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REVUE

DES

ÉTUDES JUIVES

VERSAILLES IMPRIMERIES CERF, 59, RUE DUPLESSIS

^^

REVUE

DES

ÉTUDES JUIVES

PUBLICATION TRIMESTRIELLE DE LA SOCIÉTÉ DES ÉTUDES JUIVES

TOME QUARANTE-TROISIÈME

PARIS

A LA LIBRAIRIE A. DURLACHER

83*''% BUE LAFAYETTK Zu'b ^

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1901 -r^_ .^ ^

101

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MÉLANGES JUDÉO-ARABES'

I

'Abd al-Sayyid al-Isra'ii,i.

•Abd al-Sayyid al-Isrà'ili était un contemporain, plus jeune, de Sa'id b. Hasan d'Alexandrie, dont la conversion à Hslaraisme et la lutte contre son ancienne croyance a fait l'objet d'une étude dans cette Revue-. Il était médecin au Caire. Sur sa personne et l'histoire de sa conversion à l'Islamisnae nous avons le récit, écrit environ un siècle après Tévénement, du théologien et historien Ahmed ibn Hadjar al-Askalàni ^ISll-U-lS), dans son Histoire des hommes éminenis du VIII^ siècle de Chégire^.

C£^U ^li. *'>^jt.M j^!U.» JUi}\ J^J03 ^tsAvU J'vxj ^i s\ù^ p J\i\ '^ itxJlj ^LS| I^^^Sli Uat: !_^li JsXji>M ;li Jl SiliJ^i. _^iî> ^^s- \ i a-L« A-j^Ul ^^ ^_,j-^*^ (j-o -x^^ »»X.4 J«^ ^-«^^^ i-lW!^ sLaiJ) liûyisra. ^.fvJac

» Les caractères arabes employés dans cet article viennent de rimprimerienalioaale.

- Bévue, XXX, p. i et suiv.

' Ms. de la bibliothèque impériale à Vienne, Mist., V 240 II, fol. 167^.

'* Ms. jjwv-j.

-> Ms. sans le waw de coDJonclion.

T. XLIII, 85. 1

2 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

« 'Abd al-Sa7jyid h. Ishâk b. Yahyâ. l'Israélite, le médecin distitiffué (appelé) Bahâ al-dîn b. al-Uoichaddib.

» Il fui day^'ân des Juifs et aima les Musulmans et avait l'habitude d'assister aux conférences sur les traditions; il assista, entre autres, à celles d'Al-Mizzî '. Puis Allah le dirigea sur le chemin véritable et il embrassa llslamisme. Il étudia lo Goraa et fréquenta la so- ciété des ulémas ; il fut très habile dans l'art médical et dans l'ophtalmologie. Ibn Kathîr- dit : « Sa conversion eut lieu un mardi dans le mois Du-1-higga de l'année 701 (= juillet 1302). Il parut avec ses enfants dans le palais de justice ^ cl tous ils embrassèrent l'Islam. Là-dessus ils reçurent de grands honneurs, s'étant sponta- nément convertis en vue de la consolidation de l'Islam. Le soir de ce jour il organisa chez lui une Halmah ' et un grand banquel. auquel les càdis et les ulémas prirent pari. A soa instigation, un grand nombre de ses proches passèrent à la religion de Mahomet. Lors de la lèle du sacrifice ils sortirent tous (sur le lieu de prière à ciel ouvert), poussant avec les Musulmans l'exclamation des AUâhou aTibar usitée en celle fête. Les gens en furent très heureux et leur rendirent beaucoup d'honneurs. Il mourut au mois Djouraâda 11 de l'année 715 (^ septembre 1315). »

. * * *

Bans les récits des conversions des Juifs et des Chrétiens à l'Is- lam, l'une des circonstances les plus fréquentes, c'est la présence à l'enterrement de quelque mahométan particulièrement pieux. Tout à fait fabuleux est le nombre des individus qu'on dit s'être convertis lors de l'inhumation de l'Imâra Ahmed ibn Hanbal ". On attribue le même effet à l'enterrement d'autres personnages im- portants. La cause de ce changement de sentiments est la vue de la multitude des assistants et l'expression de leur douleur.

Voici ce que nous rapporte un témoin oculaire sur l'enterre- ment du grand savant hanbilite Mouhammed b. Ahmed al-Schi- râzî, nommé Aboù Manroùr al-IIayyât Bag.lad 499,1105] '^ :

' 11 s'agit du célèbre docteur Yùsuf b. al-Zakî abu-l-Haddjâdj al-Mizzî (né en G;j4/1256, mort en 742/1341).

- Historien (701/1301-774/1373 ; voir Brockelmaun, Cfsc/(. «/«*• aval. LitUrat-'r, II. p. 49. Ibn Kalbir lui aussi le discip'.e de Mizzî ; il eut donc i'acilemeul l'occasion d obtenir dans ce cercle des renseignements sur le converti Bdbâ al-din.

^ Ddr al-'adl; tel élait le nom du siège du mulii au Caire à celte époque; voir Quatremère, 3ist. des Sultans Mamlouks de l'Ef/ypie, I. ii, p. 213. Cf. Mufti dâr a/-'3(f/, Khalil al-Dàbiri, éd. Ravaisse (Paris, 1S94), p. llij, 14.

* Récitation du Coran du coiumencement à la lin;

^ Pallon, Ahmed b. Hanbal and the Mihna (Leyde, 1897), p. 172.

* Dans Ibn Rédjeb, Tabahât al-Hanûbila (ms. de la bibliothèque de l'université de Leipzig, D. C. n* 375, loi. 22 o,.

MELANGES Jl'DEO-AllABES 3

^_j « (J.} (j-^ f^l-Jt c3J^ V— «-WJ,-) ^^ ^_jAa>-« j! J^^î ^>i*^^ *3^*"^ c:jy^ï*"

« J'assistai à l'inhumation de l'excellenl Cheich Aboû Mançoùr b. Yoùsouf et d'Aboù Teraâm b. Abi Moùsâ; or, jamais on ne vit tel concours de monde qu'aux obsèques d'Aboû Mançour [al-IIayyât]. (En cette circonstance) un Juif vint à notre rencontre. Lorsqu'il vit ce concours et cette multitude de peuple, il s'écria : « J'atteste que cette religion est la vérité et il passa à l'Islam aussitôt. »

II Al-Harizi.

Le nom de Ilarîzi est-il le véritable nom de famille du traduc- teur et imitateur juif de Harîrî, le poète arabe des Makames, ou ce nom n'est-il qu'une épithète littéraire ? Cette question a souvent fait l'objet de dissertations. M. Moïse Schwab vient de rassembler tous les matériaux relatifs à ce sujet '.

Ce qui contribuera à éclaircir la question, c'est que al-Harîzi est un nom de famille qui se rencontre fréquemment dans l'Orient musulman*. Celui qui écrit ces lignes connut en 1896 à Edfu (Haute-Egypte) un jeune docteur du Coran du nom de Hàmid Mouhamed 'Abdallah al-Harîzî, mouderris à la mosquée de l'en- droit. C'est lui qui lui fournit quelques informations sur les anti- quités mahométanes delà ville célèbre pour son temple de Horus^. Le nom de Harizi se retrouve aussi en Espagne. Comme exemple, je citerai un célèbre styliste Aboû Merwân 'Abd al-Malik b. Idris, qui était connu sous le nom de Ibn al-IIarîzi *.

Ce nom de famille fait supposer que, dans la suite des généra- tions qui le portaient, il y eut un individu appelé Harîz, auquel les descendants rattachaient leur nisba. Assurément ce nom n'est pas un de ces noms arabes que nous trouvons dans l'onomastique

' Journal asiatique, 1901, I, p. 163.

' Cf. Tâdj aU'aroûs, s. p., IV, p. 25.

» Voir mon article dans le Globus, LXXI (1897), p. 238.

* Al-Dabhi (Bibl. hisp. arab.\ éd. Codera, p. 149.

4 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

des Juifs orientaux. Néanmois il n'est pas improbable que quelque ancêtre de l'auteur de Tahkemôni se le vit attribuer et qu'il de- vint ensuite la nisba de ses descendants. Nous estimons donc que le nom de \p-in-VuS doit être comparé à celui de ^.ijÂ, qui est originaire d'Espagne.

m

COMTHOVERSE HALACHIQUE ENTRE MaHOMÉTANS

ET Juifs. m-'n-i pnjî.

Au cours des rapports halacliiques entre Mahomélans et Juifs il y a eu, de très bonne heure, des occasions et des sujets de polé- mique. Déjà dans la vieille littérature des traditions, on reproche à plusieurs reprises aux docteurs juifs de permettre de vendre les parties grasses de l'animal qu'il leur est défendu an manger, tandis que certains objets fpar exemple le vin), que la loi maho- métane interdit, sont en même temps asour he-lianud^ et ne sauraient être vendus. « Dieu fasse périr les Juifs ainsi parle le prophète ! Ils rendent liquides et vendent des parties grasses qu'il leur est défendu (de consommer) -. »

Les Juifs se défendaient d'une pareille attitude ; c'est ce qui res- sort d'une controverse sur cet objet entre théologiens juifs et théo- logiens musulmans, controverse examinée par le câdi andalou 'lyâd (mort en 1149) ^. « Quelques Juifs et hérétiques ont objecté contre nous ce qui suit : Si vous posez le principe que toute jouissance de choses interdites est défendue, comment justifiez- vous qu'un fils qui a hérité de son père une esclave avec laquelle celui-ci a eu commerce, puisse vendre une pareille esclave et bé- néficier du prix de vente, attendu que cette esclave est pour lui harâm * ? »

Le subtil câdi n'a pas eu de peine à réfuter cette objection comme étant un sophisme [tamicih); mais les arguments qu'il a pu faire valoir n'intéressent pas le lecteur.

* Cf. sur des questions semblables entre Caraïles et Rabbanites, Kouzarî, III, ch. XLix (éd. Ilirschfeld, p. 198-199 en haut).

^ Bouchârî, Kitâh al-bouyoù\ n' 103 : p^-^— 'I a_^-^Jw£ ci^^^.2». -^j-^r^'' '*^' >>^'"*

* Ce célèbre théologien mahométan, contemporain du père de Maimonide, remplit les fouctions de câdi dans sa ville natale de Cordoue, puis à Grenade et au Maroc; voir Brockelmann, Gesch. d. arab. Litteratur, 1, p. 369.

* Dans Nawawî Commentaire sur Jlouslim, IV, p. 50.

MKLANGES JUDÉO-ARABES 5

On voit que le pilpoul occupe une belle place dans la littérature religieuse de l'Islam et que Juifs et Musulmans dans leurs rapports l'exerçaient à l'envi.

Nous avons montré autrefois que la loi islamique a fait plus d'un emprunt à la halacha rabbinique '. Nous en citerons un nou- vel exemple à propos de ï-i-'a'i pa.s '< la poussière de l'usure «. C'est une expression qui, parla voie juive, s'est introduite dans les documents juridiques de l'Islam.

Dans les sounan eschatologiques d'Âboù Dàwoùd nous trou- vons la parole suivante du Prophète : « Il viendra un temps il n'y aura personne qui ne se nourrisse de gains usuraires ; et s'il ne s'en nourrit pas précisément, quelque chose de sa fumée [doiicluoi] l'atteindra toujours. » Là-dessus il existe la variante suivante : « quelque chose de sa poussière [min ghoithârihï) l'at- teindra* ». C'est avec cette variante, qui représente le texte véri- ritable, que la parole est reproduite dans les citations posté- rieures. Aboù Tàlib al-Mekki (mort en 996 de l'ère chrét.), auteur d'un ouvrage mystico-éthique, «Aliment des cœurs'' », explique l'expression a poussière d'usure » dans le sens suivant : « L'usure pénètre chez lui subrepticement, sans qu'il la pratique d'une fa- çon positive et voulue, tout comme la poussière s'insinue dans les narines du passant. L'usure sera si généralement répandue, que personne ne pourra se préserver de son effet ^. » On voit comme les commentateurs s'ingénient à interpréter la métaphore incomprise, depuis qu'on avait oublié sa véritable origine. Il n'y a aucun doute que l'arabe ghoubâr al-rihâ ne soit une traduc- tion du rabbinique rr^an p3i<, en opposition avec 'ayn al-ribâ % c'est-à-dire usure réelle, non équivoque. Les Mahométans avaient, dans des temps plus anciens, connu le vrai sens de l'expression, témoin al-Nasâ'î, qui a recueilli l'expression (mais seulement avec la leçon ghoiibâr) dans son livre et y a laissé une place dans son cha{)itre sur « le moyen et le devoir d'éviter les pratiques com- merciales douteuses'' ». Cela montre dans quel sens il entend la « poussière de l'usure ».

« Revue, XXVIII, p. 78.

s Ed. du Caire, 1280, II, p. ol. J^-5! i)l >^l ^J^. 3 y'^v ^^'-l'! J^ ^2rt>-''-t>-^

^ ' Mouhàdarât al-oudabâ, I, p. 289 ; 'Ikd', I, p. 328.

* Koilt al-Kou'oûh, H, p. 28G.

' Mùuslim^ IV, p. o7.

« Sounan al-Nasâ'î (éd. du Caire, 1312;. II. p. 212.

6 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

IV

Cabaites et Zahirites.

A l'indication que nous venons de donner, de l'influence ju- daïque sur la théologie de l'Islara, nous joindrons la correction d'une conception erronée et qui s'est récemment produite dans cet ordre d'études. Dès 1872, on avait signalé à plusieurs reprises la polémique dirigée par le Maliométan andalou Ibn Hazm contre les écrits religieux du judaïsme. Récemment, M. Ilarlwig Hirsch- feld s'est de nouveau occupé de cette littérature polémique '.

En passant, il touche aussi à la position zâhiritique d'Ibn Hazm dans la théologie islamique. « Comme on le conçoit facilement, dit M. IL, il existe une certaine analogie entre le mouvement zahirite et les tendances des Garaïtes-. » Or cela n'est pas si facile que cela à comprendre, attendu qu'on ne trouverait pas aisément d'op- position plus marquée que celle qui existe entre les principes de ces deux écoles. Les Zahirites partent de cette idée que, dans la déduction de la Loi, tous les éléments spéculatifs sont exclus a 'priori. Ce principe constitue sa difl'érence spécifique en face des autres écoles. Rien ne lui répugne comme le niijâs (l'analogie), la poursuite de la ratio legis [Hlla) et l'emploi de moyens spécula- tifs en matière de théologie. La science religieuse des Caraïtes, au contraire, use, dès l'abord, du ^pn et d'autres méthodes spécula- tives. Comme on le sait, ils ont admis de très bonne heure les Treize middot de R. Ismaël. Ils ne reculent pas devant Vopinio, que la théologie mahométane appelle ra'y et qu'ils traduisent par nri, A l'instar des écoles de Ra'y, combattus par les Zahirites, leur déduction de la Loi se fonde sur ce qui est écrit, sur Y ana- logie et le consensus [= îrfj'ma',yi3p ou r-^iy •■*). Al-Kirkisânî com- mence son Livre des lumières par un chapitre « sur la nécessité de la 7-echerche et de la spéculation et de la détermination de l'argument rationnel et analogique" ». C'est seulement contre

» Mohammedan crilicism of tke Bille, J. Q. R., XIII, p. 222-240.

« Z. c, p. 225. 5.

3 Par exemple. Sahl b. Mazliah. dans Eschkol, n" 168, et surtout Schreiner, Studien ilber Jeschu'a hen Jehuda (Berlin, 1900;i, p. 69 et suiv. Menahem Gizni dans Likkoute Kadmonijjoth, notes, p. 51, en bas, dii : im^ ^^^\'2 '^"'■■Z7\ DIS

m-iprin ■'s by mbinri.

* Poznonski, Steinschneider-Festschrift, p. 196, 19.

MKLANT.KS .UJOKO-AnAUKS 7

l'exagération de l'analogie, l'emploi de i' « analogie du second degré », comme elle apparaît, par exemple dans les lois matri- moniales des partisans de la théorie du aisn que proteste le ca- raïsme orthodoxe. Mais leur méthodologie pose la justification, et mAme la nécessité des raisonnements analogiques. Or, ce point de vue diffère toto cœlo de celui des Zàhirites ; il est donc impos- sible de parler d'une parenté ou seulement d'une ressemblance entre ces deux écoles.

C'est précisément en cela que consiste le reproche que Juda ha- Lévi ne se lasse pas de répéter dans sa polémique contre les Ca- raïtes -. Il leur en veut, parce qu'en face de la stabilité d'une tra- dition intangible, comme elle se présente dans le rabbinisme, ils se permettent une trop libre mb^n-vUr; [idjtihâd) et une trop grande spéculation indépendante. De leur emploi immodéré du Kiyàs il dérive la multiplicité divergente de leurs doctrines et le manque d'unité de leurs pratiques religieuses ; le même reproche leur a été adressé de la part des Rabbanites à diverses époques ^

Donc il n'y a pas eu d'influence exercée sur le mouvement zâhirite par les tendances caraïtes ; il faut en écarter jusqu'à l'hypothèse.

A ce propos, nous signalerons une petite correction de texte* dans l'étude de M. Hirschfeld. Parmi les expressions anthropomor-

phiques de la Bible, on cite, p. 240, 1 : ^^w i[jî ^*a\; M. IL, p. 231, notes, tient cela pour une méprise de ■]«">::, "i^?:"':' \-ix no» (Ps., cix, 21). Mais il faut corriger en jJ.*.?- I^î ^\ et y voir la traduction de ^:tï< ibwS i-r^iri^

V

Le juge corruptible.

De nombreux traits mentionnés dans la littérature mahométane témoignent du peu d'estime que le peuple professait pour la ma-

> Likk. Kadm., ihid., p. 147 : DX"^pbN "''?> CN"^pbj<.

* Kouzarî, lll, ch. xsiii el suiv. (éd. H. Hirsclileld, p. 177 et suiv.).

■* Consultations du T"3T1, n" 774, sur les Caraïtes : Û3n"nri "jD SX imi riDP

'^z^ rr^-y^':: tûz mpr- n-irir:^ "Cis» inî^ rr.

* P. 23a, avanl-dernière ligne yPjJij, lis. y Jijlj ; 236, 8, ^jJiX\ , lis. ^~ii! .. invention mensongère >- ; 237, IC, o.^j, lis. J;^ = "^T? : 239, G, ^y^i* , lis. Liât-i-'j; ihd.^ ]. 15, <£y?.i, lis. ôy*-

8 RIÎVUE DES ÉTUDES JUIVES

gistrature. Aux nombreuses paroles des textes de la tradition reli- gieuse qui indiquent de la méfiance à l'égard des magistrats de carrière correspondent des sentiments semblables dans les livres purement littéraires ainsi que dans la littérature populaire. In- nombrables sont les pochades dont les juges font les frais *. Leur bêtise et leur corruption fournissent un thème continuel. Aussi proverbiale que la sottise du câdi de Djoubbal est l'injustice du câdi de Sadoiim (Sodome) -. Cette ville de Sodome, souvenir de la Bible, dans ce cas comme dans d'autres, est transportée, pour des raisons tendancieuses, en d'autres régions que celle qui lui est assignée par la géographie biblique ^.

Dès lors on comprend que les Mahométans pieux cherchent vo- lontiers les juges iniques et corrompus dans l'entourage qui pour eux est le comble de l'impiété, à savoir dans l'entourage des Omiades et particulièrement du détesté Haddjàdj b. Yoùsouf. Ce gouverneur tout-puissant avait placé al-Moughîra b. 'Abdallah de la tribu de Thakîf comme juge àKoufa.Les pieux Mahométans racontaient qu'un jour deux personnes portèrent leur litige devant Mougliira. L'une d'elles, qui connaissait son juge, lui fit cadeau d'un lampadaire de cuivre fin*. Mais, de son côté, l'autre plai- gnant, voulant gagner le juge, lui envoya un mulet. Lors des débats de l'affaire, le juge sembla pencher en faveur du plaignant au mulet. Alors l'autre s'avisa de rappeler au juge son cadeau et il y fit allusion par ces mots : « Ma cause est pourtant plus lumi- neuse qu'une lampe «. Comme il répétait cette phrase trop sou- vent, le juge finit par dire : « Malheur à toi ; le mulet a heurté le lampadaire et l'a brisé idans l'autre version : « a éteint sa lumière ^ »).

C'est, comme tout le monde sait, une anecdote racontée par les rabbins dans le Talmud, Sabbat, 116 &, et la Pesihla di R. Ka- hana (éd. Buber), 1226 '', et qui a été appliquée au juge injuste de Iladjâ'lj.

* Très caraclérislique est l'histoire du câdi Chalîdjl à Bagdad au temps du calife Amîn, Affhânî, X. p. 123.

* Les proverbes dans al-Meidâni, I, p. 168.

^ Voir mes notes dans Ausland, 1884. p. 329. Le lieu de la catastrophe de Sodome et de Gomorrhe est porté au nord de la Sj'rie. Kazwîni, Cosmographie, éd. Wues- tenfeld, II, p. 9r>, 10, confond la Mer Morte avec le lac de Tibériade.

* Dans l'une des versions sirâdj (comme Sabb., H^'^'Ci) ; dans l'autre manâra (comme dans j. Toma, ^11*72'.

' Ibti Kcuteyba, '•Ouyoûn al-achbâr, éd. Brockelmann (Leyde, 1901), I, p. '2; al- Bâ'/hih al-lsfahànî, Mouhâdarût al-oudabâ (le Caire, 1287], I, p. 125.

•■ Sur des passages parallèles au proverbe dérivé de pareils récits, voir Kohut. Aruch completum, s. v. ftD, 8, IV, p. 287 J, en bas.

MKLANGRS JUDKO-ARABES 9

VI L'ane et l'kciikllk.

Les po>t-scriptum des mss. ht^breux renfement très souvent le vœu du copiste» « qu'il ne lui arrive point de tort, depuis aujour- d'hui jusqu'à l'éternité, tant que l'âne ne pourra grimper sur une échelle (ûbics iiKnii lihy^':i ^y) ». Quelquefois il y a en plus « (l'échelle) dont rêva notre patriache Jacob - ». Pour cette ex- pression, Zunz a trouvé un point de contact dans l'Agada^

Elle sera beaucoup plus claire encore, quand nous aurons re- marqué qu'en M(^sopotamie le fait pour un âne de gravir les échelons d'une éch<^lle est une métaphore désignant une chose im- possible, même à la suite des plus grands efforts. A. Socia signale le proverbe suivant qui avait cours en Mésopotamie : « A Alep l'âne peut grimper sur l'échelle. Voici l'âne et voilà l'échelle * », c'est-à-dire on rapporte des habitants d'Alep bien des choses merveilleuses et incroyables.

Parmi les constructions étonnantes qu'éleva à Bagdad le calife al-Mouktafî (commencement du x<= siècle), il y avait une tour dé- nommée Koiibhat al-himâr (coupole de l'âne), parce que la spirale y conduisant était très facile à gravir : même un âne habitué à la plaine aurait pu y monter (ce qui d'ordinaire passait pour une chose impossible ^).

Au même groupe appartient une autre expression dont je dirai un mot. Le poète de makames Badî' al-Zamàn al-IIamadânî dit une fuis : « Si moi et toi nous vivons encore longtemps, je verrai peut-être encore l'ânesse (attelée devant le moulin) chevaucher sur le dos du meunier [in 'ischnâ wa-Hschta ra'eytoïc al-atân yarliah al-tahhàn^).

« Par exemple Litteralurblatt des Orients, 1846, p. 44; Perreau, Cataloijo dei Co- dici ebraici délia Bibl. di Parma non descritti dal de Jiossi, p. 161. Il y a beaucoup d'indications dans Eeb,: Bibltop:, Xlll. p. 88 ; dans A. Enstein, Die Wormser Minhagbiicher ( Katifmann-Gedenkbuch, p. 3. du tirage à part). Cl'. Sleînschneider, Vodesungen ûber die Kunde hebr. Handsr.hriflen (Leipzig-, 1897). p. 48.

» Par exemple, dans Sam. Kohn, Die h-br. Randschr. des ungarischen National- muséums 2u Budapest, n" VI (tira-e à part de Magazin f. die Wissensch. d. Juden- thunis, 18"").

* Znr Geschickle und Lileratur, I, p. 2i)7.

"^ Z.D.M.G., XXXVII, (1883., p. 203, note 631.

5 Guy Le Stranpe. Bagdad dvring the Abbasid Caliphate (Oxford, 1900), p. 254.

« Cité dans Ma'âhid al-tançlç scharh sc/iawàhtd al-Talchtç (Le Caire, 1316), II, p. 37.

10 REVUE DES ETUDES JUIVES

VII L'invitation aux affamés avant le repas.

Parmi les pieuses habitudes de R. Houna on signale celle-ci. Avant de se mettre à table, il ouvrait régulièrement la porte de sa chambre, s'écriant : bi^-^bi ^"l•^5 ^■>"ii:"i l^i^ bD « que tout indi- gent entre prendre sa part du repas ' ». Cette formule est entrée dans la liturgie des premiers soirs de Pàque-. Bien que cette cou- tume de R. Houna soit mentionnée à titre de vertu individuelle, nu sujet de laquelle Râbhâ remarque qu'il serait difficile de l'imi- ter à Mahouza, elle me parait néanmoins être une coutume ré- pandue dans le monde oriental. Schaw raconte, dans l'introduc- tion de ses Voyages ^ : « Aussitôt que notre repas était prêt, l'un des Arabes qui étaient avec nous montait dans le lieu le plus élevé qu'il pouvait trouver, et il invitait par trois fois à haute voix tous ses frères, les « Enfants des Fidèles », à venir manger avec nous, quoiqu'il n'y (ùt peut-être àme vivante, du moins de sa religion à cent milles autour de nous. Les Arabes observent constamment cette coutume, pour marquer, disent-ils, leur charité et leur hospitalité, toutes les fois qu'ils en ont occasion. »

C'est effectivement une ancienjic coutume arabe et qui n'est pas en usage seulement chez les Bédouins. On raconte qu'un des compagnons et porte-fanion de Mahomet, célèbre pour sa générosité, Sa'd b. 'Oubàda, de la tribu d'Ansâr, exerçait cette coutume. Il avait hérité de ses ancêtres païens l'habitude de gravir avîint ses repas les tours de sa localité, et il s'écriait : « Quiconque aime la graisse et la viande vienne dans les d(- meures de Doulaïm b. Hâritha (ainsi s'appelait son grand-père-*). »

VIII Notes sur les Juifs dans les poésies arabes de l'époque

ANCIENNE DE l'ISLAM.

1. Les poètes arabes des premiers temps de l'Islam mentionnent souvent le Juif en qualité de commerçant : il apporte des étoffes

» Taanit, 20 h.

^ C/. Heilmann, "JTii;, II, p, G-.

^ Voyages, Irad. iranç. La Haye. 1743), préface de l'aiileur, \^. x.

' O. Loth, Das Ctassenhuch des Uni SaVif (Leipzig, 186'.i), p. '\.

MKLANGKS JrDÉO-AHABES \\

aux habitants du désert, Al-IIouteya, poète de la fin du paganisme arabe et du commencement de l'époque islamique, dit d'une prairie émaillée de mille couleurs : « Comme si les Juifs y avaient étendu leurs étoffes de soie, leurs écharpes chatoyantes ' ». Ils ne pratiquaient pas ce métier seulement dans le désert, mais aussi dans les villes arabes. Nous en avons une preuve dans une his- toire d'Aïscha, conservée parmi les traditions de Tirmidi. Le Pro- phète était revêtu de deux hab ts grossiers en étoffe de Katar (localité de TOmân) ; ce vêtement lui parut fort incommode, car il était très lourd et le mettait en sueur. Il se trouva justement qu'un drapier juif y int de Syrie Médine); Aïcha fit une affaire avec lui 2.

On parle encore des Juifs comme vendant le fard appelé Koiihl. Nous trouvons la comparaison suivante : « Comme le Kouhl de l'œil que les Juifs ont broyé ».

On les cite particulièrement comme marchands de vins. J"ai donné ailleurs^ une série d'indications sur ce point*.

Ce commerce était également beaucoup pratiqué par des Chré- tiens de Hira vers l'Arabie septentrionale ■'. Les « brocs devin des Juifs » [dinân Yahoiid) servent aux poètes de sujet de com- paraison ®. Lorsque le poêle kouflte Mouslim b. al-Walid (deuxième moite du viii^ siècle), qui a tant chanté le vin et les femmes ', dit dans une description du vin : « clair, juif ses pos- sesseurs sont Arabes » {sahbâ yahoûdiyyaioun artabouJ a l-'ara- bou) ''i l'épithète ûq ]\x\ï. peiU avoir été employée parce que le vin avait été vendu par des marchands juifs à des Arabes, On peut expliquer aussi et j'avoue que cette explication a ma préfé- rence pour ce passage qu'on veut présenter le vin comme vieux. Pour exprimer cette idée, les poètes arabes ont l'habitude de comparer le vin à des peuples anciens (Babylone, etc) ou à des

' Diit-ân, II, V. 3.

» Cité par Balawî, Kitâb Alif-Bâ (Le Caire, 1287), II. p. 37.

* "Voir ma note sur le passage ci-dessus signalé du Diwtui de... Houtaya, p. 62 .?.Z>.il/.&..XLVI, p. ]85 .

'* Aux premiers temps de Tlslamisme, un fonctionnaire de l'Irak prélève 1 impôt de tolérance [djizya> sur les Juifs en fournitures de vins, et les vend. C'est à cela que, d'après les sources citées dans Kastallani, IV, p. 121 ; V, p. 472, se rapporte- rait le rappel à l'ordre d'Omar contre Sainoura b. Djoundab, dont parle Bouchâri, Kitûh al-houi/ou' , n" 103.

' Jacob. AUarabisches Beditinenleben (Berlin. 1897 , p. 99.

« Cf. encore Aghâni, IX, p. 121, 18.

^ M, Barbier de Meynard a donné récemment une vive caraclérislique de ce poète, poète arabe du II" siècle de l'hétjire [Actes du XI' Coniji-ès international des Orien- talistes. — Paris, 1897, ill' seciion, p. 1-21 .

•* Diwân, éd. de Gopje, xxxu. v. 19.

12 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

rois anciens (vin cfiosroudnien, du. temps de Kisra, etc.)'. Le même poète appelle ailleurs le vin maôjoûsiyyat al-ansâh, de prove- nance magique 2. C'est dans ce sens qu'il faudrait entendre jiMi/". Son grand contemporain A.bou Nouwâs en parle une fois comme de yahoiidiyyat al-ansâh « d'origine juive ^ ».

Ajoutons que le même Aboû Nouwâs dit une fois du vin qu'il veut faire passer pour vieux, qu'il est « du vin que les marchands de vin de Babylone ont choisi, et que les Juifs de Saura conservent depuis de longues années [mimniâ ta'attakat al-Yahoûdu bi- Soûrâ) * ». Ici aussi Soura^ est présentée comme une ville spéci- fiquement juive. Abou Nouwâs écrivit vers la fin du viii» siècle. A peu près à l'époque de Saadia, le médecin en chef des califes, Sinân b. Thâbit b. Kourrah (mort en 943), fut chargé par le gou- vernement de Bagdad de nommer pour tout l'empire des inspec- teurs de santé, qui devaient surveiller les conditions sanitaires des provinces et traiter les malades pendant leurs voyages. Certains de ces médecins arrivèrent à Soura « dont les habitants étaient en majeure partie des Juifs » {walghâlib 'ala ahlîhi al- Ya1io{(d). Les médecins font demander à Bagdad si leur mission concerne aussi la population de Soura. On leur répond affirmati- vement, mais ils doivent d'abord s'occuper des malades musul- mans et ensuite seulement des Juifs ^.

Mouslim b. al-Walîd a le passage suivant qui n'est pas peu ca- ractéristique sur les marchands de vins juifs. Après une descrip- tion de bon vieux « vin de Karch, couleur de soleil, qui avait attendu pendant des années dans son outre », il raconte par quel stratagème il s'est procuré à bas prix la précieuse liqueur : « J'ordonnai au Djàloût des Juifs de le frapper de saisie [loa- amarlou Djâloiit al-Yahoûdi bi-habdihâ) ; aussi je pus l'acheter bon marché) et y utiliser mon argent'. » Cela signifie sans doute qu'il obtint à d'excellentes conditions la marchandise con- fisquée, qui fut probablement vendue judiciairement. Le Resch Galouta », que le poète voit dans son imagination intervenir en sa faveur, ne pouvait apparemment pratiquer la confiscation que sur des objets appartenant à des Juifs.

« Voir des exemples dans mes notes sur Al-Houleya, II, v. 18.

* Diwân, éd. de Goeje, II, v. 8.

* Diwân Abî-Nonwâs, éd. Iskender Asâf fie Caire, ISO81, p. 239, 5.

* Ibid., p. 289,5.

5 Cf. la délerminalion topographique dans de Goeje, Z.D.M.G., XXXIX, p. 11 et suiv.

« Ibn AU Ouceybi'a, éd. Aug. Mûller, 1, p. 221.

' Diwân de Mouslim, xxvii, 30.

s A remarquer qu'ici ra's al-djâloilt (voir Revue, VIII, p. 121 et suiv.) est abrégé en djUloût.

MÉLANGES JLDEU-ARAliES 13

Le même poète fait, à propos de vin, une autre allusion aux Juifs; ce vin serait min 'amal al-naçârà lam taghdouhâ-l-Ya- hoùdou » (préparé par des Clirétiens, si bien que les Juifs n'en boivent point ' Dr"" uns).

2. En décrivant les restes de vieilles demeures {allai) , les poètes comparent volontiers les ruines à des signes d'inscriptions délabrées (ordinairement liimyarites) - ; nous rencontrons très souvent aussi des caractères d'écriture hébraïque , d'écriture juive, comme objet de comparaison. 'Abd allâh b. al-Ziba'ri, témoin oculaire de la « bataille du fossé » de Mahomet, dit des ruines, qu'il dépeint au début de son poème, dirigé contre les en- nemis de l'Islam, « comme si leurs traces étaient l'écriture des Juifs ^ ». Al-Scljaramâôh (contemporain de al-Houtaya) : « Comme un docteur juif (/ia&rj de Taïma écrit de sa droite l'écriture hé- braïque {'ibrâniyyatan], enchevêtrant les lignes (ne les distin- guant pas bien)* ». De même, Dou-1-roumma : « Gomme si sur la surface de leur sable la plume Juive avait tracé les signes mysté- rieux des écritures^ ». Djerîr aussi pense à l'écriture hébraïque, quand il dit d'un lieu désolé qu'il ressemble « à des rimes mysté- rieuses sur des parchemins datant du temps de Moïse '^ ». Le poète de la transition entre la période omiade et l'abbasside (deuxième moitié du viir' siècle), Abou Hayya al-Noumayri em- ploie une comparaison semblable : « ainsi que fut tracée l'écri- ture de la main d'un Juif, qui tantôt rapproche (les signes) tantôt les écarte ^ »

3. Nous avons jadis montré que dans les écrits arabes on attribue aux Juifs toutes sortes d'usages qui sont purement imaginaires. Tout à fait étrange est le suivant dont parle une poésie du temps du calife Othman. Le poète Sâlim b. Dura dit, dans une satire contre la tcibu de Tarif b. 'Amr : (c Lorsque quelqu'un d'entre eux meurt,

« Dt?oûn, XXVI, V. 5o. » Muhammedanische Stii^dien^ II, p. 7 et suiv, •* Ibn Hischâm, éd. Wûslent'eld, p. 702, 11.

'* Lisân al-'-arab^ s. v. ->.i^, V, p. 229 ; s. v. J=-f, IX, p. 4tî ; et encore Tâdj al-'avons. s. v.

5 Diirân. ms. de la bibliothèque du Caire Adab., n" 562), xx, v. 4.

Scliolie : L^joL' (^.>>^ cj^ '■*-: û'-^ -i»^^-

« Jûkoùt, IV, p. 433, 20.

' Bîbaioaihi, éd. H. Derenbourg, I, p. 76, 4 ; traduction allemaude de G. Jahn, Sibawaihis Buch ûber die Grammalik, I, p. 115. Les variantes sur ce vers sont dans Tâlj aWaroùs, s. v. r.»-^ ; les premiers mots sont : 4' i^xj ljI;XJ! laï. u Sibaw. iaj? t-jtxxJI »^j>.^5.

14 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

ils lui enduisent la partie postérieure d'huile d'olive et l'enve- loppent dans des étoffes à dessins variés » (kirâra) '. L'explication traditionnelle des philologues pour ce vers est que Sâlim reproche à ses ennemis de pratiquer des mœurs juives {nasabahoum ilâ altahaioiooud) -. C'est pour les faire soupçonner d'être d'origine juive, manœuvre fréquemment employée dans la poésie satirique des Arabes ^

4. Parmi les sujets de raillerie en pays arabes il y a certaines bizarreries de la langue juive. On a déjà fait remarquer^ qu'il faut établir une différence entre al-lougha al-'ibrâniyya (langue hébraïque) elloiigliat al-Yahoùd (langage des Juifs, particularités du langage populaire) ^ A Médine on appelle leur façon de parler ratan , baragouiner". Si nous nous en rapportons à la seule donnée positive que nous ayons là-dessus, nous remarquerons que ce qu'on nous donne comme un dialecte spécialement juif est le fait de tous les dialectes arabes populaires : le ih aspiré (o) devient t {^), Or. Aboû Zayd al-Ansâri Baçra, vers 830) présente cela comme une particularité de la loughal al- Vahoùd'' .Le ])oèle a\- Bouhtouri (820-897) reproche à son adversaire Ibn al-Barîdî de ressembler dans son élocution aux Juifs : « quand il parle, il ne lève pas sa langue ** ».

I. GOLDZIIIER.

' LA . s. V., *^, XV, p. ;ill. ■^ TA., s. »., VIII, p. 2C4.

* C(. Muhainmed. Stndlen, J. p. 204.

* Z.D.M.G., XXVI '18'2j. p. 766, note ij. Cf. Steinschneider, I/UroducHoH to Ara' bic Literature of Jcws, II, n" 38 J.Q.E., XIII, p. 364 , toutefois il n'est tenu compte que des particularités de la transcription juive de l'arabe.

•' Dans !e lanp^age postérieur, on ne l'ait pas une différence aussi stricte ; par exemple Ibn abî Ouçeybi'a, éd. A. Muller, II, p. 50,18 : Merwàn b. Djanah avait de profondes connaissances 'ilm lisân al-^arab wal-yahoud ; ib., li^^ne 22 : Ishak b. Kaslar était éminent fl 'ilm al-lougha al-Hbraniyi/a.

■* Wellhausen, Shizzoï uni Vorarbeitcn, IV (Médine avant rislam), p. 14, note.

^ Kitûb al-naioâdir ' Beyrouf. 1894 , p. 104.

s Diwàn al-Bouhtouri éd. Stamboul, 13001, p. 217,7.

LA BIBLE LATINE EN AFRIQUE

(suite et fin ')

IV

La Bible latine en Afrique depuis la publicalion de la Vulgate. Introduction d'élé- ments nouveaux. -- Wlfala et les textes dits « italiens •. La Vulgate de saint Jérôme. La Bible de saint Augusiin : son caraclère éclectique. Inscriptions bibliques du iv» et du siècles. Persistance des anciennes versions chez les donaii^te-. Les citations des polémistes du \" et du vi' siècles : Victor de Vita, Vigilius de Thapsus, saint Ful^enco, Frimasius, etc. Les lestes dits africains (le ba<se époque •. Fragments des Epîlres catholiques dans le Palimpseste de Fieury. - Physionomie des Bibles africaines au temps des Vandales et des Byzantins.

Cette histoire se complique, vers la fin du iv® siècle, par l'in- troduction en Afrique d'éléments nouveaux : tout d'abord, les textes dits « italiens» du Nouveau Testament, et les textes ana- logues de l'Ancien Testament; plus tard, la célèbre traduction de saint Jérôme, destinée à devenir en grande partie la Vulgate de l'Église catholique. Ces versions d'origine étrangère tiennent déjà une place très considérable dans la Bible de saint Augustin. Dé- sormais elles se juxtaposeront ou se mêleront aux vieux textes « africains » dans les recueils locaux de livres sacrés.

C'est saint Augustin qui paraît avoir introduit en Afrique les verrions du groupe «italien* ». Le nom même qu'on leur donne vient d'un passage de son traité sur la Doctrine chréflcnne : « Parmi les traductions, dit-il, à toutes les autres il faut préférer Vllala, car elle serre de plus près les mots, et la pensée y est nette ^ » De ce passage on a donné des interprétations très di-

' Voyez tome XLII, page 129.

* Du moins n'en Irouve-l-au pas trace avant lui chez les auteurs du pays, sauf peut-être chez Viclorin, qui vivait à Rome ^voyez plus haut. ch. III).

* Saint .\ugiisliu, De doclrin. Christ., Il, 1o : < lu ipsis autera interpretationibus. Itala ciflcris pi;rieriUur ; nam est veri)orum tenacior cum perspicuitate senlentiie. »

10 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

verses. Pendant longtemps, on a désigné par le terme vague à'Ilala l'ensemble des versions ou des revisions antérieures à la Vulgate. Tout récemment, par une série d'ingénieuses inductions, l'on a prétendu identitler Yllala avec la traduction même de saint Jérôme'. Mais le système généralement admis aujourd'hui est de beaucoup le plus vraisemblable : Vltala n'est que la plus impor- tante de ces recensions « italiques» du iv« siècle, qui apparaissent chez saint Ambroise et les auteurs italiens du temps, qui se sont conservées partiellement dans beaucoup de manuscrits, et qu'on retrouve chez saint Augustin lui-même. A la fin du iV siècle, on désignait spécialement sous le nom d'Italie le « diocèse d'Italie », c'est-à-dire le nord de la péninsule, la circonscription politique dont Milan était la capitale. Dès lors, Vllala proprement dite doit •Hre la revision biblique alors en usage dans cette région, et pro- bablement faite à Milan par les soins ou sous les yeux de saint Ambroise*. Si l'on songe qu'Augustin a passé justement quelques années à Milan, qu'il s'y est converti et qu'il y a été baptisé par saint Ambroise, on s'explique très naturellement qu'il en ait rap- porté des manuscrits bibliques nouvellement revisés : cette Itala qu'il mentionne et qu'il préfère à toutes les autres éditions ou traductions latines de la Bible.

Ce qui nous importe surtout ici, c'est ce fait absolument incon- testable : l'introduction en Afrique de versions nouvelles, assez différentes des versions « africaines », qui jusque-là avaient seules circulé dans le pays. Quoi qu'on pense de Vllala^ les textes « ita- liens » ont une physionomie très distincte. Si l'on y rencontre assez

' Burkill, The Old Latin and tke liala, p. 60 et suiv. Cf. Mercali, Rivista bihlio- (ji-afica italiana^ IS-^ô, p. 261 et suiv. ; Lejay, Revue critigue, 1897, II, p. 205. L'hypothèse de Burkitt soulève des objections de toute sorte. Eq voici quelques-unes, tirées du texte même de saint Auf^ustin. Dans le passage est proclamé le mérite de Vltala, il n'est question que de l'Ancien Testament; or c'est seulement pour les Evangiles que l'on constate quelquefois chez saint Aujjus'.in l'emploi systé- matique de la Vulpate Burkitt, o. /., p. 60 et suiv.). L'éloge de Vltala est immédiatement suivi de ces mots : « Et latinis quibuslibet emendandis grœci adhi- beanlur, in quibus Septuaginta interprelum. quod ad Velus Testamentum attinet, excellit aucloritas » {De doctrin. Christ., II, 13 . On ne s'expliquerait guère cette réilexion, si Vltala était la Vulgate. Saint Augustin voudrait-il qu'on revisât la Vul- gate? Ce serait une condamnation bien dure et bien sommaire des travaux de saint Jérôme, dont il parle ailleurs avec plus de ménagements ; et, en ce cas, il eût fait tout au moins une exception pour la version des Evangiles, qu'il approuvait sans réserve. Enfin, pour l'Ancien Testament, comment saint Augustin aurait-il pu dire ici qu'il faut préférer à toutes les autres versions la Vulgate, c'est-à-dire la version d'après l'hébreu? N'a-t-il pas affirmé nettement, et dans ses lettres mêmes à saint Jérôme [Epist., 28, 2 ; 71 , 2-4 ; 82, 6 Migne), qu'il s'en tenait aux traductions faites d'après les Septante ? On voit que le passage de saint Augustin deviendrait inintelligible, si l'on admettait que par le mot Itala il voulait désigner la Vulgate.

' S. Berger, Histoire de la Vtdf/ale, p. 6.

LA HIHLK LATINK FA AFHIOUK 17

souvent des leçons africaines, ils n'en sont pas moins, et avant tout, très étroitement apparentés aux textes f< européens »: ce sont des textes « européens revisés ». C'est donc bien une autre famille de versions bibliques qui débarque alors en Afrique. Elle y est d'ailleurs accueillie avec empressement, grâce à l'autorité de saint Augustin ; elle s'y acclimate aussitôt, s'y répand en tout sens, s'y rallie fréquemment à la famille indigène, et elle y prend si bien racine qu'elle finira par y pousser des rejetons.

Le succès même des versions /( italiennes » devait y entraver plus tard les progrès de la Vulgate. On sait comment saint Jérôme fut amené à entreprendre une refonte complète de la Bible latine. Depuis Constantin, l'Église se préoccupait d'achever son organi- sation. Les évèques des pays latins s'inquiétaient de voir les livres saints de plus en plus défigurés par le caprice des traducteurs, le parti pris des hérétiques ou la maladresse des copistes. De là, au cours du ive siècle, tous ces essais de revision, dont on surprend, déjà quelques traces chez Victorin, peut-être aussi chez saint Optât, et d'où est sorti le groupe entier des textes « italiens ». Saint Jérôme connaissait bien ces recensions, puisqu'il les a sou- vent prises pour base de ses travaux ; et peut-être songeait-il à Vltala du diocèse de Milan, quand il citait « le plus habile inter- prète de ce temps * ». Cependant, il jugeait très sévèrement l'en- semble des versions et des revisions de la Bible latine: «Mauvaises éditions, dit-il, faites par de maladroits traducteurs, plus mal cor- rigées par des ignorants présomptueux, avec des additions ou des changements de copistes endormis -. » Il voyait nettement le mal, et, mieux que personne, il y pouvait remédier, car il savait le grec et l'hébreu. A la prière du pape Damase, vers l'année 382, il entreprit de donner enfin aux Églises latines une Bible exacte et correcte.

Cette grande œuvre dura plus de vingt ans, et passa par trois phases diverses ^ A l'origine, saint Jérôme se proposait simple- ment de corriger les versions italiques en les comparant aux textes grecs courants : texte des Septante pour l'Ancien Tes-

* Saint Jérôme, Spist. 135 : t secundum disertissimum islius lemporis inler- prelem.

* Id., Epist. ad Damas, : a viliosis interprelibus maie édita, vel a prtesumpto- ribus imperitis emendata perversius, vel a librariis dormilaotibus aut addila aut mulata. >

* Kenyon, Our Bible and tlie ancient manuscripts, p. 79 et siiiv. La revision de saint Jérôme a été l'objet d'excellentes éditions critiques ; édition de l'Ancien Testa- ment par Heyse et Tischendorf (Leipzig:, 1873) ; éditions du Nouveau Testament par Tischendorl (Leipzig, 1850-1854 ; éd., Leipzig. 1884-1894), par Ranke .Leipzig, 1868), par Wordsworth and White (Oxford, 1889 et suiv.1.

T. XLIII, 8i,. 2

18 REVUK DES ÉTUDES JUIVES

taraent, textes du groupe « occidental » et du groupe « syrien » pour le Nouveau Testament. Il commença par une revision som- maire des Évangiles et des Psaumes ; de ce travail rapide provient la Vulgate des Évangiles, et le Psautier dit «romain», qui est encore en usage à Saint-Pierre de Rome. Dans les années sui- vantes, Jérôme dut revoir le reste du Nouveau Testament, d'après le même système. Vers 387, il jugea cette méthode insuffisante, au moins pour l'Ancien Testament, et il entreprit une recension appro- fondie d'après les Hexaples d'Origène. De cette deuxième période sont conservés seulement deux livres : une revision de JoT) et le Psautier dit « gallican », celui qui figure aujourd'hui dans la Vulgate. Brusquement, vers 390, saint Jérôme changea encore d'idée : il renonça à suivre le grec d'Origène et résolut de traduire directement d'après l'hébreu. Pour la troisième fois, il s'attaqua aux Psaumes ; de là, son Psautier dit « hébreu », qui est le plus exact des trois, mais qui n'a jamais été adopté par l'Église. Désormais, saint Jérôme était dans la bonne voie: il poursuivit sans trêve sa lutte contre les textes originaux. D'année en année il donna, séparément ou par groupes, des versions de Samuel, des Rois^ des Prophètes, du Pentateuque, de Josué et des Juges, etc. Vers 404 était terminée cette œuvre colossale : revision de tout le Nouveau Testament, traduction nouvelle de presque tout l'An- cien Testament d'après l'hébreu. Saint Jérôme avait laissé de côté seulement les ouvrages apocryphes, et certains livres qui n'existaient plus ou qui n'avaient jamais existé en hébreu ; par exemple, la Sagesse, les Prophéties de Baruch, les derniers livres d'Esdras, les Macchabées, qui devaient conserver leur physio-, nomie primitive et passer tels quels dans la Vulgate.

La version terminée, restait à la faire accepter par les Églises latines, ce qui n'était pas chose aisée. L'auteur allait se heurter à des préjugés tenaces, à la toute-puissance des traditions. Il s'est vengé dans ses préfaces; mais il ne devait pas assister au triomphe de sa Bible, qui ne l'emporta décidément qu'après des siècles. En Afrique, particulièrement, on répondit à ses avances par une fin de non-recevoir, au moins pour la partie essentielle de son œuvre, l'Ancien Testament. Et ce fut Tévêque d'Hippone qui mena la campagne défensive. Les deux saints, qui ne se connaissaient pas personnellement, échangèrent à ce sujet bien des lettres. Rien d'instructif et de curieux comme cette correspondance, le sang- froid, la fermeté tranquille, la politesse et la déférence malicieuse d'Augustin contrastent avec les emportements, les bouderies ou les aigres récriminations de Jérôme.

Sur le Nouveau Testament, l'entente était relativement facile :

LA UIIUJ'. LATINR FA' AFaïQlJK 19

justement parce que, là, saint Jérôme n'avait pas fait œuvre ori- ginale. Il s'était contenté de corriger assez légèrement la version italique, précisément celle que préférait saint Augustin. Souvent même, sans le vouloir, il l'avait rapprochée des vieux textes afri- cains, en y supprimant bon nombre de leçons ou d'additions que les rédacteurs italiens avaient empruntées naguère à la revision « syrienne » de la lin du m" siècle. Tout cela n'était point pour déplaire en Afrique. Aussi saint Augustin ne ménage-t-il point les compliments, tant qu'il s'agit du Nouveau Testament. Il écrit à saint Jérôme: «Nous rendons bien grâces à Dieu, au sujet de celui de tes ouvrages tu as traduit du grec l'Évangile; car presque rien ne nous y choque, quand nous comparons ton texte à l'Écriture grecque. Avec cela, si quelque entêté s'obstine dans une vieille erreur, en citant et comparant les manuscrits, on peut très facilement l'instruire ou le réfuter ^ »

Mais, pour l'Ancien Testament, le malentendu éclate aussitôt. Fidèle à la tradition, saint Augustin ne veut reconnaître d'autorité qu'au grec des Septante, le texte inspiré par Dieu pour la future conversion des Gentils*. De plus, en face de saint Jérôme, qui raisonne en savant, l'évêque d'Hippone raisonne en politique, en homme d'action et de sens pratique. Il craint de jeter le désarroi dans son Église par une rupture violente avec les versions très différentes consacrées par l'usage ^ Et il craint aussi d'afifaiblir la position des catholiques dans leurs incessantes querelles avec les hérétiques*. Pour convaincre un sectaire de mauvaise foi ou d'erreur dans ses interprétations latines des livres sacrés, on ne manquait point d'invoquer l'autorité du grec. Ébranler cette auto- rité, c'était se désarmer. Or, on l'ébranlait en acceptant le contrôle de l'hébreu, et on ne la remplaçait par rien, car, si beaucoup de clercs savaient le grec, presque personne ne savait l'hébreu. Ces préoccupations du polémiste et de l'évêque dominent toute la cor- respondance de saint Augustin avec saint Jérôme.

Un jour, arrive à Hippone la version nouvelle de Jol) d'après l'hébreu. On y connaissait déjà la revision du même livre faite antérieurement par saint Jérôme d'après les Septante et Origène ^

' Saint Augustin, Epist. 71, 4 [Migne) : t Proinde non parvas Deo gratias agimus de opère tuo, quo Uvangelium ex graeco interpretatus es, quia paene in omnibus uuUa offensio est, cum Scripturam graecam contulerimus. . . »

» Saint Augustin, Epist. 28, 2; 71, 2-4; 82, 5.

s Ibid., 71, 3; 82,5.

■^ Ibid., 71, 2 et 4.

5 Hoc addo, quod poslea didicimus, Joh es hebrœo a te interpretatum, cum jam quamdam haberemus interpretationem tuam ejusdem propbeta; ex grœco eloquio con- versam in latinum {ibtd., 71, 2).

20 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

Augustin compare les deux textes, et il écrit à l'auteur : « Dans ta dernière traduction, celle qui est faite d'après l'hébreu, on ne trouve pas la même exactitude d'expression '. » La remarque sur- prend d'abord, venant d'un homme qui ne savait pas l'hébreu. C'est que, pour l'évêque d'Hippone, le véritable original est le grec des Septante : tout ce qui s'en écarte, dans les livres juifs, est altéré ', ou, dans les textes latins, est mal rendu ^. La seule chose vraiment utile dans cette traduction nouvelle, ce sont les signes, astérisques ou obèles, qui indiquent les divergences entre l'hébreu et le grec. Augustin en avertit charitablement Jérôme, et lui conseille d'ailleurs d'employer plutôt son temps à traduire les Commentaires grecs de la Bible : « Voici donc ce que nous te de- mandons, dit-il, et ce que demande avec nous toute la société studieuse des Églises africaines. Daigne consacrer tes soins et ta peine à une traduction des livres de ceux qui ont pour le mieux traité en grec de nos Ecritures. En effet, il dépend de toi que nous ayons, nous aussi, des hommes comme ceux-là, surtout comme celui dont tu fais volontiers sonner le nom dans tes lettres (Ori- gène). Quant à la traduction latine des saintes Écritures cano- niques, j'aurais préféré ne pas te voir entreprendre ce travail, si ce n'est de la façon dont tu as traduit Jo&, en indiquant par des signes les différences entre ta version et la version des Septante, dont l'autorité est souveraine ''. « Malgré les compliments qui en- veloppent ici la critique, on comprend que ces conseils très décou- rageants aient causé une véritable irritation à Jérôme.

Ce que saint Augustin approuverait sans réserve, ce serait une traduction exacte des Septante, qui permettrait de corriger les leçons défectueuses et contradictoires dans les innombrables ma- nuscrits latins 5. Il félicite saint Jérôme d'avoir accompli cette

' « Porro in hac posteriore interpretatione, quœ versa est ex hebra-o, non eadem verborum Cdes occurrit. . . (ibid., 71, 2).

* « Qua ulilitale Scripluras volueris transferre de Hebrseis, ut scilicet ea, çiiœ a Jiidais pratermissa velcomipta sutit, prolerres in médium > [ibid., 82, 5).

* Ibid., 71, 4; S2, 5 : « tanla lalinorum interpretum. . . imperilia >.

* « Pelimus erf;o, et nobiscum petit omnis Africanarum Ecclesiarum studiosa so- cielas, ut iuterpretandis eorum libris, qui gréece Scripturas noslras quam optime traclaverunt, curam atque operam impendere non graveris. Potes enim efticere ut nos quoque habeamus laies illos viros, et unum polissimum, quem tu libentius in tuis liUeris sonas. De vertendis autem in laliuam linguam sanctis iitteris canonicis labo- rare le nollem, nisi eo modo quod /oJ interpretalus es; ut signis adbibitis, quid inler banc et Sepluagiuta, quorum est gravissima auctoritas, interpretationem dislet, ap- pareat {ibid., 28, 2).

^ Ego sane te mallem grœcas potins canontcas nobis interpretari Scripturas, quse ^^eptuaginta interpretum perhibentur » [ibid., 71, 2) ; Ac per hoc plurimum proiue- rip, ?!i eam f/racam Scripturam, quam SeptuaijintJ, operati sunt, latinte veritati reddi- dens {ibid., 71, 4).

LA IJIBLE LATlNli: EN AFRIQLK 21

tâche pour quelques livres déjà connus en Afrique *, il le prie ins- tamment d'envoyer le reste-, et de poursuivre dans cette voie *. Mais, dès qu'il s'agit de la traduction d'après l'hébreu, saint Augustin entre en déliance. Cette version lui est suspecte au premier abord, parce qu'elle diff<'^re beaucoup du grec. 11 le cons- tate avec insistance, et il en demande ironiquement la raison'. Assurément, les Juifs ont pu altérer leurs livres. Ne serait-ce pas aussi que le traducteur sait insuflisamment l'hébreu ? Augustin l'insinue spirituellement, sous le couvert d'une anecdote. La scène se passe dans la ville d'Oea, en Tripolitaine. L'évèque s'est pro- curé la version de Jonas par Jérôme, et la fait lire un jour dans son église. Tout à coup éclatent des protestations, un vrai tumulte. C'est qu'on vient de réciter un verset très populaire là-bas, chanté de génération en génération ^ : et les fidèles n'ont pas reconnu le mot attendu. Le public se fâche; les Grecs surtout crient au faussaire. Pour calmer les esprits, l'évèque déclare qu'il soumettra le cas aux Juifs de la ville. Et les Juifs condamnent le texte de saint Jérôme. Saint Augustin conclut malicieusement : « Est-ce ignorance ou perfidie ? Mais les Juifs ont répondu que la leçon des manuscrits hébraïques était exactement la leçon consacrée des manuscrits grecs et latins. En fin de compte, notre pauvre évêque a été forcé de corriger le passage comme altéré : après le grand danger qu'il avait couru, il tenait à ne pas rester sans fidèles. Et nous aussi, nous devons croire, d'après cela, que toi- même, en quelques endroits, tu as pu te tromper'-. »

Ce n'est qu'une anecdote, mais elle met à nu l'état des es- prits, et elle explique les préventions des évêques africains contre la version nouvelle. D'ailleurs, à plusieurs reprises, saint Au- gustin a exposé très franchement les raisons décisives de son attitude. Reconnaître l'autorité supérieure du texte hébreu, c'était courir une aventure, se désarmer en face des hérétiques, se sé- parer aussi des Églises grecques, qui toujours demeureraient fidèles aux Septante. « Si ta traduction, écrit Augustin, devient d'un usage fréquent dans beaucoup d'Églises, alors malheureu- sement les Églises latines ne s'entendront plus avec les Eglises

' Ibid., 71, 2 el 4.

* « Deinde nobis mittas, obsecro, interpretationem tuant de Septuaqinta, quam le cdidisse nesciebam. . . » {ibid., 82,5}.

* « Ideo autem desidero interpretationtin tuam de Sefiiua'/inta. . . [ibid., 82, 5).

^ Quid tibi autem videatur, cur in muUis aliter se habeat hebrseorum codicum auctoritas, aliter grsecorum quœ dicitur Septuaginta, vellem dignarerisaperire > tbid., 71,4),

5 Jonas, IV, 6.

* Saint Aupuslin, Epist., 71, 3 : t Undeetiam nobis ■videtur, aliquando te quoque in nonnuUis t'alli potuisse. »

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grecques ; sans compter qu'il est facile de réfuter un contradicteur en citant un livre grec, c'est-à-dire écrit dans une langue très connue '. » Enfin, l'adoption du texte nouveau risquerait d'égarer l'esprit des fidèles, de compromettre l'autorité des Septante, d'é- branler la tradition et le respect à la parole divine. Tel est le grand argument d'Augustin , celui qu'il développe avec le plus d'insistance et de force : « Je désire recevoir, dit-il, ta traduction des Septante : d'abord, pour nous délivrer, autant que possible, de tous ces traducteurs latins, si maladroits, qui ont osé entreprendre cette tâche ; ensuite, pour fermer la bouche aux gens qui me soup- çonnent de porter envie à tes utiles travaux. Qu'enfin ces gens-là, s'il se peut, me comprennent bien. Si je ne veux pas qu'on lise dans les Églises ta version d'après l'hébreu, c'est dans la crainte de nuire à l'autorité des Septante, en ayant l'air d'apporter quelque chose de nouveau ; dans la crainte de troubler par un grand scandale le peuple du Christ, dont les oreilles et les âmes sont habituées à entendre cette antique version approuvée même par les apôtres -. » Bien des années plus tard, dans la Cité de Dieu, tout en rendant justice à l'exactitude du travail de Jérôme, saint Augustin déclarait encore que «les Églises du Christ jugent ne devoir préférer personne ■» aux Septante ^.

Voilà, semble-t-il, une condamnation sans appel. Et, en effet, il n'est pas douteux que cette opposition de saint Augustin et son exemple n'aient beaucoup nui en Afrique au succès des versions de saint Jérôme. Cependant celles-ci n'ont pas été inconnues dans le pays. Elles se sont glissées peu à peu dans les bibles locales, à côté des textes « italiens » et des textes « africains ». Les leçons de la Vulgate ne sont pas rares dans les citations des auteurs du v ou du vie siècle, surtout, il est vrai, pour le Nouveau Testa- ment. Et parfois elles apparaissent déjà chez saint Augustin lui- même, à titre d'exception ou de comparaison.

L'étude de la Bible de saint Augustin présente de très sérieuses difficultés*. D'abord, l'œuvre est immense, les citations sont in-

' « Perdurum enim erit, si tua inlerpretalio per multas ecclesias frequenlius cœperit lectitari, quod a i/racis ecclesiis lati-nœ ecclesia dissonabunt, maxime quia facile cou- tradictor conr.incitur graco prolato libro. id est linp-use notissimœ. . . « [ih/d., 71,2).

* Ihid., 82,0 : < ...tandem aliquando, si (ieri potest, inlelli^anl, propîerea me nolle tuant ex hehrœo interprelattonem in ecclesiis îegi, ne contra Septuaginta auctoritatem, tauqudm novutn aliquid prol'erentes. magno scandalo prrtwrl/emiis plèbes t'hnsli; qua- rum aures et corda illam iaterprelationem audire consueverunt quse eliaiii ab Apostolis approbata est.

* Saint Augustin, De civ. Dei, XVllI. 43.

'* Cf. RôGsch, Die laleinischen Bibelabetsetzungen im christlicken Afnka zur Zeit des Augustinus (dans la Zeitschrif't fur die historische Théologie, 1867, p. 0(16 et suiv. 1870, p. 91 et sui»'.); Douais, lévite biblique trimestrielle, 1893, p. 62 et suiv.; 351 et suiv. ; Burliitt, The Old Latin and the Itala, p. 55 et suiv.

LA IJIBLK LATINE EX AFRIQUE Xi

nombrables et dispersées, le texte en est souvent suspect, car nous n'avons pas encore de bonne édition critique pour la plupart des traités, surtout pour ceux qui renferment le plus de fragments bibliques. En outre, pendant sa longue carrière de polémiste, saint Augustin a eu entre les mains, pour diverses parties de la Bible, et fréquemment pour un même livre, des versions d'origine très différente. Il en usait librement avec ces textes latins, ne s'inter- disait pas de les corriger, et, comme il cherchait toujours à les améliorer, il ne s'astreignait pas à reproduire scrupuleusement, pour un même passage, les leçons qu'il avait antérieurement adoptées. Les citations parallèles, qui abondent dans ses ouvrages, sont très rarement identiques; alors même qu'elles relèvent d'une morne version, elles présentent généralement des variantes. Enfin, saint Augustin citait souvent de mémoire, jusque dans les occa- sions les plus solennelles. Par exemple, durant les interminables séances de la conférence de 411, entre les évèques catholiques et donatistes', il se réfère plusieurs fois au même verset de saint Matthieu, et il ne se soucie point de se mettre d'accord avec lui- même.

CONFÉRENCE DE 411.

SAINT GYPRIEN.

Augiistinus dixit patrem in terra [Gesta Collationis Car- thagine habites inter Catholicos et Dona- tistas, Cognit. III, 222. Cf. Mansi, Conctl., t. IV, p. 227).

< Aufrustinus dixit... : Ne vobis palrem dicatis in terra {ibid., Cognil. III, 235. Mansi, t. IV, p. 23ii).

« Augustiiius dixjt ... : 2solite vobis dicere patrem in terra » {ibid., Co- gnil. III, 242. Mansi, t. IV, p. 232).

Saint Matthieu, xxiii, 9. Ne vobis dicatis Ne vocaveritis

vobis palrem super terram {Ad For- tu/iat., 11).

El palrem no- lile vocare vobis su- per terram-

Cette négligence apparente, ces variations qui font songer à celles de Tertullien, surprennent d'abord chez un écrivain si mé- thodique, chez un évêque si ami de la règle, surtout à cette date. Elles s'expliquent cependant par l'idée que saint Augustin se fai- sait des textes latins. Lui-même nous renseigne très exactement, sur ce point, en maint endroit de ses commentaires bibliques ; et il a exposé tout au long sa théorie dans son traité de la Doctrine chrétleiine.

^ Gesta collationis Carthat/ine habita inter Catholicos et JJonatistas (Mansi, Concil.. l. IV).

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A aucun des textes latins il ne reconnaît une valeur intrin- sèque. Il conserve en face d'eux une entière liberté d'appréciation et de discussion. Il ne s'incline que devant les textes grecs K Pour le Nouveau Testament, ce sont les manuscrits grecs qui circu- laient alors dans tout l'Occident, c'est-à-dire des manuscrits du type « occidental » corrigés sur la revision « syrienne'^ ». Quant à l'Ancien Testament, saint Augustin mentionne les versions d'A- quila, de Symmaque, de Théodotion *, qu'avaient popularisées les Hexaples d'Origène, et que saint Jérôme utilisait alors pour ses travaux. On pourra donc, si l'on veut, consulter ces versions-là. Mais les Septante seuls feront autorité* : ce texte des Septante, qui a a été reçu par l'Église, comme s'il était unique », qui est adopté dans toutes les communautés d'Orient, et dont dérivent toutes les traductions latines en usage dans les communautés d'Occident \ Saint Augustin recommande aussi aux clercs l'é- tude de riiébreu, dont la connaissance est utile pour préciser à l'occasion le sens du grec^ Mais aussitôt il met en garde contre l'abus qu'on en pourrait faire : il déclare qu'en aucun cas une leçon hébraïque ne saurait prévaloir contre la leçon des Septante '. C'est dans le même esprit qu'on doit se servir des ma- nuscrits latins quelconques. Ils sont fort utiles à consulter, en tant qu'ils peuvent faciliter l'intelligence du texte grec^ Leur nombre même et leur variété aident fréquemment à fixer le sens du terme original, « car souvent l'obscurité de la pensée s'éclaire par l'exa-

* Saint Augustin, De doctrin. Christ.^ II, 15 : « Latinis quibuslibet emendandis graeci adhibeantur. >

* Libros aulem Novi Testamenli, si quid in latinis varietatibus titubât, gra-cis cedere oportere non dubium est, et maxime qui apud Ecclesias }loctioi'es et diligentiores reperiuntur . [ibid., II, 15). Ces derniers mois signilient évidemment qu'il faut pré- lerer les textes grecs revisés, ceux-là justement qui avaient servi de contrôle aux rédacteurs des textes latins du groupe dit italien •.

* Saint Augustin, De cit. Dci, XVIII, 43 : Cum fuerint et alii interprètes, qui ex hebra-a lingua in grjccam sacra illa eloquia transtulerunt, sicut Aquila, Symmachus, Théodotion. . . »

* « Sepluaginta interpretum, quod ad Vêtus Testamenlum altinet, excellit auc- toritas » {De doctrin. Christ., Il, 15;.

5 t Hanc tamen (interpretationem), quas Septuaijinta est, tanquam sola esset, sic recepit Ecclesia, eaqueuluntur grœci populi ctinstiani, quorum plerique utrum alla sii aliqua ignorant. E.v hac Septuaginta interpretatione eliam in latinam linguam inter- pretatum est quod ecclesiie latine tenait {De civ. Dei, XVIII, 43).

* De doctrin. Christ., II, 11 : t Latinœ quidem linguce hoœines, quos nunc ins- truendos suscepimus, duabus aliis ad Scripturarum divinarum cognitionem opus babent, hehraa scilicet et grœca...

' Ibid., II, 15 : « Eliamsi aliquid aliter in hebrœis exemplaribus invenitur quam isti (Septuaginta) posuerunt, cedendum esse arbitrer divinse dispensationi quœ per eos lacta est. Cf. De civ. Dei, XVIII, 43.

^ Horum quoque interpretum, qui verbis tenacius inhaeserunt, conlatio non est inutilis ad explanandam Sippe sentenliam {De doctrin. Christ.., II, 15). Cf. II, 13.

LA UIBLK LATINE EN AFHIQUE 23

men de plusieurs manuscrits. . . ; il est difficile que les traducteurs diffèrent tellement l'un de l'autre, qu'ils n'aient pas entre eux quelque point commun ». Sans doute, il existe une version meil- leure que les autres : Vltala *. On suivra celle-là de préférence ; mais on tiendra compte de toutes. On interrogera le plus grand nombre possible de manuscrits, car on peut trouver du bon dans les plus mauvais. On comparera les traductions entre elles ; on les complétera et on les corrigera l'une par l'autre sans s'asservir à aucune. La critique du texte est le premier devoir du clerc ou du polémiste qui veut citer un passage de l'Ecriture : « Ici encore, dit Augustin , c'est une très précieuse ressource que le grand nombre des traducteurs ; la collation des manuscrits permet l'exa- men des leçons, la discussion ; il faut se garder seulement des faussaires. Avant tout, c'est à la correction des manuscrits que doit s'attacher la sagacité de ceux qui désirent connaître les di- vines Écritures : les textes non revisés doivent céder la place aux textes revisés, du moins quand tous proviennent d'une même fa- mille de traductions ^ » Et, quel que soit le résultat de cette mi- nutieuse collation des manuscrits latins, s'il y a le moindre doute, on devra toujours se reporter au grec \

Telle est cette intéressante théorie, se mêlent étrangement une fidélité aveugle à la tradition et une grande hardiesse critique. Saint Augustin accepte, presque les yeux fermés, le témoignage du texte grec, surtout des Septante pour l'Ancien Testament. Mais il prend sa revanche sur les manuscrits latins ; il les traite, les compare et les corrige avec la tranquille assurance d'un phi- lologue. La seule chose, mais la chose essentielle, qui manque à sa méthode, c'est le sens net de la valeur inégale, de la hiérarchie des manuscrits : avant de les coUationner, il oublie de les classer. Par là, sa critique reste une critique toute subjective, empirique, très inférieure à celle de saint Jérôme, et beaucoup moins féconde en résultats. Sa théorie peut se définir d'un mot : l'éclectisme.

Et, en effet, c'est bien une méthode éclectique qu'il a appliquée toute sa vie, au hasard des inspirations du moment, des circons-

1 Nam nonnullas obscuriores sentenlias plurium codicum sœpe manifeslavit ins- peclio. . . Difficile est enim ila diverses a se interprètes ûeri ut non se aliqua vicinitate coatiupant » {ibid., II, 12).

' Ibid., II, 15.

3 Plurimum hic quoque juvat inlerprelum numerosilas coUatis codicibus inspecta atque discussa ; tantum absit falsilas. Nam codicibus emendandis primitus débet invi- gilare solerlia eorum qui Scripturas diviuas nosse desiderant, ut emendalis non emen- dali cédant, ex uno duntaxat iuterpretalionis génère venienles [tbid., II, 14).

Latini ergo... codices Veteris Teslamenti, si necesse fuerit, grœcorum auctori- tate emendandi sunt... Libros autem Novi Testamenti, si quid in latiuis varietatibus titubât, grœcis cedere oportere non dubium est » [ibid., II, 15).

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tances, des souvenirs, ou des exemplaires qu'il avait sous la main. On le voit à l'œuvre dans ses ouvrages de polémique ou d'exé- gèse. Par exemple , son traité Sur l'accord des Évangélistes abonde en observations de ce genre : « Quelques manuscrits donnent pour ce passage de Luc. . . ; pourtant, dans les manus- crits grecs plus anciens, cette leçon ne se trouve pas, dit-on. Voilà ce qu'on lit dans certains manuscrits. . . ; car la plupart des manuscrits n'ont pas cela. Telle n'est pas la leçon de tous les ma- nuscrits des Évangiles... Plusieurs manuscrits donnent le nom de Jérémie ; les gens qui ont étudié avec soin l'Évangile dans les exemplaires grecs rapportent qu'ils ont trouvé cette leçon dans de vieux manuscrits grecs*. » Ailleurs, dans un traité contre les Ariens : « Glorificare ou honori/icare, ou clarificare : voilà trois mots différents, mais qui désignent la même chose. C'est le grec oolJXf.v. En raison de la variété des traductions, la leçon s'est di- versifiée dans le latin -. » Les discussions de ce genre reparaissent à chaque page des commentaires de saint Augustin sur l'Ancien et le Nouveau Testament. Voici deux passages de son célèbre commentaire sur les Psaumes : « Plusieurs manuscrits latins, et surtout les manuscrits grecs, séparent ainsi les versets. . . Ce sys- tème a pour lui l'accord de nombreux manuscrits, et des meil- leurs ; sans aucun doute, il faut le préférer ^. » Et ailleurs : « As- surément, la majorité des manuscrits donnent non pas marnes, mais manum... J'aurais préféré que les interprètes latins eussent traduit : Aethiopia praeveniet manus ou ?nanumsiiam Deo^. . . En grec, la majorité des manuscrits donnent /sïpa oLÙ-zy^ç. Cela peut se comprendre en latin de deux façons : manum ejus et ynanimi suam. On trouve rarement dans les manuscrits grecs /sTpaç a-jx-r,; : ce qui peut se rendre en latin par manus ejus et par manus suas^. »

Dans ces exemples, on saisit sur le vif la méthode critique de saint Augustin : son éclectisme si respectueux du grec, si libre

' Saint Augustin, De consens. Evanf/elist., II, 31 et 106; 111, 29.

■-' Id., Contra sermon. Arianor., 35.

» Id., Enarr. in Psalm. LXVII, 41.

'* Psalm. r.xvii, 32 : « .'Ethiopia praeveniet manus ejus Deo (Vulgate).

5 Saint Augustin, Enarr. in Psalm. LXVII, 41. Lui-même, dans une lettre à Audax, donne des renseignements précis sur le Psautier latin dout il faisait usage. Il exphque comment il corrigeait sans cesse ses manuscrits, les comparant au grec seiïorçaul toujours d'améliorer son texte : > Psalterium a sancto Hieronymo Irans- latura ex Hehraio non habeo. Nos antem non interprelali sumus, sed codicum latino- rum nonnullas mendositates ex gracis exemplaribits emendavimus. Unde l'ortassis fece- rimus aliquid commodius quam erat, non tamen taie quale esse debebat. Nam etiam nuHC que forte nos tune prceterierunt, si legentes moverint, collatis codicihus emen- daiiius ' [E/iist. 261, b Migne).

LA mULK LATINE KN AFIUQUIÎ 27

d'allure en face des textes latins. Ce qu'il fait ici dans ses traités d'exégèse, il l'a fait à toutes les époques de sa vie : sans cesse en- richissant sa bibliothèque, toujours occupé à multiplier autour de lui, à compléter et corriger les exemplaires des livres sacrés. Sans parti pris, d'ailleurs, accueillant pour les manuscrits des fa- milles les plus diverses , môme pour cet Ancien Testament de Jérôme, dont il ne voulait point autoriser la lecture dans son Église, mais auquel, pour son compte, il ne craignait pas de faire des emprunts '. Comme il n'accordait de valeur absolue à aucune traduction latine, il ne s'est point soucié de (ixer son texte une fois pour toutes, pour y rapporter scrupuleusement ses citations. Sa Bible latine n'a cessé de se transformer, tantôt par des chan- gements brusques, tantôt par une continue et lente évolution. D'après cela, on comprend qu'il soit chimérique d'essayer de ra- mener à l'unité le texte sacré de saint Augustin. On ne saurait le reconstituer, comme on reconstitue, en bien des parties, celui de saint Cyprien. Dans l'étude de cette Bible changeante, se ren- contrent et se mêlent tant d'éléments divers, une seule chose nous paraît possible et utile : c'est de distinguer et classer ces divers éléments, d'en marquer l'origine et l'ioûportance relative.

Avant tout, c'est des textes « italiens » que relève la Bible de saint Augustin ^. La plupart de ses citations ont une étroite pa- renté avec celles de saint Ambroise, de Lucifer de Gagliari, et du Spéculum ^. Dans plusieurs parties de l'Ancien et du Nouveau Tes- tament, elles se rapprochent des versions conservées par quel- ques-uns des plus importants manuscrits du groupe : Codex Bri- xiamis pour les E va)i g îles *, Palimpseste de Freisingen pour les Êpilres de saint PauP, Codex Lugdiinensis pour le Pentaleuque'^, pour Josiié et pour les Juges \ Inutile d'insister sur ce fait, qui

' De doctrin. Christ., IV, 7.

^ Ziecrler, Die latetnischen Bibelubersetiiimf/en vor Hieronymus nnd die Itala des Augusiinus, 1879; S. Berger, Histoire de la Vulgate, p. 5 et suiv. ; Kenyou, Otir Bible and the ancieni nianuscripts, p. 168 et suiv.

* S. Berger, Histoire de la Vulf/ate, p. 6.

* Hort, The Nc-io Testament in ureelt, t. II, p. 78 el suiv.

5 Ziegler, Italafragm. der paulin. Briefe ans Friesinger Perg. (Marbiirg, 1874- 187r») ; Woelllliti, Neue Bruchstiicke der Freisinger Itala (Muuioli, 18'.t3i.

•> Ulj'sse Robert, Pentateuchi versio latina antiqiiissima e codice Lngdunensi (Paris, 1881) ; Ziegler, Bruchstiicke einer vorhieronymianischen Uebersetzung des Pentateiich (Munich, 1883). Cf. Gaston Paris, Journal des Savants, 1883, p. 276 et suiv. ; 386 et suiv.

' Cf. Delisle, Journal des Savants, 1893, p. 702 el suiv, ; Ulysse Robert el S. Berger, Bull, de la Société' des Antiquaires, 1896, p. 65 et sniv. ; Ulysse Robert, Heptatiuchi partis posteriori^: versio latina aniiquissima e codice Lugdtinensi (Lyon, 190U). Nous avons déjà remarqué plus haut qu'un ne peut actuellement déterminer l'origine exacte du Codex LugdtiHensis : mais, eu tout cas, c'est uu texte revisé, probablement au

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est aujourd'hui hors de doute. Il est à noter cependant que, dans cet emploi des textes « italiens », saint Augustin conserve une indépendance relative : presque toujours, il s'écarte plus que saint Ambroise des manuscrits bibliques de cette famille. Fidèle à son système, il se réserve le droit de correction. Dans un de ses traités d'exégèse, il cite une leçon de la traduction latine qu'il sui- vait de préférence, dit-il, « comme la meilleure* ». On suppose avec beaucoup de vraisemblance qu'il fait ici allusion à Vllala^. Or, il ne cite cette traduction « la meilleure », que pour la criti- quer, pour y relever un solécisme sans excuse ^. On voit par cet exemple que, s'il accepte et adopte les textes « italiens », c'est sous bénéfice d'inventaire : il les modifie au besoin, et même y substitue des textes d'une autre famille, surtout les vieux textes « africains ».

Il a souvent consulté ces anciennes versions, seules connues dans le pays jusqu'au temps de sa jeunesse. Il parle lui-même de leçons attestées par « un très grand nombre de manuscrits afri- cains * ». Il devait savoir par cœur bien des passages de ces tra- ductions très répandues autour de lui, car, jusqu'à la fin de sa vie, il leur a emprunté des expressions, des versets entiers, sur- tout pour des citations courtes, probablement faites de mémoire. De des rencontres accidentelles, mais assez fréquentes, avec saint Cyprien. Bien mieux, à diverses reprises, saint Augustin a franchement adopté le texte « africain ». Dans quelques chapitres de la Doctrine chrétienne S il suivait de près et résumait le commentaire de Tyconius, il a transcrit plus de vingt versets de la Bible, sans rien changer à la vieille version qu'avait citée l'é- crivain donatiste. Enfin, nous avons la preuve qu'en l'année 404 le texte « africain » des Actes des Apôtres était encore employé couramment par l'Église et l'évêque d'IIippone ^. Au milieu d'une conférence solennelle il s'efforçait de réfuter le manichéen Fé- lix, Augustin prend un exemplaire des Actes des Apôtres, et y lit, presque en entier, les deux premiers chapitres. La citation a été

iV siècle, qui par se rapproche du groupe des textes « ita'iens >. C'est ce que prouve encore la parenté du texte du Codex avec le texte biblique de Lucil'er de Cagliari.

' Saint Augustin, Locutiones in Heptatettckitm, II. De Eœodo, V, 21 : t Sic enim habel graîcus. Lat/nus autem ait, quem pro optimo lefjebamus. . . »

^ Zycha, Bemerkungen zui- Italaf'rage [Eranos Vindobonensis, 1893, p. 177 sqq.).

* « Qui solœcismus nulla interpretaliouis necessitale factus est, quia in graeco non est » (saint Augustin, Locutiones de Exodo, V, 21).

* Saint Augustin, Rétractât., I, 21 : Codices plurimos, verumtanien afros. »

5 De doctrin. Christ., III, .30-37. Cf. Burkitt, The Old Latin and the Itala, p. 56.

* Burkitt, The Old Latin, and the Itala, p. 57-58, 67 et suiv.

LA UIBLIi LAT1N1<: EN AFRIQUE 29

consignée tout au long dans le procès-verbal et nous est parve- nue ' : c'est exactement le texte de saint Gyprien. On en jugera par ces versets :

CONFÉRENCE DE 404.

SAINT CYPRIEN.

VULGATE.

« Nenio potest cognoscere tempus quod Pater posuil in sua potestate » (saint Au- gustin, Acta contra Felicem Aiamchceum, I, 4-5).

Et erant persévérantes omnes unanimes in oratio- nibus cum mulicribus et Maria qtxB fuerat mater Jesu et fratribus ejus. Et in diebus illis exsurrexit Petrus in medio discentium et dixit fuit autem lurba in uno. . . » [ibid.)

El l'actus est subito de CEplo 3onus, quasi ferretiir ftatus vehemens, et iniplevit toLam Ulam domum in qua erant sedentes. Et visa sunt illis lingua; divisa quasi ignis, qui et insedit super unumquemque eoruni : et impleti sunt omnes Spiritu sanclo [ibid.].

Act. apost., I, 7.

« Nemo potest cognoscere tempus aut lempora qua; Pater posuit in sua potes- tate- {Testimon., 111, 89.).

Ib., I, 14-15.

> Et erant persévérantes omnes unanimes in oratione cum mulieribus et Maria qua fuerat mater Jesu et fratribus ejus {De cathol. eccles. ntiit., 25).

« Surrexil Petrus in medio discentium fuit autem turba in nno... » (Epist. 67, 4.).

/*., II, 2-4.

« Et factus est subito de ca:'lo sonus, quasi ferre.tur flatus vehemens, et implevit totum locum illum in quo erant sedentes. Et visa sunt illis linguie divisa quasi ignis, quiet insedit in unum- quemque illorum : et impleti sunt omnes Spiritu sancto » [Testimon., III, 101.).

' Non est vestrum nosse tempora vel momenta quae Pater posuit in sua potes- tate. '

« Hi omnes erant persé- vérantes unanimitcr in ora- tione cum mulieribus et Maria matre Jesu et fratri- bus ejus. In - diebus illis exsurgens Petrus in medio fratrum dixit erat autem lurba hominum simul. ..

« Et factus est repente de cwlo sonus, tanquam advenienlis spiritus vehe- mentis, et replevit totam domum ubi erant sedentes. Et apparuerunt illis disper- titœ linguse tanquam ignis seditque supra singulos eo- rum : et repleti sunt omnes Spiritu sancto. »

Et il ne s'agit point d'une exception unique, ni d'une substi- tution faite après coup, car cette ancienne version des Actes des Apôtres se retrouve dans d'autres ouvrages du même auteur ^. Ces exemples suffisent à démontrer que saint Augustin, pour quelques livres bibliques, restait souvent fidèle aux vieux textes « africains » du temps de saint Gyprien.

Il n'était pas non plus systématiquement hostile à toutes les nouveautés de la Vulgate. A l'occasion, il remplaçait ses textes « italiens » ou « africains » par la version de saint Jérôme. Nous avons vu que, dans une lettre datée de 403, il félicitait cet écrivain sur sa revision des Évangiles ^ Ses compliments étaient sincères,

* Saint Augustin, Acta contra Felicem Manicheeutn, I, 4-5 (éd. Zycha, vol. XXV, pars II, du Corpus scriptor. eccles. lat., p. 802 sqq.).

* Saint Augustin, Contra Epist. Fundamenti, 9 ; De consens. Evangtlist., IV, 8. 3 Id., Epist. 71, 4 (Migne).

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puisqu'il a fréquemment adopté ce texte revisé. Dans sa discus- sion de 404 avec le Manichéen, outre les Actes des Apôtres, il lut un long fragment de l'Évangile de saint Luc * : d'après le procès- verbal *, ce texte était presque identique à celui de Jérôme. On en a conclu que la Vulgate des Écangiles était, dès lors, en usage à Hippone *. D'autres faits confirment entièrement cette hypothèse. Dans son traité Su7' C accord des Évangélistes, qui a été composé vers le même temps, Augustin cite et compare des leçons em- pruntées à toutes les famil'es de textes bibliques ; mais il prend la Vulgate comme base de son exégèse''. Parfois il a suivi Jérôme jusque dans ses versions de l'Ancien Testament. Il reproduit ordi- nairement, pour Job, la première traduction d'après les Hexaples d'Origène ^. Il oublie même, quand il le juge utile, ses préventions théoriques contre la traduction d'après l'hébreu. C'est ce qui ré- sulte nettement d'un curieux passage de la Doctrine chrétienne. Voulant montrer les beautés du style biblique, il choisit, entre autres exemples , quelques versets du prophète Amos : « Je ne citerai point, dit-il, d'après la version des Septante. Car cette ver- sion, inspirée par l'Esprit divin, paraît avoir ici, pour cette raison même, changé quelques expressions, afin de mieux avertir le lec- teur qu'il faut chercher le sens spirituel : d'où vient une certaine obscurité, causée par les métaphores. Je citerai le passage, comme il a été traduit de l'hébreu en latin par le prêtre Jérôme, très versé dans les deux langues^. » Suit le texte de la Vulgate. Cet hom- mage involontaire à l'exactitude de Jérôme éclaire tout un groupe de citations d'Augustin. Malgré son parti pris de sévérité contre la version nouvelle faite sur l'hébreu, l'évêque d'Hippone ne s'inter- disait pas de l'adopter quelquefois. Il a la suivre ailleurs, sans le dire ; toutes les leçons de la Vulgate insérées dans ses ouvrages, même pour l'Ancien Testament, ne sont pas le fait des copistes''.

» Saiat Luc, xxiv, 36-49.

* Saint Augustin, Acia contra Felicem Manichaum. I, 3.

* Burkitt, The Old Latin and the Itala, p. 58.

'* Le fait avait été signalé déjà par Sabalier [Bihliorum sacrorum latina versiones antiqua, 1743, t. I, Frœfat., p. Lvii). Cf. Burkitt, The Old Latin and the Itala, p. 72-78.

^ Burkitt, The Old Latin and the Itala, p. 32 et suiv.

« Saint Augustin, De doctrin. Christ., IV, 7 : Non aulem secundum Septuaginta interprètes, qui etiam ipsi divino Spiritu interprétât!, ob hoc aliter videntur nonnulla dixisse, ut ad spiritualem sensum scrutandum magis admoneretur lectoris intentio (unde etiam obscuriora nonnulla, quia magis tropica sunt eorum), sed sicut hebrao in latinum eloquium, presbijtero Hieronymo utriusque lingua; perito interprétante , trans- lata sunt. >

' Nous laissons de côté \e Spéculum aiinh\xé à saint Augustin (éd. Weihrich, 1887. Corpus scriptor. eccles. lat., vol. XII, pars I, p. 1-283). Ce recueil d'extraits bibliques suit presque toujours la version de saint Jérôme. Mais on s'accorde aujour"

LA BIHLK LATINK KN AFRIOUE 31

Donc, rien n'est plus complexe et plus bif,'arré que cette Bible de saint Augustin. S'il reproduit surtout des textes « italiens », il y substitue fréquemment des textes « atricains », et quelquefois la Vulgate. De plus, par la liberté avec laquelle il corrige et modifie les versions « italiennes », il inaugure déjà le système des textes « mêlés », si fort en honneur pendant les premiers siècles du moyen âge. Sa Bible est comme une encyclopédie, un peu confuse, de presque toutes les versions connues. Prenons son Nouveau Testament, qui, dans la plupart des livres, correspond à des ma- nuscrits bibliques encore existants. Dans les Évangiles, il s'ac- corde tantôt avec les textes & africains », tantôt avec les textes « italiens » du Codex Brixianus, tantôt avec la Vulgate. Pour les ÉpHres de saint Paul, ses citations sont presque toujours iden- tiques au texte « italien » du Palimpseste de Freisingen. Pour V Apocalypse et les Actes des Apôtres, elles relèvent généralement des vieux textes « africains » de saint Cyprien ou du Palimpseste de Fleury. Pour les ÉpUres catholiques, elles sont voisines des textes mêlés, qui figurent dans une autre partie de ce même Palimpseste. On ne saurait analyser avec autant d'exactitude la composition de l'Ancien Testament d'Augustin : rappelons pour- tant que, s'il y emploie surtout les textes « italiens », il y insère fréquemment des leçons « africaines », qu'il y reproduit parfois la version de Jérôme d'après Origène, et même la version d'après l'hébreu. Le trait dominant de la Bible latine de saint Augustin, c'est donc bien, comme nous le disions au début, Téclectisme.

Cet éclectisme présidera désormais en Afrique, pendant tout le va et le vi« siècle, à la formation des recueils de livres sacrés. On le voit à l'œuvre dans les citations des correspondants et des con- temporains de saint Augustin. On en retrouve des traces jusque sur les pierres ou les mosaïques. Comme aujourd'hui les musul- mans dans leurs mosquées, les chrétiens d'Afrique aimaient à graver des inscriptions pieuses sur les parois ou le dallage des basiliques, sur le linteau des portes, sur les baptistères ou les fon- taines'. On a découvert, soit à Carthage, soit dans d'autres villes de Proconsulaire ou de Numidie, quelques-unes de ces inscrip- tions, qui toutes paraissent dater du v' siècle ou de la fin du

d'hui à penser qu'il n'esl pas authentique, du moins dans sa forme actuelle : au vieux texte de saint Augustin a été substitué systématiquement le texte de la Vulgate. Quant au second Spéculum ou Liber de divinis Scripturis {ihid., p. 2S7-700), il est fort intéressant comme spécimen des textes mêlés des v et vi« siècles ; mais il n'est pas de saint Augustin. Cf. Weilirich, Die Bihelexcerpte De divinis Scripturis und die Itala des Augustinus, 1894.

Le Blant, L'épigraphie chrétienne en Gaule et dans l'Afrique romaine, p. 111 et suiv.

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iv^ '. Ce sont ordinairement des versets bibliques, tirés surtout des Psaumes. Ces documents ont pour nous un grand intérêt, car ils nous présentent des textes d'une authenticité indiscutable et sans aucune altération, ils nous ont conservé l'exacte copie des livres saints alors employés dans les Églises de la région. En général, ces légendes s'accordent avec la Vulgate, ce qui est tout naturel : déjà chez saint Cyprien, même chez TertuUien, une foule de ver- sets des Psaumes avaient leur physionomie actuelle, parce que notre Psautier, le Psautier dit « gallican » de saint Jérôme, n'est que l'ancienne version très légèrement revisée. Toutefois, entre ces inscriptions bibliques et la Vulgate, on surprend quelques dif- férences, soit dans la structure du verset, soit dans le vocabulaire ; on y relève des leçons « italiennes » ou « africaines », comme chez saint Augustin.

INSCRIPTIONS BIBLIQUES TRODVÉES EN AFRIQUE. VULOATK.

Saint Matthieu, vi, 13.

«... [am\aîo libéra nos » (Inscriplion d'une table en pierre, trouvée au Kef, maintenant au Musée du Bardo : La Blanchère et Gauckler, Catalogue du Musée Alaoîii, D, 555).

Saint Luc, ii, 14.

« Gloria in excehis Deo, et in terra pax hominibus bonse voluntatis (Inscription découverte eiitre Tebessa et Constan- tine : Corpus inscript, lat., VIII, 10642 ; supplem., 16720. Texte identique, sauf pour l'orthoffraphe, dans une inscription d'Haïdra (Animaedara) : Corpus inscript, lat., YIII, 462 ; sup- plem., 11644).

Gloria in excelsis Deo, et in terra pax » (Inscription de Cartbage : Corpus inscript, lat., VIII, 10549, Additam. Même texte dans une inscription de Kessera (Chusira) en Byzacène : CorptiS inscript, lat., VIII, 706).

Gloria in ex[celsis] (Inscription d'une fontaine trouvée prè.s de Zaghouan, aujourd'hui au Musée du Bardo : La Blan- chère et Gauckler, Catalogue du Musée Alaoui, D, 586).

Saint Paul, Roman., ii, 14.

« Justus sibi lex est (Inscription d'une mosaïque trouvée à Constantine : Corpus inscript, lat., VIII, 7922).

Ib., VIII, 31.

« Si Deus pro nobis, quis contra nos ? (Inscription de Car- thage : Musée Lavigirie, III, p. 12-13, pi. III. Texte iden- tique sur une mosaïque des environs de Lamta(Leptiminus) en Byzacène : Corpus inscript, lat., \Ill, sup2)lem,, 11133).

Sed libéra nos a malo. »

« Gloria in altis- simis Deo, et in terra pax hominibus bonse voluntatis. »

Ipsi sibi sunt

lex.

« Si Deus pro nobis, quis contra nos ? »

' P. Delattre, Les citations bibliques dans l'épigraphie africaine [C. H. du Congrès scientifique international des catholiques, tenu à Bruxelles en 1894. section : Sciences religieuses, p. 210 et suiv.).

LA mULK LATINI'. KN AFHKjUE

« Si Dcus pvo nol)is. quis advcrsns nos? (Iiiscriplioii d'Aïu-Giiehoi', on Nuinidie, sur un lintoau de porte : Corpus inscript, lai., ^'I1I, 2218) '.

Deuterouom., vi, S *.

Diligis Dominum Dchhu ex [loto corde] luo, ex Iota anima tua, et ex lot[a forlitudinc tua] (Inscription d'un jjilastre, trouvée à Sétif : Corpus inscript, lat., VIII, 8620) '•

P.talm., X, 12.

« Exsurge, Domine Dcus, cxaltctur nianus tua » (Inscription de Sétif, aujourd'hui au Musée du Louvre : Corpus inscript, lat., VIII, 8621).

Ib.. xn, 4.

Respice et exaudi me, Domine Deus meus (Inscription de Sétif, au Musée du Louvre : Corpus inscript, lat., VIII, 8622).

Ib., XXIX, 2.

Hxalta te, Do[nii]ne, quia suscepisti me ; et non jucundasti inimicos meos super me (Inscription de Sétif, dont la seconde partie est au Musée du Louvre : Corpus inscript, lat., VIII, 8623-8624).

Ib., LUI, 4.

« Exaudi, Deus, or[a]tionem meam ; aurri]bus percipe berb[a] oris niei » (Inscription d'une mosaïque qui ornait l'abside d'une basilique à Feriana (Thelepte) : Corpus inscript, lat., VIII, snpplem., 11269).

Ib., Lxxxv, 17.

« Fac mecum sifjnum in Jjonum, ut vidcant qui me oderunt, et confundantur (Inscription d'un linteau de porte, trouvée à Carthage : C. R. de l'Acad. des Inscript., 1894, p. 101 ).

Ib., cxv, 13.

< Salulera accipiam, et nomen Domini invocabo (Inscription de Sétif : Corpus inscript, lat., VIII, 8625)*.

33

Diliges Domi- num Dcum tuum ex toto corilc tuo, et ex Iota anima t\ia,el ex Iota forlitudinc tua."

ExsiH'ge, Do- mine Deus, exalte- tur manus tua. »

« Respice et ex- audi me , Domine Deus meus.

Exaltabo te , Domine , quoniam suscepisti me ; nec delectasti inimicos meos super me. »

Deus, exaudi orationem meam ; auribus percipe verba oris mei. »

« Fac mecum si- gnùm in bonum, ut videant qui oderunt me, et confundan- tur. »

« Calicemsalutaris accipiam, et nomen Domini invocabo. »

1 On lit sur la même pierre la formule : t Fide in Deu et ambula », qui paraît être une paraphrase d'un autre verset biblique : Per fidem enim ambulamus (II Co- rinth., V, 7).

^ Ce verset du Deutéronome est reproduit, avec quelques variantes, dans les trois premiers Evangiles (saint Matthieu, xxii, 37 ; saint Marc, xn, 30 ; saint Luc, x, 27). Mais rinscription de Sétif paraît se rapporter plutôt au passage du Deutéronome.

^ Cf. la citation de saint Cyprien, Tcstimon., III, 18 : <■ Diliges Dominum Deura tuum de toto corde tuo, et de Iota anima tua, et de tota virtute tua. »

* Cf. la citation de saint Cyprien, Hpist. 7fi, 4 : « Calicem salutis accipiam, et nomen Domini invocabo. » Sur une inscription trouvée à Henchir-el-Guis, près Theveste, on lit la formule suivante : t Adferte Dom(ino) mundum sacrificium ; adferte D(o)m(ino) patrise gentium [Corpus inscript, lat., VIII, 106.56). C'est encore une paraphrase d'un passage de la Bible : « Adferte Domino palriœ gentium;... tollite hoslias [Psalni. xcv, 7-8). Enfin, une autre inscription qui décorait sans doute la façade d'une église à Henchir-Guesseria, près du Ghott Timsitt : « Hec porta Domini justi intrabunt », est la reproduction littérale d'un verset biblique (Psalm. xcvii, 20. Cf. Corpus inscript, lat., VIII. 10863).

T. XLIII, 8S. 3

34 REVUE DES ETUDES JUIVES

Au moment les communautés africaines, sous l'influence de saint Augustin, ou par le concours des mêmes circonstances, com- mençaient à employer concurremment ou à mêler des versions très différentes d'origine, un groupe d'Églises locales continuaient à se servir exclusivement d'anciens textes : c'étaient les Églises donatistes. Nous avons remarqué déjà qu'au iv® siècle, les écri- vains de cette secte étaient restés les plus fidèles aux vieilles tra- ductions contemporaines de saint Cyprien. Plus tard, au milieu de leurs querelles avec les catholiques, les donatistes s'obstinèrent d'autant plus à conserver scrupuleusement les traditions locales, qu'ils voyaient leurs adversaires y renoncer en partie. Ils refu- sèrent d'accepter les versions nouvelles, et gardèrent leurs vieux textes « africains )>. Ce contraste entre les deux Églises rivales est nettement accusé dans le traité Contre Fulgence le donatiste, qu'on attribue à saint Augustin '. Cet ouvrage a la forme d'un dia- logue entre un catholique et un donatiste : or, les citations du catholique se rapportent presque toujours à la Vulgate, tandis que son interlocuteur se réfère aux vieilles versions. Même contraste dans le procès-verbal des conférences de 411 ^ Saint Augustin et les catholiques y emploient de préférence les textes « italiens » ou parfois la Vulgate, tandis que les donatistes s'en tiennent aux textes « africains ». Par exemple, pour ce passage d'Isaïe, l'évêque donatiste Habetdeus reproduit, presque mot pour mot, une citation de Tyconius :

HâBBTDEUS.

Quomodo vestimentum conspersum in sanguine non erit niundum, ita nec tu eris mundus, quia terrain meam perdidisti et plebem meam occidisti. Non nianebis in a?ternum tempus semen ne- quam. Para ûlios tuos in- terfici peccatis patris sui, vt non exsurgant {Gesta col- latiouis Carthagine habitie tnter Catholicos et Dona- tistas, Cognit. III, 258 cf. Mansi, Concil., t. IV, p. 239).

Isaie, XIV, 20-21.

« Quomodo vestimentum sanguine consparsuni non erit mundum, ita nec tu eris mundus, quia tcrram meam perdidisti et plebem meam occidisti. Noa eris in œter- num tempus semen nequam. Parfliilios tuos interfict pec- catis patris tui, ut non re- surgant ( De septem re- gulis, reg. VII).

« Non habebis consor- tium, neque cum eis in se- pultura ; tu enim terram tuam disperdidisti. tu po- pulum tuum occidisti. Non vocabitur in seternum se- men pessimorum. Pra'pa- rate filios ejus occisioui in iniquitate patrum suorum ; non consur^ent. »

' Contra Fulgentium donatistam, dans la Patrol, lut. de Migne, t. XLIII, p. 763 et suiv. Cf. Burkitt, The OUI Latin and the Itala, p. 91 .

* Gesta r.ollationis Carthagine habita inter Catholicos et Donatistas (Mansi, Concil., t. IV, p. 51-246). Cf. Sabalier, Bibliorum sacrorum latitue versiones antiqua, t. 1, Prtsfat., § 157.

LA RinLK LATINI-: F.N AFRIQUE aS

Comme Tyconius lui-mT'me s'était sprvi des anciennes versions da iiF siècle', on nest pas surpris de relever beaucoup d'ana- logies entre les citations donatistes de 411 et les citations mêmes de saint Cyprien. Pour certaines parties de la Bible, comme le livre d'Isaïe, l'origine de ces textes africains semble remonter plus haut encore, jusqu'à Tertuliien :

HABETDEUS.

SAINT CYPRIEN.

TERTULLIEN.

Tsaie, I, 11-15.

Quo milii miilti- tudine sacrificiornm vestrorum ? dicit Do- ininiis. Plonus sum. Holocaustomata arie- tum, et aclipem agno- rtitn, t't sanguinem taurorum et hirco- rum nolo ;■ nec sic veniatis in conspectu meo Quis euim ex- çuisivit ista de ina- nibus veslris ? Cal- rare aulam meam non adtcitis ; si attu- leritis similaginem, vanum : incensum aboniinatio est mihi. Neomenias vestras et sabhata et diem tnaq- nui'i non sustineo . Jejunium et ferias et dies festos vestros odil anima mea . Facti enim estis mihi in abundantia niulta. Jam non parcam pec- cati^ vestri% . Cum extenderitis manus, avei-tamoculos meos a vobis ; et si mul- tiplicaveritis preces, non exaudiam vos ; manus enim vestrse sanguine plenœ sunl (Gesta Col- lation is Carthagine habilte inter Catho- licos et Donatistas, Coynit. III, 258. Cf. Mansi, Concil., t. IV, p. 238).

Quo mihi mulli- ludinem sacrifiein- rum vestrontni ? di- cit Dominas. Pleims sum, Holocausto- mata arietum , et adipem agnorum, et sanguiiiem tauro- rum et hircorum nolo . . . Quis enim exquisivit ista de manibus vestris ? » {T-estimo>i., I, 1G).

Jam non >•«- laxabo peccata ves- tra. Cum extende- ritis manus , aver- tam faciem a vobis ; et si maltiplicaveri- i\?< preces, non exau- diam vos ; manus enim vestrœ san- guine plenœ sunt > {Testimon., I, 24).

« Quo mihi, in- qitit, multitudinem sacrifiriorum vestro- rM»»?Plenu3Sum^o- locaustomaium arie- tum, et adipem agnorum, et sangui- nem taurorum et hircorum nolo. . . Quis enim requisi- vit ista de manibua ve.stris '.' {De ora- tione, 28).

Si attuleri- tis, inquit, mihi si- milam, vantim sujj- plicamentum , exe- cramentum mihi est ( Â dvers . Judteos , 5).

Neomenias vestras et sabbata et diem magnum non sustineo. Ferias et jejunium et dies fes- tos vstros odit ani- ma mea (Advers. Marcion., I, 20).

Et si exten- deritis manus, aver- lam faciem meam a vobis ; et si multi- plicaveritis preces , non exaudiam vos ; manus enim vestrœ sanguine plenœ sunt {Advers. Ju- daos, 3).

« Quo mihi mul- titudinem victima- r u m V e s t r a r u m ? dicit Dominus. Pie- nus sum . Holo- causta arietum, et adipem pinguium , et sanguinem vitu- lorum et agnorum et hircorum nolui. Cum veniretis ante conspeclum meum, quis quœsivit hîBC de manibus vestris, ut ambularetis in atriis meis ï Ne ol- feratis ultra sacrifi- cium frustra : in- censum abominatio est mihi. Neome- niam et sabbatum et feslivitates alias non feram. Iniqui sunt cœtus vestri. Calendas vestras et solemnitates vestras odivit anima mea. Facta sunt mihi mo- lesta, laboravi sus- tinuns. Et cum ex- tenderitis manus vestras, avertam oculos meos a vo- bis ; et cum multi- plicaveritis oratio- nem , non exau- diam ; manus enim vestrse sanguine plenœ sunt. »

» Burkitt, The Mules ot Tyconius., 1894, p. lui et suiv.

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REVUE DES ETUDES JUIVES

Ib., XXXV, 3-6.

« Confortamini , manus dissohitœ, et genua debilia, con- fortamini. Qui estis pusillanimes., nolite timere. Dominus nos- ter judic.ium retri- biiet, et ipse veniet, et salvos faciet nos- Tune aperientur oculi cœcorum , et aurcs surdorum au- dient, plana erit lin- gua mutoi'um , et claudus saliet sicut cervus : çnoniam rtipta est in deserto at^ua et /bns in terra sitienti {ibid.. Co- (jnit. III, 258. Mansi, t. IV, p- 236).

« Confortamini, manus resolutœ, et genua debilia, ex- hortamini. Qui estis pusillo anima, nolite timere. Deus noster judicium retribîtet, ipse veniet, et salvos faciet nos. Tune ape- rientur oculi cœco- rum, et aures sur- dorum at(dient. Tune saliet clodus sicut cervus, et plana erit lingua muto- rum : quia rupia est m deserto ar/na et riviis in terra si- tienti • {Testimon.y II, 7).

Tnvalescite, ma- nus dimissee, et ge- nua resoluta » {Ad- vers. Marcion., IV, 24).

Ecce Deus noster judicium ré- tribua, ipse veniet, et salvos faciet nos. Tune infirmi cura- bunttir, et oculi cae- corum videbunt, et aures surdorum au- dient et mutorum linguœ solventur, et claudus saliet velut cervus, et cetera [Advers- Judœos, 9).

Tune pate- fient oculi cœcorum, et aures exaudient surdorum. Tune sa- liet claudus ut cer- vus, et clara erit lingua mutorum > {Advers. Marcion-, IV, 24).

Confortale ma- nus dissolutas, et genua debilia robo- rate. Dicite pusilla- nimis : Conforta- mini, et nolite ti- mere . Ecce Deus vester ultionem ad- ducet retributionis, Deus ipse veniet, et salvabit vos. Tune aperientur oculi cœ- corum, et aures sur- dorum patebunt. Tune saliet sicut cervus claudus, et apcrla erit lingua mutorum, quia scis- sunt in deserto aquœ, et torrcntes in solitudine.

Il faat donc mettre à part les donatistes, qui restaient obstiné- ment fidèles aux vieux textes. Mais les communautés catholiques, à en juger par les citations de leurs polémistes et par les docu- ments d'Église, avaient promptement adopté la méthode éclectique inaugurée par saint Augustin. Cet éclectisme eut pour effet de modifier profondément la physionomie des recueils de livres sacrés, d'y introduire de surprenants contrastes, quelquefois une grande confusion. Désormais prédominent les textes « italiens », importés dans le pays vers la fin du iv'' siècle. En même temps se répand Tusage des versions de saint Jérôme, dont on adopte sou- vent des leçons, même des versets entiers, surtout pour le Nouveau Testament. Cette infiltration de la Vulgate dans les versions ita- liques est visible déjà dans les Acles des Conciles du commence- ment du siècle, et dans le Codex canonum, ou recueil général des canons de l'Église africaine, composé en 419 *. A ces textes de plus en plus mêlés se rapportent la plupart des citations qu'on relève dans les ouvrages des derniers auteurs latins du pays, évêques, chroniqueurs ou polémistes : chez Vigilius de Thapsus ou Eugenius de Garthage, surtout chez Victor de Vita, saint Fulgence

Codex canonum ecclesia africana (Mansi, Concil., t. III, p. 699 sqq.).

LA BIHM-: LATINE EN AFKIQUE 37

de Ruspé, Junilius ou Primasius d'IIadrumète. Outre les emprunts accidentels aux traductions de saint Jérôme, nous connaissons des exemples d'emprunts systématiques. Dans le premier Spéculum ou recueil d'extraits bibliques, qu'on attribuait à saint Augustin et qui s'est conservé à la suite de ses œuvres, un copiste ancien, de parti pris, a remplacé presque tous les textes « italiens » par le texte de la Vulgate '. Pour leurs citations de Job, tous les auteurs africains du v" et du vi" siècle ont suivi, comme saint Augustin, la traduction faite par Jérôme sur les Hexaples d'Origène^, Enfin, dans son commentaire des ÉpHres de saint Paul, Primasius a pris la Vulgate pour base de son exégèse ^. Voilà trois faits caractéris- tiques, qui suffiraient à attester le progrès continu des versions de saint Jérôme.

La lutte n'était pas circonscrite entre les textes « italiens » et la Vulgate. Forts de leur autorité plusieurs fois séculaire, protégés par le grand nom de saint Gyprien et par le respect aux an- tiques manuscrits, les textes « africains « n'avaient pu être entiè- rement dépossédés. On les consultait encore; on en retenait des leçons, des versets. En voici deux exemples, chez Victor de Vita :

VICTOR DE VITA.

ANCIENS TESTES AFHICAINS.

« In principto fecit Deus Cfelum et iL-rram- Terra au- lem erat Imnsibil's ot in- composita, et tenebrœ eraiil super abyssum ; el Spirilus Dei superferebatur super aquas » {Persec. Vandal-, II, 10).

Pater, si fieri ootest, ti'anseat a me calix istc [Persec. Vandal., II, 4).

Gènes., i, 1-2.

« In principio fecit Deus ca'lum et teri'ani Terra au- tein erat invisihi'As et in- coinposita, et tenelirie erant super abyssuûi; et Spiritus Dei superferebatur super aquas {De Pascha com- pHt., ;î).

Saint Matthieu, xxvi, 39.

« Pater, si fieri potest, transeat a me calix iste » (Saint Cyprien, Testimon., III, 19).

« In principio creavit Deus ciBlum et terram. Terra autem erat in3nis et vacua , et tenebrse erant super facieixi abyssi ; et Spiritus Dei ferebaLur su- per aquas.

« Pater mi, si possibile est, transeat a me calix iste. »

Dès le siècle dernier, Dom Sabatier était frappé de cette persis- tance des versions africaines chez les auteurs de l'Afrique van- dale ou byzantine, et il recueillait dans leurs ouvrages, surtout

' Liber qui appellatur Spéculum, éd. Weihrich, 1887 [Corpus scriptor. eccles. iat., vol. XII, pars I, p. 1-285). Sur la physionomie et l'histoire de ces textes bibliques, cf. la prélace de Weihrich, p. xv et suiv.

* Burkitt, The OUI Latin and the Itala, p. 34.

3 Primasius, Commentar. in Epistolas B, Pauli (dans la Patrol. Iat. de Mipjne, t. LXVIII, p. 415).

38 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

dans ceux de saint Fulgence, de Primasius et de Junilius, bien des fragments du vieux latin biblique '. En fait, quelques-uns de «es anciens textes « africains » étaient restés très vivants au v" et au vi^ siècle. On n'en conservait pas seulement alors des leçons iso- lées, ou de simples extraits sauvés de l'oubli par les Testimonia de saint Cyprien : on en lisait encore des livres entiers, demeurés intacts avec leur physionomie d'autrefois. A la fin du v^ siècle, l'auteur du traité Sur les promesses de Dieu citait les Actes des Apôtres d'après Pancien texte*. Et Primasius, évêque d'Hadru- mète au temps de Justinien, écrivant son commentaire de V Apoca- lypse, y reproduisait mot pour mot la version connue de saint Cyprien, en la comparant à une autre version de Tyconius ^ : il contrôlait un texte africain à l'aide d'un autre texte africain. Ainsi, au bout de cent cinquante ans, dans l'église d'une grande ville comme Hadrumète ou dans la bibliothèque de son évêque, ni les manuscrits italiques, ni la Vulgate n'avaient encore pu sup- planter, pour V Apocalypse, les vieux manuscrits indigènes.

Cette action toujours présente de certaines versions qui dataient du m" ou du iv^ siècle nous explique l'existence et la formation d'une autre famille de textes bibliques, qui appartient en propre à l'Afrique des Vandales et des Byzantins : les textes appelés au- jourd'hui «africains de basse époque* ». On en surprend déjà l'origine chez saint Augustin; mais ils ne se sont multipliés et précisés qu'après lui, à mesure que le mélange devenait plus fré- quent et plus intime. Ce sont, au fond, des textes « italiens », mais si bien transformés par une série d'interpolations et de leçons « africaines », qu'ils ont fini par constituer une famille distincte. Ils procèdent du même principe que les textes « mêlés » dont nous parlions plus haut. Seulement, il y a ici substitution d'un élément à l'autre : au groupe « italo-vulgate », qui compte des représen- tants dans tous les pays latins, s'oppose un groupe plus restreint, spécial à une région, un groupe « italo-africain ». Ces curieux textes, les anciennes versions locales se survivent jusque dans des versions italiques, se rencontrent presque à chaque page du second Spéculum faussement attribué à saint Augustin \ Le type

' Sabalier, Bihliorum sacrorum latines versiones antiguœ, t. I, Prafat., § 161.

* De promissts et pradtnionibus Dei (dans la Patrol. lat. de Migne, t. Llj.

^ Primasius, Com/iientar/oriim super Apocalypsim B. Joannis libri V (dans la Patrol. lat. de Migne, t. LXV'III, p. 794 et suiv.j. Ct. Haussleiter, Die latemische Apokalypse der alten afrikanischen Kirche, p. xiii et suiv. ; 79 et suiv.

" S. Bercçer, Le Palimpseste de Fleury, p. 16 et suiv.

' Liber de divinis Scripturis sive Spéculum qiwd fertur S. Aw/ustini, éd. Weihrich, 1887 Corpus scriptor. eccles. lut., vol. Xll. pars I, p. 2i7-70U]. Cf. Weihrich, Dte Bibelexcerple De dtoinis Scripturis und die llala des Augustinus, 1894 ; S. Berger, Le

LA BIIILE LATINK EN Al'HlnilK 30

le mieux caractérisé de cette famille se rapporte aux Êpilres c<i~ tholiqiies. Le texte néo-africain de ces Èpib-es nous est connu en grande [)artie, d'abord par les citations des auteurs du temps, sur- tout de saint Fulgence, ensuite par trois manuscrits dont les frag- ments coïncident et S(i complètent : le Palimpseste de Floury ', un manuscrit de Freisingen *, et un Palimpseste de Bobbio^ A l'aide de tous ces documents, on peut reconstituer presque en entier, au moins pour les quatre premières Êpitres, la version usitée dans les provinces de Byzacène et de Proconsulaire aux v" et vi" siècles. C'est un fort intéressant spécimen de ces textes mêlés, particuliers à l'Afrique de ce temps.

II est à remarquer que le Palimpseste de Fleury, outre ce texte néo-africain des Épifres caUioliques , renferme le vieux texte « africain » des Actes des Apôtres et de V Apocalypse'^. Ces trois ouvrages paraissent avoir été transcrits en même temps, et par le même copiste. On en a conclu que ces trois livres du Nouveau Testament étaient employés à la même époque dans les mêmes Églises^. La supposition est d'autant plus vraisemblable que jus- tement l'ancienne version des Actes est citée à la fin du v^ siècle dans le traité Sur les promesses de Dieu, et que l'ancienne ver- sion de V Apocalypse est reproduite tout au long, vers le milieu du vi^ siècle, par Primasius d'Hadrumète *'. îS'o us avons donc un très curieux exemple de l'éclectisme à la mode dans les Eglises vandales et byzantines. Et Ton constate les mêmes accommode- ments dans l'œuvre de Primasius". Cet évêque suit toujours la Vulgate dans son Commentaire des Épitres de saint Paul, mais il ne l'accepte pas pour d'autres livres. Dans son Commentaire de V Apocalypse, il transcrit presque entièrement le vieux texte de saint Cyprien, cite de plus un autre texte africain connu par Ty- conius, paraphrase souvent les observations de l'écrivain dona- tiste, et, par une négligence ou une fantaisie surprenante, il copie à l'occasion la Cité de Dieu. Non seulement il reproduit ici mot pour mot, en deux chapitres de son ouvrage^, toutes les remarques

Palimpseste de Fleuri/, p. 17; Histoire de la Vulgate, p. 6 ; Burkilt, Tàe Rides of Tijconius, p. Lxi et suiv.

' S. Berger, Le Palimpseste de Fleunj, p. 40-45.

* Ziegler, Italafragmente (Marburg, 1876] ; Bnichstûcke einer vorhieron. Ueberset- zunq der Petrusbriefe^ dans les Sitzungsber. der Mûnch. Akad., 1876, 1, p. 607.

' Fragments publiés par Tischendorf (Leipzig, 1857), et par Belsheim (Christiania, 1887).

* S. Berger, Le Palimpseste de Fleuri/, p. 21-39. 5 Ibid., p. 17-18.

•> De promissis et pripdictionibûs Del : Primasius, Commentarioriim svper Aporahjp- sim B. Joannis libri V (dans la Patrol. lut. de Migne, t. L[ et LXVIII). ^ Ses œuvres sont réunies dans le tome LX.VIII de la Pulrologte latine. ® Dans le commentaire des chapitres xx-xxi, 1-4, de V Apocalypse.

40 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

de saint Augustin ', mais encore, à cet endroit, il emprunte à son modèle jusqu'au texte « italien x de ï Apocalypse - . Rien ne peint mieux l'éclectisme des auteurs de cette période, leur liberté dans le choix ou leur indifférence dans l'emploi des traductions bi- bliques.

Ainsi, depuis saint Augustin jusqu'à la veille de l'invasion arabe, il a circulé en Afrique des versions de presque toutes les familles connues : Vulgate et autres revisions de saint Jérôme, textes « italiens », textes « africains » purs et textes « mêlés », soit » italo-vulgate », soit « italo-africains ». L'impression d'en- semble est une extraordinaire confusion, produite parla juxta- position ou le mélange de textes très différents de physionomie et d'origine.

Quoique plus frappant ici et plus complexe, ce phénomène n'est pas spécial à l'Afrique, En Espagne, dans la Gaule duvi» siècle, et jusque dans l'empire de Charlemagne, d'anciens textes « euro- péens » ou « italiens » ont contrarié les progrès de la Vulgate ; de la fusion sont sortis beaucoup de textes « mêlés ^ ». A Rome même, c'est seulement du pontificat de saint Grégoire le Grand, c'est-à- dire des premières années du vir siècle, que date le triomphe des versions de saint Jérôme. Encore n'est-ce qu'un demi-triomphe : car la préférence qu'on accorde à ces versions n'entraîne pas l'ex- clusion des autres. Grégoire le Grand lui-même écrit dans la lettre préface de son Commentaire sur Job : « Pour mes citations, je suis tantôt la version nouvelle, tantôt l'ancienne *. » La Vulgate ne s'est imposée réellement à toutes les Églises latines qu'au ix'' siècle; et, pendant tout le moyen âge, beaucoup de vieilles leçons ont continué à se glisser sur les marges, entre les lignes, jusque dans le texte des Bibles ^

L'Afrique vandale et byzantine n'en a pas moins, dans ce do- maine, une physionomie à part. Les éléments du mélange y ont été plus nombreux qu'ailleurs, et l'un de ces éléments est tout à fait propre au pays. On y conservait la tradition des textes « afri- cains » du iii« ou du iv siècle, et ces vieux textes entraient, pour une large part, dans la composition des textes « mêlés ». En cela,

» Saint Augustin, De cit. Dei, XX, 7-17,

* Cf. Haussleiler, Die lateinische Apokalypse der alten afrikanischen Kircke, p. 102- 165.

* S. Berger, Histoire de la VuU/ate, p, 2 et suiv, ; 61 et suiv. ; Kenyon, Our Bible and the ancient maniiscripts , p. 175 et suiv,

* « Novam vero translationem dissero ; sed cum probationis causa exigit, nunc no- vam, nunc veterem per testimonia assuma » (Saint Grégoire le Grand, Prœfat. ad Moral, in Job, Epist. missor., 5. Patrol. lat. de Migne, t. LXXV, p. 615],

' Berger, Histoire de la Vulgate, p. xvn ; p, 185 et suiv, ; 243 et suiv.

LA mULE LATINE EN AFHIQIJE 41

comme en bien d'autres choses, les Églises locales se conformaient à l'exemple donné par saint Augustin : entre la Bible de Fulgence ou de Primasius, et celle d'Augustin, il y a une différence de pro- portions dans le mélange, non de nature. Mais les contrastes se sont de plus en plus accusés. Aucun écrivain de cette période ne paraît avoir même entrevu l'utilité d'un texte latin homogène et fixe, équivalent officiel du texte grec. C'est peut-être, au moins dans une certaine mesure, la conséquence indirecte de l'histoire politique : la domination vandale, en séparant Carthage de Rome, et la domination byzantine, en réveillant dans la contrée l'étude du grec, a rendu plus difficile, puis moins utile, l'adoption d'un texte latin unique. Aussi la Bible des communautés africaines du et du vi« siècle n'a-t-elle rien de commun avec notre concep- tion d'une Bible immobile aux leçons arrêtées, d'une Bible com- mune à tous, soustraite aux fantaisies individuelles par la décision d'une autorité supérieure. Saint Cyprien, par la fixité de son texte sacré, est infiniment plus près de nous que les polémistes de l'A- frique byzantine, et même plus près de nous que saint Augustin

(Jonclusiou. Les textes « africains proprement dits. Ueconstiliilioa du groupe. Orijrine el cdraclère de ces versions. Ce qui s en est conservé dans la Vul- f^ale. Inlluence sur la littérature chrétienne d'Al'rique.

11 nous a paru nécessaire de pousser jusqu'au bout l'histoire de la Bible africaine. C'était le seul moyen d'en éclairer les origines. La question étant fort complexe et n'ayant pas été encore étudiée d'ensemble, il fallait commencer par retrouver et classer les pièces du procès, conservées en partie dans quelques manuscrits, mais surtout éparses, comme on l'a vu, dans la littérature locale depuis le II" jusqu'au vi" siècle. 11 est possible maintenant de reconstituer le groupe des textes «africains», d'en rapprocher les éléments, d'en circonscrire le domaine, d'en préciser la physionomie, d'en marquer le rôle et l'influence.

Nous devons d'abord écarter une bonne partie des versions em- ployées en Afrique depuis la fin du iv« siècle. Textes « italiens », premières traductions de saint Jérôme, Vulgate, ce sont autant d'éléments étrangers, qui intéressent l'histoire ultérieure de la Bible locale, mais non l'étude des versions primitives, originales, de la contrée. Pour une raison analogue, nous devons laisser de

42 RKVUE DES ETUDES JUIVES

côté même les textes africains « de basse époque », puisque ce sont des textes mêlés, dont toute la nouveauté consista dans ce mé- lange d'éléments anciens. De la littérature du -v^ et du vi^ siècle, nous devons retenir seulement les fragments de versions « afri- caines », insérés dans leurs ouvrages par les auteurs du temps, surtout par les donatistes et par Primasius.

Il y a, en effet, deux périodes très distinctes dans l'histoire des traductions bibliques usitées en Afrique. De la fin du ii® siècle jus- qu'à la fin du iv^, nous assistons à l'évolution naturelle des ver- sions locales. La seconde période, qu'annonce et que domine l'é- clectisme de saint Augustin, est celle des influences étrangères. C'est la première période seule qui doit nous occuper ici. C'est alors que la Bible africaine s'esquisse chez Tertullien, se précise, se complète et se concentre dans l'œuvre de saint Cyprien, puis se maintient ou se développe, mais dans le même sens, chez saint Optât, chez les donatistes et Tyconius. Elle se survivra sans doute chez saint Augustin et ses successeurs ; mais on peut dire qu'à la fin du iv^ siècle son évolution est terminée.

Elle ne nous est connue que partiellement. Mais il en subsiste des fragments innombrables, quelquefois très longs et très impor- tants : un livre entier, V Apocalypse, conservée à la fois par le Palimpseste de Fleury et par Primasius ; d'autres livres presque entiers, les Actes des Apôtres et les quatre Évangiles, connus soit par le même Palimpseste de Fleury, soit par le Codex Bo- Mensis ou autres manuscrits, soit par les auteurs. A cela, il faut ajouter, comme nous le verrons, certains ouvrages deutéro-cano- niques et la plus grande partie des Psaumes, dont le texte « afri- cain » s'est transmis à la Vulgate. Pour tout le reste de la Bible, nous possédons des milliers de fragments, dont beaucoup ont été reproduits plusieurs fois dans la littérature locale. En somme, un très riche ensemble de documents, d'après lesquels on peut se faire une idée des vieux textes « africains ».

Mais, d'abord, que faut-il entendre par là? En termes de cri- tique, un texte « africain », c'est surtout un texte conforme à la version de saint Cyprien, ou très voisin de cette version, en tout cas, de la même famille. Ainsi, l'usage courant ne préjuge rien quant à l'origine. Et cette origine reste enveIop{)ée de mystère. On ne saurait affirmer que les traductions primitives aient été faites en Afrique, et moins encore qu'elles y aient été introduites du dehors.

Nous avons vu qu'on trouvait chez les auteurs du pays quelques souvenirs d'une première évangélisation venue d'Orient. Cette première prédication n'avait pu se faire qu'en grec, dans les villes

LA RIBLE LATINE EN AFHIQUE i3

de la côte, d'ailleurs l'usage de cette langue était assez répandu. Jusque-là, il ne peut tHre question que de la Bible grecque. Mais l'évangélisation systématique de la contrée est certainement l'œuvre de Rome. Il serait donc tout naturel de supposer que les missionnaires romains eussent a[)porté avec eux une traduction latine, au moins des principaux livres ; et l'on pourrait leur attri- buer, par exemple, ce texte des Évangiles et des Épitres de saint Paul que mentionnent dès 180 les Actes des Scilitains. Cette hy- pothèse serait tout à fait vraisemblable si nous ne savions d'autre part que l'Église romaine elle-même est restée toute grecque jusque dans la première moitié du iii^ siècle. Gomment ces apôtres, qui ne parlaient pas latin chez eux, auraient-ils porté ailleurs, à cette date, des textes latins?

C'est pourquoi, sans pouvoir l'affirmer, on croirait plutôt que ces versions « africaines » ont été simplement exécutées en Afrique. Ainsi s'expliqueraient leur popularité dans le pays, l'usage exclusif qu'on en a fait jusqu'au temps de saint Augustin, le fidèle souvenir qu'on leur a gardé, pour certains livres, jusqu'au VI® siècle. Ce qui parait surtout justifier cette hypotlièse, c'est l'é- tude de la Bible de Tertullien. On a vu que cet écrivain ne s'ac- corde pas avec lui-mêm.e dans ses citations d'un même passage. Il a eu certainement entre les mains, pour quelques livres, des tra- ductions latines; et, pour ces traductions, il semble avoir consulté des manuscrits divers au cours de sa longue carrière. Son texte biblique tantôt s'écarte, tantôt se rapproche étrangement de celui de saint Cyprien. Ne dirait-on pas que dans l'œuvre de Tertullien on surprend, tout près de la source, les origines de la Bible afri- caine? A ce moment, des essais de traduction se font en divers sens ; le travail est incohérent, les résultats inégaux et contradic- toires. Mais la génération suivante mettra les choses au point. Elle saura choisir, compléter, corriger : de toutes les ébauches du temps de Septime Sévère, elle tirera une œuvre harmonieuse, cette Bible africaine qui apparaît entièrement constituée au milieu du 111'' siècle. Les incohérences de Tertullien et les libertés qu'il prend avec les livres saints, l'analogie assez fréquente de ses cita- tions avec celles de ses compatriotes de l'époque suivante, et, d'autre part, la constitution du groupe « africain », la physio- nomie si tranchée de ces textes en face des textes « européens », tout cela demeure inexplicable dans l'hypothèse d'une traduction importée de Rome et dès lors fixée ; au contraire, tout devient clair si la Bible africaine est réellement née en Afrique, si elle s'é- baurhe chez Tertullien avant de se préciser chez saint Cyprien.

Africains ou non d'origine, ces textes l'ont toujours été, ou le

'li REVUE DES ÉTUDES JUIVES

sont devenus très vite, par adoption. Dès le moment ou nous en constatons l'existence, ils sont déjà si bien naturalisés que dans les traités de Tertullien, à moins d'être averti, il est souvent très difficile de distinguer les citations des livres saints : beaucoup de versets bibliques, enchâssés dans les phrases de l'auteur, ont échappé ainsi même à la critique des éditeurs modernes. C'est dire que ces citations ne détonnent pas dans le style des écrivains du pays ; et l'on pourrait tirer de cette simple observation un argu- ment assez fort en faveur de l'origine africaine. Toujours est-il que ces textes, depuis le règne de Sévère, appartiennent en propre à la contrée, Ilsy ont été seuls en usage jusqu'à la fin duiv« siècle; et on ne les rencontre en Europe que chez des auteurs originaires de la région, comme Lactance ou Victorin. En ce sens, tout au moins, ils sont nettement africains.

D'ailleurs, ils n'ont jamais eu un caractère officiel. Ils ont été acceptés d'abord par toutes les Églises locales, parce qu'on n'en connaissait pas d'autres, et ils ne s'y sont maintenus que par la force de l'habitude. Pendant deux siècles, ils y ont régné seuls en fait, non en vertu d'une entente ou d'une décision quelconque. Le texte officiel, pour l'Ancien comme pour le Nouveau Testament, restait le texte grec. Aussi ne s'est-on point préoccupé de fondre ou de mettre d'accord les diverses traductions latines, d'en arrêter, une fois pour toutes, les leçons. La Bible de saint Gyprien n'est qu'une exception apparente. L'auteur emploie un texte unique, qu'il avait choisi parmi d'autres, ou qu'il avait scrupuleusement fixé pour son compte ; mais ce texte n'était pas celui de la plupart des évêques africains dans l'assemblée tenue à Carthage en 256, et rien n'autorise même à supposer qu'il ait été alors adopté par tous les fidèles de l'Église de Carthage, Si cette version a été souvent consultée et partiellement reproduite aux siècles suivants, c'est surtout parce que les Teslimonia étaient d'un usage commode et étaient lus de tous. Chez les contemporains et chez les successeurs de saint Cyprieu, on surprend des traces de traductions parallèles, également africaines et assez voisines, mais pourtant indépen- dantes. Il n'y a donc pas une version « africaine » de la Bible, mais une famille de versions « africaines » : celle de saint Cyprien n'est que la plus importante, la plus célèbre, et la mieux conser- vée, des versions de cette famille.

Dans l'état actuel des études sur le latin d'Église, il est impos- sible de démêler avec certitude tous les éléments dont se com- posent les textes « africains ». Ils se définissent surtout en s'op-

Sur la laDfTue de ces vieux textes bibliques, on trouvera beaucoup d'intéressantes observations de détail dans les ouvrages ou mémoires suivants : Rônsch, Itala uiid

LA HlhLI-: LATINE EN AFRIQUE /.5

posant aux textes d'autres lamilles, « européens » ou « italiens ». Sans doute, on y reconnaît l'ennploi de termes qui semblent parti- culiers à ce groupe. Tel est l'exemple cité déjà par Tertullien ' : Sermo dans le sens de Verbe, le Logos des Grecs, le Verhum de la Vulgate. On a relevé beaucoup de faits analogues, et l'on pour- rait en signaler bien d'autres : acceptions nouvelles, mots ou formes étranges. Nous ne nous y arrêtons pas, parce qu'il serait hasardeux d'en tirer une conclusion. Telle expression, tel tour de phrase, qui sont familiers et paraissent propres à ces textes, n'ont- ils pas été usités parfois en d'autres régions"? C'est ce qu'on ne saurait encore affirmer aujourd'hui ; la question ne i)0urra être tranchée, ni même étudiée sérieusement, tant que ne seront pas terminées la publication méthodique, l'analyse critique et la com- paraison de toutes les anciennes versions bibliques. Tout ce qu'on peut dire, c'est que le vocabulaire des textes « africains », les pro- cédés de dérivation et de composition, la syntaxe, rappellent tout à fait la langue des vieux auteurs africains, surtout de Tertullien -.

On rencontre dans ces versions quelques hébraïsmes et beau- coup d'héllénismes \ En général, les traducteurs ont suivi et rendu les textes grecs avec une minutieuse et servile exactitude, s'appliquant si bien à calquer leurs mots sur ceux de l'original, que souvent ils déforment le latin, faussent le mécanisme de la phrase, y jettent des termes bizarres, ou détournent le sens des termes usuels. Ils visent à la fidélité du rendu, et sacrifient tout à ce scrupule. Presque toujours, en revanche, ils sont plus courts, plus énergiques que la Vulgate, et serrent le grec de plus près*.

Une chose, surtout, est ici évidente : c'est l'action prépondé- rante du latin vulgaire, avec son dédain du jeu compliqué des flexions, avec ses déformations analogiques, avec ses libertés, ses surprises pittoresques et ses tendances analytiques ^ Les auteurs

Vulfjata (2' édition, 1875) ; Die alttestamentliche Itala in den Schriften des Cyprian, 1875; Die âltesten lateinischen Bibelilbersetzunrjen nach ihrem Werte fur die latei- nische Sprachwissenschaft, dans les Collectanea philologa (Bremen, 1891); Silll, Die lokalen. Verschiedenheited der latein. Sprache (Erlangen, 1882) ; Wordworlh, Sanday and While, OU Latin biblical Texts [CL surtout, t. II, p. xcix etsuiv.); Hauschild, Einige sichere Kennzeichen des afrikanischen Latein, [Francfort, 1889'; Kûbler, Die lateinische Sprache au f afrikanischen Lischriften, 1893 ; Ehrlich, Beitrage zur Lati- nitiU der Itala [Rochlitz, 1895); Burkitt, The Old Latin and the Itala, p. 11 et suiv. ; 41 et suiv.

« Tertullien, Advers. Prax., 5. Cf. Corpus iascript. lat., Vlll, 2309 = supplem. 17759 : « Domini Dei, qui est sermoni. .

* Rônsch, Itala und Vulgata, p. 5 et suiv. ; 471 et suiv.

' Ibid., p. 238-257 : 434-454 ; Sittl, Dte lokalen Verschiedenheiten der latein. Sprache, p. 92-120.

* Rônsch, Itala und Vulgata, p. 4 et suiv.

* Ihid., p. 8 et suiv,; SiUl, Die lokalen Verschiedenheiten der latein. Sprache, p. 120-140.

46 RKVLE DKS ETUDES JUIVES

chrétiens, d'anciens rhéteurs pour la plupart, ont été frappés de cette physionomie populaire, un peu barbare, de leur Bible latine. Saint Augustin avoue qu'il en fut longtemps choqué, et ses dé- goûts de lettré contribuèrent à retarder sa conversion '. Plus tard, il essaya de justifier la langue des traductions en usage. 11 invo- quait la nécessité d'être exact : « Le plus souvent, dit-il, le parler vulgaire est plus utile, pour exprimer les choses, que la correction du langage des lettrés-. » Il en donnait entre autres exemples, dans un verset des Psaumes^, l'emploi anormal du pluriel san- guines : « Ce terme emprunté à l'usage vulgaire sert ici à éviter Tambiguïté et l'obscurité ; ce n'est pas ainsi que parlent les doctes, mais c'est ainsi que parlent d'ordinaire les ignorants. . . Nos tra- ducteurs ont compris qu'il importait à cet endroit d'employer au pluriel ce mot qui, dans le bon latin, s'emploie seulement au sin- gulier. Pourquoi un docteur de la religion, s'adressant à des igno- rants, rougirait-il de dire ossum au lieu de os*? » Un siècle plus tôt, Arnobe de Sicca, un rhéteur transformé soudain en apologiste sans devenir grand clerc en théologie, Arnobe avait été blessé au vif par les railleries des délicats contre la grossièreté du style biblique. Il avouait que les textes sacrés étaient rédigés « en termes populaires et de tous les jours»», dans une langue « triviale et sordide'' », une langue « semée de barbarismes et de solécisraes, souillée de vices et difforme" ». Et il se fâchait d'autant plus contre les railleurs, qu'il était au fond de leur avis. Arnobe, vivant en Afrique au temps de Dioclétien, n'a connu que les versions « africaines ». Et, en effet, c'est dans ces versions-là surtout qu'est visible l'empreinte du parler populaire.

Par là, les textes bibliques du groupe « africain » sont de pré- cieux documents pour l'étude du latin d'Église au m'' siècle de notre ère. De plus, ils intéressent directement l'histoire de la Vulgate et la littérature chrétienne de la contrée.

' Saint Augustin, Confess., III, 5 ; VI, 5.

* Id., De doctrin. Christ., III, 3 : « Plenimque loquendi consuetudo vulgaris utilior est signiËcandis rébus, quam integrilas litlerata.

' Psalm., XV, 4. La leçon défendue ici par saint Augustin sest conservée dans la Vulgate : Non congregabo conventicula eorum de sanguinibus.

* Vuliji autem more sic diciuir (verbum) ut ambiguiias obscuritasque vilelur, non sic dicatur ut a doctis sed potius nt ah indoct.is dici solet. Si enim non piguil dicere interprètes noslros : Non congregabo conventicula eorum de sanguinibus », quooiam senserunt ad rem pertinere ut eo loco pluraiiter enunliaretur hoc nomen quod in Lalina lingua tantummodo singulariter dicitur : cur pietalis doctorem pigeât, imperitis lo- quenlem, ossum potius quam os dicere ? (Saint Augustin, De doctrtn. Christ., IV, 10).

* Arnobe, Anvers, nation., I, 45 : Popularibus et colidianis verbis.

* Ihid., I, 58 : Trivialis et sordidus sermo est. »

' Ibid., I, 59 : « Barbarismis, soloecismis obsitae sunt, inquit, res vestrae et viliorum deformitate pollutae. »

LA lîlULK, LATINR KX AFRIQl'K /,7

On sait que la Vulgate de l'Eglise catholique se compose d'élé- ments trAs divers, et assez incoliérents. L'un de ces éléments est un groupede textes africains. On l'a dit quelquefois, au moins pour cer- tains livres ', et nous avons contrôlé cette assertion par une com- paraison méthodique de la Vulgate et des textes de saint Gyprien. Ne pouvant reproduire ici toutes les citations parallèles, nous devons nous contenter d'indiquer les résultats de notre enquête ^.

Pour les livres canoniques de l'Ancien Testament, on ne constate presque aucun rapport ^, sauf dans de rares passages l'on peut soupçonner des interpolations ultérieures. Le fait n'a rien de sur- prenant, puisque la Vulgate de l'Ancien Testament est la version originale de saint Jérôme d'après l'hébreu. Il faut admettre néan- moins une importante exception : pour les Psaumes. Deux fois sur trois chez saint Gyprien, et presque aussi souvent chez Ter- tullien , les citations des Psaumes coïncident exactement avec notre texte actuel*; dans les autres versets du recueil, les diver- gences sont presque toujours insignifiantes ^. Les rencontres sont si fréquentes, si régulières, et dans de si nombreux traités, qu'on ne peut croire ici à des corrections postérieures faites par des copistes. Nous savons, d'autre part, que notre Psautier, le Psautier dit a gallican », est le produit d'une simple revision des anciennes versions. Il semble qu'ici le travail de saint Jérôme ait été très superficiel, et que, sauf de très légères modifications, le Psautier actuel soit simplement une vieille traduction africaine, ébauchée déjà au temps de Tertullien, achevée au milieu du m" siècle, et à peine retouchée à la fin du iv^.

La question est plus complexe pour le Nouveau Testament. Entre saint Gyprien et la Vulgate, les coïncidences sont très rares pour V Apocalypse et les Épîlres catholiques, moins rares pour les Évangiles et les Actes, assez fréquentes pour les Épîtres de saint

' Rônsch, Itala und Vulf/ata, p. 11 ; Renan, Marc-Aurèle, p. 453 et suiv. : Sittl, Die lokalen Verr.chiedenheiten der latein. Sprache, p. 150 et suiv. ; Thielmann, Archiv fur latein. Lexihogr., l. VIII, 1894; Kenyon, Our Bible and the ancient manuscripts, 1895, p. 51.

* On compreai pourquoi nous avons choisi la Bible de saint Gyprien comme terme de comparaison : c'est par excellence, et même par définition, le type le plus pur des textes t africains ».

3 On en jugera par les exemples donnés plus haut, dans nos tableaux de citations parallèles, ch. II et III.

* Le contrôle est facile à l'aide de l'Index Scnpturarum sacrarum du Tertullien d'Oehler (t. II, p. ix-xii), et de Vlndex scriptorum du saint Gyprien de Harlel (pars m, 329-330J.

5 lien est de même du Psautier de saint Optât, des donalistes, de saint Aup^uslin, en un mot, de tous les auteurs du pays. Presque toujours, aussi, c'est le texte de la Vul{,'ate qui apparaît dans les versets des Psaumes gravés sur les pierres ou encastrés dans les mosaïques. Voyez ci-dessus notre tableau des inscriptions bibliques alri- ciiaes, ch. IV.

48 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

PauP. Sans doute, on peut supposer çà et une intervention de copistes; mais on ne saurait tout expliquer ainsi, d'autant mieux que l'on observe le même fait dans les manuscrits bibliques des versions du même groupe 2. Il y a donc eu ici, sur la Vulgate, une influence directe ou indirecte des textes « africains ». L'hypothèse d'une action directe serait peu vraisemblable, car l'on est fondé à croire que, pour sa revision du Nouveau Testament, saint Jérôme s'est servi exclusivement de textes « italiens ». Mais ces textes « italiens » étaient eux-mêmes des textes revisés au cours du iv^ siècle ; et l'on y surprend quelquefois des analogies avec les citations de saint Cyprien. Selon toute apparence, les rédacteurs des textes « italiens », outre les versions << européennes » qui étaient la base de leur travail, ont consulté aussi des versions « africaines », principalement pour les Épîtres de saint Paul, et c'est par eux que des leçons « africaines » ont pu arriver jusqu'à la Vulgate.

Enfin, il y a un groupe d'ouvrages dont le texte « africain » s'est conservé tout entier dans notre Bible : ce sont quelques ouvrages deutéro-canoniques. Pour le troisième livre d'Esdras 3, pour la Sagesse\ pour Sirach ou ï Ecclésiastique % pour les Macchabées^, les citations de saint Cyprien coïncident mot pour mot avec la Vulgate ; quand par hasard elles s'en écartent, c'est par de très légères variantes. Nous savons justement que ces divers ouvrages, alors exclus de la Bible, et, aujourd'hui encore, rejetés par les Églises protestantes, n'ont été ni traduits ni revisés par saint Jérôme, et que les anciennes traductions sont restées en usage. Ce sont les versions africaines qui l'ont emporté, pour ces livres-là; elles ont été définitivement admises dans la Vulgate de l'Église catholique, sans doute à cause de l'autorité de saint Cyprien.

Avec des parties du Psautier, ces livres deutéro-canoniques paraissent être les seuls textes « africains » qui figurent aujour- d'hui dans notre Bible latine. Pour le reste de l'Ancien Testament, les versions de ce groupe n'ont joué aucun e dans la constitution de la Vulgate; et, pour le Nouveau Testament, elles ont fourni

* Voyez les exemples donnés plus haul, dans les citations parallèles de saint Cyprien et de la Vulgate, ch. II-IV.

* Cf. plus haut, ch. 111, les l'rajiments du Codea; Bobiensis et du Pdlimpseste de Fieury, reproduits parallèlement au texte de saint Cyprien et au texte de la Vulgate.

■■* Comparer avec la Vulgate la citation de IIl Esdras, iv, 38-40, chez saint Cyprien, Epist. 74, 9.

'^ Exemples: saint Cyprien, Testimon., II, 14 (= Sapient., ir, 12-17 ; 19-22); Tes- timon. ^ III, 13 (= Sapient., m, 4-8) ; Testimon., 111, 16 (= Sapienl., v, 1-9).

•' Saint Cyprien, Testimon., II, 1 (= Ecclesiastic, xxiv, 5-11; 25-26, Vulgate); Testimon., III, 1 [Ecclesiastic, xiv, 11-12; xxix, 13), etc.

« Saint Cvprien, Testimon., lU, 15 (= I Macchab., ii, 52); Testimon., lII, 17 IIMacchab.,yiï,'è; 14; 16-19); Ad Fortunat.,\\ {= II Macchab^yn, 21-29), e\,c.

LA lUHLK LATIiNK EN AFRIOUK /,'j

seulement des leçons isolées, transmises probablement à saint Jérôme par les rédacteurs des textes « italiens ».

Bien plus décisive a été l'influence de la Bible africaine sur la littérature chrétienne du pays. Ces fragments des Évangiles, des Acles des Apôtres^ de V Apocalypse, qui nous ont été conservés par le Codex BoUensis ou le Palimpseste de Fleury, ces citations si nombreuses et si variées dans l'œuvre de Tertullien ou de saint Cyprien, comptent parmi les plus vieux et les plus lidèles témoins de la langue nouvelle, façonnée à son usage par le christianisme. Ces textes bibliques sont contemporains des premiers efforts tentés pour l'évangélisation systématique de la contrée, ou, tout au moins, pour l'organisation des Eglises ; ils sont antérieurs à la littérature, ou sont nés avec elle. Matériellement, ils occupent une place considérable, parfois prépondérante, dans les apologies, dans les traités de polémique, de discipline ou d'exégèse, car ils étaient la parole divine, l'instrument des conversions, l'arme toujours prête des grands combats contre les païens, les Juiis ou les héré- tiques. En fait, ils n'ont cessé d'agir sur le vocabulaire, sur le style et la pensée des écrivains. Involontairement on retenait des livres saints, non seulement l'esprit, mais la leily^e ; et, par là, les anciens rhéteurs devenus évêques s'affranchissaient de la routine classique, s'enhardissaient aux façons de parler populaires. Saint Augustin lui-même l'a très finement observé : « Telle est, dit-il, la force de la coutume, même pour apprendre. Les gens qui ont été, pour ainsi dire, nourris et élevés dans la lecture des saintes Écritures, trouvent plus naturelles, et considèrent comme plus latines, les locutions qu'ils ont apprises dans les Écritures, et qui pourtant ne se rencontrent pas chez les vrais auteurs de langue latine '. » Ces vieilles traductions, si étrangères au goût classique, mais si exactes, si bien calquées sur le grec et imprégnées de poésie biblique, ont contribué à orienter vers de nouveaux horizons l'imagination des écrivains, même à façonner leur style. Elles ont développé chez eux l'habitude et le goût de certains procédés, visibles déjà chez Apulée et d'autres païens du pays, mais encore plus frappants chez les chrétiens : hardies métaphores, accumu- lations d'images, phrases courtes et symétriques, opposées deux à deux comme dans un verset des Psaumes. Pour le style comme pour la langue, presque tous les chrétiens de la contrée relèvent plus ou moins de la Bible africaine.

Paul Monceaux.

* Saint Augustin, De doctrin. Christ., II, 14 : « Tanta est vis consuetudinis etiam ad discendum, ut qui in Scripturis sanclis quodammodo nutriti educalique sunl, magis alias locutioaes mirentur easque minus latinas putent, quam illas quas in Scripturis didicerunt, neque in Latinre linguœ aucloribus reperiunlur. »

T. XLIII, N" 85. 4

LES DOSITHÉENS DANS LE MIDRASCH'

L'INTERDIT PRONONCÉ CONTRE LES SAMARITAINS

DANS LES PIRKÉ DI R. ÉLIÉZER, XXXVIII

ET TANHOUMA, nUJ-^n, § 3

Dans son étude sur les Dosithéens*, M. Krauss a invoqué encore, comme passage il est question de cette secte dans la littérature midraschique, le récit des Pirké di R. Éliéze^^ {xnxyiii). Ce texte, unique dans son genre, parle des soi-disant premiers maîtres des Samaritains, des rapports de ce peuple avec les Juifs sous Ezra et Néhémie et de la rupture définitive des Samaritains avec les Juifs à la suite de l'application de l'interdit. Ce qui seul intéressait notre confrère, c'est l'indication du début, que les maîtres qui, sur l'ordre du roi d'Assyrie, instruisirent, dans la doctrine de Dieu 3, les colons païens transplantés en Palestine s'appelaient Dosithée et Zacharie* et enseignaient 'j-'^idi ';ipnL:n3 nnrm nmp "idd*. A l'instar d'autres savants, M. Krauss voit, non sans raison, dans ces docteurs les hérésiarques de sectes samaritaines, ce qui revient à ramener les Sadducéens et les Boéthusiens nommés dans Abot di R. Nathan, v, 13& •, à Saddoc et à Boéthos. Mais comme ses prédécesseurs, M. Krauss a négligé de rechercher l'origine des divers morceaux du récit et d'en déterminer les liens avec la litté- rature rabbinique. Avec une foi vraiment trop facile pour tout ce qui est imprimé, les savants qui se sont occupés de ce passage se sont contentés de dire que les Pirké di R. Éliézer avaient utilisé

» Voir t. XLII, p. 220 et suiv. '^ Eeoue, XLII, p. 2^ et suiv. a 11 Rois, xvir, 27, 28.

* Dans le Tanhouma, N'^'^DO-

^ La Bible ne par.e expressément que d'un prêtre exerçant à Beth-El. Comme le récit n'en tient pas compte, mais parle de deux maîtres et ne nomme pas de prêtre, il ne s'appuie pas sur la Bible et n'est pas une interprétation du passage biblique, ce qui lui donne plus de prix.

* Deuxième recension, x, 13 è.

LKS DOSITIIKEN'S DANS LK MllUt ASCII ni

des sources j)lus ancioiiDes. De niAnie, M. Krauss, qui admet, avec raison, que l'auteur a en vue les Samaritains de son tem[)s, com- bine néanmoins le récit relatif à Dositliée avec les indications des Pères de l'Eglise concernant le Dosithée pré-sadducéen, et, au mépris de toute critique, prétend ainsi trouver dans ce texte de précieuses informations sur des événements antérieurs de plu- sieurs siècles à l'ère chrétienne. Un examen plus attentif du récit permet de lui assigner, avec certitude, la Babylonie comme lieu d'origine et l'époque gaonique comme date de naissance. Cette fiction décrirait ainsi les Samaritains de ré[ioque gaonique vivant au milieu des sectes juives nées au viii'' siècle, et serait un nou- veau document sur le mouvement, encore énigmatique, des sectes au sein du judaïsme babylonien.

I. Les formes de l'interdit.

La dernière partie du xxxviii" chapitre des Pirhé raconte que, lorsque les Juifs commencèrent à bâtir le Temple sous Ezra, Zorobabel et Josué , les Samaritains envoyèrent contre eux 150,000 hommes*. Ils voulaient tuer Néhémie et ils interrom- pirent la construction du sanctuaire. Cet événement détermina Ezra, Zorobabel et Josué à réunir tout le peuple dans le Temple ; ils y amenèrent 300 prêtres, 300 enfants, 300 cors (schofar) et 300 rouleaux de la Loi ; ils (les prêtres) embouchèrent les cors, tandis que les lévites chantaient et jouaient des instruments de musique -. Puis on mit en interdit les Cuthéens en invoquant le nom comme il a été prononcé et écrit sur les tables de la Loi, par

' Le texte porte : ni^'M ÛC,by NîN Tin n-'"^n-|3 Nbm TT! Û-'Sl-IÎJTsa iDT D"^3Tl7210 lN~lp2 "jl^TOTU) Élaient-ce donc des Samarilaius ? Cependant c'étaient des Cuthéens. Mais ils ont été appelés Samaritains à cause de la ville de Samarie. » L'auteur distint.'ue donc entre les Israélites habitant Samarie et les Cuthéens, lesquels, pour lui, sous Ezra, étaient encore païens ; ou bien sa source avait D'^jn'JTiU, ex- pression que ses lecteurs n'entendaient pas, c'est pourquoi il ajoute le terme usuel. Les Karaïtes, comme Kirkisani et les autres écrivains dépendant de lui, les appellent D''21"172T>I3 ' Samaritains ».

* nnoaT "c-nLîon ne lion û-^m^r: pn ';•^^:tt^ [lin7j\r73T ';^72'^"ir;73n] Nb"»:; pnnnn y-i n-^n ainm ivb^T: •j-'T n-'a D"inm mmbn hv ana^n Tna PD baiNH bo n-irx 1^273 .abij? nr ipi^ pd bNT»::"';^ znN bDN'' [mrr b^i) v^^ [bx-iu;-'] -^pid anx T'-«:ipi bi<T rc-n -i\ra bsiN nb-^No bxT»:;"^ b:£N D-inn inb'>rT [iTCPm t3pdt] ...z!\-i:j- p-<t!P3 pbn Dnb ■«2-113 ^^73:1 '\^y rj-'Oim ann hv û-,n arî-^by lE-'cnn lami '^i^y^ bnna;^

.abijv û-in û--'b3' y3pT

C'est le texte des Pirki; les mots entre parenthèses soûl du l'aw/ioMma. Cl. Tosaibt s\xr Guittin, 10 a, et Boullin, 4 a.

o2 REVUK DES ETUDES JUIVES

l'interdit du tribunal céleste et celui du tribunal terrestre : défense à tout Israélite de manger le pain du Guthéen. De cette sentence : manger du pain de Guthéen, c'est manger de ia chair de porc. Défense aussi de recevoir des prosélytes cuthéens. En outre, les Cuthéens seront exclus de la résurrection. La déclaration, signée et scellée, fut envoyée aux Israélites de Babylonie, et ceux-ci ajou- tèrent leur interdit à celui-ci. En plus, le roi Cyrus prononça contre eux un interdit perpétuel.

Je n'insisterai pas sur l'anachronisme qui fait vivre Zorobabel et Josué en même temps qu'Ezra ; cette erreur, qui se fonde sur Ezra , XII, 1, et sur la chronologie en l'air des rois de Perse telle que la donne le Séder Olam, xxix, est générale dans la littérature tal- mudique. Inutile aussi de s'arrêter sur ce nombre de cent cin- quante mille soldats samaritains. Par contre, nous devons exa- miner l'interdit prononcé contre les Samaritains, tant à cause de sa forme qu'en raison de la manière dont l'auteur le fait pro- noncer, pour la fréquence de cette mesure en Babylonie et surtout pour son contenu : prohibition du pain samaritain et refus d'ad- mettre un Samaritain dans le sein du judaïsme '.

La' forme de l'interdit et les circonstances qui accompagnent le prononcé de la peine sont exactement les mêmes que celles qui nous sont connues par le gaon Paltoï (ix« siècle) -. Gelui-ci, répon- dant à une Gonsultation qui lui était adressée, déclare que pour un débiteur qui nie sa dette on procède comme suit : On apporte un rouleau de la Loi, on y cherche les malédictions de Deut., xxYiii,. . . puis on prend des cors et on amène des enfants de la synagogue ; . . .on souffle du cor et on prononce sur le débiteur la malédiction. . . malédiction entière ; puis on souffle de nouveau du cor et les enfants, ainsi que les assistants, disent : Amen! Une autre Consultation d'un gaon babylonien, rapportée par Nathan b. Yehiel dans l'Arouch ^, à côté des particularités que contient la réponse de Paltoï, contient les détails suivants : « On place entre les mains du débiteur un rouleau de la Loi, . . . puis le repré- sentant du tribunal lui dit : Sois dans l'interdit du tribunal supé- rieur (céleste) et du tribunal inférieur (terrestre)... Puis on souffle du cor et il dit : Amen ! » Une troisième Gonsultation *, probable- ment de R. Haï, indique également que l'on dit : « Que tu sois dans l'interdit du tribunal supérieur et du tribunal inférieur»; puis on lui lit Deut., xxix, 19, 20, et, à la fin, l'inculpé dit deux

> Cf. Zunz, Goltcsdienstl. Vortrmge^ éd., p. 288-289.

^ Consultations des Gaonim, éd. Lyck, 10; p^^: i-lJ'^, v, 4, 14, p. 75 a.

^ .S'. V. nori, m, 229 «.

'' Éd. Lyrk, 9.

LliS UOSITIIIŒNS DANS LK .MIDHASCII 53

fois : Amen ! ' R. Haï indique encore une fois - pour le même cas la présence des enfants, l'emploi des cors et du rouleau de la Loi ; Paltoï dit aussi que le prononcé de l'interdit est communiqué aux communautés voisines et leur est annoncé publiquement '. Comme cette concordance, qui porte sur presque toutes les particularités de l'interdit prononcé contre les Samaritains, ne peut pas être for- tuite, nous avons de la sorte l'origine babylonienne de la descrip- lion des Pirké; et comme l'interdit tel qu'il est décrit par Paltoï, quoique celui-ci n'en soit pas l'auteur, ne peut pas cependant avoir été aussi établi longtemps avant lui, le récit des Pirké ne remonte guère au delà du viii" siècle.

On objectera, il est vrai, qu'à l'instar de toutes les coutumes babyloniennes de caractère religieux qui ont leur origine en Palestine, et, malgré leur transplantation en Babylonie, n'ont subi que des modifications peu importantes, la forme de l'interdit décrite ci-dessus pourrait avoir existé en Palestine, en sorte qu'on ne saurait rien prouver de pour l'origine et l'époque de l'apparition de notre récit. Bien que les sources palestiniennes ne disent pas que, pour prononcer l'interdit, l'on prenait un rouleau de la Loi, par contre, elles montrent l'usage de faire assister les enfants comme témoins d'une action publique, par exemple lors d'un mariage ou d'une vente de biens. En ces occasions, on distribuait aux enfants des épis rôtis*, afin que plus tard ils se souvinssent de l'événement et pussent servir de témoins 3. Mais ce rapprochement n'a rien de décisif. Dans le Talmud, il est question d'enfants qui se trouvent justement dans la rue et à qui les gens de la noce ou les parents du vendeur de la propriété distribuent des épis rôtis, tandis qu'en Babylonie on va quérir les enfants à l'école qui se trouve à côté de la synagogue, afin qu'ils soient témoins de la cérémonie de Tinterdit.

Très instructif et tout à fait décisif pour l'origine des formalités de l'interdit est le rôle du scliofar en cette circonstance. Autant «lu'il m'en souvienne, il n'y a pas de passage dans le Talmud qui ii.dique l'emploi du schofar en Judée ou en Galilée dans de pareils cas. Dans ces pr()vinces, l'inter.lit (Uait l'arme dont se servait le maître {lour la sauvegarde de si pro[)re dignité en face du peuple,

' Cf. encore p";i: ■^nr*;:;, p. Tia, 0.

' P. 16a, n" 22. Une ConsuUaliou de H. Sclialom Gaon (Horowilz, *?0 "jïTnn D^jT^N"!, I, 4"; nnTwD "'"IS'C n" 3o, éd. Lyck, 41; Mûller, riPDT^, p. 'J9,

n" S8) a : -iDoa Nm73 "j-i-iTiro -33*":b Nnb-0 iT-"'rr "ji^^p;:- N"na-'i: td N^-inm Nn:.:",:;^ --nn.

^ Ed. Lyck, n- 10.

* Ketoiibot, II, 1 : babli 2S^, eljér. KulL, i, 60(?, lignes 2'« et suiv.

■^ Ketoiib., 28 b ; Tos., lu, :^.

54 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

OU encore, à en juger par l'anathème infligé à Âkabia b. Mahalaiel par le collège des docteurs ', à Eliézer b. Hyrkanos par R. Gama- liel II -, et, à en juger aussi par celui que R. Simon b. Gamaliel II voulut suspendre sur R. Méir^, et par d'autres cas signalés dans jér. Moëd Kat., m, 81 d, ligne 21 et suiv., c'était une arme entre les mains du président de l'Ecole et du patriarche contre les membres rebelles du collège. Mais, dans le premier cas, la peine était de moindre degré et n'était pas publif^e ; dans le second, elle ne regariiait que les docteurs et était annoncée par le président. Si, d'autre part, R. Josué b. Lévi prétend connaître vingt-quatre cas il y a lieu d'administrer l'interdit*, ce chiffre n'est qu'un chiffre rond dont se sert souvent ce docteur^, et il ne s'agit tou- jours que de docteurs. Mais dans tous Cf^s cas il n'est jamais ques- tion du schofar. En revanche, dans Moël Kat., 16 «, il en est fait mention par l'amoréen babylonien Raba, dans un passage il rat- tache au texte biblique les différentes parties de la procédure de l'interdit usitée en Babylonie. Ce docteur n'était évidemment pas l'auteur de cette cérémonie, car il en parle comme d'une chose connue, et, de fait, elle existait déjà au temps d'Oulla, qui vivait au III® siècle. Ce docteur prétend, en effet, que Baraq aurait avec 400 schofar frappé d'interdit Méroz, qui n'avait pas pris part au combat contre Sisera (Juges, v, 23). Ce fut probablement Rab qui organisa la procédure de l'interdit; il s'en sert pour contraindre le peuple à l'obéissance*^. Mais lui non plus n'en fut pas l'auteur, attendu que son collègue Samuel mentionne l'interdit comme unp mesure connue' et semble même s'être servi du schofar pour une telle cérémonie ^. Comme on ne retrouve rien de semblable en Palestine, on peut conclure de la manière de procéder des deux premiers amoraïm babyloniens, que l'organisation de l'interdit est babylonienne '-' ainsi que l'emploi du schofar"'.

' Hdovyat, V, 6.

- Cf. Be rachat, 19 a.

' /. iloëd Kat., III, 81 c, en bas.

* Berach., 19 a ; jér. Moëd Kat., m, 81 rf, 18.

' Bacber, Palaest. Amnraeer, I, 150. noie 6.

^ Moëd Kat., 16 a ; Tebam., 52 a ; Kidd., 12 b,

'' Pesah., o2 a.

8 Moëd Kat., 16 J : î<-iu; ll^'C'\ ~CN '^TJii-

9 Moëd K.it., Ma.

*" Rab s'est occupé de l'emploi du scbofar dans l'interdit. On rapporte, dans Mi.ëd Kat., ce qui suit : « Un homme violt nt ayuni ma'lrailé un docteur, celui-ci vint de- mander conseil à U. Joseph. Celui-ci lui conseilla de le frapper d'anallième. Comin»^ le docteur exurimait son appréhension d'employer un pareil moyen, R. Joseph lui répondit que Ton pouvait édicter l'anathème par écrit. Le docteur déclarant encore ce moyen dangereux, il lui dit : Phce la formule écrite dans un vase de terre, que tu por- teras au cimetière, et pendant quarante jours fais enteudre mille coups de scbofar. Il

LKS DOSITIIEENS DANS LE MIDUASGII 53

D'ailleurs, le scliolar ne s'employait en Palestine que dans des actes en rapport avec l'exercice du culte, le Rosch Haschana, aux jeûnes publics \ lors de la fixation et de la proclamation de la néo- ménie*, à l'approche du sabbat, afin d'avertir ceux qui étaient aux champs ou dans les boutiques qu'ils eussent à cesser leur travail ^. Par contre, en Babylonie, on sonnait le schofar, non seulement pour annoncer le sabbat^, mais pour d'autres objets. Un lit dans Sanli., 1 b : Lorsque R. Houna se rendait au tribunal, il disait : Prenez mes instruments professionnels, à savoir le schofar, pour prononcer l'interdit, d'après l'explication de Raschi. Cependant, peut-être le schofar servait-il en un autre cas, vu que dans Aboda Zara, blb, il est rapporté, qu'après une controverse à l'école les cors de Raba sortirent et déclarèrent la chose permise, tandis que les cors de ses adversaires l'interdirent ^ ; d'où il ressort que les docteurs babyloniens annonçaient leurs décisions dans les matières religieuses à l'aide du cor. De même, lorsqu'un enterrement avait lieu, les cors exhortaient la population à y participer, comme il est dit dans Moëd. Kaf., 27 & : « R. Hamnouna arriva dans un endroit et entendit (NnaizjT j^-nc'^u) bip) les sons du schofar pour un mort. Voyant des gens continuer leur travail, il dit : Vous serez frappés de l'interdit : n'y a-t-il donc pas un mort ici? » Des son- neurs de cor accompagnaient le convoi. On dit dans Ketoub-,

suivit ce conseil et Phomine violent mourut. •■ Là-dessus il est dit dans le Talmud :

■'Wl ^P3 « Quel est le sens du schofar daus l'interdit ? Que Dieu punit le condamné. Pourquoi pousse-t-on des sons brisés? R. Isaac, fils de R. Juda, dit : Cela indique la ruine de la maison orgueilleuse. Pour lui, chaque lettre du mot 'i~|3ri représente un mot. Le nom de l'auteur de la première phrase manque dans les éditions; les Halarhot Giiedolot (éd. Hiidesheimer. p. 4'27) portent Rab ; c'est Raba d'après le ms. de Munich. li me paraît plus vraisemblable que c'était Rab, parce que celui-ci exa- mine les poiiits les plus imp triants de l'interdit de la même manière dans Moëd Ka(., 17 (i, tandis que Raba cherche dans une série de versets le fondement biblique des coutumes.

' Rosrh ha-Schana, 26 b et 27 a ; cf. Raschi sur Taanit, 15 b, en haut.

* Nidda, 38 a; cf. Raschi et Arojtch, s. v. "ITD'O.

s Josèphe, Bell, jnd., IV, 9, 12; Soucca, v, 5 ; Hoitllln, i, 7; Sabbat, 3.T b.

* Sabbat, 35 è, dans une baraïta : .\vant l'entrée du sabbat, il y a six sonneries : la première pour engager les ouvriers des champs à quitter le travail, la deuxième pour ceux qui sont employés dans la ville et dans les magasins, la troisième invite à allumer les lumières du sabbat, puis viennent trois sonneries pour marquer la clôture ; telle est l'opinion de Nathan le Babyloni 'n. Alors R. Simon b. Gamaliel dit: Que peut-on faire avec les Babyloniens qui, comme dernière sonnerie pour les signaux, ont la terona, puis commencent le sabbat"? Ce leur est un usage venu des pères. 11 s'agissait donc d'une ancienne coutume des Juifs babyloniens qui s'appuyait sur le cérémonial du temple de Jérusalem, mais qui, pour les détails, dilFérait de la coutume palestinienne. C'était au bedeau qu'incombait la fonct on en que lion.

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56 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

17 a, que la prescription d'interrompre à cause d'un enterrement l'étude de la Tora ne doit être observée qu'au cas il n'y a pas suffisamment d'assistants. Sur la question des Amoraïm : « Com- bien de participants faut-il entendre par ? » un docteur répond, au nom de Rab : « 12,000 hommes et 6,000 cors » ; d'après une autre tradition : « 12,000 hommes, et parmi eux 6,000 cors* », Dans cet usage général du schofar en Babylonie je vois une con- firmation de l'hypothèse que la cérémonie de l'interdit, que com- mencent et finissent les sons du schofar, est d'origine babylonienne ^ .

Mais, d'autre part, comme en énumérant ces particularités, le Talraud ne parle jamais ni de l'emploi des rouleaux de la Loi, ni de la présence des enfants, ni de la communication de l'interdit à d'autres communautés, il en résulte que la description de l'inter- dit telle qu'elle se trouve dans les Consultations des Gaonim rap- porte des formalités en usage à l'époque post-talmudique. D'où il résulte encore que le récit des Pirhé di R. Eliézer est, sous sa forme actuelle, d'origine babylonienne, plus exactement gaonique.

Si nous éliminons ces traits plus récents ainsi que le nom mys- térieux de Dieu et la mention de 300 prêtres et lévites, il ne reste que cette simple information qu'Ezra et ses compagnons frap- pèrent dMnterdit les Samaritains, défendirent leur pain et leur admission dans le judaïsme et leur refusèrent la participation à la résurrection. Ces détails sont-ils empruntés à une ancienne source palestinienne ?

Ces chiffres fantastiques de 12,000 et de 6,000 se retrouvent plusieurs fois dans la bouche des docteurs babyloniens, voir Yebamot, 16 b, tandis que dans les mêmes cas ceux de Palestine parlent de 80,000 et de 40,000. Voir le Midrasch sur Lamentations, II, 2 ; cf. jér. Taanit, iv, 69 J, 4.5.

* On lit dans les "^n^"! m'^STI (Jellinek, Beth ka-Midrasch, III, p. 84) : tlblli

1''73"'"in7:T Y^:io^ v^"»^^ n^To ']=> nnNT l-^ypim v^'^i'^t r^pinuj ibip72 bN-iïJ-'b min ninr^j Di"» riby?: bu; i-^i n-'aa di^ b:D3 drjys rrcîbuj □""OT-icbi D-'i^nnbT n^sin^bi a-^m'ryb aiTionbi û">iDybT nnuj^bi ni-i^-'b NODbi ib b^n^-' -^ribN -^t^ '::":iyû':> ■'inin Nn-' -iT^ibi n3D-i733 mb:'bT TT»b N3i: bDi r!L:» b'o y>-i rr^nbi rtby» y:: l'^t n-'nbi iu:n-i nn^bn mns

.T'nT»::?^ b^bn ûtito

Si notre démonstration est exacte, ce passajçe, il est question, à propos de i'iu- terdil dans le ciel, du schofar et des tribunaux inférieurs et supérieurs, montre l'ori- gine babylonienne du livre. Ici nous avons aussi un passage parallèle pour la partie non expliquée du récit relatif à l'interdit des Samaritains, l'invocation du télragramme ^msTon ÛO mo. Cette donnée mystique vient peut-être de ce que, pour la con- juration de la femme suspecte d'adultère ainsi que pour toute autre conjuration sem- blable accompagnée de malédiction, on devait prononcer le nom de Dieu [Sifré, Nombres, 14 ; Schehouot, 35 b ; Arouch, s. ». PDlTI, lH, 229 a en bas). Nous tiendrons é;;alement pour babyloniens ces récits du traité Kalla,i : UjbïJD "IT^bx '^'2'^ T"^~Dn

ynf^n -'-û'J m:3 nn^i d-'Tû^Dn ■'T'wbn mîa nnN rtbs -i»nt nnoio mN73 r;:iT3 nmoD nbaa nncn. et de la baraïta de Kaiia, 1 : 13 nu'bN 'n T^n^sn .ûbn:>b rtbinT: ib ^n r-h'zTVrz Dis baprrt bs m-iDi^u riN» :5>mN3 n^-iTy

LES DOSITIIKKNS DANS LIi MlimASCII Ji?

ir. L'interdiction du pain des Samaritains.

Qu'y a-t-il d'historique dans ce récit? Déjà les Tosafistes en plusieurs endroits ont relevé la contradiction de ce récit avec ce (jue dit le Talmud sur le pain samaritain. Dans le Talmud on va jusqu'à permettre d'employer dps azymes samaritains le soir de Pàque ' : -iTybx 'n .nooa "inmn ■'T' nn n^t^ mi<T nnmr] "^niD m:i72

bî^iï}-^» -inr r:a i"'pipitt nnirn û\-n3 ria np-^mno m:i73 bD. Mi^me R. Eléazar, qui interdit l'usage de la maça samaritaine, ne sait pas que le pain samaritain soit défendu. La solution des Tosafistes ne peut se soutenir. On pourrait tout au plus admettre que la donnée des Pirké est le vestige d'une période beaucoup plus ancienne de la législation judaïque concernant les Samaritains que la baraïta, qui date des années 140-170. Assurément le fait que les Tosafistes n'essaient pas de produire un passage analogue de la littérature talmudique n'est pas pour faire supposer que les Pirké reflètent une période d'évolution qu'on pourrait retrouver dans le Talmud. Dans jér. Aboda Zara, v, 45 a, .50, une baraïta porte : « Quand peut-on utiliser les azymes des Samaritains après la Pâque? Ceux des particuliers, trois semaines après la cuisson ; des boulangers citadins après trois jours; ceux de la campagne après une triple cuisson. R. Simon b. Elazar dit : Ce qui concerne le particulier ne s'applique qu'à un homme de bonne condition ou un homme qui fait les noces de son fils, si bien que dans la semaine on cuit trois fois, etc. » On retrouve les mêmes traits, quoique avec beaucoup de divergences, dans le traité sur les Samaritains, ii, 5, l'on ajoute encore que ces restrictions ne sont à observer qu'au cas les Samaritains n'ont pas cuit les azymes pour la Pâque avec les Juifs ou bien ont célébré la fête un jour avant les Juifs; mais, s'ils ont cuit les azymes avec les Juifs ou s'ils célèbrent la fête un jour plus tard, on peut se servir de leurs azymes immédiatement après la fête-. Or, comme Simon b. Elazar, l'élève des Tannaïtes nommés plus haut, qui était collègue du patriarche R. Juda I et était souvent en polémique avec les Samaritains '\ ne sait rien

* ffoullin, k a ; Tos. Pesahim, i, 15.

* La Tosel'ta [Pesahim, i, 13) a Q"^13, mais comme oa dit de ces non-juifs qu'ils observent la Pàque, cuisent avec les Juifs des azymes et ne se distinguent des Juifs dans l'accomplissemeat de la Loi que par l'exactitude, il est indubitablement question des Samaritains.

* Bâcher, Ajada der l'aniiaiten, II, p. 422.

58 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

d'une interdiction du pain samaritain, cette mesure n'avait pas encore été prise au ii« siècle après l'ère chrétienne. Quant à sup- poser qu'une école ait été plus sévère et ait défendu le pain des Samaritains, cela ne peut se soutenir, attendu que les récits qui parlent de mesures rigoureuses à l'égard des vivres samaritains ne mentionnent pas le pain.

Pour le vin des Samaritains, R. Méïr, le collègue du patriarche Simon b. Gamaliel, qui, d'ordinaire, était favorablement disposé envers ce peuple *, ne permit plus qu'on en achetât. Cette décision lui avait été inspirée par un de ses disciples, Simon b. Elazar, qui avait cru remarquer que leur vin était acheté à des païens*. Ce- pendant on ne défendit même pas d'acheter ch vin, car la Mischna ^ contient une prescription concernant la façon de prélever la dîme du vin samaritain, et, encore un siècle plus tard, R. Abahou achetait son via à des Samaritains. C'est seulement quand le soupçon se changea en certitude que les Samaritains achetaient leur vin aux païens, que R. Hiyya b. Abba, R. Ammi et R. Assi le défendirent et le déclarèrent païen. C'était vers la fin du iii^ siècle, d'après une indication du Talmud de Jérusalem, à la suite de la séparation des Samaritains, lors de la présence de Dioclétien en Palestine, par conséquent en 286*. A en juger d'après le passage parallèle du Talmud de Babylone, on pourrait croire que les Sa- maritains, en cettp occasion, avaient été proclamés païens (s^bn n"^"nXD:j û"i-i:d3 ûiNUJJt^D iy ûu:» itt); mais le Talmud de Jérusalem dit expressément qu'il s'agit uniquement de l'interdiction du vin, et dans la source babylonienne il ne s'agit aussi, en réalité, qw. du vin et de l'abatage des animaux ; c'est seulement une ques- tion contraire qui déternninR le docteur anonyme à prétendre qu'il ne s'agit que du yrry. Si donc les Samaritains de Césarée, à la suite de cette décision, demandent à R. Abahou pourquoi les Juifs ne s'adressent plus à eux, tandis que leurs pères le fai- saient, et que R. Abahou leur répond: «Vos ancêtres n'avaient pas corrompu leur voie, ce que vous avez fait », il n'est ici aussi question que du vin que les Juifs tiraient, la plupart du'temps,des régions samaritaines. L'interdiction du pain n'a pas pu avoir lieu alors, car R. llanina, flls de R. Abahou, raconte ^ qu'on demanda une fois à son (lère quand l'on pouvait manger les azymps des Samaritains après la Pâque. H consulta R. Hiyya b, Abba, R. Assi

' N/dda, VII, 3.

» Houllin, Crty JPT. Aboda Zara, v, 44 f/, 35.

3 Demaï, vu, 4.

* CI. Frankel, Introduction, 146 «, noie 3.

' Jér. Aboda Zara, v, 45 a, 64.

LES DOSITHEENS DANS LE MIDRASCH ÎIO

et R. Ammi, qui répondirent dans le sens de la baraïta men- tionnée ci-dessus. il n'est fait aucunement allusion à l'inter- diction du pain, évidemment parce qu'elle n'avait pas encore été prononcée ni au temps la question fut posée ni à l'époque de R. Hanina, au début du iv« siècle. De même, un disciple de R. Assi, R. Jacob b. Aha, permet de consommer les mets cuits par les Samaritains, s'il ne s'y mêle pas de vin ; il n'est pas parlé de pain. Et encore quelques dizaines d'années plus tard, vers 350, R. Yossé dit que le pain samaritain n'est pas soumis à la dîme, attendu que les Samaritains ont été proclamés païens, tandis que les docteurs détachent encore du pain le prélèvement sacerdotal. Par conséquent, les docteurs, observateurs si rigoureux de la loi, mangeaient, vers le milieu du iv« siècle, du pain samaritain, et aucun passage, ni dans le Talmud palestinien ni dans celui de Babylone ne permet de supposer que jusque vers 500 l'interdic- tion du pain samaritain ait été décidée. Par conséquent, l'indica- tion des Pirké cli R. Eliézer ne peut se rapporter à la situation du temps du Talmud '.

Il y a d'autres indices que les docteurs du Talmud n'allèrent pas jusqu'à interdire le pain samaritain : ce sont les mesures à l'égard des objets de consommation des Samaritains que les docteurs palestiniens considéraient comme païens. R. Simon raconte, en effet, dans la Tos. Demaï, v, :-^4 : « Pour ce qui concerne les productions du sol samaritain, il y a des variations Un jour nos docteurs arrivèrent dans les villes des Samaritains situées sur la roule militaire. Lorsqu'on leur offrit des légumes, R. Akiba bondit et en préleva la dime, affirmant que sûrement ils n'avaient pas été rédimés. -dessus R. Gamaliel lui dit : « Gom- ment oses-tu agir à rencontre de l'avis de tes collègues, ou qui t'a

* Dans jér. Pcsah., i, 27 i, 32, Ion demande si les Samaiilains méritent crédit pour l'élimination du levain avant la l^àque. Une baraila déclare que, si les Samaritains préparent leur? azymes avec les Juifs, ils sont aussi diurnes de toi, piur l'éliminalion du levain, sinon non. Puis on cite l'opinion de R. Simon b. Gamaliel, que les Sama- ritains sont, dans l'observation de leurs lois, plus exacts que le Juifs. dessus R. Simon remarque : 53^ lrT'3-13132 •j-'^pr^TTa T^nO r:3rw\N-|3 -I72%~n NIH

in "j-'bpb-ip?:! i-^iron r!ii:73 •'-i^*»:: n^t miiTo xb nnb i-'Na i^'odj» Ce

juj^emeut ne vaut que pour le temps jadis, lorsqu'ils tiabilnient d'uiie façon permanente dans leurs villages; mais actuellement on ne saurait admet- re chiz eux la moinire observation de la Loi, ils sout suspects et corrompus. » Les expressions montient que R. Simon ne peut être quiin Amora. Comme il proclame les Samaritains corrompus en regard de ceux d'auirefois, il les traite donc comme H. .Abouha et pourrait être le eontemporiin de celui-ci. 11 peut s'aj^'ir ou de R. Simon b Abba ou de Simon b. Pazzi, qui, tous les deux, éiaieut en relations avec K. Abouba; le jecoud, il est vrai, dans le Talmud de Jérusalem, sapoelle ■jlTO'iD, ^"L cependant Kelonh. 111 J. En tous cas, Il pourrait être question des Samaruaias habitaal Césarée, qui, loin de leur pays, se relâchèrent de l'observaliou du culte.

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autorisé à prélever la dîme? » R. Akiba répliqua : « Maître, ai-je donc, ce faisant, créé une loi pour Israël ? Je n'ai rédîmé que mes légumes à moi! » R. Gamaliel reprit : « Sache que tu as créé une loi pour Israël, en rédîmant tes légumes. » Lorsque R. Gamaliel fut au milieu des Samaritains, il déclara leur blé et leurs légumes suspects de n'être pas redîmes, et les autres productions du sol comme ne l'étant sûrement pas. R. Gamaliel, étant allé chez eux une seconde fois, les trouva moins attachés à la Loi ; alors il déclara toutes leurs productions du sol sûrement non rédimées. » Nous voyons R. Gamaliel (vers 90-117) s'opposer d'abord à R. Akiba, qui probablement pour l'avoir vu lui-même avait déclaré les productions du sol des Samaritains non rédîmées ; puis lorsqu'il entre en contact avec eux et s'aperçoit de leur relâ- chement, il se convertit peu à peu à l'opinion de R. Akiba *.

Après R. Gamaliel II, quelques dispositions relatives aux pro- ductions du sol des Samaritains furent prises par certains doc- teurs de la moitié du ii'' siècle-; mais rien ne démontre qu'en dehors de la question de la dîme, les Samaritains fassent placés sur le pied des païens. Rabbi, le rédacteur de la Mischna, permit encore l'achat de vin samaritain ^ ainsi que l'admission des Sama- ritains à la participation aux actions de grâces après le repas \ alors que les païens en sont exclus ^ Sans doute cette phrase qui revient souvent : « Le Samaritain, dit Rabbi, est comme le païen, tandis que pour R. Simon b. Gamliel il est comme l'Israélite en tout », sett'hle y contredire ^ Cependant cette opinion de Rabbi ne peut viser ni le vin ni le pain des Samaritains, en sorte qu'il ne reste que la rédîmation pour laquelle Rabbi se conforma à la disposition de R. Gamaliel II. En effet, la Tos. Terownol. iv, 12, 14, dit : ins'Mo inn .•'3-1 i-im ^r^z) \mDri ...r;7:inn "in»n-in cinmD ■'is bN-iï)''D -^niD -ittiN bx-'b»:; p « Si le païen fait un prélèvement, ce l)rélèvement est valable ; ... le Samaritain est semblable au païen , d'après l'opinion de Rabbi, tandis que R. Simon b. Gamliel dit

* Celte disposition de W. Gamaliel II prouve que ce n'est pas seulemeni aprè? la guerre de Bar Kochba que les docteurs prirent position contre l'égalité des Samari- tains avec les Juifs en matière de questions relifrieuses. Sohorr ' Bé-Chalitz, W , "2, 2) pense que la rigueur qu on marque envers eux après la guerre doit être attribuée à leur participation à la lutte contre les Juii's : les iloctcurs s'appliquèrent à les sé- parer complètement des Juifs ; mais, pour ne pas olfusquer les Romaine, ils auraient allégué des prétextes religieux. Lexamen des textes ne confirme pas cette hvpothèse.

* Tos. Demaï, v, 21-23.

* Demaï, vii, 4.

* Berakhot^ vu, 1 .

* Berakhot^ 47 b.

^ bDb bî<-i*vr->D -^ms -i/ûiwS bN"^b7:^ p lirro pi ,"'m ■'inn ^Tj^-d ^^\^'2

"nai. Jér. Berakh., vu, 11 è, 14 ; Demuï, m, 23 c, 49 ; vi, '2o rf, 51 et passim.

LKS DOSrrilKKNS DANS LK MIDHASCII 01

qu'il est semblable à l'Israélite. » La Mischna 7'eroHma, m, \), exprime la môme opinion de Kabbi en mettant sur le môme pied Samaritains et i)aïens. C'est un tort de généraliser la phrase pro- noncée uniquement pour le prélèvement des prêtres, ainsi que nous l'avons démontré et ainsi que l'établissent encore les pas- sages sur l'abatage des animaux dont nous allons maintenant dire un mot.

En cette matière, les Samaritains étaient pareils aux Juifs, comme le marque expressément la Tos. Houilin, i, 1 * (bsn "1W172 Vi^no-^ iVoNT b-^y nbiDXT -^niD ib-'ci^n l''um"o), et comme l'établit aussi par voie d'omission la Misclina de Rabbi (i, 1). Si labaraïta - y apporte cette restriction qu'il faut la présence d'un Juif lors de la schehita ou que le Samaritain mange un morceau de cette viande, en tous cas la schehita est reconnue suffisante en tant que telle. Or, d'après Bar Kappara, l'un des derniers Tan- naïtes, dans Houilin, 5 b, R. Gamaliel décréta avec son col- lège que la schehita des Samaritains n'est pas valable. Gomme Rabbi enseignait encore le contraird, ce R. Gamaliel ne peut être que le troisième de ce nom, le fils de Rabbi, comme le supposent Rasclii et récemment M. Isaac Haléwy^ Cette résolution montre

* Hoidlin, 4 l.

* Houilin. 3 // en bas.

' D"^jTC5iS~r! riTTn, il, 12. Les Tosalot objectent qu'il aurait fallu, dans ce cas, indiquer le nom du père, comme dans Âbot, ii, 2 : ^21 r\I3 IID ?N^^7^5 "JS"! N^C'rî mirT^. D'autres passades confirment celle opinion ; ainsi jér. Kelouh., xiii,

z:\d, 72; b. Baba Baira, 139 b : •'nna bN"'b7:5 "jn-i ■'-|3T 1T ,n?:i bN^7:"w yn'O iwxcr'o iy Mi m-^:i'''C ty n"'-i72ns ni-^rn bnx ; jér. Kùid.. m, 04^/, 4S:

jér. Teronm., x, 47 b, 63 ; b. Houilin, 98 a : NU rîCJ'W Nrrn "'3-1 ^,1^3 N^TI "'3"1

r:Ti7o NiwSi ra^T a"'3'3-,Nn ■'m?: xb n;n n-ib -i7:n -^ann bï<-^b723 pi "^rsb

a^r3-iî<3 ; b. Nidda, 6J b : bi<"'b7:3 pi "«-im iT bf«i7jO 17:n -TirT» an -i7:î« b^x-ibr:* p lii'Tû",:; pn ûv«7: -i7:nc: "«an "13; b. HouiUn, \ma: 131 -itdwS b3 ■'b -i7:ni mn-cû bansi -la-i ba i;3 bx-'brj pi nx ^-^bN",:; i:n-."' p Y'^^y b-'bii ■'bi-s ; jér. Halla, IV, 60 a, 24 : s-^nsnb 13-.3 bN-^b»; p-1 Op'^3

-■'yOl- "^3-1 nb n-^iri Nbn Nmoa "'N7Û^^ nN; Samuel, K. Hamua, H. Josué b. Lévi et R. Yohanan, tous contemporains de U. Gamaliel III, le nomment de son nom complet, bien qu'il n'y eût aucun doute sur la personne dont ils voulaient parler. Et alors Bar Kappara, ou eu son nom le même R. Josué b. Lévi, auraient omis le nom du père, alors qu'il pouvait être question de R. Gamaliel II ? Cependant dans Giiittin, 37 a en haut, Samuel dit que les orphelins, pour leurs créances, n'avaient pas besoin dans l'année sabbatique du bT3DT;D, en vertu d'une décision de Rabban Gamliel et de son collèf^e. Comme R. Gamaliel II n'a rien à voir avec cette question, Samuel n'a pu parier que du patriarche son contemporain. A côté de lui on indique aussi son collège, comme dans le passage qui nous occupe et dans un autre, également cité par Bar Kappara et les mêmes docteurs, dans Moëd Ka(., 3 b, et jér. Sabbat, i, 3rf, 00. En ce dernier passage, l'histoire de la loi de l'année sabbatique qui y est relatée témoigne en faveur de R. Gamaliel III, à l'époque duquel d'autres adoucisse- ments furent apportés aux lois de l'année sabbatique {Satih., 26 a ; jér. Schebiit, iv,

62 RI<:VUE DES ETUDES JUIVES

(également que, en général, les Samaritains passaient pour Juifs et que, pour chaque point ils ne paraissaient pas dignes de con- tiance, le collège des docteurs, sous la présidence du patriarche, prenait une décision spéciale. Des informations précises, et non pas seulement le silence des sources, établissent que le pain des Samaritains ne fut pas prohibé.

Toutefois deux passages du Talmud semblent présupposer l'in- terdiction du pain samaritain. Dans HouLlin, 13a [Tos., ii, 20) une baraïta dit : ,'^dd V ^r^■^ .tiid pd ma ,!i"iT nmay V'^ t^xr^rm anTWtt V23 qi* d-'-iwii* •o^^ V^^r: T^mn-^s ^û-^^aDip "^"idd vnsD « L'aba- tage fait par un hérétique est considéré comme un acte idolâ- trique ; son pain est comme celui des Samaritains, son vin tst interdit, etc. » Il s'agit d'un hérétique dont les actes et les moyens de subsistance sont jugés du point de vue religieux, L'abatage exécuté par lui n'est pas considéré comme celui que pratique le Samaritain, attendu que l'opération de ce dernier est tout au plus déclarée nulle, mais non œuvre d'idolâtrie ; l'acte n'est pas non plus regardé comme l'opération d'un païen, qui elle aussi est seulement déclarée sans ya\e\iv {ffoullin, i, 1), mais la bête ainsi tuée est considérée comme étant une bête offerte par un Juif ou un païen à une idole {Houllin, 39 &, 40 <2 ; Tos., II, 13, 18). Le passage laisse supposer que l'hérétique en ques- tion n'était pas traité en Samaritain, mais plutôt en païen ; donc ici «Samaritain» serait mis pour « païen», comme dans de nombreux passages. C'est ce que confirme le troisième point le vin de l'hérétique est désigné comme vin païen, alors que le vin des Samaritains, durant toute l'époque des Tannaïm et sous les Amoraïm jusque vers 286, était autorisé, comme nous l'avons vu. Pour ce qui est du cinquième point, aux termes duquel les produits du sol de l'hérétique sont regardés comme non redîmes, il n'est pas facile de déterminer si aussi il y a assimi- lation avec les païens, vu que les Samaritains depuis R. Gama- liel II étaient en cette matière regardés comme païens, mais rien ne dit le contraire. Il est donc hors de doute que le pain de l'hé- rétique était assimilé à celui du païen et qu'au lieu de « Sam_ari-

35 a, 44). Ce qui étonne c'est que Bar Kappara aurait rapporté une tradition au nom d'un docteur, son contemporain ; il faudrait qu'il lui eût survécu, ce qui n'est pas invraisemblable. Non moins difficile à expliquer est le l'ait que R. Yohanan mangeait de la viande abattue par les Samaritains [Houllin, 5è), de même que son disciple R. Assi, après que Gamaliel III avec son collège, auquel appartenait peut-être déjà R. Yohanan, eut déclaré nulle la schehita. A-t-on changé celte disposition après la mort prématurée de ce patriarche? R. Gamaliel II, malgré ses mesures relatives à la dîme des productions samaritaines, naila pas si loin dans la défiance à l'égard de l'observation de la loi chez les Samaritains, cf. Gtiictin, i, 5.

LES nOSITIIRRNS DANS LE MIDRASCIF r,3

tain » il faut lire « païen; » de la sorte les objections des To?a- (îstes tombent. Le pain des païens, comme leur vin, a été défendu lorsqu'on prit, peu avant la ruine du Temple, dix-huit mesures destinées à consommer la séparation des Juifs d'avec les païens '. C'est à cela que se rapi)orte notre baraïta, mais le pain samaritain ne fut jamais prohibé.

Il en est autrement du deuxième passage qui se trouve dans la Mischna Schelnit, viii, 10 : « On raconta à R. Akiba que R. Eliézer avait coutume de dire que manger du pain samaritain, c'est manger de la viande de porc. R. Akiba répondit : Je ne veux pas vous répéter ce que R. Éliézer en dit. w II est certain que l'auteur des Pithé di R. Éliézer avait en vue ces paroles de R. Éliézer, quand il observait que : « C'est pour cela qu'il a été dit : Manger du pain samaritain, c'est manger de la viande de porc. » Seulement il présente la parole du Tanna, qui est censément l'au- teur du livre, comme parole de l'école entière. Le contexte prouve qu'il avait, comme nous, "^rro dans la Mischna et qu'il entendait parla le Samaritain. De même, les Amoraïm dans jér. Schebiit, VII, 38 &, 69 : .y-ii^rt û^ bïïi no np-'b moî^a n-i73iî< pnt .-^dt^ "n-i iton T'» nnsrt ^n^b û-rnis buj yz-^izn irn tti» ^hî* in-i d;d3 n-'pm im « R. Yossè dit : D'afirès la il est interdit d'acheter le. pain du am-haareç. R. Hiskia, au nom de R. Aha, dit : Le Tanna permet- tait de manger le pain levé des Samaritains tout de suite après Pâque. » R. Aha se réfère à la baraïta de plus haut sur le levain des Samaritains immédiatement après la Pâque, tandis que R. Yossè assimile le "^n^ à l'homme du peuple en qui on ne peut avoir confiance, ce qui ne peut s'appliquer qu'au Samaritain et non au païen. Il est donc au moins invraisemblable de voir en "^rra une altération de ■'"133, bien que nous sachions que R. Eliézer appartenait aux docteurs qui approuvèrent les mesures prises par la majorité de l'école schammaïte pour séparer les Juifs des païens, en opposition avec R. Josué b. Hanania, qui les trouvait excessives-. Cependant R. Éliézer n'a pas réussi à faire triompher son opinion si rigoureuse à l'égard des Samari- tains, attendu que, dans la suite, nous voyons que le pain samari- tain était permis. Avant R. Éliézer, c'est-à-dire avant la destruc- tion du Temple, nous ne connaissons rien qui ait pu motiver une pareille défense : c'est seulement la lutte longue et sanglante entre les Juifs et les Samaritains sous Cumanus^ qui aurait pu

> Jér. Sahb., i, 3c; Graelz, III, 802; Lerner dans Magazin, IX, 1882, p. 140 et suiv.

* ,SaW.,153i; Tos.,i, 17; jér., i, 3 c, 30.

' Josèphe, Anliq., XX, 6, 1-3 ; Bell, jud., II, 12, 3-7.

64 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

amener cette mesure. Mais le fait que plus tard on mangeait le pain samaritain sans qu'on parle de l'abolition d'une prescrip- tion antérieure prouve le contraire '. Il est donc établi que Tin- terdit et la prohibition du pain des Samaritains dans les Pîrlié n'a pas de fondement historique et est une invention de l'époque gao- nique en Babylonie.

III. Le refus de recevoir des prosélytes samaritains.

La défense d'admettre les Samaritains à se convertir au ju- daïsme, dont parlent les P/r/;é, contredit l'assertion formelle du traité Koutim, ii, 5 : on les reroit dès qu'ils renient le mont Gari- zim et reconnaissent Jérusalem et la résurrection des morts 2. Le Talmud, en parlant des personnes qui ne peuvent pas être accueillies comme prosélytes, dit [Mischna Vebamot, viii, 3) : « 11 est défendu d'accueillir des Ammonites et des Moabites, et cela à tout jamais, mais les femmes moabites peuvent être reçues dans le judaïsme. Pour les Égyptiens et les Édomites, hommes et femmes, on peut les accueillir dès la troisième génération... » Or ce passage ne dit pas pas un mot des Samaritains. Il est vrai qu'il faut distinguer entre l'admission au judaïsme et l'union avec une juive ^. Le traité Koutim, immédiatement avant la mesure dont il est question à propos des Samaritains comme prosélytes, dit : Pourquoi ne reçoit-on pas les Samaritains dans la communauté? Parce qu'ils se mêlèrent aux prêtres des hauts- lieux. R. Ismaêl dit : A l'origine, ce furent des prosélytes par piété ; cependant toute union est interdite avec eux, parce qu'ils ont dans leur sein des descendants d'unions prohibées et parce qu'ils n'accomplissent pas le lévirat dans le cas d'une mariée''. On retrouve cette explication dans j. Yebam., vu, 8 6, 65 ^ Ils

' Cf. encore Jean, iv, 8 : Les disciples de Jésus élaicnt allés à la ville de Sichem pour y acheter de la nourriture,

' r-i-'nnm D^b^iiTT'n mm d^t-'-i:; nna tidd'»::?: ,DmN r'-np» ^■^73•^Nn

^ Cf. Tebamot, ]6a-b ; Mischna, ibid., viii, 3 , Yeham., 76 b ; Tossefta Kiddotischin, V, 4, Ton voit qu'un Ammonite et un Éjrvptien furent reçus dans la communion d'Israël, mais non autorisés à se marier avec une juive.

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LES DOSITIIKENS DANS LK MlDltASCK i^;

étaient considérés comme des prosélytes complets ; mais en se mêlant avec des éléments étrangers, ils s'étaient enlevé la possi- bilité de se marier avec des Juifs. C'est encore ce qu'on lit dans À'irfrf., IV, 3'. La longue discussion instituée sur ces dispositions dans Kidd., 75 et ^6, n'a d'autre objet que l'inadmissibilité du ma- riage entre Samaritains et Juifs.

Si l'on cherche, pour la manière de considérer le cas des Sama- ritains, un parallèle dans le Talraud avec les Pirhé di R. Éliézer, on constate que la comparaison est possible il est question de l'hérétique Houllin, 13a en bas; Tos., i, 20). Car, ainsi que nous l'avons vu, le pain de l'hérétique est considéré comme païen et ses enfants sont regardés comme nés d'une union prohibée, pour qui, par conséquent, un mariage j uif est impossible. Il en résulterait que les Pwké traitent les Samaritains en hérétiques qui viennent d'abandonner le judaïsme. De la sorte s'expliqueront les autres parties de linterdit qui sont en opposition avec les indications du Talmud, et l'on pourra déterminer chronologiquement l'institu- tion de l'interdit. Nous possédons, en effet, une décision du gaon Natronaï- au sujet d'une secte qui avait abandonné l'observation de plusieurs prescriptions fondamentales du judaïsme, parmi les- quelles le sabbat, l'interdiction du suif et du sang, les prohibitions matrimoniales, l'abatage des animaux, et qui voulait revenir à la religion d'Israël. Le gaon dit : nr-u? \\":;3i n-nm ^np-^^'n inpo V?brî li-i^r! bNTO^tt iip^i^ rr^n n'd nb'NT ,mn3C n'?bm a^T-o» in^birîi ••bNTC^ -lVcd r-":"i r'^2rji r-'^^^':- ar:i nxcD s-^-m iniN ra-in t^-^c: ^-^'j. "iir.-z t>ibn nv-irn ^"'irnïj t^Hw p-'^ ...ibis ibbn bnx bN-,c^2 ^a-i:?n-' Na^j bnpn p-isnb -jb^pb -,CDt< -ni 2--,Tt!7a nn^sa TcrN \N '-p^zb bwNT::->3 n-'-iTo-j a-^nn::! bwsnc-' -^rab ::^:^-n:3 in-'-cj'^t . . .-ip-':' br ib^P'- " îS'ils étaient des païens, d'origine non juive, on pourrait les recevoir, comme les autres païens, après qu'ils se seraient circoncis et qu'ils auraient pris un bain et ils devien- draient pareils à n'importe quel Juif; mais ceux-là qui vécurent dans l'inceste et n'écrivirent point de lettres de divorce, ils ont des enfants incestueux, et ne sauraient être reçus dans la commu- nauté, de crainte qu'ils ne se marient avec des Juifs et n'aug- mentent le nombre des enfants incestueux. Par conséquent, il faut

* n72iN -iTi'^xx ^nn ...r:în rîî Ninb û^nnra bnpa Niab D-^mo.sr; bs .•^iDN lp^-:03 ip-^LDi ivsnin ip^roi ip^son i^-n nniTo 1N^^3 ■;i<"'T

Tiri ■'C1:;N ip'rw np'^îOrî "jr; 1?N1 Tous ceux qui ne peuvent pas entrer dans la Communauté peuvent se marier entre eux. . . R. Eliézer dit : Ceux dont l'ori- Sine est sûre peuvent se marier avec ceux qui réunissent les mêmes garanties, mais non avec ceux dont l'origine est douteuse. Ceux-ci ne peuvent pas non plus convoler avec leurs semblables. Tels sont, entre autres, les Samaritains. .

* p"!:: ■^nrc a-'nNsn n-iarcn, p. 24a, 7.

T. XLIII, 80. 5

66 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

les repousser. » Dans le n" 27, Natronaï s'exprime de la même manière au sujet des partisans du pseudo-messie Sérène, qui eux aussi foulaient aux pieds les lois matrimoniales : il faut dissoudre leurs unions, regarder leurs enfants comme issus de l'inceste, il faut annoncer publiquement qu'ils ne peuvent pas entrer dans la communauté, ou, comme il est dit plus clairement dans le 7 :

Dbiyb « Putilicz qu'ils ne sont pas admis dans la communauté; tenez-les à l'écart, car ils sont nés dans l'inceste, il n'y a pour eux aucune ressource. » Dans les Pirhé, ce traitement est appliqué aux Samaritains. Que cela convienne justement à l'époque gaonique, c'est ce qui ressort des Halahhot Guedolot, le compendium des écoles gaoniques. Il y est dit ' : ^iriD-ia nm^ m ■'■«n)3WT '^3>i32: i^mD (■?) Iin-i^in i3'3^-i. -^l'i^i: ...npid ninnao liaibi^T ûiia by -^^mD "iiONT ...ii-iïji^iîn 3--in:o i-j-'nmN'i br iN-i»;a ' ."TO'^^b Nb'O b^-icb 1N73b '{■'3 ina mm; imn.NTa nnj?: -itdnt 1x70? 113 ir^-^^ziz 15 •^binpb Nnspn inb rr^bi "j-n n-i:^'n2 nno'CJT Tny 17ûnt « Cuthéens, Se- bouéens et Samaritains sont un peuple dont on ne saurait accepter de prosélytes pour les raisons admises dans Kidd., 76 b, et il n'y a pour eux aucune ressource. » La disposition de la fin de ce pas- sage est littéralement la même que celle de Natronaï relativement à l'admission des hérétiques, et l'auteur déclare expressément qu'il parle de l'accession des prosélytes. Le passage du Talmud que les Halahhot citent à l'appui de leur décision ne traite pas question de savoir si un Samaritain peut être reçu comme prosélyte, mais s'occupe seulement d'empêcher l'union des Samaritains avec les Juifs. Comme le montrent les Consultations du gaon Natronaï, l'entière exclusion des Samaritains n'a été prononcée que lors de l'apparition de nouvelles sectes, au viii® et au ix^ siècle. On trouve la même décision dans Séder Éliahou Zoutta (éd. Fried- mann, p. 169) : « On n'accueille pas dans le judaïsme des prosé- lytes samaritains , parce que des membres des dix tribus se sont mêlés aux Samaritains ; seul le prophète Elle pourra un jour séparer les uns des autres ». Comme il s'agit d'une addition que l'auteur a ajoutée à Yebamot, 16 <2, on peut supposer que cet auteur a vécu dans une région la question de l'admission des Samaritains présentait de l'importance, et à la même époque que les auteurs des Pirhè et des Halahhot Guedoloi.

Il a donc se produire certains faits qui déterminèrent les Gaonim à assimiler les Samaritains aux hérétiques, en ce qu'ils abandonnèrent toute attache avec le judaïsme et voulurent plus

1 Ed. Hildesbeimer, 443.

LKS DOSmiKENS DANS LR MIDRASCII t;7

tard y revenir ; ou bien ils provoquèrent cette sévère mesure par leurs rapports avec une de ces sectes. Y a-t-il eu des Samaritains en Babylonie, nous ramènent les Pirhé, ou en Perse, na- quirent les sectes? Dans le Talmud, à ma connaissance, il n'y a qu'une allusion à cette existence de Samaritains en Babylonie. Dans Guittin, 4b a, il est question de la fuite d'un esclave de K. llisda chez un Samaritain, et des négociations entre le docteur et le Samaritain, qui se réfère àDeut., xxiii, 16. Néanmoins, il ne me paraît pas établi qu'il s'agisse de Samaritains, pas plus que dans l'histoire qui suit, sur l'âne d'Abbaï qui s'était perdu chez les Sama- ritains. Par contre, l'information du Caraïte Abou-Youssouf al- Kirkissâni ', qui se rapporte à l'époque de la rédaction des Pirké, est digne d'attention. Elle nous ap[»rend que l'hérésiarque Ismaël ai-Okbari (832-842j aurait reçu, d'accord avec les Samaritains, dans la Genèse, iv, 8 : riTcn nîcs ûnp, et dans Ex., xx, 18 : Q-«3'»n\a mbnprr nx, comme textes de la Bible -. Comme une telle concor- dance ne saurait être l'effet du hasard et que Okbara se trouve probablement à dix parasaiiges de Bagdad % il faut admettre l'in- fluence des écrits samaritains et des Samaritains sur la formation en Babylonie des nombreuses sectes ; à moins de supposer qu'Is- maël, que sa désignation de Baalbeki fait originaire de Syrie, ait été dans son pays à l'école des Samaritains. Mais si l'on considère l'observation citée plus haut des Ilalakhot Gveclolot sur les trois peuples ■'■'"i»"û, "'Stn-j:, -"ï^ms, on est amené à supposer l'existence de sectes samaritaines en Babylonie. Autrement, on ne compren- drait pas ce qui aurait pu porter l'auteur à parler des groupes samaritains n'existant qu'en Egypte et en Palestine, s'il n'y en avait pas eu au moins un dans le voisinage des écoles babylo- niennes. Assurément, nous ne repoussons pas Thypothèse que l'auteur pouvait connaître la chose par une question adressée de Palestine ou de l'Afrique du nord, et qui énumérait ces groupes. Cependant l'accord des Halakhot Guedolot et des Pirké di R. Éliézer, d'une part, et celui d'Ismaël al-Okbari et des Samaritains, d'autre part, indique la Babylonie comme résidence des Samaritains en question. D'après ce que nous savons, il est vrai, les -^î^mD et les ■^■>"i7ao ne formaient qu'une seule et même secte palestinienne; mais au cours des siècles, ils ont pu se différencier, tandis que les '»:>13S,

1 Ed. Harkavy, p. 305 et 315.

* De même chez Juda ha-Dassi (Alfabet, 98' : r!N^"ipm anOT! Nin D5 bt2373

Dn D5 "ID^n CïT'iT^Twr! lD"^5r!r!w- Il dit que Ismaël a supprimé comme faux le keri et ketih, ayaat désigaé leurs auteurs comme pécheurs envers Dieu.

* Cf. Poznanski, dans celte Eevue, XXXIV, 1897, p. Ifi2.

68 ' REVUE DES ETUDES JUIVES

qui nous sont inconnus, ont pu fournir la branche babylonienne des Samaritains. Signalons la supposition de D. Louria% que le Cuthéen «"'no [Pirhé: ninDT), transplanté comme docteur à Samarie, a quelque affinité avec les ■'i'iai: des Halahhot. Si cela est exact, nous en conclurons que les PirJié et les Halahhot se rapportent au même temps et aux mêmes circonstances. Comme, de plus, les Pirhé présentent l'interdit prononcé à Jérusalem contre les Sama- ritains comme ayant été adressé en Babylonie, il est encore renforcé, il en résulte encore que l'auteur s'occupe de l'interdiction des Samaritains en Babylonie. D'où cette conclusion qu'à la fer- mentation du judaïsme persan-babylonien aux viii^ et ix^ siècles, qui produisit tant de sectes, les Samaritains eurent aussi une part. L'une ou l'autre de ces sectes s'appuya sur l'antique opposition des Samaritains à l'égard du judaïsme et reçut d'eux des encoura- gements. De vient que les Gaonim et leurs écoles en eurent en première ligne aux Samaritains ; ils mirent dans la bouche d'Ezra leur exclusion du judaïsme, afin de déterminer ainsi les adeptes de l'hérésiarque qui se rattachait à eux, comme Ismaël al-Okbari, à rompre l'alliance avec les Samaritains et à réfléchir.

De même le troisième point de l'interdit, savoir que les Sama- ritains n'auront pas part à la résurrection, est d'origine post-tal- mudique. Ce qui marque l'inauthenticité du récit, c'est que la question de la résurrection n'a pas pu du temps d'Ezra former l'objet de la dispute et l'élément de la malédiction. Sans doute, la Mischna Sanh., x, 1, pose que quiconque nie que le Tora parle de la résurrection ne participe pas au monde futur, et la baraïta de Sanh., 90 a, dit : n-'-^nra pbn "h rj\-T^ Nb '^d-^dV û-^narj ni-^nnn nsn Nin ûTiwn « Il a nié la résurrection, il est donc juste qu'il n'y ait pas part. » Bien que cette phrase soit pareille jusque dans l'expression à celle de l'interdit sur les Samaritains, il me paraît douteux qu'elle s'applique aux Samaritains niant la résurrection. Le con- texte, en effet, s'occupe uniquement des hérétiques, mais non du point de vue auquel étaient placés dès l'origine les Samaritains. A l'époque du Temple, ce sont les Sadducéens qui appellent sur eux les rigueurs des Pharisiens ^ ; après la ruine du Temple, les docteurs prennent des mesures contre les hérétiques. Gela ressort très clairement de la baraïta de Rosch ha-Schana, 17 a ^ Là, parmi les Juifs impies, sont nommés également ceux qui nient la résur-

* Commentaire des Pirké di R. Eli^zer, xxxvni, 91c, note 1S3.

* Berakhot^ IX, 5.

LIÎS DOSITHKKNS DANS LR MIDH ASCII 69

rection. Autant que je sache, le Samaritain n'est regardé nulle part dans le Talmud comme un hérétique ; dès lors, Tinterdit qui lui applique les dispositions établies contre l'hérétique ne peut être que post-talmudique. Ces résultats concordent avec ce que nous savons de l'interdiction du pain et le refus de recevoir les Samaritains dans le sein du judaïsme, c'est-à-dire qu'ils étaient assimilés aux hérétiques, et ce, dans la période gaonique.

Après avoir établi que toutes les parties de l'interdit sur les Samaritains dans les Pirké di R. ELiézer sont nées à l'époque gaonique et reflètent la situation des Samaritains au viii° siècle, nous avons à examiner la question de savoir si tout le morceau qui se rapporte aux Samaritains et dont l'interdit forme la fin est d'origine récente. Le paragraphe s'occupe du serment des frères de Joseph avant sa vente, du serment de Josué sur Jéricho, du serment des villes dans Juges, xxi, du serment de Saiïl dans I Sara., XIV, et enfin de l'interdit prononcé contre les Samaritains. Le tout, s'appuyant sur des faits tirés de la Bible, montre que le serment ou l'interdit, une fois prononcé, lie Dieu et les hommes. Cette unité de pensée prouve que ces juxtapositions sont l'œuvre d'un seul auteur, mais non que les diverses parties soient d'ori- gine récente et gaonique-babylonienne. Cependant un mot qui revient à plusieurs reprises et qui marque la pensée fondamentale de l'ensemble indique l'influence de ce temps et de ce pays. Ce mot est celui de nnn dans le sens de serment, que nous avons vu être gaonique, en tant que pour la prestation du serment devant la jus- tice, dans le cas du débiteur niant la dette, on employait une longue formule d'interdit. Dans Scheboiiot, 35 6-36 a, nous trouvons toutes les expressions du serment, mais D"in n'y est pas nommé, bien qu'on désigne les mêmes faits de la Bible, de Josué, vi, et de I Samuel, xiv, comme serment, avec malédiction. De même la baraïta de Scheboiiot, 30 « ; n^ia-o nn ,iibbp nn pn': m ,"n-)i< ,N3n signale comme contenu de ^iii* l'interdit avec le serment, et cepen- dant n'appelle le premier que ■'•nD, sans supposer l'usage de con- jurer devant le tribunal avec l'interdit. Par contre, le mot a-in est très courant dans notre récit, oii les frères de Joseph disent :

"^inn OTipnb isno -.'rjy t:i2 .rri-i'n n'în û-'-'prTo tDinrr v^^i V**^ ^-"'i^ Drr'aNb t^;-^ ab'O ûnnn im^n Nirt. il est admis aussi que l'interdit ne vaut qu'autant qu'il est public, ce qui, à en juger par les Consul- tations ci-dessus mentionnées, est gaonique. Il est certain que nous avons affaire à une forme de l'antique ribx. A ce sujet, le livre d'Enoch, vi, 4, offre un parallèle intéressant en disant des anges : « Nous jurons par serment et nous nous engageons par des conju-

70 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

rations à ne point renoncer à ce dessein, mais à réaliser l'œuvre conçue. Alors tous jurèrent et s'engagèrent par des conjurations... Ils appelèrent la montagne Hermôn, parce que c'est qu'ils avaient juré et qu'ils s'étaient liés solennellement. » Voilà le mot n":n pour désigner les conjurations qui corroborent le serment, tout à fait comme dans les Pirké di R. Éliézer. On peut se de- mander si entre les deux livres il y a quelque rapport plus étroit, ou si c'est une coïncidence fortuite. Comme, d'une part, il est cer- tain que les PirUé n'appartiennent pas au temps ni au cercle du livre d'Enoch, qu'au contraire, il y a des preuves que le livre des Jubilés était connu des docteurs babyloniens * et que beaucoup de particularités de la littérature juive sur Enoch de la période gaonique semblent tirées du livre d'Enoch-, un emprunt est vrai- semblable. D'ailleurs, d'autres passages des. Pirké plaident en laveur de cette opinion. Le narrateur dans ce passage comprenait ce qu'il y avait de nouveau dans cette assimilation de ûnn avec le serment ; aussi dit-il : nrincm !-:yiT::r! n\-! a-inn Nn-'p:? "«ni TnN

. . .mnn it» « R. Akiba dit : Le serment c'est le hérem, et le liérem est un serment. Tu peux le déduire du texte Josué interdit Jéri- cho et Achan fut brûlé pour avoir mis la main sur l'interdit. -> Il serait difficile de trouver cette phrase ou une phrase semblable dans la littérature talmudique et midraschique. Même le iw^ri "iis, qui est encore plus récent, en reprenant l'Iiistoire de Joseph vendu par ses frères, ne dit que ces mots : n5»n"c;"^T ûbD nrnp-«T ûnsî imsn nO"»! -iCN o-^N bT> nbiD Ti«N"«T .ypyb nann pn T^sn "^nbab vn^ nx ':;-'n nn"" imss-im ^•'by i:bD T.^^•2y^ y-inn ^:i b^b mn -imn pn T'a-" anra, tout à fait comme dans le Testament des douze patriarches (Zabulon, i). Or, comme D"in dans le récit des Pirké n'est pas simplement une expression caractéristique, mais domine tout l'ensemble, le morceau entier appartient à un seul auteur, de l'époque gaonique. Mais cela n'exclut pas la possibilité qu'il ait uti- lisé et remanié des sentences anciennes, comme par exemple celle ^e R. Éliézer sur le pain dps Samaritains [Sc/ieMU, viii, 10). D"au- ^nt plus que le verset sur les neuf peuplades dont se composait la nation samaritaine, se trouve dans Séder Olam, xii, in fine ^. Dès lors, les noms des docteurs samaritains, Dosithée et Zacharie (ou N'^'^ao), pourraient provenir d'une source plus ancienne, peut- être tannaïtique, et représenter les sectes, connues par des sources

» Epstein, d'^nn"^" m"i2172np)3, VII. « Z.D.M.G., VII, 1853, p. 249.

3 Voir Bâcher, Atjada der Tannaiten, II. 189, 5, et Ratner, dans son édition du Séder Olam Rabba, p. 50, noie 40.

LES DOSITIIKKNS DANS LE MIDRASCH 71

chrétiennes, qui florissaient en Palestine au ii* siècle après l'ère chrétienne. Mais cela n'est pas très sûr, comme le laissent sup- poser les Halahhot Guedolot. En tout cas, il est acquis que le morceau des Pirké di R. ÉLiézer traitant de l'interdit prononcé contre les Samaritains, est d'origine gaonique et babylonienne et qu'il est probablement à l'effort fait par les autorités de cette région pour se défendre contre le grand mouvement déterminé par la formation des sectes dans le kalifat oriental.

A. BuCHLER. Vienne, 8 juillet 190i.

LES GLOSES FRANÇAISES (LOAZIM)

DE GERSCHOM DE METZ

(suite et fin ')

34. ÉNTRÉZU , n'^b-'-i!::;"'^, C, Eoullin, 11o«, Nn;3n N-nn « les boyaux du bas-ventre ».

Raschi donne le mot b-«-ia5î< ou bi-»-ia3''N, ÉiNTRaZ.

Le loaz de Gerschom n''b'^npj"'î< est ponctué d'une manière bizarre qui pourrait de prime abord le 'faire prendre pour un mot italien. Mais c'est tout simplement un mot ilaiianisc, et maladroitement italianisé. En effet, le mol italien désignant les entrailles est tiré, non pas de 'iniralia, mais de 'intra- neuM (et non de 'iniranea, comme le dit Kortins) : c'est le mot entragno. Le français a également la forme enlraignes. de 'intraneas. C'est également à cette forme en -aneas que se rattachent l'espagnol entranas et le portugais entranhas- Eu supposant qu'une forme italienne, disparue dès le xi« siècle, eût été faite sur le latin 'intraliim, elle n'eût jamais donné ^iib-'nprN, mais bien ^i-ibnarN'. Nous sommes donc amené à corriger simplcmeni n-'bi-iprîj en :i''b''lp5"'N, en partant du type latin 'intralium (le gloss. de Reichenau ionxxc'iniraïia. La transcription française donnera donc : ÉNTREiU. C'est une forme très ancienne, Ton sent encore la finale latin -um.

Dans Raschi, le mot b"'-iC'"'N n'ayant, jamais la finale ", doit se tirer du plu- riel iniralia, et non du singulier inLraliurn.

3o. FALDESTORO, Tmaffllbo, C, Men., U6, -^pabiT « chaise recouverte de cuir ».

Le ms. porte i-np">rnbD, faute évidente pour imilû'ilînbD. C'est le mot ro- man dérivé àc*faldaslorium, refait sur faldasltcol 11 y a pourtant un doute au sujet de la nationalité de ce mot. Les plus anciens textes italiens donnent faldistorio ou faldistoro, et jamais faldastoro ou faldestoro, indiqué par notre loaz et qu'on peut ponctuer i-iiL^'^iJ^bs ou ■m:j'>anbD, mais non inia^anbD, qui réclamerait un -^ entre le 1 et le ^. Raschi donne dans ce passage le français m-jaibo. 11 est donc permis d'hésiter entre le français FALDESTORO, qui rcprésenierait une prononciation [tlus ancienne que celle qu'indique Raschi, et le beaucoup moins probable italien faldistoro.

» Voir tome XLll, p. 48 et 237.

LES GLOSES FRANÇAISES DE GEHSGHOM Dli METZ 73

Dans la description (jui cntoiiro le loaz on seml)le avoir perdu de vue que la caractrrislique de ce si«''Si' (allemand sMU, angl. stool, anc. alk-mau Uuol] es^l d'être pliant {falda7i^.()n dit siniiilomont que c'est une cliaiso recouverte de cuir \ on s'en sert pour se mettre à table. Mais son sens de; siège pliaul, qu'il conserva pendant au moins deux siècles encore, n'est même pas indiqué.

36. FELTRES, OiabD, G. Bekk., 2\U>, •'•^KZ « couvertures de laine. >■

Raschi, Sekh., 29*, donne également le mot^înabE.

C'est le mot actuel feutres, ctolTcs drues, serrées, faites de laine ou de poil agglutine et foulé. Ge mol est dérivé du germanique filt, bas lalin filtrum, comme It^ montre la comparaison des diverses langues romanes : it. feltro, prov. feltres. feutres, fr. feltre. Le mot filtre, corps poreux (feutre, élolTe, papier, charbon, pierre spongieuse, etc.) à travers lequel on fait passer un li- quide pour le elarifier, a la même étvmologie flltrum, mais c'est un mot em- prunté à l'italien filtro.

37. FËSTEL, ba'iU"'D, G, Houllin. 42 Z», ni^ip. C'est l'os de la cuisse et, par extension, la partie de la jambe comprise entre le gigot et le sabot.

Raschi ne donne pas de loaz pour ce mot.

L'édition du Talmud de Wilna a la forme b'wwD- A première vue et pour peu qu'on ait l'habitude de la transcription des mots français en l'alphabet hé- braïque, on s'aperçoit que cette leç<m est fautive. On aurait eu buîD, c'est-à- dire /lîsa^ (os de la fesse) ou Fessel iallemand). Le manuscrit donne biiwÇ. G'est le français tiré du latin flstula, c'est-à-dire fistel, forme secondaire de fistele. On s'attendrait à FËSTEL. Je crois que c'est la forme à laquelle on doit s'arrêter. Il suffit de remplacer, en elTet, b:2">::"'s parbr^O^s; c'est un clian- gement parfaitement autorisé. G'est donc un paroxyton encore bien vivant dans la langue populaire de la fin du siècle. Les proparoxvtons de formation sa- vante, nés 1res anciennement, avaient conservé l'accent latin tout en atTaiblis- sant ou même en faisant disparaître la première post-tonique. L'()rtbograpbe primilive de ce mot a être 'FËSTELE (le second e marquant le son faible de Va post-tonique et servant en même temps d'6' d'appui). G'est peut-être, d'ail- leurs, l'orthographe indiquée par notre loaz ^cf. page précédente]. Puis le Vàoldi éièdcvll féstel. Ce, mot, appartenant naturellement au domaine popu- laire, est devenu festle ou festre (le son de l linguale ou de r mouillée étant sensiblement le même ; cf. latin latialis, latiaris, elc ), et enfin fêle, qui existe actuellement et signifie le tube de fer à l'aide duquel l'ouvrier verrier [félatier] lire la matière du creuset et la souffle. Quant au sens qu'on lui donne dans ce passage, il est remarquable. C'est un sens dérivé de celui de ce mot latin, qui signifie tube ou flnte. La jambe du cheval faisait penser à un tube ou à une nùte. C'est ainsi qu'actuellement on dit encore trivialement me» flûtes pour mes jambes, expression qui est chez le peuple d'un usage à pet près constant. C'est une des nombreuses métaphores appliquées aux parties du corps des animaux ou de l'homme. On dirait que l'esprit français continue à appliquer aux diverses parties du corps le même système de tri- viales mctaphûres depuis plus de dix siècles ; cf. tête, boule, poire, trogne, gueule, etc., et dans l'exemple qui nous intéresse, i«w*e, patte, féstel, flûte-

74 HEVUE DES ÉTUDES JUIVES

38. FRANS, ':i^'^ti,C, Menahot, A2b. l'^ll^, franges de l'étoffe.

Raschi au même endroit, Men., 42 b, donne, pour ce mot, le loaz ïJ'^aT'D = FENRJES.

Cette forme très curieuse établit d'une façon absolue l'étymologie du mot 'frange ■■ 'fimiria, 'flmria, 'fimrja, 'flnrja, 'fenrje, 'frenje, * frange.

Le mot donné par Gerschom doit être transcrit FRANS. C'est le mot qui a donné lailemand Franse, le français fronce. On rattache d'ordinaire ce mot o Runzcl. C'est évidemment impossible. Kôrting pense que c'est le thème verbal de 'frontiare. C'est également impossible. Le verbe fronzir, qui existait à 1 époque de Raschi, aurait former au début du xi« siècle /ronze ou quelque chose d'analogue. Je ne vois pas d etymologie à ce mot, mais nos loazim donnent un résultat précieux bien que négatif : ils prouvent que les étymo- logies proposées jusqu'ici n'ont aucune valeur.

39. GRANÉS, '^^'^5, C, Houllin, 99 b, 15-13, grain des raisins.

Raschi ne donne pas ce mot.

Quoique le mol -i5"i5 soit au singulier et ne signifie, en hébreu, que grain, il est évident qu'il s'agit ici d'un certain nombre de grains, en un mot d'une grappe : c'est donc le mot gran- pius ii- suffixe es, latin -ensis, ^^granensis, l'ensemble des grains, le granés.

40. GRAVÉLE, Nmi:! B, A manque, B.B, 82 a, pn*"»:), collines de sable plantées d'herbes.

Cf. Raschi, Sabb.. 82b, Nb"'3"i5, sol marécageux; 109 ^>, Nb-^niS, sable des bords de l'eau; Houllin, 21 b, Kb"^3-ia, terre limoneuse; Eroubin, A3 a, Nb'^ni:i, gravier.

Le sens de étendue de sahle est donc celui qu'indique l'ensemble de ces exemples. C'est le mot GRAVÉLE bien connu en ancien français, forme dimunitif du mot grève, 'gravèlla, d'où gravéle- Cf. Psautier d'Oxford, gra- vèle de mer. Le sens est resté dans le mot graveleux. C'est le même mot que gravelle, la pierre.

41. HAMBRE, N-ot]?- C. Kerit., Sa, r\D'D. excréments de poisson dont on forme l'ambre gris.

L'étymologie est l'arabe 'anbar, le y représente l'aspiration du mot arabe, qui commence également par un ain.

Raschi ne donne pas ce mot. Dès nos plus anciens textes il apparaît sous la forme ambre, et non harubre. A l'époque de Gerschon l'A aspiré de pro- venance germanique' ou arabe se faisait encore assez fortement sentir pour que Gerschom marquât l'aspiration par un y.

42. HANJES, C, w-^j^srî, C, Houllin, 93 a, Nnoi3->bp, les os des iles.

Raschi donne le même mot au singulier : Np3ïi. Le loaz de |laschi doit être transcrit HANCHE ; celui de Gerschom HaNJÊS = HANCHES. La finale c, avec patah devant, du loaz de Gerschom prouve que le son de

' Cf. le mol hanjei.

LES GLOSES FRANÇAISES DE GERSCHOM Dlî METZ 75

Va liiial n'clait pas encore absolument assounli. De plus, c'est un excellent exemple pouvant servir à tiénioiitrcr (lue ce pata/t était simplement employé pour maniuer la linale des mots français. On ne peut son^jer à faire de ce mot, à cause de i:s liiial. un mot italien, ni, à cause du p, un mot espagnol ou portugais.

Quant aux i-^ =r j, c'est la notation du son ca = che parmi les Rhénans de langue française : on confondait dans cette région française le son^ et le son c/i et l'on prononçait un son intermédiaire entre ces deux consonnes. Les textes prouveni, en elTel, que ch elj sont indilîéremment notées par "f ou p.

L'étymologie igerm. Ilanka) explique la persistance de Vh aspirée.

43. HARPP:, ND-in, C, Arakhin, 10 a, bns, harpe.

Emprunte du germanique Harpa, allemand actuel Harfe. La forme italienne arpa est également empruntée au germ., mais en italien Vh, même d'origine germanique, tombe très tôt. C'est sous rinlluenco de l'italien arpa qu'on a parfois écrit en français arpe,o\i peut-être simplement par suite d'un change- ment de nature de l'A initiale. Raschi, en effet, donne déjà le mot (SDIN.

44. HOMLON, inbïïirr, Houllin, 47 d, mïJ2, le houblon ^HOMLOiN. Même mot dans Raschi au même passage.

Celte ancienne orthographe, qui nous est conservée par Gerschom et par Raschi, rappelle les formes humuhm ou humlo, humulo données par le Polyptyque de Saint-Rémi de Reims et par le Polyptyque d'Irminon. Elle rend très improbable l'étymologie proposée par Grandgagnage, adoptée p?r Diez pour le mot houblon, c'est-à-dire soit la racine Hop du hollandais, d'où Hopfen, en allemand, hopelon, en français, et hobelon, hoblon. Par un singu- lier hasard, Gerschom. à ci')té de honilon, nous donne le slave b-^wr), Chmél, qui signilie également houblon et qui paraît être en rapport avec le mol qui donnerait l'étymologie la plus acceptable pour notre homlon. En effet, sur ^■^TSD on a pu former un 'hmlo-, 'hmlonis, devenu très naturellement 'liomlo, 'homlonis, qui a donné homlon. Le n indique une aspiration qui est rendue par Vh français. Quant à homlon, honmlon, il a passé a houblon sous Tin- fluence de la forme Hop de l'allemand, qui signifie également houblon. Tout n'est donc pas à rejeter dans l'étymologie de Grandgagnage ; mais son Hop ne joue qu'un rôle secondaire dans la formation de ce mot. Cf. les noms des villes : Hombleux, Hornblières (Aisne, Dictionnaire topo graphique de l'Aisne, collection du niinisière de l'Instruction publique;, qui remontent à la forme Humularias. Les matériaux manquent pour l'étude de la culture de celte plante. Mais il est probable qu'elle est d'importation slave et que ce n'est que plus tard qu'on a connu le houblon germanique. Les formes homlon et hoblon sont les témoins de ce double mouvement.

43. HUTE, Ni^nn, AS, B. B.,6b, S]-«ni:. « C'est, dit Gerschom, une chaumière disposée de façon à permetlre aux eaux fluviales de s'écouler dans les pâ- turages. »

Raschi a emploie pas ce mot, mais b-'Tiia = RORDEL, diminutif de borde (resté comme expression géographique dans un grand nombre de départe-

76 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

menls sous la forme La Borde ou Les Bordes\ du Kolhiquc baurt, anglais board.

Le loaz de Gerschom se transcrit : HUTE. Ce pourrait cire aussi bien l'alle- mand HiHle que le vieux français huie. Mais aucun manuscrit ne le signalant comme appartenant à la langue T22CN, nous pouvons en conclure à coup sûr que c'est bien l'ancien français. 11 vient de l'ancien haut-allemand Enta, moyen haut-allemand Hiltle. On en peut rapprocher le gothique hethjo, sanscrit, ci, grec, x£îu.ai, latin, cubare, primitivement chambre l'on couche.

46. ILIÉR, T'y!?», C, Houllin, 8 J, ^353, lombes.

Le manuscrit porte le mot ni-^bN, à transcrire ALYD. 11 faut ponctuer au- Iremenl, la ponclualion est d'ailleurs postérieure dans le manuscrit, si on en en juge par la dilTérence de couleurs des deux encres. Nous ponctuons "T^-ibN, et nous changeons le 1 final en 1, changement autorisé par la confu- sion fréquente entre ces deux lettres de forme presque identique. La trans- cription donne le mot ILIÉR. Je dis que c'est le seul mot possible. On ne peut songer au catalan illada, car le loaz, dans ce cas, aurait eu assurément une voyelle finale, soit N'T""'bN, soit nT^">bN. Quant à l'espagnol ijar, il est impos- sible, ainsi que le provençal ila, ilha, et le portugais ilhal. Ce mot a pour élymologie le latin iliare. 11 est surtout employé dans le sens de côté, flanc, et est généralement au pluriel dans ce sens. Nous avons également la forme féminine ilières ou yllières.

47. ISTEMEKEL, bpttpÇ-'N, C, Roullin, mb, ND73iaD''N, Testomac

Dérivé du grec ct6ij.x/_o;, latin stomachus, ce loaz nous présente un mot français, à en juger d'après l'i prosthélique et la voyelle e de Va latin anté- tonique.

L'étymologie doit être 'stomacMlus, qui aurait donné régulièremenl la forme eslomail ou eslomayle. Mais ce mot est mi-savant, mi-populaire. Il est savant par sa formation terminale, mekel, et populaire par 1'/ proslhétiquc qui pré- cède le groupe st. Soit, en définitive, la transcription ISTEMEKEL. On voit qu'à cette époque -achulns donne -EKEL avec '.'accent sur le premier e et que la dernière syllabe était presque atone, ou, pour mieux dire, prononcée avec beaucoup moins d'inlcnsilc que ravant-dernière. C'est un réel paroxyton en présence duquel nous nous trouvons. Dans Rasclii cette forme a complète- ment disparu et nous avons la forme : ÉSTOMAK, ']7jia'>::''N.

'18. ISTURDIR, Tn'iiaï:"'^, C, Houllin, 51 a, I7:i"«pl mi"'», se troubler, souffrir.

Le mot se retrouve dans Raschi sous la forme du substantif : 'jTw'^nnia'Cîî*. éstordison. Jérémie, xxni. De mémo, dans le glossaire 302 de la Bibl. Nat., lin-nu'CJ-^N = ÉSTORDIZON, pour traduire le mot Mr\r\ (fol. 1, ligne). 11 s'applique aussi bien à la perturbation physique qu'au trouble moral. Dans notre loaz il a le sens neutre : rester étourdi, être soulTranl. \Ji prosthélique suffit à faire rejeter toute composition du mot avec ex. (Nous aurions, on effet, ■^N et non ""N. É et non I.) De sorte que l'étymologie proposée par Korling

LES GLOSKS FRANÇAISKS DK CKHSCUOM DK MKTZ 77

•s/îtr/'aw serait encore la moins niaiivaisc. Le i cl l'\s Vu ol l'i) de IsIUrdiu la rendent assez vraiscmbUilile.

49. ISTlViq?) ou KSTIVË, M3rj':3X. C. Tloullin. 51a, î<7:iD\S. ouverture pratiquée dans le toit.

Ce mot ne se trouve pas dans Haschi.

La phrase liébraïque est très claire, mais ne précise pas suffisammmcnt rusai,'e qu'on faisait de ce trou percé dans le toit.

Leluazse transcrit ESTUVE. Cela désigne-l-il le trou qui donnait passage à la fumée, comme le suppose M. Kœnigsberger? Je ne saurais l'affirmep. Dans le doule je m'abstiendrai de rechercher l'étymologie de ce mot. Aussi bien, s'il vient de 'stupa comme le mot éliive, daprès le Dictionnaire général, qui. d'ailleurs, n'est pas absolument satisfait de cette hypothèse , il doit don- ner ISTUVE. S'il vient d'un composé de ex + x^i . il doit donner ES + TUVE, c'est-à-dire, en tout cas. -CN uu •,:;''N.

Le mol est très obscur ijuant au sens et quant à relymologie. Toutefois la comparaison avec les langues germaniques, angl. stove, doit faire pencher pour la transcription ISTUVE, et Tétymologie doit se trouver dans un mot germanique.

50. JABRONS. •>::;^-,a^^ a. B'^ b»., •:;:^n2^ b'. BaU Batra. ma. y^-^-^. poutres placées le long du toit.

C'est le mot actuel « chevrons ».

La notation •'i ou "^ = J est intéressante. Elle nous donne un nouveau spé- cimen de la confusion entre j et ch dans la prononciation de l'Est de la franco et du traitement du groupe latin (C -f A).

L'absence de puiictualion ne nous permet pas d'assurer d'une façon abso- lue la transcription française, mais l'antiquité de ce loaz duit nous faire pré- férer la forme la plus hébraïque, c'est-à-dire CHABHONS, forme intermédiaire entre CApR-ûneS et CliAVROKS. Ce mot technique a gardé le même sens

E

depuis le x' siècle jusqu'à nos jours.

ol. JUTE, N::r^ c, Houllin, 63 a, mDiyn'ta mN3, la chouette.

Rasclii traduit ici le mot par ZOETE. NZl-^Sii:.

Gerschom donne une forme très curieuse et que je n'ai retrouvée nulle part: JUTE. Évidemment, le ■^"' est ici la prononciation défectueuse donnée au ch par le dialect messin. Dans cette région on prononce le ch et le j d'une façon équivoque et qui correspond à un son intermédiaire entre cA et^', de sorte que les loazim représentent indilléremment le son ch par ^^ et le son y par p. Nous pouvons donc transcrire CHUTE, au lieu de JUTE. Nous avons ici non pas le diminutif, mais le substantif primitif sur lequel on a formé le mot choue-tte ; cf. ancien français choe. Cette forme très ancienne doit faire reje- ter l'étymologie Kawa. Je ne vois rien d'autre à proposer.

.0-2. L.aSRE, Nnor, C, Houllin, 58 ô, riTibn.

Raschi donne le mot N^îb (même endroit) pour traduire le nom de cette plante. La plante de Raschi doit être interprété lézre ou lazre soit du latin

7.S REVUE DES ETUDES JUIVES

laseruM, soit du latin *laseram, féminisé par analogie avec les noms de plantes du féminin. Le mut de Gerschom est assurément français; si c'était le latin lasera, il serait iionctué Nnob; si c'était Tilalien lasero, il serait ponc- tué de même. Nous transcrirons donc ce mot par LASRE, forme plus an- cienne que celle de Raschi, puisque l's y est conservée dure comme dans le mot lalin laser, laserum.

53. LÈMSÉL, b'UJWb, G, Houllin, 93 è, N-iin^p, peloton de fil.

Raschi, .4ô(?rf(2 Zara, donne le mot •ob'^U5"^'n73"'b [a)\ Baba Kamma, ll'.i J, b-iiuî-^-ib (*) ; Menahot, 'il b, ^-cn-h \c) ; Haguiga. 12 «, b'>::'i''73b {d) ; SoulM, 9 a, b'^-^'ûizr:! (e) ; Bechorot, 22 a, b-'^aiD ou b-^-t^i^T^ib if).

M. Thomas 'Essais de phil. française, p. 330 a montre que rélymologie do lonsel était 'glomicellum, celle de loisel ' globicellum cf. i), et celle de lemoîiisels ;cf. a^ 'glomuscellum. Il est intéressant de voir que toutes les formes venant de glomicellma ont conservé leur m, qui n'est pas encore passée à n. Le forme LEMSEL nous montre : que Vo proionique 'gîomicel- lum s'est transformé en e, ce qui n'a rien que d'ordinaire : que la dernière syllabe porte la trace d'un rajeunissement : on s'attendrait plutôt, en effet,, à cette époque, à la forme 'LEMZÈL (G + E = Z).

K K

54. LENTRE, N-it:;b. Taanit. 25 b, NnrN, œuf du pou.

Raschi, Nazir, 39 a, donne la forme 0">-iarb = LÉNTRES et ici la forme ;r■';"«^;•>b, et, enfm, ^ns-^b, transcrites respectivement LÉNDINES, LÉNDE.

Le mot existe encore en français sous la forme lente. Le latin Uns, endis (même sens) est devenu en latin populaire 'lendinem, d'où la forme lendines (accusatif pluriel) de Raschi, Taanit, 25 b. Sur cette forme on a refait \xnlende,Q:nQ,ovii prouvé par la forme de Raschi, Mais en même temps la forme Uns, Undis, sous l'influence apparemment du grand nombre de génitifs en -entù cf. dens, dentis », les participes présents de la 2% de la 3" et de la 4" conjugaison), est devenue Uns, 'Untis. Gette forme, influencée, à son tour, ^ar *lendims, est devenue "lentinis. Il y a eu ainsi deux transformations à peu près contemporaines qui ont agi l'une sur l'autre, lentinem a donné régu- lièrement *lentene, qui est devenue lentre et qui, contractée en lente, comme

léndene, l'avait été en lende, est la forme actuellement vivante en français, lente lende

Untre ^ Undene ^^ forme *lendinem est celle qui a eu le plus d'expan- sion; cf. it. /««^««e, sarde /e?z//iwg, lendiri, ronm. lindina, prov. lende, cat. lUmena, esp. liendre. port, lendea.

55. LESGHE, Npob, G, Houllin, 16 b, N»5NT N2173^0.

Gerschom cite une plante qui croît dans les marais, et qui, desséchée est assez tranchante pour couper la chair des animaux. Le même mot est employé par Raschi dans le même seos. Raschi récrit

Npu:ib.

Cf. également lens, lentis, la lentille.

LES GLOSES FRANÇAISES DE GERSCIIOM DE METZ 79

La transciiplioii de ce mot donne le français ; LESCHE. Je le transcris LESCHE et non LiSClIE, par suite de la comparaison de l'orlliograptie -'0''b de Hasclii et de l'ortliu^Mapho -ob de Gersciioui.

Ce mot, écrit actuellement lalckeon lèche ai anciennement le.sche on lèche, désigne en hotaniiiue le carex, piuntf de la lamille des Cypélacées.

L'éiymologie de ce mol est l'ancien haut-allemand liska, act. Liesch, Lieschgras.

56. LLMAZ. yja"*"?. (;, Bekh., :!8 a. liTbn, maladie de rœil, l'œil sécrète une mucosité.

t\aschi même endroit donne pTû"*'? = LIMON, pour désigner celle même maladie. Il réserve N::73"»b = LIMAZE pour désigner la limace, un comprend aisément que cette mucosité dont parle Gerschom ait fait donner à cette alTection le nom de limon. Mais ce mol ne doit pas être remplacé comme le prétend M. Kœnigsberger par le mot y^z'^'i- En elTet, les deux mots sont absolument indépendants l'un de l'autre.

Le loaz de Gerschom doit être transcrit limaz. C'est la forme tout à fait régu- lière au point de vue phonétique, soit du latin limâcem, soit de limâceum. Limaze de Raschi ne s'explique que par : limaceam.

Quant au sens métaphorique il est employé ici. il n'a pas completemeat disparu ; limace sert encore aujourd'hui en langage de vétérinaire à désigner rinllammation de la place de l'intervalle inlerdigité du boeuf, se propageant au ligament situe dans cet espace. On comprend faeilement comment du sens de mollusque rampant, de couleur brunâtre, on est passé à celui d'inllamma- tion s'etendaut peu à peu au ligament situé dans Tintervalle inlerdigité du bœuf, inflammation d'aspect brunâtre et gélatineux. Quant à la mucosité qui se forme dans l'œil à la suite de différentes maladies, quel rapport y a-l-il entre elle et la limace i On peut songer soit à la trace laissée par cet animal, soit à ridée de boue, sédiment, qui se trouve dans le radical li-tus.

57. LOR, -|ib, B, A manque*, Baba Balra, 4 a, nid", laurier.

La transcription du mot est très claire, c'est le mot LOR, du latin laurum. Ce mot a passé dans toutes les langues romanes : il. lauro (mot savant) et alloro mot populaire}, rom. laur, prov. laur-s, anc. esp. et cat,, lawo' port, louro, tous dérivés de laurus, laurum.

Le changement de au en ô est très régulier au point de vue phonétique.

Quel est au juste l'arbre désigné par le mot n:£"! et par le mol^Jr? L'édi- tion du Talmud de Wilna a remplacé le mot i^y par 1ia-|S ; comme le fait re- marquer justement M. Kœnigsberger la correction a être empruntée à Raschi: 'j^in l-iTi? "ibo ""-iDi -i"ib V"iip''^ CL-'DiHnj'. Il s'agit donc dans ce passage du platane. Mais Raschi appelle toujours cf., par ex.. Baba Batra, 81a, el Bosch Hasch.,i3a) •0"'"'3 les fruits du laurier. Gerschom fait tuut de môme (cf. le mot BAYES). C'est donc le laurier dont il s'agit ici, et il est inu- tile de corriger le ms.

* Dans A le texte de ce passa^çe est altéré. Il a été gratté juste à l'endroit de- vait se trouver notre loaz, c'est-à-dire au folio 5i.

80 REVUE DES ETUDES JUIVES

Rasclii emploie aussi le mot lôr. Mais nous trouvons aussi le mot T^-^-iib; LO- RIER fcf. 6'îa7/î«, H9/> . Dans Gerscliom nous n'avons qu'un exemple de ce mot- Il est difficile de savoir s'il existait seul ; mais, en tout cas, cet exemple nous montre que ce mol LOR était plus employé que son dérivé lauritr. Dans Raschi, au contraire, le mot lorier est employé fréquemment. L'exemple de Gerschom présente donc à ce point de vue. par rapport aux loazim de Raschi, un caractère légèrement archaïque, celui d'une époque l'on avait encore le sentiment que le mut laur était le nom d'un arbre, sans avoir besoin pour cela d'y ajouter le suffixe -ier.

58. LUITON, 1i;:;iVr,G, Meïla, \i b, \vbi27\ ):}, lutin.

Raschi donne le même mot 'jna"*V5, qu'on a souvent lu piû^^u et qui dans notre ms. a même encore cette forme. Pour les formes de ';T'b7:n p, nous renvoyons à l'intéressant article de M. Israël Lévi, Revue, t. VIII, p. 200-202, etX. pp. 66-73.

Le loaz représente le mot actuel lutin sous la l'<irme luiton.

Cette l'orme très ancienne du mot lictin doit faire penser que la forme nuilon n'est qu'une étymologie populaire, et que, d'autre part, l'étymologie proposée par le dictionnaire général p. 1433, col. 1 de Neptunus est absolument à re- jeter. Diez n'admet pas davantage l'étymologie de Frisch, qui tire le mot de laid (anc. ail. hliit;, ni celle Grimm Myth.. 473, qui le tire du latin luctus, ni celle de Gramlgagnage, qui le fait venir de luttil (angl. Utile:. Je n'en vois aucune de raisonnable à proposer '.

59. MALENT, ;::;b73, C, Hoiaiin, oi a, "ibriin.

Le mot hébreu veut dire : se durcir, s'encroûter, se couvrir d'une croûte, d une crasse. Gerscliom applique ce mot à l'ouverture d'une plaie qui a séché et sur laquelle s'est formé le matant.

Raschi nous olTre en différents passages ce mot, qui signifie abcès, bouton, pustule qui recouvre toutes les parties du corps ; voir Sabb., \0'èb; Kidd.,

81 a: B. K., 83 b. Matant n'est pas toujours seul ; employé avec "jin, il forme une locution composée qui s'applique toujours aux abcès de la gorge.

Du Gange, à Bonum 2. et à Afalanmis, donne ces mots 'comme synonymes. Bonui/i serait par antiphrase le qualificatif euphémique du malannus. Il s'ap- plique, dans l'exemple cité, à une maladie d'yeux. Mais les textes formels de Gerschom et de Raschi montrent qu'il y a eu confusion dans Du Gange. 11 s'agit probablement d'un bouton qui se forme sur l'œil et qui en nécessite l'ablation.

Le vers 4 de la strophe Ml d'Alexis

Nul n'en i at qui'n alget malendos.

prouve que MALENT est la forme primitive de ce mol. 11 est pris dans ce passage au sens très général de malheureux, maladif (cf. développement du sens de chctif,.

' Cf. F. EJ. Schneegans, Neptiinus-lutin, Zeitschrift fiir romanische Philologie, t. XXIV, p. .007-564.

LliS (iLDSKS l'l{AN(;AlSb:S DK GEhSCIIUM UK METZ si

I.c nidt rûalandre ne doit avoir aucun rapport avec ce mot. Malandria a donne le Siivnnt malandre, espèce de lèpre.

D'jiprès les textes que j'ai cités, l'etymolo;,Me du mol me semble être malum + zn(u, ou + inde, et le loaz doit être transcrit : .VALENT; c'est-à-dire (lu'il a dfi être ponctué :2':b')2- La forme ponctuée a;b^ de Rasclii est postérieure.

Cû. MAIJlES. MALES, onb», A, ■cb'f2, 13, Bafm Batra, 61b, 'j-^Dii:-i73, sacs de cuir servant au transport des raisins.

Le ms. A nous donne la leçon MALHES; les trois autres MALES- Dans les deux cas, ce mot sert à designer des sacs en cuir, faits de pièces de cuir rapportées, et servant au transport du raisin, par opposition aux sacs de peau de chèvre.

Le mot MALHES est tiré de l'ancien haut-allemand malaha. comme l'ortho- graphe de A le montre d'une façon très nette. Le n ne semble donc pas être purement orthographique. La leçon de la famille B indique un remaniement, un rajeunissement. C'est un mot qui doit avoir conservé jusqu'au x' siècle l'aspiration dans une syllabe intérieure.

Ce vocable a gardé le sens de sac en cuir destiné au transport des marchan- dises : en anglais a malh, en français malle. Chose curieuse, il a disparu en allemand, c'est un mot d'origine latine qui lui a succédé, Koffer.

Raschi ne nous donne pas maies. On le trouve dans le « Pèlerinage de Char- lemagne à Jérusalem » :

« Et font pleines les maies. »

01. MASEYR, -i-i-^OW, C, Houllin, 10 a, DID, broyer.

Raschi ne donne pas ce mot.

M. Kœnigsberger le transcrit par mâcher. Mais ce serait le seul exemple "Q pût être rendu par CH. C'est un fait remarquable que l'alphabet hébreu, ayant un signe 'a tout trouvé pour noter le C H, en a forgé un conventionnel : p, dont il use sans exception pour représenter ce même son.

Aussi bien, le sens du mot hébreu n'est pas simplement mâcher, mais en- core : triturer, broyer et, par extension, former une masse de tous les grains en les broyant. C'est donc le mot massare, former une masse.

Le latin massare a donné masseir en dialecte messin. C'est ici une preuve de l'antiquité de cette notation de a Ionique latin non en position par ei dans les dialectes de l'Est de la France. Cela prouve aussi si on rapproche ce fait des autres phénomènes phonétiques que présente l'a dans ces mêmes condi- tions — que la fin du x' siècle est l'époque où, dans l'Est, Va devient ey après avoir été é comme dans tout le reste de la France du Nord. La notation "'"^K indique ce phénomène d'une façon très précise.

62. MAST, uidt:. c. Taan., 21 a, NnD^DDT N"^-ipON3, dans le mât du navire.

11 y a tout lieu de croire que ce mot est un mot français. On pourrait avoir affaire au mot allemand, mais dans ce cas il y aurait eu probablement après la mention 'ba celle d'T^rON, que l'on rencontre presque toujours près d'un loaz allemand, surtout quand ce dernier se rapproche du français.

Elymologie : vieux nordois mastr, bien conservé en portugais, mastro. T. XLIII. n" 85. 6

82 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

63. MAYS, ;a">-'», AB, Baba Batra, 67 è, Nnob:: Q-'.

C'est la poutre ronde, en forme de lentille, du pressoir qui sert à extraire

l'huile de l'olive.

Raschi donne le mot V'^'n, Menahot, 48a, dans le même sens, MAIZ. ' t.

C'est le mot [laviç, ixa^tooi;, venu de la Grèce dans la France du Nord par

l'intermédiaire de la France méridionale. Dans la Provincia, en elîet, l'olive

était abondante ; l'huile d'olive donnait lieu à une grande industrie.

Ce mot prouve qu'au \^ siècle le y intervocalique avait bien le son i/od. Il n'est pas tombe, car la transcription de Gerschom eût été "ûyg et non O"^"^», MAIS et non MAYS. C'est la forme la plus ancienne et, pour ainsi dire, le décalque de la prononciation romance. Ce mot à l'accusatif a donné (xayiSa, MAID, comme le prouve la forme MAIZ de Raschi, forme de nomina- tif refaite sur une forme d'accusatif = MAID -4- S = [AttyiS + ç; cf., d'ailleurs, le français met, mait, et le mot tapis.

Le même mot se retrouve dans Raschi, Pes., 30 ô, au sens de pétrin.

Il existe encore sous la forme mail, met, ou maie avec les sens de : huche au pain, pelle dont se sert le fabricant de laiton pour mêler la calamine et la poudre de charbon, caisse dont le fond est propre à recevoir les cordages que l'on y fait égoutter après les avoir goudronnés, de table sur laquelle on dis- pose le marc de raisin pour le presser, de couvercle que l'on place sur le raisin et sur lequel s'exerce la pression, de caisse le fabricant de poudre tamise le salpêtre.

64. MÉSLES, Tûbw^a, C, Houllin, 51 b, •'-ia"»p, filet formé de mailles.

Raschi ne donne pas ce mot ici. C'est évidemment MESLE. On trouve par- fois en ancien français cette forme de maille, dont on considère néanmoins l'étymologie comme devant être rapportée à : "metallea. Au point de vue du sens, il n'y a pas de difficulté à passer du sens de maille, petite monnaie de métal, à celui de maille de filet, en prenant comme intermédiaire cotte de maille. Mais, au point de vue phonétique, mesle ne peut être ramené à 'me- tallea. Vs était sûrement prononcée, comme le prouve notre loaz. Je présume que ce mot doit être séparé dans les dictionnaires d'ancien français du mot maille. Ils doivent former deux articles distincts. Peut-être pourrait-on voir dans mesle un dérivé du latin macula, influencé par le verbe mesler ; en d'autres termes, une étymologie populaire l'idée de la forme de ces fils qui semblent tous se joindre les uns aux autres ne serait pas étrangère.

65. METAL, b-^a», A, "^batt, B, Baba Batra, 89ô, inuD'^a, espèces de fontes mélangées.

Le ms. Adonne METAL.

Les mss. B',B^B^ donnent nb::w. il est probable qu'il faut lire ■'ba», le ^ final étant souvent pris pour un "^ et vice versa.

Dans A je lirais également b-'att, au lieu de b'cn, en supposant que le scribe aura pris pour le ", qui indique un loaz, le "> placé entre a et b.

Dans Menah., 28 a, Raschi traduit le même mot par "^batt, ce qui confirme la double rectification de 5a73 et de iba».

LES GLOSES FRANÇAISES DE GERSCHOM DE METZ 83

C'est, en elTot, dit Gcrschom un allia^îc de plusiouis nnHaiix. C'est donr le lalin "metalleum, français MKTAZ, dont le féminin 'metallea a subsiste dans les populaires médaille et meaille, maille. La prononciation ancienne du mot est bien MKTAZ; et non MÉTAL, comme l'indique l'orthographe de notre loBz. La transcription par b"'a70 ou '^b'ûi:i, et non par ba^r: ou V5:2"^73, en est une preuve absolue. D'ailleurs, le mot maille suflità [)rouver que Ve de me- taille (cf. ci-dessus) devait être un e féminin. On a, en elîct, la succession suivante: melaille, médaille, meaille, maille. La transformation de médaille en maille est relativement moderne.

Remarque. Si l'on admet la forme iba73) c'e^t-à-dire meialo, on n'y

u peut encore voir qu'un mot français savant, dont la dernière voyelle repré- sente la désinence -wn de metall-um. iNous avons plusieurs exemples de la conservation de cette posltonique. Mais, en aucun cas, il ne peut s'at,àr du mot italien metalo^ qui eût été transcrit ib::"^?^ par Gerschom.

66. MOLSE, 'Qb'M2, C, Eoullin, 62b. [mTN] 'D"n3 ^^3, [espèce de plante qui croît] entre les arbres.

Raschi, Sabbat, 20b, explique le mot ntnt par N'cbiw, MOLSE.

Ce mot est très intéressant. Il nous donne, avec l'ancienne forme la véri- table étymologie du mot français au sens de plante cryptogame cellulaire. Littré, le Dictionnaire général et Kôrting font dériver omise de l'ancien haut- allemand mos (allemand moderne moos), qui serait apparenté au latin muscus. 11 faut évidemment transcrire notre loaz Moïse. Cette forme nous reporte à un latin "mulsa, signifiant la chose douce (supin populaire de mulceo = *mulsum, ou *mulsus, a, um). Cette forme est, d'ailleurs, attestée dans les textes bas- latins.

Le français moïse, le provençal woMsa, le catalan mois a sont évidemment des développements du latin mulsa.

Quanta l'italien musco, muschio, au roum. muschiu, au rhétoroman twm*^*, mîlscMel, miskel, meschel, ce sont des transformations du mot latin muscus et de son diminutif musculus.

Ici donc (comme pour le mot tapid, cf. ce mot), notre texte nous montre une double série : la France forme un groupe avec la Provence et la Cata- logne. Représentant : mulsa.

Les pays de la Remania orientale forment un second groupe. Représen- tant : muscus, musculus.

Mousse vient également, quand il signifie écume qui se produit à la surface de certains liquides, d'un latin mulsa. Mais ce mot latin vient de mulgeo au supin : *mulsa., c'est-à-dire écume semblable à celle qui se forme sur le lait, quand on vient de le traire.

Ces deux mots absolument dilTérenls de sens et d'étymologie doivent for- mer deux articles dllferents dans les dictionnaires.

Rem. Dans Job, xxx. 3, Raschi parle d'une herbe amére et l'explique par le loaz N',UTa. La chute de l'L, qui pourrait étonner dans des manuscrits fran- çais du xnie siècle, n'a rien d'étrange dans les transcriptions hébraïques de l'époque de Raschi. A l'époque de Gerschom le fait serait plus suiprenant. C'est encore une preuve de l'antériorité du glossaire de Gerschom.

8/. RKVUK DES ÉTUDES JUIVES

67. MOSKE, MOSKERUN, Np'CITD, linpOiTû, C, HouUin, 58 ô, NpD NDT^T.

Rasclii rend ces mois par Ni:3i2£ = ZINZE et Nb^2£3-'i:, ZINZELE, du latin cimicem, devenu 'cimce, "cince, zinze, et du diminutif cincella, cite dans le glossaire de Rcichcnau; ce mol z m zèle a été ensuite remplacé par le mot punaise.

Raschi emploie aussi le mot cité par Gerschom, mais sous la forme ï:ji"iTi;"''^i73 = MOYSEROiNS. Cette forme postule un latin "mitcsarones, ou, toul au moins, est un diminutif du mot muse, provenant de "mucsa pour MOSCA (le peuple dit encure le dixe = dicse pour le disque).

Les deux loazim de Gerschom MOSCHE, et MOSCHERON, NpïJitt cl linpuîi», représentent le laiin musca cl son diminutif, soit "miiscaronem. La ponctua- tion, d'une part, et, d'autre part, l'absence de signe diacritique prouvent que p doit être transcrit K. D'autres exemples tirés de Gerschom nous montrent que le CA était devenu CHE eu français dès cette époque et dans la région messine ; il y a donc pour Gerschom hésitation dans le traitement de c + a.

Quant aux sens dont ces mots sont susceptibles, ils sont indiqués en hé- breu d'une façon précise, NnT^l, mouche, aussi grosse qu'une sauterelle (Raschi, Guitlin, 86 ô), et Npa, moucheron, insecte à peu près de la taille d'une punaise.

08, MUZE, Nb^lU, C, HotiUin, 4'J b, 0'^"'"n72-

Raschi donne pour ce mol ' Sabbat, \08 a) la traduction N-ii">in73bW, SAL- MOYRE. Le mot iib>M2 n'apparaît pas dans son commentaire, et Godefroy n'en cite d'exemple en vieux français que sous la forme muire.

Cependant étant donné le grec à>[jLypo;, composé de à);, sel, et de (i.-Jpo;, saumure, et le latin salmuria, composé de sa!, sel, et de muria, sau- mure ; d'autre part l'italien moja, le roumain mura, moare, le rhétoroman miiora, mura, et le français même salmui/re (ex. de Raschi) composé de sa! et de muire, jl est évident que nous avons affaire aune forme tirée du latin muria. Nous savons que le b^ indique Vl mouillée; nous transcrirons donc ce mot : mule. L'r et l'I lingual latins étant souvent pris l'un pour l'autre, on aura eu successivement : oauria, muUa, mule.

Le sens du mot hébreu concorde absolument avec cette explication puis- qu'il signifie Fisclilake, Salzbriihe.

Remarquons, en outre, que ce mot présente un aspect plus archaïque que celui que donne Raschi, le mot muria, mûrie ir mouillé comme Tiiidique bien la notation N-iiii725iO de Sabbat, 108 a) a déjà besoin d'être renfurcé dans son sens par le mot sal.

69. NSUD-i^K, A, ^LÛD-nw, B»R», N^Dm^o, B», Baba Batra, G a, MrnsN.

R* doit être évidemment pour N^omTo.

A fait précéder le loaz des mots TjDON iroba, en langue allemande. Nous pouvons transcrire murfete, iMurfatna, allemand moderne mauerfette, poutre transversale dans un mur. Ce loaz n'éclaire en rien l'étymologie du mot alle- mand. L'explication donnée par Grimin [Deutsches Wôrterhucli, IR, 1573) est bien peu satisfaisante.

LES GLOSES FHA.NÇAISKS DE f.ERSCHOM DE METZ 85

70. NEDEL, bT'S, C, Iloullin, 'liOa-b, HD^'p, arc.

Rasclii donne b'^Tina, BODÉL, boyau. « C'est, en rffet, le boyau en forme d'arc au milieu duquel il y a de la graisse. ».

On ne peut songer à corriger bT»; en BODEL; il serait surprenant, en elTet, que le scribe eût pris deux fois de suite un 3 pour un 3 et un t pour un ■^. (^'est probablement le boyau qui repose sur l'anus, c'esl-à-dire un des boyaux du gros intestin, le rectum, qui a, en ellet, la forme très caractéristique d'un arc. Quant à l'étymologie du mot, on peut proposer comme l'indique M. Kœ- nigsberger, sans pousser suffisamment loin) le mot nales, qui a donné en français wa^« ^naiicas) et dont un diminutif nat-ellum a pu donner NKDÉL. Cela serait d'autant plus vraisemblable que la notation bl et non b'^T; indique un e tonique.

71. ORIENTAL, ORIENTEL, bur-'^N, b-'iar-'IN, voir article A'ro.

72. N-i:2a-'1N, voirAISTRE.

73. OURTIES, •>^■'•^:û-l1N. C, Houllin, r.2 ô, ^obn.

Rascbi, Houllin, 63a, donne le même mot avec le même sens: un ms donne toutefois la forme '^îâ-^iûnnN = OUKTIJES, qui prouve une intlucnce provençale.

Le c entre i et a est devenu un pod avant de tomber entièrement ; c'est ce que prouve notre loaz OURTYES. La réduction de ij/e à ie est facile à com- prendre, mais est postérieure ; c'est ainsi que dans Rascbi je trouve, à côté de la forme citée, le loaz : "ûN"':jmN, OURTIES. La notation par n U prouve qu'il faut ponctuer ie loaz •>:3"'"'a"iiN Ol'RTYES. Le mot *aurtyes serait absolu- ment impossible.

Le sens du mot est identi(iue au sens du français actuel orties.

74. OUSERYES. 's::iiT>liiN, AH, Baba Batra, 69 a, ûinnD b'yii n"i2nb73, pierres qui sont devant les portes et qui servent à étayer les linteaux.

D'autre part, le ms. A, pour expliquer xb-ibn Npna, donne le mot Ni^TUT'N, et ES BS B* traduisent ces mêmes mots par «■'"''113 '.voir au mot PORCHE , partie du bâtiment qui est construite devant une maison. Enfin, Rascbi, Menahot, 33 i, donne le mot N'^lUilN pour désigner les jambages de la porte.

Il résulte de rensemblc de ces passages que le mot Ta'i"'"iU5"iN doit se lire OL'SERYES; c'est le mot actuel luiissr^ries, qui désigne, non plus les «jam- bages » de la porte, mais bien los ornementations de ces jambages.

La base du mot est le latin ostium devenu de bonne beure * ossium.

Le mot NIIOUJT'N est obscur. Ce doit être une altération de N"m\a"'"'N, et il doit être transcrit aistre. L'étymologie atrium a ôlre influencée par le mot estre de exterum, et c'est à une élymologie populaire qu'on devrait cette pro- nonciation de Vs, qui est attestée par notre loaz.

7o. PAMGATa italien). Na^^p•^Dî<p, C, Mea., 16b, y^3-, pain grillé, trempé dans du miel, du lait ou de la graisse.

Le mot ne se retrouve lias dans Rascbi.

86 REVUE DES ETUDES JUIVES

C'est le participe passé pris substantivement du verbe latin panificare, qui a donné en français pannechier, pannequier et penegier.

La ponctuation indique un mot italien PaNICaTA, qui semble montrerque l'origine du mot français pannequet, cité par Littré, d'après la Maison rustique de M"" de Genlis et « désignant une sorte de pâtisserie », doit être cherche du côté du latin panificare.

Je rappelle que M, Thomas a proposé l'anglais ;?aMcaAe comme étymologie du français pannequet.

76. PERS, UJ^-^D, C, Houllin, 62 b, "^bniD mTN, hysope de la couleur de l'an- timoine ou du fucus.

Rasclii ne donne pas ce mot.

C'est évidemment le mot PÉRS, avec l'S finale très fortement prononcée, comme l'indique la notation 'U5.

Le mot "^bniD ne désigne pas, d'une façon suffisamment précise, la matière; prise comme terme de comparaison ; c'est aussi bien le stibium que le fucus.

D'ailleurs, rien de plus indécis que les noms de couleur : d'après les textes d'ancien français, per signifie bleu, mais bleu très foncé tirant sur le noir ; le mot rappelle, par l'élasticité de son sens, le oïvoua uôvtov d'Homère ou lecaeru- leum mare des Latins.

L'élymologie du mot n'est pas établie. Littré indique ^cmc%m; mais il y a bien des difficultés. Notons \'é de notre loaz, peut-être à l'influence de l'r suivant.

77. PIKFIGE, Naca'^D, G, Houllin, 102 h, «rr^sbp, becfigue.

« Avis fere tela ossca et parum habens carnis. »

Raschi, qui ne donne pas de loaz pour ce mot, fait remarquer {Houllin, 102Ô) que c'est un oiseau d'une extrême maigreur.

La transcription du loaz de Gerschora est très délicate. On peut hésiter entre PIGFIGE et PÉGFIGE. Dans le 1" cas, le mot signifierait PIKFIGE (le g représentant le son k dans l'Est de la France) et s'appliquerait à l'oiseau qui pique les figues avec son bec. Dans le second (PÉGFIGE), avec la prononcia- tion donnée dans l'Est de la France au et au ' ce serait le mot becfigue, oiseau qui bèque les figues.

La préférence doit aller à PIKFIGE. Le mot BEC a Ve de par l'étymologic beccum en ancien français, de même qu'en français moderne. La transcrip- tion serait donc, dans v e cas, Na-^D^D, et non É<a"^Da"^D, c'est-à-dire PÉGFIGE et non PÉGFIGE. Le mot pTc, au contraire, ayant 7, doit se ponctuer -a'^D , et la forme PIG représente, en dernière analyse, la forme pic- du substantif verbal de piquer, ou dérivé de pïc- ptcc.

Les deux mots désignent, d'ailleurs, le même oiseau. C'est bien au becfigue que, en toulcas, nous avons affaire; mais le mot becfigue n'apparaîl qu'en l.'Jo'J; c'est un composé postérieur à picflgue. Formé du substantif verbal bec de beguer, il désigne l'oiseau qui bèque les figues, qui fait des figues sa becquée. La composition des deux mots est donc dans un rapport très étroit. Nous avons :

becfigue bec

picflgue pic "

LES GLOSES FRANÇAISES DE GERSCHOM DE METZ 87

78. PIPE, ND-'D, C, Arakhin, 10 a, b-'bn.

C'est un des instruments dont on se sert dans le Temple.

Raschi le traduit par ïjb-'rîbp, calemels, des chalumeaux des tlùles.

Gerschoin donne ici le mot IMPE, dans le sens de chalumeau, sur lequel on joue de la musique. C'est le substantif verbal de pipare, piper, mot savant.

Ce mot pipe est resté en anglais dans ce sens. On a conservé en français dans ce sens aussi le diminutif pipeau "pipcllum).

79. Niêbs, C, Houllin, 54a, nt'T Ncr).

Slave PLÉzo, servant à désigner l'os large de l'épaule, l'omoplate.

80. PORES, ^lî-^-iiD, C, Houllin, itl b, TnD, poireaux.

Mot employé par Gerschom pour désigner les poireaux qui sont de couleur verte.

Raschi traduit de même Soukka, 3iô, ":j"«i"TiD, PORÉYS.

C'est le latin porellurn, qui a donné au singulier ;)org^, au pluriel, porels.

Notre loaz montre que 1'^ était tombé devant Vs, signe du pluriel. L'^ se prononçait donc très fortement, comme nous le faisons dans le mot /ils.

N.-B. Noire loaz est ponctué PORIS = ">::"'nis. Je ne trouve pas trace dans l'ancien français, ni dans aucune langue romane de cet i, qui postulerait un *por-ilum. Je suppose donc que c'est une erreur du ponctuatcur, qui aura ponctué ■», au lieu de ■'.

81. (AISTRE), PORGE, N-iaC'""», A, N"«-«-!nD, B, Baba Batra, 61a «pna

rsb-'bn.

Nous avons pour le même mot deux loazim différents.

1. Le mot porje, fr. mod. porche, est, dit Gerschom, « le corps de bâtiment que l'on construit devant une maison. »

La forme du mot est intéressante, elle représente la première transforma- tion du latin porticum, ayant donné 'portigum, puis *portjum. - Le mot porche vient du latin ^porticum, sous l'influence do porta. Le mot porche sert encure dans la langue populaire à désigner la porte d'une église.

2. AISTRE, voir OUSEYRES.

82. POSLE, Nb'jTS, A, B, Baha Batra, 78a, "'bpb"'p. C'est la courroie qui sert à retenir le bât ou la selle sur le dos de l'animal, en passant sous la queue.

Littré donne : potières {s. f. pi.;, terme de bourrelier, courroies qui joignent la fauchère au bât.

Fauchère est le correspondant français du provençal fauqiàero ; potière, le correspondant français du provençal moderne pouiliero, dérivé de poilo, pouito, polo. Or, nous trouvons en italien la forme posola, d'où posoliera. Notre loaz nous donne la forme poste, qui représente le primitif de potière. Noos avons donc la série de rapports :

Poslc Polo Posola .

Postière Pouiliero Posoliera

88 REVUE DES ETUDES JUIVES

Ces six mots ont évidemment la même origine. M. Tliomas propose "postula. Mais c'est impossible, car nous aurions en ancien Ir. postle, en prov. postlo, en it. postola. Cependant l'idée est bonne, et j'admettrai un *posula, représentant post avec sa prononciation pos, connu et indiqué notamment par l'abréviation j?9 dans les manuscrits.

83. RAYMS, ^?ai"^n, A, TDi73'«i'i, B', U572ii-i, B% B', Baba Batra, loa, maiTa^n.

Levy, III, 266 a, traduit ce mot par Sieuer, Ruder. Le texte hébreu indique, en effet, que ce sont des instruments qui servent de rames et ûa gouvernail. Le ms. A donne seul un loaz ponctué. Nous pouvons ponctuer les autres d'après lui.

Le mot français transcrit est RAYMS. Très intéressante au point de vue phonétique, la ponctuation prouve que dans l'Est de la France, à la lin du \* siècle, E latin Ionique non en position était passé à la diphtongue AY. Raschi, Ketoub., 85 a, donne 'UW"'"1, ce qu'il faut probablement interpréter TUtt'^''"!, reyms. Les mss. n'étant pas ponctués, on ne peut toutefois donner cette conjecture comme assurée.

Abstraction faite de la comparaison de Gerschom et de Rasclil, nous avons ici un exemple intéressant de la transformation de ë ionique latin non en po- sition en ay. Cela nous permettrait peut-être de supposer que cet ë dans l'Est de la France a subi l'influence de l'allemand ei. A Nancy et aux environs, dans les Vosges aussi, on prononce le nom propre René, Renay ou Renéy ou un son intermédiaire entre Renay e el Renéye; c'est un phénomène analogue à celui qui est noté d'une manière si précise par notre ms. A. Cependant je ne voudrais pas trop insister sur ce point, car la question est assez com- plexe. On peut songer à Tintluence de rames sur remus. Ramus a donné raim et remus, reim, ot le sens de ramus, rameau, brinche d'arbre, n'est pas fort éloigné du sens de remus, morceau de bois d'une forme spéciale. Ainsi le composé remare de remus, origine du français ramer, d'où le mot rame (fém.), qui n'apparaît avec ce genre qu'au xvi« siècle. Toutefois, en prov. on a conservé le mot rems, en it. remo, et il faut admettre que l'analo- gie ne se serait exercée qu'en français. Mais n'est-ce pas la caractéristique même de l'analogie d'agir d'une façon capricieuse et sans règles fixes ?

84. RASTEL, b-j^a-^n, B', b::uj-|, b», B', a manque, Baia Batra, 36 5, n3i\25.

M. Kœnigsberger traduit ce mot par Riester. 11 s'agit d'un instrument qui sert à ratisser la terre une fois que le blé est semé. On ne voit pas ce que le Riester, le manclie de la charrue, aurait à faire dans cette opération. En outre, la \&c\.\ive Riester, qui irait bien avec la leçon B' ii\ condition de changer le b en n ce qui n'est permis qu'à défaut de transcription littorale possible), n'est pas acceptable avec la leçon de B', B».

En réalité nous avons, d'après W, B», RASTÈL ou RASTÈL, et, d'après B', RÉSTÈL = Râteau.

Ce mot est formé de ras- (de radere, sup. rasum;, auquel s'est ajouté le suf- fixe -tellum. L'accent étant sur -ellum (suffixe), la protonique initiale était prononcée avec moins d'acuité et Va a pu passer facilement à e ou à é. Ce n'est pas la régie générale, mais il y a quelques exemples de ce traitement.

LKS GLOSES FRANÇAISES DK GEUSCHOM DE METZ 80

85. ROBJE WAHANZE, p'^:72-i-'-« N"«-|0, G, Houllin, 28 a, NSb, tcinluro rouge.

Raschi ne donne pas ces mots, ou les travluit par d'autres, difficiles à com- prendre.

Je suppose que ni"id est pour N"'3'n, ROBJE. Le mot serge N">"iD' n"a, en clïel aucun sens ici, et l'on doit ctiei'cliei' une combinaison de leltres si- rap- prochant le plus possible du luaz tel qu'il est écrit, mais offrant un sens. L'élymologie est le titre : ruMum.

Le mot p''373T''^, transcrit littéralement JERAMNIK, qui n'a, lui non plus, au- cun sens, peut être transformé eu y:N"nT, les deux ">■> devenant ti, le n restant n, le 73 étant confondu avec le n souvent liés ensemble et p de- venant y; soit, finalement WAHa.NZE = garance.

Rasclii donne celte expression même, Ni:jmiî<"'"<'n, ûans Sabb., 89 ô.

L'explication serge germanik de .M. Kœnigsberger n'est pas sérieuse. L'expression enliêre est donc ROBJE WARANZE, rouge garance. Mais cela ne nous indique rien pour l'etymologie du mot garance, toujours obscure et inconnue.

83. RUMPID, a T«"«sHTi, G, ^omZ/î«, 80 a, rt^TattJî,

RUMPIR, ô, -i-^Q^n, C, Houllin, 28a, U»"::,

RUMPEDURE, c N-nD731-|, C, Houlliu, 37 a, n:2nttU5.

Dans l'exemple a, il s'agit de la trachée-artêre qui est brisée; c'est le participe passé qui est employé. Dans l'exemple J, Gerschom donne simple- ment la traduction du mot •c'a'O à l'inlinitif. Dans l'exemple c, Gerschom donne la traduction par un substantif du substantif n::^7aO tiré du verbe aTj'J.

En partant de *, qui est ponctué, nous transcrirons ainsi : b, RUMPÎR; a, RL'.MPYD,

La forme rumpir montre qu'au latin rumpere, rompre, on avait substitué la forme 'rump-fre, sous l'influence apparemment de senlTre, finïre, verbes qui sont beaucoup plus nombreux que ceux de la conjugaison -e en français.

La forme RU.MPYD est la forme régulière de *rumpâum :

rumpid finid sentid ^ ^^^

*rumpiium fmitum ~~ sentitum

Les deux ■^■< servent à marquer ici d'une façon 1res nette la quantité T de rumpltum.

ouant à la forme NmiDTûTi, RUMPEDURE, elle répond au thème étymo- logique : rumpitura.

Dans les exemples a, b, r, Vu latin contre-toni(|ue, suivi du groupe nip, avait encore nettement le timbre de u 'comme le montre l'orihographc de bj à la fin du x^ siècle.

Ce mot qui a existe en ancien français est resté dans le dialecte lorrain, où, sous la forme rompure, il signifie hernie; il a, d'ailleurs ce sens égale- ment en ancien français.

87. RUNZlR,-|"'T3in, C, Houllin, 4ia, "vyr^^, se contracter.

Raschi, Houllin, 43 ô, donne le loaz T'-'-ia-i RETRAYR, de retrahere. C'est

90 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

le mot correspondant d'une façon absolue au mot contracter ; il est, en effet, composé de re + trahere, comme contracter Test de cum + tractare (du su- pin tractum de trahere).

Quant au loaz de Gerschom, il est de formation germanique et dérive du mot Eunza, pli, d'où runzir, se plier, se contracter.

Le T (Z) peut étonner, on s'attendrait au son Jt, Z. Mais il peut y avoir eu un rajeunissement de ce mot, rajeunissement assez ancien pourtant, car au xin' siècle on eût dit ronsir et écrit t^dîti.

88. SANBOJE, «313310, AB, B. B., 78 a, ">ffl3T nriDDITS, litière, chaise à porteurs.

Ce mot ne se retrouve pas dans Raschi.

M. Kœnigsberger en rapproche un passage de Raschii Pes., 56 a, se trouve : pinsiD, SANBUC, le sureau. Ce mot n'a rien à faire avec notre loaz. Celui-ci correspond à l'ancien fr. SANBOJE. Ce mot comme nous le montre l'orthographe du loaz, vient du latin sambuca, grec (Toti60xr,. Il a le sens de harpe ou de machine de guerre servant à escalader. Cette machine était com- posée d'une échelle portée sur un chariot et munie, à sa partie supérieure, d'une plate-forme, sur laquelle pouvaient se placer une vingtaine d'hommes. De ce sens à celui de litière, il semble qu'il y ait un grand pas à franchir. Mais ce qu'on retint du mot, ce fut son sens de véhicule, qui sert facilement d'intermédiaire.

La notation je représente soit la première transformation du ca en ga, d'où je, soit la prononciation du che de l'Est de la France, peu différente du son je et dont nous avons quelques exemples dans notre recueil de loazim.

. 89. SANKOLTRE, npbnBpi_, C, Menah., 42 b, «b-^a N"'D3a « sorte de cou- leur vermillon ».

Raschi donne plusieurs fois, notamment Houllin, hlb, 53 a, 93 ô, 42 a, Pes , 74 ô, et Bèça, 22 a, le mot -i">-na"ip3'>a- qui signifie t rougir en parlant de la peau », soit : SANKOTUBER, qu'il faut probablement lire : sankotrer,

n"'naip3ï5.

M. Epstein voit dans le loaz de Gerschom un mot allemand; mais il oublie de dire lequel. M. Kœnigsberger coupe pi, change r: en d et traduit ce mot par soif ré.

En le rapprochant du mot de Raschi, j'y verrais un M-iabnp3U5, radical du verbe T'-iaipsïî (un SANKULTRE, radical du verbe sankotrer).

Le mot serait composé de {sanffuis+ colorare), et nous aurions ici le subs- tantif sa«^o^^rtf, formé de sanguis -f color. Le mot colt7-e serait dans ce cas un intéressant vestige du nominatif de couleur.

Le loaz de Gerschom a, par suite de la conservation de l'b, un caractère plus archaïque que celui de Raschi.

90. SAPE, NDia, B, A manque, B. B., 80b, nsUTD, sapin.

Dans Bèça, 33 b, Raschi donne ndU3 = SAPE.

Ce mot vient de *sappus. Il est de formation populaire. En effet, les deux p se sont réduits à un seul, et pourtant la voyelle d'appui, qui prouve que les deux

LES GLOSES FRANÇAISES DE GERSCHOM DE METZ 91

p ont été prononces distinctement à une époque antérieure au siècle, a persisté. On a donc eu 'sappum, puis sappe, puis SAPE, au siècle.

Le mot sape est plus ancien que sapin\ il nous reporte à une époque les noms d'arbre tiraient directement leur forme du prototype latin sans avoir recours à un suHixe quelconque de dérivation (.cf. les mots laur, ci-dessus, et iî7, ci-dessous).

91. SÉY, "^^ï), Is., XLvi, 1, voir akropid (1).

92. SIGLE, Nba-^w, C, Men., 70 J, NT^"«n, seigle.

Raschi donne la forme SEGLE = N5a"^U3, représentant le latin *secale. Le

loaz de Gerschom, transcrit SIGLE, répond au latin *5ecaZe.

>-j _ i-j Cette forme est intéressante en ce qu'elle montre : que le latin *secale

est devenu \<secale avant de devenir *sêcale ; 2o que la forme 'secale est an-

térieure, comme le demanderait la seule lojiique, à "secale ; 3" que le c inter-

vocalique ne s'est changé en ç qu'après que e était changé en ié, car siffle

ne s'explique que par la forme "sieiffle, d'un antérieur *siéicle.

93. SISÈLE, Nb'ffl-'ÏJ, C, RouUin, 17a,n''::p b^Tl.

On peut, dit Gerschom, couper la chair des animaux avec certains objets, mais non avec la scie qui sert à couper le blé.

Raschi traduit, Houllin, 15 b, ce mot serpe de la moisson par Nb">lî:bD, FALZILE.

Notre loaz est assez embarrassant. C'est très probablement le latin cisellus. Mais cisellus aurait donné à cette époque zisel. D'autre part, le n final ne ne s'explique guère. C'est également le n final qui défend d'accepter l'hypo- thèse de l'allemand Sirhel proposé par M. Koenigsberger. M. Kœnigsberger n'a pas non plus songé à la difficulté de la transcription du son ch par '0. 11 faut admettre comme pis aller : que ce mot, par analogie avec les mots sië, falzile^ serpe, qui sont des féminins, aura été féminisé à son tour : il cor- respondrait dès lors au latin *cisella ; que par assimilation et par analogie peut-être aussi de secare et de scindere, le z se serait changé en sifflante dure ; on aurait eu *scisella, d'où très régulièrement siséle.

Le ^ prouve que 1'^ intervocalique est encore dure dans le dialecte franco- messin de la fin du x* siècle.

94. SORiz, C, y-^^r::!, Arakkin, 19*. n-n3p.

C'est le muscle de la partie supérieure du bras, placé un peu au-dessus de l'aisselle à laquelle on applique les tephilin.

Raschi donne le mot liiT.2, BRaDON, devenu ensuite braon et breon.

Le mot soriz, qui représente le latin *soricem, sert encore aujourd'hui à désigner le muscle charnu qui tient à l'os du manche de gigot, près de la jointure, et l'espace qui est dans la main entre le pouce et l'index. En vieux français il désigne le muscle charnu qui tient à la rotule de la jambe et au coude. Le vieux français a également le diminutif souriseure, muscle charnu qui tient à la rotule.

Le rapprochement du latin mus et musculum, et du français m%iscU et sou-

92 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

ris est curieux, en ce sens qu'il montre la même métaphore appliquée à deux choses de sens fort différents, mais entre lesquelles le même rapport est apparu deux fois en des esprits différents et à plusieurs siècles d'intervalle.

95. SPANDS, 'anasO, C, Ârakhin, 23 a, NyiNT i"no, creux des rochers dans les champs s'amassent les eaux.

La racine du verbe *spandere est à la base de ce mot. Il a y avoir une influence de expandere, devenu ispandere, d'où espandre, et de spargere^ qui a le même sens que expandere, devenu espandre. D'où la forme hypo- thétique 'spandere, puis spands, qui serait le thème verbal d'un ancien 'spandre, pris substantivement.

Je ne retrouve ce mot nulle part ailleurs que dans Gerschom.

Nous avons toutefois les mots épmidre, épandage, qui rendent 1res possible l'emploi d'un mot qui, s'il avait continué à vivre serait devenu ; épands. Re- marquons que, quel que soit le rapport de sens entre espondes (Raschi) et spands GerschomJ, Ye prothétique existe, au temps de Raschi, devant le groupe sp, il n'existe pas encore au temps de Gerschom (cf. spikui.

96. SPIKU, ipiru), c, KeritovA, fia, Tns nbiniu.

Raschi donne le mot 3"«dtD"'N, espig, forme française de spïcar.

La forme ip^Dia pourrait être l'italien venant de spicum. En italien mo- derne, nous n'avons que le mot spiga du féminin ; mais en italien ancien nous trouvons aussi la forme spico. Le français épi venant du latin spicum, nous nous trouvons plutôt en présence de la forme toute primitive SPÎK'U, 1'?^ latin serait encore sensible, surtout après une explosive terminant un mot. En prononçant spic^ on sent un élément de voyelle après le c ; c'est cet élé- ment de voyelle qui est représenté par le ^. A l'époque de Gerschom, le sp, comme nous le voyons par d'autres loazim, n'a pas besoin d'^ prosthélique.

97. SPIZE, N^-'L":;, AB. B. B., 8a, T':>r; "^os.

11 s'agit, dans ce passage, des différents impôts auxquels sont soumis les ha- bitants des villes; ils doivent, entre autres contributions, payer pour la pa- lissade qui défend l'entrée de la ville et qu'on appelle k^-'d;!}. M. K. en fait un mot allemand.

Aucun des mss. n'indique ce mot comme tel. D'ailleurs, l'allemand Spitze signifie pointe ] mais comment passer de ce sens à celui de palissade? Un en- semble de pointes? C'est bien improbable.

Je proposerai un latin 'spTcia', dérivé de spicus ou sptca, n\i sens de pieu par suite de la ressemblance qu'un pieu peut offrir par sa forme barbe- lée avec un épi de blé. L'ensemble de plusieurs splcae ou spici aurait été appelée 'splcia, d'où spTze. Le sens de ce mot spicus est maintes fois attesté, et il désigne encore aujoui^jj'iiui, sous la forme épi, le crochet de fer placé au haut d'un mur pour empêcher qu'on ne l'escalade.

L'absence de Ve prothétique ne prouve rien contre l'hypothèse émise ci- dessus. Nous le voyons par d'autres exemples.

' Cf. Spiceum, a um (Forcellini, V, 596, 2}.

LES GLOSKS FHANtlAISKS DK (ÎKKSCIIUM 1)K MKTZ y3

98. TALPE, Nsbp, C, Houlliu,l^ô. -^ErJ, tubécosité sciatiquc.

Le sens donné à ce mot n'apparaît pas dans notre recueil de loazim. Raschi donne, Houllin, 89a, le mut NDbis, (jni désigne la chair épaisse qui enve- loppe le haut de l'os de la hanelif cl qui en recouvre laconvexilé comme une cuiller. Mais il est impossible d'admettre, comme le veut M. Kœnigsber^'cr (p. 'i8, n" 101), que ce mot soit celui de ficrschoni : on n'arriverait pas, en effet, au mot PULPE par la transcription nd^d. Et si l'on admet la confusion très possible de s et de lu, on ne s'expliiiue plus la poncluation.

Le mot Nçbû: transcrit TALPE a 1res bien pu seivir à désigner la grosseur large et arrondie formée par la réunion des bords postéri(.'ur et inférieur de l'os iliaque. Nous avons, dans le commentaire de Gerschom, un certain nombre de noms d'animaux qui servent à désigner certaines parties du corps offrant à l'imagination des rapports parfois difficiles à relrouver, mais qui n'en ont pas moins existé dans l'esprit de nos ancêtres.

« Le mot taupe est encore, dit Littré, le nom vulgaire et vieilli d'une es- pèce de loupe irrégulière, sinueuse, formée sous les téguments de la tèie qui sont soulevés comme la terre fouillée par la taupe. »

Il n'y a pas besoin d'un grand elTort d'imagination pour trouver un rapport entre la tubérosité scialique et la forme de l'amas de terre soulevé par une taupe en creusant son trou.

99. TALPÉ, Nçb-J, C, Houllin, 92 J, \-nSU:\S.

« C'est, dit Gerschom, un oiseau qui vole pendant la nuit et non le jour ». Quel rapport ce mot a-t-il avec la taupe? Raschi donne le mot xâbp y"<-nc -= CHALVE SORIZ. Faut-il admettre une errreur du copiste et rétablir chalve soriz d'après Raschi ?

100. TAPiD,n3r:, ab', :>id'j, b-, b. b., i3ô, ■'pnnon.

La leçon de B* est évidemment fausse, mais facile à rétablir, c'est '^■'sa == TAPIZ *, cas régime pluriel. Raschi ib.) a le même mot écrit de la même fa- çon : « Tapis qui sert à l'ornement des sièges >, T^pp.

L'élymologie du mot tapiz est embarrassante. La comparaison des diffé- rentes langues romanes, it. tapeto, esp.-port. tapete, prov. tap Hz, fr. tapiz, tapis, doit nous faire supposer deux séries : l'une comprenant l'italien, l'es- pagnol et le porlUf,'ais-latin tapete m , tapetum ; l'autre le français et le pro- vençal tapis, tapiz, un grec -o.-K'.z-'xnivjz.

M. Cornu [Romania, VU, p. 752) avait proposé « pour expliquer 1'^ du mot tapis » le grec TaTrrjTiov latinisé "tapetiurn. Mais deux objections rendent cette hypothèse inadmissible : l" Ce mot eût été traité comme mot populaire et evit donné: tabiz. Le cas-régime et le cas-sujet auraient été tous deux : tabiz.

Au et au XI* siècles, bien que certaines villes, comme Troyes, Beauvais, Reims, Arras, Saint-Quentin, eussent des fabriques de tapisseries, les tapis veloutés venaient en France de l'Orient. Au xn= siècle on leur donnait même

L'espagnol et le portugais taph^ peu employé d'ailleurs, sont iniluencés par le provençal. *"

9/1 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

le nom de tapis sarrasinois et leurs fabricants s'appelaient des Sarrasinois. L'importation se faisait par la Grèce et les ports de Provence. 11 est donc tout naturel que ce mot nous soit parvenu par le provençal. Nous avons donc la forme TamSa, qui explique bien la forme française tapid et la forme prov. tapit », sur lesquelles on refait un nominatif tapiz = (tapid + s)

= (tapit + s).

Puis tapis est venu postérieurement. Ces deux formes sont les cas d'un même mot savant, ayant subi les lois de la déclinaison.

fOl. TARÉDRES, fflnT>na, C, ^mM., 23 S, l'unit:?», doloires.

C'est le mot par lequel le traduit Raschi, NT^iibl, DOLOYRE.

Ce mot est formé sur la racine celtique * tarais, soit le latin ^taratrum, qui donne régulièrement tarédre, d'où plus tard tarére et plus tard, par change- ment de suffixe, tarière. Raschi, dans Kiddouschin, 21 b, emploie la forme j^-ii-s-ia. Mais nous trouvons aussi chez lui la même forme NnT^na que chez Gerschom. Le sens de ce mot n'a pas varié, comme la plupart des sens des mots techniques, qui olTrent une grande force de résistance.

102. TEZ, b-'U, C, Houllin, 51 b, Nnn^jn.

Raschi emploie ce mot pour désigner le tilleul lui-même ; Gerschom l'em- ploie à la fois pour désigner la tilleul et le liber du tilleul.

Ce mot tel qu'il est dans Gerschom est assez difficile à transcrire d'une fa- çon rigoureusement phonétique :

Doit-on transcrire til ou tel. Etant donne til-ia, on doit avoir rigoureuse- ment lél (\'ei est marqué par é dans notre glossaire). Raschi donne ib"'"'a, ce qui doit être transcrit le^.

2o VI n'étant pas mouillée et l'étymologie tili-a étant certaine, faut-il pen- ser que b"^ indique 1'^ mouillée, auquel cas on transcrivait b'^a te^?

Je crois que c'est la seconde hypothèse qui s'impose.

103. TENDROM, ûTnii::, c, Bekh., 37 a, ûnnon, cartilage de l'oreille.

A La même glose dans Raschi, Ex., xxix 20, se présente sous les variantes

TENDROS Ol-nS'J, TENROM miS::, TÉ^ROS OI-irCD, TORNOS D13-nû2, TEN- DRON 1TTT5M, TANDRO.M Dm3t), TENROM d^np, TANDRON "[mas:.

J'ai cite ces variantes pour montrer combien il est difficile de se prononcer d'après la graphie de Gerschom sur la valeur de la première voyelle. Doit-on transcrire ten- ou tan-} Je pencherais pour ten-drom, en rapprochant ce mot de son étymologie latine *tenr-umen. Il est difficile d'admettre avec Lltlrè que ce soit un diminutif de tendre. M. Thomas a rapproché [Etym. fr., p. 285) les mots aigrun, plus tard aigrin et égrain, latin *acrumen et "chaussum de *cal- ciumen. La prononciation de la syllabe finale est passée très tôt à -drom,

Peut-être sous l'influence de TaTr/ixa, dont l'y) était prononcé comme l'i de

* Diez, Etym. Wôrterbuch, p. 315, et Rudoff Thurneysen, Keltoromanitches (Halle, 1884), p. 80.

LKS GLUSES FRANÇAISES DE GERSCHOM DE METZ 95

comme le montrent les exemples de Raschi; le notation de Gerschom ne permet pas d'une façon absolue d'affirmer qu'on prononçait déjà à son époque tendrom. L'm, en tout cas, n'est pas encore passé à 7i.

104. TENE, Nr^'^a, C, Houllin, 85 &, «a'^rN, ver qui ronge l'étoffe.

Raschi donne le motNr-'a, non ponctue, qu'il faut lire : TÉNE, fr. actuel, teigne.

Le mol de Gerschom, ponctué d'une autre encre que les lettres, nous offre la forme italienne tina (it. tigna . Il faut évidemment restituer, selon la forme donnée par Raschi, et en faisant abstraction de la ponctuation, le mot teyie,

Ktymologie tmea, latin tinea, qui donne, suivant les lois de la phonétique, téne.

105. TERNURE, N-n;-i:3, A,B',B* NT^ia, B\ B. B., 2SÔ, NnODDN.

La bonne leçon est donnée par A, B' et B* ; B' est évidemment une faute de copiste.

« C'est une sorte de plante dont se nourrissent les animaux. Il lui faut dix jours pour croître, et on peut la récolter trois fois en un mois. »

La question en ce passage est de savoir si un champ appartient de droit à celui qui y a fait trois récoltes. On fait remarquer qu'il faut à cet effet avoir fait des récoltes de plantes ne poussant qu'une fois par an, et qu'on ne pourrait se réclamer de trois récoltes de N~n*na pour acquérir un champ en tant que propriétaire.

Le mot hébreu ayant un sens très vague, les uns l'ont expliqué par la ïu zerne, d'autres par farine '\., d'autres par foraigei^i' Isaak de Siponte le tra- duit par ■'l'^Tis, perzin persil,.

En réalité, c'est le mot TERNURE, qui dans la langue de Gerschom devait s'appliquer aune espèce particulière de lupin (cf. lernage).

106. TÉYG, r"^a, Houllin, 76 a, Cj^îD liobn) NTQipny.

Jointure en langue slave se dit TEYG. C'est le mot tchèque actuel tèh.

107. TONÉDRE, Nmi5i:û, C, Houllin, 86a, n"'»3'-|, le tonnerre .mot à mot les tonnerres, c'est-à-dire les éclats de tonnerre).

Raschi, Houllin^ 86 a, traduit ce mot par éstorbél = b"^3-na«\x, mot de la même racine que l'allemand Sturm.

Gerschom mentionne que ces éclats de tonnerre sont accompagnés de grêle.

Le manuscrit donne la leçon Niinan::, qu'il faut corriger en nit»;"!:: ; c'est le lalin tonitruum, d'où très régulièrement en français TONEURE.

La transcription de ce loaz par Tanglais thunder ou l'allemand Donner est impossible : le n Anal défend de songer à un mot de langue germanique. Plus tard, tonédre est devenu tonner re.^d.'^ assimilation : Vi est devenu è sous l'in- fluence de rr.

108. TORE, N-ii::, G, Houllin, 59 a, Nn-i"^ntt.

Raschi donne ici le mot «mn. C'est le même mot, sauf n pour le a.

% REVUE DES ETUDES JUIVES

L'origine du mot de 11» prouve que c'est une plante dont Tamertume est la qualité principale. Aussi bien Raschi le traduit-il par b""'''l2"i"'73ï<, leçon qui, pour ne pas être donnée par les manuscrits, n'en offre pas moins tous les carac- tères d'authenticité : la place de l'adjectif avant le substantif, la forme mas- culine du mot, le traitement phonétique correct et populaire montrent qu'on a affaire à un amarum folium, qui d'ailleurs n'a pas laisse de traces.

Quant à notre loaz il doit être rendu par ture ou tore. Du Cangc cite le mot thora, toxicum venenum, qui ferait pencher pour un français tore.

109. TRÉBUNU, :i;n3->na, C, Honllin, 8 b, -^bas-

Mot slave, comme l'indique la mention qui suit ce mot. M. Kœnigsbergor fait remarquer que c'est en vieux polonais le part, passé neutre du verbe qui si- gnifie purger.

HO. TREMÉYS, "CJ'^-'tt-ia, B', B% B', A manque, B. B., 36 a, « espèce de blé qui mûrit dans les trois derniers mois de l'année ».

Raschi ne donne pas ce mot. Il peut avoir le sens de bie. Isidore, lib. 17, cap. 3 : Trimense triticwn ideo nuncnpatum quia satnm post très onenses colligitur. Tpi[j.vaïoç Trôpo;, Dioso., lib. 2, cap. 107. Gloss. lat.-fr. : trimense, une manière de blé recourgon. On appelle aussi celte espèce de blé les Mar- sées, quod Martio mense sevitur.

Le mot 'tremismm cité par Du Gange indique l'espace de temps pendant lequel on sème le tremeis.

L'ensemble de ces textes prouve d'une façon absolue l'étymologie "tre- mense, devenu *tremèse, tremeis.

Nous avons encore en français les mots tremeil, tremesie, qui se rat- taclient à une origine analogue.

111. VALÉDE, «no, à lire mi^bs, C, EouUin, 31 œ, NnpD, la vallée.

Le mot ne se trouve pas dans Raschi.

On peut supposer que c'est le latin platea, donnant pleçe, pteze très régu- ièrement. Mais d'abord le sens de ce mot étant assez vague, au lieu que Npps signifie précisément vallée, il vaut mieu\ interpréter ce mot par NT'îa, transcrit FALEDE, latin vallata, fr. actuel vallée. L'F initial est, si l'on accepte cette explication, la prononciation donnée au V initial par les popu- lations rhénanes de langue française qui distinguent difficilement le son V du son F, et prononcent un son intermédiaire entre ces deux consonnes. Cf. la prononciation alsacienne actuelle.

H2. VÉRJES, ^■'.">T=', C, Honllin, yO b, mD3lb3.

Raschi donne ici le mol TREZE = N5i"i:2. Il s'agit d'un cep de vigne repo- sant sur des poteaux de bois.

M. Kœnigsbergor traduit ce mot par PERCHES en changeant o en d- Cela serait admissible si la ponctuation le permettait. Mais le "] indique que nous

devons trouver en latin un mot en e ou i ; or pertica ne peut aller. C'est assurément le mot ;di">")"'5, VERGES, auquel nous avons affaire ici. Il ne resterai» qu'une difficulté, celle de la ponctuation ^ ; mais on peut chan-

Lb;S (JLOSKS FltAM.lAlSKS UE liKKSCIH ).M DL. .MKJZ y7

ger cette ponctuation en •^"«, au lieu que la première voyelle du mot est lorcé- nient un é = ^. De plus, le sens est beaucoup plus satisfaisant.

IK?. WAUANZE, y;s-i-n, voir ROIJJl-:.

ll/i. ZAUKLIZ, •::']bp-i^, lire y'VpiiiÇ, .^' ^oullin, 2:; a, asiD, travail qui consiste à entourer de cercles un tonneau.

Ce mot ne se retrouve pas dans Raschi.

Ce mot est à décomposer en zarki + fs. La première partie est le latin

circul[um). Le «rkl- latin est devenu cercl-, et, sous rinfluencc de l'r, l'e

s'est changé en a (fait phonétique dont on a di' nombreux exemples, e se chan- p^antenasous rinlluence d'une Z ou d'un r subséquents . Quant a l's, dont Ps finale est nullement prononcée, cimime le montre la notation C"^'?, c'est le suf- fixe iciuïii. On s'attendrait à trouver cependant zarkiiz de '^circulicium. Faut-il voir un rajeunissement au scribe? C'est très probable. Nous pouvons adopter comme type définitif de ce loaz la forme y"^bp"i3Ç.

115. ZÉMBES, •03»''i:, C, Arakhin, \{)b, hys^z»:!.

Raschi donne au même endroit wn^j:, ZÉNBES

Quant au loaz de Gerscbom, doit-on le lire ZEMBE ou ZLMBE ? Le ms. ne donne aucune solution, -^i^ étant égal à ZI ou à ZE. Cependant la ponc- tuation de Raschi, d'une part, d'autre part la forme de cenbel, dérivé de ce mot, font supposer un primitif cenbe. Le type latin cymhalum avait Vy. Il est à remarquer que le psautier d'Oxford a le mot cymMes, mais l'ortho- graphe par y montre que c'est une forme savante reproduisant le cymbalus de la Vulgate. L'accent est conservé dans ce mot comme dans d'autres mots d'origine savante créés au xa« siècle, ou avant. On est donc autorisé à transcrire ce mot zémbe. Cette forme est antérieure assurément à la forme

que donne Raschi, elle se rapproche plus du latin cymba que le mot de Raschi zénbe. 11 peut, il est vrai, subsister un doute et on peut voir dans ce mot le mot savant zimbe de ciïiiba. Le mot NaTa""^ est accompagné d'un mot ■^bn"'!:. mis entre crochets. Nous avons ici un exemple curieux du remanie- ment de notre manuscrit par un copiste italien. Ce mot est évidemment pour ■'b3?2">^, cimbali ou cembali, et le copiste (probablement celui qui a ponctué parfois d'une façon si originale les mots français de Gerscbom), ne songeant point celte fois à ponctuer NaT^"*^ de façon à faire un mot italien, à donner l'équivalent en cette langue : il faut lire cet italien Zimbali. C'est la formation correcte et rigoureusemet philologique du latin cymbali.

Le sens du mot hébreu est cymbale, instrument dont on se servait dans le temple.

116. ZÉNGLE, Nbi:^:i, A. B', B\ Nbi^i:, B'. B. B., iSa pan.

Les quatre manuscrits sont d'accord. Ce mot signifie le bât, la ceinture qu'on passe sous le corps d'une monture. Ce mot est également donné par Raschi ici et dans Sabbat, 57 a, 64a. Dans ce passage, Raschi se sert du mot T. XLIII, 8.Ï. 7

REVUE DES ETUDES JUIVES

wNba:"'!:, non pour traduire pan, mais pour traduire '^p^'^p, que Gerschom rend par sb^Ji^ (voir ce mot) .

C'est le mot ZENGLE, du latin cingula. Ce mol latin classique est employé dans le glossaire de Reichenau pour designer une sangle de cheval. Notre glossaire nous montre que le c + è a conservé le son Z [•2,]. U l'a encore dans

Raschi, mais l'i tonique en position est passe à l'é. On retrouve ce mot dans la chanson de Roland : c'est cengle. Il était prononcé Zengle, comme le prouve l'orthographe de Raschi. Ce mot est le même que le fr. actuel sangle, qui, par suite d'une fausse analogie, a pris celte orthographe au xn* siècle en- viron. Ce mot est de la même racine que le mot ceinture, cinctura de cingo.

117. ZENKRON, "iTip;!:, C, Houllin, 74è, point de réunion des trois nerfs du jarret.

Le manuscrit porte 'jiT'pDy ; on doit le corriger en "jTipjir, d'après les manuscrits de Raschi qui donnent, HouUin, 76 a, la forme ponctuée ZENKRON, "jinprs.

Je ne crois pas que ce mot soit employé ailleurs que dans Gerschom et Raschi. L'étymologie en est impossible à établir.

118. ZIGONE, ZIKÛNE, N-«3ia"^it, A, N'>5'ip''Sï, B, B. B., \(j1 a, Np3-lT, tuyau de cuir dont on se sert pour tirer de l'eau du puits.

La famille B donne l'orthographe N"'3'^p"'3ï. que nous sommes autorisé à écrire N'^;np"'i: et d'après A et d'après le loaz de Raschi, Lévit., xi, 19. ce mot sert à désigner « l'oiseau qu on appelle la pieuse à cause de sa douceur envers les autres animaux ».

Dans B le mot apparaît (très probablement par hasard) sous une forme abso- lument savante; dans A, qui est la bonne leçon sous une forme semi-popu- laire. Le g (résultat de c entre i et o) s'est maintenu jusqu'au xii' siècle. Mais la forme complèlement populaire serait à cette époque zeone, qui est deve- nue plus tard le français populaire ceogne.

Quant au sens du mot ici. il s'explique par l'analogie que présente ledit tuyau avec le cou et le bec de la cigogne. Cigogne encore employé dans la langue technique pour désigner un levier coudé, la manivelle (en forme de levier coudé) d'une meule à repasser. La même extension de sens est à re- marquer en Italien, esp., prov. et portugais : cicogna, cicouogno, cigueua, cigonha.

119. ^pinin, ii, liTn, B. B., 90 a, fraction de îibsiy.

120. a'^sba. A, aiQbsi, B, B. B., 2 è, haie de roseaux.

121. A. c;T^72^,B^ B.B., Kjoô, '^oipn73, C, uj-'irissip, 5«cA., 51 a, m3"iD"n, pièce de monnaie.

Ces deux mots, que je ne retrouve pas aux passages correspondants de Raschi, doivent n'en former qu'un, puisqu'ils glosent tous deux le même terme hébreu. Mais je ne vois aucune explication possible ou présentable.

122. Namibn, c, Bekh.,kZb, m-ian.

Baschi donne plusieurs fois le même mot avec une orthographe identique.

LfclS ULOSKS IHANCAlStS DK UEUSCJIU.M DL MLTZ yy

Cf., entre autres, Bekh., 43a, ■c:-'3n-i:3bn, u:m"nbn, bossus; Sabbat, u4a, et Houllin. 122 a, Nmmbn, l)OSS(' du cliamcau.

Le mot doit être uu loaz germanique , mais je ne puis trouver aucune explication.

123. ■'ppb'iirt, C, Houllin, 25*, niCJ' ■'bD, vases en os.

12-'». 'j"'ao-)TO, Houllin, 55 b, "'Tari'^u) N'^bD"'ï;ja.

125. y»p, c, Tamid, 2'àb, ^n^ yy, bois d ulive dont on fait de la résine.

M. Kœnigsberger propose un Kien, fort douteux, pour la transcription de ce mot.

CONCLUSION.

Tableau phonétique du français parlé dans la région messink PAR LES Juifs a la fin du siècle.

I. Voyelles.

A. Toniques.

I. A en syllabe ouverte en latin é, tirant sur éi; a + c + a =■ ay ; a + m = aym; a + c + e = az. A allemand syll. ouv. = a. A syll. fermée = a ; a + n = en. il. !• E syll. ouv. = è.

2"» E syll. fermée è ; suivi de g ou de c = i. m. Ë, 1 syll. ouv. = é, tendant sur éi. 2" Ë,ï syll. f. = é. N. B. y est traité comme i. IV. ï syll. ouv. ou f. = i.

N. B. y] est prononcé tantôt é tantôt i. V. 0 syll. ouv. ou f. = ô. VI. ô syll. ouv. ou f. = 6. VII. 0 syll. ouv. ou f. = ii. VllI. AU syll. ouv. = à. (Pas d'exemple assuré en syll. fermée.

B. Atones.

a) Posttoniques.

I. A devient c, lequel est fortement prononcé et tend a i devant s.

II. Toutes les autres voyelles tombent, sauf u, qui persiste en deux exemples

sous la forme ù.

b) Interioniques.

A devient e^ les autres voy. tombent, sauf devant deux consonnes, auquel cas un e d'appui se développe.

KMI REVUE DES ETUDES JUIVES

c) Anté toniques.

A reste a ' ; e 4- n donne en ; e, i = c »; i = i ; o = ô' , o, u 6,

ou, ii.

II. Consonnes.

1, 1. C + a initial ^= h on ch. Il y a hésita'.ion entre ces deux sons. La notation par j permet d'affirmer (jue le c + a était transformé dès lors, en cette région, en ch. G init. + i = z. (Exception pour sisèle, cf. ce mot.) G + 0, c + u init. = c. 2. Intervoc. Voy. +c + e oui = S;i + (c + e final) = z ; a + c + a = y;j + c-j-a=y. Subsiste encore entre i, o et m sous forme de c . Entre è et o = g *.

II. G intervoc. = y.

III. V initial = v, noté parfois d; inlervocalique = v; interv. final en

roman = f.

IV. b initial = b ; intervoc. = v.

V. F initial = f ; intervoc. : aucun exemple. VI. T inlerv. = â; final = d non encore caduc-, tombe dans le groupe

rt (il c + voy.) t + i + V = z. VII. P init. = p ; intervoc. = C.

VIII. Il ^ dans les mots d'origine allemande, arabe et slave seulement. IX. L = 1, I + mouillure = l. X. h— V.

XI. M = m; m -\- \ ml sans intercalation de b , m + b = m ow nb ;

m + H = niR.

XII. N = n ; n + mouillure = n ; n + b = nb ; n + p = np ; n + r = n^^r.

N tombe devant s; n + d + voy. + n = NTR.

XIII. R= r: n + mouillure = l.

XIV. 1. S initiale = s; S initiale -f p = SP sans voyelle prosthélique ; S lui

tiale + t IST: S initiale + c : traitement douteux (cf. ascume).

2. S intervoc. s.

3. S finale = s. XV. X = es devenu IS.

XVI. z = z.

Remarque i. Toutes les consonnes doubles se réduisent à une consonne

simple. Remarque II. Il y a un proparoxyton à relever dans nos loazim, c'est : cha-

mere. Pour estele, istemekel, dont le dernier n'est, d'ailleurs, guère

assure, voir les paragraphes les concernant.

Louis Brandin.

* Deux exceptions apparentes : nédel et réstel; mais ce sont des mois formés à raide de diminulils.

' 1 devient parfois a sous l'influence de r ou ^ subséquent : balenz, zarklir.

* Aliaibli en é dans lémsel.

* Devient y dans samboje; g dans fige, sige.

AZHAROT EN JUDÉO-PHBSAN

La littérature judéo-persane étant encore peu connue ', je me hasarde à publier ce morceau liturgique, qui se trouve à la fin du manuscrit 1356 du fonds hébreu de la Bibliothèque Nationale de Paris. C'est un pïoiit, composé à l'exemple de Saadia, d'Ibn Gabirol et d'autres auteurs, par un certain Mosché ben Ishak, en réunissant et en mettant en vers les tariag miswot : l'ensemble de telles compositions, qu'on lit à la fête de la Pentecôte, forme ce qu'on appelle des azharot « avertissements ». Salomon ibn Gabi- rol, dont les azharot sont récitées les jours de Pentecôte par les Sefardim, a été le principal modèle des païtanim de la Perse, qui traduisirent son poème en vers ^ ; notre auteur en a imité la forme, il a mis ce pïoul en vers de quatre pieds, dont les trois pre- miers riment entre eux, la terminaison finale de chaque vers ou quatrain étant D"'"! ; il en a également imité la mesure, à savoir, un yaled et quatre voyelles pour chaque pied ou hémistiche. Naturellement, il n'a pas suivi le même ordre qu'Ibn Gabirol, parce que, ayant employé la même mesure et la même rime, il lui aurait aussi fallu user des mêmes termes. Il a rassemblé dans la première partie de son poème les 248 commandements positifs pour qu'ils fussent récités le premier jour de la Pentecôte, et dans la seconde, les 305 prohibitions, destinées au second jour de la fête. Puis il a traduit en quatrains persans ^ toute la pre- mière partie et le commencement de la seconde. Enfin, il a placé en tête du poème une préface écrite en persan dans le même genre que la traduction. Ces quatrains ressemblent tout à fait à ceux des poètes persans : chaque quatrain ou distique consiste en ({uatre hémistiches dont le premier, le deuxième et le quatrième riment ensemble, le troisième ne rimant avec aucun. Le mètre est

' Tout ce qui a été publié jusqu'ici, ce sont des poèmes du genre mesnevi sur David et Samuel, Z. D. M. G., t. XLVil, 202, par P. Horn.

* Tel est le cas de Beujamia ben Mischael, donl je me propose également de publier le poème.

" Ou comprend que, étant en vers, la traduction est libre ; elle est aussi plus éten- due que le texte.

102 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

le hazadj, dont la forme régulière est mafâîtun (^ ). Hâtons- nous d'ajouter que le hazadj, dans ces quatrains, est très irré- gulier et très variable, ce qui constitue précisément la particula- rité des roiibaiyat ou quatrains persans. Pour la préface, il a employé un hazadj madhhoûf se composant, dans chaque hémis- tiche, de trois pieds, dont le troisième n'a que trois syllabes

(w 1^ |w II). Mais comme tous les vers de ladite préface

se scandent invariablement ainsi, cela constitue une anomalie par rapport aux règles habituelles.

Il s'agirait maintenant de déterminer et quand ce païtan a vécu. On peut dire sans hésitation que Mosché ben Ishâk était un rabbin persan, et que l'auteur de ces azharot est celui qui en a fait la traduction et la préface. En effet, il exprime, dans cette dernière, son hésitation à entreprendre un travail si ardu après Ibn Gabirol, qui fut « un homme puissant et supérieur ». Mais les renseignements sur les Juifs de Perse faisant défaut, on ne peut pas savoir les dates, même approximatives, de sa naissance et de sa mort. Tout ce que l'on peut affirmer, c'est qu'il est postérieur à Salomon ibn Gabirol.

Pour établir le texte, je me suis servi, en dehors du manuscrit susdit (A), qui est incomplet * et plein de fautes, du manuscrit T 28 de la collection Elkan Adler, de Londres - (B). Ce dernier est com- plet et beaucoup plus correct. La transcription dans A est essen- tiellement basée sur la prononciation ; elle ne tient pas compte des équivalents graphiques ; ainsi le ^ (tch) est représenté par :i ; le è. (gh) tantôt par a et tantôt par p, le o, prononcé en persan comme un s, par o ; le ^, prononcé en persan comme ;:, par t ; tandis que dans B, le ^ est transcrit par 5 ; le i toujours par à ; le ^Jb tantôt par i: et tantôtpar t ; le o par n. Le ^ est représenté dans les deux manuscrits par i, et le ci par h,. Ce même signe représente dans A le damma ou la voyelle ou, de sorte que i et d peuvent indiquer soit les lettres hh et f, soit hou et pou. Le même signe placé sur un n muet à la fin du mot est pour le hamz^h mis à la fin de ces mots quand ils sont à l'état construit; il faut alors ajouter la voyelle i après le i-t. Par exemple, 'n~i2 est pour So bereï. J'ai adopté pour le -^ la lettre i: et pour le 4 le à, afin d'éviter tonte confusion. Quant aux autres lettres, je les ai laissées telles qu'elles sont dans les manuscrits.

M. Seligsohn.

* Non seulement toute la seconde partie y manque, mais même aussi la fin de la première.

' Je tiens à remercier ici M. E. Adler d'avoir Lien voulu si gracieusement envoyer son manuscrit pour moi à M. Israël Lévi.

AZIIAROT EX JUDE<)-PEHSAN 103

TRADUCTION DE LA PRÉFACE.

Au nom de Celui qui, par sa grâce et sa générosité, a créé le monde et donné la prophétie a Moïse et à Aaron, la progéniture d'Amran ; dans leur cœur il n'y avait point d'hostilité.

C'était ' un berger de moutons dans la plaine; il les menait un à un humblement. Dieu (qu'il soit exalté), voyant qu'il lui conviendrait, dit : « Qu'il soit noire berger >' !

Cet homme sublime monta sur le mont Sinai pour quarante jours ; Dieu lui donna les tables de diamant ; les premières furent jetées par terre et lui, reparaissant, en rapporta d'en haut de nouvelles.

Il apporta pour nous divers commandements qui, tant que le monde existera, seront nos guides, afin que les infidèles ne saisissent l'oc- casion d'accabler sous le poids de leurs mensonges le peuple d'Israël.

Nous observons deux cent quarante-huit commandements; nous comptons trois cent soixante -cinq prohibitions; le nombre des membres et des veines ' nous sert de moyen mnémotechnique; nous n'admettons aucune excuse ni dans les commandements ni dans les prohibitions.

Au bout d'un certain temps, un homme érudit, puissant, nommé Salomon *, a réuni en vers tous les commandements, tels que nous les avions entendus sur le mont Sinaï.

Son àme repose dans le Paradis; jamais on n'a vu dans le monde et jamais on n'a entendu un homme doué d'un tel esprit qui put réunir les commandements.

Quoique je ne sois ni intelligent ni capable de dire les louanges du Puissant, cette feuille a fait une telle impression dans mon cœur qu'elle doit être un guide pour les hommes.

J'ai dans mon cœur tous les commandements et toutes les prescrip- tions pour réunir une à une les marques de la foi mosaïque, telles qu'elles sont écrites dans la Tore, afin que ma composition arrive finalement au ciel.

J'écris quelques lignes sur les commandements; elles exhaleront pour les hommes une bonne odeur comme le parfum. Lorsque les créatures de ce monde me porteront leur souvenir*, elles seront pour moi comme un bouclier et comme une tente ^.

Quoique je loue nuit et jour, cependant devant lui^ je parais une mouche; c'était un homme puissant et illustre, et moi, humble, quest-ce que je vaux devant lui ?

' Moïse.

* D-'T'a n"oïJT D*")n\s n"T:-i.

* C'est Salomon ibn Gabirol.

* C'est-à-dire lorsque je ne serai plus.

* C'est-à-dire un abri.

* Ibn Gabirol.

lOi REVUE DES ÉTUDES JUIVES

Il est pareil à un vase et moi à un gobelet'; celle propriété nous a été dévolue de la part de Dieu. J'immerge chaque soufïle dans le vin ' pour achever ce traité.

Si, quand je m'en irai, celle feuille a quelque valeur, elle viendra devant mon cercueil. Au moment tous les gens pleureront, alors mes lèvres souriront.

Quoique je n'aie pas vu dans le monde un homme armé, j'ai en tendu mille coups de l'ennemi; semblable à un oiseau emprisonné, quelle que soit la hauteur de la prison, je la franchis en volant.

Si c'est une imitation, un commentaire ou une traduction, personne ne l'etTacera. J'ai éprouvé beaucoup de difficultés jusqu'à ce que je l'eusse trouvé ; mon cœur est lacéré à cause de cet homme.

Celui qui est instruit, qu'il vienne maintenant le lire, mais celui qui est ignorant ne le comprendra pas. C'est une pièce théologique ; que les hommes instruits la lisent tous les ans à la fête de la Pen- tecôte.

180 V

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' .J'ai puisé en lui mon inspiration comme un gobelet puise dans le vase. ^ Il veut dire : Je bois le vin de ce vase, c'est-à-dire je m'iuspire de lui.

* A -jaN.

'' A -ina TN.

* A -ipy».

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' B, noi.

» A, "«3XÔ3.

' in33 a ici le sens de ir33 « si nous les examinons ». Voir Gesenius, s. v

106 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

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' Ce mot a ici le sens général : < les païens ».

* Pour -ia3.

* t Concubine ».

* D'après la traductioa persane, il faudrait UJUJinP-

AZIIAHOT EN JUDÉO-PERSAN 107

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184 ■V».

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' Il faudrait peul-être C|3S3.

^ Gest-à-dire comme les autres frères.

* Cet hémistiche ne correspond pas à l'hébreu.

B, ■^3î<3i:.

5 Dans le sens de n3"1N fenêtre ».

« Pour Û-^Nmp.

' Ce distique manque en A.

108 REVUE DES ETUDES JUIVES

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18G r».

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« Pour -iriNÙ-

* Pounoo"'-i:c . A '03"<-ia.

» Il est question ici de seize laces par une réminiscence d'un passage du Talmud.

* La ville pierreuse est Hébron ; le paitan emploie ce nom pour la rime.

* C'est une répétition.

^ D'après la traduction, il faudrait ^33>3.

' B, n-i.

AZHAHUT KN JUDKO-FKRSAN 109

DDïiN :inî<D Tnj'T mis xn no yD\D73 non ']■< 33d inxi ' ^^y d:d nr;3 rr^-'d-i t\^■p'\'>2 i^ riD iniD bwN?2 tm Vjit i-id iriwX

K" 1SG v.

CD-'T'nTj 3"'anb :?m"' riT^awS yin ^^b^\ 3"'"'n o'ma iNun ^i-'nt n7:N-i3 TN n-iN"'2 ■'ibn ûai< n73N"^p TNn:w nud nno:K-i3

n7:Nbo TJN3 Nn "iD r\f2^^p -im ''-12:' bnt2 nma hd to mby« ni: .Dnp'«ab r3C3T nb-'H?: pnpn nb-'ua N^inn nb"»yw3 aiian -iNn 3T:: m 112-1 i;in n"' nNS -n ma tid ■•os "is obN^^-^a "iN3>"^2 1173 Ji-n Ti5 i:5Tio ni onb-^n^j noî<m la-ip TiN-^a

tzmnb l'^-ii t=iï:73 Tir Nbn oox i.sti T'ssb D"::n -«î: anpnb -isr) -n non ^uwn^n dujn -«Nm nxs nus "jn nnTW u:"'s tin-^2 -1N3 in niTon nnoDN5 n3n3 T'-^n"'2 int^s i-q -i^jn ins3

t3^-i3T n;;:; Nbi n;Tn xb 'jTT'sn mn nb it^-'td n3T«3 p-'bnnb ■'"iNn:i N3 n3 ni mjN7û "'pN3 nN n3T73 ni tn ^nws t'N33 ■i-iNT "Oin -13 pD -i"'''àp ^-in "^3133 nïNn "^n-i nr'C-13

tomna ibDNWi -inab t-'Tob'C nn«n bs ùïjns nnïn n^ans -iN3 -n non du:n t=)-i3 ■^n-i3 ind nuo in -in3T T'-'Na nxan

187 T".

-iND n;j-io; NjrDxs TjID q-ii: n33-iD indns tzn-iw D-iT^bï: tDi-iiN by Dno3 CDns3 'Jip »i2'^ * Dnbi -iU33i * nnbn bx -imsn ■^TwS-i n3 pn 1X3 -13N N-^ nujia ni3 ■'tno mp n3 r^n m3N7o ■'pN3 ■^Twsna ^iî<3 -^mn no3 -i03 TNn3-'3 » bp"'37o -n yttb nu: T«bD t3i-im72 un -iu:n t=:"'3"'73 bosbi Q^33 ■'33b n;i^ û"«3720 "jb -n7:u: n-172 nT'\N3 13X133 p n"'^::! n-io ixin iNm ni nujis p inti:3 1-13 IN ûOwX * -inNp noDND ninn nobwsbn VP"' ^^ "^'T-î^i^ "i33

Q^TûTi -iNUjm -n72ND T^ CiSi mwu5 mui mu: -nwn^i ^3iST b-^j* Tî<n3"i-'3 î<-i n-i3T iNa -iNnu:i33 TNn3s ']u:73i inx 'jwi"^^

TNn-is noNiT -131 nï<"'pN33 nooNs r3 Nnî-iN n^i^r* t3 ^s-'T t=i->-iin'j D3"'Ni Q-'sin yin n3i72"i2: ts-'SiTo û-'3ani Q^3''» u:^ n'oins nooNs ni an noî<3u: is n-i ^b» nooNs nD ^i'is -in3 no ^73 ^7ao

187 V.

nooNs N3 nin n3^u:3 -"tim pi^ "i^^'-^ li"^^^ ■'^''"' ^^ ^"^^ "^^^ t=j-^-ina73 C3"'72"' n-'iN-i v^^"i ^^^^ ^'2 y3«3 n-^nai n

» B, Y^y.

« A. DN1.

» Verbe dénominatif formé de tjnb « pain ••

Le texte porte par erreur Qnn-

» Sic. D'ordinaire les lexiques traduisent « charbon » par DNJT.

« B, n-iin.

HO REVUE DES ÉTUDES JUIVES

n;aN3 *]ND DD2N boà ^c 3T15 ni Tint riD -^1:3113 n-nu: p-^-'Nb n33 d'^nn IN tiDT^ niN^272 nnancD !-TN73ia3 nasio iiNs::?: mb->-'

nas N5T W2 o-'ss minon *73d i3;a nîio o^as ht'-'NT

navD nriD ">-)73p ns n-^ -imaD tin p-ip in miïî ^nd :;ii

ta-'inna ^b» ■^nn ync*^ T>rNnT yip"^ Tinan :'m2:73n oi^m bNn3N nitTon tT72 ïî^iûn:»,^ b^n na bNHT nn;a ni V""i2x b«p -«iSTan ni m-nu: n-iïJ» nsa o-iin3 o-^apT tntid

Q'^n^jio n\nbi mz'^ y337jm n73l573 Nin nai N7aa bri T^iaa nsm» ni -na ■'i-is ^nts -int nao ns non o-'as lanTaîta iNia n-in INT iïJ TN-innN iTia T^bB "^ît tn3 na

D'^nsi: N-in» Nin n:'3"i2 d-'-'n ■'72 nybim mrsia nTii: mna nsNro IN diST u:ia:n73 ns^n imD d-^d pnD *;nd

F'ISSr».

ca-t-nnan ']-nD Tnpwa ir-'a» n-nr dy i-naa n-i^uj nba-'i

*]îo 'f-'n no-'î roiDT n«ia «a ^jNbn n-iTo n^aN-ina ï:"'->"i«

^Ns *n"!a IN pbs -^pNa ni nb in:?72a nona naaiN

to'^'inN'^n ■'73a bainn a-i itod baia -^d -ins bano niaiam

ï-jb-iby INTN noaaNi ;::boa rnb-^n» nma ii:-«-'an373-na

t-ib"^aa i2id sn oib""3 m n^Na bNr« ma ax^iDN

to'^nnawn ;aNm tj-'i-'T d-^ba-i C3->3Tî<b ito^t d-'suî "^-^nit mai

nbN72a "jàTi in i::ia -la -j'io nbN:a pnai n-iN n-ia m

ibNwa lin-i «t:: '^nd in -^no ïî'^-'NnnDn -la-^m r<D tt nn tanaio d'Osman m-in» nnpbi mm-iypc pi m-r^pa 3?a3 dsi

nnoïJ3 nn uj-'n-io nsT^na nnoa lupî ■'725t "iiaNa nat*

mnoa in t'-'o n72N tn tiiu: nTNo nîNn •'bai nï:5 tn

to-^nnu:: C2''72a t-it naso aan y-i-'N p-ip ^3v: jr-niSTjD arm

188 v».

n-^Na nn dn in la-ip ypsna t^-^n vi^*^ ^^ MJ3>n^ c:;ain T-iiN^ boàa Mi-^-^aT-'dNB "[NT o-^ap r^niN 1372 ni""-) nst 'ta"'"nn ' naTD nmnaa nK"'a72 ï-tmnN narm nmis nauîr

T T ;

-inNs bnH on3 ^aian Na nmiujT -ni "nir ni nT'3

nmna bn» aiD -^Nn "'3d^ m tin "ja-ip ittôj ^nd ini

toimsan dT'a d-^uînp nmaya tzi-'^as nnNi t:"'ï:aib SD-'naa

nuîida pn -lîoa 1^33» "t«5id nTû^a ns T'iNa imD

* A, d^*^in 1M naUid ; seulemeat la traductioa persane est d'après B.

AZHAHUT EN JUDEO-FKKSAN lit

^^a■l53 -nfD Tin -n ysi r-iTania mw biàuîTa

« D'^-nriD CNT 3N ' UTTK N-i"'b a-«n an?:! mosb orfî^a ci^y. rr^n

cnwim n^'N^nb yiiz nnDin ']W3' :2iDw;bT ']72nD aie dst

F" 189 r».

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Q-^-nr- n3Db -«rnpT:?: î<T«bi cnp ■'r'sn a;i c-ip ny 3rtNb ^NT -in b5T û-iNni non yxD int't: noii t>j-i yxi Dip

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n-'-iKNtt n7:obi nb:?73b "::ipb nb-iri mD3-ip3 nby7ai n:n»a ■niNT "^"31 "wjia p"ip "TiiN 'ca «■'d nCTis Tn r\'art -WN^ nN3 pn pD in 1NT rts: r!bN:?»n pn nnaT p ysa

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189 v°.

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^TNn r>i»r\ is^^s msN nan yxa Tin nx t': -ty^72 bin

û"»-,s"iD':: ai-ib nw^^an nT303 nwn ne N-'snb n?:p ny -.isabi ■nN T'N3 nraaw ana in: it -^n^Ta^a N-ixn aï: mNi npia

■'Hin myNp "ini nam nn "^-iNaa m^n non -^TaNTon nnén nèna

Q-^-nDa m:yrnb nr;n3 m3-:: nysr, ras-i m::? n;pn a-'a-'-iii:

* Le sujet de anw est BNT 3N dans l'hémistiche suivant.

* C'est-à-dire pas plus qu'en qualité de parents.

* C'esx-à-dire le graud-prêtre.

* A, tT«0.

112 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

m"'i 11 '^CNT riTi-i nn-r-'Dn •«-l'^a nnn n\S3 r^tMTiT ';-'-rt

"'-i'^: no"i T^N3 t»^7o-i5 ■'DX] "inôna nan tx noD^xn msty

190 r».

û->-imb nyinn msœb l'N^an 'j-'N miT^b bm^T msnb r;3D2 ï-TïNnn-! -n'y ■'n bnv -in73t:î h^nd C2N3 -iDwb "jt nson

'nsNna -^3 nNTN2 "jt ny-nn inna T^-'jn niibn inxn;

D"'-ian7ûn d-'jip a-'C-ir: rria a^oni"' imbi û-''^73n onpb mm r:i:»n nx-)-'» y-i'^u omon s«<-ni< in- rj yj<â nN:;:^ Ton t^nniTT -^pNa in-^id p-i-ià 'ï:-iv ni): nain lî^noN -lax Q-'-iaNn ï»<j:t' m^sxn inyb m7:nn Ta n^i mrnN n-^ujrîb InIjîjtit noT ^Ni i-iMm 'jî^"'"'^ ^'^^ 3nNi:3 ni nh i^izf iNim du:i n^-^rr p-i-<3 Tni n::i-i nor> -"i; m33 nTon^a t=i"'-i"n3 r-i-'W'Mn n-nn- pj ri.xw:^ n-nwn '::-ip^ miND v^^^'n r-ior22:rN 3>-i\d ■^":jbN p yxD r-ioî-'T "^m tn ■'72-n nxij

r^Orp"' "■' 532 ■'SmTDN 0153 "nN 'O-S -15 0^53 Û''-'Nn3

onTiToa inbi rm^jn n-^anb misb ^n^^a nmt::! n-ria r^n "jN -iD TN3 nN^5 ne "jiiÈ t«»î-ini: :?-ni5T t«-îr53N:D yt^

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F" 190 V".

^■^^72 "'73 mp\rr:b û\N::n mmnrrb Q-^î^Toa mbuîbi ^ n-^Nn» -lujyb ^NDND nonsn no "N3 -iSuîbT '^nd •^7:'>iNrî3 rr^TiTa ']■' m

'^ND N3 ï>j-i "ibn 2N n3N5:n3 iND r<:3D 1-1» ■'^■n iSNDn

£L-^-in23 -^-iD?: i-iTya •'snNi n-iT3 nb5->T n-i^u: bij-" 13N733 N3 -13 D"'53 nu: HUîNin iston r<-i Ta"'-»i72 "«Dii: -U5 rii:

n3N53 f^^T 77353 ns pD nN3 ^-nN"' ûb^^ nT '73NmM13) ^•^-1X^53 b3Nbl Û'^N''373 -|"'"'N3 D''N73::b HDSH D"'NC:i3 r\D'D'2

n'-iN p-ip noD rt:i:73n t»*ir; 053 n3-iN ïin33 r>n t*-tn 3N30n

n3-iNn5 ^pN3 r!3i pnp 13-13 m nm-iNÎ: ^■^-'n hhjj m

û-i-inb nbnri m-ni:3 ■i3T'3 mni:3 m33'nr;b m-i::ii:n yipnbi

■'■T'5 nn-l ■'3NT5' T>aN3 -15N ';-'T^D3 ^"13 -^37 "'3N3 nriS

■'-i''733 np-i "'3 ■'ni rîbn -isx npipn tn m-noo HJ2 »noi3

tiii-nn33 r;-n3y -n33n mnsbi nwT^b impwm -i\apb nibin; TU-iNi n53 nD35NT i2:np733 ^^nzo n^i:^^ TN n-iD n-nn3

A, n3NDD.

Sic ; il faudrait plutôt ^U'^l-il.

Sic. Peut-être pour D"^Nbt3; la version persane ne parle que d'animaux purs.

A/.IIAI{(»T K.\ .lUDKo-FEUSA.N t13

'01N3 »-^D;\N V\t^ PTûlS 1D1D p'-O NT T\S3 NT TNT bw^llN

a^-inb 3bnn Tcrb a-'^ib ■'.onb nr73n nu;:'?^ nnbi p NTD D'::^^^ \\-i3 îwX "jn^ T^; p ni:. rbN72 ts i"^ nm N-^^n p Nnj< wX-innpn rrti p nrba "r^, mn ^^ ^n n;3;;NT t]^"<ib

£=:"i"ir!T: n7j n::^ --es rv-bn mncûb nnTîi nisr: pdt:;

-i\rc3 iTN pu: nrr.ND T'-'xn "^-lo in5 pr^XTio

nw; "c-'D nm?: 'ma T'bD n-iNbD v^"* t>::n3 pbD nnar û-^-innî i^T?:»-! nr;7ûn n"'03D -i^!73b mbn: ';■'-! "inub nxan "^tt iwc bN7: ^,rbn3 ro^: n:* icd n\\2 ^dnd 3n iNI f«J-oi<-"3

T'N DND i"' nn:: T'72n 'o-' nn -i" nna niD 'mn m

D^-iDD3 rjOiT^a oi'p non ■>7û-' o^nn m-' û:i") aip nna m-'n •^;n7:DwX riNTû wnîTi t«>î3 i:nt y^n na i-^Nn nnci

■'iND ^0172 m niD 3:<î<T inn t::n3 ynS -t'-j-d ûn-'n

nm23 ûi"! û:t *mripn ^017:2 my^pn 5>»"cbi mriTcb E]D173 'jNri"'73 ir K-i mbsn ^or:; 150 It^i -^^r-Ni T\Zl^'ïn m3>i3u;3

■jND ûN7:n t«<n 5:10153 v: -112^2 3;;ni r\o^.J2 non r-;30 "«dn-i

' D^nr in -ibb tij» ma -isnb sioisn ■'S-'T^o qoiT: D5 nson ■^îNnn Nn noa-'ri: dnu:n -^vn -^^vo r^oi» non^Nn ;noion

-i^NaT TN ^<r^-!r!u: nn ■'iba ;in i-id-'73 rnnr: nmD -ra ni û-'-ny»:: ■^T'wbn m^b^bi T73bbT mb:\bi nn-'b mbsnb ni:i"i iNiis 'CNST iN-in pn -^Nn "^^ in*ti73 nj73n n:bN bxup tt*. iNTbj f^ninnN":: dS73rN in^i i- P^ î*-ïins -i^itt n73N"^3

û-'-iyiDb ninT73 nbibo >»!Pspnp nbsn T^b nan nbTjn N-ip i'wo n^: rbT ^''^ r^s non l'^b-'Dn n^n v^n P^î ■'jNon mii5?3 yaxa rfi —iKnp Nn nsmn r>:-i nnTW int •^73 3^735 -10 nno v'-"'-î^

ûin:;n -inob '7^73no pb^n 'Ti73n3 "^nnb T'73u:nb ^■'73:' -IN35 -inn 13 ^nna in^ "^ino ni '-iNn573 m ■'O-' ^-^bs •jx-sip

-iNT ■'73 non t»-n lNobb73T n-'-iJ T'Tsn bNn73 6>t73 'mso non ^n-innnb mpan n-noN '-nn m-T'nn n-iiît )vby bxb NT^n ûbiyb n\:;"'73n ■'iby p\N:: tn o-inn nuî-'s m pi73 pn om abN^a r:tt:*^i3N pi 3-13 nbiii p3 no73N-in "ininî pno npNb"i ''û"«mp T^mbsn tsT^o mr n3>b ûrn bbonnb tDT^Nb ynTun? lîo ■'73n IN TN733 nni: nn ';n't'73 no-^o ûon3 -73:^10

INO -13 nn bTi iNsa ^^•^ 'OTN733 "^nNSi: ini:73n ûnw3i i-^^^z::

* Le ms. A s'arrête ici.

* C'esl-à-dire les tekiot sont exécutées pendant le mousaf. ' Ignorant.

* Les -cens instruits. » Pour n-'NTip.

T. XLllI, 85. ^

Il'i REVUE DES ÉTUDES JUIVES

a^-nr:::3 imc ^lyn ai?: byn '—iira P"ip"i "'"''^ ^<■'3r^b

i-iN-:'»:: 13"ip ann p"»"i nn i-iN"'3 -«ms ir hd ^-^p^ nna

"IN "^NDT "^"iD NI T">ï<33 ïnb^ '•■in m "j.n; a"'3' T3 ^nOiH

tD-i-iitT -1"^:' riiTi) m"'pn3 a^'l^' ni-'nnb cipr: -Tin:: :3n"05T

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T^iîwND "^«5 ^-^\r73^ nn"J itn-io^ -iwX-'on in p oncn ^^-| iNnNi:i

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-IN35 nWN iii.i2r, i-\p p t»<n-i n-'"-'?: y^-:: a-r^rm Tip n-^nn f-i33>n c-'T3T ■^•«::Dn p"^:rnb ■'":;;n bx nj:i:ii ?,v:j;:; a-:;î< \:;5; birn» n-'T "'::-*3 xn np-:: bi:n73 r3 no-i?:» r^"! p"i53

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ta"^-,DO 3Pabi Pircb 31m mirb Y^'-^i *s~n:T>:372 :?n73a

&bo73 "^0X3 nN-w-iwXD ■'-,N?23 aby^ -irx ■'i;o3 y-iD tis

abx:' n'iiT^n -i:i-'ni iTi<3 •^o-' nx-nn in in -13 no35N"i in'^^i^

a'-isij* ^t^rc:2 n7on-ip -i»::t n»i-in c"'-iDnb n;3n3 m3n7a

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p ^<•^N in i3N-i3 î^-, n-i73-::73 n'«03 n— ; biN ai::-: ■^-13 ni

'a"'-i3jb i3on3 ^'n-iîb awiTb i'"i3pb anri yi73">nb r^-^n^b n'::^Di3 a-i-i723 ubpTa ny n'>::"'ttn i:\::3 noi*-! -i372J-'^3

nc-'nrN n-;r pi -jiND -in3T nmpy nsi î-<-in-!j nî<i5

ani'n -nnTobi mnsb nm7:3 mb-ji^b aiboi m-^T^b prn nN-i n3: nom noib T-^Nbo -iN-no no ni p no?: pD n&n no anj* n;m ii<:i nW'D3 t-^nc:» n-i ni in -iMipN i^d ni: d"^nmp ar3 13 n-'bn 3"'-«n ^in n"'30 -m bD3 h-^Tj]) nxn no-^

nca ■'DD l'ii n: 'm-n :'t>::3 rain 'n:nT ■'T'-id -iNn pd-»

noici pncNi: p n3p ti-i i^-n iNn 'n3ii: •)« 3;nt i-o ■'OD

o-'-nTim a-^DiD nn-ion a-'pnb rmjn 3-^::nb nnsN 3-'u:nb :ttn irc "i"^: nbiïD p ']■'; bwST: 3nLXi:3 n-'ns nn;r:i as

' Selon le persan, « pour les éloignés, le l'ruit sec esl aussi bon ».

^ Pour D"^jT^73 de ceux qui enseignent ».

* Sic. Il vaudrait mieux a'^"inNbi d'après la traduction persane, il faudrait

û-^n^asb.

AZIIAROT RN JlDKO-l'EHSAN 115

^N-' 1"':j3 1N3DN TNT ÛT Nl-lNiT 13ND3 Ils: "inON I^S^S "13

û-^-im mb->byi mncb nain^ nn73b npy?: n'b;^b ûxm

n:ND3 m-i po 3-:? rcï<-::i n-iT ik ron nsiro -tînd "jt ii D"'n2in:i nn-'T ib aip^o "j-ipr-b ib nnb noi:i< ibpob 3^n73

a;3 TN -,n3 bwS73 l-I CN3-I3 T:33 330 TwN 'C^^JJ ^'033 3:.Nn nTi

53-1 Ti< nS-^-i -^rTST "7-73 Twx n;D ri^-^D -m -^ns nncwS-ix -îds

û''-i-'3"ûT rn-oz -!nn3 b-'s^nb ms nx n-'pb -nos -«i^ n'^3-i ;D'<'7r3 pn TN -n: in n36<n p3 uî-'Iîn -13 ^n:; tx inpds 3b:3

;::"'n3"'"'73 -n*7T73 ^Db^-r::'^ -i;n nn 'rtiNo -n 13^3 1w^*^2t-id ni: û''-n3\r- 12133' infS73 T^mnb mcN û^ nw::"'! in''3?2 nnbiuJT nno\S3 iwS bN3 "[^31 -iwso ^^ro inonÉ 'ji-,^3 cn nri^b ti3 -13 ni nrD-;S 3p:^ lNDbè73 tn ino 3nNj:3 -lîîînn:; tn3 1^3^:1

nn?:n û"'w\b 1731733 in nrnb 17311173 r;n3'::n i73i"'3 t^do -i3U5 •INI nb-i3 '-n'OD n-'-i ob3733 int TIN3 Tin in -inT73 im itn p-';"C3 iNbnN^ -i:73r;03 tint ns ■'3"'3' iNi r^n n3 its ûnoT:; b-iirnb n^inb nnbirj r::^:]) dn ybnb ni:-: ax D3ib nD;'^:i: )''i nii-^bn 17:î< j:n rti: no;"'"t ""in Di3"' no-^îN-i i^n

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11153 t<î1 "133 1X3 IX 113 ni: 1"'13 niT 13 C13 nD35X1 n313

111733 1533 l^ lwNii3 l"»-^ n3 n3i3 11X1 an n33C 5Xii:

a^iiD b':: nb:.73 bb73 n3i3n 13 bbnn >-:ipbi bS^So 31113'm 13x3 bbn rc35xi t^nn" ni i3Xin bi:3bu txi 3iiiy p3

13x3 a^llD 113 S^l nbi573 35X1 T13 1X5X12: liy 113

aimb 11-3T t<bx 1*1313 c*>ib a">:;b irn73C3 aii">3i "'ni73b ini3i73

IXia BX mi3 lX73ipn0731 130 1X1 iî< aiXII 31T an3173X3

110

REVUE DES ÉTUDES JUIVES

G"'^n5 nNcbn nim sn û-»3:3 û-'Tis tntwS* r^m n-inNi-i

CTiD "TN"" r;i:-.r;i in5t rrin naîW ^^d a-'iN-'n r!n;73 p"ip

n^mn^T D"':pT nbi^n D-^nTsw rrbiso nr ynpb nb-\n> iDb n"72

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^«t^Nrî r^a -73x53 rsD Dsnr:

INSCRIPTIONS IIÉIÎUAKJUES EN BIîETAIJNE

Deux inscriptions hébraïques, l'une du xvi^ siècle, l'autre du xvii% tout récemment découvertes dans le département du Fi- nistère, méritent d'être publiées pour l'intérêt qu'elles présentent sous plus d'un rapport. D'une façon générale, elles servent à constater la présence, au moins momentanée, de certains Juifs dans cette partie de la Bretagne à une époque depuis trois ou quatre siècles ils n'étaient plus admis.

I

A Quimperlé, sur une pierre en albâtre ayant 62 centimètres de hauteur sur 40 centimètres de largeur et 0,8 centimètres d'épais- seur, se trouve une inscription hébraïque, composée des douze lignes suivantes :

[r;[73Vab ION n7:[bc:] nx

nbi'Tû l'a'::

-1737! 3X îi"'

n-py^ nifi on-'b i-rî

r-7725':: -i72î< iiD^ab

M. Mayer Lambert a bien voulu nous donner cette traduction du texte, accompagnée de notes.

1. Ealonnez, chanteurs, avec une voix de douleur,

2. Le Gaolique des Cauliques qui appartieat à Salomou.

118 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

3. Qu'une pierre soit placée sur lui en monument

4. Pour subsister, avec Salomon,

5. Afin que voie tout passant, de tout côté,

6. Que l'homme soit déploré au milieu de son peuple,

7. Dont est monté le nom en haut,

8. Elevé et sublime, le sieur Salomon,

9. Fils de R. Jacob Semahes.

40. Tel est son souvenir généalogique au milieu de son peuple,

11. Année 5334, le 11 Ab' (?)

12. A dit à Salomon de reposer.

Le haut de la pierre est disposé en fronton triangulaire, dont 1h sommet est occupé par une rosace, laquelle coupe en deux par- ties la formule d'eulogie, qui d'ordinaire constitue la fin de l'épi- taphe : c'est l'abrégé 'n'a'::'3'n « que son âme soit enveloppée dans l'enveloppe de la vie » ! Nous n'avons jamais rencontré cette for- mule d'épitaphe ainsi placée en tête.

A la suite vient l'inscription, qui se compose de six distiques, di- visés en quatre hémistiches. Les trois premiers hémistiches riment dans les distiques un à quatre. Dans les deux derniers di.-- tiques, le premier hémistiche ne rime pas avec les deux suivants. Le dernier mot des distiques est toujours riTobïJ (1, 2, 4, 6), ou iw:? (3, 5).

Ligne 1. Le yod de û'^"iU5 est cassé. Le mot û'^'i-^iï a été abrégé; mais la dernière lettre qui manque, faute de place, peut aisément être devinée par le contexte et par la rime.

Ligne 2. La dernière lettre, qui manque aussi faute de place, ne souffre pas de doute : c'est un in, aisé à rétablir, comme ci- dessus ligne 1.

Ligne 3. Le premier hémistiche n'étant pas assez long, on a mis quatre points ;; , pour remplir le blanc.

Ligne 4. Du dernier mot deux lettres ont disparu ; ce sont évidemment les lettres b;i5. On voit encore une trace du ; la der- nière lettre, un peu mutilée à gauche, est un r:, non un -i, qui se- rait beaucoup plus arrondi. Le petit jambage du T\, qui est tombé, manque de même au second M du mot r5n3-« de la ligne 6.

Ligne 9. Le nom caxri:, qui rime avec sn^b de l'hémistiche suivant, a la désinence es, fréquente en espagnol et en portugais (nous dit M. Drouin) pour désigner la descendance, « fils de »), comme les finales ski en polonais, wicz ou offen russe, djian en arménien. L'ancêtre du défunt se nommait donc Cémah.

Ligne 11. On ne peut guère traduire autrement mot ^»n,

» Soit le 29 juillet 1574.

INSCRIPTIONS HÉBRAIQIIKS KN BHIiTAGNE 119

que par « le Seigneur », car il faut un sujet au verbe n)3ï< de la dernière ligne, au lieu d'en faire un adjectif, « amer », quali- fiant avec à propos le nom de mois Ab, qui précède immédia- tement.

Ligne 12. L'expression complète est une allusion à I Rois, VIII, 12, Salomon dit : « Dieu a parlé de résider ». Ici, c'est Dieu qui dit à notre Salomon de résider, autrement dit : de repo- ser dans le Paradis. Il faut sans doute lire niDbu: bx. Une bri- sure aura fait disparaître le b, qui était peut-être lié à l'N, soit en une lettre : ^.

Heureusement les lacunes sont peu importantes. M. Gougoulat, tapissier à Quimperlé, propriétaire de la pierre, l'a trouvée pla- cée sous son escalier depuis de longues années. La maison qu'il possède par héritage avait appartenu, avant l'acquisition qu'en a faite son père, à un menuisier entrepreneur, lequel a apporter la pierre chez lui, probablement, à la suite d'une démolition de l'immeuble.

L'inscription est en relief, et les lettres sont si saillantes, qu'elles semblent n'avoir jamais été exposées aux intempéries de l'air. La pierre a rester des siècles dans une chapelle ou dans un caveau, car, si elle s'était trouvée dans un cimetière depuis de si longues années, l'inscription serait effacée.

Il n'est pas probable que, parmi le petit nombre de coreligion- naires du défunt qui l'auront enterré là, il se soit trouvé un écrivain capable de composer cette épitaphe rimée, ni un lapicide assez habile pour l'exécuter en relief sur albâtre. On a sans doute fait venir de la Hollande soit des artistes, soit la pierre toute prête, aussi bien que, de nos jours, dans des circonstances solennelles, les Juifs d'Espagne s'adressent à leurs frères de Bayonne, pour graver les inscriptions funéraires en hébreu que l'on peut voir au cimetière de Madrid.

Il

La seconde inscription est bilingue, semi-hébraïque et semi-por- tugaise. Quoique de cent vingt ans plus jeune que la première, elle est beaucoup moins bien conservée. Elle se trouve à Lander- neau, au milieu de la chapelle de l'hospice des vieillards tenu par les sœurs de Saint-Joseph, gravée sur une dalle en granit qui est scellée horizontalement dans le parquet, à l'entrée du chœur. Malheureusement, juste au-dessus de cette dalle, qui a une lon- gueur de quatre-vingt-onze centimètres sur une largeur d quatre-

[10 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

vingt-six centimètres, s'ouvre une grille qui sert de s(^paration entre l'autel et le reste de la chapelle : la porte de cette grille touche presque le sol et frotte la pierre à chacun ds ses mouvements, au grand détriment de l'épitaphe. Un visiteur de la chapelle avait essayé de copier l'épitaphe ; mais pas un mot de sa transcription de l'hébreu n'offrait de sens. M. Léon Brunschwicg, qui le premier en a reçu communication, a bien voulu me la signaler. Une tenta- tive faite ensuite par un photographe n'a pas réussi. En vain, à la suite de l'intervention de M. le capitaine du génie Raymond Weill auprès du maire de la localité, M. le docteur Kermarec, celui-ci a fait faire par l'architecte municipal un calque de l'inscription ; ce calque montre seulement combien les lacunes sont nombreuses. C'est que la pierre a été endommagée encore d'une autre façon, comme l'ont signalé les sœurs de l'hospice : au bas de la partie hébraïque de l'inscription, des lettres ont disparu à la suite d'un grattage opéré pour enlever une tache produite par des gouttes d'huile. Cependant, nous étant rendu à Landerneau, nous avons pu, en comparant les vestiges de ces lettres avec la partie portu- gaise bien conservée, reconstituer les lacunes du texte. Le voici en entier :

'3':3'i ûbij' 'nb -m- nrj 3N cnnb n3[s:n]

S Do Malogrado de Ishack Machoro de Liaô que mata raô os francezes cm defença da Ilha em 6 de AB ' A. o45i. Que Deos a^a recolhido sua aima com piadade '.

C'est un exemple unique en France, du moins à notre con- naissance, d'une épitaphe semi-hébraïque, semi-portugaise'*, et il faut aller en Hollande, à. Oudekerke, pour trouver trente pierres

1 C'est le mot niiap, '

* Soit le 27 juillet 1694.

* Sic, avec a, au lieu du moderne « piedade ».

* Excepiion faite d'une inscription espagnole sur une tombe juive du cimetière de Bayonne (Henry Léon, Hist. des Juifs de, Bayonne, p. 215), et de deux inscriptions portugaises du même lieu, découvertes par M. Julien Vinson.

INSCKIPTIOiNS lli;iiUAlun:S KN bUETAGNli 121

similaires; voir Henriquez de Castro, Keiœ van grafsteenen op (h- nederl. portug. israeliet. Berjraafplaats te Onderker/i, Ams- terdam, 1880, fol.). Cette publication peut aider à lire les mots qui, dans la présente épitaphe, sont imparfaits ou presque effacés.

Ainsi, à la fin de la 3^ ligne, il n'y a que des vestiges des trois li.'ltres iDTûT ; en les comparant avec le 17 de cet ouvrage nous avons reconnu les initiales des mots : ninD inm:w nnim, « son lepos. ou la paix dont il jouira, sera glorieux »; la présence de deux eulogies *, qui se suivent, se remarque dans ce même n" 17, (le date postérieure ^.

L'inscription en portugais n'est pas une version littérale de la partie hébraïque; mais elle précise ce que la première partie nonce en termes trop vagues. La lettre S (initiale du mot Sepid- Inra), mise en tête de l'inscription, pendant du premier mot hébreu pn:s:tt (stèle), est assez fruste ; aussi ni la première copie faite à main levée, ni le calque exécuté par l'architecte de la municipa- lité ne contiennent cette lettre, ce qui a rendu le premier mot do (de) incompréhensible.

Ligne 1. L'orthographe du prénom Ishack se retrouve litté- ralement dans les inscriptions d'Henriquez de Castro, au 19.

Ligne 2. La transcription liaô, avec la prononciation nasale de la voyelle finale (= on), donne avec précision la lecture du mot hébreu injî-'b, dernier mot de la première ligne hébraïque, que Ton serait tenté de prononcer Léon. Ce nom géographique, qui rappelle une province d'Espagne, indique dans l'espèce un terri- toire français, la partie sud-ouest du département du Finistère, ou l'arrondissement de Brest, englobant Landerneau. C'était, avant 1790, l'évôché de Léon. Or, ce nom local, ajouté à celui d'Ishack Machoro, selon la prédilection des Ibériens pour la par- ticule nobiliaire, a probablement été conservé par la famille du défunt, laquelle a sans doute érigé la stèle à son parent victime de la guerre. Ce qui le fait supposer, c'est que moins de dix-huit ans plus tard, on retrouve ce nom dans un document de procé- dure. En effet, le 27 février 1712, un arrêt de défaut est rendu à la requête du procureur du roi par le siège présidial de Nantes contre les « Juifs Anthoinne Rodrigue, sa femme, leur fils David Rodrigue et Du Lion », sans que rien indique pour quels motifs ils étaient alors recherchés'*.

' Isaïe, XI, 10.

' La seconde est la formule habiluelle nn^wjri ; les deux dernières lettres con- servées t'ont deviner les trois premières.

^ La première eulor^ie y est en toutes lettres.

* Archives du f:;reife du palais de justice de Nantes : « plumitif du greffier criminel, commencé !e 30 novembre 17U1 », cité par M. Brunsuhwicg, Bévue, t. XXXIII, p. 92

122 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

Ligne 3. Tandis que, dans le texte hébreu, l'expression « qui a été tué dans la guerre des Français » est vague, les termes por- tugais « que matarao os francezes » disent nettement qui a tué ce jeune homme. Par nous savons à quel camp il appartenait. On sait qu'en 1694 la flotte anglo-batave attaqua deux ou trois fois les côtes de France. Après que Château-Regnaul eut quitté Brest et la rade voisine de Bertheaume, à l'extrémité occidentale de la côte de France, avec trente-cinq vaisseaux faisant route vers le Sud, Malborough amena des troupes considérables pour attaquer le port de Brest; mais ce fut sans succès, car Vauban, quoique venu à la hâte, était arrivé assez à temps pour défendre formida- blement cette position ', déjà naturellement formidable. Il se peut que notre Ishack Machoro ait été appelé comme pilote sur l'un des navires lancés à l'effet de forcer le goulet situé à l'entrée du port de Brest : la flotte fut écrasée le jour de la bataille de Ca- maret', le 18 juin 1694.

Ligne 4. Le mot ILha était assez embarrassant. Sous ce nom les dictionnaires géographiques ne désignent que deux endroits du Brésil. De quelle île donc, du voisinage de Landerneau, peut-il bien s'agir? Est-ce l'île « ronde » ou l'île « longue », sises toutes deux devant l'entrée de Brest? L'une et l'autre étaient défendues par les Français, lorsque le jeune Portugais a tenté, avec plus de témérité que de succès, de contribuer à leur conquête. Puisque l'Ile appelée « longue » est en fait une presqu'île, on a pu appeler aussi inexactement « île » la presqu'île de Camaret, le com- mandant de la flotte anglo-batave a vu succomber presque toutes ses troupes. C'est qu'après la bataille se trouvèrent des blessés en masse; de notre Ishack, mortellement blessé, fut transporté à l'intérieur des terres, dans un lazaret, il succomba cinq se- maines après.

Ligne 5. Le mot asa, dont 1'^ est agrémenté d'un tilde et d'une cédille, est une vieille forme portugaise pour aia = haja (le français ail), comme a bien voulu nous l'expliquer M. Leite de Vasconcellos. L'ensemble de l'eulogie correspond tout à fait à la formule finale de l'hébreu.

Moïse Schv^tab.

> Voir, entre autres, Heuri Martin, Histoire de France (éd. de 1830), t. XVI, p. 257-8.

^ George Toudouze raconte cette journée dans la Revue d'histoire ancienne et con- temporaine, 1899, I, pp. 259-270.

NOTES SUR L'HISTOllil' DES JLIFS EN ESl'VdNE

I. La Persécution des Juifs a Gordoue en 1391,

La grande persëcution des Juifs, qui, suscitée par les prédica- tions de l'archidiacre Ferrand Martinez, se répandit en 1391 par toute l'Espagne, partit de Séville. Les massacres, qui ruinèrent le 6 juin la florissante communauté de Séville, gagnèrent Gor- doue, où regorgement se pratiqua huit ou neuf jours plus tard*.

Gordoue, avec son commerce étendu, son industrie brillante, ses vingt-huit faubourgs et ses magnifiques palais, surnommée la parure du monde, avait, à l'instar de Tolède, Saragosse, Barce- lone et autres cités espagnoles, une ancienne grande « jude- ria », dont il est impossible de déterminer exactement l'étendue. La porte d'Almodavar, appelée au temps des Maures « Bab Ye- houd >y (porte des Juifs), conduisait dans l'ancienne « Galle de los Judios j> (rue des Juifs), qui aujourd'hui porte le nom de « Galle de Maïmonides » (rue Maïraonide). Elle formait le centre de la ju- deria, laquelle comprenait encore les « Galles de los Manriques » et « de los Deanes » près de la vieille cathédrale, ainsi que d'autres rues. Dans la « rue des Juifs » se trouvait la synagogue, terminée en 1315, qui, grâce aux efforts du R. P. Fidel Fita, a été retrouvée il y a environ vingt ans. Il va sans dire que ce n'était pas la seule synagogue qui existât dans la grande et riche communauté de Gordoue, et il est inutile de s'appuyer, pour le démontrer, sur la dénomination de Miqdasch méat (petit sanctuaire) sous laquelle la synagogue en question est désignée dans l'inscription : chaque synagogue est appelée Miqdasch méat. Gomme tous les quartiers juifs, celui de Gordoue était entouré de murs et surveillé par des

* Sur les massacres à Gordoue nous ne possédons pas de date. Le roi en fut in- formé a Ségovic, il arriva le 17 juin 1391. Comme la persécution de Séville eut lieu, d'après Zuniga, Anales de S'-vtUa, II, 237, le mardi 6 juin et que de elle se propagea sur Gordoue (voir la note suivante), il faut la fixer avant le 17, donc au 14 ou au 15.

124 REVUE DES ETUDES JUIVES

archers. Il y avait aussi un castel, qui probablement datait de l'ëpoque mauresque.

Sous prétexte de convertir les Juifs au christianisme, les Cor- (louans et non seulement le peuple, mais aussi des personnes de vieille noblesse et du clergé pénétrèrent dans la juderia et dans le castel, les Juifs s'étaient réfugiés. Leur chef, comme on le suppose non sans fondement, était un homme de si haute condition que les juges n'osèrent pas le punir.

Avec une furie sauvage la populace se rua sur les Juifs. Au bout de quelques heures, boutiques et maisons furent mises à sac et réduites en cendres ; enfants et vieillards furent égorgés sans pitié. Dans les rues et les synagogues les cadavres gisaient par monceaux. Près de deux mille Juifs périrent, beaucoup d'autres se firent baptiser'.

Le roi D. Enrique, qui regardait l'opulente juderia comme sa propriété et qui ne l'appelait pas autrement que « ma juderia », n'en apprit pas la destruction sans douleur. Les contributions s'en trouvaient fortement réduites. Le roi sévit donc contre la ville avec la dernière rigueur, ainsi qu'il ressort des documents pu- bliés récemment par D. Rafaël Ramirez de Arellano et empruntés aux archives municipales de Gordoue *.

Le roi ouvrit une enquête sévère et châtia gravement les fau- teurs; beaucoup furent, sinon suppliciés, du moins envoyés en exil. En raison du pillage des Juifs et de la destruction du quar- tier juif et du castel, les émeutiers durent acquitter une somme de 40,000 doublons d'or, somme énorme pour l'époque. Cet argent n'était pas destiné à dédommager les Juifs que le pillage avait plongés dans l'extrême misère, mais à être versé dans la cassette royale. La somme imposée paraît avoir été primitivement plus considérable et avoir été, lors du séjour du roi à Gordoue, en dé- cembre 1395, réduite à 40,000 doublons d'or, à la suite d'une en- tente avec la ville ^

La municipalité usa de tous les moyens pour esquiver les obliga- tions qui lui étaient imposées. Ginq années après l'événement, elle représente au roi qu'au tumulte avaient pris part des personnes

* Le contemporain Don Hasdai Crescas parle de la persécution de Gordoue dans sa missive (imprimée par Wiener dans le Schévet Jehouda, p. 129; voir aussi Jlonatss., XVI, 317) : "T-lN ('dD) PN bSNm ÏJN NX"" (-N^5-'3073) Û">:;73

•nn-inb Tîm

^ Boletin de la r. Academia de Historia, XXXVIII, 303 et suiv.

' . . . cuando yo estube en la dicha ciudad, en nombre del consejo délia, sobre ra- zon de la convenencia que commigo ubisteis sobre razon del robo de la juderia de la dicha ciudad, Boletin, 303.

NOTRS SIK L'IllSTOlItK DES JUIFS EN ESPAGNK 12!J

de haute noblesse et des dignitaires, qui, grâce à leur position et à leurs parentes, ne pouvaient être contraintes au paiement. Le roi devait donc envoyer à Gordoue un « juge forain » (juez de Tuera) avec pleins pouvoirs rojaux, qui, avec l'aide des fonctionnaires municipaux, recouvrerait les amendes. Effectivement, le roi confia à l'ancien juge d'instruction D. Pedro Martinez cette dif- ficile mission. Mais, malgré ses efforts, 10,000 doublons seulement rentrèrent. Cependant, le reste de la somme s'accroissait par suite des frais d'entretien du commissaire royal et d'autres dé[)enses. Afin de déterminer le roi à renoncer au reste, ia municipalité ré- solut d'envoyer une personne de confiance au régent, qui le prie- rait instamment de s'en tenir là, eu égard aux dépenses causées par le séjour du roi à Gordoue et par l'entretien du commissaire et de son secrétaire. Le 25 avril 1398, le roi repoussa la demande et déclara qu'il ne consentirait pas à la diminution d'un mara- védi. Quant à dédommager les Juifs dépouillés et les enfants des Juifs massacrés, ni le roi ni la municipalité n'y songèrent un instant.

En 1400, une épidémie éclata à Gordoue, qui, de mars à juin, fit sept mille victimes. Beaucoup de ceux qui avaient pris part à la persécution des Juifs périrent ; beaucoup des condamnés avaient, pour échapper à l'épidémie, pris la fuite. Dès lors, il n'y avait pas lieu de penser à récupérer les 4,500 doublons d'or réclamés par provision. La municipalité tenta une nouvelle démarche auprès du roi pour obtenir qu'il renonçât au reste. Mais le roi tint bon. A la date du 20 mars 1401, il décréta que les biens sai- sis seraient immédiatement mis en vente et que les héritiers des défunts seraient contraints au payement des sommes imposées à leurs parents. Tous ceux qui avaient quitté la ville devaient être forcés à acquitter leur dans leurs résidences provisoires ; s'ils étaient sans ressources, on devait s'emparer de leur per- sonne, les conduire à Gordoue et les garder prisonniers jusqu'à ce qu'ils eussent rempli leurs obligations *.

Plus le roi pressait pour le paiement de l'amende, plus les Gordouans résistaient. Toutes les menaces restèrent sans effet- Sur ce, D. Enrique mourut à la fin de l'année 140G. Les meur- triers des Juifs demeurèrent impunis.

' Boletin, XXXVIII, 309 et suiv.

126 REVUE DES ETUDES JUIVES

II. Les auto-da-fé a Cordoue.

Pendant plusieurs siècles Cordoue vit chaque année se dresser (ieux grands auto-da-fé et presque chaque mois de petits. Dans ces pHtits auto-da-fé ne paraissaient ordinairement que dix à vingt personnes en habits de pénitents. Le nombre des relations im- primées qui racontent ces faits est proportionnellement inflme.

Parmi les nombreux auto-da-fé qui furent célébrés à Cordoue, dans la pleine acception du terme, l'un des plus fameux est celui du 29 juin 1665, Il y parut cinquante-cinq personnes, dont trois étaient condamnées au bûcher; quinze furent brûlées en effigie; vingt et un hommes et femmes furent exposés avec le san-benito. En ce jour, Jorge Mendez de Castro, un Portugais, qui habitait Cordoue, monta sur le bûcher avec sa femme; Domingo Rodriguez de Caceres, qui avait été également condamné à la mort par le feu, fut, par grâce et pitié, étranglé d'abord, puis jeté dans les flammes.

L'auto-da-fé était regardé comme une grande fête, pour laquelle les chevaliers et les représentants des localités voisines recevaient des invitations. Par une députation spéciale les chevaliers et les grands de la ville de Xérès de la Frontera avaient été solennelle- ment invités au grand auto-da-fé de Cordoue; ils acceptèrent l'in- vitation avec joie. On réserva les fenêtres des maisons situées à proximité du tribunal de l'Inquisition et du lieu du supplice aux plus nobles de la ville et à leurs femmes. Le sexe tendre se ré- jouissait au spectacle d'un auto-da-fé comme à celui d'un combat de taureaux.

Lors du grand auto-da-fé du 29 juin 1665, qui dura du matin sept heures à neuf heures du soir, la ville s'était préoccupée de pourvoir à la faim et à la soif des inquisiteurs et dignitaires de l'Eglise, de la cour, des chevaliers et des grands. On comprend à peine aujourd'hui comment ces hommes pouvaient, lors de la pro- clamation de la sentence, avoir l'âme et le cœur assez solidement assis pour absorber une telle quantité de nourriture. On con- somma quatre veaux, huit gros jambons, trente livres de viande de mouton et de truffes, cent quatre-vingt-six poulets, de grands paniers remplis de cerises et de pommes, une masse de biscuits, de confitures, etc., et avec cela du vin et d'autres boissons à profu- sion. En la circonstance, la ville de Cordoue dépensa des sommes considérables. D. Rafaël Ramirez de Arellano a retrouvé dans les

iNUTES SUK L'IIISTOIRK DES JL'IFS EN ESPAGNE 127

archives de la ville de Cordoue le compte détaillé de ces dépenses et il l'a publié; c'est une contribution importante à l'histoire de l'Inquisition ^ L'auto-da-fé du 29 juin 16G5 entraîna des dépenses qui ne s'élevèrent pas à moins de 392,616 maravédis. Si chaque auto-da-fé a coûté aussi cher, on conçoit que la situation financière du pays soit devenue si florissante! Les prisonniers de l'Inquisition n'étaient pas à la charge de l'Etat; ils devaient suffire eux-mêmes à leurs dépenses. Lorsqu'ils ne possédaient rien, ils s'obligeaient à acquitter les frais de leur entretien, dès qu'il leur serait possible de le faire. Beaucoup languissaient pendant des années dans les prisons de l'Inquisition, n'ayant pour se soutenir que le pain et l'eau *.

D. Luis Maria Ramirez de las Casas Deza a réuni les auto-da-fé tenus à Cordoue et il les a publiés à Cordoue en 1639 sous le pseu- donyme de Gaspar Matute y Luquin ^ D. R. Ramirez de Arellano y a ajouté ceux qui avaient échappé à D. Luis Maria*.

Lors de l'auto-da-fé du 6 juillet 1666 parurent vingt-trois ju- daïsants, hommes et femmes. Le 12 avril 1722, d'après la Rela- cion imprimée, Diego de Herrera, âgé de cinquante-cinq ans; Juan Nicolas Lopez de la Pena, âgé de vingt-sept ans; Catalina de Reyna y Médina, âgée de cinquante-huit ans, veuve de Francisco Gabriel de Torres de Bordeaux, et Antonio Gabriel de Torres, son fils, âgé de vingt-quatre ans, furent brîilés vifs pour pratique du judaïsme. Ce dernier, près de la mort, implora la grâce de Dieu et ne permit pas au bourreau de lui lier les jambes. La douleur de ce jeune homme de vingt-quatre ans fut « un sujet de grand plaisir et d'édification », comme il est dit expressément =. Sept autres personnes furent condamnées à la prison perpétuelle; l'une d'elles était Josépha de Torres, parente de celui qui avait été brûlé.

Le 13 juin 1723, cinq personnes : un commerçant âgé de soixante-trois ans, Miguel de Soto y Herrera, de Bordeaux ; les marchands de soieries, Juan Fernandez Dias, de Colmenar près Malaga, et Juan Félix Fernandez de Grenade ; Simon de Molina de Malaga, âgé de soixante-quatre ans, et un jeune cordonnier furent brûlés à Cordoue pour avoir pratiqué le judaïsme. Diego Antonio Muntaiïes, qui était mort à soixante ans dans une prison de l'In- quisition, fut brûlé en effigie ; plusieurs de ses proches, ainsi que

* Bûletin de la r. Academia de Historia, XXXVIII, 171 et suiv.

* Boletin, 205 et suiv.

^ Coleccion de autos générales y particulares de fe, celebrados por el tribunal de la Inqttisicion de Cordoba, Cordoba, Noi^uer y Mante, 14 de Mayo 1639, et non 1636, comme liiidique M. Adier dans Jetoish Quarterly Beoieio^ avril 1901, p. 429.

* Boletirt,p. 164 et suiv.

> Graa consuelo y ediâcacion de todo el pueblo.

128 HEVIE DES ÉTUDES JUIVES

la femme de Juan Fornandez Dias, furent condamnés à la prison perpétuelle.

Dix mois après, le 23 avril 1724, Maria Fernandez, femme de Juan Félix Fernandez ci-dessus nommé, qui mourut « en obser- vant fidèlement la loi mosaïque», fut brûlée en effigie avec son père, Francisco Fernandez, et deux autres personnes, tandis que Bernardo Philipp de Soria de Caceres, Diego Joseph Ramos dit Diego de Acosta, un Portugais, et deux autres marranes étaient brûlés vifs. Seize judaïsants, parmi lesquels les médecins Diego del Aguila et Gabriel de Anabia, ainsi que Margaretha Pimentel de Flandres, âgée de quarante-deux ans, furent condamnés à la prison perpétuelle '.

Ce n'est que vers la fin du xviii^ siècle que se tint à Gordoue le dernier auto-da-fé.

M. Kayserling.

* La Relacion de cet auto-da-fé a été imprimée.

NOTES ET MÉLANGES

DE LA GONSÉGRATIOxN

(LÉVITIQUE, XXVII, 4-24)

Le dernier chapitre du Lévitique contient les règles relatives à la consécration des personnes, des meubles et des immeubles. Ces règles, en elles-mêmes fort simples, présentent cependant des obscurités, parce que le texte n'indique pas nettement ce que deviennent les biens consacrés et pourquoi il est nécessaire d'en estimer la valeur. Nous allons, pour essayer de résoudre ces diffi- cultés, passer en revue les différents cas de consécration figurant dans ce chapitre.

Premier cas : Consécration des personnes (v. 1-8). Le texte détermine la valeur d'une personne d'après son sexe et son âge. Si le donateur est trop pauvre, le prêtre réduit la taxe. Il va de soi que celui qui consacre sa personne n'a qu'à payer au sanctuaire la somme fixée par le texte et que lui-même reste maître de son corps.

Deuxième cas : Consécration d'une bête qu'on peut off"rir sur l'autel (v. 9-10). Une fois son engagement prononcé, le donateur n'a plus le droit de changer la bête pour une autre. Le texte ne dit pas ce qu'on doit faire de la bête. D'après le Mischna [Sche- qalim, iv, 7), quoique d'ordinaire les consécrations non explicites soient destinées à la caisse du temple {Temoura, vu, 2), ici la bête est consacrée pour l'autel. Selon R. Ehézer, on vend la bête pour offrir avec son produit des sacrifices, et la bête elle-même doit être offerte en sacrifice par son acheteur. D'après R. Josué, la bête, si c'est un mâle, est offerte sur l'autel (pour le service du temple). M. Wogue, Pentateuque, a. L, écrit : « L'animal offrable

T. XLIII, N" 83. 8

130 REVUK DES ÉTUDES JUIVES

({u^on aurait vou(^ à la caisse du temple, c'est-à-dire dont on aurait offert le produit à cette caisse, est c chose sainte », en ce sens que, si on le rachète, on n'en a pas la disposition, mais il doit «Hre sacrifié. » Il est curieux que M. Wogue, si fidèle d'ordinaire à la tradition talmudique, ait donné comme explication normale un cas présenté par le Talmud comme illégal (v. Maïmonide, Hilhhot Arahhin, v, 5\ à savoir celui le donateur dit clairement que l'animal est destiné à la caisse du temple. C'est seulement dans ce cas quMl peut y avoir rachat. Quoi qu'il en soit des interprétations talmudiques, le texte ne disant pas que la valeur de la bète doive être estimée et ne parlant pas de rachat, il en résulte que la bête consacrée est purement et simplement remise aux prêtres, qui l'utilisent pour les sacrifices. Telle est aussi l'opinion des exégètes modernes (v. Dillmann, a. L).

Troisième cas : Consécration d'une bête impropre à l'autel (v. 11-13). La bête est présentée au prêtre, qui en estime la valeur. Le propriétaire a le droit de la racheter en ajoutant un cinquième. M. Wogue écrit : « L'animal sera vendu (pour l'usage commun et au profit de la caisse sacrée) au prix fixé par le prêtre ni plus ni moins. » Knobel, suivi par Dillmann, s'exprime ainsi ; « La bête ne devient pas sacrée, mais passe, au moyen de la vente, dans une main étrangère. » On voit ici que l'interprétation tahnudique, qui répond plutôt aux nécessités de la pratique qu'à celles de l'exé- gèse, a pénétré même dans la critique moderne. Le texte lui-même ne parle pas de la vente de l'animal. Si le prêtre doit estimer la valeur de la bête, c'est parce que le propriétaire peut demander à la racheter, et qu'il est bon qu'un accord, fait au moment de la donation, écarte les difficultés pour l'avenir. Mais il nous paraît inadmissible que la taxation faite par le prêtre lie à tout jamais le sanctuaire lui-même. Il est plus naturel de penser que la bête est remise au sanctuaire, qui l'utilise à son gré. Si le propriétaire veut la reprendre au sanctuaire, il doit la racheter en payant un cinquième en sus du prix fixé immédiatement par le prêtre.

Quatrième cas : Consécration d'une maison (v. 14-15). Le prêtre estime la valeur de la maison et, si le pro[)riétaire la rachète, il est tenu de donner un cinquième. Le mot U'rp'^ p du verset 14 a évidemment le même sens que t^-^m p du verset 12. La valeur, une fois fixée, ne pourra être modifiée quand plus tard le i)roprié- taire voudra racheter sa maison. M. Wogue traduit ûnp-^ p : « la maison sera acquise » et ajoute en note : « à toute personne tierce qui voudra l'acheter, le produit étant affecté, selon le vœu du donateur, à la caisse du temple, c'est-à-dire, explique toujours le Talmud, à l'entretien de l'édifice ». L'explication de ûip'' nous

NOTES irr MELANGES 131

parait lausse, et le texte ne parle pas plus de vente ici que plus haut. Dillmann dit aussi que la maison doit être vendue, et commet la même erreur que M. Wogue pour mp"", car il renvoie à xxv, 30, il y a rssnpl? ...ûpn. Le compl(^ment rj^npb donne au verbe dip un sens tout autre que dans notre passage.

Cinquième cas : Consécration d'un champ patrimonial (v. 16-21). La valeur d'un champ est fixée à cinquante sicles pour une super- ficie où l'on sème un homer de blé et pour une période jubilaire complète. Si la période jubilaire est plus ou moins avancée, la valeur du champ en sera d'autant réduite ^ Si le propriétaire rachète le champ, il ajoute un cinquième et le champ lui appar- tient. Mais s'il ne le rachète pas et sHl a vendu le champ à un étranger, il ne sera plus racheté. Au jubilé, le champ sera consa- cré à Dieu, comme une terre interdite, et appartiendra au prêtre. Les mots que nous avons soulignés sont obscurs, car ils semblent se rapporter au donateur ; mais comment le donateur peut-il vendre un champ qui ne lui appartient [jIus? D'après M. Wogue, le champ consacré est vendu par la caisse du temple et appartient à l'acheteur jusqu'au jubilé. Avant cette vente, le donateur a droit de rachat, mais, après, il est déchu de son droit (nsa ûi<T se rap- porte à l'administrateur de la caisse du temple). D'après Dillmann, le propriétaire paye le prix du champ et le garde à la condition de ne pas le vendre à autrui. S'il le rachète, il paye un cinquième en plus. Mais s'il ne le rachète pas et qu'il le vende cependant à un autre, le champ appartient au sanctuaire au moment du jubilé. Cette interprétation est tout à fait forcée. En effet, si le proprié- taire garde le champ, pourquoi ne peut-il pas le vendre ? et s'il ne lui appartient pas, pourquoi le garde-t-il ?

Les commentateurs rabbiniques ne semblent pas être d'accord sur ce que devient le champ. Maïmonide [ib., iv, 20) écrit que, si le donateur rachète le champ avant le jubilé, le champ lui fait retour. Raabad, dans ses liassagot, déclare qu'il ne comprend pas cette expression de Maïmonide, puisque le propriétaire a le champ. L'observation de Raabad prouve que, d'après lui, le pro- priétaire paye le champ et le garde, mais Maïmonide admet, sans aucun doute, que le champ est cédé à l'intendant du temple. Il n'y a, en effet, aucune raison pour que le propriétaire le garde.

Ici, malgré la construction apparente de la phrase du verset 20, nous croyons, avec M. Wogue, que les mots "iDW uni, etc., visent une vente opérée par le sanctuaire. L'emploi du passé -an après

' M. Wogue rapporte le suftixe de ib dans V5 D\2)m à l'acheteur ou au cLamp, ce qui est contraire à toute vraisemblance.

132 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

le futur I3bi<5"' nous paraît être un indice que le sujet du second verbe n'est pas le même que celui du premier ' . Seulement, d'après nous, cette phrase ne vient pas restreindre le droit de rachat du propriétaire pendant )a période jubilaire, mais elle a pour but d'insister sur ce que ce droit de rachat expire totalement avec le jubilé : Quand même le sanctuaire aurait aliéné le champ pendant la période jubilaire et l'aurait vendu à un étranger, le jubilé ne rendra pas au propriétaire primitif son droit de possession, mais fera retourner le champ à l'administration sacerdotale. Donc, à défaut de rachat pendant la période jubilaire a lieu la consé- cration, l'immeuble appartient pour toujours au sanctuaire : il ne sera plus racheté. C'est ce que dit clairement le verset 21 : « Quand le champ sort (des mains de l'acheteurj au jubilé, il sera consacré à Dieu comme un champ interdit et deviendra patrimoine sacer- dotal. » De la sorte, le patrimoine d'un laïque peut être aliéné au profit du sacerdoce. D'après R. Juda, les prêtres, au moment du jubilé, paient la caisse du temple) pour prendre possession du champ. D'après R. Siméon, ils le prennent sans rien payer ; enfin, d'après R. Eliézer, le champ reste sans possesseur particulier jus- qu'à ce qu'il soit racheté {Arakfiin, vu, 4). Il semble que ce der- nier docteur ait voulu empêcher l'aliénation définitive du patri- moine des laïques.

Sixième cas : Consécration d'un champ acquis (22-24). Ce champ n'appartient pas en réalité au détenteur, de sorte que celui-ci ne peut en consacrer que l'usufruit. Il est tenu d'en verser immédia- tement la valeur llxée par le prêtre. Cette indication précise du texte montre bien que, dans le cas précédent, le donateur ne payait rien, mais livrait son champ, et que l'estimation de la valeur en était faite en vue du rachat.

En résumé, le texte biblique ne dit pas que la caisse du sanc- tuaire doive faire vendre les biens consacrés. Mais il a, dans un cas, envisagé cette éventualité pour prévenir une revendication du donateur. Aux temps talmudiques, la vente des biens consacrés était de règle. D'autre part, l'estimation que le prêtre fait des immeubles a surtout pour but de régler le rachat que le proprié- taire peut opérer dans la première période jubilaire.

Mayer Lambert.

Il nous paraît probable que le verbe "iD72 devrait être ici au passif. Nous avons donné dans notre article sur le nifal un grand nombre d'exemples de la substitution de l'aclit' au passif [lievue^ t. XLl, p. 203-4).

NOTES ET MÉLANGES 133

DEUX LETTRES D'EMANUEL PORTO

La correspondance des Buxtorf, conservée à la Bibliothèque de l'Université de Bâle, a souvent dt^jà attiré la curiosité des savants. M. Kayserling en a donné quelques extraits dans cette Revue (XIII, 260), mais personne encore ne s'est donné la peine de la publier en entier ni même de donner une liste exacte des lettres, avec des renseignements sur les correspondants. Je n'ai pas la prétention de m'acquitter de cette tâche à présent; je veux seule- ment donner ici deux lettres d'Emanuel Porto, que M. H. Gunz- burger, de Hegenlieim, a copiées pour moi.

L'existence de ces deux lettres est signalée pour la première fois par Carmoly dans son nîr ■'sm û^n-n3>n, Rôdelheim, 1861, p. 12. Carmoly prétend les avoir vues à Bâle, sans donner d'autre renseignement.

D'après lui, Emanuel Porto s'appelait, en hébreu, R. Mena- hem Zion Raba Port ; mais dans nos lettres il se nomme Me- nahem Zion Port Cohen. Si nous ajoutons encore qu'il fut rabbin à Trieste et à Padoue et qu'il mourut vers le milieu du xvii« siècle, c'est à peu près tout ce que nous savons sur sa vie. Quant aux ouvrages qu'il a composés, Carmoly en cite quatre, savoir :

lo -imDb -imy -lîD, livre de mathématiques, imprimé à Venise en 1627 ;

iiînrDPM "i;ru3 "iîD, Porto astronomico, en italien, imprimé en 2 vol. à Padoue, en 1637;

S'» Brève e facil introduzzione alla Geografia et Trigonoraetria, Padoue, 1640;

Dipluranologia ; explication de Jos., x, 13 et d'Isaïe, xxxviii, 8. M. Steinschneider, dans son article Die Uallenische Litteratur der Jiiden [Monalsschrifi, XLIII, p. 419) donne comme titre hébreu du Porto astronomico û^nrm û^nTosn et comme date de l'impres- sion Tannée 1636.

C'est surtout le quatrième ouvrage qui nous intéresse en ce moment. Emanuel l'avait composé d'abord en langue italienne et l'avait dédié à l'empereur Ferdinand III. Alors il s'adressa à Buxtorf afin de trouver un éditeur ; c'est le but de nos deux lettres. Mais il paraît que Buxtorf ne réussit pas, car Emanuel

134 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

traduisit son ouvrage en hébreu et en envoya le manuscrit à Lorenzo Dalmaki, qui, de son côté, le traduisit en latin et le pu- blia sous le titre : Dipluranologia, qua duo Sacrse Scripturse miracula de egressu solis tempore Ezechiae et immobilitate lumi- narium sub Josue declarantur. Patavii, 1643, in-4'.

Ces deux lettres datées l'une de Padoue, 20 octobre 5402 (1641) et l'autre du 20 février 1642, et signées Menahem Zion Port Cohen, Emanuel Porto chez les chrétiens, n'offrent pas un grand intérêt. L'auteur demande à son correspondant de faire imprimer son opuscule, qui traite du recul de l'ombre sur le cadran solaire d'Ezéchias, et de l'arrêt du soleil et de la lune au temps de Josué. Comme la première lettre est restée sans réponse, Emanuel Porto en envoie une nouvelle. Il demande en même temps s'il pourrait acheter à Bâle un exemplaire du Talmud et à quel prix.

M. GlNSBURGER.

I.

t-iy-i np-» '];r;i .Nrr^mMT.-'b-'n^ ^b ininsn ■'stin ^yiyc ^p^mï: X^n .nrn •^s^ti-» b'c p-nai a-^Kan ';T*::bi min iiu:b .^ampr; i22CJb3 N-i^N"! inbm Nb p br .nw^m mm n-^n nnb '^a- -i'::n nr-inn nx nmN ^f2y tnrcyb ^j-'îd t-iN mibnb .'^-iidd mn -^sob ibN û"^in-nuj2 ï^inb Tw"ND T'-vn "i-o-^ Kirt DNT nrr -iDon by ^bsa )-^y ar^n pmnt ion a:?3 abny m^b ■imN-'XT' pTsb a"^D'^^i7:rr nb bx -imn -^n b^b t-npN T>by liiapi û-in-n m-j^n 'ijyu im-^nb nocnrin i3-io-> NbïJ 1-73NN .msnr nnD t-iN nb'wN idîn .vbN fiiNn» cnN ■'33 -t^n l'^'ày t<^r'^ -d nmîpb bnD3 ■'Nrrni is-'-rinb ysn "':n tcn Tcn bx ^s-'i">rrî D-';N-':3p."'ij*n !-iDEin- ■^-ina ciD-n czi-^nDO fT«:3yT ï-tcTsn n>; "^b inb-^-^ C3-'D'^Di7:r:">:; imN mn bDiN ';y7:b r-!:;bû2 ib inb*::-' bins t'-';3 son; ^hn o^ddi Cs"«D"'Dn73r: -.-'nTnb im7:73i-i rnN?: "vijpnN riwST tri qx .-i3t:- nujn bN 3in3 Tbn ■'-1^03 ^.lya ni:?:-' ^m7273'i-i C2N s=:51 .!— irrùoi r-n3T^5^ by by nmy ":« cini .ipinTo irN":) -i3t r^i:'' r<:b i^^Tcb i-iN-nD lîDpni .t« -nT:n .'^r— *::b ■':n 31:3 ctwNI ."in-i;m:i' norr ■';'"^::3 bs by .iciT^r! pnn ■^:::p C'CN n-m 'ri:-: n^^n piTo ^:N::":r fTo^n bsi .c-ipN"! -i72tn

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iNOTES ET MÉLANGES 13S

II

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Emanuel Porto C^TO^H '['^^1

Î^OTE SUR UNE FAMILLE JUIVE DE NOVELLARA (ITALIE)

La plus jeune sœur d'Olinde Rodrigues, Amélie, belle-mère de M. Alexandre Bertrand, membre de Tlnstitut, et cousine germaine d'Emile et d'Isaac Pereire, est morte à Saint-Germain-en-Laye, en 1900, à l'âge de quatre-vingt-huit ans. Elle avait épousé, vers 1838, M. Abélard-Servandio Lévy, à Paris le 14 novembre 1795, qui fut élève de l'École Normale supérieure, professeur de ma- thématiques spéciales au Lycée Charlemagne, maître de con- férences à l'École Normale; il mourut au Pecq (Seine-et-Oise) en 1841.

Servandio avait fait de brillantes études sous le premier Em- pire: il eut le prix d'honneur de mathématiques et le deuxième prix de physique au Concours général. En 1816, à sa sortie de l'École Normale, il avait été admis en 1813, il fut « chargé d'une mission scientifique » à l'île Bourbon, et embarqué, par

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ordre du ministre de la marine et des colonies, « sur la flûte de S. M., V Eléphant », avec droit de participer à la table de l'état- major (ordre du 28 août 1816, signé Edme Maiiduit, au nom du conseiller d'État chargé de la direction supérieure de l'adminis- tration des colonies). Ce n'était pas une faveur : on envoyait Lévy professer à l'île Bourbon parce qu'on ne voulait pas, sous la Restauration, donner une place dans un lycée ou collège français à un Israélite *.

Le navire qui portait Lévy fut assailli par la tempête au sortir du port de Rochefort, et jeté sur la cote d'Angleterre à Plymoutli. Le jeune savant résolut de se fixer dans ce pays, il fut bientôt accrédité par les recommandations de maîtres illustres, en particulier d'Haùy. Il y passa dix ans, trouvant des ressources dans l'enseignement privé ; puis, marié et père de famille, il accepta une place de lecteur à l'Université de Liège. Deux ans après survint la Révolution de juillet, qui lui rouvrit la porte de l'enseignement dans son pays. Revenu en France, il fut nommé professeur de mathématiques au Lycée Charlemagne. En 1834, il perdit sa femme et se remaria, en 1838, avec la sœur de son camarade de collège, géomètre dis- tingué comme lui, Olinde Rodrigues. Dans le monde savant, Lévy était surtout estimé comme minéralogiste, bien que les publications qu'on lui doit portent également sur les mathéma- tiques supérieures^.

Le savant dont il vient d'être question était fils de Lazare Lévi {sic), qui mourut à Paris, il exerçait le commerce, vers 1824. Lazare Lévi avait épousé une catholique, Marie-Thérèse-Élisabeth Mailfert, née le 2 juillet 1764, à Laon, morte à Paris le 27 mars 1833, au 54 de la rue Gulture-Sainte-Catherine. J'ai sous les yeux l'extrait des registres de baptême de la paroisse de Saint-Pierre- le-Vieil, de la ville de Laon, signé de Deguin, prêtre, et constatant le baptême de la demoiselle Mailfert, fille de Jean-Marie-François, maître entrepreneur de bâtiments, et de Marie-Madeleine Bertou. Il est singulier et non sans intérêt qu'un Juif italien, marchand ambulant, ait pu épouser, vers la fin du xviii* siècle, une catho- lique française et avoir d'elle des enfants qui furent élevés dans le judaïsme.

Sur Lazare Lévi, M"'« veuve Servandio Lévy possédait une pièce

Voir la biographie de Lévy publiée dans les Nouvelles Annales de Mathématiques, juin 1843.

* Description de la collection de M. Turner-Heulard, 3 vol. in-8 avec allas; Dife- rential and intégral calculus ; nombreux articles dans les revues scientifiques d'Edim- bourg, la Correspondance mathématique de Quételet, etc.

NOTES ET MÉLANGES 137

tlont j'ai eu communication par son gendre, M. Al. Bertrand, et d'où résulte ce qui suit :

Léon Lévi dit Lazare naquit vers l'752 à Novellara, ville qui fut réunie au duché de Modène en nST et passa sous la domination de la maison d'Esté. Vers 1768, il quitta Novellara pour exercer le commerce et n'y revint que douze ans après, en nSO, proba- blement sans aucun papier d'identité. Il pria alors deux notables négociants Israélites, appartenant aux premières familles de la communauté de Novellara [mercanti ebrei e délie primarie fa- miglie delV iiniversità di Novellara), Abram Namyas dit Isacco Elia et Abram Segré dit Iseppe Miracolo, de comparaître avec lui comme témoins devant le notaire public de Novellara, Vincenzo Battistini, dans le couvent supprimé des Frères Servîtes, et d'attester sous la foi du serment runo dopo delV altro, secata la penna aW uso ebraico qu'il avait vingt-huit ans à peu près, était originaire de Novellara et n'avait commis, pendant son séjour dans cette ville, aucun acte délictueux. En foi de quoi le notaire lui délivra un acte sur parchemin, revêtu de son sceau aux initiales V. B.

Novellara, d'après l'annuaire israélite italien de 1901, compte actuellement trente Israélites. Les expressions employées dans l'acte semblent prouver que cette communauté était autrefois plus considérable. Quant à la prestation de serment more jiidaico, dont il y est question, j'éprouvais de l'embarras à en rendre compte et me suis adressé, pour obtenir une explication, à M. le Grand- Rabbin de Florence. M. Margoulies m'a répondu qu'il s'agit évi- demment d'un serment par écrit et que l'expression employée « la plume ayant été taillée, à la mode judaïque » fait allusion à l'opé- ration que devait subir une plume d'oie pour devenir propre à tracer des caractères hébraïques carrés. Mon correspondant ajoute : « Aujourd'hui encore, à cet effet, on taille la plume un peu obliquement. »

Le 14 septembre 1780, l'acte délivré par Battistini fut certifié authentique par Blasius Beccaluva [cancellarius coadjulor) et muni d'une empreinte du sceau de la commune, Commvnitas (le nom de la ville est illisible sur l'empreinte).

A la troisième page du même document, A. Rota, prêtre, vicaire général de l'évèque de Reggio, archidiacre de la cathédrale, atteste que Vincent Battistini est bien le notaire public de Novel- lara et mérite toute créance. Cette attestation est datée de Reggio d'Emilia, chef-lieu de la province à laquelle appartenait Novel- lara, le 15 septembre 1780, signée d'A. Rota, suivie du sceau du signataire : Andréas rota vicarius generalis regii et de

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la signature du notaire épiscopal , de la môme écriture que l'attestation.

Au bas de la même page sont trois visas en français, établissant que Lazare Lévi se rendit, en 1*781, de Novellara en France, pour y exercer le négoce de ville en ville :

Vu passer à (mot illisible) et permis cTy vendre pendant deux jours, le i 8 juillet il 81. (Signé) Deroullède com{missai)re de police.

2<* Vu passer à Montereau et permis de vendre pendant trois jours au plus ^ le 22 juillet 1781. (Signé) Fauquet.

Vu passer à Sens, permis de vendre le juillet 1781. (Signé) illisible, maire.

C'est sans doute au cours d'un de ses voyages que Lazare Lévi épousa M"« Mailfert, de Laon; je n'ai pas retrouvé l'acte de ma- riage qui permettrait de préciser la date à laquelle un Juif pouvait, sans se convertir préalablement, épouser une catholique.

Salomon Reinach.

BIBLIOGRAPHIE

Weinstein (N.-J.). Ziir Genesîs dcr Agada. II. Band : Die Alexandrinische Âgada. Francforl, Kauirmann, 1900 ; in-8° de 2"5 p.

Le présent ouvrage s'annonce comme la seconde partie d'une étude portant le titre général : Zur Genesis der Agada « Contribution à l'histoire de la formation et du développement de la littérature tal- mudique ». Sur la première partie, qui doit être publiée ultérieure- ment, nous trouvons, dans la courte préface, celte indication, qu'elle traitera de « l'Agada ancienne se mouvant dans la voie des Sopherim ». La seconde partie a comme titre spécial : Die Alexandri- nische Agada. L'auteur ne veut pas désigner par l'Agada des Juifs alexandrins, mais les éléments alexandrins de l'Agada conservés dans la littérature juive traditionnelle, à savoir le Talmud et le Mi- drasch. Dans son introduction (p. 9-10), l'auteur ne dit presque rien du plan de son ouvrage. De fait, cette seconde partie se divise en quatre études distinctes, qui n'ont entre elles qu'un lien très faible et qui ont pour but de déterminer l'influence des idées alexandriues sur le judaïsme palestinien et babylonien.

La première et la plus courte de ces éludes (p. 11-28) a pour titre : Die Alexa7idrimsche geschichtliche Agada « l'Agada historique alexan- drine ». Mais cette élude n'emprunte ses matériaux qu'à une seule produclion de la littérature judéo-alexandrine, au livre de la Sa- pience de Salomon, qui appartient aux Apocryphes de la Bible grecque; elle montre que dans différents passages de ce livre il y a de V Agada historique, c'est-à-dire des enjolivements et des déve- loppements de l'histoire biblique, qui se retrouvent aussi dans la littérature talmudico-midraschique. Il y a en tout douze passages de la Sapience que l'auteur peut rapprocher de parallèles dans l'Agada palestinienne. Mais ce n'est que pour une partie de ces comparaisons qu'il s'agit d'Agada historique: ii, 23 et suiv. (la ja- lousie dp Satan) ; iv, 10 (l'enlèvemenl d'Hénoch) ; xvi, 20 (le goût de la manne) ; xvii, 2-17 (la description de la neuvième plaie d'Egypte);

140 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

XIX, 7 (les miracles survenus pendant la traversée de la Mer Rouge); XIX, 16 (la bienveillance des Égyptiens au début du séjour des Israé- lites). Parmi les autres passages, xi, 15-20, et xviii, 4-5, se rap- portent également au châtiment des Égyptiens; mais il s'agit ici de la thèse bien connue de l'Agada lalmudique que Dieu mesure le châtiment suivant la mesure et la nature de la faute. Le passage lalmudique cilé pour le verset 15 du chap. xviii ressort de l'angé- lologieet n'a aucun rapport avec l'auge exterminateur d'Egypte. Les autres passages de la Sapience sont xvi, 5-7 (la guérison de ceux qui furent mordus par les serpents) ; ici M. W., au lieu de la célèbre Mischna de Rosch Haschana, m, 8, cite le passage parallèle du Tal- mud jérusalémite ; vu, 25 (la sagesse considérée comme reflet de la lumière éternelle) ; ix, 8 (le prototype céleste du Temple de Sa- lomon). Ainsi, cène sont que quelques particularités de l'Agada his- torique sur l'Exode et sur le séjour en Egypte que l'auteur peut citer du livre de la Sapience. Combien ces particularités semblent infimes en regard de la masse presque inépuisable ù.'Agada historique que le Talmudet leMidrasch contiennent pour ces parties du récit biblique. Néanmoins, l'auteur croit que la priorité revient aux parallèles ci- tés de la Sapience et que l'Agada palestinienne lui a fait des em- prunts. Car, selon lui, ce furent les Juifs demeurant en Egypte qui " cherchèrent à rendre compréhensible aux Égyptiens beaucoup de récits bibliques se rapportant à l'Egypte, ou à les orner de quelque autre façon (p. 27) ». A la fin de la préface (p. 10), M. W. relève encore, avec une insistance particulière, que tous les enjolivements que les Juifs alexandrins trouvèrent bon d'ajouter au fouds biblique, au sujet du séjour et de la sortie des Juifs d'Égyple, ont été transplantés en Palestine, ils trouvèrent accès dans la littérature lalmudique. Ces assertions ne sont aucunement en proportion avec le fait que nous fournit la première étude de l'auteur. En outre, la possibilité d'une influence de l'école palesti- nienne sur l'auteur de la Sapience, qui permettrait d'expliquer faci- lement ces analogies, est laissée tout à fait dans l'ombre.

La conception de M. Weinstein sur l'origine et le développement de la littérature talmudique, à l'histoire de laquelle il prétend fournir une contribution, est bien embrouillée; la preuve en est dans l'as- sertion suivante (p. 13) ; « Pour cette raison, parce que la Sapience a été écrite longtemps avant Philon, ilfautaussi attribuer aux traditions agadiques et aux enjolivements historiques du livre de la Sagesse une orijjine plus ancienne qu'à ceux du Talmud, car, à cette époque, on ne trouve encore aucune trace d'une Mischna telle que celle que nous possédons. Par conséquent, si l'on trouve dans le Talraud des récits agadiques conçus presque textuellement comme dans le livre de la Sagesse, nous pouvons admettre, sans l'ombre d'un doute, que ce sont des emprunts faits au livre de la Sagesse ou, en d'autres termes, ce sont des agadas alexandrines, » Ce serait perdre son temps que de discuter cette assertion, caractéristique de la méthode de l'auteur.

BIBLIOGRAPHIE 141

La seconde étude (p. S9-90) porte le litre suivant : La doctrine du Logos dans VAgada. Voici la thèse de l'auteur d'après ses propres expressions (p. 30) : « De fait, toutes les idées sur les anges ainsi que sur le Métatron, lequel se substitue parfois à la Divinité, contenues dans la littérature talmudique, ne sont autre chose qu'une imitation exacte et précise de la doctrine philonienne du Logos dans toutes ses formes et manifestations. » On cherchera vainement dans cette étude, d'ailleurs assez étendue, la moindre démonstration de cette affirmation, qui nie simplement les autres sources de la doctrine talmudique sur les anges. Cette théorie générale est suivie d'asser- tions particulières l'auteur fait des rapprochements entre des maximes de Philon et des sentences de l'Agada et établit, comme un fait évident, la filiation entre celles-ci et celles-là. II utilise indiffé- remment toutes les couches de la littérature traditionnelle et il ad- met l'influence des écrits de Philon sur toutes les générations des Tannaïtes et des Amoraïm. On croirait vraiment que les écrits de Philon ont été constamment lus et consciencieusement utilisés par les maîtres de l'Agada palestinienne.

Nous allons montrer, par quelques exemples, ce que valent quelques-unes de ces théories particulières.

En premier lieu M. Weinslein cite le passage de Philon {De Con- fusione linguarum) les forces agissantes de l'univers sont compa- rées aux serviteurs du Toi et Dieu est appelé « le père de l'Uni- vers )). Il prétend expliquer ainsi l'idée <* des anges de service » (■'^xba mon) et la dénomination de Dieu comme « Père qui est au ciel » (p. 30). Or, ni pour la première idée (cf. Daniel, vu, 10), ni pour la dénomination de Dieu comme « Père », nous n'avons besoin d'ad' mettre une influence 'philonienne. Suit un passage du De Somniis de Philon (r, 22) sur les différents êtres vivants qui remplissent l'es- pace, appelés par les philosophes 5a£[iov£«, par l'Écriture sainte « anges >', par Philon lui-même Aoyoï. Au sujet de ce passage, l'auteur dit (p. 33) : « Quelque absurdes que puissent nous paraître ces fausses doctrines, les docteurs du Talmud, qui étaient adonnés à l'alexandrinisme, les ont adoptées complètement. » Suivant lui, R. Jonathan (m'' siècle), qui, en s'appuyant sur Ps., xxxiii, 6, ex- prime l'opinion que de chaque parole ("iia-j sortie de la bouche de Dieu naquit un ange {Eagiga, Kka), aurait été un de ces docteurs. Que nous ayons ici une analogie très digne d'attention avec les ^oyoi de Philon, c'est évident, mais ce n'est pas une raison pour appeler l'auteur de cette interprétation du passage des Psaumes u un fidèle disciple de Philon ».De même, on ne peut soutenir la dépendance des Agadistes vis-à-vis de Philon en ce qu'ils ont dit des démons (a"«nuJ, D-<p"'T72). D'après M. Weinslein (p. 34), « ce que Philon ne dit que d'une manière voilée, les agadistes alexandrins le répèlent sans ambages » (M.W, appelle <( Agadistes alexandrins » les Agadistes palestiniens influencés par l'alexandrinisme). Ce jugement, contenant d'ailleurs en lui-même une contradiction, n'est nullement confirmé par les

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exemples cités par notre auteur. Même ce qu'il rapporte plus loin (p. 35 et suiv.) au sujet des fonctions et de la hiérarchie des anges, n'est qu'une analogie générale et ne permet pas d'admettre Tiu- lluence de Philon sur les Agadistes. Il n'y a guère à y songer ici, car les traits essentiels de la doctrine juive sur les anges étaient déjà formés longtemps avant Philon.

Le rapprochement des idées philoniennes sur la lumière primitive avec des opinions analogues exprimées par les Agadistes (p. 37-43) est certes fort intéressant. Des deux côtés, on s'appuie sur le récit de la création de la lumière (Genèse, i, 3). Il est fort probable que les thèses des Agadistes ont leur origine dans l'ancienne doctrine se- crète qui s'est fondée sur le premier chapitre de la Genèse (n\ay73 n">'û;Nn3), La ressemblance de ces thèses avec celles de Philon est incontestable, mais le fait qu'il y aurait ici un emprunt à Philon et que, dans les maximes agadiques des Palestiniens, il faut chercher des idées philoniennes , ne peut être admis que si on est con- vaincu a priori de cette filiation et qu'on introduit les idées de Philon dans les paroles du Midrasch. Dans la réponse que Samuel b. Nah- man [Gen. rabb., m, el passini) a faite à la question de la création de la lumière, d'après Ps., civ, on ne peut, avec la meilleui-e volonté du monde, reconnaître l'idée du Logos créateur. La version de la tra- dition agadique, comme elle est présentée (p. 43) dans Tanhouma (brtp">n, au commencement de la section, éd. Buber, § 7) n'offre pas non plus un appui concret en faveur de celte conception, sans consi- dérer que cette version n'est d'aucune importance vis-à-vis de la source plus ancienne (voir Die Agada der palàstinensischen Amorâer, I, 120, 545) pour établir l'opinion primitive des Agadistes.

Le passage du Midrasch cité p. 45, d'après Exode rahba, ch. xv, § 22, del'éd. Wilna, est certainement digne de remarque, mais seuls les esprits prévenus peuvent y trouver <* toute la théorie platoni- cienne concernant la création de l'univers ainsi que l'essence de la doctrine philonienne du Logos dans ses contours les plus exacts ». Ce passage du Midrasch ne peut pas, d'ailleurs, être invoqué, car il est d'une époque très tardive et renferme tout à la fois des éléments agadiques anciens et des idées du Se fer Yecira.

En ce qui a trait à la conception du « second Logos » ou de l'homme primitif, M. Weinstein soutient aussi que « les docteurs de l'Agada ont suivi leur maître », c'est-à-dire Philon (p. 47). De fait, beaucoup de passages agadiques sur Adam donnent l'impression que l'Agadiste avait dans l'esprit l'idée d'un type parfait de l'homme ou de l'humanité. Il n'est pas impossible que Tintluence des idées platoniciennes ou philoniennes se soit exercée ici. Mais aucune ac- tion directe des écrits de Philon ne peut être démontrée en cette cir- constance, — Ce que M. Weinstein expose longuement au sujet des interprétations du mot ûrr^san^ (Ex., xxv, 40) est au moins supertlu. Ces interprétations n'auraient pu guère être différentes, même si leurs auteurs, au lieu de Qn"^3nnr), avaient lu ûrr^^nna, comme le

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porte le texte massoréli(|ae. Ku ell'et, le n aurait eu pour eux le même sens que le 3 dans I373bi:3 (Geo., i, Hi) et iTobiCn (Gen., i, 27). Du reste, Philou ne veut pas parler de iDm^ûnD, comme M. Weiostein le dit (p. 49), mais de ittbsa (Geo., i, 2) ; c'est ce terme qu'il traduit par xaT' tixdva [Qiiis rerum divinarum, § 48, I, 505); d'autre part, dans Exode, XXV, 40, la leçon dniDnnn est également justifiée. Il est donc à la fois fort étrange, et la phrase montre la méthode et le style de notre auteur, de dire (p. 47) : « El pourtant tous les Agadistes, se plaçant au-dessus de ces faibles inexactitudes, lisent mal, sciemment ou inconsciemment, tous les passages, pour se mettre en harmonie avec la doctrine platonicienne des idées. »

Aux détails relatifs au « second logos » se rattachent ceux qui con- cernent Ilénoch, lequel, d'après l'auteur, obtint le rang du « second logos », après que le premier Adam eut été « déchu de sa fonction de Logos par le péché » (p. 45). L'identité de cet Hénoch transfiguré en Logos avec l'ange supérieur Métatron est prouvée par M. Weinstein, d'après le ^^':n "ido, production d'une époque postérieure, qui lui sem- blait propre à servir de témoignage en faveur des idées des anciens agadistes, en tant qu'elles étaient « favorables à l'école alexandrine ». Mais comment l'Agada alexandrine en arriva-t-elle à appeler Méta- tron Hénoch promu au rang de Logos (p. 57)? M. Weinstein répond à cette question par une hypothèse de Rappoporl, publiée en 1838 [Kérem Chemed, III, 51 ), hypothèse d'ailleurs peu heureuse. Rappoport fait dériver ITIlJCû^P ^e l^ forme verbale grecque iisTExéÔTi, qui est usitée dans le Sirach grec (xliv, 16) à propos d'IIénoch. Pour cela il fait de ce mol un substantif, en lisants au lieu de 0 et en ajoutant au mot uuv. Il obtient ainsi le nom jiSTeTéSTiv (c'est ainsi que le mot est im- primé, en caractères grecs, dans le Kérem Chemed) et il y voit le nom d'Hénoch (l"-i''L3ui-'» ■«3T« X^'dbi n3D ni<-np n-iio pn). La transcrip- tion du mot grec lui donne lTi:2:3"'72, parce qu'il suppose que le T a été transcrit fautivement par "i et parce qu'il ne tient pas autrement compte des voyelles. Cette hypothèse de Rappoport, qui est absolu- ment anti-scientifique, est considérée par M. Weinstein comme la seule explication exacte du mot 1i-i:j::i», et il cite à l'appui toute une série d'arguments « philologiques ». Il corrige, sans dire mot, la faute de Rappoport et met le fl à sa place légitime. Il ne s'inquiète pas davantage de la lettre v ajoutée arbitrairement par Rappoport et n'explique nullement comment une forme verbale s'est transformée simplement en substantif. M. Weinstein ne mentionne même pas ce qu'invoque Rappoport, que le titxeTeSTi du Sirach grec (M. W. cite en- core l'Epitre aux Hébreux, xi, 5, et la Sagesse de Salomon, iv, 10) est également la traduction des LXX de Gen., v, 24 ((lexéôrixev). Il ne lui vient pas plus à l'idée de songer que les Palestiniens ne lisaient pas Sirach dans la traduction grecque, mais dans l'original hébreu et que, par conséquent, ils n'avaient pas l'occasion de tirer de ceite forme verbale le nom de 'ji-i:3::?3. Le fait que la traduction grecque de Sirach était lue couramment en Palestine lui parait si naturel,

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qu'il croit que la doctrine relative à Hénoch, exprimée par jietexë^T,, est " la raison pour laquelle le livre de Sirach fut non seulement exclu du canon, mais même compris parmi les livres sévèrement prohibés »! Je me bornerai à faire encore observer que dans le Sira hébreu, ce qui correspond au grec jietsTéOTti, c'est mot niîi'^i, c'est-à-dire le passif du mol biblique npb (Gen., v, 29).

Je laisse de côté les autres détails que l'auteur donne sur le Me- tatron, quoiqu'il y aurait beaucoup à dire sur la manière dont il in- terprète les passages du Talmud et du Midrasch qu'il cite. L'iden- tité du Métatron avec l'ange Michael (p. 70) ne nous paraît pas devoir être affirmée aussi nettement. Peu sûres sont les démonstrations de l'auteur au sujet des passages agadiques traitant du Messie, qu'il rap- proche de certaines théories de Philon et de passages du livre d'Hé- noch (p. 37 et suiv). Ni son interprétation des passages agadiques n'est suffisamment exacte, ni l'analogie qu'il prétend exister entre ceux- ci et les idées alexandrines assez bien établie. L'auteur cite aussi des passages du Nouveau-Testament, ce qui se comprend, car la christologie chrétienne se rattache au Logos philonien. Mais que dire d'une assertion comme celle-ci (p. 86) : a II est tout à fait hors de doute que les deux auteurs, l'auteur de l'Évangile de saint Jean et l'auteur de la seconde Épilre aux Corinthiens, dont il cite le ver- set, IV, 4, ainsi que l'auteur de l'Épître aux Hébreux étaient des Juifs alexandrins ? »

Dans la sentence de Siméon le Pieux (Soucca, 52^) sur les quatre forgerons de la vision de Zacharie (ii, 3), il est vrai que Raschi inter- prète pTi: 1^3 par Melchissédec; par suite, celui-ci se voit attribuer un rôle messianique. M. Weinstein en profite (p. 84) pour citer aussi Philon comme source de cette thèse (I, 102, éd. Mangey), parce que Philon reconnaît aussi le Logos en Melchissédec. Mais, outre que Philon ne donne pas encore de caractère messianique à la personne de Melchissédec , il faut voir dans l'expression talmudique \'r\'2 p^i: le grand -prêtre , descendant d'Aaron , le grand-prêtre de l'époque messianique. L'expression est analogue à celle de TT^UJtt ijpn:w (voir la Kedouscha de l'office du samedi malin, cf. aussi Ps., cxxxii, 9, p-Ji: lujnb-^ T^^s).

Ce que M. Weinstein dit à l'occasion d'une parole d'Abba b. Ka- hana sur le nom du Messie est d'une incroyable légèreté. Voici com- ment M. W. reproduit cette sentence {Echa rabbati, sur i, 16, fin\ (p. 85) : « Le nom est Jahvé, car ainsi est-il dit dans l'Écriture (Jér., xxxiii, 16) : »< Et voici le nom qui lui sera donné : Jahvé notre Juste ». Dans la note (p- 68, note 138), le texte est ainsi conçu : l»;a '" 'n -:b N-ip-^ -i^TN nn] (n'pi:: 'n iN-ip"» TwN MyQ T^•^^) n7:ND;a i^pii:]. M. Weinstein a mis entre parenthèses la citation biblique du Midrasch et la déclare inexacte ; la seconde parenthèse contient la citation qu'il croit juste. Il ajoute : a La façon inexacte dont le texte cité plus haut est donné prouve clairement qu'on voulait ab- solument trouver ici la pensée alexandrine. » M. W. ne voit pas qu'il

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s'agit non de Jér., xxxiii, 46, il est question du nom de la Jéru- salem future, mais de Jér., xxiii, 6. Le désir de trouver chez l'aga- diste des idées alexandriaes, aux dépens de la correction du texte biblique, a aveuglé M. \V. au point de l'empêcher de songer à ce verset de Jérémie.

Le môme désir le pousse à chercher (p. 86) chez Philon la raison pour laquelle le nom de Cémah est donné au Messie, tandis que la raison est clairement indiquée dans Jér-, xxiir, 5, et Zach., vi, 12. Soutenir que les agadistes eux-mêmes donnent le mot mp?^ « Lieu », soit au Logos, soit à TÊire premier lui-même (p. 88), c'est de l'arbi- traire. Dans les passages eu question, on dit seulement que Dieu lui-même est appelé Dip>3.

A la fin de l'étude sur la doctrine de Logos dans l'Agada, M. Wein- stein dit (p. 90) : « Cette doctrine a exercé de graves ravages dans le sein du judaïsme palestinien et a fortement altéré la pureté de l'idée monothéiste, car, de même que Philon, elle considérait le Logos comme une seconde divinité et l'adorait comme telle. » L'accusation portée ici contre Philon doit être rejetée énergiquement. Quelque contradictoire que soit l'idée de Philon sur le Logos, on ne peut lui contester sa foi monothéiste ou suivant les termes de M. W. lui attribuer des idées polythéistes (voir aussi p. 94). « On se trompe absolument, dit Zeller [Die Philosophie der Griechen, III, 2, éd., p. 378), quand on considère le Logos philonien comme une personne distincte de Dieu et quand on admet que ce terme désigne Dieu seu- lement sous un aspect déterminé, dans le sens de son existence. D'après Philon, le Logos est l'un et l'autre, mais n'est aucune des deux choses exclusivement... Philon n'a pu réussira réunir les deux conceptions sans contradiction. A plus forte raison ne pouvait- il, en raison de ses idées transcendantes sur la divinité et de son dé- sir d'éviter tout contact entre Dieu et le monde, se décider à voir dans les forces de la nature des qualités et l'action directe de la di- vinité. Il ne lui restait donc aucune autre ressource que d'assumer la responsabilité de ces contradictions, et il a pu le faire d'autant plus facilement que, selon toute apparence, il ne les a pas re- marquées. »

Ce que M. AV. dit des ravages causés par la doctrine du Logos, en Palestine n'est pas plus fondé que les accusations de polythéisme dirigées contre la doctrine philonienne. M. W. en voulant parler de la diffusion de la doctrine du Logos parmi les Juifs de Palestine, dit (p. 90) : « Tous ceux qui s'adonnèrent à cette doctrine ou qui avaient l'habitude de discuter là-dessus avec les docteurs du Talmud (Tan- naïtes et Amoraïm) sont toujours désignés dans les écrits talmu- diques par l'expression de « Minim ». C'est encore une affirma- tion non prouvée. Voyons, si dans l'étude qui suit et qui porte le titre Die Minim, cette affirmation sera quelque peu corroborée.

Cette troisième étude (p. 91-1S6], malgré le développement de l'ar- gumentation, n'ajoute rien d'essentiel à nos connaissances sur les

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Minim de la littérature traditionnelle. Dès le commencement de ce chapitre (p. 92), nous lisons : Dans Gen., i, 27, Philon trouve le fondement de sa théorie du Logos et, en conséquence, il lui donne pour auteur Moïse lui-même {De mundi opificio, I, 4) ; d'autre part, Samuel b. Nahman, au nom de Jonathan {Gen. rabba, ch. viii), dé- clare trouver dans Gen., i, 26, le passage biblique qui servait aux Minim pour prouver la vérité de leurs idées fausses. « Nous voyons par là, dit M. W., que l'école alexandrine était désignée sous le nom des Minim. «Une telle logique n'a pas besoin d'être discutée. M.Wein- stein ne s'inquiète pas de ce que Philon s'appuie sur un autre verset biblique que Samuel b, Nahman et que dans la parole de celui-ci, ce n'est pas l'idée de la « ressemblance », mais le pluriel (^lUîJ'O) qui forme le point de départ exégétique.

Le même défaut de logique se retrouve dans l'argumentation de la page 93, mais nous n'insisterons pas davantage. A partir de la page 95, l'auteur aborde le véritable sujet de cette étude, l'explication du mot Minim, « dont l'étymologie n'a pas encore été établie jus- qu'ici d'une manière satisfaisante. »

La nouvelle explication du mot nous est présentée soyons mo- dérés — dans une bizarre reconstruction de l'histoire de la tribu de Siméon. Il nous faut renoncer à reproduire, même en abrégé, cet ex- posé historique avec ses multiples digressions. La quintessence de l'argumentation de M. Weinslein est à peu près ceci : Les Siméonites avaient exterminé les Meïuim et s'étaient établis (eu Arabie) dans les lieux occupés par ce peuple (I Ghr., iv, 41); cet événement eut lieu à l'époque du roi Saiil. Mais comme il est aussi question des Meïnim aux siècles postérieurs, il y a lieu de conclure que les Si- méonites furent désignés du nom du peuple exterminé par eux. La tribu de Siméon était turbulente dès l'époque de Moïse : « Elle était connue dans toute la nation comme licencieuse, sans frein et aussi sans mœurs, et on n'en parlait pas volontiers. Quand on était forcé d'en parler dans le cours d'un récit, on le faisait d'une manière dé- tournée et en employant d'autres noms » (p. 107). Les Meïnim (II Chron., xxvi, 7) contre lesquels Dieu protège le roi Ousia étaient donc des Siméonites, de même, ceux qui sont nommés dans Ezra II, 50 (= Néh., VII, 52). Mais l'auteur de la Chronique désigne aussi les Siméonites (p. 115) sous le nom des û"^j173T , par exemple II Chron., xxvi, 8, et xx, 1. Il résulte de ce dernier passage, comparé avec v. 10 et 22 (où, au lieu de D'^DT^y, on nomme les habitants de la montagne de Séir),que les habitants de la montagne de Séïr n'étaient pas des Edomites, mais « des Siméonites qui habitaient l'Arabie Pétrée. » L'expédition racontée dans II Chron., xxv, 5-12, était une expédition de représailles contre les Siméonites ; « le royaume de Juda savait désormais que ses propres compatriotes, habitant main- tenant la montagne de Séïr, lui avaient fait la guerre comme alliés d'autres tribus ». Dans Isaïe, xxi, 11-12, le prophète s'adresse aux Siméonites. Sous le roi Ezéchias, un vent de tolérance commença

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à souffler en faveur des Minim (= Meïnim = Siméonites), si dure- meut persécutés. Les « états généalogiques des Siméonites » furent établis (d'après I Ghron., iv, 42). « Mais beaucoup de Siméonites, qui étaient connus sous le nom de Minim, restèrent dans leurs résidences de l'Arabie du sud-ouest (sic), dans ces contrées qui étaient déjà plus égyptiennes, comme cela résulte des sources talmudiques » (p. -122). A partir de là, l'auteur se livre à une grande digression sur le système du calendrier juif en citant le liyre des Jubilés et le livre d'Hénoch. Dans le « désert d'Atad », comme on le voit par j. Sanhédrin, i, 2 (pas- sage parallèle à b. Berachot, 63 b), il y eut un sanctuaire, la fixation du calendrier de l'année dilïérait de celle du judaïsme palestinien (p. 141). C'était le sanctuaire des Siméonites ou Minim, qui avaient conservé l'ancienne méthode de comput « d'après le cours du soleil >> (p. 146) et dont les descendants vivaient encore à l'époque talmudique dans la même contrée, dans « l'Arabie Pétrée » (p. 147). A la fin, l'au- teur nous fournit encore les révélations suivantes : « Par la guerre qui eut lieu entre les Israélites et les Ethiopiens, dans laquelle beau- coup de Siméonites combattirent dans les rangs des Ethiopiens (M. W. a déduit cela de II Ghron., xiv, 12, "n:* = "my, I Chron., IV, 39) nous apprenons aussi pourquoi le livre d'Hénoch, qui calcule les fêtes juives et le calendrier de l'année d'après le cours du soleil se trouve en langue éthiopienne. Sans doute il est possible et même probable que le livre d'Hénoch ait été écrit à l'origine en hébreu et qu'ensuite il ait été traduit en éthiopien pour une partie de la tribu de Siméon qui s'était établie en Ethiopie, ce qui confirme notre ar- gumentation, savoir que ce sont, à vrai dire, les Siméonites aux- quels se joignirent beaucoup de Juifs alexandrins professant la doctrine du Logos, qui, sous le nom de Minim, étaient si décriés dans le judaïsme palestinien et dont le Patriarche combattit si vigou- reusement l'influence néfaste. »

Cette hypothèse sur l'origine du nom de Minim et le récit des aventures de la tribu de Siméon qui y est rattaché désarment toute critique. C'est l'élucubration d'une imagination déréglée, le produit de cette manie des combinaisons qui ne tient aucun compte ni de l'histoire, ni de la géographie, ni de l'exégèse, ni de la critique, nous allions dire ni du bon sens. Tout cela pour arriver à une explication du mot Minim qui ne se concilie même pas avec les propres hypo- thèses de l'auteur; car elle est, à vrai dire, en contradiction directe avec son hypothèse sur le Logos exposée dans l'étude précédente. Si la dénomination de Minim était, depuis une époque ancienne dès avant l'exil babylonierj, la désignation injurieuse des Siméonites, elle ne peut être considérée comme la dénomination des partisans de la théorie du Logos. Ce que M. Weinstein dit dans le passage final cité plus haut, « qu'un grand nombre de juifs alexandrins professant la doctrine du Logos se rangèrent parmi les Siméonites », étant une conjecture absolument sans fondement, ne suffit pas pour établir un lien entre ces deux hypothèses. Ainsi l'auteur se trouve avoir écarté

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lui-même une supposition par l'autre. En réalité, l'une et l'autre manquent de tout fondement historique.

La quatrième étude, la plus étendue de l'ouvrage (p. 157-250), a comme titre : « La lutte du Patriarche contre les idées polythéistes essayant de pénétrer dans les écoles juives de la Palestine ». Par idées polythéistes, l'auteur entend, comme il a déjà été dit plus haut, les idées se rattachant à la théorie du Logos. Ces idées trouvèrent parmi les docteurs palestiniens, Taunaïtes et Amoraïm, de nombreux partisans, et les Patriarches, c'est-à-dire surtout Gamliel 11 a Jabné et ensuite son petit-fils Juda I, dirigèrent principalement leurs efforts contre ces théories et essayèrent de les déraciner complètement. Telle est la pensée maîtresse qui guide M. Weinstein et qui lui sert à expliquer les relations les plus diverses ainsi que les maximes con- cernant les idées des docteurs palestiniens au premier siècle de l'ère chrétienne. Il lui suffit, pour cela, de voir partout la trace de ses Minim, c'est-à-dire des partisans du Logos, et dans le patriarcat le défenseur du monothéisme pur. Ici non plus ce n'est pas un examen méthodique des données contenues dans les documents originaux, mais l'hypothèse établie a priori et donnée naïvement comme une vérité pour expliquer le reste. Cet article est déjà trop long pour que je puisse même analyser le contenu de ce chapitre. Obligé de me borner je citerai seulement quelques détails. Le règlement de Gam- liel II au sujet de l'admission à l'Académie {Berack., 28 (i) vise les Minim (p. i67els.), « les juifs alexandrins dont la foi monothéiste était suspectée » ip. 174). La défense de Juda I, de rapporter des Halachot hors de l'Académie [Moed Katon, 16 a), s'adresse « aux par- tisans de la philosophie alexandrine » qui avaient l'habitude d'a- border ceux qui sortaient des Académies et de leur adresser des questions halachiques pour les amener à un entretien sur les ques- tions défendues de leur doctrine du Logos, (p. 186). A l'occasion du récit concernant Aher, qui appartenait aussi aux Minim, notons cette perle : « L'habitude de monter à cheval le jour du sabbat parait avoir été l'hameçon {Angelschnur) de la secte des Minim» (p. 183). «Les docteurs du Sud (Bar Kappara, Hoschaya), grâce à leur penchant pour les doctrines alexandrines perdirent toute considération et toute dignité (p. 188;. » Juda I résida d'abord dans le Sud de la Pales- tine, à Lod; mais pour préserver son entourage autant que possible de l'influence alexandrine, il dut se résoudre à fuir la région du Sud et à fixer sa résidence dans le Nord, d'abord à Tibériade, ensuite à Sepphoris. Il ne se rendit pas immédiatement dans cette dernière ville, parce qu'elle n'était pas complètement pure de Minim, c'est-à- dire de Juifs alexandrins et de leurs partisans (p. 201). Samuel Hakaton était « favorablement disposé pour les Minim »; non seule- ment il approuvait leurs dogmes religieux, pour lesquels ils étaient haïs et persécutés, mais il acceptait aussi leur doctrine du Logos, qu'ils font remonter à Hénoch » (p. 210). Le pieux Samuel le Petit, dont on disait à sa mort : « Hélas pour l'humble et pieux disciple

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de Ilillel l'Ancien » [Sota, 48^), était un partisan des Minlmi Notre auteur impute la même tare à d'autres Tannaïm et Amoraïm. Ainsi, il qualifie de Mi/i le grand Amora Simon b. Lakisch, qui pour cette raison je ne sais il a pris cette indication fausse ne reçut pas rordination (p. 227). R. Méïr aussi fut réprimandé par Juda I, lorsque, « dans le cours des ans, il manifesta publiquement ses goûts pour les doctrines grecques, le Patriarche, veillant avec soin et sollicitude à écarter du judaïsme toute idée polythéiste et à main- tenir le mosaïsme dans sa pureté, au-dessus de toutes les évolutions de l'opinion (p. 230) ». Mais laissons ces citations qui feront, pour le moins, sourire ceux qui ont quelque idée exacte de l'his- toire et de la manière de penser des Tannaïm et des Amoraïm. Il a fallu singulièrement torturer les textes pour arriver à de pareils ré- sultats. — Au surplus, cette étude ne paraît étendue que parce qu'elle est grossie de nombreuses digressions très éloignées du sujet principal. Elle ne contient que très peu de matériaux pour cette hy- pothèse de l'auteur, que les Patriarches palestiniens jouaient le rôle de defeiisores fidei contre les grands savants contemporains.

Je ne mentionnerai encore que brièvement l'appendice que M. Weinstein a ajouté à ses études. Le titre en est : a Continuation de celte lutte entre les partisans et les adversaires de la philosophie religieuse de Maïmonide (p. 251-272) », D'après M. W., Maïmonide continue la lutte contre la théorie du Logos : « Le premier et le plus ardent adversaire de la philosophie de Maïmonide, Abraham b. David, était favorablement disposé pour la doctrine du Logos ou Mélatron ». L'auteur ne parle pas du tout des luttes entre les partisans et les adversaires de Maïmonide. Par contre, il cite des passages du Zohar, dont l'auteur a pensait au sujet du Logos comme Philon » (p. 263); pareillement « un autre auteur qui florissait à la même époque mi- cabbaliste, mi-philosophe, Abraham b. David, l'auteur de YEmouna Rama, qui exprime la même pensée, mais d'une manière moins mystérieuse (p. 269) ». On voit que sur le terrain de la philosophie religieuse du moyen âge, M. Weinstein fidèle à ses idées, ne manque pas d'une certaine originalité!

Dans notre analyse du contenu essentiel de l'ouvrage de M. Weins- tein, nous avons appelé l'atlention sur des points qui provoquent la contradiction et qui trahissent le défaut de méthode scientifique. Mais il y a encore dans cet ouvrage une foule de détails se révèle une science singulière!

P. 42, 1. iO, Samuel b. Isaac est appelé le fils du célèbre agadiste Isaac, sans qu'on essaie même de justifier cette prétendue filiation. (Voir Die Agada der palast. Amorlier, III, 34).

P. 63, note 76, nous cueillons l'énormité suivante : « On sait que le 3 se change souvent en 0, comme on le voit par le substantif dv- fiptoTto; , quand il s'unit à d'autres substantifs ou quand il est abrégé. » Les mots composés avec àvi^'p (dvSp-) proviennent donc

d'ivBpwTioî,

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P. 77, note 116, pw est dérivé sans plus d'explication de nau), « s'égarer ».

P. 90, note 146 (de même p. 196). L'expression Nm^Nl à côté du nom onSD p pnic 'n [PesaMm, Wib) est considéré par M. W. comme une épithète. Dans une des citations il traduit : « R. Jizchak de l'Agada », dans l'autre : « R. J. l'Agadiste ». En réalité, Nm^Nl signifie « celui de l'Agada », l'auteur de maximes agadiques ; de même que Nns^^TUT {ib.) signifie « celui de la Halacha ».

P. 105, en haut : « La région que les Ammonites habitaient forme la limite sud-ouest de la Palestine » !

P. 109. Le territoire arabe que, selon M. W., les Siméoniles ont conquis (ici M. W. suit une hypothèse bien connue de Dozy) était, d'après la p. 109, 1. 12, presque toute l'Arabie du sud. Plus bas (p. 117, 1. 14), ils habitaient l'Arabie Pétrée, qui, p. 146, 1. 11, est ap- pelée a l'Arabie heureuse ».

P. 112. A l'appui de la correction citée plus haut de û''3n»3' en D"<31T» (II Ghron., xx, 1), M. W. donne la règle suivante, à son avis « inestimable », qu'il prétend avoir trouvée dans la Bible, à propos du dénombrement des tribus ou des générations patriarcales : « une génération est désignée d'après le nom de son premier ancêtre, ce nom se trouve toujours sous la forme du singulier, tandis que la génération est désignée par le pluriel, parce qu'elle représente les fils de celui qui a porté ce nom. De même qu'on ne trouve pas dans l'Écriture sainte C^bNiO"', au lieu de bNTO"' "^33, de même on ne peut trouver t3"'aNi», au lieu de 3N173 "^Dn ou D-'3i72y, au lieu de ""sa '\M2y, parce que cela est contraire à l'usage de la langue de cette époque. Mais les passages on trouve t2"'3Ni73 ou û'^DiTsy sont sûre- ment une interpolation. » Quant à la teneur de cete règle singuliè- rement formulée (où le mot interpolation est sans doute mis pour corruption), nous n'en ferons pas une plus longue analyse. Mais ce qui est dit de Q"^nNi73 et fîn^a^» est démontré inexact par Deut., II, 11 et 20. Du reste, la correction en faveur de laquelle cette règle a été établie est depuis longtemps connue et admise d'après la Sep- tante.

P. 158. DDN in-'-in -icnb, Lév., xxvi, 44. M. W. rapproche arbitrai- rement ce passage tel qu'il est employé dans Megilla, 11 fl, de "iD"^72r; rr^na. Or, il s'agit de Dieu qui ne brise pas son alliance avec Israël, même après que Rome l'a assujetti ; tandis qu'ici il est ques- tion de la rupture de l'alliance, qui est le fait de l'Israélite infidèle.

P. 107, 1. 7. « Gésarée était située sur le rive sud de la mer Médi- terranée. » On veut parler de la partie méridionale du rivage pales- tinien de la Méditerranée.

P. 169, note 36. Le Targoum des Prophètes est appelé pseudo-Jo- nathan. Or, ce nom est celui du Targoum palestinien sur ie Pen- tateuque.

P. 173, note 50. Le Tannaïte r-'poTO-m p "^or '-) (R. Yosé, fils de la Damasienne, voir Levy, I, 426 a ; Die Agada der Tantiaiten, I, 393)

BIBLIOGRAPHIE 151

est appelé par M. W. « R. José de Damas >-. rr^pOtt^Ti est, selon lui, le nom de la ville elle-même, et dans une note, il donne l'étymo- logie suivante, exprimée laconiquement « n'^p073"m fiNT p073 =

P. 182. « Elischa b. Abuia se plaça à la tête des Minim (ce que M. W. déduit de Kohélet rab., sur i, 8, Nyu:-i ■'NH n'est autre que Aher). Il oublia que par l'union de l'Occident avec l'Orient, un enfant était qui prétendait posséder toutes les qualités de ses deux pères, et que ce furent des Juifs grecs abusés et égarés qui fa- vorisèrent cette naissance. . . ; de sorte que, désormais, il fallut plus que jamais veiller sur la pureté de l'idée monothéiste. » C'est un des rares passages du livre il est fait allusion au christianisme.

P. 188, note 98 : « Le célèbre agadiste R. Lévi bar Ghama ». Le célèbre agadiste Lévi n'est jamais désigné avec ce nom patrony- mique.

P. 191, 1. 16 : « Dans la doctrine platoniciennne citée plus haut (Tintée, V), il y a une attaque dissimulée contre la doctrine mosaïque, contre le monothéisme. «

P. 220. Au cours d'une singulière dissertation sur '^TNlSin (Exode., XX, 2), dans l'explication donnée à ce mot par Hanania, le neveu de Josué b. Hanania (j. Soukka, 54 c; Pesikta R., ch. xxi fin) se trouve l'aperçu caractéristique suivant sur la conjugaison hé- braïque : « On sait que la difficulté des conjugaisons [sic) des verbes hébreux consiste en grande partie en ce qu'ils sont réunis aux pro- noms en un seul mot et sont conjugués avec eux. » Toute cette dis- sertation est la chose la plus abstruse que l'on puisse imaginer. Malheureusement elle est trop longue pour être reproduite ici. Or, M. W. est tellement convaincu de sou absolue justesse, qu'il ajoute : « Nous avons ainsi la preuve qu'à l'époque de R. Gamliel II et de son contemporain R. Akiba, le texte biblique n'était pas encore ponctué, car, sans cela, toutes ces règles concernant la manière de lire les mots de certains passages importants auraient été inu- tiles. * Gomme s'il fallait encore une preuve pour établir que la ponctuation du texte biblique n'existait pas encore au i*"" ni au ii^ siècle !

En matière de citations hébraïques et grecques, M. W. procède avec beaucoup de négligence. Ainsi p. 27, d'après Sota, Ma, il cite, N3n HT^bN 'n "^21, au lieu de ll^ttu: 13 nT:?bN '-i -^dt N3n. Dans la tra- duction allemande du passage (p. 27, 2, 3) ; R. Schimon ben Eléazar, au lieu deR. El. b. S.

P. 67, note 87, d'après Gen. r., ch. xxr ; Pesikta, éd. Friedmann, p. 192 a, ûbns' b\D TTin-'3, au lieu de ûbiy buj m"'n"'D. P. 9.^, en bas, •j-^bu: b'sU», au lieu de l'Ob^a^û. Pour les textes grecs, qui con- tiennent une masse de fautes d'impression, je me bornerai à rap- porter des citations de la Sapience.

P. 17, note 16 (Sapience, 9, 8). Après àyto aou manque : Ouataonipiov (i(lii)|ia dXTiv^ç. p. 18, note 20 (11, 20) après (ipi9ii<j>, il manque xa\

152 REVUE DES ETUDES JUIVES

«rtaOjiw. P. 20 note 24 ( 16, 20 et suiv,), au lieu de o'^pâvou, lire ojpavoO; au lieu de ÙTzàTtxxii, lire Cntdaxaaiî; au lieu de ûTteépruv, lire ÔTcepETwv. P. 22 et 24 (17, 2), après dyiov lire S.fwv], il manque âvoiioi; au lieu de ■rceÎTiTa, lire iteSTitat.

La négligence dans la traduction des textes est plus regrettable encore que la négligence dans les citations. Dans la traduction de ]a Sapience, 7, 26 et suiv., p. 16 : -< Elle est la lumière luisante du monde » ; or, l'original est ainsi conçu : àTaûYaj|i,a ydp kin (ptotb? àïifou '( elle est un reflet de la lumière éternelle ». On en arrive à sup- poser que la traduction allemande de M. Weinstein est faite d'après une version hébraïque de la Sapience, et qu'il a pris C3b"i3> niN « lu- mière éternelle » pour la « lumière du monde ». 9, 8 (p. i7) : « Que tu as possédée à l'origine ». Le texte grec porte : f,v TcpoTiToipiajaî à-rc' àpxîiî " que tu as préparé dès le commencement >■. Ici aussi il semble avoir traduit la version hébraïque Qip rr^rp. 11, 20 (p. 18) : « Créé et ordonné », texte grec : ôtéTaÇaç. 18, < 5 (p. 24) : « A.U milieu de la contrée coupable « ; texte grec : tk {a^jov tf,? ô>i£9pte« -pf)? « dans le pays voué à la ruine ». JHd., v. 46 : « .Ivec des cadavres », texte grec : •aviTou « avec la mort ». Dans la traduction de la 11^ Ep. aux Go- rinth., 4, 4 (p. 81) : « Par la lumière de la splendeur de la nou- velle du Messie » ; texte grec : tbv ipwTwjièv toû eha.'^^tklou rf,? SoÇr,? toO Xpiatoû (Weizsacker traduit : « par l'évangile luisant de la splendeur du Christ »).

p. M, 1. 8 : « Le saint, loué soit-il, s'enveloppe d'un vêtement » ; le texte hébreu dit ri7:b'JD n"nprt q::yn5. Il traduit donc comme s'il y avait nabuia. Toutefois, ce passage est traduit exactement plus loin : « comme dans un vêtement ». Peut-être aussi le mot « comme » a-t-il été omis ici. P. 63, note 78, il cite le passage de Sanheirin, 38 è, et le rend ainsi : « Dans le Talmud, dans le verset de l'Exode, 24, 4, il est dit : t Et il dit à Moïse : Monte vers Dieu », le pronom il est interprété comme se rapportant au Métatron- » Or, le pronom il ne se trouve que dans la traduction allemande de ce passage biblique. Celui- ci dit simplement : 'n bx i-hy -)7:n riUJW btîT. Dans la réponse que R. Idit donne, en cet endroit, au Min, c'est 'n bx qui est interprété comme se rapportant au Métatron et on dit pour cette raison que celui-ci porte le même nom que son maître 'i2-i D">:iD ^70"::"O ITinoa^a ht).

P. 168, 5""n """i^y {Berach., 28a) seraient les valets d'armes de R. Gamliel. Et les l"'^"'"'!^ "''^'^ [Berach., 27 b) sont, en réalité, « des hommes cuirassés », c attendu que les gouvernements en question avaient l'habitude de seconder les Patriarches palestiniens en met- tant à leur disposition une force armée pour leur assurer de l'auto- rité et les mettre en état de punir ». C'est la paraphrase de la pre- mière explication donnée dans l'Arueh (s. t. 0"in), mais la seconde explication, également adoptée par Raschi, qui dit que l'expression doit être prise au figuré, est seule exacte. C'est ce que confirme le Yerbe 0"'"!nr:, formé du substantif grec et qui désigne la lutte de députations savantes.

BIBLIOGRAPHIE 153

P. 200, 1. 15 : « ceci, d'après le palriarche, s'arrangerait ainsi... » Or le palriarche (Juda II) se borne à citer une sentence de 11. Eléazar b. Pedal. P. 204, 1. H. D'une « peine disciplinaire qui consistait dans l'eloignement (c'est-à-dire expulsion; du savant incriminé de la Palestine » on ne trouve pas la moindre trace dans les textes cités à ce propos. La sentence d'Éléazar b. Pedat dans les deux Talmud est mal comprise ou n'est pas comprise du tout (note l40j ; dans mon article Zur Geschichte der Ordination [Moiiatsschrift, XXXVIII, p. -125), j'ai donné à ce sujet d'amples détails. P. 213, 1. 9 : « Em- mène ton neveu hors de Palestine et viens ensuite chez moi. » Ceci doit être la traduction des mots N3n ']-'nN p 'j.n'-^'n {Nidda, b,. Raschi explique, conformément au sens, •^rr.n par Ksn « amène » (c'est-à-dire : avec toi).

Notons encore le goût de l'auteur pour la répéiilion des menus citations données dans le texte original et en traduction. Le célèbre dialogue entre Simon b. Yehoçadak et Samuel b. Nabman est re- produit deux fois (p. 17 et p. 41 ; voir aussi p. 43). Le passage d'Exode rabba, ch. xv. mentionné plus haut, est cité trois fois dans le texte et dans la traduction (p. 44; p. iQ-H; p. 242), chaque fois avec une autre traduction. V. aussi p. 18, note 18, cf. p. 40, note 38 ; p. 15, note 7, cf. avec p. 207, note 146 ; p. 204, note 240, cf. p. 227, note 188.

Eu ce qui concerne le style, les passages que nous avons cités ont déjà montré que l'auteur ne se distingue ni par la précision ni par la correction. Il est souvent malheureux dans le clioix de ses expres- sions et il pèche beaucoup contre la langue et la syntaxe. Je me bor- nerai à citer encore ces quelques exemples. La première élude com- mence ainsi : « Par les grands progrès que la littérature orientale a faits dans les derniers temps, il est maintenant hors de doute que le pseitdogra'phe « la Sagesse de Salomon » est une production alexan- drine (p. 11). » Ibid-, 1. 19 : « Toutes les divinités de l'antiquité et parfois aussi du moyen âge. b P. 19, 1. 2 : « La différence entre la race helléniste et la race juive » (on veut dire « entre les Hellènes et les Juifs »).

Je ne parlerai pas des nombreuses fautes d'impression de l'ouvrage, mais il est désagréable de trouver plusieurs fois « theosopthisch » au lieu de theosophisch ; que le Midrasch sur les Psaumes soit appelé SchocMr Tob, au lieu de Schocher Tob. L'ouvrage npy Y^ \^''^ Yakob) est cité, p. 64, 1. 13 et 27, sous le nom « Eijin Jakob » ; ibid., note 81, sous celui de « Aïjin Jakob » (M. W. ne connaît-il pas Deut., XXXIII, 28). Le nom de Bar Kappara N"iop "13; se trouve, p. 187, sous trois formes : B. Kappara, B. Kappora, B. Kapara. P. 22, 1. 1 : R. lusua; ib., 1. 5, R. Eliasar.

Dans les indications des passages, il y a aussi beaucoup de négli- gences fâcheuses : p. 19, 1. 1, Isaïe, xx, 20, 1. Is., xxvii, 8; p. 26, note 41, XXI, 8, 1. xxix,8; ib., note 43, d'après Soph. Sal. ; compl, XIX, 16 ; —p. 81, note 127, avant Épitre aux Cor., ajouter II ; p. 107,

154 REVUE DES ETUDES JUIVES

note 38, au lieu de xv, 1. xvi ; p. 170, note 63, après Tanchouma, ajouter : éd. Buber.

A la fin de celte analyse je n'ai pu relever qu'une partie des détails de l'ouvrage de M. Weinslein méritant d'être critiqués, je dois exprimer le regret que l'auteur ait employé beaucoup de science et de sagacité, ce qu'il est impossible de lui dénier, à poursuivre une idée préconçue et à interpréter d'une manière forcée des textes nombreux en vue de son système. Un manque absolu de méthode scientifique, l'habitude de ne tenir aucun compte des travaux antérieurs, si nom- breux en cette matière, un goût effréné pour les hypothèses, une foi absolue en ses propres idées, une complète absence de critique dans l'emploi des sources, tout cela fait que cet ouvrage, composé non sans esprit, malgré la richesse des matériaux, doit être considéré comme pauvre en résultats. L'auteur n'a pas montré qu'il ait le droit de juger l'état présent de la science du judaïsme, comme il l'a fait au début de son Introduction.

Budapest.

W. Bachbr.

Publications de la Société littéraire Israélite de Hongrie :

1) A zsidôk tiirténete Biidapesten (Histoire des Juifs à Budapest, depuis les

temps les plus anciens jusqu'en 1867), par Alexandre Buchler. Budapest, 1901 ; in-S" de ."124 p.

2) Az 184H-49-iki magyar szabadKâgliarcz ts a zNidôk (La Révolution

hongroise de 1848-49 et les Juifs), par Bêla Bernstein, avec une préface de Maurice Jôkai. Budapest, 1899 ; in-8* de 344 p.

3) Szenlirâs (La Bible), tomes I et II. Budapest, 1898 et 1900; in-8* de 410 et

350 p.

4) Évkonyv (Annuaires de la Société littéraire israélite de Honj^rie), 4 vol., 1898-

1901, rédigés par W. Bâcher et J. Banoczy. Budapest, in-8* de 372, 406, 385 et 440 p.

1 ) Depuis notre dernier compte rendu (voir Revue, juillet-septembre 1897), la Société littéraire israélite de Hongrie a publié huit nou- veaux volumes, qui attestent le zèle infatigable avec lequel elle pour- suit son œuvre. Deux de ces volumes sont une contribution très précieuse à l'histoire du judaïsme dans l'Europe orientale, deux autres nous donnent le commencement de la traduction hongroise de la Bible attendue depuis si longtemps ; les Annuaires, enfin, dans leur riche variété, reflètent l'activité de cette Société, qui exerce une influence si bienfaisante sur la partie éclairée des Juifs magyars.

BIBLIOGRAPHIE 185

I L'histoire des Juifs à Budapest depuis les temps les plus an- ciens jusqu'au dualisme (<867) » est l'œuvre de M. Bïichler, rabbin de Keszlbely, et a remporté le prix Tencer. La capitale hongroise s'appelle actuellement Budapest, mais dans l'histoire du judaïsme, la communauté n'est pas connue sous ce nom. Jusque vers le milieu du xviii« siècle, l'Europe connaît bien la Kehila Ofen (Bude), puis celle d'Àlt-Ofefi (0-Buda), mais ce n'est qu'au xix*^ siècle qu'on com- mence a parler de celle de Pest. M. Biichler était donc amené à di- viser son travail, d'après le développement historique de la capitale hongroise, en trois parties. La première, et c'est la plus importante, est celle qui concerne Bude (Ofen p. 1-266) ; puis vient celle qui traite d'O-Buda (Alt-Ofen p. 267-328) ; finalement, nous avons la partie la plus récente de cette histoire : celle de la communauté de Pest (p. 329-511).

Tous ceux qui s'occupent de l'histoire des Israélites savent que la communauté d'Ofen était célèbre dès le moyen âge et qu'elle brillait d'un vif éclat aux xvi» et xvii^ siècles. M. Biichler croit que les pre- miers Juifs y arrivèrent, non pas avec les Magyars conquérants du pays vers la fin du ix^ siècle, mais seulement au xS peut-être même au XI'' siècle. C'étaient des Israélites immigrés soit des provinces allemandes limitrophes, soit des provinces slaves- Sous la dynastie d'Arpad .1000-1301), la communauté s'éleva au premier rang ; elle le conserva dans les siècles suivants, car c'est elle qui était chargée de représenter auprès des autorités les autres communautés juives de Hongrie. Le roi Bêla IV lui octroya, par une charte datée de 1251, certains privilèges. La sj'nagogue construite près de la « Porte juive » existait déjà en 1307. Le sort tolérable des Israélites de Bude devait être connu à l'étranger, car on rencontre souvent dans les documents des détails sur l'immigration des Juifs étrangers a Bude. Ainsi les sources mentionnent que des Juifs français, chassés probablement au commencement du xv« siècle de leur pays, s'y établirent ; que leur nombre était assez considérable et qu'en 1433 ils parlaient en- core le français. Un autre fait qui prouve l'opulence de la commu- nauté, c'est qu'au commencement du xvi» siècle elle paye, sur les 2,000 florins d'impôts que la ville devait verser au trésor royal, juste la moitié. L"n de ses rabbins les plus célèbres vers la fin du xv« siècle, Akiba Kohen, est dénommé par ses contemporains : « prince de Bude ».

Malgré cette prospérité et cette renommée, les persécutions par- tielles ne manquaient pas. Ainsi en 1495, cinq ans après la mort de Malbias Gorvin, lorsque le pays se trouva sous le sceptre des faibles et inertes Jagellons, la populace donna la chasse aux Juifs, mais la communauté fut protégée par Maximilien, empereur romain, dont les descendants devaient bientôt monter sur le trône de Hon- grie. La chronique a conservé de cette époque le nom d'un Juif con- verti, Senior Elel ben Ephraïm, qui reçut le nom d'Eméric Szeren- csés, obtint les plus hautes charges et se montra toujours grand pro- tecteur de ses anciens coreligionnaires.

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La bataille de Mohacs (1326) mit fin à la communauté florissante de Bude. A la nouvelle du désastre, qui soumit un tiers de la Hongrie pour cent cinquante ans à la domination turque, une grande partie des Juifs s'enfuirent. Ceux qui restaient remirent au pacha Ibrahim les clefs de la forteresse. Le sultan Soliman fit son entrée dans la ca- pitale le 11 septembre, le jour du Jeune de Gedalia ; il se montra très bienveillant ; mais le 22 du même mois, il fit transporter sur ses ga- lères tous les Juifs de Bude et d'Esztergom (Gran) en Turquie. « Leur faire quitter ce pays, disait-il, c'est les délivrer de leur misère. » On les établit à Gonstantinople, à Sophia, à Cavala, à Widdin, à Salo- nique et à Plewna. Le célèbre rabbin de Bude, Naftali Kobeu ben Isaac, accompagna ses fidèles à Sophia, il vivait encore en 1332.

Peu à peu, la communauté se reconstitua. Dans un recensement de 4380 on trouve de nouveau quatre-vingt-huit familles juives. « Si les Magyars, dit M. Bûchler, les tondaient, les Turcs les écorchaient. » Le quartier juif fut rétabli sous le nom de « Mahallé i jehudian », mais le gouvernement turc chargea plusieurs Lsraélites de la percep- tion des impôts et des contributions. Les Juifs de Bude devinrent des sujets loyaux des sultans. Ce loyalisme envers les conquérants excita souvent la colère des Magyars. L'empereur-roi Rodolphe, à qui on conseilla des représailles, loua, au contraire, cette fidélité en di- sant : a Je ne doute pas que nos sujets Israélites, si l'occasion se présente, se montreront tout aussi braves et fidèles. » t Ismaël et son gendre Esaii » (c'est ainsi que les Juifs appelaient les Turcs et l'empereur-roi) firent enfin la paix (1606); la communauté s'accrut d'émigrés espagnols, autrichiens, polonais, moraves et même sy- riens, de sorte qu'au xvii^ siècle on y célébrait le culte selon trois rites : espagnol, allemand et S3Tien. Le plus célèbre rabbin de Bude était alors Ephraïm Kohen, élu en 1666, et dont le nom était connu partout l'on s'occupait du Talmud.

M. Bûchler trace le tableau de la vie intellectuelle de cette com- munauté, décrit le désastre causé au moment de la reprise de Bude par les troupes impériales (1686), les tentatives du cardinal Kollo- nics, qui voulait chasser les Juifs du territoire hongrois la haine de ce fanatique contre les protestants n'était pas moindre et les nombreuses vexations que les Autrichiens, devenus maîtres de la Hongrie, firent subir aux Israélites de Bude. Ici l'intérêt du volume commence à languir; en effet, les chapitres x et xi de cette pre- mière partie constituent plutôt l'histoire de certaines familles juives. Nous apprenons encore que Marie-Thérèse, cette reine avisée, mais peu scrupuleuse dans ses moyens d'action, expulse les Juifs de Bude en 1746 et qu'ils n'obtiennent la permission d'y revenir que sous Joseph II. Depuis la fin du xviiic siècle, la communauté s'est déve- loppée régulièrement. Après la Révolution de 1818-49, il y avait 4,976 Israélites, mais malgré ce nombre, Bude ne jouissait plus de la renommée qu'elle avait sous la domination turque.

La communauté d'O-Buda (Alt-Ofen) se constitua lorsque Marie-.

BrULIOORAPHIK 157

Thérèse expulsa les Juifs de Bude. Elle acquit une grande renommée sous le rabbin Moïse Munz, originaire de Brody, élu eu 17X9. Sa fa- meuse discussion avec Chorin, l'auteur d'Emek Hachavé (180.1), les persécutions que ce dernier comme adepte des reformes dut subir, sont les chapitres les plus intéressants de cette partie.

La communaulé de Pest prit naissance sous Joseph II, dont l'édit de tolérance (1783) permettait aux Juifs de s'y établir définitivement. Son grand développement, elle compte aujourd'hui 80,000 âmes, est intimement lié à l'élan prodigieux de la capitale hongroise, qui, d'après le dernier recensement, dépasse 700,000 habitants. Les meil- leures pages de cette partie sont celles que M. Bûchler consacre à l'activité des rabbins Wahrmann (élu en 1799), Schwab (1836) et Mei- sel (1859) ; au mouvement réformiste inauguré par Einhorn, qui, sous le nom d'Edouard Horn, déploya, après la Révolution, son activité comme journaliste et conférencier à Paris. Le récit de la participa- tion des Juifs à cette révolution aurait pu être retranché, puisque cet épisode est traité avec tous les détails nécessaires dans le livre de M. Bernstein.

M. Biichler a ajouté à son ouvrage consciencieux et puisé aux meilleures sources, un appendice oili nous trouvons le texte hébreu de certaines coutumes de l'ancienne communauté de Bude, se rap- portant aux repas, aux fiançailles, au divorce, à l'héritage et aux prières.

2) Le volume de M. Bernstein, rabbin de Szombathely, retrace, d'a- près les archives de plusieurs villes et les journaux contemporains, la part prise par les Juifs à la guerre d'indépendance de 1848-49. Peu après la Révolution, Edouard Horn, dans un livre publié à Leipzig [Die Révolution und die Juden in Ungarn, 1851), avait dit que vingt mille Juifs hongrois avaient participé à ce mouvement insurrec- tionnel. Ce chifiYe est probablement un peu exagéré. Ce qui est prouvé, c'est que les Israélites ont déployé une grande activité au moment de la Révolution. Ils ont donné leur sang et leur argent à la cause magyare.

Pourtant, à l'aube même de la liberté, en mars 1848, ils furent massacrés, par la population, dans plusieurs villes. Lorsque la Diète vota l'émancipation de toutes les races habitant le sol hongrois, les Israélites seuls furent exclus de ce bénéfice. Kossuth s'y opposa, non pas, certes, par antipathie contre la race, mais parce qu'il pré- voyait que leur émancipation en masse susciterait la haine des autres nationalités. Il s'en est expliqué plus tard dans ses discours à Londres. M. Bernstein retrace la situation des Israélites hon- grois avant 1848 ; la journée du 15 mars ; les persécutions qu'ils ont subies lorsque la Révolution éclata, persécutions tellement violentes que plusieurs communautés pensèrent sérieusement à émigrer en Amérique ; les difficultés que les Juifs eurent, quelques mois plus tard, pour entrer dans la garde nationale ; le rôle qu'ils ont joué parmi les honvéds M. Bernstein donne la liste complète de ceux que

158 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

les documents mentionnent ; leurs sacriJSces de toute nature pour soutenir aussi longtemps que possible la lutte ; leur résistance dans le sud de la Hongrie à Tappel de Vil/j/risme, c'est-à-dire à la coalition des Serbes et des Croates pour combattre les Magyars ; la vengeance des Autrichiens ; la rançon demandée par les vainqueurs aux diffé- rentes communautés privées. Haynau seul leur imposa, outre des contributions énormes en nature, 2,300,000 florins. Cette somme fut réduite à un million et devait constituer plus tard le fonds d'études dont les intérêts ont servi à la création de la première Ecole normale primaire juive et à celle du séminaire Israélite de Budapest. Le der- nier chapitre de ce livre intéressant parle des Juifs de l'émigration de 1849 et donne la biographie des plus illustres parmi eux.

M. Jokai, le grand romancier, témoin de cette lutte pour la liberté, à laquelle il participa par la plume et par Tépée, a écrit une courte préface à ce volume, il constate qu'en Hongrie les Juifs furent toujours les adeptes les plus fervents de l'idée nationale, de la li- berté.

3) Une traduction hongroise de la Bible répondant aux exigences de l'exégèse moderne et au progrès de la langue magyare, était attendue depuis longtemps. On ne pouvait guère plus avoir recours aux traductions des protestants et des catholiques faites aux xvi<= et xvii^ siècles, au moment des luttes religieuses. M. Bloch (Ballagi), qui avait entrepris, il y a cinquante ans, une traduction, n'a irouvé nul encouragement de la part du consistoire de Pest. Aujourd'hui, la situation a changé. On explique la Bible, dans les écoles primaires israélites, en magyar. La traduction entreprise par la Société litté- raire sera donc partout bien accueillie. Le premier volume, conte- nant le Pentateuque, est également à M. Bernstein, dont la traduc- tion a été revue par M. Blau, professeur au séminaire de Budapest. Le deuxième volume, contenant Josué, les Juges, Samuel, les Rois, est au rabbin Jules Fischer, ancien élève du séminaire, actuellement à Prague. MM. Banoczi, Bâcher et Krauss ont revu sa traduction, qui offre ainsi les garanties nécessaires au point de vue de la fidélité et au point de vue de la langue.

4) Les Annuaires présentent le même intérêt que les années pré- cédentes. Outre les communications relatives à la vie intérieure de la Société, aux conférences qu'elle organise, nous y trouvons une partie littéraire très nourrie. Nous y relevons pour l'année 4898 : Une description des j^rincipales synagogues de V Europe, par M. L. Pa- locz3^ ; M. Bâcher rend compte de l'importante découverte faite en Egypte du Fragment de V Ecclésiastique; M. Radô retrace la carrière du pédagogue hongrois Maurice Karman, le fondateur de l'Ecole pratique de l'enseignement secondaire, dont on a fêlé le jubilé en 1897 ; M. Kayserling parle de Noa Mordechaï, juif américain, qui, le premier dans notre siècle, eut l'idée de fonder un Etat juif ; M. Buch- 1er publie des notes iutéressantes sur le costume des Juifs hongrois à la fin du xviii<2 siècle ; M. A. Rosenberg parle de la réception des

BIBLIOGRAPHIK 159

pro'iélytes daîis lejuiaïsme: M. Venetianer retrace avec beaucoup de savoir les tentatives des philologues hongrois du xvii*^ et du xvui» siècles dans le domaine des études comparées des langues hébraïque et magyare; M. Waldapfel donne, d'après le livre de Banoczi, l'histoire de l'unique Ecole normale d'instituteurs israéliles ko/igrois {\S-jl-'èl) ; M. Samu donne ses impressions de voyage à Jérusalem ; M. Peisner énumère les Juifs hongrois qui durent émigrer à la suite de la Révo- lution de 4S4S, et M. Bernstein parle de la réforme du culte israélile que cette révolution a fait naître. Année 189ti : Balassa : L'ethno- graphie du judaïsme hongrois ; Rosenberg : Le monothéisme et la doc- trine de sélection ; Mandl : Kazinczy et les Juifs (Kazinczy, inspecteur des écoles sous Joseph II, fut le premier à faire sortir les Israélites de leur isolement et voulut les iaire participer aux rétormes huma- nitaires de l'empereur) ; Goldschmied : La Renaissance allemande et la Bible ; Bàràny : Coyitrihutions à rhistoire des Juifs à Kecskemét ; Lôwy : Yorigine du dicton: La lettre tue, l'esprit vivifie; M. Brody trace un tableau très intéressant des Chants d'amour dans la poésie hébraïque à V époque hispano -arabe et caractérise particulièrement Moïse ibn Esra et Juda Halévi ; M. ^Yeisz donne la biographie de Kollinszky, le jeune rabbin tombé le 6 octobre 4 848 sur les barricades de Vienne; Neumann la nécrologie de Philippson, au- quel le rabbin de Budapest, Kayserliog, a consacré dernièrement une biographie (Leipzig 4898). M. Frisch dresse des statistiques très intéressantes qui démontrent les conséquences des lois politico-ecclé- siastiques en vigueur depuis 4 896 ; M. Vajda étudie le sort des Juifs d'Alexandrie; M. Flescb parle de l'hospitalité dans le Talmud ; M Biichler des sacrifices 'pour les empereurs romains au temple de Jérusalem; M. Krauss cherche dans les Livres saints des analogies arec Vépée d'Attila ; M. Grûnhut décrit la Communauté israélite hon- groise à Jérusalem; finalement, M. Bâcher donne un aperçu ingé- nieux des trois traductions juives de la Bible : les Septante, Saadia et Moïse Mendelssohn.

Année 1900 : Havas : Petofi (les rares passages le grand poêle lyrique mentionne les Juifs montrent qu'il avait beaucoup de sym- pathies pour eux) : Bâcher : Szirach en danger propos des éludes de M. Israël Lévi sur le texte hébreu nouvellement découvert) ; Székely : Statistique des Juifs en Hongrie (en 1720, il y en avait 1-2,655; en 1805, 127,816; en 1842, 241,632; en 1869, 532,133; en 1890,725,222); Acsàdy : L'esprit ecclésiustique et les Juifs ; M. Mezei décrit l'état na- vrant des écoles juives dani la Hongrie du Nord; Kecskeméti : Sor- cie'-s de Kanaan ; Bloch : Quelques feuilles antisémitiques françaises pen- dant la gravide Révolution (détails intéressants sur l'abbé Grégoire et sur les attaques dirigées contre lui) ; PoUak : Les Juifs de Nagymar- ton ; Kont : Eugène Manuel ; Krauss : Manuscrits hébreux dans Van- cienne bibliothèque de Bude ; Hazai : Prières des Sabbathariens (publie plusieurs poésies magyares de cette secte fondée au xvii« siècle par le chancelier Péchi en Transylvanie) ; Steiu : Optimisme religieux

160 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

(conférence faite par le savant professeur de l'Université de Berne à Berlin) ; Schwarz : Les Juifs e?i Croatie ; Bûchler : De Judaeis (sur la loi volée par la Diète hongroise en 1790-91 ); Heller : Eléynenls hihliques dans les jjcésies de Michel Tompa ; Eisler : Les études juives d'Apaczai (cartésien hongrois du xvii« siècle, auteur d'une Encyclopédie parue en 1655).

Année 1901 : Heller : Hommage à Voriismarty l'occasion du cen- tenaire de la naissance du grand poète national ; jugement du poète sur les Juifs et ses propositions en leur faveur) ; Bâcher : Martyrs juifs dans le caletidrier chrétien (élude sur les Macchabées] ; Beck : Létat actuel des Juifs en Roumanie ; Goldschmied : Le style juif; Keumann : Nietzsche et le judaïsme ; Weisz : La société Israélite de Ko- lo:svar (on y organise des conférences depuis deux ans); Ivecske- méii : Les Mînim (Cf. Revue des Études juives, 1899); Mandl ; Uin- struction des Juifs hongrois sous Joseph II (1780-90) (étude détaillée puisée aux archives) ; Eisler : Les grands rabbins de Transylvanie ; Rosenberg : La légende de la création dans la Bible et chez les Grecs ; Vajda : La mort d' Agrippa, roi des Juifs ; Kayserling : Lu::ato et les savants juifs de Hongrie (d'après la correspondance du savant ita- lien) ; Pillitz : Une lettre inédite de Luzzato; Alexander : Sxi,r le Mar- chand de Venise, de Shakespeare (étude esthétique).

Chaque volume contient, en outre, des poésies originales ou imi- tées des poètes juifs du mo^^en âge, des récils sur la vie privée en Hongrie et les souvenirs de l'humoriste Agai sur ses parents.

Nous pouvons voir par cette simple énuméralion que les éditeurs de l'Annuaire s'efforcent de donner à cette belle publication un cachet scientifique. Les collaborateurs, pour la plupart anciens élèves du séminaire de Budapest, montrent que l'enseignement qu'ils y ont reçu porte les meilleurs fruits.

J. KONT.

ADDITIONS RECTIFICATIONS

Tome XLII, p. 195, 1. G. Au lieu de « Nissan fut placé au dimanche », lire « au mardi ». A. Epstein.

Ibid., p. 273. A l'article de M. Scbwab sur « Un secre'taire de Raschi », comparez mon travail « Schemaja der Schûler und Secretâr Raschi's » [Monalsschrift, XLI, p. 257 et suiv.). A. Epstein.

Ibid., p. 276, note. M. A. Epstein, Schemaja der Schûler uni Secretâr Raschi's, dans la Montasschrift, t. XLI (tirage à part, Berlin, 1897, p. 4), admet, selon une donne'e de R. Jacob Tam dans le Se fer ha-Taschar, que Schemaja a été le beau-père d'un petit-fils de Raschi, savoir de Samuel b. Me'ïr. A. Marx.

Le gérant :

Israël Lévi.

VERSAILLES, IMPRIMERIES CERF, 59, RUE DUPLESSIS.

CONTRIBUTIONS

A LA GÉOGRAPHIE DE LA PALESTINE

ET DES PAYS VOISINS

(suite ')

II

LA GÉOGRAPHIE DES TABLETTES d'eL-AMARNA.

Au débat de l'année 1888 des fellahs découvrirent, sur la rive orientale du Nil, à El-Amarna, une collection de tablettes d'argile trois cent vingtenviron recouvertes d'inscriptions cunéiformes, lettres adressées au roi d'Egypte, au xiv^ siècle av. J.-C, par des souverains étrangers, chefs de villes palestiniennes ou sj'riennes, agents royaux. Ces précieux documents, publiés et traduits par M. Hugo AYinckler, dans la KeiUnscrifiLichen Bibliolheh, font connaître une série de noms de villes et de pays dont l'emplace- ment est le plus souvent incertain. Il semble utile de reprendre les études géographiques auxquelles ces tablettes ont donné déjà lieu, en se plaçant à un point de vue qui n'a pas été encore envi- sagé, en sériant les tablettes d'après les formules protocolaires employées. L'emploi des mêmes formules par deux personnages parait établir entre eux un lien de voisinage ; l'usage des for- mules les plus humbles dénote une plus grande sujétion de l'au- teur de la tablette à l'égard de son correspondant.

Les formules comprennent : les titres du destinataire; les noms et qualités de l'expéditeur ; les salutations.

Y o\i Revue des Études juives, t. XXXV, p. 185.

T. XLIII. 86. 11

162

REVUE DES ETUDES JUIVES

A. Titres du destinataire.

Pour la clarté de cette étude, on ne considérera que les tablettes adressées au Roi d'Egypte, et l'on adoptera la traduction et le classement de M. Hugo Winrkler.

Les formules peuvent se ramener à neuf types avec de nom- breuses variantes.

u. Formules royales.

1. à X.. Roi d'Egypte, ~. 8 du Roi de Kardouniach,

2. à X.. le grand Roi, Roi d'É.'^-ple, 10 du même,

3. à X , mon frère, (3 du môme,

4. à X., Hoi d'Egypte, mou frère, ou 2, 4, 5, 9, 11 du même, 16 du Roi de

au Roi d'Egypte, mon frère, Milaui. 25, 26, 27, 28, 29 et 30 du

Roi d'Alaschia,

5. àX., Roi d'Egypte, mon frère, 17. 18, 19, 20, 21, 23 et 21 du Roi de

mon gendre qui m'aime et que Milani, j'aime, ô. à mon Seigneur, le Roi d'Egypte, 36 de Zid. . . , le fils du Rwi. mon père.

b. Formules vassales.

au Roi, mon Soi^ineur,

39 et 40 d'Abd-Acbrat d'Amour, 71, 96, 99 et 104 de Rib-Addi de By- l)los, 122 de la ville d'Irqata, 125 de Addou. . .ia et de Baltiil, 131 de Hiiri.... amil de Khachabou, 144 de Namiavaza, 145 de X., 146 d 1- takkama, 156 d'Abimilki de Tyr, 161 d'Artamanja amil de Zirba- cbani, 162 de Lapaja, 164 d'Addou- acbaridou, 175 d'Arzavaja, amil de Mikbiza, 179. 180. 182, 183 et 184 d'Abd-kbiba de Jérusalem. 186 de X., 187 et 188 d'Addou-mikbir, 189 de Tagi, 191 de X., 198 de Chûuvardala, 202 du Roi de Kba- souri,203 d'Abd tiicbi, amildeKha- zoura, 220 de Cbamou-Addou, amil de Chamkbonna, 231 de Baiaja, 238 de Jama, 241 de Cbipli-Addi, 242 de Chiptouri. . . , 245 de Dachrou, 246 et 247 de Zitrijara, 250 de l'iimil de Doubou, 251 de l'amil de Q.i- nouou, 252 d'Abd -milki, amil de Cbaskbimi, 253 d'Amajachi, 255 de

DATRIHLÏIUNS A LA tllîUGHAl^llIK DH LA FALESTLNK 163

Badouza, 258 de . . .khilija, 261 de Zichaminii. 2G3 de l'amil de Na- zima, 261 de Dijati, 265 de Ta^i. 268 de Soubajadi, 270, 2';3, 278, 279 et 285 de X., 8. au Roi d'Egyple, mou Seigneur. 41 de Dounip.

c. Formules d'adoration solaire simp'e-

9. à X., le lils du Soleil, mon Sei- 138 el 139 d'Akizzi de Oalnu, gneur,

10. au Roi, mou Soleil, 93 de Rib-Addi de Byblos,

11. à mon Seigneur, le Soleil, Ïj% el 69 du même ; dans le corps de'^

lettres 38 d'Abd-Achrat d'Amour, 288 de X., et 289 de Addou.

12. au Roi, mon Seigneur, mou So- 63, 76,78. 86,94, 103 et 107 de Hib-

leil, Addi, 119 de Hyblos, 1 0 d'Akizzi

de Qatna, 153 d'Abimilki de Tyr, 163 de Lapaja, 178 de Jabitiri ,? , 181 d'Abd-khiba de Jérusalem, 194 et 195 de Biridija. amil de Makidda, 244 de Dachrou, 249 de Chalija, 256 de Moulzou. . ., fils de Lapaja, 262 de Nouourlouja . . .ma, 271 d'Abdna. . . .

13. au Roi, mon Seigneur, le Soleil, 98 de Rib-Addi,

14. au Roi, le Soleil, mon Seigneur, 38 d'Abd-Achrat,

15. au Soleil, le Roi, mon Seigneur, 37 de Ramman-nirari de Noukhacb-

le Roi d'Egypte. chi.

d. Formule polythéiste.

10. au Roi, mon Seigneur, mes Dieux. 143 de Namiavaja.

e. Formules solaires polythéistes.

17. au Roi, mon Soleil, mes Dieux, 151 et 152 d'Abd-milki de Tyr.

18. au Roi, mon Seigneur, mes Dieux, 176 d'Avzavaja. 197 de Jarta ".'). 260

le Soleil, de Rouchmania, amil de Tarouna,

19. au Roi, mon Seigneur, mes 149. 150, 154 et 155 d'Abimilki de

Dieux, mou Soleil, Tyr, 165, 166 et 167 <ie Chouvar-

dàla, 168, 169, 170, 171 et 172 de Milkili, 173 et 174 de Ninour, 1~7 , d'Arzavaja. 190 de Tagi, 193 de

Biridija, amil de Makidda, 199 et 200 de Chouvardala 206 de Ja- pakbi de Gizer. 214 de Jabiliri,

221 de Choumad 2i'0 de Baiaja,

239, 240 et 275 d'Addou-daian, 248 de Zitrijara, 259 de Khiziii, 266 et 274 de Jakhzibaia, 284 de X.

i&'i

REVUE DES ÉTUDES JUIVES

f. Formules solaires mo7iothéistes.

20. au Grand Roi, mon Seigneur, mon 48, 49 el 51 d'Azirl,

Dieu, mon Soleil,

21. au Roi, mon Seigneur, mon Dieu,

mon Soleil.

42, 43 et 47 d'Aziri, 117 de X., 127 de la ville deToubikbi,132d'lldaaja..., amil de Khazi, 134 de ...varzana, amil de Khazi, 192deBiridija,232et 233de ChoutarnadeMouchikhouna, 267 de Jamiouta, amil de Ga("?;da- chouna, 283 d'll^?;kba. . . ; dans le corps du lexlc, 249 deChalija.

g. Formules au Soleil du Ciel.

22. au Roi, mon Seigneur, le Soleil 157, 158 et 159 des amils d'Akko, 228

du Ciel. de CUoubandi, 254 de Jiktasou,

269 de X., 272 d'Inbaouta ; dans le corps du texte, 2G2 de Nouourlou- ja. ..ma,

23. au Grand Roi, mon Seigneur, le 21G de Dagan-takala,

Soleil au Ciel,

24. an Roi, mon Seigneur, mon So- leil, mes Dieux, le Soleil du Ciel,

25. au Roi, mon Seigneur, mon Dieu,

mon Soleil, le Soleil du Ciel.

160 de Zitalna, amil d'Akko, 204 cl 205 de Japakbi de Gézer, 207, 208, 209, 210, 211, 212 et 213 de Jitia, amil d'Asqalon, 217 de Zimridi, amil de Lakicb, 224, 225, 226, 227 el 229 de Cboubandi, 234, 235 et 236 de Pou-addi, amil de Vourza, 243 de Chipli..,, 257 de Souracbar, amil de . . .tiachna, 277 de X.,

218 de Jabn-iilou de Lakicb.

h. Formules au Souffle de la. vie.

26. au Roi, le Souffle de ma vie, 129 et 130 d'Ammounira, amil de Be-

rout,

27. au Roi, mon Seigneur, le Souffle 129 « du même,

de ma vie,

28. au Roi, mon Seigneur, mon So- 128 du même, 147 de Zimrida, amil

leil, mes Dieux, le Souffle de de Sidon. ma vie.

i. Autres formules.

29. au Roi, mon Seigneur, le Sei- 53, Gl, G2, 70, 73, 74, 79, 85, 88 et gneur (ou le Roi ou le Soleil) 91 de Rib-Addi de Byblos, des pays,

CONTRIBUTIONS A LA CKOGKAPIIIE DE LA PALESTLNE 165

30. au Seignonrdes pays, au Uoi clos 55, TjG, (50, 64, "iQ, 77, 80, SI, 83, 81, pays, ail Grand Roi, au Uoi de S7, 100 et 101 du même, la bataille.

On saisit tout de suite l'iraportance de ces formules, en cons- tatant qu'à Ascalon et à Akko, l'on fait usage des formules au So- leil (tu Ciel, à Tyr de la formule au Roi mon àeic/neur, mes Dieux, mon Soleil, à Sidon et Beyrout des formules au Souffle de la vie, à Byblos des formules au Seigneur des pays, au Roi de la Bataille; ainsi les nationalités s'accusent, même sur le bord de la mer, les différences de langage tendent à s'atténuer.

B. Signatures.

a. Formules royales.

31. renonciation du titre royal est

suivie fréuéraleraent des mots : ton frère.

b. Signatures simples.

32. le nom sans qualificatif. 131 de Biiri..., amil de Khachaboii,

132 d'Ildaja..., amil de Khazi, 147 de Zimrida, amil de Sidon, 175 d'Arzavaja, amil de Mikhiza, 202 du Roi de Khazouri, 220 do Chamou-Addou,amildeCbamkbou- na, 26i de Dijati.

r. Formules de politesse.

33. ton serviteur, 37 de Ramman-nirari, 41 des gens de

Dounip, 42, 43, 47, 48, 49 et 51 d'Aziri, 69, 76, 78, 86, 91, 93, 94, 98, 99, 103 et 107 de Rib-Addi, 119 et 120 de Rabimour, 138, 139 et 140 d'Akizzi do Qalna, 145 de X., 146 d'Ilakkama, 149, 150, 151, 152, 153. 151, 155 et 156 d'Abi- niilki de Tyr, 161 d'Artanianja de Zir-bachani,162de Lapaja,164 d'Ad- dou-acbaridou, 166 de Cbouvar- dala, 173 de Ninour, 178 de X., 179, 180, 181, 182, 183 et 184 d'Abd- khiba de Jérusalem, 186 de X.,

166 REVUE DES ETUDES JUIVES

188 d'Addou-mikhir, 189 de Tagi, ]91 de X. 198, 199 et 201 de- Chouvardalîi, 203 d'Abd-tirachi de Khazouia, 215 et 216 de Dagan- lakala, 2H0 et 231 de Baiaja, 232 et 233 de Choutarna de Mouchi- kliouHa, 234 dePou-Addi de Vour- za, 237 de Mout-Addi, 238 de Jama, 216 et 247 de Zitrijara, 250 de l'amil de Doubou, 251 de Tamil de Qa- nouoii, 252 d'Abd-Milki, amil de Cbaskbimi, 253 d'Amajacbi, 254 de Jiktasou,255 de Badouza,258do ...khilija, 259 de Kbiziri, 261 de Zicbamimi, 263 de l'amil de Nazi- ma, 265 de Tagi, 268 de Souba- jadi, 270 de X., 272 dTnbaouta, 279, 284, 285 et 291 do X., 289 de . . . Addou, 290 d'Akizzi,

34. le serviteur du Roi, 39 et 40 d'Abd-Acbrat, 221 de Cbou-

mad . . . , 267 de Jamioula, amil de Gaf'?)dacbouna,

35. le fidèle serviteur du Roi, 187 d'Addou-mikhir, 193, 194 et 195

de Biridija de Makidda, 244 et 245 de Dachrou,

36. ton fidèle serviteur. 192 de Biridija.

d. Formules cVliumilité.

37. Ion serviteur, le soc de tes pieds, 53 de Rib-Addi,

38. ton serviteur, la poussière de tes 38 d'Al)d-.Vchrat, 96 de Rib-Addi,

piods, 128, 129, 129 a et 130 d'Ammou-

nira de Bcrout, 143 de Namiavaja, 160 deZiatatna d'Akko, 165 et 167 de Chnuvardala, 168. 169, 170, 171 et 172 de Milkili, 174 de Ninour, 190 de Tagi, 200 de Chouwardala. 20() de .Japakhi de Gezer, 214 do Jabitiri, 217 de Zimridi de Lakicb, 228 el 229 de Cboubandi, 2:6 de Pou-Addi de Vourza, 239 d'Ad- dou-daian, 241 de Cbipti-Addi, 242 de Chiptouri. . ., 243 de Cbip- ti..., 249 de Chatija, 266 de Jakhzibaia, 271 d'Abd-na..., 274 de X., 275 de ...daiau, 283 de ll(?)kba...,

39. ton serviteur et la poussière que 163 de Lapaja,

tu foules,

40. ton serviteur, et la poussière sous 131 de ...varzana de Khazi, 249 de

les- pieds du Roi, mon Sei- Cbalijade... gneur (mon Dieu, mon Soleil),

CONTRIBUTIONS A LA (^.KOGUAPIIIK l)K LA PALKSTINE

167

41 . le fidèle serviteur du Roi, la pous-

sière des pieds du Hoi,

42. la poussière de tes ])icds, le sol

que tu foules,

43. ton serviteur, la poussière de tes

pieds, le sol que tu foules,

44. le serviteur du Roi, la poussière

de ses pieds, et le sol qu'il foule,

45. ton serviteur, la poussière des

pieds du Roi, mou Seigneur, mon Soleil el la terre qu'il foule,

46. ton serviteur, la poussière de tes

pieds, la boue que lu loules,

47. ton serviteur, la poussière de les

pieds, le trône sur lequel lu sièges, le soc de les pieds.

ITG d'.Vrzavaja, 19" de Jarta, 271

d'Abd-ua. . . , 141 de .\ra. . . de Kouuiidi,

1~7 d'Arzaja, 218 < e Zilrijara, 256 de Moutzou . . . , 277 du X. ,

157 de Sourala d'Akko, 158 el 159 de Zalatna d'Akko,

262 de Nou(?)ourtouja. . .ma.

260 de Rouchmania de Taronna, 144 de Namiava.a-

e. Chefs des dépôts de car aies.

48. ton serviteur, la poussière de tes 204 et 205 de .lapakhi de Gczer, 207, pieds, le valet de les chevaux. 208.209, 210, 211, 212 el 213 de Jilia

d'Asqalon, 218 de Jabni-il ou de La- kich, 224, 225, 226 et 227 de Cbou- bandi, 235 de Pou-Addi de ^'ourza, 243 de Chipli. . .,257 de Sourachar de . . liachua, 269 de X.

C. Salutations

a. Salutations simples.

4 I. à les pieds je tombe. 50. aux pieds de mon Seigneur je tombe.

238 de Jama, 261 de Zichatnimi, 37 deRammanni-rari de Noukachchi, 125 d'Addou... et de Baliil, 175 d'Arzavaja de Mikhiza, 186 de X., 202 du Roi de Khazouri, 237 de Moul-Addi, 273 de X..

51. aux pieds du \Wi. mon Seigneur, 162 de Lapaja, 166 de Cbouvardala,

je tombe, 265 de Tagi, 285 de X.,

52. devant le Soleil, mon Soigneur, 289 de X..

je tombe,

53. aux pieds de mon Seigneur, mon 93 de Rih-Addi de Ryblos, 140 d'A-

Soleil, je tombe. kizzi de Oatna.

b. Les sept salutations simples.

54. Sept fois je tombe aux pieds de 138 el 139 d'Akizzi de Qatna. mon Seigneur.

168

REVUE DES ÉTUDES JUIVES

c. Les sept salutations répétées.

55. aux pieds de mon Seigneur, sept

fois, sept foi^,

56. sept et sept fois aux pieds de mon

Seigneur je tombe,

57. aux pieds du Roi sept et sept fois

je tombe.

58. aux pieds du Roi, mon Seigneur,

sept et sept fois je tombe,

59. sept et sept fois aux pieds du

Grand Roi, mon Seigneur, je tombe,

60. aux pieds de mon Seigneur le

Soleil (aux pieds du Soleil, mon Seigneur) sept et sept fois je tombe,

61. aux pieds du Roi le Soleil sept et

sept fois je tombe. 2. aux pieds de mon Seigneur, mon Soleil, sept et sept fois je tombe,

68. aux pieds du Roi, mon Seigneur, mon Soleil, sept et sept fois je tombe,

64. aux pieds du Roi, mon Seigneur, le Soleil rayonnant, sept et sept fois je tombe,

260 de Rouchmania de Tarouna, '12 d'Aziri, 247 de Zitrijara, 242 de Chiptouri. . .,

38 et 40 d'Abd-Achrat, 63, 85 et 104 de Rib-Addi, de Byblos, 122 des cbofs d'Irqata, 129 d'Ammounira de Berout, 133 de X., 141 d'Ara..., amil de Koumidi, 143 de Namia- vaja, 149. 150, 151, 152, 153,154, 155 et 156 d'Abi-milki de Tyr, 161 d'Arlamanja de Zir-bachani, 164 d'Addou-acharidou, 177 d'Arzaja, 179, 180, 181, 182, 183 et 184 d'Abd-kbiba de Je'rusalem, 187 et 188 d'Addou-mikbir, 189 de Tagi, 191 de X.. 203 d'Abd-tircbi de Khazoura, 220 de Cbamou-Addou de Ghamkhouna, 221 de Cbou- mad..., 251 de l'amil de Qa- nouou, 252 de Abd-milki de Chas- kbimi, 253 d'Amajasi, 2':4 de Jik- tasou, 255 de Badouza, 259 de Kbi- ziri, 263 de l'amil de Nazima, 264 de Dijati, 272 d'Inbauota, 278 et 279 de X., 283 d--Il;?)kba. . .,

215 et 216 de Dagan-takala,

53. 70, 87 et 98 de Rib-Addi, 119 de Rabimour,

69 de Rib-Addi,

55, 56, 60, 61, 62, 65, 72, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 83, 84, 86, 94, 99, 100, 101, 103 et 107 de Rib-Addi, 146 d'itakkama.

58 et 73 de Rib-Addi, 163 de Lapaja, 192, 194 et 195 de Biridija, 231 de Baija, 244 de Dachrou, 256 de Mouizou..., 262 de Nouourtonja- . . .ma,

144 de Namiavaza,

CONTRIBUTIONS A LA GÉOGRAPHIE DE LA PALESTINE

169

Gô. aux pieds du Roi, mon Soleil, le Soleil du Ciel, sept cl s;ept fois je me jellc,

66. Sept et sept fois je tombe aux

pieds du Roi, mou Seigneur, mon Dieu, mon Soleil,

67. aux pieds du Roi, mon Seigneur,

mon Dieu, mou Soleil, le Soleil du Ciel, sept et sept fois je tombe,

68. aux pieds du Roi, mon Seigneur,

mes Dieux, mon Soleil, sept et sept fois je tombe.

69. aux pieds de mon Seigneur, mes Dieux, le Soleil, le Souffle de ma vie, sept et sept fois je tombe,

10. aux pieds du Roi, mou Seigneur, mon Soleil, mes Dieux, le Souffle de ma vie, sept et sept fois je tombe.

211 do .lilia d'Asqalon, 211 de Zim- ridi de Lakifh, 229 de Choubandi,

-13, 48, 19 et 51 d'Aziri, 64 et 74 de Rib-Addi, 134 de . . .varzana de Khazi. 249 de Chalija,

277 de X.,

165 et 167 de Chouvardala, 168, 169, 170, 171 et 172 de Mllkili, 173 et 174 de Ninour, 176 d'Arzavaja, 178 de X., 190 de Tagi. 193 de Biridija, 197 de Jarta, 200 de Chouvardala, 206 de lapakhi de Ge'zer, 214 de Jabiliri, 239 et 240 d'Addou-daian, 241 de Chipti- Addi, 266 de Jakhzibaia, 274 de X., 275 de ...daian, 284 de X.,

147 de Zimrida de Sidon,

128 d'Ammounira de Beyrout.

d. les sept prosterncments réj:étés dans la poussière.

71. dans la poussière des pieds du 131 de Biiri... de Khachabou, 138 Roi, mon Soigneur, sept et sept d'Ilduja... de Khazi, 232 et 233 de fois je tombe. Choutarna de Mouchikbouna, 247

de Jamiouta de Ga("?)dachouna.

e. Les sept prosternenients et renversements.

72. aux pieds de mon Seigneur, je

me jette sept et sept fois de la poitrine et du dos.

73. aux pieds du Roi, mon Seigneur,

je me jette sept et sept lois de la poitrine et du dos,

74. aux pieds du Roi, mon Seigneur,

le Soleil du Ciel, je me jette sept et sept fois de la poitrine et du dos.

201 de Chouvardala, 270 de X.,

198 et 199 de Chouvardala, 207, 208, 209, 212 et 213 de Jitia d'Asqalon, 236 de Pou-Addi de Vourza, 246 de Zitrijara,

157 de Sourata d'Akko, 159 de Za- talna d'Akko, 205 de Japakhi de Gézer, 210 de Jitia d'Asqalon, 224, 225, 226 et 227 de Choubandi,

1711

REVUE DES ETUIJES JUIVES

75. aux pieds du Roi, mou Seigneur,

mon Dieu, mon Soleil, le Soleil du Ciel, sept et sept fois je me jette de la poitrine et du dos,

76. aux pieds du Roi, mon Seigneur,

mes Dieux, le Soleil du Ciel, sept et sept fois je me jette de la poitrine et du dos,

77. aux pieds du Roi, mon Seigneur,

mes Dieux, mon Soleil, le Soleil du Ciel, sept et sept l'ois je me jelle de la poitrine et du dos,

78. de la poitrine et du dos, sept et

sept fois, aux pieds du Roi, mon Seigneur, mon Soleil, mes Dieux, je tombe,

79. aux pieds du Roi, mon Seigneur,

je tombe sept fois aux pieds du Roi, mon Seigneur, et sept fois de la poitrine et du dos.

218 de Jahni-ilou de Lakich,

158 de Zatatna d'Akko.

204 de Japakhi de Ge'zcr, 228 de Chou- bandi, 234 et 235 de Pou-Addi de Vourza, 243 deChipti..., 257 de Sourachar de ...tiactina,

230 de Baiaja, 248 de Zitrijara,

39 d'Abd-Achrat.

Il est difficile de se reconnaîtfe au milieu de ces formules tant elles sont multiples. L'emploi d'une même formule par deux personnages établit bien entre eux un lien, mais un lien fragile. Mais lorsque ces deux mêmes personnages se rencontrent pour employer deux et surtout trois des formules précédentes, il devient probable qu'ils appartiennent à la même contrée. Parfois cependant le même individu a recours à des formules différentes : il faut donc s'attendre à trouver des zones mal délimitées, et par- fois même se pénétrant mutuellement.

D. Palestine.

Les formules '72-79 d'aplatissement devant le roi d"É;.;y[)te devaient être d'un usage courant dans les territoires placés sous la dé()endance immédiate de ce souverain. On les trouve employées :

par les chefs d'Asqalon, de Lakich, de Gézer;

par les chefs d'Akko ;

par les chefs de Vourza et de. . . tiachna, par Ghoubandi,

Chipti . . . , un inconnu (2G9) ; 4" par Chouvardata, Zitrijara, Baiaja, un inconnu (2'70).

CONTRIRUTIONS A LA (IKOdUAPIIIK ItK LA TALLSTINK 171

Les peisoniiages des trois premieis groupes s'adressent au Soleil du Ciel (formules 22-25) ; ceux des premier et troisième groupes se qualilient de valets d^s chevaux (formule 48).

Voilà donc une pnmière région qui surgit du chaos.

Avant d'en poursuivre l'exploration, il faut toutefois écarter une objection que ne manqueront pas de faire ceux qui attribuent à Jabitiri le commandement des villes de Gaza et de Jaffa, se fon- dant sur le passage de la tablette 214 : « Veuille demander le Roi, mon Seigneur, si je garde la porte de Azzati et la porte de Ja- pon. » Jabitiri se sert d'autres formules que les chefs d'Asqalon, de Lakich et de Gézer. Quelle explication donner de cette ano- malie? Soutenir que Jabitiri commandait une ville à deux portes, différente, d'ailleurs, de Gaza et de Jaffa. Mais les villes à deux portes étaient à l'époque excessivement rares. Josué en men- tionne une : Schamaraï les deux portes (xv, 36) ; le P' Livre des Chroniques (iv, 31) en assigne une autre à la tribu de Siméon ; les tablettes d'El-Amarna n'en signalent aucune.

Mais l'identification de Azzati et de Gaza est-elle admissible? La distance de Gaza à Jaffa est, à vol d'oiseau, de 70 kilomètres. Comment est-il possible de les rattacher l'une à l'autre? Asqalon ne se dresse-t-il pas entre elles? Si Ton examine attentivement le texte de la tablette 214, on y retrouve d'ailleurs les mêmes for- mules, et même des phrases entières des tablettes 190 de Tagi et 239 d'Ad-doudaian. Ces personnages sont étrangers à la région dit Soleil an Ciel et des sept prosternements et sept renversements. Azzati diffère donc de Gaza.

La contrée du Soleil du Ciel comprena t tous les dépôts des chevaux égyptiens. Ce.s dépôts dnvaient èivd échelonnés le long ds routes; ainsi on lit dans 235 de Vourza : « cause de) l'en- nemi pas à conduire la caravane à » Vourzî doit ètr<;

cherché, d'autre part, dans le voisinage d'Ascalon : Pou-Âddi de Vourza (236) a près de lui Fagent royal Rianap, dont la fidélité au roi est attestée par Jitia d'Asqalon (213).

Le Chipti..., auteur de la tablette 243, semble identique à Chipti-Addou (241), à Chipti-Addi, de la tablette 219 trouvée à Tel-IIesy ; il apparaît comme l'auxiliaire de Zimrida de Lakich et devait voisiner avec lui. Peut-être doit-on le retrouver avec un nom dénaturé par le poinçon d'Abd-khiba de Jérusalem dans le passage suivant de la tablette 181 : « Vois, Tourbacha a été assommé à la porte de Zilou, et le roi ne bouge pas ; vois, Zim- rida de Lakich : ses serviteurs ont tenté de le prendre pour le

i:-2 HEVUE DES ETUDES JUIVES

tuer; Japti-A-idi a été assommé à la porte de Zilou, et le roi ne bouge pas. »

Il convient toutefois d'observer que la tablette 21Ta met en scène également Tudur-ba-zou, Ja-ab-ti-oha-oa et la ville La- ki-chi ; ce qui amènerait à différencier Chipli-Addi de Japti-Addi» tout en les faisant résider l'un et l'autre dans la même contrée.

Lakich a été, on le sait, retrouvé à Tel-Hesy. Zilou, situé dans le voisinage, parait correspondre à Tell en Nejileh, l'Eglon de Jo- sué. A la même région appartient la ville de Moumouraacliti {2[1a), dont le nom rappelle Mwpac70ôt, Morasthi de VOnomaslicon, patrie du prophète Michée, localité proche de Beit Djibrin '.

Le site de . . .tiachna, M. Winckler voudrait lire Kitiachna, reste indécis. Il est impossible de rien dire sur la résidence de Choubandi.

Quant à Gézer, Gazri, elle jouait dès celte époque un rôle im- portant : elle est qualifiée (239) amt-ii cliarri, serim7ite du Roi, comme Tyr (150), Sidon (147) et Byblos (55 et 119).

Abd-khiba de Jérusalem se plaint (180) de l'aide prêtée par Gézer à ses ennemis : « Sache le Roi que tous les pays se sont ligués contre moi, afin que le Roi prenne souci de sa terre. Vois la con- trée de Gézer, celle d'Asqalon, la ville de Lakich leur ont donné des vivres, de l'huile et tout ce qui leur faisait défaut. »

Gézer fut pris par Lapaja (163 .

Les tablettes rapprochent, d'ailleurs, de Gézer différents noms. Japakhi de Gézer signale (205) la révolte de son plus jeune frère et l'occupation par lui de la ville Mou. . .khazi. Abd-khiba nous montre (183) les guerriers de Gaazri (Gézer), de Giimti et de Kiilti marchant ensemble à la conquête du territoire de Roubouti. Addou-dsian (219) associe Gézer et Khoubouti (ou mieux Rou- bouti).

Japakhi de Gézer fait, d'ailleurs, usage de diverses formules, 19 et 24, 68 et 74, 77, ce qui dénote une situation sur la frontière de la région considérée.

Ghouvardata , le premier des personnages du quatrième groupe, comme Japakhi fait usage de diverses formules, 7 et 19 (au Roi, mon Seigneur, mon Soleil, mes Dieux], 68, 72 et 73. C'est sans nul doute un voisin, voisin d'ailleurs important, à en juger par le nombre de ses ennemis : « Sache le Roi mon Sei- gneur que trente localités me sont hostiles (166). » Il avait pour allié Milkiil, qui écrivait : « Sache le Roi mon Seigneur que forte est

* Cjruérin, Judc'e, II, p. 328.

CO.NTIUIUTIO.NS A LA (JKUCiJAl'Illi: UK LA l'ALESTLNK 173

l'hostilité contre moi et contre Ghouvardata (17G) » ; pour adver- saires Abd-liiba, qui mandait au roi : «Vois l'acte qu'ont perpétré Milkivi et Ghouvardata contre les pays du Roi mon Seigneur » (183), et Lapaja, dont il salua la mort avec joie : « Lapaja est mort qui avait pris nos villes ; vois, Lapaja était du parti d'Abd- khiba » (16û_,; comme centre d'opérations Kiiiti, ainsi qu'en té- moigne ce passage d'une de ses lettres : « Le Roi mon Seigneur m'a chargé de mener la guerre contre Kiiiti. J'ai fait la guerre ; elle s'est rendue, elle est redevenue mienne, ma ville. Pourquoi Abd-khiba a-t-il écrit aux amis de Kiiiti : prenez de l'argent et joi- gnez-vous à moi *? Sache le Roi mon Seigneur qu'Abdkhiba a pris ma ville (165). » La prise de Kiiiti est, d'ailleurs, confirmée par la tablette 167.

Zitrijara, qui, sur deux tablettes (246 et 24Sj, emploie une for- mule de sept prosiernements et i^enversemenls, qui s'adresse l'une (248) au Roi, mon Seigneur, mon Soleil, mes Dieux (for- mule 19), et compare, dans l'autre (246), le roi au Soleil du Ciel, est biea du même pays.

On parlera plus loin de Baiaja, le troisième personnage du quatrième groupe, et des chefs d'Akko.

On doit signaler tout d'abord un groupement de trois person- nages, Jabitiri, Tagi et Addou-daian. Comparez les lettres 190 de Tagi, 214 de Jabitiri et 239 d'Addou-daian : on les dirait com- posées par le même rédacteur. On y lit des phrases qu'on ne re- trouve nulle part ailleurs : « Je regarde ici et je regarde là, et il ne fait pas clair; je regarde le Roi et il fait clair. On peut sortir une br;que de son logement, mais on ne me sortira pas de dessous les pieds du Ro;. »

Le contenu des lettres justifie pleinement le rapprochement : ainsi 239 signale l'acte de Biia, fils de Goùlat, contre la ville de Gézer; 214 nous montre Jabitiri gardant la porte d'Azzati et la porte de Japon, et 178 fait connaître l'attaque de Japon par le même Biia.

La tablette 178 parait émaner, comme 214, de Jabitiri ; la si- gnature a disparu, mais l'auteur relate l'envoi de son frère à Japou pour la garde de la ville, ce qui concorde bien avec l'attribution de deux villes à Jabitiri faite par 214. De ces deux villes l'une, Japou, est incontestablement Jaffa, l'autre, Azzati, pourrait bien correspondre à Azot, Esdoud, qui fut plus tard l'une des métro- poles philistines.

Addou-daian devait résider non loin de Gézer, puisqu'il signale (239) l'agression de cette ville par Biia. C'était un voisin de Jabi-

174 REVUE DES ETUDES JUIVES

tiri.Sur ses tablettes 239, 240 et 275, il se sert des mêmes formules, n"* 19, 38 et 68, que Jabitiri. Il n'était pas très éloigné d'Asqalon, de Vourza et de Lakich, puisqu'il fait mention de deux fonction- naires éjjyptieiis, Rianap, connu par des tablettes d'Asqalon (263) et de Vourza (236;^ et M^ïa, nommé sur une tablf'tte de Lakich (218). « Elle s'est soulevée la ville Tounioarka contre moi, et j'ai maintenu seulement la ville de Mankhaticlioum pour mettre à la disposition du Roi mon Seigneur. Mais vois, Maïa l'a prise et y a installé son rabitsi ; mais donne l'ordre à Rianap, mon rabitsi, de me faire restituer la ville et je la tiendrai à la disposition du Roi mon Seigneur. » (239.)

La contrée habitée par Addou-ilaïan est <lonc bien dt^finie ; la carte du P. E. F. y [»lace, entre Esdoud et Tell Djezer, un village Moukheizin, dont le nom rappelle Mankhatichoum.

Le troisième personnage du grou|)e consi'iéré est Tagi, qui résidait à Gintikirmil : « Vois, Gintikirmil appartient à Tagi, et les gens de Ginti sont tombés. » (185.) Il avait pour gendre Milkiil, que l'on trouve toujours au premier plan de la scène poli- tique. Milkiil era[)loie les formules 19, 38 et 68, dont se servent Japakhi de Gézer et Chouvardata : il qualifie, dans le corps d'une de ses lettres (^169], le roi de Soleil du Ciel, ce qui le rattache ainsi nettement à la région examinée en premier lieu.

11 eut à lutter contre Lapaja, qui s'empara de Gézer et essaya de s'en disculper en écrivant au roi : « Que le Roi mon Seigneur veuille ne pas croire à ma faute. Est-ce bien, d'ailleurs, une faute de ma part que d'être entré dans Gézer et d'avoir ordonné de raser la ville? Que le Roi prenne tous mes biens et tous ceux de Milkiil, afin de statuer sur la conduite de Milkili à mon égard ! » Le texte est bien suggestif: d'une part, Japakhi de Gézer n'a pas parti- cipée toutes ces luttes dans lesquelles s'entremêlent sans cesse Abd-khiba, Lapaja, Chouvardata, Milkiil, Tagi, Arzavaja ; d'autre part, il semble que le motif de la contestation de La[)aja et de Aiiikiil soit précisément Gezer ; Japakhi serait donc mort avant le déchaînement général des appétits, et Milkili lui aurait succédé à Gézer.

Plus tard, Milkili s'allia avec les fils de Lapaja (164, 180, 182, 186), avec les fils d'Arzavaja (186), avec Chouvavdata (HO, 183), et natur'ellement on le retrouve aux côtés de son beau-père Tagi (182, 186).

Les faits les plus saillants de sa vie sont :

1" sa lutte à Gézer avec Lapaja, dont il vient d'être question;

sa campagne avec Chouvardata : « Vois l'acte de Milkili et de Chouvardata contre la terre du Roi : ils ont soudoyé les guer-

CONTUIHUTIONS A LA lîKoGUAI'IllE DK LA l'ALLSTLNK 175

riers de Gaasri (Gézer), (Jumti et Kiilti et pris le tert-itoire de Roubouli. Le territoire royal est aux mains des Khabiri. i<:t voici même qu'une ville du territoire de Ourousalim du nom de But \i- nib, une ville du Roi, est aux mains des gens de Kiilti. » (183 ) Kvilti, on le sait, est à Ghouvardata, Gimti à Tagi ; (yézer a[)[>a- rait encore ici dans la défiendance de Milkili.

S"^ La prise de Roubouti : « Vois l'acte do Milk li et de Tagi ; après qu'ils eurent pris la ville de Roubouli. . . o (182.)

Baiaja, qui a été signalé plus haut comme erajjloyant une des formules des se^d inosternemenis et re}iverserae)its 'formuln 78), donne au Roi les mêmes appellations que Milkili, Jabitiri et Addou-daian (formule 19j. Il semble ne faire qu'un ave>; Biia, fils de Goùlat, qui attaqua tour à tour Japon (178) et Gézer (-^39) et devait habiter une localité située entre ces deux villes.

Akko, territoire du Soleil du Ciel, fut commandé succiessive- ment par les amils Charata, ou Sourata, etChoutatna, ou Zatatna, son fils. Cette filiation est établie par la tablette 11, qui nous a transmis de précieux détails sur l'état du pays. Dans ce document, le roi de Kardouniach se plaint au roi d'Egypte que des marchands Babyloniens retenus en Kenaan Kinakhklii par leurs affaires aient été attaqués dans la ville de Ktii-in-na-tou-ni par les gens de Chonoumadda, fils de Baloummii, et de Choutaatna,flls de Charaa- toum d'Akkg, dévalisés et assassinés ; deux seulement auraient survécu, l'un, amputé de ses pieds, serait auprès de Choumadda, l'autre aurait été, après son rétablissement, retenu au service de Choutaatna. Le roi demande le châtiment des coupables, afin d'assurer la circulation des caravanes entre les deux pays.

Ce document nous fait donc connaître un point de la grande route des caravanes. Cette localité est également nommée par la tablette 196 : « Zourata a pris Lapaja de Magidda et m'a dit : en bateau, je veux l'amener au Roi; mais Zourata l'a pris et ex- pédié de Khinatouna chez lui, et Zourata a pris de l'argent comme rançon de sa main. » Khinatoun ne saurait donc être confondu avec Hannathon iJosué, xix, 14) sur la frontière de Zabulon et de Nephtali, mais doit être cherché dans la région compris»^ entre El-Lejjoun (l'ancien Meguiddo) et Akko, peut- être à El-HarbaJ «le la carte du P. E. F., Tell et Herbadjeh de Guérin ' (nombreuses sources, tell peu élevé avec vestiges d'enceinte).

' Guénn, Description de la Galilée, I, 401.

176 HEVUE DES ETL'UES JUIVES

Clîonoumadda, fils de Baloummii, paraît être le même person- nage que Cliaraou-Addou, amil de Chaamkhouna (120j, que Chou- mad... (121), qui se qualifie, comme Sourata (157) et Zatatna (158, 159) d'Akko de Serviteur du Roi.

Choumad... parle de son père, probablement son aïeul, Kou- zouna, qui pourrait avoir légué son nom à un tell situé au sud-est d'Akko, Tell Keisan.

En parcourant le formulaire, on a pu constater la rareté de l'emploi des formules le serviteur du Roi (formule 34) ou le fidèle serviteur du Roi (formules 35, 36, 41). 11 semble qu'elles n'aient eu cours que dans une région déterminée.

Biridija, amil de Makida, Mdkidda, Magiddo (Meguiddo, auj. El- Lejjun), signe ton fidèle serviteur {\92], ou le fidèle serviteur du Roi (193, 194, 195^; Jarta, qui, dépouillé par les gens de Taakh..., vient se réfugier auprès de Biridija, i)rend le môme titre (197).

Addou-mikhir fait de même 187,. Ce p -rsonnage fut capturé en même temps queLapaja par Zourata d'Akko, puis relâché contre rançon (196). Il est mis en scène par une tablette mutilée (185], qui parle de Ginti-Kirmiil et de Kiilti, de Lapaja, de Miikili et de Tagi : «r Les troupes de garnison que tu envoyais par Kliaja, mon... Addou-mikhir (les) a prises, il (les) a placées dans son territoire dans la ville Khazati. »

L'habitat de Addou-Mikhir devant vraisemblablement être cherché en Saraarie, on se croit fondé à retrouver sous la forme Khazati une ville d'Ephraïm. « Leurs possessions (des enfants d'Ephraïm) et leurs résidences furent Bethel et ses filles, vers l'orient Naaran, vers l'occident Guézer et ses filles, Schekem et ses filles jusqu'à Ghazza et ses filles » (I Chr., vit, 28).

Ghazza correspond peut-être au Kuriet Hajja, centre d'une vé- ritable constellation de villages ou de ruines: Baka, el-Funduk, Ferata, le Pirathon, dans la terre d'Ephraïm (Juges, xir, 15) Kuryett Jitt-Kh. Asâfeh, Kefr Kaddum.

Arzavaja (ou Arzaja), amil de Mikhiza, se dit également le fidèle serviteur du Roi (176) : l'une de ses trois tablettes (177) parle de Gazri (Gézer), et conduit à placer sa résidence dans la région comprise entre les possessions d'Addou-m;khir et Gézer. On est confirmé dans cette opinion par les plaintes d'Abd-khiba contre les agissements des fils de Lapaja et des fils d'Arzava (182), et on en vient à penser que Mikhiza doit être cherché sur la lisière de la Samarie et dans les environs de Gézer, Or c'est précisément de ce côté que se trouvait Maqaç du I" Livre des Rois.

CONTRIBUTIONS A LA GKOGRAPHIE DE LA PALESTINE 177

« Salomon avait placé douze intendants sur tout Israël...; voici leurs noms : Bèn-IIour, préposé à la montagne d'Ephraïm, Bên- Déqer, préposé à Maqaç, à Schaalbim, à Betli Schéraesch, à Elon, à Beth Hanan ; Bén-Hésed, préposé à Aroubboth ainsi qu'à Soko et à tout le pays de Héfer ; Bèn-Abinadab, préposé à la hauteur de Dor.. . ; Baana ben Ahiloud, préposé à Thaanak et à Meguiddo et à tout Betschean » (iv, 8-12;.

Ainsi, la première circonscription comprenait la montagne d'Ephraïm, la seconde les terres des Danites, la troisième à peu près le territoire de Manassé Soko se retrouvant à Choueiké, au sud-est de Kakoan, et le pays de Héfer étant celui du roi Ke- nanéen, vaincu par Josué (xii, 11), la vallée de l'oued Fâria, la quatrième Dor, la cinquième Taanak, Meguiddo et la vallée de Bethsan.

Le Livre des Rois confirme donc nos déductions sur le site de Mikhiza, il circonscrit même le champ des recherches en excluant la région montagneuse d'Ephraïm. On pourrait songer au site d'El-Kubab ou à celui d'Amwas : une ruine voisine, Kh. Deir Dàkir, fait survivre à travers les âges le nom de l'ancien inten- dant de Salomon.

Une voisine d'Arzavaja est certainement cette Ninour dont nous possédons deux tablettes, ITS, 174, qui nous ont transmis de précieux détails :

a Sache le Roi mon Seigneur que les SA-GAS ont envoyé à Aialouna et à Tsaarkha et ont pillé deux fils de Milkili » (IIS).

« Que le Roi sauve son pays de la main des SA.-GAS, afin qu'ils ne le pillent pas. Prise est la ville Tsapouna » (174).

Il s'agit dans le premier passage des deux villes danites, Ayya- lon et Çorèa (Josué, xix, 41-42).

A côté des personnages qui viennent d'être passés en revue, Lapaja joue un rôle important. Agent égyptien, tour à tour chargé de la garde de deux villes qui tombèrent aux mains de l'ennemi (162) et de la conduite des caravanes royales à destina- tion de Klianigalbat et de Kardouniach(256), il passe son temps à batailler contre Milkili, auquel il prend Gézer (163), contre Chou- vardata, qu'il dépouille de plusieurs villes (165), contre Biri- dija, amil de Makida, qui en référait au Roi en ces termes : a Sache le Roi mon Seigneur que depuis le départ des troupes La- paja a exercé des hostilités contre moi. . . Vois, il a formé le des- sein de s'emparer de Makida » (195), et qui, malgré sa plainte, s'en trouvait bientô''. dépossédé (196), contre Zourata d'Akko,

T. XLIII, N" 86. 12

178 REVUE DES ETUDES JUIVES

qui le fit prisonnier et ne le relâcha que moyennant une Ibrte rançon (196). et enfin contre les gens du pays de Gina, qui le tuèrent (164).

Dans ses luttes, il ne parait avoir eu qu'un allié, Abd-khiba de Jérusalem.

On ne possède de Lapaja que deux tablettes dans lesquelles il emploie les formules 7 et 12, 33 et 39, 51 et 63.

Lapaja laissa deux fils, qui héritèrent de ses goûts batailleurs. Biridija de Makida les accuse de trahison (192) ; Abd-khiba lui- même porte contre eux pareille accusation et dénonce comme leurs complices Milkili (180), les fils d'Arzavaja et Milkili (182). Addou-acharidou se plaint longuement au roi des menaces qu'ils lui ont adressées. « Ainsi m'ont parlé les deux fils de Lapaja : exerce hostilité contre les gens du pays de Gina, parce qu'ils ont tué notre père. Si tu t'y refuses, nous sommes tes ennemis. Que le Dieu(?) du Roi mon Seigneur me garde d'exercer des hostilités contrôles gens du pays de Gina! Et qu'il plaise au Roi, mon Seigneur, envoyer un de ses grands à Namiavaja', lui donner l'ordre : (entre en campagne) contre les deux fils de Lapaja ou tu es un rebelle » (164).

Cette tablette permet, d'ailleurs, de compléter le portrait de Lapaja : « Et ils m'ont dit (les fils de Lapaja) : exerce hostilité, comme notre père, contre le Roi ton Seigneur, lorsqu'il campait vis-à-vis la ville Chou-na (?) et la ville Bour... et la ville Kha- rabou. . . et les dépeuplait et la ville Gitirimou. . . »

On ne peut s'empêcher de rapprocher ce dernier nom de la Gat- Rimmon danite (Josué, xix, 45), que M. Clerraont-Ganneau * pro- pose de placer à Ramleh ; Kliarabou de El-Khurab au nord de Ludd, Bour. . . du Benê-Beraq danite (Josué, xix, 45). Toutes ces localités rentrent bien dans le cadre des exploits de Lapaja.

Le nom de Gina rappelle celui de Val-de-Qana, qui formait la frontière de Manassé (Josué, xvi, 8 ; xvii, 9), le Wadi-Kanah de la carte du P. E. F.

On possède une tablette de Moutzou..., fils de Lapaja, accusant réception d'un ordre du roi lui enjoignant de conduire une cara- vane dirigée sur Khanigalbat : il emploie les formules 12, 43 et 63.

En regard des principaux personnages dont on a retracé le rôle se place Abdkhiba du pays et delà ville d'Ourousalim-Jérusa- lem. Il se différencie d'eux par une certaine dignité ; il emploie généralement les formules les plus simples : 7, 33, 58.

Namiavaza opérait dans les environs de Makida (159). Clermont-Gauneau, Recueil (Parchéologie orientale, III, 273.

COMKIBUTIONS A LA GKOCHAPHIK KK LA l'ALESÏLNE 179

Ce n'est pas un prince (khazianu) ; " Ce pays de Jérusalem ni mon père ni ma mère ne me l'a donné, le puissant bras du Roi me l'a donné (J80); je ne suis pas {)rince,je suis un Ou-i-ou du roi qui lui paie tribut w (181). C'est, en quelque sorte, un gouverneur de province, visité par des rabitsou : « Aussi vrai que le Roi vit, parce que j'ai dit au rabits du Roi mon vSeigneur. . . » (H'.)); «jusqu'à l'arrivée de Paouroule, rabits du Roi, à Jérusalem, Adaja avec la garnison s'était mis en rébellion contre le Ou-i-ou. . . du Roi. Sache le Roi qu'il m'a dit : Adaja s'est détaché de moi, ne la lui abandonne pas (la ville) » (180); « lorsque. . . le rabits du Roi vint à moi, je lui ai donné 13. . . et. . . esclaves. Lorsque Chota, le rabits du Roi, vint à moi, je lui ai donné, à Chouta, en cadeau pour le Roi mon Seigneur 21 femmes esclaves. . . 20. . . » (181) ; « il n'y a pas de garnison du Roi ici. Aussi vrai que le Roi vit, si Pouourou vient à la cour, il m'a abandonné, il est en Cha/ati. Puisse le Roi m'envoyer une garnison pour défendre le pays ! Tout le pays du Roi va être perdu. Envoie Jankhamou, afin qu'il veille sur le pays du Roi » (182).

Abd-khiba ne désigne pas les ennemis par les idéogrammes dont la lecture phonétique matérielle serait SA-GAS. 11 les appelle, et il est le seul à les appeler ainsi, des Khabiri.

« Parce que j'ai dit au rabits du Roi mon Seigneur pourquoi favorisez-vous les Khabiri » (179)? « Les Khabiri dévastent tout le pays du Roi » (n9).

« Vois, cet acte est un acte de Milkiil et un acte des fils de La- paja, qui livrent le pays du Roi aux Khabiri » (180j.

« Maintenant les Khabiri occupent les villes du Roi » (181).

a Car s'il n'y a pas de troupes, le pays va tomber aux mains des Khabiri » (183).

Dans une de ses lettres (180), Abdkhiba parle à deux reprises des Kachi. Après avoir dénoncé l'acte de Milkiil et des fils de La- paja, livrant la terre du Roi aux Khabiri, il écrit : « Vois, ô Roi mon Seigneur, je suis innocent au sujet des Kachi (amilûti Kachi). »

Et plus loin : « Et si l'on a perpétré une mauvaise action contre

les gens du pays Kachi-amilûti (mâtu) Kachi- les gens du

pays Kachi-amili (mâtu) Kachi- dans mon territoire. »

L'on ne peut s'empêcher de rapprocher de ce passage cet autre de la tablette 181 du même Abd-khiba : «Aussi longtemps que des vaisseaux étaient sur mer, le puissant bras du Roi a maintenu le pays Na-akh-ri-ma et le pays Ka-ach-si, mais maintenant les Khabiri occupent les villes du Roi. »

180 REVUE DES ETUDES JUIVES

On verra plus loin que les pays de Naakhrina et de Kaachsi doivent être cherchés dans la Syrie centrale et dans la région du Casius. Abd-khiba oppose donc à une époque la puissance de l'Egypte était reconnue par les régions reculées de la Syrie, la situation du pays à l'heure il écrivait, mais l'on ne saurait rien dire sur l'origine des bandes Khabiri, SA-GAS, GAS, Ghouti, qui pillaient telle ou telle région.

Un passage de la tablette 180 fait bien saisir toute l'étendue de la zone d'action d' Abd-khiba : « Vois le territoire de Gazri (Gézer), celui d'Asqalon et la ville de Lakich leur ont donné vivres, huile et tous leurs besoins. »

Par suite, le secteur dans lequel doivent être cherchées les loca- lités énumérées sur les tablettes d'Abd-khiba paraît être borné, au nord, par la ligne Ramleh-Jérusalem, et au sud par la ligne Tell-Hesi-Jérusalem.

La plaine de Jalonna, la caravane du roi est pillée (180), doit correspondre à la campagne de Yalo.

Le territoire de Chiiri qui tombe jusqu'à Ginti-kirmiil aux mains de l'ennemi (181) est la région comprise entre le mont Séir* (Josué, xv, 10) et Gath, entre l'oued el Hamar et l'oued es Sourar.

Bit Ninib, que la tablette 183 place dans le territoire de Jéru- salem, ville d'un dieu solaire babylonien, a été rapproché par le R. P. Lagrange* de Beth-Chémech (I Sam., vi, 9), Ir Chémech de Dan (Jos., xix, 41), aujourd'hui Ain Schems. Cette idée est bien séduisante; il est toutefois permis de se demander si le pas- sage déjà rappelé de la tablette 183 permet de l'accueillir : Beth Ninib y est représentée comme plus voisine de Jérusalem que le territoire de Roubouti, conquis par les guerriers de Gézer, de Gimti et de Kilti. était ce territoire de Roubouti? On ne le sait pas. On pourrait rapprocher de ce nom Yarmout (Josué, xv, 35), aujourdhui Kh. el-Yarmouk, ou encore songer à Harabba (Josué, XV, 60), que nous avons proposé de retrouver à Sethaf 2. Dans un cas comme dans l'autre, la prise de la localité correspondant à l'Ain-Schems actuel n'aurait pu être considérée comme une aggra- vation de la situation créée par la conquête du territoire de Rou- bouti. D'autre part, la tablette 173 nous montre Tsarkha, aujour- d'hui Surik, voisine d'Ain-Schems, dans la sphère d'action des fils de Milkili et, par conséquent, de Gézer; comment expliquer

*■ Revue, XXIX, p. 175 : Marmier, Nouvelles recherches géographiques sur la Palestine. * Revue hihlique, 1899, p. 130. » iîWK.XXlX, p. 177.

CONTRIBUTIONS A LA GEOGRAPHIE DE LA PALESTINE 181

la prise de Bit Ninib par les gens de Kilti et non par ceux de Gëzer (183)? Pour ces difift^rentes raisons, il semble qu'il faille renoncer à l'identification de Bit Ninib avec Ain-Scheras.

On a proposé de retrouver Kilti dans Qeïla(Jos.,xv,44; ISam., xxiii, 3), auj. Kli. Kila. On ne saurait se ranger à cette opinion : en voyant Lapaja dépouiller Chouvardata de plusieurs de ses villes (165), il faut chercher pour Kilti un site moins éloigné vers l'est. Ce site, si l'on admet l'identification proposée plus haut pour Moumourachti, devait se trouver au nord de Beit-Djibrin. On pourrait songer à une localité du Djebel Khulil, Deir Doubban, se trouvent des latonies analogues à celles de Beit Djibrin. Gimti, dont les guerriers sont encadrés par ceux de Gézer et de Kilti (183), pourrait être placé, ainsi que nous l'avons proposé % au Kh. el-Mensîyeh.

La ville de Tyr faisait bien partie de la région palestinienne. Abdmilki de Tyr emploie le plus souvent la formule 19, au Roi mon Seigneur, mon Soleil, mes Dievx, comme Chouvardata, Ar- zavaja, Ninour, Biridija, Japaklii, Biridija, Addou-daian, etc. Il n'en est pas de même de Sidon et de Béryte, l'on ne connaît que les formules au Souffle de la vie. Entre Tyr et Sidon il y a donc une frontière nettement marquée.

Avant de la franchir, il convient de dresser l'inventaire des ta- blettes d'El-Amarna appartenant à la Palestine. Le recueil de Winckler semble, à première vue, les ranger dun" 149 au 293. Aux quatre-vingt-huit tablettes, dont l'origine palestinienne a été ci-dessus nettement reconnue, on peut ajouter :

254 de Jiiktasou, qui s'adresse au Soleil du Ciel.

N" 262 de Nou(?)-our-tou-ja.. . ma, qui donna au roi d'Egypte le même titre.

269 de x, valet des chevaux, qui agit de même.

N<» 210 de X, qui emploie la formule des sept prosternements et des sept renversements.

N" 212 et 277 de Inbaouta et de î*?, qui s'adressent au ^oZ^/^-^î^ Ciel.

N" 266 et 274 de Jakhzibaia, qui, sur la tablette 274, donne au roi le titre de Soleil du Ciel.

284 de x, qui ofi're les analogies de rédaction les plus frap- pantes avec les deux tablettes précédentes.

259 de Khiziri, qui déclare fournir appui à Maia, le rabits royal, dont on a relaté les rapports avec Jabni-il de Lakich et Addou-daian.

Revue, XXXIV, p. 58 : Marmier, La Schefela et la Monta(/ne de Juda,

482 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

N"' 246, 24'7 et 248 de Zitrijara, qui pratique les sept prosterne- ments et les sept renversements.

N°' 244 et 245 de Daclirou, qui s'intitule, comme Biridija de Ma- kida, Arzavaja, Jaarta, Addou-mikhir, etc., le fidèle ser- viteur du Roi ; la tablette 245 reproduit identique- ment, sauf le nom, la tablette 18T d'Addou-mikhir; on peut donc tenir Daclirou pour un voisin immédiat et en faire conséquemraent un habitant du territoire qui fut plus tard la Samarie.

278 de x. Cette tablette est la reproduction exacte de la tablette 244.

Ceci porte à cent quatre le nombre des tablettes provenant de la Palestine. L'origine d'une quarantaine reste indécise.

G. Marmier.

[A suivre.)

CULTES ET RITES SYRIENS DANS LE TALMUD

La question des rapports des Juifs avec les polythéistes au mi- lieu desquels ils vivaient a été l'une des préoccupations domi- nantes des docteurs de l'âge talmudique ; ils l'ont résolue, comme l'on sait, dans le sens le plus restrictif, et le traité Abocla Zara nous a conservé la longue liste des mesures qu'ils ont édictées pour éviter à Israël toute contamination avec l'idolâtrie. Ces prescriptions, qui prêtent à d'intéressantes comparaisons ' avec celles que le christianisme élabora à la même époque et dans le même but, ont un caractère essentiellement pratique. Faites pour protéger le fidèle contre tout contact impur, elles condamnent en bloc le paganisme haï et ne nous donnent que par exception des renseignements explicites sur l'ennemi qu'il s'agit de combattre : rares sont les bonnes fortunes telles que la conservation du ca- talogue des « pratiques amorhéennes ^ w, document si important pour l'histoire de la religion et de la magie populaires en Syrie.

Mais, quand même il se borne à citer incidemment quelque culte païen, le Talmud est une source d'informations qui mérite de ne pas rester inaperçue. Étant donnés le naufrage total des lit- tératures sémitiques non monothéistes (nous n'avons plus de l'œuvre des écrivains de langue araméenne que ce que TÉglise et la Synagogue nous ont conservé), et l'extrême pauvreté de l'épi- graphie indigène de la Palestine et de la Syrie centrale et septen- trionale, nous ne possédons guère, sur les religions syriennes de l'époque gréco-romaine, que les renseignements fournis par les textes (épigraphiques ou littéraires) de langue grecque ou latine. Le Talmud permet de suppléer, sur quelques points, au silence de la tradition indigène dont il nous donne un reflet direct. Contem- porains et compatriotes de ces Syriens qui ne nous sont plus visibles que sous un déguisement exotique, les docteurs de la Mischna nous fournissent parfois le moyen de nous représenter,

* Voir Le Blant, Journal des Savants, 1890, pp. 309-20.

* Tosefta Schabiat, vi et vu.

184 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

SOUS leur aspect sémitique, des faits qui ne nous apparaissaient que réfractés par l'atmosphère gréco-latine.

I. La Triade héliopolitaine.

Il y a quelques années, le premier supplément du t. III du Corpus inscripiionum latinarum rééditait *, avec un commentaire d'Hoffmann, une inscription d'Athènes déjà connue par le AéXx'.ov-; c'était une dédicace au Jupiter d'Héliopolis, à Vénus et à Mercure. La mention de ce dernier dieu était particulièrement intéressante, le Zeus de Ba'albek étant connu de longue date, ainsi que sa parèdre "Vénus 3; plus remarquable encore était le groupement des trois divinités, dont on ne pouvait cependant conclure à la réalité d'une triade fixe héliopolitaine, l'association de Mercure au couple Jupi- ter-Vénus* pouvant être fortuite. Tout doute à cet égard a été levé par la publication, faite presque simultanément par les Pères Ron- zevalle^ et Lammens^, d'une dédicace en termes identiques trouvée à Deir-el-Qal'a. Aucun des deux éditeurs n'avait reconnu le nom de Mercure, dont les deux premières lettres subsistent seules ; la res- titution qui fixe le sens du texte a été proposée indépendamment par Paul Perdrizef et Franz Gumont^, le premier rappelant l'inscription athénienne, et le second signalant une dédicace de Zellhausen en Hesse ^, consacrée à Jupiter Optimus Maximus Heliopolitanus, à Vénus et à Mercure, L'accord de ces documents de provenance géographique si différente suffirait à prouver que,

» CIL, III, SuppL, I, 7280.

* AéXtiov, 1888, p. 190.

' Le Jupiter heliopolitanus apparaît sur de nombreux monuments de l'époque ro- maine (cf. Dreiler, s. v. Heliopolitanus, Roscher's Lexikon, t. I, col. 1987, et les travaux de Perdrizet, Cumont, Ronzevalle, cités plus loin). Sa compapne est nommée dans un texte littéraire du milieu du iv siècle [Anonymi totius orhis descnptw, ap. Geogr. gr. minores, II, p. 518), dans le titre du chapitre d'Eusèbe est racontée la dévastation du sanctuaire héliopolitain ( Vie de Constantin, II, 33) et dans l'ins- cription de Carnuntum (d. 4).

* Une inscription de Carnuntum [CIL, III, SuppL, III, 1139) associe le Jupiter d'Héliopolis a la Vénus qualifiée de victrix.

' Comptes rendus deVAc. des Inscr., 1900, p. 255.

6 Musée belge, 1900. p. 302, no 39.

^ Comptes rendus de VAc. des Inscr., 1901, p. 131, et Revue des études anciennes, 1901, p. 258.

« Musée belge, 1901, p. 149,

9 Westdeutsche Zeitschrift, Korrespondentblatt, XVI, 1897, p. 172 = Brambach, CIRh, 1048. La lecture de ca texte difficile est due à Domaszewski, qui a cru re- trouver dans Mercure le Wodan des Germains et considérait son association à upiter et à Vénus comme le signe d'un singulier syncrétisme sémito-germanique.

CULTES ET RITES SYRIENS DANS LE TALMUD 185

dans la tlu^ologie de l'Héliopolis romaine, une étroite connexité unissait les trois divinités.

Leur témoignage serait confirmé, si l'on pouvait en croire une spirituelle hypothèse de Perdrizet, par celui de différents monu- ments archéologiques' ; plusieurs soffites des sanctuaires de Bae- tocécé - et de Ba'albek ^ représentent un aigle tenant dans ses serres un caducée, et accosté de deux génies dont, dans le relief de Baetocécé, la main levée projette sur l'oiseau un faisceau de lumière*. Perdrizet a cherché à montrer que ces représentations constituent de véritables tableaux symboliques l'aigle figure Jupiter % le caducée, Mercure. Les deux génies représenteraient Hespéros et Phosphoros ", l'étoile du soir et celle du matin, dédou- blement de la planète Vénus.

Ces ingénieuses combinaisons doivent être écartées. La reli- gion héliopolitaine a fort bien pu emprunter à la Grèce l'aigle ' et le caducée; elle n'a guère pu s'accommoder, pour sa Vénus, même planétaire, du sexe masculin donné aux génies Hespéros et Phos- phoros. L'Assyrie avait sans doute devancé la Grèce en distin- guant deux moments dans la carrière de Dilbat-Vénus, et en assi- gnant une divinité distincte à l'étoile du matin et à celle du soir, mais ce sont des déesses : « Dilbat au lever du soleil est Ischtar

* Comptes rendus Ac. Inscr., 1901, p. 218, et Revue des études anciennes, 1901, p. 260.

' Le plus correctement reproduit [Revue des études anciennes, 1901, pp. 262-3) par Perdrizet, qui indique les publications antérieures.

* Wood, Baalhek. pi XXXIV ; Frauberj^er, Akropolis von Ba^albek, pi. XVI. Wrolh {Catalogue of greek Coins of... Syria, pp. 293 et lxvuij avait déjà conclu, de la présence du caducée sur une monnaie d'Héliopolis, à l'existence d'un Mercure local.

* Perdrizet aurait signaler une représentation analogue à PalmjTe. Wood a pu- blié [Buines de Palmyre, pi. XVIII, H) un relief du grand temple qui représente l'aigle tenant dans ses serres deux torches; de chaque côté de la composition se tient un génie portant également une torche ; l'intention de représenter des divinités ouraniennes est accusée par le semis d'étoiles qui couvre le champ ; à noter la re- présentation des sept planètes.

* Cf. Cumont, Festschrift Benndorf, p. 291.

* La remarque avait été faite par Dussaud, Revue archéoL, 1897, t. I, p. 328.

' Le détail de l'aigrette, inconnue de l'art grec, qui fait de l'oiseau un aigle orien- tal (Volney, État politique de la Syrie, ch. vin ; éd. Didot, p. 238-9), ne saurait rien prouver contre la réalité de l'emprunt. H y a loin aussi du rôle joué par l'aigle dans la légende d'Etana et de sa dépendance vis-à-vis de Schamasch (allégués par Cumont, Festschrift Benndorf, p. 295, note, à l'appui de l'hypothèse d'une origine orientale) à la fonction de substitut emblématique du dieu solaire. Anatoliennes, et non sémitiques, sont les figures d'aigles (du mont Argée ?) s'abattant sur des bé- liers ou d'autres animaux ou objets, dans lesquels Heuzey a cru trouver des représentations mythologiques {Comptes rendus de l'Ac. des Inscr., 1895, p. 50) : cette interprétation est tort douteuse, et, si elle était établie, il iaudrait sans doute admettre ici encore une influence hellénique.

186 REVUE DES ETUDES JUIVES

parmi les déesses ; Dilbat au coucher du soleil est Belit parmi les étoiles *. » Les théologiens qui ont inspiré les monuments de Bae- tocécé et d'Héliopolis, comme celui de Palmyre décrit plus haut, auraient donc été étrangers à la conception sémitique, qui ne per- mettait en aucun cas de figurer la Vénus sous des formes viriles.

D'autre part, en ce qui concerne l'interprétation du caducée, si l'on rapproche les soffites de Baetocécé et d'Héliopolis de celui de Palmyre, qui n'en diffère que par la substitution de la torche au symbole mercurien, on doute que ce dernier puisse à lui seul re- présenter Mercure; au même titre que la torche, le caducée est un simple substitut du foudre habituellement placé entre les serres de l'oiseau céleste. L'aigle porteur de la torche représentant Be'el Schamin, l'aigle au caducée doit représenter lui aussi un seul dieu suprême, défini par une attribution spéciale. Dès lors, les deux génies placés symétriquement aux côtés de l'aigle ne peuvent représenter que deux dieux compagnons du soleil.

Aussi doit-on donner raison à Dussaud d'avoir récemment rap- pelé-, pour expliquer les génies baetocéciens, le texte Julien raconte que les Edesséniens donnaient deux parèdres au soleil, Azizos et Monimos, que l'exégèse savante du iv^ siècle identifiait aux planètes Mars et Mercure. Il croit, en conséquence, que le sof- fite de Hosn-Souleiman représente Zeus Baetocécien, Azizos et Monimos. Cette interprétation est exacte dans l'ensemble, mais rieu ne prouve qu'en dehors d'Edesse on ait visé particulièrement le couple Azizos-Monimos. Pour Palmyre, on doit rapprocher du soffite la représentation d'une tessère^, figurant B«'el Schamin, ayant à sa droite un dieu solaire à tête radiée, et à sa gauche un dieu caractérisé par le croissant lunaire; ce groupe nous donne sans doute l'image anthropomorphique du trio dont le soffite groupe symboliquement les emblèmes. On reconnaît d'ordinaire dans les deux dieux secondaires Malkibol et Aglibol, souvent asso- ciés sur les monuments, et qu'un texte palmyrénien rapproche curieusement de Be'el Schamin*; mais, d'autre part, une ins-

Rawlinson, Cun. mscr. of W. A., III, pi. 53, 2, 1. 35-6. Dans le panthéon arabe, on cite de même les deux 'Ouzza ; Weilhausen ayant prouvé, contre Roberl- son Smith , qu'' Ouzza a représenté la planète Vénus {Reste arab . Heidenthums, éd. p. 38 et suiv. ), l'hypothèse de Noeldeke [ih., p. 38, note 3, et p. 244), qui voit dans les deux 'Ouzza 1 étoile du matin et celle du soir, semble devoir prévaloir. Si, comme la avancé Noeldeke [Zeitschr. d. morg. Gesellsch.^ 1895, p. 715), le culte planétaire chez les Arabes est d'orif^ine assyro-babylonienne, le dédoublement de la déesse est sans doute à l'introduction, chez les Sémites méridionaux, de la con- ception d'Ischtar-Belit, indigène dans la région de TEuphrate.

« Dussaud, Revue Arch., 1901, II, 439. ' Vogué, Inscriptions, 126 a.

* Vogué, loc. cit., n* 93.

CULTES KT RITES SYRIENS DANS LE TALMUD 187

cription, connue depuis peu, a révélé l'existence, à Palmyre, d'un couple Azizou-Arçou*, dont le premier élément est identique à l'Azizos d'Edesse. Dans une ville à population hybride et à pan- théon composite, comme Tadmor, l'un et l'autre rapprochement peuvent être justes et valoir pour des milieux différents. Pour Héliopolis et Baetocécé, nous manquons de toute donnée; toute hypothèse serait oiseuse. Le seul fait qui soit établi, c'est qu'en ce qui concerne le dieu céleste suprême et ses suivants, il y a eu unité de pensée dans le monde sémitique, d'Edesse à la Syrie cen- trale : mais cette unité ne s'est certainement pas étendue aux noms divins-.

Il reste à expliquer le caducée des Zeus de Baetocécé et d'Hé- liopolis. Dussaud croit que « cet attribut, emprunté à l'un des acolytes de la divinité, a pour fonction de préciser que l'aigle ne représente pas ici Jupiter tonnant ». Mais un pareil transfert de l'attribut d'un des génies secondaires au dieu suprême est incon- cevable, et d'ailleurs la raison alléguée par Dussaud repose sur une observation erronée. A Palmyre aussi, on a évité de placer le foudre entre les serres de l'aigle ; et pourtant Be'el Schamin était si bien un Jupiter tonnant que son nom grec est Zeus Kéraii- nios^. Dans toute la Syrie, le grand dieu céleste est en même temps dieu de la foudre et de l'éclair, les inscriptions de la Damascène, de la Batanée, d'Antorados, de Kition* en font foi, et rien ne ne porte à croire qu'il faille excepter Héliopolis et Baetocécé de la règle générale.

Si le caducée ne caractérise ni, comme le demande Perdrizet, le Mercure des inscriptions, ni, comme le veut Dussaud, le génie Monimos-Mercure, il ne peut appartenir qu'au Zeus suprême lui- même : celui-ci a donc dû, par quelque côté, être lui-même rap- proché d'Hermès. Que tel a été le cas, nous l'apprenons par une inscription de Portus ^ qui donne au grand dieu de Ba'albek l'ap- pellation de Jupiter optimus maximus Angélus lieliopolitanus. Comme le Ba'al suprême n'a pu exercer les fonctions subalternes souvent attribuées au fils de Maia, Angélus ne peut guère désigner en lui que le psychopompe '^. S'il est permis de conjecturer que, tel

' Sobernheim, Beitr. z. Assyriol., IV, p. 211. Cf. Clermoal-Ganaeau, Recueil, IV. p. 203.

* Clermont-Ganueau [Recueil, IV, p. 323) a proposé de rapprocher d'Azizos et de Monimos le Daianou et le Alisrharou, Piucbes a cru voir des acolytes du soleil : pour apprécier le sens véritable de ces noms, voir l'hymne à Schamasch publié par Bruuow [Zeitsch. Assyr., i. IV, surtout p. 10, 1. 45); cf. iasUov,', Religion, p. 640.

3 Zettschr. d. Morg. Ges., XV, p. 615.

* Waddington, 219;;, 2739; CIG-., 4520; Rev. AtxL, 1864, II, p. 49. » CIL, XIV, 24.

* Cf. Fr. Cumont, Hypsistos, p. 5 (extrait du Journ, Instr. Puil. Bely., 1897).

188 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

que ses congénères égyptiens, le Zeus heliopolitès emmenait les âmes des morts dans les régions infernales supposition pleine- ment admissible pour un dieu dont l'antiquité croyait le culte d'origine égyptienne l'épithète conservée par le texte de Portas ouvrirait un jour sur l'eschatologie sémitique au second siècle.

Quels sont les dieux syriens qui se cachent sous les noms latins de Jupiter, de Vénus et de Mercure ?

En ce qui concerne Mercure 'J'épigraphie grecque de la région voisine d'Héliopolis nous offre le choix entre deux équivalences: deux inscriptions grecques, l'une de Ham -, l'autre de Souq Ouâdi Barada^, accompagnent, en effet, le nom de Mepxoùp-.oç d'une dési- gnation particulière, transcription ou traduction empruntées à la langue indigène.

Le premier de ces textes est une dédicace Mspxoupioj oa)[j.tvto xc6p.T|Ç Xâ[xtovoç. Cette appellation de « seigneur de Kiiamon » rappelle immédiatement l'usage, universel dans Its religions syriennes, de dénommer le dieu d'après le lieu de son culte. Le nom original ne peut guère être que iTon by:i Ba'al (ou plutôt Be'el) Ilamon. Or le culte de ce dieu semble bien avoir existé, à l'époque romaine, dans la Syrie centrale : une inscription latine de Sarmizegethusa * con- tient le nom d'un dieu syrien Bebellahamon^, que nous pensons devoir corriger en Behellahamon ^. Ham est à quelques lieues de Ba'albek, et le village faisait sans doute partie delà banlieue d'Hé-

' Hoffmann a proposé d"y reconnaître Nabû. le dieu assyrien de la planète Mer- cure [CIL, m, SupjA., p. 280). Cumont [Musée belge, 1901, p. 149), se rappelant sans doute l'équivalence indiquée par Jamblique et Julien entre Hermès et Mo- nimos (Julien, Or,, IV, p. 150), retrouve à Ba'aibek le parèdre édessénien d'Hélios.

^ Glermont-Ganneau, Bec. d'Arch. Or., t. I, p. 22; Dussaud-Macler, Voyage au Safa, p. 211. Cf. l'erlrizet, Rev. des et. anc, 1901, p. 264.

» Waddinglon, 1875 a.

* CIL, HI, Suppl. 2, 7954. Il s'agit de la dédicace d'un certain P. Aelius Theimes à ses dii patrii, Malagbel, Manavat, Benefal et Bebellabamon. Mommsen [Rom. Gesch., t. V, p. 426) et Noeldeke (CIL, III, 7954) estiment que le dédicant est cer- tainement d'origine palmyrénienne. Celte altirmation n'est prouvée ni par son nom (car si l'on rencontre plusieurs exemples à Palmyre Waddington 2591, 2595, 2624 et 2584, d'après une heureuse correction de Noeldeke; cf. pour l'épigraphie sémi- tique. Lidzbarski, Handhuch, p. 385 il est très fréquent aussi dans les pays nabatéens), ni par celui de ses dieux : Malagbel est aussi cœlesyrien, Manavat est seulement nabatéenne et arabe (cf. Lidzbarski, loc. cit., p. 313, et Wellhausen, Reste arab. Heidenthums, p. 25 et suiv.) et le groupement des quatre divinités est bien différent de celui qu'on attend d'un Palmyrénien invoquant son panthéon na- tional.

* Sur les interprétations données jusqu'ici à ce nom, cf. Drexler, dans Roscher, Lexikon, t. II, col. 2297 : leur insui'tisance semble montrer la nécessité d'une cor- rection. — Nous nous contentons de signaler, sans la juger susceptible d'une solu- tion, la question de savoir s'il y a un rapport entre ce Bebellabamon (si c'est bien ainsi qu'il faut rétablir le mot) et le Ba'al Hamon de Cartbage.

^ Cf. Beheleparus et Beellefarus [Rev. Hist. des ReUg. 1888, t. I, p. 218 et suiv,).

CULTES ET RITES SYRIENS DANS LE TALMUD 189

liopolis ; on peut penser que c'est la divinité locale de cette xtôa-r, qui a pénétré dans le panthéon du chef-lieu.

Nous préférons cependant l'identification qui nous est offerte par l'inscription d'Abila de Lysanias (Souq Ouâdi Barada). Nous y lisons, après une lacune difficile à combler, le double nom divin, lu par Waddington [Ms^ixo-jp-oj Ma//'.[6-/,]Àoj : la restitution MaX- /iêr,Ào'j s'impose d'autant plus que [a. forme affectée par le lambda de l'inscription prête facilement à confusion avec le /, et que Ma//'XY,Ào; est inconnu par ailleurs *.

Abila appartenait, au point de vue religieux, à la sphère d'attrac- tion du sanctuaire d'Héliopolis ; l'épigraphie, numériquement très restreinte de la ville et de ses environs immédiats, nous a livré une et peut-être deux inscriotions, Clermont-Ganneau * a re- connu la mention de Zeus Héliopolitès^ Nous sommes donc au- torisés à rapporter au Mercure de Ba'albek le Mercure-Malkibel d'Abila.

Malkibel n'est pas un inconnu : c'est le dieu palmyrénien baDV«, dont l'existence est attestée par de nombreux documents , et qui est sans doute originellement identique au V:>aDb?3 punique '^ et certainement aussi phénicien ^.

' La correction a été indiquée par Meyer dans l'art. Ba'al, rarement lu, qui fiprure parmi les Addenda du t. I de Roscher (col. 2876). Elle a été suggérée depuis par Dussaad et Macler (Foya/ye au Safa, p. 211, note 11, qui, il est vrai, considèrent Mtfixo'jp'.o; comme un nom propre d'homme dont Ma>,xiêri),ou serait le patronymique.

* Clermont-Ganneau, Rec d'Arch. Or., t. II, p. 7; IV, p. 48 (restitution douteuse).

* L'inlluence des cultes héliopolitains à Abila (si Leukas est véritablement Abila) est plus fortement attestée s'il est vrai, comme le D'' Rouvier cherche à le montrer dans un mémoire inédit, que 1 on puisse prouver par le revers des monnaies de Leukas « que le fronton du grand temple de Ba'albek devait être couronné par la statue du soleil dans un quadrige au galop, tenant un fouet dans la main droxte et globe dans la main gauche » (RoQzevalle, Comptes rendus, \è^i\, p. 456). Macrobe décrivait le Jupiter d'Héliopolis comme brandissant un touet à la manière des cochers [Satur- nales, I, xxiii, 14) ; diirérentes médailles montrent le soleil tenant le l'ouel, emblème du quadrige qu'il mècc, et le globe, symbole de domination universelle (Cumont, Revue d'Hist. et Lict. reiig., 1896, p. 445 ; Mithra, t. I, p. 123). D'autre part, un monument palmyrénien bien connu (Lajard. Cyprès pyramidal, ap. Mémoires Ac. Inscr.,t. XX., pi. 1) représente un dieu couronné par la victoire (traduction plas- tique de l'épiihète de àAY.r,70^) et montant dans un char atte.é de quatre grillons : il s'agit ici du Sol-Malakbel de Palmyre.

CIS., 1, 1,123 (Malte), 147 (Sardaigne), 194 et 380 (Carthage), à restituer «S., 195. Dans ces cinq textes (dédicaces à Ba'al Hamon ou à Tanit Penè Ba'al et Ba'al Ha •■ mon), le nom du dieu figure dans la formule restée énigmalique '5"2D"5;a 3it;, Cippe de Miikiba'al.

* Le rapprochement entre les dieux phénicien et palmyrénien a été fait par Ph. Berger (L'Ange d'Astartê, ap. La Faculté' de théologie protestante de Paris à M. Hdouard Reuss, p. 46), qui a reconnu que « leurs noms sont formés des mêmes éléments ». Mais, tenant compte de l'éloignement géographique des groupes d'ins- criptions relatifs aux deux dieux et de la diversité des panthéons pbénico-puuique et palmyrénien, il n'appliquait pas à Malkibel sa théorie de l'ange de Ba'al ». Les moQuments d'Abila et d'Héliopolis, qui nous renseignent sur le culte de Malkibel

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Malkibel était assimilé, dans un des monuments qui lui sont con- sacrés*, à Sol; cette équivalence montre que, pas plus que tant d'autres figures des panthéons syriens, il n'a échappé à la contami- nation astronomique. Sur quelle hase a pu s'opérer son identi- fication avec Mercure - ?

Elle semble due à un rapprochement étymologique. Si l'on com- pare les différentes transcriptions grecques du nom sémitique, on constate des variantes significatives. La forme MaX/iêv^Xoç, que nous avons trouvée à Abila, est isolée; c'est pourtant la plus conforme probablement à la prononciation primitive; elle forme exactement pendant aux transcriptions Aglibôlos et laribôlos (binbss' et binm*»). Beaucoup plus fréquentes sont les transcriptions Malachbel, Malagbel et méraeMalachibel, dont le premier élément indique une prononciation plus voisine du mot maVah, « messa- ger », que de l'étymologique Malk. Nous sommes donc, suivant toute apparence, en présence du même phénomène qui a suscité, à côté de la transcription normale lacifîojÀo;, un 'IsçâêwXo;, « qui, tout en rappelant d'assez près la vocalisation du mot sémitique m*^ « mois »... avait l'avantage de prêter à un rapprochement avec Uoo;, « saint 2 ». Y a-t-il véritablement eu, dans le cas de Hierabôlos, influence d'un vocable grec, comme le veut M. Gler- mont-Ganneau ? 11 est plus probable que c'est sur le terrain sé- mitique que la transformation s'est opérée*. Les vieux noms com- posés Jarhibol et Malkibol étaient devenus inintelligibles et on leur donna un semblant de signification en rapprochant l'un du mot yerah « mois », l'autre du mot maCah o messager ».

Malkibel a donc pu être rapproché de Mercure, le messager des dieux, sur la foi d'une étymologie populaire ^.

dans les vallées du Barada et du Litani, établissent, entre le dieu de la côte phéni- cienne et celui de Palmyre, le trait d'union qui faisait défaut : elles nous autorisent même, dans une certaine mesure, à revendiquer pour le culte de Malkibel une ori- gine cœlésyrienne. Le hel, final du mot, inclina, en elFet, à croire qu'il était à Tad- mor un étranger fraîchement naturalisé : c'est la forme araméenne commune du nom, nettement distincte de la forme plus particulièrement palmyrénieune bol, qui apparaît non seulement dans les noms divins 'Aglibol et Jarhibol, mais dans les noms de personnes ou de tribus, comme Zabdibol ou Mattabol.

» CIL, VI, 710.

* On pourrait être tenté de croire, à raison du Mîpxoûfitocdes inscriptions grecques d'Abila et de Khamôn, que le rapprochement est à quelque particularité du culte ou du mythe du dieu latin, à l'exclusion de celui d'Hermès, dont on atten- drait plutôt le nom : en réalité, la mention de Mercure est due à la forte influence romaine qui semble s'être exercée, à partir du second siècle, sur la Syrie centrale. Les dédicaces à Mcpxoûpioç datent, l'une de 201, l'autre de 173.

^ Clermont-Ganneau, Recueil, t. II, p. 121.

■^ Hieroholus de CIL, III, 1108, n'est pas certain ; cf. Eph. Epigr., IV, p. 66.

' On sait que Philippe Berger a essayé {DAnge d'Astarté] d'expliquer par mal'ek le 'rb^O des noms divins, comme Milki'aschtart, Milkiba'al, Milki'osir. Cette

CULTES ET RITES SYRIENS DANS LE TALMUD 191

Mercure n'était vraisemblablement qu'un nouveau venu dans l'association des grandes divinités héliopolitaines ; suivant toutes apparences, la triade est, dans les pays sémitiques, une for- mation secondaire et tardive, et le nom ne peut être donné qu'à un groupement organique, et c'est à tort qu'on l'a appliqué à la juxtaposition accidentelle de trois divinités indépendantes*. Le noyau central et suprême du panthéon d'Héliopolis était formé par le dieu et la déesse, dont l'association correspond à celle que les inscriptions nous font connaître à Carthage entre Ba'al Hamon et Tanit. à Boçra entre Zeus et Héra -, à Kition entre Kéraunios et Kéraunia S à Hiérapolis entre Adad et Atergatis.

Ce sont précisément ces deux derniers noms qu'on a voulu a[)pli- quer au Zeus et à la Vénus de Ba'albek * ; on se fondait sur le passage Macrobe nous parle d'Adad et Atergatis immédiate- ment après avoir décrit le Zeus héliopolitain. Mais le texte des Saturnales * n'autorise guère à reporter sur les dieux d'Héliopolis les renseignements donnés sur le couple d'Hiérapolis '^ ; les détails fournis par le compilateur sur le Zeus de Ba'albek sont en bar- monie avec ce que les monuments nous ont appris de ce dieu ; ils ne s'accordent aucunement avec ce qu'il rapporte comme carac- téristique d'Adad. D'ailleurs, la transition « ne sermo per sin- gulorum nomina deorum vagetur » paraît bien indiquer que Macrobe prend, à l'appui de la théorie qu'il a longuement sou- tenue, un dernier exemple, naturellement diflférent de celui qu'il vient de citer, et que les Assyrii (Syriens) adorateurs d'Adad de

thèse se heurtait aussitôt à de graves objections [cf. Clermont-Ganneau, Revue cri- tique, 1880, t. I, p. 200), et J. Halévy a eu sans doute raison de déclarer que le, d'ailleurs incompréhensible, nP'iTD'DTO 'TNbTa de l'inscription de Ma'soub la con- damnait définitivement [Revue des Études juives, XII, p. 110). Il est curieux de cons- tater que cette interprétation moderne a été celle des Syriens des premiers siècles de l'ère chrétienne, oublieux du sens original de ces noms composés divins, obscurs en- core pour nous.

* Rien n'indique, d'ailleurs, que ce soit à une influence chaldéenne (comme le propose Cumont, Mvsée belqe. 1901, p. 149) qu'est due la formation des tardives triades syriennes. L'association d'Anoii. de Bei et d'Ea (trois figures masculines) n'a vraisemblablement jamais eu de caractère cultuel. (Cf. Jas;row, Religion of Babyloma, p. loO, et Tiele, Zeitschr. f. Assyr., XIV, p. 189.)

* Waddington, 2739. » Waddington, 1922,

* Preller, Rom. Myth., 3e éd., t. II, p. 403 ; Hoffmann ad CIL., III, Suppl. 7280 ; Lenormant, Gai. Arck., 1876, p. 78 et suiv.

" Macrobe, Saturnales, I, xxiii, 10-16 (Zeus Heliopolitès) ; 17 et suiv. ^Adad et Adargatis) .

* Drexler (Roscher, Lexikon, t. I, 1987) hésite à suivre Preller et Lenormant dans l'identification du Jupiter avec Hadad. Cf. Ronzevalle, Comptes Rendus, 1901, p. 4 43 tt suiv.

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XXIII, 11, sont distincts des Assyrii, dévots au Zeus d'Héliopolis, de XXIII, 10*.

Nous ne nous arrêterons pas aux combinaisons par lesquelles on a voulu déterminer récemment encore- le nom original du Zeus ; le Talmud nous semble contenir une donnée, généralement négligée jusqu'à présent, mais décisive pour la solution du pro- blème.

Rab, le grand docteur du début de la dynastie Sassanide, fixait à cinq le nombre des sanctuaires païens « stables » du monde sémitique septentrional: Bel à Babylone, Nebo à Borsippa, Naschr chez les Arabes, 'Atar'ata à Mabog-Hiérapolis, Çeripha à Ascalon « Lorsque Dimé vint [de Palestine en Babylonie], on ajouta le yerid dC^En-Bahi et Nadbaka •'' d"Akko ■*. »

Dimé vivait au commencement du iv^ siècle, mais la tradition que, conformément à son rôle habituel ^, il introduisit dans les écoles de la Babylonie était certainement antérieure au séjour en Syrie pendant lequel il l'a recueilli. Il nous apprend que, de son temps encore, la localité d"En-Baki possédait un culte caracté- risé par un im"^. La signification véritable du mot, longtemps traduit par marché, a été reconnue par Hoffmann : comparant les sens de la racine en arabe, warada répond particulièrement à ridée de « descendre à Teau », en araméen, oùyarda ne signifie plus que « bassin, étang », il a montré qu'il désigne une cérémo- nie caractérisée par une procession dont le but était une nappe d'eau et rapproché avec raison du yerid la maiouma qui se célé-

* Si Macrobe n'établit entre le dieu de Ba'albek et celui de Mabog qu'une dis- tinction confuse, la raison en est dans son syncrétisme systématique : correspondant l'un et l'autre au soleil, ils sont au fond identiques, en dépit de leur individualité apparente.

* Ronzevalle, Comptes Rendus, 1901, p. 476.

^ Variante erronée : Natberah. Nous reviendrons plus loin sur !^D2^^.

* Talmud de Babylone, Aboda Zara^ 11 b. R. Dimè de Nebarde'a proposait, il est vrai, de corriger : Nadbaka d''En-Beki et le yerid d'Akko; mais cette interver- sion repose, sans doute, sur une tentative d'harmonisaliou entre notre texte et un passape du Talmud de Jérusalem [Aboda Zara, 39 d\ sont cités les yerid de Gaza, à'''Akko, et de Bolna. Mais le Yerouschalmi ne mentionne les deux premiers de ces yerid que pour déclarer qu'il n'y a pas évidence de destination idolàtrique. La fête païenne célébrée dans ces villes était accompagnée d'un marché qui avait pris une importance propre assez grande pour faire oublier l'origine idolàtrique de la réunion. Hoffmann [Zeitsch. f. Assyr., 1896, p. 241) a suivi à tort Dimé de Nebarde'a, et placé, en conséquence, Nadbaka à 'En-Baki : la ressemblance entre [Nadjbaka et Baki lui a paru autoriser un rapprochement entre Mâo[ia.yoç et Ma'albek-Ba'albek. Nous nins'isterons pas sur ce que ces concordances ont de superficiel : mais le point de départ de l'hypothèse d'Hoffmann est faux, car Dimé de Neharde'a est postérieur d'un demi-siècle au Dimé qui introduisit la tradition en Babylonie, et son remanie- ment tardif et tendancieux ne saurait, sans preuve, être substitué au texte primitif.

5 Bâcher, Agada der Amorâer, III, p. 691.

CULTES ET RITES SYRIENS DANS LE TALMUD 193

brait au bord de la mer ^ Nous connaissions déjà pour Hiéra- polis'-* le rite du puisement de l'eau et les cérémonies analogues de Jérusalem 3, d'Aphaka* et du temple de Bel à Babel'', comme aussi les différents yerid sur lesquels nous aurons à revenir, nous montrent quels furent, dans le monde sémitique, la diffusion et l'importance de ce type de fête.

'En-Baki est cité, à titre de grand sanctuaire, à côté d'Hiérapo- lis, d''Akko, d'Ascalon, pour ne citer que les noms syriens; si 'En-Baki n'est pas Héliopolis, la plus illustre des villes saintes de la Syrie romaine ne figure pas sur la liste qui prétend les énumérer.

'En-Baki n'est pas une des grandes cités historiques de la Syrie; si elle figure dans le Talmud, c'est exclusivement en raison de l'importance religieuse qu'elle avait acquise à une date d'ailleurs récente, puisqu'elle ne figurait pas encore dans la tradition que Rab avait recueillie au commencement du iii« siècle et que, d'ail- leurs, aucune source ancienne, en dehors de la phrase de R. Dimé, ne mentionne son nom sémitique, resté toujours obscur. Tout cela convient parfaitement à Héliopolis ; aucun des documents relati- vement nombreux qui, à partir des tablettes d'El-Amarna et des inscriptions royales égyptiennes, nous renseignent sur la géogra- phie de la Syrie centrale, n'a fourni un nom qui puisse être rap- proché avec probabilité'' de sa désignation grecque ou arabe. La

' Zeitschr. f. Asst/r,, 1896, pp. 241 el 246, En luême temps qu'Holl'mann, Seybold arrivait à une conclusion identique au sujet du sens fondamental de la racine Tl^, « aller à l'aiguade, à Tabreuvoir >, et, il en tirait i'étymologie la plus plausible qu'on ait proposée du nom du Jourdain [Mittheil. deutsch. Palâstinavereins, 1896, p. 11). M. Clermonl-Ganneau a, à ca propos, attiré l'attention [ib., p. 27) sur le nom d'une des sources de Gézer, 'Ain yardi ['Ain Yerdeh dans le plan du P. La- granf^e, Revue biblique, t. VllI, p. 422). Nous avons vraisemblablement dans yardi une survivance de l'araméen yardà. Il n'est pas probable que la source ait été le siège d'un yerid, encore que l'existence, à Gézer, d'une curieuse Ibrme de la légende de Noé, Survey W. Pal. Memoirs (t. II, p. 444, et Glermout-Ganneau, Archaeol. Re- searckes, t. II, p. 237) rappelle singulièrement les mytbes diluviaux d'Hiérapolis et de Botna : mais la tradition de Gézer est attacbée, non à l"Ain- Yardi, mais aune source voisine, T'Ain-et-tannour.

'■^ De Syria Dea, 47: TtavriYÛpiE; piYiGTai, -/tâ^sovTai tyiv ).î[x.vrjv xa- Tafiâitô;. Katahasis traduit exactement T^T^, ce que xâ),£ovxat indique, d'ailleurs, expressément.

* 'Voir, sur le rite de la « maison de la puiseuse » (Soiikka, iv, 0 ; Tosefta, iv, 1-9) Venezianer, Eleusinische AJysterieii im jerusalemischen Tenipel (ap. Monatsblaelter de BruU, 1897i. Mauss [Année sociolog., t. II, p. 271) el Hubert [Rev. Et. Juiv., t. XXXVl, p. 318) ont soutenu avec raison, dans leurs recensions de cet opuscule, que le rite est indigène en Palestine.

* Sozomène, Hist. eccl,, II, 4, 5; Zosime, I, 58.

» Rawlinson, Cun. Inscr., t. IV, p. 461. Gf. Hubert, Rev. Et. juiv., t. XXXVI, p. 318.

* Halévy (Revue Sémitipie, t. I, p. 379) et Winckler [Mitth, corderas. Gesck.]

T. XLIII, N" 86. 13

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notoriété du sanctuaire date du moment l'émigration syrienne a répandu à travers le monde romain le culte de Zeus, sa splen- deur extérieure du jour les empereurs construisirent les temples dont les ruines colossales sont encore debout.

Nous n'avons point fait entrer en considération jusqu'à présent le nom même d"En-Baki ; il frappe pourtant dès le premier abord par l'identité du second de ses termes avec le second élément du moderne Ba'albek*. On a depuis longtemps reconnu, en donnant il est vrai de ce dernier élément une étymologie erronée, que ce nom composé de « Ba'al de Bak » a désigner le dieu avant la ville. Le talmudique "^sn x^y nous révèle la forme primitive du nom du lieu dont le Ba'al devait faire une si rapide fortune-, et de nombreux parallèles prouvent qu'un nom de dieu peut devenir un nom de lieu : de 'Ain-Baki à Ba'al-Baki le passage est aisé^. Le nom de "'^nb^'n est appliqué, d'ailleurs, dans un passage du Talmud même, à une localité dont on nous dit seulement qu'elle était re- nommée pour la qualité de son ail ; suivant toute vraisemblance, elle est identique à notre Ba'albek*. Mais serait-elle différente qu'il n'en faudrait pas moins conclure de la seule existence d'un pareil vocable géographique à celle d'un nom divin formé des mêmes éléments. Nous sommes donc autorisés à penser que Zeus héliopolites ne fait que rendre exactement "inn bo^n: la forme grecque et la latine ont se mouler sur l'expression sémitique.

Nous manquons de toute donnée pour déterminer le nom de la Vénus ; peut-être était-elle simplement appelée Ba'alat Baki ; mais il n'est pas impossible qu'à l'époque romaine elle ait pris le nom, primitivement hiérapolitain, de cette 'Atar'até qui, de l'Euphrate aux rivages de l'ancienne Pliilistée, absorba si bien dans son culte

1896, p. 206) ont essayé de montrer que Ba'albek répond à la Dunip des textes cunéiformes et égyptiens du xv* siècle ; mais leur conclusion s'appuie sur des com- binaisons fragiles.

* La disparition de la voyelle faible finale est aisément explicable.

' L'élément "j-^if de "En-Baki est facilement séparable du seul essentiel ^D3 ; or, Baki est cité dans un texte agadique du Talmud de Babylone {Pesakim, Ml a) comme le siège d'un culte idolâtrique (celui de l'idole de Mikha) ; Baki est sans doute identique, comme l'a pensé Oppenheimer [Hammagid, 1867, p. 29), à Hélio- polis — Ba'albek ; voir, sur la chute du premier élément de combinaisons analogues (En-Gannim, notamment, est devenu Djanin) KamplTmeyer, ap. Zeitschr, Palâst. Ver., 1893, p. 1. Welzstein a montré (ap. Delitzsch, Comment, ûber lesaias, éd., p. 700) que le phénomène s'est reproduit à l'époque arabe, et l'on peut ajouter des exemples nouveaux à ceux qu'il a groupés : c'est ainsi qu"Ain Hirmil (la source de la Vieille) citée au xiii^ siècle par Dimischqi n'est plus aujourd'hui qu'Hirmil.

* Les textes assyriens et égyptiens nous font connaître deux Ba'alçaphon, situés l'un au nord de la Syrie, l'autre au sud. Voir aussi les noms bibliques comme Ba'al Gad, Ba'al Hamon, Ba'al Me'on, etc. : le nom du dieu suffit à désigner le sanctuaire et par suite la localité [cf. le « proximus ardet Ucalegon » de Virgile).

* Neubauer, Géogr. du Talmud, p. 298.

CULTI'S ET RITKS SYUIKNS DANS LK TALMUD VXJ

le culte des anciennes déesses locales que, pour lui donner un nom qui, suivant la règle, correspondît au lieu dont elle était maî- tresse, il fallut l'appeler la déesse syrienne.

II. Le yerid de Tyr.

S'il restait un doute sur l'identité du 7jerid et de la xaTafiâritç XîfjLvïiv, les renseignements d'Aboda Zara sur Tyr et Botna suf- firaient sans doute à le lever.

Il y avait dans la ville phénicienne un t^t^ semblable à celui que nous rencontrerons à Botna : la panégyrie s'y accompagnait d'un marché. R. Hiyya b. Abba, ayant fait acheter des sandales au marché, fut vivement réprimandé pour ce fait par un collègue rigoriste ' .

Une « procession à la source » a réellement existé à Tyr, et un heureux hasard a voulu qu'elle ait été pratiquée jusqu'à la fin du dernier siècle. La description de la cérémonie, telle que nous l'ont laissée, d'après des témoignages oculaires, Volney '^ et Mariti •'*, n'est pas intéressante seulement en tant qu'elle relate un cu- rieux survival du culte antique, elle peut être utilisée, à côté de ce que nous ont laissé Lucien et Sozomène, pour la reconstitution de ce qu'ont être, bien antérieurement au christianisme, les rites agraires dont Hiérapolis, Jérusalem, Botna et les villes à maiouma étaient périodiquement le siège.

Je reproduis le récit peu accessible de Mariti, qui est un té- moin d'autant plus précieux qu'il ne comprend rien à la scène qu'il décrit. Tous les détails du tableau sont à retenir :

« Dans les premiers jours d'octobre de chaque année, l'eau (du puits de Ras-el-'Ain) fermente, soulève le sable et devient bour- beuse, au point qu'il n'est plus possible d'en faire aucun usage. On y remédie en jettant cinq ou six cruches d'eau de mer, qui clari- fient la source en moins de deux heures. . . »

(Quand on s'informe de la raison du fait) « les habitants de Sour répondent seulement qu'ils ont vu pratiquer cette opéra- tion par leurs ancêtres, et qu'ils le font à leur exemple ; c'est, ajoutent-ils, le mariage de l'eau de mer avec celle de la terre.

» La superstition a érigé en fête publique le jour destiné à cette

' Talmud de Jérusalem, Ahoda Zara, i, 4 (39 è).

' Volney, Etat poLUique de la Syrie, ch. va. [Œuvres complètes, éd. Didot, p. 252),.

* Mariti, Voyages dans Vîle de CItypre. . . (Trad. franc.), t. II, p. 205-6.

196 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

opération. Réunis sur la grande place, ils se rendent aux puits avec le même ordre que nous observons dans nos processions les plus solennelles. C'est un honneur de porter les cruelles, dont les vieillards eux-mêmes sont jaloux ; pendant qu'on les verse, tous s'enchaînent par la main, forment un long cercle et dansent au son des instruments ; après quoi l'on retourne à la ville avec toute l'allégresse qu'inspire un triomphe. »

Ritter ' et Movers- ont reconnu le véritable sens de ce « cu- rieux reste des Adonies antiques resté dans les mœurs du pays * », si directement apparenté aux uav-riyûoisç hiérapolitaines

al' f)âÀXa(7(7av voixî^ov-a'. *.

Sur le 7jerid de Tyr, le Talmud ajoute un détail qui ne semble pas avoir été remarqué jusqu'à présent par les historiens occiden- taux de Dioclétien, bien qu'il fournisse sur un point de la poli- tique du grand empereur un renseignement sans doute authen- tique. R. Simon ben Yohanan, s'étant rendu à Tyr, y trouva une inscription disant :

V Moi, Dioclétien. empereur, j'ai consacré ce 7/erid de Tyr au gé- nie protecteur de mon frère Herculius pendant huit jours. »

Le texte a pu difficilement être inventé de toutes pièces : il se réfère par voie d'allusion à des faits incontestables. Le collègue de Dioclétien à l'Empire, Maximien, était considéré comme son frère et les discours officiels comparaient le lien qui les unissait à la parenté de Romulus et de Rémus*^.

D'autre part, on sait que Maximien prit le surnom de Hercu- lius, comme Dioclétien celui de Jovius. « Jupiter et Hercule sont les dieux protecteurs personnels des deux empereurs'. » Or, Tyr était la ville de ce Melqart depuis des siècles assimilé à Héra- klès, le gad de Maximien, R est pleinement possible que Dioclé- tien (qui était en fait seul chargé de l'administration de la partie orientale de l'empire) ait pris quelque mesure destinée à rehaus- ser l'éclat de la panégyrie tyrienne, en tant qu'elle était une cé-

* Hitler, Erdkunde, XVII, pp. 351-337.

» Uoyers, Phoniziet; t. II, p. 241. Cf. Baudissin, Stttdien, t. II, p. 181.

* Renan, Mission de Phtfnicie, p. 594.

* De Dea Syria, § 48.

^ Talmud de Jérusalem, Ahoda Zara, i, 4 (39 i). Cf. Rappoport, Ilrech Millin, 230; Furst, Zeitschr. morg. Gesellsch., t. XLVIII, 685.

^ Paneg. Maxim. Auij. diclus, 4, 11. (Panegyrici, éd. Bahrens, pp. 92 et 100).

7 R. Peter, art. Hercules, ap. Roscher, I, col. 2999. Cf. ib., 2999 et suiv., la liste des monuments qui qualifient Maximien d'Herculius.

CULTES ET RITES SYRIENS DAiNS LE TALMUD 197

rémonie du culte d'Héraklès, patron d'un des deux Augustes. C'était une croyance vivace en pays sémitique que celle qui assi- gnait à certains hommes la protection spéciale d'un dieu : elle est affirmée, dans l'épigraphie de l'époque impériale, par des noms propres tels que "^naïas Nebogaddi \ « Nebo est mon Gad », insna « Nebo est Gad », Nn:>i5 « 'Até est Gad- », etc. La forme nou- velle que Dioclétien donne au dogme officiel de la divinité impé- riale était donc adaptée à l'avance à la conception syrienne.

Nous savons par Nonnus ^ de quel éclat fut entouré, jusqu'après le triomphe final du christianisme, le culte d'Héraklès Astrokhi- tôn ; rien n'empêche d'admettre que l'antique et toujours illustre sanctuaire ait attiré, pendant l'un de ses voyages en Syrie, l'at- tention du pieux empereur, et que celui-ci se soit montré sou- cieux d'honorer le prototype divin de son associé à l'empire, et par même de proclamer, sous une forme accommodée aux croyances locales, le lien qui unissait aux Augustes le grand dieu tyrien. On ne saurait assurément affirmer que le document tal- mudique reproduise textuellement l'original que R. Simon pré- tendait avoir déchiffré ; du moins la version qu'il nous a trans- mise ne blesse-t-elle aucune vraisemblance historique, et sup- pose-t-elle un groupement de faits qui n'a guère pu être imaginé de toutes pièces.

III. Le yertd de Botna.

Le yerid de Botna semble avoir inspiré aux docteurs palesti- niens une horreur particulière : son caractère idolàtrique est déclaré manifeste; on le considère comme le type des cérémo- nies illicites *.

Il est singulier que l'on ait pu méconnaître jusqu'à présent le site auquel correspond ce nom : Neubauer^ Levy^ Hoffmann",

1 Clermont-Ganneau, Recueil, t. III, p. 16S.

* C. 1. S., II, 139; Vo^ué, Inscriptions, Si, li'i. Pour la Phénicie, rinterprétation de riri5 (C. 1. S., I, 93; cf. Noeideke, Zeitschr. morg. Ges., t. XLII, p, 471) et la leclure de ^*^:;^J (L.evy, Siegcl und Gemme n, lOj sont douteuses.

* Nonnus, Dionysiaques, L, xL.

* Talmud de Jérusalem, Aboda Zara, i, 4, in fine.

5 Neubauer, Géographie du Talmud, p. 262. Le Midrasch [Bereschit Rahha, 47) reproduit au sujet des trois fçrands yerid la tradition du Tulmud, mais substitue au nom de Botna celui de Bolnan : Neubauer rapproche très justement ce Botnan (natu- rellement identique à Botna) du Betauin d'Eusèbe (qu"il laut, d'ailleurs, lire Brj^avîjj. Cf. infra).

^ Levy, Wôrterbuch, s. v. ÏIIU^IS

^ Hoffmann, Zeitschr. f. AssyrioL, XI, p. 241.

198 BEVUE DES ÉTUDES JUIVES

ont proposé tour à tour d'y voir Betonlm de Gad, la Batanée et Batnan près de Harran. Eu réalité, Botna n'est que secondaire- ment un nom géographique : le mot désigne le Térébinfhe, et le yerici de Bobia [rxi'cra "b-û inm^) répond au me7'catus terebinthi de saint Jérôme \ au TOTToç. . . ov vîv teoéS'.vOov ■Koo'jtxyooeûoDciv que Sozomène décrit longuement^, au Terebinlhus .iioni Vltinéraire de Bordeaux ^ nous dit qu'Abraham y habita et creusa le puits qu'on trouve sous l'arbre. Situé dans le voisinage immédiat d'Hébron, le Botna indiquait, en effet, de l'aveu de toute l'antiquité judéo- chrétienne, le Elôné Mamré le patriarche avait reçu la visite des anges *. Aujourd'hui encore, le lieu s'appelle Khallet el Bot- meh^. Botna n'est mentionné, en dehors d'Abocla Zara^ que dans un seul texte du Talmud : on racontait " que c'est qu'Hadrien fit vendre les Juifs captifs après le désastre de Bettar. Cette tradi- tion palestinienne se retrouve dans saint Jérôme, qui invoque comme source les « veteres historias et traditiones plangentium Judjeorum ^ », et note, d'ailleurs^, à ce propos, que de son temps le marché annuel continuait à être fréquenté ''.

Au moment saint Jérôme écrivait son commentaire sur Zacharie, le yerid de Botna avait depuis plus d'un demi-siècle, en lant que centre d'un culte païen, perdu le liroit à l'existence : sur

' Saint Jérôme, Comm. Jerémie, XXKI (l. IV, p. 1065).

■^ Sozomèae, Bist. eccL, 11, iv.

5 It. a Bordigala, p. 19-20 (éd. Tobler).

* Les priucipaux textes ont ùéjà été réunis par Reland, PaUestina^ p. "11 el suiv.; et. Guérin, Judée^ t. 111, p. 280 et suiv.

C'est évidemment du même térébinthe qu'il est question dans la curieuse notice que les Onomast. d'Eusèbe et de Jérôme nous transmettent à propos du 'Ain lévi- tique (Lafi;arde, Onomastica sacra, pp. 92 et 220) : "Aiv... laii Se icw[j.y) vOv Br|6avt[j. ),îY0[j.£Vï5 aTTÔ fi arjUîîwv Tyj; T£p£|Jtv6ou, XeSpwv ôè àuo TEaaoéf/wv.. Ain... est et usque hodie ville lietiienuim nomiue secundo lapide a terebiutho, hoc esta tabernaculo Abraham^ quattuor milibus a Hebron. La forme du pluriel donnée au nom du villaj^e (= D'^3l23; se rapproche plus que Botna (qui désigne entre ses congénères le téré- binlbe sacré) de l'Eloné Mauiré de la Genèse hébraïque. Le rapprochement institué entre 'Ain et le térébinthe est un signe de l'importance attachée à la fontaine voisine de l'arbre. La notice sur Eoaim 'Hvaqji (Lagarde, loc. cit., pp. 121 et 259) est contaminée par une donnée relative au térébinthe, qui repose, sans doute, sur une confusion.

5 Guérin, Judée, t. 111, p. 280. L'arabe boiitm dérive (Frânkel, Ar. Leknwôrter, p. 139) du N73l3^2 araméen, qui coexiste dans le Talmud avec NjUÏS dans le sens de « térébinthe ».

* Talmud de Jérusalem, KUaïm, ix, 1.

■^ Saint Jérôme, Comm. Zach., xi (VI, 885).

^ Ib. : tabernaculum Abrahae... ubi nunc per annos singulos mercatus celeberri- mus exercetur.

^ Cf. sur le sanctuaire du Térébinthe, dont tous les éléments essentiels subsistent encore aujourd'hui, Rosen, Zeitschr. morg. Gesellsch., XII, p. 504; Palestine Sxpl. Futid, t. m, p. 332; Nestlé, Mitth. Pal'. Ver.., 1895, p. 56.

CULTES ET HITES SYUIENS DANS LE TALMUD 199

un rapport de sa belle-mère Eutropia, l'empereur Constantin y avait interdit les cérémonies qui, depuis des siècles sans doute, étaient célébrées, chaque été, autour du térébinthe et de la fon- taine sacrés. Saint Jérôme attribuait aux tristes souvenirs de la répression de la révolte de Bar Koklieba l'aversion des Juifs fidèles pour l'emplacement d'Eloné Mamré : ce que nous savons, par Sozomène S des rites qui y étaient célébrés, nous l'explique bien mieux.

La panégyrie attirait non seulement des gens du pays, mais des étrangers accourus de Phénicie et du pays des Arabes, et dont quelques-uns, d'ailleurs, n'étaient amenés que par le désir d'ache- ter ou de vendre.

C'est le puits qui est au voisinage immédiat de l'arbre qui semble le centre de toutes les cérémonies, comme il est de l'es- sence du T^T' : on y allume des lampes (de même qu'à Jérusalem, à la fête de la puiseuse, on allume, dans le parvis des femmes, des candélabres autour desquels dansent, avant de partir pour la fon- taine de Siloé, des hommes porteurs de torches) 2; on accomplit aux alentours des sacrifices d'animaux de choix ^, on y fait des libations de vin, on y jette des gâteaux, des pièces de monnaie, etc., et ces opérations troublent l'eau et la rendent impropre à la consommation pendant la fête *. Ces fêtes s'accomplissent rîoswç ; Mariti parle de 1' « allégresse » manifestée par les gens de Tyr, et le nom de la fête de Jérusalem, nnï^ri^n n-^a nnttt:, in- dique la même joie religieuse. Nous ne savons malheureusement pas la date précise de cette fête : le terme vague d'été, dont se sert Sozomène, peut faire hésiter, en somme, entre le mois de juin, auquel différents textes classiques placent la mort d'Adonis,

* Eusèbe, Vie de Constantin, lll, 52; Sozomène, loc. cit.; Socrale, Hist. eccL, I,

XVIII.

^ Ces rites se célébraient certainement aussi au sanctuaire d'Aphaka : ils se sont conservés sur place. Les métoualis, dit le D"' Rouvier (Bull. arch. com. trav. hist., 1900, p. 196), ne se contentent pas de pendre des loques au tiguier, . . . ils déposent à l'entrée du canal supérieur des lampes d'huile,... ils t'ont brûler des parfums, surtout de Tencens. » Rouvier signale {ih., 197, note 2) des pratiques analogues, encore en vigueur à Beyrouth, au réservoir de Karm-el-Aris et à la source dite Ain- Oumm-Raissé.

^ Le détail de la victime, engraissée avec le plus grand soin pendant l'année pour être offerte en sacrifice à la panégyrie, rappelle le passage du Midrasch (Bamidbar rabba, 10, 3) oii est décrite la légendaire maiouma des douze tribus d'Israël : < Chaque tribu faisait dédier devant elle tout son troupeau, on choisissait la bête la plus grasse et on l'égorgeait. » L'agadiste s'est inspiré pour sa description de fantaisie d'une cérémonie idolàtrique, d'un fait d'observation courante.

* Ce troublement (peut-être intentionnel) de l'eau est à rapprocher du phénomène équivalent signalé à la source tyrienne, ainsi que de la légende rapportée par Pau- sanias (IV, 35, 9) au sujet de la source de Joppé. Cf. Robertson Smith , Religion of Sémites, p. 173 et suiv., et Frazer, Pausanias, III, p. 454.

200 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

c'est à peu près à juin que correspond Tammouz et celui, plus tardif, de Tischri, auquel se place la fête de la puiseuse, laquelle concorde pour l'époque avec la procession de Tyr (fin septembre ou commencement d'octobre) ; malgré tout, la première hypo- thèse reste la plus vraisemblable. Mais, quelle que soit la date exacte, il n'est pas douteux que cette panégyrie qui tire son nom du térébinthe, que cette procession à la fontaine (dont les rites doivent être déclarés parallèles à ces cérémonies de l'immersion admirablement interprétés par Mannhardt) S que ces allumages de flambeaux qu'ils concordent pour la date avec les feux de la Saint-Jean ou ceux de la Toussaint que ces sacrifices de gâ- teaux, enfin, ne présentent tous les traits caractéristiques du ri- tuel agraire - .

Nous pouvons remonter, pour l'histoire de ce lieu sacré, plus haut que les écrivains chrétiens, plus haut aussi que les textes talmudiques, dont le plus ancien ne dépasse véritablement pas le second siècle. Josèphe parle deux fois de l'arbre de Mamré, et ses renseignements, si brefs qu'ils soient, ne manquent pas d'intérêt.

Dans les Antiquités^, il raconte que « Abram habitait près du chêne appelé Ogygé ». [Chêne traduit « Elôn », conformément à la tradition que contredisait, aux premiers siècles de l'ère chré- tienne, l'existence avérée d'un térébinthe'*.) Ogygé pouvait sem- bler inexplicable ^ ; on avait reconnu cependant ^ que « ce nom rappelle celui d'un roi de l'antiquité grecque, à l'époque duquel les traditions placent un déluge analogue à celui de la Bible ». La célébration, à Elôné Mamré, d'un yerid exactement équivalent à la Katabasis d'iïiérapolis, permet de conjecturer qu'au sanc- tuaire judéen comme dans le temple de la déesse syrienne, une légende du déluge se rattachait aux rites aquatiques pratiqués au « puits d'Abraham » ; on peut voir dans le fait une remar-

Mannhardt, Antike Wald- uni Feldkulte, II, p, 275 et suiv.; voir aussi sur le mythe d'Adonis, Frazer, Golden Bough (2° éd.), t. II, p. 115 et suiv.

* Voir, pour la signification solaire du culte de l'arbre et du rite des flambeaux, les faits réunis par Frazer, Golden Bough, t. 1, pp. 117, 188; t. II, p. 121 ; t. III, p. 236.

^ Josèphe, Antiq., I, x, 4.

C'est sans doute par l'opposition entre la réalité et la signification de « chêne » attachée à Elôn que s'explique l'hésitation entre quercus et terebiulhiis qui se manifeste dans Eusèbe et .Jérôme par des phrases presque comiques : « drys, dit le premier, id est quercus Mambre..., quee usque ad aetatem infantise meae et Cons- tantii régis imperium terebinthus monstrabatur pervetus et annos magnitudine indi- cans ».

* GàW, Altisraelitische Kultstâtte, p. 52, note 2; Weill, trad. des AntiquiUs, t. I, p. 44, note 3.

6 Weill, lac. cit.

CULTKS HITKS SYRIENS DANS LE TALMIID 201

quable confirmation des vues exprimées par Hubert ' sur les rapports des mythes diluviaux avec les rites agraires.

D'autre part, Josèphe raconte - que l'arbre passait pour remon- ter à la création du monde. Si l'on cherche à replacer ce frag- ment de tradition dans l'ensemble des croyances dont Botna a été le centre, on soupçonne que Josèphe nous a conservé, sous une forme affaiblie, le souvenir d'un mythe cosmogonique dans lequel le Térébinthe jouait un rôle. Les mythes locaux attribuaient peut- être au térébinthe d'Hébron une fonction analogue à celle du Kischhanou ^ d'Eridu, « le Kischkanou noir, sur un sol pur, semblable au brillant lapis-lazuli,qui s'étend au-dessus del'Apsou (l'Océan primordial et mythique*) », et d'une façon générale à celle de l'arbre qui apparaît dans un certain nombre de textes sé- mitiques ou de mythes d'origine sémitique.

Nous ne toucherons pas aux questions difficiles que soulève l'existence, dans un lieu auquel la tradition juive rattachait le nom d'un patriarche, l'ensemble de rites et de mythes que nous venons de signaler; rappelons simplement que, sous le règne de David, Hébron nous est présenté comme un lieu de culte Absa- lora, le fils du roi, va s'acquitter d'un vœu ^.

IV. Nadbaka.

Parmi les inscriptions grecques de Syrie recueillies dans le CIG, figure sous les n°" 4450 et 4451 (cf. aussi 4449), une petite série de dédicaces adressées à Sélamanès"^ et à un autre dieu, dont le nom est donné, dans le texte épigraphique du n°4451, sous la forme MAABAXQ (au datif). Franz, égaré par un rappro- chement erroné avec le MalaJibel palmyrénien, préféra lire

« Hubert, Hevue Ârchéol., 1899, II, p. 355.

^ Josèphe, Guerre jud., IV, ix, 7.

3 RawlinsoD, Cun. Inscr., IV, xv, 51 b. On ne sait à quel vépétal correspond le Kischkanou. l'inclies [Rev. Bist des Rel., 1901, i, pp. 278 et 282) veut y voir la vigne, mais il n'y a à cette opinion aucun motif plausible,

* Cf. Stucken, Astralmythen, p. 70 : « Das Wasser der Tiefe und der Weisheit.. . und der Weltbaum gehoren zusammen in nordischer wie in babylonischer Mytho- logie. >

' II Samuel, xv, 7.

* Le Schoulmanou du panthéon assyrien. L'antiquité du culte de ce dieu en Syrie est attestée par un mouument éfjyptien (étudié par Spiegelberg, puis par Lidzbarski, Zeitschr. f. Assyr., XII, pp. 120 et 328), qui renferme une invocation adressée à Reschep - Schalman , association de noms divins comparable à celle qu'offrent

202 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

Mà[X]êa/'o; le nom divin, encore que le texte précédent assurât la réalité du 5'. Mieux inspiré, Stark - reconnut la véritable lec- ture, mais en retenant Tidentification avec Malahbet, qui a joui pendant un demi-siècle d'une faveur injustifiée 2.

Il y a quelques années, M. Clermont-Ganneau a repris, dans son article sur les Inscriptions du Cheikh Barahâl *, l'étude du groupe des dédicaces du Corpus, accru de textes nouveaux du même type , tout en déclarant que les lectures M-iopa/oç et MàXSa/oç n'étaient pas complètement exclues ; il déclarait, après l'examen des copies plus nombreuses et plus sûres que celles dont avaient disposé Franz et Stark, que Màoî5a/oç représentait la forme la plus probable.

Presque en même temps, et sans connaître la publication pré- cédente, Hoffmann ^ et Krauss^ rapprochèrent indépendamment MâoÇa/oç du dieu Nadbaha (riDnns) que le Talmud place à Ptolémaïs- 'Akko : la comparaison des deux mots incline immédiatement à rapporter M-ioSa/o; à la racine ']2n. Il faut tenir compte cependant de la variation de la préformante : Hoffmann a rappelé qu'elle ne constitue qu'un phénomène secondaire. Barth a, en effet, montré^ que devant toute racine renfermant une labiale, l'assyrien rem- plaçait par un noîcn le min conservé comme préfixe par la gé- néralité des dialectes sémitiques ; on peut donc considérer Mad- bak et Nadbaka comme les deux variantes du m.ême mot, la der- nière étant affectée par la loi propre à l'assyrien. Par un heureux hasard, la Mischna nous offre le même vocable sous les deux formes : '^ais et ^^112, nidbah et 7nidbak ^ sont des termes synonymes qui ont le sens d' « assise d'une muraille » ; nidbak (qui existe déjà dans l'araméen biblique) est évidemment iden- tique à l'assyrien nadbaku'\ « muraille rocheuse, paroi mon- tagneuse ». Il est au premier abord déconcertant de trouver la forme non-assyrienne M/opa/oç au Djebel Barakàt, dans une région toute pénétrée d'influences assyriennes *°, alors que

' C7(r.,44:0, (ionne MAAPAXû. ' Stark, Gaza, p. 571 .

* Mommsen, Jiôm. Gesck., t. V, p. 452; cf. Roscher, Lexikon, t. II, c. 2296. *• Clermont-Ganneau, Et. d'arch. or.^ II, p. 35.

* Zeitschr.f. Assyriolonie,i. XI, p. 246.

* Semttic Studies in meni. of KoUut, p. 343.

' Zeitschr. f. ^Is^., II, p. 111. Cf. Frâakel, fremdwbrter, p. 133.

* Cf. Levy, Worterbuch, s. v.

^ Le rapprochement a été fait par Delilzsch, Afsyr. Grammatik^ p. 172. *" Madbakhos est associé, dans les inscriptions du Dj. Barakât, au dieu Selamanès, qui est, comme nous l'avons dit, le Schouiinanou des cunéilbrmes. A une faible dis- tance se dresse la montagne appelée au muvtn û^e Djebel Nebo, du nom d'un autre dieu assyrien ; voir enfin les monuments de Nérab, également dans le voisinage.

CULTES ET RITES SYRIENS DANS LE TALMUD 203

c'est 'Akko qui fournit en Nadbaka le nom du type caractéris- tique de la langue des cunéiformes. Mais ce renversement de la répartition qui, dans l'état de nos connaissances, aurait paru na- turel peut fort bien tenir à des causes secondaires dont l'in- suffisance de notre information nous interdit de rendre compte.

L'équivalence de Miooa/o; et de n^ms semblait pouvoir être te- nue pour établie, quand la découverte d'un nouveau document vint la remettre en question.

Dans son mémoire de 1895, Clermont- Ganneau s'était df- mandé avec une hésitation commandée par la légère incerti- tude qui lui semblait planer encore sur la forme véritable du nom si Mào?a/oç n'était pas une transcription du mot araméen nmw « autel » et si l'on n'était pas en présence « d'un dieu bétyle,

d'un Zs'j; Bcoao: ' ».

Nous savons aujourd'hui que dans la région même du Djebel Barakàt, c'est bien par '6<->'j.6; que l'on interprétait le nom Mao- êa/o;. En effet, l'expédition américaine de Syrie a découvert au Djebel Barîscha une déiicace adressée A-l Bojixoj aEvaXw, que Litt- mann a immédiatement rapprochée des monuments analogues consacrés à Madbakhos, en en déduisant pour ce dernier mot la forme originale nai73 *. Glermont-Ganneau, apès avoir signalé cette trouvaille et revendiqué, en ce qui concerne l'équation Mâo- oa/&;-nm»-3(.vj.o:, des droits de priorité qui sont incontestables \ a proposé^ de rattacher la notion d'un dieu Autel au culte de la pierre carrée et de l'énigmatique rinm^a de Pètra ^

Il n'est pas douteux que Miooa/o; ait été, dès l'époque gréco- romaine, interprété par nana et traduit par Btoao;. Mais il n'est pas certain que nous ayons l'explication et i'étymologie véritable du nom sémitique. Philologiquement et historiquement, la thèse de MM. Glermont-Ganneau et Littmann se heurte à de très sé- rieuses difficultés.

D'abord, M-iooa/o; serait de Madbah une transcription Insolite. Le helh ^, sans doute, est quelquefois, dans les textes épigraphiques

' Clermont-Ganneau. Études d'archéol. orientale, t. II, p. 49, note 2.

* Butler et Littmann, ap. Americ. Journal ofArch., 1900, p. 433. ^ Clermont-Ganneau, Recueil, t. iV, p. 164.

* Clermont-Ganueau, ih., p. 248.

* Je crois qu"ii faut plutôt rapprocher HamTO (dont la lettre finale peut difficile- ment avoir une fonction ditTérente de celle du nO'^p de la même ligne, CIS., Il, 108) des noms divins yéménites C2ap2P?3, iyi'û'2r\12 et 'i"^^:3ri73 (Fell, Zeitschr. morg. Geselisch., t. LIV, p. 237, note 1 ; Weber, Mittheil. tarder. Gesellsch., 1901, p. 56) : l'explication proposée par Fell pour ces noms ne semble d'ailleurs pas définitive,

® 11 est bon de faire remarquer que le heth de NHmQ ou ri3T'3 répond au hd doux arabe, et qu'il est d'ailleurs assez douteux que les dialectes syriens des ra- meaux araméen et hébréo-phénicien aient possédé le khâ l'ricatif (cf. en ce qui con-

204 HEVUE DES El'UDES JUIVES

grecs transcrit / en tête du mot : bien plus souvent, même en ce cas, il n'est pas exprimé, l'alphabet grec n'ayant pas de signe qui pût rendre cette forte expiration». Mais je ne connais aucun exemple épigraphique ^ certain d'une transcription / du n se- conde ou troisième radicale : "^nT» donne Jaraios, bi3"^m"« Jaribo- los ou JéraUos, nrp Kozé, n^bn» Moalemos ^ ; Soaimos et Koai- ;>/20ç correspondent, suivant des rapprochements dus à Lidzbarski*, à Sohaim et Qohaif; dans l'inscription mosaïque, très tardive d'ailleurs, de Mâdebâ, Bêlomarsea est la transcription de n-'3 nnw^ Le / est, dans la règle, réservé à l'expression du liaph.

Ce premier obstacle n'est sans doute pas infranchissable : on ne saurait prétendre qu'une transcription / du n doux médial ou final soit impossible. Plus grave est l'objection que l'on peut adresser, du [loint de vue de l'histoire religieuse, à l'introduction dans le panthéon sémitique d'un à\QM Autel.

Le mot madbah-mizbèah«, qui désigne l'autel dans les langues araméenne, hébraïque et phénicienne, signifie proprement l'objet matériel sur lequel on immole la victime off"erte à Dieu. Cet ac- cessoire du sacrifice peut-il devenir un Dieu ? Nous ne le croyons pas, non que le sacrifice en général suppose la divinité nous savons que dans un grand nombre de cas c'est des formes primi- tives du sacrifice qu'elle s'est dégagée —, mais parce qu'un sacri- fice assez développé pour utiliser un autel caractérisé comme lieu d'immolation par un nom tel que mizbèah nécessairement a une

cerne les noms propres hébraïques, Siegfried, Zeitschr. f. alttestament, Wissensch., t. IV^, pp. 35 et 70: KamITmeyer, Zeitschr. PaUlst. Ver., 1892, p. 24 et suiv.). Dans la majorité des cas nous le renconlroii?, le y_ semble rendre un n dar, et cela dans des noms appartenant peut-être souvent à des dialectes à khâ, et qui en tout cas se rencontrent dans des régions influencées par des éléments arabes.

* mTOn est transcrit Khamratè; IT^Tl correspond peut-êlre à Khaiamos et bM"^"^?! à Kheeilos (Dussaud-Macler, Voyaije cm Sa fa, p 155) ; '^"T^n est transcrit à la fois Khai- ranès et Airanès, le palmyrénien NIT! et le sinaïtique TT^fl équivalent peut-être respectivement a Airos et Kkairos ; mais les formes grecques Abihos, Addoudanès, Ala, Amelathos, Annèlos, Arsa, Aretas, Asasos (Cf. Lidzbarski, Handbuch, p. 269 et suiv.], Eias, Ouros. Alaphtha (Clermont-Ganneau, Recueil, t. IV, pp. 121, 141, 143, 149], Ababathè, Alimos ^Lidzbarski, Ephemeris, pp. 218,220) attestent la prévalence de Télision du n même initial.

' Je laisse de côté les transcriptions savantes des œuvres littéraires (cf. sur celles de Josèphe, J. Weill, traduct. des Antiquités judaïques, t. 1, p. 18, note 2, et p. 31, note 1).

3 Clermont-Ganneau, Recueil, t. IV, p. 170; cf. ib., p. 169-170, une série d'équivalences entre des noms safaïtiques et des noms connus par l'épigraphie grecque, qui conBrment notre thèse (dans "iHON = 'AT/apo; la troisième lettre est un khâ dur); rAoaSvaStvayïi; delà bilingue de Tello transcrit un mot assyrien.

* Lidzbarski, Ephemeris, t." 1, pp. 218,220.

» Cf. Bûchler, Revue Et. juiv., 1901, t. I, p. 125, et Clermont-Ganneau, Recueil, t. IV, p. 276. ^ La racine HDT est pansémitique.

CULTES ET RITES SYRIENS DANS LE TALMUD 205

personnalité constituée en dehors de lui. C'est en vain qu'on rap- proche l'autel de la pierre sacrée (qui semble dans certains cas avoir servi au sacrifice '), et il ne servirait à rien de raitpeler la théorie par laquelle Robertson Smith- a cherché à expliquer la formation du nitmen, qui, nous dit-on ^, est incorporé dans les pierres comme celle de Pètra, car la transformation de la pierre à sacrifices en hétyle réceptacle de la divinité n'a pu s'accomplir sous le couvert d'un mot aussi transparent que celui de nat» = nm» , qui caractérise d'un trait trop accusé la fonction de l'objet pour laisser subsister l'équivoque qui serait nécessaire pour qu'un dieu put arriver à se dégager du bloc. Toutes les dif- ficultés s'évanouissent si l'on suppose que le nom original du dieu du Djebel-Barakât a eu la forme très légèrement hypothétique

de yrm ou nsm»,. à peine différente du nDai2 talmudique. C'est l'étymologie populaire (peut-être maniée par un Syrien d'origine grecque) qui aura assigné à ce vocable le sens de Nnnnw, qui en est phonétiquement si voisin : plus d'une interprétation savante pour ne parler que des tentatives d'explication de noms sémitiques

conservée par le pseudo-Méliton, Tertullien * ou Macrobe^, dépasse celle-là en absurdité. MioSa/oç pourra être considéré comme la transcription normale d'un nom divin attesté par un texte syrien précis, et le dieu « Autel » devra être considéré, non comme un vestige d'une pensée religieuse archaïque, mais comme le produit d'une exégèse de basse époque.

Isidore Lévy.

» Cf. Lagrange, Revue biblique, 1901, pp. 225, 227, 242. ' Robertsoa Smith, i2«;/^/o« of the Sémites (2« éd.), p. 201.

* Lagrange, loc. cit., p. 225, semble suivi par C!erinonl-Gauneau, Recueil, t. IV, p. 249.

* Cf. les exemples cilés Revue d'hist. des Relit/ , 1899, t. Il, p. 370 et suiv.

* Macrobe, Saturnales, I, 2', 17.

LES ANOMALIES DU PLURIEL DES NOMS EN HÉBREU

Dans notre étude sur le pluriel hébreu {Revue, t. XXIV, p. 99 et suiv.), nous avons fait remarquer combien sont nombreux les substantifs qui n'ont pas de singulier. De plus, beaucoup de ces pluralia tanliim, ainsi que d'autres noms pluriels, sont employés avec la même valeur que le singulier. Nous désirons reprendre en détail cette question et compléter la statistique des pluriels anor- maux, car les grammaires les plus récentes cherchent à expli- quer l'emploi du pluriel sans distinguer les véritables pluralia tantura parmi les noms qui n'ont pas de singulier, et d'autre part, elles établissent des catégories de pluriels d'étendue, d'abs- traction, d'action, qui, selon nous, n'ont, au point de vue gram- matical ou lexicographique, qu'une importance très restreinte.

I. Noms dont le singulier manque fortuitement.

Il y a beaucoup de noms dont on ne trouve pas le singulier dans la Bible, simplement parce que les Écritures nont pas eu l'occa- sion de l'employer. Il est utile d'énumérer ces noms pour les sé- parer de ceux dont le singulier était réellement inusité*. Nous les rangeons par ordre alphabétique de racines :

■^biN, "ibLû-iaN, û-'D-i^-nN. û-'briN et mbnN, mm» (outres), mniN, û-^HN (hiboux), D-^SD-nujnN, û-^D-imrnN, û''n'^'j3i<, û-^jn, û-'-'N (Is., xiii, 22), Q-i^yi^ et nittb-'N, D^sbN (bœufs), û^mn (géants), m52N, '^wdn»,

' Nous avons laissé de côlé les adjeclils, qui avaient forcément tous un singu- lier. Nous avons toutefois cité les adjectifs pris substantivement. * Le signe ' à la fin du mot signifie que ce mot ne se trouve qu'avec les suffixes.

LES ANOMALIES DU PLURIEL DES NOMS EN HEBREU 207

mn-iN, mi_N. ptcn. d^e-wN, ■'^^■'^rN. û-'na (devins), û^spa, ù-^if^a, nvrT'a, ■'-1=2, ■'■'ibs, û'^'biirn, -^r-^pa, D"':p-i3. û-'îT'Na. û-'aa (sauterelles, citernes), m?237o '■'nna et mTii (coupures), r-ivns, D"'b"ia, Q-'nn, n-nn», û-^aba, ■'«nba, a-^nTis, -"Tia, '■'rT::i, a-'-irina, miai, mnrri, D-'jn-i. et c-^'T , n^sTn . nvbn, a-';-i7:D~,n. a"^bb-in, monn, û"'n, G'^îtt't, n"ii"iT, n"ip">T, m-iTûT?:, m-i72TO, o-^pj, û"'y"iT et d-';i;:'-it, ûnan, D\"nan, ■«iTin, c;"'"nn, a-^sr^n, rmbn^a, D-'sbn», msbn», -^pbn, t2"'Dwn, 'P7:n, û-'N-in, ^^:a-,n, û-^n-in, n''a-^'-;n'(?S Q-^T^cû-in, tzs-^bnn, n"'i:-'nn, f:i:-,n. maii-in, -^D-^-cn. n"^nn;:j, ■^ba"', n"'aà"', tn-^a;»-^, D"«tt">, mps^ (branches), û'»:?"', a"'b:?\ •«'nT^D, c-^d?, t-irba, mobis, û"»"i»d, r-nnon, rrn^-o, mncir. ma-'ab, û'bnb, m^bib, firirib, mnpTj, m7nb?3, j-n:ia72. mb-'b?:. t:zThi2- t^-^nbr], D"!;?:. CZ5"^-n"iw. mD"ai73. t:'^;i3, t=;"'bibr;;, m-:?:. mb-Tr:, m::73, -^caj, mD">u2, m-w"»::;, "^bD", Q-^oaD f;!:;. m-'p:?:. r-np-^c:. û'^rn;, fs^o, to-^-no, mano, a-'723, £i:->-i7:c72, D-'s^ro. mrDow, d"'a-iD. d-'2-ic, a-'ay , '-«nar (œuvres), '^iay72. n^'ziv. a"'b"'ny, ti-'îTaTr, n"iE:::?7o. 'r^rc^'^y. t-nb"<b;'. a^No:?. r-non:», '■^d'^'tp. ta"'p'T3', mno3>, mnnï::?, £a-«-nnr, a-'^s, a-'Hc (plaques), mibs, mbitD, a-'j^ps, m:?pD, a-'n'ic, a-^msN, mir-s, a'^7:n-iD, i=:^yn:z, a^-la::, £i;-itij:, ■^:?"'di:, m^'s^, m-in:].:, ti-^sip, mi:ip. s-^rbp, t^-^iTsT^p, mj'-'irp, ■'Nnp, ts-^anp. a-^r-ip, i\ST«p, mù;p. a'^a-'an, a-iaan , a-^arn , a-^am. ta-'om, a"'D»"i, t3''0"'o-',, ï-nbj'-i. mmoD"i. a-^acn, a-^npi et mnp-i. a"«73n-i. m-nb, a^^ji-inb, a-^sb, m2ir, nvsi:;, t=;''a-'Ti, szi-'aac. t^-^o^a"::. mjca'i», r-ns''y>i, C^Tvi, tZi'''û'Ci2 , a-'73T::. m-rci, 'mnrj, a^^ti^bô. mm73'«i, ta-^jûpo, n-ic-i'j. ■'b-inc fT^iwNn et a-'73î<nn, a-^isn, mybnM, ïZ5"«3n et masn.

IL Noms douteux.

Aux noms qui précèdent nous en ajouterons d'autres dont le sens ou la forme sont incertains, en les rangeant par ordre al- phabétique :

a-'T^abN et a-'iwbN, Sz-^don et msax, t=!"'37:TîJN , n^^n (mensonges), t-nnaa, n-ns, tZi-'Oizn. -^iju, ■'sn . a^;7:u;n*, ta-ii^'iD, r^^b^a73^ (Josué, XVI, 9),in-ia7:, p-nb'>ra7:. '-^in». '^it», Ci;"'-i-T73, r-n-i-T73, nibD?: (II Chr., iv, 21), J-n-i373, m-,:;7273. cd-i-ititj, hz-'ùK- Cndd , a-'a:, î-ind:, 'nb;, a-'^To:'; , a-Tii:3, a*"::?, miio, foc, r-nnD,

* Voir ci-dessous p. 213.

* Peut-être faut-il lire ï;n « en hâte», et a"'373 serait une dittographie de (12a

a-'-ii:(73.

* 11 l'aut sans doute vocaliser nibiaTO

208 REVUE DES ETUDES JUIVES

mnD, '■'TlD, n"in\-iD, û-^bi^i:, û^n-^nit, û-^Tï (images), û-^-^it (habitants du désert), t2''»i£, ■'itsp, tm73N-i, û'^an (archers), niu3i<n, mDi-i, ^^-i, ïmpn-i, D^ub, 'm-ià(Ez., xxvii, 25), Jmnp (Jér., v, 10), •'W^ibï:,

III. Pluralia tantum.

D'autres substantifs paraissent n'avoir pas eu de singulier, tout au moins dans la période littéraire, car les uns sont trop fréquem- ment employés pour qu'on puisse attribuer au hasard l'absence du singulier, d'autres ont une acception qui n'indique pas le pluriel. On doit remarquer que, si plusieurs noms de cette seconde caté- gorie sont traduits par des pluriels, cela doit tenir souvent à la tbrme plurielle qui a induit en erreur les exégètes. Ainsi, tout le monde traduit û-'Dnn par grillage, mais ù-^nh-o par échelons ; or, d^nbïJ peut être un réseau de lattes, et, par conséquent, n'être pas plus un vrai pluriel que û"^3nn.

Nous rangeons ces noms d'après leur forme :

1. Noms qui ont une voyelle autre que le pn^ sous la première ou la seconde radicale , ou deux voyelles : a) Racines fortes : DiDiiD, t;"^Day, Q"^73n-), C3"'"i^Or D'^:3p\i), tLisnn, s-ii^'^br: et '"'^■^Vn (Job, XXIX, 5), niD-^nn'. Avec^ST dans la troisième radicale : mpbn, n-«3-)n. mEi'O, f^n^:' mabc, mabs, ciiabo ; b) Racines faibles : G-Ti», cnii, n-^i;, C3;y»S C"':?, □■'sp*, d"'T'i: (douleurs), 'iî-^ïj,

2. Noms avec 'p'ro sous la seconde radicale : a) ixyo sous la première radicale : û"^"::wN;2 , tzi-^ina et mi-inn , n-^bina, mvi-ia, CLimn , m^cn , Qibnr! , G'^nîT . w^pj , ^■'mwn, c^'^aiDn, B"^mn, D-'p'ittîn, '■'-nsf^ (Job, xvii, 10), mbiba, û-'pn-iw, û-^inns, û->m3>3 et m-n^'s, û"^?3iby, !=i">»ii:3> et r\^-)2:iy, tiyi-ô^, tD-^TTs, i-imc, G-inpo, s-iindI S û-iiiûnEs^::, ts-isip'^à. b) pnn sous la première et u:3n dans la se- conde : û">-nDn, tD-^n-îjy^, û"'Dni5 et msTia, û^^bibii, ts-^bibn, û"'pi^n, ta-«-iuin, D''n"iD:3, Dmos, Q-'Tiîob, ûiNb)2 et m^b», û'^dn:, t3"'73inD, D"^nnpD, D-^nips. û-'-nai:, n'^pi/j::, D-'^i-iap, û^-n'cp, n^mp-i, tii'^is'ipn D''biD'j , û-^mw'và. c) Préfixe n : '^biTa^n , mDbnn , mDnsnn ,

* 11 se pourrait que dans ces noms le p"in fût l'aUéralion d'un p"|'»I3.

* Telle est la prononciation traditionnelle du mot Q'^yU, et il n"y a aucune raison pour la déclarer inexacte.

^ D'^33 n'a de commun que la racine avec Û'^DD, et répond à l'arabe finâ « enclos ».

* Peut-être faul-il lire aussi mND"l dans Proverbes, m, S.

l.KS ANUMALIKS 1)1 l'UlHlia. DKS NOMS KN llKlilJKU 2(i'J

mriann. !D\NVnn, £z;"^:i;nn et m:i:nn, ï-nnxbn, Q-^pTi?::!. !=;^-n-i7:n, û-'KITOn ot :-.r:-,r:ri. Dibib:'n. m:o;rn', nrjjçyn. Avec la deuxiôme radicale ■! ou "> : d-^^np, ni:bp i-.. r\-\jv'7rii miiicn, m^cn. Trois noms à première radicale i?rty n'ont pas de p-i\a : mnbin, mD::>in,

3. Noms avec préfixes 72 : a) Voyelle yi2p : û^nna^:, mbns», m::bm2, mx^^n?: , t:<bbyi2 , û-ib^s?: et mb:'D7: , ti:^i:ns7D , tn-^i^i:?:, Q-^npiM. Racines faibles : myo-,):. l3'^t>:j''70, tinn-iM, /;) Voyelle ^li: : m-:m72. a-^bnp?: et rmbnpa. Racines faibles : ts-^iDi» et ï-mcr: , û-^nDiTD et î-niDiX] , mi:ri)3. c) Voyelle incer- taine : mnp'i?^, ^ipm:, ■^in-j?^, misoT:, ^^n:?)^, mi^box], mbrii:». nT£î<n?:, mb:in72, mb.xo», nno^D, ms-ib?:. d] Voyelle nbn : mnrrïTa, û">'-i"i7272. Racines faibles : "^riij^f^, '^Ti^jz. e) Voyelle pna : a-^D-inNT:, m7:br;7o, D-^bbs?:. û^^si:?:. Racines faibles : û'^^ibn?:, a^m^72, mNTJr, 2^1^1370, û^-n;>j. a^-n?:. /•) Avec redoublement de la troisième radicale : a) avec rinD : tzi-^'^NW. D-'iscTrwS'?:, r-nbnriTj, a^»y:û», û'^swst:, û^?3y;w, a^;i3>?o et m3^3>a, Q-^pw^a, û'^op:'», m:;bDî2, n^-inn», û-'in-::», û\n3a», (n^'i-:?:). —[S) avec pT>:: : û^i^n-o, û-^3n:'73.

4. Avec préfixe 3 : ïz"'binD3.

5. Avec suffixe : !3"';nr^. a-in^^b-i.

6. Noms quadrilitères : a) Racine bilitère répété.^ : ta-^nana,

mnirni:, ^■^yrzy:^, ^''yr::y:i. û^bribn, û-^^'i-irn. b] Divers: m^nyai^, □^n:35, c-^didwNj. "^'^".12^. mm-ii'p'>r). û-'-n;o, mE_?nD, n^Er-.b.

On peut y ajouter quelques noms dont le singulier est très rare : 1. ni-, û^'bnn (douleurs), mb"<b:?. 2. o'^rii:-' , D'^mns , û'72ibo, a'^riipo. a"^^i;^'n. 3. anno?:, ai3"ç:nr, a-'S^jC».

Il suffît de comparer cette liste à celle des substantifs dont le singulier manque fortuitement, pour voir que la forme des noms a ici une très grande importance. Les vrais pluralia tantum sont principalement : des noms avec voyelle pn^ pour la deuxième radicale ; 2'' des noms avec 0:11 dans la troisième radicale; 3'' des noms avec préfixe 12 ; des noms quadrilitères. Comme il est dif- ficile de croire que c'est par hasard que les noms de ces catégo- ries n'ont pas de singulier et ont l'acception du singulier, nous maintenons l'opinion émise par nous dans l'article précité, que la plupart de ces noms masculins pluriels avaient, à l'origine, une terminaison féminine ay -. Gomme cette terminaison servait aussi

* Voir plus bas a''5'l33>n.

* La terminaison ay après la voyelle plO rappelle les formes de rinluiitif dans raraméen laimudique et mandéea "ib^HJp et ■'b^:3pi<, elc. (voir Nôldeke, Man- dâische (xvaitimatik, p. 142 et suiv.). Sur les noms hébreux qui ont conservé cette terminaison, voir Kônig, II, p. 117 etsuiv.

T. Xllll, N«> 80. 14

210 REVUE DES ETUDES JUIVES

à marquer le pluriel, ces noms ont fini par être traités comme des pluriels et ont reçu ensuite à l'absolu la terminaison zm '. Quelques-uns avaient la terminaison féminine at, et, par analogie avec les noms en ay de même signification, ont été aussi trans- formés en pluriels. Par exemple, une forme tanhoumaij est de- venue tanhoiimim- et, par analogie, tanhoiimat est devenue tan- houmôt. Il est probable cependant que certains noms, notam- ment les concrets, avaient primitivement un singulier, qui, pour une raison quelconque, est tombé en désuétude. Par exemple, le mot û"'» a i)U avoir, à un certain moment, un singulier rrn, qui, par suite (le sa ressemblance avec le pronom rî73, a été sii[)planté par le pluriel -. Il est donc permis de parler de pluriels d'étendue et d'action ^, mais seulement en ce sens que l'espace peut être en- visagé dans ses différentes parties et l'activité dans ses manifesta- tions successives ; ainsi û"^7:"w, comme ûi7:"n7û, peut désigner les différents cieux ou hauteurs, et mb^îT: les diverses actions, comme m-nns, les exploits. Mais nous ne pouvons guère admettre de pluriels d'abstraction , car l'abstraction ne peut amener le pluriel. Le pluriel, dans les abstraits, ne peut s'expliquer que par une transformation morphologique ou analogique du singu- lier en pluriel ou par la substitution d'une idée concrète à l'idée abstraite.

Le mot 2T1?:, qui n'est employé que comme pluriel, a eu sûre- ment à l'origine un singulier, qu'on retrouve dans d'autres dia- lectes sémitiques, et, qui, en hébreu, a été remplacé par 'û3"^n.

IV. Le pluriel poétique.

La poésie aimant l'emphase et mettant volontiers le concret à la place de l'abstrait, il est naturel qu'on y trouve des pluriels dont

* C'est ce qui explique pourquoi des mots comme 0^72111, Û^n^D, Û^3Û33 . tJ'^TÛplU, ^"IpN n'ont pas la forme des pluriels ségolés. Le mot D'^lbiO, en arabe salioâ, prouve la justesse de notre théorie.

^ Nous pensons maintenant avec Kônig [Syntaxe, p. 199, en note) que le pluriel dans Î3"^7a et les noms semblables ne vient pas d'une confusion entre le yod radical et le yod du pluriel. Eu ellet, N"^7p et N'^TO'O sont aussi des pluriels en araméen ; or, en araméen une confusion de ce genre aurait pu difficiiemeut se produire. Le pluriel en âyim, dans t3"^73, Û'^73'i5, 0^3^73, s'explique comme le pluriel en âyi/i des parti- cipes des verbes "l'b araméens, par exemple, 'j'^33>. Le ton a passé de la dernière sylljb?, qui était fermée, à Pavant-dernière, qui était ouverte, et le pin est devenu bref.

^ Voir Geseuius-Kautzsch, § 124 b-d.

LKS ANOMALIES DU PLURIEL DI'IS NOMS EN HÉBREU 211

le singulier seul est employé en prose'. Nous les répartissons comme les pluralia tantum, en :

Noms qui ont une voyelle autre que le p~iw sous la première et la seconde radicale : L]"^3rTN, d-^^in (force) û"'»-'i< et mT^-'N, -^don;, t-nboN, m-^onn, m3''3, û-'-iba, ""rtna, û-^b^n (Eccl., x, 10), mwDn et mxîan, û'^Dwn, mi-in, monn, D^^^ri, Q"'^'^- rnnwn, msu:, î-n^îbD, m»p3, ûnno (Prov., xi, 17), mn-jy (Job, xxxi, 30), t=5"'»bn3', miD3', TinD (Miclia., vu, 5), mpi, mwTp, m^sp, r-nn?jiD, m»TJ,

2" Noms avec piu) : tn-'snWi*- (foi) et msi^ûN, n^bM , m-iins mbiwa, myi\i)i.

Noms avec préfixe ^3 : m-iN«, û-'nrjnjû, û-'iTonTa, D'^-non^o (Ps., XXIV, 34), D'^3'«pn73. nnbiw, mbc7j», Q-^msT^ et r-nm;», mpi::w, •^TUnpTO (Ez., XXVIII, 7; Ps., lxviii, 36 ; lxxiii, 17), ■'nniTa, û-^pn-iTo ■^^D^aïo (Gen.,xLix, 4), -^a^uj» (Ps., xlvi, 5; lxxxiv, 2; cxxxii, 5,7),

ï-n)2p73.

Divers : mbîin, fmiibn, m;i3n. mbnn, ï-nm;n, mttiin '•'Sinn (Ps , Lxxxviii, 17) mD3>bT.

On voit que, si plusieurs noms appartiennent aux formes usuelles des pluralia tantum, beaucoup d'autres ont des formes variées.

Il est à noter que quelques-uns de ces noms sont souvent trai- tés comme des féminins singuliers. Ainsi : riTOnn (Jér., xii, 4; Joël, I, 20; Job, xii, 7); mnbn (Job, xxvii, 20) ; mT^^n (Prov., 1, 20 ; IX, 1), ce qui montre que ôt est considéré comme une simple terminaison emphatique à la place de at^. mmï: est traité comme un masculin singulier dans Is., xvi, 8, et Habacouc, m, 17, peut- être par analogie avec mù:.

Très rarement le singulier est poétique alors que le pluriel est usité en prosp. C'e^t le cas pour mbN. ri'n « vie », ûibttj, à côté de

Quelques noms ont le pluriel au même sens que le singulier, sans distinction de prose ou de poésie : nsD et û-^nDO « lettres » (II Rois , xix , 14) , -nON ou n^i^N et t3"^m\àN ''; biap et tn-^biao ;

* Nous laissons de côté les noms dont le pluriel est aussi usité en prose.

* Le singulier "jl^N est aussi poétique.

s II en est de même pour niDCnTO (Jér., iv, 14; Li, 29 ; Prov., xv, 22 ; xx, 18) «•t rN^n (II Rois, m, 3 et passim ; Is., lix, 12). Le mot m3TUn70 peut désigner ici un plan et riï^LÛn un péché (celui qui a consisté à fabriquer les veaux de Dan et de Béthel).

* d'^ITON est traité comme un féminin singulier dans V^., xxxvii, 31, et lxxiii, 2 ketih.

212 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

n-iiDtt et m-113» ou m-ib72, ^ni^ et "•■•ini^ ou nin^^^, ''3^5 et t^-^su: « écarlate », ni^to et ■'Nitn» « issue du jour' ».

V. Différences de sens entre le noai au singulier

ET LE NOM AU PLURIEL.

Quelques substantifs ont un pluriel d'une signification autre que celle du singulier : Ce sont "ni< « feu » ûmiî « îles, oracles (?) » ; iirib « lame », û^riiib « incantations ->; ne « parties sexuelles de la femme » et mnîs « gonds » ; "X-iW et .-iwS-iîa « vision », mi^nw « mi- roirs y> ; ïi;5n « chant », û^^jj"! « autruches » ; ûbui v payement », !r;"'»bu5 « sacrifice de payement » ; vpb « serpent », £3">d"i"«:: « sé- raphins ».

Le pluriel n^?:" de ûl « sang » désigne le sang versé et le prix du sang, le pluriel 'cz'''zy de ar « peuple» désigne souvent les mânes.

Les mots û^::r!. n'^-ib'C, i:%"^"ip, qui ne sont pas de vrais pluriels, désignent le froment, l'orge, le lin comme matière, tandis que npn, rinrc, nrCD les désignent comme espèces. La même différence a pu exister à l'origine entre ibip et û■'^V:;.

Le singulier de certains noms s'est seulement maintenu dans les locutions spéciales : celui de ;:"'~3 « barres, membres » ne se rencontre que dans 12b «seul» et inn 13 (Ex., xxx, 34) « en parties égales » ; celui de d'^SD « face » dans "jd « face à, rapport à ce que, de peur que » * ; mniî et ni3D ne sont usités au singulier que comme adverbes, tandis que les substantifs sont s-i-nnw^ et ma-'nD.

La préposition 'j'^n a le pluriel mî-^n avec une nuance d'idée par- ticulière : m;"^n veut dire : entre les uns et les autres, tandis que 'j-'n ne s'applique qu'à un des côtés, de sorte qu'il faut mettre une seconde fois ^3 ou b ^

^riN a le même sens que ■'-.hn *, la terminaison \ est l'an- cienne terminaison féminine, comme en arabe haiolay (autour) existe àcôté de hawla. i-inNi a la même forme que ''"i'Iîn^, qui n'est pas un vrai pluriel, car devant les suffixes les voyelles ne changent pas, exemple '^■'"■::n.

* Dans "^Tll^Tn et îTTnîTn (Ez., xvi, 33 ; xxiii, 7 et ailleurs); ^"^ilNS [ib., xvi, 56); ^■'îm, {ib., xxvii, 33), le suttixe est peut-être purement emphatique, et ne suffît pas à prouver l'existence des pluriels fim^Tn, Q"'3Tîî3, tZ3'^3Tr7.

^ Cf. le sens de l'arabe djihat a. face, rapport ». 3 Gesenius-Kautzsch, p. 294, note 1.

* Dans Berésckit rabba, sur Gen., xv, 1, R. Youdan prétend que "i"inN désigne une suite immédiate et "iriN une suite plus éloignée. Rab Houna émet Topinion inverse.

LES ANOMALIES DU PLURIEL DES NOMS EN HÉBREU 213

VI. Différences de forme entre le nom au singulier

ET LE NOM AU PLURIEL.

Outre la grande différence qui existe entre le radical singulier et le radical pluriel des ségolés', on peut relever quelques noms le singulier n'a pas la même racine ou le même radical que le pluriel.

Tout d'abord, le mot lî^ss sert de pluriel à rrlr, et -ipn à hto (Exode, XXI, 37 et ailleurs) ; £2'^'«i::5< sert de pluriel à ■>r"'X, et ^'''C^ (racine "^os) à n-is (racine ■:;;i«i -.

Ensuite, lii;^ a pour pluriel a^;;;-:-: ou û"';"!':^ ; n-rnbi: et nnb:^^ r-nnV^; r::^^:, ^"'i-»:^" et rn^x:; n:;?-;, c:^::;?'^ ; -"«V;?, nT»-? ; ï-i-k^. i-n-3i2, n-i'izT:, rzn-poa ; "i?"!"!. J~n:b-i-: ; «anTo ; ^"'wsznw ; 'C-qi,

Ces noms ont pu avoir, a l'origine, des formes différentes, dont les unes sont restées usuelles pour le singulier et les autres pour le pluriel. Pour quelques autres noms il n'y a pas lieu de su[)poser des formes primitivement différentes du singulier et du pluriel : ainsi, -;7:1\ a le pluriel r^"i7:N état construit ">-:^i>f^ parce que de- vant les suffixes de la troisième radicale le rè.sc/i amène la voyelle i, cf. r;~.':N et -^ob, i-'cn. On peut en dire autant pour les ségolés qui ont comme voyelle de la seconde radicale, au pluriel, un pin, au lieu de ytij)"^ : ri-v V^p, ~;-ip font au pluriel tiz^V'^', ^i'^b-^pt, n-,a-p = nv-ip). Très vraisemblablement on doit aussi faire dériver a''::">-in de L:-in, ■^b"'::- de b::;. n'b-^î:: de bsî, ût::^ (épines) de r;:i:, mnTio de nno et peut-être ■'T'"i">i; de "■::.

Il est permis aussi de voir dans m:r:3 de ]-'z et mnj; de "^: des pluriels avec ûbn, au lieu de yjj'p.

Nous rappelons que les ségolés, ayant au pluriel la voyelle de la seconde radicale, tandis que le singulier a la voyelle dans la pre- mière, nous présentent une série de pluriels brisés qui sont de- venus mixtes par Tadjonction des terminaisons du pluriel sain, comme en arabe : banoilna = hnayoûna est le pluriel de ihn ■=^ hiny ; 'aradoilna de 'arrf, etc^.

» \o\v Eeviie. t. XXIV, p. 104.

' Nous renouçons à croire que S^C" vienne de 'i;X (»i.,P- '109, note 2).

* Le kctib 'j'^nTj (H Sam., xsi, 20] doit peut-être se lire '['^"Tj = Pi~Tj (Nombres, xi'i, 32). Le kitib S'^jIITD se rencoulre dans Prov. xvin, 19; xxi, 9, 19; xxiii, 29 ; xxY, 24 ; xxvi, 21 : xxvu, lo.

* Voir Revue, t. XXIV, p. 103.

* \q\i Revue ^ ibidem., p. 104.

214 REVUE DES ETUDES JUIVES

VII. Les dualia tantum.

Un certain nombre de duels n'ont pas de singulier. Pour les uns, ce fait doit être considéré comme fortuit, mais pour d'autres, la nature de l'objet désigné par le duel pouvait exclure l'emploi du singulier.

Dans la première catégorie on peut ranger : û'^s^n, û"'Odn, 'iTi, û^'iiVn, cisn, £2"'3-'-iD, n"'3n73, û^T^na, f crcy '-^nns, '-^bonp- Dans la seconde : û-^jCN, d^-i"'D, tii''03373, D-^nbiCt:, D^nn, t2^b^\b, D-isir), tD-^nçô, d'TiDTD'a. Le motû\nbi:y (Eccl., x, 18) est douteux.

Quelques-uns, enfin, ont un singulier avec un autre sens : le mot û'^n^T' dt^signe le fond, la partie la plus reculée d'un objet, tandis que nDT^ veut dire côté ; tinriit veut dire midi, et nni:, d'après l'opinion la plus répandue, fenêtre, mais plus vrai- semblablement, toit en double pente'; û'^dn signifie narines, et £^ï< nez, colère.

Mayer Lambert.

' Halévy, Recherches biblifjues, p. 118, en note.

SUR

LES DEUX l'RE.MIERS LIVRES DES MACCHARÉES

L'original hébreu du I®'' livre des Macchabées.

L'original du P"" livre des Macchabées nous est, paraît-il, enfin rendu ! Après la découverte des fragments de Ben Sira, celle du plus fameux ouvrage historique des Juifs : le xix° siècle aura eu toutes les surprises. Ce n'est plus, cette fois, la gueniza du Caire qui nous livre le précieux document poursuivi depuis tant de siècles, c'est un manuscrit de Paris s occupant principalement de questions rituelles. Bien mieux, ce texte original de I Macch. a été publié récemment par notre éminent confrère M. D. Chwolson *, qui ne s'est pas douté de la trouvaille qu'il venait de faire, et les lecteurs ne se sont pas avisés non plus qu'ils se trouvaient en présence d'un des plus vénérables monuments de la littérature hébraïque. M. Chwolson, sans se prononcer nettement sur la valeur de ce texte, laissait cependant assez clairement entendre qu'à son sens, il devait provenir du milieu d'où est sorti le Yosi- phon, c'est-à-dire de l'Italie méridionale (x« siècle). Il était réservé à M. Schweizer- de reconnaître la vérité : ce document, malheu- reusement fragmentaire, est bel et bien, selon lui, l'original dont dérivent les versions grecque et syriaque. Ou cette thèse est fon- dée en droit, et il faut saluer avec gratitude cette précieuse décou- verte, ou c'est la fantaisie d'un chercheur grisé par le désir d'étonner, et il faut avoir le courage de le montrer, pour que, dans la suite, on ne vienne pas invoquer son témoignage. Exa- minons donc les arguments que fait valoir M. S. en faveur de son opinion. Gomme on le devine, c'est la comparaison de l'hé-

» Dans le by Y:i'p, VII, 1896-97.

* Vntersiichungen iiber die Reste eines hebraischeti Textes votn ersten Makka- bàerèuch. Berlin, Poppelauer, 1901.

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breu avec les versions qui devra mettre en lumière l'antériorité de l'hébreu sur celles-ci.

Les preuves ne sont pas toutes de même qualité : il en est qui ne prouvent absolument rien. Telles sont les suivantes : Au ch. i,

1, le grec porte : /.-A ÈSxt'Xe'j^ôv àvr' ajToU T:ç.6-:siov ÏtX ty,v 'EÀÀ7.07.

« Et [A.Iexandre] régna à sa place en pt^emier sur la Grèce. » Ces mots, dénués de sens, paraît-il, s'éclairent par l'hébreu : ^hn 1U5i< 1T» by ri5TCi<"i3 « qui régna cCaboiui sur la Grèce », c'est-à-dire seulement. Pourquoi ce sous -entendu, s'il est nécessaire, est possible uniquement en hébreu, et non en grec, c'est ce qu'on oublie de nous apprendre. En fait, il est hors de doute que -pdTïpov et n3i\ïJN"a ont exactement le même sens.

I, 11. Les hellénistes conseillent de faire alliance avec les peuples voisins, car, disent-ils, c'est depuis que nous nous sommes séparés d'eux que nous ont atteints beaucoup de malheurs : ô'-t

às'y,; ï/M'J.<j'>-r^u.vi v.t.' Tjzovf ï-jsîv '/;u.à; xaxà -oÀXi. (= m3>~l 1j1S'^w!n

mm). Mais, dit M. S., c'est un anachronisme : les malheurs ne sont venus qu'après. Comme si ces hellénistes, partisans des rois Séleucides , ne pouvaient pas faire allusion aux malheurs essuyés précédemment dans la lutte entre Ptolémée et Antiochus le Grand ! Bien meilleur est l'hébreu : N3n ûîT'bj''^ lisi ûi< "^d nbTiin n^'nr; li-'b:? « Car si nous nous écartons d'eux, nous arrivera le grand malheur. » Le traducteur grec, dit M. S., s'est trompé sur le sens de ûi< "^d, si non^ qu'il a rendu par dejmis que; il a bien été obligé, ensuite, de remplacer le futur par le passé. Mais comment l'expression û» "'D peut-elle se confondre avec depuis que (ts») ? Si l'on veut s'appuyer sur des confusions de traduc- teur, encore faut-il que ces méprises soient vraisemblables, ce qui n'est guère le cas ici.

M. S. se sert de beaucoup d'arguments de cette force. S'il n'en produisait que de semblables, il n'y aurait pas même lieu de discuter sa thèse; mais d'autres paraissent plus spécieux.

III, 3, il est dit de Juda Macchabée : Il élargit la gloire de son peuple, se revêtit d'une cuirasse comme un géant, se ceignit de ses armes de guerre et engagea les combats, protégeant le camp de son épée. Ces derniers mots sont exagérés, dit M. S. : on n'a assurément jamais rien dit de semblable !

Or, ici encore, l'hébreu nous a conservé une leçon bien préfé- rable : irr'în» by innn ^Vjii « et il tira son épée sur ses reins ». La confusion est ici manifeste : E|b\3"'n a été pris pour Y''-^"'"' « i^ jeta », et nn-'m» « ses reins » pour "irr'snTo « son camp ». Mais pourquoi, dans ce cas, le grec ne dirait-il pas : « Et il jeta son épée sur son camp? » Mystère. En outre, est-il certain que la

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phrase hébraïque soit préférable ? « Tirer son épée sur ses reins » est une image singulièrement risquée, dont il n'y a pas de spé- cimen dans la Bible. Ce n'est pas tout, et ceci est grave : pourquoi ne pas direvsn^o, et employer cette forme incorrecte nrr'snTj, qui ne peut même pas se justifier par un exemple biblique ? J'imagine que M. S. a été victime d'une coquille qui s'est glissée dans l'édi- tion de M. Chwolson : il faut lire nrr'snTo « son camp » comme plusieurs fois dans les versets suivants.

La preuve la plus séduisante fournie par M. S. à l'appui de sa thèse est celle que fournit m, 9. Juda, y est-il dit, mit en rage de nombreux rois et en joie Jacob par ses exploits ; sa mémoire sera éternellement bénie; il parcourut les villes de Jada, fit périr les impies, détourna la colère (divine) d'Israël, fut renommé jus- qu'aux extrémités de la terre et réunit ceux qui avaient péri (xai (juvYjYavsv àTroÀÀ'jixsvo'jç), Les derniers mots détonnent, surtout à la fin du couplet. Or, remarque M. S., le verset suivant com- mence ainsi : xai a-rrr^^fy.-rvi 'AzoXXwv.o; « Et Apollonius réunit ». Ne voit-on pas immédiatement que xxl Guvf^-fOL^vi àTîoXXuijiévouç est une dittographie? Comme l'hébreu justement n'a pas ces mots, il en résulte qu'il représente l'original. Cet argwnentum a silentio aurait quelque poids si l'hébreu, comparé au grec, n'offrait pas d'autres lacunes ; mais, en fait, il n'y a presque pas un seul verset ne se rencontrent des lacunes de ce genre, et le plus souvent ces omissions sont très fâcheuses, car elles portent sur des détails techniques, qu'on aurait le plus grand intérêt à lire. Si les autres omissions doivent être mises sur le compte des copistes, ce que nous ne croyons pas pourquoi celle-ci ferait-elle exception?

L'auteur établit de la même façon l'originalité de l'hébreu par rapport au sjTiaque : comme la méthoJe d'interprétation est celle que nous venons de voir en exercice, inutile d'insister.

Si la conclusion de M. S. devait être, malgré tout, admise, le bé- néfiiîe ne serait grand ni pour l'histoire des temps racontés par le livre des Macchabées, ni même pour la critique du texte : presque tous les renseignements circonstanciés qui font Tintérêt du livre, dates, noms de localités et de personnes ont été supprimés, nombre d'épisodes laissés de côté. Les lacunes sont encore moins graves que les absurdités' : les copistes toujours dans

' Pour n'en citer qu'un eseaiple : i, 10, les versions portent que les hellénistes pratiquèrent répiplasme, opération que le Talmu'l désigne par les mots "TCW n?"!?. Au lieu de cela, on lit eu hébreu : ûn'5"1î' PX l'îTa n'îT « ils ne se circon- cirent pas » ! Le texte parlerait donc des hellénistes qui u'avaieul que huit jours! Joseph b. Salomon de (larcassoune, qui a vécu avant 1050, dans son piout célèbre, sur lequel nous reviendrons, dit très exactement : n"?"!" "TCnT^.

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l'hypothèse de M. S. ont ne rien comprendre à la marche des événements; aussi leur importe-t-il peu que ce soit à la suite d'une défaite ou d'une victoire que les Juifs, par exemple, rentrent à Jérusalem. La géographie n'est pas non plus ce qui les inquiétait fort : que le théâtre des opérations fut dans le Midi ou dans le Nord, ils modifiaient le nom des champs de bataille avec une insouciance ingénue, comme gens s'embarrassant peu de ces détails vulgaires. Aussi M. S. est-il obligé de leur venir en aide et de corriger à tout propos leurs erreurs techniques. Nous gagne- rions donc uniquement à la découverte de ces fragments de pos- séder un spécimen de la littérature hébraïque du i^^ siècle avant l'ère chrétienne.

Mais ce n'est pas seulement un fragment de ce monument que nous a conservé le ms. de Paris ; il nous fournit même un mor- ceau du IP livre des Macchabées. Serait-ce l'original aussi? Cette fois la découverte serait intéressante, car l'auteur du IP livre, qui a écrit en grec, nous apprend qu'il s'est borné à abréger l'œuvre de Jason de Cyrène, rédigée en grec naturellement. Je ne sais si M. S. a prévu l'objection, quoique M. Chwolson ait signalé l'intercalation ; peut-être la vise-t-il quand il dit que le copiste avait sous les yeux une rédaction du I^"" livre des Macchabées plus complète que celle dont proviennent le grec, le syriaque et le latin K On va voir comment était conçue cette forme plus com- plète de l'ancienne version.

VII, 27 Et Nicanor arriva à Jérusalem avec une nombreuse armée et envoya à Juda et à ses frères faussement des paroles de paix, 28 disant : Qu'il n'y ait plus de guerre entre moi et vous, car je suis venu avec peu d'hommes pour vous voir pacifiquement. 29 II vint vers Juda et le salua, et les ennemis tendirent des pièges pour prendre Juda. 30 Juda, voyant leur ruse et reconnaissant qu'ils agissaient avec fraude, car il avait agi avec astuce, se détourna de Jérusalem, et ils ne voulurent (lire: il ne voulut) plus le voir. 31 Nicanor, ts'aper- cevant que son projet avait été percé a jour, sortit du côté de Kefar Samlah et combattit avec Juda aux environs. 32 Juda fut défait par lui et s'enfuit dans la ville de David.

Alors les prêtres se prése/Uèrent devant Nicanor et le saluèrent. Ayant poursuivi Juda, qui avait conclu avec lui une alliance et [après qu'ils] avaient fait une paix d'amitié et qu'il avait gravi la montagne de Sion, voyant la force de la ville, il rompit le pacte, et il rencontra Juda à Samarle. Xicanor se proposa d'attaquer Juda le jour du Sabbat, les Juifs qui étaient avec lui lui dirent : Honore Dieu, qui a ordonné de révérer le sabbat et de l'observer, car Dieu est grand et élevé dans le

* En fait, ces trois versions n'en font qu'une, car le syriaque et le latin sont des traductions du grec.

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ciel. Et moi, je suis grand et fort sur la terre, et je remplirai les ordres de mon maître. Or, avec Juda Hait peu de monde et ils eurent extrême- ment peur de Nicanor et de sa forte armée. Ils revêtirent des armes qui n'étaient ni des casques ni des lances, mais des prières et des conso- lations.

33 Après cela, Nicanor gravit la montagne de Sion et les prêtres se présentèrent pour le saluer.

Il est superflu de faire ressortir l'incohérence, les contradic- tions et les répétitions qai choquent en ce récit; il est impossible de les expliquer autrement que par une maladroite intercalation dans la trame de I M. du morceau souligné, emprunté à II M. Parler d'une forme plus complète à ce propos, c'est soutenir une gageure.

Ce qui n'est pas moins une gageure, c'est le principe même des recherches poursuivies par M. S. ; ici il faut lui céder la parole : « Le plus ancien texte est la version grecque, dont dérivent toutes les autres traductions. Si donc on trouve un texte racontant la lutte des Macchabées, on devra présumer qu'il découle du pli/s ancien texte, à savoir du grec. » C'est une nécessité qui ne s'im- pose pas. Si aujourd'hui, en Russie, quelqu'un s'avise de retra- duire en hébreu le livre des Jubilés, par exemple, il n'est pas à présumer qu'il se serve nécessairement de la version éthiopienne, qui est la plus ancienne ; il peut tout aussi bien, au moins, utiliser une traduction allemande faite sur l'éthiopien. Pourquoi notre fragment hébreu ne serait-il pas une traduction du latiïi ? Aveu- glé par le principe qu'il a adopté, M. S. n'a même pas envisagé cette éventualité ! Or, une simple comparaison avec cette version lui aurait montré du premier coup que telle est la vérité : notre texte hébreu est tout bonnement traduit du latin. 11 n'y a même aucun mérite à faire cette découverte. Pour ces sortes de pro- blèmes, nous possédons un critérium presque infaillible, ce sont les noms propres : il est bien rare que les traductions n'y impri- ment pas leur marque. Comme, malgré les suppressions que nous avons signalées plus haut, il reste encore quelques-uns de ces noms, l'épreuve sera aisée.

VI, 1, ûTOib-iN "vv^ ■'D :'»^">"i « Il apprit que, dans la ville d'Elima- dem. V M. S. corrige le dernier mot en cti-'b-'i* « Elimaïs ». Il ne faut rien corriger : le latin portant : civitatem Elyinaidem, le traducteur n'a pas changé ce mot, quoiqu'il soit à Vaccusalif.

Quelquefois le traducteur s'avise de supprimer la marque de l'accusatif. Ainsi, viii, 9, au latin « apud Helladam « correspond rîn:9bN ! Au commencement du livre, le traducteur, à propos d'Alexandre, avait mieux rendu le même mot par p"», qui était sans

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aucun doute la forme usitée au temps des Macchabées. Mais, comme au cli. viii il est question de toutes sortes dépeuples, le traducteur a cru à un autre nom.

Il n'est pas plus heureux avec les noms géographiques de la Palestine, comme on va le voir.

VII, 40. G. : 'AoaTi, latin : Adarsa, hébreu : NïJni* rr^aa (réminis- cence de I Rois, xvi, 2, Ni-iî< !~i"'2, nom de personne). Le même mot revient au verset 45, mais le latin, par erreur, écrit : ab Adazer. Or, l'hébreu a cette leçon barbare : mi:i7:. M. S. propose ici encore une correction !

On voit, d'ailleurs, que le traducteur a vécu en pays roman : il prononce certaines consonnes à la manière occidentale. C'est ainsi que Galatia (viii, 2) devient Galicia (tia =: cia), N"'ii:"'b3. La patrie de ce traducteur ne peut être que l'Italie; en effet, il articule le J comme un g, à la manière de cette région. Voilà pourquoi Jason est rendu par "jin « Gazon « (viii, \1); c'est ce qui s'observe aussi dans le Yosiphon, écrit, comme on le sait, en Italie, au x^ siècle.

Ce traducteur s'est trahi bien souvent par des contre-sens de toutes sortes. Il serait fastidieux de les relever un à un ; signa- lons-en seulement quelques échantillons. Le latin porte (i,2'7-28) : « Et ingerauerunt principes et seniores; virgines et juvenes infir- mati sunt, et speciositas mulierum immutata est. Omnis maritus sumpsit lamentum et quae sedebant in thoro maritali lugebant. » Ces mots sont la traduction du grec, et l'authenticité en est at- testée par la forme littéraire, le parallélisme. "Voici ce qu'ils deviennent en hébreu : î-n:n'>:;w vn s-ii-:'^- a-":;;:!! "'binb ly ^■:^J^y^^ iraa"' '^i^ï;: brn « Ils se lamentèrent jusqu'à en être malades, les belles femmes changèrent, et toute âme pleura a7vèrement. )> Il n'est pas impossible que Vamertume, qui n'est pas en latin, pro- vienne du mot maritus, « mari », mal lu. Le traducteur commet, en effet, de ces étourderies. iv, 8, on lit : « Ne timueritis multitu- dinem eorum et impetiim eorum ne forraidetis. » En hébreu : innn bj^ arT'b:;n ]f2i ti^Mz- mi» ii<-i\n bu « Ne craignez pas l'abon- dance de leur nombre et ne vous effrayez pas de leurs pieds. » On voit facilement la cause de l'erreur, m, 6 : « Et repulsi sunt iniraici ejus prœ timoré ejus, et omnes opéra rii iniquitates con- turbati sunt, et directa est salus in manu ejus. » H. : rn^is ibnan'^T TT^a n^iffinn ^NïJm T^Toïjr: wan ■^^aiy ban « Ses ennemis furent épouvantés, et il détruisit tous les artisans d'iniquité, et le salut resta en sa main. » Directa est la traduction de s-joScjOt, = "jam. Le traducteur a lu direîicta ' /

' M. S. tire arf;;ument en faveur de sa thèse d'une variante de Tiiébreu au lieu de « et la terre se tint tranquille devant Alexandre > à la suite de ses conquêtes

SUH LES DErX PREMIEUS LIVHES DKS MAt.CllAUÉES 221

I, 24-25, riiébreu porte : « Il prit l'argent et l'or, et les vases précieux, et il prit tout le trésor, et ils les envoyèrent {sic) et les emporta dans son pays, et il détruisit le tout et parla avec or- gueil et jactance. » Au lieu de cela on lit dans les versions : « 11 enleva aussi l'argent et l'or, et les vases, et les trésors cachés, qu'il trouva. Et il fil un grand carnage. .. » Or, ces derniers mots sont ainsi rendus en latin : et fecit cœdem homvinm. Le traducteur a pris hominiim pour omnium ! De sa phrase absurde.

Quant aux traductions inexactes, elles sont nombreuses : m, 17, -nD:;T an ar by = contra multitudinem tantam et fortem ; il faudrait pîm. iv, 56, r::?T::nr! bj? r-nVi^nm nn^'::3 î-iibiT •iby^'i « Et ils offrirent des holocaustes avec joie et avec des cantiques pour le salut := et obtulerunt holocausta cum Isetitia et sacrifi- cium salularis lau'dis. Ces derniers mots sont la traduction exacte du grec : ôj-jiav !jwtt,s''o'j xa'i aîvÉcrsw;. Or ces termes sont la version fidèle et ordinaire dans la Septante de L)"'?:bc nnî et niin nnT (voir, entre autres, Lévit., vu, 11-12). Deux versets plus loin le latin dit : « Et facta est laetitia in populo magna valde, et aversum est opprobrman gentium. « Or, opprobrium gentium, comme ovsioo; âOvwv, est sûrement la traduction de ûr rsnn, voir Isaïe, XXV, 8; Michée, vi, 16, et I Sam., xvii, 2G. L'hébreu dit, au lieu de cela, ûn^n r;s-n r-ii; aujin ■'S. « Car avait été détourné l'opprobre contre les nations. » Faut-il relever encore les divers cas le texte doit parler du sanctuaire, et où, le latin disant sancta, l'hébreu rend le mot par n'^':;n";p » les saints », ce qui défigure complètement le sens?

Il serait superflu d'insister. Il est de toute évidence que notre texte hébreu est une traduction, très souvent fautive, du latin. Cette version, ainsi que l'a bien deviné M. Chwolson, a été écrite en Italie, s'était produit une véritable renaissance de l'hébreu biblique, comme l'atteste le Yosiphon '.

Ce qui reste du travail de M. S., ce sont les renseignements sur l'auteur du livre se trouve ce fragment et l'époque il a vécu. Ici l'argumentation nous paraît excellente, mais c'est celle de M. Chwolson, et M. S. a oublié de nous en avertir.

rhébreu dit trembla, tressaillit, ce qui vaut mieux, paraît-il. C"est qu'au lieu de siluit qui est dans le latin, le traducteur a lu insiluit ou saluit.

* Je montrerai dans la suite de ces études que ce n'est pas la seule traduction faite par les Juifs, des Apocryphes latins.

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II.

LA DATE DE LA BEDACTION DU 11^ LIVRE DES MACCHABEES.

M. B. Niese, préparant le troisième volume d'une histoire des Etats grecs et macédoniens, s'est trouvé dans la nécessité d'exa- miner la valeur documentaire des deux premiers livres des Mac- chabées pour l'époque qu'il étudie •. Félicitons-nous de cette bonne fortune qui nous vaut le travail d'un historien de profession et d'un helléniste consommé sur un sujet traité jusqu'ici presque unique- ment par des exégètes. Le savant qui a publié l'admirable édition des œuvres de Josèphe devenue classique n'est pas de ceux qui parlent pour ne rien dire. Nous aurons donc tout profit à l'écouter, quitte à discuter ses opinions, s'il y a lieu.

Le Ile livre des Macchabées (que nous désignerons par les lettres II M.) est, ainsi qu'on le lit, ii, 23, l'extrait d'un ouvrage de Jason de Cyrène, qui comprenait cinq livres. C'est, en réalité, une his- toire de Juda Macchabée. Le récit est précédé d'une ou de deux lettres adressées par les Juifs de Judée à ceux d'Egypte pour les inviter à fêter avec eux la délivrance d'Israël et la purification du Temple. Cette introduction s'étend longuement sur la légende du feu de l'autel qui fut emporté et caché en lieu sûr par les Juifs emmenés en Perse et retrouvé plus tard par Néhémie : à la place de feu, ce fut une eau épaisse qu'on découvrit ; jetée sur le bois de l'autel et le sacrifice, elle s'enflamma avec tout ce qu'elle avait touché. La missive est datée de l'année 188 de l'ère des Séleucides (= 125-124 avant J.-C). Comme elle fait partie intégrante de l'ouvrage, il n'est pas étonnant que dans le Cod. Alexandrinus le livre s'appelle Lettre, et, dans le Venelus, Abrégé des gestes de Juda Maccfiabée.

I et II M., quoique apparentés par l'esprit qui les traverse, sont loin de se ressembler sur tous les points. Ainsi, la mort d'An- tiochus n'y est pas contée de la même façon; Matathias ne joue aucun rôle, et son nom n'est même pas prononcé dans II M.; en revanche, ce livre rapporte longuement les démêlés de Jason et de Ménélas dont I M. ne souffle mot, quoique Ménélas soit inter- venu dans les événements; II M. mentionne, en outre, divers incidents de l'histoire de SjTie et des noms de personnes qui sont

' Kritik der beiden Makhalâerhûcher. Berlin, 1900.

SUR LES DEUX PREMIERS LIVRES DES MACCHABEES 223

totalement inconnus à I M. La parenté d'esprit qu'on vient de signaler et qui se trahit dans les deux livres par la même con- ception de l'histoire n'est pas très étroite : II M. se distingue par l'amour du merveilleux et la prédilection pour les légendes popu- laires ; il s'oppose nettement à T M. par ses croyances eschatolo- giques, proclamant le dogme de l'immortalité de l'âme, tandis que I M. n'en parle pas même ce serait de circonstance, comme lors de la mort de Matathias. C'est ce qui a fait croire que II M. est l'œuvre d'un Pharisien, et I M. d'un Sadducéen (Geiger). Jusqu'ici c'était I M. qui était réputé le plus digne de foi, tandis que II M. était taxé de romanesque. On n'avait recours à celui-ci, et encore avec réserve, que pour les parties de l'histoire sur lesquelles se tait I M. On a été jusqu'à dire (Kosters) que tout II M, est pure fiction littéraire, que l'auteur feint seulement d'abréger Jason de Cyrène, qu'en réalité, il se borne à broder sur le canevas fourni par I M. M. Niese renverse la proposition : II M. est la source la plus ancienne et, par moments, la plus pure.

La date de composition de 1 M. nous est fournie par le livre lui-même. A la fin du ch. xvi et dernier, il dit, en effet : « Le reste de l'histoire de Jean (Hyrcan) , ses guerres, ses exploits, ses constructions de murs, et, en général, tous ses actes sont consignés dans les annales de son pontificat, qui commencèrent à l'époque il remplaça son père. » L'ouvrage a donc été écrit après 104, année de la mort de Jean Hyrcan ; comme, d'autre part, la dynastie hasmonéenne est encore dans tout son éclat, il ne peut être postérieur à l'an 63, date de l'entrée de Pompée à Jérusalem.

Pour II M., il faut faire entrer en ligne de compte la date con- signée dans l'Introduction : 125-4. Seulement, pour cela, il est nécessaire d'écarter tout d'abord les objections dirigées d'ordinaire contre l'emploi de ce renseignement : si la lettre est apocryphe ou si elle a été soudée après coup à II M., elle est sans valeur pour la détermination de l'âge du livre. Or, précisément elle a toutes les apparences d'une simple fiction littéraire et elle est tout à fait étrangère au livre qui la suit. Quant à ce livre, comme il est farci de légendes, il doit avoir été rédigé longtemps après les événe- ments. Cette thèse, admise presque unanimement, M. Niese entre- prend de la détruire, et c'est ce qui fait l'originalité de son travail.

La lettre peut se résumer ainsi : « Nous, vos frères de Judée, vous invitons à vous associer à nous pour célébrer la fête de la pu- rification du temple », et, à ce propos, nous allons raconter l'his- toire de Juda Macchabée et de ses frères d'après l'ouvrage de

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Jasoii deCyrène'. Cette lettre est donc de l'abréviateur; il importe peu, par const''quent, qu'elle renferme des absurdités et n'ait pu être écrite par la communauté de Jérusalem. Il est vrai qu'on met en contraste le style de la lettre et celui du livre; mais cette dif- férence, dit M. N., s'explique d'elle-même : dans l'Introduction, l'auteur fait œuvre personnelle; dans la suite, il se contente d'abréger; l'opposition est donc entre le style de l'auteur et celui de Jason de Cyrène remanié. Reste encore une objection plus grave : les circonstances de la mort d'Antioclius varient dans la lettre et dans le corps du livre ; l'abréviateur n'aurait pas commis la sottise de se contredire à quelques pages d'intervalle. A cela, voici ce que répond M. N. : dans la lettre il ne s'agit pas de la mort d'Antiochus IV, mais de celle d'Antioclius VII Sidétès, mort en 129-8. L'histoire est évidemment apocryphe et il peut sembler étonnant que la vérité se soit transformée si rapidement en légende. Mais ces altérations s'observent dans d'autres é-rits. En outre, certains termes du récit de la lettre ne s'appliquent qu'à Antiochus Sidétès, tels ceux qui fv)nt envoyer en Perse les troupes qui étaient dans la ville sainte. Il est vrai, enfin, qu'il est question dans la même lettre d'un Juda qui aurait rassemblé tous les éléments du récit et que ce Juda est pris d'ordinaire pour Juda Macchabée : mais pourquoi ne serait-ce pas un autre Juda?

Ces diverses objections ainsi écartées, il reste donc que II M. a été écrit en 125-124, par conséquent avant I M. Il ne faut plus parler maintenant d'emploi de I il. par II M., ni de polémique de celui-ci contre celui-là. Si les conceptions religieuses ou histo- riques diffèrent dans les deux livres, l'opposition n'a pas besoin d'être voulue. Ainsi, dans IM., vu, 13, les Hassidéens viennent se soumettre à Alcime et à Bacchide, tandis que, dans II M., xiv, 6, le même parti est dénoncé à Démétrius comme celui dont Juda est le chef. Rien de plus naturel que deux historiens ne consi- dèrent pas les faits sous le même jour; mais, en fait, ici même II M. n'est pas nécessairement en désaccord avec I M., parce que la dénonciation émane d'Alcime, que l'auteur dépeint sous les plus noires couleurs.

M. N. aborde maintenant un autre ordre de preuves tendant à

' Voici les termes de M. N., p. 11 : « Denn wir hoffen, so schliesEt der Brief, dass GoU, der das Volk erretlet bat, sich weiter erbarmen und uns von der ganzen Erde wieder zusammeafûLiren wird ; denn er hat uns aus fzrosser Gefalir befreit und die heilipe Stalle frereinigt. Was aber die Geschichte des Judas Makkabâos und seiner Brader angeht, so irollen wir jetzt verstichen, das Wcrk Jasons von Kyrene^ der daruher in fiinf Bûchern /jehandeil, in einem Buch auszuzieken, ko/ftn damit ein nûtiliches Werk zu thun und heginnen mit der Erzâhlung. »

Sll{ Li:^ DKUX l'aKMlKUS LIVUKS DES MACCIIAIiÉliS 225

relever la véracité de l'auteur de 11 M. et en même temps à attester râ'^e qui vient d'être assi;^në à ce livre. Ses renseignements sur l'histoire de Syrie sont d'accord avec ce qu'on sait par ailleurs. C'est ainsi qu'il mentionne un Ptolcmée Macron, gouverneur de Chypre; or, Polybe nous apprend que ce Ptolémée a administré longtemps celte île. Même obervaiion touchant Philippe. L'auteur était donc bien informé sur les affaires de Syrie. 11 ne l'était pas moins sur celles de la Judée; il ne manque pas de spécifier les fonctionnaires qui commandent à Samarie, en Judée, en Cœlésy- rie, en Phénicie. D'autre part, et ceci est [dus instructif encore, ces divers fonctionnaires portent les titres que leur assignent les auteurs grecs ou les inscriptions. Héliodore est irù twv -iay- aitcov : c'est le titre du plus haut chef chez les Séleucides et c'est celui dont était revêtu justement Héliodore d'après une inscrip- tion grecque. Même les passages fabuleux ne laissent pas de con- tenir des détails révélant une sérieuse connaissance d'Antiochus et de son temps. Li chute de ce roi qui provoque sa maladie est pro- bablement du domaine de la fible, mais cette fable paraît bien avoir été celle qui circulait alors, car, au dire de Granius Lici- nianus, l'acoident, s'il n'arriva pas à Antiochus vivant, arriva à son corps. Autre détail significatif : Antiochus promet, s'il guérit, de faire des Juifs les égaux des Athéniens. L'auteur qui lui prête ce langage connaissait bien ses sentiments, car Antiochus avait une véritable passion pour les Athéniens. On déclare d'ordinaire apocryphe la lettre des Romains aux Juifs. Or, les termes qui y figurent sont ceux de la chancellerie du ii'' siècle. Ce n'est pas par hasard que Quintus Memmius et Titus Manlius n'ont pas de cogyioraen : tel était l'usage en ce siècle, et cet usage était déjà périmé vers l'an 100. Enfin, la langue de II M. est celle de la littérature du même siècle; c'est celle, entre autres, de Polybe. Un falsificateur, si habile qu'on veuille le supposer, n'aurait pas montré une telle science.

Partant de ces résultats acquis, M. N. croit pouvoir en tirer des conclusions sur l'œuvre de Jason de Cyrène, sans, d'ailleurs, perdre de vue la démonstration qu'il s'est proposée. Jason veut raconter l'histoire de ses frères à la manière grecque, c'est-à-dire en mêlant à la relation des faits la rhétorique du temps. S'il grossit les chiff'res et exagère l'importance des exploits de ses héros, il suit l'exemple de ses modèles grecs, tels que Théopompe, Clitarque, etc. Comme l'édification est le but principal de sa nar- ration, il emploie couramment les légendes, ainsi que tous les historiens de son temps. Ses apparitions célestes sont calquées sur celles des auteurs grecs ; il n'a fait que remplacer Apollon ou

T. XLIII, 86. 15

226 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

Héraclès par des anges. La mort d'Antiochus est la mort classique et convenue des tyrans et des princes impies, tels qu'Agathocle et Sulla. Tous ces traits ne sont donc pas des indices de moder- nité. Pour sa valeur, l'œuvre de Jason est à mettre sur le même rang que cell»^ d'un Gallisthènes ou d'un Josèphe, lequel, malgré l'abus de sa rhétorique et sa partialité indéniable, est néanmoins consulté avec profit.

Pour la date de composition de cette histoire en cinq livres, elle peut être placée avant l'année 153-152, aucune allusion n'y étant faite au principat de Jonathan ou de Simon. On a voulu, il est vrai, y voir une hostilité marquée à la dynastie macchabéenne, ce qui reculerait la date de la rédaction de l'ouvrage ; mais cette hostilité ne se manifesterait que par l'efifacement voulu des frères de Juda ; or, justement le héros principal du livre n'éclipse passes frères, qui sont souvent nommés à côté de lui, à la différence de I M., qui le met seul en scène.

Non content d'avoir lavé II M. des reproches dont il a été jus- qu'ici l'objet, à l'avantage de I M., dont on vante la valeur, M. N. s'attaque à ce dernier avec l'intention non dissimulée d'en montrer l'infériorité par rapport à son rival. Que I M. soit une précieuse source historique, M. N. n'en disconvient pas; mais encore doit-on y distinguer deux éléments de valeur inégale. Les cha- pitres i-vii, qui embrassent les huit premières années de luttes, courent parallèlement à II M. : c'est que les deux livres s'inspirent de Jason de Cyrène. Les chapitres viii-xvi portent sur 25 années et s'occupent tout autant des rois syriens et égyptiens que des Juifs; en outre, ils sont bourrés de documents, tels que la corres- pondance avec les Romains, les Lacédéraoniens. Ces pièces ne sont pas originales, cela va sans dire ', et même elles peuvent être falsifiées. Comme le montre la chronologie suivie en ces chapitres, l'auteur a probablement consulté, pour cette partie, les chroniques syriennes. Dans la trame du récit se remarquent des lacunes notables : rien sur les années 160-153 ni sur les incidents, pénibles pour la dignité du pontificat, qui précédèrent l'insurrection et qui se lisent dans II M. Ce silence est évidemment prémédité et décèle la partialité de l'auteur, apologiste de la dynastie hasmonéenne. Ces tendances se manifestent encore autrement : Matathias, avant de mourir, à l'instar du patriarche Jacob, aJresse des recomman- dations à ses fils « : Voici votre frère Simon, je sais que c'est un homme prudent : Écoutez-le toujours, il vous servira de pô.e ».

' C'est uous qui ajoutons cette incise, car M. N. paraît croire que l'original de 1 M. était écrit en grec.

SUR LES DEUX IMŒMIERS LIVliKS DKS MACCHABÉES 227

Or, rien n'avait signalé jusque-là Simon à la préférence de son père. Certainement l'auteur a voulu laire sanctionner par l'ancêtre de la famille le principat de Simon. C'est dans le même dessein qu'il a créé de toutes pièces la personne de Matatliias, dont le nom ne parait même pas dans II M. Quant à sa supériorité dans la manière de raconter, il ne faut pas trop la vanter; si, effective- ment, il dédaigne les légendes populaires, il n'en sacrifie pas moins au g lùt de la rhétorique et de l'exagération. En somme, c'est un écrivain à système, partisan déterminé des Hasmonéens, qui rogne et ajoute à la réalité pour les besoins de sa cause.

Pour le détail des campagnes, il ne doit pas non plus être tou- jours préféré à TI M. Dans un chapitre excellent, M. Niese, con- fronte les récits parallèles de I et II M. et montre que beaucoup d'épisod^^s sont rapportés dans I M. avec moins de rigueur que dans 11 M., sont moins vraisemblables ou révèlent le parti-pris. Les futurs historiens de la lutte des Macchabées devront lire avec soin celte analyse fine et serrée.

L'étude de M. Niese i)eut, elle aussi, se diviser en deux parties : l'une a pour but de montrer l'antiquité de II M., l'autre de réha- biliter ce livra, au détriment de I M. Ce sont donc des thèses ou, pour mieux dire, des apologies, et c'est un défaut dont le lecteur finit par s'apercevoir. Peut-être eùt-il été plus sage de ne pas vouloir avoir trop raison ; de la sorte, on eût laissé aux cha- pitres vraiment solides toute leur force.

Maintenant que vaut ce plaidoyer? A notre avis, il ne prouve absolument rien, parcî qu'il découle tout entier d'une prémisse fausse. Toute l'argumentation est fondée sur l'unité d'auteur de l'Introduction et de l'Epitomé. Que si l'Introduction n'est pas de l'abréviateur, il ne reste plus de données certaines sur la date du livre : il faut donc à tout prix que les contra- dictions entre le début et la suite de l'ouvrage soient écartées. Or, M. N. a bien vu que ces contradictions sont flagrantes : la mort d'Antiochus est contée tout autrement dans l'Introduction que dans le livre. Pour avoir raison de l'objection, M. X. avance qu'il ne s'agit pas dans l'Introduction d'Antiochus IV, mais d'Antio- ctius VII Sidétes. On jugera de la valeur de cet expédient en repla- çant le récit dans son contexte. C'est après avoir invité les Juifs d'Egypte à fêter avec eux le 25 kislew que leurs frères de Judée leur racontent la manière dont ils ont été délivrés de leurs maux f)ar la mort d'Antiochus. A en croire M. N., la lettre recomman- derait donc la célébration de la fête rappelant la délivrance des Juifs sous A ntiochHS IV en citant les circonstances de la mort à'Atîtiochiis VII! Il saute aux yeux qu'il ne peut s'agir que d'une

•228 REVUE DES ETUDES JUIVES

seule et même époque, qu'il y a un lien indissoluble entre la célé- bration de la fête du 25 kislew '166 et la mort d'Antiochus qui l'a provoquée. Ce lien apparaît encore dans la fin de la lettre : « Car Dieu vient de nous délivrer de grandes calamités et de pwnfier le temple. » Ce n'est pas au temps d'Antiochus VII que le temple a été purifié, mais à l'époque d'Antiochus IV. L'expédient déses- péré que M. N. est réduit à appeler à son aide ne vaut guère plus que celui dont il s'avise à propos de Juda. Après avoir parlé des mémoires écrits par Néhémie, les Juifs de Jérusalem ajoutent, dans leur lettre : « De même, Juda a eu soin de rassembler tout ce qui avait été dispersé, par suite de la guerre que nous avons eu à soutenir, et cela est conservé chez nous. » Si ce Juda était un per- sonnage quelconque, on ne manquerait pas de le désigner avec plus de précision; pour qu'on se borne à ce seul nom, il faut qu'il soit aussi célèbre que Néhémie, et ce Juda ne peut être que le héros de la guerre. Et cela prouve encore que l'Antiochus dont on raconte la mort est l'Antiochus contemporain de Juda, c'est-à- dire Antiochus IV. Reste donc la contradiction entre les deux ré- cits de cette mort, contradiction insoluble si l'auteur de la lettre est l'auteur de l'abrégé de Jason.

Qui plus est, l'auteur de la lettre semble avoir voulu prévenir la supposition gratuite de M. N., que c'est la préface mise par l'abréviateur à son œuvre. En effet, à la suite du passage relatif à Juda qui vient d'être cité se lisent ces mots : « Si vous deviez en avoir besoin, envoyez des gens pour les prendre (ces mémoires) et vous les apporter. » L'abréviateur aurait bien mal su son métier, si, pour amorcer son travail, il avait pris un tel soin de dépister le lecteur ; il lui aurait fallu au moins ajouter que c'était précisé- ment là ce qu'avait fait Jason. En outre, il est bien visible que dans le corps de l'Epitomé l'auteur ne se doute plus qu'il s'adresse censément aux destinataires de la lettre de Jérusalem ; c'est pour- quoi il déclare « avoir voulu alléger la tâche de ceux qui voudraient se rappeler les événements et être utile à ceux à qui arriverait son livre; il a procédé à cette réduction de l'ouvrage de Jason en vue du gré que lui en sauraient bien des personnes ». Ce sont propos à l'adresse du grand public. Or, cette déclaration suit immédiate- ment la lettre soi-disant introductive.

Ce n'est pas tout : dans la lettre il n'est parlé que de la fête de la purification ; le livre, s'il était destiné à satisfaire la curiosité des Juifs d'Egypte, devrait donc s'arrêter au ch. x, sont ra- contées cette purification et l'institution de la fête. Au lieu de cela, la narration continue et s'achève, au ch. xv, avec la mort de Ni- canor et Vinstitution de la fête de ISficanor: « Et l'on décréta que

Sin LES DEUX PREMIERS LIVRES DES MACCHABÉES 229

cette journée ne resterait pas sans une solennité, laquelle serait fixée au 13« jour du 12» mois, qui en langue syriaque se nomme Adar, la veille de la fHe de Mardochée. » Si l'abréviateur avait composé la lettre comme prélace à son œuvre, il n'aurait pas manqué de recommander également cette fête de Nicanor.

Le seul trait commun et spécial à l'Introduction et à l'Abrégé, c'est la désignation de la fête du 25 kislew sous le nom de « fête des Tabernacles -> ; mais connaissons-nous assez bien la manière dont se célébrait Hanoucca en Egypte pour affirmer que tel n'était pas un des noms de cette fête dans ce pays? Que si, effective- ment, Hanoucca y avait ce caractère, il n'est pas étonnant que deux écrits différents composés en cette région ' emploient la même dénomination.

D'ailleurs, à lire sans parti pris la lettre, on reconnaît aussitôt qu'elle poursuit pour principal but l'explication du rite de la fête du feu-. Dans son embarras, l'auteur accumule tous les souvenirs agadiques pouvant contribuer à cette explication. Ce feu, ce sont les prêtres qui l'ont emporté de l'autel lors de l'exil, puis caché dans le creux d'une citerne et sans eau. Et ce feu se transforme en une eau épaisse, qui, retrouvée par Xéhémie, jette des flammes ^ Mais, plus loin il est dit que ce feu s'est manifesté de la même façon que dans le désert et lors de l'inauguration du temple par Salo- mon. Ces deux interprétations sont d'ailleurs contradictoires*. Quoi qu'il en soit, l'intention est visible, et l'auteur ne s'est guère soucié d'écrire pour amorcer une histoire des événements. Si l'on veut, à toute force, établir un lien entre la lettre et le corps

> Que la lettre nait pas été rédigée en Judée, c'est ce qu'atteste suffisamment cet étrange détail : « Les gens de Néhémie appelèrent cela Nephlar, ce qui signitie purification; communémeot on l'appelle Nephtaï. » Le mot Xephtar ou Nephtal étant étranger à Thébreu et a l'araméen ::ri: est le naphte simplement dans le sens de purification, il en résulte qu'une pareille étymologie est le fait d'un Juif de l'étranger.

* Et non des lumières, ce qui montre bien que la fête n'était pas célébrée dans le pays de l'auteur comme elle l'était en Palestine déjà au i" siècle. Nous n'examinons pas ici la thèse de M. A. Biichier {Das Sendscàreiben der Jerusalenier an die Juden in Jlgypten, ilonatsschrift. XLI, 1897, p. 481 et suiv.), d'après laquelle la lettre ren- fermerait de nombreuses interpolations faites au i'' siècle de Tère chrétienne : nous suivons l'argumentation de M. N., qui fait de toute l'Introduction un bloc.

' Il y a ici vraisemblablement un emprunt à une légende racontant la découverte du naphte. Que cette légende vienne de Perse, comme le prétend M. Bûchler, après Gnmm et Keil. peu importe.

* 11 y a même contradiction entre ces deux interprétations et celle de II M,, x, 3, oii est racontée la purificati)n du temple. on dit qu'après avoir purifié le sanc- tuaire et construit un nouvel auiel, on mit en feu des ou les pierres et on en tira du feu avec lequel on clfrit le sacritice [xat TrjptocravTî; "/{fio-j; xai Trjp =/. toûtwv ).agôvTî: àvr.vsv/cav O-jtîxv,. Le nouveau feu avait donc une autre origine que celui de Moïse et de Salomon.

230 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

du livre, il faudra dire que l'abréviateur, utilisant ce document, qu'il avait trouvé on ne sait où, l'a placé en tête de son ouvrage pour lui servir d'introduction. Mais cette hypothèse n'est aucune- ment nécessaire, car ce peut être la fantaisie d'un ancien copiste qui a réuni les deux pièces. Ce point est, au reste, sans intérêt. Ce qui, en tout cas, nous paraît démontré, c'est que l'auteur de la lettre n'est pas l'abréviateur de Jason de Cyrène; nous ne savons donc plus rien de la date de la rédaction ni de notre Epitomé ni de l'Histoire de Jason.

Restent, il est vrai, les conclusions que M. Niese tire de la langue et des expressions techniques de II M '. Mais on conviendra qu'elles n'offrent pas la même valeur qu'une date précise.

Israël Lévi.

P. S. J'avais bien deviné que lïT^sn» dans l'édition de M. Chwolson devait être une faute d'impression pour nrrisntt. Le ms., qui vient seulement d'être rendu à la Bibl. Nation., porte, en effet, iïT^3n». Nouvel exploit des coquilles 1

* Il ne sera plus permis désormais de voir en II M. une amplification de I M.

ÂFIQUIA, FEMME DE JÉSUS FILS DE SIllA

La popularité de Jésus fils de Sira dans les pays orientaux est faite pour nous surprendre. J'ai déjà étudié ici la légende de la nativité merveilleuse de cet enfant du miracle, fils sans père, qui, par une confusion aisée à comprendre, a pris en partie les traits de Jésus'. Voici un nouvel avatar de ce moraliste : les Musul- mans, ou plutôt les Chrétiens orientaux, l'ont converti en vizir de Salomon. Et cela était tout naturel : comme il a composé un ouvrage de sagesse, ouvrage joint dans les Bibles chrétiennes aux Proverbes, il allait de soi qu'il devait tenir sa science du Sage par excellence. Aussi la traduction arabe de l'Ecclésiastique que renferme le ms. n" 50 du fonds arabe de la Bibliothèque Nationale et qui est identique à celle de la Polyglotte porte-t-elle le titre suivant : « Le livre de Ischoua fils de Schîrakh, secrétaire de Sa- lomon fils de David, roi d'Israël à Jérusalem. »

Sa sagesse, si grande qu'elle fût, n'égalait pas cependant celle de sa femme Afiquia. D'où vient ce nom, c'est ce que j'ignore ; aux arabisants de résoudre ce petit problème littéraire. En tout cas, l'histoire dont elle est l'héroïne ne manque pas de saveur. A ma connaissance, elle est restée jusqu'ici inédite, quoiqu'elle soit signalée dans le catalogue des mss. syriaques et celui des mss. arabes de la Bibliothèque Nationale. Elle se trouve dans trois mss. de cette Bibliothèque : au n>' 50 du fonds arabe (fo^ 105&-108&) ; au 132 du même fonds (124a-127a) ; au n" 119 du fonds syriaque (f" 126), en caractères carschouni, à la suite de l'Ecclésiastique, traduit en arabe par Basilius, évêque de Tibériade.

J'ai prié M. Séligsohn de vouloir bien traduire cette histoire. Dans les notes qui accompagnent la version, la lettre A désigne le ms. 50, B le 132, G le 179. Les variantes sont généralement insignifiantes. M. Séligsohn a utilisé principalement les mss. A et B, qui sont les plus soignés.

» Reme, t. XXIX, p. 197 et s.

232 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

Histoire de Vépouse de Josné, fils de ScMrahTi, avec Salomon, le roi sage '.

Il a été raconté que Salomon, le roi sage, fils de David, fut informé que l'épouse de Josué, fils de Schîrakh , son ministre *, "était ^ une belle femme, bien prise, au corps plein*, à la chair éclatante, à la forme parfaite, à l'intelligence saine, à l'esprit fécond, à la parole douce, éloquente, d'un bon caractère, possédant toutes les qualités, sur- passant toutes les femmes et toutes les filles d'Israël, et que tous ceux qui étaient à Jérusalem désiraient la voir, lui parler et lui être présentés afin de constater la réalité de ses qualités et de savoir la hauteur de sa sagesse. Salomon lui envoya alors son eunuque confi- dent*, pour lui dire: « Le roi désire avoir un rendez-vous avec toi pour causer. » Lorsqu'elle eut entendu ces paroles du serviteur ^ dites au nom du roi, son cœur se serra, et, ayant soupiré du plus profond de sa poitrine, elle dit au serviteur : Dis à mon seigneur le roi : « Ta sagesse subtile' a conquis le monde tout entier, comment donc une si mauvaise pensée peut-elle se présenter à ton esprit ? L'abondance de ta science et ta culture eût pu mettre les ignorants et les sots au milieu des sages. Si ta volonté est d'agir lentement jusqu'à ce que tu accomplisses ton désir, il n'est pas pratique de l'exécuter pendant que mon mari est dans la ville afin qu'il ne soit pas déshonoré*; car on ne ressaisit pas ce qui s'est échappé. » Lorsque l'eunuque eut rapporté cette réponse au roi Salomon, celui-ci la médita et il cher- cha un moyen d'éloigner le mari^

Il manda donc Josué, son minisire, et lui dit : « Mon fils, j'ai des affaires importantes auprès du roi de Tyr '", et je ne vois personne que je puisse envoyer à ta place, car je connais ton intelligence et la beauté de ton discours. » Josué lui dit : « Puisse monseigneur le roi vivre éternellement ! Il sera fait comme tu l'as ordonné. » Le roi

' B. : t Histoire de Fiquia, l'épouse vertueuse de. . . Schîrakh, ministre de Salo- mon, fils de David. Elle est utile à écouter. » ' C. : « son trésorier et ministre i.

* C. : « qu'il n'y avait pas parmi les femmes d'Israël ni dans tout Jérusalem une femme aussi saine qu'elle en son corps et parfaite en son intelligence, et il dé- sira etc. ».

"^ Ces trois mots ne sont pas dans B.

5 C. porte : siklâhî « un Slave »; il est difficile de dire si ce mot sif^nifîe ici un Slave ou simplement un ■■ esclave », dans le sens dérivé de ce mot.

* B. et C. portent : < maître », ce qui veut dire que ce n'était pas un simple esclave comme les autres.

' B. : t brillante ».

^ .\. : Si telle est ta volonté, il faut que mon sein^neur revienne sur cette pensée et qu'il ne la mette point à exécution, afin que sa réputation ne soit pas ruinée. »

® B. : « Lorsque le messager eut rapporté cette réponse au roi et que ces paroles eurent pénétré dans ses oreilles, il fut enchanté de la beauté de son langage et il éprouva encore un plus grand désir de la voir.

«" C. : . Mossoul. »

AFIQUIA FEMME DE JÉSUS FILS DE SIRA 233

écrivit des lettres et les remit à Josué, qui s'embarqua comme un prince, comblé d'honneurs. Il reçut de belles choses, des cadeaux', et une escorte de soldats et de pages.

Puis le roi Salomon ordonna à son eunuque d'aller chez Afiquià, l'épouse de Josué, fils de Schîrakh, et de lui annoncer qu'il irait la voir. L'eunuque partit et dit à Afîquià ce que le roi lui avait ordonné. Afîquià lui répondit : « Dis à mon maître, le roi : Si moi, son humble servante, j'ai mérité ce grand honneur de recevoir le roi dans ma maison, je le prie, je l'adjure de ne rien manger avant de se pré- senter devant moi. » L'eunuque quitta la femme de Josué et s'en alla répéter au roi tout ce qu'elle avait dit.

Entre temps, Afîquià fît venir son cuisinier et lui dit : « Je veux que tu me prépares quarante mets de mouton, de volaille et de poisson, et que tu y mettes beaucoup d'épices et d'assaisonnements, que tous ces mets aient le même goût, mais un aspect différent. » Puis elle fît faire du pain blanc de farine très fine, d'un goût exquis, mais de dif- férentes formes. De même, plusieurs sortes de boissons très agréables et de couleurs variées, en somme tout ce qui convient aux rois '. Lorsque le moment de la visite du roi approcha, elle étendit dans la chambre de Josué un beau tapis, tel qu'il convient en présence d'un roi'.

Lorsque le soir fut venu et que quelques heures de la nuit furent passées, le roi Salomon se présenta dans l'appartement d'Afiquiâ : on perlait devant lui des flambeaux pour éclairer le chemin jusqu'à ce qu'il arriva à la salle tapissée, dont l'aspect Témerveilla. Afîquià entra, accompagnée d'une de ses servantes \ et se prosterna devant le roi, lui disant : « Que le roi soit le bienvenu, bien que la maison de son vil serviteur Josué n'ait pas mérité d'être foulée par ses nobles pieds. » Elle s'assit et sa servante se tint ^ derrière la porte de celte salle. Puis elle donna des ordres et l'on plaça la table devant le roi, qui l'admira ainsi que les différents mets et les pains qui y étaient placés. Elle dit d'apporter les viandes de chaque espèce, et le roi mangea avec appétit à cause de leur saveur et de leur bonne mine. Il attendit les autres services, mais il acquit la certitude que tout ce qu'on lui présentait avait la même saveur ; il en mangea donc avec satiété et retira ses mains. On mit devant lui diverses boissons, qu'il goûta seulement sans boire.

Il devina par la sagesse divine, qui résidait en lui plus que dans toute autre personne, que tout ce qui avait été préparé pour ce ban- quet avait un but déterminé Alors il dit à Afiquiâ : «Je te rends grâce

' Il paraît, d'après C, que ces cadeaux étaient pour le roi auprès duquel il se rendait.

* B. : « tout ce qui convient aux nobles et aux gens distingués ». A partir do « et que tu y mettes beaucoup » jusqu'ici manque dans C.

* Ce passage n'est pas dans B.

* C. : « accompagnée de ses servantes et elles se prosternèrent, etc. >. ' C. : « et ses servantes se tinrent derrière la porte, etc. n.

234 REVUE DES ETUDES JUIVES

de ton hospitalité ; mais par la vérité de mon Seigneur le Dieu d'Israël, je t'adjure, ô Afîquiâ! de me faire connaître le sens caché de ces divers mets et boissons. » Afîquiâ répondit : « L'intelligence suffit à mon roi sans qu'il soit besoin de dire qu'il a acquis la sagesse du monde entier'. Que vaut une chandelle qui s'éteint auprès du du soleil éclatant ? Quelle explication peut te donner une vile servante qui parle à son maître le roi, puisque le souffle de Dieu (béni soit son nom), qui anime son corps aujourd'hui, cache la puanteur et la sanie qui en couleront demain % et les vers qui parcourront ses membres dans le tombeau ? C'est surtout le jour du jugement qu'elle aura à souffrir, car Dieu la fera ressusciter nue pour qu'elle ait honte de ses péchés \ » Salomou lui dit : « Combien ta naissance dans ce monde est agréable ! Puisse celui qui t'entend être rempli de ta ta sagesse ! »

Le roi se leva à l'instant, émerveillé de ce qu'il avait vu et entendu de la bouche de cette femme noble et chaste. En sortant de la porte, une pierre* se détacha de la couronne qu'il portait sur la tête sans qu'il s'en aperçût et tomba entre les ais qui garnissaient le seuil de la maison de Josué. Personne ne la vit et elle y resta jusqu'au retour de Josué. Celui-ci la ramassa et, la prenant en main, la reconnut. Il acquit ainsi la certitude que le roi était venu dans sa maison et son cœur se serra d'angoisse. Il n'approcha pas de sa femme, s'éloi- gna de la couche nuptiale, et cela dura deux ans; car il ne demanda pas à sa femme de lui raconter comment la chose s'était passée, et elle ne lui demanda pas non plus la raison de ce délaissement. Elle ne voulait pas lui dire : « Pourquoi as-tu déserté ton lit ? » afin qu'il ne crût pas qu'elle le demandait seulement pour satisfaire ses sens.

Après le dit laps de temps, la mère d'Afiquiâ, regardant le visage de sa fille, s'aperçut que cette dernière changeait, que sa beauté dispa- raissait et que ses membres maigrissaient et s'affaiblissaient. Elle dit alors à sa fille : <- Ma chère, de quelle maladie souffres-tu ? car je vois ton corps maigri et ta beauté changée. » Afîquiâ se leva, prit sa mère par la main et l'emmena dans un coin retiré, elle lui raconta tout ce qui s'était passé. Elle lui dit que son cœur était plus ulcéré a cause de sou mari que de sa propre faiblesse. La mère se leva immé- diatement, se rendit auprès de Salomon et elle eut une entrevue privée avec lui, car elle jouissait d'un grand honneur auprès du roi. Elle lui dit : « Mon seigneur, puisse le roi vivre éternellement ! Ta servante a un jardin ^ vers lequel je regarde après Dieu pour me con-

* C. : « la sagesse te suffit et au monde entier ».

* C. : « demain elle sera jetée dans la tombe, hors de tout endroit habité, et son âme sera exposée nue, car l'âme est immortelle ».

^ L'essentiel manque à la réponse d'Aûquia : elle a voulu faire entendre au roi qu'il a bien tort de la poursuivre, car toutes les femmes se ressemblent.

* C. : t un rubis ».

' C. : « une vio;ne ».

AFIQUIA FEMME DE JÉSUS FILS DE SIRA 235

soler. Je l'ai confié à un jardinier pour le soigner sans négligence'. Je ne lui ai pas parlé de ce jardin depuis deux ans, mais aujourd'hui je l'ai visité, j'en ai fait le tour, et j'ai constaté que tout le jardin a été dévasté ! Maintenant, je tlemande au roi de juger entre moi et le jardinier qui a ruiné mon jardin. » Le roi lui dit : « Qu'est-ce qui t'a fait négliger le jardin jusqu'à présent? » car le roi comprit le sens et l'interprétation de ces paroles.

Il fît venir Josué et le fit asseoira côté de sa belle-mère, puis il dit à cette dernière ■. « Répète tout ce que tu viens de me raconter*. » Elle répéta sou récit, puis elle se tut. Alors Salomon dit à Josué : « Que penses-tu de cela et quel est le sens de ce récit? » Josué répondit: t Tout ce que ma belle-mère a raconté est vrai ; mais je n'avais jamais négligé le service du jardin jusqu'au jour le roi m'envoya en Syrie \ Lorsque je revins de mon voyage et que je me présentai devant la porte du jardin pour y entrer j'y aperçus les traces d'un lion redoutable que j'ai reconnu ', et. j'ai craint d'être déchiré par ses griffes. 3 Le roi Salomon lui dit : « Ecoute ce que je vais te dire. Le lion est entré, comme tu l'as dit, mais aussi vrai que le Dieu d'Abraham, d'Isaac, de Jacob, de Moïse et d'Aaron est vivant, qu'il est puissant, qu'il veille sur nous et entend mon serment, ce lion n'a rien goûté des fruits de ce jardin ni de la vigne qui y est plantée, hors des paroles aimables et sages qui font du bien à ceux qui les entendent. Maintenant, mou cher fils, lève-toi avec une joie parfaite et une allé- gresse complète, console ton cœur, écartes-en le moindre doute. Entre dans ton jardin et dans ta vigne, soigne-la selon son mérite, car elle est noble devant Dieu, maître des armées. »

Josué se leva, se prosterna devant le roi, avec sa belle-mère, et retourna chez lui. Il s'assit près d'Afîquiâ, son épouse, à qui il demanda de lui narrer toute cette histoire. Elle lui conta tout ce qui s'était passé depuis le commencement jusqu'à la fin, quel était Tordre du roi, quelle avait été sa réponse et comment le roi avait quitté sa maison. Josué loua alors le Seigneur, Dieu d'Israël, à qui appartient la louange, la gloire, la sainteté, maintenant et pour toujours jusqu'à l'éternité.

M. René Basset, l'homme de France qui connaît le mieux la littérature folklorique, a bien voulu, sur ma demande, me fournir la bibliographie de ce conte ; dans les lignes qui suivent, je ne fais qu'utiliser les renseignements qu'il a mis à ma disposition, avec un empressement et une obligeance dont je ne saurais trop le remercier.

' G. : « elle continua à me donner des fruits et c'est pour cela que je l'ai confiée à ce vigneron pour qu'il, etc. ».

* B. ajoute : « que la présence de Josué ne te gêne pas ».

* B. : « Mossoul ».

* B. ajoute : « qui y était passé >>.

236 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

Le conte d'Afiquia est très connu, quoique sous aucune forme il n'ait pour personnages ceux qui paraissent dans notre texte arabe. Il se compose de deux parties facilement séparables, l'une pourrait s'intituler : les différents mets an même goiit, ou toutes les fe't}\mes se ressemblent; l'autre : la trace du lion. De lait, ces deux thèmes n'ont pas toujours été réunis : le premier se retrouve seul dans le pseudo-El-Khaouarizini, MofldeVOloum (le Caire, 1310, p. 86), dans Cotte, Le Maroc conte7npo7''ain (Paris, 1859, p. 65); le second dans les Mischlé Sandibar, le Sintypas, dans deux ouvrages arabes du ix» siècle le roi est Chosroes Parwiz (Nœldeke, Z.D.M.Q., XXXIII, p. 523), dans Mathieu de Vendôme, Comedia Milonis, ouvrage du xii* siècle (Moritz Haupt, Exempla poesis latinœ medii œvi, Vienne, 1834, p. 19-28) la femme s'appelle Afra * et le roi est celui de Constantinople. La rédaction la plus connue de ce conte est celle du Décaméron de Boccace (où le roi est Philippe-Auguste, et la femme la marquise de Monferrat).

Mais dans la littérature orientale, les deux thèmes se pré- sentent déjà soudés ; tel est le cas dans les Sept vizirs et dans les Mille et une nuits, éd. Habicht, nuits 980-1, xv, 157 -.

La version arabe, mal rédigée, d'ailleurs, dans la première partie, n'est donc intéressante que par les noms propres qui y figurent. Dans quel milieu s'est produite la transposition? 11 est peu vraisemblable que ce soit chez les Juifs, qui n'avaient aucune raison de mettre Jésus ben Sira en relation avec Salomon. Seuls les Musulmans ou les Chrétiens d'Orient ont pu commettre un tel anachronisme.

Israël Lévi.

P. S. Par une coïncidence curieuse, Miss Gibson vient de publier le texte C, d'après le ms. de Paris, dans ses Apocrypha arabica. Peut-on vraiment ranger un tel conte sous la rubrique Apocryphes ?

* Faut-il rapprocher de ce nom celui d'Afiquia? Le yod et le resch se ressemblent dans l'écriture arabe.

. * Voir principalement pour l'histoire de ce conte, Landau, Die Quelle des Deka- meron, p. 42 et suiv. ; Marc Monnier, Les Contes populaires en Italie.^ p. 100 et suiv.

UN RECUEIL

DE

CONSULTATIONS INÉDITES DE RABBINS

DE LA FilÂNCE MÉRIDIONALE

(suite ')

X. Un procès dans le Comté de Monibéliard, vers 1340. Le procès dont il va être question est intéressant en lui-même, par les personnages qu'il met en scène, la province il s'est débattu et les renseignements historiques qu'il fournit.

Un certain Samuel Hayyim, qui exerçait la profession de ban- quier, avait pour associé Samson, fils de Samuel. Celui-ci n'était pas le premier venu : durant les persécutions qui avaient sévi en Allemagne, il avait fait de grands sacrifices d'argent pour secourir ses coreligionnaires. Or, ce Samson avait donné quittance au sire de Montfaucon pour la créance considérable qu'avait sur lui Samuel Hayyim. C'était, disait-il, sous menace de mort qu'il avait consenti à cet abandon de la créance lors de la persécution de î^ujnTbî^, et même il avait ajouter encore à ce cadeau un don d'argent. A la mort de Samuel, les filles de ce dernier, dont l'une s'appelait Josia, réclamèrent à Samson la somme dont il avait gratuitement donné décharge au sire de Montfaucon. Elles citèrent Samson devant le tribunal rabbinique on ne dit pas de quelle ville , invoquant une décision prise par Méir d'Al- lemagne, c'est-à-dire Méir de Rothenbourg ^, dans un cas ana-

' Voir Eevue, t. XXXVlII, p, 103 et suiv. ; t. XX.XIX, p. 76 et suiv. ; p. 226 et suiv.

* Peut-être Schemaria, fils de B. Méïr d'' Allemagne, qui fut consulté concurrem- ment avec Mardochée le père de notre Isaac , Pérèç b. Elle de Gorbeil, sou petit-fils, David b. Lévi, auteur du Dn573) Jacob Profeg et Juda fils de Calonymos

238 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

logue. Le défenseur était condamné au paiement dans le délai de trente jours. Il pouvait toutefois choisir un arbitre conjointement avec l'autre partie. Si défendeur et demandeur n'étaient pas d'ac- cord (le passage n'est pas clair à cause d'une lacune), ils devaient dans les huit jours porter l'affaire dans la ville de 'dbin. La sen- tence est signée par les membres du tribunal; malheureusement le uis. est ici déchiré; il ne reste que le nom du premier de ces rabbins, D"'"'n yy 'n'-'n np^r-i], Jacob, fils de Hayyim.

Samson ne se tint pas pour battu et en appela aux rabbins de Provence et d'Allemagne. Il alla devant le tribunal de Joseph ■'ns'n::, qui lui donna raison : il n'avait qu'à jurer avoir été con- traint sous menace de mort d'acquitter la créance pour être irres- ponsable de son acte. La décision est signée par Joseph, fils de Jacob qui est vraisembablement le même que Joseph "^liTi:: , Isaac, fils de Samuel, et Pérèç, fils de Ilayyim.

Cet acte, paraît-il, n'avait pas découragé les héritières de Samuel Hayyim, car Samson jugea nécessaire d^envoyer aux rabbins un nouveau mémoire, ses arguments étaient exposés avec plus de détails. Il y protestait contre la décision de Jacob de pmaûia, qui l'avait condamné. Ce rabbin était certainement le {•résident du tribunal devant lequel il avait été cité en première instance. Ce juge avait fait preuve de partialité dans les termes mêmes de la sentence : tandis que les plaignantes y étaient dési- gnées en termes flatteurs et recevaient des épithètes honorables', la défendeur y était traité comme le premier venu. Samson déclare avoir prêté serment devant le tribunal du grand rabbin Joseph, fils de Moïse de I^TirsiTa. De cette formalité furent témoins, entre autres, Hayyim, frère du défendeur et mari d'une des plaignantes, et un certain Abraham Cortès (uj-i^ûmp). Il moiitrait que la consul- tation de Méir de Rothenbourg qui avait servi à le faire condam- ner avait été tronquée pour les besoins de la cause-.

Un rabbin allemand prit parti pour Samson, c'était R. Menahem de Spire, mbnsn mT^"«:?n p ; il approuvait la décision de Joseph permettant au défendeur de se libérer au moyen du serment.

Un rabbin français non moins célèbre, Samson, fils d'Isaac, s'était prononcé dans le même sens.

Le beau-père de Samson^ le « généreux»^ Nathan, fils du

de Lunel, était-il un fils de Meir de Rothenbourg (voir Revue, t. XII, p. 66). Tous ces rabbins ayant vécu à la fin du xiii» siècle et au commencement du xiv« et Méir de Rolhenbourf< étant mort en 1293, on s'explique que son fils ait été consulté.

' En edet, le mot mT^^rir! relevé par Samson est celui qu'emploie Jacob, fils de de Hayyim.

* Reproche tonde, comme on le voit par la consultation de Méir de Rothenbourg.

* Voir, sur ce titre, Zunz, Zur Qeschichte, p. 190.

UN RECUEIL DE CONSULTATIONS DE RABBINS 239

« généreux » Matathias, et ses proches se remuaient beaucoup pour faire triompher les droits de Samson. La partie adverse, de son côt(^, faisait circuler des factums reproduisant la sentence rendue contre Samson, l'accusant de retenir l'avoir des héritières. Il semble même que les populations avaient reçu communication de l'arrêt, pour agir en conséquence à l'égard du condamné.

Ses partisans envoyèrent à notre Isaac b. Mardochée Petit un homme instruit, Isaae, fils d'Isaac, appelé communément Isaac Saki. Notre rabbin provençal s'empressa de rédiger le mémoire qu'on lui demandait et conclut en faveur de Samson; seulement, il traitait la question au point de vue du droit pur, sans prononcer de noms propres. Isaac Saki lui écrivit ensuite pour solliciter une nouvelle consultation ou le prier de s'associer aux décisions prises par les rabbins de Provence et d'Allemagne qui avaient fait défense aux Israélites de parler en mauvaise part de Samson et intimé l'ordre à tous d'avoir à lui remettre les pièces dont il avait à se plaindre. Dans la sentence de ces rabbins, on faisait ressortir les mérites de Samson, les services qu'il avait rendus à ses coreli- gionnaires pendant les persécutions qui avaient eu pour théâtre l'Allemagne : il avait par ses sacrifices pécuniaires sauvé beau- coup de ses frères. Isaac Petit ne manqua pas de s'associer à la sentence de ses collègues, et il rédigea plusieurs mémoires pour justifier son opinion.

Tels sont les faits relatés dans différentes pièces de notre recueil de consultations. Ces pièces sont les suivantes :

F" 183 b. Décision rendue par le premier tribunal devant lequel avait été évoquée l'affaire {Pièces justificatives, X a);

F" 184 a-b. Relation de la procédure suivie par Samson : envoi de ses plaintes aux rabbins de Provence (c'est-à-dire du Midi) et d'Allemagne, avec la signature du 2'^ tribunal auquel en avait appelé le défendeur {Pièces justificatives, X b) ;

Ib. Résumé du mémoire envoyé ensuite par Samson aux rabbins pour protester contre la décision de R. Jacob de p"n3"a"ia {Pièces justificatives, Xc);

184 6-185 b. Récit par Isaac Petit de la venue d'Isaac b. Isaac, porteur de l'arrêt rendu contre Samson et lui deman- dant une consultation. Puis, cette première consultation {Pièces justificatives, début, Xrf), signée Isaac, fils de défunt R. Mar- dochée;

5" 185 6-186 a. Menahem de Spire, ayant été informé exacte- ment des faits, a <lonné raison à Joseph -«ima. Résumé de ses paroles avec notes d'Isaac, 'pTOîî = pHii-" "itûn [Pièces justifica- tives ^exlraLits, Xe);

240 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

186 a-187 a. Résumé de l'opinion de R. Pérèç, avec remarques d'Isaac;

■7" 187 «-188 a. Isaac Petit raconte qu'il vient de recevoir les lettres d'Isaac b. Isaac et du parti de Samson lui demandant d'ex- primer à nouveau son opinion. A la suite, la nouvelle consultation d'Isaac Petit [Pièces justificatives, X f) ;

188 a-b. Lettre d'Isaac [fils d'Isaac] adressée à notre Isaac au nom de Samson, fils de Samuel, et de son beau-père, Nathan, fils de Matathias, pour le remercier de son intervention et revenir encore sur le point en litige [Pièces justificatives, X g) ;

188 &-189 a. Réponse d'Isaac Vei\\,[Pièces justificatives ,Xh)\

10° 189 a-191 &. Mémoire consultatif envoyé aux rabbins par Isaac Petit;

11° 191 &-193 a. Autre mémoire du même sur la question;

12° 193 a-194 a. Autre discussion de la matière du procès.

Il faut essaj'er de déterminer maintenant la région se débat- tit le procès. C'était vraisemblablement le domaine du sire de Montfaucon, car, autrement, Samson n'aurait pas été soumis à une contrainte comme il l'alléguait. A l'époque se produisirent les événements auxquels il est fait allusion dans nos pièces, le sire de Montfaucon était comte de Montbéliard et ses terres et fiefs couvraient la plus grande partie du nord du département actuel du Doubs. Il est donc tout naturel que les intéressés se soient adressés concurremment aux rabbins de l'Allemagne et de la Provence, c'est-à-dire du Gomtat et du Dauphiné ^ Des liens rattachaient, d'ailleurs, la province à l'Allemagne: le sire de Montfaucon était vassal de l'empereur, et même après que Phi- lippe de Valois l'eut fait passer sous sa suzeraineté, le seigneur se rendit auprès de Louis de Bavière, en 1339, pour recevoir l'investiture.

La date approximative du procès nous est fournie par la men- tion d'une persécution dirigée contre les Juifs d'Allemagne et d'Al- sace : «anî^N. Cette persécution ne peut être que celle de 1336-38, bien connue par les exploits sanglants d'Armleder. Elle fit rage surtout dans la Haute-Alsace en 1338, à Rouifach, Soultz, Herlis- heim, Ribeauvillé, Berkheim, Kaisersberg, Mulhouse, Ensisheim, Cernay, Thann, Altkirch etc., c'est à dire à proximité du territoire du sire de Montfaucon. On comprend mieux ainsi l'intervention de Samson en faveur de ses coreligionnaires, et mieux aussi la con- trainte subie par lui : le sire de Montfaucon évidemment exploita

Ils ne consultent pas les rabbins de France, c'est-à-dire de la France septentrio- nale, parce que depuie 1322 il n'y avait plus de Juifs dans le pays.

UN RECUEIL DE CONSULTATIONS DE HARHINS 241

la situation. C'était alors Henri, « un des princes les plus belli- (lueux de son temps ». Il venait de sortir vaincu d'une longue lutte contre Eudes IV de Bourgogne, lutte qu'il avait soutenue avec les principaux seigneurs de la Franche-Comté. Philippe de Valois, {)ris pour arbitre, avait rendu, le 13 juin 1337, une sen- tence accablante pour les confédérés : Henri dut se rendre prison- nier au Louvre puis dans une forteresse il resta trois mois '. C'est probablement pendant cette guerre qu'il eut besoin du con- cours des Juifs, et, à son retour, il trouva, pour se libérer de ses engagements, le moyen ingénieux qui provoqua le procès qu'on vient de lire.

Quelle est cette ville de •db^1 dont le tribunal devait être saisi par Samson de sa réclamation? Elle figure déjà dans les Deuoo livres de commerce analysés ici par Isidore Loeb (VIII, p. 176). Notre regretté maître se demandait si ce nom n'était pas identique à celui de Dôle Nbn, mentionné également dans ces registres. Il n'en est rien, car jamais l'orthographe de ce nom n'a varié, et n'a comporté d's. On ne saurait non plus prendre le T pour la préposi- tion de, comme il arrive souvent, et lire le mot d'OiUens, loca- lité appartenant justement aux sires de Montfaucou, car il est peu probable qu'on ait eu besoin de cette préposition avec le mot « ville » 'v:f, comme c'est le cas ici, et que dans les Deux Iwres de commerce, comme dans notre ms., le nom se soit pré- senté justement sous cette forme exceptionnelle^.

Quant aux rabbins qui jouèrent un rôle dans le débat, quelques- uns seulement nous sont connus.

C'est d'abord, outre Isaac Petit, Joseph -^nî-n-j, le même, sans aucun doute, que Joseph b. Jacob qui présidait le tribunal de tdVti. Justement, Isaac de Lattes le cite comme un contemporain d'Isaac; d'après le même auteur, il fut mis à mort pendant les persécutions

' Voir F. de Giogins, Recherches historiques sur les acquisitions des sires de Mont- faucon, dans Mémoires et documents publiés par la Socict(f d'histoire de la Suisse romande, t. XIV (1857). Précédemment, Jean de Ghalon-Arlay voulant emprunter, en 1309, lîiO 1. à un JuiC de Dole et celui-ci exigeant une caution, ce fut Jean, sire de Monlfaucon, qui la fournit (Revue, VII, 9). Ce Jean était un client d'Héliot de Ve- soul [ih., IX, 43). F. de Gingins dit qu'il ne pas faut confondre la maison de Mont- faucon en Bourgogne (celle dont nous parlons en ce moment) avec celle des sei- gneurs de Montfalcon eu Bugey, et il renvoie, à l'appui de son dire, à Guichenon, Histoire de la Bresse, continuation de la partie, p. 174. Ces Montfalcon étaient barons de Flaccieu, et seigneurs des Terreaux et de la Balme sur Assens. Mais cette distinction n'est vraie qu'à partir de la seconde moitié du xiv siècle. Cette maison, en fait, se rattachait aux comtes de Montbéliard.

* M. Gross, que nous avons consulté à ce sujet, croit que ce nom peut cependant désigner la ville de Dôle, attendu que dans beaucoup de ces termes géographiques l'hébreu ajoute un s qui n'est ni en français, ni en latin, par exemple dans Anjou ÏÏJT'DN = Anjous.

T. XLIII, 80.

42 REVUE DES ETUDES JUIVES

de 1348 (peste noire)*. Il habitait alors, sans doute, la Franche- Comté ou le Dauphiné.

L'identité de Samson , fils disaac, ne laisse place à aucune hésitation ; c'est incontestablement Samson, fils d'Isaac de Ghinon, un de ceux qu'Isaac de Lattes mentionne aussi à côté de Joseph im:j et d'Isaac Petit ; c'est l'auteur célèbre du mn"»"i3 'o Nos documents servent ainsi à résoudre définitivement un problème de chronologie relatif à la date de la mort de ce rabbin. Alors que le Yoiihasin (éd. Filipowski, p. 233) la place en 1312, le Schalschélet Hakabbala (éd. Vienne, 53 b) en 1310, et M. Gross vers 1330, nous voyons encore consulter Samson de Ghinon après 1339. Ainsi se confirme en partie l'hypothèse de Graetz, qui le fait vivre jusqu'en 1350.

Josnph de ■jJî'T'^^"!» est évidemment le même que Joseph de iNTSïi» (Mussidan, Dordogne) dont M. Gross [Gallia judaica, p. 338 et 107) a retrouvé le nom dans le Likhoulé Amarhel, éd. de Vienne, p. 34. C'était le gendre de Baruch de "'lûîn, qui correspon- dit avec Salomon b. Adret et Samson de Rodez, c'est-à-dire Sam- son de Ghinon, qui demeura à Rodez, Ces renseignements confir- ment la date que nous assignons au procès dont nous nous occu- pons. D'autre part, étant donnée l'aire géographique doit être placé le tribunal de ce Joseph de Mussidan, il est à présumer que •'ZûSTn désigne bien Besançon.

Mais il nous est impossible d'établir l'identité des autres rabbins qui se prononcèrent dans ce débat. On ne sait rien ni de Menahem de Spire, ni de Jacob b. Hayyim de pmnttJia. Quelle était, même, cette dernière localité? On croirait volontiers à une faute de copiste pour p-nnonuffl, Strasbourg, si ce nom n'était pas porté par un autre rabbin, Joseph Hayyim, fils d'Aron pmayjnD-. H est peu vraisemblable qu'une pareille erreur ait été commise par deux scribes différents. Notre Jacob b. Hayxjim était-il ap- parenté à ce Joseph Hayyini ?

XI. Isaac, fils de Mardochée Kimhi ou Petit, et ses corres- pondants. On voit , par la simple énumération des mémoires composés par notre Isaac à propos de ce procès, la fécondité de son activité. Cette activité se manifeste déjà dans les diverses consultations de lui conservées dans deux mss. analysés ici par M. Neubauer^ Dans le premier (au British Muséum, Add. 22.089), elles figurent : 69 &, 100 c (destinataire : Yehiel

' Schaaré Sion, éd. Buber, p. 47,

* Voir Jtw. Quart. Review, XIV, p. 191.

' Voir Revue, t. XII, p. 81 et suiv.

UN RECUEIL DE CONSULTATIUNS UE UAliltlNS 243

b. Hanasi R. Moïse b'^n U5"^n), 101 rf, 103 d-\Qlc (réponse au même Yeliiel), 358 rf, 363 a ((îestinataire : Jacob de Carcas- sonne). Dans le second la Bodléienne, 2550 du Catal. Neu- bauer), elles constituent les n°' 18, 79, 91, 98, 109, 112 (ré- ponse à Bondia Duran de Perpignan), 115 et 123. Mais c'est dans notre ms. que se montre le mieux l'autorité qui s'atta- chait à sa science rabbinique et l'étendue de ses connaissances talmudiqûes. Les f"' 119 &-205 b forment un recueil incomplet car le ms. s'arrête brusquement au milieu d'une phrase de sa correspondance. Le recueil fut composé par un de ses disciples, comme le dit la mention placée au 119 : "in3 mbi^^jn ibi< ri"nbT -^sn-i» 'n hM'j^'n nnn p ■i']i:-^ pni:^ 'in "lî-^-nab. « Consultations adressées à notre maître R. Isaac que Dieu le protège fils de défunt le grand R. Mardochée. » Les différentes pièces de cette compilation ne sont pas toutes signées , mais le nom de notre rabbin y reparaît assez souvent pour qu'il ne reste aucun doute sur la provenance de ces consultations anonymes, destinées, d'ail- leurs, pour la plupart, au même correspondant, comme nous le verrons.

D'après Isaac de Lattes {ib., p. 47), Isaac Petit est l'auteur de nombreux écrits, d'un commentaire de la plus grande partie du Talmud, de novelles rabbiniques et de décisions : VbiDrt tDnm -i2n £-<im y"; rj-^b-'c '-^n'a r-i:iD7orr -^n^ap ^21112 '11 pn::-! '-i r-n72rnr: -iN">:jm niTabnn rnna cs-'poDi a-''>:;nT^m OTi-isn Qmnn. Nous ignorons les travaux qu'il a consacrés aux « autres sciences », dont parle Isaac de Lattes, mais nos Consultations apportent, pour le reste, la confirmation du dire de ce rabbin. Il y est plusieurs fois question de ses commentaires du Talmud , en particulier, de celui de Yebamot ; enfin, un de ses disciples mentionne un traité de lui, relatif au Talmud, du nom de '^ns'O "{Vi:. C'est précisément le titre de l'ouvrage d'Isaac de Lattes qui vient d'être cité.

Les matières sur lesquelles portent ces écrits divers étaient, sans doute, traitées à l'école qu'il dirigeait. Un de ses disciples lui rappelle une interprétation qu'il lui a entendu donner d'un passage du Talmud, alors qu'il suivait ses leçons à Orange (131 a].

Les détails biographiques contenus dans ses Consultations sont, comme on le devine, fort maigres. Une note y revient fréquem- ment : ce sont des doléances sur l'excès de ses occupations. C'est qu'il apportait dans l'exercice de ses devoirs professionnels une grande conscience ; comme on l'a vu plus haut, à propos du procès de Samson, il étudiait à fond les questions qui lui étaient soumises et souvent en s'y reprenant à plusieurs fois.

244 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

Il avait eu pour maître, outre son frère Mardochée, R. Ascher, qui est probablement Ascher de Lunel (156 a). Du vivant de son père, reconnu lui-même pour une autorité en matière rabbinique, il avait acquis une grande notoriété et, de toutes parts, on le consultait. C'est ainsi que son avis fut sollicité une fois dans un débat qui agita, en 1305, tous les rabbins du Midi. Isaac Haccohen de Manosque, discutant avec son ancien élève Baruch, dans un moment de colère le traita d'ignorant, de fou, de méchant et d'entêté. A quoi l'autre répondit par une critique voilée qu'Isaac considéra comme une offense. Il adressa de tous côtés des lettres à ses collègues pour les faire juges de l'injure et leur demander si l'insolent ne devait pas être frappé d'excommunication, mesure qu'il avait prise. Isaac Josué b. Immanuel de Lattes, dans son recueil de Consultations, ne nous a pas conservé moins de quatre réponses qui lui furent envoyées à ce sujet : l" de Yekoutiel b. Samuel ; de Méir b. Isaïe, David b. Samuel d'Estella, Joseph Samuel b. Abraham, Baruch b. Néria, et Nehémia b. Schealtiel, habitants d'Avignon ' ; 3'^ d'Abraham b. Isaac d'Aix, David b. Samuel, Salomon b. Juda et Joseph Samuel b. Abraham ** ; « des plus petits du troupeau d'Arles » : Salomon b. Juda^ Jacob b. Salomon b. Isaac, Juda b. Salomon b. Juda, Abraham b. Juda b">n «:■'«, Juda b. Todros b. Juda, Samson b. Jacob, Menahem b. Ruben, Yomtob b. Joseph, Juda b. Calonymos. Notre recueil de Consultations nous montre que Mardochée Petit dut également donner son avis sur le point en litige et Mardochée nous apprend que son fils, sur les instances d'Isaac de Manosque, avait déjà écrit son sentiment sur les questions de droit soulevées par le différend et les divers incidents qui s'y étaient greffés*. La réponse de Mar- dochée, comme la demande, ne renferme aucun nom propre, mais comme la question est exactement la même que celle du recueil d'Isaac de Lattes, il n'est pas douteux qu'elle fut adressée à Isaac de Manosque. La seule variante qu'offre notre document porte sur la repartie de Baruch. D'après les autres textes, il aurait dit à son maître : « Si je suis ignorant, ce n'est pas à cause de ma paresse et pour avoir négligé de fréquenter les écoles : moi, je n'ai pas voyagé dans le monde pour me promener. » D'après le nôtre, la riposte est plus brève et plus circonstanciée : « Si je suis un igno- rant, ce n'est pas pour être allé à Rome et avoir passé la mer 1 »

i Tel me paraît être le sens du mot Avignon qui termine ces signatures.

* David b. Samuel et Josepli Samuel avaient déjà signé la précédente déclaration. Joseph Samuel était le fils d'Abraham d'Aix.

Le même que dans le précédent document.

L'intervention dont il est parlé dans la demande adressée à Mardochée est celle de rabbins français.

UN RECUEIL DE CONSULTATIONS DE RABBINS 2/i5

Quel souvenir se rattachait ainsi à un voyage d'Isaac de Ma- nosque, c'est ce que nous ignorons [Pièces jiist., XI).

Une autre fois, certains savants de Narbonne soumirent à notre Isaac un cas relatif à la cérémonie du déchaussement et il trans- mit leur lettre au célèbre Salomon b. Adret, parce que Topinion de celui-ci était en jeu (Pièces justificat., XII). Par la signature, on Yoit que son père vivait encore.

Isaac n'était pas le seul savant de sa famille. Il avait un frère médecin, du nom de Maestre Astrug (voir plus loin).

Le seule date qui se rencontre dans ses Consultations est celle d'Iyar 1339 (129 b) :

Kbi a":: ■T^\s onn laNn \-i3nio rimn v^°"i^2 n^'^' V'*=' *^^

-nnnDT nnnî^n □■^">::im3 i^^i^b ^^b^n^ nODyi û^ss ûvan ^S5D -'b t3'::ND DWO-> "^nbnb bnx m^abcn bv >i■b^ ina h^r» by mpTûin

La liste de ses correspondants ajoute quelque peu à nos connais- sances sur les rabbins de ce temps. Nous l'avons dressée en suivant l'ordre des matières de notre recueil :

1" Nathan Hayijim de Draguignan (f° 119 &-121 &), qui lui adresse, coup sur coup, deux lettres en l'accablant de compli- ments. Il lui exprime ses condoléances à propos de la mort de son frère Astrug {Pièces justiftcaf., XIII). Peut-être est-ce le même que Crégut Hayyim de Draguignan qui se trouvait à Hyères vers 1340. (Consultations d'Isaac de Lattes, p. 88, d'après Gross, Gallia Judaica, p. 1*70.)

Yedaya b. Samuel de Liinrl, aWas Bonet de Limel , qui lui écrit au nom de sa communauté ; mais quelle était cette communauté ? Nous l'ignorons. Nous savons seulement qu'elle faisait partie des États du Pape, c'est-à-dire du Comtat Venaissin. En efifet, la consultation débute par ces mots : Un chrétien avait affermé de noire seigneur le Pape les produits d'une localité appelée Montaget. Ledit chrétien avait préposé deux Juifs à la perception de ces produits et les avait chargés de procéder aux vendanges et à la fabrication du vin, de manière que ce vin pût être vendu à la population juive [Pièces juslificatives , XIV).

Joseph de Liinel, rabbin df; Marseille. 11 n'est pas .^ûr que ce rabbin ait correspondu avfc notre Isaac. Voici, en efï^t, tout ce qu'on lit à son sujet : b^3ibT C]Dr 'in nwo f5-\x^bai?jt3 n^nn l^iabn iiPN 1\^< r-^3-n •^Trrc.s- D^rt ano-:: riTo bon pbin « Termes du savant de Marseille numiiié Joseph de Lunel. Il conteste tout ce qu'a écrit

2'i6 REVUE DES ETUDES JUIVES

le rabbin allemand, mais nous n'avons pas ses paroles » (125 a). Ce titre est obscur et l'on ne devine pas le motif pour lequel il a été inscrit ici, d'autant plus que dans la consultation précédente, il n'est pas question de ce rabbin allemand. Joseph de Lunel est- il identique à Joseph b. Yohanan, qui fut rabbin de Marseille vers 1343? Dans ce cas, celui-ci ne serait pas Joseph b. Yohanan Trêves, comme le croit M. Gross. Mais, à notre connaissance, le nom de Yohanan n'était pas fréquent dans le Midi de la France ; l'identité de notre Joseph de Lunel avec Joseph b. Yohanan ne paraît donc pas plausible. Il est plus vraisemblable que c'est le même que Joseph b. Juda Lunel, rabbin de Marseille, qui en 1343 signa un document dans une affaire notre Isaac Petit et Lévi b. Gerson furent consultés (Voir Isaac de Lattes, Consultations, p. 87 et 93).

4" Nathan, fils du saint et pieux Isaac. Pendant qu'il était à l'école d'Isaac, à Orange, son maître avait été interrogé sur l'inter- prétation d'un passage talmudiqae et avait à ce propos présenté des objections devant ses élèves, Nathan lui écrit son opinion sur la question. 11 ajoute qu'ayant consulté ses manuscrits, il y a trouvé de vieilles Tosafot rédigées de la main de Jacob de ''W"'nN, contenant l'objection et la réponse données plus haut et expri- mées déjà par R. Isaac un des Tosafistes de ce nom. lia retrouvé la même opinion dans le recueil d'Éliézer de Touques sous le nom de Samuel b. Hayyim (de Verdun, Tosafiste célèbre, élève de R. Tam). Il envoie en même temps ses compliments à son frère Maestro Astruc. Ce Nathan ne nous est pas autrement connu; nous ne savons pas davantage en quelle circonstance son père Isaac mourut martyr de sa foi, ou victime d'un mouvement popu- laire (ce qu'indique l'épithète saint). Quant au nom de •'Iû-^'^in qui se rencontre ici pour la première fois, comme on ne sait le placer sur la carte, il serait vain de vouloir l'identifier*. A la lettre de son correspondant, Isaac Petit répond, entre autres, qu'il a déjà traité la question controversée dans son commentaire de Yebamot.

(A la suite de cette réponse vient une consultation de Samuel b. Gerson en réponse à la demande d'Eléazar de Tarascon (133 a). Cette pièce semble s'être égarée en cet endroit.)

4" Don Dieulosal rf' Uzès. Il soumet un problème de casuistique à Isaac Petit (voir Pièces justificatives, XV), et celui-ci y répond en démontrant longuement que la question ne peut même pas se poser (133 b 135 b, lacune dans le ms.). Dieulosal réplique en

' Il y a un Avessé dans l'Anjou

UN RECUEIL DE CONSULTATIONS DE RABIilNS 247

montrant que ThypoUièse n'est pas si invraisemblable ;i3G b 141 a). Isaac riposte à cette attaque (141 a - 143 a). Don Dieu- losal d'Uzès, qualifié par Isaac de ùbïîn dsn « savant parfait », n'était pas connu jusqu'ici.

Hayyim. Un certain Hayyim avait également soumis un cas à Isaac Petit, et ce dernier n'avait pas manqué de répondre à la demande de son correspondant. Cette consultation fut suivie d'une nouvelle lettre de Hayyim (la première de notre recueil, 143 a-h), sollicitant du maître un complément d'instruction. Isaac, cette fois encore, s'empressa de fournir tous les éclaircissements désirables (f 143 h 146 a). Après cette pièce viennent ces mots : « Nom- breuses sont les lettres qui furent écrites sur cette question, mais comme elles sont trop longues et qu'elles ont été réunies dans un recueil composé par un des disciples de R. Isaac, je me suis dis- pensé de les copier. En outre, le consultant a rédigé des vers à la manière des chanteurs à la fin de ses lettres et les voici. » [Pièces juslificatives, XVI.)

Il paraît qu'Isaac, occupé des affaires publiques, n'avait pas eu le temps ni l'idée de jeter un regard sur le factum de Hayyim. Plus tard l'ayant ouvert en présence de ses disciples, il exprima tout haut son irritation : il était fatigué de répondre à un quidam aussi ignorant, qui ne le comprenait même pas : comme si, dit-il, je par- lais copte ou grec. Que si l'un de ses élèves voulait se donner la peine de lui répliquer, il lui en laissait la liberté. Ce fut Isaac b. Samuel' qui accepta cette tâche, et il s'en acquitta avec vivacité et rudesse. De 147 a k IbO b se lit la réponse de cet Isaac : il prend une par une les assertions de Hayyim et les combat vigou- reusement (voir Pièces justificatives, XVII).

Anonyme désigné sous le titre « mon frère y>. A partir du 1516 viennent des consultations et de simples décisions d'Isaac en réponse à des questions posées par un correspondant qu'il appelle simplement son frère. Il ne semble pas de prime abord y avoir de raison de voir dans ce titre un simple terme d'amitié. Ce qui confirmerait cette opinion, c'est qu'Isaac emploie cou- ramment, dans la discussion, des expressions comme celle-ci : a sache, mon frère », « vois, mon frère », «je te montrerai », « je vais t'écrire ce que j'ai lu » ; en outre, il n'use d'aucun de ces compliments hyperboliques qui étaient de style à l'adresse des correspondants ordinaires. Mais, comme plus loin, 172 a, cet inconnu se sert d'expressions d'humilité qui détonneraient dans

* Un Isaac b. Samuel signe, en qualité de témoin un acte rédigé à Forcalquier en 1326 (ms. du British Muséum cité plus haut, f" 33). On a vu plus haut qu'un des membres du tribunal de obn, vers 1339, portait également ce nom.

248 REVUE DES ETUDES JUIVES

la bouche d'un frère (voir Pièces justificatives, XVIII), il faut renoncer à cette hypothèse.

Parmi ces courtes consultations, il en est qui ne sont pas sûre- ment adressées à cet anonyme. L'une d'elles est envoyée à un certain Méir [Pièces jîisti/îcatives, XIX).

Dans le nombre, il en est qui ne manquent pas d'intérêt pour le fond. Nous signalerons, entre autres, celle de f" 159 a-b qui est relative aux enterrements ayant lieu le second jour de fête (voir Pièces justificatives, XX), celle de f 160 [Pièces just., XXI). C'est ainsi que par lui on apprend que les Juifs méridionaux avaient l'habitude de dresser leurs contrats de mariage devant le notaire. Son correspondant anonyme le consulte au sujet des Juifs qui afferment l'octroi du vin (161 a-&), des femmes dont le mari s'est baptisé et qui veulent divorcer (voir Pièces justificatives, XXII), d'une femme qui avait été chassée de France par l'exil et avait abandonné son mari devenu chrétien [Pièces jiisL, XXIII).

Yehiel, fils de Moïse b^n uî^n. (177 ô-HO).

Le ms. du British Muséum contient deux autres questions de ce même rabbin adressées à notre Isaac; c'est tout ce que nous savons de lui. Ce terme deb-ri-Ci» était-il une simple épithète ou un nom de famille? Dans l'acte cité plus haut et qui fut signé à Forcalquier en 1326, un des témoins s'appelle T'i^To '"i3 y^r'^rti* b-'H ^■'î*. On a vu plus haut un autre rabbin de la région qui joint ce qualificatif au nom de son père.

Samuel b. Mardochée. Le père de ce rabbin portant le mê.ne nom que celui d'Isaac Petit, on serait également tenté de faire de Samuel et d'Isaac deux frères, mais les formules dont Samuel se sert dans sa lettre excluent cette supposition (voir Pièces justifi- catives, XXIV). Samuel b. Mardochée n'est probablement pas non plus le même que le correspondant de Salomon b. Adret*, car s'il a échangé des lettres avec ce dernier, il devait être pour le moins le contemporain d'Isaac, s'il n'était pas son aîné, et il ne s'intitulerait pas ici « l'un de ses plus jeunes disciples ».

Lévi b. Gerson. C'est le fameux théologien, si hardi dans ses conceptions philosophiques. On doutait jusqu'ici qu'il se fût jamais occupé de casuistique. Il a bien rédigé des commentaires sur la méthodologie talmudique et sur les passages agadiques du ch. V de Baba Batra\ mais on ne savait pas au juste s'il avait jamais traité des questions pratiques comme les rabbins de son temps. Une consultation sur •''T73 bD que lui attribue Joseph Alaschcar est peut-être, en réalité, de notre Isaac {Revue, XXXIX,

* Gross, Revue, t. IV,

UN RECUEIL DE CONSULTATIONS DE RABBINS 249

p. "Tôetsuiv.). Un autre document du même genre, daté du l" jan- vier 1343, est, comme nous l'avons dit plus haut, inséré dans le Re- cueil d'Isaac de Lattes (p. 81-931. Or, dans la signature, il écrit « le plus jeune des jeunes élèves », et à cette date, il avait cin- quante-trois ou cinquante-cinq ans et avait déjà composé ses ouvrages les plus importants. « Il est très douteux, dit M. Neu- bauer [Les Écrivains juifs français du XI V^ siècle, p. 599 ou 253), que Lévi se soit appelé à cet âge le plus jeune des jeunes, quoiqu'une formule de modestie semblable soit possible ; d'un autre côté, après la composition de tant d'ouvrages philoso- phiques et des interpétations de la Bible au sens rationaliste, nous n'admettons guère qu'on l'ait consulté comme autorité rab- binique. Nous croyons, par conséquent, que Fauteur de la réponse est un des homonymes de Lévi ben Gerson. » Dans notre docu- ment, Isaac répond incontestablement au célèbre Lévi ben Gerson et non à un de ses homonymes; c'est au moins l'opinion du dis- ciple d'Isaac qui a rédigé le registre de ses Consultations, car il l'appelle « le philosophe théologien »; d'autre part, notre Isaac lui parle d'un ton qui trahit la vénération qu'il professait pour lui.

On voit par la réponse d'Isaac que Lévi b. Gerson avait rédigé un opuscule traitant d'une question de casuistique pour laquelle il avait été en discussion avec le -< grand pnHre », c'est-à-dire Isaac Hacohen b. Juda de Manosque ', suivant la note marginale de notre ms., qui est probablement de la main de Joseph b. Leb. Cet Isaac de Manosque était un autre correspondant de notre Isaac. Dans sa lettre, Lévi b. Gerson avait fait allusion, semble-t-il, à l'acte d'irritation dont nous avons parlé plus haut. Notre Isaac proteste de son respect pour son homonyme, dont l'autorité est aujourd'hui universellement reconnue et qui est maintenant très âgé, et il dit qu'il n'a pas voulu s'immiscer dans la querelle"-.

La réponse d'Isaac Petit n'occupe pas moins de 11 feuillets, et nous regrettons de ne pas pouvoir la reproduire in extenso (Pièces justificatives, XXV). Le ton de la lettre est très digne et Isaac parle avec émotion d'Isaac de Manosque.

9<' Ibn Meru:an h. Moïse de Mayr argues (116 a-\\8 a. Ce rabbin ne consulta pas Isaac, mais, au contraire, fut sollicité par

* Le même probablemeat qui signe le document du ms. du Br. Mus., 32a, et le W 114 du ms. de la Bodléienne : "[rî^ri niTTÎ"' '"13 mbjTî pn^"'. C'est lui que consulte une t'ois Isaac Petit, et il lui répond : Comment un savant comme toi interrope-l-il un homme comme moi ? 11 signe également : pn^"^ l^i'iïr; '^:N ■jrSDn mirr^ '"13 :i'\byrt- (Consultations d'Isaac de Lattes, p. 51.)

* Il semble ainsi se mettre en contradiclioa avec l'assertion de son père, voir plus haut.

250 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

celui-ci d'exposer son opinion sur une question de lettre de répu- diation {Pièces jiisli/îcatwes, XXVI). Le ms. du British Muséum contient une autre réponse de cet auteur, 67 a, signée I^Titt pN

Les lumières que notre Recueil dp Consultations nous apporte sur l'activité des rabbins du xiii* siècle et de la première moitié du xiv% comme aussi les nombreux problèmes littéraires qu'il soulève, montrent que, malgré la richesse de nos informa- tions sur ce temps, nous sommes loin de le connaître à fond. Il faudra de nombreuses bonnes fortunes semblables à celle qui nous a fait entrer en possession de ce ms. pour que nous puissions dé- peindre avec précision et sous toutes ses faces la vie de ces com- munautés du midi de la France, l'étude du Talmud, jointe à celle des autres sciences, ne subit pas d'éclipsé jusqu'à la fin du xiv^ siècle *.

Israël Lévi.

APPENDICE

183 è. Ea tête vient une ligne coupée par le relieur, puis

{a)

1D ii^att^a 'n nnnn by n33'720 i-^siz nNsp m-i T'y» in^o bip bHV2^ '-[ n'unir: m33 mn"'33n T'by ib'^b''"' ii»n bipa bNittï: '-isrt

î-iTi D"'72yEi T^oa; baa t»«i"'a73n"i "^ibiTo- ht;-! "{tct:'»:: '-ia n:;Ta in^ra r-i-«n ipbNsrnTj n^ ain bïî "n::ï:m i»oa ■l^-lT^u•:: ama Cjmcr; tint: 'na ■'tt-ia'7 t-^a-^n 'rr-^ni .tiuet iiu:»'»:; '-in buj 'rT'NT ,'bn5na ^b ■'«bp to^-i""': '»t< ■'2:73 f^bn TT»an bo vm-iac r-iT^nw'T 'T^-^îab l'a'^n'n t>tbi ,»'ian -iuîn anb did-i ï-r^-^saNT aman d Sjt r<rT TiHN uî-'rN -^n p-^m *r««i2oaT Noai t^^-^nTo ♦nbnr: io3n

' T. XXXIX, p. 227, nous avons identifié la forme "^^b^ avec ^ybo et donné à David b. Saûl le patronymique Sali. C'est probablement à lorl, "^yb^C doit plutôt être pris pour une formule eulogique ^ Tl'^W ûbl^b p""TS, et signifie simplement < défunt ».

» Baha Kamma, 98 a.

» Ketouèot, 86 a ; cf. Baba Kamma, 98 è.

* Voir Baba Batra, 70 «.

» Ketoubot, 85 *.

UN RECUEIL DE CONSULTATIONS DE RABBINS 251

'nn pn nnN t><D03^ nd^nt f^nyn -ind"^ un î>inK rfaiwT^ ,n"'73N ;a-'3\^ -«N p-iTn 'a-'nwNpi^ -i"33 nmn ■'ibm ti7jn iro»u: 1»::^ b^s:7JD -^im t^7:î<t T'n iTm 'jT'D rr^a ']"'io Nb >inyi3U3T mtt ,^r^n pnpm xny-iNT '7j"^7ab n^rws bD ixbi TT^an iitowd •'nD 2nn nniN ^r t^^bx osns t»^b dn 'tsdonto '^nn 'nm '\^^b !-i"^n ti!N;a 'ttiatt s''^ ymas riT t-ibiT iswto bx'c t^ïbn imN nmob rT»Tin t-^nyiN inin imN C5 inan b^^5 '\^'n•c i:»72 Sxno odnh "i"3n ■'C-iT' o-i-^Db p'»::»'^ -i"3n b^' isiTa pb ,Db':jb a-'-'m î^dn ï-TT Tn3"< IN !-iT n:2r373 imN"i -inN DT" 'b ^"in n^-^n bNitt^J n»^3D"^ Nb t2î<T tsn-'iDb Drtna'i ^y■'::"'"l ^^5< nn Tnn û^n T773bn

T'TD iN"'3'^T ti-^-in '-in

t^-fn ■'"in t]"'72"' 'n ^"in ;rbn

ti-i-^n yj' -i"n3 3p:?[-'] p-io npma nrrrn

Ensuite cinq lignes disparues,

184 a. (b)

maffia t3Dt2:n3t ns£5''NinD3 û-'in-ir: bN vmaj^u nbï: ii^dtouj n"D:i i«y CiOT ■'lai-m sior -)"-in ^Dsn Y'an nsnTST î^-iTin rt^^-'ann by n":rTO y^r rrrr «b 'j-,pbD2n73 -i;::b Ninn ainn laoïi: nra in taibn Nbi niay t^b p rr^n ûiii ,ittu:3 -narcn bnp ai'^n bsi73^ i»<nnrt -i'::r!-3 C3N3 -i3d itj'»::^ ^<^r^ ont .iV:; n;iN^ r-173 masb (1. NODi) NDorn p<TtnD "'im mnn iud r-not3 î-i;dd73 d:n ■'jD73T ''^y in-insm -icrt id;nu: 3'T>r-'\:î rr^- T'an pooT ,mv:3 t»^oom ■'T' £*«*2f' HTm nNitb nn-';73 rrr; t^b ï-it ■'bibi Tia[D]b mn nn-.N

: -il3D"'t inmn

bNi73;a '-13 pn::"' D'^'^n 'n'-'n y-ic

lasn m-'N-i Tir 13T bTî5 "jT^ba iTiiiibn nno û^in-ib nbc 'ly

: p-n3^-i::T 3py> '1 3"in mu t»<ino inu^b '^11-172 n^nba ntiart 3-in p:id -^d n^D^r> r-ibnn y3n:m ,m-i-'3a iNip n3i3T "jins '|-iob3 r-ni*3inn -i3t in-iTS p^aba ^n3iV3 dbirb mN-inb t^idu nnr r^innïj 'dd 'iy ,a"i"'nn ';iïï:b3 n3T; ,nTn nT3nn bn r-iN n'>ry ir3î<b -ion7û m-l72^N^ m:n n-iy3inn ,';Ta730 '-i3n :?3n:n tnaa m3in noir rr^rt mu:-iT'r! i3N"J iit -idtt 3"in nmxi ûr!"«2">:) Dw3 tt;-»:; ';-'cnr«r703 p-i rzi n^r; ><b cbim nnn ^5133 n-rro o\s t2'03 uî-^wS 3b [sic: nb? Nb ipbD3i72 10 b;r bms C]'in^n73 ^1321 ^rr^by y^3-n n-t: n"i-in p no:? dî<T ,î*-nnn t»:::! T" mMJ-iiTj ipbmuD m^a-ivri '•3N n-i-'rjs nriN Tiby bm7ûn mu):> Ninn

» Consultations de Méir de Rothenbourg, éd. M. Bloch (D'-lïl» m3myn i^yO ";Tn3 'na), Berlin, 1891, p. 212.

252 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

S-n^n Din ^':^ nm r-i-'na vsm'::^ ns-iao :>3^;i ,in'i:5i-,'' n7:N rivN-ir: byn ,m-nNa73 mxjTina Tira '■:'d TV^D^J2^ ûi'inN £:■'^325

184 h. [d]

M2'o ni:72i ircwo '-isn nD73 TS-^bx ï-i;n bna tosn Na nnDi mîsr: \ydb N-'arin ■'"pNu: pni:-' 'n y^^vr\ ^^^'r^ pni:i n"r:3 pni:i 'nr; ■jTi^T Nbn rr^rro rtm'^n ■'n::n3T in;n bj' ^-l:>^ mn^b ■'Dtsm UîpaT

183*. (e)

n"nr; "mcûsb T'iDm E)OV 'nii nposa 'j-'T pDsr! i^ n^xr: imy-^-ii!! n73D i^DODT ND3T î»<irîri t^i-^nm '{■''TD rr^urro ï-in'iî "jr:;?:'»:: "lias iTsT?:":: -i"nnw 'j-'N-iî Q-'-i^nno 'T;n mn nn^ 'i5> ...r!\n3n3Uî •jirTccT pnxi b:» r-ibxa'CJT ,p-,TD;:2i"iM dnn» mmirn» rr^Ni N-^nm pnN-i "i-iirim ncrr rccm mn-iyr; bap 13in"ii mnn i-icmo iiriï)

...ipbn b-in'wa "ir^^Tn "iiyTouji ainn masb .r:-ii:pa nT î-î:;û'û D"y

187 fl. (/■)

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UN RECUlilL DE CONSULTATIONS DE RABBINS 253

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254 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

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.N'CJ-iTbN n-inn nr-irr

A la fin :

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.r!"nbT pni:i n"-ir; p pHiri T'S'itr!

(A) .t-n5N!i TNT nmïjn priit*» '3 pn2:i 'n 'nn i;-n73 ...Npn-i3 r^^ni-nN-i Npncim

189 rt.

ûiponsT! ib^ama rij^incn' n3n br nim^sr: i"'-i3-n 'in-iJN iniN-i

...inoww '-isn ns:rNTic m^Tib: ■'3"i:!'-'5r: "^sdt b^ioïKT û'>::n73 ^ps Nn^u; ^nD m^i nrsy -"EDb mT^no ûa ^mm Dib3bi373T n^DTiN ûin3-; Dr!3 TiiN-n !-f3in iwsiiri» by iptitû-i id2 -«nsnn riDni /d::» sino bsm ^Ty-i innnn bom q^Nn ^ti bs* -naon posb pnm es ,m-iT:r! r-nm by\ omsipr; p^n^nb \-iii:-i nbnn ^nans":) rt723 r-!T3 •'ri'-\::Z'p':i ^sbi ■«msm i-iT: ^*î3wS -)3nM2 riT^w in:;N los-iroT ^<niob^! libiN3 nim;::":: 'iDNT Dimn n^bo i"«3 D^bDisn D^Dibn- '^^^•^•p:î i3 TbboT "»;n r-nyiTD^zîn V5N3 ijm3>T br ']ni33 niT^^nbi in;b ^d bs i-iysi: ^nc ï-n7:ii::' m ,-113 ^jin?: ^o i-iito 3?im ,-TiiNnbi n-nn b^iiribn nTOpn 3-ir! -i-n72b 3-1 mb^T in3nriuj r:72 3nn3b j-nb-'b3 l:^?^ T^ibn: !n3:i"i?a3 3mDn cddd i;mn rnb^ibi iiu;?;^ 'n- -i3nn in33DbT .pn:£i DiTû'iUs 3^"ii bx DDmbo lyn ■o-pn'n pTom

XI

H8 b

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UN RECUEIL DE CONSULTATIONS DE RABBINS 255

r-n-T^poN 1"''^ 12 ^"^ UNI Dsnrr nx nT373 ^td a-'^Ton ï-tt i-in: 'IN Nin;y "inx D^nn ni* riTati )^^^ nmN i^'ii dn t)N nins 'i^t tJitt) b^v DN y-iNn -««an "^ry ■'ob -^iN-in ovc iD-^-^ob pn7o Nina nrtNn dnt NmnpcNm -^iTan "<-i737a ib n'i-p':: nw br imib -inï< D^n ■nasso IN ''ins vmD dn "^nan br na-iiN a-^ïjn -^nsn vby r-iuji73rt 3vo»r: nTO nmN nn» û^n N3 un biNcb -^b u)-' 'iy ,T«br pTb-rin nTm T'pDntî n72 naob ■'■n; -i3 nth T'b:' pibnn br r-ia-iiN ^7331 t-i3-i-iN nb n«ib ^^53^ v:s o-^-innb nmN m'Tor; tu^nn nb -17JN i^by pibnn nn^sri D^n ï-tt by imn vns^a n-'::!-! inbn .rn::i3 i-^in p-'rtb ïnbN ba by TbNO N-in nn» r-in-n» *^bD ■^^^J 'j'>n ito i-iN^a o-'-inn ûiui^td mpTû b2?2i ...narcn b-innna nns ir!73D tD=)n Ij-^n nnsm nsnn Nin b-^nnTar: nb-'CN mn N-ip -133 Dnann nsy; V32>bT ..riDbn -lai by nsiabi nsnnb nriD^ ï-i73m ûrfby -ib annsb in T'iTsm pnit-^b -^jab -iDisn b^^in

.pnif '-Û ■'D'7-i7a nniDr: p^nDi npu:n3 ûmaba t:"'-i\Dibi XII

126 fl

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..,nn3nn imN ■'^ br is-^bN i3"'3-i 13-1 ^3B3 imîi r^;an3n T^7:bnD i3''3n ■»3cb i33n3T i3NïJ3ti: -in^i ^•inarjb -\-pyn 13b s'-'ht» .'-it by 173^:3 n73N3^ t^tin inri dn 'n3 pnit"^ ppn n3:>n -i73N !~td ^t^iTi û''73;a r-iSNb73 ""s t'^n'^i mm

.y"'' n3i3n3n ■'dti73

XIII.

\20a-b. Fin de la lettre :

u)E3r) inpion rirr^n t^73"' bs n3 n7aN m-nn in-nn T^nN^i b-inj"» "MTi'Li «:•'{< D-^nbNn ii-in npbn bx b3Nn iiby -i3n73n ".^331 13-1173

' Veut-il dire par que Salomon b. Adret serait venu dans le Languedoc, et 'j\25b"ia désignerait-il le pays Toulousain ?

256 REVUE DES ETUDES JUIVES

in^rs 112":: piT^ bi-ia û-^nïi -ipiyi ''Z-^q -^aby ^m n-i-in •ciii'pi

r-i"«pbn- nnm-i r;bj'm ts'^ribwV py i^a -i\rN D-'p"'i::r; nTCoa ny ^■«■'m irr:'3 m^a innp -,'ûn msm p-'byr; Dbvr; bN ï-niriijrî '7"'-iN"i in-i2T D''iUN G-^rtbN bx rr^bis Hby ncN rib:?-3r; ^^3Db nb '^■'13:' "'rup^û f^in -^in tzi^To î*<3:: "^î^ni: !-inT^ Y"^ "''2'' "'^^ n"'52"'

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.'OiîwS '11:1 "'DT172 '-I

XIV.

122(1.

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a^c-in û-'T^by: ib:i3 vbN n-^^irm -«ni:;:: nbynnr: 155 û"'3:> I"'y73 !-i7:im b-^n nnb risiD mi:-ir3 ribn^» r!723n u:Din bs "^nN D'^^ïï'^ cds mDiy Nb mw^nn "70721 m-nnn ^ma m73nb:pnrii mpson nxn» D2b '^^2•\yr> mbi'?3r! 17:^3 ■'n;::!^- lî-^s-'y n:N-^C3 "j-^bx m72N-n o-^aa T«5N ^;^-nrn i-ti-;} nn» i">;:'n i:\-np:D "iî<nb iinop '-i^nb 1:7:^ : in3i3n ly N3N ^<b DNi ■^nr)^^b73b -ircj'm nn;i3 -^îin ^b t»<-ip; ina -idd m^inn -nsisNn ^;;nN ni:n73 nip nnM "^-11:3 D"'bNTw-' ■'STD rnnn nip^rs nsipn nm^n miz "jT^Tb l:^- a3i72 VTo vbw\ y^;-> noN T'irnm rmNinnrs "jmN Tiyn bnpbi napbb -l'cy £:2-i3C72 nnN pbn tunniû -nn^'m ^m"" pbnb rrrin r-T«-'3pr7 TiD72b nnsiao TJN3 'a'::i2 NJiT'r! ■j-^-t: nb i-irm'^o ûr;723* r:3nr: ds r-nxmnm a"'07:n D»mN ao piom in-ir: b:ib;n3 p -,nN pN-iuj'^b fci723' b^' T'Toyn r!;i7:72r; imx ,û"'^b:? inwX ^-i::3 r!373T nT« nnn lyn r\r::yb n3nrj -î'::nd ,nya i-iin Tir-!::'^">::i i:2pb^a e2'^bNiï:-'rî ni3D -iiriNn nr;n7:cT i-'-^r? Tirttûn ûnDNbyj ioj' aibN-io-^n .imx nsipn 13 p-'Tn7ji rbr l:"'?-:; nsip- m-inb :;ir!;n ^-:-in73 -idn "ii:nr: a'a-in m'c-i nnc nnsTo "^wX ûTa -liriNn n-'aa amm nnD72 î-r^rii r-inN rr^nn niiii^n n^a ir.-i.sn -1730 is-^oin £ii">a ii; T'a rin->rî V"^:! "imî*":: an73 1:^7:0 aa -iri-'a pTn-i73 in^rt Jz;r;b'»a73 T'i riNbn t:a'^-i72iK i3i'7:a 17:t "inwS .n3"ipr! ^-i^3r!72 n^n a^a73r: ]n-ii<7: r^ir^o nnN A^io- "ly^ n3i7273n nN7a imsp vb:? tT'pD- a^bNiOT; anî^ï) "^3073 maï<b ■^3nN ia rTJi3 isnyn n3i'T'3 pTm73 p rrri naino a*::!"' nirr'O ']-'-ix^a y-iT^ "^snNi a-^iJ r-ibia'o -i-'j' rrrr -t^j'-^u ■^nm aT>a73 tiiiba b'^:'i73 i3\x ai-'a amm nnD730 d"j'nt 173^:731 r<::73"' aN "^b" n73 -i73N -i73i?3n rr'^îb n-|i i3"«nt -^la bo "imona i-iNT' ,anbu3 t^fD':: n-^an imN-3 ta 137373 inp"" xb y),ii "^mN

UN HKGUEIL DK CONSULTATIONS DE HAHHINS 257

t-T^nibi INT^ID D*T^3 ION ûmm nnsTon \vd'^ ï-t-,"iDN c^-^inu: irb'N 12b 'j-'Ni ûmn Nba -«isn r-no-i3 Dr; tD^-^"» Triponu: Ni:?^: t><in ïî-^T ibïj t-i'«3r:;D -"^DW psaD osna minb p^itt: t*»finï3 iwibT iiib T'ps Nir; nuJMn Tis-pr. tt^o *nyn ,ir"« r-ny»2 niiaa ms"":: nb .T-nay» ii-iNn nt^-» "^-^ni TTnbo dn "«d ûris û'^bN-n::'^rtT litnn laya D'^bN-iC"'- an "]« .-'D-nN -noN 13 12b mn-i3 r^n û'^Wi'Cjr; ibN -^2373 DN ri^n rr^mb^'iUN ib-ionn dii: T'iran imî< i;p nn -^d inTaNi p ■^-inN ■'jD» -1171 aTji::^' i'-^ncnb ^«Jb'o i-i7jn -2ipn p rrrio 'T'i:3n nya "n72N DNO riN-i-r: -^20» -ii:nb ï>nnn D»n c^'-non t,Z)^ r!272 i-na-';:: ■•Dn £3N -^21^ ipsnD2 ï-TT "^20» ."inT i72:i:7:if bN-nu"?: >^ir!":: ij^T"

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.û"'733nr:i D-^j'ni'^r: -^nx n73T7:!ni ny^r, -^-ipi^ !i72:3nr! iip73 3^312 bn2 '-I nnn 12-1173 ninD r!"nD3 pnsf n"-ir! bbiDn ODnn û-'»ba'2n nbaw

: b"i:T ■'Dn-173

XV.

133J.

*]"'n73N Dy23 lobiT"» iibNUî"» yz^b ']n2i73n •]n2i3n n-^n iu5n73 '\'^^'^^^ .M:E2b pin73i Di:yb ND-173 a-^73=n 110b ']2r>::b iiitsn'^ ^mnn mn-ip Ï-12 TT^ini î<73ior: nxi-ip nbNUJ N-ipNi r-nD'^p73 nnna or \-i'in-i •jiyjb 5-173 3'^N^ in-^ -^731 ynN n? "^27373 J-ikSbD2 "^^ nboxa ^U5»733 ■^pbmu nnN Tr^hy '^^nbi rrnnn ni'ipb biD"» N73iorf ûï<n bNi^rt ïny nbiT ms'a ii2-'y nno-^ DïJn tiiN p-i ipii^i xb f bnpT: l^ab ■>biNi ,nibuji-î li: by ï><7310 Nip-ii nno-^^a nyn !n-iinn t^npii ny si-iai:"'i !-i-iin bo n^r-ic -1121:3 ^^T1pb biD-» Nin un !-i2iDr; n2iarT N'^n nxT uni i3 Nip-^ Nb Nirr^n d"3>ni r-i-nnn n-'Nnipn &nN ^-luifiuî "ly T-iir: tinp733 poon 02^2 V'^'^ \nyTi t**b 13 -)N3b iD-istin î»-îbi a:i-inb NbN nnin Nb t^brr vby 3'^;anb p i22-'Nt:5 ;-T73 72732 "ns^s nibnntîr; s-^ino -^2373 riNi-ipn -iio"'N t^fiipnuj Da-in73m Nnipn v^'"^ '^73i:yrî bnsnrr ï««tir!i nnisn Si:N ib-'BN î-îN"'-ip3 r-frr'UJ nbiT73 i-ninn 1203 ivyrt T'N2n73 "^131:3 ^y G:»-in"'\2: ivyn "'N2n73W ,'^D"'n3 D:»-in73m !-td by nriN !-i3"^n

T. XLIII, 86. 17

258 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

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XVI

146a.

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(A siavre.)

* Ainsi disposé dans le ms.

UN CHANSONNIER MÂRRANE

AiNTOINE DE MONTORO

De même que dans la plupart des villes de l'Andalousie, il y eut à Gordoue, dès l'an 1391, un grand nombre de néo -chrétiens. Grâce à leurs alliances avec des familles nobles, ils jouissaient d'une grande considëration, mais leur fortune et l'influence qu'ils acquirent, particulièrement sous le règne du roi Henri IV, leur attirèrent la haine de la population, que les sermons d'Alonso de Espina, l'ennemi le plus acharné de ses anciens coreligionnaires, attisaient toujours davantage. Bientôt les vieux-chrétiens et les néo-chrétiens formèrent des partis étroitement fermés, en hostilité marquée. A la tête des premiers, se trouvait l'évêque D. Pedro de Gordoue, l'ennemi juré des néo-chrétiens. Il les accusait de rester attachés fidèlement au judaïsme, tout en professant en apparence le christianisme, et de pratiquer secrètement les usages des Juifs. Le peuple, dans sa haine contre eux, n'était que trop enclin à ajouter foi aux accusations perfides que le clergé dirigeait contre eux et n'attendait que l'occasion pour se jeter sur les opulents néo-chrétiens, piller leurs magasins et dépôts de marchandises et s'emparer de leurs trésors.

L'occasion ne tarda pas à se présenter. Sur le conseil et sous les auspices du fanatique évêque D. Pe'dro, il s'était formé à Gordoue une confrérie, sous le nom de « Caridad », dont l'accès était in- terdit aux néo-chrétiens, ce qui contribua à augmenter la scission entre les deux partis. Or, lorsque la confrérie fut inaugurée, le 14 mars 1473, par une grande procession, tandis que les maisons des rues à travers lesquelles passa le cortège étaient richement décorées, celles des néo-chrétiens, qui, pour faire une manifesta- tion, ne voulaient pas prendre part à la fête, étaient dépourvues de toute ornementation. Au coin de la rue des maréchaux-ferrants, « Galle de la Herreria », la procession fit tout à coup halte : du

260 - REVUE DES ETUDES JUIVES

haut d'une fenêtre de la maison qui appartenait à un des plus riches néo-chrétiens, une jeune fille avait versé par mégarde de l'eau sale, et l'on prétendait qu'elle avait atteint une statue de la Vierge. On y vit une profanation préméditée. Aussitôt des milliers de voix s'unirent au violent cri de vengeance poussé par un maré- chal-ferrant du nom d'Alonso Rodriguez, et ce cri se transmit dans toute la ville avec la rapidité de l'éclair. La foule, avide de pillage, se prépara à massacrer les néo-chrétiens, ces maudits hérétiques, à Incendier leurs maisons et à piller leurs richesses mobilières.

Pour mettre un frein à ces excès, on vit accourir D. Alonso Fernandez de Aguilar, dont la femme, née Pacheco, appartenait à une famille de marranes très influente et très étendue. D. Alonso, accompagné de son plus jeune frère, D. Gonzalo Fernandez de Cordoue, « el Gran Capitan », qui devint plus tard la gloire de l'armée espagnole, arrivait avec une troupe armée, pour protéger les néo-chrétiens ; il somma la foule de renoncer à ses honteux desseins et de se retirer. Au lieu d'obéir, le violent agitateur Alonso Rodriguez insulta le noble comte, devant lequel tout Cordoue baissait la tête, et prit à son égard une attitude me- naçante, si bien que celui-ci retendit à terre d'un coup de lance. La foule, efi"rayée, se dispersa précipitamment. La tranquillité se trouvait rétablie en apparence. D. Alonso retourna en son palais.

Les fidèles partisans du maréchal-ferrant déposèrent son ca- davre sur un brancard et le portèrent processionnellement dans l'église Saint-Laurent, située à proximité. Le peuple, aveuglé par son fanatisme, en fit un martyr et l'honora comme un saint. Il se persuada que le mort faisait des mouvements, et, au cri de « Miracle, miracle! » la foule, excitée par un chevalier de Cordoue.dunomde Pedro de Aguayo, de réputation très mauvaise et ennemi de D. Alonso de Aguilar, courut aux armes et se rua de nouveau sur Ihs néo-chrétiens, massacrant, brûlant et pillant tout. D. Alonso accourut au secours de ceux qu'on attaquait a ver; son frère et d'autres chevaliers, suivis d'une troupe d'hommes d'armes ; il fut accueilli à coups de pierres. Il s'en fallut de peu qu'il n'eût le même sort que le connétable Miguel Lucas de Iranzo, qui, huit jours après, en voulant protéger les néo-chrétiens poursuivis à Jaên, fut massacré dans l'église par les meneurs. Craignant pour la vie de D. Alonso, on le força à se retirer dans le château-fort, ceux des néo-chrétiens qui eurent la chance de se sauver trou- vèrent aussi asile et protection. Dès lors, la foule, avide de butin, put se livrer sans crainte au pillage et à la dévastation par le feu.

UN CHANSONNIER MARRANE 261

Des jeunes filles furent violées, des femmes et des enfants mas- sacrés sans pitié. On traita les néo-chrétiens bien plus cruelle- ment que l'on n'avait traité les Juifs quatre-vingt-deux ans plus tôt. Au bout de trois jours, la rage du meurtre et du pillage était assouvie et avait pris fin. D. Alonso et ses protégés abandonnèrent le chàteau-fort et la ville. Sa valeur chevaleresque et sa généro- sité d'âme furent mises en suspicion de la façon la plus insultante par ses adversaires. Pour prévenir le retour de désordres sem- blables, le conseil de la ville prit la résolution que désormais aucun néo-chrétien ne pourrait habiter Gordoue et les environs, à plus forte raison qu'il ne pourrait occuper de fonctions publiques ^

A la suite de ces tumultes, beaucoup d'habitants de Gordoue, sans doute des parents des néo-chrétiens, avaient abandonné la ville ; d'autres étaient tombés dans un dénùment tel qu'ils ne pou- vaient plus payer les impôts et remplir leurs obligations envers la ville *.

Plusieurs d'entre les néo- chrétiens échappés à la mort se réfu- gièrent à Séville avec l'espoir de retourner à Gordoue quand l'ani- mosité dont ils étaient lobjet se serait calmée. Parmi ceux qui avaient trouvé un refuge dans le château-fort et qui s'étaient fixés ensuite temporairement à Séville, se trouvait aussi le poète Antoine de Montoro, dont les poèmes viennent d'être rassemblés pour la première fois ; tirés de divers manuscrits et ouvrages, ils ont été publiés avec une excellente préface et de nombreuses notes expli- catives d'une main compétente^.

Antoine de Montoro, un des plus sympathiques poètes du xv^ siècle, dont la renommée dépassa les frontières de sa patrie et dont nous nous sommes déjà occupé il y a quarante-trois ans, dans la mesure ses œuvres nous étaient accessibles*, était né, en 1404, à Montoro, dans la province de Gordoue. Il appartenait à une famille juive et était lui-même juif. Nous ne savons guère ce qui le détermina à embrasser le christianisme. Lui-même déclara à un âge avancé :

J'ai des fils ei des pelils-ûls, un père pauvre, très vieux,

' J. Amador de los Rios, Historia de ios Judios en Espana y Portugal, III, 152 et s.; Rafaël Ramirez de Arellano, Anton de Montoro >/ su testamento (Madrid, 1900), p. 4 et suiv.

* Revista de Archivos, anno IV (1900i, p. 724.

Cancionero de Anton de Montoro el Mopero de Côrdoba),poeta del siglo XV, reu- nido. ordenado y anotado por Don Emilio Cotarelo y Mon (Madrid, José Perales y Martmez, 19001.

'' M. Kayserlinp, Anton de Montoro, dans Deutsches Muséum^ éd. par Robert Prutz, 1858, 23.

262 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

ma mère Dona Jamila,

une tille non mariée, une sœur

qui ne se sont pas approchés des fonls baptismaux '.

Comme nous l'apprenons par son testament^, il était le fils de Fernando Alfonso de Baena Ventura et, par suite, proche pa- rent, peut-être même cousin, du poète Juan Alfonso de Baena, appelé « el judino » « le juif », qui était commis des finances de la cour du roi D. Juan II de Castille : c'est le compilateur du célèbre « Cancionero » de Baena qui porte son nom.

Antoine de Montoro, le célèbre poète qui n'était ni chevalier ni noble, mais qui était loin d'être aussi pauvre qu'on Ta prétendu jusqu'ici, appartenait à la corporation peu estimée des fripiers ; lui-même s'appelle souvent el Ropero et, dans son testament, Aljabibe, mots qui signifient « fripier ». Les fripiers de Cordoue, comme on le voit par les « Ordenanzas ^ », étaient soumis à un contrôle sévère. Ils ne pouvaient vendre les vieux habits que dans un état de propreté absolue, et il leur était défendu de vendre comme bons ceux qui étaient mauvais ; en cas de contravention, les habits étaient confisqués et les vendeurs punis d'une amende de deux cents maravédis, un tiers de l'amende revenait aux plai- gnants. Gomme c'est encore le cas à Barcelone, Madrid et dans d'autres villes d'Espagne, ils ne pouvaient vendre ces vêtements que dans certaines rues; même les vestes neuves, juhones, ne pouvaient « suivant un antique usage » être vendues que « sur la place aux poissons ».

Le commerce de friperie n'empêcha pas Montoro de s'adonner, dès sa jeunesse, à la poésie. Il s'essaya dans les genres les plus variés, mais il se sentait surtout attiré vers l'épigramme, genre dans lequel il produisit d'excellentes choses. Beaucoup de poètes renommés et estimés, tels que Juan de Mena et le marquis de San- tillane, ne dédaignèrent pas d'entrer en relations avec lui et en parlèrent avec éloge. Mais il eut aussi ses détracteurs, qui trai- taient le pauvre fripier du haut de leur orgueil. C'étaient des poètes et des musiciens composant des poésies à gages, eux-mêmes

' Cancionero, u" GXXII :

...tengo hijos y nietos y padre pobre muy viejo ; y madré Dona Jamila, y hija moza, y hermana, que nunca entrarou en pila.

2 Rafaël Ramirez de Arellano, l. c, p. 6 et s.

* Les Ordenanzas, tirées des archives de la ville de Cordoue, ont été publiées par Rafaël Ramirez de Arellano, Revista de Archivas, p. 726 et s.

UN CHANSONNIER MARANli; 263

de basse extraction et appartenant à la môme race que Montoro, comme, par exemple, Juan de Agraz d'Albacete *, serviteur du comte de Niebla, le Comendador Roman, Juan de Valladolid et Rodrigo Cota. Il est amusant de voir comme ces néophytes se disaient de dures vérités et cherchaient à se ridiculiser en rappe- lant la religion à laquelle naguère ils appartenaient.

Montoro, qui était aimé et recherché dans les salons les plus distingués de Cordoue, eut l'occasion, lors de la présence du roi D. Henri IV dans la ville des Califes, de faire aussi la connaissance, parmi d'autres courtisans, du Comendador ou Commandeur Roman. Roman était au service du duc d'Albe, D. Garci Alvarez de Tolède, et devint plus tard commandeur d'un ordre militaire ; il composa plusieurs poèmes religieux de longue haleine et prit l'attitude d'un chrétien bigot. Bientôt une querelle éclata entre lui et Mon- toro, et ils s'injurièrent sans ménagement. Il faut avouer que Roman avait, en fait de termes injurieux, un vocabulaire fort riche ; il appelle Montoro l'ivrogne, le jars, la bosse poétique, le marchand de fruits, d'œufs, de miel et de chandelles, de ficelles, d'épingles, de bagues fausses et de mille bagatelles, qui court les villages pour acheter de vieilles ferrailles, marchandant humble- ment comme un bon juif pauvre. Il dit qu'il a hérité, en quelque sorte, de la malhonnêteté de son père, qui, en sa qualité de hazan ou d'officiant, aurait transformé les chants d'église pour les chanter à ses jours de fête*. Montoro lui répondit avec calme et dignité. Il lui rappela qu'il avait toujours embrassé la Tora, qu'il avait, en sa qualité de parent de Benjamin et de frère de Don Semtob, parlé des Chérubins et que dans la rue des Juifs il avait juré par le Dieu unique. Il lui demandait pourquoi il prenait cette attitude si fière ! Il n'était pourtant qu'un marrane, tout à fait méprisable, circoncis par un rabbin, c'est-à-dire tout à fait un juif. Quoiqu'il fît semblant d'être un pieux chrétien, s'il venait à Tavara, probablement son lieu de naissance, tous les Juifs l'appelleraient par son nom et il mangerait sans doute avec plaisir Vadafina avec de la poitrine

' Des poésies de Juan Agraz se trouvent à l'appendice du Cancionero de Anton de Montoro, p. 301 et s.

* Cancionero de Ant. de Montoro, 142 :

No quiero que de judio recibais mote de mi, porque ya lo sois y trio, mas de aquel gordo vacio '""' à'è ese vuestro padre si; de cuj'o oûcio, con sones,

heredastes por motetes «Miniaiir. »

de furtar à las canciones, y asonar los villaacetes.

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264 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

d'oie, qui cuit toute une nuit, môme sans accompagnement de jambon *.

Roman ne fut pas en reste pour la réponse : tout le monde, dit-il, sait qu'il est un marrane, mais à lui, Montoro, il a un conseil à donner :

Qu'il ne mange que des moutons saignés,

et, comme son père, qu'il révère l'ancienne loi,

qu'il se lave les mains,

et qu'il ne soit pas avide du jambon défendu ;

qu'il prononce la bénédiction sur le vin,

et dévore, le vendredi soir, des cous d'oie farcis ;

qu'il ne mange jamais ce que le rabbi déclare défendu,

et célèbre toujours le sabbat avec joie et extase ;

qu'il ait toujours devant les yeux l'honnêteté et la pudeur,

et qu'il se régale d'azymes aux fêtes de Pâque ;

qu'au jour du Grand Pardon, il s'abstienne de toute raillerie,

qu'il soit plein de contrition, de larmes et de douleur *.

Un rival d'Antoine de Montoro, c'était Juan de Valladolid, qui était aussi juif et qu'on appelle habituellement Juan Poeta. Il était de très basse extraction : son père était crieur public à Val- ladolid. Dans un poème injurieux, Montoro, exaspéré de jalousie, dit de lui :

Sais-tu qui était ton père ? Un crieur public, un bourreau ; Et ris donc I ta mère ? La servante d'un cabarelier'.

Il se rendit en Italie et vécut dans les cours de Naples, Mantoue

* Caneionero, 144 :

. ..aunque esteis acrislianado,

yo me creo que, si â Tavara pasais, vos serès apedreado

por hebreo. ...adaiÏDa d'ansaron que cocio la noche toda,

sia tocino.

* Caneionero, 146 :

* Caneionero, 159

Trovad en corner cenceno

la ûesta de cabanuelas (fête des cabanes au lieu de fê'e de Pâque).

Sabéys quién es su padre ? Un verdugo, pregonero ; Y queréis reir ? su madré, Criada de un mesonero.

UN CHANSONNIER MARRANK 265

et Milan, comme improvisateur et astrologue. A son retour dans sa patrie, il fut fait captif par des pirates maures, qui ramenèrent à Fez, mais qui ne tardèrent pas à le remettre en liberté. A Fez, il se maria avec une Mauresque, après avoir déjà épousé une juive du nom de lamila et aussi, à ce qu'on assure, une chrétienne. Il passa quelques années à la cour des rois de Navarre et ensuite s'établit à Cordoue. Les poètes espagnols contemporains ne disent guère de bien de lui ; ils ne l'appellent pas autrement que Judio, mais auprès des grands, même auprès de la reine Isabelle, il était en haute faveur*.

Montoro veut donner un bon avis à Juan, son bon et grand ami, et le prie de l'accueillir comme venant d'un frère : « Nous appar- tenons, dit-il, à la même race ; toi et moi, nous sommes des Juifs ; les oflfenses qu'on te fait sont les miennes et les dommages que je subis sont les tiens. » Montoro affichait cette prétention fausse qu'aucun autre troubadour ne devait participer aux bénéfices pro- venant de ses compatriotes. Juan ayant reçu une certaine somme du Conseil de la ville de Cordoue, il l'attaqua, l'accusant de faire des hâbleries et lui reprochant de l'avoir plagié. Ils s'insultèrent et insultèrent leurs parents réciproquement, de la façon la plus vile ^

Montoro jouissait d'une faveur particulière auprès du noble D. Pedro de Aguilar, qu'il a beaucoup célébré, et auprès de son fils D. Alonso, le protecteur des néo-chrétiens souvent mentionné par lui. Le pauvre fripier fut un des premiers que le regard cour- roucé du maréchal-ferrant atteignit ; dépouillé de tout, il trouva un refuge chez D. Alonso, dans l'Alcazar. Après la triste catas- trophe, il adressa à son sauveur et protecteur, qui se défendait contre toute louange, à ce bon et noble chevalier de véritable sang royal qui était profondément attristé du malheur qui avait frappé les néo-chrétiens, un de ses plus beaux poèmes, il reconnaît très librement que les néo-chrétiens eussent mieux fait de rester juifs ^

Montoro paraît avoir abjuré le judaïsme seulement à un âge avancé. Il se plaignit à une personne de la magistrature de Cordoue de ne trouver que de la viande de cochon mise en vente à la bou- cherie, de sorte qu'il était obligé, poussé par la faim, de violer le serment prêté par ses parents et aïeux *.

Un noble seigneur ayant retiré sa promesse de lui faire cadeau

' Cancionero, p. 34i et s.

* Cancionero, w lîi6 et s. ^ Cancionero, n"> 32,

* Ccmciontro, 75.

266 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

d'un petit cochon, sous prétexte qu'il venait à peine de se faire chrétien, il lui écrivit : a Ne savez-vous donc pas comment j'ai obtenu le certificat de baptême? Et vous, indiscret, vous m'avez prorais aussitôt de m'envoyer un de ces animaux que le rabbin proscrit ' . »

Montoro resta juif toute sa vie. Dans un poème adressé à la reine Isabelle, il se plaint de ce que, malgré les années passées depuis sa conversion à la foi chrétienne, on le considérait toujours comme juif; qu'il ne pouvait parvenir à effacer la tare originelle et qu'on l'appelait toujours le « vieux et méprisable juif ». Ce poème, qu'il compose à l'âge de soixante-dix ans, montre, d'ail- leurs, très clairement combien il tenait peu sérieusement à sa nouvelle croyance religieuse '-.

Il resta aussi juif de cœur, car il s'intéressa toujours vivement au sort de ses malheureux coreligionnaires persécutés. Après le pillage des néo-chrétiens à Garmona, en l'an 1474 3, Montoro adressa au roi une plainte émue*. Il réprimanda le poète Rodrigo Cota de Tolède qui affectait une piété excessive et qui, comme Montoro le lui reprochait avec une araère ironie, invitait ses pa- rents, un jour de sabbat, à venir manger du porc, parce qu'il se rangeait du côté des persécuteurs ^

De sa femme, Thérèse Rodriguez, qui de son premier mariage avait une fille du nom d'Aldonza, Montoro eut deux filles, Léonora, mariée au fabricant de paillettes Juan Rodriguez, et Katharina, l'épouse d'un certain Alonso Tormy, et deux fils, Martin et Gon- zalez. L'un d'eux avait, comme son père, des aptitudes de poète. De Séville, il s'était réfugié après les troubles de Cordoue, il

' Cancionero, 87 :

No sabeis como gané carta de crisliano lindo ? Y vos, senor importuno, en las mandas muy prolixo, mandad luef^o euviarme uno de los quel Rabi maldixo.

* Cancionero, 36 :

Oh Ropero amarf;o, triste, que no sienles tu dolor ! Secenta anos que naciste

por do mi culpa se escombre, no pude perder el nombre de vlejo puto y judio.

' L'église de S. Bios à Carmona aurait été construite sur l'emplacement de la syna- gogue dans l'ancienne Juderia, Boletin de la r. Academia de Historia^ IX, 333.

Cancionero, 33. "* Cancionero, n" 163.

UN CHANSONNIER MARRANE 267

était retourné à sa première résidence. C'est que, souffrant et affaibli, il lit son testament, le 31 mars 1477. Il en ressort que notre fripier et troubadour était un homme aisé'. Il mit ordre à ses affaires, partagea son bien et pourvut au sort de sa femme, qui lui avait rendu de nombreux et bons services ; il mourut probablement pendant l'année 1477. 11 ne vivait plus lors de l'établissement de l'Inquisition et de la catastrophe de Tablada plusieurs de ces coreligionnaires furent brûlés vifs, le 6 février 1481*.

M. Kayserling.

* Rafaël Ramirez de Arellano, Anton de Montoro y su testamento, p. 6 et s.

* Cancionero, prologo, p. 22,

NOTES ET MÉLANGES

NOTES EXÉGÉTIQUES

1. Zacharie, IV, 7.

Parmi les exemples de substantifs sans article accompagnés d'adjectifs déterminés figure bin^rj ir: (Zach., iv, '7). Le passage même ces mots se trouvent présente d'assez grandes diffi- cultés. Dans les versets 4 et 5 le prophète demande à l'ange ce que signifient les sept lampes du candélabre qu'il aperçoit dans sa vision. Le verset 6 commence ainsi : L'ange me répondit, en disant : « Voici la parole de l'Eternel à Zorobabel, etc. » Cette réponse ne se rapporte pas du tout à la question du prophète, et pour trouver la suite de 6(2, il faut prendre au verset 10 les mots nbN n^'nw et suivants. Tout le passage depuis inn rîT jusqu'à Ta bnmî est donc intercalé, et parait former un fragment d'une pro- phétie consacrée spécialement à Zorobabel, dont Zacharie ne parle pas ailleurs. Dans ce fragment, le verset 7 est particuliè- rement obscur. On traduit le commencement : bin:ri "in nnx ■"» "nTî5''»b par: v Qui es-tu, grande montagne, devant Zorobabel? (Tu deviendras) une plaine. » Cette apostrophe à la montagne est bien singulière et l'ellipse du verbe « être » devant ^inj^iab est très dure. L'absence d'article devant "in nous amène à penser que, au lieu de nn rrnN, il faut lire "inn nx et que "^"d est le vestige d'un verbe tel que ttûïït ou û"«\ai< "«s. Le sens serait : je changerai la grande montagne devant Zorobabel en plaine. La fin du verset nb "jn in mî^ian rro^nn pt^n ni« N-^^im est probablement altérée, mais nous ne nous chargeons pas de la restituer dans sa forme primitive.

2. DiTTOQRAPHIES VERTICALES.

Si l'absence de l'article dans un substantif accompagné d'an

NOTES ET MÉLANGES 269

adjectif qui a l'article peut se justifier quelquefois par l'usage tal- raudique, il n'en est pas de même du cas inverse. On peut a priori affirmer qu'il y a une faute de copiste lorsque le substantif est déterminé et que l'adjectif appositif n'a pas d'article. Dans Jéré- mie, XXII, 26, on trouve nnas y-)i<r5. Cornill (dans la Bible en cou- leurs) supprime avec raison le r;, le sens de la phrase indiquant, d'ailleurs, que ipîi doit être indéterminé. Mais la présence du n s'explique quand on remarque à la ligne suivante (verset 27) le mot "j^i^rt. Nous avons un nouvel exemple de dittographie ver- ticale. De même, dans Ezéchiel, xxxix,27, au lieu de ûi^n ûrsn; il faut lire '"i û'^is. Cornill, dans son livre sur Ezéchiel, supprime D"^3-i, mais il est plus simple de biffer le rt. Cette lettre provient du mot D"»"i3rT qui est juste au-dessous (verset 28).

Mayer Lambert.

QUEL EST LE PSAUME DE LA DÉDICACE DU TEMPLE ?

La suscription du psaume xxx : « Cantique de la dédicace du Temple » n'a, comme on sait, aucun rapport précis avec le contenu de ce psaume. Il y est question des actions de grâces d'un homme qui relève d'une maladie grave et qui remercie Dieu de l'avoir sauvé miraculeusement, de l'avoir retiré des bords du gouffre et d'avoir changé sa tristesse en allégresse. Les exégètes sont tombés d'accord, en partie, pour expliquer ce psaume symboliquement et pour désigner la « maladie » et ie « gouffre » comme l'époque de l'exil ou le temps des persécutions religieuses sous Antiochus. Dans ce dernier cas, la composition de ce cantique devrait être placée à l'époque des Macchabées ; « celui qui prie » serait la com- munauté, et la guérison dont il s'agit, le rétablissement du service divin.

Cette hypothèse se heurte à cette considération que dans un cantique chanté par la communauté « pour la dédicace du Temple », tout ne peut être symbolique et qu'il faudrait, du moins, qu'un verset ou un mot parlât du Temple et de sa destination. Or, tel n'est pas le cas.

Beaucoup d'interprètes et, à leur tête, Ibn Ezra et dans les temps modernes Delitzsch, ont émis une autre hypothèse : il serait

•270 REVUE DES ETUDES JUIVES

question ici de l'inauguration du palais de David (II Sam., v, 11). David relevait alors d'une grave maladie, à ce qu'ils supposent. Mais la Bible ne parle nullement de ce fait. Il n'est également pas vraisemblable que David ait célébré « l'inauguration de son palais », car cette expression ne s'emploie nulle part pour une maison privée.

Une autre énigme que nous offre la version alexandrine de ce psaume, grâce aux leçons arméniennes, si importantes pour la critique du texte grec, nous permet d'arriver à une explication satisfaisante. Le psaume xxix : û"'bN "^in ■'-«b ^yn TSih "^ht» porte dans les Septante cette incompréhensible suscription : èçootou «7xr,v-7i<;. A défaut d'une explication suffisante de ces deux mots, on (Delitzsch, Baethgen) admet que (7xt,v-/^ est mis ici pour ax-rivo- 7:riyta « la fête des Cabanes » ; â^ooiou répondrait (comme ailleurs dans les Septante) à n-i:^^. La suscription équivaudrait donc à l'expression hébraïque manor! miiyb, et ce cantique aurait été chanté, pendant l'office, « le dernier jour de la fête des Cabanes », le Schemini-Açéret. On cite à l'appui le passage du Talmud, Soucca, 55a, l'on fait figurer ce psaume parmi les cantiques de la fôte des Cabanes. Toutefois cette hypothèse sans compter qM'aucun des psaumes des fêtes ne porte une pareille suscription en grec a contre elle les raisons décisives suivantes :

Dans le passage cité du Talmud, l'on énumère les psaumes des fêtes intermédiaires, il est dit vrt li^îîna ^yv2 bia ibina D"^bN "^33 ■^■'b "lan D"»")»!» : ce cantique était donc chanté le premier jour. Il n'y a pas d'erreur possible, car on donne, pour chaque jour des fêtes intermédiaires, un signe mnémotechnique, ■'"naToin ou "^"nn^ir!. En tout cas, il n'est pas question de la fête A'Açérel.

Si le glossateur alexandrin avait mal compris la tradition et ajouté une remarque aussi inutile que fausse, il aurait con- naître assez le grec pour savoir que ax-rivi^ ne signifie jamais la fête des Cabanes, et qu'il faudrait, au moins, (txyjvojv ou crxYivo-Tiyta;. C'est cette difficulté sans doute qui a déterminé M. Jacob ' à ad- mettre l'hypothèse que (7XY,vr, pst une glose fautive et qu'à l'ori- gine il n'y avait que le mot l;oo{ou ^ mir^b. Mais, comme on l'a déjà remarqué, cette hypothèse n'a aucun point d'appui dans la tradition.

Or, j'ai trouvé dans la version vieille-arménienne, que l'on a commencé récemment à apprécier selon son mérite pour le con- trôle du texte grec*, les leçons suivantes, qui jettent un jour

» Zeittchrift f. alttestam. Wissensch., de Stade, 1896, p. 289.

* M. Preuscben, Ztitschr. f. neuteslam. Wiss., 1900, p. 108, reconuait la valeur

NOTKS ET MELANGES 271

curieux à la fois sur le Ps. xxix, et sur la suscription du Ps. xxx. L'arménien a, dans ses éditions et dans des manuscrits, los sus- criptions suivantes pour le Ps. xxix :

A. « Psaume de David, cantique (ou des cantiques) de IMnangu- ration du Temple », saghmos 7iawahatealz tadjarin = -n»T« (n"«an) bD-'nn nrDsn (ou ^'vo'n] TW ninV. Telle est la leçon de diverses éditions et du Cod. Arm. 11 de la Bibliothèque impériale et royale de Vienne. Ce serait donc la suscription que la Massora et les Septante n'ont que pour le Ps. xxx.

B. « A la sortie et à l'entrée et en dressant la tente » [helanel yew i mtanel yew i harhanel zhh07^an ^ à peu près (puîwn nï<) nN:£2 I2)'::«!n n-'pnnn [p\a?jrî bx] Niam (ou, au lieu de la fin : brtj^rt niarn^, ce qui en arménien est traduit de la même façon). Cette variante est citée, d'après des manuscrits, dans l'édition critique de la Bible de Zohrab (Venise, 1805).

Ces leçons suggèrent l'hypothèse suivante : la suscription n-'nn nssn t^td m»T)3 appartient, en réalité, au psaume précé- dent, auquel elle convient fort bien. L'invocation solennelle : inrr ttnp rmri'z -^-^b ninnïjn wi mas '''h « Donnez à Dieu gloire et puissance. Prosternez-vous devant l'Éternel dans son sanctuaire magnifique », est si bien faite pour la dédicace d'un temple, et la fin (v. 9) *ii33 nwN ibs ib^ina^ « Et dans son temple, tout pro- clame sa gloire », confirme si bien le contexte qu'il y a lieu de s'étonner que la suscription ait pu être transportée en tête du psaume suivant*.

On peut même remarquer que le Ps. xxiv, ^-10, qui est aussi un psaume de dédicace (il est aussi expliqué comme tel dans Sabbat, 30 a) et qui parle de « l'entrée du roi de la gloire », est de date plus récente, qu'il suppose le Ps. xxix déjà connu, puisqu'il lui em- prunte ses principaux traits. En effet, la question posée dans Ps., XXIV, 8, TQDn ^bïa ?it ■'» « qui est le roi de la gloire? » se rapporte évidemment à « la gloire de Dieu » mentionnée plusieurs fois dans le Ps. XXIX (mas -itt\s nbs iba-^nan ,iD-^:?-irt •nasïi bx ,^133 'nb lart). Dans ce même Ps. il est dit aussi abij'b "jb73 ■^"« 30"«i « Et l'Éternel demeurera roi à jamais ». La réponse qui soulève un nouvel ordre d'idées : « Dieu est le fort et le puissatit », maan ivy ii, rappelle

des mss. arméniens pour les pseudépigraphes. La versi.n de l'Ancien Testament n'a pas encore été étudiée scientifiquement. Une étude de M. Ermoni (Compte rendu du 4* Congrès scientifique international à Fribourg, 1897, II« section, p. 317-351) est sans valeur pour la science.

» Peut-être a-t-on voulu aussi désigner par "JT^ab?! ■»T1N"D'^T"1N laTttî ('• 5) et mi3''' CllUJn^l (v. 9), les cèdres employés pour la construction du temple, et par TDK manb aatin» les flammes de l'autel.

272 BEVUE DES ÉTUDES JUIVES

sûrement xxix, 1 : Tri mnrD, ainsi que la description de la toute- puissance divine et la conclusion "irr» i«yb i:f ■'■' « L'Éternel donne la force à son peuple. »

Or, ce psaume de la dédicace du temple, qui est le véritable, a peut-être eu, à l'époque la plus ancienne, une suscription qui nous a été conservée dans la seconde variante ' : n^iin pt:?:tn o^pnm [p'i5»n bi<] xinm (p-v^^n nx). Cela rappelle la phrase de l'Exode, x, 35-36 ; rimm ..."[i-iNri :?023 -^iT»!. L'expression Içooîou (TXY,vTiç (qui n'a aucun rapport avec la fête des Cabanes) est donc un fragment de phrase et doit être complétée par e'ktôoou xai. . . ÔTiÔTs £<7Ta6Y| 7j cxYjVT- « eu sortaut, cu entrant, lorsque la tente était dressée ». Effectivement, on trouve dans I Chron., xxviii, 29, à propos de l'érection de la tente sacrée sous David et de l'introduc- tion de l'arche dans le sanctuaire, les versets de notre psaume :

Notre hypothèse devient presque une certitude, si nous com- parons le Psaume 96 (95) dans la version des lxx. Nous y trouvons encore une suscription étonnante sans aucune base dans

l'hébreu : ors h oixoç wxoooij.YiTat p.£Tà tyjV atx[J.a)vco(7tav. Vulgate : quando domus aedificabatur post captivitatem. En regardant de près, nous rencontrons ici aussi les versets déjà connus (7-9) : "•"■^b "nrinTaii .ittttj lins ■^"■^b lan ,t:>t mas •'"■^b lart. C'est donc, d'après la tradition alexandrine, le chant particulier de la dédicace du Temple. Pour le Ps. 29 (28) la Vulgate a la version : « in consum- matione tàbernaculi », elle le regarde donc comme appartenant au temps de David.

Quant à ceux qui, à tort, ne veulent, en aucun cas, reconnaître de psaumes authentiques du temps de David, ils peuvent expli- quer les suscriptions arméniennes de la façon suivante : à l'époque la collection des Psaumes a été faite, sur la foi de la relation, I Chron., xvi,28, on a rapporté ce psaume à l'érection de la tente sacrée sous David, tandis qu'en réalité, il a servi à la dédicace du Temple. Peut-être aussi a-t-il été remplacé à l'époque des Mac- chabées par le psaume symbolique xxx, de sorte que la transpo- sition de la suscription ne serait pag une simple erreur.

Vienne, juin 1901.

Armand Kaminka.

* La version arménienne de la Bible a été faite, d'après des relations tout à fait concordantes, vers l'an 430, sur des exemplaires des Septante particulièrement dij^nes de confiance (qui provenaient peut-être du ii« ou du nr siècle). Les textes dont se servaient les savants arméniens sont désignés comme « authentiques » (Voir Ko- rioun, Vie de Mesrop ; Moïse de Khorène, Histoire d'Arménie, Ili, 61 ; F. Murad, Araratet Mâs/s, Heidelberg, 1901, p. 87).

NOTES ET MELANGES 273

L'AUGURE FULVIUS ET L'ENFANT JESUS

Un des plus célèbres tableaux de chevalet de Domenico Ghir- landaio est V Adoration des Bergers, qu'il peij^nit, en 1485, pour la chapelle des Sassetti à Santa Trinità de Florence, et qui est aujourd'hui conservée à l'Académie. Dans la composition, dans le traitement réaliste des figures de bergers ces têtes, dit Vasari, qu'on estimait comme des choses divines l'artiste s'est visible- ment inspiré du fameux tableau du Flamand Hugo van der Goes, sur le même sujet, peint quelques années auparavant pour l'hôpital de Santa Maria Nuova ; mais, tandis que le peintre néerlandais a em- prunté ses motifs d'architecture aux églises romanes et gothiques qu'il voyait dans son pays, le Florentin, imbu de réminiscences classiques, a demandé les siens aux ruines de Rome, qu'il avait deux fois visitées. L'humble étable vient de naître l'enfant divin a un auvent soutenu par deux élégants pilastres corinthiens; dans un lointain charmant, tout peuplé de vivantes figurines, le cortège des rois mages s'achemine sous un arc de triomphe, proche parent de celui de Titus, et sur l'architrave duquel on lit l'in- scription :

CN. POMPEIO MAGNO HIRCANVS PONT. P(osuit?).

Mais le détail le plus curieux, c'est la crèche même, d'où le petit Jésus a été extrait, et sur le bord de laquelle se penchent un âne et un bœuf, ouvrant un œil jaloux ou curieux. Cette crèche n'est pas la modeste auge en bois ou en pierre, grossièrement taillée, que représentent la plupart des compositions analogues*; c'est la cuve en marbre d'un sarcophage romain, décorée de moulures et d'une massive guirlande de fleurs et de fruits. Sur la face anté- rieure de cette cuve et, en partie, masquée par un des bergers agenouillés, facile néanmoins à restituer intégralement, se lit le distique suivant :

ENSE CADENS SOLYMO POMPEI FVLVIV[s] AVGVR NVMEN AIT QVAE ME GONTEG[et] VRNA DABIT.

C'est-à-dire (car ce latin un peu alambiqué mérite qu'on le tra- duise) :

" Fulvius, augure de Pompée, tombant sous l'épée d'un Juif, s'écrie : L'urne qui recouvrira mes cendres donnera naissance a un dieu. »

» Max Scbmid, Die Darstellung der G-ehurt Chrisli in der bildenden Kunst, StuU- gart, 1890.

T. XLIII, N<» 86. . W

27i HEVUE DES ÉTUDES JUIVES

Ainsi Ghirlandaio s'est fait l'écho d'une légende suivant laquelle la crèche fut nourri Jésus était le sarcophage d'un certain Fulvius, augure dans l'armée de Pompée, et tué lors de la prise de Jérusalem par les Romains soixante-trois ans auparavant. Il est presque inutile de dire à nos lecteurs que l'histoire, c'est-à-dire Joséphe, ne connaît aucun personnage, aucun fait pareil. Trois Romains se distinguèrent à la prise de Jérusalem ; tous les trois ont des noms commençant par F Faustus Sylla, et les centu- rions Furius et Fabius mais aucun d'eux ne s'appelait Fulvius, aucun n'exerçait les fonctions d'augure. D'autre part, rien, ce semble, dans les Évangiles canoniques ou apocryphes n'a pu sug- gérer l'étrange tradition illustrée par Ghirlandaio. L'art chrétien primitif l'ignore et aussi, que je sache, l'art médiéval. Elle n'était certainement pas courante à l'époque de la Renaissance : Sannazar dans les vers de son De partu virginis (II, 444 suiv.), il décrit la naissance du Christ, paraît en avoir pris exactement le contre- pied *. D'où le peintre florentin l'a-t-il donc tirée? De son inspira- tion? Cela est peu probable. Lui a-t-elle été racontée par un des érudits dont il paraît avoir fait sa société, puisqu'il se plaisait à reproduire leurs traits dans ses fresques, comme Ange Politien, Marsile Ficin, Cristoforo Landini, etc.? Cette hypothèse est assu- rément séduisante ; elle s'autoriserait de faits analogues dans l'his- toire des peintures de Pinturicchio et de Raphaël au Vatican. Mais on ne fait ainsi que reculer la difficulté, car il restera toujours à savoir si l'humaniste quel qu'il soit qui a fourni à Ghirlandaio l'épisode de la prophétie de Fulvius la inventé de toutes pièces ou l'a trouvé dans quelque document antérieur. Mes recherches à ce sujet une enquête prolongée dans les livres ^ et auprès d'hagio- graphes compétents n'ont abouti à aucun résultat. C'est dans l'espoir de provoquer, d'un côté ou de l'autre, quelque communi- cation susceptible d'éclairer ce petit problème d'érudition que j'ai demandé à la Revue l'hospitalité pour la note que l'on vient de lire. Après tout, ne s'agit-il pas encore d'un a conte juif » ?

Théodore Reinach.

» Josèphe, Anl. jud., XIV, 4, 4.

' Sanctepuer, non te Partis operosa columnis

Atria, non variata Phrygum velamina textu

Excepere : jaces nullo spectabilis auro,

Augustum sed vix slabulum, maie commoda sedes,

Et fragiles calami lectapque paludibus herbse

Forluitum dant ecce torum. . . Vasari, Burckhardt, Growe et Cavalcaselle, Sleinmann [Ghirlandaio, 1897), etc.

NOTES ET MÉLANGES 275

UN CONFLIT DANS LA COMMUNAUTÉ HISPANO-PORTUGAISE D'AMSTERDAM - SES CONSÉQUENCES

Dans la jeune communauté hispano-portugaise d'Amsterdam, formée de Marranes qui professaient des opinions religieuses di- vergentes, il devait forcément naître des différends. A côté de la première synagogue nommée Beih Jacob, « Maison de Jacob », et fondée en 159T par un homme instruit et brûlant d'un zèle ar- dent pour le judaïsme, Jacob Tirado, on en éleva une deuxième, en 1608, sous le nom de Nevé Schalom, « Demeure de la paix », parce que la première était devenue insuffisante, et aussi parce qu'il y avait des conflits d'opinions. Dix ans plus tard, un certain nombre de membres se séparèrent des deux communautés exis- tantes pour organiser une troisième synagogue appelée Beth Brael, « Maison d'Israël ». On prétend que cette séparation avait été provoquée par les discours sévères et les actes rigoureux du rabbin Isaac Uziel, venu de Fez. Il semble pourtant qu'elle était encore due à une autre circonstance, dont on n'avait pas tenu compte jusqu'à présent.

Il se produisit, en effet, dans la communauté d'Amsterdam, un différend d'une importance telle qu'à côté du rabbin de Lublin, on crut nécessaire de s'adresser encore à un autre rabbin célèbre de Pologne pour connaître son avis sur le point en litige : c'était R.Joël Sirks, de Brsces?, en Lithuanie. Ce rabbin exposa les faits de la façon suivante ' :

ï-ib^» -iD D-n:20ttï< n-':' iipim y-iN» y-iwn i;:'7oo m;:^ Sip M':::' my-i n^non ...y-iCn -iir:::^ wSDT-in ■'Sibs Nin y-non Sd iwr.::-^ iTaToin^a-^ rfby ...mbbnsnn nbns -3'-i Nin nnx y-ipn n3T by y^'3-irj xb?:: 1^0:21 inab n^oî n72D ïit "^^ f-iim nb -^-t^dn yitnbnMT Xixz'i T' nbT«r nbnpn 'i^'zv.-y û5 D-\-n-î3N3 S"t TJ-^iyzVi vryn 3^n2 Nb ^d -iwnt "sm n^by -lam inT^Nn x^ran rjTo^nn bj» p-^Tn» ^^y^ ,ûnN S^ "^"^TaD t^^n-' rr^nn^T N-'s-iDib^sr; p-i ï=in -^d ,-inyTb tomN nnswT û-^Dn^n c:io;i< vbN î^-iiib inNWVja mon inN \:;''Nb in3 d-' 03-. on a thn nih T>rNb ■'=) n-'aon nî^nn m-'OîD Tia -^nob tjn nw^T^n ■^;a;Ni Snpn 'yn::b my^mn airr:3b ■'S'^in Ninn amon o-'Nn ■'d idin Snxob nrr'sino c=i"i»Dn "^Diab iiic T>m -im» -nOwNn Sr nr^i nTjixu 3'T' Nb imbN">D Ty::wSDn riLû-^no 'tïd-o p"pï^ "^nija 3 "-33 iT-iDir; ari^nm rm7a:?7:r! J-irû^Dna

« Consultations de R. Joël Sirks (Franclort-sur-Meiu, 1697), 4 (5j, p. 3 rf,.

276 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

iDT3n NDinn "^sibsi i^ab Nb riiu'^n":: i-nobn ib-»DN ^d q-^'iion ï»^b;r) D"i Sipn -itDNT r^yxo nmi<3 ^TTJwn ujNib ï-ib:» TODD bi'T i-'b^ i^uan Tb^N-iOT Nirtn nTTDnn by in"«au5'^ bD .rtbns -lO^n?: nb^xi DODDb iwX-r» Nb nyn ni:p73t3 no3>3 pi mniû^TûN -i-'3>73 D-ipH^T^j D">D3-| r;u)b;a73 2nD3 nrDTNb yi^n !-ibN •libmb •p"-p'i T'3N n-in 1303 DnaTin nw^-^pn^i

Un raédeciu d'Amsterdam avait parlé avec dédain des aggadot et s'était moqué de la cabbale, affirmant que c'étaient des mois vides de sens et que seule la philosophie enseignait la sagesse; il avait même réussi à gagner à ses idées plusieurs membres notables de la com- munauté. Ce médecin, qui était un des administrateurs de la com- munauté, avait également nommé comme sacrificateur {schohèt] un individu qui ignorait totalement les règles de la schehila, comme l'avait prouvé un examen que les deux rabbins, d'accord avec l'ad- ministration des deux synagogues, lui avaient fait subir. Les rab- bins, toujours d'accord avec les administrateurs, avaient alors fait publier dans les deux synagogues, que la viande de toutes les bètes tuées par ce schohèt était trèfa et que les ustensiles celte viande avait été cuite étaient devenus impropres à l'usage. Le médecin, ne tenant nul compte de cette publication, avait proclamé dans la syna- gogue, en sa qualité d'administrateur, qu'il ne fallait pas prendre en considération la décision des rabbins et qu'on pouvait continuer à consommer en toute sécurité, sous sa responsabilité, la viande des animaux égorgés par le schohèt inculpé. Et, en effet, une partie de la communauté ne s'était fait aucun scrupule de suivre son avis.

Une des conséquences de ce conflit sensationnel fut la fondation de la troisième synagogue, Beth Israël, en 1618, année l'appel des rabbins d'Amsterdam parvint à R. Joël Sirks à Brscesz. L'année suivante, celui-ci fut nommé rabbin àCracovie. Les trois rabbins qui s'étaient adressés à leurs collègues de Pologne étaient : Jo- seph Pardo, décédé en 1619 ; Isaac Uziel , décédé en 1622 , et Saùl Lévi Morteira, qui n'avait été nommé qu'en 1616.

Et le médecin qui avait provoqué ce conflit et qui peut être con- sidéré comme un précurseur d'Uriel Acosta, qui était-ce? Tout simplement le portugais Abraham Farrar, appelé aussi Simon Lopès Rosa, président de la plus ancienne synagogue d'Amster- dam, de Beth Jacob. Nous ne savons pas s'il a été réellement frappé d'excommunication, comme le conseillait R. Joël Sirks. Il mourut cette même année, le 14 décembre 1618, suivi dans la tombe neuf jours plus tard, le 23 décembre, par sa femme Sara*.

M. Kayserlinq.

* Bibliûieca espanola-portugueta judaica, p. 44.

NOTES ET MÉLANGES 277

LES JUIFS DE NAPLES

Depuis que Ferdinand d'Arap;on avait banni les Juifs d'Espagne, la menace d'expulsion était su.spendue comme une épée de Danio- clès sur la tête de leurs coreligionnaires de Naples. Longtemps avant que Charles-Quint ne revînt de son expédition victorieuse en Afrique, il avait eu l'intention de chasser les Juifs de Naples. Mais des considérations financières et le fait que les chrétiens ne pouvaient s'occuper des affaires d'argent désignées sous le nom d'usure, avaient empêché le pieux et avide empereur de donner suite à son dessein. En l'an 1528, pendant la guerre qu'il diri- geait contre ses ennemis d'Italie, alliés de François I""", roi de France, il fut, de différents côtés, sollicité de prendre des me- sures au sujet des impôts que les Juifs de Naples avaient à payer. Il s'adressa alors au vice-roi de Naples, son cousin, Philibert de Châlons, prince d'Orange, pour lui demander s'il lui paraissait plus avantageux d'expulser les Juifs ou de continuer à les tolérer et d'employer les impôts qu'ils payaient aux dépenses de l'État. C'est ce que nous apprend une lettre datée du 19 juillet 1528, qui figure dans les archives de Vienne et qui a été récemment publiée pour la première fois. Voici le passage en question :

« Oultre ce, l'on nous a fait grande instance de plusieurs coustez, de disposer de l'office et tribut des Juifz, lequel a dernièrement va- qué par le trespas de César Feramosce, ce qu'avous différé pour- veoir, pour le désir qu'avons de chasser lesdils Juifz dudit royaume, et pour ce que aucuns nous disent que c'est proffit de les entretenir, tant pour evitler que les chrestiens ne exercent les usures comme eulx font que aussi pour le proffit que la courf^a peut avoir, avons conclud de remettre à vous que vous informez deuement de ce que vous semblera plus convenable ou d'entretenir lesdits Juifz, moyen- nant le tribut qu'ils payent, ou de les en chasser du tout. Et vous estes d'advis que l'on les doye entretenir, seroit mieulx appliquer ledit tribut au proffit de nostre court pour ayder aux frais d'icelle que de le bailler a autruy ^ «

Philibert de Châlons, dont la réponse ne nous est pas parvenue, ne conseilla sûrement pas de chasser les Juifs, car ceux-ci res- tèrent à Naples encore douze ou treize ans.

M. Ka-yserlinq,

f Boletin de la r. Academia de Htstoria, t. XXXIX, p. 180.

BIBLIOGRAPHIE

REYUË BIBLIOGRAPHIQUE

ANNÉE 1901.

{Les indications en français qui suivent les titres hébreux ne sont pas de V auteur du livre, mais de l'auteur de la bibliographie, à moins qu'elles ne soient entre guillemets.)

\. Ouvrages hébreux,

a'^^CTT'l 'jT'ii nanx 'o Ahawalh Ziou We-Jeruscholaim. Varianlen u. Ei'gânzungen des Textes des Jerusalemitischeu Talmuds nacb alteii Quelien u. handschr. Fragmenlen edirl, mil krilischen Nolen u. Eilâu- teruiig versehen vou B. RaLuer. Traklal Berachoth. Wilna, Romm, 1901 ; iu-8° de VI + 218 p. Voir plus loin.

D-'Ta^n Xi-db -liTlN 'o Enthalt ùber 7000 rabbinische Lehren, Sentenzen, Sprùcbwôrler etc. wie auch viele denselben entsprecbende lateiniscbe, deutscbe, franzusi^che, lussiscbe u. polnische ...von K.-W. Perle. Var- sovie, impr. Schuldberg, 1900 ; in-S" de 336 p.

Oa a déjà composé nombre de recueils des proverbes, senlences et dictons rabbiniques; mais, sans conteste, celui-ci est un des meilleurs et des plus complets. L'auteur, comme de juste, a suivi l'ordre alphabétique; toutefois il ne manque pas, quand il y a lieu, de citer les parallèles. Les explications sont généralement ae bon aloi. Peut-être aurions-nous élagué beaucoup d'articles qui n'ont rien à faire dans une pareille collection. Ainsi toutes les traditions commençant par les mots QT^n "imN « ce jour-là, le même jour ■>, ou « Emma Schalom femme de R. Elazar, était sœur de Rabban Gamliel •. Mais nous aurions mauvaise grâce 4 lui en vouloir de cet excès de conscience, qui, somme toute, ne sera pas sans profit. Nous le chica- nerions plutôt sur la peine qu'il s'impose inutilement pour justifier cer- taines sentences un peu étranges. Voir 3,716, sur les mots I^Tjbn bD Dnn T'Jûbn 13"«N OTOD -miDT £Dpi3 13\\Ci D:Dn, il veut corriger 1j"^N'(13 en iS'^rTi;; comme si, d'ailleurs, on avait jamais ainsi parlé! Nous aurions voulu aussi que toutes les fois qu'un proverbe est annoncé dans le Talmud par lUJD'^N "^"ITQN « comme dit le peuple >, ces mots ne fussent pas

BIRLIOGRAPUIli: 279

omis, ce qui est le cas assez souveiU. Mais, ces réserves luiles, nous recom- mandons chaleureusement aux chercheurs comme aux muralisles' et aux théologiens cette œuvre de premier ordre, qui leur rendra les meilleurs services.

Û^"«n mn-lN Orchoth Cbajim von R. Aharon Ilakohen aus Lunel. Zweiler Teil. Zum erslen Maie hrsy-. u. mit Stellennachwciseu u. Aamerkungen verseheu von D' M. Schlesinger. l^e et livraisons. Berlin, impr. Itzkowski, 1899-1900; gr. in-8" de p. i-221. (Publication de la Société Mekitze Nirdamim.)

Û''5T»aw\-in m-m Dorot Harlschonim. Die Geschichte und Literalur Israels, von Isaak Halevy. Th. II. umfassl den Zeitraum von der Becndigung der Mischnah bis zum Abschlusse des Talmuds. Francfort, impr. Slo- botzky, 1901 ; in-S" de 619 p.

On lira dans le prochain numéro un compte rendu détaillé de ce volume et une étude particulière sur une opinion exprimée par l'auteur, articles dus à deux de nos plus savants collaborateurs. Nous dirons cependant dès à présent que ce deuxième volume mérite les éloges qui ont salué le troisième: c'est la même connaissance approlondie du Talmud, la même finesse d'esprit et les mêmes prouesses de subtilité. Mais les défauts vont en s'accusent; si la composition n'est pas plus gauche ni le style pire —c'était impossible—, en revanche le ton a gagné en grossièreté. Cette histoire n'a rien d'une his- toire : c'est une critique passionnée des opinons de Graetz, Weiss, Frankel et Rappoport. Chaque page est illustrée par des bordées d'injures lancées à ces coryphées de la science juive. Elles ne sont même pas variées, elles sont toutes dans le goût de celles-ci : « Graetz a commis la taule la plus grossière ; Frankel s'est trompé stupidement; Weiss n'a même pas compris ses devan- ciers. Ces erreurs, personne ne se les permettrait s'il s'agissait d'autre chose que de l'histoire juive, mais la science allemande a toutes les impertinences, etc. » Pour arriver à l'énoncé d'un fait précis ou d'une opinion positive il tant dabord subir plusieurs pages de discussions agrémentées de ces re- frains, et encore le plus souvent l'opinion attendue ne se produira- t-elle qu'après de longs détours. Quant à l'esprit critique qui distingue M. H., on en aura une idée par le détail qui suit : Il est dit dans Meila, 17 a, que l'empire romain ayant défendu aux Israélites de célébrer le sabbat et de pra- tiquer la circoncision et leur ayant ordonné d'avoir commerce avec leurs femmes indisposées, Rabbi Ruben b. Istroboli se rasa la tête la ma- nière romaine] et se mêla à eux [aux sénateurs probablement] et leur dit :

Vaut-il mieux avoir un ennemi qui s'enrichisse ou qui s'appauvrisse? Qui

s'appauvrisse. Alors permettez aux Juifs de ne pas travailler le sabbat etc. On révoqua donc l'édit, mais ensuite on s'aperçut que celui qui avait ainsi parlé était un Juif, et on renouvela la loi. Une telle histoire, dit M. H. montre avec la précision la plus grande que la chose (la révocation de l'édit) fut l'œuvre de l'empereur et des sénateurs, que c'est aux sénateurs qu'eut atfaire Ruben ! Si encore M. H. nous avertissait qu'il ne faut pas prendre le récit à la lettre, que celte fable peut être la déformation d'une tradition non absolument fantastique, on pourrait discuter avec lui. Mais ce sont réserves dont il ne s'avise pas, n'ayant pas des idées bien arrêtées sans doute sur l'organisation des pouvoirs constitués à Rome. Que pour l'histoire de cette période, Graetz ait travaillé rapidement, qu'il ait pris trop au sérieux certains renseignements de caractère agadique, tout le monde en convenait avant que M. H. se fût imposé la tâche de le montrer, avec ces cris et ces gestes. Mais puisque M. H. évolue avec tant d'aisance dans tous les recoins du Talmud, il aurait employer son érudition à une besogne plus utile à nous mieux renseigner que nous ne le sommes sur l'activité de chacun de ces rabbins. Or, le plus souvent sa eritique est négative ; aux opinions de ceux qu'il pourfend de ses traits il ne substitue absolument rien. Ainsi,

260 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

prenons R. Papa, une des 6gures les plus curieuses et les plus expressives du rabbinisme babylonien au iv siècle ; M. H. s'avisera-t-il de nous livrer son impression sur le caractère de ce rabbin; nous fera-t-il remarquer, par exemple, la naïveté de ses conceptions, son penchant pour les superstitions? Nous montrera -t-il eu quoi Papa était bien de son temps, et, pour cela, rassemblera-t-il les traits pouvant servir à dépeindre cette époque? C'est bien mal connaître notre auteur que d'attendre de lui un tel effort; il est trop fatigué, d'ailleurs, de la lutte qu'il a menée, tout le long du chapitre, contre Graetz et Weiss et d'avoir dit ou plutôt crié que le premier est un ignare el l'autre un faussaire, que c'est bien la science allemande! Que si, de ce gros volume, on élaguait ces injures et ces critiques oiseuses pour ne retenir que les considérations et faits nouveaux, il tomberait plusieurs centaines de pages.

■j^T^T Dîwfm des Abià-l-Hasau Jehuda ha-Levi, unter Milwirkung nam - hafter Gelehrler bearbeitet u. mit eincr ausfûhrlichea Einleitung versehen von D'' H. Brody. I. Band : Nichtgottesdienstlicbe Poésie (Anmerkungen. II. Lieferung). Berlin, impr. Itzkowski, 1900; in-S" de p. 97-224. (Publi- cation de la Société Mekitze Nirdamim.)

tJ'^nrD?^ PD"'bn Briefwechsel zwischen A.-J. Weizenfeld und Rapoport, Halberstamm, Mieses, Keller, JafTa, MendeNsobn u. a. Vorangebend Biographie Weizenfeld's (Ein Beitrag zur Geschichte der Aufklârung der Juden in Krakau), von F. -H. Wetslein. Cracovie, Faust, 1900; in de 100 p.

n5''i3 d'^'IlïT'n. Les Juifs en Chine, par Marcus Adler, trad. de l'anglais par Elhanan Segal. 'Wilna, impr. Pirodjnikof, 1901 ; in-8° de 36 p. Traduction d'un article publié dans la Jew. Quart. Heview, t. XIII.

Û'^blin'l' Jérusalem. Jahrbuch zur Befôrderung einer wissenschaftlich ge- uauen Kennlniss des jetzigen u. des alten Palâslinas, hrsg. von A. -M- Luncz. Band V. Heft 3. 1900; Band V. Heft 4. 1901. Jérusalem, chez l'auteur; in-16 de p. 189-382.

bN-llIJ"^ y-lN mb Lilterarischer Palâstina-Almanach fur das Jahr 5661-1900/ 1901 hrsg. von A.-M. Luncz. VI. Jahrgang. Id. fur das Jahr 5662-1901/ 1902. Je'rusalem, chez l'auteur ; in-16 de 172 et 184 p.

Ces Alraanachs contienneot des notices intéressantes, e-i particulier sur les colonies juives. Dans celui de l'JOl nous avons lu avec plaisir quelques extraits d'auteurs rapportant des traditions sur certains monuments ou lieux célèbres de la Palestine.

Û'^aip^ïl 'O Sefer Ila-Likkutim. Sammlung iiUerer Midraschim u. wissen- schaftlicher Abhandluugen. 4. Th. CoUectaneen aus dem allen Midrasch Jelamdouu zuin 4. B. M.; 5 Th. ...zum 5. B. M. ; mit Noten, Quellcn- nachweis u. Einleitung versehen von L. Grûnhul. Jérusalem [Francfort, Kauffmann], 1900 ; in-8° de 20 p. + 85 3". ; 1901, 14 p. + ff. 86-170.

C'est une excellente idée d'avoir réuni les extraits du Yelamdènou qui se trouvent dans le Yaiivout et dans d'autres ouvrages. On se rappelle qu'ici même M. Neubauer a publié un certain nombre de citations de ce Midrasch. J'aime mieux M. G. dans ce rôle d'éditeur que dans celui d'historien de la littérature. Sa méthode, en effet, est un peu déconcertante ; si, par exemple, on lui objecte un texte qui le gêne, il y répond simplement en taxant d'iQterpolatioa le passage. C'est ce qu'il fait, par exemple pour rétorquer mes critiques touchant l'âge du Midrasch des 10 exils. Les notes qui accompagnent le texte du Yelamdènou sont sobres et suffisantes.

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Ce commeiUaire est de la même famille que ceux de Raschi et de Tobia b. Eliézer; il est surtout midraschiquc, mais lait cepeatlanl une place à l'interprélation rationnelle. Inutile de dire que celte édition olfre toutes les qualités qui distinguent les travaux de M. iUiber; personne ne se meut avec plus d'aisance dans la littérature midraschique, qu'il connaît à la per- fection.

n"^"l2?" l^vT?- 1lb73 « Dictionnaire de la langue hébraïque ancienne et moderne, par E. Ben .Tehouda ». Fascicules 1 et 2, M à 3mN. Jérusalem, 1900 ; in-1".

Voir Remit, t. XXXVl, p. :Mri.

iaiOD3 N'np'û Mikra ki-Pheschuto. Scholien u. krit. Bemcrkungen zu den heilig. Schriften der Hebrâer, von k. Ehrlich. 3. Theil. Die Frophelen. Berlin, Poppelauer, 1901 ; in-8'' de vr + 519 p.

«"""T? nnDO/3 Die Famille Lurie von iliren Anfangen bis auf die Gegen- wart, nebst einer Abbaudluug ùber Elia b. Mose Loanz, von Abraham Epstein. Vienne, impr. « Industrie ^>, 1901 ; in-8° de 63 p.

nTCinr: 0"3"'-ir: r"lw 'O. Consultations d'Isaac b. Scheschet, publiées d'après le ms. de Leyde par David Frânkel, aux frais de la Société "iniiin a^rw-" T^-::. Munkacs, impr. Kohn et Klein, 1901 ; in-8° de 112 p.

Ce sont les Consultations du célèbre Isaac b. Scheschet conservées dans le cod. Warner, n" 50 (ce que ne <lit pas Téditeur), et dont il a été déjà question ici (voir Rtvue, t. XXXIX, p. 86 et 89;. En réalité, même les Consultations attribuées par le copiste à Isaac b. Scheschet ne suut pas toutes de ce rab- bin, plusieurs sont de Moïse Halawa. C'est ce que le regretté S.-J. Hal- berstam, suivi par Weiss, avait reconnu, et la découverte faite par M. El- kau Adler d'une collection de Consultations de ce Moïse a enlevé tout doute sur ce point (voir Revue, il/.]. Nous nous expliquons qu'un auteur vivant en Galicie ignore l'existence de notre Revue, mais il devrait avoir lu au moins le Dor Dor Wedorschaw de Weiss. La Société Dovevè Sifte Teschènim, jeune émule des Mekitzè Nirdamim, aurait pu exiger de son collaborateur, M. David Frânkel, une plus grande érudition littéraire. Si encore ce défaut était racheté par les qualités requises des éditeurs! Mais, sous ce rapport encore, la Société ne paraît pas avoir eu la main heureuse ; nous avons pu nous en assurer en comparant la lettre de Moise Halawa a Yohanan, fils de Matatia de Paris, telle que nous l'avons éditée, avec la reproduction qu'en donne M. Fr. Quand il arrive à ce savant de corriger le texte, c'est inutilement et comme pour montrer son inexpérience : ne corrige-t-il pas nT^ri Û:? quoique » par mTi DM ! Quelquefois peut-être il suit servilement la teneur du ms., mais dans ce cas, il devrait signaler les fautes. Ainsi, on lit Sipn ^rT^, au lieu de riJnpn 17\'^\ 20"* ...'T'"n'CN, au lieu de 130"'- On lit encore : ND 5" "^DD ^N'CJP ND "TH^n. Le ms. est peut-être ainsi conçu ; mais on aurait pu appeler 1 at- tention sur cette étrange phrase ; en réalité, il faut : 5T "'ID NOn N5 "nnn Mb bin:;T. se manifeste une légèreté significative, c'est dans la phrase nmPD Ij^")! "'b73 ; ces mots inintelligibles sont dépourvus de toute note; or il faut NDinS un objet de raillerie ». nous avons avoué n'avoir pas compris le jeu de mots de l'auteur, M. Fr. na pas été plus heureux, par exemple à propos de rnm DTM ''^^y'tZ D^^ÎT-.

282 REVUE DES ETUDES JUIVES

Mais M. Fr. se tire d'atl'aire aisément : il supprime tout bonnement le mot Î^Tn, qui le pêne, Ce ms. de Leyde contient entre autres, comme on le sait, deux Consultations de Yohanan b. Matatia et de Joseph b. Matatia ; nous sommes bien aise de les avoir maintenant sous les yeux : elles se rap- portent à deux phases d'un même procès, qui s'était débattu à Ancône en 1399. Les deux rabbins étaient sans doute déjà en Italie, ils se réfu- gièrent après l'expulsion des Juifs de France. Ce Joseph, fils de Matatia, était bien, comme le croit M. Gros?, le même que Joseph de Trêves, de- meurant à Dijon. Ce qui est curieux, c'est qu'il semble du vivant de son frère, tout en exerçant comme celui-ci les fonctions de rabbin, avoir été le représentant des Juifs ce France. Il existe, en eifet, aux archives de la Côte-d'Or [Ihvent. sommaire, série B, V, 11309) un acte de l'année 1391 ou 1392, par lequel « Joseph de Trêves, maître en la lui des Juifs, demeurant à Dijon, donne quittance générale à tous les Juifs et Juives demeurant au royaume de France de la langue d'oil de tout ce dont ils étaient rede- vables envers lui ». Ce Joseph de Trêves exerçait, d'ailleurs, aussi le mé- tier de banquier en société avec Durant de Carpentras, et c'est peut-être à ce litre qu'il était créancier de ses coreligionnaires pour avoir avancé pour eux une somme réclamée par le fisc.

bNn^Ii"' ""Sa mibin Histoire des Israélites d'Italie par Isaac-Raphaël Aske- nazi. Cracovie, impr. Fischer, 1901 ; 24 p.

11^3 nnD'»:3î3 rmbm 'O. Geschichte der Familie Schor, ihr Leben u. lile- rar. '^''irken von der Mille des 15. Jahrhunderts bis auf die Gegenwart. Francfort, J. KaulTinanu, 1901 ; 22 p.

L'ancêtre de celte famille serait le fameux Joseph Bekhor Schor; mais on oublie de nous montrer la tiliation. Le nom de Schor, étant comme les armes parlantes de Joseph, n'était pas toujours un nom de famille.

X'y rDD73 hy rnSDin Tos'foth zum Tract. Aboda Sara zum Rabbi El- chanan. Sohn des Rabbi Isak aus Dompair [sic) lebte im XII. Sâculum zum erslen Mal [sic) hrsg. mit Anmerkungen von David Frankel. Ilusiatyn, Société Dobhebhe Sifthe Jeschenim, 19ul ; iu-8° de ii + 92 p.

Ici nous ne pouvons pas contrôler les lectures de l'éditeur, mais nous pre- nons encore sur le vif son inexpérience. Dans l'Introduction, très courte, il dit qu'il a réuni un à un tous les renseignements qu'il a pu trouver sur Elhanan, l'auteur de ces Tosafot. Il laisse à de plus grands savants le soin de compléter son œuvre. Or, s'il avait connu l'existence de la Gallia judaica de M. Gross, il se serait épargné une peine inutile et surtout une compa- raison peu ilalteuse pour son amour-propre. Ce recueil de Tosafot est celui que possédait Luzzatto (ce que ne dit pas M. Fr.). Mais d'après Luz- zatto, le ms. s'arrêtait aux gloses d'Aboda Zara, 61 a, tandis que d'après le texte de M. Fr., il le fait au 35. Et cependant c'est indubitablement le même ms., se terminant par les mots : « Jusqu'ici va le traité (HID"^) d'Elhanan fils de K. Isaac de Dampierre. A partir de c'est celui de R. Juda b. Isaac de Brienne, qui a commenté les Tosafot d'Elhanan, fils de R. Isaac. »

nT'ÎTDyain "^^0 "^C? NriDDinrs La Tossefta disposée suivant l'ordre des Misch- nayot, traite' HouUin, avec commentaire ^T^'lN P"^^"» par A. Schv?arz. Francfort, Kauffmann, 1901; in-S" de 81 p.

n->3>nT -no NncOin Tosefta Ordo Moed mit Commentar "^Dl-in nbrin par Mordechai Friedmann. 3" partie. Francfort, Kauffmann, 1901 ; in-8° de 168 p.

ûni^lDN Dlb\Dn '0 José b. Jose's Aboda nebst verschiedenen anderen

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' Les notices signées (H.) soot de M. P. Hildenûnger.

284 REVUE DES ETUDES JUIVES

d'abord été le fait des Juifs, puis des chrétiens (sans que ce second degré se rencontre partoul), et qu'elle a passé des premiers aux Musulmans, soit directement, soit par l'intermédiaire des seconds ». Cette vérité sera démon- trée par une longue série d'exemples dans un appendice spécial. Une autre preuve de Tintluence juive est la localisation à Tlemcen d'une légende cora- nique d'origine juive (?) figure Josué. C'est à la suite de l'aventure contée par cette légende que Moïse rencontre Kidhr dont les actions incom- préhensibles lui paraissent contraires à la justice parce qu'il n'eu connaît pas le sens caché. M. B. aurait pu ajouter que cette légende se racontait dans l'Afrique du Nord avec le nom de Josué (b. Lévi), remplaçant celui de Moïse, comme le montre le Hibbour Yafé de R. Nissim de Kairouan (Tîi' siècle). M. B. croit que la tradition suivant laquelle Josué est en- terré dans cette région a peut-être quelque rapport avec celle qui fait aller en Afrique les Chananéens chassés de Palestine. (Nous signalons à ce propos à M. B., justement si friand de bibliographie, ce passage du Ta'mud de Jérusalem, Srhebiit, 36 c : Josué dit aux populations chananéennes qu'elles pouvaient émigrer si elles le désiraient ; les Girgasiens le firent et se ren- dirent en A/'r/çtcc.) Les traditions indigènes corroborent ces conclusious. Elles rapportent que les Mediouna, fixés aux environs de Tlemcen, étaient de religi(m juive avant l'arrivée des Musulmans; une légende place dans le Maghreb, près du lleuve Sabbatique (Ouadi's Sebt, Ouadi'r Remel) une popu- lation juive qui aurait donné à Alexandre des conseils de modération et de sagesse. On sait, d'autre part, que l'Afrique du Nord était habitée par des Juifs avant de tomber aux mains des Arabes. Cet ensemble d'indices est-il suffisant pour attester l'inlluence juive en celte région spéciale? La moindre inscription datée serait autrement probante. Quoi qu'il en soit, la thèse de M. Basset nous a valu un appendice qui forme un hors d'reuvre dans l'ou- vrage, mais qui est un chapitre bien instructif de folk-lore. « Pour établir que !a vénération du tombeau de Josué a pour point de départ une pratique juive », M. Basset a rassemblé des exemples du même genre ayant pour objet les personnages de la Bible dont les tombeaux ont été et soot encore vénérés par les Juifs, les Chrétiens et les Musulmans. > Cette liste peut êlrj complétée ainsi M. B. ne dit presque rien de la Perse, se trouvent de nombreux tombeaux de celte nature, mais elle est singulièrement riche, et elle donne une idée de la vaste érudition de notre savant confrère ; elle sera consultée avec fruit comme un répertoire précieux. ^L B. établit d'abord pour chaque légende, qu'elle a une origine juive, puis qu'elle est devenue chrétienne pour être adoptée ensuite par les Musulmans. Seulement M. B. ne montre pas que toujours la légende locale ail passé par ces divers stades, et c'est justement le postulat de sa ibèse. Il n'est même pas prouvé que ces légendes aient fait leur première apparition chez les Juifs. Ainsi la légende qui fait enterrer Adam à Jérusalem n'est pas nécessairement juive parce qu'elle est consignée dans la Caverne des Trésors, qui renferme beaucoup d'éléments agadiques : il en faudrait trouver des preuves dans l'ancienne littérature midraschique. A ma connaissance, le seul texte qui parle de la tombe d'Adam est le Pirké de R. Eliézer, qui l'identifie avec celle de Machpéla.

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BIBLIOGRAPHIE 288

1791 de traverser la cour du château (p. 211). La Société populaire fait fermer la synaj^ogue pendant la Révolution (p. 363). Le 12 septembre 1808, en application du décret du 17 mars 1808, le Conseil de vile accorde à 29 chefs de famdles le cerlilicat constatant qu'ils ne se sont pas livrés à l'usure, et l'ajourne ou le refuse pour neuf autres (p. 4G'J). En 1840 (p. 51^9), le nombre des Israélites sélève à51U, et en 1843 le maire adresse à leur sujet au f^ouveruemeul un rapport des plus favorables. (H.)

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La seule chose intéressante que nous ayons lue dans ce travail est la comparaison du S. Héchalot avec les Livre des Secrets d'Hénocb. Quant à la notice sur l'Apocalypse d Elle, Sèder Hliahou, à laquelle l'auteur avait consacré une étude, en 1897 (élude, dit le prospectus, qui est le garant de la valeur de la présente monographie !), c'est de la haute fantaisie.

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Il faut être reconnaissant à M. C. d'avoir rendu accessible à la majorité des lecteurs un travail excellent connu seulement de ceux qui savent le russe. Le contraste entre ce travail et celui de M. H.-L. Strack, consacrés tous les deux au même sujet, l'accusation du meurtre rituel portée contre les Juifs, est extrêmement frappant. Tandis que M. H.-L. S. s'efforce de laisser parler les faits, en s'effaçanl lui-même, au risque même de produire une impression de sécheresse, M. C. écrit avec une verve qui tient tou- jours en haleine le lecteur; son tempérament combaltif ne saurait se ré- soudre à une œuvre de statistique, et ces qualités rendent sa démonstra- tion vivante et émouvante. Les considérations générales ne retiraient pas, et il sème à travers ses plaidoyers des idées profondes et lumineuses. Il n'oublie rien d'essentiel, mais ne relève que ce qui est essentiel. En fait, l'élude de cette accusation ne constitue qu'une partie du travail de M. C. Le premier chapitre, qui forme la moitié de l'ouvrage, est une rélutation éloquente et savante des erreurs courantes sur l'enseigenement du Tal- mud et des rabbins touchant je christianisme et les chrétiens, A ce propos, M. C. étudie avec ampleur l'histoire du Pharisaïsme et en retrace la doc- liine avec la compétence qu'on lui connaît. Une de ses idées de prédilection est que le christianisme à l'origine était conforme au Pharisaïsme, et que les Pharisiens visés par les Evangiles ne sont que les faux Pharisiens, dénouées par les Pharisiens eux-mêmes. Que M. G. se laisse ainsi entraîner par l'esprit de système au delà de la vraisemblance, il ne servirait de rien de le dissimuler, mais les historiens qui veulent atteindre à l'impartialité devront méditer ces pages vigoureuses le rôle des Sadducéens et des Pharisiens les rapports du christianisme avec le juiia'isme, l'esprit du Talmud et de la morale juire, sont mis en pleine lumière.

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Les études sur la prosodie et la strophique des écrivains bibliques se sont multipliées dans les dernières années, mais les résultats en sont sujets à cau- tion. La plupart des exégètes ou philologues qui ont écrit sur ces matières ont transformé en systèmes des observations qui s'appliquaient à des morceaux ou à des versets isolés, et ils ont cru avoir découvert les lois générales de la composition poétique ou prophétique. Le travail de M. Cornill ne fait mal- heureusement pas exception à la règle.. .

En préparant le texte de Jérémie pour la Bible en couleurs, M. Cornill a cru s'apercevoir que les morceaux poétiques de ce prophète étaient formés d'octastiches ou de quatrains dont chaque ligne a deux stiches, et il vient de publier ces morceaux ainsi disposés.

Ce qui enlève, dès l'abord, toute confiance dans le système de M. Cornill, c'est que le premier morceau apparaît, pour ceux qui n'ont pas l'esprit pré-

BIBLIOGRAPHIE 287

venu, comme étant de la simple prose. On n'y voit pas trace de parallélisme et on n'y découvre aucun inilice de style poétique. 11 est très vrai que par- fois les prophètes s'élèvent jusqu'à la poésie, mais ce n'est vraiment pas le cas pour le premier chapitre de Jéréinie. Et l'on se demande alors pourquoi l'auteur aurait écrit en octastiches.

Si cependant la réparlilio i en stiches et en strophes correspondait à une division naturelle des phrases, nous serions obligés de l'accepter. Mais, dès les premières lif^nes, l'arbitraire des procédés employés par M. Cornill est manifeste. Dans le premier verset (i, 15), le mol miD77372 est placé dans un stiche, et son complément ;^3"IS^ V^H dans l'autre. Est-il possible qu'un écrivain hébreu ait séparé de la soi te un nom construit du com auquel il est annexé? Les mots nïTD^ "^"IN forment un stiche avec ';i ÛN3, mais cette dernière locution Ibrme un stiche a elle seule au verset 19 et ailleurs.

Les sliches varient de lonf^ueur dans des proportions énormes. Ils vont de sept lettres, p. ex., m, "ly, C"'"inN i<bl, à vin^-l-cinq lettres, dans m, 5, ly^TO^r; Db^DlT^m mirî'^n Tl^an. La division en strophes ne tient aucun compte de la séparation logique des pensées. Ou peut en juger i)ar les versets 4 et 6 du chapitre ii :

■^bi'70 ^•prn ■'D biy •'n û^^-n^N iwXi:?: nw

'^T r!\^ inwN >îbT ibnn-'T bnnn ^inx _iDbii

nmTja i;rN ']ibi73r: û^-i2:?3 y-iN73 13pn nby?:^;

D':: mN nu:-^ N5t ^"'N nn -^^y Nb y-iiA^

Il serait, avec la méthode de M. Cornill, très facile de découper en octa- stiches les premiers versets de la Bible et la Bible tout entière. Nous aurions :

y-]nn nNT û-.73">Dn nN û-'nbN ^"^3 n'^'mN-in

mnn -^sd by ^^m mai mn rirrir: -y-iNm

n'^73n "iiD by nDn-i73 aTtbN mm

mN ■'mi mN "'ni n'^nbn nT^N^i

et ainsi de suite. Il est évidei.l, eu effet, que l'on peut toujours diviser un verset hébreu quelconque eu fragments de deux, trois, quatre ou cinq mots, et qu'on arriverait à des résultats analogues avec des ouvrages écrits en n'importe quelle langue et dans la prose la plus prosaïque. A notre grand regret, nous sommes obligé de dire que le travail de M. Cornill sur les mor- ceaux métriques de Jérémie nous semble être le fruit d'une illusion. Mayer Lambert.

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Eppenstein (s.)- Isliak ibn Baroun et ses comparaisons de l'hébreu avec l'arabe. Paris, Durlacher, 1901 ; iu-S*^ de 45 p. ^Tirage à part de la Revue des études juives, t. XLI-XLII.)

Erbt (W.). Die Purimsage in der Bibel. Unlcrsuchungen iiber das Buch Ester u. der Estersagc verwandte Sagen des spiiteren Judenthums. Ber- lin, Reimer, 1900 ; in-S» de v + 92 p.

Eys (W.-J. van). Bibliographie des Bibles et des Nouveaux Testaments en langue française des xv^ et xvi"^ siècles. I. Bibles. Genève. H. Kundig, 1900; in-80 de viii -|- 211 p. (H.)

Fabrège (F.). Histoire de Maguelone. T. II. Paris, A. Picard, 1900; in-4».

Déjà dans le t. I, Pauleur avait donné quelques indications sur les Juifs. Le t. Il comprend encore à leur sujet quelques pages (p. 473-481) plutôt médiocres. A quoi bon ces considérations sur les Juifs en général, considé- rations appuyées, d'ailleurs, sur des citations de l'abbé Lémann et de Gou- geuol de Mousseaux? A quoi bon publier à nouveau un acte déjà édité par M. Saige? (P. 479-480.) Et quel rapport entre M. de Rothschild (p. 474, n. 2) et les Juifs de Tévêché au xin° siècle? (U.)

Flemming (J.) et Radermagher (L.). Das Buch Henoch. Leipzig, Hinrichs, 1901 ; in-S° de 172 p.

FÔRSTER (G.). Das mosaische Strafrechl in seiner geschichtlichen Entwi- ckeluug. Leipzig, Veit, 1900; in-8o de 91 p.

Fridmann (Léon). Me'lhode de lecture hébraïque. Paris, Durlacher, 1901; in-8° de 67 p.

Friedmann (A.). Die Geschicbte Ser Juden in Ingolstadt (1300-1900). In- golstadt, KrûU, 1900; in-8° de 27 p. (H.)

Galliner (j.). Abraham Ibn Ezra's Hiobkommenlar auf seine Quellen un- tersucht. Berlin, Poppelauer, 1901 ; iu-8° de 59 p.

Gaster (M.). Ilistory of tbe ancieut Synagogue of Ihe Spanish and Portu- guese Jews. A mémorial volume writlea specially to celebrale the two- bundredth anniversary of ils inauguration, 1701-1901. Londres [impr. Harrison], 1901 ; in-4" de iv •\- 201 p., avec illustrations et fac-similés.

Geisendorf (T.u L'avènement du roi messianique d'après l'apocalyptique juive et les évangiles synoptiques. Thèse. Cahors, impr. Coueslaut^ 1900; in-8o de 256 p.

Giesebreght (Fr.). Die alttestamenllicbe Schâtzung des Gotlesnamens und ihre geschichtliche Grundlage. Kônigsbcrg, 1901 ; iD-8° de 144 p.

Pour saisir la portée des expressions bibliques, il importe de les replacer dans le cadre des idées anciennes. Ce principe, que les exégètes et les théo- logiens oublient quelquefois, M. Giesebrecht l'applique dune façon très in- téressante dans son étude sur la valeur que la Bible attribue au nom de la

BIBLIOGRAPHIE 289

divinité. Nous nous bornerons à indiquer les résultats les plus saillants de ce travail.

Le uora. pour les peuples primilii's, avait une très grande importance. Il n'est pas un simple sif.'^ue, mais une sorte d'objet réel, qui exerce une in- lluence sur l'être qui le porte. Celui qui connaît ce nom et sait s'en servir peut obtenir l'apparition de l'être dont il désire le secours. Invoquer le nom de Dieu, c'est donc contraindre la divinité à exaucer les supplications qu'on lui adresse. Sans doute cette idée a pu s'épurer avec le cours des siècles, mais elle a donné naissance à des formules liturf,'iques qui ont persisté. Le nom divin est une sorte de talisman très puissant pour les bénédlViions et les malédictions. D'autre part, le nom est le représentant de la divinité ; il remplit parfois le même rôle que Vange ou la face de Dieu. C'est ainsi qu'on peut s'expliquer l'expression du Deutéronome : Dieu fait résider son nom dans le sanctuaire. Entre l'idée vulf^aire que Dieu séjourne lui-même dans son temple, et la coDception spiritualiste de la divinité, l'écrivain biblique a fait une sorte de compromis. Dieu ne réside pas dans une maison, mais son nom, qui est son émanation, peut être localisé. Le nom divin inspire non seulement le respect, mais encore la terreur, et il peut être dan/rereux de le prononcer. L'habitude de remplacer le nom propre de Dieu par un équivalent parait remonter à une assez haute antiquité. C'est ce qui explique que dans les noms propres des Sabéens, qui étaient polythéistes comme le prouvent les inscriptions, on trouve si fréquemment le nom êl. Ce nom n'est pas l'indice d'un syncré- tisme monothéiste, mais il remplace un nom propre quelconque de divinité, que l'on redoutait de faire eiitrer dans un nom propre humain. Au lieu du nom propre, on emploie aussi les termes de parenté, père, frère, oncle, ou simplement le mot : son nom : Samuel, par exemple, sijrni!ie : son nom est Dieu, c'est-à-dire .IHVH est Dieu, et équivaut à D'^^bx" NI" 'H- On trouve des noms analogues en phénicien.

L'ouvrage de M. Giesebrechl mérite d'attirer l'attention de ceux qui s'oc- cupent d'études bibliques ou de folklore. Il a le grand mérite de substituer à des déSnilions vagues, dont M. G. reproduit, en les critiquant, quelques échantillons, des notions précises et exactes sur le rôle que joue le nom divin dans la Bible. Mai/er Latnbert.

Glaser (E.). Jehowah-Jovis und die drei Sôhue Noah's. Ein Beitrag zur vergleichenden Gôtterlchre. Mimich, Lukaschik, 1901 ; in-8° de 28 p.

Grunbaum (M.). Gesammelte Aufsatze zur Sprach-und Sagenkunde, hrsg. von Félix Perles. Berlin, Calvary, 1901 ; in-8° de xviii -|- 600 p.

Ce volume de mélanges contient : un long travail paru dans la Z. D, M. G., XXXI, Contributions à la mythologie comparée tirées de la Haqada (p. 1-23"); une étude publiée dans le même recueil, t. XXXIX et XL, sur le Schem Hammcphorasch considéré comme le calque d'une expression ara- méenne ci sur les imitations verbales en général [p. 238-434); une courte note sur les différents degrés de l'ivresse dans les récits populaires (p. 435- 441) ; des miscellanées : L'étoile Véntis: les Minim dans le Talmud (p. 412-456) ; 5" Assimilation et étymologies populaires dans le Talmud (p. 457- 469); Les t deux mondes chez les auteurs arahn-persans et juifs (p. 470- 514); -i propos de Jussuf et Suleicha (p. 515-ool); L'édition de Schechla-Wssehrd de Jussuf et Suleicha (p. 552-593). L'ouvrage se termine par deux index, celui des matières et celui des mots hébreux, composés par M. Félix Perles, qui a écrit également l'introduction. Il faut remercier notre jeune collaborateur et d'avoir réédité ces diverses études et de les avoir rendues utilisables par la confection de ces index. Ou sait, en ellet, que Grunbaum ne s'est jamais avisé de fournir à ses lecteurs les moyens de se débrouiller au milieu de ses dissertations scientifiques, faites de pièces et de morceaux se suivant dans un désordre parfait. Ce délaut de composition a été pour beau- coup dans 1 inditléience qui a généralement accueilli ses travaux. Peut-être l'éditeur de ses Mélanges, qui a eu la bonne idée de rejeter au bas des T. XLIII, nO 86. 19

290 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

pages les notes qui émai lient le texte même, aurait-il rendu aux lecteurs un service plus grand encore en coupant ce texte par des tgtes de chapitres. Cela est vrai surtout du premier travail, qui, à notre sens, est celui qui fait le plus honneur à son auteur. Dans cette étude, bourrée de faits et d'idées, Grûnbaum a rapproché un grand nombre d'agada de fictions ana- logues, et pour cela il a mis à profit ses lectures immenses, sa connaissance exacte des laogues anciennes et modernes, classiques et orientales. En un sens, il est permis de dire qu'il a été le père des études folkloriques juives. Ce qui ajoutait plus d'autorité à ses aperçus, c'est que chez lui le littérateur se doublait d"un philologue consommé. Malheureusement Grûn- baum, après avoir confronté les dires analogues, jugeait son rôle terminé, laissant aux lecteuis le soin de conclure. Ainsi entendue, la méthode cowi- parative est stérile. Mais ce n'est pas un mince mérite qu'avoir amené à pied d'oeuvre les matériaux que d'autres utiliseront pour leurs constructions. Nous avons eu trop souvent l'occasion de tirer parti des richesses oilerles ainsi par l'auteur pour ne pas rendre à sa mémoire l'hommage de reconnais- sance qui lui est dû. Ce recueil est indispensable à quiconque veut se faire une idée nelte de la agada, c'est-à-dire des inventions poétiques de l'ima- gination juive en dehors de la Bible et des apocryphes et des éléments populaires et universels qui y sont entrés.

GuERRiERi (G.). Gli Ebrei a Brindisi e a Lecce, 1409-1497. Contributo alla sloria dell' usura nell' lialia méridionale. Turin, Bocca, 1900; in-8° de 32 p. (Extrait des Studi Senese, XVII.) (H.)

GuNKEL (H.). Genesis, ûberselzt u. erklârt. Gottingue, Vandenhoeck et Ruprecht, 1900 ; in-8" de viii -{- lxxiv + 450 p. (Handkommenlar zum Allen Testament hrsg. von W. Nowack).

GuTiiE (H.) and Batten (L.-W.). The books of Ezra and Nehemiah. Leipzig, Hinrichs, 1901 ; gr. in-S» de 70 p. (Collcclion P. Haupt.)

Hague (G.). Some practical sludies in the history and biography of Ihe Old Testament (Genesis lo Deuteronomy). New-York, Réveil, 1901 ; in-8° de 546 p.

Halévy (J.). Recherches bibliques. L'histoire des origines d'après la Ge- nèse. Texte, traduction et commentaire. Paris, Leroux, 1901 ; in-8° de 153 p.

Hartmann (P.-D.V Das Buch Ruth in der Midrasch- Litleratur. Francfort, J. Kaufifmann, 1901 ; in-8° de xiv -f- 100 p.

Ces sortes de monographies sont de très utiles contributions à l'histoire de l'exégèse biblique. Elles serviront un jour à la composition d'un dictionnaire de la' Bible d'après les anciens interprètes. Il faut être reconnaissant aux savants consciencieux qui préparent les matériaux de ce vaste répertoire. Dès à présent, on les consultera avec profit. M. H., très justement, a fait entrer dans son inventaire les anciennes versions, comme la Peschito et le Targoum; mais pourquoi en a-t-il exclu les Septante?

Hering (F.). Die homiletische Behandlung des Allen Testaments. Leipzig, Deichert, 1901 ; in-S» de 168 p.

HoLziNGER (H.). Das Buch Josua erkliirt. Tubingue, Mohr, 1901 ; in-8° de XXII -|- 103 p. (Kurzer Hand- Commentar zum A. T. hrsg. von K. Marti).

HoMMBL (F.). Der Gestirndienst der alten Araber u. die allisraelitische Ueberlieferung, Munich, Lukaschik, 1900 ; in-8° de 32 p.

niBLlOGRAPHIK 291

HoRoviTz (M.). Die Inscliriften des alten Friedhofs der israel. Gemeinde zu Fraukfuit a. M. Francfort, Kaiiflmann, 1901; in-8« de lui + TGS p.

Jahresbericlit (VIII.) der israeliliscb- Iheologischcn Lehranslalt in Wien fur das Sohuljalirlî)00-lî)01. Voran geht : Der hermcncutische Syllo- gismus in dor talmudischen Litleratur. Ein Beitrag zur Geschichle der Logik im Morgenlande vom Reclor Prof. D-" Adolf Sohwarz. Vienne Verlag der Israël. -theol. Lehranstalt, 1901 ; in-8" de 210 p.

Jahresbericht (XXIV.) der Landos-Rabbinerschule in Budapest iiber das Schuljahr 1900-1901. Voraugeht : Das mosaisch- lalmudische Strafge- ricbtsverfahren, von Prof. Moses Bloch. Budapest, 1901 ; in-S» de iv + tl -{- 32 p.

Jahres-Bericht desjud.-tbeolog. Seminars Frânckel'sche Stiftung. Voran geht : Geschichte der Juden in Schlesien. III. Von 1400-1437. Von M. Brann. Breslau, impr. Schalzky, 1901 ; in-S» de p. 81-104 + p. xxxv- LXX + 12 p.

Jewish Encyclopedia (The). A descriptive record of the historv, religion, hterature and custoras of the Jewish people from the earliest times the présent day. Vol I : Aagh-Apogalyptic literatur. New-York et Londres, Funk et Wagnalls C'°, 1901 ; gr. in-4'' de xxxviii + 685 p.

Notre savant collaborateur M. S. Poznanski rendra compte prochainement de celte importante publication. Nous voudrions dire dès à présent l'im- pression quelle nous a produite. Qu'on ait fait autour de cette œuvre une réclame exagérée et coûteuse cela n'est pas douteux ; que l'excès des illustrations inutiles ou même naïves soit quelque peu agaçant, nous en convenons encore; qu'on ait chargé de certains articles des' savants dont l'autorité n'est pas indiscutable, bien qu'il nous en coûte de le dire, le fait est indéniable. Mais ces défauts nempêchent pas la Jewish Encyclopedia de répondre à ce qu'on attendait d'elle, detre un instru- ment de travail dont le besoin se faisait sentir depuis longtemps et quon n'espérait plus. De nos jours, il est impossible, même au génie le plus encyclopédique, ae tout savoir et encore ne parlons-nous que des choses juives; —le plus instruit, lorsqu'il veut s'éclairer sur un point, est embarrassé parfois, faute de savoir s'orienter. Avec la Jew. Encyclopedia la science sera à la portée de chacun. D'autant plus que généralement les édi- teurs ont distribué aux savants les mieux qualifiés les articles de leur compé- tence. C'est ainsi que l'article Alexandrie est l'œuvre de M. E. Schurer, Alsace de R. Reuss, Alphabet de Lidzbarski, les notices sur les rabbins de l'agada de M. Bâcher, l'histoire d'Espagne de M. KayserUng. L'Encyclopedia a mis en lumière les qualités de deux savants jusqu'ici peu connus : M. S. Men- delsohn, collaborateur de notre Bévue, qui traite de la biographie des doc- teurs du Talmud, et surtout M. L. Ginzberg, qui a fourni le plus de tra- vail. Ce jeune savant possède une sérieuse érudition dans le domaine de l'ancienne littérature juive comme dans celui du moyen âge ; il a lu et il a du jugement. Une innovation très heureuse, qui justement lui est due, est la biographie des personnages bibliques d'après l'Agada. L'auteur, cela va sans dire, s'est contenté de donner le sommaire des matières éparses daas les Midraschim sans faire de recherches sur l'origine de ces éléments. Nous faisons les vœux les plus sincères pour la réussite de celle belle entreprise, qui fait honneur aux Etals-Unis. Quand les éditeurs pourront-ils planter le drapeau au faîte de l'édilice, ils ne le savent pas eux-mêmes, sans doute ; mais pour y arriver plus sûrement, qu'ils nous fassent grâce d toute celle imagerie, de toutes ces pages de musique, do ces photogra phies de synagogues américaines, etc., dont on se passerait sans regret.

292 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

JOBSTKN. Zur Geschichte der Ilexen und Juden in Bonn. Eine Kulturge- schichlliche Studie. Bonn, C. Georgi, 1900; in-8° de 47 p.

La partie la plus importante de cette étude est réservée aux Juifs. Elle comprend surtout la publication (pp. 14-31) d'une ordonnance de 1GS6 en sept chapitres. Quelques notes sur les Juifs au xviii» siècle, particulièrement sur les mesures prises par le gouverneur contre les Juifs mendiants. Les pp. 41-47 sont consacrées au xix" siècle. (H.)

JORGA (N.). Notes et extraits pour servir à l'histoire des Croisades au xv° siècle. Seconde se'rie. Paris, 1899; in-8".

Mentionne, d'après les comptes d'Alphonse l", roi de Naples, les paie- ments lails à des Juifs convertis (1447-1451) (p. 48). Publie (p. 255), d'après les Archives d'État de Naples, un mandement imposant une amende aux Juifs de Calabre (et des Abruzzes, de la Terre de Labour, etc.), en com- pensation des vexations et dépenses que les Juifs de Terre Sainte sont accusés d'avoir causées au monastère des Frères Mineurs de Sion. Un appendice est consacré à Bertrand Mignarelli de Sienne, qui voyagea en Orient, et à deux de ses ouvrages, non connus de Baluze et qui peuvent intéresser en quelques points l'histoire des Juifs. (H.)

Journaux (Les) du Trésor de Philippe VI de Valois, suivis de VOrdinarium thesauri de 1338-1339, publiés par Jules Viard. Paris, impr. Nationale, 1899 ; in-4°. (Collection des documents ine'dits.)

Les registres du Trésor de 1328 et 1349 mentionnent : le versement fait à Philippe 1" d'Anjou par Roger de Tours et Jean Payen, commissaires sur le fait des Juifs en Languedoc, d'une somme de 3,000 1. t. en compte sur une somme de 70,000 1. dues à ce prince par Philippe-le-Bel (p. 2); un autre versement fait au Trésor (avril 1349) par Benedicl Broissardi, commis- saire sur le fait des Juifs en Languedoc (p. 182) une recette de 9 1. t. (mai 1349) versée par Jean de Saint-Adieu, commis à la poursuite des dettes des Juifs dans les bailliages de Bourges et d'Auvergne (p. 231). (H.)

JuLius (C). Die griechischeu Danielzusâtze und ihre kanonische Geltung. Fribourg-en-Brisgau, Herder, 1901 ; in-S" de xi + 183 p. (Biblische Studien hrsg. von 0. Bardenhewer. VL Band. 3. u.4. Heft.)

Kahn (s.). Notice sur les Israélites de 'Nîmes (672-1808). Nîmes, impr. La Laborieuse, 1901; in-8° de 48 p.

Karppe (S.). Étude sur les origines et la nature du Zohar, précédée d'une étude sur l'histoire de la Kabbale. Paris, Félix Alcan, 1901 ; in-8° de x + 604 p.

[Ka.ufmann]. Gedenkbuch zur Erinnerung an David Kaufmann, hrsg. von M. Brannund F. Rosenlhal. Breslau, Schles. Buchdruckerei v. S. Schott- laender, 1900; gr. in-S» de ii + ii + lxxxviii + 682-1- 112 p. Table des matières :

1. Rosenthal : David Kaufmann ;

2. M. Brann : Verzeichniss der Schriften u. Abhandlungen David Kauf-

manns;

3. J. Barth : Ueber Sacharia Cap. 8;

4. D. IL Mûller : Slrophenbau in den Proverbien;

5. Théodore Reinach : Notes sur le second livre du Contre Apion de Jo-

sèphe;

6. Adolf Bûchler : Zur Verproviantirung Jerusalems im Jahre 69/70 nach

Chr,;

7. Ludwig Blau : "Wie lang stand die althebrâische Schrift bel den Juden

im Gebrauch?

BIBLIOGRAPHIE 293

8. M. F'riedmann : Eine Abraham-Légende ;

9. Immaiiuel Lciw : Die Finj^er in Lilteralur und Folklore der Juden;

10. h^uaz Goidziher : Die Sabbathinstitulion im Islam;

11. D. Simonsen : Tobit-Aphorismen ;

12. Israël Abrahaœs : An Arabie fragment of the scroll of Anlhiochus ;

13. M. Schwab ; Des versions hébraïques d'Arislote;

14. E.-N, Adler : Alcppo;

15. M. Lambert : Nouveaux fragments du commentaire de Saadia sur Isaïe

(xL, 2-5 et 10-11);

16. Morilz Steinschneider : Saadia Gaon's araiiische Schriften :

17. Samuel Poznanski : Jacob ben Ephraïm, ein anlikarâischer Polemiker

des X. Jahrhunderts;

18. Wilbelm Bâcher : Jehuda Ibn Tibboa's Irrthûmer in seiner Saadia-

Uebersetzung;

19. S. H. Margulies : Texlkritische Bemerkungen zum 4., 5. und 6. Capi-

tel des Emunolh we-Deoth ;

20. M. Gaster : Geniza-Fragmeute;

21. N. Forges: Ueber die Echtheit der dem Dûnasch b. Labrât zuge-

schriebenen Krilik gegen Saadia;

22. A. Berliner : Zur Charakteristik Kaschi's;

23. Neubauer : A Geniza fragment;

2't. A. Epslein : Die Wormser Minhagbûcher ;

25. Philipp Bloch : Ueber Simon WoltT Auerbach, Oberrabiner von Gros;-

polen;

26. Lewinsky : Der Hildesheimer Rabbiner Samuel Hameln ;

27. Israël Lévi : Alexandre et les Juifs d'après les sources rabbiniques;

28. A. Sidon : Die Controverse der S^'nhedrialhaupter;

29. M. Horowitz : Aus meinem Brietwechsel mit David Kaufmann;

20. D. Feuchtwang : Epitaphien mahrischer Landes-uad Localrabbiner von Nikolsburg ;

31. M. Brana : Eine Sammlung Fûrther Grabschriften;

32. Al. Bûchler : Die Grabschrift des Mardochai Mochiach;

33. BernliarJ Ziemlich : Eine Bûcherconliscalion zu Fûrth im Jahre1702;

34. Gustav Karpeles: Heinrich Heme"s Stammbaum vâterlicherseits ;

35. Emanuel Baumgarten : Zur Mâhrisch Ausseer Afi'aire;

36. Leopold Lôwenstein : David Oppenheim ;

37. Samuel Krauss : Joachim Edler von Popper ;

38. Max Freudenthal : R. David Frànckel;

39. Bêla Bernstein : Die Tolerauztaxe der Juden in Ungarn ;

40. Albert Wolf : Das jûd. Berlin gegen Ende des 18. Jahrhunderts, in

Abbildungen und Medaillen ;

41. M. Gûdemann : Slellung der jûd. Lilteralur in der christlich-theolog.

Wissenschafl wâhreud und am Ecde des 19. Jahrhunderts;

42. M. Klein : David Kaufmann als philosophischer Schriltsleher;

43. Hermann Cohen : Autonomie und Freiheit.

Partie hébraïque :

1. M. Friedlaender : Commentaire arabe sur la péricope nbCS par n

auteur de l'école ailégoriste;

2. Salomon Buber : Commentaire de Joseph Cara sur les Lamentations;

3. S. Schechter : Version du C"ip, d'après un fragment de la Gueniza

du Caire ;

4. S. -P. Rabinowilz : Contributions à l'histoire des communautés juives l'e

Lilhuanie au xviii"" siècle;

5. F. Wetstein : Archives de la communauté juive de Cracovie ;

6. S.-J. Halberstam (feu) : Liste des documents inédits publiés par David

Kaufmann.

294 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

KÔNia (E.). Das Berufungsbewusststein der alttestamentlichen Propheten. Barmen, Wuppeithaler Traktal-Gesellschaft, 1900 ; in-S'^ de 28 p.

KôNiG (E.). Hebrâiscb u Semitisch. Prologomeua u. Grundlinien einer Geschichle der sumilisclieu Spracheo, uebst einem Eskurs ùber die vorjosuanische Sprache Israels u. die Pentateuchquelle P G. Berlin, Reuther et Reichard, 1901 ; in- 8" de viii -\- 128 p. Voir plus loin.

KôNiG (E.). Stilistik, Rhetorik, Poelik in Bezug auf die biblisclie Litteratur komparativisch dargestellt. Leipzig, Dietrich, 1900 ; in-8o de vi -f- 421 p.

KoHUT (A.dolph). Berùhmte israelitische Mânner u. Frauen in der Kultur- geschichte der Menschheit. 2. Baud. Leipzig- Reudnitz, A. -H. Payne, s. d. ; gr. in-S" de vi + 432 -f- de nombreux portraits et illustrations.

Kraetzsghmar (R.). Prophet und Seher im alten Israël. Tubiugue, Mohr, 1901 ; in-8o de 32 p.

La-Bandk (H.-L.). Les Doria de France. Paris, A. Picard, 1899; in-S».

On sait qu'en un grand nombre de cas les Juifs du moyen âge n'ont été que les agents de financiers chrétiens. Notamment dans le midi de la France, il était dil'ficile aux Juifs de lutter contre la haute banque italienne. Le tra- vail de M. L. donne quelques nouveaux exemples de ces faits. Jossé Latès, de Saiul-Remy, Bouafos Falco, de Tarascou, Massip de Lisbonne, de Cavaillon, Abraham Jacob, de Salou, servent ainsi de courtiers à Louis Doria, un des rois du commerce méridional au xv» siècle, chambellan du roi René, propriétaire de comptoirs à Gènes, Marseille, Arles, Tarascon. Avignon et Montpellier (p. 63-64). Baptiste de Ponte (p. 134) se sert de même des Juifs pour ses achats de blé, de cuivre et surtout de laines. (H.)

Lattes (G.;. Vita e opère di Elia Beuamozegh. Livourne, impr. Belforte, 1901 ; in-80 de 165 p. (Avec le portrait de Benamozegh.)

iiEJEAL (G.). Jésus l'Alexandrin. Paris, Maisouneuve, 1901 ; iu-S** de 129 p.

Lévi (Israël). L'Ecclésiastique ou la Sagesse de Jésus, fils de Sira. Texte original bebreu, ëditë, traduit et commenté. partie : III, 6, à XVI, 26; extraits de XVIII, XIX, XXV et XXVI ; XXXI, 11, à XXXIII, 3 ; XXXV, 19, à XXXVllI, 27; XLIX, 11, à fin. Paris, Leroux, 1901 ; ia-8° de Lxx 4- 243 p. (Bibliothèque de l'École des Hautes-Études. Sciences religieuses. 10« volume, fascicule 2e.)

Ayant interrompu, dans la crainte de fatiguer l'attention des lecteurs, nos études sur les nouveaux fragments de l'Ecclésiastique (voir Revue, XXXIX, 1 et 177 ; XL, 1 et 253), nous nous permettons de résumer très succinc- tement ici les divers chapitres de l'introduction de ce 2" fascicule. Après une description des quatre exemplaires du texte (dont l'un n'est qu'un recueil de morceaux choisis), nous abordons le problème qui a déjà fait couler tant d'encre : les fragments hébreux représentent-ils l'original ? Après une nou- velle étude, nous avons cru devoir persévérer dans certaines conclusions que connaissent nos lecteurs : le cantique alphabétique de la tin est la retra- duction de la version syriaque; les mss. B et A contiennent des doublets généralement empruntés à la même version et se trahissant, entre autres, par les contre-sens et la langue, mais U n'y a pas de doublets provenant du grec (contrairement à ce que nous avions admis un instant). Toutefois ces

BinLIOGRAPHlE 29b

inlerpolalions el corrections ne prouvent pas que tout le texte soit une relra- duction; des indices internes contredisent pôremptoiremcut une pareille hypothèse, à laquelle nous nous étions rallié avec trop de précipitation. En gros, nos Iraj^ments re|irésenlent donc bien l'original, mais avec des altérations diverses, et des interpolations dues à un auteur qui utilisait la version syriaque. Un chapitre est consacré à l'étude d'un cantique nouveau, qui manque dans les versions et qui contient à la fois une bénédiction rela- tive aux Sadocites et des morceaux ayant trait à l'avènement du Messie. Ces morceaux sont contraires, par l'esprit, aux conceptions authentiques de l'auteur, et, d'autre part, oll'rent une ressemblance étonnante avec le Sche- moné Esrè ou les Dix-Huit bénédictions, œuvre des Pharisiens. Après une discussion, très pénible, nous concluons, faute de mieux, à cette hypothèse, que ce Psaume a conservé des traces de sa forme primitive la mention des Sadocites, par exemple, mais a été corrompu par un scribe qui y a fait entrer des éléments empruntés au Schemoné Esrè. La vieille version latine, connue déjà au commencement du iiP siècle, est intérestanle pour l'hiMoire du texte, parce que, bien que calquée sur le gvec, elle révèle des corrections faites incontestablement d'après l'hébreu et quelquefois le syriaque, mais ces variantes sont généralement celles d'une revision du grec dont Clément d'Alexandrie, mort en 217, a gardé de nombreuses leçons. Enfin, nous essayons de montrer que diverses opinions hérétiques de l'auteur, sa misogynie, sa prédilection pour certains lieux communs révèlent une inlluence de l'hellénisme, spécialement des idées d'Euripide. Nous avions déjà, dans le premier fascicule, signalé cette action de l'hellé- nisme sur les procédés littéraires de l'auteur. En disant « deuxième partie », nous avons voulu ne pas déclarer clos notre travail, espérant, contre toute attente, la découverte de nouveaux fragments. En terminant, nous prions les lecteurs de vouloir bien consulter la table des additions et rectifications, de nombreuses fautes s'étant produites à l'impression et nos vues s'étant parfois modifiées avec une étude du texte plus attentive et mieux informée. Que beaucoup de nos explications et interprétations laissent subsister des doutes et n'emportent pas la conviction, nul ne le sait mieux que nous; nous ne nous sommes pas, d'ailleurs, fait faute de dénoncer nos hésitations et notre incertitude.

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Quelques mots (p. 291-293) sur les Juifs au moyen âge, d'après l'ouvrage de M. Saige. Les Juifs sont sous l'autorité de l'éTêque, et par un mande-

296 REVUE DES ETUDES JUIVES

ment de 1306, dont l'analyse est reproduite par M. Martin dans son Cartu- laire de la Ville de Lodève (Lodève, 1900, in-8, lxxiv), Philippe IV recon- naît les droits (taxes, péages, juridiction) de Déodat de Boussagues. Au XVIII* siècle, des marchands juils d'Avii^non assistent aux foires : ils doivent, en arrivant, faire consigner leur nom à THôtel de ville, et les registres du Conseil de ville portent ainsi des signatures en hébreu ou en français Cp. 233-234) (H).

Me CuRDY (J.-F.). History, prophecy and monuments of Israël and thc nations. Vol. V. 3. New-York, Macmillan, 1901 : in-8° de xxiii -f- 4~0 p.

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Mitteilungeu der Gesellschaft fiir jûd. Volkskunde, hrsg. von M. Griin- wald. Hefl VIII. Hambourg, à la Société, 1901 ; in-B" de p. 1-109.

Contient: Einiges aus den Me.noiren der Glûckel von Hameln, von L. Ysaye; Die Sorache der Memoiren Glûckels von Hameln ; Ein hebr. Lied zu Simchath-Thora aus Buchara und Jemen, von W. Bâcher; Engelnamen, von S. Krauss, etc.

Mitteilungen der Gesellschaft fiir jùd. Volkskunde, hrsg. von M. Grûnwald. Heft VIII. Hambourg, à la Société [1901, 2^ fascicule^ ; ii)-8° de p. 111- 192 -f 4 planches.

Contient principalement une étude de M. Grûnwald sur les noms hébreux et la traduction d'un mémoire de M. Bersohn sur les anciennes synagogues en bois de Pologne.

MoREL (0.). Mémoires et documents publie's par la Socie'té de l'École dos Chartes. III. La Grande chancellerie royale et l'expe'dition des lettres royales de l'avènement de Philippe de Valois à la fin du xiv*^ siècle. Paris, Picard, 1900 , in-8° de 359-3G2 p.

Renseignements nouveaux sur les tarifs spéciaux auxquels était soumis au xiv" siècle, renregistremeot des lettres des Juifs. Le Sceau des Juifs, créé par Philippe-Auguste, avait été supprimé en 1220. Lorsqu'en 1317 une ordonnance permit aux Juifs récemment rentrés en France le prêt sur lettres en même temps que le prêt sur gages, l'enrcgistremeut de leurs contrats se fit par les voies ordinaires, mais un tarif spécial leur fut appliqué. M. M. publie trois règlements donnant en détail le prix des lettres de chancellerie sous Philippe-le-Bel et sous Charles V. Sous Philippe-le-Bel, les Juif^ paient le double, et pour les chartes, le triple du prix ordinaire. Charles V abaissa un moment le tarif au début de son règne, mais quelques années après les Juifs de France payaient pour leurs chartes 12 1. parisis (au lieu de 3, tarif ordinaire , les Juifs de Navarre, 21 1. 2 s. tournois, c'est-à-dire le double des chartes de Navarre, et les Juifs de Champagne 42 1. t., c'est-à-dire le quadruple des chartes de Champagne, qui déjà étaient sou- mises a un taiif beaucoup plus élevé. (H.)

Neteler (B.). Beitrag zur Uniersuchung der Geschichte des altteslament- lichen Kanons. Munster, Theissing, 1901 ; in-8° de 32 p.

Neviasky (A.). !^3>~ T'ri^^^ ^'"i:^ inrc Rituel du judaïsme, traduit pour la première fois sur l'original chaldéo-rabbinique et accompagné de notes et remarques de tous (!) les commentateurs. V. Orléans, Michau, 1901 ; in-8» de 96 p. Id., VI, 85 p.

On voit que le nom de fauteur de cette publication a changé : ce n'est plus maintenant M. de Pavly. C'est le seul changement à constater.

Niebuhr (C). Tell El Amarna period. Relations of Egypt and Western Asia in the 15th century B. C. Londres, NiMt. 1901 ; in-S" de 64 p.

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Voir plus haut, p. 222.

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Reinagh (Th.). Histoire des Israélites depuis la ruine de leur inde'pen- dance nationale jusqu'à nos jours. 2'^ édition revue et corrigée. Paris, Hachette, 1901 ; in-8'' de xix +415 p.

Il y aurait quelque impertinence de notre part à apprécier cette deuxième édition : il nous faudrait redire, et moins bien à moins de le copier, le jugement porté ici même, sur la première, par notre regretté Isidore Loeb (t. IX, p. 306). M. Th. Reinach n'a rien ciiangé au cadre, et il a eu raison : il est parfait et il a fallu un véritable tour de force pour grouper des faits qui ont eu pour théâtre les régions les plus diverses dans un ordre har- monieux, à la (bis logique et chronologique. 11 a fallu également toutes les ressources d'un st^'le éloquent et pittoresque, précis et élégant pour faire de cette histoire un livre de lecture attachant, non seulement pour les Israélites, mais pour tous ceux qui veulent s'instruire. La litlérature nuit souvent à la science : ici elle la sert. M. Th. Reinach s'est proposé et à notre avis il y est parvenu d'atteindre à l'impartialité; cette équité e&t assurément alliée à la sympathie, mais cette disposition d'esprit n'esl-elle pas une des conditions essentielles d'un jugement éclairé '? M. Th. Reinach avait déjà fait admirer, dans la première édition, ces qualités multiples et rarement réunies, mais, en 1882, il abordait seulement le domaine de l'his- toire juive et se contentait de rendre accessible, en le condensant et ea l'a- nimant, l'immense travail de Graetz. Depuis, M. Reinach a eu l'occasion d'examiner directement beaucoup de matériaux de cette histoire, en parti- culier les textes relatifs au Judaïsme et aux Juifs dans le monde grec et dans

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l'empire romain; notre Revue a mis au jour dps documents nouveaux et de prix dont il a su reconnaître l'importance; l'histoire des Juifs de France s'est considérablement enrichie et précisée. Aussi, la deuxième édition, toute fidèle qu'elle soil au plan de la première, en dilFère-t-elle notablement par les rectifications, les additions et les suppressions; c'est, en réalité, une nou- velle œuvre, que nous ne craindrons pas d'appeler un chef-d'œuvre. Qu'on y puisse relever quelques erreurs de détail, que la bibliographie de la fin mette sur le même plan des travaux de premier ordre et des opuscules sans intérêt, que les réflexions servant de conclusion ne soient pas du goût de tous les lecteurs, ce sont menues critiques qui ne troublent en rien l'impression que laisse cet ouvrage, supérieur en beauté, en philosophie et en savoir à tous ses devanciers.

RussELL (G.) and Lewis (H. -S.). The Jew in London. A study of racial character and present-day conditions, with an introduction by Canon Barnelt and a préface by the right honor. James Bryce. Londres, Fisher Unwin, 1900 ; in-8« de xlv + 238 + 1 carte.

Saadia Al-Fajjumi's arabische Psalmeniibersetzung u. Commenlar (Psalm 50-72), hrsg., iiberselzt u. mit Anmerkungen versehen von S. Baron. Berlin, Poppelauer, 1900; in-8'^ de 83 + sxix p.

Sarowy (W.). Quellenkrilische Untersuchungen zur Geschichte Kônig Salomos. Dissertation. Kœuigsberg, Leupold, 1900 ; in-8° de 55 p.

ScHiEFER (F.-W.). Die religiôsen und elhiscben Anschauungen des IV. Ezrabuches im Zusammenliang dargestellt. Ein Beilrag zur jiid. Reli- gionsgeschichte. Leipzig, Dôrffling et Franke, 1901 ; in-8° de vu + 76 p.

ScHLATTER (A.). Israels Geschichte von Alexander dem Grossen bis Ha- driau. Stultgard, Vereinbuchhandlung, 1900 ; in-8° de 342 p.

ScHLCEGL (N.). Ecclesiasticus (39, 12-49, 16), ope artis critice et melricse in formam originalem redactus. Vienne, Mayer et C"^, 1901 ; in-4° de XXXV + 72 p.

ScHMALZL (p.). Das Buch Ezechiel crklârt. Vienne, Mayer et G'*, 1901; in-8<» de xi + 473 p.

Schneider (G.)- L)ie zehn Gebote des Moses in moderner Beleuchtung. Francfort, Neuer Frankforl. Verlag, 1901 ; in-8° de x + 106 p.

ScHOLZ (A. von). Kommentar ûber den Prediger. Leipzig, Woerl, 1901 ; in de vu + xxviii + 229 p.

SCHWARz (Ad.). Der bermeneutische Syllogismus in der talmud. Litteratur, voir VIII. Jahresbericht der israel.-tùeol. Lehranstalt.

ScHWEizER (A.). Untersuchungen iiber die Reste eines hebr- Textes vom ersten Makkabàerbuch. Berlin, Poppelauer, 1901 ; in-8° de 103 + 13 p. Voir plus haut, p. 215.

Seraphim (B.). Soothssayer Balaam, or transformation of a sorcerer into a pvophet. Londres, Rivington, 1901 ; in-8° de 392 p.

Siegfried (G.). Esra, Nehemia und E-?ther iibersetzt u. erklàrt. Gottingne, Vandenhœck et Ruprecht, 1901; in 8*' de iv + 175 p. (Handkommeutar zum A. T. hrsg. von W. Nowack.)

SiLBBRSTEiN (E.). Conrad Pellicanus, ein Buitiag zur Geschichte des Stu-

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diums lier hcbri'iischeu Sprachc iii dor ersteii Iliilfte des XVI. Jahr- Lunderts. Berlin, Mayor el MuUcr, lUUO; iii-8" do viii + 104 p.

Le ch. i", consacré à la bibliof<raphie de Pellican, met en œuvre Ues ren- seignements déjà connus, notamment sur les relations avec Paul IM'edersheimer el Michel Adam, Juifs convertis, avec Ucucldin, etc. Le ch. u étudie l'œuvre de Pellican comme grammairien <ians son De modo lef/endi et intcUigendi hebrœi, dans ses Granimatira hehraica eUmenla, dans Vlnstitutiuncula, im- primée à la suite de Tédition de saint Jérôme, faite à Bùle en 1516. Le ch. m est consacré à ses travaux d'exéjièse et à ses traductions bibliques. Eidin, M. S. dresse une liste des écrivains de la littérature rabbinique que Pellican a étudiés ou traduits. (II.)

SiMONSEN (D ), Ilebraisk bogtryk i aeldre og nyere tid. Copenhague, impr. Nielson et Lydicbe, 1901; gr. iu--i"de 29 p , avec 1(5 reproductions photographiques et fac-similés.

Les plus anciennes et plus curieuses éditions hébraïques.

SiNKER (K.). Essays and studies. Cambridge, Deighton, Bell et C'®, 1900 ; in-8° de V -j- 21 p. (Contient, entre autres : The maxims of the Jewish Falhers, The authorship of Psalm ex, The Jewish Sabbalh, Christ in the Talmud, Kippod, Manasseh or Moses (Juges, xviii, 30), On grâce at meals in Ihe Jewish Church).

Smith (G.-A.). Modem criticism and the preaching of the Old Testament. 1-ondres, Hodder et Stoughtou, 1901 ; iu-8° de xii + ;V25 p.

Steuernagel (C). Die Einwanderung der israelit. Slamrae in Kanaan. Berlin, Schwetschke, 1901; in-8'' de vm -\- 131 p.

Stosgh (G.). Alltestamentliche Studien. V. Theil : Die Urkundeu der Samueisgeschichte. Giitersloh, Bertelsmann, 1900; in-S^ de vu + 200 p.

Stragk (H.-L.). Grammatik des Biblisch-aramâischen mit den nach Hand- schriften berichtigten Texten u. einem Wôrterbuch. 3. grossenteils neubearbeitete Auflage. Leipzig, J.-C. Ilinrichs, 1901; in-8° de 40 + 60 p .

Le succès de cette grammaire, qui eu est déjà à sa troisième édition, est légitimé par les qualité» qui la distinguent, à savoir : précision, netteté et concision. Nous louons surtout l'auteur d'avoir fourni aux lecteurs des spé- cimens des textes avec ponctuation et accentuation supralinéaire. Seulement 1 eût été bon de dire la valeur de ces signes.

Stragk (H.-L.). Die Sprûche der Vàter. Ein ethischer Mischna-Traktat, hrsg. u. erklârt. 3. wesenllich verbesserte Auflage. Leipzig, Hinrichs, 1091 ; in-8" de 58 p.

Nouvelle édition excellente.

SwETE (H.-B.). An introduction to the Old Testament in Greek. With an appendix containing the letter of Aristeas éd. by J. Thackeray. Cam- bridge, University Press, 1900 ; in-8'' de xi -\- 592 p.

Taylor (C). Caire Genizah palimpsests, hebrew-greek, from Ihe Taylor- Schechter collection, including a fragment of psalm XXII according to Origen's Hexapla. 11 coUotype plates- Londres, Clay, 1901 ; in-4o de 104 p.

Tedesghi (I.-R.). La Cabbala o la fîlosofia religiosa degli Israeliti. Trieste, impr. Morterra, 1901 ; 16 p.

300 REVUE DES ETUDES JUIVES

Textus hebraici emendationes quibus in Vetere Testamenlo Neerlandice ver- tendo usi sunt A. Kuenen, J. Hoovkaas, W.-IL Kosters, II. Oort, éd. Oort. Leyde, Brill, 1901 ; in-S" de iv + 150 p.

Urquhart fj.). Die neueren Entdeckungen u. die Bibel. 2. Band. Von Abraham bis zum Auszug aus Aegypten. Uebersetzt von E. Splied. Stuttgart, Kielmann, 1901 ; in-8'^ de xii + 331 p.

ViGOUROUx (F.). La Sainte Bible polyglotte, contenant le texte hébreu ori- ginal, le texte gcec des Septante, le texte latin de la Vulgate et la tra- duction française de Glaire. Ancien Testament. T. II. Paris, Roger et Chernoviz, 1901 ; in-8° de xi + 913 p.

WlERNiK (P.). ^^^■''ryj 3'CT'N N'^T History of the Jews from the earliest period to Ihe présent lime. New-York, Rabinowilz, 1901 ; in-8° de 381 p. Eq jargon judéo-allemand el caraclères hébraïques.

WoRGESTER (E.!. The book of Genesis in the light of modem knowledge. New- York, Me Clure, Philipps et C'% 1901 ; in-12 de xx + 572 p.

WORMS (M.). Die Lehre von der Anfangslosigkeit der Welt bei den mittel- alterlichen arabischeu Philosophen des Orients u. ihre Bekiimpfung durch die arabischen Theologen (Mutakallimun). Munster, AscheadorO",

1900 ; in-S" de viii -|- 70 (Beilriige zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters. Texte u. Untersuchungen hrsgg. von G. Baeumker u. G.-F. Hertling. Bd. III. Heft IV.).

Contient en appendice une dissertation d'Averroès sur la question d'après la version hébraïque.

V/right (a ). Psalms of David and higher criticism ; or, was David the sweet psalmist of Israël. Londres, Oliphant, 1900 ; in-S" de 266 p.

ZiMMERN (H.). Biblische und babylonische Urgeschichte. Leipzig, Hinrichs,

1901 ; in-8'^ de 40 p.

ZwiEBEL (S.). Perlenschnur talmud. Weisheit. Drohobycz, impr. Zupnik, 1901; 18 p.

Zeller-Werdmuller (h.). Die Ziircher Stadibùcher des XIV. und XV. Jahrhunderts. I. Leipzig, 1899 ; in-8**.

Ces registres renferment naturtUement un grand nombre de délibérations relatives aus Juifs de Zurich : juridiction réservée au Conseil de ville (p. 270-p. 3.5). décision visant les appels portés aux tribunaux rabbiniqucs de Worms ei de Rothenburg ; règlements pour la synagogue (p. 270) el le cimetière (p. 269] ; réglementation du prêt (p. 33, 66, 300); situation des Juifs bourgeois de la ville [p. 87, 125, 260; et étrangers (p. 320) ; mesures prises en leur faveur, sauvegardes, responsabilité des pères el maîtres dont les enfants et domestiques malmènent des Juifs (p. 143) ; inlerdiclio» de paraître en public pendant la semaine sainte [p. 17), etc. Les pièces 173 et 174 du 2*^ livre (p. 341-343) montrent le reteniissement sur la communauté de Zurich du martyre des Juifs de Schaifhouse (1401). Après avoir assuré de nouveau la sauvegarde des Juifs, la ville semble cependant en avoir l'ait poursuivre deux. (H.).

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Morris Joseph : Religions life in the home. R. Gottheil : Gleanings from Spanish and Portuguese archives. G. -G. Montefiore : The désire for immorlalily. II. -M. Adler : The Jews in southeru Italy. W. Bâ- cher : Einhebraisch-persiches Liederbuch. N. Porges : Zu Schechter's neuestem Geniza-Funde (voir le numéro préco'dent ; M. N. Porgès dit, avec raison, que les attaques contre la Bible contenues dans ce texte ne sont pas de l'auteur de l'écrit, mais sont des objections aux- quelles il répondait, montrant ainsi que les savants avaient autre chose à faire qu'à s'occuper des minuties de la Massora et de la grammaire). S -A. Hirsch : Isaiah XLV, 18, 19- M. Kayserling : Autos da and Jews. Crilical notices (inte'ressants comptes rendus, dus à M. C.-G. Montefiore, de Krauskopf, RabbVs impressions of the Oberanimergau pas- sion Play , et de Loisy , Études bibliques et La religion d'Israël). H. Hirschfeld : Descriptive Catalogue of Hebrew mss. of the Montefiore library.

Honutsscbrift fiir Gcschiehte iinil AVissensoli:ift des tTiidentliiinis

(Berlin). = = 44* année, 1900. == N" 9, septembre. D"" L. Kalzenel- son : Die riluellen Reinheit«gesetze in der Bibel u. im Talmud [suite, n" 10). Samuel Poznanski : Miscellen ûber Saadja (III. Die Berech- nung des Erlôsungsjahres bei Saadja, /?«, n°^ 11-12). Léo Bâck : Zur Charakteristik des Levi ben Abraham ben Cliajjim J. Kracauer : Ver- zeichniss der von Pfefïerkorn 1510 in Frankfurt a. M. confiscirlen jiid. Biichcr {suite, 10). rr: == N" 10, octobre. ==; = D. Griinewald : Einige Bemerkungen zu Maimuni's Mischna-Commentar des Tractats Erubin. J. Elbogen : S. D. Luzzato's Stellung zur Bibelkritik. = = N°M]-12, novembre-décembre. = ^^= [Bassfreund] : Die Erwahnuug Jochanans des Hohenpriesters im Pseudojonathan zu Deuter., 33, 11, und das an- geblich hohe Aller dièses Targum. S. Eppenstein : Die hebr.-ara- bische Sprachvergleichung des Jehuda ibn Koreîsch. Moritz Stein- schneider : Isak Israeli. G. Werner : Zum Antograph Abraham Maimuni's. Albert Wolf : Zwei auf Judentaufen beziigliche Medaillen.

Zwei ungedruckte ilalienische Briefe S.-D. Luzzatto's. := = 45^ an- née, 1901 (Breslau, Kocbuer). = = N°' 1-2, janvier-février. H. Flesch : Zur Exégèse der verschiedenen Namen der Stiflshûte. J. Krengel : Variae lectiones zur Tosefta. A. Epstein : Die nach Raschi benann- ten Gebâude in Worms. S. Horovilz : Das hebrâisch-persische Wor- terbuch des Salomo ben Samuel. F. H. Wetstein : Ursprung des

BIBLIOGRAPHIE 303

Faliennamens bxn. = = N"* 3-4, mars-avril. ■= Léo Biick : Har- nack's Voilosungen tiber das Wesen des Chrislenthums. J. Krengel : cbip'^CN. M. Sleinschnciiler : Saadia Gaons aral)ische Schriflen. Ad. Scbmiedl : Raudbemerkuugen zu Saadia's Penlaleuch-Uebersel- zung. M. Sleinscbneider : Zur Lillcratur der Maimonidcn. H. Ber- ger : Der Commenlar dos R. Benjamin b. Jehuda zu den Sprûcben. F. -H. Wetslein : Noch oin Wort uber die jvingst in Krakau auf^'efun- denen Grabscbrifien. Albert Wolf : Ein Amulel der Sammhing Strauss. Lewinsky : Ein Aktenstûck zur Geschicbte der Juden in Hildcsheim aus dem Anfange des 18. Jabrhunderts. Immanuel Lôw : Miscellen (sur les Fragmeulentargum éd. par Ginsburger). = = N°^ 5-6- 1, mai-juillet. = = M. Brann : Die Famille Frankcl. Al. Kisch : Prager Nolizen zur Biographie Zach. Frankels. .1. Eschelbacber : Za- cbarias Frankel M. Giidemann : Zach. Frankel. Von ihm u.ûber ihn. L. Treilel : Zach. Frankels Verdienste um die Septuaginta-Forschung. L. Dobschiitz : Zach. Frankels Einleilung in die Michnah.— A Schwarz : Die Ehe im biblischen Altertum. M. Fried : Das Losen im Tempel zu Jérusalem. NV. Bâcher : Die Gelehrten von Casarea. S. Horo- vitz : Anaiocten. B. Ziemlich : Die Anklage des Jad hachasakah Mai- muni's. M. Brann : Verzeichniss der Schriften u. Abhandlungen Za- charias Frankels.

Z<^'itsrhrift fur die alttestainentliche Wissensohaft (Giessen, semes- triel). = = 2P année, 1901. = = N" 1. Bernh. Luther: Die Israël. Stamme. Georg Béer : Ps., lxxiii, 2ib : "^înpn "1133 "inNI. H.-P. Chajes : Miscellen (1. Ez., xxvii, 4 ; 2. Ps , ex ; 3. Prov.. xxv, 116- 12 b). A. Bûchler : Das Entbloasen der Schulter und des Armes ais Zeicben der Trauer. Paul Volz : Die Handauflegung beim Opfer. J. Goetlsberger : Die syro-armenischen u. die syro-kopti- schen Bibelcitate aus den Scholien des Barhebrâus. K. Haacke : Zu Jerem., 2, 17. P. Placidus Sleininger : Ein neues hebr. Wort.

B. Stade : Die Kesselwagen des salomon. Tempels I Kon. 7, 2T-39. Siegmund Fraenkel : Zu Ben Sira. K. Budde : Die ursprûngliche Be- deutung der Lade Jahwe's. A. Mez : Nochmals Ri. 7, 5, 6. Cheyne : The image of jealousy in Ezechiel D. Meinhold : Miscel- len (Jes., XI,, 10 ; LU, 13 ; lxi, 6 6). Bibliographie. = = N<> 2. = = W.-R. Arnold : The composition of Nahum 1-2. 3. E. Baumann : Zwei Einzelbemerkungen. I. Jes., 18, 4; 2. Jes. 7, 8,9. —M. L. Margolis : A passage in Ecclesiasticus (xxxiv, 16, même explication et même con- clusion dans mon commentaire ad loc). P. Kahle : Beitrâge zur Geschicbte der hebriiischen Punktation (fragments de la Bible avec un nouveau système de ponctuation ; je possède un morceau du même exemplaire, morceau que j'ai acheté' h l'Exposition de 1900 ; l'article est très intéres.sant. Signalons, à cette occasion, une autre étude du même auteur, Zur Geschicbte der hebr. Accente, Z.B.M.Q., LV, sur des fragments avec ponctuation babylonienne; le fonds du Caire que que j'ai acquis pour le compte de M. le Baron Edmond de Rothschild en renferme également.) W. Bâcher : Zu Ed. Kônigs neuestem Werke (Stilistik, Rhetorik, Poetik in Bezug auf die bibl. Litteratur). Eb. Nestlé : Miscellen (1. Ein moabilisches Karlhago ? 2. Gen. xvi, 14; 3. Sap. Salom. n, 8-9). Stade : Kônig Joram von Juda.

Zeitscbrift fur hebraeische Bibliographie (Francfort, bimestriel).

304 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

= = 4* année, 1900. ^ =: 1. M. Steinschneider : Chrisiliche Hebrais- ten [suite et fin, n°* 2-6 ; 1-4 de l'année 1901). S. Poznanski : Millei- luugeii aus handschrifllichen Bibel-Commentaren (V. Fragment eines [arab.] Commeutars zu Leviticus). H. Brody : Elazar ben Jakob ha- Babli (ce poète^ qui a vécu en pays musulman, ne serait-il pas l'auteur de la version du Kalila ve Dimna faite sur l'arabe et publiée par J. De- renbourg?). z= = 2. H. Brody : Ueber die Makame "lON ÛN3. = = N" 3. = =: Simonsen : Abgekiirzte bcbrâische Schriftstellernamen. =: = 4. = = M. Steinschneider : Arabische Hymnen. = i= 5. = = G. Margolioutb : Levi b. Gershon's Introduction to bis Commentary on the book of Proverbs. J. Ilorovitz : Ein arabischer Brief anR. Cba- nanel. =^N° 6. = = "W. Bâcher : Zum Schrifttum u. Ritus der Juden von Buchara. Poznanski : Miscelle (sur l'auteur de la lettre à R. Hananel). = = année, 1901. = = N'^ 1. P. -T. Weikert : Aus Mon- tefîascone. S- Krauss : Eine orieiUalische Kelbuba. = =N° 2. = = A. Marx : Eine SammelhandsehrifL im Besitze des Herrn A. Epstein (contient, outre les sept petites Massechtot, la plupart des anciennes chroniques juives et des petits midraschim). == = N" 3. === H. Abra- mowilz : Shaar ha-Shir. A. Harkavy : Zu Chajjudsch' viertem gramm. "Werke. =; = 4. = = S. Poznanski : Mitteilungen aus handschrift- lichen Bibel-Commentareti. Tauchum .leruschalmi's Psalmen-Commen- tar. = = 5. = = S. Eppenstein : Verbesserungen u. Erganzungen zu Joseph Kimchi's Mlschle-Commenlar. W. Bâcher : Ein Ritual- oompendium in persischer Sprachc. M. Steinschneider : Miscellen u. Notizen : Arabische Qaellen ïiber .Judcn ; Zur Parabel von den drei Rin- gen; Der Jude im Tùrkischen SchalteQUieater ; Zur Calamiliil der Ilirten u. Aussàlzigen (1320-1).

5. yo'es tt eatiaits divers.

=:^ = Le Boletin de la Real Academia de la Historla de Madrid continue à enrichir la science juive d'e'tudes diverses et de documents. Notre col- laborateur M. Kayscrling les utilise pour les notes qu'il publie ici sur l'histoire des Juifs en Espagne. Relevons les articles suivants : No- vembre 1899, Fidel Fita : Repoblacion de Fuencarral a mediados del siglo XV. Datos inédites; janvier 1900, Gabriel Llabrés : Los Judios mal- lorquines. Goleccion diplomatico desde el ano 1247 al 1387; Fidel Fila et G. Llabrés : Privilégies de los hebreos mallorquines en el codice Pueya [suUe et fin., février-juin, cf. Morel-Fatio, Revue, t. IX); Fidel Fila : Fragmenlos de un Rilual hispauo-hebreo ciel siglo XV. ; mars, Fidel Fita : Los judios mallorquines y el concilio de Viena ; avril, Fidel Fita : Aguilar de Campoo. Documenlos y monumentos hebreos; décembre, Juan de Dios de la Rada y Delgado : La sinagoga mayor de Toledo ; avril 1901 : Rafaël Ramirez de Arellano : Matanza de judios en Cor- doba, 1391.

= ^ Revue des Écoles de V Alliance israélite. Publication trimestrielle. Pa- ris, Durlacher. Cette Revue a pour but de permettre aux instituteurs de l'Alliance israélite d'échanger leurs vues sur l'œuvre à laquelle ils col- laborent et les innovations à y apporter. Mais, en même temps, elle se propose de réunir des monographies âur les communautés juives d'Afrique et d'Orient, légendes locales, monuments, pierres tombales,

lilBLIOGRAPIIIK 305

guenizoi, etc. Dans les trois premiers numéros, avril-juin, juillet sep- tembre et oclobre-de'cembre 1901, ce programme a déjà élô mis à exécu- tion avec un grand succès. Il faut signaler particulièrement les articles do M. Moïse Nahon : Koumis et Forasleros (au Maroc), le mauvais œil; de M. Cohen, La reine bulgare Théodora ; de M- F. Abib, Notes sur les Israélites de Téhéran; de M. Confino, La communauté juive d'Ispahan ; diverses notes sur des Pourim locaux : Le Pourim de Saragosse, célèbre' le 17-18 Schebat en Sicile, à Jérusalem, Aïdin, Smyrne, Mélasso et Sa- loniquo, de Los Christianos (l"^'" éloul, au Maroc) d'Alger; une enquête sur le mauvais œil, qui a provoqué déjà diverses réponses; plusieurs études de M. Franco sur la communauté Israélite de Safed (intéres- santes, mais dénotant une connaissance insuffisante de l'histoire). On remarquera la part faite avec raison au folklore. Un des meilleurs morceaux jusqu'ici parus est assurément la leçon de notre collaborateur, M. Julien Weill : « A propos de l'enseignement de l'histoire juive ». Ce sont d'excellents conseils en même temps qu'une vue d'ensemble sur cette histoire et la manière de l'enseigner.

= = Antologia ebiaica. Depuis Tisri 5662 (septembre 1901) paraît sous ce titre, à Livourne, par les soins de V « École supérieure rabbinique » de cette ville, une revue mensuelle consacrée aux études juives. Si cette publication pouvait ressusciter en Italie le mouvement qui a produit S.-D. Luzzatto et ses élèves 1

=r = Ost Uiid West. lUustrierte Monatsschrift fiir modernes Judenthum. Premier numéro : janvier 1901 (libr, Calvary, Berlin). Revue littéraire, artistique et même scientifique.

= = The Jeioish Enci/clopedia. The launching of a great work. Publisher's Announcement on the completion of the fîrsl volume (New-York et Londres, Funk et Wagnalls, 1901). Ce prospectus, admirablement im- primé et contenant des centaines de photographies des collaborateurs de cette « grande œuvre ». doit être enregistré comme le signe d'une ré- volution dans les mœurs de la librairie au moins de la librairie juive et scientifique. Le lecteur y gagne de pouvoir contempler une foule de sa- vants connus et inconnus, et même l'écriture et des spe'cimens de cor- rections d'épreuves de quelques-uns de ces savants. Si ce luxe de pu- blicité doit assurer le succès de l'entreprise, nous nous inclinerons devant ce savoir-faire de nos confrères transatlantiques, tout en regrettant que le public ait besoin, pour être alléché, de tels moyens de séduction !

= =4 historic jev)isli banquet in the City of Neio-Yorh (impr. Ph. Cowen). Dans ce banquet « historique » on but au succès de la Jewish Encyclo- pedia, et M. Isidore Singer exposa le plan d'une Université juive-amé- ricaine. Ce projet fut, paraît-il, accueilli avec enthousiasme. Nous faisons des vœux sincères pour la réussite de cette idée, sans y croire beaucoup.

Israël Lévi.

T. XLIII, 86. 20

806 REVUE DES ETUDES JUIVES

KôNiG (Eduard). Hebraisch und Seniiti<;ch, Prolegomena und Grundiinien eiaer Geschichte der Semilischen Sprachen, nebst einem Excurs ùber die vorjosua- nische Sprache Israels und die Peutateuchquelle PC. Berlin, Reultier et Reichard, 1901;in-8<' de viii + 128 p.

Nous avons rendu compte ici même des deux dernières parties de la Grammaire hébraïque de M. Kônig, à laquelle est venu s'ajouter le volume intitulé Stilistik, Rhetorik, Poetik (Leipzig, 1900). Pour compléter son œuvre, la plus considérable que la philologie hé- braïque ait produite depuis longtemps, M. Kônig projette une gram- maire comparée et historique des langues sémitiques. Gomme travail préparatoire, M. Konig vient de publier une brochure assez étendue, il étudie quelques points saillants de l'histoire des langues sé- mitiques.

Au début, M. Kônig examine l'origine du langage, dans lequel il voit, non pas une révélation, mais j la résultante inconsciente des facultés corporelles et intellectuelles spécifiques de l'homme ». Les élé- ments primordiaux du langage sont : l'imitation des sons perçus par l'homme, la reproduction volontaire des cris arrachés à l'homme par ses diverses sensations ou sentiments, la différenciation des consonnes d'après l'intensité de l'effort accompli dans un acte, l'emploi instinctif de certains sons comme particules démonstratives (articles, pronoms, etc.), l'application des premiers sons qu'émet la bouche de l'enfant aux êtres qui l'entourent (papa, maman).

La comparaison des langues d'un même groupe permet-elle de conclure à l'existence d'une langue commune primitive d'où sont soriies les langues de ce groupe'? Oui, dit M. Kônig, car cette hypo- thèse explique plus naturellement la similitude des mots les plus usuels et des formes grammaticales, que l'hypothèse d'emprunts ré- ciproques. Pour retrouver cette langue-mère nous devons étudier comment se sont formées les langues dont l'histoire nous est entiè- rement connue, telles que les langues romanes, issues du latin. On y remarque, en général, la substitution des voyelles longues aux diphtongues, la suppression des voyelles brèves, l'addition de sons accessoires, tels que le mouillage, l'adoucissement des consonnes, le raccourcissement des mots, la négligence dans l'emploi des flexion ; et leur remplacement par des mots auxiliaires, etc., le tout servant à faciliter la prononciation et à augmenter la clarté. Des change- ments analogues se remarquent dans les dialectes sémitiques mo- dernes.

S'appuyant sur ces faits pour la comparaison des langues sémi- tiques anciennes, M. Kônig montre que la phonétique et la vocali- sation de l'arabe littéral ne sont pas artificielles, comme on l'a pré- tendu. Il examine ensuite les caractères particuliers de l'arabe,

UlbLlUGHAFHIE 307

de l'éthiopien, de l'assyrien, de l'hébreu ' et de l'araméea ' ; et, de cette étude, M. Kônig conclut que l'arabe est la langue sémitique qui a le mieux conservé les formes primitives. Il rappelle les di- verses phases par lesquelles l'idée de l'antiquité de l'arabe a passé chez les grammairiens modernes. Si l'arabe n'est pas la langue sémi- tique originale, car il présente lui aussi des formes secondaires, il s'en rapproche le plus.

M. Kônig passe ensuite à la division des langues sémitiques. 11 re- pousse les arguments sur lesquels M. Hommel s'était appuyé pour répartir les langues sémitiques en deux groupes : l'assyrien d'une part, l'arabe, l'araméen et le cananéen de l'autre. Il réfute ensuite longuement trop longuement à notre avis l'idée de M. Hommel, que les Juifs, au temps de Josué, parlaient arabe, et qu'il en reste des traces dans le code sacerdotal. Après celte digression, M. Kônig montre que M. Hommel a eu tort de vouloir opposer, en second lieu, l'araméen et l'arabe au cananéen (c'est-à-dire à l'hébreu), car l'hébreu et l'arabe ont des caractères communs et, de même, l'ara- méen et l'hébreu.

On a voulu soutenir que, en ce qui concerne les sibilantes, l'ara- méen avait un caractère plus primitif que l'arabe. M. Kônig établit que la thèse inverse est plus vraisemblable. Pour ce qui touche les particularités de la morphologie de l'arabe, Michaelis, de Lagarde, Hoffmann ont eu tort d'y voir des inventions des grammairiens, et on se tromperait en tenant la richesse de l'arabe comme plus mo- derne que la pauvreté de l'araméen ou même de l'hébreu. Le rang de succession que Ewald a assigné aux langues sémitiques est mal fondé.

Dans uu dernier chapitre, M. Kônig conclut que les langues sémi- tiques représentent des développements différents d'un même idiome. Les Sémites ont formé deux courants, l'un a suivi le Tigre et l'Eu- phrate, ce sont les Assyro-Babyloniens; l'autre s'est établi plus à l'ouest, ce sont les Arabes et les Araméens. Entre ceux-ci sont venus se placer les Hébreux, qui s'étaient détachés des Assyro-Babylo- niens. Au point de contact entre l'hébreu et le cananéen s'est formé le dialecte de Sindjirli, et entre l'arabe et le babylonien se trouvent le minéen, le hadramotiie et l'éthiopien.

Nous ne saurions souscrire entièrement à cette division des langues sémitiques, qui est fondée beaucoup plus sur la phonétique que sur la morphologie. Les sons se modifient beaucoup plus facile- ment que les formes grammaticales; c'est donc d'après celles-ci qu'il

' A retle occasion M. Kônig maintient, contre M. Barth, que les désinences poé- tiques» etô sont bien les terminaisons des cas. Il aurait pu rétuter le principal argu- ment de M. Bartii, à «avoir que * et ô sont accentués, tandis que a ne l'est pas, en taisant remarquer que l'analogie des suffixes pronominaux î et ô a pu exercer ici son influence.

* M. Kônig émet ici une opinion de la justesse de laquelle nous sommes depuis longtemps convaincu, à savoir que la terminaison de l'élat emphatique n'est pas autre chose que l'a de l'accusatit'.

308 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

faut, avant tout, apprécier la parenté des langues sémitiques. Aussi croyons-nous que l'assyrien et l'éthiopien forment un groupe spé- cial, car ces deux langues ont de nombreux traits communs, dont les deux principaux sont : l'absence de passif interne et l'existence du futur avec voyelle a de la première radicale : iimqid, yefaqii. Ce groupe, qu'on peut appeler oriental-méridional, s'oppose au groupe occidental-septentrional, qui comprend l'arabe, l'hébreu et l'araméen.

Les autres critiques que nous avons à faire ne portent que sur des points de détail.

Page 2. Ce n'est pas aux savants juifs que revient l'honneur d'avoir défini l'homme : un animal parlant. Cette définition remonte à Aristote, qui avait dit : un animal raisonnable. Par suite du double sens de ^6^,0^ et de ses dérivés, l'animal raisonnable est de- venu, chez les traducteurs syriens, arabes et juifs, l'animal parlant.

Page 6. M. Kônig croit, avec d'autres, que la voyelle u indique la dépression de l'âme, et que, pour ce motif, elle sert au passif. Ce symbolisme, en lui-même peu vraisemblable, est, dans l'espèce, tout à fait inexact, car la voyelle u exprime Vactivilé dans le verbe à l'imparfait, et c'est sans doute pour cette raison même qu'elle est devenue la caractéristique du passif. Le passif n'est, en effet, qu'un actif dans lequel le complément direct est devenu le sujet gramma- tical. Il est à noter que la voyelle u dans les désinences, préfixes et suffixes pronominaux exprime l'indépendance, par opposition à Vi et à Va. L'm marque, en effet, la première personne au passé {qatal- tu] ', le nominatif dans les noms, l'indicatif dans l'imparfail, et, dans les préfixes verbaux, il est employé pour le causatif : yuqattil , yu{a]qtil. Il serait étonnant, enfin, que la voyelle haute (en arabe ra/') indiquât l'abaissement de l'âme !

Page 7. M. Kônig trouve incontestable que les dentales et autres particules démonstratives marquent l'excitation, et c'est pourquoi elles sont employées pour le causatif. C'est encore du symbolisme. II nous semble beaucoup plus naturel de penser qu'une particule dé- monstrative précédant un verbe donne l'idée d'une action accomplie par un autre : celui-là tuer signifie : (faire que) un autre (que soi- même) tue, c'est-à-dire faire tuer.

Page 56. D'après M. Kônig, le suffixe tumâ dans antumâ,qataltumà contiendrait la terminaison du pluriel devant la marque du duel. Tout d'abord, il aurait mieux valu parler AeJmmâ, car, selon toute vraisemblance, tumâ est composé de ta + huma, comme tum de ta -f- hum, et tunna de ta -\- hunna. Quant à huma, malg/é l'apparence, il ne réunit pas le pluriel avec le duel; car, en réalité, hnyn est une abréviation de humû = hum -\- il. de même que humno, vient de hum + na\ or, la vraie marque du masculin pluriel est û dans hîi mil, de

' Il nous paraît infiniment probable que Vi dans "<;î<, '^'DIU, ^ribup, "^73 est une altération de Vu, Cet t n'a rien à voir avec Vi du suffixe de la première personne des nom? qui vient de «wa, ni avec le suffixe ni.

BlHLlOLJliAlMIlK 309

même (lue na dans h'imna iodiijue le féminin pluriel, cf. ijatal-û, qataln-a. Mais hum tout seul égale huw dans huioa = huto + a '; cf. qaial-a. Donc, dans huma on a simplement le pronom personnel delà 3* personne avec le sui'd.xe â du duel.

Pape 58. Les grammairiens européens nous paraissent s'être trompés, à la suite des grammairiens arabes, sur l'étymologie de l'arabe aicival <( premier ». Ce mot est, selon nous, pour 'aw'al, de la racine b^T, qui existe en hébreu dans le verbe b"'î<in « commencer », et c'est un superlatif, comme le grec protos, le latin pnmus, l'alle- mand ^ri^. Le diplolisme de 'aivwal en est la preuve, de même que la forme du féminin 'ûlay pour wu^lay, comme kuhray de 'akbar. Awwal s'est formé de 'aidai, comme en hébreu "iï<jix de nw^lS, Il ne peut venir de la racine biN, qui, en arabe, signifie « aboutir » et non pas « commencer ».

Page G2. Nous ne comprenons pas pourquoi M. Konig veut que l'a dans p3 soit plus primitif que \"i dans hmt, alors que l'hébreu a lui aussi la voyelle i dans "^pz. Il est vrai, que, en hébreu l'a te change souvent en i dans une syllabe fermée non accentuée, mais in- versement un i primitif est souvent remplacé par a dans une syllabe fermée accentuée. Dans des cas semblables la prononciation arabe nous paraît avoir une valeur décisive ; car les voyelles arabes ont beaucoup moins varié que les voyelles hébraïques.

Page 64. Il est possible que la forme yaqatil, qu'on trouve en assyrien et en éthiopien, soit protosémitique, mais ce n'est pas une raison pour que yaqtul en dérive par contraction. L'arabe ne nous présente pas de contractions de ce genre. Qatal, qatil, qahil ne sont pas nécessairement plus anciens que qtal, qtil, qtul, qui se trouvent dans l'imparfait et l'impératif de toutes les langues sémitiques.

IHil. La terminaison a de rîb:3pN ne vient pas forcément de an, car, eu hébreu, lia pu y avoir confusion entre le subjonctif et l'éner- gique.

Ibifl . D'où M. Kônig sait-il que, dans l'arabe classique, l'impéra- tif uqiul a le ton sur la première syllabe '?

Les quelques observations que nous venons de formuler visent beaucoup moins les théories de M. KÔnig que les concessions qu'il a cru devoir faire aux théories adverses. C'est dire que nous sommes très heureux de voir ce savant grammairien repousser les systèmes à la mode et refuser de remettre en doute les faits acquis pour le plaisir de dire du nouveau. Nous ai tendons avec impatience la gram- maire comparée que M. Kônig projette de faire, et dans laquelle on retrouvera l'érudition profonde, la science raisonnée et raisonnable qui disiinguent ses écrits.

Mayer Lambert.

* Ceci explique l'emploi du 73, en phénicien et peut-êlrç en hébreu, dans "ITjb, comme sulfue de la Iroisième (jer&oapç du singulier,

310 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

Ratner(B.). d'^bMÎTT^I "IT^SC T^ÏIN 1DD- Variantes et additions pour le texte du Talmud de Jérusalem d'après d'ancienues sources. Traité de Berachot. Wilna, Romm frères, 1901 ; in-8» de vi + 218 p.

De tous les écrits de la tradition juive le texte du Talmud pales- tinien (jérusalémite) est celui qui a souffert le plus du temps. Dans sa forme la plus complète, telle que nous l'avons dans l'édition prin- ■îeps (Venise, Bomberg, vers 1522), les deux derniers « Ordres » ne sont représentés que par le trailé de Nidda, interrompu au milieu : les quatre derniers chapitres du traité de Sahhat et le dernier chapitre du traité de Makkot manquent. Les quatre manuscrits cités dans la note finale de cette édition, ainsi qu'à la fin du traité de Sabbat, et qui ont été utilisés pour cette première édition, peuvent être considérés comme perdus. Tout au plus le manuscrit de Leyde (de l'an 1289), le seul qui soit connu jusqu'ici, pourrait-il être pris pour l'un de ces quatre manuscrits. Aucun autre manuscrit du Talmud palesti- nien ou même de traités isolés de ce Talmud n'a encore été retrouvé. Seuls quelques fragments ont paru au jour dans ces derniers temps. Le texte de l'édition princeps est tout à fait défectueux, sans doute à cause de l'état des manuscrits qui ont servi a l'établir, et les impres- sions suivantes faites sur l'édition de Venise (Gracovie, 1609; Kro- loschin, 1866j ont encore augmenté le nombre des fautes. Bri raison de cela, quelques éditions partielles ont de l'importance pour le texte du Yerouschalmi, pour avoir été faites d'après d'autres manuscrits que l'édition princeps, comme, par exemple, l'édition de quelques traités avec le Commentaire de Josué Benvenisti (3>u:nrT^ ï~i"nU, Cons- tanlinople, 1662) et les éditions d'Amsterdam (1710) et de Mayence (1878). Une source particulièrement utile pour la critique du texte du Talmud de Palestine, ce sont les citations de ce Talmud dans les au- teurs anciens. Zacharias Frankel, mon défunt maître, dont nous allons célébrer le centenaire et dont les travaux sur le Yerouschalmi consti- tuent un des principaux mérites, a déjà mis à profit, dans la mesure la plus large, ces citations du Yerouschalmi, dans son Commentaire sur les premiers traités {Berachot, Pea, 1874). Il y a quelques années M. Ghwolson (dans un journal hébreu) engageait les talmudistes de Russie à étudier à fond les sources anciennes, halachiques et autres, afin d'y recueillir les matériaux pour la correction et l'amélioration du texte du Talmud de Palestine. Il est inutile de rappeler que, pour un travail de ce genre, il faut non seulement être familiarisé avec la littérature talmudique et midraschique, mais posséder un véritable esprit scientifique. Il suffit de rappeler le nom de M. Rabbinowiçz, l'inoubliable auteur, enlevé trop prématurément à sa grande tâche, qui a accompli ce travail pour le Talmud de Babylone de la manière la plus remarquable. La lâche recommandée par Ghwolson vient

BIBLIOGHAPHIE 311

d'être remplie par un savant de Wilna, dont l'érudition et l'esprit scientitique s'étaient déjà affirmés dans un ouvrage important, l'édi- tion critique du Séder Olam, précédée d'une introduction bien me- née. Dans le présent volume, M. B. Hatner donne le commencement du travail inspiré par Ghwolson : Vajjparatus critique du texte du traité de Berachot du Talmud palestinien, formé à l'aide d'ouvrages anciens de la littérature halachique et agadique. A la fin de la préface (p.vi), M. Ratner expose brièvement les raisons pour les- quelles il ne réimprime pas lui-même le texte, eu y ajoutant, sous forme de notes, les variantes qu'il a trouvées. Un semblable système serait sans doute le plus commode, et l'auteur aurait pu se dispenser de réimprimer plusieurs fois maintes variantes qui se trouvent chez divers auteurs, comme il a le faire. D'autre part, le système choisi par lui a l'avantage de fournir dans sou ensemble tout le passage tel qu'il figure dans la source en question et de fournir la leçon divergente dans la citation, sans imposer l'obligation de consulter la source. M. Ratner ajoute au texte de l'édition princeps du Talmud jérusa- lémite, qu'il accompagne ligne par ligne de ses remarques, les va- riantes des éditions partielles mentionnées ci-dessus et surtout les citations des anciennes autorités, après avoir fait ressortir les leçons divergentes offertes par ces citations. Parfois il cite aussi le passage parallèle de la Tosefta et du Talmud babylonien, et surtout il se livre, au sujet des variantes les plus importantes, à une dissertation approfondie. Cependant il ne perd jamais de vue le véritable but de sou travail et il s'efforce de réunir complètement les éléments de critique textuelle sur le passage en question, en tant que ce texte est établi par les sources auxquelles on a eu recours. Il cherche à faci- liter l'interprétation du texte quoique rarement par des notices explicatives personnelles et surtout par les citations des explications d'auteurs plus anciens sur les passages du Yerouschalmi. De la pré- face de l'auteur (p. v), nous extrayons les phrases suivantes, qui ré- sument les résultats de son travail : « Dans les écrits des anciens, on cite beaucoup de phrases du Yerouschalmi qui manquent com- plètement dans nos éditions. J'ai indiqué les passages auxquels appartiennent ces phrases. Le manuscrit le plus complet du Yerou- schalmi fut celui qui a servi à R. Eliézer b. Joël Halévi (n^3M-in)» car 11 cite beaucoup de phrases de ce texte qui étaient inconnues de ses contemporains. Il faut aussi tenir compte du fait que les leçons du Yerouschalmi varient chez les auteurs des divers pays, suivant la variété des manuscrits qui y étaient répandus. Il faut noter encore que R. Ascher b. Yehiel, dans son commentaire sur Berachot, cite le Yerouschalmi avec des leçons remarquables qui ont été écartées dans les nouvelles éditions de ce Talmud au profit de la forme usuelle du texte. Ces leçons d'Ascheri concordent avec le texte de l'édition de Constantinople. Les citations du Yerouschalmi des an- ciennes autorités concordent souvent avec l'édition d'Amsterdam ou avec celles de Venise et de Mayence. » A ces remarqu contenues

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dans la préface, ajoutons-ea encore quelques-unes qui se trouvent dans l'ouvrage même et qui sont intéressantes pour l'histoire dix Talmud de Palestine. L'auteur de TynT -nx (R. Isaac de Vieuu' ) avait sous les yeux des testes différents du Yerouschalmi (p. 172 sur M c. 3) ; Joseph Karo, dans le S]aT> rT^3, a utilisé plus d'un manuscrit du Yerouschalmi (p. 117, sur 8C, 53) ; on voit parla remarque de Jo- sué Benvenisti sur j. Berachot,! a 2, que les variantes qu'on trouve chez Saiomon Syrileio ne proviennent pas d'un manuscrit, mais de modifications arbitraires de ce comoaentateur (p. 90); Saiomon Adeni, dans son commentaire sur la Mischna niûb'O PDNbTO, composé à Jé- rusalem en 1617, utilise l'édition princeps. Toutefois il a eu aussi sous les yeux le Commentaire de Saiomon Syrileio, ainsi que des manuscrits du Yerouschalmi (p 34); les citations du Y'erouschalmi dans les Tossafot sur Berachot portant le nom d'Ascheri (maoïn Tî3N"i~) prouvent que ces Tossafot n'ont pas Ascheri pour auteur (p. 93, 173). Ces remarques, intéressantes au point de vue de l'histoirc! littéraire, le sont moins pour l'objet principal de l'ouvrage; il en est de même des démonstrations établissant que les anciennes autorités halachiques avaient recours souvent au Talmud de Palestine pour la fixation de la Halacha (voir la remarque sur %d 27, se rapportant a Maimonide, Hilch. Keriat Schéma, i, 9).

Les cas M. R. prouve, sur la foi d'anciennes citations, que dans notre texte des passages entiers ont été omis, sont particulièrement remarquables : P. 21, sur 3c 4; p. 22, sur 3c 6 ; p. 23, sur 3c 26 ; p. 76, sur 6 lî» 43; p. 86, sur 6 cJ 35; p. 121, sur 8 ûJ 87; p. 176, sur il col ; p. 209. sur U«62; p. 213, sur14a73. Dans d'autres cas, les citations nous indiquent une forme différente du texte ordinaire. Par exemple, p. 43, sur 4c 8 ; p. 45, sur 4c 27; p. 59, sur 44; p. 60, sur 5^ 63; p. 78. sur 6 *56 ; p. 81, sur 6^- 71 ; p. 109, sur 39; p. 120, sur %d 31 ; p. 173, sur 4c 5; p. 174, sur 11 c 17. Quelquefois les variantes offrent, au lieu d'une expression incompréhensible ou peu claire, l'expression exacte et originale. Ainsi, par exemple, sur 3c 74 : ■JIHO (ou ']"'?:d), au lieu de "i:2D (p. 27) ; sur 4 ^ 64 : T7a"i73, au lieu de'^an» (p. 41). Des variantes dignes de remarque sont : sur "id 35, pTiO , au lieu de ibbiD 'p. 32); sur oa 46, N:i2-,ïî, au lieu de Ni^apiN (p. 54); sur Ib 45, m")p\s ■'N (1. n-i-ip-'N), au lieu de r»iir! ';\n (p. 94); sur 9 a 54, -i:3073, au lieu de "i"'On52 (p. 129, d'après R. Yona sur Berachot, 26*, qui explique le mot par l'araraéen n::0; le verbe serait donc quelque chose comme l'équivalent de T^^TC). Dans la variante nous trouvons quelquefois la véritable forme du mot comme, par exemple, sur ^d 55, t\'^'j^'J12'C1j (infinitif ;;ert^ avec le suffixe), au lieu de î<::r7j"«r73 (p. 10). Sur i"<in» (inf. peal), 3 c 51, une variante porte "Tiatt, une autre î<n73'^70, c'est-à- dire l'infinitif ^m/, qui ici n'est pas a sa place (p. 25, une troisième va- riante t<iTnw "^K est à corriger en î<"'inw^», et celle-ci en f««i"^"«n72'^73, ce qui est une autre forme de l'inf. peal, voir Dalman, Grammaiik des jud. palàst. Aramaïsch, p. 289).

Les variantes donnent souvent le véritable auteur d'une seutencç

i-inLKichAi'iiii-: 313

dont le uom a été altéré daus le texte ordinaire du Yerousclialmi. Ainsi, par exemple, p. 26, sur 3 c 58, n^pm 'n, au lieu de rr-pm (car il ne peut être question ici que de R. llizkia, l'Amora de Césarée du iv^ siècle, et non de llizkia. le fils de lliyya). P. 29, sur 7rf27, t<r:n 'n nhn 'n, au lieu de t-<r;n 'n ar^n 'n. P. 38, sur 9, D'an a-i, au lieu de ^^nn ni ûcn. P. 177, sur 11 c 64, r:3i^ 'i , au lieu de i:nv 'i. P. 121. sur 8û5 75, i:i3i< n D'Ja ns^n"^ 'n, au lieu de ^53i< 'i D;::^ nn3N 'n -P. 179, sur 1 1 rf 1, i:m^ '-la'::^ i<nN -n, au lieu de t<nî< 'n (d'après cela l'explication de Deuiérouome , xxxiii, 23, donnée dans mon Açada der palàst. Amoràer, III, p. i37, n'est pas d'Aha, mais de Yohanan). P. 182, sur 12 a 6, nii î-^n.x 'n D-1 D^ua rn'ir,-', au lieu de rmn"' mi t^m. P. 194, sur 12<;J31 (eh. IX au commencement), devant 2^^107: mx n^n a.x il faut mettre ■'OT^ -l"î<.

Dans la chaîne de la tradition, ia GS. les variantes réunies par Rai- ner (p. 17) ollreut la vérilable leçon : "'i^x "ni (au lieu de -^-nt* 'n). Toutefois il omet de confirmer le fait. Voir à ce sujet Buber, sur son

Tanhouma, Y' Y'' ^' °°^^ ^' ^^- ^^'' ^^'^*'- -^*^'^^^'^'*' ^^^' ^^^' ^- ^*^ même, M. Rainer néglige de donner l'indication exacte des auteurs dans lès passages suivants : 6 rf 8, ^^::0 dans les éditions est plus exact que \sb72'û (p. 8i) ; Ih 24, t»^33 nn min^ n, et non 1l,'^^-^ 'n î^3wS 13 (p. 93) ; y rf 8 (p. 13i), "^^n '1 est à rejeter d'après le passage parallèle]. Gittin, il b 83, et aussi à cause de Tanhoum b. Hiyya, qui ailleurs aussi rapporte des sentences de Simlaï [vo'w Agada d. pal. Amoràer, I, 554. 3) ; lia 70 (p. 163) Ipî 'm pror" 'i est seul exact, comme ou le voit i>ar les passages parallèles (cf. Agada der Tahuailen, 11,399,6,.

Comme on le voit par les derniers exemples, M. Raluer ne tient pas un compte suffisant du secours qu'offre le ïalmud palestinien lui-même, c'est-à-dire des passages parallèles. En tout cas, il eùi réuni des matériaux suffisants pour la critique du texte de beaucoup de passages du iraiié de Berachot, s'il avait cité les passages paral- lèles d'autres traités. Cette omission est particulièrement sensible, par exemple, p. 40 (sur 4^;38j, il fallait citer Schekal'm, il a, et Moed Katon, 83 c, et non simplement le Midrasch Samuel, chap. xix. Sur 8a 16 (p. 106), cf. Taanit, 65c; de même, sur les passages sui- vant?. — Sur \\b 4i (p. 214), il fallait renvoyer non seulement à Exode r., ch. xii, et Lév. r. cli. xxiv, mais aussi à j. Sanhédrin, 18 a (voir encore d'autres passages parallèles dans Ag. d. pal. Am., II, 82, \). —Sur 5, M. Rainer renvoie à Yalkout sur Gen.,xxxii, 9, et'prétend que le Yerouschalmi ne contient qu'un extrait de la ver- sion plus complète contenue dans le Yalkout. En réalité, cette version est empruntée à Ge?i. r , ch. lxxvih 3), et le Yalkout a simplement omis de mentionner la source. D'ailleurs, il est possible qu'a l'ori- gine la version complète se trouvait aussi dans le Yerouschalmi.

Sur 9 a 30, M. Rainer (p. 122) cite la remarque importante d'Azou- laï (EIOT^ ^3-13, sur Yorè Dèa , 276) que les mots 'n D^nbN bx lias

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sont une glose marginale ayant passé par erreur dans le texte. M. Ratuer veut lui-même retrouver une pareille glose (p. 124) dans les mois ^b-^barr •^st' 'n lia^, 9* 19, parce que dans les Midraschim on ne trouve rien de semblable sur Yosé le Galiléen. Cependant c'est un argument insuffisant, cf. encore Ag. der Tannaitm, I, 361. Par contre, on peut considérer les mots se trouvant dans VEschkoi après mirr^ 3-n î>i-i"^3>T -^3-1 (12 d 41), savoir nm niT^Tobn (p. 195), comme une glose explicative se rapportant à mirr^ an. De même, dans la même source, p. 72 (sur %a 72), iN72û: -iToib^ est une glose sur l'aram. ïT^aNOl. Souvent la leçon du texte édité doit être préférée à lu leçon ressortant des anciennes citations, surtout celle-ci est f icile à reconnaître comme une corruption de la leçon exacte. 11 eût été bon que M. Ratzer signalât comme telles les variantes de ce i,'enre. Ainsi, p. 15 (sur 3 a 56) : t^J-'no, au lieu de r>^n">0 ; p. 22 (sur ■1 c 6|, l-^nN -12 r>•^^r^•' n, au 1. de V^^^ "^ -^oti 'i ; ib., ^^h p rrnrf' 'n, eu 1. de ^ib 13 y^^r^^^ 'n; p. 40 (sur 4^21), nT3>bN la 'u:'-i, au 1. de N3N 13 "o"-\\ p. 52 (sur lid 50), -nni:, au 1. de ^nny ; p. 103 (sur 7 c 66), 17JT bD, au 1 . de 1N73 bD. M. Ratner explique fort bien les variantes de l'édition d'Amsterdam (1710) sur 11 ^i 25, "iT^bN 'na, au I. de D'^m73N ^■'"lan nwa; il explique cette variante comme une fausse interprétation de l'abréviation iD-'-nîûN D'anal riyaa) N"n3 , qu'on a lue par erreur >«i"-ia (p. 166).

Relevons tout particulièrement une remarque très heureuse de M. Ratner sur 1 d il (p. 105). Elle concerne le passage de j. Pesahim, ?>\d 13 : l"^-! ïT'a 3N û-nîûb ma^XT^ mbsn -i»N -^ib la y^airr^ 'n. Les irois derniers mots (l-^n rr^a aî<) résistent à toute interprétation. M. Ratner les explique d'une façon très simple grâce à l'hypothèse suivante. Dans le traité de Pesahim il y avait ici primitivement toute la longue série de sentences qu'on trouve dans le traité de Bera- chot, de 7 a 71 àl d Ti. Tout ce passage, qui commence par les mots Dn-i73b m3N73 mbon -ixdn ■'ib la ruiin-" '-1 et qui termine par les mois I^^T îT^a aM, fut omis dans Pesahim et on n'y conserva que les mots du commencement et de la fin. Sans doute il y avait devant aN Vl nia la formule abréviative 'iDi qu'on a omise. M. Ratner apporte ainsi des preuves positives du fait que les anciennes autorités ont aussi lu le passage en question dans le traité de Pesahim. Par l'Intro- duciion au Talmud jérusalémile de Frankel ("•TobiDTT'rr t>na73), qu'il ne paraît pas connaître, M. R. aurait pu apprendre que les anciens copistes se sont permis d'omettre dans le texte du Yerouschalmi des passages parallèles (p. 142 ^a a-'72u:nb û""nDion ^r\'ji2 rT>n rtTUJ nxiDi mnN n3D733 ^3D ï»»i3U5 nsT 'oToa). Voici encore quelques re- marques :

P. 1 (sur 2 a 41], au 1. de inb ^nicn, M. Ratner met linb liTiti, sans indiquer d'où il a tiré cette leçon. Il donne seulement une explication du terme D-^nn-:». En réalité, linb ^^:s.^ est la leçon véritable. C'est un verbe impersonnel avec le seus :ilya en eux de l'inquiétude (voir Levy, IV, 170^). Iinb '^'i:^ se trouve sous la forme hébraïque

BIBLIOGRAPHIE 311)

dans Dnb mii:, M. Rosch Haschana, r, fin 'Ma). A l'exemple d'Eiia Wilua, Frankel corrige -^ni:-! en "«"liin. ce qui est ualurellement inu- tile. — P. 25, 1. 8, au lieu de ^in, lireia'^irj. —P. 61 (sur oc21). La leçon ^Tr:;n« (au lieu de iDmau) se trouve aussi dans Koh. r., sur VI, 2. P. ()<) (sur 6a 25). L'hypothèse sur nmna (qu'il faudrait lire nmnD et considérer comme une épithète de l'Amora précédem- ment nommé) a déjà été faite par Meudelsohn, voir Revue, XXXIX, 306; cf. ib., XL, 127). P. 69 (sur 6 29-24). Ce n'est pas b"«2p "«b-iaN, mais ■^ib^nN b-^ap qui est la leçon exacte. Voir Ag. d. pal. Amo- raer, III, 13, 2. P. 69, 1. 9, du bas, au lieu de u-^bo , lire nabs. P. 70 (sur 6a, -13 et 4b). M. Rainer considère la variante "{n: '"■), au lieu de iniD '"i, d'une citation, comme la leçon exacte et il ajoute : N3N -13 N'i-'n '-m iinx InD r:^n ]n3 'i. En réalité, le frère de Hiyya b. Abba s'appelait pD 'n ; voir j. 5fl^'iî»., 5^ 35 ; le passage pa- rallèle à ce passage du Yerouschalmi, Gen. r., ch. vi (mais non Koh. rail)., sur m, 2) intercale, il est vrai, entre '"i et ins le nom de ina, mais cette addition manque dans les mss. de Gen. rahha (voir Ag. d. pal. Am., III, 178, 6). Du reste, pD 'l, nommé dans j. Pesah., 6 a, n'est pas le plus ancien Amora de ce nom, le frère de Hiyya b. Abba, mais un Amora plus récent (v. Ag. d. pal. ^m.,III, 734, Monatschrift , 1901, p. 306), un contemporain de Hizkla, nommé en même temps que lui. P. 90 (sur 6âJ72), M. Rainer est d'avis que la leçon de l'édition d'Amsterdam, ^"^Tonw NDN, est plus exacte que la leçon ordinaire, ■-i"'72n» Naî< '1. En réalité, la remarque de R. Hizkia (c'est in"'pTn '"i qu'il faut mettre, au lieu de ïT'pTn) se rapporte à la sentence, qui pré- cède (1. 67;, de R. Abba au nom de Rab. P. 96 (sur Ib 61). M. Rai- ner cite Tossafot sur Megil/a, s. v., nb'O-'i, et critique la note margi- nale T::m7:n ; selon lui, il s'agirait de fait de notre passage du Yerou- schalmi. Or, l'indication UJ-nw^ est exacte, car l'explication du mol nbistb (Is., XLiv, 27) se trouve aussi dans les deux ouvrages midra- schiques : Echa r., proemium, 23, et Koh. r., sur xii, 7. P. 97 (sur 7 c). La conséquence que M. Ratner tire de la sentence de Méïr, sur I Sam., i, 12, est incompréhensible pour moi. La sentence de Méïr (voir Ag. d. Tami., II, 22), rapportée par une série d'auteurs de la tradition, n'a aucun lien avec les sentences précédentes d'autres docteurs concernant l'âge de Samuel. P. 111 (sur 8 a 67). Au sujet de la phrase ûv b^n monn mbsn 'a bban» rr^n boin-^nN, M. Ratner observe qu'il faudrait peut-être lire c^^nN 'n. Frankel aussi (dans son Commentaire) fait cette remarque : m3>a nva. "jN^ ^'''O "liDDNi "-icnD. Il n'y a pas de motif pour admettre cette hypothèse. Evidem- ment la valeur morale attribuée par la légende à Ahitofel devait être caractérisée aussi par le fait que, dans les trois offices quotidiens de la prière, il introduisait toujours une prière nouvelle. Très vrai- semblablement ceci repose sur une interprétation du nom par un notarikon : [nlbon [anj-'n [^uj]n. On peut admettre aussi que le psaume lv a exercé une influence en cette circonstance. Dans ce psaume, le v. 14, d'après l'ancienne interprétation, se rapporte à

316 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

Ahilofel (voir Targoum, in l.\ Sanhédrin, \QÇ>b). Si dans le même psaume, v. 18, David dit de lui-même riiT'TZJN D'inn::! "ipm my, c'est- à-dire déclare que lui-même priait trois fois par jour, rancieuue agada voyait une allusion à Ahitofel, à qui ou attribuait une habitude spéciale en ce qui concerne la prière : David veut dire que lui aussi faisait chaque jour trois nouvelles prières (voir encore ma remarque à ce sujet dans le 'JlJri, 3'^ parlie , qui paraîtra prochainement). P. 118 (sur ^d 20). Au sujet de l'hy- pothèse qu'il y aurait eu ici T\1V 2N ^ï:''7or; b^, voir Agada der labyloiiischeii Amoràer, p. 2S, noie 193. P. 122 (sur 9 a). Sur la question soulevée ici par Ratner, voir Ag. d. pal. Am., I, 223. P. 176 (sur II c oo). Au sujet de la correction de l'erreur de Séditr Haddorot, voir Ag. d. i)al. Am., TU, 54, 4. —P. 187 (sur \lh 13.. Au lieu de ï*<:ri "in -,3 ><3î<, R. Méïr de Rolheubourg a la véritable le- çon, c>i:ir; 3-1 "12 t<3J<, que j"ai déduite du contexte [Ag. d. pal. Am., III, 2, note A;, l'. 191 (sur Me 55). L'indication de la marge de Yal- koul, II, :5 680 : n"D niDin "'^ar^iiT^, est fautive. Au lieu de ■'rbci-i\ il faut "^bna. L'expression en question se trouve Btrach., (>'i a. P. 193 (sur 12c 08 . Il eût fallu citer les passages parallèles Souk/n, 34c 17, et AJegilla, lia 27, d'où il ressort que R. Tauhouma est l'au- teur de la sentence (voir Ag. d.pal. Am., III, 468). P. 196 (sur 13 «7). Ici il eût fallu citer comme source Tatihouma, éd. Buber, ïT^'ONna, 7, que Yalkout sur Josué, 24 (,§ 33) a reproduit.

Il faut encore appeler l'attention sur un côté extérieur de l'ouvrage de M. Ratner. qui en rend l'emp'.oi sensiblement malaisé. Si l'on veut y chercher les variantes de quelque passage, on ne les trouve i)as indiquées, comme dans les notes ci-dessus, par colonnes et lignes. Au contraire, au commencement de chaque paragraphe il n'y a que l'ju- dication du chapitre et de la llalacha. Or, on sait qu'une « Ilalacha » du Yerousclialmi s'étend souvent sur plusieurs colonnes. Ainsi, par exemple, à la p. 21-39 de l'ouvrage de M. Ratner, il y a environ cinquante paragraphes qui tous sont marqués de la suscription N"d N"r! (soit 'r; nsb- 'n P"i2). Ils se rapportent à j. Berach., 3 c l-3rf47. Si on étudie d'une façon continue le texte du Talmud, il n'y a pas d'inconvénient à suivre les remarques de M. Ratuer, mais, si on veut s'en servir pour des passages isolés du texte, cela prend du temps et devient pénible. En continuant son travail pour les autres traités du Yerouschalmi, que le savant auteur veuille bien obvier à cet in- convénient. En outre, il serait à désirer que les variantes dans les citations fussent marquées par d'autres caractères.

Pour terminer, qu'il me soit encore permis de mentionner une omission frappante dont l'auteur s'est rendu coupable. Il ne tient presque aucun compte du Commentaire de Frankel sur le traité Be- rachot (je ne l'ai trouvé mentionné que p. 69, sur 6a 25, à propos d'une particularité insignifiante) ; or, Frankel, dans son Commen- taire et dans les grandes gloses qui l'accompagnent, comme nous ravous déjà dit plus haut, se réfère fréquemment aux citations du

ADDITIONS KT RECTIFICATIONS 317

Yerouschalmi fournies par les auteurs anciens et, par suite, il a ainsi [)réparé la voie à la collection systéinaliciue de ces variantes faite par M. Ratuer. Il est curieux que M. Rainer donne à sou ouvragée à peu près le même nom, 2"'bcTT'i IT'j: nnriN, que Frankel a clioisi pour son Commentaire (1"i"'^ rnnx . Quelle que soit la raison qui a motivé la conduite du savant de Wilna â Tégard de son glorieux prédécesseur, il peut cependant en être considéré comme un disciple et continuateur, non seulement à cause du nom de son ouvrage, mais aussi pour son dévouement à l'étude du Yerouschalmi. Puisse-l-il mener à bonne fin son œuvre et contribuer ainsi à faire mieux com- prendre le Talmud palestinien !

Budapest, sept. rJOI. W. BaGHER.

AUDITIOxNS ET REGTIFlGATlOxNS

Tome XLI. p. 126. Ilzig ou Isaac Mëir de Phalsbourg vécut dix ans dans la maison du rabbin Joseph Steinhardt à Nidernay ou Niderenheim, et partit ensuite avec lui à Furlli. 11 y fît pendant plusieurs années des conférences talmudiques à des jeunes gens et il publia les Novelles de Joseph Berlin sur les quatre parties du code rituel, qui avaient paru sous ic litre do npi»"^ "1N3, et qu'il accompagna des consultations dues à Joseph Sieinhardt, Joseph Oeltingen, rabbin à AYa^serlriidingea, et d'autres, ainsi 'pie de remarques et d'additions (Furth, 17G7). Avant que Ilzig, qui devint l'i gendre do Sieinhardt, n'occupât le siège rabbiuique à Uffholz, il e'tait ■•ri^îrnp ri3w"2 à Moutzig (Préface d'IsaacMéïr au npi'"» -1N3, Consulta- li .ns qsv IT^^T, II, n°» 12 et 26j. M. Kayserling.

Ibid., p. 131. Wolf Buhl ou Biihl v-""'^) était aussi en correspon- dance avec Joseph Steinhardt {^OV ITIST, II, 11). M. E.

Tome XLII, p. 243, 1.3!. Lire N"«3nn, au lieu de "^^iri. P. 243. 1. 33. Le mot 'J'^''b"J, qu"il faut d'ailleurs lire 'J"'"' bc, n'a aucun sens ici : Gerschom dit : V"^ '^^ Vt:'l2^■p'Z^ « recume du vin ». P. 245, 1. 18. Lire ^T^Tm "^bns, au lieu de D'^T'Tm "^briD. Gerschom ocrit : '^t'np, lecou conforme à celle de l'Arouch 76. , I. 27. Au lieu de VT^'^N» lire Û''':TN'a. La référence B. B., 114(f», ne doit pas avoir la même signification que d'ordinaire, car dans Baba Batra, 114*, il n'est question ni de l'i^N, ni de □"'STNTD. M. B. a voulu parler probablement du feuillet du ms- 76., 1. 34 "^li' ne veut pas dire d'après Raschi : « fruits du laurier », mais « laurier » : c'est, dit-il, l'arbre sur lequel poussent des « baies » et qu'on appelle « laurier ». P. 246, l. 31. Lire 89 6, au lieu de 896. P. 247, 1. 16. La référence doit être fausse, car on ne trouve pas en Baba Batra, 90 a (ni même en b) de mot T73ri. D'autre part, les dictionnaires ignorent Pexislence d'un mot ~i72n signifiant « vin de marc ». P. 248, 1. 31. L'édition de Wilna porte p3"ip, leçon qui, au moins, n'est pas contraire aux règles de transcrip- tion ordinaires. P. 249, 1. 28. Lire NrT'"'»n-l r:-n03î<. La glose "i:J">l!lbp ne paraît pas se rapporter au mur, mais aux fenêtres ou aux montants. Gerschom dit. en effet: i3D 5^ Trhy l^im riDlTûS nV3-| rti:-'n73n . . .

-i"i::"v:;ibp "ji-nipo am^s y^'d X'iz'^-^^ ■'35 br mbma miibn nbiD « et on bâtit sur le quatrième mur, sur toute l'élendue, de grandes fenêtres repo-

318 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

sant sur des montants, semblables à ceux qu'on appelle closler. P. 250, 1. 1. Lire B. £., 81 a. Au lieu de renvoyer à Haschi Mosch Easchana, 23 a, il était plus simple de dire qu'ici Baba Batra, 81 «, Raschi donne ce môme mot b'iiTl'p avec cette explication : « arbre qui croît dans la mer et qui est très rare ». Dans l'éd. de Wilna, à la suite de la glose b">"^'np de Ger- schom vient "^llp, qui a tout l'air d'une interpolation. Ib., 1. 24. Dans l'éd. de Wilna, Gerschom dit seulement : parfum qu'on appelle cos ».

Tome XLIII, p- 71, 1- 1- La glose porte uniquement, comme le dit G. lui-même, sur le mot NPjD. Ib., IP 1. avant la fin. Lire 966 et

■^pnblT. P. 73. \. 14. Référence fautive, il faut 90 6. Ib., 12* 1. avant

la fin. 11 faut riD"'2 ou p"l"'" ns^D, et non riDD. P. 75, 9" 1. avant la fin. Lire "'73'^'^pT. P- 76, 1. 20. Dire plutôt : « Petites poutres en saillie ». P. 77 1. 10. Pourquoi citer tant de passages Raschi donne cette glose excepté justement celui d'ici ? Ib., 1. 21. se trouve la forme j^-îjVj y p. 78, 1. 10. Raschi disant 'jlW'^b, il reste à se demander si les deux mots n'en sont pas un seul ; "jT et y se confondant fréquemment dans les mss. Ib., 1. 35. Si l'éditeur du Talmud de 'Wilna a remplacé "ll^ par llTany, c'est parce qu'il a pensé à Baba Batra, 81 a, précisément le Tal- mud explique Xm'^V par "^"l?, et Raschi traduit le nom de l'arbre par laurier. Il est probable que Gerschom ici en écrivant "ll^ a voulu hé- braïser (au singulier). P. 80, 1. 23. Beférence fautive. P. 81, 1. 4. Raschi donne le même mot ici, dans Baba Batra, 676. Dans certaines édi- tions, la glose de Raschi est écrite U""'"^» met. P. 83, 1. 1. Il faut dire que Np^l73 est la glose de NnT^n, et impu:"!?: celle de Npn. P. 84, 1. 16. Raschi donne le mot au même endroit, 62 6. P. 84, 3" 1. avant la fin. Lire Nii^nn, au lieu de "V^^n. Raschi. dans Berachot, 37 6, glose le même mot, mais d'une autre façon ; il dit : « espèce de pnp"'''2bu) qu'on émiette dans le pot ». P. 86, 1. 9. Raschi donne une glose différente : ■jmbeUJN. 76., 1. 23. Lire !nb"'bn p. 87, 1. 14. Raschi a la même glose, j^73'ii«^. p. 88, 1. 1. Dans l'édition de Wilna, on lit N"'"'nD, qui a peut- être quelque rapport avec la glose Np"lD de Raschi, qui signifie « couleur de peau rouge ». P. 88. dern. ligne. La glose de Raschi, 436, porte sur un autre mot, '^■''13. Le texte de Gerschom est assez difficile à comprendre, car il dit : y^TDT f'j'ba T^TÎTI \yCib -l"'3>0"> 'Û-15T MD''Î<T. Que vient faire le dernier mol? P. 89, 1. 9. Lire Nn3~-i7û. Ib., \. 25. Lire N"^na».

If),^ 1. 27. La référeuce 42 tf est erronée. Ib , 4" 1. avant la fin. Au lieu

de n72::T3, lire "'jIû'i^, ou ^^12^^^^2 comme R. H-, "iZa. P. 92, I. 21. Au lieu de 92 6, lire 63 «. P. 93, 1. 19. On ne voit pas que Gerschom em- ploie le mot dans un autre sens que Raschi. G. dit : « chose qui croît autour de l'arbre appelé tel, et R. : « . . à l'écorce de l'arbre appelé tel ».

jb,^ lie 1, avant la fin. Lire Dinon. P. 94, 1. 4. Lire N3"'3N"i, au lieu

de î<2''2''ît. Ib., 1. 28. Il n'est pas inutile d'avertir que d'après Gerschom, c'est une glose slave. Ib., 1. 32. Ce n'est pas ce mot, mais mni"l que Raschi traduit ainsi. Cela n'a pas d'importance, d'ailleurs. P. 95, 1. 2. C'est dans Pesahim, 39, que Raschi donne cette autre glose, comme If. remarquent les Tosafot. Ib., 1. avant .'a fin. Ce n'est pas moîlbs que Raschi traduit par treille, mais 133 « vigne ». Le texte de la baraïta porte : Une vigne d'or se trouvait à la porte du héchal et était suspendue sur dos mD2lb3 ; quiconque faisait vœu d'un grain ou d'une grappe les y pen- dait. — Israël Lévi.

Le gérant, Israël Lévi.

TABLE DES MATIERES

REVUE.

ARTICLES DE FOND.

Brandin (Louis). Les gloses françaises (Loazim) de Gerschom

de Metz [fin] .' 72

BûCHLER (Ad). Les Dosilhéens dans le Midrasch. L'interdit pro- noncé contre les Samaritains dans le Pirké di R. Eliézer. 50

GoLDZiHER (T.). Mélanges judéo-arabes 1

Ka.ysermn(j (M.). L Notes sur l'histoire des Juifs en Espagne . \ii

11. Un chansonnier marrane. Antoine de Montoro 2o9

Lambert (Mayer). Les anomalies du pluriel des noms en hébreu. 206

Lévi (Israël). L Sur les deux premiers livres des Macchabées. 215

II. Afîquia, femme de Jéi-us, fils de Sira 'ii\

III Un recueil de Consultations inédiles de rai bins de la

France méridionale 237

Lévy (Isidore). Cultes et rites syriens dans le Talmud 183

Marmier (Général g.). Contributions à la géographie de la Pales- tine et des pays voisins [suite] 161

Monceaux (Paul). La Bible latine en Afrique [fin] 15

Schwab (M.). Inscriptions hébraïques en Bretagne 117

Seligsohn (M.). Azharot judéo-persanes 101

NOTES ET MÉLANGES.

GiNSBURGER (M.). Deux lettres d'Emanuel Porto 133

Kaminka (Armand). Quel e.-t le Psaume de ia dédicace du

Temple ? 269

Kayserlincj (M.). L Un conflit dans la communauté hispano- portugaise d'Amsterdam 275

II. Les Juifs de Na pies 277

Lambert (Mayer). I. De la couséeraliou (Lévit., xxvii, 1-24) 133

IL Notes exégétiques 268

Reinach (Salomon). Note sur une famille juive de Novellara

(Italie) -ÏSS

Reinach (Théodore). L'augure Fulvius et l'enfant Jésus 273

320 REVUE DES ÉTUDES JUIVES

BIBLIOGRAPHIE.

Bâcher (W.)- I- Zur Genesis der Agada. IL Die Alexaadrinische

Agada, par N.-J. Wkixsiein <39

IL û'^b;i:TT^i 1"i"'i: na-N 'o. Variantes et additions pour le

texte du Talmud de Jé-usalem, par B. Ratner 310

KoNT (J.). Publications de la Société liUcraire Israélite de Hon- grie ^S4

Lambert (Mayer). Hebràisch u. Semitisch, Prolegomena u. Gruudlinien einer Geschichte der semilischen Spra-

clipn, par E. Koniq 306

LÉvi (Israël). Revue bibliographique, année 1901 278

Additions et rectifications 160 et 317

Table des matières 319

VERSAILLES, IMPRIMERIES CERF, 59, RUE DUPLESSIS.

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