par un épaississement cellulosique de la membrane de la cellule, mais par un développement ou bour- geonnement protéique du noyau, ou des granulations nucléolai- res, ou des corpuscules centrifuges périnucléaires. Il reste à rechercher quelle est la signification et le rôle de ces œufs qui ont subi une altération si singulière. Je ne puis don- ner sur cette question que des appréciations hypothétiques. Il est en effet difficile de se rendre compte des causes et de la fin de cette altération permanente d’un très grand nombre d’œufs, altération que l’on n’observe que dans quelques espèces d’As- cidies. Les dépôts de granulations, de cristaux ou de sphéro-cristaux de carbonate calcaire, s’observent assez souvent chez les ani- maux, et dans certains cas on peut s’expliquer ce phénomène comme une mise en réserve de matériaux utilisables plus tard. Tels sont les prétendus yeux d’écrevisses, tels encore les sphéro-cristaux que l’on observe dans les tissus et particulière- ment sur le trajet des vaisseaux de certains mollusques gastéro- podes à coquille (Ampullaires, etc.). Nous ne saurions invoquer ici une semblable explication; mais, en outre, la raison de la localisation dans les œufs de ces dépôts calcaires est bien difficile à saisir. Ce qui m'a paru cer- tain, c’est que les œufs ainsi altérés s’arrêtaient à un certain degré de croissance et n’atteignaient pas le volume des œufs sains arrivés à maturilé. Ces œufs altérés sont perdus pour la reproduction, et il est possible qu'ils soient éliminés ou détruits. Ce sont des organes dont le rôle comme éléments reproducteurs a complètement disparu. Mais est-ce à dire que la fonction repro- ductrice n'ait pas été remplacée par une autre fonction, et que ces œufs ne jouent pas le rôle d’un organe éliminateur ou excré- teur ? C’est ce que je ne saurais affirmer. On pourrait peut-être trouver quelque raison d'admettre une vraie transformalion de OEUFS DE QUELQUES ASCIDIENS. 595 fonctions, dans le fait de la généralité du phénomène chez quel- ques espèces d’Ascidiens. Mais, d’autre part, ce fait que les œufs altérés, rares chez les jeunes individus relativement au nombre des œufs sains, devien- nent bien plus nombreux chez les individus déjà gros, et abon- dent chez les individus parvenus au terme de la croissance, ce fait, dis-je, porterait à penser qu’il y a là un phénomène d’alté- ration sénile dont les effets vont croissant avec l’âge, et qui amè- nent pour ainsi dire une disparition progressive de la sexualité effective de l’animal. Ce sont là, je le répète, des considérations entièrement hypo- thétiques et sur lesquelles je ne saurais plus longtemps insister. Le seul fait que je désire rappeler en terminant, c’est que ces productions calcaires se retrouvent chez les mêmes Ascidiens à l’état de granulations dans les cellules du follicule, et à l’état de gros grains ou de sphères dans les globules celluloïdes des œufs sains des mêmes Ascidiens. Mais on n’en trouve jamais la moindre trace dans le vitellus et dans le noyau des œufs sains, et qui ont conservé leur signifi- cation sexuelle. Ces formations calcaires caractérisent donc, dans ces cas, les éléments chez lesquels le rôle sexuel s’efface, et leur présence dans un élément anatomique dénote la dispari- tion de la sexualité de l'élément, que cet élément soit mâle (cellules folliculaires, globules celluloïdes), ou bien qu'il soit femelle (nucléus, nucléoles et portion du protoplasme ovulaire). 4 juillet 1883. DS A ; = 1 Il est nécessaire, pour l'intelligence de ce dernier paragraphe, de reproduire ici, sous forme de note, quelques lignes d'une communication que j'ai adressée à l'Institut et qui a été insérée dans les Comptes rendus dela séance du 18 juin 1883. « Je tiens à dire que ces faits d'élimination d'éléments cellulaires produits par génération endogène, m'ont beaucoup frappé par leur généralité, dans l'étude com- parée, que je poursuis depuis quelques années, de la spermatogénèse et de l’ovo- génèse. Ces faits m'ont conduit à des vues théoriques sur la nature et l'origine de la sexualité des éléments reproducteurs. Ces éléments me paraissent posséder d'abord deux principes de polarités opposées, l'un centripète (cellule ovulaire, 596 MÉMOIRES ORIGINAUX. blastophore), localisé dans le noyau et une portion du protoplasme, l’autre cen- trifuge, localisé dans cette autre portion du protoplasme, aux dépens de laquelle se forment les éléments centrifuges (cellules du follicule, globulss polaires, cou- ches périvitellines, zona radiala, spermatoblastes, etc.). Toute cellule dans laquelle les deux polarités sont dans un état réciproque d'équilibre est dans un état de neutralité semuelle plus ou moins grande et est susceptible de parthéno- génèse ; mais si une modification biologique fait disparaitre un des deux éléments, l'équilibre est rompu: une des deux polarités devient prédominante, et la cellule acquiert par cela même une sexualité déterminée. L'élimination de l'élément cen- trifuge donne naissance à l'élément femelle, l'élimination de l'élément centripète produit l'élément mâle. Il peut y avoir plusieurs degrés dans la sexualité, et la sexualité complète peut n’être acquise que progressivement par des éliminations successives. » NN ————_—_—_—_—_—_—_————_—_—_—_—]—]_—_————————————…—….….— QUELQUES MOTS SUR LE JURASSIQUE SUPÉRIEUR MÉDITERRANÉEN (Résumé d'une leçon à la Faculté des Sciences.) Par M. P. de ROUVILLE. C’est un fait aujourd’hui reconnu de tous qu'à une même épo- que, dans des régions différentes, des dépôts contemporains ont pu se produire et se sont produits dans des conditions à la fois inorganiques et organiques très différentes. Cette variation à distance, si bien mise en lumière par de nombreux travaux, contraste avec un caractère absolument opposé d’uniformité dans Ja sédimentation et dans la faune que présentent d’autres dépôts, en dépit des distances qui les séparent, La formation jurassique est merveilleusement propre à nous offri: ce double cas. Jusqu’aux derniers temps Oxfordiens, dont les représentants classiques doivent être naturellement cherchés dans la région dont nous empruntons la terminologie, c'est-à-dire en Angle- terre, touts’est passé à peu près de la même façon sur la surface de l’Europe, et depuis le Lias blanc de Smith jusqu’à son argile JURASSIQUE SUPÉRIEUR MÉDITERRANÉEN. 297 d'Oxford, on trouve partout, au même niveau géologique, des organismes à peu près similaires ; déjà pourtant une différence avait semblé se produire à l’époque Bathonienne dans notre Midi ; cette différence s'accentue avec plus d'énergie immédiatement après l'Oxford-clay. Si nous comparons en effet le bassin Anglo- parisien et le Jura avec le bassin méditerranéen, nous constate- rons, à partir de ce moment, des circonstances régionales de sédimentalion qui imposeront des noms nouveaux et soulèveront des questions de synchronisme dont la difficulté ne fera que croître à mesure que nous nous rapprocherons des temps cré- tacés. L’Argovien de Marcou, par exemple, est-il, comme le veulent quelques-uns, un simple sous-groupe oxfordien ? Trouve-t-il son représentant exact dans la série Anglo-parisienne ? Ce qui le ferait croire, ce serait qu’il supporte immédiatement le Coral rag; toutefois on ne peut s'empêcher d'y percevoir des différences organiques qui justifient l'opinion de ceux qui sont disposés à en faire autre chose qu’un simple faciès de l'Oxfordien; d'’ail- leurs cette interprétation elle-même n'est-elle pas l'indice d’une réunion de caractères que l’on ne retrouve pas dans la région typique de l’Oxford-clay ? D'autre part, les horizons si nets de Birminsdorf, d'Effingen, de Geisberg, reconnus dans l’économie Argovienne, paraissent décidément sortir du cadre de l’Oxfordien classique. ke + Le Coral rag qui lui succède, et que j’appellerai, avec M. Grep- pin, Rauracien, sans rappeler les bonnes raisons qu'il en donne, rétablit l’uniformité entre la région du Nord et le Jura; mais cette similarité n'atteint pas au delà du Jura méridional ; elle s'arrête au seuil du Bugey, cette ancienne division de notre terriloire formée de la partie méridionale du département du Jura et de la partie septentrionale de celui de l’Ain, et qui paraît être la soudure géographique de la région jurassienne propre- ment dite et de la région alpine ou méditerranéenne. À partir du Rauracien, en effet, une remarquable différencia- tion se produit avec éclat entre le Midi et le Nord. Le Nord 3e sér., tom, nr. 42 598 MÉMOIRES ORIGINAUX. nous présente la série du Rauracien, du Kimmeridien, du Port- landien et du Parbeck, aux horizons fossilifères si distincts et si connus. Que trouvons-nous dans le Midi ? A partir de l’Oxford-clay, trait d'identité indéniable entre le Midi et le Nord, nous rencontrons : En premier lieu, un terme d'une physionomie nouvelle et déjà plus localisée, l’Argovien, que dans son admirable analyse stra- tigraphique du Gard Émilien Dumas reconnaît dans son troi- sième sous-groupe Oxfordien, et dont la stratification si nette rappelle si bien d’ailleurs les Wohlgeschichiete Kalkbänke de Quenstedt : double horizon de l’A. bimammatus et de l’A. poly- plocus. En second lieu, au-dessus de ce terme, le quatrième sous- groupe Oxfordien du même auteur, son calcairegris massif, déclaré par lui sans fossiles. En dernier lieu enfin, et au toit des groupes précédents, son groupe corallien à Diceras, Nérinées et Térébratules, où la paléon- tologie reconnaît aujourd’hui Terebratula Moravica, Diceras Luc, Munsteri, fossiles dont la présence et dont les caractères spécifi- ques nous donnent l’exemple d'un phénomène coralligène dont le synchronisme avec le Rauracien, adopté par Dumas, est loin de réunir tous les suffrages. A ces différents termes viennent encore s'ajouter dans nos régions méridionales, pour leur meilleure différenciation d'avec le Nord, des éléments nouveaux, spéciaux à nos latitudes : des couches à Aptychus et des bancs à Terebratula Janitor dont la taxonomie n’est rien moins qu'arrêtée. Tels sont les traits divers, si disparates avec ceux du Nord, qu'offrent nos régions méridionales pour cette partie de la série géologique : il s’agit actuellement d’en fixer la place dans cette série. Le Jura salinois nous montre le Rauracien en recouvrement immédiat sur l’Argovien; il n’en est pas ainsi dans la zone mé- diterranéenne, qui nous offre à ce niveau, non plus des bancs coralligènes, mais des stra'es d’une pétrographie qui les unit JURASSIQUE SUPÉRIEUR MÉDITERRANÉEN. 599 intimement aux couches qui les enveloppent : on a affaire au cal- caire gris massif du géologue de Sommières, son quatrième sous-groupe Oxfordien. Le Rauracien semblerait donc absent de nos régions, tout au moins sous sa forme coralligène ; mais on ne saurait en induire l’absence, au milieu de ces couches similaires, de représentants précis, sous une forme pétrographique différente, des formations coralligènes du Nord; la constatation de l’Ammonites bimamma- tus dans les bancs supérieurs à l’Oxford-clay a permis à M. Tor- capel, dans ses beaux travaux sur la ligne de Lunel au Vigan, de saisir ces représentants et d'établir un intéressant synchronisme. M. Tombeck ayant démontré dans la Haute-Marne le parallé- lisme et l’équivalence des couches à A. bimammatus et des bancs à Diceras arietina, M. Torcapel s’est cru, à bon droit, au- torisé à retrouver dans ces bancs à A. bimammatus du Gard le représentant exact du Coral rag classique. La signification de Rauracien donnée aux assises à A. bimam- matus entraine naturellement le millésime de Kimmeridien pour l’Horizon à Polyplocus. J'ajoute que les travaux de Bayan ont accru la valeur de ce millésime d’un certain nombre de preuves paléontologiques peu discutables. Par suite, la Terebratula moravica (Corallien de É. Dumas) ne saurait plus être retenue dans le Rauracien et entrerait de plein droit, avec son soubassement, dans le Kimmeridien. Restent les Aptychus et la Terebratula Janitor. Situés dans le Dauphiné immédiatement au dessous des cal- caires à Janitor, à Chambéry entre les calcaires de la vigne de Droguet qui les recouvrent et les calcaires à A. lithographicus qui contiennent, les uns et les autres, la Janitor, les Aptycus dé- pendront naturellement, pour leur taxonomie, de la place dans la série qu’on sera amené à assigner aux couches qui les enve- loppent. Nous n’avons donc plus devant nous que le terme : calcaire à Terebratula Janitor, ou mieux, comme l’a sibien dit M. Hébert, à Ammonites transitorius. 600 MÉMOIRES ORIGINAUX. Il résulte des travaux de MM. Faucher et Jeanjean que la faune à À. transilorius se trouve en recouvrement immédiat sur la zone à Polyplocus ; or, c'est à ce même niveau que corres- pond le quatrième sous-groupe Oxfordien de Dumas, son cal- caire massif sans fossiles. Quelles seront donc les relations de ce groupe et d’A. transi- torius ? Les trouvailles de M. Faucher et les observations strati- graphiques de M. Jeanjean montrent nettement que ces rapports se raménent à une relation de pure homotaxie. La coupe de M. Jeanjean, n° 1 (Bull. Soc. Géol. de France, 5 décembre 1881, pag. 102) l’établit pertinemment ; vérifiée une première fois sous sa direction, une seconde fois avec mon jeune préparateur M. Viguier, elle ne me permet pas de récuser en doute la super- position immédiate et concordante de calcaires blancs coralligé- nes, à Cidaris glandifera, sur les couches à T. Janitor ; conduit par M. Faucher au Rocal, j'ai constaté dans la même situation, au toit des bancs à T. Janitor et au mur du Néocomien à T. di- phyoïdes, des calcaires blancs, représentants évidents du même horizon coralligène. L'horizon à À. transitorius occupe donc la même place que le quatrième sous-groupe Oxfordien de Dumas; il est bien et dû- ment intercalé entre À. polyplocus et T. Moravica. Est-ce une raison pour moi, comme pour M. de Lapparent, de considérer la faune à A. transitorius comme jurassique? La dis- cussion paléontologique de M. Hébert m’y fait reconnaître une faune crétacée ; seulement, comme à Lémenc, à Rogoznick et à Stramberg, elle serait mélangée à des formes jurassiques, et cela, sans qu'aucun phénoméene de roulis, de brèche, se fût produit. J'ajoute qu'à ce même niveau, c’est-à-dire au-dessus de la zone à Polyplocus, M. Torcapel a constaté dans l’Ardèche la pré« sence de calcaires massifs (Js) qui lui ont fourni, avec la faune à À. transitorius, les formes jurassiques A. acanthicus, A. tra- chynoius, À. polyplocus, etc. La paléontologie et la stratigraphie semblent donc s'unir pour JURASSIQUE SUPÉRIEUR MÉDITERRANÉEN. 601 justifier les conclusions suivantes, qui ne sont pas nouvelles, mais auxquelles je crois devoir me rallier jusqu'à nouvel ordre ‘: 10 Les calcaires à Terebratula Moravica recouvrent les couches à À. transitorius. 2° On a affaire ici à des dépots tout au moins kimmeridiens, puisque le substratum n’en serait autre que l’horizon de Baden ou zone à Polyplocus, supporté lui-même par les couches à A. bimammatus. 3° Ces dépôts peuvent, par leur épaisseur, correspondre au Kimmeridien et au Portlandien du N. et du Jura. 4° Il y a vraiment mélange de faune jurassique et de faune crétacée à partir de l'horizon à A. polyplocus. 0° La notion du Tithonique d'Oppel, si bien soutenue par les géologues suisses (E. Favre), savoisiens (Pillet), a sa raison d’être. 6° Enfin le Berriasien et le Valangien, soit l’un après l’autre, soit tous deux ensemble, suivant qu'on les considère comme successifs ou équivalents, auraient continué, dans le Midi, la série marine, alors que dans le Nord une série lacustre (Purbeckien et Weald) unissait les temps jurassiques aux temps crétacés. Si ces conséquences devaient se vérifier, nous aurions le double grand fait d’une continuité marine dans les dépôts jura-crétacés du Midi, d’une continuité lacustre dans ceux du Nord. L'hy- pothèse d’une lacune dans le Midi n’aurait plus de raison d’être ; le Rauracien du Nord aurait son équivalent dans nos couches à À. bimammatus, et nous reconnaîtrions une nouvelle fois la vé- rité et l’heureuse application des notions si nouvelles sur les caractères spéciaux des dépôls coralligènes : le Rauracien cesse- rait de signifier une époque corallienne universelle, à la manière 1 Je regrette de ne pas connaitre en leur entier les nouvelles observations de M. Hébert sur la position stratigraphique des couches à Terebratula Janitor, à Transitorius, etc., dont le dernier fascicule paru du Bulletin de la Société géolo- gique de France, 3° série, tom. XI, pag. 400, ne donne que les premières lignes. J'aurais eu grand souci de soumettre mon opinion personnelle au contrôle des conclusions de mon cher Maitre et Collègue, GO? MÉMOIRES ORIGINAUX. de l'Époque glaciaire, qui lend aujourd’hui à faire place à la no- tion de simples phénomènes localisés et récurrents. La région méditerranéenne nous offrirait donc une zone péla- gique à À. bimammatus, compliquée, dans le Nord, d’un dévelop- pement sporadique de coraux ; une autre à À. transitorius, suivie, dans nos régions, de dépôts coralligènes unis aux premiers par ces similarités organiques familières aux populations des parages de cette sorle. Le Coral rag classique disparaîtrait donc de nos tableaux des terrains comme tendent à en di-paraître l’Urgonien pour se fondre avec l’Aptien, et le calcaire à Hippurites pour n'être plus qu’un nouveau phénomène coralligène à sa manière, développé dans nos latitudes durant l’époque turonienne et récurrent dans les temps sénoniens, comme l’a si bien démontré M. Toucas. Enfin cette manière de voir mettrait fin à la question plus locale des relations stratigraphiques des terrains crétacé et juras- sique de l'Hérault et du Gard, considérés dans leur distinction primitive. La notion de conlinuité et l'intelligence des conditions de l’éco- nomie coralligène permettraient de comprendre que les diffé- rentes strates d’un même dépôt pélagique, dans leurs relations respectives avec un dépôt coralligène concomitant, ont pu et peut-être même ont dû réaliser, sans altération aucune du paral- lélisme des couches, sans mouvement intercurrent du sol, des circonstances de stratification transgressive et partant discordante. 603 REVUE SCIENTIFIQUE. Zoologie. Éléments de Zoologie ; par Henri Sicar», professeur à la Faculté des Science de Lyon. (J.-B. BaizuiÈèrE et fils. Paris, 1883.) Il y a quelques années seulement qu'il existait encore une vraie lacune dans la librairie scientifique française. Les ouvrages de zoologie systématique, mis au courant de la science, faisaient réelle- ment défaut. En Allemagne, au contraire, et même en Angleterre, il existait un certain nombre de pareilles publications. Leur usage était naturellement réservé à ceux de nos compatriotes qui con- naissaient les langues de ces deux pays. Nous devons nous réjouir de ce qu’une lacune si importante se comble de plus en plus, et de ce que les ouvrages de zoologie systématique écrits en langue fran- çaise sont mis à la disposition de ceux qui veulent se consacrer à l'étude du règne animal. Sans compter les traductions importantes qui ont été faites, celles de Claus et d'Huxley par exemple, nous tenons à dire qu'il se publie en France des Traités originaux de zoologie, et nous désirons en particulier signaler aux lecteurs fran- çais l'apparition récente des Éléments de Zoologie de notre distingué collègue et ami M. Henri Sicard, professeur à la Faculté des Sciences de Lyon. Ce n'est pas une mince entreprise que la publication d’un volume de près de 900 pages, dans lequel l’auteur a recueilli et condensé un ensemble complet de notions de zoologie générale et de zoologie spéciale ; et nous devons savoir gré à M. Sicard de ne pas avoir reculé devant les exigences d’un effort aussi soutenu et d'une œuvre si complète. Hâtons-nous de dire que le succès est venu couronner une volonté si ferme et si persévérante, et que M. Sicard offre au- jourd'hui au public qui étudie, une œuvre que recommande un ensemble de très sérieuses qualités. L'œuvreest méthodiquement ordonnée. Une première partie, con- sacrée à la zoologie générale, traite de la constitution des anir aux, de l'accroissement et du perfectionnement des organismes, de là structure et des fonctions des organes, de l’embryogénie et de la clas- sification ; sur ce dernier point, celui de la classification, point sur lequel les travaux modernes ont jeté une lumière si nouvelle et si 604 REVUE SCIENTIFIQUE. remarquable, M. Sicard n'a pas craint d’insister. En esprit ouvert aux idées générales, qui sont au fond le but et la gloire des travaux scientifiques, il a compris qu’il fallait arrêter sur elles assez longue- ment l'attention du lecteur, afin de lui faire entrevoir tout ce qu'il y avait de grand et de satisfaisant dans les théories qui relient tout le règne animal dans un vaste réseau de liens de parenté. Nous l'en félicitons vivement, car nous pensons que, loin de fermer à la ‘eunesse les portes de cet édifice et de raccourcir pour elle Les hori- zons, il convient de lui montrer l'horizon lumineux et attachant où la conduiront l’étude parfois fastidieuse etrebutante des détails. C’est là, à notre avis, un moyen d'encourager ceux qui étudient et de leur faire supporter les fatigues et les aridités de la route. L’exposé clair, succinct, que fait M. Sicard des théories de la des- cendance a les proportions convenables à un Traité de Zoologie écrit de nos jours, et nous ferons remarquer avec plaisir que M. Sicard n'a point oublié la part si considérable qui revient à la France dans l'édification de ces grandes vues. Justice est rendue par lui au grand Lamarck, le vrai père de la théorie de la descendance, et après lui à Et. Gcoffroy Saint-Hilaire, son disciple. La zoologie descriptive ou systématique n’est pas moins bien traitée que la zoologie générale. Nous ne saurions entrer dans le détail des classifications, mais nous pouvons dire que les caractères des groupes de divers ordres sont donnés avec clarté et d’une ma- nière suffisamment étendue. De nombreuses figures, dont beaucoup sont originales, viennent très heureusement compléter les descriptions et fournir à l'esprit ce secours de l'œil si puissant, et si indispensable parfois, dans les Traités descriptifs. Nous pensons assez de bien de l'œuvre de notre savant Collègue M. Sicard pour ne point hésiter à faire à son sujet quelques obser- vations, qui d'ailleurs s'appliquent également à bien d’autres qu'à lui. Il est, dans la science, des erreurs qui doivent à la noblesse de leur origine d'être fidèlement conservées, et de reparaître inévitablement dans les publications successives qui traitent des mêmes matières. Chacune de ces citations successives semble d’ailleurs constituer pour ces erreurs un nouveau quartier de noblesse et confirmer la légiti- mité de leur crédit. Il serait à désirer que les auteurs de Traités clas- siques se missent en garde contre ces erreurs acceptées de confiance comme des vérités, et de réagir en faveur de la vérité scientifique. Ils ont, sous ce rapport, à la fois plus de puissance et par conséquent plus de responsabilité que les auteurs de mémoires spéciaux ou de recher- ZOOLOGIE. 605 ches originales, car ces derniers ne s'adressent qu'à un public trop restreint pour réformer l'opinion. Les exemples de ces répétitions inconscientes de faits erronés ne font certes pas défaut, et on les retrouve même dans les livres les plus sérieusement composés et sous la plume des auteurs les plus scrupu- leux. M. Sicard lui-même n’est pas à l’abri de ce reproche, et il nous permettra de lui signaler deux faits sur lesquels il pourra diriger son attention dans une seconde édition qui ne saurait se faire longtemps attendre. M. Sicard a reproduit (pag. 428) les dessins de Fabre sur les méta- morphoses du Sitaris muralis, et avec l’auteur si distingué de tant de travaux d’entomologie, il a représenté la première larve ou triongulin avec des membres terminés par une seule griffe. C'est pourtant là une erreur d'observation de M. Fabre, erreur d'autant plus étonnante que le terme de triongulin, créé par Dufour, est en contradiction avec la disposition anatomique dessinée. Cela est si vrai que ce terme lui- même a éveillé l'attention de plusieurs observateurs, et de M. Valéry- Mayet entre autres, et leur a fourni l'occasion de constater que les pattes des triongulins se terminaient en réalité par trois griffes. Il est un second fait du même ordre que M. Sicard me permettra de relever dans l'intérêt de ce que je crois être la vérité scientifique. Les Éléments de Zoologie reproduisent, comme tous les ouvrages clas- siques ou autres de zoologie, la figure schématique de Rathke repré- sentant la transformation des arcs aortiques primitifs chez lesOiseaux. De cette figure, il résulte que le tronc brachio-céphalique gauche des Oiseaux a été formé par le quatrième arc aortique gauche primitif et représente l'aorte gauche des Reptiles. C'est là une vue que l’ana- tomie comparée repousse entièrement, et que j ai combattue, au nom de cette dernière, dans mon travail sur le Cœur des Vertébrés. J’ai démontré en effet : 1° Que le tronc brachio-céphalique gauche des Oiseaux était le repré- sentant rigoureux de celui des Reptiles, et que, même chez certains perroquets, la distribution des troncs brachio-céphaliques présentait une identité remarquable avec celle de ces mêmes troncs chez les Crocodiliens. 20 Que tandis que l'aorte gauche des Reptiles est toujours embrassée, comme l'aorte droite, par la courbe du nerf récurrent du même côté, le tronc brachio-céphalique gauche des Oiseaux n'est jamais embrassé par ce nerf, tandis que l'aorte droite l’est toujours. 3° Que conséquemment l'aorte gauche des Reptiles avait disparu chez les Oiseaux, ce qui est d’ailleurs en relation avec la suractivité 606 REVUE SCIENTIFIQUE. de la respiration aérienne chez ces animaux. La conservation de l'aorte gauche, en effet, ne s'explique que par un défaut d'activité dans la circulation pulmonaire, qui exige un canal de dérivation issu du ventricule droit. Ces observations faites (et quel est le livre assez parfait pour ne point en provoquer de semblables ?), disons que nous sommes heureux de souhaiter la bienvenue à l’œuvre si recommandable du savant Professeur de la Faculté des Sciences de Lyon ; nous avons parcouru son livre avec un vif intérêt, et c'est avec bonheur que nous nous sommes rappelé, en le lisant, que M. Sicard avait été des nôtres et avait compté parmi les agrégés les plus distingués de la Faculté de Médecine de Montpellier. Grâce à lui, une lacune est comblée dans la bibliographie zoologique française, et nous avons un bon livre d’origine française à recom- mander à ceux qui veulent acquérir des notions vraiment scientifi- ques et assez étendues du règne animal. A. SABATIER. Traité d’Anatomie comparée pratique ; par le Pr Carl Vocret Émile Yuxc. Quoiqu'il n’ait encore paru que deux livraisons de cette publica- tion qui en comptera au moins douze, nous la considérons comme trop importante et d'une trop haute valeur pour ne pas l’annoncer et la recommander à nos lecteurs. Le plan de l'ouvrage est digne d'être signalé. Après une Introduc= tion dans laquelle sont esquissés à grands traits, mais d'une main sûre, les idées générales qui intéressent l’organisation du règne animal et les rapports des f‘rmes entre elles, les auteurs de l'ouvrage que nous analysons ont judicieusement placé un résumé des meilleurs procédés employés par la technique zootomique, Les moyens de recherches ont fait de très grands progrès dans ces dernières années ; un nombre considérable de procédés de dissocia- tion, de durcissement, de coloration, d'injection, ont été publiés et prônés. Il est impossible, pour celui qui débute dans l'étude de l’a- natomie, de se retrouver dans ce dédale de liqueurs, de substances, de tours de mains, qui lui sont conseillés par leurs inventeurs. Il est très heureux que des hommes de grande expérience lui donnent un choix tout fait de ces moyens d'étude, et lui évitent une perte de temps et parfois le découragement et le dégoût. C'est là un obstacle d’au- tant plus sérieux qu’il se présente dès le début des études ; et il faut Z00LOGIE. 607 savoir gré à MM. Vogt et Yung de l'avoir supprimé par leurs excel- lentes généralités sur la technique. A ces notions préliminaires succède l'étude de l'anatomie propre- ment dite. Dans cette partie, qui est le livre lui-même, a été adopté un plan excellent pour l'étude, et qui fera du Traité d'Anatomie com- paré pratique le vade-mecum de tout homme qui voudra se livrer à l'étude de cette science. Au lieu d’accumuler des notions multiples et de ramasser dans une description générale tous les caractères et tous les détails d'organisation plus ou moins variables d’un groupe, les auteurs ont choisi un type déterminé de ce groupe, celui qui en représente le mieux la disposition normale; ils ont indiqué les lieux où on peut se le procurer, les modes de préparations qui lui convien- nent pour l'étude. Ils en ont ensuite fait une description claire, mé- thodique, complète, passant en revue tous les appareils, tous les orga- nismes, tous les systèmes histologiques. Il est à peine nécessaire de faire ressortir ce que ce plan a de réelle- ment et de profondément pratique. Au lieu de disperser son atten- tion sur des types divers qu'il lui est le plus souvent même impossi- ble de se procurer, au lieu de perdre son temps à rechercher sur un type une disposition qui n'appartient peut-être qu’à des types voi- sins, l'étudiant concentre toute son attention sur une forme bien dé- finie et dans l’étude de laquelle il lui devient impossible de s’égarer, puisqu'il a sous les yeux une description très claire, très précise, s'appliquant rigoureusement à l'animal qu'il a entre les mains, et de nombreux dessins très nets, très purs de ligne, et qui la défendent de toute méprise. Avec un guide aussi sûr, le travailleur a le sentiment qu'il marche sur un terrain solide et qu'aucun de ses pas en avant ne devra être suivi d'un retour regrettable. Une fois le type d’un groupe bien connu, il lui sera facile d'entreprendre l'étude des autres types du même groupe. Sa route sera jalonnée de points de repère précieux, et la confusion sera nécessairement évitée. Donnons un exemple de cette méthode pour en faire apprécier toute la valeur. Pour la classe des Hydroméduses par exemple, MM. Vogtet Yung distinguent deux formes principales à étudier, la forme médusoïde et la forme polypoïde. Pour la forme médusoïde, le type choisi est l'Aurelia aurita, si commune à Cette, où M. Vogt est venu l'étudier dans le laboratoire même de la Station zoologique. Pour la forme polypoïde, c’est l’'Hydra grisea, si commune dans les eaux douces. Chacun de ces types est successivement étudié. Pour le premier, on trouve successivement les procédés de préparation, la description des formes et des organes externes (ombrelle, tenta- 608 REVUE SCIENTIFIQUE. cules, velarium, corpuscules marginaux, sous-ombrelle), puis celle du système digestif, des canaux gastro-vasculaires, et enfin des orga- nes reproducteurs. Pour la forme polypoïde, le type choisi est celui de l'Hydra grisea, dont une description générale est suivie de l'étude de l'ectoderme (cellules urticantes ou nématocystes, cellules musculaires, cellules nerveuses, cellules glandulaires, etc., etc.). L'exemple qui précède suffira pour faire apprécier du lecteur un ordre si heureux, qui le prend pour ainsi dire par la main et qui le conduit pas à pas des parties superficielles aux parties profondes, et qui lui permet d'étudier très méthodiquement un type bien déter- miné et qu'il lui est facile d'avoir sous la main. Pour notre compte, nous déclarons avoir compris, dès l'apparition du premier fascicule, le rôle important qu'un pareil Traité était appelé à jouer dans les Facultés des Sciences, et en particulier pour la prépa- ration à la licence ès-sciences naturelles; nous en avons dès l’abord conseillé l’usage à nos élèves, et nous devons dire qu'ils n’ont eu qu'à se féliciter d’un pareil choix. Ils font le meilleur éloge de l'ouvrage en cours de publication, en exprimant leur vive impatience de voir les fascicules se succéder rapidement. Nous joignons nos vœux à ceux de nos élèves, dans l'intérêt des études pratiques d'anatomie comparée dans nos établissements d'en- seignement supérieur. A. SABATIER. Poissons et Reptiles du lac de Tibériade et de quelques autres parties de la Syrie; par le Dr L. Lorrer, Directeur du Muséum d'Hist. nat. de Lyon (Extrait des Annales du Muséum d'Histoire naturelle de Lyon). Chargé d'une mission scientifique par M. le Ministre de l'Instruc- tion publique, M. le D' Lortet a publié dans les archives du muséum d'Histoire naturelle de Lyon, un beau volume dans lequel il a réuni ses observations sur les Poissons et les Reptiles du lac de Tibé- riade. Dans une Introduction pleine d'intérêt et de pittoresque, M. Lortet décrit la région du lac de Tibériade et met le lecteur au courant de la topographie et de la climatologie de ce lac intéressant, situé à 212 mètres au-dessous du niveau de la Méditerranée. Les lacs Houleh et Yammouni ont été également explorés et fouil- lés par M. Lortet, dont la description imagée et d'un vif coloris fait naître dans l'esprit du lecteur le désir de parcourir la même route et de contempler les mêmes horizons. ZOOLOGIE. 609 A la partie topographique et pittoresque succède la partie plus strictement scientifique de l'ouvrage. Les poissons du lac de Tibé- riade y sont classés et décrits. On trouve là des représentants des familles des Blennidæ, des Mugilidæ, des Chromidæ, des Siluridæ, des Cyprinidæ, des Caprinodontidæ, des Murenidæ, qui offrent toutes un intérêt réel, mais parmi lesquelles les Chromidæ méritent une attention spéciale, à cause des mœurs si singulières que présen- tent la plupart des espèces du genre Chromis. « La plupart, dit »M. Lortet, incubent leurs œufs gros et verdâtres et élèvent leurs »petits dans l'intérieur de la bouche. On trouve souvent dans la »gueule d’un poisson long de 20 centim. à peine, plus de 200 petits »d'une couleur argentée qui tombent sur le sable comme des goutte- »lettes de mercure. Ges alevins restent pendant quelques semaines »dans cette singulière demeure protectrice, et n'en sortent que lors- »qu'ils sont assez vigoureux pour subvenir à leur nourriture et »échapper à leurs nombreux ennemis. Une de ces espèces, le Chro- »mis Simonis, a une gueule énorme, comparée aux dimensions de son »Corps, et au printemps les joues du mâle sont gonflées par les »œufs ou le fretin qu’il transporte toujours avec lui. On ne s'explique »pas comment ce tendre père peut saisir une proie quelconque sans »avaler quelques-uns de ses enfants.» A l'étude des Poissons, succède une liste des Reptiles rencontrés par M. Lortet dans ses voyages en Syrie. L'ouvrage se termine par la description de l’Orchestia Tiberiadis, petit amphipode décou- vert par M. Lortet dans le lac de Tibériade, par la liste des Diato- mées du même lac, Géterminées par M. Petit, et par celle enfin des Desmidiées, déterminées par M. Brun. Nous ne saurions terminer cette courte analyse sans dire que le Mémoire de M. Lortet est accompagné de 19 belles planches, dessi- nées et lithographiées par M. Gauthier, et qui nele cèdent en per- fection à aucune œuvre de ce genre. C’est là le digne accompagne- ment d’une œuvre où le texte, aussi bien que l'exécution, sont un exemple de l’alliance heureuse du sentiment artistique et de l'esprit scientifique. À. SABATIER, Recherches sur les Échinides des côtes de Provence ; par René Koœncer, (Extrait des Annales du Musée d'Histoire naturelle de Marseille.) Le Mémoire n° 3 des Annales du musée d'Histoire Naturelle de Marseille vient de paraître, et nous ne résistons pas au plaisir de 610 REVUE SCIENTIFIQUE. dire quelques mots de cette belle publication, qui se fait sous ladi- rection de notre distingué Collègue, le professeur Marion. Les recherches sur les Échinides, de M. Kæœbhler, forment un fort beau volume accompagné de 7 planches fort bien dessinées par l’au- teur du Mémoire, et reproduits en chromolithographie. Notre but n’est pas de donner ici une analyse de ce Mémoire : le sujet en est trop spécial pour qu’en quelques lignes nous puissions donner au lecteur un aperçu utile des notions sérieuses qu'il pourra puiser dans ce volume, soit sur l’organisation de Échinides, soit sur la faune échi- nologique des côtes de Provence. Mais nous avons tenu à signaler aux hommes de science une publication qui fait honneur à la fois à son auteur et à l'établissement scientifique dans lequel ont été faites et menées à bonne fin ces difficiles et délicates recherches. A. SABATIER. fr f— Botanique. Sur le Collenchyme ; par M. Girray, D' ès Sciences, Docent à l'Université de Leyrle. Le mot de collenchyme ne désigne pas un tissu tout à fait spécial et parfaitement distinct: entre le collenchyme qu’on peut nommer typique, avec ses cellules allongées et épaissies aux angles, et le sclérenchyme, on observe tous les intermédiaires possibles. L’éclat des parois n’est pas non plus un critérium absolu, attendu qu’on le rencontre ailleurs. Il se présente toutes les fois que, l'indice de réfraction des parois cellulaires étant plus considérable que celui du milieu ambiant, les conditions de mise au point et de distance focale sont telles qu'il sort, par la face supé- rieure des parois collenchymateuses venant grossir les faisceaux nor- maux qui en émanent, assez de rayous pour que la perte d'intensité que ces faisceaux ont subie dans leur passage à travers la paroi soit plus que compensée. La mise au point sur la face supérieure des parois est indis- pensable pour que cet éclat soit obtenu. Si l’on met au point la face infé- rieure, l’effet produit est inverse et le milieu ambiant apparaît plus lu- mineux que les parois collenchymateuses qu'il baigne. Les observations de l’auteur lui paraissent propres à confirmer l'opi- nion de M. Dippel touchant la lamelle moyenne commune à deux cellu- les contigués, opinion solidement appuyée déjà, du reste, par M. Stras- burger. Quand on sépare ces éléments les uns des autres par l’acide chro- miqua, les parois se montrent limitées en dehors par une zone claire et BOTANIQUE. 611 brillante, probablement le reste de la lamelle moyenne. Cette zone claire apparaît encore à l'extérieur des parois collenchymateuses, là où celles- ci sont naturellement séparées, laissant entre elles un méat. Ces méats existent toujours quand le collenchyme contient de la chlorophylle. L'auteur paraît, en outre, admettre l’existence d’une matière intercellu- laire au milieu même de la lamelle moyenne, matière qui aurait été ré- sorbée au niveau de ces méats. Quand elles sont très allongées, les cellules du collenchyme peuvent montrer des cloisons transversales faciles à distinguer des parois termi- nales de la cellule par leur direction horizontale et leur moindre épais- seur. On reconnaît aussi, par traitement avec l'acide chromique, que les parois transversales résultent essentiellement de l’accolement des pa- rois des cellules nouvelles qui se sont formées dans la cellule primitive ; c’est là une sorte d’emboîtement qui d’ailleurs n’est pas spécial aux élé- ments du collenchyme. L'auteur n’admet pas sans réserve les conclusions de M. Ambronn, d’après lesquelles les cellules du collenchyme ne se gonfleraient que très peu dans l’eau et ne posséderaient qu’un pouvoir d'hydratation faible. En premier lieu, de ce que l’action d'agents déshydratants ne produit pas de contractions sur des coupes transversales, on ne peut conclure abso- lument que la faculté de gonflement ne puisse être plus considérable dans le sens longitudinal ; en second lieu, il pourrait se faire que l’affinité des parois pour l'eau fût trop considérable pour que l’action déshydratante de l’alcool ou de la glycérine fût capable de s’exercer. En mesurant aussi exactement que possible l’épaisseur moyenne des parois collenchymateuses de coupes transversales, avant et après traite- ment par des agents déshydratants, l'auteur a presque toujours observé une contraction notable, pouvant même aller jusqu'à 32 0/0. Ainsi que l’admet Schleiden, il a reconnu que le collenchyme est le tissu le plus riche en eau dans sa jeunesse, tandis que plus tard la proportion d’eau diminue. L'action des matières colorantes et des réactifs très variés ne donne point de réaction distinguant nettement le collenchyme des cellules pa- renchymateuses à parois minces, non lignifiées. Le collenchyme typique ne contient point de chlorophylle. Quand cet élément y apparaît, les cellules collenchymateuses se montrent plus ou moins modifiées : leurs parois sont plus minces et des méats apparais- sent entre elles. Il existe souvent, ainsi, une spécialisation d’une partie du collenchyme contenant de la chlorophylle, dictinct du collenchyme typi- que incolore ( Fittonia argyroneura, Ficus, etc. |. Le collenchyme, de même que le sclérenchyme, fait partie des tissus 612 REVUE SCIENTIFIQUE. mécaniques. Son rôle consistant à s’opposer aux efforts de flexion, sa si- tuation doit être aussi extérieure que possibls. Mais comme cette der- nière condition est aussi exivée par le tissu assimilateur, il s'ensuit, entre ces deux ordres de tissus, une sorte de lutte d’où résultent des dis- positions respectives diverses, l’un des deux étant repoussé plus en dehors ou plus en dedans. Quand le collenchyme est sons-épidermique, il est raturellement interrompu au niveau des stomates ; mais quand il est situé dans le tissu assimilateur, il peut être continu. Il existe une différence bien moins tranchée entre le collenchyme et le tissu assimilateur qu'entre ce dernier et le sclérenchyme. Dans ce que Schwendener a nommé la lutte entre ces deux derniers tissus, l’un des deux est forcément refoulé; mais quand il s’agit du tissu assimila- teur et du collenchyme, il peut y avoir une troisième issue réalisée quand les cellules du collenchyme acquièrent des parois moins épaisses et pren- nent de la chlorophylle. Parmi les particularités intéressantes que peut présenter le scléren- chyme au point de vue mécanique, on doit mentionner tout spécialement sa disposition dans les organes bilatéraux. La feuille étant sollicitée constamment par la pesanteur, il est ra- tionnel que le collenchyme y soit distribué de façon à résister le plus possible à cette force, condition qui sera d'autant mieux réalisée que les bandelettes de collenchyme supérieure et inférieure d’une même nervure seront plus éloignées l’une de l’autre. Sous l’influence de la pesanteur, il est à remarquer que la face supérieure de la feuille subit une tension par suite de la courbure qui lui est imprimée, la face inférieure une compres- sion. Or, la résistance à cette tension dépendant surtout du nombre des éléments résistants et de leur distance à la couche neutre, leur arran- gement étant d'ailleurs sans importance, on doit s'attendre à trouver le collenchyme disposé de telle sorte qu’il soit toujours éloigné le plus pos- sible de la couche neutre ; il est alors immédiatement sous-épidermique si la nervure ne fait pas saillie au-dessus du limbe, et si la nervure est saillante on le voit occuper le sommet de cette côte ou la remplir tout entière. Le côté inférieur de la nervure, étant plus spécialement disposé pour résister à la compression et à la rupture, est généralement proémi- nent. C’est à la partie la plus saillante, et souvent aussi latéralement, que se trouve distribué le collenchyme. Les pétioles se comportent dans beaucoup de cas comme des organes caulinaires réfractaires à la flexion. Mais souvent aussi on y observe une disposition très analogue à celle que l'on trouve dans la feuille, ce qui est tout naturel, puisqu'ils se trouvent ordinairement dans les mêmes conditions. Aussi la face supérieure du pétiole est-elle fréquemment BOTANIQUE. 613 aplatie, ou tout au moins saillante, à un bien plus faib'e degré que le côté inférieur ; souvent aussi le collenchyme s’y montre surtout accu- mulé à la partie supérieure et à la partie inférieure. Le sclérenchyme, n’étant pas susceptible d’allongement, est remplacé par le collenchyme dans certaines circonstances, chez les plantes grim- pantes et dans les eatre-nœuds en voie d’aillongement, et dans les vrilles qui ne se sont pas encore accrochées. Le collenchyme peut d’ailleurs être bien développé dans les vrilles et les entre-nœuds des espèces d'un même genre, et non dans ceux qui sont plus faibles, ainsi que l’auteur l’a constaté chez les Smilax, Bignonia, etc. Il est natu- rellement mieux développé à la base des vrilles qu’à leurs extrémités. On constate aussi parfois, dans la disposition du collenchyme des vrilles, une monosymétrie analogue à celle qu'on rencontre dans les pétioles, ainsi qu’on le constate chez le Luffa Petola et certaines Passiflores. La présence du collenchyme n’a été constatée que chez quelques Mo- nocotylédones (Tradescantia argentea, erecta, etc., Dichorisandra, Zea Maïs, Dioscorea villosa, D. sinuata, Tamus communis, Aroidees). M. Giltay en à rencontré dans toutes les Monocotylédones volubiles qu'il à eu l’occasion d'étudier. Ainsi l'Asparagus scandens est pourvu d’un épiderme collenchymatenx; les vrilles du Smilax officinalis ont un tissu sous-épidermique collenchymatoïde, etc. La valeur mécanique du collenchyme n’est pas douteuse. Elle se dé- duit de sa distribution même dans la plante et de sa faculté de résis- tance à la traction, peu inférieure à celle du sclérenchyme d’après M. Ambronn. Or les cellules collenchymateuses possèdent une structure qui répond à deux rôles distincts qu’elles doivent remplir: offrir une résistance suffisante et rester en communication avec les tissus vivants qui les environnent. La forme allongée de ces éléments, leurs extrémités pointues, leurs parois épaissies, répondent au premier besoin ; les canaux, souvent très larges, qui existent dans leurs parois quand celles-ci sont partout épais- sies, canaux qui sont remplacés par les places minces chez les cellules collenchymateuses épaissies seulement aux angles, satisfont au second besoin. Il est à remarquer, en outre, que le dépôt de matière intercellu- laire se fait surtout là où, chez les autres cellules, la communication par contact mutuel ale moins d'importance, c’est-à-dire aux angles ; en ces points en effet, dans le parenchyme ordinaire, on sait que les parois des cellules contigués sont souvent séparées par un méat. Mais, d’un autre côté, l’absence de méats empêchant tout accès direct de l’air dans les cellules collenchymateuses, la chlorophylle ne peut y jouer qu’un rôle 3e sér., tom. 11, 43 614 REVUE SCIENTIFIQUE. peu important. Aussi ne s’y montre-t-elle que très peu abondante, ou sou- vent même fait-elle absolument défaut. Le manque de solidité qui semble devoir résulter de la présence de minces lamelles existant entre les places épaissies de la cellule, est compensé par la turgescence même de la cellule collenchymateuse dans laquelle le protoplasma reste longtemps vivant. Cette disposition per- met, en outre, au collenchyme de s'’accommoder aux flexions de l’organe où il se trouve. e Dans certains cas (Zabrothamnus elegans, Rubia peregrina), les cellules de collenchyme étant épaissies à peu près uniformément sur leurs parois tangentielles et peu sur leurs parois radiales, il existe des sortes d’anneaux concentriques de substance collenchymateuse, unies radiale- ment par de minces traînées cellulosiques. Souvent même l’ensemble du collenchyme d’un axe est divisé en deux zones concentriques reliées par des bandes radiales du même tissu. Enfin le volume moindre des cellules du collenchyme, et par consé- quent l’accumulation plus considérable de substance solide dans un espace donné, compense encore le défaut de résistance qui pourrait ré- sulter de la présence des places minces. Il n’en demeure pas moins vrai que, sous le rapport de la quantité de matière pariétale qui peut être ras- semblée sur une surface déterminée, le collenchyme le cède au scléren- chyme. L.,0 Couleur et assimilation; par M. Th. W. EnGELmanN. dnn. des Sc. natur., Ge série, tom. XV, pag. 357. (Traduit du hollandais.) Depuis longtemps, on considère comme un fait bien démontré que la fonction d’assimilation, c’est-à-dire la décomposition de l'acide car- bonique de l’air, avec fixation du carbone et dégagement d'oxygène, a son siège dans la matière verte ou chlorophylle. Quelques objections relatives à des plantes parasites ou à des algues diversement colorées, ont été facilement réfutées par la découverte du pigment vert plus ou moins rare ou voilé par d’autres matières colorantes. Cependant une théorie nouvelle à surgi tout à coup, et la grande auto- rité deM. Pringsheim, son auteur, lui a donné aussitôt un grand poids: ca savant ne voit dans la chlorophylle qu’un écran protecteur contre une oxydation trop énergique provoquée par la lumière dans le proto- plasma. En résumé, tout protoplasma subirait une oxydation, mais la chlorophylle l’empêcherait d’être excessive. Chacun sait aujourd’hui quelle application remarquable a été réalisée BOTANIQUE. 615 par M. Engelmann, grâce à la connaissance des conditions biologiques des Bactéries aérobies. Elles sont devenues ertre ses mains le réactif microchimique le plus précieux de l'oxygène. Ces petits êtres ont la pro- priété de rechercher l'oxygène avec une avidité telle, que tout point d’une préparation microscopique où il n'y a pas d'oxygène est bientôt dé- serté, que les bords de la préparation, que les environs d’une bulle d’air, sont au contraire peuplés de bactéries très vivantes et actives. Si donc on fournit à une préparation microscopique quelconque une source d'oxy- gène, fût-elle infiniment faible, l’arrivée et l'accumulation des bactéries autour de cette source &’oxygène en révèle la présence mieux que tout autre réactif. On peut donc affirmer que toute trace d'oxygène dégagée par un élément anatomique ou par une de ses parties serait aussitôt révélée par l'accumulation des bactéries. Or le résultat le plus impor- tant des recherches dont nous donnons ici le résumé, c'est que jamais on n’a observé le moindre dégagement d'oxygène dans le protoplasma incolore; que toutes les cellules contenant de la chlorophylle, et dans ces cellules les corps chlorophylliens eux-mêmes, si petits qu’ils soient, sont capables de déterminer un dégagement d'oxygène, à l'exclusion de tou- tes les autres parties. L'auteur montre, en outre, que les matières colorantes superposées à la chlorophyile, notamment dans les algues, modifient dans une notable mesure la marche du phénomène d’assimilation. Les études, devenues classiques, de M. Timiriazeff ont montré que lorsqu'il s’agit de cellules vertes, c'est-à-dire renfermant de la chlorophylle pure, le maximum de l’action assimilatoire se trouve dans le rouge, entre les raies B et C, que le minimum se trouve dans le vert, au voisinage de la raie E. S'il s’agit de cellules jaunes comme celles des Diatomées, on trouve aussi un pre- mier maximum entre B et C, mais le maximum absolu est atteint entre Det E. Pour les cellules de Cyanophycées, le maximum se trouve dans le jaune. Dans les Floridées, le maximum se trouve dans le vert, là même où on à observé le minimum pour les cellules vertes ordinaires. Dans ses observations, M. Engelmann conclut que les matières colo- rantes, telles que la cyanine, la xanthophylle ou l’érythrophylle, ne doi- vent pas être considérées, comme elles l’ont été jusqu’à présent, comme voilant simplement la chlorophylle et n’ayant aucun pouvoir assimila- teur. Ces matières agiraient comme des écrans. et, quelle que soit leur nature, tendraient à affaiblir le maximum d’assimilation. Nous venons de voir qu'il n’en est pas ainsi, que toutes agissent d’un facon différente, il est vrai, mais concourent à une fonction commune, l’assimilation, 616 REVUE SCIENTIFIQUE. Notes sur l’Embryon, le sac embryonnaire et l’Ovule; par M. M. Treus {. (Annales du Jardin botanique de Buitenzorg ; Leide, 1883, vol. III, pag. 120-128, et PI. XVIII et XIX.) Les graines exalbuminées, à embryon indivis, assignées aux Burman- niacées, ont fait rapprocher cette famille de celle des Orchidées ; mais M. Treub, en étudiant les jeunes graines du Gonyanthes candida, a reconnu que ce qu'on prenait pour un embryon était en réalité un albumen à la partie supérieure duquel se trouve logé l’embryon, d'ailleurs fort réduit. Au début, il est uni-cellulaire ; mais lorsque la graine approche de la maturité, il est formé de deux cellules superposées; plus tard, dans la graine mûre, l'embryon présente une ou peut-être deux cloisons longi- tudinales ; son développement ne va pas plus loin. Les phénomènes sont les mêmes dans le Burmannia javanica, seulement ici l'embryon de la graine mûre est un peu plus développé. Ainsi, pour ce qui est de sa structure intime, la graine des Burmanniacées diffère essentiellement de celle des Orchidées et ressemblerait plutôt à celle des Taccaccés. On sait d’une manière générale que, chez les Orchidées, l’épaississement de l'ovaire, la formation des ovules et le développement complet des placentas, résultent d’une action spécifique exercée par les tubes pollini- ques. M.Treub a observé des ovaires de Liparis latifolia plus ou moins épaissis avant l'ouverture du bourgeon floral. Il n'y avait pourtant pas eu fécondation directe, ni cleistogamie, puisque les pollinodes ne s'étaient pas complètement développés. Il résulte des observations de M. Treub que le renflement de l'ovaire est dû dans ce cas à la présence de larves d'insectes qui l’habitent. Au début, ce renflement ne diffère guère de celui qui provient de la pollinisation; mais, plus tard, la forme est différente, et, de plus, lacavité ovarienne est plus étroite et ses parois sont plus épaisses. Les placentas sont plus digités que les placentas normaux, et ces digi- tations arrivent finalement à produire des ovules avec téguments et nucelle réduit dans ces mêmes ovaires ; il y a des digitations qui ne sont pas arrivées jusqu’à l’état d’ovules. De ces faits, M. Treub conclut que l'état normal des Orchidées ne tient pas à une action spécifique exercée par les tubes polliniques, mais bien à ce qu'il survient un courant de substances nutritives vers l'ovaire. Toute autre cause qui pourra déter- miner un même courant produira la même série de phénomènes: c’est ce qui est produit dans le Liparis latifolia par la présence de larves dans l'ovaire. JE 1 Voy. Revue des Sc. nat. de Montpellier, 3° série, tom. IT, pag. 146. BOTANIQUE. 617 Observations sur les Loranthacées, par M. M. Treus Î. (Ann. du Jard. bot. de Buitenzorg, vol. III ; Leide, 1883, pag. 184-190 et p!. XVIII et XXIX.) Dans le Loranthus pentandrus, le canal stylaire s’élargit à sa base, en formant ainsi une cavité ovarienne vide. Les cellules épidermiques qui occupent le fond de cette cavité, ainsi que les cellules sous-jacentes, sont gorgées de protoplasma ; au-dessous, les cellules sont collenchyma- teuses. Plus tard, les cellules de l’assise sous-épidermique s’allongent fortement et constituent un ensemble semblable à un jeune hyménium d’ascomycète et renfermant les cellules mères des sacs embryonnaires ; ceux-ci se développent au nombre de 5-8, les autres cellules avortant. Les sacs s’allongent énormément et entrent dans le style, à l'int'rieur duquel ils s'élèvent à des niveaux différents. La base de chaque sac est assez large ; mais la partie qui suit est rétrécie en tube étroit et ne s’élargit de nouveau qu’au sommet. La partie rétrécie des sacs se trouve généralement à côté du canal sty- laire ; mais leur extrémité gonflée, renfermant les appareils sexuels, se trouve toujours dans le canal stylaire, attendant la fécondation. A la suite de la fécondation, un seul embryon se développe. Il se forme d’abord un proembryon composé d’une double file de cellules, s’avançant vers la base du sac, où l’endosperme commence à se former. Bientôt l'embryon différencié est arrêté dans sa marche descendante par la con- che de collenchyme, contre laquelle il s'applique en subissant un notable aplatissement. Mais l’endosperme, qui se développe en même temps que l'embryon, ne tarde pas à s’insinuer entre lui et la couche de collenchyme, dont il le sépare et l’éloigne de plus en plus. L’embryon subit ainsi une migration jusqu'au moment où son extrémité radiculaire épaissie sort du corps endospermique lui-même. Les mêmes phénomènes ont été observés dans le Loranthus repandus et le Lepeostegeres gemmiflorus. Je "HE Sur le Myrmecodia Echinata Gaudich, par M. M. Treus. (Ann. du Jard. bot. de Buitenzorg, vol. IIL ; Leide, 1883, pag. 129-159 et pl. XX et XXIV). Les Myrmecodia sont des Rubiacées épiphytes composés de gros tu- bercules surmontés d'une ou plusieurs tiges feuillées. Ces tubercules, 1 Voy. Revue des Sc. nat. de Montpellier, 3° série, tom. I, pag. 291 : et 3° série, tom. II, pag. 145. GI8 REVUE SCIENTIFIQUE. au lieu de former une masse continue, sont creusés de cavités et de couloirs communiquant au dehors par plusieurs ouvertures et très géné- ralement habités par des fourmis. Toutes sortes d’opinions ont été émises sur le compte de ces végétaux si singuliers : pour Rumphius, ils sont produits parles fourmis elles-mêmes ; pour Jack, ce sont les fourmis qui creusent les galeries ; enfin, pour MM. Caruel et Beccari, il y a mutualisme entre la plante et les fourmis. Il y a bien au début un ren- flement de l’axe hypocotylé, mais ce renflement s'arrête et la plante meurt si elle n’est pas à ce moment piquée par les fourmis. M. Treub a étudié la formation et l’anatomie de ces tubercules, et il a cherché ensuite à se rendre compte des rapports plus ou moins directs qui pou- vaient exister entre le tubercule et ses habitants. En observant des graines en germination, on remarque que l’axe hypocotylé se renfle en bas dès le début, et qu'au moment où les coty- lédons se dégagent de l'enveloppe de la graine, l’axe hypocotylé a pris le caractère d’un tubercule vert. Plus tard, on remarque vers le bas ou latéralement, une ouverture très nette, donnant accès à une galerie in- térieure. Enfin, plus tard encore, le nombre des galeries augmente, et tous ces couloirs communiquent les uns avec les autres aussi bien qu'avec l'extérieur. Comment se sont produits tous ces phénomènes ? Une section transver- sale d’un tubereule jeune montre un seul faisceau libéro-ligneux central, de structure binaire, entouré par le parenchyme, limité lui-même exté- rieurement par l’épiderme. Bientôt une assise génératrice de liège se forme à la périphérie, en même temps que des faisceaux libéro-ligneux apporaissent dans le parenchyme sur une ligne parallèle à l'assise péri- phérique de liège ; au nombre de 6 à 10 au début, ils deviennent plus nombreux dans la suite et finissent par se relier entre eux. L’appari- tion de ces faisceaux précède la formation d’une zone génératrice pa- rallèle à la circonférence, qui revêt bientôt le caractère d’une phello- gène produisant du liège vers l’intérieur et du parenchyme secondaire vers l’extérieur. Il en résulte que les cellules du centre se dessèchent, que cette cessiccation cause des déchirures, et qu'ainsi il se forme un commencement de cavité centrale. Vers le haut, ce cambium subéreux se termine en veûte près de l'insertion de la tige, et vers le bas il s’avance jusqu'au phellogène périphérique. Au fur et à mesure qu'il se développe, les tissus qu’il entoure se dessèchent, et on a finalement une galerie axile, tapissée des cellules subérifiées, renfermant les restes du tissu desséché et communiquant bientôt au dehors par la destruction du mince disque de liège qui la fermait. Parfois, avant que la galerie soit accessible du dehors, il s’en forme une seconde à côté de la cavité BOTANIQUE. 619 primaire. Le point essentiel dans ce qui précède, c'est que l’assise géné- ratrice résalte d’une différenciation interne et n’a nullement pour point de départ une blessure faite au dehors par une fourmi ou un insecte quelconque. Comment se font l’épaississement et l'accroissement du tubercule ? Tout le tubercule consiste en un échafandage séparant entre elles ies galeries recouvertes chacune d’une mince couche de liège sur les deux faces ; au-dessous de chaque couche s’étend son assise génératrice; entre ces deux assises phellogènes, le tissu est composé de parenchyme et de faisceaux libéro-ligneux. Comme nulle part dans le tubercule on ne trouve de cambium quelconque autre que les couches phellogènes internes, c’est à l’action combinée de ces diverses couches qu’il faut attribuer l’épaissis- sement de ce tubercule. Lorsqu'une lame à atteint une certaine épaisseur, des deux côtés il se produit dans son intérieur un nouveau phellogène à section circulaire, qui d’une part diminue le tissu, puisqu'il est le pré- curseur d’un nouveau canal, et d'autre part contribue à la croissance du tubercule en produisant du parenchyme secondaire. De ces deux effets contraires, c’est le dernier qui a le dessus. Les parois des galeries sont lisses ou bien garnies de proéminences, considérées jusqu'ici comme des glandes aptes à absorber certains prin- cipes nutritifs amenés par les fourmis. Ces proéminences, étudiées dans leur structure et leur développement, ne sont que des lenticelles différant fort peu des lenticelles ordinaires. Maintenant, en ce qui concerne la question des rapports entre les four- mis et le développement des tubercules, y a-t-il mutualisme ou bien simple commensalisme de la part des fourmis? Nous savons déjà que la première galerie n’est nullement creusée par les fournis ; en deuxième lieu, que les nouvelles galeries se forment comme la première, et, en troisième lieu, qu’il n’y à pas dans le tubercule d'organes sécrétant des matières dissolvantes ou pouvant absorber des substances nutritives apportées du dehors. Enfin, le premier épaississement n’a pas pour point de départ la piqûre d'une fourmi, ainsi que M. Treub a pu le constater par des germinations faites en l’absence de fourmis, et, de plus, la pré- sence de ces animaux n’est pas nécessaire à la vie de la plante, puisqu'on peut fort bien les en expulser sans que la plante périsse pour cela. Les fournis ne viennent donc dans les tubercules de Myrmecodia que parce quelles y trouvent un gite sûr et les choisissent pour demeure. Quant à la fonction physiologique de tout ce dédale de galeries, M. Treub ercit pouvoir l'expliquer en disant quil sert à permettre une libre circulation de l’air atmosphérique au dedans du tubercule ; d’ailleurs, la présence des 620 REVUE SCIENTIFIQUE. lenticelles à l'intérieur des galeries paraît devoir confirmer cette ma ière de voir. Comme dernière particularité, M. Treub signale le cas très rsre e la présence de racines transformées en épines. . DER PA TT ER Géologie. Welche Ablagerungen haben wir als Tiefsee-Bildungen zu be- trachten,; par M. Th. Fucus.(Neu. Jahrb. für Miner., Beil. Band, IL. 1882, 487; et Favre, Revue Géol. suisse, 1882.) M. Fuchs a cherché à établir, à l’aide des faunes, le caractère des faciès littoraux et de ceux de grande profondeur, et il étudie ensuite la distribution de ces faciès dans les divers terrains. D'après lui, c'est vers 40 ou 50 brasses que l’on doit placer la limite entre le faciès littoral et le faciès pélagique. Dans le faciès littoral abondent les bancs de coraux, les dépôts d'algues, les bancs de bivalves. Au-dessous se montrent d'abord cer- tains polypiers et les brachiopodes; puis, à de plus grandes profon- deurs, les éponges siliceuses, les crinoïdes, les dépôts de globigé- rines, radiolaires ou diatomées, et, au point de vue minéralogique, les dépôts riches en silice et en chlorite. M. Fuchs, adoptant les vues de M. Nathorst sur la production de diverses empreintes par les animaux, rapporte les fucoïdes des flysch à des traces de cette nature faites par divers animaux dans des eaux très profondes. fl distingue dans les terrains les principaux faciès suivants : | {9 Faciès coralligène : calcaires coralliens, calcaires à FACIÈS nérinées, à hippurites, à caprotines, etc. LITTORAUX. } 2° Couches à bivalves. 3° Couches à scyphia (faciès à spongiaires). 40 Argiles à ammonites. FACIÈS o° Calcaires à ammonites. PÉLAGIQUE. ) 6° Calcaires à aptychus. 7° Calcaires à brachiopodes. Rides formées à la surface du sable déposé au fond de l’eau et autres phénomènes analogues; par M. C. De Caxnozce. (Bibliothèque universelle de Genève, Scisnces physiques et naturelles, 1883, pag. 241.) Tous les géo!ogues connaissent les Ripplemarks, mais leur mode GÉOLOGIE. 621 de formation restait encore à étudier d’une manière un peu com- plète et basée sur l'expérimentation. D'après Lyell, ces rides ne sont autre chose que de petites dunes formées sous l'eau par des courants qui entraînent les grains de sable sur le fond. M. Beetes Jukes et M. Sorby les attribuent d'une manière plus précise aux courants d’eau formés par le flux et le re- flux de la marée, qui produisent sur le sable les mêmes formes que les courants d'air sur la surface de l'eau. M. Forel a de plus montré, en 1878, que l'explication de Lyell ne s'applique pas aux rides des eaux dormantes qui ont leurs deux faces parfaitement symétriques, ce qui ne pourrait avoir lieu pour une dune ; il a reconnu que dans le lac Léman leur direction est indépen- dante de celle du vent et des vagues, et il a admis que de telles rides de fond sont dues à des oscillations fixes résultant elles-mêmes de l’action prolongée du vent sur la surface. Tout récemment enfin, M. Hunt était aussi arrivé à admettre, comme M. Forel, que l'orientation des rides est indépendante de la direction du vent qui produit les vagues. M. De Candolle s'est occupé du phénomène des rides à un point de vue général, et, en remplaçant le sable successivement par diverses substances, il est arrivé à formuler la loi suivante : Lorsqu'une matière visqueuse, en contact avec un liquide moins visqueux qu'elle- même. éprouve un frotlement oscillatoire [c'est-à-dire s'exerçant alter- nativement dans deux sens opposés) ow intermittent [c'est-à-dire agis- sant toujours dans un même sens , mais avec une intensité variable), résultant du mouvement de la couche liquide qui la recouvre ou de son propre déplacement relativement à cetle couche: 1° la surface de la matière visqueuse se ride perpendiculairement à la direction de ce frotiement ; 2° l'intervalle compris entre les rides ainsi formées, autrement dit leur écartement, est en raison directe de l'amplitude du frottement. Le frottement oscillatoire nécessaire pour développer ces rides est dû, soit aux ondulations de la surface libre de l'eau, soit aux eaux courantes ; dans ce dernier cas, le frottement est le plus souvent rendu intermittent par les variations continuelles de la vitesse d’écoule- ment. Le mémoire de M. De Candolle est accompagné de plusieurs photo- graphies intéressantes, représentant les principales particularités de la formation des rides dans des auges rectangulaires, sur un fond circulaire ou dans un flacon. 622 REVUE SCIENTIFIQUE. Recherches sur les terrains anciens des Asturies et de la Galice ; par Charles BaRRoïs, in-40, 622 pag., avec Atlas de 20 planch. (Mémoires Société Géologique du Nord, 1882, tom. II, Mém. n° 1.) Le mémoire que vient de publier M. Charles Barrois restera cer- tainement un des mémoires classiques de la géologie espagnole et prendra place à côté des travaux fondamentaux qui lui ont servi de base: ceux de Schulz, Paillette, de Verneuil, Casiano de Prado, etc. Après avoir donné une courte introduction historique et une liste bibliographique détaillée, M. Barrois étudie successivement, dans les trois parties qui comportent le corps de l’ouvrage, la lithologie, la paléontologie et la stratigraphie. Chacune de ces branches est traitée à l’aide des rigoureuses méthodes que la science exige aujourd'hui, et un rapide résumé ne peut faire apprécier la valeur des détails ainsi accumulés; je ne puis qu'essayer de condenser en quelques lignes les principaux résultats de cette monographie, sans entrer dans un compte rendu approfondi de chacune de ces trois parties : je laisserai ainsi de côté les parties consacrées à l'étude lithologique des roches sédimentaires, qui emprunte un grand intérêt à l'emploi du micro- scope, ainsi que la partie paléontologique consacrée à la description des espèces. Dans la première partie, M. Barrois étudie la pétrographie de chaque formation : schistes argileux, quartzites, calcaires, mimo- phyres granites, porphyres quartzifères, diorites, diabases, kersan- tites quartzifères récentes. Mimophyres. — Les terrains cambrien, silurien et permien des Asturies contiennent des roches feldspathiques à texture schisteuse et porphyrique à la fois, qui paraissent régulièrement intercalées dans les couches de quartzites, de phyllades et de schistes sédimentaires ; leur position ne peut laisser de doute sur leur origine sédimentaire. Leur composition lithologique, assez variable, présente à l'œil nu une pâte analogue à celle des porphyres ou à celle des schistes chloriteux, avec des cristaux plus gros de quartz et de feldspath ;'elles rentrent dans la catégorie des porphyres du Harz et des Ardennes, des roches vertes du Morvan et des mimophyres des Vosges. Les mimophyres d'Espagne formeraient généralement, d'après M. Barrois, un terme intermédiaire entre les porphyroïdes clastiques de M. Renard, c'est-à-dire les porphyroïdes provenant de sédiments stratifiés clastiques, qui auraient cristallisé immédiatement après le dépôt, et les arkoses, qui sont des grès feldspathiques où domine le quartz. GÉOLOGIE. 623 Granites. — M. Barrois décrit successivement deux massifs prin- cipaux de granite éruptif, postérieur dans les deux cas aux schistes cambriens. Le premier massif, celui de Boal, indiqué comme grani- tique sur la carte de M. Schulz, a été au contraire rangé parmi les roches plutoniques par de Verneuil et Collomb. Il présente les éléments suivants dans l’ordre de consolidation : I. Apatite, sphène, fer oxydulé, mica noir, oligoclase, orthose. II. Quartz granulique et plus tard orthose, microcline, Albite. IIT. Quartz de corrosion, mica blanc, talc. M. Barrois donne d'intéressants détails sur les ségrégations sur- micacées que présente ce granite. Le second massif granitique, celui de Lugo, est accepté comme tel par tous les auteurs; ses éléments sont les suivants : I. Apatite, mica noir, amphibole ? oligoclase, orthose. II. Quartz en grains, orthose, microcline, Albite. III. Quartz de corrosion, fer oligiste. Cegranite, qui correspond bien à la granitite ordinaire, paraît avoir un grand développement en Espagne. Au nord du massif granitique de Boal, on observe dans les schistes cambriens divers filons de granite à mica blanc, devenant compacte et euritique au voisinage du schiste encaissant. Sa composition élémentaire est la suivante : I. Orthose, oligoclase, quartz bipyramidé, peu de mica noir, et accidentellement amphibole. IT. Quartz récent, orthose récent, mica blanc, chlorite. Porphyres quartzifères. — M. Barrois fait la description de divers porphyres à texture granitoïde et à texture trachytoïde. Les premiers comprennent les porphyres à globules à extinctions de Corias, dans le bassin houiller et le cambrien qui le limite ; la micro- pegmatite de Corias, qui se trouve dans le même gisement; la micro- pegmatite d'Albuern, coupant les schistes cambriens ; enfin la micro- granulite de Gondar dans le massif granitique de Lugo. L'auteur fait remarquer l’absence, dans les Pyrénées espagnoles, des roches de la famille des porphyres houillers: felsophyres, porphyres, types si bien représentés en France. Cette particularité se retrouve dans les mon- tagnes Rocheuses. Les porphyres à texture trachytoïde sont représentés par le por- phyre globulaire de Gargantata, que l’on rencontre en petits galets in- 624 REVUE SCIENTIFIQUE. terstratifiés dans des assises inférieures au trias ; ils présentent de grandes analogies avec les roches décrites par M. Michel Lévy dans l'Esterel et les Vosges, sous le nom de porphyres permiens violets. Diorites. — Les diorites, bien que peu développées dans les monts Cantabriques, sont cependant représentées par des diorites quartzifères et des diorites sans quartz. Les premières coupent obliquement Les schistes cambriens à Cada- vedo, Corbeira, la Pola-de-Allande, et sont identiques à celles qui traversent le silurien inférieur dans les Ardennes et en Bretagne. Les secondes forment également des filons minces dans les schistes cambriens à Buzdongo, Celon, Lago, etc., et doivent être rangées dans les diorites andésitiques de MM. Fouqué et Michel Lévy. Diabases. — Les Asturies sont très pauvres en roches diabasiques et M. Barrois n'a pu en découvrir qu’un seul gisement (formé uni- quement de galets remaniés à l'époque houillère) situé à la limite du petit bassin houiller de Tineo et en relation avec des schistes verts qui paraissent à la base de ce terrain houiller. Il paraîtrait cependant y avoir deux types de diabases parmi ces galets : des diabases andesitiques et des diabases labradoriques ; ces di- visions seraient analogues à celles établies par M. Michel Lévy parmi les ophites des Pyrénées. Kersantites quartzifères récentes.— Ces roches, assez répandues dans les Asturies, sont entièrement cristallisées et formées essentiellement d'un feldspath triclinique et de mica noir, dans une masse fonda- mentale finement grenue ou compacte et où il y a généralement des grains de quartz granulitique, de l’amphibole et un minéral pyroxé- nique. Au microscope, la masse fondamentale gris-roir-bleuâtre paraît elle-même microcristalline ou porphyrique, formée de petits cristaux de plagioclase, amphibole et surtout quartz, qui forme presque seul la pâte. Comme éléments secondaires, on reconnait au microscope dans la plupart de ces roches : pyroxène, fer oxydulé, apatite, feldspath monoclinique, fer titané et sphène, talc, chlorite et calcite. Ces kersantitessont divisées par M. Barrois en trois groupes prin- cipaux, d'après leur aspect microscopique : Kersantites quartzifères récentes granitoïdes. — — porphyroïdes. — — compactes. GÉOLOGIE. 625 Il décrit les gisements de ces diverses variétés. D'une manière générale, ces kersantites quartzifères récentes pré- sentent des rapports et des différences avec les vraies kersantites de Bretagne et de Nassau. Elles se distinguent surtout des kersan- tites de Bretagne par la moindre richesse en apatite, l'état frais des feldspaths tricliniques remplis d’inclusions vitreuses, et l'abondance du fer oxydulé non hydraté. D'après M. Barrois, il y a analogie de composition élémentaire entre ces kersantites récentes et les ophites des Pyrénées, telles qu'elles ont été décrites en dernier lieu par M. Kühn; mais on ne peut les assimiler aux types décrits par M. Michel Lévy et M. Mac Pherson, quelque large que soit pour ce dernier la dénomination d'ophite. On trouverait plutôt de nombreuses relations entre ces kersan- tiles avec certains grünstein et dacites de Hongrie ; ce serait surtout des dacites granitophyriques et des dacites porphyriques à biotite de M. Dœlter qu’elles se rapprocheraient le plus. Enfin, les porphyres bleus de l’Esterel, les granulites de l’île d Elbe et les microgranulites de la grande Galite, forment une autre série récente qui serait peu éloignée de celle des kersantites des Asturies. Au total, c’est surtout des kersantites anciennes qu’elles se rap- prochent. M. Barrois étudie ensuite les modifications métamorphiques pro- duites au contact de ces kersantites, et termin: par quelques consi- dérations sur leur âge géologique ; elles coupent les terrains cam- briens, le houiller, et, par suite de leurs relations avec divers systèmes de cassures, on peut en conclure : « qu’elles ont dû faire leur appa- rition à l'époque des grandes dislocations du sol qui donnèrent naïis- sance aux Pyrénées, entre l’éocèneetle miocène. » La deuxième partie estconsacrée, comme je l'ai déjà dit, à la paléon- tologie. J'ai reporté à la description des terrains les quelques faits que j'en ai extraits ; j'énoncerai seulement ici les conclusions suivan- tes, que je cite textuellement : « À aucun moment de la période paléozoïque, les Asturies n'ont constitué une province zoologique spéciale. «Les êtres organisés se sont succédé dans cette région et s’y sont développés dansde même ordre que dans les autres contrées de l'Eu- rope, malgré les conditions spéciales du milieu qui n’ont influencé que les détails. » 626 REVUE SCIENTIFIQUE. Terrain primitif. — M. Barrois a reconnu en Galice la série sui- vante : 1° Inférieurement : Micaschistes ; 2 Supérieurement : Schistes verts, chloriteux, amphiboli- ques, talqueux ou micacés, avec lits subordonnés de quartzites, serpertines, cipolins. Dans ces deux divisions se trouvent des lits régulièrement inter- stratifiés, chargés de feldspath, de grenat, de rutile et de mica, dont l'origine serait due à une action métamorphique de contact. Cambrien. — Le système cambrien des Asturies est identique à celui de la Galice; il présente la succession suivante de couches concordan- tes entre elles : Grès de Cabo Busto Grès blancs et schistes. (Base du Silurien.) Grès versicolores, poudingues et schistes. Calcaires et schistes à Axe s ets — Schistes grossiers, fossilifères, et bancs épais de quartzites verts, 50 à 100m. — Calcaires (20 à 60®), schistes et lit de mi- nerai de fer (1m,50 à 2m), Paradoxides de la Vega, 50 à (00m. Salmien des Ar- dennes ? CAMBRIEN (Schistes de Rivadeo/ — Schistes et quartzites verts. 3000 mètres. (Horizon des phylla-) — Phyllades blancs et schistes verts. des de Saint-Lô.) Revinien et Devillien des Ardennes. Silurien. — Pag. 464, M. Barrois donne le tableau suivant du silu- rien des Asturies : Asturies. France occidentale. Calcaire de Rosan. SILURIEN SUPÉRIEUR ( Schisteset quartzites de Corral, am-\ Schistes à nodules. peliles. Ampelites à graptolites. Psammites à scolithes. Sch. calcar. de el Horno à Endo- ceras duplex. faune 3e. SILURIEN © ë 5 A ‘ 4 À Schistes ardoisiers de Luarca à Ca-{ Schistes d'Angers. MOYEN. Lu . : lymene Tristani. Lit de minerai de fer. Min. de Dalimier. Grès de Cabo busto à scolithes, Grès armoricains. SILURIEN à J . ; 4 3 s { Grès versicolores, poudingues et! Schistes pourpres. INFÉRIEUR, <& schistes. GÉOLOGIE. 627 Comme l'avaient déjà signalé de Verneuil et M. de Barrande, la faune primordiale d'Espagne présente d'importantes analogies avec celle de la Bohême ; elle se partage entre les trois époques, sans ana- logies entre elles, du cambrien supérieur du silurien inférieur et du silurien moyen. La faune des étages du silurien supérieur n’a pas été reconnue dans les Asturies. | Les systèmes cambrien et silurien ont été formés probablement aux dépens des grandes terres d'âge primitif et non de granites éruptifs, ainsi que cela résulte de l'examen des grains de quartz clastiques que renferment les schistes. Il n’y a pas de faune corallienne connue jusqu’ici dans le silurien espagnol. Devonien. — Le terrain devonien des Asturies constitue, d'après les recherches de M. Barrois, un ensemble homogène de couches coucor- dantes entre elles, dont l'épaisseur totale est d'environ 1000 mètres. Il a pu y distinguer huit zones distinctes assez bien caractérisées litho- logiquement et paléontologiquement. Le tableau suivant, résumé d’après celui de M. Barrois (pag. 518), montre la succession complète des zones asturiennes et leur relation avec quelques séries typiques. (Voir le Tableau à la page 628.) Carbonifère. — L'étude du carbonifère des Asturies forme un impor- tant chapitre du livre de M. Barrois. Reprenant l'opinion déjà émise par lui sur l’âge carbonifère des marbres griottes, et l'appuyant de nouveaux arguments, l’auteur les place à la partie inférieure du sys- tème et donne, en terminant, le tableau suivant des grandes divisions. Je le reproduis ici avec quelques compléments pris dans le texte. (Voir le Tableau à la page 629.) Le terrain carbonifère forme le sommet des monts Cantabriques à la limite des provinces de Santander et d'Oviedo, où il repose sur le terrain devonien supérieur. Près des frontières de la Galice, il repose directement sur le cambrien ;ilest doncenstratification transgressive sur les formations antérieures des Asturies. Les formations houillères des assises de Tineo ne reposent pas sur l'assise précédente de Sama, mais recouvrent directement en stratifi- cation discordante les terrains plus anciens du devonien au cambrien; c’est donc entre ces deux assises que s’est produit le grand mouve- | *USIUUIP9T) | EI p 9189189 | | *UIVUULPIT RS Sn M = è *D9UU9A9PULT = wzdenb snuntz | uaIsnunez, | Cr = ET ‘epreanx 9p 5919 uAISNnuUNnDI I SZ OO le + = "JS914 “JeJoruos NE 1 md à | ‘AuSUO 2p 9H0PMNBI) { OIOIUUOOEE LI ‘NOUYN Raiotut “HRSCÉPISNDOS ER “EN 9p OJIBP9[89 99 9Y28MNPIE) ‘BAOIN OP S4IUOIE 5" 5 A 9 RARSUeIMOE “HOBTUY ANT KNOJILA OP OJOU ‘MNPI) À, A TD 00 s1mo ‘U9JUIIU9S IAJUOIA Ë :XNOITÀ 0 800 01SIU9S | S9%98 39 S97SI9S ER D ER CR Se f ? “ananodns “JOTOMXEAMA ‘UNI < < (4 uomnuig sp 9J1P9/89) “SOUOIOY OD EUCOE) | £ “U9PIOIEG ‘A ‘Ant | SOSIOTF Op 2AOUMNEIT | soyorMne8 J9 9181008 4 °P U917U9/q0) RS —— ——————————— D © ‘U2EqUaXIO,P ‘U9S “en e 0 gs L 5 9p ‘9[U9 39 ‘9 *OCUI aJI89Ie EH seoooguo no Sue | _pgnfugno ‘de e rxeurg | 055104 9P ‘2109 49 US V.P 2er) AR -UIn9 & UWJSUOSIM ‘100 si DR Sr ME ns ve 4 S ‘JAI 2D 2110918) *UIANO") 9P 91SI40S ‘OTPIUON 9P 94118918) ——— 4XON = SHETSRIOOUD 9AI) 9p OJIPOIE 0194909] P UP) mo faseemrepomnn | monmpeens | me faune | ‘E1JO|OSS0L) R S91) | *u9119011) : = ‘08 snjeydo208ur1s 1624298 [69 FARMAOPELT- EF ns [e2| ed - er - *a]SIU9S S9pLoqu') QUSEJ] 9P 21U9IP) *JOJoIU9S ‘xnou9n don 9p 941toIe) ‘SUPULD 9P 2UBIIE) UOVUSDAA “1449 ‘n uayreru01) ‘auStJEN 2P S91S1U9S | RE EE — — ———————"—"—""— ———…— …—— —— ‘ISNEUQ “UY 8 S91SI9S *UNAIHHANS ‘XNOUSH.D ‘UPS ‘94 NŒINOATG UIBJI9ANOS 9P OUSIOBN ‘907 9P S919 "UOTUUIULD I ‘JMOJJUON 2P ‘UUESd *X0OIAG.P ‘LUUES] ‘J8unaou)A,p OJIPO[P) NE RU et Co EE ee JD Je) "Tdi ‘SANNAGUV "ANOVILAUA ‘SATUNAISV "SHO VILA GÉOLOGIE. 629 LA ÉTAGES. ASSISES. FORMATIONS MARINES. [FORMATIONS TERRESTKES Houiller supérieur Poudingues avec flore (Upper coal mea- | A. de Tineo. (Manque.) houillère supérieur. sures.) (Pecopteris Pruckeneti) Schistes avec flore Schistes à bellerophons| houillère moyenne. de Santo-Firme, etc. |(Dictyopteris sub Bron- gniarli.) Houiller moyen (Middle coal mea- | A. de Sama. sures.) Lumacbelle à Aula- A &æL corhynchus. Schistes et poudingues 7 CE MN. |Calcaire à fusulinella| avec flore du culm. sphæroïdea. Calcaires métallifères | | avec cristaux des Carbonifere infér. quartz, et calcaires (Subcarboniferous dolomitiques. or Bernician.) | À: dr a Calc. à Poteriocrinus. (Manque.) < Horizon des calcaires saccharoïdes de la vallée d'Ossau (Py- rénées françaises.) À. du Griotte | Marbre à Gonialtites 302: crenistria, etc. CAGE) ment du sol cantabrique à l’époque carbonifère, mouvement déjà connu dans la Saxe et dans les pays rhénans. Quelques-unes de ces assises passent de l'une à l’autre, tandis qu’en- tre d'autres il y a des lacunes. Au point de vue des faunes, les systèmes devonien et carbonifère présentent les particularités suivantes : Les foraminifères communes dans le carbonifère (Fusuline, Den- talina, etc.) manquent dans le devonien des Asturies. Les éponges (Steganodyctyon ??) sont rares dans le devonien; au contraire le groupe des pharitrones est représenté par plusieurs gen- res nouveaux dans le calcaire carbonifère. Parmi les anthozoaires, les madréporaires sontseuls bien développés et les formes des récifs paraissent bien développés en Espagne à cette période. Les hydroides sont représentés par quelques espèces de Graptolites e la faune troisième, et de nombreuses Stromatoporidæ dans le devonien inférieur. Les crinoïdes manquent dans le silurien, mais sont bien représentés dans le devonien par des formes rappelani celles de l'Eifel. Quant au carbonifère, il est excessivement riche ; malheureusement, bien des 44 3e sér., Lom. 11, 620 REVUE SCIENTIFIQUE. déterminations spécifiques sont encore nécessaires. On rencontre aussi dans le carbonifère des plaques et des radioles d’oursins (A4r- chæocidaris ?). Les bryozaires sont très abondants dans l’Eifelien des Asturies et ont fourui un certain nombre de formes nouvelles, précisément difficiles à déterminer à cause de leur excellent état de conservation ! Les brachiopodes sont très nombreux dans le paléozoïque des Asturies et les lois de leur distribution sont les mêmes que dans les régions classiques. On doit cependant remarquer l'absence, dans le devonien, des genres uncites et stringocephalus, et les formes undata et concentrica des Athyris, sans intermédiaires en France, sont reliées dansles Asturies par dix espèces nouvelles très polymorphes. Dans le carbonifère, il faut signaler ercore l'absence des Leptæna, qui au- raient ainsi fini dans cette région avec le devonien. Les lamellibranches du paléozoïque des Asturies appartiennent à des genres déjà connus, mais à des espèces pour la plupart nou- velles. Leur étude confirme la loi généalogique de dérivation diver- gente des monomyaires et des dimyaires des Aviculides. Les gastéropodes, quoique très bien représentés, y sont cependant, comme ailleurs, bien moins nombreux relativement que dans les mers actuelles. Il est intéressant de noter l'absence de Fissurellidæ, Patel- lidæ et surtout des Chitonidæ dans le calcaire carbonifère. Les céphalopodes sont très rares. Quelques orthocères et surtout des goniatites appartenant aux groupes des genufracti et des Lanceolati, caractéristiques du carbonifère. Les clyménies manquent totalement dans le devonien des Asturies. Les crustacés sont représentés par quelques trilobites et ostracodes. Enfin les poissons carbonifères ont laissé quelques fragments de rayons épineux dans les calcaires de cette époque. Les dépôts devoniens et carbonifères des Asturies sont formés, soit d'éléments clastiques, soit de calcaires. Ceux de la première catégorie sont probablement des dépôts peu profonds formés à peu de distance des côtes. Quant aux calcaires, ils correspondent en géné- ral à des dépôts de mer plus profonde, et c'est probablement pendant le coblenzien que le bassin devonien des Asturies a atteint sa plis grande profondeur ; il s'est ensuite lentement comblé sous des eaux marines pures, et les dépôts deviennent de plus en plus clastiques jusqu'au grès de Cué. D'après M. Barrois, et ce fait est important à rapprocher des der- niers travaux de M. Dupont, à l’époque paléozoïque, il ne paraît pas encore y avoir eu de différenciation nette entre les polypiers d’eau GÉOLOGIE. 631 profonde et les polypiers des récifs. M. Barrois croit que la nou- velle théorie de M. Murray s'applique bien plus naturellement aux bassins des Asturies que la théorie classique d’affaissement. Le dernier chapitre du mémoire de M. Barrois est consacré à l'étude des phénomènes qui ont modifié les terrains paléozoïques depuis l’époque de leur dépôt. Dans un premier paragraphe relatif aux mouvements du sol, l'au- teur arrive aux conclusions suivantes : « Les monts Cantabriques doi- vent donc leur origine à deux puissantes pressions latérales succes- sives : la première, agissant dans la direction des parallèles, se produisit entre les terrains houillers et permiens ; la seconde, agis- sant suivant les méridiens, eut lieu entre l'éocène et le miocène. Le premier ridement fut précédé de nombreux mouvements de bascule E. à O. ; le second fut de même précédé de mouvements oscillatoi - res, N. à S., fournissant ainsi respectivement de nouveaux exemples de ce fait, général dans les régions montagneuses, de la répétition des mêmes mouvements du sol aux différentes époques. » Le deuxième paragraphe renferme l’étude de la dénudation du sol paléozoïque dans les monts Cantabriques, des causes et des détails du relief actuel. Brevi cenni ulla geologia della parte N.-E. della Sicilia, dell’ Ixc. E. Cortes, del R. Corpo delle Mine*e.) Bollettino del R. comitato géologico d'Italia, 1882.) Ce mémoire, très étendu, a trait à la partie N.-E. de la Sicile, comprise entre le monte Madonia à l’ouest et l’Etna au sud, cette ré- gion comprend la province de Messine et une partie de celle de Catane. Après une introduction de quelques lignes sur l'orographie de cette région, l’auteur aborde immédiatement l'étude des terrains en commençant par les terrains cristallins. Terrains cristallins (Laurentien et Huronien). — À ces terrains se rapporteraient des granites gueiss et principalement des micaschites azoïques, avec filons de pegmatite et nombreuses lentilles d'un cal- caire cristallin ou blanc très pur, rarement pyriteux, orientées pa- rallèlement aux assises schisteuses. Le gneiss ne présente jamais ces lentilles calcaires. Paléozoïque. — Immédiatement adossé aux terrains précédents se montre un ensemble schisteux comprenant diverses variétés de 632 REVUE SCIENTIFIQUE. schistes (micacés, argileux, magnésiens) auxquels sont subordonnées diverses roches : une sorte de granite dioritique (feldspath, mica, amphibole, quartz), des eurites, des pegmatites tourmalinifères, des granulites, des miacites, etc. Des calcaires dolomitiques et cristallins se montrent souvent in- tercalés dans les schistes, mais ils sont toujours distincts pétrogra- phiquement de ceux du Laurentien. Le gypse saccharoïde et de nombreux minéraux accidentels s'y rencontrent également, tels que sulfate de magnésie, graphite, gre- pat, fluorine, minerais métalliques, etc. Enfin des porphyres feld- spathiques accompagnent cet ensemble, que l’auteur rapporte après discussion au silurien et au devonien, cette dernière époque étant représentée par les pegmatites tourmalinifères et les miacites. En discordance avec les termes que je viens d’énumérer, se montre dans la région d'Ali une série composée essentiellement de quart- zites violacés, schistes, conglomérats et psammites violacés ; schistes et jaspes violacés alternant avec des calcaires bruns compacts; enfin, à la base, quartzites rosés, quartzites schisteux jaunâtres et schistes violacés avec cargneules et gypses. D'après M. Cortèse, cette série représenterait peut être le permien. TRIAS. Inférieur (grès bigarré). — Calcaire moucheté de Forza d'Agro et calcaire à accidents dolomitiqnes du cap Saint-Alexis, calcaire du fort Bardara près Saint-Pierre. Moyen (muschelkalk).— Conglomérat lie de vin, peu consistant, et grès siliceux compacts de même couleur, ne reposant jamais direc- tement sur les terrains cristallins, mais bien sur les phyllades ou sur les calcaires du trias inférieur. Calcaire supérieur rouge brique clair, cristallin et très dur, bien stratifié, contenant des débris d’encrines. Supérieur (keuper). — Dolomie saccharoïde blanche ou rouge (Noriqeu. Calcaire grès de Taormina, surmontant la dolomie et présentant des parties dolomitiques (Norique). Calcaires supérieurs à zones et nodules de silex (Carnique). INFRALIAS. Calcaires noirâtres à brachiopodes. Calcaires rouges brunâtres à pectens et plicatules. GÉOLOGIE. 633 Ces calcaires de l’infralias ont donné près de Taormina : Lima punc- tata Sow., Plicatula intusstriala Suess , Terebratula gregaria Suess, etc. LIAS. Inférieur. — Calcaires cristallins presque saccharoïdes, générale- ment blancs, quelquefois veinés de brun, avec petits gastéropodes mal conservés. Puissance, 420 mètres. Calcaires gris ou marron, de couleur sombre, avec débris fossiles indéterminables. Puissance, 50 mètres. Le lias inférieur repose, tantôt sur les phyilades, tantôt sur la dolo- mie ou les calcaires à zone de silice. Moyen. — Sauf rares exceptions, le lias moyen accompagne le lias inférieur; très généralement aussi il le surmonte en concordance. Ses principaux termes sont les suivants, en commençant par les inférieurs : Brèche de calcaire cristallin à ciment rouge. Puissance, 40 mètres. Calcaire gris à structure suboolitique. Puissance, 40 mètres. Calcaires gris avec veines spathiques et brachiopodes (Lima Eucha- ris d'Orb., Terebratula punctata Sow., etc., etc.). Puissance, 100 mè- tres ??? Calcaire gris à crinoïdes. Calcaire rouge ou rosé à crinoïdes. Puissance totale, 25 mètres. Calcaire marneux roussâtre avec veines spathiques ou brèches et marbres. Supérieur. — Schistes marneux lie de vin et schistes et calcaires gris, marbres rouges veinés d'une puissance de 300 mètres et plus. Ils sont en discordance avec les couches inférieures. Calcaires compacts alternant avec des calcaires et des schistes marneux. Puissance, 200 mètres et plus. Parmi les fossiles de ce niveau, on peut citer : Ammonites commu- nis Sow., Ann. radians Rein., 4.fulcifer Sow., À. conplanatus Brug. OOLITE. Inférieure. — Galcaire noirâtre à céphalopodes (Harpoceras opalinus). Puissance maximum, 200 mètres. Calcaire rouge à encrines, posidonomyes (P. alpina), brachiopodes O Y D È et céphalopodes. Puissance maxima, 65 mètres. Moyenne. — (Manque). Supérieure (tithonique). — Calcaire compact fuligineux avec silice, jaspes, schistes marneux noirâtres. Puissance maximum, 160 mètres. + 634 REVUE SCIENTIFIQUE. On y rencontre : Belemnites ensifer, cf. Oppel, Aptychus punctatus, Aptychus Beyrichi. CRÉTACÉ. Le crétacé n’est représenté que par des calcaires marneux à faune cénomanienne ; les espèces les plus connues sont : Cardium Hillanum d'Orb.; Plicatula radiola Lk.; Ostrea Delettrei Coq.; Ostrea Scyphax Coq.; Ostrea Baylei Guéranger; Ostrea flabel- lata d'Orb. TERTIAIRE. Les trois grandes divisions du tertiaire sont largement représen- tées. Éocène. — L'éocène comprend les zones suivantes : Supérieur : Calcaires sans fossiles. Moyen : Argiles écrilleuses bariolées, calcaires marneux, quarzites et schistes bitumineux sans fossiles. — Argile sableuse et écailleuse avec bancs de grès et de calcaires marneux sans fossiles. — Grès grossier sans fossiles. — Grès sans fossiles. — Conglomérat de roches anciennes sans fossiles. — Calcaire nummulitique à N. perforata. Inférieur. . Miocène. — De même que l'éocène, le miocène est largement repré- senté dans la province de Messine ; l’auteur y reconnait également trois groupes principaux, dont l'inférieur repose transgressivement sur les terrains cristallins ou sur un des termes de l’éocène. ! — Calcaires concrétionnés nn rats sie \ siliceux. Miopliocène (Messinien). Zone avec gypse et soufre) Argiles bleuâtres avec amas de gypse. Sarmathien. Marnes siliceuses blanches, feuilletées, Tripoli. — Argiles bleuâtres et grès fins à den:s de Sus chæroïdes. supérieur —— Argile sableuse alternant avec des grès ar- gileux, avec Turiteila archimedis Dub. Na- idees Torlonien lica millepunclala Sh. cancellaria varicnsa Brocc. Cardita jouanneti Desh. Ostra crassis- sima Lam. — Grès grossiers, argiles intercalées vers la partie supérieure. — Conglomérat à éléments cristallins ou por- phyriques. GÉOLOGIE. 635 ] { — Grès à ciment calcaire avec coraux et baguet- tes d'oursins Cidaris variola Sism. moyen (/elvétien?) { — Calcaires sableux, chloriteux, ou alternant avec des strates de grès, avec cellepores, bryo- zoaires. lucides, à ciment siliceux. — Grès écailleux. — Argile brune roussätre écailleuse. — Alternance d'argile sableuse et de petites strates de grès. Miocène — Grès siliceux saccharoïde à grains fins, trans- inférieur (Tongrien?) | Pliocène. — Le pliocène, comme le miocène, repose tran sgressive- ment sur les formations plus anciennes et comprend deux sous-étages composés ainsi qu’il suit: ten opercularis L. P. varius L. P. Jacobeus 7 eLC. — Fi el sables. — Grès sableux avec sis meloritana. Isis melilensis, etc. u — Grès et sables jaunes. Pecten dubius L. Pec- Astien Pareto | supérieur lum, etc. Calcaire grossier à brachiopodes. Terebratula vitrea Born., T. minor Phil., T. scillæ Seg., Bioceue | Calcaire à polypiers. Caryophyllia, Desmophyl- | Terebratulina caput serpentis L., etc., etc. — Marnes blanches à foraminifères. — Sables calcaires à foraminifères. — Conglomérat de cailloux granitiques. inférieur. Zancléen ? Seguenza Enfin quelques pages sur le quaternaire et les alluvions anciennes et modernes, ainsi que sur l’hydrographie de la région, terminent ce mémoire. Descrizione géologica della provincia di Pavia, con anessa carta geologica à 1/200,009e ; par M. T. Taramezut. (Milano, 1882.) Cet ouvrage est divisé en sept chapitres. Le premier est consacré à l'orographie de la région ; dans les suivants jusqu'au sixième, }’au- teur passe successivement en revue la géologie de la plaine et de la colline de Saint-Colomban, sur la rive gauche du P6, des collines sub- apennines de la région montagneuse de Bolbio ; dans le sixième, il résume chronologiquement l'histoire géologique de la province, et enfin, dans le septième, termine par une étude détaillée de toutes les roches et minerais utiles à l’industrie. Voici, extraite de la fin du sixième chapitre, la série chronologique des terrains de la région : 656 REVUE SCIENTIFIQUE. — Zone de schistes arénacés à Nemertilites avec bancs de Nummulites. Eocène — Gabbro rougeetrochesipéritiques.Mineraisdecuivre, (Ligurien- { — Agglomérat calcaire ophiolitique. Tongrien.) f — Agglomérat granitique. — Serpentine, ophiolite bastitique, ophite, euphotide. — Calcaire comprenant la zone ophiolitique. Modénien.. Argiles écailleuses et calcaires à fucoïdes. Bormidien. Conglomérat et molasse ophiolitique, à li- gnites, marnes schisteuses, sableuses, micacées. Langhien..Marnes blanches à gastéropodes et molasse, avec petites strates de conglomérat ophiolitique. Helvétien.. Calcaires sableux et molasse marine à Pecien denudatus et balanes. Tortonien. Marnes à pleurotomes, calcaires marneux à Lucina pomum. zone pétrolifère. Messinien.. Molasse sableuse, calcaires tufacés, marnes feuilletées, plâtre avec soufre natif. Plaisancieninfér. Tabien. Argile sableuse, molasse à li- gnites, sables et conglomérats fossilifères. Astien..., Argile marine de Saint-Columban avec bancs de madrépores. Sables incohérents alternant avec des argiles for- — Miocène Pliocène mant la bordure des terrasses les plus élevées et s'appuyant sur le tertiaire. — Graviers. — Sables plus ou moins argileux. — Argile plus ou moins marneuse, ayant à la base un banc de tourbe compacte recouverte de 20 ou 30 mètres d'alluvions plus grossières avec ossements quateraaires. — Graviers et sables ; sables aurifères du Tessin. — Sables plus ou moins argileux, quartzeux, micacés, feldspathiques. — Argiles plus ou moins sableuses. Quaternaire Actuel GÉOLOGIE. 637 Note illustrative della carta géologica della provincia di Ber- gamo; par M. Varisco (Bergamo, 1881); et Favre. (Revue Géologique suisse, 1882.) L'auteur donne la série suivante des formations géologiques de la région : 1° Gneiss et micaschistes. 2° Conglomérats gris, quartzites sans fossiles, Carbonifère ? Per- mien ? 3° Trias. Calcaires et marnes fossilifères à Avicula contorta. 49 Rhétien .? Calcaire à Terebalula gregaria. Dolomie à Conchodon infraliasicus. Calcaires, dolomies et grès à Amm. bisulcatus. Amm. An: stellaris. Calcaires en bancs épais avec À. margarilalus Amm. Algovianus. Calcaire rouge à Amim. bifrons. Posidonomya Bronni, etc- 6° Jurassique, représenté seulement par un calcaire rouge à Aptychus (Jurassique supérieur), équivalent du calcaire silicifère de Brescia. — Majolica. Marne irridate scagliose, marnes à fucoïdes. 7° Crétacé. ; — Conglomérats à Hippurites. ( — Calcaires marneux et grès à fucoïdes. Nummulitique. Pliocène. 90 Quaternaire à Elephas meridionalis, Cervus dama, Cervus elaphus, Rhinoceros Leptorhinus, Bos etruscus, etc. & T ertiaire Ueber die geologischen Aufnahmen in Judicarien und Val Sabbia ; par M. A. Birrner. (Jahrb. der K. K. geol. Reichsanst, 1881, XXXI, 219 et M. Favre, Revue Géol. suisse, 1882.) La région du val Sabbia et du val Judicaria, à l’ouest du lac de Garde, comprendrait, d'aprés l’auteur : | 1° Couches de Werfen. 2° Muschelkalk. Couches de Buchenstein. 3 — Couches à Daonella (St- Cassian.) — Calcaire coralligène et couches à faciès de Raibl. — Dolomie principale. Trias \ Couches de Wengen 638 REVUE SCIENTIFIQUE. | Lias moyen et supérieur. — A la partie supérieure du Lias se trou- vent deux bancs que l’auteur nomme couches à Rhynchonelles, ca- ractérisées par la Rh. Clesiana Leps. et Vigilii Leps. (couches à À. trilobata, Ben.) et dont il est difficile de dire si elles sont liasiques ou jurassiques. Au-dessus, viennent la zone à Amm. Acanthicus et les calcaires à Tereb. diphya peu fossilifères. — Calcaires et dolomies puissants sans fossile. — Alternance de calcaires compacts et dolomitiques et de roches plus tendres marneuses avec Terebratula Rhétien < gregaria. — Couche de Kæssen (marnes et schistes marneux fossilifères). re: Ron Crétacé : Scaglia. Éocène. — Nummulitique à Serpula spirulea. Nummulites compla- ‘ nata, N. spira. Lambeaux de flysch. Sulla separazione degli schisti triassici da quelli paleozoïci nelle Alpi Apuane;Nota di B. Lorri, ingegnere nel R. corpo delle Miniere. (Boll. del R. com. grologico d'Ilalia, 1882.) On sait que la formation de calcaire marmoréen des Alpes Apu- nes est comprise entre deux systèmes schisteux, l’inférieur avec fos- siles paléozoïques | Orthoceras Actinocrinus), la supérieure, triasique comme les calcaires marmoréens, puisqu'elle supporte la zone à Avicula contorta ; mais cette formation de calcaires marmoréens n'a pas une épaisseur coustante et constitue une grande lentille; là où les calcaires disparaissent, la séparation entre les deux formations schis- teuses devient très difficile. M. Lotti, qui ne partage pas sur ces questions les idées de M. Sté- fani, pense être arrivé à séparer les deux formations schisteuses. D'après lui, les roches paléozoïques consistent surtout en schistes gneissiques et noduleux, tandis que dans celle du trias prédominent des micaschistes lustrés de composition variable, mais toujours dé- pourvus de gneiss. Les plissements causent seuls l'illusion de roches gneissiques faisant partie du tries. 1 Voy., à ce sujet, les analyses de diverses Notes publiées dans les Revues géologiques de l'année dernière. NÉCROLOGIE. 639 Le contact entre les schistes paléozoïques et les calcaires marmo- réens triasiques est brusque et porte à admettre un hiatus plus ou moins considérable. D’après les dernières observations de l’auteur et de M. Meneghini, les schistes paléozoïques à orthocères devraient peut-être être rapportés au silurien ou au devonien et non au carbo- nifère, comme plusieurs géologues, entre autres M. Stéfani, l'avaient fait jusqu'ici. M. ViqutEr. L'Éditeur-Gérant : Cnarces BOEHM. MONTPELLIER. —- TYPOGRAPHIE ET LITHOGRAPHIE BOEHM ET FILS, 4 ° Ë ei 2} } ' 1" , ; ï L LE * L < sh l ne ei ail i Es EL / LR à \ ; } ï L& f y? CT ÿ RADES Ge. PE eu COS DA CRM \ + : ’ N pi LL “Aron de de Ve ë Dot JArU (a ar R | entrant : Mnto-vushiba rl ee mt En x de, + Ai = ee me mi vote lé + + ALLER ENTD ÿ NUE LU £ L [A DO V van rl \ énbt abs Vu €: AHPPAITE a rt Le LOS AE UT pen ny Hp LE rat hi A ce pins pes) oi = jui 4 vi AIS Rte — TT Re € "ML US (Re y i v's7 La " 1 0 Nas à (on REVUE DES SCIENCES NATURELLES TABLE DES ARTICLES Contenus dans ce volume (3° Série, Tome II). MÉMOIRES ORIGINAUX. BOTANIQUE. KzeIx (J.). Les Vampyrella ; leur développement et leur place dans la classification (PL. IV bis)................ douane LO Ozrvier (L.). Les procédés opératoires en Histologie végétale Dire om pag. 490)...1624 1 Minis ER A PET 71 Roux (G.). Excursions botaniques en Espagne......... 228, Dot ScHMITZ (Fr.). Les Chromatophores des Algues (PI. XIII, nn eat à en Ne Ch CA Joue 301408 WiEsNER (J.). La Faculté motrice des plantes..... RCA des: si GÉOLOGIE. Rouvizze (P. de) Phosphates de chaux de la Gardiole près de Montpellier (PL V, VL)...:580 1... RAR ER rs els 256 — Quelques mots sur le Jurassique supérieur méditerranéen. 596 THouLer (J.). La Minéralogie d’après Hérodote, Ctésias et les MOMMRENTS ÉÉYDHENS-.... 0e... .. Sr Dsoiien ee 406, 565 TorcaPeL (A.). L’Urgonien du Languedoc (PI. I}............ 91 Vizzor (A). Limites stratigraphiques des terrains jurassiques et des terrains crétacés aux environs de Grenoble......... 262 ZOOLOGIE. Amans. Essai sur le vol des [Insectes (PL XI, XII)........... 469 BALBIANI. Remarques à l’occasion des communications de M-Bichiensiein sur.les Pucerons... .........2......1.. 431 LicaTENSTEIN. Réponse à M. Balbiani..............,,....,... 393 3e sér., tom. 11. 49 642 TABLE DES ARTICLES. SABATIER (A.). Altération spéciale des œufs de quelques Asci- diens (PL OV} Le ar tes ee CE 587 — Recherches sur l'œuf des PORTE (PL. 'VIIEX)S tee — Spermatogénèse chez les Némertiens (PI. II-[V)........ 165 VizLor (A.). Classification des Cystiques des Tænias......... 109 REVUE SCIENTIFIQUE. Botanique; par MM. Courcxer, FLAHAULT, HÉRAIL.. 142, 443, 610 Géologie ; par MM. P. ne Rouvizze, ViGuiEr.... 158, 291, 437, 620 Zoologie ; par MM. ROBIN, SABATIER....... 118, 273, 299, 466, 605 TABLE PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE DES NOMS D'AUTEURS DES COMMUNICATIONS Analysées dans la Revue scientifique et bibliographique. Balfour (Fr.) Embryologie et Organo- génie comparées (traduction A. Robin). 290 Barrois (Ch.) Terrains anciens des Asturies. 622 Beneden (Ed. Van.). Histoire des Dicyémides. 283 Bittner. Géologie du Val Judicaria 637 Bouley. Progrès en medecine par l'expérimentation. 151 Candolle (C. de). Rides du sable. 620 Cortese. Géologie de la Sicile. 631 Engelmann. Couleur et Assimilation. 614 Errera. Glycogénèse des Végétaux. 462 Fuchs. Caractères des dépôts géolo- giques. 620 Gemmellaro. Trias de Sicile. 296 Giltay. Collenchyme. 610 | Girod (P.) Poche du noir des Cépha- lopodes. 124 Janczewski (Ed. de). Étude compa- rée des tubes cribreux. 146 Julin. Développement des Orthonecti- des. 218 Kjellman. Végétation de la mer de Sibérie. 150 — et Lundstrôm. Phanérogames de la Nouvelle-Zemble. 149 ‘ Ko Ehler. Echinides de Provence. 609 Leenhardt. Géologie du Ventoux. 437 Lortet. Poissons et Reptiles de Syrie. 608 Lotti. Nummulitique de l'ile d'Elbe. 295 — Schistes triasiques et paléozoi- ques des Alpes. 638 Ludwig. Développement de l’Asterina 286 Lundstrôm. (Voy. Kjellman). Mac-Leod (J.). Appareil reproducteur femelle des Téléostéens. 273 Maugin. Développement des cellules spiralées. 148 — Racines adventives des Monoco- tylédones 457 Mocsary. Hyménoptères hongrois. 466 Munier-Chalmas. Algues Siphonées calcaires, 46 Nathorst. Invertébrés fossiles 297 Nicolis. Carte géologique de Vérone. 296 Penk. Oscillations de la surface des eaux. : 291 Pertschinger. Étages tertiaires des Landes. 294 Reusch. Fossiles siluriens. 292 Richet (Ch.). Physiologie des nerfs et des muscles 118 Rietch. Sternaspis scutata. 129 Rouville (P. de). Réunion de la So- ciété géologique de France à Le 15 Sandberger. Recherches sur les fi- lons. 292 Schwendener. Gaïines protectrices. 443 Sicard. Éléments de zoologie. 603 Taramelli, Géologie de Pavie. 635 644 Treub. Loranthacées 145-617 — Embryon, sac embryonnaire, ovule. 146, 616 — Plantes grimpantes. 149 — Urnes du Dischidia Rafflesiana. 149 — Myrmecodia. 617 Varisco. Carte géologique de Bergame. 637 Vayssière. Larves des Éphémérines, 140 TABLE PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE DES NOMS D'AUTEURS. Vesque. L'espèce végétale et l’anato= mie comparée. 142 Vitzon. Téguments des Crustacés décapodes. 275 Vogt. (C.)et Yung. Traité d'anato- mie comparée pratique. 606 Weissmann. OBuf des Insectes. 135 Yung. (Voy. Vogt). Anatomie compa- rée pratique, 606 Zeiller. Cuticules fossiles. 148 Toml. 777. Revue des Sciences Naturelles (3 Série) Ÿ ne VS È ° ù D ” u NE ÿ -S Nord a = Neil Éeaté à Sue È Ÿ Ë > à d ES $ » > À Ÿ Z : - $ , / 1 c FD 9 1 l. Gune au Nord de Nimes suivantla dérechon de la route d'Uxes. ÿ ré Ÿ CA HER à È à 3 CS) 3 AN V À CARE Sud Ë Ÿ à y À : 4 a à l | ES LT En — 2 # = IT. Gupe «& l'Ouest de Nimes entre Caverrac cl le mas de Thérond qar le mes de Ponge et barute 5 4 “2 > Nord È 0774 des {roubadours Calearre 72 Chart a (Donxerien Caluire & Lumachelles nn E Calcarres el marnes \ (Hautertoren ). £ a Spalanques J Caleares él Mmarnes « Æ chiinospuetaques a'yllaceuis Caleare à Criviers | (Bärutlen ) ; 1 ù Longueur: 80000 Lhelles CCRRETT T7) Lnp. Borñn 8 Frs Map! D # Re vue d es Sci cences naturell one (FS erie.) 1S a L CAL. L . batrei Lip P, CI: . Gel k ll À l e, 7 ou Ce «ÿ Tom IL P1.JIT. Revue des Sciences naturelles (Serre j Jp. Bolt 4 Fk U7772 AS abalier, del Revue des Sciences naturellés (5*Serie.) “né re A. Sabatier dl. lp. Pochin x Hs Most Revue des Sciences naturelles (*Sérre.) Tom .]] P1 IV?S TJ Xlein dec. Zap. Boehn & Zik Men AMV. ael in; rrmnéra, LUZ TON HR. «ec. LR . del 11 & LUS = LÉRR 477 à vaF Le 7 À Rouszaud del. rer del 7 AMV | Rousaud «el. 27/2 Fc À P/A) 12 DeËTF ŒZITZ 7) 1? LC F, 94 »9 17229 sl IXEVUE des OCIENCES nalurelies, [9 - Ve77E./ lom.//, FL VI À. Sabatier. de/ Pop. Boehm # File, Morts: | Ten./. PI VAT Sciences naturelles, (7 € Serre.) des ‘ Pile, Mort’ Doehm & ri ITIP. À. Sabatier. del Tom.// PI /Y (ES ere.) Revue des Sciences naturelles À FE s— See {mp Poehm & fils, Morts’ | atrer. del. À, Sab Revue des Sciences naturelles, / 3° Serre. / Tom /7. PI #° À: Sabatier. del Pp. Boehm & Ale, Monty Revue des Sciences naturelles /F{Serse) TomIl, MAT. 2] P'Arrnans, del Jp Boehre &Fis. Montp! & Tontl 2247 Revue des Sciences naturelles /7“Sere) Imp. Boehm & Fi/s. Montp 7 PA MAILS, le DE er = = : 2 + = es ! f } F ! CL VPNNRETN ET ENT 2 Revue des Sciences naturelles / See) Tom. AY7 FE Schmitz. ae! . {np Boehrn & is, Monfo!. 1 | TomII. AZ A7F Revue des Sciences naturelles FSerre) 2. _7 Eure = Jryp -Boehrn& Erls= Horip “. chirritz. del. ce Fr) UE Revue des Sciences naturelles {3° Serre) TomIl. PLAY À. Sabatier. del. i lp Doekm & bis, Muni” TL 27 A ; Ne | 2 | le A ji 19 A . " | JM + AN n 4 106 277 890 _ PA Pr _— _u - Erin _ me, ame = _ — — A da 7 sens Rs re 7 = : es + te 7 æÆ — … =. Z Te TES … : re 1 _ = L VA . d- _ A à do ag le ET ET nn ET en ge L eee mare