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REVUE

DES

ÉTUDES JUIVES

VERSAILLES IMPRIMERIES CERF, ■'«, RUE DUPLESSIS

t

REVUE

DES

ÉTUDES JUIVES

PUBLICATION TRIMESTRIELLE DE LA SOCIÉTÉ DES ÉTUDES JUIVES

TOME QUARANTE-DEUXIÈME

PARIS A LA LIBRAIRIE A. DURLACHER

83 •»*% RUE LAFAYETTB .^ïC^

1901 ^^f^-'^'ù^

lOI

LA PIEBRE DE MYNDOS

Myndos, aujourd'hui Yemishlii-liman, était une petite ville de Carie, colonisée par les Doriens de Trézène, à l'extrémité de la presqu'île d'Halicarnasse et vis-à-vis de l'île de Calymna. Elle n'a jamais fait beaucoup parler d'elle dans l'histoire, et ses ruines, peu importantes, ont livré j usquà présent fort peu d'inscriptions * . C'est à M. William Paton, savant et poète, Anglais de naissance, Calymniote d'adoption, que nous devons les principaux textes épi- graphiques de Myndos; il a bien voulu m'autoriser à publier le curieux monument qu'il vient d'y découvrir et qui est aujourd'hui en sa possession. J'en dois à mon frère, M. Salomon Reinach, la communication directe.

Il s'agit, comme on le voit, d'une stèle de marbre blanc, ou, plus exactement, d'un pilier quadrangulaire, brisé en bas, surmonté d'une colonnette torse (?) également brisée. L'extrémité supérieure du pilier, détachée par une gorge, sert de plinthe à la colonnette. Le pilier lui-même est décoré, sur ses faces antérieure et droite, de rainures profondes qui dessinent un long rectangle surmonté d'un cercle : quelque chose comme un point sur un I. La face pos- térieure est unie, la face gauche est creusée vers le bas d'une longue feuillure verticale (larg. 0"\07; prof. 0'",02). La section du pilier est presque carrée (21 centimètres de largeur, 19 d'épaisseur) ; la hauteur totale du monument paraît être d'environ un mètre.

Ce décor est du style byzantin naissant, et c'est également à l'époque byzantine qu'appartient, par son aspect graphique et son orthographe % l'inscription gravée sur la plinthe de la colonnette

» Bull. COI-)-, hellénique, XII, 277 (Paton) ; XIV, 118 (Cousin et Dielil) ; Revue des et. grecques, IX, ',23 fPaton) ; Journal of hell. studies, XVI, 214 (Paton). Sur le site, cf. Palon, J. H. S., VIII. 04.

* La sigle S pour ov apparaît dès l'époque de Caracalla CIG., 1320, 13o3, etc.; S. Reinach, Traite' d'épigr,, 211), mais n'a pas alors l'aspect arrondi qu'elle présente sur notre pierre. Un fin connaisseur de l'épiu'^raphie b3'zantine, M. Charles Diehl, a qui j'ai montré la photographie de la pierre, incline à la dater du vi« siècle. T. XLII, n" 83. 1

2 KEVUfc: DKS ÉTUDES JUIVES

et le sommet du pilier en lettres d'environ 25 millimètres de hau- teur. Elle est ainsi conçue :

//////eci)neMnTHC

//iX/CYNS K£,T;rYI

y4VTHcac£6ior

Les premières lettres des deux premières lignes ont été enlevées par une malencontreuse cassure. Mais M. Paton a reconnu sur l'original : que la première lettre conservée de la ligne 1 était précédée d'une lettre arrondie, vraisemblablement <-) ; 2" que la lettre mutilée qui commence actuellement la ligne 2 était un X. D'après cela, l'inscription tout entière se restitue sans difficulté, sauf le premier mot :

. . . ("JjscoirÉp.'jrTYjÇ

00 a'JTY,; IvjteÊ-'o'j. « ( ] de Théopempta, archisynagogue, et de son fils Eusébios. »

Le nom Eusébios, fréquent dans les premiers siècles chrétiens, n'est pas nouveau à Myndos. Il fut porté par un philosophe néo- platonicien, Eusébios de Myndos, dont Eunape, son contemporain (seconde moitié du iv*" siècle), fait un vif éloge * ; je ne songe pas, d'ailleurs, à identifier les deux personnages. Quant au nom Hxo- TvÉaTTTY, - (écrit ©ôcoTrÉiAZTY,), il me paraît inédit. Le masculin Wid-sa- -To;, inusité comme nom propre à l'époque classique (on disait alors 0£O7:oa::o;), est, au Contraire, assez répandu à l'époque byzantine : on connaît une dizaine d'évêques de ce nom entre le et le xi« siècle ^ ; le plus ancien exemple est celui d'un évêque de Cabasa en Egypte, vers 449.

Le mot xp/'.TJv (aycôvoj), reconnu par M. Paton, fixe le caractère juif de notre inscription. C'est la seconde fois que ce titre, qui avait fini par prendre un sens purement honorifique, apparaît porté par une femme ; on se souvient de l'épitaphe de Smyrne :

' Vit. topkist.^ p. 47'i, Dulol la suite de l'hilosirale). Il n'est pas certain que les beaux extraits de morale en dialecte ionien, sous le nom d'Eusébios, conservés par Stobée (Mullach, Fr. philos., 111, 7-19), appartiennent à notre Myndien.

' M. Paton parait avoir songé à la restitution... <jii,y Ih;;.';;!/,:. mais le nom propre ]]iis.r.rr, Quinta) est inconnu et inadmissible.

' Le Quien, Oriens chisttanus, I, 40S, Go:, 911, liGl , II, 189. 271, 524, 565 (évêque de Cabasa), 1005. On ne saurait trop déplorer l'abieiicc dua Oiomasticon byzantin.

La l'IEHUE DE MVNDOS 3

'V'j'jjiîhx "lo'joaix àsy.çjviYojYo; xxT£'7X£JaT£v ro ÈvTop-.ov ', etC. Les

noms propres de l'inscription conviennent, d'ailleurs, à des Juifs. Eusèbe, sous sa forme classique Ejctéoio; -, ou sous sa forme ^courtée Ej^éS'-î ^, s'est déjà rencontré sur des épitaplies juives de Rome. Quant à Théopemptos (envoyé de Dieu), on peut le consi- dérer- comme l'équivalent du mot hébreu "'^tnV^, Malachie.

Ce document authentique et incontestable nous révèle l'existence d'une ancienne communauté juive à Myndos. On savait les Juifs répandus dans toutes les villes environnantes, à Halicarnasse *, à lasos % à Cos'^. Une colline située au-dessus de Myndos, appelée Tchifout Kalessi château du juif), a conservé peut-être le sou- venir d'un établissement juif médiéval; MM. Cousin et Diehl y ont trouvé « une inscription juive, sans doute funéraire, ornée du chandelier à sept branches ' », qu'ils ont malheureusement négligé de publier. Quant à Myndos môme, on y rencontre aujourd'hui des Juifs ^, mais y en avait-il dans l'antiquité? Pour l'affirmer, on ne pouvait se fonder jusqu'à présent que sur l'énigmatique lettre du « consul Lucius », insérée dans le P'^ livre des Maccha- hées "; ce document, qui annonce le renouvellement de l'alliance des Romains avec les Juifs et leur grand-prêtre Simon, aurait été adressé, entre autres, à la ville de Myndos, î!; Mjvoov. Mais on sait assez les raisons de suspecter la valeur de ce texte. Aussi, dans la liste des colonies juives que j'ai dressée à l'article Judaei du Dictionnaire des antiquités n'svais-je inséré le nom de Myndos qu'avec quelque hésitation. Voici, dans une certaine mesure, con- firmé le témoignage du livre des Macchabées; car il n'est pas vraisemblable que la fondation d'une colonie juive à Myndos ne date que de l'époque byzantine à laquelle appartient notre ins- cription.

La restitution du premier mot de l'inscription est liée à l'opinion qu'on se fait de la destination du monument. Est-elle funéraire?

» S. Reinach, BÉJ., VII 1883), 161 suiv.

-Garrucci, Cimitero, p. 57 (Rieger-Vopelslein, 31).

' Garrucci, Diss. archeoL, II, 183, n" 27 (Rieger, n" 107).

* Josèphe, Ant., XIV, 10, 23.

^ Le Bas-Waddington, Asie-Mineure, 294 {RÉJ., X, 76").

« Ant. jud., XIV, 7, 2, etc.

^ BCH., XIV, 120. M. Diehl me dit que ia copie el lestampafTe de celle inscrip- tioDj qui élail en caraclères héjjreu.x carrés, oui été remis par lui à M. Foucart, qui devait les communiquer à M. l'h. Berj^er. Ni M. Foucart, ni M. Berger n"ont pu me renseigner sur le sort de ces documents. Je dois dire que, d'après les souvenirs mêmes de M. Diehl, le « chandelier » paraît un peu problématique et pourrait n'avoir été qu'une palme.

8 Paton, BCE., XII, 280.

9 I Macc.,xv, 23.

/i RKVUE DES ETUDES JUIVES

On suppléera un substantif ou une préposition exprimant l'idée de sépulture. Est-elle votive ? On cherchera un mot répondant à l'idée de cadeau. Je dois dire que le caractère funéraire de la pierre me paraît insoutenable : je ne connais aucune pierre tombale de ce type, et l'on s'étonnerait de l'absence de tout symbole mortuaire {Schalom, palme, candélabre). Tout semble indiquer, au contraire, que nous sommes en présence d'un fragment de portique ou de balustrade, faisant partie d'un édifice consacré au culte, et offert à la synagogue de Myndos par deux généreux donateurs. La feuil- lure que j'ai signalée sur la face gauche du pilier a être pra- tiquée pour recevoir un tenon, servant d'amorce à un grillage, qui aboutissait, à gauche, à un second pilier analogue à celui-ci; M. Glermont-Ganneau veut bien me dire que des monuments de ce genre ne sont pas rares en Syrie. Si nous tenons compte de l'es- pacement des lettres de la première ligne et de leur correspon- dance avec les lettres des lignes suivantes, je crois qu'il y a place tout aie plus pour 4 caractères à gauche du nom H]tomi[XT.r-(]c . On restituera donc 7.7:0 ou-y.zx plutôt que owsov, qui se présente d'abord à l'esprit; ÛTikp, avec le sens votif, ne serait pas non plus im- possible.

Je profite de l'occasion pour reproduire deux textes intéres- sants, récemment découverts, et peu accessibles à nos lecteurs.

Inscription trouvée à Rome (via Anicia) et provenant pro- bablement du cimetière juif de porta Portnensis (Gatti, No-

iizie degti scavi, 1900, p. 88) : àvOâJos v.v.Tt -.a Mxç.x£X[Àx [j.YjlTr,ç

(;uvx[ycovy,!;] A'jyo'j<7ty,[<7Û-)v [A]v7,aTT| (?)... [èjv slpYjVYi. La synagogue des Augustésiens était déjà connue par trois inscriptions [CIG., 9902, 9703 ; CJL., VI, 29757) ; cf. Schûrer, III (3« éd.), p. 44.

Le nom Marcella se lit dans deux inscriptions juives de Rome (Rieger-Vogelstein, n»" 59. 60). Sur le titre Mater synagogœ qui, si je ne me trompe, ne s'était encore rencontré qu'en latin {CIL., V, 4411 ; VI, 29756), voyez Schùrer, ?&., p. 50.

2" Papyrus du Fayoum (vers 100 ap. J.-G.) publié par Grenfell, Hunt et Hogarth, Fayûm toicns and tfieir papyri (Londres, 1900), p. 279, n°GXXIlï.

'AiTTOx.ç.xTuuv BeÀÀ'/jVw. i]aC£'!v(.)t ToJi àosXoo)'. ya'tpeiv).

Kal èxôéç [sic] no». "ÉyiX'j/a otà Mipoovoç xoù ao-j. yvcovaî <7£ OsXcov ort û'.à iTtr^ç.ty.'jhoL'. oùx y,ouvy/Jy,v xxtcÀOeïv, xaî (o; i/io'. {sic) <oo£ Yjaéia; ô/iyaç, èàv ooxy, to». ■kIu.'^iixi OLTZoyooy (?) 'IffXTo; xai 7raç-aÀx6o)[JL£v ÈÂ-io'.ov ÀuTTOv (= Àomôv) èàv oo;y, cou 'EXy,ÀuÛ£v yip TEÙciiAo; [siC) 'lou- oaîoî À£Yo>v [ojrt ■i;/hf^ ?; (= îiç) yEcopY'-^tv f-'J^'- [jO'J/.oazi Tipo; i^aêîtvov

PIEKHE DE MVNDCjS.

6 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

àT:iÀ6£![v]' O'jts yàs -'■■>'U7' '^iV-V-^' àyôacvo; l'vx à-oÀ'jO-?,, aXÀà a:cpv'.0''(D; £tç.r,/£v Yiaïv TYjaîiC/v. rvcôrrot-'-a; yàç. îi àÀTjOoJi; Àsyt (= XÉyc'.).

"Epioj!ji70 {sic). 'AîTriî^o'j TO'jç aoîÀ-^-où; A'jxov xa[t ]v. [Mî]/_îlp tS.

Au verso : à7r[ô]ooç I}£ÀÀ/,voj 2 x^c''v ('.)-..

« Harpocraliou à son frère Belléaus Sabinus, salut !

Je t'ai écrit également hier, par ton esclave MardoD, pour le faire savoir qu'en raison de mes dérangements je n'ai pas pu descendre; comme je dois rester ici encore quelques jours, je te prie, si cela lo convient, d'envoyer la quittance (??) d'Isas, et que nous prenions, si lu le juges bon, livraison du reste de l'huile. Car ' Théophile, le Juif, est venu me dire : « J'ai été emmené de force pour la corvée d'agri- culture ' et je veux m'en aller auprès de Sebinus \ » Il ne nous avait pas demandé de le racheter au moment on l'a emmené; c'est au- jourd'hui, tout à coup, qu'il nous en parle. Je vais m'informer s'il dit la vérité.

Porte-toi bien. Embrasse mes frères Lycus et. . . Le 12 .Vîéchir.

A remettre à Bellénus Sabinus. "

Ce Juif réquisitionné pour la corvée agricole et qui réclame son rachat est un trait assez piquant. Il prouve que si les Juifs d'Egypte n'avaient pas d'enthousiasme pour ce genre de travaux, ils n'y étaient du moins pas considérés comme impropres.

Théodore Reinach.

* Ce car » semble indiquer le motif du nouveau déi-aûgement qui empêche Har- pocralion de rejoindre son frère.

* Sans doute sur des terres appartenant au domaine impérial.

' Il est difficile de savoir si les mots et je veux m'en aller auprès de Sabinus doivent être placés dans la bouche de Théophile (avec les éditeurs anglais) ou dans celle d'Harpocralion; dans ce dernier cas, on ne devrait pas identifier Sabinus avec le des- tinataire de la lettre, Bellénus Sabinus, mais voir eu lui quelque fonctionnaire auprès duquel Harpocraliou va s'informer de la véracité du Juif.

LES MOTS T5i?^' Tr^ DANS LA COMPLAINTE D'EZKCÏÏIEL SUR LE IlOI DE TYa

(XX VIII, H-19)

Le xxviiie chapitre d'Ézéchiel renferme un passage fort obscur, que les traducteurs grecs ne comprenaient déjà plus aux environs de l'ère chrétienne et dont on n'a pas encore réussi à pénétrer tout le sens. Comme aux deux chapitres précédents, il est ici ques- tion de Tyr, mais plus particulièrement de son prince (naghid)'. Après avoir annoncé à l'opulente et orgueilleuse cité phénicienne, qui insulte à la ruine de Jérusalem, son propre et prochain anéan- tissement (ch. xxvi), après une longue complainte sur le désastre de la richissime courtière des nations à son tour effondrée (ch. xxvii], le prophète s'adresse au prince en personne. Yain de son habileté et de ses trésors, le monarque tyrien s'est cru un Dieu ; son île, à ses yeux, n'est rien moins que la résidence divine. Tant d'outrecuidance lui vaudra une fin tragique et ignominieuse. C'est le début, à peu près clair, du chapitre (1-10). Vient ensuite une Mna, une de ces complaintes dont Ézéchiel est cou- tumier, qui va du v. 11 au v. 19 et réédite le thème de la grandeur et de la décadence du monarque tyrien en l'agrémentant d'images vives ou plutôt d'une véritable affabulation épique et mythique dont quelques traits sont peu intelligibles.

Voici le commencement de cette complainte (v. 12&-16), que nous traduisons en suivant la ponctuation massorétique.

...r2&. Ainsi a dit le Seigneur Dieu : « Tu étais le sceau de perfection, plein de sagesse, d'une beauté achevée. 13. Tu t'es trouvé au jardin de Dieu dans l'Éden ; toutes sortes de pierres précieuses te couvraient : rubis, topaze et diamant; tartessienne -,

* Ilhobal II, d'après le Contre Apiod, I, 21.

* Chrysolilhe ?

8 REVUE UES ETUDES JUIVES

schoham 'et jaspe; saphir, nofek^ et émeraude et or; tes loup- pim et tes nehahim travailles étaient sur toi, fixés dès le jour de ta création. 14. Tu fus le keroub d'élection qui protège (*?), je t'avais installé et tu te trouvais sur la montagne sainte de Dieu ; au milieu des pierres de feu tu te promenais. 15. Tu fus intègre dans ta conduite depuis le jour tu fus créé, jusqu'à ce que se rencontra en toi l'iniquité. 1(3. Dans l'excès de ton trafic, ton sein s'est rempli de violence et tu as péché. Je te destituerai de la Mon- tagne de Dieu et je te perdrai, keroub protecteur du milieu des pierres de feu. Etc. >-

Cette page présente bien des difficultés plus ou moins élucidées jusqu'ici; on ne s'entend guère sur la signification et la prove- nance de ces différentes images. Les expressions de n"'::n amn, de nowM m"i3, de ex ■'53N sont autant d'énigmes encore mal réso- lues. Mais ce sont les deux mots que nous avons soulignés qui résistent le plus à l'exégèse et qui retiendront ici particulièrement , notre attention. Les commentateurs ont bien hasardé des traduc- tions et interprétations des mots "|^Dn et "{^np:, mais sans s'en dissimuler l'insuffisance. Pour citer les plus récents, voici la tra- duction que propose Reuss ' : « Tes châsses et tes alvéoles étaient en ouvrage d'or ; tout cela était [.réparé dès le jour de ta nais- sance. » Selon lui, il s'agirait d'une sorte de baguier d'or garni d'alvéoles les pierres précieuses se trouvaient enchâssées, et il y aurait une corrélation entre ces termes et celui de amn, sceau, du verset 12. Sraend * croit de même qu'il s'agit d'objets préparés en vue des pierres précieuses pour leur servir de support et de sertissures : c^cn = TJa-xvov, selon la traduction de Symmaque, que saint Jérôme explique ainsi : « Auri tympanum in quo infixi sunt lapides. >> Ce seraient donc des montures d'or, des bossettes, et û^np; (cf Akylas : Tp/.Tî'.?) désignerait des pierres trouées. Cor- nill '" traduit : (c Ta monture (?) et tes cavités (?) étaient façonnées eu or, etc.. » En résumé, on s'accorde à voir dans nos deux mots des expressions techniques d'orfèvrerie ^ On laisse de côté 1 ancienne interi^rétation qui y voit des termes empruntés au vo- cabulaire de la musique instrumentale : û"«2n = tambourins, et

' Sardoine '.'

' Escarboucle "?

^ Les Prophètes, t. II, Paris, 1876, p. 90.

* Der Prophet Ezechiel, -2' éd., Leipzig, 1880, p. ■222.

' Das Buch des Propheten Ezechiel, Leipzig, 1886, p. 360.

*• C fSl à ceUe explication que se rangent aussi, sans oser préciser davantage, lieriholei {Das Buch Ezechiel, Eribourg-en-B., 189"), Toy {The bock of Ezektel tu hebre"', Leipzig, 1899;, et, tout récemment, Kraetzscbmar. Das Buch Ezechiel Uber- sttzt und erklârt, coileclion Nowack. GôUingen. 1900).

LA COMPLAINTE DEZECIllLL SL'U LE KUl DE TYR 0

D'^sp: = instruments à trous, comme la flûte par exemple. Et, en effet, cette exégèse, bien qu'assez naturelle si l'on prend les mots en eux-mêmes, ne cadre guère avec le contexte K Mais l'explica- tion adoptée par les modernes manque, de leur propre aveu, de précision. Sans prétendre donner la vraie solution de ce petit problème, nous soumettrons ici à de plus autorisés quelques con- jectures et hypothèses. L'idée initiale qui nous a guidé, nous l'avons, après nos propres recherches, retrouvée en partie et sous une forme peu acceptable, d'ailleurs, dans l'ouvrage d'Ewald sur les prophètes-. Le point de départ, c'est la comparaison, qui s'impose, entre le verset qui nous occupe et les versets 17-20 du ch. xxviii de VExode, la même liste de pierres précieuses se retrouve avec quelques variantes (nous y reviendrons tout à l'heure). Cette comparaison suggère l'explication suivante à Ewald (nous citons en abrégé) : « Le roi de Tyr est censé doué d'une perfection absolue, et devait porter depuis le jour de sa nais- sance les douze pierres du pectoral oraculaire du grand-prêlre comme un appareil fatidique ; et les ù^zn et û-^npD ne seraient autre chose que les D'^mi^ et les û"»):»-!. « Ewald va jusqu'à proposer de corriger D"'Dn en û'^ttn, et, pour faire de D'^ap: l'équivalent de û-^iiN, il le prend au sens de détermination, énonciation, en se référant à Lévitique, xxiv, 11, 16. Disons tout de suite que cette équation pure et simple entre les deux groupes de mots consi- dérés prête fort à la critique. Mais l'idée même d'une corrélation est, croyons-nous, à retenir, et il ne s'agit que d'en préciser la valeur. Telle quelle, la thèse d'Ewald n"a pas eu de succès. Smend la cite, mais pour l'écarter dédaigneusement. Cornill cite en note la correction de ^■'on en ynr^, sans plus. Tous les autres exégôtes modernes, chose singulière, semblent complètement l'ignorer. La piété quelquefois exagérée de ces savants à l'égard des opinions de leurs aînés paraît ici en défaut. D'oii vient cetle méconnaissance générale d'une conjecture au moins spécieuse'? Ne serait-ce pas de ce qu'on érige communément en dogme la modernité, par rapport à Ézéchiel, des textes sacerdotaux du Pentateuque, en particulier de ceux qui décrivent les vêtements du grand-prêtre, tandis que l'hypothèse ci-dessus peut fournir un argument d'un certain poids à l'opinion contraire? Quoi qu'il en

' Mentionnons aussi pour mémoire respiication midraschique du Targoum qui feil de la phrase '^>1 "T'^^p r^î<~?3 une apostrophe ironique au roi de Tyr : t Mais tu n'as pas considéré ion corps, qui a été t'ait de cavités et de trous qui te sont indispen- sables • , explicaiion qui rend tout au plus compte de nekabim (corporis loramina).

^ H. Ewald, Die Propheten des alte.n Bundes, t. II, GôUingen. 1868. p. 478 et suivantes.

Kl REVUE DES ETUDES JUIVES

soit de cette question, il faut, croyons-nous, attaclier plus d'im- portance qu'on ne fait à la comparaison entre le passage d'Ézé- cliiel et celui de l'Exode qui traite du "jO^- Marquons d'abord le ton général de l'élégie sur le roi de Tyr. Les images qui se ren- contrent dans cette apothéose ironique ont ensemble un lien réel sous leur incohérence apparente, et Ewald l'a fort bien signalé. Le roi de Tyr est doué d'une sagesse parfaite, il est le sceau de perfection ', le parangon de toute beauté. Ceci exprime évidem- ment le rôle suprême, la dignité d'élection dévolue censément à l'orgueilleux monarque. C'est de la même façon que Zorobabel est appelé dans Aggée (ii, 23) le serviteur de l'Eternel, placé par lui comme un sceau, parce qu'il a fait choix de lui -. Le roi de Tyr a la suprême sagesse, com.me on le lit déjà au verset 3 : « Tu fs plus sage que Daniel; aucun secret ne te dépasse. » Or qui est-ce que DanieP, sinon le sage par excellence qui dévoile les mystères, qui explique les songes et prévoit l'avenir? Dans la conception mythique qu'Ézéchiel se fait du roi de Tyr, il y a donc bien ce trait de l'homme en possession des facultés divinatrices (bD i;rûW ^ diriD). Ceci posé, on se convaincra aisément qu'au verset suivant, Ézéchiel fait de son personnage une sorte de prêtre, ou plutôt d'augure; il est revêtu des ornements les plus essentiels du sacerdoce, à savoir des pierres oraculaires.

Ces pierres sont, il est vrai, au nombre de douze, tandis qu'Ézé- chiel n'en cite que neuf, et Ewald estime que les trois manquantes doivent être restituées, d'autant plus que les Septante présentent la liste complète ; mais il n'est nullement nécessaire d'admettre qu'Ézéchiel se soit astreint à reproduire intégralement cette liste ;

' Le mot rr^I^n paraît devoir se traduire par perfertion ou modèle. Toy y com- pare l'assyriea taknUu, qui a ce sens.

* Cf. .lérémie, xxii, 24 ; Cantique, viii, 6.

* Quelquc-s difficultés qu'il y ait à identifier le Daniel dont parle Ezéchiel (cf. XIV, 14) avec le héros du livre de Daniel, qui est représenté comme un jeune homme amené a la cour de Nabuchodonosor, il est bien hasardeux de mettre en doute la leçon reçue pour y substituer, comme fait M. J. Halévy {Etudes bibliques, 1895, p. 109 sqq.j. le nom d'Enoch. Qu'il y ait dans Ezéchiel des souvenirs de la Genèse, ce n'est pas douteux, et M. Halévy a fait des rapprochements exacts (ainsi les mots D'^Un, 'iblTIPlT! d'Ezéchiel semblent des emprunts à Genèse. V, 22 ; VI, '.»; : le roi de Tyr fait, en etlet, songer au patriarche rappelé à Dieu et, selon une tradition qui a produit une littérature étonnante, vivant sur la mon- tagne de Dieu, jouissant de révélations directes et les communiquant aux hommes; mais, d'autre part, la comparaison du roi de Tyr avec Daniel n'a rien de forcé : Daniel est surtout un interprète de songes dans le livre qui porte son nom ; mais il fait ce métier de devin parce qu'il est justement l'homme sage par excellence. De plus, si on tient compte, comme nous y insistons jilus loin, du caractère sacer- dotal que les expressions du v. 13 semblent conférer au roi de Tyr, on trouvera naturel que la science et le pouvoir de ce dernier sdieut mis en parallèle avec les talents d'un Daniel, de qui la tradition a fait le plus grand des augures, et même plus tard formellement un pn'ire (ainsi dans l'écrit apocryphe Be} ou le Dragon).

LA COMPLAINTE IJ'EZIiCIIIEL SUK LE ROI DE TYR 11

s'il imite, il imite librement; on retrouve à l'analyse dans notre kina bien des détails pris, en quelque sorte, de droite et de gauche '. Quant aux Septante, il est plus vraisemblable de penser qu'ils ont complété Ézéchiel à l'aide de l'Exode. En tout cas, le verset 13 est en corrélation certaine avec le passage du prophète. Les noms de pierres sont pareils, la division tripartite est observée ; les trois pierres absentes chez Ézéchiel forment une série distincte (ûU5b, ri^'priN, lau)), et les autres groupes sont, à une petite divergence près {bai^éhet change de place avec yahalom), identiques. De ce rapprochement on peut sans témérité inférer que rénumération des pierres précieuses n'a pas uniquement pour objet de symbo- liser le faste et la richesse du roi de Tyr. Gomme ce sont les pierres mêmes du pectoral, elles pourraient bien avoir ici aussi une valeur oraculaire ; le roi de Tyr serait comparé à un prêtre investi d'un pouvoir magique. Il n'est pas arbitraire, en consé- quence, de pousser la comparaison plus loin et de confronter les mystérieux û"'Dn et û"^np2 avec les non moins mystérieux tri^n et û'^niN, les oracles du grand-prêtre qui devaient être adjoints au pectoral du jugement.

Maintenant, doit-on, à la suite d'Ewald, poser les équations : û-^Dn = û'^Tcn et û''3p2 =û"»miï ? La première pourrait s'admettre à la rigueur ; mais comment faire de û-'nps un doublet de ûmî^? Nous avons vu qu'Ewald propose de donner à û"^3p5, en se référant à l'expression ûujrs ns npa (Lévitique, xxiv, 11, 16, le sens à'éno7i- ciation, qui se rapprocherait du sens général d'oracle. Dans cet ordre d'idées, on donnerait un peu plus d'apparence encore à cette exégèse si l'on admettait que aps a été pris originairement dans le sens de maudire ^, et que û"'"ni« puisse être rattaché, comme le veulent certains auteurs % à la racine mî<, maudire. Mais tout cela est bien hasardeux et peu convaincant. Nos deux groupes de mots ont tout l'air d'avoir un sens concret et non abs- trait et, de plus, il paraîtra inconséquent de poser d'abord un rap- port d'homonymie ou une identité absolue entre û'^an et d'^Dn, pour

' On peut y noter à la fois des réminiscences de l'histoire du premier homme placé au jardin d'Eden, déchu pour avoir mangé du fruit de l'arbre qui devait l'assimilera Dieu même et expulsé du jardin que gardent les Eeroubim, des souvenirs de ce qui est dit de Noé, d'Enoch même comme on l'a vu. M. Halévy [loc. cit.] ainsi que M. Loisy {Revue d'histoire et de littérature religieuses, 1896, p. 233 sqq. . observent finement le caractère quasi homilétique du langage d'Ézéchiel, qui emprunte aux textes exis- tants des images, des termes de comparaison. Il n'y a rien d'absurde à penser que l'idée du grand-prêtre et de ses ornements inspire aussi Ezéchiel, qui est lui-même un rohen (i, 3). Enfin, on verra plus loin qu'il faut peut-être faire une part à l'élé- ment assyro-babyionien, dont l'inlluence se retrouve facilement ça et dans Ézé- chiel.

^ Voir Gesenius-Buhl, HandioOrterluch, s. v. 3p2.

' Schwally, par exemple, dans la Zeitschrift de Stade, t. XI (1891), p. 172. 11 trouve, d'autre part, dans Q'T^p l'idée de hénédiction.

12 REVUE DES ETUDES JUIVES

passer à un rapport de synonymie problématique entre les deux autres mots. Laissons plutôt le texte tel qu'il est et ne rete- nons pour le moment que le fait d'une analogie externe * de dispo- sition entre les deux groupes de mots énigmatiques faisant suite à deux listes de pierres précieuses certainement apparentées, analo- gie invitant à rechercher un sens général commun à ces différents termes, étant donné, d'ailleurs, le caractère augurai des expres- sions imagées appliquées au roi de Tyr.

L'opinion qui semble prévaloir touchant la nature des ourim et toiDumim, c'est qu'il s'agit de deux pierres ou de deux dés, représentant l'un l'affirmative, l'autre la négative, dés qui se lo- geaient dans la pochette du pectoral-. Il se peut qu'Ézéchiel ait entendu désigner par D"'Dn etû"'3p5 des objets analogues, des pierres oraculaires : wzin désignerait plutôt une sorte de pierres plates ou bombées, en forme de bossettes, et û"'np5 s'entendrait de pierres percées de part en part, analogues peut-être à ces sceaux cylin- driques de matière précieuse façonnée si nombreux dans l'anti- quité phénicienne, babylonienne et hébraïque. Nous reviendrions ici à peu près à la traduction de Smend, avec cette différence que û"'^n et û-'Dp; représentent pour nous autre chose qu'une simple parure, à savoir l'équivalent de û'^^iN et de û'^ttn. Ces quatre mots appartiendraient d'une façon qui reste à déterminer au vocabu- laire de la glyptique.

Mais il y a peut-être d'autres conjectures à faire, en suivant la voie s'engage Muss-Arnolt dans son hypothèse touchant ourim ei toianmim. Selon lui, ces objets seraient dans la littérature bi- blique, sinon l'imitation ou le succédané, du moins l'équivalent de ce que sont dans les documents assyro-babyloniens, tels que les mythes de la création, la légende de Zù, etc., les fameuses ta- blettes de la destinée (dup-simali). Ces tablettes conféraient à celui qui les portait sur la poitrine et les scellait de son sceau un pouvoir de médiation, une puissance oraculaire et législatrice très enviée : des luttes épiques s'cngagpnt entre divinités rivales pour la possession de ces tablettes. Les ourim et toummim étaient peut-être, dit Muss-Arnolt, deux tablettes oraculaires de ce genre. La philologie viendrait à l'appui de cette hypothèse : le mot û-i-ni^ se laisse rapprocher de l'assyrien artit, ordre, décision, dérivé

' Celle analo-^ie exlerne esl plus nelle encore dans Deulér., xxxii, 8 : *7'^7;p T^'T'Cn 'C^nb '^■'"nNT; Ezéchiel dil : '^iSpST ^"^Sn.

* On trouvera le détail de celte opinion et les références dans un article récem- ment publié par Muss-Arnolt dans VAmerican Journal of semitic la)i()uage.<t and li- terature de Chicago, de juillet 1900, p. 193-224, sous le litre de : The Unm and Ihummim. A su/jf/estion a.s te, tkeir original nature and significance. On y propose d'ailleurs une nouvelle explication à'ourun et toummim sur laquelle nous revenons plus loin. Cet arlicle m'a été sif^nalé par M. Mayer Lambert.

LA COMPLALNTE D'EZÉCHIEL SUR LE RuI DE TYR 13

d'u'îini, infinitif piel de a'aru, etn"»wn de tamitu, oracle, décision oraculaire, dérivé de tarnà, piel : liimmi'i. Ces deux mots assy- riens font partie du vocabulaire technique de la religion babylo- nienne. Pour le détail de ces rapprochements et les inductions qu'on peut en tirer, nous renvoyons à l'article de la revue améri- caine. H. Ziramern ' incline aussi à rapprocher ûimi< de l'assyrien u'iiric. Il ne nous appartient pas, faute de compétence, d'émettre une opinion catégorique sur ces rapprochements. Nous sommes seulement conduit par eux à demander si i'assyriologie n'aide- rait pas à résoudre le problème qui se pose à propos d'Ézéchiel. On sait assez que le prophète, vivant sur la terre d'exil, a l'ima- gination imprégnée de cette religion babylonienne dont il voit le culte régner partout et dont il déplore l'empire néfaste sur son peuple (cf. VIII, 14). N'aurait-il pas mêlé aux traits de prove- nance diverse dont il compose la figure du roi de Tyr, des attri- buts empruntés aux conceptions religieuses ambiantes ? S'il y a du grand-prêtre dans l'orgueilleux habitant de la montagne sainte, n'y a-t-il pas aussi en lui du barii, du prètre-devin chaldéen ? La comparaison avec Daniel le magicien pourra être invoquée en faveur de cette thèse. Aux assyriologues de se prononcer sur ce point, qui rentre dans la question générale, encore peu étudiée, des rapports entre Ezéchiel et la littérature assyro-babylonienne. Proposons toutefois de rapprocher l'obscur a'^^n de Tassyrien fiippii, tablette, qui a même racine (r)Dn, cf. r]" dans l'hébreu tal- mudique) : ^•■sr. signifierait «tes tablettes », tablettes de divina- tion, d'augure comme celles dont il est si souvent question dans les tables rituelles des devins babyloniens-. Ces tablettes sont des objets éminemment précieux : elles sont confiées au roi de Tyr dès sa naissance n"iD ^wSia- aT'a). Mais '^'^aps ne paraît pas avoir d'équivalent en assyrien. Ces « trous » sont-ils des signes, des lettres gravées sur les tablettes, ou s'agit-il d'objets vraiment indépendants ? Encore une fois, nous ne prétendons pas éclaircir définitivement le mystère de ce passage, qui prête à des essais d'interprétations si différentes. Nous avons voulu insister surtout sur la ressemblance, trop négligée à notre sens, du passage d'Ézé- chiel avec celui de l'Exode et mettre en regard deux groupes de mots parallèlement énigmatiques qui pourraient d'aventure s''éclairer les uns par les autres. Jtlien Weill.

' Beitiâge zur Kenntniss der hahylonischen Religion, Leipzig, Hinrichs. 1901, p. 91, D. 2.

* Cf. tuppi ilani, tables des dieux interrogées par le bani, ibid., p. 116, 24,8. Zimmera croie apercevoir dans les mois suivants : takaltu, etc., qu'il traduit par la poche de cuir du mystère du ciel et de la terre », un objet rappelant le hosehen.

LES

CONNAISSANCES MÉDICALES DE MAR SAMUEL

Samuel, surnommé Schabour SYarhinai -, Schakoud-' et, enfin, Arioch *, naquit à Neliardéa, vers l'an 160 de l'ère commune. Son père, Abba, parait avoir été un personnage très considérable. En effet, un texte talmudique raconte « que le père de Samuel avait l'habitude de faire "[■'b'^ujnn 3113» pour tous les habitants de Nehardéa •'* ». Or, cet acte ne se peut concevoir que d'un homme investi d'une grande autorité religieuse.

Au physique, Samuel fut probablement un enfant cliétif et plutôt laid. Plus tard on racontait de lui, homme fait: « Une femme, venue pour un jugement devant R. Juda, de Nehardéa, se vit condamner. Très mécontente, elle l'interpplla en ces termes: Est-ce que Samuel, ton maître, m'aurait jugée ainsi? Tu le connais donc, dit R. Juda? Mais, sûrement, répondit la plai- gnante, c'est un homme de petite taille avec un gros ventre ; il est brun de figure et a des dents saillantes ". » Il est vrai que R. Juda fut si peu flatté de ce portrait qu'il frappa sur le champ son auteur d'excommunication. Pourtant rien ne prouve que le tableau ait été trop chargé, puisque la peine infligée était surtout destinée à châtier la mauvaise intention.

Mais si physiquement Samuel ne pouvait pas se louer de la trop grande clémence de la nature envers lui, il n'en était pas ainsi au point de vue intellectuel. D'après la légende ', une ma- trone aurait déjà annoncé à Abba, longtemps avant la naissance de Samuel, la grande intelligence de son futur fils. Et, de fait, Samuel, encore tout enfant, se signalait déjà par son esprit

' Pcsahim, :>'ia: Bah a Eamma. 'J(i i. ' B. Mecia, 8j /'. » Kelduhot, /,:>, 6.

* HoulUtt, 1() b. ' Btra, 1G A.

Nedarim, 'M b.

"> Séder Haddorol, s. c, pl Graelz, p, 28G.

LES CONNAISSANCES JIÉDICALES DE MAK SAMUEL lo

profond et surtout par sa force de dialectique. Sous ce dernier rapport, Tanecdote suivante est très caractéristique : «f Abba, ayant aperçu son lils en larmes, lui en demanda la cause. Celui-ci avoua qu'il avait été puni par son maître. Interrogé sur la cause de celte sévérité, Samuel apprit à sou père que la punition lui avait été infligée parce qu'il ne s'était point lavé les mains en donnant du pain au fils de son maître. Comme son père lui de- mandait pourquoi il avait oublié de le faire, Samuel répondit qu'il ne croyait pas devoir se laver alors que le pain était destiné à un autre . »

Aussi, pour donner plus d'aliments à son esprit actif, Samuel, après avoir fait ses premières études à l'école de sa ville natale, dirigée alors par R. Lévi ^, se hâta-t-il de se rendre en Pales- tine, afin d'y fréquenter la célèbre école de R. Juda le Patriarche.

Après un long j>éjour en Palestine, consacré entièrement aux études, Samuel revint dans sa ville natale, il ne tarda pas à succéder à R. Schila, à l'école de Nehardéa. Là, grâce à son vaste savoir et à ses aptitudes particulières pour l'enseignement, il vit le nombre de ses élèves s'accroître sans cesse. Même ceux-ci, pris d'admiration pour lui, finirent par ne plus l'appeler autrement que (' le grand homme ^ ».

Cette admiration des élèves fut partagée par les adversaires de Samuel. Ainsi, Rah, le chef glorieux de la célèbre école de Sora, fut un jour tellement émerveillé par le savoir de Samuel que, pour manifester son admiration, il lui adressa le compliment sui- vant : «■ Aucun mystère ne te met en peine *. » Et pourtant Rab n'avait pas à se louer, outre mesure, des procédés de Samuel envers lui".

Le prestige de savant dont jouissait Samuel ne fut pas confiné à son pays natal. En Palestine, il dut laisser de grands sou- venirs, son opinion était aussi de poids. Ainsi il est raconté : « Quand R. Zéra alla à Jérusalem, il trouva R. Yirmia qui en- seignait une certaine décision de Rab. C'est parfait, lui dit-il, car Arioch (Samuel), en Babylonie, l'entend aussi de la même ma- nière. » Ce prestige était même si grand que l'autorité religieuse, en Palestine, hésitait souvent à se prononcer entre lui et Rab, son célèbre adversaire ^.

' Houllin, 107 i.

» Xdonhot, 1U3, el Krochmal, Chaltili, 1886, p. îib.

^ Houllin^ 76 a.

* Moullm, 59 a.

* Voir rincidenl survenu entre eux lors du retour de Rab el le récit qui en est fait, Sabbat, \08 a.

* Houllin, 76 b.

Ki REVUE DES ETUDES JUIVES

Il paraît aussi que Samuel jouissait d'une certaine estime auprès des savants païens dont il cultivait lamitié, car eux aussi se plai- saient à l'appeler : \s'TiniT N?:^::n « le plus savant d'entre les Juifs » '. Même le roi Schabur I, dont Samuel po'ssédait la faveur, le tenait en considération à cause de son savoir '.

Ses connaissances profanes, autant peut-être que son commerce avec les savants païens, influèrent beaucoup sur ses idées. Aussi, malgré les superstitions de son époque, osa-t-il soutenir que, les lois naturelles étant immuables, l'ère messianique ressemblera au temps présent. « Entre le temps actuel et l'époque messia- nique, il n'y aura d'autre dififérence que l'absence du joug des puissances ^. »

De même, Samuel réussit à faire adopter ce principe fécond : « la loi du pays est la loi * », c'est-à-dire que tout Juif doit ac- cepter les lois édictées par le pays qui lui a accordé un asile.

Ses vues philosophiques et sociales, beaucoup au-dessus de son époque, se reflètent, d'ailleurs, dans ses actes. Un trait de sa vie va nous le prouver aisément : *- Samuel, pour s'assurer de la con- formation naturelle du mamelon à l'époque de la puberté, avait examiné celui d'une de ses esclaves et lui offrit quatre zoiiz, afin de la dédommager de ce qu'elle avait pu souffrir dans sa pudeur ■•. » Et le même texte ajoute que Samuel se conforma, en cette occur- rence, à son principe humanitaire, qui lui faisait interpréter le verset du Lévitique ainsi : « C'est pour le travail, et non pour la honte, que vous pouvez en faire des esclaves '■. »

Samuel avait cultivé, il est vrai, plusieurs branches scienti- fiques, telles que l'astronomie ', le droit ^ et les sciences natu- relles''; mais ce qu'il afifectionnait le plus, c'était la médecine. Même en ce qui concerne l'art médical, beaucoup de textes prou- vent que Samuel en faisait, après la théologie, son étude favorite. Déjà, pendant son séjour en Palestine, il s'y distingue au point de devenir le médecin du Nassi '•*.

et comment Samuel s'appropria-t-il l'art de guérir? Pour ré- pondre à cette question, tout renseignement nous manque. Au lieu

» Salbat, 129 a. " Berachot, ït6 a.

» Sabbat, 1.51 b\ Pesahim, 68 ; Berachot, 3-i ; Snnhcdrui, '.M cl 99. * Batra, 54 i, 55 «; Kamma, 113; Guittin, lil ; Nedarim, 28. ■'* Nidda, kl a. « Ibid.

' Berachot, Wib; cf. Graelz, IV, p. 288.

" Pesahim, 5'ia el Rasclii, ihid.; voir austi Krochmal. ('haliitz. I, p. 5.5. « Sabbat, 11 b; Aboda Zara, U b. Aleçia, 85 i.

LES CONNAISSANCES MhDlCALES DE MAR SAMUEL 17

de nous perdre dans des hypothèses nécessairement stériles, nous préférons avouer notre ignorance. Constatons cependant que Sa- muel s'efforçait par tous les moyens d'accroître son savoir médical. Ainsi, pour connaître la nature d'une certaine substance pharma- ceutique, ^b^in, de provenance maritime, il fit, à ce sujet, une enquête patiente auprès de tous les marins '. De même, pour re- connaître le siège d'un mal intestinal, il n'hésita pas à tenter sur lui-même une expérience qui faillit lui coûter la vie-.

Mais procédons par ordre. Il n'est pas douteux, tout d'abord, qu'il possédait des connaissances élémentaires en anatomie et en physiologie humaines. Ainsi en témoigne le passage suivant, qui prouve, en même temps, que les savants du Talmud se per- mettaient de faire des autopsies ^. « Il advint, relate R. Juda au nom de Samuel, que les élèves de R. Ismaël se livrèrent, sur le cadavre d'une prostituée condamnée à mort, à des recherches et constatèrent qu'il se compose de deux cent cinquante -deux pièces. Alors, Ismaël leur fit remarquer que la femme possède en plus sur Ihomme deux un"»:: et deux ïmnbn*. » Ici, il est vrai, Samuel n'est que rapporteur, mais voici un autre passage qui ne permet pas de douter qu'il ait possédé des connaissances anato- miques. R. Tahlipha, fils d'Abdimi, dit à R. Hisda, qui voulait savoir quelle est la grandeur de la portion osseuse qui, retran- chée du crâne, n'est pourtant pas capable de compromettre la vie de l'individu : « Elle doit être, d'après l'enseignement de Samuel, grande comme un ybo ^ » Sans vouloir inférer de que Samuel pratiquait ou même connaissait la trépanation, il est, du moins, visible qu'il n'ignorait pas les dimensions exactes de la perte os- seuse du crâne qui peut ne pas entraîner la mort à sa suite. Or, une pareille connaissance chirurgicale est absolument inacces- sible à quiconque ignore totalement l'anatomie. D'ailleurs, voici une preuve directe que Samuel avait l'habitude de disséquer des fœtus et que, grâce à cette habitude, il pouvait assigner, sans se tromper, un âge exact aux avortons qu'on lui présentait. « Un produit abortif ayant été présenté à Simuel, celui-ci, après examen, déclara à ses élèves qu'il était âgé de quarante et un jours. Gomme il se trouva qu'il n'y avait que quarante jours depuis l'ablution de la mère jusqu'à l'avortement, Samuel, sûr

^Sabbat, 90 a; Nidda, 62.

* Nedarim, 49 b. ^ Bechorot^ 37 b.

* Voir sur ces deux termes, Revue, XL, p. 42. '^ Bechorot, 37 b.

T. XLII, 83. 2

18 RKVUE DES ETUDES JUIVES

de son examen, n'hésita pas à affirmer que cette femme avait été fécondée la veille de sa purification. Et, en effet, le mari, interrogé sévèrement, ne fit pas de difficulté pour avouer son péché '. »

De quelque manière qu'on veuille considérer cette relation, un fait reste patent, c'est que Samuel, expert en autopsie fœtale, avait acquis une connaissance exacte de la conformation intime des produits de la conception et que cette connaissance lui permettait de leur attribuer un âge exact. Aussi le même texte a-t-il soin d'ajouter : « Sous ce rapport, Samuel doit faire exception, car sa compétence est très grande. )>

Et c'est sûrement grâce à cette habitude d'autopsier des fœtus de toute provenance que Samuel avait acquis des connaissances étendues même en tératologie : « Il a été enseigné que tout monstre fœtal dont le dos et la colonne vertébrale sont doubles ne doit pas être considéré comme fœtus s'il s'agit d'une femme, ni être permis pour la consommation si un cas pareil se présente in anima vili. Telle est l'opinion de Rab, mais Samuel est d'un avis tout contraire. Car ces deux auteurs discutent ici sur la même question qui les divise au sujet de l'interprétation faite par R. lîanin, fils de Abba. En effet, celui-ci a dit que le terme 3>idu) désigne un monstre dont la colonne vertébrale ainsi que le dos sont doubles. Or, à ce propos, Rab a déjà soutenu que, en réalité, un être semblable ne se rencontre jamais et que Dieu n'a entendu parler à Moïse que d'un monstre embryologique ; tandis que Samuel affirme que cette création monstrueuse se rencontre quelquefois et que c'est d'une pareille créature que Dieu a voulu parler à Moïse, car, à l'état fœtal, il n'y a aucune raison pour classer ce produit monstrueux parmi les animaux prohibés-. «

Ce texte montre clairement que Samuel n'ignorait pas que, même dans l'espèce humaine, l'anomalie connue sous le nom de fissure dorsale ou spina bifida, alors même qu'elle porte sur la majeure partie de la colonne vertébrale, n'est pas absolument incompatible avec la vie, du moins, temporairement 3. Or, il nous semble que des connaissances pareilles ne sont pas le fait du pre- mier venu, mais, au contraire, demandent de longues études ana- tomiques.

Ces études anatomiques, que Samuel avait l'occasion de faire sur l'homme môme, étaient renforcées, chez lui, par ses connais- sances en anatomie comparée. Ainsi il est dit dans Houllin, 45 b : « La limite de la mœlle éi)inière, dit R. Juda au nom de Samuel,

' Nidda, 2;i b .- Scta, 27.

' Nù/da, lAo.- Berhorot, 43; Houllin, f.O.

* Daresle, Production artificielle des monstruosités, l'aris, 18yi, p. 323.

LES CONNAISSANCES MEDICALES DE MAR SAMUEL 19

est au point elle se dissocie. Or, un jour, R. Dimi, fils d'Isaac, devant se rendre à Houzaï, vint demander à R. Juda de lui montrer exactement le point de dissociation ; celui-ci lui fit amener une chèvre pour cette leçon anatomique. La chèvre ayant été trop grasse, les filets nerveux ne purent pas être aperçus sans dissection préalable. La deuxième chèvre présentée ayant été, au contraire, d'une maigreur extrême, les branches nerveuses ne purent pas être vues cette fois non plus. Aussi R. Juda lui dit : Voici, en attendant, l'enseignement de Samuel : Toute rupture siégeant au-dessus de la première rend la viande impropre à la consommation ; au-dessous de la troisième, la viande est comes- tible ; quant à celle qui siège au-dessus de la deuxième, je ne puis me prononcer. »

Samuel s'occupait aussi de physiologie, du moins autant que cela était possible à cette époque reculée. « Les larmes, dit Sa- muel, se renouvellent toujours, même après suspension tempo- raire, jusqu'à quarante ans; mais, passé cet âge, leur disparition momentanée est définitive'. »

A-t-il réellement connu l'existence de la glande lacrymale et entrevu l'atrophie * dont elle est susceptible d'être atteinte dans certaines circonstances, surtout dans l'âge avancé? Il est difficile de répondre avec certitude à une pareille question. Mais ce qui est certain, c'est que Samuel connaissait, du moins en partie, les accidents morbides de la sécrétion lacrymale.

Samuel avait également des idées assez exactes sur les fonctions de certains organes : « Est-ce que celui dont les testicules ont été perforés n'est plus apte à engendrer? Cependant une fois un homme, en montant sur un arbre, eut les testicules perforés par une épine, au point qu'ils laissaient échapper comme un filet de pus, et, malgré cette blessure, il engendra. Ce fait ne prouve rien, car Samuel a déjà fait entendre à Rab, au sujet de la progéniture de cet homme, de s'informer d'où venaient ses enfants^. »

Que Samuel ait connu le rôle physiologique des canalicules séminifères, ce n'est pas probable. Mais il est sûr que, observateur sagace, il n'ignorait pas que l'atrophie testiculaire, consécutive si fréquemment à une orchite traumatique *, rend la fécondation impossible.

1 Sabbat, loi b.

* Dans nos climats, cette alîection est très rare ; mais comme la uacryoadénite est généralement consécutive à une conjonctivite chronique (Poulet et Bousquet, Traité de pathologie externe, l. II, p. 209), elle a être très fréquente en Orient, les aireclioDS oculaires sévissent à l'état endémique.

' Tebamot, 75 a.

* Poulet et Bousquet, Traité de pathologie externe, t. 111, p. 402.

li" REVUE DES ETUDES JUIVES

C'est, sans doute, ses connaissances anatomiques et physiolo- giques, du moins autant que ces connaissances étaient accessibles à cette époque, qui ont permis à Samuel de s'élever, en nosologie, au-dessus des idées de ses contemporains. En effet, la pathogénie mystique ou la tliéurgie dominaient partout dans l'antiquité. Or, Samuel cherche, au contraire, l'origine des maladies dans des causes accidentelles, mais naturelles. « Rab, s'étant trouvé dans un cimetière, dit, après y avoir accompli des pratiques magiques, que l'immense majorité des trépassés ont été victimes du mauvais œil, et que peu succombent à une cause naturelle. Mais Samuel, loin d'être du même avis, pense plutôt que la plupart meurent naturellement, car le vent peut engendrer toute sorte de ma- ladies *. »

Cependant Samuel, tout en regardant le vent comme la cause principale dans l'éclosion des maladies, n'en reconnaît pas moins d'autres agents pathogènes. « Si quelqu'un, après avoir mangé la veille de l'oignon, est trouvé mort le lendemain, il est superflu de rechercher la cause de cet accident. Il ne s'agit ici, remarque Samuel, que des feuilles, car les têtes ne peuvent jamais occa- sionner d'accident fâcheux, et même les feuilles, ajoute-t-il, ne peuvent être incriminées que lorsqu'elles n'ont pas encore eu le temps d'atteindre la grandeur d'un empan, la croissance avancée leur ôtant toute vertu vénéneuse *, »

Mar Samuel voyait également une cause, aussi puissante que fréquente, de pathogénie dans toute modification brusque de l'ali- mentation ^ : « Tout changement dans le régime, dit Samuel, peut devenir le point de départ d'une maladie. »

De même, un mets mal préparé, surtout insuffisamment cuit, peut occasionner, d'après notre auteur, une affection intestinale *. Des maladies locales aussi, telle la conjonctivite, peuvent avoir pour cause l'ingestion de certains aliments =.

Dans les maladies externes, Mar Samuel s'appliquait aussi à rechercher les causes naturelles qui les rendaient quelquefois fatales. C'est ainsi que, dans les plaies pénétrantes, il accuse surtout l'air de les rendre incurables". De même, il attribue le caractère pour ainsi dire foudroyant de certaines blessures au poison déposé par l'arme vulnérante. « Bien que, dit-il, une blessure faite avec un poignard persan, qui est habituellement

* Mecia, 107*.

* Jiioubin, 2'J a.

» Batra, 146 a.- Sanhédrin, 10) ; Ketoubol, 110; Nedarim, 37.

* Berachot^ kkh. ' Nedarim, ;i4 è. ^ Mec/a, 1((7 b.

LES CONNAISSANCES MEDICALES DE MAR SAMUEL 21

empoisonne, expose à une mort certaine, il faut pourtant donner à la victime de la viande grasse grillée et du via pétillant, car la survie peut être assez longue pour que le blessé puisse prendre les dernières dispositions '. »

Samuel n'ignorait pas non plus que certaines maladies, dont la nature lui échappait pourtant, sont éminemment contagieuses. « On a enseigné, suivant Topinion de Samuel, qu'il ne faut abattre un chien enragé que de loin, car quiconque le touche est en danger, comme celui qui en est mordu est voué à la mort. Aussi l'individu qui n'a pu échapper à ce dangereux contact doit immé- diatement se dépouiller de ses vêtements et s'enfuir *. r>

La séméiologie était sûrement cultivée à cette époque, du moins lorsque cela tombait facilement sous le sens. Voici, par exemple, le tableau symptomatologique qui devait permettre de reconnaître rapidement la rage canine : « Cinq signes principaux peuvent faire reconnaître un chien enragé : il a la bouche ouverte et bave beaucoup ; ses oreilles sont tombantes et sa queue appliquée sur ses hanchos, enfin, il marche au bord des routes. D'autres ajoutent encore que son aboiement s'entend très mal ^. »

Ailleurs, Samuel indique lui-même, avec beaucoup de justesse, les véritables signes qui, chez un animal, permettent de prévoir une agonie proche^. Dans la pathologie humaine aussi le savant maître de Nehardéa avait l'habitude d'indiquer, pour chaque maladie, le symptôme caractéristique. Voici, par exemple, ce qu'il dit à propos d'une rhinite grave, consécutive, probablement, à un polype ulcéré : « Il faut entendre, dit R. Juda au nom de Samuel, par un malade « atteint d'un polype » un homme dont l'organe olfactif exhale une odeur repoussante ^ ».

Mar Samuel connaissait les caractères essentiels des affections communes, telles que les fièvres, les entérites, les affections oculaires et les migraines. Aussi ne conseille-t-il pas aux amis d'aller voir les fébricitants, à cause de leur délire; les entéro- pathes, à cause de leur dérangement incessant; les gens atteints d'affections oculaires, à cause de leur photophobie, et, enfin, les migraineux, à cause de leur besoin de solitude ".

Et, de même qu'il surpasse tous ses contemporains en expé- riences cimiques, il leur parait supérieur en connaissances thé-

' Giiittin, 70 a.

* Yoma, 83 a. 11 convient de faire remarfiuer qu'Arislote pensait que la rage n'était pas transmissible à l'homme.

* Toma. 83 /y.

* Houllin, 38 a.

' Kdoubot, 77 a. "^ Nedarim, 41a.

2-2 HEVUE DES ÉTUDES JUIVES

rapeutiques. En effet, on ne trouve nulle part que Samuel, à l'instar de tant d'autres praticiens de l'antiquité, ait jamais eu re- cours à des pratiques purement superstitieuses, telles que les conjurations. Au contraire, partout l'on rencontre une de ses cures, elle a pour base ou une manœuvre chirurgicale, ou une substance médicamenteuse ou. enfin, un régime en quelque sorte diététique.

Voici un premier passage relatif à une fracture : « Il demeure entendu, dit R. Hané, de Bagdata, au nom de Samuel, qu'il faut réduire une fracture, malgré la sainteté du sabbat'. » Or, pour que Samuel ait pris une telle décision *, il faut vraiment admettre que la pratique journalière lui avait montré combien la réduction tardive d'une fracture devient quelquefois difficile, pour ne pas dire impossible. Cela prouve également qu'il se ccnnaissait en ces sortes de manœuvres chirurgicales. Voici maintenant le double traitement qu'il préconise pour une blessure grave, com- pliquée d'hémorrhagie : « Toute blessure d'épée, dit Samuel, est dangereuse ; aussi, pour la soigner est-il permis de profaner le sab- bat. Contre l'hémorrhagie, on aura recours à une infusion de cres- son dans du vinaigre, qu'on fera boire au blessé ; quant à la plaie, on en favorisera la cicatrisation en la couvrant avec la poudre de^bn-^et i<2DN^. «Enfin, voici le traitement, quasi diététique, qu'il conseille de suivre dans le cas d'hypothéranie consécutive à une trop grande perte de sang : a II est permis, dit R. Hiyya, fils de Abin, au nom de Samuel, de faire du feu le samedi, même pen- dant les chaleurs d'été, afin de réagir contre un refroidissement brusque, survenu à la suite d'une saignée trop abondante *. » La même inobservance du sabbat est permise quand il s'agit d'une accouchée ou de tout autre malade présentant du collapsus par perte sanguine. « Il est loisible, dit R. Juda au nom de Samuel, de faire du feu le samedi, soit pour une accouchée, soit pour tout autre malade ; et cela aussi bien en été qu'en hiver ^ »

D'autre part, tout porte à croire que non seulement Samuel connaissait les bons effets curatifs de certaines eaux minérales, mais encore qu'il y avait recours. Le passage suivant y fait une allusion très transparente : « Toutes les boissons médicamen- teuses, dit Samuel, sont très efficaces entre Pâque et Pentecôte '^. »

1 Sahbat, \'i%a; Berochot, î)/» ; Yebamot, 67.

* Cette décision est, en ell'et, en contradiction formelle avec celle de la Mischna, Sabbat, xxii. 0.

» Abo-/a Zara; 28 a. "► ,SaAi«<, 1211 a.

* Ëroiibtn, l'J : Sobhat, 129 fl.

* Sabbat, Ml b : Pesahim, 42.

LES CONNAISSANCES MEDICALES DE MAR SAMIEL 23

Pourtant, il faut avouer que Samuel, pour soigner ses malades, avait aussi quelquefois recours à des pratiques singulières : « Une femme chez laquelle le coït faisait apparaître du sang vint consulter Samuel. Sur son conseil, R. Dimi, fils de Joseph, son élève, effraya la malade et, après l'avoir examinée de nouveau, il constata que rien ne venait par les voies génitales. Là-dessus, Samuel affirma que cette femme était atteinte de métrorrhagie et que le sang retenu dans la matrice faisait irruption au dehors sous l'influence de l'ergasme vénérien. Une affection pareille, ajouta-t-il, est incurable ' ».

Cette pratique, assurément singulière, peut cependant s'expli- quer. La frayeur est capable de déterminer des contractions utérines et, par conséquence, le rejet de son contenu libre. Et cette particularité a pu être connue de Samuel, d'autant plus que les docteurs du Talmud en parlent maintes fois"-. Mai-, quoi qu'il en soit, Samuel nous parait avoir été un gynécologue très avisé, puisqu^il conseilla l'usage du spéculum mciso, afin de s'assurer facilement si un écoulement sanguin provenait bien de la matrice et non du vagin.

Mar Samuel était aussi un oculiste distingué. Dans cette branche spéciale, il se montre même d'une grande habileté. « Rabbi Jada le patriarche, souffrant des yeux, fit venir Samuel Yarhinaï, son médecin ordinaire, auprès de lui. Celui-ci voulut d'abord lui instiller quelque médicament ; mais, le malade s'y refusant, il lui proposa de faire un léger attouchement. Essuyant un nouveau refus, il eut l'idée de mettre un petit tube, rempli de médicaments, sous la tête du patient, de manière que les vapeurs vinssent sur les yeux ^. »

Sans vouloir rechercher la nature de ces substances, il nous suffit de constater l'habileté du praticien. D'ailleurs, dans d'autres circonstances aussi, Samuel se montre également praticien avisé. Ainsi, une fois, il réussit, en offrant un repas bien con- ditionné, à provoquer une diarrhée, sans que le patient en eût le moindre soupçon *.

Mais si diverses ressources thérapeutiques paraissent avoir été à sa disposition, Samuel n'en usa pas moins de la saignée. En effet, les passages qui ont trait à cette cure spéciale sont ex- cessivement nombreux. Comme par tant d'autres médecins de l'antiquité, la saignée a être considérée par Samuel comme

» Nidda, 66 a. » Nidda, 9 a.

* Mecia, 85 b; Rosch Haschana, 20.

Le récit se trouve dans Sabbat, 108 a.

•2/1 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

une panacée universelle. Aussi la prescrivait-il comme mesure prophylactique. « La saignée, dit Samuel, doit se pratiquer tous les trente jours; mais, après quarante ans, il faut la faire moins souvent, pour la diminuer de nouveau après soixante ans ' . »

Il se peut que la saignée ait réellement enrayé quelquefois les accès de fièvres paludéennes, qui devaient être à cette époque d'une fréquence désesi)érante. Mais, assurément aussi, la supers- tition y entrait pour une large part. Aussi Samuel, dans la pratique de la saignée, n'oublia-t-il pas qu'il était astrologue, et il attachait une importance extrême au choix qu'il fallait faire du jour l'on voulait se soumettre à cette cure sanguine. «■ La saignée, dit Samuel, doit se pratiquer le premier jour de la semaine, le quatrième ou encore le vendredi; mais jamais le lundi ou le jeudi -. » Et le même texte ajoute : « Une saignée, dit Samuel, est dangereuse quand elle est pratiquée un mercredi qui est en même temps le quatrième, ou le quatorzième ou le vingt- quatrième du mois; ou bien encore quand il ne reste plus quatre jours jusqu'à la nn du mois. De même, toute saignée pratiquée le jour de la néoménie est une cause de faiblesse si c'est pour la deuxième fois que l'individu y a recours; elle est dangereuse, si c'est pour la troisième fois. En outre, toute saignée pratiquée la veille d'une fête est une cause certaine de faiblesse ; elle est dan- gereuse si c'est la veille de la Pentecôte. »

Il y a peu de renseignements sur la manière dont la saignée se pratiquait alors, ni sur les régions elle se faisait habituellement. Pourtant il est sûr que, contrairement à ce que l'on croit com- munément, la saignée ne se pratiquait pas exclusivement au bras. Ainsi, Samuel parle de la gravité d'une saignée faite à l'épaule^, et ailleurs il est question d'une saignée pratiquée aux membres inférieurs*.

Mais si, dans la pratique de la saignée, c'est le médecin qui cède la place à l'astrologue, Samuel redevient lui-même dès qu'il s'agit de tirer parti d'une saine hygiène. vraiment il est à cent coudées au-dessus de son temps. Et, en effet, l'excellence de la plupart de ses conseils hygiéniques est telle qu'on dirait qu'ils ne datent que d'hier. Sans vouloir les passer tous en revue, nous allons en citer quelques-uns, au hasard. Voici d'abord ce qu'il dit au sujet de la sobriété : « Quiconque, dit R. Juda au nom de

» Sabbat, 120 i. Guittin, 0. » Sabbat, \2'Jb.

* Nedaritii, ;'i4 //.

Guitttn. 7(1(1.

LES CONNAISSANCES MÉDICALES DE MAR SAMUEL 2o

Samuel, a pris un verre de vin, ne doit pas enseigner '. » Ce ri- gorisme n'était pas de trop dans un temps des hommes illustres dont l'exemple pouvait être suivi aisément, et surtout exagéré, soutenaient que le vin, pris avec modération, était un excellent stimulant intellectuel. Un des plus célèbres maîtres de ce temps dit à propos de la tempérance sévère exigée par Samuel : « Cette décision, dit R. Nahman, n'est pas fondée; et la preuve, c'est que moi je ne jouis de la faculté intellectuelle que lorsque j'ai pris un peu de vin '. »

Mais l'optimisme de ses contemporains n'a pas empêché Samuel de voir toute l'étendue des ravages que les boissons spiritueuses, prises fréquemment, sont susceptibles de causer. C'est lui qui a rattaché le delbnum tremens à l'intempérance. Aussi a-t-il soutenu que la loi qui frap[)e de nullité les actes sociaux de ceux qui ne jouissent pas de la plénitude de leur esprit se rapporte surfout à quiconque est atteint du délire alcoolique. « Quiconque, pris subitement de D':p"'">i"np, ordonne de faire divorcer sa femme n'a rien dit. Il faut entendre par là, dit Samuel, les personnes qui se sentent subitement mordues par le vin nouveau à l'époque des vendanges ^. »

L'alcoolisme, on le voit, ne date pas d'hier, et Samuel s'ef- forçait à la fois de réfréner l'intempérance et d'en annihiler les graves conséquences sociales.

Pour ce qui concerne l'accomplissement régulier des besoins naturels, Samuel dit : « L'évacuation régulière tous les matins est pour l'individu ce qu'est la trempe pour le fer*. >3

L'éminent praticien de Nehardéa veut aussi que le sommeil se fasse dans de bonnes conditions hygiéniques ; il dénonce les funestes effets de la mauvaise habitude qu'ont prendre beau- coup de jeunes gens trop studieux, de se coucher tout habillés ^ X Quiconque, dit Samuel, veut goûter la saveur de la mort n'a qu'à se coucher tout chaussé. » Cette pensée ironique est singu- lièrement fondée, car la transpiration abondante peut provoquer, surtout dans les pays chauds, beaucoup d'atïections cutanées, plus ou moins incurables.

Mar Samuel n'est pas moins admirable lorsqu'il conseille les lavages fréquents des mains, pour éviter l'infection des yeux. « Une goutte d'eau froide le matin et un lavage, avec de l'eau

' Eroubin, Gia; Nuzir, 38. ' Eroubin, 64 a. ^ Guittin, 07 b. * Bcrachot, 02 b. ' Foma, mb.

26 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

chaude, des mains et des pieds le soir valent beaucoup mieux, dit Samuel, que tous les collyres du monde '. » Si l'on réfléchit à la facilité avec laquelle toute personne dont les soins hygiéniques laissent à désirer peut, durant le sommeil ou même au réveil, s'infecter les yeux par le toucher, plus ou moins inconscient, on comprendra aisément toute l'importance prophylactique de cette sage parole; d'autant plus qu'à cette époque le sol, servant de parquet, forçait, pour ainsi dire, l'individu à avoir les pieds et, par suite, les mains malpropres. Samuel parait, d'ailleurs, avoir compris tout le rôle funeste que le sol des habitations devait jouer, par suite de la poussière soulevée, dans Téclosion des affections morbides. Aussi, en conseillant l'arrosage fréquent avec des liquides aromatiques, a-t-il pu dire : « Pour boire, dit Samuel, au nom de R. Hiyya, il ne faut pas aller au delà d'un séla par loug de vin; mais quand il s'agit de l'arrosage, il ne faut pas hésiter à payer le double-. »

L'importance que Samuel attachait à la saine hygiène, en général, ressort encore avec plus de netteté du passage suivant : a Contre tous les maux, dit Samuel, je connais des remèdes ; mais pas contre les trois suivants. Ce sont : le mal qui résulte de l'in- gestion de dattes vertes amères à jeun ; celui qui a pour cause l'usage d'une corde de lin humide comme ceinture, et, enlin, le mal qui provient de ce que l'on se couche aussitôt après un repas lourd, sans même avoir fait quelques pas. » Il est visible que les maux visés dans ce texte résultent tous d'une mauvaise hygiène. Dès lors, tout le passage prend une autre signification. Mar Samuel veut dire, avec infiniment d'esprit, que les maux qu'on entretient par une coupable négligence des soins hygiéniques sont au- dessus de l'art du meilleur praticien.

D'' D. SCHAPIRO.

> SoMat, 108*. * Pesahim, 20 *.

DOSITHÉE ET LES DOSITHÉENS

Un des plus difficiles problèmes de l'histoire religieuse se rat- tache à l'apparition de l'hérésianiue Dosithée et à la sezte des Dosithéens. Cette secte a duré plus de mille ans, plus que toutes les hérésies célèbres juives et chrétiennes qui en furent contem- poraines, et néanmoins nous ne possédons sur les Dasithéens que très peu de renseignements. Il ne s'est point trouvé de Flavius Josèphe pour nous en parler, comme celui-ci l'a fait pour les Pha- risiens, les Sadducéens et les Esséniens. Quant à ce que nous en rapportent les Pères de l'Église et les écrivains arabes, cela est tellement vague et incertain que nous ne savons même pas si nous avons affaire à une secte juive, samaritaine ou chrétienne.

Afin de trouver un point de départ, tâchons de tirer des récits confus les informations qui concordent au moins en partie.

Les plus anciens Pères de l'Église qui parlent des hérésies, Justin et Irénée, ne mentionnent pas les Dosithéens. Mais Irénée, évoque de Lj'on, avait en Hippolyte un disciple curieux de science qui, avec l'aide ou l'assentiment de son maître on n'est pas d'accord sur ce point composa un écrit polémique il n'attaquait pas moins de trente-deux hérésies, et il cite le Dosithéisme comme première hérésie. Nous tenons cette indication du patriarche de ConstantinoplePhotius ^ qui connaissait encore l'écrit d'Hippolyte, aujourd'hui perdu. Or, la sagacité de la critique a établi que l'écrit contre les hérésies attribué à TertuUien repose sur l'ouvrage perdu d'Hippolyte. De la sorte, nous avons sur les Dosithéens un témoignage qui remonte au ii» siècle ou, au moins, au com- mencement du iii^ Déjà ce témoignage renferme sur les Dosi- théens une assertion étrange, à savoir que la secte des Saddu- céens dérive de la secte des Dosithéens-. Saint Jérôme partage

* Pholius, Biblioth., cod. 121.

' Pseudo-Tertuilien, Ado. Haer., ch. i : Taceo enim Judaismi haereticos, Dosi- Iheum inquam Samarilamim, qui primus ausus est prophelas quasi aon ia spiritu sanclo locutos repudiare, taceo Sadducaeos, qui ex hujus erroris radice surgeales ausi sunt ad hanc haeresim etiam resurrectionem carnis negare.

28 RKVUE DES ÉTUDES JUIVES

cette opinion'. De il résulterait : 1" que les Dosithéens for- maient une secte juive ; qu'ils seraient nés à l'époque syro- macédonienne ou auparavant.

Cette opinion n'est pas isolée, car, outre que l'indication d'IIip- polyte est reproduite plus tard % nous retrouvons dans les Reco- gniliones clémentines la même affirmation sur le rapport entre les Dosithéenset les Sadducéens •''. Comme les Kecognitiones ne se fondent pas sur Hippolyte, il faut y voir un témoignage indépen- dant, à moins de voir dans ce passage des Recognitlones une interpolation tirée d'Hippolyte*.

A ces sources chrétiennes il faut ajouter une source samari- taine, qui est d'autant plus importante que nous savons que Dosithée était Samaritain de naissance. L'écrivain samaritain Aboul-Fath, qui écrivait en arabe, prétend que la secte des Dosi- théens est née peu avant Alexandre le Grand ^ Sans doute, Aboul- Fath est un témoin tardif' ; mais comme il était Samaritain, il a pu utiliser des sources samaritaines.

Maintenant seulement nous arrivons aux sources juives, dont nous ferons ressortir d'autant plus l'importance que les chrétiens les ont complètement négligées, et ne les ont même pas signalées \ On peut expliquer cette négligence par ce fait que les Dosithéens sont mentionnés non pas oii l'on trouve d'ordinaire des données historiques, dans les parties les plus anciennes du Talmud et du Midrasch, mais dans les ramifications du Midrasch. Mais les Midraschim plus récents contiennent souvent des matériaux pré- cieux.

Sur les Samaritains, et, en corrélation avec eux, sur les Dosi- théens, nous trouvons une description assez longue dans les Plrhé di R. Eliézer, ch. xxxviii, à la fin, qui ne diffère pas sensiblement de Tanhouma, no^^i, § 2. D'après ce passage, les colons païens,

» Saint Jérôme, Contm Lucifer i anos, ch. xxiii (éd. Vallarsi, II, 107) : Taceo de Judaismi haerelicis, qui ante advenluin Chrisli legcm Iraditam dissiparunt ; quod Dosilheus Sarnanlanorum prinoeps proplielas repudiavit : quod Sadducaei ex illius radiée nasceiites etiara resurreclionem carnis nej^averunt. Ces deux dernières citations dans Schiirer, Gearh, d. j . Volkes im Zeitultcr J. ('., édit., Il, 412.

' Elle est reproduite par IMiilaslrius (iV siècle), Haer., /|, 5.

* Jiecogn., I, r)4 -. Auctor vero sentenliae hujuo [Sadducaeoruœ] primas Dosilheus, secundus Simon luit.

C'est l'opinion de Ililgcnfeld, Die Kclterqcschichte des Unhrtstenthum.'; {Lc\V7.\^, 1884), p. liUi, note2;)0.

* Ahidfnthi Annales Saninyitani, éd. V.. Wilmar, Gotha, ISOÎi, praef., p. r.ix.

Aboul-Fath b. Aboul-IIasan el-Samàri écrivait en l'an 7o6 de l'hégire (^voir Wnslenleld, Die Geschichtschreiber dcr Araber ti. ihi-e Werke, Gœltingue, 1882, 41 Kl.

' Cl. D. 0[)peniieim dans Mat/azin f. di Wissensch, d. J udenthums , I, 68,

DOSITllÉE ET LES DOSITHÉENS 29

transportés à Samarie par le roi d'Assyrie, furent reçus dans la religion juive par deux rabbins, nommés Dostliaï et Zacharie*. Il n'y a pas de doute que ce Dosthaï ne soit une seule et même per- sonne avec le Dosilhée des sources chrétiennes '. Assurément, tout n'est pas historique dans ce morceau des Pirké di R. E., mais rien que le nom de Dosthaï constitue un fait notable. le Midrasch aurait-il pris ce nom, s'il ne répondait à quelque chose de réel? Bien mieux, ce passage des Pirké di R. E. est authentifié par un trait remarquable qui donne de la valeur à tout le morceau. Le passage, sans aucun rapport avec le reste, commence par ces mots : « Les Samaritains ne comptent pas parmi les soixante- dix peuples ^ » C'est exactement le même jugement que celui que nous lisons dans Ben-Sira\ Il faut avouer qu'une telle concordance donne plus de prix à ce morceau du Midrasch. Puis vient immé- diatement sur le même sujet une parole de R. Yossé, l'historien à qui l'on attribue le Séder Olam^. Il faut observer, en outre, que l'on nous décrit si vivement l'exclusion des Samaritains du judaïsme qu'il faut admettre que l'auteur ne fait pas de l'histoire, .mais de la polémique, c'est-à-dire qu'il a sous les yeux les Sama- ritains de son temps, qu'il combat avec ardeur. Or, à un tel auteur il faut attribuer une certaine connaissance de l'histoire sama- ritaine, en sorte que ses indications sur les Samaritains méritent quelque créance. L'assertion que les Samaritains n'ont pas de part au monde futur '^ rappelle le dogme des Dosithéens, suivant lequel il n'y a rien après la mort. Nous rangeons donc les Pirké di R. E.

* nmi< vn^b/: vm nnix ib»T ri"<-iDT -^nm ^snoTi im nx in'r'^JT

D"^Diai 1"IP"^"Il2"1j nn^a niTnrt "IDD- Pour ce deruier mot, qui n'a pas de sens et qui ne se trouve pas dans le Tanhouma, je lis Û'^mOT. D'après cela, l'auteur anonyme du Midrasch savait que la Tora était écrite en écriture samaritaine, comme, d'ailleurs, le dit le Talmud {Sanh., 21 b]. J'ignore pourquoi le Midrasch appelle cette écriture Notartkon. D'après Aboul-Fath (Wilmar, p. lviii), les Sa- maritains auraient eu une écriture secrète, celle du ^"3nN, dont se sert la Bible pour Darius; le Midrasch alors ferait allusion à ceite particularité. Le karaïte Juda Hadassi admet la méthode exégétique du Notarikon (Bâcher, Mo- natsschr., XL, 19^, et comme les Karailes ont des points commuus avec les Dosi- théens, celte circonstance mérite attention.

* Sur Zacharie, voir plus loin.

^ m721N Û"^r3"C73 "i-ljb D-'nCnD irN D"'\-nDn; dans le Tanhouma : Û"^\~nDn "11"»;;? D"'>!3w73 T3'>UnD N*-. Sur les soixante-dix peuples, voir mon étude dans Zeitschr. f. alltest. Wissensrh., XIX. 1-14 ; ib., XX, 38.

"^ Cf. Sira. l, '25 : " Le troisième (le peuple de Sichem) qui n'est pas un peuple. »

* D'après la première opinion anonyme, les Couthéens (= Samaritains) appar- tiennent aux ciuq peuples nommés dans H Rois, xvii, 24; d'après R. Yossé, les neuf peuples dont il est question dans Ezra, iv, 9, appartiennent aussi aux Sama- ritains. La parole de R. Yossé se trouve ell'ectivement à l'état anonyme dans le S^der Olam, ch. xxii, fin.

* Û">n70ri niTirn pbn Dnb 1"'^1 ; *^^"^ '^ Tanhouma : ûnb NÏT' bX"! : voir encore plus loin.

30 RKVUË DKS ÉTUDES JUIVES

parmi les sources qui font vivre Dosithée dans un temps ancien, bien qu'il ne faille pas prendre au sérieux la fixation de son exis- tence sous Salmanassar.

Il y a un autre passage du Midrascli sur Dosithée qui a une valeur historique. Dans les Abot di R. Nathan ' nous lisons qu'une jeune fille qui avait été enlevée par des ennemis fut délivrée par deux hommes pieux (û^T^on). Le texte ordinaire ne donne pas le nom de ces hommes pieux; mais ces noms se trouvent dans un ms. d'Oxford, qui est cité par M. Schechter à l'occasion de ce pas- sage-. Les deux hommes s'appellent ici Dosion et TosiUieon. Déjà ces noms sont une garantie que le récit n'est pas une légende, mais un fait, car on n'invente pas de tels noms.

L'événement doit appartenir à des temps anciens, car l'un des deux sauveurs, qui est fait prisonnier, est délivré de force par plu- sieurs individus ^, ce qui n'aurait pu guère se produire à l'époque les Juifs étaient complètement subjugués. De plus, le terme de « Hassidini » permet de conclure que ces hommes étaient des Esséniens, ce qui nous reporte également à une époque ancienne. S'il s'agit d'Esséniens, nous comprenons fort bien pourquoi les deux hommes n'ont pas accepté de pain ni d'eau des païens ; en même temps, la cérémonie du bain rituel prend un sens très clair. Sans doute, ces arguments ne sont pas probants, mais ils rendent vraisemblable que notre passage parle d'Esséniens. Ici, Dosithée non seulement ne passe pas pour avoir rejeté le judaïsme, mais il passe pour très pieux. Ainsi une source juive ferait de Dosithée un Essénien, tandis que les sources chrétiennes le présentent comme le fondateur du Sadducéisme. Quoi qu'il en soit, on le fait vivre dans la période syrienne.

Les Pirhé di R. Ë. et les AJjot di R. N. se ressemblent encore en ce qu'ils donnent tous les deux un compagnon à Dosithée. On pourrait appeler cette paire d'hommes les apôtres samaritains. Ces apôtres sont encore nommés dans le Tanhouma, l. c, et dans le Yalkout, Rois, § 234 ; ces passages sont presque identiques à celui de Pirhé di R. E.*. le compagnon de Dosithée s'appelle R. Sebaya (N^-ino) ou Sabbaï (-^aD dans le Yalkout). Ces deux

* Version I, ch. vin, p. 37, éd. Schechter.

^ D'après M. Schechter, la leçon du ms. d'Oxford se retrouve dans le Or Zavoua et le Tanya Rahhati, Elle est é^^alement dans le LÎpbn "^520, éd. Bnhcr, Wilna,

188G, p. 266 : n3o:o nnx rtn-^nn rr^ay^û ina '-n maî<3 •':>, p-icn n-dp-id

iTTOnm ■jT^OT'T nmnc'D a^T'On irO l^'^m. Sur la lorme en \-\, cf. ^■|73inp;, .\f/.6or,iJ.O!; [Krans», Lehnwoerler, 1, i;337i.

* D";'2ï: riN iî<-'L:im ^'ny mwv -«sm •:lr^'{^ rpD N-iam.

* Cité aussi par Johauu Drusius dans Trigland, Trium scriptorum illustrium de tribus Judceorum seclis iyntagma, I, 283. Voir de Laj^arde, Mitteilungen i^Gœt- lingue, 1891), IV, 135.

DOSITHEE ET LES DOSITHEENS 31

hommes auraient enseigné la vraie loi parmi les colons samari- tains sur l'ordre de Sennachérib (ou plutôt Salmanassar ou Sargon). Ce récit serait emprunté au Midrasch Yelamdènon. Le nom de Seb'aia est évidemment plus juste que ceux de Zacliarie et de Do- sion des autres Midraschim', et ainsi dans Dosithée et Sabbaïos ^ nous reconnaîtrons les deux apôtres des Samaritains. Le titre de « Rabbi » est à biffer devant les deux noms; de même, c'est par erreur que dans le Yalkout et le Tanhouma il y a ■'nd"' p "^NriDiT. Ce résultat est d'une certaine importance : beaucoup de Pères de l'Église nomment l'un à côté de l'autre les sectes des Dosithéens et des Sebouéens^ dont nous aurions les hérésiarques dans ces deux apôtres. Pour ce qui est des Sebouéens, la chose n'est pas aussi simple, car ce nom n'apparaît pas comme étant forcément dérivé de Sabbaïos^; cependant cette dérivation paraît la plus vraisemblable.

Un passage curieux d'Épiphane * nous renseigne aussi bien sur la parenté des Esséniens avec les Sebouéens que sur l'essence même du Sebouéisme. Comme ce passage, suivant la Juste remarque de Lagarde, est généralement mal traduit, nous en don- nons ci-après la traduction :

« Les Esséniens demeurèrent dans leurs moeurs primitives sans se modifier. Ils se séparèrent des GoroUiéniens pour un détail, parce qu'un débat s'éleva entre eux, entre les Sebouéens et les Esséniens (d'une part) et les Gorothéniens (d'autre part). Or, ce débat eut lieu de la façon suivante : La loi ordonne que les Juifs s'assemblent de partout à Jérusalem trois fois par an, lors des fêtes des Azymes, de la Pentecôte et de Souccot. Les Juifs vivant dispersés, même dans les limites de la Judée et de la Samaritaine, il leur arrive souvent, quand ils vont à Jérusalem, d'être forcés de traverser le pays des Samaritains. Il advint à une certaine époque que, lorsque les pèlerins étaient en grand nombre, il y avait col- lision entre eux. »

' Drusius le cite de « Ilmedenu » (:= Yelamdènou), fol. 16, coi. 1, sous la forme N""^3D, qu'il change en N'^^nO. H le fait pour rapprocher cette forme de celle de XEgouatot chez Epiphane. Dans les Pirké di R. E., je regarde rT^IDï comme issu de ;t^"i3C); ii suffisait dans rT^'^^D de prendre le 3 pour un D, pour faire rf'^DO, qui n'avait pas de sens, ;-;"^"lDD. ""^"IDT- La faute est plus grande dans les Abot di R. N. On changea Sabbaïos en un mot dont la forme ressemblât au mot Dosithée. Hamburger, dans le Real-Encyclopœdie, II, 1069, en fait trois noms : Dosthaï, Yan- naï et Sabbaï.

» Sur B=cp<ja6gàç, Saéêaïoî, Sàgêa;, i:agâ;, iâgao;, N3ï:, "^20, etc., voir Dal- man, Grammatik des jiid.-palaeslin. Aramaeisch, Leipzig, 1894, p. 143. Pour Ni'^no, on peut fort bien écrire iaêoaîo:.

» C'est pourquoi Lagarde dérive, /. c, IsSouatoi de N^Tn'iD r= semaine. Cf. Herz- leld, Gesch. d. Volkês Israël, II, 606.

* Epiphane, flae/cs., X. Le deuxième passage est tiré de Haeres., XI, le troi- sième de Haeres., XIII.

32 REVUE DES ETUDES JUIVES

« Les Sebouéens se distinguaient des Gorothéniens en ce qu'ils plaçaient le nouveau mois des Azymes après le nouvel an, qui tombe en automne, c'est-à-dire après le mois de Tisri (ôecst)... Ils font partir de le commencement de l'année et célèbrent aussi- tôt les Azj-mes. Quant à la fête des Tentes, ils la célèbrent lorsque les Juifs observent les Azymes et la Pâque. »

« Les Gorothéniens suivent les Sebouéens, mais non les autres. Les Esséniens, quoique proches des autres, font la même chose que ceux-là (les Sebouéens). Les Gorothéniens et les Dosithéens seuls sont en dispute avec les Sebouéens. Car eux, les Gorothé- niens et les Dosithéens, célèbrent les fêtes quand les Juifs les célèbrent... »

Ainsi, pour les fêtes, les Juifs, les Gorothéniens et les Dosithéens sont d'accord, tandis que les Sebouéens sont avec les Esséniens. Épiphane ne nous dit pas quels sont ces Esséniens ; de son temps, il n'y avait probablement plus d'Esséniens ; dès lors il ne pouvait connaître leurs usages. Ce qu'il en dit remonte à l'époque du Temple, ainsi que le prouve le passage sur le pèlerinage à Jéru- salem. Bien que les premiers chrétiens tissent également ces pèle- rinages à Jérusalem, il ressort néanmoins d'Épiphane que, pour lui, les Dosithéens sont une secte juive et non chrétienne. Ce ne pouvaient être des Samaritains, attendu que ceux-ci avaient leur temple sur le Garizim et n'allaient pas à Jérusalem. Il y a donc une erreur dans Épiphane.

Pour ce qui concerne les récits qui font sortir les Sadducéens des Dosithéens, il faut remarquer que, d'après Épiphane, leurs fêtes ne concordent pas : les Sadducéens avaient pour la Pentecôte une fixation différente, tandis que les Dosithéens célébraient toutes les fêtes avec les Juifs (= Pharisiens), partant aussi la Pen- tecôte. Voilà la confusion qui commence ; aussi avant de continuer, nous fixerons les résultats des textes considérés jusqu'ici.

Les savants ont fait observer que le nom de Sabbaïos se trouve chez les Samaritains '. On renvoie à Josèphe, Antiq., XIII, '3,4. Je crois devoir aller plus loin et regarder ce récit de Josèphe comme fournissant la meilleure solution du problème des hérésies sama-

' J. W. Nuit, Fragments of Samaritan Targums, Londres, 18'74, p. 47, note 2. Les Septante, dans l'épilogue au livre d'Esther, nomment un Dosilhée. Le compa- gnon d'Ouias qui vil en Egypte et qui fut général de Plolémée Pliilométor, s'appe- lait aussi Dosilhée (Josèphe, C. Apion, II, 5; Antiq., Xlll, '■^,\ ;B.J., VU, 10. 3). 11 y a encore dans Josèphe d'autres personnes qui portent le nom de Dosilhée. Dans la littérature rabbinique j'ai complé neuf personnes de ce nom, Lehnwœrter, 11, 192; il faut y ajouter une dixième, Dostha'i, relevé par Hacher, Ag. d. palest. Amor., 111, Oyîi. AboulKalh a conservé un détail important sur les Sebouéens, qui, méconteuts des innovations de Haha Kabba (sous Alexandre Sévère), gardèrent les vieilles iuslitutiuus des buinarilaius.

DOSITHÉE ET LES UOSITHÉENS 33

ritaines. Josèphe raconte qu'il y eut devant le roi Ptolëmée Philo- métor (181-146), entre Juifs et Samaritains, une discussion sur la question de savoir lequel des deux temples de Garizim ou de Jéru- salem était le vrai. La cause des Samaritains était défendue par Sabbaîus et Théodosius, celle des Juifs Josèphe les appelle Jérusalémites par Andronicus, fils de Mesalaraus (ûpt:;»). La dispute finit par la victoire des Juifs, et le roi fit exécuter les avo- cats samaritains. Sabba3us et Théodosius doivent avoir été des chefs de leur secte ; autrement ils n'auraient paapu se présenter comme les défenseurs de la secte entière ; il en est de même pour Andronicus. Dans le récit, une chose surprend, c'est que les Sama- ritains aient eu deux avocats. Andronicus était-il si redoutable qu'on dût lui opposer deux hommes ? En tous cas, l'on ne sait rien de cette valeur exceptionnelle d'Andronicus : ou bien y aurait-il eu en Egypte plus de Samaritains que de Juifs, en sorte que les premiers pouvaient présenter deux défenseurs ? Cela est aussi invraisemblable '.

Il en est tout autrement si nous voyons dans Sabbaîus et dans Théodosius de véritables hérésiarques samaritains, qui représen- taient chacun un parti spécial devant le roi. Andronicus, derrière lequel se tenait le peuple indivisé des Juifs, devait d'autant plus facilement remporter la victoire sur ces hérétiques. Il s'agit de cette paire d'apôtres que nous avons si souvent nommée : Sabbée et Dosithée. Le nom de Sabbée est identique au Sabbaï du Midrasch ; d'autre part, (-Jsooôt'.o; ne diffère de AotîOso: que par la façon dont il est composé, mais il a le même sens. Gomme nous ne saurions admettre que Josèphe ait mal écrit le nom, il ne reste qu'une hypothèse, c'est que dans les sources juives et chrétiennes, eu égard à l'emploi fréquent du nom de Dosithée que l'on connut plus tard comme fondateur d'une secte, le nom de Théodosius fut légè- rement modifié. Enfin, il est possible que Dosithée et Théodosius n'aient formé qu'un seul et même individu, en sorte qu'il n'est pas besoin d'admettre une transformation.

Je pense donc devoir rapporter au compagnon de Sabbœus tous les renseignements juifs et chrétiens concernant un ancien Dosi- thée -. De cette manière seulement s'explique l'information que de ce parti de Dosithée serait issue la secte des Sadducéens ; cette affirmation, aucune saine critique ne saurait la rejeter. La doc-

* Suivant Josèphe [Antig., XIII, 1, 7), Ptolémée I Soter emmena de la Samarie et de Garizim des prisonniers en Éfryple. Voir A. Bûchler. Die Tobiaden und die Oniadeu, Vienne, 1899, p. 215.

' On objecte, d'ordinaire, que la secte des Dosithéens n'a pas pu apparaître im- médiatement après la naissance du peuple samaritain; mais de Salmanassar (722) à Philométor (146), il y un intcrva'le assez grand.

T. XLU, 83. 3

3i HEVUK DES ETUDES JUIVES

trine de ce Dosithée n'aura renfermé rien de plus que ce qui for- mait la croyance de tous les Samaritains, savoir la sainteté du Garizim. Aussi Josèphe à supposer que les deux individus soient identiques ne l'appelle-t-il pas un hérésiarque. On peut encore alléguer un autre trait de parenté entre les Dositliéens et les Sadducéens, en ce sens que l'opposition contre le judaïsme tra- ditionnel et contre les Pharisiens entraînait de soi-même une affi- nité spirituelle entre les Dosithéens et les Samaritains. Qu'on veuille se rappeler que plus tard aussi, du temps des Karaïtes, l'affinité spirituelle entre les Karaïtes, les Samaritains et les anciens Sadducéens éclata aussitôt : ils avaient tous en commun la haine du pharisaïsme.

Toutefois, pour ce qui est des Dosithéens et des Sadducéens, les sources ne marquent pas seulement une parenté spirituelle, mais un ordre de filiation : elles font sortir les Sadducéens des Dosi- théens ; il y eut d'abord l'opposition dosithéenne, puis les Saddu- céens s'élevèrent contre les Pharisiens. En dernière analyse, cette opposition a partir, non des seuls Dosithéens, mais de tout le peuple des Samaritains. Si les sources ne parlent que des Dosithéens, c'est apparemment parce que cette secte faisait plus vive profession d'appartenir au judaïsme* que ne faisait la masse des Samaritains, chez qui dans ces temps antiques il y avait probablement encore bien des pratiques païennes. D'après les opinions doctrinales qui nous sont parvenues des Dosithéens, et dont nous parlerons plus tard, l'on regarde ceux-ci comme les Pharisiens parmi les Samaritains, tandis que les Sebouéens pen- chaient plutôt vers l'Essénisme. Cependant le Dosithéisme, qui rejetait la tradition, constituait vis-à-vis du pharisaïsme une assez forte opposilion pour que la secte des Sadducéens en put sortir. Tout cela ne s'est probablement précisé que le jour la contro- verse fut agitée devant le roi d'Egypte -.

C'était plus qu'une dispute banale, car la partie battue était prévenue qu'elle subirait la mort, ce qui arriva effectivement ^ Une autre preuve de l'importance de cet événement, c'est que les sources samaritaines en i)arlent également, avec cette différence qu'elles font des Juifs les vaincus et les victimes. Car le récit de la dispute entre Zorobabel et Sanballat devant Nabuchodonozor * dans

« Hamburger, lical-lincyrlop , II, 10GO, observe justement qu'un rapprochement Be (it entre Dosithéens et l'Iiansiens,

* D'après Aboul-l'"alh, il s'agit, dans la controverse, de reconnaître la version grecque do la Bible.

* Graetz, G'esch. d. Jndcn, III, G")() (4* édit.) conteste qu'il y ait eu exécution.

* Liber Josuae, éd. JuyahoH (Leyde, 1848), ch. XLV ; Kirchheim, Kann^ Schomron, Francforl-s.-M., ISijI, p. 83.

DOSITHÉE ET LES DOSlTHÉENS 3o

Aboul-Fath, aussi bien que dans le livre samaritain de Josué, est évidemment imité du récit analogue de Josèphe : dans Josèphe, comme dans les sources samaritaines, il s'agit de savoir lequel des deux temples, de Jérusalem ou de Garizim, est le véritable, ou, du point de vue d'une époque postérieure, se trouve la Kibla. Les Samaritains ne purent pas supporterl'injure rapportée par Josèphe, et ils retournèrent la chose. Ils n'avaient l'habitude de procéder ainsi que dans les questions qui étaient très importantes à leurs yeux, par exemple pour les événements qui se produisirent sous Alexandre le Grand. Étant donné qu'ils en usent de même sorte avec cette discussion, ils prouvent qu'ils y attachaient un grand prix. Cela ne ressort pas des paroles de Josèphe; dès lors, les Samaritains ont avoir là-dessus des traditions particulières. Nous ne croyons pas nous tromper en faisant dater de cette dis- pute la scission définitive des Samaritains d'avec les Juifs, et dé- rivant de là, eu égard aux noms de Sabbœus et de Théodosius, les Sadducéens des J)osithéens.

Un autre événement raconté par Josèphe nous servira de point de départ pour comprendre certaines informations qui nous sont rapportées sur Dosithée. Quelqu'^s Pères de l'Eglise parlent d'un Dosilhée qui aurait vécu peu après l'apparition de Jésus et qui fonda une secte encore avant Simonie Magicien, l'archi-hérétique. Le pseudo-Clément rapporte, au nom de Nicétes, que Dosithée aurait créé une secte après le meurtre de Jean-Baptiste '. Dosithée fut ensuite relégué dans l'ombre par Simon le Magicien, qui, dans l'histoire de la primitive église, parvint à une triste célébrité ^ L'historien de l'ancienne église qui mérite le plus de créance, Hégé- sippe, cité par Eusèbe», place Dosilhée à la même époque; seule- ment, chez lui, le rapport entre Simon et Dosithée est renversé, car il fait apparaître Dosilhée après Simon, ce que Hégésippe, ainsi que certains savants l'ont remarqué, n'a pas fait intention- nellement*.

C'est le moment de citer les données des sources samaritaines sur les Dosithéens. Aboul-Fath raconte d'abord à sa façon l'histoire de Simon le Magicien, qui se serait allié avec Philon d'Alexandrie contre les disciples de Jésus; immédiatement après, il fait surgir les différentes sectes de Dusis, qui, par conséquent, aurait vécu à l'époque des Apôtres. Or, dans une autre chronique

Recogn., II, 8 : interfecto baptista Johanne.

» Comme on le sait, le livre juif Tolcdoth Yeschou reproduit la lutte entre Pierre et Simon le magicien.

' Eusèbe, Hist. Eccl., IV, 22, o.

* Hilgenfeld, KetzergcscMchte, p. 15G.

36 REVUE DÈS ÉTUDES JUlVÊS

samaritaine, le fondateur de la secte s'appelle Doslhis (o'^fiD'n) ', en sorte qu'il n'y a pas de doute que Dusis désigne également Dosithée. Nous devons, comme chez Hégésippe, corriger l'ordre chronologique, de manière à placer Dosithée avant Simon. Signa- lons aussi Origène-, toujours bien informé, qui compare l'appari- tion de Dosithée avec celle de Juda le Galiléen'. De la sorte, on appelle notre attention sur le caractère messianique de Dosithée, si bien que Dosithée se présenta comme Messie chez les Samari- tains, à l'instar de Jésus chez les Juifs. 11 est naturel qu'Origène ait préféré comparer le Samaritain avec Juda plutôt qu'avec Jésus, la messianité de Jésus étant à ses yeux infiniment supé- rieure à toutes les apparitions de même ordre.

A ce mouvement messianique chez les Samaritains s'adapte fort bien un récit de Josèphe [Aiitiq., XVIII, 4, I) *, d'après lequel il y eut vers 35 après J.-C. une émeute sanglante à Samarie, que le procurateur Ponce-Pilate réprima avec une rigueur non moins sanglante. A la suite de ces événements, Pilate fut rappelé ^ Mal- heureusement, Josèphe ne nous indique pas le nom du fauteur de cette émeute ^ ; cependant, à en juger par toutes les sources citées plus haut, ce devait être Dosithée '. Dès lors, nous pouvons rat- tacher l'apparition du premier ainsi que du second Dosithée à un événement historiquement et chronologiquement déterminé. Sur les deux hérésiarques qui portent le nom de Dosithée, il y a toute une série de témoignages concordants, en sorte qu'il faut regarder comme tout à fait certains les deux événements. La divergence des récits sur les deux événements a déjà forcé l'écrivain ecclé- siastique Philastre % au iv« siècle, d'admettre deux Dosithée, et c'est, en effet, le seul moyen de dissiper la confusion. Parmi les modernes, Nutt ' a pensé qu'il fallait admettre au moins trois

Chronique samaritaine, par A. Neubaucr, Paris, 1873, p. 21 (extrait du Journal asiatique^ 18C'J). Wilmar, l'éditeur d'AboulFath, prouve encore ridenlilé de Dusis avec Dosithée par ceci, que les partisans des deux hérésiarques s'appellent indistinc- tement Dosithc'ens.

» Hom. i.5 in Luc. fOpp., 111, 962) : dictuin l'uerat de Jeanne qui ipse esset chris- lus (£mc., III, 1o), quod quidem nonnuUi etiam de Dosilheo Samarilano haeres-iarcha dixerunt, alii vero de Juda Galiiieo. Dans Contra Cels., I, o7, Origène parle d'abord de Tbeudée et de Juda, puis de Dosithée.

» Cf. les observations de Mosheira dans la traduction d"()rifïène (Hambourfr, 1745), p. 123 elti13surle Contra Celsum,Yi,\\. Urigône parle encore ailleurs de Dosithée.

Dans Bell. Jud., III, 7, 32, il est question d'un événement analof^ue sous Vespa- sien. CI'. Chronicon Paschale dans Mi-tie, Patr. â'mecfl, XCIl, 441.

' Uraetz, Gesrh. d. Jtiden, édit., III, 315.

* cuo-pÉ^Ei yàp iùToû; àvrjf .. .

' Ainsi déjà Wilmar, l. c., p. lxxii. Renan, Les origines du christianisme^ 2* éd., V, 452, ne sépare pas les sources et les rapporte toutes au môme Dosithée.

* Haeres., IV.

» Fragmentt ofSam. Tanjum, p. 48.

DOSITHÉE ET LES DOSITHÉRNS 37

Dosithëc. Cependant, à mon avis, Nutt se tronope en admettant, à cause du Tanlioiima, du Yalkout et de Pirhé di R. E., un Do- sithée spécial qui se serait appelé Dosithée ben Yannaï. Ce Dosithée est identique au Dosithée qui a précédé le Sadducéisme, et les mots h. Yannaï, comme nous l'avons dit plus haut, sont entrés par erreur dans le texte du Midrasch. Le deuxième Dosi- thée, nous l'appellerons le Dosithée chrétien, pour le distinguer du premier, qui était juif. Toutefois il faut dégager des récits des Pères de l'Église un troisième Dosithée, le Dosithée encratite, qui prêchait un ascétisme extraordinaire'. Sur Vencratisme il faut consulter surtout Épiphane. Ce Père de l'Église donne les renseignements les plus copieux sur les Dosithéens, mais chez lui la confusion est aussi très grande. Si l'on rattache à l'encra- tite l'ascétisme dont il parle, le reste s'éclaircit de soi-même *.

Ce n'est qu'après ce départ que nous pouvons nous occuper du système des Dosithéens, en attribuant à chaque secte la doctrine qui est la sienne.

Nous ne savons rien de la personne du premier Dosithée; le seul renseignpment que nous ayons sur lui, c'est qu'il était un compagnon de Sabbéus et qu'il fonda avec lui une secte au sein des Samaritains ^ S'il est vrai qu'il est le Théodosius dont parle Josèphe *, il en résulte qu'il aurait vécu en Egypte, sans doute après qu'il eut fondé sa secte en Samarie. Sa doctrine ne peut naturellement rien avoir de chrétien; cet indice suffira pour le distinguer de l'autre Dosithée. Dosithée rejetait les Prophètes % ainsi que tous les Samaritains. En outre, il niait la résurrection et la rémunération future *=. C'est probablement à ce trait que les

* Ilarnack, Gesch, d. altckristlicken Literatur bis Etisehius, 189-3, I, 152.

^ Ici se place le récit d'après lequel Dosithée aurait jeûaé dans une caverne jus- qu'à ce qu"il mourût d'inanition. D'autres veulent y voir une imilalion de Jésus, pour préparer les disciples à la résurrection. Ce q'ii marque un caractère nettement encratique, c'est l'abstinence de créatures vivantes (bvl-'r/M-i à.T:i/fri-7.'. . Certains Dosithéens auraient mené une existence libertine, les autres auraient conservé leur virginité. Les premiers formaient les véritables Dosithéens qui auront vécu à la fa- çon de Simon le Magicien, qui se faisait accompagner de sa femme Hélène; les seconds sont probablement les partisans du Dosithée encratite.

' Voir les passages midraschiques cités plus haut. Oopenheim [Magazin, \, 68) voudrait reconnaître dans le Midrasch le nom des Gorothéens, autre secle samari- taine. Mais je trouve sa démonstration insuffisante. Aboul-Fath, p. 82, donne comme fondateur du Dosithéisme un certain Zar'ah, qui est représenté comme maitre des Dosithéens. Cf. de Sacy, Chrestomathie arabe. Paris, 1806, II, 485.

« De mémo Graelz, Ili, édit., p. 44 ; cf. note 5.

5 Pseudo-TertuUien (Hippolyte I), Uaeres., 1 : Taceo enim Judaismi haerelicos, Dositheum inquam Samarilanum, qui primus ausus est prophetas quasi non in spi- ritu sancto locutos repudiare. . . ; cf Philastrius, Haeres., IV, V.

« Epiphane, Haeres.. IX, XIV. Nuit cite encore (p. 40, noie 1) : Leontius. De Sectis, Vlil; Gregorius Magnus, Moral., I. lo ; .S//rr sur Nombre?, xv, ?,\. et Masséchet Kouthim, 2, sub fine.

38 HEVUE DliS ETUDLS JUIVES

Dosithéens doivent la gloire d'avoir été les prédécesseurs spiri- tuels du sadducéisme.

Nous en savons un peu plus long sur le Dosithée plus jeune. S'il en faut croire la Chronique samaritaine, il était fils de Palpouli ', probablement Philippe. Suivant la même Chronique, il n'appar- tenait pas à la race des Samaritains, mais au « mélange » qui sortit d'Egypte avec les Israélites et qui habitait en grand nombre la Samaritaine ^ Mais il se peut que cela signifie simplement que les autres Samaritains récusaient cette secte. D'ailleurs, d'après Épiphane il n'était pas Samaritain d'origine, mais c'était un Juif tombé dans le Samaritanisme \ Or, comme les Samaritains se regardaient comme le vrai peuple d'Israël et tenaient les Judéens pour dégénérés, il se pourrait que la Chronique samari- taine reproduisît cette façon de voir. En qualité de fondateur de secte, il eut Simon le Magicien pour disciple*; nous préférons cette version à celle qui fait de lui le disciple de Simon s. Il se donnait pour le Messie prédit par Moïse (Deut., xviii, 15), et ainsi il induisait la foule à embrasser sa doctrine ^ Origène ne répète pas moins de quatre fois ce détail; donc ce trait doit être historique. Origène observe justement qu'il était, en quelque sorte, dans l'esprit de l'époque des apôtres que beaucoup d'indi- vidus se présentassent comme des Messies, témoins, entre autres, Theudée et Juda le Galiléen. D'autres l'avaient prétendu de Jean- Baptiste et l'on est presque unanime à attribuer un rôle pareil à Simon le Magicien. Origène n'en dit pas davantage. Je pense donc qu'il faut imputer à Tarchi-hérétique Simon les autres récits qui courent sur lui, savoir qu'il se donnait pour l'Étant [stans, £7T('):) \ qu'il se promenait avec une femme du nom d'Hélène, qu'il disait être la Lune, qu'il s'entourait de trente disciples, confor- mément aux trente jours du mois. A retenir l'indication d'Origène qu'on montrait des livres de Dosithée, qu'on racontait des mythes sur lui, comme quoi il n'était pas mort et était encore en vie^.

' l'DlcbD 13 DTIDT7.

* nm-13nn-iy 112 -, Aboul-Falh, p. ini, dit également 2"13nybN. ^ Saeres., XIII (XIV).

* Pseudo-Clément, Homil., II, 23. ' Hégésippe, voir plus haut.

•^ Origène, Contra Celsum, I, 57; In Matth. comm. ser., c. 33 ; Hom. 2S in Luc.; Jn Joan., l. XIII, 27.

' On n'entend pas bien généralement le mol éa-rw; ; ainsi Ililgeufeld dit qu'il signilie le mois fixe (p. Zl), or il s'agit de Dieu qui est I<îtw; et iaoïu-éoç, (cf. wv dans LXX, Ex., 111, 14 1 ; Dosithée se présente sous le premier vocable.

" In Joan., t. XIII, 27: AoçiQeivoI çépovxîs xai Biê).oy; toO AoeriOéou xat

|i.û'lO'j; Ti'va; :T£p't a-JTO'j 5ir,YoO [Acvoi (o; pi.r| Y£'j<ja[i.£vo"j OavàToy, à),X' Èv tio [Hw to'j TuyyoîvovTo;.

DOSlTllEli El' LES DOSITHEENS 39

Autant de preuves que Dosithée se donnait tous les airs d'un Messie et qu'il voulait faire concurrence à Jésus. Cependant, dit Origène', cette secte a disparu, il n'en resterait qu'une tren- taine d'adeptes.

Arrêtons-nous à ce point, sur lequel on a jusqu'ici jeté trop peu de lumière. Il est établi que plus de mille ans après, il y avait encore beaucoup de Dosithéens. Comment faut-il donc entendre l'assertion d'Origène ? Ordinairement on se tire d'affaire en décla- rant qu'Origène était mal renseigné; c'est un jugement qui vaut pour tous les autres Pères de l'Église plutôt que pour Origène. A mon avis, il faut faire une distinction : la s':Cte chrétienne des Dosithéens s'éteignit, tandis que la secte juive, celle de Dosithée l'ancien, se maintint en vigueur. J'incline à croire que le siège principal de cette secte se trouvait en Egypte, où, d'après Josèplie a eu lieu la scène de la polémique de Sabbj^us et Dosithée. C'est en Egypte que le patriarche Euloge d'Alexandrie, qui mourut en 607 -, eut à rendre un jugement sur les discussions des sectes samaritaines ^ Les uns tenaient Josué pour le prophète annoncé (Deut., XVIII, 15, 18), les autres regardaient comme tel le Sama- ritain DosthèneCAoTOr'v)*. En d'autres termes, en face de la grande masse des Samaritains qui attendaient le Messie (en samaritain ainn = celui qui rapporte) dans la personne de Josué, il y avait une secte qui comptait sur la parousie de Dosithée. Il s'agit, non du Dosithée plus récent, mais de l'ancien, que ses adeptes pla- çaient sur le même rang que Josué et en qui ils voyaient le sau- veur. Là-dessus nous renseigne la phrase, qui déclare que Dosithée méprisait les Prophètes et le patriarche Juda et reniait la résur- rection '". Or, tout cela, comme on le sait, est la doctrine de l'ancien Dosithée, le fondateur du Sadducéisme. Nous apprenons encore,

» Contra CeUum, VI, 11.

* Lorsqu'on lit, comme on fait généralement, au lieu de Mapx'.avô;, Tempereur Ma-jpiy.'.o; (382-603). Sur une autre dispute entre Samaritains et chrétiens sous Mar- cien, voir Wilmar, p. lxxiv.

' Dans Photius, ^ii/., Codex 230, qui donne des extraits de l'écrit d'Euloge : Opo: Èy.'f tjùvr,6ci: toî; laiJ.apîvTatç.

* Je regarde comme une erreur d'Eulege ces mots : t Dosthène, contemporain de Simon le Magicien. »

* Ici auFsi je néglige, comme inexacts, les versets au dire desquels Dosithée se serait appliqué tous les passages prophétiques et aurait Falsifié souvent l'Ocla- leuque mosaïque \r, oy.TaTî-jyo;). En guise de justification, je citerai les phrases sui- vantes tirées de l'ouvrage de F. Imman. Schwarz [Ex:rcttationes historico-cri- tirte utrumpie Samaritanoruin Fentateuchum, Wiiteinberg, 1736, p. 68) : Num Dosilheus eo audaci» processeril, ut rejectis prophelis et legem Mosaicam cor- rumperet, non satis certum est... Nec ipse Eulogius rem satis apte clareque prolert. Schwarz nomme aussi un savant qui aurait avoué ne pas savoir ce qu'était l'Oc- tateuque. Schwarz pense à rOctaleuque d'Origène. Hilgcul'eld, qui ne sait rien de Schwarz, entend par le Pentateuque, Josué, les Juges et Rulh (p. 158, note 267].

40 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

en passant, d'Ealoge que, suivant les Dosithéens, les anges sont d'une essence identique à Dieu', que les idoles sont des démons, qu'ils ne croient pas aux démons, que le monde est impérissable, que l'âme périt, c'est-à-dire que l'espèce demeure et que l'individu s'anéantit. Euloge aurait réfuté toutes ces opinions et puni les Samaritains. Ce qui ressort clairement de ces passages, c'est que la secte des Dosithéens était fortement représentée, au moins en Egypte. Comme elle n'avait rien de chrétien, puisqu'elle attendait encore le Messie et qu'elle ne le voyait qu'en Dosithée, il ne peut s'agir que de la secte plus ancienne des Dosithéens. Il est aussi intéressant de remarquer que chez Euloge (uu peut-être d'abord chez Photius ?) il y a hésitation, pour le nom, entre Ao^Oy;; et Aot'Oeo;, car, dans les sources arabes dont nous allons parler, cette secte s'appelle toujours Doustan.

D'après les informations arabes qui sont toutes recueillies dans Silvestre de Sacy-, la secte des Dosithéens a être répandue dans tout l'Orient mahométan. Au siècle, Massoudi parle de deux sectes de Samaritains, qu'il appelle Koiischan et Dousthan ; il s'agit évidemment des Kouthim (ûtiid) et des Dosithéens ; une de ces deux sectes, celle des Dosithéens, nie la résurrection, Schah- rastani connaît également les Donsitanyia et les Kousanyia^ et il dit des premiers : « Ceux-là pensent que la rémunération a lieu dans ce monde ^ ». Aboul-Fath dit des Z)05<a« (Dosithéens) qu'ils suppriment les fêtes ordonnées par la Loi ; ce renseignement con- corde avec l'indication qu'ils rejettent la table astronomique el que tous leurs mois ont trente jours. Hilgenfeld * remarque, à ce propos, que les Sadducéens prétendaient, eux aussi, compter par mois de trente jours •'> ; je ne crois pas l'indication exacte, attendu que, d'après le renseignement d'Épiphane cité plus haut et qui est en contradiction avec cette indication, les Dosithéens célèbrent les fêtes avec les Juifs. Aboul-Fath dit lui-même que les Dosi- théens comptent la Pentecôte à partir du deuxième jour de Pâque, donc tout à fait comme les Juifs ou les Pharisiens. S'il y avait quelque chose de vrai là-dedans, cela s'appliquerait aux Samaritains en général, donc aux Kousanyia et non aux Dostan.

Parmi le plus grand groupe des Samaritains se recrutaient

' tôjv iyyùwv r^ çy-ji; Trapà Oeo-j 'jTziavr^, Hilgenfeld traduit faussement : que les anges sont de pures créatures du néant.

' De Sacy, Chrestomathie arabe, 2' éd., I, p. 333; II, p. 216, etc.

* Schahrastani, jRelifjionsparteien und Philosophen-SchuUn, traduct. allem. de Th. Haarbrucker, I, 258.

* L. c, p. 160, note 271.

' Geiger, Urschrift und Ueberscliunrjun dcr Bi^el, p. l'iO, d'après Juda Hadassi, dans -iDDn '530N, 97, 98.

DOSITHEE ET LES DOSITHEENS 41

aussi les partisans de Dosithée le jeune, qui, comme nous l'avons vu, s'entourait de trente disciples, suivant le nombre des jours du mois. Il est question ici du plus ancien Dosithéisme, apparenté au Sadducéisme, comme le prouve la négation de la rémunération future ainsi que l'omission totale d'une prédiction messianique, laquelle a tant d'importance aux yeux du Dosithée plus jeune. Aboul-Fath nous parle encore de la stricte observation du sabbat. Or, cela s'applique aux Samaritains en général, et Origène, qui, selon nous, parle du Dosithéisme plus jeune, le rapporte avec raison à ces Dosithéens*. Aboul-Fath leur attribue encore une pureté lévitique excessive ; mais cela également est le fait de tous les Samaritains*. De même, l'usage de ne pas prononcer le tétra- gramrae est commun aux Dosithéens et à tous les Samaritains, qui le remplacent encore aujourd'hui par le mot Achima '^.JZ'Cf, = ûïjn ^ . Nous voyons que même Aboul-Fath ne distinguait pas bien les deux sectes des Samaritains ; d'autant plus grande est la confusion chez les autres écrivains.

Il nous reste à examiner quelques passages du Midrasch qui mentionnent expressément les Dosithéens en Palestine. R. Méïr s'entretient avec un Dosithéen de Cokheda (\nDiT ''nbx-:; -i\xt: Yx xnriD?:), comme dit justement un ms. de la Pesihta à Oxford, tandis que dans les versions imprimées le nom est précédé du titre de Rabbi (Pesihta, éd. Buber, 59 & ; Pesihta Rabbati, éd. Fried- mann, p. 82 b), ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer pour l'apôtre samaritain Doslhaï. D'autres versions [Midr. Prov., xiii, 25) font venir Dosthaï de Bé-Yéschebab (dt::-^ -^3») ; dans une autre source (Yalhout Prov., § 950), le lieu d'origine n'est pas indi- qué du tout. Comme il est presque hors de doute qu'il ne s'agit pas ici d'un maître déterminé, mais d'un Dosithéen quelconque*, ce passage nous apprend qu'à Gokheba, ville de Palestine, vivait des Dosithéens. 11 est intéressant de voir que dans les Abat di R. Nathan, !■■« version, ii, un R. Dosthaï émet la même parole que

* Origène, De princ, IV, 7 -. Âlii vero, ex quibus est Dosilheus Samarilanu?, no- tant quidem hujuscemodi exposiliones, ipsi autem ridiculosius aliquid staluunt.quia... ad vesperem débet permanere, id est vel si sedens, ut sedeat Iota die. vel si jacens, ut Iota die jacent.

* Cf. Saint Jérôme in Is., lxv, 4 : Samaritani et Judaei... Christianos fujîiunl quasi immundos. Voir aussi Nidda, 56 J, 57a; Kircheira, Karmé Schomrôn, p. 19 et 25.

» Silveslre de Sacy, Samantains, Iraduct. allem., 1814, p. 22. D'après li&XD- h\xxf:,e.r , B'.al-Encyclopaedie, II, 1069, le Talmud de Jérusalem dit déjà que les Sama- ritains prononcent N73^\U

* Ainsi Oppenheim, dans Magatin, I, 68, et Goldberp dans Ha-Maguid, XIJ. 62: voir aussi Krauss, Lehnwiprter. s. v. "^NrOI^ ; par contre, Bâcher, Agada dir Tannaxten, II, 32; Talkout, l. r., éd. de Venise, nomment dans le récit un TilS.

42 REVUE DES ETUDES JUIVES

R. Méïr d'après la version II, xxi ; probablement, il est également question ici d'un Dosithéen quelconque, le même que celui qu'on nous donnait plus haut comme étant de Gokheba. Cette localité, queNeubauer n'a pas pu identifier {Géogr. Talmud, p. 269), serait d'après Schwarz {Tebouot Ra-aréç., p. 93 a) le Bet Schemesch de la Bible ; de la sorte, nous pouvons ajouter cette nouvelle donnée à l'histoire des Dosithéens. Le célèbre Bar Cokliba, qui réellement s'appelait Bar Coziba, ne tient-il pas son nom de celte localité? Cela vaut d'être examiné, d'autant que les Pères de l'Église ortho- graphient son nom Xw/Éêaç ; en outre, les Samaritains jouent un certain rôle dans son histoire. Les Samaritains marquent à cette époque une telle activité que nous les voyons se mêler aux des- tinées les plus importantes du peuple juif ; dès lors, l'histoire de la puissante secte des Dosithéens est un morceau de l'histoire juive.

Samuel Krauss.

A L'

Depuis la dissertation de S. Neuda sur les noms des talmudistes {Litleralurhlalt des Orients, année 1845, p. 129-133 et 242-247), qui avait été précédée de l'étude de Zunz sur les noms des Juifs {1831 ; Gesam^nelte Schriften, II, 1), les noms de personnes se trouvant dans les écrits talmudiques et midraschiques, surtout les noms des Tannaïtes et des Amoraïm, n'ont pas fourni le sujet d'une étude d'ensemble particulière. Il est vrai que dans les lexiques et autres écrits traitant de cette littérature, on a ex- pliqué beaucoup de noms de personnes, surtout les noms emprun- tés à des langues étrangères, mais une étude embrassant toute la matière de l'onomatologie talmudique, quelque chose comme une explication philologique des articles du Séder Haddorot de R. Yehiel Heilprin, n'a pas encore été entreprise. C'est pourquoi toute contribution systématique à une onomatologie de ce genre doit être accueillie avec plaisir, et ce fut une heureuse inspiration du jeune savant viennois qui s'est fait si rapidement connaître par ses Marhus-Studien et d'autres travaux, M. H. P. Chajes, d'avoir utilisé, pour l'explication et l'éclaircissement des noms des talmu- distes, des matériaux qui n'avaient jamais été employés à cet usage. C'est le sujet d'une dissertation parue dans le Compte rendu des séances de l'Académie impériale des sciences de Vienne (section philosophico-historique, vol. CXLIII) et publiée à part : Beitrdge zur nordsemitiscUen Onomatologie.

Cette étude a pour but, comme l'auteur le dit dans sa préface, d'examiner les rapports des noms propres dans l'ancienne littéra- ture juive (Josèphe, Nouveau Testament, les écrits talmudiques et rabbiniques) avec l'épigraphie sémitique du Nord. Au total, il s'agit d'environ deux cent vingt noms propres, provenant en grande partie du Talmud et du Midrasch, que M. Chajes a trouvés également dans les inscriptions sémitiques du Nord (araméennes, phéniciennes, puniques). Il cite aussi en grand nombre des noms sémitiques qui se trouvent dans les inscriptions grecques. La

44 REVUE DES ETUDES JUIVES

juxtaposition est faite le plus souvent d'une manière concise, avec une indication précise des sources, suivant l'ordre alphabétique des articles.

Les matériaux utilisés dans les articles ne sont pas tous égale- ment précieux et dignes de confiance. L'auteur dit lui-même : « Je n'ai pas évité de mentionner mainte leçon peu sûre donnée par l'épi- graphie et par la littérature rabbinique. » Effectivement, un choix plus attentif des exemples eût été avantageux pour cet intéressant travail. Cependant M. Chajes, qui, outre le Corpus lascriptiomim Semiticariim ÙQ l'Académie des Inscriptions, a utilisé avec beau- coup de zèle d'autres productions de la littérature épigraphique, a composé un travail très digne d'estime et a démontré, ce qui nous intéresse spécialement ici, que beaucoup de noms de l'époque talmudique se retrouvent aussi dans d'autres domaines du groupe des langues sémitiques. Le nom de l'Amora palestinien "^iwaî* (= ■^"ix; îon) se trouve dans une inscription grecque sous la forme 'A6- (j^jixxol et 'A^;<oou|j.ap-f,ç, Le nom de "^^i^bî*, qui apparaît à l'époque des Tannaïm (de nîs'bN), se trouve sous la forme î^^^Vî^ dans une inscrip- tion palmyréenne. Le nom de "^ïJi^ (de "i^i^), devenu célèbre grâce au rédacteur du Talmud babylonien, se trouve aussi dans une ins- cription carthaginoise. Une analogie remarquable avec la célèbre épithète 'ii"i'^n(= "^nn T^n), qui se trouve aussi dans une baraïta {Mahkot, 5(2), peut-être comme nom propre d'un Tannaïte, est fournie par le B-riU^i d'une inscription grecque, dans les Epigra- phische Miscellen d'Eating. •'NO'^Dn, le nom du père d'un cé- lèbre Tannaïte, se trouve dans une inscription araméenne, sous la forme de î^ssn. On pourrait encore signaler beaucoup de particu- larités de ce genre parmi les résultats obtenus par M. Chajes avec ses comparaisons, grâce auxquelles des noms rares de talmudistes sont sortis de leur obscurité par leur rapprochement avec d'autres noms sémitiques du Nord fournis par les inscriptions.

Pour l'explication même des noms, M. Chajes a peu d'hypo- thèses nouvelles. Il se contente le plus souvent de citer les expli- cations d'auteurs antérieurs, en partie pour les critiquer. Dans ce qui suit, je voudrais corriger et compléter diverses indications de l'auteur. Dans l'art, i^î^n (p. 5), ce nom n'est pas expliqué du tout; je ne saurais, d'ailleurs, donner une solution satisfaisante de ses rapports avec 3i<, père; en tout cas, le ii de ce mot est celui- même qu'on retrouve dans les dérivés de n^ (au plur. irj3î«, en syriaque N'^naN, paternus). C'est à tort que M. Ch. rattache ce nom à naïî, qui ne se distingue de !!<3i< que par l'orthographe (cf. na*^ et t^a-i). Le nom de rriaN ne se trouve d'après M. Ch. que dans Pesihia Rahbati, p. "îô/;, éd. Friedmann (et dans le pas-

CONTRIBUTION A L'ONOMATOLOGIt: TALMUDIQUE 45

sage paitieldela Pesikta, éd. Buber, ol a-b). Mais, en réalité, nini< est ici une variante incorrecte de ■^"'25<, comme le montre Schir Rabba, sur ii, 13 ; l'exactitude du nom d'Abbaï en ce pas- sage est prouvée par le passage parallèle de b. Sanhédrin, 97 a. Par contre, ce nom est très connu grâce à l'exilarque rsiai* "in nnn, le beau-père du célèbre Amora babylonien Nahraan b. Jacob (voir à son sujet mon Agada der babylon. Amoraer, p. 81). Weiss {Geschichie der jûd. Trad., III, 176) écrit inexactement nn nm "inns. En ce qui concerne le plus connu de ceux qui ont porté le nom de ■'■^3n, il est inexact de dire qu'il portait en même temps le nom de ■'-ttns ; ce nom était son nom véritable, d'après celui de son grand-père, le père de Rabba b. Nahmani. Celui-ci éleva le fils de son frère, devenu orphelin de bonne heure, et dans la maison de son oncle le jeune Nahmani reçut le nom de ■^■^3i«, sans doute parce que Rabba, ne voulant pas l'appeler du nom de son propre père, lui donna un nom dont la signification était quelque chose comme « petit père ». D'après j. Berachot, 4 a, ■'-ni^ (p. 7) est cité comme nom d'un Amora. M. Ch. suit ici Frankel [Mebo Hayycrouschahni, 62 a); mais, en réaiilé, "^"nx est ici une cor- ruption de ■'Ti< (Idi). Voir la remarque de Buber sur Tanhouma, ^b ']b, 1 ; Die Agada der paJdsiinensischen Anioriùr, III, p. 704, note 3. Pour ■'i^mnx (p. 8), il y a aussi la leçon "'î^n-'nN (Guitlin, 39 6). Peut-être ce nom dérive-t-il de bsnTi.s. Dans le nom de femme û-^n» riTi.s [Ketoiibot, 87 a) , la première partie n'est pas vraisemblableme/it, mais sûrement identique à nSj\s dans le nom de ûibo Ntt"'N. Le nom du grand-prêtre Elionaeus (cf. Mischna Para, III) n'a rien à faire avec Elia (p. 9) ; c'est le nom qui se trouve dans Ezra, viii, 4, et I Chron., xxvi, 3, et que l'on ren- contre aussi chez les Amoraïm palestiniens (voir Die Agada der p. Am., III, 564). Le mot î^d-^n [ibid.) est une abréviation de \s:'b\^ et a encore d'autres variantes (voir Die Agada de?' p. Amor., III, 699). La leçon nbtts [Tosefta Bechorot, ch. iv) est sûrement une corruption de NP-^iS de la Mischna de Bechorot, vi, 8 (le texte de la Mischna de Lowe porte N5'^"'i<). C'est un nom d'homme se rattachant à Vi^ (chevreuil), auquel correspond î^nb-» (wSnb-'N), comme nom de femme. Le rapprochement de dVpp"'dn avec un nom arabe nbssx (p. II) est certainement inexact, ce mot étant indubitablement un mot grec. i<"'j»"iî< (p. II) n'est autre chose que CT;fe"iî< (voir Krauss, Lehmvorter, II, 132). A propos de NriTiCi^ (p. 11), il eût fallu mentionner les variantes citées par Rabbinowicz {Dikdoukê Sôfrim, V, 195) sur Eroubin, 62 a : «nTi^iSî et î^mn'^j-'». Cette dernière leçon est peut-être la leçon originale et signifie : « l'homme de la mûre » (cf. le nom de lieu

•6 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

i<nin'-.'^3, ^,^. dtr Tawiaiten, I, 442). Au sujet du nom ■>n'ia {Menah., 3ôb), Rabbinowicz (XV, 87) cite plusieurs variantes. Le nom de n-^sroia (p. 12) n'est pas un nom d'homme. Abba Saul b. Botnit (c'est-à-dire de la Batanëenne) vivait, d'après l'explication exacte de feu J. Derenbourg, au i" siècle. Si dans Nedarim, 23 «, on nomme, comme fils de cet Abba Saûl, n->roi3, c'est une tradi- tion erronée. Au sujet du nom de ïT''>;3 (aussi nwS5a),»il eût fallu, en tout cas (p. 13), faire un rapi>rochement avec le nom biblique rrjZ, Le nom de -^K-^n ne peut être identifié avec mJz^ (p. 17). ^7:"'i est une abréviation de ■'»">'73i<, comme on le voit par l'identité du Dimi du Talmud babylonien avec î^mn; ■'i:"nnN '-i du Talmud de Jérusalem (voir Frankel, GO a ; Die Ag. der pat. Am , III, G91) Au sujet du nom si étrange NrTvsn (p. 18) et :in"2 (p. 12), mon hypothèse (Die A g. der Tann., I, 11) méritait d'être prise en considération. Le nom si fréquent de î^sir: (p. 18) paraît devoir être expliqué par Niin. En tout cas, il est établi que le célèbre agadiste du iv® siècle, appelé ordinairement Niiln, est aussi désigné sous les noms de N'^-'Sin, 5<3in et N-^snni (voir Die Agada d. paL Am., 111, 272). Cette dernière forme nous offre le nom complet (cf. rr^pn p !T^;"inD, Tannaïte du i"" siècle), d'où dérive rr'ïin (= '12via;, Onias). L'identification de DW'^imavec Eùf,uoY,[j.oç se trouve déjà chez Neuda. A propos du nom de n13t (p. 19), il eût fallu mentionner Zébédée, le père des apôtres Jacques et Jean (Math., X, 2; Marc, m, 17). —A propos de b^in (p. 20), il y a : a mot rare, par exemple jer. Terownof, 45c; j. Aboda Zara, 41a ». En réalité, ce sont deux passages parallèles et le nom ne se rrn- contre nulle part ailleurs. La comparaison avec "'r^bx tt (= Zaïd allâh) est très problématique. Je suppose que b^T est une cor- ruption de bTa, nom fréquemment usité. Au sujet de ■'•'Dbn (p. 23), M. Ch. mentionne aussi t^D-^brin, :]"'bnn. Il aurait rappeler que le substantif se trouve déjà dans le BarSira hébreu. "'Tjvn:^ n'est pas le surnom de l'Amora "^^un an 13 (p. 25), mais Tabiômi (au sujet duquel il aurait pu mentionner aussi le grec Euhemeros) était son véritable nom ; (=: maître) est son nom honorifique qui s'est substitué au nom véritable, comme c'était le cas pour Rab et Rabbi. D'^'ia:: (p. 25) n'est qu'une des diverses variantes du nom deTibérianus (aram., Tabrinaï ■^i2nau). Ce n'est donc pas Tibérius qui est la forme primitive. Dans Ag. d- pal. Amor., 11, 210, note 7, j'ai émis l'hypothèse que ce nom a été introduit chez les Juifs à l'époque de Tiberianus, qui fut gouverneur en Pales- tine vers 114. Dans le passage de Nazir, 43 b, cité à propos de n:i-!3 (p. 26), le mot nn devant ^jTi^ est omis. On veut parler de l'Amora Kahana ; les mots ap^"^ p iT:'"«bx '-la s'appliquent au ce-

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lèbre Tannaïte de ce nom (voir Rasclii, ad loc). L'identifica- tion de n\s73 avec Major r^ MaVcoi (p. 28) est tout à fait inexacte. ■'r:» ne peut être considéré comme un nom de personne sur la foi du seul passage cité, j. Sanhédrm,'l&b, 1. 25. Dans ce passage certainement corrompu, "^rûTo est le verbe bien connu. Dans le nom deîO'i:?» -ia r-n'i'n'' (Sota, 41 b), le mot J^ai3>» n'est cerlaine- ment pas un nom de personne (p. 29); m^-^yt: -a est le singulier de isn^:?'^ ""Dn et signifie habitant de l'Ouest, c'est-à-dire Palestinien, comme t-îi^n'i:'». Je n'admets pas que i<n-itt, qui est un nom de femme xy.x' â^v.'V' (= maîtresse), soit aussi un nom d'homme (p. 30). Dans Sanhédrin, 5 a, il y a bien Nnn)o parmi les frères de Hiyya, mais rien n'empêche de croire que c'était une sœur de Hiyya qui est nommée à côté de ses frères. Ailleurs aussi, on trouve le nom de Nn-i», l'opinion que ce nom est un nom de femme est la seule exacte (voir aussi Sèder Haddorot, s. v.). Dans b. Pesahim, 103 a, Nnn» est une corruption de î«5T15û (une autre leçon porte nsTia. Voir Rabbinowicz, in loc, VI, 312). Ce n'est pas lit: (p. 32) que s'appelle, suivant Graetz l'empereur palmyréen Odenath {Kelonb.,bl b), mais -ii:3 na (ï^dd). Akabia b. Mahalalel (p. 35) n'a pas vécu à l'époque de Jésus, mais vers l'an 100 après Jésus. Au sujet du nom «"'Vd, il fallait mentionner le mot bi- blique T-t-^bt (I Cliron., m, 24; voir Die Ag . d. pal. Am., III, 782).

iicn-: (p. 38) n'est pas « le cognomen d'Eléazar b. Dinaï », mais celui de Tehinna. Dans la Mischna, Sola, ix, 8, on nomme comme les û"«;ni:"i qui sont mentionnés là, les farouches zélotes des dernières années de Jérusalem, Eléazar b. Dinaï et Tehinna b. Perischa. 5<a">nD n'est autre chose que «l'ap-.^aïoç. Dans la Mischna on fait encore celte remarque que Tehinna (cf. le nom ï^snn N3iî) a été appelé ensuite, non pas j<0"'nD p, mais initnrr in.

Dans le nom *[ri: la {Edomjot, viii, 7 , ivir n'est certainement pas le nom du père (p. 39). L'explication de "^î^tûs:»!: [Sabbat, 63 a) par Sémiramis (p. 39) a déjà été donnée par Selig Gassel {Litteratiirblatl des Orients, V, 586 et suiv.). N73\-i (p. 47) doit sans doute s'expliquer comme dérivé de N»''i<ri (^naiNn, 0wtj.a;=r AiouuLOî, Jean, xi, 16). Cf. le nom de aà'^'ii de l'araméen «>«©(= biî<vj).

Budapest.

W. Bâcher.

LES GLOSES FRANÇAISES (LOAZIM)

DE GERSCHOM DE METZ

INTRODUCTION.

L'étude que j'aborde n'est pas sans avoir déjà sollicité les travaux d'un certain nombre d'érudits. Mais les uns n'étaient que des bébraïsants, et les autres, romanistes autant qu'bébraïsants, n'ont pas eu le loisir de poursuivre l'œuvre qu'ils avaient entre- prise. Je voudrais que cette introduction servît à relier les jalons qu'on n'a fait que poser. Après avoir embrassé l'ensemble d'une façon générale, je reviendrai au point de départ pour étudier le plus ancien recueil de loazim (ou gloses françaises écrites en caractères hébreux) connu jusqu'ici. Les glossaires et recueils de loazim s'étendent sur un espace de cinq cents ans, du x'^ au xve siècle. L\x x= et au xi» s., ce sont, à vrai dire, les seuls docu- ments pouvant, en l'état actuel des choses, servira la reconstitution du français. Car, abstraction faite des Serments de SIrasboiirg (842, 14 février) et de la Canlilène de sainte Eulalie, qui date du x*^ s., nous n'avons du s. que la Passion et le Saint Léger, dont les manuscrits ne sont que du x^ (fin), et le Jonas, et du xi« s. Saint Alexis et la Chanson de Roland, dont le manuscrit le plus ancien ne date que de l'extrême fin du xn« s., et à la fin du siècle le Prier inage de Charlemagne à Jérusalem.

Dans les documents diplomatiques, le français n'apparaît qu'au début du xiii« siècle. M. Paul Meyer', dans ses Observations gram- maticales sur quelques chartes fausses en langue vulgai7'e,a dé- montré que les documents du xi" et du xu* siècles écrits en français' sont apocryphes ou traduits du latin. « C'est, dit M. Giry *, dans les villes du Nord qu'on paraît avoir commencé à écrire des chartes

* Bibliolhèqu* de V Jicoli des Chartes, série, lorae III, pp. 1'?o-138.

* A. Giry, Manuel de Jijdomaliçue. 1894, p. 467, G8, G'.',

LES GLOSES FRANÇAISES DE GERSCilOM DE MtTZ 49

en langue vulgaire : ce furent d'abord les contrats privés reçus par les échevinages qui taisaient fonction de notaires. Il s'en est conservé en quantité considérable dans les archives du Nord de la France et de la Belgique. La ville de Tournai, dont le fonds est le plus riche, possède plus de douze cents de ces actes, rien que pour le xiii" siècle : l'original le i)lus ancien d'un acte français que j'y aie pu voir est de 1206. A. Douai, la série des chartes en langue vulgaire remonte à 1204. A Saint-Omer et à Arras, les actes en langue vulgaire sont également fort nombreux et ne remontent guère moins haut, A Saint-Quentin, la plus ancienne charte fran- çaise datée, conservée aux archives de la ville, est de 1218, mais plusieurs de celles qui ne portent pas de dates semblent antérieures de quelques années, et, en outre, deux chartes de même prove- nance, l'une de 1213, l'autre de 1214, se trouvent aujourd'hui dans d'autres dépôts.

C'est également dans la première moitié du xiii* siècle qu'appa- raît la langue vulgaire dans les actes de L ège et de Naraur.

Le français apparaît dans les chartes lorraines dès le commen- cement du xiii" siècle, et encore les plus anciens documents écrits en français sont des contrats rédigés dans les échevinages... Après les documents des régions du Nord et de l'Est, c'est sur les confins des pays de langue d'oc que l'on rencontre les plus an- ciennes chartes en langue vulgaire. On en a signalé en Aunis et à La Rochelle depuis 1219, en Saintonge depuis 1229, dans le Bas- Poitou depuis 1238. Au contraire, ce n'est que depuis le milieu du xiii° siècle que le français fait son apparition dans les textes de l'Anjou, de la Touraine et du Berry. »

On comprend donc aisément la valeur de ces glossaires hébréo- français du x«, du xi* et encore du xii« siècles. A partir de la fin du xii» siècle, les monuments littéraires abondent, et à partir du xiii«, les monuments diplomatiques. Les glossaires hébréo-français du xii'^ et du xiii« siècles ont cependant encore lieu d'intéresser le romaniste. Ils lui offrent d'abord, au point de vue lexicologique, une foule de mots populaires qui n'entrent pas dans des documents de la littérature ou de la diplomatique. Ils servent, en outre, à éta- blir, grâce à la richesse de voyelles que possède l'hébreu, avec une grande rigueur la prononciation du français : le glossaire 302 de la Bibliothèque Nationale ' est, à cet égard, extrêmement précieux. Mais, pour retirer tous les fruits de cette étude, il faut s'entourer de certaines précautions, rendues nécessaires tant par le genre

' Fonds hébreu, 302, qui paraîtra prochainement. Pour plus amples développe- meals voir également le complément a l'introduction concernant i'alpiiabet hébréo- français.

T. XLII, N-^ 83. 4

50 RKVUE DES ÉTUDES JUIVES

très spécial de ces documents que par le genre de vie très spécial de leurs auteurs.

Malgré des exceptions très remarquables que l'on rencontre surtout dans le Midi de la France, les esprits ont toujours été plus tolérants que dans le Nord la situation des Juifs a été de tout temps une situation inférieure'.

Mais ils parlent la langue de ceux qui les entourent. Et parfois même, en quittant le pays qui les a vus naître, ils emportent avec eux la langue de la mère-patrie, et vivant toujours entre eux, ils continuent à la parler dans un pays elle peut être abso- lument incompréhensible à tous ceux qui les entourent. S'ils restent dans leur propre pays, leur langue subira toujours, malgré la réclusion de ceux qui la parlent, l'influence de la langue qu'on parle autour d'eux : elle évoluera tout aussi rapidement que celle des non Juifs. S'ils vont dans un pays l'on se sert d'une langue différente, leur langue continuera à évoluer : la prononciation s'altérera, le sens des mots changera peu à peu ; certains d'entre eux conserveront des sens qu'ils avaient primitivement ou même des formes très anciennes : de une langue spéciale, archaïque par certains côtés, ayant subi, en tout cas, une influence particu- lière, qui pourra être le français, l'italien, l'espagnol, le por- tugais, etc., mais qui pourra tout aussi bien être le judéo-français, le judéo-italien, le judéo-espagnol, le judéo-portugais, etc. Il faut donc toujours quand on veut dater tel ou tel glossaire, tel ou tel recueil de loazim faire la part de l'élément ancien et celle de l'élément nouveau et, de même, quand on voudra en tirer des conclusions philologiques, phonétiques, lexicographiques, etc. Cette opération très délicate sera facilitée par la comparaison quand cette comparaison sera possible de ces documents hébréo- roraans avec des documents contemporains. Mais en l'absence de ce terme de comparaison, on pourra reconstruire la langue des Juifs de tel ou tel pays, de telle ou telle région, mais non peut-être d'une façon absolument certaine la langue de ce pays, la langue de cette région.

Il y a encore, pour les glossaires hébréo-français, une raison qui pourra faire persister l'emploi de certains archaïsmes. Tous les glossaires hébréo-français que nous connaissons (sauf, bien entendu, celui de Rabbi Gerschom, de Metz) « s'ils ne tirent pas leur origine d'un glossaire commun, dérivent cependant d'une même inspiration, du même enseignement, celui de Raschi * ».

» Cf. Viollet, Histoire du droit civil français, cii. VIII, pp. 353-364 (2' édilion). » A. Darmesteler, Glosses et ylossairts hébreux français, liomania, I, 1872, p. 176.

LES GLOSES FRAiNÇAlSES DE GERSCHO.M DE METZ ol

Il eut une influence considérable sur l'enseignement donné par les rabbins qui commentaient la Bible et le Talmud dans les écoles. Il eut un succès prodigieux (ians les écoles il était donné, et de toutes parts on accourait pour assister aux cours de ce rabbin. La netteté de ses explications et la nouvelle méthode qu'il employait frappaient vivement ses auditeurs : et il arriva ce qui arrive presque toujours quand des disciples d'esprit moyen veulent con- tinuer l'enseignement d'un maître d'un esprit supérieur qu'on s'en tint très souvent à la lettre même de son enseignement, et on le reproduisit purement et simplement jusque deux siècles après sa mort. Raschi avait donné dans son œuvre un grand nombre de loazim. Et deux siècles environ après que l'enseigne- ment de Raschi eut commencé, on reproduit encore quelques-uns de ses loazim, A. Darmesteter, après avoir insisté sur la « brillante destinée » de l'œuvre totale de Raschi s'occupe du sort réservé aux loazim et dit : « Les glosses françaises étaient bien enve- loppées dans le respect qui entourait le commentaire. Mais ce respect ne pouvait cependant empêcher les erreurs et les altéra- tions, et si des scribes se permirent des interpolations dans le texte du maître, d'autres purent se croire autorisés à supprimer ou à rajeunir les loazim. En général, la correction des glosses est en raison inverse de la multiplicité des copies. Les glosses du Pentateuque, sans cesse transcrites, sont plus altérées que celles du reste de la Bible, moins souvent copiées, et ces dernières, à leur tour, le sont plus elles-mêmes que celles du reste du Talmud, dont rétendue a plutôt effrayé la patience des scribes ^ »

Si toutefois nous examinons les rapports entre les loazim de la Genèse dus à Raschi et les loazim de Rabbi Joseph, fils de Simson, contenus dans le ms. fonds hébreu 302 de la Bibliothèque Natio- nale ^ nous trouverons, malgré les altérations, les modifications, les adjonctions, les rajeunissements, etc., dont la Genèse, si sou- vent lue et commentée, a été l'objet, un grand nombre de loazim remontant à Raschi et transcrits parfois même avec la pronon- ciation du temps vivait Raschi. Pour en donner une idée je transcrirai ici sur une première colonne le loaz de Raschi et sur une seconde le loaz correspondant du ms. 302. A droite du mot hébraïque, je donne la transcription en français.

» A. Darmesieter, Ihid. L'Histoire littéraire de la France (t. XVI, p. 33" et suiv. t. XXII, passim à partir de la p. 434) donne également des détails intéressants.

» On trouvera dans la publication du gloss. 302 ^B. N.) la discussion d'attribution et la date de ce glossaire.

52

REVUE DES ÉTUDES JUIVES

5CHI.

1,2.

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IV, 18.

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23.

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XI, 3.

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XIV, 14.

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XI, 3.

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XV, 12.

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XIX, 17.

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28.

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XXII, 3.

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16.

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XXIV, 14.

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XXV, 21.

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XXX, 20.

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32.

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37.

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32.

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37.

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37.

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XXXI, 12.

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34.

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37.

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Nipsn dunase n'a pas de correspondant.

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■l^73in HUMER n'a pas de correspondant.

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Nf->^n5nN OUVRENE

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T^â-'an-'n hérbejera

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Ujbp'^-'D-'N É PÉYSELÉS

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aîinlTlON APRUVEHONT

XXXIII, 10.

11.

13.

XXXVII, 2.

16.

XL, 10.

10.

1.

16.

XLI, 1. 1.

5. 5.

6.

6.

7.

15.

15.

19.

40.

xun, 16.

xuv, 2.

XLV, 2.

XLvii, 6.

XLVIII, 7. XLIX, 6.

11.

13. 19. 20.

rS-^'-^priN APAYAS

LKS GLOSES FRANÇAISES DE GERSCHOM DE METZ

aîT^^-^DJ* ÀPAYEMAiNT

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53

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nibo salua

n::-^-^d péyze

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•^:v2yp sérmont

Kp-172 MARCHE Ki:::.^ TRAZE n'a pas de correspondant.

Quelques rajeunissements d'expression, des rajeunissements de forme également, mais bien des mots ayant la même signifi- cation, quelques-uns même textuellement reproduits de Raschi, voilà ce que nous montre la comparaison de ces deux textes, entre lesquels il y a près de deux cents ans d'intervalle,

» Peut-être faut-il lire GOVERNÉSON.

34 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

Dans les manuscrits mêmes de Raschi certains scribes trans- crivent les loazim de Raschi avec leur orthographe primitive en se réservant d'exponctuer les lettres qui ne se prononcent plus (cf. l'exemple caractéristique du mot Rodgner dans le ms. Opp. 36).

Un dernier lait a contribué à nous conserver même dans des manuscrits très postérieurs l'orthographe primitive des loazim : c'est l'ignorance des scribes. On a déjà signalé ce fait -. Mais on n'en a pas suffisamment fait ressortir les heureux effets. D'abord la plupart des erreurs dues à cette cause sont très faciles à rec- tifier. Ce sont toujours des lettres que leur ressemblance fait prendre les unes pour les autres, n et n, "^ et i, les " qui annoncent les loazim transcrits par m ou"^"*, I'n et le p qui sont fort analogues dans récriture rabbinique, etc. ; ce sont des mots mal coupés ou réunis à tort ; toutes choses, enfin, qui prouvent à quel point les scribes ne comprenaient plus ce qu'ils copiaient. Mais, au moins, n'avaient-ils pas dans ces conditions la tentation de corriger ou de rajeunir le texte : ils se contentaient de dessiner ce qu'ils avaient sous les yeux. Il arrivait aussi, il est vrai, que les scribes étrangers, italiens ou espagnols, ayant à recopier des mots dont la plupart leur étaient inconnus, mais dont ils croyaient recon- naître quelques-uns, corrigeassent et traduisissent quelques-uns de ces mots. Mais, même dans ce cas, il subsiste encore beaucoup de mots simplement « dessinés ». Nous en trouverons de nombreux et curieux exemples dans les manuscrits qui nous sont restés de R. Gerschom de Metz. Le manuscrit le plus ancien, celui de la Bodléienne, que j'appelle A, daté de 1292, ne renferme que des loazim français (avec deux ou trois loazim allemands annoncés, d'ailleurs, par un terme spécial). Les mss. B', B^ B^ qui sont du XYii*^ siècle, offrent pour les loazim communs la même ortho- graphe et parfois la ponctuation diffère seule. Dans G (manuscrit de la Biblioteca Angelica), le mot italien vient parfois à côté du mot français et est mis entre parenthèses, comme pour servir d'explication au loaz français. Mais remarquons, en outre, que les loazim communs ont absolument la même orthographe dans les mss, du xiii" et dans ceux du xvii^ siècle ^.

Il résulte de l'ensemble de ces observations préliminaires que ces loazim bien que contenus dans des manuscrits très posté-

' A. Darinesleler, Rapport sur une mission en Angleterre dans les Archives des missions scientifitjiies et littéraires, 1871, pp. 91-105; Rapport sur une mission en Italie, dans les Archives des missions scientifiques et littéraires, 1878, pp. 383-442, el l'arlicle déjà ciié Romauia, 1, pp. 146-17G.

* A. Darmesluier, Gloss. et gl. héb. fr., Rom., I.

* Pour la discussiou de celle partie, /ou plus loin.

I

LES GLOSES F.1{ANÇAISES DE GERSCHOM DE METZ 53

rieurs à l'époque ils ont apparu offrent au romaniste un champ d'ëtudes très sûr, à condition qu'on s'entoure de cer- taines précautions qui ne sont pas pour déprécier la valeur de ces documents.

HiSTOBIQUE.

Je n'ai pas l'intention de faire ici l'histoire complète des loazim. Dans l'état actuel des bibliotlièques, c'est une œuvre ira[)ossible. Il faudra attendre que les fonds hébreux soient catalogués et métho- diquement catalogués, car la vie d'un homme ne suffirait pas à parcourir toutes les bibliothèques pour y chercher les manuscrits qui peuvent renfermer l'interprétation des mots hébreux [)ar des mots étrangers.

Aussi bien, les choses essentielles étant donné l'état actuel de nos connaissances ont été dites par A. Darmesteter et par Ernest Renan '.

Je ne ferai donc que relever quelques négligences, signaler quelques omissions et ajouter quelques renseignements ayant paru depuis 1893, date du tome XXXI de VHisloire littéraire de la France.

« Le premier que nous voyions recourir à ces explications est R. Gerson (Gerschom), de Metz, qui florissait vers l'an 1000. Mais ces glosses se réduisent à peu de chose et méritent à peine une mention -. » Et plus loin l'auteur ajoute : « Les glosses qui se lisent dans les commentaires des autres rabbins n'offrent pas autant d'intérêt [que celles qu'on lit dans Raschi]. Si l'on possédait les œuvres complètes de R. Gerson, de Metz, le précurseur de Raschi, on aurait assurément un recueil de glosses des plus intéressants, puisqu'elles dateraient de la fin du x' siècle ou du commencement du xi^ Mais je ne connais de lui comme existant encore qu'un commentaire talmudique conservé à la Bodléienne (Fonds Hun- tington, 200). Ce manuscrit m'a été signalé par mon ami M. Ad.

* A. Darmesteter, 1871, Archives des missions scientifirjues et litte'raires, pp. Ql'-lOS; 1872, Glosses et glossaires hébreux-français du moyen thje, Romaiiia, I, 146-170; 1874, Deux élégies du Vatican, Eomania, III, 443-486; 1878, Archives des tnissions scien- tifiques, 3« série, t. IV, 383-442; Rapport sur une mission en Italie (Tiré à part sous le ture de) : Glosses et glossaires hébreux-français, notes sur des manuscrits de Parme et de Turin, Imprimerie ualionale, 1878. Iu-S°, ciip. ; 18S1, L' Autoda-fé de Troyes (24 avril 1288), Revue des Et. juives, 11.199-233; 1882, Un alphabet hébreu-français au XIV^ s., Revue des Et. juives, IV, 259-268. Tous ces articles ont été réunis sous le litre à''Études judéo- françaises, dans les Religues scientifiques, tome I, pp. 107-307.

* A. Darmesteter, op. cit., R., I.

56 REVUK DES ÉTl'DES JUIVES

Neubauer, qui relève dans ce texte quelques glosses françaises qu'on retrouve, d'ailleurs, dans Raschi. Elles n'offrent pas d'in- térêt ' . »

La seconde partie du présent travail aura pour objet de faire voir, au contraire, tout l'intérêt des loazim de R. Gerschom. La comparaison des loazim de Raschi et de ceux de Gerschom mon- trera leur différence et l'intérêt particulier de ceux de Gerschom, non seulement dans les manuscrits imprimés après 1872 dans l'édi- tion de Talmud de Wilna, mais même de ceux qui sont contenus dans le traité Baba Batra que M. Neubauer n'avait vu que très superficiellement.

Raschi est intéressant par l'ancienneté et le grand nombre de ses loazim. R vécut de 1040 à 1105. Le calcul d'A. Darmesteter donne 3,157 loazim pour Raschi, se décomposant en 967 pour la Bible et 2,190 pour le Talmud. Puis viennent Rabbi Joseph Cara, qui vivait au xii" siècle * et qui nous a laissé des gloses sur le Penta- teuque (B. N., fonds hébreu 157), Joseph Bekhor Schor (xii' siècle également) ^ Samuel ben Méïr*, Eliézer de Beaugency».

Du xiue siècle l'Histoire littéraire de la France « cite des loazim de Isaac Halévi ben Juda, auteur du .sn n;:^D. Le P% "•ni^sîip. est bien compris et bien rendu. Pour le second traduisant nn^iji, il est rendu par T"'^U5p 0"<''ï). Cette forme a paru fautive aux au- teurs de l'article sur les rabbins français du commencement du xiv« siècle, et ils ont essayé de la remplacer par uj-ni: ou U"t^'«uj. Supposition inutile, nous sommes en présence d'un subjonctif in- diquant le futur et le loaz doit être transcrit : séys kastiéd. Pour Rabbénou Ascher ben Yehiel rien à remarquer '.,

Juda ben Eléazar" a donné une explication sur les commentaires de Raschi et de certains autres rabbins français, tels que R. Péreç,

' A. Darmesteter, op. cit., R., I. Dans une lettre datée du 10 nov. 1871, M. Neu- bauer cite d'après Huntin^ton, 200, fol. 8, les mots yiljQN et N;L3C"n7û et ajoute: « Je n'ai pas très attentivement examiné tout le volume et il est possible qu'on y trouverait encore quelques glosses. Je lerai remarquer que ce font les deux premiers loazim de Gerschom de Metz. M. Neubauer n'avait lu que les premiers feuillets de Baba Balra, et A. Darmesteter n'avait que des reiiseiguemeuts insul'fi- sants pour juger de la question en connaissance de cause,

' Hist. litt. de la France, t. XX. VII, pp. 434 et suivantes.

' Ibid. A. Darmesteter, op. cit. Rom., 1; Zunz, Zur Geschichte nnd Litteratur.

* Monalsschrift, 1856, pp. 223 et ss.

' A. Darmesteter, op. cit., p. 179; Hisl. litt. de la France, p. 430.

« A. Darmesteter, op. cit., p. 179; Hiat. litt. de la France, t. XXVII, pp. 434, 438, 4^1, 443, 444, 482, .ï42; Zunz. Zur Wschichte, pp. 32 tt 109.

' A. I)arme^teler, op. cit.; Hist. litt. de la France, t. XXVII. pp. 6G0, G70, G84, 690.

" Ms. lie l'dris. u" j'iS,

LES GLOSES FRANÇAISES DE GERSCHOM DE METZ o7

Isaac ben Abraham, etc'. Aii lieu de e desendra, traduction de •jïjn, transcription de Nnirpii*, je transcris édézendra. Au lieu de esprevier, esparvie^, traduction de y:, transcription de "i"''nD"ai<, je transcris espervir, c'est-à-dire le suffixe ir, au lieu du suffixe ier. Au lieu de e defescient, traduction de mybam, 46 b, transcription de ^j'^'^r^in •'i^, je transcris i défézient, Au lieu de son brés, traduction de t::"i3>, transcription de '^"'■^"la Y"^, je lirais sén bréys. Au lieu de feraz alonger ou alognier, traduc- tion de nn-irn. transcription de T^-'Sibiî yiD, je transcrivais feraz ALONiR. L'ensemble des loazim de ce manuscrit * indique un dialecte du Nord-Est et peut-être plus spécialement de l'Artois ou de la Picardie. Je ne sais si on pourrait tirer de cette observa- tion quelque chose pour l'origine de Juda ben Eléazar, qui n'est pas connue. Le rabbin Jacob connu sous le nom de Rabbènou Tarn et ses deux frères Isaac et Samuel ont laissé environ cent cinquante loazim fort corrompus \ M. Neubauer cite deux collections anonymes dues à des rabbins français : « L'une se trouve dans la bibliothèque de M. Halberstam à Bielitz, portant le 115, elle semble avoir été faite par un disciple d'Eléazar de Worms. L'autre est contenue dans le manuscrit Add. 0pp. à Ox- ford, fol. 14 à la suite d'un fragment du livre*. »

Moïse d'Angleterre, auteur d'une grammaire et du ûiiaîi nsD, qui vivait dans la deuxième moitié du xiir siècle % emploie égale- ment des mots français pour expliquer certains passages hé- breux. Le proverbe qu'il a transcrit en caractères hébraïques, cité par l'Histoire littéraire '^ et par A. Darmesteter ',

' T :

doit être transcrit ainsi, en modifiant la ponctuation de m:i''_\x en

^JV-'N : t

AYVES CHOYES NE LA KROYKS^.

* Hist. litt. de la France, t. XXVU. pp. 439, 440. Pour les rabbins cités dans JuJb ben Eléazar, cf. Zunz, Zur Geschichte und Litleratur, pp. 93 et 95.

' Le mot ^îit^73, non identifié par l'Histoire littéraire, doit être lu MOZE = masse et non maille ('.M.

' A. Darmesteter, op. cit., Romania, I.

'^ Hist. Itii., t. XX Vil, p, 44S; Cf. également A. Darmesteter, Archives des missions, 3" série, t. I, pp. 572, 73.

5 Hist. litt., t. XX Vil, p. 48o.

* /*., t. XXVil, p. 4So.

'' -A. Darmesteter, op. cit.

* Je ferai remarquer ici, en passant, rideiilité de la prononciation de la finale marquée par : ou par .

53 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

Le ms. 0pp. 152, au 68, donne :

qu'Arsène Darraesteter a transcrit : « Kom décofiture de gofa- nonéyer * », et que je transcrirai : kom dèkofiture de gofano- NÉYR, en changeant t^-'; en -i-'^:.

Enfin, dans la traduction par Berakyah ben Natronaï' des Quœsliones nalurales Adelardi BatJioniensis, on trouve ëgale- ment des mots français. L'un d'eux cité par VHistoire litléraire est curieux, c'est le mot u:^ni<5, gois, signifiant estomac, et qui me paraît mettre sur la voie de l'étymologie encore non signalée du mot dégoiser^.

Tels sont les principaux auteurs chez qui l'on trouve des loazim depuis le siècle jusqu'au xiii'' siècle inclusivement. Tous ces loa- zim se trouvent au milieu d'un texte; ils en font partie intégrante *.

Le ms. 80 de la B. N. contient des loazim en interligne ou en marge. « Elles [les glosses] se lisent, dit A. Darmesteter, dans un ms. de la B. N. qui contient les livres de Josué et des Juges accom- pagnés sur les marges du commentaire de Rasclii et les livres de Samuel, des Rois et des Prophètes. D'une écriture allemande comme le manuscrit, elles sont plus récentes cependant ; car, tandis que le manuscrit remonte au xii« siècle, la forme de leurs lettres dénonce le xiv* siècle, date que confirment, d'ailleurs, les formes grammaticales. Elles cessent au folio 88 avec les livres de Samuel. Elles sont disséminées çà et là, soit entre les lignes du texte bi- blique, au-dessus des mots qu'elles traduisent, soit sur les marges de droite ou de gauche ou entre les deux colonnes de chaque page ^. »

Ces loazim ont été ajoutés par un copiste ou un amateur qui, ayant eu sous les yeux un glossaire, se sera amusé à noter çà et les gloses qui lui ont paru intéressantes ou curieuses*'. C'est qu'en

' A. Darmesteter, op. cit. » Hist. litt., ih.

* h'Hist. litt., t. XXVII, p. 4G5, cite encore d'Eléazar de Worms (qui vivdit vers 123ÛJ quelques mots français dans son < livre de gloire » *T|3Dri "IDD, et le proverbe suivant : ^^TD "»"? lûrrX NVcNp'^T'. La transcription donne : JLSKES L.\ AMENT Ll KAZEBAN. C'est-à-dire : Jusques li meut le menteur. J'ai trouvé cette explication (qui avait échappé à M. Darraesteter) (:râce à une indi- cation que M. Israël Lévi a bien voulu me donner à propos du mot Kaieban.

* Cf. G. Schlessinger, Die altfrauzësischen Wôrterim Machsor Fù»'2/,1899, 104 p. iu-S". C'efcl au momcni j'écris le travriil de ce f^enre le plus récent. CI', mon compte rendu dans la Romatiia, janvier l'JOl.

' A. Darmesteter, o/i. cit., Rom., I.

* Je ue puis que sij^naler le lait ici; la comparaison des loazim du ms. 86 et du glossaire 302 de la B. N. londs hébreu rend le lait évident.

LES GLOSES FRANÇAISES DE GERSCHO.M DE METZ 59

effet, à partir du xii» siècle, on ne se contente plus de faire des commentaires parsemés de loazim : on recueille tous les loazim et on les réunit en des glossaires.

Dans ces glossaires, l'ordre suivi est l'ordre de la Bible ; le mot hébreu est mis en tête ; puis vient le loaz suivi générale- ment du signe 'bs, qui est l'abréviation de 7^33 « en langue étrangère ». Parfois entre le mot à gloser et le mot glosant, il y a une explication, un rapprochement avec la langue du Targoum. Cette explication, souvent aussi, suit le mot glosant. A. Darmesteter a montré, en comparant les loazim des Rois (I, x , combien les glossaires de Paris, fonds hébreu 301 et 302, de Bàle, A. III, 19, de Parme, n" 60 du catalogue, et 637 (cat. de Rossi) diffèrent dans l'exécution, tout en ayant une communauté d'ori- gine incontestable '. Mais cette comparaison ne portera vraiment ses fruits que le jour nous pourrons confronter chacun de ces glossaires avec le texte critique de Raschi. Nous verrons alors dans quelle mesure Raschi en a été l'inspirateur, et nous pourrons juger des additions faites par chacun des auteurs de ces glos- saires.

Nous connaissons actuellement neuf de ces glossaires. Ils ont généralement été bien décrits par A. Darmesteter-.

Le glossaire fonds hébreu 302 B. N. soulève plusieurs questions traitées dans l'ouvrage qui paraîtra bientôt: 1) la ques- tion de la date, 2) celle de la ponctuation, 3) celle du dialecte.

Le ras. 301 de la B. N. renferme des loazim sur toute la Bible moins le Pentateuque, Job et les Chroniques. Il est de la seconde moitié du xiii'^ siècle.

Bâle. A. III 39, fin du xii® siècle au commencement du xiii». . . Dialecte de l'Est de la France.

N°60 du catalogue de Rossi: In quosacri textus verhajuxla librorion ordinem producimtur , deinde gallice, sed charactere 7-abbinico cum punciis, posiremosyno7iymisverbis vel phrasibiis idenildem iargumica versione explanantiir ^ .

Il date d'août 1279. Le dialecte est celui de la Charente-Infé- rieure. Les loazim que je relève dans Darmesteter, nous donnent, en effet, des formes dialectales caractéristiques : cf. lo b.\toyer,

GASCRU, DETORBAREZ.

.5" Parme. Cat. Rossi 637 : Sacra verba juxla sacroriim libro- rum ordinem prodiicunlur gallice primum, deinde chaldaice,

' A. Darmesieler, Remania, \.

^ A. Darmesteter, ib., et Rapports sur une misiion en Italie dans les Archives des miiStons scientifiques et littéraires (1878;.

* A . Darmesleltr, Glusses et glossaires hébreux- français du moyen âge.

fiO IlEVUE DES ÉTUDES JUIVES

postremo synonymis hebr. eis respondentibus. xiye s. Dialecte pur français, aux formes très archaïques.

6<» Leipzig. Universitaets- Bibliothek, n" 102. Continet , dit Bœhraer, vey^o codex lipsiensis in ccxxxii folUs membranaceis fere oclo milia dicHoninn F-rancogallicarum in quibiis vocales punclis lineolisqiie addiils accuraiius sunl notalœ, alque eadem quidem, ut videtitr, manu qiiœ ipsas lifteras exaravit. Fin du XII» s. Rien sur l'auteurou le scribe '.

Oxford. Bodléietine 135. ff. 280-292. « Il est écrit, ditNeubauer, sur velin en quatre colonnes, dont deux contiennent les mots hébreux, et les deux autres la traduction française. Au-dessus de chaque mot français se trouve la traduction latine avec les abré- viations connues. » Peut-être de la première moitié du xiii*' s. Aucun renseignement sur l'auteur*.

Turin. A. W. 35. xiii* s. 180 feuillets, décrit avec des extraits par A. Darmesteter [op. cil.) ^.

9" Turin. A. IV. 13. Membranaceis foliis constans 245. Charac- tere scriplus est qiiadrato cum pimctis vocalibiis in quo phrases hebrœo hispanicœ ordine alphabetico digeslae a quodam R. Abrahamo fiUo Josephi Cohen*. A. Darmesteter en a donné une description complète et de nombreux extraits, qui en montrent l'importance et l'intérêt ^

Tel est l'ensemble des documents contenant des loazim et qui sont parvenus jusqu'à nous. Je ne m'occupe pas ici des trans- criptions entières de passages, de pièces de différente naturel C'est un autre sujet : très intéressant également, il a sur les simples loazim l'avantage d'offrir en même temps qu'une trans- cription phonétique très exacte, l'intérêt des textes suivis : toutefois au point de vue de la sémantique aucun document ne saurait être plus précieux que nos glossaires ou que nos loazim : car les mots hébreux nous servent à contrôler le sens des mots glosants.

* Boehmer, Romanische Shidien, t. I, pp. 213-220.

* A. Neubauer, Romanische Siudien, t. I, Vocabulaire hébra'ico- français, pp. 1G3- 213.

* M. A. Thomas a montré [Annales du Midi, IX, 337-339) que ce glossaire con- tient non seulement des formes françaises, mais des l'ormes provençales.

* Pasinus, Codices manuscripti bibliothecee rcgii Taurinensis Attend, Turin, 174 p.

° A. Darmesteter, Arck. des missions, vol. cit.

" A. Dirmesteter, Lautodafé de Troyes, Revue des Etudes juives, t. II, p. 199- 233; Josef Oeslerreicher, cf. p. 217, l.'Loeb. op. cit.

«

LES GLOSES FRANÇAISES DE GERSCHOM DE METZ 61

L'aphabet de transcription d'après les documents mss.

DE Gerschom de Metz, de Raschi et des neuf

glossaires hébréo-français.

Généralement l'hébreu des ouvrages autres que la Bible et le Rituel des prières n'était pas pourvu de points- voyelles '. Mais quand les copistes transcrivaient des mots étrangers en caractères hébraïques, ils ponctuaient les loazim, en se servant de ces points- voyelles qui donnent une notation si précise des voyelles. C'est ce qui explique, par exemple, que la plupart de nos glossaires n'ont de ponctués que les loazira. Ce n'était pourtant pas une règle générale, et bien des loazim sont écrits absolument comme des mots hébreux.

La transcription est particulièrement délicate quand on a affaire à des documents non ponctués. « Pourtant même dans ce cas, dit Darmesteter *, l'hébreu rabbinique use des semi-voyelles yod et vav pour représenter par le yod Vi ou l'e, par le vav Va ou Yoii. L'absence de ces deux lettres indique un a ou un e muet. Donc même dans les manuscrits non ponctués ce qui est l'exception le champ de la discussion est singulièrement restreint. Cepen- dant comme le péh et le het hébreux peuvent représenter le p ou Vf et le h ou le v, il peut y avoir quelque incertitude pour les labiales ; mais encore les manuscrits ont le plus souvent recours à des espèces de tildes pour distinguer les deux séries de labiales l'une de l'autre, comme ils le font pour distinguer le son chuintant de gh = g (e) et de k = ch. Les scribes savent donc corriger les défauts de l'alphabet hébreu qui vient apporter ses avantages propres. Ainsi le Fse représentant par le &^/ comme par le vav, on ne peut le confondre comme dans l'écriture française avec l'U. »

Cependant l'alphabet hébraïque n'est pas purement phonétique. Dans l'application de cet alphabet à la transcription des mots français il conserve quelques-uns des caractères propres à l'écri- ture des mots hébreux : il n'a pu violer quelques-unes des règles de la pure grammaire hébraïque. Une transcription absolument littérale de l'hébreu défigurerait les mots français. C'est ainsi que les mots terminés par une voyelle (surtout , ou _) prennent un n ou un n supplémentaire, destiné à leur donner une apparence plus hébraïque. Gerschom nous en offre des exemples : «.ra^ qu'il faut transcrire, non avinae, mais bien avéine (cf. ce mot), de

» Cf. Hist. Utt. de la France, t. XXVII, p. 483-599. * À. Darmesteter, Romauia, 1. 1.

62 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

même NW^p^pN, NS^-'p, Nepp ; cf. gloss. 302 (B. N.). wSn'pT^ à trans- crire volera; ns^inn de vie, transcription littérale de vieh; dans Raschi rîN-'nprj^np, à transcrire serjanterie et non sérjan- terieh.

Sous le bénéfice de cette réserve, il est possible de donner, dès maintenant, les règles qu'on doit suivre pour la transcription des loazim en français. Je le fais d'après l'étude des loazim de Gerschom de Metz et de Raschi, d'après les glossaires 301 et 302 de la Bibliothèque nationale, le glossaire de Bàle A. III. 39, celui d'Oxford, celui de Leipzig, le 60 et le 037 de Parme, et les deux glossaires de Turin A. IV. 13, A. IV, 35.

1. A. N protonique = a) A Gerschom. Raschi. B. N. 301. B. N. 302. Bàle. Oxford. Leipzig. Parme Gi). Parme 037. Turin 13. Turin 35. ï< = E ^N = P) É.

Ex. Gerschom. Raschi. B. N. 301. B. N. 302. Bàle. Oxford. Leipzig. Parme 60, Parme 637. Turin 13. Turin 35. y)0.

y''^;DN apendiz

-l^-jmpN AKUVETÉR

y'-',^5lp3LS ANKGNTRÉZ

:::;TT^nDN aprirOxNT

Ponctué partout.

■^nbpN AKLARZF

Ponctue partout.

Nbnr::;» ansanble

ï:-n3:3Di< antandras

■^v^ii-lBIN ANPRËYSÉY

"m^3Nb LABORER

n^ï::s ëntir

';ioi'nru:"::wS éstordison

y^-^b-l-ip-'N ÉKROLÉYZ

■^p-^-|5N ENRICHI

N-lbn-ipX ÉKRÛLERA

-l-ia'^n-'N ÉRITÉR Ponctué partout.

T^aiN ÉTÉR

-l'^a-'N ÉTÉR

^^''"'H ÉYMU

i30"'N ES A VI

bamwS ORIENTAL

Ex. Gerschom. Dans les autres mss. toujours t ou in- (AO). B.Toniquc=A. Ex. Gerschom. Oip^N ANKRES

Raschi. N-IDÏÎN ASPRE

LES GLOSES FRANÇAISES DE GERSCHOM DE METZ

63

G. PosUonique = E

B. N. 301. B. N. 302. Bàle. Oxford. Leipzig. Parme 60. Parme 637. Turin 13. Turin 3o.

Ex. Gerschom. Rasctii. B. xN. 301. B. N. 302. Bâle. Oxford, passim. Leipzig. Parme 60. Parme 637. Turin 13. Turin 35.

Ponctué partout

TA

ARMA AN VUIDA

A

ANJLES A AME

BROCHE MÉSNEDE BRONCHE PARTIE DE L'ÉPiNE REPANTE KOME

LA CHAXPÉNE PUDROIE MAZE NUE

N, enfin, s'ajoute parfois aux mois terminés par un - ou -. Les exemples en sont innombrables (cf. p. 42).

2. n = B

I

Gerschom .

'•^y^

BAYES

Raschi.

Nbnvj'iîN

ESTOBLE

B. N. 301.

Np-'inn

BRÈYCHE

B. N. 302.

ît'iTnn-','^

DÉBRIZERA

Bàle.

ABRE

Oxford.

«•^"i-^b-^niN

ANBELIR

Leipzig.

v;w-ii33

BENORMANZ

Parme 60.

y-'-^baN

ABAXIZ

Parme 637.

ï)3TT'"'n-13

BRUYRUNT

Turin 13.

'^■"k^

BLÉY

Turin 33.

aïTanm

DEBRIZEMANT

64

REVUE DES ETUDES JUIVES

3 = V.

Gersciiom.

Nb-'âNp

CHEVILE

Remplacé égale-

Raschi.

l'âiiDN

APROVEH

ment pan =A^

B. N. 301.

b"'''?3n'^"'5

YÉRMAZ

ou Ti r= w ou

B. N. 302.

^':)"^"'"!'P

KRÉVERAS

VU.

Bàle.

V"^33

VENEZ

Oxford.

T'-^m

VOYR

Leipzig.

■'ç:n^_""^3

VUYDETÉ

Parme 60.

T^Sî*

AVER

Parme 637.

LDsân-iD

PAR DEVANT

Turin 13.

csnbilî

VOLERAS

Turin 35.

N-'-^iïn

DEVOYE

3. a=G(dur).

Ex. Gerschom.

la-^s-iJ

GRANIS

Raschi.

N?"]^

GRAPE

B. N. 301.

y-'p-ia

GARNIZ

B. N. 302.

Nra

GISE

Bàle.

^T^'^l

GATINE

Oxford.

NÏ3-^"'n52N

ANGOYSE

Leipzig.

'j'iip-^-'s-ia

GARNYSÉZ

Parme 60.

Tij-^'^îna

GRANJES

Parme 637.

Tan"«"':-i3-'T

GRENÉYRS

Turin 13.

TTi-'D

FIGES

Turin 35.

irsiisNn

DÂGRONS

4. 3 ^ J.

Ex. Gerschom.

Ne dislingue pas

: deâ

Raschi.

Nif^îbâ

JALNIZE

B. N. 301.

iû*T'"^i5"!iâ

JUJOYRS

B. N. 302.

V^r'ji-is

FROTIJÉZ

Bàle.

Nn-'J-lb-'N

élÂrjiha'

Oxford.

Transcrit toujours par •> ou "'■'

Leipzig.

NTrâ

JUZE

Parme 60.

NUiân

DEJUTE

Parme637.

n-'-'âDn

MANJEYR

Turin 13.

a^aâ^i"

JUJEMENT

Turin 35.

oa-i-^u)

SEYJES

LES GLOSES KHA.NÇAISES DE GEKSCHUM DE METZ

Ko

5. T = D.

Noté aussi T ouï sans différence.

Ex. Gcrsciiom. Raschi . B. N. 30i. B. N. 302. Bàle. Oxford. Leipzig. Parme 60. Parme 637. Turin 13. Turin 35.

T'^-il^C-'N ISTUBDIR

Nifn:-i5 GRANDEZE

nrna*ii débbizeka

■^aT'^lâ VUYDETÉ

1-5n DE VIN

NnNb73 MALADE

■'•'-i;ttninN É dobmiray

'cnii:^'^ duzors

■«^■;-iu:''N É Tardey

N:j::;iT dotaNZE

mb-i-jN:: ta dolor

6. n = H. Au commence- ment d'un mot ou d'une syl- labe .

Ex. Gerschom. Raschi. B. N. 30! . B. N. 302. Bàlo. Oxford. Leipzig. Parme fO. Parme 637. Turin 13. Turin 3.o.

N-jnr! HUTE

'^jTibçr: hasledes

■>*:-r::N ENHARDI

N^N^n HAYINE

■'";^"':" HALIGRÉ

r!N"«-'i::;in hontoya

'C-'-lJ-'b-'N IHALIGRES

::r;:-jnnr! hurtyant "' ?

N-.rjNn HATIRE

N-.'»"''!^:!" HO.NTOYRA

T =Z

Ex. Gerscliom. Raschi. B. N. 301 . B. N. 302. Bàle. Oxford. Leipzig. Parme 60. Parme 637. Turin 13. Turin 3o.

-l"-:!-! RONZIR

1inm::-c'N est(jrdizon

HT'^-ia-'T dEbbizera

zîr^r-'D fEyzunt

'cip^t feyzent

•>r;ir-j TizoNS

•CÎ^T-i-^ia \s E TOYZES

r"'?2"'T'^î:î< apEziblEz '■•■•- .^ •>

a;nD prezant

NTip CHOZE

N'«t"'i:n aguyzéye

T. XMI, I'' t-S.

66

hEVUE DES ETUDES JUIVES

8. n n'est pas employé dans les transcriptions héltréofraiiçaises. M. Oesterreicher * en cite un exemple pris dans Rasclii, Isaïe et Sabbat, 54, et dans le glossaire de Leipzig, Isaïe, 30 ^'. Mais c'est évidemment une leçon fautive.

9. a = T. quelquefois rem- place dans les plus anciens loa- zim par n qu'on peut toujours transcrire éga- lement par T.

Ex. Gerscliom. NsV^: talpe

Rascbi. '^^"l'??^ TANDRUM

B. .N. 301. "'■^-ipiTJ ÏRANClIEBliY

B. N. 302. a^i^U) SUYT

Bàle. tîNnnjNC^N ATANDRÂS

Oxford. ::n-i373 mandret

Leipzig. ''!^'^"')?1 DE NÉTETÉ

Parme 60. ■CWinç-'pwN ACHKTROMES

Parme 637. ■''''?.~^'<. Ê T^VrOÉY

Turin 13. ONn-^TNaniTûN AMORTaDIRaS

Turin 35. ÏÎNiZJmN OURTIES

10. ^ ou ■<■< =a) I (semi-voyelle) notée 1, Y.

Ex. Gerschom. ':il2^^^_ RAVMS

Rascbi. -jI-iilD PUYNT

B. N. 301. -^-^ib ^isn n É REPOT LOY

B. N. 302. 'O-^irJ SUYT

Bàle. :û-.^-^^?i:;:wN: anfoNZYERT

Oxford. N-'-^l-iD PROYE

Leipzig. ■'■''l'^SÎi APELERAY

Parme 60. ^T^;::-!!-: PORTÉYRS

Parme637. oi-'-'wsbiD POLaYNS

Turin 13. •^iip-^inp^N ANPRAYSÉY

Turin 35. T'Î^-'D FIER

= p) J. Ex. Gerschom. N">mD PDRJE

Rascbi. i<''^?V??'!l. HERBERJERIË

B. N. 3(11 . n'emploie que le â

B. N. 302. •iv,b-jni'7 DKJUTE LU Y

Bàle. n'emploie que le 5

Oxford. C^mp KORAJES

Beitrùge lur Oeschichte der jiidisch-framôsichen Sprache «. Litttratur im Mittel- aUtt\ Czeriiowitz.

LES GLOâËS F'RANCAISÉS DE GERSCHOM DE MET2

6l

Leipzif,'. n'emploie que le a Parme 60. U5'»"'3n5 GRA.N'JES

Parme 637. )

Turin 13. ? n'emploient que le â

Turin 35. )

U. 3 n'apparaît pas dans les transcriptions de mots français sauf dans Gerscliom. (On le trouve aussi une fois dans Gerschom pour un mot slave.)

12. à). 5=:L.

Ex. Gerschom. yiz-^b LIMAZ

Raschi. NV^piro FLOKÉYDE

B. N. 301. j2;yj ^v^ ;t^ 'aNSONTALANT

B. N. 302. rtbçN APELA

Bàie. «"-^ùsnib lortye

Oxford. N3;5D FLANBE

Leipzig. asin^ibr? -^n i haligront

I î T

Parme 60. Nb"'u;7û MESILE

Parme 637. N-J-^^nb LUYTA

Turin 13. UîSlbip KOLONS

Turin 33. ï<r"''?5^ ALÉYNE

jî) b combiné avec '^ soit avant soit après lui ou avec 3 ou marqué d'un crochet = l, c'est-à-dire 1 mouillée.

Ex Gerscliom. Raschi. B. N. 301. B. N. 302. Bàle. Oxford. Leipzig. Parme 60. Parme 637. Turin 13. Turin 35.

NT'b'^-^i-na grenozére

b"'"'»T'"^5 vermaz

Nb'^-'p-'D PÉGHAZE

■>b2 BAZ

b-'ir-' JENOL

N-^^b-lin-J TRAVEiA

V'"'b3N ABAZIZ

7 T - K

N5''"'35 LAFAiE

N'fNp-'D PKCIIAZE

b-^iD Foz;

' Voir la discussion de ce mot.

fis

ftEVUË dKs études juives

13. 53 = M.

Ex. Gcrschoni. "C5''"'73n:: TRÉMEYS

Rasclii. aU73'^">''^3 iSUYSEMANT

B. N. 301. "rNnp-l^J MARCHERAS

B. N. 3(12. Nn-':i»-i^â JÈRMO.NÉRE

Bàlc. N^ip KOME

Oxford. K-13'^73T^1T VERMINERA

Leipzig. ^"yP?^^!. DÉMARCHERA

Parme 60. ^b-'-^» MAZE

Parme 637. '^'^^T^^? MESaYJES

Turin 13. '»^5"i"'PP MEMÉYLES

Turin 3o. a2»WX!'«a;N ANTOMISEMANT

14 a) 5

p) 3 précédé ou suivi de "^ ou ■>■> ou lildé ou précédé de a = iT

Ex. Gerscliom. Î<:i3;\2: SANBOJE

Raschi. *TTy??? TANTINÉR

B. N. 301. ■'•'np:-!-J TRANGHERÉY

B. N. 302. 'li:"';'?:ip KONPAMON

Bâie. tj:nD parant

Oxford. N-lDSNp KANFRE

Leipzig. ^'^V4 TANDiT

Parme GO. TT^^N aMERIN

Parme 637. a;nD PREZANT

Turin 13. N'^ro'Ç Sa' TENTE

Turin 33. NTJîâ irj TON VENTRE

Ex. Gerscliom. «""Sip*^!: ZIKONE

Rasciii. 'C3"«-'lbD PLOKs

B. N. 301, y;5NTCN ASUENZ

B. N. 30i. fc?^nr^i:i GONERIE

Bàle. N3"^-:E3i? CHANl'ANE

Oxford. N^ab LANE

_ >.J cou

Leipzig. a3"^_"'3-'a2N A.XJINANT

Parme 60. Nr-^pspb LA CHaNPENE

Parme637. UDr"'"^:^ "'p. Kl aSEnant

Turin 13. U37pr'^|:2b*7 DE L'aNPeKeMENT

Turin 313. Nî^Dij^b La'cHaNPaÎsE

N. B. Parfois, comme dans B. N. 'M)2, le '^ au-dessus d'une voyelle indique le son nasal : JÉRMONMOT. B. N. 302.

LKS GLOSES FRANÇAISES DE GERSCHOM UE METZ

oy

lo. 5 = s. apparaît dans Gersclioni et Raschi, mais gcnéralement est remplacé par "c;. Voir celte lettre.

16. y Marque un son aspiré au commencement de la phrase. Généra- lement remplacé par T, voir cette lettre). Je citerai pourtant «-1337 de Gerscliom : HA.NBRE. Il y en a aussi de très rares exemples dans Raschi.

17. a)D = P. OU ■•

I

I

3) D = F.

Ex. Gerschom.

Raschi.

R. N. 301.

B. N. 302.

BAle.

Leipzig.

Oxford.

Parme GO .

Parme 637.

Turin 13.

Turin 35. Ex. Gerschom

Raschi.

B. N. 301,

B. N. 302.

Baie.

Leipzig.

Oxford

Parme 00.

Parme 637.

Turin 13.

Turin 3o.

■pnîDN APANDIZ

' •: i,

-PN-'S^N EPIÉR

a3i-n:iDN apOiNDRONT

T«i^-l-: PRESOIR

-,i^TiE POZIER

CT^-'rND PAMIERS

V'barDN APÉZIBLÉZ

■'::-,£ -^N É PARTI

wSTD b 3N AN LA PIZE

•JTiD-l-'N E REPOZT

ne distingue pas £ de d.

NT^-^îpibs FLOKÉYDE

b-^D FIL

rjïison'iônp parfondisemont V;bi5 FOLANZ

»yzh FENlRA ne distint^'ue pas d de s. ins FERÉ aiiâ FORT (furent; Ni:-liDa TA FORZE N72-liD FORME

18. :£=Z dans Gerschom, cette prononciation est constamment

c'est-à-dire prouvée, dans Raschi elle apparaît avec moins d'évidence.

ds, ou ts. Dans les autres glossaires, on peut la marquer encore par le Z,

bien que le T et le î: remplacent souvent cette lettre i:. ce

qui prouve qu'à l'époque l'on écrivit le glossaire de Paris

RKVUE DES ETUDES JUIVES

B. N. 302, par exemple, il y avail hésitation entre les sons Z, Z et S.

19. a) p— K,

p)p=CH

Gersohom. Raschi. B. N. 301. B. xN. 302. Bâle. Oxford. Leipzig. Parme 60. ParmeG37. Turin 13. Turin 35. Gerschom Raschi. B. N. 301. B. N. 302. Bàle. Oxford. Leipzig. Parme 60. Parme 637. Turin 13. Turin 3:i.

U'û'^.'^i-ipiN NSt-mp

»ip

^a-^inip UN5ii:jjip

•w73i-!LDnp

T::-n:2'T'2ip ne dislingue pas

NpT^D

-l'^"»-iP

Np-'IS

Np^

N'iîiwNtp-iiD

ïi»i-ia"«pN

Np'j-^n

KORAZ ANKROYST KOROZE KONT KOM

KOBITÉRET KORDÉS KONTRUVA^T KUNJÉY KRETROMES KOVÉRTURES p de p PERCHE CHOIR BRÈCHE MARCHÉ SECHA

porgha'zera

aVheteromes

dëta'che

marchemenz

chardons

20. n = R.

Ex. Gerschom. Raschi, B. N. 301. B. N. 302. Bâle. Oxford. Leipzig. Parme 60. Parme 037. Turin 13. Turin 33.

b-iiTip

U"T^SÏ5i»ipN

u'T'Tn'^bpw G3i:-iip

s - '

UT^irnip

t25i-i5b labi-is

KORAZ;

KNPRANDRE

AVERTIR

ÂKOMO.NZÉRT

DKCHAZERÀ^

ÉKLERZIRT

K(JRZANT

KURZÉRT

IRES

LAVERONT

NARILS

LES GLOSES FRANÇAISES UE GERSCHOM DE METZ

21. '0 = S.

71

Ex. Gerschom. Raschi. B. N. 301 . B. N. 302. Bàle. Oxford. Leipzig. Parme 60. Parme 637. Turin 13. Turin 33.

bU'::"'-! RESTEE

NnnSTra BESAGUDE

Op""iO SliYGHES

i^ip SERÉ

NnipiCniD PORPANSERA

^ÎN^^INÏÎ SA VYE

OrOîN IN I AN SUS

TlÔiO SOFRIR

ïjv^ SES

NTZ5N72N AMASA

Wâ-'-'^a SÉYJES

N. B. ■© ne sert jamais à marquer le son CH, qui est toujours repré- senté par p.

Remarque. Pour les consonnes tildées 2 et n, a et â D et ë, p et p, il arrive souvent que les scribes par négligence ou manque d'at- tention omettent la barre supérieure, ou la mettent quand il n'est pas nécessaire. On pourra toujours sur ce point rectifier l'ortbographe des loazim suivant les exigences du sens ou les données de la plionétique.

POINTS- VOYELLES.

. z^ A*. Gerschom. y"''73?^* apaNDIZ

Raschi. arL^uj^-i uèstant

B. N. 301. •ÛHnfi-i'n MARCHERAS

B. N. 302. ysib-nON APARILONZ

Bàle. •I5N"«;i-ip5N ANGHAROYAS

Oxford. ne ponctue pas.

Leipzig. Mina"^"'::» atayndra

Parme GO. N2£\-'p PYAZE

Parme 637. "^I^-ID PARTI

Turin 13. V"^"!? PAHLIZ

Turin 35. NÎ'^Nn "'N È HAINK

N. B. Dans Gerschom ce point-voyelle indique parfois à la (in des mots Ve féminin fortement prononcé.

HEVUE OES ETUDES JUIVES

, T=A

Gei'schom.

tirant sur le son

Raschi.

0.

B. N. 301.

B. N. 302.

Bàle.

Oxford

,

Leipzig.

Parme 60.

Parme 637,

Turin 13.

Turin 35.

pas d'exemple probant.

Nna-'TpN AMÉTHA le marque parlois par NN

nu:^-id;n anprésa

UJirâ-'P KREVAZES ne ponctue pas.

Nn-'32 FENIR\

•^"lî-p-lW MARCHANDÉ

NnX-'np KRIERA

ttjMnbin voleras «n-inp KRIRA

= E

Gerschom, pas d'exemple.

Raschi. Î^T^ilT WÈNIZE

B. N. 301. N>N -^N ÉÈlA({Pdificavit)

B. N. 302. N1i3itt-l-'5 JÉRMONÈRA

Bàle. y^'i-jS-^-'ibJN AJELONERÈYZ

Oxford ne ponctue pas.

Leipzig. N"in3"'W MENDRA

Turin 13. Nb■«■^^^i-|N ARONDÈYLE

\ = l

Gerschom.

-Ti'7-1VJï:\S ISTIIRDIR

Raschi.

1^73p CHEMhN

B. N. 301 .

Nnâ^b LIVRA

B. N. 302.

U:-!^^ DEBRIZERAS

Bàle.

N-lS^bp^'^ DËKLINERA

Oxford

marque par *, ce qui suppose un

point sous la lettre précédente.

Leipzig.

■>7û-lin DORMI

Parme (>0.

UT^n^p^p^N ÉCIIETIVÉRT

Parme 637.

Ta-i\S 1RES

Turin 13.

«jN-in razias

Turin 3.S.

NTiT'DiTa SOPIROZF.

LES GLOSES FRANÇAISES DE GERSCHOM DE METZ

i = o.

Gcrschom. 'ji-ipUJi72 MOSCHERON

Raschï. N^U'^ÇîTai-' JOSTISE

B. N. 30t. "JiN-iiaib LIVRA OS

B. N. 30-2. 'jiT'^'ini-Oir-'N ÉSTORDIZON

Bàle. ■032i:£3?2 MANZONJES

Oxford marque par t, sans ponctuer i.

Leipzig. -Q-^^y^ SOYES

Parme 60. «awi-iiT DOROMES

Parme G37. m-'i-iIid PUDROIE

Turin 13. NiTjtûiT DOTa'îSZE

Turin 3o. \a3i-|5NT DAGROiNS

^ =U.

Gerschom. T''7-n:3\:5"'N ISTURDIR

Raschi. Nln^xaa RESÂGUDE

B. N. 301 . V35Nr:JN ASUÉiNZ

B. N. 302. N-<73?.D FUMÉE

Bàle. ùnno FL'RT Oxford marque t sans ponctuer i.

Leipzig. Nnrq^j JUTIZERa

Parme 60. ^''ip"'*« ÉKUS

Parme 637. -^-^âs^p KUNJEY

Turin 13. ^Ï<"'"^'1p1 REKREYU

Turin 35, n-^ib LUY

ou. N'apparaît pas dans Gerschom. mi nous trouvons i , = o + u. Toutefois le mot T^n-ia'i25"'î< pourrait faire supposer une leçon T^i"i::cN. (Voir ce mot.) Dans les autres manuscrits également quelques exemples sporadiques ; mais la manière générale de marquer est ^ T qui égale o + u = ou.

DIPHTONGUES ET TRIPHTONGUES.

La combinaison de - avec i> = i - est transcrite AI(a] (a] mêmes combinaisons avec i = i - AO

avec T en remplaçant avec n = n . AU

« Ou ^"^ = '^■1-

AY.

74

HEVUE DES ETUDES JUIVES

A par A et en remar- quant que n t = OU parfois aussi bien que

. avec 1 ' = ■' ..

El

.. avec n = "

-

EU

T avec '<»—■' -,

-

ÈI

r avec n = n V

-

Eu

■^ avec _ = _ -^

-

lA

■1 avec .. = . 1

-

lE

■» avec V ~ V "^

lE

1 avec ■>..=: 1 . ■<

-

lÉI

1 avec "i -. = "i V "^

-

lÈI

i avec n il

OU

i avec "^i = "^"^i

-

OY

n avec -^ == "n

-

Ul

1 avec ■'I = ■^■^1

UY

Rem. I. Ce ne sont là, bien entendu, que des diphtongues et tripli- longues que j'ai relevées d'après l'étude des manuscrits.

Rem. II. 11 est difficile d'affirmer absolument que, quand on se trouve en présence d'une notation d'un seul son par deux voyelles, on a affaire à une vraie diphtongue. Le son 1% , par exemple, notant ou, au lieu du signe '•., ne provient peut-être que du désir de reproduire, non seulement le son oîi du fran- çais, mais aussi les lettres mêmes dont la réunion marque ce son. C'est encore un corollaire de ce que je disais plus haut : l'alphabet hébréo-français n'est pas purement pho- nétique; c'est un alphabet intermédiaire entre un alphabet purement phonétique et l'alphabet français ; tout en restant phonétique, il est évident que parfois lorthographe fran- çaise a influé sur l'orthographe hébréo-française.

Rem. III. Le ■> ou ■«'^ placé après n doit-il être marqué en transcription, ou sert-il simplement à marquer une nuance dV ? C'est surtout que les scribes ont se laisser influencer par l'orthographe du dialecte dans lequel ils écrivaient. 11 faut donc rechercher le dialecte auquel appartiennent les exemples donnant celte combinaison et transcrire suivant les règles générales du dialecte.

» Ou -i^ = ■*•'.. = ÉY.

» Ou 1-^^= -^V, t=: EY.

* Plus rarement avec "^ = 01.

LES GLOSES FRANÇAISES DE GEHSGHÛM DE METZ 75

Rem. IV. Le "^ sert parfois (surtout devant les sifflantes) à marquer la voyelle préparatoire précédant la consonne : ce n'est pas e fermé, ce n'est pas i. On a une idée de ce qu'était ce son en français en entendant un Anglais prononcer le plu- riel des mots anglais terminés au singulier par e. Cf. da- mages, balances, que Talpliabet liébréo-anglais du w siècle transcrirait ">:;"'3ti»'i "0">i::">b3.

R. IV et dernière, Les : dont j'ai cité beaucoup d'exemples servent, comme «m a pu s'en rendre compte, à marquer soit \'e féminin, soit le son plein d'une consonne quelconque : ;n par exemple indique que \'n se prononce avec un son plein (anne) = a.N [préposition en. Il peut y avoir parfois un certain doute au sujet de l'interprétation de ce sclieva. Doit-on, dans "«ns (je ferai), transcrire FRÉ ou FERÉ? C'est encore une question de dialectes ; et on sera sûr de se tromper le moins possible en prenant comme critérium l'orthographe habituelle de l'ancien français et plus spé- cialement du dialecte auquel appartient le loaz examiné.

Louis Brandix. [A suivre.)

ISHAK IBN BAROUN

ET

SES GOMPARAISOiNS DE L'HEBREU AVEC L'ARABE

(suite et fin ')

B. En exposant ici les comparaisons lexicographiques d'Ibn Baroun, nous essaierons en même temps d'indiquer les caractères qui le distinguent comme exégète, et, dans ce l)ut, nous citerons souvent les commentateurs et les philologues depuis Saadia. Les preuves à l'appui des indications lexicographiques d'Ibn Baroun seront données soit d'après le Kamoûs (que nous désignerons par Kam.) , soit d'après le Tâg al 'Aroiis (désigné par TA); le Lisân al 'Aral) ne nous a pas été accessible. Quant à Tordre des citations, nous adoptons celui de l'auteur.

npi3i< (Ezéch., xxi, 20)-. Ce mot, qui ne se retrouve nulle part ailleurs dans l'Écriture, est traduit par Tbn Djanah « éclat de l'épée ^ », par Ibn Balam, « crainte du glaive ». Ibn Baroun le rapproche de la racine arabe ntîa, la X^ forme signifie « piller, dérober , détruire entièrement >? nnï«2PDNbNi ppcbN rinwSnnOwS bNit'^nDNbi^n n^nnst^bi^ *. On parle ici comme si l'épée elle-même se livrait au pillage ; c'est ainsi qu'on dit en arabe : si-^obN nani a l'épée l'a frappé », et en hébreu : T\y'yci^ a"in nb^N (Jér,, xlvi, 10) a l'épée mange et se rassasie ». Cette interprétation se trouve con- firmée par les mots ûrT>n3'u5 bri b:' « je laisserai pénétrer par toutes leurs portes le glaive de la destruction », et par la suite il est

' Voyez tome XLI, page 233.

' Mouu)., p. 26-27.

» Dict., 16, 22.

* C'est aussi à celle racine que le mot est raltaché par Castelli. Cf. Gesenios, Thtt.,s. V. : ce dernier l'explique par l'arabe riDN. ou mieux Jl^T, blâmer, menacer. Ibn Baroun cile à l'appui de celto aiialoErio un vors du poète anté-islamique Antara.

ISHAK IBN HAROUN 17

question d'égorgement, nn::. La trailuction d a Targoum Jonathan «mn ■'bicûp se rapproche de cette explication'.

niN, n-^TNb (I Saoa., ii, 33)-. Cette racine est apparentée avec l'arabi 2NT « languir », se rapportant, comme en hpbreu, à l'âme. A ce mot se rattache aussi, par raétathèse, le mot 3i<T, comme dans Deut., XXVIII, 65; Ps., lxxxiii, 10 ^

binN"» (Job, XXV, 5)* est à comparer avec l'arabe bnN « bril- lant », qui est employé, comme dans le passage de Job, pour par- ler de la nouvelle lune : "Tn-^ bi<bnbN ^-Si ^ A cette racine se rat- tache aussi bn^« [ibid., xxxi, 26), nbna (Job., xxix, 3), et nbn*" (Is., un, 10)'.'

T* nbïN (Deut., xxxii, 36)**. bTî< peut être comparé à l'arabe bir « glisser » , comme dans binbx nbT « le pied lui manque », ou avec l'arabe bûs, qui a aussi le sens de « être tenu de court », comme on dit d'un cheval onob.^ nbîN, quand la corde est trop courte nbnn nn^p.

niTîî, sangle ^ est équivalent à l'arabe nr» '°.

HwX (Ez., VI, 11) '*, particule exclamative, apparentée avec l'arabe nx et exprimant la colère ou la tristesse ; d'où Pexpression yfzo

' Cl", aussi les diverses explications dans Raschi et David Kimhi, ad. l. Il faut en- core rappeler une explication citée par Ali b. Souieiman ^Dictionnaire d'Ibii Djanah ,

774, 4-3) : 1^:TS".£?3 n:?3j "l^a ri^'ObN mnà ^'^^p^ ; le mot aurait ainsi le sens de Tapparilion de l'épée », comme en Obadie, 6, avec cliangement de n en 3?. « Mouw., p. 28.

* C'est aussi de cette manière que Saadia le comprend, car dans Lév., xivi, 16 , (éd. Der., p. 18i)), Deut., xxviri, 63 [ibid., p. 296!. et Ps., lxsxviii, 10 ^chez Th. Hotmann, Die KoracKitischen Psalmen nach Saadia, 1891, p. 8 de l'arabe), il le traduit toujours par DNi-

* Mouw.^ p. 29.

' Le Dict. d'Iba Djanah, 33, le traduit aussi par 3?ub « éclat » ; de même Saadia (éd. Cobn, p. 61) le traduit par H/abn briller ».

* Juda ibn Koreisch, RisaU, p. 71, compare à ce verbe l'arabe ^n, en citant à l'appui nnO 13 bb"^rî .Isaïe, xiv, 12), qu'il rend aussi, p. 111, pannobN nbi<brt. Saadia (éd. Der., p. 21) le traduit par -,nDbN "'D TT^xb.

" Saadia traduit ces deux passaj^es (Job, éd. Cobn, p. 65, et Isaïe, éd. Der., p. 2u; par^T^b, briller.

" jl/ottw., p. 31.

» Ibid.

"> Ibu Koreisch, l. c, a -|T"'73 bî<p^T INTwX. Rappelons ici la remarque de Zerahya heu ich'altiel dans le commentaire sur Job, xii, 18 iSchwarlz. ;:;T3î< nipn, p. 225), disant que Ci mot, dans Us dcux lanj^ues, ne désiijne que la sangle grossière, ordi- naire : -li<TiN OSn -l"nob IN '{■«TOb '\''-\^^;>_ "n-|~r! IV^'^a D;T. C'est pourquoi on emp.uie pour les vêtements sacerUotaus l'exprcssiuu C333X ^lixode, xxxix, 29). Saadia traduit CJsaN (éd. Der., p. cxl) par -|J<jT. L'opinion de Barth,- dans le» Etyn. Studien, p. 1, qui identlBe Uj3î< avec l'arabe ri^NILlX « sangle sous-ven- Irière en cuir « et 33^ « corde delà tente •, serait en opposition avec celte inter- prétation.

*i AJouw., p. 31.

la HE\ Le bES ETUDES JUIVES

î«n'*nt<T Nnsnx ^jvhî^ ' « entendre quelqu'un crier nx », quand il se trouve en proie à la colère ou à la tristesse ; de même '^n est em- ployé comme exclamation de douleur.

r:;'s(Lév., xi, 14)* est apparenté avec t^v, oiseau semblable à un autour ; cette explication est corroborée par le mot D"'\*< dans Isaïe, xiii, 22; il est possible aussi que D'^'^n, ibid., xxxiv, 17, soit l'arabe ■'in i^a. Il peut donc désigner deux espèces d'animaux\

UN (I Rois, XXI, 27)* est apparenté avec "«nûi^un» « la tête courbi'^e, baissée », comme on dit aussi en arabe : ]y n:2i<:3n ■>abi< a J'ai baissé la tête devant quelque chose » = •'oni nisi Ti^y *.

-lUkS (Juges, III, 15) «, Ce mot dont la racine, comme dans n:2î<n, Ps., LXix, 16, est la même que l'arabe "luN « saisir' », désigne celui dont la main droite est saisie de façon à ce qu'il ne puisse s'en ser- vir ': 1:^ nD3nn» r-ij-^-n-^ ind iî* nonrnN ■'N r-n::Nn ûnbnpb d;î<j73 !:]"ii:nbN ; on l'emploie aussi en arabe dans ce sens ^.

' Ici il semble qu'il y ait une faute dans le texte, car d'après nn^i<1, qui se trouve plus loiu, il faudrait la 1" ou la 2* personne. ' Mcuio., l. c.,t^ V. IN-

Saadia traduit rri^, dans Lév., ii, 14, et Deut., xiv, 13 (éd. Der., p. 15" 61275) par l»^!^, qui désigne un oiseau de nuit ; il traduit de la même façon □i">iï dans Is., xxiiv, 14, landis qu'il traduit D"''^f< en cet endroit et Is., xiii, 22 (éd. Der., p. 21 et 51) par "i^N iHi*. La traduction de Saadia î>n^ est rejelée par Ibn Djanah, Dict., 37, 23. Lui-même le traduit par "^IN "jSî^, qui signifie, selon lui, une sorte de be- lette. Il remarque expressément, ihid., 1. 29-30, que ce n'est pas le renard .3"-"P) mais un animal portant un nom étranger, également connu chez nous. Peut-être Ibn Dj. veut-il rél'uter ici l'opinion de Haï Gaon, qui, selon la citation de Juda ibn Balam dans le commentaire sur Deut., xxviii, 3U, niT'^tw'^ (Fucbs, Sludiett, appeudice, p. XXI ; cf. aussi p. XL), remarque, dans son Haioi^ que "^"if^ I^Ji signifie en persan bjO chacal t comme il l'a trouvé dans la version persane du Kalila wa-Dimna. Ibn lialam lui-même cite l'explication d'Ibn Djanah, avec laquelle celle d'Iba Barouii concorde tiualemeni. Du reste, Bochart aussi, dans Uterozotcon ciié par GesciiiLis dans le Thésaurus, p. 39, s. v. fi'^H, le compare à l'arabe T^T^.

* Mouw.^ p. 32.

Ibn Djanah, Dict., 36, 7-8, le traduit par < lentement ». Haï Gaon explique aussi ce mot d'après l'arabe, mais son observation, que je dois aussi à l'obligeance de M. Harkavy, est incomplète. Il invoque à son appui le premier lexicographe arabe, Halil, l'auteur du Kitab-al-Aïn, et il cite aussi l'explication du Talraud Yerouschalmi (Sanh., chap. i, 28A) : 'ïipn m3?'?N ^"'"'rb'TN ^Np ;:N "ib"^!

p y'û^m 'n [un] '^'rrr'i pbn p-iD ^c m^'cru 'bn ■'di r<:n ...S un

* Aloum.^ p. 33.

^ Au sujet de cet emprunt fait à Haï, voir plus haut.

» Cf. TA. : n^D-^a inx -^br 'l'npn -"crN 7\:iy '\^-z^ nrca na^bx

JnÏTyrD. Dans le même Dictionnaire, on donne austi a "l^M le sens de i roal- bpur •, d après un haditli remontant à Mahomet. ll)n Dj-tnah, Dict., 30, 32-33, a la mâine exphcaiioa, sans la comparaison aveu l'arube.

ISHAIv IBN BAROUN 79

ns-^i* *, mot désignant une mesure et apparenté avec le radical arabe nsi, a bien pesé »,

"i?3t<. ^T^Mï^n* (Deut., XXVI, 28) signifie ou bien, comme l'arabe •nT^wN, « augmenter, bénir », car r;-i»N signifie « bénédiction, aug- mentation », comme il est dit dans un proverbe : -^nn bi^Tobi* nJT ■'ï) nmwî* « tu peux juger, d'après l'état du bien, de son accroisse- ment 3 a; ou bien le mot signifie, comme l'arabe "i?3i<. « élever », et, comme ri-iTSN, « l'élévation », bn. Ce sens conviendrait pour m?oi<n, ibid., v. 19*, ainsi que pour nwnn dans Isaïe, lxi, 6 ^ Une concordance particulièrement juste est celle qui existe entre n:cN ou rinrN « brebis », et l'araméen n»i«, mot par lequel le Tar- goum traduit w::D^.

ia«N' est équivalent à l'arabe o»i<'\

CjON*. DD-'CN ciiDN (Jérémie, viii, 13j doit s'expliquer par le ra- dical arabe rjMDN « périr »; on dit : bânbis C|îOwS « l'homme suc- combe dans sa fortune », et aussi : ']Lsbnbî(3 s^Niob^a nbbwS r!N"3- « Dieu l'a jeté dans la ruine. » C'est également le sens de ^on2 p-^nstn et ta-'SSN: d'isaïe, lvh, 1, ainsi que de mTDrta nnsode Jér., XII, 4 '°. Comme redoublement de cette racine, nous avons le mot

* Mouio., p. 34, s.v. Jl'^i?. Saadia sur Exode, xvi, 36 [éd. Der.,p. 105), le traduit par r;3"^n, et dans Lév., xix, 36, et Deul., xxv, 14-15 [ibiJ., p. 174 et 209), par

' Mou/0., p. 38.

» Cf. Kam., !-i-i]::D m7ûi<T î-ibbN n^»i<T nn-iCN?: n-ins bà-ibxn ']-i>î37jbN -i«xbj<i nbo: -ira rryb-

* C'est aussi de cette manière que l'explique Ibn Dj., Dict., 57, 26-28; cf. Ibn Ezra, ad l. Le premier propose aussi de le faire dériver de H^ti^HySl'^ae ^Sabbat, iO^ a). Saadia le traduit par "i-^X, ordonner (éd. Der., p. 291).

" Saadia (éd. Der., p. 92. a "jVî'^nn ' échanger . ; cf. Der., /. c, note 5. La glose 61 à Ibn Dj., 285, s. v. "173'^, a "JTiTbnP vous vous amuserez >. Celte leçon vient peut être d'une fausse lecture de lipDjPn cité par Ibn Dj., qu'on aura lu lipîDnn.

* L B. fait ressortir expressément que N a ua kesra, tandis que les Diclionnaires ont aussi "iT^N avec fatha-

^ Mouio., l. r.

* On ne peut déterminer dans quel sens Ibn Baroun compare ici "CJ73M, le mot OttX en arabe désignant» la journée d'hier >. Cf. aussi Ibn Ezra sur Exode, i,21, dans le grand commentaire, et sur Genèse, i, 19, chez Bâcher, Abr. Ibn Esra ah Gramntatiker, p. 164. Saadia traduit '072N. Gen., xix, 34, il est sûrement question de la nuit passée, par DWN (éi. Der., p. 29) et Gon., xxxi, 29 et 42 {tbid., p. 49) par nn~lN3'5î<. Sur les divers sens de ce mot en arabe, cf. Hariri, Burrat al-Gawoas, chez de Sacy, Anthologie grammaticale arabe, p. 27. D'après le Thésaurus de Gesenius, ^^N dans le sens de « la nuit dernière » est à rapprocher de 1373 ; cf. Harin, /. c, 'jl'î'Ip'^T

n-'crN ri^DT -i-iSa n-ioT^ b-«V5N q^nr in -^bi* o»ab&< nbNT n^x.

* Mouw., p. 39.

•" Il faut remarquer que Saadia traduit "DDP, Genèse, xviii, 23, par ï|"^On (éd. Der , p. 27) et de même rnSOlî (Is., xvi, 9) par HûNOM (éd., Der., p. 23) et qu'il

80 REVUK DES ETUDES JUIVES

qiccoN (Nomb., xi, 41, qui est l'équivalent de l'arabe s^nocd « le plus humble»; ainsi on trouve dans un /iâfcii^/z : 15x^72 ^n^ rtbbx ^n xnsNDCD !-!n:3">T 'n7:Kbi< <> Dieu aime ce qui est noble et hait ce qui est vil '. »

IDN, rj3iDî< (Ps., Lxxxviii, 16) *. Outre les deux comparaisons indiquées par Ibn Dj. ^ on peut encore citer '':h « passer » ou "(ËwS « être faible et chancelant dans ses résolutions* ». C'est une phrase abrégée (nnaî* ûtîbD) qui, d'après cette explication, a be- soin de l'addition ^ = rtD"i t<"D.

psN. ûv°^ (^s., cxxvi, 4) et p■:^*n"'^ (Esther, v, 10)* doivent étie rattachés à la racine arabe pND. Le premier mot est comm»i l'arabe p"'"iNDi<, « l'eau qui se rassemble dans un nuage pour for- mer de la pluie"" », et se rapproche aussi de ps^n"'"! a il acquit de l'empire sur lui-même », car ce sens a de l'analogie avec celui de

0 se rassembler, se ressaisir » : i^rtjbN ■'d 'nbÂnbNi hpïtENbN ikd 'jï<3"it*pn'2. Par contre, ynx y^Z)^ (Ez., xxxii, 11) doit être expli- qué par y-iNbwS ''PwNdn « limites de la terre ».

bSN, "i^irN^ (Exode, xxiv, 11). Ce mot désigne ceux qui sont fermes dans leur opinion '", b-^i:» bà-i, de nbs:^ bi:^, dénominalif

dit à ce sujet dans le Cotnm. {ibid.. p. 108) qu'il le fait dériver de ^TDOn (Geaè=e, XVIII, 23]. Ouani à C]0N3 daus Isaïe. Lvir, 1 , il le traduit par TM3, périr ^Der., p. 85.). Cf. ibn Dj., s. v. (Dict., 61, 32).

> Cf. Kam., -i"'pn5N -17JNbNT "^O bs )J2 ''TlbN r^NODOb^T- Saadia, ati ^ (éd. Der., p. 208), le traduit par O'^sb «la foule rassemblée ».

* Mouu\, l. c.

s Cf. Dictionnaire, 65, 7-14, el 565, 30.

* De même Deliizich, Vomm. zu Ps., p 611, qui réfute l'explicalion d'Ibn Dj. Saadia ad l. (éd. Hofmann, p. 8 de l'arabe) le traduit par nnJPN < de quelque côté que jd me tourne •.

» Mouw., p. 40.

6 Cf. Kam., Ti-p-^sba n3.'73naN ripNSbN np^{D^<■| , c'est-à-dire que ce mot, en sa IV" forme, est employé pour désij^ner le lait qui se rassemble dans le pis de la cha- ffl' lie pendant la traite. Saadia traduit D"^73 "^p'^DN ( l*s., xviii, 16; par "[NTiabî* JNp les suitaces de l'eau (éd. Marguiies, p. 20i, el D^p^DN, ibid., cxivi, 4, par •jN^ns 'Ewdld et Dukes, Beitrâgt, 1, ()V .

' C'est aussi par ce mot que le traduit Ibn Dj., Dict., 66, 4, et Tanhoum sur

1 Sam., xiii, 12 (éd. Haarbr., p. 16). Saadia traduit le mot de diverses manières : dans Gen., xliii, 31 (éd. Der,, p. 691 par psnrn, de même Gen., xlv, 1 \ibid., p. 11), mais la Poly^rlotte et un ms. du Yémen ont '7"inP"^ se mouvoir » ; cl. Der., ibid., note 2. Il le traduit aussi par ce dernier mot dans Is., lxiii, 15 (éd. Der., p. 94i. Dans son Commentaire, ad l. (éd. Der., p. 143), il s'est étendu lonj^ue- meni sur les diverses sij^niiicaiions du mot ; malheureusement nous ne possédons qu'un texte incomplet. En tout cas, il semble le rapprocher de Gen., xlv, 1, ue sorte que la leçon de la l'ulyjjlolte serait conlinnée par Saadia lui-même.

« C'est sans doute ainsi qu'il laul écrire, car ici c'est le pluriel, el pDN est au mascu- lin siD^ruher; cl. Kok., p. 9'J, note l'J9.

» AToM/'-., p. 40.

'• D'après Ibn Dj., Dict., j. t»., le mot se rattachée nbi£N de Gen., xxvii, 36 « se eéparer •, et signide i ceux qui sont mis à part, les nobles >.

h

h

ISHAK IBN BAROUN 81

de b^SN, racine. Il faut y rattacher l'expression ']"'T mb-'itt (Jér., XXXVIII, 12) = ^"'^■' biJTN « racines des mains w. Ce sont les cavités de l'épaule, et c'est également ainsi qu'il faut expliquer rmx:N O'J riVi^N (Ez., XLT, 8) « six coudées à partir de la racine ».

3-ii«. 3"nx ' (Jos., VIII, 2) est apparenté avec le radical arabe a-n, dont la IIP forme r!3-iwS-7: signifie « tromper », ce qui est, d'ail- leurs, le premier sens de « guetter ».

•c-iN'- (Deut., XX, 7) est identique à l'arabe snrx, avec le chan- gement si fréquent de n et y, et a le sens de ^o^.y iini<, « prendre une épouse, une fiancée ^ ».

•^ph \ matin, est identique à l'arabe r!-i23 avec changement de 3 et p ^

n:T. n;-m'^ (Lament., m, 17) est apparenté par métaphore avec l'arabe ni:.

bsn. b3ri'(I Sam., x, 5 et 10) est le mot arabe bsnn dans le sens de pb5, troupe d'hommes. Dans n'rnn ■^mn (Job, xvii, 1), il y a la racine arabe b^b « rendre quelqu'un absent d'esprit** ». Dans m'^innn (Prov., xi, 14, et xxiv, 6), d'après le principe du r|ni:?:, le changement erroné des voyelles, il y a l'arabe rib^'n^ Le verset de Proverbes, xxiv, 6, trouve un parallèle dans le vers du poète arabe, Al-Moutanabbi : -n 'iN'rr:;bx ni'Nrj ''^:i'p "^JS-ibN ■'DNpbN bn7:bN "'m bij? « le conseil est supériear à la bravoure im- pétueuse dans les combats il est le premier et celle-ci la se- conde '" ».

"an. " nman (Exode, xxi, 25] est identique à l'arabe ^nn « trace d'une blessure » '*, nnàbs ",riîî.

* Moutv., l. c. ^ Ibid.

* La même comparaison est aussi admise par Barlh, Elym. Studien, p. 16-17. Cf. au sujet du sens d' « épouse, fiaocée », ibid., p. 16, note 4.

* Mouto.,j). 23, 1. 18.

5 Cf. au sujet du chanj^emenl de a en p, Barlh, l. c, p. 34-35.

^ Mcuio., p. 24, i. 5.

' Ibid., p. 42.

" La même comparaison est faite par Barlh, ^. c.,p. 42, note 1. Saadia, ad L p. A'], a T— "n « niOQ esprit s'en va •.

^ Voir la môme identification chez Barth, p. 31, qui admet qu'en arabe il y a deux racines ^271 et bit! ; de la première dérive aussi le mot ban et b'an, rusé, ha- bile. La glose 36 à Ibn Dj., Dict., 207, a aussi b''n.

'" Daprès Kok., p. 145, noie 373, et Bâcher, Z.A.W., l. c, p. 246, ce vers est aussi ciié par Juda ibn Balam dans le commentaire sur Is., m, 2 ; cf. Revue, XVII, p. 189. ILn Baroun ajoute encore, dans une remarque malheureusement incomplète sur Prov., xxiv, 6, les mots yy^^ a"ia, qu'il traduit < parla grandeur du conseil », explication qu'il trouve plus belle que celle de « par beaucoup de conseils ».

•' Momo., p. 42.

" Ibn Baroun cite le vers d'Omar ibn Abi Rebia, i! y a toutefois, d'après les T. XLII, N" 83. 6

82 REVUE DES ETUDES JUIVES

!Ti2^an (Jér., xiii,23) est identique à l'arabe rinmnn, qui si- gnifie « les cheveux de la tête » et qui sert à désigner les taches du tigre, semblables à des cheveux ; ou bien c'est l'arabe t^3d , peu tacheté. Ainsi dit un poète : Nn-i"'33 ]J2 -wSt: N7:NiwS ^-l^ « lorsque s'envolèrent de leurs cheveux »,

aan (Koh., xn, 5) * est ou bien l'arabe r;3i>n, duel, i^rnin, les deux os supérieurs de la hanche, "j-^D-nV^ ofri, ou bien l'arabe nàixn, les deux os au-dessus des yeux *.

ûiTin (Is., XLVii, 13) 3 est le même mot que l'arabe "^Ti^n « ceux qui observent le vol des oiseaux pour en tirer un présage », im

-nn^ Dans nnom Tnm (Ez., xxiv, 11), il y a la racine arabe "in « être chaud et sec w*^; de même "^Jz^^y rnn (Job, xxx, 30). Pour y"ii< ■'nuî'i"' imn (Is., xxiv. G), il faut penser à l'arabe inh, être effrayé '. "^"nn, dans Gen., xl, 16, est Tarabe "«niîin, pain très blanc ** ; c'est sans doute aussi à ce sens que se rattache nmn (Is., xxxiv, 12) et ûmnn, Néhémie, iv, 13, qu'on peut rendre par

■oin (Eccl., II, 25)" est identique, d'après une opinion, à l'arabe on '"• ^ pourrait aussi avoir de la parenté avec l'arabe

lexicographes arabes originaux, un autre mot pour le mol "n^n ; cf. Kok., p. 147, note 388. Barth, p. 41-42, veut rapproche: "mnn de bnn blesser », et réfuter ridenlificalioa du Lexique de Gesenius avec ÎTlSn, vêtement rayé. Pourtant, dans le Thésaurus, Gesenius cite aussi, d'après Kam,, l'explication » zébré par des raies ».

> Mou>i\, p. 43.

''■ Ibn Djanah, Dict.. s. v., traduit ce 2^n par « sauterelle », a'i;^ ; cf. aussi Kok,, p. 100, note 200.

* Moup;., p. 44, s. V. Tin, dernière ligne.

* Cf. £a7n. : -i^-jrNi nôiD 'Tivnn bizbn ■"Tm N-'Tnn ■^mm N"^Tn "'TH'^

î<!^pND"l NmiiT, il a le sens" de f émettre des hypothèses sur le produit des pal- miers et le vol des oiseaux ».

* Moutv,, p. 44-43.

« Cf. Ibn Koreisch, Iiisah\ p. 73, NnDi«n3 "innOm N7ûnn "^^b. ' Saadia traduit ce mot (éd, Der., p. 34), comme Tt'^.T] de Job, xxx, 30 (éd. Cohn, p. 67), par 133 écrjsé, gâté .

* De même Saadia, ad l. (éd. Der., p. C2). Dans notre texte, il y a ici une lacune, cil Ibn B. a sans doute tenu compte de l'analogie avec l'arabe, citée par Ibn Dj., Dict., 217, 16, sur Isaie, xxxiv, 12, les notables sont appelés CNjVî< 'y^N"'^ « les blancs, à l'aspect noble ■. Par contre, Ibn Dj., /. c, 1. 20, ne veut pas admettre le rapprochement avec "^mn, Gen., xl, 16, et l'explication : pelures blanches. Ibn Ezia. sur Genèse, xl, 16, déclare que ^~nn, Néh., iv, 13, doit être compris comme ce ■>Tir! ; peut-être n'est-ce que Topinion personnelle d'Ibn Ezra et non celle de Saadia ; rT'Iin, Is., x\xiv, 12, est aussi traduit par Saadia, ad l. (éd. Der., p. 51),

par -ixnns.

" Mou/v., p. 45.

'" Ibn Baroun mentionne ici un de ses prédécesseurs déjà mort et dont le nom manque dans le texte. A ma counaissauce, seul Isaac ibu Giat, dans son Comm. sur

I

ISHAK IBN BAROUN 83

5nri> comme on dit : ^<3>i<j;:5 "jn^ t^n'ï» NDifi Din"» ?À-ibN Din « l'homme est courageux, impétueux » ; Nonri r;pN3 , « une cha- melle sauvage ». Cette dernière explication est préférable *.

T-'Tn (Job, XXVIII, 27 ; xxxviii, 25 ; Zach., x, 1) - est, par méta- thèse de n et n, identique à l'arabe rTî^jon dit Nifî< nnpbN riTN ïIjN-'!:^ Tnu.'N nÏwX, « les nuées font entendre un son puissant ^ ».

p ■' n * (Exode, IV, 6) est identique à l'arabe npn ^.

ïim^ T,in (Exode, xxix, 27) est apparenté avec l'arabe fim ^^

rinn? qui signifie aussi « morceau de viande » ; seulement rim ne désigne pas un morceau déterminé (rî'5"'3'72 n3>LDpj'.

ibn"*. n:n (Ps., xxxix, 0) ressemble à l'arabe iibS, temps qui dure, fi^pnbN DX'iT ^

ib'n (Lév., XI, 29) est le mot arabe ihibb « taupe '" ».

PEcclés. (éd. Lœvy, Berlin, 1SS4], ad l, (cf. mon Ans deiii Xoh.-Comm., p. 22 et 23], a celte explication.

' La même explication est donnée par Ibu Dj., Dict. 426, s. »,, Vn3,se hâter, se ruer.

' Mou?o ,T^. 45, *. i>. "*n- Le mot ""^Tn même n'est pas indiqué; cependant il ne peut s'afjir ici d'un autre.

* Ibn B. corrobore encore sa comparaison par la citation d'un hadith qui toutefois manque dans l'édiliou. Pour les autres explications de ce mol, cf. Studien ûhev Jo^ sepk KimM, dans Alonatsschr.,'S.L, p. 411.

* 3Ioicw.,p. 46.

" Malheureusement le texte est mutilé en cet endroit, ipn signifie en arabe I flanc > ; cf. Barth, p. 61, qui a la même comparaison. Saadia traduit le mot de notre passage (éd. Der., p. 85) par DO; par contre, il traduit Gen., xvi, 5 (p. 23), Nombres, xi, 12 (p. 208), et Is., xl, 11 (éd. Der., p. 5^1), par "li^n (sein). Abr. ibn Ezra fait, au sujet d'Exode, iv, 6, la remarque suivante : pT!" "^D "IT^N ^lNr«ni

Nir:_ ''o nnT^N n^-ini^i ngi ip-'nn "^p^na ir;i<o nr^n j'inTn n-in Nin

^Tnb '^^);0^; ^i3^î. Les preuves données ci-dessus montrent que ses citations de Nombres, si, 12, et Is., xl. H, sont erronées; pour le passage d'Exode, iv, 6, son indication ce convient pas non plus, car U'D répond plutôt à la seconde explication qu il rapporte. Pour la tiaductioa que donne Saadia de p"^n, Ps.,Lxxiv, î1,etEz., xi-lii, 13, cf. Ewald et Dukes, Beitrage, I, p. 55.

^ Mouw., p. 4 5.

' Saadia, ad l. (éd. Der., p. 121), a vp « poitrine », sans doute du radical Vp couper >. IbnDj., Dict., 218, 18, a T7^ « poitrine ». Dans la traduction hé- braïque d'ibn Tibbon, ce mot n'est pas traduit; il y a simplement la mention 3'""T'» ce qui correspond à l'expression riTlî'T^, qu'Ibn Dj. emploie d'habitude pour dire que le mot arabe a la même consouuance. La glose l,ibid., a Tm "jNVriîK "IT^

yprx.

* Mouw.. p. -47.

^ Saadia traduit ici (Ewald et Dukes, /. f., p. 31), et Job, ii, 17 (éd. Cohn, p. 36), l'?n par "1720^, durée de la vie ; il faut aussi comparer le commentaire pour ce dernier passage. Pour Ps., xlix, 2 (éd. Hofmann, p. 5), Saadia a iS"^;"i t monde •.

'" La même traduction se trouve chez Ibn Dj., Dict., 227, 8, placée par M. Neu- bauer entre parenthèses. Le fait qu'Ibn Dj. veut parler de la taupe ressort de ses jia- roles, t aveugle de naissance ». Saadia, ad L (éd. Der., p. 158), a îïn':?D. L'étymo-

84 REVUE DES ETUDES JUIVES

'iihn, ^îj?awn rjbn"'i (I Rois, xx, 33) \ est le mot arabe "jbn « saisir quelque chose vivement» avidement » : N"jbn Lûbn"» bànK^ ubn

tibrt, m>2bn (Job, vi,6)^ La meilleure explication consiste à rapprocher m)ûVn de l'arabe ûi^bn, ch3vreau= '^^^. Ainsi, chez le poète Mouhalil on trouve un vers sur la célèbre guerre de Ba- sous*, il est dit : bnpbwX b^j-^ -^nn Dxbn 3^:3 id bnp-i b^np bD Di<7:-bN « Ceux qui ont été tués jusqu'à présent sur le territoire de Kouleïb sont à considérer comme des chevreaux, jusqu'à ce que le glaive meurtrier atteigne les principaux d'entre eux. »

C]bn, ribn (Ps.,xc,6)^ C'est l'arabe irisbi, une herbe qui ne croît qu'en été, aïJ3>b!s )'a q'^i:bN nnsN î<53^ L'expression ms-ibn ti-^^a (Juges, XIV, 12) signifie, comme l'arabe ri^bni?:, des vête- ments de diverses couleurs et espèces '.

ybn^ y-^bni (Is., lvhi, 11) n'a pas, comme Ibn Dj. l'admet, le sens de l'arabe biS « humecter, arroser " » ; c'est une compa- raison cherchée trop loin, tant au point de vue de la forme que du sens. Ce mot est ici tout simplement identique à l'arabe ybS, « retirer, sauver » : û^b^b^s ]i2 ^ri^jjii ^^ir^? ybb"' nsN "^n « il pré- serve les ossements de la douleur ». Cependant, on ne peut ex-

logie des deux mois a donné lieu à imo explication intéressante de la part de Simon b. Cémah Duran, dans son commentaire sur Job, p. 62i : "^n^Dli bs 1530 ibPI "^""^

b"n -i-im:) Tmbn '\r::':>i2 ûb^n 1^:^12 iiMi-ci ^1:0 yjî^ ■^■ibm nbn K-in - mibnr: pi n»b3'3T ï-i37ûu3 N-^no J-nbin iiobî^ t^in^î r.-^iy tsb^'nnb Dbn3> iwt- N-ip2 pn ^b::n '^v D^bi'-b 3-1 ^^^0''^

tDIN "^3372. De même, Moïse ibn Chiquitilla explique le mot *ibn par rTllbn, rouille », mais dans le sens de t vieillesse », chez Ibn E., sur Job, li, 17, d'après Haï; cf. Poznanski, Mose ibn Chiquitilla, p. 182. Au sujet de l'élymolofçie de ûbli', cf. aussi Tanhoum sur l'Eccl., i, 4 [Aus dem Xok.-Comm., p. 18-19). Cf. aussi Landau, Die gegensinnigen Wœrter im AU und Ncuhebr., Berlin, 1896, p. 124- 125; Delitzsch, Comm. m Job, p. 150, remarque : ibn, la vie =Tb5, se terrer, durer » ; ibid., note 1 : la racine n'a pas la signification de rôder ».

* Mouta., l. c.

* Cf. Kam., qui prétend qu'en arabe il faut écrire le mot plutôt avec un 5 : àbl

* Mouw., l. c.

* Cf., au sujet de celle guerre qui dura quarante ans, Frcylag, Lexique,!, p. 120. " Mouw., h c.

6 Ibn Koreisch, Risalè, p. 20, et Ibn Djanah, Dicl., 229, 10, traduisent aussi par ïj^D, mais dans le sens de t succéder, se renouveler constamment ». ' Saadia traduit, Gen., xl, 22 (éd. Der., p. 72), ms-^bn par ïÏ5'b5. ^ 3Iouw.,Tp. 48.

' Cf. Dicl., 230, 20. Ibn Baroun cite ici l'expression : î<720bN drîpbit^i^ les cieux l'arrosent ». Cette analogie se trouve chez Ibn Dj., l. c, 1. 30-32; cependant il y est dit N):5N N;n?^5îî les cieux nous humectent ». IbnDj. l'explique encore par n"^5?,N3 N:nba "'iS ils nous humectent par la pluie ». Saadia, ad l. (p. 88), traduit ^7:^ΕJ:' -^ip-îT . il fortiliera tes os •.

ISHAK IBN BAROUN 80

pliquer ainsi d'^pi'i û-'-ni r:iibni<i, comme le fait Ibn Dj. S car sa traduction : «j'ai sauvé même celui qui me hait gratuitement » est absolument contredite par la phrase suivante. Le mieux, c'est de l'expliquer dans le sens de « tirer l'épée ^), comme l'arabe '^^nàn*. Le sens est : « Ai-je fait du mal à ceux qui étaient en paix avec moi, ou ai-je combattu inutilement mes ennemis Le Psalmiste veut parler ici de la violence et de la colère, trouvant que des princes faibles ont tort de partir en guerre contre les pacifiques et de chercher l'occasion de combattre des ennemis qui renoncent à la lutte; à plus forte raison quand il s'agit d'un prince aussi puissant que David. Il veut dire que lui a bien agi en ne se lais- sant pas entraîner sans motif à entamer des hostilités. Le contexte convient parfaitement à ce sens. i<:ii: "^liibn signifie aussi « ceux qui sortent », c'est-à-dire ceux qui se rendent à l'armée, innJs:'5i< U5"'jbb. On dit en arabe : n52ï<b smnàn « je me suis mis en campagne pour une chose, je me suis dévoué à elle^ ». On dit aussi : tm-ià ri3TDbi< « l'armée part en expédition* ». L'explication de Juda ibn Balara, qui rapproche le mot de li^i'' ^""StbnT: ^ (Gen., xxxv, 11), est cherchée de trop loin.

pbn- p)n (Gen., xxvii, 11) « est ou bien l'arabe pbn, « raser les cheveux», ''DittVi^a "nr^abi* pbnb tîNJ» , ou l'arabe pb5 « être lisse », dbJ2iH ; on dit : n-pbi> rriè:: « un rocher lisse » ; une mon-

» Dict., l c, l, 9-11.

* Dans le texte, ce mot ne se trouve pas, mais il n'y a aucun doute qu'il no faille remplir la lacune par ce mot.

* Ce serait peut-être une analof^ie de Thébreu N3i "^N^"!"^.

* Saadia traduit de même le mot dans Nombres, xxxii, 20 (éd. Der., p. 2i5) el Is., XV, 4 (éd. Der., p. 23). Il résulte donc d'ici que la traduction de Saadia de Ps. VII, 5, p'r^NÎ, doit aussi être comprise dans le sens de « tirer l'épée >. La tentative de M. Margoulies (p. 13, note 1) de justifier sa traduction de t piller » en invoquant l'explication d'ibn E. sur Ps., vu, 5, outre les objections faites à ce sujet par lui- même, peut aussi être réfutée par la considération qu'lbn E., lorsqu'il cite directe- meEt Saadia, ne le fait pas avec soin (cf. notre remarque surp'^n). Remarquons en- core qu'lbn E., qui, dans le grand commentaire sur Exode, m, 22, Dnbl^iT, mot pour lequel il renvoie à Ps., vu, 0, n'explique rien du tout et ne donne pour Ex., XII, 36, qu'une explication grammaticale, dit, au contraire, dans le commentaire

abrégé sur Ex., m, 22 (p. 12) -. nin^a "b::" t^y^iiz bsr; D'^ribN b^iT l^D

!^Oy'»Ij C72nn, ce qui correspond tout à fait à la traduction de Saadia, ad /., 1S^Pjî<"l (éd. Der., p. 85, et note 1). D'après cela, Ibn E. sur Ps., vu, 0, ne peut avoir voulu parler de Saadia et il faut rejeter la leçon de la Polyglotte (citée par M. Der., l. c), ainsi que la traduction d'Exode, xii, 36, ICDP^XI « déraciner > (éd. Der., p. 99).

^ Le mot propre se trouve ici mutilé. En tout cas, il faut lire "jTTjTnTS, ceints. Du reste, Ibn Dj. (Dict., L c, 1. 12) traduit aussi yibn dans Nombres, xxxii, 20, par 1^"ni>P72 et cite également, au nom d'autres interprètes, l'explication qu'lbn Baroun

attribue à Ibn Balam, en rapprochant ce mot de û">^bn) qu'il traduit par ÛTHinTî ; cf. 1. 16 et suiv. ^ Mouw., p. 48,

86 REVUK DES ÉTUDES JUIVES

tagne sur laquelle rien ne croît est appelée pb^i Vnà', Ton emploie un participe actif au lieu du passif. ftpb'r: (II Sam., XIV, 31) est par métathèse semblable à l'arabe bj^n, champ-.

c;7:n, a-'Citrn (Exode, xin, 18/^ Ce mot peut être apparenté avec l'arabe uî?:n « rassembler », comme on dit ■'•cbi^ T)':iiz'n = iiryci « je l'ai rassemblé* » , ou avec l'arabe D52n « être ferme » dans le sens de '-ix:ï<bi< ■'d ^"^izd « être zélé pour une chose ». C'est pourquoi on appelait aussi les Koureïschites c::nbN, parce qu'ils étaient zélés pour leur religion : NiD^nn ùrizub Y-^^ ^""^^ ">:î"^"ip î<T7Twn "^N Ci^n •'z"^. On appelle aussi l'homme courageux Hn j'vSJt: ctnj*". Le mot a"^'i5i»n est donc un qualificatif actif sous la forme passive.

r\'2n- rijzn (Gen,, xxi, 15)' est apparenté avec le mot arabe n"'tri « vase à beurre ■'' ».

nsn ", dans le sens de « se fixer », est le même mot que l'arabe ?n, dans le sens de Vt:, par opposition à « se mettre en route ». L'hébreu T>':r\J2 correspond à l'arabe hmiz. La permutation de 2 et b est fréquente '".

:::n. rir^^nfCant., ii, 13)" est l'arabe :û;n « mûrir »; on dit : ri-i7:ri lïrn'iTa \N rî'jDwXn^-; ce mot est aussi employé pour désigner un jeune homme arrivant à la maturité, uixn ûi^bs.

boh. isbon"» (Deut., xxviii, 38)^^ est apparenté par métathèse

* Le texte porte faussement p^t^n.

» De même, glose 67 à Ibn Dj., Dict., 231 : p-'N'rm blpm bpn- Saadia aussi le traduit par ce dernier mot dans Gen., xxxiii, 19 (p. 53). Ct. aussi sur Ruth, H, 3, la leçon d'une ancienne traduction arabe chez Peritz, Monatsschrift, XLIII, p. 14ci, note 4.

^ Mouw., p. SO.

* Cf. Kam., r^y^a.

s Cf. Kam. : r!m s?:nxT oTon iJiD bw^npbj<n ^-^iba "^d rnbon -in'Cîx tnrn -^d arîc^nnb ...cnp npb.

^ Nous estimons que cette inlerprétatioa se rapproche de la traduction du Tar- çroum 'î"'T~lT?3, de Ï"^"1T « être zélé ». D'après cela, la remarque de M. Derenbourj^ sur Saadia, Gen., xxxi, 34 (p. (54, note 5), et Ex., xiii, 18 (p. 100, noie '\ doit être écar- tée, car la traduction de Saadia de T2i*^ et 'j"'"'3i*P70 si^^uitie « organiser, ranger l'ar- mée dans un certain ordre >. Cf. Gesenius, l'hes., 494-9f>, qui comprend austi Saa- dia de cette manière et qui, outre la comparaison avec DT^H) cite aussi C535, agmen instructum. Les mots Ntl-N Dio.qui se trouvent dans le texte, p. 50, à la fin de la ligne 4, ne paraissent pas être à leur place.

^ Mouw., l. c.

* Ibn Dj., 237, 9, ne veut pas employer, pour cette raison, l'équivalent arabe. ' Mouii).^ l. c.

" Au sujet du changement de 3 etb, cf. Barth, Le, p. 40. " Mouw., l. c.

'* La traduction attribuée à Saadia dans Merx, p. 29, a r\1'p:f, qui signifie aussi bien se couvrir de bourgeons que « croître «. '* Mou»-., p. 51.

ISHAK IBN BAROUN 87

avec l'arabe snb « brouter » , nnVirx •'N rii -ir^s ninb.s ronb '.

isn. 1:::^ (Jér., xx, 5) - ressemble à l'arabe l:n, splendeur, for- tune, Nr!Vi<::i»T N^Tj^n, comme en Ez., xxii, 25 ^

-iDn*, comme dans Gen., viii, 3, et ailleurs, est l'arabe ^c~, dans le sens de a marcher en arrière », puis dans celui de « man- quer )3 ; mais en arabe il n'est employé que pour l'eau, la mer ou un fleuve.

iriDn. qsin (Deut., xxxiii, 12) = est apparenté avec l'arabe cfn, « entourer quelqu'un », surtout pour le protéger; de aussi le substantif ricwsn, bords du fleuve ^. Ainsi, on dit en arabe : ncsn îia r^'j ?inbi<2'. iz^'tri (Is., iv, 5) est l'arabe r:3n«, un baldaquin, une litière. ï]in (Gen., xlix, 13 ; Juges, v, 17) est le mot arabe riîon = n:N3 « bord, rive ** ».

-li^n''. "in^n (Miellée, m, 1), ■^T'Dnn (Is., liv, 5], ^-^in» doivent être rattachés à l'arabe -,d5 « rougir, avoir honte », V^iba irs

"i"in*'. 'D'^lin (Jér., xvii, 6) est le mot arabe ^i^m, plur. de irnn, place il y a des pierres calcinées : nnj<àn dnt y-iN !r;nnbN

a'in. in^-ro nnnn (II Rois, m, 23) '* signifie « ils se sont frappés de l'épée », comme i<i3-'i<rn. Ainsi, on dit en arabe : 'pànbx nso dans le sens de rj'crwSn r;r3-,i « je l'ai frappé avec l'épée '^ ».

* Cette comparaison, sans être accompagnée d'aucune explication, se trouve aussi intercalée dans le vas. d'Oxford d'Ibn Dj., Dict., 239, 7. Bâcher, Bebr.-arah. Sprach- vergl., p. 3i. traduit le mot par a ôter en léchant ».

' Mou 10., l, c.

' De même, glose 11 à Ibn Dj., /. c, T^à■'^ bHJzi^ lOH Ttis'PD )'\2'' )ii ni"' I^Twn ri'p 'Jlw'^ "JN. Par Ï^C^sbo il veut désigner le mot arabe de même con- sonnance; et'. Bâcher, l.c, p. 29, note 5. Par la secoude explication il veut parler sans doute de celle de Saadia, qui le rend par le même mot ppT ; cf. sur Isaïe, XXXIII, 18 (p. 33] ; XXXIII, 6 (p. 49); Prov., xxvii, 24 (éd. Der., p. 166). Une autre comparaison avec l'arabe se trouve- chez Zerahia ben Schaltiel dans le Com- ment, sur Prov., xxvii, 24 [Imrc DaatA, éd. Schwarz, p. 78) : '72T iTïDIjrî b""l

■jimm rrTjl -D::n ICin -^mr 'ba. La glose 14, à Ibn Dj., /. c, alTMD?:; de même Delitzsch, aans le commentaire, ad L, et Barth, l, c, p. 31.

* Mouw., l. c, ^ Mouio.. l.c.

« Je ne puis m'expliquer pourquoi M. Kok. donne pour ce mot ^ïDXm (p. inS), Ibn Baroun n'ayant sûrement en vue ici que la racine On,

^ Saadia traduit !q;in ied. Der., p. 306) : ri3 C]T:3"< 1"! ; de même !-;s^^! (Is., IV, 5) : Nnn q-'U-'fpd. Der., p, 7).

* Ibn Kor., Risalè, p. 73, traduit £">r; Sin (Jér,, xLvii, 7) par l'arabe r|in. ^ Mcuic, p. .S2.

•^ ce. a ce sujet Gesenius, Thés., 5.»., et Landau, Gegensinn-, p. 41. •* Mouw.., p. 53. •* Moiiw., l. c.

'^ Ibn Dj., Dict., 246, 9, a aussi NI^'^N^n, mais sans établir de comparaison. Dans la traduction hébr. d'Ibn Tibbon, ce mot manque.

88 REVUE DES ETUDES JUIVES

oin. •i5"'-,nr! (Nombres, xxx, 15)* est l'arabe sn5 « être silen- cieux, ne pas parler » : p::r ûb n^n^.

iï5Tî;n^ nnnb ^cn (Is., v, 24) peut être l'arabe ^n dans le sens de i-^nVbN -cr, « flamme allumée », ccn, ou "cn.s = "ipii^ '*.

pcn^ « exiger » est l'arabe pc;', avec changement du n en 5"=.

r:nn. mPH^ (Prov., vi, 21)' est l'arabe «nn qu'on trouve aussi bien avec un i qu'avec un "^ comme troisième radicale, dans le sens de « jeter », surtout en parlant de la poussière de la terre : nN-inbï^ Nnn ^. Dans ']nn'^ (Ps., lu, 1), il y a la racine arabe ::n, « précipiter », comme '^D'in"' ^.

m::'Mia (Is., xliv, 18) est l'arabe nt^:: avec um ou un -^ au mi- lieu, dans le sens de « périr » ou « être menacé de périr » : riii'j

Dans na Lév., xiv, 42, il y a la racine arabe n::, qui signifie « étendre » : nto Nr!n-L:N -^obi* nnn:: ûr:bip o^npt rjo^bx r^az-jn r!t:no2 nij*. On veut parler sans doute de l'épandage de la chaux'-.

nn:j. t]"'"nn'j (Deut., xxvm, 27) *^ est l'arabe iin-j, une sorte de difficulté dans la respiration, T^n-bx nnu:, ou bien il faut l'expliquer d'après laIV° forme du verbe "in'Jiî, l'opération de la circoncision par le chirurgien : rib::i<P5N N-iNncjwS ';N'"'^''i< DwSJnbx -irroN ; d'après

' Moun., p. 54.

* Ibn Kor., Risalè, p. 89, 1. 8, traduit aussi \;j~in àe. Lév., xix, 14, par O'nDN ; cf. Kok,, p. 108. note 231.

3 Mouw., l. c.

* D'abord Ibn B. compare à ce mot, commo Ibn Dj., 253, 10-11, et Ibu Kor., p. 74, l'arabe "^^cn, de même que "Cwll Tlï^P, Is., xxxi, 11. Saadia traduit Is., V, 24 (éd. Der., p. 9), par ^'^'tUn « du petit bois sec >, et Is., xxxiii, 11 {p. 49), par 'ûjp.

* Moutv., p. 5o.

" La glose 25 à Ibn Dj., Dict., 255, a aussi pOS'l T\y3- Au sujet du rappro- chement de riiébreu p'iUn avec l'arabe pOi' dans le More Nehoukhim de Maïiuouide, I1I« partie, chap. li, vers la fin, cf. Bâcher, C/i'vnlsolin-Feslsckrifc, p. 144. Au sujet du changement du y et n, cf. Barth, /. c, p. 22.

' Mou/r.^ l. c.

» Cf. plose :-t5 à Ibn Dj., /. c, ^rim "«SS S'-^^ûàbN.

* Au sujet du changement de l'hébreu p avec l'arabe a, cf. Barlh, /. c, p. 37. »o Mown.^-p. 57.

" Cf. TA. : bsT ^xbribN -^bx ïj-i'i^wX -ix '^bn Nnrj rp-jn nrj"^ nxa

''1^^ Dr!"î. Saadia, ad L (éd. Der., p. 68; : POT^a ip En:!"*^ iNDT « comme si leurs yeux étaient enfouis dans la graisse »; cf. l'expression D3Î 3?n0 wCÛÛ, l^s., c.xix, 70. D'après cela, tia devrait ici être placé comme équivaleul de 'T'^J ; c'est ainsi que Delilzsch explique aussi P'maS de Job. xxxviii, 36.

«» Cf.r.i.:n:2;ND naoa n-ïn î<na -na*' nfia az^^bx nabx.

" Moitw.,\^. 57.

ISHAK IBN BAROUN 89.

cela, û"^-nn:: signifie « blessure du genre de celles qui résultent de cette opération * ».

rii:- (Is., III, lG)-est l'arabe q-'s^n dans le sens de « faire trop », --x"T-'::>-:3^ Le prophète veut parler de ceux qui dévient du droit chemin par leurs allures orgueilleuses et par leurs excès de dépenses ' ; c'est ainsi que dit le Coran (Soura, lxxxiii, v. 1) :

Ejn:: '. ■^:s'^^::r; (Prov., xxx, 8) est l'arabe qniLiwX dans le sens de « donner à quelqu'un quelque chose, qu'un autre ne peut lui don- ner » : «rîrn;: "nN '^y nb n-^o rii-ft^yN nns-i::^ bup^.

nx-*'. m\s; (Gen., xxxiv, 15) est à rapprocher de l'arabe

riNrNi^a (III® forme de \nN, venir) dans le sens de « s'entendre, être d'accord », np^siTrrN t;t*.

ïTT'. til^wX (Job, XL, 14)3 est à rapprocher de l'arabe vi, « aimer ». Le sens est donc : ^ je te suis dévoué en venante ton secours » : ']:r:-'n n-iiirrN «"ii^ '^-^iwX •^rM*".

' Cf. à ces deux comparaisons, l'indication de Kam. : ris'upbî^ 'dI^NPDX CNJttbNT

CD35M ÏT'E- Du reste, T^nT signifie « forte diarrhée avec perte de sang », et c'est aussi dans ce sens que Saadia le comprend en expliquant le Kerê de Dent., xxvn, 27 (éd. Der., p. c94), puisqu'il le traduit par ""'^N'iS « hémorroïde ». Au sujet du Ketib U'^'yzy, cf. l'explication de Dounasch b. Tamim citée plus haut.

^ Mou?!)., p. o8.

' Je ne puis prouver ce sens de ce mot par les Dictionnaires qui sont à ma dispo- sition.

* L'explication d'ibn B. relative à la marche se rapproche de la traduction de Saadia, ai ^ (éd. Der., p. 6), 11",:;;"' « ils marchent fièrement •, et de celle de glose 74 à Ibn Dj., Dict., 266, inbsnn 'J1C7:"'. Ibn Kor., Eisalè, p. 24, compare le mot, par rinierraéliaire du Targoum sur Cl'^^ri (Deut., xi, 4), avec l'arabe Ï<C^ « nager •, exprimant ainsi la marche orgueilleusement airectée des

femmes, •jr;P"'C7j "'D rNIPi^riT:, tandis qu'Ibn Dj., l. c, 1. 20, qui emploie la même comparaison, ne parle que de « l'allure inquiète ».

5 Mou 10., l. c.

" Cf. Kam. : ']b3p *7r;N T\'ÛV ûb N72 ^;^^::"N Nr^bsi. Cette signification du mot se rattache sûrement au sens de « nouveau » que le mot arabe a également. Mentionnons seulement ici un rapprochement de ce mot avec l'arabe fait par Juda b. Eléazar, de l'école des Tosafistes, qui, en 1313, composa un ouvrage de remarques exégé'.iques sur le Pentaleuque, imprimées sous le titre de r!~Tr!"' Pr;72 (dans le re- cueil a"';pT r^T, Livoume, ISUUj. On y lit, p. 4, au sujet de n-i^û de Gen., vin, 11 :

pbi c^^ Nin qn:: -^n-r:,' 'bm Nnr: -i3T ûo -«d y"T:p ibo t]-,:: n"-: tvîb r"Nc 2-'7:r; brt: Nbi y-N- b:j'7j nnnpb "^d r-"^ 'Ziu i"1wN-iCd

Y'^'\> ri^rî- Cf. au sujet des derniers mots, la critique de Dounasch contre Saadia, éd. Schrater, n" 32. ^ Mouw., p. 59.

8 Glose 11 à Iba Dj., Dict., 274 a, r;p3S:3:jl rrXPNTÎ- TT'O ".ç-:. C'est aussi par r;p2M::72 que Saadia le traduit [L c, p. 53).

9 Atouw., l. c,

" Saadia, ad l. (éd. Cohn, p. 86), traduit ce mot par "^ID'iIîî^ « remercier », et de

00 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

rn^ '. û"'y">'Ti?2 (II Chron., xxiii, 13), de même que ^y^in^ (Exode, xxxiir, IT), esta expliquer par l'arabe i'wS-is « répandre ». Le pre- mier doit donc être entendu dans le sens de « répandre le chant de louange » ; le second signifie : ■j7:5wsn z^y'in « j'ai propagé ton nom ». C'est ainsi qu'il faut entendre également iri^^im û"ii< TiJ^ (Ps., cxLiv, 3), comme rriai :,'<-r\ \nn*.

DT^'' signifie, comme en arabe, une journéô entière, c'est-à-dire un jour et une nuit : nb-'brNi "iNî-i^bx "^hy nh^uba "^d r72n':;73. Pour désigner le jour par opposition avec la nuit, on ajoute un 7: :

riri"! S nu-pieds, est l'arabe "^sn".

no-», nsTin (Jér., iv, 31)^ est à comparer avec l'arabe îiiîn « ouvrir la bouche, proférer des paroles «, avec changement du ^:etn^

y^'^^. '^n:>D"> (Ez., xxviii, 1) est l'arabe i'i^D'^ « ce qui est élevé », y-nNbwX 173 ri-i'iii^ibN ir: ; de même, y^Dir: =y2"'i<, être élevé 'o.

r;-"«, rriin, la doctrine", en arabe riNTin, que les Arabes ex- même 'T'nri de Ps., Lxxvi, 11 (Ewald et Dukes, I, p. 5G). Contre cette ioterprétation de ces deux passages, comme de celui de '7"*nN 'TTTl'' dans Gen.,XLis, 8, Ibn Kor., p. 110, s'élève en ces termes : 173nbN1 "DC^N 2N3 ^12 in C^bl, le sens dans le dernier passage étant plutôt 'TD^DN "^b ITNpï'^ " tes frères se régleront en tout sur toi ». D'uae certaine manière ceci fe rapproche de la traduction de Saadia d'après l'éd, de Constantinople et le ms, du Yéraen (éd. Der., p. 71) : '^în^O'^ « ils feront de toi leur maître ». Cependant je crois qu'en ce qui concerne Saadia, il faut donner la préférence à la leçon de la Polyglotte, chez Der., l, C , note 9 : ^"iT^j^ = '^ins'iw'^- Saadia a sûrement compris ce mot ici comme dans Ps., lxxvi, 11, et Job, XL, 14, et ainsi s'explique l'opposition d'Ibn Kor., qui, lui, s'appuie sur Gen., xLix, 11 : '^nn Û^N n70n ^^ "jTO ^-^TMi '^TiV pnUi'^. Au sujet de la polémique d'Ibn K. contre la traduction de la Bible par Saadia. cf. Frankl, Mo- natsschrift. XXII.

* Moutn.^ l. c.

* Ces derniers passages sont expliqués à peu près de la même manière par Ibn Dj., Dict., fin de l'art. ^T^ : j ai rendu Ion nom très grand. Ainsi Saadia sur Ex., xxxni, 12 et 17 (éd. Der., p. 130-31) : ']730i< nDT^UV Ibn Ezra dans le commen- taire abré^'é, ad l., combat cette explication : ^D'^'Cy 'T'^n^'T^ "^D "JINJÏl "17*N''T

* Mouw , p. 60.

* Ibn Dj., Dict., 279, explique aussi ûl^ de cette façon, sans comparaison avec l'arabe. Cf. aussi Landau, Gef/ensinn., p. 60.

' Moutr.^ p 61.

" Cf. aussi Barlb, /. c, p. 10, le mol arabe fin est à côié de l'hébreu f|n"^.

^ Mouw., l. c.

* Cf. aussi glose 18 à Ibn Dj., Dict. 90 : C^b^bN rinn im ^nsn. Ces aussi de celte manière que Saadia explique tT^S"'. dans Ps., x, 5, par rtl^n ! '^^f^- aussi le Comm., ad L (éd. MargcuL, p. 10 et 11).

9 Mou/r., p. 62.

»» Cf. aussi glose 19 à Ibn Dj., Dict., 200.

" Mouw., p. 63.

ISHAK IBN BAROUN 91

pliquent comme étant dérivé de -^ïn « donner des étincelles », '^^^ ^"bN; ce mot signifie donc « éclat » N'-^iVx n-:ï<:^

a.sr, nsi3 (Ps., lxix, 30-). La véritable signification du mot est celle de l'arabe nî<r) « être triste » ; à ce radical se rattachent aussi les mots 3i<D et mws:?: ^ car la douleur amène à la tristesse.

riw^r. mwX^r: (Ez., xm, 22)^ est l'arabe "d, « affaiblir, séparer», qui, en arabe ^ comme en hébreu, est employé pour le cœur au sens figuré : i^x-,Dn i^bp -^i:: bnpn N-i\-io mrbNT*'.

bns. bi3D y-ii< (I Rois, ix, 13j" doit être expliqué par l'arabe 525 à la forme, qui signifie : emprunter à quelqu'un du bétail pour s'en servir et faire ensuite un échange. A la IV« forme, le mot signifie : donner à quelqu'un ce qu'il demande : r'rarrSwN

^ nnbst N)3 vj^i^^wS. C'est ainsi que Salomon a donné des villes à Hiram, pour qu'il en tirât des revenus, puis il les reprit ; ainsi font les Arabes avec leur bétail.

nas». n^3D (I Sara., xix, 13 et 16) et nasTû (II Rois, viii, 15) doivent être expliqués par l'arabe inD ou hn:i, petit vase pour conserver des provisions de voyage, ri-ii:;:;:?^ r;-!NT7:"::N ■«-.

ma '0. û"'::n ma (I Rois, v, 25) est l'arabe -î'a, dénomination d'une mesure de capacité. Par contre, dans anib ma, Prov., xvii, 3, et xxviT, 21, il faut voir l'arabe ma, un vase d'argile, ma Y'^ 1:3 ":3;:bwX^N-in"rN, tandis que T'a avec un "^ désigne '^xinr^p"".

q-'a*-. û^D^a Jér., iv, 29; Job, xxx, 6) est l'arabe V[^r,2, <■■ de vastes cavernes '^ ».

1 Barth. p. 13-14, le fait dériver de l'arabe ^l") « livrer, transmettre •.

* Alouw., p. 64.

3 Cf. glose 1 à Ibn Dj., Dicf., 303 : riaxaT "j"l i*"'?:JrJ<.

* Moun., p. 65.

5 Cf. glose 2,/. c, ri''iT ""a brûler et affaiblir >.

* CI', aussi Ibn Baroun, plus haut, au radical 2~N. ^ Mouvj., l. c.

« Cf. Kam. : K-r-i:?NT Nnn-.r.vr; nn-Ni'raN ririraaNa r:pN2 ■'^baarax

Nri^abz ;'îr:^b. il serait dilficile de justilier cette comparaison d'après les lois philologiques, car l'hébreu a ne peut pas se transformer en 5 arabe. Barth, l. c, p. 42, note 1, compare avec l'arabe "îia, Thébreu ^JTSr!, gage ou plu- tôt obligaliou.

9 Mouw., l. c.

»" Mouio., p. 66.

** Voir la même comparaison chez Gesenius, Thésaurus, p. 672, s. v. Saadia sur Deut., IV, 20 (éd. Der., p, 259j, et Is., xlviii, 10 (éd. Der., p. 74], le rend aussi par le même luol.

'- 3Iou!Q., !. c.

" Ibn Kor., p. 25, cite une explication : S:]12a NriIN V^P"*! ; peut-être faut-il lire Sl^na, 5]1Da ne donnant pas de sens convenable. Lui-même l'explique, l. c.,par

92 REVUE DES ETUDES JUIVES

'^T'^ (Exode, xxx, 18) * est l'arabe ri^SwS dans le sens de nnsn

hb'D. ibsb::'' (I Rois, xx, 27) signifie « se réunir >■>. C'est ainsi qu'on appelle en arabe les rassemblements bsï^Vb. ^■^bD(Ez., XVI, 44) est l'arabe b-^b^N « la couronne » ài^nb^ nn*. Le sens du verset est : le nom de ta beauté, qui se répand, est pour toi une couronne.

fib^^ Dans ns-'bsn (Job, xi, 20), le mot ^bs est apparenté avec l'arabe b'r, être faible : b^bi-bx "jt: ?Dn riwSiyT:. En arabe comme en hébreu, ce mot est employé pour parler de l'afTaiblissement des yeux : n-ijin bD b^pi « on dit que sa vue est faible « ; à cela se rattache aussi l'expression l1"';"'3> mb::2 (Lévit., xxvi, 19}".

qb^". niDbs (Ps., Lxxiv, 16) est l'arabe t|b5, la pointe de la hache, CNcbN ~,n. Ainsi, on dit: l'^sbi n^'i cnd « une hache à deux tranchants », tandis que, d'après Ibn Dj., le mot désigne la hache elle-même^.

n»3'\ 11^53 (Gen., xLiir, 30; Osée, xi, 8) est l'arabe n7ûb à la VP forme, n-i?:Nin*", s'intéresser aune chose jusqu'en être oc- cupé complètement. On dit aussi en employant la IIP forme, î<i''N iTnbNi TnobN m"i7:n5, c la joie ou le deuil l'occupent ou le troublent ».

o'j'z^^ (EccL, 11, 8) signifie, comme l'arabe T55, « ramasser en secret ».

Ilbil « rocher», comme Saadia sur Job, ad l. (éd. Cohn, p. 06'; cf. aussi le Commentaire, ad l. D'une certaine manière, l'opinion d'Ibn Baroun se rapproche de celle de Zerahia b. Schaltiel sur Job, adl. (éd. Schwarz, j). 260) : Dna Û'DDni

Tr;y">i> E]n r-iE^-' x^^^y^ (Prov., .-cxi, i4) ûi-inD;m n"»bVDnr; m)jip73

"ITO'^. Cf. cependant son explication de Prov., ibid. (éd. Schwarz, p. 73), qui ne concorde guèi'e avec celle-ci. Cl', aussi, pour le changement de la radicale du milieu ^ et rt, Barth, p. G6.

* Mouw. , L c.

« Saadia (éd. Der., p. 126 et suiv.) traduit toujours par yin. ' Mouw., l. c.

* Cf. Kam. : :ï3î<i::? r;2-j:-i àxr.bwN nDDbsn b-^brxb&ï.

5 Moiim,, p. 67.

" La môme explication avec la même preuve se trouve aussi chez Barth, p. 70. Saadia le traduit aux endroits indiqués par y'z'û " avoir les yeux avidement iixés sur quelque chose >.

' Mouin.., p. 68.

* Cf. Ibn Dj., Dict., 321, 32. Les Dict. arabes connaissent aussi le mot avec le sens de « hache ».

* 3I0UIU., l. c.

'" Les dict. arabes ne donnent pas la VI° forme ; cf. Kok., p. lU, note 234.

" ibuDj., Dict., 322, 11, Pexplique par Jxrî dans le sens d' « être ému > et «être sec » ; c'est aussi de celle façon que traduit Saadia sur Gen., xliii, 3U (éd. Der., p. 69).

ISHAK IBN BAROUN 93

3>3D '. y:^"^ (Lév., XXVI, 41) ressemble à l'arabe ysi *, « être bas, opprimé ». On dit en arabe : o'-ii \s "jiîbo :?35n :^:t6 bii-ibx s-'^fi ^nnyibwX nJi^nbïîT bi^^ On dit aussi : la nécessité l'a rendu humble. "^^y^'^, dans Jér., x, 17, est l'arabe rT"DD,et le sens est : emporte du pays ta perversité : ipi miiOPN 3>n:5bi5T ^j-njs \x ■^by -IN 1-1^:6 "^by inb^ \u r\yb'jiii-\ màDbb î<r:i<nN \n Nnibx yji 'nmi,iiz'n^ !tijd. On l'emploie dans le sens de s'approcher d'une femme dans un but honteux et aussi pour exprimer qu'on a re- marqué la dépravation de quelqu'un.

C]33*. L'expression ']-'33D b:ia (Ps., xvii, 8) correspond à la phrase arabe : l^bD ri5"5 ^d l^br, « il est sous les ailes de quel- qu'un », c'est-à-dire sous sa protection^.

inob, ■^sabTj'"' (Ps., CI, 5) et v^bn (Prov., xxx, 10;, dans le sens de calomnier, a son analogue en arabe, on dit lôb « saisir quel- qu'un par la langue », n^Nobn rîiix \s ".

pC3«. "iptjs (Ps., Lxxxv, 11) est l'arabe pDD « ranger », à la VII« forme « se suivre en ordre », T,^\•)2'j^2 NpoD ""obN npD3. C'est également ainsi qu'il faut expliquer p"i"<^ Gen., xli, 40, « mon peuple tout entier sera rangé, conduit suivant tes ordres ».

r;i<Di<D (Is., XXVII, S)*'. D'après l'explication d'Ibn Dj. '«, « par la mesure avec laquelle tu as mesuré et jugé, tu seras mesuré et jugé », on peut peut-être rendre le mot par l'arabe ri-^ONio, pluriel de ï<no « égal ».

:iTD *'. :iS2 (Ps., XLiv, 19) et :id (Prov.., xiv, 14) sont l'arabe s-iT « dévier » ; d'après cela, ab 51d signifie : celui qui est ballotté çà et

1 Moiiio., l. c.

* C'est ainsi qu'il faut aussi lire sans doute chez Ali b. Souleïman, Dict., 775, s. V. IN : y;ii "^nriiOÙ l'éditeur a mis le mot hébreu au lieu du mot arabe.

^ Celte dernière expression est aussi mentionnée par les dictionnaires arabes, ainsi que la phrase citée plus bas : TW'jb "^bv "j^bo 1^ ni'bz^X. Cf. aussi Kam.,

irib^i riiibwX ûibi^m ...n-iJDbi< r;;';5bî<i là.SDbx n-in^^bi* y^ssbx •jibbiîT 'û-^mr^oia. :>:5b.si "[-«rT^in vi~> aipi- ibn Dj., Dict., 6i, 13, l'explique

par « bassesses » et considère Vi2 comme uu comparatif. Cf. aussi David Kimhi, ad l.

" Mouw., p. 68,

» L'arabe a aussi la phrase rtbb^ r^ai "'D D'ï^, « tu es sous la protection de Dieu ».

8 AIoiiio., p. 69,

^ La IVe forme de "jOb signifie « calomnier ». Saadia traduit Ps., cr, 5, "^jwîW par ycxbbx « celui qui pique avec la langue » [Ewald et Dukes, I, p. 64). Cf. ce- pendaulsa traduction et son explication de Prov., xxx, 10 (éd. Der., p. 1S9-190).

* Mûuw., p. 70.

9 Ibid., p. 71 " Dict., 471, 5. " Mouw., p. 72.

9/i REVUE DES ETUDES JUIVES

dans son esprit, dans son opinion, "^niV.^ nTJi:7ûbi<'. Par contre, n^iD de Gant., yii, 3, vient de l'arabe r.-'D, former une haie*.

TTD ^ « secret », est l'arabe inid *.

mo^ nmsN (Ex., m, 3) et no (I Sam., xxir, 14) ressemblent à l'arabe lio, marcher s. Par contre^ dans "isçii, Gen., xxxviii, 14, il y a la racine arabe ■•-.ô, « ôter un vêtement ou le voile ».

:>bs'. y^t?, comme dans Nombres, xx, 10, est l'arabe i-'r'i dans le sens de « grande et forte pierre » y-inrbN niîDs:?^ '^ ; par contre, dans û-^i^bs, Ps., civ, 18, il y a l'arabe ^b5 ou i^^o^ cime

de la montagne, bnàbN ■'d pu) ^

'jîcD ^". ']5ûiD (Ps., cxLV, 14) signifie « élever », comme l'arabe "^NWD : ce avec quoi on élève un mur ou un toit, rinrâi \s ; c'est ainsi qu'on dit : nrionw riDToSTû N720, « le ciel élevé ».

nsD, û2^-i"in3DX] (Ez., XIII, 21) ". Ce mot qu'Ibn Dj, explique par « une sorte de couverture *- » est l'arabe l^rr^oD, « sacs qui pendent du chameau » i-ibbNis i^pb^nâ.

3:>'% «nuage», correspond à l'arabe mnyi.

"133^'*. î-;"i3r» (Is., X, 29) est l'arabe "i33>a, vaisseau avec lequel on fait une traversée. Dans nnar (Jér,, xxiii, 9) se trouve le mot arabe -1725, couvrir '^ ^"i^?, ^^-^ lxxviii, 49, est l'arabe rnny « deuil ».

1 Pour le chaDgement de 0 et T) cf. Barlh, p. 50-51. Saadia traduit 5T3 par "Ci<5 « trompeur » (éd, Der., p. 75).

* Saadia, ad l. (éd. Der., p. 282], traduit par i^^Tn, « délouriier », et, ,par conlre, dans Deul,, xxvii, 17, par ^"iD"^ " conÊidérer comme permis » i^p. 2Î'2).

3 Mouio., l. c.

* Ibn B. menlionne ici un proverbe arabe avec un jeu de mois : "ÎJOirM D"ip "1N1D-N b'Iûil qui a pour origine la réponse d'une Icnime au sujet dune allaire immorale ; « Sa couche élait proche de moi et longue fui son aclion secrète. «

" Mottio., L c.

6 Saadia le traduit toujours par « s'en aller pour se rendre auprès de quel- qu'un ".

' Mouw.^ p. 73.

* Voir les mêmes rapprochements chez Barlh, p. 53.

9 Pour l'hébreu D =^ la lettre arabe £in, cf. Barlh, p. 66, g 28. '" Mouio., l. c. >' Mouw., p. 74. " Dicl., /i90, 2o. *' Moutv., p. 75. •♦ Ibid., p. 7o-7G.

'5 Ibn l)j., Dict., 500, i, a ÏTIDSI ïnTlïîàn « passer au-dessus de lui ou entrer en lui >, tandis qu'lbu Tibbou u"a que "D CD-0; David Kimhi, ad L, a l'^by ""i35.

I

ISHAK IBN BAROUN 95

rjiy (Job, XXVIII, 8)' est l'arabe ki:' « passer, marcher contre quelqu'un - ».

biy ^ b-i:^' (Lév , xix, 15 et 35) signifie, comme l'arabe bi^s?, « dé- vier vers l'injustice »; c'est ainsi qu'on dit aussi de la balance b^y •ji^rTabjî. Tel est aussi le sens du membre de phrase "{"^xt 'n'^^J2ii bj< biy, « un Dieu fidèle, chez qui il n'y a pas de déviation^ ».

l^yK ']^yJ2 (Ps., xc, 1) et rrj'^.yij (Deut., xxiii, 27) équivalent à l'arabe "'3:;^ « demeure » ; de même nn"^33'(Osée, ii, 17) ''.

m:', 'nr\iy (Esther, i, 16)' équivaut à l'arabe Nny « s'enorgueillir, dépasser les bornes ^), TwSin nnrDnoN Niit r<-ini' in3>"i Nn:s> ^ap-^ ■înV.s , comme cela arriva précisément pour Vasthi.

ip:f. mpy (Gen., xxx, 40)^ équivaut à l'arabe ipm pour dési- gner des boucs à cornes noueuses ^.

n-ir'". r-i'i-iy (Is., XXIV, 1) est l'arabe nn^ « être loin" » : nans T^wNnn Nnn5 n-i:p nn." b^'p'^ mya in ; mr (Cant., ii, 14) a le sens de ai-i;t « rare », c'est-à-dire d'une rare beauté : "^d nansbiî pj

Tp.:.' '^ nsnyn (Is., v, 30) est l'arabe !:]N-iyN, plur. de nsn^, mot qui désigne de hautes dunes de sable, bN7:"i'rN mnâ '^Parcontre, Vpy*, Deut., XXXII, 2, est à rapprocher de l'arabe r\y-i « couler *^ ^>.

03'"'. ncujs' (Ps., VI, 8) peut être comparé non seulement avec nriy, «ronger'" », mais aussi avec -o:^ « être faible, amaigri »,

1 lUouïO., p. 76.

' Cf. la même comparaison chez Gesenius, Thésaurus, p. 990. Ibn Dj., Dict., oOd, 2b, l'explique d'après le Tarj^oum par <( passer devant ».

* Mouio,, p. 77.

* Saadia a toujours *i"|à. " MouW., l. c.

^ Cl. aussi Ibn Ezra, adl.

^ Monta., p. 79.

8 Ibid., p. 81.

" Ibn Dj., Dict., s. v., Pexplique par ce tacheté aux pieds de devant et de derrière » "" Mou/v., L c.

" Saadia, ad l. (éd. Der., p. 34), le traduit par 2N5, «être caché», de même Ibn Dj , Dicl., 545, 24, toutetois, d'après la note 9o, le ms. d'Oxford a aussi P3"15) comme Ibn Baroun.

•* IbD Dj., Dict., 546, 2, l'explique de la même manière, mais sans comparaison avec l'arabe.

" 3fouiv., p. 82.

''* Saadia, ad l. (éd. Der., p. 9) et plose 99 à Ibn Djanab, Dict., 5oO, ont Dmyûipî^i ce que Der.,jiù^., noie, ne rend pas exactement, à mon avis, par le mot Drr^TiriT^a il faudrait plutôt le traduire par « ciel »; cf. aussi David Kimhi, ad l.

*' La même corapHraison, chez Barlh, p. 6. Ibn Dj., Dict., 550, 24, a bunn, mot que Saadia emploie pour traduire 5Tn, Deut., xxxii, 2 (éd. Der., p. 301) ; cf. aussi la leçon du ms. a'Uxford d Ibn Dj., l. c, note 2, tandis que Saadia traduit r|"l3'"^ la et Deut., xxxni, 28 (p. 307), par -nn et de même glose \,l. c.

Alouw., p. 83.

'' Cf. plus haut les rapports entre Ibn Baruun et Saadia.

96 REVUE DES ETUDES JUIVES

neri '^ZTi2'2. Ainsi on dit d'une femme amaigrie par suite de ma- ladie : r,'cy riNixiN.

1^y\ fumée, équivalent de )r\y : inS-jVn nr;! 2.

'ûr\y-\ ûnj'S (Is., IX, 18) est l'arabe ûn:> « devenir sombre », en parlant de la nuit qui est déjà avancée. Ainsi, on dit, d'après le KUàb al Ain : r;7:pyVN npi ntixd N'iî< N")7:r^\\, ils ont fait leur voyage pendant la nuit. Par nrriJ' on désigne le tiers de la nuit,

•jiD ^ i:-îsi< (Dan,, xi, 45) est à rattacher à l'arabe l", plur. ^iî"î-:N, palais fortifié, 'i^bjabN -ii:pbî< ^

'Tir!(Lév., I, 8; viii, 20)' est peut-être apparenté avec n-no, un morceau détaché de la chair; seulement chez nous il signifie le membre lui-même, nr:»! ^■i.y don*

* MOUIB., l. c.

^ C'est aussi de celte manière que traduit Saadia.

* Mouin., p. 83-84.

'^ Déjà Ibn Dj., ^36, 7-8. le traduit par ri7ob:ûN 1N nHPi'N. Contre celte compa- raison qu'Ibn E., dans son Commentaire, rt(i? /., préfère aussi à l'explication de Moïse ibn ChiquitiTia, Juda ibn Balum se livre à une polémique dans son Commentaire [Re- vue, t. XVI [) eu déclarant que dans le Kitâb al- Ain de Haiil il n'avait trouvé que le sens de 'T'DNn « venir tard »; peut-être l'emploi de ce mot dans le sens de Jl/^bûiN est-il d'un arabe plus moderne, niJ'bN !n2 DbDnn ûb rî">"lin Hsb. H est vrai qu'il trouva dans le "TNôîbN Z^rO d'Abou Bekr iba Al-Anbâri (cité par Ibn Kor., Ri- sâlè, p. 79, ]. 1) qu'il a le sens de Dîûb^JN, et que Varrih-t-soirée TIl^Tiy est ainsi appelée, mais il ne sait pas il a puisé cette indication. La comparaison de ce mot est particulièrement relevée par Zerahia b. Schalliel, dans le Commentaire sur Job, III, 6 (Schwarz, "Ct;N mpT, p. 194), pour montrer l'importance de l'arabe pour la connaissance du sens biblique. Or, il y nomme Ibn Djanab, par allusion à l'Eccl., X, 20, Û"'2jD 5;'3. [D'après cela, il faut ajouter le nom de cet auteur chez Bâcher, Einleitung zu Ibn Tibbons Uebersetzung des Û"^w"Tw!n 'O, P- viii, note 3.] Le mot n72n3> chez Zerahia, l. c. est sans doute une faute de copiste pour riTcn^'N, ce qui justifie la remarque de Poznanski, Mose ibn Ch/juitilla, p. 140, noie 1. La même comparaison est aussi relevée par Gavison, dans son Comment, sur les l'rov., ap- pelé nnorn "^Tz-.y, p il *, en ces termes : "i5<:i:7j Nb y-i.srî bn3": pnCDD D"a '3 -nn;^' -^inwX -^3 '^ons dp^d 'm n;iD d:73.s ...inn nb •\yi^ nît ir-'Nu; CTN-i -inii'n r-iior^y N-^p; ■2^-i:^r, nb-^bn ^cn"'wD nb-'br;?: my*::'

'îN7:n>T ûny û'^'^n";'" imNip"^ "[Tl^Jl "jab. Une autre indication est donnée par Ibn Ezra. dans Se/ai Yéter, 33, d'après ce qui a été publié par Geiger, JiiUsche Zeitschri/'i, IV, p. 296, d'après un ms. : 'bn pT "^wH "7:D "jn^rriT

^lon p rrn r:wN-,p;i n-izy ^^\^^ T'^'^'? T^nn ciTwb p-it;3 ^Nr^:'»^'' nnbi'M c-'-Tw? mb;' ^-is ni7:m c?:":;:: :"ipu; -inwS a^nm mn- -"ixrî

îliDin r\'^y)Z'l2 mui"^. Une autre comparaison !>e trouve tliez Ibn Kor., lùsalè. [}. 79, d'après laquelle ce mot, dans une acception très rare ('«3"i;'bj< ^"'"'m "'D'^ signilie pN3:::N « se couvrir ». Pour b'^bbi* nbn, cf. Kam. : r;;ûP"bï<T

b^bbN h'-b hs-inr-

" Mou/0., p. 8'f.

" Cf, Kam., n^^bjjbwS -.iîpbwNT -I72ni< i2i:. ^ Moiiw.. h c.

I

I

iSIlAK IBiN BAROUN 97

yit 1. y-itiD-^ [J^v., xxiii, 29; Habac.,ni, 6) et même "^sstDjïc^ (Job, XII, 16) peuvent être comparés à l'arabe y^ dans le sens de « bri- ser, » ■'3"id:d \n-.

-nD^ mm^nr; (Is., xxiv, 19;, t-ii-n: (Ps., lxxiv, 13); c'est, l'arabe IKS, « bouillir, être excité », qui se dit même du pot qui bout fort : nsN'^'^s nincN Nn.s nipbx nnio ; ce terme s'emploie aussi pour l'eau, ï^ms N^ab» "im3.

TUis*, nt>ntn (Jér., l, 11), an^? (Mal., m, 2], ressemble à l'arabe NTDD, devenir visible, être évident ; c'est aussi à ce mot que se rat- tache l-,bzrt de Lévit., xiii, 7 et 22 = ""csp-

-itî: ^. m^T-: (Ps., lxxxix, U) et TiTi:3 iibid., cxli, 7) équivalent à l'arabe -l'ion, briser, déchirer. On dit : pp'«rn mrbs -iTcn'-.

nn-i '. rinn-i (Ez., XVI, "7) peut être comparé soit avec l'arabe 3.H3-1, la rénovation d'un être, àNn:'5N 'îi<!^"f^; c'est ainsi qu'on dit d'un agnelet qui vient de naître ■^'inî.N nx-c'^N- Le prophète dirait donc : « je t'ai laissé naître comme une plante », c'est-à-dire tu étais d'abord petit, puis tu es devenu plus grand et plus fort. Ou, ce qui est mieux, on peut le comparer avec l'arabe rian, plur. 32-1, une plante fleurissant en été». Le prophète dirait alors: a Je t'ai placé comme cette plante, et puis tu as grandi. » Cela est aussi confirmé par la suite : !-noîn riT^iiiD ■•.

m-i'". 11;] (Is., XLi, 2) peut s'expliquer par l'arabe "^îî, qui, à la IVTorme, signifie « précipiter dans la ruine » bn'p'' ^br-r "•« "«i-i" ''ribbi^ rii<ini<n ^hr> il in:: biiiDî^ ili. C'est ainsi qu'il faut aussi ex- pliquer nili'^i, Lam., I, 13.

* liid., p. 85.

* Saadia sur Job, nu, 16. le traduit par ■'îiDS (éd. Cohn, p. 4G'. Celte compa- raison d'Ibn B. est laite aussi par Barth, p. 09, qui compare yiD de Prov., v, 16, ainsi qu'lbn B., s.v., et Ibn Dj., Dict., hOG, 19, avec y-'r (d'. L c, note 1), tandis que pour le sens de disperser « il l'ail aussi le rapprochement avec yD-

' Mouio., l. c.

* Ibid. 5 Ibid.

« CL Kam., TÎp'Û mn'^N 1TS. D"après Kam., le mot signifie aussi frapper quelqu'un dans le dos », sens qui conviendrait particulièrement pour Ps., Lxxxix, 11. ' Mouw., p. 87.

« CI. Kam.,ri•^y:J^ nN'33 io:d"5N3t.

8 Ibn B. remarque à la fin de l'article que, d'après quelques interprètes arabes, cette plante est ainsi nommée parce que les animaux des champs et les bêtes des fo- rais y sont habitués, N^iD:>Nn 'wm':3X "JN'?, et ils font dériver le mol de DIX (IV* i'orme), quialesuns de « être habilue à un endroit, y être attaché ».

Mouio., p. 89.

Cf. Kam.. !-;N11NT 1';^!. La même comparaison se trouve chez Gesenius, The-^ saurits, a. v.

T. XLII, 83. ^

98 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

nm '• i^tnn (Is., xlvi, 8) est l'arabe mn, qui, à la forme, si- gnifie «être consterné, hébété, sans raison » : 'rrànbwX îrnn ^«p-»

pin NT p-* Db NHwS-

mn*. Tnna (Zacli., iv, 6) signifie, comme l'arabe nn, « se- cours », ^mn -liisbb bipn mybNT . Dans l'Exode, viii, 11, nm") équivaut à rinxi, repos; à rattacher aussi à cette racine mn^ I Sam., XVI, 23, qui a le sens de n^Tinïî, gaieté, réjouissance*.

T-i*. •'b '^n(Is., XXIV, 10) doit être rattaché à t"i (radical nh) « malheur » ; le mot équivaut donc à b"*T, « malheur à "^ ».

•jT")'. û"'jT"n (Ps., II, 2), étant semblable à l'arabe in, désigne ceux qui ont du poids, comme on dit en arabe l-^n bj"i de quel- qu'un qui a du poids dans le conseil : b-^pn û->bn U'ha ri;NnbN *rjDbà» ■'D.

p"'")''. û"^pn» (Zach., iv, 12) et ■^mp-'-n (Mal., m, 10) signifient, comme l'arabe pi<-)N, « répandre » : 3i:3N nin Npi-i pn" N7obN pNi.

Ti")'" (Lév., XV, 13) est l'arabe -in, l'eau qui coule de la bouche de l'enfant ".

ri72-i'*- in72n - ']r,X]-i (Ez., xvi, 24-25) est l'arabe ûnN, un poteau indicateur, c'est-à-dire une borne.

DW"! '^ Dans Ps , vu, 0, o»"i"> est probablement apparenté avec l.'arabe Dttn, poussière, de sorte que l'expression yn^b dt^")"^ est identique à celle de ^syn ^sy, II Sam., xvi, 13.

r-irn- ^t.^Tin (Gen., xlviii, 15) signifie, comme l'arabe N3>i,

1 Mouw., l. c.

« Ibid., p. 90.

» Ibn B. cite ici un vers du poêle Soulak ibn Soulak : n"^"! Nb'^bp 'JN'lîisriN ■^nNybb IT'-lbN IND iXTl^n ÛX D"nbc3, « voulez-vous attendre un peu pen- dant qu'ils sont inaclii's, pour voir s'ils ullaquent, car la victoire n'appartient qu'à celui qui attaque ».

*■ D'après Barth, p. 65, c'est aussi à cela que se rattache le mol "iTT'im, Is., xi, 3, « trouver du plaisir à quelque chose ». 11 vaudrait mieux y comparer riNIN, qui a aussi le sens de « faire un cadeau à quelqu'un », surtout er» parlant de Dieu.

* Mouw., l. c.

« Dans Ibn Dj., Dict., 074, 13, le ms. d'Oxford a la leçon ^b b^'ibn "jN- La même comparaison existe aussi chez Delilzsch, dans le Commentaire sur Isaïe, p. 280.

' Mou/0, , /. c.

» Cf. Kam., 1iT-lbNT ÛNPN iNDTûbwSm nbpri NXD l&j-'b i-J^^DI nSTI ^■'pri'îN. Cl. aussi Delitzsch, Comm. sur les Psaumes, p. 75, et Ibn Baroun, s. r,, -ipv

" Mouw., p. 91 . «» Ibid.

•' CI. frlose 86. chez Ibn Dj., Dict., pXiïnbNT "lN''-lbN. Saadia, sur Lév., xv, 3 (éd. Dtr., p. 16.')), a bx"''!. '* Mouw., p. 92, »» lùid.

ISIIAK IBN BAHOUN 99

« protéger » : ^ribbn rr^tin ^n tihti- Dans Osée, xii, 2, il y a rt^Yi mi dans le sens de l'arabe ""y-i, poursuivre une chose, en parallé- lisme avec û-^ip cinn 2.

pp^^. pin, salive, comme l'arabe p-^i. La phrase •'pn -^^^bn ^y (Job, VII, 19) est la même que celle de Tarabe c^'Ïn ixpi-i r;nyb3N r!nbr;»î< «je l'ai laissé avaler sa salive «, c'est-à-dire se remettre*.

ûnn^ nnr)n»n ûnn (Michée, i, 13) est l'arabe uni « lier «.Par ûm ou r;73Ti-i on désigne en arabe un fil qu'on s'attache autour du doigt comme moyen mnémotechnique ^. On dit aussi qu'on désigne par ûm un ruban " que les Arabes attachaient à un arbre au mo- ment de partir en voyage. Si, au retour, ils trouvaient le ruban dans le même état, ils en concluaient que leur bien-aimée n'avait pas violé sa foi, et, en cas contraire, qu'elle avait été infidèle. On dit que ce ruban no s'attachait qu'à la plante qui porte le nom de Dm; de son nom s. J'ai vu moi-même un de ces rubans attaché à une plante de ce genre, à un carrefour de plusieurs routes, et, sur ma demande, on m'a raconté comment les Arabes ont coutume d'expliquer cela. Évidemment, ce récit n'est fait que pour con- firmer cette interprétation et en donner l'origine, b•\'p^ n::N:n mi "ini^in, vraie ou fausse.

h^iD^. 'D^T!X^^^ (iEx., xii, 36) a, comme l'arabe b^ois, le sens de « soutenir quelqu'un, en lui accordant ce qu'il demande » : "«n

t^NO '1. Dans -^son© et noNï) (Ps., lvi, 2-3) et û"'DNTon (Amos, ii, 1; VIII, 4), il y a la racine arabe ci-'O « haïr fortement », iriro in

» Saadia (éd. Der., p. 76) traduit par lï^yn ilbx.

« Cf. Delilzsch, dans le Comm. sur les Ps.. xsxvii, 3, r!jl7:î< ^^1 (p. 315), syno- nyme de nmn, Osée, xii, 2 ; en bédouin, "'i'Nn = nPiNiC et désigne toute espèce de rapport intime. Cf. cependant Ibn E. sur Ps.,xxxvii, 3 : 172TO "1733 r!D17-î< n;?"l

* Monw., p. 94-9.5.

* La même analof^ie est citée par Delilzsch dans le Comm. sur Job, 2' édition, p. 110, au nom de Fleischer.

' Mouw., p. 93.

* Cf. aussi Gesenius, Thésaurus, s. v.

' Dans le texte, il y a TTiV « contrat », ce qui ne donnerait pas ici le sens exact ; il faut lire sans doute ip3> ; cf. Kok., p. 127, note 315.

* C'est aussi de cette manière que traduit Ibn B., au commencement de rarticle, le mot de Ps.. cxx, 4, d'après Saadia; cf. Saadia sur Job. xxx, 4 (éd. Cohn, p. 60), et Ibn Djanah, Dict., 691, 7.

9 Mouw., p. 96.

♦" Cf. Iba Dj., Dict., 694, 21,. qui admet qu'on ne peut sonj^'er ici au mot arabe bND, car ici il s'agit de « faire des présents ». Ibn Djanali traduit ici, l. c, 1. 20, et aans I Sam., i, 28, par ^m, faire des cadeaux; de même Saadia sur Exode, xii, 36 (éd. Der., p. 99).

Il MovtD., l. c.

100 RRVUE DES KTUDES JUIVES

PNO ' (Lëv., XIII, 28) ressemble à l'arabe rr^o « un signe », soit blanc sur noir ou noir sur blanc. D'après cela, nxo signifie la marque d'une brûlure^.

naui ^. n-^n*:: (Job, xviii, 5) équivaut à riTi; « l'apparition de la lumière ». On dit aussi "iisrbi^ nnn-:: dans le sens de j^rjmpiN « attiser le feu* »; par contre, D'inné (Osée, viii, 6) est apparenté avec l'arabe no, « hacher " » et aussi « blâmer ».

bno •=. bmo (Isaïe, xlvii, 2) équivaut à l'arabe ribno « les poils des parties honteuses de la femme». Ainsi la femme, dès qu'elle est nubile, est appelée xbnD riNi^^N . Cette explication est confirmée par les mots ']m-i3> b>r\ \

ADDITIONS ET RECTIFICATIONS.

Pour caractériser Ibn Baroun, nous avons aussi le poème qui lui fut adressé par Juda Ilallévi et commençant par ces mots : I^t -iSn; cf. Diwan, éd. Brody,I,p.7-10 et surtout 1. 58-59, l'auteur fait ressortir sa fidélité scrupuleuse, le comparant à une colonne ou à un mur d'airain.

Au sujet de Dounasch b. Tam.îm, il faut encore mentionner la citation dans une note marginale du Dict. dlbn Djanah, col. 658, dans le ras. d'Oxford, et il est dit : SNTcn pN i:5 cini:^: "^d r:miT «je l'ai trouvé dans un ms. écrit par Ben Tamâm {sic) »; cf. Bâ- cher, Leben und Werke des Abidioalid, p. 101^ note 2.

La comparaison de "ibrin, Ps., lxxv, 5, avec l'arabe bi^brtN dans Ibn Dj., est aussi signalée, comme je viens de le voir, par Bâcher, Die hebr.-arab. SprachvergU-icliung des Abiihvalid, p. 42.

Aux emprunts faits par Joseph Kimhi à Ibn Baroun, il faut encore ajouter l'explication que Kiràhi donne de :::nnuj yn, Jér., IX, 1, et qui est citée par David Kimhi dans le Dict., s. v. :2n">a: STin yn 'ib^ -ûm'^i vz^ ^li^in ■^^n:: yn nn^ b"T N"î*n. Dans le com-

' Ibid., p. 90-97.

* Ainsi Saadia, ad l. (éd. Der., p. 161], traduit hV'N "ini< 172 "llnD ; cf. aussi ibid., note 1.

* Mouw., p. 97.

* Voir la même comparaison chez Gesenius, Thés., p. 13.'>1, et Barlh, p. 50.

■'' C'est aussi de celte manière que l'explique Ibn Dj. Dict., 697, 15, d'après le Tarffoum.

•■' Mouw., Le.

' Saadia. (irf /. (éd. Der., p. 72), le traduit par 'Tlilï « Ion bras ». David Kimiii, dans le Commentaire, le traduit ])ar a pied » en le rapprochant, pour rétymolofjie, de D'^D'iU M chemin ». Cf. aussi Moïse ibn Cliiquitdla chez Abr. ibn Ezra, ad l. Gese- nius, Thés., p. 13"iy, le compare à nb3D « long vêlement».

ISllAR IB.\ BAKOUX lUl

mentaire de David Kirahi, ad L, ces trois derniers mots manquent. C'est la traduction exacte de ce que dit Ibn Baroun en parlant des formes b^yz) avec signification transitive, dans Mouioazana, p. 13, 1. 13 (cf. Kok., p. 53, note 105).

Aux emprunts qu'Ibn Baroun a faits à Saadia, il faut encore ajouter les suivants : Dans Mouio., 24, 1. 2, Ibn B. compare ira, « éprouver », à l'arabe "jn?:, avec permutation du n et du». Cf. à ce sujet Saadia sur Gen., xlii, 15-16 (éd. Der., p. 66), Ps., vu, 10, et XVII, 3 (éd. Margoulies, p. 7 et 18), Prov., xvn, 3 (éd. Der., p. 88), Job, XII, 11, et XXXIV, 36 (éd. Colin, p. 37, 74 et 76), il emploie partout "jn^j /&irf., p. 23, troisième ligne avant la fin, "^TT, dans Nombres, xi, 8, est comparé à l'arabe p-i « écraser »; cf. Saadia, ad L (éd. Der.. p. 208) pnr'rx ■'d ';^p^"' Ibid., p. 49, 5. v. -jzu, le mot r!7:n dans Is., xxvii, 4, est comparé à r;">7:n, et de même un;;, Deut., xix, 6, est expliqué dans le même sens. Cf. Saadia sur Is., L c. (éd. Der., p. 38), rrizr^, et Deut., t. c. (éd. Der., p. 282), nnbp ■'7:n"' N^cr. Moiav., p. 67, fin de l'art. b^D, ïibs , bru, est comparé à l'arabe -;3, avec changement de b en '3. Saa- dia traduit le mot également par nro ; cf. Gen., xxxvm, 24 (éd. Der., p. 60), Lév., xviii, 15 [ibid., p. 171). Il est à remarquer que dans la prétendue traduction de Saadia du Cant., ce mot est aussi expliqué ainsi, chap. iv, 8, tandis qu'ordinairement on se sert du mot en-:'; cf. éd. Merx, p. 31. La même comparaison de nbD = ri':D se trouve aussi chez Barth, p. 40, ?; 19. Moiao., p. 23, avant-dernière ligne, le mot ^yt dans Job, xvi, 10, est rendu par l'arabe -1:2 ; cf. Saadia, ad l. (éd. Cohn, p. 46;, j^T^.r-D -;pi. Mouiv., p. 90, s. V. ^-^-l, Ibn Baroun compare iddit^. Job, xxvi, 11, avec larabe rinc-ip « frapper l'un contre l'autre », surtout en parlant du mouvement des ailes des oiseaux ; cf. Saadia, ad L (éd. Cohn, p. Cl). E|-:Din. Momo., p. 96, le mot îix'::'' de Job, vu, 2, est comparé avec sqvrn'^ « regarder avidement »; cf. Saadia ad l. (éd. Cohn, p. 29), b"'::rN rivcri -,iV2. D'après Ibn B., ce mot, qui est aussi usité pour « la femme parée qui regarde » et qui signifie à la V^ forme « regarder d'un point élevé >, permet aussi d'expliquer le mot de r^Nv,:: de l'Ecclés., i, 5, qui s'applique au soleil, comme équivalent de mn-.

Parmi les cas Ibn B. est d'accord avec Ibn Koreisch, il faut encore citer les suivants : Moiao., p. 26, le mot nnx est comparé avec l'arabe ni«3, ou plutôt la IV« forme li^aiî; cf. Rlsalè, p. 60, au dé!)ut ; cf. aussi glose 12 chez [bii Djanab, Dict., col. 17. l^y\'Z) , Cant., vu. 3, est rendu par Ibu B.. Moiao, p. 72, s. v. :.id, par -Tzri , « entourer d'une haie »; cf. Risalè, 78, r;:cz:z z^'.'czrzz. r;:nD La prétendue traduction de S 'adia de Cant., ad L, éd. Merx. [>. 33,

102 RKVUE DES ÉTUDES JUIVES

a aussi -^■'C?:, d'après le texte de Merx, tandis que le ras. lit rii-\oi2 ; cf. ibid., note. 6 Mouw., p. ^3, 5. v., nsD est rendu par Ibu B. par nDDi< « écoute »; cf. liisalè, p. 78, -j?: prr:;-! in brrn"» nDCi< "'D'-iybN.

Aux comparaisons de mots faites par Ibn B. il faut encore ajouter les suivantes : p. 79. Tr, rr'iTS' dans Deut., xiv, 12, est comme l'arabe T33>, qui, d'après )e Moudjarrad àQ Koura, signilie a aigle » ntcpy ou « la femelle de l'autour » nnipxbN p \n:î<bN ; la traduction de Saadia, Np::?(é']. Der., |). 275), n'est pas admissible, ce mot désignant un animal fabuleux qui attaquait même des en- fants, N'ns: IN r!"^"ii<ii vi::n2N , de sorte qu'on faisait à ce sujet cette prière : rf-w dn^Vn r|2N cnVrN « ô Dieu, jtrotège les hommes contre ses méfaits». Plus tard, on n'a plus revu cetanimal. C'est pourquoi, les Arabes emploient ce mot pour parler de choses impossibles. On dit aussi que 3Np:> est la même chose que Npsr et que celui-ci est ainsi nommé parce qu'il fait entrer sa tète dans son cou : p;:?n NriîNb i<nv::3. Saadia traduit par n^p:? le mot did. Ibn Dj., Dict., 515, 3, rend T?'^y aussi par î('p:5'. P. 82. irrJ, rvrw « nudité » équivaut à l'arabe r^n^y .

Aux rapprochements avec l'arabe faits par Ibn Djanah, et non indiqués dans l'ouvrage de M. Bâcher, il faut encore ajouter : Dict., 515, 2-3, l'équivalence de bîNT:?, Lév., xvi, 8, avec l'arabe tî<t5' dans le sens de risbo y""iN « un pays dur, pierreux ». Il est vrai que Saadia aussi traduit, ad l. féd. Der., p. 167), le mot par txt:?, mais il l'explique, en y ajoutant bnà , par « haute montagne » et consi- dère, suivant Abr. ibn Ezra, ad L, la finale b^ comme une addition de renforcement, comme bN "'inr; , Ps., xxxvii, G. La même com- paraison et la même explication se trouvent aussi chez Ibn Baroun, p. 79, s. V. iiy.

Gomme points de concordance entre Ibn B. et Saadia, mention- nons encore son explication de Tn^'' , Is. , m, 17, par -^-ly-^ ; cf. Saadia, ad /. (éd. Der., p. 6). De même, Ibn B. traduit dans Is., LUI, 12, rriyn par-^-i^N, Saadia, ad L (ibid., p. 82), a le mot "ni employé par Ibn B.

Au sujet de ce que dit Ibn B.. s. i\ ^du . qu'en arabe T\''txiT\ a le sens de -iN-^T , M. Barth, à qui je dois d'ailleurs maint rensei- gnement pour ce présent travail, me fait savoir que Lane indique, d'après le Tâg-al-'Arûs, le sens : « he made full or com()lete ».

Qu'il me soit encore permis de remarquer que, partout dans les notes, je n'ai pas cité M. Kokowzoff pour les exemples, je les ai trouvés de mon côté et que je ne les ai retrouvés chez celui-ci qu'après coup.

S. Eppenstein.

CHARLES DE VALOIS ET LES JUIFS

Le liasard a fait tomber l'autre jour entre mes mains une thèse de doctorat publiée, l'année dernière, par M. Joseph Petit, sur Charles de Valois, le frère de Philippe-le-Bel '. C'est, autant que j'en puis juger, un travail solide, consciencieux et bien docu- menté. Mais, quand j'ai cherché ce que M. Petit avait trouvé à dire au sujet des rapports de son héros avec les Juifs, j'ai éprouvé un certain désappointement. Il m'a semblé que l'auteur n'avait pas connu tous les documents, même facilement accessibles, rela- tifs à ce sujet, et qu'il n'avait pas tiré de ceux qu'il a connus tout le parti désirable. On me permettera donc de rectifier et de com- pléter, sur quelques points, son exposé.

C'est à propos des finances de Charles de "Valois que M. Petit est amené à s'occuper des Juifs, qui constituaient, on le sait, une des sources importantes du revenu de nos rois et de nos grands feu- dataires au xiii« siècle. « Comme seigneur, dit-il (p. 319:, Charles de Valois percevait les redevances des Juifs. » 11 eût été bon de préciser tout de suite dans quelle partie de ses vastes domaines Charles « possédait » des Juifs; il ne peut s'agir que des comtés de Valois, d'Alençon-Perche et de Chartres, car dans les comtés d'An- jou et du Maine, acquis par Charles de Valois en 1290, il n'y avait plus de Juifs : ils en avaient été expulsés le 8 décembre 1288, par ordonnance du comte Charles II -,

En ce qui concerne les comtés d'Alençon et du Perche, consti- tués en apanage pour Charles de Valois en 1291, M. Petit écrit (p. 319, note 7) : « Philippe IV avait renoncé, en faveur de son frère, à tout droit sur les Juifs des comtés d'Alençon et du Perche (Bibl. Nationale, fonds Brienne, 241, f" 84). » C'est une erreur

» Paris, Picard, 1900.

* La pièce, dont il existe une copie à la Bibliothèque Nationale (collection dom Housseau, VII, 3362"), a été publiée par M. Lazard, Revue des Études juives, XVII 225.

104 REVUE DES ETUDES JUIVES

assez singulière. Si Ton se rei)orte à la pièce indiquée, qui est une copie du xvii« siècle, on voit : qu'elle émane, non de Philippe IV, mais de Philippe 111 ; qu'elle s'adresse non à Charles de Valois, mais à Pierre de France, cinquième fils de saint Louis, qui avait reçu le comté d'Alençon en apanage au mois de mars 1268; enfin 3" qu'elle est datée en toutes lettres du mois de janvier 1281 (c'est- à-dire 1282, nouveau style). Le motif de cet acte était les empiéte- ments des officiers royaux, qui, au mépris de la constitution d'apa- nage, prétendaient « tailler » les Juifs du comté d'Alençon. Aucune usurpation de ce genre n'est signalée au détriment de Charles de Valois, aucune confirmation expresse ne fut donc nécessaire.

Pendant les premiers temps de son gouvernement, Charles de Valois ne se contentait pas d'exploiter ses propres Juifs, il en acquérait encore de ses voisins. M. Petit mentionne sommairement (p. 25)' un acte d'avril 1296 ^ daté de Meung-sur-Loire, par lequel Philippe-le-Bel « donne à son frère Charles un Juif de Pon- toise nommé Joce, avec ses six enfants ». Bien que cette pièce curieuse ait été analysée ici même par Siméon Luce {Revue, II, 24, n" IV), nous croyons devoir la reproduire in extenso à cause du lien qui la rattache à ia pièce suivante :

Archives nationales, Carton J 227, 35.

Recto. Ph(ilippus) Dei gra(tia) Franc(orum) rex. Nolum facimus uniu(erjsis lam presenlibusq(ua)m fuluris q(uo)d nos dilecto et fideli n(osl)ro germano carissimo Carolo Vales(ii) Alen- con(ie) Caruoli et Audegavie comiti et suis h(e)redibus ei successoribus dedimus et coucessimus irrevocabili doua- cione Joceum judeum de Pontisara et eius libères exisleules in manuburnia sua et patria potestate h(ab)endos tenendos

* L'index, au mot jtiifs, ne renvoie pas à ce passage. Ce n'est pas la seule faute ou omission (jue j'aie relevée dans cet index.

* L'année 129(i commence le 23 mars, l'année 1297 le 14 avril (Giry, Manuel de diplomatique, p. 198). On voit que c'est un des cas enibarrassuuls l'anuée com- prend (en partie) deux mois de mars et deux mois d'avril. En pareil cas, dit Giry [l>. 110), tt les rédacteurs de cliartes, lorsqu'ils étaient soigneux, prenaient la précau- tion d'ajouter la mention avant Pâques aux dates des quantièmes de mars et d'avril lorsqu'ils avaient déjà existé au commencement de la même année et donnaient ainsi a leurs dates une précision sullisante; malheureusement cet usage n'a pas été uni- versellement observé et alors, si d'autres éléments ne permettent pas de déterminer le millésime, on se trouve dans la nécessité de le laisser intlécis.

Dans l'espèce, il ne paraît guère douteux que notre acte soit de 1296, car nous trouvons à cette époque des actes datés avec précision indiquant que le roi se trou- vait dans la région de la Loire (mars lin 1295, à Monlargis, P. 2288, p. 9; 30 mars, Oroeur-sus-Layre, JJ. ÎJ3, n" 20o ; l'acte du même jour de Paris, S. 5183, n" 2 a une date fictive). D'autre part, en mais-avrii 1297 le roi est dans la région de l'Oise (mars lin 1296, Hoyauiuonl-sui-Oise, .). 403, 13; avril. Creil, K. 36, no4o; mai, Pont-Suinte-Maxeuce, J. 519, n" 8). Ci. Ilccucil des Historiens de la France, XXI, i'i'.i.

CHARLES DE VAUMS ET LES JUIFS 105

et possidendos ab eo et eius h(e)redibus et successoribus iure h(e)reditario p(er)petao pacifiée et quiète. Quod ut fir- mum et stabile perseveret presentibus litt(er)is n(osl)r(u)ni feciraus appoui sigillum. Datutn apud Magdunu(m) sup(er) Ligerim. Aano domini mill(esi)mo duceul(esim)o nona- g(es)i(m)o sexto. Meuse aprilis.

Ver^o. [Enregistrement de la chancellerie d'Alencou.] MCGIIII'^'^XVI XXXI. Les lettres du don Joce de Pontoise et de ses efï'anz (sic) juies donnez au conte d'Alençon et à ses hoirs.

[Autre écriture.]

Ce sont les eufans Joce de Pontoise que il auoit ou temps que il fut donné a Mons(eigûeur) : Dauiot, Aroin, Haginet, Beleuce, Hance^ Sarln'.

La pièce qui vient ensuite dans l'ordre chronologique -, et que M. Petit paraît ignorer, quoiqu'elle ait été publiée intégralement par S. Luce {Revice, II, 24, V), est une transaction conclue à Paris, le 8 février 120'7 (nouveau style), entre Philippe-le-Bel et son frère, au sujet de quarante-trois Juifs que Charles réclamait depuis longtemps, comme originaires soit de son comté d'Alençon, soit de ses terres de Bonmoulins et de Châteauneuf en Thymerais. Des arbitres furent désignés par les deux parties; ils avaient pour chefs respectifs, ceux du roi. Calot de Rouen, Juif, « procureur de la communauté des Juifs du royaume », ceux du comte Charles, Joucet de Pontoise [Jousseliis de Pontisara). La sentence arbi- trale adjugea à Charles de Valois dix Juifs dénommés, soit huit de ceux qu'il réclamait, et deux en remplacement de deux réclamés. Elle décida, en outre, que les dé{)lacements, tant des Juifs du roi que de ceux du comte, postérieurs à la sentence, ne les empêche- raient pas d'appartenir à leurs seigneurs respectifs.

Au sujet de cet acte il y a quelques remarques à faire, qui ont échappé à Siméon Luce. D'abord, quoique la transaction n'attri- bue expressément au comte Charles que dix Juifs, dont deux en remplacement de Juifs qu'il réclamait (Héliot d'Anet au lieu de Mousset de Paris, Dayot de Pont use au lieu de Salmin Cochard), le texte même de Tacle, tel qu'il a été publié par Luce, n'en dit pas moins ervowévaent per qnoynm. dcodecim judn'orum Ubera-

* Luce a lu deux de ces noms Hagiuol et Havée. On pourrait soupçonner dans Hajriaet un lapsus pour Haquinet. Tous les enlanls de Joce (=: Josepii) portent des noms hébreux à l'exceplioQ de Beleuce : David, Aaron, Isauc, llauna, Sarah.

' Archives nationales, J. 227, n'j 34.

106 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

tionem et assignationem; de même S. Luce dans sa rubrique : la « sentence adjuge à ce dernier 42 Juifs y dénommés ».

Ensuite, il y a lieu de se demander si le Joiissetus de Pontisara qui figure comme arbitre su nom de Charles de Valois et qui, par conséquent, relève de son domaine, n'est pas identique au Joce de Fontoise que Philippe-le-Bel lui avait donné avec ses enfants l'an passé. Les noms Jousset {écrit indifféremment, dans la même charte, Joussetiis et Joi^cetus) et Joce paraissent bien n'être que de simples variantes. Dans les comptes du trésor du Louvre pour la Toussaint 12%, publiés par J. Havet', d'après un manuscrit de Londres, Joucet {locetus) de Pontoise figure comme percep- teur de la taille des Juifs à Amiens et à Calais (n° 98-99) '^i on ne le retrouve plus dans les comptes des années 1298 et suivantes. Il y a cependant une objection. Un des fils de ce Joce de Pontoise, objet de l'acte de 1296, est appelé Daviot (us)-'. Or, dans la transaction de 1297, Dayotiis filius Jouceii de Pontisara est cédé au comte Charles aux lieu et place de Salmin(us) fils de Cochard(us) d'Ar- gentan. Les noms Daviot, Dayot paraissent bien équivalents. Mais comment Charles aurait-il pu, en 1297, accepter en paiement le Juif Dayot si, dès l'année précédente, par l'acte de Meung-sur- Loire, ce Juif était devenu sa propriété, puisque cet acte attribue expressément au comte de Valois Joce et ses enfants ? La seule solution que j'entrevoie à ce petit problème, c'est que la donation de 1296 n'avait cédé au comte que les enfants en main'boiirnie (c'est-à-dire mineurs) de Joce; peut-être s'aperçut-on dans l'in- tervalle que l'aîné des fils, Dayot, était majeur et que, dès lors, il n'était pas régulièrement compris dans la donation; il pouvait donc faire l'objet d'une transaction.

Deux ans après la transaction de Paris, Charles de Valois, pressé d'argent, comme toujours, vendit au roi tous les Juifs de ses domaines. M. Petit rappelle (p. 319 et 322) ce marché en quelques mots, se contentant de renvoyer à la charte originale (Archives Nationales. J. 427, n" 15), et aux articles des comptes du Trésor du Louvre (1298-1301) qui se rattachent à la liquidation de cette affaire ou la mentionnent*. Il ne rappelle pas que la

' Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, 1884, p. 235 et suiv (Brit. Mus., Adlitional charters, W 13,941). Un Irajrment des comptes de la Saint-Jean 1290 a été publié dans lu Recueil des Historiens de la France, XXIII, 780,

* El non pas, comiDe l'écrit M. Lazard (iiei-îte, XV, 240), à Amiens, en Champaijne rt à Sentis. M. Lazard a conl'ondu deux quasi-liomonymes.

* Ce nom est uD diminutif de David (cl'. Daudet pour Davidet).

^ Bibl. nat. ms. latin 9783, folios 2 v«, 4 v», 1 1 v°, 86 i°, 88 et v% 89 V, 90 v», 104 (liste incomplète; il manr|ue : 104 r", 19 novembre 1299; 108 v», 17 déc. 1299; 10 r", 19 lévrier 1299/1300). 11 est déplorable qu'un document de cette importance soit encore inédit.

CHARLES DE VALOIS ET LES JUIFS) 107

charte a été publiée intégralement (S. Luce, Revue, II, 26)». En outre, il n'a pas aperçu les données intéressantes que fournissent ces documents pour l'appréciation de la gestion financière de Charles de Valois. Essayons de combler cette lacune.

Tout d'abord, il n'est pas sûr que l'acte de vente lui-même nous soit parvenu. Li charte royale que Luce et M. Petit donnent pour telle, datée du bois de Vincennes, 2 juin (mardi devant Pen- tecôte) 1299, est une déclaration sous forme de lettres patentes par laquelle le roi « fait assavoir » qu'il a acheté les Juifs de son frère et dans quelles conditions s'effectuera le paiement; mais la quittance définitive du 14 novembre 1299, inscrite au dos de ces lettres, fait allusion à une clause des «. lettres de vente » que je ne peux identifier avec aucun article de la déclaration du 2 juin - ; c't^st donc, semble-t-il, que cette déclaration ne cons- titue pas l'acte de vente proprement dit.

Quoi qu'il en soit, le prix de vente avait été fixé à 20,000 livres tournois « petits », sur lesquelles 2,000 avaient été payées comp- tant. Le reste devait être acquitté par le trésorier du roi, Jean Cler- sens,en deux termes : 10,000 « es octaves » de la nativité S' Jean- Baptiste (24 juin) 1299, 8,000 «dedans les octaves» de la Toussaint suivant (P"" novembre 1299i. Les comptes du Trésor du Louvre (ms. latin 9783) nous montrent que Philippe-le-Bel s'acquitta ponc- tuellement de son obligation et même, chose extraordinaire, fit par deux fois un paiement anticipé. En effet, ils enregistrent les sorties suivantes, Charles de Valois est toujours représenté par son clerc Jean Quesnel ou Kesnel :

86 r", col. 1. 17 juin. . . 2,000 livres' imputer sur le verse- ment de novembre 1299). 88 vo, col. 1. 2 juillet. . 3,000

Ibid., col. 2. 5 juillet. . 5,000 valant 4,000 livres pa-

90v°, col. 1. 1o juillet. . <,000

Fo i04 v», col. 2. <9 novembre 5,000 (a pour solde des

risis », dil le compte;.

pour solde des 12,000 livres »}.

18,000 livres.

Au sujet de ce dernier paiement, nous possédons, je l'ai dit, le règlement de comptes original entre Jean Quesnel et les trésoriers du roi, inscrit au dos de l'acte de Vincennes (Arch. Nationales,

' Déjà auparavant la partie essentielle avait été publiée dans le Musée des Archives (1872), p. 163, 3(i|.

* « Item 970 livres tournois que la genl dudil monseigneur Charles avoient reçu desdiz Jules outre la somme contenue es lettres de la vente desdii Jules », elc.

' Le chiffre a sauté dans la publication de M. Lazard l'p. 257, n»62', du moins sur mon exemplaire de la Revue. Je l"ai vérilié sur l'original.

lOS HLVUI-: DES ÉTUDES JUIVES

J 427, 15) ; il a été publié en partie dans le Musée des Atxhives (p. 1(53), entièrement par Siméon Luce [Revue, II, 27-8). 11 est daté du 14 novenabre (samedi après la Saint-Martin d'hiver), et non du 19, comme l'article des comptes du Louvre le ferait croire. Nous y voyons que Ouesnel ne reçut effectivement que 1,130 livres en espèces; le reste était représenté par :

2,000 livres précédemment prêtées par le roi à sou frère, 970 perçues en troj) par Charles sur les Juifs

déjà vendus par lui ', 900 dues par Charles au sire de Cliàlillon et par

celui-ci au roi.

Ensemble : 3,870 livres.

Ces paiements anticipés (17 juin, 15 juillet) obtenus d'un roi qui ne passait pas pour avoir l'écu facile, ces petits emprunts men- tionnés incidemment, tout cela permet d'entrevoir Tétat profon- dément délabré des finances du comte de Valois, dont les projets grandioses furent constamment entravés, sinon arrêtés, par sa prodigalité et la u faulte d'argent » qui en était la conséquence.

L'opération elle-même, la vente des Juifs de ses domaines pour 20,000 livres tournois, constituait-elle une bonne affaire ? 11 est facile de vérifier que non, à l'aide des comptes de Philippe-le-Bel. En effet, au cours de l'exercice 1299/1300 (avril 1299 avril 1300), nous y trouvons enregistrées les recettes suivantes comme pro- venant des Juifs vendus par Charles de Valois :

F<> 104 r", col. 1. '19novembre 910 livres^

104 v°, col. 2. 20 novembre 292

F" 108 vo, col. 2. 17 décembre (Samuel Viole) 300 livres.

2 v°, col. 2. .30 décembre 167 liv. 3 sol.

F" 4v«,col. 2. lojanvier 1938

Ibii., (pour rouelles) 92 F" !0 1", col. 1. 19 février (Samuel Viole de

Rouen) .... 300

F" 11 v°, col. 2. ■!"• mars 630

4,329 1. l\ s. +600 livres.

' Dans les entrées des comptes du Louvre, l" 1()''i r°, col. 1 (Lazard, p. 2o1), au 19 Dovembre 1299, cet article n'est porté que pour 910 livres, Je ne m'explique pas cette dillerence. Les trésoriers du roi auraient-ils retenu une « commission » de 60 livres? j'ai peine à le croire. Dans lacté du 14 novembre on prévoit le cas la taille n'aurait pa.s rapporté elleclivemeiU 970 livres ; mais a-l-on pu constater celle moins-value entre le 14 et le 19? l']i pour(]uoi ne trouve-t-on pas trace, alors, des 60 livres encore dues par le roi .'

* Voir sur la diverj^ence cuire cet urûcle et le cliiH're porté au règlement de Ques- nel la noie précoJenle.

CHARLES 1)K VALolS ET LES JUIFS lU'J

En admettant, ce que je crois probable, que Samuel Viole de Rouen ait fait l'objet d'une vente spéciale antérieure et ne fût pas compris dans le marché général de juin(?) 1299, en admettant aussi qu'il faille de la recette brute défalquer, d'après les chififres donnés par M. Lazard (p. 241), environ 10 p. 100 pour les frais de perception, on voit que le produit net des Juifs vendus par Charles de Valois représentait une somme annuelle de près de 4,000 livres tournois '. Or, comme Ptiilippe-le-Bel les avait payés 20,000 livres, il faisait un placement, bien garanti, à 20 p. 100, c'est-à-dire une affaire brillante ; autant vaut dire que son frère en faisait une détestable. Il y a si peu d'occasions de vérifier, chiffres en mains, la gestion économique des grands seigneurs du moyen âge, que M, Petit n'aurait pas laisser échapper celle-là.

« Le 2 juin 1299, dit M. Petit (p. 319, note 7), Charles vendit ses Juifs au vo'\. Mais il en jms séduit encore en 1520, car on lit, à cette date, dans un compte - :

De Croissant et mestre Saince, mestre des juys, pour certaine obligation faicte à monseigneur 400 l(ivres) p(arisis);

item des (ou desdiz?) juys, pour leur cens du terme de la mi- aoust (13)20 : VIII^-'^ (c'est-à-dire IGO) l(ivres) p(arisis). »

Il faut remercier M. Petit d'avoir rappelé l'attention sur ce do- cument qui nous fait connaître, entre autres, l'existence d'un « maître des Juifs » dans l'apanage de Charles de Valois ; mais il semble que l'historien n'en ait pas saisi exactement la portée. En parlant de Juifs que Charles possédait encore en 1320, M. Petit croit ou laisse croire que certains Juifs des domaines de Valois avaient pu être exceptés de la vente générale de 1299. Il n'en est rien. Entre ces deux dates se placent trois événements importants : l'expulsion des Juifs du domaine royal par Philippe-le-Bel (22 j uil- let 1306) ; 2" la mort de C3 roi (29 novembre 1314); le rappel des Juifs par Louis X le Hutin (28 juillet 1315). L'expulsion de 1306 avait certainement atteint les Juifs vendus par Charles de Valois à Pliilippe-le-Bel et qui désormais appartenaient à celui-ci ; je ne puis croire qu'ils aient obtenu la permission de se réfugier sur les terres de l'apanage de Valois ou d'y demeurer. Mais lorsque, en 1315, les Juifs profitèrent, en petit nombre, de la permission qui leur était accordée de rentrer en France, ceux qui s'établirent sur les terres du comte de Valois, qu'ils fussent ou non apparentés ou

* Et même sans doute davantap^e, car la vente ayant eu lieu eu juin 1299, Charles de Valois avait probablemeut eu droite un trimestre de cens.

» Bibliotiièque de Rouen, coll. Leber, VIII, 3. Le compte est publié aux Pièces jusliticatives, XVIII (avec quelques variantes pour les deux parai^raphes cités dans le corps de l'ouvrajrel. Les deux parafi;raphes qui nous intéressent avaient été, comme le rappelle M. Petit, déjà publiés par brussel, Usaje des fiefs, l, 607.

110 REVUE DES ETUDES JUIVES

identiques à ses anciens Juifs d'avant 1299, ëcliappaient à la pro- priété du roi de France : l'exil et le retour avaient opéré novation. Voilà pourquoi Charles de Valois, en 1320, a, non pas encore, mais de nouveau des Juifs à tailler. Les chiffres du compte publié par M. Petit montrent, d'ailleurs, combien peu de familles avaient répondu à l'appel de Louis X : en admettant même que les Juifs du comte fussent astreints à un cens trimestriel, le cens du mois d'août s'élevant, à 160 livres parisis, représente, pour l'année entière, une somme de 640 livres parisis ou 800 livres tournois, soit moins du cinquième de ce que rapportaient les Juifs de Charles de Valois en 1299.

Il y a lieu de croire que Charles ne bénéficia pas longtemps de cette nouvelle aubaine, et que l'expulsion des Juifs de France, pro- noncée par son neveu Charles IV le 24 juin 1322', atteignit également les Juifs de ses domaines. Charles de Valois mourut le 16 décembre 1325, et le P"" avril 1328 son fils montait sur le trône de France sous le nom de Philippe VI. A partir de ce moment, en tout cas, il n'y a plus eu de Juifs dans l'ancien apanage de Valois.

En terminant ces courtes observations, je ne voudrais pas que ni mes lecteurs, ni M. Joseph Petit pussent se méprendre sur leur véritable objet. Je n'ai pas eu l'intention de critiquer un ouvrage qui me parait excellent et sort, d'ailleurs, du cercle de mes études ordinaires. J'ai seulement voulu montrer, d'une part, que la Revue des Etudes juives n'est pas assez connue de nos érudits, d'autre part que la fâcheuse dispersion des documents relatifs aux Juifs de France expose les historiens même les plus consciencieux, lors- qu'ils touchent à ce sujet en passant, à pécher par omission ou par commission. Quand donc aurons-nous, pour notre judaïsme mé- diéval, des Regesta complets, avec renvois aux sources, compa- rables à ceux que le regretté Aronius a si bien conduits jusqu'à la séparation politique de la France et de l'Allemagne? Cette en- treprise, plus minutieuse que difficile, devrait tenter un de nos jeunes archivistes; je suis sûr que la Société des Etudes juives ne' lui refuserait ni son patronage ni son hospitalité.

Théodore Reinach.

Ci'. Is. Loeb, Les expulsions des Juifs de France au xiv" siècle, p. 12 (extrait de Ibl Jubelschrift pourGraetz;.

UNE BIBLE MANUSCRITE DE LA BIBLIOTHÈQUE DE BESANCON

f

Nous continuons à rendre compte des quelques manuscrits hébreux disséminés dans les bibliothèques publiques de France. Depuis la centralisation à Paris des rass. de tout genre, faite par ordre du gouvernement en 1795, le nombre des Hebraica restés en province est très restreint. Grâce au Catalogue général des Manuscrits des 'bibliothèques publiques de France, aucun ras. ne peut plus échapper à l'attention des intéressés. On les con- naît maintenant presque tous : sauf un groupe considérable de mss. hébreux qui sont à la Bibliothèque de Nîmes, et un autre, moins important, à Rouen, ce ne sont partout ailleurs que des ouvrages isolés. Tel est le cas d'une Bible hébraïque qui se trouve parmi les mss. de la Bibliothèque municipale de Besançon (en deux volumes), sous les n^' 1-2 du nouveau Catalogue général (t. XXXII, p. 1).

Ces volumes proviennent de la collection de mss. léguée aux Bénédictins de son Abbaye, le 27 novembre 1694, par Jean-Bap- tiste Boisot, abbé de Saint-Vincent de Besançon, et la meilleure partie de cette collection provient de la bibliothèque du cardinal de Granvelle, augmentée de volumes recueillis en Italie et en Espagne. C'est de l'un de ces deux pays que le ras. en question ici est arrivé, acquis d'un Juif hispano-arabe.

Il a été inventorié et décrit par Auguste Castan. Cependant nous croyons devoir revenir sur la description que ce biblio- graphe en a faite, d'abord pour combattre celles de ses asser- tions, qui ne nous paraissent pas admissibles, ensuite pour entrer dans quelques détails sur l'intérêt qu'offre ce ms, pour la paléo- graphie hébraïque.

Le ms. a été entièrement écrit sur parchemin', vers la fin du

Relié au xtiii' siècle aux armes de la ville de Besançon, comportant un aigle aux ailes éployées, avec les deux colonnes du temple de Jupiter dans ses serres, à la devise religieuse Utinam !

112 REVUE DES ETUDES JUIVES

xiiif siècle, à en juger d'après les ornements sur lesquels nous reviendrons Nous allons suivre les notes (incomplètes) de M. Aug. Castan, en disant pourquoi nous différons d'avis avec lui: « Le second volume, dit-il, est beaucoup plus soigné comme calli- graphie que le précédent. » De fait, l'écriture du 1. 1^^ pâlie seule- ment en quelques pages, n'est pas la même que celle du t. II : les deux volumes ont ceci de commun d'être en lettres carrées et d'avoir le texte disposé en deux colonnes ; en outre, ils ont mêmes mesures de hauteur et de largeur, 26 centim. sur 20 ; mais les ca- ractères diffèrent de taille. Au 1. 1", comprenant 211 feuillets, les lettres sont assez grandes, et, par conséquent, plus nettes qu'au t. IL II en est de même, naturellement, des voyelles, avec cette particularité que le kameç dans cette écriture ne diffère du paiafi que par l'addition d'un point au-dessous du trait horizontal '. Ce détail existe aussi, il est vrai, dans le t. II, qui comprend 28ô feuil- lets ; mais comme les lettres y sont un peu plus menues, la dis- tinction entre le kameç et le palah y devient moins aisée qu'au t. I-"" : le point inférieur de la première de ces voyelles est presque adhérent au trait horizontal.

Autre similitude : celles des lettres nc^ 1:13 qui restent douces ou aspirées sont surlignées, par opposition au cas ces lettres sont fortes et munies du daguesch. Ce signe a été plus longtemps en usage dans les mss. que le précédent détail relatif aux voyelles. Les accents toniques sont les mêmes que partout.

Le 1. 1*^"" renferme le Pentateuque, sauf, entre les fol. 55-56, une lacune allant d'Exode, iv, 17, à vi, 23, et le livre d'Esther qui est incomplet à la fin : il manque les quatre derniers versets du chap, IX (28-31) et tout le chap. x. Cette Megidlla est placée à la suite de la Tora, à cause de l'emploi qui en est fait pour la lecture publique à la synagogue. De plus, pour la Tora, chaque section hebdomadaire est indiquée en marge par le mot ma"i2 dans un cadre enjolivé, genre oriental ; on y voit aussi quelques indica- tions massorétiques.

Avant la lin de ce tome I, 205 a, au bas, comme « essai de plume », écrit probablement le jour de la fête d'Esther, ce mau- vais quatrain :

Z)^Tuy \^'2 -1DD3 OITûbpn "D3N

Dii-^saîN ^b»m ^5N D123 nnoNT

Plusieurs colonnes sont dépourvues de points-voyelles ; cette par-

« Le hamcç est à l'orifrine un patali sur un poinl ~ », dil Steinschncider. Jewish Lite rat lire, p. 23:2, uole 21 ; Vorlesungen uher die Kunde hebr. Handschriften, p. 11.

UNE BIBLE MANUSCRITE DE LA BIBLIOTHÈQUE DE BESANÇON 113

ticularité permet de supposer que les voyelles ont été ajoutées plus tard par une autre main *.

Le t. II contient les premiers Prophètes, suivis des trois pre- mières sections des Hagiographes : les Psaumes, les Proverbes et Job ; le reste manque. Le premier mot de chaque livre est tracé en or sur un réseau brodé à l'encre rouge, dans un cadre vert.

Au 104 recto (Isaïe commençant au verso de ce feuillet), est le nom arabe d'un ancien possesseur de ce ms. : "iddîi îtit "^bî) nKN?:bN miisa ^"^ym ; ce nom est répété une seconde fois en regard de la première mention, et plus bas, sur le même côté, la recom- mandation rabbinique demi effacée) d'inscrire son nom sur ses livres, pour n'exposer personne au péché du vol. Pour le même tome, M. Castan dit : « Trois vignettes, grossièrement peintes, sont dans ce volume. » Le mot « grossier » est bien dur pour ces vignettes, qui, sans être des chefs-d'œuvre, sont d'une finesse re- marquable pour l'époque de leur composition, ainsi que l'on peut en juger par la photographie ci-jointe, bien pâle à côté de l'ori- ginal dont elle ne donne pas le coloris et l'intensité de vie.

Puis, à la fin d'Isaïe, 130 b, col. 2, figurent côte à côte un lion, peint en vert et brun, et un tigre blanc ; au bas, se trouvent deux dragons ou griffons ailés et affrontés. Selon M. Castan, cette rencontre de deux bêtes fauves figure un a duel » ; tandis que la lecture d'Isaïe semble plutôt viser les temps messianiques, oii « le loup et l'agneau paîtront ensemble » (Isaïe, lxv, 25).

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Après les douze Petits Prophètes (f° 130 v), on voit un cadre formé de rinceaux en arabesques à deux couleurs, rouge et vert.

' Il arrivait parfois de confier le détail délicat de la ponctuation à un homme plus

savant que le scribe ordinaire, dit Steinschneider, Vorîtsungen ilber d, Kunde hebr, Hschr,, p. 15.

T. XLII, 83, 8

114 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

dont les quatre côtés intérieurs contiennent les quatre versets suivants : Psaumes, xlvi, 8; lxxxiv, 13; xx, 10; xxix, 11. Le milieu est occupé par deux colonnes géminées, à la toiture mau- resque, aux côtés en torsades avec nœuds continus ; elles donnent le nombre total des versets des Petits Prophètes, 1050, avec l'indication du verset médial, puis le total semblable pour les quatre premiers Prophètes, soit 2312, avec indication des pas- sages successifs finissent : le premier quart ; la moitié; le troisième quart; le tout, selon l'usage de certaines bibles massorétiques. Or, voilà ce qu'en résumé la notice imprimée du Catalogue des 7nss. a qualifié d' « indications bibliogra- phiques » !

Il eût suffi à M. Castan de lire la version latine, textuelle et littérale, de tout le contenu de ce cadre, écrite, fol. 131, sur un feuillet en papier, ajouté au ras, bien plus tard, au xvii'" siècle. Sur cette môme page, on lit ensuite : « Notandum quod hoc manuscriptum non continet totum librum Job, sed in ultima pagina semilaurata legitur caput 32 , in quo habetur : c, Omi- serunt auiem ires viri isli responderey) {yev&, 1). En réalité, le livre de Job est transcrit jusqu'aux premiers versets du chap. XXXIV ; mais ils sont mutilés.

En tête du Livre des Proverbes, f" 259 a, le premier mot -^b^aTi est écrit, comme le premier mot de chacun des autres livres bibliques, sur un réseau rose, agrémenté d'enjolivements qui prennent toute la largeur de la page, sur deux colonnes. « Le car- touche initial a été augmenté (?), pour faire place à des figures d'oiseaux fantastiques et à un personnage humain qui pince de la guitare. » On se demande si l'auteur de ces lignes a regardé !a vignette qu'il décrit. En fait, l'instrumentiste qui est peint dans cette miniature a la main droite munie d'un archet, avec lequel il fait chanter la vièle ou viole du xiii'' siècle (l'ancôtre du vio- lon) ; cet instrument est ainsi figuré sur un bas-relief du portail de la cathédrale de Chartres, et il est plus spécialement appelé « viole de gamba » (de jambe), à cause de la façon dont l'exécu- tant le tient sur les genoux '. En outre, l'artiste, par son costume, semble fixer à peu près la date de l'enluminure ; on note ses manches collantes visibles sous de larges manches retombantes, les grègues rouges d'un oriental ; ses souliers ne sont pas « à la poulains » (ce qui reculerait la vignette à la fin du xiv« siècle,

' H. Lavoix, Histoire de la musique, p. 104, fij^. 30 ; Histoire de l'instrumenta' tion, p. 35.

UNE BIBLE MANUSCRITE DE LA BIBLIOTHÈQUE DE BESANÇON 117

OU au commencement du xv"), mais seulement allongés, signe de noblesse, que l'on trouve dès le xii« siècle, en particulier sur les sculptures des tombeaux. Il n'est pas superflu d'insister sur ces dé- tails, puisqu'ils servent à déterminer la date du ms., la vignette étant forcément, par sa place et le premier mot hébreu qu'elle contient, de la même époque que le restp. On remarque que la tête des h entre dans la vignette et y reçoit un ornement.

M. A. Gastan n'a pas même accordé une mention à la page ini- tiale du t. I", se trouve un texte judéo-arabe composé de cinq lignes. Vu leur état malheureusement très truste, un de nos col- lègues de la Société des Éludes juives, M. Moïse Engelmann, a bien voulu photographier ce texte S afin de le publier ici à l'usage des arabisants.

Dans l'état actuel de ces lignes presque effacées, M, Mayer Lambert et deux de ses élèves du Séminaire Israélite, MM. Antébi et J. Cohen, croient, non sans réserves, pouvoir lire ainsi ce texte. Pour rendre la vérification plus commode, nous conser- vons la disposition des lignes :

"'bN 'j-'nwsbi: -^d ^irj-'bN ri'Dwa Nn»n ^''a i7:i<n ^npid^n N-irs pion

(n:^)7D nirnpNT ît^id... ripsim N-'i'MO -i^ qDv 'n ...72 t^

-'by ûDD '■^bi nsTon pi Sn?:.. y-apb ,,126 nb 1X73^5^ Y'^^ ^^^

l-^DTODT ']"'3nNT ';-'n"'N72T rjbN 0733 ÛK5' "T^\^ "103' ri'oiji ^0 ...Sn !^73b\:: tlOT^ '{"'■'i^^'^'N "~ •P^iî"' ...Ûnbi:r; nC7û '3 (signature ea lettres liées)

« Ce livre a été mis en adjudication, par ordre du tribunal reli- gieux de celte ville de la communauté des Juifs à Salàhin ^; il est parvenu aux mains de M... b. Joseph, de la famille des Schemaïa, ayant pour compagnon ...kbia. Convention a été conclue avec (lui) de payer pour cela à titre d'arrhes 5 (ou 50) pièces (?), versées au comp- tant sur la somme totale, et pour le prix compléter] il a signé (s'est engage) pour 3 (ou 30), ce quinze lyar an cinq mille deux cent cinquante deux (= Mai 1492). (Signature illisible, puis :) fils de Moïse Hassallam.. . Isaac.

Les témoins : Joseph ; Salomon. »

Un nombre au milieu de la 3^ ligne et un autre au commence- ment de la ligne ne sont tracés qu'à moitié : on ignore si c'était cinq ou cinquatile, puis trois ou trente; total : 8 ou 80 Au-

* Tiré et agrandi par un photographe d'art, M. Gerscliel.

* Ce nom de lieu du Yémen, nous fait remarquer M. Ilart. Derenbourg, se trouve déjà dans les inscriptions himyarites, il est vrai sous la t'ornae "jnbo : Salaliin. Voir ses Monuments sab^ens et himyarites de la Biblioth(^rpce nationale, p. 12, ligne 10.

H8 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

dessous de cet acte de propriété, il y a encore plusieurs lignes, écrites avec les mêmes caractères et dans la même langue, comme on peut le voir dans la reproduction photographique ci-jointe. Au bas de cette même page (partie non photographiée), on reconnaît les mots suivants écrits en deux lignes :

..:"n: t,72v:; "^113 ...nN rjni:» NSxrrfsK]

(( Ce livre sacré (cette Bible). . . [appartient à]. . . » Béni soil son Gardien (Dieu) et. . . »

Peut-être se trouvera-t-il un lecteur assez heureux pour déchif- frer le reste, qui jusqu'à présent est illisible.

Moïse Schwab.

NOTES ET MÉLANGES

NOTES EXÉGÉTIQUES ET GRAMMATICALES

LÉviTinuE, XV, 23.

Les versets 21 et 22 de ce chapitre disent que quiconque touche au lit de la femme ayant ses règles ou au meuble sur lequel elle s'assied, doit laver ses vêtements, se baigner et est impur jus- qu'au soir. Le verset 23 ajoute : « S'il est sur le lit ou sur le meuble sur lequel elle s'assied lorsqu'il le touche, il sera impur jusqu'au soir. » A quoi se rapporte le pronom il, qui commence ce verset '? D'après la plupart des exégètes modernes, ce mot se rapporte à un meuble quelconque qui se trouverait sur le lit ou sur le siège de la femme. Mais cette explication est inadmissible, car le pronom il ne peut se rapporter à un objet qui n'a pas été nommé. Quelques commentateurs ont prétendu que iX'irt désigne le sang, mais nulle part il n'est question du contact avec le sang. M. Wogue, Pentateuque, ad loc, rapporte ce pronom à l'homme qui touche le lit ou le siège et explique : Si cet homme est sur le lit ou sur le siège au moment la femme s'y trouve, même en ce cas, il ne sera impur que jusqu'au soir. Cette inter- prétation en elle-même est très satisfaisante ; toutefois elle cadre mal avec le texte qui aurait porter : « Si la femme se trouve sur le lit ou sur le siège au moment l'homme le touche, etc. », puisque c'est la présence de la femme qui constitue le point nou- veau. Cette difficulté disparait si, au lieu de Nin, on lit î^in. Le verset se traduit alors : « Si elle est sur le lit ou sur le meuble sur lequel elle s'assied (d'habitude) au moment l'homme le touche, celui-ci (ne) sera impur (même dans ce cas que) jusqu'au soir. » Le verset 23 s'oppose au verset suivant, qui dit que, en cas

120 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

de cohabitation, il y a la même impureté pour l'homme que pour la femme. La Septante, qui met aùr?,; ojTYp-, parait avoir lu n'^r, ,

Le parallélisme avec les prescriptions relatives au zâb (v. 2-15) confirme cette lecture. En effet, le verset 19 & répond au ver- set 7. le verset 20 répond au verset 4, le verset 21 répond au ver- set 5, le verset 22 répond au verset 6, le verset 23 répond évidem- ment à 10 a, il est dit : « Quiconque touche à ce qui est sous le zâb sera impur jusqu'au soir. » La particularité du cas de 10 a consiste en ce que le zâb est présent, tandis que dans le cas indiqué par les versets 5 ou 6, le zâb est absent.

Si notre interprétation est exacte, il en résulte que l'impureté qui dure jusqu'au soir implique l'obligation de se baigner et de laver ses vêtements, car le verset 19 répond au verset 7, qui est explicitée cet égard. Il n'y a pas lieu non plus de faire une dis- tinction entre le futur aï:n (v. 22) et le participe r\y:i'' (v. 23).

II Rois, v, 17.

Les mots ri'^n t-i^D iriTïn {iy'ù2b), dans ce verset, doivent être sup- primés, car cette formule ne s'emploie que pour annoncer un évé- nement qui doit avoir lieu et non pas pour raconter ce qui s'est passé; cf. Gen., xvii, 21 ; xviii, 10, 14 et xxi, 2. Il aurait fallu, d'ailleurs, Ninr: et non riT-, et noî^D au lieu de n"::^. C'est donc une fausse répétition des mêmes mots dans le verset 16.

Psaumes, cv, 27 et 28.

Le mot û3, au verset 27, présente un parallélisme faible avec bn y^«3, et le mot ■'"in'i devant vnni< paraît inutile. Nous sommes porté à croire que D3 est le commencement de û"»-)!:»! (cf. verset 23 et passim), qu'un copiste étourdi a changé en ■'lai ûa sous l'in- fluence dittographique de T>n35>n (v. 2b) ou de v'^ai (v. 29). On aurait pu penser que i-ian ûa serait plutôt une altération de naitta, mais ce mot n'est pas parallèle à tan y-iwsa et le contexte ne parle que de l'Egypte.

Le verset 28 est difficile à comprendre : Pourquoi la plaie des ténèbres est-elle mentionnée en premier, et que signifie la fin du verset : « et ils ne désobéirent pas à ses paroles » *? Ces mots ne peuvent se rapporter qu'à Moïse et Aron. Ensuite, le mot nVcj ^■^n « il envoya les ténèbres » erd impropre, car les ténèbres ne se déplacent pas d'un endroit à l'autre. Il aurait fallu le verbe ln5, comme dans Ez., xxxii, 8, n''à, comme dans II Sam., xxii, 12 =

NOTES ET MÉLANGES 121

Pd., XVIII, 12 ; ib., civ, 20, ou ù^b, comme dans Job, xix, 8. Aussi nous permettons-nous de supposer que y::n^^^ ^^sn est une altéra- tion de inriîîi HïJtt et que le verset 28 est une variante du verset 26. De la sorte vnm nx "iito 5<5t devient clair. La variante mise d'abord en marge sera ensuite entrée dans le texte. L'omission des ténèbres n'est pas plus étonnante que celle de la peste et des ulcères.

Ps., cvi, 7,

t]nD ta'^n d"' by forme un pléonasme inadmissible. Aussi a-t-on proposé de changer û"« by en )'\'hy , en comparant ivby miTab rr'ita (lxxviii, 17). Mais fa-in signifie « dans la mer » et non « près de la mer ». Nous croyons donc préférable de supprimer t^^a, qui peut être une dittographie du même mot au verset suivant, et de lire ïiiD û"» by. Il est possible que le mot ]vby soit tombé de- vant D"^ by ou qu'un autre mot ait été omis. Il semble, d'ailleurs, qu'il y ait une lacune dans le verset 7, ce verset ayant trois membres de phrase.

Ps., ex, 3.

Ce verset est très obscur. La première partie, ûra r-naii y2y b^p ■'"n'ini '^b'in, peut à la rigueur se traduire : « Ton peuple se dé- voue (Septante : avec toi est l'autorité) au jour de ton armée dans la majesté sainte (selon quelques-uns : dans les montagnes sa- crées). » Mais que signifie : ^T^^b"^ ba ^b inï)tt tinnw? Les exégètes rabbiniques expliquent : « Depuis l'ouverture de l'aurore (c'est-à- dire depuis ton enfance) à toi la rosée de la jeunesse. » Des mo- dernes traduisent : « Depuis l'ouverture de l'aurore (au propre), à toi appartient la rosée (c'est-à-dire l'élite) de tes jeunes gens. » Mais um n'est pas le commencement d'une chose, nn"«a?3 est in- connu, et la rosée de la jeunesse ou des jeunes gens est une sin- gulière expression. Il est certain que le texte est profondément altéré. Nous risquerons, faute de mieux, l'essai de restitution suivant. En comparant à notre psaume le psaume ii, qui traite le même sujet, nous remarquons le mot '^ti'i'?'' « je t'ai enfanté », mis dans la bouche de Dieu et appliqué au prince : "^mV"" ne serait- il pas ici la même chose '? Par suite, le mot ba ^b nnïîtt nous semble être une corruption de "^bttb "^Tinï}» (II Sam., xii, 7 et passim), ûn^tt aurait le même sens que dans Jérémie, i, 5. La phrase signifierait donc : « Dès le sein maternel, je t'ai oint pour être roi; (c'est) moi (quij t'ai enfanté. »

122 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

La substitution du ni^ au "j^ttp devant l'alef.

M. Kônig [Lehrgebàude, II, p. 494) se demande si le change- ment du Y^p en N1U3 dans mno, û-^Ni:723 et les verbes semblables (û"'N3n;, û-iNn;)' a été amené parl'inlluence de Yalef. Nous croyons qu'on peut apporter d'autres exemples du même phénomène. Tout d'abord, on peut expliquer ainsi le niï) de i3Nb (Gen., xi, 10) à côté de -ittnb^ et ûivitîb (Juges, v, 13) à côté de ûi-1355-. Ensuite et surtout, on sait que le vav conversif à la première personne du futur porte dans un certain nombre de passages un niïj (un nnc devant le rjn^n) au lieu de y?2p. Il est vrai que la Masora a pu y méconnaître le vav conversif, mais cette erreur de la Masora doit tenir au moins en partie à la substitution phonétique du t^iu) au y»p devant Valef. M. Kônig (0. c, p. 356) cite laniiî^i (Juges, vi, 9), nnb^NT rjnP3N"i {ib., xx, 6), lïinnittNi (II Sara., i, 10), ïtt'J'kt (Is.,

VIII, 2), "^ïriNT ^niïNT . . .pmNT (ib., xlii, 6), mais on peut ajouter Szi'^b^^Ni (I Sam., xii, 3), inîî'iaNi ...i-inr.si (II Rois, xix, 23) = N12N1 ...i-i^stîi (Is., xxxvii, 24), a'irivST (II Rois, xix 24= Is., xxxvii, 25), T^iixi . . .T^DNT (Is., x, 13), nsn^i . . .bbnsT (ib., xliii, 28), ûS-^TouSNT [ib., XLviii, 3) '^îriNi . . .^-iiit^T {ib., xlix, 8), inD^aïti nïianM (ib., li, 2), ri^tp^T ...inDt^T (26., lvii, n), innsiîT ini^DiKi tDbuJî^i [ib., 18), ûD'^nNT ...ûsniNT {ib., lxiii, 3), û»in":;NT -j^ni^i {ib., 5), TmNi . . .û-i3ïïi<i . . .Diai^n {ib., 6), nbï:NT(Zach., viii, 10), ribn-^i^T (Job, XXX, 26) et probablement aussi :ûnt (Osée, xi, 4),ûb2Ni {ib., XIII, 8), tsns'ti^T (Zach., vu, 14j, -ii^ri^T {ib., xi, 5), :>i5i<T (Job, III, 11) et ûbffluST {ib-, xli, 3).

On trouve, il est vrai, quelquefois le Nio à la place du nno aux

' M. Kônig ajoute î^riN3f1tl mais le mot est sans doute altéré. Il faudrait t^N3^ï^ (v. 25) ou ^^pa^!^. U est à remarquer que les trois dernières lettres nPN se répètent dans (Û'^^bM)!^ PN qui suit.

* Quelques-uns des exemples de ponctuation contradictoire de l'article cités par nous {Revue, t. XXXVII, p. 200) peuvent s'expliquer, sinon se justifier: Dans T^'ilJyb (IISam.,xn, 2) à côté de Clb Vayin a pu avoir la même iniluence que Valef. mD733 dans Deul., vi, 16, a été traité comme un nom commun, tandis que dans

IX, 22, il est entouré de noms propres. in^S (Is.. lui, 11) n'a pas de complément, tandis que bmD en a un. mWiîb (Lev., xxv, 23} est dans une phrase négative, et nrr^^Oitb dans une phrase positive. h'sh (Is., ixv, 2] est court, tandis que tlbo'ob est long; de même NTC;b (Ps., xxiv, 4"'. à côté de îl^n^b. TnNS ('A-, xcii, 13) a un complément. Ili^bD, tandis que "17ûri5 uen a pas. Par contre, dans D^'^^'^isb, nous pensons maintenant que l'N est cause du NTO. et non le mot 133>. Nous renonçons à expliquer les autres contradictions.

NOTES ET MELANGES 123

autres personnes, comme dans n(Isaïe, lxiii, 3), mais pas dans la même proportion; cf. ^bim [ib., 5). Nous pensons donc que ValefdL exercer ici son influence.

Mayer Lambert.

QUELQUES REMARQUES SUR LES CITATIONS BIBLIQUES DANS LE TALMUD

On sait qu'il se rencontre dans la littérature talmudique des versets de la Bible qui offrent des variantes avec le texte masso- rétique (cf. les tossafot dans Schabbat, 55 &, s. v. tin-^a:»», et les gloses de R. Akiba Eger, ad l. ; Nidda, 33a, s. v. Nïï5im). Ces va- riantes proviennent en grande partie de la négligence avec la- quelle sont faites ces citations, et on s'explique ainsi que les plus anciens commentateurs (cf. Consultations des Gaonim, éd. Cassel, Berlin, § 18 ; Consult., de David bi Zimra [T"mn], IV, § 101) aient prévenu de n'en tirer aucune conclusion. Un exemple classique de cette inexactitude est la citation dans Berahhot, 30(2 : bN t\-^ nvn» y\ -^ipr, et Baba Kamma, 81 b : dt:: "j-^n . . .arj mvtntt nTS ^wt ma y2»n V.s N:na ■'NiiD. Voir aussi Zeba/mn, 119 6, mss ■^n-'i n-ri^nD inn^n, Raschi dit qu'il n'a pas trouvé ce passage (i<bi rnïjî;n rnsit») ; EroubiJi, 18 &, . . .nnizjN -in« Ti^'phiii ^b-^n, qu'on ne trouve nulle part (cf. tosafot dans Berakhot, 61a, s. v. aà^^; Eroubin, 65 a, mr n::3 i?:N;\a qu'on suppose emprunté à BenSira, et, enfin, Yebamot, 86 &, û-ianin û'^Tjtût; cf. Geiger, Jlld. Zeitschrift, VIII (1870, p. 308). A remarquer aussi le passage de Baba Kamvaa, 55 a, un docteur du Talmud - avoue avec une entière fran- chise qu'il ne sait pas si ma (c'est-à-dire a-o"^-^) se trouve dans le Décalogue (Deutér., v, 16).

Il existe pourtant certains passages talmudiques la citation de la Bible ainsi que le contexte prouvent qu'il s'agit vraiment de variantes. Il me semble intéressant de réunir un certain nombre de ces passages, que je veux donner ici comme un premier essai :

1. Lévit., V, 23, . . .Vw nuîK. Cf. j. Baba Kamma, 2c : \tq ^y

* Cf. Strack, Prolegomena critica in V. T. hebr., Leipzig, 1873, p. 63, note 129.

* A propos des connaissances bibliques de certains docteurs, voir aussi Aboda Zara, 4 a, IDP ■^-)?3N ^IZ ^Nnpa ,\Njna llsV nTjNT

124 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

bn Tiiixr» ïnbTsrs n'^ttîWi'^ni* Yn l-^a» nb-'n n2""5:\. Voir aussi tosafot Baba Kamma, 11 a, s. v. •;■«« '.

2. Lévit., XX, T, 'n "^s» "^d t=i-'ï:"np ûn-^-^m t!nu5'jpnm. Dans Berakhol, 53 &, après û"'\ainp, on ajoute -^^s OTrp ■'D, comme xix, 2 (i»o riT ïUTip ■'^ ) .

3. Deutér., XXVI, 2. Dans Gidllin, 41 b, et Baba Balra, 81 b, on cite: ini^a n.snrii nir^pb Niinïj nsam nnpbT (cf R.S.B.M., B. Balra, ib.).

4. II Sam., XXIII, 20. On ne tient compte que du hetib Ti (et non b^n); cf. Berakhot, 18 a {Tanhowna, éd. Buber, nsna, % 7), nas

5. Isaïe, I, 20. ib^xn n-.n. Les anciens lisaient ib^fï^r ; cf Pe- sihta di R. Kahana (éd. Buber), 117 a (Lévilique rabba, xiii, xxxv) ibDxn l-im-in; KiddouscMn, 62a, Nm nWN ibDNn 3"in \s)2 . . .Nn-'sbb^ Nnb"'».

6. Jérémie, xxxii, 11, -^ib:;!:! n^T û'^pn^i mi:?:r5 tainnr; ni<; voir comment le verset se suit dans Baba Balra, 160 & : mi< ...ûi-im -ibi* û-^pnm m^cwr; ...::r:îD ta iib:r; nï<n ncip» riT mnnn

7. Ezéch., XXXI, 15, in^DD \nbaNM. Voir Pesihla di R. Kahana, 73 a : a-^nr) "^nbann n^i^x ""n-Q mirp 'n.

8. Ezéch., xLiv, 9. Dans plusieurs passages {Zehahim, 18a et 22 b ; Yoma, 71 &) on ajoute ■'in^'ûb à ce verset.

9. Osée, XIII, 15, iS"'"iD"'. Cf. Pbliè di R. Eliézer, 54 :

Ti-)Dn û-ins. N'y a-t-il peut-être pas un "'-pn bi* inconnu (cf. Guittin, 32a, Raba explique n"'"id"', comme N'^on )?

10. Psaumes, xux, 15, bi5<u: mbnb. La Tosefta Sanhédrin, ch. XIII, dit : û->bD û^k Dm nbD bii^o (cf. Graelz, Psalmen, I, p. 341, et mes Marhus-Studien, p. 6, note 2). L'édition de Zuc- kerraandl, p. 434, donne la leçon nba bii<ï).

11. Psaumes, xlix, 12, i»\n3 û2^p ; cf. Gen. rabba, xxiii, Drr^nnp v^3>5 ûr:\-ia -inwb (cl. aussi Geigcr, Nachgelasseni Schriften, IV, p. 29).

12. Job, 5x, 13. Dans Aboi di R. Nathan, ch. xxxii, on cile . . . t2-'53"'Tj2 ûnTnsai c:^;"'?:-' nrjn nba-^. Ces derniers mots se trouvent dans xxxvi, 11 ; ils étaient à l'origine après les mots ^9 ts^DUi ûîib bnDDt<\i5 (contrairement à Schechter, p. 47 a) ; cf. aussi. Sanhédrin, 108 a, les gloses d'Isaïe Berlin, ad l.

13. Job, xxvii, 17, uî^b'' p-^niST X^y^. Voir dans Baba Kamma, 119 a : . . .:>ï5-i 1"^3-" a-T^i N"^b:p?3 r<5nT rr^b mn ^wb-^i ; Maïmonide, introduction à to-^ynT.

' Voir aussi I. Lcvy, Interprétation des I. Ahs'hn. des palàst. T'ilmud-Traktates Nesikin, p. 33 [1805;.

NOtES Et MÉLANGÉS l2o

14. Jub, XXXVIII, 11, Nan riD 13». Oa lisait sans doute nD iy ; cf. j. Schehalim, ch. vi, 2, c«<an idj ny (le mot rrsi de la seconde moi- tié du verset est interprété comme id-i).

15. Eccl., VIII, 1, -,m T^D. Dans Pesihla di R. Kahana, 36a-&, rî-nni"! ï-i5< •on*' do. comme s'il y avait "ons (cf. Midrasch Zoula, ad l. ; Tanhouma, mpin, § 17 ; Marhics-Stiidien, 31, note 1).

16. Ezra, iir, 3, insn^TD by. Tanhouma, rr'ai^nn, § 13, 5û!, a lu

in:i2n br.

17. I Chroniques, xvii, 9, inbnb. Dans Berahhot, 7 6, on lit inbDb; cf. ib., nmbrb :]iD3bT -u-n::'? nbnnn. Voir aussi Revue, XL, 35, note 1.

18. Ibid., xxvn, 34, nr^in p :?T'in\ D3ins Berahhot , 4<2, on lit

19. /ôirf., xxxiii, 13, ib -ip:?^t. Dans Sanhédrin, 103 a : nb -in:>iT rr^b •'iJ'a» ib nnrr'T, etPes'k'a di R. Kahana, 181 û', a•«^3 nb -inm. Par contre, f&., 162&, on lit : iN"'-'3-i:^3 li3'730 nn n'-in -ip3>->t ■'wX:: ri-iT:' NiTinnb V"iJ^ » cf. j. Sanhédrin, 28c; Léviiiqiie rabba, ch. XXX. Voir aussi Strack, Prolegomena crilîca, p. 108.

Vienne, uov. 1900.

H. -P. ClIAJES,

UNE LOCALITÉ ÊNIGMATIQUE

MENTIONNÉE SUR lA MOSIIQUE DE MADABl

La carie en mosaïque de Madaba indique, entre la Mer Morte et Charak-Môba, la localité BHTOMAPCFA H Kfal) MAIOYMAC. Schulten [Die Mosaïhharle von Madaba, Berlin, 1900, p. 24, note 84j remarque que ces deux noms ne fif^urent pas dans VOno- maslique d'Eusèbe, que le premier ne semble pas se rencontrer ailleurs, que Ma-.o^aa; doit s'identifier à Ma-.oucio,-, que lliéroclès (éd. Parthey, p. 45) nomme avec Madaba et d'autres localités de cette région. Sur cette indication si énigmatique de la carte la littérature talmudico-midraschique* donne une explication aussi simple qu'étrange.

» M. Bâcher, Jeto. Quart. Eeview, XIII, 1900, p. 322, a déjà sif^nalé un passage intéressant du Midrasch qui peut servir à l'interprétation de cette carte.

126 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

Mayoumas est, comme on le sait, le nom du port de Gaza (Schù- rer, II, éd., p. 87, note G8) et de celui d'Ascalon (Antonin Mar- tyr, 33; Schûrer, II, 92, 86). Il ne saurait être question de ces deux villes ici. Mayoumas est encore le nom d'une fête qui était célébrée à Gaza, à Ascalon et dans toute la Syrie pendant le mois de Loos, d'après Théodoret (Ilist. eccles., III, 10) durant sept jours, d'après Libanius (lloo; Tiixoxp-y.T7,v, éd. Reiske, p. 386) durant cinq ou plusieurs jours, et lors de laquelle on se livrait à une li- cence effrénée et à de folies orgies (cf. Stark, Gaza imd die phi- list. Kuste, 596 ; Scholz, Gœlzendienst und Zaubcrwesen, 322 ; Fiirst, Glossarimn, 140 et suiv.). Le Midrascli connaît également cette fête, et J. Perles y a consacré une étude très intéressante {Monatsschrift, 1872,252; Zurrabljin. Sprach- ii. Sagenkunde, p. 1 suiv.). Dans le Midrasch [Nombres y^ahba, 10, 3) nous trouvons, à propos de la description que fait Amos (vi, 1-7) de la vie volup- tueuse des habitants de Jérusalem et de Samarie, un développe- ment agadique du passage qui montre comment on transportait à l'époque biblique la licence grecque et syrienne qui sévissait en Palestine à l'époque de l'agadiste (iii^ siècle). L'auteur de ce pas- sage, qui n'est pas nommé ici, mais qui dans Kiddouschin, 71 b, est R. Abaliou, dit : « Ils sont couchés sur des lits d'ivoire et souillent leur couche par des péchés, en échangeant leurs femmes et en souillant ainsi leur lit nuptial. Venez et voyez continue-t-il à propos de pm» "]inn 'Q'h'^y^ "i^^T^ û-^-id û>bDii<T chaque tribu d'Israël avait son propre Mayoumas ; quand on voulait retrouver son Mayoumas, on faisait défiler devant soi tout son troupeau, on en prenait la bête la plus grasse et on regorgeait. » Le développement agadique ne s'étend dans ce passage du Midrasch que jusqu'au ver- set G ; il se trouve plus complet dans Lévitique rabba, 5, 3, où, sur la question de savoir ce que signifie ûTimo nn» du verset 7, R. Aibo (iv« siècle) dit : « Il y avait dans le pays treize Mayoumas (ainsi Perles d'après le ms. de Munich, au lieu de mi<"'0">»'^'7) , chaque tribu en avait un, et tous en avaient un en commun ; et tous ont disparu, sauf un, qui est resté, afin qu'on vît quelles abominations on y pratiquait, »

On voit donc que Mayoumas est la traduction de nyp ; or la carte deMadaba donne MaoGsâ comme dénomination hébraïque, et Ma'.o'j[ia; comme dénomination grecque du lieu. Seulement, au lieu de nn73, elle a nn^D rr^a^ qui se trouve dans Jérémie, xvi, 5, Pin)3 rr^n i<inn bu. Cette concordance entre le passage midraschique et l'indication de la carte est si extraordinaire et paraît si étrange qu'on éprouve quelque peine à l'admettre, d'autant plus que ni chez les Pères de l'Église ni dans la littérature rabbinique

xNOTES ET MELANGES 127

rien ne montre que nn» soit un nom géograpliique. En outre, Mayoumas était célébré en première ligne dans les ports de mer de la Palestine, à Hiérapolis et à Dapliné, alors que la mosaïque place Beth-Marzéah à l'est de la Mer Morte. Précisément l'auteur qui a décrit les mœurs éliontées des visiteurs de Mayoumas, R. Abahou, dans Kidd., 71 6, vivait à Gésarée, il eut l'occasion d'observer les excès de lafête syrienne. D'autre part, l'origine des Philistins est rapportée à des femmes échangées les unes contre les autres {Gènes, r., 37, 5). On n'attribue cette licence des mœurs qu'aux habitants du littoral [Genèse rabba, 28, 5). Cepen- dant l'argument n'est pas irréfutable, car dans Pesikta rabbati, 21, 107 a-&, on reproche le même crime aux habitants de Sousitha (Hippos)et de Gadara, situé dans le pays jordanique oriental. Epi- phane {Contra hœres., XXX, 1) décrit ces mœurs dans cette der- nière ville lors de la foire annuelle ; comme à l'occasion des fêtes de marché (rbiûiri, dans Gen. r., 37, 5), il s'agit d'une fête de Mayoumas. Toutefois on ne voit toujours pas comment expliquer que Mayoumas et Beth-Marzéah soient devenus une localité géo- graphique et un nom propre.

Nos sources fournissent la réponse. Le mot nj-i)? se trouve en- core une fois (cf. Bâcher, Agada der palest. Amorder, III, 72, note 1) dans la littérature talmudico-midraschique, en connexitô avec l'explication de Nombres, xxv, 1 et suiv. [Sifré, Nombres, § 131). Suivant le passage biblique, les Israélites forniquèrent avec les filles de Moab à Schittira et pratiquèrent le culte du dieu Peor. Le Sifré et les passages parallèles [Sanli., 106a et jer. Sanh.^ 28 rf, 6 et suiv.) décrivent l'événement d'après les mœurs observées chez les Syriens au ii" siècle. Les Ammonites et les Moabites élèvent des boutiques et des tentes depuis Beth-ha- Yesimoth jusqu'à la montagne de neige > ; ils y mettent des femmes qui vendent de beaux vêtements de lin que les Israélites atïec- tionnaient particulièrement. Par ils incitèrent les jeunes gens Israélites à entrer dans les boutiques, des jeunes filles les ame- nèrent à abandonner la Tora et à adorer le dieu Peor. A la fin, les Moabites et les Ammonites organisèrent à leur intention des û-^n'^n» , auxquels ils les initièrent, et les Israélites consommèrent

' Je ne crois pas qu'ici l'Agadisle ait voulu désigner le Herœon. que les Targoùm rendent par N^bp "llti- H me semble peu probable qu'un agadiste du ii» siècle ait pu dire une chose aussi insensée, à savoir que le marché s'élendait jusqu'au Her- mon. Les docteurs de la môme époque affirmaient que le camp israélile était d'une étendue égale à la distance de Beth-ha-Yesimoth à Ahel-ha-Sittin (Nombr., xxxiii, 49), c'est-à-dire 12 milles. Les Israélites, d'après les agadistes, seraient-ils allés faire des achats jusqu'au Hermon ? Suivant ^'fwA., o i, l'étendue du camp était de 3 para- sanges, ce qui correspond exactement à 12 milles.

128 REVUE DES ÉTUDES JflVES

des viandes du sacrifice offert à l'idole. Nous voilà de nouveau eh lace de nn?: que plus haut nous avons trouvé en connexion avec Mayoumas! Comme le lieu de l'événement est exactement indi- qué : de Beth-ha-Yesimoth jusqu'à la montagne de neige, tandis que la Bible (Nombres, xxxiii, 49) ne nomme que la première loca- lité comme station de campement, il faut qu'à l'époque du docteur qui parle ici on ait encore pu montrer l'endroit d'après la tradi- tion s'était accompli l'événement décrit. Baal-Peor ou Bet-Peor en avait été le théâtre ; cette localité était située, d'après Eusèbe (233, 18 et 300, 2), près du mont Peor en face de Jéricho, à dix mille au- dessus de Livias, ce qui concorde assez bien avec la situation de Beth-Marzéaii sur la carte. On montrait encore en ce temps-là la place le nn» moabite, la fête de Mayoumas, avait eu lieu à l'époque de Moïse. Le nom de la localité en pur hébreu témoigne que l'auteur de la carte n'a pas connu seulement les ouvrages des Pères de l'Église, mais aussi la tradition rabbinique. A la vé- rité, il est possible qu'il ait utilisé celle-ci par l'intermédiaire des Pères de l'Eglise, qui, comme Origène, Eusèbe et Jérôme, consul- tèrent certains docteurs palestiniens.

Ad. Bï'chler.

Le gérant :

Israël Lévi.

VERSAILLES, IMPRIMERIES CERF, 59, RUE DUPLESSIS.

LA BIBLE LATINE EN AFRIQUE'

Les traductions latines de la Bible avant saint Jérôme. État de la question. Le groupe dit africain ». Les sources : citations des Pères, manuscrits, ins- criptions. — Aucun texte ialin n'a été adopté ofliciellement par toutes les Eglises d'Afrique. La version des Septante et les textes {^recs du Nouveau Testament. Les citations grecques et latines de la Passio Perpetuae. II a existé en Afrique plusieurs traductions latines.

D'innombrables fragments des Livres saints se sont conservés dans les œuvres des premiers Pères africains, surtout de Tertul- lien et de saint Cyprien. Ces textes primitifs sont les plus anciens témoins de la Bible latine. Et ils intéressent directement la litté- rature chrétienne du pays, car ils ont exercé une influence très profonde sur la pensée des écrivains, comme sur leur vocabulaire et leur style. A tous ces titres, ils doivent être étudiés de près, en eux-mêmes, et dans les rapports qu'ils présentent entre eux. Quelques-uns ont été récemment l'objet d'enquêtes approfondies. Si complexe, si hérissée de difficultés que soit la question, il n'est pas impossible aujourd'hui de retrouver les traits principaux de l'histoire des versions bibliques dans l'ancienne Afrique.

Depuis longtemps, on s'est préoccupé de recueillir et de publier les textes latins de la Bible antérieurs à saint Jérôme. Le grand recueil, resté classique, qu'avait donné Dom Sabatier vers le mi- lieu du siècle dernier*, a été depuis enrichi ou complété par beau- coup d'heureuses trouvailles ^ Mais c^est de nos jours seulement

' Extrait d'une Histoire littéraire de l'Afrique chrétienne, dont les deux premiers volumes paraîtront prochainement chez Leroux, dans la Description de V Afrique du Nord, publiée sous les auspices du ministère de l'Instruction publique.

' Sabatier, Bihliorum sacroruni latinae versiones antiquae (Reiras, 1743).

* On trouvera une bibliographie à peu près complète des fragments de vieux latin biblique, publiés en ce siècle d'après les manuscrits, dans le mémoire de Fritzsche, Lateinische Bibeliibersetzungen {Real-Encyklopâdie fur protestantiscke Théologie und Xirche, t. VIII, 1881, p. 433-472), mémoire refondu tout récemment et mis au cou- rant par Nestlé 'S» édition de la Real-Encyklopihhe, t. III, 1897, p. 24-58, au mot Bibeliibersetziingen) . Le même travail est reproduit dans le volume intitulé Urtext und Uebersetzungen der Bibel [Leipzig, 1S97).

T. XLII, 84. 9

130 REVUE DES ETUDES JUIVES

que l'on a entrepris le classement méthodique et critique des do- cuments». On a reconnu d'abord que presque tous ces textes latins se rattachent, pour l'Ancien Testament, à la version primi- tive des Septante ou à l'une des recensions de cette version, et, pour le Nouveau Testament, au groupe dit « occidental » des textes grecs. De plus, l'on a réussi à distinguer plusieurs fa- milles de traductions latines, et à caractériser nettement chacune d'elles.

En ce qui concerne le Nouveau Testament, on s'accorde aujour- d'hui à admettre l'existence de trois groupes * : les textes dits « africains », c'est-à-dire ceux qui sont étroitement apparentés aux citations de saint Cyprien; 2" les textes dits « européens », ceux qui ont été en usage dans l'Europe occidentale jusque vers le temps de Constantin; 3" les textes dits « italiens », qui pro- viennent d'une ou plusieurs revisions des précédents, revisions faites en Italie dans la seconde moitié du iv^ siècle. On ne dis- cute plus guère aujourd'hui que sur le nombre des versions et sur le rapport des deux premiers groupes. Certains critiques veulent que les textes « européens » soient le résultat d'une série de dé- gradations, d'altérations ou de corrections des textes « africains », tandis que d'autres savants soutiennent, avec plus de vraisem- blance, que les textes « européens » sont les représentants d'une ou plusieurs versions indépendantes ^.

Ce travail de classement est beaucoup moins avancé et moins sûr pour l'Ancien Testament. Cependant l'on y reconnaît au moins deux groupes assez distincts : un groupe primitif, antérieur au iv« siècle, qui est représenté surtout par les citations des auteurs africains ; un groupe du iv« siècle, groupe de textes revisés, qui correspond à peu près au groupe « italien » du Nouveau Tes- tament*.

* L. Ziegler, Die lateinischen Bihelûbersetzungen vor Hieronymus und die Itala des Augustinus (Munich, 1879); Hort, 2'he New Testament in f/reek (Cambridge, 1881],. t. II, p. 78 et suiv.; Gregory, Prolegomena de la édition du Nouveau Testament de Tischendorf (Leipzig, 1894). Cf. S. Berger, Histoire de la Vulgate pendant les premiers siècles du Moyen Age (Nancy, 1893), p. 5 et suiv.; Kenj'on, Oitr Bille and the ancient manuscripts (London, 1895), p. 77 et suiv.; 16G et suiv.

* C'est le système de Westeott et Hort, aujourd'hui accepté de tous. CI'. Hort, Tke New Testament in greek, t. Il, p. 78 et suiv.; Wordsworlh, Sanday aud Wlnle, Old- Latin hiblical Texts (Oxford, 1883-1888); Wordsworth and While, Novum Testamen- tum latine (Oxford, 1889-1893).

* Cf. Nestlé, Urtext und Uebersetzunqen der Bihel, 1897, p. 24 et suiv.; Kenyon, Our Bible and the ancient manuscripts, 1895, p. 78 et 166; Burkitt, 2'he Old Latin and the Itala, 1896, p. .'i et 15 (dans Texts and Studies, IV, 3).

* S. Berger, Histoire de la Viilgale, p. 6; Notice sur (juelques textes latins inédits de l'Ancien Testament (dans les Notices et extraits, t. XXXIV, "i» partie, 1895, p. 119).

LA BIBLE LATINK EN AFRIQUE 131

Ces indications préliminaires étaient indispensables pour déli- miter exactement le champ de nos recherches. Naturellement, nous parlerons seulement ici des textes qui ont circulé en Afrique, c'est-à-dire, avant tout, des textes proprement « africains », et aussi de quelques textes « italiens », dans la mesure ils inté- ressent l'histoire de la Bible africaine. La matière est très riche encore. Fort heureusement, c'est pour l'Afrique que nous possé- dons le plus complet ensemble de documents et d'informations.

Les sources sont de trois sortes : citations des auteurs, frag- ments conservés par les manuscrits, inscriptions. Les inscriptions africaines qui reproduisent des versets de la Bible ne sont ni bien nombreuses, ni antérieures au iv« siècle'. Elles sont précieuses cependant pour certains textes : ces pierres sont des témoins irré- cusables, dont on peut dire, à coup sûr, qu'ils n'ont point varié. Il faut interroger les manuscrits avec plus de circonspection. La plupart présentent des textes mêlés, ou, tout au moins, suspects d'altérations : trop souvent, les leçons primitives ont cédé la place aux leçons de la Vulgate. D'ailleurs, le témoignage d'un manus- crit de vieux latin biblique ne peut être invoqué utilement, que du jour ce manuscrit est connu jusque dans le plus menu détail, l'on en a analysé avec précision tous les éléments : or, pour la plupart, ce travail de patiente et délicate analyse est encore très incomplet. Aussi ne ferons- nous intervenir ici qu'un très petit nombre de manuscrits : trois ou quatre seulement, ceux qui ont été étudiés à fond *, et dont le caractère « africain » est admis aujourd'hui par tous les critiques compétents. En réalité, c'est presque uniquement d'après leurs analogies avec les citations de tel ou tel écrivain, que l'on peut classer les vieux manuscrits bi- bliques. C'est donc à ces citations qu'il faut toujours en revenir. Ici encore, la plus sérieuse difficulté vient des altérations que les œuvres ont pu subir au moyen âge. Les copistes ne se sont pas interdit parfois de prêter à leur auteur les leçons de la Vulgate. Il est vrai que ces substitutions sont relativement rares dans les ouvrages des premiers Pères, surtout quand il s'agit de citations courtes. Mais, en thèse générale, on peut dire que la valeur docu-

* P.Delattre, Les citations bibliques dans l'épigrapMe africaine [C. R. du ,î« con- grès scientifique international des catholiques, tenu à Bruxelles en 1894. 2^ section : Sctences religieuses, p. 210 et suiv.); Le Blant, L'épigrapMe chrétienne en Gaule et dans l'Afrique -omaine, p. 111 et suiv.

» Pour les textes proprement « africains ., et pour les textes « mêlés particuliers à l'Afrique, ce sont des manuscrits des Evangiles, des Actes des apôtres, de V Apoca- lypse, et des Epîtres catholiques. Cf. Words-worth, Sanday and White, Portions of the Gospels front the Bobhio manusrript, together with other fragments of the Gospels, Oxford, 1886 [Old-Latin btblical Texts, t. Il); S. Berger, Le Palimpseste de Fleury, fragments du Nouveau Testament en latin (Paris, 18S9j.

1:^2 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

inentaire d'une citation isolée est en raison inverse de ses res- semblances avec la Vulgate. Il faut donc observer avant tout les divergences, et n'admettre une analogie qu'en face d'une série concordante d'exemples indépendants et répétés.

Tout d'abord, il est hors de doute qu'il n'y a jamais eu en Afrique de texte latin offlciel, accepté d'un commun accord par toutes les Eglises, ni même adopté en fait, à l'exclusion des autres, par tous les fidèles. Nous en avons pour preuve non seulement les variantes de tout genre que présentent les citations bibliques chez les auteurs d'une même génération, mais encore la liberté avec laquelle les Pères ont parlé des adaptations latines, le sans- façon avec lequel ils critiquaient, rejetaient ou corrigeaient les leçons de leurs manuscrits, même des leçons à demi-consacrées par un long usage. On pouvait préférer personnellement, comme saint Augustin, telle ou telle version ; mais, en cas de discordance, en cas de discussion sur le sens d'un passage, on se référait tou- jours au texte grec, « Il faut surtout s'attacher à ce qui est marqué dans rÉcriture grecque », nous dit Tertullien, à propos d'une ex- pression de la Genèse qu'il jugeait mal rendue'. Ailleurs, pour justifier une correction qu'il propose dans la première £'^z7re aux Corinthiens, il se contente de déclarer : « Sachons bien qu'on ne trouve pas dans l'original grec notre leçon usuelle-. » Deux siècles plus tard, saint Augustin est encore plus net : « Pour corriger, dit-il, n'importe quels textes latins, il faut produire les textes grecs. Parmi ceux-ci, la version des Septante, en ce qui concerne l'Ancien Testament, a une autorité supérieure... Quant aux livres du Nouveau Testament, toutes les fois qu'il y a liésitation en face de la variété des textes latins, il n'est pas douteux que les textes latins doivent le céder aux textes grecs ^. » Ainsi, dans les grandes Églises de Carthage et d'Hip- pone, on ne reconnaissait vraiment d'autorité qu'à la Bible grecque.

Mais cette Bible grecque elle-même avait une physionomie changeante. Nombre des livres, importance des interpolations ou des revisions, degré de pureté du texte : autant d'éléments de divergence. Il ne circulait pas alors de Bibles, au sens moderne

* Tertullien, Âdvers. Marcion., II, y : « Inprimis teueuduiu quod Graeca Scriplura si>çDavit. t

^ Id., De monoffam., 11 : < S<iamus plane non sic esse in Graeco autlientico, quo- modo iu usum exiit. >

' Sainl Augustin. De doctrin. christ., II, lîj : * Lalinis quibuslibet emendandis Graeci adliibeanUir, iu quibus LXX interprelum, quod ad V. T. aliiuet, excellit aucloritas. . . Libres aulein Novi Testamenli, si quid in Lalinis varielalibus lilubat, Graecis cedere o[)orlere non dubium est. >

LA BIBLE LATLM: EN AFHlQLE 133

du mot*. C'est seulement vers le vu" ou le viii« siècle de notre ère que l'on a commencé en Europe à réunir systématiquement tous les Ouvrages canoniques, à en composer une sorte de Corpus d'Eglise : or, à ce moment, l'Afrique chrétienne agonisait sous les coups ou le joug des Arabes. Dans ce pays, l'on n'a donc connu la Bible que sous sa forme dispersée, sporadique. Les Livres saints se transmettaient isolément, ou par petits groupes, qui s'étaient constitués d'eux mêmes en vertu des lois de l'affinité : Évangiles, Épîtres de saint Paul, Pentateuque, Prophètes. Dans les collections plus ou moins complètes des Églises, ou dans la bibliothèque des écrivains, pouvaient se rencontrer et se suivre des manuscrits d'origine très diverse. Cette cause de confusion a continué d'agir pendant tout le moyen âge ; et l'on en saisit déjà les effets dans l'Afrique du iii« siècle. Il n'est pas douteux que les textes grecs des livres saints ne se soient quelquefois présentés aux auteurs de ce temps sous des aspects assez différents. On en trouve une preuve curieuse dans l'histoire des traductions du livre de Daniel, qui relève des Septante chez Tertullien, mais qui relève de Théodotion dans d'autres ouvrages du pays, et même en partie, chez saint Cyprien'-. Cependant les divergences si com- plètes sont rares : jusqu'au milieu du iv siècle, les textes latins d'Afrique se rajiportent presque toujours à des textes grecs, sinon identiques, du moins d'un même groupe.

Pour l'Ancien Testament Daniel mis à part on s'accordait à suivre la version des Septante, que l'on croyait d'inspiration divine. Quand Tertullien, dans son Apologétique, invitait les ma- gistrats païens à se renseigner sur les livres des Hébreux, il les renvoyait seulement à la Bible des Septante, qu'il louait sans ré- serve ^ C'est toujours à cette Bible qu'il songeait quand il allé- guait le texte grec. Saint Augustin, en toute occasion, la défendait énergiquement contre la traduction de saint Jérôme d'après l'hé- breu*, et il disait dans la Cité de Dieu : « De cette version des Septante a été traduit en langue latine le texte que suivent les Eglises latines ^ » Les manuscrits grecs de l'Ancien Testament que l'on consultait en Afrique avaient donc une commune origine ; mais ce n'est pas à dire qu'ils fussent toujours d'accord. L'œuvre des Septante, qui datait de plusieurs siècles, s'était étrangement

' En Gaulft, au temps de Gréfz;oire de Tours, la Bible latine i circulait encore par volumes isolés » (S. Berger, Histoire de la Vulr/ale, p. 3).

Burkilt, The Old Latin and the Itala, p. 6-7 ; 18-2'J. ^ TerluUien, Apolog , 18.

* S-iint Au}.Misiin, Bpùt., 28,2; 71.2-4; 82,5 (Migne).

' Id., De cw. Dei, XVllI, 43 : « Ex hac Sepluafrinla interpretalione etiam in Lalinam linguam inlerpretalum est quod Ecclesiae latinae tenent. «

134 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

déformée entre les mains des copistes, si bien qu'on dut la reviser à plusieurs reprises. On connaît la célèbre édition qu'en donna Origène àans ses Hexaples, vers le milieu du iii« siècle. Un peu plus tard, au début du iv siècle, parurent les éditions d'Eusèbe, d'Hésychius, de Lucien. On ne saurait dire exactement quelle a été, sur la Bible africaine, l'influence de ces revisions successives des Septante : on croit seulement reconnaître des traces de la re- cension de Lucien dans un groupe de textes du iv* siècle, ceux-là mêmes qu'on retrouve chez saint Augustin '. Mais, en Afrique pas plus qu'ailleurs, les manuscrits grecs des Septante, qui faisaient autorité pour l'Ancien Testament, n'ont pu échapper à ces mul- tiples causes de divergences ^. Toutes les différences que l'on ob- serve entre les citations de nos auteurs ne sont pas imputables aux traducteurs.

Il en est de même, à plus forte raison, pour le Nouveau Testa- ment. Celui-ci, pendant les premiers siècles du christianisme, n'é- tait pas mis sur le même rang que la Bible juive ; on le considérait comme un recueil d'ouvrages édifiants, plutôt que de livres sacrés proprement dits. Aussi le prosélytisme des dévots et des sectaires ou le caprice des copistes prenaient-ils parfois, avec le texte, de singulières libertés. On a classé de nos jours, avec une remar- quable précision, les manuscrits grecs du Nouveau Testam.ent ^. On a reconnu que la plupart se rapportent au type dit « syrien », c'est-à-dire à une importante revision faite vers la fin du iii« siècle, probablement à Antioche. C'est de ce type « syrien » que procède la Vulgate de l'Église grecque. Parmi les autres groupes, qui tous représentent un état plus ancien du texte, il en est un qui nous intéresse ici directement, c'est le groupe « occidental », ainsi ap- pelé parce que dans tout l'Occident, jusqu'au iv« siècle, on n'a connu le Nouveau Testament que d'après des manuscrits de cette famille. Ce qui caractérise surtout ce type « occidental », c'est la présence, au moins dans les Évmigiles et les Actes des Apôires, de très importantes et très anciennes interpolations, dont une partie seulement est passée dans la Vulgate latine. De tous les pays d'Occident, l'Afrique est celui ce type s'est le mieux con- servé. Il est vrai qu'à la fin du iv« siècle, dans les textes « italiens » adoptés par saint Augustin, s'est marquée l'influence de la revision

* S. Bercer, Histoire i/e la l'uli/ate, p. 6.

* Saint Jérôme insiste sur cette altération du texte des Septante, dont les manus- crits difleraient, dit-il, de pays en pays : « Nunc vero cum pro varietate regionum diverse lerantur exemplaria et germana illa antiquaque transiatio corrupla sil atque violata. . . » (Prue/'at. in Paralipomen.] .

' Ilort, The New Testament in. ijreek, 1881 ; Gregory, Proleqomena, 1894. Ci. Kenyon, Our Bible and the ancient manuscripts, 189.'i, p. 107 et suiv.

LA BIBLK LATINE EX AFRIQUE 13o

« syrienne»; mais, jusque-là, les citations des Pères africains relèvent toujours de manuscrits grecs du type « occidental * ». Au temps de Tertullien, nous en avons quelques spécimens, malheu- reusement trop peu nombreux, dans les fragments des Évmigiles et des ÉpUres que contient la relation grecque de la Passio de sainte Perpétue-, et qui s'écartent beaucoup du texte « syrien » en usage dans l'Eglise orthodoxe '. Il faut noter d'ailleurs que, tout en conservant les mêmes caractères généraux, les manuscrits consultés en Afrique ne s'accordaient pas toujours pour le détail. Dans la Passio latine de sainte Perpétue sont insérés plusieurs versets du Nouveau Testament, que cite également Tertullien : or si, pour les Actes, ces citations parallèles se rapportent à un même texte grec*, elles contiennent, pour les Évangiles et la première Épitre de saint Jean, d'importantes et nombreuses variantes^, qui trahissent l'emploi de deux textes grecs, voisins sans doute, mais nullement identiques. De même, les auteurs des traductions que reproduit saint Cyprien ont avoir sous les yeux, pour plu- sieurs livres, des manuscrits assez différents de ceux que consul- tait Tertullien «.

On voit combien de problèmes délicats soulève cette question des textes grecs qui. en Afrique, ont servi de base et, plus tard, de contrôle [lerpétuel aux traductions latines. Jusqu'au iv° siècle, on a suivi presque exclusivement les Septante pour l'Ancien Tes- tament, et l'on a suivi uniquement, pour le Nouveau, des ma- nuscrits du type « occidental ». Mais, dans chacun des groupes, l'affinité des textes grecs n'allait pas jusqu'à l'identité. Et naturel- lement les variantes des originaux ont été répétées et aggravées dans les traductions.

Car il y a eu certainement diverses traductions. On a du re- noncer de nos jours à la vieille hypothèse d'une version primitive et unique, transmise et corrigée, ou altérée, de génération en

» BurkiU, The Old Latin and the Itala, p. 46 et suiv.

* Par exemple, un verset de saint Luc (xvi, 26), et le début de la première B/iître de saint Jean (i, 1-3) sont reproduits dans les chapitres 1 et 7 du Maptûf-iov XlôpTrEToua;.

^ 11 y a une exception apparente pour un verset des Actes des apôtres (ii, 17) Ici, la citation du récit grec (Maprûpiov riepTtsToOa;, 1) s'accorde avec le (exte usuel, saut' deux variantes. Mais ce passaf<e a être altéré ou corrifjé pai un copisie, car il ne correspond point aujourd'hui à la citation parallèle du récit atiii [Passio jperjjetuae, 1 ).

•* Pour le verset déjà cité [Act. apost., ii, 17), cl. Passio Perpetuae, 1, et Ver- tuUien, De resurr. carn., 63; Advers. Marcion., V, 8.

5 Pour le passage de saint Luc (xvi, 26), cf. Passio Perpétuas, 7, et Terlul.ien, Advers. Marriott., IV, 34. Pour les versets de saint Jean (/ Epist., i, 1-3), cl. Passio Perpetuae, \, et Tertullien, De auim., 17.

* Voyez plus loin, § 2.

136 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

génération. On n'hésitait pas naguère à rejeter sommairement le témoignage, pourtant si formel, de saint Augustin, qui s'accorde pleinement avec le témoignage de saint Jérôme'. On admettait que ces deux auteurs entendaient parler seulement des variantes introduites par les copistes dans les manuscrits. Il suffit d'ouvrir le traité de la Doctrine chrétienne pour constater le contraire. Saint Augustin y vise non seulement les divergences des manus- crits [codices] -, mais encore et surtout celles des nombreuses tra- ductions {interpretationes) ^ et des traducteurs [interprètes) *. Il veut que l'on préfère « les versions de ceux qui se sont astreints à rendre le texte mot pour mot ■• ». Il veut que l'on sache le grec et l'hébreu, à cause de la « variété infinie des traducteurs latins », à cause du « désaccord des traducteurs '' ». Et il conclut : « On peut compter ceux qui ont traduit les Écritures de l'hébreu en grec, mais non pas les traducteurs latins. En effet, aux premiers temps de la foi, quiconque avait sous la main un manuscrit grec et se croyait quelque connaissance des deux langues, osait pour cela entreprendre de traduire '. » Qu'il y ait un peu d'exagération dans les expressions de saint Augustin, c'est fort probable. Mais le fait même de la pluralité des versions est de plus en plus con- firmé, au moins pour l'Afrique. Sans doute, il a existé dans ce pays une traduction plus répandue que les autres et souvent reproduite : celle qui apparaît, déjà presque complète, chez saint Cyprien. Mais cette version a eu des rivales. Sans parler des divergences considérables que présentent fréquemment , pour d'autres parties de la Bible, les citations parallèles des auteurs, nous connaissons aujourd'hui, pour deux livres au moins, des

' Saint Jérôme, F.pist. ad Damas.: -Si enim Lalinis exemplanbus (ides est adhibenda, respoudeaul quibiis : lot enim sunt exemplaria paeue quot codu-es. . . A viiiosis iiilerprelibus maie édita... »

' Saint Auf.'ustin, De doctrin. Christ., II, 12: « Plurium codicum saepe manifeslavit inspeclio... qui error tam multos codices praeoccupavit. »

' « In ipsis aulem interpretationibus Itala céleris prael'eralur » {ib/'d., II, 15). CI'. 11,13.

'* « Interprelum numerositas .. [ibid., II, 14) ; •■ diverses a ee interprètes (ibid., II, 12); ■• horum qiioque interpretum. . . conlalio non est inutilis •• [ibid.. Il, 1.")).

* •< Habendac interpretationes eorum qui se verbis nimis obstriaxerunl » [ibid., Il, 13).

* '■ El Lalinae quidem linguae homines, quos nunc inslruendos suscepimus, duabus aliis ad Scripturarum divinarum cof^nitionera opus habent, hebraea scilicel et jzraeca, ut ad eyeraplaria praeccdenlia recurralur, si quara «lubilalionem altuierit latinorum interprelum /n/ln/ta varic/as. . . l'ropter divrrsitates, ut diclum est, interpretum, illarum liufruarum est cofrnilio uecessana •> (ibtd., II, 11).

' ■• Qui enim Scripturas ex hebraea liogua in graecam verterunt, numerari pos- sunt ; latini aulem interprètes nuUo modo. Ut enim cuique primis lidei temporibus in manus veait codex f^^raecus, et aliqiiautulum iacultalis sibi utriusque linguae habere videbalur, ausus est interpretan ■■ iibid.. Il, 11).

LA BIBLK LATINE EN AFRIQUE 137

exemples de traductions indépendantes : au iii^ siècle circulent en Afrique trois versions différentes de Daniel ' ; au milieu du iv« siècle, le donatiste Tyconius emploie concurremment et com- pare deux versions de V Apocalypse -. Il faut donc rompre déci- dément avec la théorie unitaire et abandonner la méthode trop simpliste d'autrefois. Tout en prenant pour centre l'histoire de la Bible de saint Cyprien, il faudra noter a l'occasion la coexistence de traductions rivales.

II

Les premières versions. Mention d'une partie du Nouveau Testament dans le procès des Stiilitains, en 180. La Bible de Tertullien. Elude critique de ses citations. Outre le texte grec, il a connu, pour certains livres, des textes latins. Rapports de quelques-uns de ces textes avec la Bible de saint Cyprien. Les Evanf/tlfs, les Epltves et les Actes des Apôtres. La Genèse et le Deutéro- nome. Les Psaumes et les Proverbes. Les Prophètes. Uu en était l'œuvre de iraduclioa au temps de Tertullien.

La plus ancienne mention des livres saints en Afrique se trouve justement dans le plus ancien document chrétien du pays, dans le procès-verbal de l'interrogatoire et du martyre des Scillitains :

« Le proconsul Saturninus dit : Qu'y a-t-il dans votre boite? Speratus dit : Les Livres {Libri), et les ÉpHres de Paul, homme juste 3. »

Telle est la leçon de la relation primitive. La réponse du martyr se précise dans les autres documents du même groupe. Le texte grec fait dire à Speratus : «c Les Livres en usage chez nous, et les Éyilres de Paul, homme juste * ». Enfin, on lit dans d'autres textes latins : « Les Livres des Évangiles, et les Êpilres de Paul, homme très saint, apôtre ^ Donc, ces « Livres » par excel- lence, joints aux Épitres, c'étaient les Évangiles. Et, en effet, l'on s'accorde à penser que ces deux recueils sacrés, instrument

« BurkiU, The OU Latin and the Itala, p. 18-29.

* Haussleiter, Die latemische Apokalypse der alten afrihaniscken Kirche, 1801, p. xtii et suiv. [t. IV' des Furschunr/en tur Geschichte des neutestamentlichen Kanons und der altkirchlichen Lilteratur).

» '. Libri. et Epistulae Pauli viri justi •■ [Passio Seillitan. Cf. Kobinson, The Passion of S. PerpeCua. with an appendix on the Sctllitan martyrdom, 189L p. 114).

* <• Aîxaft' r,\).ic. piêÀot, y.at a- upocsTrl toOtoi; 'EirtSToXai naO).0'J toO ocio'j àv5p6; - (MapxOpiov -Trôpâxoy. Ct. Robinson, p. 115).

' « Libri Evangeliorum. et Epistolae Pauli viri sanctissimi apostoli •■ [Passio Spe- rati. Cf. Aube, Les chrétiens dans l'empire romain, p. ."50"]. Leçons idenliques ou très voisines dans la recension colberline et dans la relation dite Acta proconsularia martyrnm SciUitanorum iRuinart, Acta martyrum sinrera, 1713, p. 86-89j.

138 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

des conversions, ont été connus les premiers et sont restés les plus populaires dans les communautés primitives d'Occident.

Ainsi, en l'année 180, de modestes bourgeois, des gens du peuple et des esclaves, arrêtés à Scillium, dans une petite ville de Pro- consulaire, et amenés à Carthage, apportaient avec eux, dans leur « boile », les Évangiles et les ÉpUres de saint Paul. Évidem- ment, ces pauvres gens ne pouvaient les lire qu'en latin. Ce qui laisse supposer, dès cette époque, l'existence d'une traduction par- tielle du Nouveau Testament.

On s'explique aisément que les premiers missionnaires, débar- quant en Afrique, aient introduire avec eux, ou faire exécuter aussitôt une version de leurs principaux livres sacrés. Le grec n'était compris que des lettrés, ou des marchands de Carthage et des grandes cités maritimes. Partout les gens du peuple, et même la plupart des bourgeois dans l'intérieur du pays, ne parlaient que le latin ou les langues indigènes. Or, les livres saints, gage des promesses divines, devaient être et étaient lus alors par tous les fidèles. De plus, on en récitait des fragments dans les réunions li- turgiques '. Enfin, dans ces psaumes à répons dont parle Ter- tullien, c'était l'usage que le peuple reprît en chœur certains ver- sets 2. Si ces lectures édifiantes, si ces chants s'étaient faits en grec, quelques clercs auraient compris peut-être, mais ils auraient été presque seuls à comprendre : hypothèse inadmissible, parce qu'elle est absolument contraire à l'esprit des communautés pri- mitives. — Ainsi les nécessités mêmes de la propagande et du culte, dans l'Afrique romaine, exigeaient impérieusement qu'on traduisit au moins une partie des Livres saints; et les Actes des Scillitains nous montrent qu'en 180 on lisait à Scillium une traduction des Évangiles et des É^Mt^es de saint Paul.

Vingt ou trente ans plus tard api)araissent, innombrables, dans l'œuvre de Tertullien, les citations bibliques. Aussitôt se pose une question délicate, très controversée : D'où viennent ces citations ? Suivant certains critiques, Tertullien aurait eu entre les mains une Bible latine complète; suivant d'autres, il aurait toujours traduit lui-même d'après le grec 3. Ainsi présentées, ces deux thèses contra- dictoires sont également démenties par les faits. En chacune d'elles, il y a une exagération évidente, qui a pour cause un défaut de méthode. Gomme les Livres saints circulaient alors isolément ou

' Cf. Duchesne, Origines du culte chrétien, 1898, p. 106 et suiv.

' Terlullieu, De oratione, 27.

^ Konsch, Das Neue Testament TertuUians ans den. Schriflen desselben reconstruit- 1 (Leipzipr, 1»"1); Itala und Vulr/ata (2" éd., Marburf;, 187S), p. 2. 'Cl. Kenyon, Our Bible and tkc ancient manuscrtptt, 18%, p. 78; Nestlé, Urtext vnd Uebersetzungen der Sibel, 1897, p. 25.

LA BIBLE LATLXE EN AFRIQUE 139

par petits groupes, il faut se garder de toute hypothèse gf^nérale : ce qui est vrai d'un livre ne l'est pas nécessairement du voisin.

Notons d'abord que Tertullien a connu, en grec ou en latin, et qu'il cite presque tous les livres dont se compose notre Bible ac- tuelle'. Les seuls qu'il semble ignorer sont, pour l'Ancien Testa- ment, les livres de RuDi et d'Eslher; pour le Nouveau Testament, la deuxième Épitre de saint Pierre, et la troisième de saint Jean "-. Il a même eu entre les mains des parties de la Bible que ne men- tionnera pas saint Cyprien : Jiuiilh ^, Jo>ias*, les Lamentations ■\ et, d'autre part, les Épilres de saint Jacques et de saint Jude ^, la deuxième Épitre de saint Jean \ et VÉpUt^e aux Hébreux, qu'on attribuait à saint Barnabe '^.

Quand on étudie et que l'on compare les citations bibliques de Tertullien, la première impression est très confuse et un peu décon- certante. Ce qui déroute surtout, c'est que l'auteur est constamment en désaccord avec lui-même. Souvent, dans des ouvrages différents, il se réfère aux mêmes versets : deux fois sur trois, ses citations présentent de notables variantes. Voici quelques exemples, pris entre cent, et empruntés aux parties les plus diverses de la Bible ^ :

CITATIONS DE TERTULLIEN. VOLGATE.

Deuieronom., viii, 12-14.

Ne, inquit, cum manducaveris el bibe- ris et domos optimas sedificaveris , ovibus et bubiis tuis multi- plicatis et argento et aiiro extnllatur coi- tuum et obliviscaris Domini Dei lui » {De jejun., 6).

« In Deuterono- mio Moyses : Ne, inquit , cum mandu- caveris et repletus fueris et domos ma- gnas fedificaveris, pecoribus et bubus tuis multiplicatis et pecunia et auro exal- tetur cor tuum, et obliviscaris Domini Dei tui {Advers. Marcion., IV, 15).

« Ne postquam comederis et satiatus fueris, domos pul- chras œdificaveris et habitaveris in eis, habuei'isque armenla boum et ovium grèges, argenti et auri cunctarumque rerum copiam, ele- vetur cor tuum, et non reminiscaris Do- mini Dci tui.

' Cf. V Index Scripturarum sacrarum dans l'édition d'Oehler (t. H. p. 1 et suiv.).

* Ces Épîti-es n'ont été admises que bien plus lard dans le canon du Nouveau Testament.

* Tertullien, De monogam.^ 17.

* De coron., 8 ; De pudicit. , 10 ; /;« resurr. carn., 50 ; Advers. Marcion., II, 24 ; IV, 10;V, 11.

' Advers. Marcion., III, 6; IV, 8; Advers. Prax., 14.

* Advers. Judaeos, 2; De cuit, fem., I, 3. ' Advers. Marcion., V, IG.

* De pudicit., 20; « Exlal enim el Barnabae titulus ad Hebraeos... Et utique re- cenlior apud ecclesias epistola Barnabae illo apocrypho Paslore... »

' Dans ce tableau comme dans les suivaals, nous indiquons par des italiques toutes les leçons des vieux textes bibliques qui diti'èrent de la Vulgale.

uo

REVUE DES ETUDES JUIVES

« Félix vir, in- quit, qui non abiit in conciltum impiorum et in via peccatorum non slelil, iiec in ca- thedra pestium se- dil » {De speclac.

« Videte , inquil , qiiomodo périt jus- tus, et iiemo excipit corde, et viri justi auferuntur, et nemo animadvertit ; a l'acie enim injustitice périt justus ; et erit ho- nor sepulturm ejus » (Scorpiac, S).

Psalm., I, 1. Beatus vir, qui « Beatum viruni.

« Quid /^etis, in- quit, et contristatts cor meuni ? at ego non modo vincula Hitrosolymis pati optaverim, verum etiam mori pro no- mine Domini met Jesu Chrisii {Scor- piac, Vo).

« Siçuidem com- patimur, nti et cum ilio glorificemtir- Reputo enim pas- siones luijus tempo- ris non esse dignas ad frloriam, quœ in nos haheai -^'velari » {Scorpiac, IH).

non abiit in consilio impiorum, et in via peccatorum non sle - lit. et in cathedra pestilentine non se- dit {Advers. Mar- cion., IV, 42).

qui non ahierit in consilio impiorum , «e** in via peccato- rum steterit, et in

« Beatus vir, qui niin abiit in consilio impiorum, et in via peccatorum non ste- lit, et in cathedra

cathedra pcstilenlia; pestilenliye non se- non sederit ' {Depu- dit. » dici!., 18).

Isaïe, LVii, 1-2.

Videte quomodo ' Vide, inquit « Justus périt, et

périt justus, nec 'Esaïas, quomodo pe- non est qui recogi-

quisquam excipit rit justus, et nemo tet in corde suo, et

corde, et viri justi excipit vovdc, et viri viri misericordia»

au/eruniur^nec quis- juati aufencntuf, et coUiguntur, quia non

qu/iin animadvertit ; nemo considérai est qui intelligat ; a

a persoua enim in- {Âdvfrs. Marcion., l'acie enim malitias

justitifS sublatus est IV, 2l). collcctus est justus :

justus » (Advers. « Vide quomodo venial pax, requies-

Jlarcion., III, 22). justus aufertur, et cat in cubili suo. > nemo advertit > {Ad- vers. Marcion., IV, 28).

Act. apost., XXI, 13.

« Quid , inquit , facitis lacrtmantes et conturbantes cor meum ? ego enim non modo vincula pati optaverim, sed etiam mori Hieroso- lymis pro nomine Domini mei Jesu Christi [De fug. in persec, 6).

Saint Paul, Roman., viii, 17-18.

Siqiiidem , ail , compatimur, iiti et conglorificemur- Re- piilo enim non di- gnas esse passiones hujus temporis ad futuram gloriam, qua- in nos habet re- velari {De resurr. rarn., 'idj.

« Quid facitis llen- tes , et aflligenles cor meum ? ego enim non solum al- ligari, sed et mori in Jérusalem para- tus sum, propter no- men Domini Jesu.

« Si tamen com- patimur, ut et con- gloriticemur- Exis- timo enim, quod' non sunt condignœ passiones hujus temporis ad futuram gloriam, qu;p revc- labilur in nobi>.

Quelques-unes de ces divergences peuvent s'expliquer par la substitution ultérieure des leçons de la Vulgate. Mais la plupart des variantes sont bien le fait de l'auteur '. Il est évident que Ter-

Cf. Riinsch, Itala und Vulgata, p. 3.

LA BIHLK LATI.NK EN AFHloUE 141

tullien n'a pas suivi un texte latin unique, établi une fois pour toutes. Souvent, d'ailleurs, il citait de mémoire, surtout dans ses livres apologétiques et dans ses traités de discipline, les versets bibliques sont ordinairement morcelés, commentés à mesure, mêlés à ses réflexions. Mais cette explication toute simple de ses variantes ne vaut point pour tous les cas. Dans ses œuvres de théologie et de polémique, il discute de près les textes, il est beaucoup plus exact. Assez fréquemment il reproduit, presque verset par verset, et dans l'ordre du développement ou du récit, des chapitres entiers de la Bible : par exemple, VÉvangile de saint Luc dans le livre IV Contre Marcion\ les principales Épitres de saint Paul dans le livre V -, VÉvangile de saint Jean dans le traité Contre Praxéas ^. Pour certains ouvrages, comme la première Épilre aux Corinthiens'^, on relève même, dans des traités différents, des séries parallèles de citations; et là, cepen- dant, apparaissent encore beaucoup de variantes ^ Quand il écrivait ces commentaires méthodiques, TertuUien avait certaine- ment sous les yeux le texte du livre sacré qu'il expliquait. Etaient- ce des textes grecs ou latins?

A. plusieurs reprises, il se réfère nettement au grec, pour dis- cuter et contester telle ou telle interprétation généralement ad- mise dans l'Église de Garthage. C'est ainsi qu'il corrige, d'après le grec, des passages de la Genèse'', des Évangiles ^ de la première Éfdtre aux Corinthiens ^. A propos du verset de saint Luc : a Heureux les pauvres, parce que le royaume de Dieu leur appar- tient^ », il insiste sur la nécessité d'une correction : « Heureux les mendiants (mendici)! dit-il; car c'est ainsi qu'il faut traduire le mot qui est dans le grec •". » Ces exemples montrent bien que TertuUien se reporte au texte original, le seul qui fît loi. Mais ils prouvent en même temps que TertuUien connaissait aussi quelques

' TertuUien, Advers. Marcion., IV, 7-43.

* Tout ce cinquième livre est une sorte de commeutaire de saint Paul, et TertuUien y transcrit une bonne partie du texte des Upîlres : V, 2-4 (= Galat.), o-12 (== I et Il Corinth.); 13-14 (= Roman.); 15-16 \— I et II Tkessal.j; 17-18 ,= Ëphes.j; la [= C'ûluss.); 20 (= Philipp.).

* Adve.-s. Prax., 21-25.

* Jdvers. Marcion., V, 5-10; Ds resurr. carn., 48-53; De pudicit., 14-16.

5 Ainsi, pour la première Epître aux Corinthiens, les citations du De resurreetione Garnis se rapprochent beaucoup de celles de saint C^'prien, souvent jusqu'à l'identité; tandis que les citations du livre V Adversus Marcionetn sécarleut du texte de saint Cyprien.

* Advers. Marcion., II, 9. ' Ibid., IV, 14.

* De monogain., 11.

* Saint Luc, vi, 20 : « Beati pauperes : quia vestrum est regnum Dei (Vulgate). TertuUien, Advers. Marcion., IV, 14 : Beati mendici (sic enim exigit inter-

prelalio vocabuli quod in Graeco est), quoniam illorum est regnum Dei.

142 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

traductions latines. Il discute, contrôle et corrige à l'aide du grec : donc, il ne traduisait pas toujours et uniquement d'après l'origi- nal, il consultait également des textes latins.

De ses commentaires mêmes on doit conclure qu'il existait alors des versions, au moins partielles, de la Genèse \ des Évangiles de saint Luc et de saint Jean -, de pitre aux Galates ^ et de la première aux C07Hnifiiens*. A cette liste il faut joindre probable- ment le Pasteur d'Herraas ^ : TertuUien cite les premiers mots du second livre ^, et sa citation concorde presque avec le texte latin actuel '. Dans le passage il critique une leçon de la Genèse^, il mentionne expressément les traducteurs : « Certains, dit-il, en traduisant du grec, ne songent pas à la différence et ne se soucient pas de la propriété des termes : au lieu des a/fîaius, ils mettent spiritiis^. » D'autres passages il parle de « leçons usuelles "^ », peuvent faire supposer que certaines versions des Évangiles et des Épitres étaient plus particulièrement employées dans l'Église de Cartilage : « Il est, dit-il, dans l'usage des nôtres, à cause de la simplicité de la traduction, de dire que Sermo (le Verbe) a été à l'origine auprès de Dieu, alors qu'il vaudrait mieux adopter le mot Ratio ". » Cette réflexion est d'autant plus significative, que jus- tement l'emploi de Sermo pour désigner le Logos grec restera longtemps une des caractéristiques des textes africains '"^ Nous

' Advers. Marcion., II, 9.

* Ibid., IV, 14; De carn. Christ., 19; Advers. Praœ., 5. ^ Advers. JUarcion., V, 4.

* De monogam., 11.

5 De pudicit., 10 et 20. Cf. Haussleiter, De versionihvs Pastoris Hermae latinis, ErlaDfren, 1884 {Acta seminar. philol. Erlangensis, t. III, p. 399 sqq.) ; Nestlé, Urtext und Uebersetiungen der JBibel, p. 33.

* TertuUien, De oratione, 16 : « Quid enim, si Hermas ille, cujus scriptura fere Pfli/or iuscribilur, transacla oratione non super leclum assedisset. . .? SimpHciter enim et nunc positum est : C'itm adorassent et assedissem super lectum. . . »

' Hermas, Pastor, U,prooem.: t Cum orassem demi et consedissem supra leclum. ..» (Patrol. yraec. de Migne, t. II, p. 914).

' Gènes., n, 7.

» Quidam enim de Graeco interprétantes non recogitata difl'erentia nec curata pro- prietate verborum pro afflatu spirituni ponunt » (TertuUien, Advers. Marcion., II, 9). La leçon du texte grec est le mot Tivor,, traduit dans la Vulgate par spiraculum {Gènes., ii, 7).

'" TertuUien, De monogam., 11 : t Quomodo in wtum exitt (/ Cor»nM.,vii, 39) per duaruin syllabarum aut callidam aut simplicera eversionem : Si auleni dormierit vir ejus...t; Advers. Marcion., IV, 1 : Altenus Instrumenli, vel, ijuod magis usui est dicere, Testamenti. . . » ; ibid., V, 4 : t Haec sunt enim duo Teslamenta, sive duae ostensiones {Gaîat., iv, 24^, sicut invenimus interpretatum. »

" TertuUien, Advers. Prax.,ï): > Ideoque _;'a»» in vsu est nottrornm, per simplici- tatem interprelationis, Serynoncm dicere in primordio apud Deum l'uisse (saint Jean I, 1-2), curu magis Hationern corn pela t anliquiorem baberi. t

*' burkitt, The Old Latin and the Itala, p. 13, Le témoignage de TertuUien est

LA BIBLE LATINE EN AFRIQUE 143

tenons donc là, au moins pour ce verset de saint Jean, l'un des premiers anneaux de la chaîne.

Pour d'autres versets encore, nous pouvons constater que les lerons attaquées par Tertullien se retrouvent chez saint Cyprien ou saint Augustin, et jusque dans la Vulgate. Par exemple, il re- proche aux partisans de Valentin d'altérer, dans leur interpréta- tion latine, un texte de saint Jean ' : la leçon qu'il condamne a été conservée par saint Augustin et saint Jérôme *. De même pour un verset de la première Épitre aux Corinthiens. Devenu monta- niste, Tertullien critique ici la version en usage dans la commu- nauté catholique 3 : la leçon attaquée par lui se lit encore chez saint Cyprien * et dans la Vulgate *.

On voit toute l'importance de ces simples constatations. Non seulement Tertullien a connu et consulté, pour certains livres, des traductions latines, mais encore on voit apparaître, dans ces traductions, certaines leçons d'une authenticité indiscutable, qui se sont transmises aux traducteurs des générations suivantes. On saisit sur le vif les lointaines origines d'une partie de la Bible africaine. Les Actes des Scillitains nous avaient appris déjà que, dès ces temps reculés, circulaient en Afrique des textes latins des Évangiles et de saint Paul. Tertullien confirme ce témoignage, le complète en ce qui concerne la Genèse, et le précise en nous révé- lant une certaine parenté, au moins accidentelle, entre ces textes primitifs et ceux de saint Cyprien.

ici confirmé par une curieuse inscription trouvée en Numidie, dans le cercle d'Aïn- Beïda : I(n) n(omine) Patri s) Domini Dei, qui est sermoni... » [Corpus inscript, lat., VllI, 2'iO'ti = supplem.. 17:59. Cf. de Rossi, BuU. di arch. cmr., 1879, p. 162).

* Tertullien, De carn. Christ., 19 : Quid est ergo? Non ex sanguine nec ex vo- luntate carnis nec ex voluntate viri, sed ex Deo natus est (saint Jean, i, 13). Hoc quidem capilulo ego polius utar cum adulteralores ejus obduxero. Sic eniin scriplum esse contendunt : Non ex sanguine nec ex carnis voluntate ut-c ex viri, sed ex Deo nati sunt, quasi supra dictos credenles ia nomine ejus desijjnet. »

* Saint Jean, i, 13 : « Qui non ex sanguinibus, neque ex voluntate carnis, neque ex voluntate viri, sed ex Deo nati sunt » (Vulgate).

' Tertullien, De monogam.. 11 : t Haec Psychici volunt aposiolum piobasse aut in totum noQ recogilasse, cum scriberet : Mulier vincta est, in quantum temporis vivil vir ejus; si autem mortuus ftierit. libéra est. . . Sciamus plane non sic esse in Graeco authentico, quomodo in usum exiit per duarum syllabarum aut callidam aut simplicem eversionem : Si autem donmerit tir ejus ; quasi de t'uluro sonet, ac per hoc videatur ad eam pertinere quae jam in fide virum amiserit. Autrement dit, Tertullien cri- tique dans la traduction usuelle l'emploi du futur passé dormierit, et voudrait y substituer le présent ou le parlait, dormiat ou dormivit.

* Saint Cyprien, Testïmon., III, G2 : Apostolus Paulus ad Corinlhios prima: Mulier alligata est, quamdiu vivit vir ejus; si autem dormierit , liberala est. »

I Corinth., vu, 39: « Mulier alligala est legi, quanlo tempore vir ejus vivit; quod si dormierit vir ejus, liberata est (Vulgate).

l-i4 KKVUE DES ETUDES JUIVES

Cette dernière indication a encore ici un autre intérêt : c'est de nous montrer dans quelle voie il faut s'engager pour débrouiller un peu le chaos des citations bibliques de Tertullien. S'il exislait alors des traductions latines, et si Tertullien les consultait, sans doute il n'en a pas rejeté toutes les leçons, il a dû, au contrairH, en adopter beaucoup et les insérer dans son texte. Ces fragments des versions antérieures, comment les reconnaître".' La com- paraison directe avec la Vulgate ne nous apprendrait rien, à cause des substitutions possibles du texte devenu officiel au moyen âge. Mais la comparaison avec les citations de saint Cyprien peut être féconde; car ici il n'y a aucun motif de soup- çonner une intervention systématique des copistes. Si l'on sur- prend, de ce côté, des analogies, ce sera des analogies bien authentiques.

Précisément nous avons pu constater que, si Tertullien s'é- carte souvent du texte biblique de saint Cyprien, quelquefois il s'en rapproche jusqu'à l'identité. C'est un fait capital, qu'il importe de mettre en pleine lumière. Aussi convient-il de pro- céder très méthodiquement, de comparer livre par livre, sans jamais généraliser. les rapports sont certains, nous placerons sous les yeux du lecteur, à titre d'exemples et de preuves, des séries de citations parallèles, choisies toujours parmi celles Tertullien et saint Cyprien sont d'accord contre la Vulgate.

Puisque Tertullien mentionne surtout des versions du Nouveau Testament, c'est par que nous commencerons. Pour les Évan- giles et les Épitres de saint Paul, notons, en passant, que saint Cyprien et Tertullien se rencontrent très fréquemment avec la Vulgate, bien plus fréquemment que pour d'autres parties de la Bible : comme saint Jérôme s'est contenté, pour le Nouveau Tes- tament, d'une revision très sommaire, on peut supposer que, dans ces deux groupes d'ouvrages, bien des leçons adoptées par Ter- tullien se sont transmises à saint Cyprien et ont été conservées dans le texte officiel *. Mais tenons-nous en au fait certain : quand les deux auteurs africains s'écartent également de la Vulgate, souvent ils se rapprochent l'un de l'autre, ou même ils s'accordent entièrement.

On ne trouve rien de décisif pour les Évangiles de saint Mat- thieu et de saint Marc. Mais on peut signaler des coïncidences

' Sans doute par rinlermédiaire des textes itulieus qui ont servi de base à la revision de saint Jérôme, et qui étaient eux-mêmes déjà des textes revisés. Voyez plus loin, § 5.

LA BIBLE LATINE EN AKRIQl'E 145

pour saint Luo et saint Jean, justement les deux Évangiles dont Tertuilien cite dos traductions \ Exemples :

TERTI'LLIKN.

SAINT CYPBIEX.

« Estote, in(fuit, miséri- cordes, sicut pater vester misertus esl vairi [Ad- virs. Marcion., IV, 17).

^\ûlite judicaie, nejii- dicemini ; nolite condein- nare. ne rondemnemini [Advers. Marcion. ,\\, 17).

Qui non crediderit in illum, jam judicatus est, qiiia non l'redidit in no- mine unici filii Dei » {Ad- vers. Prax., -21).

Saint Lnc, vi, 36-

« Estole miséricordes, si- cut et pater vester miser- tus est vestri [Eptst-, ';'">, Iti).

Ib., VI, -il.

' Nolite judicare, ne jii- dicemini ; nolite condeni- nare, ne condemnemini » [Testimon., III, 21).

Saint Jean, m, 18.

< Qui non crediderit , jaiu judicatus est, quia non credidit in nomine -unici filii Dei » [Testimon., I, V).

Estote ergo miséri- cordes, sicut et pater ves- ter misericors est.

Nulile judicare, et non judicabimini ; nolite con- demnare, et non condeni- nabimini.

« Qui autem non crédit, jam judicatus est, quia non crédit in nomine unigeniti filii Dei.

Pour les principales Épltres de saint Paul, les rencontres sont fréquentes, surtout pour la Première aux Corinthiens - :

TERTULLIEN.

SAINT CYPRIKN.

« Non sûlum autem, ve- rnm etiam exultantes in pressuris, certi quod pres- sura tolerantiam perficit, tolerantia vero probationem, probatio autem spem, spes vero non conl'undit » [Scor- piac, 13).

« Quis, inquit, separabit nos a dtlectione Christi ? pressura ? an angustia ? » {Scorpiac, 13).

Stulte, inquit, tu quod seminas non viviiicatur, nisi mortuum fuerit > [De resurr. carn-, !52).

Saint Paul, Roman., v, 3-3.

« Non soluui autem, sed et gloriamur in pressuris, scientes quoaiam pressura tolerantiam opérât ur, tole- rantia autem probationem, probatio autem spem, spes autem non confundit ( Tes- timon., III, 6).

Ib., Vlii, 3li.

« Quis nos separabit a dilectione Chrisii ? pressu- ra ? an angustia? [Epist.,

II, b).

I (Jorinth., xv, 36.

Stulte, lu quod seminas non viviûc3tur, nisi mor- tuum fuerit [Testimon.,

III, 58).

« Non solum autem, sed et gloriamur in tribulatio- nibus, scientes quod tribu- latio patientiam operatur, patientia autem probatio- nem, probatio vero spem, spes autem non confun- dit. .

« Quis ergo nos separa- bit a charitate Christi ? Iri- bulalio ■? an angustia "?

Insipiens, tu quod se- minas non vivificatur, nisi prius moriatur. »

« Tertuilien. Advers. Marcion., IV, 14; De carn. Christ.., Vô; Advers. Prax.. 5.

* Tertuilien mentionne une traduction de la première Epître auj- Corinthiens [De monoyam., 111. 11 lait aussi allusion à uue version de VEpitre aux Galates [Advers. Marcion., V, 4).

T. XLII. 8 . 10

146

REVUE DES ÉTUDES JUIVES

« Oportet enim corrup- tivum istnd induere incor- ruptioneni ; et mortale isliid iuduere iinmorlalilaleui- > {De resurr. carn , 5l).

Ib.. XV, 53.

Oportet enim corrup- tiviim istud induere incor- luptionem ; et mortale hoc induere immortalilatem » {Testimon., III, j8).

Ib., XV, 55.

« Oportet enim corrup- tibile hoc induere incorrup- tiouem ; et mortale hoc iu- duere immortalitatem. »

« Ubi est, Mors, aculeus « Ubi est, Mors, actdeus « Ubi est, Mors, viclo-

tuus? ubi est. Mors, con- tuus? ubi est, Mors, con- ria tua? ubi esl, Mors,

tentio tua? » {De rtsurr. tentio tua? » {Testimon., stimulus tuus? »

carn., 47 et 54). III, 58).

Galat., V, 14.

Diliges proximum tuum Diligesproximum luum < Diliges proximum tuum tanquam te {Advers- Mar- tanquam te * {Testimon., sicut teipsum.

no»., V, 4). III, 3).

Ephes., V, 7.

Nolite ergo participes « Nolite ergo esse parti- < Nolite ergo effîci par- esse eorum » {De pudicit., cipes eorum {De cathol. ticipes eorum. »

18). eccles. unit., 23).

On ne relève point d'analogies frappantes, entre les citations des deux auteurs, dans le reste du Nouveau Testament : ni dans les dernières Épîtres de saint Paul ou les Épitres catholiques, ni dans les Actes des apôtres ou Y Apocalypse. Remarquons cepen- dant que, pour un passage des ActeSy Tertullien est d'accord avec la Passio de sainte Perpétue. Les deux textes sont presque iden- tiques ; ils supposent également une curieuse interversion des versets de la Vulgate ; et ils sont bien plus courts, par suite d'omissions communes :

TERTULLIEN.

PASSIO PERPETUEE. »

« In noTissimis diebus effundam de meo Spiritu in omnem carneni, et pro- phetabunt lilii i'ûkvque eo- rum , et super servos et ancillas meas de meo Spi- ritu effundam » {Advers. Mar don., V, 8. Cf. De resurr. carn-, C3).

Act. apost., II, 17-18.

« In novissimis enim die- bus, dicil Dominus, elfun- dam de Spiritu meo super omnem carnem, et prophe- labunt tilii ùUwfxe eorum, et super servos et ancillas meas de meo Spu-itu effun- dam ; et juvenes visiones videbunt et senes somnia somniabunt {Passio Per- petuae, l).

« Et erit in novissimis diebus, dicit Dominus, el- t'undam de Spiritu meo su- ])er omnem carnem, et pio- phetabunt lilii vestri et lilia- vestriB, et juvenes vestri vi- siones videbunt et seniores vestri sonniia somniabunt ; et quidem super servos meoset superancillas meas, in diebus il lis ellundam de Spiritu meo, et prophela- bunt. »

LA BIBLE LATINE EN AFRIQUE 147

Dans la plus grande partie de J'Ancien Testament, on ne sur- prend pas de parenté directe entre les textes de Tertullien et de saint Gyprien ; mais, pour quelques livres, les rapports sont évi- dents. Par exemple, pour la Genèse, dont Tertullien mentionne une traduction ', et pour le Deutéronome :

TERTULLIEN.

SAINT CYPRIEN.

VULGATE.

Gènes-, m, 19.

« Terra es et ia terram « Terra es et in terram Pulvis es, et in pulye-

ibis ' {De resurr. carn., 6, ibis » [Testimon., III, 58). rem reverteris- 18, 26, 5-2; Advers. Mar- çion., V, 9).

Ib., XLIX, 11.

« Lavabit, iaquit, in viuo Lavabit in vino stolani « Lavabit in vino stolam

stolani suain, et in san- suam, et in sanguine uvse suam, et in sanguine uvai

guine uvte «»?îc<«»t suum amietum suum {Testi- pallium suum. »

[Advers. Marcion-,lY ,k(!)]. mon., I, 2l).

« Non parcet oculus tuus super eum nec desiderabis nec salvabis eum ; adnun- tians adnuntiabis de eo. Manus Iwa erunt in eum in primts ad occidendum, et manus populi tui in novis- simis ; et lapidabitis illum, et morietur, quoniam quœ- sivit avertere te a Domino Deo tuo [Scorpiac, 2).

Deuteronom., xiii, 8-lU.

« Non parcet oculus tuus super eum et non celabis eum ; adnuntians adnun- tiabis de illo . Manus tua erit super eum in primts interficere eum, et manus omnis populi postremo ; et lapidabunt eum , et morietur, quoniam quœsivii avertere te a Domino Deo tuo » {Ad Fortunat., 5).

« Neque parcat ei oculus tuus ut miserearis et oc- cultes eum ; sed statim in- terficies. Sit primum manus tua super eum, et postea omnis populus mittat ma- num ; lapidibus obrulus necabitur, quia voluit te abstrahere a Domino Deo tuo.

Nous n'avons point de rencontres à signaler dans les autres parties du Pentateuque, ni dans la série des livres historiques, ni dans Job, ni dans la plupart des ouvrages attribués à Salomon. Il faut remarquer, d'ailleurs, que pour tous ces livres les citations des deux auteurs sont peu nombreuses, qu'elles se rapportent très rarement aux mêmes versets, et que par suite les éléments de comparaison sont insuffisants. Au contraire, pour les Psaumes, dont les extraits sont innombrables, les coïncidences sont extrê- mement fréquentes ; saint Gyprien lui-même est ici presque tou- jours d'accord avec la Vulgate, qui pour ce livre parait avoir généralement conservé les vieilles versions*. Dans les Pt^overbes, le texte de Tertullien, très différent de celui de saint Jérôme, est souvent identique à celui de saint Gyprien :

' Tertullien, Advers. Marcion., II, 9. 2 Voyez plus loin, g 5.

148

RKVUE DES ÉTUDES JUIVES

TERTULLIKN.

SAINT CYPBIEN.

VULGATK

Dominus, inqiiit, con- didit me initium viarum suarum in opéra sua : ante sœcula fimdavit me, prius- quam faceret terram. prius- quam montes collocarentur : ante omnes autem colle? ge- neravit me » [Advers. Her- inogen.,\S- Cf. Advers. Prax-, 6).

' ('um pararetCfelum, in- quil, aderam illi : ...et cum firmos ponebat fontes ejtis quiB sub f/eio est, ego eram compinqens cum ipso. Ego eram, ad quant gaudebat ; coltidie auttm oblectahar in persona ejxs, quando oblec- tabatur, ctrm perfecisset or- b',m, et inoblectabatur in filiis hominum [Advers. Hermoqen., l8. Cl'. Ad- vers- Prax-, 6).

Proverb., viii, 22-2r..

« Dominus condidit me initium viarum suarum in opéra sua : ante saculum fandavit me, in. principio antequam terram faceret. . , antequam montes rolloca- reiitur ; ante omnes colles genuit me Dominus » {Tes- timon., II, 1).

Ib., viii, 27-31.

(Jvm pararet cirlum, aderam illi : ...et cum con- firmatos ponebat Tontes sub cœlo.-., eram pênes illum disponens. Ego eram., cui ad gaudebat ; cottidie autem juciindabar ante faciem ejus m onini tempore, cum lata- retur orbe perfecto » {Tes- timon., II, 1)-

« Dominus possedit me in initio viarum suarum, antequam quidquam faceret a principio : ah a?terno or- dinata sum, et ex antiquis ante quam terra lieret... ; nectlum montes gravi mole constilerant : ante colles ejro parturieLar. »

« Quando prseparabat cae- lo9, aderam.... quando a- thera firmahat sursum et librabat fontesaquarum..., cum eo eram cuncta dis- ponens ; et delectabar per singulos dies, ludens co- ram eo omni lempore, lu- dens in orbe terrarum ; et delicia» me» esse cum filiis hominum.

Restent les Prophéties. La comparaison est encore ici fort instructive, non pour les petits Prophètes, dont les extraits sont rares et ne coïncident guère, mais pour le groupe des quatre grands Prophètes. La parenté des deux textes est très nette dans divers passages de Jérémie, d'Ézéchiel, surtout d'isaïe :

TERTULLIEN.

SAINT CYPRIEN.

Per dam sapientiam sa- pientium , et prudentiam prudenlium celabo [Ad- vers. Marcion., IV, '2'ù).

« Exile de medio eorum ; stparamini, qui ferlis vasa Domini [Advers. Mar- cion., V, 18).

« Domine, quis credidit auditui iiostro, et bracliium Dotnirii cui revelalum est ".' Annuntiavimus de illo, sicul

Jsaïe, XXIX, 14.

< Perdam sapientiam sa- pientium, et prudentiam prudenlium reprobabo {De bono patient.., l).

Ib., LU, 11.

« Exile de medio cjus ; « Exite de medio ejus :

separamini, qui IVrlis vasa mundaiiiini, ([ui l'erti- vasa Domini {De lapsis, lûj. Domini. »

« Peril)it enim sapientia. a sapientibusejus, et intel- lectus prudenlium ejus abs- condetur.

/A., Mil, 1-2.

« Domine, quis credidit auditui nostro, et bracliium Dei vni revelatum esl".' Ad- nuntiavimus coram ipso si-

« Quis credidit auditui iiostro, et bracliium Do- mini cui revelatum est ".' Et ascendel sicut virjrulluni

LA BIBLE LATINE EN AFRIQUE

149

puerulus, sicut radix it. terra silienti » [Advers. Prax., 11).

' Tune, inquit, lumeu tuum lempoi-aneum erum- pet, et vestimenta lua citius orienttir ''De resurr . carn . ,

■11).

' Ecce, inquit, qui ser- viunt niihi saturabuntur, vos autem esurietis ; ecce qui serviunt niihi bibent, vos autem silietis {Ad- vers. Jlarciofi., IV, U).

^c jjostulaveris i)VO his m prece et oratione. quo- ««awnon esaudiam in tem- pore quo invocaverint me, in tempore adllictionis sute (De pudicit., 2).

' Propterea propheta . . . Dabo vobis spiritum. el vi- vetis, et requiescetis in terra vestra, et rognoscetis quod ego Dominus locutus sim et feeertm, dicit Dominus » [De resurr. carti., 29).

eut pueri, sicut radix in terra silienti (Testimon., II, 13).

Ib., Lviii, 8.

Tune erumpet tempo- ra)ietim\\ixs\en tuum, et ves- ttiiienta tua cito orientur > (Testimon., III, l).

Ib., LXV, 13-

" Ecce qui serviunt rnihi manducabunt , vos autem esurietis ; ecce qui serviunt mihi bibent, vos autem si- tielia [Testimon., I, 22).

Jéréraie, xi, li.

Noli postulare pro eis in prece et oratione, quia non exaudiam in tempore quo invocabunt me, in tem- pore adllictionis sute {De lapsis, 19).

Ezéchiel, xxxvii, 12-14.

« Propterea propheta... Dabo spiritum nieum in vos, et vivetis, et ponam vos in terra vestra, et cognoscetis quoniam ego Dominus lo- cutus sum et faciam, dicit Dominus» {Tesiiinon.,\\\,

coram eo, et sicut radix de terra sitienti.

« Tune erumpet quasi mane lumen tuum, el sa- nitas tua cilius orietur.

« Ecce servi mei come- denl, et vos esurietis ; ecee servi mei bibent, et vos si- tietis.

Ne assumas pro eis laudem et orationem, quia non exaudiam in tempore clamoris eorum ad me, in tempore adllictionis eo- rum. >

« Propterea vaticinare. Dedero spiritum meum in vobis, et vixeritis, et re- quiescere vos faciam super humum vestram, et scietis quia ego Dominus locutus sum et i'eci, ait Dominus Deus.

Nous avons réservé le livre de Daniel, à cause des caractères tout particuliers que présente ici le texte de saint Cyprien : texte raêlé, se rencontrent des leçons d'origine très différente'. Mais, saint Cyprien suit les Septante, il se rapproche beau- coup des citations de Tertullien , qui en outre, pour un même passage, offrent entre elles beaucoup d'analogies. Voici deux versets Tertullien est presque entièrement d'accord avec saint Cyprien et avec lui-même :

CITATIONS DE TEHTULLIEN.

SAINT CYPRIEN.

Daniel, vu, 13-14.

« Et eccecum nu- « Ecce eum cseli

bibus cseli tanquam nubibus tanquam (i-

filius hominis ve- lius hominis adve-

niens, venit usque niens, et cetera. Et

Et ecce in nu- « Et ecce eum

bibus Cfeli quasi li- nubibus caeli quasi

lius bominis veniens, tilius hominis ve-

vtnit usque ad vête- niebat, et usque ad

* Cf. Burkitt, The Old Latin and the Itala, p. 18-29.

150

REVUE DES ÉTUDES JUIVES

ad vête rem dierum, aderat in conspectu ejus, et çiii adsis- tehant, adduxerunt illum. El data est ei poteslas refjia, vi omnes nalioiies ter- f<e s . cundum gênera , et omiifi (jloria fa- mulabunda. et polos- las ejus usque in iBvum qua' non au- ferelur , et i'e{J:num ejus quod non »t- tiabitiir » [Advers. Marcion-, III, 7).

data est illi regia potestas. . . , el gloria omnis serviens illi, et poleatas ejus «■- lerna quœ non au- l'erelur , el regnum ejus quod non cor- runipelur {Adver-s. Marcion., IV, 39).

Filius honiinis veniens cum ca?li nu- bibus » [Advers. Marcion., IV, Iti).

« El super nubes tanquam lilius ho- niinis » [De rarn. Christ., iri).

rem dierum, et Atetit inconspcclu ejus, et qui adsistebant ei obtuk'i'unl eum. Et data est ei potestas regia el omnes regts terrm per genus, el omnis claritas ser- viens ei, et potestas ejus a-terna quie non aul'eretui', et regnum ejus non conrumpe- tur i Testinion., II, 26).

antiquum dierum pervenit, el in cons- pectu ejus obtule- runt eum. El dédit ei poteslalem, et ho- norem, el regnum, el omnes populi, tri- bus el linpuse ipsi servienl ; potestas ejus, poleslasseterna qu.E non aut'eretur, et regnum ejus quod non corrumpelur.

Nous voici au terme de notre enquête. Les exemples donnés suffisent à montrer que, pour une partie de la Bible, certaines citations de Tertullien sont étroitement apparentées à celles de saint Cyprien. Tel est le fait : comment l'expliquer?

Faut-il soupçonner ici l'intervention d'un copiste? des correc- tions ou substitutions de textes, dans un très ancien manuscrit dont dériveraient tous les manuscrits conservés ? L'hypothèse est très invraisemblable. Des leçons de la Vulgate ont pu se glisser après coup dans les ouvrages des premiers Pères, mais non des leçons d'un autre écrivain. On ne voit pas à quel mobile aurait obéi le faussaire, ni pourquoi il aurait procédé si capricieusement, tantôt respectant, tantôt supprimant, tantôt corrigeant à demi les citations bibliques, pour les rapprocher arbitrairement d'un autre texte qui n'avait rien d'officiel. De plus, ces citations sont le plus souvent liées aux phrases de l'auteur, enveloppées d'un commen- taire qui les protégeait et qui parfois en atteste encore l'authen- ticité. — Faut-il supposer que les compilateurs des traductions employées par saint Cyprien aient systématiquement copié Ter- tullien, qu'ils aient recueilli et adopté pour leur compte ses ver- sions partielles ? C'est bien invraisemblable encore ; car il n'y a pas ici trace de système, et les concordances signalées plus haut ne s'étendent jamais à toutes les citations parallèles d'un même livre biblique.

Une seule explication est naturelle et logique : Tertullien a reproduit tout simplement des passages de ces vieilles traductions latines dont il nous a révélé l'existence, et qui plus tard, après bien des corrections, ont pris place dans la Bible de saint Cyprien. Tertullien cite des versions des deux derniers Évangiles', de

' TertuUien, Adters. Marcion., IV, 14; De carn. (Christ,, 19; Advers. Prax.,^.

LA BIBLE LATLNE EN AFBIQUE loi

deux Épitres de saint Paul', et de la Genèse- ; or, justement, tous ces livres sont de ceux nous constatons de frappantes ana- logies entre ses citations et les textes africains de la génération suivante. Sans doute, il ne reconnaissait d'autorité qu'au grec des Septante ; mais lui-même nous apprend qu'il n'en avait pas moins sous les yeux des textes latins. Ces textes, il les discutait librement, il les corrigeait, et, au besoin, il traduisait lui-même, si bien que telle expression f)roposée par lui est arrivée jusqu'à saint Jérôme et s'est conservée dans notre Bible ^ ; mais quand il ne trouvait rien à reprendre dans un passage d'une des versions existantes, il n'aurait eu aucune raison de ne j>as accepter et adopter le texte en usage dans son Église. En ce cas, sa citation concorde, entièrement ou partiellement, avec celle de saint Cy- prien, parce que les deux auteurs ont employé des textes latins d'une même famille.

En résumé, il n'est exact de dire, d'une manière absolue, ni que Tertullien ait toujours traduit directement d'après le grec, ni qu'il se soit référé à une Bible latine complète. La vérité est entre ces deux thèses contradictoires. Tantôt les citations pa- raissent relever seulement du grec, ou du moins elles ne se rap- prochent d'aucun texte latin connu. Tantôt elles sont en rapport étroit avec des textes africains du tem[ts de saint Cyprien ; et alors il est logique d'y reconnaître des fragments des versions primitives. Ainsi, l'on est fondé à croire que, dans les premières années du m'' siècle, il existait en Afrique des traductions latines de plusieurs livres : pour l'Ancien Testament, la Genèse, le Den- téronome, les quatre grands Prophètes, les Proverbes, et sans doute les Psaumes ; pour le Nouveau Testament, les Évangiles, au moins ceux de saint Luc et de saint Jean, les principales Épitres de saint Paul, peut-être aussi les Acles des apôtres. Ce sont ces vieux textes qui, remaniés et complétés, ont donné nais- sance à la Bible de saint Cyprien.

Demonogam., 11 ; Advers. Marcion., V, 4.

^ Advers. Marcion., II, 9.

' Advers. Marcion., V, 17 : Cui ergo compétent secundum boni existimalionera. quam proposueril in sacramento voluntatts suae, m dispensationem adimplettonis tetn- porum [\x\, ita dixerim, sicut verbum illud in Graecu sonat) recapitulare. . . Ces leçons proposées par Tertullien ont passé, on ue sait comment, dans la Vuigate : Ut notum l'aceret nobis ^acamentum voluntatts siiae, secundum beneplacitum ejus, quod proposuit ia eo, in dlspensatione pienitudinis temporum... (saint Paul, Ephes., I, 9-10).

152 REVUE DES ETUDES JUIVES

III

Les textes africains proprement dits, depuis le milieu du siècle jusqu'à l'ap- parition de la Vul^ate. La Bible de saint Cyprien. Ses origines. Recueils de citations bibliques : les Testimonia. Usa;.'e qu'eu a l'ait Commodien. Persistance de la version employée par saint Cyprieu. Elle s'est conservée en partie dans un groupe de manuscrits bibliques. Fragments des Evangiles dans le Codex Bobicnsis. Fragments des Actes des Apôtres dans le Palimpseste de Fleury. Le texte alricain de V Apocalypse. Autres versions qui circulent en Afrique au temps de saint Cyprien. Les citations des Sententiae episcoiiorum et du De aleatort/jua. Les dill'érentes versions du livre de Daniel. Les textes bibliques chez les auteurs africains du iv° siècle. Lactance et Victorin. Les citations de saint Oplnt. l-a Bible des donalistes. La double Apocalypse de Tyconius.

Chez saint Cyprien apparaissent, nettement constitués et avec tous leurs caractères spécifiques, les textes « africains » propre- ment dits. Les textes de ce groupe ont été seuls en usage dans le pays jusqu'à la seconde moitié du iw siècle; même après le grand travail de saint Jérôme, ils sont restés l'un des principaux éléments des recueils locaux de livres sacrés. Le trait commun de tous ces textes, c'est précisément leur affinité avec la Bible de saint Cyprien.

D'où vient qu'on s'accorde aujourd'hui à donner tant d'impor- tance aux citations de cet écrivain? Uy a à cela i)lusieurs rai- sons. D'abord, ces citations ont été souvent reproduites telles quelles par les auteurs des siècles suivants. Ensuite, elles se pré- sentent à nous avec toutes les garanties d'authenticité, et, pour la plupart, méthodiquement groupées en des recueils spéciaux. Enfin, et surtout, dans l'histoire des versions bibliques latines, elles fournissent pour la première fois un point fixe, en vertu de la fixité du texte.

Cet accord de l'auteur avec lui-même dans ses références aux livres sacrés, c'était alors une grande nouveauté. Par là, saint Cyprien se sépare absolument de ses prédécesseurs. Nous avons vu comment procédait Tertullien : qu'il interprétât lui-même des manuscrits grecs, ou qu'il suivît, en les corrigeant plus ou moins, des manuscrits latins, il ne s'astreignait presque jamais à repro- duire scrupuleusement un texte adopté une fois pour toutes. Evidemment, il se préoccupait du sens plus que des mots. Saint Cyprien paraît avoir été le premier à comprendre que dans les livres saints, même traduits en latin, les mots et les moindres détails ont une valeur propre. Pour chacun des livres de la Bible,

LA BIBLE LATINE EN AFRIQUE 153

il a toujours suivi une version unique*. Les exceptions, infini- ment rares, ne sont qu'apparentes. Si, par hasard, on surprend une légère variante, elle s'explique ordinairement par la substi- tution d'un terme de la Vulgate, quelquefois par une erreur du copiste ou une fantaisie de l'éditeur moderne'-. Presque toujours, on retrouve la leçon authentique dans quelques manuscrits du même ouvrage; on rétablit aussitôt l'identité des textes à l'aide du commentaire critique.

Il est plus facile de constater le fait, que d'en donner la raison historique. Nous avons montré précédemment que les citations de saint Cyprien, pour plusieurs livres, s'accordent assez fré- quemment, sauf corrections de détail, avec des citations de Ter- tullien. Il semble donc que la Bible latine de saint Cyprien soit le dernier terme d'un long travail de traduction, commencé dans la seconde moitié du ii- siècle. Les versions primitives ont été revues, remaniées et complétées pendant deux ou trois généra- tions; après une revision méthodique, vers le milieu du iii« siècle, elles ont donné naissance au groupe des textes dits « africains ». On ne sait, d'ailleurs, quel a été, dans cette revision, le rôle de saint Cyprien, ni même s'il y a joué un rôle. Rien d'étonnant à ce qu'il eût exercé aussi une action dans ce domaine ; car il a été avant tout un homme de gouvernement, il s'est beaucoup préoc- cupé d'organiser l'Éghse d'Afrique, d"y établir, sinon une véri- table unité, du moins une entente commune. On pourrait donc supposer que la dernière évolution de la Bible latine africaine s'est accomplie de son temps et sous sa direction. Cependant nous avons la preuve que ce travail de revision, pour quelques livres, avait été poussé très loin avant lui. Le traité intitulé De Pascha compidus * contient plusieurs citations dont le texte est très voisin de celui de saint Cyprien. On en jugera par ces deux exemples :

1 Voici quelques exemples, pris enlre cent, de citations parallèles et absolument identiques : Gènes., m, 16 (cf. saint Cyprien, Te.<itimoH.,lU, 32; De habit, virf/in., 22); Exod., XXII, -20 (cf. De lapsis, 7; Ad Fortunat., 3; Ad Demetriun., 16; Ëpist. o'è, 12); Isaïe, lvii, 6 (cf. Ad Fortunat., 2; Epist., 59, 12; 65, 1) ; saint Matthieu, xviii, 19 (cf. Testimon., 111, 3; De calhol. eccles. unit., \2\ Epist. \\ ,2,); saint Paul, Roman. ^ viii, 16-17 (cf. Teslimon., III, 16; Ad Fortunat., S; Epist. 6, 2; 58, 1), etc.

' lly a en ellet un peu d'arbitraire dans l'édilion de Harlel (vol. 111 du Corpus scriptor. eccles. lat., 1868). A ue considérer que le texte des citations bibliques, on peut se demander si ce savant a toujours choisi les meilleures leçons, et s'il a exacte- ment déterminé la valeur relative des manuscrits. Nous appelons sur ce point l'atten- tion des futurs éditeurs de saint Cypneu.

' De Pascha computtts, édition critique dans V Appendix du saint Cyprien de Hartel, Part III, p. 248-271.

lo4

REVUE DES ÉTUDES JUIVES

DE PA8CHA. »

SAINT CTPRIKN.

« Accipiant sibi singuli per domos tribuum ovem per domtim . . .; immaculatiim, perf'ectum, masculiim, anni- culum erit vobis. Ab agnis et ab hredis accipietis . . . , et occidet eu m omnis vulgus syiiagogm liliorum Israël ad vesperam , el accipitnt de sanguine, et ponent super duos postes et super limi- naria in domibiis, in quibus eum edent in ipsis ; el edenl carnes istas nocte assatas igni, azynta cum amaritu- dine edent. Non edelts de eis crudani neque cociam aqua, nisi assatam. caput cum pedibus et interaneis . Nihil derelinfj letis ex eis tn maiie, et os non contringetis ah eo. Qiifg aiitem derelicta fuerint de eo v.sqm in mane, ignt crunahtmtur... Sic au- tem comedelis eu/n -. liimbi vestri pr/ecincti el caligm vestrœ in pedibus vesiris, et bacula vestra in manibus vestris, et edetis eum festi- nanter : Pascha est enim Domini > {De Pascha com- put., 1).

Et nisi abbreviati es- sent dies illi, non liberare- tur omnis caro [De Pa%- cha comput., 15).

Exod., XII, 3-11.

« Accipiant sibi singuli ovem per domos tribuum , ovem sine vitio .■ perfeclum, masculuni, anntcuLiim erit vohis. Ab agnis et hcedis ac- cipietis ; et occident tllum omne vulgus sgnagogœ lilio- rum Israël ad vesperam, et acciptent de sanguine, et ponent super duos postes el sicper limen in domibus, in quilnis eum edent in ipsis ; el edenl carnes ista nocte assatas igni, el azyma cum picridihus edent. Non edetis de eis crudam neqtte cociam in aqua, nisi assatas igni, caput cum pedibus et inte- raneis. Nthil derelinquetis ex his in mane, et ossum non confringetis ab eo. Qua autem relicta fuerint de eo usque in mane. igni cremen- tur. Sic autem comedetis eam : lumbi vestri prœcincti et calig(B vestr/e in pedibus vestris, et bacula vestra in manibus vestris , et edetis eum festinanter : Pascha est Domini {Testimon., II, 15).

Saint Matthieu, xxiv, 22.

Et nisi breviati fuis- sent dies illi, non liberare- tur omnis caro {Ad For- tunat.. 11).

Tollat unusqui^que agnum per familias el do- mos suas... ; erit autem agnus absque macula, mas- culus, anniculus. Juxta quem rilum lolletis el h;p- dum-.. Immolabilque eum universa multiludo filiorum Israël ad vesperam, et su- ment de sanguine ejus, ac ponent super utrumque pos- lem el in superliminaribus domorum, in quibus come- dent illum ; et edent carnes nocte illa assas igni, et azv- mos panes cum lactucis agrestibus. Non comedetis ex eo crudum quid, nec coclum aqua, sed tanlum assum igni, caput cum pe- dibus ejus et inleslinis vo- rabitis. Nec remanebil quid- quam ex eo usque mane . Si quid residuum fuerit, igné comburetis. Sic autem comedetis illum : renés veslros accingetis, et cal- ceamenla habebitis in pe- dibus', tenentes baculos in manibus, et comedetis fes- tinanter : est enim Phase (id est transitus) Domini.

< Et nisi breviati fuissent dies illi , non lierel salva omnis caro. >

On voit que les deux textes sont presque identiques. Or, le texte du De Pascha est le plus ancien. Le traité est daté : il a été écrit « dans la cinquième année de Gordien, sous le consulat d'Ar- rianus et de Papus* », soit en "243. Saint Cyprien a été élu évèque de Cartilage vers 249, très peu de temps après sa conversion. Avant même qu'il ne fût chrétien, nous constatons l'existence de véritables textes « africains ». Son rôle, s'il en a joué un dans la revision des livres saints, aurait donc consisté surtout à coor- donner une série de travaux antérieurs.

' A quo lempore, id est a passione, usque ad annum quintum Gordiani Arriano <t J'apo consulibus suppleli sunl anni CCX.V » {De Pascha comput., 22).

LA BIBLE LATINE EN AFHIQUE 133

En tout cas, il a eu entre les mains, sinon une vraie Bible latine, comme nous l'entendons aujourd'hui, du moins presque tous les éléments d'une Bible latine au texte arrêté'. Les quel- ques ouvrages dont il ne donne pas d'extraits, sont des ouvrages très courts, ou ajoutés après coup au canon : Ruth, Judith et Eslher, les Prophéties de Jonas et les Lamentations : puis, V È- pitre aux Hébreux^ et plusieurs Épitres catholiques, celles de saint Jacques et de saint Jude, la deuxième de saint Pierre, la deuxième et la troisième de saint Jean *. Tous les autres livres sont représentés par d'importants extraits, souvent par un très riche ensemble de longues citations suivies •'. L'œuvre de saint Gyprien, par cette abondance et cette fixité des textes, fournit un point d'appui solide pour l'histoire des versions bibliques en Afrique.

Le grand évéque de Carthage ne s'est pas contenté d'insérer à profusion, dans ses divers opuscules et dans ses lettres, des fragments bibliques ; il en a encore formé deux collections mé- thodiques, destinées à édifier les, fidèles, surtout à guider les clercs. Dans son livre adressé A Fortunat, il a réuni les textes qu'il jugeait propres à ranimer la foi et le courage des chrétiens en temps de persécution ^. Dans ses trois livres de Témoignages dédiés à Quirinus% il a groupé par chapitres tous les passages de la Bible qui pouvaient être de quelque utilité, soit pour les polémiques contre les Juifs**, soit pour la défense de la doctrine

* Cf. VIndex scriptornm dans rédilion de Harlel, Pars 111, p. 32" sqq.

' Plusieurs de ces ouvrages que ne mentionne pas saint Cyprien étaient cependant connus en Afrique et avaient été cités déjà par Teriullien. Ce sont : pour TAncien Testament, Judith, Jonas, les Tjamentattons ; pour le Nouveau, les Epîtres de saint Jacques et de saint Jude, VEpître aux Hébreux, et la deuxième Ephre de saint Jean. Les seules parties de la Bible qui manquent à la Ibis chez les deux Pères alritaios, sont Rutk et Estker, la deuxième EpUre de saint Pierre, et la troisième de saint Jean. On ne sait trop comment expliquer l'absence de Ruth et à'Esther. Mais, pour les deux autres ouvrages, l'omission est toute naturelle; car les sept Epîtres catho- liques n'ont été acceptées qu'assez tard, sans doute vers le milieu du iv siècle, dans le canon des Eglises d'Afrique.

^ Aussi peut-on reconstituer des parties considérables de la version employée par saint Cyprieu. Et les innombrables fragments de cette version servent de contrôle perpétuel dans l'étude des textes bibliques du groupe africain. Cf. Kônsch, Die altiestamentliche Itala in den Schriften des Cyprian, 1^"o; Wordsworth, Sandaj' and While, Old-Latin biblical Texts, 1883-1888, t. U : 'S. Berger, Le Palimpseste de Fleury, 1889; Haussleiter, Die lateinische Apokalypse der alten afnkanischen Kirche, 1891; P. Corssen, Der Cyprianische Text der Jeta Apostolorum, 1892; Burkitt, The Old Latin and the Itala, 1896.

* Au début de cet ouvrage, saint Cyprien eu a exposé nettement l'objet et la mé- thode {Ad Fortunat., 1-5, praefat.].

5 Cf. les prélaces de saint Cyprien, sous forme de lettres Ad Quirinnm, en tête des livres I et III des Testimonia.

* Testimon., Liber I.

îofi HEVUK DES ETUDES JUIVES

chrétienne', soit pour les controverses de discipline ou de mo- rale *. Ces deux ouvrages, surtout le dernier, constituaient une sorte d'encyclopédie des livres saints, un manuel lîu parfait clirélien. En ces temps les manuscrits étaient rares, dispersés et coûteux, les Teslimonia devinrent vite populaires. Jusqu'aux suprêmes convulsions de l'Afrique chrétienne, ce recueil com- mode a été entre toutes les mains ; et il n'a pas peu contribué à conserver dans le pays la connaissance et la tradition des vieux textes « africains ».

Dès le milieu du iii« siècle, les Teslmonia ont été souvent mis à contribution par Commodien^ Ce poète aux rythmes populaires, qui volontiers gourmandait ses contemporains à coup de textes bibliques, a d'abord, et très fréquemment, paraphrasé les citations de saint Cyprien. Mais de plus, par un vrai tour de force, il a fait entrer dans ses vers quelques-unes de ces citations, parfois sans y changer un mot, même en conservant des expressions du commentaire. Voici quelques spécimens de ces transpositions ou de ces emprunts :

COMMODIEN.

SAINT CYPBIEN-

Inspice Liam typum Synagogœ fuisse, \ Tamin- firmis oc\A'\s... \ ...servivit rursum pro minore dilecta

I ... {\{.&i:\ie\) typum eccle- si(B nostra {fn-itruct., 1, 39, 1-4).

Non quasi homo Deu? suspenditur, intimât ante ;

I Ant non. ce/t, tilius homi- nis minas patilur, inqutt <■ {Carmen apolog., lil9-520).

A nie tuos oculos pen- debit vita nerata {Carmen apoL, 276).

Gènes., xxix, 17-18.

Liam oculis infirmio- fibus typum Synagog/p, mi- norem speciosam Racliel ty- pum ecclesùe [Tcsttmoii., I, 20).

NuK

xxiii, 19.

« Non quasi hoiiio Deus siispenditur ; negue quasi li- liuà lioininis minas patitur ' {Testimon., II, 2U).

Deuteronom., xxviii, 66-

Et eril pendeiis vila lua ante oculos tuos » {Tes- timon., II, 20).

haie, XXXIII, 10-11.

Sed Lia lippis erat ocu- lis : Rachel décora facie, et venùslo aspeclu. Quani di- ligens Jacob ait : Serviam tibi pro Rachel liha lua mi- nore. •

« Non est Deus quasi homo, ut menlialur ; nec ut lilius liominis, ul mu- tetur.

« Et crit vita tua quasi pcndens ante te.

* ^nnc exurgam, ait Dq- « Nunc exurgam, dicil « Nunc consurgam, dicit

Vû.ïn\is,n\inc clarificabor, \ Dominus, nunc c/an/fcaior, Dominus, nunc exaltahor,

« Ihid., Lib. II.

"" Ibid., Lib.Wl.

* Dombart, Commodianut und Cyprians Testimon/a, 1870 {Zeitschrift filr wiisensch. Theol., t. XXII, p. 374 sqq,); Commodiani carmina, 1887 (vol. XV du Corpus scriptor. eccles. lat.), prœfat., p. iv.

LA BIBLE LATINE EX AFHIQUE

137

Nunc exaltabor, hnmilem quem ante vidistis ; | Nunc inteilegitis, nunc erit con- fusio vestra [Carmen apo- log., 463- '.65).

' Contumax non sum, ait, neqi'.t conlradico nocenti ; \ Dorsum quoque ineiiin posui ad flagella cadendum \ Maxillasque meas pabnis feriendas iniquis \ Prœbui, tiec faciem averti sputis eo- rum » [Carmen apolog., 353- 356).

Non senior veniet nec anpelus, dixit Esaias, \ Sed Domimts ipse veniet se ostendere nobis » ( Carmen apolog., 633-634).

nunc exaltabor : nunc vide- nunc sublevabor : concipie-

hitis,nuncinteUegetis,nunc tis ardorem, parietis sti-

confandemini » [Testimon,, pulam. » II, 26).

Ib., L, 5-6.

Non sum contumax, neque conlradico ; dorsmti nie 11 m posui ad flagella et maxillas ineas ad palmas, t'aciem aiitem meam non averti a fœditate spwtorum (Teslimou., II, 13).

Ib., LXili, 9.

« Non senior neque an- p^elus, sed ipse Do7ninns liberabit eos..., ipse redi- met eos [Testimon.. II, -)■

Ego autem non contra- dico, retrorsum non abii ; corpus meum dedi percu- tientibus, et gênas meas vellentibus, faciem meam non averti ab increpantibus et conspuentibus in me- »

Non est tribulalus, et angélus faciei ejus salva- vit eos . . . , ipse redemit eos.

L'exemple donné par Commodien a été suivi, en Aïrique, de génération en génération. Enoprunts directs aux Testimonia, in- fluence du texte de saint Cyprien, tout cela se retrouvera chez Lactance ', chez saint Optât et chez les donatistes ^, même chez saint Augustin et chez les polémistes du v^ ou du vi« siècle^. Cette tradition persistante est l'un des traits originaux de l'his- toire des livres sacrés dans la région.

L'importance et la popularité du texte de saint Cyprien sont attestées encore par un groupe de manuscrits bibliques. Laissons de côté l'Ancien Testament, dont l'étude en ce domaine est trop peu avancée, et pour lequel tout essai d'identification serait actuellement téméraire*. Mais dans plusieurs manuscrits latins

' Ronsch, Beitruge zur patristischen Textgestalt und Latinitàt. II, Aus Lactan- tius, 1S71 [Zeitschrift fur die historische Théologie, t. XLl, p. 531 sqq.). Cf. S. Brandi, Firmiani Lactantii opéra omnia. Pars I, 1890, Prolegomen., p. xcvii sqq. I, vol. XIX du Corpus scriptor. écoles, lat.].

■^ Burkilt, The Rules of Tyronius, 1894 (clans Texts and Stud/es, III, \\ Cf. Haussleiter, Der Ursprung des Donastismus und die Bibel der Donatisten , 1884.

* S. Berger, Le Palimpseste de Fleur g, 1889; Haussleiter, Die Latein/sche Apo- kalypse der alten afrikanischen Kirche, 1891 ; Burkilt, The OUI Latin and the Itala, 1896, p. 67 et suiv.

* Plusieurs savants reconnaissent un lexle < africain dans le célèbre Pentateuque de Lyon (Ulysse Robert, Pentateuchi versio latina antiquissima e codice Lugdunenst, Paris, 1881), devenu V Reptateuque par la découverte récente de Josué et des Juges (Ulysse Robert, Heptateuchi partis postenorts versio latina antiquissima e codice Lug- dunensi, Lyon, 1900). La question est controversée. Renan était tenté de croire à une origine B.\x\ca\nc.' Marc-Aurèle, éd.. p. 446); M. Gaston Paris admettrait plutôt une origine gallo-romaine {Journal des Savants, 1883, p. 390 et suiv.). M. Robert, dans sa dernière publication (Lyon. 1900,, maintient sou hypothèse, et l'appuie d'un argument assez fort tiré du vocabulaire {Introduction, p. xxni et suiv.l. Mais il

158 RKVUE DES ETUDES JUIVES

qui contiennent diverses parties du Nouveau Testament, tous les critiques compétents s'accordent aujourd'hui à reconnaître des textes nettement « africains » : fragments des Évangiles, des Actes des apôtres, de V Apocalypse.

Des textes « africains » des Évangiles nous ont été conservés par quatre manuscrits '. Ce sont :

Le Codex BoMensis Turin iv« ou siècle). Frag- ments de saint Mattliieu et de saint Marc ^ ;

Le Codex Palatinus Vienne v" siècle). Les quatre Évangiles ' ;

Le Codex Sangallensis Saint-Gall siècle). Frag- ments du texte africain de saint Matthieu, de saint Marc et de saint Jean, dans les corrections de seconde main *.

4" Le Codex Colberlimis Paris xii« siècle). Textes africains dans des sections isolées des quatre Évangiles^.

Ces manuscrits ont été décrits el comparés avec une minutieuse précision. Qu'il nous suffise de constater ici l'étroite parenté de ces textes avec les citations de saint Cyprien. Nous prendrons comme type le plus ancien manuscrit du groupe, le Codex Bo- Mensis. Dans les passages parallèles que nous reproduisons, on verra qu'il s'accorde presc^ue toujours avec saint Cyprien ; les quelques variantes s'expliquent d'elles-mêmes, si l'on songe que le vieux latin du Codex a été transcrit au plus tôt vers la fin du iv^ siècle, c'est-à-dire plusieurs générations après la mort de saint Cyprien.

reconnaît en même temps que le lezte biblique du Codées diffère entièrement de celui de Cyprien, et se rapproche beaucoup de celui de Lucifer de Cagliari [ibùL, p. xxvii et suiv.). A vrai dire, la question nous paraît insoluble pour le moment; car jusqu'ici le critérium principal, presque unique, qui permet de reconnaître un texte africain sur les manuscrits, c'est précisément l'identité ou l'étroite parenté avec le texte biblique de Cyprien.

1 Wordsworth, Sanday and White, Old-Latin biblical Texts, t. II; Burkitt, The Old Latin and the Itala, p. 10 et suiv.; 35 et suiv.; 4tj et suiv.

2 Bibliothèque de Turin, G, VII, 15. Éditions Fleck (ISS'?); Tischendorf (1847): Wordsworth, Sanday and White, Portions of the Gospels according to St Mark and St Mattheto, from the Bolibio manuscrijit (Oxford, 1886), p. vu et suiv.; xlii et suiv.; p. 1-54 {Old-Laim biblical Texts, t. II).

3 Bibliothèque royale de Vienne, Manuscrits latins, 1185. Édition Tischen- dorf (Leipzig, 1847). Cf. Wordsworth, Sanday and White, Old-Latin biblical Texts, t. 11, p. Lxvii et suiv.; p. xciv et suiv.

* Manuscrits de Sainl-Gali, 1394. Éditions Balitfol [Fragmenta Sangal- lensia, Paris, 1884) ; White, Old-Latin biblical Texts, t. II, 1886, p. xxiii et suiv.; p. CLXvii et suiv.; p. 57 et suiv.

' Bibliothèque nationaU; de Paris, Fonds latin, n" 254. Editions Sabatier (1743, dans Bibliijrum sacrorum latinœ vers/ones antiquae, t. III); Belsbeim (Christiania, 1888). Cf. Burkitt, On <'o4. Colbetlinm [The Old Latin and the Itala, p. 35 et suiv.).

LA BIBLE LATINE EN AFRIQUE

159

CODEX BOBIENeiS. >

SAINT CTPRIEN.

« Vos estls «al terrte. Si auiem sal in fatuat um fuerit , in que (s)allielur terra ? ad nihil valet, nisi proie i foras et conculcari ab hominibus [Old- Latin biblical texts, t. IL p. 29).

Iterum siinile est reg- num caelorum hoinini nego^ tianti quœrenti bonas mai— garitas. Ubi autem invertit preetiosam mar g aritam^ abiit et vendidit omnia quœ habuit, et émit illam > {Old- Latin biblical texts, t. II, p. '.8-49).

« Omnia qutecumque ado- ratis et petitis, crédite quia accipietis, et erunt vobis. Et cum steteritis aiorare, remittite si quis qui(d) ha- bet adversus aliquem, ut et Pater vester qui in caelis est dimittat peccata vestra » {Old -Latin biblical texts, t. II, p. 11).

Saint Matthieu, v, 13.

« Vos estis sal terrse. Si autem sal infatuatum fuerit, in quo salietur? in nihilum valet, nisi ut proiciatur fo- ras et conculcetur ab homi- nibus » {Testimon., III, 87).

Ib., XIII, 43-46.

« Simile est regnum ca-- lorum homini negotianti quœrenti bonas margarilas. Ubi aulem inveneril pretio- sam margaritam , vadit et vendit omnia quaj habuit, et émit illam ^ [Testimon., III, 9).

Saint Marc, xi, 25-25.

« Omnia quœcumque ora- tis et petitis, crédite quia accipietis, et erunt vobis- Et cum steteritis ad ora- tionem, remittite si quid ha- betis adversus aliquem, ut et Pater vester qui in caelis est remittat peccata vobis > (Testimon., III, 22 et 42).

Vos estis sal terrae. Quod si sal evanuerit, in quo salietur ? ad nihilum valet ultra, nisi ut mittatur foras et conculcetur ab ho- minibus. •

« Iterum simile est reg- num cselorum homini ne- gotiatori, qua?renti bonas margaritas. Inventa autem una pretiosa margarita , abiit, et vendidit omnia quae habuit, et émit eam.

Omnia quaecumque orantes petitis, crédite quia accipietis, et evenient vo- bis. Et cum stabitis ad orandum, dimiltite si quid habelis adversus aliquem, ut et Pater vester qui in caelis est, dimittat vobis peccata vestra.

Pour les Actes des apôtres, également, la version dont s'est servi saint Cyprien a été souvent reproduite '. On la retrouve en- core dans certains traités de saint Augustin ^ et dans un ouvrage anonyme composé sans doute à Carthage vers la fin du siècle ^ Des fragments considérables du texte « africain » ont été décou- verts et déchiflfrés, il y a quelques années, sur un vieux manus- crit devenu célèbre, le Palimpseste de Fleiiry". Ce texte est presque identique à celui de saint Cyprien :

1 P. Corssen, Der Uyprianische Text der Aeta apostolorum ^Berlin, 1892).

* Saint Augustin, Acta contra Felicem manichaeum, I, 4-5 (éd. Zycha, vol. XXV, pars II, du Corpus scripior. écoles, lai., p. 802 sqq.|; Contra Epist. Fundamenti, 9 [ibid.y pars I, p. 20:i sq.). Cf. Burkitt, The Old Latin and the Itala, p. 57 el suiv.; 67 et suiv.

ï De promissis et praedictionibus Dei (^dans la Patrol. lut. de Migne, t. ."il).

* Codex Floriacensis (vi» siècle), à la Bibliothèque nationale de Paris, Fonds latin. ne 6400 G. Publié par S. Berger (Le Palimpseste de Fleury, fragments du Nouveau Testament en latin., Paris, 1889). Fragments des Actes des apôtres, p. 26-39.

160

REVUE DES ÉTUDES JUIVES

PALIMPSESTE DE FLEURT.

SAINT CYPRIKN.

Principes populi et se- niores Israël: ...roffamn{r) a vobis super benel'aclo ho- niinis... in qiio iste salvatiis est ; sit vobis omnibus no- [tum et] omni populo Is- raël, quoniam in nomi(ne) D(omi)ni J(es)u [Christi Na]zareni, quem vos cru- cifixistis, quem D(eu)s ex- cita[vit a m]ortuis. in illo iste in conspectu vestro sa- nus ad[9tat, in\ alto autem nullo. Hic est lapis qui contem[ptvs est] a vobis quia œdificatis, qui factus est in caput [angujli. Non est enim nomen aliud sub caelo da[tum hjominibus, in quo oportet salvaH nos » (S. Berger, Ze Palimpseste de F leur y. p. 28).

Act. apost., IV, 8-12.

« Piincipes populi et se- niores Israël : ecce nos bo- die interrogamur a vobis Sî«/)er l)eiR'('aclo bominis in- lirmi, in quo iste salvatus est ; sil vobis onmilnis no- lum et omni populo Israël, quia in nomine Jesu Chrisli Nazaroni, quem vos cruci- lixistis, quem Dcus susci- tavit a mortuis, in illo iste in roHSpeetu vestro sanus adstat, iii alto atitem ntdlo. Hic est lapis qui rontemptu>< est a vobis çtti tedifirahatis. qui factus est in capul ari- guli. Non est enim nomen aliud sub caelo datum ho- minibus, in quo oportet sal- vari nos » {Testimon., II, 16).

« Principes populi et se- niores, audile : si nos bo- dic dijudicamur in bene- f'acto bominis inlirnii, in ([uo iste salvus t'aclus est, notum sit omnibus vobis et onuii plebi Israël, quia in nomine Domini noslri Jesu Cbristi Nazareni, quem vos crucilixistis, quem Deus suscilavit a mortuis, in hoc iste astat coram vobis sa- luis. Hic est lapis qui re- probatus est a vobis tedifi- eautibus, qui factus est in capul anguli ; et non est in alio aliquo salus. Nec enim aliud nomen est sub caelo datum hominibus, in quo oijorteat nos salvos iieri.

Le même Palimpseste nous a conservé une partie de V Apoca- lypse^. Et ici la comparaison est d'autant plus instructive, que nous possédons, à peu près complet, le vieux texte africain de cet ouvrage. Vers le milieu du iv' siècle, le donatiste Tyconius, dans un commentaire qui fut célèbre, avait reproduit d'un bout à l'autre la version autrefois employée par saint Cyprien. Prima- sius, évêque d'Hadrumète sous la domination byzantine, dans un commentaire analogue il imitait Tyconius, a copié à son tour cette version, alors vieille de trois siècles ; et il nous l'a conservée presque intacte -. C'est un curieux exemple de la persistance des anciens textes « africains ». Le Palimpseste de Fleury, qui est peut-être contemporain de Primasius, concorde presque entière- ment avec les citations de saint Cyprien. Exemple :

PALIMPSESTE DE FLEURY.

SAINT CYPRIEN.

Apocalyps., i, 12-18.

« Et conversus respexi, Et conversus respexi, Et conversas suin , ut

ut viderem vocem Iquae me- ut viderein vocem qu;e me- viderem vocem quie loque-

cum] loquiebatur ; et vidi cum loquebatur ; et vidi batur mecum ; et conversus

* S. Berger, Le Palimpseste de Fleuri/^ p. 21-20.

' Edition critique de celte Apocalypse africaine, par Haussleiler [Die laUinische Apokalypse der alten afrikanischen Kirche, 1891, p. 7'J-175).

LA BlbLE LATLNE EN AFKlgUt

1(11

septem candelabra [aurea, et i]n motlio candelabrorum siinilem Filio hoini[ms,ves- ti]lum podere ; et trat pros- rinccus super mam illas zn- na\m auream ; capul aulcni ojus et capilli erant [can- di]da ut nix ; et oculi ejus ni flaninia ignis ; et pudes [ejus siinil]es aurocalco, si- rut de fornace igneo ; et vox \ejiis ut so'iius aquarum niultarum ; et liabebat in dexte[ra sua sepltcm stel- las ; et ex ore ejus giadius vtrimqua [acutus e^xiclial ; et faciès ejus fplendehat ut soi in [virlute s]ua. El cum vidissem uum, cœcidi ad pedes ejus [lanquam] mor- tuus. Et imposuit super aie dexteram [suam dicjens : Noli timere, ego sum pri- mus et novissimus ; [et vi- vus] qui lui mortuus ; et ecce sum vivens in s<e[cula sa?c]uloi'um > (S. Berger, Le Palimpseste de Fleuri/, p. 21-22).

septem candelabra aurea, et in mcdio candelabrorum , simiiem Filio bominis, ves- litum poderem ; et e>at prce- cinclits supra mamillas :o- nam aureuiii ; caput autem ejus et capiUi erant albi veliit lana aut nix ; et oculi ejus ut tlamma ignis ; et pedes ejus similes auri- cbalco, sicut de fornace if/nea ,■ et vox ejus ut sonus aquarum mullarum ; et ha- bebat in dextera sua se])ti-'ni stellas ; et ex orc ejus gia- dius utrimque acutus exie- bat ; et faciès ejus splen- debal ut sol in virlute sua. Et cum vidissem eum, ce- cidi ad pedes ejus tanquam mortuus- Et imposuit super me dexteram suam dicens : Noli timere, ego sum pri- mus et novissimus ; et vi- vus q^l,i fuerani mortuus ; et ecce sum viveas in ste- cula saeculorum {Testi- mon., II, 26).

vidi septem candelabra au- rea, et in medio septem candelabrorum aureorum simiiem Filio hominis, ves- titum pod.-re, et prajcinc- lum ad mamillas zona au- rea ; caput aulem ejus et capilli erant caudidi tan- quam lana alba et tanquan^ nix ; et oculi ejus tanquam flamma ignis ; et pedes ejus similes aurichalco sicut in camino ardenti ; et vox il- lius tanquam vox aquarum Jiiultarum ; et liabebat. in dexlera sua stellas septem; et de ore ejus giadius utra- que parle acutus exiljat : et faciès ejus sicut sol lucel in virtule sua. Et cum vi- dissem eum, cecidi ad pe- des ejus tanquam mortuus. Et posuit dexteram suam super me dicens : Noli ti- mere, ego sum primus et novissimus ; et vivus, et fui mortuus ; et ecce sum vivens in sœcula sœculo- rum.

Ainsi, pour les Évangiles, les Actes des apôtres et V Apoca- lypse, des manuscrits bibliques viennent compléter fort heureu- sement les citations de saint Cyprien, et permettent de restituer des livres presque entiers du texte « africain ». Cet accord de plusieurs manuscrits et de nombreux auteurs avec les Testimonia donne une apparence de version officielle, ou semi-officielle, à la Bible de saint Cyprien. Mais ce n'est qu'une apparence. Assu- rément les traductions de ce groupe ont été très connues, très souvent reproduites en Afrique, et pendant des siècles. Mais il en existait d'autres, qui, malgré un air de famille, ne se confon- daient point avec les précédentes. On en trouve beaucoup de traces chez les contemporains du grand évêque '. Ni l'auteur du curieux traité Sur les joueurs ^ ni même les évêques africains

' Par exemple, dans les traités de VAppendix de Cyprien qui semblent appartenir à l'Afrique du siècle : le De rebaptismate, le Ad Novatianum, le De laude mar- tyrii, le De bono pudxatiae [Appendtx du Cyprien de Hartel, p. 13; 26: 52; 69). De même, nous trouvons un texte biblique apparenté à celui de Cyprien, mais un peu différent, dans VExhortatio ad paenitentiam (cf. Wunderer, Bruchstûcke einer afri- kanischen Btbelûbersetzung in der pseudo-cyprianischen Schrift Exhortatio ad paeni- tentiam, Erlangen, 1889), et dans les Actes des martyrs du temps, même des martyrs de Carlhage (cf. Fassio Montani, 7; 10; 12; 23).

- De aleatoribus, édition critique dans VAppendix du saint Cyprieu de Hartel, Prt« T. XLII, 84. 11

1G2 REVUE DES ETUDES JUIVES

r^^unis au concile de Cartilage, en 256, sous la présidence de saint Cyprien \ ne s'accordent avec lui pour leurs citations de l'Écri- ture. On le constatera dans le tableau suivant :

CONCILE DE CAR- THAGE EN 256.

DE ALEA.TORIBUJ.

SAINT GTPRIKN.

Saint Matthieu, v, 13.

« Vos ostis sal terrœ. Quodsi autem sal fatuus fuerit, in quo condie.tur ? ex eo ad nihilum vaiebit » (Lucius a Castra GalbiE. Senten- tice episcoporuni, 7).

Ite ergo et do- cete gentes, bapti- zantes eos in nomine Palris ' (Lucius a Castra Galbas. Sententi(S episcopo- rum, 7). Ite et haptizate gentes in nomine Patris » (Monnulus a Girba.

Ihid., 10). Ite et docete gen- tes, baptizantes eos in nomine Patris » (Eucratius a Tlienis-

Ibid.,'i^].— 'Ite et docete gentes, tin- guentes eus in no- mine Patris » (Vin- centius a Thibari .

Ibid., 37).

« Manifesta sunt enim opéra carnis, quifi sunt fornica- tiones, immunditite , incestum , idolola- triœ servitus , ve- nelicia , iniinicitiœ , certamina, eelus,, ira, divisioties, hareses et his similia : de qui- btis prsdixi vobis,

Sal terrse... Sal autem si infatuatum fuerit , nihilo vale- bit ' {De aleator., 2).

Vos estis sal terrœ. Si autem sal infatuatmn fuerit , in quo salietur? iu nihilum valet {Tes- timoH., III, 87 .

Ib., XXVIII, 19.

« Ite ergo et do- cete gentes omnes, tinffuentes eos in no- mine Patris » [Epist. 28,2; 03, 18; 73, 5; Testimon., II, 26).

Saint Paul, Galat., v, 19-21.

Idololatria, mœ- chiiB, furta, rapinœ, avaritia, fraus, ehrietas . impatien- tia, adulteria, homi- cidia, eelus, perfi- dia,falsa testimonia, eloquium falsum, in- vidi'i , extollentia , maledictum , error, et si qua sunt simi-

« Manifesta autem sunt facta carnis, quaj sunt adulteria, fornicationes, im- mmiditiœ, spurcitiœ, idololatria , veneli- cia, homicidia, ini- micitiae , contentio- nes , lemulationes , animosi taies, provo- cationes, simultates.

« Vos estis sal terrse. Quod si sal evanuerit, in quo sa- lietur ? ad nihilum valet ultra.

' Euntes ergo do- cete omnes gentes, baptizantes eos in nomine Patris. »

« Manifesta sunt autem opéra carnis; qu» sunt fornicatio, immunditia, impu- dicitia, luxuria, ido- lorum servitus, ve- neficia , inimicitiae , conlentiones, a;mu- lationus, ira?, rixae, dissensiones, secla;, invidia;, homicidia,

III, p. 92 sqq. Cf. Harnack, Der pseudo-c yprianische Tractât De aleatoribus (dans Texte und Untersuch. zur Gesch. der altchrist. Litter., V, I).

' Scntentiae episcoporum de huereticis baptizandis (dans le saint Cyprien de Harlel, Pars ]. p, 435 sqq.).

LA bIliLK LA1IM-: EN Al-hl(jUh

163

sicut praedico, quo- lia niam qiticumque hœc ?). faciunt vegnuin Dei non hereditahunt (Nemesianus a Tlm- bunas. Sentent episcoporum, a).

{De aleaior., dissensiones, htere- ebrietates, comessa-

sei, invidiae, ebrie- tiones, et bis simi-

lales, comissationes, lia : quc& pra'dico

et bis similia : qui vobis, sicut prsedixi,

lalia agunt refrnum quoniaia qui talia

Deinonpossidebunt' agunt regnuni Dci

{TestiMon.,111, 64). non consequentur.

/ Samuel, ii, 25. Si delinquendo « Si delinquendo

Si puccaverit vir

peccaverit vir ad- pecret vir advenus iu virum, placari ei

versus vïvMm, orabi- virum. orabunt pro potesl Deus : si au-

tur pro eo ad Domi- eo Dominuui : si au- tem in Dominum

nu)n : si aulem in tem iu Deum peccet peccaverit vir, quis

Deum peccaverit, homo, quis orabit orabit pro eo ? » quis orabit pro eo ? pro eo "? » (Testi- [De aleator., 10). mon., HT, 28; Âd Fortunat-, k).

Isaie, LU, 11.

Discedite, disce- dite indc, exile e me- dio ejus, qui fertis vasa Domini, et im- mundum ne tetigeri- tis [De aleator., 8).

« Discedite, disce- dite, exile inde, et immundum nolite tangere ; exile de medio ejus ; separa- mini, qui fertis vasa Uomiui {De lapsis, 10).

« Nolite sacrifi- care diis alienis, ne incitetis me in operi- bus uianuum vestra- rum ad disperdendos vos » [De aleator-, 8).

Jérémie, xxv, 6.

« Nolite ambulare post deos alienos, ut serviatis eis, et ne adoraveritis eos, et ne inatetis me in operibus raanuum vestrarum ad disper- dendos vos » [Tes- timon., I, 2 ; Ad Fortunat ., 3 ; Ad Demetrian-, 6).

« Recedite, re- cedite, exite inde, poUutum nolite tan- gere ; exite de me- dio ejus ; niunda- mini, qui fertis vasa Domini.

« Et nolite ire post deos alienos, ut ser- viatis eis adoretis- que eos, neque me ad iracundiam prô- vocetis in operibus manuum vestrarum, et non affligarn vos .

Four les citations du Concile de Carthage, les divergences sont d'autant plus significatives, que les Actes de ce Concile ont été rédigés par les soins de saint Cyprien lui-même, et que ce docu- ment a toujours été joint à ses œuvres. Dans une assemblée solennelle, convoquée et présidée par lui, les évêques africains ne cherchaient à se mettre d'accord ni avec lui ni entre eux pour le détail du texte biblique. Ainsi, la traduction latine adoptée par saint Cyprien ne s'était point imposée à toutes les Églises d'A- frique, ni même sans doute à toute l'Église de Carthage.

Le livre de Daniel nous fournit un autre exemple de la plura- lité des versions dans l'Afrique du siècle. Trois traductions

1G4 KEVUE DES ÉTUDES JUIVES

différentes de cet ouvrage ont alors circulé dans le pays : l'une apparaît chez TertuUien ; la seconde, en 243, dans le De Pascha ; la troisième, chez saint Cyprien '. Au témoignage de saint Jérôme, les Eglises latines du iv*^ siècle, qui pour tout le reste de l'Ancien Testament étaient fidèles aux Septante, suivaient pour Daniel le texte grec de Théodotion. « Comment cela est arrivé, je ne sais », déclare saint Jérôme -. Nous n'en savons pas plus que lui la raison ; mais le fait est exact, et l'on a démontré récemment qu'en Afrique la substitution d'un texte grec à l'autre s'est pro- duite vers le milieu du m'' siècle 3. Les citations de TertuUien se rattachent nettement à la version des Septante*. Au contraire, les fragments de Daniel insérés dans le De Pascha attestent que le traducteur s'est conformé scrupuleusement au texte de Théodo- tion ^ Saint Cyprien s'est servi d'une version mixte, qui se rap- proche ou s'écarte des citations de TertuUien, selon qu'elle suit ou non les Septante ^ Pour expliquer cette anomalie, on suppose que le manuscrit de saint Cyprien renfermait une copie d'une vieille traduction, faite primitivement d'après les Septante, mais corrigée en maint endroit d'après Théodotion'. Ce texte mixte a d'ailleurs été vite abandonné : les seuls auteurs chez qui on le retrouve sont ceux qui, comme Lactance, ont simplement trans- crit les citations des Tesiimonia. Cette histoire des versions de Daniel montre bien que, ni au temps de saint Cyprien ni après lui, il n'y a eu en Afrique, pour chacun des livres sacrés, un texte unique. Elle prouve aussi que la Bible de saint Cyprien, malgré son succès, ne faisait point autorité : on pouvait en adopter cer- taines parties, en rejeter d'autres. Il y a eu plus d'une famille dans le groupe « africain «.

Aussi observe-t-on une assez grande diversité de textes chez les auteurs du iV siècle. Pendant les quarante années de paix religieuse qui suivirent la. mort de saint Cyprien, le christianisme s'était développé en tous sens. Bientôt allaient s'élever les pre- mières basiliques. En quelques villes, dès le temps de Dioclétien, la « maison s'assemblaient les chrétiens** » était ornée d'un

' BurkiU, The OUI Latin and Ihe Itala. p. 6 et suiv.

* « El hoc cur acciderit nescio » (saint Jérôme, Praefat. in Daniel).

* Burkitt, The Old Latin and the Itala, p. 7.

* Ibid., p. 18-25.

5 Ibid., p. 7.

6 Ibid., p. 25-29. ' Ibid., p. 28.

* Cum veutum esset ad domum, qua chrisliani conveniebanl. . . (Prorès- verbal des perquisitions dans l'Eglise de Cirta. Gesta apud Zenophihan, & la suite de l'ouvraj^e de saint Optai, éd. Ziwsa, 1893, p. 186).

LA BIBLE LATINE EN AFRKJL'E 165

riche mobilier liturgique; elle comprenait des « bibliothèques» l'on conservait de nombreux manuscrits *. A cet ëgard, rien n'est plus instructif que le procès-verbal de la perquisition faite en 303 dans l'Église de Cirta. Un récent édit impérial avait or- donné la destruction de tous les livres saints. En conséquence, un magistrat municipal se rendit à la maison des chrétiens et somma l'évèque de tout remettre aux autorités. Les clercs avaient pris leurs précautions, car « dans les bibliothèques on trouva les armoires vides » -. Sur l'insistance du magistrat, un sous-diacre se décide à apporter « un seul manuscrit de très grandes dimen- sions^ », et les clercs avouent que les autres livres sont chez les a lecteurs » de l'Église. Alors commence une tournée de perqui- sitions au domicile particulier de chacun des « lecteurs ». Chez l'un, on saisit quatre manuscrits; cinq, chez un autre; huit, chez un troisième; chez un quatrième, « cinq grands et deux petits » ; ailleurs, deux groupes de six*. Soit un total de trente- sept manuscrits; et les clercs, qui étaient sur leurs gardes, avaient en soustraire bien d'autres, comme le fit vers le même temps, à Carthage, l'évèque Mensurius ^. Des saisies analogues eurent lieu en beaucoup de villes". Sans aucun doute, il existait dès lors en Afrique un très grand nombre d'exemplaires des livres sacrés. Ils se multiplièrent d'autant plus, après le triomphe du christianisme. Saint Optât pouvait écrire, vers le milieu du iv« siècle : « Les bibliothèques sont remplies de livres ; rien ne manque à l'Eglise ; dans chaque endroit, partout, retentit la pa- role divine ; les lecteurs se font entendre ; toutes les mains sont pleines de manuscrits ; rien ne manque aux peuples qui désirent s'instruire '. »

Naturellement, ces textes bibliques n'avaient pu se multiplier sans se diversifier de plus en plus. On peut toutefois ramener à trois types les citations des auteurs du temps. Tantôt ils repro- duisent simplement des textes de saint Cyprien, surtout d'après

" Ibid.,p. 187.

* t Posteaquam in bibliothecis inventa sunt armaria inania... ■• [ibid., p. 187).

* Codicem unum pernimuim majorem - [ibid., p. 187).

* Chez le lecteur Eugenius, on trouve « codices quatuor ; chez Félix, ■■ codices quinque » ; chez Victorinus, * codices octo » ; chez Projectus, « codices V naajores et minores II » ; chez Victor, i codices II et quiniones quatuor ; chez CoddéoD, < co- dices sex » (ibid.. p. 188..

' Saint Auf^usliu, Breviculus Collât, cura Donatist., ill, 13, 25 (Mipne).

^ Cl. les Actes du concile de Cirta (saint Augustin, Contra Cresconium, III, 27, 30. M igné).

" Saint Optât, De schisni, Donatist., VU, 1 : « Bibliothecae referlae sunt libris ; nihil deest ecclesiae ; per loca singula diTinum sonat ubique praecunium; non silent ora leclorum ; nianus omnium codicibus pleiiae sunt; uihil deest populis doceri cu- pientibus » (éd. Ziwsa, p. 16o;.

166 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

les Tesiimonia. Tantôt ils se réfèrent à d'autres textes « afri- cains », plus ou moins apparentés aux précédents. Tantôt, enlin, ils se servent de versions mixtes, entrent beaucoup d'élé- ments « africains », mais se marque aussi l'influence de textes étrangers. L* s citations des deux premières catégories se ren- contrent chez tous les auteurs africains du iv^ siècle. Celles de la dernière catégorie sont particulières à deux écrivains originaires d'Afrique, mais entraînés loin du pays natal par les hasards de leur vie : Lactance et Victorin.

Les extraits bibliques, souvent assez longs, que Lactance a in- sérés dans ses Ijisiilnlions divines ' et dans son Épilome, ont été étudiés jadis avec le plus grand soin, et nettement classés*. Les deux tiers de ces citations (cinquante environ sur soixante-dix) ont été empruntées, textuellement, ou avec d'insignifiantes cor- rections, aux Testimonia ; parfois même ont été conservées les expressions de saint Cyprien qui précédaient et annonçaient le morceau^. Il est plus difficile d'indiquer exactement l'origine des fragments bibliques Lactance s'écarte des Africains. Il a consulter des manuscrits grecs, car il s'y reporte quelquefois expressément* ; et la chose n'a pas lieu de surprendre, puisqu'il vécut longtemps à Nicomédie. Mais il paraît avoir connu aussi des textes latins du groupe dit « européen ». Dans les quelques livres il ne suit pas saint Cyprien, il s'est servi probablement d'exemplaires africains corrigés d'après des manuscrits étrangers à l'Afrique.

La Bible de Victorin, qui était en Proconsulaire, mais qui vécut surtout à Rome % présente des contrastes encore plus ac- cusés**. Parfois son texte est franchement « africain », presque identique à celui de saint Cyprien :

VICTORIN. SAINT CYPRIEN. VULGATE.

Sai'/it Luc, u, 10-11.

* Ne timueritis ; ccce « Ne timueritis ; occc Nolitc Unierc ; ecce ciiim annuntio vol)is Jîau- <i\\\madm(,nttoyo\nS'.-.,quo- oiiini cvangelizo vobis gau-

' Cf. surtout Divin. Insfit., IV, 6-30.

* Hoiisch, Beitrai/e zur patristischeii Texff/eslali vnd Latinitât. II, Aus Lac- tantlHS, 1871 {Zeitschrift fur die historische Theoloi/ie, t. XLI, p. 531 sq'q.); S. Brandt, Firmiani Lartavti opéra omnin, Pars I, 1890, Prolegnmen., p. xcvii sqij.

* Kônsch, 0. l., p. 618 sqq. ; S. Brandt, Prolei/omen., p. xcix.

* Lactance, Divin. Jnstil., IV, 7, 7 : « Unde in quibusdam grœcis Scripturis, qunD maie de hebra;icis iaterprelata; sunl, r)).£i(A|i.£vo; scriptum invenilur.

* Ci. 1'. Monceaux, Les Africains, 1894, p. 402 et suiv.

* Ainsi, pour ses citations de saint Matthieu, Victorin s'est servi d'un texte t afri- caio » dans son De physicis liher, et d'un texte européen dans ses autres ouvrages- Cf. Wordswortli, Saaday and White, Old-Latia btblical Tcxts, t. II, p. lxxxvi.

LA BIBLE LATINE EN AFRIQUE

167

dium niafrnum, quod est omni popido ; çuoniam na- ins est vobis hodie salva- lor, qui est Chrislus Jésus, in civitale David {De phy- sicis liber, 21).

« Quodsi mordelis et ac- cusât is invicem, videte ne consumamini ab invicem {In Epist. Patili ad Galat., II, b, 15).

niam natiis est vobis hodie diuni niapnuni, quod eri salvalor, qui' est Chrislus omni populo ; quia nalus Jésus, in civitatc David » est vobis hodio salvalor,

(Testtmon., II, 7)

Saint Paul, Galat., v, 15.

« Si autem mordelis et inciisatis invicem, videlc ne consumamini ab invicem {Testimon.. III, 3).

qui est Chrislus Dominus, in civitate David. »

Quodsi invicem mor- delis et comodilis, videle ne ab invicem consuma- mini. »

Le plus souvent, Victorin suit un texte mixte, qui semble trahir une revision «italienne », et qui, pour le Nouveau Testament, marque assez bien la transition entre les vieux textes « afri- cains » et la Vulgate :

TEXTES AFRICAINS

Saint Paul, Ephes., ii, 17-18.

Et cuin venisset, adnun- tiavit vobis pacem kis qui longe et pacem his qui prope ; quia per ipsum ha- bemus accessum ambo in uno Spiritu ad Palrem (Saint Cvprien, Testimon., II, 27). '

Saitit Paul, Philipp., ii, C-10.

Qui in figura Dei con~ stitutus non rapinam arbi- tratus est esse se gequalem Deo ; sed se exinanivit for- mam servi accipiens, in si- militudine hominis faclus et habilu inventus ut homo. Ilumiliavit se factus obau- diens usque ad mortem, niortem aulem cruels.' Prop- ter quod et Dcus exaltavit illum, el donavit illi nomen, ut sit super omne nomen, ut in nomine Jesu omnes genu auvent, cœlestium et lerreslrium el infernorum » (Saint Cypricn, Testimon., II, 13). "

Crenes., i, ■'i-S.

« 'Et separavit Deus inter Et divisit inter luccm

lucem et tenebras... Ht lac- et tenebras » [Sententim epis-

« El veniens evangeli- zavil pacem nabis qui longe et pacem his qui juxta; quoniam per ipsum acces- sum habemus utrique in uno Spiritu ad Palrem {In Epist. Pauli ad Ephes., I, 2, 17-18)..

« Qui cum in forma Dei constitiitus esset, non rapi- nam arbitratus est, ut esset (cqualis Deo ; sed et semet- ipsum exinanivit, et servi siimpsit tbrmam in si/iiili- tudine hominum faclus, el habilu inventus tanquam homo. Ilumiliavit se ipsum, subditus faclus usque ad mortem, mortem autem cru- els. Propter quod et Deus exaltavit illum, et donavit illi nomen, ut in nomine Jesu omnes genua flectant, cœlestium, terrestrium, et infernorum [In Bpist . Pauli ad Philipp., Il, G-\0).

« Et veniens evangeliza- vil pacem vobis qui longe fuistis, et pacem ils qui prope ; quoniam per ipsum habemus accessum ambo in uno Spiritu ad Palrem. »

« Qui cum in forma Dei essel, non rapinam arbitra- tus est esse se lequalem Deo ; sed semetipsum exi- nanivit formam servi acci- piens, in simililudinem ho- minum faclus, et haliilu inventus ut homo. Ilumi- liavit semetipsum faclus ohediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Prop- ter quod et Dcus exaltavit illum, cl donavit illi no- men, quod csl super omne nomen, ut in nomine Jesu omne genu flectatur, cœ- lestium, terrestrium et in- fernorum. >

Et divisit luccm a le- nebris. . . Faclumquc csl

168

REVUE DES ÉTUDES JUIVES

lum esl vcspero, cl factum est mane, dies unus {De verbis Script unr, 3).

« FianI duo luminaria in firmamenlo «pli, sic ut Iti- ceant super terram in in- choatione diei et noctis ; ita ut dividant inter diem et noclem, et siiit in signa, dies et tempora et annos [De verbis Scripfur/r, /i).

coporum, 43). El divi- sit Deus inter luccm et in- ter tenebras... Et facta est vespera, cl factum est mane, dies unus ' {De Pascha com- put., 3).

Ih., I, l'i.

Fiant luminaria in fir- mamenlo cœli, ita ut lu- ceant super terram, el divi- dant inter diem et noclem, et sinl in siqnis, in tempo- ribus et in diebus, el in an- nis ' (De Pascha comput., 5).

V espère el mane, dies unus. «

Fiant luminaria in fir- mamenlo Cifili, el dividant diem ac noctem, et sinl in signa et lempora, et dies cl annos.

Au contraire, chez les vrais auteurs africains du iv^ siècle, ceux dont l'horizon s'est borné au pays natal, toutes les citations bibliques appartiennent au groupe « africain ' ». Tel est le cas de saint Optât, évèque de Milève en Numidie. Gomme saint Cyprien, il suit toujours, pour chacun des livres sacrés, un texte unique - ; ce texte se retrouve jusque dans les documents historiques ordi- nairement joints à ses œuvres, par exemple, dans le procès-verbal de l'enquête dirigée par Zenophilus, gouverneur de Numidie ^. Cette version est apparentée à celle de saint Cyprien, mais s'en distingue souvent par le détail *. Voici des exemples empruntés soit à saint Optât, soit au principal document de V Appendice :

SAINT OPTAT.

CESTA APUD ZENO- PHILUM.

.«AINT CYPRIEN.

< Qui me confes- sus fuerit coram ho-

Saint Matthieu, x, 32.

Quicumque con- fessHS fueril me co-

« Omnis ergo (jui eonlilebilur me co-

' On observe le même fait dans les œuvres d'un évêque italien de la seconde moitié du iv siècle, Zenon de Vérone [Patrol. lat. de Migne, t. 11 ~i. La plupart de ses' citations s'accordent avec celles de saint Cyprien. Cette coïncidence paraît donner raison aux savants ijui croient à l'origine alricaine de Zenon. Cf. Sabatier, Praefat.,

p. XLIV.

•^ Par exemple, Ezéchiel, xiii, 19 (cité par saint Optât, IV, 6 et V, 11); saint Jean, xiii, 10 (cité par saint Optât, IV, 4 et V, 3), etc. Les exceptions, très rares, ne sont qu'apparentes, et s'expliquent par la substitution ultérieure des leçons de la Vuigate.

^ Gresla apud Zenophilum, à la suite de l'ouvrage de saint Optai, éd. Zivvsa, 18',)3, p. 185 sqq. Par exemple, saint Jean, xiv, 27, est cilé en termes identiques par saint Optai (I, 1 ; II, b), el par les Gesta apud Zenophilum (p. 190 et 192).

* Ainsi pour l'Évangile de saint Matthieu, le texte biblique de saint Optât difTère légèrement de celui de saint Cyprien; mais il n'en est pas moins entièrement alricain; il est à Id même étape du développement que le texte du Codex Bohiensis (Words- worth, Sanday and White, Old-Latin biblical Te.Tts, t. II, p, lxxxviii).

minibus, confilebor eum coram Pâtre meo » [De schism. donatist., III, 3).

« Ite, haptizate omnes génies in no- mine Patris » [De schism. donatist. , V, 3).

Venit Filius Dei ; quolquot eum rece- perunt, dedil eis po- teslatem ut filii Dei fièrent qui credunt in nomine ejus [De schism. donatist. , IV, 2).

« Paceni meam do vobis, pacem meam relinquo vobis » {De schism. donatist., I, 1.; II, 5).

LA BIBLE LATINE EN AFRIQUE

ram hominibus, et ego coniitebor illum, coram Pâtre meo [Testimon., III, 16; Ad Fortunat., 5).

/*., XII, 37.

« Ex ore tiio con- De sermonibus

demnaberis, et ex cnim tuis justilifa-

ore tuo justiiicabe- beris, et de sermoni-

ris ( Gesta apnd lus tuis condcmiia-

Z enophilum, à la beris {^Testimon.,

suite de Touvrage III, 13). de saint Optât, éd. Ziwsa, p. 190).

Ib., xxviii, 19.

Ite ergo et do- cetc gentes omnes, tinguentes eos in no- mine Patris » Epist. 28, 2; 63, 18; 73, 5).

Saint Jean, i, 11-12.

In sua propria venit, et sui eum non receperunt ; quotquot eum rece- perunt , dédit iliis potestatem ut filii Dei fièrent qui cre- dunt in nomine ejus » [Testimon., 1, 3).

« Pacem meam do vobis, pacem meam démit to vobis » [Tes- timon., III, 3).

Ib., XIV, 27

' Pacem meam do vobis, p a c e ni meam relinquo vo- bis [ibid., p. 190 et 192).

Saint Paul, Galal., v, lii

« Videte ne, dum mordetis et causa- mini invicem, ab in- vicem consumami- ni > {ibid., p. 190).

Si autem mor- detis et incusatis in- vice m, videte ne consumamini ab in- vicem » [Testimon., III, 3).

169

ram hominibus, con- iitebor et ego eum coram Pâtre meo. »

Ex verbis enim tuis justificaberis, et ex verbis tuis con- damnaberis. »

» Euntes ergo do- cete onuics gentes, baptizantes eos in nomine Patris. »

« In propria ve- nit, et sui eum non receperunt ; quot- quot autem recepe- runt eum, dédit eis potestatem lilios Dei iieri, his qui credunt in nomine eius. »

« Pacem relinquo vobis, pacem meam do vobis.

« Quodsi invicem mordetis et comcdi- tis, videte ne ab invicem consuma- mini. »

Isale, i, lC-18.

« Expellite mali- « Aufcrte neçui- Aul'orle mahun

gnitatem de animis tias ab animis ves- rogitationum vestra-

vestris.-. Et venite, tris a conspectu onu- rumaboculismeis...

disputemus, dicit lorum meornm-.- Et Et venite, et arguile

Dominus {ibid., venite disputemus, me, dicit Doniinus. »

p. 191). dicit Dominus 'Tes- timon., I, 24).

170 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

/*., II, 3.

Ex Sion prod iet ' Do Sioii etiim De Sion exibil Icx, et verbiim Do- procède tlvs., et ver- lex, et verbutn Do- mini de Ilierusalem bum Doininirtéllic- mini de Jérusalem. » {De schism. dona- rusaleni [Testi-

tist., III, 2). mon., I, lu).

Les donatistes surtout ont fidèlement conservé la tradition des vieux textes « africains ' ». En cela, comme dans les questions de discipline, ces ennemis jurés de l'Eglise catholique ont été d'obs- tinés conservateurs. Saint Augustin lui-même s'en aperçut un jour à ses dépens. Dans l'ardeur d'une polémique, il avait très vivement accusé Donat de Cartilage d'avoir sciemment altéré, pour les besoins de sa cause, un verset de V Ecclésiastique -. Au- gustin se trompait alors. Il le constata plus tard, et, loyalement, il a reconnu son erreur dans les Rétractations : « Donat de Car- thage, dit-il, n'a pas été le premier à rebaptiser des chrétiens, quoique je lui aie attribué cette innovation dans l'ouvrage je répondais à sa lettre. Ce n'est pas lui, non plus, qui dans le livre de V Ecclésiastique a supprimé le milieu du verset en question. . . Avant même que n'existât le parti de I)onat, tel était le texte de très nombreux manuscrits, mais de manuscrits africains... Je l'ai appris depuis. Si je l'avais su alors, je n'aurais pas ainsi malmené Donat, en l'appelant voleur, profanateur de la parole divine ^. »

Cette curieuse rétractation éclaire, par contre-coup, les ori- gines de la Bible donatiste ; et le témoignage de saint Augustin est entièrement confirmé par l'étude des documents conservés. Toutes les citations des donatistes se rattachent nettement au groupe des versions africaines du m" siècle, soit aux textes mêmes de saint Cyprien, soit à des textes de même famille. Par exemple, un sermon prononcé pour l'anniversaire de plusieurs martyrs de la secte *, reproduit mot pour mot certains fragments des Testimonial comme celui-ci ;

Haint Jean, xv, 19.

Si do Sfcculo essetis, Si de sieculo essedx, Si de inundo fuissclis,

inquit sci"cw/«<m qiiod sauiii sificitluni quod suum essel iinmdus quod suum oral di-

' llaussleiter, Der Vrsprun,! de$ Donattsmus und die Bibel der Donatislen, 1S8'«, Cf. Sabatier, Praefat., ^ ir.7.

* Ecclesiastic, xxxiv, 30.

' Saint Augustin, Rétractât., I, 21 : « Nos autem, et antequam esset pars Donati, sic babuisse codices plurimos, verumtamen afros, ut non esset in msdio et iterum tangil tUiim, postea didicimus. Quod si lune scissem, non in islum tanquam in l'urem divini elofjuii, vel violalcrein, tanla dixissein. >

^ Sernio de l'assione Donati et Advocati (dans la Patrol. lat. de Mif^ue, l. Vlil, p. 1X)1 sqq.).

LA BIBLE LATINE EN AFRIQUE

171

esset amaret ; sed quia de scecido non estis, sed ego elegi vos de SfPcido, prop- lerea odil vos sœculuni » {Piissio Donati et Advocati-, dans la Patrologie latine de Migne, t. VIII, p. 736").

amaret ; sed quia de sœ- culo non estis, et ego elegi vos de Sipcitlo, pi'opterea odit vos Sfecul/(m ( saint Cvprien, Testimon., III, 29) .

ligeret ; quia vero de niundo non estis, sed ego elegi vos de mundo, propterea odit vos mundus (Vulgale).

C'est aussi, et exclusivement, de textes « africains » que s'est servi Tyconius, l'un des principaux écrivains donatistes, et le mieux connu de nous '. Dans son livre intitulé Des sept règles^, les extraits bibliques ont avec ceux de saint Cyprien le plus étroit rapport :

SAINT CYPBIEN.

« C'auete, inquit, ne quis vos seducat. Mulli venienl in nomine meo [De septem regiUis, reg, I).

« Tu autem dixisti in animo tuo : In cpelum as- cendani , super stellas Dei ponam sedem meam, sedebo in monte alto super montes altos in Aquilonetn, ascen- dain super nubes, ero simi- lis Altissimo. Ntenc autem ad in/eros descendes in fun- damenta terr/P ', et qui vi- derint te, mirahuntur Sîiper te » [De septem regulis, reg. VII).

Et aspergam vos aquam mundam, et mundabimini ab omnibus simulacris ves- tris ; et mundabo vos, et dabo vobis cor novum, et spiritum novum dabo in vobis (De t.eptem regulia, Tes. IV).

Saint Matthieu, xxiv, 4-5.

« Cavete ne qui vos fal- lat. Multi enim venient in nomine meo » {Ad Fortu- nat., 11).

Isaie, XIV, 13-16.

« Tu autem dixisti in animo tuo : In cselum as- cendam, super stellas Dei ponam sedem meam, sedebo in monte alto super montes altos in Açuilonem, ascen- dam super nubes, ero simi- lis Altissimo. Tu vero ad inferos descendes in funda- menta terrte ; et qui vide- bunt te, mirabuntur super te ' [Eptst. ">d, 3).

Eeéckiel, xxxvi, 2:;-26.

« Et aspargam super vos aquam mundam, et tnunda- mini ab omnibus immum/i- tiis vestris et ab omnibus simulacris vestris ; et mun- dabo vos, et dabo vobis cor novum, et spiritum novum dabo in vobis Œpist. 69, 12; 70, l).

Videte ne quis vos se- ducat. Multi enim venient

m nomme meo-

« Quid dicebas in corde tuo : In cselum conscen- dam, super astra Dei exal- tabo solium meum, sedebo in monte testamenti, in la- teribus Aquilonis, ascen- dam super altitudinem nu- bium, similis ero Altissimo. Verum tamen ad inl'ernum delraheris in prol'unduni laci ; qui te viderint, ad le inclinabuntur, leque pros- picient. »

« Et eirundani super vos aquam mundani, et nuin- daliimini ab omnibus in- quinamentis vestris et ab univeisis idolis vestris ; mundabo vos, et dabo vobis cor novum, et spiritum no- vum ponam in medio ves- Iri.

Il est à noter qu'ici l'écrivain donatiste se rencontre avec saint Cyprien sans copipr les Testimonia. Tyconius cite directement

Burkitt, The Rules of Tyconius, 189i, p. lui et suiv. (dans Texts and Studies^ 111, 1).

' Liber de septem regulis ou Liber regularum (dans la Pat roi. lat.de Migne, t.XVllI, p. 15 sqq.; édition critique par Burkitt, The Rules of Tyconius, 1894).

172 KEVUE DES ÉTUDES JUIVES

d'après les vieilles traductions latines, et il a eu entre les mains des manuscrits analogues à ceux dont s'était servi saint Cyprien. Témoin son Commentaire sur C Apocalypse, il avait ins4ré d'un bout à l'autre le texte « africain de l'ouvrage interprété, ce précieux texte que nous a conservé la copie de Primasius'. Partout la comparaison est possible, cette vieille Apocalypse latine coïncide entièrement avec les citations de saint Cyprien et avec les fragments du Palimpseste de Fieury - : mais ici le texte est complet, ce qui implique une transcription directe d'un ma- nuscrit de l'ancienne version. De plus, pour contrôler cette ver- sion principale qui servait de base à ses commentaires, Tyconius citait souvent des leçons d'une autre traduction 3. Ces deux faits sont très significatifs. D'une part l'on constate, chez les donatistes encore plus que chez les catholiques africains du iv« siècle, la persistance et la prééminence des textes employés par saint Cyprien. Et, d'autre part, on voit par un exemple dé- cisif que la version mise en honneur par saint Cyprien n'était pas seule en usage, qu'elle avait des rivales, au moins pour cer- tains livres, dans d'autres traductions du même groupe, voisines sans doute, mais non identiques. Pluralité des textes, et prédomi- nance de l'un d'eux, grâce aux Testimoma q\. à l'autorité de saint Cyprien : tels sont, aux m'' et iv« siècles, les deux traits essentiels de l'histoire des versions bibliques du groupe « africain «.

Paul Monceaux. [A suivre.)

Cf. Haussleiter, Die lateinische Apokalypse der altcn afrikanischen Kirche, 1891.

* Ihid., p. 79 sqq. 3 Ibid., p. XIII.

LA

QUERELLE AU SUJET DU CALENDRIER

ENTRE BEN MÉIR ET LES ACADÉMIES BABYLONIENNES

Dans le cours du x'^ siècle, une vive querelle au sujet du ca- lendrier s'éleva entre Ben Méïr, le Nassi de Palestine, d'une part, et, d'autre part, les Académies de la Babylonie et Saadia. Ben Méïr avait décrété qu'en l'an 922, la Pâque et les autres fêtes seraient célébrées deux jours plus tôt que ne le prescrivait le calen- drier traditionnel. Saadia et les docteurs babyloniens firent à cette innovation une opposition très vive. Ben Méïr refusa d'obéir à leurs injonctions et leur dénia toute autorité dans les questions de calendrier. Les deux partis eurent des adhérents partout, en Pales- tine comme en Babylonie. Il s'en fallut de peu que les mesures •prises par Ben Méïr ne provoquassent, dans le sein du Judaïsme rabbinique, un schisme gros de conséquences. C'est grâce à l'in- terventicn énergique de Saadia et des docteurs babyloniens que la scission ne fut pas de longue durée.

L'opposition faite par Ben Méïr contre le calendrier usuel, inté- ressante en elle-même, provoqua la production d'écrits qui con- tiennent d'importantes contributions à Fhistoire des Juifs au x'' siècle, ainsi qu'à l'histoire du calendrier rabbinique et à la bio- graphie de Saadia. Je me propose de réunir ici les matériaux existants sur cette matière, en y ajoutant les explications néces- saires. Je donnerai en dernier lieu les quatre Portes de Naharwani qui sont très utiles à l'intelligence de cette querelle.

I. Littérature.

Les textes relatifs à Ben Méïr sont connus depuis peu de temps. La première mention, assez vague, de l'existence d'un Ben Méïr et

174 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

de son opposition aux Académies de la Babylonie nous est par- venue par l'extrait d'une préface de Saadia à son •^ib:ir! 'c, que Firkowitz a publié dans le journal y-'bwn, 1868, n"^ 26-27. Saadia y raconte qu'à l'époque il était en Irak, il écrivit en hébreu, à la prière de l'exilarque, un livre, û■'^:'^?û '"c, traitant des faits qui suivirent l'acte révolutionnaire de Ben Méïr. En 1891, parut dans n-^STOi^-iV in"ir!T de Harkavy, V, 150 et s., la préface entière du 'o "^"hyr,, mais celle-ci ne contient sur Ben Méïr rien de plus que ce qui a été publié par Firkowitz. Par contre, M. Harkavy publia dans le même ouvrage, si instructif, p. 213-221, un fragment pro- venant d'Oxford, qui donne des éclaircissements suffisants au sujet de la querelle de Ben Méïr. Il contient, en efïet, la fin d'une lettre des Babyloniens adressée à Ben Méïr et la réponse de celui- ci. M. Harkavy y mit à profit aussi un fragment trouvé par lui dans la bibliothèque de Saint-Pétersbourg*. En 1893, M. Friedliinder publia, dans la Jeiv. Quart. Review, V, 137, la plus grande partie de la lettre de Ben Méïr, sans indication du ms. dont il s'était servi et sans dire que la lettre avait déjà été publiée par M. Harkavy. Mais on reconnaît aisément que M. Friedlànder a utilisé le ms. d'Oxford. Il en a omis certaines parties et, dans ce cas, il met"i5i. Il donne d'excellentes leçons, mais ses restitutions sont défectu- euses et ses explications ne peuvent se soutenir. En 1900, M, Israël Lévi a publié ici même {Revue, XL, 262) une partie de l'intro- duction à la lettre de Ben Méïr, d'après un fragment de la Gueniza trouvé par S. Schechter et contenant quelques passages qui sont omis dans le fragment d'Oxford. Nous donnerons les matières mentionnées jusqu'ici sous le III. D'autre part, M. Neubauer a publié, dans la /. Q. R., IX, 37, une lettre sur l'affaire de Ben Méïr, qui est probablement de Saadia. Cette lettre est reproduite ici au chapitre VI. MM. Adler etBroydé ont publié, en outre, dans cette Revue (XLI, p. 224), un fragment du t=i-'i:ri»n 'o de Saadia, il traite des incidents de cette querelle et reproduit une lettre des Babyloniens contre Ben Méïr. Nous donnons ce fragment, ex- trêmement important, sous le n°IV. Enfin, M. Israël Lévi a publié dans la Revue (XLI, p. 230) un fragment il est question d'un calendrier spécial qui ne se trouve nulle part ailleurs (notre numéro V).

La querelle de Ben Méïr a déjà provoqué quelques travaux. M. Poznanski a écrit, dans la/. Q.R., 1898, X, 152-161, un article

' Harkavy, ibid., p. 220, a publié un autre l'ragment, plus petit, provenant de la Bodléienne (ms. 2G60, 27), qui, selon lui, appartiendrait au Û'^n^^lTOn 'O de Saadia. Ce morceau étant tort défectueux et ne contenant rien sur la question qui nous intéresse, Je n'eu tiendrai ici aucun compte.

QUERELLE AU SUJET DL* CALENDRIER 173

intitulé : Ben Meïr and origin of the jewish Calendar. En 1900, M. Harkavy a inséré, dans le journal hébreu -j-ijin, II, 89-91, des additions à son travail sur Ben Méïr. Goname on lit dans le travail de M. Harkavy, V, p. 212, j'avais promis, dès 1891, à mon savant confrère et ami d'expliquer la partie de la lettre de Ben Méïr concernant le calendrier. Je n'ai pu jusqu'à présent tenir ma promesse. Maintenant que nous avons sous les yeux des écrits de polémique provenant des deux imrtis, j'espère obtenir, en les expliquant, un succès plus complet. Mais, avant de présenter au lecteur ces textes, il me faut rappeler quelques règles du calen- drier juif et préciser davantage l'objet de la querelle.

II. DÉPLACEMENT DU NoUVEL-An. ObJET DE LA QUERKLLB.

L'année juive, comme on sait, est une année lunaire, qui, tous les deux ou trois ans, est ramenée à l'année solaire par l'interca- lation d'un mois de trente jours. L'année lunaire elle-même a besoin de rectifications, afin de concorder entièrement avec les phases de la lune. Dans ce but, l'année lunaire ordinaire de 354 jours (nmori rir^) tantôt reçoit un jour de plus ; dans l'année simple, elle compte 355 jours, et dans l'année erabolismique 385 jours; en ce cas, elle est une année pleine (nTob'û r!:o) ; tantôt elle compte un jour de moins, 353 jours et 383 jours ; dans ce cas, c'est une année déficiente (niDn^yj). L'addition ou la suppression d'un jour est déterminée par le déplacement du Nouvel-An (r-irm) ' . A cette occasion, on fait attention, pour certains motifs, d'éviter que le jour des Expiations ne tombe immédiatement avant ou après le sabbat et que la fête des Saules tombe le samedi. L'addition ou la suppression d'un jour se fait aux mois de Marheschwan et de Kislew. Dans l'année ordinaire, les mois ont alternativement 29 et 30 jours : Tischri a 30 jours, Marheschwan 29, Kislew 30, etc. . . Dans l'année pleine, Marheschwan a 30 jours ; dans l'année défi- ciente, Kislew a 29 jours. Les règles à observer pour la fixation du Nouvel-An sont les suivantes :

lo Le Nouvel-An ne doit pas tomber les jours Y'niî (dimanche, mercredi et vendredi). Il ne doit pas tomber le dimanche, parce que, dans ce cas, la fête des Saules tomberait le samedi ; il ne doit

11 semble que dès le siècle oq ait ainsi déplaça le Nouvel- An. Dans la Pe- sihta Rab., 71 a (éd. Friedmann), il est dit : T'jm^ pT rT'n "lITa N:'"^ain 'l %n

n-, ■^nrnb ■;•'■; n-in i3b7:;o "!N N^b?: ansr; innc: n"-i am TiBNi

"in 723. Dans les passages parallèles, les mots soulignés manquent. Ci. Midrasch sur Ps., iix, 10 ^éd. Buber).

IVfcl REVUK DES ÉTUDES JUIVES

pas tomber le mercredi, ni le vendredi, parce qu'alors le jour des Expiations tomberait le vendredi ou le dimanche, tout près du samedi. Si le Molad (la férié) de Tischri a lieu un des jours Y'nN, le Nouvel-An est rerais au jour suivant K

2" Le Nouvel-An n'est célébré les autres quatre jours de la semaine (ï'nVn) que lorsque le Molad Tischri a lieu avant midi-. S'il a lieu à midi ou plus tard, le Nouvel-An est remis au jour sui- vant. Si ce jour est un des jours Y'in, il faut que le Nouvel-An soit reculé de deux jours. On considère qu'il est nécessaire qu'à partir de l'apparition du Molad jusqu'à la tombée du soir, fixée à 6 heures, il y ait un peu plus de 6 heures.

3" Le lundi et le mardi forment une exception, et, dans certains cas, le Nouvel-An est ajourné, si le Molad Tischri a lieu le lundi et le mardi même avant raidi. Gest ainsi qu'il est remis au mardi, quand le Molad Tischri d'une année simple qui a été précédée d'une année embolismique , tombe 2 d., 15 h., 589 scrupules (û"'pVni ^. Dans une année simple, le Nouvel-An est rerais au jeudi, quand le Molad arrive 3 d., 9 h., 204 scrupules. Le motif de ces ajournements, c'est que les années en question doivent atteindre, sans le dépasser, le nombre de jours fixé (règle 1)*.

Le caractère d'une année, déterminant si c'est une année simple, déficiente ou pleine, dépend de la fixation du Nouvel-An dans l'année courante et l'année suivante. Si le Nouvel-An d'une année est ajourné, l'année n'aura que 353 jours ^ La différence entre le Molad d'une année et celui de l'autre, après une année simple, est de 4 d., 8 h., 876scr.,et, après une année embolisraique, de 5 d., 21 h., 589 scr. D'après cela, il est facile de calculer quand tombera le Molad de la seconde année, afin de savoir si le Nouvel-

' Ce déplacement se pratiquait déjà à l'époque talmudique, mais n était pas admis sans contestation. On voit par Soucca, 43 li, et jer. Soucca, iv, 1, que, d'après quelques docteurs, le Nouvel-An doit être reculé quand le Molad Tischri tombe le dimanche. Pour le mercredi et le vendredi, voir Rosch Haschana, 20 a; pour le vendredi, voir aussi j. Aboda Zara, i, 1.

* Ce déplacement en raison du Molad en retard CjpT *lbl73l paraît reposer sur

celte maxime : Nb nam ny^puîb ûTip nNisu; yiT'n ^\^^zr\ Dmp nbis

■.ibi; {Rosch Haschana, 20 è). La prétention de Slonimski (voir son "^HIO^ nTajTî, 2* édit,, p. 53) que m^n signifierait ici minuit, n'est pas soutenable pour divers molil's.

' Dans le calendrier juif, le jour est calculé de six heures du soir au lendemain soir à six heures. Les heures sont calculées de 1 à 24. L'heure est partafj;ée en 1080 scrupules (18 par minutei. 2 d., 15 h., 589 scr. correspond à lundi, 9 heures, 32 minutes, 43 1/3 secondes du matin. La lettre d indique le jour, h Vheure et s ou scr. les scrupules.

* A l'époque talmudique, l'année pouvait avoir 352 et 356 jours; voir Tosafot sur Arachin, 9 a.

" Si le Nouvel-An de l'année suivante est aussi ajourné d'un jour, le jour qui manque se trouve remplacé el l'année a 354 jours.

QUERELLE AU SUJET DU CALENDRIER 177

An de cette année doit être ajourné ou non. Cela fait, nous sa- vons si la première année est une année ordinaire, déficiente ou pleine. Il y a enoore d'autres limites fixées pour le Molad Tischri, en deçà desquelles l'année conserve un certain caractère et en change quand celles-ci sont dépassées. Ces limites ont été indi- quées à une époque déjà ancienne, dans un écrit intitulé Les i Portes (Voir chap. vu et Abraham b. Hiyya, -ii2:>n 'o, p. 64).

Ces règles concernant l'ajournement du Nouvel-An, qui furent certainement établies dans la période posttalmudique, étaient déjà généralement reconnues au siècle. Elles servirent de base, aussi bien à Ben Méïr qu'aux Babyloniens, pour leurs calculs : les deux partis invoquaient l'autorité de l'ouvrage Les 4 Portes; seulement Ben Méïr prétendait que cet écrit, en ce qui concerne les limites du Molad, était autrement conçu que chez les Babylo- niens et chez Saadia.

La querelle entre Ben Méïr et les Babyloniens ne roule, à vrai dire, que sur le moment après lequel le Molad Tischri est considéré comme tardif CjpT nViTD). D'après les Babyloniens, c'est le dernier scrupule avant midi. Mais, si le Molad a lieu à midi (d'après leur calcul des heures, à 18 h.), le Nouvel-An doit être ajourné. Ben Méïr ajoute à ce terme C42 scrupules et soutient que le Nouvel-An ne doit être ajourné que quand le Molad a lieu après 641 scr. de l'après-midi. Ces 642 scrupules, Ben Méïr les ajoute pour tous les autres ajournements. Il en résulte que parfois une année a un autre caractère d'après Ben Méïr que d'après les calculs des Baby- loniens. Si le Molad Tischri a lieu, par exemple, un dimanche, le Nouvel-An est ajourné, selon l'avis des deux partis, au lundi. Puis, si le Molad a lieu, l'année suivante, le jeudi à 12 heures 641 scrupules, d'après les Babyloniens le Nouvel-An est ajourné jus- qu'au samedi, et, par conséquent, la première année devient com- plète, car elle reçoit en supplément deux jours de l'année suivante comme compensation à la journée unique perdue par suite de l'ajournement du Nouvel-An du dimanche au lundi. Mais, d'après Ben Méïr, le Nouvel-An de l'année suivante n'est pas ajourné, et la première année qui suit est, par conséquent, une année défi- ciente. Marhesclnvan et Kislew n'ont alors que 29 jours, tandis que chez les Babyloniens chacun de ces mois reçoit 30 jours. D'après Ben Méïr, toutes les fêtes de l'année en question tombent deux jours plus tôt que d'après les Babyloniens.

La querelle entre Ben Méïr et les Babyloniens eut lieu en l'an 4682 de l'ère de la création (621-922). Les Babyloniens, qui comp- taient d'après l'ère des Contrats ou des Séleucides, comptaient alors 1233 (III, ligne 9). Ben Méïr, qui habitait en Palestine, oii l'on T. XLII, N" 84. 12

178 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

comptait d'après l'ère de la destruction, désigne l'année de la que- relle comme l'an 85.3 après la destruction (III, 1. 130), L'ère des Contrats commence l'an 3450 de l'ère de la création; si nous ajou- tons 3449 au chiffre des Babyloniens, nous obtenons l'an 4682. L'ère de la destruction du Temple commence en l'an 3830 ; si nous additionnons 3829 au chiffre de Ben Méïr, nous obtenons également 4682 '. Cette année 4682 était une année embolismique, et le MolaJ Tischri, calculé d'après la méthode usuelle, tombait cette année-là sur 4 d., 11 h., 932 scr. Ce calcul concorde avec les indications que Ben Méïr (III, 1. 130) et Saadia (IV, 1. 9) donnent de l'année de la querelle.

La dispute de Ben Méïr avec les Babyloniens portait sur l'année 4682 et les deux années suivantes. Les 3 années 4682-4684 sont exactement calculées par les deux partis. Le point de départ de la querelle fut, à vrai dire, l'année 4684, c'est-à-dire la 3^ année. En l'an 4684, le Molad Tischri tombait 7 d., 18 h., 237 scr. D'après les Babyloniens, c'était un Molad tardif, et le Nouvel-An devait être fixé au lundi (règle 1 et 2). Il fallait aussi ajourner le Nouvel-An de l'an 4683 du mardi au jeudi. Cette année-là, le Molad de Tischri tombait sur 3 d., 9 h., 441 scr. Si on avait fêté le Nouvel-An le mardi, l'année 4683 aurait compté 356 jours, ce qui est inadmis- sible (règle 3). En ajournant le Nouvel-An de l'an 4683 de deux jours, l'an 4682, année de la querelle, devenait une année pleine. Mais, d'après la prétention de Ben Méïr, le Nouvel-An de Tan 4684 ne pouvait être ajourné parce que le Molad n'avait pas encore dépassé la limite de 18 h., 641 scr. Aussi Ben Méïr n'avait-il aucune raison d'ajourner le Nouvel-An de l'an 4683, et il le fixa au mardi. Les Babyloniens célébrèrent donc le Nouvel-An de 4683 le jeudi, tandis que les Palestiniens, qui suivaient Ben Méïr, le célébrèrent le mardis L'année 4682, d'après Ben Méïr, était donc une année

' Les auteurs juifs qui vivaient en Orient font dater, il est vrai, l'ère des Contrats de l'an 3449, et l'ère de la destruction de l'an 3829 de l'ère de la création. Ils di- raient, par conséquent, que la querelle eut lieu en 4681. Mais cela ne change rien à la chose, car les Orientaux comptaient depuis la création du monde un an de moins qu'on ne compte pour l'ère habituelle de la création et observaient, en outre, les mêmes règles concernant le calendrier. Voir Rapoport, "j'^TJ "IT^'» P- ^'- ^^ ^^) ^* plus loin chap. Tii, noie sur la ligne 22 des quatre Portes de Naharwani.

* En elFet, Elias de Nisibis raconte qu'en l'an 309 de l'hégire, 1232 de l'ère des Contrats, il se produisit un dissentiment entra les Juifs de l'Orient et ceux de l'Occi- dent au sujet des jours de fêle. Les Juifs de l'Occident (les Palestiniens) célébrèrent le Nouvel-An le mardi, tandis que les Juifs orientaux (les Babyloniens) le célébrèrent le jeudi (Baethgen, Fragmente syrischer und arabiscker Historiker, p. 84, cité par Poznanski, /. Q. B., X, 153). Elias veut parler du Nouvel-An qui suivit Tannée de la querelle, c'est-à-dire l'an 4683 (,922-923 après J.-Ch.). Elias désigne l'année la querelle éclata comme l'an 1232, et non comme l'an 1233, de l'ère des Contrats, parce qu'il commence évidemment à compter cette ère un an plus tard que les Babyloniens et la plupart des auteurs. Ordinairement on date l'ère des Séleucides de l'an 312

QUERELLE AU SUJET DU CALENDRIER 179

déficientft et les mois de Marheschwan et de Kislew eurent chacun 29 jours. Le premier Nissan et le premier jour de Pâq^ue tombèrent cette année-là, d'après Ben Méïr, le dimanche, tandis que, d'après le calcul des Babyloniens, ils tombaient le mardi '.

Après cet exposé, les écrits de polémique de Ben Méïr et de Saadia seront aisément compréhensibles.

III. Fin d'une lettre des Babyloniens a Ben Méïr

ET RÉPONSE DE BeN MÉIR.

D'après Harkavy, Studien und Mittheilungen, V, 213-220, avec utilisation des textes édités par MM. Friedliinder (/. Q. R., V, 197-199) et Israël Lévi {Revue, XL, 262).

Les copistes ont beaucoup altéré le texte, par ignorance, surtout dans les passages relatifs au calendrier ; parfois ils ont complète- ment omis les chiffres. Les restitutions de Friedliinder ne sont pas soutenables (voir la note sur la ligne 107), mais, par contre, celui-ci a de bonnes leçons. Je prendrai pour base son texte, aussi loin qu'il s'étend, c'est-à-dire de la ligne 1 à 22 et de 84 à 153, natu- rellement en omettant ses restitutions. Je donnerai des explica- tions sur les calculs du calendrier dans les notes sur la traduction.

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avant J.-Ch., mais beaucoup d'auteurs en placent le début à l'an 311 ; voir Rapo- port, ibid., p. 78; Ideler, Èandbuch der Chronologie^ I, 223-534, et 11, 434. Le fait qu'Éiias commence à compter à partir de l'an 311 est prouvé par l'indication qu'il donne en même temps de l'an 309 de l'hégire. Ainsi tombent les objections que M. Poznanski présente (p. 160) au nom d'un ami.

' C'est à ce dissentiment au sujet de la célébration des fêtes que fait allusion le Caraïte Sahal b. Maçliah, quand il dit :

ûni'1722 ipbnïT D'^'wrwN nPD TwN (Saadia) i72nn"«cr; -^tt-^n !-!"« i:cbT t2n->nniî n^^binm c^-'-'b^nm ,;.'nnN] ûr SwS-i"::-» y-ix icsn Tw:>"ii

nb^b ibN "inn ,nbNb ibN "ibbpi ^IN-JH (les Babyloniens) Qn "^D Tl7:N

ban i"j::ni nir; nva -rjMzn '-^^-.'z-^ y-,N ■'•>:;;n r:^y''^ .t-\y:^y mnn "•iDio» û-'",:::» w-in .nbxb nbx 31373^] ttjt ,(,i. inx) -in73 DT'a irnNO:' isbn njyrc y-iN3 '^^i-zrcrx z'a r-i'^bnnn -^-inN isbri'j SwXt^i yiN

Pinsker, nVjlttlp ^!12"lpb, P- 36, cité par Poznanski, ihid., p. 154.

180 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

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mi:-^3D (1. pïWD) fm !-îy303 /'c^bir rr^D bbs'^Ln .'-i;n[Di] /'tzi-'Ms'a G"^;T^byriT £3'^«ï;rî ^n-iNm /^ f'7:"'io7:n t-iîin-iasT ,a"'72"npn

1"i7û!i S^b .ûiT^ibaa ûr!\smp ON-13 nb:D ms-inr: ipm"' v^îN-in ti"^;pn Q'^ian!^ ,-iy;o nriKn û-^-nn bxT*:;'? irnx mbnp 25 [D'^]'77:b72T ûibia-im g:p "^-laTiiT mai: ■^oï'idt max \nai r-ivs:a)

/û'^T'on r\^y ,arj npb ma (i. ■'iin) r;;\ir! rimm -^ïî-m n-nn ■^ar!i>5 i-s"-! -^TiTap ^û^^;^ î-ij^-'-l:; ,pii:rî •^b%s ^d-^nw^ r-iDïa .û-iw^wn npnb ^rrnw'^rî cn-'amaT ûiarjn ar!-'03'7aa fairiNn ,"'n bx -"îa 30

' Sans doute m"i;:\15 'j"'3?2b, c'est-à-dire 4682 de l'ère de la création [calculé depuis le Molad ^''^Ha).

' Abraham, d'après Gen., xxiv, 1, et Lévit. S., ii, 1 (éd. Wilna).

* Isaac.

* Jacob, d'après Gen. B., i.xviii, 12.

Joseph, d'après Ps., cvi, 18 (Harkavy).

•^ Moïse, d'après Ex., n, 2, et Kohélet li., iv, 9. ' Aaron.

Josué, d'après Jos., x, 13.

' Gédéon, d'après Juges, vi, 36-40.

'" Samson, d'après Juges, xv, 18-20. Û''?31Da = odorant, de bon goût.

" Jephté et sa fille, d'après Juges, xi, 30-40.

" Samuel, d'après 1 Sam., vu, 9.

" Élie, d'après I Rois, xvii, 1. et xviii, 37. Peut-être faut-il lire ici "^ataJnaT.

'* Elisée, d'après I Rois, xix, 10,

•■■' Jonas, d'après II Rois, xiv, 2o, et Jonas, ii, 1.

'" Les douze petits Prophètes, qui forment la fin des ouvrages prophétiques.

*' David. A partir d'ici jusqu'à aD3'"'inb D5 Cligne 8i), il y a une lacune chez Friedlânder, marquée par 't.'O.

*' Salomon,

*" Les sept pasteurs et les huit princes, d'après Michée, v, 4, et Soucca, 52 b. Les quatre forgerons, d'après Zacbarie, ii, 3, et Cant. R., ii, 13. Cf. Nombres R., IV, au commencement. Kalir, dans le Moussaph sur "winn n'iIÎID, dit :

QUERELLE AU SUJET DU CALENDRIER 181

mn?: h:5a (i. û'^ys^Ji^i) t-n:5>suJ'i"aT .mitî^nn n^^ina û-'S'^iitT^i^

(■.'d'''ûn5>r:) a-^-^iïîi'r: ,maro .qibn bsb yen (?d'^3m3i:^) û"^3in;ri .'^ï)i ■^-ini-îïobi û-^îo^nb m-i nna ^•^^■2^ p bj' .û-^tt nbrii: -«"i "jinsd ,(1. ûs^sïid) û^sna ûbip in"»::-' ï^^n

■^vs (1. ^nn^) nD":5 Sd br (i. ts^'û H) n72':3 S^ron (i. y-cN^i H) iî^ï^^t i^^snni*

(i. ibii':5 ■^») nbliû?: .û"';i'i5 t-in)3TT D-^ssn D^D Y^'^ VT Tipam .û-'^ano qs?: (i. ûi:^"' H) ût^ïsd"^ û'^sis'^m û-'Bnn 33

r-iT^an m-inbi .'û'^iïj rr^s» cibx in-:s>-i7:73 ibiobi^sm .û-^ssi is"^:»?: bn;nr:bT .-û-^si^iD ya (i. ni:n;n n-T^D3 m-iDbi H) inîrnsr:

"^an T'bionp -iïjn r">::p*i5p -iïJN 1inbp:> (i. 'ni:.'3 H) n-^yn ^sino^bT .^ û-^sdini^ nnbn^iDi py3 n-'Sf^b iTîîpitTCJ (I. '-^ msina) '-rnaina iDisnnbT .* t:'^5"'5373

û^pii:72 &:> cniDa aonbi .«û'^5tt^ b3> ï-rbnyssrt iiboidnjû 4fl 'C ''"n!^:D .'t3-^2iu: f-rb^^bai t2\^-np tsT^n "-iïïn •fïn-'NT

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..•pni:'<i»T 15)2)3 bin:; ûibo is'^i) nï-jp yn^ïnsoi L) ...?i2ttn rjbina (i.ynn^isD L) ym ?i3» \w isbo '"iin "y^"!?! S5«T '" t=;'>2':;72r!n a-^^^inii v^i /i^-^iob Snatii'^n y-iDicm û"'-jDT:jri )^2^ tz'^y^^i-^^ y-nnn i«t yT^j^brir! ■jtjn 45

■^'î2n'nTi> niriîî -^a^sT v'-i ««lî-rp?:! n'^i^in ^ntû-^

S::>T .û'^DDino?: i;ït innax Sirai û'^'^ijn isn lï^-iitT^

&biyb mTyi «bi :?3Ti'.) aïrN î<b -^r» t2i55>">:;3 ns^s i^Dn

•J« î<b mu^: (di'ist H) annsT ï-tt!-; '-ùvr,

ri'T'in ûD-^b3> n2\nbDm .i^-^d»

■^bs-i ûi^rj ûip'a "^"-^ bD-^n Si72 '^ D\-T^Tn nna ûsbu np-^ "spT b^n

' Le "lail "IIO, d'après Ps., L, 10, et Pesikta di R. Kahana, 57 b.

» Le Lévialhan, d'après Job, xl, 30, et Baba Batra, 74 é (H.).

3 i>T^ fif, d'après ^a^<a Batra, d'b (H.).

D'après^. 5., 75a (H.).

« D'après B. B.,ibid. (H.).

e Voir Jellinek, Belh-ha-Midrasch, II, 52, et V, 42.

7 Le jour ils étudient la doctrine écrite (la Bible) et la nuit la loi orale, tradition- nelle ; cf. Midrasch sur Ps., xix, 7 (éd. Buber), et les passages parallèles.

8 Ici le texte s'arrête chez Harkavy, qui remarque (p. 215, note 5) qu'il manque un feuillet ou davantage;. Ce qui suit a été publié par M. Israël Lévi, Bévue, XL, 262.

9 M. Lévi émet l'iiypolbèse qu'il faut lire yi rT^aT^I ou "Ji! nia ax.

*• Cf. D"'jujttT û"^"lD"lO dans Tintroduction de Bcha R. au commencement.

" Pluriel de î<-n « rangée ». On veut parler des rangées de disciples dans l'Aca- démie ; voir Nathan Babli chez Neubauer, Anecdota, II, 87, et Baba Kamma, 116 a.

" Ceci se retrouve aussi chez Harkavy, p. 215, ligne 12.

1* On avait coutume de visiter le Mont des Oliviers pendant la fêle des Tentes, voir le Séfer Hasidim (éd. Berlin, 1891}, § 630; Luzatlo, dans ûnp niD-'br!, p. 41, et

182 REVUE DES ETUDES JUIVES

Ss yia-^pa •'"■' laip?: "^i^ïJ S:'! * (?) in^îi ly'û Sri .^-^inb^

DsbitN -iNiasa liimiria "»3 .i2'«r3 "^^i^ iniitri n^x tznVja û-^-Timpri by 15^:22 ?Dm isanb Sd^ tn^nN 111^572 15:'27:3 t<îb

T^m Cj-^STnb n-'3>i -i-'is^n ns-^n^oT î-iî-^iîo bra is^ii: isnnbi): y-iN nrb:? !-Ta"ii< nnas p"»»! .ûSNra ti-'n:?:! û^bia * n'^n\nDr; n-^N-np 60

S:d bN turiNia isb'j: '-nnso bsT ■'■^•'"n^on rm .i^nnb?::; nos

t-n»ip7:!i •^tt^Dn 1^2 î-i2nN nn^r: Nb ûbir» ■'^ ûsb irnnriN mn û-^i^-im^: ♦cnm riTi^n-^o iiit-i -^r;-^ .nnn ï-ît r-iraD [S33 "^52:3^11] 'uji ynx

ib-'Nm (1. -nTîNn) ^wiNr: msn ûans -1^5^ m-i:«Nrt S:: irbN i3>-':i!n cs-^^a-^ri es

rsai Nin ^ t3-'52^»nin T^sn^i ts-^anar: vtt5:>»3 t=i5bii:N ynT!^ "ïs^n

am isj'i'^ m-iiN3 nDSiann ^ïïn n:!>a'i .nb t=i'^^iT arni Grib

(L. Snp) mï5'i!n Kbi ,dbi3>r; "^n tDb-'re^^ xbo tn'ai uiz^i'S û-^d-^sd» 'nm 'o

yn^b rr^ina '\:iybi2 vjiizz isn^sb "ISO ,b"2:T 3p5>-' ■ij''3N7û -i3-!b !-i\N-n '^...y-iNb ï-i:i:inb ii-'nN npy^ s-<2:'^W5 b"T •ij\m3n» '^T^n-^bN m-nisa ,-l^^■^ i"^--^ n-iTi mi"^ ('? 3-i3) ^22 '-1 nawxo ... 75

ce que Harkavy cite au sujet de ce passage. C'est dans ce sens qu'il faut corriger Luncz, Jérusalem 1, G5 (du texte hébreu). 1 Ainsi dans les deux mss.

* Edits d'excommunication (H.).

3 M. Lévi u la leçon "{"i-^J'ai, qu'il explique par "^"i n";Ti'aT.

* Mes fils (II.).

'^ Celui qu'on nommait Ben Zakkaï. Il était alors exilarque.

e Telle est la leçon chez M. Lévi. M. H. a i'iT'" ■'wNDT p i<"r> n3nS "T>ai<.

' Ironiquement.

** Sans doute Cohen Cédek, qui était alors, en même temps que Mebasser, pré- sident de l'Académie de Poumbedita; v. Scherira, dans Neubauer, Anecdota, I, 40.

'•' Au sujet de cette dénomination de Saadia, v. Ilarkavy, p, 223.

'" Le sens me paraît peu clair.

" Chez Ilarkavj', il manque ici un feuillet ou davanlap:e. Les trois lignes sui- vantes ne se trouvent que chez Lévi.

'^ Pif/tê di R. Eliézer. vm (Lévi). Ici s'arrête le manuscrit de M. Lévi. Ce qui suit jusqu'à la fin n'existe que chez Harkavy.

'^ Sanh''drin, 5 a.

QUERELLE AU SUJET DU CALENDRIER 183

!-i«s t25 'UJ"" y-iï* ■'53 S:^ s-iT^D-i ï-rbisr; ^snb i-^ni ,!nbn5M

ï-ry»ujj Nbn nnN-i3 t<bn .-^ tsnn inb'wi -i73Tb n-iT" tzi'nwbnn

■^33 n^x ûîib r-iv«2in T^w^rib nx inb in m-nnb ï-ibi:;rn ■'snb

'ïj-' y-iN SN-'btts pib tL-'*ii33'T nvmr; ritt^aî T'y» tanittbn myi 80

S"T •l3"'aN

yina

yn-iN 110 ts^jb nN2b lio-iiti^i ^^-^obi .yn^b f^bi Nnn »b is-^T'a miB'iin^a -:nN73 -^5 m^-inb G- t:"^i:ya) t-in^w Sn iiN"'a ûD^-inrib "nii ,i;m72ri Tnnr! iiaiana ^-iv>r ddîo : ïJ-nD73 N-in pi .b"- a-^2ri*N-in ûrû^nn i3n7:b -i^n -i3>ujt nyy: 85

5-i3u:3 'N3 Nb iisni !-T3\an uji^-i yN\a

N-'Oî!-: 'brai, 12-1 -li^mn^w iîot^t isiTabo y3:5>D /na cîbi '12 Nbi

&V3T 'rîT ':t "'rïïa t^bs /^r: •:;i<-i n"nN Nb N^cir: rmn-' 1:3m

inN3 " N-,p3 i-fj^T, tîNi U5mp ûT^'-:: 'todh ipbn3 Nb .i-i3\ain

p-i ibi3:i nx bii5 ynnri3D ï-tt?^^^ pi .û^tt^ ï-is^niN nbïîw 90

T"r!:*3 ■'•nan nbi3 .v-tt^s ïitt .rrbxn d-'t:"» nm-iNb

imN yoi^' 'pbn n"-i7:x non ût" •'^'■'n-i -i-'ti03 dn û-^î^n-i

taob y-ii^a:: i3st .nmt« ynm n"ntt3 -ion ont ,[n3cn] "«UNn

.■{rcwx-i -iyc;3 'c-nstt pT .'-i'^ï: 'an û"'7ai "i ibN3

nyttJ7û pbn ["^"72 sibN] ibi3i -n3"^y n3 '(i. yso) o-^'sU [■'TOn bo] ... 95

m^n .[''■] rti'"::73 'pbn ir!"73nn ':; -^b-^b iis'cjnn qio :?''373

LN"7:nn"i; ''Uob nnon OT^b iiacnn q-io y^'J'^^ .^o mn^ rî3'::b [n^3\ym ,'T m^3l n;TCN-in ':-cn -w-Nn LXip^ ^o r!:i7û rin^s-roi .'pbn

» Ici commence la traduction, à laquelle j'ajouterai les explications nécessaires. » Plus loin aussi, IV, 1. 22, le judaïsme palestinien est appelé ri"n3n. Dans les consultations des Gaonim , éd. liarkavy, n" 64, on mentionne aussi ÛiT^Onn

D"'b':j"i-T'30 a^"i3nn.

3 Ainsi dans HouUin, 59 b, et plus souvent On» inîO on envoya (ou décréta) de (de Palestine).

* Rosch Haschana, 25 o; Sanhédrin, 11 i. " Ceci se retrouve aussi chez Friedlânder. « Dans le sens d' « arriver ».

' Je corrige C'vw en ]-'N\0. parce qu'ici il ne peut être question d'une année em- bolismique ; voir plus loin la uoie sur la ligne 107.

* C'est-à-dire suivant le calcul usuel dans le calendrier : 6 d., 0 h., 1049 s. Ben Méïr a Tancienne méthode de calcul, qui compte dans la nuit 12 heures de 1 à 12, et dans le jour également 12 heures de 1 à 12, tandis que dans le calendrier les 24 heures sont comptées sans interruption. Par exemple, la 0* heure du jour chez Ben Méïr correspond à la 18* heure du calendrier.

184 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

(I. ïi5>D-iNi Y'wïî û!n^5'^T:j û^tt^ Nitîjs .na^ tiva n-^ïî^bttiin /j bva ï]\no i-^m .* (1. T'nn) V'nr: np''^ j-itt .'-T^on ^-rorisia s-rris'iKT 100

(1. 'r-j ':iy::i^ û\-i"a ';'>m) s^i-^rs (1. pbn) ...n '^,113^»^ SNT .M"r!5 np-^rrii ^i-nos n::T:;r^ ûr:^ 'r-n 'pbna naïj ût^3 n"-i7:NT m^u) ;y\a73 ':i nsïj -nar*^ .p*-?: nn» tnî<:i:7;3 ."^^ïî tsv ly ininib -i::in ^1-11:1 ,(i. n"n7:a) ï-i"n723

S^ -n-i-^s (1. i\s!:i?2) i'^N"'i:i» nn.s "^di .(i. rns) 3"n5 i^-'o^t Diip nbisi TiD'^s» Tiiiiiit ns^ya rr^rj dn ii^n bsi .'' [pa^nr:] ...

> La lettre n signifie n*ion, *7 =^ 4 (daus l'année ordinaire), T := fi (dans l'année embolismique).

» 3 = ÎTinoS, ï^ =: 5 (dans l'année ordinaire), T =i 7 (dans l'année embolis- mique).

* TU rr^ !l?3b">2), 1 = 6 (dans l'année ordinaire), fl = S (dans l'année embolis- mique).

* De la ligne 93 jusqu'ici, le texte est conforme en grande partie à celui de Ilar- kavy, avec mes corrections. Friedlânder lit et corrige autrement. Voici comment le passage est reproduit chez lui :

bviD 'T !-r3>t)73 pbn [n"3^] nbiai -nn-^y m «si;-^':: [i-i'.rn b^] ."jnCN-i nrïia n:?u573pbn ri"7:nn ':» ■'b'^b iiTonn tiio 'J'^'j^j^ .[T^om 'n Dv) Tinjî /t na'cr: csrb 'iTT^nri t^no y^io'i ^:3 mnwX nrob Ti^n /après minuit) '^

InSn» innNC;3n , 'depuis le commencement du jour) "i^bn [N"7j'^n m:>U)] OU^b

rimcsn riyn-iNi [n-,mr'7:2 "n] •::•:: Dr!'''r30 û*'?:-' Ni:?:^ .s-ia*:: ûT^a !n::iCD3 d-'7j-^ 'm ,[□"^70]'' 'r; û\nu: -jim (?) y'in np^i' n-T .f-r-i-'on ^c?j ':^ r-iïo -n3i"> p-iTo inM [pbln piay^ ûnt .f'nD '-lp3?r^^ ,i-noD ûT' '^:f immb lain ^•^-ii:'i ,J-i"n7:2 pbna nnu; tiT^a n"-i7:NT m3>^ ,t3'>73"' 't L!rT''2'^ai /- DT'a i-i^^:^'\ ,r-iao ûT^'n ï-ctj.x-i nvXiïTDî .■'213 /5U5 ûT^ n-'a-'b'om .n"r>:3 ï-i-noTam ,Q"i7ûbuj rîti^T^Joa 0172'' inccT DnN ^iT (?)a"r!^ V^''^""' /1">'^5^ n-jr^jon tD-'Jz'' 'rin ^n^o"" 'rr ûn-^D'on

...bi m-i'o i\^î^:^"i72

Comme on voit, Friedlânder s'appuie sur l'hypothèse que la première Porte compte trois années, dont la première est une année embolismique. Le Molad Tischri de cette année tombe le mercredi et le Nouvel-An est recalé au jeudi. Le l»"' Molad Tischri tomba donc 4 d., 12 h., 256 s.; le Tischri, d'après la conception de Fried- ISnder au sujet de l'addition de l'excédent du Molad après une année embolismique (5 d., 21 h., 589 s.), tomba sur 3 d., 9 h., 845 s.; le Tischri, grâce à l'addilioa de l'excédent du Molad après une année simple (4 d., S h., 876 s.), tomba sur 7 d., 18 h., 641 s. Celle conception de Friedliioder me semble, pour diverses raisons, peu soulenable. D'abord, il est dit de la 1'« année : naUJ ÛT^a rijl^L^N"! nNl^TJÎ (''gne 103)- et aussi : !^73b'^U !^C31\IÎDa Û"'73'' Î^OuJT (ligne 104). La 1'° année est donc une année simple et le Nouvel-An tombe le samedi. En outre, nous verrons plus loin,, ligne 107, que la première Porte traite du Molad qui a lieu le vendredi (et non le mercredi). Du Molad qui a lieu le mercredi il n'est question que dans la seconde Porte, voir ligne 112 et chap. vu, et ligne 139. Il faut donc qu'il soit question ici

QUERELLE AU SUJET DU CALENDRIER 185

tNT .'5

rsîir: nr .'n cvb rtnT^ ':i cm (i. 't) '^ in3>"w» n"n»N b:' ;pbn]

-ir\:: SbD 'pbn •l":'^ ûTip nb-iii mn-^:? la \:;-''>a ■'ncn bs •■'r-w' -,?':) .iTw'.s-.r: 1WT3 : nann nb-^^'n .n-'sm 'ï-i ût^ Tins 'n ût^ - r!5r:JwS-i i->T:i^2

nbi^'j bi3 '1 DT»?: ?-t5t:5«"i rt:?\a73 'pbn V'j-ia r-i-.mr?: ï-t3« bc

rr'-inîib":; DT«3 ïT'nnw^b^si ,'^5 [-"b-iba '\T,y'ût: 'pbn ^"«nna na^r, Tr.'cb ii5

r\'iT3 '13 ^3*:;

i-ir^ar: '«lîNi Ni:722n .* 't !-T:?">r7o 'bn r-i"-i72NT

iTf^^y:: m3î:?w t«<"<m /i. •«c-'rnn] ■<\:;"'?:n ï-îiiuiNir:

rrûîïJT ,û"'73"' 'T "lîb nT 1'^3t .r:::iïïD [t^"»:!!] •^cb":)3

rr'is'^bcm .(1. i"-5n) :"in V-^3r;T /-i-'on r-i3-,:?«3 120

S"^»'' 'm .û'^tt-' 'n ';b r^^;->3 ^31 .n3":: st'

UNO .mDb'i) v2Tû^ .imoD !-îaT:;s3

T-iT::)^ 'pbn n"; a'^nN::73 nb*,»;-: -113^"'

nbi-3 NJTTci inwS pbn3 -i ûv» !n;rcî<-i

■'b"'b3 '"« !-î:'">a» 'pbn Y'ttnn3 [m-^jnb r-r-^:u; 125

n"-,::3 i—^tû '".3 rr^cb'C 'sbi?: ni^::"» , ':;

'j-'D'^-ij: i:n p ï-T'rtw ";7:t3i .p3'w ^t'3

■i:ï:r! t^b ■{■^•'Nni'i .^c-^rnn cvb ':i j— ,innb

n"n nsb -1x^3 -133-:; ^f-sr-n •!T3 Si3;b

M'- 5"jnn) Y':?nn n:'::3 -^-icn ■;bi7:':5 ■':d« /pbn 130

/pbn 3"bprn ï-.irc ^<'■■"' 'n -"b'-b ï-î-3r: Ii3':;nb

.'-i">5n t3''«'7nm /n ût«3 Tivcr, ci<-n

'pbn T'n nN"J5 ^33U) .immb bsi; t«-jbT

rîïrrNi !-fr":;w i":n bi3:ib r^^-^o V-t "î-

inmîT ,ti. irin':;) irinT" t«<b i. T"a-i n";n "^jab ^nN pbn7:i .'t ûtis i3o

bi3:;b ï"»;^ r<bo i:» '^i r",iî<7o '-,72

d'une année simple, dont le Molad de Tischri a lieu le vendredi. Chez Harkavy il y a, en eliet, "t ÛT^U (ligne 95). C'est en raison de ces considérations que je me suis décidé à corriger "Û)^\U en "["^J^O et à compléter en conséquence les lacunes du texte.

* û'ilp ne doit pas être pris à la lettre ; la même règle est aussi applicable d'après Ben Méïr, quand le Molad de Tischri a lieu 4 d., 12 h., 256 s.

» Du jour, c'est-à-dire, d'après le calcul usuel, 4 d., 12 h., 256 s.; v. note sur la ligne 97.

=* C'est-à-dire 3 d.,9 h., 845 s.

* Cesl-à-dire 7 d., 18 h., 641 s.

* Harkavy a trouvé effectivement dans le manuscrit I : i";rr!.

186 REVUE DES ETUDES JUIVES

'n '"j û'^D''D*i?3 ûnN ^îNari !-i5\:52t (?) V»"^?"»^

nmND rrrr" Nb tN nKN3 (i. '2) 'a ny^am /pbn

'pbn r;"72nn tonip "rbnïT -nn"»:» ■'-l'^n 140

•jinianb Ysnn r-i5Ta N^na nxan ï-ir^rm

r-n3>Ta 'an ':, "«biba nbi; Nir: nar-iio ï-i-ars

.^-non 'nnm /a binrin s^î-im /pbn n"?:^

n:' T'n 'Sn !i"7onn "jinuin "iNOSi i4o

"';d73 nmmb bsns «bi .bi2:;b y^v^u

r!";nn nrj t^^n^a ':r: !-T:\::r!i .ibiTon

i-13'ûr; ûra "^n^an ibi3 ninn ';"i3u;nb

y^^rt ah iwi:>t .'pbn T"b'-i s-n:^':) c^ua

isnsNi /pbn T'n iin^un!! )i2 "inuj3 .bin^b 150

(1. i»3T) -i3iT n"-i73N '-^m K"7ûnn innis t<b

inms /('• û'^"!:»^:) t=i"'u:'7n nm-ij^a iriiro-iso

roibT ■■* tn'^î'^nwb iini ta ^^ '• ^^T>hn T"bn

* C"est-à-dire à la limite les mois de Marheschwaa et Kislew deviennent des mois complets; Friedlânder met T"2"| au lieu de 'j'^T^'^bO; Ilarkavy écrit "j^U"^ b'O-

* Comme il est question ici d'une année embolismique, il faut attendre l'excédent du Molad après une année embolismique (5 d., 21 h., 589 s.]. C'est par erreur qu'on a mis ici l'excédent du Molad après une année simple (4 d., 8 h., 876 s.). L'indica- tion, qui suit aussitôt, de l'époque tombe le Molad de Tischri de l'année suivante, rend ma correction tout à fait sûre.

^ Ici le texte est interrompu chez Friedlânder par '"i^l (etc.\ Le passage, de- puis la ligne 107 jusqu'ici, est ainsi complété par Friedlânder :

'b[n n"»nn] omp 'rbisn ii^-^y ï-iwsnrr r:5":jn rr^r: un ti»n tz'j^ Kb^ [t^in] "i3nn niN-^m .-i^om j-iao ût* nnx /i ib-^bn [ui] r>T::i2 TinN 'j-'STjn hm"^] cni 'a tzm n"-i73Ni ïmro 0'>a?2 mmy72 Jmmb 'i r>ya)z tn"'M2ii by [pbn] -nar^:: -îT^rDO t=:>'L:m .'■'boi naa m-i ■1-icn bD .-^lo nyo «iTON-in nr;:; bbD Nin r-iT .'n ûT'b nm-^ '3 CT'n Tinît 'T nv7a risnoNn rty^iz 'pbn V'3-i (nmp) "ibi3i -nniy m '::''0 Y'ï'^n ?-nmr» 'nvo bo nbiTju: t^td -lain mb^n .T^'om 'n ûv Y^ib nN3- r!r>::b rr^inN bo nbi3 /i ût^?: ri"T:;N"i r-rr':;» 'pbn 'na ïn2">:j DT^a m-'^ns bd (?) ':i r-T:?C73 'pbn r!"7:pn3 (?) fna'O ,"^u;'^?:n nsiONin !-i;u5n uînt c<i:w3T .'t î-ryc?: 'bn in"-i7:Ni ?myo no'on ,t2''72'^ '^ lîb it l"'m .^ut^îd ,'^'C'^'t::^ r^-^yo .r-inmyTo N-^m ï-i-'ro i-«m ,n2",:; mi f-i"'\:3Y5'^n"i c.'iy'in iw-^om ^n-rcn .".-imr732 may-^ cmo niobo i7::'::t .imo^ nL:T«:;D3 tz;-';:"' 'm ,'cz^'n'> 'n ':>b t^2:w> "inN pbnn 't ûi^^o ï-irrrN-i iiy'::72 'pbn i": ^-riNTa» nbirn nbiTo t-«i^73'^ '5 Y5V52 '1 nyxD'a 'pbn n"i:nn3 [rm-'J-b n'''^:o nbi7o V^m: i:n p ï-ttio v^t^i .J~i3;d dt^h n"-i»3 ïm^u: 'i3 t-ivjib.,^ -122':: ,ï-irj- nrn hiri'^b ^■:y^T'> Nb ii"'Nn3>n . "''v:;-^7:nn £::T^b '5 r-nmb m-'^n i^Ti'nb ^"y^\^\ p;o3 "'-l'yTn nbirj '^;d7û .'pbn -i"n lab -iwS"c;3 t=;"'':;-inm /n tz:"i"'a n:":;n OwNti .'pbn 3"bpnn rmy:; «"•' t -^b^? i";-i bT3;b y-':i-'":j 17:t t:' ~i"r\ -in-c: -nsu: "i»mmb bri; t^bn .'T'on inm:i inmi r<b "i":-i -^Db "inx pbn-ûi .'n m-'n nsrcN-i !-7:?c72 !-i;\yDT .(?i"3-i bo) •{■^^ibu: bnnsb y^:ii t>ibo ^:> 'ni r-nN7: 'i»

QUERELLE AU SUJET DU CALENDRIER 187

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,t3-';ii'73 piU5 bN ■ip:?i:'^ ,t:::\s-i\-i» fcsin» •::i< s<ï:n ,fi5:?B b^i2 tiibn^n 160

(1. "i7:7:-D) i«Kir:3.nr;cb bit û»w .û-^îtcn; ï-nins

,(1. Û-'SnUJttpi H) Û-^SlOttpT Û^5V5-«D ûn "iD .(Josué, x, 10) D-'ïl^a^ y-lN3

p T^yo .(Gen., x, 17) ts-^s-'DT û'^p-i? -^3373 ta'^n-nîûT û-^N'om f^:?n

.t=;-^3T!iTn T>T'3m '^73rDbî«

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'»n-i2 'iba osbii-i ï>jb ûD-^b;? li-inb-^sn?:

mno-^i pNTw"' vzy anb j-in n-^Tm f^n-i

.pli: n^rj tsnb «««î'^a'^T .brin bn3> tarr^b:??:

nnriwa nvwTa b-'npnb i2Tm t-i^în i7o tDDT-ins s=nbOT .172N mnp l»m qj^vi ':;-i\::t't ai::?"^T nsT^i nni'i .'-inci •tir:: tbis^b bsbio'^T

Traduction de la ligne 8 à la ligne iO et de la ligne 76 à 465.

Et il écrivit ceci

et il le marqua au mois de Tébet de Tan 1233 de l'ère des Contrats.

N"7:n ^\^y'û '-û 's -«b^b ibrûr: i'^:-' ,n""nri 'n 'i t:ir"'0'i73 £nx HN^r: cmp 1b^l^ ^^'2'>v ■^-i\rn -im^n n-^--^ sb un n7:N3 '5 -i3>^2t .'pbn rîNnn r;3cm .i-noan '; îsti tihn /s ibi?» '"i rs^c» 'pbn !n"Hrn 'U3 ':» ■'b'^bs Yn3 N-'r: ï-î:3t:;d r— 'an iin'jiînb Y'3nn ns-j t*<ir;\:: ''pp':;n l?^ "incst .pnor) 'nnm /s b-in:;a i^-m 'pbn ï«»!"73n r\^v^ nbi::r! ■'3353 nmmb bD-i3 ^bn Sinsb :?''5''">:j n:> n"n 'bn r:"73rn r-i3":jn iDT^n ■^T^n nbi3 ïTinr; "ji3':;nb r;"3nn r-i30 ntî^ ':;r: rtscm lT3'cnn 1:3 -)Nw3 ,Si32b r'-'sr; t«<b \^^^-\v^ .'Sn T"b-i m^'o cca irîn3">r-iED (1. 17331; 13DT n"n7:N '-«m N"73"in inns r»ib n:n:wST 'pbn ^"n •'i;t D'^3"'373b "'iN-i riT ^^ /p"'" ^"-"1 i^nn3 /^an^c) c-^ujnn n:?3-iN2

La leçon de Friedlânder nTw "^b'^b Î^Nan "3 cb ^T'inN bo ^b"l3 est tout à fait rendue invraisemblable par la phrase précédente et la phrase suivante. Harkavv n'a pas les mots n3C "^b'^b, et c'est d'après lui que j'ai corrigé le texte à la ligQe 115. Les motifs de mes autres corrections et restitutions sont laciles à deviner pour tout lecteur attentif.

' « Par les paroles des Cananéens », c'est-à-dire de Saadia et de ses partisans. Ibn Sargado préteud, en effet, que Saadia descendait de prosélytes (Flarkavy, p. 2"29 ; voir ibid., p. 223), et c'est à cette circonstance que fait allusion Ben Méir, quand il dit : û'^3''0T D"'p"13' '^33?3 3" "^D- Ben Méir généralise et appelle aussi les par- tisans de Saadia des Cananéens, des descendants des Arkites et des Sinites, de la postérité de Canaan.

188 REVUE DES ETUDES JUIVES

(10). Et Ben Méïr lui répondit : (76). Et il résulte de toutes ces

discussions : la confrérie en Palestine a la suprématie sur les sages d'enlre les habitants de la Diaspora, mais les habitants de la Diaspora n'ont pas de suprématie sur les habitants de la Palestine. Maintes doctrines de leur Talmud indiquent, d'ailleurs, qu'ils y furent en- voyés de Palestine. Il ne vint jamais à l'esprit des habitants de la Diaspora d'instruire les Palestiniens, ou de leur imposer un arrêt, ou de s'arroger sur eux une suprématie. (80). Ensuite, leur Talmud témoigne de Texistence de beaucoup de dispositions et de calculs d'années embolismiques de notre aïeul R. Gamliel (que sa mémoire soit bénie!), le tout selon sa volonté, sans qu'aucun des savants de son époque en Palestine et hors de Palestine, à plus forte raison, ait protesté.

C'est pourquoi, nous avons été obligés de vous faire expliquer les mystères des i Portes et de prouver que nous y sommes autorisés et que ce que notre fils vous a révélé' n'est pas une invention et repose sur une base mathématique. Nous vous communiquerons aussi l'explication de chaque (83) Porte telle que nous l'avons apprise des anciens docteurs. Et ainsi il est dit clairement : Le Nouvel-An ne doit tomber ni le dimanche, ni le mercredi, ni le vendredi, comme nous l'avons appris et reçu par tradition de notre ancêtre R. Gamliel Nassi, et de R. Juda Nassi : n""iïî pas de îsouvel-An; celui-ci ne peut avoir lieu que le 2^, le 3s le jour et le samedi. Il n'y a aucune divergence d'opinion sur ce point que le saint jour du Nouvel-An ne peut tomber que l'un de (90) ces 4 jours. C'est ainsi que le Sanhédrin a déjà fixé les limites de ces 4 jours. Et voici leur explication : Si (le Molad de) Tischri a lieu le lundi, le mardi, le jeudi ou le samedi, il faut voir s'il reste de ce jour le quart moins 641 parties (de l'heure); alors nous le proclamons Nouvel-An. S'il y a 642 parties en moins, le Nouvel-An est ajourné. Nous vous communiquons au sujet de ces 4 jours quelques-unes des Portes. Ainsi il est (95" dit dans la 1""' Porte', quand le Molad Tischri dans une année simple tombe 6 d., 0 h., 1049 scrupules, il faut faire du samedi le Nouvel-An. La fin du calcul (c'est-à-dire le Molad Tischri de l'année suivante') a lieu dans la nuit de 3 d., 9 h., 845 scrupules. Il en est de même pour l'année suivante et le calcul est terminé (c'est-à-dire le Molad Tischri de 3e année tombe 7 d., 18 h., 641 scrup.) D'après ce calcul, le Nouvel-An de la 1'^'' année tombe le samedi % la 2'^ année le mardi, et la .3« année le samedi. Il y a donc entre eux (entre la 1'"'^^ et la année) quatre jours (100) et 4 (lours) dans une année simple (en font une

' C'esl-à-dire une fixation des fêles difFércnle du calendrier usuel ; voir IV, lifrne 1.

' Qu'on additionne au Mola<l Tischri de la 1" année l'excédent du Molad aprîis une année simple, c'est-à-dire 4 d., 8 h., S7G s., et on obtient le Molad Tischri de la 2' année. Après addition du même excédent de Molad au Molad Tischri de la année, on obtient le Molad Tischri de la 3' année.

' 11 est remis du vendredi au samedi.

QUERELLE AU SUJET DU CALENDRIER 189

année) déficiente : telle est la règle de Y'in. Et entre le Nouvel- An et le troisième, il y a cinq jours, et cinq jours dans une année simple en fout une année ordinaire. Telle est la règle ""-s ; mais s'il s'écoule un scrupule de plus, (le Molad Tischri) de la année passe de 7 d., i8 h., 641 scr. à 642 scr., et le Nouvel-An doit être re- mis au lundi. Par suite, (le Nouvel- An) de la \'° année tombera le samedi, celui de la '2" année le jeudi -. Entre eux il y a alors 6 jours, et 6 jours dans une année simple (en font) une complète (105), et la tradition ;ie signe traditionnel) est n"rJ. (Le Nouvel-An) de la 39 année a lieu le lundi et entre eux il y a 5 jours ; or 3 jours dans l'année simple (en font une année ordinaire, et le signe est '"nn. Et ainsi vous avez l'explication de tout le compte. Ils ont dit aussi (les Anciens) : si l'année suivante est embolismique ' et si le (Molad) Tischri tombe avant* 6 d., 9 h., 845 scrup.,mets au samedi (le Nouvel- An), et l'année sera une année déliciente. La raison (en) est parce que (le Noùvel-An) de l'année embolismique suivante, tombant 3 d., 18 h., 641 scr., ne peut être ajourné. Si (110) celui-ci dépasse celte limite, choisis le samedi (comme Nouvel-An\ et l'année sera com- plète. La raison en est que le Molad dépasse 3 d., 18 h., 641 scr., et (le Nouvel-An est ajourné au jeudi. Telles sont les règles de la première Porte. 2* Porte. Si le Molad Tischri d'une année embolismique tombe avant 4 d., 12 h., 2.j6 scr., choisis le jeudi (comme Nouvel- Anj, et Tannée sera une année déficiente. La raison en est : si le Molad Tischri d'une année embolismique tombe 4 d., 12 h., 2'J6 scr., le (Molad Tischri) suivant tombera (Mo) l'année suivante 3 d., 9 h., 843 scr., et le suivant 7 d., 18 h., 641 scr. Par suite, le Nouvel-An. tombera, dans la 1'^ année, le jeudi et l'année sera embolismique. Le Nouvel- An de la 2^ année tombera le mardi, et ce sera une année

' Bea Méïr y compte les deux jours du Nouvel-An et pour cette raison il trouve entre le premier Nouvel-An '^samedi) et le second (mardi) 4 jours ; entre le second (mardi) et le troisième (samedii, 5 jours d'intervalle. Dans les sijrnes que Ben Méïr cite, la première lettre signifie le caractère de l'année, la seconde le nombre dei jours intermédiaires après une année simple, et la troisième le nombre des jours in- termédiaires après une année embolismique. Ainsi "|"in sif^niûe : n =^ TT'.Om [défi- ciente] ; -, '4 jours après l'année simple); T (0 jours après l'année embolismique). De même, les autres signes. Quant aux signes mnémoniques l"nn, 7"rî3 et n"Ti2), je ne les retrouve nulle part ailleurs. Ordinairement le second Nouvel-An n'est pas compté ; c'est pourquoi on compte pour les jours intermédiaires une unité de moins. En fait, il n'en résulte pas de diflerence.

' Il est, en effet, reculé du mardi au jeudi, car autrement la seconde année aurait 3o6 jours (de mardi à lundi), ce qui est impossible. C'est la règle bien connue n""lL33 pour le Molad Tiscbri d'une année simple.

' Après addilion de l'excédent du Molad (4 d., 8 h., 876 s.), le Molad Tischri de Tannée embolismique tombe sur 3 d., 18 h., 641 s., et dans Ce cas, le NouVel-An n'a pas, selon Ben Méïr, besoin d"être reculé. Mais si la seconde année est une année simple, le Molad Tiscbri sera remis du mardi au jeudi, du moment qu'il tombe sur 3 d., 9 h., 8i6 s. (suivant Ben Méïr), parce que, sans cela, l'année autait 355 jours 'voir la note précédente). C'est pourquoi Ben Méïr dit ici, en accentuant sa pa- role : si l'année suivante est une année embolismique.

^ Dans le sens de « non après >.

100 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

simple. Entre les deux il y a 6 jours; or 6 (jours d'intervalle) (120) dans une année embolismique en font une année déficiente. Le signe est i"in. Le Nouvel-An de la 3- année tombe le samedi. Entre la 2^ et la 3^ année (ou Nouvel-An), il y a 5 jours ; or 5 jours dans une année simple en fout une année ordinaire. La base de la règle est la suivante : quand le Molad dépasse 256 scr. après -12 h. du jour d'un scrupule, alors le Molad (125) de la seconde année tombe 3 d., 9 h., 846 scr., et le Molad de la année tombe 7 d., 18 h., 642 scr. Dans ce cas, il faut que nous remettions (le Nouvel-An de la 2* année) du mardi au jeudi. Nous n'avons pas encore' atteint dans cette année la limite, et il reste encore 404 (130) scr. Car le Molad Tischri de l'an 853 de l'ère de la destruction du Temple tombait 4 d., H h., 932 scr. Le Nouvel- An tomba le jeudi et les mois (de Marheschwan et de KisleWj sont déficients (29 jours). Nous ne pouvons le (le Nouvel-An de l'année suivante) reculer, puisqu'il manque encore 404 scr. (dans la Ire année) jusqu'à la limite de 4 d., 12 h., 256 scr. (135) Si un seul scr.. manque sur 257, nous ne Tajournons pas (le Nouvel-An) ; faut-il donc l'ajourner, lorsqu'il manque 404 scr. jusqu'à la limite des mois complets (de l'année précédente) ? Dans l'année suivante (la seconde;, vous ajoutez 5 jours, 21 h., et 589 scr., et le Molad (de la année) tombe sur 3 d., 9 b., 491 scr. Et dans la seconde Porte il a été dit : Si en Tischri (c'est-à-dire dans une année) (140) il n'y a pas d'intercalation, et s'il (le Molad) a lieu avant 3 d., 9 h., 846 scr., choisis le mardi (comme Nouvel-An), et l'année sera une année ordinaire. L'année suivante, c'est-à-dire l'an 834 de l'ère de la destruction du Temple est une année simple, et il (le Molad Tischri) a lieu 3 d., 9 h., 441 scr., et il (le Nouvel-An) reste dans la limite du mardi' et les mois

' Ici Ben Méïr passe au cas concret qui donna naissance à la querelle. Il fait le calcul de trois années, l'année de la querelle et les deux années suivantes :

Dans Tannée de la querelle, le Molad Tiscliri tomba sur 4 d., 11 h., 932 s., et le Nouvel-An fut remis au jeudi.

Le Molad Tischri de la 2* année (plus b d., 21 h., 389 s.] tomba sur 3 d., 9 h., 441 s. Le Nouvel-An (selon Ben Méïr) ne pouvait être remis. Ceci n'a lieu que si le Molad Tischri de l'année embolismique qui précède tombe sur 4 d., 12 h., 2o6 s. Il manquait donc 404 s. [4 d., 11 h., 932 s. + 404 s. = 4 d., 12 h., 256 s.). Comme le second Nouvel- An n'est pas remis, la \'^ année reste déficiente, c'est-à-dire Marheschwan et Kislew ont 29 jours.

Le Molad Tischri de la 3* année tomba (après addition de 4 d,, S h., 876 s.) sur 7 d., 18 h., 237 s. Le Nouvel-An (d'après Ben Méïr) n'est pas ajourné. Un ajourne- ment n'a lieu (d'après Ben Méïr) que quand le Molad a lieu après 7 d., 18 h., 641 s. Il manquerait donc aussi jusqu'à celte limite 404 s.

Le calcul de Ben Méïr est établi d'après les principes du calendrier juif, mais il recule de G42 scrupules les limites que le calendrier connaît. Ainsi, d'après le calen- drier, 17 h., 1079 s. est le moment extrême du jour le Molad Tischri peut avoir lieu, sans que le Nouvel-An ait besoin d'être ajourné. Mais, si le Molad a lieu vers 18 h., le Nouvel-An est ajourné. D'après Ben Méïr, 18 h., 641 s. forme la limite, et le Nouvel-An n'est ajourné qu'à partir de 18 h,, 642 s. Cette divergence se manifeste aussi tout naturellement pour toutes les autres limites.

" Par suite, la première année qui précède est une année déficiente. Ceci est une répétition inutile. En général, le raisonnement de Ben Méïr est absurde. La ques- tion est de savoir ce que signiGeat les 642 s. qu'il ajoute aux limites fixées dans le

QUERELLE AU SUJET DU CALENDRIER 191

sont des mois ordinaires. (14o) Il manque 404 scr, jusqu'à ce que la limite de 845 soit atteinte, et nous ne pouvons le (le Isouvel-An) remettre à cause du Molad (de la 3'= année). Dans la année, c'est-à- dire l'an 8oo de l'ère de la destruction du Temple, Tischri tombe sur 7 d., 18 h., 237 scr. et n'atteint pas (150) la limite, car il reste 404 scr. (jusqu'à 7 d., 18 h., 641 scr.). Nous n'ajournons pas lorsqu'il y a 641 scr., c'est-à-dire n-i"«N, comme nous l'avons déjà exposé dans les 4 Portes, devons-nous l'ajourner quand il y a 237 scr.? Cela ne convient pas aux gens avisés, ni aux sages d'entre le peuple, ni à ceux qui obéissent aux paroles des sages. Vous, mes frères, écoutez et obéissez .....

IV. Relation (de Saadia) et Lettre des Babyloniens.

Le fragment qui suit a été publié par MM. Adler et Broydé dans la Revue, XLI, p. 224. L'auteur imite la langue et la diction des livres saints. L'ouvrage auquel appartient ce fragment avait été ponctué primitivement, mais le copiste n'a conservé la ponctuation que pour quelques mots isolés. Parmi les auteurs anciens, Saadia seul est connu comme ayant été ainsi un imitateur de l'Écriture Sainte (voir Harkavy, p. 150). En outre, Saadia raconte, dans son introduction au ^i^j^n'o, qu'il a composé, à la prière de l'exilarque, sur le cas de Ben Méïr un écrit intitulé ^m^yn 'd, qui était divisé en versets et pourvu d'accents '. Il est donc très vraisemblable que notre fragment faisait partie du D"«'7:Pltt 'o de Saadia. La langue et le contenu de ce fragment rendent cette hypothèse extrêmement vraisemblable. La transformation satirique du nom de Méïr en T^NXJ» (1. 20, 45) et en '^•«onttr; (1. 28) est une manière propre à Saadia (voir Harkavy, p. 144). La lettre des Babyloniens est écrite dans le même style que la relation. Sans doute on ne peut en conclure qu'elle est de Saadia. On n'écrit pas des lettres destinées au peuple dans une langue peu compréhensible ; peut- être Saadia a-t-il transformé la lettre originale, de façon qu'elle pût cadrer avec la langue de sa relation.

Dans la ponctuation, il reste des traces du système baby- lonien.

calendrier. Il n'en donne aucune explication, mais il les admet comme des prémisses sur lesquelles il édifie son calcul des trois années. Le calcul serait aisé, si l'hypothèse était exacte.

» Harkavy, p. 152 et 180.

> Restitution de MM. Adler et Broydé.

192 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

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Tn nN i:>inirtb «br: i^bN ûinso nbW3i t-i-na» mnab &i72Dnn is

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Ï-IDN NbT

b33"i rittïîb rj3N t^bi nioib-o qi-idd inb^y^T i^y id^otit j»ub

nNT •in25b b:> PwS'jh nbiT ■'S inN ^in^Witrî p b:» : mi:-i)22 nniMi^ nuîr;

(1. nab by nxT nnby ^d) ta^'r; "in^ b^ "jî* = mob inîîii ini72-iri3 p-'inri n:i:2 nmo^a na-io

inb»

* Parce que Marheschwan et Kislew, suivant Ben Méïr, devaient avoir 29 jours, Nissan et l'âque tombèrent le dimanche.

» Saadia veut sans doute parier ici de l'écrit : les Quatre Portes.

^ Le mol est superllu; c'est ce qu'indiquent les points qui le surmontent.

* D'^Dl^N- On appelait ainsi dans les Yeschibot de Babylonie les nbD ^UÎNI ; V. Naihan Habli (Neubauer, Anccdota, II, 87); mais on ne sait si les mots Qm D"'DT?N ';"'N~ip2;i se rapportent aux nbD "^CJN" ou aux 1^-11^120" IJO T'H'Oy. Dans le uernier cas, tous les auditeurs des sept ranfiécs auraient été appelés D^DlbN- Ur ceux-ci semblent avoir été désif,'nés par le terme tD^ITian b^l.

' Au sujet de la si^inificalion du mol "^Tn d'après Saadia, v. Harkavy, p. 18S, et Bâcher, Œuvres complètes de R. Saadia, V, p. x et ii8,

* Dans le sens de « se laire comme en arabe (voir Gesenius\ ou « ils cessèrent de correspondre avec lui »,

QUERELLE AU SUJET DU CALENDRIER 193

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* Allusion au nom de "l^NW.

T. XLII, 84. 13

194 REVUE DES ETUDES JUIVES

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Traduction.

Il envoya son fils. . . le mois de l'an 1233 *, et il vint à Jérusalem et il publia le jour de la lecture de la Loi : il est établi par les pro-

' La lettre finale f) a la valeur de 800, E]""m73 égale donc 1049. Ben Méïr obtient ce chllFre en ajoutant à 408 ses 641 s. (IH, ligne 95, d'après ma restitution). On voit que les cinq lettres finales étaient déjà employées au siècle pour les chiffres 500 à 900 (v. aussi le poème du Saadia sur l'alphabet). La Massora aussi emploie déjà les lettres finales pour les dites centaines, pour l'indication du chillYe des versets à la ' fin des Livres saints. C'est ainsi qu'à la lin de la Genèse, la lettre "l a la valeur de 500, et qu'à la fin du Lévitique, la lettre S] a la valeur de 800, etc. Parmi les auteurs plus modernes, il l'aut mentionner Tobia, 3-m Hpb, H, p. 220 ^éd. Buber) ; voir H^o- port, ybw 'T"I3') p. "0. C'est dans ce sens qu'il làut compléter Steinscbneider, qui dit dans son ouvrage, Die Malhematik bei den Juden {Bibliotheca Mathematica, 1893, p. 69) : « Je ne sais à quelle époque les cinq lettres finales ont commencé à être employées pour désigner les chiffres de 500 à 900, qui, à la vérité, sont rarement usitées. Elles sont mentionnées dans une interprétation mystique des lettres qui pro- vient vraisemblablement de Jehuda b. Salomon de Tolède (en Toscane, 1259), sur laquelle nous reviendrons. » Remarquons encore que dans le Bereschit Rahbatl ma- nuscrit (d'où chez Kecanati au commencement de "1712;, ces lettres sont aussi comptées comme des centaines, voir J/aja;/«, XV, 70.

* Des Juifs ; voir Kimhi sur Jérémie, xlix, 20.

* De l'ère des Contrats, c'est-à-dire 4682 de l'ère de la création.

QUERELLE AU SUJET DU CALENDRIER 193

phètes et les sages comme signe de l'alliance : « Marheschwan et Kislew (sont, dans la présente année,) déficients ; fêlez la Pâque le dimanche* », et il prêcha l'apostasie. Les gens ne lui obéirent pas en voyant cela. Tous les Juifs de tous (o) les pays pensèrent autrement, et les justes les comptèrent (les mois mentionnés) comme des mois complets, et Xissan fut placé au dimanche.

Suivant le droit et la Loi, tous les Juifs firent ainsi, dans l'Est, l'Ouest, le Nord et dans les îles de la mer. Car jusqu'à 695 scr, de la dernière heure de la nuit de mercredi-, ils (les mois mention- nés) restent déficients, mais à partir de là. ils sont complets et dans cette année il y avait déjà 932 (scr.). Voilà ce qui est écrit dans le règlement sur les fêtes (10) suivant leur caractère ', que nos pères nous ont transmis en héritage à nous et à nos enfants. Lorsque notre exilarque, les chefs des Yeschibot, les Aloufim, tous les élus, tous les maîtres et les disciples qui demeuraient à Babylone (Bagdad), apprirent le mal qu'il (Ben Méïr) avait fait, ils conçurent une grande frayeur et furent irrités, car pareille chose n'était arrivée et n'avait été vue depuis le jour de la sortie des Israélites de l'Egypte jusqu'au jour ils s'établirent dans la Terre Sainte. Aussi après leur dispersion, leur calcul du temps ne subit pas de changement. Et ils résolurent, (15) les savants, de lui adresser des lettres et de lui faire connaître la loi de la fixation des fêtes, parce qu'ils pensaient que c'était peut- être une méprise. Ils firent ainsi, lui écrivirent une seconde fois et il ne voulut point obéir; ils lui écrivirent une troisième fois, (de nou- veau) il ne voulut point obéir. En outre, il leur répondit vivement. C'est pourquoi ils rompirent avec lui, car ils se disaient : Celui qui persiste dans une rébellion éternelle persistera dans son erreur et ne voudra pas revenir en arrière (suivant Jér., viir, '6) ; mais au reste du peuple ils envoyèrent (20) des lettres, pour les avertir de ne pas se laisser induire en erreur par les paroles du « pervers ». Celui qui craignait sa langue (de Méïr) ne le contredit pas, mais celui qui ne portait pas son joug pesant comprenait et avait du succès. Voici la copie de la lettre qu'ils lui envoyèrent de Bagdad, du lieu de leur assemblée : « Salut au chef de la confrérie, à tes fils et à tes frères et à tous tes partisans. IS'ous n'ajoutions pas foi au bruit qui nous parvint, à savoir que ton fils a fixé la (ète contrairement à la loi et à la coutume du peuple, et nous sommes convaincus que si c'est vrai, ce n'était sans doute qu'une méprise. La chose est, d'ailleurs, claire et n'est pas difficile à comprendre pour les disciples eux-mêmes. Car (23) le temps

* Voir la note sur le texte.

* Si le Molad Tischri a lieu jusqu'à 4 d., 11 h.,G95 s., l'année sera déficiente; s'il a lieu plus tard, c'est une année complète. C est à cette règle que pense Saadia en citant dans son Commentaire sur le Scpher Yeçira (éd. Lambert, p. 80) ce passage des

n^-\T<n y2i» : ni itTc^m û-^pbn nk'-î'n m^.p nbiîT -iin^^y na "vD'^'O "^n^a»-! b'D

Saadia compte ici par 12 heures de jour et 12 heures de nuit. ^ Dans les Quatre Portes.

196 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

(du Molad Tischri) a dépassé la limite de 237 scr. '. L'année suivante aussi il dépassera d'aulanl la limite 3 d., 9 h., 204 scr. '; il dépassera aussi la limite, dans la année, de la même quantité et aura lieu le samedi après midi'. Qu'il ne te coûte pas de dire : je me suis trompé ; à plus lorte raison de dire que ton fils s'est trompé. Élève ton regard en haut vers notre Saint, épargne-nous et toi-même, afin qu'il n'y ait pas de scission dans l'assemblée des Juifs. » Il leur répondit : (30) « J'ai raison et c'est avec raison que j'ai fait la proclamation. Vous ne devez pas être rebelles à ma décision et vous détourner de mes paroles ni à droite ni à gauche. » Et il chercha des prétextes, pour cacher son erreur, en soutenant que la limite, le jour du Sabbat, est jusqu'à 641 (scr.) de la 1" heure du jour et que, par suite, il manque encore (jusqu'à la limite) 404 (scr.) \

Verso.

Et ils lui écrivirent dans la et la 3'^ lettres : « Choisissons-nous un arbitre qui mette sa main sur nous (Job, ix, 33). Les sentences des Anciens, qu'ils ont mises dans notre bouche par l'organe des 4 Portes (enseignent) : on ne doit pas dépasser midi d'aucune partie du temps. (35) Cinq signes sont écrits (là), chacun d'eux exprime les parties d'une heure entière ^ Leurs chiffres sont: 204, 408, 491, 693 et 1389 *. Ne vas pas planer sur les arbres (Juges, ix, 9) qui ne servent à rien. Assez longue pour la maison d'IsraiU est la durée de l'exil ; la capti- vité dure longtemps, leur splendeur a été diminuée et ils ont été arra- chés. Celui qui s'imaginait pouvoir donner au monde une (nouvelle) loi, son attente fut déçue, et celui qui lutta contre Dieu, l'objet de la crainte d'Israël et de la terreur de nos pères, fut vaincu par lui. Pense à ta fin (40) et non au présent. Si tu rougis maintenant (par l'aveu de ton erreur), tu ne seras pas confus dans l'éternité. » Beaucoup de

* La limite jusqu'à laquelle une année reste déûcientc est 4 d., 11 h., 6'Jj s. Dans l'année en question, le Molad tomba sur 4 d., 11 h.. 932 s,; par suite, il dépassa la limite de 23" s.

- Dans la seconde année, le Molad Tischri tomba sur 3 d,, 9 h., 441 s. Celte année- la limite était 3 d., 9 h,, 204 s.; le Molad dépassait donc la limite de 237 s.

' Le Molad Tischri tombe la année sur 7 d., 18 h., 237 s. La limite est 7 d., 18 h. Il y a donc de nouveau 237 s. au delà de la limite.

* Ici il est question de la 3'' année autour de laquelle se meut tout le calcul. D'après Ben Méïr, la limite, dans celteaunée, -est 7 d.,18h., 641 s., et comme elle n'était pas dépassée de 404 s. près, le Nouvel-An ne devait pas être ajourné. Par suite, le iSouvel-An de la 2'= année ne devait pas être ajourné parce que le Nouvel- An de la année ne doit être ajourné que lorsque le Nouvel-An de la 3" année l'est. En effet, si, dans ce cas, le Nouvel-An de la 2" année n'était pas ajourné, la année aurait 3o6 jours, ce qui n'est pas admissible. Si le Nouvel-An de la 2' année n'est pas ajourné, la première année est une année déficiente et n'a que 353 jours, du samedi, Nouvel-.'Vn de la 1" année, au mardi, Nouvel-An de la année.

' Il n'est donc pas possible d'ajouter encore à ces chili'res 041 parties. •' Ces chillres de scrupules se retrouvent à propos de l'indication des limites des diverses années, voir VIL

QUERELLE AU SUJET DU CALENDRIER l'J7

temps se passa pendant l'envoi des lettres adressées au séduc- teur. Il réunit tous les mois sans sens et emprunta beaucoup de choses à leurs lettres (des Babyloniens) et se l'appropria. Alors les sages des Yeschibot se tournèrent vers les communautés d'Israël, celles qui sont proches et loin, et ils les instruisirent dans les lois et les doctrines, et les fortifièrent (en ce qui concerne) les fêtes de l'Éternel. Car ils craignaient que peut-être ils n'apprissent (43) quelque chose de Méïr et ne fussent induits en erreur. C'est pour- quoi ils répandirent leurs lettres dans toutes les contrées du monde. Et il se produisit à ce sujet de ia stupeur et de la terreur dans ehaqu-e cité et province, sa renommée était parvenue. Mais ils tendirent leur main pour faire la paix, pour qu'aucun ne fût repoussé (Il Sam., XIV, 14), qu'il n'y eût pas de scission ni de désertion (d'après Ps. gxliv, 4^ Ils se rassemblèrent et firent ainsi. Même alors l'homme sombre (Méïr) ne revint pas de sa mauvaise voie et, dans sa dernière lettre, il amassa de nouveau des choses inexactes. (30) La première lettre était douce; la dernière était dure (d'après Is., viii, 23). Il rédigea 4 Portes, comme il n'en exista jamais chez les Juifs, que notre Dieu ne commanda point et que ses prophètes n'enseignèrent point et qui ne vinrent pas à l'esprit de ses sages. Il changea 204 en 84b, fit de 408, 1049, changea 491 en 1 h. 52, au lieu de 695 (il écrivit) 1 h. 2.36 et \ h. 150 au lieu de .589 ', pour fausser les choses et pour ajouter à cliaque limite 641 scr. et pour soutenir que les 3 années ne dé- passent pas la limite. Il ne craignit point (55) Dieu et dit contre ses .prophètes des faussetés et des mensonges et il n'eut pas de pitié pour les Juifs qui pouvaient être induits en erreur par les Portes qu'il avait composées. Et il ne pensait qu'au maintien de son projet et de sa perversité, pour égarer le peuple, pour renverser les murs, briser leurs pierres et fendre leur bois. En outre, il railla les élus (les Juges) par ses sottises et les traita de sots, à la manière des des- potes. Il disait aussi à chacun qu'il était un sot (Eccl., x, 3). Le reste de l'histoire de ses lettres et ce qu'il fit des paroles des intermédiaires qui traitaient avec lui, pour les convertir à sa perversité tout cela se trouve dans la Chronique des présidents des Yeschibot. Aussi par

V. Lettre au sujet d'un calendrier spécial^.

n":jnb û^j^j^-n 'o'^'ii'zn btî-i^iî-^b r-î7ûb ii-imi >»:ir! ûwSt Dinn ni< mpin:^ ^d hy Mn-iT.r> ^-rs n^bo^T -ircnn» r'inpbi nsnb nbi» ï-:r:T::D rrrj bi hv nc-^oTii inbN b^ wr tz^-iN-^nsn nba-ip tcn .S-'iriT:^; rr!"« pT r-i2-i5 n-ian:'73 rj3ï3 bD hy^ û'^»'' ï-iï3»n •j'o v^ '^^'^ 1^^^ * ('• f""^' ^ni lin nrb nmOTs vnma t^^i V[^^

' En effet, il ajouta aux chiffres cités plus tiaut 641 scrupules.

* Lettre publiée par M. Israël Lévi dans Revue, XLI, p. 230.

* Ce sont les signes des excédents de l'année ; voir plus haut, 111, ligne 100.

498 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

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Baba Mecia, 33 a. L'indicalion des sources dans les présentes notes est em- pruntée à M. Israi'l Lévi.

Jérémie, xxxvi, 25, il y a lîT^blT "[rîbN. ' II Chron., xi, 14.

■' Ps., Lxix, 8-9.

Is., XXXII, 6.

" Kiddouschin, 'Oa-f>. ' Ps., cxx, 4.

QUERELLE AU SUJET DU CALENDRIER 199

T ttw nuJNi i=min û^itn isnnttNT

V':y^ "n^^ir: i?3i73 -las tnbaisia. . . .

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rT:;t!3 is-^man rci-M p "^s 12 -iiTnbs "«yin"^ dn u:K-in ■^rr^ tzix qxT î-i-nr: nrsbîa vn q^i .' -^nyMO ï>i5 -17315 012 t^bi ...rrnn ira-i !-îb5y3 i"iiNrj nx nmbïr:n nr::":: b^nu:"' bDT aiibm tz:-':r!3rT .■^;d3 imm n-iTH ïs-'-i-^IwST D'^Tosn in?:iT ' ■^v è n xb ï-isiTUNnaj^b -^^ rnDS

n\î53' ûNT vj^-io): inT^a-^ Nirr 30 Nb dmt .*''t^3 p nra ts^-^isb bNn\a"« bs -^i iTntn ■'ru};^ los»-^ bx t-T55UJ3 'jittSN-ir! nnnr^ ni< mttipwr: a:?» y^n r-iî<T b:? nriN ?i5::3Drt m^wm nnîwn i^n ■»=) '::y^mr!b mnDb riiiin -^sinsi vûdm rtn^i DD\-n3'>30 "-iï5n

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Ce fragment ne peut être expliqué ni traduit parce qu'il est très défectueux et corrompu. En outre, il traite d'une assertion qui ne se retrouve pas ailleurs et qui paraît être en contradiction avec le calendrier de Ben Méïr. D'après le système traité ici, il doit y avoir entre deux années simples 5 jours, et, entre une année embolismique et une année simple, il doit y avoir 6 jours. L'année juive devrait donc être une année stable. L'année simple aurait toujours 354 jours et l'année embolismique 383 jours. Le calendrier usuel avec ses 3 années différentes serait alors complètement mis de côté, comme l'auteur de la lettre le remarque avec raison. Il me paraît invraisemblable que Ben Méïr ait émis une pareille préten- tion, car nous savons, par III, que Ben Méïr reconnaît le triple caractère de l'année et les règles de l'ajournement du Nouvel-An. La divergence entre lui et les Babyloniens ne consiste qu'en ceci, qu'il ajoute aux limites habituelles 641 parties. C'est pourquoi je ne vois pas le rapport qu'il peut y avoir entre cette théorie et le calendrier de Ben Méïr. L'auteur de cette lettre calcule les jours devaient tomber les jours de la fête de Pâque pendant les 25 an- nées de 4327 à 4651 de l'ère de la destruction, d'après le calen- drier usuel et d'après le système mentionné. Ce sont les 25 années qui précédèrent immédiatement l'année de la querelle (4682), sa-

» P^rek ha-Schalom et Abot de i?. Nathan, version, p. 112 de l'éd. Schechter.

* I Chron., XV, 13.

* Urotibin, 16 6.

200 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

voir de 4656 à 4681 de l'ère de la création inclusivement. Le pre- mier chifTre dans le fragment correspond au jour la fête dje Pâque est effectivement tombée d'après le calendrier usuel ; le se- cond chiffre indique le jour la fête de Pâque aurait tomber, d'après le système qui a été réfuté. Les derniers chiffres paraissent être altérés. Je ne puis décider si les mots r-i"i">:ip)2n 'jy» yin ûSTna'^SD n'^ax « outre les rares localités de votre contrée » se rapportent à l'innovation de Ben Méïr ou au système dont il a été parlé.

VL Lettre (de Saadia).

Cette lettre a été publiée par M. Neubauer dans J. Q. /?., IX, 37, d'après un ms. d'Oxford, qui provient d'Egypte. S. Poznanski a indiqué quelques corrections pour cette lettre (i6irf.,X, 152, note 1), que je reproduirai ici.

Le commencement de la lettre manque, et à la fin il n'y a pas de signature. Peut-être le nom de l'auteur se trouvait-il au commen- cement. M. Neubauer suppose avec raison que la lettre a été écrite par Saadia. Le contenu et la langue font penser à ce Gaon. Nous verrons, en eff'et, dans les remarques que beaucoup d'expressions spéciales de la relation de Saadia s'y retrouvent. La lettre contient d'intéressants détails sur le cas de Ben Méïr et sur un grand voyage que Saadia entreprit durant Tété de l'an 4681 (921 après J.-Ch.).

La lettre est adressée aux disciples de l'auteur qui étaient en correspondance avec leur maître (lignes 4 et 23). Saadia quitta sa résidence, qui, sans doute, était l'Egypte, au plus tard durant l'été de l'an 4681. Arrivé à Alep, il y apprit que Ben Méïr était décidé à proclamer déficients les mois de Marheschwan et de Kislew de l'année suivante (ligne 6). Là-dessus il adressa à Ben Méïr plu- sieurs lettres pour le dissuader de prendre cette mesure et pour lui prouver que les mois en question étaient des mois complets. D'Alep, Saadia se rendit ensuite à Bagdad. 11 croyait que Ben Méïr l'avait écouté, mais à Bagdad on apprit que Ben Méïr avait réalisé son projet. Les docteurs babyloniens organisèrent une action éner- gique contre Ben Méïr, à laquelle Saadia s'associa (voir le pluriel de la pe personne, 1. 12, 18). Ben Méïr ayant annoncé (III, 1. 1) sa résolution au mois de Tébet 4682, Saadia doit avoir été à Bagdad ce mois-là. La lettre de Saadia a été écrite vers le 1" ou le Adar 4682, car Saadia avait déjà envoyé depuis deux mois à ses dis- ciples (1. 4, 19) les lettres des Babyloniens dirigées contre Ben Méïr. En tout cas, Saadia écrivit sa lettre avant Pâque (1. 22). Je ne puis établir si la lettre fut écrite à Bagdad ou ailleurs. Saadia

QUERELLE AU SUJET DU CALENDRIER 201

avait l'intention d'3' séjourner encore quelque temps (1. "23), Son voyage dura donc plusieurs mois. La lettre témoigne de la ten- dresse avec laquelle Saadia était attaché à ses disciples. Partout il pense à eux avec amour, comme il pense à ses enfants (1. 2), qu'il dut quitter. Le bien public tenait à cœur à Saadia plus que tout le reste. Dans l'intérêt du Judaïsme, il entreprit un voyage dan- gereux, qui le tint éloigné de ses proches pendant de longs mois.

Nous savons que Ben Méïr aussi alla à Bagdad (III, 56). S'y trouva-t-il en même temps que Saadia ? Nous l'ignorons. A cette époque, c'est-à-dire en 921, les personnalités babyloniennes eurent l'occasion de faire la connaissance de Saadia. Sa géniaiité pro- duisit une grande impression. Lorsqu'en 928 la place de chef de l'Académie devint vacante à Sora, l'exilarque David l'appela d'Egypte pour lui conférer cette haute fonction. A l'origine, il hésitait entre Saadia et Sémah ibn Schahin et, pour cette raison, il demanda conseil à Nissi Naharwani. Nissi opina en faveur de Sémah, en le mettant en garde contre le caractère énergique et absolu de Saadia (Nathan Babli, Neubauer, Anecdola, II, 80). L'exilarque se décida cependant en faveur de Saadia et on sait combien Nissi avait eu raison ; en effet, le fameux conflit entre Saadia et l'exilarque ne tarda pas à éclater. Pendant le séjour de Saadia à Bagdad en 921, Saadia parait avoir composé son '0 û"'i3'TOïi, et c'est sans doute à cela que se rapportent ses paroles : ri-ii:nbNn "jw^d ■;» -«n-i p t>i-^:N-i2:' Nn^ro pn-i>':n3 n^si nsbx ï^J'nDT

û'^'73>i»rn (Harkavy, StiuUen und MUlheilungen, V, 150).

(1. ■'nDTD) ■'-isn - b-^n b.^ b-^n?: ■^nriai ' i-i)jn- bx yizr^ij ^-isbm ...

■i-'bbiyi -^2:^ ^5Stt (1. :>-iS2) n52 t^bi ^•'23 iTs: Nb ■>^^)2bn ts-iDT p "ir^ib

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■^ï5^<-i ^DT 13'anip ^rmy^ r-rbiir; ^iîni m-iss ,('• riDina-i) "innm 5

» Harkavy (p^n, H, 90) pense ici a 117:n bi'n en Palestine et à \M2ii iij en Épyple. Il me paraît plus vraisemblable que Saa.lia voulait dire : lorsque je me ren- dais d'une ville à l'autre; cf. rT<72r: "1"'3' (Is., xxii, 2). Le N, dans InTJNÎl, peut être une imitation de Jérémie, lu, 15, ITONH "IP"^ ni<T.

' Sans doute dans le sens dft castel, comme Is., xivi, 1. Par imtt!3"l ..."^r^tJDT Saadia exprime l'idée aller çà et >.

' C'est-à-dire ne disparut pas de ma langue, resta toujours devant mes yeux.

202 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

12 "ir) "^n^J^ûï) nbna invna layo •j^'^pn ^ina ■'S tosyTilnb

•p r-iv::yb [\nbnb] ,';'»ttby) !-iX3ln t=yj J-ît \sw ib -iNabn .';"'73b\y J-j^n "^s 'i33»"'-n?:b'i

by .nsbi^s Nb'^r) tD-''i:>i!;3n f^-ii!nb ïDbis»'^ n^n; Nb rin^os ■^i .ma1l:5■^ï^ toy^mnb tm72ip7û!i bsn -,u3n bî<-i\:;'' bs bi< lans ^tnn-inn p

i5bs -^3 \-ib2b TT^ïiTî^b ."ip"^:» bs i-tpibn irs-^n "j-^nt ,t-Tî:n ima "j-^Tm

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•j-^io » ûrTiT^72bm ,!-ipibn is-^ra Vî<T .■'\i5'^bu5a noDiri i-TabïJ ?-ittr; ■'3 riTr: "lana

yp» ■^nnbtîi .* (Ps., cxLiv, 14) i:-^n3ni3 ^mi: i-^nt ï-iNiïii i''t<n

Ti723>T [\. ûiNnpi) tiM-ipi iit3prt û5<iaD !-iP3> .\-inaN ^ina taicbN 20

"i-",TNi d^nT^y b:> brn bNT^a'^ dy br loim ■^"■^ n^anbwb b-^n iosmdt ^dD-itbn dnn^^ n3 ^'ûy^'l )^^\^''^ iib^N"^ bai .nosa yi^n ib^x"' bab ■«■>"i nbn5

tova !-!3Nb»

ns-^ïDb iia-iDT DST' by r-iNTn nbiiain nspnr: rr^nm .d-^ms^rr

^ÏJN bD3

' Sur la foi des mois : T753 TiTT^l "^jN ^naUÎT, MM. Neubauer, Poznanski et Ilarkavy croient que Saadia alla d'abord à Bajijdad, qu'il se rendit de à Alep et, lorsque la rumeur concernant Ben Méir lui vint aux oreilles, retourna à Baf^dad. Cette hypothèse n'est pas l'ondée, car 210 devant un verbe n'exprime pas le retour à un endroit, mais la reprise d'une action, ainsi !r!3'"lN rï210î< (Gen., xxx, 31) et inX d"''>:J7;n "lyD T^bx nbO"!! 2^11 (il Bois, i, H). Dans notre cas, 13N in2ï5T exprime la reprise du voya;,^e comme t^N'HNT "^SN '^n20'1 (Eccl., iv, 1) exprime la reprise de l'observation.

^ C'est ainsi que Saadia écrit, IV, 1. 12 : nriT: xb "^D ...nbn:. TillU "nirT^T nnwN-i; Nbi p.

' Saadia, IV, 1. 11 : b^T d-iDlb^m m2">0^r: ONm IIN-^UÎS yWO T^IÎNd

T«»bn uy i-^att biDT di-iTidr:. * ibid., 1. .'i7 : riNiCTiT y-D ^N ^5 m'' •^nb2b.

QUERELLE AU SUJET DU CALENDRIER 203

(1. is'^ianb) n"'5nnb ûibuj i3m .d5\-nbi<ï5T û5->irDm ns^ibu) dr r:iyr\

ns-iy-i bnbi .C|iDi inbnn i^a-i-^ toS72V50T .\a\ST U5\s mnD^ irnï< 25

Traduction.

Pendant que je voyageais çà et là, d'une ville à une autre et d'un castel à un autre, de même que je pensais toujours à mes fils et à mes filles, de même je pensais à vous, mes disciples, en parole et en pensée. Je prie Dieu de me venir en aide pour que je vous revoie, eux et vous, avec plaisir. En ce qui concerne le bruit qui s'est répandu dans le pays^ j'ai déjà pris les devants il y a deux mois et je vous ai écrit à ce sujet (3) en ajoutant les lettres de l'exilarque et de tous les présidents des Yeschibot, que Dieu les assiste ! Je vous informe que quand j'étais à Alep l'été passé, j'appris que Ben Méïr était résolu à proclamer Marheschwan et Kislew déficients. Je lui écrivis quelques lettres, l'exhortant à ne le pas faire. Je lui fis comprendre qu'ils (les mois mentionnés) étaient des mois complets en lui en expliquant la raison. Ensuite je me rendis à Bagdad et je crus qu'il m'écouterait. Mais le bruit (10) se répandit à Bagdad qu'il les avait proclamés déficients. Tous nos maîtres, les savants des Yeschibot en furent efi"rayés, car rien de semblable n'est jamais ar- rivé, savoir que les fêtes fussent proclamées contrairement à la Loi. C'est pourquoi dans leur stupeur ils écrivirent à tous les Juifs de toutes les localités, leur annonçant que nous tous sommes d'accord au sujet de cette affaire et qu'il n'y a parmi nous aucune diver- gence. Ils l'avertirent aussi de ne pas le faire. Il n'obéit pas. Après les avoir déclarés déficients, nos maîtres dans les Yeschibot étaient anxieux, car (15) chose semblable n'est jamais arrivée et ne fut jamais vue, que les fêtes soient fixées contrairement à la Loi. C'est pour- quoi ils écrivirent en tout endroit pour faire savoir aux Juifs que l'exilarque Que notre Saint lui soit en aide ! tous les chefs des Yeschibot que le Très-Haut les assiste tous les Aloufim et tous les savants avec leurs disciples sont d'accord sur ce point qu'ils (les mois mentionnés) sont pleins et que Pûque tombe le mardi. Il n'y a aucune divergence, ni scission, ni dissidence, ni bruit dans nos rues (Ps. cxLiv, M). Je vous ai envoyé leurs lettres il y a deux mois, (20) incluses dans ma lettre. Quand elles arriveront, rassemblez- vous et lisez-les. Restez fermes, ceignez vos reins comme des hommes vaillants, comme des guerriers pour soutenir le combat de Dieu. Ayez pitié du peuple d'Israël et de l'héritage de Dieu, pour qu'ils ne mangent pas du pain levé pendant la Pâque, pour qu'ils ne mangent ni ne boivent ni ne travaillent le jour des Expiations. Ce grand bien- fait vous sera alors compté. Tenez-nous au courant de tout ce que vous ferez, de votre situation, de vos vœux et désirs (ou questions). Saluez les maîtres, tous nos amis et frères, chacun comme il sied. Que la paix soit avec vous au commencement et à la fin.

204 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

VII, Lk remaniement fait par Yosé Al-Naharwani DES a Quatre Portes ».

Pour terminer, je citerai ici le travail de Naharwani sur l'ou- vrage les Quatre Portes !Ci-^^:y;a n^ni*) ^ et j'expliquerai comment il nous donne des éclaircissements sur l'antique écrit Les 4 Portes qui est invoqué aussi bien par Ben Méïrque par les Babyloniens et l'on expose les limites des ajournements d'une façon très claire.

Les règles sur l'ajournement du Nouvel- A.n se trouvaient réunies dans un écrit qui portait le nom de û'^n^ïj wmi< « les 4 Portes ». Ce titre provient des quatre jours peut tomber le Nouvel-An, savoir le lundi, le mardi, le jeudi et le samedi. Ces quatre jours étaient, en quelque sorte, les portes par lesquelles on entrait dans l'année-. A chacun de ces quatre jours était consacrée une porte spéciale. L'ouvrage intitulé tD"'^:?^ r!:!'nni< qui, déjà au x* siècle, servait de base pour les calculs du calendrier, en Palestine et en Babylonie, n'existe plus et nous ignorons et quand il fut com- posé. Mais quelques citations se trouvant dans les écrits de polé- mique de Ben Méïr et de Saadia, ainsi que les 4 Portes de Yosé Naharwani nous donnent un aperçu du contenu et du plan de l'écrit original et anonyme. La comparaison des citations de Ben Méïr et de Saadia avec Naharwani prouve avec une certitude sufiîsante que l'ouvrage de Naharwani est un remaniement de l'ouvrage ano- nyme dont Naharwani donne le contenu en vers, mais d'après la disposition primitive du sujet, Naharwani, qui était probablement contemporain de Saadia, est l'unique auteur qui reproduise dans sa disposition primitive le contenu des Quatre Portes, En raison de l'importance du sujet, je me suis donc décidé de publier ici pour la seconde fois l'écrit de Naharwani et d'y ajouter les explications nécessaires. Pour permettre de constater, avant tout, la relation qui existe entre cet écrit et l'ouvrage ancien des 4 Portes, il faut que je donne ici une analyse détaillée de l'écrit de Naharwani afin de le comparer ensuite avec les citations de Ben Méïr et de Saadia, Naharwani fait d'abord cette observation que le Nouvel-An ne peut tomber les trois jours dits Y'ni<, mais doit tomber les jours dits

' Au sujet d'un traité sur les Quatre Portes, vuir SteinschneiJer, fat. Bodl.y col. 6;)3, et Z. D. M. (?., XXIV, 362.

^ Abraham b. Hiyya dit dans ?on "113^'" 'C- !'■ 6^ : 5>T3pb Û'^IXI" Û'^TI'^m

D"'nî<-1 D;"'i<"0 ■^jD73- De même Israeli, û"5"lî> ^ID"». IV, 10,

QUERELLE AU SUJET DU CALENDRIER JOS

î"n5n. Même ces jours-là on ajourne le Nouvel-An si le Molad Tischri n'a pas lieu avant raidi (pT ibna).

Il y a cependant deux cas le Nouvel-An est ajourné, même quand le Molad a lieu avant midi, savoir à 3 d., 9 h., 204 scr., et à 2 d., 15 h., 589 scr. (ligne 1-4). Qu'on remarque que Naharwani place le cas du mardi avant celui du lundi : ceci concorde avec l'ordre que suivent les jours dans les Quatre Portes, qui, comme nous le verrons, commencent par le samedi et passent ensuite au jeudi, au mardi et au lundi'. A la ligne 5, Naharwani passe aux 4 Portes proprement dites.

1'^ Porte, ligne 5-10. Le Nouvel-An tombe le samedi ou est remisa ce jour. Il traite de 3, ou plutôt de 6 cas. Le Molad a lieu 5 d., 18 h., jusqu'à 6 d., 20 h., 491 s.;

de jusqu'à 1 d., 18 h. Le Molad tombe de 5d., 18 h., jusqu'à 6 d., 1 h., 408s.;

de jusqu'à 7 d. , 18 h. Le Molad tombe de 5d., 18 h., jusqu'à 6 d.,9h., 204 s.;

de jusqu'à? d., 18 h.

â« Porte, ligne 11-14. Le Nouvel-An tombe le jeudi ou est ajourné au jeudi. Deux cas, c'est-à-dire 4 cas sont traités : Le Molad tombe sur 3 d., 18 h., jusqu'à 4 d., 11 h., 095 s.;

de jusqu'à 5 d., 18 h. Le Molad tombe sur 3 d., 9 h., 204 s., jusqu'à 5 d., 9 h.,

204 s.; de jusqu'à 5 d., 18 h.

3e Porte, L 15-16. Le Nouvel-An tombe le mardi ou est ajourné au mardi. Trois cas sont traités :

Le Molad tombe sur 2 d., 18 h., jusqu'à 3 d., 18 h.

Le Molad tombe depuis 2 d., 18 h., jusqu'à 3 d,, 9 h., 204 s. Le Molad tombe depuis 2 d., 15 h., 589 s., jusqu'à 3 d., 9 b.,

204 s.

Porte, 1. 17-20. Le Nouvel-An tombe le lundi ou est ajourné au lundi . Deux, ou plutôt 4 cas sont décrits : Le Molad tombe depuis 7 d., 18 h., jusqu'à 1 d., 20 h., 491 s.; de jusqu'à 2 d., 18h.

' Nous trouvons le même ordre dans Maimonide, OTniT! OT*ip, VII, 1-4, et Isracli, ûbl^ mD\ IV, 10, savoir : Les jours de Y'iN et T"rîJ3. le Molad avant midi ; 3 d., 9 h., 204 s.; 2 d., 15 h., 589 s. C'est ainsi que sont conçues les refiles dans les Ibronot postérieurs : n"-) 'Sji ;0^^^\~^) ba pT lbM2 ^CN") "inN N5

cnnob73 mpy mnvri inx -japn Y'un ,u3in:i na^o r.r^iJa. u est vraisem- blable que cet arrangement est emprunté aux anciennes Quatre Portes.

206 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

Le Molad tombe depuis 1 d., 18 h., jusqu'à 1 d.. Oh., 204s.; de jusqu'à 2 d., 18 h., c'est-à-direjusquà2d., 15h.,589s.

On voit que chaque Porte traite d'un des 4 jours T"TOa. L'ordre de succession des jours est: samedi, jeudi, mardi et lundi. On commence par le sabbat et on passe aux jours suivants indiqués par le signe mnémonique en allant de gauche à droite. Dans cliaque Porte, on traite d'abord des années embolismiques et en- suite des années simples. Les heures du jour civil sont comptées, sans interruption, de 1 à 24 '. L'heure a 1080 parties.

A la fin (1. 21-22), Naharwani donne la règle pour le calcul du Molad. Comme point de départ, il prend, à l'exemple de la plupart des Orientaux et des Gaonim, le Molad ''"-i'\ = 6 d., 14 h.

Tout ce que Ben Méïr cite de la première et de la seconde des Qiiyuj nynnN, nous le trouvons dans les Portes correspondantes de Naharwani; seulement Ben Méïr calcule par 12 heures de jour et 12 heures de nuit, tandis que Naharwani compte 24 heures sans interruption. Quant à la question de savoir si le calcul par 12 heures était le calcul usité primitivement dans les Quatre Portes et si, plus tard seulement, il a faire place au calcul par 24 heures, ou si Ben Méïr a introduit ce changement de calcul, nous laisserons ce point sans solution. En outre, Ben Méïr ajoute à toutes les indications de temps 641 s. ^, comme nous le savons par le récit de Saadia (IV, 1. 53) et par la lettre de Ben Méïr (111). Ben Méïr, citant n"'"i3>ïï nya-ii*, dit : Le Nouvel- An ne peut tomber les jours Y'ns, mais T"n:*n. Encore faut-il que le Molad Tischri ait lieu jusqu'à 641 scr. après midi (III, 1. 85-93). Ceci est conforme à ce que dit Naharvv^ani dans l'introduction. Ensuite, Ben Méïr cite, d'après la V^ Porte, deux cas : Le Molad tombe sur 6 d., 0 h., 1049 s. (1. 95). Si nous en retranchons 641 s., nous aurons 6 d., 0 h,, 408 s. C'est chez Naharwani le second cas de la 1"= Porte.

Le second cas que Ben Méïr cite d'après la l'» Porte est le sui- vant : Le Molad tombe sur 6 d., 9 h., 845 s. (1. 108); après sous- traction des 641 s., nous avons 6d., 9 h., 204 s., et c'est chez Naharwani le cas de la l''^ Porte.

Ben Méïr cite encore, d'après la 2e Porte, le cas de 4 d., 12 h., 256 s. (p. 112); après retranchement des 641 s., il reste 4 d., 11 h.,

* V. Iclcler, Handhuch der... Chronologie, I, 86.

* En prenant les choses d'une maniera rigoureuse, la divergence est de G42 s., car, si chez les Babyloniens, par exemple, la limite est 11 h., 1079 ^incl.'i, chez Ben Méïr elle est 12 h., 041 s. Cependant les Babyloniens excluent habituellement le dernier scr., et, dans notre cas, ils disent : la limite est 12 heures; c'est pour- quoi il suffit de retrancher des indications de Ben Méïr G41 parties pour obtenir le chiil're des Babyloniens.

QUERELLE AU SUJET DU CALENDRIER 207

695 s., et cela correspond au 1" cas de la seconde Porte chez Na- harwani. Nous trouvons donc chez Naharwani tous les trois cas que Ben Méïr cite d'après les Quatre Portes, et cela dans le même ordre que chez Ben Méïr. Chez tous les deux, on parle du samedi dans la l'"« Porte et du jeudi dans la 2®.

Quant à Saadia, dans son Commentaire sur le livre Yeçira (éd. Lambert, p. 80) il cite, d'après les û-^-i:?'*:) n::>3-iï«, la proposition suivante : n"-! 'ns^J: tzi-'pVn n"::"in mip ibnsi *nn-'y na «■'« ■^nttîn bD et il remarque que, dans les textes qu'il avait sous les yeux, il y avait par erreur is""' Wïî». Saadia ne dit pas dans laquelle des Portes il a trouvé ces mots. Ben Méïr cite ce cas d'après la Porte, et chez Nahar^vani aussi nous le trouvons dans la 2^ Porte. On voit aussi par une autre assertion de Saadia de quelle manière les Quatre Portes que Saadia avait sous les yeux étaient disposées. Dans sa polémique au sujet des 641 scrupules qae Ben Méïr ajoute aux limites de temps, Saadia remarque que, dans les indications relatives aux limites des ajournements, les cinq chiffres des scru- pules: 204, 408, 491, 695 et 589 se trouvent contenus (IV, 1. 36). On peut conclure de cet ordre de succession des chiffres que Saadia les a reproduits d'après les Quatre Portes et que c'est pour cette raison qu'il les a rangés ainsi, sans quoi il n'eût pas écrit 589 après 689. En effet, nous trouvons les chiffres 204, 408 et 491, chez Naharwani, dans la l'^ Porte, dans l'ordre suivant : 491, 408, 204. Saadia les a reproduits d'après la 1'"^ Porte des ûn^'^a rii^'n-iN, en plaçant toutefois les chiffres les plus petits devant les plus grands. Le chiffre de 695 a été emprunté par Saadia à la 2^ Porte, comme nous le trouvons chez Ben Méïr et Naharwani. Enfin, Saadia a emprunté son cinquième chiffre, 589, à la 3" Porte, comme on le voit aussi chez Naharwani, et c'est pourquoi il a mis ce chiffre à la fin ». Par suite, les Quatre Portes que Saadia avait sous les yeux étaient disposées comme celles que Naharwani a remaniées. C'est ainsi que nous apprenons, indirectement, mais d'une façon certaine, à connaître la substance et la dispo- sition de l'ouvrage primitif intitulé d-'-i^'td n^mi», qui n'existe plus, et nous savons que les Quatre Portes de Naharwani en sont un remaniement fidèle. Naharwani est le seul auteur qui nous donne les règles des ûn^'o) n^'mN dans leur ordre primitif -.

1 Les chiffres de la quatrième Porte se trouvent déjà dans les trois premières Portes, * Les auteurs postérieurs ne s'écartent pas des règ^les des Quatre Portes, mais ils disposent tout autrement le contenu. Abraham b. Hiyya cousacre quatre Portes à l'année embolismique, et quatre Portes à l'année ordinaire. L'ordre de succession des quatre jours dans les quatre Portes chez ce dernier est lundi, mardi, jeudi et samedi. Beaucoup d'auteurs ont sept Portes, parce qu'ils consacrent aussi une Porte aux trois jours Y'Hi* (v. msmay 'O, Offenbach, 1722, p. 10«). D'autres ont quatorze

208

REVUE DES ÉTUDES JUIVES

On ne connaît guère Yosé Al-Nahanvani. On suppose qu'il est identique avec Nissl Naharwani, qui joua un grand rôle à l'époque de Saadia '. Yosé pourrait être facilement une erreur de trans- cription pour Nissi, le nom de Yosé ne paraissant pas se rencon- trer en Babylonie -. Il est aussi identifié avec le poète Naharwani mentionné par Saadia. Il est certain que Yosé de Naharwani était originaire de Babylonie. C'est pourquoi il calcule d'après le Molad ■•"nn, qui était usuel en Orient, et se sert de l'expression arabe Mïïiari (1. 11, 15) pour l'année embolismique.

Les 4 Portes de Yosé Al-Naharwani ont été retrouvées par Steinschneider dans un ms. d'Oxford, actuellement 896, écrit par Saadia b. Juda en 1203. Saadia a ajouté aux Quatre Portes un commentaire arabe. Steinschneider a édité les Quatre Portes, sans le commentaire, dans Kérém Hémed, IX, 41, et c'est d'après cette édition qu'elles sont publiées ici pour la seconde fois.

•'SN-nnsbN 1DT' '73T Di-iy*a nyn-iN

.ûnrr-iîw nnn:?? -ion ^a"Dpn -^"rai^ mnv -inNb;rn] mn[i] .''r!:innD 1'^73'bujm nmaa nia-np ^nj^-^i

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,Ni:«3 « -^HT n^T V3» r!T72 n.si

Portes, sept pour l'année embolismique et sept pour l'année ordinaire ; v. Steinschneider, Cat. Bodl., n'=6002 et n" 6597. Cf. les Di-|yc 1"-^ de Benjamin b. Abraham à Oxford.

* Nathan Babil, Neubauer, Anecdoia Oxoniensia, II, 79-80; voir Harkavy, Studien und Mittheilungen, V, 70 et 11.*), et dans le journal "{"la;!, II, 86.

* Voir Frankel, i^^bCTT^M N1370, p. lOS. Cf., par contre, Rab Yosé, le dernier Amora à Poumbedila, dans Scherira (Neubauer, ib., I, 34), où, il est vrai, la leçon n'est pas certaine.

' Yosé paraît mettre l'ajournement du Nouvel-An, dans le cas le Molad Tischri arrive à midi et plus tard, en rapport avec l'olTrande du sacritice de Moussaph; v. Abraham b, Hiyya dans ITayri 'O, p. 53.

* Sleinschaeider remarque que dans le ms. il y a sous m"13"T, comme correction, le mot PTIDIT, fcans doute de "i2T dans le sens de conduite, arrangement. Comme exception à cette rèfjrJe, l'auteur mentionne qu'en deux cas le Nouvel-An est ajourné, même quand le Molad Tischri a lieu avant midi. C'est dans le même ordre de suc- cession que ces deux cas sont cités dans Maimonide, îipTnM T^, UJin" OIT'p, ch. VII, n" 1-4, et Israeli, Qbl5> ^TS"*, également d'après la refile 1"TN et "i"!!-

'' 573 de mardi, ^ 9 heures, Ti 204 s. Dans les années simples, le Nou- vel-An est ajourné au jeudi, si le Molad a lieu 3 d., 9 h., 204 s.

•" Dans l'année simple précédée d'une année embolismique, le Nouvel -An est ajourné au mardi, quand le Molad tombe 2 d., 15 li., 589 s.

" Si le Molad d'une année embolismique tombe de 5 d., 18 h., jusqu'à (3 d., 20 h., 491 s., le Nouvel An est ajourné au samedi et l'année est déficiente.

" Quand le Molad tombe de C d., 20 h., 491 s., à 7 d., 18 h., le Nouvel-An tombe le samedi, mais l'année est complète. Au sujet du motif de ces règles et des suivantes, voir Abraham b, lliyya, "iinm 'O, p. 65 et s.

9 Allusion à nXlriD "^n'^J'") PN riC"» (Cant., vi, 4).

QUERELLE AU SUJET DU CALENDRIER 20'J

.rcû'iViz i-'ionm rnca nciip \rzr v'nri» mbi72n ,r;:ûT>as en r;'^-inNb"::i nj<T .i::ipn"« ■^yncT p-iOn D'^cnn n^oi::'^ '-nn^a !-nbi73i rîN^n un -nn^' Di^b

'N -ira ^"y] .ni:n2: ';-'"''^'^^'i -npb vc-'7:n ncb

ni:nb3 -^"nn n^'n bina rtT» ax nsab ,r;33b nbi3 dn ' T'-i;:n ny ■i"-ia5'b

('3 nj^'O 3"3')

p nnaa ti^^t ■'nni: dn niûViUD ûn^o -^niT^ dn piosn ■^^a-'biaa ïtoidd n^onà i3 mD '^ irpno *7i:73 ^"-ms li' lo-'bujb " ^èpn "'^273 -nn^' inNbuj Tiy

* Quand l'année courante et l'année suivante sont une année simple et quand le Molad a lieu de 5 d., 18 h., à 6 d., Û h., 408 s., le Nouvel-An a lieu le samedi et l'an- née est déficiente. Il est remarquable que dans le sif^ne 1N"r!P, les 408 scrupules sont mis avant la première heure et le G' jour), pour indiquer par la position du chiffre qu'ici on parle des premiers 408 s. de la première heure, et non de ceux qui lui succèdent.

* Mais de 6 d., 0 h., 408 s. jusqu'à 7 d., 18 h., le Nouvel-An a lieu le sa- medi, et l'année est complète Ï^UDÎT est le hophal de NUO = s'écarter.

* Quand l'année suivante est une année embolismique, l'année est déficiente lorsque le Molad a lieu de 5 d.. 18 h. jusqu'à 6 d., 9 h., 204 s.

* De 6 d., 9 h., 204 s. jusqu'à 7 d., 18 h., l'année est complète. La première Porte s'étend jusqu'ici. Elle traite du Molad qui a lieu de jeudi à midi à samedi a midi.

^ Ï1U3T3D signifie ici l'année embolismique, comme r!w^33 T'iVO en arabe; de même Haï dans -nn^Tî '0, P- 97, 98; ibid., p. 100.

•' De :\ d., 18 h. jusqu'à 4 d., 11 h., 695 s., le Nouvel-An a lieu le jeudi et l'an- née est déticiente.

' De à 5 d., 18 h,, Tannée est complète.

* Mais dans une année simple, le Nouvel-An est ajourné au jeudi, quand le Molad a lieu 3 d., 9 h., 204 s. De jusqu'à o d., 9 h., 204 s., l'année est une année ordinaire.

^ De 0 d., 9 h., 204 s. jusqu'à 5 d., 18 h., l'année est complète. C'est jusqu'ici que va la seconde Porte; elle traite du Molad qui a lieu 3 d.,9 h., 204 s. jusqu'à 5 d., 18 h.

" Quand le Molad d'une année embolismique tombe de 2 d., 18 h. jusqu'à 3 d., 18 h., le No'ivel-An est célébré le mardi et l'année est une année ordinaire.

*' Dans l'année simpie, l'année est une année ordinaire de 2 d., 18 h. jusqu'à 3 d., 9 h-, 204 s.

'^ Quand l'année précédente est une année embolismique, le Nouvel-An est déjà ajourné au mardi (Mïïbnb) si le Molad a lieu 2 d., 15 h., 589 s., et l'année est une année ordinaire. Ibn Ezra aussi dit dans son "nT^yn 'O, 2 a : Ï^UTCD l""lï3aT "JD; par conséquent, "jD au lieu de "J^TD^-

'^ Pour les deux années l'année simple qui suit l'année embolismique, comme l'année simple qui suit une année simple), la limite est 3 d., 9 h., 204 s. Ici s'arrête la troisième Porte. Elle traite du Molad qui a lieu de 2 d., 15 h., 589 6. jusqu'à 3.d., 18 h. T. XLII, n" 84. 14

21(1

UEYUK DES ETUDES JUIVES

.r-npD5 "jinonm ■'"«us r:':i'\'Tp hnd N::»n3N TJ^ ^''nTW dn n-ai;'72n :::-id .5myi3 '[■'Tob'^îm -^ica rT>::nnp nbni ^mbnrtD *"^n2 n:?! Ni:n:DN72 n;ab nxi

tnp?2 ir mcH"^ r;-«nn (i. nr>r) ^yh ,nyib ;::p3tt non nbit: r\y^

r-iNi:b t^n^i ,(i. •^"'^^} -^iTi ï-iDori m nL^nasbi riipn V'-^n a"" bsb nn n3":33 nnwX b-^b): -iNom □^j'iaort / nyDU))3b L:"spn N"Dm ,"iynn

.min D"iNb i/ûbMr: ^inn

A. Epstkin.

* Quand le Molad Tischri d'une année embolismique a lieu de 7 d., 18 h. jusqu'à

1 d., 20 h., 491 s., le Nouvel-An a lieu le lundi, et l'année est une année déficieule. ' 'Quand le Molad a lieu après 1 d., 20 h., 491 s, jusqu'à 2 d., 18 h., l'année est

complète.

' Quand le Molad d'une année simple tombe de 7 d., 18 h. jusqu'à 1 d., 9 h., 204 s., le Nouvel-An est célébré le lundi, et l'année est déliciente.

* De ;^;72 « déterminer ».

* Quand le Molad dépasse (1 d., 9 h.), 204 s., jusqu'à 2 d., 15 h., 589 s. (dans une année simple suivant une année embolismique, v. 1. 16), ou jusque 2 d., 18 h. (dans une année simple suivant une année simple), le Nouvel-An a lieu le lundi, et l'anuée est complète, ici s'arrête la quatrième Porte. Elle traite du Molad qui a lieu de samedi à midi à lundi à midi.

* Si on veut trouver le Molad Tischri d'une année quelconque, qu'on calcule avec soin fnyia'i l'ère de la création (n"'"l3 nD'>13) jusqu'à l'année dont il s'agit (Ty

yon Dip72'!.

' (Qu'oïl divise le chili're de l'ère de la création du monde par 19); que pour chaque cycle de dix-neuf ans, on compte 2 d., 16 h., 595 s. (comme excédent du Molad du cycle); qu'on compte pour les années restant après la division 4 d., 8 h., 876 s. par chaque année simple, et 5 d., 21 h., 589 s. par année embolismique.

** Qu'on ajoute encore 6 d., 14 h. (comme Molad de la première année de la créa- tion) ; qu'on additionne le tout, en réduisant les jours en semaine, et ce qui restera alors, en fait de jours après dimanche soir, est le Molad cherché. Voir à ce sujet Abr. b. Iliyya, ibid., p. 45. Quant à ce qui concerne l'addition de 2 d., 14 h., c'est le temps eut lieu le premier Molad Tischri et qui doit être ajouté lorsqu'on calcule un Molad quelconque. L'addition de 2 d., 14 h. indique que Naharwani vivait en Orient, les Juifs commencent à compter l'ère de la création au Tischri qui suivit la création, comme le font Saadia et liai Gaon , voir Rapoport. Erech M/lin. p. 88 et Abr. b. Hiyya. ihid., p, 96. En Occident, les Juifs commencent à compter au Tischri qui précéda la création ; pour cette raison, le premier Molad est inférieur de 4 d., 8 h., 87(3 s., (l'excédent du iMolad d'une année) et ils le calculent à raison de

2 d., 5 h., 204 s.; voir Abr. b. Hiyya, ihid.. p. 96, et Obadia sur Maïmouidc, "OTlp C^^^;, eh. vi, 8. L'ère de la création dill'ère, par consétiueut, chez eux d'une

EXPRESSION DÉSIGNANT LES DOCTEURS DE LA LOI

Commentant Ézéchif^l, ix, 4, ^inn T-^^n ']nna ^in? vbx 'r: n7:î<^T bn by t2-'p3N;m t=i-'n;î<:r: ti-'03Nrj mm:?: by in n-^nnm cboTT^ riDinn nos'sr! mns'inr!, le Midrasch Echa rabbati, sur ii, 1, con- tient un passage difficile qui dans l'édition de Buber (Wilna, 1899), p. 496, est ainsi conçu : -^ni .l33-n rr^^ns -^am iTTirr^ ■'nn ,in rr^inm ï-T'^^nD -^m .rn i^^t t^b^tt s-i-nïirt nx nTo'^-'po t=nN ■'an 172-in rmrr^

« nn n-^inm, discussion entre R. Juda, R. Nehémia et les Rab- banan. R. Juda dit : Ce sont ceux qui ont accompli la Loi depuis alefinsqn'à taw \ R. Nehémia : la Loi dddd ; les Rabbanan : celui qui est risina de tout côté. »

Je laisse provisoirement de côté les variations de la tradition relativement au nom des différents docteurs qui figurent dans ce passage et je n'examine pour le moment que les variantes touchant la parole de R. Nehémia.

Les anciennes éditions du Midrasch et toutes les suivantes ont SEDDl •j-'iJinn ; l'Arouch dans les anciennes éditions (5. v. osôd) a pDOD riDTin, dans l'éd. Kohut (VI, 383 a ; cf. cependant III, 518 &) IDSDD ï-în-^nn; le ms. de Buber dsdd mnnn. Les dictionnaires de Levy, Fiirst, Kohut, Jastrow et Krauss s'appuient tantôt entiè- rement, tantôt en partie sur l'explication et la leçon de Moussafla, qui (5. V. dddd) déclare : en grec i-^ddod signifie le jugement, parce que devant la justice grecque les petites pierres (employées pour le vote) s'appelaient Iid-^dd ; ceux qui étaient pour la condamnation jetaient des pierres noires dans l'urne, ceux qui étaient pour l'ac- quittement des pierres blanches, ou quelquefois les premiers écri- vaient sur la pierre la lettre thêta, initiale du mot OàvaToç: oilMm î^DT^i N'^rj iTi DQODn NHûTO ^-iMN i33"i nn nimm nsT xb nu5-iDn rtD-^N ninriî. Mais autant que je voie, la leçon approuvée par Moussafia,

212 REVUE DES ETUDES JUIVES

« comme le thêta sur la pierre du suffrage », ne se trouve dans aucun des textes connus, et Moussafia me fait l'effet d'avoir corrigé le texte selon son explication ingénieuse. En effet, il lit CD5D3 avec la préposition n, alors que les textes n'ont que dddd ou IDDOE. Pour le mot n^'^nn des éditions, que Moussafia, ce semble, change arbitrairement en Na\-i:3, le ms. de Buber a rjmnr!, l'Arouch na"^nr; ou rsriTin. En tout cas, ces trois documents ont comme pénultième 3, n ou n, ce qui ne justifie pas graphiquement le N::3'^nD de Moussafia. De même, la première lettre est n ou n, et ne ressemble pas à 5. Mais, en dehors de ces considérations graphiques, qui ne sont pas probantes à cause de l'inattention pos- sible des copistes, il y a contre l'explication et la correction de Moussafia, à côté des traditions qui, en somme, sont concordantes, une autre raison, c'est que les docteurs palestiniens ont em- prunté, pour l'explication agadique de la parole biblique, des termes et des illustrations à leur plus proche milieu, c'est-à-dire à l'administration romaine en Palestine, et non pas à la Grèce et encore moins à des coutumes tombées en désuétude. Or, la jus- tice romaine, autant que je sache, ne se servait pas, pour ex- primer le vote, de pierres marquées d'un 0, mais de tablettes enduites de cire (cf. Mommsen, Rœmisches Strafrecht, 445). A supposer que R. Nehémia ait pu observer cette manière de voter dans une ville hellénistique de Palestine avec juridiction auto- nome, il resterait que le verset biblique qui sert de base à l'inter- prétation parlerait contre l'explication de Moussafia. Le verset, en effet, parle exclusivement des hommes pieux de Jérusalem que Dieu veut voir protégés contre la ruine qui approche et que, pour cette raison, il fait marquer d'un signe distinctif au front. R. Juda, expliquant le mot in, dit que ceux qui sont jugés dignes d'être sauvés sont les exacts observateurs de la Loi entière; il justifie ainsi le choix de la lettre n comme signe distinctif. Puisque ces dévots ne doivent pas être frappés d'après Ézéchiel, ix, 6 : bD b?i iu::;nbN inn vb? t^ï^ us^^n, mais qu'ils demeurent indemnes, le n ne peut pas signifier la mort, ocDDa N:^\n3 ^

Sans doute, dans Sabbat, bba [Tanhouma, û'^aDïSW, 7; Tan- houma B'jber, yi-iTn, 13), à propos du môme passage de l'Écriture, nous lisons : « Dieu dit à l'ange Gabriel : Va et inscris avec de l'encre un taw sur le front des hommes pieux, afin que les anges de la mort n'aient aucun pouvoir sur eux ; et sur le front des mé- chants écris un taw avec du sang, afin que les anges de la mort aient pouvoir sur eux. » D'après cela, dd3D2 î<"j\-i3 pourrait rtre

' Cr. l'saumes de Salomon, xv, G, 9.

rapporté aux méchants. Mais la controverse de R. Juda et R. Nehé- mia ne parle pas du signe chez les méchants ; elle se tient au texte et au sens simple du passage. Donc il faut repousser la correction de rîDTin en nhû^ti^, comme l'ont fait les dictionnaires de Levy, Jastrow et Krauss.

Au reste, on peut prouver par ailleurs que nSTin et ddsd sont généralement réunis; par là, l'exactitude du texte midraschique se trouve établie et le moyen fourni d'expliquer les deux mots, que jusqu'ici, comme je le crois, l'on n'avait pas réussi à éclaircir. Le Midrasch ha-Gadol sur les Nombres, que j'ai pu utiliser grâce à l'obligeance de M. Schechter, de Cambridge, reproduit le Sif7''é sur Nombres, xi, 16, en ces termes : nmns hyix iritton bs'D n^ b^a nh^o DD-^DDT n:D"^nn. C'est l'interprétation répétée du mot u:"«n, qui est expliqué dans le sens d'homme fort, sage, puissant et nsTin ûd-^odt'. Ces deux mots, par conséquent, expriment certaines aptitudes des membres du Sanhédrin ou de l'académie. Le même Midrasch ms. sur le Deutéronome, que M. A. Epstein de Vienne a mis à ma disposition, donne le Sifré sur i, 13 comme suit : ûob ^^2^^ !-iD\nn3 ,û-'"::3N ^7^^b mT^bn n?: Nr: .li^'c:, i2n:i*-j b>' r;by i^n .d^02n ûnwai û-^p'Ti'n û'^ïî^k .-DCDcm; ici aussi il s'agit des membres du Conseil suprême, dont les qualités se manifestaient sd-^dot ïi:3\-in3. En tous cas, ces deux passages établissent que dans notre Mi- drasch OD-'OST niDTin est la leçon exacte.

Pour ce qui est du sens de ces deux mots, la préposition a dans le passage du Sifré que nous venons de citer porte à croire que DD"^D3T r!D"^nn désignent l'activité des 70 anciens en tant qu'auxiliaires de Moïse. Mais comme nulle part on ne nous ren- seigne sur la nature de leur activité, il nous est difficile de rien dire de précis. Le terme iniD'^nn ^, qui sous toutes ses formes se

» Noire Sifré (Nombres, § 92i, t3"'p"'nTI Mmaa "^bj'n ^172^0 "'b:^^ ^r^^^'û û"^D"^DDT, avait le même mot; c'est ce que montre la variante SS"'D'^DD consif^née par Levy (II, 368a), qu'il dit être une corruption de Q"^D""OD. De bonne heure ce terme a être altéré a cause de sa difficulté, attendu que Kaschi a déjà sur Deut., I, 13, Q"^D103, et le Yalkout sur Nombres, xi, 16, Û'^ï)"»;)^), évidemment sous l'in- fluence de la parole de R. Yohanan dans Sanh,, Ma : ?~Tjp'T '^53'3 niS"173 "'Pra \wh Ûi^aïUa 'J''3''7T'T tS'^E'CÎD ■'bi'a. Voir la note suivante.

» Le Sifré Deu(., 13. a ici: r\n\ □■''«lîî 13^^-1 hy nb^ ^3T ,t=l"'^:î< D"^D"103 □■'P">nTI Û-CIN "17aib "11735:1; l'énifçmatique a-^DlDD se retrouve a la place de DD"^Oî. La remarque de R. Hillel. le commentateur du Sifré, citée par Friedmann [ad loc.) : "jinUJn pnplp '[■'N"'p3 lim Û-'rDIDlD ■'"vIJ-îDTJl ri-^MI tS^'OTOa» "liaUinb 1"'"1"'P 'i''"' "[llî^bm, que certains expliquent ÛiDlOS comme désignant des hommes versés dans le calcul, prouve qu'ici également OD'^CD est l'original. En effet, en grec, calculer se dit '^^riçtîjetv ; au lieu de Û'^DTD2, H laut lire DTCOD, qui sif;iiitie le caillou pour calculer et compter.

* Le l'ait qu'on retrouve plusieurs fois ces deux mots accouplés exclut la supposi- tion de Fûrst [Glossariwn, 170 i) que MDTin est une glose do OD'^DD. Dans le Sifré "{ipimi, qui remplace nSTin, semble être sorti de ce mot.

21/j HEVUE DES ÉTUDES JUIVES

présente comme une sorte de synonyme de "in, indique des déci- sions ; nous le trouvons en rapport avec le Sanhédrin dans Lévi- tique robba, iv, 1 [Kohél. rab., sur m, 15) : D"ip72 ,-i7:ii< -iT3>"'bit "^an bttî DrT^3"^T nDmm nmai"^ nbn:; "^-nriDOï: Dipw .yc-in n^oo ::Dï)73n ûco z^inn -i3>'>:j3 ^•z•o^^ bnn Y^"'^ "'"''^^ "-^ iNin-^i n^o;:: r"«::-in riToo ,bî<-i\r!"« riDbnn ni< l-^Dnin ; dans la première partie, '^nn s'applique à des décisions en matière civile et criminelle, dans la seconde à des questions religieuses. Comparez dans Sanh., Ib, la parole de R. Simon b. Lakiscli : nnonn "^d ^ihnt V'^n n^pn^, qui s'applique éga- lement à des jugements de droit civil. Dans la parole de R. Yannaï (j. Sanh., IV, 22 a, 68) : m-iT^ybanb nn-^rt «b inDinn nmn nîn-^s ib-^N, tout le contenu de la Tora se trouve ramassé, semble-t-il ; en réalité, R. Yannaï, comme le prouve la suite, a pensé avant tout aux questions d'ordre civil et criminel. Dès lors, nD"^nn dans les passages du Midrasch désignerait le prononcé du jugement, et D5:''DE, comme ']^ricp°?> 1g vote, ainsi que dans le passage, pas très sûr il est vrai, de la Pesikta, 131 a.

Cependant cette explication laisse à désirer, vu que, dans Tautre passage du Sifré, de-^ddt ns'rin se trouvent sans la prépo- sition 3 et semblent servir à exi)liquer ©"i*, comme dans le Mi- drasch qui nous occupe. 11 faudrait donc remplacer in par 3 et lire

Nous retrouvons ces deux mots accouplés dans un autre pas- sage du Midrasch ha-Gadol, sur Deut., v, 4 : onsD 'i .û-^îca û-^îd ni: bD» tz^zti ï-in-ikt is-^Ta bsba?: Nirru: -nn^b ,inb "in y^M^-^ '-i t2u:3 bo n^-Tinb -i731n "oyb p iir^ûO 'n .'zz'DfDy 'r. nm tziijcn to-^SD ']r) .'t=;3W3> 'n -131 tj-^son ti-^SD ^3 ,11!: bD» tz!-^3D ï-iN"i73 î>iirr>r dd"^od ^D ni: biDTj ti'^ïD ï-iN-i7:i ï-in-i723 r-7Dnn7û t>nnïj rr^ab 1''-i?3N pa-n .DD»:? 'rs "an û"'3Dn D'^sd « V Éternel vous a parlé face à face; R. Pinhas &u nom de R. Josué b. Lévi dit : Comme à un héros qui brandit son glaive et le montre sous toutes ses faces ; suivant R. Simon b. Lakisch, cela ressemble à une oc'^dd bï: n:D\nn, qui montre sa face de chaque côté ; d'après les docteurs, cela res- semble à une chambre recouverte de miroirs, qui reflète le visage de toutes parts. » Que od''Dd ne signifie pas une petite pierre c'est ce que démontre le mot ns-^nn, qui le précède, à supposer

' Dans la Pesikta rabhati, xxi, p. 100, le même passage se retrouve avec une lé- fîère variante : tnSM 'l "ITON V^^* "^^"^ "^^ '''^'^'^ '"^ ""^^ '"'^'^ D"^;22 D"':d

bDb G-^iD MN-1731 iD-iTa bcbs?: N-in'ii) mnab -^ib p jcin-^ 'n ûu;3 •jinN 13 ■'DT' '-1 -iTON -iHN -131 .t3;D7o? 'n n3n C3-';d3 £d-':ï: -^d ni: 'n -i3n t=i"«;D3 d^'id ^d ni: bDT: ti-'rD nN"i73 tnnuj hth oi3"n7ûb

t3D72y. Le mot encore inexpliqué de DT3~n72 correspond-il à O^'^OD bO rîDTin '' Alors nous aurions l'ait uu pas en avant. - .

CD-^ODi rrDTn 215

que le texte soit en ordre et qu'il ne faille pas lire c-'^^z^ iiD'^nn, comme dans les passages dont il a été question jusqu'ici. La com- paraison demande qu'il s'agisse d'un objet brillant lequel reflète de divers côtés le visage de celui qui le regarde. Il ne peut pas être question de mosaïque, comme dans quelques passages du Midrascli, attendu qu'une mosaïque ne présente qu'une face. Dans Exode rabba. x, 3 : c^-^otm œ-i^un ';''->i^:' vn-o û^bTi^ bo Cinva, il est dit des maisons aristocratiques qu'elles étaient de marbre et de Ds-^Dc, il est probable qu'il s'agit de n"<n pî<, pierres taillées (comme le Targoum sur I Rois, v, 30) plutôt que de mosaïque. De même, dans 2'os. Oholot, xviii, 10 : o-r-^'^ca in ^■>"«u:n Cjii:-! (lisez Tl5"^t33), le verbe t]l^"i prouve qu'il s'agit de parquet ; cependant, étant donné le mot ï:"^U5, il semble qu'on ait voulu désigner la ma- tière plutôt que la nature de la disposition. Dans Negnïm, xi, 7 [Tos. Negaim, v, JO; Sifra, 69c), û-';ynni: "[-^d^sï: r:2 •>n-'0 Tirs^'^-p Q-^snbT, et dans ::iifré Zoutta, p. 3 a (éd. Kœnigsberger, cf. Baraïta du tabernacle, III, Bâcher, Agada der Tannaiien, II, 255, 1), ce mot s'applique aux rayures bigarrées d'un vêtement ou d'un tapis ; on peut donc supposer que ^"«;i: désigne le marbre blanc uni, l'albâtre, et dcdd le marbre diversement coloré (cf. Levy, IV. 549 b ; Sonhka, 51 & ; Baba Batra, 4 a .• î<ntt"im 'Q'^-q). En tous cas, il y a ce rapport que pour les mosaïques on se servait de cailloux de marbre de différentes couleurs. Dès lors, dans la com- paraison de R. Simon b. Lakisch, ds-'Dd bu: riD\nn serait un mor- ceau de marbre brillant. Mais par le premier mot, qui parait superflu, ne s'explique pas, pas plus que la qualification des membres du Sanhédrin par dd'^ddt n^Tin.

Nous trouvons od-^dd s'appliquant plus étroitement encore aux docteurs consommés, dans les^&o^ di R. Nathan, xxviii, 43 6 : DD"'OD pN ...0D"'0-: '\ni< n;D pN n-^n pN ,ûi»3n -^iiT^brin rinr] ^h^ T^»bn\DD .mnDOim mi5NT rnsbr; ï5-tîw rirû'vi: T'T^bn rîT ^'ric-i^ N-^r: in ,ib -i721n mnooina ,ib 15:in "w-n733 nbNO nbicN o;23 aan .rrrnn'n J'n-iî^a nro 3>n"iî< ib -a^vi ' dd"dd pi< « Il y a trois sortes de sages : n-'U pN, qui n'est taillé que d'un côté ; n3D pN, qui a deux faces polies ; dd-^od pN, qui en a quatre. Car ce dernier sage possède le Midrasch, la Halacha, la Tosefta et l'Agada et peut répondre à toutes les questions de tous ces ordres d'idées; un tel

1 DS^OD pN rappelle nT^baiTS b"i: nnx pN de Pesikta, 136 i et suiv. ; pN marque la grandeur peu ordinaire des P1''bi"l72j qui habituellement sont petites. Donc, Dd^OI pourrait désif^ner la petite pierre employée en mosaïque et pN 0D"^03 une pierre de grosse dimension qui est taillée comme l'autre. Un pourrait l'aire la même supposition pour DCOD 5*0 "D'^nn, et alors on traduirait : bloc de pierre. Mais resterait toujours à expliquer l'expression OCODT HD'^nn, qui comme endiadis n'est admissible qu'en poésie.

216 REVUE DES ETUDES JUIVES

sage est un ds^sd. » Ce passage nous donne à entendre que Dli-'Dd indique la forme que la pierre a revêtue après avoir été taillée ; à la fin on remarque, en effet, qu'une telle pierre a quatre faces. Levy (IV, 38 h) voit dans la première une pierre polie, dans la deuxième une pierre ayant des arêtes, et dans la dernière une pierre ayant quatre arêtes à ses quatre faces.

La deuxième recension des Ahot di R. Nathan, XLvii,55a, présente le texte en question sous une autre forme : rm» :?3-ii< ODDD r3>mn» r-^M ps nsD px ,û"^2ortta; comme ce passage cite en troisième lieu la pierre à quatre facettes, le od"«dd qui vient après doit désigner la pierre à six facettes. Si cela est exact, ri::^nn, qui se trouve à côté de dd-^dd pour qualifier un docteur, ne peut marquer qu'un certain genre de taille. On se rappelle alors le sens figuré de ^nn, que cette racine partage avec les synonymes Tn, nn, 3::n, principalemet avec nn, savoir « forme de coupe ». Nous trouvons dans Nidda, 24 6 : n'^'^-Q nbD52rT .am it12^ N3n ^ir\ ■^r) ri'CN "i7:V? mrbn m^b nxT::: 173N Nnn btr-» '^nnn irxo qia ...3>"'-)Tn, et dans la Baraita de Nidda, 2ôa : t^-^b^m û-'T' ']inn. Ainsi, bien que l'explication ne me satisfasse pas, od"'D-:t nD\-in exprimerait les surfaces taillées et les arêtes vivement polies de la pierre et s'appliquerait à la réunion de toutes les perfections chez le sage.

Pour le passage du Midrascli Echa rabbati qui nous occupe, nous obtiendrons l'explication suivante : comme R. Juda voit dans les hommes portant au front le signe dont parle Ezéchiel, IX, 4, les hommes pieux qui, suivant son interprétation de nrnm nn, ont observé la Tora de Valcf jusqu'au iaiv, R. Nehémia voit en eux les docteurs accomplis qui sont sauvés de la ruine. Mais tandis que l'opinion de R. Juda est fondée sur l'interprétation agadique du mot nn, rien ne montre comment R. Nehémia établit un lien entre les docteurs et le mot in ou quelque autre terme du verset. Cette difliculté aura conduit Moussafia à sa correction : Dc-'CDa n:û%-id, correction ingénieuse, mais que nous ne saurions admettre.

Comme on ne peut pas supposer que R. Nehémia ait pu négliger de rattacher son explication à une particularité du texte, c'est donc que son observation est tombée ou a été rendue méconnaissable dans notre passage mal conservé. Pour savoir à quoi nous en tenir, considérons la troisième opinion : Nirri) imî« nn» isn-n rTi:£ bs» r!3rî3 ; les éditions ont : "^rrri ■^rr^n m b^n niniu: by ."«nn •^nm Les commentateurs expliquent, dans 5'a6^a/, 55 «, que la lettre n apparaît comme initiale dans les verbes qui signifient « sauver » aussi bien que « perdre ». Le fait que le ms. de Buber

DD^DEi n2\-in -217

n'a pas ces exemples , d'ailleurs peu clairs , tandis qu'on les trouve augmentés chez les commentateurs, donne à croire que primitivement ils ne faisaient pas partie du texte et qu'ils ont été intercalés plus tard dans Sabbat, 55 a. Comme auteurs du verset, le ms. indique les lian, les éditions a"i, confusion facile à expliquer ; il est certain que primitivement il y avait iss-. Car ce ne sont pas seulement les éditions qui placent en tête de la controverse pam ïT«ttn3 'm irrtv "^ni, mais aussi le Yathout, qui sur Ezécliiel, IX, i^ 349, a laissé de côté le troisième verset qui nous occupe évidemment, parce qu'il lui paraissait inintelligible et qui néanmoins place la mention des trois docteurs en tête des versets. Or, chose étonnante, le Yalkout cite les isan comme auteurs de la deuxième interprétation : 1-«dood in^s pnm. Cependant cette va- riante n'est pas due à l'omission du troisième verset, comme on s'en rend compte par VArouch, qui dit {s. v. dddd^ : r!3\^ nbswm 1DDS0 r!3\-ir! """iT^î* i;n"i n-':»"', et par Moussafla qui s'en inspire {s. v. ODCD) : ^<L2^^D i-iTjN i:3n in rT«nnm -i:3T Nbi ncion n:î\x o-nwm .SDCD3 Par R. Nehéraia était écarté du deuxième verset ; en réalité, les éditions ont en première place ^hhd m, qui, comme il arrive souvent, est la corruption de ri-^wre 'n (cf. Bâcher, Agada der Tannaiten, II, 238 et suiv.). Cette divergence entre les tradi- tions s'explique très simplement : R. Juda et R. Nehémia sont les auteurs communs de la première opinion et les pm ceux de la seconde; c'est cela qui, comme souvent (Bâcher, l. c, p. 226), est exprimé par les noms de "jaam rfttns "^nm rmrr' "«m placés au début. Quant au troisième verset, qui a le nom de Rab dans les éditions et celui de l'a-i dans le ms., il est la continuation du se- cond, et le nom est à biffer'. Il contient évidemment le fondement exégétique de la deuxième opinion od-^sdt ïiDTir!, qui était omise. Il est inutile de dire que ni: bon rsinso by ou bo» ^î:r^: iîino rnni: ne peut pas signifier que la lettre n est employée dans des verbes de sens différent. D'après nos explications, la connexité entre le in du verset biblique et l'interprétation dccdt nD\~in doit être exprimée. Pour os"«dd pi^ nous avons trouvé : 3>n"i5< ib 'C"<;a ïT'mn'n yn-ii<a ï-itd « ayant quatre arêtes » ou d'après l'autre version : poli de toutes les (six) faces. J'estime que ^-^ hzi rtïnsu) T^n contient quelque chose d'analogue, sans pouvoir donner avec assurance le mot caché dans nsrij'O ou rîsnr»::, qui forme la clé de l'explication ; peut-être le verset était-il ainsi conçu : bD» ']nn3\a

1 Peut-êlre 3~i est-il pris de Sabbat, bo a, il est l'auteur de la parole sur le n = mWn TTi ^^TTin ITI. Comp. la leçon dans l'édition de Venise, 1519 : "[j^m

"'n\-i "Tî-Ti n^rK V--"!"! /i^ b32 r;:nDO n:? -irs 2-n .odddi ';"«r"inn ''-i^cn

218 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

T^ns T^Tji: « qui était taillé de tous côtés comme un law », ou quelque chose d'analogue.

Pour terminer, je ferai encore observer que le passage mx ■':n T^n '^y^ v^iXi2 rrnnrî nN iTO'^-'pio de Sabbat, 55 a, est reproduit deux fois en rapport avec Ezéchiel, ix, 4-(), et par deux doc- teurs différents. D'abord il apparaît (dans Echa rabbati) comme étant empruntée une source tannaïtique : 13-1 -"in ,V5nn •'irnpTST:! rN MZ'-^-ii'C tznx ■'^a n'?N /ciipw-j t»*îbwS ■'CipT:?: ■'-ipn Sn ticr T«n ly C]bi<» nbnis ïimnri ; mais il s'appuie sur une autre parole de l'Ecriture et il exprime la même pensée que ci-dessus (p. 212) à savoir que les hommes ornés du signe périront également. Comme cependant le verset même ne se comprend point par le '^'ûl^'û interprété, mais suppose l'interprétation du mot nn, comme étant la lettre n, il est clair qu'il repose sur la parole de R. Juda et de R. Nehémia, qu'il est d'origine postérieure, mais qu'il est peut-être encore d'origine tannaïtique. Toutefois l'interprétation du verset peut appartenir à Rab Joseph, qui puisait aux sources tannaïtiques (cf. Bâcher, Agada der bab. Amoraeer, 1041. Quelques lignes plus loin, à propos de Y'\n Nr>D \S73i, il est dit au sujet des premiers Amoraïm : Dii« ""an ibN nXDî* "^stûto "la b^TC^TT T»n ^y^ t)bN» nbnD minr; mtï nw-^-ip^; rien n'indique que Samuel b. Nahman ait eu connaissance qu'avant lui des Tannaïtes eussent donné la même explication de m, à moins que Samuel n'ait pas nommé l'auteur de cette parole. En tous cas, cela semble prouver que les deux passages agadiques de Echa rabbati sur 11, 1, et de Sabbat, 55 a, sont indépendants l'un de l'autre.

Vienne, 2ii février 1901.

Ad. Bueciiler.

p. s. Mon article était terminé quand j'ai pris connaissance de la notice de Sprenger sur la mosaïque chez les Arabes [Zeilschr. d. deutschen morgenlaend. Gesellschaft, XV, 18G1, p. 409). Cette notice contient sur le sujet dont nous nous occupons de précieux renseignements qui méritent d'être rapportés. Remar- quons, d'autre part, que grâce aux passages du Midrasch ci-dessus mentionnés, un détail que Spenger n'a pas expliqué se trouve éclairci. Il dit de Damas : « Les bassins des jets d'eau sont ordi- nairement de marbre blanc oti se trouvent incrustés des pierres en forme d'arabesques et d'autres ornements de marbre multico- lore. La partie du parquet de l'antichambre qui n'est pas recou- verte de tapis et qui est de marbre blanc présente la même déco-

oo-^DDi rt^-^nn 219

ration. Parfois encore des piliers et des frises se composent des mêmes matériaux. Cette espèce de mosaïque s'appelle rn-j SNn-:, marbre incrusté. Une autre sorte de mosaïque est appelée nod-^dd (noe5''Dd). Suivant les lexicographes arabes, ce mot serait grec, et les nôtres l'ont retrouvé dans Y'^Y-''-"' ^^^ '^^ Arabes prononce- raient * fesîfos », d'où pouvait sortir facilement « fosayfisâ ». Comme en grec, « fosayfisâ » ne signifie pas proprement « mo- saïque », mais la matière dont celle-ci est faite. Les fosayfisâ employés dans la mosquée Omawy sont des pièces de verre de toute couleur, dont quelques-unes incrustées d'or... Ces pièces sont agencées de manière à former diverses figures et elles sont appli- quées au mur au moyen de plâtre. Des murs et des plafonds sont ornés de tableaux de fosayfisâ, les parquets rarement, peut-être jamais. »

Comme, à côté de dc^ds, on nomme une autre espèce ^rm = "î^nn on est fondé à identifier avec ces expressions celle de rîDTin DD"«CDi. Ce serait en même temps une très précieuse indication sur l'art de la mosaïque en Palestine à l'époque des Tannaïra.

Vienne, 28 avril 1901.

A. BUECHLER.

LES DOSITHÉENS DANS LE MIDRÂSCH'

Dans son ëtude sur les Dosithéens, M. Krauss s'est appuyé sur trois passages du Midrasch, déjà cités par d'autres savants (cf. aussi Chwolson, Die Ssabier, I, 98, 4), qu'il interprète comme d»^- signant expressément cette secte samaritaine. Estimant que ces preuves n'ont pas la valeur qui leur est attribuée et la question offrant un intérêt particulier, je voudrais exposer à ce sujet mes réflexions personnelles et dire mon opinion sur les deux plus anciens de ces trois passages.

Je commence par celui des Abot di R. Nathan, viii (19« de l'éd. Schechter), relatif à deux û"''T'Dn. Ceux-ci veulent délivrer une jeune fille tombée en captivité; l'un est lui-même empri- sonné et finit par être délivré par son compagnon en même temps que la jeune captive. Suivant la remarque de M. Schechter, un manuscrit d'O.xford donne aussi les noms de ces deux hommes, •jvnDTn ^rO"n, et ces mêmes noms étaient connus des auteurs de l'Or Zar^oua, du Schibbolè ha-Léhei et du Tania. Ce sont ces noms qui ont déterminé M. Krauss à admettre qu'on a voulu dé- signer ici les fondateurs de la secte des Dosithéens. Cependant M. Krauss reconnaît lui-même que, dans l'ensemble du récit, rien ne paraît s'appliquer à cette secte hérétique et que ces deux hommes sont présentés, au contraire, comme des gens pieux, même comme des Esséniens. Malgré cette observation , déci- sive en soi, il veut en faire des Dosithéens, uniquement parce qu'on retrouve dans leurs noms celui de Dosithée ! M. Krauss place cet événement à une époque fort ancienne, parce qu'il est dit que l'un de ces deux hommes, pour délivrer son compagnon et la jeune fille, outre l'or et l'argent qu'il avait emportés, s'était fait accompagner d'une troupe d'hommes : cette circons- tance ferait supposer qu'à cette époque, les Juifs n'étaient pas

' Voir Revue, XI, II. p. 27 et s.

LES DOSITHEEXS DANS LE MIDRASCH 221

encore complètement subjugués. Mais il résulte d'un examen des détails de notre récit que le premier des deux hommes qui fut pris lors de sa tentative pour délivrer la jeune fille et emprisonné pour cause de rapt, était tombé entre les mains des autorités lo- cales, et non entre celles de brigands, car sa femme put lui apporter chaque jour sa nourriture. Il ne veut rien accepter des païens, non parce qu'il est Kssénien, mais parce qu'il est juif. Il se trouve donc en prison chez des non-juifs, et cela parait viser l'ad- ministration romaine de la Palestine, si toutefois il s'agit de ce pays et non d'un autre. La jeune fille prisonnière se trouve auprès de lui, comme le montre la suite du récit et comme on le dit expressément, et accepte la nourriture qui lui est offerte. La cause de son emprisonnement n'est pas indiquée, mais il est naturel de l'attribuer à des temps de trouble principalement des femmes, des jeunes filles et des enfants étaient emmenés prisonniers, car, comme les sources tannaïtiques le remarquent (Ketoub., 516; Tos., IV, 5) : ';i"'i3CD iris i-nao"'b -^m:; ,'{"^"'it::d p -^-in mD'573 "•"•nnï) « il y a des prisonniers des autorités romaines et des pri- sonniers des bandits «. Toutefois il ne peut s'agir de cette dernière catégorie, puisque la femme du prisonnier peut venir le voir tous les jours. A l'époque se passa cet événement, de nombreux cas analogues ont arriver, car un peu plus haut, dans les Abot di R. Nathan, il est dit : "sn cn 'n ■'ST' i-.an: tn

Jz:r!"<V3 n"2'pr, p-^Dom, û-'-'inc" »nN msrT amsNn ns -i*'n3T ^r:

N2T r:r;-*T«3 r;"3pr; p-sorr n'dt o-'iincr; nN Tn^:^ amcNn nx -i-n-i .yp-ipa pmm ^«'572 « II est écrit dans Malachie : Alors ceux qui craignent Dieu s'entretinrent et Dieu fit attention et écouta, et il fut écrit devant lui un livre mémorial pour ceux qui craignent Dieu et qui méditent son nom » (m, 16). Quels sont ces gens qui craignent Dieu? Ce sont ceux qui prennent des résolutions et disent : Allons délivrer les prisonniers et racheter les captifs. Dieu leur en donne le pouvoir et ils exécutent leur dessein immédiate- ment. « Ceux qui méditent son nom » sont ceux qui se consultent et disent la même chose, mais Dieu ne leur en donne pas le pou- voir, et un ange vient les frapper. » L'agadiste recommande ainsi à ceux qui projettent de délivrer des prisonniers d'exé- cuter rapidement leur dessein, leur assurant l'assistance divine, tandis qu'au contraire, il prédit un prompt châtiment à ceux qui s'attardent dans leurs délibérations. Notre récit est un exemple frappant de ce second cas. La langue de ce passage, comme le prouve le pronom interro-

222 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

gatif nbiî, qui, selon M. Friedmann, est une locution particulière- ment caractéristique du Tanna debè Eliahou, est un signe de la modernité de tout ce morceau (cf. Berakh., Sa); mais cela ne prouve rien quant à l'époque se sont passés ces incidents, qui sont empruntés, en partie, à Sabbat, 127 b, et appartiennent à une ancienne époque des Tannaïm, Déjà R. Eliézer b. Hyrkanos et R. Josué b. Hanania discutent au sujet de l'obligation existant pour le mari de racheter de captivité sa femme [Keionb., 62 a); et nous voyons que cette discussion reflète des circonstances réelles, puisque R, Josué se trouve lui-même dans la nécessité de racheter un petit garçon (jér. Horayoi, m, 48 &, 29 ; Tos., ii, 5 ; b. Guiitin, 58 a ; cf. Bâcher, Agada der Tannaiien, I, "71, note 3). Cependant la discussion approfondie des questions relatives au rachat des captifs n'a eu lieu qu'à l'Académie dOuschâ, nous voyons R. Siméon b. Gamaliel(A'eio?<&., 52 «-Z; ; Guittin, iv, 6 ; Tos. Ketoub., IV, 5), R. Juda b. Haï {Ketoub., 36 b; MiscJma, m, 2; Tos. Yebam., VI, 6), R. Yosé b. Halafta [Ketoub., 31a), R. Dossa [Ketoub., 36 &) et un inconnu, probablement R. Méïr [Horayot, m, 7), traiter ce sujet. Nous avons les conséquences naturelles de la révolte de Bar-Kochba, à la tin de laquelle des milliers de captifs juifs furent mis en vente comme esclaves sur le marché, près du térébinthe de Hébron et à Gaza (saint Jérôme, sur Zach., xi, 5, et Jérémie, xxxi, 15 ; Chronicon Paschale, I, 474, éd. Dindorf). De même, nous trouvons plus tard, vers 180-200, R. Pinhas b. Yaïr se mettant en voyage pour racheter des captifs [Hoidlin, la), fait qui pourrait se rattacher aux luttes de l'empereur Septime Sévère contre Pes- cennius Niger en Palestine. Le fait que dans Sabbat, 127 ô (nu::?» ^N-iu:"» nn nnN rtnin msu: nnî< T^on^), on raconte un incident analogue à l'appui de la même thèse et sous une forme semblable à notre relation des Abot di R. Nathan, permet de conclure avec vraisemblance que l'événement qui a donné lieu à notre récit s'est passé également au ii« siècle, peut-être pendant la guerre de Bar- Kochba. Ceci concorde aussi avec la mention précédant immédia- tement celle-ci : û-'T'on iDia rinriN iDbm n->302UJ nni< nn-«-i3 T,'oy)2 m3"iT bo nmpb L)r!72 ina 023d .rimiob « Une jeune fille ayant été faite prisonnière, deux hommes pieux allèrent la racheter; l'un entra dans une maison de prostituées... » Ce texte parle donc d'une jeune fille tombée en captivité, comme ce fut le cas de la fille de R. Hanina b. Teradion lors des persécutions religieuses qui eurent lieu en Galilée sous Hadrien [Aboda Zara, VI b, 18 <2-6), qui fut ensuite rachetée par son beau-frère, R. Méïr. L'assertion, de H. Siméon b. Gamaliel et de ses collègues {Guittin, iv, 6), Vi<

LES DOSITHÉENS DANS LS MIDRASCH 223

l-^-inno!! n:pn, montre que lors de la guerre de Bar-Kochba on aidait beaucoup les prisonniers à prendre la fuite. Naturellement l'ar- gent jouait le premier rôle ; comme le montre l'histoire de la délivrance de la belle-sœur de R. Méïr, il servait surtout à cor- rompre les gardiens. Les hommes dont parle notre récit accompa- gnaient les deux libérateurs, sans doute pour assurer prompte- raent un refuge à la jeune captive une fois délivrée.

Dans les relations citées, les libérateurs de la jeune flUe sont désignés comme des û'^TDn, ce qui amène M. Krauss à les prendre pour des Esséniens. Mais dans Sabbat, 121 b, le Ton est un maître qui est accompagné de ses disciples, exactement comme R. Josué b. Hanania, et il en résulte, ainsi que de Finterprétation donnée ci-dessus des expressions 'n "'NT' et ^MO '^nonn de Malachie, III, 16, que Ton désigne le maître qui se voue avec un zèle particulier à l'accomplissement de la Loi. Du reste, nous trouvons aussi dans le Talmud d'autres récits concernant un TDn et on connaît la règle formulée dans Temoiira, 15 &, que le hassid ano- nyme désigne soit R. Juda b. Baba, soit R. Juda b. Haï (cf. Tos. Baba Kamnia, viii, 13 ; jér. Sota, ix, 24 a, 32). Cependant, comme on veut faire de ces deux docteurs des Esséniens, je ferai remar- quer que dans le portrait des Romains que R. Yosé b. Kisma a tracé à R. Hanina b. Teradion {Abocla Zara, 18 a) : ^'ir rins» -^n

T^ma TN r^^D"'N^ rT^on nx nsim « Tu ne sais donc pas que cette nation a eu son pouvoir de Dieu, car elle a détruit son temple, brûlé son sanctuaire, tué ses hommes pieux {hassidim) et fait périr ses hommes de bien », il ne peut guère être question ici d'Essé- niens. Si on peut tirer des conclusions du fait que les deux doc- teurs galiléens, Juda b. Baba et Juda b. Haï, sont appelés D"^Tsn et que R. Yosé b. Kisma, qui vivait à Tibériade {Yebam., 96 & ; cf. jér. SchekaL, ii, 41a, 22; Yalhoitt Makhiri sur Ps., lxi, 3. et cette Revue, XXV, 63 et s.) se servait de ce mot particulier pour désigner les zélateurs de la Loi et que le rachat des prisonniers par les hassidim se rapporte vraisemblablement à la fin de la guerre de Bar-Kochba, lorsque la Galilée formait le lieu de re- fuge et de séjour des Juifs de la Palestine, le mot hassid serait une dénomination usitée par les écoles de la Galilée pour dési- gner les observateurs zélés de la Loi. Le bain que prend le hassid délivré n'a rien de commun avec l'Essénisme, de même que le bain pris par R. Josué b. Hanania (dont il est question dans Sab- bat, 121 b) qui n'était pas soupçonné d'appartenir à l'Essénisme : c'était un bain de purification légale, et c'est ainsi que la relation

•224 REVUE DES ETUDES JUIVES

nous le présente. Si sa femme lui apporte dans la prison de l'eau en même temps que du pain, c'est parce que le Jiassid ne voulait accepter aucune nourriture des païens, et on eu fait mention uni- quement pour dire que la femme n'était autorisée qu'à lui ap- porter ces choses indispensables (cf. ynb û"^»! ynb dnb, I Rois, XXII, 2*7, et ynb ûr:n ni: Dnb imx 'j-^'î-'rNTOT riD-^D*? imN 1"'D13D73, Sanhédr., ix, 5, et Eroub., 21 &).

Quant aux noms de "jtdti et de 'jn\"ion, comme ils sont écrits dans le Tania, il est certainement étrange que les deux hommes d'un même endroit, que réunit une entreprise commune, portent des noms presque semblables. Mais pourquoi vouloir en faire des Dosithéens? Ces noms proviennent de l'addition de la terminaison )") aux mots -"Din (= ^moTi) et inoi- (=: "^Nnoin) ; les formes simples de ces noms se retrouvent ailleurs dans la littérature talmudique et proviennent, je crois, d'une contrée déterminée on les ren- contre fréquemment, savoir de la Galilée. En effet, nous savons que Hanina b. Dossa habitait à Arab, près de Sépphoris (jér. Berakfi., iv, 7 c, 57), et R. Dossa, qui n'est pas le même que R. Dossa b. Hyrkanos, enseignait à Schefar-Am '. De Galilée étaient R. Halafta b. Dossa {Aboi, m, 6), R. Halafta à Sépphoris, Si- méon b. Halafta à En-Tcena (KoJi. r., m, 2, 3; jér. Taanit, IV, 68 a, 41) entre Tibériade et Sépphoris, Halafta de Kefar-Ha- nania i^Tos. Kèlim, I, iv, 17), la ville frontière de la haute et de la basse Galilée, Halafta b. Saûl, le disciple de Rabbi, Halafta de Houna (ou mn, Frankel, Inirodiwtio, 85a), le maître de R. Yo- hanan -.

Le nom de Dosithaï indique aussi cette partie de la Palestine comme patrie de ce nom. En effet, un disciple de R. Méïr s'appelle Dosithaï b. R, Yannaï, et il nous a transmis des sentences prove- nant non seulement de ce maître (Bâcher, Tannaiten, II, 21, note 7 ; Aboi, m, 8 ; Eroubin, v, 4 ; Tos. Berahhot, vu, 8 ; Lévil r., 17, 1), mais aussi de R. Yosé [Tos. Tohor., v, 8) et de R. Eléa zar [Tos. Sabb., xiv, 17); il est également en rapports avec R Siméon b. Yohaï (Bâcher, H, 104, note 10) ; par conséquent, il de vait habiter le centre de réunion de ces docteurs, qui est Ouscha

» Tos. Mikwaoi, VI, 2: Qy-^D'ob NU5\s 'j"'3":; rîTip;23 ïi'vi^sw Tti'i'n'' ""ai -i7:n

' Dans Abot di R. Nathan (2« version, xxxiv, 38 a), on nomme, il est vrai, ^m ■^rnan NDIT « R. Dossa, le Babylonien ». Cependant dans Abot, iv, 20, il y a

"'baan -isr) ;aii< 'r^'^^rr^ "^nna ■'ot" "<2-i < H. Yosè cis de R. Juda, habitant Ke-

far Hahabli > / c'est donc une localité palestinienne; elle est, aussi mentionnée dans Jidouyot, VI, 2 : ib33n "IDD ",::'iN "jn^bx p ri"^;nn: 'n (cf. Baclier, A;/aila de,- Tannaiten, II, 371, note 3).

LES DOSITHHENS IJAXS t.E MIDHASCH 225

Cette hypothèse est corroborée par le fait qu'il est envoyé par le collège d'Ouscha à Nehar-Pekod. A la même époque vivait Dosi- thaï b. Juda, qui a rapporté des sentences de R. Siméon b. Yohaï (Bâcher, II, 390; ; il est en relations avec Yosé b. Kipper, le col- lègue de R. Dosithaï b. R. Yannaï et le disciple de R. Eléazar b. Schammoua [Tos. Schebiif, ii, 18; Bâcher, II, 276, note 9), et il est en discussion avec Rabbi {AraUhin, 30 a). D'après cela, il habitait en Galilée. Abba Yosé b. Dosithaï, dont Rabbi transmet des sen- tences et qui rapporte lui-mênae des sentences de Tannaïtes plus anciens, d'Eliézer b. Ilyrkanos et de Yosé le Galiléen, était le col- lègue des docteurs d'Ouscha et peut-être le père d'un des deux Dosithaï. Nous connaissons encore un autre Dosithaï d'une époque bien plus ancienne, un disciple de Schammaï, r7?:n"> nsis ■ùi'^iî ■^Nnonn ou ivn n-:r) [Orla, ii, 2) et des Amoraïm portant ce nom, comme par exemple Dosithaï b. "jinn ', qui rapporte des sentences de R. Yohanan [Berahh., Ib; MeguUla, &b; Yoma, 30 1) et qui est peut-être identique avec Dosithaï de Biri en Galilée [Aboda Zara, 40 «; Bâcher, Pal. Amorde^", III, 695) et avec le Dosithaï qui rapporte des sentences de Samuel b. Nahman dans Genèse rabba (Bâcher, I, 488 et s.) et de R. Lévi dans Pesikta, 143 b. D'après ce rapprochement, le Iv.Vi'^ 'isd d'où Dosithaï, le disciple de Schammaï, est originaire, doit être cherché vraisemblablement en Galilée.

En ce qui concerne Texplication de la terminaison ■'N, qu'on ne peut interpréter d'une façon satisfaisante par le grec, il est à

* Cependant Zebah., 99 a, a "'N^OT' ; de même jér. B. Kamma, vu, 6 a, 6, le ms. de Munich sur Yoma, ^ONi 'ous les autres manuscrits et textes cités par Rabbinowicz, ^NI2D1^ ; dans Berakkot, au contraire, il y a "'NnDTi- Dans Ifoullin, 64 b, le passage ■^P'^IIlÛîN ■'STT m3N "^NriDIT "^2"! "^^P mérite une considération particulière. Le nom ■'p'^m^DN se trouve dans un passage de la Pesikta cité uniquement par "^D'ITO sur Pesah., x (Pesikta, édit. Buber , p. xxxiv, 7), -ni< "^p'^mUSN "«an "172N Onnn CNim nTCa r.nr:: C^n-'a bO, et dans jér. Yoma. IV, 41 d, 13 Cant. rab., III, 10 ; Nombres r., xii, 4), ND"|-n -nm t^inX "ipTlUS "^Sl, TS172 2r!î

.rT'nssn nr^n \::Nb nrni rtm "n î<n ""n-i û'vi^n. ii est hors de doute que

le Dosithaï nommé dans Houllin, le père de R. Aftorikaï, est identique au frère de R.Dossa, et efi'eclivement les manuscrits cités par Rabbinowicz portent M'^"13_'^N0T1T ''p"'"nL2DN "^nm; un autre manuscrit a cette intéressante variante : î^irtN !^b "^IWNT ■^P^IICÛDN "^am. D'après cela, on a mis "'iSDTn" pour "'Nnon et on trouve aussi le terme intermédiaire de "^NnOTI"! dans Midrasch Samuel, xxviii, 4, comme l'a déjà remarqué Heilprin ; il me semble fort douteux qu'on puisse, après cela, expli- quer "^NDim par Drusus. Dans la sentence citée, Aftorikaï, le frère de Dosithaï, rapporte une opinion de R. Abba b. Bina. Or, nous lisons dans jér. Haguiga , i,

76<^, 5 : 13-n r7-7:"w7o nn ^•^'J2^ n^tst nn non -^a-i ^r\z^^ ■'m n-'pîn ■'m

NDO "^POTT) au sujet de la lettre de recommandation du patriarche R. Juda II, pour R. Hiyya b. Abba, et il est tout indiqué d'identifier les Dosithaï des deux passages. Ainsi il y avait aussi un Dosithaï l'Ancien ; le nom se perpétua dans la famille, comme le nom étranger "'p'^liasiX, qui se trouve aussi dans une Consultation des Gaonim (éd. Harkavy, p. 263-264, 535;, d'après quoi il faut rectifier Krauss, Lehnwôrier, H, 439 i.

T. XLII, N" 84. 13

226 REVUE DES ETUDES JUIVES

remarquer (cf. Krauss, Lehnworter, I, 74 et s.) que môme il y a simplement "^ à la fin d'un nom, il fa-ut prononcer et que cette terminaison, comme j'ai l'intention de le prouver une autre fois, se retrouve dans les noms hébreux de beaucoup de doc- teurs galiléens. Il faut encore nommer Jacob ou Akiba ""NDT; p, qui est cité, comme un contemporain plus ancien de Rabbi, dans la lettre de Scherira (Neubauer, I, 6, 16), d'après une source qui m'est inconnue. Nous connaissons aussi un Amora de ce nom (jér. Mahkot, I, 31 b, 24 et passim ; Frankel, Inirod., 105 &). Si notre argumentation ne donne pas de résultat direct pour iroTi et imoin, elle rend pourtant vraisemblable que «dit, "^ndit et ■'NriDTT étaient usités, ces noms, légèrement diflférents de ceux-ci, étaient aussi employés. En aucun cas, les deux noms n'offrent aucun appui à l'hypothèse que l'on ait voulu désigner ainsi les fondateurs de sectes samaritaines. Comme nous avons trouvé le nom de Dossa à Arab, près de Sépphoris, à Schefar-Am et dans les environs de Sépphoris ou Tibériade, qui ne sont pas situés même aux confins du territoire samaritain, on ne peut pas non plus admettre que le nom se soit répandu parmi les Juifs grâce à l'influence des Samaritains.

Le second passage du Midrasch cité par M. Krauss, d'après Op- penheim [Magazin de Berliner, I, 68), comme preuve de la men- tion expresse des Dosithéens dans le Midrasch, est l'entretien de R. Méïr et de '^isnD'n de Kokaba rapporté dans plusieurs récits parallèles avec quelques variantes essentielles. Dans la Pesihta, 59 &, il est ainsi conçu :

b^b s-m^D !-iu5jn i3T«y2 ^T^r^ nnN -^na .ib •^mwNi .nonn &iyïj-i n'::oa !-j"3p!-! n-i^o mn bD ns-'iob N-'nm ,dn72:> ■'ssttîT -r^yn ■'ipT Tx-ûy iMz .nnbn "^no "^tisn NbN non ijnbT»a tnirt Nbn rri^N-ia i»"> •^m^^NT .r:-i3"::T nriT -«-las rraujr) ïid-' nn-^no i2-'2Db» Nbaur: nx baa

13by) ï-ITn tLbi::'r7 ,t2">-lttlN tUnN -^b n73N ,p i-PÏ)3> ■'2D72, "ib ,

■^nNipn .Ti^y:^ r-j^a T^iaD5> to-^b^iN i;n i-in ûnt nsb© s^^nn dbiym

nonn tD"':P\a-i pm rby

« R. Méïr rapporte : R. Dosithaï de Kokaba me consulta sur le sens de Prov., xiii, 25 : « Le ventre des méchants est dans la pri- vation », et je lui répondis ceci : Un non-juif qui habitait notre ville avait invité à un repas tous les anciens de la ville et m'avait convié avec eux ; il nous servit tout ce que le bon Dieu a créé et il ne manqua que des noix de Pérek. Quand il s'en aperçut, il prit la table, qui valait six talents d'or, et la brisa. Comme je lui de- mandais le motif de cet acte, il répondit : Vous prétendez que ce

i

LES DOSITHÉENS DANS LE MIDRASCH 227

monde-ci nous appartient et que le monde futur est à vous ; si nous ne jouissons pas maintenant des biens de ce monde, qu'au- rons-nous donc? Je lui appliquai le verset de la Bible : « Le ventre des mëchants est dans la privation. » Ce récit se trouve sous la même forme dans le Midrasch sur Prov., xiii, 25 (p. 37 &, éd. Buber), mais l'origine attribuée à R. Dosithaïy est différente. Par contre, le ms. d'Oxford de la Pesihla et la Pesikta rabb. (82 &, éd. Friedmann) ont une variante au début : TibN^z) t^îîto "^an ^î3î< ,-ionn û"':?u5-i Xû'y\ mxû ,ib ^tsn snDn^ p (inN) ■'Nnon (-^n-i ns) ...ib Ti-iWN « Rabbi Méïr dit : J'ai consulté (Rabbi) Dosithaï de Kokaba. » M. Bâcher [Agada der Tannaiten, II, 32, note 2) a déjà montré qu'il résulte avec certitude des mots ib tt^i» de cette version l'exactitude de la tradition consignée dans la Pesikta et dans le Midrasch sur les Proverbes, car "h ^-ln»î* suppose que le conteur de l'incident du banquet est celui qui est interrogé sur le sens du passage biblique. De même, "h nwN, qu'il faut lire •'b "ittN, indique clairement le même sens. Mais, d'un autre côté, la troisième version du Tanhouma {Pinhas, 13, Nombres rabb., 21, 20) confirme le récit de Pesikta rabb., car on y dit : ma:?»

d'après ce texte, Dosithaï était l'hôte du non-juif; par conséquent aussi l'auteur du récit et l'interlocuteur de l'amphytrion. Mais le fait qu'on nomme le conteur seulement après le début du récit montre que nous avons afifaire, non pas à une tradition indépen- dante, mais à un remaniement auquel le récit embrouillé de la Pesikta rabb. a servi de base. Cette confusion a se produire de bonne heure, car le Midrasch ha-Gadol sur Nombres, xxviii, 2, verset à propos duquel Tanhouma et Nombres rabb. donnent leur récit, a : ûi3>uj-i "juai yrm NamiD yn "«NnoTj -"sbNO TN73 -"ni naN rm I3"i"'y2 nnx ■'is ib -djn nonn. On voit par que le commen- cement de cette altération provient de "^b itûï*, mis pour ib "^nnHNi, changement à l'influence du mot "i»5*i qui se trouve dans le texte de la Pesikta : "^b -i?aN"i "^NnoTr '^îibîîï) ; ainsi naquit aussi l'er- reur de croire que Dosithaï a répondu à la question et de vint, comme conséquence naturelle, le changement de ''Sbî^TD en ■'nbîîUî. Car si on considère "^b 'nttKi comme la suite de la question, la ré- ponse manque totalement.

Dans la Pesikta^ la Pesikta rabb., le Midrasch sur les Prov., Tanhomna et iVom&res ra&&.^ Dosithaï est cité avec le titre de Rabbi, tandis que le ms. d'Oxford de la Pesikta a simplement ■^snon, ce qui est évidemment la leçon originale. Est-ce une raison pour que celui-ci fût un non-juif ou un Dosithéen ? Sans doute R. Méïr a répondre à des questions du philosophe païen Oino-

228 REVUE DES ETUDES JUIVES

maos de Gadara et de Samaritains (Bâcher, TannaUen, 11,31 et s.) et il serait possible que dans ce passage aussi il lût question d'une demande d'un Samaritain. Mais qu'est-ce qui nous autorise à ad- mettre cette opinion? Si "'i^noTi a été l'hôte du banquet et si c'est lui qui nous l'a décrit, il n'a pu être un Dosithéen, car l'amphy- trion lui parle comme à un de ceux qui attendent le bonheur du monde futur, contrairement au maître de la maison qui n'apprécie que les biens de la vie présente ; or cette dernière opinion était celle des païens et des Dosithéens (cf. Hilgenfeld, Ketzergeschichle, 155 et s.). En ce cas, il n'a pu appartenir non plus à la secte des Samaritains, qui ne reconnaissait que la Loi et non les Prophètes et les Hagiographes, puisqu'il dit avoir appliqué à son interlocu- teur le verset des Proverbes, xiii, 25 ; on sait que les Samaritains réduisent l'Écriture sainte à la Tora et au livre de Josué. Or nous avons vu que ce n'est pas. Dosithaï, mais R. Méïr qui prend part au banquet du non-juif et qui nous en fait la relation : rien n'in- dique que l'auteur de la question fût un non-juif. S'il était un hérétique, le verset dont il demande le sens à R. Méïr devrait être embarrassant pour les Juifs et offrir aux compagnons de Dosithaï un facile point d'attaque contre les doctrines opposées à celles des Samaritains. Or, je ne trouve rien de pareil dans ce verset biblique, quoique la réponse de R. Méïr puisse être considérée comme une riposte assez brusque donnée à un incrédule. Gomme nous l'avons vu, R. Méïr avait un disciple du nom de Dosithaï b. R. Yannaï. A la même époque, il y avait à l'Académie de R, Siméon b. Yohaï, Dosithaï b. Juda, qui a pu venir aussi à Ouscha, et c'était une raison suffisante pour distinguer les deux person- nages par leur lieu d'origine ; à plus forte raison s'il y eut même un troisième Dosithaï, que R. Méïr désigne comme originaire de Kokaba.

M. Krauss aurait pu trouver dans le lieu d'origine de ce Dosithaï une nouvelle preuve du fait que celui-ci appartenait à une classe d'hérétiques. Mais il n'aurait pas admettre Tidentiflcation fan- taisiste proposée par Joseph Schwarz, basée sur une transcription fautive du nom actuel de cet endroit ; le Kaukab el-Hama, au nord de Beth-Schean, près du Jourdain, est identifié par Schwarz avec Reth-Schémesch et avec notre Kaukab (yni^n mi^inn, Jérusalem, 03a, éd. Luncz, 203 a, édit. allemande, 133 a). Or, notre endroit s'appelle Kaukal) el-llawa (v. i)lus loin). Il tst plus sage de re- noncer à identifier notre Kaukaba, vu la fréquence de ce nom en Palestine, comme le dit M. Neubauer {Géographie, 269), aussi longtemps que des indices plus sûrs ne permettront pas de se pro- noncer pour l'un plutôt que pour l'autre. Nous connaissons Kau- À

LES DOSITHÉENS DANS LE MIDRASCH 229

kaba au sud-ouest de Damas (Ritter, Erdhunde, xv, 165, 901 ; Guérin, Galilée, II, 305), et Kaukaba près Hasbeiya, au pied du Liban (Ritter, 189; Robinson, Neiierebibl. Forsch-, 504; Guérin, II, 298) ; un autre aux environs de lotapata, entre Acco et Nazareth (Robinson, 135; Guérin, T, 488), et une vieille forteresse entre Tibériade et Scythopolis, Kaukab-el-Hawa (Ritter, 406. 714; Robinson, 445 ; Guérin, I, 129). Tous ces endroits font partie de la Galilée et de l'extrême nord de la Palestine. Or, R. Méïr ayant enseigné à Tibériade \ dans le faubourg de cette ville appelé Ham- tha (jér. Sota, i, 16a, 45), à Scythopolis [Hoiillin, 6&), à Tibcin (jér. Meguilla, iv, 74 c, 72) et à Ouscha, il ne faut tenir compte que des deux Kaukaba de la Galilée. Cependant nous connaissons encore un Kaukaba qui doit être pris ici en considération. Épi- phane, généralement sujet à caution comme historien, nomme cet endroit plusieurs fois dans son ouvrage contre les hérésies. Dans XL, 1, il raconte que le fondateur de la secte des archontes en Palestine habitait Kefar-Baricha, près Hébron en Judée, et que, poursuivi par l'évoque Aeotos, sous l'empereur Constantin, il s'en- fuit à Kocheba en Arabie. On sait que ce terme désignait de son temps la province romaine du pays à l'est du Jourdain, dont la capitale était Bostra. Kpiphane indique la situation de cet endroit d'une manière plus précise, xxix, 7, il dit des Nazaréens qu'ils

habitaient Iv BaTavr'T'.oi âv tt) XsYoaÉv/'j RoxiSy,, y M/ ■j.'^yr^ ot ÉêoaiTTt

X£Yop.£VY,, à Kaukabé en Batanée; d'après xxx, 2, cet endroit se trouvait dans le territoire de Karnaïm ; d'après xxx, 18, au delà de Adrea (P^dréi) -. Ce n'est pas par hasard que cette partie de la Décapoie servait de lieu de refuge aux hérétiques juifs. On sait que la communauté chrétienne de Jérusalem, pendant la guerre sous Vespasien, se réfugia de la capitale à Pella dans la Décapoie (Eusèbe, Hist. eccL, III, 5, 2-3; Épiphane, Haeres., xxix, 7, et De mensuris et pond., § 16). Comme Eusèbe [Onomast., 263, 63) raconte que de son temps il y avait dans la Batanée un endroit

* Jér. Haguiga, ii, 77 J, 44; Midvasch ha-Gadol, sur Nombres, xix, 10, citation

du Sifrè Zoutta : 'n-^Ti'2 0"mi '2'û^•^ npj»'^ p iT^bN "^31 n^n nnN ûj'd •ûo nraujT" 3>T^u) p -iT^bN -^n-n -t'NTo -in-n nnnan

^ Eusèbe nomme comme résidence des chrétiens ébionites [Ono)n,, 301, 32), et après lui saint Jérôme {Onom., 112, 9), Choba dans la réfi;ion de Damas, où, comme ils disent tous deux, habitent des Juifs qui croient en Jésus et néanmoins observent tous les préceptes de la Loi et qu'on appelle Ebionites. Evidemment en cet endroit aussi ils ont voulu parler de Kocbeba. Ce que rapporte Julien l'Alricain {Epistola ad Aristid., chez Eusèbe, Hist. EccL, 1, 7, 14), que les parents de Jésus se répandirent de Nazareth et de Kochba dans d'autres contrées (cf. Hilgenfeld, Kettergeschichte, \-^l, note 223, et Zabn, Forschunijen z. Gesch. d. Neutest. Kcinoiis, 1, 333 et s.i, quoiqu'il les appelle 'lo-joar/ai, est relatif à ce Kochba, puisqu'une partie des frères de Jésus habitait vraisemblement les judéo-chrétiens avaient leur résidence.

•230 REVUE DES ETUDES JUIVES

habité par les Samaritains, nommé Tharsila, à la place se trouve Mahanaïra (Buhl, Géographie, 247), et puisqu'il y avait, par conséquent, dans les environs de Kaukaba des endroits habités par les Samaritains, Dosithaï de Kaukaba, au cas dns indices sûrs permettraient d'en faire un hérétique, pourrait ôtre origi- naire de cet endroit habité par des hérétiques, et R. Méïr aurait pu avoir des entretiens avec lui comme avec Oinomaos, de Gadara, situé dans la même région.

Cependant M. Oppenheira et après lui M. Krauss vont plus loin et soutiennent que N2S13 p ■'i^non désigne, non le nom de l'auteur de la question, mais un Dosithéen. En effet, si la leçon de la Pesikla rabb., î^n^ns p nnï* "'iînoin « Un Dosithaï de Kaukaba », était la leçon exacte, nous serions en présence d'un qualificatif, comme dans Gen. rab., 10, 6, ib -i72N -i"'Ntt ■'m nx b^u: ma %-n3, ou dans ^&orfa-^ar<2, 54&, bN'^b72:> ■'ni pn bN',a oisnoibs, et il s'agirait d'un Dosithéen. Mais aucun des passages parallèles n'a ce mot ina, et même le manuscrit de la Pesihta d'Oxford et le Mid7^asch ha- Gadol, qui ont sur certains points des variantes, ne l'ont pas non plus. A cela s'ajoute encore ce fait que le Midrasch sur les Prov. donne comme lieu d'origine de "^î^noTi, non pas Kaukaba, mais nî<nu3'« "«n. Comme il est inadmissible que nous ayons une cor- ruption du mot NnDis, nous avons ici une seconde tradition qui n'est nullement en contradiction avec l'indication de l'autre pas- sage et qui en est plutôt le complément, parce qu'elle indique la famille de ■'î^pdti. Nous connaissons n^n^D"' comme le nom d'une des vingt-quatre classes de prêtres (i Chron., xxiv, 13) et comme celui d'un collègue d'Akiba, qui, comme la plupart des martyrs de la persécution sous Hadrien, était probablement Galiléen (cf. surtout Tos. Kêlim, III, ii, 2). Or, nous savons par une élégie sur le 9 Ab d'Eléazar Kalir, reposant sur un texte certainement ancien mais inconnu, et qui commence par les mots nbsrnn iiD^a-^ Ti'D'^iA innian, qu'une partie de la classe des prêtres n^n'O'^ avait sa rési- dence dans un endroit de la Galilée. Dosithaï de Kaukaba pourrait donc avoir été de la maison de Yeschebab et avoir été un prêtre. L'habitude de nommer un prêtre d'après son lieu de résidence et sa famille est fréquente ; on la constate, par exemple, dans les indications que donne R. Josué b. Hanania sur deux nobles familles de prêtres à Jérusalem ' ; et la mode d'indiquer qu'un personnage appartient à la classe des prêtres est prouvée par le fait que Josèphe raconte {Bell, jud., vi, 5, i) que Méïr, (ils de Belga, et Josèphe, fils de Délaya, se précipitèrent dans le feu. Naba et rr'b'i désignent la

» Yofiam., 15*; Tos.,i, 10 ; jér., i, 3a, .% : 1N73D3' 1273 D"^3>n3i: rT^3 rnO^aTT

LES DOSITHEENS DANS LE MIDRASCH 231

classe des prêtres, comme dans xaba na n-^n» {SoiiJika, 56 &; Tos., IV, 28; jér., v, 55 d, 40j et plus tard rr^bn n2 pour Abba Kohen rr-'b'! ^3 ou î^bi-a, pour Juda ben Pazzi (jér., Bèca, ii, 61 ci, 6; Schehalim, vu, 50 rf, 34) et pour Jacob b. Abbaï (jér. Schebiit, ii, 33 d, 65 ; cf. jér., Guiitin, i, 43 c, 18), il y a -i3 et non ■'a pour indiquer la filiation (cf. encore I Macchabées, viii, 17 : Eupolé- raos, fils de Jean, le fils d'Akkos = Y^'pr>, I Chron., xxiv, 10, et l'inscription tumulaire des -!->Tn "^22 comparée à I Chron., xxiv, 13). Si aNnc"» •'n est, au contraire, un endroit, il ne faut certainement pas le chercher dans le pays samaritain, mais probablement en Galilée, et même alors il n'y a pas à penser à un Dosithéen.

Remarquons encore, pour terminer, que l'hôte chez lequel R. Méir était invité, doit avoir été, selon Oppenheim, un Samaritain, car un docteur juif ne serait pas allé assister à un banquet d'un païen, tandis qu'il pouvait prendre part à un festin chez un Sama- ritain observant les règles d'abatage des animaux ; en faveur de cette hypothèse, il y a le fait que le Yalkout, dans l'édition de Venise, a "^niD au lieu de '^^^, et que l'hôte se compte parmi ceux qui attendent tout de ce monde terrestre. Mais c'est aussi le cas du païen, et la leçon tiid ne prouve pas grand'chose. En ce qui concerne la participation des Juifs aux repas des païens, je vou- drais appeler l'attention sur une sentence d'un disciple de R. Méïr, R. Siméon b. Eléazar, qui dit (Tos. Aboda Zara, iv, 6 ; b. 8 a; Abot di R. Nathan, xxvi, 41 &) : « Des Juifs habitant hors de Pales- tine sont des idolâtres; si un païen marie son fils et invite tous les Juifs de sa ville au repas de noce, quoique ceux-ci mangent les mets qu'ils ont apportés et boivent leurs propres boissons, qu'ils se font servir par leurs propres serviteurs, ils sont tout de même des idolâtres, car il est dit (Ex., xxxiv, 15) : Il t'invitera et tu man- geras de son sacrifice. » Quoique cet usage ait pour théâtre les pays situés hors de Palestine, n'est-ce pas le cas de R. Méïr, qui a servi de prétexte à cette déclaration d'hérésie ? Même si cela n'est pas exact, il n'y a rien dans toute la relation concernant R. Méïr et Dosithaï qui autorise à admettre que ce mot désignait un Dosithéen.

Vienne, 19 mai 1901.

Ad. Buechler.

LA TRADUCTION DE LA BIBLE B'AI'RES HAI fiAO^

M. Berliner, dans son édition du Targoum Onkelos, a appelé l'attention sur une consultation concernant la manière de traduire la Bible, adressée par le dernier des Gueonim, R. Haï, probable- ment à K. Jacob ben Nissim de Kairouan. Cette lettre a été publiée plus tard en deux versions par M. Harkavy dans ses Studien und Mitiheilungen ans der liaiserlichen Dffentlichen BiUioihek zu Sanct Petersburg, IV (Berl. ISS'T), p. 6 (Y'-j 17:^5) et p. 124 (n"7o""i'o). A première vue ces deux versions présentent plusieurs difficultés; aussi n'est-il pas inutile de consacrer à ces deux textes une étude spéciale, vu l'importance qa'ils ont pour l'histoire du Targoum en général, et pour celle du Targoum de la Palestine en particulier.

Il est hors de doute que le texte primitif de notre consultation doit être attribué au Gaon R. Haï, puisque dans la collection se trouve la première version, l'auteur parle d'un correspondant de son père nommé Elhanan b. Schemaria, qui est un corres- pondant bien connu du Gaon R. Scherira (V. Harkavy, l. c, p. 342). La question de savoir à qui fut adressée cette réponse est plus difficile à résoudre; mais comme nous trouvons, quelques pages avant la seconde version, la note suivante : "tûn ibbïi mbî<o iNTT'p nD-in»» i^N û-'DS N5a"n "^i» p -ûnn npy^ n-i '73 bî^o « Ces questions ont éfé adressées par R. Jacob, fils de Nissim de Kairouan » [ib., p. 108), il me paraît plus que probable que ce même R. Jacob ben Nissim, père du fameux Rabbènou Nissim, fut également le destinataire de notre consultation.

Le copiste du matiuscrit d'après lequel M. Harkavy a fait sa publication n'indiquant pas ordinairement la teneur des ques- tions adressées aux Gueonim, il n'est souvent pas facile d'en dire exactement Tobjet. Il n'en est pas autrement du cas qui nous occupe ici. Aussi <;st-il nécessaire avant tout de donner une ana-

LA TRADUCTION DE LA BIBLE D'APRES HAl GAON 233

lyse des deux versions mentionnées plus haut. Je crois pouvoir y distinguer les parties suivantes :

Explication des mots du Talmud : ""-i^i in-nits pi&s Minïaïi '^::^ vby ci-'Ciwm "^Nin nt (Ridd., 49 o). Dans la première version, cette explication comprend le passage n3"«iî"i "^D à ïT'rr' Nb nsi^iTa, à l'exception des mots '^db-'r^ à imtî ';"'U3-ni ; dans la seconde, elle va de m^nb bni< (p. 125, ligne 15) à la fin de la réponse.

Avis donné sur la lecture des commentaires aggadiques. Dans la première version, ']Drri jusqu'à nm^ 'j-'O-nn; dans la seconde, ^^ujT-iiD b:3N jusqu'à l^T'bj' on-nb.

3'' Avis donné sur le Targoura palestinien. Dans la première version, b^-niJ'^ ynî< ûianm jusqu'à nbi<3 ; dans la seconde, 15n 'j-'i* •j-^j^iT» jusqu'à UJimt}.

Cette analyse nous permet de dire presque avec certitude que le correspondant* de R. Haï voulait être instruit sur le sens des mots '131 p"ioD W'irwrr {Kidd., 49 a.) et savoir notamment si le Talmud a voulu détendre également, par cette sentence, la lecture des Midrascliim et du Targoum palestinien qui contiennent beaucoup d'additions au texte hébreu.

La réponse donnée par le Gaon à ces questions n'est pas la même dans nos deux versions. Il est vrai que le fond de l'ex- plication du passage talmudique ne varie point; pour ce qui concerne la première partie "«^na riT "^"irs inmiï^ piDo û-"inn)2r^, Haï dit, dans les deux textes, que cela signifie : « Celui qui traduit un verset de la Bible littéralement et qui prétend que cette traduction est la seule vraie est un menteur. » Mais la manière de présenter cette explication n'est pas la même dans les deux versions. Dans la première, le Gaon se base sur les mots du Talmud et continue ''\^D^ ■p^nyan am riT "«d i^N") ^:d « Il nous semble qu'il faut entendre par celui qui traduit, etc. », tandis que, dans la seconde, il défend, pour ainsi dire, sa propre opinion, en disant û.^nnb bn^ "imî< l'^sri» lîNï) Nirt m 'iidt piDort ni< « Mais traduire un verset d'une langue en une autre, voilà ce que nous blâmons. » Ceci prouve clairement que dans cette dernière version nous avons une ré- daction postérieure, ce qui est confirmé aussi par les mots du commencement : ''\■D^ "j-^-^^yn "iî-itdx "rUi* b? nnm b:?T « Pour ce qui concerne ce que nous avons dit au sujet, etc. »

Les raisons alléguées par le Gaon pour son explication sont éga- lement différentes dans les deux morceaux. Le premier n'en con- tient qu'une seule : le sens de beaucoup de versets, y est-il dit, ne

* 11 n'est question que d'un seul, car, au lieu de QH^NOOT (p- 1'--'i], il faut lire pbNCUÎT.

234 REVUE DES ETUDES JUIVES

peut pas être rendu par une version littérale (npn^'nn 'l'^NStv p-'N) ; le second en mentionne deux : 1" Il y a des mots qui peuvent être traduits de différentes manières et le traducteur ne peut pas les indiquer toutes; Personne ne connaît le vrai sens du texte de la Bible, de sorte que celui qui prétend que sa traduction est la seule vraie est un imposteur.

Les versets cités comme exemples dans les deux réponses sont les mêmes, à l'exception de Genèse, xlix, 22, qui ne se trouve que dans la seconde. Les autres sont : Gen., xxiii, 13; Deut., xxix, 18; Nombres, xxi, 30; 7/)., xxi, 12; Deut., i, 41 ; Ex., xxxiii, 14 ; Gen., xlix, 4.

Moins claire est l'explication de la seconde moitié du passage talmudique : t\1^J2^ Ci^n^ riT "^"in rby ti-'Diwm « Et celui qui (dans sa traduction) ajoute quelque chose (au texte de la Bible) est un blas- phémateur. » Il me semble que le Gaon insiste surtout pour démontrer que par ces mots les talmudistes n'ont pas voulu rejeter les explications midraschiques, car il y a des versets, comme Jér., XVIII, 14; Is., xxxiv, G ; Ez., xxi, 18, qui ne peuvent être traduits sans qu'on y ajoute une explication.

Le résultat positif de la réponse de R. Haï Gaon est donc celui- ci : Il n'est permis de traduire la Bible (dans les synagogues, natu- rellement) que d'après le Targoum officiel ("jb-^T main, ces deux mots manquent dans la seconde version après in u5"nTi p. 125), mais on peut ajouter cette traduction) des explications soit d'après les Midraschim, soit même d'après sa propre opinion. (Le sens du mot mîùûp a été méconnu par M. Berliner; il ne faut pas suppléer n"i:DVn, mais dt^iin ou mni^nn; l'auteur a sans doute pensé à des Midraschim comme les Pirqé di Rabbi Eliézer et autres qu'il appelle msap pour les distinguer des grands Mi- draschim, comme nan rT^uîNin, etc.; comp. aussi Monaisschr., XLIV, .548).

Par cette première exposition le Gaon a en même temps répondu à la seconde question concernant les commentaires aggadiques. Néanmoins il répète dans les deux versions que ces commentaires sont parfaitement convenables et utiles et que l'on peut abso- lument s'en servir pour l'explication de la Bible.

Quant à la troisième question concernant le Targoum pales- tinien, nos deux versions paraissent être complètement différentes. Cela se voit facilement par la comparaison des deux passages suivants :

' Les mots suivants '^2^H^ D"^pTi5>73!T1 ne donnent pas de sens; il faut lire

LA TRADUCTION DE LA BIBLE D'APRES H AI GAOxX 230

Seconde version (p. 124). Première version (p. 7).

imN v^Ti"' "i*N Tî* ^^"i 'TT^N ■''2 n-'riCN-^rr û-'îûDn nw» '-it:»: ■«» ' '^-Jiz NPN iro^ ijj'Taa NPT ^z^'J< ■^n:''?» '-ii ■'DN '-n "'72N '-i n^os -i73N3

'-) "iWD "1131:3 -i72n: rrr: n-^siCN-in Nr;n '-ii N2N '-i Vî-'dn in khs:

Nn^:; pni:-^ '-n iiax '-n nj^n '-n -i?:» û:^ ■'"On an ■'73-'3 rno û"«3innN-

ï-i"'23n 'm t^3N 'n ■'7:"«3 ib-iDN in •'bib-'NUJ mujn "jb-^n ûiainD «nn

D5 "'^lîN an -wa t'ho f'îTinNr; ûbis» ^rn-'M "»3Da '»n2 rr^n Nb p

Nb p NbrbN'.a a-on 'îb"'T N«"i:nn3 > "bxD abi:» ûbir i:n-'N -«îDa nasa rrr; : [1. nbN]

Traduction.

Seconde version. Première version.

Nous ne savons pas par qui a été Quant au Targoum de la Palestine

composé le Targoum de la Palestine, dont tu demandes quel en est l'au-

et nous ne le connaissons pas lui- teur, il a été composé à l'époque des

même et nous n'en avons que peu premiers sages comme R. Ammi, etc.,

entendu parler '. Mais s'ils (les Pales- et même [s'il a été composé du temps)

tiniens ?) possèdent la tradition que, de R. Abba et de R. Hanina, les

à l'époque des premiers sages, il fut derniers, qui furent contemporains

récité dans la synagogue ou même de R. Aschi, il est considéré comme

du temps des derniers, il est aussi notre Targoum, car, sans cela, il n'au-

considéré comme notre Targoum, car rail pas pu être dit devant ces grands

sans cela, etc. hommes.

D'après la première version, le Gaon aurait donc dit que le Targoum palestinien a été composé du temps des premiers sages, et d'après la seconde il aurait prétendu ne pas le savoir ! est la vérité? Pour pouvoir répondre à cette question il faut remarquer, avant tout, que le texte de la première version ne peut pas être correct, car il faut absolument qu'à une phrase commençant par les mots ib"'DN in corresponde une autre com- mençant par la conjonction dn ; or nous cherchons en vain cette particule dans la première version. Je proposerai donc d'ajouter dans cette version entre les mots nwîw "^n et Q-'ttiDn mn"^» selon la seconde version : im^ Ysy\-' n^N yN ri^T 172^2 -^tt DTOTd yj'iv 13n ^n ■^D ûT^a n-nD73 uni a:>» i«bî< 15»m nsjywuj «bn ^^^^. Alors il n'y a plus

' Haï Gaon cite, en effet, une fois dans son commentaire sur Makhschirin le Targoum palestinien de Ex., xiv, 30, citation qui se retrouve dans notre Pseudo- Jonathan.

236 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

de contradiction et la composition de la phrase est tout à fait logique. Ensuite, il faut probablement ajouter dans la première version, après le second -iton;, le mot maitn que nous trouvons également dans la seconde version. D'un autre côté, il me semble plus que probable que les mots suivants oinnx] ûnt jusqu'à TDmnw î<ntiU5 sont une addition d'un copiste, puisqu'ils sont inutiles.

Résumons maintenant les faits qui résultent de ce petit travail :

Les deux réponses de R. Haï Gaon au sujet de la sentence talmudique 'i^i piCD ûriinTon ne sont au fond que deux versions d'une seule réponse. La seconde est postérieure à la première, mais est plus complète que celle-ci.

11 résulte de ces réponses qu'au commencement du xF siècle encore, il n'y avait en Babylonie qu'une seule traduction du Pen- tateuque (ou peut-être même de toute la Bible) reconnue officielle, traduction que les Israélites de ce pays nommaient, pour cette raison, 'jb'^n Disin « Notre Targoum ». Les Israélites des autres pays l'appelaient Targoum babli ou Targoum Onkelos.

La composition de ce Targoum remonte d'après la tradition au temps des prophètes (t]"^N"'n2rt p 3>7oiD2u:), ce qui veut dire que l'opinion générale en Babylonie faisait remonter l'origine du Targoum officiel à une époque très reculée et qu'elle l'attribuait à la Palestine, puisque les prophètes ont vécu dans ce pays.

4<» Le bî^no-^ yicS û"i:nn ou Targoum de la Palestine dont il est question dans ces réponses n'est pas décrit d'une manière précise, mais nous voyons par le contexte qu'il doit avoir contenu beau- coup de paraphrases aggadiques, de sorte que nous pouvons dire au moins qu'il a ressembler, sinon être identique, à une des versions de notre Targoum jeruschalmi.

Ce Targoum était encore au commencement du xi« siècle presque inconnu en Babylonie. Même le Gaon n'en avait entendu que peu de chose. Par contre, il était connu en Afrique (si notre hypothèse est juste) et il y avait des gens qui prétendaient qu'il . était même récité publiquement déjà au temps de R. Amrai, etc., c'est-à-dire qu'ils faisaient remonter son origine au iv^ siècle. D'autres prétendaient qu'il avait été composé au temps de la clôture du Talmud.

Ces traditions prouvent suffisamment que déjà à l'époque du dernier Gaon on ne savait plus grand'chose de l'origine des Targoumim, ce qui est encore un fait digne d'intérêt.

SouUz, le 14 avril 1901.

M. GiNSBURGER.

LES GLOSES FRANÇAISES (LOAZIM)

DE GERSCHOM DE METZ

(suite ')

GERSCHOM BEN JUDA

(950?- 1028)

Le résumé le plus complet de la vie de Gerscliom se trouve dans la Gallia Judaica '. Je n'en retiendrai ici que les points les plus importants.

La date de sa naissance est douteuse. Celle de sa mort doit être fixée à 1028 d'après le manuscrit de la Bodléienne, 2240, (Cat., p. "775). Originaire de Metz, il est qualifié de "^ns-ii:, c'est-à- dire de la France du Nord. Il étudia en France, émigra à Mayence, il fut mis à la tête de l'École talmudique. Son enseignement, très célèbre, y attira des élèves de tous les pays et notamment de France, d'Allemagne et d'Italie. Il écrivit des commentaires sur le Talraud, qui furent fort appréciés jusqu'au moment Raschi fit paraître les siens. On trouve des fragments de ses commentaires surtout chez Raschi.

Il est aussi l'auteur des Ordonnances qui interdisent la poly- gamie, le divorce unilatéral, etc. ^ .

Il nous est parvenu en manuscrit du commentaire de Gerschom sur le Talmud les fragments suivants: TaanîY, 216 de la Bibl. de Munich ; BaM Batra, British Muséum, 21, 196 ; Oxford, 416, 4n, 418 ; Menahot, Bekhorot, Arakhim, Temoiira, Keritout, Meïla, Taniid, Iloiillin, compris dans le ms. A. v. 18 de la Biblio-

' Voir plus haut, p. 48.

* Henri Gross, Gallia Judaica, Irad. par Moïse Bloch, p. 299-304.

* Graetz, Gesch. der Juden, V, p. 364. note 22, sont citées les sources.

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teca Angelica à Rome. Ce ms. porte actuellement la cote 1 dans le catalogue manuscrit de la Bibl. Angelica.

Le traité de Moëd Katan, dont la plus grande partie se re- trouve dans le ms. 216 de Munich, lui est attribué. Mais les rap- ports de ce traité avec celui de Raschi sont tellement étroits qu'on n'a pu les distinguer nettement. Et, d'ailleurs, tous les loa- zim de Gerschom se retrouvant dans le traité de Raschi, nous ne nous en occuperons pas ici. Tout en admettant les différences des deux textes hébraïques, on doit reconnaître que le français est bien le français de la fin du xi» siècle et du dialecte de Champagne.

Jusqu'en 1896, personne n'avait douté de l'authenticité des traités de Gerschom de Metz, ni songé à les attribuer à un autre auteur. Tout récemment, M. Epstein, dans une étude intitulée Der Ger- schom Meor ha-Golah zugeschriebene Talmud-Commentar * , sl essayé de démontrer que ces commentaires n'étaient pas de Ger- schom et qu'ils n'ont été composés que dans la deuxième moitié du xi« siècle en l'école dirigée à Mayence par Isaac ben Juda.

Les preuves données par M. Epstein ne sont pas suffisantes et, d'autre part, l'étude des loazim nous permet d'établir que le fran- çais de ces commentaires contient beaucoup de traits archaïques par rapport au français de Raschi : il faut, il est vrai, se sou- venir que le dialecte lorrain est très archaïque. Mais il ne pour- rait y avoir de telles différences entre deux dialectes de même époque. Le maintien des posttoniques du latin, Tabsence de prothétique devant les groupes se, sp; \'i prothétique devant le st, postulent, au moins, une antériorité de cinquante ans en faveur du commentaire de Mayence. Ces différences seront mises en re- lief au cours de ce travail. L'ensemble de ces observations ne fera que confirmer ce fait : le commentaire du Talmud attribué à Gerschom a bien été composé à l'époque vivait Gerschom ; l'opinion de M. Epstein, malgré son érudition et sa subtilité, n'est pas confirmée par les résultats phonétiques tels qu'ils ressortent de l'étude de nos loazim.

Les Manuscrits.

I. Bada Batra nous est parvenu dans quatre manuscrits : BodIMenne, n" 416 du catalogue Neubauer, Huntington, 200. Uri 223. On en trouve dans ce catalogue une description soi- gnée et suffisante.

Festschrift tum achHigsten Gehurtttage Morilz Steintchneider's, p. 115-143.

LES GLOSES FRANÇAISES DE GERSGHOM DE METZ 239

J'ajouterai qu'il est daté de 1292. J'appelle ce ms. A.

2^ Bodléienne, 418 du catalogue Neubauer, Oppenheira , 89 (olim 844). J'appelle ce ms. B'.

3" Bodléienne, 418 du cat. Neubauer (Michael 352, olim 262). Daté comme le précédent (= B-).

4"* British Muséum, 27,196. Voir la description donnée dans le catalogue du British Muséum (^B^).

II. Rome. Biblioteca Angelica, A. 5, 18, coté maintenant 1, dans le catalogue manuscrit. Il comprend : Menahof., 1 ; Behho- rot, 56, v°; Arahhin, 123, ; Keritout, 162 ; Temoiira, 210; Meïla, P 252; Tamid, f" 275, y"; Houllin, f" 280, \°. (=G.)

III. Munich, 216, Taanit, 210 &-237 & (= D).

La statistique précédente montre que je ne pouvais classer que les mss. contenant Baba Batra.

A est différent de B\ B-,B^, qui offrent des re.ssemblances frap- pantes.

Toutes les fois qu'il y aura accord entre A et la famille B ou un des mss. de la famille B, nous nous trouverons en face de la le- çon originale.

Quand A est en désaccord avec B, nous choisissons ordinaire- ment la leçon de A, sauf quand elle est moins satisfaisante que celle de B.

Soit le schéma suivant :

0 perdu / \ 0'/ ^\^"

/ \.

\

\

A B^ B2 B"*

B

La ponctuation de tous ces mss. est postérieure à leur confec- tion. Dans C on pourrait même supposer deux mains : un Fran- çais aurait ponctué certains loazim et un Italien certains autres, d'une façon beaucoup moins intelligente. Certains mots ne présentaient qu'une forme italienne assez éloignée de la forme que le ponctuateur avait sous les yeux ; le ponctuateur les a tou- tefois ponctués comme s'il se fût agi de formes italiennes. En un mot, il a italianisé des formes françaises. Quand cela lui a été im- possible, il a mis entre parenthèses le mot italien correspondant.

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Mais le fond du ms. est bien français, et le travail critique doit consister, en grande partie, à le reconstituer. C'est ce que j'ai es- sayé de faire toutes les fois que l'occasion s'en est présentée.

Les loazim de Gerschom.

Ils sont au nombre de cent trente. Ils se décomposent ainsi : TaanU,3\ Baba Batra, 40; Menahot, 1 ; Bekhot^ot,^; Arak- him, 7; Keritoid, 2; Meïla, 1 ; Tamid, 1 ; Hoidlin, 55.

J'ajoute deux loazim de fs., xlvi, 1, rapportés par Raschi, ce qui nous donne un total de 126 loazim : il y en a 4 communs à plu- sieurs traités, d'où 126 -{- 4 =:130.

La langue employée est le français : on trouve aussi deux mots allemands dont la présence est explicable par l'endroit Gerschom faisait ses cours (Mayence), et quatre mots slaves dans le traité de Hoidlin.

Les loazim servent à expliquer aux élèves les termes difficiles. Le professeur, ne trouvant pas utile d'expliquer par une longue périphrase la signification de tel ou tel mot qui arrêtera ses audi- teurs, a recours à la langue vulgaire. C'est ce qui nous fait saisir la raison du grand nombre des termes techniques (outils, instru- ments à musique, etc.), médicaux (plantes, parties du corps), d'ar- chitecture, de différents métiers.

Les loazim de Gerschom sont toujours d'une précision remar- quable. La description qui entoure le loaz est toujours très nette, très courte ; le rabbin sait dire ce qu'il faut et juste ce qu'il faut, et, au bout de la description, le loaz se détache en résumant d'une façon frappante la pensée de l'auteur.

Ordinairement le loaz est annoncé par les mots TJrbn, c'est-à-dire en langue étrangère, et dans notre cas en français, lac^-c^ Ts'bn, quand le loaz est un mot allemand, Is'SD T^'bn, quand la langue employée est \q slave. Les loazim sont également annoncés par le mot l"'T^ib, on dit, ou V'^'P^» ^^^ appelle. Quelquefois rien ne les annonce. Ils sont, en outre, marqués ordinairement de deux ", placés entre l'avant -dernière et la dernière lettre du mot. De la sorte, ils apparaissent comme en relief au milieu du texte hébraïque.

Ces expressions I^T^'ib, 1"«mp'0 expliquent pourquoi la déclinai- son semble avoir disparu dès nos plus anciens documents hé- bréo-romans. Ces verbes gouvernant l'accusatif, les loazim sont tantôt à l'accusatif singulier, tantôt à l'accusatif pluriel. Et ce serait une erreur de se fonder sur l'absence de la désinence -s.

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nom. masc. sing. dans nos loazim, pour prétendre que dès le siècle on ne connaissait plus la déclinaison. De même, ce serait une erreur de se fonder sur les formes plurielles avec s pour dire que le nominatif prenait Vs au pluriel dès cette époque. Malgré l'apparence donc, il y a tout lieu de croire que les règles de la déclinaison étaient fort bien observées alors par les loazim.

1. AKROPID, T'Di-lpN.

Cité par Raschi dans Isaïe, xlvi, 1, l'auteur parle ironiquement des idoles de Babylone Bel et Nebo. Raschi ne fait que rapporter les termes mêmes dont s'est servi Gerschom et il nous cite de Gerschom celte phrase française, i23 "^^p "iNippip bn "^-«'^ Tipi-ipN. C'est la traduction de yns

^33 omp Va. Solten transcription française : AKROPID SËY BEL KONCHIAD SÉY NEBO « Bel s'accroupit et Nébo se coucha. »

L'étymologie de acropir est très nette : la forme -id indique la 3* per- sonne du singulier du parfait de l'indicatif = -ivit, devenu Ut, it, avec, ensuite, affaiblissement de t en d. Ce d tombe à la fm du xi* siècle. Quant à IN'^psip, c'est également la 3* personne du singulier du parfait indicatif de conchier. La forme conchier est intéressante. Elle est évidemment pour coMchier, et c'est l'exemple le plus ancien que nous ayons d'un l latin de- venu 71 en français (ce sont surtout les glossaires hébréo-roraans qui olîrent de ce fait des exemples indéniables ; cf. mont, au lieu de moût, etc.)'.

2. AISTRE, Nna^a-^N. Voir ouseres.

3. ANKRES, "a-ipïfc* A. B»; ".^■'"ip:», B\B^., Baba Batra, 13 a, Yy^yrt.

« C'est, dit Gerschom, l'instrument qui sert à fixer le navire afin qu'il n'os- cille point çà et là. » Le mot talmudique signifie ancres.

* Je ne puis donner après chaque mot la bibliographie complète des ouvrages con- sultés pour en fixer la forme, le sens et l'étymologie. Il vaut mieux donner ici la liste des ouvrages principaux dont je me suis servi, quitte à indiquer en note les sources secondaires. Voici la liste en question : Dictionnaire de l'Académie française ; Dic- tionnaire historique de l'Académie française ; Caix, Studj di etwiologia itaUana e roOTa«â!a / Cotgrave, Dictionary of the french and english tangues ; Da Gange, Glos- sariutn medie et infime latinitatis ; Diez, Etymologisches Worterhuch der roma- nischen Sprachen, 5' édition, avec addition de A. Scheler y joindre pour la par- tie celtique le volume de Thurneysen, Keltoromanisches, Berlin, 1884); Godefroy, Dictionnaire de l'ancienne langue française avec le Complément ; Grôber, Vulgâr- lateinische Substrate rom. Wôrcer, dans Archiv fur lat. Lexicographie, I-VI ; Gross, Gallia judatca ; Halzield, Darmesteter et Thomas, Dictionnaire général dt la langue françaxse, Delagrave, Paris, 1900; Kohut, Aruck complet um ; Kônigsberger, Fremd- sprachliche Glossen, I, Pasewalk, 1896 ; Kôrting, Lateinisch-romanisches Worterbucà, Paderborn, 1891 ; La Gurne de Sainte-Palaye, Dictionnaire de l'ancien langage fran- çais ; Levy, Neuhebraisches und chaldâisches Wôrierbuch iiber die Talmudim und Midraschim ; Littré, Dictionnaire de la langue française ; Lôw, Aramâische Pâan- %ennamen ; Mackel, Die germanischen Elemente in der franzôsischen und proven- zaliscken Sprache ; Mistral, Lou trésor dou felibrige ; Oeslerreicher, Bettr. zur Geschichte der jûd.-franz. Spr. ; Schlessinger, Die altfranzôsischen Wôrter im Machsor Vitrt nach der Ausgabe des Vereins « Mekize Nirdamim », Mayence, 1899; A. Thomas, Essais de philologie française, 1897.

T. XLII, H" 84. 16

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Dans le même passage, Hasclii traduit le mot hébreu par le même loaz : 0"ip3N. Nous sommes autorisés à ponctuer le loaz de Gcrschom d'après

celui de Raschi, et cela nous donne : ANKRES, du latin ancoras (accusatif pluriel).

Comme on le voit, les quatre manuscrits sont d'accord. Cependant et donnent la'^lpSN. On pourrait croire que c'est une méprise du copiste, qui aurait transcrit U3''"ip3N, au lieu de U3""ip5X, mais l'accord de deux manus- crits doit plutôt faire songer à un signe spécial adopté par les transcripteurs pour marquer le son qui se produit devant une s précédée d'une voyelle correspondant à Va latin, voyelle précédée elle-même dune autre consonne.

4. aPANDIZ, ENPENDIF, APENDIZ.yi'liSN.A; 5]"in3DN,B;y^'13DN C, Tamid, lia, Houllin, 92a, Baha Batra, 6a, Nnsib.

Il s'ngit, dans les deux exemples, dune chambre latérale, construite sur le prolongement d'une autre chambre (de nsb = conjungere).

APaNDIZ et APENDIZ nous offrent un exemple du traitement très régu- lier du latin appenciicmm, dérivé de appendix. On pourrait, à la ri- gueur, voir dans ce mot le français api)entis de appenditicnim. On sup- poserait alors que le T représente la prononciation du t dans l'Est de la France : les Alsaciens prononcent encore aujourd'hui un son in- termédiaire entre d et t. Mais, d'une part, les exemples de Raschi, qui écrit dans le dialecte de Troycs et qui donne plusieurs fois la forme ';"|"'13DN (Nombr., xxiv, 7), y^iroN = APENDIZ (Ezéch. , xli , 5, etc.), et, d'autpe part, le mot t|"i~iDD:N, donné par B', B', B\ nous permettent de croire que le 1 est bien réellement le représentant du d latin. Toutefois cer- tains mss. de Raschi offrent (par exemple, Rois, i, 6) la forme apentiz, tan- dis que d'autres pour le môme passage offrent la forme apendiz. Mais cette dernière leçon se trouve dans les mss. qui contiennent, en gé- néral, les formes les plus archaïques; au contraire, apentiz apparaît dans les mss. qui donnent en général, les formes plus modernes. On peut donc con- clure de ces faits : que le mot apandiz est plus ancien que le mot apentiz; 1" qu'au temps vivait Gerschoni, le mot apendiz ou n'existait pas ou était moins usité que le mot apandiz.

Quant à la leçon ENPENDIF (B', B», B*), elle est encore plus ancienne. Nous ne la retrouvons pas, en efTet, dans Raschi. Ce mot est formé du ra- dical de pendere, précédé de in et suivi du sufhxc -ivum. Soit : Hnpendiviim. C'est assurément le niotqui à la fin du x' siècle désignait en la langue; tech- nique de l'architecture cette chambre dépendant d'une autre chambre nom- mée en langue vulgaire apandiz On peut donc dresser la liste chronologique de ces trois mots ainsi qu'il suit :

siècle, Un : apandiz ou apendiz,

enpendif. xi« siècle, milieu : apentiz, an concurrence avec apandiz, qui tend à disparaître de la langue technique.

Actuellement le nidt appendice a un sens beaucoup [dus restreint et ne dé- signe plus une chambre construite sur le prolongemenl d'u le autre, mais

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une partie qui tient à une chose dont elle est comme le prolongement, et le mot appentis ne désigne plus qu'un toit appuyé à un mur par sa partie supé- rieure et soutenu dans sa partie inférieure par des poteaux.

5. APLANIR, "l'«5bsN, C, Houllin, 25 a, qittJ.

Le mot hébreu signifie, en général, conterere et, dans ce passage, « nettoyer en frottant ». .

Je n'ai pas retrouvé ce mot dans Raschi.

Le mot APLANIR est très ancien dans notre langue, comme le prouve le loaz de Gerschom. Le sens dans lequel il est employé est remarquable.il a vécu en même temps que le mol aplanoyer. Celui-ci, après avoir été extrêmement employé, a fini par disparaître devant son aîné, qui aujourd'hui l'a complètement remplacé.

Composé de ad + planum -f zV, suffixe formatif de la deuxième conjugai- son, il est un exemple de la vitalité de cette deuxième conjugaison dans le français de l'Est à la fin du x" siècle. Le mot latin planare est, en effet, devenu planire, pour donner le français planir, aplanir».

6. ARÉST(H)E, NnW^lN, A ; ARÉSTE, NUTli-^IN, B'B'B', Baba Batra, 26a, Nnp-i, tige du lin.

Les quatre mss. sont d'accord. La forme Nn de A prouve que nd = NùJ- M. Kœnigsberger prétend que c'est l'espagnol risle'. Mais, d'une part, les deux familles de mss. sont d'accord ; d'autre part, Raschi donne [Houllin, 17 b) la même forme Np;pi"iî<, et aucun de ces exemples n'est précédé d'une formule .autre que celle qu'il emploie pour les gloses françaises. Nous de- vons donc tenir compte de l'N initial et songer à un mot français. C'est le développement français du mot latin arista, barbe d'épi. Pour la transcrip- tion on peut hésiter entre ariste et aréste. Raschi ponctuant NpU3">"!N, je pencherai plutôt pour cette forme que pour ariste'.

Ce mot désigne encore aujourd'hui dans la langue technique de la bota- nique la barbe de l'épi de certaines plantes graminées. Dans notre glossaire, il désigne plus spécialement la tige du lin.

7. ASCUME, NWnpION, C, 5oMZ?éw,103*; N72lpTaN, AB, Baba Batra, 97 ô, '^D'in.

Il s'agit dans Baba Batra, dlb, de l'écume qui se forme à la partie supé- rieure des cuves ; i"i^b;a.

Le loaz do Houlliû, 105 b, nous permet de ponctuer le loaz de AB. La trans- cription donne ASKUME.

L'étymologie de ce mot est le germanique «c^m, allemand Schaum. La finale NW pourrait faire songer à une forme provençale escuma, mais la notation du n nous permet d'écarter les formes de l'espagnol et du portugais. Quant à la forme italienne schiu/na, il n'en saurait être question un seul instant.

L'existence de aplanir (parosynlhétique formé de a -]- plan ■{■ ir) n'implique pas nécessairement celle de planir [cf. abelir et plus récemment embellir, qui n'ont pas à côté d'eux 'belir].

* Op. cit., H, 14.

' Sur Texistence de arïsta, cf. Thomas Essai de philologie française, p. 243.

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Raschi donne dans Ez., xxiv, 6; Osée, x, 7, la forme M^îipUî'^N = éscume. Le loaz de Gerschom porte un cachet plus archaïque : il semble, en effet, que l'a initial d'ascume provienne d'une sensation plus ou moins inconsciente d'une forme comme la scume, tandis que, à l'époque de Raschi, le développe- ment de (i + scuma) est un fait absolu.

8. aSULÉD, T'blON, G, Men., 41 a, ■'Dion garni d'cclisses ».

C'est le participe passé du verbe assuUr. La forme dans G en est très rajeu- nie; le *7 final est tombé et nous n'avons que la forme : "^brON. Mais l'analogie avec les autres mots se trouvait en latin un t final destiné à tomber, nous permet de rétablir la forme TbnDN. L'étymologie de ce mot est le latin as, assis, dans sa forme diminutive asstila, d'où "assulare, "assulatum : asuîéd. Geile forme est mi-savanle, mi-populaire. Quant à aslula, il a vécu en ancien français sous la forme astele (ast-ella) et ses variantes astielle, asteille, alelle, attelle, estelle.

Raschi ne donne pas ce mot, mais les mots 'j'^aiDa, bastid, et UJp"il3 (cf. ce mot).

9. ATREDOL, b">YTmî<, G, UouUin, GO a, Nn^TinD», écheveau.

Raschi le traduit, même passage, par ^a"l■'''^L:b^^;D■>'^, soit en transcription :

DÉSVOLTOYRS, de "(de + ex + vollorius). *Voltorius est un substantif formé sur * voUum, supin de volvere.

Nous trouvons cité dans Liltré le mot travouil Cotgrave nous le donne éga- lement avec le sens de jRice or a Iwning reele ; Ducange : Filum in traolium de fuso extrahere cepit, Instrumenium ad filum in spiram convolvendum ; Gall : dévidoir. Mistral donne les formes traoulle, traboui, tresoul, tradolh, travoul, avec le sens de plioir, morceau de bois ou de roseau sur lequel on plie les pêches à la ligne : chablot, cordage.

Je remarque que nous avons deux mois, l'un avec mouillure, travouil, ayant le sens de dévidoir ; l'autre, travoul (cité également par Liltré), avec le sens de morceau de bois plat et denté sur lequel on plie des lignes. Je ferai donc, en m'appuyant sur ces deux sens différents, une double série : Traboui, travoul; tradolh, traoulh (auxquels j'ajouterai noire loaz atradol). La pre- mière série correspond à un diminutif de trabs, trahis, et ainsi s'explique la forme traboui qui avait arrêté M. A. Thomas et à juste litre, car la forme *trag- uculum, qu'il avait proposée, rendait impossible l'explicalion d'un -b- entre a et 0. Au contraire, il y a un développement phonétique très régulier d'un lalin ' trab-ullum en traboui^ (forme primiiive) et travoul (forme secondaire). M. Thomas n'a pas retrouvé le roman tradolh signalé par Mistral. Je nai pas été plus heureux dans mes recherches et je ne sais Mistral a pu découvrir ce mot. Mais il existait, comme le prouve notre loaz atriidol. Dans l'étymologie de ce mot, M. Thomas s'est laisse séduire par la locution » irahere lanam ». Elle n'a aucune raison d'être invoquée ici. Je propo- serais, en m'appuyant sur l'analogie do dcsvolloirs, formé suc le supin de volvere, d'y vcjir un mot dérivant d'une forme ayant pour base le supin popu- laire de torQuere, ' tortura , devenu ' trotum par métathcse, soit en définitive un substralum comme * attrotoleum, de [ad + trotum = tortum -f oleum).

ijt

LES GLOSES FRANÇAISES DE GERSCHOM DE METZ 245

10. AUSTIOR, nT^'JDIN, G, Houllin, o2 b, ys, épervier.

Raschi ne donne pas ce mot ici •.

La forme AUSTIOR, apparaissant à la fin du x' siècle, doit faire accepter défi- nitivement rétymologie 'austurium. dérivé de astur, sous l'influence de aucep- torera. Ces deux mois n'étaient pas si éloignés l'un de l'autre que le fait paraître l'orthographe. Auceptorem devait se prononcer en langue vulgaire

* (Auzettorem) et avec l'accent binaire * AUztOrem, forme très voisine de

* Asturem.

11. AVÉïNE, N5''3N, G, Men., 70 &, b^^Tû nbnuî, orge sauvage.

Raschi donne pour ce mot la forme Nj"''^1î< = AVEYNE. Le loaz de Gcrschom est ponctué Nj^inN, soit littéralement : * avina. Mais cette forme n'existe pas et n'a jamais existé : on peut faire abstraction de la ponctuation due à un scribe négligent, et qui est, d'ailleurs, postérieure. La forme est le français AVÉïNE. L'è latin tonique non en position et suivi d'une nasale donne à cette époque un é suivi d'une semi-voyelle que je marque par i et qui se développera plus tard en un i plus fortement prononcé, comme le prouve l'exemple de Raschi, qui écrit Nj"^"""!», ce que je transcris AVEYINE.

12. BAKONS, Ii5:np3, G, Houllin^ 17 «, û-^T^Tm ""bnS, « tranches du dos des porcs engraissés et desséchés ».

Raschi donne, au même endroit, le même mot et le ponctue : \2)3ip3. Nous sommes donc autorisé à ponctuer le loaz de Gerschora de la même façon.

C'est l'anc. fr. bacons, signifiant morceaux de lard ; baccOi dos en haut alle- mand, en est l'étymologie ; cf. l'anglais back. Le mot bacon existe encore en anglais avec le sens de lard.

Le commentaire ajouté au loaz montre qu'à l'époque de Gerschom, le mot était pris dans un sens très voisin de son étymologie.

13. BALENZ, yibn, a, B.B., 114 ô, i^nk.

Ce mot est donné par le ms. A seulement. Les autres manuscrits n'ont pas la dernière partie de ce passage ; je ne l'ai pas trouvé dans l'édition du Talmud de Wilna. Il devrait être dans la colonne 4 du folio 88 a (page 177 de l'édition). Il a le sens de balance. C'est le dérivé du latin bilancem. L'a devant la nasale a pris un son assourdi qui est noté par le . . Le mot étant ponctué et le y n'ayant pas de , la forme BALENZ, et non halence, est assurée.

14. BAYES. B '. B». B*. ï)"»"^?, A manque. B. B., 81 a, -^^y, fruits du laurier.

Dans Raschi et dans Gerschom nous trouvons toujours ce mot employé dans ce sens.

Il représente le latin bacas. Le c placé entre deux voyelles dont la première est a et la seconde a, e ou i, persiste en français sous la forme d'un yod. C'est

* Il le donne Houllin, 42 a, sous la forme T'IÙ^aiN, AUSTOIR. Nous avons éga- lement la forme -l"^ini::'::nN, AUSTOUYR, qui prouve bien AUSTURIUM, A la 6n du X* siècle, le mot était devenu *AUSTIURU.\J, d'où le loaz de Gerschom; au mi- lieu du XI* siècle, on avait : ^AUSTUIRUM.

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un des premiers exemples de la règle connue. Nous avons ici la forme 1res an- cienne do ce yod intervocallquc, et la notation par 3 ipa) prouve que le c s'était transformé en yod. avant que \'a devînt 6', et que ce son é provient de la com- binaison de a latin devenu a avec le y : soit ay, qui a tendu vers ey. L'ortho- graphe a conservé la notation phonétique baies, mais on prononce bès.

Quant au sens de ce mot, il est intéressant d'en suivre le développement. En latin il signifie, comme en ancien français, le fruit charnu à graines placées au milieu de la pulpe ; c'est le sens qu'il a conservé encore dans le français actuel. Mais il servait aussi à désigner le laurier qui est plus spécialement appelé " baccalia, mot dont Pline, notamment, olTre de nombreux exemples.

i;j. BENDÉLES, ïJ-^VlDn, c, Bekh., 2'Jb, "^sti, « tresses de chanvre non tissées ».

C'est le diminutif féminin du mot français bande, tiré du germanique hinda, soit la forme "bindella. Le yod de la syllabe •::'>b montre que Vs finale était en français précédée d'une voyelle tendant vers Vi ; c'est-a-dire que c'était un e féminin. Nous avons d'autres exemples qui confirment absolument cette hypo- thèse.

Dans Raschi nous retrouvons ce mot au masculin singulier b'^*i23 (Sabb.,Q>2b), au masculin pluriel ujb'^isa [Kidd., 13 a) et au féminin pluriel {B.M., 51 a], 'ONb"^'iD3. Dans Sahb., &lb. il a le sens do bandeaitx. Dans Kiddouschim, I3a, de même, et dans B. M., il signifie des tresses de soie. Quant au passage de Raschi, correspondant à celui de Gerschom, il donne le mot iiJT^">i^"',t2, TRE- ZOYRS.

*■ Devons-nous transcrire HANDELES ou BENDELES ? Si nous nous reportons à l'exemple ponctué de yilDCN et yi-iiDN, nous voyons que (e + n) a pris un son intermédiaire entre a et e (cf. la prononciation actuelle de Va anglais dans les mots comme man, woman). De plus, en position donne e. Le son devait donc tirer plutôt'sur Ve que sur Va.

Quant au son ;a"'bT, il doit être transcrit DÈLES, c'est-à-dire pondue ïJ">bn. L'c de -ellus et l'absence de yod après le T prouvent, en effet, une pronon- ciation è.

16. BOSO, 1013, B'; BOIS, 'Û'^^'2, B\ b\ Baba Balra,8'Ji\, ^Tn^^N-

Les ms. B ' B* portent 'û'^IU^. Le ùetk et le schin dans ces deux manuscrits sont de forme presque identique. D'après le sens du mot glosé et d'après la leçon B ', la forme ^ii2 s'impose.

A ne donne pas ce loaz, qui se trouverait entre le deuxième et le troisième mot de la ligne 'j, folio 115. B' donne la forme italienne ou italianisée BOSO; et B», BOIS.

La traduction italienne de B* nous indique qu'il s'agit ici du mot buis de * buxum, et non du mot bois de boxum. En italien, boxum, devenu ' bussum, donne très régulièrement boso (cf. l'italien actuel basse). Le français bois vient de 'bucsum. Vu élant traité comme «5 ['bncsiim), ce mot a donné très réguliè- rement : bois.

Raschi présente encore la même forme. Cf. Boscà Hasch., 23 a ; Sabbat, 129 a.

LES GLOSES FRANÇAISES DE GERSCHOM DE METZ 247

Le son de Vo dans notre transcription était-il o ou bien ou? Cela est impos- sible a déterminer. Nous éprouvons ici le même embarras que celui nous mettrait la transcription bois dans un manuscrit français.

17. BROCHE, NpTiD, C, Bekhorot. 37 ô, biD, pointe, aiguille de bois.

Même traduction dans Raschi, Behh., 37 b, aiguille en bois ; 51 a, il signifie épine. Le sens général de ce mot est donc chose pointue, piquante. C'est le mot BKOCHE, formé sur le celtique brocc, qui a pénétré dans toutes les langues romanes. Cf. l'italien brocco, brocca, le prov. broca, le fr. broc et broche. Le sens d'aiguilles est encore conservé dans le français broches à tricoter, longues aiguilles en bois, en os, etc., dont on se sert pour former les mailles d'un tricot.

L'absence de ponctuation rend difficile la transcription de ce mot. Nous n'avons aucune raison de préférer BROCHE à BROKE. Bien que d'autres exemples nous prouvent que (C + A) est devenu GHE, il pourrait y avoir pour ce mot une in- fluence du dialecte normanno-picard. C'est une hypothèse admissible, mais indémontrable.

18. BUFET, i:3"iri, A; UD'^D, B'B»; -jDTn, B», B. B., 'èOa, "i^jn, vin de marc, boisson faite avec le résidu du raisin.

La leçon B ' B * est, non pas une corruption, mais une notation particulière et intéressante de la leçon B^ C'est ce manuscrit qui nous donne la vraie leçon. A doit être évidemment changé en :3D13, eu égard à la leçon des trois autres mss. M. Kœnigsherger transcrit ou plutôt transforme le loaz ainsi : pi- quette ou buvette. C'est simplement le mot bufet., conservé ici dans un sens qu'on ne trouve déjà plus en ancien français. Mais les dérivés hufetier, cf. Godefroy, I, 752, au sens de marchand de vin, vinaigrier, buffeterie au sens de vinuigrerie suflisent à étabhr l'existence d'un simple buffet pris pré- cisément dans l'acception de notre loaz ou dans une acception extrêmement voisine'. L'étymologie du mot m'est inconnue.

19. CHAMERE, ïîny^ap, A B, B.B.,la, N^T^bDOï*-

Le sens exact du mot glosé est assez difficile à déterminer. D'après Raschi, c'est une belle chambre ; d'après l'Aruch, c'est nwecaverne, ou une vaste salle ; d'après Levy et Kohut, c'est le diminutif de aTi-i\>Mo\, soit (T7ir,),â5tov, caverne, grotte. D'après Gerschom, ce mot signifie en français «"i^yjp. C'est le latin caméra dans sa première transformation en français. L'accent portant sur la première syllabe, nous avons régulièrement en français chamre^ et, par sou- venir du latin, caméra., l'orthographe chamere avec l'accent sur la première. Plus tard la labio-labiale m et la labio-dentale r étant difficiles à prononcer sans l'intercalalion d'une consonne labio-labiale sonore, et cette consonne labio-labiale sonore se prononçant tout naturellement par suite de la rencontre de la labio-labiale m et de la labio-dentale r, un b euphonique viendra s'inter- caler entre les deux consonnes. C'est à cet état de choses qu'on arrive avec

' Oa trouvera dans mes positions de thèse de l'Ecole des Charles, 1898 (p. 23), une autre iaterprélaliou du loaz. J'avais corrigé asin de A en ;j21p. J'avais pensé à * cupatum (orme sur cupa. Ce n'était pas si comique que l'inlerprélation de M. Kœnigs- berger, mais j'avoue que c'était presque aussi absurde.

248 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

Raschi [Bekh., 33 &) Niattp, CHAMRRE. El c'est un état encore postérieur qui se dégage de certaines autres leçons de Raschi, comme celles de Ez., xl, 17, nous avons la forme : U3"i33ip, CIIONBRES. Là, en effet, le b n'a plus de raison d'être, puisque Vm a déjà subi une première transformation et, de plus, Ta, sous l'influence de cet m changé en n, est déjà nasalisé, ou, du moins, il a déjà perdu le son plein de a pour prendre un son voisin de o et qui est à l'influence de Yn.

Nous avons donc eu successivement : Châmere, fin du x* s. Chambre, début et milieu du xi«. Chanbre, à la fin du xi", et au début du xir s., chonbre. Châbre viendra enfin vers le milieu du xir s.

Quant à ce mot, il est assez probable qu'il désigne ici, suivant son sens pri- mitif, tout appartement voûté.

20. CHAVIiE, N"b"^nNp , C, Arakhin, 19 ô, N^nnD'^N, l'articulation commence le pied.

Raschi traduit ce mot par N"''^b''mp = CHOVIiE. Cette forme présente un exemple de l'influence d'une consonne labiale sur la voyelle qui la précède : une prononciation de * cauvicula pour * cavicula.

La forme donnée par Gerschom est bizarre. Si l'on s'en tenait à la forme du ms. qui a Nb"'3î<p, on devrait prendre comme thème étymologique de KAVILE une forme * clavilla, * cavilla ou * clavila, * cavila, absolument inconnue et impossible. Il est probable que le scribe aura pris pour le signe annonçant le loaz les deux i"^ placés entre N et b, signe qui se place toujours entre les deux dernières lettres d'un loaz. On peut donc restituer N'^'^b'^DNp et transcrire CHAVIZE. Ln prouve que la voyelle a devait exister. Pour noter CHKVILE, on eût simplement écrit N">ib"^3p. Une autre hypothèse très plausible et qui me sourirait fort consisterait à supposer qu'on a pris le b pour un n et l'on aurait alors la forme romane la plus ancienne possible du mot clavi- cula à savoir clavi/e. En tout cas, ce loaz est d'une forme archaïque par rapport à celui de Raschi. Ce dernier a, en effet, subi l'influence de la labiale suivante, dans le traitement de l'a [a + v).

21. KARENK, '^3np, A manque, B' B», B.B., 85 ô, nnbp.

« C'est un ustensile les femmes mettent les objets qui leur appartiennent et qu'elles portent sur la tête. » Je n'ai pas retrouvé ce mot dans Raschi.

Je supposerai un mot grec xàpa auquel se serait ajouté le suffixe inff germa- nique, d'où* CARENK dans l'Est de la France. Mais je ne retrouve nulle part trace de ce mot. Est-il admissible qu'il ait disparu si rapidement? Les mois corbeille, panier, etc., étaient suffisants pour exprimer l'idée de réceptacle d'objets assez légers. Mais le mot KARENK avait un sens précis qui a pu disparaître avec l'usage auquel était destiné ce genre de « portoir».

Comme noire loaz n'est pas ponctué, on peut songer également à une for- mation sur le mot crâne : mais je ne vois pas le suffixe que représenterait le ^. On pourrait aussi interpréter par un dérivé de corb, qui signifie corbeille en ancien français.

22. KLIVÉR, T^n-^bp, C„ Eoullin, 25 a, ynuî, graver des dessins [sur un objet en métal].

LES GLOSES FRANÇAISES DE GERSCHOM DE METZ 249

Raschi traduit ce mot par y-^s = NIÉL.

Le loaz de Gerschom est corrompu : littéralement il faut le lire "1^3'^bp = Kliner ou Klinir. En outre, la comparaison avec le loaz de Raschi montre que les deux commentateurs ont usé de mots différents. Je change la leçon de G en T'n'^bp. Dans l'écriture rabbinique le ieth et le noun peuvent faci- lement se confondre.

Ce mol vient de l'allemand klieben, qui signifie fendre, diviser, il signifie- rait donc ici fendre le métal avec un instrument ad hoc de façon à tracer des dessins. Peut-être même l'instrument qui servait à cet usage s'appelait-il clive ? Mais c'est une hypothèse toute gratuite et que je donne sans y insister. Le mot cliver existe en français actuel ; il a été repris directement de klieben. Il a été adopté par l'Académie en 1798, et signifie : diviser des diamants, des cristaux par couches lamellaires. (Cf. clivage.)

23. KLOJÉTE, NP^nbp, G, Arakhin, 10 J, wam:», une petite cloche.

Raschi ne donne pas ce loaz, mais le mot ESKLÉTE, }<a"^bpïJ"'N.

Le son de j et le son de ch étaient très difficiles à distinguer déjà à l'époque de Gerschom, pour les populations françaises qui habitaient les bords du Hhin. Ce fait a persisté, et aujourd'hui encore les Alsaciens prononceraient d'une façon analogue à celle indiquée par la graphie de notre loaz : CLOJÈTE.

L'étymologie du mot n'est en rien éclairée par notre loaz. Le mot maniTa, qui suit notre KLOJt'LTE, est difficile à tirer au clair. Y verrons-nous, avec M. Kœnigsberger, un italien organo ■i3:iTiN? Ce serait un autre exemple d'un mol italien ajouté par un scribe quelconque pour servir d'explication à un mot français; cf. les mots '^baa'^i: et N3W^- Celte hypothèse me semble inadmis- sible ici. Nous nous trouvons en face du français dérivé de ORGANUM ayant la forme d'un proparoxylon étant devenu *ORGENU et ensuite orgru, orgre.

24. KLOSTER, "laïJlbp, A, KLOSTIR (allemand), n^-jaibp, B. B., H ô,

Nn'>"^72"n N"nDDN a quatre murs dont les trois premiers s'élèvent jus- qu'au plafond : le quatrième mur est plus bas et c'est dans celui-là qu'on pratique au-dessus des poutres de grandes fenêtres et une porte de quatre coudées; on appelle ce quatrième mur le n''a\25lbp.

Le ms; A ajoute que ce terme est empruté à la langue allemande. La vraie forme est donnée par B. Elle représente la prononciation rhénane donnée à l'ii, le mol vient du latin "claustura et a donné régulièrement en allemand Klostilr et en dialecte rhénan Klostir. Ce mot en français a donné closture.

Quant au mot Nnaujnbp employé par Raschi, Soukka, ila, c'est le dérivé primitif de claustrum. M. Kœnigsberger en fait également le mot allemand Kloster. Mais il n'est pas permis de traiter ainsi la transcription du mot NiaïJibp. Cela ne peut donner que KLÛSTRE, qui disparut plus tard devant le mot * clausiriuniy cloistre, cloître.

25. KMEL, b-^WD = houblon en slave. Cf. le mot homlon, 45.

26. KONCHIAD, HN-'pîip, Is., XLVI, 1, omp. Cf. AKROPID (1).

250 REVUE DES ETUDES JUIVES

27. KORAZ. -^binp, B' B\ b^-^mp, B', A manque, B.B., 80b, Nn"«OD «planle marine ».

Rasclii, Rosch, Haschana, 23 a, donne b'^'nip, avec l'explication : arbre qui croît au fond des mers.

Le mot iDTip a été considcré par M. Kœnigsberger comme un mot italien. Mais B' nous permet de restituer la forme "^bmp. La notation "b = Ll sert pour 17 mouille. Le son compliqué de cet l était difficile à noter et le loaz que nous avons sous les yeux nuus présente deux manières de l'écrire, ou il ou li.

Le mot corail vient du latin corallium (grec xopot),>.iov). L'italien coralo vient de corallum. Le français a également possédé le mot dérivé de corallum, coral. Mais ce mot n'était pas plus ancien que le mot corail, comme le prouve notre loaz.

Raschi donne le même mot avec les mêmes variations d'orthographe : cf. Raschi, Bosch Hasch., 23 a, "^bnp ; Ketoubot, ys a, les différents mss. donnent -^bnip ,b"«mp ,b">-np, bmp ,bnip.

28. KORZE, ymp, C, ffoullin, iO'àb, UO^I) (le manuscrit a 'jn'ip), maladie qui produit un écoulement par le nez.

M. Kœnigsberger propose la lecture KADARON. Mais il serait étonnant que le 1 de la dernière syllabe fût omis; ce serait le seul exemple de notre recueil de loazim qui ferait exception aux règles de transcription suivies si rigou- reusement par les scribes. Aussi bien, Raschi emploie, Ghittin, 69 a, le mot Vl")"^^ pour designer la même maladie. Ce mot est altéré, mais le rappro- chement des deux loazim permet de reconstituer le mot : KORZE du latin Coryza, grec, Képy^a, auquel est, d'ailleurs, emprunté le mot hébreu.

29. KOS, KOST, UUÎip, A; Wip, B, 5. B., 16 0, nj'-'itp, « plante, dit Ger- schom, qui répand un parfum extrêmement fort. »

Les deux leçons sont acceptables. La première, qui donne le mot KOST = cost, est plus voisine de l'étymologie lat. costus, grec xôctoc. La seconde leçon, KOS, représente une prononciation différente, le t précédé de 1'^ et non suivi de la voyelle d'appui s'annihile. Le fait persiste encore dans le français actuel : cf. la prononciation populaire : gare de VBsse pour de l'Est, il a rem- porté sa vesse (veste), etc.

Nous retrouvons ce mot employé dans l'ancien français. Godefroy cite :

Coste et canele, poivre, altres bones espices.

{Voy. de C^. 211. Ed. Koschwitz).

En septembre doibt-on manger ocs et char de porc et prenre puison de cost et de betoigne (ms. écrit à Saint-Omcr 1208). Hec costus cosl. Gloss. de Glasgow. (Mcyer.) Costa vel costis cost [Glossaire de Durham].

Tous exemples qui prouvent que ce mot n'avait pas de voyelle d'appui. La leçon B nous fournit l'explication de cette anomalit; : le < ne devait plus se faire entendre dans la prononciation.

30 rompus

. KOVEDIZ, Y^^'2^-p,C, HouUin^'ôhb, mnT1?3n D"«i£"'n, œufs gâtés, cor- nus:

LES GLOSES FRANÇAISES DE GERSCHOM DE METZ iol

Ce mol ne se retrouve pas dans Rasclii. Mais nous voyons chez lui dos mots de même origine. Ex. : Cantique des Cantiques, vu, o, NT^mp = KOVEDE dans le sens de première couvée ; BeracJiot, 44 a, C'*â"ip = KOVÉS ; Bèra, 10 a, NT^-'âip --^ KOVEYDE.

Le mot y3i::2npN = AKOUVETONZ se retrouve dans différents glossaires, B. N. 302, fol. 1 V, par exemple, avec le sens de : accubitans.

D'après tous ces rapprochements, le thème étymologique du mot KOVEDIZ est le radical de cubat-um, supin de ciihare + suffixe ilius = ' cubat-itium. Le sens est donc : œufs qui ont été couves, c'est-à-dire des œufs qui ne sont pas frais, et ont été gâtés par un commencement de couvaison. Le mot se retrouve en vieux français sous la forme coveïs (toujours en trois syllabes dans les vers), forme de covediz avec chute du d intervocalique. Plus tard on trouve covis et actuellement couvi. Liltre (876, 2) dit par erreur que couvi est une forme de couvé.

31. KRO ORIENTAL, KROKU ORIENTÉL, bCJSi-^IN np A; b-^arilN ipTip B, B. B., 16 ô, Npcm Ntt^-nD, le safran.

A. Cro oriental, crocum, avec la chute normale du c entre o el% (cf. locum, lo, souvent cité dans le gloss. 302. hébreu de la B. N.]. L'ô ne s'est pas diph- tongue, ce qui prouve une influence provençale, d'autre part, la chute du c indique un mot populaire français. C'est, d'ailleurs, le seul exemple que nous ayons de celte formation française. Godefroy ne cite pas ce mot et relève l'exemple de la forme savante croc dans Expl. du Cant. des Cant., ms. Mans 173, f 84 r°.

Cipres et nardes et canele. Croc, aloains, fistle novele.

B. npnnp- Forme curieuse. Ce n'est pas un mot italien, comme on pourrait le supposer en première analyse. C'est un des cas nous en retrouvons quelques- uns dans nos loazim) de la persistance dans le français de la fin du x* siècle de la désinence -um latine. Ce qui doit lever tous les doutes à cet égard, c'est le mot b">:2ji<">">ni<, formé, dans le français de l'Est, du latin orientaler/i = ORIEN- TÉL. (Jn ne comprendrait pas que Gerschom eût expliiiué un mot hébreu par deux mots romans intimement liés par le sens et dont l'un serait un mol ita- lien et l'autre un mot français.

Quant au mot ORIENTAL, il affecte la forme savante dans A et une forme plus populaire (ou plus ancienne) dans B.

32. EBRE, N-inN, C, Houllin, 38 ô, nasr: 'T^.n, le lobe du foie, le petit épi- ploon, la crépine.

Raschi donne souvent ce mot ; nous le trouvons dans Houïlin, 38 *, sous la forme •C5"i-13\N; HouUin, 46 a, sous la forme •o-ia\s (î<n3"'Nl- Nous devons ponctuer N"i2N d'après les exemples de Raschi, Lév., nt, 4, par exemple. Le même donne "j-miwV. Cela montre qu'à 1 "époque de Raschi tout au moins le mot se prononçait évre.

Ce mot est tiré du grec r,7rap, qui, traité en mot populaire, aura donné un nominatif ébre ou évre et dont l'accusatif * •fiTTara aura donné ébede ou évede,

252 REVUE DES ETUDES JUIVES

et dont le pluriel aura été ébi-es. Cf. Raschl [loc cil.) et evedes ou evdes.

D'après ce loaz, nous pourrions dire que yi égale ê en latin, et que Taspiration provenant d'un esprit rude grec a disparu dans la prononciation populaire dès avant le xi» siècle. Quant aux mots grecs, on sait qu'ils se comportent pour le passage en roman comme les mots latins eux-mêmes.

Ce mot a disparu sans laisser de trace en français ; il a été remplacé par ficata = foie. Mais dans le sens de repli du péritoine qui flotte en avant de l'in- testin grêle, il a été remplacé par un mot grec, resté grec : Vépiploon, è7tt7t),oov. On peut comparer le mot aizl-fit qui a donné en vieux fr. esplein (cf. Godefroy à ce mot, III, 535).

J'ajoute qu'il n'y a aucune raison de songer à l'allemand Leber.

33. ENTIR, 'T'aîN, C, Houllin, 8 b, ■'ï'^nn, « tout entier ».

Ce mot n'est pas employé ici par Raschi. Il doit être transcrit ENTIR. La no- tation T'aiN peut, théoriquement, donner lieu à deux transcriptions : ENTER ou ENTIR. Mais le latin intEgrum n'a pu donner primitivement que * entieir. Toute transformation de ë aura donné un i^, et l'interprétation de "^a par supposerait "^'^ c'est-à-dire ê, ce qui est impossible. Nous avons donc ici la première forme française immédiatement dérivée de "entieir.

Le mot actuel entier est à une formation postérieure (suffixe -arius) . Les mots en -ter, étant fort nombreux, ont influencé les substantifs ou adjectifs d'une façon qui n'a pas encore été suffisamment expliquée, mais qui doit être considérée comme un fait. .Le sens de ENTIR ici est absolument conforme à son étymologie.

Louis Brandin. {A suivre.)

LE DÉNOMBREMENT DES ISRAÉLITES D'ALSACE

(1784)

En mS se produisit, dans la Haule-A.Isace , une affaire judi- ciaire qui causa des troubles profonds : l'affaire des fausses quit- tances opposé'es aux créanciers Israélites par un grand nombre de débiteurs chrétiens. Le Conseil souverain d'Alsace, qui ne par- venait pas à se débrouiller dans le chaos des intérêts en jeu, fit appel au gouvernement de Louis XVI, afin de faire procéder à une enquête. Elle fut menée rapidement et provoqua une arres- tation sensationnelle, celle du « sieur Hell, bailli de Landser », soupçonné d'être l'auteur de ces fausses quittances, car on avait trouvé chez lui des billets et des lettres en caractères hébraïques, qu'il connaissait très bien. En vertu d'ordres expédiés le 18 fé- vrier 1780, Hell fut arrêté et conduit à la citadelle de Strasbourg. Il fut remis à M. le Prince de Montbarey, alors secrétaire d'État de la province. On ne le jugea pas pour l'affaire des fausses quit- tances, mais on lui reprocha d'avoir publié une brochure violente, intitulée : Observations d'2m Alsacien smUes affaires des Juifs en Alsace ; il fut poursuivi pour ce fait seulement, et grâce à des protecteurs puissants, son seul châtiment fat d'être exilé à Valence.

Afin d'éviter le retour de pareils abus, le gouvernement royal constitua une commission chargée d'étudier la situation exacte des Israélites en Alsace et de proposer les mesures à employer pour l'améliorer.

Cette commission, composée de MM. de Miromesnil, Daguesseau, de Beaumont, de Sauvigny, Taboureau, prit connaissance des Réflexions du baron de Spon, président du Conseil d'Alsace, de M. de la Galaizière, du cardinal de Rohan, et du maréchal de Gontade, tous membres du Conseil souverain d'Alsace, et des représentations des Juifs d'Alsace. A la suite de cette enquête, M. de Miromesnil rédigea un projet de Lettres-Patentes, dans le- quel on trouve quelques passages inspirés d'un projet élaboré, en 1689, par M. d'Argenvilliers.

2o4 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

Voici un résumé de ces Lettres-Patentes, nous reproduisons in extenso les articles relatifs à l'état civil des Israélites :

LETTRES PATENTES DU ROI

PORTANT RÈGLEMENT CONCERNANT LKS JuiFS d'AlSACE.

Du 10 juilltt i784.

Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre : A tous ceux qui ces présentes Lettres verront, salut. Nous nous sommes fait rendre compte des règles établies relativement aux Juifs de notre province d'Alsace, et, après en avoir pesé les avantages et les incon- vénients, Nous avons jugé nécessaire d'y apporter quelques chan- gements, par lesquels Nous Nous sommes proposé de concilier, au- tant que cela nous a paru possible, leurs intérêts avec ceux de nos

sujets

Art. I'-'". Les Juifs répandus dans la province d'Alsace qui, à l'époque de la publication des présentes, n'y auront aucun domicile fixe ni connu, et qui n'auront payé ni le droit de protection à Nous dû, ni ceux de réception et habitation apparlenans aux seigneurs et aux Villes, ni la contribution aux charges des communautés, seront tenus dans trois mois, à compter du jour de ladite publication, de

sortir de ladite Province

Art. 2. Défense d'admettre u l'avenir aucun juif étranger, sans autorisation royale.

Art. 3. Obligation du passeport pour tous les juifs étrangers qui voudront circuler ou séjourner en Alsace et formalités qu'ils auront à remplir à cet effet. Art. 4. Rigueurs contre tout contrevenant à l'art. 3. Art. 5. Défense à tous rabbins et autres juifs de faire loger ou de loger un Juif et de recevoir des Juifs étrangers sans passeport.

Art. 6. iDéfense aux Juifs d'Alsace de contracter mariage sans autorisation royale, même hors de l'État.

Art. 7. Défense aux rabbins de procéder à un mariage sans la production de la permission royale.

Art. 8. Autorisation accordée aux Juifs de prendre des fermes à bail, d'^-^ demeurer et d'y exploiter, de louer vignes, terres, etc., pour les cultiver. Défense d'employer des chrétiens pour ces tra- vaux. Faciliter de faire des défrichements, d'exploiter des mines de charbon ou autres, et traiter tout ouvrage pour le service public ou particulier, sans sous-traiter.

Art. 9. Autorisation de faire la banque, toute sorte de négoce, trafic, commerce; d'établir des manufactures et fabriques d'étoiles, forges, verreries, faïenceries. Les livres et registres devront être tenus eu langue vulgaire. Art, 10. Défense expresse d'acquérir des biens-fonds.

LE DÉNOMBREMENT DES ISRAÉLITES D'ALSACE 25S

Art. 11. Autorisalioa aux Juifs d'acquérir les maisons néces- saires pour eux seulement, et proportionnées à leur état.

Art. 12. Conditions pour que les seigneurs soient autorisés à les congédier.

Art. 13. Procès que les Juifs sont autorisés à soumettre à leurs rabbins, tous les autres étant soumis aux officiers de justice et de police.

Art. U. Défense de contracter aucune opération par actes ou billets, sans la présence d'un notaire ou de deux préposés de la com- munauté qui confirmeront les actes ou billets.

Art. 15. Exceptions pour tous banquiers ou négociants, pour fait de banque ou de commerce.

Art. 16. Défense d'employer pour ces opérations la langue hé- braïque. On ne devra se servir que du français ou de la langue vul- gaire employée en Alsace.

Art. 17. Défenses de stipulations spéciales dans les billets.

Art. 18. Manière de prêter le serment.

Art. 19. Conditions d'admission au bénéfice de cession de biens, et stipulations faites dans les contrats de mariage en faveur des femmes et enregistrées au greffe.

Art. 20. Action des Juifs en justice et les pouvoirs de leurs agents à ce sujet, sous le titre de : syndics des Juifs.

Art. 21. Défense de se réunir sans l'autorisation du commissaire départi, et de son approbation pour les sommes à verser par les Juifs à leurs syndics.

Art. 22. Autorisation aux syndics de faire la répartition des impositions royales, toujours avec l'autorisation du commissaire départi, et toutes fonctions remplies précédemment par les préposés généraux.

Art. 23. Pouvoir des préposés particuliers élus par les commu- nautés des Juifs, pour l'exécution d'ordres, recouvrement d'imposi- tions, convocations d'assemblées, présidence d'élections des chantres et sergents. Listes et rôles de répartition pour acquitter les salaires des chantres et sergents. Prescriptions en cas de contestations et troubles dans les synagogues.

Art. 24. Les Juifs mariés et convertis ne pourront se remarier avec des catholiques que s'ils sont veufs ou veuves; situation de leurs enfants s'ils ont agi autrement et avant ce règlement.

Art. 23. Lorsque les Juifs d'Alsace se marieront, qu'il leur naîtra un enfant, ou qu'ils viendront à mourir, ceux qui auront con- tracté lesdits mariageSj les parens de l'enfant, ceux du mort, et à leur défaut ses amis ou voisins seront tenus, deux jours au plus tard après lesdites naissances, mariages ou morts, d'en faire la décla- ration par devant le juge du lieu, et ce à peine de cent livres d'amende, laquelle déclaration dûment signée tant par le déclarant que par ledit juge, spécifiera la date exacte desdils mariages, nais- sances ou morts, ainsi que les noms, surnoms et qualités de ceux sur

236 REVUE DES ETUDES JUIVES

lesquels elle portera, et fera inscrire dans deux registres cotés et paraffés, dont l'un restera entre les mains dudit juge et l'autre par lui envoyé au greffe de notre Conseil souverain d'Alsace, pour y rester déposé et pour qu'on puisse y recourir le cas échéant ; il ne pourra être exigé qu'un droit de cinq sols pour chaque déclaration et pour chaque extrait qui en sera délivré.

Si donnons en mandement à . . .notre Conseil souverain d'Alsace à Colmar

Donné à Versailles, le dixième jour du mois de juillet l'an de grâce 4784

LOUIS. Par le Roi : Le maréchal de Ségur.

Afin d'assurer l'exécution de l'article 1^% qui fixait un délai de trois mois pour quitter l'Alsace à tous ceux qui ne voulaient pas s'y fixer définitivement, le Conseil souverain d'Alsace rendit un décret, le l^"" septembre 1784, ordonnant le « Dénombrement géné- ral des Juifs qui sont tolérés en la Province d'Alsace ».

Le résultat de ce dénombrement a été imprimé, en voici un extrait :

Vu par le Conseil le Réquisitoire présenté par le Procureur gé- néral du Roi en icelui, contenant :

Que pour parvenir à l'exécution de l'article premier des Lettres- Patentes de Sa Majesté du 10 juillet dernier, enregistrées et publiées le 26 août suivant, qui ordonne l'expulsion de tous les juifs qui se trouvent en Alsace sans y avoir de domicile fixe, ou sans y payer les droits de protection et d'habitation dûs au Roi et aux Seigneurs, ou sans contribuer aux charges des communautés, il importait de cons- tater par un dénomhrement exact et circonstancié des juifs actuellement existant dans la Province, ceîix d'entre eux qui se trouvent dans le cas d'être expulsés.

Enfin qu'il n'échoit pas moins d'assurer l'exécution de l'ar- ticle XXV et final des dites Lettres-Patentes en prescrivant aux greffiers des premières juridictions les formalités qu'ils auront à observer pour recevoir en l'absence des juges les déclarations des naissances, mariages et morts des Juifs, ainsi qu'en déterminant le temps au bout duquel ces greffiers seront tenus d'envoyer le double de ces déclarations au greffe du Conseil. Pour ce requérant, pour le Roi y être pourvu ledit Réquisitoire. Signé : Sghoff, substitut.

Ouï le rapport de MM. Fr.-IIenri Tavier, Denouyer, conseiller tout considéré : Le Conseil faisant droit sur les Réquisitions du Procureur général du Roi, a ordonné et ordonne que dans trois mois à compter de la publication du présent arrêt, les magistrats et baillis des lieux de cette province dans lesquels il se trouve des Juifs, seront tenus de dresser des états contenant le détail dies familles juives qui

LE DENOMBREMENT DES ISMAELITES U^ALSACK 257

existent daus chaque juridiclion, le nombre des individus des deux sexes qui les composent ou sont d'ailleurs demeurant dans le lieu ; leurs noms, surnoms, uges, qualités, origine, professions et facultés connues, lesquels étals spécifieront aussi si lesdits Juifs ou leurs pères et mères ont été reçus par les seigneurs, s'ils paient les droits de protection et d'habitation au Koi et aux Seigneurs cumulalivement ou séparément, s'il y a des causes légitimes pour lesquelles aucun desdits Juifs n'acquittent pas ces droits, s'ils contribuent aux charges des communautés et pour combien, et s'ils participent aux biens communaux et en quoi.

Pour ces états signés par le Préposé ou à son défaut le plus ancien des Juifs de chaque endroit et certifiés par lesdits magistrats et baillis être envoyés au greffe de la Cour et ensuite par icelle près tel parti qu'au cas appartiendra.

Ordonne enfin que les greffiers des villes, bourgs et villages de la province où. il y a des Juifs, seront obligés, sous telle peine que de droit, de tenir et avoir, à dater de la publication du présent arrêt, des registres cotés et paraphés par le chef des magistrats ou par le bailli du lieu, dans lesquels registres ils inscriront, même en l'ab- sence desdils magistrats ou baillis les déclarations des naissances, mariages et morts des Juifs établis dans chaque juridiction et ce dans la forme et manière prescrite par l'article XXV et final desdites lettres-patentes du 10 juillet dernier. Enjoint auxdits greffiers, sous les mômes peines, d'envoyer pour la première fois au greffe du conseil le double de ces déclarations dans les trois premiers mois qui suivront l'année 1785 et ainsi d'année en année.

Fait à Colmar, au Conseil souverain d'Alsace, Chambres assem- blées, le 1" septembre 1784 '.

L'article 1" des Lettres -Patentes du 10 juillet 1784 fixe un délai de trois mois, à partir de leur publication, pour se mettre en règle. L'ordonnance indique cette publication comme faite le 26 août, et son exécution dans les trois mois, à partir de sa confir- mation, faite et publiée le 1^"" septembre, ce qui donne comme date extrême le l^"" décembre.

En réalité, beaucoup de listes du dénombrement portent des dates qui vont jusqu'au 2 mars 1785, pour Rosheim, par exemple.

Nous avons étudié ce travail, et on trouvera plus loin les ren- seignements que nous y avons relevés.

L'exécution des articles 6 et 7, relatifs aux mariages et aux au- torisations à obtenir, obligea le gouvernement royal à délivrer des autorisations, mais il ne les donnait qu'avec difficulté, carie but recherché était de limiter les mariages Israélites. Ce fut la

* Traduclion de l'original allemand, imprimé à Colmar chez Jean-Henri Decker, imprimeur juré du Roi et de Nosseigneurs du Conseil souverain d'Alsace.

T. XLII, 84. 17

2oS RKVUK DKS ETUDKS JUIVKS

causR de nombreuses et vives réclamations qui se produisaient encore au moment de la Révolution. Les autorisations étaient ainsi libellées sur papier parchemin :

Aujourd'hui, 178. .. le roi, étant à Versailles, Sa Majesté, sur

la très humble supplicaiion du nommé Juif de lui a

permis et lui permet de se marier avec la nommée fille de la

même religion, l'excepte à cet etlel des deffenses portées par l'ar- licle 6 du règlement du 10 juillet 1784, concernant les Juifs d'Alsace.

Autorise en conséquence tout rabin de la province, à procéder à la célébration de leur mariage dans le cas il n'y aurait d'autre empèehemeut que celui résuliani des défenses portées par ledit règlemenî. Et pour assurauce de ce qui est en cela de la volonté de Sa Majesté, elle m'a commandé d'expédier le présent brevet qu'elle a signé de sa main et fait contresigner par moi, son conseiller secré- taire d'État et de ses commandemens et finances.

LOUIS. Le maréchal dk Ségur.

L'article 25 spécifie les déclarations à faire pour l'état civil.

Pour tous les autres habitants, en France, toutes les déclara- tions étaient reçues par les curés ou desservants de chaque pa- roisse ; mais un édit de Louis XVI, en date du 28 novembre 1787, obligea les non-catholiques à faire dresser les actes d'état civil par les officiers de justice. Depuis la révocation de l'Édit de Nantes (octobre 1685) les protestants devaient faire établir leurs actes d'état civil par les ministres du culte catholique.

Cette décision s'appliquait donc aux Protestants et aux Israé- lites, sur toid le territoire français, et préparait l'acte d'émanci- pation générale accompli par la Révolution.

Malgré ces Lettres-Patentes, la situation des Israélites était toujours l'objet de nombreuses préoccupations.

A la suite de la publication à Londres, en nS"?, d'une brochure : Sur la réforme des Juifs, par Mirabeau, le gouvernement de Louis XVI forma une nouvelle commission, afin d'étudier la ques- tion de l'affranchissement des Israélites, question singulièrement délicate, non pas tant à cause des idées répandues à leur sujet, que parce qu'il fallait supprimer tous les droits et impôts qu'ils étaient obligés de payer aux seigneurs, aux villes et au Domaine royal.

Cette commission fut définitivement constituée en 1788 et pré- sidée par Malesherbes, ministre de la maison du Roi; elle était composée d'anciens intendants des provinces habitaient le plus de Juifs.

i

LE DÉNUMHRE.MENï DES ISRAÉLITES D'ALSACE 209

Elle appela auprès d'elle leurs représentants qui étaient : Fiir- tado, Gradis et Lopès-Dubec, de Bordeaux; Cerf Béer, de Stras- bourg, pour l'Alsace; Béer Isaac Béer, de Nancy, pour la Lor- raine; Lazard et Trenel, de Paris, et Fonseca, de Bayonne ; elle convoqua également Rœderer, conseiller au Parlement de Metz, qui avait étudié la question.

On n'a jamais pu connaître très exactement les résultats des travaux de cette commission. Les événements politiques se pré- cipitent. Le 14 Juillet 1789 brisa bien des résistances, et le 21 septembre suivant, la Constituante discutait, pour la première fois, l'admissibilité des Juifs aux droits de fonctionnaires muni- cipaux, puis de citoyens.

Le volume imprimé du Dénombrement de 1784 est composé de 390 pages de 20 c. sur 33 c. de papier filigrane ; 195 pages ont un grand cartouche aux armes de Colmar, et les autres l'indication suivante, en écriture anglaise, pour quelques feuilles :

Papeterie Royale en Alsace 1142

de même, en caractères droits et épais ;

Papeterie Royale

Kien Rialn en Alsace 1742

et pour toutes les autres,

Finde Louis

Ferdinand Horn

en Alsace.

En tête de la V" page, le titre :

DÉNOMBREMENT GÉNÉRAL

DES JUIFS

qui sont tolérés en la Province d'Alsace, en exécution

des Lettres- Patentes de Sa Majesté, en forme de Règlement,

du 10 juillet 17S4.

Et tout de suite, une division en cinq colonnes des indications re- levées par localité, suivie des dates diverses du recensement, qui varient du 13 septembre 1*784 au 2 mars 1785; du nombre des' familles par localité, qui vont de une à 83 ; des qualités (ou pa- rentés), qui donnent trente-six sortes de désignations et trente fonctions ou occupations; des noms (et prénoms) des «Individus », qui s'élèvent au nombre de 600, et des totaux des « Individus »

260

REVUE DES ETUDES JUIVES

par famille, puis, au total, les noms des localité'?, suivis du nombre de^i familles et des individus.

On trouvera dans les tableaux qui suivent le résumé de toutes ces indications; comme échantillon de la disposition adoptée dans la publication officielle, nous donnons celui de la famille de Cerf Béer, fournisseur des armées de Louis XVI, qui est intervenu très souvent en faveur de ses coreligionnaires. 11 habitait liisch- heim près de Strasbourg et s'établit dans celte ville en 1767, avec une permission temporaire, renouvelée par Louis XVI.

LIEUX

qu'ils habiloieiit

•r. t.;

■î. ~

y. £ u >

à la un de l'année 1781

par n"s

et

n

z

QUALITÉS.

NOMS DES INDIVIDUS.

? 2

W

c

ordre alphabétique.

Q

liJU.

Chef. ........

Le Sr. Cerf Béer, Père.

Strasbourg-

Femme

Ilanna-

Elat du mois de

Fils

Théodore ji Eve )

Beer.

Fille

novembre 17Si.

1

Fille

Gendre

Femme

Zaradle Ilanna. Le Sr. Low Levy. Fachon

Nièces

,.es^ Sara pen 1 ^ ( Reilz Sceligmann

> Béer.

Rabbin

Joseph-

Secro'taire . . .

llevmann Wolff-

l^'-'M

Commis '

Copiste

Gare, de Bur. Domestique- .

Portier

Cocher

Gouvernante. Femme d'En. Cuisinière. . . Servante ....

Moyses /

Joseph

Simon Harbourgcr.

Isaac.

Moyses Samuel.

Joseph Gugenheim.

Lôwel Weyl.

Mendia.

Sàra Brisack.

Reyer.

Reysla.

Mannel-

Levy.

23

Il y avait encore à Strasbourg trois familles, le Sr. Marx Béer, fils (13 personups), le Sr. Samuel Seeligmann Alexandre, (17 personnes) et WoHf Levy (15 personnes). Au total, Strasbourg,

Ll'. DENOMUHK.MENT DES ISRAÉLITES H'ALSACE 261

comptait donc quatre familles israt^lites et soixante-huit indi- vidus. Il n'y avait pas d'Israélites à Colraar, ni à Schlestadt. Mïilliausen, dans le Dénombrement, n'est pas la ville de Mulhouse, (ville libre à l'époque) : c'est une localité du Bas-Rhin.

A la fin du volume, une Table renvoie aux pages sont men- tionnées les localités et indique pour chacune d'elles le nombre des familles et individus ; ensuite une feuille avec ce titre : Supplément au Dénombrement général des Juifs d'Alsace, qui contient quatre-vingt-trois personnes parmi lesquelles vingt- quatre forment trois familles.

Au bas de la table se trouve l'inscription :

A COLMAR

chez Jean-Henri Decker, Imprimeur juré du Roi,

et de Nosseigneurs du Conseil souverain

d'Alsace 1185.

Liste des localités rangées par nombre croissant de Famillef!.

\ famille, 9 personnes Artzheim, 9 p. Aveuheira, G p. Berg, 7 p. Lichtenberg, 6 p. Niedersteiubronn, 5 p. Rossen- weiller. (6 localités).

2fam.,14 p. Ville de Haguebach, 12 p. Langensoulzbach, ~ 9 p. Mittelhausen, —43 p. Offend(^rff (4 1.).

3 fam., 19 p. Dangolsheim, 12 p. Offweiller, 17 p. Ulweiler.

(41.).

4 fam., 29 p. Hàgen, —20 p. Plobsheim, 19 p. Soufflenheim,

68 p. Strasbourg (7 1.).

5 fam., 28 p. Doffenheim, 30 p. Eckwersheim, 30 p. Frœsch-

weiler, 21 p. GœrsdorfT, 25 p. Linienhausen, 27 p. Otterswiller, 24 p. Ringendorff, 29 p. Stotzenheim, 35 p. Wallenheim, 31 p. Wiltelsheim, 31 p. Zimmers- heim, 29 p. Zinsweiler. (1'2 1.).

6 fam., 30 p. Bischoffsheim, —34 Hœnheim, 24 p. Oberlauterbach,

29 p. SulIz-DachsteiQ (Basse-Alsace) (4 1.).

7 fam., 2.5 1». Birckwald^ 36 p. Bosenbiesen, 40 p. Guebweiller,

42 p. Ilagueubacli, 28 p. lugersheiiu, 35 p. Thanu,

31 p.TiâDbelm (7 l.).

8ïam., il p. Draclieubronn, —38 p. Gundershoffen. 53 p. Gund- stelt, 47 p. Marckolsheim, 48 p. Niederkulzenbausen,

50 p. Rledsellz, —39 p. Riedweyer, 41 p. Urweiler, 31 p. AVatlweiler, 36 Winlzenheim, partie d'Hohenlands- berg, Haute-Alsace (10 1.).

9 fam., o1 p. Brurapt, 42 p. Dahn, 38 p. Erlenbach, 48 p. Herx- heim, 42 p. Weinbourg (•") 1.].

262 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

<0 fam.,71 p. Ilochfelden, 48 p. Niederottrott, 42 p. Turckheim,

52 p. VOgllinshoflen, 50 p. Witlenheim, 34 p. Wœrtli (6 1.).

^^ fam., 58 p. Dornach, 63 p. Kittolsheim, 52 p. Minwersheim,

47 p. Rothbach, —42 p. Swindratzheim (6 1.).

12 fam., 54 p. Batzendorff, 50 p. Bolseaheim, 68 p. Epfiig, 51 p. Heusseren, 63 p. Herlisheim (Basse-Alsace), 65 p. Kolleslieira, 59 p. Lembach, 45 p. Niederseebacli, 63 p. Ohlungen, 52 p. Schaffhausen (9 1.).

iSfam., 55 p. Forl-Lauis, 61 p. natlen(2 1.),

Ufam., 71 p. Buesweiller, 73 p. Mertzwiller, 75 p. Neuwiller,

63 p. Osthausen, 80 p. Wolffisheim (5 1.)

15 fam., 74 p. Gersllieim.

16 fam., 84 p. Lauterbourg, 16 p. OslliofTen, 84 p. Pfaffenbofen,

73 p. Schœffolsheim (4 1.).

17 fam., 72 p. Dultlealieim, 84 p. Kembs, 92 p. Mackenheim,

91 p. ObersteiubronD, 70 p. Strutl (5 1.).

18 fam., 79 p. Boussemberg, 96 p. Detiwiller, 78 p. Château de

Ilartmanschweiler, 92 p. Horbourg, 84 p. Lingolsheim,

112 p. Reguisheim, 94 p. AValll, 97 p. Wiolzenheim (Basse-Alsace) (8 1.).

19 fam., 108 p. Itlersweiler.

20 fam., 72 p. Diebolsheim, 124 p. Eltendorff, 95 p. Hirsingeu,

108 p. Rûltzheim, 102 p. Soullz (ville), 114 p. Wetlols- heim (6 1.).

21 fam., 113. p. Oberbronn, 103 p. Saverne, 108 p. Scharrach

Bergheim, 105 p. Scliweinheim, 100 p. Wiogersheim (5 1.).

22 fam., 139 p. Foussemagne, 104 p. Pfaffstalt, 94 p. Qualzen-

heim, 102 p. Trimbach (4 1.).

23 fam., 114 p. Isenheim, 94 p. Mûhlhausen (2 1.).

24 fam., 94 p. Weitersweiler.

25 fam., 141 p. Luemschwiller, 131 p. Weslhausen (2 1.).

26 fam., 122 p. Ufîheim.r

27 fam., 127 p. Schirhoffen.

28 fam., 130 p. MultershoUz. 132 p. Oberdorff, 138 p. Ulenheim,

163 p. "Weissembourg (4 1.).

29 fam., 138 p. Grussenheim, 128 p. Habsheim, 29 p. Krauter-

gersheim, 145 p. Laudau, 135 p. Niederbroun (5 1.).

30 fam., 129 p. Dambach, 167 p.Mommenheim, —143 p. Surbourg,

163 p. AViltersheim (i- 1.).

31 fam., 159 p. Niederrœderen, 169 p. Scherweilier (2 l.j.

32 fam., 162 p. Seppois-le-Bas.

33 fam.. 170 p. Balbronn, I'j4 p. Frœniogue, 157 p. Zellweiler.

(3 1.).

34 fam., 174 p. Soullz-Fleckenslein (Basse-Alsace).

35 fam., 160 p. Herlisheim (Haute-Alsace).

LE DÉNOMBREMENT DES ISRAÉLITES D'ALSACE 263

36 fam., 201 p. Oberenheim.

37 fam., 185 p. Niederenheim.

38 fam., 201 p. Bouschweiller, 195 p. lugwiller (2 !.).

39 fam., 181 p. Oïlratzheim.— 175 p. Reichshofteu (2 1.).

40 fam., 175 p. Feguersheim.

41 fam., 229 p. Hallslatl, 206 p. Ingeuheim, —206 p. Romaulzwi'-

1er, 202 p. SoullzmaU. (4 1.).

43 fam., 215 p. Juugholtz et Rimbach, 217 p. Sierealz 2 L).

44 fam., 206 p. Uffholtz.

45 fam., 201 p. Bohveiller. 47 fam., 226 p. Blolzlieim.

50 fam., 297 p. Bouxweiller, 244 p. Rixheim.;(2 L).

51 fam., 299 p. Marmoulier.

52 fam. ,271 p. Oberhagenlhal.

53 fam., 268 p. Rosheira.

54 fam., 31 1 p. Moutzig.

58 fam., 282 p. Westbofeu, 288 p. Ribeauvillé. (2 1.).

63 fam., 332 p. Zillisbeim.

64 fam.. 325 p. Haguenau.

67 fam., 327 p. Bergheim, 356 p. Niederhageatbal (2 l.).

73 fam., 340 p. Dirmenach.

79 fam., 473 p. Bischheim au Saum.

83 fam., 409 p. Heguenheim.

80 fam., 394 p. Winlzenheim, partie de la Reichs- vogtey de Kaysersberg. et 8 fam,, 36 p. Winlzenheim, partie d'Ilohenlands- berg. j

88 fam., 430 p.

Total général (avec le supplément) : 3913 familles, 19707 individus, dont 9945 du sexe masculin et 9762 du sexe féminin.

Noms de famille :

Les noms de famille les plus répandus (nous ne donnons que ceux qui reviennent au moins dix fois) sont :

Abraham (72), Ach (20), Alexandre (22), Aron (50), Bàhr et ses variantes (22), Barach et ses variantes (31), Benjamin (10), Bern- heim ou Bernheimer (43),Bicart et variantes 24), Bloch (189), Blum (29), Bolack et variantes (13;, Brunschwig et variantes (63), Cahen et variantes (15), David (54), Dreyfus (124), Elias ou Elle {36),Emanuel (12), Franck (23), Geismar (13;, Gerothwohl (12), Gerson ou Gerschem (10), Gotschal (16), Grurabach (32), Gugen- heim (17), Guntzburg et variantes (16j, Haas (12), Hauser (15), Hemerdinger et variantes (17), Heymann (10), Hirsch ou Hersch

Haute-.llsace.

2(l/i REVUE DES ETUDES JUIVES

(30), Hirtz et v. (10). Hirtzel ou Hertzel (48', Isaac (80), Israël (39), Jacob (63), Jonas (19), Joseph (40), Judas et variantes (18), Kalin et variantes (90), Katz (19), Lazare ou Lazarus (35), Lang (15), Lehmann (23). Lévy (618), Leyser (23), Lippraannet variantes (26), Lôw (28), Lôwel (38), Marx (37), Mayer ou Meyer (99), Moyses et variantes (86), Nathan (25), Netter (40), Nordemann et variantes (IG), Picard (27), Picquer et variantes (17), Raphaël (22), Rueff (32), Salomon (50), Samson (12), Samuel et variantes (81), Schnerb (10), Sclnvob (35), Seeligmann (29), Simon (18), Ulmann (34), Ulmo (15), Wahl (11), Weyl (187), Wolff (37), Woog (16), Wormser(50).

Les renseignements donnés sur les professions sont trop incom- plets pour être utilisables. Notons seulement qu'il y avait dans la province : 18 rabbins, 30 commis-rabbins, sous-rabbins ou substi- tuts de rabbins, 100 chantres, 116 maîtres d'école, 65 précepteurs privés, 2 « professeurs », 51 étudiants et écoliers pensionnaires, 942 domestiques, 1,286 indigents dont 46 dans 4 hôpitaux israélites.

362 familles avaient plus de 5 enfants, 2,953, de 1 à 5, et 598 étaient sans enfants.

Le relevé de la composition de toutes ces familles, par ordre alphabétique des noms propres et par localités elles se trou- vaient, a été fait par nous pour être imprimé.

Gabriel Hemerdinger.

NOTES ET MÉLANGES

NOTES EXÉGÉTIQUES

1. ISAÏE, XXVIII, 4.

La phrase biz r::-'^ r^n-^rri présente plusieurs difficultés. Tout d'abord, dans le verset 1, il y a y^i:, au lieu de ni:"'!:, qui ne se ren- contre nulle part. Ensuite, ba3 nif'ii est incorrect ; il faudrait ï^::'':: nbni. L'idée que '533 serait employé substantivement est peu ad- missible, car les autres exemples que les grammaires citent à l'appui (Gesenius-Kautzsch, § 128?^) se rapportent à des adjectifs d'un usage courant. A notre avis, il faut lire simplement rr^m Vnsrî y"«i:rT. L'altération du texte provient sans doute de ce qu'un copiste aura trouvé y^ï r:nim au lieu de y^itr; rr^m ; il aura lu rtn-TîT et, par suite, aura mis bn; n^-'i: au lieu de bn'.n y^-^. hiz y^-^ au V. 1, et bn:rt y^-:irt au v. 4, ont pour apposition in-iNcn ■'D^.

2. EzÉCHIEL, XIII, 0, ET PSAUMES, CXIX, 49.

On donne au verbe bw, dans ces deux passages, le sens de faire espérer, alors que le sens ordinaire du pièl de brr» est seulement espérer. Or, dans le premier passage, rien n'oblige à traduire « faire espérer ». Le prophète se moque des faux prophètes, « qui disent : Parole de l'Éternel, alors que Dieu ne les a pas envoyés, et qui espèrent (i\xQ [Dxen) accomplira leur parole*». Quant au verset des Psaumes, il est probable qu'il faut y lire \-i'?n'^, au lieu de ■>;nbm, et que le noun est une dittographie verticale du : de "•Drr'n à la lin du verset suivant.

* 11 se pourrait que le texte primitif, au lieu de 2"^p'5, ait eu le qal 5ip?, ^1^' serait plus correct. 11 en serait de même daus Rulh, iv, 7.

266 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

3. Psaumes, cxx, 7.

Le mot -^n dans nmi< "dt ûnbo ""SN embarrasse la phrase, qui autrement est très simple : a Moi je parle de paix. » ; et'. Ps, xxxv, 20; Lxxxv, l); cxxii, 5. Les lettres "<oi nous paraissent une ditto- grapliie de m de ûib;D, leD ayant été changé en "'S pour donner un sens quelconque. Nous avons expliqué de la même manière "i^ dans nni< ■'D (I Sam., xii, 21) ; voir Revue, t. XI., p. 249.

4. Proverbes, xiv, 13.

Le n de ïin-'nnN dans nsin nn»U5 nn-^-in^T est inadmissible ; aussi a-t-on proposé de lire nsin nnncn rmnxT. Mais l'article est très peu usité dans les Proverbes. Le plus simple est de supprimer le n, qui est à une dittographie verticale du mot nn-^in^n au verset 12.

5. Ibid., XXI, 11 ET 12.

ûDnb b-'Oïjnm est expliqué généralement par : « Et lorsque (le simple) regarde le sage. » Cette interprétation n'est pas satisfai- sante, parce que b>"^D'i:n dans le sens de « regarder » ne régit pas la préposition lamed, et que toujours le complément de ce verbe est une chose. Aussi croyons-nous que le b de ûDnb est une faute provenant du b final de b'^Dortm, et qu'il faut traduire : « Lorsque le sage réussit ; w cf. Prov., xvii, 8 ; Josué, i, "7-8 ; I Sam., xviii, 5, L'opposition entre la seconde partie du verset et la première est alors bien mieux marquée : « Lorsque le libertin est puni, le simple devient sage; et lorsque le sage réussit, (le simple) en acquiert de la science. »

Dans le verset suivant on trouve le même verbe bD\Dn avec b ; mais la phrase doit sans doute être corrigée, d'après Hitzig, en : yib iD'^^'O"! î^bow 7Ç"i ^nn-iab p"<ni: b''^'û'f: « le juste pourvoit à sa maison ; la méchanceté trouble les méchants pour leur malheur ». Le lamed a alors le sens ordinaire de pour.

0. Ibid., XXIV, 3.

L'em[)loi du lamed dans tn^ nn^in pour Dii* n33>nn est anormal. Or, dans l'édition Letteris, le mot ûixb est au commencement de la ligne, et la ligne précédente comme les deux lignes suivantes débutent par un lamed. Cette coïncidence curieuse nous autorise

NOTES ET MÉLANGES 267

à penser que le b de ûi^b provient d'une dittographie verticale, et que le texte primitif était simplement ûiî* nas'in.

Mayer Lambert.

NOTE SUR L'ECCLÉSIASTIQUE, xlix, 14

Le second hémistiche du texte hébreu de l'Ecclésiastique, xlix, 14, n'a pas pu être expliqué, jusqu'à présent, d'une manière sa- tisfaisante. Il est ainsi conçu :

D-^iD npbî Nin ûai '^tm^ y-ii<n b:> -ii:n3 as»»

La grande difficulté que ce verset présente provient uniquement du mot d-iaî. M. Schechter le traduit : « Et lui aussi fut pris en dedans » ; ûidd dans le sens de nw^Dî.

M. Israël Lévi remarque avec raison, dans son étude sur le même sujet [Revue, t. XXXVII, p. 213), que, selon cette traduc- tion, l'auteur aurait voulu désigner parle mot D'^sd l'endroit mys- térieux, le ciel, par exemple, Dieu a dérobé Enoch aux regards des mortels. Cet « intérieur » serait, si l'on veut, l'intérieur de la cour céleste. Mais cette interprétation suppose chez Ben Sira des conceptions qui jureraient avec celles qu'il exprime très nettement dans le restant de son ouvrage.

M. Lévi préférerait traduire ce mot par « face à face », comme d'^isn n-'ïD, de sorte que l'auteur aurait lu irx, au lieu de ink, dans Genèse, v, 24. M. Lévi n'attache, d'ailleurs, pas grande im- portance à cette explication, et il me semble, en effet, difficile d'admettre qu'on ait jamais lu ou interprété de cette manière le verset de la Genèse. « Prendre avec » est toujours exprimé par t^y npb, et non pas par ri< npb. Par contre, je suis tout à fait de l'avis de M. Lévi que le mot n'est pas une corruption de !2"<wo « ciel », ni de ir:D73 « de devant nous » et que, si le grec rend ce mot par « de la terre », cela ne suppose pas du tout une lec- ture y"ii<», mais révèle Tembarras du traducteur devant ce terme obscur; c'est ainsi que le syriaque a cru prudent de passer l'hé- mistiche, sans doute pour esquiver aussi la difficulté.

Et pourtant, je crois qu'il n'est pas impossible de trouver la so- lution de cette énigme. La fin de Gen., v, 24, D-^nbi* nns npb ■'D est traduite dans le Targoura Yerouschalmi (éd.Ginsburger) : ûi-in

268 HEVUE DES ÉTUDES JUIVES

'Ti û'ip 153 131"'^. La racine 'lai se trouve ailleurs encore, par exemple Gen., ii, 15, Onk. et Ps.-Jon , comme équivalent de npb « conduire, enlever ». La traduction littérale de na^î* serait donc sans aucun doute npbî , absolument comme nous le trouvons dans notre vprset de l'Ecclésiastique. Quoi de plus naturel que de prendre alors û'^sd comme le correspondant de 'n ûnp "jt: « de devant Dieu » et de lire, au lieu de ce mot qui ne donne pas de sens, 'n "i^ ou 'î< "^ïd « devant Dieu » 1

Dans le Targoum en question nous avons une des paraphrases bien connues qui ont |)Our but de modifier les expressions anthro- pomorphiques qui se rencontrent dans la Bible. Cette modification consiste ici dans le changement de la forme active en forme pas- sive et de la préposition « par » en la préposition « par devant ». Au lieu de traduire : « car l'Éternel l'a enlevé», le targoumiste traduit donc ; « car il a été enlevé par devant l'Éternel ».

C'est cette même idée qui se retrouve chez Ben Sira, et main- tenant le texte est tout à fait clair :

Peu ont été créés sur la terre comme Enoch, Aussi fut-il enlevé par devant Dieu.

La différence entre le sort d'Enoch et celui de Joseph est ex- primée par les mots ni!i « lui » et in^is « son corps » d'un côté, et par '- 13D npbî et mpDX de l'autre.

Si notre iiypothèse est juste, nous pouvons en tirer plusieurs conclusions très importantes. Elle démontrerait d'abord, ce que j'ai déjà remarqué dans mon travail Die Anthropomorpliismen in den Thargumim (Braunschweig, 1891), que les paraphrases des anthropomorphismes étaient en usage longtemps avant l'ère chré- tienne. Il en résulterait, en outre, que la version la plus ancienne de la seconde moitié de Gen., v, 24, se trouve probablement dans mon édition du Targ. yer., tandis que celle du cod. Vat. 440 et des éditions, comme celle du Pseudo-Jonathan, ont reçu des additions : le mot "i73"«»n ou 3'-'pnb p'^bsT, ou que peut-être encore il y avait deux versions différentes : 'm ^'-ùti^'z '7a3n''N et -lan-'N 'n D'ip p, qui ont été réunies [)lus tard. Dans le Targoum Onkelos nous avons également deux leçons différentes : 'n n'^n-^ rf^jK •^"in et 'n r^^-|1 ni»ïî Nb -^-li*; Geiger (Urschr., p. 198) a déjà dit que la première est plus ancienne que la seconde et que cette pre- mière version doit son origine aux disputes avec les chrétiens, de sorte qu'elle est sûrement postérieure à celle du Targoum Yerouschalrai.

Soultz (Haute-Alsace), 22 avril 1901.

M. GlNSBURGlER.

NOTES ET MELANGES 269

11

Dans mon commentaire de l'Ecclésiastique, qui est sous presse en ce moment, voici comment, ayant renoncé à ma première in- terprétation, j'explique ce passage. Dans Deutéronome, vu, 10, les mots TI3D bî« ^avch -inx-^ Nbi iT'n.snb t^;d 5i< r.sr^jb 'Db'::72^ 15 ûbc sont ainsi traduits par le Targoum Onkelos : -"rtix;-::? ûbcwi 3:: ->:i:y -ir.s:: Nb ';'-"'^3^Nb ';-i--'-'n3 •'-"l7:^p •(■'Tn:' "jir.s-; iT.na ■jinb nb-ott ';^:^^^^a ■'m?:np V"^-' '{n2\s-î pn'J Tn^r^rb. «Il paie à ses ennemis les bonnes actions qu'ils ont faites (devant luij de leio^ vivant pour les faire périr [ensuite] ; il ne diffère pas la récompense à ses ennemis pour les bonnes actions qu'ils ont faites (devant lui ), c'est de leur vivant qu'il leur paie. »

On voit que Onkelos a compris le mot r;D bwX comme s'il signifiait à sa face, lui vivant. C'est dans le même sens que Ben Sira emploie le mot D^rs. Ce terme ne se rapporte pas à Dieu, mais à Enoch : Enoch a été enlevé vivant. Onkelos en traduisant Vj^bi* de la même façon n'a donc pas innové.

Mieux vaudrait dans notre texte, il est vrai, rion ; mais, comme nous ne disposons pour cette partie du Ben Sira que d'un ms., il ne faut pas affecter des scrupules excessifs.

Onkelos, il est vrai, paraît traduire V2d b.s par « devant lui », c'est-à-dire devant Dieu. Mais il est clair que -«rinwnp est une deuxième traduction de v:d bi<, car, sans le moindre doute, lirt^na est la version de cette expression. C'est probablement une glose postérieure *. Cette interpolation, en tout cas, ne se lisait pas dans l'exemplaire dont s'est servi l'auteur du Targoum palestinien. Le Targoum jérus. porte, en effet : « Et il paie à ses ennemis le salaire des petits devoirs qu'ils ont en mains en ce monde pour les anéantir dans le monde futur, et il ne diffère pas de payer à ses ennemis le salaire des petits devoirs qu'ils ont en mains en ce inonde. » De son côté, le Pseudo-Jonathan dit : « Et il paie à ses ennemis le sa- laire de leurs bonnes œuvres dans ce monde pour les anéantir dans le monde futur, et il ne diffère pas à ses ennemis ; mais pen- dant qu'ils sont vivants, en ce monde, il leur paie ce qui leur revient. »

Israël Lévi

* Nissim Gaon, daus son Me/juiUat Setarim (dans le S^f'er Uasidim, éd. de Ber- lin, p. 29j, cite le passage el lit 1"in"'"'n3 pn">7a"îp devant ««a;, de leur vivant ». Avec celte leçon, toute dil'ûcuUé disparaît.

270 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

LE LIVRE D'ÉLÉAZAH BEN IRAI

On sait que Saadia cite à différentes reprises le Livre (VEléa- zar ben Irai.

Dans l'Introduction à son Commentaire du Livre de la Création (Sèfer Yecira, 931), il s'exprime ainsi : « Pareillement Eléazar ben Irai a dit :

Ce qui est trop au-dessus de toi, ne l'étudié pas, Ce qui t'est caché, ne le recherche pas. Considère seulement ce sur quoi tu as reçu pouvoir, Et ne l'occupe pas des choses mystérieuses.

Ce passage de l'ouvrage de Saadia est reproduit dans le Com- mentaire de Juda b. Barzilaï sur le même Livre de la Création *.

Or, ces paroles d'Eléazar b. Irai sont, en réalité, deux versets consécutifs de V Ecclésiastique (m, 20-21). Ces mêmes versets sont encore une fois cités par Saadia au nom d'Eléazar b. Irai dans son Introduction au Se fer Hagalouy ^ .

La sentence appartenant au livre de Ben Sira, il semble donc, au premier abord, que Saadia a se servir d'un exemplaire de cet ouvrage attribué faussement à Eléazar b. Irai. Mais cette solu- tion est inadmissible, car le Gaon connaît le Livre de Ben Sira, dont il ne cite pas moins de sept versets. Bien mieux, il place côte à côte les deux auteurs. Se défendant d'avoir écrit un ouvrage hébreu divisé en versets et pourvu de la ponctuation et de l'accen- tuation à l'imitation des livres canoniques, il invoque l'exemple des livres de Ben Sira, de Ben Irai, des Hasmonéens et des Africains conçus sur le même modèle. Plus loin, il dit que les ouvrages bibliques se distinguent à certains traits, qui manquent à son travail, de même qu'aux livres de Ben Sira et de Ben Irai.

Il n'est donc pas douteux que Ben Sira et Ben Irai sont pour lui deux auteurs différents : comment donc et par deux fois attribue-t-il à l'un ce qui appartient à l'autre? Jusqu'ici on se ti-

Commentaire sur le S<ffer Tesira, éd. Mayer Lambert, p. 6 du texte arabe, p. 20 de la traduction. » P. 2:0 de l'éd. Halberslum. » iiarkavy, Û-'aïUSNlb ';T1DT, V, p. 178.

NOTES ET MELANGES 271

rait de difficulté par l'hypothèse que Ben Iraï était un remanie- ment de l'Ecclésiastique. Le fait ne serait pas surprenant, on sait qu'à l'époque d'Abbaï (iv« siècle), en Babylonie, il existait une édition de cet apocryphe, mi-partie en hébreu, mi-partie en araméen, et contenant des additions*; nous avons publié ici, d'autre part, des fragments d'un recueil de morceaux choisis du même traité*. On l'a donc sans scrupule enrichi ou appauvri à sa convenance. Peut-être l'une de ces recensions a-t-elle eu pour au- teur un certain Eléazar b. Irai.

M. Harkavy va plus loin. Gomme dans le Midrasch [Bereschil Rabba, 8) et le Talmud palestinien [Haguiga, 77 c), c'est précisé- ment un R. Eléazar qui cite ces deux versets au nom de Ben Sira, et que la citation, en ces deux passages, offre des variantes avec le même texte invoqué dans le Talmud de Babylone [Haguiga, 13 a) par un autre rabbin (Aha b. Jacob), il croit à une identité entre cet Eléazar et Eléazar b. Irai. Seulement, M. Harkavy est un peu gêné par cette circonstance que justement Saadia cite la recension du Talmud de Babylone, Eléazar ne paraît pas. En fait, Saadia, comme nous le savons aujourd'hui, ne reproduit ni l'un ni l'autre de ces passages, mais le texte du Ben Sira qui a été retrouvé.

Quoi qu'il en soit, d'ailleurs, l'hypothèse d'un remaniement de l'Ecclésiastique fait par Ben Iraï ne peut se défendre, car Saadia lui-même la ruine d'avance. Il nous avertit, en effet, que Ben Sira est un livre de morale ressemblant aux Proverbes par sa forme extérieure, tandis que Ben Iraï est un livre ûe sagesse ressem- blant, par l'extérieur aussi, à VEcclésiaste. Le premier de ces renseignements étant exact, puisque l'Ecclésiastique, pour le fond et la forme, est composé sur le modèle des Proverbes, le second ne doit l'être pas moins. Il faut donc que le livre de Ben Iraï soit diffé- rent de celui de Ben Sira. Mais le seul passage qui plaide en faveur de l'hypothèse d'un remaniement est précisément écrit en vers, avec le balancement ordinaire des hémistiches, à la manière de l'Ecclésiastique, et de fait c'est la reproduction des termes de ce livre. Pour enlever toute hésitation, Saadia cite encore deux pas- sages du livre de Ben Iraï; or, ces deux textes : 1" ne se retrouvent pas dans Ben Sira, et offrent pour le style, avec cet ouvrage, le contraste le plus frappant. Qu'on en juge :

■'S y^-<brv û'^;a'^-jD ûii£::nDb ■'D liSTT^ un t2-'3>bD Ei^n "^ba .1

.ibbiTan-» T^:a n->nï< libpiti jmToa ipnv n^in nrbs

» SanMdrin, 100 i.

Revue, t. XL, p. 25 et suiv.

272 REVUK DES ÉTUDES JUIVES

Il faut en conclure que l'ouvrage de Ben Iraï n'a rien à faire avec TEcclésiastique et qu'il ne lui ressemblait ni pour la forme, ni pour le fond*.

Comment, alors, expliquer que Saadia lui attribue un passage de l'Ecclésiastique ? A ce problème, nous ne trouvons qu'une ré- ponse : Saadia a commis dans son Commentaire une confusion, et plus tard, dans son Introduction au Séfer Hagalouy, reprenant les mêmes versets, il ne s'est plus souvenu que de ce qu'il avait déjà écrit à ce sujet.

Qu'était cet ouvrage d'Eléazar ben Irai? Nous l'ignorons, mais nous pouvons juger du style. Or, le style trahit une époque rela- tivement moderne ; on y remarque cette imitation de la Bible et cette recherche des termes rares et même uniques (pbpi:, h'z'^'iz, J'en) qui caractérisent les auteurs postérieurs de beaucoup à la clôture du Talmud.

Mais, si l'ouvrage doit être plus récent que le Talmud, il n'est pas contemporain de Saadia, car celui-ci ne manque pas, en par- lant du Livre des Africains, de signaler que celui-ci a été écrit de son temps.

Que Saadia ait assigné à ce Séfer Ben Irai une haute antiquité, c'est vraisemblable : cela prouve seulement qu'on n'en connaissait plus l'origine au temps du Gaon, mais entre le vi*^ et le x* siècle la marge est grande.

Saadia nous apprend encore que les Sages ont mis à profit l'ouvrage de Ben Irai" de même que celui de Ben Sira. Que veut-il dire par ?

Pour ce qui a trait à l'Ecclésiastique, il fait allusion sûrement aux citations fréquentes de sentences de ce livre qu'en font le Tal- mud et leMidrasch. A cela rien d'étonnant, car ces passages y sont rapportés expressément à Ben Sira. Mais l'ouvrage d'Eléazar ben

' Prétendre que ce Ben Iraï serait un ouvrage original émaiilé de citations, entre autres de l'Ecclésiastique, ne serait pas une hypothèse plus heureuse, car pourquoi Saadia aurait-il justement emprunté à ce texte un passage qu'il pouvait lire à sa place dans Ben Sira? Celte conjecture est celle de M. Blau, qui l'alFaiblit encore en supposant que Eléazar ben Irai est l'abréviation du nom complet du Siracide :

(corrompu en •^■y^y -jn;; N-j-io p "iT^bN (p \^y1yû \2 roirr^).

11 en coûte de connaître seulement le titre d'écrits qui ne nous sont pas parvenus; mais est-ce une raison pour les identifier per fas et nefas avec ceux qui se sont con- servés? Que d'etlbrts d'imagination dépensés en vain pour résoudre les énigmes lit- téraires que présentent les DT^73r! 'O, ïlîJ'b \2 'O, Nb^D p 'O, etc. dont le nom seul a survécu !

NOTES ET MELANGES 273

Irai est inconnu de ces recueils. donc voit-on que les Sages aient mis à profit ce livre ?

Dira-t-on que Saadia a en vue remploi que fait R. Eléazar [Bereschit Rahba, 8) des versets de l'Ecclésiastique qu'il attribue, lui, à tort à Eléazar ben Irai? Mais si le Gaon s'était souvenu de cette page du Talmud, il n'aurait pas manqué du même coup de se rappeler que la sentence est citée par R. Eléazar au nom même de Ben Sira. Il faut donc que Saadia ait pensé à d'autres docteurs que ceux du Talmud, que le mot « ils ont mis à profit », vsnîN soit interprété autrement. Ces deux explications sont probable- ment exactes. En effet, Saadia entend par ces mots simplement que les Sages, c'est-à-dire ses devanciers, Vont possédé, mais non qu'ils l'ont cité. Voilà pourquoi il dit encore que les Sages ont mis à profit le livre des Hasmonéens : or, le verset qu'il en cite est emprunté au Meguillat Antioclios araméen, qui n'est jamais ni mentionné ni utilisé dans le Talmud et qui lui est probablement postérieur (ce qu'ignorait Saadia, du reste). Remarquez, d'autre part, qu'en parlant de Ben Sira, Saadia dit : « Comme les Sages ont mis à profit le livre de Ben Sira et en ont tiré de la morale et de belles pensées. » Ici, le Gaon ne manque pas d'indiquer que les sages, non seulement possédaient le livre, mais encore en ont extrait des sentences morales, ce qui est exact. Il sait très bien, au contraire, qu'ils n'ont rien emprunté ni à Ben Irai" ni aux Has- monéens Et c'est une preuve de plus que le premier passage de Ben Irai que mentionne Saadia et qui figure dans le Talmud et le Midrascli est attribué par lui à tort à cet auteur.

Israël Lévi.

UN SECRETAIRE DE RASGHI

Raschi, comme on sait, a de tout temps exercé sur ses coreli- gionnaires une grande influence ; cette action a même été telle qu'elle a fait naître des légendes. A l'instar d'autres hommes cé- lèbres, Raschi a fourni matière à des contes bizarres * ; selon les uns, il aurait accompli des miracles à Worms ; d'autres lui attri-

' Le premier eu France, dès 1834, dans le Journal de l'Institut historique, t. I, p. 275-281, Samuel Cahen signalait cette particularité, en donnant un bon résumé de la biographie consacrée à Raschi par Zunz, dans sa Zeitschrift, en 1822.

T. XLII, 84. 18

■iVv UEVUE DES ETUDES JUIVES

buent la connaissance de toutes les langues, sous prétexte que ses commentaires contiennent des termes en langue vulgaire. On a un peu agi de même à l'égard de ses enfants. On sait que Raschi n'a- vait pas de fils, mais trois filles; l'une d'elles, disait-on, avait une si grande aptitude aux études talmudiques que, pendant une ma- ladie de son père, elle aurait su lire les questions rabbiniques, écrites en hébreu, que les disciples adressaient au maître, puis rédiger les réponses dictées par son père.

Ce récit, très répandu, a pour base un passage intéressant du Pardès, recueil de consultations rabbiniques émanant soit de Ra- schi lui-même, soit, au moins, de ses disciples et de ses descen- dants. Gra3tz, même dans la seconde édition corrigée (1871) de sa Geschichle (t. VI, p. 82), invoque ce passage du Pardès pour raconter le fait dont il vient d'être parlé. Il convient de repro- duire ici ce texte ', pour en étudier les termes :

T\v ■'T'iT "ony '-^'J h•Jl^'û^ -^bin •^-i^^^-'n iini^ mnnn bi-o niyi: -^33-

i2nwX bs nnn-o t«^im ibbn m-ir:j •>;c72 TiNip Tin pbi -idio 'j:^'^ mb'O nb ^^c?: t^^n n-'^ p-iCt^ ^ -^bT/rwo -r^ric "j-^r; arn^c* 'n ..."-1:3

mb T'WbpD

Déjà en 1845, Zunz* avait étudié ce passage avec le sens critique qui l'a servi d'une façon si remarquable. Après avoir rappelé le récit d^ la prétendue dictt^e faite par Raschi à sa fille, il le met en doute et, à la fin de son livre (p. 5G7), il observe justement que peut-être il faut lire "^nn pbi au lieu de pbi, « de sorte, dit-il, que la fille devient le petit-fils ». En effet, dans la mauvaise édition, unique du reste, qu'il avait sous les yeux, la lettre médiale est un peu cassée, et peut aussi bien être un 3 qu'un 3 ; mais nous nous demandons comment il se fait qu'il n'ait pas tenu compte de la suite, il est dit : nvra ^^rv\ » et il écrivait », et non : x-^r:! nnms « et elle écrivait ».

Si Grsetz, quoique averti par Zunz, a commis cette inadvertance, il n'est pas étonnant que d'autres écrivains, moins soucieux de la vérité historique, se soient exprimés ensuite dans le même sens "'.

Autre erreur concernant une fille de Raschi. Dans ses ■'«sn *^

' Edit. de Constanlinoplc, 1777, par Rafaël Pardo, f. 33 d.

* L'édition a par erreur TriD'iIÎS ; de niême il faut corriger ^blISW, <?lc., en : T^3N "^n-iCTO "'blT^i, dit Berliuer (ci-après) d'après un manuscrit d'Oxford.

■' Zur Gcschichte u. Literatii)\ p. 172, note A.

* Comme Azoulaï, Schem Harjuedolim, 2" partie, n" 90.

' P. ex. Gustave Karpeles, Die Frauen in d. jûd, Literatur, conférence faite en 1871, p. 10. •* Lebanon, 18G7, p. 103.

NOTES ET MÉLANGES 276

rs"!^, 13, et vers la même époque, dans le recueil d'anecdotes historiques intitulé Oholiba ', Carraoly parle de la grande érudi- tion des filles de Raschi et ajoute que l'une d'elles, Rachel, por- tait le surnom français de Bellejeune. Il se fondait, pour cela, sur un texte du Sefer ha-Yaschar, de R. Tarn, il est dit : ns^DT \>rr\ 1''0 Nb"^3. Ce nom français, écrit ainsi en deux mots, nous a paru suspect. Il est bien vrai qu'il figure ainsi au § 599 de ce livre dans l'édition de Vienne (1811, fol.) ; il semble qu'un « philologue » du temps ait voulu traduire le nom populaire français Bella par le mot allemand schon. aussi il est bon d'examiner le texte. Voici, à propos de la question relative une femme abandonnée, r;:n5y, et du divorce d'un « apostat », comment R. Tam, dans son S. ha- Yaschar, répond au consultant :

« Lorsque R. Eliézer, ton parent, a répudié dame Rachel, notre tante, il se nommait V^^av - et elle 1"'"CnV3 ; dans l'acte de divorce, ils n'ont écrit que les noms hébreux Eliézer et Rachel, en omet- tant les surnoms vulgaires [français] sous lesquels ils étaient connus des chrétiens. »

L'orthographe correcte du nom féminin y^ujsb'^a, avec 22 final, a été heureusement restituée, grâce à une édition du même livre publiée récemment par les soins de la société des Mekizé Nirda- mim^. Ce nom Bellassez (dont la seconde partie, comme l'italien assai, signifie « très »), ou « très belle », a déjà été relevé, dans ses Namen d. Jtiden, par Zunz*, qui renvoie au « Livre de la taille, contenant le rôle de la taille imposée aux habitants de Paris en 1292 )>, publié d'après le livre de Geraud (P. 1837) par Carmoly ^ et repris avec corrections par Isid. Loeb '^. Le nom de Belle-assez figure huit fois parmi ceux des Parisiens qui habitaient rue de la Tacherie et Court Robert en 1296 et 1297 ; mais on ignorait jus- qu'à présent que ce nom remontât, même parmi les Juifs, jus- qu'au XI® siècle.

Cependant des savants qui ont fait leurs preuves en linguis- tique romane avaient accueilli le terme inexact de Bellejeune.

* Ei'tâhlitngen u. Shitzen^ p, 110.

' 11 faut sans doute transcrire Jocelyn plutôt que Joslijn, comme le veut Abr. Ber- liner, Alonatsschnft, t. XXI 11872), p. 287. Si la leçou de Carmoly était exacte, 1"'bd, laudrait-il supposer que l'initiale T est mise pour •*, ou que celte dernière lettre est tombée? Ou bleu est-ce le nom Weslin donné par Zunz, (rfsam. Schrtften, t. II, p. 47, sur la foi d'isserlein, no 242 ? Eu tous cas, il sert à prouver que le ; n"est pas exprimé par un "iJ, pour justifier yeî<ne = "j^O-

* Au § 25, p. 42, de cette édition due à Feis llosenlhal, annotée par Efraun Salomon Margolioulh (Berlin, 1898, 8").

* Gesam. Schriften, II, 44.

■' Retue Ori ntale, I, p. 426-9.

* Revue, I, p. 61-71.

276 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

M. Kayserling n'avait pu donner la bonne leçon ; pourtant, après avoir mentionné dans ses Jûdische Frauen (p. 216) les qualités des filles de Raschi, il a soin de signaler, dans les notes finales (p. 350), que la fameuse dictée a été faite par Raschi malade, non à sa fille, mais au fils de celle-ci. Il mentionne la rectification du mot pbn en l^bi, et l'attribue à Abr. Berliner ', tandis qu'en fait, elle remonte déjà à Zunz. Il nous raconte que cette Rachel n'a pas été heureuse avec son époux Eliézer, et qu'elle se sépara de lui. Celui-ci la répudia, quoiqu'elle eût déjà de son mari un fils nommé Schemaya, qui, sous la direction de Raschi, était devenu fort ins- truit. Le ressentiment de Schemaya contre son père fut tel qu'il ne le rappela jamais dans ses œuvres ; en signant, il ne se conformait pas à l'usage ordinaire de mentionner le nom paternel.

Ceci intéresse l'histoire littéraire juive. En effet, parmi les dis- ciples de Raschi, on trouve, à côté de Simha de Vitry, un certain Schemaya, qui est peut-être identique avec Schemaya de Soissons *, parfois nommé à côté de Juda b. Abraham, de Paris : il avait pour occupation essentielle de mettre en ordre l'héritage littéraire laissé par le maître et de communiquer, à propos, les décisions recueillies verbalement, ou les observations faites durant la vie de Raschi.

On n'est pas bien fixé sur les relations de parenté de ce Sche- maya avec Raschi. D'après une citation du commentaire de Mor- dekhaï su.r Jïoullin,% 725, il faudrait tenir Schemaya pour un petit- fils, ou fils de la fille de Raschi, et S. D. Luzzatto ^ incline à adopter cet avis. Si l'on compare cette citation avec la décision énoncée dans le Pardès*, on reconnaîtra que cette désignation de parenté provient du rapporteur de la Consultation, telle que l'a formulée Mordekhaï.

Ainsi serait corroborée l'hypothèse de Carmoly (ibid.). S'il faut l'en croire, cet écrivain aurait trouvé dans un vieux ms., qui n'est pas autrement désigné, que notre Eliézer, le troisième gendre de Raschi —d'ailleurs tout à fait inconnu serait identique avec Eliézer Joslyn dont le Sefet^ ha-Yaschar rapporte le divorce.

Dans ce cas, le ressentiment de Schemaya envers son père se serait manifesté à l'égard de son grand-père maternel Raschi, puisque Schemaya ne saisit jamais l'occasion de rappeler sa pré- tendue parenté avec lui, et qu'au contraire, il l'appelle seulement

* Kayserling ne cite que VHehr. Bibliographie, IX (lisez XI), et omet la Mo- natsschnft, ibid., Berliner invoque un ms. d'Oxford, dont il laut deviner le n" : c'est 777, art. 4.

* Hypothèse d'Ab. Berliner, Monastsschrift, 1864, p. 225. Cf. Hehr. Bibliographie, XI (1871), p. 77-78.

' Ealichoth Qddem, p. 47.

* Fol. 32 ô, et Or Zaroua^ I, 139.

NOTES ET MÉLANGES 277

son maître. Il y a plus, Raschi mentionne son élève Schemaya dans la Consultation adressée aux savants d'Auxerre', et à cette occasion il l'appelle « son frère » ou « son ami » : na TipD:> nn:''! ï^"'n!^ar^1 rr'S'Xia "is-^ns û3>. L'expression ■'Hi^ dans le sens d'ami (pour disciple; est également usitée ailleurs par Raschi *. Que reste-t-il alors de l'hypothèse que c'était le petit-fils de Raschi, ou le beau- père de R. Tarn? Voici, au contraire, ce que dit nettement une rubrique de chapitre, dans le ms. Halberstam monoN^ 'o (f. 40 &) : « Réponses de R. Salomon b. Isaac, qu'a expliquées Schemaya, gendre de la sœur de Raschi ». Il en résulterait que Schemaya était un parent par alliance, et non un petit-fils de Raschi. Enfin, dans le S. ha-Yaschar de R. Tarn (f. 81 d), Schemaya est appelé beau-père de R. Tam ; ce qui, d'après Zunz *, est plus exact.

Moïse Schwab.

NOUVELLE NOTE SUR LA. BIBLIOTHÈQUE DE LÉON MOSGONl

Le document que M. Estanislas Âguilo a publié [Revue, XL, 168 s. et 178 s.) sur la bibliothèque de Léon Mosconi présente pour l'histoire des Juifs de Majorque et de la littérature juive un intérêt bien plus grand qu'on n'a semblé le croire jusqu'à présent. Parmi ceux qui ont acheté des livres de cette bibliothèque, plu- sieurs sont déjà connus de nous. Ainsi le curateur désigné par les autorités et appelé « Sfruchus Durandi judeus Majoricarum » n'est autre que Gémah Duran, père du célèbre rabbin Simon ben Cémah Duran, qu'Isaac ben Scheschet * nomme explicitement Astruc Duran et qui s'établit comme rabbin ou plutôt comme prédicateur à Alger, après avoir quitté Majorque.

Belshom Ephraym, qui acheta un ouvrage astronomique d'Abra-

1 Éditée dans le D'^îSjn Nbtt de Geiger, p. 33-36, d'après le ms. 122 de la Bibliothèque royale de Berlin.

» Or Zaroua, II, 137 ; Halichoth Qédem, p. 47.

* Zur Gesrhtchte, p. 64.

Consultations, 60.

278 REVUE DES ETUDES JUIVES

ham b. Hiyya et un commentaire d'Alfarabi sur un livre d'Aris- tote, est Ephraïm Belshom (ûTjba) dont Simon Duran loue les connaissances mathématiques '.

Juda Cresques, qui acquit un livre d'astrologie d'Abraham ibn Ezra *, était le fils d'Abraham Cresques, probablement ce même Abraham qui est mentionné dans le document comme acheteur de plusieurs ouvrages. Juda Cresques eut de bonne heure la ré- putation d'un habile mathématicien et cartographe, et le peuple le connaissait sous le nom de lo jiien huscoler ou eljudio de las briijelas, « le Juif aux cartes » ou « le Juif au compas ». Dans la mémorable année 1391, il prit, avec le baptême, le nom de Jaime Ribes '.

Biona del Mestre, représentant de la communauté de Majorque en 1385 *, est le « prince » Biona del Mestre dont parle Isaac b. Scheschet ^ et probablement un parent de Jona del Mestre, le gendre de Simon b. Gémah Duran.

Les Natjar (nî^aî) appartenaient aux familles les plus considé- rées de l'île. Moxino (Mordekhai Moïse) Natjar était, en 1348, un des plus riches Juifs de Valjama. Magalouf {5]ibD73) Natjar, égale- ment un homme riche, soutint contre le marchand Pedro Morey un procès que le roi lui fit gagner en 1385. Deux ans plus tard, il était avec Magalouf Feraig ou Farax le représentant des Juifs de Majorque^. Mayrnon Natjar, qui acheta le Yosippon, était en correspondance avec Isaac b. Scheschet et Simon b. Cé- mah Duran et, après 1391, était établi à Constantine, et Morde- khai Natjar, contraint en 1391 à se convertir au christianisme, émigra à Tunis; il était apparenté à Simon Duran'.

Abraham Sasportas, qualifié de Nagidd par Simon b. Cémah Duran, était un riche marchand qui s'établit à Tlemcen ^ après la catastrophe de 1391. Enfin, Maymon Xulell, proche parent de Moxino Xulell, était un des hommes les plus influents de la com- munauté de Majorque. Sur son intervention, les Juifs de l'île ob-

* Simon Duran, Consult., I, 163 riTCDriD "^pS HT^nU) D"'"1DN Di'5Ï53jN

nn"i3Cnn, 172.

^ Dans Revue, XL, p. 180, 33, au lieu de « aço », il faut lire « aça es Sefer » = "IDDn HT ; le vrai titre manque.

* Sur Juda Cresques, voir Kayscrlinpr, Chr. Columèus und dcr Antheil d. Jude.n an dm spanischen u. portug. Entderkungen, p. o. (Berlin, 1894.)

'* Boletin de la r. Academia de Historia, XXXVI, p. 486. ' Consultalious, n" 378 : "JlHjrî ..."Ip'^n N"'CDn.

* Boletin, XXXVI, p. 283, 484, 487. Nous supposons que Magalouf ben (?) Faro, dans Revue, p. 169, est identique avec Magalouf Farax. Voir Simon Duran, Con- sult., III, 252.

' Simon Duran, Consult., I, 66 et passim. « Ibid., 1,58,62; IV, 21.

1

NOTES ET MÉLANGES 279

tinrent en 1385 la confirmation de leurs anciens privilèges '. Lui et Bonsenior Gracian furent les derniers représentants de la Communauté de Majorque *. Maymon Xullel, le beau-fils du méde- cin LéonMosconi, qui acheta une partie importante de sa biblio- thèque, se convertit au christianisme en 1391 et prit le nom de Garriga, d'après le nom de son parrain, D. Francisco Santa-Gar- riga, le gouverneur de l'île Majorque 3.

M. Kayserling.

» Boletin, XXXVI, p. 482.

» Ibid., 489.

» Ibid., IX, 298.

BIBLIOGRAPHIE

Beiirens [Siegfried). Moses Illaimiinis Misclinali-Coinmentar ziiiii Trac- tât Megillah. Breslau , 1901 ; 20 + 26 p. Kroner (llerm.). Maiinonides Commentar ziim Tractât Pesachiin. Berlin, 1901; 27+ 37 p.

Le regretté maître des études sur la littérature judéo-arabe, Jo- seph Derenbourg, s'était imposé, dans la dernière partie de sa vie, deux grandes tâches, dont il a encore assuré en grande partie la réalisation : l'édition de l'original du Commentaire de la Mischna de Maïmonide et la publication des ouvrages du Gaon Saadia. Mais, tandis que pour l'édiiion du millénaire des œuvres de Saadia il sut trouver des collaborateurs et des souscripteurs et qu'il put faire pa- raître quelques volumes de cette édition, en en laissant d'autres tout prêts pour l'impression, il dut se contenter, pour le commen- taire de la Mischna de Maïmonide, d'éditer une des six parties de cet ouvrage (dans les Publications de la Société Mekizè Nirda- mim). Il dut abandonner complètement son projet, déjà fort avancé, de publier l'ouvrage entier avec le secours des collaborateurs com- pétents qu'il avait su grouper. L'œuvre monumentale de Maïmo- nide qui, bien qu'accessible seulement dans la traduction hé- braïque si souvent altérée et rendue incompréhensible, compte parmi les ouvrages les plus courants de la littérature juive, attend donc encore sa première édition dans l'original arabe. Depuis une dizaine d'années, de jeunes savants, excités par l'exemple de J. De- renbourg, se sont efforcés de remplir peu à peu cette lacune considé- rable en éditant le Commentaire de la Mischna de Maïmonide dans l'original arabe par traités séparés. Aujourd'hui, outre tout le Sèder ToJiorot, édité par Derenbourg, nous avons le texte arabe de divers traités des autres Ordres. Du premier Ordre, nous possédons déjà les traités de Berachot, Pêa, Kilayim, Dema'i, Halla; du Ordre : Bèça et une partie de Rosch-Haschana ; du 4* Ordre, des parties de Sanhé- drin, Abot, Edouyot, Makkot et Aboda Zara ; du Ordre, Bekhorot, Middot et une partie de Houllin. Le troisième Ordre (Naschim) n'a pas encore été abordé. Les deux nouveaux ouvrages de ce genre, mentionnés en tète de cet article, qui ont paru ensemble récemment,

BIBLIOGRAPHIE 281

ont pour objet des traités du 2* Ordre. L'éditeur commentaire sur Pesahim avait déjà publié, en 1898, le commentaire sur Bèça ; l'édi- tion du commentaire sur Meguilla est le travail d'un élève du sé- minaire de Breslau. Les auteurs de ces deux travaux se sont ac- quittés de leur tâche avec beaucoup de conscience et ont fait preuve d'une grande connaissance de la langue et des choses ; M. Behrens a suivi, pour son édition, l'exemple donné par De- renbourg et a placé la traduction hébraïque à côté de l'original arabe. Toutefois, la traduction hébraïque n'est pas corrigée et mo- difiée d'après l'arabe : l'auteur se borne à indiquer, dans des notes qui accompagnent la traduction, les divergences des deux textes. M. Kroner ne donne que l'original arabe, mais, dans ses notes^ il s'efforce d'établir exactement les rapports de la traduction hébraïque avec l'original et d'expliquer les divergences. L'un et l'autre ont pour principe de respecter les particularités linguis- tiques de l'original arabe de Maïmonide, sans les rapprocher de l'arabe classique, bien que, le plus souvent, les négligences ortho- graphiques et les vulgarismes grammaticaux ne soient pas impu- tables à l'auteur, mais aux copistes. Ils signalent aussi dans les notes les particularités curieuses du texte de Maïmonide et four- nissent ainsi des contributions pour la connaissance grammaticale et lexicologique de la langue arabe de Maïmonide. Pour M. Kroner, il faut encore relever que le contenu du traité choisi par lui lui donne souvent l'occasion d'expliquer le côté halachique du Com- mentaire et d'éclaircir des passages obscurs de la traduction hé- braïque.

Le texte édité par M. Behrens n'offre que rarement prise à des cor- rections. Il est regrettable qu'il n'ait pas muni le îi de la terminai- son féminine, comme c'est l'usage dans la transcription hébraïque de l'arabe, de deux points (fi) et qu'il récrive simplement n et par- fois (d'après le manuscrit) 'n, ou aussi rr» Ce détail est fort gê- nant pour la lecture du texte arabe. M. B. a eu tort également de se servir de l'abréviation n"p, qu'on a l'habitude de lire -iWim bp, pour représenter rtbip ou Nnbnp (ce mot s'écrit ordinairement en abrégé 'np). P. 4, 1. 9, lisez riNT, au lieu de mï; p. 6, 1. 40, lis. nrron, au lieu de -nn::T ; p. 8, 1. 16, lis. Tïbn, au lieu de ^yh'2 ; p. 19,1. 2, il y avait à remarquer que mon ms. a 1''pnO''D, au lieu de CplOD, de même, ligne 5, forme de mot (pnos, plur. 'j-'pnos) qui est souvent usitée pour désigner le verset massorétique (au lieu du mot ordi- naire p^OE) ; p. 23, 1. 1 2, au lieu de D53>bN, lis. ûbî<3>bM ; p. 24, 1. 15, au lieu de "jnnbNDbN, lis. pnbNitbN ; p. 25, 1. 2, au lieu de rrirtxit, lis. niriN^ (=!Tnr:Ni); p- 17, note h, lis. mnpb riTn mban. A l'introduction, dans la liste des travaux antérieurs, il manque : Zlwi, Commentaire de Maïmonide sur le traité de Demaï, Berlin, 1891. Dans la note 1 (p. 11), il aurait fallu citer, non seulement le passage biblique (Esther, ix, 31), mais aussi le passage du Talmud qui s'y

282 KEVUE DES ETUDES JUIVES

rapporte {Megidlla, 2 a). Le premier mot de notre commentaire, bî<p, aurait aussi, pour cette raison, être corrigé en ib«p, conformé- ment à b"T "nTSN de la traduction hébraïque.

Le travail de M. Kroner, qui a pour sujet un texte plus difficile et plus considérable, a besoin d'être rectifié sur plusieurs points. P. 6, 1. 6, au lieu de N5"nn, lis. rtr^Tia; ibid., 1. 6, au lieu de niN^N, lis. inyrN ; p. 7, 1. 8, au lieu de N?2, lis. yi2 ; p. 8, 1. 3, le signe du teschdid sur -^"2 est à effacer; ihicL, 1. 4 du bas, au lieu de Nrb"':'^, lis. Nîabi'a ; p. U, 1. 18, et p. 2(5, 1. 3, au lieu de '[■'2"'"'C»n, lis. V^ioi;

p. 15,1. 6, au lieu de^bi, lis. xb; ibid., 1. 22, au lieu de N-'^N. lis. Ni'CNbs; p. 16, 1. 8, au lieu de 35jn, lis. nsin; ibid., 1. 9, au lieu de cbr-^, lis. bwi"^ (en hébreu rrCi-); p. 17, 1. 16, au lieu de •T^^, lis. rr^iTU {schawiyyouhou). La note sur ce mot est à supprimer ; p. 19, 1. 12, au lieu de riy"»"^"!^, lis. rtr-^lï;; p. 20, 1. 13, au lieu de nibbN, lis. JiibNbN (la note 37 relative à ce mot est incompréhen- sible); — p. 23, i. 14, au lieu de "tidd, lis. liD^ ; p. 25, 1. 7, au lieu de ûbs'bN, lis. t)bN:?bN ; p. 27, 1. 1, au lieu de Nn/a'Cîn. lis. rtttu:n;

p. 29, 1. 23 et 25, au lieu de n:*" N72 ab, lis. n:;^ NTonn {roubbamâ). De cette façon la noie 24, l'éditeur fait un rapprochement avec la racine nnb en lui donnant une signification, se trouve sans fonde- ment. — Dans la partie allemande renfermant l'introduction et les notes, p. 6, note 6, au lieu de "^"ly, lis. "nsTî. La note elle-même est obscure. Maïraonide dit que TiN, mot par lequel commence le traité de la Mischna de Pesahim, a le même sens que yen, c'est-à-dire inb'^b, et a été employé pour ne pas commencer le livre par un mot exprimant une idée négative. P. 11, note 54 : T^DNn ne signifie pas ici répétition, mais le renforcement emphatique du verbe par son in- finitif; — ibid., note 57, le mol néo-hébreu 111173 ne peut rien avoir de commun avec l'arabe mrDN ; p. 12, note 19, au lieu de pTnT^u;, lis. l-ipmi^^D; ibid., note 22, au lieu de r!Di:373, lis. noD?:; il vaudrait mieux encore Viïin ; p. 13, note 3, au lieu de nu:?:, il faudrait plutôt riNls (arabe, lin-'); p. 14, note 28, au lieu de rNmrt, lis. Nmn ; p. 15, note 44, au lieu de r^T", lis. mry; î^icf., ûinroin est une traduction inexacte de l'arabe -nânT^bN; ce mot signifie les défenses, D"»"nDN" ; ibid., note 52, au lieu de 3^720, lis. y730ND; ibid., aU lieu de "'ob, lis. D^T; p. 16, la note 57 repose sur une méprise regrettable. Le mot iNT^ibisa dans le texte arabe signifie * avec certitude, sûrement » et est rendu en hébreu par psD "^ba. M. Kroner y voit ^^tzh (:£ = à) « assoifé » , ce qui ne donne aucun sens même avec l'interprétation forcée qu'il propose de ce mot ; ibid., note 62, M. K. traduit les mots du texte Nmrnu Nbib par t:D"iDX: ■^rr^-'riï; Nb^b ; il prend donc nmna comme un verbe {schahartouhou); or le mot est, au contraire, un substantif ischahraioukou) et il faudrait traduire la phrase littéralement : Nbib 1721012 C'est pourquoi la traduction hébraïque porte avec raison : Domctt n-inï) «bib ; p. 20, note 8, au lieu de T^^^» il vaut mieux

lUBLIOGRAPHlE 283

dire n3m722 ; —ibid., uolell, l'alternative est inutile. Dans la phrase nDcbx 173 DbiTin Nn:Kb, le verbe doit èire pris au sens passif (tata- 'allamou) et la traduction devrait être noon \12 'j"'T»b '\T\,'û ■^ob. Les éditions portent n:N\::, au lieu de ino, sans doute par erreur ; p. 24, note 36. La figure est Indiquée inexactement, l'are n'aurait pas être dessiné sous la corde, mais au-dessus de celle-ci. Sur p. 18, note 6, je remarquerai encore qae nbn"^ (Lév., xxii, 11] est tra- duit par Saadia, comme par Aboulwalid, par bibxri-

En terminant nous exprimerons le vœu que d'autres parties du commentaire de la Mischna de Maïmonide soient éditées avec le même dévouement et le même soin que les deux ouvrages dont nous ve- nons de parler ou plutôt que le projet de prédilection du regretté maître soit repris et que toute l'œuvre de Maïmonide soit rendue ac- cessible aux savants sous une forme digne de lui et des services qu'il a rendus, au grand avantage de l'étude scientifique du Talmud et de la littérature judéo-arabe.

Budapest, mai 1901.

W. Bâcher.

HoROviTz (Jakob), L'ntersuchungen iiber Philons und Platons Lelire von der Weltsclu>pfung. Marburg, N. G. Elwert, 1900; iQ-8' de xiii + 127 p.

Les doctrines philosophiques que Philon incorpore par le moyen de l'allégorie aux sources juives sont inspirées de Platon, d'Aristote, de Pyihagore, de Zenon. Mais on est divisé sur la question de savoir laquelle de ces écoles diverses a le plus influé sur sa pensée. L'étude de M. Horovitz vient à l'appui de ceux qui font de Platon le principal maître de Philon. La démonstration porte sur un point particulier, il est vrai, mais d'une importance capitale pour l'intelligence du sys- tème philonien. C'est Platon, beaucoup plus que les néo-pythago- riciens ou les stoïciens, que Philon a suivi dans son traité De mundi opificio. L'analogie de ce traité avec le proœmmm du Timée, comme idées et comme langue, est connue depuis longtemps. Le pro- logue du Timée établit que le monde visible est engendré et non éternel, qu'il est l'œuvre aussi parfaite que possible d'un Dieu, d'un démiurge qui a créé par bonté pure et absence de jalousie, et que ce monde créé ne peut être que la copie fidèle des idées éternelles con- templées par le démiurge. Philon ne pouvait manquer d'être frappé du caractère quasi biblique de ces conceptions et il les a faites siennes, d'autant mieux qu'il était à peine besoin de les transformer pour les retrouver dans le mosaïsme ou plutôt pour les en extraire ; car Platon, pour le philosophe alexandrin, n'est qu'un disciple émi-

284 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

nent de Moïse, lequel est le plus grand de tous les philosophes. Rien d'étonnant, en conséquence, qu'on retrouve les vues cosraogoniques du fameux mythe platonicien dans le De mundi opificio. M. Horovilz s'est appliqué à souligner les similitudes avec plus de précision qu'on n'avait fait encore et il a mis en pleine lumière c'est le point personnel de sa dissertation la parenté, jusqu'à lui inaperçue, des expressions de vo7)Tbv Çwov (chez Platon) et de xdajioî voTixdi; (chez Philon). On a méconnu l'équivalence de ces deux termes parce que l'on s'est mépris sur la valeur et le sens véritable du premier. Il importe donc de l'établir. C'est à quoi la première partie du travail est consacrée. Le voTiTèv ;wov du Timée n'est pas, comme le grand historien de la phi- losophie grecque, Zeller, le croit, l'Idée de vie, c'est l'Animal intelli- gible, à savoir le monde idéal, qui est, dans la conception poétique de Platon, un être vivant, parfait, éternel, dont le monde sensible est la copie. Ce modèle idéal, intelligible, ne se confond pas avec le démiurge : l'un est cause formelle, l'autre est cause efficiente. Rien ne serait plus simple, s'il n'y avait pas d'autres textes de Platon qui ne paraissent guère s'accorder avec ceux du Timée ; il n'est pas question ailleurs d'un Créateur suprême distinct des Idées et des dieux subal- ternes (car, dans le Timée, Philon garde les « dieux » de la religion populaire, mais il leur donne une fonction inférieure, complémen- taire de celle du démiurge en chef). Dans la République, le sommet de la hiérarchie des êtres est occupé par l'Idée du Bien, -cb à-^aOdv. Et, sans doute, il n'y a qu'à montrer que le démiurge et l'Idée du Bien ne font qu'un c'est l'opinion de Timaeus Locrus dans sa para- phrase du Timée mais, si le démiurge est l'Idée du Bien, comment dire qu'il a fait le monde en contemplant les Idées, lui qui n'est lui- même, dans cette hypothèse, qu'une Idée? Et puis, il y a le voûç du Phédoïi qui réclame sa place daos le système. Ces difficultés, et d'autres, M. Horovilz dépense beaucoup de sagacité à les résoudre. Mais son ingéniosité même met en défiance, car il est dangereux de vouloir établir dans une doctrine plus de précision que l'auteur n'a voulu ou pu en mettre lui-même. Mais ce n'est pas le lieu ici d'en- trer dans le détail de ces problèmes. Retenons seulement qu'à la fin d'une discussion savante, mais d'une lenteur... disons platoni- cienne, se dégage comme résultat l'identité des expressions démiurge, voûç, Idée du Bien ; cette dernière difl'ère donc par sa fonction effi- ciente des autres Idées, qui n'ont qu'une valeur de cause formelle. Ces Idées sont les parties organiques d'un grand tout, l'être intelli- gible, le voTitèv Çwov, sur le modèle duquel le démiurge forme l'animal doué de corps et d'âme qu'est le monde sensible-

C'est à peu de chose près le rôle même que Philon fait jouer au monde intelligible, xodiioç voYixdî, sorte de plan d'ensemble conçu par l'esprit du Créateur tel l'architecte qui conçoit le plan d'une ville eu vue et au moment de créer l'univers sensible, lequel sera l'image fidèle de ce plan et, en un sens, l'image même du Créateur. Que xdffuoî voTjxdî doive être considéré comme l'équivalent de voTitàv

BIBLIOGRAPHIE 285

Çûov, c'est ce qui ressort aussi d'un texte d'Aétius (Plac. II, 6,4), qui dit 6Q songeant certainement au Timée : n^ituv xbv ôpa-cèv xrfjjiov yeYovévai ■jcpbî •jtapdSeiyp.a toû voijtoû xdajAou. S'il attribue ainsi à Platon lui-même une expression que Philon a mise dans la circulation, c'est que l'ana- chronisme n'avait rien de choquant et que la notion, sinon le mot, était bien de l'auteur du Timée. Le changement dans l'expression vient de ce que Philon suit la Bible.

Dans la seconde partie de sa dissertation, M. Horovilz fait voir par un commentaire attentif et minutieux la marche de la pensée de Philon : celui-ci part du texte de Genèse, i, 26-27, de la création de l'homme à Vimage de Dieu, ce qui signifie que l'homme est créé con- formément à une image contemplée par Dieu, et il étend cette con- ception au monde lui-même ; il y a donc une première création d'un monde tout intelligible qui répond à l'œuvre du premier jour (Genèse, I, 1-6); Ou sait que Philon, en expliquant que le premier jour de la Bible est consacré à une création idéale, supprime ingénieusement, tout en en soulevant d'autres , de grosses difficultés exégétiques, comme le double emploi de la création du ciel et de la terre et de la lumière au premier jour avec l'œuvre du second et du quatrième jour. C'est tout simple pour lui : il s'agit d'abord d'un ciel, d'une terre, d'une lumière idéales, c'est pourquoi le texte dit un jour et non premier : création hors cadre. Et si, ensuite, la création du monde réel s'échelonne sur plusieurs jours, c'est pour enseigner l'excellence de l'ordre, de l'arrangement méthodique. M. Horovitz rapproche jus- tement du commentaire de Philon des textes midraschiques de BereschU rabba, m, qui s'efforcent à leur manière de justifier le mot éhad de l'hébreu. Il eût pu citer aussi la discussion entre Juda et Néhémia, Tannaïm du ii" siècle {Tanliouma, I, éd. Buber), sur la ma- nière de se représenter l'acte delà création. Selon Néhémia, qui a en vue Genèse, ii, 4, la création est comme la cueillette des figues : elles sont toutes ensemble sur l'arbre, mais on les détache successivement. Un autre passage {Tanhouma,ll) est plus caractéristique encore : une matrone demande à Yosé ben Halafta en combien de jours Dieu a créé le monde. Il répond : a En un jour, le premier. » Et il donne à la matrone l'exemple d'un repas qu'on prend service par service, bien que tous les mets aient été cuits simultanément.

M. Horovilz s'étend ensuite sur les rapports qu'il convient d'établir entre le Xd^oç et le xoniio; voTjTd;. Il ne les confond pas comme quelques auteurs; mais il se trouve forcé d'épiloguer sur certains textes gênants : c'est une besogne ardue que de faire concorder dans le dé- tail les doctrines qu'épanche libéralement et sans suffisante rigueur verbale le philosophe alexandrin. Notons le rapprochement établi entre les 5uvA|A£tî, les puissances dont Philon échelonne la hié- rarchie entre le Xdyo; divin et le monde créé, et les 6eo£ du mythe platonicien, démiurges subalternes chargés de créer les animaux autres que l'animal-monde, afin que la divinité ne soit pas rendue responsable de leurs imperfections, qui sont le fait de rivd-pcTj. Le

286 REVUE DES ETUDES JUIVES

travail de M. Ilorovitz, qui contient encore nombre de vues intéres- santes, facilite l'intelligence de la théologie complexe de Philon et grandit encore son importance comme intermédiaire entre le pla- tonisme et le christianisme des Pères de l'Kglise.

Julien Weii.l.

ADDITIONS ET RECTIFICATIONS

T. XLI, p. 136. Le nom du rabbiu Giinzburb'er de He^'-enheim était Moïse David. Dans un exemplaire que je possède du "jli;"! y^'^Z "'DnD3 (2*' éd., Fûrth., 1727) de son grand-père, Neplilali Hirz b. Simon Giinzburg, il a écrit de sa main : Î^D-^arri» îqOT^ 'l p Tl"! riOtt 'pn. 11 avait un fils du nom de Mahrem, qui s'appelait déjà Giinzburger. M. Kayserling.

IbiA., p. 270. Au lieu de UlNTlbNn, il faut sans doute lire Nba L33NT-| « sans particule de jonction ». Par UDMII Saadia ibn Danan entend ici les prépositions. M. L.

Ibid., p. 275. Dans un ms., écrit en Provence, du Livre de la tradi- tion d'Abraham b. David, on lit également le nom d'Allemagne érril M^:ttbN : N:£D'^m-137û1 N-^îTobN?:! nD-iiiU nnin (Revue, X, p. 103). IsraiH Lévi.

Ibid., p. 316. L'ouvrage de M. Bernstein n'est pas ci\ russe, mais en polonais. /. Lévi.

T. XLII, p. 48 et s. A ajouter aux textes français écrits en lettres hé- braïques un travail sur la fièvre, œuvre d'un médecin juif, dont le ms. se trouve à Berlin (Cat. Steinscbneider, II, 233). M. Stcinschneider l'a décrit en détail dans Archiv, de Virchow, t. CXXXVI (1894), p. 99, et en a donne un spécimen dans son Catalogue, Appendice XI. Satnuel Poznanski.

Ibid., p. 106, 1. 12. Dans le texte édité par L. Ilavct, ballivia Caleti ne désigne pas la ville de Calais, mais le pays de Caux, dans la Seine- Inférieure. Voir l'index de L. Havet, dans la Bibliothèque de l'Ecole des Chartes ., t. XLV. Israël Lévi.

Ibid., p. 123 et suiv. 11 existe déjà un travail sur les variantes qu'offrent certaines citations de la Bible dans le Talmud avec la Massora : D''-1D10 nnDlI572 par Samuel Rosenfeld (Wilna, 1883; voy. Revue. VIII, 287). Beaucoup de celles qui y sont relevées sont sans valeur. De celles qu'a notées M. Chajes, les n°' 2, 7, 8, 17 et 19 sont déjà signalées dans cet ouvrage (p. 106, n" 82; 180, n" 53; 184, n*' 67; 240, n" 29 ; 244, 67). On voit que, d'autre part, Rosenfeld n'a pas épuisé la matière. Si mes souvenirs ne me trompent pas, Reifmann s'est à diverses reprises occupé aussi de ces variantes. Samuel Poznanski.

Le gérant :

Israël Lévi.

TABLE DES MATIERES

REVUE.

ARTICLES DE FOND.

Bâcher (W.). Contributions à l'onomatologie talmudique 43

Brandin (Louis). Les gloses françaises (Loaziai) de Gerschom

de Metz 48 et 237

BiJGHLER (Ad.). L or''OD"i -DTin, cxpresslon désignant les doc- teurs de la loi 21 1

IL Les Dosithéens dans le Midrasch 220

Ei'PENSTEiN (S.). Ishak ibn Baroun et ses comparaisons de l'hé- breu avec l'arabe {fin) 76

Epsiein (Abr.) La querelle au sujet du calendrier entre ben Méir

et les académies babyloniennes 173

GrNSBURGER (M.). La traduction de la Bible d'après Haï Gaon.. 232 Hemerdinger (Gabriel). Le dénombrement des Israélites d'Al- sace (1784) 253

Krauss (S.). Dosilhée et les Dosithéens 27

Monceaux (Paul). La Bible latine en Afrique 129

Reinach (Théodore). L La pierre de Miudos 1

IL Cbarles de Valois et les Juifs 103

ScHAPiRO (D^ D.). Les connaissances médicales de Mar Samuel. 14 Schwab (Moïse). Une Bible manuscrite de la bibliothèque de

Besançon 111

Weili, (Julien). Les mots T'^p-i ']"'2n dans la complainte d'Ezé-

chiel sur le roi de Tyr 7

NOTES ET MÉLANGES.

BuGHLER(Ad.). Une localité énigmatique mentionnée sur la mo- saïque de Madaba 1 23

Ghajes (H. -P.). Quelques remarques sur les citations bibliques dans le Talmud 123

GiNSBURGER (\L). Note sur l'Ecclésiastique, xlix 14 267

Kayserling (M.). Nouvelle note sur la bibliothèque de Léon

Mosconi 277

288 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

Lambert (Mayer). Notes exégétiques et grammaticales. . . H9 et 265

LÉvi (Israël). I. Note sur l'Ecclésiastique xlix, 14 . . 269

II, Le livre d'Eléazar ben Irai 270

Schwab (Moïse). Un secrétaire de Raschi 273

BIBLIOGRAPHIE.

Bâcher (W.). Moses Maimuais Mischnah- Gommentar zum Traclat Megillah, éd. par S. Rehrens. Maimonides Gommentar zum Traclat Pesachim, éd. par H. Kroner. 280

Weill (J.). Untersuchungen ûber Philons und Platons Lehre

von der Weltschœpfung, par J. Horovitz 283

Additions et rectifications 286

Table des matières 287

ACTES ET CONFÉRENCES.

Assemblée générale du 3 février 1901 i

Allocution de M. Maurice Bloch, président i

Rapport de M. Moïse Schwab, trésorier m

Rapport sur les publications de la Société pendant l'an- née 1899-1900, par M. Mayer Lambert, secrétaire vu

Philippson (Martin). Louis Pbilippson, son œuvre et son lùle

dans le judaïsme moderne, conférence xxiv

VERSAILLES, IMPRIMERIES CERF, 59, RUE DUPLESSIS.

ASSEMBLÉE GÉNÉRALE

SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1901. Présidence de M. Maurice Bloch, président.

M. le Président prononce l'allocution suivante :

Mesdames et Messieurs,

Pour ne pas charger le programme de ce soir, j'aurais volontiers borné la première partie de ma tâche à venir vous dire : « La séance est ouverte. » Mais j'ai un devoir à remplir, un devoir pénible. C'est au Président qu'il appartient de rappeler la mémoire des excel- lents collègues que nous avons eu la douleur de perdre dans le cou- rant de l'année.

C'a été avec une profonde émotion que nous avons appris la mort de M. Léopold Cerf, membre du Conseil. M. Cerf était, vous le savez, l'imprimeur de notre Société ; mieux que cela, il en était l'ami. Ancien élève de l'École Normale, il quitta l'enseignement pour prendre la direction de la maison de son père. Il fut succes- sivement élu juge et président du Tribunal de commerce de Ver- sailles. D'un esprit fin, d'une grande délicatesse de sentiments, M. Léopold Cerf était, dans toute l'acception du mot, un galant homme. C-:^ galant homme se doublait d'un bon citoyen. L'autre jour, à la Chambre, on parlait de ces vaillants qui ont défendu le sol sacré de la Patrie en 1870 : Cerf pouvait montrer sa médaille militaire et dire : « .J'en étais ! »

ACT. ET OOXF. A

II ACTES ET CONFÉRENCES

D'autres deuils ont encore frappé notre Société. Nous avons perdu M. de la Penha, homme charitaVjle, s'il en fut. Il s'était fait inscrire comme membre perpétuel. Son souvenir restera dans nos annales avec celui des bienfaiteurs de l'œuvre.

M. Alfred Maj^rargues, dont vous trouvez le nom dans nombre de Sociétés scientifiques et littéraires, ne pouvait ne pas être des nôtres. Tous les Parisiens du monde de la finance et des lettres ont connu l'exquise bonne grâce, la forte instruction et le talent litté- raire d'Alfred Mayrargues. Cet homme de lettres pouvait vous renseigner sur les différentes valeurs de la Bourse. Cet homme de la Bourse pouvait vous renseigner sur les différentes éditions de Rabelais. Alfred Mayrargues était de ceux qu'une société s'honore de compter parmi ses membres, et au dévouement desquels on n'adresse jamais un appel inutile.

M. le rabbin Gerson, de Dijon, fut un de nos ouvriers de la pre- mière heure. Il a publié une série d'études sur les Juifs de France, notamment sur les Juifs de la Bourgogne, de la Savoie, de la Cham- pagne. Ces monographies, qui coûtent parfois tant de laborieuses recherches, sont précieuses, et il faut savoir gré aux modestes tra- vailleurs qui ont assez l'amour de la science pour ne pas se rebuter devant les difficultés.

Peut-on parler des choses du Judaïsme, sans songer à celui qui a si bien connu le Judaïsme parisien, à ce jeune travailleur enlevé dans toute la force de l'âge? J'ai nommé notre excellent collabora- teur Léon Kahn. Car il a collaboré à l'Annuaire de notre Société, et ici comme partout, il a laissé les regrets les plus vifs.

Ce sont des pertes sensibles, Mesdames et Messieurs, et pour- tant ces tristes souvenirs que j'évoque ne sont pas sans quelque consolation. Nous voyons que notre Société trouve les sympathies et les concours les plus empressés dans les milieux les plus divers. Et cette variété même et cet empressement sont pour nous un objet de satisfaction légitime dans le passé et de légitime confiance pour l'avenir.

Et j'ai le droit de parler de satisfaction et de confiance en cette année d'Exposition universelle, qui n'a pas été sans gloire pour la Société des Etudes juives. Elle a exposé dans la classe 3 (Ensei-

ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DU 2 FÉVRIEK 1901 111

gnement supérieur et Institutions scientifiques), et le Jury lui a donné, comme aux principales sociétés scientifiques et littéraires de France et d'Europe, la médaille d'argent.

Avant de terminer il me sera permis de rendre hommage à l'un de nos anciens présidents, (jue l'Académie des Inscriptions et Belles- Lettres vient d'appeler dans son sein, à M. Hartwig Derenbourg. C'est le quatrième collègue que nous comptons à l'Institut. Espérons qu'il y en aura d'autres encore. La Société des Études juives devenue la pépinière des Académiciens ! Pouvons- nous ouvrir le nouveau siècle par un meilleur vœu et une plus belle espérance ?

M. Schwab, trésorier, rend compte en ces termes de la situa- tioD financière :

Le budget de l'an 1900 a été passablement chargé comparati- vement aux dernières années ; le surcroit de dépenses faites pen- dant cet exercice n'a pu être couvert que grâce à quelques rentrées exceptionnelles. Le plus gros chiffre a été absorbé parla publication d'un volume, depuis longtemps promis, le tome l^"" de la traduction des Œuvres de Josèphe, sous la direction de M. Théodore Reinach.

Il ne m'appartient pas de faire valoir cette œuvre devant vous : ce serait empiéter sur le domaine de notre secrétaire ; par lui vous saurez combien la Société a été heureuse de publier enfin ce vo- lume, longuement mûri. Toutefois, les détails financiers incombant au trésorier, il doit noter que le montant des honoraires dus pour ce volume, soit 1,000 francs, n'a été versé au traducteur spécial du t. I qu'au mois de janvier dernier, et figurera, par conséquent, au budget de 1901.

La Société s'est offert aussi le luxe de pourvoir, dans de très modestes proportions, aux frais d'une mission littéraire en Italie. Elle a chargé M. Seymour de Ricci du soin de recueillir en ce pays les nombreuses inscriptions juives, presque toutes en caractères grecs ou latins, qui remontent aux trois ou quatre premiers siècles de l'ère vulgaire, et qui couraient le risque d'être perdues. Vous lirez bientôt, j'espère, dans un des numéros de la Revue, les résul- tats scientifiques de cette enquête.

En regard de ces dépenses extraordinaires, vous trouverez avec

IV ACTR5 KT CONFERIÎNŒS

satisfaction dans les recettes une plus-value, suffisante pour établir l'équilibre du budget. Ainsi, un de nos collègues les plus actifs et les plus dévoués à notre œuvre s'est fait inscrire comme membre perpétuel, et a versé 400 francs. Ensuite, les ventes diverses faites directement par la Société ont atteint 1,080 francs, en j compre- nant l'achat anticipé fait par l'éditeur de la traduction des Œuvres de Josèphe, qui a souscrit pour 50 exemplaires.

Dans cette somme est comprise aussi une souscription ministé-- rielle de 237 francs, au profit du Répertoire des articles d'histoire et de littérature juives, de sorte qu'avec les souscriptions afférentes au même livre l'année précédente, la dépense nette pour cette publi- cation est réduite à 203 francs jusqu'à ce jour.

Enfin, la participation de notre libraire n'a jamais été aussi fructueuse qu'en cette année, puisque le montant des abonnements servis par le libraire, joint au produit des ventes diverses réa- lisées par lui pour la Société, a donné une somme de 1,583 francs.

Voici l'état complet des recettes et dépenses :

Recettes.

En caisse au 1" janvier 100 fr. oc.

Une souscription de membre perpétuel 400 »

Souscription du Ministère de l'Instruction publique. 375 »

Cotisations 7 . 494 »

Vente de volumes de la Revue et divers 1 .222 50

Vente par le libraire 1 . 583 »

Revenus des titres et valeurs chez MM. de Roth- schild 2.430 50

Total 13.605 fr. » c.

Dépenses. Impression du n" 78 1 .059 fr. 50

79 1.137 »

80 1.197 45

81 1.038 »

4.431 fr. 95 c.

A reporter 4.431 fr. 95 c.

'.

L

ASSEMULEE GÉNÉRALE DU 2 FEVHIEH lOfll V

Report 4.431 tV. 95c.

Honoraires du 78 631 fr. 90

79 599 60

80 744 60

81 686

2.662 10

Secrétaire de la rédaction et secrétaire-adjoint.. . . 2.400 »

Subvention à une mission scientifique 400 »

Distribution de quatre numéros. 360 »

Magasinage et assurance 150 »

Frais divers par le libraire 70 »

Encaissements (avec frais de retour] 107 4U

Frais de bureau, timbres, étrennes, arriéré de

189J 405 95

Conférences 241 80

Impression du t. I'"'" de Josèphe, avec carte 2.225 »

Achat de livres et paiement pour gravures 107 »

Total 13.561 fr. »c.

L'excédent des recettes n'est donc, que de 44 francs, c'est peu. Mais n'oubliez pas que la publication du t. I^"" de la traduction des œuvres de Josèphe constitue une sorte de capital. Il est vrai que les débours ne pourront jamais être entièrement récupérés, vu l'écart entre le pri.x^ de revient et celui de la vente ; mais morale- ment, la Société met à son avoir une œuvre considérable, qui lui fait honneur, qui est digne de son activité littéraire, et qui a obtenu les suffrages du monde savant. '

M. Mayer Lambehï, secrétaire, lit le rapport sur les publications de la Société pendant l'année 1899-1900 (voir, plus loin, p. vu),

11 est procédé aux élections pour le renouvellement partiel du Conseil. Soiît élus :

MM. Abraham CAiiiiN, grand rabbin, membre sortant. Albert Cahiin, professeur agrégé, m. s.

VI ACTES ET CONFÉRENCES

MM. Rubens Duval, professeur au Collège de France, m. s. Majer Lambert, professeur au Séminaire Israélite, m. s. Sylvain Lévi, professeur au Collège de France, m. s. Jules Oppert, membre de l'Institut, tn. s. Salomon Reinach, membre de l'Institut, m. S; Théodore Reinach, docteur es lettres, w. s. Baron Alphonse de Rothschild, membre de l'Institut, ni. s. Paul Grunebaum, auditeur au Conseil d'État.

Est élu président de la Société pour l'année 1901 : M. le Grand Rabbin Zadoc Kahn.

M. Maurice Bloch, président, fait une conférence sur Les femmes écrivains et ar listes juives en France.

RAPPORT

SUR LES PUBLICATIONS DE LA SOCIÉTÉ

PENDANT L'ANNÉE 1899-1900

LU A L'ASSEMBLÉE GENERALE DU 3 FÉVRIER l'JOl Par m. Mayer LAMBERT, secrétaire.

Mesdames, Messieurs,

Avec l'année 1901, notre Société entre dans sa vingt et unième année. Vingt ans, c'est le bel âge pour un homme ou une femme ; pour une société savante, c'est l'âge mûr. Mais la nôtre n'a pas eu d'enfance ; comme notre ancêtre Adam, elle est venue au monde toute formée, et la vieillesse ne sera pas non plus pour elle la décré- pitude.

La Société des Etudes juives a, depuis sa création, favorisé la publication d'ouvrages importants : c'est sous ses auspices que M. Loeb a fait paraître son Calendrier imrpéiuel, et MM. Perrot et Chipiez, le Temple de Jérusalem ; M. Théodore Reinach, les Texies d'auteurs grecs et latins relatifs aie judaïsme; M. Gross, la Gallia judaica. Cette année, M. Théodore Reinach a récidivé, car c'est sous sa direction qu'a paru le premier volume des Œuvres complètes de Flanus Josèphe, traduit par M. Julien Weill. 11 est à peine nécessaire de vous dire de quelle importance est cette nouvelle publication : Flavius Josèphe est une source unique de renseignements pour la période de l'histoire juive qui va de la chute de l'empire perse à la destruction du Temple. Il nous a conservé une foule d'extraits d'au-

VIII

ACTES ET COiM'ÉRENCES

teurs anciens, et de la guerre avec les Romains il parle en lénioiii oculaire. Jusqu'ici on avait de son ouvrage une traduction (|ui était française et une autre qui était exacte; maintenant, nous aurons une traduction à la fois française et exacte, et de plus, ac- compagnée de notes, qui lui donnent presque la valeur de loriginal.

La Société a accordé aussi son concours à M. Schwab, pour la publication de son Répertoire des articles relatifs à l'histoire et à ta littérature parus dans les ^lériodiqiies de 1783 à 180S. M. Schwab. que vous avez applaudi tout à l'heure dans son rôle de trésorier, ne rend pas seulement service aux Etudes juives comme financier, mais aussi comme savant consciencieux et patient. Il a eu le cou- rage de dépouiller quatre-vingt-quatorze journaux et Revues dont plusieurs comptent une cinquantaine d'années ou davantage, alin de donner aux chercheurs un instrument de travail des plus précieux. Rien n'est plus difficile, quand on traite une question, que de re- trouver tout ce qui a été dit là-dessus dans les périodiques. Grâce au Répertoire de M. Schwab, cette pierre d'achoppement est écartée de la route des érudits.

Les différents ouvrages que nous avons mentionnés font honneur à notre Société dans le monde, mais c'est surtout la Revue qui a consacré sa réputation. La Revue des Etudes juives comprend (pia- rante forts volumes (sans compter les annuaires des cin(i [ireuiières années) remplis de recherches originales ou de conférences vulga- risatrices sur toutes les branches de la science juive. Des travail- leurs de la première heure, beaucoup hélas ! ne sont plus. La mort nous a enlevé Arsène Darmesteter, James Darmesteter, .Josei)li Derenbourg, Adolphe Franck, Fiirst, Gerson, Graetz, llalberstani, Kaufmann, Léon K.alin, Kohut, Lenormant, Loeb, Luce, Perlés, Renan, Sacher Masoch. Les noms de ces savants et de ces écri- vains sont des titres de gloire pour notre Revue, et il m'a sera- blé que c'était un devoir de leur rendre hommage, encore une fois, au moment vient de se clore ce siècle qu'ils ont éclairé ou illustré.

Mais si douloureuses que soient ces pertes, la Revue n'en continue pas moins sa marche en avant. Do nos collaborateurs actuels, quelques-uns ont assisté à la naissance de la Société ; d'autres, (|ui,

RAPPORT SUR LIÎS PUBLICATIONS DE LA SOCIÉTÉ IX

à cette époque, étaient sur les bancs de l'école, sont venus, à leur tour, offrir leur ardeur juvénile. Et, sans vouloir nous abandonner à des espérances trop optimistes, nous croyons fermement que longtemps encore notre Revue prospérera, et que ni les hommes ni les sujets d'étude ne lui feront défaut.

Certes, on pourrait se demander si le domaine de la science juive ne finira pas par être épuisé. Les sciences philologiques et historiques ne se créent pas elles-mêmes comme la chimie ou la physique. La littérature biblique et talraudique est limitée. Il semble donc qu'à un certain moment ou n'y découvrira plus rien de nou- veau. La langue hébraï(|ue et l'histoire juive nous auront révélé tous leurs secrets.

Ce moment n'est pas encore venu, et peut-être ne viendra-t-il jamais. Tout d'abord, les sciences dont nous nous occupons ont cet avantage ou ce désavantage qu'elles sont incertaines et hypothé- tiques, de sorte que les mêmes problèmes sont remis constamment sur le tapis. Et puis, de temps à autre, on fait dos découvertes qui renouvellent la face des questions que l'on croyait élucidées ; on retrouve des ouvrages que l'on croyait perdus et qui font mieux comprendre les choses anciennes.

C'est ainsi que l'année dernière je vous parlais de la découverte du texte hébreu de l'Ecclésiastique ou Sapience de Ben Sira. Cette trouvaille paraissait devoir fournir des données utiles pour la con- naissance de l'hébreu qu'on parlait vers le m" siècle avant l'ère vul- gaire. Par même on devait pouvoir apprécier la date de divers écrits bibliques. Mais, pour tirer des conclusions du texte hébreu, il fallait, avant tout, qu il fût original Or, plusieurs savants avaient élevé des doutes sur l'authenticité de ce texte, et pense (ju'il pour- rait être une retraduction d'une version araméenne. Je me deman- dais donc, avec quelque terreur, si les exégètes arriveraient à se mettre d'accord sur ce point capital. Chose étonnante, ils y sont parvenus, ou à peu près. Ils sont maintenant presque unanimes à reconnaître premièrement, que le texte trouvé au Caire est vraiment original, deuxièmement, qu'il a été remanié et altéré de toutes façons. En effet, de nouveaux fragments ont été mis au jour, con- tenant des passages déjà publiés avec des ressemblances suffisantes

ACTES ET COxNFÉRENCES

pour montrer qu'on a, au fond, un seul texte, mais avec des diffé- rences qui rendent impossible l'hypothèse d'une retraduction. Nous sommes donc rassurés, mais ce sera une rude tâche que de dégager le texte primitif de Ben Sira, tant il a été défiguré. Les copistes ont pris des libertés avec ce livre qui n'était pas canonique ; ils ont modernisé le stjle de Ben Sira. Ils ont inséré dans le corps du texte des variantes, formant des doublets dont on a bien du mal à se dépêtrer, et, dans certains endroits, il semble que l'original ait été corrigé ou complété d'après les versions. En tout cas, il faut renoncer à des comparaisons littéraires basées sur l'Ecclésiastique, avant que le texte n'ait été expurgé ; et, même ensuite, on fera bien d'être prudent, car Ben Sira paraît avoir écrit sa Sapience dans un hébreu artificiel, et qui peut être bien différent de l'hébreu qu'on parlait et écrivait couramment.

M. Israël Lévi a publié et commenté quelques fragments de l'Ec- clésiastique ' , entre autres quelques pages qu'il a extraites d'un stock de feuillets achetés par M. le baron Edmond de Rothschild et mis par lui à la disposition des travailleurs. M. Chajesa également donné quelques notes sur les passages publiés par M. Schechter -, et M. Bâcher quelques remarques sur ceux qu'a publiés M. Lévi ^.

Les études bibliques sont cette année encore peu représentées dans la Revue, et cette pénurie me paraît tenir surtout au res- pect que nous inspire la Bible, respect très loualde, mais poussé un peu trop loin. J'ai à peine à vous signaler quelques notes de MM. Mendelsohn*, Bâcher 2, Giinzburg '^ et de votre secrétaire". D'après M. Mendelsohn, Caïn ne se serait pas irrité parce que Dieu avait rejeté son offrande, mais, au contraire, Dieu aurait rejeté son offrande, parce que Caïn s'était irrité contre son frère. Je crains que les exégètes n'adoptent pas cette explication. M. Bâcher, en corrigeant une lettre d'un mot, donne un sens satis-

* T. XXXIX, p. 1 ; t. XL, p. 1 et suiv. ' T. XL, p. 31 et suiv.

* Ibid., p. 2oU et suiv.

' T. XXXLX, p. 229 et suiv. '^ T. XL, p. 81-82.

* Ibid., p. 151 et suiv. ' Ibid, p. 248 et suiv.

RAPPORT SUR I.KS PUBLICATIONS DE LA SOCIÉTÉ XI

faisant à un verset obscur d'Isaïe. M. de Giinzburg critique quelques corrections que nous avions proposées. Mes arguments ne l'ont pas convaincu ; ses objections ne m'ont pas convaincu non plus, La postérité décidera !

En ce qui concerne les commentateurs de la Bible, nous avons une notice de M. Griinlmt', relative à Nahschon, un Gaon peu connu. Ce Gaon aimait à interpréter allégoriciuement les nombres qu'on rencontre dans l'Ecriture, par exemple celui des chameaux, chamelles, boucs, chèvres, ânes et ànesses dont Jacob fit cadeau à Esaii. C'est cet amour des chiffres qui lui a valu la réputation de cabaliste .

M. Poznanski - nous parle de Tanhoum de Jérusalem, sur la vie duquel nous n'avions que peu de détails. Ce rabbin est le représen- tant presque unique de l'exégèse rationnelle en Orient au xiiT siècle. Comme il cite les opinions de ses devanciers, il nous fournit par même d'utiles renseignements sur les exégètes anciens. M. Poz- nanski énumère les sources de Tanhoum et nous fait connaître les explications originales de cet auteur. Parmi les idées émises par Tanhoum, nous relevons celle-ei que, les prophètes ayant passé beaucoup de faits sous silence, parce que leurs contemporains les connaissaient, leurs discours sont devenus pour nous incompréhen- sibles. Cette pensée me paraît fort judicieuse. Comme ses prédé- cesseurs, Tanhoum admet deux interprétations du texte, l'une naturelle et l'autre allégorique. Ainsi, d'après la seconde, le nom Jonas, qui veut dire colombe, désigne l'âme. De même que la co- lombe, éloignée du colombier, s'efforce d'y revenir, de mèraie l'âme cherche, au moj-en de la science, à retourner auprès de Dieu, dont elle émane. Le bateau sur lequel Jonas s'enfuit, c'est le corps. Le sommeil de Jonas, c'est l'ignorance, etc. .

Le Talmud et les Midraschim ont été l'objet de nombreuses études philologiques ou historiques. MM. Krauss ^ et Bijchler* réta-

* T. XXXIX, p. 310 et suiv.

* T. XL, p. 120et suiv.

* T. XXXIX, p. 53 et suiv.

* T. XL, p. m et suiv.

XII ACTES ET CONFÉRENCES

blissent le sens véritable de quelques mots, et le regretté Fûrst ' rétablit les mots eux-mêmes. M, Biichler, en particulier, nous ex- plique ce que la Pesikta entend par le tabernacle de Sodome. La fertilité du sol était si grande, que les routes étaient couveries par le feuillage des arbres comme d'une toiture, et la vue perçante d'un autour n'arrivait pas à distinguer le sol. M. de Giinzburg - donne des éclaircissements sur quelques passages du traité des Scribes.

M. Bank'' continue à débrouiller l'écheveau des noms des doc- teurs talmudiques et montre que dans les gens subtils de Poum- bedita on a confondu plusieurs rabbins du même nom. M. Chajes* aperçoit, dans les paroles d'un talmudiste concernant des person- nages bibliques, un écho des polémiques dirigées contre la Bible. M. Mendelsohn ^ raye de l'onomastique le nom de la localité Hatar, qui, d'après lui, signifierait tout bonnement un endroit. Par contre, ailleurs "^ il cherche à montrer qu'un nom propre de per- sonne a été pris à tort pour un nom commun. Il y a donc compen- sation.

Nous nous reprocherions de ne pas signaler un article très inté- ressant de M. le docteur Schapiro '^ sur un sujet malheureusement trop spécial pour que nous puissions l'analyser devant vous. Ce travail est une contribution fort utile à l'exégèse de la Bible en même temps qu'à l'histoire de la médecine juive et talmudique.

L'histoire post-biblique occupe, comme toujours, la plus grande place dans la Revue. Flavius Josèphe, dont nous parlions tout à l'heure, a reproduit un décret par lequel les Athéniens décernaient au grand prêtre Hyrcan une couronne et une statue. Ce dernier hommage a flatter et choquer à la fois le pontife. M. Rei- nach montre** que le grand prêtre dont il s'agit est llyrcan II, fik d'Alexandre .lannée. Le décret nous montre les bonnes relations

* T. XXXIX, p. 132 cl suiv.

* T. XL, p. 1118 cl suiv.

* T. XXXIX, p. 191 ol suiv.

" Thid , p. :!o;i.

" Ihtd., ]). -Mw.

' Ihid., ]). 3ii6.

' T. XL, p. Zl cl suiv .

» T. XXXIX, p. 10.

HAPPÛHT SUR LES PUBL^ATIONS DE LA SOCIÉTÉ XIH

qui existaient entre la capitale de la Grèce et la capitale de la Judée. M. Bâcher* en rapproche les anecdotes racontées par le Talmud et nous voyons les Jérusalémites luttant de finesse avec les Athéniens, et les dépassant. Si les Athéniens avaient raconté ces histoires, peut-être ne se seraient ils pas laissé battre.

Un autre décret honorifi(iue en faveur d'un Juif nous a été con- servé, non par Flavius Joséphe, mais par un morceau de pierre encastré d'abord dans la maison du consul allemand au Caire et transporté ensuite au musée de Berlin. M. Th. Reinach* rectifie et complète la teneur de cette inscription, passablement mutilée, et montre qu'il s'agit d'honneurs décernés à un préfet juif en Egypte par la communauté de Léontopolis sous le règne Cléopâtre II. 11 est curieux de constater qu'un Juif était fonctionnaire royal. Son poste, d'après M. Reinach, était honorable, sans être particuliè- rement éclatant. Les antisémites du temps ont pourtant accu- ser Cléopâtre d'être judaïsante !

Cette Cléopâtre était la fille d'Antiochus le Grand, roi de Syrie. Or un passage de Josèphe, relatif à sa dot, a fort embarrassé les commentateurs. Cet écrivain nous dit qu'Antiochus avait donné comme dot à sa fille, lorsqu'elle épousa Ptolémée, la Cœlé-Syrie qui comprenait la Palestine, et que les impôts tirés de cette province devaient être partagés entre les deux rois. Mais comment Antio- chus et Ptolémée pouvaient-ils partager les impôts d'un pays qui appartenait au roi d'Egypte seul ? Donner et retenir ne vaut. On a donc accusé notre Flavius Josèphe d'une grave étourderie on ne prête qu'aux riches. Mais M. HoUeaux ' innocente l'historien, en montrant que les rois ne sont pas Ptolémée et Antiochus, mais Ptolémée et la reine. Cela nous explique aussi la plaisanterie d'un certain personnage qui voulait devenir fermier d'impôts en Egypte. Le roi lui demandant des garanties, il répondit : « Roi et la reine, vous serez garants pour les deux parties, » Que signifie cette phrase et quel sel peut-elle avoir ? C'est ce que les hellénistes cherchaient en vain Or, une fois qu'on sait que la reine avait, elle aussi, sa part

' T. XL, p. 83 et suiv.

* Ibid., p. 30 et suiv.

' T. XXXIX, p. 161 et suiv.

XIV ACTES ET CONFÉRENCES

d'impôts, on comprend que notre collecteur a voulu dire : Toi, le roi, tu te feras garantir par la reine et la reine se fera garantir par toi. Le roi rit beaucoup, parait- il, de cette facétie. Il avait le rire facile.

M. Chayes ' étudie les pouvoirs que possédaient les docteurs de la loi comme juges en Palestine sous la domination romaine, et ar- rive à cette conclusion qu'il n'existait pas de tribunaux juifs au sens véritable du mot. On trouve seulement des individus exerçant une autorité juridique plus ou moins étendue avec la permission ou la tolérance des Romains. Il nous semble que les Juifs ont souvent s'adresser à leurs docteurs comme arbitres, même dans les c^s les magistrats romains étaient seuls compétents.

L'impartialité dans la justice entraîne parfois à de douloureux sacrifices les hommes consciencieux, l'illustre Gaon Saadia en fit la triste expérienca. Ayant refusé d'approuver une sentence rendue par le chef de l'exil, David ben Zakkaï, parce qu'elle lui paraissait inspirée plutôt par l'amour du lucre que par celui du droit, il fut contraint de résigner ses fonctions de chef d'école. Pour se défendre contre ses ennemis, il composa un livre, intitulé Galouy, l'exilé, ou- vrage presque entièrement perdu. Saadia semble eii avoir fait en- suite une édition arabe, dont M. Harkavy avait publié un petit frag- ment. Un tout petit feuillet provenant de la Gueniza du Caire m'a permis d'augmenter ce fragment de quelques lignes et de le rectifier en partie -.

Un autre feuillet, de même origine, mis en lumière par M. Is. Lévi ^ complète également un fragment publié par M. Harkavy, et fait partie d'une lettre de Ben Méir, un rabbin de la Palestine qui jugea bon de dénigrer la science de Saadia, parce qu'il voulait ré- tablir la suprématie des écoles talmudiques de Palestine sur celles de la Babylonie.

Déjà avant Saadia, l'usage s'était introduit dans les communautés de la Babylonie de réciter la veille de Kippour une formule par laquelle on proclamait l'annulation des vœux que l'on n'avait pu ac-

' T. XXXIX, p. lii) cl suiv.

* T. XL, p. 84 el suiv. ; p. 2G0.

* Ibid.^ p. 2C1-2G3.

RAPPORT SUR LES PUBLICATIONS DE LA SOCIETE XV

complir. C'est l'origine du Kol-Nidré, devenu célèbre surtout parla mélodie si expressive sur laquelle on le récite et qui a été goûtée jusque dans les concerts publics. Il s'agissait, bien entendu, de vœux personnels et non pas d'engagements envers autrui, comme l'ont prétendu les antisémites à la suite de l'apostat Nicolas Donin. Néan- moins bien des rabbins ont desapprouvé cette innovation. La formule primitive araméenne, qui se rapportait aux v(imx passés, fut étran- gement modifiée par un hazan, nommé Méir, qui j intercala une phrase hébraïque se rapportant à Xavenir. Le texte est devenu celui- ci : Tous les vœux que nous avons formés depuis ce jour de Kippour présent jusqu'à Kippour prochain, nous les déclarons nuls. R. Tam, se fondant sur des arguments subtils de scolastique, approuva cette formule doublement bâtarde, et. malgré l'opposition de nombreux rabbins, on a continué à la réciter solennellement la veille du jour du Grand Pardon. Isaac ben MardQchée,qui rédigea sur ce sujet une consultation, publiée par M. Israël Lévi ', après avoir fait l'historique de la question, s'écrie : « Le ciel me garde d'inciter ainsi à des er- reurs, car à quels préjudices cette coutume n'expose-t-elle pas les particuliers et les communautés ? Un jour de pardon et d'amende- ment, où les scrupules doivent s'aiguiser, comment prononcer de telles paroles ! >> Voilà comment s'exprimait à l'égard du Kol-Nidré un pieux rabbin du moyen âge.

Du même recueil M. Lévi 2 a tiré un autre consultation adressée à Samuel Sulami. La question qui y est traitée et que M. Lévi s'est dispensé d'analyser est peu intéressante : il s'agit de vin néseJch. Mais le destinataire est connu parce qu'il renvoya de chez lui un de ses amis, à l'instigation de plusieurs rabbins. Quel crime avait commis son hôte? Il s'était déclaré partisan des études philoso- phiques. L'inquisition, comme on voit, avait exercé sa contagion jusque chez les Juifs.

M. Poznanski ^ analyse un autre recueil de même provenance.

C'est encore notre collègue M. Lévi * qui nous raconte la lutte

' T. XXIX, p. 76 et suiv.

* Ihid., p. 226 el suiv.

* T. XL, p. 91 et suiv.

' T. XXXIX, p. 83 et suiv.

XVI AGTKS lîï CONFKRKNCKS

pour le grand-rabbinat de Paris. . . à la fin du xiv^ siècle. Les fonc- tions étaient occupées par R. Yolianan, qui avait succédé à son père Matatia. Un nommé Isaïe, fils d'Abba Mari, voulut déposséder Yo- lianan, en invoquant un diplôme qui lui avait été décerné par le rabbin de Vienne, en Autriche. Yohanan adressa alors une requête aux rabbins d'Espagne, qui se décidèrent pour lui, et l'un d'eux rédigea en sa faveur une consultation. C'est ainsi que les Espagnols confirmèrent le rabbin français contre le protégé du rabbin autri- chien. Quelques années après le rabbinat de Paris disparaissait, les Juifs de France ayant été expulsés pour de longs siècles.

M. Kahn * nous parle des Juifs de Tarascon : l'histoire de ceux-ci est, comme celle des autres Juifs, une succession de mesures vexa- toires, de taxes arbitraires, de pillages et de massacres accomplis malgré la volonté des rois de Provence et plus tard des rois de France, pour aboutir à l'expulsion, postérieure de quelques années à celle d'Espagne. M. Kahn nous fournit des détails intéressants sur l'organisation des Juifs tarasconais, sur leur quartier, le cimetière, la boucherie, et publie la liste des habitants juifs,

M, Schwab * nous donne quelques épitaphes de Juifs et de Juives d'Arles. Ces épitaphes avaient été réunies par le regretté Isidore Loeb d'après un manuscrit delà bibliothèque de cette ville.

Entre la Provence et l'Espagne les relations étaient continuelles, et la correspondance active. C'est ainsi qu'à la fin du xii« siècle un poète de Saragosse, Scheschet Benveniste, envoya aux deux chefs de la communauté de Narbonne des lettres en prose rimée qu'a re- produites M-. Kaufmann ^. L'une a pour but d'exhorter le destinataire à pardonner une offense grave qui lui avait été faite par l'un de ses coreligionnaires. Une autre nous montre Scheschet, qui avait été frappé douloureusement par la mort successive de ses trois fils, con- jurant ses amis de mettre un terme à leurs plaintes impies, qui sem- blent accuser le destin ; il les prie de consoler plutôt sa femme et sa fille dans leur aff'reux désespoir. Cet article est le dernier qu'ait fourni à notre Revue le regretté Kaufmann ; mais son nom reviendra en-

' T. XXXIX, p. 05 et suiv. ; 201 el suiv.

* T. XL, p. 74.

* T. XXXIX, p. G2 el suiv, ; p. 217 et suiv.

RAPPORT SUR LES PUBLICATIONS DE LA SOCIÉTÉ XVII

core souvent sous la plume de ceux qui s'occupent des études juives. La biographie que M. Krauss ' lui a consacrée ne peut se lire sans émotion, et elle donne une idée juste du travailleur infatigable et de l'homme de bien dont la science et le judaïsme déplorent la perte prématurée.

M. Kayserling s'est fait une spécialité de l'histoire des Juifs d'Es- pagne. Cette année il nous expose les relations de Tordre espagnol de Calatrava avec les Juifs ^. Il nous décrit également la persécution qui atteignit des Juifs de Fez ^, s'étaient réfugiés beaucoup d'entre les expulsés d'Espagne. On les pilla et on les massacra, ou bien on les convertit de force. Mais les nouveaux Musulmans revinrent bien vite à leur ancienne religion. Quelques années plus tard un franciscain obtint du roi de Fez l'autorisation de disputer publi- quement avec eux. Mais, sa controverse n'ayant eu aucun succès, il se tua. Singulière idée chez un moine, qui n'avait pas pu donner à Dieu l'âme des infidèles, de donner la sienne au diable !

Les Juifs espagnols qui passèrent en Turquie se trouvèrent beau- coup plus heureux, grâce à la tolérance et au libéralisme des sultans. Beaucoup d'entre eux s'établirent à Salonique, se trouvaient déjà des Israélites d'autre origine. Les Juifs formaient des groupes ayant chacun leur synagogue ; ils rédigèrent des règlements ; ils en rédi- gèrent tant, qu'il fallut prendre des mesures contre les règlements, car des individualités sans mandat voulaient en imposer sous peine d'excommunication. Les Espagnols se groupaient par province, et l'on distinguait en Turquie les Juifs castillans, aragonnais, major- quins, catalans, portugais, etc. Il va sans dire que les Juifs français, allemands, italiens, maghrébins avaient leurs oratoires spéciaux. Cependant le Talmud Torah était commun. Si les communautés étaient soigneusement séparées, cela n'empêchait pas leurs membres de quitter l'une pour aller dans l'autre. On fut forcé de chercher des remèdes contre cette émigration à l'intérieur, qui compliquait de beaucoup la perception des impôts. M. Danon, à qui nous devons cette étude sur les Juifs de Salonique, nous donne encore maints dé-

* T. XLI, p. 1-3U.

* T. XXXIX, p. 313-313.

* Ibid., p. 315 et suiv.

ACT. ET CONF. B

XVlll ACTES ET CONFERENCES

tails sur les rabbins et les autres fonctionnaires de la commu- nauté, sur les taxes, sur les lois soniptuaires (les femmes mariées n'avaient pas le droit de porter des bijoux dans la rue), sur les lois matrimoniales , les ordonnances commerciales , les ventes d'im- meubles, etc. '.

Ce qui dut être particulièrement amer pour les Juifs qui quittaient la péninsule ibérique, c'était de penser que leurs maisons de prières serviraient à un autre culte. Quelques-unes leur avaient déjà été enlevées bien avant l'expulsion déftniiive M, Oscar d'Araujo * nous décrit, d'après M. Castellarnau, les ruines de la synagogue de Ségovie, Tun des plus beaux monuments de l'architecture juive. En 1418 les Juifs avaient été chassés de la ville, et leur synagogue fut donnée à des moines, puis en 1572 aux sœurs franciscaines, qui y habitent encore. Récemment l'édifice a été ruiné par un incendie. Le feu, en détruisant les ornements extérieurs, a montré que les pi- liers n'avaient jamais cédé, et a donné ainsi un démenti à la légende qui prétend que les piliers avaient craqué par suite d'un sacrilège .des rabbins : et c'est cette légende qui fit bannir les Juifs de Ségovie. La seule fissure que l'on aperçoive se trouve dans une partie de l'édifice qui a été ajoutée longtemps après l'expulsion des Juifs.

L'Italie est représentée cette année dans la Revue par deux bril- lants polémistes que nous révèle M. Bergmann ^. Le premier Elia deGenazzano, qui vécut au xv« siècle, est remarquable par la grande finesse avec laquelle il répond aux attaques dirigées par le moine Francisco contre les pratiques et les croyances juives. Elia sait prendre l'offensive : il objecte à la théorie du péché originel que les âmes sont indépendantes les unes des autres et que le péché d'Adam n'a pu entraîner qu'une souffrance corporelle pour ses descendants. Au moine, qui invoquait en faveur de la vérité de l'Evangile le mar- tyre des chrétiens, il oppose le martyre de certains chrétiens qui nient l'autorité du pape. Mais, dit le chrétien, l'Eglise est bien plus puissante que le Juda'isme. Le Juif répond que les Arabes sont encore plus puissants. Et si les Juifs sont malheureux dans ce

' T. XL, p. 2(16 l'I >iiiv.

' T. XXXIX, p. 209 el suiv.

' Uifi., p. 188 el suiv.

RAPPORT SUR LES PUBLICATIONS DE LA SOCIÉTÉ XIX

monde, les chrétiens ne doivent pas s'en étonner, eux qui parlent toujours de la félicité de l'autre monde.

La seconde controverse, qui est anonyme, date du xvii» siècle. L'auteur, obligé à plus de ménagements que son devancier, se borne à défendre le droit que les Juifs ont de ne pas devenir chrétiens. 11 allègue que le christianisme pour les Juifs n'est pas divin, que Jésus ne remplit pas pour eux les conditions du Messie, que, s'ils regardent le judaïsme comme une religion parfaite, une autre ne peut pas Têtre, enfin que chaque homme suit la tradition de sa religion. Cette der- nière raison est encore la meilleure. Cette polémique garde toujours un ton courtois, tel qu'il devrait exister dans les discussions reli- gieuses entre partisans des diverses confessions, aussi bien qu'entre adeptes d'un même culte.

A la même époque la décadence des Juifs d'Allemagne s'accentue de plus en plus, tandis que la cabale fait toujours de nouveaux progrès. L'activité intellectuelle des cabalistes se manifeste dans la grande question qui les agita alors, à savoir s'il est permis, selon leur doctrine, de se couper la barbe avec de> ciseaux. Sabbataï Bar résolut le problème en s'appujant sur ce que Menahem Azaria de Fano, un des coryphées de la cabale, se taillait la barbe tous les vendredis . S'étant mépris sur ce témoignage, on avait cru que Menahem ne portait pas de barbe du tout. Heureusement on a re- trouvé le portrait du cabaliste, et l'on voit qu'il la portait, mais taillée régulièrement. M. Kaufmann, dans un article ' le sérieux se mêle à une douce ironie, nous raconte cette histoire et donne la reproduction des traits de Menahem. La figure dénote une vive intelligence, qui aurait pu être mieux employée. M. Kaufmann publie aussi l'épitaphe du monument funèbre qui fut élevé à sa mémoire.

Un autre cabaliste non moins fameux fut Moïse Hayyim Luzzatto, un Italien qu'il ne faut pas confondre avec le célèbre grammairien de ce nom. M. Kaufmann - nous apprend ce détail inédit que le cabaliste adressait à ses amis des poèmes pour les féliciter quand ils avaient été nommés docteurs en médecine. 11 s'élève dans ses

' T. XXXIX, p. 113. * Jbid., p. 133.

XX ACTES ET CONFÉRENCES

dithyrambes au plus beau lyrisme. A un certain Elle, il dit que, comme son homonyme le prophète, il ressuscite les morts et se rend maître des maladies sans avoir besoin de soigner longtemps les patients. Combien de médecins voudraient mériter un pareil éloge ! Pour l'histoire des Juifs d'Allemagne et d'Alsace -Lorraine, aux temps qui avoisinent la Révolution française, on trouve de précieuses indications dans les mémoriaux, qui contiennent des notices sur les rabbins, les martyrs et les hommes dévoués au bien d'Israël et de leur communauté. Les plus anciens datent du xviii'' siècle ; aussi ne sont-ils riches en noms que pour la période moderne. Mais ces mémoriaux sont tombés eux-mêmes dans l'oubli. M. Gins- burger * a secoué la poussière de ces archives alsaciennes et lorraines, et nous expose les résultats de ses recherches. C'est avec un sentiment de mélancolie que nous voyons défiler devant nous les noms des hommes de science et de vertu qui ont vécu dans des localités bien connues de la plupart d'entre nous. Ces noms nous sont doublement chers, parce qu'ils nous rappellent que l'Alsace- Lorraine a fait partie intégrante du Judaïsme français, et cela, nous ne voulons ni ne pouvons l'oublier!

Pour terminer l'exposé des études historiques (jue nous fournit la Revue, il nous reste à voir avec M. Dejob - quel rôle les Juifs rem- plissent, au moment de leur émancipation, non plus dans la réalité, mais sur la scène du théâtre. Les comédies nous renseignent, en effet, plus ou moins exactement sur l'opinion pubUque, car elles en subissent l'inlluence. M. Dejob constate que, pendant la période révolutionnaire, les quolibets et les insultes grossières étaient encore admises en Angleterre à l'égard des Juifs. Au contraire, en France, comme en Italie, si l'on plaisante les Juifs, c'est sans méchanceté. Lorsqu'un banquier ou un usurier est juif, celte qualité est sans importance dans la pièce. Parfois même, si le personnage ne portait pas un nom juif, on ne se douterait pas qu'il est Israélite. M. Dejob attribue cette différence dans l'attitude des auteurs de comédies vis-à-vis des Juifs à l'esprit tolérant de certaines races et à l'esprit haineux de certaines autres. Pour notre part, nous croirions plutôt

' T. XL, p. 231 et suiv.

T. XXXIX, p. 119 et suiv.

RAPPORT SUR LES PUBLICATIONS DE LA SOCIETE XXI

que le théâtre est l'écho delà rue. Au moment delà Révolution, l'idée de l'égalité des cultes était beaucoup plus avancée en France et en Italie qu'en Angleterre.

La bibliographie occupe cette année dans la Revue une place ex- ceptionnelle. Je ne puis vous analyser des analyses, et pourtant les comptes rendus d'ouvra^'cs de philosophie, d'histoire, de folklore, de talmud et de midrasch que nous donnent MM. Blau ', Hilden- finger-, Krauss ^, Israël Lévi*, Lœwe ^, Poznanski«, Théodore Reinach', Weill **, ont souvent la valeur d'articles originaux. M. Israël Lévi^ continue, en outre, sa revue bibliographique si bien remplie, mais la production de livres hébreux en Russie s'est tellement développée en ces derniers temps que notre collègue a confier ce domaine spécial à M. Slouschz *°. Le jeune savant nous fait connaître cette nouvelle littérature qui n'est plus, comme autre- fois, exclusivement religieuse, car elle comprend des journaux quo- tidiens, tels que l'Intermédiaire [Hammèliç) et l'Aurore {Haççefirà), ou hebdomadaires, des revues mensuelles ou trimestrielles, des annuaires, dont M. Slouschz nous donne à grands traits l'historique, des romans, des ouvrages scientifiques de tout genre, des biogra- phies d'hommes illustres, comme celle d'hhnile Zola. Cette littéra- ture néo- hébraïque, qui a suivi l'éclosion du mouvement sioniste, peut avoir une très heureuse influence dans le présent, en faisant pénétrer les idées modernes dans les milieux les plus arriérés, grâce au manteau hébreu dont elle les couvre, et mérite, à ce point de vue, d'être hautem.ent encouragée. Mais elle contient, croyons-nous, en elle-même son germe de mort, parce qu'en inspirant le goût des idées modernes, elle répandra aussi le goût des langues modernes. L'émancipation des Juifs, russes et roumains lui donnera un coup

' T. XL, p. 103-107.

' Ibid., p. 115 et suiv.

' Ibid., p. 112 et suiv.

* Ibid., p. 268 et suiv.

* Ibid., p. 118 et suiv.

* Ibid., p. 282 et suiv. ^ Ibid., p. 90.

8 T. XXXI X:, p. 153 et suiv. ® Ibid., p. i::7 d suiv. •" T. XL, p. 268 et suiv.

XXII ACTES ET CONFERENCES

fatal. Puisse ce moment ne pas trop tarder, malgré les regrets que nous laissera la disparition du néo-liébraïsme 1

Ce ne sont pas seulement les livres, mais les titres mêmes de livres qui ont fourni matière à de savants articles. Dans les papiers provenant de la Gueniza du Caire, M. Elkan Adler a retrouvé plusieurs listes de livres, dressées à l'occasion d'une vente. Ces listes ont un double intérêt : elles nous montrent d'abord ce qu'étaient, à une certaine époque, les bibliothèques des érudits ou des amateurs de la science. Elles nous fournissent aussi les titres d'ouvrages dont on ne soupçonnait pas l'existence. M. Bâcher ' a publié deux de ces listes en les commentant et en identifiant les titres avec ceux de livres connus. Dans une de ces listes, les noms d'hommes accompagnant les titres avaient été pris pour des noms d'auteurs. M. Poznanski- a montré avec justesse que ces noms dési- gnaient les acheteurs, personnages peu intéressants, et les a tait rentrer dans l'obscurité d'où une erreur les avait fait sortir. En outre, M. Poznanski complète les identifications de M. Bâcher.

Une autre liste de livres nous arrive par une voie toute diffé- rente. L'archiviste de Majorque, M. Estanilas Aguilo, a commu- niqué à M. Israël Lévi ^ l'inventaire d'une bibliothèque ayant ap- partenu à un médecin juif, nommé Léon Mosconi, qui vécut au xiv siècle. M. Lévi et M. Steinschneider '', le doyen illustre des bibliographes, ont uni leurs efforts pour retrouver les véritables titres des ouvrages, dont les noms hébreux ont été atrocement dé- figurés par le notaire majorquin ou ses clercs. M. Aguilo a égale- ment trouvé le prix que furent payés les livres. 153 volumes furent vendus pour 14'7 livres 19 sous 6 deniers, ce qui équivaut à 500 francs. Etant donnée la valeur de l'argent à cette époque, c'est un assez bon prix, et il n'est pas sûr qu'une vente de livres scienti- fiques réussirait aussi bien aujourd'hui. Avec les livres il y avait des meubles, dont nous avons aussi la liste. C'étaient des lits avec

* T. XXXIX, p. 1'j9 cl suiv. ; l. XL, p. 'j5 cl suiv.

* T. XL, p. 264 cl suiv.

* T. XXXIX, p. 242 cl suiv. '^ T. XL, p. 168 et suiv.

^ Jhi/lentn

RAPPORT SUR LES PUBLICATIONS DE LA SOCIÉTÉ XXIII

leurs accessoires, une table, des coffres, des bancs garnis de coussins, une batterie complète de cuisine et de la vaisselle, des vêtements, du linge, des instruments de médecine, des armes, sans oublier les tefiUin et un sceau de laiton pour marquer les pains azjmes. A ceux qui désireraient connaître en détail le mobilier d'un ménage au xiv« siècle, je signale les pages 243 et suivantes du tome XXXIX de la Revue.

Avant de vous laisser entendre le conférencier de ce soir, et en m'excusant d'avoir tant prolongé votre impatience, je rappelle que certaines conférences ne méritent pas seulement d'être entendues ici, mais aussi d'être lues dans la Revue, elles .sort publiées. Cela est certainement vrai de celles (jui vous ont été données l'hiver dernier : M. Salomon Reinach a rectifié nombre d'idées courantes et fausses sur l'Inquisition; M. le baron Carra de Vaux vous a parlé avec émotion de Joseph Salvador et de James Dar- mesteter, qui, avec des talents inégaux, mais avec une sincérilé pareille, ont essayé d'expliquer les destinées du Judaïsme. Enfin, M. Sabatier a montré que ce besoin d'expliquer l'histoire qui a tourmenté tant de penseurs a inspiré les apocalypses. Tandis que les écrivains apocalyptiques, anciens ou modernes, veulent dévoiler le plan selon lequel l'humanité se dirige pour atteindre un but déter- miné, d'autres, avec l'Ecclésiaste, prétendent que tout tourne dans un même cercle, et que la philosophie de l'histoire est une chimère. M. Sabatier conclut que l'une et l'autre opinion sont bonnes, parce qu'elles se font contrepoids. Pour notre part, nous sommes tenté de comparer les vicissitudes du monde aux oscillations d'une lame métallique que l'on a fait vibrer. Les vibrations se répètent sans cesse et le monde va de la force au droit et du droit à la force, de la foi à la raison et de la raison à la foi; mais peu à peu, les oscilla- tions diminuent d'amplitude, et le progrès, si lent qu'il soit, ne s'in- terrompt pas. Nous devons garder l'espoir d'un temps l'harmonie existera entre les différentes facultés de l'âme. Et comme l'étude du passé prépare l'avenir, les travaux d'une société telle que la nôtre ne se bornent pas à satisfaire une vaine curiosité, mais sèment les germes d'une humanité meilleure.

LOUIS PHILIPPSON

SON ŒUVRE ET SON ACTION DANS LE JUDAÏSME MODERNE.

CONFÉRENCE FAITE A LA SOCIÉTÉ DES ÉTUDES JUIVES LE 23 MARS 1901

Par m. Martin PHILIPPSON.

Mesdames, Messieurs,

J'aurai l'honneur de parler, devant cette réunion clioisie, devant cette assemblée de coreligionnaires si distingués, d'un sujet qui est pour moi à la fois le plus sympathique et le plus émouvant : de mon père, dont la mémoire est celle que mon cœur aime et vénère le plus au monde. Cependant, Mesdames et Messieurs, ne craignez point de ma part la narration de détails personnels ou l'expression de sen- timents de piété filiale, très naturels en eux-mêmes, mais nulle- ment opportuns en face d'un auditoire qui n'avait avec L. Pliilipp- son aucune attache directe. Je me permettrai de vous exposer ce qui seul a le droit de vous intéresser : son action au service du Ju- daïsme, sa part dans l'évolution de notre religion et de notre cause pendant le cours d'une vie de longue durée, entièrement consacrée aux intérêts Israélites. Ce n'est pas une biographie que je vou- drais esquisser devant vous, Mesdames et Messieurs, c'est un chapitre de notre histoire spéciale, personnifié par L. Philippson.

Avant d'entrer en matière, j'ai ù réclamer votre indulgence. 11 y a longtemps déjà que j'ai professé dans une Université de langue

LOUIS FHILIPPSON XXV

française, et j'ai perdu l'habitude d'exprimer ma pensée en français. Je vous prie donc d'excuser les fautes de syntaxe et de pronon- ciation dont je me rendrai sans doute coupable devant ce cénacle de lettrés, habitués à toutes les délicatesses du langage et de l'élo- quence. J'espère que vous tiendrez compte de ma situation et par- donnerez mes peccadilles grammaticales.

Quelques traits biographiques seulement, indispensables pour se former une idée du personnage et du temps dans lequel il a déployé son activité. le 28 décembre 1811, à Dessau, petite ca- pitale qui avait eu l'honneur de donner le jour à Moïse Mendel- sohn, L. Philippson, à qui son père fut enlevé à l'âge de trois ans, eut à passer une enfance difficile, remplie de chagrins et de priva- tions ; mais ces épreuves ne servirent qu'à aguerrir et à fortifier son caractère. Après des études très sérieuses en hébreu et en phi- lologie ancienne et germanique, il (ut appelé au poste de prédicateur de la communauté Israélite de Magdebourg, alors qu'il ne comptait que vingt-deux ans. Pendant plus d'un quart de siècle il remplit ces fonctions, jusqu'à ce que la maladie le força, en 1862, de prendre sa retraite et d'aller habiter la petite ville de Bonn, favorisée par un climat doux et par une situation aussi charmante que salubre. il reprit un peu de force, et malgré sa constitution délicate, mal- gré une cécité de plus en plus intense, il triompha de la faiblesse physique et continua à travailler sans cesse, jusqu'au moment où, le 29 décembre 1889, une mort subite lui arracha, littéralement, la plume de la main.

Lorsque Philippson, bien jeune encore, entra dans la carrière publique, le Judaïsme allemand traversait une crise que beaucoup de personnes croyaient mortelle. On a souvent désespéré ainsi du Judaïsme, mais, heureusement, sa merveilleuse vitalité a triomphé de tous les dangers et de toutes les maladies. Cependant, ce fut réellement une triste époque. Les victoires allemandes des guerres de délivrance, de 1813 à 1815, avaient exalté jusqu'au délire le seniiiiient national et produit un chauvinisme plus passionné, plus farouche encore que celui de 1870. Ce chauvinisme se tourna parti- culièrement contre les Juifs, quoiqu'ils eussent payé largement leur dette à la patrie pendant le combat contre le tyran corse. Des émeutes

XXVI AGÏKS ET CONFÉRENCES

violentes, parfois même sanglantes, contre des Juifs inoffensifs dés- honorèrent l'Allemagne occidentale. Partout leur émancipation, fruit de la domination française, fut révoquée. La Prusse et les grands duchés de Bade et de Mecklembourg furent les seuls pays qui leur maintinrent les droits civiques, sinon politiques. Les villes libres do Lubeck et de Brème les chassèrent de leurs murs, les villes libres de Francfort et de Hambourg les enfermèrent dans des ghetti et les opprimèrent par toute sorte de vexations. L'amélioration de leur sort ne se réalisa que très lentement. L'àpre ironie de Bœrnc confondait les ennemis des Juifs par sa logique et ses sarcasmes aigus, tandis que le romantisme poétique du jeune Heine entou- rait le passé d'Israël d'une auréole sentimentale. Cette action eut de l'effet sur l'opinion des classes lettrées. Enfin, la révolution de Juillet fit aussi revivre le libéralisme à l'est du Rhin. Mais, comme je viens de le dire, ce changement se produisit lentement et dans un cercle restreint de la population .

L'état intérieur du Judaïsme allemand n'était guère plus satis- faisant que ses conditions extérieures : il était profondément di- visé. La majorité, effrayée des hardiesses et de l'apostasie par- tielle des disciples de Mendelsohn, se renfermait anxieusement dans les traditions du moyen âge, dont elle observait scrupuleusement les moindres usages, jusqu'aux cérémonies superstitieuses, jus- qu'au désordre déplorable et à tous les abus dans le culte, jusqu'au vilain patois dans le langage. Remplie de fanatisme, elle fou- droyait de ses anathèmes tout essai d'adapter les formes du rite aux exigences rationnelles et esthétiques de la civilisation mo- derne- En face de ces conservateurs à outrance se dressaient les partisans d'une réforme radicale, alliés à l'indifférentisme qui tendait à prévaloir dans les classes riches et instruites : réforme et indif- férentisme qui, très souvent, n'étaient qu'une étape sur le che- min de la désertion . Ce parti était représenté alors par le Temple de Hambourg.

Entre les deux tendances opposées faisait rage une guerre pas- sionnée qui menaçait d'amener un schisme, une séparation com- plète. Seul l'inoubliable Mannheimer, à Vienne, cherchait à main- tenir un juste milieu entre les partis, instituait un culte bien réglé

LOUIS PHILIPPSON XXVH

et pourtant conservateur, en mettant au service de ses efforts une éloquence noble et entraînante. Mais Vienne était si loin de l'Al- lemagne !

C'est au milieu de cette crise que Philippson entra dans l'action. Il trouva immédiatement sa voie, à l'àf^e où, généralement, on est encore à apprendre, à tâtonner ; et sa manière d'envisager le but qu'il poursuivait fut aussi originale que claire, aussi sûre d'elle- même que féconde.

Pour lui, le véritable intérêt vital du Judaïsme était le dévelop- pement historique de cette religion s'appuvant sur le fond solide et éternel de la Tora et de toute l'Écriture. C'était l'idée d'une évo- lution lente et naturelle, ne se séparant jamais du passé, violem- ment et soudainement, ne rompant point avec la tradition véné- rable, sanctionnée par tant de générations, n'abandonnant pas le sol affermi par la piété et par les travaux des ancêtres ; mais ou- verte, d'autre part, à toutes les saines aspirations de notre époque, aux progrès de la science, aux changements effectués dans la conscience publique. Il était également éloigné de la stabilité rigou- reuse de l'orthodoxie et de la mobilité volontaire de la réforme pro- prement dite. Il ne voulait ni fermer le Judaïsme aux exigences im- périeuses des générations nouvelles ni l'abandonner à toutes les fluctuations du moment ou aux idées vagues et molles d'un déisme incertain et mouvant. Philippson était, comme lui-même l'a dit sou- vent, un Israélite historique. Son iléal était « de réaliser la parole divine, révélée depuis plus de trois mille ans, selon le développe- ment historique du judaïsme, au milieu des tendances et des insti- tutions modernes ». Comme tous les modérés, comme tous les hommes prudents et réfléchis qui ne se soumettent point à un radi- calisme simple et facile, il fut en butte aux attaques des partis extrêmes. Les uns le considéraient comme un renégat, les autres le jugeaient faible et changeant. Et pourtant rien n'était plus ferme, plus solide, plus logique que le point de vue il s'était placé dès sa jeunesse, et il s'est maintenu durant toute sa longue car- rière de théologien et d'écrivain. Tout en reconnaissant la nécessité historique et psychologique de l'existence du parti du progrès et du parti conservateur ainsi que de leur lutte, dans le domaine de la

XXVIll ACTES ET CONFÉRENCES

religion aussi bien que dans celui de la politique, il cherchait à maintenir la balance entre eux, il désirait fonder un terrain ils pussent se rencontrer et se réconcilier pour la défense commune des plus grands principes. Les innovations toutes extérieures dans les formes du culte et du rite étaient pour lui bien moins importantes que la réforme intérieure, le progrès du caractère national, des idées, des moeurs, des tendances. Non pas réforme, mais régéné- ration, — telle était sa devise. Pour lui, ce qui importait, c'était de purger le vieux Judaïsme de toute superstition et superfétation, de dépouiller son culte et son rite des formes vieillies et anti-esthé- tiques, de le concilier avec la science et les idées modernes, de faire comprendre à tous les fidèles la véritable essence du Judaïsme, le but vers lequel il doit tendre, maintenant et dans toute éternité. Le centre de la foi Israélite était, pour lui, l'idée messianique, dans le sens, non d'un messie personnel, mais dune époque le monothéisme pur et sans alliage, représenté par la doctrine d'Is- raël, triompherait sur le monde entier, avec les idées de paix, de justice et de miséricorde, avec l'anoblissement de la nature gé- nérale de l'humanité. « Aussitôt, dit-il dès l'an 1843, qu'Israël abandonnerait la doctrine messianique, il renoncerait à son carac- tère particulier, à sa véritable valeur, bref à lui-même, car cette doctrine est le véritable terrain du Judaïsme, de l'individualité il s'élève à l'universalité. » Expliquons en quelques mots sa manière de penser en cette matière. 11 croyait les Israélites destinés à re- présenter, dans le long cours dès siècles, l'idée du monothéisme et la morale la plus élevée. Une partie de sa tâche, cette communauté l'avait déjà réalisée, en procréant ses puissants fils, le Christianisme et l'Islamisme. Mais la tâche ne sera complètement remplie et le Judaïsme n'arrivera à son apogée qu'au moment sa doctrine et sa morale gouverneront l'humanité entière. C'est de cette manière élevée et idéale qu'il comprenait les destinées de sa religion, du Ju- daïsme ; c'est ainsi qu'il comprenait le messianisme. Idées, à son époque, toutes nouvelles et originales; depuis lors, ses propres écrits ont servi à répandre sa pensée parmi ses coreligionnaires, de manière qu'elle est devenue généi'ale et commune, une espèce de truisme. Cette conception le remplissait d'ontliousiasmo pour le Ju-

LOUIS PHILIPPSOX XXIX

daïsme ; il aurait désiré le voir grand, beau, pur et saint, afin de devenir digne d'être le grand docteur, l'idéal apôtre des nations, chargé de la tâche la plus ardue, mais aussi la plus sublime.

Le messianisme lui semblait tellement important, qu'il voyait en lui la différence principale entre le Cliristianisme et le Judaïsme. « L'un, dit-il, croit l'idée messianique déjà réalisée, l'autre pense que la réalisation en appartient à l'avenir. Le Christianisme voit dans cette idée le pardon des péchés, la rédemption de l'homme, dans le péché, par la mort du Messie et par la foi en lui. Le Ju- daïsme la comprend comme la future connaissance et l'adoration du Dieu unique et incorporel, créateur du monde, par toutes les na- tions de la terre, ainsi que la rédemption de l'humanité de toute erreur, de toute injustice et de tout combat pour l'intelligence de Dieu, pour le droit et pour la paix. »

On avouera que penser ainsi, c'est pénétrer bien profondément dans l'essence même des deux religions, proches parentes et pour- tant si opposées ; et que c'est placer très haut l'idée maîtresse du Judaïsme, idée non pas individuelle, comme celle du Christianisme, mais générale, universelle. Nous trouvons les vues de Philippson sur la foi Israélite systématiquement esquissées, d'une manière in- ductive et par une méthode qui combinait l'histoire et la philoso- phie, dans un de ses ouvrages les plus importants, la Doctrine israélife (en trois volumes).

Développer cette doctrine Israélite sous toutes ses faces, montrer qu'elle est capable de se concilier avec les aspirations les plus nobles et les plus idéales, qu'elle a une réponse aux questions, non seule- ment religieuses, mais encore politiques et sociales, voilà le thème auquel il se revenait sans cesse. 11 était convaincu qu'aucune autre religion n'était plus pratiquement miséricordieuse et aimante, nulle plus démocratique dans le meilleur sens du mot. Il proclama et développa cette vérité dans des conférences et dans des livres, surtout dans l'ouvrage intitulé Le développement de Vidée religieuse dans le Judaïsme^ le Christianisme et V Islamisme, traduit dans toutes les langues civilisées et notamment en français par l'excellent Lévy- Bing. Les traducteurs avaient compris qu'il fallait enseigner aux Juifs, et avant tout aux Juives, ce qu'ils ignoraient pour la plupart :

XXX ACTES ET CONFÉRENCES

pourquoi ils existaient encore. Le caractère social et politique du Judaïsme fut exposé devant un public chrétien dans les confé- rences sur la religion sociale, oii, il y a soixante ans, Philippson préconisait l'instruction gratuite à tous les degrés, ainsi que l'éman- cipation sociale des classés ouvrières. Les larges idées politiques du penseur Israélite furent développées d'une manière plus approfondie, un quart de siècle plus tard, dans un livre d'âge mûr, Les grandes questions universelles, dont l'originalité et la noblesse des tendances, la perspicacité unie au sens pratique, la finesse du style, n'ont pas été suffisamment appréciées d'un public qui avait commencé alors, dans un temps d'incrédulité générale, c'était en 1869, à se détourner avec méfiance de tout ce qui semblait porter un cachet religieux.

Parmi les œuvres du Judaïsme, il existe un livre qui est le prin- cipe de toute sa doctrine, la racine dont est sorti et dont sort encore cet arbre âgé de quatre mille ans, la Bible, œuvre unique dans le monde, ayant enseigné et enseignant encore à l'humanité entière les vertus les plus austères et les conceptions les plus élevées. Phi- lippson résolut de rendre aux classes instruites parmi les Israélites la connaissance, malheureusement presque perdue, de la création la plus grandiose de leur race et de ressusciter ainsi l'esprit reli- gieux parmi elles. Jeune homme de vingt-quatre ans, il eut le courage de se mettre à une œuvre entièrement nouvelle pour le Ju- daïsme : une traduction allemande de la Bible, fondée sur les re- cherches tant anciennes que modernes, accompagnée d'un commen- taire allemand complet et détaillé, ornée d'illusirations, le tout bien imprimé, bien présenté, ayant une apparence esthétique. Ce travail immense, d'autant plus étonnant que, en même temps, L. Philipp- son vaquait à d'innombrables autres occupations, lui prit dix-huit ans ; il ne fut terminé qu'en 1854. Le but de Philippson était de pénétrer dans le sens intime du texte sacré, de faire valoir partout le caractère unique et identique de l'Écriture, d'expliquer la Bible par la Bible même. Sans rejeter par principe la critique moderne et en acceptant quelques-uns de ses résultats les plus assurés, il resta pourtant fort sceptique envers elle et très conservateur quant à son jugement sur les livres de la Bible, dans leur ensemble et dans

LOUIS PHILIPPSON XXXI

leurs détails. C'était une conséquence de son anaour enthousiaste et respectueux pour les vieux documents de notre foi. Peut-être a-t-il poussé cet anaour un peu trop loin et n'a-t-il pas été suffi- samment accessible aux enseignements de la critique ; il n'est pas moins vrai, cependant, que, en cette matière, le trop de respect vaut mieux que le trop peu, et que les hypothèses singulièrement hardies de la critique moderne ont été bien ébranlées, dans ces tout derniers temps, par la connaissance des monuments assyriens, ba- byloniens et égyptiens, qui, en grande partie, confirment d'une ma- nière étonnante le contenu et, par cela même, l'authenticité des diftérents livres qui composent l'Ancien Testament.

La traduction de Philippson, dont le mérite fut attesté par plu- sieurs éditions consécutives, malgré son prix très élevé, utilisée aussi pour l'édition allemande de la célèbre Bible illustrée de Gus- tave Doré, servit enfin à une publication de la Bible à bon marché. Par les -soins de Philippson et de quelques amis, elle fut répandue en des milliers et des milliers d'exemplaires et chassa, de chez les familles Israélites, les traductions falsifiées des missionnaires chré- tiens.

Vous voyez, Mesdames et Messieurs, que Louis Philippson ne fut pas seulement un théologien et un penseur, qu'il fut aussi un homme pratique, toujours prêt à faire fructifier, à l'usage de la vie réelle, les résultats de ses réflexions et de ses études. Fidèle à son programme de régénération historique et successive, dès son entrée dans la carrière, il créa deux grandes œuvres : le premier Israélite en Prusse, il institua une prédication régulière, et le pre- mier dans toute l'Allemagne du Nord, il fonda une école de reli- gion Israélite. Le jeune réformateur ne comptait toujours que vingt- deux ans !

Avec Salomon, Kiev et Mannheimer, il resta au premier rang des orateurs sacrés de l'ancienne génération. Elévation des idées, amour enthousiaste de sa religion, clarté de l'ordonnance, connais- sance profonde du cœur humain, un style facile et pourtant sou- tenu ec sévère, avec tout cela une voix chaude et vibrante assu- raient à son éloquence un effet profond et durable. D'autant plus qu'il faisait valoir partout, sous des formes constamment variées,

XXXII ACTES ET CONFÉRENCES

la pensée dont la diffusion lui paraissait la véritable tâche du pré- dicateur israélite : la grande mission universelle du Judaïsme, qui doit être l'expression la plus sublime des aspirations religieuses de l'humanité. La révélation divine, l'histoire du peuple juif, les pa- roles de l'Écriture et les sentences de nos docteurs, la défense de notre religion contre le doute et lindifférence à l'intérieur et contre les attaques du deliors, voilà les points qui, d'après lui, doivent former les sujets de la prédication israélite. Ne pas imiter l'élo- quence de la chaire chrétienne, ne pas réduire le sermon â une simple dissertation morale ou philosophique, mais toujours faire ressortir le caractère israélite particulier des idées qu'on développe, toujours donner à ses paroles la couleur israélite : tels étaient les principes dont il s'inspirait comme prédicateur. Vous voyez, Mes- dames et Messieurs, que encore il agissait d'après des maximes bien méditées et originales, selon sa nature forte et courageuse, et par son amour sincère de ce Judaïsme qui, pour lui, était l'idéal de l'évolution humaine.

Il a publié beaucoup de ses sermons, tant isolés que réunis en volumes, et il est devenu ainsi le maître et l'aide de bon nombre de jeunes rabbins et d'instituteurs zélés. Et comme, chez lui, l'ins- piration était toujours doublée de réflexion, il composa un ouvrage sur la théorie de l'homilétique juive, qu'un de ses gendres, M. Kay- serling, a publié après la mort de l'auteur.

Non moins importante que la prédication fut la création de l'ins- truction religieuse dans une école bien réglée et d'après les préceptes de la pédagogie. Elle trouva des imitateurs dans des centaines de communautés Israélites qui ne savent plus aujourd'hui qu'elles ne font que suivre l'exemple donné par Philippson. Se terminant par un enseignement supérieur en vue de la confirmation religieuse, cette instruction méthodique s'inspirait de la pensée dominatrice de Phi- lippson : il ne parlait pas seulement à la raison, il s'adressait aussi au sentiment des enfants, des jeunes gens et des jeunes filles, il cherchait à éveiller dans leurs âmes l'enthousiasme pour la religion paternelle, et il remplissait leur mémoire d'un nombre de sentences importantes et de versets bibli(iues propres à leur prêter l'appui de la religion et de la morale dans toutes les situations de la vie.

LOUIS PHILIPPSON X.NXIll

Quelques livres de classe qu'il élabora étaient destinés à servir de base âf l'instruction ainsi comprise.

Comme couronnement de l'édifice, Philippson, dès l'an 1835, pro- jeta la création d'une Faculté de théologie Israélite. Il comprenait parfaitement que c'est le haut enseignement qui, de la manière la plus efficace, encourage et inspire l'instruction à tous les degrés. Il essaya à plusieurs reprises de réaliser cette idée importante ; mais ce ne fut que trente-sept ans plus tard qu'il eut la satisfaction d'assister à l'ouverture d'une institution de ce genre, à Berlin. Il était tout naturel qu'on lui attribuât l'honneur de faire le discours d'ouverture.

Les éminentes qualités pralùjnes de Philippson ont fait de lui le créateur du journalisme Israélite ; il en fut le père, plus qu'Héro- dote n'avait été celui de l'historiographie. Quelques périodiques plus anciens ne traitaient que de parties limitées du Judaïsme ou ne pa- raissaient même qu'à des intervalles indéterminés. Ce fut Phi- lippson qui, en 1837, fonda le premier journal hebdomadaire Israé- lite régulier et embrassant la vie juive tout entière : événement d'une importance vraiment capitale pour le Judaïsme. Après le succès et à l'exemple de V AUgeniPine Zeiiung des Judenthums, de nombreux périodiques ont été fondés dans tous les pays de l'Eu- rope comme dans les autres parties du globe. L'arbre planté par Philippson, il y a soixante-quatre ans, s'est fortement développé et est devenu une des colonnes les plus solides qui soutiennent l'édi- fice du Judaïsme. Mais la Zeiiung de Philippson resta toujours la branche la plus vigoureuse et la plus florissante de cet arbre Elle devint le centre de tout ce qui concernait les Israélites et le Ju- daïsme, sur les terrains de la religion et de la morale, de la poli- tique et de la sociologie, de la littérature et de la science.

Rédigée avec une impartialité parfaite, avec un tact sûr et discret, avec un esprit ouvert à toutes les grandes créations de l'âme humaine, avec des connaissances universelles, toujours au pramier rang, pleine de courage dans la défense mais aussi dans la criiique des Israélites, écrite dans un langage littéraire et élevé, avec une habileté de publiciste de premier ordre, la Zei- tung des Judenihums acquit rapidement et conserva d'innom-

ACT. ET CO>-F. G

XXXIV ACTES ET CONFERENCES

brables lecteurs et de zélés collaborateurs dans le monde entier. Pendant longtemps c'était elle, et elle seule, qui faisait pénétrer le souffle de l'époque moderne dans les communautés Israélites des petites localités de l'Allemagne, delà Pologne prussienne, autri- chienne et russe. Des milliers et des milliers d'Israélites ont acquis par elle l'idée de la culture contemporaine, en même temps que la connaissance du véritable caractère du Judaïsme. Combien de fois des hommes et des femmes. à cheveux gris m'ont raconté ce qu'ils devaient à cette Zeitung, la voix encore attendrie par le souvenir de leur jeunesse ! « La Zeitung a ravivé la conscience et la solida- rité israélites », a dit Adolphe Jellinek ; « Elle réveilla, dit Szanto, d'un profond sommeil la conscience de notre propre dignité, apprit aux Israélites à se reconnaître, prêcha l'esprit religieux sans cafar- derie. » Elle jouissait également d'une grande autorité dans le monde chrétien, et, appréciée par les hommes politiques et les ad- ministrateurs publics, elle a rendu des services énormes à la cause de l'émancipation des Israélites, surtout en Allemagne. Pendant cinquante-trois ans, Philippson a rédigé son journal, et les der- nières lignes qui sortirent de sa plume furent un article pour l'ou- verture de la nouvelle année de V Allgemeine Zeitung. Elle existe encore aujourd'hui, toujours dirigée dans son esprit, et portant fiè- rement à sa tête son nom vénérable.

Nous avons eu, dans le judaïsme moderne, des savants plus spé- cialistes et des penseurs plus philosophes que Louis Philippson, nous n'avons pas eu d'hommes aussi universels et aussi populaires. Ce ne fut pas seulement par son journal qu'il exerça sur les masses israélites l'influence et l'impulsion les plus heureuses et les plus stimulantes : ce fut encore par ses créations poétiques. C'était une nature profondément artistique, douée de fortes aspirations pour tout ce qui est noble et beau, d'une vive imagination, d'une facilité innée de comprendre et d'exprimer l'individualité psychologique : le tout éclairé et guidé par des connaissances universelles et par l'amour de la religion et de l'histoire d'Israël. Il fut novateur aussi sur le terrain de la nouvelle et du roman. Tandis que sous l'influence des Contes villageois de Bertold Auerbach, les autres nouvellistes et romanciers juifs se mettaient à peindre la vie du

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ghetto, très touchante mais peu faite pour encourager les âmes Israé- lites, Philippson tendait à poétiser les grandes époques et les hauts faits d'Israël, à entourer de l'éclat de la poésie le passé du Ju- daïsme. Dans ce domaine aussi, il ainaait à le mettre au centre des grands mouvements de l'humanité, à démontrer que la religion d'Israël n'était point celle d'une race, d'un peuple, mais bien la belle et grande religion universelle. Il voulait faire revivre le passé du Judaïsme , « non pas dans la monotonie de l'éternelle mélan- colie, dans les plaintes et les misères, mais dans la lumière glo- rieuse de l'héroïsme » ; il voulait montrer le fond de haute moralité, de religiosité et de noblesse qu'Israël a conservé au milieu des malheurs, des humiliations et des souffrances. C'est à cela que vi- saient ses nombreuses nouvelles, ses drames, ses romans histo- riques. Et à côté de ces grandes créations, une foule de petits contes, les contes populaires^ puisés aux sources mêmes de la vie de nos coreligionnaires qu'il envisageait avec une profonde sym- pathie, et présentés dans un langage simple, attrayant et plein de bonhomie.

Le temps qui m'est accordé ici ne me permet pas de dire en détail les nombreuses créations poétiques de L. Philippson ; il y en a qui, comme la tragédie Esferka, représentée en allemand à Berlin et en traduction polonaise à Varsovie, et surtout comme le roman Jacoi Tirado , appartiennent aux bonnes productions de la littérature allemande du xix^ siècle. Mais ce que nous voudrions constater, avant tout, c'est l'immense effet que ces écrits ont produit sur la masse Israélite, dans les pays de l'Est encore plus qu'en Alle- magne même. Toutes ces populations opprimées, maltraitées, souf- frantes se sentaient relevées, encouragées, remplies d'une nouvelle espérance par les souvenirs glorieux et resplendissants qu'évoquait l'imagination poétique et enthousiaste de Philippson. Traduits en beaucoup de langues, mais principalement en russe, en polonais et en hébreu, les chefs-d'œuvre de sa muse vivent encore aujourd'hui au milieu des Israélites. Ils ont plus fait, à eux seuls, pour la con- servation et pour la renaissance du Judaïsme dans des milliers de cœurs et d'esprits que tous les traités savants et toutes les dis- sertations philosophiques des érudits, et même que les contes et

XXXVl ACTES ET CONFÉRENCES

les romans, si excellents d'ailleurs au point de vue littéraire, des Kompert, des Bernstein et des Franzos.

Philippson a toujours compris l'immensité des services que la lit- térature, tant poétique que savante, pouvait et devait rendre à la cause du Judaïsme. Dès 1843, il forma le projet de fonder une Institution ^jour favoriser la littérature Israélite ; il ne put le réaliser qu'en 1854, avec toute l'habileté d'organisateur qui lui était propre. Pour la somme modique de deux thalers (7 fr. 50), l'abonné re- cevait des ouvrages, quelques-uns dune grande valeur, nul mauvais, comprenant plus de cent feuilles d'impression. Le nombre des abonnés s'éleva à près de 4,000 ; YJnstitutioji se main- tint durant dix- huit ans. Tous ceux qui connaissent et l'indifférence de nos coreligionnaires pour les œuvres littéraires spécialement Israélites, et la vanité et l'égo'isme des auteurs, en général, seront étonnés d'un tel résultat. 11 ne s'explique que par le courage, l'ha- bileté, la persévérance et la popularité du fondateur. On a essayé de l'imiter, on n'y a pas réussi. \J Institution a eu pour effet de ré- pandre, parmi les Israélites, quantité de bons ouvrages et une foule de connaissances, et de permettre la publication de leurs travaux à bon nombre de savants et d'écrivains juifs. Le marasme dans lequel la littérature Israélite se trouve aujourd'hui en Alle- magne provient, en très grande partie, de l'absence d'une aide et d'un encouragement tels que V Institutio?i de Philippson les lui avait procurés, il y a quarante ans.

Rien ne fait plus défaut au Juda'isme allemand que l'unité. Je ne parle pas de la division, toute naturelle et même nécessaire et salu- taire, en orthodoxes libéraux et réformateurs radicaux, mais de la division légale. A l'exception de quelques Etats du Sud, les gouver- nements allemands, dans l'intention de dissoudre et de détruire lentement le Judaïsme, l'ont légalement scindé en plusieurs milliers de communautés, quelques-unes trop grandes, l'immense majorité beaucoup trop petites, sans aucune connexion, sans le moindre lien. Philippson comprit fort bien les conséquences néfastes de cet isolement, et il essaya de remédier à ce mal par une union volon- taire, des assemblées de rabbins et, plus tard, des synodes. Tout cela finit par échouer devant l'esprit de patti, et, disons-le nettement,

LOUIS PlilLIPPSOiN XXXVIl

par l'égoïsme, la A'aaité et les intrigues de plusieurs personnages influents. Mais Philippson eut la satisfaction d'assister et de col- laborer, dans sa vieillesse, à la fondation du Deutsch israeUtischer Gemeindehund (alliance des communautés Israélites d'Allemagne), destiné à combler les lacunes que la loi a intentionnellement laissé subsister dans l'organisation israélite.

On a pris l'habitude, en Allemagne, de personnifier la lutte pour les droits politiques des Israélites dans le nom de Gabriel Riesser. Sans vouloir en rien méconnaître les mérites de cet homme aussi distingué par son caractère et par son dévouement envers le Ju- daïsme que par ses talents politiques et littéraires, je ne man- querai pourtant pas d'insister ici sur les services inappréciables que Philippson, pendant sa longue carrière, a rendus à la cause de l'émancipation israélite, dans le monde entier et surtout en Prusse. C'est lui qui, en unissant des centaines de communautés dans un puissant mouvement de protestation indignée, empêcha, en 1842, le romantique roi Frédéric-Guillaume IV d'exclure les Juifs du service militaire, honte qui les aurait chassés du rang de citoyens et séparés de la patrie, en les rejetant parmi les étrangers. C'est encore lui qui, en 1856, entraîna plus de trois cents communautés prussiennes à pétitionner, auprès de la Chambre des députés, contre la proposition Wagener d'abolir l'article 12 de la Cons- titution qui, théoriquement au moins, garantissait l'égalité des confessions religieuses devant l'Etat. Cette tempête de pétitions, ainsi que les articles éloquents et pleins de bon sens que Philippson publiait dans les journaux les plus considérés, empêchèrent une assemblée, pourtant hautement réactionnaire, de tuer l'émanci- pation légale. Après la guerre de 1866, il réunit de nouveau trois cents communautés prussiennes pour demander, d'abord au minis- tère, puis au Reichstag de la Confédération de l'Allemagne du Nord, d'abolir toutes les restrictions qui fermaient encore aux Israélites l'accès des fonctions publiques. Le résultat de ces efforts fut la loi fédérale du 3 juillet 1869, qui constitua de la manière la plus formelle l'égalité politique complète de toutes les confessions reli- gieuses. Pendant dix ans, en effet, les Israélites arrivèrent à la plupart des fonctions administratives, juridiques et enseignantes.

XXXV m ACTES ET COKFÉIŒNGES

sinon militaires, jusqu'à ce que malheureusement le mouvement an- tisémite produisit en Allemagne, et surtout en Prusse, un courant opposé. Avons- nous besoin de dire que, affaibli physiquement par la vieillesse, Philippson prit part pourtant, avec toute la force de son courage indomptable et toute la vigueur de son esprit resté jeune et vivace, au combat contre l'antisémitisme? Il est vrai que son optimisme, sa confiance dans la bonté de la nature humaine l'em- pêchaient de prévoir tout le danger et toutes les conséquences désastreuses de cette honteuse réaction. L'âge n'avait rendu Phi- lippson plus faible, plus étroit, ni dans son intelligence ni dans son caractère. Au contraire, en domptant l'irritabilité, la facilité d'émo- tion qui avait été le contrepoids naturel de sa générosité innée, il était parvenu à la douceur inaltérable, à la bonté spontanée et absolue et à la sérénité claire et constante du vrai sage. Personne parmi tous ceux qui ont eu l'occasion de l'approcher à cette époque de sa vie n'a pu se soustraire au charme de cette vieillesse sereine et heureuse.

[ Sa sympathie et son activité ne se bornaient pas à l'Allemagne, comme c'était le cas pour Riesser. On le trouvait partout sur la brèche, quand il s'agissait, soit de défendre ses coreligionnaires contre des attaques injustes soit de leur faire faire des progrès in- tellectuels ou politiques. Il travailla à l'organisation des Israélites de Hongrie. Il entra avec zèle dans les projets d'Ouvarow, mi- nistre russe de l'instruction publique, tendant à régénérer les mil- lions de Juifs qui habitent ce vaste empire, projets qui, malheu- reusement, ont échoué devant les tendances de plus en plus rétro- grades du tsar Nicolas I". Lors de l'avènement du noble et libéral Alexandre II, Philippson publia dans les journaux les plus consi- dérables de l'Europe un mémoire très étendu, bourré de faits, fort habile, sur la situation des Juifs en Russie, travail qui eut une influence heureuse sur le jeune monarque. Lorsque, plus tard, la réaction s'empara d'Alexandre, Philippson prépara un vaste mouve- ment d'émigration des Israélites russes, qui n'avorta que par le ha- sard de la guerre franco-allemande. D'autre part, il négocia avec le gouvernement et les certes espagnols le retour des Israélites dans la presqu'île ibérienne, ils avaient joué, jadis, un rôle des plus

LOUIS PHILIPPSOiN XXXIX

glorieux. Il réunit quatre-vingt six rabbins d'Allemagne dans une protestation adressée au pape Pie IX contre le baptême violent du jeune Mortara. Avec Montefiore et Créraieux, il lutta contre l'in- fâme accusation de meurtre rituel élevée, en 1840, contre les Juifs de Damas. Il assista les Rothschild de Paris dans leur entreprise de fonder à Jérusalem un hôpital israélite. Il fut le premier à émettre l'idée de civiliser les Juifs d'Orient par un vaste réseau d'écoles, idée réalisée plus tard par l'Alliance israélite universelle, et il entreprit de nombreux voyages pour faire réussir ce projet salu- taire. Bref, son courage, son énergie, son activité infatigable ne se trouvaient jamais en défaut, quand il s'agissait de servir ses coreli- gionnaires, à quelque bout du monde que ce fût.

Je passe sous silence la part qu'il prit aux mouvements politiques de la Prusse et de l'Allemagne, toujours dans le sens d'un libéralisme fernae mais modéré et éclairé par Texpérience historique , ainsi que les services qu'il rendit à la ville de Magdebourg, au conseil muni- cipal de laquelle il fut envoyé pendant de longues années par la confiance de ses concitoyens. Ce sont des occupations qui ne nous intéressent pas ici, et que je cite seulement afin de donner une idée de son activité prodigieuse, doublement admirable, vu son phy- sique faible, miné par de graves maladies. Partisan convaincu de toutes les tendances libérales et humanitaires, il travaillait sur- tout en faveur des pauvres, des petits, des humbles, et longtemps avant le socialisme d'État, il préconisa et réalisa, dans la Saxe prussienne, la création de caisses de secours pour les ouvriers et les artisans.

C'est ainsi qu'il rattachait constamment le Judaïsme aux grands efforts de la civilisation moderne, et qu'il cherchait à unir celle-ci à l'essence même de notre religion. Cette universalité delà pensée, cet alliage perpétuel et voulu du Judaïsme avec tout ce qui fait la gran- deur et le progrès de notre époque est une qualité caractéristique et unique dans la manière de penser et d'agir de L. Philippson. Pour lui, la foi israélite étant destinée à être la religion de l'humanité, il était d'avis que rien d'humain ne devait rester étranger à cette croyance. Cette particularité explique aussi la profonde influence qu'il a exer- cée sur le Judaïsme, et qui a changé toute la direction de nos aspi-

XL ACTES ET CONFÉRENCES

rations. Ses efforts étaient tellement conformes à la situation qu'ils se réalisèrent imperceptiblement ; une fois acceptées par nos core- lijjionnaires, ses idées semblaient toutes naturelles, toutes néces- saires, et cela explique, en grande partie, le fait qu'aujourd'hui déjà on n'estime plus toujours à sa juste valeur la grandeur des pro- grès qu'il leur a fait faire, non seulement en Allemagne, mais, j'ose le dire partout. C'est précisément en France que Ton a toujours reconnu l'importance de son action, la noblesse de son caractère et la grandeur de ses idées : en dehors de nos coreligionnaires, des penseurs non-israélites tels que Jules Simon, Emile Burnouf et Edouard Laboulaye lui ont pleinement rendu justice. C'est pour- quoi j'ai osé esquibser ici, avec plus de confiance, devant un au- ditoire français, l'œuvre de Louis Philippson.

Finissons parles paroles, que l'on pourrait caractériser de pro- phétiques, — qui terminent une de ses revues annuelles, en 1842 : « L'humanité marche avec lenteur. Elle n'essaie pas de conquérir en toute hâte ce qui est destiné à devenir pour elle une acquisition du- rable, et ce qui ne peut mûrir que par l'effet constant du soleil de l'hu- manisme. L'individu désire souvent avec impatience et même avec anxiété voir le progrès se réaliser de son vivant; mais l'évolution historique ne change rien à sa marche millénaire pour complaire à l'individu. La terre est et sera un théâtre de luttes continuelles, le succès ne s'acquiert que par des efforts nobles et persévérants et par un travail qui ne s'atfaiblit jamais. Ceci, nous autres Israélites, nous devrions toujours y penser, toujours agir d'après cette grande vérité, afin que nos bras ne se lassent jamais, et que nous ne per- dions point la confiance dans l'avenir. Remercions la Providence de ce que nos destinées ne sont pas placées sur les pointes des glaives et dans les bouches des canons, mais exclusivement dans le progrès de l'esprit civilisateur. Soyons fiers de ce que le patrio- tisme et le développement humanitaire, la fidélité et la noblesse d'ùrae sont les seuls moyens qui puissent nous conduire au but. »

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