1" LlVRAlSON. REVUE ENCYCLOPEDIQUE; ou ANALYSE RAISONNEE DES PRODUCTIONS LES PLUS REMARQUABLES DANS LK IITTERATURE, LES SCIENCES ET LES ARTS; PAR UNE Rl&UNIOX BE MEUBBE$ DE t'lNSTlTUT ET d'aOTRES HOMMES HE I.IWTRES. A PARIS, AU BUREA.U DE LA REVUE ENCYCLOPJ^DIQUE , Et cliez SEDILLOT, MBK\ir,r. , koe de i^'ontoy , n" So: ARTHIS BERTRAND, avE .lAUJtrEuiu.E, r." 2S. JANVIER 1831. NOMS ^ES COLLABORATEURS ET DESCORRESPONDiNS, FRANQAIS ET ETRANGERS. lo. Pour les Stici^ss pkfsifues el itKahcinntiquts f^les Aiu indiu- tricis : MM. BiiXtiT DE Merheiix; Casassca , de Pladrid ; Cii. Dc- piN, GiBAr.u, Navieb, de Plustitut; J. J. Baode , Dubuxjwfaut , H. Dcssaud, Febry, FaANcoBna, Au. Cokdiket; U. Labdker, de Loadresj A. Michelot , de Montc^by, AIoreao de Johses; Quete- LET, do Bruselles ; T. Richard; Warden, des Etaf^-Uuis d'Amcri- que, etc. a°. Pour Its Sciences nnturelhs ; MM. Flotjuems, Geopprot t)Ai«T- HiLAiEE, de rinslitut; Bory de Saikt-Vi.ncest, rorrespondanl de rinstitut; Matbieo Bosafoos, de Tunn; B. Gaulok , de Dieppe; ISIDOUB GboFFROT SAIMT-HrLAIBB , HtOT ,. etc. 3". Pour les Sciences medicates : MM. Damibow, G.-T. Doih, Fos- sATx, Gasc; Gehsok , dc Hambourg; de Kibckhoff, d'Anvera; Lox- som; PiEHQUiif ; RiooiiLOT fils, d'Amiens,etc. 4". Pour les Sciences philosophiques et morales , poliliques , geogra- phiques et hisioriques : ^MM. M. A. Jullibk , de Paris, Fondateur-Di- recteur de la Refue EncyclopciUque ; Arth. Beugkot, Ad. Ei-arqui ; Alex, de La Bobde, Jomabd , de I'lnsUtutj M. Avesei., Barbi£ du BoCAGE filsjCn. CoMTE, Deppiko, Alphokse d'Hef.belot, Dcfatj, DowOYER, Gdigkiaut , A. Jaubert, J. Labouderte , Lanjcinais, P. Lami, Isidore Lebbum, Lesoedr-Merlik, Massias, Aleert- MoKTEMOKT, Eusebe Salvebte, J.-B. Say ; Simowde de SiSMOKDr , de Geueve; WABMS-qEHiG , de Liege, etc.; Dopin aine; Berville, Bod- cnEKE-LEFEB , Parent-R^aLjCh. Reuottaro , Taillahdier, avocats; ViDAUBBE , du P^rou , etc. 5°. Pour la LiUerature Jrancaise et etrangere, la JBibliographie , YArcheologie et lei Beaux -Arts : MM. Andrieux, Amaort-Dovai, il^MERic David, Lemercier, de Segor, de Tlnstitut; Akdrieus, de Limoges ; M"' L.- Sw. Beiloc ; MM. Bdrnouf fils , Chadvet ; Chia- BiNi , de Varsovie ; P. -A. Coupin , Fa. Degeorge , DnxEBsAK ; Ed. GAnTTiER-D'Anc ; Pii. Golbbry, correspbndaat de I'Instilut; Leox ELalevy , HbhriChs , £. Hereau, Auguste Jullieh fits, Bbritaro Jul- WEW ; Kalvos; de Zante ; Adrieh-Lapasge , J. V. Leclefx , A. Ma- HCL, MoKGLAye , MoNNABD, de Lausaune; C. Pacakbl , H. Patin, Ahselbib Petetik ; Serge Poltouatzbly , de Moscou ^ Pokgerville , DE Reiffenbbbc, db Stassart, de BruxelLes ; Fr. Sai.fi, Scunitzlbr, Sebvah db SooaT: Leok Thiesse , P. F. Tissot, VicoiER, Vilie- MATB , etc. REVUE ENCYCLOPfiDIQUE, J. PARIS. — IMPRIMERIE DE V« THUAU, Al/K nU CLOIIBK ftAINT-BKNUIT, N^ /|. />?. /(Ttro . REVUE ENCYCLOPfiDIQUE, on ANALYSE RAISONNEE DES PRODUCTIONS LES PLUS REMARQUABLES DANS LES SCIENCES, r,ES ARTS INDUSTRIELS , LA LITTERATnRB ET I,ES BEADX-ARTS J PAR UNE REUNION DE MEMBRES DE L'INSTITUT, ET d'aUTRES HOMMES DE LETTRES, TOME XLIX. PARIS, AU BUREA.U CENTRAL DE LA REVUE ENCYCLOPEDIQUE, ET CHEZ SEDILLOT, LIBRAIRE, RUE DE l'oDEON , N" 30. JANVIER-MARS I 83 I " Toutes les sciences sont les rameaux d'une m^me tige. » Bicow. - L'art ii'est autre cliose que le contr61e et le registre des meil- leures productions... A conlr61er les productions (et les actions) d'uii chacun, il s'engcndre en vie des bonnes et mepris des mauvaises. » Montaigne. « Les belles-lettres et les sciences , bien ^tndiees- et bien comprises , 4ont des instrumens universels de raison , de vertu , de bonheur. • REVUE ENCYCLOPfiDIQUE, oa ANALYSES ET ANNONCES RAISONNEES t>ES PRODUCTIONS I.ES PLUS RBMARQUABLES . DANS LA LITTERATURE, LES SCIENCES ET LES ARTS. I. MfiMOIRES, NOTICES, LETTRES ET MELANGES. VUES GENERALES SUR NOTRE PLAN ET NOTRE BUT. (Janvier »ii3i.) La Revue Kn€yci.opedique vient d'accouiplir sa uodzieme ANNEE. Depuis douze ans, elle lulte avec energie , avec perseverance, avec desinteressement et devoiinient, pour la cause des lumieres et dc la civilisation : elle stipule cons- tamment pour les inierets des peuples et de I'liunianite. La Revue Encyclopedique est venuCj la preijiiere , offrir, en 1819, un point de ralliement , uu moyen central de communication aux konimes genereux et eclaires de tous les pays , appeles a farmer une sorte de sainle alliance i a r, VUES GliNKRALES transporter, d'une contrce dans une autre, les institutions, Icsetablisseinons, Ics vues et les lunileres utiles. Par Tuniversalite de son plan , elle enibrasse, dans ses nuatre ^{randes divisions, tous les Iravaux , tous les pro— frcs en lout genre, toutes les conceptions qui se rappor- lent a ravanccment social _, wioral ct intellectucl des Iioninics. 1°. Des Memoires, des Notices, des dissertations sur des objcts de bien public , traites a priori par des ecrivains habilcs , pnr de grands publicistes, par des nioralistes, des savaiis , des litterateurs , des artistes , appeles a remplir la saintc mission d'instruire les liommes ; 9.". Des ANALYSES etendues et raisonnees d'ouvrages im- portans sur les differentes branches de nos connaissances^ faitcs pour introduire successivement les lecleurs dans toules les spheres ou peuvent s'exercer I'intelligence, I'iu- dustrie et ractivite ; 3". Des A.NNONCES biblioguaphiques, rapides , abregees , subslan tielles, de la plupart des productions nouvelles, scien- lifiques et litteraires, publie'es en di verses "langues et cliez toutes les nations, classees par pays, propres a fairc con- nailre la tendance donnee a chaque litterature natiouale , a faire comparer cntre elles les differentes litteratures et a faire bien saisir leurs caracteres distinctifs ; 4°. Des Nouvelles de toutes les coiitrees du globe, relatives aux sciences, a Tindustrie^ aiix lettres, aux antiquites, aux theatres , aux beaux-arts et a tout ce qui interesse la civili- sation ; aux Societes savantes , litteraires , philosophiques, philantropiques et a leurs travaux ; des Nonets necrologi- QUEs sur les hommes distingues el utiles, dans toutes les carrieres, dans tous les pays, dont la famille humaine, qu'ils ont servie et bonoree, doit recueillir les actions ou les ouvrages, censerver les noms et la inemoire ; noble et louchant hommage de reconnaissance, qui est a la fois une dettc sacree , un acte de moralile et de justice : Tels sont, dans un cadre tres-resserre, les objets varies^ SUR NOTRE PLAN ET NOTRE BUT. 7 I'infini que comprend le plan de notre Revue Encyclo- pedique. Elle a eveille partout de vives et profondes sympatbies. On n'a point voulu rapetisser par un nom propie une grande institution^ feconde en resultats utiles, qui reunit dans un fond commun tons les tr^sors de rintelligence hu- maine, et fait participer toutes les nations aux richesscs intellectuelles qui sont propres k cliacune d'elles. C'estau nom d'une reunion de membres de I'Tnstitut de France , et d'autres savans et bommes de lettres, que ce Recueil est pu- blie : il est le domaine commun de tous les peuples , de tous les bommes de bien. Cbaque nation civilisee figure tour a tour dans ces -^n- nales de la civilisation progressive et comparee. L'bomme instruit puise dansce vaste repertoire de nom- breux maleriaux pour ajouter a son instruction. L'homme du monde y parcourt rapidement tous les pays, toutes les sciences, et prend une idee sommaire des princi- pauxfaitsquicaracterisentle mouvementderespritbumain. Le jeune bomme, temoin de I'activite et des efforts par lesquels les societes tendent a augmenter leur puissance sur la nature , a ameliorer la condition de l'bomme sur la terre, est saisi d'une emulation genereuse , pour se rendre capable d'imiter de nobles exemples : il ne veut pas que la generation dont il fait partie reste inutile et impuissante. Les femmes elles-memes, babituees en general a des lec- tures frivoles , trouvent une foule de pages qui les instrui- sent, les attaclient, les interessent : elles se febcitent qu'on ait pu mettre a la portee des esprils nieme superficiels et peu cullives des questions graves, des notions abslraites, des faits jusqu'alors relegues dans la baute region des intel- ligences superieures. La lecture de cbacun des cabiers meiisuels de la Revue Encyclopedique est comme un voyage d'observation , qui ne laissc aucune place au degoiit ni a I'ennui , tant les objets qui se succedent sont diversifies et iuslructifs. Jamais I'at- 8 VUES GfiN^RALES tention n'ost fixec tiop long-tenis sur un memc point; ja- mais uii sujot n'est traitd avec trop de Icgcrete pour ne pas laisser quclque trace dans I'esprit. L'oxaiucn critique des ouvrages est liabituellement con- fic a dos plumes consciencieuses et judicjeuses^ jamais une jalousie basse , une disposition nialveillante , ni une ct>m- plaisancc trop facile, ni une influence de parti politique, de sectc philosopliique, de coterie litteraire, ni un esprit elroit el exclusif de prevention nationale et de localite ne president aux jugenicns. On y cherche de bonne foi la verilc. On ne decourage point les essaisj on ne .verse point le sarcasme et I'ironie sur lessentimens genercux. Chaque nation est appreciee avec imparlialile, avec jus- tice. Rien n'annonce que ce Piecucil soil publie en France, a Paris, plutot cjue dans un autre pays, ou dans toute autre villc. Ou louo ce qui est bon, on blame ce qui est mauvais : on rend un pur et sincere hommage a la vertu , au talent, ausavoir, au genie. On avoue avec ingeuuite les ecarts ou Ion a pu tomber, les erreurs qu'on a pu commettre; on re- tracte des faits inexaets, ou des jugemens liasardes qui out puetliapper, au milieu du grand nombre d'articles dout ciiaque livraison se compose. Et cctte source abondante d'instructions et de jouissances pour la pensee, cette variete infinied'objetsprcsentt'saulec- leur, de nations, d'ouvrages, detravaux, deprogres, d'in- dividus passes en revue, de scenes dramaticjues et animees , oil se revelenlle caractereet I'esprit despeuples; ce resullat d'mvesligations, de correspondances , de communications si mullip'ices : tout cela est oiTert au public assez prompte- ment pour qu'on soil toujours au courant du mouvement social, quelle que soil sa rapidile, et a des intervalles assez eloignes pour (jue I'ouvrage ait mie sorte de gravite et de inalurite histpriques (i). i^>) D doit elre peiiuis dc faiic reuiaiquer ici que le piix de rabonne- BUiiit (40 fr. a Paris) est tellement niodique qii'il n'est point possible de SUR NOTRE PLAN ET NOTRE BUT. 9 Amis des sciences, amis de rimmanUe, sur quelque point du globe que voiis soyez jetes,mcmbies epars delagrande famille liumaine , ralliez-vous a cette eutreprise, eminem- luent bienfaisante et utile. Douze annees de Constance ^ a tiavcrs les difficultes, les obstacles, les degouts, suscites par la defiance ombrageuse des gouvernemens, par les entraves de la censure , les ma- noeuvres de la police , les intrigues de la diplomatic , de'po- sent de la bonte d'une institution qui a pu naitre , croitre , s'etendre , fleurir par sa seule force et par I'appui des liommes de bien; il y avait de la vie et de la fecondite dans cette idee qui convoquait a une sorte de congres phi- losopbique les penseurs de tons les pays. L'appel de notre poete populaire Beranger etait realise : Peoples , formez une Sainte- Alliance , Et donnez-vous la main. Les vues elevees et les nobles sentimeus trouvaient un refuge et un asile, comme les etrangers , quelle que fut leur patrie, trouvaient une place marquee a la table liospita- liere des nations, a laquelle etaient convoques, tousles mois, les correspondans et les amis de la Revue Encyclo- pedique.Ses banquets mcnsuels, ou tant de rapprochemens fortuits ont produit des resultats durables, ont servi de com ■ plement a cette institution ; et le registre ou venaient suc- regarder cette entrepiise comme nne speculation. L'angmentatioa des prix ponr les departemens, et pour les pays etrangers , correspond a peine a ce qui est paye pour le transport par la poste. La valeur venale da Re— cneil, en raison du nombre de feuilles d'impression dont chaque cahier se compose, du caractere que Ton a choisi , a la fois fin et tres net , pour em- brasser dans un moindre espace une plus grande quantite de materiaux , excede de plus d'un tiers le prix fixe pour I'abonnenient. On a voulu re- daire au pins bas prix cet expose des produils remarquables de I'esprit hu- main. Car on avait pour but , non aucunc vuc inlcressee ppisonncllo , niais un grand avantage mis a la portee d'ua tres-grand nombre d'hommeb. lo VUES Gl^NfiRALES cessivcmcnt s'inscrirc tous les convives admis a ces ban- quets est dcvenu, au bout de plusieurs annees , une sorte dc rcudez-vous de famille, ou Ton aiine k reacontrer les noins de voyafi[curs, de savans, d'ecrivains distingues , de bienfaiteurs de rhuma'nite. Combien de jeunes gens qui connnencaieiit leur carriere ont trouve dans ces reunions pcriodiques des souliens , des protecteurs , des moyens ho- noiables d'existence et de fortune , des points d'appui pour leur avenir ! Combien d'echanges precieux d'idees et de projets utiles ont eu lieu entre des homines estimables qui veportaient ensuite dans leur pays ce qu'ils avaient recueilli a ce foyer commun, oil s'etait fecondee leur pensee. Les Aiuericains du nord se sont eclaires des lumieres de la vieille Europe , et ils lui ont presente le riche tableau des ameliorations sociales que leur procurait la liberte. LcsAmericains dusudont vu avec un juste orgueil leurs filats naissans compris dans la lisle des nations civilisees, et cliacuu de leurs efforts, de leurs progres, a ete signale a I'attention des autres peuples. Le voyageur, qui parcourait les deserts de V^frique, a In avec interet, dans ses courses lointaines , le recit de ses dccouvertes , et il a vu quun homniage etait paye a ses couragcuses investigations. Le contraste des usages et des mreurs des peuplades encore plongees dans la barbaric a fait mieux ressortir et apprecier les avantages dont jouis- sent les peuples polices, qui ont acquis le sentiment de leur dignile et de leurs droits. L'Anglais, TAllemand , le Russe , ont senti s'cteindre leur disposition secrete d'irritation, de jalousie, de haine contre la France , lorsqu'ds ont vu que , tous les mois , leurs pro- pies iravaux etaicnt , pour les Francais, I'objet d'un exa- nien atlenlif ct consciencieux. La France ne s'est plus regardee comme le modele ex- clusif du bon et du beau , lorsque les productions etrange- res lui ont ete tour-a-tour representees avec fidelite , et SUR NOTRE PLAN ET NOTRE BUT. 1 1 lorsqu'elle a reconnii la grande part que prenaienl aussi d'aiities nations i Tceuvre de la civilisation. Les peuples condainnes encore a subir une dure servi- tude ont supporte avec plus de resignation le poids de leurs cliaines, quand ils ont vu qu'eux aussi inspiraient une af- fection profonde et sympathique aux amis du bien dans les autres pays. Les niembres epars de I'humanite out pu s'entr'aider , se correspondre , communiquer les uns aux autres leurs sen- liniens, leurs projets, leurs esperances. Telle a ete , depuis douze annees, telle continuera tou- jours d'etre, sous un regime de liberie qui lui permettra uii de veloppement plus completde son plan, la Revue Eincitci.o- PEDiQUE, bien differente de quelques autres entrepriscs forniees a son image, loni;;-tcms apres elle, mais qui n'a- vaient avec elle qu'une ressemblance Irompeuse , puisque les unes avaient exclu , par un calcul de prudence, les sciences morales et politiques , qui sont I'ame des autres sciences, et la litterature , les beaux-arts, dont Ics pro- ductions ont souvent une couleur politique ; puisque les autres, loin d'embrasser avec un egal amour I'uni versa- lite des sciences et des nations, s'attacharent particulicrc- Mient a un ordre d'idees,a une branche des connaissances, a quelques localites , a une seule litterature, ou nieine a ui» genre special, a une ecole, a une doctrine, pour servir les interets d'une secte ou d'une coterie. Aussi , la Revue Encyclopedique n'a pas e'te soutenue avec chaleur, meme par ceux qui cooperaient a ses publi- cations j elle n'a point eu des amis ardens , des proselytes pour la repandre. Trop souvent , comnie I'a dit notre poete pliilosopbe , L'homine est de glace aax verites ; II est de feu pour le mcnsonge. Cest la VERiTE , c'est le bien PUBtic qui sont les deux 12 COUP-D'OEIL biits auxqucls iiotre recueil est coiisacre. II doit s'aine- lioror, d'aniico en annee , par le concouis d'obscrvateurs inslruits, d'aniis du bien, de penseurs, de savans, d'e- crivains babiles et ingenieux qui , de tous les points du globe, viennent se leunir a la legion sacree qui s'avancc, lo diapeau de la philosophic en main , pour conquerir et pour rcpandrc au loin des verltes nouvelles. Nous esperons que notre appel sera entendu , que nos efl'orts seront puissamment secondes , que partout notre diflllcilc et dispendieuse entreprise trouvera des coopera- leurs, des correspondans , des amis , des soutiens , des pro- payateurs. C'est la cause commune del'humanite que ser- viront tous ceux qui viendront s'unir k nous. M. A. JuLLiEN , de Paris. COUP-D'OEIL sun L'ilTAT DU GLOBE ElV 1830- L'annee i83o restera memorable entre celles dusiecle; elle marque le debut d'une grande epoque. Apres un de ces tenis de lepos qu'amene une longue suite d'agilations civiles ct gucnieres , les idees genc'reuses , refoule'es par le despotisme de Napoleon et par la sainte alliance , son ignoble heritiere , ont repris lour essor ; la civiUsation , comme iiidecise un instant devant les barrieres accumulees par robscurantisme, a tout-a-coup ete precipitee en avant par une revolution imprcvue ct foudroyante ; elle ne peut plus reculer ; elle ne peut plus s'arreter; il faut qu'elle inarche ! Les hommes qui aiment a porter un regard phi- losophique sur les grandes vicissitudes sociales dont nous sommes temoins resient absorbes par de profondes medi- tations. Us parcourent I'histoire pour y trouver des analo- gies avec le present; ils lui dcmandent de siires inductions sur le sort des generations futures, lis recueillent avide- SUR L'lfeTAT DU GLOBE EN i83o. i3 ment ces fails qui i-esument unc ^poque , qui la resolvent , pour ainsi dire , en quelques verites, au niojcn desquelles se forme graduellement una nouve'.le science d'observa- tion J ils se demandent avec anxiete si nous ne touclions pas, en eflfet, k une crise g^nerale. II appartient a ce Re- cueil, qui a servi depuis sa creation d'utile auxiliaire a la cause des lumieres , sinon de resoudre , du moins d'e- clairer ces liautes questions. C'est ce que nous essaierons, en jetant un coup-d'ceil rapide sur les diverses contrees du globe, en fixant nettement le point de depart pour clia- cune d'elles. Dans cette revue, la patrie doit d'abord appe- ler notre attention ; et la , un fait immense I'absorbe sur-le- champ tout entiere. Cette annee i83o s'etait ouverte pour la France sous de sombres auspices : apres quinze annees de lutte contre une restauration perfide et pour le maintien des resultats de sa grande revolution, la nation se voyait enfin livree par la cou- ronne a une faction qui lui etait justement odieuse. Cette faction n'avait rien epargne pour se donner des gages de securite : au dehors , la sainte alliance s'appretait a mettre a sa disposition ses innombrables phalanges; au dedans , la magistrature , le clerge , I'armee , I'administration lui ofFraient partout des agens et des satellites sans conscience. Chaque jour , elle prenait plus de confiance en elle ; et se penetrait davantage de cette pensee qu'elle n'avait qu'a vouloir, et que les obstacles s'ecarteraient devant sa mar- che forte et resolue. D'une autre part, les amis de la liberie eux-memesen etaient venus au point de douter parfois de la France , de concevoir de secretes inquietudes sur les chances que rencontrerait une main energique et habile qui voudrait la ramener au despotisme. Des elections si souvent reportees sur des hommes sans caractere , ou qui semblaient ne s'etre donnes a la revolution que parce que la cont re-revolution ne voulait plus d'eux , etaient peu pro- pres a rassurer les esprits contre la possibilite d'un triom- pUe , momentane sans doute , mais dont les suites eussent ,^ COUP-D'OEIL c'te iuciihulahles pour la Fiance ct pour rEmope, Telle elait la silualion des cltoses, (juaiid la faction lesolut tie porter un toup liardi et decisif , de fiappei- la revolution au eo3ui- el de sounietlre defiuitivement le pays au joug lionteux de I'absolutisme. Mais la rcstauiation , acceptee , ii faut le dite , dans les lan^js supeiicuis de la societe , ue I'avait pas ete par les classes laborieuses : le peuple , dans le fait , n'avait jamais cesse d'eprouvor une secrete repuj^naace pour ce gouver- nement inlronise par les Laionneltes etrangeres, et qui avait eu pour cortege Teinigration et le jesuitisme. II le poursuivait de ses mepris et de ses railleries, averti qu'il elait, par une"sorte d'instinct, qu'il avail en lui un'ennemi constant et acLarne de son perfectionnement moral , de ses inlerets et de ses droits. Reste jusque-la indifferent a la discussion de questions politiques qui ne le toucliaient que de loin , il enlendit le cri d'indignation qui fut jete, lors- qu'apparurent los ciiminelles ordonnances, etsur-le-cliamp jl se leva J il se leva, et en trois jours , un pouvoir reedifie avec tant de peine, par I'Europe en amies, fut renverse par des cnfansi L'histoire relracera les details de ces memorables jour- nees ou se relrouva subitemenl la grande nation de 1789, et que Lafayette a si h^ureusement caracterisees par celte siu.ple designation : la grande semaiiie ; elle montrera ce peuple saisissant le drapeau de Fleurus et de Marengo, s'armanl a la bate dans les boutiques , demandant des offi- ciers a nos ecoles , courant tete baissee sur les pieces de ca- non et e.pargnant ks vaincus qui I'ont mitraillej elle le montrera surtout , lui voue aux durs travaux, aux penibles privations, ne se servant de sa force, apres le combat, que pour proteger la propriete privee , deposant ses amies au premier mot pour retourner a ses liabitudes de travail et de jsoumission , s'eii remettant, pour I'editication d'un nouvel ordre politique, a ccux en qui il reconnait deslumieressu- jierieures, peut-ctre menie sacrifiant a cet egard ses souve- SUR L'fiTAT DU GLOBE EN i83o. if, nils et .ses voeux secrets; abnegalion loucliante qui forme le trait le plus frappant de celtc revolution, et qui en fera I'une des plus etonnantes pages de nos annales. Les resultats de ce grand evenement seront immenses; le premier de tous diit ctre le retablissement de la souve- rainete nationale dans ses droits et du pouvoiv sur sa veri- table base , I'assentiment et la consecration populaires. Cet article fondamental du pacte constitutif , les Parisiens I'ont scelle de leursang aumois dejuillet, non toutefois comme cette vaine abstraction , plus souvent invoquee que com- prise, et qui, placant le droit dans les masses, necessaire- uient nioins eclairees, arreterait I'essor progressif de la societe ; mais comme An principe pratique qui fait du pou- voir une sorte de consequence des luniieres et remplace la soin>erainetd de la force populnire par la souverainele de la raison publique. Nous ne nous etendrons pas ici sur la nouvelle constitu- tion, donnee a la France a la suite des evenemens glo- rieux qui I'ont affrancliie; de graves questions s'y ratta- chentj leur examenne sauraitetre renferme dans les limites d'une rapide e§quisse , ni presente peut-etre sans nous faire sorlir de la sphere habituelle de nos investigations. Laissons au terns a decider si de grandesfautes n'ont pas ete commisesjsi de vainesfrayeurset defunestes intrigues n'ont pas fait perdre une heureuse occasion d'asseoir I'existence constitutionnelle du pays sur des fondemens iuebranlables, peut-etre aussi de fermer un abime que Tesprit de faction s'attachera a tenir iacessamment ouvert. Eh! ne semblerait- il pas, aux perpetuelles hesitations du pouvoir, a ses em- barras actuels , a ceux qui sont semes sur sa route , qu'il a deji recueilli I'heritage de ces fautes et que I'epoque du jugement definitif de I'avenir est arrivee i Quoi qu'il en soit, la revolution de juillet doit porter ses fruits; ce sont de trop faibles bras que ceux qui vou- draient I'etoufFer en germe ! EUe ne degenerera point, comme quelques-uns le voudraient , en une reslauralion ,6 COUP-D'OEIL rimclion'c ; tliacune dc ses consequences naturelles en sera succcssivcineiil ileduito. Unc paiiic oiganisee coiuine il convient a un pays ou I'aristocratie n'est plus possible ; unc representation elue d'apres un syslcme qui cessera d'etre derisoire ; une organisation niunicipaie appropriee aux in- terets dos localitcs ; une responsabilite reelle et severe des ageusdu pouvoir; la destruction dcs monopoles , Tecono- niie dans los depcnses , la diminution dcs inipots, le deve- loppeniont du principe d'association ; la suppression de toutcs les entraves mises aux progres et a I'aiuelioration du sort des classes laborieuses : tels sont les bienfaits dont la derniere revolution doit etre la source pour la France. Le peuple les a conquis au Louvre, le 29 juiilet j il doit y compter. II faudrait plaindre les coteries politiques qui , aveuglees par des rapprochemens trompeurs, entraveraient systematiquenient les intentions loyalesetgenereusesdu roi- citoyen. Un orage s'aniasserait ainsi sur le pays ; car, enfin, apres cet beureuxessai de sa force , le peuple sait ce qu'elle vaut et ce qu'elle peut ; par elle , Napoleon avait vaincu la contre-revolution au dehors ; par elle, nous venons d'en triompher au dedans Hommes qui repaissez vos regards d'une i-oyaute nouvelle a exploiter, songez que vous ne pour- suivricz bientot plus qu' une ombre, si vous ne lui donniez pourappui des institutions conformes aux interetspopulaires! Si nous examinons I'impression produite sur I'Europe par cette etonnante revolution , nous voyons qu'elle a sur-le- cliamp excite un sentiment iiniversel d'admiration et une vive sympathie. Les peuples ont ete frappes du bon sens et de la droiture dont la population parisienne et la nation cntiere ont fait preuvc dans ces graves circonstancesj lis ont vu que, si la France devait aspirer k reprendre son rang dans les transactions europeennes , elle etait biea desabusee des reves de gloire militaire qui enflammerent les gene- rations precedeutes; qu'elle ne vent plus d'autres con- quetes que celles qui sont , comma Alger , faites sur la bar- i>arie j qu'elle ne pretend qu'a cette influence pacifique 8UR L'6tAT DU globe en i83o. 17 qu'exercent neccssaireinent trente-deux millions d'liommes libres et hcureux , par I'actiou d'iustituiions progressives, et qu'enfin , apres I'exemple des ecarts et des folies de la repuhlique et de I'einpire , la France ne peut vouloir que proteger la liberie partout ou elle existe, et propager les lumieres parlout 011 elles n'ont pas penetre. Mais, dans le cercle ou la loyaute fiancaise s'est renfer- mee, elle doit agir avec franchise et independance ; la na- tion est plus que jamais appelee a marcher a la tete de la civilisation, et toutes les autres ont le droit de compter sur elle. Sa politique est entre deux systemes : il y aurait ega- lement honte et peril pour elle a rompre la paix dans les vues d'uue egoiste ambition , et a eviter la guerre qui au- rait manifestement pour but la protection des droits d'uu peuple a I'independance, et des resultats d'un afFranchis- sement glorieuseinent consomme comme le notre. Elle est investie d'une sorte de mediation arme'e entre les nations de I'Europe et la diplomatie de la sainte-alliance. Voila son devoir et sa mission. Puissent les Conseilsdela couronne ne le jamais oublier ! L'Angleterre, cette reine du monde maritime, a deja obtenu un grand resultat de notre revolution. Le canon de Paris, retentissant jusque dans Westminster, a abattu le heros de la restauration et son administration aristocra- tique. Au bruit des acclamations publiques, des liommes c[ui n'ont jamais cesse de sympathiser avec les principes de la revolution , qui ont depuis long-tems abjure ces vieilles et absurdes animosiles natioaales qu'une politique elroite s'atlachait a perpetuer, qui comprennent tout ce que pour- raient esperer I'Europe et le monde, si I'Angleterre et la France marchaient desorinais de front, ont ete appeles a diriger Taction du sceptre britannique. Les plaies sont profondes, elles demandentune main habile et vigoureuse. L'Irlande, lasse de I'atioce oppression qu'elle subit depuis plusieurs siecles, la reforme parlementaire reclamee avec une impatience devant laquelle tous les moyens de resis- T. XLIX. JANVIER I 83 I . 2 ,H COfJP-D'OEIL lance p.uaissenl c'|)uises, rcfFioyable miscre des classes la- boiieusos, an nulicii des richesses do runiveis, qui senible menacer la societe d'une subversion totalc , doivent d'abord eveiller toute leur sollicitude ; le voeu sincere des liomnies eclaires est qu'ils reussissent dans leur immense taclie , ct cjuc cette nalion, dont le genie porte graduelle- nient siii- tons les points du globe I'esprit di; la sociele curopeenne , et qui a tant fait pour la liberte civile et politique , en dotant I'Europe du gouvernement represen- talif , sorte intacte de cette crise. Un puissant secours lui est assure dans la presse periodique, dont I'lnfluence s'ac- croil cliaquo jour, et se manifeste presque par des mira- cles dans cette contree. En efTet, la elle a pu ebranler, dans Jes idees populaires , le systeme restrictif auquel le pays est teste si long-tems fidele , et accrediter a sa place ces belles applications de I'econouiie politique qui preparent de loin les voies au grand bicnfait de rem.incipaiion generale du commerce j elle a pu triomplier de la haine intolerance qui pesait encore sur les catlioliques , des intercts mal en- tendus et des prejuges aveugles qui s'opposaient a I'aboli- tion de I'esclavage colonial ; c'est a elle qu'il appartient desormais de preparer les esprits aux lois combinees pour effacer graduellement cet inegal partage de la fortune pu- blique qui a mis le sol tout entier dans les mains de cjuel- ques-uns et livre le rcste a la faim et au desespoir. II faut entin qu'elle seconde I'essor d'un nouveau systeme politi- que , puisque toutes les sources de prosperite ouvertes par I'ancien sonttaries, et qu'en y perseverant, on ne voit de terme possible qu'une epouvautable catastrophe , dont le monde entier ressentirait la commotion. Autour de la France , deux contrees , la Belgique et la Suisse , ont imite sur-le-cliamp le noble exemple qui leur avait etc donne par elle. La Belgique, que tout rattache a notre sol, auquel elle fut long-tems unie,et que tout separe de la HoUande , a laquelle la sainte-alliance I'avait force- ment annexee , a accompli , comme nous , son glorieux 8UR L'fiTAT DU GLOBE EN i83o. 19 afFianchisscment. Bnixciios est devenu I'niinule tie Paris j un Coiigres national, cliarge tie fixer les deslinees du peu- ple beige, a excite I'interet de rEurope,en einettant les principes les plus liberaux comnie bases du nouvel acte constitutif. Plus tard , des influences diplonialiques sont ve- nues faire perdre de leur dignite a ses travaux. On a vu avec douleur une nation t^ui avait su conquerir sa liberie sc croire oblige'e de se meltre en quete d'un souverain dans toutes les cours tie I'Europe. Pvegrettons que le vosu popu- laire n'ait pas pu elre ecoute : il etait nianifestement pour la reunion a la France ; les traditions de 1814 ont enipeclie cette reunion ; mais a-t-on travadle ainsi pour un avenir solide ? II est assurement permis tl'en douf.er. Quoi qu'il en soit, sous un gouvernement conciliateur, ce pays, qui ren- tre uecessairenient tlesormais clans notre systenie politique, conlinuera a servir tie modele a I'Europe, par le perfec- tionnenient de ses cultures , le developpenient moral et in- tellectuel de sa population , et surtout par retablissement de ses colonies agricoles , I'une des tentativcs les plus heu- reuses et les plus dignes d'eloges qu'ait faites le genie phi- lantropique de notre siecle. La SuissK, apres avoir suivi toutes les phases de la re- volution francaise , avait ete replacee , lors de la dislocation du grand empire , sous I'influence de ces aristocraties bourgeoises dont.Ia tyrannie est d'autant plus oppressive t[u'elle n'a pas meme pour fondement un prejuge lono- tems consacre par le respect des peuples. La revolution de juillet fut pour cette contree un signal^ el tout-a-coup se renouvelerent ces vieilles querelles des villes el des campa- gnes qui ont , a d'autres epoques, li vre le sol a de sa nglantes dissensions. Aujourd'hui qu'elles se renouvellent, on peut experer qu'elles u'auront ni la meme duree , ni la meme issue. Deja, les gouverneineus de plusieurs cantons, eclaires par I'experience , ont optJre des reformes constitutives tjui ont satisfait aux raisonnables exigences du peuple. Fai- sons ties voeux pour qu'il en soit ainsi partout , et que nous 20 COUP-D'ORIL n'.iyons pas Ic deplorahle spectacle de ces i'luicstes divi- sions en Ire Ics citoyens. S'ils sont realises, si la deinocralie oblient cnfin uiie part equitable dnns Taction des ])Ouvoirs politiques , la Suisse i-eprendra sa mardie progressive ; ♦•Uepourra resserrer les liens dcpaix ct d'ordre qui unissent la fi'deration : elle eclairera de plus en plus sa population des canipagnes, a ravancenient dc laquelle elle aura deja du cet heureux mouveinent ; elle gardera , pour niaiutenir I'integrite de son territoirC; scs enfans que, suivant un lionteux usage, le gouvernenient federal louait au despo- lisme etraiiger : elle vivra licureuse par ses niocurs ct forte parses vertus, non moins que par les remparts naturets dont elle est enceinte. Le Midi de I'Eiirope doit a peine figurer dans cette re- vue; la, le deplorable systeme politique auquel le catholi- cisme senible avoir donne sa sanction, a recu son coniplet developpoment. La, une alliance a ete conclue entre les classes privilegiees et Ic peuple des derniers rangs , pour douiinev la partie jndustrieuse et eclairee de la population. Toutefois , nialgre les obstacles qu'on leur oppose, les lu- inieres penetrent peu a pen dans les masses ; le liberalisnie s'infillre graduellement dans les canaux du corps social , et deja Ton voit poindre I'aurore d'une regeneration. Heureux ces peuples , si elle n'cst pas acconipagnee de sanglantes agitations; si le torrent des passions populaires, long-tems coniprimees par I'ignorance et le fanatisnie, pent promple- ment prendre le corns paisible et regulier qu'un sage sys- tems de concessions successives pourrait des a present lui impiimer ! A. Textremite sud-est, se trouve une des esperances de la civilisation, notre Grece ( car il est permis de la nom- mer ainsi aux peuples que la politique ego'iste des souverains a forces de verser leur or et leur sang pour payer sa libe- ration). Sous une administration prudenle et fernie , cette coirtree renait de ses mines ; les debris de son heroique population songent d'abord a s'eclairer; linstruction pri- SUR 1/fiTAT DU GLOBE E\ i83o. 21 man e y prend des accroisseineus rapides ; les idees curo- peennes s'y accreditent. Enfin , nous assistons au beiceaii d'une nation nouvelle, dont I'existence faible et vacillanle encore repondra peul-etrc un jour a la gloire immortelle du nom qii'ellc porte. Le centre de V Europe est occupepar uiie zone d'fitats ge- neralenient {jouvcrnes avec sagesse , et qui sonten piogres sous dcs conditions politiques tres-diverses. Partout ou des constitutions n'existent pas, quelques institutions partielles, liabilement coinbinees , les remplacent ou les pr^parent. En plusieurs lieux , les populations ont egalement fait en- tendre , depuis notre revolution de juillet, d'energiques reclamations. Le pouvoirles a calmees, en annoncant I'in- tenlion lormelle d'yfaire droit. Cesnouvelles proniessesont deja ete accomplies sur quelques points. On pent croire qu'elles le seront successivement partout. Dans ie Nord , a cote des deux- Etats occideutaux dont les peoples sont lieureux et calnies, la Russie, fiere dc ses Ivioniplies recens centre lesTurcs, qui ont pour la premiere foisamene ses arinees iusqu'aux portes memes de Byzance, meditait de se faire le centre d'une vaste altaque contre nos libertes , quand, aniniec d'un sublime elan^ la Pologne a couru toutentiere aux amies , la Pologne qui rappelle la plus odicusc dcs iniquites dont la politique europeenne se soit rendue coupable , etle plus admirable devounient pa- triotique que I'histoire des peuples puisse signaler ; la Po- logne , cette P'rance du JNord , isotre ancienne et fulele al- liee , dont les infortunes ont toujours excite de si vives emotions dans tons les cceurs francais; ia Pologne, dont la noble cause ne pent plus succomber maintenant; car son independance est necessaire a I'Europe, qu'elle est peut- etre destinec a preserver im jour d'une nouvelle irruption septentrionale. Telle est la situation des diverses fractions de la Socicte europeenne : il pent y avoir dissentiment entve les gouver- nemcns it;egalcment cclaires, inegalement nalionaux qui 22 COUP-D'OKIL Icsdiiijjcnt; inais il y a paix et alliance ciitrc cUcsj loutcs savent qu'elles maichcnt sous la meine hannierc et vers un but comuuin : I'exploit.ition pacilique du nionde , devenu ainsi tout entier tributaiie de Thuinanite ; la foiniation d'une vaste association de pioducteurs , en mcme tenis Ijbres consoinmateurs de leurs pvoduits mutuels. C'estlale grand resultat du progres des lumieres et de la philoso- phie ; il impiinic a la civilisation un caractei-e qu'elle n'avait jamais piesente jusqu'ici. Si , des livages meridionaux de I'Europe, nous portons nos lepards au-de!a du bassin ou s'etait presque exclusive- ment concentre le genie commercial des peuples de I'anti- quite, nous rencontrons I'Afriquf. , immense continent, qui nous fut long-tems presque inconnu, et ou la science eut se's martyrs parmi les nombreux explorateurs , ardens a nous devoiler ses villes et ses fleuves mysterieux. Aujour- d'hui, I'Afriquc est de tous cote's circonvenue et pressee par la civilisation europeenne : a I'extremite' sud , les An- glais, de leur inagnifique colonic 'du Cap, envoient des missionnaircs qui penetrent toujours plus avant , et ajou- tent, chaque annee , a leurs paisibles conquetes; a I'ouest, I'activile des e'tablissemens euvopeens , jusqu'ici tout en- tiere tournee vers la traite , aura desormais pour objet , il faut le croire , I'amelioration de ces peuplades que I'odieux trafic obligeait de maintenir dans la barbarie. A Test, rficYi'Ti-: ofFre le premier exemple de musulniansadoptaut les moeurs et les arts de I'Europe, et envoyant leurs fils clierclier dans nos contrees les lumieres qui doiventun jour regenerer la leur. Enfm , sur la cote septentrionale , une expedition brillante de la France vient de montrer la route aux nations, et de leur apprendre que la Baebakie doit clianj'cr de nom , qu'i! est terns qu'enlevee aux forbans qui Voppinnent et envaliie p;ir les Europeens, comme elle le lut par les Romains dans I'antiquite, et par les Arabes au moyen age, elle soit metamorphosee par eux en une ligne d'ftlals destines a recevoir une popidation exuberante , et a SUR L'ltTAT DU GLOBE EN i83o. 23 rivaliser un jour avec leurs nieliopoles par la ricliesse de leurs produits , el I'industricuse activite de leuis habilans. L AsiEsemble encore, de loutes les parlies dii globe, la luoiiis rallacliee au systeme europeen; la , des culles, des legislations, des nio3urs qui seniblenl comme enracines dansle sol, nous opposenl une resislance presque invinciblej el des flols iinnienses d'une population courbee sous le joug des prejuges paraissent etrc inevilablenient livres a la demi-sagesse de leurs maitres. Toutefois, les deux colosses de I'Europe , la Russie et I'Angleterre la pressent deja , au Nord et au Midi, de leurs bras gigantesques. Jusqu'a I'epoque ou ils se renconlreront dans leur marclie , et oii aura lieu un choc dont le monde ressentira rebranlemenl , I'existence de ces peuples ne pourra etre modiliee que par une nouvelle organisation de I'Inde britannioue. C'estjus- qu'ici , comnie onsait, une conipaguie de maichands cu- pides qui I'a gouvernee , ou plutot exploitee ; I'pxpiriition de son privilege doit arriver , sous peu d'annees. II ne sera probablenient pas renouvcle, et rm?woZ'/7/.?/7ze asia- tique en recevra, selon loute apparence , une profoudeat- teinte. Cliaque annee, au eontraire , est marquee par un pas nouveau de I'Australie. Dans les etablissemens que I'An- gleterre y a formes , sont devenues pratiques des vues sur I'amelioration morale des membres vicieux de la societe, long-tems reloguees au rang des cliimeres de la philantro- pie. Le christianisme, puissant levier de la civilisation, gagne cliaque jour du terrain , au travers de ce monde d'iles; 11 y propage avec les livres evangeliques le gout de noire elat social; il cree graduellenient des nations qui formeront plus tard le lien entre celles de I'ancien et du nouveau monde. Dans ce nouveau monde, I'union americaine poursuit sa paisible et glorieuse carricre 3 elle sillonne son vaste terri- toire de routes et de canaux. 8es forets vierges tombent sous la haclie ; ses tribus sauvagcs se civilisent ; sa popula- 24 STATISTIQUE MORALE ET POLITIQUE tion suit une pro(;ression rapide. La civilisation lui doit deja le syslt'-me j)enitentiaire qui peiinettra de refoimer pnrtout la loi crimiuelle et de fairc disparaitre de tous les Codes I'odieuse ct iimiiorale peine de mort ; elle est desti- nce a enseigner !a liberie au monde. Apres ce puissant Elat, nous signalerons Haiti, eclatant dementi donne aux enne- niis de la liberte des Noirs ; le Bresil gouverne avec sagesse et vigueur par un prince patriote, et enfin , ces rdpubli- ques de V Amerique espagiiole , encore plongees dans de fatales dissensions qui arretent leur essor , niais chez les- quelles, toutefois , parmi de frequentes vicissitudes, on voit se produire la tendance genereuse des esprits par la proclamation successive des grands principes de la tole- rance religieuse et de I'abolition de I'esclavage : Etats ap- peles a de promptes prosperites , des que le pouvoir poli- tique pourra y etre fortement assis j car la liberte cicatrise bien vite les plaies faites a la patrie par les agitations civiles, et elle paie au centuple les sacrifices devant lesquels les citoyens n'ont pas recule pour la conquerir. Ainsi done , c'est un regard consolant que le philosophe jctte sur le globe au commencement de iS3i ; apres de iongues fluctuations, Tespece humaine sait enfin ce qu'elle est et ou elle va ; son action sociale s'eteud de jour en jour ; ses miseres ont e'te attenuees sur plusieurs points ; et deja elle pent entrevoir I'avenir nouvenu que luipreparent de loin la science et I'industrie ! P. A. DUFAU. coup-d'(k;il sur la. statistique morale et poli- tique DE L'ITALIE. L'EtnoHE marclie , cl marclie vile. La pensce a peine a la suivre dans la vaste route oii elle avance ; on vit au jour le jour. Cliaque matin voit eclore une revolution , qui le soir est deja tombee dans le domaine de I'histoire , pour I)E L'lTALTE. 25 faiie place a une revolulion nouvelle. Jamais les combinai- sons de la diplomalie u'ont ete si complelcinent dejouees. Chef de file de la liberie, la France a sontie la charge ; son canon a de nouveau retenli en Europe. INIais I'Europe I'a cette fois accueUli avec transport ; car aux salves de la con' quete succedaient les salves de I'jndependance. On est de- bout sur le Rhin J les Alpes sont en rumeur , et la Pologne , cette genereuse alliee, s'est levee au canon francais, car elle ctait preie. Le souvenir de ses vieilles gloires, de ses vieilles ininiities, de son antique existence, jamais eteint, toujours vivant, veillait dans son cceur , et faisait bonne garde. Au milieu de ce moiivement europeen, il est une nation, la plus opprimee, la plus infortunee peut-etre , qui semble niorte. L'Europe lui accorde a peine un regard ; elle n'en parle que comme d'une tradition antique; n'ac-cueille son nom qu'avec indifference, qu'avec une sorte de mepris. Et ccpeu- (Unt, vingt millions d'hommes vivent la pour le bonheur; et cependant, nous lui devons tout. Elle a repandu a pleines mains sur nous tons les bienfaits. La premiere , elle a battu en breche I'esclavage de la pensee; la premiere, elle a recree les arts, retrouve les sciences dont nous sommes fiers; la premiere enfin, ellea jete,au milieu des tenebresde labarbarie, les flambeaux de la civilisation. Cette nation, c'est rixAiiE. Et la aussi, de grands souvenirs veillent dans I'ombre ; la aussi, des coeurs genereux batlent pour la liberte; mais que d'eutraves ! que de barrieres! que de puissances mal— faisantes I Jamais systeme d'oppression ne fut concerte avec plus d'ensemble , et cimente avec plus de force ; soutenu avec plus de violence , et avoue avec plus d'impudeur. Nous aliens faire passer sous les yeux du lecteur les diverses parlies de ce grand tableau de souffrance. Sur le premier plan sont jete's les malheurs calcules^, les calamitessystema- liques, les institutions oppressives qui peseut sur I'ltalie ; -j; STATISTIQUE MORALE ET POLITIQUE Mir If second plan s'elevent les oppositions , Ics resistan- ci's, Ics ponsees niueltes , les teniatives conipriniecs des poiiples I'oules par cet odieux systeme ; et dans le fond du tableau, un reil exeict5 verra poindie une anrorc cousolante t|iu adoucil I'aniertume de ta»t dc niaux, et repand une lueur d'esperance sar tant de nobles projets concus dans I'oinbre , et que le grand jour doit fairc eclore. L'Italie compte une population de vingt-un millions d'ha- bitans environ, rcpandus sur une surface de go,65?. niilles carres ; ce qui fait unpen plus de 23 1 liabitans par mille carre. 8on revenu avoue est de 1*23,370,000 de francs. Son arniee active de i i6,g4 ' lionimes. Tels sont les cliifTres re- cueillisagrand'peine pendant un voyage minutieux de plu- sieurs annees. Nous lie les donnons ici que coinine uno probabilite , une approximation j car les etudes statistiques sont si negligees en Ilalie, et si entravees par les gouverne mens, qu'il n'est guere possible de presenter des resultats surs. Rien de moins certain, par exemple, que la population du royaunie des Deux-Siciles , et les revenus des l^tats de I'Eglise. Nous avons ete en rapport, a ce sujet, avec les aulorites elles-menies, et plusieurs nous out avoue leurs doutes et leur ignorance. Voila done vingt-un millions d'homnies pauvres, sur la lerre la plus fertile, sous le ciel le plus doux de TEurope : perdant en questions futiles de grandes facultes intellec- luelles; sans Industrie au milieu de tons les proJuits de la nature; sans commerce avec une position geographique admirable ; sans existence politique , enfin , avec tousles clemens et toutes les traditions de destinees brillantes, Et si nous ouvrons leurs anuales, qu'y voyons-nous? Un pcuple jadis puissant et fort , maitre du commerce euro- peen, versant avec profusion au dehors les produits de ses manufactures, tenant le sceptre des sciences , des arts , des Ictlics, olonuant le nionde enfin par son opulence. Outrou- vcr les causes d'uue pareille decadence? — Dans une combinaison dc circonslances long-tems malheurcuses, DE L'lTALIE. 27 dans I'ineptie constante de ses gouverneinens, dans sa gloire meme qui lui a valu d'etre le foyer de I'figlise ro~ inaine , le centre dii monde ecclesiastique , le terrain on sont venus successivement se heurter, se combattre toutes les pretentions, tons les prejuges, toiiles les erreurs. Ce n'est point a la recherche de ces causes que cet article est destine; nous laissons ce soin a I'histoire , c'est son do- uiaine : a elle appartient de demander au passe compte du present. Pour nous, revenant au but indique, c'est au present que nous voulons demander compte de I'avenir. Le royauine de Sardaigne garde les posies avances de ritalie du cote de la France. Aussi, est-il surveille par I'Autriche avec une soUicitude extreme. On a parle d'in- trigues tendant a faire abdiquer le roi actuel en faveur du due deModene, creature de Metternich. Le conseil d'etat dc Turin s'y serait hautement refuse, et I'Autriche semblerait y avoir renonce. Elle ne laisse pas d'avoir un pied dans le royaume; car le general Paolucci ,'qui a ete mis il y a peu de mois a la tete des troupes sardes , est un compose dc Modenois et d'Autrichien. L'armee en murmure. Un pre- mier affront a prive le prince de Carignan du commande- ment de l'armee ; on voudrait, par un plus sanglant, lui ravir ses droits au trone ; sa defection I'a deconsidere. Mais une occasion lui est offerte de reparer le passe , en se ralliant a une cause qu'il a desertee, plus peut-etre par fai- blesse que par perfidie. II pent jouer encore un noble role ; son lionneur , son interet I'y sollicitent. Les Etats sardes forment ce qu'on pourrait appeler I'l- talie francaise; car nulle part I'influence du voisinage n'est plus marquee. Turin est une ville presque francaise par les habitudes, la physionomie et meme la langue. La population n'a pas le cachet italien. C'est une ville mixte. Les administrateurs du royaume d'ltalie ont laisse des traditions d'ordre que quinze ans n'ont pu detruue. L'organisation napoleonienne a bien ete conservee en prin- cipc; mais elle est tellement modifiee et mutilee^ rju'on 28 STATISTIQUE MOllALI- ET POLITIQUE a peine ;\ la relrouver dans le chaos de lois , d'ordonnan- ccs , de decrels, de lestiils royaux, au milieu descjuels elle est coiiinie noyec. Les tribunaux civils soul cependantasscz iiuej^;res, lors(ju'ils ne soul souinis (chose rare) a aucunc influence pohiicjue ou ecclesiaslique. Le roi esl au-dessus de la loi. II annule les trausaclions et les contrats prives , casse les jugeniens des tribunaux ; enfin , c'est le pouvoir arbilraire dans son essence. Uiie econoniie sordide preside a tous ses acles. Par econoniie , les emplois sont inal payes; par econoniie encore, un iiienie honime cuinule plusieurs niinisleres. Le ministre de I'interieur actuel , par exemple, Test a la fois de la police , de I'inslruclion publique el des cultes . Le roi reconnaitla suzerainete de la cour de Romej vas- sal soumis, il en subit toutes les consequences. Le derge est en possession de I'etat civil, et les jesuites , de tous les cnllcfjcs, de tous les elablissemens d'instruction publiquc. Les douanes , deja si terribles coiUie tous les objetsinate- liels d'iinportalion , sont inexorables pour les produits etrangers de lapensee. La difficulle d'inlroduire des livres dans le royaume est telle, que Ton peutregarder la pro- hibition conime complete , meme pour ccux qui ne sont pas a I'index. Qiiiconque veut introduii'e des livres, ou mcinc les faiie passer par transit, doit y joindre une de- claration minutieuse, indiquant I'auteur, le litre et le prix de I'ouvrage , le lieu et I'annee de I'edition, le noinbie de volumes, s'ils sont broclies ou relies. L'oubli d'une seule de ces indications suffit pour motiver une confiscation. Vuila ouen est le commerce de la iibrairie. II est inutile do dire que lout journal liberal etranger est frappc d'interdiction ; que I'opinion publique n'a point de tribune, la pensee privee point d'organe , et la liberie individuellc point de garantie. La police est aux mains des commandans mili- taires, et ils Texercent avec toute la rudesse et la grossie- rete des casernes. L'armec sarde esl de (i ',000 liomincs , dont 20,010 sen- DE L'lTALIE. 29 lemeut en aclivite. L'organisation fiancaise y est inainte- luie. Les Pieiuontais sont bons soldats; mais les oflicieis pen eclaires : ce sont pour la plupait des fils de faniille. Les fortunes sont assez egalenient partagees; je veux dire que la propriete est moicelee , et qu'il y a beaucoup de paysans pioprietaiies. Les prejuges de noblesse vont clia- que jour perdant de leur empire , et I'esprii public s'e- claire et s'etend. La population est de deux millions et demi d'habitansj Ic revenu public de 60 millions de francs; I'etendue territoriale de 18,100 milles carres. II existe dans ce royaunie deux germes de mort, Genes et la Savoie. La Savoie appartient a la France par sa posi- tion, parses mceurs , par sa langue; Genes, a I'indepen- dance , par des droits sacres , par son caractere , par des traditions ineffacables. En vain le roi caresse cette repu— blique decline, jadis si jalouse : la haine des Sardes est dans tous les coeurs(i). QuandlesGenois et les Savoyards se ren- contrent, ils sympathisentpar une cominunaute d'infortunc et d'oppression. La noblesse genoise est fiere. Le trait suivant peut don- ner une idee de ses dispositions envers le gouvernement. Je ne sais par quelle inspiration mallieureuse le roi exigea d'elle un serment de fideiite individuel , sous peine aux refractaires de payer une amende de mille ecus genois, et, je crois meme , de perdre leurs titres. A I'instant, cinq des premieres families envoyerent leur amende. Le chef d'une sixieme, ne voulant ni payer , ni jurer , renonca a sa qua- lite de sujet sarde, et se fit sujet russe. Voila certes un acte energique de resistance. Des arrestations recentes prou- vent que la revolution de juillet a ranime les esperances de I'opposition genoise. On la comprimera encore quelque terns; mais tout systeme de repression porte en soi le prin— (1) lis ne les haissent pas en tantque Sardes, inais en tant qu'usurpa- teurs. Rompez la chaine anjourd'hui , demain ils se tendront inie main fraternelle. 3o STATISTIQUF, MORAl.li ET POLITIQUE cipe qui le tue. L'accoupleiucnt tie l;i Savoie el de Genes au loyaiuuc de Saidaijjne est une de ces couibinaisons dii conyres de Vieiine que nous voyoiis iiouler piece a piece. Celle nouvelle geograpliie politique, ceuvie aitificielle , foudeesur des bases fausses, et funeste dans ses consequen- ces , ne pent suivivre long-tenisau principe qui I'a consti- tuee. Or, ce pnncipe est la Sainte-Alliance , et la Sainte- AHiance est uiorte depuis lonjij-tenis ; le canon de IHotel- de-Ville lui a poite le deinier coup (i). Ullalie allemande, ou le royaume Lombardo- Vdniticn, presentc une autre pliysiononiie. II existe la une cause de resistance plus puissante , la presence de I'etranger. Rien ne developpe le sentiment de nationalile cliez un peuple , comnie un but commun d'atlaque , un objet de haine, d'horreur generale. Tels sont les Autrichiens en Lombardie. Plus de cent niille bommes (2) de troupes regulieres , bien amies, c'trangers et par consequent sans liens dans le pays , sans egards pour les babitans , pesent sur une popu- lation desarmee. Une administration avide la pressure par tous les pores , exporte ses sueurs. Car le tresor de Vienne est pour la Lombardie le tonneau des Dana'ides. Tout se fait par Vienne et pour Vienne. Vienne est le mauvais ge- nie du pays. Le vice-roi represente bien le gouvernement ; c'est un assez bon liomme , mais sans iiiHuence. Les Con- seils de province et la baute police correspondent directe- inent avec le cabinet autricbien. Savez-vous ce que c'est cjue la police autrichienne en Lombardie ? C'est un argus invisible, dont les millions d'yeux sont toujours- ouverts. II se glisse partout, entend tout, voit tout, sait tout. Ou dirait qu'il est dans I'air. Protee insaisissable , il revet tou- (1) Nous n'avons point parle de I'lle de Sardaigne , paice qa'elle est hors des liiiiites de la civilisation italienae. II est a lemarquer cepeadant qu'elle a conserve un fantome de constitution : elle a un parlement qui vote les impots. L'amour de la liberie est un don commun a tous les insu- laires ; I'histoire le prouve. (a) L'Autriche doit en porter, dit-on , le aombre a cent ire le plus a I'aise. Toute- fois , on se tromperait fort si on y clierchait autre chose qu'une existence precaire. Lepouvoir absolu n'y a d'autres limites que celles qu'il trouve dans le caractere individuel du souverain , garantie bien faible de bonheur et de surete. Si Ton nousdemandait quel est le systeme d'administra- tion en vigueur dans le grand-duclie de Toscane, nons scrions fort embarrasses de repondre; car il n'y en a point, a moins que la confusion n'cn soit un. On s'est hate d'abo- lir I'organisation et les lois francaiscs. Un volume sufiirait a peine pour derouler toutes les parties de la legislation : il DE L'lTALIE. 3; n'^r rej^ne ni ensemble, ni unite. C'est una espece de centon compose de lambeaux de tons les systemes. Nous nentre- prendions point d'introduire le lecteui- dans ce labyiintlie inextricable, d'autant plus que tel n'est pas le but. d'un article destine a un coup-d'oeil general. L'etendue de la Toscane est de 6,324 ""dies canes, sui lesquels viveul ou vegetent 1,280,000 babitans.Le reveuu public est de 17 millions de francs environ j I'armee de 4,000 hommes. Les Toscans sont libres, comme les cerfs dans un paic, pourvu qu'il ne leur prenne pas fantaisie de sortif de I'en- clos, et qu'il ne plaise pas au seigneur d'entrer en cbasse. Pour des droits , des garanties , ils n'en ont aucun, Comme ie gouvernement ne pese pas trop sur eux, ils prennent assez facilement leur parti et se re'signent. D'ailleiUs , ils ont quelques dedommagemens et se refugient dans le sys- teme des compensations. La police est moderee et le sou- verain populaire. On est convaincu que , s'il se livre a quel- que mesure severe , il n'agit qu'a contre-cceur et sous I'in- lluence autricliienne. On la subit comme une necessite : c'est la resignation de la faiblesse devant la force. Quant au clerge, il est reprime et n'exerce qu'un mediocre empire. A I'occasion de I'installation du nouveau iVonce, le premier ministre, Fossomdroni , a donne un exemple de severite salutaire, en declarant que les eveques qui preteraient I'oreille au nonce sur toute matiere elrangere a leurs fonc- tions pastorales seraient deposes. Le Nonce , qui arrivait avec de hautes pretentions guelfes , a dii se reufermer dans ses attributions ecclesiastiques. Aussi la cour de Toscane n'est-elle pas en bonne odeur a Rome. Tout le commerce de la Toscane est a Livourne, et presque exclusivemeut aux mains des etrangers. C'est une colonic qui exploite le pays a son profit. Livourne est port franc. La parcimonie des Florentins etait deja celebre , au terns du Dante , qui la leur reprocbe souvent. Ce re- procbe porte encore. Le Grand-Due donne I'exemple , 38 STATISTIQUE MORALE ET POLITIQUE quoique Ircs-iiclie. On dk qu'il se menage dos lessourccs pour des rcveis possibles (i). II exisle a Florence un etablisseinent unique en Italic , le Cabinet lillcrairc de M. ViEtssEux. On y lit tons les journaux , quelle que soit Icur couleur, les livres nou- veaux , les rccueils scientifiques et litteraires , et les bro- chures. Get avantage , inappreciable au-dela des Alpes, sufHrait pour meriter a Florence le nom d'oasis de I'lta- lie (2). Le diiccteur de ce cabinet Test en nienie tenis de Yylnlhologie , le meillcur recueil litteraire de I'ltalie , et le plus ind^pendant. L'enseigneinent mutual se repand et se multiplie dans les campagnes ; mais il en est aulrement de \l\ statisiique : ce mot est un epouvantail pour le gouver- nement. Une societe slatisti([ue s'ctail forniee , un journal sepubliaitj jnais le journal et la societe out ote irappcs d'a- natlienie. Le grand-ducLe est done reduitsous ce rapport a aon joinnal ograirc , redige , il est vrai, par d'ha biles agronoines et tres-propre a repandre les saineS doctrines d'agriculture dans les campagnes. Une cais.se d'dpar-gne a ete fondee a Florence pour les classes peu aisees; eilc a trouve le Grand-Due bien dispose en sa faveur. La Toscane est le point de I'ltalie ou d y a le moins de resistance. Le penple a des mceurs douces. II est timide, etranger aux passions fortes , et se contcnte de son lot. Nous parlous de la majorite. II exisle bien une niinorite eclairee^ intelligente, qui voudrait plus; niais jusqu'a pre- sent elle s'est bornee a des voeux. Nous croyons bien a sou patriotisme , mais peu a son anergic. Dans un moment donne , les Toscans pourraient bien ne pas cooperer active- (i) II est juste lie dire qu'il fait cependant des depenses assez conside- rables pour I'assainissement des Mareniies. (1) L'etablissement de M. Vieusseux , tolere pai- le gouverneinent, est loin d'etre encourage paries Florentins. La parcimonie est, chez eus, plus, forte que le besoin dc lire. Une classe cultivce et peu tiombreuse, et les clraii{(ers, le soutienuiut sculs et en jouisseut. DE L'lTALlE. 39 nieiit au grand oeuvre de la regeneration italienne ; mais ils ne rentravcraient pas et en recevraient les bienfaits avec reconnaissance. Leur rote est passif , comme il I'a presque loujours ete ; niais il nest pas retroj^rade. Les Lucqiiois , leius voisins , ferment une population de 1 40,000 habitans , sousun petit prince absolu de labranclie dcs Bourbons d'Espagne , qui a sa cour, ses grands officiers\, ses chanibellans. Le peuple ne nous senible pas avoir une pliysiononiie a lui , sinon qu'il est industrieux jusqu'a I'in- Irigue, devot et rus^. A cola pres , on pent lui appliquer te que nous avousditde ses voisins. Ch. UlDIEK. {La suile au Ca/iier procliain,) II. ANALYSES D'OUVRAGES. SCIENCES PHYSIQUES ET ISATURELLES. HiSTOiRE NATURELLE DES poissoNS , par MM. Ic Baroii CuviEu , secretaire perpiluel de VAcademie des sciences, etc., et Valenciennes, aide-naturalisle au Museum d'histoire nalurelle (i). TROISIEME ARTICLE. ( Voycz Rct\ Enc, t. xnv , p. 55, et t. xlv, p. 2 74-) Nosdeux precedens articles orit ete consacres a I'histoire de V ichtyologie et a V anatoinie des poissons : deux bases sur lesquelles repose, ooi, plus exactenient, sur lesquelles M. Cuvier fait enfin reposer I'histoire nalurelle , propre- nient dite , de ces animaux. Les mots histoire naluix'lle sont une de ces denomina- tions vagues dont le sens varie a cbaque epoque de la science. En tout genre , I'effet des grands progres n'est pas moins de changer la siguificaliou des mots que la face des choses. Pour Linnaeus, Vhisloire nalurelle d'un etie n'etait guere que Vindication d'une ou de deuxqualites caracteris- tiques de cetetre. Pour Buffon, c'etait, a peu pres indiffe- remment , tout ce qui se rapportait a cet etre. C'est, pour M. Cuvier, la determination de toutes les qualites d'un etre, cl I'exposition graduee de ces qualites, selon I'ordre subordonne de leur importance. (i) Paris , i8;;9-i83o; Levrault et C'« , i5 a ao vol. ia 8°, ou 8 a lo vol 111.-4"'. Le prix de chaqoe liviaison d'un vol. in-8°, avec un cahier de planches, est de i3 fr. 5o c; la liviaison d'un deini-volume in-4", i8 fr. Le sixieme vol. est en vente. SCIENCES PHYSIQUES. 4i Aristote seul , dans I'atitiquite, vit Vhistoire naturelle avcc genie; et, si ce grand hommc eut concu le vaste des- sein de la monogiaphie d'une classe entiere d'animaux , on pent cioiie qu'il I'eiit execute dc son terns, a peu pies coinme M. Cuvier I'a execute du notre; a cette difference pres pourtant, que, pour un pareil dcssein , son siecle n'eut pas fourni a Aiistole tousces precedens imnienses que la science doit a M. Cuvier : les Leqons d'anatomie compa- ;-6% , le Rhgne animal, les Recherch.es siir les ossemens fos sites , et YAnatomie des mollusques. Nous avons vu qu'Aristote avait deja reconnu que les vrais caracteres des poissons consistent dans les branchies et dans les nageoires. Les animaux vertebres , a branchies et a nageoires , fornient done la classe des poissons. Des vertebres, ou , plus exaclement, un squelelte inl6- rieiir, car les vertebres ne coniposent pas a elles seules ce squelette , des branchies et des nageoires ^ voila les traits conununs. Les traits differentiels sont : un squelette osseiix ou cartilagineux ; des branchies libres oujixes ; des na- geoires molles ou 4pineuses ; des nageoires ventrales , tour- a-tour placees en avant , derrierc , ou sous les pectoralcs j des dents, tour-a-tour placees a V intermaxillaire , aux maxillaires , au vomer, aux palatins ,k la langiie , aux nrceaux des branchies , etc.j la forme de ces dents, en plaque, en velours, enpointes, etc.; des opercules ou cou- vercles des branchies , lisses , ecailleux, denteles , oa ai- gus et armes d'e'pines, ou obtus et sans armures, etc., etc.; et c'estsur la combinaison variee de ces traits differentiels, ou caracteres , que portent toutes ces methodes diverses qu'on a successivement iuiaginees pour le classement des poissons. Ou concoit que qui n'eniploirait qu'un ou deux de ces caracteres n'aurait qu'une 7?zeJzoie, c'esl-a-dire , et pour la dclermination des especes, et pour revaluation des caracteres d'apres les- quels on rapproclie ou distribue ces especes , tout , jusqu'a M. Cuvier , ctait presque egalement a faire. On ne connaissait pas les especes des poissons ; les preuves en sont dans toutes les pages du livrc que j'analysc. On nc se faisait aucune idee juste des caracteres qui decidcnt de leur rapprochement ou distribution j la preuve en est dans ces transpositions perpetuelles que Ton voit subir aux memes especes dans les differens cadres des auteurs. Tout u'cst pas egalement important dans uue melhode. II importe peu sans doute que, dans uue distribution iclityo- logique , les poissons cartilagineux precedent ou suivent les poissons osseux ; que les poissons a nageoires dpineuses viennenlavantouapresles poissons .\ nageoires niolles, etc. Ce qui iinporle, c'est que, dans \xi\efamille, dans vwi genre SCIENCES PHYSIQUES. 43 de poissonsdonnes, on n'intercale aucime espece qui no par- licipc a roiganisation coinmunc du genre ou de \B.famiIle, c'est qu'on n'excliie aucune des especes que cette organi- sation commune rassemble. iiernard de Jussieu a le premier vu poui" les vegetaux , .ct M. Cuviei- a le premier niontre pour les animaux , que toute methode genevale qui ne respecte pas XesJ'umilles et les genres natnvels, c'est-a-dire, le rapprochement des es- peces basesur I'ensemble de leurs organes , n'est qu'un jeu d'imaginxition. Aiusi done, la premiere condition est de determiner les especes; la secondeest de !es rapprocher d'apres des carac- teres gradues selon leur importance ; la troisieme est de sitbordouner toute melliode ou distribution generale a ces determinations et a ces rapprocliemens. Mais c'est ici la guerre perpetuelle d'Oromase et d'Ari- mane, de I'esprit du Lien et de I'esprit du mal dans les sciences, de I'esprit d'observation et de I'esprit de systeme. L'esprit de systeme part d'un caractere, pris k priori , et soumet violemment la distribution des especes a ce carac- tere. Linnaeus ne voit , en botanique , que les etamines , et il rapproche le chene et la pimprenelle } Bloch ne voit , en ictliyologie, que le nombre des nageoires, et i! met la raie pres du hrocli^t. L'esprit d'observation suit une marclie precisement in- verse. II determine d'abord les especes; les especes con- nues , il les rapproche en genres , en families ; ces rap- procliemens operes , il lie les groupes qui en resultent par une distribution generale ; et , cette distribution generale , il la soumet partout a la condition de ne rompre ou de n'alterer aucun de ces groupes. En un mot, l'esprit de systeme classe sans connaitre ; l'esprit d'observation , au conlraire, cherche d'abord a connaitre , et il ne fait en- suite de toute classification generals que I'expression abre- gee de ce qu'il connait. On voit par la que le meritc esscnliel dt; toute bonne me'- 4', SCIENCES PHYSIQUES, lliode {i;eiicrale n'est qu'un nierite negalif j car il consislc surtout a ne pas ronipre le rapprochenicnt naturel dcs espoccs. All lieu done ilc clicrclier. a roxeuiple de taiu d'ichlyolof^istcs , a njiistei' , si jc jjiiis ainsi dire , les especes a la classification, M. Cuvier a, pour la premiere fois , renverse le piobleme ; il a clierche une classification cjui s'ajustat enfin aux especes. Une premit;re coupe lui donnc d'abovd les deux grandes classes des poissons carlilagineux et des poissons osseiix. Une scconde separe des poissons osscux ordinaires , lous les poissons a structure anomale, les syngnatlics, les telro- dons, les diodons , etc. Reslent les poissons osscux ordi- naires qu'une troisieme coupe partage en poissons a na- geoires molles ou malacopterygicns , et en poissons a na- geoires c^pineuses ou ocanllwpterj-giens. Des divisions d'un degre moins eleve distinguent ensuite les poissons carlilagineux : en sturoniens, dont les bran- chies sont libres , et en plagiostoines el cjcloslomes , dont les brancliies '&o^t fixes-, les poissons anomaux : en lopho- branclies, dont les brancliies sont en forme de houpe , et til pleclognalhes , dout I'intermaxillaire est sonde avec le niaxillaire et I'arcade palatine avec le crane ; les rnalaco- pterjgiens : en subrancliiens^ abdominaux et apodes, selon que le bassin est attache aux os de I'epaule , ou qu'il est simplcnient suspendu dans les chairs du ventre , ou que les nageoires ventrales manquent ; et , quant aux acanthople- rjgiens. comme , ainsi qu'il I'a reconnu, tons ces poissons ne composent qu'un ordre naturel ; ou, en d'autres termes, comme tons les genres, comme toutes les families de ce grand ordre se lient les uns aux autrespar des rapports plus ou moins marques, M. Cuvier n'y etablit d'autres divisions que celles que formont ces genres et ces families memes. Ainsi , les poissons carlilagineux ou chondropterygieiis divises en deux ordres : les sluroniens , d'une part , et les plagiostomcs , et les cjcloslomes , del'autrej Ics poissons anomaux, divis«5s aussi en deux ordres : les lophobranches et . SCIENCES PHYSIQUES. 4/5 les pleclognathes ^ les malacoptcrj gicns en tiois : les s?/— braiichiens, lesaOdominaux, les apodes ^ei Xesacantlioplc- rygiens ne fonnantqu'un seul grand ordrc: voila les liuil ordres, ou groupes piincipaiix , dans Jesquels M. Cuviei- distribue ensuite par families, par genres , par sous-genres, t'cst-a-dire, par groupes de plus en plus circonscrits , toutes les especes de poissons connues. 11 y a loin sans doute de cette classification savante ct si rigoureusement enchainee dans toutes ses parties , a ces orreurs singulieres d'Artedi, qui melait les cetaccs aux poissons J de Liunseus, qui melait les poissons cartilagineux aux reptiles J de Lacepede , qui fondait ^ sur I'absence des opercules , un ordre entier de poissons qui tous avaient ces opercules, etc. Mais, sans parler ici de cette foule de resul- tats si neufs^ et de detail et d'ensemble, sur lesquels cette classification repose , il est impossible de n'etre pas frappe de tous ces grands progres : qui separent les baudroies , les lumps, etc., des poissons cartilagineux, auxquels ils ne les- semblent que par la mollessc de leur sqitelelte ; qui abo— lissent I'ordre infornie des branchiosteges d'Artedi; qui assignent un caractere fixe et positif , pour les syngnatlies ^ dans leuis branchies en houpes , pour \es pleclognalhes , dans I'immobilite de leur maclioire superieure; qui, dans Tembranchement des malacoplerygiens , substituent a la position des venlrales , position a laquelle s'etait arrete Liniiffius, et qui ne lient qu'a la longueur des os du bassin, la position nieme de ces os du bassin , ou attacbes aux OS de I'epaule, ou simplement suspendus dans les chairs du ventre j etqui, pour les acanlhopterj-giens , montrent que tous ces poissons formentune grande famille, dans la subdivision de laquelle tous les autres caracteres doivent ctre subordonnes a celui cjui est tire des epines de leurs nageoires. Ainsi, I'ordre des poissons cartilagineux reduit aux seuls poissons a squelette vraiment cartilagineux, ou, plus exac- tement, a perioste grenu ; les baudroies, les lumps, les 46 SCIENCES PHYSIQUES, contrisquos, Ics movmyrcs, Ics macrorliiiiqiics, rendus a la masse dospoissons oidiiiaircsj roidre incoherent dcs bran- cliiosU'ges d'Artedi delruit , ct tous les poissous nnornniix reiinis en deux ordies rigouveuseinent dc'tennines, Ics lo- nhobraiichcA ellcs plectognathes; la. ^o^iUoii des os diibas- bia subsliluec a celle des nayeoires venlrales , pour Ics ma- lacoplcrj'gicns -cl, pour Ics acanlhoplcrjgicns, cc jjrandfait demoutre, que tous ces poissons, quclque nonibroux qu'ils soient, ne forinent qu'un seul ordre ou f am ille naliirelle, « dont aucune espece ne doit etre melee avec des poissons d'autres families : » voila quels sont les progres priucipaux, et je ne parle pas encore des progres de detail , que la clas- sification de M. Cuvier marque dans la sicnne. Mais laissons enfin el la classification et toutes ces con- siderations generales ; et venons a la dclei-niinalion et au rapprochement des cspeces , ces deux points qui , comine jc I'ai deja dit , constituent, au fond, toute I'ichlyologie. Jusqu'ici , ct soit pour Yhistoire dc i'ichljologie , soil pour Vanalomie, soit pour la classijicaticn,jc n'ai eu a citer que le nom de M. Cuvier. Mais, a parlir de Vhisloire parLiculiere des especes , le travail de M. Valenciennes s'-unit a celui de M. Cuvier jet desormais j'associerai les noms des deux auteurs daiis celle analyse, conime its out associe leuis ef- forts dans leur grand ouvrage. L'liistoire particuliere des poissons s'ouvre par celle des acanlhoplcrjgiens,(\ni, d'une part, sont I'espece de pois- sons la plus nombreuse ; Us font les trois quarts des pois- sons connus , dilM. Cuvier ; et qui,de I'autie , comme le dit encore M. Cuvier , « sont le tjpe cjue !a nature a le plus soigne, ct qu'ellea maiiUenu le plus semblablea lui-menie dans loutes les variations de detail qu'elle lui a faitsubir. » D'un autre cole, I'histoire des acanlhopt^rj-giens com- mence par celle de-s perches , qui sont les especes les plus lepandues de ceUe immense division de la classe des poissons. Le premier volume de Ihistoiie particuliere des especes , SCIENCES PHYSIQUES. 47 le second de I'ouvrage entier , compiend une grande paitie de la faniille des perches ou des percoides ; le troi- sieme continue les percoides et y joint les inulles ; le qua- tricnie donne la faniille des yoe^e^ ciiirassees ; etle ciuquieme, celie des sciinoides. Ce sont la les cinq volumes qui ont deji'i paru. L'histoiie de cliaque famille commence par un examen general des esp«ces qui la constituent, et des genres, ou families plus circonscrites , en lesquels ces especes s'y re- parlisscnt. Puis vient I'liistoire des genres, en commencant par le plus connu , par celui qu'on pent regarder comme le tj'pe de Li faniille ; et puis I'histoire des especes , en ( om- mencanl toujours par I'espece la plus connue , par celle qu'on peut regarder comme le type du genre. Ainsi, par exemple , dans les percoides , I'histoire de la famille commence par les perches proprement dites, qui sont le type de la famille- et, dans \(ts perches proprement dites, I'histoire du genre commence par la perche ordi- naire , qui est le type du genre ; et, des ces premiers pas , se montre la vue generale qui domiue I'ouvrage entier. Cette vue consiste a chercher des especes a formes trau- chees; ces especes sont comme des ijpes : a grouper au- tour de ces types toutes les especes «fiie I'ensemble de leur organisation en rapproche ; ces groupes sont les genres : a lier ensuite les groupes entre eux, comme on a lie les especes entre elles ; et ces groupes , ainsi rapproches^ ce sont les families. A(in de pouvoir donner a mes lecteurs une idee un ppu complete et de I'esprit, et de la structure de rouvrafe im- mense qui nous occupe, je me vois contraint d'en divisor I'anaiyse en plusieurs articles. Je me borne, dans celui-ci a I'histoire de la grande famille das percoides . Artedi avait deja vu, dans les perches , le type d'un i»rand genre , bien qu'il ne couniit encore qu'un tres-petit nonibre des especes qui s'y rapporteiit. Artedi, pour former ce genre avait consulte I'eusemble de I'organisalion : I.innaius ne 48 SCIENCES PHYSIQUES. consultant qu'un seul caiactere , selon son usage , y init le tlesoitlic ; Gnieliu I'accrut , scion I'usagc dc lous ceux qui conipilcnt sans observer : Bloch voulut en vain y lemedier ; la confusion contiuua k s'accroiUe entie les mains de La- cepode , dc Shaw , etc. EnQn , pour reconnaitre ces pois- sons en eux-mcmes avcc ccititude, et pour les distinguer entre cux avec precision, il a fallu « recourir a la nature iucuie,et les distribuer, conuue s'ils ue I'cussent jamais ete. » M. Cuvier partage d'abord la famille des perches en trois grandes divisions, dout partie des especes est decrite par lui , et parlie par M. Valenciennes. Les caracteres propres des pcixo'ides , c'est-a-dire , les trails de conformation cjui dislinguent cette famille du reste des acanlhoptirygiens , sont : des dentures on des ('pines aux pieces opcrculaires ; la joiie non ciiirassee • et des denls ail vomer on aux palalins. Une premiere division comprend toutcs les especes de cette famille a venlralcs sous les pectorales , a cinq rajons mous aux venlrales , et a sept raj'ons aux branchies. Cette division se partage en deux series , selon qu'il y a deux dorsales , ou une dorsale unique ; et chacune de ces series en deux autres, selon que les dents sont toutes en velours , ou qu'a ces dents en velours se melent des dents canines. Une seconde division comprend les especes a moins de sept rayons aux branchies. Celle-ci se partage encore en deux series, selon cju'il y a des dents canines meldes aux dents en velours , ou qu'/7 ny en a pas. Enfin , une troisieme division embrasse les especes a plus de cinq rajons mous aux ve?ilrales , et a plus de sept rajons aux branchies. Ces especes se partagent en trois series , d'apres la position des ventrales , ou sous , ou de- vant , ou derri'ere les pectorales ; et cette derniere serie , ou celle dos percoides abdominales , se subdivise en deux tribus secondaires , selon que les dents sont toutes en ve~ SCIENCES PHYSIQUES. 49 lours , ou qu'il y a des dents canines melees aux aulres. C'est sous ces premi-eres divisions que viennent se placei' les genres at les sous-genres, ayant cliacun pour type une espece principale , et tirant son nom de c'etle espece , coninie la famille entiere le tire du genre principal , celui des perches propres. La premiere division se partage , coinme je viens de le dire, en deux series , ou a deux dors ale s , oa. k dors ale unique. La premiere de ces series donne dix genres ou sous- genres a dents toutesen velours :\es perches ,lesvarioles, les ^noploses , les diploprions , les bars , les centropomes , les granimistes , les aprons, les ambasses, et les apogons. EUe en donne trois a dents canines meliies aux autres ; les cheilodiptkres , lessandres , et les e'ielis. La seconde serie, ou a dorsale unique , donne six genres ou les dents canines sont melees aux autres : les serrans , les mdrous , les barbiers , les plectropomes , les diacopes , les mesoprions • et six ou les dents sont toutes en velours : les cenlropristes ^ les gristes, les p oly prions , les pentacc— ros , les gremilles , et les savonniers. Le premier de tons ces genres ou sous-genres est celui des perches proprement dites ^ il a pour type la perche commune • en d'autres terines , celte perche est I'espece ou le caraclere du genre est le plus marque. Autour d'elle se groupent plusieurs especes a formes se- condaires plus ou moins semblables . Toutes ces especes sont etrangeres; cesont: la. perche sans bandes , d'ltalie; la. per- che jaunntre d^ Amerique qui , d'apres une experience de Milchill, serait aussi facile et aussi avantageuse a transporter que la notre ; ]a perche a opercules grejius, la perche a tele grenue, \a perche a. museau pointu, \a perche grele, toutes des Etats-Unis ; la perche de plumier , des Antilles; la perche ciliee , des Indes orientales ; la perche a caudate bordee de noir, remarquable , entre toutes les autres, par le grand nombre des rayons de sa dcuxieme dorsale ; ct T. XLIX. JANVIER l85l. 4 5o SCIENCES PHYSIQUES. la perchf a laches rouges, poisson pris pies du delrnit tie Cook qui separe les deux iles de la Noiivelle-Ze- laiulc. Lc caracteie dcs perches est : nn pn'opereule dcnlele. iin opercule epineux , iin sous-orb it aire faihicmciu deniele , el une langue lisse. Le sous-genre des bars suit celui i\ei perches . II s'en dis- tingue par las ecailles et les deux dpines tie son opercule , par I'liprelc' de sa langue , par V absence de dentetures a ses sous—orbilaires, a ses oj)ercule.s , etc. II coinpte six es— peces , dont cinq etrangeres. I/espece-type est lc bar com- mun d^ Europe ( Loup , loubine ) , le lupus des Romains , le labrax des Grecs ; ce poisson si renoniniff par Texcelleiit gout de sa chair , et dont la conformation rappelle telle- ment d'ailleurs cclle de la perclie que Ton en donnerail , dit M. Cuvier, une idee assez juste en disant que c'est une grande perche allongde et argentee. Le type des varioles est la variole du Nil , ce laies ou latos des ancieuj> , auquel , selon Strabon, la ville d'Esiid avait voue un culte: d'ou cette ville recut des Grecs le nom de Latopolis. Le sous-genre des varioles ne compte que deux autres especes , Tunc des Indes , I'autre de Java. Celui des centropomes n'en compte qu'une , le centro— pome brochel de mer , poisson comniun et de grande coasoinination dans toutes les parties chaudes de I'A- merique. Ces quatre genres seraient suivis , dans I'ordre rigoureu- sement naturel, par les aprons, les ambasses, les apagons , les grammistes , etc. M. Cuvier intervertit un peu cet or- dre dans les descriptions, pour la commodite des compa- raisons , non des seuls traits generiques , mais de la con- formation entiere. Le premier genre dont il parle, apres les centropomes , est celui des sandres , ou I'un des genres a dents canines m-eUes aux aulrds. Le type de ce genre est le sandre com- mun que cette reunion meme des caracteres de la perche , SCIENCES PHYSIQUES. 5i de sea Jiayeoires, de son jMeopercule , etc. , avec des dents canines ou pointues comme celles dii brocket , a fait nom- mer brocket- perche ( lucio-perca) par Gesner. Autour de ce sandre des fleuves et des lacs du Nord de I'Europe , se rangent trois auties especes : le sandre bdtard de Russi'e , Ic sandre ttj mer , des coles de la mer Noire , et le sandre d'Amt^rique. A ces premiers groupes qu'on pent regardcr conime les modificalions les plus immediates du type de la perche , SHCcedent cjiielques poissons etrangers, analogues ou aux perckes propres , ou aux bars, ou aux vaiioles:\e huron, Velelis , le niphon, Venoplose, le diploprion : toutes es- 2)eces qui s'ecartent diverseiuent de ces premiers gro-upes , et dont \esjbrmes tranckees montrent assez que « chacune d'elles pourra devenir , a son tour , le type d'un genre , lorsqu'on aura decouvert des especes qui s'en rapprochent et la multiplient. » Viennent ensuite trois genres, fort voisins entre eux, et qui different tousles trois des precedens , par reloignement de leurs dorsales , et Ic peu d'adherence de leurs ecailles : les iipogons , les ckciloclipterci et \es pomalomes . L'espece qui sert de point de comparaison pour les irpo- gons, est Yapogoii commun , ou roidts rougets , de la Me^ dilerranee. Autour d'elle se reuuisseat quinze autres es- peces , de la raer des Indes, du Japon , de la mer Rouge. Les cheilodipteres sont aux apiogons, ce que \es sandres sont a.ux perckes , c'est-a-dire qu'aux dents en velours des a/^og-owj, ils raelent que'.ques longs crochets pointus : trois especes constituent ce genre. Quant au sous-genre des pomatomes , il ne se compose encore que de la seule espcce qui lui sert tie type , le poma- tome telescope, de la Mediterranee. Le genre des ambasses a pour caiacteres : uue double arele au bord inferieur du preopercule, un sou.s-orbiitaire dentele. une bouche protractile, etc. ; et, pour type, Vam- basse de Commerson , pelit poisson tres-commun a I'ile de 4' 5a SCIENCES PHYSIQUES, l^oiubon , oil son abondance donne lieu k un commerce liicratir. Dix a litres especes suivent celle-ci , loules aussi petites qu'elle , et remplissant les Clangs et les mares des Indos, comme le font , en Europe, nos epinoclies et nos petils cyprins. Les aprotis ne different des perches proprernent diles que par leur niuseau boinbe et par le fjrand ecarlement de leurs dorsales. L'espece principale est V apron propre- rnent dit , ce poisson dont le Rhone est si riche , surtout entre Lyon et Vienne. Le Danube en produit une autre es- pece, qui est le cingle. Les grammisies forment le dernier genre de la premiere serie des perches, ou des perches a deux dorsales ; et cc genre n'a qu'uue espece , le grammiste oriental; car les autres individus, decrits par M. Cuvier, ne lui paraissent que des variete's. Nous voici done aux perches a dorsale unique. Celles-ci sont beaucoup plus iionibreuses, et le seraieni bien plus encore si on y laissait confondues les especes de lahres , de scienes , etc., que Bloch y a melees. Pour pi-evenir toute confusion , M. Cuvier ecarte d'abord tous les poissons qui n'ont pas des dents aux memes parties de la bouchc que la perche commune. Ce premier degagement opere , il etablit ses subdivisions sur des caracteres de plus en plus subordonnes : les dents ^ ou egales et en velours, comme dans la perche commune , le bar, ou melees de canines ; Vopercule , dont la piece osseuse est tantot mousse ou anondie , tantot terminee par deux ou trois pointes plus ou moins aigues ; \e prdopercule, a bords lisses, denteles, diversement armes^ les os des mdchoires , lisses , ecailleux , etc. Le premier genre des especes a dents canines est celui des serrans, ainsi uomme's k cause de la deutelure de leur preopercule apeu pres egale comme celle d'une scie {serra). Les especes de ces serrans sontpresque iunombrables. Nos mers d'Europe , et surtout la Mediterranee , en possedent SCIENCES PHYSIQUES. 53 cinq ou six , dont trois principales et que M. Cuvier eiuploie comme des sous-types, autour desquels il range les especes des iners plus eloignees. L'uiie de ces especes principales est le serran ccriture , dont le crane , le museau et la jouc sont marques de traits irreguliers qui fornient comme une ecriture inconnue. La Mediterranee a deux autres especes qui se rapprochent de celle-la, le serran proprevient dit el \e. petit serran a tach.es noires siir la dorsale; les mers etrangeres en ont onze: toutes ces especes se distingiient par des maxillaires et des itian- dibulaires non reconverts d^ ecailles . D'autres especes ont les maxillaires fortement ecailleux; leur reunion constitue le sous-genre des barbiers , dont le type estle barbier de la Mediterranee, "Tun des plus beaux " poissons de cette mer et des plusfaciles a caracteriser par <• la longue epine flexible qui s'eleve sur son dos , les filets « qui prolongentses ventrales, les deux lobes de sa caudale, « surtout I'inferieur, et par I'eclat de I'or et du rubis <■ dont brillent ses ecailles. " Ce sous-genre compte six es- peces du Bresil , de I'lle Bourbon ou de la Martinique. D'autres especes enfin ont la mdchoire inferieure seuLe garnie de tres-petites ecailles; c'est le sous-genre des mdroiis qui compte , a lui seul , quatre-vingt-sept especes , toutes decrites par M. Valenciennes, ainsi que la plupart des serrans proprenient dits , et des barbiers. Apres ce grand genre des serrans viennent les pleclro- pomes , petite tribu de poissons qui n'en different que par la division du borddu pveopercule en dents plus ou moins grosses. Ces dents sont dirigees obliquement en avant et ressemblent plus ou moins « a celles qui entourent la » petite roue dont on arme aujourd'hui les eperons. » C'est sur cette ressemblance qu'est fonde le nom du genre. M. Cuvier y rassenible treize especes, toutes etrangeres et des mers des pays chauds. Les diacopes suivent les pleclropomes. C'est encore uu genre tres-voisin des serrans. II en a le melange des dents 5tt SCIENCES PHYSIQUES, canines et tks tl-enls en velours , le bord dentele du preo- perctilo, etc., mais H s'en distingue >> par une echancrure da « bold ilu pre.ipLicule dans laquelle s'agence une tube- .1 rovtte saillanto de I'interopcrcule. » 11 reunit vingt-deux especes auxquellcssert de type le diacope de Seba, I'espece ■le plus anciennement representee , et qui porte le nom de Sebaqui I'a fait connaitre. l^^mi^soprions termirtent le second volume. Ilsont, pour caracleres communs avec d'autres percoides , des dents palatines et vomeriennes, comme les perches, des dents canines melees aux dents en velours, comme \es serrans ; et , pour caractere particulier , une dentelure en forme de scie sur cliaque cote de la tete. M. Cuvier en decrit quarante especes, toutes ues mers des pays cliauds. Avec le troisieme volume commence une uouvelle serie de percoides , celles a dorsale unique et a dents toutes en velotirs. Nous avons deja vu quels sont les six genres dont elle se compose. Le genre dont M. Cuvier presente d'abord I'bisloire est celui des gremilles , que distingue une tete nue ot caverneuse , caractere que nous retrouverons plus lard , el plus developpe , dans la famille des scienes. L'es- pece sur laquelle M. Cuvier a fonde le genre est la gremille commune- ( perche goiijonnihre) ; it y rattache deux autres especes, le schretz du DanuKe et le babir des Russes. Les genres cemiers et pentaceros n'ont chacun qu'une espece , le cernier comniim de la Mediterranee , et le pen- taceros capensis, du cap de Bonne-Ksperance. Le genre des centroprisles en a huit ; leur type est le centropriste noir {perche de mer, perche noire). Van des poissoiis les plus savoureux des Etats-Unis. Celui des growlers, ougrystes, n'en a qu'une ; celui des savonniers deux ; le savonnier commun et le savonnier sable, la premiere des parties cliaudes de I'Amerique , la seconde du Bresil , et toutes deux tirant leur nom de la, matl'^re oncluense et gluanle dont leur peau douce est revelue. SCIENCES PHYSIQUES. 55 INous airivons aux percokles a uioinsJe sept raj oris aux branchics, niais loujouis a dorsale unique. Leur premieie scrie , celie a dents canines melees aux dents en velours , uc donne qu'iin geine, les cirrhiles ■ et cc genie doiine six especes. La serie a dents, loules en velours , donne neul genres , les chironemes , les cenlrarchus , les ponwlis , lea priaean- thes , les denies , les iherapons , les dalnia , les pelales et ies heloles. Cliacun de ces genres donne un nouibre divers d'especes : le premier, une ; le second, quaire j le troisienie, deux ; le quatrieiue , onze ; le cinquieme , sept ; le sixieme , dixj leseptieine,deiix ; \ts pelales, Iroisj et les heloles, uue. Les percoides a moms de sept raj'ons aux branchies ct a deux dorsales n'oUrent qu'un genre, celui des trichodons ; et ce genre qu'une seule espece, le trichodon de S teller. Jusqu'ici les percoides que nous avons vues avaient ou sept ou moins de srpt rayons aux branchies , etcinq rayons uious aux ventrales, Celles f|ui suivenl ont plus de sept rayons aux branchies, ct par une particularite quelles offrent seules , entre tous les acanthopterygiens, elles ont , outre I'epine , sept rajons mous , et menie plus a chaque ventrale. Ces percoides, toutes rcinarquables par leur beaute , se repartissent en trois genres : les holocenirums, genre connu depujs long-teins; les mjnpristis, dont on ne connaissait que quelques especes; et les Lerjx, genre entiereuient nou- veau. Ce qui frappe le plus a I'aspect des mjripiistis est le bord deutele de toutes les pieces de la joue, de loutes celles de I'opercule , de toutes les ecailles : d'ou le nom de myri- vristis , dix niiUe scies. L' espece sur laquelle le genre repose, le mj-ripristis ja- cobus, d'Ameiique, est, dit M. Cuvier, « d'une beaute ra- vissante ; elle egale en eclat la dorade de la Chine la plus brillaute. » C'est daus ce genre des mjriprislis que M. Cu- Vier a constate ce fait anatoinique si remarquable , savoir : 5(1 SCIENCES PHYSIQUES. i[ue le lobe lateral de la vessie natatoireanterieure, carces poissoiis en out deux, se fixe k une membrane elastique qui ferine une large ouverture ovale des parties laterales ct poslerieures du crane qui contiennent les pierrcs de I'o- reille : <• disposition ou il est difficile de ne pas voir , dit « M. Cuvier , une nouvelle preuve des rapports annonces » par M.Weber, entre la vessie natatoire et le sens de « I'ouie. » M. Cuvier rattache cinq myripristis d'Asie k cette premiere espece. II en rassemble quinze dansle genre des ho/ocenlriims. Toutes ces especes de poissons se distin- guent par la forte epine qui arme leur preoperculc et par la magnificence de leurs couleurs. « La mer n'en produit « pas de plus brillans , dit M, Cuvier. » Le genre des btiyx contient deux especes; une troisierae forme un sous-genre sous le nom de trachichtcs. Ici commencent les percoides a ventrales j iigulaires ; il y en a cinq genres : les vii'es , les percis , les pingitipes , les percophis et les itranoscopes. II y a cinq especes de vives qui toutes reproduisent plus ou moins , dans leurs formes , la vive commune , si re- doutee des pecbeurs par les fortes epines de ses opercules et la finesse de celles de sa premiere nageoire. II y a douze percis , un pinguipt et \xr\ percophis. Le nombre des uranoscopcs est de neuf ^ tous etrangers , hors I'espece qui leur sert de type commun, V lira nos cope imlgaire , de la Mediterranee , ce poisson a grosse tete car- ree, a bouclie fendue verticalement, et dont les yeux , places sur le milieu de la tete , ne peuvent regarder que le ciel , d'oii vient le nom d'uranoscope qui lui a ete donne par I'antiquite. Ces Itranoscopes nous menent aux percoides a nageoires abdomj'nales^et avec celles-ci, nous touchonsaux limites de la famille, c'est-^-dire aux polj-nemes. Les vives, les percis, les uranoscopcs meme , malgre la singuliere conformation de leur tete , n'etaient que des perches plus ou moins modifiees. Les sphirknes , qui com- SCIENCES PHYSIQUES. 5? menceut la division actuelle, par la position insolitc do leurs vcntrales , par leurs os du bassin, suspendus dans les chairs et sans adherence aux os de I'epaule , etc. , niarquent deja leur place a un grand intervalle du reste des perco'ides. M. Cuvier compte neuf especes de sphirenes elrangeres auxquels il donne pour type on pour chef de file le spet oil sphirene de la Mtditerranee. Un sous-genre , les pa- ralepis , coniplette I'histoire de ces sphirenes. Mais c'est surtout aux polj'nemes que s'applique ce qui vient d'etre dit de la derniere division des percoides. « Les « polynemes , dit M. Cuvier , sont au nombre de ces gen- « res qui , tenant a plusieurs families a la fois , n'appar- « tiennent precisement a aucune. » La conformation de leur tete les rapproche des scienes , d'ou leurs dents pala- tines les eloignent , en les ramenant aux perches ; les rayons libres de leurs pectorales les rapprocheraient des trigles, mais leurs joues non cuirassees les en separent ; enun mot, si elles suivent ici les perches, c'est moins peut-etre parce qu'elles leur ressemblent que parce qu'elles en different moins que d'aucune autre famille^ et peut-etre constitue- raient-elles mieux encore le type d'une famille particuliere. Quoi qu'il en soit, c'est bien certainement avec elles que finit le tjpe des perco'ides. Un type tout nouveau est celui des miilles. Ce sont encore d'autres types, et des types parfai- tement circonscrits, que ceux des joues cuirassees et des sci^noides • grandes families qui , avec les mulles , feront I'objet d'un prochain article. Mais , et pour ne parler ici que de la famille des perches, on a remarque sans doute les analogies graduees , d'apres lesquelles y sont disposes les genres, les sous-genres, toutes les especes. On a vu \q^ perches reproduire \a perche com- mune; les l)a?-s , les varioles , reproduire les perches , ou n'etre que des perches ptu modijides ; a ces modifications imwediates, on a vu succeder des modifications de plus en plus marquees, les serrans , les diacopcs , etc.; puis les trichodons , auxquels il faut joindre les sillago ; puis le* 5S SCIENCKS PHYSIQUES. 'iifrii>ristis , Ics /lolocentnirni ; puis les uranoscopcs , les vivei ; puis, luaisdcja a un ceilaiu intorvalle, los sphircnes -, eteulin, iiiais i^ uu intervallc plus {jraiul encore , les/^o/f- niines ; et avec celics-ci, on a vu finir \ix famillc des per- coides, oa, en d'auties tennes, les ospeces qui icprodui- sent , tout en le niodiliant plus ou moins , et toujours de plus en plus, le type des premieres et verilables perches. Artedi ne connut d'abord que sept especes de perches : la perche commune , le snndre , Xa gnniille , le schrcvlz, V apron, le serran et le l/ars ^ il en connut ensuite deux autres, i'holocen/rutn et \c grnmniiste. MM. Cuvier et Va- lenciennes en decrivent a pen pres quatre cents especes. Cest, dans uue seule faniille, beaucoup plus de poissons que n'en connut I'antiquite entiere ; c'est autant qu'en con- nurent Artedi et Linnaeus ; c'est pres du tiers de ce qu'en ont connu Bloch et Lacepede , les deux ichtyoloj^istes les plus recens J'ai dit qu'avant M. Cuvier ou np connaissait pas les especes des poissons; ce qui d'abord est incontestable pour les especes nouvelles, dont le nombre est le plus considera- ble , sans aucune coinparaison ; niais la proposition n'est peut-etre pas moins evidente pour la plupart des especes deja counues. D'abord les anciens n'ont jamais su determiner les espe- ces, c'est-a-dire, mnrquer leurs vrais caracteres : aussi rieu u'est-il plus cmbarrassaut , dans une infinite de cas, que de bicn appliquer ieur nomenclature ; et ce n'est pas I'une des parlies les moins curieuses ile cette nouveWc His toil c nalurelle des poissons , ni I'une de celles qui ont dii couter le moius de recherches , que la fixation rigoureuse de la nomenclature des anciens. Mais, parmi les moderues inenie, a combieu de meprises n'a pas donne lieu la determination superficielle et si souvent fautive des ca- racieres ? Lacepede suppose Vaperculc de la variole du Nil sans ('■pines, quoiqu'elle Vait lout aussi epineux que la perche ^ SCIENCES PHYSIQUES. 69 el il en fait un centropome {poissons a opercule sansepine). Artedi ne suppose que cinq filets libres au ])oljneTne a longs filets , qui en a sept , et il en fait ie genre pentanemus. De la , la inultiplicatiou des especes. Un dessin du merou jaune et bleu J inexactement vu par Lacepede , lui fournit » trois « especes factices , qui doivent etre reduites a une seule. » Par un genre d'erreurs inverse , Artedi fait de plusieurs serrans et crenilabres une espece complexe qu'il met dans les labres , et c'est cet etre iniaginaire que Linnoeus, sans se douter de la confusion , nomnie labrus hepatus , etc. Le plus grand nombre des genres n'est pas moins uou- veau que le plus grand nombre des especes: on peut ineme dire qu'ils le sent tous; car il n'en est aucun , parmi ceux deja etablis, qu'il n'ail fallu , pour en faire un genx'e natu- rel et rigoureuseinent circonscrit, souniettre a une refonte entiere , et d'apres un emploi tout nouveau du principe de la subordination des caracteres. C'est, au reste, ce principe des caracteres subordonnes qui, partout applique, partout reproduit, forme le trait le plus saillant peut-etre du nouvel espiit qui regne dans le grand ouvrage dont il s'agit. Onne saurait croire, en e;Tet, jusqu'oul'interversiondans les caracteres avait ete portee par quelques ichtyologistes. Bloch , par exemple, forme un genre, celui des granirnis- tes , sur les lignes longitudinales dont le corps de ces pois- sons est colore ; et , grace a ce singulier caractere generi— que, « le plus bizarre dont jamais naturaliste ait imagine « de se servir , » il accumule , dans le meme genre , des poissons non-seulement de genres, mais de families les plusj diverses : Aes spares, des dentex , des m^soprions , des labres , des holocentrums , etc. Je ne rappelie plus qu'un fait, car il faut finir , de Vhis- loirecles percoides.Je veux parler de cette distribution des especes qui la composent , en groupes de tous les degre's ; de cette formation de cliaque groupe d'apres une espece qui lui sert de type ; ■< de ces rapprochemens , de ces iso- 6o SCIENCES PHYSIQUES. << leuicns , de ces distances iiinniinent varices » , que la nature a mis entre tous ces groupes, et que le naluraliste a su icproduire dans toutes ses divisions. La nature nc forme done pas les etres sur une seitlc ligne ; elle ne suit pas une dichotoniie rigourcuse • elle a ses etres isoles , ses petits groupes , ses grandes masses. Qui se place au vrai de point de vue , voit cliaque cspece avec son or- ganisation fixe, ses irradiations sansnombre, ses differen- ces d'avcc les especes les plus voisines , ses rapprochemens avec les especes les plus eloignees. « Nos melliodes syste- "1 matiqucs, dit M.Cuvier, n'envisagcnt que les rapports les « plus prochains ; elles ne veulent placer un etre qu'entre .< deux autrcs; la veritaMe methode voit chaque etre au « milieu de tous lesautresj elle montre toutes les irradia- " lions par lesquelles il s'enchaine plus ou moins etroitement , surle commerce eutrc le Levant et I'Euiope pendant le cours du moyen age. Ce Memoiie a ete couronne par I'lnstitut en 1828, et nous devons, avant tout, remercier a la fois la sociele qui a songe a proposer un pareil sujet, et I'ecrivain qui en a si bieu rempli, et peut-eire menie surpasse les esperances. M. Depping fait connaitre, dans sa preface, lesautorites en tres-petit nonibre , dont il a pu s'aider , pour un travail si difficile ct jusqu'ici sans niodele. Lu France, il faut bien I'avouer, est le pays qui lui a presente le nioins de ressources en ce genre. Les archives de Marseille, et quelques frag- mens fouruis par les historiens de la Provence, ne peuvent rivaliser avec les travaux de Capmany sur le commerce de Darcelone , ni avec ceux de Mann , Formalconi , FUiasi, et quelques aiftres , sur celui des divers Etats de I'ltalie. Tou- tefois , I'auteur avoue avoir tne un grand parti des reclier- ches de nos habiles orientalistes , et du recueil des lois maritimes de M. Pardessus. Une savante introduction presente le tableau iuteressant du commerce des anciens, et particulierement desRomains, dans rOrient et sur loute la Meditcrranee. Des fiottes de plus de 200 na vires remontaient tous les ans le Nil , ct plus de 100 partaient de la mer Rouge pour aller cherclier dans la Perse, I'Arabie et I'lnde, les productions de ces con- trees, et y porter ccUes de I'Europe et du nord de I'Afrique. D'autres voies encore etaient ouvertes par la Syrie , ou par lamer Noire, le Cyrus et le Phase, la mer Caspienne et rOxus. La translation du siege de I'Empire a Byzance fa- vorisa beaucoup ces rapports avec I'Orient. La culture de la soie , transportee en Europe sous Justitiien , se repandit bientot a Byzance meme, a Alheues, a Thebes et a Corinthe. Quand la domination des Arabes s'etablit, le commerce se continua a travers I'Asie, ct meme I'Afrique, au moyen des caravanes. Ce peuple avait des flottes marchandes , et ne- ET P0L1TIQUE8. 65 gociait avec la Chine, I'lnde, et surtout la Syrie : les villes inaritimes d'ltalie , bientot constituees en petites republi- ques qui devinrent des litats puissans, se hateient d'eta- blir des relations, d'abord avec I'Einpire grec , puis direc- tement avec le Levant. La conquete de I'Asie centrale par les Tartares, au i4^ siecle , ouvrit de nouvelles routes au commerce dans ces contrees , visitees alors par le celebre voyageur Marco- Polo , et jusqu'a la Chine , ou Ton est suv- pris de trouver, a cette epoque reculee , I'emploi d'un papier-monnaie : ces relations se porterent menie vers des contrees ou Ton n'aurait pas imagine d'en rechercher la trace , sur les bords du Don et du Volga, et dans le nord de la Scandinavie. L'auteur examine , dans les chapitres qui suivent cette introduction , la marche des relations commerciales dans les contrees que baigne la Mediterranee, et conunence par celles qui se rapportaient a I'lnde , a TArabie et a la Perse. II montre , a Taide de profondes et ingenieuses rechercheSj quelles routes , long-terns inconnues aux habitans grossiers de notre Europe , suivaient les precieuses marchandises de rinde, rassemblees dans les ports de Calicut, de Diu, de Cambaye , de Ceylan,.oii existaient alovs de florissantes colonies arabes, et surtout de Malaca, devenu un entrepot principal dans I'Orient. De la , ces marchandises etaient embarquees pour la mer Rouge ou pour le golfe Persique, et une partie s'arretait sur cette derniere ligne a Ormuz , que le commerce des perles avait deja rendu celebre. Ensuite on se rendait a Bassoraj puis on remontait I'Eu- phrate et le Tigre jusqu'en Syrie; ou bien on gagnait la mer Rouge par I'ile de Socotora. Une autre portion des memes produits, dirigee sur la cote africaine , se repandait dans I'Abyssinie et la Nubie , qui envoyaient en echauge des esclaves, de Tor, de I'ivoire et du micl. D'autres enfin etaient amenees par de petites embarcations lancees entre les ecueils de la mer Rouge , jusqu'a Cosseir et Suez, ■d'ou on les conduisait a dos de chameaux jusqu'au Nil. T. XLIX. JAWVIER l85l. 5 66 SCIENCES MORALES A partir de cc tlcrniev point, lo commerce avec I'Occi- ilcnt, tlont Alexandrie ctait le principal entrepot, prenait une activite noiivelle. Long-terns avant les croisades, les Yenitiensavaient porte en ligypte du bois dc construction, des mc'taux travailles, des arnies , et jusqu'a des csclaves, achetes au pied dn Caucase, qu'ils ecliaufjeaient centre du colon, du lin ct du sucre. Les soudans du pays ne permet- taient pas aux Occidentaux d'aller chercher eux-mcmes CCS marcliandises sur leur sol natal , et grevaient d'impots, tout a la fois, celies qui arrivaient de I'Orient ou par les caravanes du Sennaar et du Fezzan , et celies que les Euro- peens apportaient en echauge de celles-ci. La Syria prenait part a ces operations fructueuses , et le fit d'une niauiere plus active encore , lorsqu'a la suite des croisades un grand nolnbre de princes et de seigneurs francais vinrent s'etablir dans cette contree. A cette derniere epoque , des richesses considerables circulaient sur les marches d'Alep, de Saint- Jean d'Acre , et surtout de Damas , que vivifiait encore le passage de la gvande caravane de la Mecque. L'ile de Chy- pre , malgre les vices de son gouvernement et les fautes de ses princes , retirait^d'immenses avaiita'ges de sa position favorable cnlre I'Orient et I'Occident. L'auteur cite encore Rhodes, Candie , et enlin Constantinople, riche de toutes les productions de I'Europe et de I'Asie, et dont les douanes seules rapportaient, chaque annee , 32 millions d'ecus. Sur les cotes occidentales de la mer Noire, l'auteur n'ou- blie pas le port d'Azof, deja commercantau terns deStrabon, ct qui rccevait des marcliandises d'Asie par la mer Cas- pienne et les caravanes d'Astracan , et les expediait par le Don , j usque dans le nord de la Russie. Pres de Ik, les Ge- nois fonderentla colonie deCafFa, qui devint leur principal entrepot. Les Venitiens s'etaient deja etablis en Crimee , et la , comme ailleurs , ces deux peuples, egalement avides et ombrageux, tenterent miUe' efforts pour se miner mutuel- lement. Enfin,des rapports semblables s'etaient etablis avec les cotes barbaresques. Ainsi , une longue chaine d'interets ET POLITIQUES. ' 67 commerciaux , de relations amicales et bienveillantes, re- gnait presque sans intervallc depuis Maroc et le detioit de Gibraltar, jusqu'aux rives du Don et du Volya. Dans les chapitres suivans, M. Depping fait connaitre , dune maniere plus speciale , les ressources de I'industrie coinmerciale de cliacun des peuplcs de I'Europe ; et com- mencant par les Venitiens , il montre cette nation active et industrieuse , envoyant ses navires partout ou il pouvait s'etablir des echanges favorables a ses interets; profitant surtout des expeditions lointaines des croises , a qui elle ne prctait ses galeres que sous la condition d'etablir aussitot des comptoirs dans les pays qu'ils devaient soumettre. Sa ma- rine etait devenue la plus formidable de la Mediterranee : son credit et ses richesses etaient immenses. Tous les princes recherchaient avec ardeur , et achetaient clierenient son amitie. Au i^"" siecle, elle n'etait plus, a laverite, maitresse d'un quartier de Constantinople, ou les Genois I'avaient sup- plantee; mais elle avait encore, dans les mains, presque tout le commerce de la Romanie ; elle possedait une par- tie de laGrece et de I'Archipel; elle dominait sur I'Adria- lique et sur toutes les contrees voisines, et se trouvait en relations de commerce avec rArmeuie , la Syrie , I'figjpte , la Sicile , les £tats romains, I'Espagne , la France (i) et I'Angleterre. I^a plupart des peuples conimercans avaient , a Venise meme, des fondes ou enclos fernies pour les marcliands, et certains quartiers leur etaient exclusivement attribues. (i) On tronve frequemment , dans nos provinces , des traces du sejoiir qa'y ont fait les Venitiens a diverses epoqnes du moyeu age. Une nie de Li- moges porte encore le nom des negocians de ce pays , qui etaient venus , disent les chroniques, s'y etablir en 977, et y faisaient un grand com- merce d'epiceries et d'etoffes da Levant , qu'ils recevaient par Marseille et Aigacs-Mortes. lis n'abandonnerent le Limousin qu'a Tepoque des guerres d'ltalie an 16^ siecle. M. Depping parait u'avoir pas eu connaissance de ce fait assez curieux. 5. G8 SCIENCES MORALES Les Turcsy occupaient une rue ; les Syrions, les Arnieniens, les Allemands, y posscdaieni des coniptoirs. Les lottres de cliangc etaicnteu usage dans ce pays, eu i^J^b. La inonnaie de Venise lecevait des linf;ots de inetaux piecieux, de pres- que loutes les mines exploitees alors Le comuK^rcc des grains tires surtout de la mer Noire, el cclui des sels, etaient encore, pour cetle puissantc republique, la source d'un commerce immense. A tant de ressources, doni son commerce avail su s'enri- cliir , Venise joignail encore unc active industrie manufac- turiere. Sans parler de ses chanliers de construction d'oii s'elancaient, tons Icsans, ces navires qui allaient echanger les unes centre les autres toutes les productions du inonde connu , on fabriquait a Venise des draps renommes, pour les(|uels la matierc premiere etait tiree de Fiandre el d'An- gleterre : des cuirs dores tres-eslimcs , des etoffes de soie brochees d'or, desdamas, des velours; de la miroiterie, des armeSjdont une partie etait vendue dans le Levant; dg la verroterie, qui aujourd'hui encore conserve dans les memes regions son antique celehritejde beaux ouvrages en orfevrcrie, des fourrures tirees de Russie, de la cire et des drogues medicinales. II est difficile, assurement, de ne pas ceder a un sentiment profond d'admiration, quand on songe que toutes ces merveilles avaient etc creees, en quelques siecles, par de miserables pecheurs, refugies sous de gros- sieres cabanesau milieu des lagunes de I'Adriatique. Independammentdes communications par mer, ouvertes comme debouches a taut de produits lUfFerens , il s'en ecou- lait une partie par la voie de terre, particulicrement en Allemagne par le Tyrol, Ratisbonne , et Nuremberg. Une autre route passait par la Carinthie , et sc dirigeait proba- blement sur Vieiine, que sa position a rendue de tout tenis commercante, et dont les rapports avec Venise sont fort ancieus. Dans le quatrieme chapitre , ou nous sommes mainte- nant parvenus. I'auteur a reuni ce qui concerne le com- ET POLITIQUES. Cg incite des Genpis, des Pisans ct dcs Florentins. Genes avail devance Venise dans le Levant, etrivalisa de bonne heure, en Afriqueeten Asie, aveccesbabileset jaloux republicains. Elle protita comnie eux des cioisades, et ce fiit surtout dans le Levant, etpour s'appropiier les avantages immenses du connnerco de ces contrees, que ces deux nations lutterent pendant plusieurs siecles avec tant d'acharnenient. Venise, ayant favorise I'expedition des cioises, dent le resultat fut d'elever des princes latins sur le trone deByzance, I'em- poita pendant long-tems sur sa rivale, au point qu'une parlie de cette tapitale devint, conime nous lavons dit, venitienne. Une revolution nouvelle , qui eut pour cause principale les avantages commerciaux des Ge'nois, replaca sur le trone imperial la dynaslie grecque refugiee a Nicee, etlesGenoisvainqueurs, ayant chasse tons les autres Francs, doniinerent a leur tour sur la mer Noire. lis fonderenl alors la colonie de Caffa , dont nous avons parle, et cominerce- rent par la avec I'lnde et la Perse, et avec le nord de I'Eu- rope. lis eurent des comptoirs ddns tous les ports de Syrie, d'Egyple ct de Barbaric, et uieme en Chine. Ce peuple, si atlentifa ses ini.crets , n'avail pas non plus neglige d'entre- tenir des rapports avec les cotes occidentales de I'Europe, et, des le milieu du i3'^^ siecle, des traites avaient ete signe's enlre les Genois et les rois musuhnans de I'Espagne. lis tra- fiquaient de menie avec la Provence etavec la Corse , quils enleverent plus tard aux Pisans. Ces derniers ont aussi obtenu une juste celebrite dans Fhistoire du moyeii age, et il est curieux , en effet , de voir les habitans d'un aussi mince territoire lutter d'activite, ct presque de puissance , avec la redoutable Genes et avec les dominateurs de I'Adriatique. Comme ces republicains, ils eurent teurs comptoirs dans tout TOrient , sur les cotes barbaresques, et une flotte de cent vingt vaisseaux , envoyee par eux , contribua activement a la conquete de la Pales- tine. Florence, voisine des Pisans, mais privee de ports, se 70 SCIENCES MORALES distiii^juait par son industric , et surtout par ses fabriques de draps , ou clle employait des laines de Flandre , d'Au- (jleterie et de France. Plus tard (14-0? elle aclieta desGe- nois le port de Livourne, etablit des lors des rapports avec rOrient, et devint une des cites Ics plus riches et les plus commercantes de I'Europe. Des capitaux considerables cir- culaieut sur cette place , ou s'etait etabli, des le 1 2= siecle , I'usage du pret a interet, et meine a usurc, a I'egard des Etats comme des particuliers. Ainsi s'eleverent plusieurs fa- milies illustres de cette contree, et parnii elles , celle des Medicis;, qui doit surtout sa fortune a des speculations heu- reuses sur les laines et les epiceries. L'auteur ne manque pas de citer, dans cette interessante revue des villes commercantes de I'ltalie, Amalfi , celebre par la decouverte des Pandecles et de la boussole , etqui avait , dit-on , devauce toutes les autres nations en Orient. Le cinquieme chapitre nous amene a Barcelone. Seule parmi les villes de I'Espagne , cette capitale de I'Aragon ri- valisa avec les republiques italiennes, pour le commerce du Levant. Des comptoirs de diverses nations s'y etaient eta- blis : les Juifs et les Lombards y tenaient des maisons de banque; et , grace a I'ordre parfait de ses archives , c'est, comme on I'a vu, une des villes dont I'histoire commerciale et maritime est le mieux connue. Des engagemens conti- nued avec les Maures avaient rendu ses habitans guerriers et aventureux; le voisinage de I'Afrique et des iles Baleares en fit des marins habiles. lis profiterent surtout de la con- quete de la Sicile par les rois d'Aragon , en 1282 , et y eta- blirent, avec un grand succes, le comxnerce des grains, eu echange desquels ils apportaient des marchandises du Le- vant et de leur propre sol; ils commercaient encore avec la Sardaigne et la Corse ^ et avec le midi et meme le centre de la France (i), avec les iles de Chypre et de Rhodes , et sur ■ (i) II cxiste a Marseille , a peu de distance de la ville, uu lien appelc •i\core aujourd'faui la plage des Catalans. ET POLITIQUES. 71 toutcs les cotes de rEuipiie jjiec (i). Leuis relations avec rfifj'ypte elaieut surtout ties-actives, et furent sou vent re- glees par des traites. On comprend que le voisinage de 1*A- frique dut etablir des rapports , au nioinsaussi nombreux, avec les fitats barbaresques. Dans diverses villes conimer- canles , les maisous de banque etaient tenues par des Cata- lans j et , chose remarquable, M. Depping cite un acte consulaire de Barcelone ( de i^SS), qui prouve que, des lors , les assurances niaritiiues etaient en usage chez cette nation. Aux details qui precedent, I'auteur en ajoute quelques autres nioins iniportans, que nous ne pouvons presenter ici, sur le conunerce de I'Andalousie et des autres provinces maritimes de I'Espagne, avantetapres la conquete de ces provinces par les rois de Castille sur les Maures. On sail a quel point cette derniere nation avail porte les arts du luxe et la civilisation. La culture de la soie , cqjle de la canne a Sucre, du riz et du coton, des fabriques de riches tapis, de draps, d'armesmagnifiques, de tissus d'or et d'argent, leur fournissaient des richesses inunenses, qui exciterent sou- vent I'envie et la cupidite des chretiens leurs voisins. Nousarrivonsau sixienie chapitre qui terminele volume, et qui doit avoir pour nous un inte'ret particulier , puisqu'il traite des relations commerciales de la France, ainsi que de celles des Pays-Bas et de I'Angleterre. On sait que Mar- seille, des les terns les plus anciens, avait commerce avec r£gypte et le Levant. Les pelerinages , et plus tard les croi- sades , durent rendre ces dernieres relations plus actives encore. Ses negocians pretaient des somnies considerables aux petits princes francs etablis dans la Terre-Saiute , et (i) Un des faits les plus curieux. et les luoins etndies de I'histoire da moyen age est la conqnele de la Moree par quelques aventuriers.catalaus qui s'y etablirent pendant .-(ssez long-tems,et donnerent des dues a Athenes. M. Buchon a public recemiiieat une chronique de cette expedition singu- Jiere, e<;rite par un de sl'S principaux chsl's. 72 SCIENCES MORALES en lecuient de uombreux privileges. Plusieurs branches d'industiie fleurissaient a Marseille, surtout la coiroyerie, Ja fabrication des draps, et celle des tissus de chanvre et de colon. On y faisait du papier avec cetle dernieie niatiere des le 1 3' siecle, et c'est sur ce papier que sent ecrils les vieux registres de la ville. Apres Marseille, M. Depping cite en- cwe d'autres villes du Midi, qui faisaient un commerce tres actif : Aigues-Mortes, ou s'embarqua saint Louis, et qui est maintenantassez eloignee de la mer, avait un port tres- frequente ct qui servait d'entrepot: les draps de Beziers, de Carcassonne, de Toulouse, etaient reclierches en Orient. Les Italiens venaient, dans les foires du Midi, acheter les draps indigenes et les laines d'Angleterre qui venaient par Bordeaux et la Garonne. Montpellier faisait surtout le commerce des epiceries et des drogues du Levant, et le celebre Jacques Coeur y tenait ses comptoirs. Dans I'inte- rieur de la France, Chalons, Provins , Reims, Paris, etaient citees pour leur draperie. Les f;ibriques de ce genre abondaient en Flandre eten Picardie, a Arras, a Abbeville et a Lille. Sur la cote de I'Ouest, Bordeaux faisait, des i3o2, des envois de ses vins en Angleterre , et La Rochelle com- mercait de meme de ceux de Saintonge, qu'elle expediait dans le Levant. Bruges et Anvcrs, dans les Pays-Bas, etaient les principaux entrepots des marchandises etrangeres, et jouissaient d'une prosperite qui faisait Fad miration des con- trees voisines. Louvain , Bruxelles , Malines , Courtray, etaient renonimees pour les toiles el la draperie : quelqucs villes hoUandaises, surtout Harlem, suivaient eel exemple. Dans le Nord , enfin , les villes de la ligue anseatique ser- vaient d'interme'diaire entre les pcuplcs conimercans du Midi et du Levant, et ceux des regions voisines de la Russie, L' Angleterre , devenue depuis la rcine des mers et la pre- miere nation commercante du monde, se fitpeu remarquer a ces epoques du moyen age , on elle ne fournissait que des laines et de la pelleterie ; mais, des qu Edouard III eut fait venir dans ce pays des tisserands de Flandre, la draperie ET POLITIQITES. -3 anglaise commenca a se montrer sur les marcLes du Noid cl niemc en Italic. Le second volume de cet hnpoitant ouvrage est beau- coup moins susceptible d'analyse que le premier. L'auteur s'y occupe de rechercher Torigine du considal de com- merce dans les divers fitats de TEurope, et fait voir cette utile institution en vigueur presque partout , des le milieu du xui'' siecle, ct memc auparavant. Elle est rcconnue et confirmee par les Assises de Jerusalem , et surlout par les actes que renferme le vieux livrc intitule : le Consulat de mer , redige en Catalan , et qui a servi de code maritime dans la Mcditerranee , non-seulement au moyen age , mais meme jusqu'aux tems modernes. Plu- sieurs nations se disputent la gloire de I'avoir redige ; les Espagnols le revendiquent, avec beaucoup d'apparence de raison , pour la ville de Barcelone , et croient qu'il fat ecrit au xm* siecle : bientot cette institution des consuls , si utile a I'interieur, fut Iransportee dans I'Orient et chez les peuples les plus eloignes. Dans les ports de I'Asie , ou- verts par les croisades , chaque nation eut son consul par- ticulier. Genes et Venise se distinguerent surtout , comme on peut le croire , par la regularite et la sagesse de leurs reglemens sur cette matiere, Ce qui constituait un consulat au Levant etait un lieu ferine, appele Fonde , oil resi- dait le consul d'une nation et les marchands de son pays, renfcrmant d'ordinaire, outre les magasius, une eglise,un four, une boucherie, une taverne , etc. Les Venitiens en avaient deux a la fois , a Alexandrie. Les cliapitres 8 et g, qui ne sont guere susceptibles d'analyse, presentent les details, d'ailleurs fort curieux , des principaux traites de commerce signes entre les nations de I'Europe, et les princes d'Orient et des cotes del'Afrique septentrionale. Nousy avons rcmarque un faltpeu connu • ce sont des conventions de ce genre , deja anciennes a I'e- poque des cioisades, entre la France et les peuples musuT- nians. Ces expeditions celebres , si diversement juge'es dans 74 SCIENCES MORALES ces derniers terns, fuient done au inoiiis nuisibles, sous quelques rapports , aiix relations cominerciales des peuples. D'ailleurs, I'ardeur des papes et dii clerp^e, de venue clia- que jour plus vivo, contre les Sarrasins et Ics Musuhnans en general , opposait de nouveaux obstacles a ces relations. Beaucoup de marchands chretiens vendaient depuis long- tenis, aux infideles , non-seulementdesarnies, des metaux ouvres et des bois de construction, niais meme des esclaves enleves, comnieon I'a dejadit ,sur les cotes de lamer Moire , et dont une partie allait alinienter , en Egyple, la milice belliqueuse des Mamelucks. Aussi les foudres de I'figlise furent plus d'une fois lances contre les Catalans et les Veni- tiens , qui faisaient vivcnient ce commerce et en oblenaient de grands benefices. Une des causes de rcxcommunication de I'empereur Frederic II etait rinlimitc de ses rapports avec le soudan d'Egypte. On voit/par le proces de Jacques- CcEur , qu'on reprochait surtout a ce negociant celebre d'avoir vendu des amies aux Sarrasins ; mais sur ce point , comme sur beaucoup d'autres , I'figlise ne refusa pas d'en- tendre a des accommodemens , et le prix des licences ac- cordees par le saint-siege forma long-tems un desrevenus notables de la chambre apostolique. Apres avoir inontre comment s'etait forme pen it peu ce vaste reseau de relations commercialcs , qui , au grand avantage des peuples , avail enveloppe , pendant plusieurs siecles, toutes les regions civilisees, il restait a faire voir quelles circonstances funestes concoururent a sa destruc- ^ tion. C'est ce qu'a fait I'auteur dans son xi" chapilre , rem- pli de faits d'un grand interet, niais qui se rattachent a riiistoire generale , et que , par consequent, nous n'avons pas a rappeler icij c'est d'ailleurs un penible tableau a re- tracer que celui de ces belles et riches colonies chretiennes, de ces vastes etablissemens commerciaux , tombant I'un apres I'autre devant le sabre musulman , victimes , le plus souvent, de la basse et odieuse jalousie' cjui divisait leurs ^ I posscsseurs. '! ET POLITIQUES. 75 On salt , au reste , que ces causes ne furent pas les seules qui, en fermant au commerce de I'Europe toutes les routes alors frayees de I'Orient, tarirent la source des richesses qu'avaient accuniulees pendant plusieurs siecles les repu- bliques italieunes. La decouverte d'une route nouvelle aux Indes^ par le cap de Bonne-Esperance, en i497 ( et ainsi, peu apres le premier voyage de Colomb ) , en offrant aux Europeens une voie a lafoisplus coui'te etplus sure pour le transport des marchandises precieuses recues jusques-la de I'Egypte et de la Syrie , eleva sur les mines du commerce de ritalie la grandeur inesperee, maispeu durable, desPortu- gais. Bientot la culture de la canne a sucre, transplantee de Madere au Bresil , etablit une concurrence plus redouta- ble encore pour le commerce du Levant, et ainsi pour Yenise et pour les Turcs oules Sarrasins. Eufin, nousavons vu naguere ces republiques, jadis si fieres de leurs ri- chesses et de leur puissance, perdre, avec une derniere ombre de liberte, jusqu'au souvenir de leur antique gloire. C'est ici que se bornait le programme propose par I'lnsti- tut, et que devait, par consequent , se terminer aussi I'ou- vrage de M. Depping. II y a toutefois ajoute des notes assez etendues, qu'on lira avec interet, et qui sout destinees a expliquer ou a developper quelques passages du texte. Nous n'esperons pas avoir donne , dans une analyse ra- pide , une idee complete de ce beau travail, malgre la fidelite que nous y avons mise , et qui nous a portes a em- ployer quelquefois les expressions memes de I'auteur , dans I'impuissance de dire aussi bien avec la meme concision ; c'est dans le livre meme de M. Depping , que le lecteur , avide de s'instruire, viendra etudier cette immenjite de fails curieux et la plupart ignores, qui jettent un si grand jour sur les usages, les coutumes, I'industrie les rap- ports commerciaux des peuples du moyen age , et sur I'au- thenticite desquels il ne pent etre eleve le moindre doute, par ceux qui connaissenl la consciencieuse erudition dont M. Depping a fait preuve dans tous ses ouvrages. En s'ef- ^(i SCIENClvS MORALES frayant a I'iii^e ties recherches qu'un pareil travail a du coiiter , on se rappellera aussi , avec un juste sentiment de reconnaissance, que I'Acadeniie a dej;i acquilte la detle du pultlic, en adnicttanl dans son sein celui qu'ellc avail tant do fois lionore de ses couronnes. C.-N. Alloc. lliSTOiRE DE Napoleon Bowafakte, ue sa vie privee et i'u- BLIQUE , DR SV CARRIEKE POLITIQUE ET MILITAIRE, DE SON GOUVERNEMEUT ET DE SON ADMINISTR \TION , par TaUtCUr deS Memoires siir le Consvlat ( M. Tiiibaudeau ) (i)- lliSTOiKE DE Napoleon , par M. de Norvins, ornce de por- traits, vignettes, cartes et plans (2). HisToiRE DE Napoleon ; etudes sun les causes de son ele- vation ET de s\ CHUTE; par J.-C. Baillbul, ancien de- pute de la Seiiie-Inferieure (3). Napoleon et l'Europe; par M. Alexandre Do in (4). Memoires de M. Boup.rienne , minislre d'etat , suR Napo- leon , le DIRECTOIRE, LE CONSULAT , u'eMPIFiE ET LA t'.ES- TAURATION (5). BoURRIENNE ETSES ERREURS VOLOPITAIRES ET INVOLONTAIRES, OU Obse?'i>alions siir ses Memoires • par MM. le general Bel- LiARD , le general Goui gaud , le comte d'Aure , le conite DE SuRviLLiERs, le baroH Meneval, le comte Bonacossi, le prince d'Eckmulh , le baron Massias , le comte Boulay (i) Paris, 1827-1828; Jnles Renouard (et a Stuttgart, Cotta). Six vo- lumes out dcja cte publies; Irois volumes : Guerre d'ltalie; deux volumes : Guerre d'lLgjple ; un volume : Consulat; in-S" ; prix dri vol. , 7 fr. (a) Paris, 1827-1828 ; Ambroise Dupont. 4 vol. in-S" , avec des gra— vures ; prix , 4o fr. (3) Paris, 1828-1829; Renard, rue Sainte-Anne, n" 71. L'oavrage doit etre compose de trois volumes in-8°. Le i*' seulement a parn en sept Jivraisons ; prix , 7 fr. 5o. (4) Paris, 1827 ; Peytieux, galerie Delorme. 2 vol. in-8° : prix, i4 fr, f5) Paris, i 829 ; Ladvocat , 10 vol in-8°,prix; ^5 fr. ET POLITIQUES. 7, DE i,A Meurtiie , le ministic of. Strin , Cambaci r.Ks , re- cueillies par A. B. (1 J. Mort dcpuis neuf ans , Bonaparte n'etait pas encore en- tre dans la posterite ; les iuimities contemporaines , les liaines vivanles assiegeaient encore sa tDnibe el sa nienioire ; le principe mystique du droit divin , prouve par la force niaterielle d'un million at demi de baionnettes euro- peennes, accusait de sacrilege sa royaute spontanee ; la le- gitimite des Bourbons criaita I'lisurpation , substituait niai- sement , dans des actes consommes , un nom oublie au nom le plus riche d'avenir ; eflacait , par ordonnance , de I'liis- toire nationale , ce siecle napoleonien de quatorze ans , et proscrivait enfin jusqu'a de vaines images. Alors , il faut I'avouer, nous eprouvions quelque repu- gnance a meler la voix severe de la justice a tant d'ini- ques reprobations; nous craignions que le scandale de tant d'invectives ignobles ne nous eutrainat a une molle in- dulgence , ne desarniat notre impartialite , et ue fit gauchir cette droiture, le premier devoir de quiconque ose peser ces grandes destinees auxquelles les destinees des peuples ont ete attachees, de quiconque ose presscntir le jugement de la posteiite sur des liommes immortels. Nous nous sentirons plus a I'aise , dans notre examen , aujourd'liui f(ue ,1a fortune de Napoleon semble reveniv s'asseoir sur sa tombe ; aujourd'liui que scs monumens se relevent,- que son nom jouit publiquement de sa popula- rite; que sa gloire et ses malheurs, etales sur lous nos theatres, y reveillent tant de sympathies ; que le souvenir des grandes clioses qu'il a faites , des services qu'il a rendus , semble effacer , dans la memoire du peuple , le resscntiment des desastres dont ses fautes et ses passions ont afflige la pa trie ; aujourd'hui qu'on rencontre des cceurs plus sensi^ (i) l*aris, i83o; Heideloff et Urbain Canel. 2 vol. in-8°; prix, C10 c. le vol yS SCIENCES MORALES bles k la gloire dont il a dole la France qu'a la liberie dont il I'avait desheritee ; aujourd'hui, enfin, qu'on a ose songer arenfant du dcspole pour occuper un tronc populaire. Quoiqu'elle soil coimnencec depuis deux ou trois ans, la publicalion de plusicurs dcs ouvrafjes que nous reunis- sons dans cet article n'est pas prcs d'etre termineej ainsi, malgre nos retards, nous sommes encore a terns pour en entrelenir nos lecteurs ; et ce que nous avons perdu en promptitude , nous tacherons de Ic regagner en franchise , en inipartialite, en liberie d'examen ; car notre intention est de nous occuper, dans ce premier article, de riiomme plutot que de ses liistoriens. Nous allons d'abord exposer I'opinion que nous nous sommes faite ; nous essaierons en- suite d'apprecier I'opinion desecrivains dont les ouvrages sontl'objet de notre travail. Nous n'avons jamais rccu de Napoleon ni injures, ni bienfaits; places a la distance ou nous sommes desacarriere, nous pouvons la contempler avec des yeux calmes ; nous sommes pour lui sans haine et sans amour ; nous ne disons pas, sans admiration. Mais, plus sa vie a ete brillante, plus il en faut devoiler les laches ; plus il a fait de grandes choses, et plus il est important de signaler ses fautes. On le doit a la verile, on le doit a Tinstruclion de I'avenir, dont le passe est I'herilage. 11 faut dire aux flatleurs de Napoleon, si, toujours unique dans sa.destinee, il en a conserve encore apres la perle de sa puissance, apres sa mort de banni , qu'en faisant aujourd'hui I'eioge pas- sionne de ses institutions , ils n'ajoutent rien a sa gloire , car enfin elles ne I'ont pas empeche de tomher ; el qu'ils ou- tragent la nation, qui, tout entiere , aurail diise lever et le suivre conlre I'etranger , s'il eut regne pour elle. Mais les louangeurs du gouvernement de Napoleon sont aujour- d'hui pen nombreux ; si vous en excepter quelques hommes qui le haissenl , mais qui aimenl le pouvoir absolu , quel- ques cgoistes dont I'interel personnel fait loute la politi- que , enfin quelques admirateurs enlhousiastes et par ET POLITIQUES. 79 consequent de bonne foi, personne ne vantera I'esprit des institutions imperiales. On concoit des Bonapartistes avec Bonaparte , parce que le genie , la fortune et la gloire ont des illusions dont tout le monde ne sait pas se defendre ; parce que I'ivresse des grands succes pent s'emparer de certains esprits au point de leur faire oublier, pour un tems, que la liberte est la premiere de toutes les gloires , comme elle estle premier de tons les biens ; parce qu'enfiu Bonaparte avail cree autour de lui une multitude d'interets dont il etait lui-meme la garantie. Mais des Bonapartistes sans Bonaparte! Que seraient-ce, sinon des reveurs bien plus fous encore que ces autres insenses qui reventla restauration des Bourbons? Car^ enfin, le premier venu pent etre le heros d'une restauration a la maniere des Bourbons^ mais, pour une restauration a la Bonaparte , il faudrait tout son genie. Les amis dupays n'esperent qu'en la liberte ; c'est a elle seule qu'ils deniandent la consola- tion des malbeurs du passe, c'est a elle seule qu'ils con- fient leur avenir. Mais ce n'est passeulement des preventions de I'amitie , de I'aveugleinent de I'admiration que I'liistorien doit se defendre j il faut aussi qu'il se tienne en garde contre la Laine, plus aveugle encore et plus exageree. Depuis que la renommee de Napoleon est livree a qui veut la juger , combien d'absurdes sentences ont ete portees contre elle ! coml)ien on s'est dedommage d'un silence force , ou peut- etre d'infructueuses paroles ! meme parnii les ecrivains dislingues , il en est qui n'ont pas craint de le comparer, les uns a Tibere, les autres a Attila, d'autres meme a Neron. L'ineptie de ces rapprochemens pent seule en egaler I'in- justice. Aux premiers, nous demanderons si Tibere a ra- mene I'ordre dans un pays bouleverse, s'il a promulgue de memorables lois civiles , s'il a rouvert la patrie a une multitude de proscrits , s'il a illustre sa carriere par d'eton- nans exploits et plus d'une action genereuse ; nous leur demanderons si la France imperiale a jamais coiirbe la 8o SCIENCES MORALES tele sous rorgucil iVuii S^jaii , si clle a baisscj Ics ycux de- vant rinfainie d'line Capree. Nous demanderons au\ au- tres si le Jleau dc Dieu et des hommes a releve les autels, bati des villes, cieuse des ports; si rinduslrie a fleuii sous son icp,ne , si les arts ont prospere par sa munificence. Aux dernicrs, nous n'avons rien a dire. Pour nous , nous n'avons pas la pretention de porter un juj^ement definitif ; nous nous bornonsa rappeler des faits donl le simple rapprochement est fecond en consequences; eta Jeter au milieu de ces faits quelques reflexions, qui , nous I'avons dit, serviront de preface a notre examen. Ne vingt ans avant la revolution, Bonaparte apparut avec elle sur la scene du monde; il naquit a propos, et c'est la une de ces chances favorables dont la destinee fut lonfj-tems prodigue pour lui. A toute autre epoque , Bona- parte eiit ete sans doute un homme fameux; il n'est pas egalement certain que, sans la revolution, il fiit devenu I'homme extraordinaire que nous avons vu. Les premieres traces autheutiques des doctrines politi- ques de Bonaparte nous ont ete conservees dans un opus- cule , publie par lui en 1790 (il avail alors vingt-un ans\ C'est une lettre a un de ses compatriotes , depute de la no- blesse de Corse a I'Assemblee constituanle, ct dont il blame la conduite. En voici un passage remarquable : « M. Paoli avait reve de faire le Solon , mais il avail mal copie son original. II avait tout mis entre les mains du peuple et de ses representans , de sorte qu'on ne pouvait exister qu'en lui plaisant. Etrange erreur qui souniet a un brutal, ii un mercenaire , I'liomme qui, par son education, I'illustra- tion de sa naissance . sa fortune, est seul fait pour gouver- ner ! A la longue, un bouleversement de raison si palpable ne pent mancjuer d'entrainer la ruine et la dissolution du corps politique , apres I'avoir tourmente par tout genre de maux (i). i> (1) Lettre de M. fiiioria/miic -> 31. .Va/teo liiittafocco , depute de Cone ET POLITIQUES. 8i Les histoiiens de Napoleon ne se sent pas occupes de cette piece , importante, selon nous, dans I'histoire de sa caniere politique, car elle en est coinme le debut, et les presages qu'en y peul lire n'ont pas ete dementis. On y voit deja le futur restaurateur de la noblesse en France, I'homme qui eut toujours pour la puissance populaire une invin- cible repugnance et un mepris d'instinct; dont la maxime etait qu'on pouvait gouverner pour le peuple , mais qu'il fallait gouverner sans le peuple ; c{ui travailla davantage pour la gloire de la France que pour son bonheurj et qui irouva plus facile de subjuguer I'admiration des lioninies par des prodiges, que de nieriter leur amour par des bien- I'aits. Malgre ces principes, assurement fort pen republicains, professes en 1790, Bonaparte voulut bientot cependant mettre a profit les avantages que les circonstances ofFraient a son genie j il prit les couleurs et les opinions de cette revo- lution , dont il devait etre un jour ie plus dangereux en- nemi , et il les prit avec assez d'ardeur , en apparence du moins , pour se trouver compris dans la disgrace des par- tisans de Robespierre. Apres le 9 tbermidor , Bonaparte, clief de brigade a I'armee du Var , fut arrete et detenu au fort d'Aiitibes. II ne recouvra sa liberte que pour etre mis en refornie par le comite militaire de la convention. Bientot, le 1 3 venclemiaire montra Bonaparte sous un nouveau jour. C'e fut cette espece de coup d'etat qui devint pour lui le premier degre du trone imperial. Nous le ver- ronspreter, du fond de I'ltalie, son appui au coup d'etat republicain de fructidor ; et ce sera par le coup d'etat de brumaire qu'il renveisera la republique. G'est toujours le a I as.semhlee iiationale. Cet opuscule , curieux aujourd'hui , mais bientot oublie ft devenu rare a I'epoque de son apparition , ne porlait aucan nom de ville ni d'imprimeur ; on a decouvert depuis qu'il av^it cte imprime a Dole, chez M. Joly, en 1790-, lorsque Bonaparte servait coniine lieute- nant dans le regiment de la Fere , artillerie. r. XLIX. JANVIER i85i. 6 82 SCIENCES MORALES ineine lioinine, feime et per^evcrant dans ses dcsscins, il n'y a dc diffcrciit elicz lui que Ics nuances forcees des cir- conslances. Dos le tenis de sa canipayne d'llalie, Bonaparte, plon- geantses regards dans I'avenir, put y lire sa destinee. Ge- neral du directoire , il est en efFet le souverain de ces rois epliemeres; et il rcvient a Paris jouir d'un uioniplie d'au- tantplus enivrant que les cliefsde I'etat semhleut endiai- nes au char du triomphateur. Celte puissance si nialhabile, si peufaile pour commander, fatigue Bonaparte ; il dedai- gae les postes Lrillans que le directoire lui ofFre , il concoit la conquete de I'Efjypte; et, general d'uue armee qui n'a plus que lui pour maitre , il va, sous le ciel d'Orient, faire I'apprentissajje de la royaute. De nouveaux besoins ont developpe de nouvelles res- sources dans le genie du jeune Bonaparte. Si Ton etudie sa conduite au milieu des Arabes , on la trouvera toule diffe- rentc de celle qu'il a suivie chez d'autrcs peuples; tant que I'insurrection ne commande pas la severile des lois mili- taires, il laisse aux vaincus leur gouvernement ^ ilrespecto leur religion et leurs magistrals; loin de blamer leurs prc- iuges, il les flatte et les caresse ; il s'efforce de se plier a leurs usages ; il est presquc devenu leur compatriote , il est presque croyant. Cetle expedition, que la destruction dc la flotte et d'au- tres causes ont privee des grands resultats politiques qu'on en pouvait attendre , laissera aux sciences et a la civilisa- tion un monument a jamais admire: elle formera une des epoques les plus remarquables de I'histoire de Bonaparte. Sous un ciel brulant et dans des sables deserts , presse par I'incendic, la peste , la revolte , les Arabes et les Anglais , Bonaparte saura triomplier de tout , et vous le trouverez constamment I'homme de tous les besoins, soil a la tete de son armee , soit parmi les pestiferes de Jaffa, soit au milieu du Caire insurge, soit dans les paisiblcs fetes de la ciue du jSil et de la naissance du prophete. » ET POIITIQUES. 83 La fortune de la patrie scmblait avoir suivi au dela des mers les drapeaux de Bonaparte , et I'on crut la voir ruve- nir avec lui. II serait diflicile de peindre reulliousiasnic qui accueillit son retour-, salue partout sur son passage du titre de libt'rateiir, quel beau slccle conimericait [our la France^ si Fame de Bonaparte cut su comprendre la lecon que renfermaient ces acclamations , et la gloire qu'elles lui promettalent ! II ne les comprit pas j la passion du pouvoir rabaissa au rang des despotes celui qui pouvait etre le fon- dateur ou plulolle restaurateur de la liberte ; et malgre la feinte ou se reduisit un beros (jui voulait troniper un grand peuple, lesliomnies, toujours si rares, douesde la science de I'avenir, devinerent le despolisine; mais ils le devinc- rent seuls, et lepeuple toujours profondenient attacbc aux idees de la revolution, ne vit encore, dans Bonaparte, que riiomnie de la revolution , I'bommc qui s'etait eleve par elle et pour elle, I'liomme qui, plusieurs fois, avait ap~ pele la revolution I'ere des gouvernemens rejircsentalifs . Le peuple, si facile a tromper quand on flatte ses plus cberos esperauces, se contenta des assurances de liberte dont on etait prodiguej il ne songea pas que , quand Bo- naparte s'eeriait , le i8 bruinaire , dans le conseil des anciens : « Nous voulons une republicjue fondee sur la vraie liberte, sur la liberte civile, sur la representation natio- nale, » Bonaparte imposait cette liberie les amies ii !a inain^ et cpie c'etait en violant, par un crime de haute traliison , la representation nationale , cju'il osait altester le gouvcr- nemcnt representatif. La revolulion de brumaire est certainement 1 une des plus importantes que I'liistoire puisse jamais signaler; noii pour les difficultes de I'execution , Bonaparte n'eut qu'a se niontrcr , et le directoire avait disparu ; il n'eut qu'a faire entrer qiielques grenadiers dans le conseil des cinq-cents , el la representation nationale s'etait evanouie ; crime facile etcjue Bonaparte ne commit pas cependant sanspalir. Mais, ce qui fait surtout de brumaire une epoque reniarquable, 6. 8\ SCEENCES MORAT.ES . ce sont.sos consequences sur la civilisation. La civilisation n'en a pas ete aneantie ; quelle puissance, sur lei re , pour- lait arreter la niarche de I'esprit liiunain? niais ello a ete vetardee , non seuleuieut en Fiance , niais dans toulc I'Eu- lope, et par ce long intenegne de la liberie, et paries idees fausses, les moeurs serviles, les prejuges que ie des- potisme imperial nous a laisses en heritage, et que la res- tauvation avait soigneusenient recueillis. t\, Toutefois , par une singuliere et heureuse compensa- tion, ce despotisme lui-menie aura sans doute des conse- quences dune importance extraordinaire et que personne peul-etre , parmi ceux qui en deploraienl les ellets , n'au- vait espere de voir se realiser si tot. Partoutou j1 a etendu son empire , il a fait penetrer la liainc du pouvoir absolu , il a eveille les idces de libcrte , il a inspire les sentimens patriotiques , il a cree les resistances genereuses. C'est avec ces idees, ces sentimens, ces resistances que nous sommes parvenus a nous debarrasser des Bourbons que les fautes de Napoleon avaient ranienes. Ce sont encore ces idees et ces resistances , qui , dans le nouveau monde conime dans I'ancien, diangenl I'etat social et politique; el si les nations opprimees obtiennent une libcrte paisible ct glorieuse , croyons que le despotisme aura hate, pour^es peuples, un bienfait qu'ils n'auraient obtenu que plus tard de I'exemple de la France lieureusi^el libre depuis 1789. Si Ton suit des yeux Bonaparte, a partir du 18 brumaire, consul provisoire , consul pour dix aus, consul a vie^ em- pereur , on verra toujours le nicme homme , constamment arme contre la liberie ; et , seconde de sa fortune et de son genie , dans cette lutte comme dans sa carriere militaire , cbnquerir cliaque jour le domaiue de son ennemie , tantot avec prudence et par une marche savante , tantot avec au- dace et comme par un coup de main , et Iriompher enfin de la liberie par la menie lactique, par la meme perseverance qui I'onl fait Iriompher des rois. Mais , grace a Dieu , il est ' plus difllcile dc detruire la liberie que les trones; un trone, ET POLITIQUES. 85 c'est le patiimoine d'une famille; la libeite, c'est le patri- moiue des peuples. Et Ton peut dire avec verite que c'est la liberie elle-meme qui, en i8i4 , relevales trones abat- tus par Napoleon ; car, ou seraient-ils aujourd hui sans elle, sans Tassistance que lui denianderent alors les rois , depuis si oublieux de ses services? Bonaparte, qui haissait sans douto plus que personne les idees et les principes de i 7B9 , avait trop de perspicacite pour ne pas rechei clier leur appui en entrant dans la nou- vellc tarriere qu'il venait de s'ouvrir. La constitution de I'an YIII, renforcecdusenatus-consulte organique de I'anX, contient lous les germes de ces constitutions iniperiales qui ont si tristement opprim^ la France; mais, en nieme terns, elie offre a des yeux pen attenlifs quelques apparenccs et quelques-unes des formes protectrices de la liberie. Arretons-nous un instant sur cetle constitution, le pre- mier acte legis!atif de Bonaparte. Ce qui nous frappe d'a- bord , c'est de voir substituer au systeme d'election a deux degres, ilestvrai, mais clair et assez etendu , consacrepar la constitution de I'an III, un systeme electoral a quatre degres, confus, restreint, illusoire et plein de deceptions, grace a une sorte d'epuration successive depuis la lisle coniniunale jusqu'a la liste nationale. C'est celte derniere liste, a la formation de laquelle la masse electorale n'obtint presque aucune paiticipation , qui fournitau seuat, lequel les clioisit lui-meme , les menibres du corps legislatif et du tribunal, les consuls, les juges de cassation. Le premier consul se reserve la nomination des administrations locales et des juges, hormis les juges de paix, dont la nomina- tion est pour un terns encore laissee aux citoyens. Le senat, dont la docilite n'est devenue que trop celebre, avait le pouvoir de casser les actes incoubtitutionnels qui lui etaient dcferes , et parmi ces actes sont comprises les listes d eli- gibles. Le corps legislatif est muet (i); le tribunal gene ^1) iW (Dips cl.iil tclleiiK III cfnisliliK- , rjn'aH preiiiirr uiot qu'il voudra 86 SCIENCES MORALES dans ses niouveiiiens (i); los fonctionnaiies publics, au contraire,"inis fort al'aise, sous I'abii de I'arlicle yS, iic pouvaicDt etro poursuivis sans rautorisation du conscil d'elal J ainsi loule rcsponsabilile ciail annulee. Cello tonsiilution. dontil sciail loiiy de sijjnaler lous les pieges , ne tarda pas a paraitre trop Hberale au premier consul; et ( rapprocbenient remarquable I) le lendemain du jour ou il lut proclanie consul a vie par le suffrage de trois nnliions et denii de citoyens, il se hata de reconipenser la nation par un senatus-consulte organiquc. (2j,qui confis- quait a son profit le peu de garanties laissecs dans la cons- titution del'an VIII. (]e scnatus consulte organique , date du 4i^out 1802, at- taquo la constitution par sa base : le droit d'election. Les nienibres des colleges tlectoraux sonl a vie, clioisis parmi un petit nonibre des plus imposes; Ic premier consul nomme les presidens de ces colleges, il a la faculte d'y introduire des legionnaires, ou tous autres quiont rendu des services. Son influence pese sur toutes sortes d'elections : celles des' juges de paix , des presidens de canton, des maires, des conseiliers d'anondissement et de departement , des sena- teurs , des deux autres consuls, qui de temporaires sont devenus consuls a vie , enfin sur celle du chef de I'Etat lui- meme. L'article 42, qui lui donnait cette enorme preroga- (lire, apres un sileuce de i3 aiis , renipereur pourra Ini repondre (le i"' j anvier 1 8 1 4): « J'ai un litre , vous n'en avez pas. Qu'etes-vous dans la cons- titution? Rien. Vous n'avez aucune antorite. C'est le trone qui est dans la constitution. Tout est dans le tione et moi. » Voila le veritable et naif loimnentaire de la constitution de I'an viii , perfectionnee par les consti- tutions imperiales et les scnatiis-consultes qui I'ont suivic. (i) Ce corps n'avait pas dix jour.s d'existence , qu'une loi etait deja ve- nue lui iniposer de nouvelles entraves. (•^) Apropos ihx. niol organiqui: , Lanjuinais rciuarque, dans ses Con- stilitlio/ts de la nation f ran caisc , que cliez nous , durant long-teins , organi- ser et conserver ont signifie dctruirc. •• La fraude politique dans les parole-s, ajouie notre savant jiubliciste , est pins connuune que les violences ; ellc a fail plusde mau\ a la palric. » ET POLITTQUES. 87 live, lo tlioixtle sou successeur, n'ctait ^videniment qii'uin; herciUle deguisee. Le tribuiiut, (jut avail inontie queltjuc indupeudance , esl affailjli par la reduclion a inoitie du iioiubie de ses uieiuljies; el le senal, dont le consul etail siir, puisque la nominalion lui eii appartenait presquc en- tieremeiit , recoil la faculle de bouleveiser a son jjre la con- sliluliou , au inoyeu de seiiatus-consuUes organiques , fa- culty doiil il usait, coninie on voil, avanlde I'avoir lecue; eai' c'esl par un stnatiis-consulle qu'il se donne le droit de rendre des senalus-consulles. El remarquez quel exces de puissance eel acle inconstitulionncl atlribue au senal, ins- Irunienl du premier consul. Par un senatus-consulte , On regie tout ce qui n'a pas ele prevu par la conslilulion el qui est necessaire a sa jnarclie ; On expli(|ue les articles de la conslilulion qui donnent lieu a differenles interpretations; On pent suspendre pour cinq ans lesfonclions de juresj On pent declarer des departemcns liors dela constitution : On peut annuler les jugeniens des Iribunaux. Bientol ce sera un senalus-consulle organique c[ui Irans- formera la republique en empire , el cbangera de nouveau la conslilulion du pays. Depuis 1802 , jusqn'a la chute de Napoleon, ce deplorable moyen de despolisme ful employe par lui avec la plus revoltanlc profusion, ^iccs senatiis-con- siiltcs qui, presque lous, onl viole I'acle fondamental, peu- venl etre consideres comnie aulant de crimes de lese-nalion. Dans un espace de moins de trois annees , cette usurpa- tion flagrante de toutes les liberies , de lous les droits popu- laires , comniencee par la conslilulion de 1799, ^ V^^ pres consommee par I'acle organique de 1802^ recevait I'assenlimenl lacile d'uiie nation qui , dix ans plus lard , devail etre conduile a deux doigts de sa mine par celui- la nienie en faveur duquel elle se laissait ainsi depouiller de loules ses garanlies ! et cet lionime elail un de ces ge- nies dont la nature est avare ! Grande et admirable lecon , qui cuseigue aux peuples «ju'ils ne doivent coniier leur sort 88 SCIENCES MORALES qu'a la loi, et jamais k un honiine quel qii'il puisse ctre. Cette irreparable faute , si cherement payee par Ic peu- ple francais, avail pourlant des motifs d'exciise; cc pcuple etait encore eilraye des souvenirs de g3; il etail dccoiirage par I'incapacite , par la corruption du {jouvernemcnt qui avail succede a celui de la Convention ; il marchail peni- blement au milieu d'une route revolutionnaire au bout de laquelle il se trouvait moins a vance qu'au depart, puisque la liberte etait menacee au dedans et I'independance compro- mise au dehors. Au milieu de cette detresse, apparait Bona- parte, combinant la double puissance qu'ii pouvait tirer et de sa gloire militaire et de sa politique machiavelique ; il fait taire la pi'esse, il gagne par des places ou de I'argent quel- ques cliefs du parti populaire , sa police enlretient I'inquie- tude des revolutions et des coniplots. A ces moyens de riiomine vulgaire , il joint loutes les ressources de I'homme de genie : de grandes mesures de justice et de clemenccj la pacification de la guerre civile; une iiouvelle campagne d'ltalie qui rappela les prodiges de la premiere ; le traile de Luneville qui reunit definitivement a la France la Bel- gique et la rive gauche du Rhin , qui livra au premier consul la Toscane et une partie de I'Ttaliej rette annee i8oi , qu'on pourrait appeler I'anne'e des pacifications, ou la France se vit reconciliee avec toutes les puissances de I'Euiope , et ou I'Angleterre elle-meme, depouillant, au moins en apparence , sa haine implacable , entra aussi dans cette grande confederation : tout contribuait a augmenter cette ivresse populaire qui rend la confiance si facile, et qui nourrit si bien les illusions de I'esperance. Par une reaction trop naturelle , cette meme ivresse qui aveuglait le peuple sur la perte de sa liberte , aveuglail aussi le con- sul et I'encourageait au despot isme. Les illusions populaires etaient d'ailleurs soigneusement entretenues par une politique qui sentait encore le besoin dede'guisera moitiesesdesseins. Tout le monde se souvient de I'efiet (jue produisit ce deuil public , ordonne par Bo- ET POLITIQUES. 89 naparte en I'honneur de Washington , et avec quel plaisir on vit celui qu'une reconnaissance trop credule appelait toujoursle liberateur de la Fiance confondre sa gloire avec celle du fondateur de la liberie americaine. Ses proclama- tions parlaient encore ce langage qu'on aimait a entendre : « La constitution , disait-il , en presentant a I'acceptation du peuple I'acte conslitutionnel de I'an VIII , est fondee sur les vraisprincipes du gouvernement representatif , sur les droits sacres de la propriete, de I'egalite, de la liberie... Ciloyens , la revolution est fixee aux principes qui I'ont commencee; elle eslfinie. » Oui , sans doute , elle I'etait, si cette proclamation n'eiit ele un niensonge ; si cette assurance que la revolution etait terminee n'eut ele accompagnee et suivie des mesures les plus revolutionnaires : d'une condamnation a la deporta- tion , sans aucune forme judiciaire , de plus de trois cents citoyens; de retablissement de tribunaux speciaax, nom- mes par le chef du gouvernement, pour juger les delits po- litiques; de la suppression de plusieurs feuilles publiques sur un simple arrete du premier consul, de I'assujettisse- ment de toules les autres a la honteuse censure de la po- lice ; de la censure prealable de tous les livres. Comment d'ailleurs retrouver les maximes immortelles de i'Assem- blee constituante dans cette charte de I'an VIII , ou , nous I'avons dit , la premiere base de tout gouvernement libre , la responsabilite des agens du pouvoir , est entierement meconnue , dans cette charte qui deja etait livree aux plus insultantes profanations ? Le premier consul ne redoutait pas moins la theorie que la pratique de la liberie j les idees speculatives etaient presque aussi coupables a ses yeux que les conspirations. II reorganisa I'lnstitutpourensupprimerla classe des sciences morales et poliUques. On sail qu'il avail une aversion na- turelle pour ce qu'il nommait les ideologues. Les actions de Bonaparte etaient consequentes a ses senliniens et a son systeme ; il est de I'cssence du despotisme d'avoir une go SCIENCES MORALES pleitiu ct pai lailc conliance en lui-nieine. Co (ju'il veut est bieu , parcc qu'il Ic veut; il se croit asscz eclaire quaiid il est assez fort; et ii a un profoml tledain pour les lutnieres et les avcrtisseuiens qui lui viciuliaient clu peuple. Ce ii'cst pas dans un pareil {jouvernement que Ton peut conseiver une inslitulion deslinee a developpcr toutes les facullc's (|ui perfcctionnent les liautes speculations de reutendement liumain, k propager, a rendie plus populaire le grand art d'ameliorer les societes poliliques. Mais ce n'est pas seulenient par dcs actes legislatifs et par des decrets de propre niouvenient, par I'opprcssion de la pensec, et par la proscription des liaules meditations de rintelligence , c'est encore par les nireurs qu'on s'eft'orce de nous raniener aux institutions d'aulrefois. Une cour renait aux Tuileries ; des distinctions lionorifiqucs vont classer les citoyens et nous menacent d'une noblesse nouvelle ; la religion est protegee, niais c'est bien moins la morale du christianisme que le despotisme catliolique avec qui Ton veut faire alliance : n'a-t-on pas vu le dogme de I'obeis- sance absolue a Napoleon insere dans le catecliisme comme un article de foi? Le relablissement des corpora- tions enseignantes fut dans la pensee de Napoleon ; et, dans un procbain article, nous aurons I'occasion de prouver, par ses propres aveux , qu'il voulut se servir du catboli- cisme comme d'un moyen de repriraer ce qu'il appelait I'anarcbie , et de consolider sa domination en Europe. Cependant, les grands corps de 1 Elat, inbabiles a prote- ger la liber te , ne semblent destines qu'a reliausser I'orgueil du pouvoir et a lui servir de garantie. A cote de ces le- gislateurs inutiles, s'eleve un conseil d'etat reconnu comme autorite judiciaire, inais sans aucune independance legale, et qui, en effet, n'eut jamais d'autre libcrte que celle dont son muitre voulut bieu le laisser jouir. Aux preniices de tyrannie si propres a niecontenter la France, se joignaient des actes qui mecontentaient I'etran- ger. Avant d'arrivcr .ui faite du pouvoir, Honaparle avail ET POLITIQUES. 91 pour les souveruins etiangers , comine pour la nation , iles e'gards dont sa fortune ne I'avait pas encore dispense. Mais nous somnies arrives au terns oii Bonaparte ne reconuul plus a aucun souverain le pouvoir de Tarrcter dans scs ambitieux projets; deja commencait pour lui I'ivresse dcs grandeurs et de la gloire , et il crut que tout seul il pouvait desormais faire sa destinee. Nous nous sommes Icng-tems arretes a cette eporpie , parce que c'est veritablement celle de I'influence de Bona- parte sur la civilisation de son siecle ; c'est celle ou toutes les nobles idees de liberie et cJ'independance, les glorieux principes de i 7S9 (excepte peut-etre celui de I'egalite de- vant la loi et celui de la repartition proportionnelle dc I'impot), elouffes cliez les uns , comprimes chez les autres , disparaisseut devantcet entrainement qu'inspirentles mer- veilles , et qui aveugle la raison des peuples comma celle des particuliers. Tout Bonaparte est revelej ce qui va suivre n'est que le developpcment de cette premiere pensee de monarchie absolue qu'il concut sans doute en secret, le jour meme oia il revetit le frac amarante de consul , et qu'il declara ouvertement lorsque apres quatre ans il ecliangea sa couronne de laurier contre un double diadenie , et quitta le nom glorieux de Bonaparte pour le nom imperial de Napolton . A daterde I'ere nouvelle ou nous entrons, cette histcire sera pleine encore de prodiges, mais elle sera sans illusions pour les amis veri tables de la patrie et de la liberie ; ils ont perdu jusqu'a I'esperance j ils savent bien que les conquetes intellectuelles de la revolution sont imperissables , mais ils n'osent plus s'en promettre la jouissance ; placees, pour ainsi dire , sous un sequestra que leurs enfans feront lever un jour, ce fruit de leurs travaux est aujourd'hui perdu pour eux ; le despotisme de Napoleon s'etaie sur ses Iriom- plies , et ils voient croitre a la fois les prosperites de I'em- pereur et les desastres de la liberie pub'ique. Quelques liommes qui joiguaient a la science de prevoir les eventj- ga SCIENCES MORALES mens futuis le noble courage dc leur opposer une digue, eleverent en vain d'honorables resistances ;leurs efforts inu- tiles pour la liberie ne le seront pas pour leur gloire. La reconnaissance nationale se souvicndra long-tems du dis- cours prononce par Carnot dans le tribunal , sur la propo- sition d'eriger la France en empire ; ainsi que du vole ne- gatif de quclques-uns de scs coUegues, el d'une douzaine de senateurs, inebranlables ennemis de tous les despolis- mes , el qui , restes debout naguere devanl le nionslre en- sanglante de I'anarcliie, etaicnt dignes encore de ne pas se prosterner devanl uneidole nioins bideuse, niaisnon rnoins redoutable. L'einpirc elail elabli , tous ces eftbrts genereux qui avaient a jamais ilkislre le commencement de la revolu- tion , tout ce noble sang qui avail arrose ses premieres conquetes, etaient perdus pour la France ; Napoleon seul en avail rccueilli le fruit, seul il en avail fait sa propriele. On s'efforca de donner une sanction populaire et meme di- vine a cettc usurpation des droits du peuple. Aux suffrages des Irois millions de citoyens on voulul ajouler le suffrage de Dieu ; el jusque dans les temples, des voix adulatrices s'eleverent pour montrer Napoleon comme I'elu du ciel , I'oint du Seigneur, et pour fonder son nouvel empire sur la base golbique du droit dlvin , ressuscile expres pour lui. Le peuple n'etait que trop docile a cet enli-ainement , el, dans I'abandon absolu qu'elle faisail d'elle-meme, la France avail porle I'oubli de sa propre dignile jusqu'a se depouiller du droit de clioisir un maitre, meme dans le cas oil celui qu'elle venait de reconnailre niourrait sans lieri- tiers directs ( I ). Les fils adoplifs de Napoleon etaient appeles a succeder au tronc liereditaire, Une telle disposition pou- vail revoller I'orguci! national ; Napoleon le savail , mais (i) II est a lemarquer que le parlcment servile d'un des plus cruels despoles quiaient eusaiiglauU- un tioiie , Henri VIII d'Angleterre, dccerna a ce lyran la mcmc prciogali\c. ET POLITIQUES. g.i il savait aussi , avec cette hahiletcqui lui etait loute parti- culieie , donner le chanjje a I'opiiiion ; et, en s'emparaut aiiisi d'un droit exorbitant, il cut soin de faiie comprcndre tju'il n'en userait qu'en faveuv d'un homnie que laFinnce elle-menie aurait pu adopter, et dont les talens et les servi- ces avaient deja donne des {jages a la patrie : Eugene Bcau- harnais etait aux yeux de tous le lils adoptil' de Napoleon. Un article des constilulions de I'enipire qu'ilfaut remar- quer , parce qu'il est une nouvelle preuve dii talent avec lequel Napoleon savait saisir I'occasion de flatter I'opinion , sans lui faire en effet aucun sacrifice , c'est celui qui conliait au senat le soin de I'education du prince imperial. Certes, personne ne croira que Napoleon , despote dans sa maisoii aussi-bien c[ue dans I'Etat, et qui dans le statut de la fa- niille imperiale s'etait niontre si jaloux de son pouvoir absolu, ait eu un instant la pensee de ne pas rester seul inaitre de I'education de son Ids ; n^ais la naissance de ce fils, que rien ne lui promettait encore, etait incertaine , et il trouvait dans cette disposition I'avantage actuel de rendre un eclatant houiniage a I'un des principes des fon- dateurs de la liberte francaise, de presenter sa posterite future conime la posterite de la patrie , et de recouualtre au pays comnie un droit paternel sur Tenfant qui devait naitre de lui. Mais en meme terns que la nation recevait cette concession et quelquesautres non moins illusoires, elle se vitdepouillee de I'un de ses droits les plus chersj le jury fut, dans cer- tains cas , suspendu pour deux ans , et cette atteiute portee a une institution sans laquelle il n'est point de liberte , ne fut que le prelude de nouveaux outrages. Les empietemeus fails sur les droits du peuple , par les constitutions iniperiales, avaient besoin^ coinnie tous les autres actes de la vie de Napoleon , d'etre consacres par la victoire. L'AutricLe eut I'imprudence de la reveiller. Aussi- tot nos phalanges, qui menacaient I'Angleterre, se preci- pitent des riyages de la Manche sur les bords du Danube , 04 SCIENCES MORALES cllcsolcil d'Aiislci'lilz vit line aigle noiivelle planer dans les niis , poursuivre I'aigle de Vienne jusqu'aii cocur de rAulridie , cl dieter !a pais dans Presbourg. C'est 1;\ que rAulriche luuniliee abandonne loutcs ses possessions d'l- talic , ct qiielques-unes de ses provinces d'Allemagne. Les princes qui naguere faisaieiTt partie du corps germanique se confedercnt sous la protection de Napoleon , ct plusieurs troncs s'elevent ]iour sa faiuille. Parvenu a ce haut degre de puissance , Napoleon, tou- jours plus aninie contre I'irreconciliable enneinie de la France, songe a lui porter un coup mortel , et le blocus continental va repondre ;"i cet orgueilleux blocus maritime que I'Anglcterre avail declare. Napoleon encourage tous les arts a lui pretcr leur secours,il force la nature a devenir I'auxiliaire dc son systeme : des industries deja connues re- coivcnttout-a-coup un immense developpement, de nou- veaux produits sont crees, et Ton recounait, dans ces me- sures gigantesques, les conceptions de ce genie vaste ct entreprenant , qui ne compte jamiis les diflicultes, et sail renverser tous les obstacles pour atteiiidre un but utile. Certes , ce n'est pas a cpielques interets particuliers que I'avenir laissera le soin de juger ce grand projet ; et les partisans les plus determines de la liberie du commerce , (lui la regardentavec raison conime la source d'aboudantes ricbesses , a cause de cela meme, conviendronl qu'il fal- lait opposer des moyens extraordinaires a une juiissance disposee a tout envabir, qui ne feignait de demander la liberte que pour exercer plus fructueusementle despotisme, qui ne voulait de colonies cjue pour elle , et qui s'etait violemment arroge I'empire dc toutes les mers, ainsi que le monopole de toutes les industries. Si dans I'execution rigotneasc des principes du blocus I'Lisloire blame I'alteinte porlee a I'independance des nations et a la liberte commerciale, elle n'en accusera que I'Angleterrc, dont I'ambitieuse avarice forca la France a de justes represailles; et elle reconnaUra quo cettc graude ET POLITIQUES. g5 mcsurc, prcscritc par la nc'ccssile, ot autorisec par le droit dc lcj;it.inc defense, fut une do cclles qui, dans ces der- niers tems, ont eu le plus d'influence sui* cette partie de la civilisation dont le con^merce et les arts industriels sontle fondemenl. Ce blocus a fait a I'Angleterre une plaie profonde, qu'elle a peu ressentie pendant la guerre, niaisque la paix a decliiree loin de la guerir. Le commerce a pris I'liabitude de routes jusqu'alorspeu frayees. l/industrie manufacturiere, appc-Ioe de toutes parts a remplacer les produits qu'on s'etait ac- coutunie a cliercher dans les magasins d'outremer, sest partout eveillee, et a fait ces progres rapides que des cir- constances si nouvelles pouvaient seules creer. A la paix , I'Angleterre a trouve tout cnvalii. Chose singuliere! le blocus continental n'a veritablcment produit son efFet que depuis qu'il n'est plus en vigueur ; ou peut-elre iiieine serait-il vrai de dire qu'il n'a jamais cesse de fait , car les consequences de sa courte duree ont passe dans la legis- lation des douanes europeennes. A I'epoque des campagnes d'Autricbe et de Prusse ( i8o5 et 1806), I'empereur s'occupa a diverses reprises de la garde nationale , et il meconnut completement dans son organisation niilitaire le principe sur lequel une pareille institution doit etre fondee dans un gouvernement libre. Cette garde, dont I'empereur nommait tous les officiers , etait soustraite au pouvoir municipal j elle recevail son existence de decrets imperiaux, sans la participation du pouvoir legislatif. Ce fut aussi vers la meme epoque que Napoleon crea ces grands fiefs de la couronne destines a devenir les complices dudespotisme^et a ressusciter la chimere des vieilles insti- tutions detruites par la reforine de 1789. Mais une nouvelle coalition se prepare dans le nord con- Ire la France, c'est-a-dire, que de nouveaux triomphes I'appellent. Le roi de Prusse etait a la tete de cette confede- ration. Napoleon parait, et la monarchie prussicnue est gf, SCIENCES MORALES lombee. Les Russes, ses auxiliaires , arrives trop laid pour la dcfenclie, veulent aii moiiis la venj^er; Eyiau h^s tibraule , Fiiedland acheve leur defaite, el leconcilie leur empereui" avec la Fiance. Ce ful alors (jue le Niemen vit balancer sur ses bords les destins du monde ; inalheu- reuseinent ils n'y furent pas decides ; et nous osons croire que, dans cette circonstance memorable , Napoleon com- mit une faute qui lui etait peu ordinaire, il fut trop modere. Le royaume de Westphalic et le grand duclie de Varsovie, donl la creation semblaient ajouter beaucoup a Tinfluence de I'empirc francais , n'ajoutaient rcellement rien a sa puissance. II nous semble evident que I'enipereur fit alors trop ou trop peu. En detruisant le souverain de la Prusse, il se faisait un implacable ennemi , mais il le desarmaitj en le depouillant, il ne diminuait pas sa haine et lui laissait des amies. On a ecrit que le projet de I'empereur elait alors de retablir le royaume de Pologne sur les debris de la mo- narcliie qui , peu d'annees auparavant , avait participe a I'iniquite du partage. Sans doute des obstacles insurmon- tables s'opposerent a I'execulion de ce projet, qui decelait les vues dune profonde politique. Napoleon connaissait alors toute TiMiporlance d'elever une barriere contre la Russie ; il le tenta plus lard , il n'etait plus tems. Le traite de Tilsitt portait au plus haut point la gloire de la France. A defaut de la Pologne, Napoleon crut trouver , contre la Russie, un assez solide rempart dans I'amitie d'Alexandre , dans I'adniiration, dans I'ambition peut-etre , qu'il sut inspirer a ce jeune rival. Le vainqueur des Prussiens et des Russes , le pacificateur de Tilsitt, renlre dans Paris , couvert de nouveaux lauriers, presage sinistre pour la liberte ; le despotisme est arme pour de nouvelles conquetcs sur le peuple. Ces conquetes seront decisives: le tribunal , deja decime, est detinitivement raye du nombre des pouvoirs ; des titres iiereditaires sont cr6'es, des majorats insiitues , et Ton s'ef- force de remettre en vigueur cette gothique superstition de ET POLITIQUES. 97 la naissance , compagne du dogme du droit divin , el sou- tien use des iiionarcliies nbsolues Fnfin, le Code d'instruc- tion criminelle, triste inonuinent de tyrannie, abolitle jury d'accusation ; denature , detruit memele jury de jugcment, en confiant sa composition aux prefets et aux procureuis impel iaux; et retablit les cours speciales , si justement frappees de reprobation. L'Universite de France, qui aurait du , affrancliie de routine , fonder un enseignement digne de la regeneration de 89, et au niveau des lumieres du siecle, ne sut que reserver au gouvernement le mono- pole de rinstruction publique. I,e Code de commerce, la Cour des comptes furent les institutions de ce tems dont la liberie eut le moins a se plaindre^ et toutefois elle n'en obtint pas ce qu'elle avail droit d'en attendre. C'est vers celte epoque que se place, dans I'histoire de Napoleon , ce terrible episode de la guerre de la Peninsule. De graves accusations ont ete portees par les uns contre Napoleon, par les autres contre la cour d'Espagne ; de quel- que part qu'il vint, le scandale des evenemens de Madrid retentira long-tems dans I'avenir. I/histoire dira plus tard si la perfidie imperiale ourdit de hideuses intrigues, ou fut eveillee par elles. II nous suffira de remarquer ici que, si la passion ajuge la tentative de Napoleon comme un acte de I'ambition en delire, une froide raison examinera les causes ; et, prenaiit en consideration renchainement des grands desseins de Napoleon , y trouvera cl*es motifs justifies par sa politicjue , si la morale les condamne. Cependant le souverain de Porlugal s'etait enfui de Lis- bonne, etl'empereur avail declare la maison de Bragance dechue. Le frere de Napoleon, appele a s'asseoir sur le trone des Espagnes et des Indes, cedail a sa sosur la cou- ronne des Deux-Siciles ; une autre des soeurs de Napoleon recevait le gouvernement de la Toscane , rentree sous la domination francaise par I'abdication force'e du roi d'fitru- rie ; I'armec imperiale occupait Rome; et le grand duclie T. XLIX. JANVIER I 83 I . 7 g8 SCIENCES MORALES de Berg etait donne a I'enfant fds dii roi de Hollandc. Au milieu do toiitcs ces joies dc I'ambition, la guerre d'Espagne etait marquee par de saiiglantes vicissitudes : I'Espagne n'avait pas encore vu I'empereur. Avant de s'y vendre , il veut s'entretenir avec le seul des princes de I'Europe dont I'opposition soit de quel([ue importance a ses yeux. Eifurlh voit pendant trois scmaines les empereurs de France et de Russie resserver , au n^ilieu dc la splendeur des fetes et des epanchemens de I'intimite, les noeuds qui les unissaicnt depuis Tilsitt. A peine quelques jours se sont ecoules , et Madrid recoit dans ses murs Napoleon triomphant, et I'armee anglaise de Moore estdelruite. Napoleon sc hate de revenir a Paris faire les preparatifs dc la guerre centre I'Autriche , qui , se con- fiant dans les embarras que la guerre d'Espagne donne a la France , temoigne assez ouvertement des dispositions hostiles. L'empereur d'Autriche se presseenefTet de commencer la campagne en conquerant. II envaliit la Baviere , il entre en Italic, en Pologne... Mais voici la grande armee : Eckmuhl et Wagrara reconnaissentle genie de la France, et une autre paix de Presbourg vient se joindre aux trophees de la de- route des Anglais a Fiessingue, de la creatiou'du grand-du- clie de Francfort, et de la reunion a TEmpire des fitats re- mains, du Valais , de la Hollande et des villes Anseatiques. Les feux allumes en rejouissance de ces'prosperites eclai- raient , comme de coutume , le deuil de la liberie. Vingt ans a peine ont passe sur les ruines de la Bastille , et voila que deja plusieurs prisons d'Etat s'ouvreut pour des mal- heureux que les vengeances imperiales ne peuvent legale- mentatteindre. La tyrannic, qui prenait quelquefoisla peine de dissimuler ses attentats, osa, cette fois, donner la forme d'un decret a Facte qui etablissait ces nouvelles forteresses , elevees pour 1' oppression. Dc nouvelles cours prevotales, sans recours en cassation , sont creees par un simple acte de propre mouvement. La censure s'organisc dans un sys- ET POLITIQUES. 99 leme plus vaste et plus vexatoire , et enveloppe, dans ses dispositions aibitraires, tout ce qui contiibue a la propaga- tion de la pensee, depuis le genie de I'eciivain jusqu'a I'industrie du fondeur de caracteres. EnQn I'adoption du Code penal donne la sanction legislative a toutes les seve- lites, a toutes les inquietudes de la tyrannie. Napoleon etait piive cependant d'un bonheur dont jouis- sent presque tous leshommes; son hymen etait sans rcje- tons , et il sentait amercnient la douleur de voir deperir sitot unc tige si florissante. II lui fallait un fds pour niettrc le conible a ses prosperites; un fils qui put recueillir non- seulement I'heritage de sa puissance et de sa gloire , mais les etincelles de son genie, et le secret de ses grands des- seins. Napoleon recherclia I'alliance d'une tete couronnee, et il s'appliqua a donner toutes les couleurs d'une pro- fonde politique a une union qui etait, en efFet, une fai- blesse ou une erreur. Josephine descendit d'un trone ou I'inepuisable bonte laisse plus de souvenirs que la haute naissance ^ une archiduchesse prit sa place 5 et, I'annee suivante, le plus fortune des princes fut aussi le plus heu- reux des peres : le roi de Rome etait ne. Depuis plus de deux ans que le traite de Presbourg avait ete signe , la paix continentale n'etait troubiee que par la guerre d'Espagne , continuee avec des succes divers. L'em- pereur employa ce loisir a consolider le despotisme inte- rieur, et a preparer I'etablissement de cette monarchic universelle vers laquelle il marchait ;i grands pas. Sa lutte a mort avec I'Angleterre etait tcujours ajournee. Plusieurs batailles navales, fuuestes a notre marine , la prise de toutes nos colonies, et, plus que tout le reste , les intrigues de son cabinet, donnaicnt a I'Angleterre un accroissement de puissance dont la France s'alarmait avec raison , et dont I'empereur etait resolu a poursuivre les complices. II s'irri- tait de I'obstacle invincible cju'apportaient a sesdesseins les liaisons tacitementrenoueesentre la Russie et I'Angleterre, malgre les promesses conlraircs qui avaient rempli les 7- loo SCIENCES MORALES entrevnes de Tilsitt ct d'Erfurlh. La jjuerro du noid fut lesoluc. De grands pieparalifs rovc'laioit uii urand projet. Dos le mois de feviier 1812 un traite est conclii avec la Pnisse pour la garantie reciproque des possessions acluelles. Le 1 3 mars^ la garde nationaie recoit une nouvelle organisa- tion , et In premier ban est evidemnient destine au service de rarmee active. Le 24 , I'Autriclie et la France se lient aussi par un traite de mutuelle garantie. Le 28 , sont re- nouvelees les capitulations avecla Suisse. La guerre eclata enfin ; et Smolensk et la Moskowa virent les prodigcs ac- coutumes de la grande armee. Deux niois et denii s'etaicnt a peine ecoules, et les aigles, qui avaient pris leur elan des rives du Niemen , planaient deja sur les tours du Kremlin. C'est la que devaient finir les prosperites de Napoleon ,• I'incendie de Moscou donne le signal de sa ruine. Trompe parl'espoir d'une negociatlon, a latiuelle il eut ete stupide, de la part des Russes , de donncr les mains , il perd uu terns precieux ; el les ossemcns de deux cent mille braves , seme's sur la longue route de cette desastrcuse retraite , epouvan- teront long-tems la posterite. Et cependant , des le printems de I'annee suivante , le conquerant a reparu au coeur de rAliemagne , a la tete d'une armee bicntot victorieus© dans Irois grandes ba- tailles : Lutzen , Bautzen , Dresde. Le lendemain de la memorable victoire de Dresde est marque par un actc inoui de tyrannie. La declaration d'un jury est annulee par un sen;itus-consulle , et ilest enjoiuta la coiir de cassation de renvoyer les accuses devant une autre cour d'assises, ([ui prononcera sans jury ! Malgre les incroyables succes de la campagne de i8i5 , oblenus contre 5oo,ooo ennemis avec une armee moindre de la moitie , la defection devient contagieuse , et chaque jour quelque roi deserte nos drapcaux. La balaille des iialions, oil le nombre c t la trail ison nous accablent, aclieve devant Leipzig la ruine de I'armee francaise , et ouvre ET POLIT[QUES. loi dc toules parts nos frontieres a des ennerais qui iiaguere nicndiaient notre amitie. Loin d'abattre Napoleon, le nialheur accroit son audace et son besoin de despolisme. Cette lois ce n'estpasa desindivi- dus , c'est au corps legislatif lui-meine qii'il va s'attaquer. L'enipcreur lui enleve le droit de designer son presideati il prolonge par un senatus-consulte les pouvoirs de laserie que la loi prescrivait derenouveler; puis il fait connattre a I'as- seniblee I'etat des negociations avec I'ennemi, en deman- dant des hommeset de I'argent. Pour prix de ces nouveaux sacrifices, le corps legislatif reclame des garanties et des institutions. Aussitot Tcmpereur prononce I'ajournement de la representation nationale ; il fait fermer les portes de la salle, et leve des inipotssans le vote des de'putes. Ce futla un des derniers actes du gouvernement de Napoleon; et, dans lasituation de I'enipereur, il est tout-a-faitcaracleristique. On a vante le courage des cinq membres de la commis- sion du corps legislatif, et ce n'est pas nous qui chercberons a en diminuer le meritej cette espece de courage fut trop rare alors pour que nous ne lui rendions pas toute la justice qui lui est due. Mais, sans doute, on a mesure les eloges sur I'irritation profonde dont on a suppose que Napoleon a dii efre penetre par une resistance si nouvelle et si fatale au moment des desastres. II faut done, pour etre juste, donner une louange egale a la moderation de Napoleon , qui exbala toute sa colei'e en quelques paroles outrageantes, qu'il eut jnieux fait sans doute dereprimer. Toutefois nous ne saurions nous empeclier de faire I'observation que le courage des deputes opposans cut ele plus beau, et peut-etre plus utile , s'il se fut inontre en face de la for- tune. Avec un caractere tel que celui de Napoleon , il etait trop evident que ce n'etait pas aux jours des revers que la resistance pouvait obtenir quelque chose de lui. Et, dans ce cas , elle avait le grand inconvenient, sans aucun profit pour la patrie, d'alfaiblir la cause uiitioualc, dc toutes parts prcssec de perils si menacaiis. 102 SCIENCES MORALES Napoleon est decide a lutler centre I'adversile avec iinc judoinptable obstination. II a refuse a Prague les limites du Rliin etdes Alpes; il refusera ;\ Cliatillon nos anciennes froutieres. La France n'a plus d'autres rcinparts que des fortcresses delabrees et des soldats decimes ; elle est aban- donnee de lous ses allies a rcxlerieur, agilee a I'interieur de toutes sortes de fermens de discorde ; les debris de ses arniees sont semes dans les places fortes de i'etrauger, et ne peuvent venir a son secours; cliacun pleure un parent; clia- cun tremble pour sa fortune; le cinq pour cent est a 45 fr.; les rcpresentans de la nation , non-seulement n'aident pas , mais se sont declares ennemis; toute I'Europe conjuree reu- nit plus d un million de soldats contre la France , qui peut a peine en opposer 3oo mille ; enfin nos plus illustrcs ca- pilaines n'ont plus foi a la victoire. Napoleon pour taut reste intrepide quand tout se decourage autour de lui; dans cette campagne de France, en 1 8 1 /, , ilsignale ses dern'ers momens de gloire par des prodiges d'aclivite , d'audace et de genie ; I'espace et le terns sciublent disparaitre pour lui , il est par- tout en meiiie teins , et parlout Labile et terrible ; toujours en fate d'un ennemi nouveau, il les ecrase tour-a-tour. C'est le sanglier au milieu d'une meute innombrable et toujours renaissante ; il faudra bien qu'il succombe, mais aupara- vant, de ses forniidables defenses, il aura evenlre grand nombre de ses provocateurs. Paris a ete livre ; Napoleon abdique a Fontaiuebleau; il est confine dans Tile d'Elbe. La restauration, qiii devait finir par un parjure, commence par des sottises. Napoleon re- mel le pied sur la terre de France , ct la France est a lui , et tons les rois de I'Europe courent aux amies. La terrible lecon de j8i4» une annee de meditations n'ont rien change a une conviction d'instinct ; dans la pensee de Napoleon, un gouvernement de volonte absolue est toujours bien supcrieur a un gouvernement de volonte populaire. Mais, au relour de I'ile d'Elbe, il ne retrouve pas ce meme pcuple qu''il relrouva au rctour d'Egypte. Le ET POLITIQUES. io3 pouplc alors etait las d'anarchiej aujouririmi il est las de despolisine; et I'essai de cette liberie si iinparfaite et si contestee qu'il fait depuis un an a reveille chez lui toutes les grandes idees de la revolution. Dans une telle circou- stance , il a dii s'ctablir eutre le penchant de Napoleon et sa profonde sagacite une lutte penible. 11 coniprit a la fois le besoin et le danger d'une vigoureuse impulsion revoluiion- naire. II voulut et n'osa livrer les masses a uu mouvcment (ju'il etait facile de leur imprimer. Au resle , Napoleon pouvait-il se fonder une puissance durable, en se jetant francliement dans les bras de la force populaire, en faisant de sa cause une cause tout-a-fait nationale , en proclamant dans toute leur energie les principes de 8g, en fomentant cet eutbousiasme de liberie et d'iudependance qui bouil- lonnait dans les ames ? c'est la une questiou.Ce n'en est plus une de savoir s'il pouvait se mainlenir avec le role equivo- que qu'il a voulu jouer. L'acte additionnel est un monument parlant de la situa- tion et de la pensee de Napoleon. Get acte est tout rcmpli de liberie ^et laisse craindre la tyrannie. 11 olfre la plus franclie expression des desirs du peuplc , et I'expression dclournee des inclinations du prince. La loi est dans I'fitat, le despole est aux portes. L'acle additionnel fit la moilie de I'ouvrage que Water- loo aclicva. Tombe pour la seconde fois, et tombe pour toujours , Napoleon veut en vain ressaisir I'empire; en vain il de- niande a servir, comme general, la France et son fils , en iuveur duquel il abdique. On croit trop a son ambition pour croire a son patriotisme. Tout lui est refuse, hormis des moyens de fuite. II se confie a I'Angletcrre , et I'Anglcterre le saisit comnie une proie, rencliainc sur un roclier, et Ic livre a un geolicr qui se fait bouneau. Durant les cinq annees de sa caplivite, Napoleon dictera des Memoiresj et ce ne sera pas la portion de sa vie la moins curieuse et la moins dijiutt d'etre eludiee. Le r.rand io4 SCIENCES MORALES lioinme s'arrangc pour paiaitrc devant la posterite , ct lie seinblc altentifqu'a deposer pour lui devant le grand jury de riiistoirc. Mais, au fond, avec riiomine extraordinaire on retiouve toujours le conquerant , et toujours le despote. Celle giandc ecole d'iniortune de Saiutc-IIelene n'avait en lui qu'un disciple indocile; etTexeciable tyrannie qu'on exeica sur lui-nienie ne fut pas capable de lui apprendie la liberte. En inontrant ainsi le despotisme politique de Napolt'on cioissant en nieme tenis que sa gloii e militaire , sis actes de gouvernenient arbitraire inarcbant parallelement avec ses victoires , nous avons eu le double but de lendre plussail- lante la lecon qui sort de son etennante histoire,et de repon- drc a la plus spe'cieuse objection de ses partisans fanatiques. lis disent : » I'etat oii Bonaparte trouva la France en 1799 I'obligeaita sesaisir vigor.reusenient des reuesde I'enipire; d'une part, trop de baines avaient eclatC; trop d'opinions etaient en presence pour que la liberte put auiener I'accord; de I'autre , la coalition etrangere etait trop puissante , I'Angleterre surtout etait trop acbarnee pour qu'une volonte unique , jamais contrariee, ne fut pas necessaire a la defense du pays. » Mais, meaie en couvenant (ce que nous ne faisous pas ) de I'entiere justesse de ces deux reflexions , appliquees a I'epoque de 1799, nous demanderons pour- quoi le premier consul , apres avoir eu assez de puissance et d'arbilraire pour etouffer en France presque toutes les semences de dissensions, el pour rendre glorieuse la cam- pagne de 1800, vint deniander ensuite encore plus de puissance, encore plus d'arbitraire ; pourquoi I'empereur, qui avait mis I'Europe continentale a ses pieds , dans la cainpagne de i8o5, et qui ne voyait plus regner en France qu'une seule opinion, n'eu tenioigna que plus avidcmentle besoin d'une puissance plus exorbitante , ct d'un arbitraire plus effrene? II est bien evident, d'apres le simple rappro- chement des faits , dans la double direction ou nous les ^vonssuivis, que Ic pou voir irri tail cliez lui la soifdu pouvoir, ET POLITIQUES. io5 qu'independamment de toute circonstance exterieure , sa nature intiine, a laquelicil lui fallait loicement obeir , le poussait a une maicbe constamment progressive dans une carriere ou il n'y avail que deux termes possibles : rabinie oula monarchie universelle. L'un des deux etait plus fa- cile a alteindre ; des evenemens fortuits , complices de ses fautes , I'y ont conduit ; sa fortune et son genie avaient senible lui promettre I'autre. Dans un procbain article , nous essaierons de comparer et de caractei'iser cbacun des ouvrages dont nous avons a nousoccuper. M. A. LITTElUTURE. NAToLEOiv, melodiame en trois parties el quatrc tableaux ; par MM. Anicet- Bourgeois et Fhancis ; represonle a V Ambigu-Coniique , le i5 octobre i85o (i). NapoliIon ou SciiOEMiKUNN etSainte-Helene , clraiue histo- rique en deux parlies et neuf tableaux; par MM. Dupeuty el RtCNiER J represente au theatre de la Povtc-Saint- Martin, le 20 octobre i83o (2). L'Empereur , eveneniens bistoriques en cinq actes et dix- huit tableaux; par M. Puosper; represente au Civque- Olympique , le 4 decenibre i83o (3). Napoleoiv Bonaparte ou trente ans de l'histoire uv. France, drame eu six actes et en vingt tableaux; par M. Alex. Dumas; represente a Y Odcon , le i 1 Janvier i83i (/j). La vogue extraordinaire de ces drames informes , oii la vie de Napoleon est luise en scene , ne saurait etonner personne; la yloire de ce grand bonime si nationale , quoi- qu'il n'en reste a la nation elle-nicme qu'une gloire toule nue et payee de boaucoup de sang ; son nom si populaire , tpioique peu de souverains aient fait nioins de cas des boinnieset craint davantagerinfluence du peuple ;sa cbute si profonde apres une fortune si merveilleuse ; sa fin si triste et si toucliante, loin de sa patrie, separe des plus cbers objels de scs affections, en proie aux ladies vengeances (1) Talis, iSSojBaiba et Bezout. In-8" de 71 pages; piix, 2 fr. (a) Paris, i83o, les uit'ines. Iii-8° de 65 pages; prix, 2 fr. (3) Paris, i83o, Barba. In-8° de 55 pages; prix, 1 fr. 5o c. (4) Cct ouvrage ii'a pas encore ele impriiuc. LlTTfiRATURE. 107 d'un cabinet sans magnanimite, et disputant les restes d'une si belle destince aux tracasseries homicides d'uu ignoble bouireau! cerles ily a, pourun cojuifrancais, dansl'ensem- ble de ce spectacle , quelque chose qui ravit et qui dechirc. Nos honimes de soixante ans etaient nes avec I'enipereur, leur jeunesse a vu sa jeunesse ; nos hommes murs avaient quinze a dix-huit ans , lorsque le retentissemcnt de sa lenonimee est venu eveiller tout ce qu'il y avait dans leur ame de naissant enlhousiasme, d'ardeuibelliqueuse , d'ad- miration passionnee ; sa gloire etait les contes de fees que racontaient encore , il y a moins de vingt annees , les nour- rices autour du berceau des enfans; enfni , les plus jeunes d'enlre nous ont lu les choses du terns passe , ont enlendu les souvenirs de leurs peres : qui done pourrait etre etran- ger a ce spectacle de grandeur et d'infortune? qui ne serait avide de voir a la scene des fails dont on a tantparle dans le monde? qui n'eprouve le besoin d'applaudir en plein theatre un nom qu'il elait inlerdit de prononcer il y a six uiois, et dont rilluslratiun est pour la France un immortel heritage? Maiss'il etait facile d'obtenir d'immenses succes avec un tel sujet, etait-il possible d'y trouver un ouvrage qui me- rilatle nom de drame? Si Ton etait certain d'eveiller aise- inent ^ avec le nom de Napoleon , la sympathie des masses , esperait-on aussi parvenir a emouvoir le sentiment poe- lique? Le present est le patrimoine de pareilles productions, mais il n'est pas de posterite pour ellesj leur vogue estdu bruit , non de la gloire ; ozi a fait travail d'ouvrier et non oeuvre d'artiste. Je vois des lambeaux de gazette, des bribes de memoires, plus ou nioins heureusement choisis, plusou moins adroitement census, je chcrche en vain un poeme. La poesie veut de I'imprevu , des creations; les plus su- blimes realites peuvent devenir triviales par la servihte de I'imitation; le poete est avant lout un tvouveur ; sans doute la nature est son modele , mais il faut que je senle I'inven- tion dans sa copie j la v«?rite est dans I'ensendjle de la phy- sionomie, daus le scnliment t[ui vivilie , non dans la simi- io8 LITTfiRATURE. litudc niateiiellc des details.- Voila une belle figure; scs ycux sont transparens , ses joues venneilles, ses dents d'e- mail, ses souicils etses clieveuxsontia nature elle-incinc... c'est une fijjuie niorte , c'est de la ciie. Quatre traits de pinceau sur une toile , et Michel-Ange y a mis la vie. Tons ces drames de Napoleon nous offrenl des personnages a la facon de Curtius; quand vicndra le Micliel-Ange qui les depouillera de leur plate realile pour les aninier de la vie poetique ? On me dit que I'liisloire de Napoleon est trop voisine de nous , trop profondement gravee dans toutes les memoires pour souflrir la fiction. Je m'en doute ; mais ce dont je suis bien sur, c'est que je veux de la poesie dans un poiime; c'est que inon imagination sc sent disposee a grandir tout ce que la votre voudra lui faire devincr, tandis que mes yeux sont rebcUes a vos materielies imitations. Qu'un ser- gent qui ecrit sur le terrassement d'une batterie, voyant son papier cou\ert de terre par I'explosion d'une bombe, disc froidemeuta I'ofiicier qui dicte sa depeclie : Jen'auraipas besoui de sahle ; voila qui est beau sans doute; mais, pour que je comprenne I'lieroisme de ce niot, il faut qu'il soil accompagne du tonnerre de I'obus, qu'il soit couvert^ si je puis dire , de ces entrailles de feu arrachees de son sein decbire. Vousmettez ce mot sur tons vos theatres, et puis vous me jetez unpen de poussiere avec une fusee qui rate, et "vous voulez que j'admire Je ris, c'est une parodie. Je cite un seul trait ; dans ces drames il y en a mille qui ne sont autre chose que des parodies , Napoleon lui-mcme est une parodie continuelle; c'est quelque chose qui marcbe , s'assied , prend du tabac, met son chapeau comme Napo- leon marcbait , s'asseyait , mettait son chapeau et prenait du tabac; mais ou est la spontaneite de ces mouvemens , oul'eclair de ces yeux , oii I'expression de cette pbysiono- mie , ou la poesie de tout I'liomme ? je n'entends ici que des mots prevus a I'avance ; je ne vois que des mouvemens calcules ; je ne puis me debarrasscr de I'idee que j'ai sous LlTTfiRATURE. 109 !es yeux unc figure a rcssort , qui n'est pas maitresse de son action. Arrangez lapoosie avec une telle preoccupation I Les autcurs ont eu tant de pcur d'imaj}iner quelcjue cliose qu'ils me refont les tableaux de Steuben et de Vernet ; niais il y a des etres vivans dans ces peintures , et vous ne me montrez que les mannequins, les homines de bois qui ont pose pour les peintres. Ces tableaux sceniques qui s'ar- rangent ainsi sur des niodeles convenus, dont chaque pcr- sonnage vient, vous diriez a commandement, se placer a un endroit oblige etinarque par lespectateur, son tde la derniere insipidite ; vos fils soiit trop grossiers. Seraphin aussi tire des fils, niais son aftiche est candide , elie met le public dans sa confidence ; et je vois peut-etre nioius ces ressorts qu'il inemontre sans malice, que ceux dont vous pretendez me derober le secret. Les poetes qui ne liennent pas a la poesie passent assez facilenient condamnalion sur le reproclie de prosaisme que nous adressons a toutes ces compositions dont le sujet est contemporain; et ils pcnsenl avoir trouve une reponse victo- rieuse quand ils disent qu'ils font de I'histoire. Mais fran- chement je ne vois pas dans tout cela plus d'histoire que de poesie. De I'histoire! soit , mais sans philosopliie, sans impartialite; de I'histoire d' historiog raphe , de flatteur, lion de roi, mais de peuple ; on y deguise avec soin tout ce qui pourrait blesser les susceptibilites populaires, les preventions des classes qui reflechissent peu , mais qui sen- tent vivement, et dont toute rintelligence est dans les im- pressions du moment; on s'y fait I'esclave cles passions du spectateur, afin qu'il paye cette complaisance en applau- dissemens. Malgre son >enthousiasme , le peuple a profon- dement ressenti le nial que lui a fait Napoleon ; car, dans ses deux chutes, il I'a laisse tomber sans le defeiidre, vt il dcpendait de lui d'etre son sauveur. Mais, aujourd'hui , oublieux de ses soufirances passees , le peuple ne se souvient plus que de la gloire de Napoleon ; gloire immortelle en eilet,et dont les rayons brilleront long-tems sur la France, no LITTfiRATURE. tamlisque le nuage de'nos desastres s'est dissipe. Ce senti- ment passionne qui dominc la multitude, Tauleur est au- jourd'hui condamne, nous I'avons dit, a le flatter , A le carcsser dans I'interetde vo{i;ue de sa piece, et cette neccs- sile tue I'iuteret philosopliique , et meme I'interet drama- tique, qui I'un et I'aude veulent qu'ou peigne Napoleon dans sa veritable nature , hien plus belle , bien plus neuve, bien plus contrastee , et par consequent plus tlieeitrale , que n'est ce Napoleon menti cliaque jour par nos melodra- maturges; ils veulent enfin qu'on le peigne aujourd'luu comme on le peindra quand , degage de cette atmosphere de prejuges oii nous vegetons encore, un vrai poete vien- dra qui ,s'elancant au-dessus des idees du vulgaire , saisira le grand lionime , I'exposera luttant au ntilieu de ses mau- vais comme de ses glorieux penchans , tombant parfois de la hauteur des actions sublimes au niveau des senti- mens vulgaires , en proie a ces passions d'homme dont le spectacle viv:int, naif, varie, delasserait de la contempla- tion monotone du heros. Ce n'est pas la ce qu'il faut aux spectateurs qui courent en foule aujourd'hui aux Napoleons ; ils ne permettent pas plus a I'auteur le patriotisme que la poesie ; il leur faut uu lieros de fantaisie, presente du cote seulement ou ils se plai- sent a levoir : du reste I'liabitbleu ou vert, et les cheveux longs ou tailles en pointe , voila leur homme : mais le cceur qui battait sous cet habit, le cerveau qui meditait sous cette chevelure, c'est ce qu'ils n'ontjaniaispenetre,c'est ce qu'ils s'inquietent peu de voir peindre. De I'ouvrage de tailleur et de perruquier, voila ce qui suffit a cette foule: a quoi bon I'ouvrage de poete ? 8'il est quelque partie de I'homme lui-meme qu'elle aime a voir, c'estle guerrier , Ic gagneur de bataillesj il sera tout seul sur le premier plan du tableau , la grande armee occupera les fonds ; et le peu- plc, il n'y a pas de place pour lui; des camps, des bivouacs partout; la France nuUe part. La France tout entiere dis- parait et s'cfface dans ces peintuces j on ne songe ni aux LITTftRATURE. 1 1 1 ciloyens , ni a la palrie, ni ;\ la liberie^ et les plus grands interels sont completemenl saciifies a I'interdt 3 d'un hoinme. Nous devons cependant lemarquer que dans S chonnb runn du theatre de la Porte Saint-Martin, I'insolence de la vic- toire et la haine du peuple vaincu jettent quelque ombre sur I'eclat tlu conquerant. Et que, dans le uielodrame de I'Anibigu , il resie du moins jusqu'a la fin une vieille mous- tache republicaine. Ce brave est dcvoue a son general , mais il est encore a Montereau ce qu'il avait ete a Toulon. Celui-la n'a point gagne les broderies de marechal , sa capote n'est decoree que de quatre chevrons; mais, malgre ses boutons a I'aigle , elle couvre encore le patriote des guerres nalionales de la revolution. Dans sa philo- sophic de soldat , il n'est point ebloui de I'empereur , et il compare tristemcnt I'elan populaire de g3 a la froideur du peuple de i8i4 ; il juge que la liberte aurait fait mieux. Peut-etre n'etait-ce pas chez un soldat qu'il fallait, pour la ve'rite historique , placer une telle peinture ; neanmoins , nous Savons gre aux auteurs de I'avoir essayee : elle rafrai- chit le sang; c'est le brin d'herbe qu'un poete spirituel re- grettait de ne pas trouver dans la Henriade. En laissant de cote toutes ces blueltes on Napoleon est represente a I'ecole, ou comme personuage episodique dans une intrigue de vaudeville , le melodrame de I'Ani- bigu est la premiere en date parmi les pieces ou Ton a voulu peindre la carriere de Napoleon avec quelque eten- due. Les auteurs nous montrent Bonaparte devant Toulon', au moment ou la fortune I'adopte ; puis le jour qu'elle I'abandonne, en lui laissant saderniere faveur, la victoirede Montereau. A ces deux tableaux succede celui des adieux a la garde, et du depart pour I'lle d'Elbe. La pi^ce est ter- minee par une especc d'apotheose. On voit que les auteurs timides encore dans une entreprise ou Ton s'est depuis lance bien plus aventureusement , se sont bornes a nous montrer le debut et la fin de la carriere militaire de leur heros^ sans le suivre a I'ile d'Elbe , ni a Sainte-IIelene. II 112 litti^:rature. y a vingt ans entrele premier et le second tableau ; cc sont deux giandes cpoques de la viede rempereur , mais ce n'est point cclte vie, et , dans un cadre si rcstieint, la fifjure principale ne pent rcccvoir que bion pen de developpeniens ; c'est un cote de la physionomie militaire de Bonaparte , et voila tout. La seulepoesie de I'ouvrage , ou, si Ton veut, la seule invention des auteuvs , c'est le personnage d'une vivandiere corse qui , dans son enfance, a joue avec I'en- fant de la fortune, a dcvine ses grandcs destinees, et a vu, dans ses rcves, les victoires de Lodi, de Marengo, etle sacre de Notre-Danie. Au moment ou Bonaparte se dispose a prendre Toulon , elle lui raconte ainsi a I'avance son iiistoire de dix annees, dans un de ces couplets qu'cn termes du metier on appelle couplets de facture. Napoleon retrouve la cantiniere dans une cabane de Montereau. Elle a quitte I'armee depuis i8o4, mais elle est toujours entliousiaste de I'empereur. Helas! elle ne reve plus main- tenant, et n'a plus rien a predire a son lieros, qu'elle ne quittera plus. Elle part avec lui pour I'lle d'Elbe. Le titre de Shcsnbriinn et Sainte-HeVene , fixe tout de suite la pensee du spectateur, et indique que les auteurs n'ont aussi embrasse qu'une portion fort restreinte de la vie du heros ; mais ce sont encore deux epoques capitales dans cette grande destinee :1a paix avec I'Autriche e;i i8og, lorsque Napoleon etait au faile de sa fortune , et sa mort de banni, dans la prison dont Hudson Lowe etait geolier. II y a quelque invention dans la premiere partie de ce me- lodrama , au moins dans la disposition des evenemens. La conspiration des etudians, parmi lesquels le sort designe Frederic Stabs pour assassiner I'empereur , renthousiasme de ce jeune homine qui, le jour meme de son mariage, se devoue a cepatriotique attentat ; son bero'ique fermcte de- vant I'empereur et devant les soldats qui vont le fusilier, sa grace enfin prononcee avec I'annonce de la paix , tout cela compose une action qui n'est pas sans effet. Mais ici il a ffillu donner un dementi au principal caractere ; quel litti5:rature. 1,3 iriste tlenoiuncnt! que d'int(5rel sur Stabs, et d'a\ersion contie rempeieur si I'infortune vengeur de la liberie alleniande etait tonibe sous le plomb du conqueinnti Voila pourtanl rhistoire , tandis que la geuerosite du drame n'est qu'une fic:iou. Tant qu'on s'obstinera a faire de Napoleon un personnage toujours admirable, toujours interessant , tant qu'on ne nous montrera que le heros pu- rifie de ce melange d'homme dont la nature I'avait petri comme un autre , il faudra reiioncer a toute verite , a toute peinture digne d'estime et d'avenir. La seconde par tie de ce melodrame n'a coiite nulle de- pense d'imaginatiou ; c'est le Memorial de Sainte-H^lhne, divise en scenes avec une fidelite qui ne nous epargne pas meme I'enterrement. L'auteura seulenient imagine le per- sonnage d'un soldat qui joue, dans la premiere partie , un role assez important, et qui ensuite penetre jusqu'aupres de son general , deguise en niatelot. Ce brave est venu sur un vaisseau prepare pour sauver Napoleon. Apres avoir long- tems refuse de fuir, I'empereur, pousse a bout par les indi- gnes traitemens du gouverneur , accepte TespGir de sa delivrance ; mais au moment ou il va sortir de son apparte- ment, un coup de fusil se fait entendre, et le pauvre soldat, qu^on avait envoje en eclaireur, est ramene avec la jambe cassee. Cc sera lui bientot cjui creusera la fosse de son ge- neral', et nous le verrons ensuite , lorsque tons ses compa- gnons d'exil retourneront en France, demeurer seul k Sainle- Helene, et rester, factionnaire eternel, aupres de la tombe (le riiomme a qui il s'est devoue. Celte figure de soldat cyt bien peinte et excite un veritable interet. La seconde partie de ce ilrame a obtenu, pendant cent representations, un succes de larmes. Enfin , le Cirque acompris que c'etaii la un sujet fait tout exprcs pour lui. Le Cirque possede de veritables arniees, de veritable cavalerie; il a gagne aulant de batailles sur ses planclies que Napoleon dans deux parties du monde. II est accoutume a parlcr aux yeux beaucoup plus qu'a T. XLIX. JANVIER l83l. 8 1 1/, utt£rature. I'esprit , le genie de ses pieces est tout entier dans ses deco- rations, dans la disposition pittoiescjue dc ses masses, dans lapiofonde iulelligence ct lejeu nieiveilleux de sesacteurs a quatre patles : or, puisque c'est surtoul la vie exte- rieure de Napoleon, bien plus que sa pensee, puisque c'est le personnaye de parade et non riioninie passionne qu'il s'ayit de peindre , le Cirque s'est prevalu de tous ses avan- tages ; il a dedaigne la mauiere de la Porte- Saint-Martin , nianiere tiniide et trop semblable encore au draine regu- lier, car les auleurs se sont effbice's d'attendrir les specta- teurs, et de concentier I'interet sur deux epoques de la vie du lieros. — Le Cirque s'est enipare de cotte vie piesque eDtiere^ill'a decliiquetee en dix-huit croquis,et il suit Bonaparte depuis le retour des premieres campagnesd'I- talie jusqu'a I'apotheose. Nous voyons le lieros on presence du direcloire , puis a Toulon partant pour I'Egypte, au milieu du di- van , et gagnant la bataille des Pyrauiides. Nous le voyons ecliapper a I'explosion de la machine infernale, et nous I'accompagnons a I'Opera, oil il est accueilli avec transport. Bientot Notre-Dame nous ouvre son immense basilique , magnifiquement decoree,peuplee derois et de reines, toute remplie des pompesde la religion et de I'appareil de la guerre ; le trone du pape s'eleve devant les trones de I'empereur et de I'imperatrice ; on dirait que toutle clerge de Rome, toute la grande armee de France se pressent sous ces portiques : il serait difficile d'imaginer un spectacle plus eblouissant. Dans cette piece la campagne d'Austerlitz , la campagne d'lena disparaissent; des royaumes sont detruits, d'autres sont fondes, et la puissante parole de I'empereur a cree des rois j le Cirque n'a pas le terns de s'arreter a ces baga- telles, et nous voilaen Espagne. Le grand inquisiteur est en presence de Napoleon. Au fond, la cause du prelre estmeil- leure que ceile du conquerant; mais, dans ces drames-ci , il est converiu que c'est I'empereur qui a toujours raison, et I'inquisiteur s'en va admoneste. Le sermon de I'empe- reur n'a servi qua irriter le dominicain , et le tableau sui- LITTfiRATURE. m5 vant nous presente I'insurrection des nioines dans Madrid j c'est une veritable bataille. Les adieux de Napoleon et de Josephine , au moment ou la nouvelle imperatrice arrive a Compiegne , sont bien sees et bien pen dramatiques i le Cirque entend beaucoup mieux le coup de feu que la sensi- bilite; aussi se liate-t-il, avecraison, de nous ramenersur un champ de bataille ; c'est Moscou devore par I'incendie, et la lutte des incendiaires contre nos soldats. Le passage de la Beresina est d'une triste et terrible verite. Apres cette espece de pompe funebre de la grande armee, il fallaitbien nous montrer sa resurrection. Nous la verrons vaincre en- core a Montmirail; victoire inutile I les adieux de Fontai- nebleau vont le prouver. II n'y a point ici d'ile d'Elbe, Nous voila sur le Northumberland, en plcine nier et de- vant Sainte-Helene. Le tableau suivant sera la mort de Napoleon, puis son convoi, enfin I'apotheose. Nous avons ete obliges d'entrer dans quelques de'tails pour faire comprendre la variete, I'eclat, et aussi le de- cousu, le manque d'interet de ce spectacle. C'est une lan- terne magique ,- et voila tout ; mais c'est une lanterne ma- gique digne d'etre vue par tout ce qu'il y a de grands eofans dans Pans. C'etait un desavantage reel pour M. Dumas de trouver un theme siepuise^ sans doute il a de la fecondite et des ressources dans I'esprit ; mais reduit comme les autres a neconsiderer Napoleon que du cote sibanaldel'admiration, I'imagination du poete se trouvait enchainee; tout ce qu'il y avail de neuf, de philosophique , de passionne meme daiislesujetlui etait interdit, il ne lui restait guerequ'a re- faire ce qui avaitdeja ete fait, a ajouter quelques person- nages , quelques incidens a des scenes deja dessine'es. Du moins il a su quelquefois y mettre des traits energiques et de grandes pensees. Le poete a aussi essaye quelques pein- tures de comedie , mais il reussit mieux dans le drame, et son soUicileur eternel, qui a des devoiimens et des petitions pour tous les regiuies, est une caricature trop usee. 8. ii6 LlTTfiRATURE. M.Diunass'est attachesiirloulideveloppei-beaucoupplus quesesdevanciers la derniere portion de la vie dii lieros, sa qrando catastrophe politique ct sa lon{Tuc agonie. Presque toute la piece estconsacreeauxueufdernierosaniieesde'avic de Napoleon. Le premiertableau : Toulon, i 798 , ressemble beaucoup a celui que nousavons vu a TAnibiguj cela etait ine- vitable, puisque les faitssont les memes,etlaplupartdesper- sonnages obliges. Seulement I'episode de lacantiniere corse est remplace ici par celui d'un cspion corse , qui s'est mis au service des Anglais, et qui , surpris dans le camp fran- cais, va etre fusille quand Bonaparte lui accorde la vie. Des ce moment cet espion s'attache a la personne de son sauveur, et se devoue pour jamais a veiller sur ses jours. De Toulon nous somnies transporles a Saint-Cloud , au mi- lieu d'une fete populaire. C'est la veille du couronnement. Bonaparte deguise se mele a la foule pour entendre la jien- see du peuplej un assassin va le frapper , mais I'espion est la , et pare , en le recevant dans le bras , le coup des- tine au consul. Apres une scene de cabinet a Saint-Cloud et une scene de peuple aux Tuileries , nous sonimes transportes a Dresde , oil des rois sont les courtisans de I'empereur ; puis au bivouac de Borodino, la veille de la bataille de la Moskowa , tableau militaire, et I'un des meii- leurs de la piece. L'inccndie du Kremlin , et les desastres de la deroute sont peints dans les tableaux suivans. Ici le passage de la Beresina ofTre inoins de verite materielle qu'au Cirque , mais il a quelque chose de plus theatral et de plus magique. Nous nous trouvons au milieu du peuple de Paris lorsque I'ennemi est aux portes, et bientot nous as- sistons aux scenes de Fontainebleau. De retour a Paris nous y trouvons la restauration etablie ; I'insolence est dans les antichambres du ministere , la sottise dans les salons du faubourg Saint-Germain. Cependant nous voyons k I'ile d'Elbe des appreis de depart, et bientot le batiment qui porta Bonaparte rencontre en mer celui qui croise pour le garder. Le desordre des Tuileries , Louis XVIII sorlant LlTTfiRATURE. 117. tl'iiu cote, Napoleon entrant de I'aiUre, tel est noire der- nier tableau en Fiance. A Saiate-llelene I'auteiir s'est ap- pliqne a peindre avec detail I'ijjnoble at cruelle tyianhie d'Hudson Lowe. Apies la Porte-Saint-Martin et le Cirque, qui avaient deja trace cette peinture, et qui avaient mis en ceuvre tons les materiaux liistoriques, 11 restait a I'au- teur peu de chose a trouver. II a tache de tirer parti de son espion, qu'on n'a pas perdu de vue pendant tout le cours de la piece. Get bomme est parvenu a preparer des moyens d'evasion pour le captif. 11 s'est ensuite engage dans les troupes anf;laises, et il vient annoncer a I'eiupereur qu'uH vaisseau I'attend a peu de distance du rivage. L'em- pereur refuse de partir, I'espion estdecouvert et condamne h mprt. On voit qu'ici I'espion rappelle avec peu de bon- heurle vieuxsoldat du Napoldon de la Porte-Saint-Martin. Cc tragique evenement cause a I'empereur , presque mou- rant, une crise qui acbeve de le tuer. Son agonie est de- uiesurement longue. L'auteur , reduit a reproduire une situation epuisee par deux succes de vogue, a cru y jeter quelque interet nouveau, en la prolongeant; il eiit sans doute mieux atteint ce but par le moyen contraire. La piece est terniinee par le convoi et I'apotheose. Nous ne chicanerons point l'auteur sur son litre de Trente ans de VHistoire de France ; qualre mots sont si faciles a effacer! Le lecteur a remarque d'ailleurs avant nous <;ombien ce litre convient peu a un ouvrage ou la plupart des evenemens qui firent a cette epoque le destin de la France et meuie d'une partie du monde sont passes sous silence; ou, si ce n'etaient quelqnes instans de i8o4, I'entr'acte nous escamolait vingt ans entiers , depuis 179^ jusqu'a 18 1 2; ou, par consequent, Napoleon lui-meme n'est reellement montre, bormis dans la journee de Saint Cloud, qu'aux deux extreniites de sa carriere politique; ou, conime dans les autres pieces , le principal personnage n'est pre- sente que de profd ; ou , enfin , nous ne voyons , pour ainsi dire, que cette moilie dc Bonaparte et un espion. II y ii8 littMature. eut autre cbose en France durant trente ans. Je iie sais si ce complet isolement , si ce sacrifice qu'on fait a Napoleon do toutes les autresrenommees etaient absolument necessaires k I'iiiteret dramatique ; mais ce qui est certain , c'est que I'interet Iiistorique en est singulierement diniinue. On ne s'accoutunie guere A voir Napoleon s'ouvrir de ses grands dc'sseius, exposersa politique a un espiou; on regrette,lors- qu'on a vu a Moscou tous les chefs de I'armee jouer un role si miserable, de ne pas entendre un mot de cetinfortune marecbal Ney, le veritable beros de la terrible retraite. Cette justice eiii prepare celle dont I'auleur a cru devoir frapper plus tard un autre marecbal. Au reste, nous ne voulons rien dire de I'inconvenientde metlre en scene les evenemens el les personnages contem- porains ; c'est un desordre moral qu'aucune societe ne sau- rait tolerer , et sur lequel nous aurions trop de reflexions a faire pour nous y engager ici. Nous sommes rappeles au veritable sujet de cet article , le desordre poetique produit par un systeme qui substitue les realites a la fiction, qui place dans le domaine de I'invention les personnages et les faits contemporains , qui cberche dans une serie d'evenemens sans liaison, sans pensee dominante, et places I'un apres I'autre comme au basard, cet interet qu'on n'ob- tient au theatre que par le developpementdes passions, par une beureuse disposition d'evenemens, par les creations d'une imagination dont I'art supreme est de vous tirer de votre monde materiel , de vous faire un autre monde assez voisin de votre nature pour vous interesser , mais qui , en menie terns, eleve , purifie , exalte vos sentimens, etvous fait participer , pour ainsi dire, d'une nature meilleure et perfectionnee. Une chose generalement bien peinte dans tous ces dra- mes, c'est le caractere du soldat. lly a, entre autres, dans la piece du Cirque , une scene entre Mourad-Bey et un gre- nadier fraucais prisonnier , <|ui nous a semble pleine de naturel et fori coniique. LITTfiRATURE. i ic, Les divers Napoleons jouissent d'un succes presque ine- puisable; inais, excepte celui de la Porte-Saint-Martiu, on Ton trouve encore da moins quelque vestige d'art drama- tique , personne ne doute que I'interet qui s'attache au lie- ros ne les ait seul soutenus , et que ce systeme de dianie n'eut tue infailliblcment tout autre siijet. Les confreres de la passion, qui, les premiers chez nous, firent begayer la poesie draniatique, sur leur theatre de riiopital de la Trinite, rue Saint-Denis, vers la fin du i4* siecle, etaient tout aussi avances dans I'art tlie^tral que les auteurs des drames que nous voyons aujourd'liui. Dans ce siecle devot, Jesus-Christ ct les saints etaient des person- iiafjes non nioinspopulairesque restmaintenant Napoleon. Aussi les auteurs du terns se servaieut-ils des evangiles et des legendes , coinme on se sert uiaintenant du Memorial de Sainte-Helenc et des hisioires de Bonaparte. On les dis- posait en tableaux , on les traduisait en dialogues ; et , ce que ne se donnent pas naeme la peine de faire nos auteurs d'aujourd'hui , on les mettait en vers. Charles VI prit tant de piatsir a ces representations, qu'il donna aux con- freres des lettres-patentes, et un privilege pour jouer ces pieces sacrees «devant nous , devant nostre commuu et ail- ■/eurs », disent les lettres-patentes. 11 nous faut donner une idee de cette poesie draniatique , afin que nos lecteurs ju- gent uiieux de la ressemblance. L'une des pieces les plus celebres de ce genre, est le Mj'stere de la conception et nalivite de la glorieuse vieii^e Marie , avec le mariage d'icelle, la nativite , passion , resurrection et ascension de nostre sauveiir et redempteur Jesus-Christ , joue a Paris, Van de grdce mil cinq cent sept (i). (i) Long-tems ces spectacles se concilierent avec les sentimeas d'nne veritable piete ; on les donnait surtont les jours de fetes, et I'eglise avan- cait I'heure des vepres afin de permettre au peuple d'y assister . Dans la suite, on mela a ces sujets sacies des bouffonneries qai en firent une profana- tion , et on les defeudit par arret du parleiiieat en j 548. I20 LITTER AT URE. On peut considerer la Conception comine le prologue , oX la Rt'surrectioii coniinc repilogue de la piece, dont le veritable sujetcst la vie el la passion de Jesus-Christ. Cetle piece est divis(5e en quatre ^ariies oii joiirnces , dont cha- cune se subdivise en an grand nombre de tableaux. Dans la premiere journee, on assiste d'abord aux predi- cations de saint Jean dans le desert; puis au bapteme de Jesus-Christ, pendant lequcl les anges font entendre un concert ceiej-le. Deia nous sommes Iransportes en enfer , ou les diables tiennent conseil pour decider ce qu'ils feront afin de perdre cet honinie nouveau qu'ils ne connaissent pas encore , mais qui les epouvante. Pilate arrive en Judee avec tout I'appareil du pouvoir , et suivi , comma le Tristan de Louis XI, de quatre bourreaux, munis de cordes et de couteaux; il fait publier ses edits. Nous voyons ensuite Judas rencontrant le fils du roi de I'ile de Scariotli , auquel il propose une partie d'echecs. Une querelle s'engage , Judas tue le fils du roi, et se met a I'abri de la justice en prenant du service pres de Pilate. Cependant Satan , pour accomplir la mission qui lui a ete donnee dans le conseil infernal qui fait lesujet d'un des tableaux precedens, vient trouver Jesus au desert, lorsqu'apres le jeiine de f{uarante jours, le Mcssie commence a avoir faim. Satan se presente successivemcnt a lui, sous divers deguisemens, pour le ten- ter. 11 n'y reussit pas, et s'enfuit furieux. Alors des anges descendent du ciel, et apportent a dejeuner a Jesus; c'estici uu tableau n travestissemens et a machines, car on lit cette indication , au moment ou Satan s'ofFre a porter Jesus sur le sommet du temple : " Icy se met Jesus sur les epaules de Satan , et par un soudain conlrepoids sont guindez tons deux a mont sur le haul du Pinacle. » Dans un tableau suivant Judas engage une querelle avec son pere qu'il ne conuait paSjle tue, et puis epouse samere. Plus tard, lors- que ses crimes lui sont revelt5s, il apprend qu'un propliete est apparu qui fait inisericorde aux pecheurs ; il va done a Jesus, el celui-ci, louche de son repentir, I'admetau nombve LITTfiRATURE. 121 (le ses disciples. Les noces de Cana el le cliangement dc I'eau en vin ; les niarchands chasses du temple a coups de fouet; la resurrection de la fille de Jairej la rencontre de la Samaritaine aupres du puits^ la conversion du Lazare , opeiee par le spectacle de la resurrection du fils de la veuve de Nairn , voila le sujet de divers tableaux qui se suiveut iinniedialement. Dans un tableau precedent, on a vu saint Jean sorti du desert reprocliant a Ilerode le scan- dale de sa liaison avec Herodiasj saint Jean a ete mis en prison. Maintenant nous voyons le festin d'Herode; Hero- dias fait danscr devant lui sa GUe Florence ; Herode trans- porte lui proinet d'accomplir le voju qu'elle va former. Florence dcuiande la tete de saint Jean , et le roi ordonne i Grongnard, uu de ses domestiques, d'aller la couper. Ce suppllce etail mis sous les yeux du spectateur, au moyen de la construction des theatres d'alors , dont nous donne- rons tout a llieure une idee : « Icy, dit la piece, vont Grongnard et Florence a I'uis de la cliartre pour decoUer s^int Jehan. » ., Ce Grongnard est une espece de bouffon qui fait des quo- libets en exercant son metier de bourreau. II plaisante avec saint Jean avant de lui couper la fete , et quand cette tete est tombee, il la met sanglante sur un plat, qu'il donne a Florence, en lui disant : Or, tenez, poi'tez-la Louillir, Rostir, ou faire des pastes. Florence I'appoMe sur la table du festin et la place devant Ilerodias, qui la frappe de son couteau. Dans les trois tableaux suivans , on voit I'ame de saint Jean descendre dans les limbesj puis le desespoir des dia- bles fjui prevoient que le Sauveur leur ravira bientot le genre bumain; enfin le convoi de saint Jean termine cette premiere partie. Les principaux tableaux de la seconde journee sont la {•jUerisou dc la lillede la Canam'cnuc , du corps de laquelle 122 LI'lTfeRATURE. Jesus cliasse Astaroth ; la transfiguration de Jesus-Christ ; les desonlres ct la conversion dc Madeleine ; la inort du Lazare , son enterrenient qui se fait en |Orande pompe, sa resurrection ; la conspiration des Pharisiens et des Juifs incredules contre le Sauveur ; entin le somptueux festin de Syntou , ou Madeleine vient verser les parfums , ct oii Judas concoil les piemieres pensecs de trahison. L'aclicn avance : la troisienie journee s'ouvre par I'en- Iree de Jesus a Jerusalem; nionle sur une anesse, il tra- verse uu peuple immense portant des rameaux ct emu d'un grand enthousiasnie. Les chants de ce peuple , les cantiques desapotres, leslouangesque repetentcette foule d'hommes qui ont ete I'objct des miracles de Jesus, tout se reunit pour donner de I'eclat a ce Iriomphe, auquel le ciel meme prend part : » Icy, se faict un doulx tonnaire en Paradis de quelque gros tuyau d'orgue. » Alors Jesus prophetise les nialheurs prets k fondrc sur Jerusalem, et reproche aux grands leurs desordres ; les ennemis de Jesus, et surtout lespontifes AnneetCa'iphe,cn concoivent une ragefurieuse. Cette troisieme journee, qui a commence par un triomphe, va finir par des outrages. Un tableau nous montre I'enfer; et les diables, irrites du succes de Jesus, depechent trois d'entre eux pour le perdre. On les voit bientot souffler leur fureur dans le conseil des Juifs, et persuader a Judas de livrer son niaitre. La cene et ses ceremonies, les angoisses nocturnes du jardin des oliviers, sont peintes dans les ta- bleaux suivans. Enfin, Judas, suivi d'une troupe armee, portant des torches et des falots, se presente; il va em- brasser son maitrej c'est le signal convenu. On sc jette sur Jesus-Christ, eton I'emmene ; ses apotres se sont enfuis. Les interrogaloires chez Anne et cnsuite chez Caiphe ; les in- dignites dont les sciviteurs de ce pontife accableiit Jesus- Christ pendant le reste de la nuit, terminent cette troi- sienie partie, dans laquelle est une scene que uous ne de- vons point passer sous silence ; c'est un entretien entre Jesus et ISoLre-Dame Celle mere inforlunee s'etforte en vain de LITTfiRATURE. laS de'tourner son fils de cette mort qu'il cberche , et le conjure de diniinuer du moins les longucs soufFrances qui vont repiouver. Les remords de Judas et les douleurs de Marie commen- cent la quatrieme journee. Ala scene dupretoire, devant Pilate, succede la ddsesperance de Judas; le Desespoir per- sonnifie est envoye par Lucifer pour saisir I'apotre parjurej Judas deniande en vain merci , et toute la grace que lui accorde le demon, c'est de lui laisser choisir son genre de mortj il se pend, et les diables accourent pour emporter son ame. Un autre tableau represente la flagellation , le couronnementd'epineset les autres derisions de la royaute. Ici I'auteur a imagine une espece d'artifice dramatique pour suspendre I'inteiet. On apprend en enfer que I'homme poursuivi par la fureur des Juifs est en effet le messie, sa mort est un coup fatal pour I'empire de Lucifer , et c'est une grande gaucherie a Satan de n'avoir pas devine ce se- cret. Lucifer lui ordonne , pour reparer sa soltise, d'aller trouver la femme de Pilate, et de lui inspirer , par un songe terrible, la pensee de detourner son mari de prononcer la condamnation. Mais en vain I'elfroi de ce songe e'pouvante Pilate, il ne pent persuader aux Juifs d'abandonner leur projet. 11 faut que Jesus meurc. On fait fabriquer une croix , on en charge Jesus; le cortege s'avance , au milieu des cris de rage des bourreaux et des larmes des saintes femmes et des fideles; les anges descendent du Ciel pour soutenir le fils de Dieu; et ensuite on nous montre l^enfer livre a de profondes terreurs , par la prevision des desastres dont le menace le sacrifice qui va s'accomplir. Cependant on arrive au Calvaire ; on crucifie Jesus avec des rafline- mens inouis de cruaute. Marie est mourante au pied de la croix ; Jesus la recommande a saint Jean (i). On crucifie (i) Pour donnev un echantilloa du style de ces pieces , nous allons transcriie les paroles de Jesus : Femme, ayez cneur et patience bunne, Cessez ce deuil; si de mort suis perqus (frappe), ia4 LITT6RATURE. les deux larions ; on depouille Jesus, ct on va tirer au sort sonvetement; Satan, toujouis present sons une apparence Immaine , inventc pour cette circonstance le jeu de des , qu'il proclame hautenient une invention du Diable. Jesus- Chiist expire. Une obscurite niiraculeuse couvre le monde. ■ LIT'rtRATURE. 127 parce que lui-nieinc, ainsi que les evenemens au milieu des{jiiels il s'agite , seront conuus moins en detail. Ce n'est pas sous les feux du soleii qu'on rend les oracles: le sanctuaire est sombre , la preti esse est voilee. II y a dans I'obscnrite des terns, coinnie deslieux, quelque chose d'in- connu, de religieux, de niagique; et voila la poesie. Elle s'evanouit a ces clartds qui viennent tout eclairer , qui ne perinettent plus de mystere. Les Grecs, qui sont si poetiques pour nous, ne I'etaient pas assez pour eux-memes. Lorsque Eschyle voulut mettre sur la scene un sujet contenipoiain , lorsqu'il voulut ce- lebrer la gloire de Salamine et exalter le triomphe de Themistocle , il se garda bien de mettre Tliemistocle sur le theatre, il ne le nomma meme pas ; mais il fit les Perses . Ce n'est pas que le peuple alhenien , vaniteux a I'exccs, ne trouvat grand plaisir a s'applaudir lui-nieme , et qu'il ne s'en passat I'envie, lorsque les poetes dramatiques lui en fournissaient I'occasion, ce qui n'etait pas rare. Mais c'etait par une allusion indirecte , par un piquant relour sur eux-memes, qu'ils se donnaient cette jouissance. lis applaudissaient leur liberte dans un rapprochement avec la servitude des autres peuples , ils celcbraient leurs vic- toires en niontrant les vaincus. Les Perses etaient alors uii peuple poelique pour ies Grecs; sans relations d'habitude, sans communications in- tellecluelles avec eux, les Grecs ne les voyaient qu'a travers un nuage. Histoire, moeurs, culte, gouvernement, pour les Grecs, toute la Perse etait mystere. Et Eschyle comprit tres- bien qu'il lui serait facile de donner les couleurs poetiques h un evenement qui s' etait passe la veille, aux portes d'A- thenes, ou les spectateurs et le poete avaient ete acteurs , en placant la scene a Suse, et en ne faisant paraitre que des Perses. II a merveilleusement execute ce dessein. Donnons une idee de sa composition, qui montre tres-bien comment 128 LITTfeRATURE. le poetc };roc coniprenait la poesie d'un sujol coutempo- raiu (i)- La piece s'ouvre par une scene ou Ic chceur, compose de vieillaids , grands personna{>es de la Perse , fait une vasle enumeration de tous les peuples qui out quitte Ics villes d'Asie pour fondre sur la Grece ; il celebre leur valeur , il les peint terribles et indomplables. Toutefois, au milieu de ces esperances de victoire s'elevent quelques inquietudes; on est sans nouvelles de I'armee , ct le destiu a de cruels caprices. Une femme parait, venerable par un long age et I'appareil de la puissance ; les Perses la traitent de femme et mere de leurs dieux ; elle est en elTet veuve de Darius , et Xerxes est son fils: c'est Atossa. Devoree de soucis , ellc est chassee par la terreur de ses demeures royales. Elle raconle les songes dout elle est continuellement obsedee , et les presages qui viennent de la frapper a son reveil. Partout, dans ces songes, dans ces presages, la Grece est toujoursia, loujours terrible et menacante. Atossa s'en- quiert ensuite des cboses de cetle contree qu'elle ne con- nait pas ; et, dans les reponscs du clioeur, ]es elogos de la Grece, et surtout d'Athenes, bi'illent d'un vif eclat. Voici quelques passages de ce dialogue : ATOSSA. C'est la cette ville dont mon fils brule de s'emparer .' • LE CHOEUR. Oui, cai* s'il en etait maitre ilserait maitre de toute la Grece. ATOSSA. A-t-elle done une ai'mee innombrable .•• LE CHOEUR. Telle qu'elle est , cette armee a ete fatale aui Medes. (i) La piece d'Eschyle fut representee huit ans apres la bataille de Sala- mJne. Le meme sujet avail deja ete mis an theatre par le poete Phrynicus. litt]^:rature i^t) ATOSSA. " Oiii'l roi Ics gouveine ct coiuinan.'Ic Icur aiaiee? I.E CUOEUR. lis nc sont esclaves ni sujets iraucur. homraf. ATOSSA. Mais comment resisteronl-ils aux giieriiers qui les vont assaillir? LE CHOEUR. lis ont (ietruit la graiide , la puissante armee de Darius! ATOSSA. Tu rappelles un terrible presage pour les meres de ceusqui sont partis. Au milieu de toutes ces inquietudes arrive un messager qui les confirme. 11 fait une description lamentable du carnage de rarniee des Perses. Son recit est sans cesse in- terronipu par les yeniisseniens du cliceur, par les cris d'unc douleur naive et penetrante , par des traits tels que ceux-ci : LE MESSAGER. O Salamine! nom deteste ! helas ! que de larmes an senl souvenir d'A- ihenes 1 LE CBOEUR. AlKenes est funeste a ses ennemis. Que de persanes ont ete privees par elle de lenrs fils, de leurs eponx! ATOSSA. les dieux prolegent la ville de Minerve. LE MESSAGER. ia ville d'Athenes est invincible. Taut que ses citoyens existent, elle ^st ceinte d'ua impenetrable rempart. Le messager fait ressortir I'iniinense disproportion qui existait entre le petit nombre des Atlieniens ct la multitude T. XLIX. JANVUU) i83i. o i3o LlTTftRATURF,. ties Peises; il pciiil I'lnUcpiditc dcs (irccs , le desoidre dcs Rarbarcs , Ic dcscspoir dc Xcixes; il vaconte la duroute avcc loiUe la complaisance qu'auraitpii inettre uii Greca cc recit, et Atossa demande sans cesse des details iiouveaux. Je parlerais pendant dix jours de suite , s'ecrie le messagci' , que je n'a- clieverais point rhisloire de nos malheurs. Sachsz seulement que jamais line si grande multitude d'homines n'a peri en una seule journee. Le lecit de celte deioute est d'un effet admirable , pleiu de deuil et de teneurs Ou'on le lelise api;es avoir vu le pas- sage de la Beresina du Cirque et de rOdeon , ct qu'on disc siir laquelle , de la scene grecque ou de la scene francaise , sent I'cpouvante et la poesie. Tandis qii'Alossa esi allee clierclier des libations pour les morts, Ic choeur exhale sa douleur en chants plaintifs et desesperes J il|)resage a la Perse de funestes destineeset un long abaissement. Le chreur et Atossa, converts de deuil , evoquent dans un sacrifice I'ombrc de Darius. Cctte ombre ne sait rien des evenemens dont geinit la maison royale de Suze. C'est un pretexte pour raconter encore les malheurs des Perses et la gioire des Grecs. Apres un assezlong dialogue entre Atosia , le chceur et I'ombre de Darius , on demande a ce roi venerc quelques conscils dans unc si grande infortune : ces conseils vont encore flatter I'orgueil des spectateurs atheniens. LE CHOEUR. O roi Darius , explique-nous ta pensee; comment , apres c^ desastrc, It peuple pent-il etre heureux desormais ? II ne faut plus tenter d'expedition centre la Grece, I'armee des Medc? fnt-elle encore plus nombreuse. L'Ombre repvoche aux Peises leur barbaric dans la guerre , et leur impiete ; elle predit le desastre de Plaice , qui en sera le rhatinient : LiTTfiRATUUE. 13 1 lis ont I'cnverse !es autels , ils out detruit dc fond en coiubleles temples des dieux. Ils sont puiiis des raaux qn'ils ont fails , par les luaux qu'ils souffient, par ceux qu'ils souffriront encore; car la fin de leur infortune n'est pas venue. Des llots de sang verses par la lance dorienne hnmecte- ront la terre do Platee; et jusqu'a la Iroisieme generation des nionceaux d'ossemcns parleront aux yeux des hommes , et diront , dans Icur mnette eloquence : Que rorgueil ne sied pas aux n/ortels ; que I'insolence en fleuris- sant proJuit I'epi du crime, et que ties larmcs sont la moisso/t qu'on en re- cue'Ule, Teraoins de ce cliatiment , souvencz-vous d'Athcnes et de la Grece. A ces paroles que I'Oinbre laisse poui' adieux , Ic chceur fait succeiler un pompeux tableau de I'aiUique puissance de Darius; il noinaic les vilies d'lonie et les lies de la Giece qui furent souuiises a sa domination , el il la compare a la situation miserable ou Xerxes est reduit. Eufin Xerxes arrive lui-menie dans tout ie desordre du - deuil, et touviuentc des anjjoisses du desespoir. Nouvelles lamentations, nouvelles peintures de desastres, nouveaux eloges indirects desGrecs. Le cbosur demaiide an roi vaincu ce qii'd a fait de tous ces courtisans, ces generaux , ces satrapes qii'i! nomme les uns apres les autres. Tout est mort, et de Timmense appareil de guerre qu'il avail an depart , il ne rcste a Xerxes que son carquois vide. La piece est ter- * minee par les scenes du deuil le plus lugubre. Les paroles et les cris du clioBur et du roi se melent el s'entrecoupent de la manierc la plus lamentable ; on s'arrache la barbc et les cbeveux , on decbire ses velemeus, on se frappe miserablement la poitrine. Ce spectacle de desespoir laisse I'impression la plus funebre et la plus tragique. Cettc piece, ou pas un Albenien ne parait, est toutc remplie d'Athenes. Sa gloire et sa puissance se mesurent par la vaste ruine de son formidable adversaire. Comme ce spectacle du trouble de toutun peuple, du deuil de ces rois superbes , du desespoir de ces fiers ennemis, devait causer une emotion profonde aux citoyens d'Atbenes, et re- jouir I'orgueil des vainqueurs I Quelle peinlure d'un triom- pbe grec pourrait approcber , pour I'impression que recoil le spectateur , du deuil de la Perse? Faites-vous, pour un 9- 1 32 LITTI^RATURE. instant, houune de ce tems-la , transportez-vous a I'A- thenes d'Eschyle , et voyez coinme tout cela est grand et poetiqucj conime lout, au contrairc, va devenir mesquin et vulgaire, si vous vous-avisez de faire iigurer la quelqucs- uns dcs lieros de Salaniine , a qui chacun peut-elre auia donne le bonjour avant la representation. L'imagination du spcnlateur est d'autant plus frappee quo Ics objets dont vous lui oiTrez la pcinlure n'ont point frappe ses yeux (i). Voila coninie les Grecs entendaient la poesie des sujets contemporains ; nous autres nous I'entendons conime les confreres de la passion. Parmi les pieces bisloriqucs de Sbakspeare , il en est une dont le sujet peut ctre considere coninic un sujet cojiteni- porain, puisque le poete y mettait en scene, devant Elisa- beth, le manage de sa mere avec Henri VIII ctle baptcnie d'Elisabetli elle-meme. Les poeles savent quelle dilFe- , rence il y a cntre lesdiames d'iniagination de Shakspearc et ses draines historiques; malgre les grandes et palheti- ques beautes qui brillent dans ccux-ci , Sbakspeare n'est ve- ritablement tout eiitier que dans les autres. Quelquefois il se bornait a couper en dialogue et a tourner en vers des fragmens des cbroniqueurs Holinsbcd et Hall. Avant lui (i) Dans la pensee des Grecs , cc peuplc si hcureuseraent organise ponr les arts , rcleraent poetique etait tellemcnt inherent au dranie que , dans la I'ieille comeJie elle-tneme , dcstinee a peindre les realites et souvent les realites les plus prosa'iqnes, Arlstophane a jete une haute et brillante poesie , une poesie quelquefois toute fantastique. C'etaient ordinairenicnt les choeurs qui etaient charges de poetiser'le sujet , de lui faire la part d'ideal dont il avait besoin. Et ce ne sent pas seulement les fantomes de rimaglnation du poete qui lui servent a atteindre ce but. Aussi-Bien que les nuecs , les giicpes , les olseau.c , les grenouilles , auxquels il prete de si harraonieuses paroles , des choeurs tels que celni des chevaliers avaient aassi un langage plein de poesie , soil qu'il celebre la gloire de cette classc de citoyens d'Athenes ; soit qn'il peigne les vicissitudes de la fortune des auteurs comiques qui s'efforcent de fixer I'inconstauce des legers Alhe- niens ; soit qu'il aniinc de tout ce que le sarcasme a de mordant et dc pil— toresque la satire centre les niauvais citoyens : le poete est parlout. LITT^RATURE. i33 c'etait deja un amusement assez a la mode parmi ses com- patiioles encore foi tpeu lettres, de lepresenter, les jouisdes grandes fetes, desfaitshistoriques,et d'ananger en scenes et en conversations unc suite d'evenemens connus. Sliakspeare a souvent manie cetart encore grossier avec la puissance du genie , et ces drames liistoriques sont disposes , en general , avcc plus d'attention a I'efFet dramatique qu^a la fidelite de I'histoire. L'eloignement des epoques, Ic peu d'instruction dela plupart de ses spectateurs, lui donnaient a cet e'gard line liberie que ne lui auraient pas ofierte ies sujets tiresde I'histoire de son terns. Toutefois il ne s'est pas pique d'uue grande fidelite menie dans Henri J^JIJ, qui , du reste, doit etre mis au nombre de ses plus faibles productions. II ne sera peut-etre pas sans interet, dans cet article ou Ton a essaye d'offrir quelques idees sur le drame conteniporain , de dire un mot de celui-ci qu'on peut considerer comuie une espece d'intermediaire entre la composition d'Eschyle, et Ies pieces qu'on veut aujourd'liui mettre a la mode. Le sujet de Henri P^III eH le divorce de ce prince et de Catherine d'Aragon , son mariage avec Anne Boleyn , et la naissance d'Elisabeth. Les evenemens comprenneut un es- pace d'environ douze annees. Cette piece fut representee devant Elisabeth, au commencement du xvu* sieclej et , quelques annees apres, sous Jacques I"^ ; ce fut alors , du moins Johnson et d'autres critiques le supposent , qu'un passage fut intercale en I'honneur de ce prince. Presse entre le devoir d'etre vrai et le desir de plaire a Elisabeth , Sliakspeare s'est resigne a plaire. Ce caractere si terrible, si bizarre , si original de Henri \ III , est eomple- temsnt efface ; c'etait une triste , mais forte conception de la nature, que I'art n'a pas su s'approprier. Cet homme qui avait bien pu se moulrer quelquefois genereux et desiiite- resse par caprice, mais qui etaitpar penchant avideet cruel, qui avait fait perir dans les supplices deux de ses femmes et une multitude de malheureux, victimes d'un slupidc f^matisme , cet homme est pcint sous des «:«uleurs qui au- t54 IJTTl'RATURE. raicnt pu convcuiiau nieillcur ent auditoire de la ville , soyez jjiaves, ainsi que nous le desirous, et persuadez-vous bien que vous voyez les personnages memes de notre noble liistoire , comme s'ils etaient vivaiis.'- Nous avons dit ce qu'il fallait penser de cette rigouieuse lidelile. Mais cette affectation que met le poete a lepeter qu'il eloigne tout ce qui n'est pas la yerite, a ne pronieltre aux spectateuis que des realites, a persuader qu'ici lemeritc liistorique doit tenir lieu de tous les autres merites diipoeme dramatique, ne prouve-t-elle pas que I'auteurdu prologue, quel qu'il soit ( car des critiques ont conjecture qu'il fallait I'attribuer non a Shakspeare, mais a Ben Jonson, poete son contemporain et son ami ) , sentait le besoin de trouver a cette piece une autre qualite que celle qui convient au drame. Dans le fait, le Henri VIII que Ton voi! encore avec plaisir en Angleterre , a cause de la graude renommee d'Elisabeth , et aussi grace a la pompe du spectacle ,"" n'est ni assez historique , cjuoique I'auteur ait la pretention d'une exacte fidelite , ni assez poetique , quoiqu'il y ait mis tout ce cju'il a pu y meltre de poesie. Nous en conclurons qu'.\ inoias de re'unir les conditions cjui lavorisaient Escbyle , il ne faut pas faire de dranies sur des sujets contemporains , meme quand on est Shakspeare. M. AVENIL. III. BULLETIN BIBLIOGKAPHIQUE. UVRES ETRANGERS (i). AMfiRIQUE SEPTENTRIONALE. ]^TATS-UNIS. I . — * History of United-States , or republic of America , etc. — Histoire des Elats-Unis ou de la repuljliquc d'Amorique, exposee suivart rordrc chronologique cl I'exteusion progres- sive du territoire , aii moyen d'une suite dc cartes , dont la pre- miere iiidique les tribus indieniies qui halnlaient ces contrees , lorsqu'elles furent dccouvertes ; et les suivantes , I'ctat du pays aux t'poques successives des c'tablissemens europe'ens . le tout dispose de maniere a iiiettre a la fois sous les yeux du lec- tcur la date des principaux cvcnemcns et les lieux ou ils s'accomplirent ; metliode adoptee pour renseigncnicnt de I'his- loire dans Velablissement ei'inslraction de demoiselles a Troy {Female seminary of Troy), T^ar Emma Williakd, directrice [principal] dc cet ctablissement : oiivrage destine aux ecoles et aux bihliotheques de famille dans les Etats-Unis. Troisieme edition revue et corrigee. New- York , i83o. Grand in-8" dc 5o6 pages , avcc un atlas in-4° de 12 cartes. Nous pourrions nous boruer a examiner cet ouvrage par rap- (1) Nous iiidiquons par un a.sterisqtie (*) , place a cote Ju tilic ilc clia- que ouviage, ceux des livics clrangefs oil fiancai:; (|ui pfiiai.sseni digues d'unc alteiUiou particuliere , ot nous en rendi-oiis qnclquofois couiple dans la seuion des yUudrsvs. l^TATS-UNIS. 189 port ii I'nliU'.c dont il pent elre en deca de I'Allanliqiic , en Ic coiisidcrant comine uii tableau des grands (ivcncincns don I rAmcrique Jii Nord a etc le theatre depuis soixante ans. Mais , I'anteur a ecril pour ses conipatriotes et non pour les clrangers , pour la jeunesse plutot que pour I'age des etudes approfondies , des occupations publiques et des spiiculations d'iuterct prive ; enfin , niadanic Williard n'a fait que niel- tre en ordre les lecons qu'elle donna aux demoiselles ses (ileves, suivant une nietliode eprouvee par ie succes. Cetle nic- ihode est exposee et discutee dans la preface et dans une Intro- duction, oil I'auteur expliqne avec clarte comment la seulo inspection dc la carle et I'observalion des progres des Euro- pe'ens dans les pays oil ils avaienffonde leurs colonies devaient amener toutes les guerres dont Ihistoire fait mention. Par cc moyen , les fails sont compris facilement, et meme prevus ; la memoire se charge volontiers des resultats obtenuset pre'sentes de cette maniere. Mais on essaierait en vain d'appliquer cetle methode a I'hisloire des Elats europe'ens ; notre politique s^ compose d'ele'mens si divers , si heterogenes , qu'il n'est pas tou- jours possible de rapporter chaque fail a sa veritable cause, de reconnaitre les interets ou les passions qui firent agir les souvc- rains et leurs ininistres, et suscitferent taut de contestations vio- lentes , tant de guerres de'sastreuses , meme pour les vainqiieurs. Les Amu'ricains onl toujours eii sur nous le grand avanlage de connaitre avec certitude le but des combals qu'ils livralent , et quel serait le prix de la victoire ; les gouvernemens de rEurope n'ontpas I'habitude de mettre les peoples dans leur confidence. Dans la preface de cet ouvraLC , ainsi que dans I'introduction , I'aulnur s'est attache principaiemcnt a diriger les maifres et la niarche del'enseignement ; c'est encore vers le meme but que la table des matieres conduit a la fois les e'tudians et leurs guides. Cetle table n'est pas , conime a I'ordinaire , une simple indica- tion de chapitres et de pages; elle se trouve ici transformee on tableau synoptique pour les fails conlemporains , et monfre la concordance des dates, de meinc que les cartes font connaitre les relations entre les evenemens et les lieux. Le meuie esprit d'ordre a donnc a ces deux parlies de I'ouvrage la forme que I'on y remarque , et dont tons les bonsesprits seront satisfails. L espacc de tcms que celte histoire embrasse commence a la i4o LIVRliS I^.TR ANGERS, flucouveile de rAmcrique , en ^Q"? , ct se teiniine au 5o' anni- vcrsaire de la declaration de I'indepeudance , en i8a6. Madame Williard y distingue dix e[)oqiies dout la premiere est fixee par ie premier litablissement regulier forme par dcs Anglais sur lo territoire actuel des Etals-Unis , en iSyS , sous Ic rcgne d'Eli- sabeth. Les epoques suivanles sont cellcs de la fondation de colonies nouvelles, origine des Etats qui component aujourd'luii la confederation arat'ricaiue , des cliartes que le gouvernement de la mctropole octroya successivement a ccs parties dctaclices de la grande famille anglaise , des commencemens d'association qui proparerentle lien federal: la declaration del'independance, en 1776, est la septieme epoque , ct la dixieme , qui n'est pas encore terminc'e, est marquee par I'adjouction des Florides au territoire des Etats-Unis. Cette distribution des materiaux de Touvrage semblait naturelle , commode pour la mcraoire, con- venable a tous e'gards : cependant, les cartes en ont exige une autre peu differente , cgalement couforme a la clironologie , -qui partage le meme espace de terns en dix autres sections fort inegales quant a la duree , niais qui supplcent par I'impor- tance des faits au petit nombre d'annces qu'elles comprenncnt : les deux plus courtes sont celle qui prepara la revolution , el celle qui la consolida par la victoire et I'ctablissement de la re- publique federative. Madame Williard a fait prcceder ses narrations par une no- tice sur les tribus indigenes que les Europeens trouvcrent cta- blies dans I'Amerique du INord, L'importaute question de I'ori- gine de ces peuplades amcricalues n'y est pas resolue : I'auteur a cru devoir se borner a exposer les conjectures des savans sur les communications qui purent avoir lieu, a une epoque tres- reculee , entre I'ancien et le nouveau continent. La nature de cet ouvrage el sa destination spe'ciale admeltaient une discus- sion approfondie sur cet objet, que Ton ne peut traiter legere- ment , et sur lequel on ri'a pas repandu jusqu'a present assez de lumieres. Le grand nombre de tribus indigbies encore existantes dans I'Amerique du INord atteste que I'esprit de pioselytisme n'y a pas fait autant de ravages que dans lAmcrique du Sud : les Trancais et les Anglais , devenus mailres dcs vasles coiitri'es 011 les Nalclies , les Lenapes, les llurons , les Delawares, les MoUi- ]':tats-unis. 144 galls , etc. , errerent si long^tems en toute liberie , iie penserent point qu'il falliit externiiner tons ces paiens ; lour zele pour la religion ne les empccha point dentendre la voix de riiumanitc , qnoique les sauvages y fussent peu sensibles , el leur donnassent nieme I'exeiiiple de la plus alroce cruaule. Tandis que le faua- tisme religieux continuail dans I'Ameriquc du Sad la persecu- tion des nialheureux indigenes, quelques lueurs de philantropie guidaient les Europcens etablis au nord de ce continent ,el I'ou s'efibrcait de civiliser les anciens habitans , au lieu de les de- truire. On trouve a la fin du livre le catalogue des ouvrages que I'au- leur a consultes pour la redaction de celte histoire. Aucuu ecrivain francais n'y est cite, sans doute parce que leurs ou- vrages sur rAnierique n'onl pas t'te traduits en anglais; au reste, madame Williard n'a pas manque de bonnes sources oil elle pouvavt puiser a discretion ; nous ne la suivrons pas dans lecours de scs narrations; les fails donl elle parle sont presque gcneralenient connus , el tons ceux qui ofTraient quelque inleret pour ses compatriotes des deux sexes out trouve place dans son iivre. Ce n'est pas sans doute en faveur des jeunes demoiselles de son institution qu'elle fait renumcration complete de lous les combats livres par les Americains sur terre et sur mer ; mais lout ce qui se rapporte aux affections morales y est deve- loppe avec un soin parliculier recounaissable , el c'est alors seulement que Ton peut soupconner que cette histoire est I'ceuvre d'une dame. C'est avec la chaleur do sentiment de I'ame d'une fenime qu'elle nous parle des soins que Washington prodiguait a son arniee allaqui'e par la petite verole ; des vices qui entrainerent Arnold , et fireut un trailre d'un brave soldal; du proces du major anglais Andre , auquel on ne peut repro- cher d'autre tort que de s'elre charge du role d'espion ; de la belle conduite des femmes de la Caroline du Sud, lorsqu'ei: 1780 Charlestown el une partie de cette province etaient au pouvoir des Apglais. Le dernier voyage de noire Lafayette aux Etats-Unis est rappele dans cette histoire avec I'expression naive des sentimens qu'il inspira. Un appendix contienl trois ecrits que , sans doute, lout citoyen americain sail par coeur, et que nos homines d'Etat devraienl mediter ; c'est I'acte de la declaration d'iudependance. ,42 LIVRES liTRANGERS. la conslitulion , et les adieux do Washington aii peiiplc dcs Etats-Unis. II sciiiblc que la dernicre carte de I'atlas destinee a represen- ler IV'tat aclucl dc la republique aurait dii coutenir loulc la Floride. Cclte partie dii lenitoire des Etals-Unis est trop intc- rcssanle pour cuic son omission nc soil pas. rcinarquee : on I'ajoulera cerlaiiieinent anx nouvclles editions de cct ouvrage, destine a etre long-lenis utile , et a se repandre dc plus en plus , succes qu'il aura bien mei'ite. F. Oui>rages periodiqttes. ■1. — * The journal of health, etc. — Journal de sanle , rcdigc par une Association de medecins. T. I. Philadelpliie , i83o. In-8». La vie de I'homme, en saute et en maladie , est exposee a uuc foule de dangers qu'il cree lui-m^ine par des prejugcs hercdi- laires et par son ignorance des lois de la physiologie ct de riiygiene. On ne pent jcter les yeux aulour de soi sans ren- contrer des pratiques funestes h Texistence des individus, soit par la negligence de prJcaulions qu'ils ne connaissent pas, soit par I'applicatiou de reniedes populaires. C'est aiusi que Ton pend Ics'noyc'S la lete eu has , et qu'en youlanl les sauver , on aclieve d'eteindre une vie qui aurait pu se rallumer. Ailieurs on charge de couvertures, on gorge de vin cliaud les nialheu- reux atleints de variole, et Ton augmente ainsi les chances de mort d'unc inaniere incalculable. Bien des femnies en couches sont victinies des mfinics crreursy ct elles se releveraieul sans accidens , si les nourrices et les conimeres ne prenaient a tache de contrarier la nature. Les fautes qui se connnettent journel- leinent, soit dans la nourriture , soit dans I'habillement , soit dons I'habitalion , ne sont ni moins nonibreuses , ni moins fatales. La source unique en est dans I'ignorance ou les homines sont et de leur structure, et des fonctions qu'acconiplissent les or- ganes,et des regies d'hygiene qui resultent de ces connaissauces. C'esl celte ignorance ahsoluc, meme chez les persounes ins- truites d'ailleurs, qui perniet Tappllcalion des jjrejuges popu- laires , qui fail negliger les preceples les plus simples de la sante, qui empeche de distluguer uu bon nicdecin d'un niauvais , et £tats-unis. 143 (jui donne la vogue aux remcdes secrets, aux arcancs iiiervcil- leux de tant dc charlatans. N*est-il pas lionteux de voir que, dans les classes les plus eclairees de la societc, on n'ait pas la moindre notion exacte sur les parties du corps huniain ou sur leur me'canisme? Nul doute qu'un bon systeme d'educalion, un systeme qui tendrait avant tout a donner des connaissances utiles a soi et aux autres , ne dut comprendrc des elemens d'anatomie, de physiologic et d'hygiene. C'est dans le but de repandre ces utiles connaissances , de combattre de nuisibles prc'jugcs qu'unc association de mcdecins araericains a cree le Journal de saute. On ne pent en donner une meilleure idee qu'en traduisant le court preambule place en tete de I'ouvrage. « Profondement convaincus que les hommes s'epargneraient bien des douleurs et des maladies par une connaissance conve- nable des lois naturellcs auxquelles I'econoniie est sujette , les redacteurs du Journal de sante se proposent de donner des preceptes simples dans un style facile et un langage faniilier sur I'usage des agens physiques niicessaircs a la sante, et d'in- diquer dans quelles circonslances , employes a tort ou en ex- ces, ils devieunent nuisibles et funestes. « Les proprictes de i'air, dans ses differens ctats de chaleur , de froid, de secheresse , d'huniidito el d'cleclricite; les efTets rclatifs des alimens solides ou liquides ; la maniere d'apres laqueile les organes de la locomotion , les sens et le cervcau , s'exercent le plus avantageusement , ou bien deviennent ma- lades; I'habillement , protection contre les changeraens at- niosphe'riques, et cause de maladie , lorsqu'il est sous la direc- tion de modes absurdes ; les bains , les friciions et les eaux minerales; tels seront les objels don I s'occupera principale- ment ce journal. « L'intluence sur la sante du climat et des localites, de la Idgislation et des reglemens des corporations , branche d'ctude designee sous le uoni de police mcdicale, sera un sujet rempli d'instruction et qui donnera lieu a de curieuses recherchcs. " On fera sans cesse valoir les regies dieletiques, et Ton re- conimaudcra les avantages de la temperance avec un soin proportionnti a leur importance et a I'oubli deplorable ou nous les voyous. « L education physique, question capitale pour la vie des en- 1 44 LIVRES ]^:TR ANGERS. fans el le bonheui- flc lenrs parens, sera discutce a I'aide de toutes les doiinues que fouinit nne experience cclairee. . « Le journal de la sante sera le constant adversaire de I'em- pirisme, qu'il se presente soil sous la forme de commerages ou de secrets de charlatans, soit avec la rccoinniandation do pres- criptions scieutifiques sans I'ordonnancc speciale d'unincdecin , seul jiige coinpctent dii cas individual reniis a ses soins. « II exposera avec clarte ct precision les nioyens de prevenir Ics maladies nees accidentellement de certaines professions ; el dans cette partie il n'ouhliera ni les inarins ni les niili- taires. « Depouillc du langage technique, el s'occupant d'objets va- ries, le journal de la saute obtiendra, on I'espere , I'attention el la faveur des dames donl ramusement el I'instruclion scronl perpetuellemenl un des objets de I'ouvrage. » Un volume de cetle enlreprise a dtij'a paru , il se lit avec plaisir et avec fruit. Conduit de cette maniere, I'ouvrage ne pent manquer de reussir. Les livres de niedecine, surlout lors- qu'ils sont diibarrasses du langage scientifique , ont le privilege d'attirer meme les personnes etrangeres a cette etude. One pa- reilie curiositc est bien 'naturelle , et elle facilitera I'extension du jouinal de.ta sante. Ce sera un avantage puur les compatriotes des redacteurs; ils finiront par deraciner bien des prejugcs, re- former bien ,des pratiques absurdes; ils repandront aussi le gout •et le besoin de connaissanccs sur I'economie humaine, con- naissances qui manquent coinplelement a notrc generation. Les services qu'ils rendronl aiusi scront lents et obscurs, mais n'en scronl pas moins reels, et le dernier et meilleur eloge que je puisse leur donner, c'est de souhaiter de voir s'etabiir un jour- nal semblable dans la France qui n'en a pas moins besoin que les Etats-Unis. E. L. ASIE. 3. — *T/ie Bengal annual. — L'Annuaire du Bengale ou Keep- sake litteraire pour i85i ; public ])ar David Lester Richardson-. Calcutta, i83o; Smyth. In-8° de 552 pages. C'est le premier ouvrage de ce genre qui ait encore paru en Orient : tres-bien imprime, sur du papier fabriqucdans rinde,il GRAM)E-BRETA 5 a»S) fl^e celte coIlecUon est aujourd liiii la premiere tie I'luirope. Uii ciDplnceincnl tres-vaste , des soins inulliplies , (Ics i'oiids considerables out peiinis de rasseml)ler un grand iiom- hi'c d'auiiiiaiix vivans , et de leur ineiiager, autanl que possible, les moycns de coutinuer Icurs habitudes de vie. II y avail done beaucoup a esperer , dans rinlerel de la science et de la curio- siti- en general, d unc description de ces jardins el de leurs di- vers holes; ce n'litait plus du savoir de livres , transmis de siecle en siccle avec ses erreurs , mais des observations nouvel- les et inimediates. Que d'instincts curieux a etudier ! he iiatura- iiste, toujours pret \\ sehasarder auloin, dans les forutset jusque dans les deserts, pour surpreudre les secrets dela nature, pour rapporter quelque cchantillou rare et utile a la science , pouvait sans peril niulliplier ses rccherches, et eu fairejouir le monde. 11 avail a signaler les differences que doivenlapporter danschaque minimal des habitudes de captivite , un bien-etre prevu , les mo- didcalions iufinics de ce concours de i'acultes que nous sommes conveuusd'appelerdel'instincl. Plusieursaniinauxetaient morts, el des details sur les progres du inal , sa nature , I'intiuence de la doniesticitc sur ((uelques^uns , n'eussent pas etc sans interet el sans ulilite. Et cepeudant , d'unc mine si fe'coude il n'est presque rien sorti : ce livre a encore etc fait avec I'aide des Irai- tes qui I'avaient precede , el son litre est un leurre. Comment se fait-il , par exemple , qu'oa ii'y Irouve rien de neuf sur le castor, qui depuis si loug-tenis habile les jardins zoologiques ? Ce qua- drupede est pourtant un de ceux dont on a le plus exagerc I'a- dresse et la sagacile : il existe sur son compte une foule de conies populaires, de prejuges , qu'il fallall rectifier par l^bbser- valion et I'experience. L'ours polaire, sur lequel des versions si differeules onl cours, ne nous est pas niieux connu, apres la lecture de ce livre. Est-il vrai que, engourdi lout I'hiver, il sorle de sa relruite au printems, affanie et dans un etat de maigreur , ou que, ainsi que raflinnent les naluralistes scandiuaves, et les chasseurs de I'Amerique du nord , il se soil nourri durant sa lethargic du surplus de graisse aniusse dans la saison de la chasse et de laclivitc ? Le peu de fails donnes sur le chinchilla, sur le lemur ou paresseux du Bengalc , sur la marte , habitans de la menagerie , font vivement regretter que tous les auimaux rassemblcs dans les jardins zoologiques ne soient pas decrits et etudies avec le GR AN DE-BRET AGNE. 147 memc soiri. Pourquoi cet ouvrage , lout incomplct qu'il est, lie flonnerait il pas I'idce , k quelquesuns dessa-vans professeurs attaches au Jardin des Plaiites, de reciieillir et de coinmuniqiier au public les observations des gardiens et les leurs sur les aui- inaux de notre menagerie? li nie semble qu'il y aurait instruc- tion et profit pour tons dans I'accomplissenient de ce projel ; il faudrait le concevoir et rexecutcr sous un point de vue popu- lairc. II arrive trop souvent que Tobservateur, d'abord uaif et avide de vcrite, s'crigeant plus tard en savant, veut plier la nature a ses systemes , au lieu de la prendre pour guide. Que d'erudits partent d'un point juste pour arriver au faux! Aban- donuanl les voies de I'cxperience et de I'obscrvation pour le rai- sonnement , ils ne regardent plus , niais lirent des conclusions ge- nera les d'un fait isole. Onnesaurait trop leredire, la pierre de touche du veritable savoir, c'est I'observation :quelquesfaitsdon- neutplusdeliiiniereen histoirenatnrelle que loutcs les hypotheses imaginables ; et c'est pourquoi il iniporte de u'en pas negliger un scul. Or, une vasle menagerie oRre une serie d'etudes at- Irayantes aux naturalistes , et il appartiendrait :i nos savans de populariser la science , en la melant aux gouts et aux plaisirs du public. L'histoire de chaque espece (■veillcrail d'autaiit phis d'interet, qu'elle serait accompagnce de details sur I'individu qui occupe une des cages de la nicnagorie , ou I'un des cnclos du jardin. Le tenis est venu de s'occuper du peuple , de son ins- truction , de ses jouissances. Assez de belles theories out e'le faites, ilfaut niaiutenant les appliquer. La vente du livre dont il s'agit pourrait , grace au desinteressfinient des professeurs , tourner au profit de INitablissement ; et ii serait juste que la na- tion contribuat ainsi a I'entretien d'uoe richesse toutenationale, et dont elle a le droit de s'enorgueillir. L. Sw.-B. 5. — * The geographical system of Herodotus examined and explained. — Le systeme geographiquc d'Hcirodote examine el explique, elc. , par le major J. Rennell. Deuxieme edition, retouclie'e. Londres , )85o; Rivingstone, 2 vol. in-80 , forinant ensemble 1000 pages environ. La geographic d'Herodote presente d'assez grandes difiicultes, surtout en ce qui concerne I'Asie et I'Afrique, et ses descrip- tions ne s'accordenl pas toujours avec celles de Strabon et des autres geographes grecs. Mais le beau travail du major Rermcll a jete les plus vivcs lumieres sur ce snjet intc'ressaut, et son 10. i4« LIVRES ft'rUANOl'hS livre sera cousidcro comme uii do plcis beaux lilrc:, de gloiie de I'drudition anglaisc. Les carles qui I'accompagnent onl tile dressdes avcc tout le soin possible , et contiennent pliisieurs rectifications d'erreurs cchappees a d'Anville. La premiere edition, en mi vol. in-4° , fut publiee, au coin- niencenient de ce siecle, et tircesenlenienta quelques exeni[)lai- les, comme c'est I'usage en Angleterre pour les livres spcciaux. Elle fut epuisee, en moinsde terns qu'on n'aurait du le croire , I'objet de I'ouvrage etant a la porlee de peu de personnes. ]ja. secoiide edition que nous annoncons est due aux soins de ma- dame Rood, fille du major Rennell : c'est un hommage rendu a la memoire de cet illustre savant, que les sciences et les Icllrcs viennent de perdre. F. Y. 6. — * Antiquities of Mexico. — Autiquites du Mexiquc , coniprenant des fac-similcf des anciennes peinturcs niexicaines , des hieroglyplies mexicains conserves dans les bibliolheques royales de Paris , Berlin , Dresde ; daTis la Bibliotlieque iinpc- riale de Vienne, dans celle du Vatican, dans le niusce Borghesc, dans la bibliotlieque de I'lnstitut a Bologne, etc. ; le tout ac- compagne etexplique par plusieursmanuscrits inedits d'un grand prix ; public par Augustin Aglio. Londres, i83o; Aglio; Whitlaker. 7 vol. in-folio. Voici venir un livre royal; un livre qui, dans sa magnifi- cence, rappelle les terns anciens, le splendide patronage des hauts et puissans seigneurs : rien n'y manque, luxe de carac- teres, de gravures, de papier; I'in-folio imperial, et sept volu- mes ! Les frais de I'edition tiree a petit noinbre s'elevent de cinquanle a soixaule inille livres sterling. Le prix de veute, qui n'est pas encore fixe, sera, dit-on , de 120 livres pour un exemplaire ordinaire, et de lyS livres avec planches coloriecs. Deux exemplaires imprimes sur velin sont eslimes a trois mille guinees. Et quel tems a-t-on choisi, bon Dieu I pour uue paretlle publication; meme chez nos riches voisins d'oulre-mer, elle est inopportune. Le drame qui se joue d'un bout a I'aulre del'Eu- rope depouille le passe de tout interet , de tout prestige. J/his- toire tout entiere est pour nous dansle present. Chaque minute qui s'ecoule apporte avec elle sa sensation dejoie, de crainte, d'esperance ou de desappointenient : la vie est toute d'action : plus de cetle existence contemplative qui fait le poele, le savant, I'antiquaire. La passion et la hale sc nielent a lout. Ou relrou- (iRAlNOK-lJUETAGlNE. i/j.) ver ces delicieux niomens tie loisir, si bien reinplis par les visions d'aulres lems , d'autres homnies , ce bonlieur de curiosite et d'avides recherchcs dans les annales poudreuses du passe? Ce recut'il d'antiquites.si rare et si precieux, est un banquet servi a desgens sans appelit. Le titre seul eut affriande jadis toiite la foule des bibliomanes , des boLiqninistes, des amateurs : aujourd'hui , tout somplueux qu'il est , il passe inapercu dans les pages d'ua journal. Tant de tresors tires a grand'peine des plus riches bibliolheques, ces debris d'un autre monde , d'une autre civili- sation , eveillent moins de syrapatliie , ont moins d'attrait, que les nouvellus arriviies hier de la Pologne. Aussi , notre annonce est-clle affaire de conscience de devoir : nous ne voulons pas que, s'il existe en France uu seul erudit assez absorbe dans la science pour lui rester fidele, il soit privt; par notre i'aute de pareilles ricliesses ; nous en citerons quelques-unes prises au liasard dans differens volumes. Tome I , una copie du Codex leleriaiw-remensis , conservce dans la bibiiolheque royale de Paris (gS pages) ; un i'ac-simile d'une peinturc hieroglyphi- que mexicaine , tiree de la collection de Boturini (23 pages); pkisicurs peintures mexicaines originales , et d'un haut interet , coinmc histoire , et comme art. Le tome deux contient la copie d'un manuscrit mexicain de i49 pages, conserve dans la bibiio- lheque du Vatican : des fac-similes de peinture , bas-reliefs, etc. Le troisieme volume se compose de meme. Le quatrieme donne jdusieurs lithographies et gravures ^xtraites de I'ouvrage inedit tic M. Dupaix sur la Wouvelle Espagne , des monumens , des specimens de sculptures mexicaines tires du Musee Britaunitjue; un cycle mexicain gravti ; une collection dequipos, et le coffre ptjruvien destinti a les contenir. Les trois derniers volumes com- preuneut le texte , el reufermeut les commentaires de vieux auleurs, anglais, fraucais et espagnols, sur les peintures hitjro- glyphiqucs des terns precedens : un commentaire de Dupaix sur les monumens de la Nouvelle Espagne , dessines par lui ; le sixieme livrc de I'histoire int^dite de la Nouvelle Espagne parSa- hagun, trailanl de la rhiitorique , de la philosophic , des moeurs et de la religion des Blexicains. I'hisieurs causes ont contribue a tenir TEurope dans une com- plete ignorance de tout ce qui concernait ies pcuplcs du nouveau monde. Secoudiis, des I'origine, par le fanalisiiic des soldals et des prelrcs , les couquJrans de la Nouvelle Espagne niircnl uue i5o LIVUES filUANGEKS. grande imporlancea effacer toule trace dela religion des Rlcxi- cains , a ancantir les mouuiiieiis de lour ancicniie gloire, en un mot, a etouU'er tout cc qui pouvait evoquer des souvenirs d'indcpendaiicc ; puis, la jalouse politique dc TEspagne, le nio- uopolc quelle fit long-lems'de ses nouvelles coiiquetcs, a I'ex- clusion des autres nations ; I'ignorance et la superstition de ces terns recall's , tout explique la destruction d'une foule dc docu- meus curieux. Les I'Jspagnols soiigcaient moins a s'cclairer sur le pays et ses habitans, qu'a enipcclier le resle dc I'Europe tl'ac- qucrir des luniieres a ce sujet : et des nicinoires historiques d'lin grand prix, resultat des savantes recherches de quclques niis- sionnaires inlelligens, dont les habitudes de travail et d'e'rudi- tion renipovtaieut sur le calcul el la prudence, fureut saisis et sequeslres. L'inquisition fit laccrcr et bruler les hyinnes reli- gieux et les chants cites dans I'index du precieux ouvrage de Saliagun. Tout ce qui a survecu des annales du Mexique se trouvc reuui dans cettc riclie collection , due aux efforts perse- verans de M. Aglio, et aux sacrifices de lord Kingsborougli , qui a I'ait les fonds de I'entreprise. L. Sw.-B. 7. — ''The Scottish Gael, etc. — Le Gael ccossais, oii Moeurs celtiques, telles qu'elles sont conservees parnii les niontagnards; description historique des habitans, des antiquilcs et des singu- larites de I'Ecosse, par James Logan. Londres, i83o; Smith Elder et C^. 2 vol. in-S"^. La profonde erudition qui regne dans cet ouvrage le rend digne de I'attention de tous les homnies instruits , et la lecture en est d'autant plus attachanle que M. Logan est anime d'un devounient enticr et de I'enlhousiasinc le plus ardent pour le iiujet qu'il traile. L' esprit de recherche se fait aperccvoir dans les moiudres details de son livre ; peut-etre menie s'exer- ce-l-il avec trop de niinutie sur des choses de pen d'impor- tancc. M. Logan se livre aussi a des excursions un pen trop t'requentes liors de sou sujet : ainsi il passe alternalivcment des inonts Grampians aux Alpes , du siege de Troie i* la bataille de CuUoden , de Tentabochiis , roi des Teutons , a Big Sam , porticr du prince de Galles ; niais uue foule de fails inleressaus se renconlrent dans toules ces digressions. Un reproche plus grave qu'on pent adresser a M. Logan est celui d'un defaut d'ordie chronologique, Ires-sensible dans un ouvrage tel que le slcn. Cliaque point est examine par lui avec tous les soins GRANDE-IIKETAGINE. i5i d'un littdrati!ur coiiscieiicieux ; niais tout se trouvc iiiclii de telle sorte qu'il serait difficile dc trouver iintncdiateiuciit ce qii'on y cliercherail. Nous reviendrons bientot suv les recherches de M. Logan qui familiarisent avec uu peuple fort jntercssanl, qu'un barde inoderne a deja rendu celebre dans loute I'Eu- rope. F. Y. 8. — Military Meinoifs of field-marshal! the duke of fVelling- ton, etc. — Memoires militaiies du feld-marochal due du Welling- ton ; par lo capitaine Moyle SnEKEU.Tomc )«"■. Londres, i83o ; Lougman. Petit in-S" de -295 pages ; prix , 5 shillings (6 f.). Get ouvrage , qui sera compose de doux volumes , fait partie de la Bibliotlieque de cabinet, redigi'e par M. le docteur Lardner. Le choix du sujct convient tres-bien aux Anglais; les autres peuplcs ne lui feront pas le meme accueil , qiioiqu'ils s'empressent aussi de recueillir tons les docuniens qui serviront un jour a rediger une histoire fidele de cette grande epoque ou I'art de la guerre deploya toutes ses lessources et en crea de nouvelles. Le redacteur de ces Memoires n'e t point d'accord avec les narrations francaises ; il nous apprend beaucoup de choses dont nous n'avions jamais enlendu parler ; il r.ous e'lonne par le nombre prodigieux de soldats et d officiers que nos amices perdirent en Espagne : mais la partie la plus ex- traordinaire de son rccit est, sans contredit , le chapitre 10, intitule : Campagne de sir John Moore. Ce general part de Lisbonne, a la fin d'octobre 1808, avec 35, 000 hommes d'ex- cellentes troupes; il pe'nelre dans la Caslille , fail une relraite precipite'e pendant laquelle les souffrances de son armee furont excessivcs ; arrive a la Corogne , il fait embarquci", les troupes a la hate ; mais les Francais I'alteigneut, et il est morteilement blesse -. ainsi se terniina cette campagne de txois mois dont le gou- vernement britannique avait beaucoup Irop espere , et qui est extremeraent louee dans ces Memoires. Les talens du chef et des officiers , la bravoure et la discipline des soldats, les pertes cinormes qu'essuient les Francais, landis que celles des Anglais sont insiguifiantes, rien ne manque a I'eloge du gcnc'ral Moore , sinon qu'il avait promis beaucoup et qu'il ne fit rien. Comme lout le premier volume est ccrit dans le meme esprit , on doit s'attendre a la meme partialitc dans tout i'ouvrage : les militaires qui le lironl pour leur instruction , s'ils ne sont pas Anglais , ne manqueroiit point d'aperccvoir celle alteration des fails, et i52 TJVHES ^^:Tl\A^"GERS. ({iiclques-iiiis poul-elie renonceront a cette lecture ; its auroiit tort. M. le capitainc Slicrer est iiu habile ecrivain de Mdnioircs, genre do littdraUuo plus iliHlcile qu'on iie le pense , car Texcel- lent y est aussi rare que dans tout autre ycnre, au lieu que le mediocre el le niauvais y aboiideut, coinnie parlout ailleurs. Nous reproclierons cependaut a I'hislorien dii due de Welling- ton rahsence de plusieurs dates qui auraicut donnii le nioycn de rapproclier les cvenenicns a peu prcs simultanes sur le vaste theatre de la guerre et de la politique, si iniportanles a I'epoque dont i! nous parle. Quelquefois nienie I'adniiration conslantc dont il fait profession pour tous les actes de son hcros lui fait iit'gliger les regies severes du bon gout ; nous lui ddnoucons a lui-mcnie le dernier alinda de ce volume , ou , apres avoir exa- gcre la force reelie de I'arinde francaise commandce par Mas- scna, et desiinue pour le Portugal, il ajoulc : « Ce corps de 60,000 soklats aguerris, inlrepides, ayant I'experience dupays, rassenibles sous les aigles de Napoleon , n'atteudait plus que le signal pour se porter en avant; inais Wellington occupait les montagnes, et le lion brilannique ctait en marche. « Cetle image est digne de I'epopee ; la simplicite et la pvoprhUe de style qui conviennenl a des Memoires ne s'accommodent point de cette magnificence. W. g. — The life of Titian , with anecdotes, etc. — Vie du Titien, avec dcs anecdotes sur les personnages les plus distingucs de son terns; par Jacques Northcote. Londres, i83o; Colburn el Bentley. 2 vol. iu-S". M. Norlhcote , qui s'est fait en Angleterre une reputation honorable comme peintre et comme litterateur, etait a meme de bien executer Ic plan d'un tel ouvrage. II ne s'est point borne a donner une biographic seche du Titien ; niais il a groupc pres de lui , avec beaucoup d'art j le Giorgion , Bellini , Leon X, Bembo , Francois i*'"', TArctin , Algarolti , Triboulet , Benvenuto Cellini, Paul Veronese, le Tintoret, Charles-Quint, Alfonso Lonibardi , Vasari, Hippoly te , Alexandi e , Catherine et Jean de Medicis, Clement YII , Paris Bourdon, Paul III, le due d'Urbin, Michel- Ange , etc. La parliela plus interessante du livre de i\I. Northcoteconsistc dans ses remarques originates sur la peintnre en general, sur les qualitcs particulicres de I'ccole vcnitienne, et sur le style du Titien , son illnstre chef; neanmoins, l;i foule de details va- GKANDE-nRETAGNE. i {,;'. rit's et curicnx qu'il offre sur des pcrsonnagcs do tons genres hi'i donue un iissez grand iufcret historique. 10. — Life of M" . Jordan, including original private corres- pondance , elc. — Vie de madanie Jordan , contenant sa corres- pondance on'ginale , et de nombreuses anecdotes sur ses contem- porains ; par James Boaden , auteur de la vie de Kemble , etc. Londres, i85o; Bull. i vol. in-S". L'Angleterre, plus encore que la France, voit cclore chaque jours de ces informes productions dues au charlatanisme des anteurs ct des libraires, et dont I'ouvrage que nous annonconsest iin exeniple recent. La pretendue correspondance de madame Jordan (actrice anglaise) consiste en une douzaine de Jettres assez insignifiantes, sans liaison, ct qui ne se rattaclient a aucun fait interessant ; quant anx anecdotes, elles n'ont aucun rapport a sa vie ; et M. Boaden a ramasse ce qu'on trouve partout : I'his- toire d'un duel du due de York avec le colonel Lennox, la revo- lution francaise , quelques details sur la vie de Georges III , la mort de John Palmer, et la vie de Frederic Cook, des jugemens sur Sheridan et sur Sliakspeare, sur Colman etO'Keefe, etc., etc.: tels sont les details nielcs dans ce livre , sans liaison avec ce qui concerne I'objet principal. If. — Memoir oj the ajfairs of Greece , etc. — Memoire sur les affaires de la Grece, contenant une notice des evenemens militaires et poliliques arrives en i8'i3etdans lesanniies suivan- tes ; avec des anecdotes sur lord Byron, ct des details sur sa derniore maladie et sa mort ; par J. Millingem , sergent de la bri- gade Byron a Missolonghi. Londres, i85i ; Radvvell. In-8°. Tout ce qui se rattache a la revolution qui a soustrait une par- tie de la Grece a la domination des Turcs inspire de rintcret. Tant d'horoisme et de cruaute se font remarquer dans cette guerre d'extermiuation; dc si grandes qualite's, des defauls si revoltaijscomposent la physionomie du peuple grec , qu'il n'cst guere possible de dezneurer indifferent aux efforts qu'il a fails pour recouvrersa liberie ! Le volume du sergent Millingen , pour qui ne cherche pas une histoire aulhentique et raisonnc'e.est un recueil amusant de trails de tous genres qui font mieux connai- tie le lieu de la scene et les acteurs de celte sanglanle tragedie, que ne pourrait le faire un livrc ccrit avec plus d'ordrc et de mclliode. Les details qui s'y trouvcnt sur lord Byron, et parti- ruliciemenf sur sa maladie et ses derniers iiistans, auraient pu i5/j i,iviu:s r;IKA^(i^:us. Hurvii' ii M. !Mo()i(; pour (:oin|ilc niorcuiiii rciiiiii'(jiiii|jlc ii i*li; njoulti roiiiinc .siiii|il(; uppc-ii ilurc H lii ti'uddtliuii , <|u'uii vii.'iil 'Ci:que ilc IM.Schu-ll. JNuu:< I'uvuiitt jugji digiic d'un urlidcBiHkial, parco <|u'il ouitliciil dch vuc'H ncuvc'H ft ingdiiicuKcii, L'iniKcs uvcc liurdici>»c' el iViiiicltisf. A {H.-iii« hi Tun uvuit uu HiU: , huit piu 1.1 l'lu'iiif:i(:. 11 I'luit r('h(,Tv uiici<.-ns uuli-uis lung iiiti.'t'vullij. iScluii Icii idi'cs iiouvi'llcb , la 'i'liiuce uiiiuii I'i'puiidii Hur lu (ji'l-co luM bicMil'uits du lu civilisation ; ollc- sciuii lu puU'iu den Giuch; iiiniH, dunii lu liuitu, Ic-H im» Ilcllcii<.-» au- ruic'ul dt'dttigiit! lu hcrccuu de Ivmii uijc(^truii ; il loui' rulluil iiiiv: Olivine pluh illu!>lrc-t ils voiiluio- nilif : lluiii>Mc> let trugiipiu^ , ni in£iiic lliirodoto, cpii uiiiiu luiil ri'!j{ypti- , igiiui'cnl vxa uH»i-rliuu». Cv dvrnicr n'u iioinnic (a: <:iopi> <|ui: truiit i'ui», c-l l'ii Htr tpi'il k- prouuil pour uu loi iiidigc-uu. II rc^ardv Ics Ailui- uiiMis coiiiiiii; UII pL-ii|)li: «pii juiiiuis ii'ii cluini^c dc n'.sidcia:)-. l/'uuli'Ui (li.iiiiilc iiigtitiicuscinctil (|ui.'lijui;> uitli<.-!< puh->u|{, pui-> ALLKMA(.NI«:. iT):". il olcvi; lies (lifliculli's coiilir I'opiiiion tics tolonics rj;yplifn- iios : ri-^syplicu loiinit h son sol ; il nviiil liorrciii- dc In iiicr , cl St q(icl(|iic i!vi/•<* ;' 1\1. Srliniulcr i>\iiiiiinc d'liliord l«; rccil fail ii Ilcrudoti* par Ics Clicininilcs siir Ics voyji}^cs ilc IVrscc , ct en rapproolto dciix niilrcs «pii pronvcnl conthicn pen il y avail didoes arrt-loes suo cello preloiulne nii^raliuii. 'i\in- Icl'ois , lions peiisoiis qnc rntilctii' allribne ii llorodolc nn pen Irop do logei'ole, lorsipril avaiice ipic lilhislre grec se sera coii- leiile (Ics vanterics des pi-i^trcs (rF-gvplc. inali^re Ionics Ics iii- coliercnocs cl Ics conlradielioiis qn'clles iinplifpiaicni. Voiciipii est pins conolnanl : i". Lc fnitdonl ils'agil dcvail. dniis la Irndi- lion, icinonlcr lo corns des a^cs dc 5oo niis nn-dcliidllonu-ic: i-epoiid«nl ccpuiilcuo couiiail pns la llnnlc-^yplo. i". l.cscon- slrnclions d'Ai-j{OS soul cycloiit'cnnes, cl n'oiil pas Ic carnclorc e^yplicn. .■)". L.cs Tlieriiiopl;orics que Ics reinincs |>eliisgiqiics doiveiil avoir apprises «lcs (illcs dc Danaiis se nillachonl an oiille deS Cultires cl noil a la rcli(;ioii «lc rKgyplc. 4". Si, ifioo aiisavaiil .lesns.ClirisI, Dniians olail venn . do clioscs en •inoins ilo |>ases , el cc pclil eoi-il pcnl I'Ire regarde ooniino la old" des sysli!ines nonvoanx ipii ro^ncnl djiii.s rAlloina)^iio sn- vanlc. i5. — * Ji. G. I\/iohiilirs nvmische Gesc/iicli/ti. — lli.siuiic ro- mainc dc NiEiniiin. Dciixiimr thiilion. T. Jl, Herlm , iH3o. i'.eUc unnonco snccincic iic pcnl a>oir pour lini que dc faito oonuailic rapparilion dc cc scc(uid \olniiie. Le liadticUMir no poiirrail d'adlcurs so li\ rcr Ini-nii'nic ii dc j^rands dovclo|ipcii)oii> sans M«'s.scr Ics coiivoiiunocs , piiis<|n'il.-. ^cl'Olll doiiiios par ooliu i5r, I IVUKS I'TRANC.ERS. tic iios collaboialciirs qui esl charge de pre'seuler I'aualysc du premier volume, et qui aura ncccssairemcnl a s'occuper de la suite. Le sccoud volume done n'alleinl pas, comme Ic faisait la premiere edition , Tan 4'7 de Rome ; rabondance des ma- tieres , la richcsse de la discussion I'ont tellcmeul grossi , qu'a- vec plus de 700 pages , on s'arrcte a 584 . et Ton dcpasse ainsi • J de quelques annees la mort de Manlius. Yoila pour la marche | de I'histoire ; voici maintenant pour les rccherches : elles sont 9 io4 90 Charleroy 4 1 3 569 162 17 »»9 381 Totanx. 1,389 1,689 543 5o 411 684, RELGIQUE AO'aires de simple police. , Condauiaes a 167 An-ondissemcns. JagcmcDS. k, rquittis. L 'cnipi -isonuenieDt. L'amenik. Moiis. 1,111 295 171 1,336 Touinay . 267 71 66 378 Cliarleroy. 160 . 39 1 1 216 I'olaux. 1,538 4o3 ^49 t,83o L,i situation ties hospices , dont le noinbre n'a pas varie, est toujours favorable. Leur populatiou, an 3i decembre i8aq, etait de 3668. Le nombre des enfatis trouves at abandonnes dans les hospices de Mous et de Tournay a die de iQ'iS, savoir : A Hons. ATournay. Kafans uoaves. 1,139 69 1 Knfans abaadonnes. 1 30 73 Lc recensemeiit des besliaux a produit un resultat peu diffe- rent de celui qui a eteobtenu en 1828 : 10,194 chevaux au-des- sous de 3 ans ; 39,593 chevaux au-dessus de 3 ans ; 1 8,944 betes ii cornes au-dessous de 1 ans , et yS.g'zS au-dessus de 2 ans. 37 (icoles nouvelles ont ete elabUes, la plupart dans les coin- Miunes qui en elaient depourvucs , en sorte que le noinbre des ecoles priaiaires estmaintenanl de 58 1, dont 4^3 sont publiques et i58 particulieres. Toutes ces ecoles soutdirigees par i3iasli- tuteurs de deuxienie rang , i48 de troisieme, et i52 de qiiatrieme rang; 4o instilutrices brevetees, aoo anciens instituteurs et inslitutrices munis d'uii certificat d'adniission provisoire ; et enfin par 48 aspirans admis provisoirement sans brevet de ca- pacite. Quant aux eleves qui out frcquente les athences et les colleges de la province, leur etat numeriqueest restc a peuprcs le meine. On a coinpte Sao eleves internes et666 elfevesexternes , en tout 1 186. Les deux rapports de la deputation des Elats du Hainaiit ren- fermenl sur les perles produitcs par les incendies et les orages des details qui nous out paru Ires-inipoi tans. Si on conlinuait a les douner avcc soin , ils fourniraienl des documeus precieux Iii(:endie:i.< i68 LIVRES FRANCAIS. jiour les societiis d'assiirances. Voici les itisullats evalues en lloriiis des Pays-Bas : l$i8. 1819. Jauvit-r » 15675, /jg l"'evriei- 393,7 a 6007, 35 Mars a38 8296 Aviil 3997,50 » Mai Juin 25oo Jnillet » 930 Aoul 6980 4o37 Scptembie 3oo i483o Octobie ao5o 13999,98 Wove mbre >• 1 5 6 1 o , 1 g , Decembre .1798,41 '777 592.1,98 79781,79 46859,76 2685 3^00 " Nous ne pouvons que leiterer le voeu devoir les autres pro- viuces de la Belgique suivre rexemple du HainaiU, afin de rcii- iiir les clemeus necessaii-es pour former un jour une stalistiquc complete de noire pays. A. Qu£telet. LIVRES FRANCAIS. Sciences physiques et naturelles. 23, — * Traite des hemorrhngies internes de I'uterus (jui sur- viennent pendant la grossesse , dans le cotirs du travail elapres raccouchemeiit;par A. C. Baudelqcque. Paris, i85i ; Crocliard. ln-8° de xx-484 pages ; prix , 6 fr. 5o c. La Sociele de mcdecine de Paris avail, en 1819, douuii , pour sujet de prix , le programme suivanl : Dclenniner la nature , les causes et le traiteinent des hemorrhagies internes de I'uterus qui surviennenl pendant la grossesse , dans le cours du travail et apri;s V accouchement . M. Baudelocquc Iraita ccUe question, u la satisfaction de la Sociele de mcdecine ; car ellc Uii dcccrna le prix. Mais I'auleur, joune encore, n'avait fait SCIENCES PHYSIQUES. 169 que travailler sur les materiaux des aulres, et u'avait pu s'ap- piiyer sur son experience personnelle. Dix aus de plus lui ont fourni un fonas oii il a puise ; el il publie aujourd'hui son Mc- moire, augmente des rtisultals de sa propre observation. L'objet dout M. Baudelocque s'est occupci est fort important pour le medecin praticien. L'liejnorrhagie uterine est une de ces maladies qu'il iniporte de reconnailre et de trailer rapidement. Si Ton s'y trompe, la mort de la nialade est inevitable; et, si Ton ne s'y trompe pas, riniminence du danger est telle qu'il faut du sang-froid et de la presence d'esprit pour combiner et appliquer sur-le-cliamp les remcdes convenables conlre un ac- cident , que quelques minutes perdues peuvent , en certain cas , rcndre irremediable. L'aulcur a traile d'une maniere simple le sujet qu'il s'etait donne. Apres avoir fait I'historique des recherches sur les he- morrhagies uterines , il passe successivement en revue , et dans autant de chapitres scpares, le siege de celle affection, ses causes, ses signes , I'e'jtat du liquide epauche, et enfin le traitement tant pre'servatif que curatif qui convient. Ces differenles parties ne laissent rien a desirer pour I'exacle connaissance de ce redou- table accident. A I'appui des propositions qu'il avance , M. Bau- delocque a intercale dans son livre un grand nombre d'observa- tions empruutees, les unes aux auteurs, les autresa sa pratique. Un esprit studieux n'accusera ui d'inutilite ni de secheresse ce grand nombre de fails que M. Baudelocque a pris soin dercunir et de coordonner. C'est en les meditant qu'on reconnait la juslesse de ses preceptes , et qu'on se familiarise avec I'hc- morrhagie uterine, et les moyens de la combattre. Les preceptes generaux suffisent sans doute pour faire le medecin savant ; mais ce qui fait le medecin habile, c'est la juste appreciation des par- ticularitcs si nombreuses qui sc presentent, et le choix prompt des moyens les plus efficaces. Or, cette habiletc ne s'acquiert que par I'etude des cas speciaux , qu'cn faisant et en voyant faire, et Ton pent dire que c'est etre spectateur que de lire des obser- vations choisies et delaillees. Rien n'est plus utile, dans les maladies qui demandent de la part du medecin une decision prompte, qu'un resume complet de toutes les ressources de la science; resume qu'il pent sc gra- ver dans I'esprit pour s'en'servir an besoin. Le chapilrc qui concerne le Iraitement, dans le livi c «lc M. Baudelocque , est un 1/" LI V RES FRANCAIS. boiicoinpliimeiil de loul I'ouviage. On upprcndia, en I'eludiaut, de quels moyens Tart dispose dans riieniorrliagic uleiiue, et quels sont Ics cas oil ces diflcrcns moyens doivenl ctrc employes. L'auleur a consacic plusieurs pages a Texanien des ell'ets du tamponnenieni, operation qui a ele diversement appreciee par les accoucheurs. Je termine cette notice, en Iranscrivant le re- sullat de ses reclierches sur ce sujet : « En rcsumant tout ce que j'ai dit sur Ic tampon , on voit : I". Que ce moyenconvicnt dans toules les hcniorrhagies ute- riues rebelles qui surviennent avant le sixifeme niois dc la gros- sessse ; et dans toutes celles qui , a une cpoque plus avance'e , reconnaissent pour cause I'implantation du placenta sur le pour- lour de I'orifice de la matrice ; '1°. Que le tampon convient encore dans les hemorrhagies qui suivent la sortie de I'enfant, lorsque la grossesse n'a point de- passele cinquicme mois , ou a une cpoque plus avancee, quand la perte depend d'une dechiruredu colde la matrice ou de vais- seaux variqueux de cette partie et du vagin , avec la precaution de surveiller I'etat de la matrice , que I'ou ait menage ou non une issue aux lociiies ; 0". Que, dans toutes lesautrescirconstances, le tampon doit etre rejete ; et que , s'il existe des cas exlraordinaires oil Ton se croie oblige d'y recourir apres la delivrance d'un accouchement pre- mature ou a terrae , il ne faut jamais ucgliger d'impregner de ■vinaigre, ou de tout autre liquide irritant, la substance dont on se sert pour tamponner, et surtout de comprimer le fond de la matrice a travers les enveloppes abdominales , pour empe- cher sa distension , ineme dix , douze a quinze jours apres I'ac- couchement. » 24. — Dissertation medico-legnle sur les signes et les sympto- mes de Vempoisonnement par I'acide arseiiieux , sur la valeur de ses caracteres, etc.; par ^//>//. DupASQuiER. Iiyon, i83o. lu-S". Ce Memoire doit son origine a une accusation d'empoisonne- ment portce devant la Cour d'assises du dcpartement de I'Ain , contre madame D'a... Je ne sais si I'autopsic du corps de la personne qu'on soupconnait morte du poison ne put etre faite , ou si la substance veneneuse ne fut pas retrouvce par I'analyse •chimiquc. Quoi qu'il en soil, I'accusee souinet, a I'apprcciation de M. Dupasquier , I'expose des symptomes qu'a presenlcs SCIENCES PHYSIQUES. 171 M. B..., dans sa derniere maladie , et dcmande s'il est possible d'en conclure qii'il y a eii empoisonnement, Quelques medecins legistes ont peuse qu'il existait une sdmeio- lique certaiiie dans des cas pareils , et que , sans la presence du poison , on pouvait demontrer par les syniptomes seuls la rea- lite du cnme. Ce n'est plus I'Dpinion des medecins e'claires qui se fiont le plus occupes de cetle nialicre dans ces deiniers terns ; el !e resultat de leurs recherches, c'est leur assentiment donne a la proposilion de Plenex , qui dit dans sa Toxicologie : Uniciim certitm signiim dati veneni est nolitia irwenti veneni vegetabilis , et criterium chimicum dati veneni mineralis. La medeciue ne peut pas aller plus loin dans les informations qn'elle donne a la justice , sans depasser le cercle on elle agit a vec certitude ; quand le seul signe certain manque, c'est aux juges a apprecier les preuves morales : le niedecin ne leur apporte de i'etude des symptomes que des probahilites. C'est sous ce point de vue que M. Dupasquier a repondu au Memoire a consulter qu'on lui avait soumis. II a d'abord repro- duit cette these, qu'on ne peut etablir la preuve d'un empoi- sonnement sur les symptomes seuls. Puis, passaut en revue di- verses observations d'empoisonnement par I'acide arsenieux, il a fait voir que la plupart d'entre elles se resseniblaient , sauf quelques-unes qui ofFraient des accidens tout particuliers. Or la courte maladie qui a emporte M. B..., n'a pre'sente ui les symp- tomes communs au plus grand nombre des empoisonnemens par I'acide arsenieux, ni les accidens singutiers qui se sont rencou- tres dans quelques cas. li en conclut qu'il n'est pas prol)ableque M. B... ait e'te victime d'un empoisonnement. Les raisonnemens de M. Dupasquier sont fort justes ; et il n'y aurait pas d'autre argument a leur opposer que I'autopsie et la decouverte du poison. Si cela arrivait, ce serait une preuve de plus a ajouter a la bonte de ses raisons et a I'incertitude des symptomes. _ E. L. 25 . — *Memoires metalhtrgiques sur le traitement des minerals defer, d'etain et de plonib en Angleterre , faisant suite au Yoyage metallurgique de MM. Dufrenoy etElie de'^Beaumont , Jngenieurs des mines, par MM. Leon Coste , aucien eleve de I'Ecole polytecbnique , ingenieur au corps royal des mines , et Auguste Perdo.n.net, ancien eleve de I'Ecole polytechnique et de I'Ecole des mines, membrc de la Sucicte helvetiquedcs sciences 172 LIVRES FRANC.AIS ualuiellcs. Paris, i85o; Hacliclier. ln-8" de i\ el 4i5 pages, avec nil alias de i4 grandes planches gravt'cs ; prix, <) fr. Cellc iiouvellc tournce, failc dans la lene classique de 1;: HJclallurgie, par deux ingeuieurs fiancais , t!es-capal)les d'ap- prccier les iiiodincalioris apporlties par le terns el la niarchc progressive de rinduslric , est d'un haul inU'rcl. Elle sert a conslater les fails deja observes par MM. Dufrciioy ct Elie de Beaumont, a les rectifier quelquefois , et aussi a fairc connaitre ceux qui se sont nianifesliis depuis, ou qui avaient echappc a la recherche de ces zeles investigateurs. Plusieurs avantages inarquans doivent resuller pour le public induslriel dc la publi- cation de ce nouveau voyage : les melhodes et les proccdes que MM.CosleelPerdonnetont Irouves semblab'lesa ceux qui elaient deja mis en usage , lors de Pexploration de leurs devaucicrs , pourront passer pour avoir subi la sanction du terns et dc la pratique, sanction qui assure la perfection, en Anglelcrre sur- tout , oil I'industric est loin d'etre stalionnaire et esclave de la routine. Les rectifications qu'ils out constatees sont cgalemeni importantes, puisqu'elles n'ont eu lieu qu'apres eprcuve ; enfiu les fails nouveaux, qui sont en grand nonibre , offrent tout Tiu- teret qu'ils sont susceplibles de produire, etanl prcsenttis par des observateurs judicieux, et que leur grande liabitude de voir et de conslater ont niis a menie d'offrir les fails sous leur veritable aspect. La publication de celte suite a un voyage nielallurgiquejus- tement estime sera done d'une ulililc majeure pour les maitres de forges et de fonderies. Ces excursions, dans les pays ou I'art si- dcrotechnique est pousse a un haul degre de prosperitii , sont d'une grande ulilile pour la France , ou cctte industrie n'a pas encore alleint la perfection qu'elle est susceptible d'y recevoir un jour; et nous devons , sur ce point encore, des cloges a M. Perdounel en particulier, qui a deja pul)lid le resullat de ses observations dans la Saxc , ct surloul dans ce Ilarlz qui esl coninie une vaste nsine. Si de ces observations sur I'opportunite de la pubiicalion de I'ouvrage nous passons a I'exanien de son execution , nous n'au- rons qu'a feliciler les auteurs sur I'ensenible de leur travail ; point de longues digressions , point d'inutilites , comme il ne s'eu rencontre que trop souvent dans les livres anglais el alle- inands; point d'abus de forniules et de luxe algebrique : tout y est naturel, clair el d'uue perception facile. Ce nc sent, si Ion SCIENCES PHYSIQUES. ijS vent, que dos notes, mats des notes dii plus liaut intdrci, classe'es avec ordre et inlcniion. Assuroinent , iiiie parlie des nombreux documens contenus dans celte revue des moyens de fabrication usilcs chcz nos voisins se trouvent etre les mcmes , ou a peu pies , que ceux ddja publics par Karsten , Pelouze , MM. D. et L. dans leur metallurgie pratique dc 1827 et par d'aulres siderur- gistes; mais ilya presque toujours quelquechosea gagner a lesre- trouver plus clairs et plus precis dans le livre de MM. Coste et Perdonnet , qui rapportent d'ailleurs ce qu'ils ont vu execuler, et produisant eflet , circonstances d'une haute importance rela- livement a la confiance que pent inspirer un procede. Les au- teurs ont ete moins heureux dans la description des divers ou- tils-inacliines , tels que tours, alesoirs et autres moyens de fabri- cation , ulterieurs a la production de la malicre premiere. Leur connaissauce moins approfondie de cette seconde partie ne leur a point pennis de mettre le doigt sur le point interessant a con- stater, comme ils I'ont fait partout ailleurs ; et cependaut encore il resultera de I'apercu des mecanismes qu'ils ont dessines une vive lumiere pour les mecaniciens qui , en les de'veloppant , y trouveront des mouvemens ingenieux et bien combines. Nous aurions desire , dans ce livre utile, une description plus circon- stanciee des macliines soufflantes, qui ne sont pas partout, chez nous, dans un etat satisfaisant de perfection. INous aurions de- sire aussi I'avis des savans voyageurs sur le nouveau procede mis en usage dans les fourneaux de la Clyde, et qui consiste dans la substitution de Tair echauffe a 220 degres Fahrenheit , a I'air afmosplierique ordinaire , pour alimenter le feu des fonderies : procede qui , assure-t-on , doit procurer une economic conside- rable de couibuslible. Mais ily aurait injustice a demander que tout se Irouvat rapporte dans un ouvrage restreint a un seul volume, dans lequel les faits essentiels a connaitre sont, pour ainsi dire , entasses les uns sur les autres. OE. 26. — Vaisseau insubmersible , ou Methode de construction navale fondiie sur les lois de la gravitation universelle; par M. NosAREwSKi. Paris, i85o ; madarae Huzard. In-S" de go pages; prix , 2 fr. 5o c. Mous n'essayerons point de donner a nos lecteurs une idee de la forme que M. Nosarewski regarde comme la plus conve- nable pour les vaisseaux; nous ne sommes pas assures de I'avoir bien compris. Comme il n'a pas joint un dessin a son Memoire, 174 LI V RES FRAN^AIS. il faul que liinayiiialion dc scs Icclciirs y siijiploe ; el, comnie il so dispense dc toule application du calcul, on n'a pas ce qu'il f'aiidrait pour verifier ses raisonneniens. Dans I'elat actuel des sciences et des arts qu'elles cclairejit el dirigenl , on ale droit d'exigcr que les vues nouvelles , les ameliorations proposees , Ics projets , etc. , se presentent acconipagnes de tout ce qui peut en faire apprecier le merite reel, el surlout qu'on en bannisse ces formes dc raisonnenient don I I'iniaginalion fait prcsque tous les frais , qui sent principalement fondes sur des coniparaisons dont rinexaclilude est assez connue. L'imagination s'est char- gee seuie d'introduire les lois de la grawitation unwerselle dans les recherclies de M. Nosarewski sur la forme des vaisseaux , en tenant a I'ecartdeux sciences dont I'aridite ne I'accommode point, et qu'on ne peut separer de relFrayant cortege des for- niules algebriques ; cependant les lois de I'hydrostatique et de riiydrodynamique ne sont point sans autoritu, dans la question dont il s'agit, et les forinules algtibriques sont I'expression de ces lois et de Iciirs consequences. Ce Memoire n'est done pas tel qu'il le fandrait pour que I'art de la construction de;; vaisseaux put en tirer quclque profit. Une parlie du public est assez dispose'e a croire que la mor- gue de la science repousse froquennnent les inventions qui se presentent sans la recominandalioa de quelque forme savante, et qu'elle exige qu'on lui parle dans son propre idiome, cor • rectement, avec la justcsse d'expression dont elle a pris I'ba- bitade : c'esl principalement aax corps savans , juges competens et legaiix de ces inventions, que Von impute le tort de priver a la fois ie pui)lic d'une de'couverte , et le genie de la recom- ])ense qu'il a merilee. Le reproclie serait tres-grave, s'il elait fonde ; cependiual on ne peut citcr aucun fail de cette sorte ou les corps savans se soient mepris sur la valeur reelle de ce que Ton soumellait a leur examen , si ce n'est uu petit nonibre de cas oil leur juste sevcrite a etc mise en defaut. Les erreurs qu'ils on I pu commellre sont des exces d'indulgence plutol que d'injusles refus. Les inventeurs qui redoutent un tribunal trop eclaire s'adressenl direclement an public dont il est plus aise d'obteuir les suffrages ; il est rare que des journaux complaisans ne se cbargent point de vanter leurs productions. La Recue Encyclopedique n'est pas de ce nombre ; elle regarde comme un devoir de ne louer cpie ce dont un examen attentif a fait con- SCIENCFS PHYSIQUES. 175 uailic rulilile; elle insistera toujours poi-r que Ics dccouvcrtes dans Ics sciences et les arls soicut souinises avanl lout au juge- inenl ile I'Academie des sciences. La question que RI. Nosa- rewski a traitee est d'une assez haute importance pour attirer laltenlion de nos academiciens , si les vues de I'autcur leur pa- raisscnt justes et propres a procurer de nouvelles ressources a I'art des constructions navales. F. 2^. — * Essai historique , geogrnphique et statistique siir le royaume des Pays-Bad ; par MM. Adr. Balbi et Delaroquette. Paris, i83i ; Jules Renouard. Bruxelles , a la librairie pari- sienne. Grande feuille coloriee; prix , 6 fr. ; collee sur toile , 8 francs. Le travail dout ce tableau est le resultat fut immense pour la partie historique ; car aucune partie de I'Europe ne fut le thea- tre d'aussi nombreux eveneniens que cette contriie dont I'cten- due n'excede guere le huitieme du territoire francais. Les savans et laborieux redacteurs ont consacre pres de la niuitie de leur cadre a ces fails donl I'expositiori etait indispensable, et qui, mis ainsi sous les yeux de I'observateur , saisis a la fois par la pensee , font naitre de tres-serieuses reflexions. Comment les Beiges pourraient-ils se promettre quelque repos , dans I'isole- ment et I'etal de faiblesse oil ils vont se trouver , eiitoures de voisins peu interesscs a les protcger? Que la France les recoive dans son sein , qu'elle les associe a ses destinees , qu'ils parta- gent avec nous les biens et les maux que le terns nous apportera successivement : quoi qu'il puisse leur arriver apres cette union, leur situation sera plus avantageuse que tout ce qu'ils peuvent raisonnableiiieut esperer de I'independance a laquelle ils aspi- rent ; il u'y a plus de surete pour les petites nations : la Suisse prend la genereuse resolution de re'server toutes ses forces pour la defense de son territoire , et d'en faire respecter la neutralite; le pourra-t-elle ? oui , sans doute , si I'Autriche ou la France ne trouvent pas un tres-grand avanlage a forcer cette barriere , si les combinaisons strategiques peuvent iiegliger cette petite partie du vaste theatre d'une Tiouvelle guerre europeenne. La Suisse restera neutre , avec la permission de ses grands voisins; les armees etrangeres I'envahiront , si, les generaux ou les ca- binets I'ordonnent : telle est I'inevitable destince des nations dont les forces ne peuvent seconder le courage. Quant a la Bel- gique , elle u'aspire pas, sans doute, a rester neutre enlre des 170 LIVRES FRANCAIS. nations voisincs qui eii viendraient anx mains ; ellc serait en- valiic, on se ballrait siir son lerriloire; elle paierait une partie (les frais do la guerre. Au reste, quarid mumc ces observa- tions ne seraient pas toul-a-fait justes , elles serviraient, aunioins, a prouver I'litilile dcs tableaux tels que celui que nous avons sous les yeux ; c'est une suite de gros volumes qu'on parcourt en queiques instans , et dont la substance rapprochee , ct en quelque sorte condensee , se prcle mieux a toutes les ope- rations inteliectuelles , fait apercevoir des rapports qui eussenl echappc a I'attention , amcne des resultats qu'on n'eut jamais obtenus par un procede moins rapide. On voit, par ce tableau, que, lorsque la Hollande sera cons- titude en royaume separe de la Belgique , elle aura , dans ses provinces d'Europe , une population de 2,026,000 liabitans , et dans ses colonies , 9,489,000 : que la Belgique , privde de colonies, aura 5, 816,000 habilans. Si la guerre eclatait entre ces deux Elats voisins et natiirellement enneniis , le resultat n'en serait pas douteux , si quelque puissant auxiliaire ne venait pas au secours de la Hollande. Y. 28. — Anmiaive de Provence, ou Ahnanach hislorique , in- dustriel et scientifique des departemens dcs Bouches-du-Rhone, du Var, des Basses-Alpes et de Vaucluse, pour I'an i83i , dedie a M. Alexis Rostand, niaire de Marseille, par F. C. el D. R. Marseille, i85o; Canioin. In-18 de Lxv-220 pages; prix, i fr. 5o c. Jj Annuaire de Provence doit beaucoup a I'Annuairedu bureau des longitudes ; niais ou ne saurait lui faire un reproche de ses eniprants, cette source etant I'une des nieilleures pour les ma- tieres gcncrales. Quant a ce qui regarde les documens sur les localitcs, nous avons vu avec plaisir que les auteurs se sont ccarte's de la fausse route suivie par leurs confreres des autres parties de la France. Dans la redaction des annuaires des de'- partenicns , ils n'ont pas compose leur livre avec les alnianachs de Paris ; et , a part I'emprunt que nous venons de signaler, une bonne partie de leur travail est relalif a la Provence et pent satisfaire la curiosite des lecteurs. {jSl Notice Itistorique et statistique , qui precede les autres matieres , est bien concue dans son ensemble , mais laisse beau- coup a desirer relativement aux details. Dans la partie histo- rique et arclieologique, des faits sont tronques; d'aulres sont SClENCPS PHYSIQUES. 177 omis; les auachronisines sont frequens , el Toidre des dates trop souvent interverli ; la statistique, cgalement negligee , renferine cependaut des documens curicux et qui pronvent que les au- leurs pouvaieut faire mieux , s'ils s'etaient penetres davantuge de I'iiTiporlauce de leur travail. Oq y voit, par exemple , que, dans le departeinent des Bouches-du-Rhone, le produit nioyea de I'arpent de terre est c value: terreslabourables, 49fr.; vignes, 83 fr. ; pres , 28 > fr. ; bois , 6 fr. ; et que la paitie boisu'e forine environ le quinzienie du teriitoire; que , dans le departenient du Var, cette evaluation est differente; que les lerres laboura- bles rapporleut, terme moyen , 34 fr. ; les pres , 109 fr. ; les bois, 5 fr.; que, dans les Basses-Alpes , dont la partie boisee forme le dixieme, ce nierae produit est ainsi evalue : terres laboura- bles, i3 fr.^ vignes, 5o fr. ; pres , 67 fr. ; bois , a fr. ; qu'eufin, dans le qualrieme departemcnt dependant aussi de I'ancienne Provence (Vaucluse) , la partie boisee forme la sixieme partie du territoire , el que le produit pioyen des terres y est ainsi evalue : terres labourables , 3i fr. ; vignes , 20 fr. ; pre's , io5 fr.; bois, 5 fr. On concoit qu'un relevc pareil, fait pour les de'par- temens , presenterait a Tindustrie et aux liautes speculations comnierciales un document prccieux , en meltant le mauufac- turier et le commercant a meme de voir d'un coup-d'oeil le lieu oil il serait le plus convenable de fonder un elablissement de fabrication quelconque. La notice sur la decouverte, la con- struction etl'applicalion des machines a vapeur, est iusuffisante. Dans ces matieres complique'es , qu'un gros volume de texle et un atlas peuvent a grand'peine faire comprendre, une notice de quelques pages ne peut mSme donner une idee approxima- tive ; et mieux vaut, en ce cas , ne pas I'enlreprendre. La meme observation sera applicable a la notice sur le forage des puits arlesiens : la seule chose utile a coustater est le nombre de ces puits et la description de I'effet produit. Quant aux observa- tions meteorologiques , elles rentrent parfaitement dans le cadre de I'Annuaire, si toutefois les auleurs se renferment dans la pu- blication des fails remarques dans leurs climats. S'ils veulent etablir des theories , nous leur conseiUons de consulter les ou- vrages des physiciens niodernes et dans les originaux menies. S'ils lisent attentivement la physique de Pouillel , ils reconnai- tront qu'ils sont en arriere sur divers points, et notamment sur T. WAX. JANVIER I 83 I . 12 i7« LIVRES FRAN^AIS. I'ulcctriclle , el que les notices qu'ils donneut a leurs lectcuis sont en parlic erronccs. Nous (Icsirons ncaniiioins que rAnmiaire dc Provence soit continue , parce qu'il s'y rencontre beaucoup de bonnes choses. Si, des le debut, il n'est pas ce qu'il pourra devenir un jour, il suit en cela la niarclic ordinaire, et les auteurs out Iburni la preuve de leur capacitii a le perfectionner. Nous devons le dire, a leur louange , leur point de depart est plus e'levc que celui des cnlreprises analogues; il ne tient qu'a eux de reudre leur tra- vail plus utile et plus interessant encore. D. X. 2C). — jilinanach des 25,ooo actresses des principaux habi~ tans de Paris , pour i83i , contenant les uonis et les demeures de toutce que Paris renferme de personnes distinguecs par leur rang ou par leurs fonctions , ainsi que des renseigncmens sur les objcts d'ulilile , d'instruction , de curiosile ou de plaisir qu'il prusente ; suivi d'unelistede MM. les niembres de la Chambre des pairs etd'une liste de MM. les niembres de !a Chambre des deputes , classes par ordre alphabetique. Dix-sEi'xifiiME fenixiON , rcnferniant un grand nonibre de nouvelics adresses , les desi- gnations d'tilecteurs et d'eligibles, et les ouvrages des honimes de Icltres , savans, peintres et compositeurs qui habitent la ca- pitale. On yjoint aussi I'indication des voitures publiques , autres que les niessageries, qui font le service des environs de Paris, et conduiscnt dans les principales villes du royaume, et des renseigncmens snr les nouvelles voitures qui circulent, les lieux oil elles stalioiinent, et les lignes qu'elles parcoureut dans Paris. Par//eMr/DuLAc. Paris , )83i ; Panckoucke, rue des Poi- tevinSjii" i4- Un fort vol. in-12 de 698 pages ; prix , 5 fr. Sciences religieuses , morales , politiques et lustoriqiies. 00. — * Tlworie des sentimens moraux , ou Essai analytique sur les priucipes des jugemens que portent naturellement les homines, d'abordsur les actions des autres, el ensuite sur leurs propres actions ; par Adam Smith ; suivi d'une Dissertation snr V origine des langues , par /e menie ; traduit de I'anglais sur la seplieine edition, par madaine S. de GROucny, marquise de CoNDORCET ; elle y a joint huit Lettres sur la synipathie ; Se- conda edition, revue et corrigde. Paris, i83o; Barrois I'aine'. 2 vol, in-8" de xiv-4oo et 445 pages; prix, i4 fj'- SCIENCES MORALES. 179 Si nous n'avions conside're que I'importance de cet ouvrage , nous lie nous serions pas contentes de luL consacrer un simple article de bulletin. Mais il est trop ancien et trop generalement connu pour que nous eu fassions I'objet d'une analyse deve- loppee. D'une autre part , nous ne pouvons non plus repro- duire les critiques souvcnt repetees auxquelles il a die en bulte. Nous nous borncrons done a presenter un compte sommaire de la Theorie d'Adam Smith pour ceux de nos lecteurs qui n'en auraient pas encore connaissance. Les actions humaines sont jugees bonnes ou mauvaises , mo- rales ou imniorales. Quel est le piincipe de ce jngement? Selon les uns , c'est une faculte particulLere de rintelligence humaiue ; selon 1-es autres, c'est le rapport de I'acte avec I'interet general ou I'utilitc publique. Adam Smith rejette Ces deux explications, et voici celle qu'il y substitue. Tout individu qui agit est guide par un sentiment, Ainsi I'amour paternel , I'amour filial, la reconnaissance, le ressentiment , etc., engendrent certaines actions. Or , sinons sympathisons ai\ec\e stnliment quia porte an homme a agir, nous trouvonssou action bonne, mOrale , conve- nable. Nous portons un jugement coutraire , si nous ne pouvons nous mettre a I'unisson du sentiment qui I'anime. Tout le sys- tcnie de la morale se fonde sur celtc relation du spectateur et de Tageut. L'effort que fait le spectateur pour sympatliiser avec I'agenl constitue les vertus aimables , telles que la. bienfaisance , I'indulgence, la politesse , etc. L'effort que fait I'agent pour se mettre au ton du spectateur donne naissance aux vertus respec- tables , telles que le courage , I'austerite , le devoument, etc. Smith passe ensuite en revue les passions auxquelles nous accordons plus ou moins notre sympathie. Nous la refusons aux passions qui naissent du corps et aux passions insociales. Nous en eprouvons une trcs-vive pour les passions sociales. Celles qui viennent de rimagination ou de Tamour de nous- mcmes tiennent le milieu entre les deux premiers genres. Le spectateur sjmpatliise plus facilement avec les sentimens agreables qu'avec les sentimens pe'uibles. De la notre ccnside'- ralion , notre euipressement pour les gens distingucs par le rang, la naissance ou la richesse. De la aussi rambition ; car, dans I'opinion de Smith , nous ne de'sirons la fortune et les dignites que pour obtenir la sympathie des hommes. La moralite ou la convenance d'une action depend done de 12. i8o LIVRES FRANgAIS. uotre sympathie avec sa cause , c'esl-i-diie , avnc le sentiment qui I'inspiie. Mais uue action, inddpendaininent decelui qui la fait , implique un individu qui la recoil. Elle excite en cc der- nier certains sentiniens. Or, notre sympathie pourles sentimens de celui sur lequel on agit determine ce qu'on appelle le mdrile ou le demerite dei'action. Si le speclateur partage la reconnais- sance de celui qui a recu un bienfait , Ic spectateur juge que Taction est meritoire , c'esl-a-dire , qu'elle merite recompense; s'il eprouve une partie du ressenliment d'un homme ofl'ense , il prononce que Taction est demeriloire , c'est-ii-dire , qu'elle nicrite chatiment. Aiusi , pour qu'une action ait quelque degre de me'rite ou de demerite, il faut qu'elle ait produit son effet. La fortune influe done sur nos jugemens nioraux. Quelques soins qu'ait pris uu de nos amis pour nous faire oblenir un emploi , notre recon- naissance est bcaucoup moins vive , si ses efforts n'ont pas et^ couronnes de succes. De meme le jury acquitte bicn plus sou- vent celui qui a voulu commetlre un meurtre sans pouvoir TaccompUr, que celui qui Ta commis en efl'et. Ce qui parait ici au premier coup-d'oeil un vice de notre jugemenl est, dans Topinion A' Adam Smith , un dessein de la Providence. Si le sentiment suffisait pour constituer le demerite ou le merile de Tagent , la police sociale degenererait en inquisition , et la bien- faisance s'endormirait dans lequielisme. Nous approuvons ou blamons notre propi'econduite , en nous raettant a la place du spectateur impartial, et en examinant s'il sympathise avec le sentiment qui nous a guides. L'eloge d'autrui n'est pour nous un si vif plai.sir que parce qu'il nous annonce d'une mauiere certaine la sympathie de ceux qui nous ■ observent. II ne s'agit pas ici d'une approbation du bout des ' Ifevres , mais d'une louange qui est Texpression sincere des sen- timens sympalhiques. Cette derniere est la seule qu'ambitionne j Thomme vertueux : la premiere est la pature de Thomme vain. ■ La conscience est done cette voix qui nous avertit de la sym- m pathie reelle de nos semblables. Un homme qui aurait ete elevi 1 dans la solitude n'aurait pas de conscience. Mais, comme cette voix intime pent etre souvent etouffee par le cri bruyant de nos passions , les philosophes se chargent d'examiner dans quel cas la sympathie nous est acquise, dans quel cas elle nous est refusee; ils converlissent leurs observa- SCIENCES MORALES. i8r tious en regies gencrales qu'ils euseignent aux peuples , et que les peies tiansinellent aux enlaus. Le souvenir de ces regies nous eclaire dans les momens ou la passion pourrait nous trom- per sur la ve'ritable synipathie du spectateur, et c'est avec raison qu'on regarde ces prcceptes coinnie des lots emanees de la Dwinile , puisqu'elles sont fondees sur la constitution hu- maine qui est I'oeuvre de Dieu ; ce sont ces regies gcne'rales qui fondent nos devoirs etnos droits. Adam Smith ctablit , d'apres cette doctrine, une classification des vertus, et il entreprend ensuite I'examen des systenies de morale qui out precede le sien. Lc lecteur, en suivant cette courte analyse, aura probable- ment senti naitre dans son esprit plus d'une objection et d'un doute ; niais il n'aura pu s'enipecher d'admirer renchainement des peuse'es , el le talent avec lequel I'auteur rattache toutes les parties de la morale au principe qu'il a pose. Dans une doctrine, meme fausse, I'ordre et la clarte nous seduisenl et indiquent la force de I'esprit. Dans les lettres que madarae de Condorcet joint a sa traduc- tion elegante et fidele, elle clierche quelle est I'origine de la sympathie , et voici a quel fondeinent elle rapporte ce pheno- niene. Quand nous eprouvons une sensation douloureuse , indcpen- damment de la douleur locale , nous somnies aflectes d'une dou- leur generate, ou d'un sentiment de malaise qui se repand dans tous nos membres. Le souvenir de la douleur locale suffit pour reveiller ce vague sentiment de malaise. Quelquefois meme ce sentiment devicnt si vif qu'il ranime a .son tour la douleur locale qui autrefois lui a donne naissance. Voila pourquoi , a la vue de la douleur d'un de nos semblables , le souvenir de nos propres douleurs suscite ce malaise general que nous appelons sympathie ; et voila pour- quoi la sympathie va jusqu'a nous faire croire que nous soinmes frappes nous-memes a I'endroit oh nous voyons le coup tombcr sur autrui. Mais, poursuit madame de Condorcet, si nous n'eprouvions que cette sensibilite passagere , nous ne serions pas des etres moraux. La reflexion fixe le souvenir du mal physique, et la peusee durable du mal d'autrui nous conduit a la pratique de la bienfaisance. La reflexion nous fait encore considerer si le 1 82 LIVRES FRANgAlS. bien que uous allons faire ue de'rangcra pas iin bieii plus cou- sidcrable; elle nous apprend a choisir cntre les bienfaits, (juelqutlois a faire le nial pour en bbteiiir un grand bien, et c'est lit ce qni constitue les Ulees morales. La Vertn est une action qui procure aux autres un plaisir approuvc par la re- Jlexion ou le raisonnemenl. Le crime est un acte qui cause un raal que le raisouneuient desavoue. Pour Adam Smith , la mo- ralitc repose uniqucrncnt sur la sjmp alkie ; pour niadanie de Condorcet, le bien moral a pour base ; sympatlde cl reflexion. La dissertation sur I'origine des langues renfcrmeunc admi- rable coniparaison des langues anciennes et des langues mo- dernes : Adam Smith fait voir avcc une clartc qu'on n'a egaliie nulle part comment les premieres sout complexes el les secondes analytiques, AdolpJie Garnier. 5i. — * CoUeclioii des constitiilioiis , charles et lois fonda- mentales des peiiples de V Europe et des deux Amdriijues, etc. Supplement par P. A. Dorxu. Paris, i85o; Pichon et Didier. In-8° de iii el 220 pages ; prix , 4 fr. yS c. II y a six ans nous reudimes conipte dans ce recueil de riai- porlante collection de MM. Dufau, Duver&ier et Guadet (voy. Rev. Erie. , t. xxv, p 55 et suiv. ). Nous ramenons a cet article ceux de nos lecteurs qui voudraient connaitre le plan el Texe'- cution de cet ouvrage. Nous ne pouvons que louer M. Dufau d'avoir public le supplement que nous annoncons aujourd'huiet que s'empresseront de se procurer saus doule,tous ceux qui possedent !a collection dont il est I'un des aiiteurs. Ce snpple'- menl contient pour I'Europe : la loi orgatiiquc de la confedera- tion germanique sur sa co.nslilution militaire; la loi organique sur les etalsprovinciaux de la Piusse ; I'acle d'abdication de don Pedro et \» charle consliluliouneHe douuee au Portugal en 1826; les principes coustilulifs de {'empire Oltoman; la constitution politique de la Grece et celle du canton du Tessiu. Pour I'Anie- rique septeutrionale , la constitution de la Virginic adoptee en i83o; I'acte constitutif de la federalion mexicaiue de 1824; la constitution de Guatemala, de la meme annee, pour I'Amt'rique nic'ridionalc ; la constitution de Tempirc du Bresil de 1824 ; le decret organique et la constituliou de la republique de Colom- bie de 1824 et de i83o; la constitution politique du Perou de 1823,- la constitution de Bolivia et celle du Chili. Ces divers docamcns sent acconipagnes de pieces historiques qui en faci' SCIENCES MORALES. i83 lilcnl I'iiilclligence. Nous ne ferons qu'ime scule ol)servalion ii M. Dufaii ; c'est qu'il s'est trop hale tie publier ce supplement a sa collection. En efFel, du train dont vont les choses, il est fort presumable que, dans peu de terns, il devra doniier una iiouvelle suite a son travail. La Belgique s'occupe de sa consti- tution; la Suisse eiiliere repudie le sysloine oligarchi([ue qui lui fat impose en i8i5; la malheureuse Pologne a secouii lejoug de ses oppresseurs, ct prepare ses amies pour souteni;' la lulle terrible dans laquelle clle est a la veille de s'eiigager. Et nous- nienies , quoique M. Dufau ail terminc son supplement par un appendice qui conlicnt la charle constitutioDnelle , amendce apres les glorieux evenemens de juillel dernier , nous altendons des lois organiques qui devront Irouver place dans la collection ie ce laborieux ecrivain. Encourageons-le done a ne point aban- donner sa lache et a se tenir prel h cnregislrer les nouveaux tra- vaux legislatif's qui se pn'parent daus uu si grand nombre des contrees de I'Europc. A. T. 32. — Du principe coiislitut'ifdu goin'erite/neiit fvancais et de ses conseifuences rationnelles , poUtiques et sociales ; par L.-A. Lestrade. Paris, i83i ; Vimont , galerie Vcro-Dodat , n" i. ]n-8° de 46 pages; prix, i fr. J'ai vu peu de litres d'ouvrages annoncant aussi bien que celui-ci I'intention ct le but de I'auteur. M. Lestrade voudrait toutes les consequences de la revolution de juillet ; il voudrait (|ue la charte de i83o fiit la base rt'elle de noire ordre social nouveau, et que toutes nos instiiutions poliliques, dtcoidaut de ce priucipe fecond, fussent rajeunies de cetle vigueur rt'gene'- ratrice qui cinane essentiellcment d'une liberie rccemment eclose. « Le fait accompli par les oveiiemens de juillet, oil M. Lestrade, c'est Tintroduclion de la liberie, coinine principe el coinnie inoyen , dans noire regime social , adniinistratif el poliiique. Conquis par la force , adopte par I'opinion , embrasse comme une esperancc et reclame comme un droit, ce principe ii'admet ni exception dans ses consequences , ni retard dans son application. Dtigage de toule abstraction tboorique , il a pris corps dans la nation , il a pcnctre les masses, il a fait alliance avec lous les inlercls. Ses influences dominenl les esprits ; le lenis est veuu de les faire passer dans les institutions ; c'est la lache , c'est le devoir du ministei-e. » Parti de ce point , M. Les- trade passe une revue rapide de toutes nos insliUilions , el par- 184 LIVRES FRANCAI3. lout il trouve incomplete rapplication da principe. II est a rc- grelter que I'ailteur, deja counu par pliisicurs productions esli- inables , et qui se nionlre celte fois honinie d'esprit, n'ait pas donne plus dc dcveloppeuicnt aux questions iinportantes qu'il n'a fait en fjencral que soulever. Alexandre Le ]\oble. 55. — * Questions i>oliliques : De la pairie, dc la loi electorale, des administrations municipales et de dcparlemeut , dessocictes parliculieres s'occupant de questions poliliques, de la peine de mort , du proccs des anciens ministres de Charles X , de la rc- publique et des partis ; par Jh. Parent-Rsal, avocat a la cour royale de Paris, ancien depute du Pas-de-Calais an conseil de& cinq-cents, et ancieu niembre du tribunal. Paris, de'cembre i83o; Delaunay , Weve. In-8° de 65 pages; prix , i fr. 25. « Trois chapitres out ete , au nionient de I'impression , de'ta- ches dc cet ecril. lis sont intitules Du pouvoir consliliitionnet exerce par la Chambre de 8. In-S" de 52 pages ; prix, I fr. M. Rouchier debute par cette preface : « J'ai lu dans les jour- uaux qu'on avait propose a la chanibre des deputes de suppri- mer la peine do mort ; que cette proposition avait e'tii prise en consideration , et qu'elle allait etre bientot le sujet dune discus- sion approfondie; voila ce qui m'a engage a meitre au jour mes idees sur cette difliculto si cpineuse. Je nefais point de citations, ye nini'oque ni ne combats V opinion de persanne ; je n'ai eu sous les yeux d'autre livre que celui de la nature , etc. » II me semble que c'esl pour un auteur une assez mauvaise reconi- mandalion que de lui entendre dire qu'il n'a lu aucun des ouvra- ges publics sur le sujet dont il s'occupe. Je concois que, pour exaniiner sans prevention une question philosophiquc , on commence par se replier en quclque sorte sur soi-menic, et sur i88 LIVRES FRANgAIS. ses |iiopres pensees ; mais, lorsqu'on airive au moment de pro- diiire au jour les fruits dc ses miiditations , alors, ce me scmble, il convient de comparer ce resultat avec les doimdes ofTertes sur la mume matiere par les (icrivaius prectidens. Autremeut on ris- que de ri'pi'ter les memes argumens qui auraient ele dejk avan- ces el refutes. Et M. Rouchier lui-meme conviendra que, dans ce cas, ce ne serait pas la peine de faire un livre et de le publier surtout. Ce n'est pas que je prctende que M. Rouchier n'a su trouver dans le lii>re de la nature aucune raisou nouvelle ; mais il me parait y avoir puisii quelques idees etranges, dont peut- clre la lecture et I'etude de ses devanciers lui eut fail recon- iiailre toute la faussetc. Telle est, par exemple, cette assertion qu'il piesente ( page 22 ), comme le resume de I'expe'rience de tous les (ems et de tous les peuples, « que les lois et leur stvfiRixfe se multiplieut en raison du progres des nations , » d'ou il con- clut age, qui n'est autre que ce Dacheux dont la vertu a recu, il y a quelques annees, de si eclatans temoignages de lestime publique ; et enfin Gene- vieve et Marcelin , imitation touchanle d'une nouvelle de M. Collin. La seconde classe presenteles rccits, de sevcres lecons qui ont pour but de combaltre des peuchans fuuestes et des habitudes vicieuses ; tels sont les Trois numeros , la Tireuse de carles , la Mddaille dit cliarbonnier, Quiiize arts, que les I OUVRAGRS PtRlOn Qlirs :r,9 personiics appartcnant aux classes labcrieuses tie pourroiit lire assLircmeiit sans faire des reflexions capables de les prcvcnir conlre les fatales illusions des passions : on doit done desirer que ce livre, qui est a la fois I'ouvrage d'un honnete honsinc et d'un boa citoyen , parvienne a son adresse. II ne pent qu'exercer la plus salutaire influence sur- les classes auxquelles I'auteur I'a consacre. P. A.D. 55. — OEuiTes de Boileau , avec das notes, recherches , etc., pai- M. Berriat-Saint-Prix. Paris, i83o; Langlois , rue des Gres, u° lo, et Delauuays, Palais-Royal. 4 vol. in-S" ; prix du vol. , 5 fr. pour les souscripteurs. ( Voy. Rgv. Enc. t. xlviii , pag. 2o5. Le tome ii, formant la i'""^ livraison , a 5o4. pages, non pasio4, cornme nous I'avions annonce par erreur. ) Outrages periodiques. 56. — * Journal des ateliers de toitriieur , de mecanicien , d'ebeniste , d'horloger, de serrurier , etc. , public pendant I'an- niie 1829, par M. Paulin Desormeaux. Paris, i83o; I'auleur , rue Saint-Hyacinthe-Saint- Michel , n" 20. In-8" de 335 pages avec 12 planches gravees ; prix , 16 fr. C^ journal emineinment utile parait avoir ete interrompu par des circonstances particulieres. L'auteur fait esperer qu'il en suivra le cours : ce qui est a desirer dans I'interet de I'instruc- tion industrielle. En attendant , il public en un seul et nienie volume la collection des douze nuuieros qui ont paru. Ce volume reuferme un grand nonihre de faits, la description d'outils- machines nouvellenient inventes , et qu'on chercherait en vain ailleurs;des moyens d'execution precieux,et dont on ne saurait trop repandre la connaisssnce dans nos ateliers. Un ouvrage de ce genre manquait encore k la France , tandis que TAngleterre en compte huit ou neuf dans la seule ville de Londres. Nos ecrils periodiques industriels sont pour la plupart consacrcs aux theories; celui-ci est destine a la pratique, aux travailleurs , a I'execution. La Sociele d' encouragement , sur le rapport de M. FflANcoEOR , les Corps savans, les Academies, ont accueilli f'avorableuient cet ouvrage sur I'excellente execution duquel il n'y a eu qu'une voix. Nous faisons des voeux suiceres pour que, dans I'interel general, ce volume ait tout le succes qu'il nous parait devoir meriter. II est probable qu'un accueil favorable T, XLIX, JANVIER lo3l. l4 11 o LIVRILS FllANCAIS. scrait pour I'aulcur uii cncouragcmcnl , ct cju'il conlinucrait alors son utile et intiircssant travail. B. B. 5t. — Le Glaiieur , journal d'Eure - et -Loir , politique , commercial , litteraire , d' agriculture et d'annonces ; par M. Sellegue. Chartres , i83o. Journal hcbdoinadaire public tons les jeudis; prix , 24 francs par annce. La presse dej)artementale vienl de s'enrichir d'un nouveau iournal, qui veut franchemenl Ics consequences de noire revo- lution de juillet. Nous nous bornerons , en le signalant avec eloge a nos lecteurs , a en extrairc une piece de vers , qui e^ipriine en faveur de la Pologne des sentimens que nous aimons a re- produire. L'aurore boreale, qu'on a apercue vendredi soir, 7 Janvier, a inspire, dit le redacleur, a un de nos jeunes conipa- trioles les strophes suivantes : Sur ua^ plerre assis , pensif el solitaire , Immobile devant le sublime mystere Et le silence de la nuit , J'abandonnais mou ame a cette reverie , A ces vagues desirs oil la melancolie Chercbe le bonheur qui nous fuit. A ces reves d'amour , de gloire , de pnissance , Mon coeur raelait ses voeux pour notre belle France , Libre pour la seconde fois. J'admiiais de ses fils le courage heroique^ Si digne de trouver la male republique Dans le plus modeste des lois. Pour la Pologne aussi , ma voix priait La terre , Soudain , en ce moment , et toute I'atmosphere Se couvrirent d'un voile ardent De sinistres Incurs , des vapeurs effrayantes Jaillissaient dans les airs , et des gouttes sanglantes Semblaient tomber d'un ciel briilant. On aurait dit les feux d'un immense incendie. On les bidenx reflets d'une terre rougie , Et fnmante de sang humaiu. Jc fiissonnai d'horreur; et mon ame glacee Repoussa vainement la lugubre pensee Qui faisait palpiter mon sein. OUVRAGESPfeRTOD. — LIY. EN LANd IvPR >n <^.'etait le vent du nord qui sonfllait cet oiage <"etait pent-etre aussi cet Annibal sauvage Qui francliit les rocs du Balkan , Ce tzar presomptueux, dont la ciuelle Louche Seaible nous menacer de la gloire /arouche D'uu Gengis ou d'aa Tamerlau. Dieux I s'il avail deja vomi ses flots barbaies De stupides Kalinoucks , de Russes , de Tartares , Sur la terre de liberie ! Si son aigle feroce avail lance la foudie Sur le peuple heros qui reduisil en poudre Un joug si long-lems deteste ! O monpays! disais-je, 6 justice ! o vengeanccl Laisserais-lu mourir , sans appui , sans defense , Ces antres enfans oppiimes ; Ces braves Polonais, ce peuple magnanimc, Dont la touchante erreur , dont la faute sublime Est de nous avoir Irop aimes! 11 est tems, interviens de ce grand nom de France . Qui , plus que trente rois , pe«e dans la balance ; Arrete , frappe les tyrans ; Brise a jamais les fers d'un honteux esclavage , Et fais tomber enfin dans un dernier naufrage Tous ces despoles ignorans. Coimnande, c'est a toi : les princes de la terre Se souviennent encor des jours oil ta colere Devorait, comrae le cercueil , Leur impnissante ligne , el ces freles couronnes Que , selon ton plaistr , tti Iriir prends ou Ici/r donnes. Sans redouler leur vain orgueil. Tu porles dans ton sein tout I'avenir du mofide; A d'eternels progres la parole feconde Doit ouvrir un large cheuiiu. Reine immortelle , va , la tele couronnee De liimiere et d'espoir; reraplis la destinee , En delivranl le genre hnriiain. Litres en langiies elrangcres , imprimes en France. ■58. — * Cartas Jilosoficas sobre In educacion , elc. — Lettres 14. oip, LIYRKS FN LANC.UES ETRANGl'RES pliilosopliiqucs sui i'litlucatiou , torniiiu'os a Saiiilc-Cioix-de- Ti'iiiMife, CM iSoo ; par D. Francois Dujav , ancieti second lieutenant dn regiment d'infanterie d Ullonia , niaintenant er- niile dc Mareuil-lez-Meaux. Paris, i85o; Corbel jeune, rue Saint-Jacques , n° 38. In-S"" ; prix, 6 fr. Etablir en principe et demontrer jusqu'ii I'lividencc que le cainie d'nne conscience pure constilue seule le vrai bonheur ; indiquer le mode d'educalion qui pent conduire les homines a cette tranquiilUe si desirable : tel est le but que s'csl propose I'ermite de Mareuil-lez-Meaux; et, si ce plan fait I'cloge de son cceur, la maniere dont 11 I'a execute decele un talent distingue. L'auteur, afiu de rendre plus agri'al>les ses preceptes sur I'e- ducation . a cru devoir les presenter sous le cadre d'lin roinan eii forme de leltres , et qui contient , a ce qu'ou assure , I'his- toire de quelques-iins des evcncmens de sa vie. Cette forme epistolaire lui a fourni egaiement les moyens de developper son plan el de le comparer a plusieurs de ceux qui ont ete proposes ou adoptcs avant lui. J'observerai , au reste , qu'il n'a pas imite cei-tains ecrivains que Ton voit s'attacher a censurer anicrement ceux qui ont parcouru avant eux la mcnie carriere. Si Ton en exceple quelques observations tres-mesurees suf les F'eillees da chateau ( Icltre dix-neuvieme ) , dajis lesquelles l'auteur se plait d'ailleurs a rendre justice au merite de la femme cclebre dont les amis de la saine litteralure et de la morale dcplorenl la perte recente , on ue trouve , dans son ouvrage , aucune reniarque critique. Jelons maintenanl un coup-d'oeil rapide sur les lettres philosophiques de M. F. Dujay. Le heros de ce roman , Marsilio , viclinie de la calomnie et de I'intrigue, est euvoyc prisounier aux lies Canaries. Fort de son innocence , il se resigne sans murmurer , et rctrouve assez de calme pour tracer a sa femme , qu'il a laissce enceinte, le plan de I'education physique et morale qu'elle doit donner a I'enfant dont elle va le rendre pere. — Lucindc accouche d'un fils. Le sage Marsilio insiste sur le devoir sacre que la nature a impose aux meres de uourrir leurs enfans; et ceux meme qui ont sa- voure avec charme les ouvrages de I'immorlel auteur d'Emile ne liront pas sans inleretla lettre quatrieme qui traile de cesnjet important, et dans laquelle l'auteur demontre egaiement les avantages de la vaccine. — Apres avoir expose ses vues sur I'edu- cation physique , il passe a I'education morale et lillcraire. II veut que, dcs la plus tendre enfance , on s'applique a moderer IMPRIMt-S EN FRAINCE. 2i3 la force des passions, en les oppos;iiil lesimesaux aiilres. Lesbor- iies d'uQ exlrait lie noiss permellciit pas d'entrer dans le detail des divers preceples que donne Maisilio sui- les moyens de preve- iiir la jalousie entre les freres ; sur le choixd'uu etatet la luaniere de disceraer la veritable vocalion d'un eufanl; sur le choix d'uu insliluteur, la conduite que I'on doit suivre a vec lui, les avantages de I'education puliliqne, les dangers qu'enlrai'ne la lecture des ro- nians, elc. — L'innocence de Marsilio estenfiu reconnue. Renlre dans sa patrie, il peut surveiller par hii-meme reducalion de son fils Alexandre, qui, parvenu a I'adolescence , entre dans les gardes espagnoles. — Ici commence une nouvelle correspondance entre iepere ct le fiis, dans laquelie le premier expose les devoirs d'un officier envers ses soldats et envers ses superieurs, la ma- niere dont on doit se coinporler dans le nionde , elc. Les re- flexions de I'auteur sur le duel sont a la fois sages et neuves. On y relrouve le niilitaire ct le Castillan ; niais on y reconnait en raenie tenis le pliilosophe , rhomine sensible. Marsilio n'he'site pas a condamner le duel, et gemit sur les prcjugcs qui I'ont rendu en quelque sorte necessaire. — Quelques cgareinens d'Alexandre donnent a ce tendre jicre I'occasion de deployer un caractere a la fois ferine et indulgent. Par de sages preceples , il ramene a la vertu le jeune homme egare, I'unit a une femme aimable et vertueuse , et menrt enfin , conime il a vecu , avec le calmc, la resignation que donne une conscience pure. M. F. Dujay a seine dans son ouvrage quelques reflexions qui pourraient , au premier aspect , paraitre etraugeres a son sujet. On trouve , dans diverses lettres , des dissertations plus ou moins ctendues sur la noblesse , la cour , le luxe, le point d'honneur, I'amitie , la politesse , les difTerentes especes de gouverue- ment, etc. , etc. Mais personne n'ignope que la forme epistolaire permet de se livrer quelquefois a des digressions : d'ailleurs , I'auteur a trouve I'art de les rattacher a I'ensemble. L'erniitede Mareuil avoue, dans sa preface, que plusieurs de ses idees ue sont pas entieremenl neuves ; « mais , ajoute-t il , je n'ai pris la plume qu'apres avoir lu avec attention uu grand uombre d'ouvrages sur I'education , de maniere que plusieurs idees qui ne m'appartiennent passe trouventdisseminees dans mon livre , sans que je puisse moi-meme les distinguer de relics qui me sont propres. » Charles Pougens . de llnstitut de France. lY. NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTERAIRES. amMique septentrionale. ETATS-UNIS. WAsnixGTOM. — Soie amcricaine. — M. Spencer a fail , au uon» dii coinitc d'agricullure , iin rapport siir la lellre de M. P.-S. Dc- PONCEAo, qui avail adresse a la Chanibre des depult's un paquet de soie recueillie et prepartie en Amerique. Celte niatiere uoa- velle pour rindustrie des Etals-TJnis est un des premiers re'- sultatsderart iiuporte par M. d'Hojiehgue, Francais ne et eleve dans les departemeiis ineridionaux , parfaitement instruil de tout ce qui coucerue la production de la soie et ses diverses prepa- rations.— Les cchantillons eiivoyes de Philadelphie a la Chani- I)i"e des deputes sont teints aux couleurs des Etats-Unis ; la Chambre a ordonne qu'ils fussent exposes en une place tr(;s- apparente dans le lieu de ses stances. On ne pent douler que les semis et les plantations de miiricrs ne s'etendent rapideinent dans la republique , surtoul dans les Etats du sud et dans le bassin du Mississipi. La soie d'Anierique supplantera peut-etre bieulot , en Europe, celle des Indcs et de la Chine. ANTILLES. Haiti. — Publication d'un noiweau journal . — Sousctiption au profit des blesies de juillet. — « La civilisation guidee par la pliilosophie s'eteud partout ; de nouvelles idecs remplacent les vieilles doctrines; I'education des peuples se fait chaque jour , et les nations entrainues deinandentoii tend le sicclc, savoir e.-.t leur premier besoin. Au milieu de I'elan general, Haiti ne resic ANTILLES.— EUROPE.— GRANDE-BRETAGNE. 21 5 pas en arriL-re. AprJjs avoir ctoune I'univers daus sa lulte glo- rieuse contre la tyrannic, elle pose le glaive pour marcher a des concjueles morales. Entree la derniere dans ces voies nouvelles de civilisation , eile laisse dt'ja loin derriere elle les jeunes re'- publiques, ses rivales dan^ ieSud, et ne semontre pas sans hon- neur parmi les peuples civiiiscs. » Tel est le debut du prospec- tus d'une nouvelle feuille liel)doniadaire, actuellement publiee au Port-au-Prince, sous ce titre : Le Phare, journal politique, commercial et Utteraire , dont la redaction promet de realiser toutes les promesses faites par I'editeur. Nous avons remarque, en effet , dans les dix-neuf premiers numeros que nous avons sous les yeux plusieurs articles interessans , et ecrits de ce ton de sage fermete dont on ne doit jamais s'ecarter dans un pays dont le chef est veritablemeni ami da bien et patriote, et c'est assurenient le cas a Haiti : les derniers evenemens de France occupent presque en entier quelques-iuies de ces feuilles. llsont cte salues par les acclamations unanimes de cetle population qui a su s'affranchir eile-meme du joug qu'on voulait lui impo- ser. Un banquet a eu lieu, le 28 septembre, pour celebrer cette glorieuse revolution, et unc souscription a ute ouverte au pro- fit de ses viclimes. Le 9 dccenibre , elle se moutait deja a I,i5i dollars; nous ne manquerons pas de puiser dans les nume'ros subscquens de cetle feuille tous les renseignemens propres a faire connaitre au juste i'elat reel de cetle rcpublique sur laquelle d'opiniatres prejuges s'attachcnt sans cesse a repandre en Eu- rope des notions incomplfetes et mensoiigeres. P. A. D... EUROPE. GRANDE-BRETAGNE. Retour d'une expedition anglaise envoyee dans I'AnidriqKe du Sud. — Les vaisseaux V Adventure et le Beagle, employes, sous les ordres du capitaineKiNC, a explorer les cutcs meridiona- Us del'Amerique dans les mcrs atlanlique el pacifique, viennent de revcnir, le premier a Woolwick, le second a Plymouth. IjCS brouillards , les raffalcs de vent, dc pluie , de ueige , de grCle qui tourbillonuenl incessammcnt aulour du cap Horn, les lies flottaules de glace, les vagucs , scinblables ii des moutagnes, commc les decrit Anson , qui menacent dc briser les vaisseaux iit) • EUKOPK. aiidacieiix coiitre des cotes herissces , ont rendu les observa- tions el les inatei'iaiix necessaires pour dresser les carles de tcs parages difllciles a recueillir. Cependanl les contours dc la Terre H/'- nal (septembre 1829), les progres del'industriequi eu seronlla suite, et la propagation de la vaccine , doivent faire prcsumer que cette augmentation aura lieu en un beaucoup moins long espace de temps. La Rei>ue Encyclopedique publiera avec intcret et emprcs- senient les resullats du liuilieine recensemeut , qui ne doit pas farder a etre fait, d'autant plus qu'il s'esl deja ecoule i5 ans depuis les derniers travaux de ce genre. POLOGNE. Maiiifeste du peuple polonais. — Nous deposons dans noire * recueil ce document historique avec ce pieux respect qu'inspi- rent les derniiires el solennelles paroles d'un genereux anji s'ap- prelanl "a une lulte a mort, mais en nieme terns avec cette noble POLOGNE ?.23 confiaucc que donnciU la jiiatice et la saintclc de sa cause. On u'avait gueres vu dans le nioiide , depuis les terns antiques, cet admirable spectacle d'uue nation entiere qui, resignee a toutes les chances d'un combat inegal , met en coinniuu les fortunes , les terres , jusqu'aux bijoux de noces et de fetes , et proclame hauteuient que c'est pour chacun de ses nienibres une question personuellc qui s'agite , une question de vie ou de mort. Car , mieux vaut s'expatrier ou perir, que vivre encore sous I'op- pression etrangere : et dans ce drame sanglani, qu'on nous oblige a contempler de loin conime un jeu de theatre, tout est complet, tout est en harmonic , les actions et les paroles : si les unes sont hcro'iques , les autres portent une enipreinte de grandeur que lien u'efiFacera. En regard du manifeste polonais , et sans doute pour le rele- ver davantage, le gouvernement despotique, sous lequel gemit la Russie, vient de nous donner a son tour des cchantillons de son eloquence : la proclamation de I'empereur, et, dernieremeut, celle de son general , le comte Dibilch. II y a , dans les pieces emauees du cabinet de Saint-Petersbourg, une satisfaction de soi- ineme, une outrecuidance qui revoke et fait fremir. II parle des bienfaits accumules sur la Pologne, le despote dont la famille a partage ce pays, I'a dechirc, baignc de sang, trompe par de inen- songeres promesses , depouille peu a peu de ce qui fait lorgueil el le bonheur d'un peuple, Tindependance nationale et la liberte poUlique ! Sans doule, c'est pour le bien de la Pologne que Ca- therine i'a envahie; que SouvorofF n'a pas laisse pierre sur plerre dans les faubourgs de Varsovic ; qu'AIexandre lui a retire piece a piece tous les articles dc sa constitution ; que Constantin a jetc dans les fers ses plus illustres citoyeus et effraye des villes civillsees par sesbrutalites ; que Nicolas menace des phisterribles reprcsailles ce qu'il appelle sa revoke. En verite , nous aiuious mieux les proclamations de Souvoroffel ce style entremelc d'ex- clamations pieuses et de bouffonneries barbares qui concluait frauchement a rexterminalion des vaincus. Celui-lii ne promet- tait pas , d'un ton ironique , aux iiinocens dejidrc pour eux tout ce qu'il pourrail ; il ne connaissait ni innocens ni coupa- bles, et , comme ccl abbe du moyen age , laissait a Dleu le sain de relroHver les sieiis. II avait la franchise d'un Scythe , et ne dcrobait pas son naturel farouche sous des formes elegantes et de faux airs dc philantropie qui ne tro.iipent pcrsonne. ?,?.; EUROPE Voili pourtant les homines a qui la Pologiie est livree ; (a Pologne , iiotre allice de vingt ans, la coinpagne (idcle de uotre gloire et de notre misore , elle c[ui a tout fait pour nous, el que noire gouverncment parait abandonner , quand la niort la menace; apres un long csclavage, elle s'est encore levee, a la nouvelle de notre re'surreclion politique, et nous la laissons retoniber de tout son poids dans le tonibeau ! Ah ! ,»47 159 1,29' 4o5 36 1 Totanx. 4,984 i,i53 6,o47 Ces eludians etaient ainsi repartis daus les diverses Facultes FACULTES DE NOMS THEOLOGIE "^ FHlLUSOFillK _ _- -^ — -, des ui « UHIVERSITES. 9 1 .2* 0 p w •5 %ti Iti! =s 0 S C" ■t,~ I Berlin. 566 „ 638 299 i36 67 Bonn. 97 340 236 163 98 45 Breslan. 276 265 365 io4 i3a 5 Greifswald. 96 » 29 14 i4 6 Halle. 938 » a 10 66 66 1 1 Koenigsberg. 309 » 1 1 1 18 43 3 5 Munster. " 276 " 85 n. Totaux. 3,182 881 1,089 66 5 570 i5. Enc, T. XXXII, p. 227), compare a celui de 1829, et la difference en plus ou en moins. UNIVERSITES. NOMBllE DETUDIANS pendant le semestre d'ele des anne'es :82r,. 1829. DIFFERENCE Berlin. Bonn. Breslau. Greifswald. Halle. KcEnigsberg. Munster. Totaux. Diiuinulion a deduire. 1,245 1,706 526 978 710 i>i47 ■l1^ 169 1,1 ig 1.291 5o5 4o5 .. 56 I 461 453 457 172 102 4,i3o 6,o47 1,624 63 Reste pour I'accroissement net. On ne peut e'tablir une comparaisou rigoureuse pour I'uni- versite de Munster , parce qu'ayant ete supprirnee en i8i8,elle venait d'etre retablie, lorsqn'en 1826 nous a vons donne un apercu statistique des universites de TAlleniagne, et que , par cette rai- son , nous ne piimes alors I'y comprendre. Ce tableau montre qu'il y a eu un accroissement de plus des *rois huitiemes du nombre d'etudians dans les six universites prussiennes pendant I'espace de 5 annees. Une seule, celle de Grc'ifsvfald, a cprouvc de la diminution. Mais jecrois qu'on peut adinettre que cette diminution n'est qu'une mutation , un chan- geuient de direction desjeunes gens vers quelque autre univer- situ du meme royaume. — Un autre tableau etablira une compa- raisou semblable pour queiques unes des autres universites de rAllemngue, aux epoquesadoptecs dejapour celles de la Prusse. ALLEMAGNE. >.3'] NOMBRE DETCDIANS ^lemlanl le seiiiustre DIFFERENCE UNIVERSIT^S. d'e'te des anne'es , ^— — — ~^ en en US2G. 1829. PLUS. MOINS. Fribonrg, grand duche de Bade. Giessen, grand duche de Hesse Darm- 556 627 7> " stadt. 371 558 187 „ Gcettingue, royaume de Hanovie. Heidelberg, grand ducbc de Bade. 1,545 626 1,264 602 281 24 lena , grand duche de Weimar. 43, 619 187 Leipzig , royaume de Saxe. Marhourg, electoral de Hesse Cassel. 1,384 3o4 1,400 55i 16 47 " Munich (Landshut) , Baviere. 623 1,854 l,23l >, Tubingue, royaume de Wurtemberg. Wurzbourg , Baviere. 827 660 876 5i3 49 i47 Totaux. 7,028 8,664 1,788 452 Diminution a dednire. " 452 " Reste pour le total net de I'accro ssemeiit. 1,536 .. II est inutile de faire observer que Munich est, pour ainsi dire, liors de comparaison ; car il etait naturel que la translation de I'universite de Landshut dans la capitale du royaume occasion- nat une affluence considerable d'etudians vers cette uouvelle fondation. Mais, si ces memes etudians, dont le nombre, a Mu- nich, est presqiie triple, n'etaient pas tous alles a Landshut, ils se seraient reparlis entre les autres universites de la Baviere ou du reste de rAllemagne. II resulte de ce tableau que raccroissement du nombre des etudians a ete, dans ces dix universites , terme moyen , d'un pen plus d'un quart. On pent conclure de la qu'il y a eu accroisse- raent dans toutes les universites de rAllemagne en general d'un peu plus d'un quart, terme moyen, en trois ans; car, de 25 uni- versites qui existent en AUemagne , nous venons d'en comparer 17, c'esl-ij-dire, la inajorite. 538 EUROPE. II est encore tligne dc remarqne que les six universilcs de la Prusse prcsenlent un accroissement d'lui huitiemc plus conside- rable que cclui des dix autres, proporlioii qui s'cleverail encore bien plus , si le nombre des cludians de Munsler avail aussi pu clre mis en coniparnison. Enfin, quant a la diminution qu'ont cprouvce les seulcs uni- versites dc Greifswald , Goettingue, Heidelberg et Wurzbouig, il serail diflicilc de lui assigner une cause particiilicre. II doit noussuffire d'avoir demon tre , par la comparaison que nous ve- nons de faire , que \a frequence dans la gcneralite des universi- te's de I'Allemagne va en croissant ; et de la on pent conclure que la diminution eprouvee par ces qualre universites ne doit etre attribuce qu'ii des causes de localile. Joseph DE LucENAV. FRANCE. PARIS. IrjSTiTUT. — Academie des sciences. — Seances dii mots de Janvier i83i. — Seance du 3. — M. Lacroix est nonime vice-pre- sident; M. DuMERiL remplit les fonctions de president. — M. Le- maistre, inspecteur-general des poudres en retraite , annonce qu'il vient d'envoyer a I'Academie des tableaux meteorologiques qu'il a executes sous la direction de feu son oncle, le pere Coste. — M. SfeRULLAs lit une note sur un nouveau moyen d'obtenir I'acide perchlorique. — M. Geoffrov Saint-Hilaike lit un Me'- nioire sur le vitalisme. — M. de Humboldt presente, de la part de M. le docteur Schnurrer , niedecin du due de Nassau, un ouvrage allemand sur le cholera morbus et en rend sur-le- cbamp un compte verbal. — Le menie niembre lit des observa- tions sur les chiffres indous et sur leur valeur de position. — MM. Poisson , Savart et Navier font un rapport sur les Me- moires relatifs » la navigation dans Tair par M. Delaporte. « Apres avoir lu altentivement ces ecnls , nous avons reconnu que les appareils proposes par Tauteur n'etant point rcpresen- tcs par*des dessins , ni decrits d'une maniere assez delaillee et assez complete pour que Ton put s en former une idee exacte, il n'y avaitpas lieu d'entrer dans un examen dclaille de ces ap- pareils. A I'cgard des raisonnemens et des calculs exposes par I'auteur , il nous a paru qu'ils n'etablissaient uuUeinent la pes- PARIS. 239 sibililc cJe la solution An problcfiie qii'il s'est propose. D'apres Ifs observations precedentes , noiis ne pensons pas qn'il y ait lieu pour rAcadcniie d'approuver Ic travail de M. Delaporte. » (Approuve.) — MM. Diimeril et Magendia font un rapport sur le traitement des maladies scrophuleuses a I'hopital Saint- Louis, par M. Ldgol. « Deja I'Academie sait, par uu rapport que nous avons en I'honneur de lui faire, avec quel succes M. Lugol traite les scrophules an nioyen de preparations d'iode. Ce succes est tel , qu'une maladie tres-comniune , sur- tout dans Ics classes pauvres, et d'un traitement si long et si difficile qu'elle est exclue de nos hopitaux par un reglcineiU en vigueur, devient curable dans un tems limite et par des moyens pcu dispendieux, et qu'ainsi les uoinbreux indigens qui en sont atteints ont droit a etre adinis et Iraitc's dans les ho- pitaux , comine tons les autres malades. Les nouveaux faits que vos commissaires ont verifie's seraient de nature a donner sur ce point une entiere conviction , si deja elle n'etait acquise. Ce ne sont plus , en eftet , des maladies scrophuleuses a un premier et a un deuxienie degre , donl la gue'rison nous a ete demontre'e, mais bien des scrophules aussi avauces qu'il est possible , de ve'ritables consoniptions scrophuleuses , comme on les nomme eu nie'decine. Des alte'rations profondes desglandes etdes autres organes , des lesions graves des os et de leurs principales arti- culations, accompagnees de ces accidens generaux qui annon- cent une niort prochaine , out ete, et disons-le , en grand nombre, entierenient gueries dans I'espace de quelques mois ; et, sauf les traces ineffacables de maux aussi inveteres , ces ma- lades jouissent de toute la sante qu'il Icur est possible d'obtenir. Ces resultats sont d'autant plus dignes d'inter^t et d'autant plus satisfaisans que la plupart des malades que M. Lugol a soumis a son traitement etaient, avant de le commencer, dans un ctat desespere , et qu'il ne les avail admis dans-ses salles que comnie des exemples deplorables des ravages que pent faire un mal sans ressources. L'un de vos commissaires est peut-etre encore mieux place que tout autre pour apprecier le merite des recher- ches cliniques de M. Lugol. Medecin , dans le plus vaste hopital de Paris , d'une division nombreuse remplie par des maladies organiques que Tart impuissant abaudonne , il a continuellenient sous les yeux des malheureux qui, avec la sinistre qualite d'in- curables , viennent , au milieu de soufTrances aussi difficiles a 24o FRANCE. peindre qu'a adoucir, mourir dans I'hospice, n'ayanl pu ^Ire gueris dans les hopitaux. Parnii les inforlunds auxqucis le sort a resei've celle deslinee, se trouvent frtiqucniinent des scrophu- leux donl les mutilations sont vrainient horribles. Avant la droouverte de I'iode , ilselaient tous voues a une niort certainei niais, depuis I'introduction de I'iode et du brume dans la the- rapeutique , votre comniissaire a eu la douce satisfaction de rendre a la vie, el mume a une existence tolcral)le , plusieurs dc CCS incurables; et, ce qu'il n'esl pas inutile de dire , ces gue- risons out cte aussi rapides qu'inattendues. Nous n'entrerons pas ici dans I'expose des fails parliculiers que M. Lugol a soumis a votre verification. Nous en avons joint quelques-uns a ce rap- port, niais ils ue sont pas de nature a etre lus. Ces peintures altristeraient votre esprit , sans aucun avantage pour la science. Nous I'avons deja dit dans notre precedent rapport, M. Lu- gol ne pretend point a la decouverte de I'utilite de I'iode dans les maladies scrophuleuses ; mais, par le grand nombre de gue- risons qu'il a obtenues, par le zele et la perseverance avec les- quels il poursuit ses recherchcs , par le jour qu'il a su repandre sur les effets varies que Ton oblient des diverses preparations de I'iode employees soit a Tinterieur, soit a I'exterieur, IM. Lugol a fait faire un pas certain a la medecine ; et comme d'ailleurs il a la sagesse de negliger loutes les explications vagues dout le moindre inconvenient est d'etre inutiles , nous avons I'honneur de vous proposer de dqnner votre approbation aux recherchcs de M. Lugol, en I'engageant a coutinuer des travaux dont les resultals sont si profitables a riiumanite. (Approuve.) — • M. Deleau lit un rapport sur le trailement de la surdite de plu- sieurs sourds-muets , et.sur leur instruction dans I'art de la pa- role et de la lecture. II est renvoye a la commission chargee de surveiller son etablissement. J)u 10 Janvier. — L'Academie s'occupe de la designation des conimissaircs quidoivent promoncer sur les prix a decerner en i83i. 1" Commission des grands prix des sciences naturelles , MM.. Cu^>ier, Dunwril , Blaiiiville et Geoffroy-Saint-Hilaire. •2° Commission pour la medaille de M. de Lalande , MM. Arago, Malhieii Damoiseau , Boiivard et Lefrancais de Lalande. 3o Pour le prix a decerner a celuiqui aura dccouvert les moyens de rendre un art ou un metier moins insalubre , MM. D'Aicet , Chevreul, Qay-Liissac , Tlienard, Dulong. 4" Pour le prix de PARIS, i{i Tiiccanicjne , MM. Pronj, Navier , Poisson , Girard el Savart. 5". Pour le prix de physiologic expdrimentale , MM. Serres , Ma^e/tciie, Ciwier, Flourens, Dlainville. — M. Pei'be, professeur a Sl.-Cyr, annonce qu'il a suivi avec beaucoup de ddtail toutes les phases de I'aurore boreale du 7 Janvier, et qu'il a transinis ses observations a M. Arago. Ce dernier, qui a recu en efFet le Mcmoire de M. Peyre , communique verbalement ce qu'il y a trouve de plus interessaut. II rend compte ensuite liii-nieme du trouble que ce pheuomene a apporte dans la niarche de I'aiguillc aimantee horizonlale et dans celle de I'aiguille d'inclinaisou. — On lit I'extrait d'une lettre de M Noel de Br6,vute a M. Fran- cceur, coucernant uue nouvelle et brillante comete que cet as- tronome a decouverte , )e 8 Janvier, par 261° 5i' d'ascension droite et 12° 22' de de'clinaison australe. — M. Cordier doune une analyse succinate du Memoire de M. Rozet , ingenieur- geographe attache a I'expedition d'Afrique. Ce Mcmoire est re- latif a la constitution geologique du petit Alias. — M. Pdissant Jit un Memoire sur ['application du calcul des probabilites aux 4^raTides operations geodesiques. — M. de Hcmboldt lit un Me- moire sur quelques phenomenes physiques et geognostiques de I'Asie seplentrionale , dans le parallele d'Oreubourg. — Du 17. — M. le chevalier de Mercy adresse deux volumes de sa iraduclion d'Hippocrale , intitules: le ^", Osteologie et Angiologie; le 2", Physiologie ( i83i . Iij-12). II sollicite les suf- frages de I'Academie pour la chaire de medecine vacanfe au College dc France. (Renvoye a la section de medecine. ) — M. Jrago communique des lettres de MM. Liionce Ruquet et Breadth , qui ont decouvert une comete ; le premier , le 6 , et le second, le 8 Janvier. — M.M. Poinsot el Ampere font un rapport sur la note de M. Dcjhamel , relative a la methode des langenles de Roberval. — M. Savart est nomme au scrutin pour remplacer M. Fourier dans la commission charge'e de surveiiler I'elablissement de M. Duleau , en faveur des sourds-niuels. — La commLssion de ncuf membres, chargJe de dccerner les prix de medecine et de chirurgie fonde's par M. de IMonthyon, sera composee de MBI. Mageadie, Serres, Bojer, Dumeri/, Portal , Dii/uiytren, Flourens, Larrey et Savart. — M. Bf.cquerel lit ia premiere parlie d'un Memoire intitule : Considerations tlieo- riques sur les changemens qui s'operent dans I'elat eleclrique des corps par V action de la chaleur, du contact , du frolte- T. XLIX. JANVIER l85l. - 16 2 4i FRANCE. ment et de dh'evses actions chiiniques , el des modifications qui en resultent quelquefois dans V arrangement de leurs par- ties constituaiftes. ' — Dii 24 Janvier. — On lit une lellre He M. Levmekie sur le cholera morbus. — L'Acadomie accepte un paquet cachete de M. Davat , renCermant diverses vues sur les canaux arteriels et veineux. • — Elle entend ensuile uu rapport verbal de M. Serul- las sur le Traite de Chimie de M. Depketz , et une leltre de M. Elie de Beaumont, concernant les montagnes du nord de I'Afrique, a I'occasiou d'lme communication de M. Rozet. — M. Flodrens lit un Memoire sur Ics exuberances el hernies ccrcbrales , faisant suite au travail qu'il a entreprissur I'opera- liou du trepan et sur les lesions ccrebrales. Cette lecture donne lieu a une discussion approfondie entre !M3I. Flourens et Serres. — La commission de statistique , nommee au scrulin , sc com- pose de MM. Coqiiebert , Girard , Lacroix, Ch. Dupin, Heron de Villefosse. — Du 5i. — M. Emmanuel Rousseau adresse de nouvelles observations sur les proprietes febrifuges du houx. — MM. Des- Jbntaines et Mirbel font un rapport sur le Memoire de M. Mi~ ciiAux relalif au zelkoa ou planera , arbre des cotes de la nier Caspienue el de la nier Noire. « Le planera , appele autrefois a lorl ornie de Siberie , est un arbre de vingt-cinq ou trenle me- tres. Le tronc est droit, bien proportionne , degarni de branches jusqu'a la hauteur de huit ou neuf metres, de trois ou quatre metres et meme plus de circonference. Sa tete est large, louf- fiie, etses branches s'elevcnl prestjue verlicalement. L'aubier du planera est blanc ; change en cueur ou hois parfait , il prcnd une couleur rousse. II est plus pesant, plus fort que celui de I'orme et du chataignier. Son tissu , uni el tres-serre , peut recevoir un beau poll. Sa durelc est telle qu'il est diflicile d'y enfoncer un clou avec le niarteau. II a la souplesse ct rclaslicilc du chene. Des ouvriers inlelligens auxquels M. Michaux en avail remis desechantillons, en out reconnulesexcelleutes qualites. L'auteur ajoute a ses propres observations les renseignemens qu'il a re- cus de M. Gamba, consul-general a TiQis. « En Georgie, on le prefere au chene pour la charpenle et les planchers; on en fa- brique de beaux meutdes ; il n'esl point sujel a la vermoulure , ct il se conserve long-lems dans I'eau et dans la lerre. » Le planera egale les plus graads arbres de nos forets ; multiplie sur PARIS. 243 noire so! , il offrirail de grands avantages. On pourrait le plan- ter le long des routes, concurrerament avec rornie. Son feuil- iage n'cst jamais devore par les chenilles, et son trouc n'est point sujet aux chancres qui deleriorenlsouvent celuide I'orme. Les climats du milieu el du midi de la France sonl ceux qui lui conviennenl le niieux. II faudrait faire venir des graines de Tiflis. On peul le propager plus promptement en I'ecussonnanl sur Tornie. II sera bon d'mscrer la greffe rez-terre , pour avoir des pieces de hois de plus longue dimension. Uii dessin qui re- presente les fleurs el les feuilles du planera crenata est joint au niemoire de M. Michaux. Nous pensous qu'il merite I'approba- tion de I'Academie , el qu'elie doit inviter I'auteur a le publier incessammeut , afin d'engager les cultivaleurs a propager sur le sol de la France un arbre donl le hois peul etre employe a la charpenle, au charronnagc eta beaucoup d'autres usages. )- (Ap- prouve.) — MM. Ampere, Duloitgel Becquerel font un rapport sur le Mc'moire deM. Person , relatif a relectricite animaie, et a un galvanoscope pour les courans iustautands. » En voici les conclusions, le Menioire deM. Person reuferme des idees inge- nieuses appliquees a la construction d'appareils qui peuvent dtre utiles a des i-echerches physiologiques , dans lesquelles on suppose que I'electricite joue un role. Vos conimissaires vous pi'oposent de I'iiiviter a se livrcr lui-meme a ces rccherches qui lui seront plus faciles par I'habitude qu'il a de se servir des ap- pareils donl il a fait counaitre la description a I'Acade'mie. » ( Approuve. ) — MM. Arago , Mathieu et Freycinet , font un rapport sur un iVlemoire de M. Morlet , concernanl I'equateur magnctique. « Le travail deM. Morlel, nialgre quelques lacunes signalces par le rapporteur (M. Arago ) , est nci.nmoins tres- digne d'estime. Les noinbreux calculs qu'il a ne'cessitcs paraissent fails avec beaucoup de soin . et par des melhodes hien choisies; sauf un peu d'arbilraire dans la formation des groupes donl les moj'eunes sonl deduites, les divers resultals se trouvent habi- lemenl classes. Nous proposous done a I'Academie d'approuverle Mcmoire deM. Morlel, el de le faire iniprimer dans le Recueil des savans etraugers. Nous demandons en second lieu qu'elie veuille bieu inviter ses secretaires perptituels a choisir, paiini les obser- tions maguetiques qu'ils recoivent de terns en leras, toutes celles qui sembleraient propres a determiner des points de la ligne sans iuclinaison, et a les adresser sans retard a M. Morlet. La 16. •i/,4 FUANGt;. conslance avcc larjuelle ce pliysicieu laborieux s'esl occupe de la inenie queslion pendant douze ans; I'excellent parii qu'il a lire dt'S observalious impriniees; le peu de moyens qu'il doil trouver dans sa position acluelle pour se tenir au courant des travaux des navigaleiirs moderncs , justifieront suflisainnient ijotre proposition. Sans cela , nous n'aurions pas manquu dc lemarquer qu'il esl de I'inlc'rct des sciences d'encourager les homines spcciaux , et d'introdiiire de plus en plus dans le vaste clianip qu'elles enibrassent ce principe fecond de la division du travail , auquel I'industrie est redevable des inimenses progres qu'elle a fails de nos jours. » ( Approuve. ) — M. Brongniart communique le resuUat des observations faites sur la structure ge'ognostique de la Moree el de I'lle d'Egine , par M. Bobi>aye, ingcnieur-geographe. — La section de medecine et de chirurgie propose pour la chaire de medecine vacante au college de France, BI. Maoendie, comme seul candidal. A. MiCHELOT. Sympathie de la France pour la nation polonaise. — « L'in- vasion de la Pologne est immineute; les lenleurs de la diplo- matic sont interminables ; la brave nation polonaise sert en ce moment d'avant-garde a la nation francaise. EUe est destine'e a servir de bouclier a TEurope occidentale coutre I'ambition et les pretentions futures de la Russie. — Un silence absolu de la part de la France , dans ces graves et terribles conjonctures , serait a la fois un acte inoiii d'imprevoyance, de lachete ct d'in- gralitude. Tons les peoples doivent eprouver une vive et pro- foiide sympathie pour les Polonais; leur cause est celle de I'Eu- rope civilisee. M.A.J. » II apparlenaita la France d'avoir I'initiative de la manifesta- tion de ces sentimens, donl I'auteur de ces lignes , ecrites le i"^' Janvier, el inserees dans le numero du Globe, du S Janvier, s'c- tait rendu I'iuterprete. Un Comilc central polonais s'est forme sous les auspices el sous la presidence du general Lafayette, el vient de publier la piece suivante , dalee de Paris, le 28 Jan- vier i85i : « La Pologne a fail un appel a la France ; la France repondra. La Pologne .' quel coeur I'rancais ne s'cmeul a ce nom ? EUe ful parlagee , et la France du XVIII'^ siccle approuva par un honteux silence le scandale de ce partage. Notre rc'vo- lution dclata , el loul-a-coup les Polonais se presentcrent a la France. Pendant vingl aus, iiolre gloirc fiit leur gloire , nos revcis leurs revers : I'empire francais s'ccroula ; la Poiogne peril avec nous. Plus de liberie pour elle , quand !a France ne ful plus libre ; plus de grandeur pour la Poiogne , quand la France cut subi les fourches candines de la restanration. Tout- a-coup nous nous sommes leves, et notre cri de liberie a retenti au milieu de nos anciens freres d'arnies ! Dombrowski , Kos- ciuzsko, Ponialowski , nonis qui apparlenez a la France comme a la Poiogne, vos conipalrioles invoquent noire appui ; ils I'ob- tiendront. Ah! sans doule , la politique des elats peut avoir ses droits et ses regies ; mats la conscience des peuples ue connait qu'un droit : I'independance des peuples ; elle n'a qu'une regie : secours aux opprinies. « Voila les pensees qui ont dirige les amis de la Poiogne en France. Un ComitJ s'est forme dans la capitale; la presideiice en (itait de droit devolue a I'ami de Kosciuzsko : le general La- fayette s'est empresse de I'accepler. Guerriers , qui avez vu les Polonais sur les champs de bataille ; Francais de la Revolution et de I'Empire, qui vous 6les habitues a les regarder comme vos freres ; et vons , jeunes gens qui adoplez toutes nos gloires avec Tenthousiasme de voire age , aidez-nons de voire concours. « II est aussi une sympathie qui ne manquera pas a cette saintc cause. Jamais on ne vit plus de grandeur, plus de palriotisme que n'en font eclater les dames polonaises; fortune, dons precieux, tout jusqu'a leur anneau nuptial, estdc'posesur I'autelde la patrie. " Femmes francaises, aidez les femnies polonaises. Hier encore, I'humanite vous fclicitait de votre ingenieux devoument ; au- jourd'hui , I'heroisme vous implore et tend sa main a vos dons palrioliques. Les Grecs vcus beuissent ; que la Poiogne vous doive une part de son independance et de sa liberie ! » Les Membres du comile sont : le gene'ral Lafayette, Presi- dent ; le comte de Lasteybie , Eiisebe Salverte , Vice-presi- dens ; Dutuone , E. J. Thayek , Secretaires; MM. Berenger, Bessas-Lamegie , Bignon, Boulay de la Meiulhe aine, le general Carbonnel, ArmandCarel, Cauchois-Lemaire , Chalelain, Leo- nard Chodzko , Cri'micux; Daunou, depute; David (de I'lnsli- lut), le general Decaeti, le colonel Delaroche, Delavigne (Casi- mir), Desclozeaux( Ernest), D'Herbelol , Dubiynon ; le general Malhieu Dumas , depute ; Evarisle Duinoulin ; Dupont , de I'Eure, depute ; le gcucral Fubvier; M. A. Jullien, de Paris : Vic- 24''> FRANCE tor Hugo; Alexandre de Laborde, depute; le general Lamarqiie, depute; Em. de Las-Cases, depute ; Ju'es de Lasteyrie, Lemer- cicr (N.), A. Marchais; Mauguin , de Mornay, Gaeliin Murat, Odilon Barrot, deputc's ; Sarrans ; De S(hot]en, depute; le ge- neral Suberwic; Victor de Tracy. dt'puti';Fianz Zeltner. Les souscriptions sent ouverfes chez M. Cassin , agent general de plusieurs socictes philautropiques , rueTaranno, n° 12 ; chez IVIM. les notaires de Paris ct des departemens qui voudronl bieii les recevoir, ainsi qu'aux bureaux des dilFcrens journaux. — Les noms des souscripteurs et le montant des souscriptions seront publics. Banquet MENsuEL de la Revue ENCYci.OPfiniQuE ( Voy. i?ei' Erie, t. XLVii, p. 5 16). — Cette reunion periodique a eu lieu, le 1 1 Janvier courant , second mardi dii inois , chez Naudet, restau- j'ateur , rue d'Enfer St. -Michel, n° 25. Elie a offert le spectacle , digne d'interet, de quatorze nations difTerentes , representees par des homnies distingues, assises a la meme table, unies par les inenies voeux synipathiques pour le triomphe de la liberte. On reinarquail , parmi les convives , M. JVolicki , envoye de la Pologne ; M. Ch. Rogier , envoye du gouvennement provi- soire de lu Belgique ; M. O' Gennan-Mahon, u\at\da[s, mcmbre du parlement de la Grande-Bretagne et ardent ami de I'eman- cipalion iriandaise et de la reforme parlementaire; M. Plalys , jeune grec, et uii envoye de la Grece; M. BarncL, Consul des Etats-Unis d'Amerique , et MM. Barnard et Roosevelt , niem- bres du congres americain ; M. Bignon, membie de notre cham- bre des depuies; plusieurs honorables ctraugers d'Ailemagne, de Suisse, d'ltalie, et plusieurs genereux Polonais , pleins de confiance dans la justice et la saintete de leur cause: le jeune comte Plater; MM. Mickorscki , pere et fils, Jerzinano'wski , Morawski , Czapski ; le general Devereux , irlandais , ancien compagnon d'armes de Bolivar ; deux Americains du sud ; M. Vaur , d'Haiti ; MM. Dichtfield , Logan , et quelques autres anglais qui ont vu avec ioie se resserrer I'union enlre nos deux nations, depuis la revolution de juillet ; enfin, les principaux redacteurs de la Revue Encyclopi'dujue , dont les efforts et les travaux son I depuis long-lems consacres a la cause des luiuii;rcs et de la •ivilisatiou. PARIS. 247 Nous cilerons ici les principaux toals portcs !» celte reunion , et qui out ete accueillis avec le plus vif enlhousiasrae. Par le president de la reuuion : Au roi constUutionnel des Francais , dont la noble mission est d'etre a-la-fois un gage de conservation et de salut pour les rois , un gage de liberie et de paix pour les peuples , un exera- ple vivant de I'alliance desormais necessaire entre la monarchic etla liberie. A. I'union des peuples , qui doit succeder a la pretendue Sainte-Alliance des rois. A la Belgique I a la Pologjiel a la Suisse] Puissent-elles accoMiplir, sans revolutions violentes, Tceuvre difficile de leur regeneratiou sociale et politique ! M. O' German-Mahon a parle, avec une brulante energie, en faveur de I'indt'pendance de la nation polonaise, de I'organi- sation definitive de la Belgique en elat iudependant , de I'affran- chisseineiit de I'lrlande , et sa voix chaleureuse a electrise tons les auditeurs qui onl uni leurs acclan)ations bruyantes et leurs voeux ardens aux (iioquentes paroles qu'il a fait entendre. Un toast a ete ensuite porte par M. Jullien, de Paris, president du banquet : A I'union de la France et de la Grande-Bretagne pour la consolidation dus liberies du monde ! — A la genereuse nation Irlanduise, a la fin de sa dure oppression et de ses longs malheursl AVhonorable O' German-Mahon, qui represente au milieu de nous la verte Erin , sa fougueuse ardeur , ses nobles desirs , ses hautcs esperunces , son avenir brillant de gloire et de prosperite ! Ala Pologne, avant-garde de I'Europe occiden- tale contre I'ambilion et les envahissemeus de la Russie. MM. TVolicki , Morawski ei Plater , polonais , ont adresse successivement des reniercimens a I'assemblee, pour le vif interet qu'elle nianifestait en faveur de la Pologne , et ont porte les toasts suivans : Aux vainqueurs de juillet, et k la brave po- pulation parisiennel — A I'annee i83i ! Puisse-t-elle etablir , d'une maniere durable , le regne de la liberie et de la paix eu Europe, et realiser les proinesses de i83o ! M. Rogier : Aux ciames francaises, beiges et polonaises.' Puisse leur influence en Hammer tous les coeurs du saint amour de la patrie, et changer leurs concitoyens en hiiros qui sauront vaincre ou mourir pour la liberte. M. Barnet a porle un double toast : a I'homuie des peuples. »48 FRANCE. h Lafayelle ; ct an second ciloyen dos deux mondes , aii gene- ral Bernard I D'aulres toasls out encore t'le porttis : A I'organisalion definitive et independanle de la nation grecqiic et a ses trois illuslres amis, Ic president Capo d'Islria , It gcnereux phillielienc Ej- nard , et le prince Soutzo , ininislre de la Grtce en France. — A rdtabiisscnient d'une colonic libre europeenne, forniee sous Ics auspices de la France, dans I'ancicn territoire d'Alger. Aux Etals-Unis d'AnierUjue ! A la memoire de fFas/iinglun ! Au president Jackson , et a I' honorable M. Rives , minislre ainericain a Paris 1 Au general Lajayette , citoyen modele '. Puisse-l-il aider a fondre en bronze uotre jeune monarchic na- tionale! — A I'immorlelle nienwire de Kosciuszkol Puisse sa patrie arriver au mems dcgre de liberie et de bonheur ou s'esl elevee la pairie de Washington ! — Aux manes de Benjamin Constant I A la palriolique memoire de Foj , de Manuel , et aux lieritiers de leur patriotisnie et de leur talent a notre tribune natiunalel A la pacification des Etnls de V Ameriquc du sud , et au general Bolii'ar ! Qu'il soil I'hoiume de la liberie , s'il veul conserver son rang (ileve dans I'eslime de I'Europe ! A nosfreres d'Haitil puisse le general Boyer ne jamais abaadonuer les nobles exeniples de Washington et de Lafayette ! Al'avenir de I'llalie I — A I'institutioa des gardes nationales cliez tous tes peuples libresl — A la presse periodique , gardienne de la civilisation , gernie fecondde bienfaits pour I'cspece huniaine ! Au beau sexe, conservaleur du feu sacre ! M. Bignon , depute, qui avail ele I'objet d'un toasl parlicu- lier , a remercie rassemblee dans une improvisation eloquenle , el a manifeste sa vive syuipatiiie pour les nations Beige el Po- lonaise. M. Almes a porle un loast au prince royal et a lajeunesse IVancaise doal il est le digue modele. La reunion ne s'esl separee qu'a onze hcures du sotr , el tous les assistans out emporle avec eux un souvenir profotid des impression* gene'reuses qu'ils avaient recues et qu'iis s'etaienl muluellemenl communiquees. — Une souscriplion, faite au pro- fit de la cause polonaise , a produit 231 fr., y compjis 5o fr envoyes le lendemain |iur M. BahiNet. PARIS. 240 Acndthnie de I'industrie agricole , manufacturiere et coin- merciale ,fondee a Paris , par M. Cesar Moreau, le 26 decem- bre )83o. — Cette academic nouvelle a pour objet de favoriser le developpenient coniplet de toutes les faculles primitives, de faire connaitre I'exislenceet les Iravaux de plus de quinze cents socieles sai^antes qui existent dans les deux mondes , enfin , de contriinier a la propagation el a I'echange de toutes les conuais- sances thcoriques et pratiques les plus propres a perfectionncr les divers genres d'industrie. EUe propose et decerne des prix , accorde des Tnedailles en or , platine, argent el bronze, enlre- tienl line correspondance avec les corps savans , et publie elle- menie , a des e'poques indeterminees , un journal dont le pre- mier numero va paraitre au commencement de Tanne'e. Nous reviendrons sur les Iravaux et les publications de celle sociele qui peat, si elle comprend bien sa destination, rendre des ser- vices importans au monde commercial et industriel. Clironique des theatres , pendant le mois de Janvier i83i . — Le ihdatre de lOdcon u'a donncjdans ce mois, qu'un drame, Napoleon Bonaparte , ou Trente ans de Vhistoire de France y en six acles cl en vingl tableaux; par M. Alexandre Dumas ( le 1 1 Janvier ). Nous ne parlerous pas ici de eel ouvrage, qui a obtenu un brillanl succes et que nous avons fait connaitre plus haul ( Voy. ci-dessus , p. 106, a la section des Analyses , un exanien des diflcrentes pieces de theatre consacrc'es a I'liistoirc de Napoleon). OrtRA-coMiQUE. — Deux pieces nouvelles ont operc une es- pece de revolution a la salle Ventadour. Les deux families , dranie Ijrique en Irois acles, paroles de M. Edg^ne, musique deM. Ladaere (16 Janvier), viennent de rendre a la musique la place reclainee pour elle depuis si long-terns ; peut-etre mcmc une petite soustraction de notes ne nuirait-elle pas a la ciarle de I'intrigue; mais ne nous plaignons pas; de jolis motifs sont priiferables aux pathctiques tirades de la Maison isoU-e dont on nous regale encore si souvent. La musique des Deux families , premier essai dramatique de M. Labarre , harpiste dt-ja celebre, se fail remarquer par une harmonie simple et un grand nombre de motifs charmans : de petits dcfauts d'inslrumentation s'y rcucontrent bien aiissi, mais rcxperiencc suffira pour les fairu a5o FRANCE. dispataitre ; la [licce a reussi sans obstacle. J'allais oublicr de dire que le poiime n'est autre chose que le Cid arrange en ope'ra- coniique au moyen de quelques clip.ngcinens , donl les plus im- portans sont, je crois,ceuxqu'ona operes dans lesnomspropres. — Dccidemenl les pieces historiques sont a la mode. Don Riego s'indigne du joug honteux qui pcse sur sa patrie ; il est a Seville, chez son ami don Felix, et les deux patriotes jurent raffran- chissement de I'Espagne. Don Felix court soulever Seville , et le pereCyrille vient consoler sa chaste epouse. Cependaiit, I'in- quisition , prevenue par le moine, eiivoie des satellites qui le dcbarrasseront d'un epoux importun Riego parait , et par un noble devciimenl se fait passer pour son ami -. il se iivre; mais les souffrances qii'il endure ont epuise ses forces ; il chancelle..., cl le bon alguazil promel de reveuir. Cette attention delicate laisse a don Felix le tetns d'organiser la revolte ; dona Felix est a I'abri des amoureuses tirades de I'ardent Castillan , et Riego est general. Tel est le sajet de I'ouvrage represente, le 29, sous le litre du Diable a Seville , opera en deux actes , traduit de I'espagnol. Le poeme, ainsi qu'on peut le voir , n'offre rien de remarquable; mais la musique de M. GoMisnousa cause une fort agreable surprise. D'une instrumentation forte, pleine d'origi- nalite et d'expression , elle est a lui, entierenient a lui ; quant a moi , j'avoue qu'elle m'a fait du bien ; j'oubliais I'opcra-co- raique, son orchestre ; j'oubliais Auber, Rossini : je ne pensais qu'a M. Gomis. L'ouverture, deux duos, un choeur de moines el un trio , sont les morceaux qui ont ete le plus applaudis. NouvEAUTES. — Le Charpentier, ou Vice et Pattvrete , piece en 4 tableaux , croquis tire de je ne sais quel roman et qui n'a d'autre merite qu'un style trivial et charge. Si I'auteur n'a voulu peindre qu'un iudividu isole , la piece est depouillce de tout inter^t; si, au contraire , il a preleudu tracer le caractere d'une classe, il a mal comprts celui de nos ouvriers qui ne pas- sent plus leurs journees au cabaret, lorsqu'ils out une femme et des enfans. — Juliette , folic vaudeville en i acte, a paru le 22 Janvier. Juliette et Darcy sont epris , I'un pour I'autre , de I'amour le plus vif ; mais des interets de famille vienneut les se- parer, el Darcy contracle un mariage de raisou. Les deux amans se retrouvent a la noce; I'amour qui les unit encore se reveille avec une nouvelle force , et Juliette rompt un hymen qu'elle- nieiiie allail conlractoi-. Cepeud.iut I'lllusion ne tarde j)as ii s'e- PARTS. 25 1 vanouir, et les deux jeunes gens a leconnaitre qu'ils nesont rien moins que fails I'un pour I'autre. Le jeu spirituel de madame Dejazet et de BoufFe fait le principal charme de cetle bluette. Gymnase Dramatique. — A La famille Riqneboitrg, comedie en un acte , melee de couplets (4 Janvier), dans laquelle M. Scribe a trace , non sans adresse , quelques scenes d'intcrieur rendues avec un talent reniarquable par Gonlier , Paul et Leonline Fay, ont succede les Trois Mnilresses , ou line Cour d'AUemagne , comedie-vaudeviile en i actes. La favorite d'un prince alle- niand, une chanteuse et une griselte , eprises toutes trois d'un jeune et beau comte, ne sont point payees d'un egal retour ; la modeste couturiere possede a elle seule le coeur du sen- timental jeune honime. Mais celui-ci. iniplique dans une cons- piration , est force d'accepter un asile chez la belle comtesse Arezzo. Cependant la grisette surprise, dans son innocence, est amenee a la cour pour supplauter la favorite; on concoit les transes de I'amant ; inais, tandis qu'il tremble pour la vertu de sa belle , le peuple qui vieut de conquerir , fort heureusemenl pour tout le monde , une Charte constitutionnelle , reunit le tendre couple et ramene aux pieds de la comtesse son volage et royal amant. Tel est le canevas sur lequel MM. Scride et Bayard ont brode un joli vaudeville ; I'intrigue, quoique niarchant i* I'aide de plusieurs pelites invraisemblauces , est conduite avec esprit. La piece a obtenu un succes compiet. Vaudeville. — La Mendiaate , drame en i actes, mSle de couplets, par M. Saint-Brice , pseudonyme qui cache un au- teur connu par ses succes sur une scene plus ^elevee (i6 Jan- vier). Une jeune fille reduite a la plus affreuse misere , achcte de son honneur un morceau de pain pour sa mere ; mais le cor- rupteur, cedant a un remords, tardif a la verile, repare ses torts, et un mariage vient effacer la honte de Pauline. Ce theme tres- simple est developpe avec art et dialogue avec esprit. La inusi- que de M. Huguet m<*rite une mention honorable; on n'cn entend pas toujours d'aussi jolie a certain theatre royal. — Si vous connaissez Josephine ou le Retour de Wagiam, gardcz- vous Ae {' Entrevue , ou les Deux Imperatrices (28 Janvier), vaudeville hislori(fue,en i acte, si vous ne voulez pasy retrouver un M. Pierre, jardinier de son metier, qui querelle longuemenl jyjmc Pierre et finit par avoucr ses torts, grace aux arguinens do Josephine qui , pour pi ouver a Marie-Louise la puissance de sa y.'i.i PARIS. — NIT.ROLOGIE. rhetorique , lui a donne icndez-vous a la Malmaison el la fait assister a I'heureiix dcnoiiment. Aux VARiETfes, le duvoument de madame dc Lcwalelte a fourni a trois jeuiies auteurs (MM. Bkunswick , BARTHfiLEMv et LiiERic ) ie sujet d'un petit drame vaudeville qui a etc joud le 6 Janvier. Le dramatique de la situation , quelques cpigrammes contic la police el les gendarmes , et un couplet a la louange de IN'apolcon, ont as.sure a cet ouvrage un succcs de recelles. — h'Aiige-Gardien, ou Sceiir-Maiie , par M. Casimir , reprtisente leag, n'a point rcussi. Poute-Saint-Martin. — Le Marechal Brune , drame en qualre tableaux, de MM. Dupedty el Fontan, reprdsente le 22 , est une exposition pleine de vie de I'assassinat de I'illustre marechal : un role de vivandiere el quelques changemens au caraclere hislorique de Trestaillons, ont porte rinteret au plus haul point. Un sujet trailc largemeul, un style fort el attachant , une mise en scene riche et bien entendue , assurent a celte piece un long succes. A 1'Ambigc-Comique , on a vu successivement Benjamin Con- stant aux Champs-Eljsees , vaudeville patriolique et de cir- constance, de MM. Edociard et Victor Lotin (8 Janvier) ; puis , la Papesse Jeartwe, vaudeville graveleux en un acte (16 janyier); puis , la Marquise de Brini'illiers , melodrama qui n'a aucun merite hislorique ou dramatique ( 28 Janvier) ; enfin , lord Pi- kengrok , ou la Folle gageure , vaudeville de MM. Hippolyte et Francisqde, qui a reiissi le 29. A la (j kilt , Malmaison et Sainte-Helene , raelodrame ( i3 Janvier), est une repetition fastidieuse de tout ce qui a de'ja traine sur les theatres, depuis qu'il leur a ete loisible de profaner la grandc figure de Napoleon. NrCBOLOGlK. Allemagne. — MuLLER. — Ij'un des graveurs les plus distingue's qu'ail produits rAIlemagne, Jert« Godard de Muller, professeur a Stuttgart et chevalier de lordre de la couronne de Wurtem- berg, naquit, le 4 mai >7i7. a Bernhausen sur le Fildern, bourg a deux lieues de Stuttgart, oil son pere etait maire ou juge (Orts- schullheiss). II se destiuait d'abord a la iheologie et donna cette direction a ses etudes preliminaires. Mais, comme dans le tems NliClVOLOGlE. 253 oil il frc'cjueutait le college de StiUlgait, il suivail aussi ies cours de I'ecole de dessin fondue dans cetle ville , en 1761 , par le due Cliarles de Wiirtemberg , il fit dans cet art lant de progres qu'il s'attira I'atlention de ce prince, qui rencouragea, lui four- nit Ies inoyens de suivre son penchant et le determina a s'a- donner eiitierement aux arts du dessin ; ce qu'il fit en effet, en 1764, lorsqu'il ctait deja sur le point d'entrer au seininaire de theologie a Tubingue. II suivit d'abord recole de peinture de Guibal, alors premier pcintre de la cour de Wurtemberg : ce- lui-ci lui conseilla ensuite de s'appliquer a I'art du graveur, qui alors etait encore en Allemagne dans une situation peubrillante. A cet effet, il recut du due uu traitenient annuel qui le mit a meme d'aller a Paris ou , sous la conduile de son compatriole le celebre Wille , il s'adonna exclusiveuient au burin depuis 1770 jusqu'en 1776. Dans le cours de ces six annees , il acquit un noin distingue comme graveur et remporta plusieurs prix d'lion- neur a I'Academie royale des arts de Paris qui, en 1776, I'ad- init au nombre de ses nieinbres. Mais, dans la mume annee , il fut rappelii a Stuttgart par le due, son protecteur, pour y fon- der une e'cole de gravure a laquelle il fut attache comme pro- fesseur. En 1785, on le rappela de nouveau a Paris pour graver le portrait en pied de Louis XVI. Plus lard, I'ticole fondee a Stuttgart par le due Charles ayant e'te suppri- mee , Ies propositions Ies plus honorables lui furent faites, de Dresde d'abord, puis par I'Academie de Vieune , pour qu'il se chargeat de la direction des ecoles de gravure dans ces villes. Mais, ayant trouve dans le roi Louis de Wurtemberg un gene- reuxsoulien , il resta fidele a I'ecole de Stuttgart qui prosperait pai^ ses soins et qui eut la gloire de fournir a I'Alleniagne des graveurs distingues. Parmi ses ecoiiers, I'un des plus celobres fut, saus contredit , son fils Jean-Frederic-Guillaume , dent il a pleure la perte en 1816, et qui est si avaiitageusement connu par plusieurs grands morceaux precieux , nommement son der- nier ouvrage dont il ne vit pas meme la premiere epreuve : la Madone de Raphael de la galerie de Dresde. J. G. de Muller elait surtoul renomme pour le portrait; celui de Louis XVI dtija menlionne, qui est un des plus finis el qui se distingue surtout par la nettete et la finesse du burin , ainsi que celui de Jerome Bonaparte , roi de Westphalie , le dernier qu'il ait execute, et qui parut en i8i3 , sont Ies plus celcbres parmi rVi .M':CROLOGIK. Ic giaiid nomhif dc ceux qu'il a fjiavcs. Nous nommeroiis en- suile deux iiiorceaux d'uii aiilic genre , iion inoiiis coiinus que les preci'dens : ce soul /a Madona deUa sedia, d'apres Raphael, el son dernier ouvrage/a Male/- snncla, qu'il gravu en 1819, a I'age de 73 ans , epoque a laquelle sa vue trop allaiblie le forca d'abandouncr son ail. Oulro cela , il s'est aussi exercc dans le genre hislorique , el Ton a de iui plusieurs pieces de ce genre qui sonl renommces , entre aulres le combal de Bunkershill d'apres an dessin de Tronibull. La rcpulalion meritue que s'c- tait acquise MuUer Iui oblinl des dislinclions el des houneurs. II fut noinnie niembre ordinaire de rAcadeniie des arts d'i- niitation de Berlin, en 1804 > puis de celle de Vienne , en 1812; celle de Munich le rccul dans son sein en i8i5, de ineme que celle de Copenhague. Eiifin , en 1808 , il fill , par son sou- verain , cree chevalier de I'ordre pour le inerile , et par le roi acluelleinenl regnant , en 1818, ciievalier de I'ordre de la cou- ronne. C'est le i4 niars i83o que le doyen des graveurs , le createur de I'ecole de gravure allemande, a ete, a I'age de 83 ans, enleve a sa fauiille el a tous les amis des arts. J. de Lucenay. France. — iW. /lois/V Lefebvre, ne a Bayeux, morl a Paris, au niois de sepleinbre dernier. On n'a pas oublic la Psjcltc, le Pho- cion, r Helo'ise de ce grand peintre ; ses tableaux d'eglise, qu'il a terniincs par VApotheose de saint Louis, niaiulenanl dans I'ale- lier ou il ne travaillera plus. Ce tableau de graude dimension, simplemenl el nobleineul concu, d'un pinceau vigoureux, n'est point I'oeuvre d'ui) vieillard de soixante-quiuze ans; il appar- tient a un esprit dans la seve de I'age. Personne n'a surpasse Robert Lefebvre dans I'art de peindre la figure ; on a successi- veinenl admire ses portraits de Carle Vernel, de Gretry , de Guerin , de Berlin , de Vigee ; C(!ux de Napoleon , de Jose- phine, de Pauline Borghese, du due de Berry. Une belle cou- leur, la grace dans rajustemeut , I'execution parfaile , ce qu'on appelle I'ordonuance de reflet, caractcrisaient le talent de Ro- bert Lefebvre. Prel a descendre dans la loinbe , il faisail poser son niedecin , et sa main treinblante essayalt d'acquitter la detle de I'aniitie. ( Cette courte Notice est extraite du Comple rendu des Ira- vaux de la Societe philotechnique , lu a la seance publique du 12 decen)bre i83o, par le secretaire general, M. de Ladoucette.) TABLE DES ARTICLES CONTENDS DANS LE CAHIER DE JANVIER 1831. I. MfiMOlRES, NOTICES ET MELANGES. 1 . Vues generales sur notre plan et notre but. . . M. A. Jullien. 5 a. Coup-d'oeilsurl'etat du globe en i83o P. A. Dufatt. \i 3. Coup-d'oeil sur la statistiqne morale et politique de I'ltalie. Ch. Didier. 24 II. ANALYSES D'OUVRAGES. 4. Histoire naturelle des poissons , par MM. le baron Cuvier et Va- lenciennes (troisieme article) Floureris. 4° 5. Histoire du commerce entre le Levant et rEurope, par M. Dep- ping C.-N. Allou. 6i l>. 1°. Histoire de Napoleon Bonaparte, par I'antenr des Memoires sur le consulat. — a". Histoire de Napoleon, par M. de Nor- vins. — 5°. Histoire de Napoleon, par J. C. Baillenl. — 4°- Na- poleon et I'Enrope, par Alex. Doin. — 5°. Memoires de M. Bour- rienne. — 6°. Bourrienne etses erreurs volontaires et involon- taires M. A. 76 7. 1°. Napoleon, melodrame, par MM. Anicet Bourgeois et Francis. — 2°. Napoleon, ou Schoenbrun et Sainte-IIelene, drama, par MM. Dupeuty et Regnier. — 3°. L'Empereur, evenemens bistori- qnes , par M. Prosper. — 4°- Napoleon Bonaparte, ou Trente ans de rhistoire de France , drame , par M. Alex. Dumas. M. Avenel. 1 06 III. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. Annonces de 58 ouvrages , francais et etrangers. Amerique septentrionale. — Mtats-Unis, a , dont 1 ouvrage pe- riodique i38 Asis, 1 1 44 '^56 i,IAM,K Urs AUTK'I.ES. ftuROPE. — nraiide-Bietngnc , 8 i/jT) — ytUemagnc , 4, tlont i ouvrage periotliqac \bl\ — ' Suisse, 1 , , >. i6o — Italic, o i^j,,|<^^^ .-.f r^.j^-'yc/j*'- »63 — Ilollande , x i65 — ISelgique, i id. France, 56, savoir : Sciences physiques et natuielles , 7 i68 — Sciences religietises , rroralcs , politiqiies et hisloriqttes , 1 4 178 — Lillerature ,ia., ,... 197 — Outrages pe'riodiques , a aog — Livres en langues e'tran£ ires , imprimes en France ,i 211 IV. NOUVEl.LES SCIENTIFIQUES ET LlTTl'iRAniES. Amerique septentrionale. — Etats-Unis : Wasliinglon : Soie anie- ricaine , ai4 Antilles. — Haiti : Publication d'na nouveau journal. — Souscrip- tion au profit des blesses de juillet id. EUROPE. Grande Bretagnb. — Retonr d'nne expedition anglaise envoj'ce dans TAmerique du sud. — Telegraphe commercial 2 1 ft RussiE. — Odessa : Trembleraent de terre. — Statistique. Popula ■ tion : Nombre des paysans , des bourgeois et des marchands en Russie 217 PoLOGNE. — Manifeste dn peuple Polonais 0.11 Axlemagne. — Prusse : Statistique des nniversites pendant le semcs- tre d'ete de i83o 235 France. — Paris. Instilut. Academie des sciences : Seances du mois de Janvier. — Comite central en faveur des Polonais. — Banquet mensuel de la Revue Encyclopediqne. — Academie de I'indns- trie agricole, mannfacturiere et commerciale. — Chroniqne des theatres pendant le mois de Janvier i83i. . . . ; 208 Necrologie. y/ZA-mairnf •■ Mnller. — France: fio/'crt Lefehyrv aSa AfX ACADEMIES ET .\V\ SOCIETES SAVANTES ife tOUS leSpOJS. Les Academies, ct les Societes sataktes et d'ctilit^ pubuque , fi;incaises et cfrangeres , sont invitees a fai-re parvenir exactemeiit , jrancs deport:, au Dirccteui de la Revue Encyclopedique, bue d'Ehfee Saimt-Micuel , no i8 ^ les conoptes reudas de lenrs travaux et les pro- grammes dcs prix au'ellt'S proposeut, afin que la Jieuue puisse les iftiire c ■ iiinaltre le plus promptemeat possible a ses lecteurs. AUX EDITEi;i;S d'oVVKAGES et AfX LIBJlAIRES. MM. les Editeurs d'ouvrages periodiques , francais et Strangers, (jui desiiei-aieut ecliaugcr leurs recueils avec le ii6tre , peuvent compter sur If boD accueil que nous ferons a leurs propositions d'echange, et .-.ur ■uue prompte aunouce, dans la Refue, des publications de ce genre et des autres ouvrages , nouvelletaent publics , qu'ils nous auront adresses. AuX EDlTEtJRS DES RECUEILS PEKIODIQUES, EN AKGIETEBEE. MM. les Editeurs des Recueils periodiques publics en Angleterre sont ' pries de faire remettre lenrs num&os h M. IloLA^DI , a Londres , n" 20, Berners-street , Oxford- street , qui leur transmettra , chaqae mois , en ^change , les cahierB de la Retme Encyclopedique , pour laquelle on peut aussi souscrire cbez !ui , soit pour I'aun^e couranle , soil pour se procu- rer les collections des anaees autcrieures, de 1819 a 1839 incIuuTement- AuX LIBRAIRES ET ATJX EDITEUr.S d'oWVBAGES , EN ALLEMAGNE ET EN ITALIE. M. Ziscis, Hbroire a Leipzig, et M. G. Piatti^ Ifbraire & Florence, «ont charges de recevoir et de nous faire parvenir les ouvrages puhiies en AlleioagBe et en Italic , que MM. les libraires , les e^teurs et les au- teurs (\e8irer(»t /aire aanoacer-daus Ia Revue Encyclopedique. Tous les ouvrages annonces dans la Revue se trouveat chez Sediulot , Libaauie , rue de TOdeou ., n" 3o. CONDITIONS DE LA SOUSCRIPTION. La Rei'Ue EncyclopeJiquc parait raensuelletncnt, depuis Janvier 1 8 19, por caliier de la a i\ feuilles cVimpression. Trois cahiers forment un volame turmine par urie Table analytique et cdphahetiqne des maticres. Chaque anuce est ind^pendaute dcs nnnees prec^dcntea , et olfru iniu sorte d Annuaire scientipque el Ultiralie, eu 4 volumes iti-8". Prix de I' Abonnement, A Paris 4^ pour un an; iS fr. pour six mois. Duns les. depariemens • 55 3o A Petrauger 60 34 En Angleierre.' • • • 72 4^ A partir du 3" janvi-er ou du i«' juillet. Lernonlantde )a souscrlption , envoy (5 par la poste, doit etre adressc d'avance , fbakc db port, iiiusi que lacorrespondauce, srn Directeur de la Revttc EncYcto,)edique , rue d' Enfer-Sainl-Michel , no 18. C'est a la uteme adresse qu on devra cnvQyer les onvrages du tout genre et les gravures qu'on voudra fnire annoncer, ainsi que les articles dont on dii- jirera I'insertion. On sousctit aussi a Paris , chea les libraires ci-aprcs ; Tbedttel ei WoRTz; , rue de Bourbon ,0° 17; Chaiiles Becfiet , quai dcs Augustins , u" 55 ; Rey el GnAVtER , quai des Augustins , n° 55 ; A tA. Galerie de Bossange pere, rue Riclielieu , no 60 ; RoRET, rucHautcfeuille, no 12; J. Renouard , rue de Toumon , u" 6. On soasci it aussi chez tous les Directuurs des postcs , et cbez les principaux libraires, dans les depariemens, et dans lescoloniefi. LrBRAiRES chez lesrjuels on souscril dans les pats etbangI:!,'^. Amsterdam , Delacliaux. Anvers, Ancelle. Aittu (Suisse), Sauerlander. Berlin, Schlcsiuger. J5ewc,Clias; — Bourgdorfcr. i?/-cj/T-BE5 oix i H* J ?. LIVRAISON. REVUE ENCYCLOPEDIQUE.; oil ANALYSE RAISONNEE DES PRODUdTIOIVS LES PLUS REMARQUABLES . .Mas la LnTERATURE, LES SCIEWCBS ET LES ARTS: PAR UiVE lU^lJMOlV ■1- MtSlORES Dli l'iXSTITTJT ET l)'\rTRES aOMM£» Tif; tETlIU:S. x^*"'V'^^^ A PARIS, AU BUREAU DE LA REVUE ENCYCLOPlfeDlQUE . chez SEDILLOT , UBu.vihE , i,ce nE LontoN", n'' 5;. ARTiroS BERTRAND, aiE hautefeiilie, s" 23. FfiVRlERl83I. NOMS DES COLLABORATEURS £T DES CORRESPONDANS , FRANQAIS ET ETRANGERS. 10. Pour Ics Sc'encst physiqtuis el iitaihwiatiques ctles-ri/'W indus' iritis : MM. Bazllt de Mehlibox; CASASeCik, do j^adriJ; Cit. Dc- Pi«, GI^ARD, Navies, de riustUutj J. J. Baudk , Dubbohfatjt , H. UcssARD, Ferht, Francobub, Ad. Gokdiket; D. LAaoNER, tlu Lor.dresj A. MicuEtoT, Moreau de Jomres; Quete^et, do Btuxelles; T. Richakd; Wabden, des Etats-Unis d'Amerique, etc. a". Poor iris Sciences nuturelles : MM, FtoaREKS, Geoffkot Ijaikt- HzLACBE, de riustitut; BoRY db Saint-VincesT, corrcspondaut de rin-ititut; Matmeu BosAFons, de Turin j B. Gailloit, de Dieppe j Isidore GEOFiraoY SAiNi-HitAiRE , Hcox, de Versailles, etc. >. Pourles Sciences inedicalcs : MM. Damirom, G.-T.Uoin, Fos- sATi, Gasc; Gerson, dc Uacabourg; de E.iftcs.aoFF, U'Auvers; LoY' sow; PiERQDi.ii ; RiGQiiroT fils, d'Anaiens; Viret jetc. i^'■. Pour les Sciences pkilosopJiiques et morales , politiques , geogra- phiques et historiques : MM. M. A. JutHEjf , de Paris, Foudateur-Di- re.cteur de la Reuue Encyclopedique ; Abth. Becgnot, Ad. Blabqdi ; Alex. DB La Boboe, Jouabd, de I'lnstitutj M, Avbhei., Ck. Gqhte, Deppihg, AiPHotrsE d'Hebbelot, Dufab, Dono'xer, Goi- GHiAUT, A. Jaubert, j. Laboddeiue, Lanjoisais, P. Lami, Isidore Lebrun, LBSCBoa-MEBLtir, Massias , Albert Most^uont, Eusebb Salverte, J.-B. Sat; Simohde de Sismohdi , deGeueve; Wabkkcekio, de Liilge, etc.; Dopift- aloe; Bebville , BoucuEifE-LEFEK, Pareht- Real, CH.KEHonAHo, Taillahdier, avocats; Vidaoube , du P^rou, etc. 5'. Pour la Litterature Jrcuicaise et etrangere, la JBibliographie , YArcheologie et ies Beaux-Arts : MM. Amdbie3x, AsiAuaT-DcVAL, Amebic David, Lemebcieb, db Secdb, de I'lastitut; An^ibibxix, de Limoges ; Allou; M^o L.- Sw. Delloc ; MM. Bcrnodf fils, Chauvet; Chiamki , de Varsovie ; P. -A. Coupik , Fr. Deceohce , Domebsak; Ed. Gabttiee-d'Arc; Pu. Oolbbrt, correspondant de I'lnstilut; Leoh Halevy , Hbkrichs , E. Hereao, Adguste Jullicn fils, Berhard Jbl- HEN ; Ralvc s, de Zaate ; Adbien-Lapasgs , J. V. Leclef-c , A. Ma- HOt , MonGLAVE ; Mohkard, de Lausaunc; C Pagakel , E. Paiim, Axsblub PETBTin; Serge PoLTonAT2E.T , de Moscou ; Pohgerville , DB REii-Fr.MBEBO, DE SxASiiABT, do Bruxelles ; Fa. Salfi, Scunitzleb, Servam de Sowy: Leojc Tkiesse , y. F. Tissox, Vicuiek, Viu.b- MATB , eic. REVUE ENGYCLOPfiDIQUE, on ANALYSES ET ANNONCES RAISONNEES BES PRODUCTIONS LES PLUS RKMARQCABIKS DANS LA LITERATURE, LES SCIENCES ET LES ARTS. I. MfiMOIRES, NOTICES, LETTRES ET MELANGES. ETAT DE LA SOCIETE RELIGIEUSE PENDANT LE XUI^ SIECLE (i). Au milieu du XIIP siecle, la societe religieuse et feodale approchait d'une grande revolution. Les fier* barons ne pouvaient plus de leurs hautes tourelles menacer leur su- zerain et braver sa juridiclion dominante j Ic clerge voyait s'aflaiblir cette puissance absolue qui , depuis le IX^ siecle , avail soumis a I'figlise I'intelligence dc riioniuie et la con- (i) Ce morceau est extrait de VHislolre consdtutionnelle et administrath's (le la France , par M. Capefigue. Get ouvrage important parailra sons pen dc terns, chez Dnfey', me des Beanx-Arts. Nous ayons supprime les notes indicatives des sources. T. XLix. FEVRirr> >83r. in 258 ftTAT DE LA SOCIliTl^. RELIGIEUSE duite des peuples. Au soiumet dc la hicrarcliie des fiefs, I'autorile royale s'etendait et se forlifiait , tandis que les serfs main-mortables , les vilains et les nianans des cites anachaient pai- la force , ou aclietaient a prix d'argent dii roi , de I'eveque ou du coime , leurs privileges de bour- geoisie , leur charte de commune. Rien iie s'offrait encore complet dans cet ordre nais- sant ; ce n'etait plus la haute independance feodale , cette liberie alliere et turbidente des feudataires; ce n'etait plus I'Eglise avec toute sa puissance morale sur les rois et sur les peuples : mais la societe n'avait point subi , par I'influence d'un siecle , une revolution absolue ; les anciens eleniens ne s'elaient pas completement disperses; les nou- veautes poliliques et religieuses se naturalisaient lente- ment, comme il arrive toujours chez un peuple dont la civilisation est peu avancee ; car , dans sa vie materielle et d'habitude , une innovation I'importune au moins lors- qu'encore il ne la proscrit pas comme un sacrilege. Cependant le plus grand nombre de ces faits ont plus tard triomphe comme des droits ou des principes; ils ont domine I'ordre social , ils le penetrent encore aujourd'hui partout ou le gouvernement representatif s'est etabli avec ses formes de liberte et ses garanties. Ce n'est point dans les forets de la Germanie , comme I'a dit Montesquieu , que ce beau systeme a ete trouve , mais c'est a la propriete fon- ciere et feodale des XII« et XIIP siecles , aux libertes des cites , aux privileges des corporations et des bourgeoisies , au grand principe de la representation des droits et des in- terets, au libre vote des tailles et des subsides, qu'il doit son origine; au-dela il n'y a plus que des faits epars, sans que rien ne renoue la chaine des tems. Avant de penetrer dans I'etude et les progres des institu- tions publiques et de suivre les revolutions successives qu'elles ontsubies, il est indispensable de se faire une idee precise de I'etat de la societe, de sa constitution generale au milieu du XIII* siecle ; I'esprit et le caractere d'un grand PENDANT LE XIII« SifeCLE. aSg mouveinent de civilisation ne peuvent bien se saisir q^u'a- lors qu'on sait precisement en quel point on a laisse un peuple , et en quel point on le retrouve en tel autre pe- liode. Toutes les coutumes du moyen-age portent avec elles-memes des garanties de libertej le systeme electif se montre dans I'Eglise^ dans les communes, dans tous ces droits et ces privileges isoles qui ne forment pas encore des institutions generales et politiques, mais qui assurent a chaque agiegation une sorte de gouvernement de famille. L'Eglise , a la fin du XIIP siecle , bien qu'universelle- ment attaquee dans sa suprematie , conservait encore sa vaste et parfaite organisation; fondee sur la division du territoire et sur la propriete fonciere , elle avait adopte aes circonscriptions pour ainsi feodales, et une hierarchie ejn- pruntee a I'antique administration romaine. L'importance des municipes des Gaules , leurs richesses, avaient, en quelque sorte, regie la preeminence des sieges episcopaux ; et quelquefois le privilege obtenu par une cite de consacrer un temple au Jupiter du Capitole , a Titus ou a Trajan, de batir un cirque , de posseder un hierophante , ou chef des pontifes, avait plus tard determine I'institution d'une pri- matie ou d'une metropole catholique. La Gaule chretienne, ou les pays de la Langue-doc et la Langue-doyl , de la Bretagne , de la Normandie et de la Flandre, se circonscrivait enprimaties, metropoles etsuf- fragances; les deux primats des Gaules, les archevequesde Sens et de Lyon , possedaient la plenitude de la juridiction episcopate. Depuis la grande extension de la puissance des papes , la dignite des primats n'etait plus qu'un titre sans fonctions , et ils avaient meme vainement solUcite les pou- voirs de legats necessaires, comme I'archeveque de Can- torbery , primat d'Angleterre , les possedait sur toutes les eglises d'outre-nner. Les metropolitaius , plus nonibreux dans la hierarchie ecciesiaslique , tenaient le plus haul degre de I'eglise na- '7- 26o fiTAT DE LA SOCIfiXfe RELIGJEUSE tionale. Lorsque le cleryu conscrvait encore les formes li- bics lie sa constUmion piimitivc, c'ctait au inclropolitaiii qu'ahoutissait eii dernier ressort toutc la juridiction lerri- lorialej il convoquait Ics conciles, decidait par appcl sur loutcs les conleslalions, reprimait lesmauvaises mceurs des tlercs, et Ics abus de la puissance st;culic»e. Les evcques sufTrayans tenaient des sieges speciaux , alors infinimcnt imdlipiic's sur toutc I'etcndue du tcrritoire; il n'clait pas line cite un peu iniportante, il n'elait pas uii bourg anti- que ([ui nc possedat son evcque , pastcur du petit troupcau de fidelcs, et surveillant I'eglise du lieu ; c'etait lui qui diri- geait les priercs , presidait aux fetes, el convoquait de son propre chef Ics assemblees ccclesiasliqucs dc diocese. Dans chaque evcclie sc trouvait iine eglise callicdrale: quelques elercs , re'unis le plus souvcnt sous un ordre regu- lier , servaient de conseil a I'eveque. C'etait dans ces col- leges de pretres que s'etaient formees les premieres lecons de renseignemcnt. Cbacun d'eux y avait ses fonctions et sa dignile : I'un y conduisait la niusique , I'autre enseignait le latin; quelques autres redigeaient les prones pour les grandes soleunites de I'annee ; ils assistaient I'eveque dans la plupart de ses fonctions clericales; c'e'tait le cbapitre, avec le consentenieni de son chef, qui designait les cures, Ics vicaires, tons les divers rangs des fonctions dc I'cglise dans les cites et dans les campagncs ; il en surveiilait la conduite et en provoquait les rares suspensions. Toute cette organisation clericale ('tait fondee sur le principe de I'election. Dans tons les divers degres de la liierarchie, dcpuis que le peuple n'etait plus appele scion les formes de i'eglise primitive , les cicrcs se nommaient entre eux aux plus grandes dignites comme aux plus infe- rieures; ils admettaient quelquefois la recommandation royale ; ils se soumettaient a la confirmation necessaire du pape; maisle principe d'election n'en subsistait pas moins dans toute sa force. L' eglise nationalc considerait commc des intrus les cicrcs eleves a des titres eccle'siastiques sans Ic PENDAWT LE XTII' SlfiCLK. -61 toHcouis dc Icuis pairs; Ic clioix sc faisait pai le bullia^e de lous, avec uiie liberie el une eyalite culieie. A chacune des chaij;es de Tautel elaieut aUatliees des propiietes et des tenes considerables. Les clercs avaieiit deja beaucoup recu lors de rinvasiou des Francs, et, mal- gre ['usurpation des Gefs uionasliques par les guerriers de Charles-Martel, la prodigalite des barons n'avait ccsse d'enrichir les eglises de leur voisinagc. Le plus grand noui- bre des eveques etait seigneur teniporel de la cite ou du bourg qui reconnaissait sa jurid clion ; c'elait au menu- litre que les catliedrales possedaient d'immenses lerriloircs, des nioulins , des fernics, des rivieres dent clles vendaient les produils et exploitaient les benelices. Ces seigneuries les souuiettaient aux menies devoirs que les possesjeurs de fiefs militairesj les eveques et les clercs devaient Ic service de leurs vassaux et de leur personne dans les granJs jours de batailles; ils logeaient, liebergeaieiit le roi et ses lioninies lorsqu'une guerre meurlriere, un pelerinage revere les cntrainaienl loin de leurs manoirs de chevaieriej souvent laibles et ciesarmes contre les barons haulains, i!s lancaient la foudroyante excouimunication et invoquaient Dieu oule patron de I'eglise, contre une chevalerie pillarde, etces uiajordomes cruels qui ne pensaieut qu'a remplir les cel- liers de leurs maitres et a multiplier leurs manoirs pro- ductifs. Une large juridiction etait attribuee aux fonctions cleri- cales. Dans I'eglise primitive, les chretiens avaient souvent recouru a I'arbilrage de leurs eveques ; ils fuyaient avec horreur ces tribunaux du pretoire oil les linages des dietix de rOlympe, les guirlandes encore trenipees du sang des martyrs rappelaient un culte abhorre ; ils preferaient se soumettre au jugement de leurs pretres, dont la sentence etait recue et executee avec respect par les fuleles. Lorsque .les terns de persecution se dissiperent , et que la religion tlireticnne s'eleva triompliantc sous Constantin , cetle juri- diction arbitrate des evc(]ucs fut consacree par le prmce; et, 262 ftTAT DE LA SOClfrri^ RELIGIEUSE si les parties les avaient volontairemeiit cboisis pour deci- der leurs diiferends, Icur sentence etait exe'cutoiie devant le Iribunal du pieteur. Successivement la juridiction legale de I'eveque s'introduisit conime un droit; le privilege des cletcs de u'etre juges que par des tribunaux ecclesiastiques , dans les uiatiei-es qui touchaient a la discipline de I'l^lglise , ful admispar Theodose ; et danslcs affaires crviles qui con- cernaient le clerge , les empereurs reconnurent que les par- ties iraient en premier ressort devant le tribunal ecclesias- tique, niais que la sentence d'appel appartiendrait en tous cas au pretoive imperial. Justinien avail altribue aux eve- ques une baute inspection sur les ino^urs : si un pere voulait prostituer sa fille , s'il voulait la contramdre a nionter sur le tbeatre , s'il exposait un enfant nouveau-ue , I'eveque de la cite pouvait faire cesser ce scandale et le condamner devant son tribunal; il nommait des tuteurs aux insenses et aux inineurs, visitait les prisons, et ses lettres devaient etre accueillies avec respect dans le pretoire ; mais la haute juridictian ecclesiastique ne se montra avec un caractcre absolu qu'au sein des tenebres du nioyen-age et par I'em- ploi de I'art babile des faussaires. Les decretales d'Isidorus Mercator, co^mmentecs et agran- dies par Gratien , completerent le systeme d'usurpation sur lajuridiction laique. II y etait dit comme principe qu'en toute cause, quelle que fut sa nature, les clercs n'etaient justiciables que d'eux-memes : commettaient-ils un meur- Ire , un vol, faisaieni-ils violence a une femnie ou a une fille ? c'etait au tribunal de I'eveque qu'ils devaient repon- dre, et toule autre juridiction se trouvait incompetente ; et puis, en raison de la matiere^ prescjue toutes les causes aboutissaient a ce tribunal. S'il s'agissait d'une question de minorite, la protection de I'enfance ne permettait pas que riiglise I'abandonnat aux juridictious laiques; le mariage etait un sacrement ; la propriete se liait a la dime ; tous les actes de la vie , tous les interets de la societe venaient ainsi a lajuridiction ecclesiastique ; les evcques, nou pas seule- PENDANT LE XIIP Sl£:CLE. 263 ment en vertu de leurs droits feodaux , mais coinine les organes de la puissance de I'tglise , exercaient une sorlc de juridiction universelle sur les personnes et sur les pro- prjetes. Ea dehors de cette premiere hierarchie d'une eglise toute nationale, se trouvait le clerge regulier ou monastique, objet d'une veneration et d'un culte presque superstitieux au moyen-age. Dans I'eglise primitive, quelques solitaires avaient cherclie la retraite dans les deserts de I'figypte et de laThebaide; ils liabitaient des cellules isolees, tressaient des nattes , faconnaieut de grossieres corbeilles, et, a I'imi- tation des disciples de Pytbagore et des Esseniens , ils se nourrissaient de dattesetde fruits desseches. Ces babiiudes dudesertscpropagerent si ardemment parmi les chretiens, que le nombre des moines s'accrut sans mesure , et, du terns de Cbrysostome, on en comptait dejci plus de soixante mille dans la Thebaide ; leur turbulence agita plus d'une fois Alexandrie et les villes d'Egypte. Les pratiques monas- tiques vinrent jusqu'en Occident, alors tourmente par les invasions des barbares ; et lorsquc saint Benoit donna sa regie severe , une multitude de guerriers farouches quit- terent le tumulte des camps , les vieux Gaulois leurs muni- cipes mines, pour se devouer a la solitude. Les premiers de ces moines qui se reuniront en corporation, sous une loi commune au milieu de la feodalite triomphante, prirent le nom d'ordre de Cluny , et leur foudateur fut un clerc sorti d'une succursale du cbapitre d'Autun, La regie fut d'abord tres-dure ; les moines devaient s'abstenir de viande et se livrer a des austerites ascetiques pour conquerir un monde celeste; mais peu a peu cette severite se relacba, et deux siecles apres, saint Bernard se vit contraint d'en- treprendre une refornie generate de I'ordre de Saint-Benoit par la fondation de Citeaux. Citeaux, Clairvaux et Cluny furent les trois grandes bran- ches des ordrcs monastiques eu occidcntj leurs pieuses colo- nies s'eleudaicut eu Angleterre ;, en Ilalie , en Allemagne ^ 264 fiTAT DK LA socii^:t]^: religieuse des regies presque identiques les soumetlaient a de coiu- muas preceptes j tout etait pvevu par ces larges statuts^ la discipline interieure , les devoirs respectifs , la priere , les abstinences : tout le systeme monastique etait fonde sur relection et la parfaite egalite. Sorte de petite republique , la communaute se veunissait pour choisir son abbe, son prieur , son chapitre ; tous les moines y avaient un droit egal ; on voyait dans les dortoirs et dans les cellules des brigues et des combats pour le choix des dignilesecclesias- tiques, comme dans le Forum de Pvome antique pour I'elec- tion des consuls. L'abbe, une fois elu, n'agissait qu';)\ec le concours du chapitre ; et les statuts generaux, lesreformes devaient obtenir le suffrage dela majorite. D'immenses proprietes et des serfs nombreux formaient le patrimoine de ces ordres monasliques ; pauvres d'abord et detaches des biens de ce monde , ils avaient recu succes- sivenient des terres et des hommes simples qui renoncaient a leur liberie pour servir Dieu et le monastere. Leur grande renommee de pie'te , les reliques venerees dont ils elaient possesseurs, les canonisations qu'ils avaient souvent oble— nuesde Rome, tout reveillait le zele prodigue de ces barons liautains, qui rachetaient quarante annees de pillage par le don de quelques manses de terre , de sous d'or ou de redevancesen vins, et le produit des forets et viviers. Dans une seule annee Cluny recut cent quatre-vingthuit char- Ires de donations; Clairvaux possedait cent vingt prieurcs, vingl-huit fours banaux , quarante peages , vingt viviers , cent mille manses de terre, sans compter les forets peuplecs de daims et de sangliers, ces deserts ou terrains vagues que les serfs de I'abbaye defiichaient cliaque annee. Tous ces biens etaient administresavec sollicitude. f-ors- ([ue quelque acquisition nouvelle venait agrandir le patri- moine commun, Tabbe, du consentement du chapitre, choi- sissaitun frere intelligent et le deleguaitcommeprieur d'unc succursale , qu'il allait fonder sur ces terres eloignecs ([uelqucs moines le suivaient^ et bicntot celte colonic s'e- PENDANT LE XIII* SlJlCLE. 2G5 tendait elle-menie et devenait rorigine d'aiitres fonda- tions (i). Les graiides lichesses des cleics, 1 iuevilable influence des passions liumaines, les entrainaient dans de mauvaises mccurs ; malgi e les lefonnes successives entrepriscs dans les nionasteres et dans les cathedrales, jamais plus deplo- rable spectacle de corruption ne s'offrit dans aucun college de pretres de ranliquite paienue. Presque tous les clercs avaient des concubines, qu'ils entretenaient avec le fruit des benefices et le produit des oflrandcs. Leurs batards, luailres des eglises, y portaient le desordre et le tumulte. Des femnies impudiques s'approcliaient ties sacreniens comme les vierges et les nobles dames ; les clercs faisaient avec elles des sigues d'inlelligence et disaient des propos d'amour. Les nionasteres et les cathedrales retentissaient des disputes sanglantes produites par les jeux de liasard; les des roulaient dans le refectoire ou dans les dortoirs ; les clercs, presque toujours amies, se livraieut eutre eux de veritables combats a outrance ; ils reuiplissaient leurs loi- sirs par des divertissemcns puerils ou indecens : ils faisaient battre des coqs ; leurs jeunes batards representaient des mysteres, seretetaient des costumesde prelats, et sousle titre dUeveques desfous, ils baptisaient et confirmaient des ani- inaux, etse jouaient ainsi des sacremens du cliristianisme. Queiquefois des habitudes belliqueuses les entrainaient vers des courses actives etbruyantes : les clercs, un faucon sur le poing , I'arbalete sur I'epaule^ se repandaient dans les forcts, et poui'suivaient , au bruit du cor et de raboiement d'une meute, le cerf agile ou le sanglier terrible. Les seusualites de la table venaient encore dislraire celte vie luxurieuse ; il etait Lien passe ce tcnis oil la regie seve- rement observee ne peimettait aux lehgieux que deux plats (i) Citeaux a'etait lui-memc qu'une espece dc suecursalc et de lefoime de Clany; ces deux ordres comptaieut i84 prieurcs dans la Langue-duyl , dans la Langae-doc et en Angleterre. 266 tTAT DE LA SOClftTlt RELIGIEUSE de le{^iinies sees ou de racincs cuiics dans I'cau ; tout ce que le gout fatigue peut invcnter pour varier les emotions seniblait avoir ete reuni dans les paisibles monasteres : les poissons des viviers les plus renomnies, le gibier tombe dans les battues regulieres, les liures de sanglier faconnees en larges pates, la lamproie et le celebrc turbot, pour le- quel des cuisiniers exercesde I'abbaye de Saint-Denis avaient trouve vingt sauces difFerentes. Saint Bernard s'etait vaine- inent eleve contre les larges amphores qui marquaient I'age des vins de Clos-Vougeot par les pontiBcats des papes ou le gouvernement des abbes ; jeunes et vieux n'en persistaient pas moins dans cette delicatesse de gout, et la voix severe des conciles etait souvent oubliee au milieu des bruyantes libations des dortoirs. Dans une constitution qu'un pieux eveque adresse a ses moines pour les exhorler a la sobriete^ il definit ainsi la gourmandise : » Le septieme peclie est la gueule (gula) qui se divise en la crapule et en I'ivresse : la crapule c'est prendre plus de vivres que la nature en exigej I'ivresse, si elle devient une habitude, est un peclie mortel ; I'homme est entraine par elle a toute espece de plaisir, le ventre s'e- chauffe, et Ton va facilement au libertinage. Mes freres^ je vous le dis , je crois que I'ivresse ameue la guerre^ la fa- mine et la peste. » Les moines teuaient peu de compte de ces exhortations, et plus de vingt conciles repriment la vo- racite gourmande des moines de Citeaux et de Clairvaux. Pour soutenir ce goiit de prodigalite etde luxe, lesclercs se livraient a toute sorte de trafics : les benefices qu'ils avaient recus des cathedrales, et que la piete des fideles avait multiplies, etaient loues a des laics moyennant des redevances d'argent. Souvent un baron mecreantou excom- munie possedait une eglise avec ses revenus , et maintes fois le sanctuaire servait de lieu de repos aux liommes d'ar- meset retentissait du bruit des longs eperons de fer. La si- nionie s'etait partoul etablic ; nietropolitains et eveques vendaient les dignites de I'Eglise, les cures, les canonicatsj PENDANT LE XIIP SlfeCLE. 267 on ne couiiaissait que les bons florins d'or j mitres et cros- ses < Les cli-rcs de Rome ont une telle gloutonnerie , qu'ils voudraient qu'il n'y eut liomme independant de leur sei- gneuric ; ils desirent imposer des lois a la terre, mais c'est J our la Irompcrj il n'est pas de clcrc r[ui ne trouble le munde par ses fraudes, et sur ce point, cliaque religieux a sa lecon faite. Voulez-vous obtenir leur bonne grace , il fauV vous faire leurs complices; H vous savez I'ecriture, il faut vous prelcr a leur faux , et les servir de vos moyens. » Ces expressions d'une opinion si bardie et d'une baine profonde contre les clercs ne se f;iisaient pas seulement entendre daiisla Langue-doc, ou I'beresie des Albigcois au- vait pu cxpliquer I'aigreur des troubadours: mais la poesie populaire de l.i Langue-doyl , les fabliaux des trouveres PENDANT LE XIII' SIECLE. 283 icspiraiciit les uieines senliir.ens contre I'Eglise ; I'inconli- nouce des clercs est, pour aiiisi dire , I'unique sujet de ces poesies licencieuses. II etait impossible qu'une opposition si vive , si liardic eonlre la cour de Rome , sommet dc I'eglise catliolique, et contre le clerge, n'ebranlat pas la foi generale des croyans, et ne reportat contre le calliolicisme ijuelques- unes des plaintes qui, de toutes parts, eclataient contre I'organisa- tion de I'Eglise. Les clercs au XIII* siecle possedaient un bon tiers du territoire fe'odal , au prejudice des liauts ba- rons ct des nobles iionimes ; i!s avaienl une juridiclion ab- solue. Leurs tribunaux ecclesiastiques envahissaient les droits des cours plenieres, les jugemens desseigneuries feo- dales. Les vassaux liautains qui , au lit de la mort, don- naient tout a I'eglise du voisinage , parce que le spectacle de I'enfer epouvantait leur imagination ardente, voyaient avec jalousie , dans la force de la vie, ces envahissemens successifs au profit des cathedrales et des monasteres, qui prenaient peu a peu les terres des families , la dime des champs , la justice sur les vassaux et les serfs. Les clercs , presque tons d'origine servile , liuniiliaient, par leur eclat, les liommes de bonne race, eta la fin , la colere des barons fut si grande, qu'ils se liguereiit entre eux contre les pre- tentions et ies usurpations de I'Eglise; ils fireni dresser une cbarte ainsi concue : « Le clerge superstitieux ne considere pas c{ue les terres de France ont ele converlies au cbristia- nisnie par les barons de Charlemagne ; les clercs nous ont d'abord se'duits par une humilite artificieuse; n\aintenant ils envahissent les chateaux que nous avonsbatis, et absor- bent la juridiction des princes seculiers, en sorte que les enfans des serfs jugent ainsi , selon leurs lois , les hommes libres, comnie si , d'apres nos coutumes , ce n'etait pas a nous qu'appartient une telle juridiclion ! C'est pourquoi nous, qui sonrmes les nobles homines du royaume, consi- deraut qu'il a ete conquis , non par le droit civil , ni par I'arrogance des clercs, mais par I'epec des barons, defea- 28; tTM: i)E I, A soci]<:rj^: lUiUGiEUSE tlons que personne n'invoque leur justice , sanf en ces Irois cas : riieresie , le manage et I'usuie , sous peine tie la pcrte d'un meinbrc J aiusi notie patiiinoine so relevera , ct les clorcs , long-tems enricliis i nos depens , seiont lainenes a I'ctal do I'eglise piimitive , et a la vie contemplative ; alois pcut-etre ils nous feront voir les miracles qui ont dispaiu dopuis long terns. » Apies le seel il est ^crit en vieux langage de France : « Nous, gentils barons et liaults liommes , dont le seel est pendant a la charte , nous proniettons sous foi lige et sincere de nous aider les uns les autres et tous ceux qui voudront etre en cette ligue, et de pourcliasser nos droits contre les clercs; et, comme il serait difficile de nous reunir, nous elisons le due de Rourgogne , le comte Pierre de Bre- lagne , le comte d'Angouleme et le comte de Saint-Paul , afin que si quelqu'uu de cette ligue avait a se defendre contre le clerge, nous I'i donnions les secours que les liaults liommcs conviendront. Pour cet eftet , nous permettons la levee des deux centiemes de nos revenusj ces deniers se- ront percus a la purification de Notre-Dame et on les re- mettra a qui sera designe. Si quelqu'un etait excommunie, il n'en continuera pas iiioins a poursuivre son droit. Cet accord dureraa toujours et fut fait I'an 1246. » II est facile d'apercevoir , dans cette ligue de barons, I'espritcommun qui dirigeait alors la resistance contre I'E- glise ; son opulence insolente , son faste , avaient souleve toute la race guerriere. Un but unique semblaitanimer alors la societe feodalej elle cliercliait a raniener les clercs a la simplicite de I'eglise primitive , ce qui aurait fait passer les bonnes terres , les viviers des riches monasteres dans les mains des liommes d'armes comme au terns de Cliarles- Martel. Cette revolution etait promise aux vassaux par leur suzerain , comme une recompense ; elle etait consideree par les barons comme un espoir de ricliesse et de puissance, et par le pcuple, comme un soulagenient. L'empereur Frederic frappait, depouillait les catlicdrales ct les prelals PENDANT LE XUV SifeCLE. 2H5 de la Gcrmanie. En France, les rois tenlaientune resistance aux pretentions exorbitantes des eveques, aux efforts dc cette juridiction ecclesiastique que ceux-ci voulaient eten- dre a tous les points du droit commun. Les excomniuni- tations n'inspiraient plus la meme terreur; I'abusavait, pour ainsi dire, accoutunie les iinaj^inations a ces spec- tacles desrigueurs de I'Eglise; on n'executait plus les arrets de deposition centre les rois, et les barons s'engageaient au contraire a soutenir les excommunies. Dans les villes de bourgeoisie , les citoyens se soulevaient contre les eve- ques ; cette seigneurie les fatiguait , et souvent ils expul- saient les prelats des murs de leur cite libre. Pariout une sorte d'opposition de faits et de doctrines se luanifestait envers le catholicisme ; les clercs etaient forces de se de- fendre contre des mouvemens populaires et contre la verve moqueuse des trouveres et des troubadours. Des chants vulgaires etaient recites contre eux dans les castels ct dans les grandes reunions de cours plenieres. II etait rare que les menestrels de la contree ne contassent, au milieu des bruyans eclats de rire , quelques jojeuses aventures de clercs ; et ces habitudes de satire n'auginentaient pas sans doute le respect des barons et des vilains pour les honinies d'eglise. Toutes ces causes amenerent ou du nioins favoriserent les heresies si nondjreuses dans les XIP et XllP siecles, et qui preluderent a la grande refornie du X\ ". Toute lieresie etait un coup funeste porte a la puissance de I'Egiise ; soit qu'elle provint d'une subtilisation des Ecritures et des textes , sorte de tradition du gnosticisme , soit cju'elle se bornat a une simple reforme materieile et de moeurs, elle n'en etait pas moins une separation violente de la grande hierarchie clericale ; elle frappait I'unite de la socie'te ca- tholique. Les heresies du milieu du XIIP siecle furent empreintes d'un caractere plus populaire que celles des siecles pre'ce- dens ; ce n'etait plus seulenieut quel(|ues manicheens isoles. 286 ftTAT DE lA SOClftlft RELIGIEUSE caclianl leujs doctrines ct leurs mystercs dans dc sonibrcs rctraitcs ou dans dcs lieux deserts , niais des populations en masse qui se soulevalent contre le systeme d'autorite cleri- cale. Les Stadinges dans la Bolicnie s'unissaient au peuple reclamant dcs libertcs , et I'lieresic apparaissail appuyee sur un sentiment national. Dans la Soiiabe , un mouvement universel eclata favorable aux nouveautcs religicuses. Les beretiques assemblaient les seigneurs du pays au son des clocbes ; iis disaientbautenient quele pape n'etait rien dans I'Eglise, que les clercs faisaient bonleuscnient la sinionie, scduisaicnt le peuple depuis trop long-tenis, et qu'il fallait falre cesser ces scandales. Les predicans seuls pouvaient enseigner la v^ite, carils ne tenaient pasleur mission d'un pape corrompu, mais du Saint-Esprit ct de la simple impo- sition des mains. « Prions, disaient-ils, pour rempereur Frederic ct pour Conrad qui sont seuls fideles et puissans. » (Frederic et Conrad etaient excomniuniesetpontificalement deposes. ) Ces predications etaient accueillics par les ap- plaudissemens des seigneurs et de la foule dcs serfs. A Brescia, en Italic, les babitans se proclamaient disciples d'unc grande reforme morale, qui devait embrasser le genre bumain j ils attaquaient les palais episcopaux , depouil- laient les eglises et assiegeaient les tours des nobles bommes qui voulaient resister a ce mouvement des esprits. Dans la Langue-doc, toute une population secouait I'au- torite romaine ; ce n'etaient pas qnelques beretiques isoles, mais une race de plusieurs millions d'bommes, seigneurs, bauts barons, serfs ct bourgeois, qui s'etcndait depuis les Alpes jus([u'aux Pyrenees; la tendance a une reforme de doctrines, de mceurs clericales, y faisait cbaque jour dc nouveaux progres. A Provins, centquarante manicbeens soutenaient bautc- ment leur foi en presence des joyeux barons partant pour la Terre-Sainte etdu comte Tbibaut de Navarre, gai cban- sonnier de la reine Blancbe. Dans les universites, on disputait sur les questions mora- PENDANT LE XIIP SifeCLE. 287 les, sm Ics points de pliilosopliie ou Ics sublilitcs dc Tecole, et CCS controverses animees multipliaicnt les heresies ra- lionnelles, et occasiopnaient de perpetuelles separations de I'unite catholique ; les esprits s'habituaient a ne point penser absolument conime I'Eglise, a se detacher des ensei- Ijnemens et de ses prescriptions exclusives. Partout les opinions populaires les plus hardies contre les clercs se faisaient entendre; les troubadours les repetaient de castels en castels ; on se riait des moines et papelards , du pape et des cardinaux de Rome. Contre cette grande explosion dessentimensheterodoxes, I'Eglise ne restait point oisive; elie avait senti la portee de ces resistances dlverses : e lie essaya sa propre reforme , la correction de ses nioeurs, une severite pins grande dans sa conduite, et comme nous I'avons dit, I'institution d'ordres nionastiques predicans , et dont la pnuvrete ne pouvait ser- vir de texte aux vives declamations des heretiques; elle deploya surtout I'appareil d'une grande severite. Elle ex- communia, frappa des interdits avec les solennites accou- tumees ; les heretiques, ennemis de I'Eglise , furent deferes au tribunal de I'lnquisition : on lespoursuivit jusque dans lesforcts; partout une surveillance inquiete annoncait que les dangers avaient ete prevus. II existe a cette epoque des reglemens sur les heretiques ou les plussoupconneuses pre- cautions indiquentque ces hommesdu desert, quiprechaient de si hardies doctrines, e'taient recueillis, proteges par les habitans de la campagne , et que ces opinions se melaient aux premiers symptomes de la liberte politique. Les rigueurs de I'Eglise ne servirent a rien. II arrive des terns ou des pouvoirs vieillis et fatigues s'imaginent tout arreter par la violence ; ils ne reussissent qu'a irriter les opinions et a les rendre plus populaires ; puis, frappes eux- memes, ils s'ecroulent d'une ruine terrible. L'inquisition fatale , la surveillance des freres precheurs , les excommu- nications , les interdits, toutes ces foudres tomberent im- puissantesj le catholicisme etait parvenu a son plu>; haut 7.88 STAIISTIQUE MORAIJi ET POLITIQUE point do folic el de centralisation. Au XIII^ siecle , Ics les- sorts etaient uses j il fallait sc resigner a la graiide refonne du XV", picparec , coinme nous le verrons plus tard , par Ics conciles de Bale et de Constance. Capefigue. COUP-D'CKIL SUR LA STATISTIQUE MORALE ET POLI- TIQUE DE L'lTALIE. DEUXIEME ARTICLE. (Voy. ci-dessits , p. 24-39). La Toscane est enveloppee , de trois coles , par les Etals de VEglise, qui s'en vont seipentantdu royaunie de Naples jusqu'au P6. C'est un abiine au milieu de i'ltalie : abime funeste ou se sont englouties tant de liberies, tanl de gene- rations , tant de nobles pensees , une civilisation tout en- tiere. Un homme est yenu qui avail jele un pont sur I'a- binie. Ses armees , ses lois I'avaienl franchi , mais le pont s'est ecioule, el Tabinie a devore ses lois , ses armees. C'est a VKlat romaiii , que commence I'llalie italienne sans alliage. L'organisation papale est une sorte de noli me tangere. On ne sail pas ou y toucher : il semble un squelette qui doit tomber en poussiere au grand air. Si la Toscane administrative nous a paru un labyrinthe , quel nom donner a I'administration romaine? C'est un chaos d'institutions heterogencs qui se combaltenl , comme les elemens avant la creation. De celte iutte menie nail une sorle d'equilibre ; car eufin la machine va. On a parle recemment d'une revolution a Rome. Nous n'y avons pas cru; nous la verrions de nos yeux que nous ii'y croirions pas encore. Rome voudrait faire un pas, qu'elle ne le pourrait point. Elle est comme Gulliver ga- rotte par les pygmees. La population de la ville elernelle se divise en deux graudes classes : le clerge d'un cote , les laiques de I'autre. Le clerge emporte la balance, lant par le uombre que par I)E L'lTALlE. 289 son inQuence immediate et tonte puissante sur I'autre classe; car il lui donne dii pain. Or, le clerge est I'Etat, et quel peuple ren verse un gouvernement qui le nourrit? Ce syllo- gisme nous semble fort , et nous le justifions. Le com- merce de Rome so reduit a celui do consommation , c'est- a-dire, a presque rien j un tiers au moins de la popula- tion laique vit directement ou indirectement des etrangers qu'attirent eu masse les grandes solenniles du clerge. Si les etrangers manquaient une annee , ce tiers de la popula- tion mourrait de faim. II rappelle les liabitans de cer- taines lies qui vivent des oiseaux de passage. Un autre tiers est attache aux Cardinaux en qualite d'intenJans, de cliens, de majordomes, commensaux, estaBers, custodes, que sais-je encore? La suite d'une Eminence se multiplie a rinfini. Le dernier tiers enfin depend immedialcment du gouvernement par des prelatures , des emplois, des sine- cures , des pensions (et le nonibre en est prodigieux) ; par tous les liens, enfin, toutes les esperances qui attachent un peuple paresseux a un gouvernement absolu. Tel est le tableau de Rome. Or, une nation ne se dessai- sit jamais du certain pour I'incertain, et la ruinc de I'ad- ministration papale entraiaerait celle de la plupart des ressources que les Romaius exploitent h coup sur. lis niur- murent, ils fontbeaucoup de bruit; mais, en dernier re- sultat, sunt verba et voces ; ils ne veulent pas un change- ment de clioses. Et quant au peuple , allez demander aux Transteverins s'ils ne veulent plus des papes et des cardi- naux pour ministres et pour souverains : vous verrcz ce qu'ils vous repondront. De terns en terns, il y a eu de petits niouvemens, mais toujours sans importance. Ce ne sont prcsquc jamais que de jeunes tapagcurs endettes qui n'ont rien a perdre , et qui ne trouvent point de sympathies dans la population. II faudrait une conibinaison que nous ne pievoyons pas, pour qu'une revolutioli partit de Rome. Maintenant, si Ton nous parle des Provinces, c'est autre chose. La existent de nombreux germes de revolution} car T. XLIX. FEVRIER l83l. H) ago STATFSTIQUE MORAT.E ET TOLITIQITE ce sont elles que le gouverneinent jncssure pour allaclior a son char Ics Romains de PiOine. Mais dans ((ucl abimc pniso-t-il pour satisfairc a tant de bcsoins reels ou factices? Jadis il puisalt dans la bourse du nionde entier; Ics devots lui appoitaient a genoux les tributs dc I'univers. l.cs de- vots aujourd'hui ne se donuent plus celte peine , et I'Etat est presque reduit a ses propres ressourccs. La premiere et la plus siire , c'est un territoire de 1 3 niille niilles carres, d'une ferlilite nierveilleuse. Sa rente est incertaine ; nous indiquons 5o, 000,000 de francs, comnie un terme approximatif. La population de Rome est dc i44j54' babitans ; depuis deux ans , elle s'est accrue de 2,000 ames. La population totale des Elats de I'Eglise est de 2.592,000 babitans ; I'arniee est seidement de 6,000 hommes. L'elat moral est pitoyable : venalite de la justice, corruption pubb(juo , bypocrisie, sont la monnaic courante. II y a des verlus privees dans le mezzo cclo, mais peu de lu- mieres : d'ailleurs, il ne forme qu'une petite fraction de la population. Essayons maintenant de donner une idee to- pograpbique des lieux. Observez d'abord que jamais capitale ne fut plus de- fdvorablement situee, relativement a ses provinces. Les £tats remains ont a peu pres sur la carte la forme d'un fer de lance imparfait , dont la pointe est tournee en bas, et c'est a cette pointe qu'est Rome. Elle ne peut penelrer a I'extremite de ses domaines, c'est-a-dire ,,au P6, qu'en passant I'Apennin. Mais, de ce cote, I'Autricbe veille pour elle. Par le traite de Vienne, elle s'est adjuge le droit de tenir garnison dans la legation de Ferrare , a6n d'etre mai- tresse du P6 , commc elle s'est approprie la Valteline , pour tenir les Alpes du cote de la Suisse. Les qiiatre Legations occupent le nord, de Pesaro jus- qu'au P6. Les Marches s'etendent jusquau royaume de Naples, le long de I'Adriatique. La petite republique de Saint-Marin , colificbet politique , est jetee , entre elles , comme un ilol au milieu des mers. Bologne , la principale DE L'lTALIE. 29 1 ville dos Legations, estpiesque une ville ansealiquc. On y jouit de plus de liberie qu'en auciine autre des fttats pon- tificaux. Le legal actuel ( le cardinal BERNETXr) est rcgarde comnie le representant du parti liberal , de ineme que le cardinal Albani (secretaire d'Etal) Test du parti autricliien. Rome menage Bologne, parce qu'elle la craint. Les Bolo- nais ont la tele cliaude ; MacLiavel loue leur amour de I'independance, et les traditions de liberie ne sont pas merles. Les amies de la cite portent le double mot de Libertas ; repandues dans toute la ville, placees sur tous les edifices publics , elles sont comme un appel aux ci- toycns. Nous etions a Bologne , le jour ou les journaux francais de I'opposition y apporterent la nouvelle de la re- volution de juillet. Nous avons eu I'occasion de les lire a haute voix dans un lieu public ; et nous avons ete etonnes de reffet produit par cette lecture sur les auditeurs. Nous ne nous etions pas attendus ^ une manifestation d'opinion si energique , a tant de sympathie pour la cause de la li- berie. La nouvelle que les Francais allaient passer les Alpes se repandait sourdement, ct «tait accueillie avec en- thousiasme. Tel est I'esprit public dans toute la Romagne, a Ravenne, a Forli , a Ferrare. II se inanifesle a chaque occasion. Plu- sieurs arrestations ont eu lieu, I'ete dernier, a Cesene , a Faenza. Une longue secheresse, une mauvaise recolte, jointes a la mise a execution d'un nouveau sysleme de douanes ruineux et oppressif , avaient exaspere les esprits. Les Marches sont aussi depuis long-tems en fermentation : elles accucillirent avec transport les principes de la revo- lution napolitaine de 1820. Ascoli fut gravement compro- mis. Tout est rcntre dans I'ordre en apparencej mais c'est le calme qui precede la tc-mpele. Ces populations monla- gnardes sont aussi intelligentes , ausii energj[<[ues que celles de la Romagne; elles nourrissenl les menics inimilies, les mcmesesperances; leur liaiue seulemenl est plus profonde, car elles sont moins menagees , et la police pese crucUc- •9- 2g5i STATISTIQUE MOUALK ET POLITIQUK mfcnt sur cllcs. I.es Marches, coiiimc la lloina{i[ne, sonlpcit- plces dc societes secretes politiqucs, qui comniuniqucnt avec le restc dc I'ltalie, autant ([ue fairc se peut. Ancone, le seulport romaiii sur rAdriatiquc , est loin de jouir des privileges dc Bolo,"[ne , quoique important par sa position. Un systeine proliibitif mal entendu mine sou commerce. La foire de Sinigalia, qui formait unc des principales res- sources du pays, decline cliaque annee. J^i nous repassons I'Apennin , nous trouverons des provinces non inoins irri- tees contre la metropole. Spolete, Perouse , et surtout \'i- terbe, parlent d'elle avec une colore, unc audace c|ui etonnent. Elles sont moins eclairees que Bologne, mais non moins violentes. L'opposition n'est passeulement dans les laiques ; elle est dans le bas-clerge. Civita-Vecchia a un port sur la Mediterranee ; elle occupe le centre des Maremmes. II semble que la population soit epuisee par le mauvaisairetla fievre qui rassi«52ent : elle parait absorbee dans ses petits interets mercantiles ; il n'y faudrait pas compter. Quant a la delegation de Frossinone , c'est la portion des litats pontificaux la plus meridionale , et en meme terns la I plus agreste , la plus inculte , la plus retardee. D'antiques habitudes de brigandage ont imprime a la population une physionomie sauvage. Elles sont reprimees en ce moment, mais non detruites: I'arbre n'a point ete coupe dans sa ra- cine, et n'attend cju'un vent favorable pour repousser. Ces apres montagnards sont bons tireurs; ce seraient d'excellens guerillas. Avec dix sous par jour et un fusil , ils sont a vous; mais ne leur demandez pas autre chose. Nous venous de passer en revue une masse de resistances et d'oppositions formidables. Depuis longues annees elles bouillonnent , et viennent se briser inutiles contre Rome , comme les flot§ de la mer se brisent contre un ecueil. Ou trouve-t-elle done cette Rometant de force pour faire face a tant d'orages? cjuelle magie I'environne ? Certes, ce ne sont pas ses forces materielles qui imposent. Ses appuis , ils sont DE I/ITALIE. 293 jiioinsen elle que hors d'clle ; plus inoraux que physiques. Elle se repose sur son nom , sur une loiigue habitude de domination , sur une force d'opinion , un prestijje , une puissance d'antiquite qui frappe coninie une fatalite ; sur cette etrange identite de I'Etat et de la Religion qui les sou- tient I'un par I'autre , et couvrc aux yeux de la multi- tude ce que I'un a de profane et de terrestre, par co que I'autre a de divin et de sacre. Elle se repose sur le manque de concert de ses ennemis, sur dcs defiances semees adroi- lement et fomenlees avec art, sur son Saint-Office enfin , pouvoir occulte, inquisition invisible qui effraie par ses rigueurs et son niystere. Disons-le aussi , le voisinage et la crainte de I'Aiitriche ne sont pas les moins forts de ses sou- tiens. C'est cliez sesennemis metnes que Rome puisc des ar- mes pour les combattre, puisque c'est leur or qui la niain- tient debout. Otez-lui cette force, et son peuple interieur va se retourner centre elle, va la battie en ruiue. Paiieni et circenses : c'est encore son cri. Quelle existence miraculeuse que celle de cette ville si radieuse encore au milieu de ses splendeurs eteintes , si forte dans sa faiblessc , si iniposante dans son isolement ! La moitie du monde est liguee contre elle 3 ses enfans chancelent dans leur fidelite; son systeme de defense meme est mal concerte j elle proscrit les lumieres avec mala- dressej elle prohibe les fruits de la pensee sans discerue- ment; elle n'est severe que par boutades; elle ne sait ni pardonner , ni sevir a propos. Inconsequence , contradic- tion, inhabilete president a tous ses actes, et cependant elle sort victorieuse des attaques , des luttes ; elle est la, Iranquille dans son desert! Tout en elle est formes, con- vention : immutabilite est sa devise. Aux besoins d'un siecle inquiet, d'un siecle investigateur , elle offre les cerefno- nies, les pompes surazinees du moyen age ; a ses dcmandes, elle repond par des benedictions ; a ses cris , jjar des miserere. Et cependant , le dnons-nous , nous verrions sa 294 STATISTIQUE MORALE KT POLITIQUE inortavec peine. Nous aimoiis sos ceremonies , ses poiiipes suramiees, scs benedictions , ses miserere. Wous tlesirons sans doute reniancipalion de ses provinces; nousappelons de tons nos voeux le bonlieur du dernier de ses citoyens ; car nous voulons du bonliciir partout ou il y a des hom- nies J niais nous voulons aussi Rome materielle , nous la voulons inlacte. C'est un lieu de pelerinage pour la pensee, un cliamp d'asile pour les grandes douleurs. Qui oserait le leur fernier ? Rois tonibes, coeurs biases, ames lassecs vien- nent s'y abriler ; tous ainient a s'ensevelir dans ses solitu- des, et y trouvent repos, vie , consolations. Nous voulons Rome telle que cinquante generations I'ont falte , Rome avec ses ruines , avec ses arts , Rome avec sa pourpre pon- tificale , Rome avec son desert. Abordons maintenant les dernieres terres d'ltalie, le KOYAtiME DES Deux-Siciles , le plus grand, le plus beau, le plus fertile de la peniusule. 7,420,000 habitans cou- vrent une etendue de 3i,8oo milles carres, et une armee de 3o,ooo mauvais soldats y vegete, plus pour veiller a la perception d'un revenu de 84,000,000 de francs, qu'a la surete du royaume. En theorie , I'organisation administra- tive et judiciaire est assez bonne; en pratique, elle est de- testable. A son retour au troue , Ferdinand avait maintenu purement et simplement les institutions francaises, a I'ex- ception de I'etat civil qu'il avait rendu au clerge. Jusqu'en 1821 , les clioses allerent assez bien ; il y avait despotisme, mais non oppression. La revolution a change totalement la face du pays. Cette noble entreprise , mal combinee el mal conduite, trahie par ses chefs et par le roi meme qui lui avait jure fidelite, eclioua contre les efforts reunis de la defection, du parjure et des baionnettes autrichiennes. Ce fut I'origine du systenie actuel , systeme atroce qui depuis dix ans se poursuit avec une rigueur excessive, une con- stance qui epouvante. Malheur au peuple terrasse dans sa lutte conlrc le pouvoir I il est foule sans quartier. Le peuple iiapolitain en est un terril)le excmplc. 1)F L'lTALTE. -1,5 Le gouveinement a lui-ineme divise ses sujets cii «leux grandes classes : les idees absolutistes d'un cote, les libe- rales de I'autre. AiHel contic autel. Les premieres sont seulcs appelees au pouvoir, aux faveursj les autresperse- cutees, proscrites, frappees de mort. On les poursuil jus- que dans le secret des cceurs. Le gouverneineiit se craiii- ponne au clerge , et le clerge au gouvcrnement. lis se pietent main-forte. Le confessionnal est erige en inquisi- lioQ : la pensee y est appliquee a la question , y subit la torture. II faut non-sculenient se denoncer soi-meme ; il faut encore denoncer ses amis, ses proclies : I'absolulioa n'est qu'a ce prix. Ainsi, les ames timorees sont dans I'al- ternative d'une lache delation , ou d'une damnation eter- nelle. Acharnement centre les vaincus , aveugle complaisance pour le vaiaqueur : tels sont les seuls tilres aux faveurs, les marchepieds du pouvoir. Toute denonciation, meme anonyme , est accueillie, encouragee. On emprisonne , on exile sur un soupcon. Les provinces sont aux mains d'in- tendans absolus , sorte de pachas sans influence pour le bien, tout-puissans pour le mal. Les administres, dans leur detresse, hasardent-ils contre un intendant quelque piainte a I'autorite superieure ? I'autorite renvoie la piainte au tribunal de I'intendant meme qui en estl'objet, et livre le plaignant a sa merci. L'arbitraire foule aux pieds le droit des gens : il le sape dans toutes ses bases. Que dire des tribunaux? Les creatures du pouvoir y siegent. Jadis integres , ils recoivent sans rougir leurs arrets de la police dont ils sont un des mille bras. Un meurtre fut commis en Basilicataj un officier superieur, odieux au gouvernement par ses doctrines independantes , fut charge de I'accusation et traine sur le banc des assassins. Son innocence etait evidente a tons : mais c'etait un homme de trop, il devait etre sacrifie. La police avait dicte le re- quisitoire du ministere public; elle dicta I'arret des juges. Le president seal rougit de trempcr dans ee complot do 2^) STATISTIQUE MORALE ET I'OLITIQUE sang, il pioclama I'innocence du prevenu. Vain courage ! La lete do I'innocent tomba sur rechafaud , et Ic couiageux magistiat fut destituc' pour faire place a un plus docile. Quelqucs jours apres , on trouva le vrai coupablc. Oil a beaucoup parle d'un pioces politique sur lequel les tribunaux napolitains ont prouonce, il y a six ou sept mois, apres je ne sais conibieu d'annees de lenteurs et de temporisations. Le principal prevenu etait uu nomme De Mattlieis, iutendant en Calabre. Ses crimes etaient evidens, comnie la luniiere du soleil : il etait accuse d'actes inouis d'ini(iuile et de barbaric; il avait soudoye de faux temoins pour perdre ses ennemis et servir ses vengeances; il avait donne la torture dans les cachots, tue des prisonniers dans I'omljre. LesCalabrais perdircnt enfin patience; un cri de reprobation s'eleva de toutes parts j i'intendant et sessbirres furent arretes. Mais ses victinies etaient des carbonari ; mals il avait servi la cause de I'Etat; peut-etre luenic n'avait-il agi qu'en vertu d'instructions niinisterielles, au moins le bruit s'en est-il repandu. En fallait-il davantage pour I'absoudre ? Le gouvernenient deguisa laal ses repugnances : le proces fut mal instruit, les debats nial diriges. Le miuistere public avait , par un reste de pudeur, conclu pour la niortj mais c'etait une comedie, et les juges ont prononce une peine qui equivautpresquea une absolution (i), De Matheis avait cu pour premier satellite, pour grand-visir en Calabre, le general Pasteur , ancien cbef de brigands , qui a con- serve dans la societe les formes et les habitudes de son pre- mier metier. Nous etions a Naples, lors de cette scanda- Icuse affaire, et nous avoms eu I'occasion de recueillir les faits sur les lieux memes. Tagliacozzo est une petite ville sur la frontiere de I'A- bruzze. Sa proximite des Etats romains y facilite une contrc- bande que renormite des droits rend prcsque une necessite. (i) Le nouvcau rol vient de lui f;iiro tout-a-fail grace. DE L'lTALIE. 297 IjC {jouverneinent est implacable centre ce delit. Un pio- prietaire de la ville, pere de famille, fut I'objet deplusieurs denonciations anonymes. li etait de plus suspect de caibo- naiisnie ; ilfutairete de iiuit dans son lit, traiiie a Naples; et de la immediatenient et sans piocesenibarquepour la Favi- jjnana (i). Cette scene s'est renouvelee plusieurs fois dans la menie ville. Un de nos amisavait fait un voyage en Fiance ; a souretour, il fut traduit de vant le tribunal de la police pour rendre compte des motifs de son voyage et de I'emploi de son terns. Un autre fut arrete , lui vingtieme , sur uue sim- ple denonciation anonyme , et detenu vingt-sept jours dans une horrible prison. Mais notre plume s'arrete ; nous somnies las de repro- duire tant d'iniquites. Un long sejour dans les provinces napolilaines nous a initie dans les turpitudeset les atrocites du gouvernement; nous pourrions facilement remplir un volume du recit de pareils actes. Nous avons lules circu- laires les plus mysterieuses de la haute police napolitaine a ses agens, et sonimes entres bien avant dans le secret de ses intrigues. Nous-memes avons ete enbutteasespersecutions. La Giunta di Slaio est moins un tribunal qu'une inqui- sition politique : tout s'y traite a huis-clos. Le prevenu est seal, en presence de sesjuges^ on nele confronte pas avcc ses accusateurs ; il en ignore meme le nom. La situation d'un sujet napolitain, convaiiicu ou soupconne de carbo- narisnie, est desesperantc ; il u'a pas un asile au nionde. Dans la vie privec , ses amis le fuient comme attaque d'un mal contagieux. Dans la vie civile, iribunauX; administra- tions, lout est dirige contre lui. Sans carriere , sans repos, sans securite^ se refugie-t- il dans le dernier asile, dans la religion , il trouve ses ministres meme armes contre lui. Veut-il fuir sur une terre etrangere ? il ne le peut pas; la police veille sur la frontiere , et le rejette dans ses foyers, comme dans une prison, (1) He deseite pres dc la Sicile qui seit de lieu de deporlation. ->98 STATISTIQUE MORALE ET POLITIQUE Tel est I'et.it de cc inalheureux pays. Ce systeine d'op- pression , mis en pratique par Ferdinand , fiit recueilli en heritage par son fds , qui en continua I'application avec la rigueur et la colere d'une mauvaise conscience : car ceux qu'd persecutait etaient ceux-la luenie dont ilavaitjure de soutenir la cause. Le roi actuel a ete nourri dans ces doc- trines. On parie de ses bonnes intentions ; nous ne pouvons y croire. Le royaume est obere. La propriete gemitsous d'enormes inipots. Le commerce languitj I'industrie est nuUe : a I'ex- ception d'une garde urbaine, instrument dugouvernement, la population est desarmee par les lois les plus severes; le me'contentement est pavtout. Toutes les lumieres sont hors des affaires, et releguees dans la vie doniesticfue. On regrette la dynastie napoleonieune , et les terns de guerre d'alors entralnaient uioins de charges et de maux que la paix actueile. On se rappelle et Ton repete que la justice etait rendue avec integrite. Nulle part, en Italie, il n'existe plus de haine pour le regime actuel, ni peut-etre une plus grande masse d'oppositions et de resistances sourdes (i). Dans les Calabres surtout, si maltraitees par la reaction de 1821 , la fermentation est ge'nerale, etl'on sait que les Calabrois sont courageux. Le desastre de la derniere revolution a imprime un pro- fond decouragement au creur des Napolitains. L'Autriche est comme un epouvantail (|ui les glace : ils attendent tout de la France, qui semble appelee a etre le modele, I'appui des peuples opprimes. (i) Nons avons va, dans plusieiiis solitudes , des bibliotheques com posees d'ouvrages inodeines prohibes avec le plus de severite. Nous avons connu des hommes qui se procurent a grands frais et a grands risques des journaux francals independans, tcls que la Bevite Ency elope finite , (lac nous avons trouvee en divers lienx. Et cependant , la censure napolitaitu' n'est pas moins onibragisuse que celle du due de Modene. La lecture d'un onvraae al'indcxest un acte de couraae ct de resistance. DE L'lTALIE. 299 La SiciLE, privee de ses parlemens et de ses privileges, est livree au bon plaisir napoiilain qui la gouverne par circulaires. Le vieux Ferdinand lui a bien jele quelques lainbeaux du Code Napoleon , mais nial appropries a sa position , mal compris et raal interpreles ; ce qui n'a fait que multiplier a I'infini le nombre des homines de loi : c'est une lepre qui ronge la Sicile. Les Siciliens et les Na- politains s'abhorrent, autant peut-etre que les Lombards et les Autricliiens. C'est encore la un accouplement factice qui ne peut durer. Du restc, la Sicile nous semble en de- hors du mouvement italien. L'Europe se reflechit jusqu'a un certain point dans I'ltalie; en Sicile , il en estautrement. Cette lie semi-africaine forme le passage de I'Europe a I'A- frique. Ses interets sont concentres sur elle-memej elle reste etraugere et indifferente aux choses du monde ex- terieur , et ne demande que ses vieux parlemens et ses anciennes franchises, dont Naples I'a depouillee. On dil que le nouveau monarque vient de lui envoyer pour vice-roi un de ses freres mineurs, sous la tutelle du general Nun- ziante. Malheur a elle ! Comine Rome , Naples est trop eloignee du centre de ses fitatsj mais ici, la mer remedie un pen a cet inconve- nient. Sa population de quatre cent mille habitans en fait une capitale hors de proportion avec le reste du royaume , une tete de geant sur le corps d'un nain. En altirant a elle, pour ainsi dire , le sue de tons les membres , elle les epuise. La metropole meconnait I'esprit des provinces; car elle a peu de rapports avec elles : et nous croyons que , dans un moment donne, on devrait moins compter sur les Napolitains de Naples que sur ceux de la province , parce que la province souffre plus que la capitale, et qu'il y a plus d'energie et de courage. Telle est , en resume , la statistique morale des divers Etats d'llaliej c'est un croquis d'apres nature. Nous lais- sons pour le moment au lecleur le soin de tirer ses conclu- sions : nous avons mis les pieces sous ses yeux. Du reste , 3oo STATISTIQIJE MORALE DE L'lTALIE. c'est un sujet sui' Icquel nous icviendrons. Nous avons eludie ct paicouru r[talie avcc amour , et nous serious heureux de faire passer dans quelques ames la profondc pitie que ses mallieurs nous inspirent et 1 ininieiise int«5ret que nous porlons a son avenir. Nous regretlons d'avoir dii nous borner a I'esquisse incomplete et rapide d'un si vasle tableau ; toutefois , si imparfaite qu'elle soil , elle peut presenter quelque inte'r^t. Dans un moment ou la guerre est peut-etre imminente , il parait utile d'appeler I'attcn- tion sur les pays qui en seront le theatre; car, dans notre opinion, le premier coup de canon tire en Europe sera, pour ritalie , la trompetle de la resurrection. On a pu voir , par ce qui precede , que deux principes rcgnent sur I'ltalie, la France ct rAutriche. L'une est son bon, I'autre son mauvais genie. Tl y a la-de.ssus unite de craintes , unite d'esperances, cliez les Napolitains comme cliez les Lombards. C'est la un lien commun cjui , a defaul d'autre , pourrait servir de point de ralliement, de but central d' operations et d'attaques. Le moment decisif de I'Jtalie nous semble arrive. Une occasion aussi favorable peut ne pas se representer de tout un siecle. Le tocsin sonne ; la generale bat. En avant I Nous avons assiste, depuis dix ans, ti de grands spectacles; mais nous sonimes destines a en voir un plus grand encore : le reveil des Italiens. La Pologne !eur a donne I'exemple } c'est une necessite pour eux de le suivre , sous peine de se perdre a jamais dans I'opinion du monde j car leur position est mille fois plus favorable cjue celle des Polonais. Qu'ils n'atlendent pas plus qu'eux cju'on leur apporte la liberte. Une liberte importee par I'etranger se paie toujours cher. Que la leur soit un fruit de leur sol natal muri par leur soleil. Elle leur sera d'autantplus chere qu'ils I'auront con- quise avec plus de peine, et qu'elle leur aura coiite plus de sang. Qu'ils se familiarisent avecl'idee de combattre seal a seul avec I'Autriclie, et ne comptcnt pas trop sur I'assis- lance des autres peuples. S'ils ont imc resolution forte ct REVUE DES JOURNAUX POUTIQUES , etc. 3oi (leTunite dans leur resistance , ils peuvent se sufFiic. I^'An- {^letene ne serait pas leur alliee, car elle les craint 3 et quant a la France , le systenie faux, tiniide, incertain de son Cabinet, pourraitbien la jeter dans des enibarras tels qu'elle n'aurait pas trop de toules ses forces pour sa propre defense. Nous le rcpetons : que les Italiens s'attendent a une lutte corps a corps avec I'ennemi conimun et s'y prepa- rent; niais qu'ils ne I'entreprennent qu'avec une volonte fernie j une demi-resolution leur serait funeste : car I'ex- perience de tous lespeuples , de tous les ages , leur propre experience prouve que toute tentative manquee d'une na- tion, pour renaitre a I'independance , a pour resultat cer- tain de river plus forteinent les fers qu'elle n'a pas subriser. Ch. Didiee. REVUE DES JOURNAUX POLITIQUES DE PARIS. La vie est rapide au siecle ou nous sommes: les emo- tions s'y succedent , les evenemens s'y multiplieut avec une Vitesse inconnue aux generations qui nous ont precedes. Les revolutions politiques, qui pour elles se deroulaient lentement le long des siecles, se precipitent sous nos yeux, s'amoncelent derriere nous, et laissent a peine a I'hisloire le tenis d'en prendre note pour les races qui nous rempla- ceront. A une epoque pareille , il faut renoncer aux longs tra- vaux , aux tranquilles et profondes meditations. Pendant que vous batissez lentement votre ouvrage sur un sujet que vous croyez jeune , les peuples s'avancentj et lorsque vous leur apportez le fruit de veUles laborieuses, ils sont deja bien loin , ils vous ont depasse , ils ont oublie le sujet qui vous a preoccupe vingt ans , et vos verite's hardies, vos decouvertes recentes sont pour eux des li-eux commuus et des vieilleries banales. 3o2 KEVUE DES JOURNAtlX POLITIQUES Arrivees a ce point de civilisation, les nations les pluslet- tiees font pcu de livrcs : ils sont tiop longs a eciire et a lire; les joiunaux les remplaccnt ; — les journaux , bibliolhe- que legere du matin et du soir, qui renreinie tout, phi- losophic, litterature , beaiix-avts, sciences, legislation; qui arrive toujours a hcure fixe et precise , quiapporle des materiaux a vos etudes , sert vos interets , sait se faire I'e- cho et le flatteur de vos passions. Aussiles peuples les plus.Tvances sur la voie progressive que le monde parait destine a parcourir, les peuples dont I'etat politique est le plus perfectionne , dont le commerce est le plus actif , sont-ils ceux qui publient le nioins de livres et le plus de journaux. En Angleterre , on ne faitplus de grands ouvrages que pour I'aristocratie , et aux fitats- Unis, le commerce de la librairie n'existe presque pas : on n'imprime que quelques romans et des traites classiques de sciences. On pourrait etendre en sens contraire la menie observa- tion a I'Espagne, a I'ltalie , a rAllemagne. La France fournirait aussi une preuve decisive de ce fait. Sous I'ancienne monarchie, a peine compte-t-ou un ou deux journaux presque uniquement litteraires. La revolu- tion en fit eclore un grand nombre : mais ils portcrent le cachet de ce tems. C'etaient des pamphlets poliliqucs ar- dens, passionnes, sanguinaires meme, oil des coleres ener- giques tenaient lieu de talent j oil les injures suppleaient aux argumens ; oil une polemique furieuse lemplacait la discussion. Je ne parle que du caractere general de la presse : plu- sieurs publications meritcraient d'etre exceptees. L'Empire et sa lourde censure etoufferent la discussion quotidienne. Les journaux furent reduits a n'etre plus que les bulletins des victoires , des voyages , des travaux du souverain. D'innoceutesguerres litteraires se livraient pour- tant dans les feuilletons, et c'elait la tout ce qu'on per- DE PARIS. 3o3 mettait a la pensee. Cependant, quelques renommecs s'e- leverent sur cette base etioite, et fonderenllc succes d'une feuille, qui, sous un autre noin , vit encore aujourd'liui de sa vieille reputation. La restauratioii, quelque peu de liberte qu'elle nous ap- portat , laissa pourtant se developper davantage la presse periodique. Ceux qui nous iniposerent la Charte de 18 1 4? bien qu'ils eussent peu d'intelligence des besoins de ce siecle , coniprirent cependant que leur bras n'etait pas assez nerveux pour nous soumettre au joug que nous fai- sait porter Napoleon. lis se promirent done de surveiller atlentivement la pensee , de I'arreter quand eile irait trop loin, de la tenir constamment en tutelle , niais toutefois de la laisscr marcher sans entraves. C'en elait assez pour la presse : cette liberte qu'on lui marcliandait , pourvu qu'elle put parlcr , elle saurait bien la conquerir pleine et entiere. C'est ce qu'elle fit : elle devint toute puissante du jour ou elle exista ; quand on voulut I'atlaquer , elle etait deja trop forte, elle brisa plusieurs fois ses liens; et lorsqu'enfin on s'apercut qu'elle avait mine le principe despotique, et qu'a son tour elle possedait la dictature , on fit une der- niere tentative, un effort decisif : le resultat de la lutte fut la defaite de la nionarcliie et la chute d'une dynaslie. C'est pendant ces quinze ans de combats que la presse periodique a vraiment pris naissance en France; ce n'est que depuis lors qu'elle a compris sa veritable mission , et commence ses destinees politiques. Le Constilutionnel est le premier journal qui servit d'or- gane a I'opposition des hommes qui avaient devine les se- cretes intentions de la restauration et ses vieilles affections de droit divin, d'aristocratie et de monachisme (r). Son succes fut rapide : I'amour-propre national, l)lesse par la vue des armes etrangeres qui nous ramenaient une race (i) Par nne coincidence honorable , et que je lue plais a faire reniar- 3o', REVUE DES JOURNAUX POLITIQUES presquc oubliee ; le fioissement des interetsnombreux alta-^ dies , coininc dans toule revolution , a I'ordre de clioses qui tonibaitj la liaine d'unc domination imposee par la force , et qui tentait paitoul des reactions sourdcs ou vio- lentes ; enfin , cet instinct populaire , si vif et si delicat en France, qui disait aux masses qu'il n'y avait pas de syui- patliie entre elles et les nouveaux maitres , jjrossirent en peu de terns les rangs de cette opposition naissante. Depuis lors , le nombre des Iccteurs du Conslilutionnel n'a point diminuc, et rinimense publicite de ce journal lui a permis de vendre a la liberte des services dont on ne pourrait sans injustice meconnaitre la realite et I'impoitance. Toutefois, il faut le dire , ce succes materiel ne fut pas toujours un succes de doctrines. RenfermcJ dans les liniites d'une etroite et systematique opposition , le Constiiulion- nel ne defendit pas toujours cette liberte large et pbiloso- pliic[ue dont ses redacteurs, qui, pour la plupart, avaieut grandi et servi sous I'Empire, ne pouvaient guere avoir I'in- telligence etl'habitude. Souvent on a pu lui reproclier de flatter les prejuges, les passions populaires , de se plier trop complaisamment aux caprices de I'opinion, quand I'opinion s'egarait. Ainsi, long-terns il caressa I'orgueil mililaire qui avait survecu a I'Empire, et s'etait releve plus fort apres sa chute ; plus tard, il poussa jusqu'a la niaiserie sa guerre centre le jesuitisme , et applaudit bautement aux ordon- nances de 1828, qui sont un veritable attentat a la liberte religieuse , et qui resteront comme Facte le plus mauvais peul-elrc du ministerc Martignac." Cette tlexibilite de principes indiquait que la publication de cette feuille n'avait plus pour objet la propagation d'une doctrine , et la victoirc d'une opinion ; mais une specula- tion linanciere. Ce n'etaient plus les ecrivains qui dirigcaient qner, le fondatcur (hi Recueil ou j'eciis ces ligiies fut aussi , en i8i3, I'un ties fondatcurs et desprincipanx icdacteurs du Constitutlonnel. Arts. P. DE PARIS. 3o5 I'esprit du journal, c'etaieut les negocians qui exploitaicnt I'opinion publique k la liausse, a la baisse, suivant toutes ses variations. Le 2.5 juillet mit ce fait au grand jour. Tandis que d'autres journaux donnaient I'exemple ucla- tant et perilleux de la resistance a la force inique et bru- tale , le Conslilulionnel refusait de se joindre k leur ener- gique protestation. Bien plus, il reniait cet acte que I'his- toire proclamera sublime j il reconnaissait la legitimite de la force ; il s'agenouillait devant le parjure , et obtenait la permission de vivre, avec la honte de sa lachete. Aussi, beaucoup d'hommes de talent, qui avaient con- sent! a preter jusque-li au Constitulionnel le secours de leur plume , refuserent-ils de s'associer plus long-tems a lui. Plusieurs de ceux qui sont restes avaient mis leur hon- neura convert, en signant, comme individus , la protesta- tion du 27 juillet. Cependant, le Conslilulionnel s'est rallie avec eclat a la liberte victorieusej il s'en proclame aujourd'hui le plus feime appui, et s'efForce de prendre sa part des lau- riers du triomphe , sans avoir couru les dangers du combat. Toutefois, sa marche a quelque cbose d'embarrasse et de contraint. Prive de ces priucipes immuables, qui trou- vent en toute circonstance leur application, il ne sait a quel systeme se rattacber. Il n'ose quitter ses vieilles babitudes d'opposition , et s'allier francbement au pouvoir , parce qu'il tremble de compromettre une fortune que son role d'opposant, et de premier opposaut, lui avait seul acquise. II perd de jour en jour dans les departemens une influence qui depuis long-teuas n'est plus comptee a Paris. Nous avons parle d'abord du Coiislilutionnel , parce qu'il est impossible de le faire entrer dans aucune classifi- cation de doctrines ; parce qu'il n'a rien d'aclif et dc pro- pre dans son existence , et qu'il se contenlc de refleter va- guement les senlimens generaux, sans les lier entre eux; T. XLIX. FEVniER l83l. ?.0 3o6 KEVUE DES JOURNAUX POLITIQUES pnrce qu'en un inot,il nest pas un diapcau dc colonne, mais une bannicrc de rallioinent pour les trainards de toutes les opinions. Nous serons obliges d'adoptcr une marclie differente pour les autres journaux : il faudra les ranger dans un ordre qui fasse bien comprendre la direction qu'ils suivent aujour- d'hui. Mais nous devons presenter quelqucs observations preliminaires, et constater, pour ainsi dire, Vetat des lieux. La derniere revolution n'est point une revolution pure- ment politique. Des esprits etroits ct faux ont pu seuls se persuader que le peuple .s'etait leve pour maintenir une Cliarte qu'il ne connaissait point, pour punir des illegalites qui ne le toucliaient pas; en un mot , qu'il s'etait insurge contre une colonne du Moiiileiiv. Ce sont de niiserables homnies d'Etat que ceux qui s'abusent et chercbent a abu- ser les autres par de tellesniaiseries. Toutefbis, tandis que ces pauvres politiques s'imaginaient que rien n'etait change , sinon une cocarde , un roi et des fonctionnaires ; un horizon nouveau s'ouvrit le >c) juillet a I'oeil de beaucoup d'hommes raisonnables qui, jusque-la, s'etaient egares dans de vagues theories historiques. En parcourant cette ville fortiGee de facon a devorer en un jour des millions de soldats ; en franchissant ces barri- cades multipliees ; en contemplant ces vainqueurs degue- nilles , I'ceil ardent , la poitrine haletante ; en entrant dans ce Louvre inonde par le tlot populaire, joncbe de cadavres desplus beaux bataillonsdel'Europe, la verite leurapparut. Ce n'etait pas une revolution politique qui s'achevaitj c'etait une revolution sociale qui commencait. Huit jours apres , le canon de Bruxelles leur annonca qu'un autre pan du vieil edifice social s'ecroulait. Puis, pretant I'oreille , ils entendirent I'empire d'AUe- magne, cette grande ruine feodale, craquer de toutes parts. Tournant leurs regards vers I'Angleterre , ils virent sa po- pulace ameutee par des theories , les incendies organises par la misere , la bataille politique placee au-dela du DE PARIS. 3o7 champ conslilutionnel ; les hustings dominant la tribune, les torys plus que jamais foUement egoistes ; les vvhigs n'attendant pour se pourrir que de se voir couverts d'or et de dignites; le peuple enGn, sans defenseur legal, lors- qu'en dehors des lois sa puissance devient formidable; tout Tordre officiel de la societe vivant dans le passe, loute la force I'eelle se precipitant vers I'avenir. Enfin, ils virent la Pologne se reveiller apres un sommeil d'epuisemenl , et confier au vieux sabre de ses peres les destinees de son independance. Et partout les peuples suivant d'uu ceil sympathique les mouvemens des peuples , et s'encourageant les uns les au- tres dans leur carriere ffouvelle. Partout , I'insurrection sous mille formes, mais toujours partant d'en bas, visant en haut, arretee par un obstacle intermediaire : les rois attaques par le peuple, defendus par I'aristocratie. La prodigieuse coincidence de.tous ces evenemens de- montre que le monde s'est avance d'un pas de plus vers son etat final, la democratic pure. Mais, comnie dans tout progres politique et social, une partie de la generation veut retourner en arriere et rer^a- gner les privileges dont le terns la depouille j une autre cherche a rester attachee au point que I'liumanite quitte; I'autre enfin s'avance vers le but nouveau que les peuples out decouvert. Le principe retrograde , la resistance et le niouvement, voila ce qui reste apres la secousse ; voila les etendards sous lesquels se raugent les partis. C'est de ce point de vue qu'il faut etudier les journaux qui maintenant en France leur servent d'organe. Deux journaux seulement representent le principe re- trograde , la Gazette et la Quotidienne. ■ Nous aurons plus tard a parler de la Gazelle qui a pres- que toujours ete redigee avecbeaucoup de talent; aujour- d'hui , son systeme consiste a considerer la revolution 20. 3o8 REVUE DES JOURNAUX POLITIQUES cominc un fait accompli, comme unc consequence des faulcs du pouvoir legitime ; olio n'opposc guere au pouvoir nouvoau iju'un perpctucl dcfi do fonder lien de durable et de bon. Habile a exploiter yes souvenirs, elle va clier- clicr , dans la vie des hommes qui se sont fails grands sur les ruines de la Restauration, toutes leurs opinions contra- dictoires , lous leurs sermens parjures , pour les decrediter dansl'opinion : c'estune taclie facile et peut-etre superfluc. La plupart de ces vieux debris de tous les regimes n'ont rien a perdre sous ce rapport. La Quotidienne , tres-peu remarquable par le merite de sa redaction , Test beaucoup par I'inconvenance qui regne dans rexpression de ses opinions. Seseolonnes sontpleines d'elegies ridicules sur les mallieurs et les vertus d'une fa- mille qui s'estbaignee dansle sang francaisj de vo3UX inso- lens pour le retour d'un enfant qui ne pourrait, s'il possedc un cceur d'homme, jeter les yeux sur nos murs , sur nos mouumens, sans rougir des crimes de son a'ieul. Nous ne dii-ons rien de plus sur ccrtaines insultes adressees a toute une cite , a toute une nation : ce peuple les meprise et les pardonne. Le seal effet produit par ces deux journaux est d'aller attrisler ou rejouir au fond d'un chateau de province quel- que vieux courtisan cliarme des maux qu'on predit au pays, et qui lui en desire cordialement de plus grands encore. Le Journal des Debals doit elre place a la tele des feuilles de la resistance , c'est-a-dire , de celles qui , ayanl adople la revolution de i83o , n'en vculent pas cepcn- dant accepter les consequences. Dans la longue carriere qu'il a parcourue , ce journal n'a jamais cherche a defen- dre des principes, mais des interels. L'aristocratie, dent il s'est conslitue le defenseur , se compose de ce qui reste des grands seigneurs de I'ancien regime, de cette portion de la viedlc noblesse de province qui eut le malheur de s'en- richir sur les ruines de la monarchie et dans les anticbam- bres de I'Empire , d'une parlie de la noblesse creee par HE PARIS. 3o9 JNapoleon , ot cnfiu dos posscsscuis de (jiiclqucs grosses fortunes bour^jooises qui font tous leuis ell'oits pour se parer des ridicules et des vices de cliacune de ces castes. Avocal de cctle aristocratic batarde , il fut inouarcbique et relijjieux jusqu'a ce que le ministere Villele, regne de parvenus J poussaut trop brusquenient el tiop loin le sys- tenie, et dormant trop au monachisme , force lui fut de conibattre ces auiismaladroits. A vrai dire, ce fut lui qui decida leur chute. I.c minis- tei e Martignac le retrouva naturellenient serviteur du pou- voir : car ce uiinislere elait precisement le regime qui lui convenait. Mais bienlot il fallut reprendre le role do I'opposition. Le ministere Polignac , oeuvre de coterie ou plutot dc sacristie, fut forme sans Tassentiment et nieme centre Ic va3u des liberaux des Tuileries et du Luxembourg; il ne garantissait rien a des gens qui connaissaient assez la France pour n'oser pas operer le retour du bon plaisir. Etpeut-etre meme ce regime ii'aurait-ii pas satisfail la majorite des aristocrates. Beaucoup d'entre eux sentaient bien que leur position etait plus belle , plus sure , plus influcnte , dans un gouverncment representatif etabli sur le modele de I'An- gleterre , avec une cbambre haute, des majorats et des grands proprietaires. Ou livra done une guerre ardente au pouvoir nouveau , et on csperait le faire tomber , comme le ministere Villele , soit par cette opposition publique, soit par des renion- rances de famille et des intrigues de cuur. Lesfoliesdu 25juillet vinrentbouleverser tousles projets. Cartes , il faut le croire , ce n'etait point par de tels precedes que I'aristocratie eiit voulu triomplier, quand menic son sort eut e'le attache au succes du coup d'etat; mais on peut penser aussi que jamais elle n'aurait songe a repousser I'illegalite par une opposition du genre de celle qu'elle reucontra dans les rues de Paris. La monarchic tomba : cette catastrophe derangcait tous 3io REVUE DES JOURNAUX POLITIQUES les plans. Qu'allait-on devenir sous uii lejjiine fonde par rinsuircction populaire ? On delibeia un instant si Ton s'asseoirait sur les mines de la inonarchie pour chanter riiyuine entonneepar le grand-pretre alaChambre des Pairs; si Ton demeurerait Cdele a de vieilles affections, a un trone tonibe si brusquement qu'il n'etait pas possible de decou- vrir ce qu'il laissait de racines, ou si Ton se rattacherait i unc dynastie au berceau et entour^e d'ecueils. Le present I'eniporta sur le passe ; on se rallia a la ino- narcbie nouvelle , niais avec des reserves. On se protnit bien de I'entourer le plutot possible de toutes les chaines arislocratiques qui environnaient I'autre. On coniprit que, pour y parvenir, des alliances nou- velles etaient necessaires ; on rechercha celle des bomnics que leur opposition constante avaient rendus populaires sous la restauration. L'occasion se presenta belle. La Cbambre des deputes , seul pouvoir demeure debout apres la tempete , s'etait at- tribue une autorite d'urgence que personne ne contesta, tant que I'urgence fut evidente , mais dont I'illegitimite frappa tous les regards , des qu'on s'apercut qu'il y avait. calcul d'auibition et de cupidite dans la persistance de son usurpation. II se trouva que , par I'elimination plus ou nioins equitable de la plupart de.s deputes ultra , cette Chambre ne renferniait guere plus que les menibres pa- triotes de la restauration. Des liommes qui ainient la logi- que en tout, uienie en gouvernement, eleverent la voix et demandcrent que I'ordre de clioses nouveau fut ratilic par un grand acte national, afin que plus tard la nation ne de- savouat pas tout ce qui s'etait fait , coninie cela etait arrive pour la Cliartc de i8i4 (>)• La presse tout entiere repeta ce cri d'opposition qui devint le cri des masses, he Journal des Dcbals prit en main la defense de la Chambre, qui fulhcu- (i) On peut recourir, entre autre.s edits tin iiiuinent, a la brochure pu- bliee dcsle 5 aoiit par M. M. A. Jullien, sous le litre dc Uuii sens iialional. DE PARIS. 3ii reuse de trouver ineme un paiell appiii au milieu de lant d'attaques. Des concessions de ciiconstance fuient faites de part et d'autre, et il arriva finalement ce que nous voyons ajourd'liui : la Chambre, unie aux arislocrates de la restau- ration, acceptant leur secours et leur pretant son influence. Le Journal des Dcbals travail le done a conserver, dans I'ordre nouveau, tons les ele'niens de I'ordre dechu^ la Cham- bre, avcc les nombreuses creatures auxquelles elle a livre le budget, s'unita ses efforts; majorite victorieuse, elles'ima- gine que la revolution n'a ete qu'un mouvement de bas- cule , et que son but sera atteinl, quand elle aura pris la place et partage les depoiiilles de la minorite vaincue. Malgre !e souvenir de meilleurs antecedens et la gloire d'une belle conduite dans la revolution, le Terns doit etre place a cote du Journal des Debals. Conime lui , il cberche a faire entrer I'aristocratie dans la constitution nouvclle , a mettre ses privileges sous la sauve-garde d'une Cliarte nationale J et, conune lui, il pousse dans I'arislo- cratie la Cbanibre de i83o. Avec une connaissance plus approfondic des malieres administratives, quoique avec moins de talent litteraire, il deniande, comnie lui, et plus vivement encore, une or- ganisation a Vanglaise. II professe en toute occasion un meprissuperbe pour I'econoniie , cequi indique une grande ignorance de la science sociale ; et un profond dedain pour les theories , ce qui est commode quand on n'a niassez de savoir , ni assez de conscience pour s'eii former d'inva- riables. Ne sous le patronage de I'opposilion de 1829, il en a suivi le sort ; populaire , quand elle etait liberale j fletri par I'opinion comme une speculation d'ambition , quand elle est de venue retrograde (1). (») Le succes materiel du Terns tient k des causes dont nous n'avons pas a nous occuper ici : a I'execllence de son plan , a la varieic et a la grande quaatife de malieres qu'il contient, quoiqn'uu gout severe ne pre- 3i2 REVUE DES JOURNAUX POLITIQUES Le Messoger des Chambres , qui n'est qu'un journal de nouvelles et qui n'a aucune influence politique, soutient aussi le parti aristocratique. Cette feuille justilie son adhe- sion et sa soumission a tons les pouvoirs par un raisonnc- Hient qui nc laisse pas que d'etre fort ingenitux ; ello pre- tend que Ic devoir de la prcsse, comnie de tous les citoyens, est de se rallier a la niajorite : or, commc on ne gouverne pas sans niajorite , reelle ou factice , il s'ensuit que I'obli- galion rigoureuse d'un journal est d'etre toujours ministe- riel. Cette conclusion est d'une evidence incontestable. On pense bien que tous ces champions de I'aristocratie n'ont pas la nialadresse de I'exposer seule dans la lice. Leur tactique consiste niaintenant a lui faire un rcnipart de la bourgeoisie. La garde nationale ayant montre un grand amour de la paix et de I'ordre , ils feignent de la croirc attachee a des projets qu'on ne peut executer, sans troubler I'ordre et la paix. • On n'a besoin que dc jeter les yeux sur le pays, pour voir que cette pretention est une erreur ou un mensonge. Et d'ailleurs, pour les homnies qui ont une idee exacle de I'etat de I'Europe , non pas par I'etude des secrets de la diplomatic, mais par I'etude despeuples, dans I'etat de misere profonde ou sont partoul les classes inferieures , c'est ce qui pourrait arriver de plus deplorable que cetie sepa- ration formelle de la bourg,eoisie, cette delimitation d'une aristocratie iiouvelle. Le jour ou ce fait serait accompli , I'Europe toucherait a de terribles convulsions, a une guerre de masses , d'extermination et de pillage. Au reste , il ne faut chercher dans la polemique des journaux de la resistance aucune vue haute et philoso- phique, aucune theorie morale et historique cjui lie Ic side pas toujours au choix de ces matieres , a nue elegance typogiaphique ct a un format incoonas en Fiance jusqu'a present , et enliu, pai-dessus tout , aux taleus de son directeur qui a fait preuve d'une habilele viaiinent piodigieuse dans raduiinistiation difficile d'un jturual. DE PARIS. 3.3 passe a I'avcnir par I'anncau du present; et c'est la pcut- otre cc qui condainne le plus irrevocablemcnt a une luoit certaine ctpiocliaine le parti et les interets qu'ils defeiulent. Dans la revue des joiirnaiix ilit mouvcmcnl, le Courricr Fraiicais doit etre coinpte le premier, soit parce qu'il est le plus ancien et qu'il n'a jamais quille la lijjue on il avait marche d'abord, soit a cause des ecrivains celebres qui ont souvent rempli ses colonnes. Les noms memes de ces lioiinnes justifient le Courrier du reproche, ou de I'elogc, ([ui lui a cle quelquefois adresse de tcndre au republica- nisme. Rien dans ses doctrines ne peut faire croire qu'il affectioune une forme de gouvernement pour laquelle il est vraisemblable que la France et les monarchies curo- peennes ne sont pas miires. Ses efforts infatigables pour amener un systeme de representation plus vraie, pour in- troduire dans radministration des doctrines plus saines d'economie, pour obtenir une organisation muaicipale democratique , prouvent qu'il ne demande pas autre chose qu'i/7ie monarchie enlouree d' instilulions rcpublicaines. Ces voeux que la revolution de i85o devait accomplir, le Courrier les faisait entendre deja sous le regne hypo- crite de la restauration. Aussi fut-il I'objet de Tatteution speciale et des constantes persecutions de la police judi- ciaire de ce tems. Le Courrier a done dii se trouver naturellement place parmi les opposans a une chambre dont toute Tambition est de continuer la restauration et ses mensongcs. II fut, CJi effet , un des premiers a demasquer les projets des doctri- naires et a les denoncer a I'opiuion publique. Depuis, il n'a pas uu instant faibli ; et a mesure cjue la mort ou des de- fections lui ont enleve quelques-uns des champions qui combattaient sous sa Ijanniere^ il en a recrute d'aulres, non moins energiques de talent et de patriotisme. On a rcmar- que , parmi ceux-ci , un homme dont les amis du pays suiveut les travaux avec sympathie , M. de Cokmenin, dont les vaslcs connaissances en legislation administrative et le 3i/j REVUE DES JOURNAUX POLITIQUES style nerveux et pur trouveiont aussi un utile emploi a la Chambre. Rien ne distingue du Courricr Francais deux autres feuilles du inouveuient , auxqucllcs pcut s'appliquer tout te que nous avons dit de sa couleur : le Journal du Com- merce et la Tribune. Elles representent comme lui le libe- ralisme piojjressif. La Tribune est lemarquable par I'ele- gante correction de sa redaction ; le Journal du Commerce public souvent d'excellens articles d'adniinistration , dont I'auteur est M. H. Guillemot, (i) Le National naquit au moment ou le droit divin allait se mesurer pour la derniere fois avec la legalite, c'est-a- dire, la souverainete du peuple j il ne contribua pas peu a la victoire populaire. La lutte etait engagee de telle sorte qu'elle devaii avoir une issue decisive. Abstraction faite du coup de main qui la termina si brusquement, les deux partis, c'est-adire , la nation et le pouvoir absolu , avaient donne trop nettement leur ultimatum , pour que Tun ou I'autre put reculer. II fallail ou que le ministere tombat par le refus de I'inipot , et ensuite par la resistance de fait, ou que le peuple fut vaincu par la lorce materielle. Or, en ce teras-ci, la force materielle n'est pas ailleurs que dans I'opinion elle-meme : c'etait done a i'opinion qu'on s'adressait de part et d'autre. La Gazette leva I'etendard du droit divin; le National, celui du droit populaire. Une polemique ardente s'engagea (i) II doit paraltre surpreuant que le Courtier francais , la Tribune et le Journal du Commerce, qui reproduisent exactement I'opinion du pays, n'obtiennent pas un succes materiel plus grand. La cause en est aussi tonte materielle. Le plan de ces jouruaux est incomplet : la mission de la presse periodique s'est beaucoup etendue depuis qnelques aiiuees. Une masse im- mense de lecteurs se precipite a la fois sur Ja politique et sur I'instruction en tout genre : il faut qu'un journal , pour repondre a ces besoins nou— veaux, parle a tous les interets, traitc tontes les matieres, puisse tenir lieu All bibliotbeque, et dcvenir en quelque sortc une encyclopedic qnolidiennc. I>E PARIS. ., 3i5 entre ccs deux feuilles, polc'iniijue cnlretenue de part et d'autie presque par uii seul honmie , M. Thiers pour le National, M. GENOUDEpour la G niessager de colere , Sur le sol Polonais , des rivages du Nord , Un vent impetueux , niinistre de la inoxt , Apportc dans ses flancs la tcmpete et la gnerre. <> La guerre au peuple revolte Dont I'orgneil bra'^a ma puissance : La mort est I'unique traite Que lui reserve ma clemence. » Ainsi , de son pouvoir jaloux, LTn despote en fureiir exhale son courroux. • Anx bords de la Vistule , un cri d'independance A reveille I'espoir dans les cceurs genereux : Tout nn peuple est debont : ce peuple valenrcux A jure d'iraiter I'exemple de la France. La France , apres de longs revers , Sort d'un sommeil de quinze annees : Elle a brise d'indignes fers , Elle a change ses destinecs. Ainsi le peuple Polonais Vent de la liberie conquerir les bienfaits. ar. 324 LES DEUX POLONAISES. L'etincelle electriqne a paroonrn la terre : Le geni-e hamain se leve et reclame ses droits ; La terrear a plane sar les trones des rois , Et des peoples au loiu a gronde le tonnerre. Le tonnerre , effroi des tyrans , Aux opprimcs rend I'esperance , Et ses eclats retentissans Sont un signal de delivrance. Ainsi , le canon de Paris Porte nne ere nouvelle aux peuples affranchis. Pour I'nnivers entier la liberie commence. Long-terns les nations ont langui dans les fers : Lenrs bras se sont armes , leurs yeas se sont onverls ; Partout a retenti le cri d'independance. L'independance est comme I'air ; Ponr rhomme, elle est comme une autre ame, Et les cieux ont lance I'eclair Qui rallume ici-bas sa flamme. Tel , brillant d'un eclat nouveau , De la liberte sainte apparait le flambeau. Liberte ! les beaux jours dont tn promets I'aurore Raniment de leurs feux les mortels abattus Dont la voix invoquait les antiques vertus Que ta douce influence en nos coeurs fait eclore. L'anrore de la liberte, Sa chaleur active et feconde , Vont rajeunir I'humanite, Vont changer les destins dn monde. Tel , echappe des flots amers , Le soleil dans sa course embrasse Tunivers. M. A. JuLLiER, de Paris, Membre da Comit6 central polonais et des Societes des amis des scien- ces de Warsovie et de Cracovie. II. ANALYSES D'OUVRAGES. SCIENCES PHYSIQUES ET NATDRELLES. NouvEAUx Memoires de la Societe imperiale des natuba- LiSTES DE Moscou ; tomc I ( 7" de la collection ) (i). La campngne de i8i2 separe en deux parties distinctes les Memoires publics par les natui'alistes de Moscou. Leur societe fut dispersee par la guerre , et I'incendie de cette capitale aneantit une grande partie des ricliesses c|u'ils avaient acrumulees pour la science ; avant qu'ils ne pussent reprendre le cours de leurs paisibles occupations , il fallut veparer de grandes pertes , assembler de nouveaux moyens de travail , et ces preparatifs absorberent un terns qui eut ete consacre aux observations, aux recherches qui anienent les decouvcrtes. Depuis sa renaissance, neccssairemcnt pos- terieure a celle de I'iliustre et malheureuse ville ou elle est etablie , peu d'annees se sont ecoule'es : il n'est done pas surprenant que le premier volume de ses nouveaux memoires n'ait paru qu'en 1 829. Mais, par uu arrangement que toutes les academies adopteront peut etre un jour, I'avenir sera plus productif que le passe ne pouvait I'eire , en snrte quela longue interruption des travaux de la Societe de Moscou sera compensee autant cju'il est possible. Un Bulletin mensiiel est public, depuis le mois de tnai 1829, pour etablir des relations plus constantes et plus mullipliees entre les membres, et imprimer par ce moyea un plus grand mouvement aux esprits, exciter le zele , aider les (i) Moscou, 1829; iniprinierie de runiversitc imperiale. In-Zj" dc 3i)o pages , ct 2 3 planches. 326 SCIENCES PHYSIQUES, efforts : quoique ce bulletin ne senible destine qu'a stiniu- lor Taclivite intcrieurc , il ne sera pas sans influence au ilehors; Tctude de I'Listoire uaturelle la ressentira partout ou penetreront ces minces cahiers dont riutroductiou eprouve moius d'obstacles que celle des gros volumes. Wous avons deja exprime plus d'une fois le vocu, que les plus celebies corporations savantes et lilteraires daignent parlager plus frequemmeni avec le public les fruits qu'elles out fait nimir et rendus propres a la consommation 3 que ces utiles communications ne soient entravees ni retardees par aucune consideration d'une moindie importance, telle que la convenance de certains memoires pour les solenui- tes academiques , ou I'ordre des dates , ou meme les pre- tentions d'auteurs en credit. C'est ainsi que notre excellent recueil intitule : Aruiales de cliimie et de phjsique, publie par MM. Gay-Lussac et Arago, revcle a tous les savans les ilecouvertcs faites dans ces deux sciences par des membres de rinstitut, avant que les memoires aient paru daus les lardifs volumes de I'Academie. C'est encore ainsi que la Correspondance de M. Ql'etelet fait pour I'Academie de Bruxelles ce que les Annules dc cliimie el de phjsiijue sont depuis long-tems en possession de faire pour I'lnstitut de France. Lorsque les principaux foyers de lumieres n'ont pas a leur porte'e ces moyens d'emission , ne convieut-il pas qu'ils se les procurent, au lieu d'attendre des epoques eloignees, et de repandre tout-a-coup uu eclat eblouissant, au lieu de ces clartes bienfaisantes, moderees et continues, dont nos yeux s'accommodent si bien , qui loi tiiient nos organes intellectuels au lieu de les faliguer. La munificence de I'empercur Nicolas est venue au se- cours de la Societe des naturalisles de Moscou, uou-scule- luent pour I'aider h publier son BulleiiiL iiieiisuel, maisaussi pour la reinipressiou de quatre volumes de ses anciens Me- moires que I'incendie de 1812 avait detruits. Ce volume contient quatorze memoires ou notices , ct commence par trois Icttres iueditcs de Pallas ;\ son elcve SCIENCES PHYSIQUES. 827 KAsciiivARKr , uu tic ccux qui acconipagncient Ic ccIlIii c piofesseur dans son voyage en 8ibeiie. Elles ii'ajoutcnt lien a nos connaissances, et ne peuvent etre utiles qu'a la biographic : il senible qu'elles sont ici Iiors de leur place. M. Fischer, directcur de la Societe , a fait pieuve de son zele pour la propagation de I'olude si impoitante dcs corps ancicnnenient organises, ct inaintenant fossiles ; il trace la route qu'elle devra suivre , indique les sources et lui epar- giie un peiiible et fastidieux travail bibliographique. Tel est le but d'un meinoire important intitule : Prodtomus petromalogiiosicv sjsleinalica; , conttnem bihliographiam animalium fossilium. La partie bibliographique de ce me- inoire n'est pas susceptible d'analyse ; mais un coup d'ceil suflit pour que Ton y decouvre la grande superiorite iiume- rjque des auleurs allemands sur ceux des autres nations , quoique rAllemagne ne soit pas la contrec des plus impor- tantes decouvertes eW' pctromntognosie , et que la France et I'Angleterre conservent, a bon droit, leur renonimee de ten'e classique quant aux connaissances sur les fossiles et aux ouvrages qui les renferment. En suivaut la methode et les indications de M. Fischer , les naturalistes auront la certitude de ne laisser en arriere aucuno source d'instruction. Nous ne pouvons donner qu'une notion ties-imparfaite de I'ordre d'etudes expose dans ce prodrome : pour le faire bien connaJtre, il ne sufll- rait point de le transcrire en entier ; il faudrait le discuter , examiner si les habitudes de rintelligcnce ne conservent point, meme chezles homines adonnes aux sciences, quel- que chose du caractere national ; si un Espagnol , un Fran- cais, un Anglais meme pourra s'astreindre a la marche re- guliere, mais un pen ralentie des savans de I'AUeniagne. Quoi qu'il en soit, voici cette marche tracee par M. Fischer. Cousultez d'abord les bibliographes , pour dresser le cata- logue ties ouvrages que vous auiez a consul ter, cpioit[ue ce travail soit a peu pres termine dans ce prodrome. — Rt- niontez a I'origine des fossiles, et no ledoutez point de 3:^ SCIENCES PHYSIQUES. livrer quelque tems votre imagination au vague dcs hypo- theses , anciennes el nouvelles ; sachez ce que d'autres ont con^u avant vous, afin de ne pas vous exposer i reproduire desidY. SCIENCES MORALES ET POLITIQUES. TTisToiRE DEs CROiSADES ; par M. MiciiAUD, de rAcadt'mie francaise (i). BiBLioTHEQUE DES CROISADES , par Ic mcmc (i). Trois ecrivains dc trois nations differentes ont, de nos jours, clioisi les croisades pour sujet de lours meditations; Mills en Anglcterre, TVilken en Alleniagne ct M. Michaud en France. L'historien anglais a niarclie sur les traces de son conipatriote Gibbon ; il a I'esprit le plus philosopliiquc des trois (3) ; il voit dans les croisades wnfanatisme roman- tique , et il les represente toujours sous ce point devue. L'engoiiment dn moyen age est loin de Tavoir scduit; il juge ces expeditions comnie le parti del'opposition jugcrait line guerre sur le continent que le miuistere viendrait proposer au parlement. Ail reste , Mills, quoiqu'il s'appuie toujours sur les chroniques du terns , n'a pourtant pas epuise les sources; il s'est attache a resumer avec elegance et precision les principaux evenemens des croisades, eta presenter aux gens du monde un tableau inleressant de ces expeditions celebres. Tel n'a pas ete le but de M. Wilken , professeur et bibllo- tliecaire a Berlin. Ce savant, dont I'ouvrage a ete commence (i) Paris, i825-i83o; DncoUet , rne Glt-le-Coenr , n" lo. 6 vol. in-S"; prix , 42 fr. (2) Paris, i83o ; le meme. 4 vol. in-8° ; prix, 28 fr. (3) Hisloiy 0/ the crusades for the recovery and possession of the holyX land, by C/(«;7e^ MtLi.s. Londres, 1820. 2 vol. in-S". SCIENCES MORALES ET POLITIQlJRS. 335 il y a ail moins vingt ans, sans ctre tcrmine jnsqn'a cc jour (i), a fait line ctiidc suricusc dcs clironiques ct des autres sources originalesj il a domie a son travail tous les deve'oppemens dont il etait susceptible, et ce sera proba- blenient I'ouvrage le plus etendii qu'on puisse faire sur les croisades. Wilken est un savant consciencieux; ce qu'il ccrit est le resultat de recherches laboiieuses, et, sous ce rapport, un sujet aussi important cjue les croisades n'aurait pu toniber dans de meilleurs mains. Ajoutons qu'il a I'im- partialite qui convient a un historien , et qu'il n'estni en- goue pour ces expeditions reputees sacrees, ui prevenu con- tra ccux qui les ont precbees, secondees ou conduites. 11 est facheux que son style ii'ait pas assez de mouvement et ne soit jamais anime. Wilken raconte bien; mais c'est tou- jours dans le ton naif des clironiques ; sans ajouter une re- flexion, sans loner ou blamer; et cette maniere, qu'ona cru inventee en France par M. de Barante, avail ete long-tems auparavant mise en usage par le professeur allemand^ les evenemens, quelque importaiis qu'ils soient, ne I'inspirent jamais^ il regne dans ce long recit, cjui pourtant n'est pas depourvu de cliarme, trop de monotonie pour cju'cn puisse s'y attacber. Wilken se perd aussi quelquefois dans des details que I'liistorien des croisades pouvait et devait meme omettre. II ne faut pas que lesevenemens qui se sont suc- cede dans le royaume de Jerusalem tiennent trop de place dans une histoire d'expeditions, de conquetes ; les croisades contre les peuples slaves pouvaient etre laissees de cote ; il etait inutile aussi de nous entretenir longuement de saint Bernard, dont I'bistoire ne se rattacbe aux croisades qi*.'ac- cessoiremcnt : c'etait de ses predications, et non pas de sa vie, qu'il fallait s'occuper. Pendant que M. Wilken continuait avec beaucoup de lenteur I'bistoire des croisades, M. Micbaud, en France, (t) Geschichte der Kreuzznge nacti morgenlandlschen und ahendlcendis- chen Derichteti. T. i-vi; Leipzig , t8o7-i83o. 6 vol. in-8". 336 SCIENCES MOPxALES ^crivait la siennc avcc plus de promptitude et plus d'eclat. Jl Taclicva lony-tcins avant ([uc Wilkcn ciit tcnnine la sienne, et les secouis dont il avail su s'entouier furcnt utiles ineinc a sou concurifut alleuiand, qui en a profite pour ses deniiers voluuics. L'ouviajje dc M. Micliaud a eu quatie editions; il s'est ameliore et agrandi succes- sivcment, et aujouid'hui il sc compose de dix gios volu- mes pleins de leclierclies inleressantes. Cepeudaut I'liis- toiie proprcment elite, y compris cclle dcs tentatives faitcs au XYP siecle pour cliasser les Turcs , y compris egalenient les eclaircissemens qui tenninent cliaque tome, remplit 4 peine cinq volumes , le sixieme etant destine i\ faire con- naitre I'etat des moeurs, des conditions civiles, du com- merce , etc. , a I'epoque des croisades; les quatre volumes qui forment la Bibliolhhjue des croisades , et qu'on peut sans inconvenient separer de I'liistoire , contiennent les analyses des clironiques et autres docuniens que lauleur a consultes. Dans le faitM. Micliaud s'etend done moins sur I'hisloire que M. Wiiken , qui , dans son sixieme volume , le dernier qui ait paru, n'arrive encore qu'a la moitie du XlII" siecle , en sorte que I'ouvrage allemand , purement hislorique, aura sept forts volumes. Je parlerai plus tard de la Bibliotlieque des croisades, et jem'occuperai d'abord de la partie liistorique du travail de I'ecrivain francais. Le succes qu'il a obtenu prouve qu'il a plu a la majo- rite des lecteurs. En effet I'ouvrage possede les qualites qui assurent un accueil favorable. II est sagenient concu et dis- pose J I'historien ecrit bien , et on voit qu'il s'est interesse viv#ment au sujet qu'il traite. Son style est generalement naturel ; il s'eleve quand I'occasion le comporte; quelque- fois riiislorien profile des momens de repos , pour inserer des reflexions qui naissent du sujet et qui font reposer a j son tour le lecteur du long recit des bataiiles et des sieges. M. Michaud est preveuu en faveur des croises et des croi- j sades i il les qualifie souvent ii! expeditions sacrdes , d'en- ireprises saintes ; ceux qui perissent sonl appeles par This* ET POLITIQUES. 31^7 torien martjrs dc lafoi; quelquefois , eu lisant M. Mi- cliaud, on croirait entendre encore un liistorien du XIV^ ou XV" siecle. Cependant cette prevention de la put de I'au- teur n'est pas aveugle; il ne dissiniule point les folies qui se melerent a ces grandes expeditions reliij;ieuses , les des- ordres auxquels elles donnerent lieu, et les faclieux efFels qu'ils eurent pour le repos des Etats. Si M. Micliaud sent quelquefois comnie on sentait au mojen age , en revanche il pense aussi avec sos contemporains , et se livre a des reflexions judicieuses qui seront partagees par tons les liommes eclaires, quel c|ue soil le parti politique auquel ils appartiennent. J'en citerai un exemple. Apres la prise de Jerusalem, en 1099, ^^^ cluetiens, ayant assouvi d'abord leur vengeance, sentirent tout- a-toup un retour vers la devotion; ce que I'auteur raconte et explique dans le passage suivant : « Lorsque Tarniee cliretienne fut ainsi reunie sur le Calvnire , la nuit coni- mencaita tomber; le silence regnait sur les places publiques et autour des remparts ; on n'entendait plus dans la villc sainte que les cantiqi.cs de la penitence et ces paroles d'Isaie : F^ous qui aimez Jerusalem , rt?/ora'ssez-vous m'ec elle. Les croises montrerent alors une devotion si vive et si tendre, qu'on eut dit , selon la remarrjue d'un historien moderne (le P. Maimbourg), que ces homines qui vcnaient de prendre une ville d'assautet de faire un horrible carnage, sorlaient d'une longue retraite et d'une profonde medi- tation de nos mysteres Ces conlrastes inexplicables se font souvent remarquer dans I'histoire des ci'oisades. Qiielcjues ecrivains ont cru y trouver un pretexle pour accuser la reli- gion chretienne ; d'autres non moins passionnes ont voulu excuser les deplorables exces du fanatisme. L'historien impartial se contente de les i-aconter, et gemit en silence sur les faiblesses de la nature humaine. La pieuse ferveui* des Chretiens ne fit que suspendre les scenes du carnage. La politique de cjuelques-uns des chefs put leur faire croire qu'il etait necessane d'inspirer une grande terreur aiix Sar- T. XLIX. FEVniER iS^^I. 22 a.-^S SCIENCES MORALES rasins; ils penserent pout-etre aussi que s'ils renvoyaiont ceux qui avaient defendu Jerusalem , il faudrait encore les combaUre , et qu'ils ne pouvaient, dans uii pays eloigne, environnes tf'enneniis , garder sans danger des prisonniers dont le nombre surpassait celui de leurs soldats.On annoncait d'adleurs I'approcbe de rannee egypticnne , et la crainte d'un nouveau peril ferma leurs coeurs a la pilie. Dans leur conseil , une sentence de mort fut portee centre tous les Musulmans qui restaient dans la ville. Le fanalisme ne seconda que trop cette politique barbare.Tous les ennemis qu'avait d'abord e'pargnes I'humanite ou la lassitude du carnage , tous ceux qu'on avait sauves dans I'espoir d'une riche rancon , furent egorges. On forcait les Sarrasins a se precipiter du haut des tours et des maisons ; on les faisait perir au milieu des flammes; on les arrachait du fond des souterrains ; on les trainait sur les places publiques , ou ils etaient immoles sur des monccaux de morts. Ni les larnies des femmes, ni les cris des pelits enfans, ni I'aspect des lieux ou Jesus-Christ pardonna a ses bourreaux, rien ne pouvait fldchir un vainqueur irrile. Le carnage fut si grand qu'au rapport d'Albert d'Aix on voyait des cadavres en- tasses, non-seulement dans les palais^ dans les temples, dans les rues, mais dans les lieux les plus caches et les plus solitaires. Tel elait le deiire de la vengeance et du fana- tisme, que ces scenes ne revoltaient point les regards. Les historiens contemporains les retracent sans chercher a les excuserjet, dans leurs recitspleins de details revoltans,ils ne laissent echapper aucun mouvement d'horreur etde pitie. » En racontant la seconde croisade , i'historien signale le caractere qui la distinguait de la premiere ; il convientdes scandales de moeurs que donnait I'armee au milieu des actes de piete ; il ne peut s'empecher de reconnaitre que fon faisait dans le camp ])liis de processions qite d^dvolu- tions militaires . « La premiere croisade , dit-il, eut deux caracteres dis- liacts, la piete et I'heroisme. La seconde n'eut guere pour ET POLITIQaES. SSg mobile qu'une piete qui lenail plus de la devotion des cloi- ties que de rentliousiasme. On reconuait aisenieiit dans cette guerre I'influeuce des nioines qui I'avaient prechee , et qui se nielaient alors de toutes les affaires. Le roi de France ne montra dans ses inalheurs que la resignation d'un martyr, et sur le champ de bataille (il) n'eut que le courage et I'ardeur d'un soldat. L'empereur d'Allemagne ne se con- duisit pas avec plus d'habilete ; il perdit tout par une foUe presomption , et pour avoir cru qu'il pouvait vaincre les Turcs (Turcomans) sans le secours des Francais. L'un et I'autre avaient des vues peu etendues, et manquaicnt de cette energie qui produit les grandes actions. Dans I'expe"- dition qu'ils dirigeaient, rien ne s'eleva au-dessus d'eux , et lout prit la mesure de leur caractere. En iin mot, cette guerre ne developpa point d'heroiques passions et des qua- liteschevaleresques, les camps n'admirerent pointde grands capitaines, et I'epoque que nous venons de decrire ne vit paraitre que deux hommes de genie : celui qui avail sou- leve lout rOccident par son elocjuence , et le sage ministre de Louis , qui devait reparer pour la France les nialheurs de la croisade. » M. Michaud raconte moins longuement que M. Wilken les denieles entre le pape el Frederic, empereur d'Alle- magne ; le premier ne perd point de vue que c'est I'liistoire des expeditions qu'il s'agit d'exposer, el non pas I'hisioirc contemporaine. Ce Frederic est au reste un des grands ca- racteres qui figurent dans les croisades; superieur par son esprit eclaire a tous les princes qui voulurent conquerir la Palestine , il ne liaissait pas les sultans par la raison qu'ils professaient I'islamisme. Tandis que les autres princes dam- uaienl cliaritablement les souverains musulmans de I'E- gypte , Frederic elait en correspondance avec euxj au lieu d'hoslilites, ilechangeait avec cux des civilites, des enignj.es et des presens. C'est qu'il avail compiis en gouvernant la Sicile,.Qu il avail beaucoup de musulmaus parmi ses sujels, que ceux qu'on llclrissait du nom d'infidcles ri't'laicnt pas 22. a4o SCIENCES MORALES aussi perfules qu'on le disait , ct qu'au contraire ils avaient beaucoiip (\e qualites estiniablcs. II tolerait leur culte, el ne se crut nullenient oblige de les persecutor. Louis IX aurait ete un plus grand saint, s'il avait eu i'esprit tole- rant de Frederic II. Cet empereur avait encore le tort bien grave aux yeux du pape de vouloir que le clerge possedat peu de biens temporels et vecut sobrement. Aussi le saint-siege I'ut-ii presque aussi irrite contre Tempereur d'Allemagne que centre les Sarrasins ; et Frederic allant a la sixieme croi- sade deplut autaut que Frederic refusant d'abord d'y aller. Voici les reflexions que cette expedition inspire a Fhistorien francais; car c'est surlout paries reflexions qu'il fant ju- ger de I'esprit qui a guide I'auteur. :< On a pu voir, dit M. IMicliaud, que cette sixieme croisade , qui renferme un espace de plus de trente ans, fut plus feeonde en debats scandaleux, en discordes civiles , qu'eu glorieux evene- mens. Cbose reinarquable ! plus les cbefs de I'Eglise s'ef- forcaient de soumettre les expeditions d'Orient a leur direc- tion supreme , plus ces expeditions semblaient s'eloigner de cet esprit de devotion ardente qui les avait fait naitre. Dans les premieres croisades , I'ambition , I'amour de la gloire , I'amour des perils, furent sans doute de puissans mobiles 5 mais ces sentimens se melaient et se confondaient avec I'entliousiasme religieux dont I'entrainement parais— sait dominer toutes les opinions. Peu a peu les passions de ce monde terrestre se montrerent davanlage, et la revolu- tion qui s' opera insensiblement dans les esprits arriva au point que la voix de la religion etait a peine entendue dans les guerres saintes. » Plus loin, I'bistorien convient que le motif qui animait les chefs de I'Eglise dans ces demeles n'etait pas tout-a-fait religieux : les empereurs d'Allemagne et les pontifes de Rome avaiient eu des pretentions a la domination de I'lta- lie, else trouvaient depuis long-tems en rivalite d'ambition. Gregoire voyait avec peine Frederic maitre du royaume de ET POLITIQUES. 341 Naples ; et lorsqu'il le pressait d'aller en Asie pour faiie la {juerie aux Sarrasins , « 011 aurait pu le comparer a ce per- soniiage de la labia qui , pour se defaire dc son rival, I'eu- vo_ya coiiibaltre la cluinere. >• A ce sujet I'historien cherclie a expliquer la cause de I'as- cendant que les papes avaient gagne sur la chretieute, et de I'espcce de dictature suzeraine dont ils s'eniparerent. << Cetle dictature, observe-t-il , s'exerca souvent au profit de la morale publique et de I'ordre social ; souveiit elle protegea le laible coutre le fort; elle arreta I'execution de projels criniinels J elle retablit la paix entre les Elals; elle sauva la societe des exces de I'ainbition , de la licence et de la barbaric. Lorsqu'on parcourt les annales du nioyen age , on ue peut s'empecher d'admirer un des plus beaux spec- tacles qu'aient jamais oftert les societes liumaines : celui de I'Europe chretienne ne reconnaissaut qu'une religion , n'ayantqu'une loi, ne formant en (juelque horte qu'un em- pire, gouverne par un seul clief qui parlait au nom de Dieu, et dont la mission elait de faire reguer I'fivangile sur la terre. » Je conviensavecM. ]Micliaud que les croisades n'auraient jamais pu eire entreprises (du moins avec succes) sans celle unilc de senlimeiis rcligiciix qui doubluil la force de la republique chielienne; mais je lui conteste que cette unite de religion soit le plus beau spectacle qu'aient offert les societes luimaines. Ce que I'auleur appelle I'unite de reli- gion , elait-ce outre chose qu'une foi aveugle et supersti- tieuse ? et cet atlachement servile a des croyances Iradition- nelles peut-il se comparer au spectacle bien plus satisfai- sant de generations qui font usage de leur raison , lors meme que les resultats de leur pensee ne s'accorderaient plus ? L'unite de foi n'existe que dans les terns d'ignorance ; elle cesse des que les liommes cominencent a reflechir et a exercer leur raison en meditant sur les clioses surnaturelles. L'histoire des croisades et de la inert de Louis IX est uae partie des plus interessaules de I'ouvrage de M. Micliaud; H7. SCIENCES MORALES ici I'aulcur a developpe tout son talent d'liistorien. Si la Palestine avail pu etre recouquise, ce roi elait digne d'en achevei- la conquete ; niais il aurait fallu etre d'accord , et s'inspiier de ces motifs entierement desinteresses qui firent agir les premiers croises ; lors des expeditions de Louis IX , les Europeens avaient deja trop prouve aux Sarrasins , par Jeur desunion et par leurs vices grossiers, qu'ils n'etaient pas des ennemis invincibles ; d'ailleurs I'enthousiasme n'e- tait plus general, et lespreparatifs des expeditionsne repon- daient plus a leur but Louis IX aurait trouve, dans le gou- vernement de son royaume, des motifs assez graves pour se dispenser de prendre part aux dernieres croisades, et risquer de compromeltre le sort dc la monarcbie. M. Mi- dland, en voulant disculper le roi du reprocbe quiaete fait a sa memoire, d'avoir sacrifie la politique a la piete, me pa- rait confirmer ce reprocbe, au lieu de I'aftaiblir, et il ex- plique la conduite de Louis IX, mais ne la justifie pas. « Plus on admire le regne de Louis IX, dit-il , plus on s'etonne qu'il ait deux fois interrompu le cours de ses bienfaits, et quitle son peuple qu'il rendait lieureux par sa presence. Mais en voyant les passions qui agitent la generation pre- sente , qui oserait elevet la voix pour accuser les siecles passes ! Si dans ce moment meme ouj'ecris cette histoire, toute I'Europe s'emeut au bruit d'un ioultvement contre les Musulmans, maitres de Byzance ; si les disciples les plus ardens de la pliilosopbie moderne font des voeux pour le triompbe de I'Evangile sur le Goran , pour la delivrance des Grecs et la resurrection d'Athenes et dc Lacedemone; com- ment croirait-on qu'au moyen age les princes et les peuples cbretiens n'eussent point ete touclies de I'borrible servitude dans laquelle gemissaient Jerusalem et toutes ces regions saintes d'oula lumiere du cliristianisiue elait venue ? Avec le caractcre que Louis IX montra dans toutes les circon- stanccs de sa vie, comment pouvait-il rester indifferent aux maUieurs des colonies cbretiennes qui n'etaient peuplees que de Francais, et qu'on rcgardait alorscOmme une autte ET POLITIQUES. 3^3 France , couinie la France d'Oiionl? II ne faiil jjas oublicr d'ailleuis que le but de sa politique , ou plutot de I'esprit relijjieuxqui I'inspirait, etaitde reunirlespeuplesde I'Oiient et de rOccident par les liens du Cliristianisme , et que ce but, s'il eut ete reuipli , devait tourner a I'a vantage de riiumanite. On a pardonne quelquefois a I'anibition elle- lueine des projels plus chimeriques el des guerres plus nialheureuses. » Non content d avoir traile des croisades , I'hislorien y ajoute renunieration des expeditions qui , dans les siecles suivans, eurent pour objet d'arracher la Judee ct les autres cantrees de I'Orient a leurs nouveaux possesseurs. les Turcs. C'est donner un peu trop de latitude a la signidcation du mot croisade , que d'y comprendre les guerres centre les maitres de Constantiuople. L'auleur terniine par le vceu de voir I'ordre de Malte retabli par la Sainte-Alliauce. Depuis le peu de terns que I'historien a exprinie te voeu sousl'in- spiration des circonstances du moment, les choses ont tel- lement cliange d'aspect, qu'aujourd'liui il faudrait com- mencer par retablir la Sainte-Alliance pour que le souliait de I'historien puisse etre accompli. Dans le sixieme volume , qu'ou peut regarder comme un appendice a I'Histoire des croisades , M. Micliaud esquisse d'abord les mreurs du teins , parliculierement celles des croises; el dans la seconde partie , il examine 1 influence des croisades sur I'etat social et moral des peuples de I'Eu- rope. A mon avis, ce volume, ou il y a pourtant beau- coup de bonnes vucs, aurait pu etre supprime sans incon- venient , et ne fait que grossir , sans un grand avantage , un ouvra^e deja tres-Volumineux. II aurait fallu fondre habi- lementles traits de mceurs dans le cours de I'liistoire, ainsi que I'a fail M. Wilken. En parlant separenient de la che- valerie , de la servitude , du clerge , etc., I'auteur prenait I'engagemont d'approfondir toutes ces matieres, ce qui pourtant n'a pas ele fait. Quant a I'influence des croi- sades , I'ouvragf du savanl Heeren , couroune par I'lnstitut 3/, 4 SCIENCES MORALES de France , a suHisaininent dcvolopjie celle malieie , tit il etait inutile de I'effleuier apres le professeur de Gcettingue. Sous le rapport du comuierce de I'Orient, I'auteur de cet article ose croire que Ton trouvera cjuelques faits peu connus dans I'ouvrage qu'il a public rccenuiient sur cetob- jct (i) ; M. MicLaud declare avoir adopte ce que I'on a ecrit de modere et de raisonuable sur I'elfet des croisades. II croit que les expeditions d'Orient n'ont fait ni tout le bien qu'on leur attribue, ni tout ie mal dont on les accuse, et que neannioins on ne pent nier leur influence sur les siecles qui les onl suivies. Ailleurs I'auteur convieut que les croisa- des ont euleve a I'Europe une quantite prodijjieuse d'hoiu- nies vaillans : << II ii'est pas d'ancienue chronique qui, au depart des croises , ne s'arrete a faire leur denombrement, a decrire leur niarche trionipliantej mais de toules ces ar- n;ees, que les plus vastes canrpagnes avaient de la peine a contenir, et qui devaient conquerir I'Orient , aucune ne re- venait en Europe. L'liistoire contemporaine , senrblable au funebre nautonnier de la fable , parait n'avoir pris pour taclic que de conduire les gueriiers de la croix liors des liuiiles de I'Europe duetienne ; elle les accompagne en Asie comnie a leur sepulcre , puis olle garde un profond silence. » Ce fait a inspire nienie a I'auteur un passage plein de sensibilite, que voici : » L'liistoire, en racontant les insseres des pelerins , n'a guere parle que des chagrins de la pieie ; couibien ces tableaux nous eussent ofiert d'iiileret, si, au milieu de ces grands inouveinens po- liti(|ues et religieux , elle eiilsuipris le secret des affections iiumaines , et tenu compte des larmes versees en pre- sence des penates deserts ; si elle eut dit les inquietudes niortelles des epoux , des amis et des procbes, separes par une silongue absence , ou plutot par un exil semblable au ( I ) Hlstoire du commerce entie le Levant et V Europe, depuU les croisades jusqu'a la fondation des colonies d'jmerique. Paris, i83o. 2 vol. in-S". (Voyez ci-dessus , p. 61 .) ET POLITIQUES. 345 trepas! Eu qinUant Ics foyers iloniosliqiies, les cruises di- saient a leurs femrnes et a leiirs fils en pleurs: Nous re- viendrons dans deux ans, dans trois ans : maiscettepioiiiesse mcnie ne lesseniblait que trop a d'eternels adieux. Les tra- ditions hisloriques nous montrent des amities genereuses qui resisterenl a toutes les epreuves d'une cruelle et longue separation; mais, a cote de ces prodigcs de la fidelite, que de liens lonipus par I'ingratltude , par I'attrait d'un monde nouveau , ou par I'exces de la misere qui euerve les coura- ges etfletrit les cceursi Que de souvenirs touchans elFaces de la meiuoire ! Que d'esperanccs trompces, que de parjures doDt la croix etait le prelexte , et que la piete nc saurait absoudre I Que de coupables abandons dut ainener la fausse application de celte niaxinie evangelique : Celui qui laissera son pere, sa mere , ses parens, sa maison pour me suivre, sera recompense au centuple. On restait quelque- fois plusieurs annees dans I'incertitude sur la vie ou la mort des croises. Dans cette incertitude desolaute, ou inter- rogeait les songes du jommeil , les fantomes de la nuit, et leur temoignage suffisait pour lepandre dans les cceurs la tristesse ou !a joie; souvent les botes consternes d'un cba- teau croyaient entendre pres du pont-levis I'ombre plain- live d'un cbevalier mort au siege de Damiette ou de Ptole- mais, et c'etait la seule uouvelle qu'on avait de son trepas. » On trouve dans le dernier volume plusieurs pages de ce gen;e. II faut dire maintenant aussi quelcjues mots de la Diblioiheque des croisades , qui fait suite a I'bisloire de ces expeditions. En principe, on ue pent louer cette melhode de multiplier les volumes en faisant imprimer, a la suite de riiisloire d'une epoque , tons les temoignages hisloriques qui s'y rapportent, et les analyses de tous les maleriaux dont I'bistoricn a fail usage. Les bibliotlieques seraient bientot encombrees si chaque bistoi ien se faisait suivre de ce gros bagage. Daus le sixieme volume de son Histoire des croisades, M. Micliaud a donne un ires bon cbapitre sur les liisloriens des croisades : ce cbapitre aurait pu suHlre. :^46 SCIENCES MORALES Toutefois on lie peut le blaiuer d'avoir tlontie encore qualrc volumes d'extraits de ces liistoiiens. D'abord ces relations, ecrites par des contempoiains, et en paitie par des lenioins occulaires , ont beaucoup de chaniie , et on ainie a les coinpaiei' avec le recit d'un historien luodeine ; en second lieu, M. Michaud a eu le bon esprit de consulter aussi , on plutot de faiie consulter par M. Jourd41n , et surtout ])ar M. Reinaud, les auteurs orientaux ; les extraits de ces au- teurs geneialeinent verbeux, declaniateuis, menteuis, et qui rendent aux cliretiens mepi is pour luepris, et liaine pour haiiie, remplisseiit an volume enlier, et, etant tires en partie des nianuscrits , ils merilaient d etre imprimes tcxtuelle- ment. Personne ii'avait encore puise aussi abondamnient dans celte source pen accessible, et lieureuseniriU la bi- bliolhequc du Roi (ournissait une ample recolte de mate- riaux. Ce que M. Wilken a publie d'inedil sous ce rapport se reduit a peu de chose quand on le compare a la foule d'auteurs luusulmans c[ue M. Michaud cite en temoignage. En general, apres I'abondante moisson que M. Micliaud a laite , il reste peu a glaner, et on lie pour rait signaler que peu de temoigriages litteraires ecliappes a I'attention de riiistorien. Presque tous les peuples qui ont pris pnrt aux croisades ont quelques poesies populaires iuspirees par ces expeditions qui avaient vivement frappe leur imagina- tion. M. Micliaud a cite les poesies francaises : on en trouve de semblables dans la litterature etrangere. On a recem- inenl public les poesies allemandes sur ce sujel (i). Je transcrirai ici coninie une curiosite litleraire quelques stro- phes d'uue vieille chanson venilienne , dans lat|uelle une habitante de I'Ausonie expriine ses regrets sur Tabsence de son inaii qui combat en Palestine (-i) : Ke '1 rae mario se n'e andao , Ke '1 mio cor con ltd k portao , (i) Dans leiecueilde VolksUeder, Wolff. Berlin , i83o. (a) Voy. Cecilia tli Uaona , ossia la mavca Irevigiana al /iniie del medio *ro. Veoise , 1829; vol. in. ET POLITIQUES. ^^ E eo cuai ti me deo conforlare, Fin che '1 stara de la del mare. Si prego Deo che gaarda sia Del me signer en pagania, E fazza si che '1 mario meo Alegro e san s'eutorna endreu. Veder mia faza eo mai non quero En specie , che non fa mestero , Che non ai cnra d 'esser hela , E men sto sola en canierela. En an talora en mei la sala No ai che far zo dela scala, Ne a halcon ne a fenestra. Je transcriiai encore en note le compte de I'equipenient d'un chevalier qui parlit avec Louis IX , copie sur I'ori- ginal qui se trouve a la Bibliotlieque du Roi (i). Cette bi- bliotlieque possede aussi les copies de plusieurs rapports (i) C'est une feuille de parchemin contenant ce qui suit : «' C'est ponr les chevaux d'outremer et toiles et cendaas et armeures contees an conte de I'Ascension, 1269. — Chevaux achetes a Provins , la feste qui doit etre a Lagni : un destrier mourel hacent, 38 liv. torn.; por nn destrier brun mautaint, 27 liv. torn.; despens , 8 liv. et 9 s., somme, 3i8 liv. 9 s. t., et valant 254 liv. i5 s. 11 d. par. — Chevaux achetes a Bar : por trois chevaux , un bai, i liart, et un noir bacent, 210 liv. torn. Por deux che- vaux noiis bacent, 26 liv. t. Un cheval noir d'Espaigne, 45 liv., un che— val noir de Lorreiue, 60 liv. t. Pour deux chevaux, an blon, un noir, 100 liv., un cheval d'Espaigne, 45 liv. Por un cheval sor de paille mar- que , 54 liv. t. Por despens de ccs chevaux, 60 liv.; por loier des valets et por houces, i4 liv. 5 s. Somme, 780 liv. i5 s. torn. , valant 627 liv. 12 s. par. « Pour armeares. Por deux hanbers , et cinq artchaces, et an chacons et un hauberion , une coife , et nne gorgiere , pour la facon de la forge , et por le fil, le filtrere et por toates autres choses qui ia (y a a) litre, no liv. Por trois corsets de fer et ])or la facon de coavrir , y liv. i o s. Per dons as baubergiers, 8 Uv. Por soie et fare coiz, 17 Uv. dc soie, la livre, 24 s,, 348 SCIENCES MORALES envoyes {lai Ics inaitres templicrs aux rois d'Anylelene, et dont les originaux existeut dans les archives de Londies. On pourrait citer quelques aiUres pieces de ce genre qui no sont pas a dedaigner. 11 en est de nieme des recueils de cliiules dont ni M. Michaud, ni M. Wilken n'ont fait usage, par exeniple leRecueil de cliartes relatives a I'ordre hospi- taller de Saint-Jean de Jerusalem , publie par Paul! , oii it y a des traits curieux a recueillir sur la situation des croi- valent 37 liv.8 s. Porlafacon, 8 liv. 10. Por 214 liv. de cotou, i3 den. la livie, valent 11 liv. 11 s. 10 den. Por 20 liv. de bonrre de soie , la livre, 5 s. et 6 den., no s. Pour la facon de 4 ancotou , 4 liv. Por 45 liv. de toile jaune, 28 den. (I'aune), io5 s. Pour i ancoton de baleiiie, 20 s. •< Pour cendaus. Por 4 cendaus et i dcmi , i vermeil , i noir , et i inde blanc et i demi noir, i3 liv. 6 s. Por 2 cendaus veirs flebes, 56 s. Por 12 aunes de toile inde, 18 s. Por noiaux d'argent a corset, 20 s. Por i cor- set de merae veir, 46 s.; somme, 221 liv. 10 den. '< Cendaus achetes a Paris. Por i3 pieces, i5 liv. 12 s. Por 4 pieces et demi de cendaus fort, 12 liv. i6 s.; somme, 28 liv. 8 s. — Cendaus ache- tes a Bar... la piece , 29 s., 27 liv. i3 s. 4 cendaus vermeux, 34 s. la piece J 6 liv. 16 s. Por i exudans fort, 11 liv. 18 s. 6 den. Por i3 bou- gnerans, 6 liv. 4 s. Por 83 pieces de toile teinte, 66 liv. 12 s. 7 d. Por 242 pieces de toile crue, 5 s. 6 d. la piece, 66 liv. lis. Por 5o et.... pieces de toile blanche, 6 s. 5 d., la piece, 18 liv. 12 s. 2 den. Por courcier rt por auner , et por chargier , et por voilure, 20 liv., somme 237 liv. 7 s. 3 d. torn., valent 2G9 liv. 17 s. 10 d. par. « Le sejour pour les chevaux d'outremer , 24 jours, i3 chevaux par jour, 3 12 chevaux. Avaine , 2 muis , 8 liv. 16 s. Bran , feves et orge, 5i s. 8 d., fein, 104 s. Pour litiere, 45 s. 8 d. Por les mangures et pour les rateliers affetier, et por perches, 12 s. 4 d. Por pintures et por oingne- ment, 4 s. tod. Por Inmiere , 6 s. Pour I'hotel de Champigni, 37 s. Gages des valets, 70 s., loier des valets, 21 s.... et i d. Por cuira faire siaus, et cuves , et amceles, et bahus, et por voiture, et por courir, 40 liv. par. — Somme, 1,467 hv. et aS d. >> Ce petit memoir^ est interessant en ce qu'il fait conuaitre le prix de la soie , du colon et des toiles , et d'antres marchandises h cette epoque , ainsi quecclui des chevaux. Do tons Icscoursiers achetes pour la croisade du chevalier cliainpenois , celui de Lorraine est le plus cher. Faut-il en con- clure que la Lorraine fournissait alors les plus beaux chevaux ? ET POLITIQUES. 349 ses en Palestine , sur leurs dissensions , leuis proprie- tes , etc.; ainsi que les recucils qu'on a publies a Venisc et dans d'autres villes maritinies d'ltalie qui out pvis une part active aux croisades. Muratori, Lunig, et d'autres savans ontrecueilli un grand nombre de ces documens. De son cote , la Societe des antiquaires de Londres a fourni plu- sieurs travaux estiniables sur les croisades des Anglais, par- ticulierementsur les expeditions de Richard Cceur-de-Lion, et I'Academie d'histoire de Madrid a eclairci cellesdes Es- pagnols. On a fait des recherches semblables en Hollande, en Danemark. II eut ete bon de consulter les resultats dc tous ces travaux, menie apres le grand nombre dauleurs auxquels M. Michaud a deja recouru. lis n'auraient pro- bablement change c[ue peu de chose a I'ensenible de son histoire ; mais ils lui auraient fourni quelques faits, quel- ques traits de moeurs de plus, et unc nouvelle certitude sur plusieurs points d'histoire. Telle qu'elle est, 1' Histoire des Croisades, par M. Mi- chaud, est un des bons ouvrages historiques de notre epo- que, et, excepte quelques opinions politiques ou religieuses qu'on peut contester , tout honime impartial sera dispose a I'approuver. Depping. LJTTERATURE. Le Kouge et i,e IVoiR, chronicjue. dii XfX'^ Steele, par M. de Set.vdhal ( i). On se rappelle ce tragique roman doiit los jouinaux rapporterent , il y a deux ans, les tiistes details et dont le denoiiment fut un echafaud. Un jeune paysan , eleve dans un seminaiie de province , d'ou son caractere inquiet, ses passions ardentcs, son ini- piete profonde I'avaient fait cliasser deux fois , apres mille tentatives pour s'ouvrir une cairiere,lrouve un asile dans la maison d'un honnete proprietaire campagnard et dcvient le precepteur de ses fils. Une fenmie habitait sous le mcnie toit , une femme jeune encore et belle , belle surlout pour ce pauvre prelre qui toute sa vie avait reve I'aniour , sans rencontrer jamais la realite de ses songes. C'ctait la mere de ses eleves; il la voyait a toute beure, il partageait avec elle les caresses de ces enfans dont il etait adore; enfin il etait seul avec eile au milieu d'un pays encbanteur. Les convenances defendent d'ecnrter les voiles diapbanes que de bizarres debats jeterent sur la partie intime de cetle liaison ; mais d faut croire qu'elle fut orageuse. Le precep- teur, congedie ou mecontent, s'eloigna et fut rempbice. II etait entre dans une famille noble qui babitait a quelques lieues. De la il epiait avec une diabolique attention ce qui se passait dans son ancien sejour. II apprit des choses qui (i) Paris, i83o ; A. Levavasscur. a vol. iu-8"-, prix, i5 fr. LlTTfiRATURE. 35t firent iiailre dans son coeur de noires ideesde vengeance, et plusieurs fois il les laissa s'exhaler dans des lettres pleiiies de mysterieuses menaces. Enfin viiit le moment d'accomplir ses projets. Ceux qui ont habite les campagnes, ou le sentiment reli- gieux n'est pas entierement eteint , ont eprouve sans doute une certaine emotion , en assistant , par un beau dimanclie de printems, a la gi and'messe. Ce jour-Ia , les travaux penibles sont interrompus, et iebonheur regne sur tons les visages j car, pour un paysan , le bonheur, c'est le re- pos. Cliacun revet des habits de fete , et la proprete, cette parure du pauvre , eloigne I'idee de la misere. Au son joyeux des cloches , les jeunes gens et les vieillards se sont rassembles devantl'eglise : les uns parlentde leurs afl'aires, ou de leurs vieux souvenirs, ou enfin de la politique; car ou n'en parle-t-on pas maintenant? Les autres, ranjjes par groupes, attendent au passage les jeunes filles de la paroisse qui arrivent, ornees de fleurs et de modestie, sous la con- duite de leurs meres. Enfin les trois coups sonnent, et I'e- glise est envahie. Comme, pour rendre le tableau plus com- plet, les vieillards ont I'habitude de n'assister que de loin a la fete religieuse : pour jouir des rayons rdchauffans du soleil , ils s'agenouillent sur le gazon du cinietiere et Tor- ment aupres de la portc du temple un groupe dont I'aspect pitloresque emeutle voyageur qui I'apercoit de loin. Dans I'enceinte, la solennite aquelque chose de plustou- chant encore. Le recueillement des assislans, les chants graves et isoles du pretre, un vague parfum d'encens et de fleurs, les rayons du soleil qui traversent en gerbes cette atmosphere suave et inondent le sanctuairc d'une poussicre doree, tout fait eprouver un saisisscment involontaire, auquel plusieurs de nos lecteurs n'onl certainement pas echappe. C'est une fete de ce genre que notre seminariste choisit pour executer un dessein qu'ii avait muri avec beaucoup de sang-froid. Madame M*** assislait a la messe avec une 552 liiti5:ratiire. de ses amies. A I'instant lo plus solcnncl de la ceremonie, elle detourna la tete ct apercut deniere ellc une ligiire qui lui apprit son sort. — Je suis perdue , dit-elle a son amie. Deux coups de pistolet partirent : ni I'un ni I'autie nc fut nioitel. Pendant la duree du pieces, le jeune liomme offrit le plus etonnant contraste de faiblesse et dc force; de cou- rage et de peur, de presence d'esprit , d'habiletc, de talent menie , et de sottise presoniptueuse et ridicule \ de sensibi- lite profonde et vraie , et de niecliancete infernale. Toute la province eniuc etait accourue au chef- lieu. Les fenimes se disputaient les tribunes de la Cour d'assises. el y passaient les jours et les nuits , oubliant le sommeil , la fatigue, la faini. Leurs regards ne quitlaient pas cette belle figure, blanche et pure comme un visage de femme, ren- due plus noble encore et plus frappante par le bandeau noir qui couvrait une blessure dont I'amour etait la cause. Quant au ciiniinel , il n'oubliait pas un instant qu'il etait le personnage principal du spectacle : ses vetemens etaient clioisis avec gout, arranges artistenient, drapes comme la soie d'un portrait qu'on veut faire saillir. Ses cheveux noirs se deroulaient avec grace sur un cou decouvcrt, d'une blancheur eclatante ; sa pose etudiee avec soin faisait res- sortir une taille svelte et souple, et ses grands yeux noirs se promenaieut sourians ou pensifs sur I'auditoire , et parti- culieremenl sur les femmes, qui y etaient en majorite. Les debatsfurent ridicules : le mari de la femnie assassi- nee y assistait, et prenait un interet bourgeois au sort du meurtrier; son role fut ceiui d'un tres-honnete homme. L'accuse fut defendu par un vieil avocat, renomme pour son savoir et son habilete. Evidemment I'avocat , les juges, les jures ne comprenaient rien a la cause, et Tadniirable insti- tution du jury n'etait pas faite pour ce cas. Le jeune homme le sentit , et c'est peut-etre ce c[ui rendit sibizarressa conduite. ses reponses, son plaidoyer meme , l.ITTfiRATURE. 3,^3 qu'il prononca sans t'molion, et qui annoncail iiii latent tlepiave par les eludes classiques. Bertlictfut execute. C'est cet evenement qui a fail naitre le livie que ma taclie est d'examiner. Je me garderai bien de poussei- plus loin cette comparaison et de reproclier a M. de Stendhal de s'etre eloifjne du type qu'il seniblait avoir clioisi,', et d'avoir peint un tableau de fantaisie , au lieu d'un portrait. A cliacun sa couleur et son style : ce n'etail pas au lieros brillant des salons de Paris, de Florence ct de Rome a pe- netrer profondement dans cette nature qui lient de I'ange ct du demon , a nous donner un nouveau TVerther. Quoi- qu'il y eut dans cette aventure des circonslances timtes neu- ves , des teintes originales et vraies, quoique les traductions poetiques soient de miserables parodies, il faut avouer que Gcetlie, Byron , Ugo Foscolo ont laisse peu de cliances de reussite. Si le succes est possible , il ne sera ob tenu que par quelque malheureux , ronge long-tems du mal qu'il s'agit de decrire, dans le cas toutefois oi'i, revenu a la sante> il pourrait s'en rappeler toutc I'horreur. On me demande sans doute de quelle maladie je vcux parler. Certes, je serais embarrasse de repondre clairement : pourtant je vais tacher d'indiqu€r ma pensee. Notre civilisation est une machine au moyen de laquellc les faibles enchainent, resserrent , etouffent les passions puissantes , c'est-a-diie , le genie ou le crime : c'est la son but, et les savaus auteurs de nos Codes ne se sont pas donne d'autre tache. En ce tems-ci, ilestbon d'avoir de I'activite, de I'adrepse, de la patience , le courage des petites choses : il ne faat que cela pour reussir : en un mot, beaucoup de bonnes qualites a dose mediocre , et pas une grande vertu. Mais la civilisation, dans sa lutte avec la nature de I'liomme, n'est pas toujours victorieuse : il y a des etres sur les- quels elle est impuissante , qui la domplent ou meu- rcnt.Ces etres sont ou Napoleon, ou Werther, ou Berthet. Mais nous avons imagine un precede beaucoup plus in- T. XLIX. TEVRIER l85l . 23 35i I.ITTf;RATURE. genieux encore pom- torturoi- lo coeur liuinain^ il nierito d'etre analye; car il est savant et complique, en France particuliercment. Un enfant nait ; si nous le laissious vivre et croitre au milieu de notre etat social , I'atmospliere qui I'entoure le penetrerait pen a peu , ct niodifierait sans seconsse son cnerfjie native. II y aurait combat, sans doute; il y aurait mutilation des facultes anormalcs : maisle combat serait lent et proyressif , et la mutilation peu douloureuse. L'eafant prendrait le pli des clioses de son terns, il se faconneraita nos habitudes, se soumettrait i\ nos regies, a la longue trouverait sa place dans cet ordre de choses, vivrait com- modement, et mourrait decemment, comme il convient a un bourgeois du XIX" siecle. Cela serait trop simple : voici ce que nous faisons. Des que nos enfanssavcntbalbutier quelques molsde notre lanj^ue, nous les rassemblons et les parquons tous ensemble dans des lieux batis expres, pour apprendre une autre lanjjue qui n'est plus employee, et ne servira jamais a rien a la plu- part d'entre eux. La, tout porle un caraclere particulier. Ce sont des lois ecrites pour cette enceinte, et pour des en- fans , lois invariables, qui restent les memes tjuand les enfans sont devenus liommes. II n'y a plus la de famille , de civilisation, de mouvement. Les bruits cxterieurs n'y penetrent pas. Tout le soin des regens est que leurs eleves ignorent com- pletement ce qui se passe au dehors ; il n'est sorte de pre- cautions qu'ils ne prennent pour c{ue les enfans vivent la comme s'ils devaient y mourir j et, apres vingt ans dc tra- vaux et de peines, ils s'estiment heureux , s'ils peuvent les precipiter, bien garottes de prejuges , d'erreurs et d'igno- rance , dans un ocean de civilisation. Et quand vos enfans se noient, vousavcz la candeur de vous en etonner. Mais le mal qu'on leur fait n'est pas seulement negatif. Nous avons dit que le caractere esscntiel d'une civilisa- LITTfiRATURE. 355 lion avancec est de ne laisser se developper aucune passion, c'est-a-dire, aucune illusion. Eh bien ! I'education de vos fils est combinee tout entiere pour faire naitre , pour alimenter les passions. Les livres qu'on leur donne, sur lesquelsils palissent jour et nuit, sont des poetes , ou des historieiis qui ne valeiit gueros mieux ; des poetes , non pas de cc terns, cela toucherait de trop pres a la realite, mais des teais anciens ou tout etait figure, illusion, fan- tasniagorie passionnee. Voila de quoi on les nourrit jus- qu'a vingt ans. £t coninie , pendant tout be terns, I'etrc physique se developpe et cherche a vivre, les enfans, auxquels il est veste, malgre toutes les precautions, une idee vague du monde actuel , combinent, pour former une vealile, les fautomes de I'antiquite, ces bcsoins uouveaux qui lesetonnent, et les souvenirs du foyer paternel : ils construisent ainsi des imaginations monstrueuses , avec lesquelles ils entrent dans le monde. Quand ils appartiennent a la classe riche , le nial est grand, niais reparable. lis en sont quittes pour defaire jieu a peu , par une experience de fautes et de chutes, I'educalJon du college, et a trente ans, ils peuveut com- mencer a vivre avec presque autant d'avantages que s'ils venaient de naitre. Mais, quand I'enfant est sorti d'une famille de paysans ou d'artisans, il faut, pour qu'il puisse vivre, qu'il de- vienne ou un grand homme, ou un grand fiipon. Dans tous les cas , ce sera un etre bien miserable et bien dan- gereux. Imaginez, en effet, quel avenir s'ouvre devant ce pauvre jeune homme qui pense avoir des droits a la plus haute fortune, puisqii'on lui a donne la plus haute instruction. Figurez-vous son embarras d'abord, et puis son desespoir en se voyant seul , pauvre, impuissant, meprise, devant cette societe si difterente de sies reves, que chaque pas qu'il y fait est pour lui un desappointenient cruel, une chute ou un crime. II rougirait de mettre la main a la charrue , de 23. 35fi LITT1^.RATURE. toucher au rabot ou au niarteau , lui qui, jusfju'a present, n'a ete occupe qu'a analyser fiiiement les beautes d'Horace et les delicatesses de Virgile. Mais, quand il le voudiait, le pourrait-il ? Eu sortant du college, il s'apercoit qu'il ne sail rien de ce qu'il faudrait savoir. II ignore les clioses les plus simples de la vie commune , et jusqu'au nom des sciences les plus usuelles. La liouille est pour lui de la pierre noire , I'iinprimerie un mystere inconcevable , la machine a vapeur un monstre effrayant. Et d'ailleurs , s'il pouvait entrer dans ce monde inconnu, il y trouverait des entraves qui I'arreteraient tout court. Partout le privilege , le mo- nopole , la prohibition , veillent pour la protection des riches. II ne sera pas majtre d'etre notaii-e , avocat, phar- macien , medecin , sans permission^ c'est-a-dire , sans ar- gent a donner, sans terns a depenser. 11 ne pourra pas nieme enseigner ce qu'il sait de Virgile et de Ciceron j et, s'il se hasardait a le faire , la prison, I'amende, la ruine I'auraient bientot puni. On sent qu'il y aurait bien d'autres choses a dire sur ce sujet : nous nous arreterons la. Car a quoi sert de demon- trcr ce dont tout le monde est convaincu? Ne voyons-nous pas aujourd'hui au pouvoir des hommes qui ont attaque avec talent, avec energie le vice social dont nous gemis- sons? Nos reclamations ne sauraient etre plus vives , plus eloquentes que celles qu'ils firent entendre, il y a bien peu de tems ; et ce que nous pourrions leur dire de plus fort se- rait de placer maintenaut sous leurs yeux les pages admi- rables qu'ils ecrivaient alors. Sous le dernier gouvernement, les jesuites avaient adroi- tement exploite notre monstrueux systeme d'enseignemenlj ils avaient foude des milliers de seminaires ou la vanite des paysans, excitee par le bon marche de la pension, leur faisait Jeter leurs enfans en foule. Sortant de la, sans moyen d'existence , avec des gouls de vie douce et luxueuse , ces enfans etaient k leur discretion : dcvenir hypocrites , ou mourir de faim , voila ralternative qu'ils leur oflVaient. LITTfiRATURE. 357 Leliei'osde M. deSlendlialjiVo/v^/, n'hesitapasj c'etaitune aine forte , peisecutee iles I'enfance par la brutalite de ceux qui rentouiaient. Soumis par sa faiblesse physique aux mauvais trailemeus dc ces elres feroces pour lesquels sa superiorite morale lui donnait le plus profond mepris , il coniprit bientot que , pour realiser ses gigantesques pro- jets d'ambition , il lui faudrait de la patience , d'abord , et puis de I'adresse , de I'll vpocrisie , c'est-a-fiire , un sou- verain empire sur ses passions. II sentit que sa lache etai d'exploiter les passions d'autrui , sans se permettre d'en avoir. Le voiia done tout jeune encore, entrant dans cette longue et penible carriere, etudiant le monde, s'etudiant lui-menie pour n'etre jamais tralii par son nalurel, ana- lysant ses sensations et ne les laissant se developper que dans un but determine, et comme AUi instrument propre a agir sur les autres. On a beaucoup reprocbe i M. de Stendhal ce caractere qu'on a Irouvo invraisemblable et impossible. Je le regarde, moi, comme un'e conception profonde, originale et vraie , et je le dis hardinient , sans redouter les interpretations. Quiconque connait le monde , et voudra etre sincere , avouera qu'il etait difficile de peindre plus neltement le trait caracteristique de la jeunesse de ce terns. J'invoque a cet egard le temoignage de tons les hommes qui sont " partis de tres-bas pour arriver tres-haut , et qui n'ont pas ete servispar un hasard extraordinaire. Ainsi, ce sang-froid de Sorel qui, dans les scenes de passion les plus enivrantes, et pour lui les plus neuves, lui laisse etudier ses euiotions , raisonner et calculer ses transports 3 ce sang-froid qui lui fait perdre les heures d'un bonheur unique dans la vie, est un fait tres-general , au siecle oil nous sommes. Les passions sont de venues tres- calmes, tres-polies, tres raisonnables, et c'estun pcrfection- nenientqui en vaut bien un .TUtre. Sorely jetc dans la bonne compagnic de Paris , mais sans 358 LITTltKATUKii. lui appartenii- , et comine un otie de nature inferieure , y dcvcloj)pe des talens et une liypoirisie savantc qui le pla- cent bientot sur le chemia de la fortune. II y maiche rapi- deiuent, quand un acces de passion , indigne d'uii si grand genie, le pousse a un acte de vengeance atroce, d'autant plus blamable qu'evidemment il ne pouvait servir a rien. Toutefois, il nest pas homnie a se desesperer ; et , comme il voit son avenir perdu, il en prend son parti, se resigne a niourir, et , en attendant, a passer le moins tristement possible les deux mois que le proces lui laisse en perspec- tive. C'est une idee drainatique et toucliante d'avoir donne pour compagne a ses derniers jours, pour complice a ses derniers plaisirs, cette meme femnie c[ui lui avait appris le bonbeur , et qu'd a vainement essaye de tuei-. Aujourd'bui que la guillotine , la roue, le gibet sont si fort en botineur dans la litterature , nous ne pouvons trop remercier I'au- teur de nous avoir epargne le recit du supplice de Sorel, et de I'ayoir abandonne au moment ou le patlietique dis- paraissait pour faire place k I'horreur. C'est un trait de bon gout , comme il y en a beaucoup dans ce livre. Sans parler des aiitres sortes de merite c|u'on y trouve, I'ouvrage deM. de Stendbal estriclie de ce merite negatif, qui consiste a eviter les ecueils lilteraires. On pourrait le comparer a ces bommes de bonne compagnie que cliacun trouve cbarmans , sans qu'ils possedent aucune cpialite notable, parce qu'eu eux rien ne choque, rien ne repousse, et qu'ils ont toujours le talent d'etre parfailement conve- nables et en barmonie avec les circonstances. Nous avons pris nos reserves : ce tact des convenances n'cstpas le seul talent deM. de Stendbal. L'bomme spirituel qui se cacbe sous ce nom a deja fait ses preuves ailleurs : il serait difficile d'etre plus brillant , plus piquant, plus ori- {>inal. Mais, dans ce genre leger, il n'a peut-etreete donne qu'au seul Voltaire de ne jamais tomber dans la maniere et I'affectation : c'est un malbeur que n'a pu eviter M. de dc Stendlial. MTTJtKATUilE. 359 Du lestc , il exctiUe a peiudre le uionde. II reste si peu d'liommes de bonne couipagnie, ijue ce talent sera apprecie, sansdoute, par un bicn petit noiubre de lecteurs. J'avoue naivement que beaucoup de trails, probablement fortspi- rituels, ont ete perdus pour nioi. J'ai vu plus d'un portrait peiut avec une graude delicatesse , avec une exquise finesse de details, et je n'ai pas su ecriie au-dessous le nom de I'original : d'autres seront plus beureux et gouleront ce plaisir de malice dont nion ignorance me prive. Souvent, ce ne sent point des individus que I'auteur s'al- tacbe a reproduirc, mais des types de classes ;. et alors, il est intelligible pour tous. Nous citerons surtout M. de la Mole , le jansenisle Pirard , le grand-vicaire Frilair , le petit Tambeau , et M. de Renal. En resume, le Rouge et le Noir est un livre d'aristocratie dont le succes sera plus brillaut que general et durable. Cast une peinture gracieuse , et quelquefois profonde, de la societe, telle que I'avaient faite les jesuites et les emigres de laRestauralion. Elle a le nialbeur d'arriver apres I'orage populaire qui a renverse tout ccia, et par consequent d'etre deja un peu vieille. Un seul coin du tableau promet de rester encore long- tems vivant et jeunej c'est ce persifibige admirable de sel et d' esprit; quoique un peu trop repete , dont I'auteur a decbire I'aristocratie d'argent, la seule puissance politique qui soil sortie briUante et victorieuse des decombres des barricades. ^^. P. BEAUX-ARTS. DliSCRIPTIOJI DE MEDAltLES ANTtQUES, GRECQUES Ct ROMAINES, avec leur degre de rarett? et leur estimation, ouvrage servant de catalogue a une suite de plusde vingtmilleenipreintes en soufre, prises sur les pieces originales, par T. E. Mionnet, chevalier de la legion d'lionneur, membre de I'Academie des inscriptions, conservateur-adjoint du Cabinet de me- dajl!es , etc. Supplement, tome V (i)- Ce cinquieme volume contient les medailles de la Bi- thj-nie , de la Mjsie et de la Troade , dont M. Mionnet donne la description en continuant son systeme melbodi- cjue, et relevant, dans sa marche, les erreurs echappees aux auteurs qui I'ont precede. Les progres continuels de la nu- mismatique ont tellement avance cette science, qu'il y a des ouvrages que I'on ne pent plus maintenant ni consul- ter, ni citer , et dont le litre seul est devenu une reproba- tion. II existe pourtant, dans ces vieux ouvrages, des me- dailles dont I'indication ne se trouve pas ailleurs, et dont M. Mionnet se trouve oblige de consigner I'existence ; il leur donne , pour ainsi dire, en les citant , droit de bour- geoisie , car il ne les admet qu'apres un examen scrupu- leux. II a soin aussi d'indiquer celles qu'il regarde comme (i) Paris, i83o; I'aateur, a la Bibliotheque du roi, et Debure, rue Serpente, n" 7. In-8" de Sga pag., avec des pi. gravees; prix , 24 fr. Nous avons annonce le quatrieme volume de eel important ouvrage (Voy. Rev. Enc, t. xLv, Janvier i83o, p. 188). BEAUX-ARTS. 36i suspecles , ut dont il ne donne la description que paice qu'elles sont citees dans des auteurs estimes. Toule la nu- niismatique se trouve refondue dansrouvrage de M. Mion- net : on y trouve , a la place que leui- assigne sa methode, les niedailles disseniinees dans plus de trente ouvrages, at elles concourent, dans sa description , a former une ency- clopedic qui pent a elle seule remplacer toutes les descrip- tions de medailles publiees jusqu'a ce jour. Lorsque les medailles qu'il cite ne sont pas au Cabinet du roi, il desi- gne toujours les collections auxquelles elles appartien- nent. Paruii les attributions nouvelles et les rectifications im- portantes que presente ce volume, nous remarquerons celle de la ville de Berjtis , dans la Troade, dont M. de Saint-Sauveur , consul de France aux Dardanelles , a rap- porle trois medailles inedites. Ces niedailles presentent la (ete d'Ulysse , et au revers , sur I'une, une massue , sur I'autre, trois croissans. Cette decouvei te a donne lieu de restituer a Birjtis de la Troade la medaille que jusqu'alovs on avail placee a Bi'rjius de Phoenicie , d'autant qu'elle a pour legende les letlres BIPY , et que les medailles de la Pbcenicie portent le mot BHPYTiaN. La difference d'ortliographe avait deja ete oliservee par M. Mionriet , et nous avons encore une preuve de I'impoi"- tance qu'il y a de constater le lieu ou se trouvent les me- dailles, pour designer leur veritable patrie. Parmi les medailles de Nicee de Bithynie, il y en a une fort remarquable que Vailiant n'avait pas decrite avec exactitude , et que M. Mionnet retablit ainsi : « BI. ANT. rOPAIANOC AYr. Tete de Gordieu pieux j revers innoN BPO- TOllOAA NIRAIEilN : beros a cbeval, la tete couverte du bonnet plii ygien et tenant de la main droite une couronne ; le cbeval , dont les pieds de devant sont bumains, tient dans le droit , leve , un baton ou sceptre, autour duquel est un serpent , et sa queue rcpliee se tcrmine par une tete 36^, - KKAIJX -ARIS. ile serpeul. Uue potilc Vicloirc vole au-devant du hcios pour le couronner. » J'ajouterai a !a rectilicalion deM. Mioniiet, que le clie- val n'a point les deux pieds de devaiit Luinaius, mais a jjauihe une jaiube etun pied liuiiiain, eta dioile , le coude, le hras et la luaia do forme liumaine : c'est de cetle main (ju'il tienl le baton entouie d'un serpent. Tous deux ont decrit le clieval comme tenant de son pied droit le baton qu'il tient veritablement d'une main , tandis que sa jambe (jauche estliumaine. Le mot, BPOTOflOAA, compose de Bporo? Iioryio tnorlalis , et llo^a, pied, indique natuiellement le cheval a piod bumain ; aussi , Vaillaiit tiaduit-il la legeude par les mots le cheval a pied humain dcs Niceens , sous- entendu la ville honore le cheval , etc. Rasclie , dans son Lexique, tiaduit ces mots par eqiium hominum pei riiciem, ce qui ne rend point le mot BpoToroiJa qui certainement s'applique au clieval ainsi represente avec un pied liumaiu. II y avait sans doute a Nicee une tradition religieuse" relative a ce cheval merveilleux, qui a ete perdue comme tant d'autres. II me parak interessant de rapprocher de cette medaille celle de Sinope , que M. Mionnet a decrite dans le 4° vo- lume de son Supplement ( pag. 583 , n° i 76) et qui appar- tient a M. Rolin , a Guise. J'ai conserve un dessin de cette medaille qui porte , au revers d' Alexandre Severe , une jambe liumaine nue , dont la cuisse vetue est surmontee d'une lete de bojuf j devant est un autel ou un vase d'ou sort uue plaute et qui est entoure d'un serpent. M. Mionnet ne fait point mention de ce serpent que nous trouvons re- produit sur I'autre medaille avec I'association d'une jambe bumaine a une partie superieure d'animal. 11 serait trop long d'entrer ici dans le detail des supersti- tions de la ville de Sinope ; il nous suftit de rapproclier cette medaille de celle d'une conlree voisine , et d'une cpoque presque conteinporaine , et d'ouvrir le champ aux obser- vateurs. BEAUX- ARTS. 36:) Kn puisant dans les cabinets pariiculiers, M. Mionnet complete des series geograpliiques cjui sont dii plus grand interet pour la science ; car les cabinets les plus riches sont loin de tout posseder, et sur ce point on ne saurait trop engager les possesseurs de medailles i fa ire graver et a pu- blier ce que beaucoup d'entre eux enfouissent sans profit pour qui que ce soit , nienie pour la curiosite. C'est ainsi que M. Mionnet donne d'apres Sestini une medaille du ftlusee Hedervar , de la ville di" Amaxitiis de la Troade, et qu'il I'accompagne d'une autre qui se trouve dans le ca- binet de M. Palin, envoye de Suede a Constantinople. La ville A' Jniaxitiis est designee dans Xenophon, Thucy- dide , PJine et Etienne de Byzance , et on aurait pu la con- fondre avec jlinaxia de Cilicie , si on ne lisait dans ce dernier geograpbe , Aniaxitus Troadii oppidum , ad Alsxandrorum territoriiim perlinens, quod Agamemnon construxit. M. Mionnet rend aussi a la ville de Larisse, de la "^Froade^ une medaille precedemnient publiee comnie etant de La- risse de Thcisalie. La tete d'Homere est plus convenable- ment placee dans cette contree homerique. La Troade s'est beaucoup enricbie des medailles de la collection de feu M. Allier de Haute- Puoche. Nousciterons parmi les pieces les plus interessantes celle ^ Arisba , de Qentinos , A'Ophrjnium, de Teria , qui etaient encore ine'dites, ou du moins qui n'avaient ete publiees c|ue dans la description de cette collection que j'ai donnee en 1829, (i vol. in-/i°, avec fig. cbez Debure.) Ces medailles ont ete acquises pour le Cabinet du roi , avec cent quatre-vingt-deu.v autres de la menie collection, et ont egalement trouve lour place dans le Supplement de M. Mionnet. Les medailles attribuees jadis a Fj^thopolis de la Bitby- nie sont maintenant rendues a Pjlos de la Messenie. Une medaille, classee jusqu'a present parmi les incertai- nes, a pris sa place dans la Mysic , par I'attribution de 364 BEAUX-ARTS. M. Sestini, qui la donne a la Thebes homerique, ville siliiee vers les confins «^e la Troade. Cette medaille poite pour legende a I'envers le mot 0HBH, et au re vers AAPAMVTHNiiN , On y trouve le nom da la ville de Thebes au nominatif comine le nom POMH , Rome , se trouve sur les medailles d'llium, de Nicee , de Pergame , d'Alexandrie et d'autres villes ; mais la ville de Thebes , voisine de celle des Adra- myleniens, elsituee sur son territoire, ayant ete delruite, il semble que les Adramyteniens aient voulu rappeler sa memoire par cette monnaie, oil son nom se trouve pres d'une tete de ville qui la caracterise. D'autres medailles de la Thebes homerique, frappees dans la ville meme a une epoque anterieure, se trnuvent decrites dans le Supplement de iM. Mionnet (pag. 682); I'une d'elles a passe de la collection d'AUier de Haute-Roche dans celle du roi de France. Les planches representent vingt-une medailles du plus grand interet, soit comme art, soil comme erudition. On y remarque huit slathres tous difFerens de style et de sujets, paraissant appartenir les uns a la plus ancienne epoque de I'art monetaire, lesautresau tems de I'art perfectionne. Ces staleres de Cyzique offrent tous la forme globuleuse et le carre creiix aux revers : il est remarquable que cette forme et ces revers grossiers se trouvent associes a des types tres- elegans. Le plus remarquable de tous est celui qui presente une femme assise , tenant une couronne de laurier, et s'ap- puyant sur un cippe oil on lit en caracteres d'une e'poque peu ancienne le mot EAErGEPl. Tous ces slateres sont classes a Cyzique, de Mysie , parce que la patrie de chacun d'eux est encore incertaine , malgre les recherches des sa- vans, et parliculierement celles de M. Sestini dans son ou- vrage intitule : Descrizione degli stateri antichi illiislrale con le niedagle ( Firenze 1817). M. RAOUL-RocHtxTE a donne, dans le Journal des Savans (avril et mai 18)9), une critique de cet ouvrage, oii il combat quehjues opinions un ptu hasardces du savant antiquaire. Le temscclaircira peul- BEAUX-ARTS. 365 ctie celte question , Tunc des plus inteicssantes de la nu- mismatique et qui se rattache a des decouvertes recentes, puisque le savant Eckhel lui-meme regardait encore le statere comme une monnaie de con;pte et non conime une monnaie reelle. En attendant, les amateurs doivent recevoir avec recon- naissance les nombreux materiaux que M. Mionnet ne cesse de reunir a\'ec une louable perseverance , et que la disposi- tion melhodique d'apres laquelle il les classe rend dou- blement interessans. Nous remarquons aussi avec plaisir que , comme dans le dernier volume , les notes sont plus multipliees , et que I'auteur y apporte une critique judi- cieuse qui eclaircit plusieurs points douteux , rectifie des erreurs , et augmente beaucoup I'utilite d'un livre qui de- vient cbaque jour plus indispensable , par I'application que Ton pent faire de la numismatique a toutes les autres branches des sciences bistoriques. DUMERSAN. 111. BULLETIN BIBLIOGIUPIIIQUE. LIVRES ETRANGERS (i). AMfiRIQUE SEPTENTRIONALE. ETATS-UNIS. 59. — *Dictionarj of chemistry, etc. — Dictiounairede chimie, oonforme aux theories modernes de celte science, avec des ap- plications aux arts et manufactures , a Tusage des ecoles et de ceiix qui veuleut etudier seuls : traduit du Dictionnaire de chi- mie , approuve par Vauquelin , oil les decouvertes et les doc- trines les plus rccentes sont exposces ; avec des notes et des additions , par M"*. Almirah. Lincoln, vice-principal de la niaisou d'education pour les demoiselles ctablie a Troy , auteur de I'ouvrage intitule : Lecons familieres de botanique. ]\ew- York, i83o; Carwil'. In-8° de 539 pages. Get ouvrage a paru en Amerique , avec la recommandation de deux professeurs dont la reputation s'est c'tendue jusqu'en Europe, MM. E\ton et Silliman. La traductrice a joint a I'ori- ginal francais un Essai de chimie clemeutaire, ou les principes de la science sont exposes avec clarte , quoique ce resume dc tout une science n'occupe qu'une vingtaine de pages , et ue tienne gueres plus de place que son histoire, autre addition faite a I'original. En effet, a mesure qu'une science approche du terme ou elle doit s'arrcter, elle devicnl de plus en plus sim- ple , niethodique , susceptible d'etre rcdigee avec une extreme (1) Nous indiquons par un asferisque (*) place a cote du titre de cha- fjue ouvrage, ceux des livres ctrangers ou francais qui paraissent dignes d'ane attention particuliere, et nous en rendrons quelquefois cunipte dans la section des Analyses. liTATS-UNIS. 3i'7 concision ; quant a I'liistoire, on est !entc dene lui reconnaitic d'autrcs limites que celles do I'exislence de I'homme , ou dc sa domination sur la lerre. Avec le terns, I'liistoire d'une science pent accuinuler plus de fails importans que cetic science nieine ne conticntdeprincipeset de consequences generales, dc verite's dont I'ensenible compose toules ses doctrines. La chimie est. vraisemblablement , plus que toule autre, dans le cas de perdre une tres-grande partie de ce dont on a pretendu I'enrichir; et 1 his- loire, enregistrant ces perles dans ses annales, signalera des prc- gres reels, ou tout au moins le retour sur la bonne route. Si les theories cliimiques etaient aussi coinpliquees qu'on est en train de les faire, nous serions condamnes au supplice des Da- uaides , sans espoir de remplir jamais d'une maniere satisfai- sanle aucuae des capacites de notre intelligence. Si nous sommes liors d'etat d'amener '» sa perfection I'une des divisions de la physique, comment parviendrions-nous a cultiver passablenient toutes les sciences naturcUes ? et cependant, les connaissances de cet ordre sont les plus accessibles pour nous ; elks sont sim- ples, en comparaison de celles dont les etresintellectuels etnio- raux sont Tobjet. II est done de la plus haute importance de ne pas nous egarersiir de fausses routes, puisque le voyage est Ires- long, tres-difllcile , expose a des chances defavorables; raais re- venons au Dictionnaire de chimie , dont ces tristes reflexions nous avaient cloigne. Les notes de la traductrice expliquent aux ctudians americains les mots d'origine etrangere , rectifieut de tems en terns de Ic'geres incorrections de I'original, ajoulent quel- quefois de nouveaux faits a ceux que les auteurs francais onl rapportes. Ainsi, I'ouvrage approuve par Vauquelin pour I'ins- truction des Francais serait encore plus digne du suffrage de cet illustre chimiste, apres tout ce que M""" Lincoln a fait pour I'ap- proprier a i'usage des etudians americains. F. Outrages periodiques. 60. — * American annals of education and instruclion, etc. — Annales amcricaines d'education et d'instruction , el Journal des institutions lillciraires , y coniprenant les ecoles , les colleges et les lycees ; diriges par AVilliam C. Woodbridge , assistc dc quelquesamisde I'educalion. Boston, i83o.Cc recueil mensuel, dont chaque cahier est d'une cinquantaine de pages in-8° , 3(38 UVRES ftTKANGERS. coiite ^ Boston 5 dolhirs ( i6 fr. 26 c.) irabonnement annuel. Ces Annnles n'cnregislreront passculemeiil Ics fails lecueillis en Anicrique sur I'art de former et de perfectionner Ics homines par I'cducalion et ['instruction; tout le nionde civilise sera mis a contribution. Mais on doit s'attendre que les intcrets de la patrie dirigeront, avant tout, les re'dacteurs americains. En considerantce que I'avenir promet aux Etats-Unis, ils prevoient que des hommes actuellement vivans auront le bonheur de voir une population de cinquante millions d'liabitans sur ce ter- ritoire, ou Ton en compte deja douze millions ; et pour que la repu- blique voie accroitre les moyens d'education aussi rapidement que le nonibre de ses enfans, ils font un appel a tous les hommes capablesd'y contribuer par leurs lumieres et leurs vues. Le Pros- pectus de ce recueil , intitule Adresse de I'editeur, doit elre lu et medite en Europe, aussi-bien qu'en Amerique : on le trouvcra clairemcnt et conipleltement resume dans cette devise : In principiis , unitas ; In (lubiis , libertas ; In omnibus , et super omnia , caritas. Des le premier cahier (aoiit i83o), les redacteurs font une excursion eu Europe ; et sans etre retenus par les magnifiques etablissemens d'instructiou publique formes dans les grandcs capitales, pas menie par notreEcoLE Polytechnique connue , de- puis les evenemens de juillet i83o, sous un aspect bien digue de I'attention la plus serieuse, quant a son influence sur I'edu- cation, les observateurs Americains vont tout droit a Hofwyl , oii les faits merveilleux que M. de Fellenderg met sous leurs yeux sont autant d'exemples et d'encouragemens pour des appli- cations des memes procedes dans leur patrie. Au milieu de notre vieille civilisation, de nos societes decre'pites , les institutions d'Hofwyl et de Maykirch, ou I'espece huma*ne se raonlre avec la santc et la force morale de sa jeunesse, ne peuvent etre que des objets d'etonnement et d'admiration ; s'il nous reste encore des moyens de revenir a celle epoque de bonheur que M. de Fellenberg a renouvelee pour ses eleves, nous ne parviendrons a les decouvrir que par de longues suites d'experiences , du lems et de la perseverance. Les plus chferes esperances de I'humanite sont fondees sur les resultats de I'education ; ce serait vainement £TATS-UNIS. — GRANDE-RRETAGNE. Sfg •que ies iiistitulions civilcs ct politiqucs enireprendraient dc pcr- fectionner Ies homnies fails, s'ils n'avaient pas etc preparts par des soins convenables donnes a leur enfance. Honneur et reconnaissance aux socicles philanlropiques , dont reducatlon est le but , aux ecrivains qui Ies secondent , aux ouvrages pcrio- diqucs , par lesqaels toules Ies connaissances acquises sur cct important objet sont mises en circulation .' Lcs Annates aineri- caines peuvent done compter sur un accueil des plus favorables, en Europe , comme aux Etals-Unis. Nous sommes encore bien loin da terme ou I'ardeur des recherches pourra se ralentir. Les rapides ameliorations des melhodes d'enseiguemeut attestent que nous sommes enfin sur la bonne voie, mais sans nous don- ner aucune notion du cliemin qui reste a parcourir : quant a I'cducalion , Hofwyl nous a tcUement devancc, que les cflbrts rcunis de tons Ies philantropcs eclaires suffiront a peine pour rdpandrc en Europe les bienfaits de cette institutiou , dont la Suisse est encore seule en jouissance. M. de Fellenberg est un guide que peu d'hommes sont en etat de suivrc , lorsqu'il s'agit tie passer de la speculation a la pratique. N. EUROPE. GR AN DE-BRETAGNE. 6i. — * The cabinet cyclopvedla , etc. — Encyclope'die de cabinet, dirlLce par M. le docleur Lardner , eai>erit ; nee ampUiis scit ac potest (i). II a divise son travail en trois parlies: la pre- miere est consacree a dos considerations gcncrales siir la nature, I'honime et ses facultes intellectiielles , I'infkience des rechcrches scieulifiqucs , I'ulilile des sciences abstraites, considcrees par rapport aiix sciences naturelies, et sur I'application de celles-ci aux divers usages de la vie. La seconde partie est a la fuis tlieo- rique et experinientale ; Ics melhodes des sciences naturelies y sont diiduites par des raisonueinens appuycs de faits , par I'his- toire des decouverles , el par des observations sur I'ordre dans lequel les diverses connaissances ont ete successivenient reve- lees et conduites graduellemenl au degre de certitude qui fixe le rang qu'elles occupenl dans la science. Dans la troisieme partie, les divisions methodiques des sciences naturelies sont etablies d'apres la classification des phcnomenes et de leurs causes ; I'histoire de la science y est encore associee a son ex- position, et coulinuee jusqu'a nos jours. II elail peul-ctre im- possible de renfermer plus de choses instructives dans un cadre aussi resserre , et Ton en sail d'autant plus de gre a M. Herschel, que I'instruction, si abondaninicnt repandiie dans son ouvrage, n'empechc point que la curiosite n'y trouve aussi ce qu'eile re- cherche et que des anecdotes pen couuues sur les savans et leurs decouverles ne viennent de lenis en tenis accroitre rinlerel de cette lecture. Que M. Lardner continue "a former son Encyclo- pedie*de cabinet d'ouvrages teis que celui-ci ; son entreprise obliendra certainement un succes bien merile. Ferry. 62. — * Calmiic Tartavy. — Tartaric calmouque, ou voyage chez diverses hordes calmouques du gouvernenienl d'Aslrakan, depuis le 26 mai jusqu'au 21 aout, par Henri Augustus ZwicK. Londres , i83i ; Holdsworth et Ball. In-12 de 262 pages. Notre civilisation enf'ante parfois des idces bizarres, sinon (i) L'homme , ministre et interprete de la nature , n'est en etat de faire et de comprendre qu'en raison de ce que ses observations et ses raisonne- mens liii ont appris sur Tordre de la nature ; son savoir et sa puissance ne Tont pas plus loin. ( ; R A \ DE- BRET AG\ E . 5 7 1 extravagantes. Voila r.nc societc biblique anglaise cjiii n'iiiiagiiie ricn de mieux pour repandre les vciites du Christianisme que d'envoyer un jeune Alleniand, plein de zlle, dislribuer des bi- bles parmi leshdrdes calniouqiies qui habitent sur les boi'ds du Yolga , dans les steppes au nord de la mer Noire ct du Caucase. Peus'en est fallu que le pauvregarcon n'ait perdu la vie a la ta- che, et cela pour pXucer cletix cxemplaires des sainles EcriUires entre les mains d'un peuple donl uu homme sur inille ue salt pas lire sa propre langue. cependant . le jeune inissionuaire en est revenu sain et sauf, et il a vu bon nombre dechoses curieuscs. Ces steppes, oii erreat encore les derniers debris dcs peuples pasteurs qui couvraient I'Orient, ontctejadis, a ce que Ion croit , le lit d'une mer que quelqne grande convulsion de nature a refoulc dans la Mediterranee. La mer Caspienue, le le Ponl-Euxin , la mer d'Asopli et les lacs qui Tavoisiuent , sont les parties les plus profondes de cet Ocean disparu. Un fail vient a I'appui de cette opinion : des marais, et uue innoinbra- ble quantite de coquillages se voient a la surface du sol sablon- neux, jaunatre, sans pierres, et impregne de divers sels. 11 n'y a qu'une seule montagnc dans cette vaste el sterile contree, celle de Bogdo , qui est d'une hauteur majestueuse. Le resle du terrain presente une suite d'ondulalious, et c'est a tort qu'on se figure ces steppes comnic des plaines. Une vegetation rare, de maigres touffes d'herbe ou d'absinthe crolssent sur les collines ; dans les vallees. I'lierbe est plus abondaute , mais salee , et les chameauxseulsla mangent. Auprintems, riris,Ia tulipe, et quel- ques autres plantes bulbeuses, ornent ces deserts; mais I'ardeur du soleil les a bientot fletries. La chaleur y est insupportable en ete , et le froid excessif en hiver. Les migrations des peuplades Tartares etCalmouques olTrent un spectacle tres-pittoresque, et animent de tems en terns ces solitudes. M. Zwick assista au de- part d'une horde. Le lama et ses pretres etaient en tele; puis venait le prince, suivi de la multitude a cheval , ou niontee sur le dos des chameaux , tantut formant de longucs files, tantot groupes selon le caprice des cavaliers. Les matrones, vuUies de leurs plus riches habits, precedaicnt les bagages , tenant en main la bride du premier dromadaire auquel tous les autres son t attache's; de grands tapis persans ou russes recouvrent ces ani- maux, et tombent jusqu'a terre. Ces voyages sont uue occasion de grande rejouissance, surtout pour les femmes el les enfans. La 2-i- 372 LiVREs Strangers. religion dcs Calniouques est originairedc I'lnJe. Schagdscliam- nii , le fondatciir, est suppose avoir vc'cu long-terns avant le Christ. Scion lui le nionde est Dieu, et lout a die produit par mi inoiivement circulaire ; il y a une gradation dans rcchelle des etres , depuis la divinile jusqu'au plus vil animal , et aux demons qui habitent sous terra. A I'aide de la transmigration, et scion leurs bonnes ou mauvaises actions, les ames des hommes pexivent monter jusqu'a Dieu, ou redescendre jusqu'aux mau- vais esprils. Celle religion a aussi son redempteur, un systfenie de penitence , de discipline et de prieres ; un clerge , a la tete duquel est le lama. Elle a ses superstitions lirees des poetes Tangris et Assuris ; elle enseigne qu'au centre dc la terre est une montagne, entouree de sept collines d'or, habitde par des horames, et par des creatures qui leur resseniblent , mais qui diffbrent d'habitudes et de vocation. A I'ouest du Thibet, est situe un paradis lerrestre , ou ceux qui ont atteint la perfec- tion , vivent dans une beatitude coatinuelle. Quoique les Cal- niouques aient de petites idoles qu'ils transportent avec cux , ils ne rendent point de culte aux images. lis croient que Dieu les entend toujours, et de parlout : aussi prient-ils souvent. Une des parties les plus curieuses do leur systcnie religieux est le perfectionnement qu'ils ont introduit dans les prieres. lis ont des cylindres de bois, creux, remplis de formules en Sans- crit. Les caisses meme sont peintes eu rouge, et ornees de leltres dorees. Au moyen d'un axe qui traverse le cylindre , on met en inouvenient ces especes de moulins a prieres, qui font Toffice de chapelets , mais sans que le croyant se donne la peine de rien re'citer. Les fideles sout convaincus qu'ien agitant aiusi bon noinbre d'e'crils religieux , on produit un bruit agreable a Dieu, ct qui equivaut au bourdonnement des voix d'une multitude qui prie : une soule formule, applicable a tous les besoitis de riiomme, se repute souvent jusqu'b dix inille fois sur les pa- piers et les cylindres. Chez une autre tribu , que M. Zwick visita plus lard, le moulin k prifcres, de grandc dimension, m& par quatre ailes, en forme de cuillers, que faisait tourncr le vent , offlciait pour toule la population. C'esl dans ces steppes rjue s'engendrent ces nudes dcvorantes de sautcrelles si ccltbres par leurs ravages. M. Zvi^ick en vit des myriades eclore presquc sous ses yeux. « Leur nombre etait si considerable , dit-il , que la terre en etait eutiJirement cou- GRANDE-BHETAGNE. 873 verlc. Toutes leurs tetes etaienl tournces vers I'oucsl , el dies s'avancaient dans celte direction, devoranl jusqu'au moindrc brin d'herbe. Leurs ailes brillaient au soleil coniine de I'argent ou du verre , et reflechissaient la lumiere. Lorsque nous pas- sions au travers de leurs rangs , elles s'clevaient toutes a la fois avec un grand bruit d'ailes s'entrechoquant , et formaiit d'epais nuages, elles tournoyaient autour de uous en groupes irregu- liers, comrce la neige quand elle torabe a flocons. Elles ne lais- saient guere devant nous qu'un court sentier large d'une ving- taine de pas, et s'abattaient par milliers derriere nous. 11 etail cependant difficile d'en attraper, a cause de la chaleur et de Teclat du soleil qui les rend plus vives. Plusieurs , d'un jaune orange, etaient dans leur premier etat , c'est-a-dire sans ailes. J'epiai leur metamorphose. M'etant rendu de bonne beure dans un champ qui en etait convert la veiUe , j'en vis plusieurs grim- per sur la lige d'une planle , el s'y suspendre par leurs longues pattes. Au bout d'un peu de terns, ces insectes commenccrent a se balancer violemment sans changer de posture , se reposant par intervalles commeepuises, puis, reconimcncant cet exercice jusqu'a ce que I'enveloppe s'entrouvrit a la lute et a la poi- trine, et laissat sortir la sauterelle. Une fois la premiere pcau tombee , les ailes croissent a vue d'osil , et acquierent rapide- ment, par Taction de I'air, I'eclat el la couleur qu'elles doivenl garder. » La partie faible du livre de M. Zwick est celle qui concerne le but de son voyage. Nulla part il ne trouva les Calmouques disposes a accueillir ses instructions. Ceux meme qui avaient visite I'Europe civilisee, en 1814 » se niontraieut les moins empresses ; et en effet iis eussent perdu a la propagation des lu- niieres I'imniense avantage d'etre ecoutes avec respect et une foi entiere par leurs camarades. Un , enlre aulres , leur coutait, parmi les luerveilles de son sejour a Paris , que les Anglais avaient des ailes ; croyance qui lui venait sans doule de la res- semblance du mot angU , anglais, avec angeli , anges. Le meme honime assurait avoir vu la luue si basse dans le ciel de France qu'il eiit pu prendre ses cornes^au lasso. On sail que le lasso est une courroie a noeud coulant qu'on lance a la course sur les cornes d'un buffle ou autour du cou d'un cheval sauvage. 63. — * Tales of a grandfather . — Contes d'un grand-pere, ou traits eniprunltis a Tliistoire de France , par sir Wauter Scott. 374 LiVRES Strangers. Ediiiibourg, i83o ; CadeU. Londrcs , Wliiltaker cl conipaynie. 3 vol. in-r^. Lorsque, par suite des mauvaises aflaires de son ciditeur, sir Waller Scott perdit presque toute sa fortune, i\ n'eut point recours a la loi pour se debarrasser de sa part du fardeau , il ue prit point d'arrangement secret avec ses creanciers pour en obtenir des sacrifices qu'ils eussent sans doute ete disposes a lui t'aire. A I'age on Ton se repose , au terme d'une carriere si bien remplie, il ne s'arreta point, et se remit a I'oeuvre avec une nouvelle ardeur. Les^uvrages de lui , qui se soiit si rapidement succede depuis quelques annees, ont paye en grande partie ses dettes; et cette portion de sa biograpliie fera cerles le plus grand honneur a son caractcre. Mais Ic public payant n'a-t-il pas le droit de se plaindre de la facilite avec laquelle on tire a vue sur lui? Tanl de compilations , pare'es du nom du premier roniancier moderne, ne sont-elles pas une taxe uu pen lourde levee sur la bourse et la credulile de tout ce qui , en Angleterre , ou plutot en Europe, se souvient d'lvanhoe , de Waverley , de I'Antiquaire? Passe encore pour I'Histoire d'Ecosse , dediee a son petit-fils. Celle-la du moins elait pittoresque , animee ; on y retrouvait une connaissance rcelle des faits et des honimes ; c'elaientles notes, le fond de portefeuillede sir Walter Scott ; il n'y avait guere plus que I'enveloppe du fruit dont il avait extrait le sue, mais I'ecorce n'etait pas sans saveur. Nous n'en pour- rionsdire autant de cette Histoire de France : des idees usees , des points de vue faux y sonl continuellement reproduits, sans que le mouvement des details et du style fasse passer sur la nul- lite de I'ensemble. C'est pitie de voir s'user dans un pareil tra- vail les restes d'nn beau genie. Que sir Waller Scott rentre dans la poesie de Thistoire ; qu'il recompose les fragmens des terns passes avec sa puissance de pittoresque et d'imagination, et tout le monde y Irouvera son compte , lui , le public cl ses creanciers. 64. — * Levi and Sarah, or the Jewish Lovers. — Levi et Saa , ou les Amans Juifs ; conte polonais, par Julius Ur.siiius NiEMcEwicz : traduit de Tallemaud avec une preface et des notes par I'editeur. Londres, i83o; John Murray. In-8° de 348 pages; prix , 8 schelings 6 pence. L'aulcur de ce conte est un veteran de la liberie , un vieux compaguon d'armes de Kosciuszko. lis servirent ensemble en GRANDE-BRETAGNE. 575 1777 ; et plus tard, lorsque ce digue patiiote leva I'etendard de la re'volle a Cracovie, Niemcewicz s'associa a ses efforts, a ses dangers , et , lors de la fatale defaitc du 10 octobre 1795, fut fait prisounier avec lui el conduit a Saint- Pctcrsboiirg. lis habiterent la nicine prison jusqu'a ravenement au tione de I'enipereurPaul. Libcres ensemble , ils passerent eu Angleterre , et de la en Anie- rique. Ils se separeient plus tard ; Kosciuszko pour se fixer d'a- bord en France, puis en Suisse 011 il mourut, et Nienicewicz pour retourner dans son pays natal. Tant que la Pologne releva de la France , ce dernier ue pril aucune part aux aflaires pu- bliques , et vecut dans la retraite, tout absorbe par ses occupa- tions litteraires ; mais lorsque les negociations de Vienne eurent assigne a I'empereur de Russie la plus grande portion du terri- loire polonais, celui-ci jugea necessaire de masquer cette grande injustice en donnant a ses nouveaux sujets un simulacre de con- stitution, et nomma a cet elFet un comite preside par Niemcewicz. Peut-ulre il eut ete plus digne de I'ami de Kosciusko de refuser sa participation a cet acte illusoire. La Pologne eut, a la verite, un senat et une chambre representative, mais sans aucun pou- voir de faire des lois, ou meme deles proposer , n'exercant aucune influence sur le civil, le militaire, et le clerge, et pri- veede toute liberte dans les discussions. Niemcewicz resta secre- taire perpeluel du senat : on I'accusa d'avoir sacrifie a ce titre, sinon son patriotisme , du moins cette rigidite de principes qui entrelient le feu sacre et amene tot ou tard la resurrection des peuples asservis. II a prouve, par sa conduite dans les dernieres afi'aires, qu'on I'avait raal juge ; il a ete des plus ardens a I'oeuvre, et figure aujourd'hui parnii les membres du gouvernement pro- visoire etabli a Varsovie. II a puissamment servi la cause nationale par ses ecrits. Con- vaincu que les chants populaires exercent sur un peuple une influence immense , il a mis sous cette forme I'histoire entiere de la Pologne, et ces vers, arranges sur des airs nationaux, ont ete chantes par toutes les classes, et ont nourri I'ardent patriotisme qui eclale aujourd'hui dans cette malheureuse contre'e. On lui doit aussi une Histoire des rois de Pologne , du regne de Sigis- mondlll; une collection de Mcraoires historiques ; un roraan intitule: John von Tencyn; des fables ; un drame de Casiniir- le-Grand, et quelques autres pieces de theatre; eufin Levi et Sarah, espece de conte moral destine a donner une idee des 576 LH'RES I'TIUNGERS. inocurs , des prejuges et dcs siipersliliojis dcs juifa polonais. On sail que cette race, tres-nombreuse en Pologne , y vil encore aiijourd'hui comine elle vivait au moyen age dans le restc de I'Europe. Usuriers , brocanletirs , les juifs servent d'inlernicdiaires entre Ics nobles et la classe niarchande. lis ne pcsst'dent point de terre, n'cxercent aucune Industrie, et trouvent cependant moyen par lenrs habitudes de trafic et d'avarice d'accaparer d'iinmenses capitaux. Mais , landis que quelques-uns s'cririchissciil, le grand nonibre vegfelc dans la plus hideuse pauvrele. Leur dutrcsse est telle, que le gouvernement russe a songc a y porter reniede. Une loi a ete promulguee, leur ordonnaiit de s'appliquer a la culture dii sol dans un lenis donnii : I'epoque s'est ecoulce , sans apportcr aucun changeineut dans leurs habitudes. Lors du st'jour que fit I'edileur de ce livre a Varsovie, une commission y elail asseiiiblce , pour examiner la situation des juifs , decouvrir ie mal et suggerer le remede. Ce fut sans doute par suite de cette euquetc que legrand-dnc Con- stanlin consentit a faire les fonds ndcessaires pour impriiner el publier la version la plus approuvee dcs saintes Ecriturcs , ac- compagne'e du texte hebreux du Talmud et des aulres livres ca- balistiques des juifs. Le Talmud est lui ouvrage theologique que les juifs esliraent plus que I'Ancicn-Testament. II se divise en deux sections, le Mischna et le Geinara. Lc Mischna est une collection des e'crits des premiers rabins , qui date du deuxienie siecle de I'ere chretienue. Les grands revers survenus dans la situation des juifs depuis I'epoque ou Moise delivra la loi , les nouvcaux rapports e'lablis entre ce peuple et les aulres nations, les chaugemens dans les diverses formes de socielii , les perfec- tionnemens introduits dans les arts et les sciences , tout a sou- leve uue foule de doules et de questions pour decider jusqu'ii quel point il se faut abslenir des pratiques inconnues a Moise, OH reprouvees par lui. Le Gemera , recueilli environ cent aiis plus tard , est un commentaire du Mischua. Ecrits a une cpoqiie de persecution et de haine, ces deux livres, el surlout le der- nier, prechent des doctrines souvenl peu conformcs a la morale universelle. L'horreur de quiconque n'est pas juif y est eusei- gncc comme verlu. L'astuce , le vol cl jusqu'au meurlre sont cousideres comme choses louables des qu'il s'agit de chretiens. Enfiit c'est a ce Code, et au fanalisme avec lequel il est defendu par les juifs du nord , qu'il faut attribuer la plupart des vices GRANDE-BRETAGNE. 377 qui degradent cette miserable population. Certains passages , letranches a dessein des nouvelles versions du Talmud, sont retenus par coeur, et appris de bonne heure aux enfaus coinnie traditions orales et sacrees. Presque tous les juifs russes et polo- nais ne connaisseut les Ecritures saintes qu'iuterpretees par le Talmud; et meltre en regard du texte meme les odieuses induc- tions qu'un esprit de vengeance en a su tirer, ainsi que s'oc- cupe a le faire le savant abbe Chiarijji (Voy. Rev. Enc.^ t. xLV, p. 568), est pcut-etre le seul moyen d'attaquer une influence qui parque un peuple en dehors de tous, et I'e- tablit en guerre ouverle avec le resle de I'humanite. L'au- teur de Levi et Sarah s'est propose le but dans une sphere plus etroite : son livre est un moyen de faire saillir le con- traste qu'il y a enlre un juif moral, industrieux , adoptant une pa trie, et le sectaire vouc a la poursuite d'une chimere , haincux , paresseux et fripon. Comme toute demonstration, ce thdme est assez froid , el les details ne lui pretent pas beaucoup de vie. II y a meine quelque chose de gauche et d'inhabile dans la facou dont Tintrigue est conduite. Mais, en recompense , il y a beaucoup d'interet et de details curieux dans une preface de I'editeur, pleine de simplicite et d'elegance, a laquelle nous avons emprunte presque tous les fails de cet article, el dans des notes, sur les mceurs et les habitudes de Pologne, qui prouvent que M. Murray a voyage en observateur instruit et profond. 65. — *A Dictionary of the Architecture and Arclioeology of the middle Ages , etc. — Dictionnaire de I'architecture el de I'archeologie du moyen-age, coniprenant les mots employes par les auteurs anciens et modernes en traitant des antiquitcs ar- chitecturalcs et autres, avec i'etymologie et la definition de chaque terme, etc., par John Brittom; premiere livraison. Londres, i83o; Longnian. Grand in-8". Cette premiere partie n'est qu'un specimen d'un ouvragc im- portant et de longue haleine , vivemeut desire dans le moude savant. II a fallu a I'editeur une immense erudition , et plu- sieurs annees d'un travail perseverant , pour en recueillir les principaux materiaux. II les met en ceuvre aujourd'hui avec beaucoup de talent et d'ardeur; il est a desirer que son zelc se soutienne, et qu'il mcne it bien une entreprise si heureusement concue. De nombreuses gravures jointes au texte en facilitent rintelligence. Grace a ce studieux travail, les nionumens du 378 LivREs Strangers. mo}'ea-;\ge sembleut lenaitre, et toutes les parties de I'art soul comprises et envisagces dans leiirs moindres details. M. Briltoii est aiitiquaire , architecte, bon dessinateur et habile critique : il ne faliait pas moins que cela pour diriger un pareil ouvrage. L. Sw.-B. Ouvrages periodiques. 66. — *Tlie Westminster Rei>iew. — Revue de Westminster, publication trimestrielle. Londres , i83i ; au bureau de la Revue, 1, Wellington-Street, Strand; Edimbourg, William Tait; Dublin, W.-F. Wakeman ; Boston, Gray et Boweu ; Bruxelles , Louis Haunian ; Paris , Sedillot , rue de I'Oddon , n° 3o. Chaque cahier trimestriel est d'environ 260 pages in-S" ; prix, 6 sh. Cette Revue, dont la tendance libcralc est en opposition di- recte avec le torysme de son aince , la Qiiatierly Review , est aussi impartiale a I'egard des ecrivains francais , ou de toule autre nation, que I'autre se moutre haineuse, acharnc'e conlre nous , criant sans cesse et de loute sa I'orce que rien de bon ne pent etre fait en France , ni ecrlt par des Francais. Sou aniuio- site poursuit nieme notre idioine, et ne lui pardonne point d'etre quelquefois I'interprete de quelques verites publiees par des etrangers. Les lecteurs, qui ne partagent ni estiment ces pas- sions desavouees par le veritable patriotisme, s'accommoderont beaucoup mieux de ce rccueil oil I'amour de la patrie s'accorde trcs-bien avec I'equite , le droit des gens et rhumanitc. Si les redacteurs conlinuenl I'annee i83i comme ils I'ont commencee , ce dont on ne doute nullement , ils auront joint une instruction solide a une lecture agreable. Dans le caliier de Janvier , la politique domine, comnie on devait s'y altendre, et Ihistoire nienie devieut une suite de dissertations politiques; mais les autres divisions de nos connaissances ne souffrent point de celte concession faite aux circonstances. Les romaus et les composi- tions poetiques ont aussi ieur part dans ce cabier, ou Ton trouvc des notices sur plusieurs ouvrages francais ou beiges, et dans notre langue; on y recherchera specialenieut I'article sur le Diclionnaire americain de la langue anglaise , par Webster , public a New-York en 1828 , et rciniprimc a Londres en i85o. Ou y trouvera de savantes dissertations philologiques et grain- GRANDE-BRETAGNE. — RUSSIE. 879 nialicales , dont queiques-iines paiaissent avoir le inerite de dire dii ncuf sur des luatieres si souveiit lenianices et que Ton croi- rait epuisees. Par d'autres motifs, on nieditera Tarliele sur les briseurs de machines , oil I'auteur a reuni ce que Ton a fait et ecrit en Angleterre sur ce fleau de I'industrie manufacturiere. N'omettons point I'article place au commencement de ce cahier, quoiqu'il laisse beaucoup a desirer quant a I'exactitude des as- sertions et aux applications qu'on peut en faire : il s'agit de la defense des peuples libres, et le redacteur met a contribution Jeremie Bentliani et les ecrits sur les evenemeus de notre revo- lution de juillet, ainsi que sur celle de la Belgique. Pour trailer dans toiite son etendue un sujet aussi vasle, il ne faudrait rien moins que de profondes conuaissances sur toutes les ressources de I'art militaire, jointes h celles d'une saine politique; il fau- drait reunir les talens de Napoleon a ceux de Mina , a ceux de Franklin, etc. Toutefois , cet article ne sera pas sans utilite momentanee , en raison des observations qu^il rappelle sur les eff'ets des amies porlatives; nous le recommandons parliculiere- menl aux Polonais. N- RUSSIE. 67. — Sur les origines Russes : extraits de manuscrits orien- taux , adresses a Mgr. le comte de Roumiantzof, chancelier de i'empire de Riissie, dans une suite de lettres depuis 1816 jus- qu'eu 1825, par M. G. de Hammer. Saint-Petersbourg , 1827; iraprinierie de Tacademie des sciences. In-4° de i32 pages. L'edition de ces extraits a ete confiee a M. Fraehn , membre de I'Academie d'ss sciences de Saint-Putersbourg, juge competent sur les questions de litlcrature orientale. « J'ai era, dit-Ll, de mon devoir d'agir de la maniere la plus scrupuleuse. C'est par cette raison, qu'a moins que ce ne fiit une faute d'ecriturcj ou une legere omission evideute, je n'ai rien change, ni ajoute la nioindre chose aux manuscrits confies a mes soins, et je les pre- sente ici tels qu'ils ont etc fournis par M. de Hammer lui-meme. Cependaijpi puisque sur quekjues points mon opinion difiere un pen de ceile de mon savant et respectable ami de Vienne , et que d'ailleurs plusieurs des notices donnees dans ces extraits exigent et meritent des cclaircissemens et des developpemens, pour que ceux qui s'occupeut de recherches relatives a This- 38o LIVRES £T1\ANGEKS. toire de I'Asie et de la Russie puissent en inieux pioliter , j'aunoncc icL inon intention d'en traiter les plus iraportanles dans un 3Ienioire particulier. » Nous regiettous que ce Muinoire ne puisse pas etre rapproche du travail de M. de llamnier , el que Ton n'ait pas roccasiou de comparer les aspects divers sous lesquels deux savans distingucs out vu les niemes objets, M. de Hammer decouvre tant de cboses dans les tenebres de I'anliquile; le fil qui le dirigc dans le labyrinthe des mensonges historiques, des traditions non moins iufideles , des fictions ac- creditees, etc., ce fil est si delie , si fragile, qu'il romprait in- faillibleraent en des mains dont le tact serait moins deiical et moins exerce. Les ecrivains orientaux auxquels le savant antiquaire de Vienne a fait des emprunts sont au nombre de dix-huit , huit arabes, sept persans et trois turcs. Parmi les premiers, il y a deux auteurs A'histoire universelle , el trois parmi les seconds. Pour faire apprecier ces liistoires , il sufiira peut-ctre de rap- porter ce qu'lBN-KESsiR , hislorien arabe , raconle d'apres Iboubekr-IMohemmad-ibn-al-Hassan. « Les Asshabir-Ras (i) avaient un puits qui leur fournissait de I'eau en suffisanle quan- tite pour arroser leurs terres , et uu roi juste qu'ils regrelterenl beaucoup aprfes sa mort. Au bout de quelque terns, le diable leur apparut sous la forme du defunt roi , et leur dit : Je ne suis point mort , mais je me suis absente de vous pour utre temoin de vos regrets; ils en eurent une grande joie. Alors , il ordouna de mettre un voile entre le peuple et lui , et leur fit accroire qu'il ne mourrait jamais; la pliipart le crureiit, et le servirent. Alors, Dieu leur envoya un prophete pour leur anuoncer que c'^lait le diable qui leur parlail derriere le voile , el les detonr- uait de son culte : il leur ordoni)a d'adorer I'unique Dieu qui n'a point de compagnon lis vinrent vers le prophete, le tuorent et le jetcrent dans le puits. Alors, I'eau se perdit; ils eurent soif ; les arbres se dessecherent , les fruits tomberent ; le pays fut desert, el ils furent change's d'hon)mes en betes sau- vages » Uldstoire iinwerselle de Mirkhond , autcur persaft , parle du vertueux, intelligent et brave Turk, fils de Japhet , des dcmeles (i) Ancdtres presumes de3 Russes. RUSSIE. 38 1 que ses descendans eurent avec Rous, issu d'un autre fils do Japhet , et de I'iuiraitie transinise depuis celle epoque entre les Russes et les Turcs. II parait que les geographes orientaux ont incle moins de fables a leurs descriptions que les hisloriens n'en ont ajoute a ce qui peul etre vrai dans leurs recits. Cependant, I'imaginalion profite plus que le savoir de la lecture des geo- graphes orientaux, a I'exception d'Aboul-Feda. A la rigucur , Torigine asiatique des Russes n'a pas plus besoin d'etre prouve'e que celle d'aucun autre peuple de la terre , puisque, suivant la croyance universelle, I'Asie est le berceau de toute la race hu- mainc. Et en partanl des lieux ou Ton place ce berceau, personne ne refusera d'admettre que les populations du Caucase, desbords du Volga et de I'Europe appartiennent a des migrations con- temporaines. Quant aux relations enlre les peuplades qui se repandirent successivement sur toute la terre habitable, il est tres-douteux que Ton puisse en rien retrouver de ce qui ne fat point ecrit ou conserve par des monumens authenliques el in- telligibles. Remarquons , au sujet des efforts des antiquaires, pour resti- tuer a I'histoire quelques debris des pertes immenses qu'elle a faites, I'influence des me'thodes sur le succcs des recherches qu'elles dirigent. II fut un temps ou les antiquaires de la nature se conteutaient de Icgers indices dont ils deduisaient les plus imporlantes conclusions relativement a I'histoire ancienue du globe terrestre : ils ne firent d'abord que des systemes fonde's sur un petit nombre de faits dont I'observation et I'analyse n'etaieut pas rneme achevees. Depuis qu'ils se sont appliques exclusivement a I'etude des faits , qu'ils les ont constates soi- gneusement, developpe's et classes suivant leurs di verses analo- gies, I'edifice de la science s'est eleve rapidement et avec ma- jesle. On ne peut douter que les geologues d'aujourd'hui no soient sur la bonne voie. II est a de'sirer qu'a leur exemple , les inuestigateurs des antiquites historiques adoptent des mdthodes d'examen plus rigoureuses, qu'ils deviennent plus difliciles sur le choix des temoignages , et qu'a I'autorite des bruits primitifs ils n'ajoutent pas celle des c'chos plus ou moins nombreux , dont le retentissement a dure plus ou moins de terns. Les recherches auxquelles ils se livrent ne sont pas moins pcni- bles que celles des geologues; leurs travaux sont immenses, en comparaison des counaissances reelles qui en sont le fruil. II 382 LivREs Strangers. faut I'avouer, M. de Hammer a pcut-etrc piis une peine inutile ; ct il n'esl pas certain qii'il nous ait rien appris sur les origines russes. Feuuv. SUfeDE. 68. — * Otavn, eli siionialai»a hiiviluhsia — La Grande Ourse ou Passe-tems Finois. Tome premier, public par Charles A. GoTTLUND. Slockholm , i85o. Ce volume, iinpriinc en laiigiie finoise , coiilienl, ainsi que le second, qui ne tardera pas a paraitre, des articles, originaux ou traduils, de philosophic, de morale, de poesie. Ce sont d'abord des chants runes , des chansons guerrieres , des idylles , des ballades, des romances, clc. Parmi les traductions, se trou- vent un grand nombre dc morceaux tires des oeuvres d'Ho- raere , d'Anacreon , de Saplio, de Walter Scott, etc., ainsi que des chants populaires de I'Estonie , de laLaponie, etc., dans lesquels on a imitc le systeme de versification des origi- naux. Les planches que contient cc volume repre'sentent les costumes des deux sexes dans les differentes provinces ; une chasse aux ours ; les mines du chateau de Kunsto et de Cas- telholm , ainsi que quelques portraits et quelques dessins d'au- tiquites. On y trouve aussi quelques feuilles de musique , qui contlennent des pastorales finoises et un chaut populaire ccos- sais. On y trouve aussi pres de i i4i proverbes populaires , qui presque tous jiortcnl ie caractere d'une justesse d'expression re- marquable. Get ouvrage, fruit de recherches longues et piinibles , et qui suppose en meme terns chez son auleur un talent veritable, est sans contredit destine a faire epoque dans une Htttliature en- core daTJS son enfance. Son but principal paralt etre de prou- ver la possibilite de former une lilterature finoise, en ouvrant la carriere a ceux qui voudraient entreprendre la culture de cette langue encore pauvre et inculte, mais sonore et riche d'in- flexions. L'auteur parait avoir rerapli cette taclie avec succes. M. Goltlund a consacre toute son existence a I'ctud* et a la culture de la langue finoise, ainsi qu'a des recherches laborieuses sur riiistoire et les anliquites des peuples finois. II a dejii public plusieurs ouvrages sur cette langue, et la plupart des runes finoises {finnische Ritnen) publices par M. Von Sciiroeteb ont SUfeDE. — ALLEMAGNE. 383 ete founiies par M. Gotllund, qui, lui-ineme, en a fait paraitre a Upsal deux livraisons sous le litre de Pienia Runoja. II est digne de reniarque qii'on ne compte pas moins de iS/j. paysans sur les 58o souscripteurs qu'a deja reunis cet ouvrage , (lont le prix est de 8 riksdales banco ( i5 francs in sous). M. Gotllund a, pendant I'espace dc 1 1 mois, parcouru toules les habitations de Finois , tant en Suede qu'en Norvege , et il a recueilli tout ce qu'il y a de plus rcinarquable sous le rapport des localites et de la vie sociale de ce peuple , et relativement aux traditions qu'il a conservees. On pent esperer de voir bieutot paraitre une relation exacle de ses voyages avec une carte delaillee. G. B-m. ALLEMAGNE. 69. — * Atlas de In France, compose de 25 feuilles a I'e- chelle de i^oJooc rtume , et sans vouloir d'une nianiere mystique denaturer les faits. C'est le devoir de I'liistorien , s'il se respecte et s'il veul elre a la hauteur de son tenis. » 71. — Berlin oder Geschiclite , etc. — Berlin, ou Histoire de I'oriyine , du developpement progressif et de I'etat present de cette capitale, sous le rapport de sa localite , de sa constitution , de la culture des sciences et des arts, et de I'induslrie; composee d'apres les ecrivains les plus averes et ses propres recherches ; par W. MiLA. Berlin, 1829; Wicoiai. Grand in-S"; prix , 2 rixd. 6 gr. (7 fr. 5o c.) U est notoire que la ville de Berlin est non-seulenieiit la plus belle, mais encore, par rapport K raclivitii tant iiidustrielle qu'intellectuelle , la plus remarquablc des residences de I'AIle- magne , et en meme tenis le siege le plus distingue des sciences et des arts qui , plus que partout ailjeurs , y trouvent une pro- tection et des encouragemens signales. II ne manque pas de descriptions de cette capitale , dans tous les genres et sous toutes les formes, depuis le simple guide de l''olranger jusqu'aux ouvrages de la plus grande etendue, et surcharges des documens les plus cpiiiplets. Mais tous ces ouvrages ne peuvent offrii- une lecture interessaute a I'clranger qui", lui - nieme , n'a pas vu Berlin. Et quel est I'etranger qui voudrait lire les grands ou- vrages de Kuster, de Nicolai ou de Koenig qui , outre cela , ont deja vieilli. Le livre que nous annoncons ici est d'un tout autre genre. II contieut 'd la ve'rite une histoire suffisaniment dctaillee de cette capitale , de meme qu'une description de tout ce qu'elle coi:tieot de reraarquable ; mais i'auteur a apporte tant de soins a ecarter le superllu et I'insignifiant , que tous ceux qui s'inte- ressent aux sciences , aux arts , a I'lndustrie et ii la civilisation de I'Allemagne y trouveront une lecture aussi amusante qu'ins- tructive. L'ouvrage se divise eu trois parties. La premiere com- mence aux terns les plus recules et va jusqu'au XV" siecle; la seconde nous conduit jusqu'au XVII^, el la troisifeme se termiue eu i8a8. L'auteur a puise non-seule)nent dans les ouvrages an- ciens , mais encore, et avec une judicicuse critique, dans tous ALLEMAGNE. 38; ceux publies jusqu'ici sur Berlin , el , par la , il s'est trouve a liieine de rectifier mainte erreur de scs predc'cesseurs. C'est ainsi que nous apprenons que la fondalion de Berlin ne reinonte pas, ainsi qu'on radniettait cominunenient , a Tannee 1160, mais que cette ville a probablernent ete foiidee par Albrechtll , qui regnait entre laoa et 1220. L'exposition de I'itat de la ville a diverses epoques et celle de son accroissement progressit' oftVent nn grand interel. Qu'il nous soil perrnis , pour terminer cet article , den citer quelques faits. Ell 1640, Berlin n'avait guere plus de 6,000 ames ; mais, eti 1688 , ce nonibre etait de'ja nionte ii 20,000, et , au commence- ment du XVIII* siecle il etait de 5o,ooo. A la mort de Frede- ric I''"', en lyiS.la population de sa capitale s'elevait seulement a So.ooo ames; en i^4' > elle s'elait deja elevee a go, 000 , y compris les militaires. Cette population etait, en lyyS, de i53,58o ames; et, en 1797, de 183,960, y compris 45,574 militaires. Mais, a la fin de 1827, cette meme population s'elevait , en comptaut 16,909 militaires, a 220,277 habilans , reparlis dans 8,5ii maisons , et 5,000 arriere-corps de batimens , assures en- semble contre les incendies pour une somme totale de 65, 003,675 rixdales (environ 25o millions de francs). La bibliotheque elec- torale contenait deja , en 1687, 1618 manuscrits et 20,600 vo- lumes; en 1827, die comptait 4.61 1 manuscrits et 25o,ooo vo- lumes d'ouvrages imprimes. Sur la partie de la ville nommee Fredericswerder, qui etait une prairie, paissaient encore les oies du tenis du grand elecleur ; et dans le meme leins , dans les corps de batimens forniant maintenant I'hotel de ville , sc trou- vaient reunis, sous un meme toit, I'ancien hotel de ville, I'eglise , la chambre de justice , la cave de la ville , la prison , le marche au pain , la chambre de la torture et I'e'cole. Enfin, I'etendue de la ville enibrasse une circonference de 20, 475 pas et une surface de 975,743 perches carrees ; et, en dedans du mur meri- dional de la ville, on trouve un espace destine a un agraudis- sement projete et sur lequel sontdeja tracecs 5i ruesnouvelles, II grandes places publiques et 6 plus petites. J. de Lucenw. 72. — Aiisfiihrlicher Bericht , etc. — Rapport delaille d'un temoiu oculaire sur les derniers evenemens de la revolution francaise pendant les deux semaines qui se sont ecoulees depuis le 26 juillet jusqu'au 9 aoiit i83o ; par J. H. Schmtzler, auteur de VEssai dune stalisticjue generale de l' empire de Russia. a5. 388 LTVRES IfRANGERS. Slultgart ctTubiiiguc, i85o ;*fcolla . In-S" dc\i-i48 pages, avcc un portrait de Lafayette, el iin plan de Paris. Dcs les premiers nioinens qui siiivirent la grande commotion de jiiillet, celle-ci trouva des hisloriens plus ou moins bien in- fonncs , plus ou moins conscicncieux; tons fureut accueillis avec eiitpressemeut par un public avide de connaitre tous les details de cette glorieuse revolution ; mais, soil par la hate forcee du travail , soit par la difficullc de la taclie, aucun ne parvint a donner un tableau complet el surtoul exact dans toules ses par- ties de ce memorable cvenemenl. Ou attend encore la relation ollJcielle que le gouvernement fail preparer, et pour laquelle il a pu reunir des niatcriaux qui etaient hors de la portce de simples particuliers. On ne doit pas esperer de renconlrer dans la bro- chure de M. Schnitzler une aussi abondante collection d'anec- dotes que cclle que prepare depuis plusietirs mois M.Ploucoulm ; mais il seruil difllcile d'ccrire I'histoire de la grande semaine avec une impartialite plus scrupuleuse , avec une critique mieux raisonnee des documens que ne I'a fait I'ecrivain alle- inand. Nous le reniercions pour noire part d'lin ecrit qui reunit a ces rares meriles celui declairer sur I'elal de la France I'opi- nion d'uri peuple que les gouvernans pourraient chercher a tromper, en leur rcprifsentanl sous un faux jour la noble el juste resistance des Francais aux volonlc's arbilraires d'un roi anli-nalional. I- ^3. — Herodoli Musce. — Les Muses d'Hiirodote. Noitvelle edi- tion , avec des notes de MM. Baeiir et Cueutzer. Leipzig , i85o. Grand in-8°. Encore un des produits de la docte association a laquelle deja nous devons tanl d'excellens ouvrages. Le nom de Tillustre Creutzer manque rarement aux productions de M. B:chr qui, de son cote, seconde de ses travaux les plus nobles entreprises de son mailre. Voici done les deux premiers livres d'llerodote, d'aprfes le loxte de Gaisford , qui a ele suivi a peu d'exceptions pres. Les notes presentenl uu excellent resume de tout ce qui a etedil jusqu'a present. On y a fait surtout usage des Commeii- tationes Herodotece publiees il y a dix ans , et des dccouvertes faites en Egypte par les savans francais, ainsi que des remarques donl le travail de la commission a etc I'objel de la pari de MM. Letroiuie et Champollion. Uien non i>lus n'a ete negligd de ce <|ue des voyageurs plus recens out pu recueillir de notions allp:ma(;ne. 38.) tte quelque importance; en sorte que ce travail est vraimcnt une Encyclopedia d'Herodote. Aboi'dons ici quelques passages marquans, soil par leurdifficulle, soit par I'interel qu'ils pre'sen- tent. On trouve, dans le premier livre, une conversation enibar- rassante pour la clironologie. Solon y suppule le nombre de jours pour 70 annees ; il y joint ensuite des mois intercalaires au nombre de 35, au point que I'anncc se trouverait elre de S^S jours, ce qui serait une erreur tellemeiit grossiere, qu'ii serait difficile de la lui imputer ; et d'autant plus que Solon ajoute en ternies formels , que les intercalations ont lieu pour ramener I'anne'e a la marche des saisons. Wyttcnbach ct Lar- clicr avaient traite fort cavaliurement ce passage, et leurs cor- r.ections, deja improuvces parldeler, sont aussi rejetees par M. Ba;hr, qui analyse toutes les opinions qu'a fait nailre ce passage. Dans le second livre, nous citerons une dissertation sur Topinion qui fait de I'Egypte une alluvion ; une note fort judicieuse, oil Ton approuve I'opiuion de M. Jomard sur la distanQe d'Heliopolis a Tliisbes , et en general d'excellentes in- dications ; des calculs parfaits sur les mesures i tin ei'a ires, ct par- liculierement sur le schfienc et le stade. Le nom du ]Nil a beau- coup occupe les savans, ainsi que les phenomenes de son cours el la division de ses bouches ; on trouvera aux § 17, ig-, 28, Sa, et dans un excursus special , des choses tres-digries d'at- tention. II y a surloul beaucoup de sagacitc dans les rectifica- tions que propose M. Ba^hr, au sujet dc la comparaison qu'He'- rodotc fait entre le cours du Nil et celui de lister; on ne doit nullement entendre que leur course est parallele, niais bien que, par rapport a la partie mc'ridionale de la terre , les sources du Nil sont placees a peu pros comme celles de I'lsler, relativc- ment a la partie septentrionale. Quelques lignes plus loin , M. Bsehr refute ceux qui cherchent dans la foret Noire quel- que nom auquel ils puissent rattacher la mention d'une ville de Pyrene. Sans doute, il serait se'vere de dire que i'historicn a voulu faire jaillir le Danube des Pyrene'es , niais cetle opinion est soutenue par son noiiveau commenlateur. J'avoue que s'il ne s'agissait que de prefe'rer, je me ddclarerais pour I'aulre, d'autant qu'on pourrait tirer grand parti de Temploi que font les auleurs grecs , en general, du nom des Celles pour Tappliquer aux Germains. Puis il faut supposcr I'erreur d'autant nioins possible , que , declarant un peu plus loin que les sources du 390 IJVRES I^ITRANGERS. ]Nil sont ignorees, Herodote a soin de dire que le cours de I'Isler C.St fort counu. Comment, dans le petit espace qui nous est iiccorde pour parler dun livre aussi utile, pourrious-nous jneme iudiquer les principans oLjets de discussion : ils sont inombrables , et M. Ba;hr les abordi; loujotrs avcc line judi- cieuse critique, avec une erudition profonde. de Golb6ry. 74. — * Die ichoenste Ornamente, etc., etc. — Les plus beaux ornemens et les tableaux les plus remarqiiables de Pompci, d'Her- culauum et de Stabia , avec quelques plans et vues d'apses les dessins origiuaux pris sur les lieux, par Giiillauine Zaun. Ber- lin , i8a8-i83o. G. Reiraer. Dix cahiers in-folio de cliacun 10 planches lilhographiees. Aprfes avoir passe deux etes a Pompci , dans un tenis oii Ton faisait journelleaienl des di'couvertes considerables, qu'il avait I'avantage de dessiner sur-le champ et lorsqtie les couleurs avuient encore toule leur fraicheiir, M. Zalin , de retour a Berlin, a entrepris , en 1828, de publier une collection lilho- graphiee de ces dessins , conjointement avec ceux qu'il avait fails aussi sur les lieux denionumens plus ancieus et deja con- nus , provenant des villes d'Herculanum et de Stabia. Cette col- lection , qui a paru dans le cours de ces deux annees , en 10 ILvraisonsj, chacune de 10 feuilles grand in-folio, se compose ainsi de 100 lithographies , tant coloriees que noires; represen- taut les ornemens et les tableaux trouves dans ces trois villes; la derniere livraison vient d'etre terminee. Le choix des sujets reprcsenles par M. Zahn est si heureux qu'il obtiendra Sans doute les suffrages de tous les gens de gout. Les feuilles colorizes , dont le nonibre s'eleve h 54 , ont surtout parfaitcment rciussi. Dans le nombre, se dislinguent avanta- geusement huit niurailles de diverses couleurs avec tous leurs compartimens : clies niontrent d'une maniere claire la division architectonique que les anciens avaient couluine de donner a cette partio de leurs constructions , et avec quelles coiileurs et quels objets ils en ornaient les paiineaux , les socles el les frises. Dix-huit autres feuilles coloriees represeiitent des ornemens architectouiques de toule espece et des couleurs les plus varices ; irois autres presenlent des pilastrcs et des frises ; d'autres encore olfre.it des plancliers en mosaique ou en marbres de cou- leurs diverses , et trois feuilles representent des plafonds. Dans les 66 autres feuilles eu uoir, les objets nc sonl qu'esquisses ; ou ALLEMAGNE. — ITALIE. 2gx y distingue , dans leS unes , un plan el des vues de Pompeii , des ornemens , des caiidelabres , des dticorations de marbre et de slue ; dans d'autres , des pilastres et des frises , puis des pans de muraille en tiers. Les autres representent tantot des sujets de niylhologie, tantot des allegories. Nous en indiquerons seu- leinent quelques-uns : !es trois Graces, Telephus allaite par une biche , Ariadne delaissee , la Lecon de niusique, et le bel Hermaphrodite. Ceux-ci sont dejii connus ; les suivans onl ete nouveilement decouverts ; une scene gracieuse du mariage d'Hypnos et de Pasithea , et I'idylle du nid d'oiseau. Quant a I'execution de I'ouvrage, nous sommes persuades qu'il a tout ce qu'il faut pour satisfaire les connaisseur.s et les amis des arls. Jh. de Lucenai. ITALIE. j5. — Lettere di Sebastiano Ciampi , di Francesco del Fdria e di Gaspero Beinci.ni , intorno , etc. — Lettres de Sebastien Ciampi , de Francois Del Foeia et de G. Bencini sur quelques variantes d'un passage de Longus. Venise , i83o ; Antonelli. On se rappelle cetle grande querelle qui s'eleva , il y a deja bien des annees, enlre deux savans , I'un Francais , Tautre Italien, et dont le sujet elait, outre quelques differences d'inter- prelation , une malheureuse tache d'encre toiribee sur un ina- nuscril de Florence. Notre Paul-Louis trouva , dans son admi- rable style, dans sa spirituelle malice, le moyen d'y interesser tout le inonde , et une dispute d'erudits devint entre ses mains un drame du plus haut comique. Paul-Louis avail-il volontairement convert d'encre une page du nianuscril de Longus? avait-il desseche par une basse me- chaiicete el une ignoble jalousie la source ou une ge'nereuse hos- pilalile lui avail permis de puiser? Ou bien un procede analogue, mais re'ciproque, devait-il etre attribuu a sou adversaiie? Telle clait la question. II faul avouer que la France, seduite par I'incomparable talent A\xvigneron,\n\ donnacompletementgaindecause.Tousceuxqui connaissaicnt Courier ne purent le soupconner d'une lachete aussi infame; et aujourd'hui encore que ce piquant et vigoureux esprit n'existe plus que dans ses courtes oeuvres, aujourd'hui que sa perte est si vivement sentie, et son absence si amhement 392 ' LivREs Strangers. deploree, personne n'oserail soiiiller sa inc'moire de celle llc" trissante accusation. I'ourtanl M. Furia vient encore renouveler Ic combat ct de Jeter son gant sur une tombe. C'est s'y prendre bien tard : trois ans plus tot il cut ete releve sans doule, et I'agresseur ne serait pas sorti de la lutte sans blessure; il doit se souvenir qu'il fut un peu froisse dans la premiere. M. Furia, maintenant qu'il n'a plus a redouter de contra- dicteur , amene deux temoins , qui I'ont peser sur Courier des charges accablantes. Kous n'aurons pas la hardiesse de prendre la place du painphletaire, el de defendre sa cause ; nous rappellc- rous seulenient que Paul-Louis u'attendit pas quinze ans pour produire scs cautions, et que tout d'abord il invoqua le tenioi- gnage d'un homnie dont la probite littcraire vaut tous les ser-. mens, M. Renouard. Kous lisons, dans un estimable Recueil italien , VJiiLologie , nn article sur ce sujel, qui, passions natiouales niises a part, nc nous semble pas completement juste el impartial. On y in- criniine vivement le ton et les expressions de la Leltre a M. Re- nouard; on la qualifie d'injurieuse et d'insolente. Si I'au- teur de I'article avait I'inlelligence de notre littc'rature et de notre langue, il aurait compris que des termcs pareils ne pcu- vent s'appliqucr au style de Paul-Louis, dont I'atticisme exquis est admire cliez un peuple qui n'a pas la reputation d'etre gros- sier de langage ou de manieres. Nous venous d'ailleurs de re- lire ce charmant opuscule , et nous y avons vu seulenient un homnie d'esprit et de cceur qui se sert de ses amies natu- relles pour repousser une accusation deshonoraute. Les redac- leurs de VAiUologie out eux-memcs trop d'esprit et d'equite pour se laisser aveugler par I'aniour-propre national , au point de blaiuer ce legitime emploi du genie ; la France y applaudlt et s'cn glorifie. P. Oiw rages periudi(jues. nQ. — * Giornale arcadico di scienze , letlere ed aril. — Jour- nal arcadien des sciences, des lettres et des arts. Rome, l83o ; imprimerie du journal. Le quarante-septieme volume de ce Recueil ne nous est par- venu que Ires-tard, en sorte que les docuniens qu'il renlerme ITALIE. 395 auronl deja perdu , pour quelques-uus dc nos lecteuis, le me- rite de la nouveaule. Cependaut, nous croyons devoir passer en revue quelques-uns de ces articles, parce qu'ils dounent lieu a des observations que nous souniellrons avec confiance aux habiles et soigneux redacleurs de cet estimable journal. On leur saura gre de linscrtion du Meinoire de M. Peretti , sur un procede plus siir et plus econoniique pour extraire la quinine du quinquina et composer le sulfate de quinine ■■ le procede du savant professeur troiivera certainement aussi sa place dans les recueils cousacres spt'cialement aux sciences nie- dicales : les chimistes I'adinettront aussi dans leurs correspou- dances scientifiques , en sorte qu'il ne pent manquer d'ohtenir toule la publicite qu'il merile. Les diverses ccorces connues et debitees dans le commerce sous la denomination generalc de quinquina , ont fourni a M. FoLcHi le sujet d'un autre Me'moire dans lequel la distinc- tion de faux el de vrais quinquinas est conservee. Cependant une substance devrait tirer son nom de ce qu'elle est, et non de ce qu'elle n'est point; si Ton s'est mcpris en appliquant mal a propos la denomination de quinquina, il faudrait se hater de corriger cette errcur , non-sculemenl dans la science, mais dans le commerce. Malheureuscment , plusieurs botanistes ont, en quclqae sorte, accre'dite les meprises ou les supercheries dcs niarchauds de drogues, en donaant les noms de cinchona oi>a- lifolia , longiflora, oblongifolia , caryhcea , etc., etc., a des plantes que leurs caracteres gcneriques ue rapprocliaienl pas assez pour que les especes diverses fussent toules plus ou moins pourvues des raemes proprietes medicules. M. Peretti, ayant fait ['analyse chimique de I'ecorce de cinchona longiflora , n'y a point trouve de quinine, en sorte que nonobstant les decisions de la botanique, cette espece doit elre rctranche'e du nombre des quinquinas. Et certes , il n'ctait nuUement nccessaire d'a- jouter aux 22 especes de ce genre auxquelles on a reconnu les proprietes medicales qui les reudent si precieuses , ui le strj- chnos pseudo-china , ni le solanuni pseudo-china , ni ia ron~ deletia americana, ni une foule d'autres plantes, meme en les frappant de la re'probation attaclice au nom Ac faux quin- quina. Un Ferrarais reclame pour un de sea coinpati iotes I'houneur d'avoir public le premier ouyrage sur les puits dils arlcsicns , 394 LiVREs Strangers. et <(iu devrait'nt clre noiiiiixJs modenais , si la reclairiation est I'ondee. 11 est vrai que les Italieus furenl long-teins nos maitres en liydraiiliqiie ; niais I'inveiitioYi des puits fore's peut tros-bien upparlenir aux deus pays , quand mcme elle serait plus an- eieniie dans I'un que dans raulie. Certains precedes industrials ont pu uaitre d.ins des contrees qui u'avaient entre elles aucuiie coininnnicntion : c'est ainsi que , de tcins immcFnorial , la ni6me labricalion du fer est etablie dans les Pyrenees ct vers le cercle polaire, au Nord de la Russie ; que les Tartares de I'Asie u'ont certaiuement pas demande aux Francais du Midi le niodele des roues horizontales qui font lourner leurs moulins , etc. Quant aux puits fores , arlesiens ou modenais, on ne peut douter que les nieilleurs ouvrages publies sur leur construction ne soient ceux qui out paru en France depuis quelques annees , que les conuaissauces acquises sur cet objet u'y soient toutes deposees, et que les lecleurs n'aient la certitude d'y puiser une instruc- tion profitable. Le Journal arcadien s'esi c\\'ei\'g727,o 1 8,090 fr. 33 c, et la dette publique d'Angleterre dt'p.isse encore aujourd'hui 20 milliards. Ce Mauucl est tenniue par I'dtat dcs fiuances de toutes les pitissances du globe et par un petit traite du change parfaite- nient resume ; on puise dans ce livre des notions nettes et posi- tives sur tout ce qui touclie a la science financiere, et les nom- breux details statistiques qui y sont reunis iuteressent a la fois les gens du monde et se recommandent a raltenlion des capita- iistes. R. 90. — Cri de V indignation puhluj ue conlre une monslriieuse ordonnance vendue le 5 mai dernier ; par F. M. Maechant de Beaumont. Paris, i85o ; I'editeur, rue de la Marche, n° i4 > et les priucipaux libraires. In-8° de iv — i4o pages; prix , 1 fr. 5o c. Titre ol)Scur et declamatoire , quoiquc ce livre traite de la plus imperieuse de toutes les ne'cessite's. Les tumulus re'cemment decouverls altestent le respect que rendaient aux morts les Celles a demi civilises; et les cimetieres Chretiens n'ont ete jusqu'a uotre siecle que des charniers : c'est a un concours ouvert, en I'an viii , par la classe des sciences morales et poli- liques , que la capitale est redevable de ses lieux de se'pulture. II parait qu'aux Etats-Unis ou continue d'ensevelir les morts daus quelques cglises : un savant medecin de New-York m'a adresse une brochure qu'il a publiee sur les dangers de ces inhu- mations; c'est en par lie une traduction de Yicq-d'Azir, tra- ducleur hii-meme de Scipion Piultoli. Malgre les rcformes ope- rces en France, les cimetieres de certaines villes sont trop peu spacieux , pas assez eloigues des habitations; on n'allend pas i'enliere dissolution des corps pour rouvrir les fosses, et dans les campagnes les murs de clotui'e reslent souvent degrades. Un clat oil le fisc de la sacrislie, de la mairie et de I'enregis- trement, arrache aux orphelins et aux veuves la portion la plus dispouible de leur fortune, peut-il se glorifier de jouir de la parfaile civilisation? Mouiii' u'est ricn , c'est notie deinieie heuie : peiisoe de Sedaiue , que La Ilarpe a traitt'e de niaiserie. Cetle lieure-lh coule plus cher que la subsistance pour plusieurs annees de la vie. La mort , chaquc jour, dresse un budget qu'acquitteut les families trop ailligees pour le discutcr contre toutes les pro- lessious qui exploilent les maladies, le Irepas , les funerailles, it- SCIENCES MORALES. 4ii la lombc et le deuil. Ce sont les frais d'iuhiiinalioii , (inormes a Paris, fju'attaqiie M. de Beaumout. II dit que la inoyeniie pro- portiounelle des receltes du culte, s'eleve a 070, 555 fr. pour 4>9'9 convois paycs : il lilablit en outre que la prefecture de la Seine a alloue , en 1826, la somme de ■2,145,724 fr., tant pour leclergt; que pour des constructions ecclesiastiqiies. L'adminislration des pompes funebres a pen renouvele son niobilier, qui fut eslime, il V a 10 ans, a 171,251 fr. ; una croix et un benitier en argent plaque lui rapportent par an 13,710 fr. ; tous ses corbil- lards, 332,65o fr. Cependant celte Irisle ferme a presque ruine ses soumissionnaires. C'est que les fabriques des paroisses, ou plutot I'archeveche, ont exige d'eux jusqu'a 72 pour cent; ce qui, dans une annee, a valu au clerge 476>8o5 fr. : il ne restait a Fadministrateur que i5i,8l6 fr. pour subvenir a toutes ses dcpeuses ; la caisse rnunicipale lui a doune une indeninitc de 1 56,8 1 6 fr. Le cinieliere de I'Est, fort nial a propos nomme le ciiuetiire du Pere Lachaise, et qui compreud aujourd'hui 74 arpeus, cu con- tint priniitivement 54, achetes 160,000 fr. D'abord, les luuuies fosses recurent tous les morts, pauvres et riches. Quel change- inent depuis le decret du 12 juin 1804.' L'enipire allait succeder au consulat; et Brongniart, dont le genie concut le palais de la Bourse, Iraca aussi le plan du champ du Repos. Jusqu'a i8i4, ou erigea peu de tonibes ; niais on les conslruisait solidement : deja des celebrites dans les letlres et les arines avaienl pris pos- session de cet illysee, d'ou la vue, I'esprit, le coeur, riuiagiiia- tion , saisisseut le panorama pitloresque, si philosophique , de la belle et fastueuse capitale. En i5 amides, il a ete eleve 24,800 monuraens francais, depuis la croix du pauvre jusqu'au temple erige a Foy. L'espace actuel des trois cimelieres de Paris couiprend i4i arpens, et bienlot ils ne pourront plus suflire !! Les fosses communes ont englouti , de 1821 a 1823, 4i,859 corps, et 4iji99, de 1824 a 1826 : duraut ces six auuees, i6,75i autres morlsont tile descendus dans aulautde fosses temporaires : le budget de 1829 porle, pour I'annee, ccs concessions a 0,720 , au prix de 5o fr. chacune : c'est un reveuu de 186,000 fr. par lustre. On se dispute menie la se'pulture. Le general Gourgaud a clti oblige de defendre la tonibe de sa mere , centre les pretentions dv; lu famille Luurislou ; ct le marechal Macdouald a du nicuacer /j.2 LIVRES I-RANCAIS. d'un pioces I'admiuistration qui fail payer jusqu'a uu deci- metre , obstnie les emplaceineiis , dctourue les cheniins et abal les bosquets. Avocat des morts et de leurs families, M. de Beaii- mout qui, depuis 12 ans , inspecte les cimelieres, n'y a pas appris a se garaulir des declamations. II reproche a M. de Cha- biol d'avoir dit au conseil de prefecture que « les concessions , quel qu'en soil le motif, pieux ou vaniteux , menacent d'en- vahir en peu de tcms toute la surface des cimetieres. « f^anite , non , celle expression n'est pas impropre , chacun peut s'en con- vaincre : ces enceintes revelent beaucoup d'autres vanilcs que cellc du maitre bouchcr qui s'cst donne des funerailles de pre- miere classe et a voulu etre suivi de sou clieval- New- York, ont adresse des hymnes a leur patrie. La relation des letes donnees daus cette derniere vllle , en I'honneur des Pari- siens, compose ane brochure de 60 pages. — Henri If^ et Louis- Philippe est un parallele assez iu^enieux , mais en couplets : I'auteur est conuu par sa traduction eu vers de la poctiquc de Vida. Des le debut de I'ode aux Enfans de la France, on retrouvc la maniere dc I'auleur nes Melodies et d'autres recueils. Ce n'est point la verve qui manque a M. Alphonse Le Flaguais, mais le courage des etudes opiuiatres : plus retentissantes que poeliques, ses strophes prcseutent de ces defauts qu'ou excusait jadis par le besoin de la rime, el qu'on altribue, aujourd'hui que le langage littMature. 4^1 est plus fratsc, a des pensees rnal con^ues ou incompletes. H y a plus de talent et de correction dans son chant ; le R^veil de la Belgujue, de cette nation qui, hallolteepar la diploniatie, nieritc, a I'egal de la Grece, la reconnaissance des peuples. La Belgique, vaste champ de hataillc , vouee encore a la guerre par ses nou- velles forteresses, dont les cites prcsentent I'histoire d'agitations si frcquentes , ecrite par des balles et des houlets sur leurs raa- guifiques hotels de ville; la Belgique, tout industrielle, si bien i'eitilisee, si belle avec ses canaux et ses excellentes routes , fonda la premiere le commerce dans le nord de I'Europe , en- seigna la premiere I'agronomie , le tissage , la m^tallurgie, la navigation interieure. Et Tagriculture , I'industrie ne sont-clles pas les fondemeus de la civilisation universelle? Pendant le semestre de i83o, qui amoncelait les griefs les plus irritans, un volume de chansons fut imprime, non a Paris, ou la foudre grondait journellement, niais dans une province fanieuse par ses poetes et par ses productions gastronomiques. M. Pesche est un digne correspondant de I'ancien caveau ; son talent s'est exerce aussi sur des sujels moraux : un des livres de son recueil 50 compose de poesies maconniques. II disait , en 1825, a un philosophe campagnard , dans une epitre sur la moderation : Aux pi'ome.sses, purtout , ^uccede la menace ; Qui veul la liberie n'est qu'un seditieux, Un vil carbonaro , perfide et dangereux , Contre lequel , trop tard , sevira la jasticc. AUoQs! vite, ameuter contre lui la police. Espions , surveillez-le ; agens provocatears , Excitez ses discouis , denoncez ses douleuis ; Ses pleui's sont des regrets ; ses ris , des esperances ; Ses plaisirs sont suspects , suspectes ses louffrances. Ainsi toute I'Europe est a craindre a vos j enx , (lar partout on espere en des jours plus heureox!... Voila done les bienfaits de la Sainte-AUianoe ! Le Regne des Gascons , el V Avatar de Vlrlande, par Byron, auront plus de lecleurs que Y Oaristis de Theocrite , dont M. Pesche donne aussi une traduction. Nos cercles sont trop graves pour admettre encore le quatrain ; heureux les Manceaux qui rimeut pour des roses : ce serait une sorte de profanation d'enlremcler des flons-flons a ces toasts qui servent de lexte a des discours politicjnes ; Ic banquet aussi s'est fait une tribune. 4a2 LIVRES FRANgAIS. et bienlot la socielu sera dcslierilce de la chanson qui miiriHi y jusqu'a nous, de former une histoire complcnientaire de France. U Amour pharmacien , Ics Manages d'argent , d'aulres pieces de M. Pesche dtiteat vraiseniblaLlenienl d'un tenis dcja ancien. Lorsque la censure imperiale ne perniettait a la poesie lyrique que les chants des combats et de boudoir, comme la restauration n'accueillit que des cantiques et les vieilleries de la chevalerie, ce ful un debordement de chansons sur lesniillc appas de la bcaule : on I'anatomisa ; mais I'oubli a deja emporte et la sensiblerie, el les oreilles , \esfossettes , etc., avec les diables couleur de rose. La scene elle-meme n'est plus qu'un bivouac ou qu'un bagne ; seulement quelques fideles au culte anacre'ontique redisent encore les rimes des Gouffe, des Desaugiers. M. Pesche s'esl essayc aussi dans le genre du chantre du roi d'Yvetot, qui ne desavouerait pas le Proces du Constilutionnel el du Courrier (i825). C'est pour ses amis que le poete de la Sarthe a recueilli ses vers : le cadeaudoitleur etreagreable ; mais s'il les a consultes, il eprouve que I'amitie est Irop indulgente : clle eut du lui couseiller de faire le sacrifice de quelques pieces, surtout de nc pas grossir son joli volume de sa comedie en deux actes. Le Mariage du cadi avail dcja cle imile des Mille et un jour, dans Gulistan et le Cadi dupe. II est trop presumable que si celte comedie pa- raissail sur un theatre , elle n'y obtiendrait pas deux represen- tations ; mais la lecture en est inleressante a cause des rctran- chemcns curieux que lui a fait subir la censure. Isidore Lebbun. 101. — * L'Ecumeur de mer, ou la Sorciere des eaux, roman; americain , par J. Fenimore Cooper. Paris, i83i; Charles Gos- selin. 4 vol. iu-12 de 25o pages chacun ; prix , 12 francs. Le droit des gens esl incomplel : on devrait introduire dans le code de toutes les nations civilisdes une disposision qui de- fendit aux traducteurs de faire leur proie d'un ouvrage etran- ger, sans le consentement de son auteur. II n'est pas un ccri- vain celebre qui u^eiit a revendiquer le benefice de celte loi , donl le principe , serieusement parlant , nous semblerait Ires- conforme a I'equite : toute son existence litleraire , c'esl-a-dire, la plus precieuse partie de lui-nieme , sa gloire, son genie, sou honneur, sonta la merci du premier speculateur qui voudra en faire un objet de commerce ; du premier ccolier qui voudra lier son nom obscur a un noin eclalant, el recueillir aiusi quelques rayous dc rcnommcc. Jus(|u'a present M. Cooper u'avuit pus LITTERATURE. 423 Hop a se plaiiidre ; bien que le stifle de M. Defauconpiel soil lourd , diffus , incorrect , cependant il a une si parfaile intelli- gence de I'idiome anglais qu'ii rendait assez fidelement la cou- leur generate et le caraclere particulier du genie original qui fait I'honneur de la jeune lltlerature americaine. Mais le nouvel interprete que M. Gosselin a donne au roniancier abuse tout-a- fuit des licences de la traduction ; il y a ici trahison flagrante , attentat a la reputation. Ce n'est plus une traduction : c'est uu travestissenieat grotesque, et la parodie est si etrange que nous renoncons a presenter une analyse de VEctimeur de mer. Kous craiudrions d'altribuer a I'auteur des defauls dont le traducteur doit ctre seul responsable ; et peut-elre metlrions-nous sur le eompte de celui-ci les fautes que I'auteur a conimises. 11 est inu- tile de chercher la creation originale au milieu de ce deluge de non-sens, de cet anias d'incorrections ; impossible de decouvrir la trace de rimaginalion sous cette version mot a mot, pcnible marqueterie dont I'ouvrier ii'avait pas ineme I'intelligence au. momeut oii il la construisait. Nous dirons seulement que la scfeue du roman est presquetou- jours sur la mer, devant New- York, qui n'etait pas alors la grande et magnifique capitale que les etrangers adniirent aujourJ'hui. Les evenemens qui en font le sujet ont eu lieu, il y a un siecle, sous le regue d'Anne d'Angleterre, suzeraine de la naissante colonie. Gny trouve force descriptions de combats, d'evolulions, de ma- noeuvres navales, et M. Cooper a donne encore ici une preuve de ses lalens bien counus comme oflicier de marine. L'intrigue a et devait avoir uneressemblance eloignee avecle Corsaire rouge : c'est encore un mysterieux pirate qui trouve, dans I'excellence de son vaisseau et dans son etonnanle habi- lete, le moyen d'echapper a toutes les chasses, de rendre vai- nes toutes les recherches de la marine legale. 102. — * Paul Clijford, par M. Bulwer, auteur de Pelham , de VEnfaiit desavouii , de Devereux , etc. , traduit de I'an- j^l^ais par Jean Cohen. Paris, i83i ; Fournier jeune. 4 vol. iu-i2 "Xie 25o pages chacun; prix, 12 fr. Nos lecleurs connaissent dcja les litres littcraires de M. Bul- wer, enumeres sur le fronlispice de Paul Clifford : la Rei'ue Encyclopedique a signale les travaux de ce jeune licrivain et les a notes a mesure, avec un soin qui indique leslime que nous avons pour son talent. A vrai dire , c'est iiue rude tacbc pour lu critique que de 4i4 I iviiES 1'Ran(;ais. suivre M. Bulwer ; a peine peut-oii lire et juger aussi vile qu'il coinj>osu et ecrit ; la I'econdite est ie mciile saillant de son genie, et il Ie porte si loiu que uous en avous fait_un sujet de repro- ches. La publication de ce nouvel oiivrage nous doiinerait, si iious Ie voulions , Ie droit de lui rappeler encore qu'un bon ou- vrage se iait leulejnenl ; qu'eu traduisaiit avec lant de precipi- tation en romans, en dranies , eu portraits, sis observations et Bes passions , on risque de ne f'aire que des esquisses , de peindre beaucoup et long-lenis sans laisser un tableau ; etM. Bulwer est digne d'une gloire plus solide et plus longiic qu'un succesde mode daus lus salons arislocratiques de Londves On sail quelle place tieuuent dans la litterature angiaise les i-onvdnsjasliionables : M. Bulwer seinble avoir adoplc ce genre qu'il n'a pas quilte depuis O'Neill , et vrainient il y excelle. II est impossible de rendre avec plus de finesse et de vtirile les niojurs de I'aristocratie brelonue , et de nicler plus habilement les traits d'observation les plus delicats aux scenes de passion les plus palhe'liques. Mais Paul Clifford ne reproduit pas seule- inenl les ridicules, les vices et les plaisirs des classes privile- giees : il reunit les deux extremes et presente une peiuture des folies, des crimes, des miseres des classes pauvres. C'cst ce contraste surtout que I'auleur s'est attache a faire ressortir , et il faut convenir que son pays lui offrait Ie niodele Ie plus par- fait de cetle uionstiueuse inegalite des destinees humaines. Nulle part il n'eut pu renconlrer une si savanteconibinaisou du droit e'crit avec I'iniquitd pratique; une si constanle et si uuiverselle coalition des forts et des riches contre Ie pauvre et Ie faible; en un mot, un de&ordre social aussi complel, aussi horrible, cache sous I'appareuce de I'ordre etde I'harmonie des pouvoirs ct des droits. Remarquous, en passant, que Ie livre de M. Bul- wer vieut a propos se populariser chez uous pour comiuenter et expliquer, au moins clairvoyant, les intentions des homiues qui ne veulent rien lirer de noire revolution qu'une organisation a I'anglaise , c'est-a-dire, une conislitution ou I'aristocratie d'ar- gent et de nom dominerait tout, au moyen d'une chambre faaule et d'une representation mensougere. Paul Clifford est nt! d'une pauvre prostituee , victime de I'ai- inable roiierie de deux jeunes seigueurs. Jetee par Ie hasard dans une taverue d'un de ces quariiers honteux de Londres, qui sont I'asile habituel de I'ccume de sa^ population , il y passe son en- i'ancc; ct , aide d'une intelligence viveetd'uu caraclere ardent. LlTTl^RATCJRE. ^2b il profile si bien des lecojis et des exemples ([u'iiasous lesycux , qu'a quinze ans il esl uu coquin acheve. II n'en sort que pour s'attacher sl la redaction d'un journal obscur intitule VAsuKmtm , oil son education se perfectionne encore. Accuse d'un vol qu'il n'avait pas cominis, Clifford est condanine a la reclusion dans line maison de correction. Ces inaisons sout ainsi appele'es, dit I auteur, parce que les jeunes criminels qu'on y renfernie et qui pourraient avoir encore au fond de I'anie des scnipules lion- notes , s'en corrigeut en y passant quelqucs mois. En effet, notre heros, echappe de cette excellente ecole, s'eleve tout d'un coup au plus haul de sa profession else fait volcur dc grands chemins. Toulefois , comme c'esl un voleur Icllre , il exerce son metier avec distinction, avec de la polilesse el de bonnes inanieres ; il ne pille pas une voiture sans adresser aux dames qui s'y trouvent les plus delicates galanleries; il sail toujours dire des choses tre.s-aimables aux gens qu'il devalise. II y a dans ses expeditions une telle siiperiorite d'adresse , de sang-froid , de courage, de genie, en un mot, qu'il devient chef de bacdc. Paul est un fort bel horame : dans une de ses campagnes , le hasard veut qu'il se montre, sous un jour tres-avantageux, aux yeux d'une jeune personne, fille d'un gentilhoinme campagnard, qii'autrefois il apercuta Londreb etdont il devient passionnement epris. 11 s'introduit cbez ce vieux seigneur , gagne ses bonnes graces, et au moyen de ses manieres elegantes, se fait, pendant tout une saison a Bath , le chevalier publiquement reconnu de miss Lucie Brandon. Cette passion reveille en lui ce que la nature avail mis de grand et de genereux au foud de son coeur. II veut quitter son infaine mt-tier : c'esl alors que les liens absur- des de la sociele Tentravenl et Tembarrassenl de loules parts et le repoussent malgre lui dans son infamie. Bref, il est blesse , arrete , renferme , la veille du jour qu'il avail fixe pour quitter I'Anglelerre et aller chercher ailleurs une autre vie, uu nouveau bapteme d'honnete homme. Noussommes forces de supprimer, dans celte analyse, tout ce qui fait le charme du roman. II se trouve que Paul est le fils de rhomme qui le condanine fi mort pour son dernier crime et qui, par son injusle accusation , I'a fait jeler tout jeune dans une maison de correction. Ce juge etait le premier amaut de sa m^re e plus sacrcs les a de iiouveuii prccipites dans tine lulle terrible. Les voila lous en amies, tons eiitlanimes dc I'huroVsme le plus pur. Autour d'eux freiuissent ct s'agilent ces populations enva- hies dans les trois partages, el qui n'onl cesse de soupirer apres I'indiipcndance. Polonais , votie cause trioniphera. Vous reviendrez aux jours de gloire et de prosperite ; que vous nianque-t-il pour faire encore line grandc nation? Les noms de vos plus faincux citoyens vivent dans vos souvenirs , ou sc perpetuent dans leurs enfans. II est parmi vous Soltyk, petit-neveu de Gaetan, le digne fiis de celui qui , en tete de la Socidte patrioCique , a etc I'un des plus puissans promoteurs de la grande semaine polonaise. II vous represente aupres des puissances elrangeres, riilustre descen- dant de ces Malachowski , dont I'un s'opposait avec une ener- gie patriolique a la deplorable influence de la Russie , dont ['au- tre prcsidait avec tanl d'eclat la diele constituante ; il coniniande auiourd'hui coninie generalissime votre arinee nationale, ce Radziwill dont I'aieul soulint avec tant de gloire la confedera- tion de Bar; il dirige la supreme administration de I'Elat, ce Czartoryski, rejeton de cette famille des Jagellons qui vous a donnti tant de grandeur en recompense de tant d'amour ; il est encore au milieu de vous, ce Niemcewicz, compagnon de votre Kosciuszko , representant dans sa vieillesse toutes les gloires du dernier siecle , et retrouvant, dans le peril de la palrie, toute la vigueur de ses jeunes annees. II est enfin dans vos rangs ce Lelew^el , qui a si dignement ecrit I'histoire de vos aieux , et qui, acteur aujourd'hui dans cctte lutte imposante , en retracera le tableau pour la posterite. II est encore le meme qu'aux jours de 1792 ceclerge polonais qui, alliant le catholicisme a ramour de la liberte, cedait la moitie de ses revenus aux besoins de la patrie , et posait, dans un des faubourgs de Warsovie, les fondemens d'un temple des- tine a toutes les religions de I'univers qui reconnaissent I'exis- tence d'un seul Dieu. lis seraient les memes qu'aux jours de 91 et de I'empire fran- cais, ces nobles Polonais qui, reconnaissant enfin les droits du peuple, abdiquaieut tous leurs privileges, et proclamaient I'cgalilede tous, comme dans les prcnners terns ils avaient admis a la noblesse tout Polonais proprictaire d'un chevaletd'une arme. POLOGNE. 4!'^ II combattra avec une ardeur nouvelle , ce peuple bcUiqueux, aujourd'hui certain de jouir de ses droits, de partager les desti- nees de la patrie ; peuple difine de la liberie , qui prefere la inort a la servitude. Voyez enfin comme elles renouvellent ieurs acles de patrio- tisme , les feniines polonaises, toujours si devoudes a la patrie dans le malheur, toujours si fieres de la prosperite du pa)'s. Elles portaient des habits de deuil quand Tennemi occupait Warsovie; elles se paraient des couleurs nalionales au jour de la delivrance. Aujourd'hui encore, orgueilleuses de leur grande reiue Hedwige, elles deposent sur I'autelde la patrie Ieurs bijoux precieux, Ieurs vetemens de luxe , leur anneau nuptial. Polonais , apres soixante ans d'opiniatres combats , vous trionipherez, et parmi toutes les nations du monde , c'est la France qui doit surtout hater votre triomphe. Quelle sympathie , quel lien existait done cntre la Pologne et la France? La France a eu pour ennemis tous les rois de I'Eu- rope; jamais les Polonais n'ont conibattu conlre elle. Des les premiers siecles de votre monarchic chretienne , la France vous fut chi^re, et toujours vous I'avez ainiee. Vos premiers eveques furent Francais; et, vainqueur dans quarante-sept batailles, Boleslas veuait en France acconiplir un voeu de piete. Hedwige ctait de race francaise ; deux de vos reines furent Francaises ; un roi francais fut elu par vous , et Slanislas-le-Bienfaisant etait le pere d'une denos reines. Lorsqu'a votre immortelle confede- ration de Bar, vous souteniez une lutte glorieuse , des generaux francais combattaient parmi vous, la France applaudissait a votre diete constiluante de 1788, a votre constitution de 179I) et marchaut avec vous dans la carriere de la liberie, elle vous mon- trait le but qu'il fatlait atteindre. Depuis ce jour, vous lui avez voue votre existence , vos biens lui ont ete prodigue's , votre sang a coule pour elle dans les Deux-Mondes; vous etiez ses amis, ses freres , et nos heros ont conquis leur gloire sous un drapeau coramun. Oh! si les gouverneinens n'acquitterent pas uuedette sacree, la nation ne vous a point oublies, et votre appel a re- tenti au fond de nos Ames. Polonais ! une premiere fois , sous les niurs de Vienne , vous avez preserve I'Europe de I'iuvasion des Barbares et affer- mi les trones de ses rois ; maintenant vous seriez pour I'Eu- rope ct ses rois un rcmpart conlre I'invasion de celte puissance redoulable, c£ui porlc des menaces de luorl a un peuple leve 4/,.i EUROPE. pour son indepeudance : les rois y songcrout. Mais s'ils demeii- raient iinmobiles, si I'linage de Sobieski , montrant entr'ouveite la tonibe dc la Pologne, ne reinuait pas leur aine indignee , Polonais ! les guerres ne se font qu'avec des soldats , ct les soldats appartiennent au psuple. Quelle est done cetlc puissance colossale qui pretend vous aneantir ? Tout s'agite et s'ebranle autour d'elle : le sol tremble sous scs pieds. Vienne le jour du combat ; et , quaud deux peuples seront en face I'un de I'autre, ct qu'une voix sanglante dira aux soldats russes : Voila les Po- lonais, raort aux Polonais! peut-etre alors sous I'uniforme qui couvre des hommes du peuple, des esclaves , des serfs, un coeur llbre palpitera d'une sainte indignation ; et si une voix geniireuse fait entendre alors ce cri terrible : Liberie', liberie i de quel cote sera la victoire ? (Suiwenl les signalures de tons les membres du Comile cen- tral polonais de Paris.) Paris, 12 fcvrier i85i. ALLEMAGNE. Prusse rhenane. — DussELDORF. — Encoin'agement aux arts. — 11 vieut de se former dans celte ville une societe pour I'en- couragement des arts dans les provinces rhenanes de la Prusse etdans la Westphalie, autorisee par le roi , le 28 juin dernier. Cette association, dont M. de Pestel, pre'sident de la rcgencede Dusseldorf , a etc le principal nioteur , comple deja environ i,5oo actionnaires, payant chacun un contingent annuel de 5 rixdales ( environ 20 fr. ). Le but de celte reunion est nou- seulement d'eucourager les arts , niais encore d'en re'paudre le gout dans le pays oii elle exerce son influence. Pour atteindre ce but, elle oflFrira des encouragemens et des secours aux jeunes artistes, en achetantles ouvrages les plus remarquables de Tecole des arts de Dusseldorf meme , et ceux des autres artistes qui enverront leurs ouvrages a I'exposition pour y etre juge's, et , s'ils le meritent , eire choisis ; en commandant, proportionnel- lement aux fonds dont elle pourra disposer, des ouvrages d'art de toute espece, destines a de'corer les lieux publics. Cependanl ceux des objets acquis ou commandes par la Societe, propres a etre posscdes par des particuliers , seront mis en loterie parmi les membres de I'association , et le produit de cette loterie verse dans la caissc. Celte societe a deja obtenu dc I'Academie des arts ALLEMAGNE. ~ ITALTE. /,/,5 de Berlin un echange mutuel des ouvrages produits au sein de chacune d'elles. Dans sa devniere assemblee generale , la sociele de Dusseldorf a envoye au se'nat de rAcade'mie de Berlin une somnie de 5oo rixdales pour faire travailler pour elle, au choix du se'nat, les eleves de TAcadcmie de Berlin. — On avail fait jusqu'ici, tons les deux ans, a Dusseldorf, comme a Berlin, une exposition d'objetset d'ouvrages d'art indigenes, niaiscette annee la societe de Dusseldorf a renvoye I'exposition , qu'elle devait faire I'ele dernier, au printenis prochain , afin qu'elle ne soil pas faite en concurrence avec celle de Berlin qui a eu lieu rautonme dernier. Jh. de Lucenay. ITALIE. Milan. — Machine a filer le chanvre et le I'm. [Exlrait du n^ volume des Annales d' agriculture , economie rurale et domestique, arts et metiers , cahier de novembre et de- cembre.) — Au mois de juillet dernier, ou fit, en pre'sence du cardinal legal et d'une sociele d'honimes dislingues par leur rang ou leurs lumieres , la premiere cpreuve d'une machine a filer le chanvre et le lin. Celte machine , inventce par M. Gae- tario GuiDicciNi, emploie la filasse telle que le commerce la four- nit , au lieu de la convertir en une sorte de colon , comme I'avaient lenle presque tons les concurrens du prix d'un million de francs propose par Napoleon pour la solution complete de la question que le mecanicien bolonais a resolue , si ce que Ton rapporte du resullal de son experience est parfaitement exact. Le fil produil par son mecanisme est tres fin, tres-egal, aussi fort que celui des fileuses. On ajoute que ce mecanisme n'est pas tres-complique , quoiqu'il ait a executer une assez grande diversite d'operations, el que, par consequent , il reunisse tons les instrumens qu'elles exigent. Tandis que M. Guidiccini terminait ses essais a Bologne, on assure qu'un mecanicien piemontais etait sur le point d'entrer dans la mume carriere avec une autre machine des plus simples , mais donl on ne donne jusqu'a present aucune notion. Si ces inventions justifient ce que la renommee en public d'avance , ne faudrait-il pas les appliquer de preference a la fabrication du gros fil, afin de multiplier les tissus solides et dune longue duree , laissant aux tissus de colon les eniplois plus delicals , dont /j46 EUROPE. ils son I main tenant en possession, etauxquels ils con vienn en I tres- bien. Si lancienne Rome avait connu nos loiles peintes , le voliiptueux Verres les cut prefcrces a cette robe de fine toile de lin a pelites taches donl Ciceron lui fait un si grave reproche. Le progres de nos filatures de coton a ele si rapide, ainsi que celuL des arts qui emploient leurs prodiiits, qu'une simple ou- vricre est vetue aujourd'hui plus magnifiquenient que ne put I'etrc le fastueux proconsul de la Siciie. En chercliant a confier a des machines la filature du lin et du chanvrc , gardons-nous d'affaiblir ce que nous avons, pour lui substituer sans avantage, et peut-fitre avee perte, un autre travail dont la nouveaute nous scduirait. J-.'efi"et necessaire de I'usage prolonge d'uue meme etolle est de la perfectionner, et d'en maintenir le has prix , au lieu que les variations de la mode empechent qu'on s'attache a faire bien , mais portent a salisfaire des caprices ordinairement prodigues. Nous ne manifesterons done aucun empressemeut de voir inlroduire dansnotre patrie la nouvelle machine a filer le chanvre ct le lin , si elle doit nuire aux filatures de colon : mais, dans tons les cas, nous serous curieux de la connaitre , et de savoir jusqu'a quel point elle resout le fameux probleme propose par Napoleon a tons les mecaniciens de I'univers , Stimules par la promesse d'un million, et que leur genie inventif avait trouve jusqu'a present trop au-dessus de ses forces. Le meme journal qui nous a fait connaitre les experiences faites a Bologne sur la filature du chanvre et du lin , nous ap- prend , dans un autre article , que les plus beaux miroirs que Ton fait a Paris sont actuellement en fer-blanc. On leur donne une hauteur extraordinaire, et un poli qu'on ne pent distinguer de celui des glaces en cristal. L'inventeur , M. Coreau , de Bruxeiles , a conslruit un de ces miroirs de fer-blanc , assez grand pour servir de mitr de perspective aux fontaines des jar- dins de Versailles. Le prix d'un pareil miroir est a peine de soixante francs. Surprisde recevoir, par la voie de Milan, I'annonipe de prodi- ges operes dans notre residence, sans que nous en eussions aucun averlissement, aucune notion, uous avons pris des infor- mations ; point de reponse , ignorance complete relativement a ces miroirs de fer-blanc. 11 faudra done nous resoudre a recou- rir encore a I'ltalie pour dccouvrir la source de cette singuliere annonce , et savoir si des iniposteurs, ou de tres-niauvais plai- FRANCE. 447 saus, ont voulu se jouer de la ciedulite des etrangers, ou si nous sonmies resles noiis-inemes dans line honteuse incuriosile des otonnans progtcs que I'art du iniroitier avail fails lout pres dc nous. F. FRANCE. Statistiqiie des ecoles primaires. — Un etat annexe au pro- jel de loi sur I'instriicliqn primaire , presente le nombre des ecoles de garcons du royaume, el le nombre des eleves qui frequentenl ces ecoles , dans chaque departernent. On reinarque que les departemeiis du Bas-Rhin el de la Haute-Marne complent dans les ecoles , 1 individu sur 8 liabilans. Aube. 4 9 Vosges. I 1 1 Seine. 1 48 Cher. 1 92 Morbihan. 1 99 Haule-Loire. 1 no Puy-de-Dome. i 120 Correze. 1 162 D'apres les tableaux de VAnntiaire du bureau des longitudes, la France a 5,286,070 cnfaiis males , depuis la naissance jusqu'a I'age de 16 ans. D'apres les raemes tableaux , le nombre des enfans ages de 6 a 16 ans est de 3, 1 45,375. Le nombre des enfans admis dans les etablissemens de I'instruclion publique est de 1,320,91 1, ce qui doune un eleve sur 2.3 habitaus , pour la nioyenne de toute la France. Z. Statistique (i). — Bibliotheques publiques. — La Revue de Paris (t. XIV, cah. 4) repete, d'apres M. Hcenel, que I'AUemagne est beaucoup plus riche que la France en tresors litteraires, c'est- a-dire en bibliolKeques. Mais celle assertion manque de bases certaines au moins pour la quantite des volumes. Les enumcra~ lions de livres imprimesque M. Ha;nel a insurees dans ses Cata- logi librorum manuscriplorum qui in bibliothecis GaWrt", etc., asspjvantur {'in-^°. Leipzig, 1829), sont la plupart si fauti- (i) Le manque d'espace nons a empechc d'inserer plus tot cet article ecrit en mai dernier. {L' t'dileu, .") 44^ FRANCE. ves, qu'il eit permis de doiiter que cet anteur soil pliis exact pour la Suisse, I'Espagne, le Portugal, la Belgiquc , et la Grande-Bretagne. Suivanl lui , les bibliothcques publiques de Vienne, Berlin, Munich, Dresde, Stuttgart, Goelingen , Heidel- berg, Eriangen, Wolfenbuttel et Francfort, contiendraient plus de livres et dc manuscrits que toutes celles de France; et cepcndanl il porte le nombre de nos volumes a 2,106,160, et a 54.25o celui de nos manuscrits. Mais il reduit a 600,000 au plus le chilTre des volumes mis a d'usage du public dans la ville de Paris, quoiqu'il ail lu i,ia5,437 dans les Recherches sur les hihliotlieques nnciennes et mcdernes. C'etait en 18 19 que M. Petit-Radel, de I'Acadcmie des inscriptions, publialt cetou- vrage curieux, bien qu'il soil tres-incomplel : on peut afTirmer qu'en i85o , ce nombre atteint 1,200,000. La bibliothcque de la Ville possl'de pris dc /(o.ooo volumes , et non pas i5,ooo. A I'exemple de beaucoup de statisticiens , M. Hajnel presente des comptes ronds , lesquels , manquant de donnees sures , sont a peine des approximations. II exagere de moitie la quantite de livres que reuferment les depots de Rennes et d'Alencon : il n'accorde que 2,000 vol. a Laval qui en a au nioins 19,000; il omet Evreux, et il cite I'ecole centrale de Vendome. M. Ha?nel, savant juriste, a eu le tort de s'en rapporter a des ouvrages crrones : sa principale autorite est un livre publie a Paris, dans lequel fourmillent les fautes les plus grossieres. II rap- porle dans son article sur Piouen la fable que M. Dibdin a recueil- lie, avec tant d'autreserreurs, que 10,000 volumes I'urent briiles, bj the revolutionary mania . sur la place des Carnies ; mais M. LicQDET , traducteur du Voyageur anglais, el bibliothecaire, a demontre la faussete de cette imputation. Notre glorieuse re- volution est encore I'objet de bien des calomnies qu'un zele exa- gere fait commettre a des bibiiographes et a des archeologues declamateurs. Etait-ce vandalismc , lorsqu'a Nantes et dans beaucoup de chefs-lieux, ou vendit, au commencement de ce siecle , pour cinq 50ns la livre (prix fixe de M. IlKnel) des amas de bouquins que personne ne pouvait plus lire, et dont le produit a servi pour acheter des ouvrages d'uue utilite generale. Que d'ascctiques et de molinistes il a fallu pour payer uu exem- plaire de Voltaire ! Puisque les budgets muuicipaux refusaient des secours suflisans, pouvait-on prefiirer des casuistes a nos classiques ? FRANCE. 4/9 Si le bibliograplie alleinand est plus exact , quant a ses ca- talogues de Manuscrits , son ouvrage servira singulifercment aux bibliothe'caires eux-uieines; car la pliipart iguorent et ue veulent pas connaitre ces collections dont les masses les dcses- perent. Nagueresje visitais la bibliotheque de Leyde, encombre'e dans une parlie de inillieis de manuscrits : ils sont entierement deiaisse's, quoique un grand nombre soient dus a des profes- scurs de cette celebre Uuiversite. Mais le moyen de les ana- lyser, d'en exlraire la quintessence, de profiler d'observations el de recherches peut-elre bien aulremenl inleressantes que cellos reciieillies par beaucoup de livres que I'impression a mis en lumicre! II est presumable que les bibliothe'caires de Bale s'enorgueillissent peu de posseder quinze traites manuscrits de Saint-Tlionni , la passion de la vierge Justine, un speculum stiiltorum ; et ceux qui desirent apprendre les dangers de la confession ne leur deinandent pas rin-4° , G. vii , 3g. La bibliographic, jadisun gout , une simple etude de catalo- gues, est devenue une science; mais elle a 6le entravce iuces- samment dans le choix des livres les plus utiles pour I'instruc- lion d« public. Les mairies et les conseils de deparlcmens accor- daieiit-ils quelques allocations, I'iguorance ou le congreganisine prononcaient sur les ouvrages a acheler , et ladministration superieure, qui n'avail rien de pliilosophique, s'occupait plus de couvens et de casernes que de depots litteraires. C'est nioins le nombre denosbibliotheques que leur composition defcctueusc que M. Haenel aurait pu blamer. Lesconlroversesde religion sont par- tout enmajorite; peude voyageurs, d"historiens,peudecolleclions scientifiques et spcciales pour les arts industriels; beaucoup d'an- nales du monachisme, et a peine quelques chroniques des ancien- nes provinces. On jugera de cetle indigence par un apercu de I't'laldes bibliolheques publiqucs dc la Normandie : cette notice rectifiera anssi plusieurs inexactitudes des Catalogi. Seine-Infkp.iedbe. De 1,000 volumes rcporlL'^aNeucIidlel, au- cun ne traite de I'industrie agricole qui fait la fortune du pays de Bray. II faudrait a Dieppe des lelations de voyages , les rccueils periodiques des sciences nautiques , de statislique commerciale : sa bibliotheque, d'environ 4.000 volumes, ne convienl qu'a un seminaire. Le premier porl de France pour le grand commerce, le Hai>re compic dans la sieune uu peu plus dc 7,000 volumes; mais panni des collections excellentes, on cherche en vaincelle XLIX. FEVr.lEl: I 83 I 29 45t) FRANCE. des ouvrages qui coucernent le pays. Rouen lecut , par la sup- pression des couvens , 260,000 volumes , il ne lui en reste que 26,000; et cetle belle bibliotheque n'ol)tient , pour se procurer des livres iiouveaux, que 1,100 fr. du budget municipal qui s'e- Ifeve a pres de 1,200,000 fr. Paris meme , dont les revenus sont immenses, accorde a peine 8,000 francs pour achats d'ouvrages. EuRE. Ce departement n'a veritablement qu'une bibliothe- que , dans un joli local, a Ei>reux ; et des 10,000 volumes, bien choisis, fort peu sont nouveaux. On alaisse a f-^erneuil en- viron 5,000 bouquius qu'ouvrent parfois d'intrepides lecteurs. OfiNE. Une seule bibliotheque , au chef-lieu : elle n'est pas moins remarquable par le merile des liVres que par la beaute de la galerie. La aussi les collections et les ouvrages d'une publi- cation recente sont tres-rares parmi les 9,600 volumes; pour- tant Alencon, pays emiuemuient historique, est aussi agricul- teur et nianufacturier. Calvados, i ,000 volumes sont restes a Fulaise de ses couvens : unecentaine de citoyens, moyennant une souscription annuelle de 12 fr. , se procurent les recueils et les ouvrnges les plus interessans; et deja ce zele si rare a dote la bibliotheque de 2,000 volumes •■ en outre, elle a ete gratifiee de la Description del'Egyple, de la grande edition du Voyage de I'Aslrolabe, etc. Des savans aussi patriotes qu'crudits avaient donnti a la ville de Caen leurs livres les plus precieux, ils n'ont pas eu dimitateurs; cepeiidant cette belle bibliotheque se compose d'environ 3o,ooo volumes. Bayeux compte deux, trois bibliolheques ; mais la seule remarquable est a I'eveche , celle du seminaire renferme 3o5 volumes de poesie et art dramatique ; et la mairie laisse dcperir un ou deux milliers de volumes dont plusieurs sont rares. M. Pinclion-Tjrel a fail donation a sa ville natale de 3,000 volumes : on y rcunit les hvres des avocats et des anciens cordeliers; des habitans par des dons, la mairie par un peu d'argent, procurent des ouvrages nouveaux; ainsi pres de 7,000 volumes se trouveut rassemblcs a Vire. Manche. Saint-L6 commence sa bibliotheque; les ouvrages, s'ils sont complets, ne peuveni guere utre que des resumes, car 800 articles n'y founiissent pas 2,5oo volumes, f^alognes a re- cueilli i5,ooo volumes ; M. Hrenel n'en compte que 2,600. Mais la. plupart traitent de la theologie, ct les autres racontent plus FRANCE. 45i riiistoire du peuple de Dieu que les fastes de la nation normande. Moins de 5,000 volumes sont confies , a Coiitances , aux soins cclaires de M. Le Tertre : les Memoires el Statistiques sur la province y auraient plus de lecteurs que les polyglotles. II reste a AiTanc/ies , de son eveche' et de son ecole centrale , uu beau jardin botanique et 25,ooo volumes, en outre 2o4 nianuscrits; mais le maire , M. le chevalier de Belle Etoile, qui detient sous un vil hangar la statue du brave general Valhubeit , laisse ega- lement deperir les livres. Cherbourg, qui comptc plus de 20,000 hal>itans, dont un quart sont des militaires et des marins, n'a point d'etablissement litteraire. Ainsi la Normandie ne possede encore que 2 ou 3 grandes bibliotheques : ses cinq de'partcmens, qui sont subdivises en 2(5 arrondissemens , renferment seulement i5 depots de livres. Toutesces bibliotheques /Jf est proclamti candidat. — M. Flourens lit un Memoire sur Taction qu'exercent certaiaes substances lorsqu'elles sonl iinmediatement appliquees sur les differentes parties du cerveau. — M. Lassis lit des considerations sur Ics verilables cau- ses de I'epidemie qui regne actiiellement en Russie ; on lit une lettre de M. Marin Darbel sur I'epidemie de Moscou. — Du x^Jevrier. — M. TARBfi des Sablons adresse des obser- vations sur les nouvelles monnaies d'or. — M. Arago commu- nique une leltre de M. de Hubiboldt, concernant diverges obser- vations astrouoniiques, et principalemeut la topographie de la planeledeMars, faile parM. GwiV/ai/me Reek; ilpresenteun globe oiicette topographie est figurce. — M. Moreau de JoNxfis lit des observations en reponse a ce qui le concerne dans la leltre ecrile de Moscou sur le cholera-mo rbiis. — fli. Lacroix fait un rapport verbal sur les cartes litliographie'es de M. Jobard et de MM. Knecht et Roissv. — ftlM. Portal, Bojer et Larrey font Un rapport sur le memoire de M. Velpeau, relalif a I'acupunc- ture des arteres. M. Velpeau ayant fait imprimer son travail, la commission a etc dispeusee de faire le rapport demandii par I'auteur; elle se contentera done de dire que le Memoire a pour objet de traverser les troncs des arteres qui produisent les aue- vrismes, et les tunieurs ancvrismaies elles-memes, avec des ai- guilles a acupuncture pour en faire obliterer les parois. A i'ap- pui de sa theorie, ctablie sur la coagulation des molecules du sang, il rapporle un assez grand uomlire d'experiences faites sur les unin)aux. Le reste du rapport est consacrd a refuter les PARKS. /,55 assertions de M. Velpeau en faveur de I'aniputalion de la jambe dans son articulation du genou, que cat auteur regarde conime devant avoir !e raeme succes pour les plaies recentes que pour les maladies chroniques. — M. Geoffkov Saint-Hilaire lit un menioire sur les bas-reliefs du temple de Jupiter Olympien dans leurs rapports avec I'histoire naturelle. — Du 9.1. — M. Auguste Comte demande a etre porte sur la liste des candidats a la place de professeur d'analyse et de me- canique, vacante a I'Ecole polytechnique. Sa lettre est renvoyce a la section de geometric. — M. Jeanneret Perrot transmet de nouveaux details sur des plantes des Alpes qui lui sembleut pro- pres a guerir les maladies de poitrine. — M. le ininistre de la guerre demande que I'Academie veuille bien presenter un can- didal pour la chaire de physique actuellement vacante a I'Ecole polytechnique, par la nomination de M. Dalong a la place de directeur des eludes. — M. Geoffuoy Saint-Hilaire depose, pour etre imprimes dans le prochain volume de I'Academie, les deux Memoires lus par lui les 4 et 1 1 octobre dernier, sur le pre- tendu crocodile fossile de Caen, dont il a forme le genre Teleosaurus. M. GeoiTroy annonce que la presque tota- lite des organes de I'animal est maintenant connue. Les pieds de devant sont de beaucoup plus courts. Le ventre a un plastron forme par des rangces de six ecailles. M. Geoflfioy cite les personnes qui, par amour pour la science, ont fait executer les travaux dispendieux auxquels ii a fallu se livrer pour extraire les diverses parties du Teleosaurus. — M. Tlie- nard , au nom d'une commission , fait un rapport sur le IMe- moire de M. Gouverchel relatif a la maturation des fruits. « L'auteur a cherclie d'abord a determiner les phenomenes que les fruits presentenl dans leur contact avec des quantites limi- tees d'air. Les appareils dont il s'est servi sout tels, quM poii- vait eprouver I'air aussi souvent qu'il le desirait. Tantol I'ope- ration se faisait sur des fruits attaches a I'arbre , tantot sur des fruits qui en ctaient detaches : quelquefols ces fruits etaient tout verts, a peine formes; d'aulres Ibis a moitie developpe's, d'autres fois enfin parfaitement murs ; lorsqu'ils ct;iient pendaus a I'arbre, I'experience etait suivie jtisqu'a leur entiere inaiiirite. 11 est a regretler que l'auteur n'ait teiiu compte ni de I'lii- lluence de la lumiere, ni de I'influence de I'obscurite, et qu'il ait ucgligi- de faire {'analyse exactc de I'air des ViiSes. Cetle /,6r, FRANCE double circonslancc ole a ses rcsultals la precision qu'on desi- lor.Tit y trouver; le seul qui ressorle de ses nonibreuscs expe- riences est que dans toules ily a production de gaz carhonique. Selou lut , ce gaz se Ibrnierait a toules les cpoques de I'accrois- senient des fruits, surtout a I'epoque de leur maturation , et son opinion est que I'oxigene de ratniosphcre n'enlre pour rien dans cetle production. C'est ici le cas de rappeler que des opinions toules diffcrenles ont ete eniises sur ce plienonieue par MM. Berard et Tlieod. de Saiissure. M. Tlieod. de Saussure croit que les fruits verts ont sur I'air , au soleil et a I'ohscurite , la meme influence que les f'euilles. lis coiisunieut a volume egal plus d'oxigene a I'obscurite lorsqu'ils sont cloignes de la matu- rite que lorsqu'ils en sont rapproclie's; ils s'approprient dans leur vegetation Toxigene et I'hydrogene de I'eau, en lui faisant perdre Ictat liquide. II. est difficile de ne pas se ranger a celte opinion. M. Couverchel trouve que la conservation des fruits ne pent avoir lieu dans aucun gaz. Apres ces premieres recher- ches, I'auleur s'occupe des changemcns inlerieurs qui survien- nent dans le fruit, depuis sa naissance jiisqu'a sa parfaite niatu- rite. » Nous ne suivrons pas le rapporteur dans les developpe- mens ou il entre \\ ce sujet , et nous tcrniinerons par citer ses conclusions. « Suivant nous, dit-il, c;; que M. Couverchel avancc sur les phenomcnes que pruscnlcnt les fruits lorsqu'ou les fail vegeter , dc-laches ou nou de I'arbre qui les a produits , dans des quanlitt's liniitees d'air, est incomplet et manque quel- quefois d'exaclitude. 11 en est de meme de plusieurs des asser- tions qu'il presente dans la secoude partie de sou travail. Mais I'observation qu'il a faile de la conversion de la fecule en gomme, et de la gele'e des fruits eu Sucre de raisin par les acides vege- taux, est tres-digne de rcmarque, el explique convenablemenl la derniere epoque de la maturation des fruits. Sous ce point de vuc , son travail jncrite d'etre distingue. C'est pourquoi nous proposons a I'Academie d'ordonner rimpressiou du Mcnioire dans le Recueil des savans etraugers. » (Adoptc.) — M. The- iiard rend coinple d'un travail de M. Bussv, concernant le ra- dical nictaliique de la niagnc'sie , tt d'un Menioire de M. Dui\ias , relatif a I'oxaniide. — M. Poisson lit la preface de I'ouvrage qu'il fait maintenant imprimer sur les tubes capillaires. — On lit ud Memoire de M. Vai.lot, de Dijon, sur plusieurs larveS de coleopteres. i PARIS. 457 — Du 28. — M. DE Humboldt preseute des echanlillous du uouveau metal decouvert dans le fer malleable d'Ekersliolm, par M. Sefstrom. 11 avail etc trouve autrefois par M. Debris, a Mexico, dans une mine bruue de plomb ; et M. Voeler a con- slate recemmenl que celte dccouverle etail reelle , quoiqu'elle eiit cte contredite dans le lems par M. Collet Descolils. — La section de ge'onielrie pre'sente pour la chaire d'analyse el de mecanique vacante a I'Ecole polytechnique MM. Navier , Co- KtOLis et DoHAMEL. — La section de physique presente pour la chaire de physique a cette meme ecole M. Pouillet, en premiere ligne; et ensuite par ordre alphabetique MM. Babinet, Demont- FERRAND , Despretz , Lechevalier et Lehot. Les elections auront lieu dans la seance prochaine. A, Michelot. Cows de langiie russe , et Granimaire russe usuelle. — M. Fursi ht^istit , de Meulan , fait un cours de langue russe tnus les dimanches, enlre une et deux heures , rue des Vieilles- Tuileries , n" 44 . faubourg Saint-Germain. — On sotiscrit aussi chezlui pour la Grammaire russe usuelle, qu'ilest sur le point de publier. Theatres. — Chronique des theatres pendant le niois de fe- vrier i83i. — Pendant que le premier Theatre-Francais'semblc s'eleindre entre les mains de ses directeurs actuels , le th(''atre de I'Opera-Comique , si long-tems languissant , reprend une vie nouvelle et n'attend plus, sous les auspices de jeunes et habilcs compositeurs, que des chanteurs capables de faire valoir des partitions dignes des premieres scfenes lyriques. M. Paris, I'un des eleves laurcats du Conservatoire , vieut de dcbuter par la musique de la Veillde , opera en 1 acte, de MM. Ddi'Ort et Saint-Hilaire (4 fevrier). Les auteurs nous ramenent en Angle- terre , non plus sur les traces de Walter Scott, mais guides par Cooper, dont un des romans, le Pilote, a fourni les principales donniies de leur piece : le succes, du reste, est du surloul a la musique, qui offre , dans plusieurs parties, de la verve et de la vigueur. Vaudeville. Depuis long-tenis, le th'Jalre de la rue de Cliartres 458 FRANCE. seinblait infidele a son antique ronommee ; les pieces nouvelles se succedaient sans relache , mais pieces mediocres, cphe'nieres, qui pouvaient attester I'activite du direcleur , et revclaient en niijine teins I'inipuissance , I'inhabilete de nos faiseurs de Vau- devilles; tous se sont jeles dans un genre fade, que le public en general n'ainie gueres. On va au spectacle pour rire et s'amuser, au Vaudeville plulot qu'ailleurs ; et comnie la force d'inertie est tout aujourd'hui , le garde national, qui I'applique en poli- tique , s'en sert egalement contre les directeurs de theatres, et reste chez lui , lorsqu'on fait dei appels a sa synipalhie pour des pieces ou Ton ne voit figurer que des lieux connnuns. M. Etienne Arago a parfaitement conipris sa position, il a tourne court aux erremens du passe, et est entre francheinent dans la voie qui pouvait seule assurer la fortune de son theatre, bien plus sage en cela que certains personnages , dont Yim- muable volonte re'siste aux avis d'une saine raison , comme aux lecous de I'experience. — Nous passerons rapidement sur /e Noble et I' Artisan , comedie-vaudeville en deux acles , de MM. Theodore Anne et Ren*;, representee le 4 fevrier, faible copie du drame Orgueil et Kaiiite , de M. Soiiqiies , que deux couplets spirituels et le jeu toujours original de Bernard Leon ont sauvee a grand'peine de I'oubli. Nous tirerons egalement un voile epais sur /e iJ/flr/e , joue le 19, piece niort-nee , dont on n'a point entendu la fin , et nous nous haterous d'arriver au Bal des Ouvriers , vaudeville en un acte, de MM. Varin et Louis, accueilli par d'unanimes applaudisserncns. Cette bluctte, calquiie sur les Jeiix de I'amour et du liasard, est ccrite avec esprit , jouee avec un ensemble parfait, et elle a obtenu un veritable succes de gaite, que le 28 fevrier, ;>/■"<= Du- barry , vaudeville en 3 actes, par M. Ancelot et Etienne Arago, est venu appuyer d'un succes d'argent. Depuis Marie Mignot , de riche niemoire, jamais le Vaudeville n'avait ete temoin d'un enthousiasme pareil a celui que la premiere representation de cette comedie de nioeurs a fait cclater. La peinlure de la cour de Louis XV y est faite de main de maitre ; autour de M™*^ Dubarry sont groupes, avec une ingii- nieuse adresse , le chancelier Maupeou,M"^ la mariichale de Mirepoix , le roue Jean Dubarry , le type de ces faquius a habits brodes , qui vivent dc honte et d'infamie , le due de la Vrilliere , gouverneur de la Baslille, qui vend des letlres dc cachet , le due PARIS. 45g dc Richelieu , qui rcduit en systeme jusqu'a la prostitution , enfin , Louis XV > dont la blafarde figure couronne assez bien ce tableau de bassesse et d'ignorninie. Nous ne ferons point I'a- nalyse de la piece; une jeune personne que l"on veul donner a ]\Imc Dubarry pour rivale , et dans laquelle Louis XV relrouve la filie d'une de ses anciennes maitresses , tel est I'episode sur lequel I'intrigue est basee. Les auteurs ont deploye un grand ta- lent de details , et si ce n'est Tapparition du couteau royal , qui motive la reconnaissance et le denoument de la piece, nous n'aurions aucun reproche a leur adresser. Aux VARitTfis , M. Cagnard , on les Conspirateurs , folia du jour, en i acte, melee de couplets, par MM. Bkazier et Ddmer- SAN , a obtenu un complet succfes, ie 5 fevrier. La Politicoma- nie a envahi la maison de M. et de M"""^ Dclaune , fabricans de rubans a Paris. Le mari regretle la restauration ; la femme, le grand Napoleon ; et Manique , leur portier , regrette la re'- publique, qui etait pour lui I'age d'or. M. Cagnard, associe de Delaune, ne regrette rieu ; il est comme beaucoup d'autres, tout dispose a se ranger du parti vainqueur. II devait , par in- terct de commerce, e'pouser Juliette Bertrand, qui.trompant ses speculations, s'est mariee au jeune Prosper Delaune. Juliette, voulant donner gaiment une lecon a ses nouveaux parens, qui ne la connaissent point , arrive cliez eux deguise'e en liomme, et commence par mystifier M, Cagnard ; elle passe tour-a-tour a ses ycux pour un jeune prince, que ses partisans attendent le 20 mars, et pour une jeune princesse qui se cache dans le noble faubourg. Elle danse ensuite , tantot en homme , tantot en fenime , avec M. et M™" Delaune , qui croient figurer chacun vis-a-vis du personnagc marquant dont ils dcsirent la pre- sence. Une explication, qui de'truit leur double illusion, fermine cette folic de carnaval, ou la politique a pris du moius un mas- que fort gai. Aux NouvEAuTfis, on a vu d'abord le Cholera-morbits (ii fe- vrier) , vaudeville en i acte ; et plus tard les Jumeaux de In Rcole , drame en 3 actes et en "j tableaux, par MM. Rouge- MONT et ^/ea:/5 Comberousse, donnc' le 22 fevrier, qui reproduit , sous des couleurs vives et ptfnetrantes , I'un dcs plus deplo- rables evenemens da la restauration de i8i5, la mort de ces deux infortunes frcres, que I'esprit de parti sacrifia a ses horribles vengeances. 4(3o FRANCE. A la Porte-Saint-Mabtiw , on a donnc , le 7 fdvrier , le Len- main de la fin du Monde , folic en 3 tahleaux , par MM. Honors et DuMEnsAN, oii M. Bouardin , personnage bien connu desnom- breux amateurs du talent de Polier, est mis en sceue avec assez de gaite. L'Ambigu-Comiqce a debute , ce mois , par les Arrets en Car- naval , vaudeville eii i aclc , par M. Adolphe (5 fevrier); est venu ensmie Joachim Miirnt , melodrame historique , en 4 actes et 9 tableaux , par MM. Theodore'^, et Alexis (12 fevrier) , qui reproduit les principales circonstances d'une des destinees nii- litaires les plus brillantes de I'empire. Cotillon III, ou Louis XF chez M'"^ Dubarry , comedie en i acte , de MM. Entile Vanderbdrch et Anicet Bourgeois (27 fevrier), est unc esquisse assez maligne , egayee surtout pai- le jeu plein de uaturel d'un acteur fort comique, M. Paul, mais ou les hon- teuses amours de Louis XV el de sa vcnale maitresse ne sonl peut-etre pas presentees sous les coulcurs veritableinetit histo- riques. Du reste , la piece, qui abonde en couplets satiriques, eu saillies tant soil peu graveleuses , a reussi complelement. — La Conspiration de Mallet , liree des Soirees de Neuilly , n'a fait qu'uue simple apparition sur la scene , le q4 fevrier. Li Gait6 a donne , le 10 fevrier, VOiseau bleu, melodrame feerie, en 2 actes et en 8 tableaux, par MM. Victor Ducange et Simonnin; et , le 20 fevrier, la Mart de Cesar, parade en 1 acte de feu Cassias et Brutus. — Noui'eau theatre de la Porte Saint- Antoine. — M. Coffy vienl d'obtenir I'autorisalion d'elever un nouveau theatre a la Porle Saint-Antoine. Dansun Memoire qu'il a public a I'appui de sa deniande , M. Coffy fait valoir des raisons de politique in- tcrieure et d'economie publique doiit I'autoritu n'a pu mecon- iiaitre la force; mais surtout, ii y fait reposcr le succes de son entreprise, euvisagee comme speculation, sur des calculs sta- tistiques et des a|>ercus interessans qui nous ont paru mc'riter quelques ligncs dans ce recueil. « Place, dit M. Coffy, ii environ lOp metres du monument de la Fontaine de Telepliant , le theatre Saint-Antoine sc trou- vera , dans cette position avantageuse, a portce des 7"^, 8* et 9« arrondissemens , qu'il desservira dans les proportions sui- vantes ; savoir : PARIS. 46 1 LeS^^ arrondissejiienten totalite. Population : 79.375 liaLilans. Leg' Id. la inoititi. Id. aS.SpS Id Le 7' Id. le cjuarl. Id. 18,475 Id. Total. 126,745 « Si ou ajoute a ce total la population de Bercy , qui est de 2,5^5 On aura un total general de 1 29,270 habilaus. « Avecuue clientelle de 199,000 ames, le succes de i'entreprise est d'autaiit nioins douteux que , separee par des distances con- siderables de toutes les autres entreprises, il ne peut y avoir onlre elles aucune concurrence pernianente et se'rieuse ; et les recettes du nouveau theatre ne feraient pas plus de tort aux re- cettes des anciens, que le peage du pont d'Austerlitz a celui du pout des Invalides. « En outre, ce qu'il imporle beaucoup de remarquer,c'est que les distances suivantes on environ scparent le nouveau theatre des autres entreprises , savoir : 1,700 metres de la Gaite et du Cirque-Olympique ; 2,200 de I'Ambigu et de la Porte-Saint-Martin ; 2,600 du Gymnase, du Theatre-Francais , du Vaudeville et des Varietes ; 3,200 de I'Academie royale de Musique , de rOpera-Coinique, des Ilalieus et des Nouveaules; « A ces avantages, et a tant d'autres deja indiques, que pour- rait-on opposer ? L'objeclion banale : II y a trop de theatres I .( En efl'et, il y a trop de theatres de la rue de Cliattres a la rue Lepelletier , espace de treize cents metres, dans lequel on en coiupte sept. « II y en a trop aussi de la rue Lepelletier au boulevard du Temple, espace de deux niiUe cent metres, qui en conlient cinq , sans parler des spectacles a parades. « Enfin il y a trop de theatres dans le 2« arrondissement qui en renferme sept; « Mais il ne saurait y en avoir trop la oii il n'en existe pas. « II y a Irop de theatres, disons-nous, la ou ils ne sont qua une distance moyenne de deux cents metres les uus des autres ; mais il ne peut y en avoir trop au milieu d'une population separee des spectacles de I'interieur de la ville par des distances qui va- rient de 1,700 a 5,4oo metres. 462 FRANCE. n Enfin, il ne peul y en avoir Irop au centre d'une ciicons- cription qui conlieut de cent vingt a cent Irente niille liabitaus privcs entierenient de spectacles. i;iKlauietlo«, annce.^ precedeutes , et oKre unc'tl sovte ^Annuaire sckntifique et I'atcraire , eu 4 volumes iu-80. |j Prix de I'Alonncmeht. APaiis ....... 46 pour un an; iS fr. pour §ix oiois. Diius lc5 depniU-mens .53 3o A I'etranger 60 34 En Angleieirc- • • • '•■). 4^ A partir du i'"" janvi-ev oa du i" juillet. Le montar.t de )a gouscription , envoye par la post? , doit etrc adressu d'avaccc, frakCUs pout, aiiisi que ir, coriespondan'''e, au Directeiir de la Refue En<:YcLT,;edique , rue d' Etijer SnliH- Michel , n" 18. C'est a la reetne adresse tju'on devra envoyor Ics ouviages dc tout genre et les gravues qu'ou voudra fairc aunoncur , ainti ijue les articles doL't on dc- sircra I'iiiserlion. 0:i iouscrit aussl a Paris, chez lui libi'aires ci-api-cs ; TREcrrEL ei Wcmz, me de Bfluvboti, u° 17 ; Charles Beciiet, qiiai dos Aii^iislins , 1;'' .": > ; Ret et Ghavieb , quai des Atif^uslins , n^ "io ; A LA Galf.rie de BosjANGe |)i ic , fuf u'c^ciifu , 11'^ Go; RoRET, rue Hauti'feuillt;, u° vi) J. Resouabd , rue de Tounioa , n" 6. Oh soii'Ciit' aussi chez tons les Directeurs des posies, et cliez k*s principalis libraires, dans les dt'partemens, et dans les colouie&, LibraibEs c/(ei Icsquch on sonscH dans les pay.s etrangers. Amsterdam , Delacuaiix. Anrers , Ancelle. jIicu (Suisse), S;,.; Berlin, SclilesLiia< - . BerriPfV.Wnf.; — 7, BQur^dprfer. Drcslau, Keygel. flr«je//M, Dnjardin-Sailly ; — De- mat ; — Horgnies-Renie ; — I>i- 3/nfi?//i-/,Dennee; — 'Per^s. itlanhelm , Artaria et Fontaine. Milan , GHegler; Vismara ; Bo( , Men'. , l.e RoHX. Dfoscon, Gaiitier; — Riss p^re etfiis; — Urbain et C'" ; — Semen. Naples , Borel ; — Morotta et Wanspandock. hrairie parisi^Dne., fran^^aise et ! JVav-Yorf; (Etats-Unis) , Foreiun ^trangere. and classical bookstore; — i!> - Florence , 1^'vMU ; — Vleusscux. rard et Mondou. Francfort-.'iir-SIcin, 3 ugel. \ Nouvelle - Orleans , Jourdan ; — ^Ja/?*;/, Vandenkerckowen fils. A. L. Boisniare. ' Geneve , Chcrhuliez; — B.«rbezat Polerme, (Sjtfile), Pedonhect Mu- ct Delartsci ratori; — Ba'af(Ch.). [m Tlnye, les fr^res Laugenhuyseii. ! Petcr.ibonrg. F. Bellizard et O ; — Lauzanne ,^\ichtiv- ; Graeff; — Plucliart. Leipzig, Brtjckbam; — G. Zirges. Rome , de Ronianis; — Merle. Lii^ge, Deioer; — Coiardin, LiuttgartU et Tu'nKgue ^ Cotta. LisL>nne , Paul Martin. Lomlref, P. Rolaadi; — Dulau et Cie ;__Trenttelet Wijrtz;— Bos- sange, Barikez, Lowell et C'^ . Turhi , Bocca. T'arsovie , Clucksberg. f'ienno ( Antriche ) , Gerold ; — Schaumbourg; — Scbalbaciier. laiVRIMERIE DE V*' THUAU , RCE XHS CLOITRE-SAWfX-BEJfoix , n" 4 O* LlVRAiSOJJ. ENCYCLOPEDIQUE ou ANALYSE RAISONNEE DES PRODUCTIONS LES PLUS REMARQUABLES CAKS LA. I,ITT£HATUBE , tES SCIENCES ET lES ARTS : PAR UNE niCNIOIV BE MsxgaE» na L'ursTii'irr *t d'adtru bommu nE i^atthcs. A PARIS, AU BUREAU DE LA REVUE ENCYCLOPEDIQUE, Et cbei SfeDILLOT, ub84iiu!, hhb dk i'odSon, k" 3o; AHTHUS BERTRAND, «o« BArTBMHiLii , »• »^. MARS 1831. DES COLLABORATEURS ET DES CORRESPO?fDANS , FRANQAIS ET ETRANGERS- 1°. Pour les Sciencsi physiques et math^mntiques etles Arts indus- triels ; MM. Bailly de Merlieux; C^sasgga. , de K[.adrid; Ch. Dc- PiK, GiiiARo, Navier, de I'lnstitut; J. J. Bacdk , DuBacNFAUx , H. Ddssard, Ferrt, Francobur, Ad. Gowdinet; D. Iardner, de Locdres; A. Michelot, Morea^ de JowaEs; QnETELEX, de Bru&cUes; T. Richard; Warden, des Etats-Uuis d'Amerique, etc. a°. Ponr les Sciences naturelles .- 'MM. Flodrews, Geoffrot Saiht- HitAiRB, de riost'tut; Bort de SaikT-Vikcemt, coiTCspondant dc I'la^titut; Mathieii Bowafous , de Turia; B. Gaillon, de Dieppe 5 Isidore Geoffeot Saimt-Hilaihb, Hcot, de Versailles, etc. 30. Pourles Sciences medicates i MM. Damiron, G.-T.Doin, Fos- SATi, Gasc; Gersow, de Hambourg*, de Kirckhoff, j'Auvers; Loi- sow; PiERQUis ; RiGOLLOT fils, d'Amitus; Viret; etc, 4°. Pour leS Sciences philosophiques et morales , politiques , geogra- phiques et historiques .-MM. M. A. Jblliek , de Paris, Foudaleur-Di- recteur de la Refue Encyclopedique ; Arth. Beucnot , Ad. BlaIiqui ; Alex, de La Bobde, Jomard , de I'lnstitut j M. Atsnel, Ch. CoMTE, Deppihg, Alphohse d'Herbelot, Dofau, DoifOYER, Gdi- cNiAUTjA. Javbert, J. Labouderse , Lahjcihais, p. Lami, Isidore Lebrun, Lesoeor-Merlim , Massias , Albert Moktemokt, Eusebe Saiverte, J.-E. Sat ; Simosds de Sisuondi , de Geuere; WAnsKoaKic, de Li^ge, etc.; Dopitr atiie; Ber-ville, Boucheke-Lefer , Paremt- Rbal, Ch. Rebodaro, Taillahdido, avocata; Yidaorbe , du P^rou , etc. 5°. Pour la Litlerature francaise et etrangere, la Bibliographic, VArchcologie et les Beaux -Arts : MM. Andrieuk, Amaurt-Duval , 6meric David, Lemercier , db Secdr, de I'lustitut; Aki/biedx, de Limoges ; Allou; I^l""' L.- Sw. Delloc ; MM. Burnoof fils, Chacvbt; Chiariki , de Varsovie ; P.-A. Coupiw , Fr. Degeobge, DausRSAH ; Ed. Gadttirrd'Arc; Pii. Uolbery, coiTespoudaulde I'lnstitut; Leoit Halevt, Hhsrichs , E. Hereao, Aucdste Jullien fils, Berkard Jnt- LiEti ; KAivcs, de Zante ; Adriek-Lafasge , J. V. Leclefx , A. Ma- MDL, MoNGiiAVB ; MoBSTARD, de Lausauue; C. Pagauki, , H. pATil, Aksei.me Petetijt ; Serge Poltoratzky , dc Moscou ; Pokgerville , DB REiFFf.NBERC, DB Stassart, dc Brusellcs ; Fr. Saivi, Scuritzlbr, Se^ius dr Sdokt; Leom Thibssb , P. F. TissoT, Yicuier, Viub- HAVE , etc. REVUE ENCYCLOPfiDIQUE, ou ANALYSES ET ANNONCES RAISONNEES DES PRODUCTIONS LES PLUS RSHARQUABLBS DANS LA LITTERATURE, LES SCIENCES ET LES ARTS. I. MEMOIRES, NOTICES, LETTRES ET MELANGES. IDEES SUR DES REFORMES ^CONOMIQUES, COMMERCIALES ET FINANCIERES APPLICABLES A LA FRANCE. FRSUimR ARTICLE. Si I'historien s'etonne de I'exacte ressemblance qui rap- pvoche les fautes et la destinee des Bourbons de celies des Stuarts, le publiciste ne peut s'empecher de remarquer de notables differences entre la revolution d'Angleterre et la revolution francaise,bien que toutes deux aienteu pour but de fonder la liberte civile et religieuse.Les effetsde la pre- miere furent restreintsa un territoire limite par la nature, T. XLIX. MARS i85i . 3 I /,74 SUR LA R6F0RME fiCOJNOMlQUE, etc. tandis que notre revolution scinble devoir regenerer tout I'ancicnmoiide, sans niemc en exceptor laGrande-Bretagne. La revolution anglaise, ne laissant aux plebeiensqu'une tres- petite portion de droits poliliques, se termina par la combi- naison intime des pouvoirs aristocratique,ecclesiastique et monarchique. En France , ou le mouvenient etait provoque par la masse eclairee de la nation, I'influence du clerge ct de la noblesse a ete detruite de fond en comble. Les repre- sentans de la nation francaise et les organes de I'opinion publique manifestee par la presse, en faisant retentir, dans toute I'Europe , d'energiques reclamations , signalerent le besoin et le-desir d'une reforme politique, devcnus au- jourd'hui communs a tous les peuples. Aussi, la taclie de la dynastie d'Orleaus est-elle tout autre que celle qu'accomplit la famille de Brunswick. Pour elle , il ne s'agit pas d'une alliance avec I'aristocratie et le clerge , mais d'une alliance avec les interets populaires. Appelee a satisfaire les besoins nouveaux de la societe , elle doit lui donner un gouverne- ment vraiment national, lui faciliter les moyens de deve- lopper libremeut ses forces intellectuelles et productives ; elle doit offrir a I'ancien monde le modele d'une bonne administration, et preparer I'equilibre futur de I'Europe, fonde sur la sainte alliance des peuples. Quelle immense carriere pour les esprits createurs! De- puis les municipalites jusqu'a ces liens innombrables qui rattachent les uns aux autres trente-deux millions d'liom- mes, il est ^ peine une seule branche de I'organisation sociale qui n'exige une reforme entieie : mais, do toutes les mesures devenues aujourd'hui necessaires , les plus urgentes sont cellos qui doivent avoir pour but d'ameliorer le sort de la grande majorite du peuple, en lui offrant un meilleur emploi de son tems et de ses lacultes, et des faci- liles nouvelles de se procurer les premieres necessites de la vie. Pour atteindre ce but, il faut avant tout hater les developpemcns du commerce, de I'agriculture et de I'in- dustrie du pays DE LA FRANCE. 475 T/liistoire entiere de I'huinanite prouve que les g,rands pix)gies de la race humaine ont toujours ete secondes par de grandes inventions scientifiques. La presse a sappe les fondeniens de la puissance de Rome catholique ; la poudre a canon a brise les langs bardes de fer de I'aiistocraUe feodalej notre epoque elle-meioe, caracterisee par la re- forme politique et ecouomique, ne manque point de leviers puissans pour operer d'immenses changemens dans la condition des homnieset des nations : ce sont les machines a vapeur et les cheniins defer. Les machines a vapeur ont rendu, des I'origine , d'eminens services k I'Angleterre. Si, pendant vingt ans, cette puissance a pu soutenir une guerre obstinee centre la France et I'Europe , si elie a pu supporter I'enorme fardeau de sa dette nationale ; c'est qu'elle dis- posait des ressources prodigieuses d'une industrie secondee par cet agent nouveau , dont la premiere elle posseda le secret. De I'autre cote de I'Atiantique, introduit dans la navigation, il donnait k une nation, pleine de jeunesse, mais qui ne compte pas plus de 10 millions de citoyens , les moyens d'exploiter, au profit de son bien-etre et de sa prosperite, un territoire aussi vaste que le continent euro- peen. Mais I'application la plus importanle de la force de la vapeur est d'une date toute recente; c'est I'invention des chariots adaptes au service des routes k ornieres de fer. En effet, jetonsun coup-d'ojil sur les r«Ssultals (|ue cette invention est appeiee a produire. L'homme rivalise de vitesse avec Toiseau lui-meme, et bientot les transports deviennent moins couteux par terre que par la voie de la navigation, plus expeditifs, moins dangercux , moins inceriaiiis : graces a ces communications plus rapides €t plus fre'quentes , chaque contree pent, desormais, meme dans I'interieur des terres , dislribuer egalement sur toute sa surface les objets ne'cessaires a la vie et les materiaux bruts de Tindustrie j les populations eparses sur son terri- toire, ainsi rapprochees, contractent mille relations nou- velleset se prctent reciproquement, par des combinaisons 3i. 4^6 SUR LA Rl^FORME l^CONOMIQUE, etc. devenues plus aisees , I'appui de leurs forces productives- des echanges continuels s'ctablissent alors entre des pays eloijjnes , aussi facilement que les rapports familiers qui unissent aujourd'hui deux villas limitrophes; et, lorsque la disette ou quelque autre fleau desole une partie du conti- nent, les secours que peuvent lui prcter ses voisins arrivent plus prompts et plus efficaces; cliaque nation continentale possede enfin la faculte de rendre les invasions impossibles, de doubler et de tripler sa population et sa prosperite , et de diminuer, dans la menie proportion, les charges pu- bliques. Voila de grandes esperances, sans doute ; mais elles ne paraitront ni imaginaires, ni exagerees , si Ton reflechit qu'elles sont accueillies en Angleterre, ou Ton construit , dans toutes les directions, des cliemins a ornieres, malgre I'abondance et la perfection des communications par eau que I'art et la nature y ont prodiguees deja; qu'elles sont accueillies encore dans les Etats-Unis , ou 3,ooo milles de routes nouvelles sont deja en construction ou en projet. L'indifference de la France pour cette grande invention tient a sa situation politique : pendant quinze ans , une lutte perseveranle pour la conquete de ses libertes a pu la detourner de la voie des ameliorations economiques et materielles, ou ses emules marchaient a grands pas; au- jourd'hui, triomphante de ses oppresseurs, elle peutdiri- ger son activile sur un projet qui ofFre a la fois les meilleurs nioyens de repondre a I'attente du peuple et de contribuer a la defense du pays , tout en augmentarit son ascendant sur le reste de I'Europe. Mais, qu'on ne se borne pas a considerer I'invention nouvelle comme etablissant une simple communication entre une region feconde en minerai et le fleuve le plus rapproclie, entre une ville manufacturiere et quelque port de mer ; il faut se representer la contree tout entiere , pour- vue d'un systeme complet de routes en fer, dont la capitale serait le centre, etqui,de la, etendrait ses branches, com me DL LA FRANCE. 477 les lignes du telegraphe , vers lous les points principaux, sur les cotes coiiune sur les IVonlieres. Le transport le plus important , soil rju'on le consid^re sous les rapports du commerce ou de la politique , est celui des hommes : une machine qui permettrait une economie des cinq sixiemes sur le tems et les frais, des neuf dixiemes sur les fatigues et les embarras que coute aujourd'liui ce transport, produirait, par cela seul etsans consideration du transport des marchandises , un cbange- ment complet dans I'aspect du pays. Avec (|uelle promp- titude et quelle commodite les marchands des villes de mer pourraient visiter les places de I'interieur , les habi- tans de celles-ci se rendre dans les ports, et les industriels changer de residence pour chercher un meilleur eniploi de lours talens ! Considerons ensuite les facilites ofTertes au manufacturier pour trouver des consommateurs j au com- mercant pour choisir des debouches necessaires au com- merce qu'il entreprend, ou pour rencontrer une propriete convenable a ses projets d'exploitation; aux etudians pour aller et venir entre le sejour de leur famille et le siege de leurs etudes; a tons les hommes enfm qui voyagent pour leur plaisir, leur sante et leur instruction (i). Ajoutons les avantages qui se raltachent a une prompte expedition , a un echange rapide de lettres et de journaux, et nous nous ferons sans peine une idee du progres introduit par cette grande operation, L'experience faite a Liverpool et a Man- chester, prouve que ce transportseul suffil pour donner un revenu proportionne a la valeur totale de la route (2) : (i) On ne peut prevoir combien s'augmenterait le nombre des Anglais et des autres etrangers qui viendraient en France s'etablir momentanement ou d'une maniere permanente, et loi apporter le seconrs de lears capitaux et de leuis talens. Une maison de campagne, a 5o lieaes de Paris, serait, au nioyen des chemins de fer , au-ssi comiuodement situee que Test anjoui- d'hni une maison distante scrdenient de 6 ou 7 lieues de cette viUe. (•2) Globe, 16 Janvier i83i : Rapport de G. STErHEWsoN sur le chemin defer d'Edimhourg, Glasgow et Leith. 478 SUR LA REFORME 1?:C0N0MIQUE, etc. diirant les dix premieres seraaines de I'dtablissement du cbemin construit entre ces deux villes , la tiixe pay^e par les voyayeurs s'est monlee k 18,000 livres (45o,"Oo fr. ), ce qui ferait 98,000 livres sterling (2,3.>5,ooo fr. ) pour I'anneo , ou environ 10 p. 100 sur le capital aJTecte d cette route (85o, 000 livres, ou -ii millions dc francs ).M. Ste- phenson, dans son rapport sur le cliemin de fer d'£dini- bourg, Glasgow et Leilh , evalue la somme A percevoir, sur les voyageurs seulement, entre fidimbourg et Glasgow, a 45,000 livres ( i,i?.5,ooo fr. ). Le cliensin de I'Obio et de Baltimore, aux £tats-Unis, lorsque treize milles a peine de sa longueur ^taient acheves, rapporta, par le transport des seuls passagers , 20,000 dollars ( 1 10,000 fr. environ ), dans les quatre mois qui suivirent son ouverture , ce qui donnerait 60,000 dollars ( 33o^ooo fr. ) pour une annee, ou 10 pour 100 sur le montant des depenses deja faites , qui s'elevaient alors a 600,000 dollars (3,3oO;00o fr. ) (1). Arobjection ([u'en France on voyage moins qu'en Angle- terre , on peut repondre que I'usage des voyages s'aug- mente avec les facililes qu'on trouve a les faire. Peu d'an- nees apres I'etablissement des bateaux a vapeur entre Glas- gow el Greenock , le nombre des voyageurs entre ces deux places s'etait accru dans une proportion decuple (2) ; entre New-York et Pbiladelphie , cette proportion a etc plus grande encore; et quoiqu'il existe maintenant sur ce point le plus beau modele de navigation par la vapeur , a I'ex- ception peut-clre de 24 milles d'un passage par lerre , on construit cependant un cheniin a ornieres sur la meme (i) Foiirtit annual rejwrt, etc. — Qnatrieme rapport annuel du presi- dent et des directenrs de la compagaie du chemin de fer de Balfimoie et de rohio. Baltimore , i83o (p. 4). A la page 10, on apprend que la consti'uction des 10 premiers milles a necessite une depense egale a celle qu'ont occasionnee les 56 milles snivans, d'ou Ton peut conolure que les resnltats seront encore plus avantagenx a I'avenir. (2) Mechanics magazine , n° 82 , p. ifiS. DE LA FRANCE. 479 ligne , seulenient pour le transpoil des passagei s et des denrees les plus legeres ; et les actionnaires iJe cetle entre- piise s'attendent, au inoyen de cettc nouvelle voie, a une auguienlation du nombre des voyageurs bien plus conside rable que celle qui a ete produite par la navigation dan- gereuse des bateaux k vapeur. Parnii leshuit oudix routes qui viendraient coucentrer le systeine general k Paris, il n'en est pas une peut-etrc qui ne puisse , au bout d'un petit nombre d'annees, produire un revenu raisonnable, assis uniqueinent sur les sonimes payees par les passagers : circonslance qui seule dcvrail decider la preference en fa- veur des routes en fer(i). Cependant, les avantagcs que rous vcnons d'enuniercr sont d'nne iiyportance secondaire, si on les rapproclie d'une consideration nouvelle. Aunioyen d'une pareilleniacliine, la defense militaire dupaysacquerraitdesrcssoiircesincoiinues jusqu'ici : il deviendrait possible de se passer de I'arniee per- manente , ce fleau des nations modernes, dont I'exislence s'opposeaux economies pressantesreclaniees par leur budget, ainsi qu'a I'anielioration morale des classes inleneures, el au developpement complet de I'esprit d'industrie et d'en- treprise. Quel pouvoir insense oserait concevoir le dessein d'attaquer une contree cpii possederait le moycn de porter sur le point attaque des millions d'liommes , dans le court espace de quelques semaines ^ et avec les depenses que ne- cessite aujourd'bui le transport seul des bagages et des mu- nitions , qui pourrait leur fournir constamment de I'lnte- rieur et au plus bas prix possiMe toutes les provisions necessaires ! La France , ainsi armee d'un grand syst< me de communications, aurait , pour sa defense, les avantagcs que I'Angleterre doit a sa position au milieu des mers. Quant aux marcbandises, nous devons avant tout nous (i) Dans un prochaia article , nous nous .lUaclierons A compare!' les avantagcs et les inconvcniens respectifs dw> canaux ct des cheuiins a oi nieres. 48o SUR LA RfeFORME fiCONOMIQUE, etc. occuper dc terlains ailicles, peu precieux en apparence, mais qui exeicent une influence prodigieuse sur I'lndustiie des nations, et dont la valeur est en rapport immediat avec les frais de transport. II s'agit du cliarbon , du sel , du fer , des pierres a cliaux, etc. L'histoire conimercialc de I'An- gleterre apprend qu'elle a du , en grande partie, son etonnante prosperite a son abondante production de ces articles , et aux facilites qu'elle a possedees pour les trans- porter. I.orsqu'ona compare I'industrie francaise a celle de I'Angleterre , on a toujours compris ces avantages parmi les principales causes de la superiorite de cette derniere. Piivee des moyens de distribuer ses charbons sur toute I'etendue de son territoire , la Fiance n'a pu rivaliser avec son emule pour !a force et le nombre des machines a va- peur. Eu Angleterre , ou les cultivateurs peuvent aisement se fournir de sel et de cliaux , I'agriculture est parvenue a un degre de prosperite que la France est loin d'avoir at- teint. On a dit que, dans la premiere, les usines etaient plus florissantes, parce que le charbon, le sel el la cliaux se trou- vaient reunis sur le meme point ; et que la superiorite de son agriculture et de son industrie manufacturiere tenait a la nature meme de son territoire. Ces raisonnemens ont ele j usles jusqu'a I'invention des cliars a vapeur et des clie- mins k ornieres(i). Mais, depuis cetle epoque, les Francais doivent attribuer a I'absence de I'esprit d'enlreprise, I'etat arriere de leur industrie. II y a en Fiance une quantite suffisante de houille, de sel , de fer, de chaux et de gypse ; ouvrez des voies arlificielles de circulation , et le charbon (i) Say, Cours d' economic jyoUtique pralique f t. n, p. 267. « Lorsqne le pailement d'Angleterre fit une enquete pour connaitre I'etat de I'inilus- trie en France, un ingenienr de manufactures , nomme Fairbairn, fut in- teiTOge ; on lui demanda si , meme en supposant que les Francais fussent pourvus d'anssi bonnes machines que les Anglais, i! croyait qu'ils jmssent rivaliser avec ces derniers pour leurs produits. II repondit qu'il en doutait, parce que les Francais avaient contre eux de grands desavant: 484 SUR LA Rl^FORME fiCONOMIQUE, ETC. livres. Sans aucun doute , le .systoiue des cheiuins de fei- velirerait un revenu de i5 a 20,000,000 au inoiiis du seul transport des sels. En 182G, la France produisit 1,614,4^*^ quintaux me- triques de fcr, et peut-etre a present en fabrique-t-elle 200,000 tonneaux. L'Angleterre en produit une quantile trois fois plus forte , ou 600,000 tonneaux. Les personnes qui dnt qiielque connaissauce de la constitution geologique de la France et de I'etat de sou industrie out souvent inanifeste cette opinion que la houille et le fer existaient en France eu tres-grande abondance , et que, pour elever chez elle cette industrie au meme degre de prosperite qu'en Angleterre, ilsuffirait de pouvoir y rencontrer le fer et la houille sur les meiues points (1). Ce que la nature a fait pour I'Angleterre , que la France le fasse pour elle-meme. En conipletant ses moyens de transport, elle pourraitrap- procher I'un de I'autre ces deux materiaux, de telle sorte qu'elle pourrait doubler et tripler sa fabrication de fer. L'economie faite sur le transport, depuis les lieux ou sout manufactures les gros ouvrages en fer, jusqu'aux endroits ou la consonnnation a lieu, reduirait, pour une distance de 5o a 100 lieues, leur prix de 00 p. loo, ce qui , par soi- nieine , serait un grand stimulant pour la production et (i) "Vlndustriel, 8' vol., n" 4 , p. 162. « On trouve en France, ainsi qu'en Angleterre, des houilles fournissant un coke de bonne qualite pour le haul fournean , et generalement ce combustible , excepte dans le uord (Aniches et Valenciennes) , ne revient pas a un prix plus eleve qu'en Angleterre. Le fondant et les terres refractaives y sont pareillement a vil prix dans I'endroit ou on les exploite ; enfin , la main-d'oeuvre est a meil— lenr marche en France qu'en Angleterre. Mais ce qui empeche nos eta— blisseniens actnellement existans de combattre a armes egales les etablis- semens anglais, c'est que nnlle part ils ne jouissent de I'avantage d'avoir les niatieres premieres reunies sur un point, en sorte que les frais de transport en augmentent les depenses. CeXte augmentation est d'autant plus considerable que nos routes sont generalement fort raal entretenucs et nos canaux en mauvais etat. DE LA FRANCE. 485 pour la consommalion. Tous ceux qui savent quelle in- fluence une giande production et una consoinmation pro- portionnee de fer doivent exercer sur toutes les parties de Tagriculture et de I'industrie reconnaitront I'impossibilit^ d'evaluer ici, en chiffres, ce progres important j quantal'cx- tension du revenu qu'en tireraient les cheniins de fer, elle est egale pourle moins a celle qu'on doit attendre du sel. Si nous etendions nos recherches a d'autres articles , quelle utilite nous offrirait une machine qui distribue , sur toute la surface d'un pays etendu, et sans accroitre mate- riellement leur prix ; tous les objets necessaires a la pro- duction eta la consommation, depuis le froment jusqu'a la ponime de terre, depuis les vins les plus exquis jusqu'au cidre eta la biere; une machine qui communique aux pays vignobles le superflu des pays ou se cultive le ble ( i) , aux contrtes voisines de la mer les produitsde I'interieur, aux provinces du sud les productions du nord; une machine qui permet aux grandes villes d'aller demander les articles les plus grossiers, necessaires a leur consommation, a des agri- culteurs dont les champs sonta centlieues de distance, et de leur envajfer en retour et avec une egale facilite les pro- duits de leurs manufactures! Remarquons bien que des ar- ticles meme dont I'importance commerciale nous parait tres-minime obtiendraient une grande influence sur la prosperite des villes et du pays, si leur marche s'etendait dans la meme proportion. On a loujours eprouve que de nouveaux moyens de transport amenaient la creation d'un grand nombre d'industries nouvelles, auxquelles on n'avait point pense precedemment. Qui pent evaluer aujourd'hui (i) << Lesbles de nos provinces de I'Dnest en France nourrissent les An- tilles et ne peuvent apaiser nne famine qui se fait sentir dans les departe- mens de Vest. Le transport quadruple le prix dn ble. Avec de bonnes routes et des nivigations rapides , la France n'eprouverait que bien rarement des disettes. Say, Econ. polit. prat.y t. ii , p. 269. - Nous ajoutons qn'avec un systeme de chemins en fer elle n'eprouverait jamais une disette. 486 SUR LA RliFORME feCONOMIQUE , etc les benefices que trouveiaient nos pecherics, h pouvoir foui- nir toutes les parties de la France d'huilres el de poissons de mer frais (i)! quelle serait la valeur dcs raisins, des citrons, des oranges et des autrcs fruits meridionaux que le nord viendrait cliercher dans la Provence ct dans le Langue- doc ! M . Ch. Dupin e value la quantile de grains consommes, en France, par ■j6 mille inoulins, ^ 7 milliards de kilo- grammes ou 7,000,000 de tonneaux (a). M. Chaptal estime la production de la France, en vins, k 3 172 milliards de litres ;3); ce qui, a i 1/2 livre par litre, en comprenant les barils et les bouteilles , donne environ 2 3^4 niillions de tonneaux. Un tiers a peu pres de ces produits est trausporle de la campagne dans les villes ; un quart va des pays a grains dans les pays vignobles, du nord au ."-ud, et 7Hce versd. Nous n'avons aucun moyon d'eslimer la quautite des transports efTectues pour les autres denrees qui ont a la fois du volume et du poids , comnie le foin , la paille , les bois, le marbre , le fumier et les engrais , etc. Rendre plus intimes les relations des villes et descampa- gnes, c'est procurer au pays I'avantage de doubler sa pros- perite et sa population. L'accroissemeut des villes depend des moyens qu'elles possedent de se procurer des vivres , des combustibles , des matJriaux pour la construction des edifices, pour les travaux de leurs manufactures, et d'en-> voyer au debors, en ecbange de toutes ces cboses , les pro- duits de leur Industrie ; aussi les grandes cites se sont for- mees generalement sur les rives^ et surtout a I'emboucbure (i) « Les lelais etablis de nos cotes jnsqu'a Paris, en peiinettaat aux Pa- risiens de manger de la maree fraiche, ont beaacoup augmente I'iniportancc de cette industiie dans nos departemens uiaritiiues. On estime que Paris seul consomme chaque annee pour pins de quatre millions de maree frai- che. » SfLY,Econ. polit. prat., T. 11, p. 10. Et combien cette consommation augmenterait ciicore , si le poisson peclie le matin ])0uvait £tre prepare le meme jour ponr diner k Paris , et le second jour a Strasbourg. (2) Forces i>roductivcs-de la France, T. i, p. a8. (3) De iindustrie frangaise , T. i, p. i^S. DE LA FRANCE. 487 lies fleuves. La piosperite des campagnes s'accroit en pro- portion des facililes qu'elles trouvcnt a porter leiirs pro- ductions sur les marches et a les ecbanger coutre les pro- duits manufactures des villes; nous voyons Tagriculture fleurir surtout dansle voisinage des graudes villes. La pa- resse est le plus grand ennemi de la prosperite; et quels adversaires opposer a la paresse, si ce n'est Temulation et le desir de jouir. Les provinces eloignees des villes, privees de demandes, ne donnent qu'une faible production, qui suffit du restc a leurs besoins restreints et a leur me'diocre ambition: leur plus grande consommaiion est ceile du terns au profit de la paresse. Mais , que les demandeurs arrivent, qu'ils se presenteut avec roffre des richesses fournies par I'industrie des villes, et le desir d'acheter des jouissances nouvelles arrachera au sol des produits plus que doubles des precedens. Non-seulement la vie nouvelle , introduite dans le pays par ces grandes facilites de mouvemens et de communica- tions , amene un grand accroissement de population ; elle fera plus, elle procurera a !a France un juste iiquilibre entre ses deux populations agricole et manufacturierei Tous les economistes sont d'accord la-dessus, cjue la veri- table proportion entre les differentes classes de producteurs doit donner un agriculteur pour un manufacturier ou non- agriculteur. L'Angleterre, il est vrai , compte deux manu- facturiers pour un producteur agricole j mais I'industrie manufacturiere de I'Angleterre s'est approprie une part dans I'industrie qui devrait appartenir aux pays etrangers; elle sera obligee de la ceder, a mesure que ces pays feront des progres dans cette carriere.En France, au contraire, il y a deux agriculteurs pour un manufacturier, vingt mil- lions contre dix; il faut done que ce dernier nombre soit double pour arriver a cet equilibre , sans lequel I'agricul- ture du pays ne pent point atteindre son juste devcloppe- ment. Cette proportion s'elablira aussitot que les nioyens de transport donueront aux villes lu Tacilile de recevoir des 488 SUR LA RltFORME fiCONOMIQUE, etc. cauipa{l[nes, et de lenvoyer a celles-ci le double des provi- sions qu'ellcs echangent aujourd'hui. Les effets d'un paieil perfectionnement ne se luontre- laient nulle part avec plus d'eclat que sur Ic point on toutes les branches diverses du systeme viendraient se concentrer : c'est-a-dire, a Paris. Cette ville , tout immense qu'elle paraisse etre dejA , est susceptible, sous cette in- fluence nouvelle , d'un accroissement qui depasse toutes les conceptions possibles aujourd'hui. Voyez Londres, qui renfenne au deia de i,5oo,ooo liabitans, c'est-a-dire, pres de la hnitieme partie de la population totale du pays dont elle est la capitale. Paris devrait avoir, si Ton admet- tait la nieme proportion, 4?ooo,ooo d'habitans. D'ou vient cette difference? Les causes en sont evidentes; Londres a plus de facilites pour tirer le combustible , les materiaux bruts reclame's par son industrie et toutes les denrees qui lui sont necessaires , soil du dehors , soit du pays menie ; elle a plus de facilites pour distribuer ses produits dans les provinces qui I'entourent et dans les pays etrangers. Ravi- vez le commerce, I'agriculture et I'industrie de la Finance, en leur ouvrant les communications artificielles que pos- sede I'Angleterre; mettez Paris dans les memes circonstances favorables pour I'echange de ses produits contre ceux de ses provinces et da continent europeen , et bientot vous verrez Paris depasser de beaucoup sa rivaie en ^tendue et en population. Je sais que bien des gens considerent les grandes villes comme les fleaux de la societe : vieux prejuge entretenu par les gouvernemens de France et d'Angleterre, qui sans cesse ont porte des lois contre I'effrayante crois- sance de leurs capitales respectives. Mais, si nous ecoutons les economistes les plus eclaires de notre epoque , les in- conveniens des grandes villes nous paraUront bien com- penses par leur utilite pour la nation qui les entretient. Disons plus, les grandes villes se forment aussi naturelle- nient au milieu des pays etendus et florissans que les tetes vigoureuses sur des corps amples et bien nourrisj pour DE LA FRANCE. 489 ceux qui ne veulent point de vastes et riches capitales , il faut d'abord etouffer la prosperite, eclaiicir la population du pays. Seconde par un grand systeme de cliemins de fer, Paris pourra rivaliser avec Londres nieme , sous le rapport du commerce exterieur. Si, coinme nous I'avons avance plus haul et comme nous le prouverons, les transports sur les routes nouvelles, arrivees a leur perfection , peuvent lutter avec succes contre la navigation maritime, la France fera 4e Paris le centre du commerce continental. La majeure partie des marchandises qui se diligent de I'Espagne vers I'ouest et le nord-ouest, ou dans le sens contrairc , pren- dront cette direction; de meme, de la plupart des deni-ees qui vont de I'ltalie et du Levant vers le Nord, et de toutes celles qui, venant des deux Ameriques et des Indes, se dirigent vers l' Alsace , la Suisse et I'AllemagQe meridionale. Unseul coup-d'ceil jcte sur la carte doit convaincre uu es- prit judicieux c[u'apres I'etablissement des chemiiis de fer, le Havre deviendra le port le plus convenable pour les rapports commerciaux de 3o, 000, 000 d'hommes avec les deux Ameriques et les Indes orientales et occidenlales. Le systeme francais de cbemins de fer s'etendrait sur la Bel- gique, ritalie , la Suisse , I'Mlemagne et la peninsule Ibe- rique , et porterait partout I'influence commerciale , morale et politique de son point central. La France conquerrait le continent europeen, non par les armes, mais par la civilisation; non pour lui arracher des contributions , mais pour etendre son industrie ; non pour le rendre tributaire de ses succes, mais pour le faire participer par des avan- tages mutuels a tous les biens qui devraient en resulter. Elle niarcberait a la tete d'une reforme econominue et commerciale, comme elle s'avance aujourd'hui en te!e de la reforme politique europeenne. Elle introduirait le seul veritable systeme continental propre a consoUder son as- cendant moral , politique et commercial, sur les nations de I'Euiope , sans avoir a craindre I'opposition ou la puissance r. XLix. MAiis i83i. 32 /^go • PROJET I)E LOI iiavale dc rAnglelene , la vengeance et la jalousie des au- tres nations. Ce n'est plus ci la centralisation du gouverne- ment que Paris irait demander les moyens de soutenir sa prosperite. Point de grands progres pour I'industrie, la civilisation et la liberie , si chaque commune , cliaque dis- trict, chaque departement n'a point la connaissance de ses propres affaires , I'election libre et le controle des liommes charges de les gerer. Aussi , Paris, considerant le monopole de I'administration comme un obstacle a sa prosperite , au lieu de fournir des administrateurs aux provinces, leur en- verrait une immense quantite de produits manufactures, et en recevrait, en echauge , non plus d'enormes contribu- tions destinees a alimenterune consommalion sterile, mais des provisions de toutcs sortes , et des matieres premieres pour ses fabriques. Ce ne serait plus le point de reunion de ceux qui veulent vivre aux depens du peuple : Paris de- viendrait le centre de I'industrie et des richesses de la Fiance J il s'agrandirait desormais par la production et les bienfaitsaulieude croitreparla consommation etlesabus. List. PROJET DE LOI POUR L'INSTRUCTION PRIMAIRE; »E RKFtESIONS SUR LA LEGISLATION ET LES ORDOHNANCKS CONCERNANT l'iNSTRUCTION PRIMAIRE. Depuis long-tems, les amis de I'instruction universelle sollicitent une loi pour les ecoles primaires. Frappes, d'une part, des inconveniens attaches au systeme des ordonuances, et, de I'autre , de Timpossibilite de pourvoir partout en France aux besoins de I'instruction populaire , tant que la LOI n'aura pas dispose imperativement , les philantropes POUR L'INSTRUCTION PRIMAIRE. 4<)t francais n'ont cesse de reclamer, comme indispensable, line loi speciule sur la Jiialit-re , tout-a-fait independantc des lois et des reglemens sur rinstniction superieure et classi- 5 et i6. D'autres nations, plus jcunes que la notre , mais plus avancees cepeudanl sous le rapport de I'education popu- laire, ont consacre un principe eaiineuinient utile pour as- surer I'existence des ecoles, c'est que toutc commune est tenue de fournir le local necessairea la classe et au maitre; lualhcureusement, cliez nous, il y a trop d'inegalile entre les ressources locales. La loi ne pent prescrire encore cette obligation d'une maniere generate et absolue, et nous avons omis, quoiqu'a regret, la regie qui en aurait fait un devoir. II est des contrees ou non-seulement I'enseignement pri- inaire est un devoir a remplir par I'Etat, par les commu- nes, par les families; mais, ou c'est encore une obligation rigoureuse pour les individus de frequenter les ecoles pu- bliques. On va jusqu'a exiger d'eux les connaissances ele- nientaires, lors de la celebration du mariage. Quand vien- dra en France le jour oil I'opinion traitera de mauvais ci- toyen celui qui aura refuse a ses enfans les notions elemen- taires, ou neglige lui-meme de les acquerir? Mais , pre- nant en consideration I'etat actuel des clioses dans notre pays, nous avons craint de violenter la liberie individuelle, de donner a I'autorite une sorte de pouvoir inquisitorial sur la famille, et nous avons juge plus convenable de sub- stituer a cette action I'aiguillon des encourageniens. Mais aussi , a I'art. i3, qui exige pour les emplois inferieurs les connaissances d'unbon instituteur primaire , nous es- perons que Tadininistvation ajoutera d'elle-ineme une me- sure plus etticace encore, ct quelle reseivera un certain POUR L'INSTRUCTION PRIMAIRE. .■)u5 noinbre de ces places secondaiies pour les maitres qui se seraient distingues long-tems dans I'exercice dc leur pro- fession laborieuse. Cette recompense influera elle-meme sur les ecoles , sur les enfans et leurs families. Or , il ne faut pas nioins pour esperer de vaincre I'apathie d'une certaine portion de la population francaise a I'egard de I'instruction. C'est la une verite qu'il faut avoir le courage d'avouer; et quoi- qu'il soit vrai d'ajouter que le manque de ressources a ete jusqu'ici le principal obstacle a Tinstruction universelle en France, toutefois on est force de reconnaitre que I'ardeur de s'instruire n'a pas encore atteint toutes les classes infe- rieuresj que le besoin n'en est pas assez compris, assez senti par les masses; et que , meme dans les villes , le peu- ple ne profile pas toujours des lecons gratuites qu'on lui offre avec prodigalite. Sans doute , !a mesure prescrite par I'art. 6 apportera ici une amelioration. Pour constater, comme il I'exige, le nombre des families qui requierent que la commune et rfitat viennent a leur secours, on sera oblige de faire une libte nominative des enfans en age de frequenter les ecoles, et Ton parviendra peut-etre enfin par degres a ce c[ue nul n'ecliappe au bienfait de I'instruction, a ce que lous fre- quentent If'S classes ; tous, a I'exceptibn des infirmes , et de ccux qui recoivent noloirement et suffisamment I'ins- truction dans la maison paternelle. Un autre stimulant pourra etre offert aux families, en accordant des places , dans les ecoles publiques d'arts et metiers entretenues par I'fitat, aux sujets les plus distingues des ecoles rurales. L'art. I o dispose que les communes pourront faire des fonds en commun pour I'etablissemeut d'une ecole , a pla- cer sur le lerritoire de Tune d'elles. Cette mesure est une de celles dont nous esperons le plus de resultatsj mais il faut que I'admniistration superieure eii assure le succes par une initiative protectrice. Provoqu ;r les citoyens a cette T. XLIX. MARS l83l . 33 5o6 PROJET DE LOI association patilotique ct les guider par des conseils, c'est detruiie un des plus grands obstacles qui arrctent la for- mation des ecoles. Trois communes manquent chacune des ressources suffisantes pour creer et entretenir une classe, et du nonibre d'enfans qu'il est utile et economique de reunir; alors, qu'elles choisissent un local dans celui des trois endroits le mieux situe , qu'elles confondent leurs moyens, qu'elles supportent par tiers les frais de loyer, de mattre et d'entretien , et toute difficulte disparait. 1/administration doit encore favoriser et provoquer la formation des societcs philantropiques, des comites d'en- couragement pour I'instruction populaire. Ces associations bienfaisantes ne sauraient etre trop multipliees sur tous les points du royaume. L'accomplissement des art. get i3 suppose que les ecoles seront ouvertes pour les adultes. Nous n'avons pas cru de- voir indiquer a ce sujet des niesures legislatives, parce que rien ue s'oppose a ce que I'autorite locale mette les classes a leur disposition les soirs et les cUmanches , et a toutes les heures que I'instruction des enfans laissera librcs ; I'accrois- senient de frais sera modique ou nul meme pour I'Etat; car on a lieu d'esperer, avec I'impulsion salutaire c[ue va prendre le gout de I'instruction, que les adultes pourvoi- ront d'eux-menies a cette depense legere. Ce n'est pas le tout d'instruire la population entiere dans I'art de lire , ou plutot ce n'est la qu'un instrument , il faut encore fournir au peuple des sujets de lectures et a I'intelli- gence du lecteur un aliment clioisi. C'est au gouverne- ment de creer ^ de generaliser les bibliotlieques populaires, de provoquer par des concours la composition de livres bons, simples et utiles j de faire germer ainsi dans les cceurs tous les sentimens moraux , genereux et lionnetes , comnie dans les esprits les principes ties arts utiles a la so- ciete. Qu'il songe surlout a relever aux yeux des citoyens el des maitrcs eux-meu.es la function penible d'instituteur ; POUR L'INSTRUCTION PRIMAIRE. ^07 que cette taclie laboricuse Jevienne ce qu'elle doit etie, la plus honorable des industries, el pour ainsi dire une sorte de niagistrature. L'administration y contribuera sansdoutc par sa sollicitude, et Ton cessera de voir les hommes char- ges du sort de I'enfance parlager leur tenis entre elle et des soins qu'on repugne a qualifier; aussi I'art. i5 iiiterdit a I'instituteur toute occupation qui detruirait la confiance des parens et le respect de la jeunesse. Mais, en nieme terns, pour qu'un maitre d'ecole se borne a sa profession , pour qu'il renonce a ctre sonneur ou tambour , bedeau, servant ou nienetrier, il faut qu'une suffisante existence lui soit as- suree par la prevoyance de I'autorite. II est juste d'accorder a I'instituteur priniaire un* faculte donl il etait privee , sauf les exceptions, par le code uni~ versitaire^ savoir, de recevoir chez lui des eleves pension- naires : la presente loi abolissant les privileges en niatiere d'instruction priniaire , il n'etaitpas necessaire de specifier celui-la. L'art. 3, qui donne a I'autorite municipale le droit de visiter, en tout leius^ I'habitation des instituteurs primaires , previent I'abus qui pourrait nahre de I'cxercice de la faculte qui leur est accordee ici implicitenient; au veste , il est bien entendu que I'enseignenient classique ne sera pas donne dans les ecol«s primaires. L'examen des instituteurs , dont il est question a l'art. 5, n'est obligatoire que pour les maitres des ecoles commu- nales; il est facultatif pour les autres. C'est a I'autorite a fixer les diflerens degres de cet examen ; uiais nous devons dire que I'experience etmeme I'autorite ont deja prononce sur I'inconvenient d'admettre legalement trois degres d'in- struction ; car c'est autoriser un troisieme degre trop infe- rieur et presque toujours insuffisant; c'est perpetuer I'i- gnorance des maitres , plus fatale encore que celle de I'enfance; enfin c'est reculer indefiniment I'emploi et la propagation des pi ocedes perfectionnes , procedes qu'il faudraitaccueillir pour leur economie incontestable, quand nieme leur superiorite ne serait pas aussi evidente que I'a 33. ?o8 PROJET DE LOI piouvc I'experience. Aussi, qiioiquc celui tic I'enseigne- T»rnt mutuel ne soil pas nomine dans la loi, il n'y a au- une doute que les personnes charp,ees de Texanien des can- didats sauront distiuguer ceux qui possedent les bonnes methodes et (jui possedent, en outre, ['application de ces melhodes au dessin lineaire , a V arpentagc , a la geogra- phic tletnentaire , etc. Le succes de rinstruction dependra beaucoup., au reste, du prompt etablissement des classes iiormales departementales , creation que nous appelons hautement de tous nos vcei,ix , et dont I'art. i4 du projet fait une obligation a I'fitat et aux departemens. Deux grands elTets decouleront de cette loi , si elle est adoptee : le premier sera d'ameliorer les services publics par la maniere dont seront remplis a I'avenir les emplois inferieurs; on ne les a que trop coufies a I'ignorance ou a rinconduite , en les prodiguant a la faveur , ou en en fai- sant la recompense de services domesliques, conime si rfttat devait avoir pour agens le rebut des particuliers. Le second sera de reduire par degres la population des pri- sons et des hospices. Qui done oserait se plaindre de la de- pense de Veducation primaire , faite au profit de toute la nation, puisqu'elle sera aussi productive? Serait-ce trop , pour epargner les millions que content a I'Etat ces asiles de rindigence , ou la justice civile et niilitaire , qu'une pe- tite partie de ces memes sommes, de ces enormes saciifices? Qui peut nier, d'apres I'experience de I'Amerique, de I'An- gleterre, d'apres la notre meme, que I'instruction du peuple tend a depeupler les prisons et les bagnes successivementj tanclis que nous les avons vus se remphr et se multiplier par la continuation d'un systeme d'ignorance bonteusement calcule? L'instruction des masses etant le veritable et uni- que instrumejit de la prosperite nationale et de toule anie- boration future, la retrancher de peur de la depense se- rait imiter le laboureur qui , par economie , epargnerait I'acbat du fer de la cbarrue, ou bien I'ouvrier qui se dis- penserait d'acbeter des outils. POUR L'INSTRUCTION PRIMAIRE. Sog C'est done avec confiancc que nous proposons d'appeler la France cntiere a concourir , par dcs allocations sur le budget de I'Etat , a la propajjation des ecoles priinaires. Get appel sera entendu^paitout, surtoutsous les chaumieres, et le peuple ne tardera pas a benir une loi bieufaisante, a s'associer aux sacrifices frOO»<» fi'. SCIENCES MORALES ET POLITIQUES. 5',5 retranchetnent sur le milliard que nous payons pour etrc adininistres et gouvernes , ce seiait la deja assuiemcnl un important resullat. Examinons done ce travail avec une sericuse attention. D'ailleurs, la plupart des questions po- litiques qui tiennent aux grands interets du pays seront na- turelleinent rappelees dans I'analyse que nous allons en faire ; car tout est dans un budget. Enfin quelques rappro- cliemons que nous presenteronsentre ie budgetbritannique ct le notre ajouleront au degre d'iniportance et d'utilite dc cet examen. On comprendra, au surplus, que nous devons nous borner a ofFrir les elemens principaux d'un tel tableau comparatif , et laisser au lectcur a en deduire les consequences. Dans une introduction courtc ct substantielle , I'auteur expose I'objet de son livre : « Depuis quinze ans, dit-il, on parle en France d'economies; depuis quinze ans on se plaint de renorniite des depenses et de la forme vexatoire de laplupartdesimpots. Mais jusqu'a present, ilestpermisde le dire, on n'a obtenu la repression d'aucun abuslinancier, la reduction d'aucunc prodigalite de quclquc importance. » (P. 3. ) M. Duchesne en voit avec raisou la cause dans ce gouvernement anti-national qui pesailalors sur la France, et ne s'attachait « qu'a salarier I'oisivete des courtisans ct des liauts fonctionnaires, d payer les services des emigres et les intrigues de la congregation , a couvrir la Fiance d'espious et de delatcuis, a lever des arniees d'etrangers et de Vendeens , enfin a river nos fers ! » ( P. 4- ) Ainsi , en eflel, onteie devores quinze milliards par une administra- tion c[ui ne pent citer aucun monument important dc son passage, etnous a laisses, malgre cette enorme absorption de nos deniers , sans armee , sans marine , avec un deficit augmcnte et une deltc (juadruplee. Yoiia ladminislratioti doiU nous sommes encore oljliges d'enlendre incessanimcnt I'apologie, plus ou moins ouverle, dans le scin mcme des assemblees qui ont dii en consacrer le rcnversement I Aprcs avoir oppose le cliiffrc si inlerieur des depenses 546 SCIENCES MORALES de la France lepublicainc et iiupeiiale, a celui de la France rei/aM/'^e avoc pies dc cinquanle departomcns de moins, M. Duchesne deaiontre la necessite de frapper d'une main ferine les abus et les prodigalites dont I'aucien gouverne- lueuts'est rendu coupable , el qu'un respectable magistral, M. Barbe-Marbois , liii reprochait tout recemment avec t'licrgie , quand i! disail, dans son discours de rentree a la cour ties comptes , « qu'd multipliait k plaisir les emplois, les hauls traitemens. les indemnites , les gratifications, les enormes pensions , les logemens , les ameubleniens , les doubles et triples fonctions, ou mal remplics, ou inutiles, ou seuleinent nominales , et traitait toutes les vues d'eco- nomie qui !ui etaient presentees A'iiyipraticables el de bar- bares. » L'auteur expose eusuile les principes d'apres lesquels il a concu son plan general d'economies. Ces principes sont a la fois raisonnables e; gcnereux. II altaque les ;ibus de la centralisation , du cumul , ties pretendus encouragcniens donnes aux leltres et aux arts , des frais de representation, loujours allegues pour maintenir les gros salaires dans loute leur integrite. D'une autre part, il reprouve cet odicitx sjsltnie de Jiscalitc i\m tend coustainnient a faire de plus en plus produire a I'unpot indirect , parce que celte nature d'inipot peso surtoutsur les classes laborieuses et pauvres, et tourne d'aulant plus, par consequent, a I'allegement des classes superieures et moyennes. Un tel systcme parait avec raison a M. Duchesne tout-a-fait con- traire au but que doitse proposer un gouvernement fond(; snr !c droit et les interets populaires ; il amenerait lot ou laid , si I'on y persistait , les plus j'unestes resultals. Ceci pose, l'auteur enlre en maliere par rexamen du budget pailiculier de la justice. Sur ce chapilre de iios d(5penses publiques, lixe, ])ai la lui de finances de i83o, a la somiue de iC),b-?.ci,o'?.o IV. , il propose une reduction de 3,758,9')o fr. , dans laquelle la lour de cassation, les cours royales ot les tiibunaiix dc ET POLITIQUES. 547 premiere instance comptcnt pom 2,000,000 fr. A I'ai- licle du conseil d'etat, il passe en revue les diverses opi- nions eniises sur celte institution dans ces dernieres aunees. L'etablisseinent d'une cour de justice administrative a Paris lui parait devoir entrainer une foule d'inconveniens, et son sentiment, qui differe pen de celui de I'lionorable M. Be'renger , est » qu'ii faudrait dcferer aux cours royales, jugeant sommairement et sans ministere d'avoUes, tous les appels des decisions rendues par les conseils de prefecture dans les iimites de leur competence actuelle : d'ou resulte- rait le triple avautage de faire intervenir I'administration dans le debat pour I'eclairer, de le faire juger en dernier ressori par des magistrats inamovibles, et de rapprocher le juge du justiciable (p. 42)- » Nous avons a peine besoiu d'ajouter que I'auteur admet la suppression deja accomplie des ministres d'etat. Quant au traitemeut du ministre de la justice , ainsi que celui de chacan de ses collegues , il croit qu'on peut tres-convenablement le fixer au laux de 80.000 fr.: il ne s'elevait qu'a 75,000 fr. sous le consulat. Si nous comparons cette parlie de notre budget a I'article correspondant du budget britannique ( 1828 ) , nous trou- vons que I'administration de la justice s'eleve dans tout le royaume-uni a la sonime de i2,5oo,ooo fr. environ. Pour effectuer cette somme, on doit reunir plusieu: s articles epars; car il ne faut pas cliercher dans les etats financiers de I'An gleterre la classification reguliere qui distingue les nolres. Sous le pretexle frivole que des depenses analogues ont ete aulorisees par des actes des parlemens, qui ne se rap- portent pas a la meme epoque , elles sont souvent separees et confondues avec d'autres ,d'une nature trcs-di verse. C'est ainsi que , tandis que le cliapitre de la dtpense civile permanente porte , pour les cours de justice d'Angleterre , 3,759,125 fr. , les frais de celles d'Ecosse et d'Irlande sout compris dans un cliapitre intitule aittres paiemens , ou se Irouvent aussi des demi-soldcs, des primes pour les pecbe- ries , etc. Co desordre a ete quelquofois la cause d'erreurs 548 SCIENCES MORALES assez coiibideiables de la part d'cciivains etranp,cis qui s'en rapportaient trop vite aux cliiffres apparens. On peut croire que radministration actuelle fcra disparailre une imper- Jection qui ne pcul avoir aucun avantage. Sur le budget des aiTaircs etrangeres, qui s'clevait scule- nient, a I'epoque du famoux comple rendu, hi la somme de 3,goo,ooofr., et que la cliambre a arrete pour iHoOa celle de 8,n(i,ooo fr. , M. Duchesne propose une reduction de i!,35{,ooo fr. qu'il obtient \° par une collocation plus eco- nomique de nos agens diplomatiques et consulaires; par la cessation du paiement des Z/i'77;t'5 (200,000 fr. ) ou rede- vances accordees aux Etats barbaresques sous le titre liclif de leer annuel des concesfiorts cojnmerciales obunues en Afrique , et dont il est assurenieut impossible que notre expedition d'Alger ne nous ait pas a tout jamais affranchisj 2° par la suppression d'une foule d'emplois, verilables sine- cures , dont la liste est presque ridicule dans un tel clia- pitre des de'penses d'un grand empire, et ou figurent un publiciste a b,ooo fr., irois historiographes a la, 6 et 4,000 fr., un AuMONiER a 2,4oo fr., un medecin a 2,000 fr., un archilecle a 4,000 fr., etc.; M" enDn , par la diminution des depenses interieures, dont on peut comprendre I'exa- geration, quand on voit le seul article du bois de chauftage porte a 4oj0^o fr. , ce qui fait, tcrme nioyen pour cliacun des quatre-vingl-douze employes du minislerc , dix voies DE BOIS PAR TETE I Ainsi reduit, le budget des affaires etrangeres depassera encore cet article des depensesen Anglelcrre, lecpiel fait , comme on sait, partie de la lisle civile, et ne se monfait, en 1828, qu'a 5,65o,ooo fr., somine c[ui parailra assure- nicnt pen considerable, .si Ton considere rimmensite du commerce brilanni(|ue et la mulliplicile des points sur la face entieie du globe ou il est rigoureuscment oblige d'en- tretenir des agens. Passons au ministere des cubes et de I'lnstruclion publi- cjup , dont le budget est necessairement divise en deux clia.- ET POIJirQUES. 54g pities ilislincls. Quant au premier, qui s'elevait r-u 1S29 a 35,891,500 fr., M. Duchesne rappelle qu'en i8i3 toutes les depenses des cultes chretiens so niontaient seulcnient, pour cent trente-trois departemens, a 1 7,000,000 fr., en n'y comprenant pas, a la verite, les pensions ecclesiastiques , qui comptaient alors pour une sonime de 24,000,000 fr. ; mais, conime celte somme se trouve aujourd'hui reduile par les extinctions a 6,000,000 fr., il est evident que Ic budget du clerge ne devrait, dans celte proportion, s'elever fr., et qu'avec cette sonime le clerge serait encore bien niieux retribue que sous I'ini- mense empire dont le chef etait toutefois de sa part I'objct constant des plus seiviles adulations. Sur ce chapitre , I'auteur propose une reduction de 6,091,700 fr., par la diminution des trailemens particu- liers accovdes aux cinq cardinaux francais , traitemens de- puis supprimes par une ordonnance royale , que M. Du- chesne trouve trop severe, sous le pretexte asscz, It'ger que la France a besoin d'etre representee au conclave. En ou- tre, il fixe le traitemenf de I'archcveque de Paris a 4''>'>oo f . au lieu de 100,000; ceux des treize autres archeveques a i5,ooo fr., aulieude 25, 000 fr.; et ceux des soixante-six eveques a 10,000 fr., au lieu de \5,or>o fr. Ces reductions, qui paraissent raisonnables, eussent ete penibles , sans doute , pour messieurs de Paris, de Rouen, de Lyon, et de Sens, qui se faisaient cliacun, de facon ou d'autre, sous le regime de la restauration, 200, i5o et 100,000 fr. de rentes ; mais une ordonnance royale recente leur a fait une part un peu plus exigue au budget de I'Etat. Quant aux cures , le concordat avait statue qu'il y en au- rait un par chaque justice de paix. Comme le concordat n'a pas plus ete observe sur ce point que sur beaucoup d'autres, il s'en trouve actuellement quatre cent cinquante-quatre de plus, que M. Duchesne propose par consequent de ra- mener a la situation de simples desservans. Le traitement de ces derniers ne subira aucune reduction; celui des cu- r.5o SCIENCFS MORALES res, i|ui est d'unc si faible valcur , compare a lour casuel , sera abaisse a i,ioo fr. Sur ce casuel ils aiironl aiissi a payer les vicaires, c[ui sont charges d'acconiplir uiie parlie de leiir liesognc. La diminution des soinuies aireclees aux ecoles secondaires ecclesiastiques , tjue I'auteur voudrait voir reduites a line par departeinent ; aux constructions et depenses diocesaines, presque uniquement faites au profit du luxe episcopal ; aux consjregations de fcmines, qui, de- puis la loi de iSaS, ont recu pour plus de quaranle-cinq millions de liberalites; a I'inutile chapitre de Saint-Denis, oil dix chanoiues eveques , qui n'officient ni ne resident, sont payes 10,000 fr., et vingt-quatre d'un ordre inferieur 4,000 fr. , tandis que les clianoines de Paris n'ont que 2,400 fr.; de plus, la suppression d'allocations nianifeste- ment abusives, et sous le voile desquelles se cachaient les largesses faites a la congregation, completent le rhiffre des economies proposees sur ce chapitre. Ici, comme on sait, il n'y a lieu a aucun rapprochement avecrAngletcrre , ou I'eglise etablie posscde d'enormes revenus, et ou les ci- toyens sont accables en quelques parties du pays sous le poids des dimes et des redevances ecclesiastiques, mais dont le gouvevnement ne salarie lesministres d'aucun culte ; ajou- tons que les richesses du clerge anglais y contrastent peni- blement avec les miseres des classes inferieures, et que la reforme d'un tel etal de choses sera probablement un jour Ic resultat de celle ([ui se discute aujourd'hui dans le sein du parlement, et plonge la nation tout entiere dans de si vives anxietes. M. Duchesne voudrait que le second chapitre de ce budget, relalif a I instruction publi([ue , el qui s'eleve a 5, ''1 54 000 fr., flit reduil de 1 ,''98,7110 fr. ; cette reduction d'un quart paraitra considerable; mais, en oxaminanl les choses de pres, on reconnait qu'elle n'est pas exageree et qu'elle pourrait meme ctre depassee. La dotation primi- tive de rUniversite etait de 40^5000 fr. de rentes sur !e grand-livre; en y ajoutant les bourses et demi-bourses et ET POLITIQUES. 55 r les leliiljiUions univcisitaires, I'Universile devait faiie face aux depenses du haul enseiguenient. Eh bien ! il se trouve a present qu'independainnieiil ilcs 767,800 fr. destines au paiement des bourses et denii bourses , I'fetat est encore greve de 927,000 fr. pour I'instruclion du corps universi- taire et des colleges. Pour remellre cet article de depenses sur i'ancien pied, I'auteur propose d'abord de souniettre a la taxe universitaire les petits serninaires . ou du moins le plus grand nonibre de ces etablissemens, qui en avaient ete dispenses pour ruiner peu a peu I'Univcrsite , etla rempla- cer ulterieurement par une direction Loute jesuitique ; en- suite, de diminuer les bourses et denii-bourses qui etaient Japlupart du terns accordees par faveur a des enfans d'c- migres, conibles de places et de pensions. II trouve ensuile a faire d'importantes reductions sur le traitenient des nieni- bres du conseil royal, des inspecteurs-generaux , des rec- teurs, etc.; aureste, nous avouerons cju'i'ci I'auteur nous paraitassurement porter beaucoup trop loin le lespect pour ce qui existe. La constitution actuelle de I'Universite, cet(e confusion d'une administration toute fiscale avec un corps enseignant , appeile evidemment une reforme complete. II n'y a plus rien la qu'un monopole ridicule, entierement in- compatible avec I'exislence actuelle du pays. Sous ce rap- port, nous ne trouvons non plus de I'autre cote du detroit aucun point de comparaison avec ce qui existe parmi nous. L'instruclion publique n'y est point une affaire generale , mais locale : par consequent, elle n'a point un article special au budget de I'foai. Nous voici parvenus au foyer de cette centralisation si vicieuse et tant attaquee depuisnombre d'annees par toutes les oppositions qui se sont succede , et toujours ensuite defendues par elles, sitot que le pouvoir leur a ete livre. II s'agit, comme on voit , du minislere de I'interieur, dont plusieurs annexes viennent d'etre renvoyees a ce ministere du commerce, qui a subi tant de vicissitudes. Sur le bud- get de ce ministere , tel cju'il etait conslitue avant les der- 552 SCIENCES MORALES niers arrangeniens et qui s'elevaitii i()8,3oi,6oo fr., M. l)u- cheSne retranclie i i,8g6,3/Ji fr. Indiquons les points prin- cipaux SUV lesquels portent ces inipoitantes reductions : d'abord la diminution du noinbre et des emolumens de certains fonctionnaires, notainment des inspecteurs-{;ene- raux, qu'ou retrouve ici partout, aux ponts-et-cliaussees, aux mines, aux haras, et que I'auteur accuse avec raison de n'etrc indispensables nulle part. La section des sciences, lettres et beaux-arts lui parait ensuite exiger une revision severe J il ne propose aucune reduction sur les /,25,o )o fr. accordes a I'lnstitut, mais il ne consent aux 6,oou fr. al- loues aux secretaires perpetuels , que dans le cas ou ils ne cumuleraient pas ce traitemcnt avec deux ou trois cbaires, avec des places de conseiller d'etat, de conseiller de I'in- struction publique . etc. Les professeurs du college de France lui semblent aussi devoir eprouver une reduction , quand ils occupent deja une autre place. Nous irons encore ici plus loin que f'auteur , en declarant que le cuniid nous pavait un abus revoltant , et (jue peuvent seulenient admet- trc les gouvernemens corrupteurs, qui veulent a tout prix se faire des creatures devouees. A une place, un homme , tel est le principe. Un gouvernement probe ne devrait ja- mais s'en ecarter. Les sommcs allouees pour i'encouragement de I'lirtdra- matique et des lettres, pour subventions theatrales, pour souscriptions a divers ouvrages, pour indemnites de loge- ment a des savans ou a des artistes, pour depenses dites secretes et de police, article ou Ton retrouve encore \esgeiis de Idtres, sont avec raison regardees par I'auteur conime susceptibles d'etre supprime'es, ou aiv moins considera- blement reduites. On se figurerait en effet difficilement quelle scandaleuse distribution a ete le plus souvent faite jus(|u'ici de ces fonds qui ne se monfent pas a moins de 3,000,000 fr. Esperonsque I'administration actuelle voudra s'honorer , en donnant toute publicite a la destination spe- ET POLITIQUES. 553 cialc clc ces sommes , scul moyeii d'arrivcr a ce qu'oUc soit toujours conforme aux besoiiis publics. Quant a Fadininistiation departeinentale , M. Duchesne voudrait que les tiaitemens et les frais de bureaux des pre- fetset sous-prefets eussent subi une reduction plus conside- rable que celle dent ils ontele frappes par une ordonnance recentej il croit qu'on pourrait se passer des secretaires generaux, et charger tour-a-tour de leur besogne chacun des conseillers de prefecture qu'on pourrait, avec le terns, rcduire a trois, en creant aupres de cliaque conseil un suppleant. Cette suppression avait cu lieu sans inconve- nient en 1817. Yiennent ensuite divers retranchemens sur I'eniploi des centimes facultatifs votes par les conseils des departeniens et sur lesquels les eveques avaient sa se faire donner des allocations de 20, i5 et 10,000 fr., de mcme que sur les impositions extraordinaires des communes , se montant a 18,000,000 fr., et dont un tiers environ passait a I'entretien des eglises, a I'amelioralion du sort des vicaires et des cures. Au surplus, il est impossible que les loisnouvelles, que noire derniere re'volution doit force'ment amener, u'apportent pas incess'aninient de notables mo- difications a un systeme adminislratif oii toutes les fran- chises municipales sont sacrifiees, et qui ne semblc com- bine que pour preparer les voiesaudespotisme ministeriel; d'ou il rcsulte aussi cju'en rapprochant ce systeme dumode d'administration britannique, nous ne pouvons trouver au- cune sorte de rapport entre eux. Certains chapitres du budget anglais renferment, sous un enonce' tres-vague , quelques-uncsdes dcpenses qui (igurent dansnotrebudget dc Vinlerieur; les autres complcnt paimi les depenses des villes et des bourgs. Les Chambres avaient arrete , en iSag, le budget dc la guerre pour le pied de paix (225,000 honimes) a 1 86,845, 25o fr. C'est sur ce pied de paix que sont calcule'es les economies proposees par M. Duchesne; car, si la guerre clait necessairc pour I'honneur national et I'independancc T. XLIX, MARS i85i . 36 554 SCIENCES MORALES diipays, cinq cent millo homines, avcc un nuUioii do gartlos- nationaux commc reserve, et cinq cent willions pour I'en- Iretien ile toules ces forces; voila , suivant lui, les moyens que devraitpouvoir deployer le {jouvernement. On sail que, ^race a la haute capacite du niarechal Soult, noussommes deja bien pres de les avoir a notrc disposition. L'auteur parcourt successivement, avec I'attenlion judi- cieuse dont il a fait preuve dans les autres parties de nos depenses, les onze sections du budget de la guerre. II propose la diminution de quelques trai(eniens dans I'ad- niinistration cenlrale ct fait rematquer qu'on y conipte 3q7 employes, tandis qu'cn Tan IX, pour une annee double ou triple et un tenitoire bien plus etendu , ce nombre ne s'elevait qu'a 56 1. Les etats-majois lui oflVent un grand nombre de cumuls et de sinecures qu'on ne sauraittolerer; le nombre des generaux en activite et en disponibilite doit etre reduit;lcs frais d'entretien de la gendarmerie peuvent etre etablis sur des bases plus moderees. Reunissant ces economies a celles qui resultent de la suppression deja ,consommee de la maison du roi et de la garde royale , francaise et suisse, M. Duchesne arrive au chiffre eleve de t?'\,^Sn,3q'^ fr.j mais il est inutile d'insister, pour le mo- ment, sur la plupart des reductions dont ce chapitre est I'objet. EUes se rapportent evideininent a une epoque vers laquelle nous ne marchons pas. II sera tems d'y revenir, quand la lutte qui s'annonce sera decidee. En Angleterre, I'armee, evalut-e, en 1828, a 1^0,000 h. (noncompris les Cipayesdel'Inde), coiitait '227,101 ,o5ofr., a quoi il faut ajouter pour I'artilleiie , qui forme toujours au budget anglais un chapitre distinct 36,1745200 fr. Sur cette somme si eleveede 265,275,^50 fr., il faut remarquer qu'une forte portion, pres de moitie , est absorhee par les d(?mi-soldes et les retrailes. 82,000 veterans recoivent ac- tuellemeiit les pensions promises a I'epoque ou ils repon- dirent a I'appel qui leur fut fait pour la defense du pays. Cette fidelite a ses engagemens dont ce gouvernemcnt ne ET POLTTIQUES. 555 s'est jamais depart! , envcrs les nalionaux du moiiis, est Ic grand secret de sa force. II ne perira point , taut qu'il per- severcra dans I'application de ce principe d'une politique autrement habile que toulcs Ics combinaisons de nos liommes d'liltat les plus vantes du continent. Les observations que nous venons de faire sur les reduc- tions proposees par M. Duchesne au budget de la guerre , se rapportent en grande partie a celles qu'il reclame ega- lement au budget de la marine. Constamment negligee par tons les gouvernemens qui se sont succede depuis qua- rante ans,la marine, cetle puissante garanlie de notre indcpendance et de nos interets commerciaux , demande enfin des sacrifices proportionnes a Timporlance des ser- vices qu'elle doit nous rendre. Apres avoir ete long- terns confiee , et comnie de droit , a des homines entierement elrangers a la navigation et A I'administralion maritime, cllc se trouve aujourd'hui echue , par grand hasard , a un marin qui a acquis le renom d'habite auiiral dans le Le- vant. H cherchera sans doule a I'etendre encore, comme ministre, et fera tous ses efforts pour ajoutcr le plus promp- tenient possible au nombre de batiinens amies c[ue nous pouvons actuellement mettre en mer. Ce nombre ne s'ele- vait I'an dernier qu'a cent vingt-huit. L'allocation pour ce ministere etait fixee a 65,109,900 fr. M. Duchesne croit qu'on pourrait faire sur cette somme, si Ton n'augmentait pas nos armees navales, une reduction de 8,^59:^,700 fr. qui porterait sur les depenses d'administralion cenlrale , sur le personnel des elats-majors mariliisies, sur des indem- nitesabusives, des traiten\ens exageres etde viiritables sine- cures que I'intrigue et la faveur ont graduellement fait in- troduire dans ce ministere comme dans les autresj il est clair que ces economies doivent etre faites en tout etat de cause , et que c'est meme par la qu'il faut commencer I'espece de regeneration de ce deparlement qu'on a droit d'altendre du ministre actuel. La maiine est portee au budget anglais de 1828 pour 3G. 556 SCIENCES MORALES i4i, La masse de nos levenus mobiliers etant eva'uee a 600,000,000 fr.^ sur cette somme, si Ton percevait seulement un quinzihme, ce qui n'est c[ue moilie de ce que le fisc percoit sur les re- venus immobiliers, on obtiendrait quaraiite millions. En prohibant aussi toute espece d'actes non enregistre's et sur papier libre, en matiere de venles, baux a ferme et_a loyer, t[uiltances, on trouverait une nouvelle somme de vingt- millions ; mais, comme il landrail alors revenir pour les ta- rifs a la loi de I'an VII, supprimer le decime de guerre , reduire les droits de mutation , il resterait seulement dix millions sur les soixante oblenus. II y aurail done la a la fois augmentation pour le tresor et soulagement pour le contribuable, ce cpii est toujours en iinances le grand pro- bleme a resoudre. Dans le budget des recettes d'Augleterre, Timpotdu tim- bre figure pour 182,940,225 fr., auquelil fautajouter, pour 56o SCIENCES MORALES . les domaincs, n ,219,800 fr. La totalite de cctte source de revcnus pour nous ne s'eleve , avec un territoire presque double , qu'a 190,000,000 fr. Sur les forels ct coupes de bois, M. Duchesne croit qu'on pourrait faire renlrer au tresor vingt millions de plus par au , et sur les postes, uu million, en niettant un prix au jnonopole dont on fait jouir les maitres de postes, puis- qu'on ne peut le suppriaier. Ce dernier revenu est dc 3o, 000, 000 IV.; en Angleterre, il s'eleve a 55, 199,950 fr. U resulte de tables statistiques publiees en Fiance, que la depense du service s'est elevee dans ce pays, en 1829, a 16,47 'jG'j'j f'-j somme a peu pres egale a celle que coute le meme service en Angleterrc. M. Duchesne. voudrait qu'on diminudt les douanes de dix millions. L'impot sur le sel, si onereux pour nos popu- lations des campagnes , xle douze , et les jeux ct loteries , dont il faut hater de ses voeux I'entiere abolition, de trois. En fin , k I'article des contributions indirectes , il avouc I'indispensable necessite de reduire le droit sur les bois- sons , contre lequel des reclamations unanimes s'elevent de toutes les parties du royaume , et il propose de remplir le delicit par un impot sur les objets de luxe. 11 rappelle a ce sujet cju'en Angleterre les taxes posees sur les doinestiques males, les voitures, chevaux, chiens, verres et cristaux, produiseutau tresor pres de cent millions. Assurement, ccs taxes n'ont pas /z/t/ le luxe en Angleterre; elles n'auraicnt pas non plus ce rt'sultat en France. Les cssais inlVuctueux que nous avons fails precedemmcnt a cet egard ne prou- vent lien , puisqu'on a precisenient etahli cette nature d'impot au milieu de circonstances fachcuses qui devaient en arreter Taction ; d'ailleurs, on pourrait proceder avec mesure, et n'en exiger d'abord sculement c[ue huil on dix millions. Ce plan financier , en meme tems qu'il diininuerait nos depenses de cent millions, augmenterai't nos rcssourccs dc cent quaraulc-cinq . dont la plus graude partie pourrait ET POLITIQUES. 56 1 etre consacree a alimenler los clivcrses branches tie la prosperite publiquc. !1 y aurait la de quoi immortaliser un legue. L'auteur teraiine ce travail , que nous avons essaye d'analyser avec exactitude et qui le recommande a reslime de tous les bons citoyens, en cxprimant I'espoir qu'un plan de finances promcttant de tels lesultats sera lu et medite par ceux des membres des deux Cliainbres qui veulent de bonne foi le soulagement des contribuables; « et qui sait , ajoute-t il , si, a cote des plus etonnans prodiges de I'epo- que, nc s'offrira pas celui d'unniinistere qui entende et qui aime la vc'rite! » II est bien a desirer, en effet, que ce pro- dige ait lieu : il y a long-tenis que nous I'attendons. P. A. DVFAV. HiSTOiRE DE Napoleon Bonaparte, de sa vie pp.ivee et pcBLiQUE etc. , par l'auteur des 31cmoires siir le Con- siilnt (M. Thibauoeau) (i). HiSTOiKE DE Napoieon, par M. de Nouvixs, ornee de por- traits , vignettes , cartes et plans (2). HisToiRE DE Napoleon, etudes sor les causes de son eleva- Tiox ET DE SA CHUTE J par J. C. Bailleul, aucicu depute de la Seine-Inferieure (3). Napoleon et l'Europe, par M. Alexandre Doin (4). Memoires de M. Bourrienne, ministre d'etat , suR Napo- leon , etc. (5 ) (t) Paris, 1827-1828; Jules Reaonard (et a Stattgait, Colta). Six vo- lumes ont deja ele publics ; tiois volumes, Guerre d' Italic; deux volumes, Guerre d'Egypte ; un volume , Consulat. In-S" , prix da vol., 7 fr. (2) Paris, 1827-1828; Ambroise Dupont. 4 vol. in-S", avec des gra- vures; prix , 40 fr. (3) Paris, 1828-1829; Renard , rne Saint-Anne, n° 71. L'ouvragc doit etre compose de tiois volumes in-S". Le premier seulement a paru, en sept livraisons ; prix ,7 fr. 5o (4) Paris, 1827; Peylieux, galeiie Delorme. 2 vol. in-S" ; prix, i/| fr. (5) Paris, 1829; Ladvocat. 10 vol. iu-8 " ; prix, 7$ k. 5(12 SCIENCES MORALES BoUr.niENNE ET SES ERREURS VOLONTAIEES F.T INVOLONTAIRES, oil Obscn'ations siir ses Mcmoires, rccucillies par A. ]?. (i). C0MME\TARJ Dl NaPOLEONE (2). SECONO ARTICLE. {\oy. ci-dessusjiansic.v i33i,p. 76-105.) Nous commenceronspar indiqucr, aux Iiomnies qui vou- draient eludiei- ceUe grande cpoc[uo de uotrc liisloire, ce qu'ils trouveront dans les divcrscs publications qui fout I'objet de nos articles. L'ouvrage intitule : Napoleon et V Europe, dent le second litre : Fragniens historiques siir Napoleon et VEurope , inoins fastueux , est aussi beaucoup mieux d'accord avec I'iniportance du livre , conticnt d'abord une inlroditciion de 120 pages, ou I'auteur expose les faits priucipaux des premieres annees de notre revolution ; ensuite un premier livre , qui prend les eveneniens en i -igG a I'entree de la campagne d'ltalic, etqui les conduit jusqu'a I'elablisseiuent de renipirc (i8o4). — be livre second resume les faits dcpuis i8o5 jusqu'en i8i4- — Enfui le troisieme livre conticnt uu recit fort succinct de notre bistoire depuis la restauratiou, k\x premier livre sont joints: i" une espcce de Memoire sur V aJJ'aire de Vincennes et X'enlhvemenl du due d'En- gliien, oil I'auteur a discute, dans une centaine de pa- ges, ce point controverse de I'liistoire de Napoleon, et ou il a reproduit les principales pieces ofiicielles qui peuvent eclairer I'bistoire. 2° La correspondance de Drake , cet espion anglais accredite aupres d'un petit prince d'Allemagne , et dont la veritable mission etait de tranier en France des complols contre la paix publiquc et la vie de Bonaparte. 3°. Le porlefeuille de d'Anlraigues , (i) Paris, iS3o; Heideloff et Ilrbain Ganel. 2 vol. ia-8"; piiic , 7 fr 5o r. le volume. (2) Paris, 1 82S ; Bobee etHingray, rue Richelieu, n° i4- 8 vol. in-i8. Get ouvrage, fjni a ele impriine a Marseille , se vend aussi daus cette villc ch«E Canioiu, el a Lyon , cbei Cormon. ET POLITIQUES. 563 ayenl de Louis XVIII. 4°- Quelques-iines des pieces prises dans lesfoitrgons de Klinglin , ou la trahison de Picliegru etaitdevoiloe. 5°. Un Prdcisde la correspondance d' Angle- terra a Paris ct de Paris en Jnglelene , autre monument des intrjjjues de 1' emigration contre le goiivernement lian- cais. Toutes ces pieces, plus ou moins connues, occupent une giande place dans cet ouvrage. L'appendice du se- cond livre se compose dun recueil de pieces relatives aiix n^gociations avant la guerre da Ri/ssie. Les Eludes de M. Bailleul (premier volume) prennent Napoleon a I'ecole de Brienne, et le conduisent jusqu'au moment ou il quitte I'armee d'ltalie, apres le i8 fructidor. h'Hisioire de Napoleon , par M. de Norvins, commence par un precis de I'liistoire de Corse, et se termine par la pompe funebre et le testament de TEmpcreur. VHisloire gdnerah; , par M. Tliibaudeau, sera sans doule un travail d'une grande etendue; car les six volumes ac- tuellemcut publics comprennent I'hisloire de Bonaparte, seulement jusqu'a la premiere annee du consulat. M. Bourrienne, camarade de college deNapoleon, le con- nut a I'age de huit ans, et ses Memoires, qui commencent des cette epoque, ne fuiissent qu'apres la seconde restaoralion. Quant aux deux volumes intitules : Bourrienne et ses er- rcurs, ih n'offrent point unerjifutation suivie de I'ouvrage precedent, ct i!s nc se composent ([ue d'arlicles detaclies , qui s'appliquenta divers fails particulicrs. Les Commenlaires de Napoleon sont unc bistoire du grand bomme, depuis sa naissance jusqu'a sa mort, com- posee de materiaux cxtraits et traduits des differens ou- vrages ecrits sous la dictee de Napoleon a Sainte Hclene , ou par des bommes qui ont recueilii et douue au public les souvenirs de leur sejour aupres de lillustre captif; ainsi MM. Las-Cazcs , Monlbolon , Gourgaud, Antomarcbi, O'Mcara sont les veritables auteurs de ces Commenlaires . Les six premiers volumes coniiennent la vie de Napoleon. Les deux deux dciuicis, inlitulc's : /Ippendice ai comcn- 564 SCIENCES MORALES tarj di Napoleone , so cohiposent du leslanicnt do Napo- leon, de fiafjinens au nombrc dc cent tioize, cxtiaits, aiissi bien que les coinmcntajres , des McGwires soilis de Sainte- Heleiie; dc viiij;t-six autres pieces relatives a Napoleon , reunies sous le titre de Variclcs ct prises ca et la ; dc di- verses additions qui se rapporlent a certains passages des six premiers volumes; enfin d'un tableau en racourci de la vie de Napoleon {Coj}?pendio dell' opera) , niorceau d'une quarantaine de pajj,es, et qui apparticnt en propre a I'auteur . « L'histoire d'un liomnie, pris depuis son berccau et conduit pour ainsi dire jour par jour jusqu'a sa tombe , devrait suffire a le faire connaitre , dit le compilateur dans un averlissement place a la tcte des deux derniers volumes. Toutefois le testament de Napoleon, etbeaucor.p de clioses par lui dites ou ecrites , aussi bien que quelques autres ecritespar des tiers, sont une addition veritablementneccs- saire pour pouvoir jujjer le grand liomme en pleine con- naissance de cause. C'est dans ce but que j'offre a mes lec- tearsY y4ppendice aux connjientain-s de Napoleon... Mon seul desir est de faire eclater la vei'ite et de demas([ucr I'imposture. En Italic, la prudence et I'interet personnel enchainent nos ecrivains ; c'est pour cela que, favorise par ma position (i) , j'ose essayer de supplecr a leur silence. » II ne nousserait pas facile, dansle petit nombre de pages que nous devons consacrer a lous ces ouvrages, de les faire connaitre avec quelque detail; nous taclierons cependanl que nos lecteurs puissent se former une idee juste, £t de ce qu'ils contiennent, et dc ce qu'Jls valent. Commencons par comparer ces divers ecrivains sur I'un des evenemens capitaux de cette histoire ; ecoutons-!es raconter le i8 brumaire, et nous verrons^ dans le recit des faits , ainsi que dans I'opinion qui les apprecie , conil>icn desliommcs cjuifurent temoins oculaires, actcurs menie de lascene, sont pen d'accordontreeuxjet cependant, ilncpeut { i) On se soiivicndia que Touviag; est iinprimc a Mai'stille. ET POLITIQUES. 5G5 y avoir qu'nne verile au milicii tie tous ccs recks divers. Nous trouvons d'abord dans M. Alex. Doin un approba- teur tres-complaisant du coup-d'elat de brumaire ; on ne saurait s'en etonner , si Ton songe a I'effroi dont il semble frappe', en contemplant a cette epoque la situation de la France : « Une nouvelle revolution , peut-etre plus terrible" dans ses consequences que celle dont on avait ete temoin etait sur le point d'eclater , et la France eut encore ete li- vree aux horreurs de I'auarchie, si le genie qui I'avait deja delivree de ses ennemis ne fiit venu a son secours. » Nous rapportons ces paroles, parce qu'elles sont une cir- constancG altenuante en faveur des opinions de I'bistorien que nous somnies obliges de condamner. II esttrop evident que, lorsqu'un peuple est tombe dans une situation telle- ment desespe'ree , le despote qui Ten tire^ au prix de Ja liberte, pent trouver une excuse; mais, sans examiner si les terreurs de M. Doin ne sont pas un peu fantastiques, et s'il u'y avait pas, en 1799, queUjue autre moyen de salut pour la France qu'un despotisme complet, exposons son opinion. « Bonaparte ;, dit-il , avait ses projets^ sa resolution etait prise d'en finir avec le directoire ; il voulail s'emparer de Vautorite, et rendre a la France ses jours de gloire. Cetle resolution c'tait graiulc, loiiable ; k cette epoque, une main ferme et exercee pouvait seule retirer !a France de I'abime dans lequel elle etait precipitee. » « Ilfut convenu, le i5 brumaire, que Ic Conseil des an- ciens, se fondant sur V art. 102 de la Constitution, de'cre- terait la translation du Corps legislatif a Saint-Cloud, et nommerail Bonajjarte general en chefde loutes les troupes clc la division; ce projet fut execute, le 18 brumaire. » Nous avonseu taut de constitutions depuisquarante ans qu'il est permis de les ignorer j mais il semble qu'on devrait du moins en relire les articles sur lesquels on pretend fonder les jugemens de I'liistoirc. L'article 102 de la Constitution de I'an III donne bien , en effet, au Conseil des anciens le droit de changer la residence du Corps legislatif, mais '5G6 SCIENCES MORALES non celai de nommcr un yencial en clicf. Nous lisons, au contiaire, clans cette conslitulion : << Art. i44 • LcDirectoirc pourvoit, d'apics leslois, i la sincte exterieure ou intc- vieure de la n'publiqiie... il dispose dc la force armee. — Art. t^G: Le Directoire nomnio Ics generaiix en clief. » Nous avous lieu de nous elonner que, dans aucun des ou- vrages que nous avons sous les yeux, cette violation de la Constitution, cette usurpation du Conseil des ancicns n'ait pas ete signalee comme elle devait I'ctre ; un seul senible riiidiquer et fort legerement. M. Doin continue : m Le ig bruniaire , le Corps le'gislalif etant a Saint-Cloud, Bonaparte s'y rendit. La grandc ma- jorite' du Conseil des anciens, et une portion des Cinq-cents approuvaient le changeuient qu'il s'agissait d'operer ; ce- pendant, il y eut quelque opposition aux anciens, et une vraie resistance aux Cinq-cents; niais le parti qui tenait pour la constitution de I'an lUfitt bieniot disperse et force de fuir. Les aiitres membres resterent a Saint-Cloud , et re- prirent leur seance a onze heurcs du soir ; ils rendirent une loi qui etablissait une commission consulaire provisoire , composee de Sieyes, de Roger-Ducos et de Bonaparte, ainsi que cela avail e'te couvenu dans un conseil tenu 4a veille aux Tuileries. » Toutle monde sent combien ce recit incomplet est peu digne d'un publiciste ; on ne dit pas que la dispersion de la representation nationale fut operee au pas de charge ct la bayonnette en avant ; on ne dit pas que, sur cinq cents deputes, vingt-cinq ou trente seulement s'assemblerent le soir , c'est ce qu'on appelle les aiitres membres ; on ne dit pas que c'est cette lionteuse mutilation de la legislature qui rendit I'acte inique pour lequel I'auteur profane ici le nom de loi. Poursuivons nos citations : < L'elat provisoire du gou- verncment cessa par la Constitution de I'an VIII Ce- pendant, tout le monde n'etait pas content, et c'etait tout simple : il y avail des inlerets blesses, mais de cesinle'rets ET POLITTQUES. 5G7 nionslrnciix qui ne se trouvcnl que dans Ics calamitcs publiqucs. » Les iiileicts blesses, c'etaient la liberie de conscience, la liberie de la piesse, qui n'obtenaient pas la moindic garantie dans la constitution de I'an Vlil ; c'etait la liberie individuelle qui n'y tiouvait que des garanties illusoires. Ajoutez a tout cela I'absence complete d'une veritable res- ponsabilite cbez les agens du pouvoir ; et enfm, dans I'esprit de celte legislation, une liberie nominale qui revelailun des- potisme reel aux liommes doues d'un tact asscz intelligent pour avoir devine le caractere de Bonaparte dans I'liistoire des qualre annees precedentesj d'une laison assez forte pour considerer avec sang-froid los perils de la France, et desirer, pour guerir le nial , un remede qui ne fut pas un malnouveau. Apres avoir fait une peinlure sinistre du regime directo- rial, M. Doin ajoute : « C'est cette liberte-la qui regnait en France ; Bonaparte la detrona , et il fit bien. Tout etaiten peril , il a tout repare ; car sans lui c{ue serait la France ? » On pent encore concevoir une pareille question en 1800; niais que dire d'un bislorien qui la fait apres les wene- mens de i8i4et de i8i5, lorsqu'ila vu cette France, seule- ment menacee sous le Direcloire, conquise sous Napoleon ; lorsqu'il I'a vue depouillee par les desastres de I'enipire des provinces dont la republique Favait enricliie? Qu'un autre regime que celui dU l)irectoire fut desirable, ce n'est pas nous qui le nierons^ aussi n'est-ce pas pour I'a voir de- truit que Bonaparte est responsahle devant la posterile; c'est pour avoir confisque a son profit les liberies de 89, pour avoir fonde son despotisnie sur les ruines de la revo- lution, pour avoir foule aux pieds les franchises nationales en jurant de les mainlenir , pour avoir surpris enfin un peuple loyal et confiant dans les pieges d'une Constitution pleine d'astuce et de perfidie. L'auteur semble pourlant avoir conipris le danger de la doctrine qu'il professe sur le coup d'etat de brumaire , et 568 SCIENCES MORALES on dirait qu'il veut s'cn cxcuser au moycn d'unc petite res- (iLction : satisfaction donnee aux vrais principes , mais bien itisiguiliante parmi le scandale de ses eloges : » Quoi qu'il eu soil, dit-il , Ics lesultats lieureux du i8 brumairc ne doivent pas faire excuser pleinement cettc violation des droits d'un peuple. La France a tout confirme, elle a applaudi meme ; niais ce n'est pas une raison pour encouiagcr jamais de somblables usurpations j car le pre- mier ambitieux qui parvicndrait a se former un parti pourrait renverser I'ordre de cboses etabli, et pour un gouveinement institue par la force qui ferait le bonlieur dc la nation , dix autres le conduiraient a la guerre civile et a saperte. » Est-il besoin de faire remarquer combien tout cela est •^iauvre de principes, de raisonnement, d'observation ? Est-cc que Ic gouvernement de Bonaparte lui-mcme, qui sansdoutea jeledela gloire surlaFrance, aia.\l la bo7iheur dc la nation ? Est-ce qu'il ne I'a pas conduite a sa jierle ? Et si les reserves que vous faites en sa faveur pcuvent justifier le iSbrumaire, quel ambitieux ne sera pas en droit d'y trouvcr pour ses attentats un pretexte et une excuse ? M. Tliibaudeau expose en liistorien plus fidele les eve- nemens de cette grande journee, et il les juge en publicistc plus jaloux de la liberte. II remarque que, la majorite du Conseil des cinq-cents etant tout-a-f;iit opposee au mouve- vement qu'on preparait, il fallait non-sculement prendre texte dans la situation de la rejnibiique , mais exagerer ses dangers, frapper les imaginations, supposer un grand complot dans la capitale , en faire planer le soupcon sur un parti dans le Conseil des cinq-cents, flatter le Conseil des anciens, diminuer la force morale des deux conseils en les sortant dulieuou ilssiegeaient, lesisolerde leur point d'ap- pui, effiaycr sur leur siirele les deputes faibles et timides, imposer aux deputes cnergiques, par un devcloppement de forces menacantes et une attitude offensive. Parmi ces precautions machiaveiiques^ il y en avail une ET POLITIQUES. 569 constitutionnelle^ la translation ties conseils. M. Tl'ibau- deau observe que I'execution devait en etre confiee au Di- rectoiie , iiiais que, comme c'etait contre lui-meme que la raesme etait resolue, on en chargea Bonaparte. Cette cri- iiiinelle usurpation de la disposition de la force armee par le pouvoir legislatif n'est point tletrie ici coninie elle le nieritait , non plus que cette supercherie au moyen de laquelle on eloigna de la seance extraordinaire du Conseil des anciens, convoquee le 18 brutnaire, a sept lieures du matin, les deputes dont on craignait I'opposition et qui seuls ne furent pas avertis. On a ecrit souvent , et les Mimoires de Sainte-HiVene Font repete (t. i, Gourgaud ) , que les ouvertures recipro- ques de Bonaparte etde Sieyes s'etaienlfaites le 8 brumaire. M. Tliibaudeau affirme qu'il faut les reporter k la fin de vendemiaire. Selon la plupart des recits , le fameux dis- cours oil Bonaparte disait, en s'adressant au Directoire ab- sent : » ET POLITIQUES. 575 IV est Lien clair qu'il n'y avail pas dans tout cela plus de li-galile que de legkunite • on sent ici, dans 1« singulier em- ploi ou le vague de certaines expressions , quelque chose qui tialiit I'indecision de I'liistorien. La dictature, donnec par le Conseil qui n'avait pas le droit de la donner , etait une usurpation ; le commaudenient des forces inilitaires etait exercc illegalemeut, car il avail ele confere en viola- tion flagrante de la loi. M. de JNorvius est dans le vrai^ il exerce digncment la niagistrature de I'liisloire, lorsqu'il dit, apres avoir raconte la scene de Saint-Cloud : « On parla depuis de poignards , de soldals blesses; niais I'opinion fit justice de cette accu- sation infanie. » El lorsqu'apres avoir cite ces odieuses im- putations du frere de Bonaparte : Ces brigands ne sont plus les repre'sentaTis du peuple , ce sont les representans du poignard; il ajoute : « Lucien calomniait le Conseil. II avail protege les jours de son frere ; il avail renipli un devoir de la nature; il ne pouvait aller plus loin sans crime. » Mais riiisiorien nous senible ajouter trop de foi aux re- lations officielles, lorsqu'il peint ainsi I'expulsion des Cinq- cents: <> Les deputes se sauvent en desordre par les fenetres de rOrangerie, laissaut partout, dans leur fuite precipitee, des parties de leur costume. » II faut lire cette scene dans Tliibaudeau, temoin oculaire; ilia peint en detail^ etd'apres son recitellenepresenta point un si indigue spectacle. Apres I'avoir racontee , il ajoute : " Pour jetcr du ridicule siir eux (les representans), appliquantau corps entier le faitde quel- ques membres, on repandilqu'ils etaient sortis en deroute, frappes de terreur, sautant par les fenetres, jeiant leur costume et se sauvant a travers champs. lis se retirerenl par la porte donnant sur le jardin , sans precipitation , presses, mais toujours avec menagement, par la troupe. Cliazal quitta le fauteuil et s'en alia le dernier. » M. de Norvins fletrit d'un»euergique reprobatiou I'acte de cctle legislature mulilee , qui donna sou scandaleux ap- 5^6 SCIENCES MORALES pui au 1 8 biumaiie , et d'ou le gouverneineut consulaire lira son origine : » De ce jour , dit-il, date le premier con- trat entre le pouvoir civil et rarmee pour la destruction de la republique. Toute pudeur, toute religion du serinent, toute vertu publique etaient foulees aux pieds par les reso- lutions qui rendirent solennel le parjure d'une partic de la representation nationale. » Mais lorsque i'liistorien arrive a juger le gouvernenient etla Constitution consulaires, sa rigidite s'amollit , sa jus- tice se tenipere d'une excessive indulgence. Les premiers terns du consulat furent marques sans doute par des actes de cleniencc,par des mesures salutairesd'administration ; mais les institutions fondees par cette revolution furent, la plupart, fort mauvaises , a moins qu'on ne les considere comme bases d'un despotisme ; dans ce systeme seulement, elles meritent d'etre louees. Cependant nous lisons ici : « La grandeur salutaire des institutions semble justifier la vio- lence du coup d'fitat du 1 8 brumaire. » Et un pen plus has, a I'occasion de I'etablissement des prefectures et des sous- prefectures, des Conseils de departetnent et de municipa- lite, I'auteur les qualifie de » genereuses institutions, de creations inspirees par la plus haute et la plus paternelle sagesse. •> Nous I'avouons, ceselogesexageres d'institutions trop bien calculees pour etablir un regime absolu sur les debris de la revolution, d'institutions ou les droits et Tac- tion du peuple, consacrespar les precedeiites constitutions; sont soigneusement annules et vont s'engloutir dans une vaste centralisation, nous cliagrinent, et nous ne savons d'ailleurs comment les concilier avec d'aulres paroles plus sages de I'historien j ce passage , entre aulres , qui com- mence son sixiome livre. « La Constitution de l*an VIII ferme le XVIII* siecle, et Bonaparte va regner. L'ceuvre de notre nouvelle orga- nisation sociale est conipletee par un Conseil d'Etat, sous la presidence du premier consul , qui , par une brusque in- novation , place son nom a la tele des actes du gouverne- ET POLITIQUES. 577 inent. Ce Conseil , d'autant plus devoue a Bonaparte , qu'il est revocable par lui seul, forme une exception dansl'ordre politique, et prepare un autre terns. On cherche vainement dans la Cliarte consulaire les titres primitifs de la liberie francaise, les droits de I'liomme, les assemblees primaires, I'independance de la tribune etcelle de lapresse. » L'enu- meration est evidemment incomplete , mais en voila assez cependant pour quel'historien ait du juger les institutions avec plus de severite. La partie publiee des Etudes de M, Bailleul ne va point jusqu'au 1 8 brumaire; mais nous trouvons I'opinion de riiistorien , sur ce coup d'etat, dans un autre de ses ouvra- ges {Examen critique des consi.ieralions de madame de Stael, etc., t. 11. p. 4'2 et suiv.)? et nous devons la faire figurer dansle parallele que nous etablissons ici, parce que M. Bailleul , alors membre des Cinq-cents , fut un des ac- teurs du drame , et aussi parce que le point de vue sous lequel il considere ce grand evenement de notre histoire lui est particnlier , et merite d'etre examine. Selon M. Bailleul, le gouvernement fraiicais, au com- mencement de I'an VIIT , se trouvait dans une situation violente , dans un etat revolutiounaire qu'il failait fairc cesser, et auquel la violence seule pent etre pouvait ap- porter remede. « Les choses parvenues a une telle extre- mite, dit-il , il n'y avait pas d'autre moyen d'en sortir; et les mots d^ attentat , ^e. violation de droit, d' usurpation n'expliquent pas plus cette situation qu'ilsn'indiquent com- ment on pouvait mieux faire pour agir plus reguliere- meut. » Ecoutons encore I'ancicn membre des Cinq-cents : » Eu fructidor, une conjuration s'empare en grande partie des elections : voila bien la violation de la Constitution , une atteinte portee aux lois j la siirete de I'litat est compro- mise... Ce fut un devoir et un bien cjue d'arreter les eftbrts d'une conjuration qui s'etait servi des lois pour les braver et les detruire ; mais ce fut un tres-grand mal que ne pas rcndreaux loisleur autq^ite premiere , en fortifiant Ic cote 578 SCIENCES MORALES par lequel on les avait attaquces. Lc parti des exageres en- patriotisme se servit dc la breche faite par les privilegies, breclie qu'on n'avait pas eu la precaution de fermer. » Sans se dissimuler les fautes du Direcloire , M. Bailieul a lou- jours ete partisan de ce gouvernement. Ses commence- mens, en effet, lui avaient nierite I'approbation des hom- ines iniparliaux , et Ton sait que niadame de Stacl , que n'aveuglait pas assureinent une prevention favorable pour cette epoque, a ecrit que « les vingt premiers mois qui succederent a I'etablissement de la r^publique presentent une periode d'admiuistration singulierement reraarqua- ble. » Fructidor arriva. M. Bailieul en a fait I'apologie , commed'uu « grand acte de defense publique etualionale. » Au coup d'etat de fructidor, qui decima la representation nationale ou les partisans de I'ancien regime etaient en majorite, succede, I'annee suivante, le coup d'etat de do- real, lequel frappa les elections, qui par un mouvementde reaction se trouvaienl a leur tour en majorite ultra-revo- lutiounaire ; enfin ce parti ayaut dc nouveau triomphe I'annee suivanli;^ il en resultat le coup d'etat de prairial ,. qui decima le Directoire. Cette perturbation politique etant constatee, M. Bailieul dit : <' S'il n'y avait que la force pour sortir du cliaos oil Ton s'etait vu plonge tout-a-coup, il avait bien fallu I'em- ployer. L'attentat ne consisle done pas tant dans le moyen, que dans la necessite ou Ton s'etait mis d'employer ce moyen abominable La premiere question qu'avaient a examiner les hommes qui preparaient I'evenement etait de savoir si eux-memes elaient en etat de justifier ce qu'ils al- laient entreprendreaux yeux de la raison, de la justice, de I'Etat et de I'liistoire. Nos armees battues, nos conquetes envaliies , nos frontieres menaceesj de grands desordres dans I'interieur : toutes ces circonstances ne suffisaient pas, quoi qu'en ait dit Bonaparte, pour legitimer une entreprise qui n'allait rieu moins qu'a renverser le systeme du gou- vernement , hommes ct choses ; car le gouvernement le ,ET POLITIQUES. 579 plus sage et le plus fort peut epiouver de grands revers. Le sort des gouvernemens , et, par suite, celui des peuples serait a plaindre, si les gouvernemens, pour etre en surete, etaient dans I'obligation d'etre toujours heureux. « II fallait done constater si la cause des malheurs pu- blics piovenait d'un vice d'organisation dans le gouverne- inent, ou seuleinent d'un vice dans son action. Un vice dans son action n'aurait pas justifie I'entreprise ; il en est autrement d'un vice dans I'organisation. Or le coup d'etat du 3o prairial an VII , et les propositions extravagantes faites dans le Conseil des cinq-cents a partir de cette epo- que , prouvent qu'il y avait tout a la fois, dans I'organisa- tion el dans Taction du gouvernement , unprincipe radical de desordres. » M. Bailleul conclut que I'affaire ainsi consideree , sous le rapport de son motif, la determination prise etait legi- time. Que, quant au mode de proceder, c'etait encore dans les faits qu'il fallait chercher le droit pour agir de la ma- niere la moins nuisible. Que le Directoire ayant ete attaque dans tous ses droits, au 3o prairial, par un coup d'etat qui etait I'ouvrage du Conseil des cinq-cents, ce Conseil avait interverti I'ordre constitutionnel , sans pouvoir jus- tifier son entreprise par un danger de I'^tat ou une neces- site publique. Que la majorite des Cinq-cents etait done agressive et conspiratrice; qu'elle etait placee hors de son droit et coupable d' usurpation ; qu'elle devait etrereprimee du moment que la portion oppriniee des autorites serait assez puissante pour rentrer dans ses attributions. Mais qu'il etait absurde d'appeler cette majorite des Cinq-cents, qui etait en revoke contre les lois , a deliberer sur des me- suresqui, par la force des choses, devaient etre dirigees contre elle. « Le grand crime, V attentat , ajoule I'auteur, e(ait d'avoir reuni des liommes pour deliberer, lorsqu'on ne pouvait pas douter qu'on serait oblige d'employer la violence pour les disperse r ensuite. » Ainsi M. Bailleul considere Brumaire moins conime ua 58o SCIENCES MORALES outrage a la Constitution que couime un moyen facheux , mais necessaire, de rentier dans la Constitution j les lois etaient violees, il etait legitime de chercher a revenir a Tordre legal par la violation dc la loi. Ce n'est done pas ie coup d'etat en lui-meme qu'il condamne , c'est la maniere dont on I'a execute, c'est I'usage qu'on en a fait. Mais M. Bailleul ne dit pas comment il fallaits'y prendre. Certes, onn'eutpas appele leConseil desciuq-cenls adeliberer qu'il ne se serait pas moias assemble, et I'embarras etait le menie. De plus, en admettani que le Directoire , blessi? dans ses droits qui etaient ceux du gouvernement, put legitimenient retablir la machine gouvernementale par un coup d'etat, il fallait au moius qu'il fiit en majorite ; or, deux membres etaient lies dans la conspiration de brumaire , deux s'y op- posaient, le 5*^ s'etait annule en donnant sa demission, de sorte qu'il n'y avait pas reellement de Directoire. Dans celte position, est-ce que Bonaparte avait le droit d'intervenir pour reorganiser la machine du gouvernement? II faudrait conclure I'affirmative des raisonnemens que nous venons dc rapporter. Mais cette theorie des coups d'etat est fort dangereuse, car elle pent donner au premier ambiticux le droit d'examiner s'il n'y a point dans Torganisation du gouvernement un vice qu'il faille detruire , et dont il puisse profiler pour s'emparer du pouvoir. II est certain que les societies arrivent quelquefois a des embarras tels qu'on n'en sauraitsortir legalement. Lorsque, dans une constitution mal faite, les pouvoirs sont organises de sorte que la loi ne donne point de repression possible, s'il plait a I'un d'eux de sortir de son cercle d'action , et de se mettre en revoke contre les autres, on demandera ce qu'il faut faire. On me place ainsi entre I'impossible et I'illegal, et Ton s'enquiert comment je veux sortir de celte position. Mais moi je demanderai a quoi bon soulever de pareilles questions sur lesquelles il n'y a point de doctrine n elablir a pripri. Sortir de la constitution, de I'ordre legal , ce peut etre la une fatale necessite, grace a rimpcrfection de la ET POLITIQUES. 58 1 iialure humaine et des societes qu'elle a fondees ; mais alors ce sont les eveneinens qui piononcent celte formidable exception; le fait accompli , on le juge ; on ne donne point de principes pour I'entreprendre. Bornons-nous a repeter ce que dit M. Bailleul en reflecliissant sur les suites 'de la journee de brumaire : » Tant de fautes et d'erreurs, tant de calamites qui en ont ete la suite , nous apprennent de plus en plus combien il faut de puissance dans la raison, de sagesse dans la conduite, de droiture dans les sentimens de ceux qui , jetes dans une revolution , se chargent d'ins- tituer uu peuple , en reprenant Tedifice social jusque dans ses fondemens, » Quant aux circonstances de I'evenement , M. Bailleul, qui fut un des personnages interesses, les exposera sans doute en detail dans son histoire de Napoleon ; ici il les vapporte tres-succinctement : « Toutes les mesures convenues entre les auteurs du mouveraent, dit-il , furent paralysees par la proposition imprevue d'un serment in la Constitution. La proposition avait ete concertee dans la nuit qui avait precede. Bona- parte, apres avoir perore avec assez de maladresse au Con- seil des anciens, outout etait bene vole (il avait commence par dire, ou a peu pres, qu'il etait le Dicu de la victoire ou des bataillesj, se rend au Conseil des cinq-cents j il palit a I'aspect de celte assemblee ou regnait la plus violente agitation. Des menaces se font entendre de tous cotes; on fond sur lui, il perd la tete , il se trouve mal. Le depute Beauvais, homme d'une force remarquable , le recoit dans ses bras, et le conduit bors de la salle. Un instant apres qu'il est sorti , des grenadiers emportent le president du conseil, Lucien Bonaparte. Au bout d'une demi-beure en- viron, d'autres grenadiers, la bayonnette au bout du fusil , occupent la salle des seances, que les deputes ont etc forces d'evacuer. » t' Dans I'evenement de brumaire , dont les causes sont si piloyablementexpliquees dans les ecrits qu'on nous donne 58a SCIENCES MORALES pour lie I'histoire , Ic Iiuros pouvait peiir vingt fois, tant les mcsures etaient lual prises, lant les conseillers dont il s'etait entoure avaieut mal juge le droit , les fails, la posi- tion etles homines. >> On voit ici plusieurs circonstances qui ne se trouvent point dans les autres recits Personne n'a parle de I'evanouis- sement de Bonaparte tombd dans les bras du depute Beau- vais. Au lieu du discours, que donnent la plupart des his- loriens, on dit ici que Bonaparte perora avec assez de mal- adresse. Voyons maintenant a ce sujet le recit de M. Bour- rienne qui encherit encore beaucoup sur ce temoignage. « Tous les discours que I'ou a arranges depuis I'evene- ment, pour Bonaparte, different entre eux ; ccla doit etre : il n'en a point ele prononce aux Ancicns , a moins que Von n'appelle discours une conversation brisee avec le president, conversation tenue sans noblesse, sans dignite. On n'enten- dait que ces mots: freres cC amies ; franchise de soldat, I^es questions du president se pressaient assez rapidementj elles etaient claires. Rien de plus confus, deplus mal enonce que les reponses ambigues et entortillees de Bonaparte. II parlait sans suite de volcans , A' agitations soiirdes , de victoires, de constitution i'iolee ; \\ reprochait nieme le i8 fructidor, dont il fut le premier promoteur et le plus puis- santsoutien. II pretendait avoir ignore /oz//,jusqu'a ceque le Conseil des anciensl'eutappele' ausecours de la patrie. Puis V€naient C^sar, Cromwell... Tyran... II repeta plusieurs fois : Je n'ai plus que cela a vous dire, et il ne disait rien — Arriverent les mots liberty, egalile. Un membre des An- ciens, qui, je crois, s'appelait Linglet, I'interrompit brus- quement, en lui disant : Tous ouhliezla Constitution. Alors sa figure s'anima, et Ton ne comprit plus rien que \'6 fruc- tidor... 3o prairial... hypocrites... intiigans...je ne le suis pas...je vais tout dire... fabdiquerai le pouvoir aussitot que le danger qui menace la rtpublique sera passe'.. .11 prit un peu d 'assurance et accusa les deux directeurs Darras et Moulins , qui lui avaient propose, disait«il, de le metlre ET POLITIQUES. 583 a la tele d'lin parti tendanl a comhnttre les hommes pro- fess ant le.s idees liber ales. « A ces mots, qui revolterent par ieur faussete, il eclata un gi'and bruit dans la salle... c'est alors que ces interrup- tions, ces aposti'ophes , ces interrogations le troublerent; il se crut perdu. Au lieu de donner des explications sur ce qu'il avait dit , il accusa de nouveau... qui? le Conseil des cinq-cents qui veut des ecliafauds, les comites revolu- tionnaires, la revolution tout entiere. Les murmures de- vinrent plus violens, et son discours fut encore plus de- pourvude suite et d'ordre. II s'adressaittantotauxrepresen- tans du peuple, tantot aux militairesqui etaient dans la cour, et qui n'enlendaient pas un mot; puis, sans aucune transi- tion, il parla de foudre de la guerre , et ajouta qu'il etait accompagnd du Dieu de la guerre et du Dieu de la foudre. Sur une nouvelle demande d'explications du president , Bonaparte repeta encore les memes choses; et comme tout cela etait dit ! ... on ne pent veritablement pas s'en faireune idee a moins d'avoir ete present. II n'y avait pas la moindre suite dans tout ce qu'il balbutiait , il faut bien le dire , avec la plusinconcevable incoherence.... Je m'apercusdu mau- vais ellet que produisait ce bavardage sur I'assemblee , et de la decontenance progressive de Bonaparte ; je lui dis a voix basse, en le tirant doucement par le pan de son habit : Sortez , general, vous ne savez plus ce que voiis dites. Je fis signe a Berthier, qui etait a sa gauche , de me seconder pour I'engager a sortir, et tout-a-coup, apres avoir encore balbutie quelques mots, il se retourna en disant : Qui rriaime me sui^/e. » II nous semble bien prouve que le discours publie offi- ciellement fut arrange apres I'improvisation; cette precau- tion fut prise cerlainement dans une si grande circons- tance. N'est-ce pas d'ailleurs ce que nous voyons encore faire chaque jour a nos plus minces deputes quand ils en- voient , apres la seance , leurs oraisons aU Moniteur ? On sait que Bonaparte, qui possedait a un tres-liaut degre I'elo- 584 SCIENCES MORALES qucncc militaire , n'avait pas la reputation d'etre un habile orateur ailleurs que dans une proclamation ou sur un champ de bataille. Mais il nous parait egalement prouve que le recit de M. Bourrienne n'est qu'uue niiserable paro- die de la scene qu'il raconte ; le plus uiais de tous les hommes ne se serait pas exprime comnie il fait parler Bo- naparte ; la memoire du secretaire du general ne lui a fourni que deux seules phrases , et toutes deux sont consi- gnees ici dans une intention envenimee contra sou ancien inaitre. La falsification de ce discours est si grossifere que personne n'en peut etre dupe. On s'attend bien que, dans des Mtmoires remplis de ba- vardagesjlesminutieuses circonstancesdu grand evenement de brumaire doivent tenir beaucoup de place. Mais une bizarrerie a laquelle on ne s'attend pas, c'est que ce recit est double. Apres avoir donne sa relation dans le 3*^ vo- lume , M. Bourrienne en rapporte une secoude dans le vo- lume suivant; et celie-ci est prise d'une conversation qu'il eut, en Italie, dans le cours de la campagne de Marengo , avec M. Collot qui avait ete fournisseur des vivres-viande. « M. Collot, dit-il, a vu ces evenemens de tres-pres, et d'un autre point de vue que moi. » Voici un passage assez curieux du recit emprunte par M. Bourrienne a M. (Collot ; il s'agit de la seance du if) au soir, apres la dispersion violente duCouseil des cinq-cents. « Vous avez sans doute connu, dit M. Collot a son interlocu- teur, toutes les difficuites que Ton eprouva pour former une ombre d'assemblee. On reunit, je crois, environ qua- tre-vingts deputes , tant de I'unc que de I'autre assemblee. Tout au plus. Je me rappelle I'anxiete de Bonaparte pen- diint ce terns... c'est k dix heures qu'il voulut que Ton ouvritla seance. J'y etais, et quel spectacle que cette seance nocturne J dans la salle meme qui venait d'etre polluee par la presence d'hommes armes ! C'est de ce bouge que sortit le gouvcrnement consulaire... Tant que je vivrai , j'aurai ue et large p,range remplie de banquettes bouleversees; uiie cliaiie adossee au milieu contie un mur nu; sous la chaiie , un pen en avant, une table et deux chaises; sur cette table deux chandellesj autant sur la chairej point de lustre , point de lampe , nulle autre clarte sous les voiites de cette longue enceinte. — Yoyez-vous dans la chaire , la pale figure de Lucien Usant la nouvelle Constitution , ct de- vantla table deux deputes verbalisant. Vis-a-vis, dansunes- pace etroit et rapproche, gisait un groupe de representans indifferens a tout ce qu'on leur debitait ; la plupart etaient couches sur trois banquettes : I'une leur servait de siege , I'autre de marche-pieds, la troisieme d'oreiller, Parmi eux, dans la meme attitude et pele-niele , etaient de simples particuliers interesses au succes de la journee. Non loin , derriere, on apercevait quelques laquais qui, pousses par le froid , etaient venus cliercher un abri , et dormaient en attendant leurs maitres. Tel fut I'etrange areopage qui donna a la France un nouveau gouvernement. » On a reproche a ces recits de M. Bourrienne , aussi bien qu'a I'ensenible deses Mdmoires, de nombreuses infidelites. Nous laisserons tout-a-l'lieure a un lemoin plus competent c^ue nous, puisqu'il fut ua des acteurs principaux de la journee , le soin de les releverj nous remarc^uerons aupa- ravant que M. Bourrienne dementl'anecdote des poignards, dans la seance du matin," » ou , dit-il, le grenadier Thome cut seulement un petit morceau de son habit dechire par un depute qui le prit au collet. » Et nous citerons cette re- flexion que lui inspire la revolution qu'il vient de raconter : « On pent , sans doute , contester la legalite des actes du 1 8 brumaire ; mais qui osera dire que le resultat immediat de cette journee ne dut pas etre regarde comme un grand bonheur pour la France? » Le resultat immediat, que quelques actes d'une sage et forte administration derobent T. XLIX. MARS i83i. 38 58(» SCIENCES MORALES a la viie de M. Bourrienne, fiit clans la realite la Constilu- tion tie Tail Mil, qui etablissail le pouvoir absolu, I'aisail leliogiader la revolution de 1789, et conteiiait eu fjernie tous les malheurs dont le dcspotisiue peut inenacer un peu- ple. Les reflexions politiques de M. Bourrienne ont. ordi- nairement cette haute portee ! Le tenioin dont nous parlions tout-a-l'heure, c'est M. Bou- lay de la Meurtlie, qui fut , il le dit lui-inenie , « un des premiers dans le secret de cette enlreprise , et cjui prit a son execution une part active. » M. Boulay a fait inserer dans le livre intitule : Bourrienne et ses erreurx, une refuta- tion des deux recits de I'auteur des Memoires ; ce n'est pas riiistoire de lajournee, < c'est seulement, dit-il , le sim- ple expose des faussetes, des contradictions et des invrai- semblauces donl est remplie cetle partie des M^moites de Bourrienne... Je ne pretends pas dire , ajoute-t-il plus has, que touty soit faux ; ces deux relations renferment quelques verites si notoires qu'ils n'ont pas ose les alterer. » M. Boulay remarque les contradictions palpables qui so trouvent dans les recits que fait M. Bourrienne de la pre- miere visite de Bonaparte au Directoire, apres le retour d'Egypte , ainsi que dans la conversation que i'auteur des Mimoires pretend avoir eue le soir de ce jour avec Bona- parte. Tantot la visite est inopinee, tantot elle estprovoquee par une invitation du Directoire. Selon M. Bourrienne, on aurait ete fort inquiet cliez Bo- naparte , dans la journee du 18, du parti que prendrait Moreau. M. Boiday dit : « II est certain que Moreau accepta sans difficulte la mission que lui donna Bonaparte le 18 brumaire au matin (la garde du Luxembourg), etqu'ils'en acquitta fidt lenient... Il faut done regarder comme autant de faussetes ce qui est dita I'egard de Moreau, dansles.70/e5 historiques jointes a la vie de Napoleon par Walter Scott. ... c'est pourtant dans ces notes que, sans les citer jamais, Bourrienne a evidemmentpuise a pleines mains, ainsi que dans les autres ecrits les plus contraires a Napoleon. » ET POLITIQUES. 687 Dans la dutiibution des roles que Bourrienne assigne aux chefs de la conspiration , il met toujours en premiere ligue Fouche, qui etaildeja niinistre de la police, etCollol en fait autant. M. Boulay citcplusieurs passages et il ajoute : » Or, il n'y a pas dans tout cela , en ce qui concerne Fouche, un seul mot de vrai. Fouche n'etait nuUement dans le secret; il ne fut instruit que le 18 au matin, avec tout Paris, dc ce qui venait de se passer au Conseil des anciens. Bonaparte n'avait pas voulu qu'on Ten informat auparavant. » La reunion du 18 au soir eut lieu, iion chez Bonaparte , niais dans la salle des inspecleurs du Conseil des anciens; on y arreta les propositions k faire le lendemain, et non pas une nouvelle Constitution ; ce ne fut pas Fouche qui convo- qua cette reunion, et lui-meme n'y fut pas convoque. « Tout ce qu'on lui fait dire k ce sujet est absolument con- trouve. >i Bonaparte ne pent pas avoir tenulesoir a Bour- rienne la conversation que celui-ci lui prete; car il est cer- tain qu'il assista a la reunion de la salle des inspectcurs , ct que tout y fut convenu de concert avec lui. Quant au recit que fait M. Collot des evenemens de la matinee du 18, M. Boulay le contredit sur tous les points, et ajoute cette re- flexion : << En lisant ce passage , on ne sait pas ce qui doit surprendre le plus, ou de I'ignorauce profonde, ou de la inauvaise foi qui I'a dicte. » Nous avons rapporte un peu plus haut ce que disent les Memoires de Bourrienne de la scene des Anciens, a Saint- Cloud , le tg; voici, au sujet de ce recit , les paroles de M. Boulay : « Tout cela est faux , il n'y eut point de conversation avec le president; le discours s'adressait a toutle Conseil. Le president ne fit point de questions a Bonaparte; il se borna a maintenir I'ordre, Le discours du general , loin d'etre ambigu et entortille, fut au contraire tres-clair et tres-positif. La vraie question, que personne encore n'avait o.se aborder , y fut enoncee par lui avec autant de precision que de courage, et loin dc revolter le Conseil, comme Ic 38. 68S SClENCEvS MOKAI.HS p.'ett'iul l?ouniennc , ce discours liii iinpiiina uii inouvc- incnt decisil'. » A propos (le ce mot : Sortcz , general, voiis ne sa^'ez plus cc que vous dites, M. Boulay leinarque qu'une telle impei- tinence n'est pas croyable ; et il ajoiitc : << Pour rendre cetlc grossieiete plus vraisemblable , Bounienne dit : Je me trouvais a la droite du general et nos habits se touchaient. Or, cela n'est pas vrai ; c'etait Lavalette qui etait immedia- tement a la droite de Bonaparte, et selon le temoignage de celui-ci, bicn autretiicnt imposant que celui de Bourrieniie, il etait physiquemeut impossible que Bourrienne , place couime il I'elait, put tirer le general par le pan de son Iia- bit, et lui parler a voix basse. » Enfin, M. Boulay dement plusieursparticularites concer- nant Bernadotte , et entre autres une visite de ce general cliez Bonaparte le i8 brumairc. II invoque sur ce point le temoignage de Josepli Bonaparte, qui se trouve formellc- ment en contradiction avec une circonstance affirmee par Bourrienne (i). II y a encore bien d'autres passages du recit de M. Bour- rienne dementis par M. Boulay, et celui-ci nous semble presque toujours , et principalenient sur les fails graves , ineriter toute confiance ; nous ajouterons cependant que la contradiction est quelquefois un peu subtile et frise la chi- cane. Enfin , pour mettre dans I'expose que nous faisons de ce qui a ete dit par nos historiens sur ce grand evene- ment de la carriere de Bonaparte et de notie histoire, toute I'impartialite qui est pour nous un devoir, il convieut de remarquer que M. Boulay ayant pris une part active a la revolution de brumaire, a ce titre , se trouve collecti- venient fort maltraite par M. Bourrienne ; et que ses re- (i) Ce fait, que Joseph amena Bernadotte chez Bonaparte le matin du 1 8 brumaire, est egalement rapporte dans les Memoires de Sainte-Heline. Mais cependant , comrae le remarque M. Boulay, s'il etait vrai, quel inte- .r^t Joseph anrait-il ea 4 le oier ? ET POLITIQUES. 589 ponses sont cii geneial einpreintes de vivAcite et d'ainer- lume. Nous reniarquerons encore que, siM. Bounienne se luoutre evidemment haineux contic Ronapaite , M. Boulay est pcut-etre trop dispose a lui etie favorable ; disposition ([ui, du reste, ne se niaiiifeste bien clairenient qu'uneseule fois, a propos du discours piononce aux Anciens, le 19 brumaire , discours qui ne fut certainemenl pas Ic slupide coq-a I'ane des Mcmoires de Bourrienne, niais qui, selon destemoinsauxquelson peuts'en rapporter, n'eutni toules les qualites, ni tout I'elVet que lui attribue M. Boulay. Quanta I'auteur des Cummenlaires de Napoleon , voici comment il caracterise , dans son resume, cette journee memorable : « La revolution du 18 brumaire fut imaginee avec tant de prudence , tant de dignite, et je dirai meme , avecunesi haute moralile, qu'il ne fut pas coiamis une seule violence individuelle , ni verse une seule goutle desang. » L'evenement de brumaire est raconte dans les iMemoires ecrits a Sainle-Helcne sous la dictee de Napoleon (tome i*' par le general Gourgaud), niais il ne faut y chercber aucune revelation uouvelle. Ces Memoires curieux, loisque Napo- leon y discute une question de legislation ou de guerre, le sont moins peut-etre lorsqu'il se borne a exposer des faits. II est trop facile alors de reconnaitre dans sa narration ce style officiel dontil a si long-temsrempli lescolonnesduiWo/H/ez/A'; et Ton a lieu de s'etonner qu'avec le grand sens dont il etait done. Napoleon n'ait pas senti la necessite de lairea la ve- rite quelques concessions (juil n'etaitplus n^aitre de refuser. On conceit bien qu'assis sur un trone dont il avail fait le premier trone du monde, Napoleon, devant qui les peuples et les rois se taisaient, se soit un instant flalte de I'illusiou qu'il pourrait aussi imposer silence a I'histoire ; mais que cette illusion I'aitsuivi dans I'exil et dans les fers,- c'est as- surement ce qu'il est moins aise de comprendre. El cepen- danl qu'onlise eel article des Memoires de Sainte-HtVcne, et Ton n'y relrouvera que le recii du Moniteiir. Ce sont en- core les memes accusations d'assassinat, les niemes outrages 5gr, SCIENCES MORALES contre les deputes qui tenterenl tie resister a la conjuration, la ineme audace a justifier cette violation de la representa- tion nationale, la menie assertion qu'apres la charge a la bayonnette , uiie centaine do deputes des Cinq-cents se ral- lierent au bureau et aux inspecteurs de la salle , les menies assurances qu'A la se'ance du soir, les deputes se reunirent en tres-grande majority, enfin ce sont encore les memes reticences; tandis que nous savons qu'aucun assassinat ne futteute, qu'aucun grenadier ne fut blesse, qu'une tren- fameseuletnent de membres des Cinq-cents se rallia, que la seance du soir ne se coinposa que d'une tres-petite mi- tiorite de la representation nationale ; qu'enfin le front de Bonaparte a pali une fois , et que ce fut au moment ou il commenca de porter une main bardie sur les Hbert^s publi- ques. Certes il est consolant pour les amis des droits des nations de songer que cette amc iuaccesible a toutes les craintes , inlrepide dcvaiit tousles dangers, qui avail brave le tonnerre d'Arcole, et qui devait affronter le courroux de tant de rois, ne put sans fremir violer le sanctuaire des lois , et entendre le cri de I'indignation des deputes du peuple. Si Napoleon ne pouvait se resoudre a nous dire la verite toucbantle i8 brumaire, il eut mieux faitde garder le si- lence sur cette grande epoque de sa vie. Nous avons essaye de reunir et de mettre sous les yeux du lecteur les temoignages divers sur ce premier jour d'un regne fameux , et nous avons montre combien la posterite peut etre trompee meme par les gens qui ont vu ce qu'ils racontent ; c'etait la notre tachej celle deshistoriens futurs sera de faire sortir la verite des ombres qui peuvent la voiler encore , etde choisir, parmi tant de traits divers , les traits propres a composer un tableau fidele. Le 1 8 brumaire fut une conspiration remarquable sur- tout,parce qu'elle se fit, pour ainsi dire, publiquement; ne |ia vit pas qui ne voulut pas la voir. II etait facile de s'apercevoir d'ou devait partir le coup , et on ne semblait pas memc chercber a deviner qui devait en etre atteint. ET POLITIQUES. 591 C'est la preuve qu'on ne s'interessait nuUemeut an person- nel du gouvernement existant ; nous ne disons pasausys- tcme du gouveinement ; car on ne crut pas generalenieut (|iie la republique fut nienacee. Ce qu'il y a de plus singulier, c'est celte insouciance, cetle espece d'ignorance volonlaire ou restaient, sur ce qui se passait, les homines les plus interesses a le mieux sa- voir. Le Directoire , qui etait jaloux de Bonaparte et qui s'endefiait, se cruyait encore le diet de I'lttat , lorsque , reduit a deux uiembres, il etait detruit de lait. Le Conseil dos Cinq-Cents . plus attentif a ses perils , envoyait partout des messages a ce Directoire lorsqu'il etait dissous en par- tie, et en parlie prisonnierj le ministre de la guerre t Du- bois Crance), qui seniblait avoir plus de determination que le Directoire, et qui offrit d'agir , ne savait pas exactement lui-meme ce que faisaient sous ses yeux les corps de la garnison, et les generaux qui n'auraient dii recevoir d'or- dre (jue de lui. A.u reste, il ne faut pas oubiier de dire que c'est Fouclie qui etait alors ministre de la police. Bonaparte se mefiait assez de lui, il I'estimait trop pen pour le meltre dans sa confidence; mais lui, sans avoir tout devine , avail assez de tact pour comprendre une partie de ce qu'on lui taisait, et pour prevoir de quel cote serait le vainqueur. Alors il abandonna le gouvernement qui le payait, et se mit a servir, en amateur, le parti qui devait triompher, quoiqu'il en eut ete evidemment dedaigne. L'epoque a laquelle nous nous sonunes arretes si long- tems est feconde en instructions et en lumieres; mais trop souvent les hommes qui apprecieut la revolution de bru- maire confopdenl , sans s'en douter, deux choses qu'il faut soigneusement distinguer (et c'est meme, pour le dire en passant, la source de beaucoup de faux jugemens'l; ils confondent I'administration et le systeme politique. L'ad- ministtation fut en general, dans ces premiers tems, ferme, clemente , protectrice , prodigue de bienfaits ; tandis que le systeme politique se montra tout de suite ombrageux , 092 SCIENCES MORALES oppressif , dirige par une volonte absolue , qui ne soufFrait aucun controle, aucun avertissement, el ne consentait a faiie le bieii <[u'a sa uianieie, et quoi qu'il put couter. Aussi la prosperite de la France ne tint pas seuleinent alors a la vie d'un liomnie; c'etait de ses capiices qu'elle depen- dait , et Ton ne tarda pas a en faire la triste experience. II est une question que Ton posera toujours lorsqu'on etudiera I'histoire de Napoleon , c'est de savoir si , dans la complication des interets produits par trois ou quatre revo- lutions successives; si , au point d'irritation ou etaient ve- nus les esprits , au degre de desordre ou Ton avail amene les affaires vers I'epoque ou Napoleon s'empara du pou- voir, il etait possible de reiidre la France a I'ordre et au repos sans aVoir recours au despotisine. Pour nous, il nous semble deuiontre qu avec ses im- nienses moyens d'action, et surtout si I'on considerc lepeu d'importance des honimes qu'il aurait rencontres pour adversaires, Bonaparte pouvait , en Van VIII, faire une revolution au profit de la liberte. Mais il n'a voulu la fair(» qu'a son profit, et au lieu de se constituer le continuateur glorieux de 1789 , il a trouve plus facile de fonder un em- pire , de faire des prouiesses mensongeres , des menaces audacieuses, de s'etablir enfin I'liomme de la force et I'en- nemi du drcit. Le genie n'a-t-il que le despotisnie pour sauver un peu- ple de leffervescence de I'anaichie ? que ferait done riiomme vulgaire si c'etait la tout le secret du grand honime ? Ainsi les societes verraient la liberte s'eteindre au }.ein de I'agitation c[ue la liberte meme a produite ! ainsi la mort serait le seul remede a cet exces de vie! Nous ne le pensons pas ; nous avons plus de foi dans la puissance du genie , et nous le croyons capable de tons les prodiges quand il s'associe a la liberte. Ce serait un probleme interessant, mais difficile a re- soudre, que celui de rechercher ce que ^eraient aujourd'hui la France et I'Europe, si, au lieu de s'arroger le pouvoir su- KT POLITIQUES. 593 preme, Bonaparte eutconstitue la liberie au comineucemout du XIX*" siecle, et I'eut protegee de toute la force de sou genie, de tout I'eclat de sa gloire. Nous n'avons pas le tenis d'egarer ici noire imagination a la poursuite de cette ques- tion curieuse , et nous revenons aux divers ouvrages qui doivent nous occuper. Api'es les avoir compares dans le rjipprochenienb des differens recits d'une meme epoque , il nous reste a les examiner cliacun separement. II est des liistoriens moroses et hargneux qui voient tout en noir , qui mordent de lous les cotes ; c]ui repandcnl le fiel et I'amertume sur tous les fails qu'ils decrivent, et pre- tent, a tousles homines qu'ils peignent, la mecliancete de leur esprit chagrin. II en est d'autres doues d'une douceur et d'une bienveillance inepuisables ; touj ours embarrasses entre leur amour pour la verile el leur crainle que la verile ne tourmente quekpi'un : pleins d'une confiance toujours prele a supposer le bien, a croire a la vertu, et qui sont tout disposes a prendre la prud'homie des gens qui gouverneul pour une garanlie sufllsante du bonheur du genre humain. M. Alexandre Doin est un hislorien de cette derniere es- pece ; son livre le prouve d'un bout a I'autre; des les pre- mieres lignes on le voit lout pret a s'excuser de la liberie qu'il prend d'ccrire I'histoire : « Les matieres politiques sont si delicales et si difficiles a trailer, dit-il. qu'il est im- possible, rnalgre les plus grandes precautions, de ne pas blesser quelque.^ opinions , quelques syslemes , quelques individus et les gouvernemens mcme. Cependant si Ton veutecrire, il fauletre vrai. » Et un peu plus bas : « II m'a fallu parler de (SiS; je ne pense pas que Ton m'en fasse un reprochej car le nier serait absurde ; le cacher serait une preuve de faiblesse. » C'est ainsi c[u'anime dune bienveillance timoree et un peu credule , noire auteur semble manquer de prevoyance dans I'appreciation des fails , parce qu'il se confie Irop a la moralite des hommes. « Quant au Senat , dit-il , nul doute 594 SCIENCES MORALES que ses pouvoirs ue fusscnt exorbitans. Mais ces pouvous otaient utiles , indispensables ineine dans la situation ac- lucllc cies esprits; et s'lls etaient dangeieux pour les liber- tes publiques, ce n'etait qu'en laison du moral des liouimes qui etaient appeles a les exeicer. 1,'autorite du Senat ent piofite a la nation si les senateurs n'en eussent use que pour niaintteuir la paix,aulieu de s'en seivii' pour satisfaire leur ambition personnelle. » Oui, sansdoute , et voila justement la diiliculte ; les senateurs etaient des bommes, c'cst pour- quoi les pouvoirs donnes au Senat etaient danfjereux. Les pouvoirs exorbitans que Ton a quelquefois la faiblesse de croire necessaires , ne sont jamais utiles, et c'est toujours una haute imprudence que d'en confier de pareils aux bommes, quels qu'ils soient. Ce que dit I'auteur de la faculte, que s'etait reservee Bo- naparte , d'introduire dans les colleges d'arrondissement et de departement dix et viiigt membres pris a son clioix , parmi les bommes qui avaient rendu des services a la pa- trie, est empreint de la meme bonhomie. « II semble qu'il ti'y a ici rien a blamev. Voudrait-on repousser la vertu quand elle n'a ni or ni chateaux?" Eh I mon Dieu, noii, ce n'est pas la vertu qu'on veut repousser , c'est la brigue, la faveur , le devoiiment exdusif a une volonte absolue. Et voila, en efiFet, ce que les bommes prudens doivent craindre de choix laisses au caprice d'un pouvoir sans con- tr6le,|)lus enclin, I'experience ne nous en offre que trop de preuves, vers la flattcrie et I'intrigue que vers la vertu toute uue. M. Doin blame bautemcnt le senatus-consulte de tber- midor an X, espece d'acte additionnel, et en cela il a parfai- tementraison ; mais lorsqu'il ajoute que ce senatus-consulte « dcnaliira le caractere de la Constitution de I'an VIII j » c'est une erreur : il devoila ce caractere , il le conHrma , i\ en tut pour ainsi dire le complement. M. Doin, dans son admiration du i8 brumaire, n'avait pas examine la Consti- tution au I'ond, et s'etait contente des Mpparences. 11 n'a ET POLITIQTJES. figo vu le mal que quancl il a ele pousse a I'exces. Tel est le ca- racteie general de cet ouvrage, trop de confiance dans les homines, trop pen d'exanien des institutions. Notre auteur trouve de bonnes raisons pour justifier les tentatives ainbitieuses des premieres annees du regne de Bonaparte, mais on peut lui reprocher de ne pas s'elever assez pour juger ces grands interets, et de trop retrecir son horizon. Uniquement place au point de vue de France, il tient trop peu de compte de la maniere dont Telrauger devait considerer les memes evenemens. 11 ne regarde en- core les choses que d'un cote, lorsqu'en applaudissant a I'etablissement de I'empire, il reniarque que I'etat de la France aussibienque de I'Europe ne permettait pas le repos a un gouvernement republicain. Cela peut etre vrai, mais cc n'est pas la veritable question ,• la question est de savoir si , en fondant une monarchie, il fallait absolunient la fonder sur le despotisme , et non sur la liberie. Une discussion sur les principes de l' usurpation et de la legitiniite venait ici tout naturellement; I'auteur y consacre deux chapitres ou Ton trouvera de bonnes doctrines expo- sees avec clarte. M. Doin a traite avec un soin particulier la malheureuse affaire du due d'Engliien ; il la discute avec un grand de- tail , i! recueille et compare les pieces , il jette du jour dans cette obscurite. Cette portion de I'ouvrage serait tout-a-fait disproportionnee dans I'ensemble s'il fallait considerer ce livre comme un ouvrage regulier ; mais on ne doit y voir autre chose qu'une suite de considerations, et un recueil de materiaux. Plus tard I'etendue des negocialions avant et pendant la guerre de Russie donne lieu a la meme ob- servation. Nous devons signaler a I'attention du lecteur un chapitre qui nous a semble rempli d'idees justes et de considera- tions elevees, c'esl le troisieme du dcuxieme livre. Quel- ques phrases suffiront pour etabhr claircxnent la question de haute politique traitee par I'auteur. 596 SCIENCES MORALES « Arrive a la supreme puissance , Napoleon avail it choi- sir enlre ralliauce dcs peuplcs el ralliance des rois. Le choix e'tait facile : il avail lout a {;a{jiier avec les uns et tout a perdre avec les aulres. « En sallianl avec les peuplcs, Napoleon inarchail avec les masses conlre les exceptions, les droits conlre les usur- pations. Homme des peuples, il etail I'liomnie de I'Europe qu'il eiit gouvernee. » Un pacte avec les peuples etait indissoluble ; un pacle avec les rois ii'etait que lemporaire. II Napoleon ne pouvait s'unir avec les rois que par la vic- toire ; il elait done dans la necessile de les vaincre ; or , un ami conquis par la force est un ennemi cache... « El commc il fallait que , pour etre devoues au vaiu- queur , les peuples conquis jj,a(;nassent a la conquete, le devoir de I'empereur elait de pioclamer la liberie. » Sans doule ce plan elait d'une execution difficile , niais si Napoleon y eul applique son jjenie , il est probable qu'il lui eut mieux reussi que I'autre; du nioius il elait plus noble el plus digne d'un grand liomme. Toutefois pour I'entre- prendre. Napoleon devait d'abord elablir lademocralie en France , et faire ensuile I'Europe a I'lmage de cette demo- cralie ; tandis qu'iUit la France a I'image des vieilles mo- narchies europeennes. II est bien evident, du reste , que c'elail un parti a prendre des le commencement du consu- lat; quand I'auleur le propose , apres relablissemenl de I'enipire, il n'elail plus tcins. L'epoque de la chute de Napoleon est bien peintc} ou voil combien , dans loutcs ces negociations , oii de grands personnages attaches naguere a I'empire livraient la France aux Bourbons, ou voit, disons-nous, combien lous ces hommes d':^lat , pretendus habiles , 'eurent la vue courte , ou flrcnt ceder leurs lumieresa de pelits et miserabies in- ter els. Malgre les promesses du litre, V Europe lienl fori peu de place dans eel ouvrage , (jue Napoleon occupe presque ET POMTIQUES. 597 seul. Le penchant cle I'auteur pour la, liberie et les ideas genereuses est trop souvent combattu par sa partialito en laveur de Napoleon ; il rejette volontiers les fautes du grand homme sur ses serviteurs; il rejette ses guerres sur les autres princes. Excepte dans la guerre d'Espagne , « Napoleon ne fit reellement que se defendre... 11 voulait reunir I'Europe sous son sceptre; niais a qui la faute? est- ce a lui, ou a ceux qui I'ont toujours provocjue? >> Sans doule Napoleon fut souvent provoc[ue , mais le fut-il tou- jours? inais les provocations n'etaient-elles pas quelque- fois elles-memes des represailles? Comment peut-on ecrire que, dans la guerre de 181 3, « Napoleon s'est sacrifie pour ses allies. » De telles preoccupations nuisent a un historien, car elles bornent sa vue et rapetissent sa pensee. Toutesles fois que lauteur s'en affranchit , on n'a qu'a louer la jus- tesse de sesapercus et la noblesse de ses sentimens. L'auteur des Etudes ne risquait pas de tomber dans un exces d'indulgence pour Napoleon ; si meme quelque sen- timent domine dans son livre, c'est la severite. M. Bailleui avait connu Bonaparte desle commencement de sa carriere; membre d'assemblees deliberantes avant et pendant le gouvernement de Napoleon , il I'avait vu agir et s'etait applique a suivre le developpement cle ses desseinsj.il considere avec des yeux exerces les affaires de France a cette epoque. II en explique clairement les embarras , mais il ne reussit pas aussi bien a enseigner comment on en pent sortir. On le suit d'abord avec confiance dans les detours ou il vous guide , et puis tout-a-coup son fil vous abandonne et il vous laisse au milieu de I'obscurite du la- •4iyrinthe. M. Bailleui coniprend bien sa mission d'historien et de publiciste , il ne se fait aucune illusion sur la difficulte d'e- crire I'histoire de Napoleon. 8elon lui , les faits sont la partie brute de I'histoire; ce qui la constitue c'est, non I'intention , mais le caractere moral du fait. La premiere condition pour reconnaltre la verite dans I'histoire de Na- 598 SCIENCES MORALES poleon , c'est d'avoir des idees rigoureusement justes sur loutes les epoques de la revolution ; car si Ton se trompe sur I'etat vrai de la France lorsqu'il est arrive au pouvoir, ot sur les causes qui I'y ont amene, sur le but qu'on s'est propose en le lui conferant, sur les devoirs qui lui sont imposes , sur la responsabilite dont il se charge , sur les esperances que fait naitre la catastrophe qui I'a porte au pouvoir; on manquera de ternie de comparaison pour dis- cuter, apprecier et juger ses actes. C'est encore, xlans un tel sujet, une idee juste et fondamentale que celle-ci : " Napoleon etait done d'une intelligence prodigieuse, sans nul doute j mais c'est par le caractere qu'il est bien autre- inent etonnant , bicn plusexclusivement lui ; car trop sou- vent son caractere a doinine, menie egare son intelligence. » Apres des preparations si sages, on dirait que I'liistorien va tout de suite s'emparer de notre confiance, etcependant il nous semble que M. Bailleul se trompe des ses premiers jugemeus sur Bonaparte. II pense que le spectacle des eve- nemens des 21 juin et 10 aout ne fit qu'exalter son patrio- tisme, et qu'en 90 il etait tout-a-fait du parti de la Mon— tagne. Nous croyons au contraire que Bonaparte n'eprouva jamais une sympathie reelle pour les exces ni meme pour la cause populaires ; nous croyons que ce grand republica- nisme dont il affeclait Tenthousiasme n'elait chez lui qu'une affaire de cir Constance et uu calcul interesse. Nous trouvonsici, sur le i3 vendemiaire, quelques fails nouveaux , au moyen desquels M. Bailleul discute en detail plusieurs des circonstances relatives a Bonaparte , et refute les erreurs graves et probablement volontaires qui se trou- vent dans le recit dicte a Saintc-Helene par le heros de ki jouruee lui-meme. Nous le repetons, ces Memoires , si cu- rieux sous plusieurs rapports, doivent toujours etre con- suites avec defiance ; les pieces les plus authentiques s'y trouvent quelquefois deligurees ; el M. Bailleul en cite pour exemple I'une des plus belles et des plus cnergiques pro- clamations de Tarmee d'llalie. ET POLTTIQtIES. 599 M. Bailieul , en meme teins qu'il expriiiie des doutes sur une anecdote ronianesque consignee dans les Memoires dc Sainte-Heleney touchant le manage de Napoleon etde Jo- sephine , refute un bruit repandu , dans le terns, par une malveillance facile a expliquer. « Danstous les cas, dit notre historien , le mariage ne peut pas trop etre considere connne la condition du commandement, puisqu'il est du iqventose, et c^ue le commandement avait ete confere le 4 du meme mois. D'ailleurs, si I'on en croit Carnot, c'est lui , et non Barras, qui aurait propose Napoleon. » Avant de suivre Bonaparte dans cette immense carriere que lui ouvre la premiere canipngne d'ltalie , M. Bailieul pose des principes pour apprecier les fails historiques de cette epoque; il distingue avec sagacite ce qui constitue I'opinion nationale ou la faction , et il remarque qu'une des erreurs habituelles de Bonaparte, c'est de n'avoir jamais vu que des factions dans les diverses opinions. Notre histo- rien nous semble avoir juge sagement le Directoire, dans son droit et dans ses actes; ii monire ce que fit de bien ce gouvernement dans les premiers tems de son existence; il le defend centre cet esprit de denigrement dont il fut eons- tamment I'objet; il fait sentir I'injustice dont on usait en rejetant, sur ce pouvoir et sur tons les individus qui en firent partie , le repi oche des vices de quelques-uns d'entre eux. M. Bailieul ne dissimule pas d'ailleurs la faiblesse , I'inca- pacite', les fautes de ce gouvernementj et Ton voit tout ce que, des le debut de sa vie politique, Bonaparte y trouva d'encouragement a son instinct de domination etau deve- loppement de ses projets ambitieux. Mais si les fautes du Directoire etaientl'occasion des continuelles usurpations de Bonaparte sur I'autoritedu gouvernement, elles n'en furent pas la justification ; I'imprevoyance de ce gouvernement et I'audace du general n'en etaient pas moins un grand de- sordre dans I'llltat et le principe de nouvelles calamites pour la France; « car, dit M. Bailieul, c'est toujours la 6oo SCIENCES MORALES. France qu'il faiU voir partoul , avant lout ct au fond de tout. » L'historien observe et luarque avec soin le progres de Bonaparte dans cette insubordination continue qui I'appro- chait peu a peu du supreme pouvoir, dans ce passage de la siniplicite, de I'egalite republicaines, au faste et a Teti- tjuette d'une cour, dont , apres la signature des pieliiui— naires de Leoben , il lit I'essai a Montt'bello , ovi il etablit ce qu'on appelait alors son quarLier-gentral , et ce qu'avec plus de justesse, il noninie lui-menie sa coiir , dans les Mimoires de Sainte-HeVene. Les syniplomes de celte tran- sition dans I'existence de Bonaparte, sont bien saisis et ba- bilement developpcs. « Voila, ce me senible , les fails au vrai, dit, en conduant, M. Bailleul ; voila ce qu'a pu fairc un bomme plein d'audace, avec une grande force de ca- ractere, des talens inou'is , .^ous un gouvernement faible et nial organise; niais cet etat de cboses n'en est pas moins une veritable revolution dans I'ordre consiitue que Ton regarde comme existant. » Parnii les causes principales de faiblesse et d'instabilite dans le gouvernement etabli par la Constitution de I'an III, notre historien signale, comme I'une des plus graves, cette mobilite qui en faisait une veriiable fantasmagorie. Une seule position etait slable parmi cette mobilite des agens civils continuellenient balotles , c'etait celie des agens mili- taires j eux seuls etaient inamovibles, et ne quittaient un grade que pour passer a un grade superieur. « Je sais bien qu'il en devait etre ainsi , dit M. Bailleul, mais le rappro- cbemeut n'en est pas moins etrange. II n'en est pas nioins vrai que le corps le plus dangereux par sa nature etait le seul organise d'une inaniere stable , et devenait d'autant plus a craindre qu'autour de lui tout etait fugitif, et qu'au- cune indiviJualite dansl'interieur ne recevait la plus legerc consistance personnelle de I'exercice des plus baules fonc- tious. «. Cette reflexion ires-juste et assez neuve est d'un liommc ET POLITIQUES. 60 j accoulume a reflecliir. En neiioral, M. Pailleul e'tudic bien une situation politique, il la developpe avec sagacite; on sent en le lisant qu'il a vu les eveneuiens, et qu'il en a fait Tobjet de ses meditations. Sans adopter tous ses jugeniens ct toutes ses opinions, nous lui rendrons ce temoignage , que cette partie de i'liistoirc de Napoleon nous a semble traitee , dans son livie , d'une majiiere fort reniarquable. Le style de cet ouvrage est froid, denue d'elegance et de couleur ; niais il est clair et convient a la discussion. II faut d'ailleurs vemarquer que ce sont de simples etudes, et qu'on n'exige pas ici cette eloquence animec ct pittoresque que Ton clierclie dans I'bistoire. Les Commentaires de Napoleon ne sont, ainsi cjue nous I'avons deja dit, qu'une compilation extraite des Mtmoires de Sainte-Hi^lene • Napoleon n'y est done juge que par lui-mcme; aucune des grandes e'poques de sa vie politique, et le 1 5 vendemiaire, et le i8 brumaire, et I'empire, et les trois niois de i8i5, ne sont presentes ici que sous le jour qu'il a voulu lui-meuie y repandre. On cberclierait vaine- mcnt dans ces recits cjuelques faits, quelques apercus nouveaux , et I'ecrivain qui a traduit ces documens et qui les a reunis en un corps d'ouvrage , a bien fait de ne lui pas doniicr le titrc d'ht'stoire. Le tableau abrege de la vie de Napoleon , espece de re- sume de I'ouvrage {Compendia delV opero') , aussi biea que les notes disseminees avec beaucoup de profusion dans les buit volumes, sont done les seules parties de I'ouvrage ou Ton puisse cbercber une opinion propre a I'autcur, ainsi qu'une appreciation morale de I'liomme et des faits. L'empereur et son gouvcrnement y sont toujours juges avec une extreme faveur ; I'auteur se montre plus enncmi de I'oligarcbie qu'ami de la liberie, qui n'est pas faite , dit-il, pour les peuples vicbes et vaniteux ; le des- polisme ne I'emeut pas , et il tient conipte a Napoleon des services materiels qu'il a rcndus a la societe, sans se sou- cier le moins du monde du prix que ces services ont coiite T. XLix. M\ns i83i . 39 6oa SCIENCES MORALES aux peuples , ct sans examiner si un grand liominc d'uii autre caractere n'aurait pas pu concilier les memes services avec la liberie. L'auteur est evidemment un admirateur trop exclusif de Napoleon. II s'cn defend pourtant , niais voyez eu quels termes : « Qu'ou ne s'imagine pas que I'espece de culte que je professe pour Napoleon m'exalte au point de louer indis- tinctement toutesses actions. Je sens fort bien la difficulte de le justiGer d'avoir voulu changer le nom de consul en celui d'empereur , et d'avoir choisi , pour niettre en son lit, la fdle d'un roi (i). » II est difficile a un historien de se niontrer plus supcrfi- ciel. Sous le consulat, les constitutions etaient despotiques; qu'iniportait alors a la nation un vain changemenl de nom? Cependant notre auteur , qui reproclie ce nom d'empereur a Bonaparte , applaudit sans restriction aux institutions imperiales. II excuse son instinct d'ambition , sa soif de commander. « En resullat, ou tendaient ce pouvoir et cette ambition? Aempecber les usurpations des grands, a sou- inettre au frein les de'sordres et les crimes , A contenir les pretentions du clergej a eclairer les esprits , a faire admi- nistrer la justice avec impartialite , a donner des institu- tions conformes a la raison , a rendre enfin I'ltalie et la France independantes et glorieuses , les peuples lieureux , la societe perfectionnee : I'ambition de Napoleon etait done une ambition noble , utile et geiiereuse. « La probite , le courage, la moderation, la generosite, I'amour de ses semblables sont des vertus que Ton n'ac- quiert pas , elles sont un don bien rare , accorde par la (i) L'auteur lai fait ailleurs (dans une note du troisierue volume, p. 248) un reprocbe tres-rude sur retablissenient d'une noblesse heredi- taire , et il ne s'apercoit pas qu'en adoptant le systeme de gouvernement de Napoleon , il est force d'adopter a?issi sa noblesse qui en etait un ele- ment necessaire. lllai leprocbe encore (T. vi, p. 77) de n'avoir pas etabli le gouvernement absolu, a son retour de I'lle d'Elbe , jusqu'a la paix , et il ne se met pas en peine d'exaiuiner seuleiuent si cela etait possible alors. ET POLITIQUES. 6o3 nature , resultat de I'equilibre , de riiarmonie cl'une par- faite constitution physique. Napoleon avait ce don, et c'est pour cela qu'il etait plus digne qu'aucun autre de devenir le chef d'une nation. II etait valeureux sur le champ de bataille , habile, prevoyant , soigneux , infatigable dans I'administration; impartial et humain en legislation. II ne subit jamais la domination des favoris, ni des fcmmes. II fut toujours au dessus des illusions , parce qu'il etait tres-instruit , parce quMl etait geometrique dans ses idees.... Napoleon est tombe par un exces de bonte et de nienagemens [Perclih h stato I'uomo delta compassioiie e dei riguardi) , parce qu'il a voulu a la fois respecter les rois et respecteV les peuples; niais , dans les grandes circonstances , pour transformer la societe, pour regner, il faut bannir la circonspection. vSi Napoleon eut imite ses ennemis , s'il evxt lance contre eux les peuples , le systeme social aurait ete debarrasse de ses vices et aurait commence une ere toute nouvelle. Le seul Napoleon a eu le moyen et le pouvoir de regenerer le monde, lui seul aurait pu etre le sauveur des peuples. II faut plaindre ['Eu- rope que Napoleon n'ait pu tiiompher; il parait que la providence divine n'a pas perniis qu'un homme parvint a un tel degre d'elevation... Quoi qu'on puisse dire, Napo- leon dirigeait tous ses soins, employait ses armees , sa puis- sance , sa gloire a favoriser I'impulsion du sieclc , tandis qu'au contraire ceux qui I'ont detrone n'eurent d'autre desir que de soutenir la cause des rois, que d'imposer de nouvelles entraves a la malheureuse humanite'. » Pour que Napoleon eut fait ce qu'on indique ici , em- ployer les peuples a fonder I'iudependance , il aurait fallu n'avoir pas cette horreur dont il etait penetre pour toute influence et toute action populaires; il aurait fallu vou- loir en effel I'iudependance des nations, et non leur soumis- sion a une monarchie universelle ; il aurait fallu entin n'etre pas Napoleon. Quant au but des rois coalises contre Napo- leon, but manifeste dans Xs. Sainte- Alliance ^ c'etait en 39. Co4 SCIENCES MORALES ET POLITIQUES. effet rorganisalion d'une cspece d'esclavage europeen ; mais c'elait la uiie tache pour laquelle ces rois pygmees n'avaient pas mesure leius forces; la puissance populaire fait partout ilcs actes de geant el brise ces toiles d'aiaignees dout on avail prelendu I'enchainer. L'liabile despolisnie de Napoleon eiil long-tems comprime une liberie que la tyrannic routiniere des cabinets a provoquee, el a laquelle elle laissera enfin une eclatante victoire. On n'en saurait assigner le jour, on en peut proclamer la certitude. Nous avons Iraduit nn assez long fragment du Compen- dio dclV opera ; nous avons vouhi , par cette citation , que nos lecteurs comprissenl la pensee cjui a dicte un ouvrage ecrjt surtout pour I'ltalie. 11 est inutile d'indiquer ici ce que nous pourrions adniettre de ces eloges , el ce que nous endevrions refuter ; I'ensemble de nos articles nous dispense de ce soin. Nous remarquerons seulement que I'auteur n'a peut-etre pas assez songe a la difference de I'elat social et politique en France et en Italic, au commencement du XIX* siecle , lorsqu'il considerc ici ces deux contrees sous le nieme point de vue. Ce qui est evidemment faux, dans son appreciation du regime imperial a I'egard de la France , pourrait peut-etre, sous certains rapports, se justifiera r«5gard de I'ltalie. C'est la une distinction que nous nous contentons d'indiquer , et que nous n'avons ni le tenis ni la mission d'examiner ici au fond et en detail. Les historiens de I'enipereur dont notre auteur se plaint avec le plus d'amertume sont Carlo Botta , en Italic, Mont- gaillard , en France, el Waller Scott , en Angleterre; il est certain que Napoleon a ete juge avec passion par ces trois historiens, et ce n'est pas cliez eux qu'il faut aller chercher les elemens d'une opinion sur le grand liomme. Ce ne serait pas non plus , nous I'avouons , chez un historien aussi dis- pose a la bienveillance que I'auteur des Cotnentarj . Nous sommes obliges de consacrer un dernier article a rachevement de la lache que nous avons entreprise. M. AVEVEL, LITTERATURE. DicTioNNAiRE GREC-FRANCAis , compost siir iiTi noiiveau plan ; par L. ALEXA^DnE, proviseur du College royal de Bour- bon (i). Depuis Homere jusqu'a Theodore Gaza, depuis le poeie epique volsin de la guerre de Troie , jusqu'au grainniai- ricn conteii'.poiain de la prise de Constantinople, dans ua espace de vingt-quatre siecles, la litterature grecque n'a cesse de s'enrichir d'ouvrages nouveaux , dans lous les genres sur lesquels I'esprit humain peut s'exercer. Durant ce vaste espace de terns , le genie du peuple grec, quelque- fois assoupi, jamais eteint, a subi de periodiques cliange- niens, a peu pies lous les deux ou trois siecles; et, en se modifiant, a niodifie cliaque fois la langue qui servait d'expression a ses pensees. Qu'on imagine approximative- ment ce que les auteurs tie la Grece ancienne et de Id Grece du moyen-age, a mesuve que les idees se. sont etendues , agrandies , ennoblies,ou rapetissees, degradees, alambi- quees, faussees, ont introduit de mots nouveaux dans leur idiome, soil par la composition , soit par le neologisme. Qu'on suppose laquantite de sens differens qu'ils ont atta- ches lour-a-tour a la meme expression ; et Ton comnien- cera a se faire une idee de rimniense difficulte atlachee a la composition du lexifjiie d'une pareille langue. Dix ou douze generations de savans suffiraieat a peine pour dresser la lisle de tant de mots, pour fixer ies accep- (i) Paris, i83o; L. Hachcltc, rue Picric Saiia.sin , u" I2;prix, i5 fr iclic en parcbt'iuiii. 6oG LITTltRATURE. tlons differentes dans lesquelles cliaque mot a ele pris, pour mettre enfin de I'ordre dans cetle nomenclature. M. Alexandre a tiouve les materiaux non-seulement prepares , mais deja mis en oeuvre par des hommes d'un immense savoir , tels que les H, Eiieiiiw , les Schneider, les Passow, les Riemer, les Hederich. De plus, M. Alexandre s'est aide et a du s'aider, dans une taclie presque au-dessus des forces d'un seulhomme, des recherches prepavatoires de divers coUaborateurs, parmi lestjuels 11 cite lui-merae avec eloge noire excellent lielleniste Longueville. Malgre ces secours de difTereutes natures^ le me'rite de son ouvrage n'en demeure pas moins fort grand, et nous ne doutons pas que le public ne lui rende une pleine et prompte jus- tice. Nous donnerons d'abord une idee generate du livre : nous entrerons ensuite dans des explications propres a en faire connaitre les details : nous terniinerons par des ob- servations sur divers points ou des modifications nous semblent necessaires a introduire. M. Alexandre a mis son Dictionnaire au niveau de la science; il a profite des travaux entrepris sur la lexicogra- phic par les eru(»lits de France , d'Allemagne et d'Angle- terre. II a ajoute aux recherches cie ses devanciers par ses lectures et ses observations particulieres. II a dispose avec sagesse I'ensemble de tant de parties differentes, et intro- duit dans son travail une precision et une clarle remar- quables. Tel est le caractere general de la nouvelle publi- cation. En examinaut les details, on trouve des innovations et des perfectionneniens notables. L'auteur a suivi partout avec une fidelite scrupulcuse I'ordre alphabetique; plusieurs ouvrages du meme genre manquent de ce merite, et par cela meme , sont d'une fatiganle difflculte a consulter. M. Alexandre a augmente de quinzc niille mots la nomen- clature de tons les dictionnaires publies en France avantle sien. Cependant il n'a pas la pretention d'etre absoluinent complet et quelqiiefois il n'a pas voulu I'etrc ; dans un ou- LITTlfeRATURE. 607 wage destine surtout a la jeiinesse, il eiit ete dangcieux d'atlinettre et d'expliquer tous les termes qu'on rencontre dans Aristophanes, Athenee et plusieurs autres ecrivains dout la morale etait moins severe que la notre , ou au inoins loute difFerente de la notre. M. Alexandre s'est souvenu du prccepte de Boileau : « Le lecteur francais veut etre respecte. » II a le premier distingue de la langue usuelle ce qui s'en ecarte : 1° les formes ou les mots, soil dialectiques , soit poetiques, tels que Trai^sffffi pour Tra-cri ; uuzoy.p-AYig pour auTo/pane ; 2° les mots d'un usage rare ou peu elegant; 3° les mots entaches de neologisme, ou de bonne heme tombes en desuetude ; 4*" ceux qui n'ont pas d'auto- rite suffisante, ou dont I'existence est douteuse ; 5" enfm, les termes insolites, tout-a-fait barbares, ou d'origine etran- gere. Celte classification n'avait ete que Ires-faiblement ebauchee dans les lexiques, soit anciens, soit modernes.Sans elle , cependant, on ne pent avoir de la langue grecque qu'une connaissance confuse el vague , on ne pent etablir ses differ ens ages , et se former une idee juste de son genie el de ses variations. La.partie de ce travail la plus delicate et la plus penible etait la fixation toutenouvelle de la langue poetique, et Ton peut voir dans la preface de M. Alexandre toutes les precautions qu'il a prises pour tracer d'uue ma- niere juste la delimitation entre le langage de la poesie et celui de la prose. Jusqu'a present, tous les dictionnaires pechaient par un defaut dordre ladical. Dans les articles consacresaux mots qui ont ele pris , par differens auteurs , dans des acceptions tres-differentes , les lexicographes donnaient un premier sens du mot, avecdes exemples a I'appui de ce mot j puis, un second sens avec de nouveaux exemples ; puis, un iroi- sieme , un quatrieme , et ainsi de suite , jusqu'a ce que les divers sens fussent epuises. M. Alexandre avail remarque que locil et I'esprit se fatiguaient egalement a chercher, dans un article de plusieurs colonnes , le sens dont on avail be- soin. II a suivi une me'lhode differenlc , etnous croyons que 6o8 milRATURE. cette disposilion nouvelle sera generalement approuvcC, II iloniie ensemble, au coimnenceinent de cliaque article, toutes les acceptions dii mot, separees par des chiftVes qui renvoient aux examples. Nous cliercherons a nous faire comprendre et a etablir la difference qui exisle entre les anciens lexiqiies et celui de M. Alexandre, en citaut, en regard, un article correspondant, pris dans les uns et dans Tautre. Dans le Dictionnaire de M. P1.AKCHE. 'Evisuoi, tvisTt'i"' , placer dans, placer dans les intervalles. — Pla- cer , poster. *Evi^tio-iti, soiis-eiltendu tIv vouv ou TJir cTiavoictv , t'iiire atteulion k ; ai- reter son esprit sur uu oLjet. 'ivi^a.y.a.1 , enircprendre. 'EnVa- triai iiictit , intenter une accusation. — -EvtsiixdJc TToKi/AOi, la guerre qui s'est engagie, la guerre pnsente. 0sfoi/c i^ig-jLij-Unu , au coinaiencc- luent de I'ete. 'Evcra't ;tP^"S > 1*^ temps present. 'h.v>g-u./j.ii> , observer de prcs , olre pret a fondre. — Epier une occa- sion favorable ou uu mouveaieut «ie reuiieaii poui- tondre sur lu 'EvifafJiai , s'opposer a — resistcr a. "EviVaj"*', eutier dans une route, suivre un cbemiu. Titx t«v ■ /Slot otTov svs-nVovTa.! , Pint, quel j;enre de vie einbrasserout-ils ? 'Eii- s-a//ai , etreiostant, etre iinmineiit ■£viVaj"ti , se figer , se coaguler .Evifawivov 7 axa , lait caille. Dans Ic Dictionnaire de M. Alexandbe. Ey-i's^i^i , placer dans , mettre daus , arrdler sur, fixer sur, au propre et au figure : quclquejois dans le sens neulre , arreter sa peu- sce sur, rcflechir a, reg. ind. au dnt. Au moyen mixte. 'Ev-lg-af^tctt , 1° se placer dans ou sur , se mettre dans, s'engagLi- dans, dal. ou ace; resister a , dat. ; 3o etre immi- nent ou j)ressant, menacer, pres- ser , flP'ec le dat. ; 4° se condenser , se figer. — io'EviVs'»'9a' Torreo t/vi, Lex.ySe tenirdaus un lieu. — 20'Evi- g-iiVTai la , Dinsc. , ils s'opposent aux progres du poison. "Hv tk jvi'sTt- Txi Tci; /To.ot///.ivoic, 7/jHc., si quel- qu^ln s'oppose a ce qui sc passe. — 3" 'Ens-«/-"i"'t KivJ'vioi , hex. , dan- ger imminent. 'Evifstwivot/ ^■sfst/f , lY'le appiocliant.'Evs-ncs/^e'oc Tii pu- •}j1 tt^Tou , Plut. , pour le serrer de prcs dans sa f'uite. 'Evs^uaj «-oAs- y.^i , la guerre act uelle , celle qu'on a sur les bras. — .4" Evis'aiWf vov ydxu^ lait caille. Au moyen proprenient dit. Ei- iVct^ai , engager , comraencer , cu- treprcudre , avec I'acc. Ti»a ISly iV5-T«a-ovTai , Ksch. Soc. , quelle route ils prendronl. 'Eys-iiVasrSat x.x- THjOfi'af K-j-rra. TiifJt , Ucrrn. , inten- ter une accusation ;i qiielqu'un. RR.'Ev 'igvyt. M. Alexandre a range, autant qu'il I'a pu , Ics diverses significations dansleur ordre gt'nealogique, depuis le sens piiinitii' ou Ic plus voisin do la tacinc , jusqu'au plus c'loi- LlTTtRATURE. Gocj j^ne. Mais, comnie les sens priniitifs ne sont pas toujours les plus usites , il a attire I'attention sur les sens les plus en usage. II a indique, avec plus de fidelite qu'aucun de ses devanciers , les dive,rs regimes de cliaque mot , dans chaque sens, et toutes les'constructions dont il est suscep- tible. II a distingue, avec un pareil soin , les voix dans les verbes , et Ton sentira I'importance de cette partie de son travail , quand on reflechira que chaqu2 voix est en quelque sorte un verba a pari , lui-meme susceptible de plusieurs sens , de plusieurs constructions , de plusieurs regimes; en consequence, il a fait sur chaque voix le mcnie travail que sur la voix active. II a donne place dans son Diclionnaire , non-seulement a tons les terns irregu- liers , mais aussi a tons ceux dont la formation plus diffi- cile, quoique reguliere, n'indique pas, sur-le-champ eta la moindre attention , I'indicatif auquel il faut remonter. Ainsi Ton trouve dans le nouveau lexique : oulelv , aorisle 2, iiijinitifde dtxtpswj Sdenriy.T.., parfciit de §i'iax(/.]J.v.i; Sisgm- 9»v , aorisle premier, passij' Aq 5ty.'7oi'Q " '^^ bien il (i) Dion Cassius ; edit, dc Reimar , p. 9. LITTfeATURE. 6ii dissiinulait enliereinent les injures. ». — Tou; Triesou; twv avQpcoTTWv npn-jfsipoTspov innoli iJuff^^EpecTepotc xyivcf.y.Zziv , n twv aptvo'vwv x^ptv Ttjlv e'x-'^j (0 " ^* plupait des homines s'ini- tent phis facilement des injures , qu'ils ne conservent de reconnaissance des bienfaits ». II est evident que dans ces deux passages , S\ja^sprji , ^u(7;^£pg(7T£pov , est employe dans I'acception substantive de mat, tort ou injure, et que les explications fournies par M. Alexandre ne conduisent que jusqu'a une certaine distance de ce sens. La menie obser- vation s'applique a 7ru)iata (sous-entendu civoSo;). L'auteur donne pour significations conscildes Aiiiplryc lions (2); droit d'envoyer d la diele des Arnph/yclions • lieu ou ils s'assem- blaientn. Ges significations sont insuffisantes pour expli- quer les monumens, et il faut y joindre telle de reunion, tenue ou assemblee de ce conseil; c'est ce que prouve I'inscription suivante, qu'on trouve encore aujourd'liui , au moius en grande partie, sur I'exedre de Delphes : Em APISTArOPA APXONTOSEN AEA^OIS OYAAIAS EAP1NH2 lEPO- MNHMONOVNXnN AITOAaN nOAEMAPXOT AAEiANAPOX AAlViaNOS. M. Letronne a donne de cette inscription (3) la traduction suivante , qui est de la plus grande exactitude : " Aristagoras etant Archonte a Delphes, Y assemblee etant cclle du printems, les OEtoliens exercant riiieromneiuo- nie , Alexandre fils de Damon etant Polemarque. » A la finde rarticleSTparylYos, je trouve que ce mot, dans I'histoire romaine , signifie preteur. Dans I'histoire ro- maine , il se prend indistinctement dans le sens de pre- teur, c'est-a-dire , de magistrat charge de la justice et de I'ad ministration interieure (ffTpar/r/o? s^ cHazu) (4) et dans celui de genc'ral , de chefde laforee armee ( pia (J' i\ (i) Dion, p. i58. (2) Pour couseiver retyraologte ( 'A//jiktucivjc ) il faudrait ecrirc am- phictyons et non pas amplijctions. (3) Journal des savans ,]any'ier 1820, p. 41- (i) AppiEN, Millirid., c. vr. 6 12 LrrrfiRATURE. etTraerwv xaO' j^jxipav cv^pata avi pspo; tw txTf ar/i'^w Trapa/oi- T£t) (i). Au surplus, ce mot demandeiait une foule d'expli- cations dont je iie puis doiiner ici que Ics principales. Quand Polybe veut parlei- du magisUat supreme et du jjeneral a la fois des Acheens ou des OFltoliens, au lems ou riiistoire grecque se melc avec I'bistoire romaine , il se scrt du terme ffTparjiyo;. Tite-Live I'a iraduit par prcetor, parce que long- terns cbez les remains prcvlor avail etc employe pour designer, non pas le prcteur , mais le con- sul, le dictateur, le magistral supreme de la republique, avant que la preture proprement dile fut elablie. Lors- qu'on a Iraduit en francais le jjrwtor Achteorum , piwtor OElolorum de Tite-Live, y;\y prt'iettr des Aclitens , pre- leiir des OEloliens , on n'est nuUement enlre dans la pen- see de I'auteur latin , et Ton a fait une sorle de contrc-sens a cause de I'idee qui s'attacbe en general au moiprt^leiir. Examinons maintenant ce qui concerne la parlie gco- graphique dans le nouveau lexique. Je n'ai verifie que les articles relatifs a la Macedoine el a la Grece. J'y ai trouve de nombreuses omissions, et je n'ai pu me rendre un compte exact du systeme suivi par M. Alexandre, ou plu-, tot il m'a semble qu'il n'avalt encore , pour cette impor- tante parlie , aucan systeme arrete. Je trouve en nom et pour son comple la ville de Pylos HuXo; , independamment de ses derives, n-j).dGev de Pjlos, et HuAtiv^i a Pjlos , vers Pjlos. Megare , Eleusis, Corintbe, Sparte , Pella , Thebes ne sonl pas en nom, comme Pylosj on les rappelle seu- lement a propos de leurs derives. EnGn, Edesse, Oicbo- mene , Leucti^s , Itliome , Ira , Manlinee et une foule d'autres manquenl entieremenl. Le mot 'U.i-jT.li-no'km est porte, mais il ue siguifie c|ue grande ville , ville fameuse. Or, cette signification rcstreinte induit en ericur au sujet de la ville bdtie au (cms d'Epaminondas , el provoque un contre-sens de la part de I'eleve auquel on doniie a (i) Polybe, vi, 33. LITTfiRATURE. 6i3 tj-aduiic la phrase suivante de Pausanias (i) : « li ok MeyAr.- TrdXt; •JtMTxrYi TroXiwv et^tv. » Avoc le noiiveau Dictionnaire , il doit traduire : « La grandc villc ou bieu la ville fameuse est la plus nouvelle de toutes les villes », au lieu d'ecrire : « Megalopolis est la plus nouvelle de toutes les villes. » Nous pqiisons qu'un Dictionnaire n'a atteint le degre de perfec- tion et d'utilite dont il est susceptible, que quand il con- tient une nonienclaluic geographique raisonnee et com- plete. Si M. Alexandre n'appelle pas de cette sentence , il avisera aux nioyens les plus convenables de faire droit a nos reclamations. A. PoiRSON. Soirees DE Walteu Scott a Paris, recueillies et publides parM. P. L. Jacob, bibliophile, niembre d'un grand nombr^ d' Academies; avcc cette epigraphe : « L:vres nouveaux , livres vielz et antiques (Et. Dolet). » Pre- miere et deuxieme parties (2). Les deux Fous , liistoire du terns de Francois I"" , \Si^ ; par le meme 'y avec la meme epigraphe (3j. Les mauvais Garcons (4). Le peuple des lettres rcssemble fort au peuple des mar- chands qui se plaint toujours du mauvais etat du negoce et regrette le vieux tems comme terns dc fortune et de prosperite. Ainsi, nous entendons a tout instant des hommes amoureux du passe, qui gemissent sur la decadence de notre litterature et pleurent amerement des talens morts (i) Pausanias, Arcad., cap. 27. (2) Paris, 1829 et i83i;Engene Rendael. •>. vol. in-8° de 401 et 440 pag.; prix , 1 5"fr. (3) Paris, i83o ; Eugene Rendnel. Iq-S" de xni et Sga pag.; prix, 7 fr. So. (4) Paris, i83o;Engene Reijduel. 2 vol. in-S" de vit , 38i et 386 p. piix, 1 5 fr. Ci/j LITTlfeRATURE. et des gloiics cteintes. Faut-il cliercher i consoler ces lion- ntites gens , et leur prouver que noire epoque , apres tout, n'est pas une cie de baibaiie, et ne sera pas couverte dans riiisloire de plus noires tenebres que celles qui I'ont pre- cedee? Assurement ce fut un beau siecle que le slecle sur lequel Louis XIV eut le bonheur de regner. Poesie brillante plu- tot que vraie et sincere ; combinaison habile de la beaute antique et de la civilisation moderne ; placage artistement travaille de pensces et de senlimcns artificiels sur des for- mes savantes et gracieuses; enfanlement laborieux d'une pliilosopliie qui cherche son but et son avenir ; sublime et dernier eclair du chrislianisnie , qui semble etaler toute sa magnificence et toutes ses forces pour se preparer a la lutte mortelle qu'il va soutenir ; reunion unique dans I'histoire des genies les plus divers et des circonstances exterieures les plus favorables a leur devcloppement : voila son lot dans nos Annales. Le siecle qui suivit vient seulement de se terminer j aussi est-il juge encore avec peu d'impartialite. II renferma plus de passions que de talens; plus d'intelligence et d'ardeur que de savoir j plus d'hypocrisie arrogante que de philosophic veritable. Ses ecrivains, a moitie hommes du peuple , a moitie hommes de cour, faisaient retentir a I'oreille des grands les plaintes des masses d'ou ils etaient sortis , dont ils ne partageaient pas les maux et qui criaient, ecrasees sous le sceptre royal et rongees par une aristocratie cupide et orgueilleuse et par la vermine monacale. Artistes de circonstance qui laisseront peu de monumens; siecle de transition dont la place ne sera marquee que par des mines. Notre siecle commence a peine , et il nous semble que deja il n'a rien a cnvier a ses aiues. Une qualite surtout qui brille dans toutes ses ceuvres , et qui est peut-etre le sublime de I'art , c'est une haute nioralite , un instinct vif el sincere du juste et de I'utile. II y a du cahne et de I'impartialite LITTftRATURE. 6i5 dans sa pliilosopliie , de la verite dans sa poesie , de I'in- telligence saine et consciencieuse dans ses eludes. II a vu oaitre des poetes : Beranger , qui n'iuiite per- sonne et sera difficilement egale ; Lamartine , dont la grande et originale lenommee trouveia peu de rivales; Victor Hugo , qui peut , je pense , lutter sans crainte avec J.-B. Rousseau. Je ne crois pas que nos neveux mettent Chateaubriand et Lamennais beaucoup au-dessous de Bos- suet, et Cuvier au-dessous de BufFou. Avec Pascal , comme avec Montaigne, Paul-Louis peutsoutenir le parallele. Nous cherclions vainement dans le grand siecle quelque chose a comparer aux Sismondi, aux Thierry, aux Barante, aux Guizot J et , si les savans benedictins amasserent dc precieux materiaux , du moins faut-il convenir qu'ils les ont laisses inertes et confus, et que, sans etre moins savans, nos historiens ont infiniment plus d'art et d'intelligence. Nous sommes injustes envers nos contemporains. Nous possedons beaucoup d'ecrivains qu'une brillante gloire eiit entoures, s'ils avaient vecu cinquante ou cent ans plus tot. Assurement, des cris d'enthousiasme eussent accueilli 1^ delicieux et bizarre roman de M. de Latouche, Ze Dernier Chouan de M. de Balzac , le Cinq-Mars de M. de Vigny , s'ils avaient ete publics en concurrence avec les romans de I'abbe Prevost. Voltaire eut voue une haine profonde ou une admiration passionnee au talent prodigieux, a la verve sanglante, a lamerveilleuse facilite de Mery et Barthelemy ; et sa plume feconde aurait failli a la tache que remplit un jeune officier d'infanterie qui dirige le National: il eiit recule devant la necessite d'ecrire tons les soirs un pamphlet politique , ardent, vigoureux de style et de pensees et tout brillant de science historique. Champfort et Marivaux se seraienthumilies devant M. Theodore Leclercq; Dideroteiit emhrasse M. Jules Janin avec des trepignemens, despleurs, des cris de joie; et Marmontel aurait rougi de ses fades Contes moraux, s'il avait lu les piquantes Nouvelles que MM. Balzac et Merimee jettent chaque semaine avec 6i6 I.lTTfiRATURE. profusion dans quelques-uns de nos lecucils A la mode. Si les livics dent je dois lendrc coniple aujouid'lmi avaicnt jiaru , non pas dans I'autre siccle , niais sculement sous le legne do Napoleon , ils auraiont, sans nul doule, produit une profonde impression. A la lecture de ces his- toires du moyen-age , racontees avec cette naivete et cette Terite de details qui supposcnt d'effrayanles eludes et un gout acheve , cliacun , emerveille , aurait clieiche derrierc le voile de i'anonyme quelque vieux ecrivain, qui jetait dans le nionde, avant d'en sortir, le fruit des travaux de sa vie entierej et a peine se fut-on persuade qu'une seule vie put suffne a vaincre taut de difficultes, a devorer taut de fatigues. Ell Lien I aujourd'hui , ces livres , annonces avec bien- veillance par les journaux et les prospectus , ont trouve tout au plus quelques centaines de lecteurs, dont I'appro- bation silencieuse n'est pas alle flatter I'oreille delicate des auteurs. Et pourtant, les esprits studieux se tournent avec ardeur vers le moyen-age j nous adorons les chroni- ques, et il n'est pas une femme, tant peu doctrinaire soit- elle , qui ne se passionne pour la cliarmante barbarie de nos pcres I Et pourtant , I'anonyme diaphane a laisse en- trevoir les auteurs de ces delicieuses productions; et ce ne sont point de vielz et poudrez erudits, mais de tout jeunes ccrivains a peine sortis de rhetorique. Je signale ce fait singulier a I'attention de nos neveux , si toutefois ils ont le terns de lire nos romans et nos journaux. Walter Scott est le premier , ce me semble , qui ait clierche a donner plus de verite a la peinture des terns anciens, en nielant a sa narration la langue des contem- porains. Mais il n'a pas pousse loin cette tentative , et il s'est borne a emprunter pour ses romans ecossais quelques expressions a I'idiome des Highlands. Chez nous , M. de Barante a applique plus completement cette methode a I'hisloire serieuse, et un succcs eclatant a couronne cette LiTTl-RATURE. Gty innovation. Dopuis la publicalion de YHistoire des dues de BoiiTgognti , M. Capefigue est entre dans la menie voie : niais il s'y est precipite sans retenue , el son Histuire de Phi h'ppe-^ tigitsle n est ^resciup qu'une collection de cliio- niques morcclces, dont les fragniens sont lies entre eux par de coui tes explications. On voit ou menait cette route : a une edition complete des chrouiqucs . ct MM. Guizol et Biiclion s'etaient depuis long-tems charges de cette tache. Mais, entre M. de Rarante et M. Capefigue, s'etail glisse dans le mondc le bibliophile Jacob , tenant en ses mains la premiere partie de s€s Soirdes de. TValter Scott , lec[uel avait tres-bien compris la question ets'etait convaincu (jue ra confer le moyen-age ou le peindre etaient choses di verses, reclamaiit des procedesdilFerens. II voulait peindre ; il avait cree son sujet et dispose son pi." a : il avait fait des contes, et il avait bien fait. Cependant, il existe une autre diffirultd, que M.Jacob a fort nettement reconnue , comme nous I'apprend la dedi- cace de la seconde partie de ses Soirees. (Dedicace ou, pour le dire eh passant, il jette tres-vertenicnt a son patron, I'auteur de TVawrley et des Letlres de Paul, plus do veri- tes rudes el crues qu'on n'ost lenu d'en me tire dans une cpitre dedicatoire. ) Quand nous aurons a peindre Paris an XV* siecle , nous nous servirons lout siniplement de la langue de ce terns et de cette villo : cela est facile avec les etudes qu'a faites M. Jacob. Mais, si nous avancons ou remontons de cent ans dans I'histoire , et que parmi nos acteurs se rencontre un homme de la langue d'Oc, quel parti prendre? Referons-nous une etude nouvelle , d'autant plus penible quelle dovra couimcncer par I'enlier oubli de I'idiome que nous avions appris d'abord , ou bien oniploierons-nous meme langage, memos mots , memes tournuies , et ferous-nous parler uu Picard comme un homme de la langue d'Oc? Alors, adieu I'histoire ; adieu cetle verite que nous cherchons a travers tant de fatigues ! T. XLIX. MARS 1 83i . 4^ 0i8 LlTTl'iRATUKE. Cetle difiiculle est ties-serieusc. Elle nous force a opler eiUie la condamnation absoliie du genre et le syslenm qui consisteiait a ne faire parler Achille qu'en grec , Joad qu'en hebreu , Cesar qu'en latin , et encore en latin , en hebreu , en giec de telle epoque , et non point d'une autre ; de tel siccle , de telle annee , de tel jour. Ce dernier systeme , il fautbien I'avouer, est au fond le seal qui soit rigoureuseinent vrai. 11 est ini|iossiblc de peindre exactement une epoque , une nation , un lionime, dans une langue differente de celle que parlaient cet boninie et ce peuple. La platitude universelle des traduc- tions en est une desolante preuve. Quoi qu'il en soit de cette question t[ui mene au cbaos ou a I'absurde , je signale I'obstacle et ne nie cbarge pas de le vaincre. . M. Jacob ne I'a pas menie essaye : dans toutes ses bis- toires , son style est uniforme, et il serait impossible (!e reconnaitre la moindre difference entre le parler des ac- leurs qu'il met en scene vers i3go, sous Cbarles VI ( le Charivari ) , et le langage des courtisans de Cbarles IX en 1674 {l^ Chasse), c'est-a-dire , a un intervalle de presque deux cents ans. La langue de M. Jacob est, a peu de cbose pres , celle du terns de Montaigne; peut-etre de quelques annees en deca. Son rival ousun imilateur,rauteurdesM^c(z/t^rt/5 Garcons, quiaplacesondrame unique en i525,n'a pas eu a craindre le meme danger : aussi , nous previent-il fierement dans sa preface qu'il a trie avec un soin si scrupuleux les pb rases , les mots , l^s points , les virgules qui composent son livre ; qu'il les a si purement extraiis des ecrits contemporaius , qu'en le crltiquant on s'exposcrait fort a donner , conime dil Montaigne , une nazardc a Plutarque siir le iiez de I'auteur. Les SoirtSts de TValter Scott sont au nombre de dix-liuit: on comprend qu'il nous serait impossible d'analyser tous ces jobs romans , ainsi que les Deux Fous et les Mauvais LlTTKRATUllE. 619 Garqoiis, ouviajjes de loiigue haleine cl qui meiiteiaient ;"( eux seiils un cxamen approfondi. Le tilre que M. Jacob a donne a ses ceuvres premieres doit faire naitre quelques incertitudes sur leur origine. Le Grand Inconnit aurait-il cette fois iivre son noni avec eclat a la publicite et reclame bruyamment uue renonimee qu'il a fuie jusqu'a present avec tant de coquetterie? M. Jacob , a la passion des vieux livres, unit la passion des autograplies. En 1826, quand Walter Scott vint clier- clier a Paris ct rasseinbler en quinze jours les materiaux du volumineux pamphlet qu'il a public depuis sous le titre d'Hislo/re de Napoleon, le vieux bibliophile fut averti,par un sien ami, de I'arrivee de I'illustre etranger. M. Jacob professe un trop profond mepvis envers les auteurs qui n'ont pas ime immortalite d'un siecle au nioins, pour avoir lu une seule pajje du romancier ecossais; mais Walter Scott jouil de la celebrite, n'importe a quel titre , et tout ama- teur d'autographes doit posseder de son ecriture. Voila done M. Jacob en campagne , portant soigneuse- meut sous son bras un gros Iivre qu'il croit etre les OEuvres de Jean Scot le theologien , et qui devait devenir le texte d'une galanterie d'erudil. II se fait conduire chez une dame ou le baronnet doit passer la soiree. II parvient enfin a le saisir dans un coin, et il sollicite la signature desiree. Walter Scott consent obligeamment, prend le gros Iivre, en lit le titre, et sur la premiere page ecrit ces mots : .< 7'oila man maitre : Walter Scott. » — M. Jacob s'etait mepris ; ce Iivre elait Froissard. Chacun de se recrier sur I'humilite du grand ecrivain. Walter Scott insiste et affirme avoir tire de nos chroniques bonne partie de ses richesses litteraires, et il offre, pour preuve , de raconter quelcjues histoires qu'il y a puisees. On accepte avec enthousiasme , on s'assied en cercle , on ecoute avidement, et M. Jacob stenographic les contes dont il nous fait et fera successivement present en pur don. Parmi ces soirees, nous signalons surtout le Tresov , 40. (Jio l,lTTfiRATlJIlK. excellent Kibleau do I'etat politique ol civil des Juils vers i4oo. — La Pierrt', histoirc il'une journee de Louis XI. — L" Echa/hudage , h'lsioire de la Saiiil-Rarthelemy , qui brille, meme a cote de la Chronirjue de M. Meriiuee. — Le Guet , comique et curieuse peiiiture d'uiie institution que nous venons de voir renaitre glorieusement dans la garde nalionale; enfin, les Ecoliers , tableau d'unc autre institution antique encore debout , mais qui tond^era bien- tot, et , nous I'esperons, pour ne se plus relever, I'Uni- versite. En traitant ce dernier sujet, M. Jacob marcbait sur un terrain explore avec talent et conscience par I'auleur des Maiwais Garcons. II n'a pu inanquer de profiler de son travail 3 et, en efi'ei , on reconnait a cliaque pas qu'il est gene par son devancier. Les dix ou douze premieres pages des deux ouvrages sont les memes presque mot a mot. On sait que les Mauvais Garcons etaient les bandes de Bohemiens , de voleurs , de deserteurs, d'ecoliers debau- ches , qui parcouraient quelques provinces , et surtout les environs de Pans , en commettant d'effroyables desor- dres. Pendant la captivite de Francois I*' , leur audace s'accrut a tel point, qu'ils venaient jusqu'au sein de Paris excrcer leurs brigandages, et qu'ils faisaient trembler le guet charge de la police , lequel n'osait plus s'opposer h leurs tentalives etfuyait l\ leur aspect. L'auteur des Mauvais Garcons est certainement un ecri- vain de grand savoir et de beau style ; mais nous sommes forces de le reconnaitre inferieur i M. Jacob. II manie beaucoup moins facilement la langue marotiquej il seme souventson recit de reflexions vulgaires; enlin, il manque surtout de celle ingenuite fine et naive qui constitue le merile principal du moyen age et de M. Jacob. Les deux Fous sont, sanscontredit, le meilleur ouvrage du vieux bibliophile. On y trouve reunis tous ses talens : le style savant et pittoresque , la grace et la variete des caracteres , le pathetique de I'intrigue et des situations. LITTfiRATURE. 62 1 Le siijet est cmprunte a riiisloire de Francois 1" : c'esl Ic lecil de sa premiere liaison avcc Diane de Poitiers. Les deux Fous sont les deux boufFons en litre de S. M. : Tri- boulet et Caillette. — Nous devons blamer I'auteur du moyen qu'il a iinaj^ine pour faciliter la premiere entre- vue des deux augustes adulteres. Ce n'est point la nuit , sur la place de Greve , dans la boue , entre les mains in- solenles des soldats du guet, que Francois I" devait rencon- trer sa maitresse et celle de son fils. C'est una inconve- nance qui jelte une ombre sur tout le livre , et d'autant plus grave, qu'elle elait facile a eviter. On annonce la publication prochaine d'un autre ouvrage de M. Jacob , le Roi des Ribands j nous en rendrons conipte avec details, et nous emettrons , a cette occasion, quel- ques idees sur ce genre naissant qui , pour n'avoir encore ele exploite que par deux jeunes ecrivains, peutcependant s'etendre beaucoup et , si Ton se renferme dans de sages limiles, douner naissance a une litterature neuve et sa- vante, utile a notre gloire et propre a varier la monotonic do nos bibliotbequcs. Ansclme Petetin. III. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE LIVRES ETRANGERS (i). AMfiRIQUE SEPTENTRIONALE. ^TATS-UNIS. io5. — * Essays on American silk , elc. — Essais sur la soie d'Ainerique , et sur les meilleurs moyens de faii'e de cette ma- tiere une source de richesses publiques et privees; avec des directions pour les cultivateurs qui voudront elever des vers a soie : par J. D'Homergue , fabricant de soieries , et par G. Dc- PONCEAu, membre de la Societe philosophique americaiue , etc. Philadelphie , i83o. In-12 de i4o pages. Nous avons deja parle de I'introduction du murler et des vers a soie aux Etats-Unis, du zhle de M. d'Homergue pour la pro- pagation de cette industrie, de I'assistance efficace que M. Du- ponceau prete a notre jeuue coinpatriote , des succes de leurs eflorls reunis : cet ouvrage pent etre considere comme uii compte rendu des progrfes de la noavelle culture, provoques par les vues nobles et genereuses de ces deux veritables amis del'hu- nianite. M. Duponceau est deja bien connu par des ouvrages qui le recpmmandent au monde savant; quant a M. d'Homergue, il s'est peint lui-meme dans cet ouvrage , public partielleraent dans la Gazette nationale des Etats-Unis, sous le mdme titre d' Essais sur la soie d'Amerique; M. Duponceau s'etait charge (1) Nous indiquons par nn asterisque (*) place k cote du titre de cha— que ouvrage , ceox des livres etrangers ou francais qui paraissent dignes d'une attention particuliere , et noas en rendrons quelquefois cumpte dans la section des Analyses. tTATS-UNIS. 623 d'etre le truchement de notre coinpatriote, encore peu i'amilier avec ridioaie anglais. « Qiielqucs amis zeles pour nies iutercts in'oiit dit plus d'une fois : Defiez-vous des Americains! ils sont adroils , inteiligens ; quelques momeiis d'entretien avec vous leur suffiront pour qu'ils devinent voire secret. Des secrets ! helas ! je n'en ai point. Je possede un art que je voudrais com- niuuiquer amicalenient a tons les Americains , hommes, femmes et enfans , si cela m'etait possible. Le musicien a-t-il iiu secret pour executer Ics chefs-d'oeuvre de son art? On voit le mouve- ment de ses doigts , on enlend les sons de sa voix ; mais , pour I'imiter, il faut de I'tilude et de la pratique , eul-on les disposi- tions naturelles d'un Orphtie. 11 en est de nieine de I'art de Ira vailler la soie ; c'est en le pratiquant qu'on peut I'appremlre ; toute autre instruction serait insufllsante. » Outre I'interet attache a I'liistoire d'un art, aux conqueles qu'il fait dans le Nouveau-Monde, et que M. Duponceau nous fait connaitre dans rintroduclioii a cet ouvrage, introduction qui porte le noin de Preface, mais qui doit etre lue prealable- nient ; outre les molifs generaux qui feront rechercher ce petit livre par tous les amis de I'industric, son apparition est un aver- tissement pour le commerce et les manufactures de I'Europe : il ne tiendrait qu'aux gouvernemens de profiler du nieme avis , s'ils savaient ecouter, et s'ils comprenaient. leurs veritables in- terets. Ils veulent des sujets obcissans ; ils redoutenl I'esprit de liberie que I'iudustrie fait naltre , qu'elle deveioppe et qu'elle forlifie jusqu'au moment ou sa voix commence a faire trembler le despotisme. Les persecutions religieuses repaudireul les fabri- caus francais dans loule I'Europe tolerante ; les persecutions po- litiques exilcrent en Ainerique les arts de I'Europe au prejudice de I'ancien monde que les deux revolutions francaises n'auront pu rajeunir.Le tems approche ou la soie, produite en abondance par I'Aiacrique , altirera dans ce continent les fabriques d'etof- fes de cette matiere ; alors I'Europe, bornee a sa consommatiou, verra toniber la moitie de ses propres manufactures. \J instruction que contient cet ouvrage pour diriger I'educa- tion des vers a soie est un resume clair, methodique et suflisant de ce que Ton a e'crit sur cette industrie. On y a joint une des- cription du devidage de la soie , extraite du Manuel public par ordre du congres, au nombre de 6000 exemplaires, ce qui ji 'avail produit que tres-peu d'effet sur les cultivateurs ame'ri^ 63 ; UVRES l^TR ANGERS, cains, juscju'au moment ou M. D'HoiDergue Iciir fit senlir une impulsion plus efiicace, cellc de I'exemple. On .1 joint <> cette description un dessin du devidoir de Pi(imont, simplifie par M. Jensoul , niccanicien Lyonnais. F. 106. — * A coiinecled view of the whole internal naiugalioii of the United States. — Tajjlcau de loiilc la navigation iutcirieurc des Elals-Unis, naturelle et artificielle , actuelleinent exislante et en j^rojet, etc. ; gar un citojen des Etats-Unis. Piiiladelpliie, i85o ; Carey et Lea. In-S" de 618 pages. 107. — ''A Treati.^e un Rail Roads , and internal comniuni- cations. — Traitc sur les rouies en fer et a rainures cJi bois ; revue des moyeris de coniniunicalious iiiicrieures , d'apri^s les meilleures autorite's, avec des notes et remarques originales ; par Thomas Earle. Philadclphie, i83o. In-8" de 120 pages. 108. — * Message of the President, in relation to ths survey of a route for a canal, etc. — Message du president des Etats- Unis, concernant I'exainen d'un projet de canal entre le golfe du Mexique et I'Ocean atlantique. 28 fevrier 1829. Les nombreiix et vasles cours d'eau qui arrosenl en tout sens le continent de TAnierique du nord indiqiiaicnt et favo- risaient tellement un syslenie de navigation inttirieure , qu'oii ne peut s'etonner de riniinense dcveloppenient qu'ii y a pris. On compte aiijourdhui aux Elals-Unis io3,'202 milles et demi de canaux , rivieres, etc. , dont 16,397 1/2 milles de cours d'eau artificiels, et 86,8o5 nalurels. II en resultc que la nature ap- porte au calcul total plus de cinq sixienies, et ne laissc qu'un sixieme a I'art. Des 16,597 mil'^s de navigation artificielle, 10,742 sonl en canaux, et 5,655 en rivieres rendues naviga- hles. L'Etat de la Nouvelle-Angletcrre a pour sa part cinq ca- naux en construction ou qui viennent d'etre terniincs : celui de New-York autant : I'etat de New-Jersey un seul , le Morris canal de 101 milles et demi de long : la Pensylvanie 8, dont 5 acheves. Plus, les canaux de I'Ohio entrepris par I'Etat; ceux de la Yirginie, de la Caroline du Nord, du Kentucky, etc.; tous en grand nombre et en progres. Si I'on joint a cela la lisle do ceux qu'on a juge's iiecessaires a la defense du pays en cas de guerre , on aura un resultat effrayont et presquc fabuleux pour nous. Cependant ces lignes gigontcsques de cor.iniunica- tion ne sullisent pas encore kractivilL' industrielle el coiunierciale du Nouvcau-Monde : rauii'lioralion dps routes, les moyens de feTATS-UNIS. 6?. 5 ctiniinuer le frottemenl, d'lililiser la vapeur, en un mot de inettrc les voies de transport par terre an niveau de ecUes par eau , soui le rapport de la vitesse , du bon rnarche et de la siirele , occupent les esprits, el sent eu ce moment I'objet de savantcs recherches aux Elats-Unis. Heureux le peuple qui n'a que de pareiis problernes a resoudrc , qui , en paix au dehors , libre el Iranquiile au dedans, veille iui-meme a sa prosperite , oil cha- cun , apportant sa part au l)ien-etre de tons, en jouit en com- mun ! Quand ce tems-la viendra-l-il pour nous? Quand sorli- rons-uous des stcriles dcbats d'une elroile politique? Quand verrons-nous appliquer les tlit'ovies qui pleuvent de toutes jiarts;' Quand d'uii dedalede mots sortira-t-il des fails? Le siecle est po- silif : il a violemment rompu avec les illusions. Que nos hommos d'Etat y prcnnent garde ; tandis qu iis parlent on agit. L'actioi) qui ctait jadis dans les gouvernemens a passe dans les jiouples. 11 n'f.'St plus de saison de dire : « Qu'ils cliantent , ils paieront. » La vie est dans les masses; deliranles, ficvreuses, inquietes, elles s'irrilent conlre Finmiobilite ; elles debordent et depnssent toul ce qui ne les precede pas. Mais qu'ont de comniun ces reflexions avec les paisibles travaux des Americains, leur richesse , leur puissant repos. Rieii ; et c'est prcciscnient ce douloureux cou- trasle qui les a inspirees. Dans des terns plus heureux et plus cahnes, on pourra con- suller avec fruit les ouvrages annouces eu tele de cet article; ils conliennent beaucoup de lenseigncmens d'une haute impor- tance , et dune application qui semble facile. L. Sw. B. 109. — * The Noi'ch of Charles Biockdea Brown. — OEuvi"es de Charles Brockden Brown. Boston, i83o; Goodrich. 7 vol in-i2. La plupart des lecleurs francais ne connaissenl gucre la litle- rature auiericaine que par les essais fleuris, polis, essentielle- meut raisonnables, de Geoffrey Crayon, autremeut dit Washing- ton Irving, qui lira d'un petit talent et d'un petit esprit tout le parti possible, et par la pocsie cxlerieure et mobile de Cooper, crealeurdecessitespittoresquesoii iljette trop souventde- person nagcs sifroidement extra vagans, si nuls avec effort; peud'hommes out ecrit avec plus d'insouciance et d'aplomb que ce dernier ro- niancier, el peu onl etc plus que hiilour-a-tour sublimes eli)izarres. Ce soot pour nous les deux gcnies transcendans des Etals-Unis , 'es ! epresenlans duclassicisnie el da lonianlisme dans IcNouvcau- 6^6 LIVRES liTRANGERS. Monde. Ceux qui les out precedes sont non avenus , el cepen- dant , il y a pres de trente ans qu'uii roinau de Brown, traduil en francais , je crois, par M. Pigault de Mont-Baillard , sous le • litre de lafamille TVieland , revela un talent original et profond. Ce n'etait pas le reflet des objets exterieurs, mais rclude con- sciencieuse du cosur de I'honinie , de ses niyste'rieuscs fi'encsies, de ses mouvemens desordonnes. C'ctait de la nietapliysique dti- veloppee par des incidens terribles, par une croyance exaltee; line idee fixe dominant toule la vie, se rapprochant de la folic par ses acles , et consequente dans ses raisonnemens. De ineme que les ronians de Godwin, qu'ils ont precedes pour la plupart, ceux de Brockden Brown se refusent a toute analyse. Les details en font seuls le nierite. C'est un acheminenieul progressif vers un hut qu'on n'a pu prevoir, une sorte de fatalile logique a laquelle ou ne peut echapper : une pensce ayaut acces dans I'ame, s'y enracinant chaque jour davantage, d abord specula- tiveinent et en longues reveries, puis, forte , arrivee a sa matu- rile, debordant sur Texisteuce , passant de la vie speculative a la vie reelle, devastant tout ce qui iui fait obstacle, avancaut toujours en remorquant a sa suite I'liomine qu'elle doniine , et qui niarcbe comnie dans un reve , faisant de Iui sa dupe ou sa })roie , le poussant au crime avec tout le delire de la vertu. Cetle disposition qui fait les fanatiques en politique et en religion est admirablement comprise par i'auteur americain : il I'a reproduite deux fois, toujours avec une egale force. Dans Wicland, son heros , hoinnie pieux , doux, bon mari et bon pere , devient , par Tempire d'une preoccupation religieuse , I'assassin de sa temme et de ses enfaus. Dans Oiniond, un de ces jeuues et ardens re- veurs, tels que dut en enfanter la revolution de 89, et tels que nous en voyons aujourd'hui , veut abolir les institutions etablies, pour reconslruire la societii tout entiere sur un uouveau plan. 11 conspire a la fois contre toutes les religions, coutre tous les gouvernemens. II devoue a cette oeuvre de destruction ses richesses , ses talens ; niais il a ses faiblesses ; il est libertin , et meurt de la main d'une femme. La premiere donnce du carac- tere est tres-remarquable : on ne peut en dire autant du deve- ioppement. II semblerait que le niodele a manque a I'auteur. 11 y a dans ce livre le germe d'un ouvrage de notre cpoque. Arthur Meivyn et Edgar Ilimlley, ou les Menwires d'un Sont nambule ,my. — Memoires de sir Humphry Davy, baronnet , ex-president de la Societe royale , etc. , etc. ; par J. -A. Paris. Londres, i83i ; Colburn. \u-^° ; prix 5 guinees. Le nom de Davy s'associe a I'une des epoques les plus bril- lautes de I'histoire des sciences : depuis trente aus, plusieurs decouvertes faites en Europe sont dues a cet habile chimisle, et toutes out ete sanctionnees ou agrandies par lui. Sa vie n'cst pas seulement un memoire pleiu d'iuterel , niais uu savant et large expose des progres des sciences physiques , pendant le premier quart du XIX" siccle, Ses etudes en chimie ont amene les plus etonnans resultats. II suflit de signaler les avantages immenses qu'ont eus pour I'agriculture ses experiences difliciles et reiterees ( eu 1804 et i8o5) sur la nature et I'application des engrais , sur la fertili- sation du sol , les nioycns de combattre les diverses causes de steriliie , etc. Ses admirables experiences (consignees dans les 63o LIVRES l^nRANGERS. Transaclions pliilosophiqiies pour 1 807 ) sur la decomposition dcs acides par I'agence galvanique , rapplicalion du meine agent pour effecfuer la dernicre analyse des corps qui, jusque-Ia , avaient ete consideres par lous Ics chiniisles coninie des sub- stances alkaliiies simples; ses recherclies curieuses et varices sur la nature de la flainme , qui le conduisit a inventer la lampe de siirete. Sir Humphry procedait toujours par I'experience , poursuivant une observation de proche en proche, jusqu'a ce qu'il en vint a une conclusion ; il en donne lui-meme un exem- ple curieux, ct parfailemenl propre a faire juger de I'excellence de sa nielhode. « Ayanl remarque, dit-il, a Tcpoque ou il faisait uu cours a I'lnslitution Pneunialique de Bristol, que les en- fans de mon hole produisaient une faible clarte en frottant ensemble deux canncs d'une especc de jonc ou roseau qu'on Iresse pour en faire des chapeaux communs , je fus frappc de la nouveaute de ce phenomena et resolus de I'examiner. Je par- vins, en frottant les deux joncs , a en tirer des elincelles aussi brillantes que celles de la pierre a feu et de I'acier. En examinant i'cpiderme , je ni'apercus qu'une fois qu'il etait euleve on n'obtenail plus de luniiere. Soumis a I'analyse chimique , cet cpidernie trahit toutes les proprieles de la silice. La ressem- blance d'aspect dans I'epiderme des roseaux , du ble, des herbes, me conduisit a supposer qu'ils contenaient aussi de la silice : en les brulant avec soin , et analysaut les cendres, je trouvai qu'elles en contenaient dans une proportion meme beaucoup plus grande que les joncs. Le ble el les herbes donnent assez de pofasse pour faire du verre. II est facile d'en faire rexperieuce avec une lampe chimique : si vous prenez une paillc de froment, d'orge ou de foin , et que vous la briiliez en commencant par Ic haut , et chauffant les cendres a la flamine bleue, vous ob- liendrez un globule parfait de verre durci, propre a des expe- riences microscopiques. » Poussant I'amour de la science aussi loin qu'il peut aller , sir Humphry ne craignil pas d'essayer sur lui-meme I'effet de divers gaz deleteres , afin d'apprecier leur influence sur I'economie animale. \\ osa respirer legaz hydio-carbone [hydro-carbonate) , dont on connait les qualites mortelles ; et c'est ici le lieu d'ob- server que ce gaz dificre fort peu dc celui dont on se sert pour I'eclairage des rues et dcs boutiques. Or, il est impossible de conduire la combustion de nianicre qu'il ne s'en cchappe pas GRANDE-BRETAGNE. 63 1 tjiie paitie, qui se mcle a I'atniosphere. Les effcts ordinaiies sont ties douleurs a la tcte , xles nausees , une langueur fatigante, un sentiment d'oppression. L'experience de Davy a prouvc aussi qu'en cas d'asphyxie , ou de suspension de mouvement, il existe nn danger apres que la respiration est revenue et que la circu- lation est retablie : danger assez grand pour amener la mort, an moment oil Ton s'y attend le moins. Bichat a demontre que , quand un sang, d'une couleur foncee (celui des veines} , est in- jecte daws les vaisseaux de la cervelle, au moyen d'une serin- gue liee a I'artere carotide, les fonctions du cerveau se troublent et cessent tout-a-fait au bout de peu de terns. L'effet est exac- tenient le meme , lorsqu'au lieu de Tinstrument de I'operateur , c'est le coeur qui traiismet au cerveau le sang vicie. Ainsi, dans le cas de I'asphyxie , le sang d'une couleur foncee qui a ete pousse a travers les vaisseaux, pendant la suspension de la respi- ration ou son exercice imparfait, agit sur le cerveau comirie un poison narcolique. Apres une gue'rison appareute , le sujet tombe dans un etat de stupeur, les pupilles des yeux se dilatent, la respiration devient laborieuse , les muscles du corps se con- tractent.et il meurt , empoisonne par son propre sang. Davy raconte, en efiet , qu'apres s'etre remis des premiers efFets du gaz hydro-carbone , il eprouva , en se promeuant avec un ami, un retour des menies accidens; il fut saisi d'un etourdissement, accompague de nausees et d'un evanouissement complet. Le sang, imparfaitement oxigene, avail evidemment affecte le cerveau. Les experiences de sir Humphry sur un gaz encore plus niortel, Vacide carbonique , qu'il respira plusieurs fois, meriteut la plus serieuse attention. Nomme menibre de la Societe royale en i8o3, apres une communication sur ses experiences galvaniques, Davysadonna tout entier a ses recherches sur les substances alkalines. En 1 8 L2 , il publia ses Elemens de philosophie-chimiqne , ouvrage admi- rable pour la largeur de ses vues, la clarte et la profondeur de ses developpemens ; ensuite vinrent les Elemens de la chimie agricullurale , qui, en f'aisant faire un immense progres a la science, lui ouvrirent une carriere nouvelle, et doterent i'hu- manite d'une foule de decouvertes utiles, et de plaisirs f'aciles et purs. Du reste , c'etait une des preoccupations les plus an- ciennes de sir Humphry, et bien jeune encore, il avait songe a GVi 1,1 V RES l^TRANdRRS. lenHro Ic savoir attraynnt, et a le popularises- dans les canipa- gnes d'line inanieie rriicluouse pour les cultivateurs. Dans raulomiie de .8i5 , sir Humphry Davy, accoinpagne de sa feninie el de M. Faraday ( charj;*; aujoard'hui des cours de cliimie a I'lnstiUilion royale ) , obliiil de Bonaparte, qui fit une cclatanlc exception en sa faveur , la liberie de voyager en France et de visiter Paris. Coinme a celte excursion se raltache un fait qui a etc I'ohjet de quelque aniniosite contre lecliimiste anglais, et d'une longue controversc cntre nos savans , on ne lira pas sans interct les details que donne a ce sujel Ic docleur Paris. « L'arrivce de Davy, dit-ii, etatt attendue avec impatience par la plupart des savans francais : M. Ampere surtout le procla- mait hautement le plus grand chiiniste qui eut jamais existe ; de son cote, le philosophe anglais regardait ce dernier conime le seul homnie qui eiit veritablement apprecie le merite de ses dc- couvertcs. Dans la matinee du "25 novembre , M. Ampere alia voir Davy, et lui remit une petite portion d'une substance qu'il avait recue de M. Clement: bien qu'elie fiit entre les mains des chimistes francais depuis plus d'un an , sa nature et sa com- position etaient encore si coniplc'tement ignorees , qu'ils ue la de'signaient entre eux que comnie X, le corps inconnu. Jusqu'a quel point les suggestions de Davy inilucrent sur la decouverle de la nature chimique de cette singuliere substance, distiuguee depuis par le noni A'iode ou iodine , est une question qu'il serait diflicile d'approfondir. » On a accuse Davy d'etre intervenu au milieu des investigations savantes auxquelles se livraient ses confreres de France , et d'avoir anlicipc le resultat qu'ils allaient atleindre. Cependanl , il y a eu dissideuce , memc parmi les in- teressds, et M. Paris en cite pour preuve une lettre datee du 11 aoiit i83o, de M. Underwood, charge par lui de recueillir ici les opinions. « Quoique, dit ce dernier , Thenard ctGay-Lussac gardent toujours rancune a Davy pour I'an'aire dc 1 iode , Che- vreul et Ampere n'ont point change d'avis ,et persistent a croire que sir Humphry n'eut pour but que d'avancer la science , non de rabaisser le merite des savans francais. » l>,a substance en question avaitelc decouverte accidentellemeul par M. Courtois, fabricaut de salpclre a Paris, qui en avait fait mystere pendant plusieurs annces. H se diicida cependant a en parlcr a M. Clement, qui, apres quelques experiences sans re- sultat, parvint a la resoudre en une vapeur violette, seule pro- GRANDE-RRETAGNE. 633 pricle parliculiere qui la dislint^uo encore aiijourd'hui , el d'ou lui vient son nom A'lode. Quelque iuniineuses que fussent les recherches de Davy snr la nature de celte singuliere substance , ce n'est point la ce qui lui valut la vancune du corps academi- que. Accueilli avcc un extreme enipressement , de I'aveu ineme de son biographe, il repondit par des impertinences aux avances qui lui furent faites. Le savaut naif et studieux disparut pour faire place a riiouime gonfle de sa propre importance, au ba- ronuet titre , a I'Anglais d'alors , hiirisse de mille prejuges absurdes. Un des plus grands genies de I'Angleterre ne montra a la France que ses pelitesses et ses ridicules. Constamment preoc- cupe de I'idee de ne pas compronietlre sa dignite, il fit nombi'e d'incODvenances et de grossieretes. Du reste , meme dans son pays, il ne sut pas s'affranchir de la sotte vanite des titres : il courtisa I'appui et I'alliance de I'arislocratie, et se fit dans le nionde aussi petit qu ilavait ete grand en face de la nature. De retour en Angleterre vers i8i5, il s'occupa sans relache de trouver un moyeu de remcdier aux accidens terribles surve-- nus dans les mines par I'explosion des gaz. Sa lampe de siirete a rendu d'immensse services a I'humanite et au commerce'; oar elle a permis de reprendre des travaux depuis long-tems inter- rompus , de rouvrir et d'exploiter des mines abandonnees. Avant sa derniere excursion sur le continent, en 1828, il lut a la Sociefc royale un memoire sur les volcans, dans lequel il combat la plupart des idees recues sur les causes de ce phe- nomeue, qu'il attribue a I'oxidatiou des metaux qui forment la base des terres et des alkalis. Ce furent ses adieux a la science ; afi'aibli par la maladie , il renonca a ses travaux chimiques, et reviut a ses preoccupations d'enfance et de jeunesse. II y a un an que, rendant compte de I'ouvrage posthume de sir Humphry, intitule : Consolations, ou les Derniers Jours d'un philoso/}he, nous remarquions la tendance poetique , le tour rcveur des pensees , formant un etrange contraste avec una vie toute rera- plie de I'observation des fails, du positif de la science. Le com- raeucement et la fin de son existence furent d'un poetc. Enfant, il aimait a narrer des contes merveilleux, a etonner son audi- toire par les plus extraordinaires conceptions ; mourant , il fai- sait des vers , debattait en lui-nieme les mysteres de la meta- physique , et suppliait la personue qui le soignait d'ecrire en T. XL!X. M.VR.S l8~il . ^i G34 LivREs Strangers. Angletcric, pour dcniaiidcr quelques pomnies d'un arbrc cjuti avail plantc a I'agc de dix aus. Ces Mtiuioircs , ou plulot cctte vie du cclebre chiniisle anglais, reufernicut unc foulc de choscs du plus haut interet. Ccpendant il y a deux graves critiques a faire , I'exorbitance du prix de trois guine'es pour un seal volume , et le inauvais goiit du style qui, parfois, manque completeHienl de clarte et de simplicite. L. S. B. 1 24 — Narrath'e .of the life and adventures of Giovanni Fi- nati, etc. — Vie et Aventures de Giovanni Finati , ne a Ferrare, qui , sous le nom de Mahomet, fit les campagnes contre les We- chabites pour delivrer la Mecque et Mudine , et qui, interprete de phisieurs voyageurs Europeens , a parcouru quelques-unes des parties les moins explorees de I'Asie et de I'Afrique. W.-D. Bankes, editeur. Loudres, i83o; John Murray. 2 vol. in-12; prix, 14 schelings. C'est un Ilalien qui raconte lui-mume ses aventures. Eleve pour I'etat eccleslastique , arrache par la conscriptiou du semi- naire de Ferrare , ou la volonte d'un pere le retenait ; de'ser- teur, repris, s'echappant de nouveau , il traverse la Dalmatic en soldat, puis en fugitif; esclave a Anlivari et a Scodra ; re- negat, puis domestique favori d'un seigneur albanais, amant aime de I'epouse preferee de son maitre dont il fuit la jalousie jusqu'en Egypte, il y devieiit soldat de Mehemet-Ali, est acteur dans Teffroy able boucherie que ce pacha fait des Mamlouks , se mcle aux revoltes, aux repressions, a toutes ces scenes de cauni- bales, est vaincu par les Wiicliabites avec I'armee de Tossoon-pa- cha , fils bien-aimc du vice-roi, et triomphe ensuile sans pitie de cette secte puissante avec ce dernier. Epoux d'une odalisque arrachee au serail d'un des Mamlouks assassincs , puis d'une jeune Nubienne; interprete et guide de M. Bankes a Jerusalem, penetrant avec lui jusque dans ce temple de Salomon, dout I'en- tree est interdite sous peine de mort a tout chretien , et a tout Musulman qui se rendrait complice de ia profanation de cette mosquce , ou Ton ne peut former un voeu qui ne soit exaucc ; voyageur aux bords de la mer Morte, sur la mer Rouge , dans le Desert, a Medine , a la Mecque, a Wady-Mousa ; explorateur de mines; ayant, avec quelques savans europeens, plusieurs fois remonte et longe le Nil , et descendu les calaracles; tour a tour hole et ennemi des diverses tribus arabes; spectateur de la GRANDE-BRETAGNE. 635 derniere crlse de I'exislence des Mamlouks , lorsque acculcs au Ddsert , a Sheudy, Kordovan , Darlfur , ils tombferent sous le sabre d'lsniae! , enli-aJnant avec eux la belliqueuse tribii des Shageians. Avec tant d'aventures , un champ si vastc , qui ne croiraitles recitsde Finati pleins d'interet , varies, pittoresques, tcrribles, fails expres pour notrc teins ou, en depit de lisieres sans cesse rompues , le siecle , les homnies courent a perdre haleine,etoiilaIitteralure apeinealesratrapperPEhbien ! non : cet hoinnie qui a tanl vu, lant fait, est sans couleur el sans vie. Novice avec une repugnance liede dans la premiere phase de son existence, il ne vous interesse ni a ses eludes scolastiques, ui a sa jeunesse sacrifie'e; apres avoir ete scminarisle par complai- sance, il devient soldal de INapoIeon par force, comme tant d'au- tres; ses souffrances dites sans chaleur, son evasion contc'e sans vivacite, laissentle lecleur assoupi. Cet hommc qui n'est ni me'- chant , ni bon, qui a des aventures et point de passion , nomme les evenemens et ne les peint pas , et Tinsipiditc de son histoire si variee est une graude lecon d'art. Cette aine Aa juste milieu , stupidement mediocre , Iraversant la vie la plus piltoresque sans la sentir , ne peut la faire savotirer au lecteur. Pauvre de sensations, Giovanni en est avare, et il prouve que ce n'est pas le sujet, mais I'arlijite qui fail le tableau. Le plus simple eve'ne- ment, le pays le plus uniforme, vu a travers une ame de poete, se colore et prend mille charmes. L'oeil de I'arlisle est ce cristal nierveilleux qui monlre un univers dans une goutte d'eau , des myriades de mondes dans un point de I'azur des cieux. Words- worth souleve un brin d'herbe et vous eles emu : Bernardin de Saint-Pierre soigne un fraisier sur sa feuetre, el voire coeur bat, et des ideas indistincles et sans bornes vous ouvrent dans voire propre esprit des profondeurs que vous n'aviez pas pressenlies : le savant vous interesse a ses recherches, vous y associe ; I'ardent gucrrier vous fait aimer les bruits de guerre et de combat; mais celui qui n'a que des seusalions tiedes et communes assistera, se mclera en vain aux scenes les plus sublimes , les plus frappanles, tout s'atlicdit a sa temperature, se rappelissea sa hau- teur : le vase ne contient que sa mesure. L'originalite , I'lnlerct est dans I'auteur d'uu livre, non dans les eve'nemens qu'ilraconle. On pourrail croire que cet ouvrage a etc compose sur celui queM. Mengin publia a Paris eu iSiS, el qui y est fre'queninient cite, et sur les voyages en Orient A'Ali-Bey-el-Abassy; mais le 4.. 636 LIVRES STRANGERS, nom de M. Bankes et quelcjiics details sur !'aulcur lul-incme , iic laisscnt pas de doute sur I'exislcnce de Giovanni Finali. On trouve dans ces deux volumes quelqucs details sur la derniere lulte des Wechabites el la destruction des Mamlouks ; des descriptions de pyramides et de mines peu connues dans les parlies les moins explorees des rives du Nil et du Desert, entre Jerusalem el la Mecque. Les details de mceurs sont presque nuls, bien que I'observateur ait vecu familierement avec des Albanais, des Egyptiens , des Turcs, des Arabes. Nous ciferons entre au- tres une anecdote assez curieuse qu'il raconte d'un de ces volcurs du Desert. « Tandis qu'un parli de Mamlouks etail campe pres de Mi- nieh, un voleur se mit en tele d'enlever le clieval et tout I'e- quipement d'un de leurs beys. Au milieu de la nuit, il se glissa en rampant dans la lente. C'ctait I'hiver; les cendres encore ardentes eclairaient de leur reflet rougeatre les riches habits du bey ctendus pres de lui. L'Arabe, accroupi au coin du foyer, les lira doucement un a un, les mit, et allumant une pipe, sorlit avec assurance : touchant Itigerement dela main un domestique enJormi a I'entreede la tenle, il lui fit signe d'amener le cheval attache a un piquet, sauta sur la bete et disparut. « Le lendemain , impossible de trouver les habits du bey , ni d'imaginer ce qu'ils etaient devenus, jusqu'a ce que le valet , queslionne, soutint a ses camaradts que le maitre n'etait pas de relour de la promenade pour laquelle il etait parti au milieu de la nuit. Quelques explications firent deviner la verile. « Le be"y, jaloux de ravoir sa monture, fit publier que, non- seuleraenl il pardonnait au voleur si , dans deux jours , il rap- porlait ce qu'il avail derobe , mais qu'en outre il lui ferait re- metlre le prix de I'animal et des effets voles. Alleche par cette promesse , et peat-etre aussi fier de son exploit , I'Arabe rap- porta son butin. De son cote, le bey tint ponctuellement sa pa- role : mais independamment de la perte , il y avail dans cette transaction quelque chose d'humiiiant pour son orgueil , et il trouvait dur de laisser librement parlir le drole. Tandis qu'il devisait a part lui ce qu'il avail a faire, il tachait de gaguer du terns en accumulant les questions sur la f'acon dont I'Arabe s'y etait pris.Cc dernier etail tropfin pour ne pas pressenlir quelque piege , et il commenca a desirer vivement se tirer de ce mauvais pas. Cependantil ne manifesta aucune impatience, et s'elendit GRANDE-BRETAGNE. 637 coinpla isainment sur tous les details , accompagnant sou recit de geslescorrespondaus , s'asseyant pres dufeu, lirant adroitement a luichaque piece de I'ajuslenieiit s'en affublant avec de si plai- sanles grimaces, que le bey et les assistans riaient aux eclats. Ar- rive enfiu a ce qui conceruait le cheval : On me raniena,dit-il,je sautai sur son dos ; et s'elancaul eu eftet sur la selle , il partit au grand galoj), emporlant cette fois I'argenl , les habits et le coursier. AvaiU qu'oii reill couche en joue, il etait liorsdevue; jamais on n'entendit parler du cheval ou de I'Arabe. » II est impossible de ne pas attendre beaucoup d'uii livre fait par un homnie qui a essuye tant de vicissitudes, qui a passe par des fortunes si diverses , vu tant de pays, el qui, etabli au Caire, se disposait , en iS'iQ, a y ouvrir une auberge r I'usage des voyageurs europeens. Mais si Ton fait abstraction de cette attente, on rencontre ca et la dans I'histoire de Giovanni des points interessans , et tout en critiquant, on la lit vite et jus- qu'au bout. A. M. 125. — Attempts inverse. — Essais en vers; par John Jones , vieux domestique , avec quelques details sur I'auteur , ecrits par lui-menie, et une Introduction sur la vie et les ceuvres des poetes anglais sans e.Auc-A\.\on {uneducated poets); par Robert SouTiiEY. Loudres , i83i ; Murray. In-8^. Burns, le plus naif et le plus ravissant des poetes d'instinct , avail coulume de dire qu'il etait impossible a quiconque n'elait pas, coinme lui, ne dans une chaumiere, n'y avail pas ete eleve , n'avait jamais connu les tresors de bonheur el de vertu que renferment ces pauvres demeures, de coinprendre le plai- sir qu'il eprouvail eu voyanl monter el se derouler dans Fair la fumee d'une cabane. En effet, qui pent apprecier la part de jouissances que Dieu a departie a chaque ciasse , a chaque iudi- vidu ? II n'y a de malheur reel que dans I'lnterruption du genre de bien-elre auquel ou est accoutume. Un moissonneui- a besoia de sa gerbe d'epis pour oreiller , du soleil et du grand air pour dormir : son rude travail lui fait savourer le repos. Transpor- tez-le dans un salon , sur de riches coussins ; condamnez-le a ne rien faire ; il languira , comme la saulerelle tiree de sa touffe d'herbe, exilee de la prairie, et gisant sur un parquet. Aux lieux oil Dieu I'avail mise , elle avail protection , securite ; elle n'etail exposee qii'a son inevitable part d'accidens ou de nial- heurs. En I'isoianl, en la deplacaul , on a double les chances 658 LIVKES ETRANGERS. coutrc elle. II en esl ainsi de nous tous : unejusle appreciation des biens :i noire portce , le gout des jouissances simples auxquellcs tous sont appeles, Ic dcveloppcnient de nos facultes par tons Ics moycns en noire pouvoir, feraient plus pour la paix ct le con- ' leutenient de rAuie que racconiplissenient des plus amlnlieux dcsirs. Et que Ton ne dise pas que ce sont des joies defendues a tous ceux qui travaiilent, qui gagnent leur pain a la sueur de leur front ; que ce sont joies contcniplatives , iuterdites aux classes laborieuses. II n'est pas, au contraire, de plaisirs plus multiplie's, plus iminediats que ceux de I'observation et de la culture de nous-memes. Loin de suspendre I'activite de corps ct d'esprit , ils la doublent, lui donnent un but eleve , un intc- ret tout nouveau. En veut-ou une prcuve?Voila un pauvre homme qui a exerce Irenle ans la profession la moins lionorce, celle oh Ton fait la plus complete abnegation de sa liberie, de son terns. II a die domestique presque des son enfance. Et ce- pendant il a conserve I'independance de ses pensces, la frai- cheur et la poesie de ses sensations. 11 ne s'est senti ni iiuniilie , iii inferieur, car il a joui autant que ses maitres, et peut-etre plus, des dons fails a tous. Le soleil, dans sa gloire, s'est leve pour lui; la campagne a eu pour lui sa couronne de verdure; Ics oiseaux Tout ravi de leurs chants; les fleurs lui ont donne leurs parfums ; la nuit s'est pare de ses eloiles. Et de tout ce magni- fique spectacle , de ce sublime concert , se sont echappccs des pensces d immortalitti qui onl renuie' son ame. Qui pourrait conlcster a cet homme la noblesse de son origine? qui oserait Je proclamer inferieur ? Le vieux John Jones , avcc son amour de la nature, ses joies nai'ves , sa re'signation aux maux inevitables , n'a-t-il pas niilie fois plus droit au respect et a la sympathie que I'lionime qui croit se distinguer de la foule par un rang ou par un litre.'' Qu'imporle que ses vers ne soient pas toujours irreprochables, si le sentiment qui les a dicles est pur, s'ilsouteleveson esprit, c'gaye ses Iravaux , raffermi son courage dans les jours de dctresse .'' « La poesie , dit un ecrivain, ouvrc en nous plus d'une source de ten- dresse, qui, sans elle, serai troslce enfouie auplusprofonddu roc.w Dans I'automne de i8'27, M. Southey, etant a passer quelqucs seuiaines dans sa famille a Harrowgate , recut une lotlre xlu souimelier dun riche propriiitaire du Yorkshire. Le poele eu livrec, sacbant le laiireat si prochcj n'avait pu rcsisler a 1;'- GRANDE-BRETAGNE. — POLOGNE. 689 tenlalion dc liii soumeltre ses faibles Essais. Fidele a la confreric du Parnasse, M. Southcy encouragea le debutant, et pril I'en- gagemcnt, qu'il accomplit aujourd'liui , de donuer au public les versde John Jones, ell'historique de la vie de ce dernier qu'il a fait prcccder d'une introduction fort reinarquable sur les oeu- vres et I'existcnce aventureuse des pofjtcs d'instinct , qui doivcnt tout a la nature, rien a reducation. II a mis en premiere ligne le jovial batelier de la Tamise, John Taylor {the wnter-poet), con- temporain de Shakespeare, vivanl a cette epoque feconde, 011 la langue anglaise , denaturee et affadie par raffeclation des classes superieures , se retrerapait dans le peuple , et y puisait I'e'nergic cl la. verve qui eclatent dans les ccrits populaires du XYI^ sie- cle. Le second poete sur la liste est un garcon de ferme du Wiltshire ; puis un savetier des environs dc Birmingham, un cordonnier ambulant, une laitiere de Bristol et un fabricant de pipes a tabac. II y a plaisir a suivre le developpement de ces taiens divers, pareils a des fleurs sauvages croissant, au milieu de la poussiere des villes, au bord des chemins poudreux, et nar- guant, par la frajcheur de leurs teintes, la vigueur de leurs ti- tles, les planles avortees des jardins. En encadrant ainsi les poesies de John Jones, M. Southey a fait une bonne oeuvre et un excellent livre. L. Swr. Belloc. POLOGINE. 126. — * La Pulogne et la Russia , par M***., ancien oOlcicr francais. Varsovie , Janvier i83i ; Ungues, rue dc Miel,n° 497- In-8° de 16 pages (1). L'auteur qualifle avec une juste severite el une geuereuse in- dignation le partage de la Pologne , comme un grand crime du XVIII" siccle , consomme par le despolisme de la Russie, la perfidie de la Prusse et la coudcsccndance iutcressee de I'Au- trichc. Si la Pologne, dit-il , eiit succombe dans uiiC guerre loyalemcnt entreprise cl loyalement achevee, il faudrait bieu que I'Europe se fiit resignee a ses tristes consequences; car la conquele etablit si bien le droit, que la ruine dc Carthage n'a pas meme flelri la gloire de Scipion : mais qui osera dire que la (i) Celte Liocliure a ete reirapriinee a Paris en mars i83i^ precedee d'un Coup-d'ccil sur la situation actuelle de la France retativement a la Polo- gne , et suivie d'un Ciiant polonais , par M. Jijllien de Paris (Paris, : 83 i • In-S", ensemble de 43 pages). (i4o LlVKliS KlKAINGlillS. Pologiju ait elc couquise ? qui ignore que ses demeinbremens suc- cessiCs no se sont accomplis que par I'eTiiploi de ces moyens hontcux qu'iine politique sans pudcur lournita la force contre la faiblesse? Cerles , s'ecoulat-il encore des sieclcs , ni la Rus- sie, ni I'Autrichu , ni la Prusse, nc possccJcronl jamais legitime- inent une fraction du territoire polonais. Le parlage ne s'appuie sur aucun de ces litres dont les nations reconnaissent la vali- ditc, soit lout de suite, soit a la longue : c'est un autre pe'che originel , que I'intervention d'un dieu pourrait seuie elfacer. Les Polonais conserveront done loujoursle droit de reconstituer leur nationalite. Laissons toulefois dans les even lualites les des- tins futurs de la Gallicie el du duche de Posen, et n'envisa- geons que la revolution qui vienl dV'clafer dans le royaunie. A ce terrible mot rwolulion, le souverain absolu de I'empire russe a bien pu s'ecrier : Frappoiis I mais le roi constilulionnel de Poiogne n'a-t-il pas du dire : Examinons. Get exanien put, il est vrai, lui paraitre au-dessous de sa dignitc; car il possede, d'un cote, quarante millions d'esclaves qui obeissent au goste, et il gouverne , de I'autre , quatre millions d'hommes qui vou- draient n'obeir qu'aux lois consenlies par eux. Or , les mots au- tocratie et constitution jureut en regard I'un de I'autre; et les priucipes qui president au gouvernement des deux peoples sont et doivent etre si hetcrogenes, que tel fail, legal en Poiogne, sera crime en Russie . et que telle action, reputee simple en Russie , sera crime en Poiogne. Comment done les elemens propres a assurer des positions si divergentes se combineraient-ils dans la uieme tele? Celle de S. M. I'empereur Nicolas (i) contieut-elle deux sortes d'idees qui s'excluent mutuellemenl? Mais alors , les plus nombreuses sont probablement celles qui se rapporlent au maintien de son autorite absolue en Russie, d'oii il suit que I'observation de la Charte en Poiogne ne peut etre pour lui qu'un interet secondaire, el qu'il doit tendre sans cesse a enve- lopper la plus faible parlie de ses Etals dans le Code qui regit la plus forte. L'auteur enumere successivemeut toutes les viola- tions qui ont ete faites a la charte, juree par deux souverains, et dcnionlre la le'gitimite de I'insurrection du 29 novembre. V Quel est celui des articles de la Charte, dil-il , qui n'ait pas (i) Quand celle brochure a paru, la decheance de Nicolas n'avait pas eucore ele proclaraee par la Diete. POI.OGINE. (i4i ele viole? le vote du budget , rexamen de I'einploi des fouds , la responsabilite des minislres , la publicite des discussions , la li- berie de la piesse , la surcte des personnes, rien n'a cte res- pecte. » Les Polonais ont pris les armes; le champ de balaille doit mainlenant decider de leur sort. Parini les chances favoia- bles que I'auteur croit ouvertes a la cause polonaise , il suppose la suivante : « 11 peut surveiiir en Russie, surtout pendant cette guerre, tel incident qui einbarrasserait beaucoup le souveraiu. Si la n-.asse de la nation russe est abrutie , sa jeune noblesse raarche de pair avec tons les honiraes eclaires de I'Europe. Et certes les seigneurs moscovites nebenissent pas tous un gouver- nenient dont ils sont humilies. Helas ! les deserts de la Siberia recelent plus dune ame genereuse qui a reve la liberte de sa pa- trie... Infortunes ! conso!ez-vous, le marlyre fait des proselytes; le feu sacre peut couver encore , et I'etincelle qui s"en echappe- rail allumerait un incendie que des flots de sang n'eteindraient pas. )' L'auteur coniple sur rintervention de la France et de I'Angleterre, mais il finit par avouer que son esperance est chimerique et illusoire. « Polonais (dit il), nous ne serons point abandonnes! I'einpereur de Russie a dit a ses soldats : « Dieu est avec nous. » C'est sans doute parce qu'il s'intitule auto- crate ; niais Dieu, qu'il importune de ses vceux homicides, ne venge que les oppriines , et c'est siu" nos bataillons qu'il etendra sa main protectrice. Combattons jusqu'au dernier soupir , diat le dernier de nous tomber sur le champ de bataille. Le monde uous conteinple , et notre cause est belle; c'est celle de la civili- sation contre la barbaric, de la liberie centre le despotisme. » Outrages periodUjiies. 127. — * L'Echo de la Pologne , journal francais. Varso- vie, i83i , imprimerie de la rue Rymarska, n" y^D. Niiine- ros 1,2, 3 e^ 4 > publics les 24, 25, 27 et 2g jani'ier i83i, avec cette epigraphe : « litre lib re ou n'etre pas. — Sdakespeare. « On s'abonue chez MM. Hugues, libraires, rue de Miel , et au Bureau des renseignemens , faubourg de Cracovie ; le prix de I'abonne- ment par trimestre est de 12 florins pour Varsovie , et i5 florins pour la province. Pour I'elranger on s'abonne aux bureaux de poste de Breslau, de Berlin etde Vienne. Chaque numero forme 4 pages, petit in-folio, i» 3 colonues. La glorieuse et immortelle journee du 29 novenibre i83o a G42 LIVRES l^TRANGERS. donuc de Tcssor a la presse polonaise, indigneincnl baiUounce jusqu'a ccUo cpoque par les ccnseurs dc rcmpercur Nicolas, ct fail (iciorc un grand nombrc dc journaux iiidcpcndaus , parmi lesqucls nous coinplons avcc plaisir unefeuillc francaise , dont nous n'avons nialheureusemcnt rccu ([uc les qitalre premiers numeros. ISous engageons les cslimablcs riidacleurs de YEcho dc la Pologne a nous lenir au courant de lours inU-ressanles publications, ct a nous envo}'er leur journal dircctcnicnt au bureau de la Revue Encyclopcdique , qui le fera connailre avcc soiri ii scs lecteurs , si vivemcnt inliircsses a la cause sacrec de la liberie. Lc premier uuinciro conlicuLuue cspece de profession de I'oi des rddacteurs, qui prenncnl la parole au uorn de loule la nation polonaise. « Quand uu peuple genereux el brave ( di- senl-ils) se releve d'un long csclavage , el, confianl en la justice divine, commence une lutte perilleuse, il faul qu'il monlre a 1 univers quel exces d'iufortune I'a pousse a eel acle de diiscs- poir ; il faut qu'il monlre quclles sont ses ressources. Si la force matcrielle de la Pologue parait iuegale a celles qui peuvcul lui etre opposces, elle a celte puissance de courage, d'enthousiasme, de devoument , que ricu ne pent vaincrc , que I'ien ne pent subjuguer. Ycrilables represcnlansdcs progrcs de la civilisation, de celte idiie nouvelle dc liberie issue de la sagesse pour le bon- heur dcs lionnnes , les Polouais sont sins de iriotnpbcr de Icurs oppresscurs; i'espril qui les animc leur rcpond de la victoirc. lis savenl que lorsqucle pouvoir est concentre en un seul point; lorsqu'il n'y a aucune divergence cntrc ses rayons ; lorsqu'il y a unite parfaite de vue et d'action , cettc liarnionic rcgulifcre soulienl loujours I'edifice social. Jamais pcuplc ne prcscnta un ensemble plus unanime de courage ct de devoument patriot i- ques. Aucuu sacrifice ne coiitera aux Polonais pour lc main- tien de lenr indepcndaucc ; fiis dcs Slaves , leur langage, beau , harmonicux, sublime, se renfernie dans lesconfins de leur pays; il ne peul leur servir ii exprimer leurs senlimens aux yeux de I'univers, ni a lui rendre un compte exact de leur situation; inais conime il leur importe qu'il n'y ait point d'ombre Ira;- Iresse dans ce tableau vraimcnt majcstucux; comme leur revo- lution est noble el jusle; qu'elle dcmande lc grand jour, la vcirilc, c'csl pour eux une nccessite absolue , que la sociiitc ne la voie ))assousun prismc tronipcur; il est de leur lionncur, que toutes Lcurs opinions, que loules leurs paroles lui sclent connucs, afiu POLOG^E. (k\3 rju'elle admire ce parfait accord qui Icur presage de glorieux siiccl's. C'esl dans cc bul qu'ils onl rcsolu de publicr dans leiir capilalu un journal dans la languc la plus i-epandue en Europe. Cclle feuillu lacliera done de retraccr le plus fidclcnicnt possible lout ce qui aura rapport aux evencniens de la Pologne; de faire une revue des dillerens organcs de I'opinion , de redrcsser toules les idues qui pourraieut nuire a I'cnseuible d'unc lutte si sublime : quand on expose tanl de freres a unc mort cerlaine, niais remplic de gloire, la patrie, qui fait uii si grand sacrifice, dolt au nioude, se dcit a elleniume d'cn justilicr les piiissautes raisons. Elle veut, si le ciel nc la fait Irionipher, succomber du moins avec liouneur. « — Aprcs cct article, V Echo de la Polo- gne donne la premiere parlie du manifeste , vole par la Dicte, le 20 de'cenibre i83o, et qui a etc insert; d;ins le cahier Ae Jan- vier i83i , de la Revue Encyclopedique (voy. ci-dessus , page 222-'25.|.). Vient ensuite un extiait d'un journal ])olonais , rC/«;V du 29 Janvier i85i , pages i3-i4), sont au nonibre de 1 35, savoir: 5 evcqucs, 3 palalins, 21 castellans, 68 nonces et 4o depulcs. Parmi les signalaires de celte courageuse decla- ration se trouvent : le prince Adam Czartoiuski, president du se'nat, le prince iJ/jc/ie/ Radziwill , palalin, le cclcbre poele Julien NiEMCEWicz, castellan, secretaire du senat, le grand hislorien Joachim Lelewel , nonce du palalinat de Podla- chie, et Theophile Morawski , nonce du palatinat de Kalisz, dont le frfcre se trouve acluellenient a Paris. — Le troisieme nuniero do YEcho de la Pologne public la loi en 10 articles, qui a ete presentee a la Diete par les commissions, dans la seance du 24 Janvier , qui liniite les pouvoirs mililaires coufies par la nation au prince Radziwill , et qui porle , article 7 , que « ie code criminel militaire qui avail force de loi , du tenis du duche de Varsovio, sera mainlenu jusqu'a ce que la Diele le remplace. » Nous lisons ensuite une proclamation adressee le 24 Janvier a I'arniee polonaise par la representation nalionale, €t signc'e par le prince CzARTonvsKi, qui declare solennellement, que « la diele n'abandonne pas sa preiniijre resolution , cclle de mourir avec honncur plutol que de souscrire a de lionteuses conditions. » Le mSme jour , 24 Janvier , le celcbre hislorien Lelewel, ministre des cultes et de linstruction publique, a presente a la seance de la Diele une Adresse de la part de uos frferes de la Lithuanie de la Wolhynie, de I'Ukraine et de la POLOGNE. 647 Podollfl, qui geinissent encore sous le joug du despotisine. Elle est signee par plus de 3oo habitans de ces contrees. M. Lelewel a prononcc a cette occasion un discours rempli d'energie ct d'in- terct. Passant rapidenient sur les principal es cpoques de noire histoire, qu'il considcre en philosophe profond et en historien intimement verse dans les mysteres de nos derniers niallieurs, oil la Pologne, encore palpilante , a succombe, plutot par une trahison inouie dans les fastes du moude et faute d'accord , que par faiblesse et anarchie, il a peint avecdes couleurs tout-a-fait podtiques les maux qui depuis trenle ans assiegent ces pro- vinces malheureuses de la Pologne gcinissant de ne pouvoir se reunir a leurs freres , nous tendant leurs mains avec douleur et reclamaat notre secours. — Get article sur Lelewel est suivi ( numero 3, page 10) de renseignemens biographiques sur le comte Matuszewicz , dont plusieurs journaux ont aunonce la de'mission comn;e ministre de I'ernpereur Nicolas a Londres. h'Echo de la Pologne approuve une si noble demarche, tout en appreciant la delicatesse de la position de M. Matuszewicz; il lui rappelle qu'il est Polonais de naissance et d'origine, et que son pere a ete un des nonces les plus eloqaens de la fameuse diete patriotique de 1788 , et zelateur eclaire des liberies de son pays. "Nous esperons, dit I'Echo, que le terns oii nous pourrons faire un appel a ses talens et a ses lumieres arrivera bientol ; d'ici la il n'a qu'uu devoir,mais un devoir inexorable a remplir. C'est celui de quitter completement le service des ennemis les plus acharnes de sa patrie. » Une leltre au redacteur de VEcho de la Pologne (nunie'ro 5, pag. lo-i 1), contient une re'ponse euer- gique aux perfides attaques d'un article de la Gazette de France, du 3o decembre i83o, qui a I'audace d'accuser les Polonais d'ingratilude envers ce qu'elle appelle les innombrables bien- faits d'Alexandre et de Nicolas. C'est dans ce troisieme numero ( page 12 ) que se trouve la relation de la touchante ce'remonie qui a eu lieu a Varsovie , en I'honneur des cinq martys de la liberie russe : Pestel, Serge Mouravief-Apqstol , Ryleif , Bes- tougef-Rumine et Kakhowski, qui furentles premieres victimes dugouvernemenl absolu de Nicolas a peine montc sur le trone; nous consignons (ci-dessous, dans noire section des Noiwelles) les details de cetle ccreinoiiieexpialoire. A la fin de son 3« numero, VEcho de la Pologne fait remarquer le bou sens, la sagacite, la veracite de la Quotidienne, qui a insulte , selon son invariable Cy\S LIVRES l^.TRANGERS. coutumc, la gcncrcuse Pologuc dans son article du i4 Janvier }^3\, — A la page i4-'5, du 4* luimero, on lit un fragment d'line lettre datee de Varsovie , et adressee aux cclcbres poetes MfcRvel Barth£lemy par un officier francais, un de leurs amis, qui s'est entierement devoue a la cause polonaise pendant la glorieuse semaine. « Le parti absolutisle, dit cetle letlre , iiU'c'Cle de ne voir dans les evenemens de Pologne qu'un mouve- iiieut populaire desavouc en quelque sorte par la noblesse po- lonaise; il denature les fails, altere les motifs de cette revolution "a uu tel point , que nous ne nous reconnaissons plus rii les uns ni les autres dans les recils que nous en offrent les journaux elrangers Nous ne soujmes plus aux terns ou les revolutions se bornaient a I'enceinte inturieure des palais, et les peuples se comptent aujourd'hui pour quelque chose; il n'est done pas surprenant qu'ils interviennent dans leurs propres affaires, et consideree sous ce point de vue la revolution de Pologne, comme celle de France, comme toutes celles qui auront lieu dcsormais en Europe, serait une revolution populaire, si I'assenliment unanime des citoyens de toutes les classes ne lui merilait le litre plus juste de revolution nationale. » L'auteur de cette interessante lettre, apres avoir etabli la difference qui existe entre la revolution de juillet et celle de novembre , provoquee par la haine contre les abus d'une admi- nistration etrangere , expose tous les griefs des Polonais contre le gouvernement astucieux de Nicolas , contre les mesures arbi- traires et oppressivcs de ses agens, de ses espions el de ses cen- seurs, qui poussaient I'absurdite de leur censure au point de defendre souvent a Yarsovie le Journal ojficiel de Piitersbourg, digne emule des Gazettes de France, de Madrid , de Lisbonne el de la Quotidienne ; et apres avoir developpe les motifs qui onl fait eclater I'indignalion des Polonais par la plus sainte insur- rection, il se demande ce que fera la France dans ces graves con- jonctures? « Les Polonais, dit-il, ont les yeux fixes sur elle avec cetintcret que leur out toujours inspird leurs vieux allies; mais le silence du cabinet francais nedoit-ilpas detruite leurs secretes esperances? Deja ils semblent se peisuader qu'ils ne doiveut plus compter que sur eux-memes, et sans rien pcrdre de leur courage ils se demandent avec ainerlume si Louis XV ou Char- les X sonl encore sur le trone? Tant que le principe d'inter- vcnlion a pu aider les rois h opprimer les peuples, il a ete ad- POLOGNE. 6.(9 mis coinme une des bases fondanientales de la politique euro- pcenne; aujourd'hui que I'iuterveation des peuples libres pour- rait favoriser remaucipation gencfrale de I'Europe, il est bien etonnaut que la France adopte un syslf-me dout les souverains absolus doivenl seuls profiler. Eh quoi , ralliance pretendue sainte a pu former une sorte d'assurance niutuelle contre les droit.-; des nations, et les peuples a leur tour ne pourraient for- mer une sainte alliance contre I'usurpation et la tyrannic! £st-ce par faihlesse , par ignorance, ou par niauvaise foi , que certains hommes s'obstinent a tenir fermee la main qui peut rcpandre sur le monde civilise les semences d'un lieureux ave- nir , qui peut remplacer I'obscurite par la lumiere , le regno du despotisme par celui de la legalite ? Non sans doute, leur conduite leur parait base'e sur de sages calculs , sur I'amour du bien pu- blic ; et pourtant I'Europe entiere est en emoi, chacun des Etals qui la compose est mur pour la liberte , et, secouant ses chaines, lend ses bras vers la France , qu'il regarde corame sa protec- trice naturelle ; et la France dedaignerait de jeter sa redoutable epee dans le plateau vacillant de la balance! Qu'elle y prenne garde ! le moment est favorable aujourd'hui , le sera-l-il encore deniain ? Tandis que, pales d'effroi, les souverains tremblent sur leurs trones chancelans, et qu'a la premiere sommation iis sont pres a changer leur golhique couronne coulre une cou- ronne conslitulionnelle ; vo ci vcnir du nord leur formidable allie, celui pour lequel la regeneration d'un peuple est un ele- ment a jamais deplorable. Q^ae Ton se hate done ! Ij'heroique Pologne, cette nation qui s'est levee comrae un seul homuie, combattra jusqu'a la mort Mais si elle meurt, si les avant- postes de la civilisation sont renverses ! qui retiendra notre commun adversaire , et I'empechera de reconstruire ce vieil edifice de la feodalite qu'un soutHe de la France pouvait re'daire en poudre ? Sans doute , la France n'a aucun danger inimediat a redouter pour elle-meme ; les Polonais vienuent de delourner ce danger; mais en supposant que I'avenir lui oilrit les memes garanties de securite , les peuples n'ont-ils pas aussi une con- science, n'liprouvenl-ils pas des remords , lorsqu'ils ont oublie leurs devoirs .'' Et quel devoir plus sacre pour la France que de secourir ses freres, qui se sont jetes au-devant des coups qui lui etaient destines ! Quel plus beau role a jouer que celui d'orga. niser, de presider le congres des peuples de I'Europe, et d'as- T. XLlX. MARS tb3l. ^2 65o MVRES I'iTRANGERS. surer Ic niaiutien des droits de cliacun par des trattes fondes sur I'iiitcret general ? Les divers dcinembrcmcns de la Pologne sont pour notrehistoire des taches sanglanles, I'occasion sepresenle de les laver ; si on ne la saisil pas, I'Europe politique pourra repeter ce mot d'un grand personnage : C'est plus qu'uti crime, c'est une faule ; mais TEuropc morale devra s'ecrier : C'est plus quiuie faule , c'est uii crime. » L'auteur terniine la lettre en prouvant que la France doit iuterveuir pour conserver I'in- tegrite du royaume constitutionnel de Pologne -. « Le moment est sans doute arrive pour la France de tenir sa promesse et de prouver que les pauoles des Nations, ainsi que leurs cliartcs , seront ddsormais des verites. » Les estimables rcdacteurs de VEcho de la Pologne savent dcja, par la seance de la Chambre des deputes de France, du i8 mars, que M. Sebastiatii en pense tout autrement. Aprcs cetle lettre, VEcho donne(p. i5-i6) la proclamation de Dibilch a I'armee polonaise , et fait sur celte piece curieuse des observations cnergiques et severes. — Le (jua- trieme nuniiiro est termine par une lettre, qui fait connaitre la vive sympathie qu'a excitee en France et en Angleterre la cause polonaise, qui est celle de tous les peuples. O. ALLEMAGNE. 128. — *Unii>ersale historlsche Uebersicht der alten JVelt. — Histoire universelle de I'Ancien-Monde et de sa civilisation ; par F.-C. ScuLossER. T. Ill: 2"^ partie. Francfort , i83i. In-S". La grande et belle entreprise de M. Sclilosser touche a sa fin ; il approche du but qu'il s'est propose. Yoici un nouvcau volume quLs'etenddu regne d'Antonin-le-Pieux jusqu'a la bataille d'An- drinople et a la mort de Valens. Les faits sont d'uue impor- tance rcmarquable. Cette epoque a vu le christianisme s'asseoir sur le trone des Cesars; Julien Ten repoussa ; mais bientot il en reprit possession : alors on voit commencer les invasions des peuples du Nord. Dans ce volume , comme dans tous les autres, la narration n'est point le principal objet de l'auteur; il s'at- tache surtout aux considerations sur les moeurs , sur les progres de I'esprit humain , sur les beaux-arts et la litterature. Nous citerous comme particulierement remarquable le chapitre sur les sophistes declamateurs du tems d'Adrien : Smyrne etait alors recole du mauvais godt. Les homraes qui se distinguercnt le ALLEMAGJNE. 65i plus comme rheteurs furont Marcus, Herode-Auiciis et Polti- inon. Avant eux , Scopclianus avail choquc , par sou emphase el le clinquant de son slyle, les adiniraleurs les plus dclermi- nes de ce genre. Quoique d'une famille illuslre, il prefera les exercices oraloires au rang qu'il pouvait occuper dans sa palrie. Polemon , i'ami de i'empereur Adrien , ne paraissail jamais sans une suite uonibreuse d'esclaves , de chevaux , de chicns de toute espece. Quand il voyageail , c'etail avec les relais de I'Elat; les rations et les requisitions favorisaieut sa niarche. En general , I'orgueil de ses pareils en etait venu a tel point, que I'un d'eux, arrivant de Phe'nicie a Athcnes , osa dire a ses auditeurs que , pour la seconde fois , la civilisation leur etait apportee de son pays. Ce sophiste s'appelait Adrien, et Marc-Aurele en fit tant de cas, il devint tellemeut a la mode , que le bou ton coraraan- dait d'aller I'entendre, comme aujourd'hui I'usage reunit la bonne compagnie au concert ou au spectacle. Remontant un peu plus haut, I'auteur nous presentc des portraits fort bien trace's de Philon et de Josephe. Mais passons a un autre chapitre , sans nieme pouvoir indiquer tout ce que celui-ci renferme d'essen- tiel. Occupons-nous d'historiens et de poetes. Dion Cassius et Herodien appartiennent a cette epoque. Le preraier ressemble beaucoup plus aux ecrivains raodernes qu'aux anciens; il etait homme d'etat, s'etait livre a de consciencieuses recherches, et c'est vraiment un mallieur irreparable que la perte de ses trente- six premiers livrcs. Du resle, il y a peu d'clevation dans les peusees et il est plutot rhetcur que philosoplie. He'rodieu , qui a e'crit I'histoire du terns qui s'est ecoulc entre Marc-Aurele et Gordien , parait connaitre son cabinet beaucoup plus que le monde. Quoique Photius en fasse un pompeux eloge, c'est un auteur que rieu n'emeut et qui glace son lectcur. Quant a la poesie, ou ne sait ce qui doit plus ctonner, ou de I'exlreme de- gradation dans laquelle elle etait tombee , ou de la solte admi- ration dont les plus mauvais ouvrages etaierit I'objet. On recher- chait I'approbation des savans, on affectait un prctendu atti- cisme , et les sujels menies ctaient ctranges autant que le style etait loin de la nature. C'etaient la chasse , la peche, I'art de I'oiseleur, etc. , etc. Toutefois ne jelons pas trop de dedain sur cette epoque: alors naquit un genre nouveau, le ronian, tout- a-fait inconnu aiix anciens. M. Schlosser peuse que les fables milesienaes etaient a peu pres ce que sent aujourd'hui les contes /.2. (.52 LIVKES liTllANGERS. orientaux rcciles dans Ics cafes. Quoi qu'il oi soit dc ces usages aulerieuis , la littcraliire s'en enricliit alors pour la premiere Ibis. Ce genre , que Lucien et Apulcc fomierent les premiers , ii'cxerca pas cependanl dans rantiquilc rinfluence que depuis il a eu sur les mcxiurs. Les ouvrages d'llcliodore , d'Achille Ta- tius , de Longus et de Chariton , sont simplement indiques. Ce volume de M. Schlosser est un I'un des plus intcressans de loute sou histoire universelic. 129. — Abliaiidlungeii iiber Gegenstdnde des Altertltiims, — Dissertations sur des sujels d'antiquite ; par Frederic Jacobs. Leipzig , i83o. In-S". Ce volume rcuferme deux nie'moires importatis , qui oat ele lus il y a plusieurs annces a rAcaddmie des sciences de Munich , mais qui depuis out ete remauie's et pcrfectionniis de tout point. Memnon est I'objet du premier : on sail que, dans les derniers teins, les savaus se sont fort partages ,sur ce qu'il fallail penser de celle divinite. L'auleur commence par dcveloppor les idees grecques ; il indique les divers tombeaux de Memnon , monumens connus sous le nom de 3Iemitonia; il cherche a expliquer leur presence , en Asie , en divers lieux de I'Afrique , et la maniere dont le dieu ethiopien s'est mule aux mylhcs dc la Troade. Selon lui , le seul fait que I'on puisse considcrer comme histo- rique est la propagation d'un culte qui, du fond de I'ElhiOpie , serait parvenu jusques aux rives de la mer Egce , et les Meni- nonia atlcstent I'emigralioa de ce dieu. On sait que les Egyp- tieus, dont la religion avail en general quelque chose de (risle, faisaieut niourir leurs dicux et leur consacraient des ceremo- nies funebres , en leur clevaut des palais pour tombeaux. L'au- teur s'occupe ensuite de la statue de Memnon : les Ilomains sont les premiers a faire mention de celic de Thc;bes qui rendait des sons harmonieux. M. Jacobs dcmontre que celte statue est la mcme que celle appelce par Juvenal ( ditnidialus Memnon ) , laquelle fut rcparee au II« ou III* slecle de notre ere , apres avoir perdu sa partie superieure : les sous qu'elle rendait au lever du solcil sortaient du piiidestal. Les copies d'iuscnption.s ne sont pas assez siires , pour que leur restitution puisse pre- senter quelque garantie; mais M. Jacobs s'en acqnitte nean- moius avec sagacite. La plupart dateul du regne d'Adrien , et la derniere de celui de Seplime-Scvcre. La seconde dissertation de ce volume est d'un iuterel plus ALLKMAGNE. 655 general : il ne s'agit de rien nioins que fie determiner quel ftit dans rantiquitc I'etat social des femnies , et cela , depuis I'epo- que oil les nioeiirs etaient encore grossieres , jusqu'ii celle oii elles avaient degcnerc par un trop grand luxe de civilisation. L'aiitenr commence par les grecques , et refute I'idee dominante qui vent qu'en general le paganisme ait refuse aux femmes le rang qu'il accordait aux honimes , et les ait condamnees a une perpc'tuelle inferiorite. Hesiode et Homere presentent a M. Jacobs de nom- breux argumens a opposer a ceux qu'on veut tirer d'un pas- sage d'Arislophanes. 11 contcsle aussi I'existence de I'usage d'en- fermer les femmes inariees. Les courlisanes ont ici leur ]>lace : les plus riches etaient a Corinthe , les plus celebres a Athcnes; leurs relations avec les poctes , les philosophes , les liommes d'etat leur a valu de I'iniportance historiqiie. Toulefois elles ii'occupaient pas toutes I'attention publique au inenie degrc.' Suiventdes remarquessur leur education, puis on jelte beaucoup de jour sur Ihistoire des principales courtisanes , par exemple d'Aspasie , des deux Lais , de I'hryne , etc. Le style de cet ou- vrage est fort agreablc , ce qui ajoute beaucoup a I'lntertt du sujet. i3o. — Diogenes ^/jolloniates. • — Edition de ses fragmens, dissertation sur I'epoque a laquelie il vecut ; par Fred. PaiNzer- MEiER. Meiningen , i83o. In-8°. On ne sait comment il se fait que ce philosophc ait echappe a la plupart des savans , et qu'il en soit en general si peu parle. Dans I'histoire de la philosophic ionienne , Schleiermacher et Ritler sont les premiers qui lui aient accorde quelque attention. Quant a M. Pan^ermeier, il avait, des I'annee iSaS, public une dissertation sur Diogcne ; il nous la presente aujourd hui plus parfaite et plus etendue , car il a eu le loisir de miirir son sujet. Diogcne fait, comme Anaxagore, mention de I'acrolithe tombc a iEgos Polamos dans la 87* ou 88' olympiade; d'ou Ton conclul qu'il tut son contemporain , ou ii peu pres. L'auteur de cette dissertation sc fonde uon seulemeut sur ie temoiguagc d'Anti- sthene , historien , nc a Rhodes , mais encore sur d'autres cir- constances, pour etablir que Diogene fut I'eleve d'Anaxinieue , qui mourut 562 ans avanl J.-G.> en sorte qu'il aurait etc place cntre cet Anaximcne et Anaxagore. De run a I'autre, la me- thode philosophique aurait fait des progies. JNtianmoinS, dans I'exameii qu'on en fait, on prouve que Icurs doctrines el leurs r.54 LIVRES fiTRA\GERS. eiiseigueinens ctaicnt indepcndaiis et ne recevaient point I'in- fluence mutuelle qu'ou pourrait letir supposer. M. Panzerrneier adinct que Diogfene vint a Alhenes avaiit Anaxagorc, on du moins que son livre etait ecrit quand il y vint. Quoi qu'il en soit, tous deux y coururenl des dangers, car tous deux furent soup- connes d'irrcligiou. Diogene de Laiirte n'attribue a son homo- nynie qu'uu seul livic; niais Siniplicius parle de trois , ce que I'on concilie en ce sens que ce serait un seul ouvrage sur la na- ture divise en plusieurs livres , dont le premier avait pour sujet I'air et le principe inlellecluel, le second la generation de I'hoinnie. Get ouvrage etait devenu tellenieiit rare qu'il nc pa- rait pas que Diogene de Lacrte I'ait eu sous les yeux : il y a lieu de supposer plutot qu'il en parle d'apres un extrait de Deme- trius Magncs , contemporain de Ciccron , auteur d'un traitc grec sur les poetes et les ecrivains homonymes. Diogene d'Apol- louie a fait usage du dialecte ionien, que son editeur re'tablit dans tous ses fragmeus. lis ne sont qu'au nonibre de sept, accompa- gnes d'un commentaire trcs-erudit sous le rapport des sciences naturelles , de Ja grammaire, de la philosophic, etc. II y a un tres-bon index. P. de GolbEry. i3i. — * U rkiindliche Geschichte des Ursprungs der deut- cken Hanse. — Histoire de I'origine de la ligue ansealique, d'a- pres les docuniens , par Sartokius , baron de Waltersiiausen ; publiiie par J.-M. Lappenberg. Hambourg, i83o ; Perthes. 2 vol. iu-4°. Sartorius, professeur a Goettingue, avait public une histoire de la ligue anseatique. C'elait un ouvrage fait judicieusement, mais susceptible d'ameliorations , comme tous les ouvrages qui reposent sur des faits. Beaucoup d'archi ves des villes d'Allemagne lui etaient restces fermees d'apres un vieux prcjugc qui traitait les archives des villes comine des depots inaccessibles. Ce pre- juge se dissipa enfin , et Sartorius put, de i8'-«3 a iSaS, puiser a pleines mains dans les archives de Lubeck, d'Hambourg, de Co- logne. II copia un grand nombre de chartes inedites, les classa chronologiquemeut, et refit, d'apres ces pieces aulhentiques, le commencement de son ouvrage. Malhcureusenient il mourut pendant I'impression de ce travail, auquel nianquail encore la derniere revision. M. Lappenberg s'est charge de ce soin , et nous avons maintenant un recueil pre'cieux de documens inte- ressaus, avec le commentaire de deux savans qui ont spccialc- ALLEMAGNE. 655 nienl tiludio I'histoire comiiiercialc du Nord au nioyen-age. Ce comraentaire remplit le premier vohinie , landis quele second donne la scrie des chartes quiservent d'appui a Thistoire de la ligue anseatique. II resulle des reclicrchesdeSartorius que cette ligiie tira son origine des associations, appelees Hanses , des niarchauds allemands a I'etranger. Pour les prolcger et les se- conder, les villes maritinies donl ils etaient originaires, et ou ilsjouaient un role marquant, s'associaient a leur tour. Ce furent surtout les villes de Hanibourg et de Lubeck, qui contracterent de bonne heure une federation; elle s'agrandit successivement, et autour du noyau des villes sur I'Elbe et sur la Baltique se grouperent un grand uombre d'autres villes commerciales, situees sur les cotes ou dans I'interieur des terres, qui toutes trouvaient de 1 avanlage a etre protegees par les flottes et par les institutions de la ligue. Les conipagnies allemandes dans rdtranger dateut deja du XII^ siecle, et indine des siecles anterieurs : niais quant a I'epoque precise de I'origine de la ligue on ne peul la fixer ; les plus an- ciens documens que Ton posscde sont du XIII^ siecle , et dans ces chartes on parle de la ligue comme existanle. Les marchands de Cologne avaient , au XII*^ siecle , des franchises a Londres, et y occupaient une luaison ; en 1260 on Irouve les marchands allemands en possession d'un guildhall ou d'un edifice commuu, dans la capitale de 1' Anglelcrre ; Henri III confirme les privileges qui leuront ete accordes par ses ancetres. C'est en 1282 que Ton voil paraitre les marchands de la compaguie anseatique devant I'echiquier. La plus ancicnne charte qui atteste les relations enlre le commerce allcmand el la Flandre porte la date de 1252. On y reconnait I'associalion des villes , d'apres lesquelles la compaguie residant a Bruges est divisee en bancs qui ont tous leurs alderman speciaux. La meme organisation exislait a No- vogorod, ou les Allemands parais3ent avoir eu une cour dc commerce depuis le XIl'' siecle. Sarlorius monlre d'apres les chartes le developpement successif de la ligue pendant le XIII* siecle. On les voit bienlot declarer des guerres maritimes au Danemark et a la Worvi'ge ; Lubeck devient le centre et pour ainsi dire la- capitale de I'a.'isocialiou , qui fiuit par traiter les ctablissemens commerciaux des Allemands a I'etranger comme ses diipeudances. Le coniptoir allemaud de Biuges est divise en trois sections ; Lubeck euvoie de nouveaux slatuts au comptoir de JNovogorod. La ligue n'empechait pas quelques villes de for- 656 LivREs Strangers. mer des associations spcciales : c'esl ainsi qu'en 1293, Rostock , Wismar , Liibock , Greifswald et Stralsund , firent un pacte iii- dependaininent de la liguo dont ces villes faisaient parlie. L'c- poque la plus brillante de la ligue ful le XIV" siecle ; elle eut alors des comptoirs puissans a rctrangcr , et doinina dans la Baltique par ses floltes. Elle. place Albert, due de Meklenbourg, sur le Irone de Suede, humilie la Norvege, conquiert Copcnha- gue en 1870 , et force le Daneinark a deuiander la paix. On ne trouve qu'une seule charte constitutioiinelle de la ligue a cette epoque : c'est le pacte que conclurent les villes anseatiques pour faire en commun les guerres dont ilvient d'etre parlc. En iS^o, on voit la plupart des villes de TAlIemagne septenlrionale en- trer dans la ligue ; les petites villes s'associentaux grandes villes les plus voisines pour participer aux avantages de la ligue. C'esta Lubeck que s'assemble la diete ou le corps des reprc'senlans de la ligue. Sartorius entre dans de grands details sur le commerce de cette association celebre dans les coutrees etrangcres, sur ses comptoirs dans les divei's pays. Get auteur ne croit point que TAllemagne ait rccu les inarchandises de I'Asie par la Russia coninie le pretendent les Russcs. C'est dans les marches de Lon- dres et de Bruges que les Alleniands se pourvoyaient de denrces orientales. Le niarche de Novogorod ne fournissait principale- ment que les pelleteries moscovites. i32. — Diejranzosische Rei'olulioii. — La ]\evolutiou fran- caise , ou Histoire de tout ce qui s'est passe en France depuis i^Sgjusqu'en i8i5; pour servir de livre de lecture au bourgeois et au paysan allemand; par Ernest , baron d'OnELEnEN. Leipzig, i83o; Brockhaus. In-8'' de 436 pages. Cen'estguere qu'en Allemagne que Ion trouve des ecrivains empresses a mettre toutesorte d'instruction historique a la por- tee des liabitans des campagnes ; ici, c'est un baron qui s'est donne la peine d'ecrire dans le style le plus vulgaire I'histoire de la revolution francaise, et ce baron ne ressernble point a tant de ses confreresdu ci-devant saintcmpire, qui se detournenlavec horreur quand il est question de la revolution. II cxplique les causes de ce grand evenenient , fait voir quelle etait auparavant la situation du peuple , et ce qu'il a gagne au changenient; ce qui ne I'empeche pas d'exposer lidelement tous les execs de la revolution. M. d'OdcIeben a compris I'liisloire du rcgne de ]\a- poleon dans son precis , comnie si la revolution avail ete pro- ALLEMAGNE. GBj longee jusqii'a la restauralion. 11 est vrai qu'eii Fiance aussi on a voulu introduire cette manieie d'envisager les choses : mais elle est evidemment contraire a la vcrile. 11 faut loner au resle les efforts de I'auteur pour se faire comprendre des moindres intelligences. C'est un art plus difficile qu'on ne pense. Quand les auteurs de Paris veulent ecrire pour lepeuple, ils s'imaginent qu'il sufllt d'imiter le langage des lialles ou de la Rapee, et ils ne pensent pas que ce langage n'est pas connu ailleurs , et que du reste, il ne suflit pas de changer de style, mais qu'il faut aussi accommoder les idees a la portee des classes pour lesquelles on ocrit. Quelquefois pourtant le style de M. d'Odelebcu touche a la niaiserie. 11 nous semble qu'avec plus de soin il aurait pu evi- ter ce defaut; mais nous le repetons, c'est une chose difficile de se faire comprendre des classes qui n'ont guere recu d'instruc- tiou. ]53. — Urania, Taschenbuchauf das Jahv \^'5\ . — Uranie, al- manach pour I'annee i85i , avec 7 planches gravces sur acier. Leipzig, i83! ; Brockhaus. Parnii le grand nombre d'almanachs que TAllemagne met au jour chaque annee, I'Uranie jouit d'une reputation merile'e. Conies inte'ressans, poesies ou il y a de I'imagination , gravures execute'es par des artistes habiles , belle impression , tout se reunit pour meriter a eel almanach une place sur la table des salons et des boudoirs. L'edileur, pour sliniuler le zele des collabora- teurs, ouvre chaque annee un concours pour le meilleur conte; il le paie, suivant le programme, a raison de lo louis en or par fcuille , pourvu que le conte n'excijde pas 5 feuilles; les autres conies, s'ils sont juges dignes d'etre admis dans I'almanach, sont gratifies de la nioitie de la somme stipulee pour le prix. L'in- fluence des arts et de la litterature de France se failsentirjusque dans les almanachs allemands. Nous voyons d'abord que toutes les gravures de V Uranie de i83i sont des copies de tableaux ou de gravures fraucaises. La partie poetique consisle eu Iraduc- tious de quelques-unes des Orientales de M. P'iclor Hugo , qui ont fait bien plus de sensation en Alleniague que les classiques les plus vanliis de France. La parlie vraiment originalo de VU- ranie de i85i , ce sont les conies. Ce genre abonde chez les Allemands; cependant si I'inlhience de la France se fait sentir dans l(js gravures et la poiisic , ccUe de I'Angleterre est visible dans les conies. C'est surtoul dans le premier conle , VEmpe- 658 LIVRES fiTR ANGERS. rear grec , par Louis Tieck, que I'imitalion de Waller Scolt est frappante : I'autetir a pris de son modcie jusqu'a ces longues conversations d'aubergistes et d'artisans dans lesquelles se de- lecte le roniaucier ocossais , et qui sont la partie faihle , ou du nioins la nioins aniusante de ses compositions. Du reste, le conte de Tieck est iin petit roinan bien concu , dont Taction se p?.sse en Flandre du tems de Baudoin , cmpereur de Constantinople. La cour et le peuple y sont peints avec beaucoup d'interct, et Taction est drainatique. Le conte de Scliarjenstein parait pale en comparaison du precedent. Dans le troisienie conte, La Du- vecke, dont le sujet est pris dans Thistoire de la Scandinavie, on retrouve Tintention de reproduire la maniere de Walter Scott. Malheureusemcnt Tauteur a eu a peindre uue epoque bai'bare. On remarque au reste avec plaisir que le genre des contes et nouvelles ne degeuere point chez nos voisins d'outre- mer. i34. — Taschcnbuch ohne Titel. — Aimanach sans titre. Leipzig , i85o ; Brockliaus. In-12 de 242 pages. L'auteur a vise a la singalarite dans ce petit livre de poche. Au lieu du titre, on trouve une page de vers ou de bouts rimes, dans lesquelsles mots qui devraient former le titre de Touvrage sont imprimes en rouge. Vient ensuite le premier chapilre du livre sans Jin, melange de vers et de prose qui , en oDFet, pour- rait etre continue a Tinfini. A ce premier morccau succtdeune Epitre sur la critique , espece de satire qui ne frappe sur per- sonne. Le 3" morceau traite de {ufoi poliLirjue des mavcliands, et tend a prouver , un peu verbeusenient , ii est vrai , que le commerce est Irop cosmopolite pour avoir une foi politique. Voici comment Tauteur fait parler un niarchand, soi-disant liberal : « Les marches des Russes, le blocus des Dardanelles, la piraterie des Hellenes ruineront peut-elre tout mon com- merce levantin, dcrangeront mes fabriques, et tendront a ine reduire a la mene, etc.) j une machine a vapeur de Taylor en elevation , en plan et en coupes, ainsi que quelques pieces detachees repre'sentees f)liis en grand. II faut remarquer que tous ces dessins sont conslruils d'apres une cilielle, et de plus cotes, en sorte que toutes les par- lies en sent ou mesurc'es ou mesurables. Nous n'avons encore sous les yeux que deux livraisons de cet ouvrage, qui doit en avoir trois. Lorsque la dernifere auraparu, nous reviendrons sur I'ensemble , car le sujet est important, et n)erite toute I'altenlion de ceux qui s'occupent des arts, non- seulement en France, mais jusque dans la Grande-Bretagne, ou , certainement , I'art du dessin des machines n'a pas etc pousjc plus loiu qu'entre les mains de M. Lcblanc. On pent 670 LIVRES FllANgAlS. m^me dife qu'il ne sera pas tr^s-iiecessaire d'aller au-delii du degie de perfection altcint par cet habile artiste, puisqii'il reu- nit la nettete ct la precision autaul que les besoins de rcxecii- tion peiivent I'exiger. G.-F. 146. — * Essai d'uii trailesur I'entretien des routes en empier- reruent , ouvrage presentant, sur ce sujel , un enseml)le dc con- siderations techniques, financierescl adminislratis'es ; par N. R. D. Lemovne, ingenieur des pants et chaussces, inembre de I'Aca- deniie royale de Metz , ancien cleve de I'EcoIe polytcchnique. Paris, i83o; Carilian-Goeury. Iu-8° de 174 p. , avec udc plauche. Quoique I'auleur de cet ouvrage u'annonce et n'ait fait rcel- lemnient qu'un essai, les lecteurs apercevront bientot qu'il a reuni presque tons les materiaux d'un traite complet, et que plusieurs parties sonl deja suflisamnient approfondies, et peu- Yent se passer de details ulterieurs. Comme ces parties sont prin- cipalement dans la premiere division de I'ouvrage , consacrcc aux precedes d'entretien, nous ne pourrions en donner que des notions trop iniparfaites. Dans la seconde division , I'auteur expose la thcorie ( principes generaux ) de I'entretien , relative- ment aux diflferens etats de viabilite qu'il sert ii niaintenir: la troisieme division comprend les considerations financieres et ad- ministratives. M. Lenioyne a rejelc a la fin plusieurs notes qui auraient trouve place dans chacun des articles auxquels ces notes out rapport , s'il eiit ete question d'un traite complet, et nou d'un simple essai. Tel qu'il est, eel ouvrage renferme une instruction precieuse , et resout plusieurs questions administra- tives tres-compliquees , et sur lesquelles on n'avait pas encore porte autant de lumieres. Nous aurons I'occasion d'en parler plus en detail , en parlant des vues pour perfectionner I'adini- nistration des voies de communication. F. 147. — Almanack du Laboureur , ou I'agronoine du Nord. Lille, i83i. In- 8 de 36 pages; prix, 3o c. 148. — Annuaire du departement de la Coireze. Tulle , i83i ; Drapcau. In-24 de 384 pag^^j P''^> 2 fr. 149. — Annuaire de la ville de Toulon. Toulon, i83i. In- 12 de i5i pages; prix , 2 fr. i5o. — Almanack du commerce de Bordeaux et du departe- ment de la Gironde. Bordeaux, i83i ; Foulquier. Tn-B" de5o2 pages; prix, 4 fr- i5i, — Almanack general et commercial de la Gironde. Bor- SCIENCES PHYSIQUES. 671 deaux, (83! ; Peletingeas. In- 18 de 5i6 pages; prix, 4 li'. 5o c. i5i. — Anniiaire aclminislratif', commercial et indiistriel da (lepartement de la Mem the. ]\ancy , i83i. In-12 de 180 pages. i53. — Almanack de la cour royale de Nancy . Nancy, i83i. In-i8 de 2i5 pages; prix, i fr- ^5 c. 154. — Almanack da Loiret. Orleans, i83i. In-24 de 264 pages; prix, i fr. 5o c. 1 55. — Anniiaire slatisliijue et administralif dii departement de r Oise et dudioci;sede Beauvais. Beauvais, i85i . ln-8 de 5o4 p. i56. — Anniiaire da departement de la Mancke. Sainl-L6, i83i; J. Elie, impr. Paris, rue Croix des Pelil-Chanips , u° 5o. Lance. In- 18 de 420 pages; prix, 3 fr. 5o c. L'annee i83i n'aura ni nudtiplie ni ameliore les annuaires , quoique ce genre d'ouvrages, essen tiellemcnt populaire, ait acquis par la rcvolulion de i83o unc plus grande utilite. Les departe nieiis , encore Irop peu raliie's, ont besoin que des recueils de documens raisonnes, posilifs et divers, les eclairentsur lenrs in- terets fant particuliers que reciproques, servent a etendre leurs relations d'affaires. Chaque contree doit enfin connaitre toutes ses ressources : il faut aux industrials des renseignemens precis sur les arts qu'ils exercent , des conseils et des exeniples aux cultivateurs, a la population enliere des notions sur I'hisloire du pays, des aperctis de sa statistique agronomique, coninier- ciale, administrative. Des annuaires ainsi composes seraient recherclie's nieme des etrangers, coasultes par ceux qui cmbras- sent, dans leurs etudes sur la civilisation universelle et progres- sive, les travaux scientifiques et lille'raires qui ont rapport prin- cipalement a tels ou tels departemens. Tons, i!s possedent des hommes tres-capables de conlribuer a des publications de ce genre; mais les editeurs n'ont point recours a leurs recherches patriotiques ; ils ne veuient pas reflechir que plus le cadre d'un annuaire est ancien , moins il convient a I'epoque actuelle, tant surchargee d'evenemens generaux qu'elle ue pent pas saisir une foule de iaits particuliers, quoiqu'ils meritent d etre remarques a leur passage. L'aluianach royal, si mince a son debut, vers la fin du ly^siecle, aujourd'luii d'une ampleur cnorme, fournit pour riiistoire de curieuses considerations. Mais un annuaire depar- tementai , ne sous I'empire, ne doit plus ressembler a ce que la censure lui permit d'etre alors ; el s'il se remplit de listes fasti- dicuses, il decele une speculation sur la vanitc, assez semblablc 672 LIVUES FRANCAIS. h cclle r|iii fail publior Y jinnuaire de messieurs les coiffeurs c'( pernii/tiiers cle In vi/lc de Paris pour i85i. Mieux vaut assurii- iiieut V Almanack du laboureur , qui vient de parailre a Lille. Plus de la nioilie des departenieus n'ont pas encore d'aniuiaires ; I'exaincu de quelques-uus de ces livrcs fcra apprecier la plupart des aulrcs. Dans VAnnuaire du deparlement de la Correze , M. De- MOUSSY a fourrji la y' de ses notices sur les haras; M. Lagane , un article sur des vestiges d'antiquite's ou Tumuli; M. Bardou, des varictcs; M. de Baluze du Maine, un neuvieme extrait de son Essai historique sur le Bas-Liinousin : tous niorceaux d'un inte- I'ct reel. Mais une description roniantique des sites pitlorcsques de Roc-de-Viu, et des pieces de vers assez niediocres auraient du Ctre reinplaceespar des documens de statistique. — L'Aiinuaire de la ville do Toulon estplutot un alinanach de la marine ini- litaire; car, de ses i5i pages, dix sculenient contiennent une notice sur la ville et le port. Le bagne renferme 4>4oo condam- lies a 10 ans et au-dessous. Toulon possede un niusce maritime ; et Paris , malgre les depenses deja faites pour le transport des collections choisies dans les divers ports, ne jouit pas encore ilu Musee du Louvre. MM. FoDLQuiER , marcbands de papter, sont aussi edileurs le V Almanack du commerce de Bordeaux et du deparlement ie la Girondc : ce volume, mal iuiprime , est moins portatif que ['Almanack general et commercial de la Gironde. L'uu et I'autre disenl le port de Bordeaux le plus beau de I'Europe; inais de renseignemens sur la navigation , sur les produits et I'industrie de ce vaste de'partement, aucun : on n'a qu'nne compilation de nonis de personnes. La concurrence n'a pas mieux profite au dcpartemeut de la Meurtlie ,■ ct la statistique n'a rien a chercher , soil dans VAnnuaire adminisiratif, commercial et industriel , soit dans y Almanack de la cour rojale de Nancy. Celui-ci coutient dans sa premiere page les ages de plusieurs inventions : sj'S- teme de chronologie retrograde qui devrait elre plus genc- ralement admis pour renseignemenl. Depuis la dccouvcrte do J'imprimerie il s'est ecoulc environ ogi annees , 45o deputs relle dc la poudrc a canon; il y a Syi ans que la boussole cjt counuc. L'Academie d'Orlcans cnibrasse dans sou rcsscrl trois depar- SCIEiNCEvS PllYSrQUES. (\j'S letnens, dont la popuhrlion s'cleve U 825,o54 intlividus ; etou n'y compte que 564 ccoles priniaires : 1 1 seulenient sulvent le mode d'enseignenient niutuel. C'est I'liniqiie reinarque a faire dans VAlinanach dii Loiret. Des noins propres remplisscnt aussi YAnnuaire statistujue el administratif du deparlement de I'Oise et dii diocese de Beauvais , publie depuis six ans par ordre du prefet. II re- sulte de la lisle electorale que parmi i329 censitaires a 3oo fr. et au-dessus , seulenient 9 electeurs sout ages de moins de 3o ans. Apres des epliemcrides assez curieuses du dt'partcnient pendant i83o, la deuxieine partie de I'Annuaire donne, eu 114 pages, un precis statislique , pour un seal canton, celui celui d'Auneuil , avec la carte. Mais ce travail est rempli de de'- taiis interessans sur I'clat ancien et present de chaque localite , sur son Industrie, son agriculture, son administration. Le sa- vant et laborieux anleur ( M. Gkaves ) , continue depuis six ans Gel ouvrage digne d'cloges. Le departernent de la Manche, si importantpar sa position pc'n- insulaire par la fertilite et la variete'de son territoire, no se con- naitrail pas encore lui-nieme dans toutes ses parties, si plusieurs de ses habitans les plus instruits n'avaient pas concouru a la pu- blication d'un annuaire qui, des son debut, ful un des meil- leurs, malgre quelque confusion dans I'ordre des niatieres. L'ad- niinistration , comnie si elle eiit coinniis una indiscretion en laissant reveler aux conlribuables les produits des impots et 1 e- tal des etablissemens publics, refusa k I'l'diteur M. J. Tkavep.s, tous renseignemens pour i85o; niais ]M. Gattier, le prefet ac- tuel, s'est cnipresse de lui ouvrir ses bureaux. La population , en 1828, s'elevait i» 611,206 individus ; sur 1 3,825 naissances , dont 6,896 males, il y eut 874 enfans naturels nou reconnus. A raiticlc Vaccine, il est dit que les naissances furentde 14,094 le nombre des vaccinations de 12,376, dont 2,624 operees par le mcme medecin , le docteur Bonnet , de Coutances. On porte aussi I'excedant des naissances sur les deces a 469; niais des 3,000 marins classes a Granville, de tous les niatelots que la population du littoral livre au commerce et a I'Etat , combien qui mcurenl loin de ce deparlement? Le tableau de la conscrip- tion lie paiait pas plus exact : en 1828, le contingent de 1 160 aurait presenle 208 conscrits au dessous de la taille de cinq jiieds, et seulenient 86 en 1829. Les rccenseinens pour Ja garde 674 MVUES FUAlVgAIS. nationale dounent le nombre de 80, 458. J'admels, d'apres Ic conipte general de la justice criinitielle pour iS'iS, que, dans Ics cinq departcinens de I'ancienne Norniandic , siir 616 accuses, 356 ne sussent ni lire ni ecrire, et que quatre seulement eussenl recu une education dislinguee ; mais parce que la Manche a eu I accuse sur 7, 426 habilans , el la Scine-Infcricure i sur 2,220 , la moralile de ces dopartemens ne pent pas etre coniparde d'a- pres ces donnees ; le premier est essentiellement agriculteur , et il n'a point de grandes villas, tandis que le second voit sans cesse passer par ses innombrables fabriques une multitude d'ou- vriers sans domicile fixe ou dissipateurs. Quatre cent vingt-neuf ecoles primaires sont frequentees par 24,929 garcons , dont 8,668 adniis gratuitement : on compte aussi 24,o34 cleves, dont 9,o55 non payans, dans les 463 ecoles de filles. Les sept colleges communanx reuuissaient i,365eleves, dont38i aspirans au sacerdoce, independamment de 444 semi- ristes. C'etait en 1828, et le nombre des cures et succursales resle fixe a 608. Puisque ce soat les impols qui font les elec- leurs , rapporlons que les quatre contributions directes prodtii- sent 6,341,077 fr.; que les cotes sont ainsi inultipliees : au-des- sous de 20 fr., i32,073 ; de 21 a 5o fr., 3i,8i i ; de 5i a 100 fr., 12, 385; de 101 a 5oo fr. , 8,710; aa-dessus de 5oi fr. , 807. Ces myriades de proprietaires , pelits et grands, ont verse dans I'anne'e a reuregistrenient 1,970,774 fr. ; aux grcff'es divers , 57,454 fr. ; au timbre, 5Si,652 fr. ; en outre, les taxes d'avoues, d'huissiers , etc. Les 12, 838 patentes paient 185,819 fr. Enfiu la loterie a eniporle' aux Bas-Normands de la Manche 85,473 fr., et les roues de Paris et de Lille ont rendu, dit-on , a quel- ques-uns 54,8 16 fr. Get annuaire procure beaucoup d'autrcs renseignemens sur I'elat de I'agriculture , de I'industrie et du commerce dans les six arrondissemens de la P^ninsule. Les relations avec les iles anglaises, les diverses peches qui se font pres du littoral, devront lui fournir des articles interessans. Nous ne pouvonsqu'indiquer une notice de M. du Mo^fcEL sur I'exploilation de sa terre de Martiuvast, et la description geognostique de ce vaste et pitto- resque departement , par M.deCAcwoNT. L'Acadeinie doCher- bourg, apres une eclipse totalc , reparait : elle se propose de rccueillir des nialcriaux pour une statistique dcpartementale. La Socictc vclerinaire pour la Manche et le Calvados ofTre, par SCIENCES PHYSIQUES. 676 son organisalion el par ses Iravaux, un module a imiler aux au- tres contrccs qui se livrent a I'eleve des bestiaux (1). Uii pro- prielaire propose un prix de i5oo fr. pour la destruction sans retour des toufi'es d'aira cespitosa qui infestenl les prairies. Les travaux pour la canalisation de la Virc sont cvalues a 45o,ooo fr. Son produit net serait de 28,000 fr. ; mais les souscriplions ne procurent encore que 80,000 fr. L'liistoire raconlee par M. Cou- PEY, juge a Cherbourg, d'un enfant norniand qui, eleve par des sauvages de I'Amerique, n'en est pas nioins devenu recleur de rUnivcrsite de Paris , et menibre de I'Acadcinie des Inscrip- tions ; un trait de nioeurs trop longuement rapporle ; le recit de la descente des Anglais a Cherbourg en 1758 , varient la leclure de I'Annuaire, qui a recu de BI. leprofesseur Ragondeuh article sur les voies romaines , et de M. Ed. Lebois une description de I'aqueduc presume romain de Coutances. A peine la popula- tion de la Manche etait parvenue par la garde la plus penible a eloigner de ses chaumieres le fleau atroce des incendies , qu'elle a vu le convoi de Charles X et I'arrestation du premier ministre. Apres le recit de ces evcnemens deja historiques , on trouve des notices ndcrologiques dues a M. Letertbe, bibliothecaire a Cou- tances, a M. AssELi.N de Cherbourg, a M. Pldquet de Bayeux , qui a fourni aussi un article curieux de bibliographic. L'editeur, M. Jiilien Travees , de plusieurs socitites savantcs , va donner a ses coucitoyens uue autre preuve de son patriotisme , en pu- bliaul la statistique sommaire du departement de la Manche ("2). Isidore Le Brdn. iSy. — * Histoire generale des V^oyages , ou Noiwelle col- lection, des relations de Voyages par iner et par terre , raise en ordre et complelee jusqu'a nos jours ; par C.-A. Walkenaer , membre de I'lnstitut. Tome xxi. Paris, i83i ;'Lefebvre. In-8° de 463 pages; prix du volume, 7 fr. (Voy. Rev. Enc, t. xlviii, pa?. 448.) En ouvrant ce nouveau volume, on Jit les observations de Thompson sur les Boschinians , les Coramas, les Betchouanas, les Griquas, les Mantatis, qui ont ete recueillies par ce voya- (i) La Societe centrale d'agricullure vient de decerner deux prix a MM. Lecoq et Cailleux , president el secretaiie de la societe veterinaiie. (2) Cel ouvrage, in-4°, se composera de 24 livraisons el d'un alias coa- tcnant 55 cartes, Prix total, 3o fr. 67b LlYllErt FRANOAIS. ' gciirs en i8'24. Lcs premiers supportcnt la faim a iiii degrti in- ct'oyalile. Le capitaine Stockenstrom a rapporle a uotre voya- geur qu'il avail une fois trouve dans un desert un Boschiman , qui pendant quinze jours n'avail vc'cu que d'eau et de sel. Ce pauvre honnne semblait etre sur le point de rendre le dernier soupir; il n'avait plus que la peau et les os ; on craignait qu'en le liiissant manger a sa fantaisic, il ne se fit du inal ; enfin on se decida a ne pas le gener, et il devara la moilie d'un mouton. Le lendemain il etail completenient arrondi, et se porlait a mer- veille. II parait que I'liabitudc a fait acquerir a reslomac de ces peuples une faciille seniblable a celle des bules carnassieres, pour supporter long-terns la faim et pour manger gloutonne- jneut. Thompson depeinl la condition des Boscliimans , comme la plus mise'rable que Ion puisse imaginer, et il en allribue la cause a I'inhunianite et aux prejuges des bjancs. Le defaut d'in- ■venlion el d'esprit que Ton remarque dans leur langage mon- tre evidemment I'etat de degradation de leur intelligence. Thompson ayant fait adresser des questions a des Boscliimans intelligens sur leurs noms de nombre , ceux-ci enumercrent les nombres de un a dix , qu'ils combinerent d'une maniere parti- culiere ; mais c'est au nombre trois que s'arretent les mots simples. Depuis quarante-six ans , ce peupie a beaucoup per- fectionne la preparation du poison dont il enduit ses fleches; ce poison est devenu plus subtil et plus dangereux qu'autrefois; il est compose d'ingrediens vt'gctaux et niincraux tres-deleteres, que Ton fait bouillir soigneusement avec le venin des serpens les plus malfaisans. La principale nourrilure des Boscliimans consiste en Tourmis de deux especes: I'une noire , I'autre blan- che; ils rcgardent celle-ci comme la plus delicate, el lcs colons la nomment, a cause de son exterieur, riz des Boscliimans. Cette substance a un gout acide qui n'est pas desagreable , mais il en faut une quantite considerable pour rassasier un liomme affame ; les Boscliimans joiguent a cette nourriture la gomme du mi- mosa. Les observations sur les Coramas traitent de I'induslrie de ce pcuple, de leurs superstitions, des lieux qu'ils habitent ; celles sur les Betchouanas sont rapportees dans le recit d'un natif sur son voyage a la baic de Lagoa ; d'aulres details ont pour objct les JN'aniaquas. Thompson rcleve line erreur de Levail- laiil el do Uurclicll , relativemcut a remboucbure de la riviere SCIENCES PHYSIQUES. G77 des Poissons. Des observations de loule espece lerniinent cet extrait, et sont relatives aux Duniaras , aux Griquas, aux Cafres, aux Mantatis, aux Amaziris, etc. A la suite de la relation de Thompson , se trouve un extrait du Voyage fait, de 1824 a iS'zS, par M. Cowper Rose , dans la colonie du Cap et dans le pays des Cafres. La Rei'ue Encyclo- pediqlie ayant rendu conipte de la traduction francaise de cet ouvrage (voyez ci-dessus , p. 4o5 ) , nous iie ferons ici que con- signer quelqnes tiaitsde cette relation. L'auteur est un officier anglais, d'un esprit enjoue , qui a retrace legereinent les impres- sions qu'il a recues des objets vus pendant un scjour de quatie ans dans cette contree la plus nicridionale du continent africain. M. Cowper Rose, dit M. Walkenaer.nedonne lui-nieme ses ob- servations que pour des esquisses; on ue pent, en effet, les com- parer a celles des voyageurs precedens, qui ont agrandi le domaine de la geographic : cependantil y a de la philosophic ct de la finesse dans les remarques du jeune officier, et elles sont presentees sous une forme piquante. Apres quelques excursions aux environs de la ville du Cap , M. Cowper Rose se rendit a Graham's-Town. Cette ville , grande, laide et mal batie , est eloigne'e du Cap de sept cents niilles, et pent contenir trois mille habitans, tant bourgeois que soldats ; ils sont presque tous venus d'Augleterre , et ont recu du gouvernemeut des portions de terrain pour s'y etabiir. Grahajn's-Town n'etait, il y a quelques annees, qu'un poste militaire ; et dans la prin- cipale rue , on voit encore debout I'arbre sous lequel , dit-on , le colonel Graham , le premier officier anglais qui ait jamais conduit des troupes dans ce pays , dressa sa tente. La ville qui s'est elevee a recu son noiw, qu'on cite toujours avec ve'ne'- ration. On y a bati des maisons de toutes les facons, puis des casernes , une eglise pour le rite anglais , des chapelles pour les dissidens , les Wesleyens , les Anabaptistes , les Indcpendans, enfin une prison que l'auteur represents comme I'edifice le plus beau el le plus necessaire de la ville. La population offre ua singulier melange d'officiers desceuvres , de marchands pares- seux , de soldats ivrognes, et de colons plus ivrogues encore. Graham's-Town est situee dans un bas-fond, entre de hautes collines verdoyantes, sur lesquelies I'oeil suit les chemins qui paiient de la ville pour se diriger sur les con trees d'alentour. Enlre ces collines, s'inginuent des rayins couyerts de bois et 678 LIVRES FRANf:AIS. pares de toutes sortes de (leurs qui csoissent a I'onibre ; on y trouve aussi des defiles ou pool Is hordes de profonds prectpices, dout les parois sout tapissees de feslons de feuillage, et dans lesquels coulent des ruisseaux, tantot eutre des rochers arides, tantot sous des touffes d'arhres. Le soleil du soir , en penetrant dans ces ravius et dans ces precipices, y produit des incidens de lumifcre d'un efTet niagique. En revenant vers la vil!e, on voit le bouvier holtentot ramener les hestiaux des habitans , ou une famille de ferniier deteier les boeufs de son chariot pour passer la nuit sur la pelouse aupres d'un ruisseau. Quelqucfois loule la population d'une fernie est la; inaitres, serviteurs et animaux. La inoisson une foisfaile, le paysan est niaitre deson terns, et il ne dedaigne pas alors de charger son chariot de toutes ses denrees supertlues pour alier au loin les echanger dans la ville contre les objels qui lui manquent. Le paysan de la colo- nic est aussi chasseur, car ici la chasse se joint a i'agriculture pour nourrir les colons, conime dans I'cnfanee de la societe. Aussi voit-on quelqucfois emballcr avec les denrees destinees au marche de la ville la peau du lion, la belle peau tachetcie du leopard et du tigre du Cap, celle du loup , du lynx rouge, les cornes mon-strueuses du bufBe, dont on fait des poudrieres, celles de diverses aniilopes, les oeufs et les plumes d'aulruches, et des tapis grosslers fails en peaux de springboks. Si les chariols ap- partiennent a des paysaus qui traflquent avec les tribus des frontieres, ils apporlent aussi des dents d'elcphans et d'hippo- potames, des manteaax en fourrure provenaut des Betjouauas et des Griquas , et les singuliers jobjets de parure de ces peuples, tels que des colliers auxquels sent suspendues des dents de loup et des grilles de tigre , ou bien des objets niyslerieux en bois ou en argile , auxquels on atlribue des veitus niagiques ; des bra- celets en cuivre, qui sont quelqucfois ingenieusejnent travailles, de gros anneaux en ivoire et des coitfures de fenime , consistaut en peau ds bouc bleu couverte de verroterie , selon divers des- sins. On y trouve encore les hassagaies cafres, javelots legers d'environ cinq pieds halt pouces de long, et munis de poinles en fer; au-dessous de ces pointes , quelques arnies de cette es- pece ont de part et d'autre de doubles crocs , dont les uus sont diriges en haut et les autres en has, et qui ont pour but de rendre la plaie plus daugereuse, soil que Tarine y pcnelre, soil qu'on la retire; raffinement cruel quis'executepourtant par des proce- SCIENCES PHYSIQUES. (i79 des grossiers; un qiiarlier de roche sert d'encliinie ; unc pierie tieut lieu de marteau ct quelques vicux canons de fusil ou d'au- tre ferraiilefournissent lefer. D'auties fois airivent les chariots des niissiounaires, trainaut a leur suite des indigenes, a qui on fait voir le pays que les Europeens leur ont enleve , et ou Ton deploie les arts de la civilisation aux yeux etonnds des sau- vages. Le repos des colons est frequeniment trouble par la nouvelle de I'approche de niilliers de sauvages. Le plus souvent, ces bruits vienneut de ce que qiielque tribii cloignee, poussee au desespoir a la suite d'une mauvaise recolte ou d'une epizootic , se jette sur une tribu voisine , qui a sou tour exerce les incuies ravages chez une autre tribu, et ainsi de suite jusqu'au voisinagc de la co- lonic. La ce niouvenient belliqneux se repand par la renommee , qui grossil a cliaque pas le nonibre des assaillans : quelquefois I'armee qui arrive est representee conime etaut coniposee de cinquanle a cent niilie sauvages et canuibales. L'extrait de I'ouvrage de M. Cowper-Rose doune sur ses excursions dans la Cafrerie des details qui, par leui's varietes et par la maniere donl ils sont presentiis sont propres a siiduire le lecteur. Jeune et disjjose a s'aniuser de tout, ce voyageur se piaisait a errer dans ces vastes solitudes dont le sol n'est foule que par quelque peuplade erraute ou par les animaux sauvages, ct a se meler avec les indigenes : les dufauts de ceux-ci ne le frap- paient pas aixtant que leur siniplicite, leur naivete, leurs ma- nieres vraies et depourvues d'artifices. En quittant le district d'Albany, uotre voyageur vit passer une nuee de sauterelles, qui s'etendait sur uu espacc de trois niilles ; cetle nuee n'etait pas assez cpaissu pour iatercepter les rayons du soleil ; partout, au contraire, oil Ton porlait la vue, on voyait briller les ailes de ces insecles devorans, le plus terrible (Icau de ce pays, lis arrivent par millions , portes par le vent ; toute la vegetation disparait sur leur passage, et quand I'ceuvre de la destruction est acconipUe , un autre vent les cniporte loin du theatre de leurs ravages. M. Cowper-Rose ell'eclua , moitie en marchant, moitie a la nage, le passase de la riviere des Crocodiles, qui coule dans un ravin convert de roches et de bois, et que Le- vaillaut a decrit comma elant si effrayant. Ce fut dans celtc partie du district de George, que ce naturaliste clai)lit son camp permanent et enrichit considerablement sa colieclion d'histoire 6So MVRES FRANCAIS. naturellc. « Jc ne suis nuUemcnt surpris, dit M. Cowper-Rose, qii'il se soil plu dans cetle contrce, car I'amant de la nature pent passer ici bien du terns avanf d'avoir epuisc toules les beautes qu'elle etale dans !es forcis, dans la rivifere et sur les niontagnes. J'ai lu les voyages de Levaillant dans inon cnfance; ce livrc m'enchanla. Aujourd'hui encore je puis sympathiser avec son enlhousiasnie ; il faut avoir crre dans ces iininenses forcls, entre des arbres scculaires converts de lambeaiix de mousse ou desscchcs a force de vieillesse et enveloppe's de plantes 2)arasites qui ofl'rent les couleurs les plus brillantes ; il faut avoir fait lever les oiseaux au riche plumage de leurs nids ca- ches ; il faut avoir vu le serpent a la peau bigarree se glisser sons lefeuillage; enfin il faut avoir vecu dans les solitudes avcc la nature , pour eprouver cet enthousiasme du voyageur fran- cais. Jusque-la jcpuis le suivre et sentir comme lui ; mais quand il devient sentimental au sujet d'une fiUe hottentole , et decrit minulieusenieut la petite affection que lui a inspirc'e une de ces femmes a la grande bouche, aux petits ycux et au nez cmnus, j'avoue qu'il va plus loin que moi. J'en ai beaucoup vu de ces Hoitenloles , j'en ai trouye beaucoup d'ivrognes, mais je n'ai pas rencontre de Nerina. » Aprcs avoir analyse les relations de tons les voyageurs qui ont visile dans tons les sens la colonie curopcenne du cap de Bonne-Espcrance, et de ceux qui , franchissant ses limites, out fait d'importantes decouvertes au Word, et nieme vers Test des frontieres de la Cafrerie, M. Walkenaer donne texluellemenl, ct d'apres la traduction francaise , le Journal du voyage de Jacob Van Reenen , execute en 1790 dans I'iiiterieur du pays des Cafres , le seul peut-etre qui ait cte fait dans ce but: ce do- cument est important pour la geographic. Vieunent ensuite des exlraits des voyages d'Aiberli et de Brownie, fails dans le meme pays en 180G, 1818 et 1824, lesquels Irailent du pays , de la stature et des forces physiques des habilaus, de leur nourriture, de leur sommeil , de leurs habillemens, et souvent de I'educa- lion physique el morale des enfans , de la circoncision , des inaladies, remedes, de la duree dela vie, de la langue, peinture, ccriture , arithmctique , chronologic, facullcs intellecluelies , sortileges, des occupations domestiques , de Tagriculture , de la condition des femmes, de I'amour et du mariage, de la chasse, de rhospilalite et des divertifscincns, de la forme du gouvcrne- SCIENCFS PHYSIQUES. 6Ri ment, des impots, de la maniere de rendre la justice, de faire la guerre et de conclure la paix, des ceremonies fuueraireset du deuil , des relnlions qui subsistent eiitre la colonie du Cap ct la nation desCafres , de i'histoire dc ce peuple. Ce volume contient encore le voyage fait, en 1827, par le missionnaire H.-P. Hallebeck , de la societe des freres Moraves, dans le pays des Tumboukkis et des Cafres , ainsi que des apercus de ceux de A.-G. Berin . sur la riviere d'Umzoumvobo dans la Cafrerie, en i83o, de Cowie et de Green a la baie de Lagoa , et qui ne sorit coiinus jusqu'a present que par des ex- traits inse'res dans des feuilles publiques publiees au Cap et a Londres. Celfe derniere entreprise est signale'e par M. Walke- naer, comme un voyage remarquable, le premier dans celte direction qui ait reussi. Uii chapitre special est cousacre a I'e- tat de la colonie du Cap, en i83o, et traite de Tadministration des finances , du commerce ; il contient en outre une liste chronologique des gouverneurs de cette colonie sous les domina- tions hollandaise et anglaise. Apres avoir I'apporte jusqu'en 1828 tout ce qui a ete dit de plus interessant par les voyageurs sur cette colonie et sur les pays situes au Nord et a I'Est, M. Walkenaer s'est pro- pose de faire connaitre, en commencant par la relation du voyage de Jacob de Bucqdov a la baie de Lagoa, en 1721, les observations les plus importantes faites par les voyageurs qui ont aborde sur la cote orientale de cette region, soit en reve- nant des Indes , soit eii s'y reudant , mais sans traverser la colonie du Cap. Les extraits qu'il donne des voyagesde Jacques Fbancke.v, qui, par suite de naufrages sur la cote du Bengale, alia de ce pays ii la baie de Lagoa en 1759, de GwiWawwe White, qui aborda apres uneviolente tempete avec le navire le Lion dans cette baie ,ter- minent ce 21"' volume de la collection des voyages. Soeur-Merlin. i58. — * Foyage de Lapeyrome , redige d'apres ses manus- cnts originaux, suivi d'un appendice r'enfermant tout ce que Ton a decouvert depuis le uaufrage jusqu'a nos jours et enrichi de notes , par M. de Lesseps , consul-general de France a Lis- bonne , el seul debris vivant de I'expedition donl il etait inter- prete. Pans, i85i ; Arthus Bertrand. ln-80 de xviij-436 pages, r xLix MACS i83£ . ', ; -t I 682 LIVRES FRANgAlS. accompagud d'une carte generale du voyage el orne dii portrait et diuu facsimile de Lapeyrouse ; prix, 7 fr. , el 8 fr. 5o c par la poste. Nous nous proposons de rendre, dans noire seclion des ana- lyses, un compte delaille de cot ouvrage. Sciences religieuses , morales , politiques et historiquss, iSg. — * Meditations religieuses , en forme de discours pour loules les epoques, circonstances et siluations de la vie doines- lique et civile; Iraduites par MM. Monnard el Gence , d'apres I'ouvrage allemand iulitule : Stiinden der Andacht. T. 11 , pre- miere parlie, ou n°» 1 a 12. Paris, i83o; TreuUel el Wiirtz. In-8ode35o pages; prix, 5 fr. (Voy. Rei>.Enc., t. xlvi , p. 442). II serail interessant de rechercher, el peut-etre difficile de decouvrir, pourquoi les livres de piete dont se servent les ca- tholiqucs sont si fort inferieurs a ceux des prolestans ; pourquoi la devotion , dans ce qu'elle a de plus pueril et de plus ridicule , fait presque le sujel unique des premiers , tandis que la plupart des seconds sont d'excell'ens trailes de morale religieuse. Cepen- danl, si les dogmes des deux communions soul diffe'rens , si les croyances protestanles , quoique moins rigoureusement logiques dans leur base et dans leurs consequences, sont plus accessibles a des esprits qui veulent se laisser persuader et se soucienl peu de raisonner, il faul reconnaitre que la morale est a peu preS la meme des deux cotes. Et peut-fitre le catholicisme renferme- t-il une philosophic plus haute , plus frappanle el plus pure. II est certain , par exemple , que la confession , dont on s'est lant moque sans en comprendre I'admirable signification et le salu- taire resultat, que la gradation des peines et I'expiation prepa- ratoire de I'autre vie, que celle majeste du culte , ce caractere imposant et supreme de la predication , seraient de fe'condes sources de moraliles , pleines do poesie et de persuasion. Pour- tanton n'en a rien Ih-e.U Imitation de Jesus-Christ ne merile pas, selon nous , les eloges qu'on lui a prodigues : nous n'y remar- qtions gueres qu'un style suave et simple, couvrant un grand vide de pensces. Quant aux livres de saint Francois de Sales , nous avouons encore n'en avoir point senti le merile , quoique nous I'ayons cherchc avcc soin sous le fatras de mysticites tendres et bizarrcs que le pauvre ^veque adresse a sa Philotee. Apres ces SCIENCES MORALES. fi83 inodeles du genre, nous n'oserions parler Jes niis<5rables bali- vernes qu'on place dans les mains des seminaristes et des jeunes et vieilles devotes, et dont la lecture continuelle el rc'petee se- rait bien propre k renverser des cerveaux plus forts et moins ardens. Nous laisserons a d'autres le soin de trouver la cause du fait qui nous etonne et nous dirons seulement que , parmi les traites protestans que nous admirions tout a I'heure , nous en avons peu lus qui pussent etre compares a celui qui est sous nos yeux. II est impossible d'unir plus etroitenient que ne I'a fait I'auteur alle- mand la philosophic et la religion ; de pruier a la philosophic un langage plus touchant et plus simple , Ji la religion plus de dou- ceur et de grace; il est impossible de descendre dans les details de la vie et d'y melcr de graves et sublimes verites avec une onctiou plus persuasive et une eloquence plus vraie. Nous cite- rons particulierement les chapitres qui ont pour titre : Le Chretien place dans le tumulte de la vie ordinaire ; Ce qui fait le prix des sacrijices ; Influence de Vhumeur sur le senti- ment religieux; la Priere domestiqiie; la Foi et les OEuvres , etc . Une grande part de ces eloges revient aux traducteurs , MM. MoNNARD et Gence. Ne posse'dant point I'original allemand, nous ne pouvons dire si leur version est fidele; mais nous sommes convaincus que I'auteur n'a pas pu dans sa langue faire mieux qu'ils n'ont fait dans la notre. Le style, litterairement parlant , est vraiment admirable: elegant, correct, harmo- nieux mfime , sans aucune trace d'afleetation. Nous devons les remeroier du travail qu'ils ontentrepris et exe'cute si heureuse- ment , car ces meditations conviennent au catholique aussi-bien qu'au protestant; I'un et I'autre gagnent a les lire, et nous oson s aflSrmer , par expe'rieuce , qu'un lecteur qui n'cst ni I'un ni I'autre y peut tronver un veritable plaisir. Ans. P. 1 60. — * Cours de Droit public interne et externe , par le commandeur Silvestre Pinheiro - Ferreira, ministre d'Etat de S. M. C. Paris, i83o; Rey et Gravier, quai des Auguslins ; Aillaud, quai Voltaire. 1 vol. in-S" de vm et 44© et de vni et 5oo pages; prix -. 10 fr. Nous rendrons compte avec de'tail de cct important ouvrage parfaitemeut au niveau des connaissances actuelles et des expe- riences failes en grand nombrc dans ces derniers tems ; ouvrage ecrit par un ctranger dans notre langue, avec une purele vrai- 44. 684 LTVRES FRANgAlS. ment rcniarquable. Le i"' volume conlieut un Iraite de droit consliliitionnel ; le second, un trailc nouveau du droit des gens. B. L. , avocat a la Cour royale. 161. — De la Restauration et de la Monarchic elective , ou Reponse a I'interpellation de quelcjues journaux 5«n' won rersel semblaient avoir epuise cette these miserable. Quant a la conclusion de l'auleur, qui forme le litre de sa bro- chure, lout le monde I'adontera sans discussion , ou plulol lout le monde I'a adoptee; car elle enonce une veritc bien vieille et bien rebatlue depuis huil mois. Le style de cet opuscule est facile, quelquefois elegant, sou- veut incorrect. i65. — * Rapport Jait au nom de la coiniiiisiioit c/iargee de I'examen de la proposition de M. Humblot Conte, relative 690 LIVllES FRANgAlS. a Vorganisalion mitnicipale ; par M. Felix Faurf. , depute de rioere. Paris, i83i; imprimerie royale , diicembrc i85o. In-4''. 166. — F.xamen des projets de loi relali/s u V administration miinicipale et departementale ; par L. Ciia.nlouineau , avocat a la cour royale d'Angers. Paris, i85i; H. Fournier , jeuue. Iii-8° de 4oo pages ; prix , 6 fr. ( Ce volume u'est point complet ; la Gn de Touvrage y sera ajoutee plus lard, ensuivantla pagi- uation conimencee.) La loi que Ics Chambres viennent de discuter et de voter reii- furnie des vices si norabreux etsi radicaux, que chacun laregarde comine provisoire, et alleud qu'une autre Chambre la reniplace, par une loi sinon excellenle, au moins raisonnable et applica- ble; car cclle-ci ne Test pas pour la grande inajorite d^s coin- iinines. Nous croyons done qu'il ne sera pas hors de propos d'emettre ici qufilques idces critiques et organiques sur une institution qui poss^de a uos yeux une immense importance , el qui est le premier rouage de la machine sociale et administrative. Avant meme que la discussion parlementaire fiat commencec, quand la proposition d'un depute isole vint jeter la question dans la discussion publique , on put s'apercevoir qu'elle n'etait pas sainement comprise par la majorite, ui dans la Chambre, ni au-dehors.Les uns, engoues des habitudes que leur avaient don- uees vingt ans d'opposition , pevoyaient dans I'institution de la commune qu'un moyeu de gener la marchedu pouvbir central, etdesusciterpartout des embarras a radmiuislration. Lesautres, preoccupe's des souvenirs de notre hisloire, reclamaient les vieilles franchises municipal es, comme un clement de liberie legitime que la royaute avail, durant les deruiers regnes, delruit injustement. Ces deux points de vue soul faux. Notre savant coUaborateur, M. de Sismoudi , a deja demontru dans ce recueil, il y a plusieurs annecs , que ce serait recuicr bien loin dans une civilisation barbare que de reconstituer au sein de la societe acluelle des milliers de pelites republiques, oil des idees elroiles de localites domineraient absolument , oil les progres gcneraux et les luniieres , qui partem des grandes villes comme d'autant de foyers permanens, ne peneireraient pas; qui, en un mot, rendraient impossibles les niesures gcncrales de radministralion. M. Daiinou, le seul depute qui ail examine lit raalii;tc d'lmc maniiTC large el vraic, a fait reniarquer en SCIENCES MORALES. €91 outre que rinslilulion des communes n'avait cte que trcs-im- parfaile sous rancieuue monarcliie , que la plupart des canipa- gncs en etaient privees alors ; qu'aujourd'hui c'esl surtout la commune rurale qu'il s'agil d'organiser , et qu'ainsi , il falLait cviler loute idee d'alialogie entre ce qui a e'te jadis et ce qu'on veutfaire maintenant. Quant a cette opposition que d'autres voudiaient constiluer partout, qunnt a cette tutelle du pouvoir dans toutes scs bran- ches et dans tous ses actes, nous avouons n'en point compren- dre le but et I'utilite; nous n'y voyons pas meme de pretexte , el nous pensons que cette idee est directenient opposee a I'eco- nomie essentielle du gouvernement repre'sentalif , qu'il ne faut point confondre avec le regime balard de la restauration. — Dans I'etat normal, une fois que le corps electoral est sainement constitue, de facon a exprimer toutes les opinions, c'est-a-dire, tous Ics inlerets et toutes les fortunes, le mluistere doit toujours administrer suivant la majorite parlementaire, et il a droit de Irouver partout bienveillance et secours , et non defiance et opposition. II faut done revenir a la verite simple et vulgaire. La com- mune qu'il s'agit de fonder doit avoir plus d'analogie avec le present et I'avenir qu'avec le passe. Elle ne doit point etre une institution politique, niais seulenient administrative. La Cham- bre aurait commisbeaucoupmoinsde bcivuesdansla discussion, si ses membres de tous les bancs et de toutes les nuances s'titaient bien persuades que ce n'elait point ici le lieu de constiluer, ni une aristocratie , ni une diimocralie politique. Les affaires lo- cales sont mieux administrees par ceux qui y sout directenient interesses et qui profitent de leur bonne ou souffrent de leur mauvaise gestion a tousles instans de lajournee. C'estdonc par scs membres que la commune sera adminislree? mais comment et par qui seronl nommt-s ces magislrats muni- cipaux ."^ Voila la grande difficulte. — 11 sen.ble que Ic debat serait bienlot termiue, si on voulait examiner la nature des choses , et en lirer des consequences rigoureuses. Les affaires de la commune sonl de deux sortes : les premieres, renfermees tout enlieres dans les limilcs mcmes de la commune, ne toucbent qu'ii ses membres et n'ont aucune relation avec Ics inlerC'ls des aulrcs communes, ou dii gouvenieBient central qui 692 l.iVKES KRANCAIS. les leprcsenlc, puisqu'il est chargo de protoger les iiilerefs gene laiix cl d'assurer rexccution des lois. Les aiilres affaires louchent a la lois la commune d'une part , et una ou plusieurs autres communautes , c'est-a-dire , ladministration genei-ale d'aulre part. De la deux natures de pouvoirs pouvoir municipal , souve- rain dans les affaires interieures , sauf le recours des individus leses, et qui , par consequent, doit sortir lout entier du sein de la commune par I'election direcle; pouvoir central , represente par un magistral nommc directemenl par le gouvernement. JVous ne pouvons pas allcr plus loin sans faire reniarquer combien etait incomplete celte proposition paiticulieie jetee a la hate dans la discussion par une manoeuvre de parti. Ou pro- pose la nomination des magistrals municipaux , el Ton n'a pas songe a determiner leurs attributions; on infirme la I'csolution prise en i83o par la mcme chainbre , decouimencer I'organisa- tion provinciale par la constitution du departemenl , resolution tres-logique pourtant ; c:ir elle perniettail de preparer dans ie Conseil general etnicme dans le Conseil de prefecture un tribu- nal d'appel, qui offrit toutes les ga ran ties de lumiferes et d'inde- pendance , et d'aviser au moyen de remplacer les secretaires- generaux de prefectures , el les sous-prefets dont on demande depuis si long-tems la suppression. Les plus graves defauls de la loi resultenl de celte marche ir- rationnelle. II est evident que notre circonscriplion comniunale est mauvaise. Wous avons, suivant le rapporteur lui-merae , 11,000 counnunes au - dessous de ?)oo habitans, 17,000 au- dessous de 5oo. Outre les inconveniens qui resultenl de ce mor- cellemeul excessif du Icrriloire , !es Icnteurs qu'il entraine , les frais qu'il occasionne , comment le niettre en harmonic avee la theorie rigoureuse que nous venous de resumer sur la limile et la nature des pouvoirs administralifs? Comment trouver dans toutes ces counnunes un maire el des adjoints intelligen-s, et pos- sedant meme I'instruction elemeulaire que demande la tenue des regislres de I'elat civil , et de plus un nombre suflisant d'liommes capables de surveiller I'adininistralion des premiers? Comment placer dans ces 58, 000 Ipcalites un agent special du i;onvernement charge de protc'ger les intercls generaux ? Ainsi la prenuiire tache de celuiqui voudra organiser la com- mune sera de i^efaire loule la circonscriplion territorialc. C'cst SCIENCFS MORALES. 6g3 Un travail immense que n'a point voulu s'imposer une com- mission a vues etroites, instrument (iphemere d'un parti. Apres ce premier travail, une seconde division du territoirc etaitnecessaire.Ilfallait former des communes cantonnales com- posees, suivant les localites, de lo, 12 ou i5 communes munici- pales. On procureur de commune, place au chef-lieu, aurait rem- placc le sous-prefet , qui a maintenant trop a faire ou trop pea. Nous ne nous dissimulons point que celte institution serait devenue plus couteuse que celle des sous-prefectures ; mais aussi elle eut ete plus utile, et nous croyous pouvoir affirmer qu'elle sera indispensable quand uos querelles politiques terminees par une bonne et solide constitution nous permettrout de songer enfin a I'administration des interels materiels. Ce pro- cureur aurait des attributions plus larges, des fonctions plus utiles que celles qui furent autrefois confiees aux procitreurs de commune , ou qui le sont aujourd'hui aux sous-prefets. Ainsi , le deplorable etat de nos chemins vicinaux reclame une surveillance plus active que celle que peuvent lui accorder les ingenieurs des departemens, qui meritent d'ailleurs un em- ploi digne des longues et hautes etudes qu'ils ont faites; beau- coup de departemens possedent des mines de houille et de tourbe , et font construire des petits ponts , des chaussees, des digues , pour lesquels ils soldent temporairement ou conti- nuellement des ingenieurs et des iuspecteurs, et la creation d'une classe d'ingenieurs voyers est reclamee avec instance par beaucoup d'hommes experimente's (i). Les procureurs de commune devraient en tenir lieu. On ouvrirait par ce moveu une carriere honorable et utile a une foule de jeunes gens qui, depuis quinze aus , ont recu une education scientifique , et n'ont pu Irouver place ni dans les entreprises industrielles , si peu florissantes aujourd'hui, ni dans les services publics qui se recru- tent a I'Ecole polytechnique. (i) Nons avons eu connaissance d'cn Memoire qui devait etrepresente an ministre de I'interieur, dans lequel la necessite de cette institution est clairement deraontree. L'autenr de ce Memoire , M. Henri Martin, infe- nienr fort distingue, y developpe avec talent un planqne nous ne louvons qu'indiquer ici. Nous I'yngageons a le publier avec tons' les details relatifs a son application. 694 LIVRES FRANCAIS. Nous venons de prevoir et de refuter en mCme tems I'objec- lioii que beaucoup de gens, et notaininetil le rapporteur de la loi muiiicipale, ont faite conlre les procureurs de commune, et par suite centre la division des pouvoirs. « Ces agens seront-ils habitans de la commune ct non soldes? Comment eviter ime hoslilite facheuse , ou une coalition plus funeste encore, entre eux et les magislrats municipaux? — Seront-ils etrangers et payes par TEtat? Comment subvenir au traitement de 38,ooo fonc- lionnaires , qui , pour etre utiles, doivent tenir un rang respec- table? » Une fbis les droits du gouvernement assures , 11 faut songer a ceux de la localite. — Ici se presentenl deux verites cclatantes. Premierement il faut que le maire et son Conseil soient elus par la commune pour que leur autorite y soit aimee et respec- tee. — Sccondement, il est utile et necessaire que le plus grand nombre possible d'habitans soit appelc a I'clection. II semblait, avant la discussion , que tout le monde fut d'ac- cord sur ces deux points. On convenait gc'ncralement que les nominations des prefels ou du ministre ne pouvaient guere ctre que le fruit de I'intrigue, la recompense d'un diner, d'un bal , d'une fete, le prix meme de moins nobles complaisances. Ce- pendant la loi n'a lien change a cet egard. La plus grande par- tie des communes renferme-t-elle plus de douze notables riches? Peul-on supposer que parmi ces notables le candidal du prefet, appuye de son influence , sera exclu du Conseil municipal pre'- ferablement a tout autre? Enfin, est-ce ailleurs que parmi les notabilites tie la commune que le gouvernement est alle jus- qu'ici chercher les maires et les adjoinfs ? Le regime dans lequel nous allons entrer est donccondamne d'avancepar lesrcsultats du re'gime pass^. Quantaunombreeta la (yaa//^.^ -*.-'■- viUes. frituees. en ,830. Poitland Maine 8,r.8L 12,542 8.o?.5 Poitsmoulh New-Hamsnbire 7,317 Dover Concord id. id. 2,87. 2,838 5.46 1 3,.)(;2 Bostoo Massachussetts 43,208 6i,38i Salem id. 12,731 i3,886 SprinsKeld id 3>9.'4 <5.779 Lo^vell id. 6,477 Cambridge id. 3,2q5 6,071 Marbluhead id. 5,63o 5, U)2 Providence niiode-Tsland 17.767 17,000 (l) Hew-Haven Connecticut ''■47 io,6;-,3 Hartford id. 6,qoi 9,617 Kew-\ork New-York 123,706 200,042(2} Albany id. 1 2,63o 2 '1,2 16 Troy id. .'•.,264 . 1,403 t'tica id. 2,q72 8,3-4 Eochesler id. 1 ,5o2 8,32o Auburn id. 2,02.) 7,i()3 Philadelphie Pensvlvanie 108,116 16' -CSS Lancaster id.' 6,663 7.684 Reading H.irrisburg Wilmington Baltimore Annapolis Wasbington Georgetown Alexandi'ia Richmond Norfolk I'etersburg \\ heeling Newburn Fayettuwille Charleston Mobile Me\v-Or!eans Nashville Lexington Cincinnati Sainl-Loui POPULATlOIf i8ao. en l83o, Pensylvanie id. Delaware Maryland CoIoinLie i.1. id. Virgiuie id. id. id. Caroline du Nord id. Caroline du Sud Alabama Louisiane Tennessee Kentucky Ohio Missouri 4,332 2,990 ,'),2(;8 62,738 2,260 .3,247 7,350 8,2,8 12,046 8,478 6,6,jO 3,363 3,532 24,780 27,186 5,267 9,642 4,5y8 Ce tableau montie I'.Tvantage que les Etats du Noid conservetit encore .snr ecus du Midi, qnoiqne tout .seinble inviter a placer les nouveanx eta- tablisseniens aux lieux oil la population est iiioins pre.ssee , le tenain plus fertile et I'industrie moins developpee, et par consequent dans Tim raense bassin du Mississipi , les Florides , la Georgie , etc. C'est done a des causes jiolitiques on morales qu'il faut attribuer la preeuiinence des Petals du IN'oid sur ceux du Sud. (i) Celte population est estimce par approximation. (2) (]e noinbie est le lesultat du lecensenient fail dans 9 vnitls ou quai tiers et dVbtiniatlons ajiproxiiuaiivcs ponr les cinq nntrcs. 5,63 1 4,3o' 6,62^ 8o,53e 2,6 18,833 8,44. 8,221 16,057 9,816 8,3oo 5,211 3,762 2,825 3o,28c 3,062 5,56e 5,69c 26,515 5,852 feTATS-UNIS. 721 Tableau Jcs lecettes des Etats-Unis depuis Tableau d^ la depensc des Etats- Ic 4 mars i-^ig, jtisqu'au 3i decern- | Unis d 'puis le 4 mars 1789, l>n 1829(1). jusqu'a Civil u'ii decern bre 1829. '7^ I'ruduil Eniprunts Tot,il Dette c des of Treasury, en Total. < ilouancs. notes, etc. dollars. list puliliijue. 1789 et 1791- 4,399.473 5,791, Ii3 10,210,026 757,134 5,287,94y 7,207,339 1792. 3,443,071 5,070,806 8,740,767 380,918 7,263,666 9,141,570 1793. 4,255,3o7 1,067,701 5,720,624 358,241 5,8i9,5o5 7,259,576 ii794- 4,8or,o65 4,609,197 10,04 1, 102 440,947 5,801,578 9,302, 125 1795. 5,588,46i 3,3o5,268 9,419,803 36i,633 6,084,412 10,435,070 1796. 6,-567,988 362,800 8,740,830 447,139 5,835,846 8,367,777 1797- 7,549>65o 70,135 8,758,916 483,234 5,792,422 8,626,013 1798. 7,106,062 308,574 8,209,070 5o4,6o5 3,990,294 8,6i3,5i8 *799- 6,6io,44g 5,074,647 12,621,460 592,906 4,596,877 1 1,077,044 1800. 9,080,933 1,602,435 I2,45r,i84 748,688 4,578,870 11,989,740 1801. 10,750,779 10, 125 12,945,456 549,288 7,291,707 12,273,377 1802. 12,438,236 5,597 15,001,391 596,981 9,539,005 13,276,085 i8o3. 10,479,417 » 1 1,064,098 526,583 7,256,159 11,258,984 1804. 11,098,565 9,533 11,835,840 624,796 8,171,787 12,624,646 i8o5. 12,936,487 128,8x5 i3,6S9,5o8 585,S5o 7,369,890 13,727,124 1806. 14,667,698 48,898 15,608,824 684,231 8,989,885 15,070,094 1807. i5,845,52i » 16,398,019 655,525 6,307,720 11,292,293 1808. i6,363,55: 1,822 17,062,544 691,168 10,260,245 16,764,584 1809. 7,296,021 „ 7,773,473 •712,465 6,452,554 13,867,226 i3io. 8,583,309 2,759,992 12,144,207 703,994 8,008,904 13,319,986 i8ii. i3,3i3,223 8,309 i4,43i,838 644,467 8,009,204 i3,6oi,8og l8l2. 8,953,778 12,837,900 22,639,033 826,272 4,449,622 22,279,121 i8i3. 13,224,623 26,184,435 40,524,845 780,545 1 1,108,128 39,190,520 1814. 5,998,772 26,377,912 34,559,537 927,424 7,900,544 38,028,230 i8i5. 7,282,942 25,264,321 50,961,238 852,247 12,628,922 39,582,493 1816. 36,306,875 9,494,436 57,171,422 1,208,126 24,871,063 48,244,496 1817. 26,283,348 734,543]33,833,592 994,556 25,423,036 40,877,646 i8i8. 17,176,385 8, 765,21, 593,937 1,109,560 21,296,202 35,104,875 18:9. 20,283,609 2,291 124,605,665 1,142,180 7,703,926 24,004,200 1820. i5,oo5,6i2 3,040,824! 2o,S8i,4g4 1,248,310 8,628,494 21,763,025 i8ai. 13,004,447 5,000,324 ! 19,573,704 1,1 12,293 8,367,094 19,090,573 1822. 17,589,762 .,20,232,428 i,i58,i32 7,848,949 17,676,593 1823. 18,088,433 ■.20,540,666 i,o58,9i2 5,53o,oi6 i5, 314,171 1824. 17,878,326 5,000,000 24, 38 1,2 1 3 1,336,266 16,568,394 31,898,538 1825. 20,098,713 5,ooo,ooo'26,84o,85S r,33o,747 12,095,345 23,585,8o5 1826. 23,341,332 ..'25,260,434 1,256,745 1 1,041,082 24,103,398 1827. 19,712,283 ..| 22,966,364 1, 228,141 io,oo3,6C8 22,656,765 1828. 23,205,524 «, 24, 763,629 1,455,491 i2,i63,438 25,459,480 1829. 22,681,965 •' 24,767,122 1,323,967 i2,383,Soi 25,07 1,018 (t) Article communique par M. Balbi. On voit, par cc tablean, fjue les rcccttcs cks Etats-Unis, foiulccs priiicipa- -?.?. AMftRlQUE SEPTEiNTRIONALE. Bas-Canada. — Instruction publiqtie . — « Lcsclrangers qui nous ont visifc , Ja pliipait des voyageurs ont remporti^ et repanclu des prcjugt's de loute sorle contre ce pays et scs institutions On s'iniagine en Europe, d'aprcs dc« donnucs fausscs et repro- duites par vos diclionnaires geographiques ct autres ouvrages, que les descendans des Francais qui coloniserent cc pays, vivenl a la maniere des Tartares ou des Lapons... » Ces reclamations, que ni'adrcsseut des uiembresdu corps legislatif du Bas-Canada ct du barreau de Montreal, sont accompagnces de docuniens bien propres a rcfuter des preventions aussi injustes. L'exposc que je publierai prochainement de la situation prcscnte des deux Canada dc'niontrera que celte immense colonic, ameri- caine par sa position, anglaise par son gouveruenieut, toujours francaise nialgre le monopole, par ses aflFections et ses usages, dont les institutions offrent un melange de la feodalilc el du regime conslitutionel, nierite d'occuper I'attcntion des philan- tropes, des diploniates et des statisticiens d'Europe, d'etre coni- prsie au uombre des Eiats en progres. Lancaster habite Montreal : la legislature vient d'allouer unc somme de 6,000 fr. pour accroitre I'elablissement que dirige cet institulcur illustre. En Canada aussi, un parti influent par ses ricliesses et opiuiatre dans ses prejuges s'elail oppose a la pro- pagation de I'enseignenient piimaii-e : et depuis long-tems le conseil exccuLif ref'usait d'appliquer , de rendre a I'instructiou publique les biens concedes jadis aux jcsuiles. (1). One loi re- cente assure aux insiituteurs un traitenient suffisant pour qu'ils puissent recevoir des clcves gratuitement : en 1829, les alloca- tions se sout elevecs a plus de 10,000 louis (240,000 fr.) : on croit que cette somme a ete presque double'e durant i83o. Et en France, le gouvernement dcchu jetait a I'instruction primaire lement sur la prosperite du commerce , approcbent d'linc uniformitc dont la duice se prolongera sans doute , sans qu'on pnisse la considcrer comme un (itat de stabilite. Cette source de levenus depend, au uioins en partie , du commerce des auties nations , et decioit a mesurc que la concurrence augmenle. On voit aussi que les iiuaiices des Etats-Unis , loiu de suivre une progression plus rapide que cello de la population , coinmc en Eu- rope, pcuvent decroitre, tandis que la population ;inr;nicnio s.iris que les pcuples soient plus nial gouveines. (i) L'adrcsse (ft remereimcns volfl*' par des districts a sir J. KKjirr £tats-unis. . 723 line aiimonc dc 70,000 fr. ! Dans la seulc Bretagnc , plus de l,goo communes manquent d't'coles : en Canada, chaque pa- roisse-en posscde au moius une. M. Perrault , prolo-nolairc a Quebec, a fait coustruire a ses frais une classe dans laquellc sont admis gratuilement un grand nonibre d'enfans pauyres; dans la menie ville, I'c'cole, loute gratuile, que M. Romain dirige d'apres la methode lancasterienne , est froquenlce par 36o cicyes d'origiuc francaise et par autant d' Anglais. « Dcsorm.li[s paimi nous, ecrit uu magistral, I'ignorance absolue sera comme volontaire. » Cinq colleges de plein exercice existent dans ce pays:ils sent censes procurer a la jeunesse les connaissances jusqu'ici re'pu- tces Ics, seples necessaires pour les professions liberates et pour I'etat eccl^siaslique ; en un mot, le clerge catholique dirige exclusivement ccs ecoles , et les professcurs sout des Sulpiciens. Des troubles dans le colle'gc de Montrea! , causes recemment par des declamations hostiles aux principes liberaux et inju- rieuses pour I'lilite de la population , onl accrii le desir parlagc par tous les citoyens inslruils, que les methodes nouvelles rein- plaeent les anciennes, que renseignement soil mis enfiu en rap- port avec les progres des sciences et des arts. Plusieurs institu- tions secondaires , teuues pai' des laics , obliennent deja quel- que succcs. Un de DOS compatriotes que les evenemens de i8i5 avaient fait passer en Amerique , M. Lemoult, chevalier de la legiou- d'honneur, a'.Iait etablir a Montreal une ecole norinale pour les etudes couimerciales et industrielles, lorsqu'il a cede au dcsir de rentrer dans sa patrie , « dans la France , disait-il en octobre par ses touclians adieux aux Canadiens , forte et graudie do trois siecles en trois jours. » Plus de 1,200 lieues separent da Havre le Saint-Laurenl. Un depute a la Cliambre d'asscm- blec, en expriiiianta M. Lemoult les vifs regrets que son depart a causes aux principaux habitans du Bas-Canada , I'invitc a clioisir des professeurs francais pour fonder avec M. Potei. , jeune instituteur deja tres-considere dans ce pays , un college (leciai'c que pcudaut les deux aiiniies lie son admiuistratioD, qui a fini en octobre dernier, cc gouverneav nnglais a scconde I'etabliiiscmenr de plii'^ (If 200 ecoles gi'atnitcs dans les campagnes. 7.'4 AMEIUQUE MliRIDlONAl E. — ASIE. cii'il. Ou ne doule pas de la rapide prospe'rite de eel ela Llissemetit : avec les fils des premieres inaisons de la pro- vince, il rassemblerait les enfans des families amcricaines dont les proprielcs Lordent la fron litre sud da Bas-Canada. Jaloux de rcpondrc aux voeux de citoyens aussi honorables, el de con- tribuer a procurer lui systenie d'instruclion progressive que reclame I'etat dtja tres-avance de la civilisation dans le Ca- nada, M. Leinoult s'cmpresserade communiqueraux jeunes pro- fesseurs disposes a s'y rendre, les renseigneniens que deux ans de scjour dans ce pays hospitaller I'onl mis a mume de re- cueillir. IVotre langue comnie nos mcEurs sont prefci es par la plupart des liabitans du Bas-Canada. C'est en francais que sont redigc's plusieurs gazettes et recueils periodiques. M. Zefo/t Gosselin , avocal distingue de Montreal, va publier sous le litre de : Rap- finrts judiciaires du Canada, un cahier Irimeslriel de loo pages in-8°, petil-texle; abonnenienl pour I'annce 3o schell. Quoique la legislalion civile de la France regisse le pays, cette gazette des tribunauxdu Canada, et aussi de ceux des Etats-Unis, devra nous fournir des traits interessans des coutumes et usages de nos anciens freres. Isidore I^^^kvh. ASIE. PxussiE AsiATiQuE. — SiBERiE. — Kamtchatka. — Relations com- merciah'S a\>ec les Elats-Unis de I'Anieiique seplentrionale. — Uue decision du consell de ren)pire a Pelersbourg; en date du 18 aout 1828, avail ouverl pour dix ans , au commerce extti- rieur , les ports du Kamtchatka ; on a vu arriver, leGjuin i83o, au port de St. -Pierre et de St. -Paul (Petropavlovsk) , le premier nai'ire ctranger charge de marchandises. C'etait le Sultan, bati- nient americain, venaiit de Boston avec des farines, des vins et boissons fortes, du vinaigre , dn goudron , des couleurs, du sel , du labac , des etoffes de colon d'Amerique et de Chine, des soieries chinoises, de la vaissclle et autres objels. Tobolsk. — Monument a Yermak. — 11 sera erigc a Tobolsk uu rnoiiumenl a Yermak, conquerant de la* Siberie. Ce monument doit elre place sur un promouloire de la riviere nomine Tchouk- niaiie, et entoure d'line grille en for de funic, dans linU'rieiir de laqtielle sera plaulc un jardin qui servira de promenade ASIE. — EUROPE. — GRANDE-BRETAGNE. 725 publique. Le monument consistera en uncpyramide de marbre, ayant a sa base 2 sagenes 6 verchoks (environ 4 mutres ct demi), et 7 sagenes i4 verchoks ( i4 metres) de hauteur. Celte pyra- mide, ainsi que toutes les parties du monument en marbre, doivent etre execiitees aux frais du cabinet de I'empereur Ni- colas , dans la fabrique de jaspe de Calherinebourg , ville da gouvernement de Perm. Le pie'destal de granit, aitisi que la pose du monument et autres frais, serout couverts par le pro- duit d'une souscription , qui est ouverte a cet efFet. EUROPE. GRANDE-BRETAGNE. Noiivelle iiwention pour concentrer le feu d'une hordee. — Le 8 novembre dernier , on a fait , a bord de la Galate'e , I'epreuve definitive d'un instrument invente par M. Kedmsh , charpen- tier de marine, pour concentrer le feu d'une bordce. L'eflicacite du raoyen a ele prouve par le fait ; sur une bordee simultane'e de 21 canons , seize boulets ont porte dans une cible de 6 pieds Carres, placee a cinq cents verges du vaisseau. TJn rapport tres- favorable a ele fait au conseil de I'amiraute sur les diverses ex- pe'riences. Nouveaux cordages . — Le capitaine Georges Harris a dernie- rement fabrique des cordes et des cables avec le phormiuni tenax ou chanvre de la Nouvelle Zelande. Au lieu de goudron , il s'est servi pour les enduire d'une solution de gorame, ou de quelque autre substance rcsineuse qui a rendu les cordes plus fortes , plus souples, et moins sujettes a cclater par brins. Leur force de tension et leur flexibilitc les rend surtout propres a faire des cordages de vaisseaux. Detresse publique. — A une assembltie qui s'est recemment te- nuepour aviser aux moyens de fonder une institution charitable, dans le but d'empecher que les enfans prissent des habitudes de vagabondage, il a ete constate que non moins de quinze mille jeunes garcons, habitant la capitale, se levaient tous les matins, sans avoir aucune ressource honnete pour gagner le pain de la journee. Fondations charitables. — Un gentilhomme Ecossais, M. Do- ^26 - EUROPE. NALDSON, (Ic Broucliton-Hall, qui avait long-tenis etc attache a la redixclioti diiV ^(li'ertiser d'Ed'imhouy^, a laissii la sonime cnorme de -220,000 livres sterling ( 5 millions et deini de fr.) , pour la fondation d'un liospice, pros d'Edinibourg , destine aux oiphe- lins et aux enfaiis pauvres. Peu dc jours aprcs, un M. Millwajid, apotlncaire a Londres, a laisse 84, ooo livres sterling, a 3 pour cent, pour utrc reparties parmi un grand noinbre des institutions charitables de Londres. RUSSIE. PfiTERSBouRG. — Academic das Sciences. ■ — Planches de la Zoographic de Pallas. — M. Beiir , niembre de TAcadcinic , avait retrouve et achete ii Leipzig, 24 des planches gravees de la Zoographic de Pallas , el les avait euvoyces a I'Acadcmie , a laquelle elles ont ete presentees dans la seance du 18 octobrc i83o. Dans sa seance du aS du meme niois , I'Acadeinie a en- tendu la lecture de la lettre datee de Kreoigsberg, du 20 octobre , par laquelle M. Behr lui annonce qu'il est parvenu a decouvrir egalement a Leipzig le reste des planches et des dessins appar- tenant au meme ouvrage de Pallas, qu'il a aussi achete et envoye a Petersbourg. Bessarabie. — Instruction piiblique. — Par ordre de I'enipe- reur Nicolas, les 'elablissemens d'instruction publique de la Bessarabie sont distraits de rarrondissement universitaire de Kharkof , et subordonucs au Lycee Richelieu et au Curateur des ctablissenieus d'instruction publique d'Odcssa. Petersbourg. — Industrie. — Societe pour la blanchisserie a vapeur. — On a forme cette Societe a I'instar dc cellcs qui exis- tent dans les autres pays.et quioirrentl'avautagedu bon niarche, d'un blanchissage parfait et de la conservation du liuge. Les iondateurs de cette Socielc sont MM. Engelhardt, Richter et Doiiring ; le capital de la compagnie est fixe a 3oo,ooo roubles. Societe pour I'etablissement des phaiitons (voilures publi- ques). — Le but de cette Societe est de fournir aux habitaus de Petersbourg des moyens de transport commode et a bon mar- che, en y organisant un service d'equipages couverts, atteles d'un cheval, qui doiyenl stationner dans difl'erens endroits dc la ville. Le capital de cette Societe, dont la duree est (ixce provisoirement a cinq aus , est de 1 25, 000 roubles. POLOGNE. 727 POLOGNE. Yarsovie. — Adresse des Polonais aux Russes , Jaite e?i Jan- vier i83i. — 'i Nous clions courbes, comme vous , sous lejoug insupportable d'uu despotistne inhumain et caprfcieux j et sous le poids de chainesigiiominieuses ; les efforts communs que nous avons fails depuis tant d'anne'es pour les briser ont efface en partie la honte d'uu aussi long esclavage. Quoique la fortune n'ait encore que faiblement favorise nos esperances, le sang de 110s jeunes lieros n"a pas could en vain ; il a ete verse pour ci- iiientcr a jamais I'aniitie dc deux nations ge'nereuses. Compa- gnons dp inalheur , nous jurons par ce sang sacrc d'acquitter notre delte envers a'ous , et de ne jamais trahir la foi de nos sermens. L'heure de la liberie a sonne pour vous comme pour nous. Ne soyez pas sourds k la voix de trois cent mille Polonais sous les armes, prets a mourir pour la bonne cause! Ne vous laisscz plus troniper par la ruse d'un despole astucieux et irre- conciliable ; gardez-vous de la honle d'avoir rive vos fers , et redoulez les maledictions de la poslerite Irahie ! Le puissant es- prit du XIX^' siecle, dont aucun pouvoir ne saurait arreler les progres, nous commande d'agir. Les manes sanglantes des Pes- lel , des Ryle'ief , des Mouravief vous conlemplenl : ilsjugeronl voire conduite ! » Ceremonie expiatoire en V honneur des cinq martyrs de la liberie russe. — La Societe patriotique de f^arsovie a celebre le a6 Janvier i83i , dans la cliapelle grecque , un service fune- bre en I'houneur des cinq russes martyrs dc la liberie : Pestel , Serge MouRAVifir-AposTOL, Ryl£ief , BfesTouGEF-RumiNE et Ka- MiovSKY. Le cortege Iraversa toule la ville, ayant a sa tele le capilaine Mevzner, qui portait sur un coussin utie cocarde Iri- colore , emblcme de la liberie europeenne ; les eleves de I'Llni- versite porlaient le cercueil conjoinlemenlavec une foule d'ofli- cicrs, precedes d'un dclacliement de la garde d'honncur. Le cercueil , orne d'une guirlandc et d'une ceuiture Iricolores , lilait suivi dii clerge , qui entonnait des chants funebres , el de plusieurs delachemens de la garde nationale, tenant leurs fusils baisscs. Les noms des v^limes elaient inscrils en gros caracteres sur cinq boucliers ajusles au cercueil. Des mtllicrs d'habilans accompagnaient le convoi dans un recueillemeni (jui donnait a 728 EUROPE. celtc tiislc solciinite I'aspecl le plus iniposant. Avanl d'entrer dans la cliapcUe grecque, Ic cortc'gc s'esl arrcte devant la place de Sigisinond, et un des assislaiis, M. Adam (iurowski , a pro- nonce les paroles suivaules : « Amis ef partisans de la liberie! la triste cerenionie qui nous rasscnible aujoiird'luii nous prouve que si les trones despoliques separent el ddsunissent ies pcuples en roinpanl le lien sacre pai- lequel la nature les avail rappro- chc's, la cause sacrce de la liberie les reunit en un seul grand corps, car la liberie est le partage, non d'un seul pays, d'un seul peuple, mais de loute la lerre , de toute I'ljunianite. Nous nc haissons done point celui qui , sur sa propre lerre , a essaye de briser les fers qui encUainaient ses conipalriotes ; le vil es- clavc, rinstrument d'un despote cruel est seul noire ennemi, rennemi des droits les plus sacre's de I'lioimne. Celui qui desire raffranchissement de sa patrie respectera toiijours la liberie des autres. Ainsi les nouis de ces nobles victinics, dont Je sang a souille les premieres annees du regne d'un jeune despote , ne sont pas Tornement et la propriete exclusive de la Russie , ils soul la propriete de tout I'univers , de lous les peuples affran- <;his ou qui s'afTrancliissent. Ces noins seront inscrits dans le livre de I'hisloire, et la posterite la plus reculee les couvrira de benedictions. » — » Que les Russes le saclient , dit VEcko de la Pologne , dans son numero du 27 Janvier i83i , p. 12, en ren- dant comple de cette cerenionie , ce n'est point a eux que nous faisons la guerre , mais au despote qui les ecrase. » O. SUISSE. ■ Sociele des amis de la paix. — Cette Societe a lermine, dans sa qualrieme seance du i3 fevrier i83i , la discussion de son reglement. Le i*'' article estrelatif au but de I'association, qui est d'cclaircr I' opinion sur les maiixde la guet^re et sur les meil- leiirs moyens de procurer une paix generale et permanenle. Les articles suivans fixent I'ajsociation, La Societe nomme un comilti general qui elit dans son sein un comite particulier , charge de la direction des all'aires de la Societe, des publica- tions , de la correspondance , etc. Les publications seront con- fides a un cdileur responsable. Tous les trois niois, le comite particulier rend comple de ses Iravaux au comite general. — Pour devenir membre de la Sociele, il sufiit de payer une coti- SriSSE. — ITALIE. 729 salion aunuelle de 10 fr. de France. Chaque membre a droit de recevoir les ecrits publics par la Societe. Les fondateurs, doiil la lisle sera close le 16 mars i83i , fonnent le premier comile ge- neral, dout le renouvelleinent aura lieu par quart, chaque annee. La Societe des amis de la paix de Genwe adjugera le prix fonde par M. de Sellon, en faveur d'un Mcmoire siiv les meil- leurs nwyens d'assiirer line paix generale et permanenle. Le programme de ce concours a ele public le 25 novem" bre i83o. ITALIE. Collection des classiques latins. — On reimprirae en Italic la belle coll^ctiou des classiques de M. Lemaire. C'est la maison Passigli , Borghi el compagnie , de Florence , qui s'est chargee de cette publication. Le premier ouvrage de cette edition , qui s'imprime sous le format iu-12 , est le Salluste revu par M. Bur- nouf. Nous ne revlendrons pas , i» cette occasion , sur la ques- tion deja plusieurs fois traitee par nous de la contrefacon de nation a nation. Toutefois , nous ne pouvons nous empecher de faire remarquer combien il est douloureux pour nous de voir un libraire etranger fonder une speculation lucrative sur un ouvrage qui nous a coiite des sommes enormes , et auquel on a prodigue les fonds que le budget laisse a la disposition du mi- nistre de I'intc'rieur pour I'encouragement des lettres. Certes , une nouvelle edition des classiques etait la derniere entreprise qu'on dut encourager. Et, d'ailleurs, ceci est un exemple entre mille des resultals de cette raanie de notre gouvernement de favoriser arbitrairement des choses que le public ne goute point. Si Tedilion des classiques eiJt etc necessaire, un libraire I'aurail faite : les capitaux ne manquent pas. Bien loin d'etre une en- treprise ruineuse , elle aurait pu devenir I'occasion de benefices considerables; et il est a presumcr que le speculateur, livre a ses propres forces, aurait pris des precautions^pour empecher la contrefacon italienne. Medaille dlionneur deceniee a 31. Niccolini. — Ce n'est gueres qu'aux hommcs utiles que nous decernons des medailles et des couronues : en Italic, on les accorde au genie poelique. Le terns nest pas loin ou ces recompenses seront la , conime chez nous, leprix de travaux plus serieux , de talens plus soli- T. XMX. MARS l85l . Ay ^3o EUROPE. des. M. NicroLiNi , tie Florence, auteur A' Antonio Foscarini (voyezRei'. Enc, t.xxxix, pag. ij^.jnillet iS'iS), a etc I'ob- iet de ccUe gloiicuse remuneration accordee au talent par unc population tout entiere. Les souscriptions de prcs de 4,ooo ita- licns out cte employees a frapper cetle medaille que le laurtiat a recue avec une modeslie egale a son inerite. FRANCE. Lyon [Rhone). Prix propose. — L'Academie des Sciences, Belles-Lellres et Arts, dans sa" seance dii 17 novembre i83o, ayant doul)ld le prix, fonde par M. JMalliieii Bonafols, pour Ve- loge deVabbd Rozier, ellc dcccrnera une medaille de 600 fr. a I'auteur dii nteilleur ouvrage envoye au concours. Les ouvrages doivenl ctre remis avant le 3o juin i83i , a M. Dumas, secre- taire perpeluel, ou a tout autre menibre de I'Academie. Le prix sera dccerne, en seance publique, le dernier mardi du niois d'aoiit i83i. Quuu'Er( Finistere). — Programme d'un prix de 5oo francs. — Un prix de 5oo francs est off'crt , par M. Auguste Billiard , prefet du Finistere , a I'auteur du livre conteiiant les instruc- tions les plus utiles, et qui seront le plus a la portce des habi- tans des canipagnes de ce departement. On ne designe point toutes les matieres qu'on pourra trailer dans ce livre, mais on demande specialement : 1° une instruction populaire sur les droits et les devoirs poliliques des ciloyens, c'est-a-dire, une explication de la charte et des institutions qui s'y rattachenl ; — 2" un expose des bienfaits qu'on doit a la revolution francaise, accompague d'un precis des principaux fails liisloriques ; — 3° une instruction morale dans laqucUe on distinguera ce qui a-ppartient a la superstition de ce qui constitue la religion ve- ritable : il iniporte , a ce sujet , de ne pas se jeter dans des ob- servations generales , mais de faire ressortir avec mesure les superstitions qui existent en Bretagne, sans jamais s'ecarter du respect qu'on doit aux opinions religicuses ; — 4° nne explica- tion des phcnomenes de la nature qui se passent autour de nous, parliculierement de ccux qu'on serail dispose a attribucr a des causes surnaturelles; — 5" des notions d'agriculture , tant pour les travaux de la terre que pour I'cducatiou des plaules el des aniraaux , sans oublier de parler des instrumens aratoires FRANCE. — PARIS. n3i el des moyens de les perfectiouner ; — 6" un precis d'hygienc pour les cullivateurs, indiquant les soins qu'ils doivenl preudre pour se preserver des maladies anxqiielles iis sont sujets, la ma- niere d'amcliorer leurs alimens et de rendre leurs habitations plus saines. — On peut joindre a ces instructions des notions de calcul , de geomelrie , de ine'canique et de cliiniie a la portce des cultivateurs. L'ouvrage enlier forniera un volume grand in-i8, de i5o a 200 pages d'iinpression. Dans le cas ou les concurrens ue repoiidraient pas a toutes les deinandes du programme d'une maniere e'galement satis- faisante , la commission chargee d'apprecier le merite des diffe- rens ouvr^ges pourra former le volume avec des extraits des nianuscrit^ presentes au concours. Le prix sera accorde a la personne qui aura le plus conlribue a la composition du volume, avec mention honorable pour les autres. A la prochaine session , le prefet priera le couseil general du Fmistere de designer, dans son sein ou hors de son seiu , trois perscnnes pour former la commission dont il est fait menlion dans le precedent paragraphe. — Le concours sera ferme le 3o juin i85i; les manuscrits seront adresses, francs de port, au secretariat general de la prefecture du Finistere, accompagnes d'un billet cachelii contenant le nom et la demeure de I'auteur. — Le 29 juiilet i83i , jour anniversaire de notre glorieuse re- volution, le prix sera decerne par le prefet du Finistere, as- siste des principales aulorites du departement. Le nieilleur ouvrage sera, par les soins du prefet, traduit en laugue bretonue dans les deux idiomes de Quimper et de Leon. — Deux exemplaires seront gratuitement accordes a chaaue commune rurale du de'parlement. Les autres exemplaires seront vendus au plus bas prix possible , sans aucun benefice, soil aux particulicrs, soil aux communes qui jugeront a propos de sou- scrire pour I'acquisition de l'ouvrage. PARIS. Institut. — Acadtniie des Sciences. — Seances de mars i85i, — Seance du 7. — M. Arago preseute de la part de M. Valz, de Nimes, present a la seance, les elt'mens provisoires de la nou- velle coniete : ^32 FRANCE. Passage ail perihelie, i8r)o, 2^ decenibre, 23 heures 2^', Icms iiioyeu de Paris, comptii de niinuit. Distance da perihelie. o, 12447 Longitude du perihelie. Sii" i8' Noeud. 337" 52' Incliuaison. 44° 28 Mouvement retrograde. — M. Coraboeuf adresse un Mc'moire sur les operations geodesiques executees dans les Pyrenees. — Le ministre de rinstriiclion publique invite I'Acadeniie h nom- mer qualre de ses menibres, pris dans les sections d'histoire na- turelle , pour parliciper au jugenienl du coucours de la chaire d'histoire uaturelle medicale, vacante a la Faculte de miidecine, qui doit s'ouvrir le 4 avril prochain. D'apres diverses observa- tions presentees par M. Gaj-Lussac, TAcademie arrete que cet obiet sera discute en coinite secret. — L'Acadeniie ordonne le deput au secretariat d'un paquet cachete, envoye par M. Yoisot, de Chatillon-sur-Seine , et intitule : Notes sur les macltines a vapeur. — M. Moreau de JonniSs lit un Mcnioire sur le cho- lera-morbus, en reponse a ceux qui ont ete envoyds de Moscou, et d'aprL'S lesquels cette maladie ue serait pas contagieuse. — M. DE Hdmboldt presente de la part de M. Kunth , tin Mcmoire allemand sur les Thinieldes, el une famille nouvelle dile Peiiea- cees. — L'Academie va au scrutin pour I'election d'un candi- dal a la chaire de geoinelrie de I'Ecole polytechnique ; sur 44votans, M. Navier obtient 33 voix, M. Coriolis 9, M. Du- hamel i , et i billet blanc. M. Navier sera presente au ministre. MM. Boyer et QIagendie font un rapport sur le Memoire de M. Bennati, relalif aux affections de I'appareil vocal. « L'au- teur du Merr.oire que nous allons examiner est conuu de I'Aca- demie par des recherches interessantes sur le mecanisme de la voix humaine, et parliculierenient sur la maniere dont le jeu du palais, de la luette, des amygdales , du pharynx, etc., mo- dlfient ce phenomene. M. Bennati, etaut mcdecin du theatre Italien de Paris , a nccessairement de frequentes occasions d'ob- server des maladies de I'appareil vocal ; il se trouve ainsi placii de la maniefe la plus favorable pour verifier ses idees theori- ques sur la formation des diverses sortes de voix. Si Ton savait en effet avec exactitude quelle influence les changemens phy- siques, qu'eprouve I'arriere -bouche dans les maladies, exer- cent sur la production des sons vocaux, la ihiiorie de la voix PARIS. 733 acquerrait uue certitude et une perfection qu'elle 11 'a point encore alteinte. A la verite une seniblable etude est delicate et difficile; elle exige des connaissances precises et varices; mais personne mieux que M. Bennati ne pourrait s'y livrer. Fami- liarise avec les notions de physique et de pliysiologie relatives au mucanisme de I'instrument vocal; bon musicien et doue lui- mume d'une des plus belles voix que Ton puisse entendre, il reunit toutes les conditions utiles au succes de I'entreprise. Ce n'est pas toutefois dans cette direction scientifique (et les cora- niissaires le regrctlent) qu'a etc compose ce nouveau Me'moire de M. Bennati. Son travail est presquc enliei'ement consacre a des faits de medeciue, et a I'einploi de certains raoyens thera- peutiques'propres a faire cesser : 1° le gonflement des amyg- dales ; 2°' la difliculte du mouvement de tous les muscles de I'isthme du gosier ; 3° le prolongement orgauique de la luette; etats maladifs de I'arriere-bouche qui nuisent plus ou moins a la production de la voix, et surtout a celle du chant. Apres avoir signaie les inconve'niens qui sont, dit-il, inseparables de I'ex- cision des amygdales et de celle de la luette, ainsi que rineffi- cacite du traitement par les sangsues et des debilitans, I'auteur conseille de recourir aux toniques , aux preparations iodure'es , aux bains d'eau salee ; il se lone beaucQup.des gargarismes dans lesquelsil fait entrer I'alun a forte dose, ct memede I'insufBation de la poudre d'alun, selon Ic proccde de M. Bretonneau. A I'ap- pui de ce qu'il avance , I'auteur nous a fait voir une dame , ma- dame la marquise de R. , qui , malgre {'assistance de plusieurs medecins cclaires de la capitale, avail entierement perdu la voix, el etaitreduite, dcpuis plusieurs mois, a ccrire pour com- muniquer avec sa famille. Cette dame, d'un esprit tres-cultive, a raconte ii I'un de nous toutes les peines et les tribulations de son silence oblige , et la vive satisfaction qu'elle a cprouvee d'a- voir, par I'usage des gargarismes charges d'alun, recouvre la parole et la facilite de s'exprimer aussi iibrement qu'avant son aphonic. Mais le remede queM. Beunatipresentecomme en ay ant obtenu d'excellens resultats, c'est la cauterisation par !e nitrate d'argent. Des chanteurs , dit-il, sur lesquels cc moyen a ete employe, non-seulement ont cprouve uue amelioration sensible dans le timbre de leur voix , mais encore ils ont acquis deux ou trois notes de plus que celles qu'ils avaienl auparavant. Pour renicdierau prolongciucut ori;aniquc de hi JiieUc. qui, d'apris 734 FRANCE. I'auteur, est uu accident plus serieux qu'ou ne le peiise, puis- (ju'il excite une eiivie continiielle d'avaler, iju'il nuit a la modulation des sons, qu'il empcclie enticrement le chant, sur- tout dans Ics cordes hautes , et qii'il rend meme plus ou moins diflicile la parole et Ic debit oratoire, M. Beunati a recoups a la cauterisation et, pour la pratiquer, il se sert d'un instrument de son invention, noninie par lui porte-causliqiie double, ou sta- [i/ijlo-f)yrophorc. Cet instrument se compose d'un cylindre me- lallique qui en forme la priucipale piece. A I'une des extremites est adaptee une sorte de cuillere deslinee a recevoir le nitrate d'argent, qui se couvre ou se decouvre a volontc, au moyen d'uue lame mobile ; le but de cet instrument est de cauteriser la luelle simuhanement en avant , en arriere , en has, et laterale- ment, et d'eviter ainsi d'introduire plusieurs fois le caustique dans la bouche. L'effet le plus re/narquable de la cauterisation de la luette , c'est d'exciter la contraction de sou muscle propre [palato-sLaphjlia). Voila pourquoi, dit I'auteur, la voix , uolauiment chez les chanteurs et les orateurs, gagne sous le rapport du timbre et de la souoritc. Acetic occasion, M. Ben- nati cite un avocat de la Cour royale de Paris. Ce jeune homme avail a peine parle un quart d'heure que sa voix changeait de timbre , son gosier se desscchait, et il etait pris d'une toux con- vulsive ; il fut oblige de renoncer a plaider. Ayant entendu parler des recherches de M. Bennati, il reclama ses conseils. Celui-ci examiua son gosier , et reconuut un tel allongement de la luette , qu'il en a fait faire un dessin , lequel est joint a son Mcmoire. Weuf applications du caustique suffirent pour rcduire la luette a ses dimensions ordinaires; la voix reprit sou timbre, et cet avocat fut rendu a sa profession qu'il exerce aujourd'hui avec distinction. Telssont les faiis que M. Bennati a reunis dans son Mcmoire. L'Academie a sans doute remarque qu'ils ne sont pas sans quelque importance, puisqu'ils se rattacheut i* Tune des plus belles facultes de I'homme; mais comme ils sont encore peu nombreux, vos commissaires vous proposent d'engager I'au- teur a contiuuer ses recherches et a multiplier ses observations, afin de donner un plus haul degre de probabilite aux resultats qu'il a obtenus. » (Approuve.) — L'Academie va au scrutinpour la nomination d'un candidal a la chaire de physique de I'Ecole Folylechnique. Siir 43 votans , M. Pouillet reuuit 35 voix, PARIS. 735 M. Despretz 4 , M . Babinet 3, M. de Mont-Ferrand i . M . Pouil- LET sera presei)t<; au ininistre. — Du 14. — MM. Veudk , T3elisle el Cottereao deposeiit un paquet cacliete contenanl dcs rcclierchcs sur I'eiiiploi iheiapeii- tique de I'iodure de plonib. — M. Vamuhe Picquot deniande que I'Academie fasse examiner les prodLictious natiirelles rappor- tees de ses voyages dans I'lnde. ( MM. Cuvier , Geojfroy Saint. Hilaire et Dumeril , coinmissaires. ) — M. Fuss , secretaire per- petuel de rAcademie de Saint-Petersbourg , pour repondre'aux dcsirs de I'Academie des Sciences de Paris , concernant le cho- 'era-morbus , s'est adresse au ininistre de I'interieur de Russie et I'a prie de lui coninuiniquer lous les renseignemens ofliciels qu'il a recoeillis. — M. Barbier envoie de nouveaux tableaux de typograpbie confidentielle qui sunt renvoyes a I'exanien de MM. Sjlvestre et Flouvens. — M. Mqgendie annonce , d'apres una leltre qu'il a recue de Moscou , que le clwlera-morbiis y a entiercnient cesse. — M. SdruUas communique de nouvelles ob- servations sur I'acide perchlorique qu'il vient d'obtenir a I'etal concret et cristallin. — M. Girard lit un rapport sur un memoire de M- Fr^re de Montizon , qui propose a I'Academie de recla- nier , au nom de la section des Sciences mathcmatiques, et a I'occasion de la prochaine emission de nouveaux metalliques , que le systeme monetaire soit mis en concordance avec les me- sures metriques lineaires comme il Test deja avec les mesures metriques de poids. II annonce qu'en augnientant on en dimi- nuant de un a trois millimetres au plus le diametre actuelde nos differentes pieces de monnaie , on pourrait leur en donner un qui serait un sous-multiple exact du metre , ce qui permettrait de reproduire aisement entre les mains du trai'ailleur ou du simple ouviier la valeur exacte de cette unite de mesure. Voici les conclusions du rapporteur: « M. Frcre de Montizon, en propo- sanl de rendre le diametre de toutes nos pieces de monnaie sous-multiple de noire unite de mesure lineaire pour la conimo- dite desouvriers qui n'auraient pas d'autre moyen de retrouver cet elalon , ne propose done rien qui u'existe deja dans notre systeme actuel, et comme il n'y a aucun parti a tirer de ce qui existe pour en deduire , dans I'usage ordinaire , la longueur de notre unite de inesure melrique, nous peusons qu'il est inutile, dans I'iuleret des ouvriers , de changer le dianiLlre de nos pieces de monnaie, tel qu'il a etc fixe par I'arretc du gouvernement 73(; FRANCE. du 28 germinal an xi, et qu'eii consequence il n'y a aucune suite a donnc-r pour I'Acadcinie a la proposition que M. Frere de Montizon lui a adressee. » — Dn i\. — M. I'ambassadeur dc Russie fait passer de 'a part du ministere russe un ouvrage public par Ic Conseil sanitaire de I'empire sur le cholera-morbus , et un Memoire en francais en date du 1 1 Janvier sur le mcnie sujet. — M. DE Hdmeoldt presente sa carte hypermetrique de la Cor- dilliere des Andes , depuis le locher de Diego Ramirez ou les lies volcaniques de la Nouvelle-Shetland , jusqu'a Tisthme de Panama dont les hauteurs ont etc rccemment determinces par un nivelleinent ge'omctrique fait d'apres les ordres de Boli- var, par MSI. Lloyd el Falmure. M. de Humboldt offre des eclair- cissemcns geologiques sur le reievement de la cliaine des Andes, ses ramifications et ses nocuds en forme de filons. II decrit les scnils ou aretes qui rattaclient a travers des plaines deux sys- teines isoles de monlagnes ( la Parama et celles du Brc'sil) anx Andes de Tumana et de Cochabamba. II compare ces scnils a quclques phenomenes geologiques de la steppe des Kerghises, a celte pretendue chaine que Ton croit, dans le nord dc I'Asie, lier rOural et I'Atlas, et qui n'est qu'une arete partageanl les eaux entre I'Obi et le lac Aral. — ]\1M. de Pronj et da Girard font un rapport suivant sur les timbres coincidens de M. Du- peyrat , qu'ils regardent comme fort ingenieux et dignes des encouragen)en3 de TAcadcmie. — La section de geometric pre- sente M. Savary pour la chaire de Geodesic de I'Ecole Polytech- nique. L'eleclion aura lieu dans la prochaine seance. — J)u 28. — M. GeoffrovSaint-Hilaire lit un memoire intitule ; Du degre d'wjluence du monde atnbiant pour modifier les formes animates composant le caractcre philosophiqae des fails differentiels . — L'Acadeinie prociide au scrutin pour la nomina- tion d'un candidat a la profession de Geodesie a I'Ecole Poly- technique ; M. Savary re'uiiil la majerite des suffrages, et sera presente au ministre. — M. Mirbel lit une leltre qu'il a recuc de M. Amici , sur les n»ouvemens que M. Sexniltz a observes dans la chelidoine. BI. A»iici pensc que ces mouvemens doivent etrc atlribues a des variations irregulieres de temperature. — M. Re- BOUL, correspondant, litl'analyse d'un Memoire qu'il a fait sur les terrains tertiaires de la premiere epoquc. A. Michelot. PARIS. , 7:17 Socield de la Morale chretienne. — Programme d'lin prix de 5oo francs, offerl par un uiembre de la Societe a Vauleur du meilleitr memoire sur les moyens d'ameliorek le sort des aveu- CLEs PAuvRES , EX France. — L'objet de ce concours presente I'line des questions les plus pratiques, el iiiaiheureusement les nioins e'tudiees de la philantropie. II s'agit de remediei- a I'lilat d'iner- tie et de misere oil scut retcnus en France les aveugles pauvres, faute d'une education el d'line industrie speciales, dout ilssont incontestablement susccptibles, et que doit leur procurer la charite ou plutot la justice charge'e de presider a I'ordre social. Un aveugle-ne, M. Jean-Isaac Rocque, de Montauban, of- frit, en 1828, a la Societe de la Morale chretienne les fonds d'un prix-qu'il desirait poposer pour le meilleur travail sur celle maljere, {J^oyez le n'^ 69, pag. \5'] du Journal de la Societe. ) Un programme, dislribue au commencement de 1829, resu- mait en ces termes la question inise au concours : 1°. Quels seraient les niciileurs proccdt-s pour procurer aux aveugles pauvres les moyens de s'occuper utilement, selon les differences du sexe , de I'age, de I'education recue, et des di- verses aptitudes naturelles? 2°. Quelles mesures devraient etre prises par les administra- tions locales, pour realiser en France les an:ulioralions que re- clame I'etat des aveugles pauvres ? 3°. Quelles sent les dispositions qu'on poiirra'.t emprunter avec avanlage a la legislation et aux usages des autrespays? Un motif de reconnaissance et d'cquite' avail fait signaler, dans ce progrannne, le seul etablissement qui ait etc fonde en France d'apres des vues bienfaisanles , qu'il faudrail pouvoir etendre egalemeiit a toules les provinces , Vinslilittion royale des jeiines aveugles. a Cette ecole, disait-on , si recommandable par son economie intericure, par ses mcthodes ingc'nieuses et varices , mcriterait sans doute d'cxciter remulation des admi- nistrations dcpartementales, auxquelles elle pourrait offrir, pour des elablissemens [analogues, un module prcicieux et d'impor- tans secours. Malheureuscment , elle est restee jusqu'ici pen connue et entieremeut isolce. Quclqucs demarches pour lilendre son exemple et son influence, tenlees aupres du precedent mi- nislcre (celui de M. Corbiere), n'eu ont pu etre accueillies. » Au reste, cet exemple elait propose aux concurreiis, plutot 7^58 FRANCE. coinme un utile sujel d'observalions, que coinme Ic Icrme ou la regie des idt^es qu'ils auraient a proposer. La Socicte d'encouragemeiU pour I' Industrie 7iationale ayanl deja ouvert un concours et deccrnc un prix , il y a quclques annees, sur une question semhlable , les Mumoires conserves au secretariat de cetle Socie'te ofTriraient encore une ressourcc dent il serait facile de faire usage. Deux Mcmoires, euvoycs a la Societe da la Morale clire- tienne , n'ayant pas etii jiigcs dignes du prix, nialgre dcs incrites divers qui font souhaiter que leurs auleurs eludient plus pro- fondcuieiU la maliere, le concours est ouvert de nouveau pour loute Tanrice i83i . Les Memoires devront etre adresses, francs de port, a I'agcnt de la Societe. Les auteurs y joindront un billet cachete , ren- ferniaut leur nom et leur adresse , et portant pour suscriptiou une epigraphe repetee en tete du Menioire. FoNDATiON PROGHESSivE, d'abovd de CINQ MiLLE , et plus tard , DE QCAKA.NTE MILLE BIBLIOTHfiQUES COMMUNALES , aU nioyeil d'une ASSOCIATION d'amis de I'instruction populaire , de V or dre public et de la liberie ; e^ d'actions indimduelles , de iSyi'. I'une , payables , si on le prefere , en trois ans , a raison de 5 Jr. par annee. — C'est peu d'avoir iiiultiplie les ecoles eleinenlaires d'cu- seigneraent mutuel et les ecoles primaires et comniunales , dont le nonibre est encore , en France, si fort au-dessous des ])esoins reels de la population, a nicsure qu'ou augniente le nombre des personnes qui savcnt lire etecrire, ilfautaugmenter aussi le noni- bre des ouvrages renfermant des notions es^entielles et usuellos, el ruultijilier dans la ineine proportion les exoniplaires de ces ouvrages et les nioyens de les reudre facileaient accessibles et d'en favoriser la propagation et la circulation. Sans quoi , le bienfaitde I'instruction resterait incoinplet , et a peu pres sterile et sans resultats. On a souvent projele, par ce motif, de fonder des bibliotheques populaires , des bibliothdcaires elenientaires , des biblioLheques pour les communes i et plusicurs tentative.* de ce genre out obtenn quelque succfes. Nous citerons spuciale- nienl les petils livres publics par les soins de la Sociclii clablie ptihiires et sur Ics principaux ouvrages donl elles devraienl se composer (Rapporl fail, il y a plusieurs annees , a la Socielc etablie a Paris pour ranicliora- tion de renseignement elementaire , donl M. JuUien ful I'uu des fondateurs, en i8i5) : ces deuxhonorables ciloyenssonl con- venus d'associer leurs efforts et de soUiciler le concours de tous les homnies de bien pour rcaliser, en peu d'aunc'es, el avec le inoins de sacrifices possibles de la part des cooperafeurs , le Lienfait , depuis long-tcms atlendu et vivemcnt desire , des Bibliotlieques communales . Cette pense'e appartenail depuis long-tenis a beaucoup de bons esprits et de coeurs gc'ncreux. Mais Texeculion en grand n'etail point sans difficulte. II fallait rusoudre ces divers pro- blemes : faire concourir ineine les plus petites bourses a line entreprise qui doil surlout etre consacree aux classes peu aisees el aux petites fortunes; procurer , au nioyen de colisations nio- diques et rendues presque inseusibles par le mode de paiement propose, des somnies suflisantes pour fonder, en trois on au plus en cinq anne'es, d'abord cinq mille bibUolhcques commu- nales , et pour les approvisionner , au meilleur marche pos- sible , de bons ouvrages, bien confectionnes ; faire disparailre la complication el les embarras de complabilites infininient mul- lipliecs et minutieuses que devait rendre nc'cessaires la niulli- plicile infinie des petites colisalions el des subdivisions d'actions de \5J'raiics , en paiemens partiels et successifs de 5 ou menie de "bfr.; faire en sorte que ces cotisdtions indii'iduelles , au lieu d'etre perdues et comme englouties dans le funds commun , sans que les aclionnaires pussenl en suivre I'emploi , vinssenl se rcunir en un certain nombre de colisalions cotleclives , qui offriraienl une rcprc'sentaliou effective et niatcrielie d'une bi- hliotheque, de deux cents volumes choisis , bien iniprimes , car- tonncs avec cli'gauce el soUdite , el obleuir , par cxeniple , que cliaque reunion de vingt actions , forniant un total dc 5oa fr., pill reclumer et recevoir directement, dans le lieu c[u'elle aurait indique, lacolleclion d'ouvragcsdeslince a former une bibliollic- PARIS. . 74i que, en tJcbange de la somine pour laquelle chacuii a conlribiu'. Voici comment los pondatedks-gkraxs des BiBLiOTiifeQUEs com- MDiifALES ont cru pouvoir trionipher dcs obstacles qui se prcsen- taient,et atteindre leur but. Euipriinlons ici les termes de leur prospectus , dont nous joignons un exemplaire a notre cachier de ce mois. « Nous coaimencoiis par fonder cinq mille uiblio- TiifiQDES, d'abord pour les chefs-lieux de cantons, et ensuile pour les communes les plus populeuses. Kous donnerons a clia- quc bibliotheque deux cents volumes elementaires et claasiefiies, renfermant les notions les plus essentielles sur les sciences , les arts industriels, la morale publique, les letlres el les beaux-arts. Chaque volume sera cartonne et du prix de i fr. a 2 fr. , beau caractere et beau papier. La moyenne du prix des volumes sera done de i>fr. 5o centimes. « La de'pense totale , pour les quarante mille communes de France, s'eleverait a la somme e'norine de douze millions; mais il ne faudra que quinze cent mille francs pour les cinq mille BiBLioTHfiQUES que nous proposons d't'tablir les premieres , et dans I'espace de trois annees, de maniere a ce que tous les de- partemens profitent proportionnellenient de cette distribution. « Pour avoir des fonds et pour subvenir a ces depenses , una PREMIfiRE SfiRIE DE CENT MILLE ACTIONS , DE QCINZE FRANCS L'UNE , eSt cree'e. On paiera, soil en une seule fois , soil en dwisant V ac- tion sur trois annees, a raison de S francs par an. Ce sera pour chacun une cotisation modique et insensible, mais qui, cependant, par I'economie que nous saurons y apporter, four- nira la somme necessaire a I'cxecution d'un projet tlont I'impor- tance ne sera point contestee. Si c'e'tait son etendue meme qui inquie'tat quelques esprils, nous les aurions bientot rassures , eu leur expliquant le mode adopte par nous pour le classement, la repartition et le paiement regulier des actions. « Nous avons fait faire des bordereaux de vingt actions , que nous remettrons a des personnes influentes, pour les faire circuler et remplir. Ainsi toute complication dispar^it, et tout se simplifie; il ne s'agit plus que de 5, 000 bordereaux pour placer les 100,000 actions; et quand on se souvient qu'on opcre sur 86 departeinens , tous avides de s'elever dans reclielle de la ci- vilisation , on voit que I'eulreprise est facile a conduire et a terminer. On en a fait reussir de bien autrement embarras- santes. Ici, la masse de I'operation est reduite au vingticme de son chiflfre apparent, par tous ces centres d'impulsiou, qui. 7/, a FRANCE. prenant sur eux la petite respousabilite des comptes partiels (resultant des bordereaux dc 20 actions de i5 IV. I'une , en tout deooo francs), viendront en definitive se re'soudre au bureau principal de I'association. Les porteurs des bordereaux de 20 actions collectives auront le titre d'Associfis fondateurs des bi- BLIOTHfiQUES COM.MUNALES. « Les porteurs A'aclions indii'iduelles seront simples socic- taires, et tous auront ie plaisir et le nierite dc contribuer a I'une des plus haules mesuresquiaient puetre prises pour le bonheur et la gloire de notre nation. « L'associe porleur d'un bordereau pourra, en son nom et au nom de ses co-aclionnaires, designer uue commune pour qu'une des 5,000 premieres blbliotheques y soit etablie , et pour que les 200 volumes, donlchaque bibliotheque communale doit d'abord se composer, y soient expedies. Le porteur de deux bordereaux diisignera deux communes, et ainsi de suite, jusqu'a cent bor- dereaux, formant deux mille actions ( ou trente mille francs), qui donneront ie droit de designer cent communes et de recevoir cent bibliotheques. « Viugt societaircs, porteurs d'actions individuelles, pourront se rcunir pour designer une commune, qui sera dotee d'une bibliotheque; 4o societaires, se reunissant, designeront deux communes; 60 en designeront trois; 80 en designeront quatre ; 100 societaires en designeront cinq. C'est un motif d'emulation que nous nous empressons d'offrir, voulant faire tout ce qui est en nous pour attirer sur nos Bibliotheques I'attention , la bien- veillance et I'interet. » En regrettant de ne pouvoir ici reproduire tous les devclop- pemens et tous les moyens d'execulion de ce bon et utile projet, nous nous bornerons a dire que, quelqucs augustes personnages et plusieurs excellens ciloyeus , et fonctionnaires publics, sans distinction d'opinions politiques , dont la liste sera imprimee et publiee incessanmienl, se sont deia fait inscrire comme Associfis FONDATEURS, et ont pris pour leur compte, ou se sont charges de faire acquitter, par des cotisations partielles, des bordereaux de 20 actions , de i5 fr. I'une, representantla somme deooo fr. , ou une bibliotheque communale de 200 volumes. Les ouvrages , dont on a deja depose uu volume conime spd- c//«e«, ofiriront une collection variee, a la fois instructive et agrdable , soit de livres deja connus et classiques, consacres par PARIS. 74;. I'approbation generale, tels que le bon homme Richard et d'au- ti-cs t'crits de Fkanklin, Robinson Crusoe, divers traites clc- nientairt'S de physique, de inecanique , de chimie induslrielles ; un traite d'econoniie iudustrielle , par M. BF,RGEr,Y,de Metz (i); des (ileniens d'agriculture pratique, d'hygieue populaire, do geographie generale, d'hisloire nalioualc ; une description abre- gee de la France ; une grammaire francaise abrcgee; un voca- bulaire francais; un traite historique et pratique de la vaccine; une explication simple, claire et precise des droits politiques des Francais , et une sorle de traite de politique elcmeutaire , enoncant les droits et les devoirs des citoyens; un abrege des j'eunes industriels de miss Edgew^orth ; quelques extraits choisis des annuaipes des longitudes publics depuis vingt annees ; un traite si^r la construction des habitations rurales et sur les inoyens de les assaiuir, de leur donner plus d'air et de luniiijre , et d'y maintenir la proprcte; un traite de la construction des cheniins, d'apres divers procedes entre lesquels on jJeut choisir celui quiconvieut le mieux a chaquc localite ; quelques volumes choisis de notre litte'rature nationale ; enfin , rieu ne sera neglige pour rendre aussi complete que possible la petite encyclopedie populaire , mise a la disposition des comnumes de France, etdestiuce a repandre generalement, dansun court delai, daus les classes laborieuses et peu aise'es, toutes les notions pra- tiques, morales, industrielles, scientifiques, les plus impor- tantes, rendues facilement accessibles a toutes les intelligences. Cours de Philosophie pratique, a P usage des ouvriers et des classes laborieuses , rue Taranne , ji° 12. — M. le colonel Rau- couRT , de I'Association poly technique, vient d'ajouter un uou veau cours aux cours gratuits que I'Association polylechnique a ouverts a Paris pour les ouvriers, Ce cours , intitule Philosophie pratique de la petite Industrie, satisfait a un besoin senti de- puis long-lems par toutes les personnes qui se sont occupdes (i) II existe a Metz une bibliollwque industrielle a I'usage des ouvriers, fondee depuis peu, au moyen de dons et de cotisations volontaires, et dans laqaelle on compte deja 260 volumes. La Societe de lecture de Geneve, quoique fondee pour une autre classe de lecteurs , meiite aussi d'etre citee avec eloge. :U FRANCK. d'instruclion popiilaire, «t qui ont souvent reniarque qnc la moralilc ne croissail pas tonjours en raison des lumieres. M. l\aucourt a cherche a reinplir ceUe lacune dans I'educa- tion du pcuple ; et, taadis que ses cainarades enseigiient les ap- plicalious les plus iinmediates des sciences aux arts et aux me- tiers , il fail aux ouvriers un couis de morale , basce sur la con- naissance physiologique qu'il leur donne d'eux-memes; d'ou il rcsulte une education modele qui auginenie la puissance indus- trielle, en formant la moralite qui la dirige. Ce cours est une honne eeuvre qui ne doit pas etre sans charme pour son autcur. Nous avons vu le vif interet qu'inspirent ses lecons , et nous avons entendu les lemerciemens que lui ont adresscs publique- ment ses nombreux eleves , pour ce qu'ils en avaient dcja re- cueilli d'instruction et de bonheur. II est a dcsirer que TAsso- ciation polytechnique puisse propager ses cours dans toute la France. Repandre de I'instruclion , du cahne et du bonheur parmi la population , est d'un interet general bien puissant, sur- tout dans nos jours de tribulation et de soufifrances. Ce cours est public par souscription ; prix, 2 fr. La souscription sera ferince le i5 mai ; prix, 3 fr. et 3 fr. 5o c, franc de port. S'adrcsser a I'autear, ruede Bourgogne , n" i4. Affranchir la demande et les envois de fonds. Sur la Chaire d'histoire vacanle au College de France. — La politique, les lettres, le Gouverneinent, I'Acadeniie, le Col- lege de France , ont suivi , a bcaucoup d'egards , les erreniens de la restauration. Messieurs du College de France s'obslinent a perpctuer les traditions politiques et litteraires qu'ils ont re- cues de I'elranger, sous I'inspiralion de Mellernich. La presen- tation de M. Saint-Martin- , coinme successeur de M. Daunou a la Chaire d'histoire au College de France, en est une preuve frappante. Certes, nous concevons que plusieurs des professeurs , intro- duits depuis i8i5 sous les aupicesde !a congregation, aienl suivi leur penchant , en donnaut leurs voix a ce candidal : mais nous leur contestous le droit d'iniposer les homnics de leur doctrine a la France, a la jcunesse qui doit puiser au College de France sur lout, les principes d'un patriotisine pur el eclaire, d'une morale destinee a devenir bientol le fondement d'une socielc libre et de- gagee de tout prejuge. Que M3I. les professeurs y rediichisseut I PARTS. 745 Les seines faclieuscs et tres-dcplorables qui onl eu lieu plus d'une fois , parce qu'on n'avail point consultc le bon sens tlu public pour la nomination a cerlaines chaires, pourraient bieri se reuouveler ; et pcrsonne ti'ignore que M. Saint-Martin c'lait un des coryphees de la congregation ; qii'il predit le trioinphc des fameuses ordonnances de juillet. Pense-t-on que le public se laisse iniposer aujourd'hui I'liomine contra qui il a tant de motifs de repugnance? Etcroit-on queries e'coles , a qui M. Saint- Martin prodigua de si grossieres injures lorsqu'il etait redacteur de VUniversel, consentenl a renteudre avec tout le respect du a un professcur? Non sans doute. Esperons done que le niinislere riiparera les torts de MM. du College de Fi'ance ; il en a le droit et les moyens. L'opinion des homines de lettres qui depuis long-temps jouissent d'une reputa- tion de patriotisme et de talent non conteslc'e s'est prononcoe. On sait que MM. Tluirot , Aitclrieux , etc. , ont accorde Icurs suffrages a M. Ficlorin Faisre. II en a ete de munie a I'Acadd- 7iiie des liiscriptioiis , ou M. Daiinou temoigna haulement qu'il Icdesirait pour successeur. Le ministre de i'instrnction publique sentira combien il serait inconvenant de preferer un redacteur de V Unn'ersel a recrivain qui obtint des succcs jusqu'a lui sans exemple. Nous ne rappellerons pas ici tons les Iriomphes de M. Victorin Fabre; il nous suflira de dire que , dans la seance oil I'eloge de la litterature et le tableau du xviii™* siecle furent couronnes , i'lnslitut declare qu'il riavait pas besuin d'appeler V attention publicpie sur le pltenomene que presentaienl les triomphes multiplies d'un ecrwain si brillant , si niiir et si va- rie , etc. Et I'annee suivante ( en donnant le prix de poesic ii cet ecrivain , un ])remier accessit a Millevove, et un second ;» M. SouMET, racadeinicien) , rAcadcmie prononca que M. ^7c- torin Fabre parnissait destine a soutenir en vers el en prose la gloire des lettres francaises. Ces mcmes jiigemcns se retrouvent dans tous les ecrils pliilosophiques de ces tons : dans ceux des Parny , des Fontanes, des Palissot, des Maury; dans la Reuiie /dtilosop/iique et dans le Mercure ; en un mot, dans tout ce que uotre litterature coniptait d'illuslre avant I'in- vasion. Quant aucaractere de M. Yicloriu Fabre , on connait sa no- ble ind^pendance. Sous I'Empire , il dedaigna les hautcs faveurs qu'uu gouvernement eblouissant de gloire voulailfaire descendre T. XLIX. MARS l85 1 . 4^> 7/40 FRANCE. sur lui. Sous la leslauration , il rcsta invariable dans ia voie dc riionncur que lui avaieiit tracee ses grands modeles , et nic- prisa constainnicnt ces vains hoiineurs ct ces liochels que d'au- Ircs , nioins iiabiles , inoins dcsinlcrcsscs , nioius indupendans ((uc lui , sc dispulaient. II ajoula uu nouvel eclal a ses six cou- ronnes acadiiniiques , el ii ses autres succes en eloquence ct en poesie, par son Histoire de In cwilisatloii , et par son coiirs stir les priiicipes de la Societe civile, dont les deux premiers .volumes ont etc; lus a I'Allience, en 1821 et iS'iS, Nous devons ajouler encore , coniine nouveaiix titr€s de M. Viclorin Fabrc a la chiuve A' Histoire da College de France, que sa cooperation a la redaction de plusieurs Recueils lilteraires estinies I'a fait desirer deja coninie professeur par les patriotcs des (icoles. Plusieurs d'entre eux I'onl pric souvcnt de donner une uouvelle edition des ouvrages qu'il a publies. Nous sommes done assures que M. Victorin Fabre serait accueilli avccgrandc faveur par les Ecoles ; el M. le niinistre de I Instruction publique u'aurait qu'ii se feliciter pour lui-nienie d'une telle nomination. Nous esperons qu'il saisira la circonstance qui lui est offerle. D. Service funehre celebre a Paris , le 23 fevrier 1 83 1 , a In mcmoire de Koscitiszko , et des Martyrs de la Liberie qui out peri dans la nuit du 29 novembre i83o a f^arsovie. — Le grand nom de Kosciuszko restera a jamais I'expression vivaiite de la nalionalile polonaise. Trente-six ans vienncnt de s'ecou- ler , depuis le drame funeste ou Kosciuszko combattait pour I'independance de sa patrie , en couvrant ses cliaincs de lau- riers imperissablcs. Treize" aus ont passe depuis le jour ou cc hcros descendit dans la tombe ;, et cepeudant son nom , rtipete d'uu bout du nionde a I'autre , continue a se populariser et ii grandir dans I'opinion. Aujourd hui que la France, I'Angleterre et la Belgique s'em- pressent de manifester, par leurs souscriplions au profit des Polo- nais, leur vive sympalhie pour cettc genereuse nation ; quand Ic coniilc central polonais , forme a Paris sous les auspices et sous la presidencedu general Lafayette, invite tousles amis de la liberie a multiplier leurs olFrandes pour une cause aussisacree, M. Fra/iiz DE Zelt.ner ( fils de I'ancien ambassadeur de la Confederation PARIS. 7;;j lielvelique en France, a la meinoire duquel Mgr. rarcheveque du giaiid duche de Posen et de Giiczne , a celebre, le 7 mars i83o, un service funebre, el qui lui-menie a ele I'eleve clieri et raidc-de-camp de Kosciuszko) a cni devoir attirer I'atletition et la bienfaisauce publiques sur la nieine cause qui inleresse si vivement les allies gencreuses. L'cglise de St.-Roch , oil Ton avait fait des prieres pouv le repos de rAme de Kosciuszko , eu 1817 , aiis:)ce de sa inort , avait paru ii IM. Zellner le iieu le plus conve- uable pour y faiie celebrci" un service fuiiebre en I'lionnear des lieros polonais , niorts dans la grande nuit du Qp novembre der- nier a Varsovie, et sous les auspices de I'oinbre iiniiiortelle du general polonais. Mais, le conseil de I'archeveche de Paris s'ctanl refuse a lais^er faire la quete dans uiie eglise de sa dependance , M. Zehner s'est adresse a I'abbe Chatel , foudateur de I'Eglise catholique francaise. Le jour du 16 fevrier avait d'abord ete fixe pour cette cerenionie; niais elle n'a pu avoir lieu que le 23 du nieme mois. Les leltres d'invilation , en tele desquelles on voyait grave le portrait fort ressenililant de Kosciuszko, etaient adressces a un grand nonibre de citoyens reconiniandables de loutes les classes de la societe , pairs , deputes, gcneraux, niagislrats , avo- cals, ecrivains , professeurs , etudians des ecoles et etrangers dislingues residant a Paris , et tous amis des Polonais. Le service funebre de Kosciuszko'a eu lieu dans un local de- pendant du bazar , rue St.-Honorc , n" SSy. Cette salle, vide depuis long-teiiis , clait transforniee en une cliapelle ardenteet olTrait un coup-d'oeil imposant aux noinbreux spectateurs reu- nis dans uue enceinte que leur affluence rendait Irop etroite. Le jour qui venait de la coupole avait (ite iulerceptc ; les murailles et les colonnes etaient tendues de iioir; des lainpes funeraires brillaient dans I'ombre , atlachees a la voute;aufond et sur une estrade etait dresse un autel tendu de noir, charge de croix, de faulx, de candelabres et de trophees d'arnies. Sous la coupole s'elevail un catafalque guerrier , enloure de trophees d'armes modernes , de casques, de cuirasses, de sabres, de couronnes de chene et de laurier , et surinonte d'une urne fuiie'raire. Sur un des coles du catafalque, on remarquait deux ccussons, dont I'un represenlait un aigle blanc ( les amies de Pologne ) , et I'autre , un gavalier arnie ( les amies de Lilhuanie ). Quatie fauteuils etaient aux quatre coins du catafalque, dont deux etaient occupes par TV1M. nr. La>teyrie ot Julljf.n, de Paris ; les 48. ^48 FRANCE. deux auties avaienl etc destines a M. Ic geueral Lafayette el a M. George Lafayette , qui n'ont pu assister a la ciirenionie , ayant du se rendrc a la seance de la Chanibre des deputes , ou une discussion importante exigeait Icur presence. Des deux cotes de I'autel, et le visage tourne vers ies specta- teurs, etaienl des artistes distingucs de rAcadc'mie royale de nm- sique et de I'ancienne chapelle du Roi, et Ies inusicieus de la seconde legion de la Garde nalionale. La ceremonie s'est faite avec le plus grand ordre. On y remar- quait, parnii plusieurs pairs de France, deputes et autres citoyens, MM. Odilon Barrot , prefet de la Seine, Ies generaux Tldars , Decaen , Lamar que , MM. Alexandre de Laborde , 3Iattgnin, Ch. Dupin , et un grand nombre d'elrangers de diverses nations, notaniment tons Ies Polonais qui sent en ce moment a Paris. L'orchestre de la deuxieme legion a ouvert la ceremonie par une marche funebre. Les artistes de I'ancienne chapelle du Roi et de I'Academie royale de musique ont prete, avec beaucoup de zele , I'appui de leur talent , et ont cliante d'abord un hymne religieux de M. Halevy, avec accompagnement de musique mili- taire, etensuite un Dies ine dont les paroles suivantes avaient etc failes par M. Casimir Delavigne. Dies irce de Kosciuszko. Jonr de colere, jour de larmes, Ou le sort , qui trahit nos armes , Arreta ton vol glorieux! A tes cotes, ombre cherie, Elle tomba notre patrie, Et ta main lui ferma les yenx. Tu vis de ses membres livides Les rois, comma des loups avides, S'arracher les lambeaux epars. Le fer degoulant de carnage , Pour en grossir leur heritage , De son cadavre fit trois parts. , La Pologne ainsi partagee , Quel bras humain I'aurait vengee! Diea seul poavait la secouiir. ; PARIS. 749 Toi-nieme , tu la cms sans vie; Mais son cceur , c'etait Varsovie : Le (ea sacre n'y put mourir. Que ta grande ombre se releve ; Secoue , en reprenant ton glaive, Lesommeil de I'^teraite. J'entends le signal des batailles, Et le chant de tes funeraillcs Est nn hymne de liberte. Tombez , tombez , voiles fuuebres : La Pologne sort des tenebres , Feconde en nouveaux defenseurs. Bar la liberte ranimee , De sa chaine elle s'est armee Pour en frapper ses oppresseurs. Cette niaiu qn'elle te presente Sera bientot libre et sanglante , Tends-lui la main da haut des cieux. Descends pour venger ses injures , Ou pour entourer ses Llessures De ton linceul victorieqx. Si cette France qu'elle appelle, Trop loin, ne peat vaincre avec elle, Que Dieu du moins soit son appui. Trop bant, si Dieu ne pent I'entendre , Eh bien! mourons pour la defendre, Et nous irons nous plaindre a lui. ' Get hymne a ete cbante d'une maniere ravissante ; des nior- ceaux d'une musique funebre se faisaient entendre par inter- valles. Un choeur , dont la reprise etail : Prions pour ceitx qui vont mourir, a prodiiit uiie sensation profonde- La quote pour les Polonais a elii lailc par niadanie Zenowicz, accompagnce de iM. Zeltneu, cl par un blcssc de juillct , precede 75o FRANCE. par deux inaitres Ue ccrcmonie. Pendant (jue la quiltcuse nion- tait a rautel pour recevoir TonVande du ccicbrant et des prutrcs assistans, la Irompclte et les fanfares ont execute une niarche heroique, compose'e, pour les journces de juillet, par M. Albert SowiNSKi, Polonais. On ne peut dcpcindre les larnies d'enlhou- siasme qui brillaient dans tons les yeux , et I'empressement avec lequel chacun faisait son offrande pour la cause sacree de la Pologne. Un morceau de Mchul , paroles de M. Leon Half.vy , et la Polonaise Kosciiiszko , arrangee a quatre parlies par M. Sowinski, ont fait une vive impression sur I'auditoire. Apres la niesse et le Da profuiuUs en francais, le clcrge est venu bcnir le catafalque el prononcer les paroles sacrees , en francais , pour le repos de Thadee Kosciuszko et des victimes de la glorieuse nuit du 29 novenibre, a Varsovie. M. JuLLiEN , de Paris , a fait prccc'der la lecture du Manifestc duComite central polonais, adressc, sous la date du \i fevrier i83i , a la nation polonaise (1) , d'une improvisation a la fois grave et inelancolique, dans laqucUe il a rappele les vertus de Kosciuszko, les malheurs et les dangers actuels de la Pologne , el les devoirs imposes a la France et a tous les amis de I'humanite etde la liberie de manifester, avec energie, leur sympathie pour la cause polonaise. M. Franiz Zeltneh a pris la parole apres M. JuUieu , el a prononce le discours suivant : n Messieurs , « Apres le discours que vous venez d'entendre, il y aurait de la lemerite de ma part a venir vous parler de Kosciuszko. Que pourrais-je ajouter a tout ce qui vous a ete dit sur ce hc'ros de la Pologne ? Mais qu'il soil perniis a sou ancien aide-de-camp , a celuiqui, pendant quinze annees, a vecu dans rinlimite de cet homme admirable ; qu'il soil perniis au plus sincere de ses amis de payer aussi son tribut d'hommages aux manes de cet imniorlel dcfenseur de la liberie polonaise. « Si le compagnou d'armes des Washingtoji , des Lafayette, etonua I'Europe par la hardiesse de ses entreprisespour I'ailran- cliissement de sa patrie; si ses vertus politiques en firentTidole (i) Voy. ce Manifcste dans la Rev. Enc.^ t. zlix, cahierde Janvier i83i, pag. 325. PARIS. 7^1 des peuples ct refTroi des tyrans ; si encore, de nos joms, son nom , cornme ceux de ses illustres amis, est partout prononce avec uu enlliousiasnic religieux ; si tn un mot , ce nom seiil lappelle toiites les verlus du lieros, que de beaux souvenirs lious retrace sa vie privt'e ! « NoHveau Cincinnalus, il passait du bruit des camps a tonle la simplicilc de la vie cbampelre , qnittait ies insigucs d'uue puissance qu'il teuait de la voloule nationale . pour vivre sans faste au milieu d'liu peuple enlhousiasle de ses vertus. Dcvore de I'amour du bien public , dans son bumble retraile comme ii la tete des armees, il travaillait avec une intatigable activile au bonheur de sa patrie. « Celui doiit les savantes manoeuvres, lepatriotisnieet Tiutre- pide valeur tinrent si long-terns en echec le colosse du Nord et la Prusse : que de fois on le vit quitter les fuisceaux pour la charrue, el echauger une e'pe'e rougie d'un sang d'esclaves, cen- tre les instrumens d'un art puremeut niecaniqiie. « Ce ne tut ni par ce vain appareil de grandeur, ui par ce fasle ruineux pour les peuples, que les grands regardent comme les attributs de la puissance, queKosciuszko capliva les suffrages de ses compalriotes ; mais bien par la simplicilc de ses moeurs, par la pratique coustante de toules les vertus, et surtout par des pro- diges de desinteressement. " Aussi, les verlus privecs de notreheros ne contribucrent-elies pas moins que ses vertus publiques aux noniJ)reuses conquutes qu'il fit a la lil)ert«5. Les ouvriers de la commune de Montigny, qu'il a long-tems habitee , nous ont adresse une letlre ; elle vous convaincra, Messieurs, q,uc Kosciuszko elail aussi admirable au sein de la retraite qu'au milieu des camps. Cette lettre est si toucbantc, elle exprime avec tant d'e'nergie et de veritc les sen- limens de respect et d'adiniration des ouvriers de Montigny pour le defenseur de la Pologue , que je n'ai pu resister au desir de vous en donner connaissance. " Les OuVKiERS des communes de Montigny siir Loing et de la Gennevraye, dep/trtenient de Seine- et-Marne.Jljrccs deptiis hi morl de Kosciuszko de sefairc carriers, Au Comit£ cENTRAi PoLONAis , rt Paris. " Messieurs, nous soussignes, apres avoir Iravaillc quinze ans 752 FRANCK. pour lo celel)re general Kosciuszko, forces, depuis la |>ei'(e nial-' lieureiisc que nous en avons faite, ainsi que dc celle de son ami M. Zelliier, de cherclier dans Ic peiiil>le clat de carriers I'exis- tcnce de iios families, avons en le bonheur de trouver une con- solation a nos souflrances , par la participation indirecte que nous avons eue dans les grandes jouriiees de juillet, en fournis- sanl au penple parisien , au inoyen de nos paves, des barricades et des amies. Apprenanl la formation de voire Coniitc , nous nous enipressons aiijourd'hui, messieurs, de vous prier de faire savoir au gouvcrnenient de la Pologne que , ne pouvant lui cn- voyer des paves, et a cause de la longueur du cliemin , et a cause des douanes rUsses , pntssiennes et autrichieniies , qui defen- dent le passage d'armes de loule nature, nous avons charge le fils de M. Zellner de vous remeltre en notre noni la valcur de mille paves , qui est payee 80 francs. « Dieu veuiile que les succes des Polonais soient semblal)les a ceux des Parisiens, et que noire faible offrande leur procure au- tanl de bien que nous avons de plaisir a la faire! « « Par le decret du 26 aoiit 1 792, la France, sous le regwe de la liberie, declara Kosciuszko citoyen fraucais. En 1798, un ban- quet palriotique lui ful donne a Paris, a son relour d'Ame'rique. Plus de 5oo personncs de distinction y assistereut. Ui^ premier toast fut porte a I'lndependance de la Pologne. La libertti est sain'de, s'ecrie M. Bonneville, president du district, Kosciuszko est en Europe. A ces mots prononces avec chaleur, Kosciuszko, profondeinent e'mu, se leve pour y rcpondre par un toast "a la li- berie francaise ; mais son emotion est telle qu'il nc pent parler. Des larmes abondantes couleut de ses yeux. Jux lannes de Kosciuszko , s'ecvie spontunement loule I'assemblee ! EU bien ! ce heros que sa vie privee et sa vie publique recomniandeut (igalement a radmiratiou des homnies de tous les cultes , de toutes les classes et de toutes les opinions, un ministre decha- rile, un pontife lui a refuse les prieres de Peglise , parce qu'elles devaient elre suivies d'uue quote au profit des genereux de'fen- seurs de la liberie polonaise. Et ccrtes, si nous n'aviuns pas trouve des prelres plus patrioles, les fcmmes de Varsovie., ainsi que le disail une feuille publique, auraient bien su trouver uu liyunie pour le grand homme. Elles eussent faitjoindre les mains h Icurs pelits enl'ans ; puis, a genoux avec cux, les regards PARIS. 753 tournes vers le drapeau national , dies eussent (lit qiielques beaux chants dc reveil; el ces voix pieiises , melees aux bruits des amies et des canons, eussent epouvantc le Moscovite par leurs accords inconnus. Leurs eloles soyeuses, leurs bougies parfume'es, leurs autels pares de moire ct de pourpre , leur encens tout venal et tout puissant pour Ics rois, les Polonais n'en veulent point. LeDieuinvoquepar eux, a I'heure de leursainte epreuve, exige pour sacrifice I'holocauste de leurs tyrans. « Mais non, la meme religion unit les deux natious francaise et polonaise; et quand les pr^tres polonais se depouillent les premiers de leurs habits sacerdotaux, et viennent deposer leurs vases sacres sur I'autel de la patrie , les prctrcs catholiques fran- cais viennent aussi nous donner rexenipie. Au noni de liberte, leur coeui' a palpite comme les notres ; com?ne nous, ils brulent de voir la Pologne arrachee au joug de ses oppresseurs et de ses tyrans. lis nous ont demandc comme une faveur de payer les premiers leur tribut a la cause de la liberte polonaise; et vous les avez vus, messieurs, confondre leur offrande avec les^ notres. 4o4 » 427, 452, 453, 665,670. Agriculture pratique ( L' ) de la Flandre, par J.-L. van Aelbroeck , 396. Albert-Monlemont , (;.-B. , igS. Alexandre ( L. ). I'oy. Dictionnaire grec, Alexis. P'oy. Incendiaire. Alger, toy. KccTuomie politique. — Voy. Montague. Algerieunes (Les) , poesies, par lua- dame Anais Segalas , 197. Allemagne, i54> 235, 383, 444; 65o. Allou (C.-N.), C.-A., 61. Almanack des 25, 000 adresses des principaux liabilans de Paris , 178. — dn Labonreur , ou I'Agronome du Nord , 670. — du Comiuerce de Bordeaux, 670. — general du Commerce de la Gi- ronde , C70. — de la Cour royale de Nancy, 671. — du Loiret , (>7 i. — des Muses , 701. Amerique septentrionale , i38 , ai4, 366, 429, 622, 720. Analyses (II) A' onwu^csf raiicais : Histoire naturelle des poissoos, par MM. Cuvier et Valencien- nes. Troisieme article. ( Floit— reus), 40. — Histoire du Com- iuerce entre le Levant et I'Europe , par Depping {C.-I^. Allou), 61. — lALLi: AWAI.V 1 IQliK Histoire de Napoleon Bona- parte, par I'auleur dcs Meinoires sur le consulat. j". Histoire de Napoleon, par de Norvius. 3". Histoire de Napoleon, par J.-C. Bailleul. 4". Napoleon el I'Europe, par Alex. Doin. 5°. Mcnioircs de Bourricnnc. 6°. Bourrieune et sc.>i erreurs voloiitaires cl involou- taires,etc. {M.'^Afeiiel), 76, 56 1. — 1°. Napoleon , raelodrame, par Anicet, Bourgeois et Francis. 2". Napoleon,ou Scha;nbrnn et Sainte- Helcne, drame , par Dupeuty et Regnicr. 3°. L'Empercur, evene- meiis historiques , par Prosper. 4°. Napoleon Bonaparte , ou Trente ans de I'histoire de France , drame , par Alex. Dumas (/I/. Afe- nel), 106. — i". Histoire des Croisades , par Midland. 2". Bi- bliolheque des Croisades , par le meme (^Depping), 334. — Le Rouge et le Noir , par de Stend- hal {^A.-P.) , 35o. — Description de niedailles antiques grecques et roniaines , par T. - E. Mionnet {Dumcrsan) , 36i. — Statistique du departement des Bouches-du- Rhone , par de Villeneuve {Feirj-), 5j5. — Essai sur leslinances, etc., par Duchesne [P.-A. Dufau), 544- — Dictionnaire grec - francais , compose sur un nouveau plan , par L. Alexandre ( A. Poirson ) , 6o5. — 1°. Soirees de Walter Scott a Paris , recueillies par P.- L. Jacob, bibliophile. 2°. Les deux Fous, par le meme. 3". Les Mauvais Garcons ( Auselme Pete- tin), (".13. — D'ouvrages italiens : Commentari di Napoleone , 56 1. — D'ouvrages russes : Nouveaux Memoires de la Societe imperiale des naturalistes de Moscou ( en francais), tome i [Ferry), SaS. Ancelot. Joy. Dubarry. Ange-Gardien (L'l , ou Soeur Marie, vaudeville, par Casimir , 252. DES MATIEI'.KS. Angi.eterre. yoy. Grande - Bre- TAGNE. Anicet-Bourgeois. Voy. IVapoleoii. — roj. Cotillon Til.' Annales de la Socicte luyalc <.'cj sciences d'Orleans , 426. — provencales d'agnculture piali— que et d'ecoDOiuie rurale , par Toulouzan et Feyssat, 427. Anne. Voy. Noble (Le) et i'Artisan. ANNUAiREdn Beiigalp, ou Keepsake lilteraiie pour iS3i, par David Lester Richardson , t44- — de Provence, 176. — du Bureau des longitudes , 4o3. — du department de la Correze,670. — de la vil^e de Toulon , 670. — aduinistratif , commercial et in- dustriel du depaitenient de la Meurthe, 671. — statistiijue et administratif du de- partement de I'Oise , 671. — du departement de la Manche , 671. Antilles ,214. Antipnthie profonde des Polonais pour le despotisine russe, 435. Antiquites. yoy. Arcueologie. — da Mexique , par Augustin Aglio , X4S. Arago (Etienne). Voy. Dubarry. Archeologie , 148 , 377, 390. Architecture, 877. Arnould (Ed.), f'oj. Revolution. — ^oy. Secrets de oour. Arrets (Les) en Carnaval , vaudeville, 4-60. Art MiLiTAiRE , i5i , 163,696. Arts industriels , 209 , 445. Ascetique. T^oy. Sciences reli- gieuses. A.ME, 144 , 724. Atlas de la France, compose de 25 feuilles, par Weiss, 383. Aurore boreale. f'oy. Peyre. Aux Enfans de France , ode , par AlpLonse Le Flaguais, 420. — Polonais, dithyrambe, par I'au- teur de I'Onibre de Kosciuszko , Avenel (M.), C.-A., 76, 106,561. Aveugles, 73-. fiaelir. f'oy. Herodote. Bailleul (J.-C. ). Histoire de Napo- leon , A. , 76. Bal ( Le ) des Ouvriei-s , vaudeville, par Varin et Louis, 458. Balbi (Adr.) et De la Roqnelle. Essai historique, geogiaphique et sta- tistique sur les Pav-s-Bas , 175. Bankes' Narrallve of tin: life of Gio- ■vanni Fiiiali , ()34. B.tnquel mensuel de la Revue Eik y- clopedique, 246. Barrey (Ant.). Foy. Vaccine. Barlheleiuy. Nemesis , satire liebdo- uiadaire , 712. — Voy. Madame Lavalette. Bayard. Voy. Trois Maitresses. — Foy. Budget. Beaumarchais a Madrid, dramc, par Leon Halevy, 75g. Beaumont ( T. Barber). On pcifUa- mental Y Reform, 627. Beaux-arts , 36o', Sgo , 463, 712. Belgique, i65, 665. Belles-lettres. T'oy. Litterature. Belloc (Madame L. Sw. ) , C.-B. , 639 , et les articles signes L. Sw. B. Beucini (G.). Vuy. Lettcve. Benjamin. 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Sciences medica- LES. DE5 M\Tn;nES. Cbolera morbus, vaudeville, 459. Chronologie, 4 1 3. Ciaiiipi. Foy. Lcllvrc. Classiques (IJollection des) latins, puljliee a Florence, 729. (lohen (Jean). Voy. Paul CUifford. C'/ollier (Le) de la leine , ineiodraiue , |);u- Daubigny et Ponjol, 75c). Oolonie d'enfans indigens. J'oyez Lettre. (Colonisation, 191. — (Sur la) de raneieiuie Grece , par Henri Schnitzler, i54. (lomberousse (Alexis). Voy. Ju- uieanx. Coiuete (Nonvelle) observee par M. Noel de Breante ,241. — P'oy. Valz. Comite central polonais fonde a Paris sous la presidence du gene- ral Lafayette, 2 4'i- Conimenlarj di Nnpoleone , A., 56 1. ('oMMEKCE, 61, 2491 404, 670, 671, 724. Constant (Renjarain ) aux Cbamps- Elysees , vaudeville patriotique , par Edouard et Victor Lotin , 252. f^oy. Parisienne. Constitutions (Collection des) , char- tes et lois fondamentales des peu- ples de I'Europe et des deux Anie- riques , par P.-A. Dufau , 182. Contentieux ( Un mot sur le) du Conseil d'Etat, etc., par H»nrion de Pansey , public par Cotelle , 4o5. CoNTEs. foy. Romans. — populaires , par J. -N. Bouilly , 207. — d'un Grand-Pere , oa Traits em- pruntes a Thistoire de France , par Walter Scott , '.i-^i. Cooper (J. Feniraore ). f'oj. Ecn- meur de mer. Cordages (Nouveaux) fabriques par le capitaine G. Harris , avec le chanvre de la Nouvelle-Zelande , 725. (iosseron-Villenoisy. foy. Impot. 7<'9 Coste (Leon), f^oy. Meraoires tnetal- lurgiques. (lotellc. I'oy. Contentieux. Cotillon III , ou Louis XV cliez ma- dame Dubarry , comedie , pai Emile Vanderburcb et Anicet Bourgeois, 460. Coup d'ceil siir I'etal du globe en i83o, M., 12. Couverchcl. Mcaioire sur la matu- ration des fruits, 455. Creutzer. / o)-. Herodote. Cri de I'indignalioii publique contre une monstrueuse ordonnance ten- due le 5 mai dernier, par F.-lVl. Marchant de Beauiuout, 4 ">. Cronier. I'oy. Pouvoir municipal. Curtis. /'(/}■. 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Jorisprudence. — ruBLic (Conrs de ) interne et ex- terne , par Silvestre Pinheiro-Fer- reira, 683. Droits ( Des ) de rhoinrae , et de la peine de mort, par Konchier, 187. Duban-y (Madame), vaudeville , par Ancelot et Elieiine Arago, 458. Ducange (Victor). Voy. Oiseau bleu. Duchesne, f^oy. Finances. Dufau (P. -A.), C.-M., la, A., ,544- — — Voy. Constitutions. M.VTIQUK Diijay {F.). Cartas Jllosojicas solirc la edticacion , "xii. Dumas (Alex.). VoY. Napoleon. Dumersan. For. Cagnard. — I'oy. Leudeinain. — C.-A., 36o. Duparquier (Al.). r-'or. Dissertation. Dapeutj'. Voy. Napoleon. . — Voy. Marechal Brune. Duponceau (G.). ? or. D'Homergue. Dupont. Voy. Veillee. — Voy. Quaker. Earle's Treatise on Pail Roads, etc. 624. Ecoles primaires en France, 447. ECOKOMIE POLITIQUE, I90, 4l3, 473,69s. Des colonies , d' Alger , de sa possession , etc., par le baron La- cuee, 191. — RURAt,E, 427, 622, 628. ECOSSE. Voy. GRANDE-BRhTAGNE. Ecumeur ( L' ) de mer, on la Sor- ciere des Eaux, roroan americain, par J. Fenimore Cooper, 422. FMouard. Voy. Constant. Education, 367, 5i5. — ( Lettres philosophiqnes snr 1' ) , etc. , par Francois Dejay, ermite de Marcnil-lez-Meanx, 212. Eloquence, 700. Emperenr (L') , drame , par Prosper, A., 106. Empis. Voy. Changement de minis- tere. Encore quelqnes exigences de notre revolution de i83o, etc., 194- Encyolopedie de cabinet, publiee par le doctenr Lardner , 369. England in i83o,ete., 627. Enseignement mutuel, 722. Entretien des routes, f'o)'. Lemoyne. Entrevue (L'), on les Deux Iinpera- 1 rices, vaudeville historique, 2 5i. Epitre a M. le prince de Metternicli. Esquisscs poetiques, par X. Mar- inier , 702. DUS M\TlEnE5. Essais en vers , par John Jones , avcc une Introduction sur la vie ck'S poetes anglais sans edncation , par Robert Southey, 637. litat du globe. Joy. Conp d'ceil. Ktats-Ukis d'Ainerique , i3S, 214 , 366, 429, 622, 720. 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H Hainant ( Expo-se de la situation du ) en 1829, sons le rapport de son administration, etc., i65. Haiti, 214. Halevy (Leon). A Saint-Simon, Ode, 702. f'oy. Reaumarchais a Madrid. Harris. Foy. Cordages. Heinorrhagies internes (Traite des) de I'uterus qui surviennent pen- dant la grossesse , par A . C. Bau- delocque , 168. Henri IV et Louis-Philippe, 420. Henrion de Panscy. f^oj: Conten- ticux. Herodote (Systenie geographique d'), examine et explique par J. Reii- nel , 147. llerodoli Miiscp , cur. Baelir et Creut- zer, 388. Hints to small Landhohlers on plant- ing, etc. , liy Martin Doyle. , 62S. — jiddressed to small Landholders and the Peasantry af Ireland, by the same , ibid. Hippolyte. Koy. Lord Pikengrok, 2,52. HisToiRE , i53, i54, 163,373, 379 , 386 , 387 , 744. — nniverselle pour les Icctenrs ins- truits , par Ch. H. L. Poelitz , 385. — romaine , par R. G. Niebuhr , i55. — des Etats-Unis , etc. , par madame Emma Williard , i38. — des croisadcs , par MicLaud , A. , 334. — de la pre.squ'ile de Moree , par Fallmereyer, 157. ALYTIQLF. — du (Commerce entre le Levant et I'Europe , par Depping , A. , 6 1 . — des Gauies et de la France, etc., par madame Legroing , 414. — de Napoleon Ronaparte , etc. , par Tbibandeau , A., 76, 56 1. — du mcme , jiar dc Norvins , ibid. — dumeme, par J. C. Bailleul, ili'td. ECCLESIASTIQUE, 257. — NATURELLE des poissons , par MM. Cuvier et Valenciennes , A., 40. Hogendorp (Gisbert Karel van).fov. Lettres. Hoi.LANDE , i65, 395. Honore. T'oy. Lendemaiu. Horticulture ,455. Hugo (Victor), f^oj. Notre-Dame. Hnmblot Conte. Toy. Faure. Humboldt (Alex. de). C»irte hyper- metrique de la Cojdillierc des Andes, 736. Hygiene. V. Sciences medicai.es. — (Abrege d') et de therapeutique , par Folchi, i63. I Ichttologie , 40. Idees sur des reformes economi- ques, commerciales et flnancieres, etc., M. , 473. Ideologie. Voy. Metaphysique. Impot ( De 1') suivant la Charte, par Cosseron-ViUenoisy , 190. Incendiaire ( L' ) , ou la Cure et I'Ar- cheveche, drame, par Benjamin et Alexis, 759. Indes orientales , 1 44' Industrie, 214, 249, 4i3, 726. InsTITUT. V. SoCIETES SAVAKTES. Institution ( De 1' ) d'une mandatairie pnblique pour la gestion des in- terets particuliers , par E. N. Godefroy, 406. Institutions patriotiques , 725, 738. Instruction, 367. — Primaire. fay . Projct de loi. — PuBLiQUE. for. Ecoles, limvER- sixis. DES MATIERES. — (De 1') et (les institutions naliona- lcs,etr.,parAdolphe Lajons, 189. — dans le I?as-Canada, 722. — dans la Bessarabie , 726. Intrigans ( Les ) , ou la Congrega- tion , comedie en vers , par Dela- ville, 734. Inventions, !^3o , 445- — (Noiivelle), faite par M. Ken- nisli , ponr concentrer le feu d'une bordee , 720. IntANDE. f. Grande-Bretagne. J Soirees de Jacob ( P. L. ). Walter Scott. T^oy. Deux Pons. Jacoiny (P.). yoy. Guerre. Jaruinage. roy. Horticulture. Joachim Murat, meiodrame histori- que , 460. Jo es' yJo'in). j4ltcmpts In verse, (337. .Jordan (uiadame). Voy. Boaden. JouBNAUx et Recueils periodi- (JUES. — publics en Allemagnc : Krilisclie Zfitsclirift , a Heidelberg , iSg. — publics en Aiigleterre : The JFest- mlnster Review , 378. — publics en Belgique : Journal d'a- griculture , d'economie rurale et des manufactures , a Brnxelles , 665. — publics aux Klats-Unis : Tlie jour- nal of health , a Philadelphie , 142. — American annals of edu- cation and instruction , a Boston , 367. — publics en France : Journal des ateliers de tourneur, de mecani— cien , d'ebeniste , etc. , a Paris , 209. — Le Gianetir , journal d'Eure-et-Loir , politique , com- mercial, etc., a Chartres, 210. — Anna'.es provencaies d'agri- culture pratique., a Marseille, 427. — Nemesis, satire hebdomadaire, a Paris , 7i4- — publics a Haiti : Le Pharc , jour- 77^ nal politique, commercial et lit- teraire, an Port-au-Prince, 214. — publics en Ilalie : Giornale arca- dicu di scienzc , Icltere ed arti , a Rome, 392. — publies en Pologne : L'Echo de la Pologne , journal francais , a Varsovie, 641. — publics en Riissic , jonrnaux eta- blis dans les gouvernemens, 434- — politiques de Paris, f'oy. Revue. Juliette, folic vaudeville, 25o. JuUien (M. A.), fondateur-dircc- teur de la Revue Encyclopedi- qne, C.-M., 5, et les articles si- giies M. A. J. — y. les deux Polonaises, 32 1. — T'oy. Pologne. — yoy. Bibliotheques communales. — f'oy. Service funebre a la me- moire de Kosciuszko. — 1'oy. Nominations academiques. Jumeaux ( Les ) de la Rcole, drame, par Rougemont et Alexis Combe- rouse, 459. Juridiction ( De la ) administrative , par H. A. Quenault, 4o5. JuRispRunENCE , 1 59 , l^o5 , 406. T'oyez aussi Legislation. K Kcnnish. Voy. Invention. King ( Capitaine ). Voy. Expedition anglaise. Kirw/an's Letter from Munich to lord Palmerston , 627. Kosciuszko. V. Service funebre. ■ — Voy. Obseques. Labarre. I'oy. Deux Families. Lacuee (Baron). Voy. Economic po- litique. Lafayette ( General ). Voy. Comite polonais. La Garde (Comtede). Voy. Obseques. Laisne (Fursi). Voy. Langne rnsse. Lajous (Adolphe). Voy. Instruction pnblique. Langlois. Voy. Panorama. TAni.F. AN.M.VTOtF.I l.angiie lusse (Cours de) et Gram- iiiaii'c russe iisuelle , par Fuisi Laisne , 457. Laidncr's Cabinet Crclopwdia, 369. I^a Vignp (Jean de). f'oy. Vingt mil- lions d'econoniie. Leblanc. Voy. Modeles. Le Bran (Isidore), C.-B., 399, .'ii3, 4a2. 675. — N., 45a, 7'24. Lefebvre (Robert). Tor. Nkcro- LOGIE. Le Flaguais ( A. ) Vny. Aux Enfans de France. — lor. Reveil de la Belgiqiie. Legislation, iSq, i8a, 490. Legroing (Madame), f'oj. Histoire des Gaulois. Leraoyne (D.). Essai d'un traite snr I'entretien des ronlcs en empier- rement ,670. Lendemain (Le) de la fin du nionde , folic , par Honore et Dumersan , 460. Le Noble (Alexandre) , C.-B., 184 , 187. Les.seps (De). Voyage de LapeyrOuse, 681. Lestrade (L.-A.). Toy. Principes cons- titntifs. L>;lter {J.) to the King, 627. Letters of Radical and Pliilo-radical , 627. Letters Hi Sebasliano Ciampi , di Francesco del Puria e di Gasparo Bencini , etc., 891. Lettre de M. de Fellenberg .sur une Colonie d'enfans indigens etablie pres d'Hoh\7l, en Suisse, M., 5i5. Lettres snr la prosperite publique , adressees a un Beige, par G.-K. van Hogendorp , SgS. Levi et Sara , ou les Amans Juifs , conte polonais, par J.-U. Niem- cewic7. , traduit de I'alleniand en anglais, 374- Lheric. I'oy. Madame de La valette Lincoln {M"'- ytlmirah). Dictionary of chemistry, 36C. Li.st,(;.-M.,473. LiTTKRATURE ancicnnc classif|UP , 388, 729. — anglaise, 144 , 873, 374, 37.'), 423, fi37.— (lesl^lat.s- Uni.s, 422, 625. — espagnole , 21 1. — finoise, 382. — francaise, 106, 197, ^02, 20. 't, 207, 209, 210 , 249, 2 5o , 25 r, 2 52, 32 1, 323 , 35o, 4 19, 420, 453 , 457 , 458 , 459 , 460, 6i3, 700, 701 , 702 , 709 , 710, 714, 748 , 754 . 755, 756, 757,758, 759.— hel- vetique, 162. — italienne , 392. — suedoise , 332. Logan ( James ). Tlie Scottish Gael , i5o. Lord Pikengrok , ou la FoUe gagenre, vaudeville , par Hippolyte et Fran- cisque, 252. Latin (Victor). T^oy. Benjamin Cons- tant. Louis. T'oy. Bal des ouvriers. Lucenav (Joseph de ) , C— B., 387 , 3()t.— N., 23S, 254, 445, 761. Lugol. Traitement des maladies scro- phulenses a I'hopital Saint-Louis , 239. M Machine a filer le chanvre et le lin, inventee par Gaetano Guidiccini, de Milan, 445. Macqueen {Potter). The State of the nation , 627. Madame de Lavalette , drame vaude- ville , par Brunswick , Barthelemy et Lheric , 2 52. Malmai.soii et Sainte-Helene , 252. Manifeste du penple polonais, 222. — du Comite central francais en fa- venr des Polonais, 437. Manuel de la Bourse , ou des fonds publics , etc. , par L.-M. Sedillot , 409. Marchant de Beaumont. T'oy. Cri de I'indignation publique. Marcchal (Le) Brune , drame, par Dupeuty et Fonfan, 252. Marie (Le) , vaudeville , 458. Marmier (X.). F^squisses poetiqaes , Marquise (L:i) de Brinvilliers, meto- di-ame , aSa. Matiiematiqdes, i6o, i65, 402. Mauvais (Les) Garcons , A., Gi3. Mauvieie (V.). f'oj. Odilon Barrot. Mazeies. I'oy. Changement de mi- nisfere. Mec*nique, 668. Medaille d'honnenr decernee a M. Niccolini , de Florence , autenr d'Antonio Foscarini, Jiq. Medailles antiques (Description de), grecques et romaines, etc., par T. P.. Mionnet, A., 36o. Medecine. J'oy. Sciences jiedi- CALES. Meditations religienses , tradaites de Tallemand, parMonnard et Gence, 682. Memoir of the affairs of Greece , by J. MiUingen , i53. Mkmoires , Notices et Melanges (I) : Vues generales snr notie plan et notre bat ( M. A. Jullien ) , 5. — Coup d'oeil snr I'etat da globe en i83o [P. A. Diifan) , 12. — Coup d'oeil sur la statisliqne morale et politique de I'ltalie ( Cli. Duller), 24. — Etat de la Societe religieuse pendant le XIH° siecle ( Cape- fgiie), 257. — Coup d'oeil .snr la slatistique morale et politique de ritalie. Deuxieme article {(.'It. Dl- ciier) , 288. — Revue des journaux politiques de Paris [Anselme Pe- telin), 3oi. — Les deux pilonaises, poesies (7)/. A. Jullien), 32 1. — Idees sur des refoi-mes economi- ques , rommerclales et financieres applicables a la France {List.), 473. — Expose des motifs du pro- jet de loi pour I'instruction pri- inaire , igS. — Projet de loi pour I'instruction primaire , 52 o. — Lettre sur una Colonic d'enfans etablie prcs de Berae {Em. de Fcl- lenl/erg), .5i5. — etRAPrORTs de Socieles savantes en France, 426. — (Nouveaux) de la Societe impe- ATlEKEn. 7^5 riale des naturalistes de Moscou , A. ,325. — de sir Humphrey Davy, par J. A. Paris , 629. — mill (aires du feld-marechal due de Wellington , par Moyle Sliercr, i5i. — de Bonrrienne , 76, 56 1. — metallurgiqucs sur le traitement des minerals de fer , detain et de plomb en Angleterre, par Leon Coste, 171. Memorial porlatif de chronologic , d'histoire industrielle, d'econoniie politique, etc., 4 1 3. Mendiante (La), drama, par Saint- Brice, 25 1. Mery (J.). J^oj. Bonnet vert. Message of the President in relation to the suri'ey of a route for a canal, etc., 624- Mftallurgie, 171. Metaphysique, 178. Metternich (Prince de). foy. Epitre. Michaud. f'oy. Histoire des Croi- sades. — / O)'. Bihliolheque des Croisades. Michaux. Observations sur le Pla- nera ou Zelkoa , arbre des cotes de la mer Caspienne, 242- Michelot (A.). C.-N., 244, 457, 786. Mlla ( fr. ) Berlin , oder (ieschichte dleser Hauptstadl, 386. MiUingen (J.). Voy. Memoir. MiUward. Legs de 84,000 livres ster- ling pour etre reparties parmi les institutions charitables de Lon- dies, 726. Mines de charbon des comtes de Nor- thumberland etde Durham, 4 3o. Mionnet (T. E.). T'oy. Medailles an tiqiies. Mittermeier et Zachariae. Journal critique de legislation et de juris- prudence elrangeres . 139. Modeles (Choix de) appliques a I'en- seigneiuent du dessin des machi- nes, etc., parLcblanc, 668. "Mongellaz (Madame Fanny). I'oy. Nechologie. 77^ TAniF. AN Monnard., ^oy- Meditations reli- gleuses. Montagne (D. G. ). A vantages pour la I-"iance de coloniser la regence d'Alger, 191. Monteniont ( Albeit de). f-'oy. Af- fiaudiisseiiient. MontiK-'la. Histoiie des recherches sur la quadrature du cercle, etc., 402. Monument erige a Tobolsk a la nie- nioire de "Yermak , conquerant de la Siberie , 72/1. Morean (Cesar). Foy. Academic de I'industrie. MoREE , 157. Morlet. Menioire sur 1 equateur raa- gnetique ,243. Morrison. T'oy. Telegraphe commer- cial. Motifs d'eligibilite presentes par un des candidats pour la place va- cante a I'Academie des Beaux- Arts, etc. ,712. MuUer (Jeau Godard de). Voy. Ne- CROLOGIE. MnsiQUE, 249, 466, 712. N Naples et ses environs en 1829, par L. Galanti ,164. Napoleon ct I'Europe, par Alexan- dre Doin, A., 76, 56i. — melodramc, par Anicet Bourgeois et Francis, A., 106. — ou Scboenbrnnn et .Sainte-Helene, drame historique , par Dupeuty et Regnier, A., loG. — ou Trenle ans de Thistoire de France, drame, par Alex. Dumas, A., 106, 249. — Voy. Commentarj. — yoj. Thibaudean. — T'oy. Norvins. — Voy. Eailleul. — Voy. Bourrienne. — Voy. Prosper. Navigation , 173. — interieurc des Elals-lJuis, ^24. Nf.cboi,ogie. .Tean CioAaxAAc Miiltrr, AT.YTIQL'E gravcnr, a Stuttgart , aSa. — Ro bert l.vfvhvrc , peintre, a Paris, 254- — Madame Fanny Moii^el- laz, 466. — NicolasJosepb llia- g'loli, litleralcur italien,a Paris, 4(i8. — Christian Adam Gaspa- riiii , profcsseur a I'Universitc de Koenigsberg, 760. — Robert Fiiicli, litterateur anglais, a Rome, 7"Ci. — Le docteur Dcsoimcaux , de lafacul. denied, de Paris, 761. Niccolini. Voy. Medaille d'honneur. Niebuhr ( B. G. ). Rdmische Ges- cliiclile , i55. A^iemcc{^•icz's Levi and Sarah, 374- Noble ( Le ) et I'Artisan , coraedie- vaudeville, par Anne et Rene, 458. Nominations academiques : M. A. Jullien de Paris , membre de la Societe philosophique amcricaine etablie a Pbiladelpbie, 429. Nonhcote (/.). The life of Titian, i5a. Norvins (De). Histoire de Napoleon , A., 76. Nosarewski. Voy. Vaisseau insub- raersible. Notre - Dame de Paris, par Victor Hugo , 709. NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET UTTE- RAiRES (IV). AUtmagne, 235, 444. — Etats-Unis , 214, 721. — France, aSS, 447^ 73o. — Grande- Bretagne, 2i5, 43o, 725. — Haiti, 214. — Italie, 445, 729. — Paris, 238, 453, 731. — Pologne, 222 , 435, 727. — Russie , 217, 432, 726. — Ru.ssie asiatique, 724.—.- Suisse , 728. Novels ( The ) of Charles lirochdcn Brown , 625. NuMlSMATIQUE, 36o. MODERNE, 735. O Obseqiies (Les) de Kosciaszko aux tombeaux des rois de Pologne, po('Uie,par le comtedeLa Garde . 197- Odes nationales, par Evariste Bou- lay-Paty, 701. !)E8 MATIERFS OJiloQ BaiTOt , par V. Manviere , facteur des postes, 701. OEiivres de lioileau, par Berriat- Saint-Prix , 209. Oiseau (L') bleu , luelodrame feerie, par Victor Dacange et Simonnin , 460. Ordre (De 1') des avocats , etc. , par Tb. Regnault, 406. Organisation municipale. f''oY. Faure. — de Tannee. f^oy. Gressier. Origines russes (Surles); extraits de nianuscrits orientaux , etc. , par G. de Hammer, 379. Ornemens (Les plus beaux) de Pom- pei , d'Herqulunuiu et de Stabia , etc., par \V. Zabn , Sgo. Oryctographie , 455. Oavriers (Les) des communes de Moutigny-sur-Loing et de la Gen- nevraye , au Comite polonais a Paris , 75 1. Paix univcrselle (La), ou le Ma- riage pbilosopbique du commerce avec I'agriculture, etc., par J.-B. Rhodes , 4" i- Panorama de Navarin , par Langlois, 463. Papesse (La) Jeanne, vaudeville, 252. Parent Real ( Jh. ). f^oy. Questions politiques. Paris, 178, 238, 453, 731. Paris {J. A.). Memoirs of the Life of sir Humphrey Dmy, 629. Parisienne (Une). Funerailles de Benjamin Constant, par S. L., 701. Patin. T'oy. Discours. Paul Clifford , par Bulwer , tradait de i'anglais par Jean Cohen, 423. Pats-Bas. Voy. Balbi. — Voj. Bei.gique et Hollande. Peine de mort. I'oy. Droits de I'homnie. Peintvre , 152., 463. Person. Menioire sur I'electiicite animate ,243. 777 Pesche (J.-R.). f'oy. Chansons. Petetin ( Anselme) , C.-M. , 3oi. — A., 6i3.— B., 696. Peuple (Le) , ode , par Gerard , 197. Peyre. Observations sur I'anrore bo- reale du 7 Janvier, 241. Phenomenes, 217 , 241, 73i. Philologie , 388, 391,605,729. PUILOSOPHIE , 4o4- — francaise , par madame Dadolle , 419- — pratique (Cours de), a I'nsage des ouvriers ct des classes labo- rieuses, ouvert a Paris par le co- lonel Raucourl , 743. Physique, 243. Pinheiro-Ferreira.^yj)-. Droit public. Plain thoughts on corruption , 627. Planches de la Zoographie de Pal- las , Ti.6. Plik et Plok, par Eugene Sue, 204. PccUlz Veltgeschiclitc fiir unterric- tete Leser, 385. POESIE, 144, 162, 197, 321, 323, 419, 420, 701, 702, 714, 748. DRAMATIQCE , Io6, 249, 25o , 25i, 252, 4i9) 4^7, 458, 459, 460, 754, 755, 756, 757, 758, 759. Poesies de Theophile Gautier , 197. Poey (Ph.), C.-B. , 719. Poirson (A.), C.-A. , 6o5. Politique, 12, 24, i83, 184, 186, 1S7, 1945 195, 196, 202, 222, 3oi, SgS, 410, 435, 627, 639, 641,684. Poi.OGIfE, 196, 197, 222, 244i 321, 323, 435, 639, 701, 727. — (La) et la Russie , par M*** , an- cien oflicier francais, 639. — Meme ouvrage , precede d'un coup d'oeil sur la situation ac- tuelle de la France , relalivement a la Pologne, par M. .V. Jullien , 698. Polonais (Les) en i83i, apropos intle de couplets , par Charles Desnoyers, 757. Polonaises (Les deux), M., 321. PONTS ET CHAUSSEES, 624, 6 70. 7:« I'opalatioii ile la Russie, 219. Pougens (Charles), de I'lnslituf , ().- B.,ai3. Poujol. f'uy. Collici' ilc la reine. Pouvoir iimnicipal (Ktatdu) et de scs variations di'])iii.s la restaura- lion, etc., pai- (aoaier, 186. Suite, par le aieme , 187. Praga. foy. Vcilles poetiijues. Principe constitutif (Du) du gouver- nement iVancais, etc., par L.'A. Lestrade , i83. Prix decernes : par la Societe des sciences, arts, belles-lettres et agriculture deSaint-Quentin, 452. — PRorosEs : par la Societe des sciences, arts, etc., de Saint- Quentin, 453. — par la Societe des amis de la paix de Geneve , 72;). — par I'Acadeiiiie des scien- ces , belles-lettres et arts de Lyon , 730. — par M. Auguste Billiard, prcfel du I'inistere, 700. — par la Societe de la morale chretienne de Paris, 737. Projet de loi pour rinstrnction pri- maire, M. , 49OJ 5 10. (ILxpose des motifs du), 49^. Prosper. L'Empereur Napoleon , evenemens bistoriques , etc., A., to6. Prusse, 235. Q Quadrature du cercle. F. Montucla. Quaker (Le) et la danseuse , come- die- vaudeville de Scribe et Paul Duport, 757. Quatre annees de sejour dans I'Afri- que meridionale , par Cowper Rose, trad, de I'anglais par J. J. Cabanis , 40 3. Quenault ( H. A. ). F. Juridiction. Question fTlieJ of P'eform cunside- rcd , 627. — ( La ) polonaise , par Lucieii de Saint-Firrain , 196. Questions politiques ; De la pairie , de la loi electorale , etc. , par Jh. Parent-Real, 184. TMiI.E AlV.VI.YTIQl K Quetelet (A.), C.-IV , i65 , 168. K Rancourt ((Colonel). Foy. Philoso- phic pratique. ReCUEII-S PERrODIQUES. Foy. JouR- N.\UX,. Rekorme rARi.EMENTAiRE. Onze bro- chures anglaises y rel'alives, 627. Reformes economiques. Foy. Idees. Regnault (lb.). I'oy. Ordre des avo- cats. Regnicr. I'oy. Napoleon. Relations comnierciales de la Russie asiatique avec les Etats-Unis, 724. Religion. Foy. Sciences beli- (ilEUSES. Remarks on die present slate of af- fairs, by Matliew Slewavt, 628. Rene. /'. Noble (Le) et I'Artisan. Rennel (J.)- The geographical sjsli m of Herodotus , 147. Rcponse dun pair de France a la brochure de M. de (Chateaubriand, 684. Reslanration ( De la) et de la Mo- narchic elective , etc. , par de Cbateaubriaiid , GS4- Reveil de la Belgique, par Alphonse Le Flaguais , 420. Revolution frano.mse ( Rapport detaille sur la) de iS3o, par J. H. Sdmitzler, 387. /'. Encore quelqnes exigences. I pueine, par Ed. Arnould , 197. Revue encyclopedique. Foy. Vues generales. — Banquet uiensuel. — des jouruaux politiques de Paris , M., 3oi. Rey-Dusseuil. Voy. Fin du monde. Rhodes (J. B.). Voj'. Paix univer- selle. Richardson's fDavid LesterJ. Bengal Annual, i44- Romans, 202 , 204 , 207, 21 ', 35o , 373, 374, 382, 422, 423, 6t3, 625, 709, 710. Rose (Oovvper.). /'. Qualrc annees. Ronchicr. Icy. Droits de I'hoaime. T»r.S \I\T1F.1!KS. Rouge (Le) et le Noir, chronique du XIX" siecle , par de Stendhal , A. 3:.o. Rougeiuont. T'oi. Jumeanx. Routes en fer (Tiaitc sui' les) et a rainnres en bois, etc. , par Tho- mas Eaile, 624. Royalistes (Des anciens) et du gou- veineiuent , par uu aucien magis- tral, igS. RussiE, 217, 079, 432, 726. ASIATIQUE , 724- Sainl-Firmin (L. de). /'oy. Ques- tion polonaisg. Saint-Hilaire. For. Veillee. Saint-Simon. Foy. Halevy. Hcltnilzkr fti.J. (Jehcr die Culoni- satioii dcs alien Grieclienlandes , 154. .■iu.sfulirlicher liericht iiber die ■franzusisclie Revolution von l83o, etc. , 387. SciEMCES MEDICALES , 142, l63 , 168, 170, 239, 454; 666, 739. MORALES ET rOLlTIQtJES, 61, I78, 334 , 404 ) 544 » 6S2. KATURELLES ET TBYSIQUES , 40 , 168, 325, 396, 325 , 666. RELIGIEUSES, 257, 682. Scott flValteiJ. Tales of a grandfa- ther, 373. — f oj. Soirees. Scribe. La famille Riquebourg, co- medie , 25 1. — P^oj. Trois Maitresses. — lay. Budget. — Voy. Quaker. Secrets (Les) de cour, comedie anec- dotique en prose , par Fouinier et Arnould ,757. Sedillot (L.-Am. ). Manuel de la Bourse , 409. Segalas ( Aiiais). Voy. Algeriennes. Sellegue. I.e Glaneur, 210. Servan de Sugny, C.-B., 196. Service fuiiebre celebre a Paris , a la memoiie de Kosciuszko, 746. Skerer ( MoyleJ. Militaiy Memoirs of field marsliall lite duke of H\!- lington , 1 5 1 . Simonuin. Voy. Oiseau bleu. Smith (Adam). Theorie des .seiiti- raens moraux, traduit de I'anglais par S. de Grouchy, 178. Sociele religieuse (Elat de la) pen- dant le Xlir siecle, M. , 257. — forraee a Paris, pour la publica- tion de brochures, etc., 687. — forniee a Petersbourg pour la blanchisserie a vapeur, 726. pour I'etablissement des voi- tures publiques , 726. SociETES SAVANTES et d'utilite pu- blique. — aux Etats-Unis : Sociele philan- tropique araericaine , etablie a Philadelphie , pour I'encourage- ment et la propagation des con- naissauces utiles, 4'^9- — en Anglclerre : Societe zoologique de Londres, 14 5. — en Russie : Societe imperiale des naturalistes de Moscou , 325. — Academic des Sciences de Saint- Petersbourg, 432, 726. — en Pologne : Societe patriotiqne de Varsovie , 727. — en yllleniagne : Societe forraee a Dusseldorf pour I'encouragement des arts dans les provinces rhe- uales de la Prusse , 444. — en Suisse : Societe des amis de la paix de Geneve, 728. — en France (dans les departemens) : Societe royale des Sciences , Bel- les-Lettres et Arts d'Orleans , 426. — Societe libre d'Emulation de Rouen , 452. — Sociele des Scien- ces , Arts , Belles-Letlres el Agri- culture de Saint-Queutin, 452. — Academic des Sciences , Belles- Lettres et Arts de Lyon, 730. (a Paris). Inslitut : Academie des Sciences, 238, 453, 73r. — Societe de la Morale chretienne , :3:. 780 T\BI-r AN Soie reoueillic et preparee en Aine- riquo , a 1 4 . — (Essais sur la) d'Ainciique, etc., par J. d'Hoiueigue et G. Uupon- ceaii , 622. Soirees de Walter Scott a Paris , recueillies par P. L. Jacob , bi- bliophile, A., 613. Sowinski (Albert), f^oy. Affranchis- senient. Statistique, 164 , i65 , 219 , 235, 3995 447 > 671- — du departement des Bouches-du- RLone , par de Yilleneuve , A., 525. — ( (loup d'ceil sur la ) morale et politique de I'ltalic, M., 24, 288. — du nouibre des eleves qui fre- quenlent les ecoles priniaires en France, 447. Stendhal (De), Le Rouge et le Noir, A.,35o. Stewart (M.). f^or. Remarlis. Soutbey (Robert), f^oy. Essais en vers. Sue (E.). r-oy. Plik et Plok. Suede, 382. Sueur-Merlin, C.-B. , GSi. Suisse , 160 , 728. Syiupathie de la France pour la na- tion polonaise, 244, 435. Tableau statistique offrant la popu- lation des principales villes des Etats-Unis, 720. -^des recettes et de la depense des Etats-Unis, etc., 721. Tartaric calniouque. f'oy. Zwick. Tkciinologie. f'oy. Arts ihdus- TRIELS. Telegraphe commercial, invente par le lieutenant Morrison , qui doit etre etabli entre Douvres et Li- verpool ,217. Tennyson f Charles J. On parliamen- tary Reform ,627. Theatres de Paris, 249 , 45?, 764- — Nouveau theatre de la Porte- Saint- Antoine, 460. Al.VTIQl K Theoi.ogie. Aty. Sciewces hkm- gieijses. Thibaudeau. Histoire de Napoleon Bonaparte, etc. , A. , 76. Tifien. f oj. Norlhcote. ToroGRAPHiE , 164. Touloiizan. foy. Aunales provcn- cales. Traductions. — eu anglais : de Tallemand, 374- — du francais, 3fi6. — eu vspagnol : du francais, 717. — en francais : de I'allemand , 682. — de I'anglais , 178,422, 4^3. Trembleraent de terre ressenii a Odessa , 217. Trois Maitresses, ou une Cour d'Al- lemagne, comedie-vaudeville, par Scribe et Bayard, 25 1. Universites. — en Prusse, 235. — Dans la Con- federation germauique, 237. — de Londres , 43i. Vaccine (Histoire impartiale de la), etc., par Ant. Karrey , 606. Vaisseau insubmersible, ou Methode de construction navale foudee sur les lois de la gravilatiou univer- selle, par INosarewski, 173. A^alenciennes. f'oj: Cuvier. Valz , de Niraes. EUeraens provisoires de la nouvelle comete , 73 1. Vanderburch (Emilc). Voyez Co- tillon III. Varin. f'oy. Bal des ouvriers. Varsovienne ( La ) , chant heroique , par de Calonne, 197. Veillee (La), opera, par Dnport et Saint-Hdaire, 457. Yeillees ( Les ) d'une Francaise , par madame Dadolle , 419- Yeilles poetiqnes. Premiere veille , a I'Europc; la Lluerre, par An- tony Beraud , 701 DES MATIERES. Praga, deuxieme veille, par le nieme, 701. Velpeau. Memoire sur I'acupunc- ture des arteres , 454- Verdam. Ginnden der loegepaste U eiklniglunst , 1 65. Vers a soie , 622. "Vie da Titien , par "Jacques Nor- thcote , 1 52. — de madame Jordan, par Jacques Boaden, i53. — L't arentures de Giovanni Finati , par W. D. Bankes, 634. View of ihe whole internal naviga- tion of the Uiiited Stales , 624. Yilleneuve (De). Voy. Statistique. Villcrnie (L. R.) f. Distribution. Vingt millions d'econoraie , ou Opi- nion de Jean de La Vigne sur I'exercice et les octrois, 698. Voix bumaine. f'oj. Bennati. Volney. f-'oy. Voyage en Egypte. Voyage chez diverses hordes cal- inouqnes, etc., par H. A. Zwick, 370. — de Lapeyronse, redige d'apres ses nianuscrits originaax , par de Lesseps ,681. — en Egypte et en Syrie, par Vol- ney , traduit en espagnol, 717. Voyages. Voj. Expedition. — ( Histoire gencrale des ) , etc. , par C. A. Walkenaer, 675. Vues generales sur le plan et le but de la Revue Encyclopediqne , M., 5. Walkenaer ( C A.). P'oy. Voyages. Walsli ( John J. Popular opinions on parliamentary Reform , 627. Weiss. Toy. Atlas de la France. Wellington (Due de). Voj. Sherer. Wdliard's f Emma J. History oj the United Stales , i38. ff'oodbridge ( IV. C.J. American an- nals of education and instruction, 367. Z Zacharia?. fay. Mittermeier. Zahn f Tf ilhemj. Die sclwnsten Or- namente Ton Pompeia , ti. s. w- ■ 390. Zeltner ( Franz ). Voj. Discours. ZooLOGiE, 145, 726. Zwich's Calmuc Tartarj, 370. KIN DE LA TABLE DU TOME XLtX. ERRATA DU TOME XLIX. Caliicr de Jaxvikr, page i53, lignes 26 et 34, sergent, lisei chirurgien. Cahier de pEVHtKR, page 384, ligne to, depuis qu'ils se sont expliquen , lisez, depuis quits se sont appliques. Cahier de M\rs, page 689. C'est par ei-rear que I'article ; Socidte pour la publication des brochures , a ete signe des iaitiales Ans. P. PHILOSOPHIE PRATIQUE DE LA PETITE INDUSTRIE. PREMIERE PARTIE. -^ iXUDE DR L' HOMME. 1,'aRT I>K SE FORMEK, DE SE CONSERVEP. ET »'|*;THE IIE€Ri;UX A PE0 DE FUAIS. PAR LE COLONEL RAUCODRT ( DE CHARLEVILLE ), 4'Ci:iEN VLLEVK »E L^^COLI. POLYTECHNtQDB, INGKNIBUD DES VOTIlfi PT-CnAUS9FE5 Professe gratuitement tous les dimancbes a iiiie lieure iiii ({u.-irt, municipality des Pelits-Peres, salie des tlecteurs. Ce Cours de philosophic pratique est une preiiiiere application d'une science que I'auteur, M. Raucourt, appeWe la physique philosophique de I'homme, et qu'ii professe tousles dimanches, de onze heures a iiiidi , rue Taranne, n. 12. La pensee dominante du professeur de pliilosop/iie pmiiquc est celte-ci. Les maitres et les ouvriers , les gouvernans et les gouvernes sont indispensables les uns anx autres; ils se sont rcciproqne- ment necessaires; et dans leur existence simuUanee, ces deux ifet Sedixlot , LtBRAiRE , vuc tie i'Od^on , «• 00. ( 5 ) parlies dun lout onldes interels comniuns. Siparfoison les voit exposes a s'enlre-detruire, c'cst un suicide dc i'ensemble qui n'est pas dans la nature, et qui peut r^sulter de cc que les in- t^rets reciproques sent mal compris. Un bul utile, precisemenl celui des travaux de M. Raucourt, est de faire bien comprendre les interels communs en don- nant a chacun la connaissance positive de soi-raeme. Persuade i que c'est le seul moyen de metlre les partis d'accord , et qu'on ne peut compter que sur la force de la verit6 et la puissance de la raison pour substituer aux troubles, aux revolutions qui desolent les societes modernes, le bon ordre et I'harmonie. L'auteur se propose de i'aire des cours de philosophic prati- que pour beaucoup d'elemens du corps social qui en ontle plus grand besoin : force d'aller aux plus presses et aux plus nom- breux, il a du ccmimencer par le peuple. Dans son d6sir del payer sa delte a la patrie, il vient d'ouvrir un cours gratuitl pour les ouvriers , dans I'espoir que de nouveaux moyens de . Concorde et de puissance sociale seront bien accueillis par tout le monde. Cependant, comme il nesuffit pas d'etre anime de I'amour du bien pour le faire, H. Raucourt, qui peut seul repondre de son cours, puisqu'il est encore dans sa pensee, -va le publier par) souscriptions afin d'en faciliter I'etude a ses auditeurs et de pro- voquer les observations du public; le principal objet de sesi lecons etant de faire croitre la moralite des ouvriers en raison I de leur savoir, il espere que les personnes eclairees trouverontj dans cet essai la base d'une instruction indispensable a I'^du- cation populaire. La premiere partie du Cours de philosophic pratique sen composee de ra a i4 lecons. Pour la facilitedes ouviiers, il ei sera livre une ou deux par semaine, par demi-feuille in-ia , raison de i5 centimes. Prix total: 2 fr. 5o c. La souscription sera ferrate le i5 mai; alors le prix total sera de 3 fr., et par la poste, 3 fr. 5o c. Affranchir les demandes el les envois de fonds. ( 3 ) On souscrit chez : L'AUTEUR, rue de Bourgogne, n. 14. M. CASSIN, agent de plusieurs socieles savantes, rue Ta- raone, n. 12. CARILIAN-GOEURY, libraire des Ponlset-Chaussees, quai des Augustins, n. 4i* LARAN, Libraire, passage Dauphine. ON TKOUVE AUX MEMES A.DRESSES : L'cxpose (Jc la physujue philosophique de Vhomme. Prix : 5o cent. Une spplicalion de la physique philosopltique de M.RAUCOURT dans une brochure intiluMe\ APPEL A LA R AISON PUBLIQUE ou Principes d'organisation sociale pro- prcs a justiHcr les chaDgemens iadispensables a opcrer dans nos institulione prescntos , ayant pourepigraphe : Apprenons a nous organiser; le boohcur el le inalbeur^ le present et Taveoir des citoyens et des naiioDS sont dans lee institutions. VRIX : I FR. Cette Philosophie pratique a ete composee pour completer I'ins- truclion gratuite que ['association poly technique voudraitdonuer aux ouvriers. Douze lemons ontdeja ete professees et imprimees; le succes quece cours a obtenu dans la capitate est un garant de son utilite : les peres de famille, les chefs ouvriers et generale- inent les hommesqui sont appeles a se conduire eux-memes, a former el a gouverner leurs semblables, y trouveront la connais- sance rationnelle de Thomme et par suite des moyens nouveaux d'ordre, de bonheur et de prosperite. I.MPRIMEIIIE DE H FOURNIER, RUE DE SEINE ,-N° 14 rr I BKAiBJE j rue ae i uaeoo . n' io. Al'X ACADEMIfS ET AVX SOClETlis SAVANTES dc tOUS IcS pOJS. Les Academies et les Societes SA■VA^TE^ et d'uthite pcbuqce , irancaises et etraii^-eres , soiit invitees a lairc parvejiir exactement , francs de port, au Direcfeui de la Rtvue Eiicyclopedique, eoe o'EsfFEK Saist-MiIcmel . u" ^8, les comiites reudus dc leurs Iravaux et les pTO- gramiucs des prix au'ellcs proposeiit, afin que la Revue puisse lee fairc connaltr* le pljis proniptetnect possible a ses lecteurs. AUX EDlTEUr.S d'ouVRAOES et AUX LIUKAIRES. MM. lt'6 Editcurs d'ouvrages periodiquas , francais et etr'angers, qui lesireraient echa;igei' leurs lecueils avec ie ii6tre , peuvent compter sui- te boo accucil que nous ferons a leurs propositions d'echanqe, et sur uue prompte anuoiice, dans la Revue , des publicatioi>s de et genre et des autres ouvrages , Douyeliement publics, qu'ils nousauront adresses. AUX EDITETJRS DES RECUEU..S PERIODIQL'ES , L.V AiNGLETEHRE. MM. les Editeurs des Aecucils iieriodiquec; publics en Angleterre sent prief de laire retnettre leu i-s numeros h M. Rolandi , a LonUres , n^ 20, Berners-street , Oxford-st:eeL, qui leur traiismettra, chaque mois, en ecbange, les cahiers dela Revue Encfdopedique , pour laquelle on peut nusbi souacrire ch,;z iui, soit pour I'aunee couraiUe, soit pour se procu- rer lei collections des /unices anterieures, de 1819 a 1829 inclusivement. AbX LlfWAlKES ET ACX EDITEUIiS d'oLVRAGES , Ef) ALLBMAGNE ET EN ITAEIE. M. 2i,iRGB3, libraire k Leipzig, etM. G. PiATTi,Iibraire k Florence, sont charges de reoevoir et de nous faire parvenir les ouvrages publies en Alleniagne et en Italic, que MM. les libraires , les cditeuvs et lea au- teurs desii-eront faire annoucer dans la Revue Enoyclopedique. Tous les ouvraf^es annonces dans la Revue s« frouvent A\ti SiioiLEoT , LiBr.AiVvE , vuo de I'Od^Joii , n* 00. li CONDITIONS DE LA SOUSCRIPTION. La Esimc EncyclopciUque. i>araU mensuellement, depuis Janvier iSrg, par caliier cle I a ^ i4 feuilles d'impres.Mon. Tiois cahiers forraent ua volo»ic termini par.une Table anafylique et alphabelique des mattkres. Chaquc ann^e est indipendante des ann^es pvdcWcntes , ct odre uno sortc iVAnnnalre scientiflque et. lilteraire, en 4 volumes )n-8«. Prix de V Ahonncment. A Pnris ' - 46 pour ua an ; a6 fr. pour six mois. Di.ns los di5parlemcns • 5j 3o A riHn.iigcr Go H Ell AngleiciTc- • • . 7-2 4^ A parlir Ju !•■■ janvrer oudii 1" juillet. Le raonUnt de ia souscriptwn , envoy«5 par la poste, doit eire odrcsmi d'avauce , franc de port, aiusi que iaconespondauce, au Dirccteur de la Heme Encrclojjedique , rue d'EnJer-SmnUltJichel, n" 18. C est a la rcerae adresse qu'on dcvra enVoyer Jes ouviagcs de tout gi-nre et es mavui cs au'on voudra faire auDonccr , ainsi que les articles dont on dc- sirera I'insertioa. Oa souscrit aussi k Paris , chez Ics Ubraires ci-aples ; Tbebtxei. et WcRTz , rue de Bourbou , n" 1 9 ; CuABLES BEcni^'r, quai des Aogustins, n" 55 ; Rr.t 61 GnAViER , quai des Augus'.ins , 11° 55 j A I.A Galsme r>E BossAHGE pcre , rue Richelieu ,. no 60; RoBET, rueHautcfeuillc, n" 12; ,T. Resoua rd , rue de Tournon , n^ 6. Onsoascilt aussi chc« tous les Directeurs des postrs, et chez les princ *au\ Ubraires, dans les dcpartemens, et dans les colonies, L\mMPts chez lesqueh on souscrit dans les pays etbangers. ytmsterdam , ©elacbaux An -efs, Ancelle. Ainu (Suisse), Sanerlander. Berlin, Schlesinger. £crne,CUas; — Bourgdorfcr. Drcslau , Keygel. flfv/xe/Zw, Dujardin-Sailly ;•— De- mat ; — Horgnies-Renic ; -- Li Madrid yUennkc, — Peres. Manheim , Artaria et Fontaine. Milan , Giegler; Visniara; Bocca. Mons , Le Roux. Moscoh, Gamier; — Riss pfere el fits; — Urbain et €>• ; — ' 3emeii. Nai>les , Borel ; — Morotta el Wanspandock. brairiepahsienne,. franraise et < Necv-York ( Etats-Unis ) , Foreign etrangfrre. Florence , Piatti; — Viensseux. Francfort-mr-Mein , Jugel. Cand, Vandenkerckowen fils. Geneve, Cherbuliezj — Barbezat et Delarue., Ln liaye, les frferes Langeahuysen. jMiizanne , Fisclier- Lei^ zi(;, Brockhaiis ; — G. Zirg*». Liege, Desoer; — Colardin. Lislonne , Paul Martin. LondreF, P.Rolandi; — Dulau et C'« ;— Trenttel et WiJrtz;— Bos- sange, Bartbez, Lowell et C" . and classical bookstore; — Be- rard et Mondon. JVouvelle - Orleans , Jourdan ; — A. L. Boismare. Palerme, (Sicile), Pedonneet Mn- ratori; — BoBuf(Ch.). Petersbmirg, F. 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