REVUE encyclopedique; par une reunion PE MEMBRES D£ l'IKSTITUT ET D'aTJTRES HOMMES DE LETTRES , AU BUREAU I)E LA REVUE ElfCTCLOPEDlQUE , ET CHEZ JtolLLOT, LIBRAIRE, ruedel'0d^on,N°3o; ARTHUS BERTRAND, RUE HAUTEFEUILLE , M" i3. ATRIL 1831. REVUE ENCYCLOPEDIQUE ^, iciro EA'ERAT, Iniprimeiir, rue du Cadran, n" 16. ftEVLE ENCYCLOPEDIQUE, ou ANALYSE RAISONNEE DBS PRODUCTIONS LES PLUS REMARQUABLES DANS LA LITTERATURE , LES SCIENCES ET LES ARTS; pai' une reunion DE MEMBKES DE l'iNSTITCT ET d'aUTRES HOMMES DE LETTKES , TOME L. AU BUREAU DE LA REVUE ENCYCLOPEDIQUE, ET CHEZ SEDILLOT , LIBRAIRE , RUE DE L'ODEOIN , N" 50. AVRIL 1831. « Toutps los sciences sonl Ics ranieaux d'unc meine tigc. » Bacon . « L'art ucsl autre chose que Ic controle ct Ic ret;istrc des meillcurcs pro- ductions... A coiilroler les productions (ct les actions) d'un chacun, il s'cn- jjcndre cnvic des bonnes et m^pris des mauvaises. )> Montaigne. (( Les belles-lettres et les sciences , bien ^tudi^cs et bien comprises , sent des instrumens univcrsels dc raison , de vertu ,.de bonhcur. » M.A.J. AVIS ESSENTIEL. CHANGEMENT DE DIRECTION DE LA REVUE ErVCYCLOPEDfQUE A COMPTER DU 1 "" AVRIL 1 83 I . M. JuLLiEN, de Paris ^ fondateiir tie la Ref^iie Encyclo- pe'dique, en Janvier i 81 9 , apres Tavoir dirigee avec une per- severante soUicitude pendant plus de douze annees, eprou- vant le besoin de reprendre des travaux litteraires long-tems interrompus , et devant aussi faire quelques voyages , dans I'interet meine de I'entreprise qu' il a fondee , et dont il conti- nue d'etre Tun des plus forts actionnaires et des principaux collaborateurs, s'est decide a en confier, jusqu'k nouvel ordre, I'entiere direction "a son fils aine, M. Auguste Jullien, atta- che depuis quelques annees comme redacteur en chef au meme recueil, et a M, Anselme Petetin, qui en est aussi, depuis trois ans, I'un des redacteurs. Ce changement dans le personnel de la direction de notre Revue , n'en apportera aucun , ni dans son plan , consacre par une approbation general e et par de longs succes , mais susceptible de quelques ameliorations de detail qui ne seront point negligees; ni dans ses tloclrines pliilosopliiqnes, poli- tiques et litteraires: les imes , toujours favorahles "a la sainte cause de la liberie , "a ccUe de la propagation et des progres des lumieres, pourront ineme etre manifestces, grace a la nouvelle legislation delapresse, sous des formes pins vives et plus tranchees ; les autres , sans etre jamais intolerantes ni exclusives, ne chercheront point a exalter des reputations iiouvelles aux depens de reputations ancienncs, justement acquises, et devenues une parlie de la gloire nationale , mais ne sacrifieront pas non plus a un respect aveugle pour le passe d'honorables «l'fovts pour s'ouvrir des routes non encore frayees. Elles s'attacheront a nn exaraen critique, toujours consciencieux et impartial , des ouvrages dignes d'attention , en cherchant de bonne foi ce qui est bon , conforme K la saine raison et approuve par le goiit , et en ecartant avec soin les de- nominations vagues, arbitraires, depourvues d'un sens net et precis, dont chaque opinion qui aspire a dominer se fait une arme contre les opinions qu'elle combat. L'amour du vrai, du naturel , du beau, dans la litterature, dans les arts, dans la mo- rale, dans la philosopbie, dans le jngeraent porte sur les ouvra- ges, surles auteurs, et sur les nations comme sur lesindividus, ne cessera point de presider k la redaction de nos Annales de la c.wilisation progressii^e et compare'e. Une correspondance tres-active, et qui s'etend cbaque jour davantage, nous per- inettra de faire successivement des excursions dans toules les contrees du globe , comme dans toutes les parties des con- naissances hnmaines , et de tenir nos lecteurs au courant de tout ce qni, dans chaque pays et dans cbaque science, paraitra devoir les interesser. M. JuLLiEN, de Paris, loin de devenir etranger a la redac- tion de la Reme Ency clop e'di que , pourra d'autaut mieux y fournir de terns en tems des articles, que , le poids de la direc- tion cenlrale etant reporte sur deux redacteurs jeunes et actifs, eclaircs et patriotes, animcs des memes sentimens que lui, il ( 7 ) aura plus de loisir pour les parties de travail dont il lui con- viendra de se charger. Tous les articles sortis de sa plume porteront son nom, ou ses lettres iuitiales m. a. j. II decline d'avance toute part d'eloge ou de blame a laquelle pourraient donner lieu les autres articles inseres dans la Revnie Encjclo- pedique, sous la responsabilite personuelle des deux nouveaux directeurs . Les abonnes de notre Reune apprecieront facilement les ame- liorations apportees a la partie materielle et exterieure de nos cahiei's. Au moyen du caractere nouveau que nous avons adopte, nouspourrons diminuer le nombre desfeuilles, tout en augmentant la quantite de raatieres donnee chaque mois. Notre bibliographie se completera d'une maniere avanta- geuse par les annonces soramaires que nous placons a la fin de chaque section du bulletin. Les collections acquerront aussi un nouveau prix par cette addition. La table placee a la fin de chaque cahier pouvait paraitre insuffisante, pendant I'intervalle qui separe la publication du premier cahier de chaque trimestre de celle de la table annexee "a la fin de chaque volume. Nous rendrons par des details mieux ordonnes les recherches plus faciles. Enfin , il nous a semble que le nombre des divisions et des subdivisions de chaque cahier etait excessif et nuisaitala clarte par cet exces meme. Nous en avons supprime quelques-unes. Lesmatieres pourront etre classees, suivant des analogies plus reelles que celles que presentent souvent les titres. lis nous reste a parler de la Table D^cennale des matieres contenues dans la Re^ue Encyclopedicjue ^du \ ^"^jani^ier 1819 au 31 de'cembre 1828. Nous pouvons enfin annoncer avec certitude la prochaine publication de cette Table, promise depuis long-tems , reclamee avec instance par plusieurs de nos lecteurs , et qui a eprouve de grands retards, parce que le travail entier de la redaction a du etre recommence et re- fait sur un meilleur plan. L'impression en est maintenant fort ( « ) avaucee. Cette Table donnera , en un seul volume d' environ neuf cents a niillc pages, ou dans deux volumes ordinaires, la substance du contenu de nos quarante premiers volumes , ou des dix premieres annees de la Revue Encyclopedique. On aura ainsi Tindication et I'liistoire abregee des travaux et des progres les plus remarquables dans tons les genres etdans tons les pays, depuis le i"' Janvier 1819 jusqu'au i^r janvier 1 8549. Cette Table pourra servir a la fois aux possesseurs d'une collection complete denotre recueilqui voudrontpouvoir y faire des recherches avec promptitude et facilite , et aux personnes qui, sans avoir a leur disposition la collection de nos dix premieres annees , desireront connaitre , an moins sommaire- ment, les ouvrages , les auteurs, les publications impor- tantes , les Memoires couronnes par les socieles savantes , les autres Memoires et les Notices d'un interet general , et enfin les entreprises litteraires et industrielles , les inventions, les decouvertes, les procedes nouveaux , les perfectionnemens, les faits curieux et instructifs , qui ont ete mentionnes par nous dans ce long intervalle de terns (1 ). (1 ) On peut souscrire , des ce moment , a la table, d^cennalc , sans av ance DE FONDS, AU BBREAU DE LA PlEVCE EwCTCLOPEDIQUE , Ct clieZ M. SliDlLLOT, librairo dc la Revue Escyclopedique , et des Bihliotheques coinmunales , rue de I'Odeon , n° 50 , ou Ton peut se procurer aussi des collections se- jiitrc'es de chacune des annees de la Revue , ou des caliiers diilaclids , rcn- fcrmant des Memoires et des Notices, ou des articles, soit sur des ouvrages, soit sur des objets particuliers. IlEVUE ENCYCLOPEDIQUE, ANALYSE RAISONNEE nr.S PRODUCTTONS LES PLUS REMARQUABLES DANS LA LITTf'r ATURl. LES SCIENCES ET LES ARTS. I. MEMOIRES- E^DMf JPoUliiiur. Unelongueet memorable session setermine. Au momeiitou nousecrivons, des elections gcnerales se preparent, etle pays tout entier est emu d'esperances et de craintes diverses ; car il sent que de graves consequences suivront ce grand acte con- stitutionnel , et que les destinees de la France vont s'af^iter ail fond des urnes de scrutin. Ces destinees , cependant , sont-elles encore incertaines? L'acte bien autrement national que nous avons vu so con- sommer en juillet a-t-il nne signification si obscure qu'il faille lui chercher dans de nouvelles preuves une interpreta- tion plausible ? on bien, le va'U populaire, nettenifnt ex- prime, victorieusoment proclamc dans ces grandes et solon- TOME I,, wmi, 1 8") 1 , I 2 REVDE uelles jouniees, aurait-il etc vaincu dcpiiis lors , et cherclie- rait-il dans iin combat nouveau, sur un autre champ de bataille , une reparation , unc vicloire plus decisive ct plus durable que la premiere ? II s' est passe sous nosyeuxun fait surprcnaut. Apres quinze ans d'un regime plus humiliant que ia tyrannic armee , plus triste qu'un despotisnie on la guerre est franchemcnt declaree entre Ic maitre et I'esclave ; apres ce long malaise, apres cette //ake dans la hone, pour nous servir d'une expression que riiistoire adoptera , le peuple fryppe aa front, la liberie frap- pee au coeur, se levent et renversent cet cchafaudage d'iniquite, de ruse, de violence peureuse qui pesait sur nous et nous etouffait. Le drapcau victorieux s'elance du centre de I'empire h ses extremites , vole de clocliers en clo- chers , et la nation le salue de ses acclamations, de son en- thousiasme et de sa joie. Tout est detruit , tout est renouvele ; chacun cherche a effacer le passe , pour se precipiter vers un avenir encore convert de nuages , raais qui n'inspire aucune crainte et ne renferme que des esperances. Les dangers inte- rieurs? on ne les voit pas; les menaces de Telranger? on les brave : mille legions de ces soldats fraucais qui out bivouaque dans toutes les capitales de I'Europe sortent du sol , et n'at- tendent qu'un signal pour defendre ou franchir les fiontieres. Du desinteressemenl, des vertus civiques ? qui ne les senlait houillonner dans son coeur, a la vue de ces soldats en haillons gardant la Banque de France, de ces lieros deguenilles rap- portant en Iriompheles diamans de Rambouillet sans un ecrin force? — Tout etait confiance, union , courage y. espoir. Quelques raois a peine se sont ecoules , et tout ce prestige s'est evanoui. L'enthousiasme s'est eteiut, une lassitude pro- fonde s'est empa-ree de tout le monde ; les croyances poliiiques se sont affaiblies ; les ambitions meines , signe d'esperance et de vie, se sont calmees , et Ton n'apercoit plus que des cupi- dites etroites, ego'istes et honteuses, dilapidant le present avec POLITIQUE. 3 rapacite et devorant lachenient Tavenir ; notre revolution , iimselee par la diploniatie , rampe bassement autour des trones legitimes, lechc les pieds des maitres de la Pologne et de I'ltalie , et , avec une complaisance ignoble , insulte aux peuples revokes pour se faire pardonner son origine. La ruine des interets materiels a suivi de pres celte deca- dence morale. Le credit s'est aneanti , les capitaux se sont caches, enfouis, perdus; la consommation, en s'interrompant brusqueraent, a desseche la production dans sa source; ies bras sont restes inoccupes , el la place publique s'est reraplie d'oisifs affanies. Des emeutes, sans caractere evident, sont venues faire trembler un gouvernement qui pretendait s'ap- puyer sur les affections populaires ; et la derniere , qui , aux yeux de lous , n'etail qu'une saturiiale d'enfans , d'ivrognes et de filous , a pu violer effrontement les proprietes publiques et privees le droit des gens doublement sacre dans un am- bassadeur , et forcer la royaute meme , dans ce quelle a de plus personnel, "a une concession humiliante , refusee naguere aux prieres affectueuses des amis les plus devoues. Cependant ime cour se formait, et des le lendemain etait le theatre d'autant d'intrigues qu'il y en eut jamais autour d'aucun monarque ; une cour ou s'organisait im gou- vernement en dehors du gouvernement constitutionnel ; qui avait ses ambassadeurs et ses agens dans les cours etran- geres et dans les chambres ; qui recevait des courriers et en~ tretenait une police privee , une police de palais , pour espion- ner non pas seulementles citoyens, mais les fonctionnaires, le gouvernement legal lui-meme et jusqu'a la police officielle. Uu corps qui s'est arroge, a tort ou a raison, le pouvoir constituant , evoquant sans cesse dans sa peur miserable le souvenir de notre premiere revolution , travaillait , autant qu'il etait en lui , "a amener le retour de ses exces , retour de- sorraais impossible ; car un peuple ne parcourt pas deux fois la meme route , et I'histoire ne se fait pas des plagiats a el!e- 4 «EVUK mrinc. Iliicartail succcssiveaieiU tics an'aitcs , cii los altrciivaiit soul ni<:oic .slii|M'liiits (III iCMilliil i\r < cllf lii:.lr ((niicdii', r| sc (IcmiindcMl, s'ilsoiil (''M' joiM-s, on s'ilsM' soiil lroiii|»r.s ciix- niriiii's , el n'IIsihiI |mi liiiic nil coiiIk' si'Iism Iiiii!;cI .'-i ((iiiiiilcl . INons iir vonloiis poiiil ici Ik rclicr ii :i (|m'llcs linciil i cs |ii'o ijirsHns, ii <|ui el par (|ni riles mil clc lailrs. I,;ii;,s(>ii,s cc nuil h(Mit'iilr!, liini;. I'tihsi iirilf on il csl iic.cl voyons i^c iiiii sr [lassail siir la |ila(r |iiilili(|ni'; car c'csi hi vcrilahlciiicnl (|iic s'clcvail Ic pavoi;, , (pic sc laisaicnl Ics itioiiicsscH, (pi(! ,s'(W.liaiif^i'aicnl Ics condilions , la lihcilc dim iiciipic coiilrc line c.onronnr dc toi. Assnrciiicnl, la lai hon aiislocmliipic a poiissc loin I'iiiipn- (Icni <' dc disc.oni's cl. d'aclioii ; iiiiiis cllc n'osciail tiler ipic Ic sciiliiticnl !-ciii-ral, dans la masse ipii vcnait. dc rciiipoiler la vicloir'c , lie I 111 (III Ilia ire a I'clMJiii'.M'iiieiil d'nnc i Dy.'iiilc noii vcllc, cl (pie, iiK'iiic dans Icspaisililesdcpailciiicns , I ainioiK :e (l(; rcdiiicalioii d'nii Iioik; lioiirlioniiieii ciiiisa line sinpiisc nnivcrsellcci (pic cliiicini s'y jllcndil a iiiic consliliilioii dill'd- renlc.ii nnec.liiii'le, siiion repiililii:aiiie,(iii iiioiiisdcinoeialiipic. li'ciiipicssetnciil. dc la ;;Miile iialionalc a sc loriiiei' patlonl sponlaneiiiciil , ii s'oif^ani ir par Ic sy.slriiKM'Ice.iir, einpicssc- iiicnl doiil le discoins dii Ikhic scniMc liii dispiilcr I'lion ' iiciir (I); la liale dun iioiiilirc iiiiiiiciim' Ac coiiiiiiiincs a leponsser (rclles-iii<'iiics Ics iiiaf^islrals ipic riineien rcj^inii; Iciir avail imputes , it lulusui', JiitiLu|Uutil. on ininsleineni , (l) i< IjII I'VlllKd mi lOlivi'il II i'lii'iliiiil (Ir |;iiiil<'H iiiiliiiiiiih'N liii iiirrH n|iiiii llllli'uiciil |iai' lni(lanl |>n's liir ll'ois inois lis |)r('-l('ri'nl an (.;onv<'riiriiirnl r.i|i|iiii iln i iincoiirs tl.! pliiH indnlKriil. |ionr hi'H iiiiilrs, Ir pins palinil jtonr scs Iciilnii'H; li-iit' opposilion liil loiilr iiiiiicalc i'i>iiH iiim III viili'iii iIk ritri'iiini'iil'illiiii |Miit|'llr ijiil h'ii|i- piilMiiir 111! rria il« J'iii'liiCfinili', |ir«irt'ri'N | IhtiI Ii« I>iiIii1I!i' ilim IioU Jmim, Cii'l I'l'ln , laai" r»vi>iiii ili\jti illl , i^liilriil In niol ilr ijin rir luliipli* «Ii|iiilit IHI.'i. ilniKliiiu li'« iimhIhiU ijiir In liV,lil"il"'* 1'm» '» '» lil'i'ilo ; iliui" Ic jiiii- iilr , II ii'nviiH iiim il'itiilii' nl|iiilllri>(l <'l < 'i'«l iiiin*! in iliiii IllUllnln. CViiy. If Tvmn dii inolii ilii nn'l" il'imll ") POLITIQUE. "7 mi cri tValarine qui trouva des cclios dans le pays; ct depuis lorsrinipopularitc du pouvoir nouveau a etc s'augniciUant, a mesurc que ses intentions se devoilaient, jusqu'a cc qu'enfin ses journaux aient prononce publiquenient I'apologie du chrf et dn fondatenr dc la sainte-alliancc , et proclame Texccl- lence du systcme de la restauration representc par M. Dc- cazes(l). Ainsi, c'cst un fait inconlrstablcque ce malentenduentielo peuple et la comonno. Cette expression est-elle vague? fant-il dire ce qui est pelqile h nos yeux? faut-il etiidier ct classifier la tourbc qui cntourc letronc? D'autrcs Tout fait. Pour nous, nous voyous seulement dans la populace des courlisaus un desir innuodcre ifle constilucr unc iuiquitcpoliliqne coniplcxe, multiple, en fondant inic aristocratic etageed'cclieluus en cclie- lonsdepuisl'electeurjusqu'aupair; desir separc de cet instinct de prudence qui devrait la porter h s'assurer si tout cet echa- laudage ne uianqne pas de baseetsi le caraclere francais,qui a pu etre essentiellcmentmonarcbique , ue renfernic pas, aujour- d'hui coninie toujonrs , unc antipathic profonde pom- la feo- dalite de la vanite sans puissance , de la ricliesse sans illustra- tion. — Nous voyous le tvone, prcoccnpe dc faclieux souvenirs de famillc, lemoigner une invincible repugnance pour cette democratie dont il devi'ait briguer I'alliancc, se crcer un rempart facticc, illusoire, imaginaire contre ses amis veri- lablcs , en batissant avcc complaisance une aristocratic batardc; qui, de son cote, se sent si faible de son isolement , qu'elle ►^cherche invariablcnicnt, avec une adresse diabolique, a con- Ibndre sa cause avec celle de la conronne, h placer le trone dans ses rangs, h s'en emparer, as' en faire un bouclier con- tre la haine populaire. Politique deplorable! qui donnea une dynastic toiite jeune la vetuste des sieeles , sans la couvrir de leur rouille soleimelle et venerable ! qui fait ce trone ncnf aussi [i) Voy. \i' Journal des Ddlats , du 25 avril. 8 REVUE veiiiioulu que s'il avail ete rouge, dcpuis Gulllaume-le-Con- queraiit, par la vcrmiiie aristocratique Je rAugletene ! Poli- tique imprudente qui blesse "a la fois I'orgueil national et les interets populaires , et dout la restauratiou elle-meme n'avait ose se servir ; car elle parlait au uom du ciel , et ses pretres protegeaient sa noblesse , tandis que vos nobles ne peuvent s'appuyer que sur uu coffre-fort ; car elle reniuait jusqu'aux fondemens glorieux de notre graude histoire, et vous ue pouvez louder que dcs majorats ridicules ; car ses fetes nous juontraient la vieille race des connetables, et \ous n'avez a etaler dans vos raouts que de lourds banquiers chamarres de cordons et tout bebetes de leur baronnie d'hier ! Et puis, nous voyons, d'un autre cote, le peuple , penetre des graves et tristes pensees que fait naitre la souffrance , at- tendre, dans une anxie.te profonde, racconiplissement des esperances qu'il s'est creees, ou la confirmation des soupcons qui commencent k I'agiter ; le jour on ces soupcons devien- draient une certitude commencerait une vengeance sans terme et sans pitie. A sa tete se placent le petit norabre d'hommes eclaires qui sont sortis purs de I'epreuve de tons les regimes, et le grand nombre d'hommes jeunes pour qui le passe est uu objet de mepris autant que de colere , et qui, grandis au milieu de solennels evenemens, a dix-buit ans conspiraient avec Bories et Caron , a trente ans prenaient d'assaut le Louvre et les Tuileries; hommes passionnes comme on Test a cet age, mais dontia passion est plus severe que I'amour des plaisirs, plus noble que rambition d'une place. Dans ce parti , il ne laut pas que la couronne ou I'aristocratie compte sur des de- fections : la defection a emmenc tous oeux quelle pouvait en- trainer. Ainsi la separation du peuple etdu trone est deja commen- cee ; les hommes eclaires sont hostiles ; les masses sont de- hantes. Que Ic roi de juillet savoure ces acclamations qui I'ont poussc ail Irouc, et qui mainteuant encore renivrenl et le POLITIQUE. 9 trompent ! Le jour u'est pas eloigue oix son oreille en sera se- vree, oii son passage sera solitaire et morne, oii ses journees seront silencieuses et ses nuits agitees. Alors, que ses courti- sans et ses valets le consolent , s'ils peuvent , avec leurs flat- teries payees ! ils ne lui rendront pas les cris joyeux ile ces amis qu'il aura repousses, et dontles haillons decorent mieux un cortege de roi qu'un essaim d'habits dores ! Lapresse, quoique divisee , regagne les forces et I'ardeur quelle avait volontalrenient perdues un instant ; son action sera plus lente desoruiais, car elle aura "a penetrer dans des masses plus profondes ; niais elle sera plus decisive , et sa puissance deviendra souveraine le jour ou la raisere des pau- vres perdra toute proportion avec I'arrogante opulence des privilegies ; le jour ou le pouvoir, qui s'aveugle en marchant et devient plus hardi "a mesure qu'il devient plus faible, fera de la revoke un devoir, de la revolution une necessite. La restauration a commence et fini ainsi. Ce n'est pas sans une tristesse amere que nous ecrivons ces lignes; car, nous I'avouons, tandis que, parmi les homnies dont Louis-Philippe s'est entoure ; tandis que, dans son palais meme et dans les chambres , on calculait le terme de son regne et I'epoque du retour des exiles , nous avions foi "a la duree de sa dynastie, nous qui ne faisoiis profession d'aimer aucun roi , mais qui aimons notre pays et souhaitons avec passion son bonlieur et sa gloire ; nous voulions voir un element de stabilite et lout a la fois de progres dans cette combinaison de la forme monarchique et de la severite des mctiurs republi- caines ; et le jour on Louis-Philippe monta sur le trone des Francais avec ses vertus civiques et privees, avec ses souve- nirs populaires et ses affections nationales , ce jour fut pour nous un beau jour. Nous croyons a Texcellence de la monar- chic representative, et cette forme de gouvernement estanos yeux la seule qui puisse s'etablir ct durer parmi nous.— Nous parlous de notre tems : gardons-nous de disposer temeraire- 1 O REVUE ment deravcnir. Lesieclesuivaut sera repnblicain saiisdoute; mais n'est-ce rien qii'uii sioclc de paix ct de piosperite pour iin pays battu par lant d'orages , bouleverse quarante ans par de si terribles tempetes ? Que des jeunes gens , done , balbutient , dans leurs reves inquiets et genereux , le mot de repiibliqiie ; que, fatigues d'un present bien douloureux , ils se precipitent vers un ave- nir incertain et pretent aux masses, toules satureesdevieilles mcEurs et de vieiiles croyances, leur stoicisme de vingt ans , leiu- facile et proinplc intelligence, nous le voyons avcc cha- grin; car cette legerete de parole, ret amour aventureux des essais et du neuf n'est pas sans danger, et il y a bien du vide sous les mots qu ils prononcent avcc tant d'assurance. C'est au gouvernement representatif , democratique et pro- gressif qu'il faut s'en tenir aujourd'hui : I'education politique des classes pauvres se fera pen h pen , au moyen de bonnes lois qui seront faites par de bonnes chambres , sorties d'un corps electoral saineraent constitue par une bonne loi d'elec- tion. — Mais on voit que nous tombons ici dans un cercle vicieux, et il faut gemir en reconnaissant encore une fois combien sont irreparables les fautes accumulces pendant les dix mois qui viennent de s'ecouler. « Que fallait-il done faire? » nous crient cessublimes politi- ques qui succorabent sous un fardeau que leur vaniteaccepte et qn'ils ne peuvent porter. « Precisez vos reproches, et formulez nettement vos exigences. » Si jamais nous avons sentiet deplore I'insuffisance du lau- gage, c'est lorsqu'il s'est agi d'exprimer le profoud mepris que nous rcssentons pour ceux qu'on a nonnnes Jiommes d' af- faires , par opposition aux liommes de theories. Miserables escamoteurs politiques qui se persuadent que la friponnerie est le talent ! que la violence , la fraude , retouffement de la conscience constituent I'habiletc, ct qui croient faire ini grand effort de genie en se laissant enlrainer par les circonstances, POLITIQUE . 1 I au gre de tous les hasards , au raepris de tous les principes, au risque de toiites les catastrophes ! Paiivres espvits qui u'ont pas vu que tous les hommes qui ont fait de grandes choses les ont faites avec premeditation , suivant un systeme arrete d'avance , avec des principes fixes, a -priori , et qu'il n'est pas un grand homme d'etat qui n ait ete d'abord un grand pliilo- sophe ! Ce sent ces habiles gens qui ont tourne en ridicule I'idee des assemblees primaires pour sanctionner I'election du roi , et de la nomination d'une assemblee constituante destinee uniquement a rediger la charte nouvelle et les lois fonda- mentales. lis ont trouve plus simple de conserver une cham- bre des pairs que cependant on mutilait essentiellement par un veritable coup d'etat ; une chambre des deputes qu'on muti- lait encore, au moyen d'exclusious prononcees par des abus de majorite scandaleux. « Un depute ne doit serment iii obeissance a personne , s'ecriait Mirabeau ; il ne pent etre depouille de son raandat; il appartient "a ses commettans, et rexclure, c'est les exclure de la famille nationale ! » On a ri des cris eloquens de Mirabeau , et on a passe outre , trou^ant commode de se servir de la force pour placer des adversaires enlre le parjure et la destitution. Graces a cette haute politique , les adversaires du trone de Louis-Philippe peuvent lui contester et la legitimite du droit divin et celle du voeu populaire, et I'avenir peut-elre desavouera tout ce qui s'estfaitdepuis la victoire dupeuple, comme nous recusions il y a dix mois la charte octroyee par Louis XVin. Nous pourrions nous etendre beaucoup la-des- sus : nous ne le ferons pas. En deux mots, nous dirons ce qu'il aurait fallu faire encore; car tout serait decoule de ce premier acte national: Adopter comme base du systeme electoral la capacitc, non la propriete ; creer la commune et son admiuisti-ation , comme el'lesconviennentknotretemsaendrelibresl'enseigne- 1 2 REVUE incut; le culte, qui sera esclave taut qu'il sera paye ; la presse, uon par reconnaissance, mais par tlie'orie et par devoir; trouver sur le budget une ecnnomie de cent cinqnante niii- lions; abolir les impels vexatoires ct les impots inimoraux et les taxes qui rongent I'agriculture dans sa racine ; changer, eii ui\ mot, tout le systeme de nos finances, et reporter rim- put lies boissons, de la loterie, en aggravation sur les cotes elevees du foucier et du mobilier; detruire toutes les futilites nuneuses, et abandonner I'Opera a ses seules ressources : les cris de faim qui viennent de la rue troublent les chanteurs et faussent leur voix. Eufin, il fallait faire la guei're, puisque son inevitable ne- cessile resultait du principe uouveau qu'on venait de jeter dans la politique europeenne , ou du moins il fallait ne la pas craindre ; attendre et uon soUiciter des reconnaissances , re- pondre fieremeut aux insolences diplomatiques, et pour une_ fois laisser la les polilesses de cour qui vont mal a la raideur des peuples. II fallait s'etablir sans facon au milieu de I'Eu- I'ope , en s'appuyant sur notre drapeau ; il fallait lendre la main a toutes les nations qui nous imitaient en voulant etre libres ; s'assurer ainsi des allies, puisqu'il etait trop evident qu'on avait beaucoup d'ennemis; et puis, le jour ou cette propagande aiu'ait mis la legiiiraile des rois en amies coiitre nous, pioclamer a la face du monde la legilimite des peuples; jeter partout des bataillous, qui partout auraient tiouve des victoires et des fetes , et laisse le drapeau et Tamour de la France; creer des debouches a uotre industrie, des transits a notre commerce ; miner ainsi le principe des emeutes, qui est la misere, et donner "a Louis-Philippe et a la constitution nouvelle le baptenie de la gloire , sans lequel lien u'est sacre en France. Voila ce qu'il fallait faire pour etre consequent avec le principe pose en juillet : ou s' est attache scrupuleusement a faire tout le contraire. La revolution a done el»^ vaincue dans POLITIQUE. I.) le champ constitntiomiel qu'on avail trace autour d'elle avcc taut d'iniqiiite. Un autre champ va s*ouvrir dans les elections prnchaines : la revolution y triomphera-t-elle? — II faut oser le dire : non. Non, car la reduction du cens d'eligibiiite change pen de chose a la condition de la masse des eligibles. Correlativement a cette reduction, il etait necessaire d'alloner une indemnite de sejour aux deputes, et d'ailleurs, la localisation des colle- ges livre une influence immense aux meinhres de la majorite actuelle. Non , car les electeurs carlistes qui se sont alistenus de voter aux dernieres elections a cause de la ridicule et vexatoire formalite du serment, on par d'autres motifs, se rendront cette fois aux colleges, et donneront ini poids considerable aux candidats des centres qui n'ont point hesite a faire alliance avec eux dans la pi apart des departeraens. Non, car les eleclions seront faites sous Tinfluence de deux peurs : peur des destitutions pour les I'onctionnaires; peur d'un nouveau 95 pour les negocians et les proprietaires. Non , enfui , car toutes les adjonctions ont ete i-ejetees ; et les colleges, par une faute enorme de I'extreme gauche, se- ront prives de ce qu'il y a de plus intelligent et de plus actif dans la population; car ce nest plus la propriete qu'il imporle de faire representer, c'est an contraire I'immense picije des proletaires ; ce u'est plus la liberie qu'il s'agit de conquerir , c est I'egalite qu'il faut introduire dans notre code politique , et persomie u'etait plus propre a y travailler que les hommes qui ont a la fois I'experience de la pauvrete et la superiorite de I'intelligence. La question, en effet, abicn change depuis la restauration, et c'est la sans doute ce qui jette tant d'incertitude dans les opinions ; ce qui fait que les uns sont embarrasses d'expliquer leur opposition , et quelesautres sontetonnesde se trouver au service du pouvoir ; ce qui fait que les hommes qui quinze ans I 4 REVUE combatlireiit a la tele de V opposition , avec talent et con- science pour Ics liherte's publiques y\\ou5semh\ex\X.A\x]o\xrii^\\\\\, a nous, qui a v ions prevu cette mctamorpliose rles partis, on pliitol ce progresnatnrelilcs cboses, les plus daugereux etles plus iniplacables ennemis de la liberte'^de Ye'galite et des inte- rets du pays ; ce qui, enfin, nous losfera combattre sans relaclie et sans raenagcment, Jusqu'a ce qu'ils tonibent avec leur sys- teme suranne et leurs doctriues toutes pleincs d'iinraoralite , qiioiqu'elles puissent n'etre pas coupables dans leur esprit. Quelques-uns d'entre eux , dont laloyautc ne nous est point suspecie, s'affligeront, sansdoute, de cette division des rangs oil ils conibattaient autrefois; sans doute, ils crieront a I'iii- gratitude, et rappelleront avec amertume tons les services qu'ils ont rendus, tousles sacrifices qu'ilsont faits, eta peine voudrout-ils convenir que leur banniere n'est plus la notre, que notre cause n'est plus la leur. Des soupcons naitront dans leur esprit, et des reprochessortiront de leurboucbe; ils nous accuseront d'egoisme etroit et meme d'ambition sanguinaire, etne pouvant coniprendrenos intentions, ilslescalomnierdnt peut-etre. C'est un triste et injuste tribunal que celui des partis, et pourtant il faut se resigner a ses arrets sans les accepter. Mais il nous reste un recours : nous en appellons a I'avenir. L'a- venir prononcera entre ceux qui nous imputent de secrets et honteux motifs, et nous qui n'accusons que leur age et les habitudes de leur esprit. Noustrouvons dans notre conscience le pressentiraent de sa supreme sentence. Toutefois , que nos adversaires etudient , comnie nous I'a- vons fait, avec ardeur et desinteressement , ct le passe et le present; qu'ils interrogent et Thistoire et les faits qui se pre- cipitent autour de nous ; peut-etre nous absoudront-ils , car la verite est puissantesur les araes droites. Peut-etre arriveront- ils a penser qu il y a une multitude innombrable derriere nos rangs a peine formes ; que cette foule aussi a des droits dont ils n'ont pn avoir I'intelligence, des interets dont ils n'ont POLITIQUE. l5 pas entendu ou coinpris la voix; qvi'une verite, et surtoiU luie, verite politique , a plusieurs termes que les siecles se chargent de developper I'un apres I'autre; enfin qu'il peuty avoir plu- sieurs sortes de liberalisme , et que celui qu'ils out fait trioin- pher devait enfanter celui dout la defense nous est confiee. Nous seulons Lien que cette verite uoiivelle demauderait h etre deniontree plutot qu'enoncee brieveinent , comuie nous sonimes forces de le faire. Nos lois politiqnes, notre organisation sociale, abondent en iniquiles revoltantes, dont les pauvres, c'est-a-dire, ceux qui n'ont jamais pris part a la confection des lois, sont tou- jours les victiiues. Ce sont ces injustices que I'avenir le plus immediat est charge de detruire. Le teuis et les hommes vont se mettre a I'ceuvre; Iieureux ceux qui , d'avance, ont prevu et accepte le resultat de ce combat entre les abus existaus et I'esprit incessarament progressif de rhiimanite ! Ici encore notre France dirige le inouvement du monde : les autres na- tions la suivront lidelement. La liberie desormais, comme abstraction philosophique ou politique , corame symbole de la dignite de rhomme et de I'in- dependance du citoyen , n'a plus rien a redouter chez nous: elle a vaincu ; elle est reine. Mais la liberte seule n'est rien, si elle n'est suivie de son corollaire inseparable : TEgalit^. Aussi la liberte n'est-elle maintenant incomplete que dans les choses qui tiennent "a I'egalite , c'est-a-dire , a I'equitable repartition des charges et des avantages dont se compose le contrat social et politique. Si nous demandons I'abaissement du cens electoral , sous I'unique condition de la capacite presumee , c'est que nous sentons combien il est important de ne point laisser en dehors du debat qui va s'agiter, precisement ceux qui y ont le plus grand interet , et qui , apres tout , sont assez forts pour le terminer brusquement par la violence. Les prochaines legisla- tures auront a decider sur d'immenses questions : Timpot progiessif, c'est-k-dire, augmente, non passuivant la propor- iG REVTTE POLITIQUE. lion matheinatiquc de la richesse , niais selon la proportion morale dn necessaire an snperflu ; la reforme dn budget en ce qui touche Ics emplois salaries ; les enconragemens donnes aux arts; les snpcrfluitcs dc luxe payees parl'Etat; tonics ces dcpenses vagues qu'on n'a juslifiees que par des mots; le systenie tout entier de nos finances , dc nos donanes , de notre commerce, de notre credit public. Dans tonics ces discussions , ce nest point le despotisme qui sera aux prises avec la plulosopliie, c'ost la panvrete qui s'atlaquera a I'opi:- lence et lui deniandera comple de la longue iniquile des siecles. Si la question de la liberie de renseignement y est traitec, ce sera pour faire cesser la revoltante absurdite d'une univer- site et de liautes Facultes payees par les pauvres pour instruire gratuilement les riches , tandis qu on dispute quelques mille francs "a I'enseignement mntuel , soldo par les pauvres encore uussibien que paries riches. Si la liberie desculles est recla- mee, ce sera sous le rapport dti traitement des pretres. Si la liberie du commerce est deniandee et accordee, ce sera pour favoriser les pelits consoinmateurs aux depens des grands productenrs privilegies. Ces exeraples snffisent pour expli- quer notre pensee. Nous la developperons plus lard. Mais maiutenant les pauvres, c'est-"a-dire, la force pro- gressive, sont exclnsdela discussion. Les colleges elecloraux en masse sont composes de privilegies , et par consequent sont hosliles an mouvemeut : la chambre le sera done anssi. Les proletaires n'y trouverout pour defenseurs que le petit nom- bre de riches dont la conscience s'eclaire des plus vives et des plus pures Inmieres , et chez qui rhumanile et la raison out etonffc les prejuges de position et les clameurs de I'inieret personnel . Le plus grand nombre sera done nn instant vaincu par la minorite : c'est un phenomene precurseur des plus terribles el des plus prol'ondes perturhalions. Anselme Petetin. DU DROIT DU FAIT DE LA PROPRIETE. I FAUSSES THEORIES SUI\ LE DROIT UE PROPRIETY. § ls. S'agit-il d'une occupation verbale on symljoliqno qu'on protcndrait consacree par cos mots : ceci est a moi , on par le simple doploiemcnt d'une banniore? Mais si rien autre clioso no se joint "a cctto prise de possession, la con- science morale et les fails sont d'accord pour la rcpousser. Supposez les horames en presence d'une terra a partager : ce- lui qui le premier aura oteudu Ic bras ct en designant tout ce que sou a'il pent cmbrasser aura dit : Cos champs m'appar- tiennent , ou celui qui de toute la vitesse de ses pieds aura couru faire unc marque snr les arhres, celui-lh vous paraitra- t-il juste ot legitime proprietairo ? Le resle des humains de- vra - t-il etre a sa merci? Ce fait , loin d'etre inoffensif , ne sera-t-il pas un de cos acles nnisibles que nous ne sommes pas obliges de respecter? Remarquez d'ailleurs que si ce singu- lior droit existait, il n'anrait ote accorde qu'h la premiere generation deshommes; les autres, arrivant aprcs 1' occupation accomplie, sont "a jamais desheritcs. Or Ton ne pent preter a Fautour du monde nne telle partialite pour les aines d'une famillc qui lui appartient tont entiore. La conscience re- pugnc done a reconnaitro un pareil droit d'occupation. Do plus, en fait, ce n'est pas ainsi que la propricte s'cst consti- tuee. Un pretendu partage de la terro, regie an commcnce- jnont (In monde cntre les premiers occupans , est une hypo- ET DTI F/VIT DE LA PROPRIETE. 1 9 these qui ii'a d'aiitrc base que I'lmaginalion des pliilosophes. Nul de nous u'a vii ce spectacle ; cette supposition est la con- sequence de la doctrine du premier occupant , et ne pent en ctre presentee conime le fondement. De nos jours , aucun fait semblable ne s'offre a nos yenx. Cequ onappelle en jurispru- dence le droit d' occupation ne s'exerce que sur des choses de peu d'importance, telles que I'can , les poissons, les oi- seaux, etc. ; et encore, pour s'eniparer de ces biens, ne suffit- il pas de s'en dire le proprietaire , ou de les occuper d'inten- tion ; niais pour les appliquer h son usage ou h celui d'autrui, il faut conquerirles uns et transporter les autres; et, en con- sequence, la prise de possession est ici accompagnee d'un travail. On en pent dire autant des iles desertes que de- couvre et s'adjuge uiie nation au prix d'expeditions penibles et dangereuses. Maintenant faut - il, corame le font quelques philosophes , entendre par occupation I'application de notre travail a tel ou tel objet, de telle sorte que, sous le titre die premier occupant, on designe celui qui , par lui-meme ou par ses auteurs, fait valoir une terre depuis le plus long espace de terns? A cela nous repondrons d'abord que le simple mot d" occupation est tro^ restreint pour un sens aussi etendu ; et en second lieu, qu il resulte de cette troisieme interpretation un systeme plus conforme k I'equite, niais qui cependant laisse encore im juste sujet deplainte a ceux qui, venus les derniers, u'ont pas pu travailler les premiers. § II. — Doctrine de Vinte'ret personnel. Apres la doctrine du premier occupant arrive celle de Vinte'ret personnel. Celle-ci ne se charge point d'expliquer I'origine de la division des proprietes, ou du moins elle laisse faire ce partage a un destin aveugle, et prenant les choses dans I'etat ou elles sont aujourd'hui , elle croit observer qu'on 2. 20 Dri DROIT 110 vole pas , (le peiir seulemciit d'etre vole , ct tire de la cette niaximc qu'elle se croit foiidee a proclamer conune devoir : Ne vrends pas , de pcur quon ne te premie; ainsi c'est dans mon interot particulicr que je ne dois pas ni'enrichir anx de- pens d'autriii. Ce systcme ne pent fonder des devoirs ; car je ne me sens pas oblige en conscience de respecter mon interet particulicr. De plus, elle n'est pas a I'lisacfe de ceux qui n'ontricu, et qui, par consequent, ne craigncnt pas la repre- saille du vol , et elle n'a rien h repondre a celiii qui aurait mis son bien en surete, tout en volant le bien des a litres. Cependant la loi morale qui defend le vol nous parait faite pour Job sur sa paille comme pour Job dans son palais ; et si un homrae refuse aux ouvriers qui le chaussent et I'babil- lent le prix legitime de leurs travaux , il ne nous semble pas raoins un malhonnete hcmme , lors meme que toute sa for- tune consiste en rentes insaisissables. Le systeme de Vinteref personnel n'offre done pas une base assez liirge pour tous les droits et devoirs de la propriete. § III. — Doctrine de Vinteret general. Venons a la doctrine de I'interet general. Dans ce systeme, })0ur justifier la division des proprietes, on fait remarquer que, par ce moyen , les terres sont rendues beaucoup plus productives, et qu'il est de I'interet general de ne pas les laisser entre les mains de la comraunaute entiere. Cette ob- servation est juste : en effet, ce qui est propre a tous n'est propre a personne, et I'interet particulicr nc stimulant pas le cultivateur , la terre rapporte pen , et les nombreux pro- prietaires sont mal nourris. C'est ce qu'on pent prouver par des exemples tires d'ouvrages recemment publies sur la Sar- daigne. Dans ceitaines contrees de ce royauine, les terres appartiennent en conimun k tous les babitans d'un village, chacun doit h son tour travailler le champ publip ; mais cha- ET DTI FAIT DE L\ PROPPJETE. 2 1 cim voit avec repugnance arriver le jour du triwnil. Ce la- boureur d'un moment, tounuentc par I'idee du grand nonibre d'hommes qui partagent les fruits du sol avec lui , pousse la charrue d'une main iudolente. Ne devant que tres-peu res- sentir les ameliorations de la culture, il est indifferent aux accroissemens de la recolte, et n'aspire qu'au moment oii un autre viendra le remplacer dans la corvee du labourage. On ne cultive qu'a pen pres ce qu'il faut pour suffire aux distri- butions de vivres ; on ne s'occupe pas d'obtenir im excedant qui puisse donner lieuhquelque reserve ou a quelqiieechange; beaucoup de terres restent en friche ; il n'y a point de com- merce ; et si I'annee est mauvaise, tout le monde souffre de la faim. Ailleurs, an contraire , la oil la terre est donuee a quelques-uns, et oii les autres vivent, soit de I'aide qu'iis pretent an proprietaire, soit de la transformation qu'iis font subir aux produits, aucun espace de terrain n'est perdu : les fruits sont plus abondans, les hommes sont mieux nourris et mieux vetus , et il reste presque toujours uu excedant qu'on pent echauger coutre les pi'oduits des elats voisins , d'ou il arrive que si I'annee est mauvaise on trouve a emprunter pour ne pas mourir de faim. II est done hors de doute que I'ulilite generale demande le partage des terres meme dans I'interet des hommes qui n'y out point de part. Mais a qui doit-on donner \e sol? C'est ce que le systeme dont nous parlons n'enseigne pas. Des que la terre est partagee, il est satisfait ; pen lui iiuporte qu'elle ait ete divisee entre les premiers occupans ou d'autres; pen lui import-e qu'elle soit derobee aux anciens possesseurs : on n'a rien a dire au voleur si celui-ci garde ce qu'il a vole, et n'en fait pas une propriete commune a tons. Cependant nous savons qu'uii proprietaire n'est pas legitime a ce seul titre qu'il empeche son domaine d'etre un domaiue public. Nous comprenons que cela ne suffit pas pour fonder son droit de u'ttie pas depos- sede. 2 2 DU DROIT II y a line loi par laqiiclle en fait la propriete arrive a tel individuplutotqu'a telanlre, ctlui arrive avecjnstice. Cctte loi n'est pasiin hasard capricienx corame le laissent croire Ics denx dernicres opinions que nous avons exposees, ni une usurpation dn premier occupant comme le pretendait la pre- miere. Les faits deraentent egalement ces doctrines, et d'aii- leurs , dans aucun de ces systeraes , la loi de la propriete ne nous parait juste et respectable ; il faut done la chercher ail- leurs que dans les explications precedentes. II. ESSAI d'uNE autre EXPLICATION. § ler. _ Broil cm travail. A ne consulter que la justice, il semble que la terre, u'etant chargeede fruits que par le travail de rhomme, devrait ap- partenir au travailleur : c'est a ce titre seul que la propriete nous paraitrait equitable et sacree. Or, si nous examinons les faits, nous trouverons les resultats suivans : -Jo Dans les socictes barbares uniquement organisees pour la guerre , la propriete appartient a la classe militaire qui a fait la conquete du sol et qui le defend par ses amies ; mais a mesureque I'organisation dela paix succede au gouvernement militaire, et que le travail et I'industrie se developpent , c'est vers le travail applique soit a la culture, soil a la transforma- tion des produits que marcbe la propriete, jusqu'a ce que, par des revolutions successives, clle s'y reunisse entiereraent. 'SP Dans une societe parvenue a un haut degre de develop- peraent, la propriete mobiliereegale et surpasseen importance la propriete du sol. En consequence il ne faut pas se laisser preoccuper uniquement par la propriete iminobiliere; la tcrre u'etant alors qti'unc valeur comrac les biens meubles et s'c- ET DU FAIT DE LA PROPRIETE. U3 cliangeant centre ces derniers , les homiues qui u'oiit pas Ic sol ontles bieiis mobiliers eii proportion de leur travail et les retiennent souvent meme par choix. En consequence , dans I'exaraen du droit de propriete, il faut placer les biens nieu- bles sur le meme niveau que les biens immeubles. § II. — Lefait conforme ai~ droit. Comment la proprietti inimobiliere va des guerriers aux laboiu'eurs. Dans I'organisation barbare des republiques grecque et romaiue , le travail le plus important pour I'etat est celui de I'epee. Avant I'agriculture passent la defense etla conservation de la terre. Ceux qui cultivent sont done subordonnes "a ceux qui combattent ; les premiers travaillent pour les seconds : cet etat de choses est salutaire et legitime an commencement des societes. Mais les guerriers qui en profitent sontinteres- ses a. le prolonger, et apres les guerres necessaires arrivent les guerres d'ambition et de conquete. Cependant les societes s'affermissent, la guerre n'est plus qu'un luxe, le travail de- vient une necessite , il prend de I'accroissement , et malgre les vains efforts des chefs de guerre pour retenir sous eux les travailleurs , ils se voient contraints de se relacher pen a peu de leurs droits. Alnsi chez les peuples anciens la classe mili- taire tient la classe des laboureurs dans I'esclavage. Celle-ci ne I'eserve rienpour elle des fruits qn'elle arrache a la terre. Le maitre lui accorde une avare nourriture : des olives tom- bees et du vinaigre , comme le present Caton, ce t}^e des vieux romain^ (1), ce sont la tons les droits de Tagriculteur. Mais le bras de I'esclave n'est pas nerveux, parce qu'il est guide par ime volonte etrangere. Dans cet etat violent, la terre deperit : I'ltalie ne suffit pas a nourrir son peuple peu (I ) V^oy. Ic trailc dc Re nislica. a'l 1)11 DROIT nonibreux; il liuit ii Rome le pain de la Sidle ft clcs autres pays tributaires de son glaive. Plus tard on sent Ic besoin (I'cncourager \c. travail , en accordant plus de bien-ctrc aux iruvailleurs. Cette revolution commencee par de uorabreux affranchissemens partiels, troidilee ensuite par I'invasion des barbares , ne s'accomplit pas moins sous ccs barhares eux- memes, quand ils se sont affermis dans leurs conquetes. An moyen age , les esclaves deviennent serfs , c'est-h-dire qu'on ne pent plus les separer de la terre qu'ils exploitent , ct ce n'est plus le niaitre qui s'empare de tons les fruits et nourrit les ouvriers bien on mal ; ce sont les ouvriers qui recueillent directeinent les produits et n'en donnent au maitre qu'une portion plus ou moins forte sous le nora de redevance feodale. La feodalite est dejh , comnie on voit, uu progres loin d'etre une decadence. La terre alors rapporte beaucoup plus , parce que le travail est plus actif ; les proprietaires ont ete anienes "a cette metamorphose parce qu'ils y gagnent , mais les tra- vailleurs y gagnent bien davantage. Cependant cela ne suffit pas encore. Les possesseurs des fonds retirent h la verite un plus grand profit de leur terre, mais ils finissent par se trouver relativement moins riches , dans une societe ou les produits bruts sont beaucoup plus abondans et oii les produits manufactures se multiplient sans cesse. II faut deraandcr de nouveaux efforts aux laboureurs et pour cela les interesser encore davantage au travail. Ils sont serfs, ils doivent encore de leur personnc des services qui genent et ralentissent leur ardeur ; ils ne peuvent disposer de tout leur tems , ni transmettre h leurs enfans le prix de leurs sueurs. On les dispense de la redevance personnelle, pour obtenir une redevance materielle plus considerable , ou uu prix de rachat paye comptant : c'cst I'abolition du servage. Bientot arrive I'epoque on les travailleurs traitcntde gre a gre avec le proprietaire. Jadis le maitre ne leur laissait cul- tiver sa terre que sous des conditions qu'ils ne pouvaient re- ET DU FAIT DE LA. PROPRIETE. 25 fuser ; maintenant les travailleurs debatteut le prix , et font leurs offres. Aux serfs out succede les fermiers : ce sout des hommes libres qui ont assez de capacite pour se mettre h la tete de TexploitaUon et en prendre la responsabilite. Les au- tres deviennent journaliers avec salaire. Les premiers se font conscntir paries proprietaires des emphjtlie'oses, des haux a locatairie ^ ce qui dansl'ancien droit etait deja regarde corame des co-proprietes ; et les seconds se font augmenter de terns en terns le prix de la journee de travail. Les travailleurs ob- tiennent alors de la terre un gain beaucoup plus considerable que le pessesseur du fonds. Ce dernier cependant I'etire de sa terre phis de profit que Caton n'en retirait de la sienue avec ses esclaves auxquels lien n'etait laisse. Mais il s'apercoit que son revenu, tout en nediminuant pas , ou meme lout en aug- mentant de valeur nominale , diminue de plus en plus de va- leur effective, parce que les ricbesses deviennent plus com- munes. II craint quele titre de proprietaire, dont il pare souvent encore sa signature, ne devienne bientot aussi illu- soire quele serait aujourd'bui le titre de possesseur de chei'al oude chei^alier, qu'on prenait avec orgueilcomme preuve de ricbesse dans I'antiquiteetaumoyen age. II crie k I'injustice, a. la cupidite ; il lutte contre les fermiers , comme autrefois les guerriers contre les esclaves et les seigneurs contre les serfs ; mais s'il n'accorde pas ce qu'on lui demande, les perfeciion- nemens ne se font pas ; il n'y a ni dessecbement des parties raarecageuses ni amenderaent des parties arides ; la terre se deteriore , lorsqu'il faudrait qu'elle s'ameliorat : alors il faut ceder et consentir k ce que celui qui travaille gagne plus que celui qui se repose. On passe les baux a long terme et meme quelquefois avec des conditions moderees. C'est ce qui est arrive pour tons les pays aujourd'bui bieri cultives ; c'est ce qui devra se faire pour diverses contrees de la Provence , du Comtat et de la Camargue dans notre midi , et pour la plus grande partie de I'lrlande on la culture est encore en souf- 26 DU DROIT France. Les feriniers dcvieniicnt alors plus riches que les pro- prietaires et ils peuvent acheier la terre du niaitre, on bicu ils appliqiient a rcxploitaliou cle formes nouvelles ce qu'ils out gagnesur les premieres, et alors c'est par cboix qu'ils ue sont pas proprietaires. En France aujourd'hui une foule de culti- vateurspossedent le fonds qu'ils exploitent ; les autres tienuent une partie eu ferme , et une partie en propriete. % III. Comment riiidustrit; cree une piopricite mobilicrc <]ui rivalise avec la propriele imniobiliere. Nous venous de voir comment le travail applique a. I'agri- culture acquerait toujours une plus grande part au fonds ex- ploite et creait une possession mobiliere que suivait enlin la possession immobiliere, si le travailleur le voulait. Ce der- nier rcsultat est egaleraent atteiut par le travail applique a la manutention des produits on par ce qu'on appelle propre- mentla fabrication on I'industrie. Les professions industriel- les chez les anciens etaient des professions serviles , c'est-a- dire exercees par des esclaves ; c'est qu'elles ne donnaient pas alors des produits bien riches, ni surtout bien nombreux. Plus tard , elles out aussi paye I'affrancbissement de ceux qui les exercaient; puis elles ontfonde les corporations et eufin la libre concurrence du travail. Nous avons vu dans ces pro- fessions s' clever des fortunes immenses , sans que I'industriel ait eu besoln de la propriete d'un seul pouce de terrain, et ces fortunes ont pu ensuite au gre du possesseur se metamor- phoser en possessions immobilieres. En cherchant la cause de cette richesse, creee par I'industrie au profit de I'industriel, nous trouverons que, si la terre est la condition premiere de toute espece de produits, puisque c'est die qui donue ie bois et la pierre des maisons, le metal des in- ET DU FAIT DE LA PROPRIETE. 27 strinnens, le fil ties etoffes, les vegetaux de 110s tables, et. qu'eii nourrissant les animaux , elle noiis procure leur chair el leiir toisoii •, cependant , quand le produit est transforme et converti a notre usage par Tindustrie, il acquiert line valeur bcaucoup plus considerable que celle qu'il avail auparavanl. Ainsi , une quautite de mineral necessaire pour former uii quintal de fer, evaluee en un produit qui sert de mesure a tous les autres , et qu'on appelle raonuaie , vaut 7 fr. 1 6 c. : transformee en fer; cettequantitede mineral vaut55fr.8oc.(l). Si on deduitde I'aiYfr. 78c., valeur du bois employe dans les fourneaux, il restera28fr. 91 c, valeur que le travail a ajoulee au produit brut du sol , c'est-a-dire que si le quintal de fer au lieu de s'ecbanger contre de Targent s'echangeait contre 55 mesures de farine , il y aurait 7 mesures pour le proprietaire de la mine, 17 mesures pour le proprietaire du bois, et 28 pour I'enlrepreneur du travail qui aurait fondu le minerai. On concoit done comment le travailleur pent devenir plus riche que le proprietaire. Mais suivez ce quintal de fer apres qu'il aura passe par les mains des autres travailleurs , c'est-a- dire par les ateliers de martinet , de fonderie , de fonte mou- lee, de tola, de fer-blanc, de fil de fer, d'inslrumens aratoi- res , ou de quincaillerie , et vous verrez qu'il aura acquis vme valeur bien plus eloignee encore de sa valeur primitive ; c'estle travail qui la lui aura donnee , c'est le travail qui en profitera , et qui , dans I'echange contre un autre produit , recevra la plus grosse part. Void d'autres exeuiples : le colon que I'Europe tire des dlfferenles parties du monde vaut dans le pays producleur -170 millious ; par le seul travail du trans- port en Europe 11 acquiert une valeur de 270 millions , et apres le tissage il se pale i ,269 millious , c'esl-k-dire plus de (1) Prix dii quintal dc fer en \ 825. Voyez 3Icmoires sur ks luines 11 fer de la France , par M. Heron de Villefossc , consciller d'etat. 28 DU DROIT liiiit fois ce quil a valii sur le sol (i). Si le paclia d'Egypie ([ui cullive lo cotoii fait sa fortune, les fabricaiis d'Europe feront hiiit fois la leur, Enfin , dans I'enquete dirigee par le parlement d'A.ngieterre en 1825, sur riudiistrie anglaise et francaise , on lit h rinteiT(^atoire de riiigenienr Galloway que, dans nne machine a vapeuv qui vaut 800 livres sterling, la valeurdu fer on du produit territorial employe est de 50 livres, c'est-a-dire d'un seizieme ; et ailleurs , cet ingenienr avance que le prix d'nne machine delicalement travaillce est a pen de chose pres le prix de la main-d'oeuvre. Aiusi le sol et le travail sont les denx elemens de toute production ; mais ils concourent inegalement a la valeur du produit. A la nais- sance des societes , quand les maisons sont des arbres coupes, la vaisselle de la terre grossierement petrie , les vetemens des pKiux ecorchees, etc., on concoit que le proprietaire du sol possede la j^lus grand e source de richesse , s'il y a I'icliesse alors. Mais des que la societe avance en age et en stabilite, rintelligence se developpe , les gouts devieiuient plus delicats: les maisons veulent etre mieux closes et demaudent des formes elegantes , les depouilles des auimaux ne sont plus grossiere- ment jetees sur nos epaules, le cuir est lisse pour la chaus- sure, la toison est filee pour les habits , les vases sont facounes par le ciseau du sculpteur , ou nuances par la palette du peintre. Cesembellissemens, qui n'etaient le partage que d'un tres-petit nombre chez les peuples anciens , se repandent de proche en proclie, et chaque jour appartiennent a une classe plus nombreuse ; enfin les methodes de culture sont perfec- tionnees •, la terre, a Vaide du travail et de I'intelligence, pro- duit plus et produit mienx ; et c'est alors que le travail est nne source de richesse plus abondautc que le sol. M. Charles Dupin, dans sa comparaison du nord et du midi de la France , 'J ) V^oy. Menioirc lu a I'Acad^mic des sciences par M. Moreau dc Jonncs, Mir le coinuR'icc drs colons. ET DII FAIT DE LA PMOPRIETE. 29 a moiitre que la premiere region, avec im territoire bcaucoup raoins etendu que la secoude , a plus de cereales , plus de chevaux , plus de boeufs , etc. . ., et en consequence avec inoins de terrain est plus proprietaire que I'autre , puisqu'elie possede plus de richesses. Cela vient de ce que cette contree applique plus de travail et d'iutelligence a la culture et a I'industrie ; par la, elle jouit d'une richesse beaucoup plus considerable en tons genres ; elle a de meilleures maisons , de meilleurs che- mins , de meilleurs babits , de meilleurs alimens ; paie plus facilement des contributions plus considerables , et se trouve ainsi fournir plus de ressources a I'etat et plus d'aisance a des habitansplus nombreux. Une petite Flandre vaut deux grands Languedocs. Ainsi le travail applique soil a I'agriculture , soit a I'in- dustrie, cree des valeurs qui I'eraportent toujours de plus en plus sur la valeur du sol , et les proprietaires qui ne travail- lent pas se trouvent dajis une progression decroissante de ri- chesse. Heureux celui dont les domaines ne seront pas en- chaines par des substitutions ou qui aura le gout et le talent de les exploiter par lui-meme. Pour ne pas perdre leur in- fluence bcaucoup de seigneurs anglais , de dues territoriaux qu'ils elaient , sont devenus dues industriels. Les uns out pris des actions sur des entreprises de commerce, et soccupent d'en surveiller I'adininistration-, les autres ont etabli des ca- naux. sur leurs tenes, et sesont i'aits ainsi de veritables entre- preneurs de transport par eau ; enfin ils ont sauve par I'in- dostrie, dans une societe industrielle, la fortune acquise a leurs aieux par la guerre , dans une societe guerriere. En France, long-terns avant notre revolution , la noblesse , c'est-a-dire les beritiers des proprietaires par droit de conqucte, offrait une multitude de gentilshommes indigens, autour de cinq a six families opulentes , dont les biens avaient meme eu besoiu d'etre renouvelesplusieurs fois. Car,comme le ditM. de Sismondi, dans son Histoire des Francais, aiicune famillc n'a 3() DU DROIT pn protiver qu'ollc existait dojh du tenisdc Charlemagne , et aii- ciiiie u'a pu produire des litres de propriete qui remontassent jusqu'aux teins de ce prince (i). Aiijourd'hui les plus hautes fortunes que nous ayons sous les yeux out ete fondees par le travail ; ct parmi le^ pairs de France , coux qu'on pent regar- der comme riches sont raaitres de forges ou chefs de manu- factures. An point de developpement industriel on nous sommes arrives, les terresne sont plus que comme de grandes usines a mettre en rapport : ces usines etant un element necessaire de la production entrent pour quelque chose dans la valeur du produit , elles ont consequemment uue valenr en elle- meme. Mais cette valeur ne differe en rien de celle des ma- tieres premieres qui sont egalement necessaires h la production, ou de celle des capitaux monnayes qui representeut ces ma- tieres premieres. Le travailleur qui ne pent rien produ re avec rien loue une terre ou des capitaux , c'est-a-dire qu'il s'engage a remettre au possesseur du fonds sur leqnel il travaille uu benefice egal h la quantite pour laquelle ce fonds entre dans la valeur de la production. Cette quantite varie comme nous I'avons vu et diminue h mesure que le travail devient plus perfectionne, c'est-h-dire a mesure que le travail entre pour une plus grande portion dans la valeur du produit. De fa doit venir une diminution progressive du prix de location des terres ainsi que des capitaux ; et en effet , si nous avons vu la part du proprietaire decroitre de plus en plus , nous voyons aussi' qu'aujourd'hui les capitaux ou matieres premieres se louent "a 6 pour cent, tandis queCaton, dont nous avons deja parle , les louait a 48 pour cent , et cela loyalemenl , puisque Ciceron , pour avoir en Sicile ramene I'interet legal au taux de Caton , fut regarde comme le bienfaiteur de ce (1) TomeII,pag. 275. ET DIJ FAIT DE L\ PROPRIETE. 3 1 pays. On comprend alors (jiie par la suite des tems le tra- vailleiir, rccevant la plus grande part du benefice , puisse en araasser une quantite assez considerable pour egaler la valeur de la terre ou des capitaux qui lui sent necessaires, et ponr acheter la propriete de ceux-ci; a moins qui! n'airae niieux continuer d'en payer la location et employer le prix qu'ils coiiteraient h I'extension deson iudiistrie. Cependant lorsqu'il vent se reposer il rassemble son benefice , c'est ce qii'on ap- pelle re'rtfo^r ; il le pi'ete a son tour, sous forme de terre, d'usine , de batiment ou d'autres capitaux , de meme qu'on lui a prete au commencement de sa carriere , et alors il ne recoit plus que la valeur pour laquelle ses capitaux entrent dans les produits fabriques par le travail d'un autre. II se trouve a son tour soinnis a la progression decroissante de la valeiu- des proprietes; mais le tems est venu de se reposer, et ses fils travailleront, s'ils ne veuleut pas voir diminuer leurs richesses. Tel est I'ordre naturel des cboses etl'etat normal de la societe : d'un cote, les matieres premieres, en comprenant le sol sous cette denomination ; de I'autre, le travail : voila les elemens de toute production. La plus grande partie du be- nefice va au travail , et ce benefice se change en matieres pre- mieres et en sol ; le sol et les matieres premieres devront done ne se trouver k la longiie qu'entre les mains de ceux qui tra- vaillentou qui out travaille autrefois. Or, si nous considerons la France , nous verrons que tel est "a pen pres I'etat de ce pays. II est bien peu de proprietes foncieres qui remontent , je ne dis pas a la conqiiete primitive des Francs, mais meme a cette seconde conquete si voisine de nos jours qui fut executee par les porteurs d'assignats. On ne trouve presque pas de propriete qui, depuis, nait plusieurs fois change de mains, et n'ait ete achetee sa valeur par le proprietaire actuel ou ses auteurs , c'est-a-dire qui n'ait ete echangee contre des capi- taux mobiliers, fruits du travail. Les eufans des proprietaires actuels jouissent d'une valeur acquise par leurs peres ; mais 32 DII DROIT comiiie par la suite cette valeiir s'avilira de toule ccllc que gagnera le travail, si ces eiifans ne travailleut pas, ils se trouveront moins riches et "a la iiierci des travaillans. La meine loi qui a conduit la propriete dans les mains de I'aieul la fcra sorlir de cellos des petits-lils pour la reunir encore au travail. La terre, dans un etat de societe aussi perfectionne que le notre, n est done, coninie les autres maliferes premieres ou ca- pitaux , que le fruit du labour et I'apanage present ou a venir du travailleur. On a vu par les faits qui precedent que les biens meubles et immeubles remplissent lui role semblable et ont une valeur egale. Ceci confirme notre seconde observation sur la rivalite de la possession mobiliere et de la possession immo- biliere , et sur la necessite de ne paa se laisser preoccuper uni- qucment par la derniere dans I'examen de la propriete en ge- neral. Dans les sorietes barbares , quand le travail et I'iiidus- trie sont presque nuls , la terre , ainsi que nous I'avo.vis dit , joue le plus grand role. Aumoyenage, on regarde comme an peche la location des capitaux ou ce qu'on appelle I'inte- ret de I'argent ; si quelque negociant se niontre par hasard dans ce terns, on le prcnd pour un voieur et on se croit en droit de le ranconner. C'est le traitement que faisaient subir les barons aux banquiers et aux raarchands ; aujourd'hui les banquiers et les marchands sont faits barons. Les fortunes les plus considerabltjs que nous connaissions de nos jours sont en grande parlie mobilieres, et les possesseurs n'en sont ni moins heureux ni moins puissans. Le vol est de nos jours tout aussi nuisible et tout aussi coupable que I'expro- priation. Laseule difference qui existe entre la richesse mobi- liere et la ricliessc immobiliere, c'est que Tune est plus divi- sible et que I'autre se proporlionne mieux aux petits travaux. Voila pourquoil'DUvrier n'cst pas proprietaire. 11 creccbaquo jour de petits produils et recoit en ecJjange de petiles valeins qui nepeuvcnt etre queuK^bilieres , puisqiie ces dernicres pen- ET DU FAIT DE LA. PROPRIETE 33 vent seules se diviser presqu'k Tinfiui , sans cesser d'exister , tandis que la terre irop divisee ne seiait plus uue valeur. Comine les besoins de chaque jour einpecheut I'ouvrier d'ac- cumuler sou benefice, il ne pent guere rechanger contre une possession immobiliere : au contraire, un entrepreneur de travaux , tel qu'im architecte, un cbef de manufacture, un maitre de forges qui dirigc Tensemble de la production , et par consequent rend plus de services que I'executeur des details, a necessairement plus de part dans les benefices ; il est pave en grosses sommes qu'il pent inimobiliser ou changer en im- meubles. Chez le premier, le produit du travail est un petit ruisseau qui coule rapidement et n'a pas le tems de deposer ; chez le second , c'est un large fleuve dout la marclie plus lente cree des alluvions et des iles. Mais, si I'ouvrier place une piece de cinq francs "a la caissed'epargne, il peutla considerer comme une petite terre qui lui rapporte des fruits ; il prete uu petit fonds comme son maitre prete de grandes terres : on leur paie a I'un et a I'autre une location qui est en proportion de ce qu'ils ont prete h I'industrie d'autrui. Leur possession est absolument semblable , et ne differe' que de quantite et de mobilite. II ne faut done pas que ceux qui n'ont point de terre se croient fondes a se plaindre de I'inegalite du par- tage. Dans le plus grand nombre de ces cas, chacun pos- sede selon son travail. Un metier peut valoir une terre et bien davantage. Mais les travaux de direction deman- dant plus de capacite que les travaux de detail , il est juste que les premiers soient mieux retribues. L'architecte doit gagner plus que le macon et le banquier plus que le remouleur. Voila pourquoi , malgre quelques anomalies, malgre quel- ques traces de fortunes mal acquises , la propriete est respec- table ct rcspectee. Dans la plupart des cas, elle est le prix du travail , et Ton sent que dans tons les autres elle tend a le de- venir. Le droit du proprietaire est une suite du principe de TOME L , AVRIK ]83l . 5 34 Dl' WKOIT nuhitcct lie dcnu'i'lto. Celui quia boaucoup travaille nicrite iVetie beaucoup reconipeiisi';. § IV. — Da droit de transmission. C'est encore a litre do recompense qn'il est permis au pro- prictaiie tie transmettre ses richesses a ses eufans. Ce droit qiHMi lui accorilene porleaucun prejudice aux autres homraes, car la fortune qu'il possede est Tequivalent dc ce qu'il a cree par son travail ; elle est son oeuvre et non la part d'aulrui. II a ajoule a la masse, loin d'en rien retrancher. C'est ce que ne faisaitpasleproprictaire suivantla doctrine du premier occu- pant. Danscesysteme, onnepouvait s'enrichir sans appauvrir les autres. Au contraire, le travail , qui seul eleve aujounl'liui les fortunes, laisse toujours apres lui , soit de nouveaux im- meubles qui proviennent de constructions ou de defricliemens, soit de nouveaux biens meubles , fruits des transformations quele travailleur a fait sidjir aux produits du sol. Mais , dira-t-on , le travail serait una source equitable de richesses si tons les hommes partaient du meme point. Or, les mis naissent au sein de la fortune , ils ont des leur debut de I'instruction et des capitaux ; les autres u'ont par leur nais- sance que de I'ignorance et de la miscre , et ne sont pas a portee de rcudre les niemes services que les premiers. Nous reconnaissons que les hommes naissent inegaux en fortune , c'est-a-dire avec une quantite inegale d'elemens de produc- tion, mais ils naissent aussi inegaux en intelligence, comme inegaux en beaute ; c'est la un mystere entre Dieu et Thomme. La socicte n'y pent rien; clle ue paie que les services qu'onlui rend. Les enfans des riches profuentdes travaux pa- ternels ; c'est un malheurpour les enfans des pauvrcs que leurs peres aient moins bien travaille ; mais on ne peut verser dans leursmains des richesses creces par d'autres families. D'ailleurs, tout honune avec de T intelligence et du zele trouve du ere- ET DTI FAIT DE LA PROPRIETE. 35 dit , et a voir le nombre considerable de gens qui , avec rien , font fortune , ou qui , avec beaucoup se ruinent , il n'est pas bien certain qu'on ait droit de quereller la nature , et que ceux qui restent en arriere ne ledoivent pas, les unsk leur incapa- cite , les autres k leur defaut d'audace, ceux-ci a leur pa- resse , ceux-lk a leur govit pour la vie contemplative. On s'e- tonnera , par exeniple , que tel savant qui a profondement me- dite sur la richesse des nations aille k pied lorsque passe en voiture un ignorant qui ne sait pas un mot de la theorie des ricbesses. Mais c'est que le savant ne s'est peut-etre jamais mele de creer ces valeurs dont il connait si bien Torigine et la distribution, c'est qii'il n'entendrait peut-etre rien a la direc- tion des ouvriers, et qu'il aurait peut-etre un profond degoiit pour la fumee des fourneaux et les exhalaisons des usines. Le proverbe « II reussira , t'est un sot » , s'entend d'lin sot en fait de litterature ou de beaux-arts , mais non pas d'un sot en fait de production. Nous ne voulons pas dire cependant que des evenemens malheureux n'aient pas quelquefois ren- verse de sages et d'habiles entreprises , mais c'est la I'excep- tion et non la regie. II suffit que chaque fortune ait ete fondee par xm bomme habile dans le genre de travail qu'il avait adopte pour que la propriete soit legitime. Or, c'est ce qui a lieu dans laplupart des cas. § 5. — Resume et conclusion. En resume, le travail est, dans I'etat de civilisation au- quel nous sommes arrives, la seule cbarte qui nous investisse de la propriete soit mobiliere soit immobiliere , le seul sei- gneur qui concede des fiefs, et ses domaines sont inepuisa- bles; en quelque tems que viennent les hommes, qu'ils se consacrent aux besoins des corps ou aux besoins des intelli- gences, ils recoivent le prix de leurstravaux. Dans les siecles barbares ou par necessite les societes recoivent luie organisa- 5. 36 DU DROIT tioii militaire, la propriete appartient aux gucrricrs ; sitotque les etats se sout affcrmis et que le travail sc dcveloppe , la propriete appartient aux travailleurs. Ce phenomene est d' ac- cord avec I'interet general et la justice ; et Ton decouvre tou- jours I'alliance du fait et du droit dans les grands evenemens de Vhistoire. Car, comment se pourrait-il faire, d'lui cote que le genre huniain eiit si long - tems marche centre son interet , et de 1' autre que la justice fut contraire a I'interet de tons? Tant que la societe est menacee dans son existence, il est de I'interet comraun et par consequent il est juste que les gens de guerre passent avant les gens de culture et de com- merce : la question est d'etre on de n'etre pas ; mais des qiie les peuples n'ont plus rien a craindre les uns des aulres, on s'apercoit alors que ce qui fait vivre c'est le travail , la loi en est partout ecrite sur ces campagnes chargees de moissons , sur ces prairies ou paissent d'utiles animaux , sur ces arbres pares de leurs fruits, sur ces demeures "a I'epreuve des in- temperies , sur ces vctemens appropries aux saisons ; que le travail cesse , la terre est envahie par les marais ou les sables ; les herbes sauvages se dressent a la place des plantes salu- taires ; les arbres se couvrent de maladies, et donnent des fruits aigres ou meurent ; les maisons voient s'entr'ouvrir leurs toils, les babits tombent en lambeaux. Le travail est done reconnu corame 1' element le plus utile de !a societe ; il importe a tous qu'on I'encourage , il est juste qu'on lui abandonne les pro- duits qu'il a crees. La question de la propriete nous parait ainsi complete- ment resolue. Des divers systemes que nous avons exposes , I'uii , en montrant que la division des proprietes est utile, n'indiquait pas qui devait etre proprietaire ; I'autre , sans donner plus d' explication sur ce sujet , ne voyait dans ceux qui respectent la propriete que des gens qui craignent les voleurs ; le troisieme , en donnant tout aux premiers fils de la terre, n'etail ni juste ni exact. II fallait s'expliquer com- ET DU FAIT DE LA PROPRIETE. Sy meat taut de gens arrives mis ici has laissent en partant do si riches depouilles, qui cependaat ne proviennent ni d' usur- pation ni de la liberalite d'autrui; la propriete fondee sur le travail est seide en harmonie avec les faits et la justice. Nous avons vu comment la terre fuiit par se joindre a la main qui la cultive et comment les valeurs creees par le travail , soit agricole,soit industriel, I'emportent toujours deplus en plus sur la valeur de sol. Travaillez , preiicz de la peine C'est le fonds qui manque le moins. Adolphe Garnieu. IDEES SUR LES R^FORMES fiCOIVOMIQUES , r.OMMERCIAI.F.S ET FINANClJiRES APPLICABLES A LA FRANCE. SECOND ARTICLE. ( Voyez cahier de mars 1831 , p. 475.) Du commerce cxterieur de la France. Apres avoir donne , dans notre premier article , un apercu sommaire des avantages que la France pourra retirer , pour ses relations interieures, d'un systeme complet de chemins de fer, nous nous proposons d'exposer ici quelques vues sur les developpemens prorais a son commerce exterieur. Quoique partisans des theories de la liberte du commerce, nous croyons h la necessite d'une sage protection pour Tin- 38 IDEES (lustrie nalionalc; cosmopolites par principe et j)leiiis dc foi ilans I'utopie tie la paix eternelle, nous uepouvons cejieiidanl nous persuader que, dans I'etat actuel du globe, inie nation agit prudemment en demolissant ses forteresses et en negligeant tons ses moyens de defense. Nous comprenons fort bien les heureux eiTets de I'abolition des tarifs provinciaux, en France, inais nous ne pensons point que I'abolition des tarifs ^tablis sur les frontieres de nation a nation fiit egalement conseillee par une saine politique. La liberte du commerce et la paix perpetuelle sont, a ce qu'il nous parait, deux principes qui reposent sur la meme base et qui sont intimement lies : ellcs ne seront possibles toutes deux que lorsque la civilisation , la condition politique et I'industrie des nations seront tellenient avancees , seront devenues tellement semblables que leur union puisse etre utile k chacune d'elles , comme celle qui exisle aujourd'hui entre les vingt-quatre etats de I'Amerique du Nord leur est a tous avantageuse. En attendant, I'homme d'etat pratique , voyant des dangers reels dans I'abandoa d'avantages certains et d'une securite presente pour la recherche d'un avenir douteux, ne doit pas etre tenu d'obeir k des theories , lesquelles presupposent ini etat de clioses qui n'est pas encore etabli. On pourrait ecrire des livres , et Ton en ecrira sans doute , pour faire apprecier I'imraense difference qui separe les theo- ries telles qu'elles sont , de la pratique telle que I'etat actuel du monde I'a faite. II nous suffit, pom* le but que nous nous proposons aujourd'hui, de presenter un seul argument, alin de demontrer combien il serait imprudent de prendre conseil des theories sur la liberte du commerce, sans avoir egard aux circonslances de tems et de lieu. Les papiers anglais nous annoncent que la France et I'Angleterre sont sur le point de c:onclure un traite commercial. Les theories apprennent que ces deux pays retireraient d'immcnses avantagesd'un echange mutuel de leurs produits ; si I'Angleterre excellait dans certains SJIR LES REFORMES ECONOMIQUES. Sg articles , la France remporterait sur d'autres ; si la France devait meme perdre une partie de sou Industrie niauufactu- riere, elle gaguerait iucomparablemeut a une plus grande exportation de ses vins et de ses eaux-de-vie. L'homme d'etat peut approuver ce raisonnement , et cepeudant se refuser a en realiser les consequences. Qui me garantit , demande-t-il , que I'Angleterre continuera h vivre eu paix avec la France , et quelles seraient les suites d'uue guerre eclatant tout-a-coup entre ces deux pays? Des garanties, repond-il, il n'y en a aucune : un cliangement dans la politique generale de I'Eu- rope , cbaque nouvelle vacance du trone , une autre compo- sition du parlemeut , cliaque modification du niinistere peut amener la guerre, douze mois apres la conclusion du traite; et les resultats en seraient bien differens pour les deux pays. Pendant la duree des transactions libres , les capitaux sura- bondans , I'babilete superieure et les avantages naturels que possede I'Angleterre auraient enleve a la France une grande partie de ses fabriques de coton , de laine et de fer ; il faudrait des annees pour reparer les domraages causes en quelques mois. L'Angleterre , an contraire, pourrait cherclier des vins dans d'autres pays, et n'eprouverait aucune perte. A I'appui de sou opinion , I'bomme d'etat cite le traite conclu en i 786, et ses funestes effets pour la France. II est vrai , ajoute-t-il , que ceite crise contribua puissanunent a la revolution de i 789, et servit ainsi favorablement la cause de la liberte ; mais les memescalaraites, produites aujourd'hui par les niemes causes, auraient pour solution probable la ruine de la liberte. Regar- dez, en effet, autour de vous: quels sont les principaux sou- tiens de I'ordre de clioses actuellement etabli? les manufactu- riers. Eh bien ! que pourrait desirer le parti contre-revoiu- tionnaire si ce n'est des mesures qui compromettraient toute I'exislence economique de celte puissante portion de la popu- lation francaise? Les homines sages altendront done pour songer a I'aboli- 4o IDEES fion (111 systemc restrictif , que I'indiistrie francaise, par I'ac- c umula lion des cap itaux, par la jouissance d'une plcinc li- berie , par line experience et iine habilete superieures , et sur- toiit graces aux ameliorations interieures que nous avons signalees plus haut , ait acquis asscz dc force pour soutenir la concurrence contre un pays plus favorise par sa position geo- grapliique, par son immense commerce avec toutes les parties du globe , que son heureuse destinee a place uu demi-siecle en avant des contrees continentales, etqui nepeut quegagner, sansrisquer rien, h la libre concurrence. Mais si noire ferme conviction est que la France ne pent, sans de grands dangers et des pertes immenses, modifier, des "a present , son systemc de douanes quayt aux manufactures, nous pensons tout autrement pour ce qui regarde les denrees de premiere necessite etles materiaux bruts de I'industrie.On peut justitier relevation des droits, dans le cas seulcment on il s'agit d'assiirer les marches interieurs a I'industrie du pays, comine une digue contre I'iuondation etrangere, comme un (itai destine h soutenir i'arbre joune encore, jiisqu'a ce qu'il puisse se tenir debout sur ses racines ; comme un stimulant enfin et une garantie du developpement progressif de cette Industrie : mais ces argumens ne peuvent s'appliqiier h I'a- griculture. Etd'abord, nul ne nie aujourd'hui cette verite que le norabre des habitans s'eleve dans un pays en raison directe de la quantite de vivres et d'autres objets necessaires a la vie que cette contree peut acquerir : ainsi , en prohibant I'impor- tation de ces objets , on arrive , a la longue , non pas a effec- tuer une augmentation sur le prix des prodnits fraucais, mais seulement a restreindre le bien-etre et raccroissement de la population. Dcplus, loute importation nouvelle de vivres ou de materiaux bruts, en necessitant une exportation propor- lionnee de marcbandiscs franraises , soit agricoles , soit manii- lactnrieres , en aiigmentant ainsi le uombre et les salaircs des productcurs, offrirait a ragiiculturc des stimulans quelle n'a SUR LES REFORM KS ECONOMIQUES, 4* point sous I'enipire du systeme prohibitif. Des exemples eclair- ciront mieux ce raisounemeiit. La France achete aujonrd'hui 7 a 8 millions de livres de tabacs etrangers. Sa consomraation totale, avant I'etablisse- ment d'une regie, montait a quelque chose de plus qu'une livre par tete, terme moyen ; aujourd'hui elle ne s'eleve guere qu'h 5/16 kilogrammes. Dans les departemens frontie- res, oil les prix out ete baisses, afin de prevenir la contre- bande , elle est de 1 i/i 6 kilogrammes par tete , terme moyen ' . Le tabac du Maryland , qui , a Baltimore , se paie 5 h 8 sous la livre , est detaille a Paris an prix enorme de 7 francs ^ /2 la livre. Si la regie etait supprimee et si Ton etablissait un droit convenable sur cette denree, afin de couvrir les pertes du fisc , le meme tabac pottfrait etre vendu h 2 fr. la livre; la consommation s'accroitrait des lors incoiitestablement , de 2 livres par tete , ou d'liii total de 64- millions de livres. Pour balancer cet accroisseraent dans leurs exportations , les Etats-Unis prendraient des soieriesfrancaises, des vins, des eaux-de-vie , des articles de mode et de fantaisie ; et la France , fournissant a son tour aux pays qui I'avoisinent du tabac manufacture, verrait s'elever de nombreuses fabriques par- ticulieres, beaucoup plus actives que nel'a jamais ete la regie. Le montant total des articles exportes en echange des tabacs americains, et pour le paiement de I'industrie interieure ap- pliquee a la fabrication des tabacs qu'on destinerait a la con- sommation et a la reexportation , reuni aux depenses de fret et aux profits mercantiles , peut etre evalue avec certitude a ^ fr. par livre, c'est-h-dire a. un total de 64- millions. En es- timant la production moyenne dune famille a 1000 fr. par an , cette industrie emploierait 64-,000 families ou 520,000 individus , qui , par leurs demandes des produits de I'agri- culture, procureraient a cette branche des encouragemens (I) Ghaptal , Dc rimhistiie Jiaiic., t. I, |i. lii't. 42 IDEES plus grands que ceux qui resulteraient de I'cxclusiou des ta- bacs etraugcrs et de la conversion des champs de bleeii champs h tabac. L'agriculturc francaise trouvc uiie protection suflisante dans la consomraation assurce faite par 32 millions d'indivi- dus ; pour elle , le stimulant le plus efficace , c'est Taccroisse- ment du nombre des nianufacturicrs;ce sont, en consequence, les facilites offertes a Texportatlon des objets manufactures , echanges du reste contre les articles que le pays n'est pas en mesure de produire avec avantage. La France ne pent consa- crer ala production des grains qn'un arpentpartete (1). Enga- gera detourner de leur eniploi une partie des terres qui four- uissent aujourd'hui cettc premiere necessite de la vie, pour y entreprendre la culture d'un article de luxe, remarquable par sa tendance a appauvrir le sol , serait done une raesure con- traire a ses plus precienx intcrets ; car du meme coup elle restreindrait , pour les contrees etrangeres , la possibilite d'a- cheter les produits des manufactures francaises , et dimi- uuerait les moyens de subsistance offerts par le pays aux raanufacturiers. Les Etats-Unis ontcomrais une erreur tout-a-fait semblable en imposant des droits eleves sur les eaux-de-vie francaises. En ce qui concerne I'ntilite, s'il est possible de prouver que le tabac est, pour les Francais , une superfluite, on est en di'oit d'affu'mer aussi que les Aniericains peuvent se passerdcl'eau- de-vie francaise. Mais reconomiste considere tontejouissance qui n'esl pas contraire a la morale comme un stimulant du travail et de la production , et prefere le luxe meme a la pa- resse iJjsolue. Ceux qui font usage de tabac doivent s'efforcer de produire quelque chose dont I'echange puisse leur procu- rer cette denree; il en est de meme des hommes qui aux Etats- Unis tienneut a boire de I'eau-de-vie. Si Ton parvient afaire (1 ) Bulliitiit UiwerscL : scclion dc jjiiojiraphic Mai \?\oO , ]>, 203. SUR LES REFORMES ECONOMIQUES. 43 rencherJr ces deux objets de telle sorte qu ils soieiit hors de la portee de la masse du peuple , la consomniatioii et par consequent le stimulant de la production sont restreints des deux cotes , a leur niutuel desavantage. Les Etats-Unis ont derniereraent reduit les droits sur les vins fraucaisde moindre qualite a 15 ou 10 centimes par gal- lon (o bouteilles), et les droits sur les vins plus precieux a 1 dollar on 50 centimes ; mais selon nous ce tarif est encore trop eleve pour des articles que cette contree devrait eucou- rager de toutes mauieres. Cependant la consommation s'est Leauconp accrue par suite de celte rednction , et les vins de France ne pourraient manquer de tronver, avec le tems , uu immense marche dans ces pays, si les Francais, comme ils ont conunence a le faire, s'occupaient plusd'une part a satis- fairelegoiitdesAmericains, de I'autre s'ils voulaient faciliter a ces derniers les moyens d'acheter en leur offrant une voie d' exportation pour leurs produits. Nous ne pouvons dire si les Americains pourraient apporter en France des jambons , du lard et du suif , articles que leur pays possede en abon- dance ; mais certaineraent jusqu'ici les droits francais sont beaucoup trop eleves. En important ces articles en France, cepaysauraitalespayer en denrees qui lui sontpropres, d'oii resulteraient des benefices assures pour ses manufactures et sou agriculture, qui, en prenant plus de developpemcnt , accroitraient les moyens de subsistance et le bien-etre de la population, C'est encore un sujet digne de consideration que la ques- tion de savoir s'il est d'une saine politique pour la France d'exclure les produits des pecheries araericaines au moyen de droits proliibitifs. Nous ne discuterons pas cette mesure quant aux rivaux maritimes de la France ; mais nous sommes portes a croire que la France a le plus grand interet a voir prosperer la marine americaine , et par consequent a favoriser les peche- ries des Etats-Unis. Gar la situation geograpliique de la 44 IDEES France, les gout et les habitudes de ses habitans )ie peiivent pennettre d'esperer que sa marine soit jamais assez puissante pour proteger seule la liberte des mers ; ellc doit done se rap- proclier le plus possible du pays qui possede les plus grandes chances de dcvenir un grand pouvoir maritime , et dont la constitution politique est telle qu' elle offre par elle-meme la garantie la plus certaine que ce pouvoir ne sera jamais em- ploye dans lui autre but que la defense des droits des nations. M. Say dit, dans sonEconomie politique prat.^ t. ii, page 403 : « Si la France ne donnait point de prime aux pecheurs de morue , qu'arriverait-il ? que les Americains apporteraient ce poisson aux consommateurs francais , qu'ils le leur fourni- raient a un prix inferieur a celui qu'on le leur fait payer a pre- sent , qu'ils acheteraient en retour des produits francais , et la France ferait un commerce avantageux , an lieu d'un com- merce qui donne de la perte. On pent dire , malgre le para- doxe apparent , que la France gaguerait sur la peche de la morue, si elle ne la faisait pas. On vent par Ta , dirait-on , multiplier les matelots pour la marine militaire. Le moyen me semble dispendieux. Si les batimens francais qui font la peche de Terre-Neuve peuvent tous les ans fournir a la ma- rine militaire onze cents nouveaux matelots , c'est beaucoup , et je crois ce nombre bien au-dela du vrai. Neanmoins a ce corapte , et d'apres ce procede , I'etat paierait a chaqne mate- lot mille francs d'engagement, puisque la prime qu'il paie dans ce but s'eleve a 1,i 00,000 fr. Les marins se forment dans la marine marchande. » L'importance du commerce entre la France et les Etats- Unis en general, tel qu'il existe, a toujours ele mal appreciee par les Francais , et jamais on n'a considere cetle question sous le rapport des probabilites d'accroissement qu'offre I'a- venir , si Ton profile avec soin des circonstances. Les Etats-Uuis vienneut chercher en France la plupart de leurs articles demode, de leurs soierics, de leurs vins, de SUR LES REFORMES ECONOMIQUES. 4'> leurs eaux-de-vie , et la quantite de leurs importations a tou- jours ete en rapport avec celle des exportations qu'ils poiivaient diriger vers la France. Remarquons bien que le marche des Etats-Unis, pour les denrees francaises , est plus sus- ceptible d'accroissemcnt qu'aucun autre marcbe du monde. Dans cettc contree , la population double tons les 50 ans ; sa prosperile et consequemment sa faculte de consoinmer des articles francais double tons les 15 k 20 ans. Dans 90 ans , il y aura , sur ce continent , une population de 100 mil- lions d'bommes qui pourront consoramer ^0 K 15 fois autant de marcliandises francaises que la population acluelle. L'in- fluence du nord de I'Amerique ue pent manquer de dominer sur toule la surface du continent meridional , et elle approvi- sionnera des-lors tous'les marches de celui-ci avec des mar- cliandises francaises. II y a toute probabilite que le marcbe americain, s'il est conserve par la France, avec son accrois- sement naturel , deviendra , avec le temps , plus important que tons les autres marches reunis. Mais pour le conserver, il faut qu'on se garde bien de forcer les Americains a ciJtiver la vigne , h fabriquer eux-memes les soieries et les articles de mode qui leur sont necessalres , de meme que I'Angleterre, par une politique fausse et etroite , les a forces a manufacturer leurs fers , leurs tissus de laine et de coton. La France doit admettre leurs produits moyennant des droits moderes, abolir sa regie du labac , et favoriser ainsi Tagriculture ame- ricaine de telle sorte que son interet I'obligea encourager, par I'abaissement du tarif, Timportation des objets que la France pent lui offrir en echange de ses produits. Plus I'Angleterre cherchera a se rendre independante des Etats-Unis , pour ses provisions de coton et de tabac, plus il importera a ceux-ci d'accroitre leurs rapports commerciaux avec le continent europcen : plus ils s'efforceront en conse- quence de faire, par reciprocite , a la France, toutesles con- cessions compatibles avec leur politique interieure. La France 46 IDEES et les Etats-Unis out aiissi im iiiteret commun a faciliter le commerce de transit par la voie du Havre vers la Suisse, I'Al- sace, rAlleraagnecentraleet meridionale. Cottc route, si elle etait transformee en un chemin de fer, traversant Paris et Strasbourg, transporterait les marcliaiidises des deux Ameri- ques et des deux Indes "a un prix beaucoup plus modere et avec bien plus de rapidite qu'aucune autre. Sur les assurances seulemciit , ou obtientlrait un benefice de 100 pour cent sur les frais de la route de Hollande ou de Hambourg. Le trans- port de New-York a Strasbourg ne demanderait, ternie moven, que qnarante jours, etne seraitpas sujet aux incer- titudes d'une navigation par voie de rivieres et aux vexations des douanes de dix pays differens; les frais de transport se- raient reduits de 200 , 500 ou raerae 400 fr. par tonneau , a SO et 60 fr. La grande diminution produite ainsi sur les prix du coton , du cafe , du sucre , du tabac , dans lesquels le transport entre pour une si graude proportion, vuleur pen de valeur comparativement a leur volume et a leur poids , in- fluerait considerablement sur la consommation et sur la de- mande de ces articles. Non-seulement la France recueillerait tous les benefices du transport , mais une grande partie des retours pour les inarcliandises envoyees dans les pays dejh cites seraient pris en inarchandises francaises. Si tels doivent etre, pour la France, les avantages incontestables de ce com- merce, nous ne concevons pas qu'il soit de son interet de I'ac- cabler de droits de transit, quelque petits qu'ils puissent etre. M. Chaptal , pour indemniser le tresor de la perte du revenu de la regie des tabacs , dans le cas ou celle - ci serait abolie , a propose d'imposer im droit de 5 fr. par kilogramme, et il calcule que le revenu se monterait alors a 44 millions, an lieu des 50 on 55 millions qu'a rapportes jusqu'ici la regie ( 1 ) . Mais la reduction de ce droit a i fr. seulement aurait, (1) De I'Industr. franc. , 1. 1, p. 1 69. SUR LES llEFORMES ECONOMIQUES 4? poui' le tresor et pour rindustrie nationale, ties avantages encore plus considerables. Le premrer reslreindrait la con- sommation au desavantage de Tune et de I'aiitre; tandis quo le droit d'un franc rapporterait au tresor 50 a 60 millions. L'histoire financiere de France et d'Angleterre est pleine d'exemples qui prouvent que les bas tarifs sent plus favorables au fisc que les droits eleves. En 1745, I'Augleterre reduisit la taxe sur le the de 4 shellings par livre et lerevenu fut dou- ble. La menie operation fut renouvelee en 1784 avec le meme succes. En 1806, quand le droit sur le cafe etait de un shelling ctdemi par livre, le fisc en retirait 1 52,759 liv. st. En 1 809 , quaud ce droit eiit ete reduit a 7 d. , le revenu s'eleva jusqua 245,886 liv. ; et, en 1828, le droit etant de 6 d. , le revenu fut de 425,589 liv. , et la consommation etait environ quinze fois plus considerable qu'en 1 806. Quant auxautres articles, pour lesquels les droits avaient ete poses a une elevation oppressive, leur reduction a ete suivie d'effets semblables (1). Nous pourrions tirer d'importantes conclusions de cettc experience relativement au commerce du sucre et du cafe en France , niais nous ne voulons point engager une discussion entre les fabricans de sucre de betteraves et les interets colo- niaux , lorsque le gouverneraent doit eviter scrupuleusement tout ce qui pourrait mecontenter une classe entiere de la nation. Mais la regie du tabac est un inconvenient aux yeux de tous les habitans du pays, et nous ne pouvonsconcevoir pour quelle raison un etablissement aussi nuisible , dont I'abolition causerait une satisfaction si generale, est conserve un seul instant depuis que Ton a demontre d'une maniere satisfai- sante qu'un droit de douane couvrirait et surpasserait merae le revenu qu'on en a tire jusqu'ici. Nous rappelons aussi ce que nous avons dit dans notre ( I ) Ediiilmrgh Rei'iew , p. 2 1 2. 48 IDEES premier article , par rapport au droit sur le sel. S'il y a quel- ciue vcrilc approximative dans les faits rapportos par M. Cliaj)- tal (1) peut-on mettre un seul instant en doute que i sou, ou meme uu derai sol de taxe par livre de sel , ne rapporterait pas le meme , ou plutot un plus grand revenu que I'impot actual , si onereux pour I'agriculture ? POST-SCRIPTUM. AVAKTAGES d'uNE ROUTE A ORNIERF.S UU HAVRE A STRASROURG PAR PARIS. Nous ecrivions ce qu'on vient de lire , quand des cris se sont fait entendre dans les rues de Paris : Du trauaily du pain .' Ces cris de dctresse nous font abandonner la suite de cette ar- gumentation pour proposer sans delai aux ministres un moyen de doimer de I'occupation a la population pauvre de Paris et de la France entiere. II n'esi point question de batir des mo- numens de luxe qui , une Ibis termines , restent improductifs; il s'agit d'un travail qui multiplie "a Fiiilini dans I'avenir les elemens dela production etde la richesse. Nous proposons de construire une route a orniere du Havre a Paris et de Paris a Strasbourg. De toutes les routes qui sillonnent I'Europe, apres cellede Liverpool a Manchester , la route du Havre a Strasbourg est peut-etre celle qui promet le plus d'avantages , meme sous le rapport purement financier. Les voyages particuliers et le transport des marcbandiseslegeres snffirontpour payer, etau- dela, les interets du capital de constructions et de reparation. M. Navier estime les depenses "a 1i8,000 fr. par kilometi-e, ce qui fait 94-, soit i 00 millions de fr. pour les 800 kilome- (1) De I'lnduslr. franc., t. II, p. 17(/. « Dcpuis Ic retablisseincnt de rinipot , la consommation s'cst ralentic a tcl point qiiVlIc est a peine le dixicme de re qu'cllc clait aiiparavant. » SUR LES REFORMES ECONOMIQTTES. 49 tres environs qui separeiit Strasbourg du Huvix'. Ces interets, a 5 pour cent , donueraieiit 5 millions ; et les frais de repara- tions, evalnes a 2 ot demi pour cent du capital de construc- tion , 2 millions et demi : Total , 7 millions 500 mille fr. II faudrait done que la ligne tout entiere produisit 20,000 fr. par jour. Or,oncompte, dans la contree quelle traverse, plus de deux millions d'ames ; et si un seul individn sur cent faisait chaf[ae jour une tournee de quelques milles et payait seulement un franc de peage, les interets et les frais de repa- rations pour la route seraient dejh couverts. II en serait de meme si la 20'- partie de cette population se faisait transporter une fois par seniaine a raison de 1 fr. 50 cent. Ceuxquiont vu, euAngleteri'e et auxEtats-Unis, comment une population presque'entiere, jusqu'auxplus basses classes, "va se promener de tems k autre siu' les bateaux a vapeur , et combien rapporte ce simple delasseraent, ne nous accuseront pas d'exageration lorsque nous dirons que la population de Paris seule paierait plus que ces sept millions et demi pour les simples voyages d'agrement au Havre et a Strasbourg , on pour les promenades du dimanche. Le transport des marchandises dans cette direction est im- mense. M. Dupin a estime le commerce etranger, le cabotage et le commerce interieur d'une ville k I'autre, kune somme de 789 millions. Deux commissions du commerce out evalue le montant des droits percus sur cette route k 47 millions , et la sixieme partie des droits payes maintenant de'passerait les in- terets et les sorames necessaires aux reparations d'une route a ornieres. Mais ni M. Dupin ni les commissions de commerce n'ont calcule I'accroissement des affaires produit par la diminu- tion des frais de transport : ils out pris pour point de depart le commerce tel qu'il est; ils ne se sout point occupes du trans- port du sel, du charbon de terre, du fer et du bois , qui abonderont de plus en plus sur les marches, ui des denrees TOME I,. AVRIL i85i. 4 5o IDEES perissables, tellcsque le poisson, les legumes, le beurre, etc., ni enfin de raccroissement d'activite dans le transport d'une ville a I'autre de marchandises etrangeres , lequel pent etre fait a 50 pour cent meilleur marche , par le Havre et Stras- bourg , au sud de 1' Allemagne et de la Suisse , que par le Rhin. Le transport du Havre k Strasbourg coute maiutcnant i 9 fr. par kilogramme, ou i 90 fr. par tonneau ; ce prix se re- duirait a 50 ou 60 fr. le tonneau, au moyen d'une route a ornieres. Pour tout dire, en un mot, sur ce point, il ne reste pas dans notre esprit le plus leger doute que cette route rappor- tera un dividende de -1 0 a 20 pour cent des la premiere anuee. On a propose de creuser de Paris au Havre un canal qui couterait "160 millions, etrincipes sacres du vote librc des imputs, de la responsabilite 72 HISTOIRE ministerielle, devoueient volontairement leiirs corps an siip- plice, leiirs foinilles k la misere , leiirs noius a I'infainie, et lie reciilereiit pas, Robert devant I'exil , Marcel devant la inort, places au bout de leur canierc politique. Sans doute, I'equite ne saurait avouer toutes lours actions ; et dans ce siecle de barbaric et de violences , ils n'epargnerent pas le sang de leurs adversaires.Mais, a une epoque ou les rois, sous les plus legers pretextes, envoyaient des centaines de bour- geois a Techafaud , ne reprocbons pas trop haut a des bour- geois d'avoir tue deux marechaux de France, et rappellons- nous que si la liberie fut quelquefois impitoyable, c'est quelle avait de terribles comptes a regler avec ses ennemk. II ne nous appartient pas de tracer le tableau des etats de i 357, des troubles populaires qui les suivirent a Paris et dans les campagnes , des intrigues du daupliin , de la defaite des bourgeois. Tout ce que nous voulons indiquer ici, c'est la suite des fails qui anienerentles communes "a celte audacieuse levee de boucliers, les bonnes et les mauvaises fortunes de leur entreprise, que la mort de Marcel ne termine pas, mais f[ui ne survivra pas au desastre de Rosebecque ; car elle etait, de plusieurs siecles , en avant du mouvement general des intelligences. Apres I'assassinat de Marcel et les vengeances du dauphin, les elats epouvantes se soumirent et offrirent de Targent et des troupes sans condition : Charles V, prince dur et haineux , mais habile et ferme, iniposa des tailles sans ronsulter la nation , et gouverna de sa certaine science et de la plenitude de sa puissance rojale. Mais la misere, un in- stant soulagec par son administration , revint avec Charles VI, et la bourgeoisie, victime de la sottise du roi , de I'ambition de ses oncles, des inlames dilapidations du due d'Anjou, songea de nouveau "a ses vieilles franchises. C'etait le moment oil les communes de Flandre, apres un dcmi-siecle degloirc ct d'hcroisme , allaient donner leur derniere bataille pour la gainto cause des franchises populaires. Philippe d'Arleveld , DES FRAN^AIS AU XIV^ SIECLE. 70 dont le pere avait aussi rendu temoignage pour la liberie , venait de relever le courage des Gartois, abattus par de san- glantes defaites; il avait chasse k comte Louis de Bruges, pille son chateau, souleve la Flandre allemande, etassiegeait Oudenarde, Toutes les communes du Languedoc et de la France centrale tenaient les yeux fixes avec angoisse sur cette insurrection ; et les bourgeois de Paris , secretement conseil- les par un vienx compagnon de Marcel , Nicolas le Flamand, n'attendaient , dit-on, qu'une victoire des Gantois pour as- saillir les chateaux du Louvre et de Beaute-sur-Marne. Le sort en decidaautrement, et la chevalerie de France, avec ses armures de fer et ses longues et lourdes lances, prevalut centre les maillets et les Ijoquetons des bourgeois. Arteveld, et tout le contingent de Gand, pres de 20,000 autres soldats des chatellenies voisines , resterent morts parmi les ronces et les genets de Rosebecque , lieu fatal on furent ensevelies avec ces braves gens tant de nobles esperances. On resolut alors d'en finir avec les bourgeois ; et si ceux de Gand, bien que les plus comprorais , durent a la crainte qu'lls inspiraient en- core une honorable amnistie , on se vengea de cette condes- ccndance forcee sur les villes de France. Paris, Rouen , Sens , Orleans, suspectes d' avoir fait des vceux pour Arteveld, furent traitees, par leur roi de 14 ans, comme villes conqui- ses ; Paris fut demantele, sa milice desarmee; pendant quinze jours le sang ruissela sur les echafauds. Jean des Marets , avocat general, venerable vieillard qui avait souvent servi de mediateurentrelesroiset le peuple , Le Flamand, tout ce qu'il y avait de hardi et de genereux parmi les bourgeois fut im- iiiole "a de vagues soupcons. Quant aux survivans, on les frappa de telles amendes que la ville fut ruinee : voila la protection qu'un roi de France an quatorzieme siecle accordait h ses Jideles bourgeois des bonnes villes. Avec les derniers de ces hommes perit la cause des com- munes francaises : car , bien que les seditions des cabochiens 74 HISTOIRE de Paris en 1413 puissent ctre consiJerees comme ties reprc- sailles centre la noblesse , la liberie n'y gagnait rien , et tout ce sang verse ne prolitait qu' au due de Boiirgogne. Les terri- bles dissensions de la faiuille royale , les desastrcs de Tinva- sion anglaise, toutes ces calamites qui tenuinenl le quator- zieme siecle et ouvrent le quinzieme aclieverent , en epuisant le pays , I'oeuvre si bien commencce par la baclie de Char- les VI; et dece mouvemcnt communal, entrepris avec tantde courage et si peu de ressources , il ne resta pas merae un glo- rieux souvenir : les chroniqueurs , moines ou clievaliers, seuls iiivestis du droit de representer les opinions contcmpo- raines , souillerent de leurs insultes interessees la tombe de Marcel et d'Arteveld ; et la liberie, si malheureuse a sa pre- miere apparition , sommeilla en France jusqu'a la reforme. Nous am-ions ete curieux de savoir ce que pensait frere Je- han des insurrections communales de son terns ; mais il n'en est pas question dans sa correspondance. II parle bien a son ami du sort des diverses classes de bourgeois ; il raconte jus- qu'aux moindres details de leur vie liabiluelle; mais il ne laisse pas entrevoirqu'un fait, une emotion soientvenustroubler cette monotone existence, effleurer ces ames on semblent dormir toutes les passions •, comme si ces bourgeois n'avaient jamais vu les rouliers anglais chevaucher "a leurs portes et la sedition fremir au pajloner de leur ville natale ! Toute cette science, entassee dans plus de cent cliapilres, lierisses de notes , man- que de mouveraent et de vie, et le quatorzieme siecle nous apparait k travers ce livre comme un squelette on Tame n'est ]dus. Si vous voulez savoir mille particulariles curieuses sur les diverses classes de bourgeois , leurs charges et leurs privi- leges , les avantages et les desagreinens des conlVeries et des corps de metiers, les precedes en usage dans I'agriculture et les arts industriels ; si, poussant plus avant, vous etudicz la- boricusement le systeme financier du terns, le cours des mon- naics, les moyens de lever I'impot incorporcou aon incorpore; DES FRxVNyAIS AD XIV'- SIECLE. 75 si vous suivez la lutte des institutions royales centre les institu- tions feodales, I'organisation desparlemeiis succedaut aux cours seigneuriales , Farmee permanente remplacant les milices des grands vassaux , ouvrez les lettres de frere Jehan, et vous ad- mirerez profondeinentla consciencieuse patience qui a preside a rarrangement de ces maleriaux. Mais ne deiuandez pas au savant cordelier quel etait Tesprit des communes dans une assemblee d'etats : il vous dirait quelles votent toujours pour la royaute , pour la trap grande extension peut-etre de I'autorhe rojale _, oubliant sans doute les etats de 1555, cenx de i 557 et de i 558 , Marcel , Nicolas le Flamand et les secretes intelligences des bourgeois de Paris et de Rouen avec les capitaines des villes de Flandre. C'est pareilleraent un langage incroyable que celui dans lequel il essaie d'apprecier son tems. « Nous somraes, dit-il, au midi de la raisoji liu- maine, dont la lumiere penetre, resplendit , rayonne dc toutes parts, au quatorzieme siecle, au grand siecle. » Ail- leurs, dans un elan d'entliousiasme pour la liberte a venir, il croit voir « les antiques republiques , qui , pretes k reparaitre sous d'autres noms et d'autres formes , s'agitent dans leurs profondes mines, s'efforcent de soulever et d'entr'ouvrir leurs tombes. » Malheureusement le caractere distinctif de cette ■periode du raoyeu age fut d'essayer de grandes choses sans en avoir I'intelligence et sans analyser Tinstinct nouveau qui agi- tait les esprits. Lorsque Marcel soufflaitparrai les bourgeois le feu de la revoke , et rougissait 'du sang des marechaux de Champagne et de Normandie les dalles du palais, il se sou- ciaitpeu de republique et meme de liberte dans le sens absolu que nous pretons "a ce mot. II voulait seulement des franchises communales, d'etroits privileges qui sauvassent les manans des pilleriesdes gens du roi. Quant a la raison bumaine, elle etait peu florissante et passablement impopulaire au quatorzieme siecle , 011 Ton bridait avec taut de ferveur les sorciers et les heretiques ; nous ne savons meme si ce terme etait fort eu 7 8 HISTOIRE usage; ct si la verilc se faisait jour quelquefois a travels les le- nebres oii vegetait le monde, c'etait h I'aljri de quelque frag- ment des Peres de I'eglise ou d'une argutie scolastique , seul passeport qui put la derober aux recherches de Tinqiiisition, i!t lui donner acces dans les intelligences. All quatorzieme siecle , le mouvement philosopliique qui avait marque la fin de I'agc precedent scmblait s'etre arrete tout a coup dans I'Europe centrale , triste effet des rivalites saiiglantes ou s'cpuisaient la France, I'Espagne et I'Angle- terre. Saint Bernard , Pierre Lombard , Albert-le-Grand , saint Thomas, Duns Scot, etc., etc. , ces horames supe- rieurs, "a peine connus aujourd'hui, etqui , dans le silence des cloitres , jetaient les fondemens de la science moderne , n'a- vaient guere trouve de successeurs. On commentait et ou abregeait leurs livres, faute de raieux. Froissard continuait cette serie de naifs et ingenieux chro- niqueurs qui devaient doter la litterature francaise d'une de ses gloires ; mais la poesie langiiissait comme la philosophie. Dans les sciences naturelles, on se trainait peniblcment sur les pas des Arabes, d'Avicenne, de Mesvee et d'Averroes, dont les experiences, les traitcs anatomiques et les antido- taires faisaient loi h Paris et a Montpellier. Les arts etaient plus florissaus; Tarchitecture ogivique semait toujours le monde de ses creations merveilleuses , de ses feeries en pieri'e, et les gigantesques cathedrales etincelaient encore de ces ro- saces aux rellets d'or et d'argent , de ces vitraux aux mille couleurs oil se deroulent toutes les croyances chretiennes ; d'ailleurs les an tres genres de peinture etaient pen cultives, et on laissait I'ltalie s'enorgueillir sans concurrence de Cima- bue et de Giotto. Nous ne nous arreterons pas davantage sur cette partie de I'histoire intellectuelle dii quatorzieme siecle ; nous ne pourrions qu'aiialyser iinparfaitement les recher- dics dont M. Monteil a rempli son premier volume. II elait nalurel eii erict que ircre Jebau (ul plus an courant I)ES FRAN(JA1S AU XI\e SIECLE, 77 (les arts et des connaissances de son terns que des fails politiques. Toute science etait alors fille des monasteres : c'etait dans les raves bil)liotheqiies des abbayes, loin des mi- seres publiques, du tumulte des camps et des maisons de ville, a I'ombre de la solitude et de la paix, que s'elaboiaient ces sommes the'ologiques , ces traite's , ces miroirs naturels et historiques, ou Ton entassait confusement les precieux resul tats des etudes contemporaines ; c'etait pour les cloitres que le verre se parait des pluseblouissantes couleurs, que la pierre se decoupait en fleurs, en baliistres, en ciselures de toute espece, on s'elancait vers le ciel en fleclie legere. Anssi, M. Monteil, sans sortir du cercle etroit on le retenait son ca- dre, ponvait tracer nn taUeau complet du savoir ct de I'art , et il Ta fait avec mie precision et une conscience dont nous ne trouverions guere d'exemple dans aucun livrc de notre tems (1). An milieu de cette decadence intellectuelle que nous ve- nous d'indiqner , quelques hommes superieurs travaillaient encore dans la retraite a Tauvre penible et dangereuse du progres philosophique; nous n'en citerons que deux , parce que leurs livres sont oublies et leurs noms inconnus; c'est Jean , moine franciscain , d'Occam , dans le comte de Surrey, d'oii il fut appele Jean d'Occam , et Marin Sanuti, noble ve- nitien , ne "a la fin du treizieme siecle. Occam releva I'opi- nion proscrite des norainalistes , et mourut persecute par le saint-siege. II nia I'existence des idees generales, et proclama, comme Locke au dix-septieme siecle , que la raison ne pon- vait demontrer I'immortalite de I'ame, et qu'il fallait s'en rapporter "a la foi. » Plus hardi que son maitre Duns Scott, i! forme le lien entre la vieille ecole sensualiste et I'ecole nio- derne. Sanuti n'est pas un philosophe, c'est un diplomate , (1 ) Voirsunoiit, dans lo V vol., repiiro drs Dcnx Arhres, parfail rcsunn' des Guides du 14° sieclo. 78 niSTOIRE iiu cconomiste dont les vnes politiques sont si etenJiies et si (Hcvees qu'on a peine h concevoir comment elles pcuvent avoir troiive place dans un ecrit dii quatorzicme siecle. C'est Saniiti que M Monteil fait parler sous le nom du frcre Pierre (tome II, ep. lxxv). Nous donncrons ici quelques details siir cet homme extraordinaire, que son terns lie sut pas compren- dre et dont la memoire se perdit dans les ages suivans. Marin Sanuti etait ne a Rivoalti , sur le territoire de Ve- nise dont les vaisseaux sillonnaient alors en tous sens la mer Mediterrance. Cinq voyages a la Terre-Sainte, plusieurs au- rres en Esclavonie, en AUemagne, a Anvers , riuitierent a tous les secrets de I'art nautique el kii donnerent de vasles counaissances en geograpliie. Retire en AUemagne, il y com- menca en 1506 son grand ouvragesurle/'^coHpre/wenfet la de- fense de la Terre-Sainte (1 ), y joignit quatre cartes de I'Egypte ct des contrees voisines , et, en 1521, alia le presenter an pape, puis aux autres grands princes chretiens. Sanuti etablit d'abord dans ce Memoire que toute expedi- tion, en vue de recouvrir la Terre-Sainte, qui ne sera pas dirigee contre I'Egypte, restera sans resultat. « La puissance des Sarrasins en Orient , dit-il , est une forteresse qu'on n'a atlaquee jusqu'a present que par ses cotes , ses raurs et ses ou- vrages exterieurs, mais qu'on devrait an contraire allaquer par la graude porte qui est toujours ouverte , et cette grande porte est I'Egypte maritime! » II examine ensuiteles ressour- ces du Soudan ; elles proviennent presque toutes de son com- merce d' exportation avec I'Europe, qui lui donne les moyens d'entretenir'de graiides armees : il faut lui ravir ces ressour- ces : que tous les princes de I'Europe , le pape a leur tete , defendent, sous les peiues les plus rigoureuses civiles eteccle- siastiques , I'iraportation des marchandises d'Egypte ; qu'une it] Liber secretorumjlddiuin crucis super terrtv sanctcc recnp ralione ct coiistri'ntionc , ciijus auctiir 3'I(irinus Saniitns , patriciiis venetus. DES FRAN^AIS AU XI V^ SIECLE. 79 flotte perniaiiente de galeres chretiennes, et une confrerie de gardes-cotes, raaintiennent cette prohibition : plus de com- merce alors, plus de richesses pour I'Egypte ; elle ne pourra resister k une armee peu uombreuse , d'un entretien annuel de 700,000 florins, pourvu que cette armee n'ait qu'un seul chef et se menage I'aniilie dos Tartares. Sanuti indique les points oil ces troupes pourront attaquer, les precautions neccs- saires k la sante du soldat , le prix des vivres, la temperature de I'Egypte, etc., et decrit avec un soin minutieux la cote maritime ; puis, supposant I'entreprise accomplie et la Terre- Sainte reconquise , il determine avec une rare sagesse les moyens de la conserver, et d'eviter le retour des fautes qui I'ont dejh perdue une fois. Toutes ses idees sont nettes , d'une execution facile, appuyees sur une connaissance parfaite des hommes et des lieux : economic politique, statistique , geo- graphic, ces sciences que nous croyons avoir inventees sont mises h contribution dans ce livre : c'est une oeuvre de genie; c'est le blocus continental decouvert, quatre sieclesavant Na- poleon par un gentilhomrae de Venise. Si Ton mesure la distance qui separe cette production des aiitres ecrits politiques du quatorzieme siecle , on est frappe d'une admiration profonde , et Ton se demande si le frere Pierre est reellement un homme du raoyeii age et si les idees qu'il exprime ont une date bien certaine. Mais I'ouvrage de Sanuti existe, on peut le lire; et d'ailleurs M. Monteil est au- dessus de ces soupcons d'infidelite : chaque page, nous dirions presque chaque ligne de son travail, s'appuie sur une note : clu-oniques des viiles et des provinces , ordonnances des rois et des princes, statuts des corps de metiers, cartulaires des ab- ba3"es, comples de depenses des rois, des seigneurs, des egli- ses, il a tout consulte , extrait, mis en ordre , et de cet amas de richesses rassorties , il a fait la plus curieuse raosai'que du moyen age. C'est unegalerie complete de portraits, d'armes, d'habillemens, d'uslcnsiles de loute espece; et il semble 8o UISTOIRK DKS FI? ANCAIS AH XIV' SIECLE. qu'iivcc celii on pom rait recoiistiuiie uiie ville, uu chateau , oil line ferine du quatorzieine siecle. Mais ces portraits ne vi- vent pas : celte ville on ce chateau ne sont pas aiiimes ; je vois hien passer devant moi des chevaliers ou des bourgeois avecles vetemens de leur terns : mais ils n'en decelent ni les emotions , ni les sentiinens ; il ii'y a pas de cceur d'homme sous cette cuirasse ou ce justaucorps. Craignant sans doute de confondre le resultat de ses recherches, avec ces romans, pretendiies reproductions dii nioyen age, dont on surcharge iiotre littorature , M. Monteil a voulu par-dessus tout eviter cette ressemblauce et s'abstcnir des scenes a ciTet. II n'a pas songe qu'il mutilait ainsi sa propre tache , quil se reduisait a ne presenter que le cote cxterieur et la surface de son sujet , qu'il se placait menie dans rimpossiblite d'atteindre a line verite complete; puisqu'il ecartait a priori les evenemens inattendus, les passions, les interets qui modihent le carac- tere de I'liomme et bouleversent son existence ordinaire. Son moyen age est quelque chose de monotone , de calme et de re- pose c^i ne donne guere I'idee de cette rcalitc si multiforme et si tumultueuse. Nous snuhaitons vivement que, fort de son immense savoir, M. Monteil se jette plus hardiment a I'avenir dans rinvention , et quelques chapitres epars dans son ouvrage nous donnent lieu de croire qu'il n'y serait pas inhabile. Les decouvertes et les restaurations precieuscs qui remplissent I'Histoire des /'^rtrtca/^deviendront ainsi pluspo- pulaires ; et ce sera grand profit pour la science, qui n'cst pas habituee de nos jours a avoirbcaiicoup d'organes aussi con- sciencieux que M. Monteil. Nous examinerons, dans un prochaiii article, laseconde li- vraison de cet ouvrage (quinzieme siecle). jilphonse d'Herbelot. DES ROMANS DE M. VICTOR HUGO. 8 1 Han d'Islande , par FictorHvao; 3f' edition (1). Bug-Jargal ; 5e edition (2). Le Dernier jour d'un Condamne ; 2e edition (5). Notre-Dame de Paris ; 2^ edition (4). Autrefois il y avait dans les arts un certain nombred'idees convenues, dont rensemble formait le code du gout. Parais- sait-il un ouvrage nouveau : le critique, rappelant celle legis- lation , n'avait qu'a montrer en quoi elle etait favorable ou contraire a I'oeuvre qui lui etait deferee, et le public , d'apres les memes lois, adoptaitxtu rejetait les conclusions du rap- porteur. L'anarchie qui s'est introduite de nos jours dans la repu- blique des lettres a rendu les fonctions du critique bien autre- ment difficiles. S'avise-t-il d'invoquer les lois du gout : on le traite conime un dialecticien qui ferait una petition de principes. Le gout ! mais c'est justeinent Ih ce qui est en question. Qu'est-ce que le gout ? Y a-t-il en effet un gout exclusif et durable , un goiit par excellence, et en quelque sorte normal? Et si ce goiit existe, a quoi peut-on le recon- naitre? Voilh les difficultes qu'il nous faudrait d'abord re- soudre. Que le lecteur se rassure; de pareilles questions m'inspi- rent trop d'effroipour quej'entreprenned'y repondre.Comme il faiit bien cependant que la critique se fonde sur quelque chose, je prendrai pour point de depart, dans mes observa- tions sur les romans de M. Hugo, un ordre d'idces moins (l)Paris, 1829; CIi. Gosselin. 4vo1. in-12; prix,12fr. (2) Paris, 1829; meme libraire. 3 vol. in-12; prix, 9 fr. (5) Paris , 1829; niciiie libraire. i vol. in-12; prix , 4 fr. (4) Paris , 1831 ; meme libraire. 2 vol. in-8" ; prix, 15 fr. TOME I,. AVRII. l83l. G 8;i DKS ROMANS coiilostc! jiisqu'ici que le gout, liieii (ju'il soit analogue et ]»r(\sque idcntique; jc voux dire la morale. Mais ici je me \ois encore arrete par une objection: y a-t-il uu ra})port ne- (^essairc enlre la morale et les arts? est-il indispensable que Ics j)roduetions de I'artiste aient im but moral ? et ne s'est- on pas JMStemcnt moque du geometre qui, apres avoir vu jouer fpliige'/iie, demandait gravement a sou voisin : Qu'est-ce {jue celu proiii^e? Ce geometre etait fort ridicule sans doute; mais peut-etre I'etait-ii autrement qu'ou ue I'a cru. Ce que prouve Jpliigfi'/iie ! demandez an poete Lucrece. Sans doute la morale ue doit pas etre le but visible et di- rect de toute creation de I'art , de telle sorte que I'epopee , le draine et le romau, ue soient plus qu'im long et froid apolo- gue. Cette maniere de concevoir un sujet oterait toute vie aux persouuages etglaceraitles lecteurs; mais, puisqueuu heureux penckaut du coeur buuiain le porte a aimer la vertu et a de- tester le vice , I'artiste n'a qu'a nous moutrer I'un et I'autre sousleur veritable jour pour developper en nous le sentiment moral. C'esl une marche si naturelle que , dans les litteratures naissantes, il n'est presque aucun ecrivain qui s'en ecarte.Job et Homere out ete d'admirables moralistes. Plus alors les poetes sont lideles a la morale, plus ils acquierent de puis- sance et de popularite. C'est que par Ta ils developpent la civilisation, qui pale avec usure "a leur nom , si ce n'est a eux-memes, les services qu'elle a recus d'eux. A mesure que la societe marche , la litterature s'elend et son auditoire s'e- largit. II vient une epoque oii, embrassant la societe tout entierc( religion, mocurs, opinions, institutions, sciences), la littei'ature est comme la legislatrice supreme. Ce moment, qu'on pent placer cbez nous h 1' epoque de Voltaii'e, est celui de sa plus grande influence morale; mais par malheur un terns arrive aussi on le besoin et la difficulte de produire inoessamment du nouveau detournent la litterature de cette vole de perfection nement , qtie la societe vent continuer de DE M. VICTOR HUGO. 83 suivre. Exciter des sensations neiives et fortes , quelle que soil leur nature , tel est desormais le but que Tart se propose. Qu'il y prenne garde ; ses oeuvres alors pourront bien etre un objet de curiosite et de mode , mais non plus de veritable enthousiasme et de solide renomniee ; car point de gloire reelle dans les arts sans une influence durable, et point d'influence durable sans une direction morale. II est done inevitable qu'en cessant d'etre un instrument de civilisation et de per- fectionnement, la litterature perde sa puissance et descende du rang ou la gratitude des hommes Tavait placee. Ce que fait le bateleur est souvent plus difficile que ce que fait I'ar- tiste : d'ou vient cependant que I'opinion publiqne les met a une si grande distance? L'*un parle an coeur, I'autre ne s'a- dresse qu'aux sens ; I'un a un but moral , et I'autre n'en a point. Eh quoi! dans la plus futile des productions litteraires , dans un roman friuole y oii , suivant Boileau lui-raeme , aise- ment tout s" excuse , vous exigez , vous , de la morale ? Oui , si I'auteur aspire a de solides succes. Voyez parmi les roraans ceux que le terns a respectes , et dites-moi si leur utilite n'a pas fait leur sal ut. L'un , succedaiit immediatement au raoyen age , accable sous les traits du ridicule cette brillante mais in- commode chevalerie , par laquelle la feodalite avait d'aboi'd supplee a I'absence des lois et s'etait mise ensuite au-dessus d'elles ; I'autre , dirigeant les memes traits contre tons les vices et tons les traversd'une societe corrompue , nous en deroule \e tableau dans une admirable galerie ; ceuvre sans defaut, si I'honnete homme y occupait , corame dans la societe , une petite place. Le troisieme, par I'habile opposition de deux caracteres , nous enseigne a nous tenir en garde contre les apparences et "a ne pas prendre I'affectation de la vertu pour la vertu merae. Telles sont les bases sur lesquelles reposent les chefs-d'oeuvre des Cervantes , des Lesage et des Fielding. Rousseau lui-meme , en s'avouant le danger que pent avoir a. 84 DES ROMANS j)our la feiume simple la peinturc trop embellie d'liiie passion condamviable , s'attache , dans les details de son Heloise , a servir la morale par de nombreiises et eloquentes lecons. Et quant "a Voltaire , a travers I'ironie et le cynisme de ses pein- tures , perce a tout moment I'ami des hommes, qui voudrait, en se moquant d'eux , les forcer "a devenir plus raisonnables et mcilleurs. Mais aujourd'liui demandez quelle lecon , quelle verite , riuelle impression morale resulte de tel romaii en vogue. Le lecteur de bonne fui sera fort en peine de vous repondre. Un homine de genie , que la litterature actuelle s'est donne pour patron, a pris pour but dans ses romans la peinture des moeurs bistoriques. Je n'ai pas encore bienpume coiivaincre que ses recitSjOu la fiction ct la verite sont sans cesse confondues, fnssent fint utiles a I'enseigne'ment vie I'liistoire ; mais je re- niarque avec plaisir qu'au milieu des personnages qu'il a reussi, dit-on, a peindre, tant pour les idees que pour le costume , absolument tels que leur siecle les avait faits, c'est- a-dire pen sympathiqiies avec le notre , il n'a pas neglige de placer quelques figures appartenant par leur beaute h tons les terns, et qu'il a satisfait ainsi au premier de tous les precep- tcs , "a celui d'interesser : nioyen excellent , quoique fort an- cien , d'enseigner lu morale; car I'interet qu'inspire la vertu porte naturellement a I'aimer et k I'iraiter. Walter Scott sous ce rapport appartient donch I'ancienne ecole. Du reste, I'in- iiovation introduite par ses imitateurs dans la litterature et dans les arts est moins considerable qu'on ne le suppose ; elle consiste moins a produire des creations nouvelles qu'k presenter d'anciennes creations sous un point de vue qui cause des impressions inaccoutumces. Le roman de Han d'lslande offrc un exerapic de ce procede. L'apparition de ce ricaneur antliropophage fit eprouver au public beaucoup d'etonne- ment et de peur. L'auleur lui-meme, si remarquable par son courage litteraire, ne mit pas son nom a la premiere edition DE M. VICTOR HlUiO. 85 de ce livre. Ce n'est qu'aii bout ■> La tristesse du sujet se rctrouve lout euliere dans ces derniers mots. II y a moins de nalurel dans I'episode de la petite Marie. 11 est pen vraisemblalde ([u'on ait cache "a cette DE M. VICTOR HUGO. 9 1 enfant que c'est son pere qu'elle vient voir flans la prison. 11 Test encore moins que sa bonne ait acliete dans la rue I'arret de niort de ce pereinfortune. On voit tropici lescorabinaisons d'un auteur qui vise a I'effet; I'art aurait encore quelques efforts a faire dans cet episode qui pourrait Jeter sur Ic denoument un interet si doux. Corriger ces imperfections, faire disparaitre certains details d'une verite ignoble on gro- tesque , ce serait peut-etre pour M. Hugo de bien grands sa- crifices. Et pourtant le Dernier Jour d'un Condamne pent, devenir im excellent ouvrage ! J'ai maintenant a parler de la derniere production de M. Hugo , production deja connue sans doute du plus grand nombre de noslecteurs. Une nouvelle de Cervantes , intitulee La Bohe'mienne, a pu fournir la premiere idee du roraan de Notre-Dame. Une jeune fille , enlevee dans son enfance par des bohemiens et retrouvee , an denoument , par sa mere, est I'heroine des deux recits. Dans I'un et dans I'autre , cette jeune fille , malgre sa profession de danseuse des rues et la mauvaise compagnie ou elle est forcee de vivre , a resistc aux seductions des hommes et de sa propre beaute. Mais la s'ar- rete la comparaison, et rien n'est plus dissemblable que la couleur des deux ecrivains et les aventures des deux bohe- miennes. Celle de Cervantes est fille d'un noble corregidor deMincie; celle de M. Hugo, nee d'un pere iuconnn, a pour mere une malheureuse fille qui , apres etre descendue par la prostitution au dernier degre de I'avilissement , ne trouve plus de consolation sur la lerre que dans I'enfant qui a ete le fruit de ses dei-nieres fautes. La joie qu'elle cprouve d'etre mere, les soins exaltes qu'elle donne k son enfant, son desespoir quand il lui est derobe , forment , dans le recit naif d'une de ses voisines, un tableau pleiu de verite, de cbarme et d'interet. L'infortunee mere vient s'enfermer dans une es- pece de cachot cousacre a la penilcuce et siuie sur la place de Greve. C'est la quelle languit pendant seize longucs 92 DES ROMANS annees, attendant son pain de la charite des passans, et mandissant tons les bohemiens qui s'offrent a sa vue, surtout la jeune et jolie danseuse, dont I'age lui rappelle ce qu'on lui a ravi. Or, la Esmeralda (c'est le nom de la bohemienne) a deja inspire plusieurs passions, La moins ardente de tontes est celle d'un pauvre diable de poete, nomme Pierre Gringoire, qu'elle epouse pour en faire im mari ad honores , et dans I'unique dessein de rempecher d'etre pendu. Ce Gringoire, s'etant egare un soir dans Paris, est torabe an pouvoir des voleurs et des gueux , habitans de la Cour des Miracles, et il n'a pu en obtenir grace qu'en se iiaturalisant dans cette etrange societe par un raariage de quatre annees; la Esmeralda s'est devouee a son salut. Mais cette beaute singuliere a completement fait perdre la raison au docte FroUo , archidiacre de Notre-Dame , qui neglige pour elle les speculations de Therraetisme et la recberche de la pierre philosopbale. Ce savant liomme charge le sonneur Quasimodo, especede monstre aussi vigoureux que difforme, d'enlever la jeune tille. Quasimodo s'etait en effet empare d'elle , et , charge de cet agreablc fardeau , traversait la nuit h grands pas les rues de Paris, lorsqu'un capitaine du guet , le beau Phoebus de Chateaupers , delivre la bohemienne. Cet incident donne lieu a une passion reciproque, passion pro-^ fonde de la part de la jeune lille, mais ephemere de la part de I'officier, qui traite I'amour fort cavalierement. Cependant le pauvre Quasimodo est condamne pour cet enlevement a etre fouette sur le pilori. Tandis que, haletant de douleur et de rage, il implore a grands cris une goutted'eau, du milieu de la forde qui se repait de ce spectacle , on voit se delaclier la bohemienne pour donncr a boire au patient. Mais Tauiour n'est pas chez elle moins hardi que la pitie : toujours eprise de son Phoebus , elle consent h lui donner rendez - vous dans un de ces Heux dont la delicatesse de notre langue ne tolcre plus le nom. La, au moment ou elle est pretc i I)E M. VICTOR HUGO. 98 ;i tout accorder a sou amant , le jaloux FroUo , que I'of- ficier liii - nieiue a introduit dans cette maison , se pre- cipite sur liii , le poignarde et disparait. La justice arrive , arrete la jeune fille et la met ea jugement, comme meurtriere et comme magicieune. Vainement elle proteste de son inno- cence ; la torture lui arrache des aveux qu'elle ne peut plus retracter ; elle est condaranee "a faire amende honorable devant Notre-Dame et h etrependue en place de Greve. Plongee dans le plus affrevix cachot, oii elle meurt lentement, consumee par tons les maux de I'esprit et du corps , elle voit descendre vers elle un pretre; c'est Frolic, qui vient lui offrir la vie, a condition qu'ils fuiront ensemble et qu'ils uairont leur sort. La bohemienne refuse cette offre avec horreur ; son supplice se prepare ; dej'a I'amende honorable est faite , et Ton va la conduire a. la Greve , quand le sonneur Quasimodo , non raoins ainoureux d'elle que Tarchidiacre, I'enleve a ses bour- reaux, la trausporte dans I'eglise de Notre-Dame , lieu d'asile alors sacre, et la cache dans une cellule situee pres de ses cloclies. La jeune fille n'envisage son sauveur qu'avec effroi; mais la passion, qui a corrompu le pretre, produit sur Quasi- mado Teffet contraire : non content d'avoir sauve celle qu'il aime, il la protege et I'enloure de soins delicats , dont il n'obtient pas meme un regard pour recompense. II est trop laid ! Cependant les mendians , les voleurs , et autres habitaus de la Cour des Miracles, viennent assieger Notre- Dame, pour delivrer leur compagne cherie. Le vigoureux Quasimodo soutient un siege en regie ; les archers, de leur cote, foudent sur les assiegeans. La nuit rend la melee plus horrible. Pendant le combat , Gringoire et Frollo enfevent encore une fois la bohemienne , et la transportent sur la rive droite de la Seine. La , elle repousse de nouveau les offres de I'archidiacre , qui la livre aux fureurs de la recluse. Bientot celle-ci retrouve sur sa prisonuiere un signe qui la lui fait reconnaitre pour sa fille. Ivre de joie , mais pleine de ter- g/f DES ROMANS reiir, clle la cache dans sa cellule. Vaiii asile ! Le prevot Tristan survient avec ses acolytes ; la uialheureuse bohe- mienne est recoiiime ; on I'anacli^ a sa mere , et le roman se denoiie en place de Greve et a la voirio de Moutfaucon. Ceux qui sont avidcs d'impressions fortes scront coutens dela lecture de ce livre; on a pu voir qu'elles n'y sont pas menagees. Outre que les personnages sont presque toujours places dans des situations violentes, le style , habituellement lendu et tourmente, s'efforce d'en auginenter I'effet. L'au- teur se complait avec une sorte de sensualite a faire savourer au lecteurtoutesles angoisses dela douleur morale on physi- que. C'est ainsi que, dans la fustigation du pauvre Quasi- modo , il nous peint le tourmenteur s'excitant Ini-meme et s'enwrant de V execution. « Un second coup suivit le pre- mier, puisun troisieme, et an autre, et un autre , et tou- jours. La roue ne cessait pas de tourner, ni les coups de pleu- voir. Bientot le sang jaillit ; on le vit ruisseler par niille filets sur les noires epaules du bossu , et les greles lanieres, dans leur rotation qui dechirait I'air, I'eparpillaient en gonttes dans la foule. » Ailleurs , voici comrae il nous decrit la iureur jalouse de I'archidiacre : « II se tordit les bras , en pensant que cette femme , dont la forme entrevue dans 1' ombre par lui seal lui eiit ete le bonheur supreme, avait ete livree en plein jour, enplein midi, h tout un peuple, vetue coinme pour une nuit de volupte II pleura de rage en se figurant combien de regards immondes avaient trouve leur compte "a cette chemise mal nouee , et que' cette belle fille, ce lis vierge, cette coupe de pudeur et de delices dont il n eiit ose approcher ses levres qu'eu tremblant, venait d'etre transformee en inie sorte de ganielle publique oil la plus vile populace de Paris , les voleurs, les mendians , les laquais , etaient venus boire en commun un plaisir effronte , impur et deprave... Oh! Elle! C'est elle! C'est cette idee fixe qui revenait sans cesse, qui le torturait, DE M, VICTOR HUG(3. gS ([111 Iiii morJait la ceivelle et lui dechiquetaitles entrailles : il no rogrettait pas , il ne se repeutait pas ; tout ce qii'ilavaitfait, il t'tait pvet a le faire encore ; il aiinait mieux la voir aux mains du bourreau qn'aux bras du capitaine. Mais il soiiffrait ; il souffrait tant que par instant il s'arrachait des poignees de cbeveux pour voir s'ils ne blancliissaient pas. » II y a dans cette passion de Tarchidiacre quelque chose de force qui ex- clut I'interet. Les autres personnages sont plus naturels ; mais ils s'elevent rarement a une nature assez belle, pour que leurs malheurs excitent beaucoup de sympathie. Quasimodo toutefois est original et inieressant , et il nous attacberait da- vantage, si la bobemienne ne payait son devoument d'une injuste indifference. II est remarquable que Tauteur, si entbousiaste du moyen age , nous ait montre sous un point de vue si triste et si bideux la societe de ce terns de predilection. Je ne puis croire qu'un pareil tableau soit fidele. Nos aieux etaient ignorans et barbares, je n'en doute pas; mais ils etaient en meme terns gais et na'ifs. La preuve en est dans tons leurs ecrits, aussi bien que dans la nature des choses. Je ne saurais reconnaitre I'image d'une societe jeune dans un recit dont I'effet est seniblable a celui dun long caucbemar. Bizarre contra- diction de la lilterature actuelle ! Vous i)lamez le legislateur de donner au peuple le spectacle des supplices, et vous n'of- frez a vos lecteurs que piloris , que tortures , que gibets ! Vous vous piquez de religion et de spiritualisme, et vous vous complaisez "a la peinture continueUe de la doulenr physique, qui a pour effet de rabaisser I'homme et de le materialiser ! Serait-ce qu'un talent exclusif entraine M. Hugo vers ces tableaux sinistres? NuUement. Les morceaux les plus remar- quables du roman qu'il vient de publier, comme de ses autres ouvrages, sont dansle genre gracieux. Nous avons deja parle du touchant recit de Fenfance de son heroine ; nous indique- rons encore le passage ou il nous peint I'archidiacre distrait de 96 DES ROMANS ses etuJes scieiitifiques par sa tendresse pour son jcnne frere , auquel il tient lieu de pere apres la mort de ses parens. Nous iudiquerons surlout un cliapitre charniant qui commence le second volume , et dans lequel I'autenr nous peinl la bohe- mienne introduite dans une reunion de jeunes damoiselles , ou figure la belle Fleur-de-Lys Gondelaurier, avec Phoebus, son pretendu. II y a dans tons les details de cette scene une grace, une fraicheur de coloris, une finesse d'observation, qui en font un luorceau aclieve. Pourquoi done le peintre dont la touche, lorsqu'il le veut, est si noble et si pure, nous offre-t-il ailleurs tant de traits bizarres ou revoltans ? N-e serait-ce point que la nature avail forme M. Hugo pour le genre gracieux , et que pour tracer ces figures grotesques ou hideuses il a di^ forcer son talent? Plus il persevere dans ce systerae , plus le style chez lui prend un air de contrainte et d'effort. Celni de Han d' Islands, "a un petit nombre de mor- ceaux pres, estk la fois rapide et elegant, energique et leger. Dans Bug-Jargal, la redondance, I'affectation comniencent deja h se Taire sentir. Plus frequens dans le Dernier Jour d'un Condarnne , ces defauts reviennent sans cesse dans le roman de Notre-Dame : les courts fragmens que nous avons cites en offrent plus d'un exeniple ; mais c'est surtout dans la descrip- tion des edifices de Tancien Paris qu'ils deviennent fatigans pour le Iccteur. Celt« description fournit k I'auteur de nom- breux passages 011 brille son erudition , mais que le lecteur trouve interminables. Ceux qui voudront verifier cette cri- tique n'ont qu'k lire le cliapitre intitule Paris cn^ol d'oiseau. II n'est personne a qui la lecture de semblablcs morceanx ne reniette invoiontairement en mcmoire le distique de cet ini- portiui Boileau : Je saute viiigt fcuillcts pour en Iroiivcr la fin, Et je me sauvc "a peine an travers dii jardin. Heureux I'auteur done comme M. Hugode cette imagination feconde , qui reproduit la menie idee sous mille images, toiites i TRAITE DE LA PEINTURE. qy pitloresques, toutes originales ! Plus lieureux reciivaiu dont la judicieuse plume sail s'arrcler "a celle qui frappeia le plus vivement I'esprit du lecteur ! Chauvet. TRAIT^ COMPLEX DE LA PEINTURE ; PAR M. P *■ * DE MONTABERT (<). « Yirgile, ditl'auteur de Touvrage dont nous allons offrir au Iccleur une analyse , lorsqu'il represente Enee debarquant en Afiique, lui fait dire a la vue de plusieurs tableaux sus- pendus dans un temple, et oii Ton avait peint les mallieurs de Troie : c( L'iufortune obtient done ici des larmes ! Rassurous- nous , mon clier Achate , notre celebiite nous protegera ; car nous sounnes arrives chez des homines compatissans. » Un de nos plus illustres ecrivains vivaus , continue I'auteur, a exprime une pensee a peu pres semblable a celle-lh : « Dans un siecle delumieres, dit-il , on ne saurait croire jus- qu'a quel point les bonnes mocurs sont dependantes du bon gout et le bon gout des bonnes moeurs. Celui qui aime la lai- dcurdausun terns on mille chefs-d'oeuvre peiivent avcrtir et rcdresser le gout n'cst pas loin d'aimer le vice. Quiconque est insensible "a la beaute , pourrait bien meconnaitre la vertu. » (M. de Chateaubriand, Genie du Christianisme.) L'auteur du Traite compiet de la Peintnre parait avoir voulu faire connaitre, par ces passages qu'il cite et par quel- , ques autres concus dans le meme esprit , le but principal de son ouvrage ; il a voulu montrer dans toute sa dignite le bel (1) Paris, 1Pp2y ; Bossaiigc perc. 1) vol. iii-h° , avcc \ vol. in-4° dc plan- clics ; prix ; 92 fr. TOME L. AVKII. i83l. 7 98 TRAITE art qu'il professc , en rappelaiit combien il pent favoriser le pcrfectinnncinent moral ilc la societe. Qiiaiid uu ecrivaiii voit son sujet sous iin aspect si eleve, s'il I'a medite long-tems , si ses etudes et ses travaux le lui out fait connaitre dans toutes ses parties, s'il s'agit de pein- tnre, en un mot, et s'il est peintre . on peut s'attendre a trouver dans son ouvrage une doctrine saine , abondante , lumineuse, des jugemens justes et bien motives, des details toujours instructifs ; on peut compter sur un livre bien fait et eminemment utile; lei est en effet I'ouvrage de M. de Mon- tabert. II ue pouvait etre offert au public dans des circonstances plus convenables que celles ou il vient deparaitre. Portee sue- cessivement par quelques liommes doues du genie de leur art a uue perfection dont on aurait en peine a se former inie idee au milieu du siecle dernier, la peinture , comme si elle etait lasse de ses triomphes , semble presque n'aspirer qu'au repos ; singnlieremenl habile dans les genres familiers, elle ueglige trop generalement les sujets heroiques , auxquels elle doit ce- pendant son elevation; et si elle manifeste quelque ambition uouvelle , c'est celle de se distinguer par le fantasque et le bizarre, apres avoir conquis I'admiration universelle par le touchant et le sublime. D'un autre cole, I'amour de eel art a penetre dans tons les rangs de la societe : ce n'esl plus seide- ment I'homme riche qui en jouit, qui le juge et qui I'encou- rage , c'est I'homme eclaire de tons les rangs ; le peuple meme estavide de ses productions ; il y cherche des trails hisloriques, des heros couronnes par la renommee , des grands hommes utiles "a leur pays ; il ne demande qu'a y puiser des emotions propres a elever son ame. Voilk le moment de donner a cet art, comrae aussi a la sculpture, qui doit etre un de ses appuis etde ses guides, le but d'utilile auquel out du tendre les en- couragemens qui lui ont ete prodigues depuis un demi-siecle. Quand un gouvernement protege les beaux-arts aussi magni- DE LA PEINTURE. gg fiqueraent que le notre , il doit sans doute avoir en vue leur utilite pour la richesse publique; mais il ne doit pas raoius considerer les services qu'ils peuvent rendre en eclairant les esprits , en rechauffant et dirigeant le patriotisme. Que faut- il done faire en ce moment pour retirer de la peinture tons les services qu'elle doit rendre a I'Etat , et en meme terns pour la soutenir an degre de perfection ou des hommes de genie I'ont elevee? II faut, d'unepart, a ce qu'il me semble, deman- der "a nos maitres les plus habiles des sujets appartenant a I'histoire de France ; mais, de 1' autre, il faut nepas cesser d'exiger des chefs de I'ecole des sujets de I'liistoire grecque et des compositions mythologiques ; attendu que I'histoire mo- derne traitee seule pourrait nous jeter dans un fracas desor- donne de colons , qu'elle pourrait uous faire oublier les gran- des formes du dessin , et que c'est aux sujets grecs et aux sujets mythologiques qu'il appartient de perpetuer le grand style ; genre de merite le plus difficile de tons a obtenir et k conserver. Cela ne suffit point encore : il est necessaire de rappeler perpetuellement aux artistes et aux amateurs cette vraie theorie du beau qu'on retrouve si difficilement quand ime fois ou I'a laisse perdre , ces regies precieuses de I'art , si fugitives quoique eternelles ; c'est ce que fait I'auteur du Traite de la Peinture que nous examinons. II commence par rappeler la necessite de suivre les regies de I'art. « Les regies, dit-il, ne sont autre chose que le sen- timent du beau reduit en methode. — Les regies emanentdu bon sens ; elles ne sont que I'analyse de ce qui est bon. — Elles sont aussi anciennes que le monde , puisqu' elles sont dans la nature et qu'on ne pent les puiser que la. — Or, puisque la nature existait avant I'art , les regies existaient avant la crea- tion des chefs-d'oeuvre. — Avant qu' elles fussent ecrites , les grands maitres s'y sont conformes par instinct. — Le genie ne peut se concevoir sans la faculte de sentir et de pratiquer les regies. — Elles font avancer le talent a coup sur vers le but 7- lOO TRAITE dc I'art. — La theorie abrege le clicmin , le caprice I'allonge. — En garaiuissant un artiste de tout prejiige , Ics regies Ini facilitent le nioyen de devcnir original. — Qiiiconque ne suit pas Ics regies mancjue toujours le but de I'art en quelque point; menie en I'adinirant, on est niecontent. A quoi fant-il ])rincipalement atlribuer les ('garemens et la decadence des arts ? "a la direction fausse des idees artisti- ques , aux errenrs et a la maniere influente des ecoles , des niaitres et des pretendus conuaisseurs. » Apres avoir developpe ces ideas fondamentales , sur les- quelles il etait si a propos d'appeler I'attentiou , I'auteur (lonne un diclionnaire explicatif des terraes les plus usites dans le langage des beaux-arts ; vient ensuite un catalogue des livres qui traitent de tous les arts du dessin , publics depuis I'epoque de la renaissance jusqiieaujourd'hui , ouvrage le pins complet qui ait encore paru sur cette matiere. Ce catalogue est suivi d'une liste de quelques peintres du nioyen age et de ceux de I'ecole primitive moderne, et d'une liste des peintres moderncs les plus celebres. On pourrait repro- cher quelques oublis a I'auteur an sujet dc ce dernier ta- bleau ; niais il faudrait reconnaitre en meme tems combien ce defautest excusable, puisque la liste qu'il a forniee enibrasse loutes les ecoles. Dans le second volume , M. de Montabert donne une his- toire generale de la peinture et de la scnlpture antiques ; ce travail iiuportant est precede de considerations generales sur I'utilite de I'etude des monumens antiques de tous les genres, statues, bas-reliels, vases, medailles, pierres gravees. « Si Ton compare, dit-il a ce sujet, les moiuiaies, les jetons du regne de Louis XVI, aux medailles de cesanneesdernieres, et si Ton met enfin en confrontation toutes les monnaies d'or etd' argent du dix-huitiernesiecleaveccellesdn dix-nenvieme, on ne doutera plus de T influence pernicieuse des ecoles pas- sees , et de I'heurense refornic qu'a operee sur I'art moderne DE LA PEINTURE. lOI le respect rendu ii I'arL cles auclens. » Eloge coinpletement merite de la part de nos sculpteurs. « Puissions-nous , ajoute rauteur, siiivre uii si precieux guide, afrn de n'etre pas ex- poses a la lionte de retrograder de nouveau. » Dans I'histoire de la peinture et de la sculpture grecques , I'auteur distingue soigneusement les epoques et les ecoles , et donne de savantes observations sur le style des mailres les plus celebres. Get examen le conduit a des jugemens peut- etre un peu trop severes sur quelques - lines des plus belles statues antiques qui nous restent, telles que I'Apollon de Bel- vedere, la Venus de Medlcis, la Diane a la biche, le Lao- coon, qu'il regarde coniiue des copies des terns du de'clin da I ait ou comraedes productions du troisieme ordre ( pag. 495, 502 , 508, 510 , 514 )• Je dis que ces jugemens sont peut- etre trop severes , car on ne pent guere dputer que le Lao- coon ne soit un original , et qu'il n'ait ete execute sous le regne de Vespasien ou de Titus. II n'est de plus nienlion nuUe part d'un groupe de sculpture execute aux terns de Phidias ou de Praxitele, dans lequel I'artiste eut reuni I'ex- pression d'une si vive douleur "a des fornres d'une si haute beaute ; et le merite de cette alliance doit etre compte pour quelque chose dans I'appreciation d'un chef-d'oeuvre tel que celui dont il est question. Si I'Apollon etait une copie , ce qui ne serait pas impossible , il faudrait convenir du moins que cette copie serait sculptee avec tout le savoir que pouvaient deployer les maitres les plus habiles de I'antiquite lorsqu'ils consentaient a descendre k I'ceuvre des copistes. La Diane offre un travail trop savant, des details trop vrais pour n' etre pas un original ; et en ce qui concerne la Venus de Medicis , comment croire qu'une statue qui fait admirer dans les chairs tant de souplcsse et de correction , tant de delica- tesse et de fermete, puisse etre une copie? N'en deplaise a JVIengs , qui le premier a hasarde cette opinion , ce n'est ici ni une copie ni une figure du troisieme ordre , niais un chef I02 TRAITK d'ceuv re execute a une epoque on I'ait, maitre de toutcs ses ressources, savait a son gre, sans niiire a la verite, sans af- faiblir Texpression de la vie, relever la saillie des muscles ou la teraperer , joindre a la poesie de la pensee tout le nierite possible dans I'execution. Quant on compare, comme le fait Tauteur , la Venus de Medicis a la statue trouvee k Milo, qui orne aujourd'hui notre musee , il faut considerer que cette derniere figure n'est point une Venus, quoiqu'on en ait dit. Venus n'offrirait ni une attitude si altiere, ni un regard si assure, ni une jambe levee, ni des muscles aussi ressentis. La statue de Milo , eton- nante production de I'ecole de Phidias, nous montre le plus haut degre de perfection ou fut parvenu le ciseau , lors- que, abandonnant le style egenetique, il recherchait avec un plein succes la verite des contours et le moelleux des chairs , allies a la force physique. La Venus de Medicis , an contraire, ouvrage accompli de I'ecole dePraxitele, nous fait admirer toutes les beautes d'une nature jeune, fraiche, suave, toutes les perfections ou pent s'elever la sculpture lorsque, devenue sobre dans I'emploi de ses moyens , elle sait imprimer son feu dans le marbre , sans nuire en rien a la sim- plicite et a la grace. La premiere deces statues pent avoir ete executee vers la 90 ou la lOOe olympiade; la seconde, cent quarante ans plus tard. Dans I'intervalle I'art, loin de de- choir , avait su s'ouvrir des routes nouvelles , et atteindre a tons les genres de perfection. Mais, quoi qu'il en soit du rae- rite de ces observations, on reconnait dans cette partie du travail de M. de Montabert, comme dans toutes les autres, un critique sage, d'un goiit eclaire, d'un tact sur, et guide par une saine theorie. De I'histoire de la peinture et de la sculpture grecques , I'auteur vient a I'histoire de la peinture du moyen age. 11 montre que, dans les terns meme appeles barbares, non- seulement I'art u'etait point aneanti, mais qu'il conservait DE LA PEINTURE. lOO quelques heiireux souvenirs des regies familieres aux anciens. ( Tome III, pages 9, 10 et -15.) II le suit dans ses progres, depuis son renouvellement jusqu a I'epoque des maitres qui ont forme Tecole fiancaise, aujourd'hui vivante. Tons les peintres celebres, tels que Perugin, Leonard de Vinci, Mi- chel-Ange, Raphael ^ les Carrache, Rubens, Rembrandt, Poussin, sont habilement apprecies. L'auteur ne s'attache pas seulement a juger leur merite, il montre en meme tems quelle a ete leur influence sur leurs siecles. II traite ensuite de la metapliysique del'art, de son but moral, de son influence sur la societe, des moyens de le per- fectionner, des ecoles , des etudes propres a diriger les jeunes talens. Ses reflexions sur le but de la peinture le conduisent na- turellement a traiter de ses nioyens, des raetbodes a suivre, du dessin, du coloris, du clair-obscur. II fallait ici definir quelques mots importans, tels que, ve'rite imitation, natiirel, indention y composition , heaiite , etnotammentlemotde beau ideal, que l'auteur regarde avec raison comme une expression vicieuse ( s. IV, p. 80 et suiv.). La de6nition qu'il donne de la beaute ne satisfait pas d'abord entiereraent : car il pense que la beaute ou le beau consiste dans I'unite' j et il semble cependant que I'unite, qui est sans contredit un des ele- mens du beau, ne constitue pas a elle seule le beau tout entier. Mais quand on le voit ensuite joindre, k I'idee qu'il se fait de I'unite, celle de la convenance , de I'ordre , de I'har nionie, de maniere que I'unite dont il parle est celle qui unit ensemble toutes ces choses , on est pret "a adopter sa definition, car il ne reste plus qu' a renfermer aussi dans I'unite la variete et I'ampleur, et alors I'unite qui s'etablit dans I'ensemble de ces divers elemens parait etre en effet ce qui existe de plus accompli entre les objets propres a frapper la vue. Du reste , les applications que M. de Montabert fait de son principe de I'unite aux formes de I'architcclure , au coloris ^°^ TRAlfE J'l.n tableau , a la disposition des lignes tracees dans la com- position , au style , aux acccssoires , a 1' effet general , aux cos- tumes et mcme aux parures des femmes , sont aussi jnstes que propres a consolider son opinion, et elles meritent d'etre meditees par les artistes. Dans cette parlie de son travail, comme dans le cours entier du livre, I'auteur cite de nombreux passages de tous les ecnvanis qui out traite le m^me sujet, soit qu'ils aient pense comme lui, ou qu'ils aient soutenu des opinions dif- ferentes des siennes. Cette maniere de travailler n'a pas seu- lement le merite d'etre consciencieuse , elle ajoute encore de 1 mteret a I'ouvrage et elle contribue a en faire un livre es- sentiellement utile , en placant sous les yeux du lectenr des passages clioisis avec connaissance et avec goiit. C'est dans le m^me but que I'auteur donne, sur chaque partie de sou vaste sujet, la liste de tous les ecrivains qui en out traite et les titres de leurs ouvrages. Tout ce qu'il dit ensuite sur le langage de la peinture , sur son but moral, sur la composition , sur les pretendus plagiats reprocbes si souvent aux plus grands mailres, est plein de justesse et de sens. Leonard de Vinci, Michel-Ange, Ra- phael, le Dorainiquiu, Poussin, David, accuses de plagiat, se trouvent venges par des observations lumineuses sur ce qiu constitue le plagiat. a L'artiste, dit I'auteur, lorsqu'il emploie dans son tableau une figure excellente dont il aura emprunte I'ide'e, est uncreateur, un inventeur , puisqu'il compose et combine des rapports qui deviennent nouveaux sous son pinceau. Les productions des auciens nous expli- quent tres - ckireraent tout ce qui a rapport a cette question. Le momdre changement d'action change toutes les parties de la figure, et ce nouveau corps devient tout different du pre- mier dans ses rapports , dans ses masses et ses details : c'est uii autre squelette, une autre chair, un autre temperament DE L\ PEINTURE. Io5 et line autre carnation : on est done le plagiat ? » ( tome lY , page '266 et siiiv. ). Tout ce que I'auteur dit cUms les volumes suivaus sur le dessin, sur les proportions des diverses parties du corps liumain , sur la convenance de cliaque partie avec sa destina- tion, sur I'expression des passions, sur le geste, sur I'art d'erabellir un modele vivant par I'application du systemc de I'unite, sur I'application de la geometric h I'art du dessin , est egalement clair, judicieux et instructif. L'auteur traite particulierement du coloris, du clair- obs- cur, de la touclic , de I'art du portrait, de I'art du paysage , de la peinture des animaux , des batailles , des marines , des fleurs , du choix merae et de la preparation des couleurs, de la fresqueet de I'encaustique. De nombreuses gravures I'acilitent I'intelligence de ses observations sur le dessin , les effets de la lumiere et la perspective. Rien ne manque a cet ouvrage de tout ce qui pouvait en accroitre I'utilite. On voit que le but de l'auteur a ete de repandre les lumieres , de contribuer a maintenir I'art a I'etat de perfection ou il a ete miraculeuse- ment eleve, de s'opposer aux envaliissemens du mauvais gout, qui deja nous menace, malgre quelques pinceaux illustres qui de- fendent encore les principes de leurs maitres, et qui en prouvent I'excellence par le uierite de leurs ouvrages. On y reconnait un esprit meditatif long- tems occupe de sonsujet, habile a analyser toutes les questions qu'il traite , un artiste experi- mente , qui joint I'habilete de la pratique aux connaissances acquises par la meditation et par une vaste lecture. Lin ou- vrage tel que le sien est le produit de la vie ehtiere d'un homme laborieux, et il double la vie de ceux qui I'etudient, en abregeant leurs travaux. « Puissent , dit l'auteur , les re- cherches que je communique en ce traite aider les artistes a approcher du but, en leur decoiivrant le vrai chemin qu'il faut absolument suivre pour y utteindre! » Nous repe- tons le memo voeu , et nous ne craignons pas d'ajouter que Io6 TRAITE DE LA PEINTURE. les pi'eceptes donnes par rauteur sont les raeilleurs guides qui puissent etre proposes aux artistes. On y retrouve euviiigt endroits ce principe important, que, pour coustituer un ha- bile peiutre, il ne suffit pas d'uii coloris brillant ct d'un pin- ceau facile; qu'il faut encore, en peignant, dessiner et modeler ; qu'une main doit etre line main ; qu'une tete doit, en s'arrou- dissant , paraifre vivante ; qu'il faut, en un mot, etre vrai sans etre exagere, et que I'oubli des formes conduit, par une pente rapide, k raneanlissement de I'art. Le traite dc M. de Montabertsur la peinture est mi ouvrage complet et eminem- ment instructif, que consulteront avec fruit les pei'sonncs qui pratiquent la peinture , et celles qui , sans la cultiver par etat on pour leur amusement, veulent en connaitre I'histoire et la theorie. Si nous avions le malbeur de retrograder, cet ecrit, temoin veridique , rappellerait encore quels sont les principes a la faveur desquels cet art s'est eleve, a la fin du dix-hui- tieme siecle et au commencement du dix-neuvieme , a une sublimite dont lesannales despeuples offrentpeu d'exemples, et ce ne serait peut-etre pas sans utilite. E-D. III. BULLEXm BIBLIOGRAPHIQIJE. LIVRES ETRANGERS. AMERIQUE SEPTENTRIONALE. ETATS-UNIS. I . — The Chemistry of the arts. — Chimie des arts, basee siir la Chimie pratique de Gray ,.oii exposition des pi'incipes clumiques applique's aux arts et manufactures des Etats - Unis , avec de nom- breuses planches ; par Arthur L. Porter , ex-professeur a I'univer- site de Vermond. Philadelphie , i83o; Carey et Lea. In -8". L'ouvrage de Gray , public en 1 829 a Londres , et devenu si rapi- dement populaire , a servi de modele a I'auteur ame'ricain , qui est lui-meme verse dans la pratique de la chimie. Tout en se pre'valant des de'couvertes faites chez les Anglais , il a donue les precedes adopte's aux Etats - Unis , les me'thodes moins dispendieuses , plus expe'ditives , en usage dans un pays oil la marche de I'industrie est au moins aussi progressive qu'en Angleterre. La ne'cessite de pour- voir ^aux besoins de populations immenses a double I'e'nergie des producteurs. Les articles les plus e'tcndus ont rapport au blan- chlment des cotons , des toiles , a I'impression des indiennes , aux teintures de toute espece, a la fabrication de I'etain, du plomb ,des acides nitrique et sulfurique , a la valeur comparative des diffe'rentes varie'tes de chauffage , a la construction des poeles , cheminees , a la ventilation des appartemens. Peut-etre pourrait-on reprocher a I'au- teur d'avoir entierement sacrifie la the'orie de la science au de'velop- pement de la pratique. L'e'lectricitc, le galvanisme, la lumiere , sont traites fort superficiellement, et mieux eiit valu supprimer tout-a-fait ces articles. Ce qu'il faut chercher dans ce livre , c'est J'etat des manufactures et des arts aux Etats - Unis , quelques de'cou- I08 UVRES ETRANGERS. vcrtes reccntcs et pliisieiirs amclioralious inlroduitcs dans divcrscs fabrications. AMEIIIQUE DU CENTRE. '2. — Memorias de la Socieilad economica de los Amisos de Guatemala. — Me'moires de la Socictc e'conoiniquc des Amis de Guatemala. 3. — Prospecto del Mensual de la Sociedad economica de los ainigos del Estado de Guatemala. — Prospectus du recueil mensucl public par la Socic'te dcs Amis de I'Etat de Guatemala. 4. — Mensual de la Sociedad , etc. — Recueil mensucl public par la Socic'te, etc. All milieu des c'pouvantables calamitc's des guerres civiles , Ics nouvcllcs rc'piibliques ame'ricaincs pressentcnt leurs liautes destine'es, etrasseiublenl, autantque les circoustances le permettent, les moyens d'assurer ct debater ces temsde bonheur. LeNouveau-Mondedonne, en ce moment, aux vieilles nations , un exemple qu'ellcs ne suivront point. Tandis qu'cn Europe I'liomme instruit devient suspect dcs que sa fortune descend au-dessous d'lin terme fixe arbitrairement , en Amerique , I'bomme riche n'obtient la confiance de ces conci- toyens qu'cn faisant preuve d'instruction , ct les lumieres sont un titre suffisant pour exercer tons les droits , toutcs les fonctions. II est vrai que dans ces nouvcaux Etats I'instruction est encore assez rare pour qu'on en sente forlement le bcsoin , au lieu que cliez nous , il paratt que la masse nalionale posscde 'assez de connaissances pour juger ceux qui se mcient de la gouverner, remarquer leurs be'vues et les signaler. II faut done, en Aincrique , des associations telles que cellcs des Amis de I'Etat de Guatemala ; ici , on nous saurait gre'de n'en former aucune. La Sodie'te des Amis de Guatemala se consacrc spe'cialement a la culture et a la propagation dcs connaissances d' economic politique applicables a la nouvelle re'pubjique. Elle n'est pas une cntreprisc de quclqucs particuliers , mais imc institution publique conime nos academies nationales. Son reglemcnl AMERIQUE. — GRANDE-BRETAGNE. 109 e'nianc du pouvoir Icgislalif ainsique son organisation, scs corres- pondances au-deliors et au-dedans, etc. Son journal mcnsucl a paru, pour la premiere fois , en avril i83o; clle avait tenu sa premiere assemble'e an mois de novembre i8'2g,clioisi son directeur, M. Jose' Dclavallc ( president actnel de la republique ) , son vice-direcleur , M. Juan Barrundia , et ses secretaires , MM. Francisco Valen- zuela et Marco Dardon. Installe'e solenncllement le 29 du meme mois , par le cbef de I'Etat , M. Pedro Molina , elle est done maintenanl pourvue de tout ce qui lui est ne'cessaire pour alteindi'e son but , et ses memoires ainsi que son journal vont prendre la place qui leur convient dans les bibliotbeques de I'Europe. Rien ne sera plus inte'ressant , pour les historiens de notre tems, que le paral- leledes e'ycnemens contemporains, de part et d'autre de I'Atlantique. N. EUROPE. GRANDE-BRETAGiVE. 5. — Animal Kingdom. — Regnc animal, de'crit et classe' confor- me'ment a son Oi-ganisation , par M. Georges Cuvier , avec nombre d'additions et la description de'taille'c de toutes les especes connues, par E. Griffith et plusicuis autrcs naturalistes. Partie I , II et III, comprenant la classe des reptiles. Londres, i83i j Wbittaker , 3 vol. in-S". L'e'loquence fleurie de Buffon , scs descriptions pompeuses , ses artifices de style qui , en popularisant I'histoirc naturelle, accrc'di- tcrent bon nombre d'erreurs , yalurent a cct babile e'crivain le dc- dain de la plupart de nos savans. lis prirent en me'pris cette science de salons , et soutinrent qu'elle nuisait a la profondeur des recher- ches etause'rieux des eludes. Se jetant alors dans I'exces oppose', ils firent du savoir pour eux et leurs amis , ambitionnant quclques cen- taines de leclcurs dans !c monde e'rudit. Leurs c'crits sont reste's let- trcs closes pour le public, ct il lui a falUi accepter des cc'le'brites dont il n' avait jamais pu prendre la mesure. A moins d'etre grand mathe'maticien , grand cbimiste , grand naturaliste , c'est line pre'- fention absurde que de vouloir aborder les trayaux de I'e'lite. Arrives no LIVRES ETRANGERS. ail but, ces messieurs trouvent ennuycux de redesccndre et de re- comniencer la route pour y guider autrui. Fi de la science qui court les rues , qui s'ajipuic sur des observations que tout le monde peut comprendre ! Les savans , comrae les prctrcs d'Isis , ont leur langage a part. L'liistoire naturelle si fraiclie , si attrayante, accessible a tons ceux qui obscrvent , ils sent parvenus a la rendre pe'dante et sechej ils I'ont circonscrite dans d'aridcs nomenclatures , la dc'pouillant de toutc poe'sic , de tout mouvement. M. Cuvier, lui-meme, dont le nom s'est illustrc par tant de de'couvertes , par tant de vues profon- des , n'est point exempt de ce reprodie. II adopta dans ses ouvrages unc jorc'cision technique qui , tout en garantissant la severe exactitude des details , bannittoute espece de charme. Le traducteur , M. Grif- fith , s'est empare de ce travail consciencieux , y a mis le souffle de vie qui manquait. Toules les observations , tous les faits a I'appui , recueillis par des voyageurs dignes de foi , par de savans observa- teurs , ont e'te reunis par lui et groupe's autour de I'exacte analyse de M. Cuvier. Aussi I'ouvrage de ce savant, connu seulement par son titre de la plupait de nos lecteurs , est-il devenu , en Angleterre, im livre populaire , un recueil de merveilles pleines d'inte'ret. Les yolumes qui ont deja paru ont eu un succes de vogue , et ceux-ci seront encore plus ge'ne'ralement goute's. La classe des reptiles est une des plus curieuses a observer. Les lois qui re'gissent I'organisa- tion des autres animaux changent pour eux. La vie semble leur avoir e'te' accorde'e a des conditions differentes et varices a I'infini. Leurs singulieres metamorphoses, leurs mceurs , sent autant d'objets d'admiralion et d'e'tude. Dans des tems plus florissans pour la librairie , ce serait pres- que une speculation a faire que la traduction de ce livre, oii la science re'clle , emprunte'e a la France , est paree et embellie pour la masse des lecteurs anglais. 6. — The Book of the Seasons, or the calendar of nature. — Le Livre des Saisons , ou le calcndrier de la nature ; par fVilliam HowiTT. Londies, i83ij Colburn. In-12. •7. — Annals of my village. — Annales de mon village; ca- lcndrier de la nature. Londrcs , i83i ; Hatchard. Ces deux livres sont de saison, car ils parlent de printems, de CtRANDE-BRETAGNE. 1 1 1 flours , de chants d'oiscaux , d'caux jaillissantes , dc tout cc qui sc lie a cette renaissance de I'annee. C'est une aumone que deux cs- prits poe'tiques , heureux d'habiter les bois et les champs , font aux pauvres affaine's des villes. Les Anglais sont plus cnclins que nous a ces joies mucttcs et faciles : raoins prcoccupe's du monde et de I'effet a y produire , ils cultivcnt plus ge'nc'ralement les sciences naturelles. On en rencontre pen qui ne soient naturalistes ; les fem- mes meme savent trouver dans ce genre d' etude une source de plaisirs et d'interets varies; leur langue trahit cette tendance de lour esprit : I'anglais , surtout dans la poe'sie , a des expressions pour une foule de nuances, et le plus petit insecte, la raoindre fleur se peuvent de'crire avec les plus minutieux details , sans ino- notonie; car le langage, suivant pas a pas I'observation , et se moulant en quelque sorte sur elle, vous revele ou vous retrace sans cesse ce que vous n'avez fait qu'entrevoir. C'est la un des grands charmes des ouvrages descriptifs e'crits en anglais , et ce qui en rend la lecture si attrayante. Le» mots , empreints de sensations, e'voquent a I'instant dans la memoire tout ce qu'ils peignent. On avait deja tentc , il y a deux ou trois ans , de fairc cc que M. Howitt accomplit aujourd'hui. Un almanach poetique, intitule Miroir des mois , devait populariser les beaute's de la nature ; mais quelques rares e'motions y e'taient tellement noye'es dans une ridi- cide et pre'tentieuse affe'terie , que le livre tomba. Cette fois , ce sont les notes d'un poete enthousiaste , qui est en meme terns ob- servateur profond et habile natiiraliste. Son plan emlirasse une revue de chaque mois avec I'aspect gene'ral de la nature ; les lois et les variations qu'il a observees , des faits puise's a diverses sources , les travaux champetres de I'e'poque , une liste des fleurs qui s'ouvrent ou se scmcnt , la venue ou le depart des oiseaux voyageurs , le tout mele de remarques gaies , serieuses , poe'tiques , d' observations sur le caractere et la situation des paysans et des classes pauvres. Souvent I'ecrivain laisse errer son imagination an grc' de son caprice. II nous transporte de la plaine aux montagnes , et apres nous avoir montrc dc fertiles prairies , il se plait a scs soli- tudes agrestes. « Quiconque , dit-il, n'a pas visitc nos montagnes connait peu les beautes de notrc tie ; quiconque n'a pas gravi leurs 112 LIVRES ETR ANGERS. lonf(ues pcnles couvcilcs dc bnij-ercs , qui n'a pas vu Icurs ficurs IrcniLler, la mousse ct Ic lichen aux riches tcintcs s'e'tcndre sur lours flancs, qui n'a pas jespirc Ics Irais parfunis tics heihcs ct dcs ar- brisscaux sauvagcs , cntcndu Ic bclcmcnt lointain du troupeau , Ic cri aigu du pluvicr, du corbcau ou do I'aiglc , qui n'a pas contcm- ple les aspects changcans dcs collincs , les cicatrices lividcs des ravins et dcs precipices , la ligne argentine des caux trerablantcs , et plus loin, au-dcssous, les lacs, les forcts, les villes ct lours fumo'es , ct au-delii encore dcs terrcs se do'rouLint jusqu'a TOccan, immobile dans son e'clatante beautc , qui n'a pas vu ces chosos no sait rien des trc'sors de la vieille Anglcttrre. » La description des nids des oisoaux on mars et avril est pleine de charmc, quoiqu'un peu trop rc'ne'ralisee. Le passage suivant sur les fleurs nous a fait un trop vif plaisir pour n'en pas citcr quelque chose. « Do toutes les creations inaniraees dc Dicu, dil M. Howitt , les fleurs sont peut-otre les plus ravissantes. EIlcs semljlont des ma- nifestations dc I'amour, de la beautc, dc la grace. Elles no sc lient pas imrae'diatenient a nos besoins. La ve'gc'tation sc pout accomplir sans cllcs 3 ellcs sont plutot une parure qu'une defense pour le gcrme du fruit • mais cilos ont c'te' vcrse'es avoc profusion sur la tcrrc pour rcjouir le coeur de Thommc : c'cst la lumicrc do sosycux, I'objot constant do son admiration. Ellcs s'craparent de ses affections a la premiere vue. Enfant, elles le ravissent; il bondit dcjoieau milieu d'cUes , il les cucillc , il les rassemble en tas autour de lui , il les assortit , les marie , les tresse , les caresse , jusqu'a ce qu'clles se fanent et mourcnt dans ses e'trointcs. Qui nc so rajipolle los trans- ports de Lcvaillaut en de'couvrant une fleur d'Europe au milieu des solitudes briilantes de I'Afriquo ! C'c'tait un lis magnifique, croissant sur les bords d'une riviere, cmliaumaut Fair de sou de'Iicieux par- fum, respectc' dcs animaux qui venaient se de'salto'rer aupres, comme si sa beautc I'cut dc'fendu. Depuis , au centre du mcme continent , la vue d'une flour I'clcva le courage abattudu pauvreMungoPark. » Les Annales de mon village , compose'es dans le mome but que le calendiier de Howitt , sont I'ouvrage d'une femme. « J'ai fait cc livre , dit I'autcur, avoc le dc'sir sincere d'eveiller I'interet de ccux qui liabilont la campagnc jiour les ol)jcfs qui les entourent , los GKANDE-BRETAGNE. I I O oiscaux , les fleurs , Ics cliangemens de saisons , etc. » Des observa- tions fines et de'licates sont rcndues avec unc grande siinplicitc. II y a moins de me'thode , moins dc talent de style , que dans Tautrc ; mais en revanche on est plus cntraine et plus souvent e'mu . Pourquoi , au lieu de rcimprimer en France tons les ans dc stii- pides alraanaclis, ne s'inspirerait-on pas de la fraiclieur et de la poe'sie de ceux-ci ? Ce n'est pas unc mission a de'daigner que celle d'e'largir les voies du bonheur, et de rapprocher du peuplc les dons que Dieu a si liberaleraent re'partis a tous. 8. — Invention of an effective and unfailing method, etc. — De'- couverte d'un moyen prompt et infaillible pour e'taljlir instantane'ment une communication avec la terra en cas de naufrage , et pour e'clairer le lieu de la scene pendant la nuit la plus sombre et la plus ora- geuse; par /o/jw Murray. Londrcs , i83i ; Whittaker. Brocluue in-8'. Le capitainc Manby pourrait a bpn droit re'clamer la prioritc dc cette invention , du moins quant au principe. On sait que le premier il eut I'ide'e de lancer une corde a bord d'un vaisseau en peril , au moyen d'une sorte de fusee ou liombc envoye'e du rivage par un ca- non. Ici c'est un projectile en forme de fleche, capable de maintenir sa direction en de'pit du vent ct de la re'sistance de I'ouragan , fa- fonne de maniere a se cramponncr ou il tombe , et pourvu d'un an- neau auquel on attache' une ligne ou petit cordage au moment de mettre le feu au canon. II y a de plus un appareil fort inge'nieux pour e'clairer le vol de la fleche ct le lieu du naufrage. II serait bon d' examiner cette de'couverte , d'en faire I'e'preuve etde la natui-aliser parmi nous. Les cotes de Bretagne , celles de la baie de Biscaye et des lies avoisinantes sont he'risse'es d'e'cueils , et il ne se passe pas de mois qu'on n'ait a de'plorer la perte de vaisseaux marchands qui pe- rissent corps ct biens. Quand done noti-e gouvernement se montrera- t-il soucieux de la vie des horames ? quand sa soUicitude s'e'veilJera- t-elle pour les inte'rets individuels des masses ? Nous sommes las des sentences usees , des maximes vides et rebattues de la philantrojiie : cc sont des actes que le peuple reclame ; c'est a I'ceuvrc qu'il attenfl les gouvernans , et c'est la qu'il les jugera. TOME L. AVRII. l83l. 8 Il/f LIVRES ETRANGERS. fi'auteur dc cc nouvcau moycn dc saiivctagc, M. Murray, est iin liahile physicicn , iin savant anglais distingue , ct qui a Ic bon esprit d'allicr toujonrs la pratique a la tlie'orie. On lui doit un excellent ouvragc sur re'lcclricite, qui rcnfcnnc dcs oljservations et dcs expc'- riences sur les paratonncrres , les paragrelcs , etc. g. — Narrative of a visit to the court of Sinde. — Relation d'une visite a la cour de Sinde; par James Burnes, cliirui'gien attache a la residence de Boui. Imprirae a Bombay, presse de Suva.- machar, avec permission du gouvernement anglais j rcimprime a Edimbourg, i83i.In-8". La province septcntrionale de Sinde , quoique limitropbe des pos- sessions des Anglais dansl'Indoustan, a toujours manifeste' une grande repugnance pour ces envaliisseurs e'trangers ; les Europe'ens y pe'nc- trent fort difficilement , et c'esl au liasard que M. Burnes a dii le privile'ge de visiter la capitale. Un des amirs ou chefs e'tant ma- lade depuis long-tems , et craignant qn'une opc'ration ne fut ne'ces- saire , se de'cida a faire venir un chirurgien anglais. Apres avoir traverse' un pays prescjue desert, ce dernier arriva dans la ville d'Hy- drabad, et fut tout de suite introduit dAnsle derbar, ou assemble'e des princes. La description qu'il en donne rappelle Ics contes des Mille et une Nuits : richesse de costumes , pierreries , armcs somptueu- ses, et jusqu'a re'le'gance des manicres , qui surpasse debcaucoup , dit-il, telle d'une cour d'Europe. On lui fit une reception distin- gue'e , car on espe'rait en ses taleus, Cependant Mourad Ali, I'aine des chefs , qui regne aujourd'hui sans partagc , refusa obstine'ment de se conformcr aux ordonnances , a nioins que le me'decin n'avalat d'abord les mcmes drogues qu'il lui prcscrivait. Ce re'gimc conve- nantpcuau docteur, il parvint a s'en exempter, et le prince dc'signa pour le remplaccr un malheureux serviteur , qui subit bon gre' mal gre' un cours re'gulier de sueurs, bains , purgations, etc. La maladie du chef, qui n'e'tait pas tres-grave , ce'da vite au traitement , et le succcs valut a M. Burnes beaucoup d'e'gards, et une grande in- fluence. Les naturels e'taient toujours e'tonne's de lui voir pre'dire I'effet d'une drogue ; la propricte' qu'a le sulfate de quinine de couper lesfievrcs intcrmittcntes, tres-communes chez eux,excita sur- tont leur admiration. II gucrit en deux jours I'enfant du premier GRANDE-BRETAGNE. Il5 ministre , et plusieurs personnes en proie a la fievre depiiis un et deux ans ; mais , qiiand les chefs apprirent ces cures merveilleuses , ils confisquerent a lour profit la fiolc dc quinine , et I'ayant ficele'e et scelle'e , ils la scrrerent pour Icur usage particiUier , ne voulant pas se departir d'un grain, mcme en faveur de M. Burnes, qui tonJja nialadc pen de terns aprcs. II peint son patient, Mourad Ali , comme un ctre liautain , froid , e'goiste , tyran par peiu-, pauvre hy- pocondriaque , tounnente' de I'ide'e de la mort , avide comme tons les despotes de I'Orient. « 11 ne comprend pas qu'on puisse sacrifier le gain present pour des avantages futurs , ct place la grandeur de son regne ct dc sa dynastic dans I'accuraulation des richesses. Cast ce but qu'il vent atteindre a tout prix : aussi les impots et les taxes perf us dans la province de Sinde sont e'normes , et pai'alysent tout commerce et toute industrie. » Les chefs s'e'tonnaient que la com- pagnie des Indes ne pressurat pas da vantage le sol et les halaitans; et ils dircnt qu'ils s'abonncraient de grand creur a lui payer tons les ans un tribut e'gal a son revenu actuel , si die voulait leur ce'der en com- pensation son immense territoire. « lis parlerent des marins et des soldats anglais , de Napoleon , dont ils connaissaient la renomme'e et la chute , mais qu'ils ne savaient pas mort ; de la vaccine , dont ils me firent de'velopper les avantages , de'clai'ant leur intention de I'in- troduire dans Sinde , et rae priant de les y aider. Je leur racontai entre autres choses la grande de'couverte de la machine a vapeur j mais il rae fut evident que , sur ce point ainsi que sur le total des revcnus de la Grande - Bretagne , ils me regardaient comme usant largcment du privilege des voyageurs. lis tiraient vanite de leur famille , ct furent tout e'tonne's et tout ravis de me trouver au fait du pelerinage a la Mecque, e dc I'assassinat de leur ancetre Mir-Bejur, dont ils me montrcrent le sabre , et dont la mort entraina la chute de la dynastie Caloi-a. Une seule circonstance leur de'plut : causant un jour avec leur ministre sur I'e'tat de Caboul, j'en indiquai quel- ques pai-ties sur une grande carte de I'lndoustan : cela vint aux oreilles des chefs , et il me fallut satisfaire leur curiosite' et leur porter ma carte. Rien ne pent c'galer la surprise qu'ils te'moignerent quand jc leur montrai du doigt les divisions dc leur propre pays, et les routes qui le traversent. J'ajoutai qu'a I'aide de ce guide je pourrais par- 8. 1 i G . LIVRES ETR ANGERS. coiirii- Ions Iciirs ddniaincs sans dcinantlci- num clirniin ; cl ponssc par un sentiment d'or^ncil national, jc coiiviis de nia main Icur ehe'lif terrifoire , tandis qne jc Icui' faisais snivrc dc I'ceil les vastes limites des possessions anglaises. Ce trioni])lie e'tait , il est vrai , pen judicienx. lis affccterent d'abord nnc indifference complete, et pre'- lendircnt en savoir lont antant sur nos provinces qne nons en savions sin- les Icnrs ; niais ils fnrent cxtrememcnt |:;raves pendant le restc dc I'entrcvne , ct exprimerent apres mon depart leur chagrin et lenr de'pit dc ce que Ton ne ponvait rien caclicr aux feringies. » On fit a M. Barnes la pro|)osition dc rester dans Ic pays , el dc s'attaeliei- anx amirs en qualite de me'decin; il de'clina cette offre, et regagna Bon'i. 11 a joint a sa relation unc notice historiquc de I'Etat de Cntch , et nne topographic mcdicale. 10. — Journal of travels in the seat of war between Russia and Turhej. — Journal dc voyages sur le theatre de la guerre entre la Russie et la Turquie ; par T. - B. Armstuong. Londres , i83i; Seguin. In-8" de 9,4^ pages. 1 1 . — Narrative of a journey across the Balkan. — Relation d'un voyage dans les monts Balkan, passes a Schiuin et a Pravadi ; suivic d'une excursion a Ahani et autres mines re'ccmment dccou- vertesdans I'A'sie-Mineure, iS'.ip et i83ojpar le major Georges Kevpel. Londres, i83i ; Golhurn. ■>. vol. in-8". Lc premier de ces voyages est une revue rapide de pays divers faite en poste par un courrier. II y a beaucoup pour les yeux , rien pour I'esprit. On se fatigue de cette suite de sites tpii , vus ainsi sans profondeiu" el sans revelations sur I'hisloire humaine qui s'y rattache , e'veillcnt a peine une pense'c. II n'en est pas de meme du second voyage. II excite un vif intcrel, qui ne tient ni au Balkan ni aux mines que lc voyageur a visite'es , mais bien a I'effrayant tableau qu'il trace de Constantinople , et de son mourant ct sanguinairc emj)irc, prcs dc tomber aux mains des liusses. C'cst quelque chose d'horrible que cette rage du despo- lisme a I'agonic , sacrifiant des milliers de victimes a ses laches ter- reurs. Depuis la destruction des janissaires, ancun Turc, a inoins qu'il ne soil employe- dii goiivcrnemeni , ne pent porter d'aruics. Des GRANDE-BKETAGNE. I 17 qii'on sut que Ics Riisses approchaiciit de la capitalc, resjnit d'op- position au sultan e'clata non - seulcmciU dans la Turquie d'Euiopc, mais dans les possessions de la Porte en Asic et en Aln(|uc. Au lieu des secours qu'on attendait dcs provinces eloignees , chacpie jour ap- portait I'annonce de quelque nouvellc insurrection. Au commence- ment d'aout , plusieurs tenlatives d'incendie furent faites a Constanti- nople , ct les meilleures troupes du sultan , destinc'es d'abord a tenir la campagne centre les Russes , n'eurent plus d'autre emploi que de comprimer les mutins au dedans. Les desertions e'taient nombreuses , et un complot fut trame'par les soldats, quiperirent en grand nombre. Pen de tems apres on decouvrit une vaste conspiration re'gidarise'c , qui avail pour but de renverser le gouvernement du sultan , de re- tablir les janissaires , de bruler la capitale, etde se retirer dans I'Asie-Mineure. La plupart des Turcs d'Asie qui faisaient partic du corps d'arme'e a Schoumla e'taient gravement compromis. Le secret fut decouvert par des astrologues que les conspiratcurs avaient con- suite's pour savoir quel jour serait favorable a 1' execution de leur dessein. Un fait qui prouve cependant a quel point il y avait sym- pathie pour les rebelles, c'est que ces malheureux devins, pris et ar- rete's , ne les traliirent qu'apres avoir e'te' mis a la torture. Le sultan se rendit , le vendi'cdi suivant , a la mosque'e , avec la poiupe ordinaire , ct suivi d'une bande de musicians. Au rctour de la pricre , cbeniin faisant , plusieius personnes de sa maison furent saisies et execute'es sous ses yeux. Le capitan-pacha fit de raeme a bord de la flotte ; et le soin d'e'touffer la rebellion fut conlle en merae tems au se'raskier - pacha, ou commandant en chef de raime'e, homme de soixante-seizc ans , d'une fe'rocite e'prouve'e et le grand fa- vori de sa hautesse. Use mil a I'oeuvre d' extermination avec rage. Trois a quatre mille personnes furent mises a mort. Lc jour on en de- capitait quatre, cinq, et jusqu'a dix, dont les cadavresrestaient ensuite exposes dans les rues pour servir d'exemple; la nuit on en e'tranglait de cinquante a cent, ct les corps e'taient jcte's dans le Bosphore. Lc 5 septembre, il y cut ime execution a laquclle assista un lieutenant de vaisseau anglais. Comme il entrait dans le marche'auxpoissons, il vit la foide regardcr avec anxie'te' dans la direction d'une rue oil s'avan- '•nit une garde do vingt honnnes. Parvcnue a un carrefoiu-, la troupe 110 LIVRES ETRANGERS. s'arreta , ct I'oflicier fit signc aiix ciirieux dc s'e'Ioi^er. Deux Ixommes s'avanceient alors dans I'espacc vide , le Lourreau aime d'un yataghan , ct la victime Ics mains attaclie'es derricre le dos. Le condamnc' avait unc contcnancc si lermc que , sans ses liens , on' n'eiit pas devine' le sort qui I'attendait. II s'agenouilla et liaissa la: tete, afin que Tcxe'cutcur put de'couvrir Ic cou et s' assurer de I'endroit ou il devait frappcr. Ccttc ccrc'monic faite , le bourreau hit le jafta ou sentence de mort , le criminel fit une courte priere d'une voix haute et ferme , et se tournant il dit qu'il c'tait pret. Un seul coup du yataghan se'para la tete du tronc. Elle roula a deux ou trois picds de distance, et le corps tomba sur la terre, laissant c'chapper le sang comme une fontaine. Aubout d'un moment lafoule et la garde se disperserent ; le bourreau essuya froidement son yataghan aux vete- mens du mort , le remit dans le fourreau , coucha !e cadavre sur le dos , placa la tete sous le bras, et le yafta sur la poitrine, et s'en alia. Plusieurs Grccs, des Arme'niens et des juifs furent exe'cute's a la jneme e'poque. II n'y a pas pour eux de difference de supplice; mais I'exposition est plus ignorainieuse. Les corps sont couches sur le ventre ; et la tete , au lieu d'etre place'e sous le bras, est mise entre les jambes. Des femmes furent aussi de'capitecs comme conspiratricesj mais , aA'ant d'etre exposes , leurs corps furent enferme's dans un sac de crin.Voici une des sentences de mort prise sur la poitrine d'un des malheureux condamne's; c'est un curieux sjiccimen de la jurispru- dence criminelle de Turquie : « Achmed , kiaj'a ( chef) de la corporation des marchands tra- fiquant d'objcts de luxe a Constantinople. Ce miserable obtint, il y a quelque tems , de la munificence de sa hautesse le litre de kiaya de cette corporation. Au lieu de montrer de la reconnaissance pour les nombreux bienfaits qu'il avait recus , au lieu de remercier Dieu dans les cinq prieres , au lieu de priernuit et jour pour sa hau- tesse et la nation musulmane , en souvenir des faveurs dont il avait e'te' conJjle' ; au lieu de surveillcr ses propres affaires , au lieu de s'abstenir de critiqucr ce qui ne le touchait pas, au lieu de vivre tranquillc et d'etre , ainsi que le lui prcscrivaicnt son devoir et la re- connaissance , plus attache que tout autre au gouvcrnement , cet homme a non-seulement neglige de fairc ccs reflexions , mais il a fait GBANDE-BRETAGNE.*' II9 usage de pai-oles se'ditieuses , disant que le seraskier - pacha 011 se- raskier-capisi avait e'te mis en pieces ; que ccci ou ccla avail eu lieu, propageant ainsi de fausses nouvelles propres a re'pandre Talarme parrai les fideles croyans; le fait ayant e'te alle'gue, Achinet n'a pu nier, et a soutenu seulement que ce netait pas lui qui r avait dit ; mais Abdi , cavass du divan imperial ; Abdi , ayant e'te e'galement interroge , et confronte avec Acliinet , n'a pu nier I'accusation. La hardiesse de leur conduite infame , I'audacc qu'ils ont eue de s'entretenir de choses qui ne les regardaient pas , prouvent asscz que ces horames sont dc mise'rables ingrats , des trai- tres qui doivent etre ane'antis j il est done juge ne'cessaire d'executer sur eux. les lois pcnales, afm que le hon ordre piiisse etre maintenu. En consequence , le traitre Abdi a e'te execute sur une autre place , ct le voleur Achraet a subi son chatimcnt ici , oil il est reste' pour exemple. » Voici un trait caracte'ristique du dcspote qui pre'side a cette ef- froyablc justice , de ce sultan qu'o*i a voulu reprc'senter a I'Europe comuic un grand bomme , tout-a-fait de'gage des prejuge's de sa nation. . « La ratification du traite'entre la Porte et la Russie n'arrivant pas, un aide-de-camp fut cnvoye a Constantinople pour hater la signature du sultan. Le papier dont on se sert ordinairement en Turquie pour CCS sortes d'actes est peint et dore' d'une maniere particuliere. II n y en avait pas de pret, et la fabrication exigeait quclques jours. Ge fut en vain qu'on repre'senta au sultan la ne'ccssite de signer , n'importe sur quel papier : rien ne put Te'inouvoir ; il aima mieux courir le risque de laisser prendre sa capitale que de s'e'carter de re'tiquette. Enfin le traite parut , dumentdore', colorie, etc. Quclques jours plus tard le general russe, ce'dant a son impatience , vcnait le cberclicr a Constantinople . a la tete de son armc'e. » Puisque le basard nous fait songcr a Die'bitscb , nous terminerons cet article par son portrait et I'historique de sa fortune. « Le feld- niare'cbal, cointe Die'bitscb, dit I'auteur, estun petit bomme , gros, court , d'aspect apoplcctiqnc. II a la tele tres-grosse , de longs che- vciix noirs , de petits yeux perfans , ct le teint d'un rouge fonce' ; iadice de son caractere irascible et de son affection pour le punch. Quoique fort laid, il a du en partie sa brillante fortune a son visage. I20 sLlVRES ETRANGERS. Voici conuuent : fils cadet d'un officicr piussien altache al'ctat-ma- jor dc Fre'de'iic, il ciUia fort jcunc dans I'arine'e lusse , ct obtint une compagnie dans la garde inipe'iialc. Lc loi de Pnisse clant vcnii en visite cliez I'autociatedetoutcs Ics Russies, le capitaine Dieljitsch so trouva de service pros de I'hote royal. L'empereur, jaloux de I'appa- renceforaiidable de sa gaidc, ct craignant que la mine du petit capitaine a la tete de ses gigantcsques grenadiers ne pretat au ridicule , enga- gea un officicr du incmc corps a insinuer a Dic'bitsch qu'il serait agre'able a sou seigneur et raaitre qu'il se fit reniplacer pour celtefois. L'envoye' s'acquitta de sa commission assez gauchement , et finit par dire : « L'empereur de'sire que vous ne montiez pas la garde a la tete de votre compagnie , parce qu'il dit , et ilfaut en convenir, que vous avcz un exte'rieur terrible. » Ce compliment mit le he'ros futur du Balkan dans une telle fureur , qu'il dc'clara que non - seulement il renongait a son tour de gardo , mais meme a sa commission , ajou- tant qu'e'tant sujet prussien et non russe , il voulait entrer au service de son pays natm'cl. L'empereur , qui lui croyait des ta-lens , I'apaisa en lui donnant un liaut grade dans la ligne; ct cette circonstance ayant attire sur lui 1' attention du souverain , il cut le commande- ment de I'e'tat- major general, du vivant meme d' Alexandre. » II est protestant j et cependant le major Kcppcl, assistant au depart du cin- quieme corps de I'armee russe , et a la cc're'monie religicusc qui en fut le signal, represente lc general en clief comme faisant force signes de croix , genuflexions, momeries, etc. Nous quittons cet ouvrage avec le regret de n' avoir pu citer une foule d'autres passages inte'ressans, entre autres I'histoire d'un pauvre jeune Grec de Scio que I'aviteur vit a Audiino])Ie chcz lc consul anglais. Nous reviendrons peut-etre sur le second volume , car au- jourd'hui nous n'avons parle' que du premier. L. Sw.-B. 13. — Thoughts on man, his nature , productions and dis- coveries , interspersed -with some particulars respecting the author. — Pcnse'es sur I'homme , sa nature , ses productions , et ses decouvertes, entremele'es departicularite's surl'auteur; par/Fj7- liam Godwin. Londres, i83i ; Wilson. In-S" de !\-^\ pages. 1 3 . — yi Practical Treatise on Rail - Roads , and interior GRANDE-BRETAGNE. — ALLEMAGNE. 121 communication in general ; containing an account of the per- formance of the different locomotive, etc. — Traite pratique sur les chemins dc fcr en general, contenant la description des effcts produits par les differentes macliines de locomotion pendant et aprcs les essais I'aits a Liverpool, avec le rc'cit de deux cent soixanle expe- riences et la table dela valeur compareedes canaux, des chemins de fer et de la force des machines employees aujourd'huij par Nicolas Wood. Londres , i83 1 j Hurst , Hance et compagnie. 14. — Narrative of a voyage to the Pacific and Behring straits. — Narration d'un voyage dans les de'troits de Behring et de "la mer Pacifiqiie , fait pour rencontrer 1' expedition polaire sous le commandement du capitaine F.-W. Beechee, dans les anne'es \S'i5 — 26 — '^7 — 28. Publie par les ordres des lords-coramissaires de I'amiraute. Londres, i83i. Colburn et Bentlcy. In - 4° en deux parties de 742 pages. 1 5. — Summer and Winter Hours. — Heures d'e'te et d'hiver, poesies par ^ererr Glanford-Bet-l. Londres, i83i ; Huutet com- pagnie. In-8° de 175 pages. 16. — Children as they are. — Les cnfans comme ils sont, ou contes etdialogues pour de jeunes lecteurs. Londres, i83i ; Harvey et Charton. ALLEMAGIVE. 17. — Philis insula ejusque monumentis. — De I'ile de Pliilae et de ses monumens; par G. Pakthev. Berlin , i83o. In-8" , avec deux planches. Une mort pre'mature'e ayant enleve' celui des collaborateurs de la description de I'Egypte qui devait re'diger I'article relatif a I'lle de Philae, ceti-availest reste'incompiet. C'estunclacunequeM.Partheya voulu remplir ; il a visite cette ile et dressc une carte nouvelle , car il pre'tend que celle de la commission a e'te faite avec quelque negli- gence. Du rcste il loue beaucoup les dessins de I'ouvrage franfais. Dans la premiere partie de sonlivre, il traite des limitesmeridionales de rfigypte et donnc I'histoire particulierede Philae et la description de ses monumens ainsi que dc ceux d'Ele'phantine. Ceux-ci furent prcsquc tons ane'antis en 18 18 par Mohamed-Bey, qui rcnversa 122 LIVRES ETRANGERS. aussi les colonnes d'Adiien a Arsinoe. Voici quclques-iines des ide'es dc raiitcur. L'lle de Pliila; fiit d'abord un sanctiiaire cthiopien j ragriculture se ic'pandit le long dii Nil, dii sudau nord; los temples de la Nubie sont plus anciens que ceux d'Egy])te , et Ics Elhiopicns venus dc I'lnde s'avancerent peu a peu jusqu'a Philae, qui fut le der- nier point oil ils purcnt arriver par eau. Une muraille de briques , aujourd'liui appclc'e Ha'id el Adscliur, s'e'tcndait de Sycne jusqu'au bord du Nil vis-a-vis dc I'llc, vraisemblablement pour prote'ger les convois du commerce contrc Ics Arabes, ct Tile de Philx e'tait en- toure'e d'une enceinte de construction particuliere. M. Parthcy ne partage point I'opinion de M. Champollion, qui attribue presque tous ces monumens au tems des Ptolome'es ou a la domination romaine. La seconde parlie dece traite commence par une discussion e'tymolo- gique du nom de Philae. L'auteur fait remarquer que le nom arabe AneselVodjud, qui s\s^mfie joiede la nature, abeaucoup de rapport avec le nom grec, et doit faire penchcr pour I'e'lymologie grccquc. II passe cnsuite en revue les tc'moignagcs des c'crivams sur les limites me'ridionales de I'Egypte. Hc'rodote n'a point parle de Philae, at c'est a tort , dit M. Parthey, qu'on a voulu faire subir a son texte une correction qui aurait pour effet de transporter a celte ile ce qu'il dit de Phila, qui est pres des syrtes dc I'Afrique septentrionale. Au tems des Pharaons et des Perses , les limites de I'Egypte ctaient a Elephantine et a Syene ; au tems des Ptolome'es , Philae y e'tait incorpore'e. L'ile qu'aujourd'hui Ton nomme Bageh e'tait pro- bablement Abaton. Le textc de Strabon indique mal la distance de Philae a Syene , et M. Parthey adopte la correction de M. Letronne pour le texte de I'itineraire. Plusieurs donne'csde Plinc ct d'autres au- teurs sont ici rertific'es. L'ouvrage finit par un examen dc tousles voyages , a commcncer par celui de Nordcns , le premier des mo- dernes qui soit alle a Philae , il y a environ cent ans , jusqu'a MM. Salt , Belzoni et Champollion. 1 8. — Corpus scriptorum histcrice Byzantin p. — Collection des historiens de Byzance , par Niebuhr , Bekrer , Scuopein , Din- DORF , etc. Bonn , i83i . Li-8°. ( Volume contcnant Jean Malalas.) Depuis que I'illustre autcur de I'Histoiie romaine a etc enlevc aux sciences par une mort pre'maturc'e, on n'avait pas ajoutc un volume ALLEMAGNE. 123 k cette collection , dont la re'impression on plutot la refonte est due a ractivile do son genie. EspeVons que les pliilologues ce'lebrcs qu'il s'e'tait adjoints n'abandonneront pas une entreprise dont le succes est ne'cessaire aux e'tudes liistoriques. Donnons un coup d'ceil a ce vo- lume , qui rcproduil Jean Malalas. Plus d'un lecteur , sans doute, nous dcraandcra ce que c'est que ce Malalas , et nous pouvons leur apprendre on leur rappeler que cet auleur s'appelle aussi Jean Malala, Malela, ou Meleles , ou, si Ton veut encore, Jean d' An- tioche: car les opinions varient sur cette identite. Une autre question est de savoir s'il vccut au terns d'He'raclius ou seulenient apres Le Syncelle , son premier e'diteur. Huml'red Hodius fait tons les efforts imaginables pour le placer au commencement du neuvieme siecle. Le ce'lebre Reiske, au contraire , le rapprochait de Justinien , ne tenant aucun compte de la barbaric du style ni des sole'cismes qu'il dit avoir des lors existe', ce qu'il de'montre fort bien. Quoi qu'il en soit de cet obscur e'crivain , il nous a laisse une chronograpliie qui com- mence par cette declaration , qu^apres la mort de Yulcain , ce fut son fils , le Soleil , qui re'gna en Egypte , et qui finit en disant que I'empereur Justmien envoya son cousin on ne sait plus oil , car la fin de cette chronograpliie est perdue ainsi que la tete , a laquclle on a supplc'e par la chronologic d'un anonyme, que Ton de'montre devoir elre Georges Hamarcolus , qui fut le contempo- rain de Malela. Ges dix-hiiit livres sont renferme's dans cet e'pais volume avec des notes de Chilmeade et de Humfred Hodius , plus une letlre de Bensley dans laquelle on discute un grand nombre de passages d'auteurs ancieus. Dindorf, le nouvel e'diteur, a joint une courte preface a ce volume • il y refute I'opinion de Hodius , et soutient celle de Reiske , en y ajoutant des argumens d'une valeur incontestable. Malalas est un nom syriaque : les noms syriaques firent place aux noms arabes quand les Sarrasius eurent envahi la Syrie : c'est une raison de plus en faveur du systeme de Reiske. Celte e'di- tion est beaucoup plus correcte que celle d'Oxford; quant a celle de Venise, les fautes dont elle fourmille ne permettent guere d'y re- courir. i(). — Kritische Zeitschrift. — Journal critique pour la juris- prudence et la legislation e'trangeresj public par MM. Mittermaier et I -'4 LIVRES ETRANGEUS. Zaccuabi^. V" ct 3""' cahiers du tome III. Heidelberg, i83i. In-8". Get excellent recueil continue a sc montrer dignc de la lepiUa- tion dcs deux homines cclibres qui en ont entiepris la redaction. Ricn de plus varie et cependant rien de pltis profond. Les analyses d'ouvrages y sont nomljreuses , substantielles tt point du tout pio- lixes. La competence des critiques ne saurait elre rc'voquoe en doute. Ce sont des juges tels que M. Rossi sur Ic droit penal ou M. Rau- TEn sur iin Traite de la dot , ou M. Mrr tremaier sur Y Hisloirc des abus feodaux, publie'e a Naples par M. PFinspeare, etc., etc. Les analyses nc sont pas susceptibles d' analyse; cependant nous ne pouvons nous empecher de signaler plus particulierement b. I'attcn- tion celle oil Ic docte M. Waunkoenk; venge Tccolc historique, et particulierement M. ilicSavigjij , des attaques peut-etre inconsidc're'es de M. Meyer, homme de me'rite qui nous donna il y a sept ans un bon livre sur les institutions judiciaires. La querelle est ne'e de la question de la codification , et M. Meyer est au nombre des codifi- cateurs. II est encore bicn d'autres articles inlc'rcssans , quoiqu'a iin degre' inferieur : tels sont cclui du droit maritime de la Russie , celui sur I'liistoire dc la common law en Angleterre et en Amcii- que, etc., etc. J'en viens aux traite's originaux. II ne m'apparlient pas de parler d'un traite' sur romnipotence du jury francais : je passe done sur-le-cliamp a la dissertation ou plutot au livre de M. I'avocat FoELix sur la contrainte par corps selonle droit francais. Qu'on ne s'imagine pas trouver ici des declamations sur la libertc des de'biteurs , qui , apres tout , sont souvent moins a plaindie que Ic cre'ancier. Ce point de vue n'est pas celui ie I'auteur, qui differe sou- vent et prcsque toujours dc M. Crivelli. Nous citcrons, au risque d'etre injustcs envers tout le reste , deux propositions dc M. Foelix relatives aux faillites; il voudrait que, pour prc'venir la fraude , chacun des creanciers , malgre la declaration de faillite , conservat le droit de faire arretcr ie I'ailli debiteur de tous , sauf ce que le tri- l)unal de commerce pourrail slatuer dans rinte'ret de la masse. En outre il voudrait que les agens de la faillite et les syndics reyussent des bonoraires , et fussent, en cas de rapport infidMe , declares com- plices de la banqucroulr. P. m, Goldeuv. ALLEMAGNE. 12;) Qso. Die Umwalzimgeti der Erdiinde. — f^es Revolnlions dii glolic, consiilerc'cs sous Ics rapports de I'histoire naturellc et dc riiisloire gc'ncralc ; par le baron G. Cuvier , tradiiit d'apres la cin- quicine edition originale , avec des additions , par le docteur Noeo- GERATB. Bonn , i83o ; Weber, 'i vol. in-8° de S-jS et 4^4 pages. ■jii. — Flora Brasiliensis. — Flore dii Brcsil, ou catalogue des plantes qui croissent spontanc'ment dans ce pays ou qui y sont cnltive'es , recueillies dans un voyage entrepris dans les anne'es iSi-j- iH'io , sous les auspices du roi dc Baviere, Maximilien Joseph I*"'" , de'critcs et dispose'es d'apres la rae'tliode naturellc ; par C.-F.-Ph. de Martius. Tome II, premiere partie. Stuttgart et Tubingue, iHic); Cotta. Gr. in-B" de Go8 pages, 3'i. — Bromatologie , etc. — Bromatologie , ou coup d'ceil sur les alimcns les plus connus usite's par les habitans des diffc'rentcs jiarties du globe, conside'rc's sous les rapports de I'histoire naturellc t de I'hygicnc; par le docteur J.^IN. Kolb. Tome IJ. Hadamar, iSag. In-8*^ de vin-524 pages. 'i3. — Prophjlactisclies Heilverfahren , etc. — De la Me- thode prophylactique , employee dans des cas de morsure par des chiens enrages et pour le traitemcnt dela rage; par le docteur J.-W. Hancke , conseiller de me'dccine et premier me'decin de I'hopital des Freres de la Mise'ricorde. Brcslau, i83o ; Gosohorsky. In-Bode XVI- 1 o3 pages. 24. — Die Todesstrafe , etc. — De la Peine de Mort; par I'au- leur dc Y Esprit de la Legislation penale en ^llemagne. Nuicm- bei'g , i83o ; Riegcl et Wiessner. In-B" de ■i!\ jiages. •25. — Geschichte der macaronischen Poesie , etc. — Histoire de la poesie macaronique , et collection de ses monumens les plus remarquables ; par le docteur F.-W. Genthe. Halle et Leipzig , 1829 ; Reinicke. In-B" de xvi et 35o pages. 26. — Liebe der Engel, etc. — Les Amours des Anges, pociuc on 3 chants ; par Thomas Moore, traduit par le comte Paul de Haugwitz , aAcclctextc anglais. Breslau , iS'iQ; Gosohorsky. In-B" de 9.10 pages. 126 LIVRES ETRANGERS. SUISSE. I"]. — Feuilles Neufchdteloises , n" i et '2 , precedes d'un nro- spectus. Neufchatel , 1 83 1 ; C. Gerster. Nous sommes si habitue's a ne nous occuper d'inte'rets politiques qii'a I'aidc de nos journaux de la capitale , qu'il peut nous paraitrc piquant de voir ccs memcs inte'rets, reduits a un cadre beaucoup moins vaste et pour ainsi dire en miniature, discute's dans une feuille publiee en Suisse et dans notre propre langue. Ce qui n'est pas moins piquant, surtout aujourd'hui, c'est d'ap prendre que dans ce petit pays de Neufchatel, soumis depuis long-tems a I'autorite' d'un prince qui reside a deux cent cinquante lieues dc son territoire , non-seulement on ne cherche pas a secouer cette domination e'tran- gei'c si importune partout ailleurs , mais on s'applaudit d' avoir a y obe'ir, et on se plait a rappeler les bienfaits qu'on lui doit , et ceux meme des vieilles couturaes, qui, partout ailleurs, sont si univer- sellement repousse'cs. Cette double singularite ne sera pas, au reste, le seal merite des feuilles que nous aunoncons , et qui , a en jugcr par les specimen que nous avons sous les yeux, se distingueront encore par un ton de moderation et de sagesse , trop rare aujour- d'hui dans les discussions politiques , memo chez les pcuples les plus civilises de la terre. Les deux nume'ros que nous annonfons sont consacre's a I'examen de questions politiques tres-graves sur le systeme de monarchic constitutionnelle ajipliquc'e au pays de Neufchatel , sur les corpora- tions, sur le caracterc national, etc. lis se terminent ])ar une chro- nique , oil sont racontc's soiumaircment les troubles qui ont cu lieu dcrnierement dans cette contre'e de la Suisse au sujet de "cpielqucs changcmcns qui pourraient etre apporte's a la constitution du pays. Y.-Z. '^8. — Naturgescliichte der Saiigethiere von Paraguay, etc. — Histoire naturelle des rnammiferes du Paraguay ; par Ic docteur J.-R. Rengger. Bale, i83o; Schweighauser. In-8° de xvn-3g4 pages. aQ. — Der Creole. — Le Creole, nouvelle; par^ewnZscHORKE. Aarau , i83(); Saucrlander. ^1-8" dc 354 pages. ITALIE. '7 ITALIE. 3o. — Compendio delle piu interessanti regole di architetlu-^ ra teorico-pratiche , etc. — Abre'ge des regies thc'oriques-praliques les plus importantes do raichitccture , d'aprcs les meilieurs auteurs, ouvrage compose pour I'instruction des jeunes gens qui sc destinent a cet art; par le professeur F. Lazzari , architccte. Yenise, i83o; . Giuseppe Picolti. Grand in-4" dc 67 pages. L' architecture est I'un des arts dont tout le monde parle avec line grande assurance, sans en posse'der memc les notions les plus elciuen- taires. En France , surtout, 011 nous avons si peu demonumens dont I'aspect continuel puissc donner a chacun , sinon le secret , du moins le sentiment de I'art, cette assurance est frappante et fait naitre des opinions monstrueuses , des theories bizaiTcs , un enthousiasme gro- tesque qui n'est pas propre a nous faire regarder par les e'trangers , et notammcnt par les Italiens , comme un peuple civilise. M'"= de Stael I'avait deja reraarqne , un li/.zaroni montre souveiit un tact du beau , une dclicatesse de goiit qu'elle a peut-etre exage'rce , raais qu'on trouve rarement chez nous dans les hommes des classes riches de la socie'te. Toutefois , comme celte ignorance serait honteuse, cette insensibilite de mauvais ton , nous feiguons I'enthousiasme et nous nous donnons pour conaaisseurs. La race des connaisseurs est bien nombreuse, ct certaincment trcs-comiquc. Nous aurions done grand besoin de pctits traites comme celui qu'a public M. Lazzari. II y a la tout ce qu'il f'aut savoir pour n'etre pas expose a dire des soltiscs dans le monde , et a en faire dans les con- structions que tout proprietaire peut avoir a cntreprendre. II se divisc en trois parties : la premiere est consacree a ce qui constitue pro|;rcmcnt la bcaute, les proportions , I'harmonie des par- ties , la convenance de I'ensemble ; la scconde est destinee a ce qui concerne la commodite , la distribution interieure, etc.; enfin la troisieme renfermc les prcceplcs clemciilaires de la construction. 3i. — Fita di Benvenuto Cellini, orefice et scultore fioren- tino, etc. — Vie de Bcnevento Cellini, orfevre et sculjiteur floren- tin , ecrite par lui-meme , ramene'e a la Icfon originalc d'apres le manuscrit Poirot, et enrichie de notes et de documens ine'dits, par Ic I 28 LIVRKS ETRANGERS. doclciir Francesco Tassi. Florence , 18.29 J ^- l^i<»tti.3 vol. ii>-8" jels clivers qu'il dnit reimir. II est encore un aspect I 34 LIVRES FRAN^AIS. sous leqiiel on doit considercr les notions nouvelles , avant de les livrcr a la circulation ge'ne'rale : c'est le dcgrc de matuiite qu'clles ont atteint , rcvidencc des prcuvcs qui les etablisscnt, des droits qu'clles ont a prendre le litre de connaissances. Le dirccteur du Memorial est place h. rcntrcc des vastes domaines de rintelligence, a pcu prcs corame ces gens de foi a gages dont Rabelais proposait de ceindi'c la France , pour examiner , scruter ct controler les nou- velles avant leur importation , et ne laisser enlrer que celles dont les passe-ports seraient parfaitemcnt en regie. Mais la surveillance de M. de Merlieux n'a-t-elle pas c'te mise en de'faut, lorsqu'il a inse're la Notice sur Vaimant extraordinaire Aw docteur Kiel, qu'ontrouve a I'ouverture du cahier de fe'vrier ? Get aimant , qui gue'rit , dit-on , le rhumatisme aigu et clironique , et d'aulres maladies aussi rebel- les , et qui produit beaucoup d'autres cffets non moirs surprenans , est une nouveaute dont I'apparition inspire quelque defiance. On se rappelle que Mesmcr commenca, cornme M. Kiel, par le magnc- tisme ordinaire; qu'il recberclia le suffrage de Tacademie de Berlin, comme Ic docteur moderne ambitionne celui de I'acade'mie de me'de- cine de Paris ; que le magne'tiseur prussien , me'content de la deci- sion des juges qu'il avait choisis , se mit au-dessus de la science vul- gaire , en crea une qui n'appartint qu'a lui seul et a ses disciples. La de'couverte de M. Kiel , si elle est re'elle, n'est pas encore au rang des connaissances , et ne devait point trouver place actuel- lement dans ce Memorial. N. 42. — Lettres a Julie sur I' entomologie , suivies d'lme Des- cription me'tJiodique de la plus grande partie des insectes de France, ornees de planches, par M.-E. Mulsant. T. I. Lyon, i83o ; Paris , Treuttel et Wiirtz. Li-8° de Sga pages ; pris, 9 fr. « La mctliode employee , dit I'auteur, est ccUe du savant M. Tja- treille , que j'ai tache' quclqucfois de rendre plus cle'mentaire , en la modifiant d'apres les ecrits de M. Dume'ril et des autres auteurs , ou d'apres mes propres observations. » Onze lettres un peu diffuses contiennent les prolegomenes de cette science ; les autres traitent seu- lement de vingt-deux cspeccs depuis les lucanes jusqu'aux stapbylins ; un glossaire pour I'explication des tcrmes techniques indiquc aussi les lieux oil M. Mulsant a etudie ces insectes, ct c'est du Lyonnais LIYRES rRAN(^;\lS. l35 qu'il a fait le plus souvent rentomologie. 11 cite une fois , au siijct tin sjnodendre , la Norinandie ; pres de la cote occidcntale de celte province , suilcs ilots de Cliaiissey , MM. Audouin et Milne-Edwards ont rasscinble , en iS'jy , plus de six cents espcces de zoophytes, de mollusciues et de crustace's , dont quatre cents au moins ont paru a ccs savans des especcs nouvclies , on jusqu'ici mal connues. Lcs coupes ge'ne'riques , il est vrai, ont deja etc si multiplices qu'elles finiront par etre le partage exclusif do quelques naturalistes. M. Latreille faisait cette remarque Lien avant le retour de respe'ditiou de \ Astrolabe, qui , graces aux recherclies opiniatrcs de son chef, M. d'Urville , et de MM. Quoy et Gaymai-d , a procm-c aux sciences tant de nou- velles richesses. M. Mulsant se propose de donner quatre volumes. Quant a Tcxe- cutiontypographiquedu premier, elle fait honncur a M. Rossaiy, dc Lyon ; et les dessins et lcs gravures sontdc MM. LeiwainclDume- nil, dont le talent est connu. MaisTouvrage pent recevoir des rctran- chemens, et d'abord la suppression des tirades de vers.^Cc futFoute- nelle qui le premier, je pense, entreprit de faire descendre la science a la porte'e des gens du monde et dos femmes ; parfois il revetit des erreurs en physique d'une affc'tcrie galante. Esprit superieur, il se trouvait engage dans des moeurs me'Iangees de la chevalerie , dc la licence italienne , du mauvais gout qui e'tait reste ou revenu raalgrc Boileau et Moliere , et de la sauvagerie fe'odale -, car , quoi qii'aient dit les pane'gyristes de Louis XIV, ce roi et sa cour pre- naient plaisir, apres le diner, a contempler la cure'e des meutes. Ces mceurs se corrompirent encore durant le regne r'e Louis XV , et la society' n'e'chappa a la dissolution que par la frivolite'. Duraoustier publia ses Lettres sur la mythologie; il eut des imitateurs moins })oetes encore que lui. On appliquaaux sciences ce mode d'enscignc- ment, lorsqu'il ne fut plus possible d'ignorer lcs progres qu'elles faisaient. Les Lettres sur la botanique , celles sur la physique et la chimie jouirent naguere de la vogue. Ce succcs a se'duit M. Mul- sant , et il n'a pas assez conside'rc quelle revolution s'operc dans les etudes scicnlifiques et littcraires. Les femmes elles-memes y con- Iribuent, a leur insu peut-ctrc, en repoussant lcs madrigaux ([ui blcs- scnl Icur caractt'rc et lcs fadcurs ([ui insultenl a leiu' raison. 1 36 LIVRES FRANgAlS. Une leiuarque inte'ressante ct neuvc pcut-etre, c'est que les femnics qui ont e'crit sur les sciences et les arts se sont prc'sei-ve'es de I'esprit romanesque et n'ont point eu recours aux fictions ; sup- ple'ant a la vigueui- du raisonneinent par la clarte' ct la liaison des ide'es , elles ont procc'dc avec me'thode. II est vrai , le nombre de ces femmes auteurs est tres - restreint , bien plus qu'il ne devrait I'etre j car, quoiquc incomplete encore, la liste que j'ai di'essc'e de ceUes qui ont brillc par leur savoir cliez toutes les nations , contient beaucoup de noms orais ou inconnus. Est-il prouve que I'Espagnole Andrea n'a pas fait , avant Harvey, la de'couverte de la circulation du sang ? Mesdames Barras, Baid , Laplasse et autres naturalistes ne sont pas cite'es par M. Mulsant , qui ne comprend qu'une seule femine , la ce- lebre Me'rian , parmi les cent deux entomologistes qu'il indique. Isidore Lebrijiv. 43. — Le Cultivateur, Journal des progres agricoles , re'dige par une reunion d^ agriculteurs , membres du conseil supe'rieur d'agriculture , de la s'ocie'te' royale et centrale d'agriculture , des so- cie'te's d' horticulture et d'agronomie pi'atique de Paris , de celle de me'decine, etc. Paris, i83i ; on s'abonnea la direction du journal, rue Taranne , n'> lo. Journal mensuel de trois feuilles au moins j prix , 1 2 fr. par an pour Paris ct les departemens ; 1 5 fr. 6o cent, pour I'e'tranger. Un art est susceptible de deux series de progres qui s'entr'aident ordinairement , et qui peuvent quelquefois se nuire. Ceux dont les productions n'exigent qu'une intelligence vulgaire se perfectionnent en meme terns qu'ils ;■•■ repandent ; mais ceux dont le ge'nie s'est re'- serve' le secret de'ge'nercnt a mesure qu'ils sont cultive's par un plus grand nonibre d'ouvriers meme tres-liabiles. Plus on auia de fai- seurs de vers , plus on sera pauvre en poe'sie. Heureusement I'agri- culture n'est pas un de ces arts qui ne doivent pas etre prodigue's ; die gagne, an contraire, beaucoup en s'e'tendant, ainsi que toutes les divisions de nos connaissances acquises par I'observation. Mais il semble que ces connaissances devraient e,trc distingue'es en deux classes , qiiant au mode de leur propagation : celles qui ont altcint une sorle d'universalilc , quoi([uc plus ou moins avancees dans cer- tains licux, n'ont besoin que d'etre presentees dans leur ensemble : LIVRES FRAN^AIS. iSy ce seraient dcstraite's spe'ciauxquileurconvicndraient, tandis queles journaux se chargeraient de propager les de'couvertes et les notions encore peu communes. Ces reflexions ont e'te provoque'es par un excellent article sur la pommc dc tei-rc, inse're dans le cabicr de mars du Cultivateur. Get article, tres-bien fait pour la place qu'il occupe, estdil a M. Poileau. Mais , apres I'avoir hi avec toute I'attention qu'il me'rite, on le trouvera trop court sur rpielques points; on de'sirerait que le savant agronome eut moins compte' sur le savoir dc ses lec- teurs. Cependant, cette concision, ces soins pour eViter ce qui n'ajoute rien ni a la clarte ni a la justesse des idees , sont un des principaux me'rites d"un rccueil tel que celni-ci. Nous avons quelqucs Iraitcs complets d'agriculture : mais ils ont rieilli; ce qui atteste que Fart a fait des progres. Au lieu de ces ou- vrages volumineux oil Ton rassemble des mate'riaux dont la plus grande partie demeurera sans emploi , et qu'il est peut-etre inutile de rajeunir, nc conviendrait-il pas'de re'diger des monograpbies agricolcs , petits livres oii tout serait utile aux cultivateurs qui en feraientl' acquisition? Et, de raeme qu'il est refuse'alame'diocrite de faire de bons ouvrages ele'mentaires , ce serait aux agronomes les plus instriiils qu'il faudrait demander des traite's simples , courts , et cependant complets, sur cLacune des branches de I'arbre immense des sciences agricoles. M. Poiteau se chargerait sans doute de plus d'une redaction de ce genre , et le traite sur la pomme de terre , dont il nous ferait pre'sent, ne laisserait rien a de'sirer. Quant au journal consacre aux progres de I'agriculture , ce sera par la propagation des de'couvertes qu'il assurera le mieux le succes dont cette entreprise est bien digne. Dans la marche vers le perfec- tionnement , la place des ouvrages pe'riodiques est a la tete des co- lonnes ; que d'autres se chargent de rallier les traineurs , et de les forcer a suivre le raouvement general. F. 44- — Registre a I' usage des Cultivateurs , de'die a la Socie'te royale centrale d'agriculture; par M. Th. Geslin. Paris, i83o. Mongie; Huzard. Caliier in-fol.; prix, 5 fr. 5o cent. (Au profit de dixperes de famille du canton de Villers-Cotterets. ) Voici une de ces publications dont I'utilite toute pratique nc peut etre explique'e dans une simple analyse. L'auteur a voulu faire pour l38 LIVRES FRAN^AIS. le premier etle plus ancicn dcs arts utiles cecpii a dcja cle fait par des praticiens e'claires pour plusicuis autrcs , uotammcnt pour cclui des forges. II a re'uni, dans une suite de tableaux en bianc , toirtes les donnc'es ne'oessaires pour se rendre un compte fidclc de I'exploita- tion d'unc proprie'te rurale de quelque e'tcndue. Ces tableaux , au nombre de trentc-un, prescntent successivement : I'inventaire de la proprie'te avec les conditions du fcnuage; les receltes en grains di- vers , fourrages , bestiaux , et les dc'penses de tout genre j un rcleve mensuel comparatif des recettes et des de'penses ; I'entre'e et la sortie des ce're'ales des greniers ; I'indication des semaill^s et re'coltes ; les comptes des fauclieurs , nioissonneurs et batteiirs , ccux des c'curies , bergerics , etc.; la distribution des fourrages ; enfln, un resume' sy- noptique de tous les tableaux pre'ce'dens. Le detail de ces tableaux, que nous nepouvons presenter ici, montre que I'auteurconnait parfaite- raent la matiere qu'il a traite'e, et son Begistre nous parait un veritable service rendu a 1' economic agricole et a tous ceux qui s'en occupent. 45. — Annuaire desEaux minerales de la France, pour 1 83 1 ; par M. LoiVGCHAMPS. Paris, i83i ; Delaunayj Gabon , rue de I'E- cole-de-Me'decine, n. i3. In-i8 de 192 pages; prix, a fr. Les cle'mens des connaissances positives sont devenus en France un bcsoin pour tout le raonde. Deja , en Anglctcrrc , ce besoin s'est fait sentir dcpuis long-tcms : aussi une idee ge'ne'ralc dcs sciences y est-elle plus populaire que dans notre pays. C'est par des traite's e'lcmentaires et a la porte'e des plus faibles intelligences ; c'est en in- troduisant la science dans tous les livres que les besoins de la vie mettent entre les mains des hommes, que les Anglais sont pai-venus a la rendre populaire. C'est un livre de ce genre que puliHc I'autcur dc \ Annuaire des Eanx minerales de la France. II a voulu re'pandre , parmi les personnes qui fre'quentenl les cial^lissemcns tbeiinaux, tous les points scientifiqucs que la nature met sous lem-s yeux dans la production ct Fe'coulement des sources minerales. II a fait tous ses efforts pour res- ter toujours a la porte'e des personnes les plus ctrangeres aux scien- ces , qiioiqu'cn attaquant souvcnt les questions les pbis c'Icvc'es qu'elles prescntent. jNoiis alloiis inditpicr soiiiiiiairciiK'iil les diflercntcs parlies (juc LIVRES FRAN^AIS. iSg j-enferme ce petit volume : i "» un calendiier aiissi complct qii'il soil possible de rolfrir; a" des notices siir chaciin des soixante-dix- sept e'tablissemens d'eaux mine'rales qui sont aujourd'luii exploites dans la France , et dans lesquels on trouve : le nom des me'decins- inspecteurs de retablissement ; la temperature des sources j la composition cliimique de chaque eau • leurs principales vertus me'dicinales ; leur mode d'administration ; quelques details sur les e'tablissemens , qui seront toujours curieux ou utiles pour les personnes que leur sante' appelle a faire usage des eauxj la quan- tite' d'eau que produisent les sources de ces e'tablissemens j le rc- vcnu qu'elles donnent au proprie'taire j le nombre des malades qui les fre'quentent. 3'Uu article sur lesEaux minerales, coiisidere'es sous le rapport de Veconoinie politique. L'auteur , que ses fonc- tions ont appele' depuis dix ans a visiter la plupart des grands e'ta- blissemens du royaume , a pu , mieux ' que personne , appre'cier I'importance dont serait pour la Fraitte I'cxploitation de ses soiu'ces mine'rales. II est des localite's oil ellcs composent la plus grande ri- cliesse du pays. Ainsi , les somxes mine'rales du de'partement des Hautes-Pyre'ne'es repre'sentent aujourd'hui le scptieme dc la proprie'te fonciere de ce de'partement. Enfin, quoique I'exploitation des eaux mine'rales soit dans notice pays une industrie encore dans I'cnlance et qui demande a elre de'veloppe'e , I'auteui' prouve qu'elles sont au- jourd'hui I'objet d'un mouvement de fonds de onze millions. 4" Un grand nombre de tables d'un usage journalier. Plusieiu"s ont deja e'te' presentc'es dans d'autrcs rccueils ; mais, comme elles sont d'un usage ge'ne'ral, on aimc a les retiouver partoul. Et qui, en effet, n'est point curieux , dans ce moment oil la France est appele'e aux armes, de connaitre la population de chaque de'partement , comment se compose cette 'population , le nombre d'hommes qu'elle pent offrir pour re'sister a I'ennemi? et tout Francais apprendra cerlainement avec plaisir , en consultant la table de la loi de la population , que nous avons cinq millions d'hommes de lio a l\0 ans pour de'fendre le sol sacre de la patric , nos femmes et iios enfans. 5° Des Notices scientijlques , qui toutes se rapportent a I'e'tude des phe'nomcnes que pre'senteut les sources thermales. II est une de ces notices qui interesse un grand nombre de lecteurs, parce qu'cllc traite d'un l4o LIVRES FRAN^AIS. sujel qui tient essentiellemcnt a ragrcincnt de nos campagncs ct a la piospe'iite de I'iiidustiie agricole ; c'cst la notice sur les Puits artt- siens, dans laquclle se prc'sonte natuicllcment la tlie'orie de re'coii- lemcnt des sources, minerales ou auti-es. Y. 4.6. — Rapport fait aii nom de la commission, preparatoire chargee (V examiner la propositioti d'line enquete relative a la situation des routes et des canaux- par M. Charles Dvviti , depute' de la Seine. Paris , i83i ; Henri , iniprinieur de la chara- bre des deputes. In-S" de 1 1 4 pages. Le travail de la commission dont M. Dupin est I'organc n'est pas du nombre dc ceux dont les passions politiques s'cmparent pour les diriger a leur gro. La chambre actuellc le prouuira pour sa justifica- tion , lorsque la voix accusatrice de la France lui demandera ce qu'elle a fait pour les grands inte'rets dont elle s'e'tait constitue'e de- positaire, ce que sent devenus entre ses mains les droits des ci- toyens qu'elle devait re'tablir dans leur int(?grite', la dignite na- tionale qu'elle pouvait elcver si baut, et qu'elle a laisse tomber si bas , le cre'dit public dont I'abaissement rapide compromet toutes les ressources de I'Etat, et, ce qui est encore plus deplorable, I'esprit puljlic , la force morale de la nation sans laquelle aucune force ma- tc'riclle n'est une suffisante garantie pour I'inde'pendance et la liberte. Heureusement jiour M. Ch. Dupin, des occupations d'une autre nature ont absorbe la plus grande partie de son terns , pendant la session de i83o a i83i. Rapporteur de la commission pour la loi sur la garde nationale, travail de longue haleinc, c'est encore sur lui que la commission des travaux publics a jete' les ycux pour rendre compte de ses travaux, aprcs les avoir partage's. II s'agissait d'examiner s'il y avait opportunite ou meme nc'cessite d'instituer une enquete sur tout ce qui concerne les travaux publics , et dans le cas ou cette proposition serait accepte'e , de tracer le plan , la marcbe et les limites de I'enqucte projct?e. a Pour accomplir la premiere par- tic de notre mission , nous avons d'abord examine quel est Tctat actuel des travaux des ponls et chausse'es ; nous les avons partage's en deux grandes divisions , dont chacune pre'sente des questions spe'ciales qu'il est indispensable de trailer distnictement. Ces deux divisions eomprenncnt les voies navigables dont le rappor- teur donne une statistique abre'ge'e m.iis snlfisante pour eclairer la LIVRES FRANgAIS. l4l legislation sur cette pattic des services publics , et sur Ics routes qui sont aujourd'hui , beaucoup plus que les rivieres et les canaux , un sujet de sollicitude publique , de plaintes centre I'administratiou des ponts et chausse'es et meme centre le gouvernemen-t. Les chemins de fer tiennent trop peu de place dans le tableau de nos moyens de transport, pour qu'il ait e'te' ne'cessaire de leur en assigner une dans ce rapport; d'ailleurs , commc il ne s'agit que de de'liberer sur I'uti- lite' d'une enquete, il suffit de rassembler et de soumettre a la Chambre des motifs capables de lui fairc adopter cette resolution. Si I'enquete a lieu , les chemins de fer et leur influence sur le sys- terae general de nos moyens de transport obtiendront toute I'atlention qui leur est due. » Les questions d'expropriation force'e pour service public sont trait c'es ici sous le point de vue dc I'e'quite' et de rc'conomie des finances dc I'Etat ; il semble que rien de ce qui pouvait occuper la pense'e du Ic'gislateur n'est omis dans cette discussion. Cependaut le droit de propriete y est-il assez respecte ? Comme on est expose, a la Chambre des deputes , a perdre de vue que les droits sont la base fondamentale du pacte social , il ne sera pas hors de propos d'exami- ner ce qui constitue le droit de propriete , et quelles consequences doivent en etre de'duites. Sous I'ancienne monarchic , au moins jusqu'a la fin du regne de Louis XV, on prenait, en general, sans indemnite , les terrains necessaires aux routes. Sous I'empire, on e'tablissait en principe qu'il fallait faire balance entre la plus value des terrains laisse's au pro- prietaire , et la valeur des terrains exproprie's. Sous la restauration , on a fait payer a I'Etat , sans deduction d'aucune plus value , cinq , six et jusqu'a dix fois la valeur des biens exproprie's. Aujourd'hui, Ton veut faire payer jusqu'aux expropriations morales , jusqu'a des souvenirs de famille , des habitudes , des agre'mens , etc., etc. Afin de mettre un terme a ces pre'tentions exage're'es , la commission de 1828 a propose dc fixer, pour I'estimation de la valeur intrinseque des biens qu'on doit expropricr , un maximum que les experts ne pourraicnt jamais de'passer , et qui serait e'gal a cinquante fois le rc- venu constate par les matrices des roles des contribiiablcs. En Anglc- terrc, la loi fixe le maximum d' evaluation a quarante fois le rcvcnu ; 1 4^ LIVRES FRAN^AIS. en Suisse, le maxiinuni est nnc fois ot demi le prix des l)iens calculc sur la valeur du ferinage. Kn France , le cadastre procnrerait des bases infiniment plus cerlaines ([iic n'en procure , dans ces deux pays , le prix des baux, que Ton ])rcnd neannioins pour base legale. Aprcs avoir fait re'nume'ration des objcts dont la commission d'en- qucle devra s'occuper, Ic rapport demandc que cette commission fasse sou premier rapport en tems utile , pour que la commission du budget de i83i puisse en tirer les consequences necessaires au vote de ce budget. En tcrminant , le rapporteur parle commc il le devait de I'as- semble'e dont il est memljrc ; mais ce qu'ii en dit trouvera peu d'e'chos dans la France , si ce n'est la derniere phrase de cet e'crit dont I'apparition ne sera point passagcre comme les circonstances qui I'ont proA'oquc , mais qui sera mis au nomljre des pre'cieux do- cumcns de slatistique : « Enfin, c'cst au nom des grands inle'rets du commerce , des fabriques et de 1' agriculture que nous vous deman- dons de prescrire im travail paisible et silencieux d'ou Ton verra sortir, nous osons I'assurer , de nouveaux moyens d'aisance pour Ic peuple , de force pour I'Etat et de splendeur pour la patrie. » Ferry. 4'i. — Letire a MM. les Disciples de Saint-Simon, sur quel- ques points de lew doctrine; par H. Hollard , docteur en mc- decine. Paris (sans date); Dclaunay. In-S^de 34 pages. Je ne sais si les catlioliqucs out rcpondu aux vives et constantcs altaques des Saint-Simoniens. En voyant cette secte nouvelle dresser fiercment Facte morluaire de leur religion , beaucoup sans doute e'prouvcnt le de'sirde lui de'montrer qu'il ya dansuncolosse dc'faillant plus de vie encore que dans un cmbryon qui s'agite obscure'ment. Toutefois , les plus fei-vens n'ont ose se charger dc cette tache, et quand M. dc Lamennais , adoptant les habitudes et les armes des adversaires de son culte , est venu se jeter dans la pole'miquc quoti- dicnne , ces fideles ; mais timides croyans ont pousse' un cri de joie. L'athlete e'tait Irouve; il venait s'offrir de lui-meniea porter le poids d'unc lutlc ardcnlc centre des homines , jeunes et savans pour la plupart, etpresque tons e'loquens. IJAvenir , cependant, soit cpi'il ait mal a propos de'daigne ces adversaires , soil qu'il ait craint Tissue LIVRES FRANCAIS. 1 43 du combat , s'est refuse a engager se'rieusement la querelle. Le pro- testanlisrae , qui pourtant n'avait pas ete altaque aussi directement , s'est montrc laoins liautain ou moins craintif. La brochure de M. Hol- lard est un manifesle de la Re'forme centre Te'cole de Saint-Simon. C'est une face nouvelle de la question j car , dans toutes les critiques contre le christianisme , cette ecole ne s'etait point occupe'e en par- ticulier d'une branche de ce grand arbre qu'elle regarde coinme abattii ; elle pensait que , I'arbre mort, la branche mourrait avcc lui. M. Hollard affirme que c'est une erreur. Les sectes religieuses ont une sorte de prejuge nobiliaire; plus elles remontent haul , plus elles s'estimcnt pures et solides ; c'est une pretention aussi mal fonde'e d'un cote que de I'autre , comine le de'montre bien clairement la phi- losophie de I'histoirc. Cependant le protestantisme ne renonce point a prouver sa filiation directe avec I'e'vangile apostolique , puis avec le Christ, et enfin avec les Ecritures et la Genese. II se fait chef de race, et trace sans facon sur I'e'cu cailiolique la barre de batardise. M. Hollard s'appuic beaucoup sur cette argumentation ; il repousse , comme ne s'appUquant aucunement a la re'forme , les systemes que les Saint-Simoniens ont batis sur le catholicisme du moyen age , sur son influeuce sociale et politique , sur son progres , son apogee , sa decadence et sa chute. II ne pense pas, d'ailleurs, que le christia- nisme renferrae on hii-meme les e'lemcns de ces progres ge'ne'raux : son influence , selon lui , est tout individuelle , et n'agit point sur les institutions poliliques et sociales. II ya plus loin sur cette route : il nie absolument les grands systemes historiques arranges par les Saint-Simoniens , pour protiver que le genre humain est soumis aux memes lois que I'individu ; il nie que I'humanite soit un etre collec- tif, ayant son cnfance , son deVeloppement, ct puis , un progres inde'- fini sans vieillesse ct sans caducite. II nie que I'enfance de I'hu- manite ait e'te' de'vouee au fe'tichisme ( et , a ses ycux , I'exemple des tribus sauvages qu'on a trouve'es dans I'c'tat de nature ne prouve rien a cet egard) ; il nie que le passage au polythe'isme paien ait e'te un progres; enfin, que le christianisme puisse etre conside're' comme un anneau logique du perfectionnement successif de I'humanite'. Nous ne nous prononccrons point sur ces graves questions. Des qu il faut rcmonter aux origincs ct discutcr sur les raonumens pri- 1 44 LIVBES FRAN9AIS. initifs , la canicre dcvient immense ; la critique s'y peid , et I'ima- ''ination seulc s'y promene au gre de toutes ses fantaisies. — II est Ires-facile de batir une theorie bistorique (et combicn en a-t-on fait depuis cinqiiantc ans ! ) d'arranger d'une facon spe'cieuse les e'vc'ne- mens et les inductions qu'on en veuttirer; de construire suivant son caprice toufc une cbarpente d'histoire universclle , en ne'gligeant tel on tel ordi-e de faits, en mcttant les autres en saillic ; c'est un jcii de I'esprit doDt nul nc veut sc refuser le plaisir , et que ne cherchent point a troubler les bommcs studieux et impartiaux, mais auquel il leur est bien permis de nc point prendre part. M. HoJlard repousse rudement les pretentions re'ccntes des Saint- Simonicns a fonder une religion. Nous pavtageons comple'tcment son opinion a cet e'gard. La doctrine de Saint-Simon est tout simplement un syslcme d' economic politique et sociale; systeme profond sans doute, tout brillant d'apercus ingenieux et vrais, mais qui nc ren- ferme pas un seul principe dogmatiquc. Saint-Simon ne I'avait pas comprise autremcnt; et certes il serait bien surpris, s'il rcvcnait au- jourd'bui dans ce monde , dii role mystique qu'on veut lui faire jouer ; si , assistant aux predications que nous avons entendues , il se voyait transforme' en propbete , de'positaire d'une revelation nou- velle. Ses premiers disciples , ceux meme qui aujourd'bui sont les colonnes de la sectc , doivent , s'ils sont sincercs , s'e'tonner de la prodigieuse distance oil ils sont maintcnant de leur premier ensei- gnemcnt. M. Hollard le dit tres-nettement , et avec beaucoup de fon- dement, les Saint-Simoniens e'taient d'abord albe'cs ou raate'rialistes. Dans les publications qui reve'lerent leur doctrine , rien ne te'moigne qu'ils crussent ne'cessaire de faire iutervenir Dieu et des idc'es tbe'o- logiques dans leur organisation sociale. Nous dirons plus : aujourd'bui meme , malgre la confusion qui regne dans toute la partie mystique ou religieuse de la doctrine saint - simonienne , il n'est pas difficile d'apercevoir le pantbe'ismc , c'est-a-dire le mate'rialisme, et la negation de I'immortalite de i'ame, au travers de ce tissu de paroles dogmaliques et scntimentalcs ; et tous les esprits se'rieux qui ont fait une etude attentive de cettc doc- trine sont reste's persuades qu'clle n'est rien autre cbosc que la base imparfaite d'un beau systeme d' economic politique . lequel cfiiit tout LIVRES FRANgAlS. l/jf) entier dans la pense'c de Saint-Simon, et auquel ses disciples n'oul rien ajoute que des images poetiqiies et des sophismes eloqiiens. 48. — Du systeme des Doctrinaires. Paris, i83i ; Delaunay. In-S" de 1 16 pages ; prix, 3 ir. (Cette brochure est signe'e F. Male- BOUCHE.) « Napoleon eut une mission : il devait briser ia force de la revolu- tion et sauver sa loi morale. . . II tomlja, apres avoir porte la couronne de Cesar et essaye celle de Charlemagne. II laissait la force brisee et la loi vivante et sauve'e. Sa mission e'tait remplie , son systcme avait fait son tems. Cependaiit la socie'te restait sans constitution Une autre mission commenca : ce fut celle des doctrinaires. lis avaient a briser I'empii'e de I'ancienne loi et ii conservcr la nouvclle forme sociale que la loi de la revolution aA^ait cre'e'c. II fallait croire a I'an- cienne loi , ils y crurent ; ils proclamerent la le'gitimite , ils I'envi- ronnerent de formes destine'es a mode'rer son action et celle dc la nonvelle force ; ils essaycrcnt non de constituer , mais de gouverner la socie'te. Le premier des deux terraes qu'ils pre'tendaient tenir en e'quilibre s'eleva contre eux, et en i8io ils tomberent une pre- miere fois du pouvoir, apres avoir renic les formes qu'ils avaient im- pose'es a la le'gitimite. II fallut croire alors a la nouvelle force sociale; ils proclamerent son droit, ils I'environnerent dc le'galite, ils essaye- rent de la diriger ; a son tour, la seconde des deux formes , qu'ils pretendaient tenir en e'quilibre , renversa I'ancienne loi , et bientot s'eleva contre eux. lis tomberent une seconde fois en octobre i83o, apres avoir renie la le'gitimite... Leur mission e'tait remplie, Icur systeme avait fait son tems. Voila le sujet de cet ccrit. » Nous avons laisse I'auteur lui-meme exposer en pcu de mots le sujet et la division de son travail. Le point de vue qu'il a choisi n'a rien de neuf ; mais il a su le ge'ne'raliser avec talent. Bicn qu'il soit souvent obscur et trop melaphysique, son style a de k vivacite et de I'eclat. Nous ne doutons pas que le public n'e'coutat sa voix s'il sortait de ces abstractions vagues qui rendent la politique aussi facile a ecrireque fastidieuse a lire. ' 49- — ^^ VEtal actuel de la France et de' ses causes ; par Alexandre Martin ; avec cette e'pigraphe : Marche , marche (Bossuet). Paris, i83o; Delaunay. In-8° de 60 pages; prix , u fr. TOME L. AVniI. 1801 . 10 1^6 LrVRES FR\N9AIS. Ccttc brocliiire est ecritc nvcc talent. Si clle nr rfiifcnne pas do ide'es nouvclles, au moins rc'snme-t-cUc paifaitempiit , avrc conci ••ion ct rapiditc, cellos ([iie professe un parti politique pen nombreux, inais ardent. Ifaiileur rappellc toutes les fautes que le pouvoir a commiscs de- puis juillct ; .son crreur capitale sur les causes el Timportance de la revolution; sa haine dc tout principc radical; son aversion j)Our un systenie prononcc, pour toutc raarchc arrete'c. 11 n'cst pas plus indulgent pour la nation elle-meme , et il lui rcproclie son in- decision , le vague de ses de'sirs , la chimere dc scs craintcs , ou les illusions de ses tspc'ranccs. Sur tous ces points, nous sommcs d'ac cord avec lui. Mais M. Martin se declare partisan de la rc'publiqiic ; il deraandc hautement cette forme de gouvernement , et nous avouons qu'ici nous ne partageons point ses vues. Assure'ment, ce motde republique, qui effraie tant d'imaginationspar le souvenir desexces qu'il rappelle, ne nous cause pas une terreur aveugle. Cependant il faut reconnaitrc quece sentiment general etpopulairedcfrayeur, dontpersonnenepcut nier la re'alite , serait deja une raison suffisante pour bannir ce motde notre constitution nationale. En 18147 le peuple re^ut avec aversion et de'gout, non pas seulement les Bourbons, que pen de Francais d'alors avaient pu connaitre , mais leur noni et leurs insi- gnes : on a vu que ce sentiment populaii'e, comprime' quinzc .nns, a fini par faire explosion , et c'est une nouvelle preuve qu'on ne gagne rien a contredire par des cbartes les opinions et meme les prejuge's nationaux. Mais ce n'est pas le mot seul que nous croyons pen harmonique avec notre tems ct nos moeurs : c'est aussi la chose. La re'publiquc est inseparable de plusicurs mstilutions que nous ne croyons point possibles maintenant. M. Martin et la plupart des hommes de son parti n'expliquent pas bien clairement ce qu'ils entendent par repii- blique. La premiere base de cc gouvernement serait sans doute le suffrage univcrsel : or , nous sonimes convaincus , et ceux qui con- naissent les hommes plus que les liA'res le sont comme nous, qu'aujourd'liui la majorite des citoyens est incapable de prendre part avec intelligence a I'e'lection politique, et qu'elle n'en comprend LIVRES FRAN^AIS. 1 47 ni riinpoitance ni le but. Est-ce rhe'rc'dite du trone qu'on regarde comrne un abiis ? Nous la comptons comme un bienfait. L'c'lection quinquennalc des Etats-Unis amenera tot ou tard la separation des provinces du nord de celles du sud; et assurement il en arriverait tout autant chez nous pour les provinces du midi et du nord , di- vise'es deja pi'ofonde'ment par les croyances politiques ct religieuses. Et ce sei'ait la encore un des moindres inconve'niens d'une election souvent renouvele'e. — Enfin, il nous semljle que M. Martin tient trop peu corapte du passe , et des racincs qu'il a laisse'es dans notre constitution sociale et politique. Sans doute il faut que le monde marcbe , et I'histoire jugera certaineinent que nous avons dcpuis cinquante ans bien rempli cctte obligation ; mais il faut aussi pren- dre les fails pour ce qu'ils valentj les inte'rets ne se coordonnent pas a volonte dans les lignes d'un systeme que trace une plume bardie ; les opinions qui repre'sentent les inte'rets ne se convertissent pas a la premiere sommation d'un pbilosopbe : il faut admeltre en toutes clioses le travail du tems ct le progres lent des intelligences. La mo- narchic representative est incontestableraent la forme de gouverne- ment qui comptc le plus de partisans au moment present ■ elle pent nous donner, pendant de longues anne'es encore, les avantages de la re'publique et la stabilite des trones. La re'publique pure viendra a son heure : ne la devancons pas. 5o. — Lettre du general Arthur Condorcet O'Connor au general Lafayette , sur les causes qui ont prive' la France des avantages de la revolution de i83o. Paris, avril i83i; Alexandre Mesnier. In-8° de i3o pages j prix , 3 fr. L'auteur de cette lettre se fait connaitre des la premiere page. « Notre liaison , dit-il au general Lafayette , date de la revolution de 1789. Fonde'e sur un meme amour pour la liberte', elle a e'te consolide'e par notre long et invarialile attachement pour cette cause sacrc'e : le bannissemcnt , les cachots , les faveui-s ou les disgraces du pouvoir n'ont pu ebranler"nos sentimens et affaiblir nos convic- tions. Je fus I'un des derniers a prendre conge de vous, a votre camp de Sedan, en 179'i, lorsque I'exil vous cnleva a cette France qui vous etait si chere , et pour la liberte de laquelle vous eussiez mille fois sacrific votre vie. Nous primes alors, en nous separant, 10. I 48 LIVRES FRANCAIS deux routes diffe'rcntes : mais toutes deux nous coml nisi rent au-devant des fers du dcspotisme ; vous alliez subir cinq ans de secret dans les donjons de Spandau et d'Ohnutz; je devais liaLiter cinq ans aussi les tours de Londrcs et de Dublin , et la fortercsse du Fort-George en Ecosse. » Apres avoir lu ces lignes, on peut pre'sumer quelle est I'opinion de M. O'Connor sup la ridicule parade dont la revolution de 1 83o a c'te' suivie. Quant aux causes qui ont amcnc de si tristes resultats a la suite de si grands e've'nemens, il pense qu'elles sc peuvent re'duire a deux principales. Premierement , quand le peuple , comptant que son oeuAae serait poursuivic et acheve'e par ses cliefs , eut donne sa demission pour rentrer dans son obscurite' et Son repos , il ne se trouva pas assez de capacites pures et morales pour sc charger dc cette tache ; et les destinees de la revolution tomberent aux mains des vieux serviteurs de la re'publique, des vieux courtisans de 1' empire , des de'vots chambellans de la restauration , de'moi'alise's et corronipus, mais aussi dresse's et rendus plus habiles a I'intrigue , par cette longue pratique de I'hypocrisie et de la cupiditc. L'auteur insiste beaucoup sur ce fait , qui nous parait en effet avoir cte trop pen examine. II appelle en te'moignage I'liomme meme qui a si fort contribue a cette demoralisation des classes riches. « La masse, disait Napoleon a Sainte-Hclene , pre'sentait certainement le peuple de I'Europe qui a le plus de sentiment national. II avait profite de ses vingt-cinq ans de revolution ; mais malheureusement la classe qu'elle avait elcve'c n'avait point re'pondu a ses nouvelles destinees ; elle n'avait mon- tre que corruption et versatilite' ; elle n avait deploye dans les dernieres crises ni talens , ni caractere , ni vertu ; elle avait PERDU l'honneur DU PEUTLE ! » ( Memorial de Sainte-Helene , tome IV, page i6i . ) En second lieu , le pouvoir nouveau a re'gne dans un inte'ret de dynastic plutot que dans un inte'ret national. De la , ne'cessite' de ne point e'lablir en France un contraste trop choquant avec les vieilles monarchies europe'ennes. Ne pouvant remonter jusqu'au pouvoir absolu, on s'est contentc de reprendre re'difice aristocratiquc com- mence' par la restauration , et que son impatience lui fit abandonner ; on s'est attache a fonder im gouvemement a I'anglaise , tentative folic qui ne prouvc pas moins d'ineptic que d'mnnoralite'. LIVRES FRAN^AIS. l4g « Ce fut aussi, dit M. O'Connor, par ce juste milieu qu'a la restauration les Bourbons essayerent de revenir a leur vieux regime fe'odal , ou de s'assurer au moins , en pouvoir despotique , un pre- cieux equivalent de ce regime. Cost par excellence le systeme des solliciteurs et des courtisans ; il n'est pas e'tonnant que ces hommes se donnent tant de mal pour le consei-ver j ils en ^ont tellement pe- ne'tre's , que leur cerveau est devenu inaccessible a toute autre combjnaisoa politique; c'est une doctrine liors de laquelle ils ne voient point de salut , une mesure d'apres lacjuelle ils appre'cient la capacite des autres hommes, et celui qui s'en e'carte d'une ligne n'est qu'un jacobin , un anarchiste , en un mot , un suspect. » Ne et eleve' sous ce gouvernement , y ayant exerce long-tems les plus hautes fonctions administratives et legislatives , ayant pris une part active aux affaires , et passe' plusieurs anne'es dans I'intimite' des plus grands hommes politique? que le pays ait produits , tels que Fox, Sheridan, Grey, Erskine , Whitbread, etc., ayant joui de I'amitie et de la confiance de toute I'opposition de ces tems-Ia et profite de ses lumieres , je puis peut-etre sans pre'somption me croire le droit d'exprimer sur le systeme anglais une opinion aussi i-e'fle- chie que des hommes qui s'imaginent counaitre le systeme original et n'en out vu cependant qu'une copie des plus infideles dans De- lolme ou ailleurs. Je vais essayer de le de'crire, ce systeme, pour preserver la nation franfaise du poison qu'il recele, et j'avoue que j'ai la pretention de le connaitre, au moins aussi bien que ces anglo- manes inte'resse's qui se passionnent pour ses vices les plus mens trueux et les plus e'videns. » L'auteur, sur un terrain q'l'il connait si bien, n'a pas de peine a renverser ses faibles adversaires : les bourgs-pourris et les elections vendues, la taxe des pauvres et les incendies , un budget e'norme et une dette dont le calcul est un bilan de banqueroyte , tout cela est reproduit avec talent et chaleur. Enfin , supposant que ce systeme ne fut pas immoral et ruincux , il demande s'il est possible de I'e'ta- blir en France : « Cos phraseurs qui fatiguent le public de Icurs e'ternels paradoxes devraient bien nous dire sur quels interets ils pretendent appuyer leur aristocratic he'rc'ditaire, leur anglo-monar- chie quasi- fe'odale. La chambrc des pairs sera-t-elle un hopital l5o LIVRES FRAN(JA1S. clefraye jjar le public , ou se soutiendra-t-elle par de riches manages, comme Ic Iroupeau de Rainbouillet. par la vente de ses be'liers ?» — Le trait est sanglant , ct ce mot fera fortune. 5i . — Ce qui s est fait depiiis juillet i83o , ce qui aurait dit sefaire, et cu qui reste a f aire; par M.H. Longueville, avocat. Paris, i83i ; Delaunay. In-8° de Sa pages; prix, i fr. M. LongncviUe resume rapidement les fautes du pouvoir qui a herite' de l,i rcstauration , fautes qui ne viennent pas toutes du man- que d'habiletc , mais bien plutot de I'absence de bonne foi. II expose avec non moins de nettete le plan qu'on aurait du suivre , les prin- cipes auxquels il fallait se rattacber ct qu'il fallait proclamer a la face de I'Europetremblanteapres notre grande victoire populaii-e. Enfin, il recherche quclles mesures peuvent arreter les suites de ces erreurs ou de ces perfidies, que beaucoupd'espritslogiques regardenf comme irre'parablcs. M. Longueville e'crivait sous le ministere Laffitte : on conceit qu'il put espe'rer bcaucoup encore des intentions sinon du talent de ceux qui tenaicnt le gouvernail. Nous pensons , d'ailleurs , que les remMes qu'il propose seraient bien insuffisans : il de- mande que le pouvoir soil concentre en moins de mains , afin que les resolutions soient plus promptes ct rexe'cution plus rapide. II croit avec raison qu'on pent , sans inconvenient , suppriraer le ministere de I'instruction publique , qui se rattache a celui de I'inte- rieur , et le ministere de la marine , qui pent d'autant mieux etrc conlie au ministre de la guerre que depuis long-tems il est admi- nistre' par des hommes e'trangers a la science navale. La creation d'un ministere nouveau , ajoute a tous les autres , prouve que le pouvoir est loin de partager ce desir de simplifications. M. Longue- \i\\c suppose que, le gouvernement etant ainsi organise, il neresterait plus qu'a presenter a une chambre nouvelle les lois que la France attend depuis si long-tems , la loi communale et do'parteinentale , la loi d' elections , la loi sur I'instruction primaire , etc. Sans doute, ces mesures seraient excellentes ; mais nous sommes persuade's qu'elles ne rcme'dieraicnt pas a tous les maux |ire'sens et fulurs. La brochure de M. Longueville est ecrite avec un talent tres-rc- Hianjuable, ot n'a pu sortir que dc la plume d'un excellent patriole^ LIVRES FRANgAlS. l5l 5i. — Enquete sur la politique des deux ministeres ; par IVl. DE Balzac , elecleur eligible. Pans , avril i83i ; A. Levavas- seur. la-S" de 49 pages ; prix , -i francs. M. de Balzac a juge de tres-Iiaut la miserable politique dans la- quelle on a fait ve'ge'ter la France depuis dix mois. II I'a jugee d'lin coup d'oeil juste et sur , avec talent , avec eloquence , et pourtant sa brochure produira peu d'effet. Pourquoi ? Parce que , sous ce beau style, sous cette phrase pittoresque et ar- dente , il n'y a point une croyance politique personnellc , ou dii inoins parce qu'elle ne s'y fait pas sentir • parce qu'on ne se laisse convaincre que par celui qui est persuade', e'mouvoir que par celui qui est passionne'. Au tems oil nous sommes , la loi de Solon n'est plus ne'cessaire ; il n'y a pas besoin d'exilcr quieonque n'est d'aucun parti : il s'exile lui-meme ct sc verra repousse' par toutes les opinions. Cela est e'quitalile ; car la politique est un jeu se'rieux , et I'homme qui ne met rien sur le tapis, qui parie pour tout le monde , n'a rien a re'clamer dans le gain de la partie. Dieu nous garde d'accuser M. Balzac de scepticisme ou de pol- tronnerie politique : rien n'est plus loin de notre pense'e. Nous ne voulons pas non plus supposer que ce soit par dandy sme qu'il af- fecte cette indifference de pyrrhonien , cela serait de fres-mauvais gout ; le plus parfait dandy litte'raire , Byron , ne parlait jamais froidement de la politique de sa patrie. D'ailleurs M. Balzac lui- meme de'truirait ce soupcon. Un homme si passionne' dans son style doit avoir dans Tame quelque passion ; et quelle autre un homme de trente aus peut-il e'prouver aujourd'hui que celle de I'amljition , c'est- a-dire, que la passion de ses ide'es et le de'voument au pays? Seule- ment , quelle que soit celle qui le pre'occupe , il a eu le tort de n'en rien laisser percer ; il a cru peut-etre que I'impartialite', vertu excel- lente en litte'rature , e'tait bonne en politique ; il a commis une grave erreur. Apres cette critique radicale, a laquelle nous attachons une grande importance , il faut reconnattre que nul n'a plus sainemcnt appre'cic ct mesure la position de la nation franraise au mois de juillet i83o , et cellcs par lesquellcs on I'a fait passer depuis lors , sans systeme , l52 LIVRES FKANCAIS. sans piojet , sans autre but que de vivrc aujourd'hui , laissant an Icndeinain le poids de son existence et de ses hasards. Quelqucs fragmens feront connaitre et le plan deM.de Balzac el re style neuf et Inillant qui , jusqu'a present , s'e'tait exerce' sur d'au- Ircs matieres. « Le lendeinain du jour oil , tout en liate , cent et qiielques depu- tes baptisercnt un roi dans le sang de juillet, toutes les questions souleve'es pai- la revolution se rattacherent mallieureusement a I'exis- tcjice de ce trone bati avec les deljris de celui que le peuple venait de (Ic'iuolii'. II y eut a satisfairc a deux cgoismes , cclui du peuple et celui d'un trone , a deux existences , a deux inte'rets. II fallait faire reconnaitre un monaique dans la fainiUe des rois europe'ens , tandis que le peuple n'avait pas a queter de legitimations dipiomatiques. » Conseiller^, peuple et roi se trouverent entre trois cliemins. » II y eut sans doute un iK-Time e'nergique, nous aiinons a le croii'e, qui se leva , prit une carte d'Europe et la de'ploya. Or , cette seule action , muette et simple , etait deja tout un systenie. » A I'aspect de I'Europe , qui ne nous assignerait pas pour fron- tieres les Pyrenees, les deux mers, les Alpes et le Rliin? Tout ce bassin est France; la Savoie est France, la Belgiquc et les bords du Rliin sont France. Dans ce vaste cairc , toute langue , tout coeur , toute science , tout genie est Franfais. » Entre ces quatre murs de raontagnes et d'eau, nous somrnes complets , clos par des liaies; cliez nous, en siirete' , comme I'Angle- erre avec ses falaises. C'est notre tie , a nous , ou nuUe puissance autre que le cop gaulois ne doit pene'trer , ne peut crier sa loi. » La premiere question , selon cet liomme , etait done celle-ci : Les Francais acceptent-ils aujourd'hui les traite's de i8i4-i8i5 , ou les doivent-ils de'cliirer avec une e'pe'e ? )) Cet liommc aurait done indique' le plus perilleux des trois che- inins dans le caiTcfour politique , mais il eut proclame' du raoins un systeme complet , large et franc. » Un autre aura , sans doute , plaide pour la paix. En cffet , le parti pris de faire la guerre entrainait une reconstruction complete du systeme re'publicain. Or , dans ce grand mouvcment , la royaute nouvelle pouvait pc'rir commc en i •jqS. Un jeunc ti-onc grandirait-il LIVRES FRAN5AIS. l53 au milieu des orages ? La revolution de juillet n'e'tait qu'un retour a I'ordre legal Paris n'avait combattu que pour faire de la Chaite un contrat synallagmatique , et ce pacte venait d'etre signe. » Cos raisonnemens contcnaicnt encore un systeme loyal , un plan politique assis sur unc logiquc nationale , et qui re'pondait au vreu d'une grande portion dc la France. C'e'lait entrer dans un cliemin et suivre une ligne dont tout le monde eut compris le terme. » Rcstait maintenant une situation mixte et batarde , une troi- sierae route. » Supposez un lionuue , espece d'atlie'e en fait de gouvernement, qui eut propose' d'essayer d'une politique double , de me'nager I'e'lan national , et de louvoyer entre le paiti de la guerre et celui de la paix. C'etait moins un systeme que I'absence de tout systeme ; c'e'tait s'abandonner au gre' des vents , sans ramer dans aucun sens ; c'e'tait accepter tons les embarras politiques des deux systemes pre'ce'dens sans en recueillir les avantages. » Au mois d'aout 1 83o , le cabinet francais n'avait que ces trois mauieres d'etre. » II n'y a rien de neuf dans toutes ces ide'es ; raais c'est un resume' clair et vif de ce que toiit le monde a senti ou pense' peul-etre confu- se'ment. Voici une autre ve'rite' presque triviale , mais qui est rajeunie par ime belle expression. « Jamais le cabinet du Palais-Royal n'a e'mis une pense'e de mou- vement. II a ve'cu tant qu'il a pu sur I'entliousiasme des journe'es de juillet , sur les souvenirs dela re'volution de 1789. II ne s'est associe' a celle de 1 83o que par des paroles , Qt n'a vu d'autre lien entre elle et lui que la couronne , le seul anneau que , dans les premiers jours , il eiit e'te politique de dorer jiar quelque gloire. » 53. — Adresse au Roi relative au projet de loi electorale pre'sente' a la sanction de S. M. par les Cbambres des depute's et des pairs. 11 est prouve dans cette adresse que le projet de loi vide la Charte dans le plus essentiel de ses principes ; par F.-A. Li:- DREUiLLE. Paris , 1 83 1 J Se'dillot. In-S" de 59 pages; prix, -i fr. L'auteur de cette brochme est un homme de beaucoup de talent qui , nous le craignons, s'est attache' a une idee fausse. II pense que, l54 LIVRES FUAN^AIS. puisque la Charte n'a laisse a re'gler aux lois posterieuicsquel'org*?- nisation des colleges c'lectoraux, cllc doit rcnfcrmcr ellc-raerne, dans I'article unique qui est consacre' au droit dc vote , toutes les condi- tions de I'electorat , de telle sorte que tous ceux qui les remplisscnt en soient im estis dans une mcsure plus ou moins lai-ge. Sans doute , M. Ledieuille a laison dans rinterpre'tation qu'ii at- tribuc au mot organiser : la Charte lui donne un sens inexact. Organiser n'est pas retrancher ou ajouter aux diverses parties qui constituent le corps sur Icquel on opere; c'cst , selon I' Academic , en disposer les diverses parties selon les fonctions auxquelles ce corps est destine. Mais , de ce que M, Be'rard a commis im sole'cisme, il ne faut pas s'en autoriser pour faii'c des paradoxes et les imputer a toute une nation. II n'y a eu a cet e'gard aucun doute , aucunc ambiguite; cha- cun a tres-bien compris que la Charte laissait a faire une loi poiu- la composition du corps electoral , c'est-a-dire, a fixer un cens; et per- sonne n'a pense que le Roi violerait la Charte en faisant ou sanction- nant cette loi. La question pour tous e'tait que ce ccns fut fixe suivant 1 esprit de la revolution et les besoins des tems. Ainsi , nous ne pouvons point entrer dans les vues que M. Ledreuille expose dans la premiere partie de sa brochure , avec une eloquence rcniarquable et luie logique que nous louerions si le point de depart n' e'tait pas faux. La seconde partie me'ritc plus d'attention. M. Ledreuille pre'tend que « toute the'orie est une abstraction, lout systeme im danger ; » il est pourtant lui-meme beaucoiip plus thco- ricien que praticien , ce qui n'empeche pas qu'il soit homme de con- science et de bon sens. Sa theorie sur le droit electoral est , sinon parfaitement juste , au moins beaucoup plus equitable que celle qui a pre'side a notre constitution. La voici : Les droits, en politique, sont la representation des inte'rets; un homme qui paie a I'Etat une somme quelconquc a interet a savoir ce que devient cettc sorame et si on I'emploie confonne'ment a I'intention qui I'a guide dans I'abandon qu'il en a fait , en menic tems qu'il a le droit de le savoir. De la , nc'cessite'de faire paiticiper tous les contribuidjles au vote de I'impot, c est-a-dire, aux e'lections. Mais, rommc ils j)aient ine'galement , larc- pre'sentation dcvra etre inegale cnlre eux.- Ainsi , |)rcnant pour base un cens electoral dc .joo fV., loul homnic cpu paierait 4oo iV. aurait, LIVRES FRANCAIS. 1 55 deux voix; 800 fr. quatre vois., etc. Dix hommes payantviiigt francs chacun , sc re'uniraient pour envoyer au coUe'ge un repre'sentant do leurs inte'rets. Ce systeme n'est pas neuf : on pcut en voir une csquisse dans un excellent article de M. Charles Comte sur Y organisation commii- iiale et de'partementale , inse're' dans ce recueil il y a deux ans (Voy. Revue Encjcloped., t. xlii, p. 4a)- Mais notre severe et sa- vant collaborateur, qui n'a pas pear des theories autant que M. Le- dreuille, ne parlait de celle-ci quecommc d'un pis-aller, coiumc d'un moyen terme entre la raison ct notre detestable systeme ; il n'avait garde de ne'gligcr une chose aussi importante que I'intelligence de I'homme inde'pendarnment de sa richesse. Or M. Ledi'euille ne voit pas que tout simplement , avec son rigorisme e'conomique, avec son material isme politique , il met a ne'ant la dignite , la qualite' meme de I'etre dans I'homme , ei qu'il assimile les prole'taires aux chiensdenos basses-coui's , aux chevaux de nos e'curies. A force de chercher des signes , des garanties d'intelligence et de moralite , nous en sommes venus a nier la moralite et Tintelligence, et a reje- ter le pauvre comme un pai'ia ou im excommunie' liors de la socie'te'. Nous devons relever ici une erreur de ftl. Lcdreuille : « L'impot, dit-il , n'est pas une dette que Ic citoyen acquitte , niais une donation qu'il fait. C'est la I'essentielle difference qui existe entre le gouverne- ment constitutionnel et les monarchies fe'odales. » Sous la fe'odalite', l'impot n'e'tait pas une dette ; car- le contribuable rachetait ce qui n'avait jamais e'te' et n'avait pu etre vcndu. Sous le gouverncmcnt constitutionnel, au contrairc, c'est vraiment une dette que le citoyen acquitte lorsqu'il paic sa pai-t dans ce que content les avantagcs que le contrat social et politique procure a tous. II solde le prix d'un marche' dont il recoit a chaque instant la niarchandise. Du restc, le raisonncment de M. Ledi-euille tombc jiar une re'- flexion bien simple : les Chambres ne A^otent pas seulement l'impot d' argent; elles votent aussi l'impot de sang, que tout le monde paic, et le pauvre plus re'ellement encore que le riche. Un perc a le droit de savoir pourquoi on lui demande son fils et a quel Dicu on Ic veut immolcr. Enfin , s'il faut le dire , nous rroyons ce systeme inapplicable ; cl 1 56 LIVRES FRANgAlS. c'est surtout dans Ics delegations qii'il nous semble impossible a pra- iiqncr. Unc autre tlie'orie de M. Lecb-cuillc, qui n'aime pas les theories, cost de regarder Ics chartes de pcupic a roi coimnc choses e'ternelles, et qui doivent dcineurer intactes au milieu des flots du tcms et des mceurs. C'est, selon nous, une grave erreur : malheur aux lois qui restent les memes quand les nations changcnt ; car elies rendent ne'- cessaire ime terrible et profonde explosion. Nous n'osons pas parlcr de la troisieme partie de la brochure de M. Ledreuille • cai', analyse'ebrievemcnt comme nous sonimes force's de le faire, elle paraitra peut-etre ridicule. L'auteur, s'e'tonnant, avec raison , que le le'gislateur ait trouve' dans ime cote de 5oo fr. d'im- pot un brevet de la capacite' et dela moralite' ne'cessaires a un depute, cherche s'il ne serait pas possible de prouverla capacite' des e'ligibles d'une fafon plus authentique et plus posiliAc. II propose de fonder line faculte nationale ou scront enseigne'es les sciences politiques. Des brevets seront de'livre's , apres examen , aux aspirans soit a la pairie , soit a la de'putation. II y aura trois grades -.financier, eco- nomiste , legislateur ; il faudra les avoir parcom-us tous trois pour etre apte a succe'der a la pairie ; il faudra etre au mains Jinanciei- pour se porter candidat a la de'putation Nous n'irons pas plus loin. « Pourquoi , dit M. Ledi-cuille, des e'coles de dioit, deme'decine, de plianuacie?)) Nous ne dcraandons pas, nous , pourquoi des e'co- les ? mais : pourquoi des brevets ? Fondcz des e'coles et des faculte's , et puis laissez les hommes jeu- ncs ou vicux e'tudier en paix et pousser leur carriere selon leurs goiits ; laissez le public choisir ses me'decins et ses avocats. Bichat e'tait un illustre j^iiiysiologiste avant d'etre licencie' ; et c'est un beau brevet que le suffrage de 5oo e'lecteurs libres et e'clairc's ! ^4/is. P. 54. — Examen critique de V organisation et de la compe- tence des tribunaux de commerce , suivi d'un projet de loi sur la matiere ; par Edouard Grar. Paris, i(S3i ; Bachelicr. In-S^dc 93 pages- pi'ix , 1 fr. La brochure de M. Edouard Grar renferme des vues sages sur la compete ice des tribunaux de commerce , et des idc'os libe'rales sur leur organisation. La premiere de ces deux parties de notrc Code LIVKKS FRANCA P. 1)7 est aiissi fe'conde en difficuUes que la seconde est denude de gai-aiv- ties. M. Grar a fait suivre son ouvrage d'un projet de loi ou il for- mule tres-judicieuscmcnf les cliangciucns q^ie re'claracnt les aLiis qu'il a signales, et dans Icqucl il met, en regard des articles a supprimer, des dispositions plus en harmonic avec les principes de la raison et de la liberte'. L'auteur dcmande en meme tems I'etablissement d'c'- coles de commerce qui seraient annexees aux colle'ges; il veut qu'on y subisse des examens , qu'on y obtienne des diplomes, qui devicn- draient ensuite la condition ne'cessaire pour etre nomme juge a un tribunal de commerce. Personne ne desire plus que nous qu'on e'tendc I'instruction commerciale ; car nous voyons dans I'indusfrie tout I'a- venir de notre socie'tc. Nous souhaitons qu'il s'eleve des chaires spc- ciales , qu'il se fonde meme des e'coles de commerce dans tons les de'partemens ; mais bien loin de vouloir, eomrae M. Grar, que ces e'coles soient annexe'es aux colleges , nous ne les croirons vraiment utiles que lorsqu'ellcs seront sur im pied tout-a-fait oppose et com- ple'tement inde'pendantes de cette universite, dont I'abolition est deja une promesse de la Charte de i83o. Quant aux examens et aux diplomes , on sait assez maintenant quel cas on doit en faire , rt il est inutile d'insister a cet e'gard. Nous croyons que le travail de M. Edouard Grar aura son utilite j et, quelque e'troit que puisse etre le cercle d'ameliorations 011 il a cru devoir se renferraer , nous recommandons sa brocbure aux cummer- cans et aux avocats , en attendant que nous puissious la recommander a DOS le'gislateurs. Au surplus , M. Grar declare , dans son introduc- tion , qu'il croit a la ne'cessite' d'une revision complete de notre droit commercial, ce qui nous faitpenser que cet ouvrage ne sera pas le seul qu'il publiera sur cette matiere. Nous I'engageons , en effet , a ne pas s'en tenir la. Mais il taut demander en meme tems la modification de toutes les branches de notre legislation , qui semble n' avoir etc' faite qu'au profit de la proprie'te oisive et au detriment del'industrie. F. F. 55. — yibrege d'histoire universelle , seconde partie, com- prenant I'histoire des Remains , dcpuis la fondation de Rome , et celle de tons les peuples principaux , depuis la mort d'Alexandre-le- Grand jusqu'a I'ave'nement d'Auguste a 1' empire , avec des tableaux de synchronismes ; par M. Bourcon, e'leve de I'ancienne c'cole nor- k")8 LIVRES FRANQAIS. il^alc , prol'csscur d'histoire ct membre de I'acadc'mic dcs sciencps , };cllcs-lettrcs et arts de Besancon. Paris, 189,9; Brunot-Labbc; Be- sanfon , Binlot. lu-ii de 5i5 pages; prix, 3 i'v. 5o c. M. Bonrgon n'a paspretendu e'crire I'liistoire dans un systemenou- vcau oil ajouter par scs recherches des fails nouveaux a ceux que nous connaissions dcja ; il a voulu seulement les ranger avec ordre, les raconter avec clarte, pour aider 1' intelligence des lecteurs qui sont encore aux cle'mens et qui risqucraient de s'e'garer dans des ouvragcs plus longs ou plus approfoudis. 11 a comple'tcment atteint son but : son abre'ge est un excellent resume de RoUin. Les tallies synchronis- tiques qu'il y a introduites sont une heureuse innovation ; c'est un moycn puissant de parler aux yeux et de graver les eVe'nemens dans la me'moire. Pcut-elre M. Bourgon a-t-il cu tort de suivre cctte grande division adopte'e jiarRollin : histoire ancienne, moins I'ltalie romaine; histoire romaine jusqu'a Auguste, et puis I'liistoire romaiue jusqu'a Augustule ou jusqu'a la prise de Constantinople. Les tables syncliro- nistiques ne reme'dient pas comple'tement a ce raorcellement de I'liis- toire , qui en brise les rapports logiques et I'enjemble. 56. — Manuscrit trouve aux Tuileriesle 'jgjuillet i83o, et public par M. Nogues , compositeur typographe. — De V Admi- nistration generale du rojaume. Paris, i83o; Levasseur. In-8'> de 456 pages ; prix, 5 fr. Ce livre n'est point une de ces mystifications dont Ic public a e'tc plusicurs fois victime. II a etc re'ellemcnt trouve' en manuscrit aux Tuileries , corame nous en avons acquis la certitude. Sa lecture seule le prouverait a ceux qui ne pcuvent recourir aux memes tcmoignages que nous. C'est bien la en effet I'csprit et le style des stnpides cour- tisans qui , depuis si long-tems , poussaient les Bourbons a la der- niere folic qui les a perdus. Ce sont ces plans d'une politique absurde, aveugle et sourde a tout ce qui , dans nos moeurs et dans nos idc'es , commandait un regime different de celui qui courbail nos peres. On a peine a s'cmpecher de sourire quand on voit quels conseils on donnait au roi constitutionnel de la France de i83o. C'est tout a la fois I'ineptie la plus profonde et I'iniquite la plus effrontee. « Je ne vois pas , dit I'auteur , que les instituteurs doivent etre si fort encou- r.igc's : que re'sulte-t-il de Iciir travail? etc. » Cela est naif. Voici qui I LIVRES rUANC^AIS. 109 n'esl pas moins curieux : « Ce sont les ba'ionoettes qui mainticnnent la royaute, cc sont les oratcurs qui culbutent les trones.)) (Page 10.) 6coiitez encore ce grave professeur de droit politique ; il aime a pro- ce'der par axiomes : « Dans tout e'tat monarcliique, on reconnait trois pouvoirs : le roi, qui gouverne , le sacerdoce, qui preche les vcrtus religieuses el I'obe'issance au roi, et la noblesse, a laquelle est confie le soin de de'fendre les deux premiers. Le roi est le protecteur, le de'fenseur naturel de la masse du peuple ; le sacerdoce et la noblesse doivent s' entendre et s'entendaient en France avec le roi , etc. » Et ailleurs : « Pour arriver a ce but... il suffit de vouloir faire un grand acte de justice , en ramenant a leur premiere destination ces biens iramensc-s du clerge que la revolution a si scandaleusement usurpe's. » (Page i(5.) Tout cela servait de lecture habituclleau Dau- phin de France , et le manuscrit relie' portait de noml5reux signets de remarque qui prouvaient luie etude attentive. Tout cela e'tait ecrit par un militaii'e qui signe de H. * attache a I'e'tat-major du general Bourmont, et dont nous ne voulons point de'voiler comple'tcraent I'anonyme. Ceux qui seraicnt curieux de souleverle voile tout entier peuvent recourir aux nominations oflicielles du Moniteur ; car, d'a- pres I'admirable systeme suivi jusqu'a ce jour , il est probable que cet officier general ligure dans les cadres de I'arme'e avec un recent avancement. Ans. P. 57. — Notice siir Alger; par F. Gaze, secretaire general du gouvernement de ce pays. Paris, i83i j Felix Locquin. In-8 ' de 38 pages; prix , i fr. 5o c. Cette brochure rend compte des mesures prises par le general Clausel pendant son commandement a Alger. Elle reuferme quelques vues utiles sur la colonisation de ce pays, ct fortifie d'un te'moignagc respectable le cri public qui vient de determiner enfm le gouverne- ment a conserver la re'gence. — Le style de cet ecrit est lourd et pen correct. 58. — Biographic des miiiistres de Louis-Philippe , ou Gale- rie des hommes d'Etat de la revolution de 1 83o , qui se sont succe'de's au pouvoir jusqu'a ce jour , contenant des notices tres-de'taille'es sur les principaux personnages de la haute administration , tant civile que militaire ; par unc socictc de biographes patriotcs. Paris, i83 1 l6o LIVRES FRANCAIS. E. Babeuf, rue de Ja Harpej a vol. in-8<> de uoo pages chacunj prix , 4 fr. Ce Im-e conticnt la biograpliie des personnagcs suivans : Annc'e, d'Argout, Barante , Barthe , Baiide, Bavoux, Bclliard, Bignon, Bondy, Broglie, Delaborde, Dupin ainc, Dupont de I'Eure, Ge- rard, Girod de I'Ain, Grouchy, Guizot, Joiudan, Lafayette, Laf- fitlc (Jacques), Lamarque, Louis, Maison, Me'rilliou, Mole, Mon- talivet, Odillon-Barrot, Pe'rier (Casiinir), Que'len, Rigny, Se'bas- tiani (Horace), Soult, Soiird, Talleyrand, TreiDiard, Vivien. II n'y a dans ces notices ni beaucoup de talent de style ni toujours une grande exactitude historique , et I'ouvrage ne vaut pas la peine qu'on se donnerait a relever les erreurs dont il fourmille. Nous signalerons pourtant au me'pris de tous les honnetcs gens la biogra- phic de M. Lafayette, qui est e'crite avcc une ironic inconvenante , dont nous avouons n'avoir point senti le sel. 5f). — La Contemporaine en E^ypte, pour faire suite aux Souvenirs d'une femme sur les principalis personnages de la repuhliqiie , dn consulat, de V empire et de la restauration , avec cette e'pigraphe : Tetais heureuse^ non pas en etudiant ces vieux restes des vieux terns; mais en les interrogeant comme les te- moins de notre jeune gloire. Paris, i83i; Ladvocat. .2 vol. in-S"; prix , 1 4 fr. On se souvient des nomljreux volumes qui parurent sous le titre de Souvenirs d^une contemporaine ^ et de I'espece d'impression qu'ils produisirent dans le monde. On coinmenfa pai' douter de I'au- thenticite de I'auteur, de I'existence du personnage qui livrait ainsi a la publicite de si singulieres confessions, et dans ce doute se trouvait deja resume le jugcment qui devait en rester plus tard ; car si les confessions d'un homme peuvent quelquefois s'appeler de la philosophic , celles d'une femme meritent certainemcnt une autre qualification. De rincrcdulite sur le personnage on passa a I'incre- dulite'sur les faits qu'il rapporte, et, malheurcuscment , sur ce der- nier point, il ne fut pas aussi facile de faire revenir ceux qui out assez debou sens pour apprecier la vc'ritc d'un re'cit. Toutefois I'ou- vrage de M'"* Ida Saint-Elme obtint assez largernent la vogue de toutes les chroniques scandaleuses , et ce sticces de curiosite e'tail na- turellemcnt augmente par I'importancc des noms qui vcnaicnt y ii- LIVRES FRANgAIS. l6l gurer, par rcntliousiasnic clievalcresque qui Taurait entraine'e a la suite des he'ros de notre grandc arme'e, et par une ccrtaine allure inilitaire de style qui faisait de ses narrations des bulletins de vic- toires d'une espece particulierc. Le prestige de notre gloire, qui a deja fait pardonner tant de clioses , doit-il faire pax'donner encore a la contemporainc les folies , vraies ou fausses , dc sa jeunesse et le scandale de ses tardives publications? C'est ce que nous nous dis- pensons d' examiner. Nous nous contenterons de dire, au sujet de ces deux nouveaux volumes , qu'ils pre'sentent a la curiosite bien moins d'attrait que les premiers, et que le voyage de la Contcmporaine en Egypte, si Ton en excepte son aventure avec les brigands de Smyrne, dont les journaux ont parle' dans le terns , et quelques querelles avec im im- primeur lionorablement connu, M. Feissat de Mai'seille , n'ofte rien que les incidens d'un voyage comme il s'en fait millechaque anne'e de Provence en Afrique. Mais ce qui pcut donner du prix a cette publication, c'est une introduction parfaitement e'crite, et oil nous avons era reconnaitre la plume fe'conde d'un jeime et brillant e'crivain qui ne devrait pas I'user a bai-bouiller des prefaces et des feuilletons e'phe'meres. Un volume de Y Ane Mort vaut mieux et A'ivra plus long-tems qu'unc rame dCavant-propos ou que les collections du Journal des De- bats; et toutefois il n'est pas impossible a celui qui fit \ Ane I\lort de faire mieux ct plus lentement un livre qui aurait une dure'e plus longue encore. Ans. P. 60. — OEuvres completes d' Horace : OEuvres lyriques traduitcs en prose; par MM. Amar, Andrieux, Arnault. Chales, Daru, DuROzoiR, Naudet, C.-L.-F. Panckoucke, jBrraesf Panckoucke et de PoNGERviLLE. T. I. Paris, i83i ; Panckoucke. In-S". II est rare de lire Horace sans que I'enthousiasme qu'il inspire engage a traduire quelques-uncs des odes qui ont le plus vivement frappe notre admiration. En ce'dant a cette impulsion , on ne songc point a publier ces essais , on ne les re'unit point a la suite les uns des antres , car I'inspiration ne serait pas la meme partout , nos forces nous abandonneraicnt, et, de bonne foi, il faudrait s'ecrier avec notre poete : Pindarum quisquis studet (emulari! La raeilleure tra- TOME L. AVRIT. l83l. 11 l62 LIVRES FRANgAIS. Jiiction possible est done celle qui se composerait dc raorceaux d'cntbousiasmc c'crits dela soite pardcs liomnics de goiit en dit'fe'rens lieiix , en differens terns. M. Leon Halcvy, auteur de la note pre'li- minaire, a rendu justice aux studieuses recherches , a la judicieuse erudition de M. Stie'venart , a I'ceuvre de loisir et de gout de M. Moine de Romilly. Cette notice ne nous apprend sur Horace que le peu que nous en savions • mais elle est pleine de gout ; c'est en grande partie celle qui pre'ce'dait la traduction en vers de M. Halevy. On a traduit avec autant de talent que de de'cenceles odes obscenes; mais on ne les a pas signe'es , en sorte que je ne sais qui remercier d'avoir en fin mis en bon francais I'ode XII du 5^ livre , presquc toujours negligee par les traducteurs. L'ode Pindarum quisquis studet cemidari est admirablement rendue , ainsi que Y Intermissa Fenus diu. Le charmant dialogue cntre Horace et Lydie respire toute la grace et toute la naivete du latin. Mais je demanderai pour- quoi on a eu la pudeur de traduire le Fixi puellis nuper idojieus par : J'ai vecu naguere propre aux danses. P. de Golberv. 6i . — Satires de Jiwenal, traduites en francais par M. Baillot, conseiller a la cour de cassation , avec letexte en regard et des notes. Paris, i83o; Sedillot , rue de I'Ode'on, n" 3o. In-S" de viii- 472 pages ; prix, 7 fr. 5o c. « Je m'e'tais impose la loi de travailler sans le secours d'aucun commentaire. Je I'ai fidelement suivie. Une me'thode est, suivant moi, le seul moyen de parvenir a I'explication des passages qui restent encore a e'claircir dans les poetes anciens. En imp regnant son esprit de comraentaires on arrive a I'auteur avec des prejuge's ; I'ide'e la plus simple, la plus naturelle nous fuit, parce qu'elle ne peut trouver place dans une imagination pre'occupee. » Ce peu de lignes, que neus empruntons a la preface de M. Baillot, signale aux traducteurs a venir un systeme qui me'rite attention dc leur part. II y a la conscience , inde'pendance et bonne foi , et tout cela est du courage quand I'auteur a traduire est Juvenal. Mais I'ouvrage que nous annoncons atteste mieux que du courage : il y a etude appro- fondie du sens , il y a traduction elegante et vive de 1' expression. Compare'c aux traductions anterieures , I'ceuvre de M. Baillot n'a rien a lour envier, et si Ic nouveau traducteur se tient inoins prcs LIVAES FRAN^AIS. I 63 du textc que Dussaulx amende par M. Pierrot , s'il se montre raoins jaloux de conserver le tour de la phrase latine , quelquefois aussi il sail trouver dans I'inspiration de son modele un autre genre de fide'lite , quelque chose de plus vif , de plus net , de plus mor- dant qui ressemble d'un peu moins loin a I'amere e'nergie de Juve- nal. Maintenant reprocherons - nous a M. Baillot d' avoir parfois recule' devant le mot propre ? Non, car traduire tel mot latin par son correspondant en franfais, ce serait souvent aller au-dela de I'original , oil il arrive la plupart du tcms que le cynisme de I'ex- pression n'est pas une hardiesse du poete, mais une nc'cessite de la langue dans laquelle il e'crit. A. de L. 6'2. — I/ommages a Be'ranger. Pamphlet ^ Aux Dix-neuf, avec cette e'pigraphe : C'est la ve'rite , je la pense et je la dirai ( M""' de Stael). Vienne, i83i ; Timon. Ces vers sont I'ouvi-age d'un des jeunes e'crivains qui , loin de Pa- ris, cultivent la poe'sie avecle plus de talent et d'originalite. Plaise a Dieu que les efforts de ces courageux amis des lettres , aide's d'une raeilleure organisation politique et administrative , parviennent enfin a trouver des formes plus neuves et moins monotones que celles dont les litterateurs de Paris nous fatiguent depuis des siecles ! Si ce re'sultat est un jour obtenu , M. Charles M y aura bien con- tribue' , et nous comptons pour beaucoup sa coope'ration dans cette ceuvre patriotique. Car c'est le patriotisme , non moins que le talent , qui se remarque dans ce pamphlet , quoiqu'il y prenne un de'guisement sous lequel nous n'aimons pas a Ic rencontrer : n Pie d'un sang pl^b^ien , j'aime la r^publique » Gomme j'adore la vertu. » L'experience , nous nous plaisons a le croire , apprendra au jeune poete que la liberte , pour n'etrc ni romaine ni grecque dans son allure , n'en est pas moins compatible avec les formes repre- sentatives des monarchies modernes. Les Dix-neuf, auxquels M. Ch. M. adresse ses chants , sont les accuses du dernier proces politique juge' devant les Assises de Paris, l64 LIVRES FIUNCAIS. ct assiiremcnt on pent l)lcii jiarclonncc rcxagcration gc'nc'rense de son cnthousiasnie pour les victimes tic celtc jietite mystification dc la po- lice. Place plus pros des fails , il aurait aper^u le ridicule plutot epic ratrocitc de cette grotesque persecution. La raeilleure nianiere de louer iin poete est dc cilcr ses vers ; c'est ce que nous ferons. Nous prenons le deljut de cette piece, qui , dans son ensemble , ii'est ni moins energique ni moins brillantc (pie ces trois strophes ; C'etait quand , tout noircis dc. ballcs , de poiissicro , Vos bras sous des paves broyaient la royautd; C'etait quand le lion , riigissant decolere, Dans ses flancs decliirds porlait la liberie j Le fflaivc pres du coeur je cbanlais votre gloirr Et les trois beaux soleils du peuple souverain , Et les lauriers sanglans de sa sainte victoire , Dej'a fletri!. le lendemain. Fletris par les houras dc cetle valetaille Pale et raide de peur la veille du combat , Fuyarde dehovilee au jour de la bataillc, Et criant aux vainqueurs qu'ellc sauvait I'Etat ; Fldtris et degouttant de cetle bave impure Que trainent en rampant les limafons dc cour; Et, jouets innocens d'une laclie imposture, lis nc devaient briller qu'un jour. Et vous, qui grandissez au milieu des tempctes , Jeuncs (leurs que juillet n'osa pas moissonner , Ecoutez : le bourrcau demandc dix-neuf tetes Qu'hier le Pantheon aurait vu couronncr ! II a soif de cc sang , il le faut. Eh ! qu'importe A la hachc qui lombe un front cicatrise ! Liberl<5 , dites-vous ? — C'est une reine morte Qui ne tient qu'un sceptre brisc ! y4iis. P. 63. — Lycee armoricain. Revue de I'Ouest, neuvieme anne'e. Nantes, i83i ; Mellinet-Malassis. Ce journal qui "couipte deja, comme on voit, une assez longuc existence, est bien peu connu a Paris j mais il a obtenu dans nos provinces , ct surtout dans celles de Touest, auxquellcsil est spe'cia- LIVKES FRANgAlS. 1 65 lement consacre , une reputation me'rite'e. II pre'sente d'ordinaire des me'moires et des notices d'un grand inte'ret, sur tout ce qui se rap- jiorle aux usages , aux coutumes et a I'histoire de la Bretagne, I'une des provinces les plus curieuscs et les moins visitc'es de notre France. Par une exception , qui sans doute ne tirera pas a conse'- quence , le nume'ro que nous annoncons est presque uniquement lit- te'raire. II se compose , outre un tableau d' observations nie'te'orologi- ques, d'un proverbc politicpie , et d'une petite nouvelle. Le pro- verbe , intitule Le meilleur nen vaut rien , nous a paru fort amusant , e'crit avec grace et finesse , et avec une malice qui justilie parfaitement son titrc. Ses personnages sont les re'dacteurs de nos principaux journaux quotidians, re'unis chez un d'eux pour y confe- rer de bonne amitie et en vrais confreres. II est vrai, et ilfaut se hater de le dire , qu'il s'agit ici de leurs inte'rets prive's , et nuUe- ment de I'opinion qu'ils representent. Ce joli proverbe, inse're' dans la Revue de Paris ou dans une autre feuille en vogue , aurait pu faire du bruit j mais qui ira le de'couvrir dans une feuille de pro- vince ? L'auteur s'y est sans doute re'signe d'avance , et fait meme dire, sur ce de'dain ridicule attache a ce qui se publia hors de la ca- pitale, des choses fort piquantes et fortjudicieuses al'un de ses per- sonnages. De tons les abus de la centralisation, ce n'est peut-etre pas ici le moins facheux ni le moins injuste , bien qu'on ne se soil pas encore a vise de le de'nonccr. La nouvelle qui fait suite au proverbe est e'crite avec grace et sensibilite, quoique le style ne soil pas toujours exempt d'affectation. L'auteur, M. Souvestre, y raconte I'histoii'e touchante d'un jeune homme qui , introduit dans une famille estimable soulage'e par sa bienfaisance , s'y trouve place entre deux soeurs charmantes , dont il aime I'une sans espoir de retour , tandis qu'il est , en secret , adore de I'autre. II y aurait ici un cadre tout trace pour un joli vaudeville sentimental j mais , encore une fois , quel auteur de la capitale irait prendi'e ses inspirations dans un journal breton? Y.-Z. 64. — Les Intimes ; pai- Michel Raymond, auteur du Macon. Paris, i83i ; Eugene Renduel. -i vol. iu-S° de 5oo pages chacun; prix , 1 5 fr. Ce ne sont peut-etre pas seulcraent les e'veneniens de I'histoire qui l66 LIVRES FRAN^AIS. ont besoin,pourdevenir pittoresqucs, d'etre vus de quelque distance ^ etau bout d' line perspective qui enfassesaillir les masses , en adoucisse les contours, en liarmonie Ics details. Le roman aussi, son intrigue passionne'e , ses descriptions de mceurs , veulent n'etre pas oliserve'es de trop pres, sur des faits trop immediats, en un mot , raconte's par les contemporains et les compatriotes des lie'ros et he'roVnes. Walter Scott , le plus grand romancier, et en meme terns le plus pittoresquc historien qui fut jamais , est une preuve singuliereraent frappante de cette ve'rite' , que le ge'nie de Richardson de'mentirait seul , en sup- posant que tout soit vrai dans ce qu'on raconte de I'effet que pro- duisit Clarisse sur ses premiers lecteurs. Ivanho'e , celui des ro- raans de Walter Scott dont le sujet remonte le plus haut dans I'his- toire , est aussi celui qui renferme le plus de poesie dramatique et de passion profonde et viaie ; et il semble que le ge'nie du conteur va de'ge'ne'rant a mesure qu'il descend la route des siecles , jusqu'a ce qu'il arrive enfin aux Eaux de SaintrRonan , histoire presque contemporaine , qui veritablement ne me'ritait pas le sacrifice de mo- destie dont le grand inconnu s'est montre capaljle en se de'voilant. (jhacun de nous pent se rappeler mille aventures de jeunesse toutes pleines ou de sel ou de passion , et qui pourtant ne pourraient de- venir le sujet que de bien mauvais ouvrages, parce qu'il s'y trouve sans doute mele des incidens vulgaircs et une habituelle trivialite' de de'tails. On peut donner une raison pour expliquer cette observation et en meme terns pour la resumer : c'est qu'il est fort ennuyeux de trouver dans un livre ce qu'on peut voir par sa fenetre , et d'aller chercher au theatre ce qu'on rencontre forcement dans la rue. Si c'est un paradoxe que nous venons d'ecrire , nous nous excuse- rons en disant que nous ne I'avons fait que pour nous expliquer comment il est possible de faire un aussi mauvais roman que les Intimes , quand on possede le talent des jeunes ecrivains caches , dit-on , sous le pseudonyme de Michel Raymond. Leur style est ele- gant et correct , leur imagination est forte et passionne'e , les scenes pathetiques abondent sous leur plume , et plusieurs caractcres sont bien observes et bien peints; et cependant le livre est loiird , I'inte'ret faible, la couleur ge'ne'rale est inde'cise et fausse j il y a des longueurs, des trivialite's , des invraisemblanccs , el si fre'quentcs et si nom- LIVRES FRANg^IS. 167 breuses , qu'on achcve la lecture eu regrettant que de si belles choscs soient noye'es dans un pareil fatras.Lesujetpiimitif dii livre , le litre I'annonce , etait de de'montrer Timpossibilite' de rintimitc entre deux, me'uages : ce n'e'tait pas une idee tres-neuve , mais elle pouvail preter a d'heureux details : les auteurs I'ont perdue de vue en route , ct sont arrive's a un denouement qui n'a pas la moindre relation avec le deltut. Quant a cette conclusion elle-meme , si nous en devious dire quel- que chose , ce serait pour la blamer avec toute I'e'nergie dont nous sorames capables. Assiu-ement les vices de notre organisation sociale enfantent des catastrophes publiques ct prive'es qui semblent fatales , et feraient douter de la puissance de la volonte humaine : mais un es- prit logique se de'livre bientot de cette illusion immoralc. Aux yeux d'un homme digne de ce nom, le hasard n'existe pas : il n'y a au monde qu'une loi : celle du talent,et de la vertu , qui sont la memc chose , dominant les faits exte'rieurs sur lesquels I'homme doit agir. Ce serait done ime source vicieuse de pathe'tique,meme quand elle nc serait pas e'puise'e depuis les Atrides, que cette fatalite mise aux prises avec les passions et les vertus de I'homme. Pour passer a des critiques beaucoup moins se'rieuses, nous dirons que c'est aussi un ressort par trop facile que cette police dont les romanciers modernes disposent si largement , et qu'ils gratifient de I'omniscience , de Tomnipre'sence , de I'omnipotence , en un mot , de tous les dons mei'veilleux que nosancetresattribuaient a la vicille mythologie. Enfin, il noussemljle que^ pour des jeunes gens qui vivent dans un raonde tout fi-ancais , ils ont de'crit bicn inexactement les mceurs de la jeunesse de Pai'is. Deux homnies qui se diraient tout ce que se re'citent en face et sans emotion Charles , Edouard et de Lan- nau, n'attendraient pas au lendemainpoursebattre: ils s'e'gorgeraient sur le champ , de quelque flegme que fut pe'tri leur tempe'rament. Ce livre me'rite d'etre hi : mais il ne vivi'a pas long-tems. Ses au- teurs sont capal)lcs de faire cent fois mieux , et ils sont assez jeunes pour qu'on attende une revanche. 65. — Le Caprice, par M. Eugene Chapus. Paris, i83i j Eu- gene Renduel. •}. vol. in-i-j de '^06 et \\.i pages; prix , 6 fr. Si quelque chose peul prouver la bonne foi de noire critique . l68 LIVRES FRANgAIS. (■'est siirtoutlaconfianccquenoiis accordons nous-memes a celledenos confreres ct la crc'dulile avcc la({»nelle nous accucillons leurs juj^e- mens. Ainsi , sur les eloges ])ompeHX que plusicurs journaux litte'- raires ont donne's au livre de M. Chapus, nous nous sommes hate's de le lire , ct nous espe'rions fermement y trouver une de ccs de'li- cates et spirilucUes esquisscs que M. Balzac crayoune par centaines ** avec une mcroyable prodigalile de talent , que M. de Latouche jette dans le monde a si rares intervalles avec une nonchalance aristo- cratique; que M. Eugene Sue trace lentement comme un vieil ct savant artiste , et pourtant avec la vigueur et la nettete d'un jeiuie hommc. Notre attenle a e'tc' trompe'e. L'intrigue est commune, le style lourd, la pense'e fausse et vulgairc, la passion froide et plate: point de connaissance du monde, point d'observation neuvc, pas une ide'e et pas ime image en 4oo pages. M. Chapus nous avertit que la pense'e qui a fait naitre ce livre a e'te' publie'e par lui dans un journal il y a deux ans, et rcproduite depuis par plusieurs autres feuilles. II nous semble, en effet , I'a- voir entrevue dans quelque journal , et nous croyons nous souvenir qu'elle y faisait assez bonne figure; C'est I'histoire de deux amans qui pensent avoir de I'amour et ne sont posse'de's que d'un caprice, et qui s'apercoivent de leur erreur au bout d'un voyage de quclques jours en tete-a-tete; c'est I'application du mot de madame deSc'vigne': pour savoir si deux personnes s'aiment bien , faites-les voyager en litieredix jours ensemble, point ou peu re'sisteront a cctte e'preuve. II pent y avoir la le sujet d'un article de journal ; mais il fau- drait un prodigieux talent pour y trouver la matiere d'un livre. Ans. P. 6G. — Youry Miloslavsky, ou la Russie en 1612, roman his- torique par Zagosivine; traduil du russe, par madame S.-C..., ne'e d'Oxx. Paris, i83i ; Ch. Gosselin. 4 vol. ixi-i'i; prix, la fr. Ce roman a pour nous un me'rite qu'il n'a certainement pas eu aupres des compatriotes de I'auteiu' : il nous re'vcle une e'poque d'he'roisme dont I'histoire doit etre populaire parmi les Russes ; il nous apprend des noms qui sans doule sont aussi sacrc's pour les ha- bilans des rives du Volga que celui de Jeanne d'Arc le doit etre pour tons les Franrais. S'il a du ])iairc au\ Iccieuis de Saint-Peters- LIVRES FRANgAIS. 169 houig ct de Moscou en leur rappelant des souvenirs glorieux pour Icur patrie , il aura cbez nous I'avantage d'initier grand nombrc tic profanes aux fastes ignore's de la Russie. A la suite des guerres civiles et e'trangeres que produisirent les usuqjations successives des faux Dmitri , le joug des Polonais pesait sur la capitale do Fempirc et sur la plus grande partic des provinces. Le peuple e'tait livre a la barbarc violence des vainqueurs, I'inde'pendance uationale e'tait en danger , et I'antique croyance du pays e'tait menace'e par les preten- tions d'un dominateur be're'tique. Le patriotisme des citoyens de Nyne' Nowgorod fut seconde par la foi entliousiaste des moines et des pretres,- tous se leverent en masse ct raarclierent sur Moscou , oc- cupe' par Tc'tranger. Apres un sie'ge long et difficile , le Ki'emlin ou- vrit enfm ses portes aux defenseurs de la sainte cause , et les hc'ros de cette guei're nationale , le prince Pojai'ski , le bourgeois Minine , le moine Abraham Palitzine , cbapterent le Te Deum dans I'eglise du Sauveur dans les sables. Le re'cit de ces eve'neraens constitue le fond dc I'ouvrage de M. Zagoskine ; I'auteur y a mcle' les aven- tures d'un boyard , amoureux et patriote , taille' sur le patron insi- gnifiant de tous les jeunes premiers de roman ; mais il le fait suivre pai'tout d'une espece de bon genie, le cosaque Kircha, figure origi- nale et gaie , dont les ruses et I'adresse arausent , et varient I'inte'ret. Les episodes oii Kircha joue le principal role forment la meilleure partie de I'ouvrage : c'est aussi celle oil I'on trouve le plus de details d'inte'rieur sur la vie du peuple russe. J. 67. — Mes douze premieres annees. Paris , i83i. In-i8. (Ne se vend pas. ) Ce livre est une confession naive et pleine du charme de ces im- pressions si vives , si enlrainantes , si de'cisives d'une enfance de jeune fille dans des re'gions ou , comme I'inscrit I'auteur au fron- tispice de son ouvrage, il n'y a pas d' enfance. Ce sont la des me'- moires tres-neufs et qui ont beaucoup d'inte'ret , quoique les e've'nc- mens y soient, comme on doit penser, pen multiplie's. L'auteur est ne'e a la Havane , et le premier spectacle qui I'a e'nuic est celui de I'esclavage ct des souffranccs cndurc'es par les iuiscra])lcs cre'alures qui s'y trouvent condamne'es. EUe en parlc avec une gc'nr'rciise indi- gnation , et on ne lit pas saus emotion quelqucs trails qui signalcnl le 170 LIVRES FRANgAIS. de'sir de proteger ces infortiinc's. « Uu jour, dit-clle ( page 23 ) , jc fus e'veillc'e par Ics cris d'un ncgre qu'on cliatiait. II e'tait cincj heures du matin j je saute prc'cipitammcnt de mon lit , et je cours cliez mon pere , qui dormait encore; j'entre dans sa charabre sur la pointe des pieds , et presque nue ; j'approche doucement de son lit , ct je Tembrasse sur le front Mon pere se reveille, et me voyant tout en larmcs : — Qu'as-lu? d'oii viens-tu? Pourquoi ces larmes? me dit-il. Je lui raconte ce qui a trouble mon sommeil, et je le prie d'envoyer vite de'livrer cet infortune. Mon pere se leve , jette sur moi quelques vetemens , et m'emmene vers I'endroit oil je trouvai le negre. Cet homme , encore sous les verges , avait cesse de crier et altendait d'un ceil sec le tcrme de sa punition. Mon visage effraye et raes yeux encore humides contrastaient avcc son air d'm- difjfe'rence et presque d'insensibilite. Nous apprimcs qu'il se trouvait en re'cidive, corame marron, pour la cinquieme fois. Cependant mon pere le fit delivrer sur-le-champ. » C'est une scene ve'ritablcment de'licieuse que celle oil I'auteur peiirt cette pauvre ne'gresse qui I'avait nourrie de son lait, recevant, de sa main, a son depart, ses en- fans , et une habitation pour vivre avec eux heureuse et libre. Je regrette de ne pouvoir la Iranscrire ici. Souvent cette triste condition suggeie a M"^" Merlin ( I'auteur nous permetlra de soulever le voile derriere lequel sa modcstie a voulu se caclier ) des reflexions qui , en meme tems qu'elles partent d'une belle ame , de'notent un esprit d' observation tres-rcmarqiiable. « Les esclaves , dit-elle ( page I'^g ) , ne cultivent jamais les fleurs; tout ce qui est plaisir dans la vie est si loin de leur porte'e , et meme de leurs de'sirs I Cette idee me frappa des renfancc, et j'ai toujours pense depuis lors que , pour cultiver des fleurs , dans quelque position de la vie qu'on se trouve, il faut avoir a part soi un petit grain de bonheur. Elles sont le luxe des pauvres ; ainsi je n'en ai jamais vii cbez les pauvres gens sans un certain plaisir : ce modeste pot de basilique , qui orne par- fois la fenelre d'un cinquieme etage , me cause une sensation singu- liere; il semble que je m'identifie avec le proprietaire ; je pe'netre presque dans ses affections , et je me dis : Malgre' sa pauvrete , il possede encore im plaisir; il n'est pas tout-a-fait malheureux ! .... » P. A. D- LITRES FRANCAIS. ini 68. — Fues pittoresques des vieiix chateaux de VAllema- giie. — Le grand diiche de Baden, d'apres les dessins originaux. de Maximilien Ring. 7" livraison. Paris, i83o; lithograpliie Engelmanu ; trois feuilles de texte in-folio. Cette belle livraison appar:ient a la partie rae'ridionale du grand duche' de Baden , a celle qui se trouve comprise enlre la valle'e de la Kintzig et le lac de Constance. Le texte donne de curieux details sur les moeurs , les coutiimes et I'liistoire du Hawenstein , qui tou- cbe aux frontieres de la Suisse. On y indique les lieux oil se trou- vaient de vieux chateaux qui ont aujourd'hui totalement disparu ; on y reproduit quelques souvenirs trouve's dans les chartres pou- dreuses de I'abbaye do Saint-Blaise. Le second article est relatif au chateau de Kiissenberg; il est accompagne d'une belle lithographic d'Arnout. Les noms de Heidenscholss , Heidenstadt {ville des pdiens , chateau des pdiens ) , les restes d'une route romaine, d'auti-es circonstances encore font conjecturcr a I'auteur qu'il y avail ici une communication entre I'Helvetie et la grandc fortifica- tion du Danube, connue sous le nom de Pfahlgraben. Le He'gau, province qui , du cote du nord, louche au Danube , du cote du sud au Rhin el au lac de Constance , renferine de nombreux chateaux, admirablement disposes sur lei; diverses chaines de montagnes qui coupent le pays. Ici se trouvent quelques observations ge'ologiques assez importanles, car eel ouvragc n'esl pas unicpiement arche'olo- gique on descriptif. La partie histoi-ique de ce chapitre ne va pas aussi loin que le crayon du lilhographe; el tandis que celui-ci nous trace les restes de plusieurs vieux chateaux , le texte s'arrete aux Alemanni Lentienses, que jc n'aimc pas a voir appclcr Lenciens, el a cette bataille X Argentonaria gagne'e sur eux par Gratien dans la Haute-Alsace. Marcellin, qui nous en a transmis le souvenir, nous la de'peint comme une des plu:> importanles victoires des Romains sur les barbares. Remercions M. Villeneuve At son pittoresque dessin de Neu- stewen et des chateaux voisins si singulierement groupc's sur les cinq mamelons qui semblenl s'e'le ver sur le sommet d'une montagne comme les vagues d'une mer agiti?e. II y a de la vie et de la poesie dans cette composition. Sachons-1 ui gre aussi de la vieille enceinte 172 LIVRES FRANgAIS. qui sillonnc le pre rocailleux dc Hohcnkialcn , quoiqu'il nous raon- tie beaucoup de choscs ct avec plus de precision qu'on n'en apercoit ordinairemenl an clair de lune. de Golbery. 69. — Catalogue descriptif et raisonne des manuscrits de la bibliolheque de Cambrai; par A. Le Glay , avec celte e'pigra- plie : Sapientice absconsa et Thesaurus iiwisus ; qucB ulilitas in utrisque? Eccl. , xx , Zi. Canibrai , i83i ; imprimerie de A.-F. Hiirez. In-S" de 256 pages. Nos lecleurs connaissent depuis long-tems le savant M. Le Glay et son infatigable amour des vieux monumens. Voici une nouvelle preuve de son ardente activite'. La bibliotheque de Caml)rai , confie'e maintenant a ses soins , renferme des ricliesses que son patriotismc le porte a e'taler avec iin noble orgueil. Ge catalogue contient 104O articles range's avec soin et clarte' , et accompagne's de notes pleines d' erudition , qui donnent tous les renscignemens dont les homines studieux peuvent avoir besoin. Sous le tilre de Desiderata, M. Le Glay a signale les titres de plusieurs manuscrits qui existaient autrefois dans les bibliotlieques cambre'siennes et qu'on n'y retrouve plus. « Qui sait, dit-il, si un jour i'appel fait a ces cnfans e'gare's ne sera pas cntendu et s'il ne nous en ramenera pas quelques-uns ? » 70. — Bibliotheca Americana ; being a choice collection of books, etc. — Bibliotheque ame'ricaine ; collection choisie de livres relatifs a I'Amerique me'ridionale et septentrionale et aux Lides orien- tales , renfermant les Fojages a I'liemispliere meridional , cartes , gravures , medailles. Paris, i83i j imprimerie de Paul Renouard. In-S" de i38 pages. Ce volume est le catalogue d'une bibliotheque particuliere qui renferme 1790 volumes , 12 atlas et 9 medailles. Les livres y sont classes par ordre de matieres et avec beaucoup dc clarte et de savoir, Ans.^. IV. rVOUVELLES SCIEINTIFIQUES ET LITTERAIRES. -■^ ufr»«< AMERIQUE SEPTENTRIONALE. ]6tats-ui\is. Newport {Rhode Island). — Experiences sur la raideuret la force dequelquesbois. — Ces experiences, dirige'esparlVr. ringe'nieur Brown , ont donne le re'sultat suivant : les raideui's ( resistance a Ja flexion) du pin dii lord {pinus strohus), du spruce {obies nigra), et du fin siustral { pinus aiistralis , pinus longifolia) sent entre clles comme les nombres I'lo, iSi, igS. Ainsi la troisieme es- pece me'rite I'attention ct le choix dcs planteurs qui preferent I'uti- lite reelle aux qualite's brillantes , surtout dans les plantations en grand. Le pin du lord est digne d'occuper la place qu'on lui assigne dans les pares j poui- ramc'nagement des forets, le pin austral devra concourir avec ses congeneres de I'Europe. Vaut-il mieux que Ic pin sylvestre , qui fournit de si heUes matures; que le pin de Corse, dont la vegetation est si rapide , et (pii atteint une si grande liau- teur? Cette question ne pout etre re'solue que par des experiences analogues a celles de M. Brown et des obseiTations qui noi»s raan- quent encore sur la ve'ge'tation du pin austral , sur le sol qui lui con- vient, etc. Get arbre est peut-etre un don pre'cieux que I'Amerique pent ajouter a ceux tpi'elle a deja faits a I'Europe. Industrie des oiseaiix. — M. le docteur Steel, qui habite pres des sources mine'rales de Saratoga, s'est assure'que I'hirondelle de rivage {hirundo riparia) saitvarier, au bcsoin, la construction de son nid. Si elle trouve des falaises sablonneuses , elley creuse des trous, et forme ainsi , pour sa famille future , une halii ation commode , oii aucun deses ennerais ne pourra I'atteindre. Lorsquerette rcssource lui 1^4 ETATS-UNLS. EUROPE. inanqnc, pile sc rapproclic tlcsliabilalionsj ot, quoiqnc moins accou- tume'c a I'liommc que I'liirondcllc dc fenetrcs, clle attache son nid a des greniers, des hangars et autres e'difices analogues; il faiitalors qu'elle batisse au lieu dc creuscr, qu'elle choisisse les mate'riaux, qu'cUe les transporte et les mette en place. II parait aussi que cettc cspece n'a pas cssenticlleiuent les habitudes indiquecs par son nom spe'cifiquc; elle pent vivre et se plaire partout ou elle trouve subsistance, se'curite et les douceurs de la socie'te, car on n'y voit point de families isolees, de nids solitaires. Une petite colonic qui s'e'tait e'tablie, en i8'i8, pres de Saratoga, s'accrut si rapidement qu'en i83o on y complait plusieurs centaincs dc nids. II y a done dans ces animaux des faculte's innefes (et c'est a celles- la seulement que le nom d' instinct peut convenir) et des faculte's acquises , variables suivant les circonstances : ils peuvent cre'er de faibles arts , suivant I'expression tres-juste de Buffon , et les perdre aussi promptement qu'ils les ont acquis, si les circonstances ne sont pas favorables pour en continuer la pratique. EUROPE. GRAIVDE-BRETAGIVE. De la reforme parlementaire. — Nous avons des hommes d'Etat qui , en promulguant une charte ou quelque autre loi organisatrice , s'imaginent construire pour I'e'ternite'. Ce qui arrive aujourd'hui en Angleterre est bien propre a les de'tromper. Voila des institutions qui ont ^stsse long-teras par toute rEurope pour le beau ide'al de la liberte, qui ont fait I'envie de tous les peuples , que certains ora- teurs parlementaires citaient sans cesse comme le patron sur lequel devait se modeler toute socie'te' moderne. Peut-etre cette admiration n'e'tait-elle pas toujours sincere et raisonne'e j souvent c'e'tait I'igno- rance qui re'pe'tait des eloges de commande , ou I'ambition de caste qui prenait inte'ret a les accre'diter. Sans doute aussi plus d'lm publi- ciste , non content de belles theories , apres avoir consulte les faits , avait deja de'voile' sans pitie' toutes les miscres , tous les dc'sordi-es sociaux que recouvrait cettc brillante fiction de constitution aristo- GRANDE-BRETAGNE. 1^5 craticpie. Quoi cjii'il en soil, et jusque dans ces derniers terns, Tex- cellence des institutions anglaises e'tait un lieu commun de journal et de tribune. Eli bien ! I'liumanite' a marche' , le progres a eu lieu, lentement , il est viai , car les obstacles e'taient nomlireux • et voila toutcelourde'cliai'audage decoutumes etde loise'lectorales, cepre'tendu type du gouvernement repre'sentatif qui s'e'croule aux acclamations de plusieurs millions d'hommes j car, il n'en faut pas douter, la re'forrae parlementaire va s'ope'rer, et le triomplie obtenu re'cemment dans la chambre des communes par le vieux parti tory n'est que le dernier effort d'un mourant. G'est d'ailleurs un spectacle consolant pour les amis de la liberte' que cette immense revolution ainsi paisiblement termine'e sans le secours des e'chafauds et des guerres civilesj c'est un e'clatant dementi aux sottes terreurs , aux scrupules inte'resses des adversaires de toute innovation politique : a deux reprises , on peut jusqu'ici du moins I'espe'rer , TAng^eterre aura vu s'effectuer sans aucune secousse des modifications importantes dans son organisation sociale. L'e'mancipation des catlioliques et la re'forme parlementaire ontprouve suffisamment que la veritable science du gouvernement ne consiste pas a combattre 1' opinion , mais a la consulter pour la sa- tisfaire et la diriger. Puissent ces grandes le9ons etre comprises par nos hommes d'Etat ! Guillaume lY et ses ministres donnent aujour- d'hui un noble exemple au monde. Puissent-ils continuer a suivre les memes voies ! car la re'forme parlementaire n'est qu'un premier pas J elle appeUe et facilite d'autres re'forraes non moins urgentes, et qui n'exigeront de la part du gouvernement ni moins de fermete' ni moins de persistance. Nous nous bornons aujourd'liui a publier quelques de'tails cu- rieiix sur le vieux systeme electoral d'Angleterre qui permettront de raieux appre'cier la ne'cessite' d'une re'forme. Les bourgs qui jouissent du privile'ge de nommer des repre'sentans sont de trois sortes. Dans les premiers, le pouvoir electoral est entre les mains d'un ou deux individus; dans les seconds, il appartient a des corporations compose'es de i u a 20 membres , et se recrutant par leurs propres choix; enfm, dans les troisiemes, qu'on peut ap- peler les bourgs ouverts (open boroughs) , le nombre des e'lecteurs varie de 5oo a 10,000. Cependant, et malgre ces diifc'rences ap- 176 GRANDE-BRETAGNE. jinronles, a I'cxccption tic Loiubcs ct dc deux 011 trois autrcs lieux , il n'y a guerc que deux inoyens d'ohtcnir les sui'l'rages dc ccs bourgs : la protection du patron on des patrons, et I'argcnt. Ainsi les elections sont, d'une part, a la disposition de I'aristocratic nobi- liaire et constitue'ej de I'autre, livrees aiix classes indigenles et ne- cessiteuscs, clles devicnnent, pour I'ainbition des gens riches et pour I'avidite' de quelcpics niilliers de mise'rables electeurs , rdijet d'un ignoble trafic. Ainsi que represente aujourd'hui la chanibre des communes ? Elle n'a derricre elle ni la masse active et intelligentc de la population , ni mcme , comme en France , ce qu'on appcUc I'aristocratie bourgeoise. Composc'c des menies e'leniens que la cliani- bre des lords , des Ills ou des parens de ceux-ci , des nieinbres de la noblesse secondaire, dont les interets et les prejugcs sont les memes que ceux de la haute noblesse , d'un petit nombre de riches ban- qiiiers enCn , la constitution n'en a fait , pour ainsi dire , que la suc- cursale de la premiere , qu'une sorte d'assemble'c de niandataires de la pairie. Les details suivans eclairciront encore micux cc fait. Voici, par exemple, un tableau de quelques bourgs-pourris, avec leur population actucUe : Old Sarura 6 habitans. Bramber 98 Galton 155 Newton 200 environ . Saint-Micbel 178 Bercalston ^ 200 environ. Dunvvicb 200 Saiiit-Mawes 300 environ. Ludji;ershall 477 East-Looe 770 Corfe-Castle »23 Bossiney 877 "West-Looe 955 Sans doute ces endroits e'taient autrefois les me'tropoles du pays , les foyers de I'industrie et de la population , ce que sont aujourd'hui Manchester, Leeds, Liverpool et Birmingham. Les evaluations donnees ici comprennent en general la totalite'de la paroisse, car Ic GRANDE-BKETAGNE. I ^"7 bourg proprement dit consiste seulement en nn petit nombre de mi- scrables chaiiiiiieics. Dans tons ces oas , il n'y a reellement qu'uu votant, le patron, qui est ordinairement le proprie'taire du lieu {lord of the manor). A Galton ct a Old Sarum, par exemple, il n'y a d'autres habitans que le baiUi ou I'intendant du domaine; et dans les autres endi'oits , qnoiquc la population s'y e'lcve a plusieurs centaines d'ames , le nonJjre des electcurs ne de'passe pas une ving- taine, tous creatures du proprie'taire. Nous ne parlerons pas des bourgs de la seconde espece, ou le droit electoral est exerce par des corporations de 20 a 24 membres, qui souvent n'ont obtenu ce privile'ge , au detriment de la masse de leurs concitoyens , que par de veritables usiu-pations. On concoit quelle in- fluence un grand seigneur dont les propricte's sont voisines d'une petite ville jjeut acquerir a la longue sur une assemble'e aussi pen nombreuse , jouissant du privilege de se renouveler par ses projires choix, et compose'e en partie de ses serviteurs ou de marchands qui tiennent a lionneur et a profit de se nienagcr son appui et sa prati- que. Une fois maiti'e d'une corporation de cette espece , il est facile au noble pair de perpetuer dans sa famille Ic patronage local qu'il y a obtenu. La dernierc classe, celle des bourgs ouverts, comme Liverpool ct Bristol , pre'seute la face la plus honteuse du systijme electoral de I'Angleterre. C'est la que se I'eproduisent a chaque election les plus re'voltantes satiu-nales. L'argent y fait tout : on I'y de'pense sous tou- tes les formes de la corruption , en banquets , en achats du droit de franchise, en pompes vaines, en salaires pour les agens legaux de I'c'lection, en raoyens de transport pour les e'lecteurs , etc. A peine y a-t-il dans toute la Grande-Brctagne une dizaine d'endroits oii le bon citoyen puisse espe'rer de lutter avec succes contre celui qui sei'a pret a consacrer une fortune pour sa re'ussite. En effet, Ton a observe que les bourgs ouverts avaient toujours envoye' proportion- nellement un nombre raoins considerable de deputes ^H'obes et e'clai- re's que les autres classes d'clecteurs. La petite ville de Maldon, dans le comte d'Essex , contient a peu pres 2,000 habitans; uiais elle a une charte qui, avec le terns, permettrait d'y appeler comme ciccteurs tous les citoyens du royaumc uni. A re'icction dc 1826, TOME I.. AVltlL I 85 1. 1 '2 l']8 EUROPE. l)rcscle 2,000 pcrsonncs obtinrent Ic droit de Lonrgcoisic, et se rcri- dircnt a Maldon de loutcs Ics parlies dc rAnglcterrc; et comme a cliaquc appel dc iiouveaux votans il s'en prc'scntait une nouvellc cl nombrcusc voice , le scrutin fut continue pendant 1 5 jours , et la depense faltc par Ics trois concurrens monta a ])rcs dc 4", 000 livres (un million de francs). Comme Ics fdlcs des honimes librcs jouissent, sous ccttc cliartc bicnfaisante , du droit de faire des hommes libres de lours maris, plusieurs couples furent unis sur lelieu memo, afin de cre'er des votans ;et, dans quelques occasions, cesmariages trom- percnt I'attente des parties , car on decouvrit , mais trop tard , que I'e'pousee n'avait point de franchises a sa disposition. A Nottingham, dans la memc anne'e, un gentilhomme avoue aA'oir paye, en un scul jour, plus de 3, 000 livres (76,000 fr.) pour acheter des votes. A Leicester , les electeurs , s'attendant a une lutte entre plusieurs candi- dats , fixcrent d'avance le prix des suffrages a i o livres par vote , prix habitucl, disaient-ils, lorsque la concurrence etait grande. L'clcction de Liverpool couta 85, 000 livres (plus de 3 millions). Les elections de comte's offi-ent les raemes scandales. Celle du Yorkshire a coiite' a M. Mai'shall 3o,ooo livres sterling. Dans le Northumberland, M. Bell a paye dc Go a 70,000 livres son siege dans le parlement. Le tableau suivant comple'tera ces donnc'es en prc'sentant les rc- sultats produits par le systeme electoral actuellement en vigueur : c'est une classification des membres de la chambre des communes , qui compte : 1 Fils ct parens dc pairs 256 Fonctionnaires publics et pcnsionnaires du gouver- nement .... 2i7 Officiers de lerre 89 Officiers de marine. . . 24 Ilommcs de loi 54 Attaches "a la compagnie des Indes 62 Intercsscs dans Ic commerce des Indes occidciitales 35 Banquiers 53 Propri^taircs agricojcs ... 556 Divers. ............ 51 J. RUSSIE. I^Q KUSSIE. Tle de Taman. — Antiquites. — Inscription grecque. — Le Journal ti' O^e^^a annonce la dc'couverte d'une inscription grec- que d'lin grand inte'ret pour la ge'ograpbie ancienne du Bosphore Cimme'ricn, trouve'e au raois de fe'vrier i83o, pres du bourg de Taman. Cette inscription est grave'e sur une table de marbre , se compose de 1 3 lignes , et doit se rapporter a I'an 4o3 de I'ere du Pont. On trouve souvent, sur les deux rives du Bospbore , des rae'- daillcs en bronze avec le nom des Agrippeens , d'autres avec celui des Cesareens. Les antiquaires ont altribue les premieres a Agrip- pia , ou Antbedon , ville de Jude'e ; les dernieres a Cesaree de Bi- thynie, ou a Tralles de Lydie, qui avait aussi recu le surnom de Cesaree comme tant d'autres villes tJe I'Asie-Mineure. Mais on devait se doutcr que ces me'daillcs ne pouvaient avoir e'te' frajipc'es que dans les villes d'une meme contre'e, parcc que leur fabrique est tout-a-fait scmblable , et parce que rarement on a trouve' une me'daillc de Cesa- ree , sans en avoir de'couvert en meme tems une autre A'Agrippia. L'inscription publie'e par le Journal d' Odessa, en faisant mention d'un monument consacre a la memoire d' yindronicus , Jils de Pappus , par les Archontes d' Agrippia Cesaree , leve toiite incertitude, en prouvant d'abord que les deux nomsd' Agrippia et de Cesaree avaient appai'tenu a la meme cite' ; ensuite , que ces noms avaienl etc' porte's par quclque ville ancienne dc I'lle de Taman , et trcs-projiablemcnt de Phanagorie , qui e'tait situe'e dans le voisinage du bourg modernc de Taman : ainsi la geographic numismatique doit subir des modifications dans le classement des me'dailles qui portent la le'gende des Cesareens (tete de femme coiffe'e du modius avec une torche au revers , et non une Jleche , comme on a cru Ic voir) , ct des Agrippeens (tete de femmc voile'e , et proue de na- vire). Cc fait nouvcau est une acquisition pre'cieusc pour les sciences Iiistoriqucs. 0. i8o Ell HOP j:. ALLEMAGNE. TABLEAU STATISTIQUE DF. LA tOtVFKDERATION GERMANIQUE d'aPRES LIECHTENS- TERN, INDIQUANT LA SURFACE EN MILLES CARRES Ge'oGRAPHIQUES DES ETATS QUI LA COMPOSENT, LEUR POPULATION, LEURS REVENUS , ET LE CONTIN- GENT Qu'lLS ONT A FOURNIR. CAPITA LES. ! Autriche (Viennc) . Prusse (Berlin). 7 I Baviire (Mu ' Wurteuibe.-i Bade (Carl: and-Ducl: Hohenzoller I Liclitensteiii I Hohenioller Hesse-Honili incfort (F ■icU) (Stuttsart) •uhe) ;de Hesse (Darmstadf). . i-Hechingen (Hecliingen). (Vaduz) i-Sisiaanngeu (Sigmar.). ,urg ( Hombourg ). . . rancf«rl) :sde). Itojaume de Sa^e (D Saie-Goiha (Golha) ;-CoboHrg (Cubourg) Saxe-Meiniugen (Meiuuugen). . . . Saxe-Hildbnrghausei.(n:ldburghauseu) PriDoipaute de Reoss b'gue ainee (Grcilz) PHucipaiilc de Reass Jig. cad. (Sehleiz) Electoral de Hesse (Cassel) Luxembourg (Luxembourg). . ■ ■ Nassau (^Wiesbaden) Saxe-Weimar (Weimar) Aubalt-Dessan (DeSsau) Auhalt-Bernburg (Bcri.bourg). . . . Anhall-Coelhen(Colben) Scbwaribourg-Soiidershauseu (Send.). -Rudolsladt (Rudolsladt) 178,861 65.800 93,694 13,727 11,320 2,600 1,800 5,000 9,700 40,485 5,5,713 12,400 7,746 4,120 2,503 6,195 18,500 5,300 9.000 'Han6»re(Hauovre). . . Bruuswvick (Brunswick). Waldeck (Arolseuj .Scliaumbourg-Liiipe (Buckebourg). Lippe-Detmold (Oelmold). . Holsle ubourg-Sihwerin (Schwiria). Meckleubourg-SlreliU (Slrelitz). . Holsleiu-Oldeubourg (Oldenbuurg). Lubeck (viUe) (Lubeck) .... " ne (fille) (Brcme) Hambourg (villc) (Hamb dans les lonj^s (l('velo))- 1 88 FRANCE. peinons qu'il a donues a ses rechercbes ; de telles analyses sont tou- jours incom])lctes ct inexactes. La seance a c'tc tcrmine'e pai- la lec- ture d'nu Fragment d'lin t'oyage dans le Levant, pai' M. De Laborde, et cclle de qiiclques tables ine'dites, oil M. Ar>aui.t a su de'ployer cette verve satirique, ces allusions piquantcs qui lui out toujours nie'rite' des applaudissemcns de bon aloi. V(EU d'TJN MEMBRE Du COMITE POLONAIS , ADRESSE AU GOUVERNEMENT DU ROI DES FRAWQAIS. C'est sur le droit politique, c'est sur le droit des gens que se fonde universellement la stabilite de I'ordre social. Les regies de la diplomatic ne sont e'tablies que pour enmaintcnir les conditions respectives dans tons les Etats originaircment constitue's par la vo- lonte des peuples , soil en monarchic here'ditaire ou elective , soil en republique aristocratique ou populaire. Aucune force , pas meme cellc de la conquete , ne pent le'gitimement ane'antir a jamais cette convention , source des traite's de toutes les puissances souve- raines entre elles. II en est de ce droit politique des nations, auquel tiennent leur inde'pendance et la limitation de leur territoire , comme du simple droi-t civil de la proprie'te : celui -ci ne se mesure point a I'e'tendue de la possession territoriale , il ne s'augmente, ni ne s'amoindrit , ni ne s'altere sous aucun rapport devant ia justice ; mais il rcste le meme , et les arrets sacre's des tribunaux protegent egalement les bornes e'troitcs du champ de ragi'iculteur et les vastes enceintes des domaines publics et royaux. Pareillement , le droit politique ne s'evaluc point sur la plus ou moins grande quantite d'habitans qui composent un pays distinct. La guerre meme a des lois a suivre pour le restreindre, elle n'en a point pour le de'truire; et des lors qu'elle attente a ses pactes formels , clle n'est plus qu'un brigandage. N'est-ce pas sous ce juste point de vue que I'humanite tout cntiere a conside're' les demembremens successifs de la malheureuse Pologne, ct que la violcnte spoliation de ses provinces souleva dun cote I'indignation gcne'rale des cceurs centre les rois qui se les PARIS. 189 sont criminellcment partage'es , ct de I'autrc excita le me'pris pour I'insouciante pusillanimite de Louis XV et de ses ministres , cou- pables d' avoir laisse consoraraer dans I'Europe cctte oeuvre odieuse d'iniquite? Pourtant nous vcrrons que les Polonais, abandonne's par la faiblesse ou trahis par mille intrigues, ne confondirent pas Ics sentimens de la France avec I'esprit de la royaute qui de'shonorait ses alliances. ( L'auteur eni'.Tiere ici tous les litres que la Pologne s'est acquis a notre reconnaissance , depuis 179'^, quand, de'ployant I'etendard patriotique, elletint en e'chec d'un cote la puissance russc ,tremblante pour sa suzerainete ; de 1' autre la Prussc , force'e de retirer ses troupes des bords du Rliin pour les porter sur les rives de I'Oder, JHsqu'au 3o novernbre i83o, lorsque le vieux royaume des Jagel- lons se leva comme une barriere vivante et armee entre les barbares du nord et la liberie frangaise. lUeprend ainsi : ) Concevrons-nous T insolence incurable qui de'signe en troupeau de rebelles , en ramas de factieux et d'ignobles anarchistes , la reu- nion valeureuse de milliers d'hommes e'claires qui , ne pouvanl ou- blier leurs annales et les fastes glorieux de leurs ancelrcs , lasses de serrir aux recrues des regimens de leursspoliateurs, e'puise's de sub- sides prodigue's en solde a leurs bourreaux , arracbe's de leurs asiles pouretrejete's au fondde I'apre Siberie , depouiile's jusqu'a la nu- dile par les confiscations, corporellement e'crases de coups ignomi- nieux , seliguent te'me'raircment , ceines de garnisonshostiles , contre la tyrannic qui les menace de toutes parts? Ne sont-ils que de misera- blesbandits, ces grands qui aljjurent, pourl'bonneur de tous, leurs prerogatives feodales , ces nobles qui arment leurs paysans affrancbis par eux de tout sei-vage , ces prelres du Cbrist qui les cxbortent du haul de la chaire a mourir pour I'inte'rel de la patric , ces femmes ■ des rangs les plus elevcs de la socie'te qui consacrent leurs ricbesscs , les parures de leur luxe et le tribut de leurs soins , au secours des combattans el desblesse's, enfin ces ciloyeus de tonics les classes qui semblenl ne plus former qu'nne gi-ande I'amille de soldats , lultant contre des satellites csclaves el merccnaires ? Non , non , ces quatre millions de braves onl les mtmcs droits d'exisler independans que les milliards de sujets des aulres etats. igo FRANCE. Profondement frappc d'une consideration si forte , im membre de ce comite' polonais, qui s'est empiTssc' dc leiir te'moignor la sympa- thic gc'nerak (ju'cxcitcnt en nous lour sublime clan , Icur lie'roique te'mc'rite' ct lours soufiVances , croit devoir sc hater d'exprimcr un voeu qu'il soumct a la justice impartiale du roi des Fran9ais , raailre de I'accomplir. Ce voeu deja fut indique dans quelques paroles pro- noncc'es a la tribune des deputes , par un bomme ecoutc' des deux mondes ; Ics gc'ncrcuses initiatives e'manerent toujours de son ame ; Lafayette souhaita que notre ministere reconniit le gouver- neracnt supreme dc la Pologne , et qu'il en recut une legation di- plomatique. Cc'dons a celte inspiration , manifestons bautement le de'sir de voir adopter un tcl acte d'cquite politique. On sc souvicnt qu'au 28 Janvier dc ccttc dix-buit cent trcnte-et- unieme annc'e , quand cbacun s'alarmait des bostilite's non commen- cecs encore entre Pe'tersbourg ct Varsovic , quand les esprits s'inquie- taient de I'avenir, le comite polonais , qu'on n'osait pas e'tablir , devanca , par ses beureux pressentimens , les victoires qui ont rea- lise' nos bons prc'sages. Que ne pcut-il appuyer toutes les questions favorables a la nationalitc d'un peuple au nom duquel il s'est constitue' I'intcrprete des sentimens qui nous animent ! Deja ses membres ont accompagnc, cbez le comte de Lobau , la deputation cbarge'c d'offrir une adresse de la garde nationale polonaise a la garde nationale francaise. Au milieu d'une reunion fratcrnelle , a laquclle nuus invi- tamcs les dignes envoyes de Varsovie , le general Lafayette Ictir fit accueillir I'bommage de notre admiration iinanimej et ringe'nieux ct zc'Ie M. dc Labordc sut re'suraer en peu de mots la pense'e de tons, lorsqu'il leur dit : Les Francais , en dressani les barricades de Paris , pour la defense de leur liberie , vous ont donne un bel exemple ; mais quevous Vavez biensurpasse,vous, Messieurs, qui elevez dans vos murs les barricades de VEurope contre r invasion de la barbarie et du despotisme ! En cffct , la cause des Polonais est la notre. C'est une consequence rigourcuscment logifjue que la reconnaissance officielle de leur sou- veraincte. Leur effort contre la violation do leur contrat social , et notre resistance cnergique aux parjures ordonnances i|ui abolissaicnt PARIS. 191 noire Charte , le principe de leur affranchissement , et celui de notre regeneration , la de'clie'ance de la dynastie des Ge'sarowitz dans leur royaurae , el l' exclusion de la branche aince des Bourbons dans le noire, sonl parfaitemcnt identiques. Notre revolution el la leur se ressemblcnl : leui's droits et nos droits ont la raeme origine et la meme fin. Les cours europe'ennes n'ont pu me'connaitre notre roi national et notre constitution. A notre tour, par una conformite do consequences deduites des fails, nous avons reconnu I'e'lat inde'pen- danl des Beiges: nous avons accueilli les dcle'gue's de sa diplomatie, participe' a ses actes , avouc la de'che'ance des Nassau , recu daas unc solennite royalc I'offre du trone de Belgique , refuse par le due de Nemours, enfin traite avec son congres et son regent. Par quelle anomalie dans notre conduilc he'siterions-nous a recon- nailre le goiwernement supreme national fireside par le prince Adam Czarloreski , depuis que , libre el souverain , il a pronoace la dc'cli6'ance des czars? L'e'quilc n'a qu'une meme loi : fera-l-on plier sa regie sous la preponderance des masses enre'gimenlees dans les principaute's diverses? Ce que vous faites a I'e'gard de la plus faible, ne I'oserez-vous faire a I'e'gard de la plus forte? Proportionnerez- vous le droit e'gal de part e. d'autre an nombre ine'gal des ba'ion- nettes et des canons de Guillaume ou de Nicolas ? Une si craintive reserve de'graderail la dignite' de la France. Ne pas trailer la Pologne en gouveruement , c'est la trailer en rebelle, et noire silence nous rendrait complices des oppresseurs qui s'arrogenl le pouvoir de la chatier. Point de milieu , poijit d'ambi- guite' : ne pas declarer la le'galite de sa revolution , c'est condamner les oeuvres de la notre ; c'est souffrir qu'a noire honle , a celle de la chre'tiente , a celle du genre humain et du siecle, le bon plaisir d'nn cmpereur fasse immoler des martyrs en gladiateurs , dans le sanglant amphitheatre oil sou caprice lance des hordes sauvagcs. Notre ministere se flatterail-il de mieux servir la Pologne par des negociations timorees , dans le mystere des cabinets ? Mais a quel litre serait-il me'dialeur entre les parties belligerantes ? De quel droit , par quelle aulorisalion valable , capituleriez-vous au prejudice de I'honneiir, qui combat peul-elre afin de se souslrairc a tonic transaction avilissante ou frauduleuse , et qui ne veut, n'acceple 192 FRANCK. pour arbitrc que la victoirc on la mort? Si vons meconnaissez le principe dc la dcliviancc dcs Polonais, vous plaidez irie'guliereracnt ]>oi par la souvei'ainete publique , plus puis- santeque les le'gitimite's Vaincs ; oui , dis-je, que pres dc ses ministres constitutionnels , les droits dc I'liumanite ont leurs organes diplo- matiques, rhc'ro'isme a sos ambassadeurs , ct la liberie' ses plc'nipo- tentiaires. Puisse a leur re'claraation sacrc'e le principe de la non - interven- tion , plus re'ellement de'fensif qn'en Italic, et moins formidable que nc le serait un appcl aux jusles transports des peuples courrou- ce's de Icurs chaines gothiques , jiuisse , disons-nous , ce principe vaincre le systeme sdcrile'ge et mcurtrier des re'ciproques invasions de la sainte-alliance ! Tel est le voeu que je manifeste en faveur de nos anciens compa- gnons de guerre dans toutes les regions du globe , de ces braves nomades de la gloire, qui , fiers d' avoir, il y a soixante ans , leve le sabre pour s'affranchir , le tiennenl encore en main pour frapper au- jourd'hui leurs tyransj nation dont la celc'brite s'cst mise au-dessus de loute concurrence , peuple indomptable , modele des autres peuples par sa liaine de I'esclavage , par ses devouemens a sa terre natale et a la plus auguste des causes , cclle de la patrie, el de Fabo- lition univcrselle des servitudes qui de'gradent et fle'trissent le carac- tere de I'liomme. Nepomucene-L. Lemercier, Membre de rinstitut de France. La Societe philotechnique a donne , le 1 7 avril , dans la salle Saint-Jean a I'Hotel-de-Ville , une seance publique qui avail attire un brillant audiloire. M. de Ladoucette , secretaire perpe'luel, a pre'sente le compte rendu des travaux de la Societe ; M. Michaux Clovis a lu un dialogue en vers entre le due de Montebello ct le TOME L. AVBIL l83l. l5 194 FBANCE. gc'nc'ial Morcau; M. Villenave , iin parallele cntre Charlcma^c ct Napoleon; M. Bervii.lz, iin morccau siir la grace; M. Servan de SuGNY, uneode intitulec : le Rei'eilde la liberte{\); M. Boiai,LY, nnfe piece en vers et en prose qui avail pour objet d'cxprimcr les re- mercicmtns qne la socicte philotechnique devait a madame Malibran et a d'autrcs artistes qui venaient lui prcter I'appui de leurs talens. Madame Malibran ct deux autres daines out fait ensuite line quetc au profit des pau-STes, dent le produit s'est e'levc a 828 fr. 70 cent. ■^»«^K)<^^ REVUE DES THEATRES. Nous ne sommes plus au tems 011 le succes et I'importance des pieces suivaicnt I'ordrc liie'raixhique dcslLc'atres; oii, supcrbe etde'- dai<::^euse, la Come'die-Francaisc regardait en pitie, a I'ombre du genie de Talma, Ics parades grotesques du boulevard. Ce boulevai-d a eu son solcil de juillet, ses paves, ses barricades, et les autocrates de la rue Richelieu sont autant de rois de'clius que traine aujour- d'bui a sa rcmorque la Porte-Saint-Martin. Deux pieces nouvclles viennent d'eti-e representees sur la scene du Palais-Iloyal : un drame et unc corae'dic, Charlotte Cordaj; Nais- sance , Fortune et Me'rite. Les autcurs sont MM. Piegnier-Des- toiubet et Gasimir Bonjour. Le premier est un jcune liomme pour qui la carriere dramatique est a peine ouverte , plein de zele , d'e'mu- lation, riche du tems qu'il a devant lui, mais pauvre encore deba- gage litte'raire. Quanta I'autre, tout le monde sail sa reputation d'e'crivain spirituel, ses chefs-d'oeuvre si comiques, sa verve mali- cieuse et enjoue'e. Malheureusement M. Gasimir Bonjour en est ar- rive a cette e'poque ou Ton vit un pen sur le passe. II est toujours piquant, inge'nieux, railleur ; on trouve commc de coutume chcz ft) Ccltc ode est imprimec, v\ sc troiive chcz Rij^a , boulevard Poisson- niere, n" t . PARIS. 195 lui des details pleins de grace , dcs scenes bien file'es ; mais sou genre s' efface et passe dc mode ; il eiit e'te bon sous I'empire , alors qn'on se contentait, fautc de mieux, de feuilletons et de poesies fu- gitives. Aujomd'tiui la politicpic, a I'allure grave, impurieuse , passionne'c, envaliit et devore tout. Le sujet choisi par M. Regnicr e'tait grand et vaste; il pouvait re- veiller dcs emotions fortes et populaires; mais I'auteur n'a point su tirer parti des moyens tju'il avait sous sa main; e'crase par la puis- sance des faits qu'il voulait traduire sur la scene, il a rapetisse' ce drame politique immense , gigantesque , a des proportions de salon et de boudoir grelcs et mesquines. Les deux pieces nouvelles ne changeront en rien la position du Tbeatre-Francais ; elles ne le feront point sortir de cette espece de marasme oil il demeure plonge' depuis si long-tems. On assure qu'une direction forte et active vabientot lu^,etre imprime'e; qu'un ouvrage tres-remarquable , Camille Desmoulins, est en\ec\.\i\:e; qu'il ob- tiendra un succes d'entliousiasme , etc., etc. Nous souhaitons sincere- ment que ces bruits se re'alisent. Plusieurs nouvcaute's out e'te joue'es sur Ics theatres dc vaudevilles et de rae'lodrames ; nous nous bornerons a en donner les titres : quclques-unes sont tombe'es , les autrcs out obtenu un demi-succes; de cc nomjjre est \cBouffonduPriiice , au Gymnase, bluette spiri- tuclle, parM. Xafj'erMELEsviLLE. Mais les pieces qui ont surtout captive I'interet public sont : Antony , Norma et Medicis et Ma- chiavel. Nous allons en rendre compte. The'atre de l'Odeon. — i'^* repre'sentation de Medicis et Ma- chiavel, drame en 3 actes et en vers de M. Pelissier (lundi 1 1 avril). — II y a la une conception dramatique : Frescobaldi , banni depuis plusieurs anne'es de Florence, s'est retire' a Rome, oil il a nourri de fanatisme sa hainc contre Medicis. II reyient secretement dans sa patrie , arrne de vengeance et d'anatheraes pontificaux. Le'onore , sa femme, qui ignore ses desseius, vient de son cote a Florence, poui- sollicitcr la grace dc son mari. Le hasard lui livre le secret de la conspiration qui se trame et dont elle ignore les auteurs. EUe espere qu'en la re'velant a Medicis , ce lui sera un titre pour obtenir la fa- veur qu'elle sollicite; mais quel est son e'tonnement et sa douleur i3. 196 FBANCE. qiiand elle rcconnait son mari dans le prisonnier qu'elle-meme a fait arretci! Macliiavol , qui, sous le nora de Geronino, est I'arac do la conspiration, dont Fiescobaldi e'tait lebras, renoue la tiame; il a donnc un nouveau rendez-vous aux conjures ; mais il veut par la raort dc FrescoLaldi c'touffer son secret , et les e'raissaires excilent la fureur du peiiple conlrc le prisonnier. II est lire' de prison , et il vient , poursuivi par le peuple , jusque dans le palais dc M^dicis. La il de'ploic aux yeux de tous une bulle d'excommunication lance'e par le pape conlre Me'dicis, qui la saisit, la remet a Machiavelpour qu'ellc soil lace're'e et brulee par la main du bourrcau. Frescobaldi va eti"e envoye' a la mort , quand sa ferame accourt et obtient qu'on e'pargnera sa vie. II sera conduit dans une forteresse , et il est remis a la garde de Carlo , Ills de Machiavel , jeune homme enti^rement de- voue a Me'dicis. Cependant I'escorte est attaque'e sur la route par Sforzi, condottiere dont la bande est engage'e dans la conspiration. Carlo est blesse a mort , et Frescobaldi , de'livre' , rcntre a Florence, et se re'unit avcc les autres conjures aux bains Pitti, ou le faux Ge- ronino a indique' un rendez-vous nocturne. La, Frescobaldi, irrite' des reprochcs de sa femme, qui menace de tout re've'ler a Me'dicis, la poignai'dc. Me'dicis, averti qu'une nouvelle conspiration doit e'cla- ter, qui a su le lieu du rendez-vous et le mot d'ordre, s'introduit parmi les conjure's. C'est alors qu'il apprend le de'sastre de Carlo , la debvrance de Frescobaldi et la trahison de Machiavel. Le peril qu'il court ne Tiutimide pas, il poignarde Frescobaldi; Sforzi, que cette audace frappe d'e'tonnement , ne veut pas attaquer un homme seul contre cent. Carlo meurt des blessures qu'il a rcfues, et Me'di- cis inflige pour stipplice a Machiavel le spectacle et le remords de son fils mourant. La combinaison dramatique demande grace ici pour les infide'Iite's faites a I'histoire. Machiavel, dans une telle donne'e, ne pouvait pas ctre trcs-ressemblant ; mais les autres caracteres me- ritent beaucoup d'eloges. Le pocte a peint d'lieureuses couleurs les qualite's brillantes de Me'dicis j Frescobaldi, irrite' par un long cxil, exalte par le fanatisme, est uncaractere plein d'e'nergie et de ve'ritc, et qui contraste bien avec celui de Sforzi , qui assassine sans pas- sion et parce que c'est son metier 3 il tue pour de I'argent, comme Frescobaldi pour la gloire de Dieu et le service du pape. Le style a PARIS. 1 9'7 de la piiiete et du ncrf, il offre iin dialogue facile et natuiel. Applaii- die a la representation, la piece sera goute'c aussi a la lecture (i). — Norma , onV infanticide ^ trage'die en cinq actesdeM. Alexan- dre SouMET ('25 avril.) — C'cst encore un sujet remain, une trage'die classiqud , comme on dit. M. Souraet s'est voue au culte de nos grands ccrivains; il a cru qu'on pouvait encore cucillir quel- ques palmcs apres Racine et Voltaire; a la bonne heure. Lais- sons au poete suivre ses inspirations. Ne lui demandons pas : pour- quoi cliantcz-vous Ne'ron , Clytemnestre? La posterite juge le rue'ntc ct non les motifs. Nonna, c'cst riie'ro'ine, femrne aimante, poe'tique comme la Vel- ledades Martyrs, druidesse myste'rieuse , qui n'a de terrestre qu'un amour profane pour Pollion, proconsul remain, De leur union se- crete sont ne's deux enfans , Age'nor et Clodomir. Pollion est liomme : usee par le fems, sa flamme s'e'teint par de- gre's. Faible , il ne peut tenir devant la passion nerveuse et furibonde de la pretresse gauloise. Ses e'treintes surliumaines I'ecrasent et le tuent. II va chercher pres d'une jeune fille , eleve'e par Norma cUe- meme, de plus douces emotions. Adalgise, presque enfant, touchante d'innocence et de naivete , eprouvc un jc ne sais quoi qui la rend Iriste , reveuse ; un mal inconnu 1^ tourraentej craintive, trem- blante, elle vient e'pancher son ame dans le sein de Norma; elle lui confie son secret; elle aime , qui ? Norma I'ignore encore , ct sa ten dresse se re'pand en douces consolations : Seche tes picurs , enfant , De toi-meme, aujourd'lmi, ma pitie te defend ; Nous briserons tes fers... J'unirai vos deux anies, L'hymen de voire amour sanclifiera les flammes. ADALGISE. Que dites-vous ? Ton pere entendra tes aveux ; Tu n'as point prononce d'irrevocables vocu;^. (1) Elle vient d'etre iniprimee , el se vend cliez Barba , Palais-Royal. 198 FRANCE. ADALlilSK. Ciel ]r. Cc temple est soiimis a iiioii obeissancc ; Heureuse en ta faveiir J" employer ma puissance > J^ipaiserai le tociir de remords combattu. AnALGlSE. O combiea PoUion!... NOUMA. Pollion ! que dis-tu ? DALCISE. Je I'aime.. . Un affreux mystere est devoile. Adalgise est sa rivale. Adalgise ! cette enfant qu'elle entoiira,dcs Ic Lerceau, d'line tendressedemere. Mais Pollion est-il coupable , I'a-t-il trahie? Elle craint , elle espere ; et puis , qiiand les aveiix de sa jeune rivale nc lui laissent plus de doute , la rage, la fureur la transportent. Elle i Norma! elle I aussi cruellement outragee. Sa jalousie dc'borde en imprc'cations I Cette jeune fdle douce, timide, dontnaguere elle essuyaitleslarmes, elle I'injurie , la maltraite. Cette scene est belle; Ic dialogue en est vif, presse'; les pense'es so Leurtent , se choquent impatiemment , ct puis la passion est gradue'e avec art : pitie, tendresse, crainte, fureur, tout se prc'cipitc avec une effrayante ve'rite'. Vient une entrevue avec Pollion, dans laquellc celui-ci declare a Norma qu'il rclourne a Rome sans clle, ct qu'il veutemmenersesenfans.L'amante atterre'c,liorsd'elle, ne songepliis qa'a se venger. Elle s'e'lance aux pieds dcs autels, et devant le pcuple assemble devoile le crime de Pollion et le sicn. La foulc frc'mit d'un si horrible sacrilege , charge d'impre'cations les coupables, ct les voue a la mort : mais Pollion est sauve par les troupes romaines ; pour Norma , le de'sespoir I'a renduc foUe : e'clicvele'e , effrayante , elle e'gorgc, enrugissant, CIodomir,le plus jeunede ses fdsj puis, quaud on vient pour arraclier de ses mains les malheureux enfans, clle ap- parait sur la cime d'un rocher et se precipite dans les flots , entrai- nant Age'nor avec elle. PARIS. I.jy Tout ccla est drama tique ; mais Ic persoimage de Pollion est froid, sans inte'ret, sans vigueur. Cc dcfaut est siutoiit clioquant dans Ics deux premiers actes , ou quelqucs longueurs genent et embarrasseut Taction. Le style de M. Soumet est presque toujouvs elegant ct, pur; il est pourtant des passages auxquels on pouriait reproclaer un pe.ii de rccherclie et de pretention. Ainsi les paroles qu'il ifl€t dans la bouchc des deux enfans ne sont point asscz na'ives. II s'est efforce, on le voit , d'imiter la simplicite de Joas dans ^tlinlie ; mais il. a e'choue peut-etre par cela meme qu'il a fait trop d' efforts. Rien n'cst pres de raffe'terie comme la simplicite. Quoi qu'il en soit il y avait long-terns qu'une trage'die aussi rcmarquahle n' avait paru sur la scene francaise. C'est sans contredit la mcilleure qu'ait faite M. Sou- met. Porte-Saitvt-Martin. — Antony , par M. Alexandre Du- mas. — II y a dans cette oeuvre, dont la conception et les pcr- sonnages appartiennent enticrement a I'auteur, nombre d'invrai- semblances et de hizarrerics melees a des heaute's du premier ordre. Antony est un sujct contcinporain. M. Dumas a fait poser devant lui la socie'tc actuellc , avec ses travcrs , ses passions et ses vices ; puis son ame de poete s'est inspire'e : artiste, il a saisi ses pinceaux, et le tableau s'est re've'le, e'blouissant de fraicheur et d'c- clat; les ombres sont e'nergiquement senties, la touclie est brillante et vigoureuse; mais de verite' , de ressemblance , n'en clierchez point. Comment se figurer , en effet, que ce he'ros, aussi bouillant qu'OtlicUo, plus imjjrudent que Saint-Me'grin, ce he'ros au cceur brulant , aux passions impe'tueuses , soit un de ces jeunes hommes que nous voyons aux spectacles , aux promenades , partout oii regnent le luxe , le plai- sir, vrais types d'une nature insouciante, le'gere et frivole? Antony est pourtant un dandy comme eux , elegant , parlant chevaux , femm es et toilette; le matin chez Tortoni, le soir au bois de Boulogne. Adele et lui s'aiment e'perdument : ils vont se marier, lorsque brus- quement, sans explications, Antony s'eloigne. Pourquoi ? c'est un mystere, et ce mysterc est important, puisqu'il est en definitive la base de toute la piece ; ce mystere est terrible , puisqu'il entraine le he'ros au viol, a I'adultere, a I'assassinat. Le drame se completU> 200 FRANCE. done lacileiiient par iin ccliafaud, car nous soinincs en i83o; et, dan^. I'ordre naturcl dcs clioscs, Antony doit coinparaitre dcvant une cour d'assises, etre juge par des jure's qui le condamneront, et pe'rir ainsi de la main du bourreau. line pareillc iln est trop lionible ; rimagination du spectatcur doit la repousser comme une jnonstruo- site' , toujours eu egard aux mceurs dc I'e'poquc que M. Dumas veut peindre. Ces moeurs, il les a exage'rees, de'nature'cs : s'il faut i'en croire , ce sent cllcs qui ont prc'cipite Antony dans I'abime. Ne de parens inconnus, il est victime du prejuge' qui frappe Ics batards et les isole de la socie'te comme des parias. C'est centre cc prejuge re- voltant et absurde que I'auteur s'e'Ieve avec une ge'ne'reuse indigna- tion. Ici, M. Dumas se lait le second dc Diderot; mais Diderot combattait un fle'au reel, et M. Dumas lutte et s'acharne centre une vision, un cauchcmar. Ou trouve-t-on aujourd'hui le prejuge' de la naissance ailleurs que chez quelques vieilles marquises du noble faubourg, rares et impuissans debris du lion terns ? Francliement , rien n'est plus comniun que les mesalliances : iln' est point de parti, si brillant qu'il soit, auquel un jeunc liomme ne puisse pre'tendre , s'il est instruit, bien eleve, et surtout s'il a soixante mille livresde rente. Que d'cxemples on citerait a ce sujet I Je ne vois done pas ce qui ^lourrait empccher Antony d'e'pouser Adele : mais enfin il ne Fepousc pas; dc la des scenes incroyables de de'sespoir, de fureur, de de'mence , qui semblent e'ti'anges, jete'es ainsi au milieu d'une socie'te' indifle'rente , sceptique, railleuse, oil Ton se joue de tous les sentimens , de toutes les croyances , oil Ton fait aussi peu de cas de la lionte et de la banqueroute que dcs doctrines de Saint -Simon. Antony aime avec trop de violence : je concevrais peut-etre cctte passion, de'liranle jusqu'a I'liomicide, dans, un hoimne dont I'e'nergic native est reste'e vierge , un homme que re'ducation a pour ainsi dire e'pargne'; mais dans un dandy amolli par les de'lices de la vie phy- sique et intellectuclle , c'est pilus difficile; si Antony in'apparaissail sous lui costume du treizieme siecle, je I'aimcrais niieux, car alors la ve'rite, la rc'alile, ne viendraient point traverser et de'sencbantcj- mes illusions. Antony est parti : trois ans s'e'coulent sans qu'on entende parler dc lui. Adcle a lien dc croiie, rt tout le mondc le fcrait comme clle , PARIS. 201 que son aniant a subi I'mfluence du tems, dc I'eloignement, des distractions, etqu'il est j)ai-jiiie a sessermens. Dans cettc persiiasior, et presse'e par ses parens , elle e'pouse Ic colonel Hei-vey et vit tran- quille sinon heureuse , quand arrive une lettre d' Antony qui solli- cite avec instance une entrevue. Adele , songeant a ses devoirs sacre's d' e'pouse , se decide a fair pour rejoindre son mari a Strasliourg j mais, par une fatalite dont plus d'un auteur a tire paiti de tems immemorial, ses clievaux. s'emportent; un honime s'elance au peril de sa vie, les arrete et tombe grievement blesse. Get horame, on de- vine que c'est Antony , car cette situation est une reminiscence puise'e dans une douzaine de romans. On Ic transporte chez madame Herveyj mais sa plaie n'est point assez dangereuse pour qu'il demeure. Partez, lui dit Adele. Poiu- toute reponse il airache avec fureur I'appareil de ses blessures , son sang coule , et il reste. Cependant Adele fuit une second* Ibis • Antony court sur ses tra- ces , creve tons les clievaux , et la dcvance dans une auberge ou il la force de s'arreter. Au milieu de la nuit , il pe'netre dans la cham- bre qu'elle occupe, malgre' portes et verrous, en brisant un car- reau. Effraye'e, clle veut crier; mais il la saisit, I'c'treint de ses em- brassemens , e'touffe sa voix, la pousse dans un cabinet; la toile tombe Au bout de quatre mois nous retrouvons les deux amans dans un salon de Paris , au milieu d'une socie'tc brillante ou Ton deliite , comme c'est d'usage, des e'pigrammes et des sottises. Ici M. Dumas a trouvc le moyen de mettre dans la bouche d'une des dames de cette soiree sa profession dc foi littc'raii'e , a lui , M. Dumas. C'est une espece de preface au qnatrieme acte que les auditeurs ont mal gou- te'e, parce qu'elle est longue et ennuyeuse comme toutes les prefaces . Si I'auteur veut nous en croire, il la supprimera a la representation, quitte a la faiie iinprimer ])lus tard en tete de sa piece , si bou lui semble. Aucinquiemeacte arrive enfince mari doi:t lenon:i,revientsi souvent et qu'on ne voit jamais. Les deux amans vont etre surpris; Antony veut entrainer Adele; il la piesse , la conjure : elle re'siste. On en- tend les pas du colonel; il fiappe a la porte; que faire? La scene est dcdiirante. Je suis de'shonore'e , s' eerie madame Hervey dans le plus 3 02 FRANCE. violent desespoir; Antony, tne-jnoi! Elle loiube nioite , frappce d'un coup dc poignard. La porte est cnfoncec, le colonel s'e'lance. Ma femme I s' eerie -t - il. Elle me rcsistait , rcpond Antony froide- mcnt , et je I'ai poignarde'c. Ce dernier acte est d'un effct ])iiissant , iniprc'vu , draniatiquc. Maisle denouenient, si effrayant, si tragiqne, est-il vrai? Ce coup de poignard est- il bicn I'inspiration du dc'sespoir? Je ne le crois pas. Dans la pesse'e de I'aut^ur, Antony a tue sa maitressepour la sauvcr du de'shonneur, de la lionte , de la liaine de son mai-i. Mais ce n'est pas la niort qui pent jdisoudre Adelc dans I'opinion du colonel ; ce sont cos mots . Elle me resistait, je Vai luee. En frappant, Antony devait done avoir cette re'ponsc prcte ; car sans ccla le crime cut e'te inutile; or, il y a dans cette presence d'esprit je ne sais quoi de force , d'ingc'nieux qui rend la situation faussc; ne'anmoins , I'im- pression est violente , instantane'e. Lc spectateur ne pent s'y sons- trairc ni s'en rendre comptc : aussi la dcrniere scene, admirablcmcnt joue'e , produira toujours un ei'fet qui surprend et saisit. On setrouve comme sons le charme. GuROIVIQUE. AcADEMIE ROYALE DE MUSIQUE. — • Euviante , opera en trois actes, pai-oles de M. Castil- Blaze, musiquc de C. M. DE Weber ( G avril ) . Vaudeville. — La jeunesse de Talma, vaudeville ennn acte, par MM. Lhe'ric , Brunswick et Barthelemy ( i3 avril ). Varietes. — Fiji Lecoq , anecdote contcniporaine , en un acte, melee de couplets , par MM. Philippe ct Jntnnin ( i4 avril ). Nouveautes. — Diana Fernon , comc'die en mi acte, en prose, melee de couplets , par M. d'Hermillj ( 4 avril ). — Paganini en Allemagne , a-propos anecdolique, en un acte, de MM. DuvERGER et Voirin ( lo avril ). — Madame de Lavalliere , par IMiM. Lheric et Brunswick ( 16 avril ). — Les Chouans , ou Cohlentz et Quiberon , drame en trois actes et en cinq talileaux ( 26 avril ). Theatre de la Porte-Saint-Martin. — Fictorine, ou la Nuit porte conseil , drame mele dc couplets , en cinq tableaux , par MM. Dumersan , Garbif.!, Pt DiTEiTV (•).! avril). PARIS. 2o3 Ambigu-Gomique. —Les Trois femmes, ou les Bonnes amies, come'die en iin acte , raele'c tic couplets ( i o avril ). — La Cour des Messageries , tableau -vaudeville en un acte ( lo avril ). — Le Duel, drame en un acte et deux tableaux, par M. fiuouABii ( !-] avril ). — L' Hotel des Princes, opera- comicpie en un acte, musique de M. Edouard Prevost, paroles de MM. Ferriere et Marcoivnay. The'atre de la Gaite. — Les Dragonnades, ou Les Cevennes, en 1703 , melodi-ame liistorique en trois actcs et en six tableaux ( 9 avril ). — Le Faubourien , vaudeville en un acte , par M. Cn. Des- novers ( a/f avril ). — L^golin , djame en trois actes et en cinq talileaux ( jq avril). BEAUX-ARTS. Diorama. — Vue de Paris , prise de Montmartre , peinte par M. Daguerre. — Le a8 juillet i83o , a r H6tel-de- faille , peint pai' le meme. — Le Tomhehu de Napoleon a Vile Sainte- Helene , effet au soleil couchant, dessine d'apres nature au mois de juin 1829 , peint pai' Ic raeine. N'est-il donne' qu'aux seuls artistes de bien appre'cicr et de jugcr ks cbefs-d'ceuvre des arts ? Ce qui est beau , ce qui est vrai n'a-t-il pas la puissance d'e'mouvoir meme les hommes dont le jugement et le goiit n'ont pas e'te' forme's ni cultive's par nos grands maitres ? et quand I'ame est e'mue , le cri de la nature n'est-il pas une re've'lation e'loquente , soudaine , qui est le plus digne hommage qu'on puisse offrir au ge'nie ? On a souvent rappele cc mot de Themistoclc , que plus d'un Fran- fais moderne , relegue par nos lois aristocratiques dans la classe des prole'taires , et entierement exclu de I'exercicc des dioits politiques, serait fonde a s'appliquer : « Je ne sais point manier une lyre et lui faire soupirer des sons harmonieux , ni donner la vie au marbre , ni reproduire dans une pcinture di-amatique ct anime'e des e've'nemcns et des personnages qui excitent tour a tour le sourirc . les larmcs , 2o4 FRANCE. I'indignation, la pitie; mais qti'on me donne line vilie , quelque ob- sciu'e et miserable qu'elle soil , jc saiiiai la reiidre heuieuse et floris- sante. » Eh bien ! rhomme qui est de'pouiTu de la connaissaiice rai- sonne'e des arts , mais qui a refu de la nature un sentiment profond et instinctif du beau , peut se confier aux impressions qu'il a refues de la contemplation d'unc production qui a parlc'a son ame. II n'a pas bcsoin de consultcr un grand aitiste , un maitre , il exprime ce qu'il a senti ; I'ouvi'age est juge'. Voila ce qui m'est arrive' en visitant la nouvelle exposition des tableaux de M. Daguerre , au Diorama. Quand on a franchi , presque dans Ics tenebres , le corridor et I'es- calicr , e'claire's par une faible et sombre lueur , qui conduiscnt a I'enceinte circulaire , ou Ton distingue a peine autour de soi les per- sonnes et les objets les plus rapproche's , mais d'oii les yeux s'e'tendent sur un horizon e'loigne, dans une perspective ae'rienne qui tient dela re'alite' , il faut d'abord se recueiUir pendant quelques installs , puis se rendre compte de ce qu'on voit et de ce qu'on e'prouvc. Devant moi est une colline sur laquelle sont place's des moulins et un te'legraphe : c'est la jjutte Montmaitre ; dans le bas sont quelques maisons. Un sentier e'troit et difficile conduit sur la hauteur. On aperfoit dans le lointain, a travers une atmosphere e'paisse et ne'buleuse , des tours , de vastes batimens , des domes , des clochers : voila Paris. Puis on parcourt , I'un apres I'autre , les details de cette immense ville , et Ton reconnait bien chaque objct particu- lier. Ici I'Hotel -de - Ville , dont la vue seule re'veille tant de sou- venirs , d'anciens e've'nemens, de revolutions et de catastrophes con- temporaines , jusqu'aux grandes journees de juillet , oil tour a tour, a plusieurs reprises, la gaide royale, aide'e des Suisses, et les masses populaires , presque de'sarrae'es , mais puissantes par le nombre , par I'energie , par le sentiment de leur force et de leurs droits , ont atta. que , cmportc' , puis abandonne' ce poste important , qui est restc' de'- finitivemcnt au pouvoir du peuple. Maintcnant tout est calme , pai- sil)le , silencieux ; le cicl est pur et serein ; les vapeurs qui s'elevent de la terre indiquent scales qu'une grandc re'union d'hommes existe sur un mcme point. Cette Fue de Paris , prise de Montmartre , est un vi»ste tableau , d'une ve'ritc parfaite , mais froid , sans autre intc- rct que celiii de la representation cxacle des objets. PARIS. 2o5 On sent tourner Ic sol mobile sur lequel on est ]ilace ; une scene nouvelle vient sc produire aux yeiix. Ce n'est plus la grande capitale dent on admirait de loin les monumens et I'e'tendue. On est sur la place de V H6tel-de-Fille , dans la journee du 9,8 juillet. C'est bien la cctte revolution soudaine , impe'tueuse , terrible , ce re'veil d'un pcuplc si long-tems trompe', hiunilic, opprime , qui souffrait en silence, qui avait une re'pugnance profonde pour une famille royale imposc'e a la France par les ba'ionnettes etrangeres , qui etait avcrti par un secret instinct , par son bon sens exquis , par une sorte de re'- ve'Iation de la conscience nationalc, que la Charte royale tant vante'e n'e'tait qu'une amere derision , qu'un pic'ge perlide , qu'un audacieux mensonge; qui , voyant enfin que ses enncmis avaient jete' le masque et proclame ouvertement leur projet d'ane'antir la liberte' , d'abjurer leurs pompeuses promesses , accepte avec enthousiasme , avec une toucbante unanimite' , cette occasion , qu'il n'avait point cherche'e , mais qu'il de'sirait vivement, d'en finir avec une dynastie parjiu'e et ignoble , incapable de comprendre la nation et de la diriger. C'est bien la cet enfant he'rojque qui s'avance seul sur le pont suspendu en face de la place del'Hotel-de-Ville , pour reconnaitre ei braver un ba- taillon de Suisses et un de'tacliement de la garde royale , et qui vcut montrer, par son exemple, comment on mcurt pour la liberte'. Ici une jeunef'emme est frappe'e d'un coup mortel sur le seuil desapoite; la, un ouvrier ^ilante au sommet de I'Hotel-de-Ville le drapeau tricolore , tandis que d'autres ouvriers et quelques gardes nationaux, place's aux fenetres, tirent sur la garde royale forme'e en bataille devant le pont, ct qui a deja trois des siens tombe's morts en avant des rangs. Mais je quitte ce theatre de fureur , de carnage et de guerre civile. J'ai besoin dereposer mes yeuxet mon ame , profonde'ment blesse's par ce triste et de'ckirant spectacle. Je me trouve tout a coup transporte' , comme par une puissance magique , dans ime lie c'carte'e au milieu de I'Oce'an. Je suis a Sainte- Helene , environne' de rochers e'leve's , qui enferment une e'troite valle'c. A travers un longi'avin , entre deux masses de I'ocs e'normcs , on de'couvre la mer. La cime des monts est c'claire'e par le soleil coucliant , a demi plonge' dans les flots , mais dont I'eclat suffit encore pour emljraser une partie du ciel. L'effet -. Bilancia politica del Globo, di A. Balbi. _ An- nali d' Italia del Coppl. ti Casse di risparmio in Toscana. >-i Atlante geogra- fino , fisico e storieo della Toscana , del dott. A. Zuccagni. i-i Viaggio in Tur- chia del Dott. IValsh. i-i Corso di letteratura francese, di Villeinain. m Ico- nografia nioderna, del Vendramini. ,_, Rivista Dantesca. 1-1 Commedie di Al- berto Nota. M Iscrizionl veneziane raocolte dal Cicogna. i-i Delle carceri di peniteiiza. m Saggio di filosofia teoretica, di G. Grones. i-h Viaggio di Simond in Italia. >-< Esercitazioni deU'Accademia agraria di Pesaro. i-c Raccolta di viaggi e di memorie puliblicate dalla Societa di Geografia di Parigi. m Della vita e delle opere di Antonio Cesari. « Atti dell' I. e R. Accademia della Crusca. I-I Papiri greco-egiziani pubblicati dal prof. Peyron. m Opere di Ugo Foscolo. >-^ Inrorno agl' Inni sacri di Alessaiidro Man7.oni. 1-1 Opere varie d' Ennio Quirino Visconti. i-i Memorie sul Golfo della Spezia, del Conte Cha- brol. w Ojtere di Cooper. ^-< Storia di Francia di Dumonteil. w Fasti e vicen- de de' popoli Italiani dal i8oi-i8i5. i-i Storia dell' Economia pubblica in Ita- lia, di G. Pecnhio. 1-1 D' una letteratura Europea. >-< Della poiiolariti ile- gli autori. « Gompendio di Gius del IX e X secolo di Carlo Wut. -< Dei Viaggi di Clapperton nell'Affrica. 1-1 Viaggio di Beltrami alle sorgenti del Mis- sissijii. w Societa filodrammatica di Firenze. hi Vocabolario universale della lingua italiana a Napoli. i-h Storia dell'arte dimoslrata co'monuinenti , di D'A- gincourt w Tragedie d' Euripide, trad, del Bellotti. h-i Medaglie greche del Miispo Fontana. i-i Del coraggio civile e dell' edncazione propria ad ispiiare Ic jiiibbliclie virtii , opera di G. Come. 1-1 Costantinopoli e la Turcbia nel i8i8. I-I Trattato del diritto penale, del sig. Ros'ii. — c Viaggio per la Taiiride, del sig. Muraivleff. 1-. Statistica agraria della Val-di-Chiana. ^^ Carta dell'Asia settontrionale , del sig. Segato. w Lettera sul corso del Niger, m Prospetto del Commercio di Tripoli d'Africa, del cav. Graeberg. w Siill'insegnare a leggere. « Giovanni da Procida, trag. di G. B. Niccolini. i-h Monumenti di pittura e scul- tura in Mantova. hh Vita e opere di R iffaelle Sanzio il'Urbino , del sig. Quatre- mere di Quincy. i-h Istituto di corrispondenza archeologica in Roma, i-h Istoria dei progress! dtdle scienze natnrali, del barone Cuvier. -^ Atti deU'Accademia Gioe- nia delle scienze natnrali. >-, Istoria Romana di Niebiihr. « L'Enropa nel me- dio evo di A. Hallani. hh Delia fusiono in bronzo del gruppo della Pieta nio- dellato da A. Canova. i-h Sui colori in generale , ed in parlicolare sopra una nuova scala cromatica dedotta dalla metallo-cromia , ad uso delle scienze e dellu arti (Memoria del cav. Leopoldo NobiliV i-h Del Romanzo storico. i-h Atlldella R. Accademia delle scienze di Torino, i-h Genealogia del pensiero , di Lalleba<>que. m Passeggiata in Roma , del sig. Stemlahl. i-h I>a rigenerazione ileir Egifto , del sig. Planat. i-i Tavola uranografica , del Pad. Gio. Inghira- mi , ec. ec. On souscrit a Paris, chez les Lib r aires ci-apres : Treuttel et WuRTZ , rue de Bourbon , n** 17 ; Charles Bechet, quai des Augustins, n* 55; Key et Gravier , quai des Augustins , n<» 55 ; A LA Galerie de Bossange p6re , rue de Richelieu , no 60 ; RoRET, rue Hautefeuille, n° 13; J. Renouard, rue de Tournon , n°6. On souscrit aussi chez tons les Directeurs des postes, et chez les prin- dpauz Libraires, dans les de'parteniens et dans les colonies. LiBRAIRES chez lesqitels on souscrit dans lesVKTS ETRANGEES. Amsterdam, Delachaus> Anvers, Ancelle. Arau (Suisse), Sauerlander. Berlin, Schlesinger. Berne, Clias ; — Bourgdorfer. Breslau, Key gel. Bruxelles , Dujardin-Sailly ; — Demat ; — Horgnies-Renie ; — Librai-rie parisienne, frangaise et etrangere. Florence, Pialti; — Vieusseux. Francfort-sur-Mein, Jugel. Gand, Vandenkerckoven fils. Genioe , Chcrbuliez; — Barbezat et Delarue. ia Ha/e, les fr^res Langcnhuysen. Lausanne, Fischer. Leipzig, Brockhaus; — G. Zirges. Litge, Desoer; — Colardin. lisbonne, Paul IMartin. Londres, Dulau etC°; — Treuttel et Wiirtz ; — Bossange, Barthez, LoweletCe. il/a«i/7d, Denne'e; — Peris. Manheim, Artaria et Fontaine. iJ/«7a«,Giegler; — Visraaraj — Bocca. Mans, Le Koux. Moscou, Gautier; — Risspereetiils; — Urbin et C«; — Semen. Naples , Borel ; — Marotta et VN'^anspandock. New-York (Etats-Unis), Foreign and classical bookstore; — Be'rard ct Mondon.* Nouvclle-Orleans , Jourdan ; — A. L. Boismare. Paierme (Sicile), Pedonne et Mu- ratori; — Boeuf ( Ch. ). P^tersbourg, F. BelHzard et C'; — Graeff; — Pluchart. Rome, de Romanis; — Merle. Stuttgart el Tubingue, Gotta. Turin, Bocca. Varsovie, Glucksberg. Vienne ( Autriche ), Ge'rold; — Schaumbourg ; — Schalbacher. Tous les ouvrages annonces dans la Revue Encyclope'dicjue se trouvent chez S^dillot, libraire, rue de I'Odeon, n" 30. Cmttritiane trc la Souecription. La Retfue Encyclope'dic/ue ^aralt mensweWement y depuis Jan- vier 1819, par cahiers de plus de 200 pages d'impression. Trois cahiers forment un volume, termine par una Table analytique et alphahe'tique des matieres. Chaque annee est iudependante des annees precedentes, et offre \ lui Ammtdre scientifique et litteraire _, en 4 volumes in-S". jprir Ire I'^lbonn^mfnt. A Paris 46 fr. pour un an; 26 fr. poursixmois. •] Dans les departemens. 55 » 30 » j A I'etranger 60 » 34 » ) En Angleterre. ... 75 « 42 » A partir du \ ^'' Janvier ou du 1 «i" juillet. Le moutant de la souscription , qui doit etre paye d'avance et envoye par la poste; La cotrespondaiice ; Et tout ce qui conceme la redaction, les livres de tout genre, \ les gravures, etc. , dont on desire faire rendre compte, doivent etre adresses, franc de portj AUX DiaEGTEUBS DE LA REVUE ENGYGLOPEDIQUE , RUE DE L'OD.^ON, N" 30. Pour les abonnemens et les reclamations , on doit s'adresser a f '" M. Sj^dillot, meme Maison. Impn'merie d'EvERAT , rue da Cadran, u" 16. REVUE encyclopedique; par une reunion PE MEMBRES DE l.'lNSTITUT ET d'aUTRES HOMMES DE LKTTRES, AU BUREAU I>E LA REVUE ENiiYCLOPEDIQCE , ET CHEZ StolLLOT, LIBRAIRE, rue de I'Oddon, 1N° 3o ; ARTHUS BKRTRAND, RUE HAUTEFEUILLE , N° jS. MAI 1831. 1 REVUE ENCYCLOPEIDIQUE, ou ANALYSE RAISONNEE DES PRODUCTIONS LES PLUS REMARQUABLES DANS LA LITTe'rATURE, LES SCIENCES ET LES ARTS. I. MEMOIRES. REFORME PARLEMENTAIRE EN ANGLETERRE. Lcs partisans de la reforrae parlementaire en Angleterre ont triomphe dans les eleclions : la vieille aristocratie est vain- cue ; le pouvoir va passer en d'aiUres mains. Get evenement, qui sera certainement un des plus remarquables de ce siecle, merite de fixer Tattention de tous les peuples ; car tous en sentiront tot ou tard les consequences. Si Ton avait pu mettre en doute la puissance de 1' opinion publique, ce qui se passe aujourd'liui dans la Grande-Bre- tagne suffirait pour prouver qu'elle peut vaincre tous les obs- tacles qui pcuvent etre vaincus ; c'est, en effet, cette puissance qui oblige I'aristocratie, raaitresse deselections, a choisirdes homines qui arrivent avec le dessein hautement avoue de de- truire son influence; c'est elle qui parvient h former une TOME L. MAI l85i. i5 2l8 I)E LA REroRMK PARLEMENTAIRK (liambrc dont la seiile mission est de sc suicider, otdclegucr, eii mourant, son pouvoira une autre qui sera composoo d'ele- iiicns nouveaux. JNcusnepouvons nous empecherde faire ici une reflexion : c'cst qu'avcc de la perseverance et de I'liabiletc , il n'est au- cnne concession qu'un peuplen'obticnnede songouvcrncmenl , sans recourir "a aucun moyen violent, sans se lancer dans la carriere des revolutions. De quoi s'agit-il, en effet, en Angle- torre ? II s'agit de reformer les lois ; et, pourles reformer, il faut refaire d'abord Tinstrunient li I'aide duquel elles sefont. Mais rinstrumcnt est vicie ; le pouvoirlegislatif est corrompii dans sa source ; par quel moyen parviendra-t-on a Ic mettre on bon ctat? En le contraignant "a agir sur lui-meme el a extirpcr ses propres vices : les abus seront detruits par les mains de ceux meme qui en prolitent ; ils seront detruits , nou par suite d'un mouveraent d'enthousiasme on de verlu, mais par suite de Taction qu'exerce cette force h laquelle on donne le nom d' opinion publique. Ce rcsultat de la force de Topinion surpasse les esperances qu'un froid calcul avait pu faire concevoir aux speculateurs politiques. On ne doutait pas que le parlement anglais ne fit disparaitre les abus les plus choquans de Tadministration et n'apportat tot ou tard dans la legislation civile et criminelle les cliangemens reclames par les gens eclaires ; mais pen de personnes seflattaient qu'il allat jusqu'a se reformer lui-raerae. Une telle reforrae, disait-on, serait une veritable abdication du pouvoir de la part de ceux qui le possedent ; or, des liom- mes qui out vieilli dans une telle possession ne Tabdiquenl pas sans combat ; cela pent arriver a un individu , jamais a une caste. L' experience nous prouve qu'on avait mal raisonue : on jugeait de I'aristocratie anglaise par celle des tems anciens, et Ton se trompait , comme Ton se trompera toutes les fois qu'on jugera les peuples de notre tems par ceux d'un autre age. 11 i EN ANG LEXER RE. 2 1Q y a, dansraristocratie anglaise, uneprevoyance et im Lon sens qui I'averti-ssent a terns du parti qu'elle doit prendre , soit qu'il s'agisse de ccder, soit qu'il s'agisse de combattre. Cela tient probablemenl "a la connaissance qvi'ellc a de ses forces et de celles de ses adversaires, connaissance qu'elle ne peut de- voir qua la pratique des affaires et a la liberie de la presse. On pourrait niettre en doute si la reforme parlementaire , apres avoir ete accueillie par la chambre des communes , n'ira pas eohouer devant la chambre des pairs. II est difficile de le croire : si I'opinion publique a eu assez de puissance pour commander a unepartie considerable de I'aristocratie des choix populaires, elle en aura certainenient assez pour la de- terminer a agir conformement "a ces choix, II y avait bien moins de danger pour elle a composer la chambre des com- munes demaniere qu'elle futun obstacle a la reforme, qu'il n'y en aurait h la repousser directement , apres qu'elle aurait ete adoptee par deux des branches de la legislature. Dans le pre- mier cas, le ressentimcnt populaire se serait, pourainsi dire, dissemine sur les electeurs ; dans le second , il se concentre- rait , ail contraire , sur la majorite de la chambre des pairs. La reforme sera done accomplie. Mais le sera-t-elle d'une maniere complete ? A I'avenir, les elections seront-elles I'ex- prcssion sincere des opinions et des besoins de la masse de la population? I,es resultats quelle produira, soit sur la nation anglaise, soit sur les populations soumises a son empire, soit sur les peuples qui subissent plus ou moins Tinfluence du gouvernementbritannique, seront-ils tels que les prevoient les partisans et les auteurs de la reforme? Nous ne pouvons former a cet egard que des conjectures; mais ces resultats peuvent etre si grands qu'on nous pardonnera de chercher a les prevoir, apres que nous aurons expose quelques-unes des differences qui existent entre le sysleme anglais et le notre. La reforme qu'on parait se proposer a principalement pour objet d'enlever le droit d'election a ces petites fractions de i5. 2 20 1)E L\ Rli^FORME PARLEMENTAIRE jiopnlation qu on noninic dos hourgs-poiirris , par la raisou que les faniilles aristocratiqtics en disposeiit, et de transpor- ter le meme droit a des parlies beaucoup plus considerables do la nation, h des villes nianufacturierfs, par exemple. II y aura, par ce changenient, plus d'egalite dans la jouissance des droits politiques : on ne verra pas , conime par le passe, des -villes de cent on de cent cinquaute niille ames n'avoir pas le droit de concoiirir a la nomination d'un depute, tandis ([u'un petit village de hnit on dix families, placees sons lade- pendancc d'nn lord, envoie un membre an parlement. Mais il ne snflit pas , pour produire une lionne represen- tation nationale, de detruire les bonrgs-pourris , et de don- ner le droit d' election anx villes qui en sont privees ; il faut de plus que I'exercice des droits electoranx se trouve dans des mains capables d'en faire un bon usage ; il faut qu'aucime in- lluence ne vienne fausser Texpression du sentiment public ; il faut enfm qu'aucnne niesure restrictive, aucnne precaution injnrieuse n'empechent leselecteurs de donnerlenrs suffrages anx bommes dans lesquels ils ont confiance , et ne les obligent deles porter sur des individus auxqnels ils ne sauraient se fier. Les lois que nous devons a la sagesse du roi-legislateur, Louis XVIII , attacbent la jouissance du droit d'eleclion a la contribution qu'on paie directement anx agens du fisc ; les lois anglaises I'attachent principalemeut an revenu dont on jouit. On suppose, dans les deux systemes, que les hnnieres et I'independance de cbaque individu sont en ralson de sa fortune. On cherche ensuite, en prenant un terme moyen , quelle est la fortune qui donne assez d'independaiice et de lu- mieres pourchoisir de bons deputes. Quoiqne les deux systemes reposent snr le memeprincipe, le second est infiniment plus raisonnable et moins sujet a I'arbitraire que le premier. Quand on fait dependre I'exercice des droits electoranx de I'impot qu'on paie an gouvernement, EN ANGLETEKRE. 22 1 il est impossible de faire eproiivcr aux coiitriLulioiis aucuu changement, sans donner uii dementi au principe qui seit de base an systerae. Si Ton leduit les inipots , on diminue par cela meme le nombre des electeiirs et des eligiblesj on I'rappe un certain nouibre d'eutre eux d'incapacite. Mais pourquoi deviennent-ils incapables? esl-ce qa'ils deviennent moins riches, et qu'ils ont moins de moyens d'acquerir des liimieres et de I'independauce? C'cst tout le conlraiie. Quand on reduit I'iuipot, les citoyens sont plus riches de tout ce que le fisc s'abstient de prendre; leur revenu s'accroit a mesure que les reveuus du tresor public diminuent. Cependaiit , c'est parce qu'ils se trouvent plus riches et qu'ils ont plus de moyens de s'eclairer, qu'ils sont frappes d'incapacite. Si les impots sont augmentes, des hommes qui etaient mis au rang des incapables k cause de leur peu de fortune acquierent la capacite requise pour etre electeurs. Toutefois, loin d'etre devenus plus riches, ils sont plus pauvres du surcroit dini- pots qu'ils sont obliges de payer. Le systeme anglais a un autre avantagc sur le systeme de Louis XVIIL En general, tout individu exerce une certaine influence sur ses revenus ; il les augmente s'il est laborieux , econome, prevoyant; il les diminue s'il vit dans I'oisivete, s'il est dissipateur, imprevoyant. La perspective de jouir des di'oits politiques est done un aiguillon qui excite les ci- toyens "a se bien conduire. La quotite d'impots que paie cha- que individu n'est pas subordonnee a saconduite ; elle depend de la bonne ou mauvaise conduite du gouvernement. Si le gouvernement est econome , range , pacifique , un grand nombre de citoyens sont prives de droits politiques par suite de la diminution des impots. Si le gouvernement est , au con- traire, fastueux et dissipateur, un plus grand nombre de ci- toyens jouissent des memes droits, par la raison que les vices de radministration exigent que les contributions soient aiig- mcntees. Ainsi , une parlie inlluente de la population ne pe-ut 222 1)E LA REFORME PARLEMENTAIRE pousser le gouvernemeut dans la voie dcs economies sans etre frappee d'incapacite si elle reussit. Cette comLinaison de Louis XVIII fut-elle le resultat de I'imprevoyance ou de la perfidie ? Qiiand I'exercice des droits politiques est attache aii re- venu, comme en Angleterre, il y a peiide variations dans la partie de la population qui en jouit, parce que, sauf quel- ques rares exceptions, les fortunes ne s'accroissent ou nedimi- nuentque d'une luaniere fort leute. Lorsque c'est en \ertu de la quotite des impots qu'on paiequ'on jouit des memes droits, il pent y avoir instantanement une grande variation dans cette classe de la population ; elle pent augmenter ou dimi- nuer du tiers ou de la moitie, par le seul effetde la guerre ou de la paix. II suit de la que la raarclie du gouvernement doit etre plus reguliere et plus ferme dans le premier de ces deux systemes que dans le second. Enfin, touteslesannees, radrainistration et lesagens du fisc ont a repartir, entre les provinces et les individus, les im- pots que chacun doit payer ; et il est bien difficile que , dans cette repartition , il n'y ait pas toujours un peu d'arbitraire pour donncr ou retirer I'exercice des droits politiques. La fixa- tion des revenus n'est pas sujette aux memes variations et ne se prete pas au meme arbitraire : une fois qu'on a deter- mine ce que produit une terre , en prenant le terme moyen d'un certain nombre d'annees, la fixation peut ne pas varier de long-tems. lia base sur laquelle I'epose le systeme electoral de I'Augle- terre est done plus solide et moins favorable a I'arbitraire que la base sur laqueile est fonde le systeme ridicule que nous devons a la restauration. La premiere est aussi beaucoup plus large que la seconde, puisqu'on estime que le nombre des electeiu'S que cree le bill de reforrae est le double du nom- bre total des electeurs de France. Beaucoup de gens s'imagiuent qu'en Angleterre il u'existe EN ANGLETERRE. 22J que deux classes dc persounes : d'uu cote, la classe aristocia- tique, pen nomJji'euse et joiiissanl d'iiuuieuses rcveuus, et , d'uii autre cote, une multitude d'ouvriers qui ne possedeut aucune propriete. On paraitcroire que les limiillos qui posse- dent une fortune nioyenne sont si peu uoaibreuses qu elles u'exercent aucune influence et qu' elles ineritent a peine d'etre comptees. Cette opinion est une erreur qu'il iinporte de de- truire : il n'y a sans doute point de pays on , toute proportion gardee , on trouve plus de grandes fortunes qu'en Angleterre-, mais aussi il y en a peu ou Ton rencontre plus de families ai- sees ou de fortunes moyennes. Suivant notre derniere loi electorale , qui fixe a deux cents I'rancs de contributions directes le cens requis pour excercer les droits electoraux, le nombre des electeurs ne s'elevera point a deux cent mille. Or, deux cents francs de con- tribution ne supposent, en general, qu'un revcnude mille ou douze cents francs. Le nombre des families qui jouisseni: de douze cents francs de revenu et au-dessus est done tout au plus de deux cent mille. Nous comprenons meme dans ce nombre les marchands dont le revenu se trouve I'epresente par la patente, et les rentiers dont le revenu est en partie represente par le loyer. Quel serait , en Angleterre , le nombre des electeurs si les memes conditions etaient miscs "a I'exercice du droit d'elec- tion ? II serait difficile de le dire d'une maniere exacte ; mais il paralt que ce noml)re serait enorme, comparalivement au nombre de ceux qui existent en France. Nous lisons dans un ouvrage rccerament public en Angleterre, par M. George Grote, sur la reforme parlementaire , que si tout homme ayant uu revenu de cent livres sterling jouissait du droit d'e- lection , le nombre des electeurs s'eleverait "a pres d'un nnl- lion. Si cette assertion etait exacte , il en resulterait que le gouvernement anglais pourrait eleyer le cens electoral au dou- ble de ce qu'il est en France , et que la Grande-Bretagne, avec 2 24 DE LA REFORME PARLEMENTAIRE line population qui u'excede pas de beaucoup la raoitie de la uotre , aurait encore cinq fois plus d'electeurs que nous. Cette difference entie la richesse dcs deux pays est si grande que nous soramos disposes a croire qu'il y a un peu d'exage- ration dans revaluation du nombre des personnes qui jouis- sent , eu Angleteire, de cent livres sterling de revenu. Ce- pendant I'ecrivain que nous venons de citer est un homme d'un jugement tres-droit , fort instruit de I'etat de son pays et peu dispose "a s'en exagerer les avantages ; on ne pent done pas croire qu'il ait excessivement grossi le nombre des per- sonnes jouissant d'une fortune moyenne. Mais , quand meme on adinettrait qu'il a exagere ce nombre de pres de moitie ; quand meme on deduirait la difference de valeur de la mon- naie qui existe entre les deux pays , on trouverait que, toute proportion gardee , le nombre des fortunes moyennes est , en Angleterre, quatre on cinq fois plus grand que chez nous. D'ou vient done le prejuge contraire ? 11 vient , si nous ne sommes pas dans I'erreur , de deux circonstances : d'abord de ce qu'il existe dans le premier de ces deux pays des for- tunes colossal es qui n'existent pas dans le second ; et, en se- cond lieu, de ce que dans celui-ci la classe la plus nora- breuse se compose de petits cultivateiu's qui possedent presque tons quelque propriete territoriale, tandis que dans celui-lk elle se compose d'ouvriers qui, pour la plupart, n'ont rien en propre. En Angleterre, la classe moyenne, quoiqueplus nom- breuse et plus ricbe que partout ailleurs , est a peine apercue a I'ombre d'une immense arlstocratie et a cote d'une multi- tude d'ouvriers qui n'ont que leurs bras pour toute fortune. En France , au contraire, les grandes fortunes etant tres-rnres et nulle aristocratic ne s'y faisant remarquer , les classes moyennes s'y trouvent plus en evidence; elles se fondent gra- duellement avec la classe la plus nombreuse , parce que cha- cun y possede quelque chose. Dans vuie vaste plaine, le moin- dre monticule preiul I'aspect d'une niontagne ; ranis il serait EN ANGLETERRE. 2 25 inapercus'il etait place au pied des Alpcs. Tel est reflet que produisent les classes moyeiuies, selon qn'elles soiit placees dans iin pays d'egalite on dans un pays domine par une piiissaute aristocratie. II resulte de ceci que les craintes qu'inspire a quelques An- glais, d'ailleurs Lien intentiohnes, la reforme parlemeutaire, nous paraissent pen fondees. Si I'exercice des droits electo- rauxest accorde, dans une juste mesure, aux personnes qui peu- vent Texeicer avec independance et connaissance de cause , I'ordre public ne sera nullement trouble par suite de la re- forme. Les petites fortunes sont la meilleure garantie des grandes : un boniine qui possede des raoyens d'existence as- sures, pour lui-meme et pour sa famille, est plus preoccupe de la defense de sa petite propriete que du desir d'envahir celle de son voisin. II sait bien que le principe qui sert de garantie aux vastes possessions d'un riche proprietaire sert de garantie aux siennes , et qu'il serait difficile de renverser les uns sans ebranler beaucoup les autres. Nous voyons la preuve de cela dans ce qui se passe parmi nous : la garde nationale de Paris, par exemple , ne se compose , en grande majorite , que de tres-petits proprietaiies, puisque les cinq sixiemes au moins ne sont pas assez riches pour etre electeurs. Cependant, quoi- qu' elle nomme elle-meme ses officiers et qu'aucune condition d'eligibiliteneluisoitimposee, elleest considereeparles ricbes proprietaires conime la garantie la plus forle de leurs proprie- tes. Si elle etait appelee pour donner sou suffrage dans I'elec- tion des deputes, elle n'y porterait pas un esprit different de celui qu'elle porte dans I'election de ses officiers. Mais il ne suffirait pas que le gouvcrnement anglais suppri- mat les bourgs-powris , et qu'il donnat droit d'electiou aux ■villes qui en sont privees , pour former une cliambre qui ex- prime les besoins du pays ; il faudrait de plus qu il assurat rindependance et les libertes des suffrages ; ct cela ne pent 2 26 DE LA REFORME PARLEMENTAIRE avoir lieu qu'en rendant les voles secrets : or il ne parait pas que la reforme doive porter sur la publicite dcs suffrages. Tout homme appele a voter dans une election est place- sous rinfluence de deux interets : I'interct qu'il a comme indi- vidu ou comme chef de famille , abstraction faite des interets generaux de la societc , et rinleret qu'il a comme membre de la coromunaute. Les elections ne peuvent ctre avantageuses au pays qu'autant qu'elles ont ete faites sous I'influence de ce dernier intcret. On concoit , en effet, que si chaque electeur ne consultait dans une election que sa convenance particu- liere au detriment du bien general , il n'y aurait pas , a pro- preraent parler , de representation nationale. L'assemblee h laquelle on donnerait ce nom serait une veritable calamile publique; car le petit avantage que retirerait chaque electeur de I'election a laquelle il aurait conlribue ne saurait egaler les maux qui resulteraient pour lui de toutes les mauvaises elections auxquelles il n'aurait pris aucune part. Le commun des horames se laissent presque toujours en- trainer par les avantages et les inconveniens qui resultent ira- mediatemeiit pour eux de leurs actions. Le bien et le nial qui ne se monlrent que dans I'eloignement et qui se repandenl sur la masse de la societe ne les touchent que faiblement. Or, les avantages que produit une election vicieuse pour ceux qui la font les affectent presque toujours d'une maniere imme- diate ; il arrive meme quelquefois que la recompense precede le service. Les maux , au contraire , sont eloignes : il faut , pour eu etre frappe, avoir contracte Tliabitude de lier les effets aux causes. Les avantages d'une bonne election se montrent dans le loiutainj les inconveniens, quand ily en a, se montrent presque toujours sur-le- champ. Le secret du scrutin n'empeche pas sans doute les mauvais candidats d'agir sur les electeurs pour les faire voter dans uii sens contraire h I'interet public; mais il leur ote toute securite !^ur le succcs de lours inana'uvrcs; il leur ravit le moycn do EN ANGLETERRE. 227 s'assurer si les pi-omesses arrachees a la faiblesse ou a la ciipi- (liteonteteremplies; il donae aux electeurs timides le moyeii de suivre I'impulsion de leur conscience sans s'exposer "a aucun danger. Nous avons vu , sous la restauration, quelle a ete 1' influence du secret du vote : toutes les fois que ce secret n'a point ete observe, nous avons vu sorlir des urnes electorales les iionis les plus siuistres ; lorsqu'au contraire le secret a ete respecte, nous avons eu des elections aussi bonnes que les circonslances pouvaient les perniettre. Les elections anglaises, dans les- quelles les electeurs donnent toujours leurs suffrages publi- quement , prouvent encore luieux que les notres la necessite du vote secret. L'ecrivain que nous avons cite precedemment nous decrit d'une uianiere fort exacte la maniere dont on s'y prend dans son pays pour capter les suffrages des electeurs. La description qu'il nous en donne est une preuve evidence que, quand il s'agit de fausser une election, les Anglais n'y inettent pas moins d'habilete que dans la plupart de leurs en- treprises. « Si Ton raanquait de raisons contre le vote public, dit-il , les details degoulans d'une election auglaise en fourniraient abondamment. Le candidat convoque un comite de ses amis particuliers ; ceux-ci prennent la liste des votans, et exami- nent ensemble par quelles amies ou par quel appat cbacun d'eux peut etre attaque. Quelques-uns sont notoirement con- nus pour etre des ames venales ; d'autres sont des tenanciers qui dependent de lord A... ou de M. B... ; une troisieme classe se compose de marchands qui fournissent les families de lord C... et de M. D... ; quant aux autres, quelques-uns sont independans par leurs revenus, mais iis sont passionnes pour la cbasse et mettent un grand prix a la permission de se procurer cet amusement sur un manoir voisin , ou bien ils desirent ardemment d'etre adniis a rintimile de quelqucs fa- nallesplus riches qu'eux. Decouvrir ces diverses ramifications 2 28 DE LA REFORME PARLEMENTAIRR de riuteret individiiel de chacun des votans , penetrer jusqu'a la source secrete de ses esperances et de ses craintes, et enle- ver son vote an moyen des vines on des aulres ; telle est Taf- faire d'un comile d'elections. » Ce serait en vain, ajoute M. George Grote, cju'on pro- hiberail de pareils precedes, si les motifs et Ics nioyens de les executercontiauaientd'existerj I'augmentation du nombredes votans pourrarendre un peu pins penible la tache de gouverner la majorite par ses esperances et par ses craintes , raais elle ne la rendra point impossible. Dans certaines circonstaaces remarquables , 1' excitation produite par le grand nominee des votans pourra bieu reiidre la majorite independante ; mais dans les tems ordinaires, les electeursserontfacilement appri- voises et disciplines ; on n'anra pas beaucoup plus de peine a. en enregimenter un luillier qu'une centaine. » En depit des manoeuvres tortuenses qui se pratiquent si generalement dans les elections, il y a des gens qui appuient beauconp surla irorapeuse distinction entre les electeurs de- pendans et les electeurs independans. Un electeur paiivre est, suivant eux, dependant par sa position; ilne doit pas etre admis , par consequent , a exercer le droit de suffrage. Une personne qui vit dans I'aisance est an contraire consideree comme si , par sa position , elle jouissait d'une entiere inde- pendance. Mais le signe auquel on pretend reconnaitre I'in- dependance et la dependance est extl'emement equivoque. L'homme le plus dependant est celui qui est expose a souf- frir, dela part d'un on plusieurs autres, le mal le plus grand et le plus irreparable. Or, plusieurs de oeux qui sont dans une position fort aisee sont, par cela metne, plus exposes a etre lescs dans leurs interets que les gens les plus, pauvres. Un artisan on un simple ouvriei pent etre renvoye; mais le nombre de places egalement bonnes qui lui sont ouvertes est si considerable qu'il pent esperer de reparer aisement sa pcrte. Les eniploj^es qui sont places plus haut , et qui sout I EN ANGLETERRE. 229 mieiix payes, ont, an coiUniiie, plus a perdre par leur ren- voi, et peuvent esperer difficilement de se placer ailleurs d'uiie maniere egalemeut avantageuse. II est done evident que des commis , des fonctionnaires largeraent payes, ont plus a souffrir d'un deplacement arbitralre, et sont par consequent plus dependans, que des artisans ou des domestiques , et qu'aiusi la pauvrete u est pas une bonne mesure de la de- pen dance. » M. Grote pense done que, sans le secret des votes, I'accrois- senient du nombre des votans u aura qu'un faible avantage. « La creation de nouveaux votes publics, dit-il, nc sera qu' une vaine multiplication de noms : elle laissera le nombre des elecleurs reels telqu'il etaitavant. Sous laloi du suffrage secret, touthomme qui donne son vote est un veritable elec- teur; il accorde h son candidal une preference qui, Inen ou mal fondee, est sincere, veritable. Son suffrage n'oblige ni n'offense personne ; c'est un simple temoignage qui tend a constater la capaclte de la personne qui se presenle pour etre elue. Avec le suffrag-e public, le nombre nominal des votans ne prouve absolument rien relativement an nombre des elec- teurs reels; sur mille votans , il pent ne pas y en avoir cin- quanle qui donnent une veritable preference a leur candidal , et qui soient persuades qu'il est propre a bien rempllr les fonctions auxquelles il est appele. » Nous pouvonsajoutcr aces considerations que, lorsquele suf- frage est secret et qu'il ne pent etre considereni comme une of- fense ni comme un service, les electeurs se determinent dans leur cboix par la capaclte et par la probite politiques des can- didats. Lorsqu'au contraire les electeurs sont obliges de voter publiquement , ils se determinent par leurs relations privees : le raeiUeur voisin devient le meilleur candidat ; on ne pent pas blesser im liomme avec lequel on est oblige de vivre, el de qui Ton pent attcndre une multitude de petlts services. aSo DE LA RKFORME PARLEMENTAIRE Quaud on est determine par de pareilles considerations , on ne suit pas la conduite parlementaire de riiidividu qu'on a clioisi : une fois parti , on ne pense a lui qn'a son retour, et persqnne ne songe a lui demander compte de la maniere dont il a rempli son mandat. La publicite des suffrages produit done de nombrcux abus : il a pour effet de vicicr completement la representation nationale. Quant aux bons effets qu'on voudrait lui assigner, il nous est impossible d'en decouvrir aucvni. Les electeurs ne tieunent pas de leurs concitoyens les fonctions qu'ils remplis- sent; ces fonctions ne sont ni revocablesni temporaires. Ccux ([uiles esercent n'etant soumis h aucune responsabilite, quelle que soit la maniere dont ils Icsont remplies, etant d'aillcurs trop nombreux pour craindre Taction de la prcsse on de I'opi- nion puljlique, on est reduit k ne rion atlcndre que de la pu- rete de leur conscience et de la rectitude de leur jugement. La publicite du vote , qui les expose a Faction d'mie mul- titude d'influences vicieuses, n'est done pas un freinpour les mauvais penchans comme Test , h I'egard des fonctionnaires, la publicite de leurs actes. Si le parlement anglais ne supprime pas la publicite des suffrages dans les elections , la refcrme laissera done subsister beaucoupdemauvaises influences; nous soannes loin de croire cependant qu'elle sera inefficace. Si, avec tons les vices dont il est atteint, le parlement est amene, par la force de Topi- nion publique, a se reformer lui-mcme, que ne doit-on pas attendrede la puissance de I'opinion , quandles plus conside- rables de ces vices auront disparu ? Lorsque les inconveniens de la publicite des votes seront bien demontres , ils ne tarde- ront pas "a disparaitre ; il faudra pour les detruire moins d'ef- forts que pour renverser lesbourgs-pourris. Quand la puissance legislative s'exerce par un corps au- cependaat, quelque grand qne soit le poids des contributions que porte I'Angleterre , il n'anrait pas suffi pour amener une reforme si desecrivains n'avaient pas constannnent fait observer au public la liaison qui existait entre les effets et les causes; mais, depuis environ quarante anaees , le aombre des lecleurs s'est prodigieusement accru , et tout le monde a fiui par prendre part aux discussioas po- litiques. 2^0 DE L\ REFORME PARLEMENTAIRE , ETC. Les ecrivains anglais qui ont prepare la refomie parlemeu- taire ont paru ne s'occuper que de leurs concitoyens; et ce- pendant leurs efforts vont tourner au profit de toutes les nations : ils devrout etre consideres coinme les bienfaiteurs de riiinnanite , s'ils parviennent a donner a Y Angleterre une veritable representation nationale. L'auteur de I'ecrit dont nous avons cite quelques passages ii'a pas eu pour objet de prouver la necessite de la reforme ; c'est une tache qu'il avait precedernnient executee; il a voulu montrer les conditions qu'il faut remplir si Ton nc veut pas que la reforme soit illusoire. II s'est acquitte de sa mission en homme de conscience et de talent. Nous ne terminerons pas ces observations sans faire sur nous-memes un penible retour. Les Anglais ont ete amenes "a decouvrir les vices de leur constitution en observant Tac- croissement graduel des impots sous le poids desquels ils succombent. Le sentiment de leurs souffrances les a determi- nes "a en recherclier les causes , et ils les ont trouvees dans la composition vicieuse de la branclie de la legislature qui est specialement chargee de la defense des interets du peuple. Cependant, depuis la paix , le gouverneraeut anglais a sup- prime un grand nombre de sinecures ; il a diminue conside- rablement les contributions publiques. Si les impots sont encore lourds, il pent dire pour sa justification que la dette publique en absorbe une grande partie, et qu'il est oblige de pourvoir aux depenses qu' exigent une multitude d'etablisse- mens lointains. Au moment de la paix , les impots qui pesaient sur la France etaient deja tres considerables ; se sont-ils alleges dans la meme proportion que ceux de I'Angleterre ? Ils se sont, au contraire, coiisiderablement accrus toutes les annees; des ob- jets de consommation qui n'etaient assujeltis a aucune taxe ont ete lourdement charges ; ceux qui n'etaient soumis qu'a des droits moderes ont eu "a supporter des droits cnormes ; NOTICE SUR LA COLONIE DE LIBERIA, 2/[l enfin les contributions se sont accrues "a tel point, pendant la paix , qu'il serait impossible de les porter plus loin. Nos cham- bres, receniment constituees, seraient-elles done plus vi- cieuses que cette chambre des communes qui tombe de potir- riture? Existerait-il dans le mode de gouvernement que nous devons a la restauration des vices tels que, dans un espace de seize annees , ils ont engendre des charges aussi ac- cablantes que celles qu'ont produites, pendant des siecles, les -vices de la constitution anglaise? Si ces vices existent, ou se trouveut-ils et quelle en est la nature? Nous soidevons ces questions, et formons des vceux pour que des hommes eclai- res en cherchent et nous en donnent la solution . Charles Comte. NOTICE SUR LA COLONIE DE LIBERIA, FONDLE PAR LA SOCIETE AMERICAINE DE COLONISATION , SUR LES COTES OCCIDENTALES DE l'aFRIQUE {\). Des mesures ont ete prises depuis quelques annees pour abolir la traite des negres ; raais ces actes de philantropie n'ont acquitte qii'une faible portion de la dette immense que la race africaine a droit de reclamer des peuples civilises de (1) Les documens qui nous fournissent les mat^riaux de cet article sont fort nombreux. Yoici les principaux : The Reports of the American Colo- nisation Society, de \ 822 a ISSO ; The African Repositurj, recueil nien- suel dc \ 825 a 1 850 ; The Quarterly christian spectator, septcmbrc 1 830 ; Plea for Africa, by Leonard Bacon ; Report of the African Education iJoa'ety. Washington , 1830, etc. , etc. 242 NOTICE rEurope et de I'Amerique. L'infame trafic qui a dure pen- dant trois cents aiis a prodiiil, sur les popidaiions dii conti- nent aiVicain, elsnrleslioinmes decoulenrcxpatries, descffets desastieux, qui exigeront pcut-eire une nouvelle pcniode de trois siecles avant que Ton parvienne a les detruire com- pletement. L'Afiique a ete demoralisee et abrulie •, ses liabi- tans , qui fonnaient des pcuplades paisibles et heureiises a I'epoque ou les vaisseaux negriers commcncerent a faire la Iraite , sont devenues des hordes feroces , degradees par les passions les plus viles , et livrees a toutes les horreurs d'une guerre perpetuelle. Les noirs conduits en esclavage sont tora- bes dans un abrutissement plus deplorable encore ; lis ont perdu leur diguite d'homrae et tons les sentimens qui distin- guent notre nature ; on ne leur a laisse ni patrie , ni fa- mille , ni droits , ni vertus. Enfiu , les affranchis de couleur , qui se trouvent dissemines sur tons les points du globe , sont traites presque partout corame une caste inferieure ; et ces nialheureuses victinies de I'avarice des blancs ne recueillent encore que le mepris de ceux qui out ete les premieres causes de leur degradation. Cette conduite devient une monstrueuse ingratitude lors- qu'on leflechit que I'Afrique a ete le berceau de la civilisa- tion du monde. C'est k la race des negres, comme 1' observe avec raison Volney , k cette race maintenant esclave et me- prisee , que nous devons nos arts , nos lois et les principes mems's du langage. La civilisation a passe de I'Ethiopie en Egyptc, de I'Egypte en Grece , de la Grece a Rome, de Rome an reste de I'Europe, de I'Europe en Ainerique. Et ce sont les lieritiers de taut d'iaestimables bienfaits qui osent mettre en question si rintelligence des noirs est de meme na- ture que celle des blancs ! II est terns enfui que la philantropie essaie de nous laver d'une souillure dont nos enfans auront "a rougir jusqu'a ce que le dernier rejeton de la race africaine ait rctrouve un sort SUR LA COLONIE DE LIBERIA. 243 libre , uue patrie , un toit domestique et des liens de famille. En travaillant h atteindre ce but , ce n'est pas seuleiuent une (cuvre de bienfaisance que nous accomplissons , mais une ceuvre de justice ; nous ne donnons p,is , nous rendons aux noirs les biens dont ils out ete depouilles par I'avare cruaute de nos peres ; et il y a , ce me serable , dans un tel but , quelque chose de sacre. L'asservissement des negres est la plus grande iniquite que renferment les annales des peuples Chretiens , et les mesures propres a la reparer doivent etre toute une religion pour nous. Les Am£ricains du Nord out compris ce devoir : ils ne se sont pas bornes a suivre I'exeraple des Europeens, en defen- dant sous les peines les plus severes la tralte des negres. Ils out aussi fonde plusieurs institutions qui out pour objel de hater I'abolition graduelle de I'esclavage et d'amellorer le sort des horames de couleur. Parmi les elablissemens de ce genre , on doit distinguer la Societe de Colonisation : froidenient ac- cueilHe "a sou origine , elle a fait des progres rapides dans I'opiaion des homines les plus iullueus ; elle a merite les suf- frages et Tappui de ceux - fa menie qui avaient ete ses pre- miers adversaires , et elle excite maintenant un interet tou- jours plus profond dans la plupart des Etats de I'Union. Parmi les treize millions d'habitans qui couvrent le sol des Etats-Unis , on corapte deux millions de noirs , tant escbves que libres, D'apres le dernier recensement officiel , le nonibre desaffranchisetait, en -1820, de 253,592, et celui desesclaves de i ,545,688. Cette population noire est principalement con- centree dans les Etats dn mid!. La Caroline du sud comple i ,055 esclaves pour i ,000 hommes libres , et dans la Loui- siane la proportion est de 8 1 8 a 1 ,000. Ce rapport numerique , dej'a si eleve , tend encore a s'accroitre , car les esclaves dou- blentleur noiubre dans I'espace de vingt ans. Un pared etat de clioses a dn iiispirer de serieuses re- 244 NOTICE flexions aux citoyens eclaires des Elats-Unis. Partout oii il cxiste line classe d'habitans separee des proprietaires dii sol par line diversite profoude de sentiraens et d'interets , il y a peril pour la chose publique. Le peril devient plus grave en- core quaud celte classe distincte a des marques exterieures qui la font aisement recounaitre , telles que la couleur de la peau. Ce signe fatal d'inferiorite creuse, pour ainsi dire, un abime entre les deux races d'horames. Les relations qu'elles sont obligees d'entretenir ensemble n'ont point le caractere d'intimite qui s'etablit d'egal "a egal ; mais il y regne, d'une part, un ton d'arrogance et de mepris, et de I'autre , une en- vie haineuse el amere. Cette ligtie de demarcation entre les deux peuples, bien loin d'etre effacee par le corns du terns, se prononce toujours davantage ; car les injustes prejuges de la classe superieure deviennent pour les nouvelles generations une habitude d'enfance , un instinct qui s'est mele aux senti- mens de leurs premieres annees; etla classe inferieure, sevoyant I'objet d'un mepris invincible, Unit par le meriter, en s'aban- donnant a tous les exces du vice , de la paresse el de Taluu- tissement. II y a doncsurle memesol deux populations enne- mies ; el si Ton observe, en outre , que la plus grande partie de I'une de ces populations est esclave dans un pays oii 1' esprit de liberie penetre dans les cocurs avec I'air meme qu'on res- pire ; si Ton ajoute que celte masse d'esclaves s'accroit d'une maniere elonnanle par le seul fail de la generation de I'especc , n'esl-il pas evident que le corps social , dans une telle conlree, doit Lire frappe lot ou lard d'une affreuse dissolution , s'il ne se hate de detruire celte cause de morl? Pour echapper "a ce peril immense qui menace I'Ameiique seplentrionale , il ne suffirait pas , corame on le presume irop legerement , de changer la legislation existante. Les Etats places au nord de I' Union out essaye de ce moyen, mais sans succes. La population de couleur libreyreste dans sa position inferieure, bieu quelle ait obtenu Tcgalite des droits civils SUR LA COLONIE DJi LIBERIA. 245 et politiques. Lc legislateiir n'a trace que des lettres inortes ; force est deiueuree an prejuge conlre le texte de la loi. Quand les raoeurs s'opposent a une fusion entre deux races, I'egalite civile n'est qu'un mot ; je dis plus, elle n'est qu'uue araere ironie ; car ce qui fait les citoyens egaux eatre eux , c'est moins la jouissance des memes droits devant un tribunal ou dans une election que la reciprocite de consideration et d'e- gards dans les rapports ordinaires de la vie. On ne plaidepas , on ne nomine pas des deputes tons les jours ; mais tons les jours on a des relations avecses voisins, avec leshabitansdela ville dans laquelle on est etabli. Qu'est-ce done que pent faire la loi en presence d'un prejuge national qui trouve a chaque instant le moyen de se reproduire par la simple vue de I'epiderme? Les noirslibres des Etats-Unis ne serout pas egaux au reste des citoyens jusqu'au jour ou le prejuge de cou leur sera efface. Mais comment Teffacera-t-on? C'est un pro- bleme qui parait jusqu'a present insoluble; et les deux races pourraient en venir a une guerre civile avant qu'on en eut trouve une solution satisfaisante. On ne reussirait pas mieux "a unir lepeuple de couleur avec la nation americaine , en essayant d'ameliorer son caractere , son education et ses mceurs. Quiconque a du sang africain dans les veines trouve aux Etats-Unis une bavriere que rien ne lui permet de francbir. li deploierait vainementdes capa- cites superieures, des vertus eminentes , une heroique perse- verance ; a chaque pas qu'il voudrait faire au-dela du cercle qui est trace autour de sa caste , un prejuge cruel lui crierait, en le repoussant : tu n'iras pas plus loin. Un homme de cou- leur en Amerique n'est pas ce qu'il pent etre ; il reste ce qu'il est. Quels sont done les motifs que Ton ferait valoir aupres de lui pour I'engager a sortir de son etat d'ignorance et d'a- brutissemeut? Et en supposant meme que Ton reussit a I'egard de quelques-uns , quel triste bienfait pour Thomme de cou- leur americain ! Son education rempecheralt de sympathiser 246 NOTICE avec scs coinpai^iions degrades , et pourtant cettc nieiue cdii- calioa ne saiuait oveiller pour lui auciiiie sympathic dans la race blanclie , et ses luinieies ne lui feraienl sentir que plus vivement qn'il appartient a une classe avilie. Ce que Ton observe ici de I'education , il faut I'appliquer a tons les perfection iiemens , a toutes les verlns dont les Noirs seraieut susceptibles. Pourquoi riiomme de couleur s'efforce- rait-il d'acquerir de I'industrie? II n'a pas besoin d'induslrie pour snbvenir h ses ])esoins physiques ; et au-dela de ses be- soins physiques il n'a presque rieu a pretendre. Pourquoi rhomuie de couleur travaillerait-il a se procurer uue grande fortiuie? La fortune jette un vcrnis sur riiouime ignorant , elle entoure d'uue apparencc d'estime rhomnie vicieux , niais elle ne pent rieu pour le uegre affranchi. Lui recom- raandera-t-on une condnite honuete? Que lui importe I'hon- uetete exterieure , puisqu'il lui est k pcu pres impossible de tomber plus bas dans Topinion publique? L'homjue de cou- leur des Etats-Unis tourne continuellement dans un cercle fatal, dout il n'y a d'exemple chez aucune autre race d'hom- mes : I'avilisseinent de sa position degrade son caractere per- sonnel , et la degradation de son caractere personnel avilit encore davantage sa position. Telle est la difficulte contre la- quelle sont venus se briser tons les efforts delaphilantropie, quand elle a voulu ameliorcr I'educalion et le caractere des homines de couleur. Le christianisme lui-meme, malgre la profoiide influence qu'il exerce en Amerique, a etc impuissant dans la tentative de fondre ensemble les deux races des Etats-Unis. Les motifs religieux out fait sacrifier des sommes considerables pour eclairer et civiliser les noirs ; mais ils out ete incapables d'a- bolir le prejuge de couleur; et tel Americaiu qui donnerait la moitie de sa fortune pour envoyer des raissionnaires chrc- liens sur les cotes del' Afrique, tel autre qui exposerait meme sa vie "a des chances de mort presque certaines, afin d'au- SUR LA COLON IE DE LIBERIA. 2.^7 noncer I'Evangile aux. negres, eprouve une repugnance in- vincible a lier des rapports ialinies avec un affranchi de couleur. Que Ton accuse cette conduite d'inconsequeuce , le reproclie sera juste ; qu'on y trouve une inexcusable criKuUe, rieii u'est plus vrai ; mais nous signalons des faits trop reels , sans pretendre les expliquer, ni encore moins les jusLitier. Puisque toute espece de fusion est impraticable , il n'y a qu'un seul moyen pour les Etats-Unis d'echapper au peril de renfernier dans leur territoire deux populations ennemies : ce moyen, c'est de transplanter la race de couleur. 11 en est des peuples comuie des individus. Lorsque deux personnes nc peuvent vivre ensemble, et qu'elles ont suffisamment re- connu leur iuconipatibilite d'humeur, elles se separent. Deux races d'hommes doivent agir de meme; et tandis qu'elles nourrissaient I'une coutrc I'autre les seatimens les plus lios- tiles par I'effet d'lui rapprochement force, elles s'entendront peut-etre, apres avoir mis entre elles quelques centaines de lieucs de distance. Telle est I'idee mere qui a preside a I'etablissement de la Socie'te nme'ricaine de Colonisation. Sans pretendre affaiblir les motifs de cliarite desinteressee dont ses fondateurs ont ete animes, nous mettons sur le premier plan , comrcie ils I'ont place sans donte eux-memes, le but patriotique de delivrer les Etats-Unis d'une population dangereuse pour I'ordre so- cial, lis ont senti le besoin de rendre la nation homogene, et par consequent plus forte contre les attaques interieures ou exterieures. lis ont voulu que leur grande patrie ne fiit plus souillee par la presence d'une caste de parias; et afar de rea- liser ce voeu national , ils ont etabli snr les cotes d'Afrique une colonic destinee "a recevoir les hommes de couleur. II serait injuste pourtant de passer sous silence d'autres motifs, qui n'ont plus leur source dans I'interet special des Etats-Unis , mais dansl'amour de I'hunianite. L'Amerique du Nord ne rejette pas les noirs de son sein , comme quelques 24^ NOTICK oaiitons suisses renvoieal les Jleimathlose _, saus prendre au- cuii soin de leur sort fiitur et sans leur offrir aucune compen- sation pour une niesure aussi rigonreuse. L'cxpatriatiou des hommes de couleur americains est volontaire , et cctte expa- triation, oil, pour luieuxdire, cette re'impatrisation ^ est ac- corapagnee pour eiix des plus solides avantages. Aussitot qu'un noir afl'ranchi touche le sol de 1' Afrique , il se trouve dans un inonde tout nouveau. Lk, plus de prejuges injurieux, plus de degradation individuelle ; il devient hommelibre, citoyen, et I'egal de qui que ce soit qui I'en- toure. La, il n'est plus courbe sous le poids de Tinferiorite sociale et des exclusions politiques ; il possede une patrie ; la terre est a lui et a ses enfans ; le gouverneuient, I'armee , le pouvoir judiciaire , c'est lui-meme (i). En considerant cette vaste contree, ces plaines des tropiques couvertes de moissons perpetuelles, ces montagnes verdoyantes, ces fleuves larges et linipides, ces lorets qui commencent a tomber sous la hache de la civilisation, rtiomnie de couleur s'animed'une emula- tion genereuse ; il est excite a I'industrie , au travail et a toutes les grandes entreprises par les memes motifs qui inspirent les citoyens de I'Amerique; il a reconquis le pays de ses peres et I'heritagede sa posterite. En un mot, le negre affrauchi, qui emigre des Etats de I'llnion vers cette colonic africaine, sort du pays de son avilissement pour habiter une terre nouvelle , oil il jouit de toute sa diguite d'homme et de tout lebonheur de la liberte. [W Les fondatpurs de la colonic de Liberia ne permettent a auciin homme de race blanche de s\ ^tablir ; il ii'y a 7- 252 NOTICE bles pour pouvoir opposer aiicuu obstacle serieux aux progrcs de la colonisation. Neuf ans se sont ccoules dopuis que le territoire de Liberia a ete achete par les Americains. La co- lonic renferme a present inie population de plus de deux niille individus , qui sont etablis dans leiirs propres niaisons et sur les ferines qu'ils out cullivees , et qui reniplissent les divers travaux d'un peuple agricole et commercial. La ville principale est placee sur le cap Montserado , et elle a recu le nom de Monrm^ia , en riioimeiir d(! M. Monroe, president des Etats - Unis. Cette ville renferme quatre-vingt- dix maisons on magasins , nn batiment communal , trois eglises et sept cents habitans. Les maisons sont en general bien baties etd'une construction agreable. Monrovia estelevee de soixante-dix pieds au-dessus de la mer; et les rues , larges de cent pieds, se coiipent a angles droits. A cette hauteur, les habitans jouissent d'une brise de mer rafraichissante ; la temperature y est douce et egale ; le thermometre de Fah- renheit n'y varie guere que de 68 a 88°. I-e port de Mon- rovia est forme par I'embouchure de la riviere de Mont- serrado ; il est commode et accessible aux batimens de raoyenne dimension. Le commerce de Monrovia, ville es- sentiellement marchande, est deja considerable, et il s'accroit chaque annee. Quelques individus out acquis par ce moyen une fortune qu'ils evaluent de 15 a 20,000 dollars ( 8i a -108,000 francs). A sept milles au nord de rembouchure du Montserado est Tembouchure de la riviere de Saint-Paul. An point de jonc- tion de ces deux courans dean est place un etablissement agricole de six cents habitans qui porte le nom de Caldwell. Le sol est abonJant en productions de toute espece. La temperature y est moins elevee qua Monrovia; le terme moyen de la difference est de 3° 1;2 a 4". La ville , con- struite sur le plan de beaucoup de villages americains , est formee d'une seule rue longue d'un mille etdemi , etplantee SUK LA COLONIE DE LIBERIA. 253 tie deux rangees de bananes et de plantains. Get etablis- sement agricole est dans un elat llorissant; la culture se per- fectioune rapidement par rii-dustrie et I'actiYite des colons. Entrc Caldwell et Monrovia se trouve un autre etablisse- ment d'agricultnre d'environ trente families. Au cote oppose de la bale de Stockton on a place quatre cents Africains, qui ont ete captures sur des vaisseaux negriers. Enfin, "a vingt- cinq milles nord-ouest de Monrovia, est Vetablissement de Millshourg, qui contient deux cents habitans, et qui s'agran- dit continnellement par I'arrivee de nouveaux colons. La po- sition de Millsbourg presente des avantages particnliers. Le sol est aussi fertile que celui de Caldwell , et plusieurs rivieres navigables permettront d'y etablir des rapports de commerce entre I'interieur, le littoral et les cotes. Les fleets qui envi- ronnent Millsbourg contiennent d'excellens bois de char- pen te. Le gouvernement supreme de la colonic a ete jusqu a present entre les mains de la Societe. L'agent colonial est le principal magistrat , et il est reconnu dans ces pa- rages en qualite de gouverneur de Liberia. Cependant on ne neglige aucun moyen d'habituer les colons aux formes re- publicaines et de leur iaspirer Tesprit de liberte. Les halntans choisissent annuellementla plupart de leurs magistrals, et ils mcttent beaucoup de zele a se rendre aux elections , qui sont qilelquefois tres-vivement disputees. Une cour de justice , composee de l'agent et de deux juges , dont la juridictiou s'e- tend sur toute la colonic, s'assemble a Monrovia le premier lundi de chaque mois. Les jugemens au crirainel s'appliqnent en general a des affaires de vol, et les accuses sout, a pen d' exceptions pres , des naturels arretes pour depredations dans les limites de la colonic. Depuis 1827, on ne compte que cinq colons qui aient ete repris de justice. Les jugemens sout prononces par un jury, et accompagnes de toutes les formes 254 NOTICE (jii'il est possible il'employer au milieu triine population qui aVst encore qu'a deniie civilisee. Trois documens ou digestes renferment la legislation poli- tique et civile de Liberia. Le premier decesdocumens estl'acte de constitution. Ilgarantitaux colons de Liberia tousles droits dont jouissent les citoyens des Etats-Unis. L'article V declare qu'il ne pourra s'etablir aucune espece d'esclavage dans la colo- nic. L'article VI decide que la loi commune de Liberia est la legislation generalement en usage dans les Etatsde I'Union. Le deuxieme document regie les formes dugouvernement civil de Liberia. On y reraarque (art. XIII) I'institutiou de deux censeurs, qui sent charges de veiller a lat morale publique et aux progres de I'industrie nationale, de signaler les oisifs et les vagabonc^, de decouvrir les menees suspectes et les ha- bitudes dangereuses, d'appeler enfin une investigation legale sur tout ce qui pourrait nuire a la prosperite de la colonic. Le troisieme document legislatif est un code de procedure et de penalite dont les dispositions ont ete prises dans les diffe- rens codes americains. L'experience a prouve que ces trois pieces etaient suffisantes dans I'etat actuel de Liberia pour y garantir I'ordre public et les interets des citoyens. Les colons sont remarquables par leur moralite et par leurs sentimens religieux. Un capitaine americain assure que, pendant les trois semaines qu'il a passees dans la colonic , il n'a vu aucua homrae ivrc ni entcndu aucun jureraent. Un autre Americain , qui a fait un sejour de sept ans k Liberia , dit qu'il n'a ete temoin que d'une seule batterie dans le pcuple, et qu'elle fut provoquee par une espece de quercUe politique avec un homme de couleur de Sierra-Leone. Le gouvernement exige le paiement d'une taxe de 500 dollars ( A 620 francs ) pour accorder I'autorisation de vendre des li- queurs spiritueuses^ aPm de prevenir les habitudes d'intempe- rance. Parmi les colons, il y a plusieurs honunes dc couleur qui s'occupent de renseignement religieux , et quelques- SUR LA COLONIE UE LIBERIA. ^.'J^ mis se distinguent par uiie intelligeuce plus qu'ordinaiie. L'ediication des eiifans eprouve encore quelques obstacles par le manque d'instituteurs convenables; mais une socieie nou- velle se forme en iVmerique , pour combler cette lacune im- portante. On a deja forme a Monrovia une bibliotheque pu- blique, et on y public uu journal qui compte de deux a trois cents souscripteurs. La position de la colonie, placee au point cential d'une longue etendue de cotes eta portee d'etablirdes relations avec lespeuplesiudustrieuxderinterieur du continent, lui ouvrela perspective d'un grand commerce. Les articles d' exportation ont consiste jusqu'a ce jour en riz, huile de palmier , ivoire , or, ecailles de tortues, peaux, cire, etc. On achete en gene- ral ces articles des naturels de la cote, et on leur donne en echange du tabac, du rhum, des fusils, du fer, et d'autres objets dont une civilisation naissaute leur fait sentir le be- soin. Les colons possedent plusieurs petits batimens qu'ils emploieut a un commerce de cabotage enlre le cap Montse- rado etsixouhuit factoreries fondees sur le littoral, sous la di- rection du gouvernement colonial. Plusieurs grands navires seront envoyes aux Etats-Unis pour etablir le commerce d' ex- portation sur une large echelle ^ aussitot qu'ils pourront navi- guer sous la protection du pavilion americain. Des peuplades echelonnees sur la lisiere de la colonie apportent a Monrovia des articles d'echange de nations encore inconnues de Tinte- rieur, et qui paraissent etre beaucoup plus civilisees que les tribus liraitrophes. Les exportations d'une seule annee a Monrovia se sont elevees a une valeur de 70,000 dollars (578^000 fr. ) Chaque jour amene de nouveaux concurrens sur ce marche qui vient de s'ouvrir. Laissons la colonie prendre de la force et fonder des etablissemens plus nombreux sur la cote et dans I'interieur; attendons que les vaisseaux sortis de Liberia traversent les mers sous la protection d'un pavilion que les pirates n'osent pas attaquer ; representons- 256 NOTICE nous I'epofjue , pen eloiguee peut-etie , ou les diverses pro- ductions dii sol seroiit cultivees par des milliers de colons la- borieux, et croitront en abondance sur I'une des contrees les plus fertiles du globe; quel vaste champ pour les entreprises coramerciales ! quelle prosperite sur ces plages niainlenant presque desertes et inoonnues! Les gomraes, les epices, les bois de teinture, le cafe, I'indigo, le sucre et taut d'autres productions du climat des tropiques, iront sur les marches de TAmerique et de I'Europe; et ces deux continens enverront en echange sur les cotes d'Afrique leurs objets d'arts et leurs prodiiits industriels. L'agriculture n'a fait encore que pen de progres dans la colonie. Beaucoup d'emigrans ne veulent pas attendre les be- nefices tardifs d'un etablissement agricole , et ils prefereut se livrer a. des speculations mercantiles. Gependant les avantages que possedent, en matiere de negoce, les colons les plus an- ciennement etablis, diminueront pour les derniers venus les chances de sncces, et ceux-ci se tourneront naturellement vers les exploitations agricoles. Deja les fenniers de Caldwell ont forme une societe d'agriculture qui tient toutes les se- inaines des asseinblees, dans lesquelles chacun fait part de ses experiences particulieres et des progres de ses plantations. Un objet non moins important que ceux dont nous nous somraes occupes jusqu'ici , c'est la defense armee de la colo- nic. Environnes d'une population avide et sauvage , qui n'est habituee a respecter ancuu traile d'alliance, les colons devaient songer auxmoyensde se defendre en cas d'attaque. Onadonc etabli une niilice nalionale ; elle compte six compagnies de volontaires, formant un total de plusde SOOhonimes, tousha- billes en uniforme et bien amies. Le gouveriiement a vingt pieces de campagne et des fusils pour armer lui millier d'hoinmes. Les indigenes, qui ont deja eprouve plusieurs echecs lorsque la colonie commeucait a peine k s'etablir, u'o- seront pas I'altaquer niaintenant qu'elle possede des moyens SUR LA COLONIE DE LIBERIA. 2.57 respectables de defense. La securite des colons est raoins grande a I'egard des attaques du cote de la mer. Bien que le cap soit domine par un fort , deux ou trois pirates bien amies pourraient causer k la colonic de grands domniages , s'ils trouvaient le moyen d'agir en I'absence de tout vaisseau arae- ricain ou anglais. On n'ignore pas que les miserables ecu- meurs qui infestent ces cotes out voue une haine profande a la colonic de Liberia ; la Society americaine doit done sentir I'urgence d'achever proinptement les fortifications de la co- lonic. En resume, les essais de colonisation faits par d'autres peuples et en d'autres circonstances offrent peu d'exeraples d'une telle prosperiteen si peude teins. Malgre de nombreux obstacles et des moyens d'action tres-liraites, I'etablissenient de Liberia a ete fonde sur des bases tres-solides , qui pre- sentent des garanties d'avenir et ouvrent une large et belle perspective. Les ressources agricoles et commerciales penvent y recevoir un developpement qui suflirait aux besoins d'une grande nation, et la majeure partie de la population noire des Etats-Unis trouverait sur ces plages des moyens d' existence honorables et assures. Que si Ton comparait Liberia avec Sierra-Leone , le parallele serait sans contredit a I'avantage de la colonic americaine. Le gouvernement anglais a sacrifie des sommes enormes pour soutenir un etablisseraent precaire et mal dirige, oules noirs ne sont encore que des demi-esclaves meprises par la population blanche. En Amerique, le gou- vernement central n'a rien fait pour la colonic de Liberia. Quelques dons particuliers et les efforts perseverans.de quel- ques individus out produit les heureux resultats que nous vr:- nons de signaler; tant il est vrai qu'en niatiere de bienfai- sance, coinnie dans les entreprises commerciales ot en toiite autre chose que les particuliers peuvent faire, ils le ibnl raieux et a moins de frais que les gouvernemens ! Entie les honiMies qui out puissamment contiibue au\ 258 NOTICE succcs de la Societc de Colonisation, il faut mettio sur la premiere lignc ct loin en avant de tons les aiitres, Jelmili Ashmun, mort en 1828, victime de son infatigable zele. Sur un theatre plus eieve , et dans un pays civilise, Aslimun au- rait acquis la renommee d'un grand homme. II possedait ces hautes et rares qualites qui fondent ou conserventles Etats, une intelligence du premier ordre, un courage heroique, une invin- cible perseverance, I'art de trouver de promptes ressoiirccs dans les circonstances les plus desesperees, et, par-dessus tout, un ardentaraour de I'humanite. Quand ilarriva, en \ 822, sur les cotesde Liberia, ii trouva la colonic a la veille desa mine, sans defense contre ses ennemis, sans lois dans I'interieur, livree aux exces de I'anarchie et aux terreurs du desespoir. Ashmun devait reraplir a la fois les fonctions de legislateur, de juge, d'ingenieur et de soldat. II devait changer en citoyens libres et sages des etres degrades, se faire Tarbitre des animosites qui entretenaient une discorde intestine, fortifier Monrovia contre les attaques du dehors, eveiller I'esprit militaire du petit nombre de colons dont il etait le chef, les conduire en- fin au combat contre des adversaires trente fois plus nom- breux; et ces travaux immenses, il les executa pendant qu'une fievre ardente abattait toutes ses forces physiques. On le vit souvent se relever de son lit de donleur pour donner des ordres, inspecter les fortifications, raffermir le zele des habitans et surveiller toutes les affaires publiques. II venait de deposer dans la tombe la compagne de sa vie et il etait malade encore, lorsque 800 sauvages attaquerent a I'impro- viste sa faible troupe de colons , qui ne comptait que trente- trois horaraes amies. Ashmun se mit a la tete des siens , et par I'empire extraordinaire qu'il exercait sur lui-raeme et sur ceux qui I'entouraient, par le sang-froid et I'intrepidite qu'il deploya dans Taction, il parvint a repousser I'ennemi. Chose etonnante! autant il avaitd'energiesur un champ de bataille, autant il montrait de douceur ct de bonte dans ia direction SUR LA COLONIE DE LIBERIA. aSp des affaires civiles : aiissi tout changea de face pendant les cinq annees qu'il gouverna la colonic. II I'avait trouvce mi- serable, divisee, abattue; il la laissa prospere, imie, libre et respectee. -Qaand il dut quitter, en -1828, Tetablissenient de Liberia, a cause du deplorable etat de sa sante, tons les ha- bitans, hommes, feraraes, enfans, accoururent sur le rivage en versant des larraes, et jamais peuple ne se separa de son chef en lui donnantdes marques plus vives de reconnaissance et de respect. Revenu dans sa patrie , Ashmun consacra les restes d'une vie presque eteiute a la noble cause qu'il avail embrassee, et il mela ses voeux pour la colonie de Liberia avec le dernier soupir qui s'exhala de sa poitrine. Honneur a jTshmun I que son nom soit place a cote de celui des Las-Ca- sas, des Vincent de Paule, des Howard, des Clarkson! Un jour, quand I'Afrique sortira de son abrutissement , quand elle portera avec orgueil sur son sein de grandes nations, des autels seront eleves ii la memoire d' Ashmun , et les Africains reconnaissans lui rendront les memes honneurs que les villes de laGrece rendaient autrefois a Cecrops et a Thesee. II resulte de tons les details qui precedent que la colonie de Liberia se trouve actuelleraent dans uu etat prospere, et quelle possede les nioyens de faire des progres rapides dans son developpement agricole et commercial. Une chose cepen- dant inspire des craintes serieuses : le climat. De malheureuses experiences ont constate que les hommes de race blanche ne peuvent pas supporter long-tems la temperature des tro- piques, et la Societe de Colonisation en a fait elle-meme plus d'une funeste epeuve ; car de vingt a trente agens qu'elle a employes depuls la fondation de la colonie , la plupart sont morts par I'effet du climat. Mais il faut remarqiier aussi que les hommes de couleur ne sont pas exposes au merae danger. Un grand nombre de ceux qui ont emigre de la Georgie , des deux Carolines et du sud de la Virginie n'ont pas meme res- senti les atteintes de la fievrc que les nouveau-venus eprou- 26o NOTICE vent geiieralemeiit dans le premier mois de leiir sejour; etdes rapporls dignes de foi attestent que la mortalite n'est pas plus grande a Liberia qu'a Baltimore , a Philadelphie ou a New- York. Les coles occidentales de TAfrique ne sont point deso- lees periodiqueraeiit par la peste, comme la Turqiiie, ni par le cholera-morbiis , comme les Indes , ni par la malaria, qui regne dans les Antilles. Le climat est salubre pour les noirs; et s'il ne Test point pour les blancs , pent-etre doit-on s'eii applaudir. Les populations de couleur seront livrees davan- tage a elles-meraes ; elles formeront en Afrique les nations tout entieres, et par la elles pourront se developper avec plus d'energie et de perseverance. A ces details historiques et statistiques , nous ajouterons quelques considerations generales sur les resnltats probables de la colonic de Liberia , soit'a I'egard des hommes de couleur de i'Amerique, soit en ce qui concerne le continent africain. L'economie politique a prouve que le travail libre est beaucoup plus avantageux que le travail des esclaves. Beau- coup de planteurs dans les Etats-Unis rcconnaissent chaque jour ce fait par leiu- propre experience. Le systeme de I'escla- vage est essentiellement peu productif •, le plus heureux sol perd.de sa fertilite quand il est cultive par les mains d' escla- ves. D'ailleurs cette population abrutle s'abandonne k tons les vices de la paresse et de regoisrae. Un esclave fait le moins de travail possible , et il consomme autant qu'un prodigue chaque fois qu'il le peut. Vingt travailleurs libres font plus d'ouvrage que cinquaiite esclaves , et ils content moins a en- tretenir. II suit de la que les proprietaires d'esclaves ne peu- vent se passer de privileges et de monopole , pour soutenir la concurrence avec les autres producteurs. Mais comme la legislation des Etats-Unis tend a etablir de plus en plus luie parfaite egalite entre les diverses parties del'Union , et qu'en outre les denrees du sud auront "a lutter centre celles qui SITR LA COLONIE DE LIBERIA. 26 1 viennent de rAfrique ineiiie sur les marches aniericains , les planteurs se trouveront dans Talternative de continiier uii systeine ruineiix ou d'affranchir leurs esclaves. Le resultat n'est pas douteiix. Le dernier de ces moyens ofAait sans doute , commenous I'avons deja inontre, de graves inconve- niens avant la fondation de la Societe ameiicaine de Coloni- sation ; mais ces inconveniens n'existent plus depiiis que les Noirs affranchis peuvent trouver un asile sur les cotes de I'Afrique. On a done lieu de presumer que Tetablissement de Liberia mettra un terrae definilif a I'odieux systeme de I'es- clavage, et que I'irapulsion partira des proprietaires eux- memes. Pliisieurs fails viennent a I'appui des reflexions precedentes. Les derniers rapports de la Societe assurent que plus de deux mille esclaves des etats du sud seront affranchis aussitot qu'ils obtiendront des moyens de transport pour I'Afrique. Voila sans doute I'un des buts les plus glorieux qu'une so- ciete philantropique pouvait se proposer. Le raaitre et I'es- clave affranchi devront egalement s'en rejouir. Je tremble pour mon pays, disait I'illustre Jefferson, en considerant les funestes consequences de I'esclavage, et en pensant que la justice divine devra en fin punir cette violation des imperissa- bles droits de Thumanite. Puisse la societe nouvelle epargner aux Etats du sud les horreurs et les desastres de Saint-Do- mingue. L'etablissement de Liberia n'aura pas une influence raoins utile sur les hommes de couleur libres qui continueront a rester en Auierique. Plus ils seront en petit nombre, moins ils inspireront de craintes au patriotisme americain , et ils trouveront par cela meme moins d'obstacles h se fondre avec lereste des habitans. En outre, lorsqu'il existera une nation africaine libre, puissante et eclairee, lorsque le pavilion de cette nation flottera sur I'Ocean et saura se faire respecter, lorsqu'enfin des ambassadeurs de race noire viendront dans 262 NOTICE les capitales des peiiples civilises trailer avcc eux d'egal a egal, le prejuge qui degrade le negre, en le calomniant , n'aura plus de pretexte; et les citoyens meme des Etats- Uuis , ces horames qui joignent a tant de lumieres un mepris si injuste pour les homines de couleur, consentiront a les re- garder comnie des compatriotes et des freres. II semble que deja I'esprit de charite s'eveille plus vivemeat dans cette re- piiblique en faveur des noirs. Una societe nouvelle s'est eta- blie a Washington , au commencement de I'annee derniere , afin de procurer une education liberale aux jeunes gens de couleur. Cette association secondera les efforts de la Societe decolonisation, en lui fournissant des instituteurs eclaires qui ouvriront des ecoles dans I'etablissement de Liberia, et y formeront nn peuple capable de comprendre et de maintenir ses droits. C'est done Ik encore un resultat qui merite de fixer notre attention. Des deux cotes de I'Ocean, les Africains grandiront dans Topinion publique et dans leur propre es- time ; ils briseront les chaines d'un prejuge fatal qui les a trop long-tenis asservis ; ils deviendront enfin vraiment libres , parce qu'ils seront digues de I'etre. II est Gurieux de voir dans quel langage noble et fier les hommes de couleur de la colonic s'adressent a leurs freres d'Amerique. « Nous sommes libres , disent-ils, nous sommes les proprietaires du sol, nos droits sont les memes que ceux des citoyens del'Union. Nos suffrages, et, ce quivautmieux en- core , nos sentiraens et nos opinions, dirigent la marche de notre gouvernement. Nos lois, nous les avons faites ; nos magistrals, nous les avons nommes; nos juges sont sortis du milieu de nous. Nous ne connaissons rien de cette inferiorite avilissante dont notre couleur est fletrie en Amerique. Nous possedons ici la vraie emancipation, I'emancipation morale , Taffranchissement de notre ame. Nous respirons librement surla terre de nos ancetres j mais vous, vous n'avez qu'un vain nom de liberte. Dites-nous quel est Thomrae de race SUR LA COLONIE DE LIBERIA. 263 blanche qui formerait avec vous une association d'egal a egal? Demandez nous ensuitequel est rhomme de race blanche qui refuserait une pareille association avec I'un des colons de Liberia? » Enfin, le continent de I'Afrique trouvera aussi d'impor- tans avantages dans I'etablissement de la colonic de Liberia ; at lors meme qu'on se bornerait a envisager ce seul point de vue, la Societe americaine aurait dejk bien raerite du genre huraain. Malgre les niesures qui ont ete prises pour r^primer la traite des negres , malgre les dispositions legales les plus ex- plicites, cetinfaine trafic n'est pas encore entierement aboli. Des vaisseaux partis du Bresil , de I'Espagne , du Portugal , et, nous le disons avec douleur, des vaisseaux sortis des ports de France, continuentk faire la traite, qui est mainte- nant accompagnee d'exces d'autant plus atroces que oeux qui la font comproinettent davantage leur propre surete. II est facile de comprendre en effet que les negres, etant devenus luie marchandise de contrebande j, sont entasses dans un moiudre espace et traifees avec plus de rigueur encore qu'ils ne I'etaient auparavant. Les croisieres arniees et les prohibi- tions legales sont done insuffisantes , du moins jusqu'a ce jour, pour detruire corapleteraent ce commerce de chair hu- maine. II n'y a que deux moyens , ce me semble , d'atteindre le but : I'un serait de prononcer I'abolition unwerselle de I'es- clavage. Des lors, tons les marches etant fermes a ce genre de denre'e, le trafic cesserait de lui-meme. Mais il est evident que cette mesure generale ne pourra se realiser qu'apres un long espace de tems, si meme elle se realise jamais; trop de prejuges , trop de jalousies nationales , trop d'interets surtout y opposent aujourd'hui des obstacles invincibles. L'autre moyen d'abolir la traite est plus simple : il consiste a etablir successivement des colonies sur tout le littoral du continent 364 NOTICE afVicain. Ces colonies scroiit Ics houlevaids on les gardes avancees de I'Afrique contra les pirates negriers. Elles ferme- ront, d'un cote, le passage aux tribus de I'interieur qui vou- draient amener des esclaves ; et de I'autre , elles empecheront les batimens destines a la traite d'approcher des cotes. Le trafic des negres serait done aboli de fait, et ce moyen de repression offrirait sans doute des garanties bien plus fortes que tons les traites d'alliance et toutes les dispositions pe- nales. La colonie de Liberia, de meme que celle de Sierra-Leone, n'occupe encore, il est vrai , qu'une tres-petile partie du lit- toral ; mais c'est du moins une etendue de pays de 1 5o railles qui est arrachee aux horrenrs de la traite ; et si d'autres eta- blissemens du meme genre viennent a se former au midi de I'equateur, et qu'ils environnent I'Afrique comme d'un cercle de peuples civilises, le trafic de la race noire sera pour ja- mais aneanti. Ajoutons que la colonie de Liberia pourra devenir un foyer de civilisation pour le reste de I'Afrique. Toute I'histoire nous enseigne que les peuples ont ete civilises par des colonies qui transplantaient avec elles leurs lumieres, leurs arts et leurs lois. Des colons venus d'Afrique et d'Asie ont com- mence I'ere de civilisation a laquelle remontent les annales historiques de I'Europe. Le continent americain doit aussi a des colons le degre de culture qu'il possede aujourd'hui. Les Etats-Unis en particulier n'ont besoin que de remonter deux siecles avantl'epoque actuelle, pour trouver une petite troupe de purilains et de bannis qui ont jete sur leur sol les premiers germes de la civilisation. Qui aurait dit alors que ces malheu- reux exiles, qui souffrirent si long-tems du manque absolu des choses les plus necessaires , qui n'avaient pas meme \\\\ toil pour abriter Icur tete sur la plage brumeuse de Plymouth, deviendraient la souche d'une puissante et illustre nation j quo leur posteritcs'etendraitsurun territoire immense; qu'elle SUR LA. COLONIE DE LIBERIA. 265 chasserait devant elle des centaines de peiiplades indigenes, et quelle offrirait de grands exemples a la vieille Europe? Serait-ce done conccvoir de chinieriques esperances que de pressentir les progres de la civilisation sur le continent afri- cain , en y voyant fonder de nouvelles colonies? L'Afrique ne sera civilisee que par le retour de ses enfans exiles. Ses peuplades sont trop barbares pour comniencer par elles-meraes cette oeuvre immense; elles sont tropignorantes, trop divisees entre elles pour planter les premiers germes de leur culture iutellectuelle et politique. Mais les Africains qui reviennent dans la patrie de leurs ancetres, apres avoir long- lems habite des pays civilises, se trouvent dans une position toute differente. lis ont dej'a en eux les seraences de la civi- lisation ; ils apportent quelques connaissances sur les arts in- dustrials, sur les procedes agricoles; ils possedent quelques notions d'un gouvernement regulicr; ils ont des besoins reli- gieux, intellectuels et politiques^ qui doivent recevoir un developperaent rapide avec les circonstances qui les favo- risent ; ils sont enfin ce qu'etaient les colons d'Egypte pour la Grece , et les colons d'Europe pour TAmerique. Quel vaste et briUant avenir pour le continent africain , si la colonic de Liberia s'agrandit, et que d'autres etablisseniens semblables repandent autour d'eux leur bienfai^nte influence ! Deja cette influence est sensible chez les tribus limitrophes de la colonic. Les naturels ont adopte I'babillement des colons, et ils raontrent un vif desir d'iraiter leurs manieres et de prendre les habitudes de la vie civilisee. Quelq-ues enfans des indigenes frequentent les ecoles ; et lorsque les moyens d'in- struction seront plus etendus , il n'est pas douteux que leur nombre ne s'accroisse beaucoup. Quelques tribus se sont pla- cees de leur propre mouvement sous la protection du gou- vernement colonial , et a mesure que la colonic acquerra plus de puissance, elle trouvera Toccasion d'etendrc an loin son patronage. D'autres peuplades, qui sont placees a une dis- TOME I,. MAI i85l. 18 266 NOTICE SUH LA (OLONIE DE LIBERIA. tanco trop gramle tie la colonic pour n'-clamer son appiii , de- niandent conime une faveur que des colons viennent se fixer sur leur territoire; on cite meme plus d'un chef africaia qui a ouvert des negociations "a ce sujet avec Tagent principal de Liberia. Que les genereux directeurs de la Societe americainc trouvent done de puissans encouragemens dans le succes de leur noble entreprise ! qu'ils ne se laissent pas rebuter par des obstacles materiels, que saura vaincre une ener- gique perseverance, ni par les clameurs de quelques proprie- taires d'esclaves , qui sacrifieraient sans reniords les grands interets de I'humanite a leurs convenances etroites et mes- quines ! Deux continens beniront un jour I'etablissement de la colonie de Liberia: I'un sera delivre d'une population hos- tile qui le menace dans sa surete interieure; I'autre heritera avec joie de cette population, qui viendra lui donner une vie nouvelle et glorieuse, An nord, I'Egypte, et Alger devenu colonie francaise; aumidi, le cap de Bomie-Esperauce ; a I'ouest, Sierra -Leone et Liberia, tels sont les foyers lumineux qui comniencent a chasser les tenebres de la barbaric loin de ce vaste territoire, qui renferme cinquante millions d'hommes. Batons de nos voeux et de nos efforts cette epoque , qui pent seule absoudre les peuples civilises de la traite des noirs, ou I'Afrique rege- ueree partagera avec nous le bienfait de nos hunieres, de nos aits, de nos lois, et reprendra sa place dans la grande famille du genre humain ! G. DE FflMCE. II. AIVALYSES D'OUVRAGES. HisTOiRENATURELLEnES PoissoNS, par MM. le baron Cu- viER, secretaire perpetuel del' Acade'mie des Sciences, etc., et Valenciennes, aide-naturaliste mi Muse'e d'histoire naturelle (1). QOATRIEME ARTICLE. ( Voy. Rei>. Enc, t. xliv , p. 53; t. xlv, p, 274 ; et t. XLix,p. 40.) Ayant parcouru I'histoire des perco'ides j, nous arrivons a celle des mulles, seconde famille des poissons a nageoires e'pineuses, ou acantliopte'rjgiens . Les mulles ont pour caracteres: deux dorsales se'pare'es , des e'cailles larges etpeu adkerentes, et deux barbillons atta- che's sous la symphjse de la mdchoire inferieure. Panui leurs especes, les unes n'ont point de dents a la maclioire supe- lieure , ce sont les mulles proprement dits ; les antres ont des dents aux deux maclioiies , ce sont les upeneus. Les mulles proprement dits n'appartieiuient qua I'Europe ; ils n'ont ni epine a Topercule , ni vessie aerienne, ni dents a la machoire superieure, mais ces dents sont conime sup- pleees par une large plaque de dents en pave que porte le vomer. (t) Paris, 1829-1 831 ; Levrault et compap,iiic. 15 a 20 vol. in-8'>, ou 8 a 10 vol. in-4o. Leprix de chaque livraison , d'un vol. in-8° , avec un cahiei' de planches , est de 13 fr. 50 c; la livraison d'un demi^volumc in-4'' , 18fr. Le septicme volume est en vente. i8. 268 HISTOIRE NATUHELLK Les upeneus habiteiitles mers des deux liides ; ils out iiiie petite epine a ropercule, iine vessie natatoire, des dents aux deux machoires; et , sauf quelques especes, ils n'en ont qu'aux deux machoires. La couleur rouge des mulles les a fait quelquefois confondre avec les trigles j, sous le nom dc I'oitgets. Mais cette couleur rouge estd'ailleurs le seul trait commuu eutre les deux genres ; rarmure de leur tete , le nomhre de leurs raj'ons branchiaux, les rayons libres de leurs nageoires pectorales, etc., tous ces caracteres distinctifs des trigles, les separent nettenient des mulles, et les rejettent dans une autre famille, que nous ver- rons bientot , celle diGsjoues cuirasse'es. Les mulles d' Europe ne sont qu'au nombre de deux , le surmulet ou grand mulle raye de jaune , et le lUYii rouget on rouget-harhet ; CQ\vi\-c\. plus petit, plus renomme encore que le preniier et par le gout de sa chair et par I'eclat de sa cou- leur, plus rare que lui dans nos mers du nord , et dont le sejour principal est la Mediterranee. Aucun poisson n'a ete plus celebre chez les anciens que ces deux mulles : nous avons vu, dans un autre article, avec quel luxe les Romainsles elevaient dans leurs viviers , quel plaisir singulier ils prenaient a conteinpler les nuances varices par les- quelles les belles couleurs de ces poissons passent din-ant leur agonie, et quels prix extravagans ils mettaient a s'en procurer qui fussent d'uue grande taille , au.point que Tibere en ayant recii un, dit M. Cuvier, « qui pesait quatre livres et demie, ce prince, ridiculement econome , I'envoya an marche ou il fut achete au prix desix mille sesterces;» et que trois autres dont parle Suetone, « furent payes trente mille sesterces ( 5844 fr. ) ; ce qui engagea Tibere a rendre des lois somp- » tuaires, et a falre taxer les vivres apportes au marche. » Lesm/J/^.? deslndes, ou les upeneus^ sont plus nombreux que ceux d'Europe, et la disposition variee de leurs dents les partage en quatre tri bus distinctes : la premiere, qui a des DES POISSONS. 269 dents en velours aux deux macboires, au vomer et aux pala- tins; la seconde, qui n'en a qu'aux deux niachoues et au vo- mer ; la troisieme , qui n'en a qu'aux deux machoires ; etune quatrieme, qui n'en a aiissi qu'aux deux machoires, mais dont les dents, au lieu d'etre en velours, sont distinctes et siir une seule rangee. Quant aux upeneus d'Amerique , ils se rangent dans I'uue ou I'autre de ces tribus, on a dents dis- tinctes et sur une seule rangee, ou a dents en velours , etc. ; et ils sont moins nombreux que ceux des Indes. L'Europe a deux midles ; les Indes ont d'lx-huh upeneus ; I'Amerique en aquatre ; a. quoi il fautajouter un upeneus des lies du Cap-Vert , h dents sur une seule rangee ; en tout , le genre ou plutot la famille des mulles ( car ce genre est telle- ment isole qu'il forme une veritable famille ) compte done vingt-cinq especes; nombre assurement fort petit, si on le compare a celui des perches, par exemple, qui^'a "a plusieurs centaines , et si d'ailleurs on n'appelait families que les groupes tres-nombreux ; mais ce qui decide du rang et par suite (bi nom d'un groupe, ce n'est pas le nombre des especes, c'est la valeur seule des caracteres ; car ce sont ces caracteres seuls qui isolent, qui rapprocbent, qui marquent les diverses distances, c'est-k-dire les divers degres memes de la nie- thode. Avec les mulles finit le troisieme volume ; le quatrieme est consacre tout entier a la famille des j'oues cuirasse'es. Ces j'oues cuirasse'es sont encore des perches^ comme les mulles J par I'enserable de leur organisation ; mais ce qui les distingue et des perches et des mulles et de tons les autres acanthopte'rjgiens , c'est I'aspect singulier de leur tete diver- sement armee ou herissee. Une production des sous - arhi- taires (cette chaine de petits os qui bordent en dessous I'or- bite des poissons , et qui, comme nous I'avons vu, parait propre a leur classe ) se porte sur la joue , la couvre , et va sarticuler avec le pre'opercule ; c'est cette protection de la 270 HISTOIBE NATURELLE joue par les 50«i' - i/rMa/Vr^ qu'indiquent Ics mots joues cui- rasse'es. Mais ces sous - arbitaires s'eteiideiit plus ou moms siir la joue, et font varier ainsila forme queii recoitlatcte : U'oii les trois principaux genres de la famille, les trigles ou grondins , dont la tete a la forme d'un cube ou d'uu parallelipipede ; les cutes ou chahots, dont la tete est plus ou moins ecrasee ; et les scorpenes ou truies de iner, dont la tete est comprimee. Chacun de ces genres, ou formes principalcs, se subdivise ensuite en sous-genres ou fonucs secondaires. On retrouve ici , comme dans les perches j des formes intermediaires ou qui lient un groupe k I'autre , des formes excentriques ou qui ne se laissent bien ramener h aucun groape, des formes isolees , des formes qui se repetent et se multiplient, etc. Ainsi, une premiere modiiication des trigles donne les pi'ionotes, qui u'en different que parce qu'ils out , de plus qu'eux , des dents en velours aux palatins ; une seconde donne les pe'riste'dions , qui n'ont point de dents du tout ; une troisieme donne les dactjloptereSj dont les trois rayons pectoraux , libres dans les trigles , s'unissent par une membrane pour former une espece d'aile ; et une quatrierae donne les ce'pJialacantlies, qui lien- nent aux dactjlopteres par leur tete , et qui conduisent aux scorpenes ^?i,v\e\\is pectorales. Ainsi, un premier demembrement des cottes donne les as- pidophores ; un second donne les platjce'pliales j et Ton est conduit encore des cottes aux scorpenes , d'une part, par les he'mile'pidotes J qui ont la tete aplatie des cottes et la dorsale unique des scorpenes, et, deTautre, Tpsules he'milriptereSj qui ont et la tete aplatie et la dorsale divisce des cottes, mais qui ont aussi et des barbillons et des dents aux palatins, comme les scorpenes. Ainsi , enfiu , un premier demembrement des scorpenes donne les blepsias; un second les toenianotes j et une suite de Jemenibremeus pareils doime successivement tons ces autres DES POISSONS. 27 I sous-genres, les apistes _, les se'bastes, les plerois, Its pe'lors, les synancees , les agriopes_, les le'pisacantkes , Yore'osome el les e'pinoclies. Les trigles ont pour caracteres propres : deux dorsales , le corps ecailleux et des dents en velours an vomer et aux pa- latins. Leurs joues sont des mieux cuirasse'es ; car, outre un grand sous-orhitaire qui les couvre completeuient, loutes leurs pieces osseuses sont dures , grenues , striees , ou armees d'epines et d'aretes tranchantes. Mais ce qui distingue surtout les trigles , ce sont les Irois rayons lihres de leurs pectorales; ces rayons, gros et articu- les, forment un organe de tact tres-sensible : aussi les nerls en sont-ils tres-developpes ; et, ce qu'il y a de plus remar- quable, c'est que la region de la moelle epiniere de laquelle ces nerfs naissent est marquee de tubercules particuliers ; struc- ture d'un point donne du systeme nerveux que ce genre de poissons offre seul entre tons les autres. Nos mers d'Europe ont jusqu'a neuf especes de trigles : le grondin rouge ou rouget-grondin de Paris, le rouget ca- mardj le perlon ou rouget-grondin , tous trois abondans sur nos cotes; le petit perlon h pectorales tachete'es j trouve par M. Valenciennes sur les plages de Dieppe ; la Ijre ou perlon a grandes e'pines , lequel abonde surtout dans la Mediterranee ; \q grondin proprement dit on grondin gris, le grondin rouge , tous deux egalement et de FOcean et de la Mediterranee ; enfin , Yoigue ou grondin a premiere dorsale filamenteuse et le irigle rude ou cai^illone, tous deux propres a la Mediterranee. Tous ces trigles ou grondins font entendre un bruit ou grogueuient particulier, quand ils sont hors de Veau ; d oii leur vient ce noinde grondins , comme celui de rougets leur vient de leur couleur rouge. A cote d'eux se placent les trigles des mers eloignees, a commencer par les mers des ludcs, les uns voisins du perlon , le perlon de la Nom'elle- 272 HISTOIRE NATURELLE Ze'lande^ appele koumou, ]c perlon de Pe'ron, \g perlon du Cap; les autres, voisins du cavillone., le ccwiUone papdlon^ le cai'illone phalene et le cai'illone sphinx. Les trigles d'Aine'rujue surpassent et les nckres et ccux des Indes par la longueur de leurs pectorales, par le nonibre des rayons de ces nageoires, et ils se distinguent de tons les trigles par des dents eu velours a leurs palatins. C'est de ces Irigles d'AmerJque que M. Cuvier forme le sous-genre des prionotes , qu'il compose de quatre especes , toutes des cotes du Nouveau-Monde sur I'Atlantique , le prionote strie j, le prionote de la Caroline, le prionote ponctue et le prionote chausse-trape. Le sous-genre des pe'riste'dions (malannats ou trigles cui- rasses) n'a qu'une espece, le malannat dela Medlterranee , le iiiieux arme (aussi le nom de malarmat ne lui a-l-il ete donne que par antipbrase , comme le dit Rondelet ) des pois- sous de nos mers , par les pieces osseuses qui cuirassent tout son corps , et par les deux fourches pointues que porte son museau, Ces deux sous-genres des prionotes et des malannats sont les modifications les plus immediates des trigles propres ; ce- lui des dactjlopteres en differe un pen plus par ses formes et parses details, ses dents ne sont plus en velours^ mais en paue'; il n'en a plus qu'aux deux machoires et non an vomer ni aux palatins ; enfin, il n'a plus de rayons lihres a ses pec- torales ; mais ces pectorales sont profondement divisees eu deux parties, dont la posterieure , presque aussi longue que le corps , et presque aussi large que longue loi'squ'elle s'elend , forme uue sorle d'aile, au moycn de laquelle le poisson peul s'elever dans I'air. Tout le monde conuait le dactyloptere comman de la Me- diterranee (aronde, hirondelle de mer). « Rien n'cst plus celebre, dit M. Cuvier, dans toules les relations des navi- gateurs , que I'bistoire de ces poissons volans , de I'ardeur DES POISSONS. 273 avec laqiielle ils sont poursuivis par les bonites et les do- rades, des efforts ([u'ils font pour leiir echapper, en s'ele- vant dans les airs, du nouveau danger qui les attend dans cet autre element de la part des fregates et des albatrosses , et de Tobligation ou les met le dessechement de leurs pec- torales de se rejeter promptement dans I'element liquide. » Un second dactjloptere avait ete jusqu ici confondu avec le precedent, dont M. Cuvier le distingue pour la premiere fois ; c'est le dnctyloptere tachete de la mer des Indes. Les cephalacnnthes sont le dernier sous-genre des trigles, et ce sous-genre n'a qu'une espece , le cephalacanthe de Suri- nam, petit poisson qui a le corps d'un dactjloptere, mais qui n'en a pas les longnes pectorales, non plus que les rayons libresdes trigles. C'est, dit M. Cuvier, un dactjloptere sa^m ailes, ou un trigle sans rayons libres. Le premier sous-genre des cottes ou chabots est celui des chabots propres, lesquels ont pour type le chabot de rwiere, ce petit poisson "a tete large , a deux dors ales _, h pre'opercule e'pineux J a dejits an vomer, mais iion aiix palatins , et qn'on retrouve dans toutes les eaux douces d'Europe. Les epines dont sont armes les chabots de mer ou chabois- seaux sont plus nomlirenses et plus dangereuses ; « ce qui , joint a la laideur que leur dojinent leur grosse tete , leur large gueule, et les teintes pen agreables de leur peau, leur a valu toutes sortes de noms odieux. » On les appelle scor- pions, crapauds, diables de mer, "a cause de cette laideur; on les nomme grogneurs ou coqs brujans, a cause du bruit par- liculier qu'ils font entendre quand on les tire de I'eau, etc. Nos cotes en ont deux especes , le chaboisseau de mer com- mun a courtes epines, et le chaboisseau de mer ii Ivngues epines ; les mers septentrionales en out une, le chaboisseau It quatre tubercules; et les mers etrangeres neuf , le grand chaboisseau du Kamscliatka , le cotte it tete tres-e'pineuse de la cote oucst de I'Amerique, le grand chaboisseau a. dix-huit -574 HIST IRE NATURELLE epines de rAmerique cUi Nord, deux chahoisseaux du (xiot'ii- land, le grand et le petit, le chahoisseau a bois de cerft\\\. Kanitschatka , le chahoisseau a hois de cheureuil du port d'Avatcha, le chahoisseau a longues ventrales , et le chahois- seau porte-massue y tous deuxde la mer du Ramtschatka. La niodificatiou la plus immediate des cottes donne les as- pidophores ; ce sont des cottes a corps anguleux et cuirasse^ et qui n'ont de dents ni au vomer, ou en out les cottes, ni aux palatins. Autour de Y nspidophore d' Europe, qu'il leur assigiie pour type, M. Cuvier range par petits groupes, ou a deux dorsales rapprochees , ou a deux dorsales eloignees , ou a uiie seule dorsale , plusieurs especes des mers etrangeies : X nspidophore esturgeon, des cotes du Kamtscliatka , de tous le plus semblable au notre; V aspidophore dode'caedre , des mers orientales; Y aspidophore a museau e'troit, Y aspido- phore de Ide de Sagalien, tous deux a dorsales rapprochees; Y aspidophore a hauls sourcils , de la raemeile ; Y aspidophore a quatre comes , du Kanitschatka; Y aspidophore a dix pans , des Indes orientales , tous "a dorsales eloignees ; et Y aspido- phore a uue seule dorsale, des Indes. Les platjce'phales sont la seconde forme des cottes; ce sont des cottes qui, au lieu de manquer de dents aux palatins et d'etre niis, ont tout "a la fois des ecailles sur leurs corps et des dents aux palatins. Leur premiere especeest le platjce'pliale insidiateur, dccouvert par Forskal dans la mer Rouge; les especes nouvelles sont \c platyce'pJtale d' Endracht, \e platy- cephale hrundii port Jackson , le platycepliale a grande e'pine, \e platyce'phale ponctue de Ceylan; ]e platycephale ci goutte- lettes du Japon , le platycepliale inalahare de Mahe , et plu- sieurs autrcs de la Nouvelle-Hollande, de rarchipcl des Indes, de Trinquemale, du Japon , etc. Viennent ici tous ces petits groupes ou sous-genres qui conduisent, corame je I'ai deji-i dit , des cottes aiix scorpcnes, Yoplichtc, Y he'mitriptere J les he'mile'pidotes , les heuibras ; DKS POISSONS. 27 J et nous arrivons ainsi aux scorpenes , et, par ces scorpeneSf aux liinites niemesde la famille. Les scorpenes ont la tete e'pineuse des cottes et leurs gran- des pectorales ; mais leur tcte est comprime'e late'ralement , leur dorsale indmse ^ et ils onl des dents aux palatins. lis sont d'ailleurs toutaussi hideux que les cottes; « aussi ne les a-t-on pas moius accables de noiiis odieux ; ceux de scoipions ^ de crapauds, de diahles de mer^ leur ont ete prodigues , etc. » Aux deux scorpenes de la Mediterranee , la grande scor- pene rouge et \a petite scorpene hrune, M. Cuvier rallie plu- sleurs especes etrangeres, du Bresil , de la mer Rouge , de Saint-Domingue , de la Martinique, de I'lle-de-France, de Pondichery , du Japon , de la Nouvelle-Guinee, etc. Toutes ces scorpenes ont la tete herissee de cretes et en- veloppee d'une peau spongieuse ; les sehastes ont la tete moins herissee et recouverte d'ecailles dans toutes ses parlies. M. Cuvier en decrit neuf especes, une des raers septentrio- nales, une de la Mediterranee, une du Cap, quatre du Japon, une des Moluques, et une de la raer des ludes. liCS pterois ont la tete comprimee et epineuse des scor- penes^ mais ils n'ont des dents qu'au vomer, comrae les cottes; et ils se distinguent de tous les poissons connus par la longueur excessive de leurs epines dorsales et de leurs rayons pectoraux. M. Cuvier conipte sept pterois, de la mer des Indes , de la mer Rouge , de I'lle-de-France, etc. A ces pterois succedent trois petits sous-genres , les toenia- notes J, les blepsias et les agriopes ; puis viennent les apistes et les minouSj que distingue Fepine mobile de leurs sous-or- bitaires; puis les pe'Iors, sans dents aux palatins, sans ecailles, "a formes Lideuses ; les sjnance'es , non moins hideux que les pelors, egalement depouilles d'ecailles et a palais entierement lisse ; les monocentris , les hoplosthetes , Vore'osome, le pois- sonle plus difforme dela famille ; et enfin les e'pinoches , ces joljs et petits poissons de nos ruisscaux qu'on est elonnc de 276 inSTOIRE NATURELLE voir dans line faniillc dont les formes sont si hizarres, mais qui ne lui eu apparlicnnent pas inoins, car leur joiie est ega- lenieut cuimsse'e par une production du sous-orbitaire , lisse et cache sous la peau . Le cinquieme volume donne Thistoire des scieno'ides , f'a- mille quidilYeredes/^erf/ie^, parce quelle nmnqne de dents au vomer et aux palatins ; et des joues cuirasse'es , parce quelle manque de cette production singuliere du sous-arbitaire, qui, dans COS deriiiers poissons, s'etendsur \ii j'oiie et la cidrnsse. Les scieno'ides out d'ailleurs tons les aulres caractcres exterieurs des perches : leur opercule e'pineux ou dentele , leur preo- percule dentele on dii^et^setnent arme, leur corps e'cail- leux , leur dorsals simple ou double, etc. Ainsi , nous avous eu des perches a une ou a deux dorsales , a sept ou a moins de sept rayons aux I)ranchies , a dents canines , sans dents canines , etc. II y a des scienesAe^ toutes ces divi- sions : a deux dorsales , "a dorsale unique, a dents canines , sans dents canines , h dentelures au preopercule, sans dente- lures au preopercule , a sept, a iiioius de sept rayons bran- chiaux, etc. ; a quoi M. Cuvier joint quelques autres carac- tcres de subdivision : de grosses dents ou non aux maclioires, des harbillons ou non a la machoire inferieure, une ligne la- icra/e continue ou interrompue, etc. Le trait essentiel est tou- jours unpalais entierement lisse , et une tele tres-caf^erneuse. Tons ces poissons font entendre un grondement particulier ([uand ds sont hors de I'eau. Le type de la famille est le genre des maigres ou scitnes propres; et le type du genre est le maigre d' Europe, Tun des poissons les plus celebres de nos mers par le bon gout de sa chair. Les maigres conimencent la serie des scimes a deux dor- sales : leurs caractcres propres sont, de faibles e'pines it Va- uale , et une range'e de dents plus fortes et ii peu pres e'gales it chaque machoire. A la suite du maigre d' Europe , M. Cu- DES POISSONS. 2^7 vier range, et touj ours par orilre d'affiuite, pkisieurs 7«rt/- a,res etrangers ; d'aborcl , le maigre du Cap , el l(^ maigre flu Gunge , presque en tout semblables h cehii d'Europe; puis , les otolit/ies, qui n'eu different que par deux canines J'ortes a la niachoire inferieure ; etpuis les ancylodons , qui ne different des otolilhes que par tuie queue pointue et dcs dents plus longnes. Le second genre des scie'noules a deux dorsales est celiii des corhs: ils different des maigres par une e'pine anale plus forte; des oiolithes ^ parce qu'ils n'ont pas de canines ; letu' type est le corh ou corheau de la Mediterrane'e , auqnel M. Cuvier rattache dix-sept especesetrangeres, des Canaries, des Indes, de Pondicliery, du Gauge, de la cote de Mala- bar, des lacs d'eau douce de I'Amerique meridionale, du Senegal , de la Nigritie , de la Martinique , du Bresil, etc. has j'onhius se lient aux coi'hs par une serie qu'interrompt ia peine une deuxieme e'pine anale plus faible , caractere qui les rapproche d'ailletu's des maigres. Les leiostomes tienncnt auxjonhius par la petitesse de leur epine , et ne s'en dislin- guent que par des dents tnutes en velours ras. Les e'ques ou chet^aliers tiennent aux leiostomes , et par la petitesse de leur ■ epine, et par leurs dents toutes en velours, et ils ne s'en dis- tinguent que par les ecailles de leurs dorsales. II y a seize jonhius, deux leiostomes ^ et troi^ e'ques ou cliei^aliers. Mais ici se presententquelquespetits genres quinerentrent bien dans aucun des precedens, et qui s'en separent k divers titres, les lariines et les lepipteres, par leur museau non hombe, les horidies et les conodons _, par leurs grosses dents aux raachoires; et les nefbris et les e'le'ginus, par I'absence de den- teluresh leur preopercule. Les ombrines sont le troisieme grand genre des scienes a deux dorsales, et c'est encore une espece de la Miditerranee, V ombre comunme , qui lui sert de type ; son caractere propre est un petit barbillon sous la niachoire inferieure. 27*^ HISTOIRE NAIURELLE 11 y a huit oinhrines etrangeres : a leiir suite se rangent, coinnie sous-gemes, los loncknriis , qui ne difi'erent ties om- hrines que par un barbillon double; lespogonius^ qui, au lieu d'un seur;barl)illoH, en onl plnsienrs; et les micropogons, dor.t les barbillons soul prescpie imperceptibles. Nous arrivons aux scie'no'ides a dorsale unique. Les trois premiers genres de cette nouvelle serie out sept rayons bran- chiaux: ce sont les rouges-gueules {gorettes ou hemulons) dout le caractere est iine fosseUe oi>nle et deux petits pores sous la sjmphjse de la mdchoire infe'rieure ; les pristipomes, qui ont hjhssette et les petits pores des hemulons, niais qui s'en distinguent par des nageoires verticales sans e'cailles ^ tandis que les hemulons les ont e'cailleuses ; et les diagrammes, qui se distinguent , et des pristipomes et des hemulons, par qualre ou six pores tres-marque's sous la mdcJioire infe'rieure. Toutes les especes des hemulons sont remarquables par leur couleur ; les deux plus belles sont la gorette elegante et la belle gorette , de la Martinique: la Martinique a encore la gorette canne-canne , ]a gorette a nageoires jaunes, la go- rette chaponne ^ trois especes dont la chair passe pour excel- lente,et auxquelles M. Cuvier ajoute wwq gorette de Buenos- Ayres, deux du Bresil, une de Saint-Domingue, ime de New- York, une de Saint-Thomas, et une de la Jamaique. WjAXxenlG-wnpristipomes, de Pondichery, deBatavia, dela nier Rouge, du Senegal, de Madagascar, du Bresil, de New- York, dela Martiuique, du Japou, du Senegal, de la cote de Malabar , de Manille, etc. ; et vingt diagrammes, du Bresil, des Indes , de Java , de la mer Rouge, de Trinquemale , des Sechelles, des Moluques, etc. Les scie'noides a moins de sept rajons aux branchies forment deux groupes distincts, selon que la lignelateraleest continue ou interrompue. Les genres du premier groupe, ou a ligne late'rale continue jusqu a la caudale, sont les lobotes, dont I'anale et la dorsale se prolongent en arriere en trois J DES POISSONS. 279 lobes; \es scolopsides , dont le bord inferieur do I'orbite est garni de deux epiiies qui se croisent; les cheilodactjles , a rayons simples aux pectorales ; les maquaries , a machoires sans dents; et les iatilns , reniarqaables surtout parleurprofil en arc arrondiet presqiie vertical. II y a quatre lohotes , dix- neui scolopsides , cinq clie'ilodacljles , un maqunrie , et deux latdus. Le deuxieme groupe, on a ligne laferale interrompue vers la Jin de la dorsale, se compose de sept genres, dont quatre , les umphiprions , les premnades , les pomacentres et les das- cjllesy a dentelures an preopercule ; et trois, \esgljphisodons, les e'troples et \es he'liases , sans dentelures au preopercule. M. Cuvier decrit douze amphiprions , trois premnades , dix- se^X. pomacentrej , tvo'is dascjUes , trente gljpJusodons , trois e'troples , et six he'liases. Le sixieme volume offre I'histoire des sparoides. Les deux precedens (itaient de M. Gnvier ; M. Valenciennes, a nquel appartient la plus grande partie de celui-ci , distribue d'abord les sparoides en deux grands groupes : les sparoides propres., dont la bouche n'est pas protractile , et les me'nides, dont la bouche est protractile; et quant aux sparoides propres , il les distribue en quatre tribusprincipales, que circonscrit ou carac- terise une forme de dents distinctes. La premiere tribu a des dents en forme de paue , la seconde en a de coniques et en crochets ; la troisieme les a toutes en velours ; et la quatrieme a une range'e de dents tranchantes aiitour de chaque md- choire. La sev\e forme des dents donne doncles qnatre tribus prin- cipals; la combinaison de ces dents donne la plupart des gen- res deces tribus. AinsI, pour la premiere tribu, selon qu'aux dents en pai^e', sur les cote's des mdchoires, ilsejointdes dents anlerieures, ou tranchantes , on coniques , ouen velours, ou que ces dents en paue elles-raemes sont snr un ou sur plu- sieurs rangs , on a, dans le cas , par exemple , des dents ante- ■J.So lUSTOiRE NATUKELLK riemes trancliantes , joiiilesa des molaires sw plusieurs rangs, le genre des sargues ; dans le cas des dents antcrieures tran- chantes \o\n\.c.si\ Aes molaires sur un seal rang, le genre des charax ; qnaud des dents anterieures coniijues se joignent a des molaires sur plusieurs rangs, on a le genre des daurades; et la combinaison de dents anterieures en velours avec des mo^ laires suv deux on plusieurs rangs, donne le genre des ^a^e/,y. La seconde tribu, ou a dents conicjues et en crochets ^ reu- nit trois genres; les letlirinus _, a joues sans ecailles; les den- tex , a joue ecailleuse et a quatre canines au nioins a chaque machoire-, et \cs pentapodes, "a joue ecailleuse aussi, mais a deux canines seulement a chaque machoire. La troisieme tribu, ou a dents seulement en velours , n'a qn'un genre : les cantheres ; et la quatrieme, ou a dents tran- c/uintes autour des mdchoires , en a deux principaux, lesZ'o- gnes, qui n'out que des dents tranchantes ; et les ohlades, qui , aux dents tranchantes, melent des dents en velours. Le premier genre de la famille est celui des sargues , que caracterise surtout la forme de ses dents incisii^es ^ semblablesk celles de I'homme ; car ses molaires en pave et sur plusieurs rangs le rapprochent d'ailleurs des genres des daurades, des pagres et des pagels. La Mediterraueeposscde quatre especes de sargues, qui ne different presque que par la taille ou la couleur, et qui toutes ont huit ou dix incisives h chaque machoire ; ce sont le sargue ou sar proprement dit J le sargue de Sahien_, le petit sargue, ex. \^ sargue vieille. II y a dix sai-gues etrangers , de lamer Rouge, desmers des Etats-Unis , de TAmerique meridionale , des cotes de I'Amerique sur I'Atlautique , etc. M. Valenciennes detache de ces sargues proprement dits , comme type d'un sous-genre , une cinquieme espece de la Me- diterranee, toujoiu'S a incisives tranchantes, mais a molaires .«ur une seule rangee ; c'est le punlazzo commun. M. Valenciennes compte et de(uit ensuite vingt-deux dau- DES POISSONS. 281 rades , douze pagres , onze pageb , vingt-sept denies , huit pentapodes , et jusqu'a quarante-quatre le'thrinus. Parmi les daurades, il y en a deux de la Mediterraiiee qui n'avaient point ete distinguees encore, la daurade vul- gaire et la daurade ct museau renfle : toutes les autres sont etrangeres, du Cap, de I'lle-de-France, de Visagapatam, de la mer Rouge , de la rade de Goree, de Pondichery , du Ben- gale, de Java, des mers del'Inde, desmers equatoriales , des cotes de I'Amerique septentrionale, etc. Parmi les pagres^ quelques especes , toiptes etrangeres, out, derriere les dents canines, de nombreuses petites dents grenues, ce qui les lie aux daurades; d'autres, I'espece de la Mediterranee , par exemple , ont ces dents plus fines et en fortes cardes , ce qui conduit aux pageh; le genre des pagres forme done corame le passage entre les deux autres. Le type des ^rtg'e/^ est \epagel commun de la Mediterranee. La Mediterranee a cinq autres especes, le rousseau ou pagel a dents aigues, le pagel acarne, le pagel boguerat^el ou pi'lon- neau, le pagel a museau courts et le pagel morme ou mormyre; les especes etrangeres sont le pagel de Gore'e , qui ressenible particulierement au morme, \e pagel a maxillaire pierreux , du Cap ; le pagel a plume, de la Martinique ; le pagel a tujau, du Bresil ; et le pagel de Fernarabouc. G'est encore la Mediterranee qui fournit les deux especes principales des denies; quant aux pentapodes et aux le'thrinus, toutes leurs especes sont etrangeres. La tribu des canlheres a douze especes , dont quatre de nosmers, le canthere commun j le canlhere breme , le can- there orhiculaire , de la Mediterranee , le canthere gris de la Manche; et huit etrangeres, du Senegal, duCap, des iles Sechelles, des Marianes, de la mer des Indes, etc. Enfin la quatriemeet derniere tribu des sparoides propres reunithuit especes , reparties en deux genres et deux sous-genres ; le genre des hogues, auquel serattache le sous-genre des scathares ; et TOMK L. MAI l83l. '9 282 HISTOIRE NATURELLE le genre des ohlades, aiiquel se ratlache le sous-genre des cre'~ nidiens : il v a quotrc hogues, un scat/tare, doiix oblades et nn cre'nidien. Toutes ces sparoides ont lahoucbe non protvactUe ; toutes celles qui suivent I'ont, an contraire, plus ou moms protrac- tile; ce. sont Igs niehides, que M. Valenciennes divise d'abord en deux series , selou que la dorsale est e'cadleuse ou non , sous-divisant ensuite chacune de ces series ea deux genres ; la serie'a dorsale sans e'cailles, enmendoles, qui ont des dents au vomer, et enpicarels, qui n ont point de dents au palais ; et la serie k dorsale e'cadleuse , en ccesio , dont la bouclie est pea protractile, et engerres, dont laboucbc est tres-protractile. 11 y a qnatie mendoles et dix picareis decrits par M. Va- lenciennes; et n&niccesio et dix-huit gerres, qui le sont par M. Cuvier. Le trait d' organisation le plussingnlier de tons ces poissons est cette protractilite de leur boucbe qui leur permet et de la transformer en tube, et de la projetereii avant, etde la relirer "a volonte ; d'oii leur est venu le nom dlnsidiateurs , parce qu'en lancant subitement cette bouche , transforaiee en tube , « ils peuvent saisir de petits animaux qui nagent a leur portee sans se croire si pres du danger. » Je termine ici la revue rapide des trois dernicrs volumes ( parmi les six qui ont dejk paru ) du grand ouvrage que j'a- nalyse. Sans doute qu un tel ouvrage est moins fait pour etre analyse que pour etre etudie; niais il est des resultats aux- quels I'analyse , nieme la plus secbe, ne saurait faire perdre leur caractere de grandeur. Je parle de cette quantite prodigieuse d'especes uouvelles ajoutees au catalogue des etres conuus ; de cette repartition savante de toutes ces especes en groupes de tous les degres ; de cette variete infmie d'especes diverses de taut de niers, de ileuves, de pays divers. Qui a la vue assez vaste pour embrasser Ic cadre immense des productions de la nature cbercbe bientot une cliaine en- DES POISSONS. 283 tre toutes ces productions. Bonnet imagine son e'chelle des etres; Linnceus imagine son systeme., qii'il appelle le 5)^5fCTie de la nature. Je dis que ces autears imaginent; et, eueffet, Yechelle continue de Bonnet nest qu'un jeu d' esprit ; et le sjsteme de Linnaeus est purement artificiel. Le probleme est done, et c'est assurement le plus grand pro- blemequ'aient jamais pu se proposer les naturalistes, le pro- bleme est de demeler, parrai cette multitude presque infinie d" etres qui constituent le rcgne animal, ce que chacun d'eux a de comniun avec tons les autres, ce qu'il en a de distinct ; et de marquer, tout a la fois, et ces analogies et ces differences, par la seule place de cet etre dans un cadre determine. U e'chelle unique de Boiuiet monte de perfection en perfec- tion ; elle descend de degradation en degradation ; et elle sup- pose que, d'un etre k I'autre, il n'y a jamais qu'wn seul degre' ou de degradation ou de perfection : mais il n'en est point ainsi : il n'y a pas une seule seriej il y a des series sans nom- bre; ilyena de paralleles, de divergentes, de convergentes ; il n'est pas un seul animal qui ne ressemble a tous les autres par quelques points et qui n'en differe par quelques autres ; aussi y a-t-il partout des rajonnemens ^ partout des hiatus; et ce sont tous ces rajonnemens , tous ces hiatus , en un mot, tous les degres divers et de ressemblance et de difference qu'il faut que la metbode constate et reproduise ; car tous ces degres sont dans la nature, et la me'thode n'est naturelle qua cette condition qu'elle reproduit la naturae me'me. Le sjsteme artificiel de Linnajus rapproclie les etres ou les separe d'apres un seul caractere, c'est-a-dire d'apres un seul point de leur organisation ; et comme ce caractere est souvent le moins important de toute cette organisation, on a tous ces arrangemens bizarres de certains reptiles ( comme les reptiles quadrupedes , par exemple , ) mis a cote des mammijeres , des ce'tace's mis a cote des poissons, etc. On conviendra qu'une classification qui place un reptile pres d'un viammifere '9- 28/| niSTOIRE NATTJKKLLE par cela seal qu'ils out la petite rossemhlance d'avoir qiiatre pates run et Tantre, sans tenir aucun conipte tie toules les grandes differences de la circulation, de la respiration, de la chaleur, de la reproduction, etc., est une chose uiille fois pire que pas de classification du tout. Le regne animal attendait done encore la main savante et habile qui devait en distribuer tous les etres , non plus d'apres une vue imaginaire comme celle de Bonnet, non plus d'apres quelques petits caracteres particuliers , comme le dit Bulfon des caracteres employes par Linna3us, mais d'apres tout I'en- semble de leurs organes : reforme la plus vaste que piit eprou- verl'histoire naturelle des animaux , et que le meme homme aura eula gloire d'appliquerau regne animal tout entier dans un autre ouvrage (1), et de porter, dans celui-ci, jusqu'aux derniers details dont elle soit susceptible pour une classe donnee de ce regne. Mais le catalogue des etres ne s'enrichit pas seulement par ime meilleure distribution des especes dejaconnues; il s'enri- chit par les especes nouvelles qu'on y ajoute ; et , sous ce rap- port encore, I'immense accroissem! nt que lui apporte notre grand ouvrage est fait pour etonner I'imagination. Artedi n'avait connu que sept perches; MM. Cuvier et Valenciennes en decrivent pres de quatre cents. lis decrivent plus de cent soixante joues cuirasse'es, plus de deux cent soixante scie'no'ides ^ plus de deux cents sparoides; c est, dans trois families seulement, plus de mille especes ; et toutes ces especes sont positives ; toutes sont rigoureusement determinees; toutes ont ete dissequees ; on les voit ici avec leur squelette, leurs visceres , les organes de leurs sens, leur systeme nerveux central, leurs appareils de la circulation, de la respiration, de la nutrition , etc. ; on les voit avec leurs mceurs, leurs habi- (1) Ta' re^ne animal, distribue d'aprei son organisation , etc. ; seconJe edition, donl nous donnerons bientot iinr analvse dans re ivciioil . DliS POISSONS. 285 ludes, leur patrie, leiirs usages; et, dans I'expositioii tie tons ces details de tout genre, I'ordre est tel quepartout la clarte €gale la concision . Get ordre consiste a choisir, dans chaque groupe,une espece principale dont on decrit toutes les parties , et "a ne decrire ensuite, pour les autres especes, que les parties par les- quelles chacune d'elles differe de I'espece principale. C'est I'ordre meme que M. Cuvier a dej'a applique dans son regne animal : dans cet onvrage, «. suivant un plan de comparaison dans lequel riiomme sert de modele, el ne donnaut que les differences qu'ily a desanimaux a riionune, €t de chaque partie desaniniauxacliaqiieparlie de riiomme, I'auteur evite pai-la toute repetition ; il accuniule les fails, et il n'ecrit pas uu mot qui soit inutile (1 ) » . II en est de merae dans celui-ci: lui plan de comparaison j dorainc par- tout. Je vois a chaque genre une espece principale Ii laquelle toutes les autres sont ramenees, "a chaque faniille un genre principal, a chaque ordre une famille principale, a la classe entiere des poissons, I'ordre principal des acanthopte'rjgiensj et pour developper le trait essentiel de la niethode de M. Cuvier, je n'ai eu qua nie servir des expressions menies dont Buffon s'est servi pour peindre la metliode d'Aiistole. J'ai ditque le noniLre des especes decrites dans les six vo- lumes que j'ai sons les yeux s'eleve a plus de miile. Pres de la moitie de ces especes paraissent pour la premiere fois ; il y a pres de qiiatre cents especes nouvelles; et, quand je dis nou- velles , j'entends qui n'ont ele vues par auciin auteur ; car je ne parle plus de toutes ces especes mal vues, raal definies, et qui , comnie je I'ai deja dit , out coute plus de peine peut- elre, pour etre ramenees a une detennination precise , que des especes nouvelles; etde ces especes absolument nouvelles, il (I) Billion. a86 HisroiRE naturelle ' y en a de toutes les families, de tons les ordres, de tons les genres, de tons les sous-genres; sans compter que presque tons ces ordres, tousces genres, tons ces sous-genres sont ab- soluraent nouvcaux cux-memes, comrae je Tai deja dit en- core. Dans les y'oMe^ cuirasse'es , je trouvc six nouveaux triples _, un prionote, un dactjloptere j, un cJiahoissenu , \\n aspido- phore^ ([umze plat) ce'phales , un hcmitvipteve , un hemhrns^ douze scoppenes J six se'basies , cin^i pte'ro'is , deux blepsias , trois agriopes , neuf apistes , Itoh pe'lors , une sjnance'e ^ \\\\ liuplosthkhe , neuf e'piiioches et un orebsome; en tout, soixante-dix-neuf especes nouvelles. Dans les scie'noides , je trouvehult otolithes nouveaux, un ancjlodon ^ neu^ corbs , A\\ jonhius , nn le'iotome j, un la?yme^ un nehris, \\n le'pip- terej mi boridie, un conodon, deux e'le'giims , un chei>a- lieVj, six o?nbrines, un micropogon, huit he'midons, dix-huit pristipomes , six diagrammes, trois lohotes , huit scholop- sideSy un cheilodactjle ^ im Intjlus, un viacjuarie, sept rt/H- pliyprions , un premnade , onze pomacentres , seize gljpld- sodonSj, un e'trople et six he'Uasesj en tout, cent trente-dcux especes nouvelles. Je trouve enfin, dans les sparoides , huit sargues nouveaux, quatorze daurades j, huit pagres, s\x pa- gels , douze denies ^ six pentapodes J, trente-deux le'thrinus j, sept c anther es y deux bogres , deux mendoles , sept picarels, deux c^^^/o et quatorze gerres; en lout, cent vingt especes nouvelles. Aussi tons les pays connus ont-ils concouru "a ce grand enrichisseraent ; toutes les mers, tous les lacs , tous les fleu- ves, toutes les cotes , MM. Cuvier et Valenciennes ont tout vu et tout explore, on du moins tout a ete vu et explore pour eux: il n'est pas un voyageur qui ne leur ait paye le tri- but de scs decouvertes; il nest pas un naturaliste ancien qui n'eiit deja recueilli quelques materlaux a leur profit ; et parmi les naturalistes de nos jours, il n'en est pas mi qui DES POISSONS. 287 u'ait voulu coucourir , pour sa part, au succes de leiir im- iiience enlreprise. C'est pour elle que Peroii et Lesueurt avaieat dejh recueilli les poissous de roceau Atlantique, de la mer du Cap, des lies de France, de Bourbon, etc.; Laroche, ceuxd'Ivica; Delalande, ceuxdu Bresil et du Cap, etc. ; c'est pour elle que M. Lesclienaud recueillait ceux de Cayenne; M. Pley , ceux de la Martinique et de la Guadeloupe ; M. Ricard, ceux de Saint-Doiningue; M. Milbert , ceux des Etats-Unis ; le celehre M. Geoffroy-St-Hilaire, ceux de la mer Rouge ; MM. Diardet Duvaucel, ceux de Sumatra, de Java, etc. C'est pour elle que s'accunudaieut toutes ces ricliesses qu'ont ras- semblees , dans leurs memorables voyages autour du monde, MM. Quoy, Gaymard, Lesson, Garnot, etc.; que M. Dus- sumier explorait lesmers des Indes; M. Rifaud, le Rangoum ; M. Raynaud, Trinquemale, etc., etc.; et que lillustre M. de Humboldt, et son compagnon de voyage, M. Ebrenberg, revenaient charges des depouilles de I'Ob, de I'lrtiscli, du Volga, du Don, etc. C'est pour elle enfin , c'est pour le monument colossal que I'ouvrage de nos deux auteurs eleve a Y ic/itynlogie, q^ae continuent on s'entreprennent , chaque jour encore , taut de voyages et taut d'explorations nouvelles dans toutes les parlies du monde. Je continuerai h suivre, dans mes articles, les progres de ce grand ouvrage, et h tenir ainsi au couraut des volumes qui paraitront, les noiubreux amis de I'liisto-ire naturelle que la Repue Encjclope'difjue comple parmi ses lecteurs. Flourens , de I'Institut. 288 DES OEUVRES OKLVRES DE M. BALLAIVCHE (1). Le nionde n'est pas encore dispose a bien comprendre le systeme philosophique auquel sont consacrees les ceuvres de M. Ballanche. Neanraoins j'ose croire que le nouveaii phi- losophe est bien venn pour notre epoque. II meditait encore , mais il ecrivalt deja, durant ce sommeil de I'intelligence Ini- maine qui coutraste d'une facon singuliere avec le grand mouveraent raateriel de I'ere de Napoleon. Mais, quand le monde retentissait du bruit des amies , le philosophe de I'ex- piation eiit paru indiscret s'il eut confie an public ses gemis- semens solitaires. A I'aurore de la restauration, quand un rayon de paix vint luire tout a coup sur le sang encore fu- inant , le philosophe souleva son voile et se laissa voir a tra- vers la parabole antique ( 1 re publication de Y Antigone , en 1814). 11 y avait dans sa conception une lecon de raise- ricorde pour le passe et de cleinence pour Tavenir. Mais des illusions et des seductions trompeuses exercaient alors trdp d'empire sur le vulgaire , qui vouhit a peine accorder un sourire d'applaudissement k Tharmonie dulangage, an coloris poetique, a I'interet du diame, qualltes qui , dans I'oeuvre de M. Ballanche, sont des moyens , non le but. L H online sans nom , public quelques annees apres Anti- gone, personnifie , en quelque sorte , le mystere de I'expiation dans le grand cataclysme moral des tems modernes , la revo- lution francaise. M. Ballanche y voit , avec une pieuse resi- gnation, raccomplissement de I'oeuvre expiatoire qui , depuis la chute originelle , conduit progressiveraent le genre huniaiu vers I'etat de perfectionnenient oii la Providence veut elever (I) Paris ct Geneve, 1830 ; Barhezal. 8 vol, iji-8" ; prix _. 7i Ir. DE M. BALLANClIli. 289 ses destinees. Orphee, la Fille des Expiations, sont autant de paraboles draniatiques de cette vue philosophique. La Pa- linge'ne'sie sociale , dans son ensemble, en offre les develop- peraens theoriques. Enfin, deux volumes de Notes, qui termineront la collection des OEiwres de M. Ballanche , contiendront les rudimens et les preuves historiques de son systeme. Tel sera 1' ensemble de cette publication, qui fait epoque dans les annales de la philosophic, et qui doit concouru- au mouvement des esprits vers une regeneration religieuse. Ahn d'apprecier ces ceuvres, il aurait fallu avoir ele initie de bonne heure a ces profondes meditations qui percent la dure ecorce du monde materiel, pour penetrer jiisquan monde des intelligences et des realites. Telle ne fut point expresse- ment la vocation de Tautenr decet article. II est entierement du peuple, quant a la facuite de meditation. 11 recoit des maitres la philosophic, pour ainsi dire, toute faite; il home ses travaux ordinaires aux applications pratiques des regies de la morale, soil a la vie privee, soit a la vie publique , guide par les lumieres d'une education saine et par I'instinct d'un sens intime qu'il pint a Dieu d'eclairer des lumieres de la raison et de la foi. Ce n'est done point en raison de mon goiit, ou de ma capacite propre, que je me permets d'expo- ser au public les peusees d'un philosophe, que peut-etre je devrais plutot m'appliquer a saisir seulement pour mon pro- fit; c'est uniquement pour obeir au vceu de son amitie, qui eprotive sans doute le besoin de mesurer la portee de ses ecrits sur les diverses natures d'intelligences. Le tome L'^ s'ouvre par une Preface ge'nerale. L'auteur y raconte riiistoire de ses premieres ceuvres , de celles qui ne sont point parvenuesh une maturite definitive. Eleve au mi- lieu des teireurs du siege et de la devastation de Lyon, en 1795, il y puisa le sujet d'une epopee. "Cetle poesie du jeune age, dit-ii, hit pour moi uiic 290 DES OEUVRES pocsie toute fiuiebre et toute terrible. Ainsi je conslruisais dans raveiiir riiistoiifi chi present, conime plus tard je de- vais m'essayer a reconstruire le passe liii-mciue. » Get ou- vrage n'a pas ete imprime, et meme le manuscrit n'existe plus. Tel est aussi le sort d\me Refutation duCoutrat social, qui anuoncait au moins uii elaa en avant de rintelligence de I'auleur, a une epoque 011 les paradoxes brillans du pbilo- sophe de Geneve regnaient presque sans contestation sur les espi'its progrcssifs. Apres avoir aborde les sujets d'Jnes de Castro et de Jeanne d'Arc, qui contiennent , chacun, un nialheur piofond et qui offrent egalement rinnocence iiiisc a nioit , c'est-k-dire toute Taction du systeme pbilosopliique de I'expiation, M. Ballan- che s'arrela sur Antigone. Cette epopee repose sur la suite du luythe dOEdipe leguepar I'antiquite. OEdipe coupable, non conmie dans I'antiquite , en vertu du dognie incomprehensi- ble de la necessite , mais en vertu du systeme providentiel de I'expiation ; OEdipe est console et soutenu par sa fille Anti- gone, type de la victime innocente du sacrifice agreable a Dieu. I^e mot de I'enigme du sphinx , c'est I'homme : « Get etre qui n'a qu'une voix, celle du gemissement; cet elre epheraere dout la vie, toute reniplie d'ameres tristesses, est placee entre deux enfances si courles et si rapprochees , que le tout semble n'avoir que la duree d'un jour. « La maledic- tion qui pese sur OEdipe se prolonge sur ses enfans , et satis- fait "a la juslice divine par la punilion du crime des freres et par rimmolation de leur innoccnle socur. Heraon , fils de Creon , frere de Jocaste , est pareillement atteint par le feu de I'expiation , pour avoir identifie , par I'amour, son ame pure h Tame pure d' Antigone , rejeton fatal de la race devouee. G'est sur cette donnee principale, liee ii la dispute sanglante de la couronne de Thebes, entre Eteocle, Polynice et Greon, dont chaquc personne de la famille royale d'OEdipe lombe successivcraent victime, que roule I'epopcc d'Antigone. DE M. BALLANCHE. 29 1 Parlerons-nous d'un parfum exquis de pure aiitiquile qui s'exhale du poeme? Peut-etre cet eloge Inquietcrait I'anteur, par rapprehensioii de voir accepter, comme oeuvre de poesie , ce qui, dans sa pensee corame en realite, est une oeuvre de philosopliie et de meditation. Le poeine (S^ Antigone j, entre- pris plusieurs annees avant la restauration , fiit publie pour la premiere fois en i81-i, et dedie a la duchesse d'Angou- leme. Quand M. Ballauclie le reproduisait dans la collection de ses ceuvres , cette princesse etait assise au plus haut degre des grandeurs humaines , et rien ne faisait prevoir le memo- rable evenement qui devait sitot precipiter sa famille. Cest alors que M. Ballanche defendait son oeuvre contre des faux- semblans d'ailusion et de louanges. Aujourd'hui il ne re- tracte rien ; il enclierirait sans doute sur les consolations qu'il se plaisait a prodiguer a la piete et aux infortunes de la fille de Louis XVI ; mais le poete repeterait encore aujour- d'hui ce qu'il repelait des lors : qu'il n'a point raconte des malheurs individuels, ou celebre des vertus personnelles ; qu'il a raconte « I'histoire meme de rhomme , I'histoire de ses miseres , de ses faiblesses , de ses courtes et trompeuses felicites , de ses longues douleurs , de ses chagrins amers , de ses tristesses infinies. » L Homme sans nom est un des juges de Louis XVL L'au- teur suppose qu'il a prononce, par lachete, la condamnation de celui que sa conscience jugeait innocent. Dieu permet I'accomplissement du sacrifice de la victirae, comme signal de I'expiation qu'il s'apprete k tirer de la nation francaise. La revolution, dans ses diverses phases d'anarchie, de despo- tisme et de guerre , aceomplit les fleaux de cette expiation (1 ). (1) En laissant exprimer librement dans ce recueil dos opinions el des sen- tinicns qui sont si opposes a ceu\ que nous tenons "a honncur de profcsser , nous croyons faire plus de tolerance pliilosopliique et large que n'en inontre le parti aiiqnel Tautcur de cet article sort ici d'or^anc, et qui 2()2 DES CHiUVRES Cepeiidant I' Homme sans nom, reconcilie avec Dieu p;ir la penitence, iinit sa vie dans une solitude cachee au pied des Alpes. Une e'le'gie dans le gout antique , a roccasion de la mort tragique du dernier due de Berry, continue, apres t Homme sans nom, la pensee systematique d'identifier , pourl'expia- tion conime pour la gloire , la nation francaise et la vieille dy- nastic. Le poete, dans son amour pour la France, dans sa tendresse pour ses conteniporains, proplietise la fin de nos nialheurs et uoti'e reconciliation definitive avec nous-nieraes. Les evenemens n'ont point dementi ses chants , quoique le secret de I'avenir se soit devoile d'uue nianiere tout-a-fait inattendue. Lesbprnes de ce recueil, et la difficulte d'analyser brieve - ment les sujets philosopbiqnes, nous condamnent a noffrir plus qu'une seclie nomenclature des ouvrages contenus dans les volumes suivans de M. Ballanche. Tomell. — Essdi siir les Institutions sociales. Get ecrit, public pour la premiere fois en 1818, est leproduit sans changemens, mais avec quelques additions. Cest une expo- sition du probleme social actuel , en remontant aux principes primitifs de toute sociele , pour etablir la filiation des idees qui lient le nouvel ordre des choses aux traditions anciennes. Le Fieillard et le jeune Homme , imprime pour la premiere fijis en 1819, offie une seconde exposition du meme probleme social, tonjours sur les memes donnees ; mais ici les conse- condamne iin peuplc tout entier, un pcupic place entre toutes les lior- reiirs triinc defaite natioiiale, de Tinvasion, de I'asscrvisscment et la vie d'un iioiiimc , coupable au inoiiis comme roi , si ce n'est conime homme prive. II nous parail qu'cn scniLlablc inatifere , il serait bon d'abandoiincr les lieux coinmuns pocliqucs, ct de nc consultcr que la raison froidc cl calmc ; de juger, en un mot, cetle i;raiidc (jpoqno ot re terrible evcneinciit ronimc Ics jufjera Pliistoirc. N. DL K. BE M. BALLANCHE. J! 9 3 queuces, plus formelleiuent exposees que dans XEssai , re- coivent une application plus directe et plus positive. h'£loge de Camille Jordan, lu en 182 3 devant 1' Academic de Lyon, dont I'auteur est membre, lennine ce deuxieme vo- lume. Tomes III et IV. — lis conticnnent les deux premieres parties d'un Essai sur la Palinge'nesie sociale , on I'auteur a depeint, sous des formes varieeset quelquefois syniboliques, les diverses transformations des societes humaines , "a I'exemple Tie Charles Bonnet , qui avait intitule : Palinge'nesie p/iiloso- phicjue , I'histoire des transformations de I'hommeindividupl. Ce grand ouvrage se compose de quatre parties principales, liees entre elles et progressives , outre des Prole'gomenes ge- neraux et particuliers pour chacuue d' elles; savoir : 1° Or- phe'e, epopee de I'origine sociale ; 2" Formule generate de I'Histoire de tons les Peuples , appliquee k Thistoire du peuple romain ; 3° la J^ille des Expiations ^ epopee de I'a- venir social ; 4° Ele'gie , chant de I'epoque palingenesique , destine a devoiler ses mysteres et a celeb rer ses douleurs. Les Prole'gomenes (!t \ Orphe'e sont contenns seuls dans les tomes III et IV ; le reste paraitra dans les volumes suivans, qui sont sous presse. Apres leur publication , nous pourrons revenir sur I'ensenible de la P alinge'ne'sie sociale. A. M. 294 DES ECOLES PHILOSOPHIQUES Introduction a. l'Histoire universelle, par Michelet, maitre de conferences a I'l'xole normale (I). ETUDESHIST0rLlQUESparJ.-A.I)ECriATEA.UI!Kl.\.ND:/jr(?/rtCC(2). II y a bientot trois siecles qu'une oeuvre terrible de demo- lition s'acconiplit en Europe, et surtout dans notre France. Le vieil edifice de I'autorite politique et religieuse, al'ombre duqiiel s'eleva le nionde moderne, a croule sous de perpe- tuellesattaques , et, depuis Luther jusqu'a nous, chaque an- nee a vu tomber quelque pierre de I'antique et redoute mo- nument : noblesse, eglise , monarchic, toutes ces choses qii'avaient adorees taut de races d'hommes , trois siecles les out brisees comrae de vains hochets. Lcurs debris, qui cou- vrent le sol, paraissent encore insupportables aux vainqueurs; ils les dispersent, ils les broient dans leur colere, et si quel- que imprudent tente parfois de les rassembler, nous savons conunent le geant populaire en fait justice en trois jours. Celte grande revolution sociale etant essentiellement le produit de I'intelligence , le fruit de sa maturite, c'est sur- tout dans le monde des esprits quelle s'est manifestee comme dans son empire et son domaine. Tout ce que la terre avait proclame I'expression de la verite eternelle dans la religion, dans la philosophic ou dans I'art, tout a passe an creuset d'une destructive analyse : tout a ete discute, boule- verse, remis en question. On a nie a Moi'se le genie, a Ho- merc I'existence, a la civilisation elle-meme sa superiorite sur la barbaric. Hatons-nous d'ajouter que de cette anarchic d' opinions, de ce choc d'idees a jailli une eclatante lu- miere : appliquee a toute chose , I'analyse a tout mis a nu ; (1) Paris, avril 1851 ; Hachette, rue Pierre-Sairazin , n" 12. In-8° dc (2) Journal da Dc'lmts , age du pirate dano'is la morgue fe'o- dale du lord^ fib des Normands ; qu'elle soit la nation aristo- cratique , orgucilleuse par excellence, nous Tadmettons faci- lement ; niais nous ne pouvons onblier qu'elle a, la premiere, proclame et scelle de son sang les principes immortels de la liberte politique, qu'elle a donne I'exemple et reveille ses voisins lorsqu'ils dormaient encore de leurlourd sommeil, et qu'elle arrachait a ses rois la grande Charte et les 40 articles d'Edouard II , quand nos peres acbevaient encore leur longue education sous la verge de fer du pouvoir absolu et de I'inquisition religieuse. D'ailleurs il est un pen tard, ctraii- teur le reconnait lui-nieme, pour accuser ce peuplc de se jnouvoir etcrnelleraent dans le cercle d'une aristocratic lie- roi(jue. Lui aussi vient d'cntendre la voix des siecles : il a secoue son antique poussiere ; lejih rohuste du Saxon menace EN HISTOIKE. 3o 1 le fils e'lance du JVormand j el se hasarde a plcines voiles stir cette mer orageuse ou le vaisseau de riiumanite eire depuis 50ans, et cherclie le port qui s'eloigne sanscesse, conirae cette lerre fortunee qui fiiyait aussi devant Colomb, mais qu'avait devinee son genie. Trop severe envers I'Angleterre , quelqne pen vague , et incertain lui-meme dans la description psycliologique de la molle et incertaine Allemagne ^ M. Michelet a esquisse avec un rare bonlieur I'histoire philosophique de deux peu- ples qui lui paraissent lies I'un a I'autre par une invincible similitude d'idees, la France et Tltalie. Pauvre Italic ! avoir un ciel si pur, une terre de delices, un peuple vivace et spi- rituel ; avoir produit Raphael , Dante et Michel-Ange , et trembler sous la canne d'un lourd barbare, d'un Croate ou d'un Hongrois ! Mais YItalie a pen change ^ et cest la sa ruine. Etrangere, par ses raoeurs, a cette feodalite terrible qui a sillonne le reste de I'Europe et depose dans le sol des germes feconds pour I'avenir, elle n'est pas sortie de ses villes ou son genie la retenait : vaincue, mais jamais con- quise par les Germains, elle est restee fidele aux traditions de I'esprit antique; elle a meconnu I'iraportance naturelle des campagnes dans I'ordre politique, et, au jour du peril, ses cites sans lien commun qui les rassemblat, cette Rome, isolee au milieu de ses plaines arides, comme autrefois le temple d'Ammon au desert, n'ont trouve autour d'elles que la soli- tude et I'abandon. En un mot , I'ltalie n a pas de centre ; la France en possede un , et c'est Ta le secret de sa force et de sa grandeur. « La France francaise asu attirer, absorber, iden- tifier les Frances anglaise, allemande, espagnole, dont elle etait environnee. Elle les a neutralisees Tune par I'autre, et converties toutes a sa substance. Elle a amorti la Bretagne par la Normandie, la Franche-Comte par la Bourgogne, par le Languedoc la Guyenne et la Gascogae, par le Dauphine la Provence. Elle a meridionalise le Nord, septentrionalise le 302 DES ECOLES PHILOSOPHIQUES Midi ; a porte au second le genie chevaleresque de la Nor- niandie, de la Lorraine ; au premier la foniie roraaine de la municipalite toulousaine, et I'industrialisme grec de Mar- seille.... Cctte fusion intirae de races constitue I'identiie de notre nation , sa personnalite. >> Cettepuissance d'assirailation, qui fait de la France actuelle I'Etat le plus compact du raonde, est, sans aucun doute, Tin- dice et le gage d'une grande destinee; c'est celte destinee socialequeM. Michelet determine dans son introduction , avec une elevation remarquable d'idees et d' eloquence. C'est la le resume de ces pages pleiues de verve et de talent, oil la pensee se resserre quelquefois sous des forraules un peu trop hasar- dees, mais qui, malgre de legers defauts, laissent dans I'es- prit une impression profonde, et eclairent d'une vive luraiere riiistoire et la tendance de I'humanite. M. de Chateaubriand n'aabordequ'un coin du tableau que M. Michelet a cherche a embrasser tout entier. II ne s'est oc- cupe que de la France; cependant ses idees fondamentales sont egalement applicables aux autres peuples, et son systeme est veritablement europeen. Trois verites sont la base de I'ordre social : la verite reli- gieuse, le christiauisme , cercle qui s' e'tend a mesure que les lumieres etla liberie se de'fehppent ; la verite philosophique, on I'independance de I'esprit de Thomme ; la verite politique , ou la liberte. Le christiauisme ne louche pas & sa ruine, comme le pre- teadent ses ennemis; il subit sa troisieme transformation, cesse d'etre politique , et devient philosophique , sans cesser d'etre divin. II fut, aumoyenage, depositaire des droits des peuples; il leur rend aujourd'hui ce depot, et rentre dans les voies de la primitive eglise, alors qu'il avait a combattre la fausse religion, la fausse morale et les fausses doctrines philosophiques. II est progressif comme I'humanite, se perfec- tionne en meme terns qu'elle, et a travers ses revolutions EN HISTOIRE. 3o3 diverses, reste le but vers lequel elle marche. « L'homrae tend a line perfection indefinie ; il est encore loin d'etre re- monte aux sublimes hauteurs dont les traditions religieuses et primitives de tons les peuples nous apprennent qu'il est descendu ; mais il ne cesse de gravir la pente escarpee de ce Sinai inconnu, au sommet duquel il reverraDieu. » Dans ce systerae, ce n'est done plus la verite politique oil sociale, mais la verite religieuse qui est le but de I'bumanite ; distinc- tion fondamentale entre les deux ecoles que nous avons si- gnalees au commencement de cet article. Mais bien que sur cette question M. de Chateaubriand s'accorde assez avec I'ecole synthetique chretienne , il se rap- proche de I'ecole opposee, en adraettant un christianisme phi- losophique J compatible, par consequent, avec I'exercice de la liberie humaine. Soitdit en passant, nous ne comprenons guere cette nouvelle alliance de mots. Le caractere distinctif du christianisme, c'est I'immutabilite de dogmes, de langage meme, la foi la plus aveugle al'autorite. La philosophic , au contraire, c'est 1' esprit d'examen dans son independance ab- solue. Voilk done une religion , et la plus iraperieuse, la plus immobile de toutes , qui va se soumettre a la discussion, a I'analyse, au changement ; on bien une philosophic qui abjii- rera son privilege essentiel, et se reniera elle-meme. Car ici nous ne voyons pas de transaction possible ; si vous croyez fermement, vous dedaignerez de philosopher; si vous appli- quez Tesprit d'examen "a votre foi, vous cesserez vite de croire, puisque la foi est precisement le sacrifice de la raison a I'autorite : christianisme et libre philosophic , deux choses separees par un abime, et que M. de Chateaubriand semble avoir voulu reunir, seulement pour concilierses vieilles opi- nions avec ses opinions nouvelles. Le meme desir I'a conduit, sans doute, a representer le catholicisrae au moyen age comme intimement uni a la cause des libertes populaires. « Le pape , dit-il , souvent tire des 3o4 DES ECOLES PHILOSOPIIIQUES deriiieres classes sociales, etait le tribun et le maiulataiie des liberies des homines , et c'etait encette qualite de representant d'une verite opprirnee qu'il avail mission de jiiger et de de- poser les rois. Le pciiple s'etail fail pretre, el conscrva, sous ce deguisement, I'usagc etla souverainele de ses droits; cost I'ere politique du cliristianisme , la liberie est chretienn6. » II faiidrait se garder soigneusement de juger les siecles passes avcc nos idees actuelles, qu'ils ne comprenaient pas, el de leur appliquer des mots qui ne reveillaienl alors aucuu sentiment dans les ames. Lepeuple ne s' etait pas fail pretre an moyenage; car ce mot de peuple ne coniprenait precise- ment que le clerge el la noblesse : le reste ne comptait pas. Si quelques individus des classes inferieures parvenaient auxdi- gnites ecclcsiastiques, ilsoubliaient vile le rang obscur d'ouils ctaienlsorlls, el aulieu d'elever leurs conciloyensjusqu'aeux, ils ne chcrchaient qu' a leur jappeler sans cesse la distance qui lesseparait. Lepape n etait pas le mandataire des liberies des liommes , car la liberte, dans le sens ou nous I'entendons aujourd'hui , n'existait pas: il u'y avail que des privileges constilues au profit du petit nombre, et dont, sauf de rares exceptions, la noblesse et le clerge profilaient seuls. Or, ces privileges, toutefois qu'ils voulaient s'etendre et prendre ra- cine dans le sol , trouvalent h Rome de redoutables adversaires. Quand les barons anglais leverent les premiers en Europe I'elendard de la liberie representative , et stipulanl pour eux et aussi pour les bourgeois des villes , mirent un frein au pou- voir royal, ils furent excomniunies ; el, depuis Jean-sans- Terre jusqu'h Edouard III, nous pourrions citer plus de dix bulles dans lesquelles les papes relevaient les rois des sermens pretes a leurs peuples, et s'indignaient de cetle contumace diabolifjue. Les homgcols <\q Flandres, soulcves par Arteveld contre leur comte qui les irabissait, furent frappes des fou- dresromaines, et cependant c'etait Benott XII, pontife indul- gent et pieux, qui porlait alors la liare. Les annales du EN HISTOIRE. 3o5 luoyeii age nous offi'iiaient mille cxemplcs seinblahles , mille preuves de la protection siiiguliere que Rome accordait aux liberies du peiiple. Ne cherchons pas , dans un interet de parti et de polenii- que actaelle , "a travestir I'histoire. Sans doute Teglisea rendu d'immenses services h I'liuinanite : an milieu de la barbaric du moyen age, elle a maiiiteiiu le priucipe de la superiorite de rintelligence sur la force : elle a ete comme I'enveloppe sous laquelle a germe la liberie , cette noble fille de llintelli- gence. Mais elle n'a pas eu conscienc.3 de ce grand bienfait. Quandla liberie a voulu rompre ses liens, I'eglise s'est efforcee de I'y retenir par la violence : elle I'a excommuniee, elle I'a maudite , elle lui a fait payer, par des flots de sang , la pro- tection que , sans le savoir, elle avait pretee a son enfance ; et si elle pent, a un certain titre , se dire sa mere, elle s'est montree mere si cruelle et si jalouse que la liberte peut aujour- d'hui, sans ingi-atitude, reuier cette origine et renoncer a la parente. En general, et nous avons peine "a le dire, les Etudes de M. de Chateaubriand ne nous paraissent pas repondre al'idee que Ton avait concue par avance de ce grand travail. La partie philosophique est pen arretee et quelquefois discor- dante ; la partie historique n'est pas nouvelle et n'avancera guere la science (1 ). Ainsi , que vent dire I'illustrc auteur par ces quatre monarchies qui se succedent en France, de Hugues- Capet a. Louis XVI : « monarchie feodale ou de la grande pairie, monarchic des Etats, monarchie parlementaire dans les intermissions des Etats, et monarchie absolue. » Pour avoir fait une courte et sanglante apparition pendant la capti- vlte du roi Jean , a une epoque de desordre et de confusion (1) Nous n^eiUcndonsparlcr ici que de VHistoire 0() UNE ANNEE liation , de peur; cette malheureuse est escortee par d'impas- sibles alguazils, entouree d'unpeuple feroce dont ouentend les cris ; ces houches insultent , ces poings menaccnt , ce lire est line fureur religieuse : // nj a yoint eu de remede , dit traiiquilleinent le peintre , et Ton frissonne en songeant au pays oil le meilleur inoycii de conviction est le biicher. Si Goya peint les moities, I'oisivete, I'ignorance et les pas- sions brutales et physiques qu'elles trainent a leur suite amo- lissent, emoussent chaque trait. C'estla goiinnandise qui fait clignoter les yeux de ce vieillard qui, avaiicant ses levres ser- rees, savourant, sirotant le breuvage exquis, dit, enpressant tendrement son \ei're : personne iie nous a vus! Et quand I'admirable moraliste s'en prend aux inoeurs , ce ne sont pas les basquines elegantes, les pieds delicats, les formes attrayan- tes seules qu'il peint ; ces ornemens , jouets frivoles ; ces dons , gracieuses parures de la vie , il les montre souilles , empoison- nes par le vice , et lui servant d'instrument. C'est le buste at- tife et pare d' line belle ferame , entoure d'etourneanx "a visages masculins, a physionomie etourdie et hebetee; ce buste est place comme appeaii, et sert d'enseigne a une maison. Dans la planche suivante , Tinterieur de cette demeure s'ou- vre : la des ferames fletries, debraillees, chassent et jettent a la porte , k grands coups de balai , les raalheureux etoiir- neaux plumes, qui, « trainant I'aile , tiraut le pied, » nus et frisonnans, roulent et se culbutent sous Tinflexible bouleau. Une des compositions de Goya qui m'ont le plus frappe represente une charmante fille : une robe legere dessine sa taille ; elle est assise sur un tabouret ; une fernine de chambre peigne , avec une sorte de volupte, de co- quetterie, les longs cheveux noirs de la jeune beaute , qui vient de laver un de ses pieds delicats dans une aiguiere , el etale aux yeux sa fine jambe nue. Devant elle est accroupie luie vieille ridee ; I'avarice a plisse tons ses trails ; elle serre dans sa main son chapelet a gros grains , et regarde avec une EN ESPAGNE. 33 I convoitise intense les beautes siir lesquelles elle speciile. Ruego por ella ( je prie pour elle ), dit la duegne ; et elle consacre la prostitution parlapriere , tandis que la jeune fille conserve quelque dignite , quelque fierte dans sa figure et sa tenue, comme si sa beaute et son insouciance pouvaient purifier tout. Je me suis bien ecarte de Slidell et de son voyage ; uiais c'etaitpourentrer plus profondement dans les mceurs du pays, qu'iln'afaitqu'entrevoir, etdont Francisco Goya yLucientes tient les clefs. C'est im royaurae mysterieux dans lequel ce dernier nous ouvre, presque a chaque dessin, d'iuimenses vues; et peut-etre un jour reviendrai-je surToeuvre dupeintre espa- guol et sur sa patrie , si curieuse, si incounue , etqu'on n'a- borde pas sans desirer y revenir. Jcl M. III. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. LIVRES ETRANGERS. AMERIQUE SEPTENTRIONATJv ETATS-U!\IS. ■J I . — Oration on the advantages to be derived from the introduction of sacred literature , etc. - Discours sur les avan- tages qui rc'siillciaient derc'tudc de la litterature sacre'e ct de la Bible dans les dil'fe'rentes parlies de re'ducation ; par Thomas S. Guimke. New-Heaven , i83o. lu-B" de -jG pages. Ce discours a ete' prononce', an mois de septemhre i83o , devant un corps savant de I'e'tat de Connecticut. II renferme un grand nom. bre de remarques judicieuscs sur un sujet inte'rcssant et trop pen connu. Conime la plupart de nos lecteurs n'auront sans doutc pas I'occasion de le lire , nous croyons que le meilleur nioyen d'en rcndre compte est d'en presenter une analyse rapide et substantielle. Les e'crivains de la Grece et de Rome se sont particulierement applique's a pelndre des passions energiques et indomptables j ils se proposaient raremcnt de concounr au pcrfectionuemcnl moral de rhoinme et aux progres inlellcctuels de la socie'te' : ils voulaient plaire plutot qu'instruire. Ccpendant Ic veritable but de la littera- ture, dans sa plus haute expression, doit ecrc d e'clairer et d'amc- lioi'er I'espece humaine, d'examiner les relations qui existent cntie Dieu et I'homme, entre le terns el retcrnile j de produiro dehaules pense'es , des afleclions pures , de ge'ne'reux sentimens , une volonte forte ct de sublimes csperances. Or, tel est le caractcre essenliel que I ETATS-UNIS 333 Ton remaique dans la litterature sacre'e , quand on rctiidie chez les diffe'rcns ccrivains de la Bible. EUe envisage le passe et le present dausleurs rapports avee le perfcclionnement de I'avenir; elle consi- dere dans I'liomme nou-seulement ce qui est , mais cc qui pourrait etre par les progres de I'intelligence et de la moralite. Elle est done bien supe'rieure aux litte'ratures grecque et romaine sous le principal point de vue de toute production de I'esprit huraain , c'est-a-dire par son influence sur le devcloppcraent intellectuel et moral dcs hommes. Le style de I'l^criture est surtout remarquable comme expression de la pensee. Les formes n'y tiennent qu'une place secondaire ; la ve'rite les cmprunte , non pour se deguiser ou se farder, mais pour se montrer dans loulc sa force et sa beaute naturelle. La recherche des alliances de mots , le style maniere , I'affectation de produire de I'effet par la tournure des phrases plutot que par la justesse des idees, tous ces de'fauts qui se rencontrent frequemment dans les lit- teratures anciennes n'existcnt point dans la litterature sacre'e. Dieu parle aux hommes dans la Bible, comme dans la natuie, avec une e'nergique et majestucuse simplicity. Un autre genre de supe'riorite non moins remarquable, e'est I'an- ticjuite de I'ficriture sainte. Le Pentalcuque renferme plusieurs can- tiques,revetus d'une sublime poe'sie, qui ont ete' ecrits cinq cent cin- quante ans avant le siecle d'Homere; et il pre'sente des modeles de style historique traces raille ans ayant He'rodole. Le livre de Job , dont les poetes n'ont pas encore egale la sublimite , remonte au meme age que ceux de Moise , ou peut-etre meme encore plus haut. L'auteur des Psaumes e'tait contemporain de I'auteur de I'lliade. Et c'est un spectacle e'tonnant, qui ne s'est montre' qu'une fois dans les fastes de I'espece humaine, que, pendant une pe'riodede quinze cents ans, depuis Moise jusqu'a Malachie, malgre de nombreux change- mens politiques et plusieurs invasions e'trangeres, au milieu d'ef- froyables catastrophes qui arrachaient tout un peuple du pays de ses ancetres , la litte'rature sacre'e ait toujours conserve , sous la plume de trente e'crivains, la meme simplicite et la meme force de style, la meme grandeur de pensee , la meme purete de morale , la meme profondeur de sentiment, la meme hauteur de ge'nie qui la distingue de toute autre litterature. 334 LIVRES ETRANGERS, Malheureusement la Bible , qui aurait offert des richcsses inepui- sablcs aiix oratcurs , aux poetes, aiix pliilosoplics, aux moralistcs , ot mcme aux sculptcurs et aux pcintrcs, n'a exeicc qu'unc mediocre influence sur les travaux litte'raires dc I'Europe modeine , parcc qu'elle a e'le ge'ne'ralement bannie des e'coles et du cabinet des bom- mes de lettrcs. Les peres de I'Eglise eux-memes scmblent avoir cherchc' des inspirations cbez les ecrivains de la Grecc et de Rome plutot que chcz les ecrivains inspires. Chrysostomeavaitconstamment un exemplaire d'Aristophane sous son oreillerj ct Bossuet tenait riliade ouverte sur sa table lorsqu'il composait ses Oraisons fuue- bres. Quelques productions du piemier ordre nous montrent ccpen- dant quelle source fe'conde la Bible pouvait ouvrir aux bommcs supe'rieurs. Le Paradis perdu de Milton , YAthalie de Racine , les Cantiques sacres de J.-B. Rousseau, etd'autrcs ouvragesdu meme genre, sont d'impe'rissables monumens des bautes inspirations pui- se'es dans les saintes ficritures. L'histoire de la renaissance des lettres nous cxplique cctte espece de proscription prononce'e contre la Bible. Depuis le siecle de Pe- trarque jusqu'a celui de Luther, il n'y eut en Europe qu'une seule Eglise, puissance despotique et a vues e'troites, qui ne tole'rait d'autre science qu'une scolastique obscure, ergoteuse et servile. D'ailleurs cette Eglise avait pour principe de restreindre I'ctude de la Bible , parce qu'elle craignait I'influence de sa parole , qui aurait convaincu le pouvoir sacerdotal d' avoir corrompu le cbristianisme. Une autre cause du fait que nous examinons se trouve dans rimpulsion donne'e aux esprits par la litte'rature provencale. Si les troubadours avaient eu un caractere serieux et moral dans leuis pi'oductions , ils auraient sans doute imprime une autre tendance au re'veil du moyen age; mais ils se tornerent a revetir de couleurs brillantes une pocsie sans profondeur et sans enthousiasme , une poesie de contes , de satires et dc madrigaux. On appelait avec raison cette litte'rature abatardie la gaie science, car elle amusait (pielques jeunes lilies de chateaux; raais elle ne pouvait rien pour peifectionner les plus nobles faculte's dc I'esprit humain. Observ^ons encore que les emigre's de Constanti- nople , qui haterent le renaissance des lettres , sortaient d'unc Eglise de'gradc'e et supcrstiticuse (|ui n'e'tudiait plus la Bible , ct qu'ils ETATS UNIS. 335 vinrent dans I'ltalic, tenc d'inquisition , oil ils auraient cpronve'Ie sort de Galilee s'ils avaient attaquc les vieilles usurpations dc I'Eglise romainc. Quant aux reforraateurs , ils employerent la Bible comrae iin Icvier dogmatique et non comme iin moyen de culture litleraire. Dc toutcs ces causes est venu le de'dain presque general de la litte'ra- ture sacre'e. Uu pareil e'tat de choses a I'e'gard de la Bible produit de graves inconve'niens. La jeunesse qui sort de nos colleges connait les fables mythologiques beaucoup mieux que les ve'rites revele'es ; elle disserte- lait facilcment sur toutes les aventures scandaleuses de Jupiter , et elle ignore les augustes bienfaits de Jesus-Christ. II faut aussi attri- buer a ce de'dain de la Bible les ide'es fausses que la plupart de nos liorames de lettres et meme de nos savans se forment sur le chris- tianismc. On a entendu des professeurs distingue's qui , appcle's a parler de I'Evangile , deljitaient gravement sur ce sujet les hypo- theses les plus ridicules , qui faisaient peine et pitie a tout homme qui a lu quelques pages des saintcs Ecritures. Et ce qui afflige plus que tout le reste les amis de I'humanite' , c est que 1' opinion publi- que, confondant des superstitions et des pratiques monacales avec les enseignemens du code sacre , vicnt a me'priser une religion qui serait environne'e de respects unaniraes si elle e'tait moins imparfaitement connue. Que Ton place done la Bible cntre les mains de la jeunesse des e'colesi qu'elle serve de texte et de guide a de savantes Icfons! la litterature en deviendra plus grave et plus utile , paice que les es- prits deviendront eux-memes plus se'rieux. On puisera dans le code sacre' des beaute's encore inconnues aux litte'ratures modcrnes. La pense'e se rajeunira a cette source antique que Ton a trop oublie'e , et qui peut donncr une vie nouvelle aux productions de I'intelli- gence humaine. La Bible , adoptee dans I'e'ducation comme objet d'une etude approfondie , sera I'un des plus puissans moyens de donner une haute impulsion aux esprits de I'e'poque actuelle. G. DE F. 7'^. — Rules for the house of reformation, etc. — Re'gle- ment pour la maison dc refoime destine'e aux jeunes gens a Boston , par£.-j1f.-P.WELi,s. Boston, i83a; Eastburn. In-8" dc iH pages. 336 LIVRES ETRANGERS. 73- — By-Laws of the Massachussetts general hospital, etc. — Statuts ft rcgleiuens pour I'hopital general de Massaclmsselts. adoptc's par le coiuite dcs direct ciirs. Boston, i83o. In - 8" dc •>.8 2)ages. 74- — Constitution of the Massachussetts charitable mecha- nic association , etc. ~ Reglement consultatif de Tassociation dc charitc des artisans dc Massachussetts . Boston , iS'^g; John-Cotton. In-8" de 3o pages. 75. — ^ brief analysis of the sj stem of the American Bible society, etc. — Courte analyse du systeme de la Socie'tc biblique .uue'ricaine , renfermant une exposition de'taille'e de ses principes et de ses operations. New-York, i83o; Daniel Fanshaw. In-8" de VII- 1 4o pages. EUROPE. GRAIVDE-BRETAGIVE. 76. — Thoughts on Man, — Pensees surrhomme, sa nature, ses productions et ses de'couvertes , entremele'es de quelques particu- larite's sur I'auteur; par fVilliam Godwin. Londres, 1 83 1; Wilson. In-8" de 47 I pages. « Vadevant , et je te suivrai partout , » a dit Godwin a la ve'rite. II n'admet ricn par I'unique raison que cela est vieux, ne rejelte rienpar I'unique motif que c'est uouveau et surprenant. Pleiii de I'ide'e qu'il a eii mission de la nature d'eclairer I'homme sur la voie oil il est appele a marcher, de lui montrer tous ses devoirs et tout son avenir dans la religion naturelle , dont les principes furent im- plante's dans le fond dechaque ame, coinme les semenccs dans la terre j)0ur germcr , il voulut d'abord, dans ia ferveur de la jeunesse, rem- plir cetle mission a I'aide d' une controverse continuelle et d'une ac- tivite sans relache. « Fret a dire au prochain tout ce qu'il peut etre avantageux pour lui de savoir, avocat sincere et ze'le' de tout me'- rite absent ; contribuant de tous ses moyens a I'amelioration des au- tres et a la defense des ve'rite's salutaires , » il voulait que chaque heure de sa vie fut mise a profit. II s'est lasse : car son caractere GRANDE-BRETAGNE. 337 elait abstrait et contemplatif. Mais en revenant avec I'age aux dispo- sitions meditatives et solitaires qui lui e'taient naturelles , il n'a rien perdu de son Lrulant amour pour I'liumanite , et en donne dans I'ou- vrage que nous annoncons une preuve nouvelle. Ad. M. nn. — The law Magazine , or Quarterly Review of Juris- prudence. — Magasin de Droit, ou Revue trimestrielle de la Ju- risprudence. II'"^ nume'ro , Londres , Janvier i83i. In-8° de 265 pages. Ce n'est que depuis pen d'anne'es que les jurisconsultes anglais ont franclii les homes de la pratique et dc la routine pour suivre la carriere plus etendue que leur ouvrent I'histoire et la philosophie du droit. Parmi ceux qui les premiers ont attire sur leurs ouvrages i'attention ge'nerale , il faut nomraer feu M. James Humphreys; car on sait que le savant Bentham est loin d'exercer parmi ses compatriotcs autant d' influence et d'autorite que sur le continent. M. Humphreys publia , en i8a6, sous ce litre : Observations on the English laws of property , nn ouvrage dans lequel il at- taqua le systeme entier de la jurisprudence anglaise , qu'il proposa de remplacer par un code forme a I'instar du Code Napoleon et de celui des Pays-Bas. Le dernier nume'ro du Law Magazine , que nous avons sous nos yeux , nous apprend que cet ouvrage de I'avocat anglais fut projetc, il y a presque trente ans , d'apres les conseils et avec I'aveu du ce'lebre Charles-James Fox. Parmi les ennemis de la codification , on distingue M. Cooper , I'auteur des Lettres sur la Cour de Chancellerie , ouvrage dont nous avons I'endu compte , M. Park , qii'on vieut de nommer professeur an King's college de Londres, et le savant re'dacteur du Law Magazine. Ces juriscon- sultes, bien qu'ils nient I'avantage de la codification propose'e par M. Humphreys, admettent cependant la ne'cessite d'une re'forme dans le systeme actuel du droit anglais, car I'opinion publique est presque unanime sur ce point, surtout depuis que M. Brougham, actuellementlord chancelier, prononca, en 18118, son ce'lebre discours sur les vices des lois et du systeme judiciaire en Angleterre , et sur la necessite de les reformer. Depuis lors le gouvernement , ce'dant au vceu general , a cre'e deux commissions compose'es des avocats les plus e'minens du barreau anglais, qii'on a charge'es deconstaterlcs 338 LIVRES ETRANGEBS. vices les plus graves du syti'ine nctuel, et de faire connaifre les ineilleurs moyens a employer pour son amelioration. C'est depuis C'i tems aussi que I'attention publique s'cst porte'c Ic plus vivement vers le meme objet, et que les gens du metier ont suivi avec cmpres- sement les discussions qu'aexcite'esde tous cote's le projet dc re'forme. C est pre'cise'mcnt dans ces circonstances favorables qu'a paru le premier nuinc'ro du Laiv Magazine. Le Jurist, dont le premier nu- me'ro parut a pen prcs vers le meme tems, el qui a joui d'un assez grand succes sur le continent , n'en obtint que tres-peu en Angle- terre , soit qu'il se montrat trop hardi dans ses plans de rc'forine , soitqu'il clioisitmal le sujet de ses dissertations. II n'en a e'te public que six numeros , dont le dernier porte la date de juin tS.f.g. Le re'dacteur du Law Magazine a su e'viter, avec beaucoup d'a- dresse, I'e'cueil sur lequel son concurrent avait e'choue. Le premier nume'ro, de ce recueil ne contient que des articles surTc'tat actuel de la legislation anglaise. II a ose porter ses regards plus loin des le second nurae'ro, qui contient une comparaison raisonne'e entre le sys- leme judiciaire de la France et celui de I'Angleterrc , et le troisieme une histoire assez e'tendue de notre Code de procedure. Toutes les propositions de re'fonnes , qu'ellcs e'manenl du gouvcr- nement on des individus , y sont publie'es et discute'es. On a soin de faire conuaitre les differens rapports des commissions dont nous avons parle' tout a I'lieure 5 et comme ces rapports contiennent les opinions des hommes les plus marquans du barrcau anglais sur les questions que leur soumettent les commissions , on y trouve un re- sume assez complet de tout ce que Ton fait et pense en Angleterre au sujet du droit. Nous avoiis remarque avec peine que les onze numeros du Law Magazine ne contiennent qu'un seul article sur le droit romain. L'auteur de cet article dcmpntre lui-meme dans quel etat de deca- dence cette etude se trouve en Angleterre , et combien quelques pre- jugc's politiques y ont contribue. Nous sommes lieureux de pouvoir communiquer a nos Iccteurs , au risque peut-ctre de comniettrc une indiscretion, les noms des prin- cipaux rc'dacteurs de ce recueil , qui restent anonymes comme dans la plujiart des publications pc'riodiqucs de la Grande-Bretagne. Le 1 GRANDE-BRETAGNE. SSp redacteur en chef, qui est aussi auteur do la plupart dps disserta- tions sur le droit continental et sur les travaux des commissions pour la rc'forme legale, et en general de tous les articles signe's de la lettre H . est M. A. Hyward , membre distingue' du barreau anglais , qui annonce une traduction de la brochure ce'lebre de Savi- gny sur la codification. La se'rie des articles sur le droit commercial est I'ouvrage de M. Horace Lloyd , redacteur d'un recueil pe'rio- dique d'arrets relatifs au meme sujet. M. Plunkef-Burk , auteur distingue de YEssai sur VHistoire du Droit romain , est celui a qui Ton doit le seul article sur ce sujet que Ton trouve dans le Magazine , ainsi que de quelques morceaux brillans sur la vie des jurisconsultes anglais. M. Shapland-Stock a e'crit des articles sur la jurisprudence mc'dicale. MM. Hcrvey Cary et Park coope'rent aussi a la redaction de cet ouvrage. M. Cooper y communique e'ga- lement des documcns et des mate'riaux importans , corame tout ce qui sort de la plume de cc savant de'voue a I'ctude des legislations de tous les tems et de tous les peuples. •]8. — Three lectures on the cost of obtaining money, etc. — Trois lecons sur cc qu'il en coilte pour obtenir de 1' argent , et sur quelques effets du papier-monnaie e'mis , soit par des particuliers, soil par un gouvernement; extrait du cours d' economic politique fait a runiversitc d' Oxford en iS'JQ ; par M. Nassau-William, Senior. Londres, i83o; John Murray. In-8" de io3 pages. M. Senior public ces Icfons pour se conformer aux statuts univer- sitaires qui imposent aux professeurs d' economic politique I'obliga- tion de |.ublier chaque anne'e une des lecons de leurs cours. « L'accomplissement de ce devoir obtiendra, je I'espere, quelque in- dulgence pour un fragment de'tache et nc'cessairement irapaifait dans I'e'tatd'isolement ou je le presente.» Feu de lecteurs remarqueront ces imperfections , et d'ailleurs le sujet est beaucoup trop vaste pour etre traite' comple'teraent dans un opuscule d'une centaine de pages. Le profpsseur n'a done pu c'tablir qu'un petit nombre de ve'rite's. M. Senior prc'fcre les banques particulieres a celles des gouverne- mens; il est conduit a ce re'sultat en discutant les donne'es que lui fournissent MM. James Stewart, Macpherson, A. Thiers, Storch , Say. Mais quelle que soit I'origine de ce moyen de 34t) LIVRES ETRANGERS. finance, le professeur n'en redoute point les fluctuations, la haiissc ou la baisse , et il ctablit par une serie de fails (|ue I'extreuic depre- ciation de ce papier n'amene pas une crise politique, ou qu'il n'a pas encore produit cet effet. Ses raisonncmens ne nous semblent pas tout-a-fait convaincans. X. 79. — State papers published under the authority' of his ma- jesty's commission. — Papiers d'Etat publics par I'autorisation de la coinunssion cre'e'e parsa majeste. 1'^ et -i*^ partie : Roi Henry VIII. Londres, i83i ; Murray. In-Zf". 80. — The Life of archbishop Cranmer. — La \'ie de I'arclie- veque Cuanmer ; par le re've'rend Henry John Todd. Londres , i83i ; Rivingtons. 2 vol. in-8". Ce n'est qu'en i8a5 qu'a e'te' cre'e'e la commission qui Aient dcpti- blier ces documens. Jusqu'ici un grand de'sordre avait re'gne dans les archives de I'Etat, malgre les commissions qui se succe'derent les unes aux autrcs depuis la premiere , qui date de 1 5';8. Ijcs plus pre'cienses collections, dans cet inters^alle , sont dues a sir Robert Collon sous Jacques I"^^, et a Joseph Willamson sous Charles II , et sont de'pose'es , la premiere aumuse'e Britannique, la deuxiemeau bureau dcs papiers de I'Etat C'est de ces sources et d'autres qu'ont e'te' lire'es les pieces trcs-inte'ressantes mises aujourd'hui sous les yeux du public. Ce volume se compose des corrcspondances du roi Heniy avec le cardinal Wolsey , avec ses autres ministres , avec ses ambassadeurs ; des rapports e'crits d' Angleterre et d'Irlande , et d'un choix habilement fait d'autres documens. Wolsey, Cranmer, ces deux chefs des e'glises rivales, sedessinent la de la facon la plus ac- centue'e, la plus curieuse, I'un voulant faire servir les vices du monarque a sa propre elevation , 1' autre employant le meme mobile pour arriver au triomphe de ses idees , tous deux , quelle que soit la diversite des jugemens que les partis porterent sur cux, tous deux bas et criminels ; car il l;uit juger de I'homme , quoi qu'ou en puisse dire, sur les moyens qu'il einploie et non sur le but oil il veut ar- river ; chacun de nous sait ce qu'il fait , mais nul ne sail oil il va. Les actions, les paroles de la reine Catherine , consignees dans les proces-vcrbaux de son memorable proces, sont d'une dignite calme et noble qui repose et qui excite une admiration d'autant plus GHATS DE-BRET AGNE. 34 I sentie , que la corruption de cette com- hypocrite et corrompue est mise a jour avec plus d'impudeur. On dirait que Shakespeare avait eu connaissance de plusieurs des pieces de ce recueil ; car, dans les pcrsonnages de I'histoire , on retrouve trait pour trait les acteurs de son drame. La Vie de Cranmer est tire'e en partie des memes sources que les State papers ; mais les explications du reVe'rend John Todd y sont ajoute'es : il justifie le protege' et protecteiir d'Anne de Boleyn , et , en d'autres termes , I'anglican dirait presque comme le je'suite , que « la fin justifie les moyens. » Une lettre e'crite au roi en faveur dc la raalheureuse Anne par I'archeveque , et que M.Todd cite en entier, est tres-remarquable : elle peint a elle seule le caractere de I'e'cri- vain et celui du tyran auquel elle est adresse'e. Sous ces precautions oratoireset puritaincs, il y a un tremblement, un effroi, qui cepen- dant s'ennoblisscnt un pen quand on songe qu'ils ne sont pas tout-,'i- fait personnels. 8i . — ^ selection from the papers of the earls ofMarchmonl. — Choix de papiers des comtes deMARCHMONx, en la possession dc sir Georges Henry Rose, servant d'c'claircissement a I'histoire des e've'nemens qui se sont passes de i685 a 1750. Londres , i83i ; Murray 3 vol. in-S". 8a. — Illustrations of the Literary History. — Eclaircisse- mens sur I'histoire littc'raire du dix-huitieme siecle : Me'nloires au- thentiques, lettres originalesdepersonnages e'minens, faisantsuite aux anecdotes litte'raires ; par John Nichols. Londres , i83i. S. B. Nichols et fils, G^vol. in-8». 83. — The correspondence of the right honorable sir John Sinclair, bart. — Correspondance de sir John Sinclair, baron- net , suivie de ses souvenirs sur les hommes les plus distingue's qui ont paru en Angleterre et a I'e'tranger dans ces soixante dernieres anne'es , enrichie de fac simile de deux cents autographes. Londres , i83i ; Colburn et Bcntley. •! vol. in-8". On demande aujourd'hui a la succession de chaque homine sa biographic, celle du pere et de Taieul. Chaque individu, persuade' de I'importance de ses raoindres mouvemens , les consigne jour par jour dans son diary , et le degoiit de la lecture des mcmoires , des 342 LIVHES KTRANGEHS. anecdotes , doit nailre nccessaiicinent de ce deluge de dociiinens in- signiiians. Le premier comtc de Marchinont, sir Patrick Hume , se distingua ])ar une violentc opposition contre les Stuarts, cpii lui valut les fa- vcurs de Guillaume et la pairie d'Ecosse. Son fds, comme lui pair et vicomte de Polwartli, provoqua I'union. Le journal quotidien, tenu par le troisieme et dernier comte de Marchmont, remplit le premier dcs volumes que nous annoncons. Aussi ennuyeux que celui dc Dan- geau, ilest, pour nous, moins curieux : les ])etitesses et les intrigues ^e I'aristocratie et de la cour d'Angleterre nous offrant moins d'in- te'ret que celles dont notre revolution ( be'nissons-la malgre scs mal- heurs et ses cruaute's), a coupe' le cours, etdontnous lisons I'bistoire avcc un soupir dc soulagcment. Des lettrcs de Bolingbroke, de Pope, de Sarah , duchesse de Marlborough et de nombre d'aiitres , n'ajou- tent pas beaucoup d'inte'ret a cette publication j la forme empor- tant presque toujours le fond dans ces correspondances ou Ton e'crit pour e'ciire. C'est un sixieme volume que donne M. Nichols; et an pen d'impoi- tance des divers persounages , petits auteurs , petits pre'lats , petits ministres dont il enregistre les actes et les ecrits, on ne voit guere comment son recueil aura une fin. De ces gens-la, de ces anecdotes- la , de ces dires-la , il y en aura toujours : mais toutes les biogra- phies de la terre ne feront rien pour leur ce'lebrite, la poussiere dcs bibliolheques est un paisible tombeau. Les anecdotes de sir John Sinclair ne sont pas neuves; les re'par- ties du grand Frederic , battu plus d'une fois dans ce genre d'es- crime , sont une mine epuise'e ; la petite monnaie qui en est sortie a perdu toute empreinte. Sir John est de ces esprits me'diocres, capa- bles d'un mouvement egal et continu , qui rangent et classent les ide'es des autres, et dont la tete, faite comme leur bibliotheque , n'a partout que cases bien re'gulieres et bien nettes. La banna- lite ( qu'on nous passe le mot ) dc ses remarques sous les nume'ros I , •}., 3, 4^ etc. est quelque chose de curicux. Nous citcrons cette derniere maxime,dont il nous semble qu'on fait journellemcnt I'ap- plication : « 4" Personal decorations , decorations personncUes. II n'y a rien a objecter a ces distinctions quand elles sont accordces avcc GRANDE- BRETAGNE. 343 discernementj surlout a raison de ce qu'elles mcuicnt avcc la pei- sonne a laquelle elles ont etc originairement conferees : c'est une maniere economique de recompenser les services publics. » 84. — Destiny, orthe Chief s Daughter. — La Destine'e, ou la Fille du Chef, par rauteurdu Mariage. £dimbouig. i.83i j Caddel. Londres, Whittaker ct compagnie. 3 vol. in-8". 85. _ Sketches of Irish character. — Esquisses du caractere irlandais; seconde serie; par M. Hall. Londies, i83i; Westley ct Davies. In-S". 86. — Lucius Carey, etc. — Lucius Carey, ou la Femmc mys- te'rieuse de la caverne dc Mora , conte historique. Douvres, i83i,- NewTnan et compagnie. 4 vol. in-8". 87. — The King's secret. — Le Secret du roi , par I'auteur de The Lost Heir. Londres, i83ij Bull. 3 vol. in-8'». 88. — Aliheg the Tempter. — Alibegfle Tentateur, conte e'trangeetmerveilienx;par JVilliam Child Green. Londres, i83i; Newman et compagnie. 4 vol. in-8". 89.— jBogZe Corbett. — Bogle Corbett,oulesfimigrans,par John Galt. Esq. Londres, i83i ; Colburn et Benlley. 3 vol. in-ia. La Destine'e, ou la Fille du Chef, est de miss Ferriar, dont le pre- mier ouvrage a e'te loue par Walter Scott. Get e'loge entrainait une popularite' que cette nouvelle production n'a pas entierement justi- lie'e. Remanier du Walter Scott est chose peu facile; plus d'un ro- mancier, en Angleterre et en France, I'ont prouve. Guy Mannering (I'Astrologuc) est le modele que la dame ecossaise a suivi : elle en a pris quelques e've'nemens , quelques cai-acteres ; raais la seve , la vie se perdent dans ces imitations. II y a pourtant un talent dans cet ou- vrage (dont, pour le dire en passant, le titre n'a rien de commun avec le sujet), celui d'esquisser avec grace, et de de'velopper, dans des conversations amusantes quoiqii'un peu longues , des caracteres pris dans la vie commune. De la facilite' de style, de lasouplesse d'imajrination auraient conduit mademoiselle Ferriar sur les traces demiss Burnett et de la derniere ecole, si le ge'ant e'cossais, avec son plaid et sa claymore, n' entrainait apres lui toute la litte'rature dc nos jours. 344 LITRES ETJIANGERS. La seconde se'rie d'Esijuisses Irlandaises tient tout ce que pro- mettait la premiere : le dialogue est plein dc la piquantc originalitc qui distingue ce peu])le si oppriine'; les singularite's de caractere et de dialogue aiguisent la curiosile' jamais rassasie'e du lectcur; ct les de'fauts du paysan irlandais , sa ruse , son insouciance , ses acces de passion , son incurie ( car il vit au jour le jour celui qui n'a pas d'avenir ) sont peints'de couleurs vives et vraies par une main amie qui clicrclie a guerir, montre la plaic et ne I'e'largit pas. Que dire de Lucius Carey, oeuvre aussi d'un des fils de I'llc Verte? Ce conte est de'die' a M. O'Connel, et les eve'nemens extraor- dinaires que I'imagination de I'auteur y a entasse's protestcnt contre I'e'pithete d'historique dont il a gratilie son ouvrage. Dans le Secret du Roi, M. Power nous reporte au milieu des tournois et des joiltcs, et au tems d'Edouard III. Son lie'ros, frere de ce prince, est Ills naturel de lareine Isabelle , et c'esl la le secret du roman. L'auteur n'a pas peint le quatorzieme sieclc avcc cette surete' dc pinceau, cette vivacite' de touche a laquelle l'auteur de Waverlcy nous a accoutume's; mais il a des re'cits d' amour pour les belles, de combats pour les braves , de processions , dc couvens, de ceremonies pour les antiquaires etles deVots ; et enfin, force ban- quets pour raniraer les souvenirs des ventrus. Nous n'avons pas grand'chose a dire d'AIibcg, de M. Child Green, cpnte oriental et fantastique ; mais nous appellerons I'atten- tion des lecteurs sur Bogle Gobbet. La partie romanesque de cet ou- vrage se sent beaucoup de la lecture de Sterne; cette observation de notre part est une critique. II n'y a d'imitation tolerable que celle qui fait oublier I'original. Alors ce n'est plus une copic qui marque la faiblesse de l'auteur, force' de s'appuyer sur un autre; c'cst un vol, louable comme ceux de Spartc, car la socie'te en profite , ct personue ne I'a vu commettre. Ce qu'il y a de ve'ritablement inte'ressant et remarquable dans Bogle Gobbet, ce sont les observations de M. Gait sur Temigration. II se plaint avec raison que dans un pays comme I'Angleterre, ou I'accroissement d'une population affame'e par I'ine'- gale repartition des biens est continucl , et ne pent trouver de re- raedes que dans une fre'quente et nombreuse exportation d'hommes , il n'y ait aucun moyen de se procurer des renseignrrnons sur les en- GRANDE-BRETAGNE. ALLEMAGNE. S/jS lollies. II demaudc qu'on e'tablisse un bureau a cet effetou Ton trou- vcrait des informations precises , et dcs facilites pour passer dans les colonics et s'y fixer. Le tableau qu'offrc M. Gait d'lni nouvel e'ta- blissement au Canada, et des difficulte's qu'oppose au fondatcur I'es- prit remuant des colons, est d'une grande ve'rite , ct Ics observations del'auteur sont pleines d' exactitude et de profondeur. Ad. M. ALLEMAGNE. go. — Die universal und juristisch politische Ency elope - die, etc. — Encyclopedic et mc'thodologic uniYcrselle; par Charles- Theodore Welker. Tome I. Stuttgart, i8-2g-i83o. In-S". Nous ne reproduisons pas le premier titre ; nous renoncons luemc a le traduire : il ne s'agit de rien moins rpie d'un systemc general de legislation , de di'oit naturel , de droit public , tant en cc qui con- cerne Rome ancienne que sous le rapport des institutions de I'Allc- magne , etc. etc. , le tout enchaine' dans un chapelet d'adjectifs dont se tirerait difficilement une oreilleou ime intelligence francaise. Mais on serait blamable de se laisser ainsi rebuter; on se privcrait, en effet, de la connaissance de vues tres-profondes et tres - philosophi- ques. Le but que I'auteur parait s'etre propose' est de recherchcr dans la conscience humaine les principcs absolus du di'oit naturel et positif , politique et civil , pour en suivre les de'veloppemens a tra- vcrs les phases de I'organisation socialc. L'oiivrage que nous annon- 50ns est done encore une tlie'orie sur la nature philosophique du droit et sur sa re'alite liistorique : discussion fortement agitc'e en AUemagne , et dont, en France, M. Lerminier nous a fait connaitre les principaux points dans son Introduction a Vhistoire du droit. Le systeme de M. Welker se partage en deux grandes divisions. Selon lui , il n'y a que deux manicres rationnelles d'envisager le droit : d'abord, sous le ^oint de \ue historico-philosophique , en second - lieu sous le rapport historico-politique. Dans la premiere categoric sc classent les principcs ge'ncraux , fondaiucntaux, cl les rapports prnnitifs ; la seconde embrasse les points saiUans el spe'ciaux do 1 liisioirc du cb-oil. I/ouvragc coiuiendra six volumes , dans les- '[iiels seront examinees successivcmonl la mc'tbode ge'nc'rale , la liai- TdlME L. MAI ;85l. 23 346 LIVRES ETRANGERS. son rationnellp rt pratique du droit nalurel avcc la jiolitique of Iff droit civil. Passant onsuitc aux rapports purcincnt positifs, raiiteni- pxaminera le systeme du droit remain , qu'il considerc comme la hasc du droit germaniquc , puis ]c systeme du droit politique, lequel, selon lui , n'est autre chose qu'unc combinaison des principes du christianismc avcc ceux dc I'ancicn droit gcrmaniquc ( le droit chris- tiano-j^ennaniquc ). Ce systi'ine sera couroniic par >inc the'orie dc droit criniinci que Welkcr rcgarde comme le lien harmonique qui unit toutes les parlies du droit cntre elles. Faisons connaitre les parties les plus importantes de cc premier volume , car il nous scrait impossible d'cn donner I'analyse. Se- lon M. Welker, les trois principes fondamenlaux sont : la nature , la liberte , I'liisloire ; c'est dans ccs trois modes de de'veloppement dc I'existcnce universclle qu'il poursuit le priiicipe du droit. De la nature merae jaillit le droit naturcl qui sert de legislation a tout ctre vivant. Conside're'e sousun aspect scientifiqiie , la loi natiirelle se prc'sente , ou sous la forme romaine ;, ou sous la forme cliristiano- gennaniipie. C'est encore sous ccs deux formes qn'elle s'est mele'e a la loi positive. La liberte , la volonte' , la conscience bumainc , sont la base du monde pbilosophique. La liberte doit elre envisage'e comme idee, puis dans ses effets et ses restrictions, c'est-a-dirc comme liberte' en rapport avcc I'idc'e du droit et comme personna- lite'. Sous cc point de vuc, trois systcmes diffe'rens partagent les croyances : le premier est une negation absoluc de la liberie; le se- cond est la doctrine de la philosophic de la nature, c'est -a -dire rane'antissement involontaire de la liberte'; enfin, le troisierac est la doctrine thcologique , c'cst-a-dire I'ane'antissement de la liberie par la negation ou 1' ignorance de ses effets, de ses restrictions. L'au- tcur cite, comme partisans du second, Rovisseau et Savigny; du troi- sieme, Kant, Jacobi et Hegel. Tv'histoirc prc'sente les memes pe'riodcs (pic la vie humaine. La premiere rcpond a I'enfance , c'est le regno du despolisme ; la se- conde est florissante, c'est la jeuncsse, ou, si Ton vent, la theocratic du monde politique. Vient I'age de la maturite, I'age viril ; c'est le regno de la loi politique, de I'ordre legal. Enfin, la troisiemc ppoque est I'.Tge de la vieillesse, dr la de'cre'piliide, ou du retour au ALLEMAGNE. 347 despotisme. Notis iic suivrons pas rauteur dans les subdivisions , car son ouvrnge forme iin tout dont on ne pent rien de'taclier. II y a lieaucoup d'aperfus inge'nicux et dc fort liabilcs deductions. Tra- duira-t-on ce livre? II nous est permis d'en douter ; I'auteur s'cst fait un langage a lui , langage approprie a ses ide'es. Mais oii trou- Ter des c'quivalens dans une autre langue ? comment le franfais sur- tout se prctcrait-il a tantdc ne'ologisme ? Ses pense'es dcmanderaieiit , pour etre comprises , un pen plus de dartc ; et comment hasarder ce travail sans risqucr de s'e'loigner de ce que I'auteur a voulu dire , de ce qu'il a dit dans un style qu'on ponrrait appeler individuel ? Nous cngageons done a le lire , a le me'diter ; les premieres difficultes vaincues, on le goutera et on lui devra des connaissances nouvellcs. 91. — Das Geschwornengericht. — Le jury, la publieitc, le debat oral , principalement en ce qui concerne le droit criminel; par J. Zentner , avocat , membre dela Societe liistorique de Fribourg. Fribourg , iSSo.In-B" M. Zentner ne pre'lcnd point trancber ia question dc I'origine du jury; il expose ses opinions a cet e'gard, puisil aborde I'histoire de la jurisprudence criminelle chcz tous les peuplcs librcs ou gouvei - ne's par des lois. Tels fm-ent les He'breux, les Grecs , les Remains. De ces conque'rans du raonde, il passe aux Gei'mains ante'rieurs a Charlemagne , a ceux qui le suivirent ; il examine ce qui subsiste en- core de cestems antiques , et jette un coup d'oeil rapide sur la juris- prudence criminelle du Nord. Nous rccommandons surtout a I'atten- tion des lecteurs les trois chapitres qui terminent la partiebistorique. L'auteury a re'uni , avec une admirable pre'cision , avec une profonde e'rudition , tout ce qu'il importe de savoir sur la proce'diire anglaise, sur celles de France et des Etats-Unis. II n'est pas un ouvrage mo- derne qui n'ait e'te mis a profit , pas un qui ne soit signalc a I'at- tention du lecteur, et tous sont resume's sommairement avec mc'thode et clarte'. Quiconqiie se voudra bien pe'nctrcr de cette premiere partie du livre sera plus instruit qu'il ne le faut pour I'hommedu monde ; et s'il lui prend fantaisie de devenir savant, tous les cjiemins lui sont indique's. — La seconde partie est plus particulierement appli- quee a 1' Allemagne. Nous nous etions souvent demande' , nous qui connaissons beaucoup cette contre'e et qui avons bien quclques nO' 23. 348 LIVRES ETRANGERS. tions des aftaircs soumiscs an jury, jjourquoi celte institution ne so propagc point chez ime nation ic'flc'chic, cclaiie*! , excmpte dc pas- sions violentes , et par consequent tres-propre a exercer par elle- rnerae un pouvoir aussi important. M. Zcntncr refute toutes Ics ob- jections qu'on pourrait fairc a i'admission du jury en Allemngne : il pre'sente un affreux tableau de I'e'tat actuel dc la procedure, du sort de'plorable des accuses dans ce pays. Le tort des adversaires de I'institution est de la prendre toujours telle qu'ils I'aperfoivent cliez telle ou telle nation , sans s'arreter aux ameliorations possibles. Or M. Zentner, qui examine avcc beaucoup de soin toutes celles dont on pourrait fairc I'essai, propose dc cre'er et non d'imiterj il voudrait aussi que la connaissance des lois , qui n'est souvent qu'une vaine pre'somption de la part du le'gislatcur, fiit rc'pandue en effet , tant au moyen de 1' education primairc que de publications renouvele'es par les eccle'siastiques. A cet effet , on devrait re'diger une sorte de petit catechisme penal , qui apprendrait au peuple ce que les lois de'fendent et de quelle gravite est telle ou telle infrac- tion. II faut bien se garder de repousser cette ide'e. L'auteur re'fute ensuite (en plusieurs cbapitres) les objections du cc'lebre Feuerbacli, et cette partie du travail de M. Zentner est fort remarquable : non seulemcnt on y voit qu'il possede parfaitement son sujet , mais on y trouve des vues utiles dont il serait bon de tirer parti pour toutes les legislations. L'ouvrage est terminc par une esquisse ou projet de loi sur le jury. Nous regai'dons cette pid)lication commc tres-im- portante, si les gouvernemens de I'Allemagne lui accordent I'atten- tion qu'elle me'ritc. P. DE GoLBERY. gjf.. —Ansichl uher denfreien Handel und die freie Colonisi- rung. — Reflexions sur I'e'tat actuel et futur dc la libcrtc du com- merce et de la civilisation; par John Crawfuhd; traduit sur la denxieme edition anglaise, par le docteur H. Fick. Leipzig, i83o; Brockhaus. In-8" de I'^i pages. Ce pamphlet anglais , dirige contre le monopole et le systemc ex- chisif dc la compagnie doslndos, inerilait d'etre tiaduit a cause des faits de slalistique et des liaiites idees(|ii'il conlicnt. li'auleur prouve victoricusomcnt. cc nous sciubic, (pic la cunipagnic des indcs iictire ALLEMAGNE. 349 pas a beaucoup pies dc sa possession riche et magnifique tout le parti ([u'elle pourrait en tireij que c'est la faute du mauvais systeme qu'elle a adopte , ou phitot dc son monopole , ct que I'lndc gagne- . rait inflniment, ainsi que I'Angleterre, a etre accessible a tons les Anglais, et a etre colonise'e commc d'autres possessions anglaises. Dans I'etat actuel des clioses , les belles productions de I'lnde sont si mal pre'pare'cs a cause de I'ignorance des habitans et du mauvais e'lat de leurs fabriques , que I'industrie manufacturiere est obligee de sepourvoir ailleurs. C'est ainsi que I'indigo, le tabac, le cotonn'ar- rivent de I'lnde qu'en petite quantite , relativement a la grande con- sommation qu'en font les fabriques anglaises : aussi ceUes-ci se pour- voient dans d'autres contre'es , oil '•Ton sait mieux appreter les raa- tiercs premieres qu'elles doivent mettrc en ceuvre. Si les Anglais pouvaient acque'rir des proprie'te's et s'e'tablir dans toute I'lnde, comme on le leur perract a Calcutta , a Singapore et a Malacca , les Indous auraient des exemples d'industrie manufacturiere ; ils se mettraient au courant des artsd'Europej ils prendraient d'ailleurs des goiits europe'ens ; ct la consommation des maixbandiscs an- glaises s' en accroitrait beaucoup. L'auteur refute la principale objec- tion qu'on a eleve'e contre la libcrte du commerce de I'lnde : on a pre- tenduque les Anglais, s'ils s'e'tablissaient chez les Hindous, les oppri- meraient, les corrompraient ct les souleveraient contre leurs maitres, en sorte que I'lnde seraitbientot perdue pour I'Angleterre .M . Crawfurd fait observer que les petites colonies allemandcs que la Russie a laisse s'e'tablir chez elle , loin de corrompre les indigenes, leur ontdonnc de bons exemples ; que du reste ce ne sont pas les mise'rables qui pourront aller s'e'tablir dans I'lnde , parce qu'ils n' auraient pas de quoi payer leur passage. II fait sentir que c'e'tait un triste moyen de re'gner que de laisser cinquante millions d'Indiens dans I'ignorance et la su- perstition pour pouvoir les gouverner plus facilement. Tout ce que nous indiquons ici est de'veloppe dans la brochure de M. Crawfurd avec une profonde connaissance des choscs et des hommes. 93. — Historisches Taschenbuch. — Almanack historique, pu- blic de concert avec MM. Passow, f^oigt, Wachler, JVilken, par Fred, de Raumer. Premiere et deuxieme anne'e. Leipzig, i83o - 3i ; Brockhaus. .1 vol. in- 12 avec 2 grav. 356 HVRES ETRANGERS. Les savans qui sont nomme's dans ce titre ont tous fait Icurs preu- ves comme historiens par de plus grandes compositions. Dans ce recueil , ils paraissent avoir Tintcntion de de'poser des re'sultats de recherches moins e'tenducs , des etudes Listoriqucs , ou des fragmens de travaux plus conside'raLles. La deuxieme annee est mieux fournie que la premiere, que nous avons prece'demment annonce'e (Voy. t. xLViii, p. 7'27). La moitie'du volume est occupe'e par unc Histoire de V Allemagne depuis V abdication de Charles-Quint jusqii^a la paix de TVestphalie , par M. de Raumerj encore I'au- teur n'est-il parvenu qn'a la moitie' de sa tache. 11 convient, dans la preface , que I'histoire de cette e'poque est fastidieuse , et il craint d'avoir fait partager au lecteur I'ennui qu'il a c'prouve' dans ses re- cherches et dans sa re'daction. Qu'est-cc done qui I'obligeait a s'y livrer ? Du reste , on retrouve dans ce morceau toute son erudition historique. — Le due Albert de Prusse , et Vetat du monde savant de son terns , par M. \oigt. Albert de Pnisse vivait au seizieme siecle. M. Voigt, connu parime histoire ancienne de la Prusse, entre dans le detail des e'tudes en AUemagne a cette e'poque , de la situa- tion des professeurs , de leurs I'evenus , de leur maniere de vi- vre , etc. II insere un rapport fait au prince, par un savant nomme Hartmann, qui expose les propriete's de I'airaant, et signale I'incli- naison de I'aiguillc aimante'e. Ce rapport est du milieu du seizieme siecle. C'cst le premier ecrit ou la de'couverte de I'inclinaison soit consignee. — Origirie de l^ insurrection des Grecs contre la Porte ottomane , par M. Wachler , d'apres les ouvrages fran^ais de deux Grecs connus, JacovakiRizo et Alex. Souzo. L'auteur s'attache sur- tout a de'veloppcr les causes qui ont prepare I'insurrection , et la maniere dont elle fut ^re\\in'ec.—Andronic Comnene , par M. Wil- ken; morceau inte'ressant de I'histoire des croisades. — Souvenirs de philologues du seizieme siecle. Cette fois M. Passow s'occupe de la vie et des travaux du fameux imprimeur Henri Etienne , qu'on oublie presqu'en France, et dont il est satisfaisant de voir restaurer la me'moire par im savant allemand. Ce recueil sera sans doute continue' , et pourra servir de depot aux historiens allemands pour les essais etles morceaux quine component pas luie publication isole'e. ALLEMAGNE. 35l 94. — Briefe aus Paris und Frankreich im Jahre, )83o. — Lettres de Paris et de la France , ecrites en 1 83o ; par Frederic de Raumer. Leipzig, i83i; Brockhaus. -i vol. in-8°. Un professeur d'histoire de Berlin vient, en i83o, a Paris pour consnlter les manuscrits de la Bibliotheque du roi. II fre'quente les socie'te's ct les spectacles. Pendant son sejour, un orage polititpie se forme. II n'entend pari er dans les socie'te's que d' elections , de coups d'etat , de refus de payer I'impot. Un beau jour le roi met la charte decote', et le peuple irrite met dehors le roi. On est dansl'e'tranger ciu'ieux de connaitre tous ces details ; M. Raumer a done ecrit force lettres a ses amis de Berlin , sur tout ce qu'il a fait , observe, pense a Pai'is. M. le professeur est tranchant dans ses jugemensj il n'a pas toujours bien compris les institutions et les e'venemens qu'il juge. II aurait pu supprimer beaucoup de details personnels , qui ctaient peut-etre fort inte'ressans pour ses amis , mais qui ne le sont nullement pour ceux qui sont prive's de I'avautage de connaitre I'au- teur. II e'tait d'ailleurs inutile d'apprendre au public ce qu'il a fait a Paris presque jour par jour. Ne voulant pas nommer les so- cie'te's ou il a e'te admis, ni les personnes qui I'ont refu , M. Rau- mer a e'te oblige de les designer par des initiales , ce qui ote encore de rinte'ret qu'a I'e'tranger on pouvait prendre a ses rensei- gnemens. Quant a ses opinions politiques , M, Raumer , en bon Prussien , est arrive a Paris et reparti pour sa cLaire , avec la conviction que la Prusse est fort heureuse , meme sans constitution ; que les ultras de France n'ont pas eu le sens commun de vouloir ressusciter le vieux regime, et que les liberaux ont fait de grandes fautcs. Quoique sujet d'un roi absolu , et publiant son ouvrage dans un pays ou le droit divin et la le'gitimite soldent des censeurs , I'auteur pense que Charles X a me'rite son sort , et que rien n'etait plus inepte que son gouvernement sous le ministere de Polignac et Peyronnet; que cc gouvernement a couru de gaiete de coeur a sa perte , ct ne me'rite aucune compassion de la part des peuples. Au resle, I'auteur trou- vait excessivement ennuyeux d' entendre constammeat dans toutes les societe's debattre le meme theme , et on congoit que , pour un c'tran- ger qui n'y prenait qu'un inte'ret de curiositc, cette repetition conti- 352 LIVRES ETUANGERS. nuellc nc dcvail pas ctre amiisantc , d'autant plus que toutcs Ics pcr- sonnes e'claiic'cs qu'il frequentait n'avaient qu'une seule opinion sui I'issue prolwljlc de la lutle lualencontrcuse du ministere contre la nation. A Fe'cjaid dc ses jugemens litte'raires , M. Raumer pense que les foi'mes classiqucs du Thcatre-Francais sont usees, et il ne s'est pas c'tonne dc la solitude qu'il a trouve'e dans la salle du premier spec- tacle national. Mais il s'e'tonnc dc rengoiiment avec lequel on a prone dans quelqucs journaux la piece A' Henri III et celle A'JIer- nani, commc lesmodeles du romantisme. II a vu ces pieces, et les a trouveVs de'testables , surtout la derniere. Les AUemands n'accorde- raient jamais a une composition semblahlc le titre de romantique. M. Raumer juge que I'Opcra est pauvrc pour le chant , et que rAlleinagneluicstbicn supe'rieure sousce rapport. Iltrouve insipides les couplets dans le vaudeville , et il dc'daigne , a cause de leur le- gerete, les petites pieces que I'on voit e'clore en foule sur les theatres secondaires. Avant de retourncr a Berlin , I'auteur fait une excursion en Normandie ct dans le midi dc la France. II apprcnd en route I'in- surrection de la Belgique et de quelques petits Etats d'AIlemagne ; selon lui il n'y a que les Parisiens qui aient su bien £aire leur re- volution. g5. — Eitelkeit und Flattersinn , Liebe unci Treiie , in Bit dern aus der grossen Welt. — Vanite et le'gerete , amour et fide- lite'; tableaux du grand monde. Leipzig, t83o; Brokhaus. In-8° dc •j68 pages. Des de'tails tres-soigne's sur le cceiir des femmes , I'incertitudc el le vague du dessin des caracteres , ct quelques petites fautes de grammaire nous font pre'siimer que ce petit roman est le premier essai d'une dame. Quel que soit rauteur, on remarque qu'il n'a pas encore acquis I'liabilete' ne'cessaire pour faire marcher de front plu- sieurs intrigues ct re'ssortir I'interct dc la compbcation des evcnc- mens. II nous introduit dans la maison d'un ministre allemand , homme qui hait les affections de creur, ne connait que les mariages de convenances et qui ne va que par pas et mesure. Ce portrait est f-iiblement dessine ct nn ]K'u dans roniliio. II on est de memc de la ALLEM\GNE. 353 feinine de ce ministre. Nous tiouvons d'autrcs personnages de celte famiJIe, mais qui nous inspirent pen d'inte'ret. L'autcur nous initio dans la confidence de trois ou quatre amours diffe'rens que nous avons de la peine a de'meler. Le portrait le mieux trace est celui d'un personnage accessoire : c'est une fenune du grand monde , in- discrete et bavarde, etqui a les plus liautes pretentions pour sa fille, dont elle compromet plusieurs fois la reputation , tout en voulant as- surer sa fortune. L'auteur du roman aurait dii s'en tenir a ccttc femme, et a I'liistoire dc sa fille, qui manque de devenir malheureuse pai" la faute de sa mere , et qui finit pom-tant par e'pouser un prince. II nous aurait inte'resse's bien plus par trois ou quatre personnages bien peints , qu'en meltant en mouvement une quantite de fils qui s'embrouillent aux yeux du lecteur. Le grand monde ne lui parait pas inconnu ; il pourrait y trouver le sujet d'autres tableaux : sa tou- che est delicate j mais il a besoin d'apprendre a mieux coordonner ses esquisses. D — g. 96. — Beschreibung , etc. — Description et repre'sentation de plusieurs nouveaux poissons de'couverts dans le Nil; par Edouard RuppEL. Francfort , 1829; Broenner. In-4° de 12 pages avcc des lithographies. 97. — Bejtrdge zurndhern Kentnhs der fFitthkrankheit, etc. — Mate'riaux pour arrivcr a ime connaissance plus approfondie de la maladie de la rage chcz los chiens ; par le docteur Herwig , avec une introduction, par C. W. Hufeland. Berlin, 18.19; Reimer. In-S" de 1^4 pages. L'auteur a continue pendant plusieurs annc'es , avec les encoura- gemens du gouvernement prussien et I'approbation du ce'lebre Hu- feland, une suite d'expe'riences sur des animaux attaque's de cette terrible maladie , dont la relation donne a son ouvrage un me'rite rare parmi les livres ou se trouve traite' le meme sujet. 98. — Sammlung sdmmtlicher Preussicher Gesetze iiber die indirecten Steuern. — Recucil des lois nouvelles de la Prusse , re- lativement aux impots indirects, avec des e'claircissemens , des ren- vois et des observations; par le docteur J.-J.-M. Philippi , con- seiller de cour, etc. Cologne, i83o; Bachem. Grand in-8''de vni- 626 pages. 354 LIVRES ETRANGERS. 99. — Hans Carl Friedrich Anton Graf von Diebitsch Sa- balkanskj- , nach mitgetheilten Familiennachrichten , etc. — Portrait du feld - niaie'clial comte de Diebitsch Sabalkansky ; par Belmont. Drcsde et Leipzig, i83o; Arnold. 100. — Die Barricaden, etc. — Les Barricades , scenes histori- ques, traduitcs du francais de L. Fitet; par A.-H. de Weyrauch. Leipzig, 1829. -2. voL in-B" de x-2^5 et 268 pages. SUISSE. loi. — Manuel chronologique synchronistique; par M. Hum- bert. Geneve et Paris, i83i ; Clierbuliez. Petit in-8» de 76 pages; prix, 1 fr. 25 c. Voici pour les ecoles un manuel excellent , et nous osons dire (fu'il r a urgence. Qu'on nous passe cette expression solennelle d'une assemble'e ce'lebre; car elle n'eut pas he'site a I'eraployer elle- meme a la vue de tons les livres d'c'ducation dont nos colleges ont e'te' si long-terns infecte's au nom de la morale et de la religion. L'histoire y paraissait tronque'e; celle de France surtout c'tait en proie aux ravages des congre'ganistes. Noms avons lu quelque part I'eloge des rois les plus dissimule's : on faisait a Louis XI une qua- lite de ce vice de caractere. Les glorieuses campagnes des Franfais e'taient livre'es a I'oubli, c'est tout au plus si Napoleon e'tait norame; et , n'eut etc' le plaisir d'introduire sur la scene des baskirs et des cosaques , on aurait a peine appris que les vingt-cinq ans de regne de Louis XVIII avaient e'te trouble's par quelque chose. La chro- nologic e'tait traite'e de meme. II faut done se hater de jeter au feu toutes ces impostures hontcuses , et demander des livres ele'mentaires aux hommcs de conscience et de savoir. Tel est , n'en doutons pas , M. Humbert : il a souvent fait ses preuves par d' utiles publications. Instituteur lui-meme , il sait ce que doit etre im bon livre e'le'- mentaire. Le sicn se conforme pour l'histoire ancienne au systeme d'Usse'rius , mais il donne le sage avertissement de ne pas declarer fautive unc date sur laquellc on aurait des doutesj en effet, la chro- nologic est sujette a beaucoup de divergences meme pour le moyen •ige. M. Humbert, qui ne donne qu'un abre'ge', a la bonne foi de re- SUISSE. ITALIE. 355 commander aux eleves les tables chronologiques de John Blair , de M. Lamp, dc Bredow , de Kohlrausch , ouvrages excellens , mais plus e'tendusque le sien. Nous recommandons son livre,ou plutot son livret, auxgens du monde- il est si commode de pouvoir mettredans sa pocbe toute la science des terns, de fixer ses doutes , de secourir sa me'moire! M. Humbert nous donne tout ce qui s'est fait de mar- quant depuislacreationjusqu'auxordonnancesdu '25 juillet, et meme jusqu'a la revolution de Pologne et la condamnation des ministres. Depuis Adam jusqu'a M. de Polignac, on apprend a connaitre tout le monde; on passe sur tous les champs de bataille. Les fails scien- tifiques n'y sont pas neglige's , et j'ainie autant a me rappeler I'as- cension de M. de Saussure au Mont-Blanc qu'a me reporter a la guerre que dans le meme terns la Porte de'clarait a la Russie. P. DE GOLBERY. ITALIE. 102, — Alojsii CoLLA novi scitaminearum generis de stirpe jam cognita commentatio. — Dissertation sur une plante dcfja connue, appartenant au genre des scitamine'es ; par M. Alojse CoLLA. Turin, i83o; imprimerie royale. In-4'' de dix pages, avec une planche grave'e repre'sentant le cassumunar de Roxburgh. Le cassumunar de'crit par CoUa lui avait e'te envoye de Flo- rence par M. le professeur Targioni Tozzetti. Cette plante de I'lnde a fleuri dans les serres chaudes du jardin de Rivoli , en sorte que le savant botanistc de Turin a pu en faire une description complete. Ses observations I'ont determine a se'parer cet amome de toutes les especes auxquelles on I'avait rapporte , et par consequent de le con- stituer en espece distincte, en lui conservant le nom qu'il porte dans rinde. C'est avec Ic gingembre { zinziber) qu'il a le plus d'analogie. La planche repre'sente en detail toutes les parties de la plante, de ses fleurs et de ses fruits. io3. — Trattato dichimica elementare teorio-pratica, etc. — Traite de chimie ele'mentaire , the'orique et pratique , applique a la me'decine , a la pharraacie , a I'agriculture , a I'oryctognosie et aux arts ; par Philippe Cassola , professeur adjoint a la chaire dc 356 LIVRES KTRANGERS. chimic cxperimentale dc I'c'colc d'ypplication des caux et des vok's publiques (ponts ct cliaussc'cs ) , ct a la cliaire de cliimio applique'e aux arts, a runivcrsite royale des etudes {degli sturli) ; associc' lio- noraire de I'lnstitut royal d' encouragement pour les sciences natu- relles, etc. Tome i^''. Naples, i83oj imprimerie franfaise. In-8° de 376 pages. Dans unc c'pilrc dedicatoire a M. le marquis Amati , mi- nistre de I'inlerieur du royaume des Deux-Siciles , M. Cassola nous apprend qu'il a e'te charge par le gouvernement de recueillir en France et en Angleterre toutes les connaissances acquises sur les sciences physiques et chimiques et sur leurs applications. Get ou- vrage est le fruit des observations que I'auteur a faites dans les labo- ratoires et dans les ateliers , et dc ses conversations avec les savans du premier ordre. Cependant, comme le sujet est d'une trcs -haute importance , I'indication des erreurs qui auraient e'chappe' sera re9ue avec reconnaissance. M. Cassola fait preuve , dans ce premier volume , d'un talent de re'daction tel que I'exige la composition des ouvrages e'le'men- taires, talent plus rare qu'on ne I'imagine , et qui manque quclque- - fois au ge'nie meme. On a maintcnant la certitude que les volumes suivans seront aussi me'thodiques, aussi clairs , aussi complcts que cehii-ci , quant a I'instruction que Ton peut y prendi'c. Les prin- cipes fondamentaux de la chimie , et leur application a la matiere inorganique e'taient , il est vrai , moins difficilcs a traiter que les phc- nomenes des corps organises et les lois de leur production ; Fentre'c de la science e'tait plus libre et mieux e'claire'e ; et cependant la direction d'un bon guide y vient trcs a propos , fait eviter beaucoup d'e'carts et mcttre a profit tout le tems de I'e'tude. Un traite ele- mentaire ne devait admettre que des doctrines sanctionnees par tons les faits connus ; on ne trouvera done dans celui-ci point d'opinions nouvelles, point d'essais de theories qui appartiennent a I'auteur. Si des faits encore ignore's viennent renvcrser 1' edifice actuel de la science pour le leconstruire sur un autre plan , et peut-ctre sur unc autre base, le travail de M. Cassola conservera , meme alors , Ic me'rite d'avoir expose' convenablement les connaissances pratiques de notrc e'poque. Cetle partic dc la science n'est pas menacce d' aussi ITALIE. 357 grandes re'formes que les hypotheses de'core'es du titre de tlic'ories. Les volumes de cet ouvrage e'tant ne'cessaires I'un a rautrc, comme partie d'un seul tout , on ne trouve point dans celui - ci les figures qui lui appartiennent. Ce sera done lorsque nous aurons sous les yeux les autres volumes et les planches que nous pourrons donner a nos lecteurs une analyse un peu de'taille'e de I'eslimable travail dc M. Cassola. F. 104. — Storia e cura delle inalattie le piu famigliari dei buoi, etc. — Histoire ettraitement des maladies les plus ordinaires des boeufs, par Fr. Toggia; troisieme edition. Turin, i83oj Pomba. 3 vol. in-8°. Ce livre a obtenu un grand succes en Italic et surtout en Pie'mont, ct il le me'rite comple'tement. Nous pensons qu'il serait fort utile en France si un homme habile dans la raatiere se donnait la peine de le traduire cii rabre'geant beaucoup. Cette derniere condition est essen- tielle , car les deux volumes que nous annonjons ne traitent que des maladies internes. io5. — Quadro generate geografico , etc. — Tableau general ge'ographique physique , historique , politique et statistique dc la Barbaric , ou des c'tats barbaresques de Tripoli , Tunis , Alger et Marocj suivi de quelques observations sur le desert de Sahara, par G.-B. Carta. Milan, i83i; Maiini. In-8". On a public' sur les e'tats barbaresques une foule de trcs-mauvais ouvrages qu'a fait naitrc I'expe'ditioff francaisc ; des crreurs ridicules ont etc ainsi propage'es , ct les re'cits merveilleux de phisieurs des membres de cctte expedition , Icsquels usaient largement de leur privilege de voyagcurs , n'ont pas coutribue a les dc'truire. M. Carta , quoiqu'il n'ait point visite' ce pays, a pense' qu'il pouvait en donner une bonne description ou peut-etre ne se trouveraient pas des obser- vations tres-neuves , niais qui du moins ne contiendrait aucun dc ces mensonges accrc'dite's et re'pandus par la cre'dulite ineme qui les a accueillis. II nous parait qu'il a tres-bien re'ussi. X. 1 06. — Statistica agraria della Fal-di-Chiana , etc. — Statis- tique agrairedu\'al-di-Chiana; i^ar Joseph Giuli, professeur d'his- toire nuUiielle a runi\cisitc' dc Sicmic. Tojnc II. Pise, iro- fesseurs sont les principaux mcmbres dc la Socie'tc de me'decine, qui prouve, par le comple rendu de ses Iravaux, ses efforts conslanspour les progresde la science. (Voy. jRet'. e/ic, t. xliii, p. 'y36.)M.^me- line continue ses compositions d'anatomie arlificielle. M. Etlenne raconte des operations et observations cliirurgicales qu'il a faites seul ou avec M. Bourrienne. Le rapport , redige par M. Duraiul, secretaire , relate des experiences sur I'opium par M. Blssoii -Jar- din , des observations me'dicales par MM. Lafosse , Liegard et au- trcs membres. Bcaucoup e'crivent sur rdtat des prisons, et c'cst pour tout blamer ; quelqucs-uns , prononcant apres cxamen, reconnaissciit que le regime de plusicurs de nos maisons de detention n'est pas aussi vicieux que le discnt ccux qui n'ont d'eloges que pour Ics pc- nitentiaires de la Graude - Brctagne et des Elats-Unis. Le comilc su- pe'ricur dcs prisons a cite ]ilusieurs fois avec distinction la maiscu I LIVRES FBAN^AIS. 365 de BeatJicii, a iine derai - lieue de Caen. On lira avcc inte'ret I'a- pcrfu statistique sur cet etablisscment par M. le professeiir Raisin, pere. La Socie'te de mc'dccine avail mis an conconrs cette question : De- duire des opinions de la doctrine phjsiologique sur la gastrite et sur la g-astro-enterite aigiies et chroniques iin parallele entre ces maladies et celles que Von pent confondre avec elles. Des deux me'moires recus, I'un n'a [Toint traite Ic programme, I'autre I'a de'passe' par son erudition. L'auteur, membre de plusieurs socie'te's me'dicales , observateur sage et savant , est professcur de pliilosopbie au college de Lune'villc. Lcs e'tudes de la pbilosophie joiutes a celles de lam^dccine, trop raj-cs encore, sont reclame'es surtout pour les progres de la physiologic. La Socie'te de Caen , ea jugcant avcc quelque se've'rite' le me'moire couronne et imprime' de M. Constant Saucerotte , a montre que c'cst dans 1' inte'ret seul de la me'dccine et de I'humanite' , nullemcnt par un orgucil academique dont ne se pre'- iervent pas toutes les societe's savantes , qu'elle ouvre des concours. Elle propose un nouveau prix de 200 IV. ( mcdaille en or ) dont le terme est fixe au 3i de'ccmbre i83i , sur ce sujet : Determiner le mode d' action directe et sympathique de I'e'me'tique adminis- tre a haute et faible dose , et les circonstances pathologiques dans lesquelles il peut etre employe avcc at'antage. Isidore Le Brun. 1 1 5. — Relation chirurgicale des evenemens de juillel 1 83o, a I'hopital militaire du Gros-Caillou, par Hippoljte Larrey, chirur- gien sous -aide -major. Paris, i83i; Huzard. In-S" de iSa pages; prix , 3 fr. Parrai les relations chirurgicalesqu'ont fait naitrc les eve'ncmensdes trois journe'cs de juillet , cellc de M. Hippolyte Lairey sc distingue par I'importance des t'aits qui y sont pre'sente's , I'expose' des me'thodes de traitementqueron doitau ge'nie de son pere, et par leurs heureux re- sultats. On regrette seulement qu'apres avoir pai-le des avantages du cautere actuel contre les vastes e'rj'sipeles pblegnioneux , et de ceux de Tamputation primitive dont il a fait rcssortir la superiorite' , il n'ait pas rappele en quebpies mots la rae'thode si fe'conde en succes qu'employe M. Larrey dans les plaies 3vec fracture. Quoique cette mclbodc soit aujomd'bui europc'enne, il est encore quelques per- 366 LIVRES FRAN^AIS. sonnes qui ne I'appliquent pas, ct c'eut c'te I'occasion de leur dc'raon- licr par dcs fails combicnriinmobilite'forcecdumcmbrc ctlararete des panseinens coiitribuent a icndrc Ics gue'risons f'acilcs ct rapides. J^a brochure de M. Hippolyte Larrey est e'crite avec clarlc ct pre- fiisioD. Les sentimens patriotiques les plus ge'nereux et la noble emu- lation qui le porte a marcher sur les traces de son piire ajoutenl encore a rinle'ret qu'inspire le talent du jeune auteur. L. 1 1 6. — Traite d' arithmetique , classe dans UHnouvel ordre, suivi de notions elc'mentaires d'algebre pour scrvir d'introduction a I'e'tude de cctte science et a cclle de la ge'ome'trie ; d'apres Bezout, Lacroix , Francceur, Rejnaud, Bourdon , etc. ; par A.-M. Re- viLtE , ancien eleve de I'l^cole d'artillerie. Paris, i83o; Babeuf. In-8° de 206 pages 5 prix, a fr. M. Reville a compose ce traite pour les e'tudians qui craignent de perdre du terns en apprenant un pen plus qu'ils ne pre'sument en avoir besoin. « Nous avons divise' , dit-il , I'arithme'tique en trois parties. La premiere comprend I'arithme'tique e'le'mentaire , commcr- ciale , I'arithme'tique enfin de ceux qui veulent la savoir pour I'em- ployer dans' les besoins ordinaires de la vie ct rien au-dela ) la se- conde , dans laquelle nous n'avons pas employe' les formules alge'bri- ques , renferme les propositions supple'raentaires , celles d'une utilite indispensable aux e'leves qui se destinent a I'e'tude des sciences exactes; ils la comprendiont facilement lorsqu'ils posse'deront par- faiteraent la premiere. Nous avons place', a la suite de cette seconde partie , un certain nombre de probleraes gradues d'apres I'ordre des matieres. La troisieme enfin renferme les notions c'le'mentaires d'al- gebre formant une espcce d'introduction a I'etude de cette science et a celle dc la ge'ome'trie. » II y a certainemenl pour i'e'tude des sciences une marclie, un ordre d'exposition dont le re'sultat scrait tel que , si I'e'tudiant e'tait force' de s'arreter au milieu de la carriere , les connaissances qu'il aurait ac- quises ne l«i seraient pas inutiles , quand meme elles se reduiraient a une petite partie de ce que Ton sait actuellement. C'est par la pra- tique de I'enseignement que cet ordre peut etre de'couvert , en asso- ciant aux observations sur I'influencc des me'thodes celles dont les diverscs applications du savoir peuvenl etre I'objet. M. Reville a eu LIVRES FRAN^AIS. 867 pour but de re'diger son traite d'arithme'lique suivant cet ordie d'utilite graduelle ; il s'ea est approclie , et quoi qu'il reste encore un peu en arriere , on lui saui'a grc' des pas qu'il a fails. II s'est un peu trop attache a suivre Bezout, et tombe dans quelques-uns desde'fauts qu'on peut reprocher a cet auteur si digne d'estime. Les notions de logaritlimes insc're'es dans ce traite' sent aussi tire'es de Bezout, et donncnt lieu a quelques observations. G'cst a la tbeorie des puissances et des expos aus qu'il faut rattacber celle des loga- rithmes, au lieu de la ibe'orie des progressions. II est teius de meltre dans la science exacts par excellence une rigueur d'expression qui soit la fidele image de la justcsse des ide'es. M. Reville ijorne son Traite elementaire d'algehre aux equa- tions du premier degre, et a quelques-unes de leurs applications. Peut-on dire qu'il a expose' les elemens de la science? les principcs les plus ge'ne'raux et les plus fe'conds ne sont-ils pas les ve'ritables elemens, de quelque science qu'il soit question? L'usage vulgaire a change' le sens de ce mot- mais les ouvragcs destine's a I'instruction n'admettent point ces alterations , ct ne prennent point pour elemen- taire ce qui n'est que superficiel. Malgre ces reprocbes auxquels M. Reville s'est expose' a la suite de quelques-uns de ses guides , son livre pent etie utile et me'rite uu accueil favorable. II ne sera point imite, puisqu'il avoue lui-meme qu'il s'est borne' au role d'imitateur. Espe'rons qu'a force d'essais plus ou moins heureux , nous aurons enfin de bons elemens de mathe'ma- tiques , ce qui est peut-etre necessaire pour la redaction de tous les autres livres e'le'mentaires. F. 1 17. — Uranugraphie dresse'e sous I'inspection dc M. Bouvard, astronome , membre de rinstitut , du bureau des longitudes, etc.; par Charles Dien. Paris, t83i; 1' auteur, rue Hautefeuillc , n" i3. Prix, I a fr. Cette belle carte celeste , tirc'e sur feuille grand - monde sans marge , ct la plus grande qui ait encore paru , se compose des deux he'mispberes nord et sud, et d'une zone projcte'e sur Vcquateur. Toutes les positions d'e'toiles ont e'te de'termine'es enc) protiquement , de manib'e que le centre de chacune d'clles coincide toujours sui' le point donne dans le nouveau catalogue qui a e'le re'duita cet efletpoui- le i" Janvier 1840, par M. Marion, calculateur du bureau des 368 LIVRES FRANCAIS. longitudes. Chaquc etoile est denommec par la lettre indi(|uce dims le catalogue. Les c'toilcs visiblcs el les principales ncljulcuses fonncnt six clas- ses , ct sont distinguc'es par des signes particuliers propres a lesfaire rcconnaitre au premier coup d'ceil. D'autres signes analogues font appre'cier les grandeurs iutcnne'diaires ( i ) de celles qui ne peuvent appartenir a celte classification. Cette derniere assimilation est le fruit d'oliseiTations faitcs dans Ic ciel par M. Dien , qui en a com- pare les re'sultats aux catalogues de Piazzi et de Baude , et qui » soumis ensuite son travail a I'approljation de M. Bouvard. Nous n'c'nume'rerons pas ici toutes les ame'Iiorations que presente cette belle carte, qui est d'ailleurs grave'e avec un soin parfait. Ellc est accompagnc'e d'une brochure de texte qui en fait connaitre les usages. Les deux planches qui y sout jointcs donnent le tableau des ascensions droites et des de'clinaisons des planetes^ ainsi que le moyen de reconnaitre la position du meridicn dans le ciel, etc. ii8. — Atlas geographique , ecclesiastique etdepartemental de la France , par dioceses , a rcchclle de r-^^;^ ou environ I ligne pour 4oo toises ; dressc' par Charle , ge'ographe. Paris , i83o ; Charle, rue de Sevres, n° ^S. 80 planches ; prix, i4o fr. (Voy. Rei>. Enc. , octobre i83o, p. 173.) Les dernieres cartes publie'es sont celles du dc'partemcnt du Nord, de la Dorgogne, de I'Aveyron et de la Drome, qui forment les dioceccs de Cambrai, de Pe'rigueux , de Roder et de Valence. Ces cartes sont remarquables par la ncttete du ti'ait et de la lettre , ainsi que par les de'tails semi-topographiques qu'elles pi'e'sentent. Sueur Merlin-. 119. — Itineraire descriptif de la France ^ etc. — Routes de Pai'is a Toulouse , dcuxicme partie. Paris, i83o; Jules Renouard, rue de Tournon. In-8"j pi'ix, 4 fr. 5o c. (1) II ne faut pas attacherune idiie d'exactitude a ces difforcnies grandeurs, et les aslrnnomes ne sont pas d'aceord entre eux sur leurs limites : quelques etoiles sont entre la premiere ct la seconde . d'autres entre la seconde cl la troisieme , etc. Cette espece de classincation est etablie d'apres Teclat et non d'apres la {;randcur des aslres , puisque leurs dimension; sont inaprociablcs pourtous. ( Traitd clement. d'Aitronomie, par Francoeir. ) LiVRES BRAN^AIS. 36g Ce volume , qui a paru peu apies celui aiupiel il fait suite , ofifre d'aboid !a description des troisieme et quatiieme routes de Paris a Toulouse. L'auteur avail fait connaitre les deux premieres et les plus courtes dans le precedent , dont nous avons deja rendu compte ( Voy, Reu.Etic. ,t. XLxvi[,p.443)' I-'a troisiemeroute passe par Fontaine- bleau (dejade'criteavec la route d'ltalie), la petiteville de Gicn,pres dc laqiicUcse trouvele chateau de Sully ,ou l'auteur s'e'tonneavec rai- son de rencontrer les restes d'une oubliette ; Bourges , autrefois Tune dcs capitales de la Gaule, qui occupe a tres-peu pres le centre de la France actuelle , et ou les voyageurs no manquent pas de visiter la magnifique cathe'di'ale et la maison de Jacques Coeur. La quatrieme route pre'sente , comme points. remarquables , Gue'ret, I'un des. plus petits chefs-lieux de nos de'partemens , puisque sa population ne dc'passe pas 3,ooo amcs; St-Le'onard, remarquable par sagracieusc position , et plus encore comme patrie d'un des savans les plus illus- tres de notre e'poque, M. Gay-Lussac. A partir de Limoges, qui n'cst qu'a 6 lieues de St-Le'onard, cette route se confond avec la premiere des quatre qui , partant de Paris , se dirige par Orleans sur Chateauroux et Argenton. A la suite de cette doiJile description , celle des routes de Paris aux eaux de Neris, assez frequente'es depuis quelques anne'es, et a celles d'Evaux , qui ne sont guere connues que dans le pays meme , donnent occasion a rauleiu- de nous faire visiter les villes de Saint-Amand voisine des belles forges de Troncais , qui auraient bien me'iite' une mention plus e'tendue; de Montlufon, et de Neris remarquable encore par les restes nombreux d'antiquite's qu'on y de'couvre journellement ; Chambon se distingue aussi par ce dernier genre de me'rite , et ses environs ont olTert des sepultures gauloises du plus grand inte'ret , dont I'abbe' Le Beuf avait parlc , et qui ont e'te' de'crites avec beaucoup dc detail par M. Barailon. Nous visitons maintenant, a la suite de l'auteur, Bourbon-I'Ai'- chambault, berceau de la race royale descendue de Robert-L--Fort , celebre aussi par ses eaux mine'rales ; et plus loin , sur la route du Mont-Dor, M. Vaisse n'oulilie pas de faire remarquer le domaine de Uandane , cre'e et hajjite par M. le comte de Montlosier. Noustrou- verons ailleurs , pics de Mnrat, au pied du Cantal et a quelques lieues seulement de Randane , Ic chateau de M. I'abbc dc Pradt. 3^0 LIVRES FRAN^AIS. Ainsi la meme contre'e sert aiijoiird'lmi de rctraite a deux homines bien divcrsemenl conniis, qui n'ont ricn de comrauii quf la cc'le'britef de leurs opinions politlques et !cur gout pour ragriculturc. La grande cascade du Mont - Dor, la maison dcs bains , les restes de constructions ant iqucs , les deux torrens de la Dore et de la Dogne (dont les eaux confondues forment la Dordogne), Ic roclier du Capu- cin , qui fournit a I'autcur unc anecdote touchantc ; en un mot , tout ce que cette belle et riante contre'e offrc de curicux a toutes les classes de \oyageurs est successivemcnt indique et dc'crit par ce guide, aussi exact que judicieux. Apres cette description vicnt ccllc des trois routes de Paris a Aurillac. La premiere, passant par Limoges , U;:erchc, Tulle, une des plus laides villes de la vicille France, dans ie voisinagc de la- quelle se trouve la belle fabriquc d' amies de Souillac , que beau- coup de personnes croient exister a Tulle meme j et Argentat, sur laDordogne, oiiil a e'teconstruit re'ccmment un beau pont en filde fer. La deuxieme route passe par Clermont, Jcja de'crit aillcurs ; Bort, patrie de Marmontel; Mauriac, qui a vu naitrel'abbe Cliappe , as- tronome distingue, oncle dcs ce'lebres inventcurs du tele'graphe. La troisieme, et la jilus courte des trois routes , sc dirige sur Clermont, Issoire etMurat, etoffre, pres de cette derniere ville , le chateau de M. de Pradt, dont il a ete' fait mention plus haut. Ici se ■ place naturcUement la description de la ville meme d' Aurillac, qui, bien situee et assez bien batie, n'offre d'ailleurs rien de remarquable. Aux routes qui precedent succede celle de Lyon a Bordeaux, dont unepartieest assez mal trace'e dansle departement de la Corrcze. Au- dela de Clermont, elle se continue par Usscl qui offre dcs antiquite's romaines ; figleton, voisine des mines de houille de Meinac qui ali- mentcnt la manufacture d'armes de Tulle; Brives, dont la position dans une valle'e si gracieuse et si riante lui a sans doiite me'ritc son surnomj Pe'rigueux , deja dc'crit , et enfin Bordeaux. Divers cinbranchcmens des routes principales ci-dessus , qui font communiquer entre elles les villes de Fonlainebleau et Orleans , Bourges et Vierzon, ChateaurouxctLaChatre, Clermont et Limoges, Limoges et Poitiers , etc. , sont successiveraent de'taille'es vers la fin du volume, ce qui permet a I'auteur de passer en revue le petit nombre de lieux rcmarquarbles e'chappes jusqu'ici a ses soigneuses I LIVRES FRANgAIS. 871 investigations. Le livre est terminc, siiivant son usage tres-judicieux, par des aperjus statistiques des dc'paitemens parcourus dans ce vo- lume, qui completent, de la inanicis la plus instructive et la plus satisfaisante pour le Iccteiir, ce qui rcstait encore a connaitre sur les usages, les coutumes et les prodiicticns du pays. Y. Z. i'20. — Meditations religieuses en forme de discours , pour touteslese'poques, circonstances et situations dela vie domestique et civile J par MM. Monnard et Gence, d'apres I'ouvrage intitule' : Stunden der Andacht. T. \" : deuxieme partie, ou r\°'^ XIII a XXIV ; et t. II : deuxieme partie, ou n°* XIII a XXIV. Paris, i83oj Treuttel et Wurtz. 1 vol. in-S" de 354 et 358 pages; prix , I o fr. Nous avons plusieurs fois rendu justice a cct excellent ouvrage , et la publication de chaque livraison nous fournit toujours I'occasion de lui donnerde nouveaux c'loges. C'est qu'il est, en eff "et , difficile d'atteindre plus comple'tement le but que se sont propose' les auteurs et les traducteurs de ce livre. Nous pensons qu'ils onttrouve' enfin ce que tant d'autres ont vainement clierche' : I'art de preclier la mo- rale religieuse sans hjqjocrisie et sans charlatanisme dans le pre'dica- teur, sans ennui pour I'auditeur. II y a dans les deux volumes que nous annonfons aujourd'liui plusieurs cliapitres qu'on lira avec un ve'ritable plaisir litte'raire et philosophique. Nous citerons sur- tout les cbapilres intitules : Uart de parvenir a line heureuse vieillesse ; Respect pour lous les etats ; De nos jugemens sur les evenemens publics. II y a ici des clioses qui ont demande' un cer- tain courage a celui qui les e'crivait an terns ou nous sommes. Le denouement ail hienpuhlic ; Impots et charges publics ; La patrie souffrante ; Mourir pour sa patrie ; Respect pour les nations dtrangeres ; Une vertii mere de toiites les vertiis ; De la lecture de VEcriture-Sainte, etc., etc. A. P. 121 . — Petition alaChambre des deputes pour V adoption d'lin nouveau plan d' education nationale ; suivie de I'essai d'un projet de loi etde I'exposc des motifs; par Joseph Rev (de Grenoble), con- seiller a la cour royale d' Angers. Paris, i83o; Mesnier. In-S" de 180 pages. Get e'crit de M. Rey (de Grenoble), deja connu par d'importans 372 LIVRES FRAN^AIS. travaux relatifs aiix, etudes legislatives, racrite d'autant plus do fixer I'attention publique qu'un me'moirc do I'autcur sur la liberie de Vcnseignenierit, cnvoye an concours ouvert par les trois socictc's d'enseignemciit c'le'mentaire, des me'thodes et de la morale chre'tienne, vient de rae'ritcr une mention honorable. M. Rey est im des plus constans et des plus habiles de'fenscurs des franchises de Tens eigne- ment. Dans Tecrit que nous avons sous les yeux , apres avoir expose la ne'cessite de proce'der a une reTormc radicale de notre systeme d'instruction publique , il expose le plan dii a scs rae'ditations , et qu'il soumet a I'approbation des charabres. Cc plan est infiniment vaste ; il embrasse a la fois toutes les classes des citoyens de I'un et lie I'autrc sexc, tous les objets d' etude, tous les ages de la vie. Une vue fondamcntale sur I'instruction est ainsi expose'e par I'autcur : « On a fait jusqu'a present , dit-il (page 23), une me'prise bien ex- traordinaire en bornant presque les etudes ge'ne'rales dela jeunesse a de simples moyens d' expression ou d' imitation , au lieu d'en ap- pliquer la base pi'incipale sur le fond menie des idees et des cha- ses. En effet , savoir lire , e'crire , posse'der une ou deux langues , c'est bien avoir les moyens d'apprendi-e et de communiqucr ; mais ce n'cst pas savoir encore ce qui est susceptible d'etre fixe par e'crit ou cxprime' par des sons articule's. » M. Rey en de'duit la ne'cessite' de completer I'cuseignement de la jeunesse en ajoutant a Tc'tude des moyens celle des f aits qui les nocttent plus promptement en lapport avec les objets dont ils sont entoure's et les inle'ressent plus vivcmcnt. Ces idees , que je ne puis qu'indiquer ici, sont parfaitement expo- sees par I'auteur , ainsi que la classification a inti'oduire dans les notions scientifiques suivant les divers ages des elcves. Apres avoir examine successivement les questions les plus importantes que fait naitre le sujet, discussion dans laqucUe on reconnait toujours un ubscrvateur e'claire' et un veritable ami de I'enfance, M. Rey offre lui-meme , dc son projet de loi , un comuicntaire dans lequel il ciierclie afairc ressortir I'csprit et le but des principalcs dispositions. Nous le re'sumerons rapidcment. L'article i"^ porte que I'cducation physique, intelleclucUe et morale de I'homme estplacee au premier rang des devoirs du gouvernement. Tous les citoyens peuvent con- ccurir a re'clucation privc'e ou publique d'un nombrc (juclconquc LIVKES FRANQAIS. 3'J?> d'individus; raiitoritc nc pourra jamais y apporter aucune cntravc, meiiie iiidirecle , saiif la repression des de'lits 2 . Cciix qui donnc- rout I'enseigneraent au nom de I'Etat ne devront jamais s'immisccr dans les croyances relatives a la cause premiere de Vunu'ers ou a notre destination dans line autre vie. (3) L'e'ducation sera donne'e gratuitcment, mais non dans des e'tablissemens distincts , aux cnfans des personnes qui justifieront de I'impossibilite de payer Ic prix fixe. (8) II y aura un ministrc responsable f 10) et un conseil natio nal de I'instruction publique ayant seulement voix consultative , ct entierement inde'pendant du ministre 'i5\ II sera e'tabli ime e'colc pi'imaire par commune de 1,000 habitans. 18) L'instruction de ces e'coles comprendra , inde'pendamment des objets qui en font deja partie, les premieres notions sur la foi'me des corps ct leurs pro- pric'te's, sur I'liistoire naturelle, la geographic et la chronologic (f.'j . Les enfans seront en outre exerce's a la rausique vocale , a la gym- nastique {'2S). Des e'coles secondaires rurales et urbaines seront c'ta- blies , les premieres dans les communes de 2,000 habitans , et les secondes dans cclles de 3, 000 3o, 3i et 33 . Les el eves y seront admis a I'age de sept ans (35). L'enseigncment consistera dans un de'veloppement de l'instruction primaire (42). II sera forme clans chaque ressort de cour royale une grand e'tablissement d'instruclion publique , divise en sections ou e'coles tertiaires ct spe'ciales , desli- ne'es aux professions qui exigent des e'tudcsapprofondies. {^i L'c'ta- blissement de theatres nationaux ,55), de fetes nationalcs 58j , ct d'uninstitut national des sciences et des arts 62) complete le systeme general d'e'ducation de I'auteur. II y a annexe' un tableau sommairc des connaissances humaines et des divers objets d'e'tudes pour I'hommc, ct un projet de loi transitoire destine' a montrer comment on pourrait passer de I'ordre des choses actuel a celui que propose M. Rey. Tel est cet e'crit dontnous n'avons pas cru pouvoir mieux faire connaitre I'imporlance qu'en I'analysant avec fide'lite'. P. A. D 122. — Rapport sur Vetat des etahlissemens d' instruction el d' education de I'eglise rej'ormee du departement de la Seine , au 3i dc'ccmbre i83o; par M. Edouard Laffon de LADiiGAr. I'.iris, I S3 1 ; Risler . rue de rOratoirc, n" 6. In -8" dc |i [(agf^s. 374 LIVRES FRANgAIS. Grace a cctte liction legale d'une religion de I'Etat, qu'un goii- vernemcnt maladroit et de coiipablcs agens ont cherclie' long-tcins k re'aliscr autant qu'il etail en leiir pouvoir, on est parvenu souvent a neutraliser , pour beaucoup de Francais , Ics heureux efl'cts d(! telle ou telle loi que le le'gislateur avail cru faire e'gale pour tons. II y a certcs plus d'une c'colc ou d'un college, plus d'une carrierc administrative ou railitaire , plus d'une profession soumise a la sur- veillance du pouvoir, dont le protestant, ou I'israelite, a ete'ecarte par des exigences conlraii'cs a sa foi , mais que paraissait autoriser cette singuliere formulc , effacee de notre cbartc nouvelle , oii cer- tains croyans scrupulcux ont ebercbe' cependant a en conser\'^er ime derniere trace. Sous le rcgne de cette fiction deplace'e , dans notre e'poqiie de tolerance et deliberte, lesmembresde re'glisercforme'ede Paris ont constitue une sorte de re'publique pbilantropique , qiiiouvre des ecoles gratuites aux pauvres de leur communion , et leur enA'oie a domicile les secours de la me'decine et de la bienfaisance. Illefal- lait ainsi lorsque le prctre catbolique presidait les comite's d' instruc- tion primaire, et que les dons de la charite' publiqueneparvenaient gucre jusqu'aux ne'cessiteux que par rintermc'diaire du cure'. Du reste , ici , comme en maintc autre circonstance , le zele et la raison des particuliers ont fait mieux que n'aurait pu faire 1' adminis- tration avec ses formalite's genantes et sa couteuse surveillance. Les ecoles de I'cglise re'formee meritent d'etre cite'es parmi les meil- leures. J. 123. — Dela re'publique en France, era i83i ; parM.G.deL... Paris, 1 83 1 5 Delaunay, Palais-Royal. In-8° de 32 pages; prix, I fr. 5oc. L'auteur de cet ecrit fait preuve d'un patriotisme sage et e'clairc. II comliat la re'publique par les argumens qu'on est dans I'usage d'opposer a I'e'tablissement de cette forme constitutive en France , a savoir, le caracterc national , la situation du territoire , le chiffrc e'leve' de la population. II y aurait bicn a dire a ce sujet, et peut-etrc pourrait-on , en examinant a fond la question , y puiser des raisons meilleures pour demontrer combien la forme re'publicaine serait dif- ficilement solide en France a present ; mais c'es t une discussion qui serait ici hors de propos. M. G. de L. pense avec raison que la prance doit chercher a consacrer les resultats de sa revolution de LITRES FRANgAIS. 3']5 juillet. Lc gouvcrnement doit , suivant lui , rester toujours fidele a I'esprit de cette revolution : cc n'est que la qu'il y a dcs chances d'ordre et de paix. « Si an contraire, dit-il, ce que je ne puis pen- ser , persistant dans son systeme de fusion , de quasi-restauration , 7nu par la pense'e ge'ne'rcuse, mais helas ! illusoire , de ramener a lui ses cnnemis par la douceur et la longanimite , le gouvcrnement conti- nuait a cenfier les emplois publics a ceux qu'il doit reconnaitre pour ' incorrigibles J s'il pcrsistait, dis-je, dans la funeste doctrine du juste milieu , que la nation inquiete , agite'c , proclame , non sans quclque raison , pusillanime et pe'rilleuse , il serait a craindre que I'inquie'tude ne s'accrut , que le malaise ne se fit vivement sentir , que les murmares ne se cLangeassent en plaintes , en reproches ■ que le me'contentement parvcnant a son comble , aux jours d'espe'rances ne succe'dassent des jours de discordes et de deuil , que peut-etre la guerre civile , ranaichie... » P. -A. D. ia4. — ^ monsieur de Chateaubriaivd (sic), G. Desjar- DiNS, re'dacteur en clief du Tribiin du Peuple. Paris, i83i j Le- moine. In-8° de 3i pages; prix, i fr. 5o c. Si M. Desjardins a voulu , par un jeu litte'raire , nous donner une imitation du style pamplile'taire de q'2 , nous devons le fe'liciter d'a- voir si bien re'ussi : le caique est parfait , I'identite' complete. Bar- baries giammaticales , exage'ration des figures , de'vergondage de la pense'e, rien n'y manque ; tout nous rappelle la pariie affligeante d'une e'poque dont nous ne voudi-ions conserver que les souvenirs glorieux. Mais si I'auteur a eu la pre'tention d'apporter des argu- mens dans la discussion politique, s'il a voulu prendre sa place et faire entendre sa voix dans le de'bat qui s'agite , nous devons I'aver- tir qu'il a choisi des armes mauvaises , et suivi des inspirations fa- tales a sa cause , qui, au fond, est la notre. L'liomme auquel il adi'esse sa brochure me'rite qu'on emploie des formes un peu moins brutales; car avant toutcs les aristocraties auxquelles il peut pre'- tendre, et que M. Desjardins lui reproche, M. de Chateaubriand possede I'aristocratie du talent , et c'est elle qui I'anoblira dans la poste'rite' : les contcmporains ne doivent pas I'oublier. En rendant compte de la brochure que le grand e'crivainapublic'ctres-mal a pro- pos, il y a peu de tems, sans aucun profit pour sa gloirc, nous avons 376 LIVRES FRANgAIS. le'pondii aux sopliismcs c'loqucns qu'cUe rcnfennc, cl noire opinion sur ellc nc dii'iere pas bcaucoup de cclle dc M. Dcsjardins ; mais nous I'avons ajipuje'e sur d'autres raisonnemcns ; car, a nos ycux , iin paradoxe sauvagc ct cniol nc ic'fiilc pas siii'fisamnicnt iin para- doxe sentimental. « En 93 , dit M. Desjardins , la France ctait un camp. C'c'tait une verge dc fer jete'e sur tons les chemins de la guerre et des re- voltes ; c'c'tait la dictature du cliamp de bataillc transportc'e dans Ics lois dc la cite; une loi au-dessus des lois , pour c'viter de plus grands malheurs : la defection et I'indisciplinc politique qui perdent les £tats. Quelquefois une place de guerre, refuse de capituler, et passe par les armes , afin d'e'pargner a I'armee nationale une suite de sieges douteux et sanglans. Plusieiu's grands capitaines Font fait sans que leur nom en soit fle'tri. Le salut du pays avant tout. Les lois des revolutions sont , comme celles de la guerre , contre nature ; et Lien que I'expression n'en soit pas arrete'e, comme c'est celle du Code militaire, tout s'y passe en consequence. » — Y a-t-il des lois contre nature? y a-t-il un univcrs hors de I'univers , oii 2 et a font 5, et oil la soltise I'emporte sur !c ge'nie , I'errcur sur la ve'rite, le vice sur la vertu ? Le monde dcmain tomLerait en poussiere si la re'ponse etait une affirmation. Le style de M. Desjardins ne manque pas d'c'loqucncc dans son exagc'ration et de force danssa bizarrcrie. Le passage suivant justi- ficra cet e'loge. L'auteur re'ponda ce passage eloquent 011 M. de Cha- teaubriand deplore les infortunes de la fiUe de Louis XVI : En par- courant des yeux Vespace qui separe la tour du Temple du chateau d'Edimbourg, je trouverais sans doute autantde cata- mites entassees quil y a de siecles accumules sur une noble race. « Et nous, dit M. Desjardins , en e'coutant tons les cris d'an- goisse qui se re'pondent et font echo , du canon de la Bastille de 89 au canon des barricades dc 1 83o , nous rencontrcrions plus de calamite's accuraule'es au nom de la le'gitimite' sur une terrc d'in- de'pendancc et de liberte , qu'il n'y a eu de sensibilitc dans les en- traillcs des meres, de larraes stdiqucs dans les yeux des peres, de gcne'renx elans dans le coeur des fils, defenseurs ne's de la patrie, ])our suffire a tant de douleurs, d'abncgation et dc travai;x. LIVRES FRAN^AIS. 877 » Toutes les douleurs ont leur noblesse et e'vcillenl des sympa- thies. On peut bien trouver quelques sources de larmes dans la tete pleine d'etonncinent et de stupeur d'une fille infortune'e de rof, trois foi's violemnient se'pare'e du tronc pateinel 011 elle aspirait a monter , et trouver , pour exprimcr ccs royales douleurs , irois sil- lons dans les joues du masque severe de la trage'die antique. » Mais rfipope'e , cette muse de la doulcur de tous les hommcs , oil (rouvera-t-elledes torrcns de larmes assez impe'tueux , des flots d'indignation assez larges pour exprimer les tortures de la France? La France , cette Niobe entre les nations , dont le sein a e'te impi- toyablcment de'chire par les ongles de fer de vingt families de rois ; chaque fibre cruellement tenaille'e par des arme'es furieuses d'escla- vage; chaque veine e'puise'e desang par des bataillcs sans nombre; chaque lobe du cerveau envahi par le vertige; chaque cheveu de la tete gagne' par la blancheur prc'mature'e de la vieiUesse. » Et tout cela , au nom , dans I'inte'ret et sous la main d'une scule famille qui , depuis huit siecles , ose se dire franjaise I II n'y a occur qui nc bondisse , bras qui ne se tende , e'pe'e fran^aise qui ne flam- boie a ce nom de Bourbon , tout de'goutant de meurlres et des sueurs de I'agonie de trois millions de Francais; a ces deux syllabes de sang et de bone donne'cs pendant quarante ans pour mot d'ordre a la frontiere et a I'inte'rieur. » luS. — Societe pour publicatio?i de brochures : La le'giti- mite et la souverainete du peuple. Paris, a5 avril i83i j a la direction ue la Socie'tc'. In-B" dc 3o pages ; prix , i fr. 5o c. Toutc cette brochure n'estque le de'veloppenient et le commentaire d'un mauvaisjcu dc mots de Bossuct. « Le peuple donne la souve- rainete , done il la possede , » disait Jurieu , qui plaidait sous Louis XIV pour le sens commun en politique. « Si le peuple I'a «e'de'e, elle ne lui appartient plus , » re'pondait Bossuct. Le peuple ne donne ni ne cede la souvcraine' , parce que la souveraincte' c'est lui, c'est son existence. II la de'legue sous certaines clauses, qui toutes emportent reversibilite' au corps social. La condition esscn- tielle de la societe, la base, la cause du contrat qui la lie e'tant la liberte, c'est-a-dire la vie, le peuple nc peut pas plus alie'ner la TOME I. M\l i85i. ft 5 378 LIVRES FRAN^AIS. souA'craincte qu'uu liomme nc pout se vendre a peqie'tuite , c'cst-a- (lirc se constitiier I'csclave d'nn autre sans de'dommagcmcnt aucun • car tout est compris dans cet abandon de la libcite^ dans crlte annu- lation de I'etrc, Ics avantagcs du central conime scs charges j et si jamais ce marclie monstrueux fut conclu , il c'tait nul par le fait et par le droit. Nous avons lionle de repe'tcr ccs lieux communs; niais il faut bien les redire a ceux qui nc rougisscnt pas de les nicr au terns oil nous vivons. « Nous appclons legitime tout gouvernemcnt fonde sur une de- legation de pouvoir faitc par un pcuple tout entier qui n'a point d' en- gagement ante'rieur Ainsi le gouvernement anglais , fonde' sur •'usurpation et la conquete , en 1688, est devenu successivement quasi-le'gitime , et legitime enfin , car ce dernier titre ne peut plus lui etre refuse , aujourd'hui que son principe n'est plus conteste' par aucun Anglais , et que I'cxtinction de la famille des Stuarts a ane'anti tout engagement ante'rieur de la nation. » II est evident que I'auteur ne comprcnd pas la matiere qu'il traite, et qu'il confond les notions les plus e'lc'mcntaires. Le pcuple est-il un et toujours le nieme? Les stipulations d'une generation engagent-cllcs les generations qui sui- v'ent ? Les inte'rels pour la protection desqucls tout gouvernement est institue' sont-ils invarialjles comme peuvent I'ctre les prejuge's , les opinions et les luniiercs d'une dynastic a qui le pouvoir a e'te' de'le'- gue'? Enunmot, toute constitution n'est- elle pas c'crite et jure'e sous la reserve tacitc , a cause de son evidence , du progres de la raison et de I'equite' sociale? La delegation ne constitue un droit, pour celui a qui elle est faite, qu'aussi long-tems que les circonstanccs restent identiqiies. Le gouvernement perd des le lendemain la garantie de ce contrat inertc et avcugle : il est livre' des lors a cette supreme regie de la conscience et dii libre arbitre de I'liommc dont il serait miraculeux que les gouvernans fussent dispenses de faire usage. Tant que la majorite' des Anglais (c'est-a-dire la majorite' de la popu- lation pensante et agissante, le reste est Lors de cause) a cru ses inte'rets attache's aux Stuarts et aux principes qu'ils rcpre'senlaient, les Stuarts ont e'te legitimes : aussitot que cette majorite , par un progres nature! des choses, s'est trouvec groupee autour d' opinions et d'inte'rets contraires,ilssonllombe's, et tombc's justement. Aujour- LIVRES FRAN^AIS. 879 d'hui raeme , si la re'forme etait repoussee par les pouvoirs consti- tutionnels , la constitution anglaise devicndrait ille'gitime , car une majorite immense serait inte'iessee et dispose'e a la renverser pour lui substituer la charte des inte'rets nouveaux. Voila toute la ques- tion ■ voila la raison invincible qui doit faire admettre a la jouissance des droits politiques , au droit de representation et de vote tous les inte'rets , toutes ies opinions , c'est-a-dire toutes les pense'es ct tous les bras. 126. — Fais ce que dois , advienne que pourra. — Opinion de M. le due de Noailles sur le projet de loi relatifa l' exclu- sion de la branche ainee des Bourbons. Paris, i5 mai, i83i; a la direction de la Societe pour publication de brochures. In - 8° de 13 pages; prix, i fr. La mesiire sur laquelle M. de NoaiUes e'niet une opinion telle que devaient la faire pressentir son nom et sa position pent etrc jugc'e de deux points devuediffe'rens. — Si les evenemens de iSSoavaient ete' une veritable revolution , si cette revolution avait eu ses conse'- quences logiques , c'est-a-dire si elle avait agi sur les choses et sur les institutions , au lieu de de'placer seulement les hommes, c'eiit ete, as- sure'ment , une loi miserable et ridicule que celle qui aurait prononce I'exil perpe'tuel des Bourbons de la bi-anche aine'e. Get acte aurait ete' alors une vengeance populaire ou une pre'caution nationale indi- gne de ceux qui avaient escorte' avec un me'pris de si bon gout , jus- qu'a Cherbourg , Charles X et sa famiUe. Sous un autre rapport , la nation aurait ainsi limite pour I'avenir une souverainete , de sa nature , sans homes, et ie peuple n' avait aucunement besoin de se de'fendi'e , par une prohibition le'gislative , centre une famille ct contre un principe qu'il venait de terrasser d'un bras si fort. II pouvait entrer dans les possibilite's de Tavenir, dans les convenances de sa poHtique, de se servir un jour de ce qu'il rejetait alors. Dans ce cas , done , la loi eut ete inutile et contradictoire au principe qui I'aurait fait naitre . Mais en prenaut le fait tel qu'il s'est re'alise , la mesure avait son utilite et sa raison. Juillet e'tait un combat d'homme a homme, la victoire d'une dynastie sur une dynastic , et la famille qui triomphait ■devait faire constater la de'faite de ceux dent elle prenait la place ; 25. 38o LIVRES FRANgAIS. ollc devait engager la nation dans la quereUe ct invoqucr rantoiite de sa sanction. Un calcul asscz juste dans sa petitcssc faisait scntir a ceux qui s'e'taicnt emparc's do la revolution la ne'cessitc dc comprometlre les mcmbres dc la legislature rcvolutionnaire. G'e'tait une pre'eau- tion contre une restauralion possible et une garantie centre les tralii- sons de tant d'hommes qui ont trahi tant dc regimes. C'est ain.si que cctte loi a etc' gc'nc'ralcmcnt conjidcre'e , et c'est de ce point de vue que la combat M. dc Noadles. Nous n'avons pas besoin d'anaiy- scr ses raisonnemcns; ils ressortent naturellement a I'expose' que nous venous de I'aire. Une autre question qui se rattache a la pre- miere , cclle de 1' expropriation , ou plutot du se'questre , est discu- te'c par lui trcs-longucment. II est evident qu'en droit elle est tranche'e par la solution du premier terme : le bannissemcnt perpc'tuel , sans la vente forcee serait une mesure illusoire, si Ton ne faisait tout expres des lois exccptionnelles sur la propric'te , ses privileges et ses charges. Aiis. P. 127. — Pen de Blots sur Vltalie. Paris, i83i; Dclaunay. In-S" de 32 pages ; prix, i fr. 5o c. Cette brochure est une reclamation a la fois forte et modere'e en faveur de cette malheureuse pe'ninsule italique que la diplomatic parait determinee a traitor comme s'il ne s'e'tait rien passe' en Eu- rope dcpwis 1814. L'autcur fait fort bicu rcssortir cc qu'est I'in- fluence autrichicnne dans cette contre'c ; il expose que toutcs les classes de la nation la supporlent avcc vmc vive impatience. La no- blesse et le clerge sont bien plus e'loigne's qu'on ne le croit gc'ne'rale- mcnt parmi nous d'appuyer le despotisme , et Ton pent remarquer que , dans tons les complots qui eclatent de terns a autre , figu- rent toujours plusieurs membres de ces deux ordrcs ; a present meme , les prisons ct les galeres rcnfennent un grand nombre de prctres. La plupart des souvcrains sont anime's de vues libe'ralos ; mais TAutriche preside a la formation de leurs cabmets , ct e.le en e'loigne, par ses intrigues , tons les hommes capables de faire triom- pher les ide'cs gene'rcuses. Telle est cette influence, qui vient dc prendre beaucoup plus de force encore qu'avant la revolution de juillet par suite de I'invasion des Etats remains , invasion que la LIVRES FRAN^AIS. 38 1 Fvance a soufferle en abandonnant les principes d'uiie politique qui a preside' a ses conseils depuis le seizieinc siecie, et qui I'a long- tems rendu I'arbitre du midi dc I'Europe. P. A. D. 128. — Proces de la conspiration , dite re'publicaijie , de de- cembre i83o, contenant des pieces ine'dites et des notices biogra- pbiques sur les principaux accusc's ; par Emile Babeuf , e'ditcur du proces des ministres de Charles X. Paris , i83i j A. Hocquart jeune. In- 1 2 de XXII- 284 pages; prix, 2 fr. ^5 c. 1 29. — Proces des dix-neufpatriotes accuses de complot ten- dant a remplacer le goiwernement royal par la re'publique ; concernant leurs defenses et celJes de leurs avocats. Paris, i83i ; Pre'vot, rue de Vaugirard, n" 22. Iu-8" de 2G8pag.; prix, 2 f. 5oc. Nous annoncons ces deux publications comme des documens pour servir a la connaissance d'un des episodes les plus curieux de Thistoirede ces derniers terns. L'une et I'autre rcproduisent assez fideleraent ces de'bats intc'ressans qui ont montre sous un si triste jour le funeste systeme politique que des hommes preVcnus s'obsti- nent a imposer a la France. Nous avons reinarque peu de differences entre ces deux volumes : le premier contient cepcndant , en plus , des notices biographiques sur les accuses, dans lesquellcs nous avons remarque'une erreur : M. Sambuc y est repre'sente comme le fonda- teur du journal la Tribune ; ce fait n'est pas exact. I So. — L' Instructeur theorico-pratique de la prononciatioii anglaise, methode nouvellequi dispense I'eleve d'avoir recoui-s aun maitre; suivie d^iin Traite sur les differens modes de conjugai- son, et d'un choix de morceaux extraits des meilleurs auteurs, avec I'accent et la prononciation figure'e sur tons les mots au moyeu de cinq signes; par L. Rudelle ; approuve'e par M. T. Robertson, professeur d'anglais. Paris, i83i ; I'auteur, rue de LaHarpe, n°8i, au cabinet litte'raire; Baudryj Tbe'opli. Barrois. In-8'' de xii.- aoo pages; prix , 3 ft'. 5o cent. On connait les difficultes de la prononciation anglaise : I'usage meme le plus prolonge' de cette langue ne parvient pas toujours a les surmonter. C'cst done unc entreprise fort utile que d'cssayer d'en tracer les regies et de supple'er aux insuffisances de I'ortlio- graphe, qui, pour I'anglai.s plus encore que pour aucune autre 382 LIVRES FRAN^ATS. langue , a fait trop souvent dc rccriture loute autre chose que I'cxacte rcpre'sentation des sons. M. Rudelle a clioisi d'excellens guides, le docteur Johnson, les grammairicns John WaUcr et Lindley- Murray. Une bonne me'thode a ^ire'side a son travail, qui annonce du reste ime longue etude du sujet. C'est un livre qu'on doit rccom- mander a tous les e'tudians. J. i3i. — MemoireSy correspondance et oiwrages inedits de Di- derot, public's d'apres les manuscrits confies, en mourant, par I'auteur a Grimm. T. I, II, Illct IV. Paris, i83o et i83i ; Paulin. 4 vol. in-8°, de 4oo pages chacun; prix, ■j fr. le volume. Depuis long-tems on attendait cette intc'rcssante publication. Diderot n'a pas laisse' une ligne qui ne soit prc'cieuse et qui ne ca- racte'rise parfaitement, etle XVIII' siecle et la Socie'te Encyclope'di- que, qui e'tait un resume' de cc siecle. La seconde liyraison vicnt de paraitre. Nous consacrerons prochainement a ces me'moires un ou plusieurs grands articles qui serviront a constater le point de vue nouvcau sous lequel Diderot pent se montrer dans ce testament litte'raire. Z. 1 33. — Le Dernier Homme , poeme iraite de Grainville ; par A. CuEuzE DE Lesser. Paris ^ i83ij Delaunay, Palais-Royal. Grand in-S"; prix , 5 fr. Pour rendre aux auteurs de nos jours I'inspiration des longs poe- " mes, il faudrait ranimer parmi nous le gout des longues lectures. M. Creuze' de Lesser faisait, en i8ia, de longs poemes qu'on lit en- core en 1 83 1. Aujourd'hui I'inge'nieux chantre de la Table Ronde tcnte un essai plus grave : il a passe' par le poeme he'roi-comique jiour arriver a I'e'pope'e. Le plaisant est-il un heureux apprentissage du sulilimc? En d'autres termes , M. deLesser est-il un de ces poetes privile'gie's qui ont le don de se transformer suivant les hommes et les choscs , plaisant et gai quand le mondo riait , severe et grave depuis qu'il ne ritplus? C'est ce que \c Dernier Homme est c\iax^e de nous apprendre. Le i""" fe'vrier i8o5, Grainville se noya dans la Somme , au mi- lieu d'un violent acccs de fii^vre. II avait cinquante-neuf ans: pre'oc- cupe des I'age de seize ans d'une des plus e'tonnantes conceptions qui aient jamais apparu a un poete, il la porta dans sa pcnsce jusqu'a ce LITRES FilANCAIS. 383 qu'une heure de repos dajis sa vie orageusc liii permit de la de'poser dans iin livre. La mortle surprit au milieu de soiioeuvrc, et I'ebau- che qu'il nous a laisse'e est encore , quelque impaifaite (ju'elle soil , un dementi sublime au mot fameus qui nous interdit Tepope'e. Grainville suppose qu'il est vcnu un tems oil la terre s'est e'puise'e, oil rbommc lui-meme est ste'rilej les astres s'e'teignent un a un dans les cieux , les peuples disparaissent un a un de la tcrre ; un seul homme pent encore perpe'tuer sa race dans le monde : c'est dans la bouche de cet homme que Grainville a place le re'cit des dcrnieres convulsions de la nature expirante, et c'est au premier homnje quece re'cit s'adresse. Je ne sache pas qu'il existe ailleurs quelque chose qui parle plus haul a I'imagination. C'est un monde en contraste de celui de Milton. La se presentent en foule les ide'es les plus hautes , les plus majestueuses ionages, les inventions les plus gigantesques.' N'ya-t-il rien d'e'trange, de bizarre, d'incohe'rent dans tout cela? Le titre d'e'baiiche que nous donnons a ce poeme a deja dit tout ce qu'il a d'incomplet et de de'fectueux. Tel est I'ouvrage auquel M. de Lesser a cru devoir donner la forme poe'tique : nous dirons franchement que cette idee nous parail malheureuse. II fallait laisser a ce monument inacheve' sa hardiesse irreguliere et ses puissantes combinaisons. Si vous etes frappe de la haute conception de Grainville , entrez du moins hardiment dans le monde qu'il acre'c, em^iarez-vous de sa pense'e et la refaites a votre maniere , on vous pardonnera peut-etre I'imitation et vous pourrez , comme Ame'ric Vespuce, donner votre noma la terre qu'un autre aura de'couvertej mais se contcnter de mettre en vers ce qui est en prose , c'est tracer de petits sentiers dans de grandes mines , c'est batir une petite maison elegante sur d'immenses fondemens d'un palais. Le poeme de Grainville n'est beau qu'a condition de n'etre pas un livre , mais le premier jet d'un genie puissant et original. Considc'rons done Ic poeme de M. de Le»ser comme un pieux hommage a un grand poetc me'connu , hommage d'ailleurs digne de celui qui I'offre et de celui qui le re^oit. M. de Lesser , poete naturel , inge'nieux , spirituel , plein de grace et de bonhomie , est avant tout un habile traducteur des viedlcs traditions. II a recommence avec un rare bonhcur de misc 384 LIVRES FRAN^AIS. en ceuvre le travail de M. de Trcssan, et nous a presenle dans une chaimante trilogie 1' ensemble des conies clievaleresques du moyen a"e. Lc poeme que nous annonfons ne demandait aucune des qua- lile's de style qui out fait des cuvrages de I'auteur, non pas des re- productions vraies des anciens teins , mais d'amusantes lectures. M. de Lesser a su du moins recueillir dans I'original tout ce qu'il y ade traits neui's et brillaus, d'images fortes ct grandes, d'ex- pressions creees; il a su fondre habilement sa pense'e dans celle de son modele; et ce modele a ete'pour lui une inspiration continuclle. Le style presque toujours pur, elegant , facile , poe'tique , est sou- vent noble , e'leve'e , ferme , hardi , et se prete avec souplesse aux accidens de la pense'e. Ce n'est pas qu'il ne trahisse quelquefois les preoccupations babituelles du talent de I'auteur ; la facilite devient parfois prolixite et la correction timidite; mais les taclies sont rares et disparaissent dans une foule de beaute's de detail que le poete ne doit souvent qua lui seul. On pourrait citer un bon nombre de pas- sa^^es brillans ct empreints de riclies couleurs : nous ouvrons le livre au delnit et nous transcrivons la premiere page. Dans ees deserts brulans, ou, menafant nos tetes, Les sables ontleurs flots etmeme leurs tempetes , Ou Palmyre offre aux yeux ses debris eclatans , Ouvrage des Remains qu'acheve en paix le Tems , II est un lieu terrible; antre sombre, autre Averne , Que de la TMort a-u loin on nomme la cavcrne ; En effet tout mortel qui la porte ses pas , Frappe d'un trait soudain, appartient au trepas. On dit que des Franf ais , forts de courage et d'arnws , Dans Fabime sans fond entrercnt sans alarmes ; L'abinie ue rendit que leurs debris dpars , Dont Taspecl des TAurore, cffraya les regards. II repete souvent aux nuits silencieoses Des sons plaintifs, Rouvenl des voix tumullucuses; Tels d'uii peuple en fureur sont les cris animes. Quelquefois il vomit des torrens enflammds. La terre tremble alors, et ses bonds frcnetiques De Pantique Palmyre ebranlent les portiques ; Et, dans ces jours oruels , la ville des deserts • Semble un navirc immense agitc sur lea mors. LIVRES FRANyAlS. 385 i33. — Paris — Elevation, par M. le comte,^//>eJde Vicrv. Paris, i83i; Charles Gossclin. In-8''j pi'ix., 'i fr. 134. — Une autre Parisienne. — Concert au TVauxhall pour les Polonais , par S. L. Paris, i83ij CherbuUiez, riie de Seiue- Saint-Germaiu , n" 57. In 8°; prix, i fr. 5o c. Les revolutions qui clepuis quarante ans agitent TEurope ont fait de Paris une ville a part dans I'histoire des cites humaines , un etre anime' et puissant qui impose tour a tour au monde son mouvemeut ou son repos. II faut entrer dans cette conception pour bien com- prcndi'c le point de vue ou s'est place' M. A. de Vigny, dans son Elevation sur Paris. II est nuit; le poete prend un voyageur par la main et le conduit sur les tours de Notre-Dame , d'oii il lui montre la grande ville , et lui demande a quoi lout ceci pent se comparer. Est-ce une fournaise? est-ce I'axe immense d'une roue? L'un et I'autre : axe qui imprime son mouvement aux cercles en- cbasse's dans le sienj fournaise ardente, oil s'elaborc toute opinion, toute doctrine. II y a la une haute pense'e , que couronne admira- blement le doute qui vient saisir le poete a la fin de son ceuvre , et qui fait qu'il se demande avec anxiete' ce que I'avenir tirera de cette fournaise. II y a la, nous le repe'tons, une forte poe'sie pour qui no craindra pas de suivre le de'veloppement de cette ide'e a tra- vers toutes les ine'galile's d'une exe'cution souvent pe'nible, ob- scure, contourne'e. Allure manie're'e plutot que fi'anche, expression plus triviale que simple , versification qui vent aller au naturel et n'arrive souvent qu'a la negligence , et 5a et la des images neuves , des mots jete's avec bonheur , des vei's admirables, qui vous avertis- sent que le poete a passe par la : telle est I'cxecution de ce morccau, qui n'ajoutera rien a la renomme'e de M. Alfred de Vigny. On en a cite' beaucoup de mauvais vers , nous choisirons parmi les bons. Le poete s'adresse au voyageur : Sontje qu'au dessus de tcux dont j'ai paile, II en fut dc meilleuis et de plus purs encore, Rares parniis tous ccux dont leur terns se ddcore , Que la foulc admirait et blainait a moitie , Des hommcs pleins damour, de doute et de piti^, Qui disaieut : Je tie sail , des clioses de la vie ; Dont le pouvoir ou Tor ne fut jamais Ten vie, 386 HVRES FRANC AIS- El qui , par ddvoucment, sans delourner les yeux , Ont bu jusqu'a la lie un calico odieux. Ce Paris qui apparait au genie poe'tiquc dc I'aiiteur de Cinq-Mars sous une forme si puissante a, dans son mouvement, reveille la liberte en Pologne , et ne I'aide encore dans sa lutte que des aumones de la liberie. Ces fetes , ces danses , ces concerts au profit de ceux qui meurent, ont inspire' a M. S. L. une seconde Parisienne. De la pre- miere a celle-ci le progrcs est marque'; c'est quelquefois le raeme me'lange de styles , toujours la meme confusion de rhytlimes , la meme absence d'ide'e premiere j mais le ton en est plus soutenu , et paifois la marclie plus rapide, les images plus neuves, I'expression plus concise ; en voici quelques vers : Des armes, des trdsors! ... Ah ! volez aux combats ! Vos tr^sors sont vos coeurs , vos armes sont vos bras ; Marchez , deployez vos baniiieres ; Marchons , ne complons pas leurs coliorles altifercs ; lis sont toujours assez, les citoycns soldats Centre les soldats mercenaires. A. DE L. 1 35. — Bolivar, par Emile de Bonnechose, bibliothe'caire du chateau de Saint-Cloud. Paris, i83i ; Mesnier, Ladvocat, Delau- nay. In-S" de iG pages; prix, i fr. , au profit des Polonais. « Franklin est mort, » s'ecria un jour Mirabeau a la tribune de I'Assemblee constituante , et, a ces tristes et simples paroles, qui re- tentirent dans toute la France, cliacun se sentit frappe' comme d'une pcrte domeslique. Quelle voix publiqiie nous a annonce la mort de Bolivar ? quels hommages avons-nous rendus a sa me'moire? A peine , dans quelques feuilles , le mince article ne'crologique , qu'on ne refuse pas a la plus petite ce'le'brite. Nous etions trop ^ e'tourdis du bourdonncment de quelques petits hommes qui sc dis- ■ putaient les lambeaux de juillet pour distinguer de si loin le der- nier soupir d'un grand citoyen , raourant me'connu , de'courage , sur la terre qu'il a rendue a I'inde'pendance , mais non encore a la liberte' , car il n'y a pas liberte oh regnent les factions. On doit savoir gre a M. de Bonnccliose d'avoir rompu un silence si bizarre , pour nc LIVRES FRAN^AIS. 38'] lien diie de plus. II I'a fait avec le talent facile ct elegant dont il avait dcja donne' plus d'une preuve , notaminent dans la trage'die de Rosemonde , representee avec succes en i8'i6auThe'atre-Fran9ais. On ne peut mieux louer de bons vers qu'en Ics citant. En voici quelques-uns , qui donneront idee des autres. lis offrent un rappro- chement juste etbien exprime' entre Bolivar et Napoleon. Conime lui, sur ton front ta pens^e agissante De tes yeux noirs faisait jaillir I'eclair; Comme lui , ta parole energique et puissante Gravait au fond des ca?urs ta volonte de fer : Mais un plus noble cspoir enflaminait ton genie ; II fut grand pour lui-menie , ct toi , pour ta patrie : Pour tenir lunivers sous son trone abattu, Du vieux monde sa main ebranla Tequilibrc , Et le vieux monde Ta vaincu : Liberie fut ton cri , ton Amdriquc est librc , Et ton oeuvre fa survecu. Cette piece , consacre'e a I'un des plus illustres de'fenseurs de la liberte liumaine , se vend au profit de ceux qui meurent pour ellc en ce moment sur les bords de la Vistule. C'est marier lieureuse- ment deux nobles causes. Puissent - elles triomplier ensemble, Tunc de ranarchie , 1' autre du despotisme I H. P. 1 36. — Ode liebrdique et francaise , en I'lionneur de S. M. Louis-Pliilippe !"■, roi des Francais, a son avenement au trone j par E. Carmoly, docteur ue la loi. Paris , i83o; Dondey-Dupre. La grande semaine sera chantee dans toutes les langues. La voici ce'le'bre'e dans la vieille langue sacre'e. M. Carmoly, dont le nom s'est deja fait avantageusement connaitre par des travaux litte'raires et biograi^hiques importans, a tire' d'une lyre qui, malheureusement, n'a presque plus d'e'chos , des sons liarmonieux et patriotiques. La version francaise est en regard du texte helDreu. 187. — Les Dragonnades , drame en cinq actes. Paris, i83i; alibrairie protestante. In-8° de 100 pages 5 prix, 2 fr. So c. Depuis que M. Vitet a su nous presenter, dans un recueil de scenes spirituelles , la peinture vive et attacliante de plusicurs e'vc- nemens de notre histoire , tout le monde a voulu faire du drame his- 388 LivRES fran<;:ais lorique. Les uns , a son cxemplc , adoptant la libre allure de la prose , et n'ayant aucuu e'gai d aiix entraves imposeVs par les besoins mate'riels de la rcpre'sentalion , nous ont donne des memo ires dialo- gue's , dont la lecture est attachante par le naturel et la vivacitc des peintures , mais qui ne remplissent point les conditions qu'impose la scene. Les autres se sont cl'forces de concilicr les exigences du thea- tre avec celles du genre liistoriquc; ccux-ci, nous devons le dire , ont e'choue dans tons leurs essais. Le drame des Dragonnades , confu dans ce dernier systeme , en cinq actes et en vers , ne nous parait pas faire exception. II y a dans ce drame assez d'histoire pour e'touffer rinlcret individuel , pas assez pour peindre reve'nement et rctracer I'e'poque. Nous croyons inutile d'entrer dans de longs de- tails surun ouvrage mediocre a tous e'gards , bicn qu'il prouve que I'auteur n'est pas un homme sans talent. C. 1 38. — Don Martin Gil; liistoiredu tems de Pierre-le-Cruel , par M. MoRTON\AL. Paris, i83i; Eug. Renduel. a vol. grand in-8''j prix : 1 5 fr. Martin Gil, c'est I'ami d'enfance, le premier compagnon de Pierre- le-Gruclj etlorsque celui-ci monte sur le trone, I'ambition jaloused'un pereeloigne le favori du roi qu'il veut gouvcrner sans rivaux.Mais la destine'e de Martin devait etre unie a celle de Pierre. Maria de Padilla devient la maitressc du jeune exile' avant de passer dans les bras du voluptueux monarque; etce n'est que pour se venger de I'infide'lite presume'e de son premier amant, qu'elle consent a jouer en apparence sculemcntleroledcroyale courtisane. Survient Blanche de Bourbon, que la politique du premier ministre, d'AIburquerque, et de sa soeur, dona Uracca, donne pour e'pouse au prince, dont ils ont cru faire le jouet docile de leurs intrigues. Mais rien ne reussit au gre de ces anibiticuscs mene'cs. Un juif , Samuel Levi, grand tre'sorier de Gas- fille , se liguc avec la famille de Maria , dont le roi Pierre est e'per- dument epris, afm d' eloigner Blanche et de renverser le ministre. La calomnie ct la trahison sont les rcssorts qu'ils mettent en ceuvre pour arrivcr a leur but. Alburquerque meurt empoisonne, et Blan- che, accuse'e d'un criminel amour pour son beau-frere , don Fadri- que , subit ignominieuscment le dernier supplice. Martin Gil , ^happe aux perils de la vie des cours , oublie son premier attache- LIVRES FRANCAJS. 889 ment pour la belle Maria, ct Irouve le bonheiir dans unc paisihlc retraite, aupres de la simple et bonne Margarida , sa cousine. Pre'occupe du projet de tracer avec fidelite' le tableau du regne sanglant de Pierre-le-Cruel , I'auteur n'a pu donner assez de re- lief et de de'veloppemens aux choscs d'invention qu'il a male's aux extraits des vieilles chroniqucs cspagnoles; et , d'un autre cote', la partie liistoriqiie n'est pas assez de'gage'e de me'lange romanesque pour presenter un ensemble bien net et bien pur. C'est un ecucil difficile a e'viter pour ceux qui entreprennent d'introduire I'histoire dans le roman. M. Mortonval y a re'ussi quelquefois , en ne pla- 9ant les personnages et les e've'nemens reels que sur le second plan , comme pour donner la date et corroborer la vraisemblance des autres portions du recit. Cette fois, I'habitude des recliercbes labo- rieuses qu'avait necessite'es son projet de peindie I'e'poque et le ca- ractere du Ne'ron espagnol a dii preter a son talent une allure plus grave , et la crainte de perdre le fruit d'un travail pe'nible I'a en- traine plus loin sans doute qu'il ne pre'voyait dans le champ po- sitif de I'bistoire. Son livre y a perdu certainement , comme ceuvre d'imagination , sans pouvoir pre'tendre a des honneurs'plus releve's. Toutefois. e'crit avec goiit et conscience, il pcut plaire encore aux lecteurs babituels des romans, et meme a ceuxdont I'esprit recher- che ime nourriture plus solide. J. 1 39. — Le Parfait Calligraphe, ou Methode pour apprendre soi-meme a ecrire en pen de lecons j par F. Maoee , premier calligraphe de S. M. le roi des Pays-Bas. Nouvelle edition , aug- mente'c de plusieurs pieces d'ecriture et d'une e'chelle de multi- plication. Paris ctLyon, i83i; Babeuf. Grand in-8° oblong de i3 planches et 3o pages de texte ; prix, 1 fr. 5o c. pourtoute la France. Le mot calligraphie cache un pie'ge dans lequel on se laisse vo- lontiers cntrainer , en France et ailleurs : on veut apprendre aise- ment et vile , faire courir la plume en tracant des caracteres qui plaisent a I'ceil ; on ne tient aucun corapte du travail pe'nible qu'on impose a ceux qui dcchiffreront ces e'critures. Les differences entre les ietfres dcviennent de plus en plus imperceptibles ; on finira par rendre illisibles ces caracteres si bien aligne's , ces jambages d'un parallelisme exact et tons de raeme forme. On oublie que le travail Sgo LIVRES FRANgAIS. manuel dc celui qui c'crit n'est pas toujours Ic plus important j que Ton n'a rien gagne , raeme en e'conomie de tems , si la lecture est plus ralentie que I'e'criture n'a pu etre accele're'e, et que de merac qu'il est impose' a un orateur d'etre constamraent intelligible , rien ne peut dispenser celui qui s'e'nonce avec le secours de la plume d'etre lisible d'un bout a I'autre , sans de trop grands efforts de la part du lecteur. Heureuscment les modeles que M. Magne'e met sous les yeux de ses e'leves sont exempts de ces defauts • mais tons ees e'leves ne peuvent pas devenir aussi habilcs que leur maitre , ct surtout , ils ne seront pas aussi soigneux de bien former les letlres ; leur pense'e sera trop occupe'e pour surveiller attentivement la main. Aureste, les pre'ceptes de I'auteur peuvent etre appliques a un sys- teme de lettres plus varices dans leur forme , plus distinctes que celles qui prc'valent depuis quelque tems ; ses modeles pourront etre modifies , sans rien clianger au texte de son ouvrage : voila ce qui appartient essentiellement a I'art dc I'e'criture; tout le reste peut va- rier, depuis I'incommode complication des caracteres gothiques jus- qu'a la simplification exage're'e des saracteres modernes. F. IV. NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTERAIRES. AMERIQUE SEPTENTRIONALE. ETATS-UNIS. Observations sur le climat de I' Amerique du Nord. — Le journal du professeur Silliman ( the American journal of sciences and arts) contient, dans le cahier du i'^'" Janvier i83i , une critique de I'opinion adoptee par un grand nombre de physi- ciens du siecle passe', que les contre'es couvertes de forets sont plus froides que celles ou Ic sol est expose' a Faction des rayons solaires , et qu'il serait possible de diminuer la rigueur du froid dans I'Anie'- rique du Nord, en y multipliant les abattis , en de'couvrant et desse'- cbant le sol par le progres des cultures , ou meme par la destruction des forets dont I'homme ne fait aucun usage, a Aucune extravagance syste'matique ne fut jamais aussi bizarre que celle- la , » dit le cri- tique, M. Dai'id Thomas. Apres quelques raisonuemens assez fai- bles , le dissertateur ame'ricain cite des faits d'une autorite plus im- posante; il rappelle que dans une contre'e de'couverte presque sans arbres , un pen plus au sud que Paris, les voyageurs Lewis et Clark ont vu le tliermometre descendre a 43" au - dessous de zero , et qu'au Saut Sainte-Maric , pres du lac Supe'rieur, a 43 degre's de la- titude, le docteur Foot observa, le 6 fe'vrier, un froid de So", et de a4° a la fin du meme mois. « Nous babitons , dit M. Tbomas , un sol qui se prolonge jusqu'aux glaces polaires • et le vent du nord nous apporte ia temperature de ces tristes re'gions. Pour adoucir notre climat , le seul moyen efficace serait d'opposer a ce vent du nord une barriere qu'il ne put franchir. » 3<^1 ETATS-IJNIS. CcUe conclusion est pcut-ctic jusle en cllc-nieme , qnoique de'dnite par line logiquc donl bcaucoup dc lecteurs ne se contenteront pas. On ne pout me'connaitrc I'accioissemcnt de la temperature dans prcsque loute rEurope , depuis que les cultures s'y sont e'tcndues ; meme en 1 789 , les glaces de la Seine a Paris ne furent pas comparablcs a celles dent cette riviere se couvrait presque tons les ans, au terns de I'em- percur Julien. Cependant ricn ne serable change autoiir de nous, si ce n'est I'e'tat du sol; il n'e'tait done point de'raisonnable de regar- dcr corarae dependans I'un de I'aiitre deux faits simultane's ct qui se pre'sentaient seuis , sans qu'ils parussent avoir aucune relation avec I'-s autrcs agcns de la nature. En conside'rant la question sous un point de vue general , ellc ne paraitra point soluble dans I'e'tat actuel de nos connaissances ge'o- grapliiques et physiques. Nous ne sommes pas en e'tat de dire pour- quoi la cote orientale dc notrc continent est beaucoup plus froide que telle de I'ouestj on ne pent rapporter celte ine'galite' a I'in- flucncc des glaces polaires ; nous ne pouvons qu'entrevoir quelques- i.nes des causes de I'excessive ine'galite' que Ton remarque dans la temperature de I'he'misphere austral sous les mcmes latitudes j et ce- pendant nous sommes tellemcnt presses de savoir , que nous nc voulons prendre ni le tems ni les moycns de faire les etudes in- dispensables : on conclut avec des donnc'cs insuffisantes , et I'ensem- ble de ces te'me'raires decisions usurpe quelquefois Ic titre de science. Les physiciens d'Europe out peut-etre exage're' I'inlluence des forets sur le refroidisseraent des pays !)oise's ; leur adversaire amc'ricain t3xagere aussi I'effet oppose' qu'il leur attribue. Pour terminer cos iuutiles dc'bats , et parvenir a de ye'ritables connaissances sur cette partie si importante de la physique , il faudra pent - etrc encore des sieclcs d'observations. En attendant, que les colons ame'ricains ne craignent point dc de'fricher leurs forets ; ce travail ne pcut etre plus funeste au nouveaii monde qn'il ne I'a e'te' dans noire Europe, oil , cerlainemcnt , il n'a pas refroidi le climat. F. ASIE. 393 ASIE. IIVDES ORIEIVTALES Calcutta. — Beformesprojeteespar lenouveaugoitverneiir. — On e'crit de Calcutta : Lenoiiveaugoiivcrneiirannonccles nieiJ leiires in- tentions. Dcs son debut ila semble'n'etre accessible qii'aume'rite. II en- courage les gens qui font lour devoir, et tance verfcment ceux qui le ne'gligent. II a proclamc la bbcrtc' dc la jircsse , et permis a cliacun d'imprimer ce qu'il pcnse.Ila aboli les siitties ou sacrifices luimains. II a fait de grandes re'formcs dans le syslcme financier , au point d'cnlever aux employes de la Compagnie I'cspoir dejamais re'aliser une fortune. II se prononce fortenient contre la mesm-e qui interdit aux Euro- pe'ens I'acliat dc terres dans I'lndc, et fait tout ce qui depend de lui poui- decider ces derniers a s'ctabJir dans le pays. II a le projet d'ob- tenir , par acte du parlcraciit , la formation d'un Conseil le'gislatif pour I'lnde, compose du gouverneur et de la Cour supreme , ayant puissance de promulguer des lois pour toutc occurrence et en toute occasion. II a signifie sa resolution d'introduire les naturels dans la societe en general et dans les emplois publics , et il parait enclin a fixer a perpe'tuite le revenu des provinces de I'Ouest. II veut desse- cher le lac d'eau sale'e , ouvrir par un bateau a vapeur une commu- nication avec Benares , construire une maison dans le pare de Bar- rackpore ; bref , faire cent clioses toutes a la fois. Peut-etre va-t-il tropvite pour mencr a bicn tout ce qu'il projette; mais u'cn exe'cutat- il que moitic, il aurait deja faitbeaucoup, et jete lesfondemensd'une administration libe'ralc , eclaire'e, telle que la re'clamaientsi viveme^t les besoins du pays et la dignite , le bien-etre moral des individus. — Navigation par lavapeur. — Les communications projete'esde- puisunan entre rAngleterreetCalcutta, aumoyende la vapeur, vont s'organiser defiuilivemcnt par les soins de M. S.-M. Taylor , qui vient lui-meme de faire le voyage jiar la mer Rouge et la Me'di- terrane'e. Les bateaux a vapeur re'partis sur cette ligne seront assez nombreux pour qu'il en parte un de la Grande-Bretagne et de I'lnde tons les quinze jours. Par cette voie , la traversee sera de cinquantc- cinq jours seulement, au lieu de qualre h cinq mois. TOME L. MAI l83l. 26 394 INDES ORIENTALES, TURQUIE ASIATIQUE. On s'occupe aiissi d'e'lablir le meme mode dc commuiiication on- tie Ics principaux ports de I'Indc ct les ilcs avoisinantcs. Les ba- teaux a vapeiir iraicnt en Chine, el, pendant le trajrt, pourraicnt toucherauxMoluqucs,aux lies Celebes, an J;ipon,etc., favorisant ainsi toiitc cspcce de relations commerciales. TuRQUiE ASIATIQUE. — Mosquce et hihliotheque d'^khal- zik. — La Gazette de Tijlis donne les de'tads suivans siir le plus grand edifice de la ville d'Akbalzik. Au milieu d'un etrange labyrinthe de batimens asiatiques de toute description et des anciens murs de la citadelle , s'elevent les domes dore's de la mosque'e d'Achmet, d'une arcbitecttire europe'enne fort re'guliere. La surface des domes porte partout I'empreinte des bombes envoye'es par les Russes lors de la derniere guerre; le croissant musulman est pai'- tout abattu. La mosque'e ot toutes ses de'pendances sont en pierres taillees : a droite de la baute voute qui sert d' entree est une salle oil , durant le dernier siege , les pachas turcs se reposaient de leurs fatigues. Dans la cour, deux monumens entourcs d'une balus- trade sont consacres a la me'moire du fondateur de la mosque'e , le visir Hadschi Achmet-Pacba , et a celle de sa femme. A I'ouest est la bibliotheque recueillie et enrichie par les soins d'Achmet , et qui passe pour une des raieux choisies, sinon des plus conside'rables de VOrient. Les Russes ont enleve une partie des ouvrages qu'cUe renfermait. On cite, commc les plus curieux , la premiere partie du Kitab Sibewe, ele'mens d' eloquence arabe, copie faite il y a 697 ans d'un mamiscrit vieux a cette e'poque de i58 ans; trois^exem- plaires rares du Koran, des commentaires de ce livre, une traduc- tion arabe des psaumes, des ccrils philosophiques ; pbisieurs traites sur les lois et regies pour leur interpretation , publics par Abuha- nife , le premier des quatre legislateurs de la secte d'Omar, qui vi- vait au septierae siecle de notre ere , pendant son califat a Bagdad ; des grammaires turques . arabes , etc. Dans le de'partcment de I'his- toire, une relation des principaux e'venemens de I'histoire de Turquie depuis les tems recules jusqu'a nos jours, donne'e a la bi- bliotheque par le sultan Mahmoud; plusieurs biographies du pro- phete ; des pocmes arabes, persans, etc. Plusieurs livres rares , vainement cherches dans les bibliothcqucs do la Perse , se sont EUROPE. — GRAN DE-BRET AGNE. '.]()5 retrouves dans cellc d'Aclimct , entre aiitres V^nwari Tansil, compose par Kasi-Beisawi ; a" Keschaff ; 3" Ochtceri-Kabir • 4" ffafiz , le ce'lebre poete , avec des explications ; 5" Kitab Siase, par Aristote, etc., etc. L. S. B. EUROPE. GRAIVDE-BRETAGIVE. Societe rojale asiatique. — Dons offerts. — Hahitans de la Nouvelle-Guinee accuses d'etre unthropophages . — Histoire d'un poll de la barbe de Mahomet. — Anecdote sur un man- darin de I'empereur de Chine. — Tradition mytholosique . — Dans la se'ance tcnue dernierement par cette Socie'te, M. Skinner, qui s'occupe sans relache de recherclies sur I'Orient, ct qui a sou- vent envoye a la Socie'te' d'inte'ressantes communications , a fait don d'un vase indien fabrique a Wand-ewash du roc dur et noir sur lequel cette ville est batie; d'un cliapelet de graines dc lotus; d'une paire de boucles d'oreilles en filigranes d'or figurant des serpens , et de quAtre specimens du cocon d'une mouche ou papillon inconnu. Comme ce cocon ne se trouve quesurles quatre especes d'arbustes ou Ton rencontre I'escarbot brillant ou diamantin , on a pense' qu'il pourrait contenir cet insecte durant I'une de ses metamorphoses. Les naturels de I'lnde jettent ce cocon dans I'eau chaude , I'y laissent un certain tems , le coupent en spirale , le ratissent avec un couteau , et obtiennent, en I'e'tirant, une corde d'une grande longueur et cx- tremement forte, qui leur sert pour leurs arquebuses. M. Marsden a lu ensuite une notice sur les habitans de la Nou- velle-Guine'e , re'dige'e par lui d'apres le recit dc deux matelots ma- lais, qui, ayant pris terre dans I'lle pour se procurer du bois et de I'eau , furent surpris , ainsi que leurs compagnons , par un parti de naturels. Beaucoup furent tue's; d'autres, faits prisonniers, eurent les cheveux coupe's et les mains lie'es ; apres quoi on les laissa se proraener libremcnt pendant le jour, et ils n'eurent pas a souffrir dc trop mauvais traitemens. Les cadavres de ceux qui c'taient tombe's dans I'attaque furent mange's , mais on n'e'gorgea aucun des prison- 26. .'k)(^ KMUH»E. niers. [jCs lial)itans nc laisaiciil point dc dili'cjcncc cntic cenx qui claienl lues ct ceii\ qui uiouraicnt ilc Icur inorl natuiclle. Les corps (Ic Icms proclios cl do Icuis amis n'ctaicnt pas opargnc's. lis cnlc- vaient lacliair par larges iranclics, dcpcjaicnt les raembrcs avec de pctits couteadx, les I'aisaient cuire dans dcs vases dc tcrre, et les mangcaient sans poivrc ni sel. CepcndanI le pays scuiLlail fertile et bien approvisionne'. Le sagou , dout ils lout iine sortc dc pain nomme' toyo , y est surtout abondant. La po]iulation est nombreuse, et gou- vernc'c par des chefs. II n'y a point dc roi. Les homines qui donnent CCS details furcnt rclachc's au bout de six mois , a la requete du raja d'une lie voisine. Dans unc seance suivante, on a hi dcs notes sur Cuddapah, par M""^ Srimner. Eilcs contcnaicnt trois curicuses anecdotes : la pre- miere sur Ic suicide d'un chef dc village, qui s'est sacriliepour pre'- venir le retour d'unc inondation qui , dcpuis trois annc'cs, dc'truisait successivement les re'coltcsderiz, surlcsqucllcs se fonde I'existcnce de tout Ic canton. La seconde est relative a I'assaric shc'rif dc Cudda- pah , e'rige' en 1 135 par ordre d'Ubdoun Nubbi. C'est un giand ba- timent carrc'ouvert au sommet, avec un bean portail ct dcs minarets. II a etc' bati pour contenir un poil de la barbc de Mahomet, que Ton conserve dans nne boite d'or a dessus de cristal. De ])etits trous out c'te' pratique's dans la boitc pour y laisser pe'nc'trcr dc I'cau ct mcttre le poil a flot , une fois par an , lors d'unc fete a laquelle les pclerins accourcnt de tons points pour voir ct adorer. Dans ces occa- sions, le portail est illumine de 21 38 lumicrcs. « C'e'tait la coutume du prophete, lorsqu'il conversait familicrement, de se passer les doigts dans labarbe dont quclque poil se de'tachait parfois; alors les disciples , humblement prosternc's , sollicitaient la pre'cieuse relique et la gardaicnt avec soin. Lorsque Hydcr entra en conque'rant dans la province de Cuddapah, il cnvoya ce poil sous escorte a Scringa- patsm, oil il restate joyau le plusprc'cieux du tre'sor royal. Mais lors du renversement de Typoo par les troupes britanniques , le poil sacni s'e'gara on fut derobe. La tradition populaire vcut qu'il ait passe aux mains du Nabab de Kurriul, qui a une collection considerable de reliques du prophete ct dc sa famille. » La troisieme lecture se conqw-sait dc Notices sur la Chine, four- I GKVNDE-BKETAC.NE. llUSSli; 3t)'y nies par uu i/iissionnaiic dii college de San-.fose de Macao, rcnfcr- mant qiiel(|iies paiticnlaritc's origiualcs sur la coiir el le gouvenie- iiient cliinois. Uii trait atliibiie an |)crc dii jnincc regnant doiiiic line singulicrc idee des sujcts et dii souverain. Un mandarin cclebre , Smig-Kann , re'digea et publia un nieinoireacciisaleur contre ccrtaines pratiques dc sa majeste inipe'riale, (pii liii semLlaicnt s'e'carter de la droile voie. Presquc aiissitot aprcs il fut soiume' de paraitre a la coui'. On lui demanda s'il e'tait I'auteur de ce severe avis; il I'avoua sans he'siter : et ayant etc interrogc sur le genre dc punition qii'il ine'ri- lait , il re'pondit d'etre ccartelc. On lui dit de clioisir un autre siij)- plicc : « He'bien, qu'on nie tranche la tete I » Et, a un troisienic appel , il se de'cida pour la strangulation. On lui ordonna de se reli- rer : le lendemain il fut noinme' gouverneur d'Elc ( contree dcs ban- uis), rempercur rendant ainsi hounnage a son respect des lois, quoi- que incapable de supporter sa censure. La se'ance s'cst terminc'c par une tradition mythologique sur la salagrama, on pierre sacre'e qu'on ramasse sur les bords d'un lac de 1 80 milles de circonfe'rence , nomme' encoie aujourd'hui Vishnou Chatrum en me'moire de son origine. Le dieu se plaisait , dit-on , dans ce lieu, oil vivaient aussi deux jeunes raarie's. La feinine e'tait fort belle : il la vit, en devint amoureux, et fit tout au monde pour ebranler sa Constance. Enfin , n'y pouvant parvenir , il pril la figure du mari pendant que celui-ci se battait au loin : inais son absence fut moins longue que Vislinou ne I'avait pre'vu. II revint a I'impro- visle, et dans sa rage voulut poignarder sa femine. Le dieu , re^jreuant alors sa forme premiere , I'arreta el le me'tamorphosa en salagrama , et sa femme en une plante nomme'e toulsie, ordonnant que tons deux lui fussent consacre's. Lui-meme devint lac, et la pierre et la flenr (pi'il aiinait ne se trouvenl que sur ses rives. La salagrama est un fossile contenant un ou plusieurs ammonites. L. S. B. RUSSI£. Petersbourp,. — Acadeinie des sciences. — PItennmenes a Orembourg. — Dans la seance du •>, 1 feyrier i83i , on a domic lec- ture d'une commnnicalion au sujel d'un plienomene singuiicr ipii a etc observe , le i3 dc'cem])re i83(», a Orcmbonrg. Pendant toal< 398 EUROPE. cclte journe'e il e'lait tombc iine forte pluie, quoique Ic thermometie se flit inaintenu au point dc congelation ; vers niinnit on entendit troisviolens coups de tonnerre dans la direction de nord-ouest;le i4 de'ccmbre il toniba de la ncigc , accompagne'e d'une multitude de pe- lits raoucherons noirs , dont Ics mouvcmens iinitaient ceux de la puce. Le lendemain , I'atmospliere s'c'claircit et le thermometrr descendit a 10 dcgre's au-dessous. Dans la meme se'ance on a lu une lettre du gouverneur militaire d'Orcniijourg , donnant les de'taiis suivans : le 1 9 Janvier i83i , entre six et liuit heures de I'apres-midi , par une belle soiree , la lune, qui vcnaita peine de se renouveler, parut en- toure'e d'un gvand cercle de feu parfaitement re'gulier, et coupe' par deux diametres dc feu e'galemcnt re'guliers. La lune occupait le cen- tre du cercle. Deux demi-cercles blancs se dessinaient tres-distincte- inent aux extre'mite's du diametre qui coupait ce dernier de i'est a I'ouest, et leur lumiere se refletait presque jusqu'aux extre'mite's de I'autre diametre , qui partageaient le cercle avec la meme re'gularile du sud au nord. Au nord de ce cercle , on voyait un arc de feu de petite dimension. Pendant la dure'e de ce phe'nomene, I'atmosphere e'tait pure, tranquille, et le froid ne s'e'levait pas a plus de 17 de- gre's de Reaumur ; peu de terns apres , le ihermometre descendit a 29 degre's au-dessous du point de congelation. Moscou. — Industrie vianufacturiere . — Nouvelles machines de GouTCHROF. — Un nouveau journal russe, public' a Moscou sous le litre de Feuilleton ^ annonce que M. Goiitchkof Gls a con- struit , pour la fabrication des chales a la maniere de ceux de Ca- chemire, une machine, au moyeii de laquelle un ouvrier peut exe- cuter ces tissus admirables aVec autant de promptitude et de faci- lite qu'une cotonnade ordinaire. II a fait e'galement construire , sous sa direction , une machine pour la fabrication des e'toffes brochees ; cette maciiine, du genre de celle diteala Jacquard, a e'te simplifie'e par I'inventeur, qui se propose de publier son invention, ne desi- rant point en conserver le monopolc. 0*. ALLEMAGIVE. Foire de Leipzig en iH3i. — La dernicre foirc de Leipzig ( IViqucs i83i) a livrc au ronimcicc dc la liluairic Myio ouvrages ALLEMAGNE. 399 nouveaiix, pioduits dii travail des ecrivains allemands pendant les six mois pre'ce'dens , auxquels il faut ajouter 368 articles de li- brairie e'trangere, 36o ouATages dont la publication est simple- ment annonce'e pour une e'poque plus e'loigne'e , 1 1 4 cartes geogra- phiques, 33 recueils de musique et 6 jeux; pour arriver au total de 38oi articles e'nume're's dans le catalogue (1). Sur les ouvrages ve'ritablement nationaux et litteraires , on compte 1 28 romans , 3'i pieces de theatre et 1 og ouvrages e'crits dans les langues e'trangeres modernes , mais public's par des e'diteurs allemands. Tout en de- plorant cette production de'mesure'e de livres , pour la plupart me- diocres et sans utilite pratique , un journal allemand ( Literatur- Blatt, public a Stuttgart, par M. CoTTA)raitremarquerque, si leur quantile nume'rique n'a pas diminue d'une maniere sensible, ilsontdu moins occasione une moindre consommation de terns, d'esprit et de pa- pier; car les bi'ochures fugitives etlesjournaux deviennent plus com- muns tandis que les lourdcs compilations et les ouvrages compacts se pre'sentent en moins grand nombre. Ici, le redacteur observe que cette surabondance de livres n'estpas unraal par elle-meme; qu'en France, en Angleterre et dans les Etats-Unis , ourone'crit et oul'on imprime beaucoup , et oil les hommes de genie font exception tout comme en d'autres pays , du moins I'industrie litte'raire , si Ton peut s'exprimer ainsi, excite'e par I'activite progressive des masses , s'at- tachc a satisfaire des besoins imme'diats et reels ; tandis qu'en Alle- magne, dans ce pays duquel on a dit que les individus y etaient in- habiles a la pratique , la litte'rature , enfouissant ses tre'sors daus les bibliotheques , les musees , et les cabinets de lecture , oil la poste'rite viendra curieusement les rechercher, reste aujourd'huisans influence sur les progres du monde materiel. L'esclavage de la prcsse, main- tenu avec soin par des gouvernemens hostiles a toute espece de li- berie', ne serait-il pasl'unedes causes principalcs de ce phe'nomene ? PaiTiii les productions e'numc'rees dans le dernier catalogue , les e've'nemens du moment font le siijct de quelques grands ouvrages et d'un plus grand nombre de petits ecrits. On a rcraarque entre au- tres une traduction du livrc de lady Morgan sur la France , et les (1)Le Catalogue do la foirr precedcnic (Paqucs , l?30) aniionfait 4,000 ouvrages. 4oO EUKOPE. leltics de Rauiner sur Paris ; dcs brochures siir les revolutions do France, de Poiogne , de Belgique, dc Brunswick, de Saxc, de Hesse et de la Suisse, sur les plaintes qui se sont eleve'es dans Ic Hanovre, dans la Baviere el dans ic Holstcin. Au nomhre des inciJ- leurs e'crits politiqites d'un inte'ret general , il faut citer celui de Wclker sur la liberie dc la presse , la disscrlation d'Escheninaycr sur la peine de mort , des traductions de I'e'conomie politique de J.-B. Say, et dc quelques ouvrages de Benjamin Constant, Du- pin , etc. L'histoire compte plusieurs jniblications importantes , outre les suites ou le commencement de quelques grandes collections , telles que I'Histoire des peuples europe'ens, pai* Hceren et Ukert; la Bi- bliolheque dcs histoires de tons les peuples , publice par M. Cotta ; la Collection des historiens modernos e'trangers ,' recueillie par Poelitz, etc.; on a publie le luiilieme volume de I'Histoire des Otto- mans, par M. de Hammer; le septicme de I'Histoire des croisades, par Wilken; I'ouvrage d'HuImann sur I'origine de la conslilution eccle'- siaslique dans le moyen agcj I'Histoire des Pays-Bas, par Leo; I'Histoire de Ferdinand I'""", par Buchholz; la septicme edition de I'Histoire universelle de Rotteck ; des traductions de Bignon , Mi- chaud, Lingard, Mackintosh et Botla; enfin , pour re'poqueactuelle, I'Histoire de la diete hongroise , par Mailath , et I'Histoire de I'an- nee 1829, par Schiracli. La tbe'ologie a fourni un abondant contingent de livrcs mystiques ou dogmatiques , sans parler d'unbon nombre de gazettes et de jour- naux exclusivement consacre's aux matieres religieuses, et d'une quantite plus qu'ordinaire de sermons oil la politique du tcms n'est pas toujours tralte'e avec sagesse et moderation. Pour la pbilosopliie et I'e'ducation , on remarque la reimpression dela Logique de Hegel; les e'crits philosophiques de Franz de Baa- der, la Psychologic dc Cams; la seconde partie de la Vie et de la Correspondance de Fichle; une nouvclle e'dition des ceuvres de Campe , a I'usage de I'enfance; I'Histoire Ae \si pe'dagogique , par Glanzow; un ouvrage sur la Me'thode Jacotot, etc. Les sciences naturelles sesont cnrichies de la traduction du Regne animal deCuvier, etde plusieurs relations inte'ressantes de voyageurs, I ALLEMAGNE. FRANCE. 4^1 oiiginalcs ou traduitcs : le Voyage de Ciawfmd a Siam cl dans la Cocliincliinc; les Dccouvertes dcs Cartliaginoiset dcs Phc'iiiciens dans I'oce'an Atlantique, par le ce'lebre Polonais Lelewol; la Description dcs lies Canaries, par Mac Gregorj I'Histoire de I'arcbipel des Indes occidentales , par Meinicke ; les Observations raagne'tiques d'Erman dans la Russie asiatiqne; les Souvenirs d'Egypte et de I'Asie-Mi- ncure , par- Prokescb ; Ic Voyage de Burger dans la haute Italic , conside're'e surtout sous le rapport de I'agriculture ; le Voyage de Horn en AUemagne , etc. Dans les arts et la litte'rature proprement dite , les productions les plus iinportantes public'es pendant la nieme pe'riode sont : la qua- trieme et derniere livraison du grand ouvrage de Boissere'e sur le dome de Cologne j les Recberclies faites en Italic par Rumobr ; I'ou- vrage de Wendt sur les e'poques principales de I'bistoire des beaux- arts; le huitieme volume des ceuvres completes de Boerne; les ^loe- sies de Chamisso, de Heine ; les ceuvres de madame Scliopenhaucrj les Nouvelles de Willibald Alexis ; une traduction de Rabelais, etc. FRANCE. PARIS. InstitL't. — Academiedes sciences. — Seances du mois de mai 1 83 1. — Seance du a. — M. Dupuytren fait un rapport sur la pre'tendue de'couverte du traitement de la brulure au moycn de I'eau froide , par M. Magnin de Grandmont. Ce mc'decin pre'sente I'immersion dans I'eau froide comma capable de giie'rir toutes les briikires, quels que soient leur degre', leur intensite. Apres avoir 1 combattu les principes errone's de I'autenr de celte proposition , M. le rapporteur entre dans de longs de'veloppemens sur les prejuge'sdu pu- blic a I'e'gard des remedes secrets et des panace'es universellcs. — MM. Gerai'd , de Prony et Navier font un rapport favorable sur un Me'moire de MM. Poncelet et Lesbros et sur les expe'rienccs qu'ils ont faites a Metz , lesquelles ont pour objet la recberclie du coeffi- cient de contraction de la veine fluidc. — M. Bccquercl lit un Me'- moire fort important intitule : Du carbonate de chau.v cristallise et de Inaction simultanee des matieres sucre'es ou mucilagineu- 402 FRANCE. ses sur quelques acides metalliques , par I' intermediaire des alcalis et des terres. — M. Gcolfioi Saint-Hilaire met sous les yciix dc rAcade'niie de noiiveaiix fiagmens fossiles qu'il a nou- vellemcnt decouverts dans les environs de Caen. Ces fragmens, qui constituent la plus grande partic du plastron ventral d'un tele'ausaure , confirmcnt de plus en plus I'opinion c'mise par ce sa- vant naturalistc sur la nature et les caracteres de cette espece perdue. M. Gcoffroi lira dans la seance proehaine un luemoire de'taille sur cette matierc. — Du 9 mai. — M. Cuvierlit une lettre de M.Gregory relative au transport du cloclier de Crescenlin. L'autcur, ayantlu, dans le Journal des Artistes , une description pompcuse du transport d'un rocher de l^i pieds sur -27 , qui a eu lieu de la haie de Finlande a Pe'tersbourg pour y placer la statue de Pierrc-le-Grand , rappelle un fait bcaucoup plus extraordinaire, qui est celui du de'placement total d'un clocher. Le transport de ce cloclier, conslruit en briques , cut lieu, le 26 mars 1776, a Crescentin, ancien de'paitement dc Sesia, par le nomme' Serra , maitre mafon , qui en concut le projet. II e'tait tellement sur du succes de cette operation , dit M. (ire'gory, que son fils sonnait les cloches au moment du transport. L'auteur joint a sa lettre une gravure repre'scntant le fait dont il s'agit et le portrait du majon. II indique en outre un ouvrage dans lequeJ il a consigne le proces-verbal tres-detaille de I'ope'ration. MM. de Prony et Navier feront un rapport sur la lettre deM. Gregory. — M. Bel- trami adresse quelques de'tails inte'ressans sur un le'zard a deux tetes. Get animal curieux fut de'couvert, le 2 octobre 1829, par M, Rigal, pharmacien d'Argillez, dans le Roussillon. II ne tarda pas a s'appri- voiser a tel point qu'il obe'issait a la voix de M. Rigal, venait pren- dre sa nourriture dans ses mains , et si on I'exposait au soleil , on le voyait sortir tranquillemeut de sa boite pour jouir de I'influence de la chaleur. II ne se nourrissait que d'inscctes vivans ; morts, il les refusait. Telle e'tait la finesse d'instinct de ce petit animal pour ex- primer sesbesoins, que s'il avait seulement soifet qu'on lui donnat a manger, il se bornait a lecher I'appat : c' e'tait I'indice qu'il voulait boire ; s'il n'avait que faim, il frappait de sa queue I'eau qu'on lui presentait : c' e'tait I'indice qu'il voulait manger. Les deux tetes PARIS. 4^3 mangeaient a la fois quand Tanimal pouvait librement saisir I'ali- ment par lui-meme j si I'appat lui e'tait offert, toutes les deux se mon- traient egalement avides ; si on ne le donnait qu'a iine seule , I'autre se tournait vivement et s'efforcait de le lui arracher ; mais I'une etait- elle rassasie'e , I'autre , quoiqu'elle n'eutrien mange', cessait de de- mander , ret'usait meme. Co qui n'empechait pas que^ si Ton pre'- sentait a boire a celle-ci, elle n'acceptat etnc but pour I'autre , qui, sa compagne e'tant satisfaite , refusait a son tour de boire. Ces cir- constances portent a croire, dit M. Beltrami , qu'il n'y a qu'un seul estomac auquel aboutissent deux cesopliages ; c'est ce que Ton ve'ri- fiera a I'autopsie. L'animal a cmq pates; quatre de locomotion, com- pose'es et place'es comme celles de tous les sauriens ; la cinquierae est sise entre les deux tetes sur la partie supe'rieiire de la jonction des deux cous. La mort de cet animal a e'te' occasione'e par un acci- dent : M. Rigal, craignant I'influence du froid de I'hiver, placait toutes les nuits la boite renfermant son petit monstre dans son lit. Un matin il trouva la boite renverse'e et le le'zard e'touffe. — M. Geof- frey Saint-Hilaire lit le Me'raoire qu'il avait annonce dans la pre'ce- dente se'ance sur les ossemens fossilcs de'couverts dans les environs de Caen. Ce travail est intilule' : Excursion geologique a Caen; nombre et importance des ossemens fossiles quij ont etc obser- ves ; la zoologie et la geologic- egalement interessees dans les etudes dont ces ossemens ont e'te Vobjet. Deja M. Gcoffroy, dans un me'raoire lu au mois d'octobre dernier, avait attire' I'atten- tion de FAcadcmie sur des fragmens osseux trouve's dans le calcaire de Caen. Ces fragmens, quoique peu nombreux , lui avaient permis d'e'tablird'une maniere rigoureusequ'ils n'appartenaient pas, comme on I'avait dit d'abord , au genre crocodile , mais bien a quelques es- peces marines des premiers ages de la terre conside'rc'es, comme perdues et ante'diluviennes , ayant ve'cu dans un tems oil probable- ment I'espece crocodile n'existait pas encore. Les fails peu nom- breux d'abord qui avaient conduit a cette determination ont e'te completes par des de'couvertes ulte'rieures , de mani(3re a permettre a notre celebre et laborieux zoologiste de changer en demonstration rigoureuse plusieurs propositions qui ne reposaient encore que sur un trop petit nombre de donnees. Ainsi , d'apres une ccrtaine forme 4^4 FRANCE. (Ill canal ciaiiio-rcspiratoire, ot la disposition tiTS-caraclrristiqiie dcs c'cailles osseiisi-s , ftl. (leoflVoy avail e'te poitc a pcnscr qii'il n'a- vait pas affaire au ciocodiJedcs flcnves, mais bicnaun animal luarin d'uu autre genre, dans lequcl I'laiitc dc I'organisation dcvailoiTrir des caracteres qui repondisscnt a ceux dcs c'chantillons qu'il avait sous les yeux. Ce qui n'etait alors qu'unc prcsoniption est aujourd'liui un fait : car Ton a de'couvert non plus des fragmens j)lus on moins con- siderables d'animaux d'un inerae genre , mais des squelettes entiers , mais des etres montrant de plus encore les pieces de leur systeme te'gumentaire. Riclie de cette recoltc, M. Geoffroy Saint-Hilaire est parvenu a e'tablir que Ics grands sauriens des carriercs de Caen , attribuc's jusque la au genre crocodile , n'ont point ve'cu a la maniere des ampliibies , tantot a terre et tantot dans les rivieres ou les lacs d'eau douce. Selon lui, ils sont intermc'diaires entre les ictliyosaures et les crocodiles; ils ont commence d'etre un peu avant la dis- parition des ictliyosaures ; on Ics trouve encore mcle's dans le meme terrain , ce qui n'est pas , quant aux crocodiles ; car pour re- trouver de ces derniers animaux a I'etat fossile , il faut Ics aller ob- server dans les terrains de troisieme formation. Unc difliculte cepen- dant s'est presentee dans la solution du probleme. On a trouve' mele's aux os d'un grand teleosaure des cristaux dont on ne trouve de seinljlablcs qu'a de tres-grandes distances de Caen. Ces productions etrangeres a ces lieuxontpu, selon M. Geoffroy, y etre apportees par I'animal lui-meme ; car on en a trouve un enfoui dans la place meme qu'occupaient les pierres insolitcs ; ct d'ailleurs leur forme , leur petit nombrc , leur disposition , tendent a confirmer cette bypo- these. M. Geoffroy presume que le teleosaure avalait des pierres comme beaucoup d'animaux qui en garnissent leur cstbraac. Da;ns une seconde partie de son Memoire , M. Geoffroy cherclie a mon- trej- les applications importantes dont la de'couvcrtc qu'il vient de faire est susceptible. Les unes sont propres a la zoologie en cc qu'cUes caracte'risent I'existence de genres tout-a-fait mc'connus , en cc qu'elles font connaitrc des combinaisons organiqucs encore igno- re'cs, et cufm en ce qu'elles deviennent pour Ics se'rics zoologiques un precieux anneau dc jonction; ks autres applications sont propres a la geologic, en ce qu'elles aideront a la determination d'unc chro- PARIS. 4^^* nologic plus severe des ages de la terre. M. Cuvicr fait un rajiport favoiaLle sur les collections rasscmble'es an Cap, et dans los Tndes , par M. Lamarre Picot, phannacien qui a cxerce' long-temps sa pro- fession dans rile-de-France. Ce savant a parcouru plusieurs parties de rinde orientale , dans rintention d'y recueillir les productions naturcllcs du pays et les ouvrages de I'art indigenes en rapport avec la religion ct les usages deshabitans. Deja I'Acade'mie des belles-lettres a donne' son approbation a la partie litteraire des reclierclies de M. Lamarre. — Du iG mai. — M. Cuvier fait un rapport surun Me'moirede M. Duvernoy, relatif aux moyens que fournit I'anatomie de distin- gucr les serpens venimeux de ceux qui ne le sont ^las. « Ce n'est point ici un objet de pure curiosite' scicntifique , dit M. Cuvier ; il importe beaucoup , surtout aux habitans des pays chauds, de con- naitre les serpens que Ton peut approchcr impune'ment et ceux que Ton doit fiiir. Depuis long-tems, les natnralistes ont cherclie' en vain quelque caracterc apparent cxte'rieur qui put les faire distinguer ; ils n'en ont trouve' aucun de constant. » M. Duvernoy s'est livre' a des lecherches anatomiques fort inte'ressantes et qui doivent etre conti- nue'es , dont le rapporteur pre'sente un resume' et qui donnent deja, pour plusieurs cspeces, la solution complete de la question. — Du 23 mai. — M. Dutrocliet adresse quelques observations sur le de'faut de syme'trie des organes interieursdesanimaux, quece savant ne rcgarde point , avec Bicliat , comme un caracterc essen- tiel de ses organes. Au contraire, ils ont ung syme'trie e'vidente, sc- ion M. Cuvier, chez les animaux dont le corps est tres-allonge. Ellcest bicn plus frappante encore, dit M. Dutrocliet, chez les foetus dans les premiers tems de leur existence. Alors le canal aliraentaire est c'tendu en ligne droite de la bouche a I'anus ; il est parfaitement syme'triquc; cette sjTne'trie peut nous e'clairer sur la nature d'un organe aiiquel les phj'siologistes n'ont pu decouvrir aucune fonction , la rate. Chez la larve de salaniandre aquatique qui vicnt de sortir de I'ceuf , le canal alimentaire est parfaitement syme'trique. A ses deux cote's, presderoriginedel'intcstin, se trouvent, a droite, le foic; a gauclie, la rate, formant unc syme'trie presque parfaite, car la grosseur du foien'excede alors que d'une manicre presque insensible la grosseur 4oG FRANC K. de la rate, et leur forme, comme leur ])osition, sont les memcs. « II est done certain , dit M. Dutrochet, que la rate est I'analoguc sjTiie'triquc dii foie ; elle doit done etre conside're'e comme le foie gauche avorte. » Cette opinion paraitrait confirmee par I'or- ganisation des insectes , cliez lesquels les organes biliaircs sont syme'triques. Ainsi la rate n'e'tant, aux yeux dc M. Dutrochet, que le foie gauche avorte , n'est point un organe, a proprement par- ler, mais un indice d'une organisation pi'imitive, diffcrcnte de celle qui existe actuellement. — M. Chevalier , chimiste, fait connaitrc un nonveau moyen de de'truire I'odeiir forte et de'sagreable que re'pandent les toilcs vermes et impenne'ables. Ce moyen consiste a placer et a c'tendie ces toiles dans une chambre bien ferme'e , a faire arriver ensuite dans ce lieu du chlore gazeux , a laisser en con- tact , pendant dix a douze heures , le gaz et les toilcs vernies , puis a retirer ces dernieres pour les exposer a Fair. — M. Deleschamps adresse un paquct cachetc' contenant la de'couverte de Vilicine , ou principe imme'diat febrifuge du houx. Cette substance, dit I'auteur, a, par ses proprie'te's physiques, la plus grande anologie avec I'eme- tinej elle en differe ne'anmoins par certains caracteres cbimiques qu'elle partage avec la quinine. — M. Auguste Wetzel annonce qu'il ade'couvert un nouveau moteur. Cette puissance , que I'auteur se re- serve dc faire connaitre a MM. les commissaires de TAcademie , est, selon lui , extraordinairement forte ; il la destine a des effets extraor- dinaires , et en ce moment 1' applique a des objets d'utilite ge'ne'rale Don encore connus , tels que : icn toiites ces communications sont prejudiciables aux vrais inte'rets de la science. L' Academic accueille avcc crapiessement tons les travaux quioffrent des re'sultats nouveaux ou qui tendent a e'clairer quelqucs questions importantcs; mais elle n' est point appele'e ajuger Icspctites querelles d' amour-propre , a examiner les opinions individuelles sur le cho- le'ra-morbus , la fievrcjaune ou la litliotritie. En consequence, il en- gage MM. les auteurs a etre plus avares du tcms de F Academic, qui de'sormais se verrait forcce de ne tenir aucun compte des communica- tions qui n'auraieut pas trail a des questions ge'ne'rales , et dont la publication ne serait pas susceptible d'ajouter a la masse de nos con- naissances. Ces observations ont obtenu I'assentiment de la compa- gnie. II est a de'sirer qu'elle ne s'en tienne pas a cet avertissement et qu'elle prenne des raesures positives pour s'affrancliir des importu- nite's qui absorbent la moitie des seances. — M. Se'guier fils lit un Me'moire sur les appareils a vapeur. Ce Mc'moire renferme des con- siderations d'un Laut intc'ret sur la construction des machines , cl principalement sur les moyens d'en e'caiter les dangers et d'obte- nir de meilleurs re'sultats. L'espace ne nous permet pas de repro- duire toutes les observations de M. Se'guier. Les details pratiques dans lesquels il est entre' fourniront a MM. les commissaires de rAcade'mie I'occasion d'un rapport non moins important sur cette & matiere. lis y e'nonceront , en les appre'ciant a leur valeur, les mo- ■ difications nombreuses et vraiment capitales que M. Se'guier projiosc B dans la construction des machines. II ne les pre'sente pas comma inspirees par une the'orie hypothe'tique fruit de son imagination ; c'est I'analyse exacte de.> circonstances dans lesquelles il s'est hii-meme renferme pour la construction d'un appareil qu'il soumct au jugement de I'Acade'mie , et dans I'exe'cution duquel il a consacre huit annc'es de travaux et d' experiences. 4o8 EUROPE. REVUE DES THEATKES. Le raois qui viont dc s'ccoulcr a etc fe'cond en c'vencmcns ct nouveaute's diamatiques. Un theatre s'est e'leve', un autre s' est re'gc'nc'rc , je veux dire le theatre Montansier ct TOpc'ra. Cette sallc enfume'c qui vit sautcr des marioniieltcs , qui fut te'moin des dcTjuts de Brunct et des succcs dc Baptiste cadet , puis dcvint un noir estaminct , une sale tahagic , cette salle s'est ti'ans- forme'e en une c'le'ganle rotonde avec trois rangs de loges , des drape- ries , des peintures , des ai-abesques. On y jouera le vaudeville , on y chantera des couplets conime aux Varietes , coinme aux Nou- veaute's. Certes , il y a du courage a cre'er ainsi une entreprise quand Ics entrcpriscs rivales de'pc'rissent. En prenant les renes de 1' Academic royale de musique , M. Ve'ron a fait preuve d'une confiance que justifient ses antece'dcns , et dont lui sauront gre tons les amis des beaux-arts. Depuis long-tems rOpe'ra marchait a sa ruinc, ct la suppression d'une partic de sa subvention devait porter le dernier coup a ce theatre , le premier de TEuropej il fallait un coup d'etat, car les abus e'taient crians , les re'formes indispensablcs. Grace a I'activite du nouveau directeur, I'Opc'ra est balaye, dit-on, de tons les obstacles qui I'cncombraientj la salle est restaurce, embellie; le personnel modific, rajeuni , augmcnte : on n'attend plus que de bonnes compositions musicales. Douze ou quinze repre'sentations nouvelles ont cu lieu dans le courant du mois sur les diffe'rens theatres de Paris ; ce qui fait une piece environ tons les deux jours. Une pareille fe'condite serait admi- rable, si die n'etait a la fois la cause et le re'sultat d'une decadence de I'art; elle serait mcrveilleusc, si Ton ne savait de quels chefs- d'oeuvre les auteurs d'aujourd'hui cnrichisscnt notre litte'rature ; que dire, par exemple, des deux pieces representees aux Nouveaute's, Mac Gre'gor ct les Jeux innocens; Mac Gre'gor (drame en deux actes , par M. Mobel ; 3o mai) , parodie burlesque d'un chapitrede Rob-Roy , joupc par des acteurs a grosse voix et a barbc rousse; les PABIS. 409 Jeux innocens ( piece en nn acte , melee dc couplets , par MM . Leon ''t Masson; 'i-i mai), vaudeville plus innocent encore que son titre, et dont la morale tend a prouver que ceux qui connaissent le dan- ger sont plus a meme dc I'eviter que ceux qui ne le connaissent pas. Pense'e neuve. Que dire encore do Favras, me'Iodrame dc la Ga«>te'( par MM. Merville et Sauvage; ig mars), episode, comnie toujours , de la revolution francaise , ou la misc en scene de I'e'meutc populaire est le seul litre aux e'loges? La Valliere et Mon- te span, AvAxae de rAmbigu-Comique {•i\ mai , est a peu pres de la meme force que les nouveaute's que jc viens de citer. C'est un tableau du grand siecle peint a la facon de Mignard , avec des mouclies et du rouge. Au milieu de tant de nullites onvoit surgir La Favorite et Le'ontine , vaudevilles fails par deux, hommes qui furentcandi- dats en meme tems au fauteuil acade'mique, el candidats malheu- reux, M. Scribe et M. Ancelot. M. Scribe a fait beaucoup mieux que la Favorite (representee sur le theatre du Gymnase, le i6mai); M. Ancelot a rarement fait aussi bien que Le'ontine (representee au Vaudeville le 'i-i mai), dont le sujet est tire' de Diderot. Jacques le fataliste contient une histoire , un re'cit oil sonl peinls avec tme saisissanle e'uergie I'amour, I'orgueil, la jalousie, la fureur de la vengeance ; je veux parler de ce passage oii madame de la Pommc' raje , abandonne'e par un amant a qui elle a tout sacrific , lui fait e'pouser, pour se venger, une vile courtisane , et ne I'instruit deson deslionneur que lorsque I'aulel a recu leurs sermens. Cette donne'e , bien place'e dans un roman , Test assez mai sur la scene; il a fallu a M. Ancelot ime grande habilete', une adresse rare pour voiler aux yeux des spcctateurs tout le cynisme d'une pareiile situation , et s'il n'a pas Ic me'rite de I'invention^ on ne pcut du moins lui contester celui d'une grande difficulte vaincue. Les Farietes ont donne sous le titre de Batardj (3o mai) une pretendue parodie de ]^y4ntony de M. Dumas, caique insignifiant et indecent oil Ton trouve tout, cxcepte de I'esprit. Le meme theatre avait fait jouer quelques jours avant V Amphigouri , bluette qui e'chappe a I'analyse, et qui fait rire de ce gros rire familier aux habitue's des Farietes. Restent trois pieces auxquelles nous accorderons une mention parliculiere : Ca- mille Desmoulins, I'Amitie des femmes et le Moine. TOMF, L. MAI iiS5i. 27 4lO FRANCK. TiiiiATni. Francais. — Camille Desmoulins , on les Partis cii 1794, ilrame en 5 aclcs ct on prose de MM. Blanchard el Ma- GPfAN (18 mai). — Camillc Desmoulins ctait annonre comme le Fa-Tout Ac. la Como'dieFrancaise. Les socic'taires avaicnt fonde' siir hii I'cspoir d'lin sneers propre a les relialMliter dans I'opinion des hommes de goiit, en merae tcms qu'il les reVoncilieiait avec leurs ereancieis. L'illnsion a e'te' complete : la partie est perdue, perdue tout-a-fait , et je suis encore a me dcmander comment un comilc de lecture forme de litterateurs de talent, habitue's a jugcr loute espece de comj)ositions dramatiques , a pu se mcprendre aussi lourdement sur le me'rite d'une piece. Camille Desmoulins n'eut point etede'placc sur la scene de la Gaiete et de Vjfmbigu , on , pour mieux dire , COS deux theatres e'taient les seuls qui lui convinssent. On trouve dans I'oeuvre de MM. Blanchard et Magnan ce luxe exorbitant de soupirs , d' exclamations et de cris , ces tirades vides , sonores , re- tentissantes qui font tant d'impression au boulevard. .Te. nc dirai rien de la ve'i'itc historique de la pcinture des caractercs . de la progres- sion de rintcret : on nc travaille aujourd'hui que pour le present j le tems est loin 011 Ton aspirait a des succes durables. II faut des SHCces d'argent, il en faut a tout prix, meme au prix du sens commiin et de la vraisemblance. Pour y arriver, nos auteurs s'effor- cent d'e'veiller des sympathies, d' exciter les passions, d'aiguillonfr I'esprit de parti. lis fouillent dans les pages de nos annales, et puis ils coupent , ils de'coupent , ils combinent , mutilant avec une rage cynique les plus beaux passages de notre histoire. lis tronquent et rapetissent les plus grandes choses , vandales literaires qui, a loisir et sans pitie, ravagcnt les monumensde notre civilisation; et nous, par e'goi'sme , nous les laissons faire , espe'rant qu'en echange de Dotre complaisance ils nous repaitront au moins d' emotions fortes. Mais non. Quelle idee votre esprit s'e'tait-il forme de Camille Desmoulins, de Danton et des hommes de leur parti ? C'e'taicnt , a votre avis , des re- publicains stoiques , de'daigneux des raoycns , ne voyant qu'un principe grand, sublime, et dont le but cmbrassait lemondc. Quelle taille ne pretiez- vous pas a ces novateurs audacieux , pcrsc've'rans , quiluttaient contre vingt siecles , contre les prcjuges de vingt siecles. PARIS. 4ll contre les baines dc vingt siecles? Que pensicz-vous aiissi dc l\obes- picrrc, tril)nn arabitieiix, tetefroide, syste'matiqiie , tyran dont le coeur ne brula jamais d'une e'tincelle du feu sacre? Eh bien , allez voir la piece dcs Franfais; et puis, ditcs-moi, que vous semble de Danton^ de Desmoulins et de Robespierre ? Danton , devant qui M. Thiers s'incbne avcc respect , qu'il entoure d'un culte d'admi- ration , Danton n'est dans la piece qu'un temporiseur lent, in- certain , peiireux , qui n'est pas sur d'avoir dcs opinions , encore moins des projets , dont on jiourrait faire un depute du juste milieu, taillesurle patron dcs doctrinaires. Lcs auteurs lui pretent une phrase assez curieuse dans sa bouche : « Me serais-je Irompe , s'e'crie-t-il comme par une reflexion soudaine , en confiant a la repujilique les destine'es de la France? im trone constitutionnel n'eut-il pas mieux valu? » — De'cide'ment Danton cut vote en i83o la Charte-Verite . Quelle pitoyable parodie ! Quant a Robespierre , c'est un personnage assez nul , sommeillant pendant trois actes , et ne se re'veillant que pour discuter avec I'abbe Be'rardier sur Tacite et Tite-Live. Gamille Desmoulins n'est guere mieux traite que les deux autres, bien qu'il ait donne'sonnom audrame, ou, ce qui scrait plus juste, au me'lodrame; c'est un trerableur senti- mental , un excellent pere de famille , parlant a chaque instant dc son e'pouse che'rie , de son jeune enfant, etc. Maintenant , vous dirai-je les brouilleries de me'nage , les contrarie'te's domestiques de cet homme , sur I'ame duquel la vie prive'e n'avait point de prise ? C'est toute la piece : jalousie conjugale , amour adultere , causeries, reproches , confidences , voila les grands raoyens dramatiques ima- gines par MM. B'anchard et Magnan. lis avaient sous la main de quoi composer vingt drames ; il n'ont pu en faire un seul. L'horri- ble, le sublime, debordaient avec une e'tonnante surabondance , il ne s'agissait que dc choisir ; reculant devant la difficulte' , ils n'ont point choisi , et ils se sont mis a inventer, car c'e'tait plus facile. Ils ont fabrique' une revolution a leur guise , au risque de recevoir un de- menti des faits, de I'histoire et meme des spectateurs. et ils ont inti- tule' leur ceuvrc : Les Partis en 1794- Malheureux les gens qui croiraient, ayant vu Cnmille Desmoulins , avoir une idee des fric- tions qui dechirerent cettc e'poque monstrueuse et sublime. '■ • - FRANCt f 2 U Ajiiilie des Femmes , comedie en tin rtcfe, parM. Lafittk. Cctte petite piece est venue au secours de Camille Desmoidins ; inais qiic pent un acte de come'die, si gracieux qu'il soit, pour im- primcr Ic mouvcuient a un theatre paralyse , que mille motifs re- liennent stationnairc? Lesujet do cette bluctte n'est pas neuf : qu'un dandy y'\cim(i papiilonner pres de deux femmes, fussent-elles les mcilleures amies du monde , au bout de cinq minutes clles se boude- ront, au bout d'une lieurc elles se hairont , au bout d'un jour dies se de'tesleront ; ce qui prouve que I'intimite n'est jamais dans nne femme a I'cpreuve de la coquettcrie : j'adopte telle ([u'elle est la donnc'e de I'auteur sans entamer une discussion ou j'aurais trop beau jeu. Deux amies se disputent le coeur d'un beau jeune homme ; larivalite amine la haine ; pour les raettre d' accord, le jeune bomme en e'pousc une troisieme : c.'est bien fait a lui de donner le remede apres avoir cause le raal. La fable de I'ane et des deux voleurs se trouve , corame on voit , inge'nieusemcnt applique'e a la socie'te' liu- niaine. Jadis acteur au The'atre Franjais, M. Lafitte entendbien la miseen scene, ct tourne facilement im vers. Sa piece se conservera au repertoire comme un hors-d'ceuvre sans consequence qu'on voit avec plaisir , raais dont on pent se passer. Odeon. — Le Moine , me'lodrame en cinq actes , par M. Font an (■28 raal). — Gcelhe et Lewis peuvcnt revendiquer une large pari dans ce melodrame ; Lewis surtout. Canevas , situations , pcrsonna- ges , tout, jusqu'au litre, est pris dans le roman de Fauteur anglais , roman de tcrreur et d'effroi , ou chaque page , chaque ligne est em- preinte d'une misanthropic froide et insultante, d'une haine de I'hu- manite' qui s'e'tale avec volupte sur un amas de vices et de forfaits. II y a du de'lire et de la rage dans cette peinture progressivemcnt atroce des passions qui peuvcnt avilir ct de'graderrhommc; et cette oeuvre de de'sespoir et de dc'mence , cette ceuvre ridicule et sublime fut la premiere et la derniere conception d'une tetede vingt ans, dans laquelle il n'aurait dii c'clore que de riantes pense'es , d'aventureux projets. Lewis e'puisa , pour ainsi dire , sa vie tout entiere dans son roman : il mourut quclques anne'es apres son apparition. Le Maine fit revolution en Angleterre. On le dc'vora. II excita rcnthousiasme des uns , la moqucrie des autres. Le clerge fut scandalise' , les fem- PARIS. /\l^ mcs en reverent, ct lord Byron sc sentit frissonncr croyaiil avoir iin rival ; enfin le parlemenl lui-ineiue nc put rester inditYe'rent , et Ton mit en question si I'auleur ne serait point traduit devant les tribu- naux, sous la prevention d'allentataux moeurs et a la saintcte duculte. Lc livre de Lewis fut sans doute vante outre mcsure j mais , au Ira- vers de ce de'sordre f'ougiicux,de ce de'vergondage effre'ne , surgissait une pensee profonde et pliilosopliique. Lewis comma Goetlie avail voulu fle'trir uu vice. L'un combattait rorgiicii religicux, comma I'autre avait combattu celui de la science. Si tel a e'te'aussi le but da M. Fontan , ce dont je doute , ce but n'a point e'le atteint , ct dans tousles cas il serait un anachronismc. II ne faut , selon nous, cher- clier dans la piece de TOdeon que des situations I'ortes etdramatiques. II n'y a rien au-dela dc la question litte'raire, ct cellc-ci se re'duit a pcu de chose, M. Fontan n'ayantqu'un me'rile d'ecclectisme ; voyons au moins s'il a su choisir. Dans ro2uvre originale , Am])rosio nous apparait, des la premiere page, respecte, admire', ve'ne'rc' de tout Madrid. On baise I'em- preinte de ses pas; sa saintete' est devenue proverbe : Pieux comme Ambrosio! G'est un dimanche; il preche, et des flots de peuple inondent la catlie'drale , et les applaudissemcns rcconduisent le prieur des be'ne'dictins jusque dans sa modeste cellule. La , dans la solitude, il se laisse aller a I'enivrement dc son triomplie. Dcdaigneux des faiblesses bumaines, il reste en extase devant sa propre perfection. Dieu a dit : « Qui chercbe le pe'ril y succombera. » Mais cette maxime n'est point faite pour lui, lui, Ambrosio, le saint de Madrid. Lewis, comme on le voit, part de la vertu la plus pure pour arriver a la damnation , a I'enfer, et, dans rintcrvallc, il accumule avec une complaisance satanique tous les crimes que peut enfanter I'ima- gination. Ces crimes sont gradue's avec un art meneilleux, et Ton tremble malgre soi en mesurant la profondeur du precipice ou peut entrainer une premiere fautc. Au milieu de ses prieres, Ambrosio fixe le portrait d'unc madone, et bientot ses regards ne peuvent se de'taclier dc ces traits plains de charmes et d'innocencc. II se prend a rever , sa tete est enflamme'e j et lorsque , dans Rosario, son e'leve cheri , il trouve une jcune fiUe pare'c des graces de la madone, le prieur des bene'dictins n'est dejfi ^KJ FRANCE. plus Ic saint Ainbrosio. Comment se de'robcr au pcnl? que pent la vertti devant les seductionsde Matliilde, amante douce et passionuee? Co debut amene d'une manicre natiuelle et dramatique les ecarts, puis les crimes du moine. EUe jette , des Tabord, de rintc'ret sur les deux personnages. On les excuse de ce'der a rentrainemcnt de I'amour. M. Fontan a neglige et inis de cote cctte heuieuse tran- sition. L'exorde se passe dans la coulisse j ctquand, pour la pre- miere fois, nous voyons Ambrosio , c'cstdcja un etrevil, corrompu, plonge dans les raffinemens d'une crapuleuse volupte , et que Ton prend aussitot en haine et en me'pris ; et puis Mathilde , entouree dans la premiere paitie du roman d'une aureole si mystc'rieuse et si poetique, n'est ici qu'une courtisanc inl'amc, souille'e de debauclie, qui n'a d'autres prestiges que ceux d'une beaute' flctrie , et qu'on sait d'ailleurs de connivence avec le diable. Une Lais d'une part, de I'autre un raoine defroque, voila les personnages de M. Fontan. Yiennent ensuite les diableries , dans le gout de celles du boulevard. Ambrosio debute par un meurtre. Degoute de Mathilde , il s'est epris d'Antonia, qui repousse ses infames propositions ; surpris et menace par le frere, il s'en deljarrasse en I'assassinant. Cette scene est une reminiscence malheureuse de Faust. Dans Lewis, la situation est plus neuve et plus dramatique. Si je pousse plus loin I'examen de la pii^ce , je la trouvcrai tou- jours bien au-dessous du roman. Que sont devenues, entre les mains du me'lodramaturge, cette poe'sie admirable , cette Ibugue nei-veuse , convulsive j cette imagination vagabonde qui s'e'Iance sans cesse hors des limiles de la vie re'elle? M. Fontan s'est vu dans la ne'cessite de depoe'tiser, si je puis le dire, la plupart des situations, afm de les ramener aux froids details de I'exe'cution matcrielle , afin de les re- duire aux proportions de 3o pieds cane's. Quelle tache I La fin du moine dans le roman est hideuse comme sa vie : enfon- (■ant ses grilles dans le crane de sa proie , le diable I'enleve a travers les airs , puis il le Jaisse retomber de quclques milliers de pieds sur un pic dc la Sierra- i^Ioirna. Le malheureux , de'chire , brise , n'cxpire que cinq jours aprc-s , au milieu des tortures physiques et morales dont les souftrances du Prome'the'e de lajnythologie ne don- nent point d'idcc; tortures inouics, impossibles a formuler en scene. I PARIS. 4*^ M. Fontan I'a bien senti : aussi a-t-il i'ait choix pour Aiiibrosio tl'une mort de son invention , et pour la seule fois qu'il ait invenle , il ne s'en est pas tire' avecbonheur. Ambrosio meurt d'une fafoncom mune, comme un spadassin en duel , d'un coup d'e'pe'e, apres etre de- venu le jouet d'une fourbene insigne : il croit avoir i'ait avec le dia- ble un pacte de dix ans , et ce parte n'est que de dix jours; il a signe'sans lire. Singuliere e'tourderie! le dixieme jour, arrive Satan en personne, son pacte a la main, comme un creancier avec une lettre de change , sommant son debiteur de tenir scs engagemens. Ambi'osio, qui I'ait , en ce moment , la de'bauche avec ses amis , tons gens passablement ridicules et ennuyeux,biea que contemporains de Louis XIV, Ambrosio se leve stupe'fait, puis furieux. II est evident que le diable est un fripon qui I'a joue ; le moine lui prodigue les reproclies les plus amers avec la vertueuse indignation d'un hon- nete homme; il va jusqu'a I'insulte, et Salau, personnage suscepti- ble et qui ne laisse point attaquer impune'ment son honneur, se facbe aussi tout I'ouge. Le moine met re'pe'e a la main, le diable en fait autant, et les voila s'eserimant comme de braves gens. On prevoit Tissue de ce duel : lediable ne peutmourir d'un coup d'e'pe'e; c'est done le moine qui succombe; lediajjle triomphant emporte son ame dans les enfers, et la toile tomlje. Le public ae'te'peu satisfaitde ce de'noument Ic'gerement terrestre, apres tant de diableries. II s'est rappcle qu'il avait deja vu pareille fin dans vingt me'lodrames, et il a siffle. Le Moine n'est pas une bonne piece ; il serait tomljc lourdement sans le jeu des acteurs. Je dirai plus : il e'tait impossible de faiie un drame passable avec la donnee de Lewis. Un merveilleux aussi fantastique ne va pas au theatre ; plus il est attachant dans le roman , moins il est traduisiljle sur la scene, et le plagiaire se trouve reduit a prendre les situations les moins remarquables. M. Fontan s'est done comple'tement f'our- voye en choisissant un parcil sujet. - C. Ballard. 4l6 NECROLOGIE. WECUOLOGIE. Gregoire {Henri), ancicn cure d'Embermenil, depute du clerge' aux c'tats-ge'nc'raux , en 1789, merabre dc rAsscinblc'c iialio- nale constituante , e'veque de Blois , conforrae'ment a rorganisation du clerge fran9ais de'crcte' par cetlc assemblee , membre dc la Con- vention, du Gonseil des Cinq-Cents, duSe'nat; membre de I'lnstitut de France et de plusieurs academics ; ne a Feho ( ou Fho ) , pres de Lune'ville, de'partement de la Meurthe , le 4 de'cembre 1750, mort a Paris le '27 mai i83i . — Voici un homme dont la vie fut pleine pour le bicn , et manifesta constainment la trop rare associa- tion des scntimens religieux , des vertus civiques , d'une raison forte et d'un profond savoir. Mais c»3t homme ve'cut au milieu des tem- petes politiques ; il combattit des factions dont I'implacable haine le poursuivrait au-dela du lombeau si I'histoire ne lui offrait pas un asile dans ses annales. Une biographic dc Gregoike est unc dette que le patriolisme fran^ais a contracte'e cnvcrs I'un des plus il- lustres defenseurs de la cause nationale : elle doit etre e'crite pour I'instruction de nos descendans, auxquels cette vie de de'voument, cette ineliranlablefcrmete, cette perseverance dans la voic de I'hon- nete, du bon et du vrai, presentera le parfait inodele du citoyen et du philantrope. La narration sera simple, sans autre ornement que Tabondance des actes louables dont elle fera mention : ellenepeut etre coiirte, car elle doit tracer le tableau de quarantc anne'es dc travaux divers , et montrer leurs relations avec les e've'nemens contempo- ranis, leur influence sur I'avenir. Une ceiivre telle que cette bio- graphic est hors du domaine de la prcsse jie'riodique : les journaux se sont empresses de payer un jusic tribut a la Tnemoire de I'liomme vcrtueux que nous avons perdu- mais tout ce qu'ils en ont dit ne pent fournir que des malc'riaux e'pars , incomjilels , liors de place J I'hislorien se chargcra de les rassemblcr, de les coordon- ner, d'en composer un ensemble qui prc'scnte exactement tons les faits essentiels, et fasse sentir leur liaison. Le premier essai litterairc de Gre'goire fut un Eloge de la poesie, couronnc par 1' Academic de Nancy , en 1 77'i. Mais bicntot sa plume fut consacrcc a des sujets de politique et de morale. Nomine cure GREGOIRE. 4^7 d'Embermenil , pen de tems apres son admission dans le sacerdoce , le jennc ministre de I'Evangilc publia,en 1778, iin Essai surl'a- melioration politique, physique et morale des juifs , ouviage auqxiel les lionneiirs de la traduction furent de'cerne's dans plusieurs parties de I'Eiirope. Les soins qu'il donnait ainsi a des liommes qui ne lui e'taient pas confie's ne le de'tournaient nullement dc ce que ses paroissiens pouvaient attendre de sa bienfaisance e'claire'c. Le cure fit choix d'un certain nombre de livres a leur porte'e , et dont la lec- ture leur fut profitable; il aclieta cettc petite bibliotheque, la pla^a dans la maison curialc, et la mit a la disposition des liabitans, re'- servant pour lui I'emploi de bibliolhe'caire. Tandis que le cure d'Embermenil s'occupait ainsi de I'instruction de ses paroissiens et me'ditait sur les moyons de dissiper les nuages qui offusquent partout la raison liumaine , de substituer quelques ve'- rite's a la foule des erreurs accre'dite'es , la revolution approchait; quelques-unes des ame'liorations confues par I'esprit philosopliique devenaient possibles. Les philanlropes concurent quelque espeVance ; Gre'goire consentit a se rendre aux e'tats-ge'nc'raux comme depute du clerge. Jusqu'a ce moment, il s'etaitfait connailre comme digne ministre de la religion et courageux ami de I'liumanite. Le tems e'tait venu de developper le caractere de citoyen : Gre'goire tut des premiers a se re'unir aux deputes du tiers-e'tat , a pioclamer YAssemblee nationale , substitue'e aux e'tals composes de trois or- dres , a preter serment dans la se'ance du Jeu-de-Paume , avee un 2)etit nombre d'intre'pidcs de'fcnseurs des droits du peuple, dont il partagea constamment les travaux et les perils. La cour fut con- trainte a fairc des concessions, a renoncer a I'emploi dc la force. La France obtint enfin une constitution fonde'e sur Tcgalite' civique , condition rigoureuse du gouverncment representatif, sans laquelle toute organisation des pouvoirs publics cesse d'etre nationale, etne pent , sans une manifeste imposture , se vanler d'etre representative. Dans les discussions relatives a notre premiere constitution , Gre'- goire cxposa avec clarte la the'orie des droits et des devoirs, doc- trine entiereinent oublie'e maintenant, puisquc nos le'gislateurs im- posent des devoirs h des hommes auxqucls ijs ne reconnaissent aucun droit. Et ils osenl parler dc liberie! Quelle idee ont-ils done 4i8 nfIcrologie. (Ill despotisme 1* Peiit-on pousser j)Iiis loin qirils ne le Ibnt I'abiis des mots ou rabenalion du jiigciuent? Nous n'entrcprendi'ons point d'aljre'ger ici I'histoirc des travaux de I'Assemblee constituante ; il faudrait les passer presque tous en, revue, car il en est peu auxquels Gregoire u'ait pas pris une part active ct qiiclqiierois ne'cessaire. La vie de ce judicieux citoyen sera un livre des plus instructifs que Ton puisse mettre entre les mains des Francais , et pre'parera , mieux pcut-etre qu'aucun autre , le re- tour vers I'ordre de cboses dont rAssemble'e constituante ne concut pas tout rcnsemble, mais dont elle approcha beaucoup malgre les obstacles qu'elle eut a sunnonter. Une nouvelle assemblc'e , dite legislative , rempla9a celle qui avait fait la constitution, et lit bicntot place a cette terrible Convention dont aujourd'hui meme il n'est pas encore ptrmis d'entreprendie la justification. Gregoire y fut uu rc'publicain pur, irre'prochable. Cette partie dc son bistoirc est encore pleine d'instructiun ct de nobles exeinples. On "ne se bornera point a traus- crire ses discours, onracontera tout cequ'ilfit. On y dira comment, dans le proccs de Louis XVI , il essaya de concilier la se've'rite re- publicaine avec les sentimens de pitie' qu'inspirait I'bumanite, et I'indulgence que la religion prescrivait. Onleverra luttant contreles proscriptions; ct lorsquc ses efforts e'taient impuissans centre des passions dont la violence ne connaissait plus de frein, on de'tournera ses regards de ce spectacle affligeant pour suivre le depute philoso- phe au comite d'instruction pvd)lique, assister aux seances oii son e'loquente raison fit adopter diverses mesures pour la propagation des connaissances utiles , cre'er des institutions en I'aveur des arts et de la morale publique. La Convention fit enfin place au Directoire ct aux deux conseils qu'elle avait ctablis; peu s'eu fallut que Gregoire ne fiit totalement oublic. Ce ne fut point sans (juelque resistance qu'il dcviut membre du Conseil des Cinq-Cents , et d'autres dilficulte's rctardei'ent encore plus long-tems son entree au Se'nat. Nous ne voidons point d'uii fanatique, dirent certains se'nateurs dont le zcle religieux etait beaucoup moins tolerant que celui de I'e'veque de Blois. D'un autre cote, le chef, ou, pour mieux dire, le luaitrc du gouvcrncment , con- GREGOIRE. 4^9 naissait I'inflexible repiiblicanisme dc cet homme pour Icquel il avail d'ailleurs une haute estiinc. Enfin, bien assure de trouver cons- tamment dans le Senat une raajorlte' soumise, il ne craignit point d'y fortifier I'e'sprit d'opposition , et Gre'goire fut admis. Cependant, des Memoires sur le concordat, et surtout les Raines de Port- Royal, de'phirent fortement a Bonaparte. Dans Ic dernier de ces ecrits , la vigueur logique de I'auteur est comparable a celle des Lettres provinciales , et le despotisme n'y est pas epargne. La re'publicpie n'e'tait plus , (juoique le gouveruement en conservat encore qiielques formes. Bientot il fut question de relever le trone , et trois se'nateurs seulement oserent s'y opposer. Vint ensuite le reta- blissement de la noblesse et des titres ; ropposition fut re'duite a une seule voix, et ce fut celle de Gre'goire. A]ires avoir manifeste con- stamment cet esprit de veritable civisme , lorsque la France se con- solait de son asservissement par Te'clat de sa gloire militaire et I'etendue de ses conquetes , il cut a montrer la meme fermele' de ca- ractere lorsque la France , envahie pai" les armees etrangeres, fut re- duite a subir la restaurtition. Mais ses courageux efforts en faveur de la patrie n'aboutircnt qu'a le faire cxclure de la Chambre des pairs creee par Louis XVIII, de celle des cent jours, de I'lnstitut, et plus t'ard de la Chambre des deputes. Nous sommes arrives a I'epoque de la vie de Gre'goire oil son ame deploietoutesses ressourcesetsemontresousl'aspectle plus digne des regards des liommes de bien detous les pays,de tons les ages; laca- lomniele poursuitavec acharnement, et la noble resistance qu'il op- posea ses perpe'luelles attaques continue jusqu'a la fin de sa carriere. Les journaux ont fait connaitre les tracasseries dont I'archcveque de Paris n'a pas rougi de troubler les derniers momens duveitueux e've- que deBlois. La correspondance relative a ces mise'raljles arguties the'o- logiques appartiental'histoire des passions poliliquesde'guise'es sous des apparences religieuses. Ce n'est pas del'e'veque constitutionnel que I'archevequedc Paris exigeait des retractations , mais de I'auteur d'une multitude d' ecrits oil les doctrines ultramontaines et je'suiti- qaes sont dcpouille'es de I'apparcil imposant dont on avait soiu de les environner, cite'es au tribunal de I'fivangile pour tout ce qui est matiere de Ibi , et traite'es se'verement par la raison en ce qui est du ressort de I'esprit humain. Mais la veneration publique, la lou- 420 NECROLOGIE. chante expression des regrets d'line immense population accompa- gnant le ccrciieil dii verlueux citoyen, jusqu'aii moment oii la tcrre le coiivrit, voila une rc'ponse aiix e'lranges lettres dc rarclieveque de Paris , et cellc-la dcmeurcra sans le'pliquc. Parmi les norabreux e'crits de Gre'goire, quelques-uns sont d'un inte'ret ge'ne'ral et durable; ils passcront a la poste'rite' : les autres sont relatifs a des circonstances particulieres, et appartienncnt aux archives historiqucs. La liste de ceux-ci ne pent clre regardc'e comme complete , car on n'y trouvc point les discours prononce's a la tribune des deux assemble'esdontrauteur fut membre; il faudra que leikfo- niteur supple'e a ce que les rechercbcs bibliograpliiques %w\. laisse' d'mcomplet. En 1790, le depute du clcrge puljlia une brocluirc in- titulee : Legitimite du serment civique exige des fonctionnaires ec- cle'siasliques ; et quclques autres analogues. En 1794? Gre'goire re'- digea trois rapports sur les destructions opere'es par le vaii- dalisme , et sur les moyens de les re'primer; d'autres rapports sur les inscriptions raonuTiientales , sur I'abolition graduelle des pa- tois et le pei'fectionncment du langage populaire , et sur I'ordre de Malte. La meme annee , il fit paraitre un Essai historique et pa- triotique sur les arbres de la liberte ; un sjsteme de de'nomijia- tions topographiques ; en 179O im compte rendu aux eveques reunis, par le citoyen Gregoire, de la visile de son diocese , et une brochure ou il traite des mandemens et des instructions pas- torales. En 1 798, 1'e'veque constitutionnel francais ecrivit une lettre adressee a don Ranhon Jose de Arce , archevcque de Burgos et grand inquisiteur d'EspagJie : M. dc Lasleyrie la traduisit en espagnol; en 1801 , un discours pour I'ouverture du concile natio- nal ; en 1 8 1 4 , une re'ponse aux libellistes et une homelie du ci- toyen cardinal Chiaramonti ( Pie VII); en 18 19 et 1820 , deux lettres aux electeurs du de'partement de I'lsere; en i8ai , des ob- servations critiques sur Voui>rage de M. Demaistre , sur I'eglise gallicane, etc. En 1821 , il ue craint point de frapper d'une censure me'ritee les catechismes qui recommandent etprescrivent lepaie- ment deladime, I'obe'issance aux seigneurs de paroisse, etc. En 1822, il e'crit diverscs brochures sur les peines .i infliger aux ne'griers, sur le manage et le divorce (celle-ci est adressee aux habitans d'Haiti ) , etc.; en 1826, une epitre adressee a la republiquc GREGOIRE. 421 Haitienne: , imj'i'imc'c par ordre du gouvernement de cette repu- bliquc , et la menie anne'e , une histoire des manages des pretres en France, principalenient depuis 1789. Vcnons maintcnant aux ouvrages d'une plus longae diire'e, ct dont nos dcsccndans pourront profiler, h'essai sitr la regeneration physique, morale et politique des juifs fut, comme nous I'avons dit, le delDut du cure d'Emberme'nil dans la carriere politique. Les mines de Port-Bojal de'chainerent centre le pre'lat pliilantrope les partisans du dcspotisme et ceux des je'suites • ce fut une offense qui ne fut pardonne'e ni a Rome ni a Paris. — De la litte'ralure des negres , ou recherches sur leurs facultes intellectuelles , leurs qualites morales et leur litterature. — De la domesticite chez les peuples anciens et modernes. — Histoire des sectes reli- gieuses qui, depuis le commencement du siecle dernier jusqu a Vepoque actuelle , sont ne'es, se sonl modifiees , se sont eteintes dans les quatre parties du monde. — De la traite et de I'escla- vage des noirs et des hlancs, par un ami des hommes de toutes les couleurs. — Des gardes-malades . — Recherches historiques sur les congregations hospitalieresdesfrerespontifes, ou construc- teurs de ponts. — Manuel de piete , a Vusage des noirs et des gens de couleur. — De V injluence du christianisme sur la condition desj'emmes. — Essai sur la solidarite litte'raire entre les savans de tous les pays. — Histoire des confesseurs des em- pereurs et des rois. — De la noblesse de la peau , ou duprejuge des hlancs contre la couleur des Africains et de leurs descen- dans noirs ou de sang mele. Ainsi le vertueux citoyen que nous regrettons fut e'galement rc- commandable par ses actions , ses discours et sese'crits. Dans toutes les circonstances ct toutes les positions , dans les bautes fonctions publiqucs , ou aux prises avec la persecution , dans sa jeunesse , son age mur et aux approches de la mort , on vit constamment en lui la meme dignite', I'imposante expression d'un profond sentiment du juste et de I'honnete, ct le calme dd'homme de bien. On a reproche' au liberalisme de I'avoir laisse' dans I'oubli , apres la revolution de i83o, d'avoir neglige' I'occasion de lui rendre une justice tardive, et de profiter de I'ascendant qu'auraient obtenu ses lumieres et le 1 22 NECROLOGIK. souvenir dc scs cmincns services ; luais , si le liheralisme donl on parle est rc'cllenient ce qn'il doit etre, c'cst-a-dirc riinmcnsc majo- rite des amisdc la libcrtc' et de la patrie , on a bien d'autres repro- ches a lui faire que celui d'unc apparente ingratitude. Qu'a-t-il fait pour lui-mcme, pour sa propre cause ? Doit-on s'ctonner que Grc'goire ait etc de'laisse' , lorsqn'on perdait dc \ue la patrie clle-menie ? Les liistoriens dc notre c'poque auront a cxpliquer Tc'trange plie'nomene de notre incurie , a dire comment et pburqiioi nous aAons souffert qu'on de'truisit , sous nos yeux , I'oeuvre de juillet, ct que d'un mouvement rapide on nous ramenat aux premiers tems de la restaii- ration. Si I'histoire nc de'voilait point les causes de cc fait inconce- vable , si funcstc par scs consequences actuelles et futures, elle se- rait a peu pres inutile pour notre instruction. Tandisque de vieux compagnons et de jeunes disciples de Gre'- goire sont prets a fournir des materiaux pour la biographic de ce dignc ami des liommes, il est tems d'e'crire cct ouvrage reclame' par tout le monde civdise. Qu'on n'attende pas jusqu'a un tems ou les ecrivains auront plus de loisir, ou les affaires politiques ne les oc- cuperont pas cxclusivemcnt ; cctte e'poque est trop loin de nous, ct, en I'altendant, la faux de la mort moissonnera les dcrniers te'moins de la revolution de 1789, des travaux de rAsscmlile'e constituante, des orages de la Convention. Ce qu'on lit dans la Biographie uni- verselle et portative des contemporains , a I'article Gregoiuk ( Henri ), ne sufQt plus aujourd'bui; non-seulement il faut suivre I'illustre citoycn jusqu'au terme de se carriere, mais il importede le representer comme bomme public, de comj)arer ce digne mandataire du peuple aux deputes actuels , de faire juger de ce qui est possible par ce qui fut , et de nos dioits par ce que 1' aristocratic m£me n'osa pas nous refuser. La biographie de Gre'goire sera un resume' tres- utile des de'bats et de I'histoire de celte Assemble'e constituante dont I'oligarchie modcrne s'cfforcc vainement dc de'truire les ceuvrcs : la raison et la force nationales sauront les re'tablir, les perfcctionner el les achever. TABLE DES MATIERES CONTENUES DAMS LA lig" LIVRAISOI^ DE LA REVUE EIVCYCLOPEDIQIIE. MAI 1 83 I. MEMOIRES. Page?. i. De la rdformc parletnemaire en Anglcterre. . Charles Comte. 217 2 Notice sur la colonic de Liberia G. de Felice. 241 II. ANALYSES D'OUVRAGES. 5. Histoiredes poissons , par MM. Cuvier et Valenciennes, 4° article. Flourens. 2^7 4. CEuvres de M. Ballanche ^. M. 288 5. 1'^ Introduclion k Thistolre universelle , par Michelet; 2° Etudes historiqucs par J. A. de Chateaubriand .... yd. D' Herbelot. 294 (). L'Esprit de la revolution de 1789, par P. L. Roederer. . ^. P. 509 7. Une annee en Espagne , par un jeune Americain . . ^d. M. 316 III. BTILLETm BIBLIOGRAPHIQUE. LIVRES ETR ANGERS. Etats-cms. — Discours sur les avantages de Tdtude de la Bible , 552; — Reglemens de la maison de rcformc a Boston , 555 ; ■ — Statuts de Tho- pital de Massachussetts , 556; — Reglement de I'association des artisans kde Massachussctt'i , ibid.; — Systcme de la Soclete biblique am^ricaine, ibid. UROPE. — Grakde-Bretagne. — Pensees sur rhomme, 356 ; — Magasin de droit. 557 ; — Lecons sur ce qu'il en coute pour obtenir de 1' argent, 339; — Papiors d'etat sous Henri VIII, 540; — Vie de I'archevequc Cranmer, ibid.; — Papiers des comtcs de Marchmont, 541 ; ■ — Eclair- cisscmcns sur Fhistoire litteraire du dix-huitieme siecle, ibid.; — Cor- respondance de sir John Sinclair, ibid.; — La Destinee ou la Fillc du chef, 545; — Esquisses du caractfere irlandais, ibid.: — Lucius Carey, ibid.; — Le Secret du roi , ibid. ; — Alibeg le Tentateur, ibid.; — Bogle Corbett, ou les Emigrans , ibid. — Allemagke. — Encyclopedic ct mt-thodologie du droit, 545; — Le jury, la publicite , le debat oral , 547 ; — Dc la liberty du commerce, 548 ; — Almanach historique, 549; — Lcttres dc Paris, 351 ; — Tableaux du grand monde, 552 ; — Description de poissons dccouvcrts dans le Nil , 355; — De la rage chez les rhiens , ibid.; — Lois prussiennes sur les im- 424 TABLE DES MATIEKtS. pots indirccts, ibid.; — Portrait (!ii comte Diebitsch, 554; — Los Barri- cades, ibid. — Suisse. — Manuel chroiiolof;iquc syncliroiiistique, 354. — ItAUE. — Dissertation siir iinc planle des scitamin^es, 555 ; — Traitdde chiiuie 1BRAIKES chez lesquels on souscrit duns les VkYS F.TKASGERS. Amsterdatn, Deiachaux- Anvers, Ancelle. Aran (Suisse), Saucrlander. Berlin, Schlesinger. Berne, Clias ; — Bourgdorfer. Breslau, Key gel. Bruxelles , Dujardin-Sailly ; — Demat ; — Horgnie.s-Be'nie' ; — Libiai-rie parisienne, frangaise et etrangere. Florence, Piatti; — Vieusseux. Francfori-sur-Mein^ Jugel. Gand, Vandenkerckoven fds. Geneve , Chcrbuliez; — Barbezat el Delarue. La Haye, les freres Langcnhuysen. Lausanne^ Fischer. Leipzig, Brockhaus; — G. Zirges. Liege, Desoer; — Colardin. Lisbonne, Paul Martin. Londres, Dulau etC°; — Treuttel el YViirtz ; — Bossange, Barthez, Lowel etC«. Ufadrid, Dennce; — Peres. Manheim, Artaria et Fontaine. i?///a«,Giegler; — Vismara; — Bocca. Jlons, he Fioux. 3I0SCOU, Gautier; — Riss pere et fits; — Urbin et G*; — Semen. Napi2s , Borel ; — Marotla et VS'anspandock. New-York (Etats-Unis}, Foreign a jd classical bookstore; — Be'rard et Mondon. Noucclle-Orleans , Jourdau ; — A. L. Boismare. Paierme (Sicile), Pedonne et Mu- ratori; — Boeuf (Ch.). Pelersbourg, F. Bellizard et C^; — Graeff; — Pluchart. Rome, de Romanisj — Merle. Stuttgart ti Tubingue, Cotta. Turin, Bocca. p'ursovie, Glucksberg. Viennc ( Autriche ), Ge'rold; — Schaumbourg ; — Schalbacher. Tous les ouvrages annonces dans la JXevue Encjchpedicfue se trouvent chez S^dillot, libraire, rue He I'Odeon, n" 50. Cotitritions Tie la Soiiscription. La tiei'ue Encjclopediciue parait meusuellement , tlepuis Jan- vier i8i9, par cahiers dc plus de 200 pages d'impression. Trois cahiers forraent un volume, termine par une Tahle analytique et alphahe'tique des matieres, Chaque annee est independaute des anaees precedentes , et offre iin Annuaire scientifique et Utteraire _, en A volumes in-8o. Jpvir ^t rSlbonnemfnt. A Paris 46 fr. pour un an; 26 fr. pour six mois. Dans les departemens. 55 » 50 » A I'etranger 60 » 54- » En Angleterre. ... 75 » 42 » A partir du l^" Janvier on du l^r juJUet. Le montant de la souscription , qui doit etre paye d'avance et envoye par la poste; La correspondarire ; Et lout ce qui concerne la redaction, les livres de tout genre, les gravures, etc. , dont on desire faire rendre compte, do! vent etre adresses, franc de portj AUX DIREGIEUBS DE LA REVUE ENCYCLOPEDIQUE, RUE DE L'ODlfeOJV, K' 30. Pour les abonnemens et les reclamations , on doit s'adresser a M. S^DiLLOT, meme Maison. Impriii'cric d'livEBAT , rue da Cadrau , n" 16. REVUE ENGYCLOPEDIQUE, par une reunion DE MEMBRKS DE L'INSTIT-1'T ET d'aUTRES HOMMES DE LETTRES, ilXill. :3lu0ustc 3uUten tX auselme |)rtettn. PARIS. AU BUBEAU DE LA REVUE ENCYCLOPEjDIQDE , ET CHEZ StolLLOT, LIBRAIRE, ruedel'Od^on,]N°3o; ARIHUS BF.RTRVND. ROE HAUTEFEUILLi; , N" »3. JUIN 1831. REVUE encyclopi:dique, ou ANALYSE RAISONNEE DES PRODUCTIONS LES TLL'S REMARQUABLES DANS LA LITTEBATLUE, LES SCIENCES ET LES ARTS. I. MEMOIRES. SUR LA MORTALITE CAUSEE PAR LE CHOLERA PESTILENTIEL , EIN ASIE ET EN EUROPE, DE«817a 1830(1). Les recherches queje vais presenter surcetriste sujetn'ont point pour objet de satisfaire line curiosite oiseuse ; leur but est de decouvrir si le cholera pestilentiel, dans sa marche a travers tant de lieux differens et soumis a rinfluence d'affens (1) Ces recherches font partic d'un Rapport presente au Conseil superieur de sante du royaumc , par M. Moreau df, Jo^!«es , membre et rapporteur de ce ronseil. — Un vol. in-8° avcc line carte. TOME L. JUIN l83l. 1.8 426 MOHTALITE CAUSEE pliysiques d'une piodigieuse diversite, n'eprouve pas quelque atteaualloa dans ses effets meurtriers, soit par la puissance du climat, soit par celle de I'organisation sociale des peuples, soit par I'intervention des secours de I'art. On conceit, en y reflechissant, que cette tache ne peut guere offrir que des apercus plus ou moins exacts sur la mor- talile produile par la maladie, et que, presque partout, le con- cours de plusieurs causes agissant en sens conlraire a mis obstacle a ce qu'on connut avec precision le nombre d'indi- vidus victinies de la contagion. Tantot I'effroi public a exa- gere les ravages dumal, tantot la prudence de I'autorite s'est efforcee de les dissimuler; et le plus souvent, une multitude d'babltans de toutes les classes out ete enleves par la mort , sans qu'il y eiit plus de possibilite de savoir exactement I'e- tendue de la morlalite que de s'y opposer efficacement. Au Bengale, on raanque meme de renseignemens complets sur la ville de Calcutta, qui est le siege du gouvernement de rinde britannique. II parait cependant, par ceux qu'on a re- cueillis sur la premiere irruption, qu'en i 817 , dans lee trois mois et demi ecoules jusqu'au 51 decembre, 55,736 habitans de la ville et des faubourgs furent atteints du cholera; il en mourut 2,500, ou i sur i 5; mais, par la rapidite de I'attaque, la distance, 1' aversion deslndouspourla medecine europeenne, et le desir superstitieux d'attendre la fin de la maladie dont ils etaient atteints dans le voisinage de quelque lieu sacre, des milliers d'individus perirent sans demander aucun secours et consequemment sans que leur deces fut constate. A Calcutta, la proportion desbommes aux femmes fut comme 4- a i . Sur trois families, graudes ou petites, il y en eut une ou deux dans laquelle il perit un, deux ou trois individus, et dans quelques cas, cinq ou six. A Jessore, ou Ton croit que naquit la maladie, 10,000 pcrsonnes moururent pendant les deux premiers mois. Dans le Mymensing, district arrose par le Bourrampouter, le cho- PAR LE CHOLERA PESTILENTIEL. 4^7 lera regna deux ans de suite, et d'apres les listes de la police, la mortalite s'eleva a i 0,7-1 -iindividus. Les raedecins la por- taient beaucoup plushaut. En 1817, les derni^res classes de la population furent piesque les seules attaquees ; mais , en i818, persoune ne fut epargne ; un dixieine des habitans succomba. On possede des donnees precises sur le district de Dacca, situe entre le Gange et le Bourrampouter , vers les embou- chures de ces grands fleuves. En seize mois , depuis aoiit 1817 jusqu'en Janvier 1819, sur 6,554 malades, il en perit 5,757 ou plus de moitie. Dans la ville de Sylhet , dent les rapports sont dignes de confiance, sur 5,5-16 maisons con- tenant environ 18,896 habitans, il y eut, en cinq mois, 1 0,000 individus atteints du cholera ; il en mourut 1 , 1 97 ou i sur 11 malades. Dans le district de Nuddea, traverse par la brauche du Gange nommee Hugly , une population de 1 ,500,000 indi- vidus perdit en un an 16,500 habitans. On corapta 25,500 malades, dont les deux tiers moururent. Sur 4-, 789 qui re- curent des secours, la perte fut seulement de 1066, ou de moins d'un quart. A Nuttore, entre le Gange et le Bourrampouter, la mortalite n'exceda pas un sur cent de la population , en dix mois ; mais dans les campagnes, le quart des malades succomberent. Dans lememeespacede terns, le cholera tua 15,571 habitans dans le district de Bangulpore. II n'y eut pas 1 malade sur 100 qui echappa "a la mort. La destruction fut moins giande dans d'autres lieux du Ben- gale. Patna ne perdit en trois mois que 1559 habitans sur pres de 250,000. Caunpore , dont la population est de 80,000 ames, n'eut que 500 malades, dont 50 seulement furent em- portes. A Saharunpore, sur 50,000 habitans, la perte ne fut que de 250 ; mais le cholera y reparut plusieurs fois , ainsi qua Agra, qui souffrit cruellement de son retour. 28. 428 MORTALITE CAUSEE Dans I'armee anglaise, 011 la raaladie fut combaltue par toutc la puissance de la science medicale , la mortalite , quoi- que encore considerable , fiit moins terrible. La division du centre perdit 250 Europeens snr 3,500, et S34 natifs sur en- viron 8,000. Les deces varierent seloa les terns , et furent tantot de ^ snr 8 , et tantot de i sur 5 et demi. Dans la divi- sion de Hansi , il n'y eut que 2G0 cas de cholera ; la perte fut de i sur 5 a 6 raalades. Dans la division de gauche , sur 8,500 horames , 125 furent atteints ; il en mourut49ou plus d'nn tiers. Enfin , dans la division de Nagpore, sur 4-, 000 homnies,il y eut 15 Europeens et 2H individus dn pays attaques du cholera. Six des premiers moururent, etla perte fut de 1 sur 7 parrai les natifs. En considerant Tirruption de 1817 61 de 1818 separe- ment de celles qui la suivirent , les medecins anglais du Bengale out dit que la mortalite, quoique immense, fut ce- pendant moins grande que la terreur le fit croire generale- raent. lis estiment qu'elle fut proportionnelle hl'etendue et a I'intensite des populations qu'elle frappa ; elle fut plus consi- derable an commencement et au milieu de chaque irruption que vers la fin. Quand elle fut combattue par des secours , elle monta rarement au tiers du nombre des malades et fut bornee frequemment au cinquieme ; lorsque la raaladie fut abandonnee h elle-meme , il perit , en general , la moitie de ceux qu'elle avait atteints, et memejusqu'auxdeux tiers. Dans I'ile de Bombay , habitee par environ 200,000 indi- vidus , on constata, en I'espace de sept mois, 15,945 cas de cholera. Ainsi le douzieme de la population fut infecte. II perit 2,4-52 personnes, ou 1 malade sur 6. Dans I'armee de Madras, les ravages de la maladie furent ainsi qu'il suit , d'apres les documens officiels : PAR LE CHOLERA PESTILENTIEL. 4^9 EVROPIEENS. ii«dig£.\es. Axiueea Effectif. Infects. Morts. ElTeclif. lufect^s. MolU. 1818 10,659 1,087 232 58,764 3,314 664 1819 10,125 564 85 63,772 3,779 734 1820 9,416 356 69 76,870 3,322 758 1821 9,553 357 39 82,046 2,527 830 1822 10,813 774 170 74,707 548 199 To al en 5 ans 3,138 595 - 13,4<)0 3,185 Aa outer Total. 526 100 2,340 550 3,664 695 15,850 3,735 Ainsi , parmi les railitaires europeens , sur un effectif nioyeii de 10,000 hommes, il y en eut plus de 5,000 atta- ques du cholera, eii I'espace de cinq ans; il en mourut envi- ron 700, ou du quart au cinquieme des malades. Parmi les militaires indigenes, ati nombrede 7-1,000, 15,850 ou ^ sur -i et demi furent attaques de la raaladie, pendant la meme periode. La perte futpresque du quart des individus infectes. D'apres le docteur Conwel , dont les informations ont ete recueillies, en graude partie, dans la presidence de Madras, la mortalite pent etre evaluee pour chaque irruption annuelle du cholera , dans la presqu'ile de I'lnde, a 20 pour 100 des forces militaires et a 6 pour 100 de la population ; ou , en jd'autres termes, elle est pour les troupes del sur 5 individus, et pour les habitans d'environ 1 sur 16. La population des possessions britanniques , dans I'lnde , s'elevant , d'apres les evaluations officielles, a 40,000,000, non compris les pa3rs conquis pendant les dernieres guerres, cette evaluation, qu'on peut considerer cftmme un minimum , porterait en- core la mortalite annuelle produite dans Tlndouslan par le cholera pestilentiel a deux millions et demi de personnes. En la reduisant a moitie , attendu quelques intermittenccs de la maladie, les ravages de ce flcau dans les plus belles contrees 43o MORTALITE CAUSEE de I'Inde, pendant les quatorze dernieres annees, forment encore une perte de i 8,000,000 d'hommes. Quelle serait done I'etendue de ses effets nieurtriers si Ton y comprenait ceux qu' il a exerccs dans uu si grand nombie d'aulres regions de I'Asie insulaire on continentale? On n'a qne des donnees vagues et pen nombreuses sur la mortalite qu'ont eprouvee les pays etrangers h la domination europeenne. Le royaume de Siara perdit, en 1820, 40,000 personnes,^ dans la senle ville deBankok, sa capitale. II perit, en i 822, dans I'ile de Java 1 02,000 habitans , dont 17,000 appartenaient a la ville de Batavia. A Pekin , capitale de la Chine , le peuple ayant epuise , dans les irruptions de 1 822 et 1 825 , tons les moyens de se- pulture qu'exigeait la multitude des morts , il fallut que le tresor imperial ypourvut. A rile-de-France, en 1819, la perte s'eleva a 7,000 indi- vidus, d'apres une declaration olTEicielle, eta 20,000 selon des renseignemens particuliers. A Lahore, en 1827, 50,000 habitans de la vallee furent enleves par le cholera pestilentiel. Differentes sources officielles, et notamment les rapports des consuls de France, font connaitre quelques details sur les ravages du cholera dans I'Asie occidentale et merae en Arabic. Lorsqu'au mois de juillet 1821 , la maladie se repandit a Mascate et aux environs, I'iman, qui est souverain de cette ville, attesta, dans ses relations avec les envoyes anglais, que plus de -10,000 de ses sujets avaient succorabe. On ignore I'etendue des elfets du cholera dans I'ile de Bahreim, et jusqu'a quel point il penetra dans le desert de Nidjed , sur la cote arabique du golfe de Perse ; mais, a Bas- sorah , pres de I'embouchurc de I'Euphrate, il fit perir en onze PAR LK CHOLERA PESTILENTIEL. 4^1 joure plus de i 5,000 persoiines sur une population de 60,000 ; et le nombie des morts a ete porte au-dela de i 8,000. II ne tarda pas k gagner Bagdad ; et, d'apres le teuioignage du docteur Meunlcr, quoique sa duree ue fut que d'un mois en cette ville, il enleva le tiers de la population. Bender-Abouschir , qu'ii atteignit en meme terns, et par ou il s'introduisit en Perse, perdit le sixieme de ses habilans, d'apres les renseignemens que M. Gamba a recueillis. A Scbiraz, sur -45,000 personnes, 7,000 furent empnrtees en I'espace de 1 6 a 1 8 joirrs. A Yerd , la mortalite fut de 4-, 500 individus sur environ 25,000 ; mais il faut remarquer qu'a la premiere apparition de la maladie , une partie de la popula- tion de ces villes avait prisla fuite. Cette emigration fut im- mense a Tauris, oii Ton corapta 4,800 deces en 25 jours. On ne sait point ce que perdirent les villes d'Ispahan , Ga- chan , Khoom et Carbin , ni quelle fut la mortalite totale de I'armee persane carapee devant Erzeroum ; mais on assure qu'il perit , dans une seule journee de marche , 2,000 soldats ; et il faut croire que les troupes souffrirent considerablement de la maladie , puisque le prince Abbas Mirza , fils aine du schah, fut force de lever le siege, au moment oii la place allait se rendre, et que , malgre ses premiers succes, il neput continuer de tenir la campagne contre les Turcs. Au printems de 1823, quand la maladie s'etendit par le Mazanderan , sur les rives meridionales de la Caspienne, elle atteignit la ville de Salian , qui appartient h la Russie , et dont la population est de 2,000 araes ; elle ne lit perir que 50 per- sonnes seulement. Dans rautomne suivant, parvenue "a Astrakhan , sur la cote occidentale de la meme mer, elle atteignit 216 person- nes, dont i44- succomberent. Ges deux termes montrent que si la mortalite quelle produisit s'eleva jusqu'aux deux tiers des malades , du moins sa propagation fut singulierement li- mitee. II en fut ainsi en Armenie , en 1822. Dora Bournas, 432 MORTALITE CAUSEE qui etait sur les lieux , porte a 550 le nombre des Turcs et des Chretiens quelle fit mourir dans, son irruption a Erze- roum etdans les villages voisins. A Kars , la perte fut bornee a 80 persomies, tandis qu'h Erivan , elle fut du cinquierae de la population. II perit au moius un individu par famille. En passant de la Mesopotamie dans I'Algcsira, avec les caravancs de Bagdad , le cholera s'avanca vers la Syrie, et marqua sa route par ses ravages. 11 atteignit Moussol , sur le cours superieur du Tigre , au mois de juin i 822 , et il y en- leva 300 personnes. Medine , oii il fit de grands progres , fut sa seconde station. Diarbekir, ou il parut ensuite , ne perdit que 50 habitans ; il en mourut 400 a Orfa , et 500 a Biri , quoique cette villen'ait pas le quart de la population del'autre. Antab ne souffrit que tres-peu ; mais Alep, ou la raaladie ne durapourtant que trois jours dans toute sa violence, vit perir 1000 de ses habitans. Des dix villcs de la Syrie qui furent infectees en 18:25, celles du pachalick de Tripoli sont les seules dont on con- naisse la mortalile. La cite de ce nom , qui a 1 5,000 habitans, n'eut que cinq cas mortels sur 51 malades. Tortose , dont la population est de 600 personnes , eut ^ 23 malades , dont 59 succomberent. A Lattaquie, sur 51 I malades, on ne compta que 65 deces ; la population s'eleve a 6000 ames. Les vil- lages voisins , qui ont un pareil nombre d'habitans , per- dirent 24-9 personnes sur 715 atteintes par la contagion. Ainsi , d'apres ces nombres recueillis par M. Guys , avec Texaclitude qui caracterise ses travaux , cette partie de la Syrie , qui est peuplee de 27,000 personnes, en eut 1,400 infectees pendant cette irruption , et elle en perdit seule- ment 560. II y eut par consequent un vingtieme des habitans atteints par la maladie, etil perit plus d'un quart des malades. II fautconsidererces donnees comme un minimum fort au- dessous de la realite , attendu que la fuite avail derolje dans PAR LE CHOLERA PESTILENTIEL. ^33 chaque ville a Taction ineiirtriere de la nialadie une iniiltitude de personnes comprises ici dans revaluation de la population, et que, d'un antre cote, dans ces grandes calamites publi- qnes , une foule de victimes demeurent ignorees, Ces conjec- tures sont appuyees par I'observation particuliere des ravages du cholera en Syrie , dans I'interieur de chaque famille. « J'ai vu h Lattaquie , dit M. Guys, la maladie penetrer dans une maison, en assaillir tons les locataires, et en faire perir 2 sur 5. A Gesre, a Antioche , la proportion de la raor- talite fut plus grande. A Lattaquie raeme , d'apres le capi- taine de port , il y eut des cas on, sur i 2 personnes demeurant ensemble , il en mourait six a huit. » Pendant Tirrnption du cholera dans les provinces de I'erapire russe, en 1850, la mortalite, coniparee an norabre des malades, a ete ainsi qu'il suit' : Jours. Malades. Morts. Tiflis 62 2,222 Astrakhan 28 5,912 Nijni Novgorod 64 1,879 Village de Pavloro 33 4'**' Perme 80 808 Saratof (gouv.) 63 11,278 Prov. du Caucase 114 16,109 Penza 48 899 Kostroma 52 250 Simbirsk ( gouv. ) 28 746 Tambof 30 82 Woronese 50 81 Twer 20 53 Novorod 22 88 Kasan 45 1 ,485 Koursk 12 45 Jaroslaff 47 542 Rybinsk 40 50G Wologda 42 115 Totaux 860 45,166 25,014 1,575 5 sur 5 4,043 2 3 982 1 2 233 1 2 402 1 s> 6,029 1 2 9,573 2 5 542 1 2 125 1 2 320 1 2 41 1 2 40 i 2 18 1 5 48 1 2 857 8 ' /, 15 57 5 4 178 1 2 122 1 2'/. 4a 1 2 4^1 MOnXALITE CAUSEE Jours. Maladcs. Moris. Report 860 43,166 25,014 5 siir 5 Cos-iques du Don 33 2,050 1,334 13 20 Kharkoff 7 231 145 1 2 Izume 7 59 20 1 3 Orenbourfj 20 67 12 1 5 Tartares Nogais " < 4 1 00 20 1 5 Cosaques de TOural 15 78 59 6 7 Kerson 30 600 200 1 5 Mcholaieff 15 60 39 2 - 2 Odessa 10 16 8 1 2 Moscou 60 8,130 4,385 1 2 Totaux 1071 54,557 3i,236 3 5 Ccttc morialite s'etend jusqu'au 1 5 novcmbre sculemcnt ; c'est le chiffre donnd par 51. de Loder. La population de la plupart de ces provinces est maigre et disseminee a tel point qu'on est surpris qu'une raaladie conta- gieuse puisse .s'y repandre parmi les habitans. On ne compte que 70 personnes par lieue carree dans les gouvernemens de Vologda , Perme et Saratof. II y en a seulement 30 dans celui d'Orenbourg, et 8 dans les provinces d' Astrakhan et du Caucase. Les pays les mieux peuples compris dans celte table sont les gouvernemens de Karkoff et de laroslaf , qui ont 500 habitans par lieue carree , et ceux de Tambofet de Volhynie, qui en ont 550. II est evident , par la faiblesse de ces norabres , que c'est uniquement dans les villes et dans lours environs, on la population est concentree , que le cho- lera-iuorbus a pu se propager ; et c'est cette circonstance de la dissemination des habitans sur une surface quintuple ou de- cuple de celle qu'occupe la population de nos provinces , qui explique les limites circonscrites de la propagation du cholera dans I'empire russe. PAR LE CHOLERA PESTILENTIEL. 4^5 Cette serle de faits authentiques sur la mortalite produite par le cholera pestilentiel presente les resultat suivans : i o Dans riiidoustan , le nombre des individus infectes et la proportion des decesa varie considerablement, suivant les lieux et selon les irruptions. ^oQuandlamaladiea ete abandonneeaelle-meme,elleafait perir geaeralement la moitie de ceux quelle avait atteints , et meme jusqu'aux deux tiers. On assure que, lorsqu'elle a ete combattue , la mortalite a ete rarement d'un tiers , et parfois bornee an cinquieme du nombre des malades. S** La population prise en masse a offert les proportions ci- apres : i individu sur iO a eteattaque de la contagion, et il en a peri i suri6. Ce dernier terme eleve a deux millions et demi la mortalite annuelle causee dans I'lndoustan par le cholera. 4" II suppose , en reduisant ce nombre a moitie , a cause de quelques intermittences, qu'en quatorze anneesd'irruptions cefleaua enleve, dans I'lnde 18,000,000 d'habitans. 5"^ En Chine , ces desastres sembleat avoir ete beaucoup plus grands, sans doute a cause de la densite de la popula- tion. 6" En Arabie, la mortalite s'est elevee, dit-on, dans 1' en- ceinte de la ville de Mascate , au tiers dela population. 7° En Perse , ellea ete d'un sixieme , k Bender- Abouschir, a Schiras et a Yerd, sous I'influence d'une atmosphere seche et pure, et d'une chaleur de Z?6 degres centigrades. 8" Dans la Mesopotamie , elle a ete du quart on meme du tiers du nombre total des habitans , dans les villes de Basso- rali et de Bagdad , qui sont situees sur I'Euphrate et le Tigre, au milieu de terres d'alluvion, et dans une atmosphere sa- turee d'humidite. 9° Elle a monte au cinquieme de la population a Erivan et vraisemblablement a Tauris, sous I'empire d'une tempe- rature de 28 a 50 degres ; mais a Erzeroum et a Kars , dans 4'i6 MORTALITE CAUSEE les montagnes de rArnienie, elle a considerablement di- iiiinue. 10 Elle a varle singulierement dans les villes de la Syrie, sans qu'on puisse en decouvrir la cause dans leur giseraent ou dans les ciiconstances temporaires que nous connaissons. Elle ne s'est elevee , en general , qu'au dixieme de la popu- lation, niais , avec une telle diversite dans sa repartition, que certains lieux ont perdu la moitie de leurs liabitans, et d'autres , conime Tripoli , i seulement snr 5,000. M° Cette diversite ne pent etre attribuee a I'affaiblissement du principe de la contagion, puisqu'un quart des individus infectes ont succorabe dans le pachalick de Tripoli , et qu'a Astrakhan il en est mort les deux tiers. i'S," Elle senible plntot dependre d'une moindre facilite de propagation dn germe de la contagion , qui, dans cette partie du Levant, trouve une population nioins nombreuse etmoins condensee que dans ITnde , des communications moins mul- tipliees que dans la Mesopotamie et la Perse , et une longue habitude desmesures sanitaires et des remedes que les Francs opposent "a la peste , et qui seuls peuvent restreindre les progres du cholera et diminuerses effets meurtriers. 15° Dans tons ces pays, le norabre des femraes qui succom- bent a la maladie ne s'eleve guere qu'au quart de celui des horames , ce qu'on pent attribner a leur constitution , a leurs habitudes sedentaires et a. leur regime. 14" Pendant I'irruption du cholera, en 1850, dans les provinces de I'empire russe, les progres de la contagion, parmi les habitans , et la proportion des morts aux malades , ont differe selon les lieux et les epoques. Les regions meridionales sont celles ou la maladie s'est etendue davantage et avec le plus de rapidite ; et les villes qui n'ont recu I'infcction qu'a la fin de I'automne n'en ont que tres-peu souffert. -1 15° A Tiflis , les trois quarts des raalades ont succombe , c-t les deux tiers h Astrakhan et dans la province du Cau- PAR LE CHOLERA PESTILENTIEL. /[3'j case. II en a peri presque paitout la moitie , et seuleinent uu cinquieme parrai lespeuples nomades , et dans les lieux gisaul au centre des steppes. 16° L'irruptlon la plus longue a dure 1 14 jours, et les plus courtes une vingtaine. Gelles-ci appartiennent a Tarriere- saison, tandis que les plus prolongees ont commence en ete. ■170 Le nombre de malades et de deces le plus considerable a eu lieu dans la province du Caucase; on y a compte plus de •(6,000 personnes attaquees par la maladie, et il en est mort environ 10,000. 1S° Les termes numeriques ofliciels que nous avons pu jusqu'a present recueillir donnent, etant reunis, les totaux suivans, qui sont un minimum foi't au-dessous de la verite. Du milieu de juin i850 au -15 novembre snivant, les docu- mens publics constatent qu'il y a eu 34-, 567 personnes at- teintes du cholera , et que , sur ce norabre, il en est mort 31,256. 19° Encomptant la dureedel'irruption, depuisTinvasion operee par rimportation du germe de la maladie sur le terrl- toire russe jusqu'a son engourdissement par le froid de I'hi- ver, elle a ete de 130 jours ou cinq mois. Mais en calculant son etendue partielle dans cbacun des principaux lieux qui ont ete ravages , elle a ete de 1 ,071 jours. 20" Si Ton divise par ce norabre celui des malades et des deces, on trouveque, pendant une periode equivalant h trois annees, il y a eu 51 individus atteints chaque 24 heures par la contagion , et que , sur ces 31 malades, il eu est mort 50 , ou les trois cinquiemes. 21° Les nombres donnes par les tables officielles sont certainement au-dessous de la verite , attendu que, d'une part , une foule de cas ont ecliappe aux recherclies, et que, de I'autre, on en a dissimule une multitude par des motifs de nature diverse. On pent croire, sans exageration , qu'il y a , eu , pendant I'irruption du cholera en Russie en 1850, au- 438 NOTICE pelle ici ce quo j'ai dil dans un article prdcc'dent , cVstvque la populatiiin du royaunio dcs Dcux-Sicilos est d'environ 7,000^000 et denii d'iiai)itaiis, T^a Sitiic < onconrt pom- 1 ,050,000. SUR LES DEUX-SICILES. 4^3 pennis, il est ordonne meme au moindre juge de lire toiites les lettres de son arrondissement ; c'est de sa main qne le courrier les recoit; c'est en sa main qu'il les remet , et cela danstoute Tetendue du royaurae. On comprend que , dans un tel etat de choses , on recoure plus souventaux messagers qu'h la poste, et c'est ce qui arrive en effet. Le serio sicilien est le dromokerux des anciens Grecs , un courrier , pret a partir a toute heure. Demi nu et arme d'un long et frele baton , il enferme ses depeches dans un portefeuille pendu a son cote , et marche jour et nuit , se reposant de tems en tems sous les arbres , raangeant du pain noir, buvant I'eau des citernes ou des fontaines , et faisant jusqu'acinquante milles d'une seule traite. Ces homines, dont la nature est forcee avant I'age et la mort precoce, se paient fort cher, mais ils sont d'une fidelite eprouvee. J'en ai fait usage plusieurs fois, et j^ai, dans des circonstances delicates, admire leur exactitude et leur celerite. Cette incurie du gouvernement est un des mille obstacles opposes au developpement du commerce ; et en France , ou les voies de communications sont si multipliees et si rapides, on aura peine a concevoir les embarras et les soucis que de pa- reilles longueurs apportent dans les transactions privees. Pour ce qui est de I'unite legislative , ecueil inherent a la constitution et & la tendance des etats modernes, le moyen d'en contre-balancer les inconveniens est dans le choix desma- gistrats. Portez aux emplois judiciaires des hommes qui, avec I'intelligence de la loi, aient I'intelligence du caractere natio- nal : habiles a les modifier I'un parl'autre, ils corrigeront par I'equite , dans les limites de leurs attributions , ce que la loi, juste en principe, pent avoir d'injuste dans une application trop rigoureuse. Mais un autre systeme preside au choix des magistrals na- politains. Le gouvernement n'a qu'un but , celui de se raain- tenirdansle cercleetroitet sanglant on des habitudes, des tra- 29. 444 NOTICE Jilions, (ks convictions memes de despotisme I'ont enfernie. Savues'arrelelh, et riendecequis'etend au-delade cet horizon borne ne pent entfer dans ses petites conceptions. Qu'importe la justice! qu'iniportent les luniiferes ! on vent la un devoii- ment aveiigle , on vent de la serviliie , et les capables nepe- netrent que par surprise dans le royal sanctuaire de I'admi- nistration. Si vous demandiez, an coin de votre feu, a quelqne legisle quelle est I'organisation judiciaire du royaunie de Naples, vous la trouveriez assez bonne en tlieorie, et certainement la meil- leuredel'Italie; vous vous etonneriez des plaintes et de la mi- sere du pays. Mais parcourez ks provinces , etudicz les liommes au pouvoir , entrez dans les administrations, sui- vez les debats judiciaires, et vous trouverez que chaque insti- tution, bonne en soi, a son correctif dans mi personnel detes- table, dans les circulaires ministerielles, les decrets royaux , raille mesures exceptionnelles enfni , qui ont toutes force de loi. En creant un nouveau droit , droit inique, droit odieux, le gouvernemenl a mis toutes garanties de son cote et de I'au- tre rien , rien que la persecution et Vecliafaud. Les domaines en-deca du Phare sont divises en quinze provinces on intendances. Chaque province est subdivisee en districts ou sous- intendances, chaque sous-intendance en ar- rondissemens , chaque arrondissement en communes ; ce qui repond aux prefectures , sous-prefectures, justices de paix et communes francaiscs. Les attributions de ciiacune de ces di- verses magistratures sont a peu pres les memes dans les deux pays, mais ce n est Ta qu'un cadre ; il faut le remplir, et voilh on est la question vitale du pays ; car le cadre pent etre excellent etle tableau miserable. D'abord le roi nomme h tous les eraplois , depuis les in- tendans jusqu'aux membres du decnrionaio , ou conseil com- munal. Or la partialite la plus revoltante, la venalite, la cor- ruption , president a tous ces choix. Jamais I'ceil royal nc SUR LES DEUX-SICILES. ^^^ tombesur iin homine tache (inacchiato) decarbonarisnie, c'est- a-dire d'opiiiions independantes. lis sont frappes tons d'line exclusioncomplete; etnulle consideration n'est capable defaire devierlegouverneraent delaligne inflexible qu'il s'est tracee. Mais a quel signe reconnaitre les homines purs? Unhomme officiellementpur est celui qui se confesse et suit regulierement la messe , qui leve son chapeau devanl; chaque madone, s'a- genouille aux processions, salue huinblement le dernier sa- cristain , ne lit aucun journal et n'ouvre aucun livre sans I'autorisation de son eveque ; celui qui prouve son attaclie- nient an trone et "a I'autel , sa haine pour les carbonari , par des attaques infatigables, par les denonciations les plus hasardees, les plus fausses, fussent-elles dirigees contre son ami , son frere , son pere ; celui qui ne prononce jamais le nom du roi sans Tepitbete d'augusto nostra sigiiore die Dio guardi ! et ne parle de la revolution de 1 820 que comrae d'une infame revoke et d'un sacrilege abominable. A ces ca- racteres on reconnait I'bomme sans tache. Etqu'onnecroiepas quecesoit la une plaisanterie ; j'ai In des circulaires de la police oil ces conditions des elus etaient explicitement detaillees. Tout ciloyen qui manque a ces si- gnes exterieurs , non-seulement trouve la porte des craplois fermee , mais est surveille dans la vie privee et range parmi les suspects. J'ai oublie de dire que tout voyage h I'etranger est uii acte d'hostilite contre le pouvoir , une cause de repro- bation. Les suspects, ou meme les tiedes , sont attaches h la glebe ; ils nc peuvent pas meine quitter uu jour leur commune sans une autorisation, qu' on leur refuse sou vent. Le ministre de la police , qui seul delivre les passeports pour I'exterieur, est impitoyable. Les interets les plus pressaus appellent en vain un horarae tache hors du royaurae; il y est prisonnier , ou, s"il reussit a en sortir, c'est pour n'y plus rentrer; iltombe dans la classe des exiles. On craint tellement les iuflucnces cxterienres que TceII de .\f\b NOTICE la police est ouvcrt nuit et jour surles etrangers. Jene paile point de ceux qui vivent "a Naples , et pour qui le Vesuve et le Pcstum sent les colonnes d'Hercule de I'ltalie. II y en a tant, et on est si accoutume "a Icur presence, que leursecurite est rareiuent troublee, pourvu qu'ils ne se melent de rien de ce qui touche a la politique on au gouvernement. La plupart d'ailleurs sont sous la protection de leurs ambassadeurs , ct le corps diplomatique est fort redoute du cabinet napolitain, aussi lache devantla force qu insolent avec lafaiblesse.Jeparle du voyageur qui penetre dans les provinces ; mille argus sont attaches a ses pas , mille circulaircs iusidieuses le precedent , mille embuches lui sont dressees. Nouobstant les difficultes et les dangers d'une pareille en- treprise, je I'ai tentee, carjevoulais connaitre par moi-meme I'esprit public et les miseres du pays. Travesti en antiquaire, j'ai passe quinze mois dans les provinces , tant au-delh qu'en- deca du Phare : j'ai sejourne dans toutes , et j'en rapporte des souvenirs h reraplir une vie tout entiere de la haine de I'arbitraire et de I'amour des liberies publiques. G'etait avaut la revolution de juillet , mais , comme si le gouvernement I'eut prevue , il surveillait les Francais avec la derniere rigueur, et plusieurs circulaires avaient ete dirigees contre eux (1 ) . II y etait dit que des emissaires venus de France parcouraient le royaume en habits de pelerins, afin d'y repan- dre des semences de revolte ; et il etait ordonne a toutes les autorites civiles et militaires, non-seuleraent de visiter leurs papiers , mais de les arreter au besoin ; en sorte que les voya- geurs etaient a la merci du dernier gendarme. Ajoutons que ces circulaires sont perfides, et coucues de maniere qu'en cas de plainte le gouvernement pent tout rejeter sur les subal- tern es. (i ) L'auteur n'est poinl fraiif ais , mais pis que cela aux yeux dii goiivcr- ncineiU iiapolilain , car il est suisso , r cst-a-dirc rdpublicain , conipatriotc tie Jean-Jacques Rousseau ethcTctiqiic. SCR LES DEUX-SICILES. 44? J'ai racoute aiUeiirs quelques-unes des tribulations de nion voyage. Je fus denonce comrae suspect, comme carbonaro peut-etre , au marquis Intonto, alors ministre de la police. Dans ce pays toute denonciation est bonne , et celle-lh porta son fruit. J'etais en Sicile lorsque j'appris, par I'indiscretion d'un juge, qu'une circulaire emanee du gouvernementlni-nieme (delgoi^erno) venait d'etre lancee contremoi. Qnoiqn'elle fut re- ^eA-Me'eilmelacommuniqua. EUemeplacait sous la surveillance immediate de la police... « accib^ disait-elle , questo indwiduo siaj'atto posto a vigdanza, etc.. » Precededans le moindreha- meau du royaumepar uue telle recommandation, il m'etait im- possible de continuer mou voyage sans m'exposer a de graves perils, et surtout sans conipromettre tout homme qui aurait eu quelque contact avec moi : or c'eut ele manquer tout-a-fait mon but. J'ecrivis done au ministre pour qu'il revoquat sa circulaire. II s'yrefiisa d'abord, quoique je n'eussedonneaucune prise aux soupcons, et que j'eusse certainement poussela prudence jusqu'a ses derniereslimites. Mou Consul n'obtint on ne demanda rien, et je ne dus la revocation de la note rainisterielle qu'a la de- marche d'un de mes amis, alors Charge d'affaires d'une grande puissance ; encore sa parole ne suffit-elle pas, et il dut pren- dre sur lui , au nora de son souverain , par une note diploma- tique en forme, la responsabilite de ma conduite. Une nou- velle circulaire, partie de Naples, me recommanda partout comme un homme connu du ministre; et partout des lors je < fus traile avec les egards dus a ce titre. Je n'ai cite cette petite a venture que pour donner une idee du caractere ombrageux de la police napolitaine, et de sa repugnance h laisser pcnetrer dans ses domiiines. La police cliinoise ne veille certainement pas avec plus de soin sur ses frontieres. Apres ce que j'ai dit plus haut des lenteurs de la poste, on pent juger du terns que m'enleverent toutes ces negociations, car je me trouvais alors au midi dc la Sicile; j'etais en vdle- 448 NOTICE giatura, chez la duchesse M***, fiUe du premier prince sici- lien, et je dois rendre a son courage et a son hospitalite cetle justice eclatante, que, non contente d'avoir ecrit pour ma jus- tification au Lieutenant-general de I'ile, ellenecraignitpasde se coniproraettre en me gardant danssamaison jusqu' a la revo- cation de la circulaire. Ceux qui connaissent le pays appre- cieront cet acle de courage. Un voyage si minutieux, si prolonge, en m'initiant dans les secrets des admin istrateurs et des admiuistres , m'a fait voir ritalle sous un jour nouveau. J'ai eu mille preuves flagrantes de I'influence desastreuse d'un gouvernement immoral sur des horames ignorans et decourages , lorsque arme contre les lu- mieres et I'esperance, il exploite a son profit et I'ignorance etle decouragement. Entraver I'education, enchainerla presse, egarer la justice, voilh la tactique de la cour de Naples. Un clerge intolerant et ignare preside aux consciences et aux etudes ; de concert avec la police seculiere , et plus im- placable quelle, c'est lui qui i-emplit les cadres de I'index, et c'est a lui qu'il faut demander I'autorisation de lire les ou- vrages prohibes. On s'adresse a son eveque , et c'est lui qui fait ou est cense faire la demande a Rome. Elle est concue en ces terraes : Bienhenreux Pere, « Le nomme ***, du diocese de ***, age de ***, homrae d'une saine morale et applique a une lecture continuelle pour son plus grand profit et avancement dans les sciences, implore humblement de Votre Saintete la permission de lire et garder chez lui, sa vie durant, quelque livre prohibe que ce soit. » Suit la signature de I'eveque. Voici ma in tenant la traduction de la reponse du Saint-Siege, ecrite en latin. « Par I'autorite du Tres-Saint Pere, notre Seigneur le SUR LES DEUX-SICILES. 449 Pape ***, a nous concedee, permis au requerant (si ce qu'oii dit de luiest vrai) de lire, et conserver sa vie durant, sous bonne garde toutefois , et de maniere qu'ils ne torabent aux mains de personne, les livres prohibes de theologie scolastique , dograatique et morale ; item, les grammairiens , les rlieteurs, les poetes , les philosophes , les raathematiciens , les astrono- nies, les historiens sacres, ecclesiastiques et profanes. Sont exceptes les ouvrages d'astrologle judiciaire et de superstitions, les ceuvresde Nicolas Machiavel, de Pierre Bayle, de Lucrece, traduit eu italien, le poeme de \di Pucelle d' Orleans ^V Adonis de Marini, et tout livre obscene ou ecrit ex professo contre la religion, surtout la catholique. En foi de quoi etc. . . (L. S.) » Un tel document n'a pas besoin de commentaire ; il coute A ducats ( 1 7 fr. 60) , et il faut prendre garde de s'en dessai- sir, car les commissaires de police font de tems en tems des vi- sites domiciliaires dans les bibliotlieques privees , et malheur a qui ne pent pas presenter sa licence! La confiscation , I'a- mende et la surveillance de la police , complement de toutes les peines, frappent tout horame pris en defaut. Encore est-il necessaire de dire qu'un suspect n'obtient jamais la licence clericale , et que les purs memes qui la demandent et qui I'ob- tiennent ne sont plus en aussi bonne odeur. Les livres non prohibes par I'eglise le sont presquepar la douane, tant les droits d' entree sont eleves. Un volume in-S^et au-dessous, quel que soitle nombre de feuilles, est soumiskune taxe de 5 carlins {^ fr. 20) ; un volume in-4o en paie 6; uu in-fo, 9. C'est bien pis pour les journaux. II est inutile de dire que totit journal independant est frappe d'anatlieme. Ceux qui trouvent grace aux yeux de la police ne trouvent pas plus grace que les livres aux yeux de la gabelle. Tout journal italien paie 7 grains et demi (30 cent.) la feuille; tout journal etranger en paie i 5. La contrebande nait de pareils droits : la Sicile la fait avec Malte. Quant "a la Gazette des Deux-Sicdes , elle fait mal a lire, 45o NOTICE et cepeudant ceux qui s'y aboiinent sont nial notes sur le livre lie la police , bicn que la feuille officielle sorte de ses bureaux. A quoi bon, dit-elle, s'iuCormcr de ce qui se passe h I'etran- ger? c'est la marque d'uu esprit iuquiet et remuant. Les Na- politains doivent se contenter des journaux d'intendances, es- pece de Petites-Affiches pro\inciales qui contieunent les actes du gouvernemeut. II se publie a Palerme un journal mensuel, scientlfique et litteraire, per la Sicilia^ plein de diffuses et pedantesques dissertations sur les antiquites du pays. Quand j'etais en Sicile, le redacteur etait un abbe Bertini. II suffit de dire qu'il porte en grosses lettres , sur le frontispice , ces mots : Sousles auspices de Son Excellence le Directeur gene- ral de la police. Basta! Cliaque cahier, compose de six ou sept feuilles, coute 4- tari (1 fr. 60) et se paie a mesure, comme si I'entreprise devait former boutique le lendemain. L' education des jeunes gens n' est pas mieux traiteeque celle des homnies : on fait dans tout le royaume des etudes detes- tables. L'universite de Naples et celles de Sicile sont dans un etat pitoyable : on y apprend le latin, les rudiraens d'une scolastique digne du moyen age, la morale par demandes et I'eponses ; mais I'histoire, mais la philosophic, soat com- pletement negligees; les sciences naturelles, a peine indiquees; et, quand j'etais a Naples, il etait question de supprimcr la chaire de mathematiques comme dangereuse. J'ignore si cet oeuvre de tenebres aura ete accompli. L'Observatoire de Naples , monte a grands frais par Murat, est fourni de fort beaux instrumens de Reichenbach de Mu- nich; mais le local est humide, et faute d'une reparation pen coiiteuse, on les laisse se rouiller et se perdre ; dans quelques annees ils seront hors d'emploi , et certes le gouvernemeut (si malheureusement il leur survit ) n'en renouvellera pas la de- pense. Telle est I'incurie de Tadministration et le gaspillage des dcniers publics , qu'uu opticien reroit 40 ducats par mois seulement pour en avoir soin , ct qu'il n'a pas mis une seulc SUR LES DEUX-SICILES. 4^1 fois le pied dansrObservatoire. Le directeur, Briosclii de Mi- lan, a fait de sa place une sinecure. II touche 100 ducats parmois, et ne fait rien pour la science. II doit publior un volume d' observations chaque annee, et depuisonze ans qu'il est k rObservatoire il n'en a publie qu'un. II doit aussi don- ner un cours d'astronomie et ne le donne point. Et qu'on ne croie pas que le talent manque a Brioschi ; le mot de I'enigme c'est qu'en donnant son cours et en sollicitant quelques de- penses necessaires , il craint d'attirer sur lui les yeux du ministre, et de causer ainsi la suppression d'un etablisseraent scientilique qui le fait vivre (1). Gelui de Palerme est mieux tenu , grace au zek de Caccia- tore, eleve et successeur du Suisse Piazzi, a qui le monde scientifique doit une huitieme planele (Ceres); mais 1' astro- nomic n'y est pas plus cultivee qu'a Naples. Ainsi la magni- lique science des astres est dans uii complet abandon sous le plus beau ciel de TEurope. Si nous passions auxautres branches de la science huraaine, nous les trouverions frappees de la meme apathie, encliainees dans les memes entraves(2). Lamedecine pratique est encore etudiee avec assez de succes dans I'antique berceau de I'ecole salernitaine; mais la science medicale repose sur des principes trop suspects au clerge pour etre professes et discutes avec in- dependance dans un pays ou il regne a I'egal du trone. Quant au droit, onenseigue plutot la science de la chicane quecelle (1) Je me fais un plaisir de rcndre justice a I'ardeur infatigable dii sous- directeur Capocci . II a fait, il y a peu de terns, pour I'observatoire dc Berlin, une carte du ciel de Naples , qui contenait plus de 8,600 etoiles , jnsqu'a la onzienie grandeur. Un artiste Suisse, plein de talent , M. Cointe , a execute cet immense travail avec une rare intelligence. (2) Visconti , un des plus liabiles g(5ographcs d'ltalio , a ete destituc dr. I'cmploi qu'il occupait au bureau topographique , ct ccla sculemcnt pour opi- nion politique. ^6 uno disce omnes. 452 ISOTICE de la loi ; et chaque annee , il sort des ecoles de Naples ou de Sicile line iiuee de jeiines avocats , vraies paillettes dii bar- reaii , et de gens de loi qui se repandent comrae une lepre sur toute I'etendue dii royaume. II n'y a contre eux qu'un cri , au-dela comme en-deca du Phare. On a calcule qii'en Sicile seuleraent il y en avait plus de vingtmille. Ce sent vingt mille saugsues attacliees a la propriete, et Ton peut dire que la ua proces gagne ruine autant qii'ua proces perdu. La justice est politique et venale , deux tleaux capables "a eux seuls de miner un pays et de demoraliser un peuple. Sous Murat elle etait integre ; mais tous les anciens magistrals out ete elimines pour faire place a deplus dociles. Les tribu- uaux semblent institues plutot comme des instruraens de ven- geance et de persecution que comrae une garantie de securite sociale. Et c'est ici le cas de parler d'une circulaire , ou plutot d'un decret souverain, emane du conseil des rainistres, sous la presidence de Medici , et envoye comrae loi a toutes les autorites des provinces. II est trop long pour etre traduit tout cntier; j'en extrais seulement le sens et I'esprit. Apres de longs preliminaires, oula clemenceroyale est exal- tee, et I'opiniatrete des rebelles traitee de vertige et de sacri- lege, dans un style atrocement devot, dont je fais grace an lecteur, il est dit en propres termes que toutes les autorites doivent, sous peine d'une responsabilite personnelle , et sans etre retenuespar aucune consideration , sevir sans misericorde contre « quiconque ose montrer directement ou Indirectement quelque tendance {tendenza) contre le trone; que, dans la conduitepublique tl pn'fe'e, elles dolvent ouvertement distin- guer les sujets religieux et devoues au trone, de ceux qui persistent dans leurs opinions pcrnicieuses; qu'elles doivent proteger amour easement les premiers , les porter k toutes les charges, et leur etre favorables ( bene(^oli), de maniere a ren- dre manifesle au pulilic la faveiir pleine et entiere du gouver- iieraent a. leur egard {vantaggio) ] qu'elles doivent constam- SUR LES DEUX-SICILES. 4^3 ment empecher que les factieux n'aient la moindre influence dans leurs communes ou ailleurs ; et que, s'il se trouve en- core en charge des hommes persistans dans lem's mauvais desseins, elles en proposenl immediatement la destitution. Ennerais du trone, de I'autel, d'eux-memes, du bien ge- neral , ces malheureux cesseront de faire partie de la grande masse des fideles et chers sujets de S. M. , et le roi veut qu'ils soient consideres et tenus pour indignes de ses graces (i). S. M. enfin a declare quelle prendra desormais un corapte rigoureux et periodique de I'attitude des fonctionnaires pu- blics; que si done quelqu'un d'entre eux, soit par lachete , soit par des egards coupables, se sent incapable d'accomplir ks devoirs indispensables qui lui sont presents, il resigne sur- le-champ sa charge et dispense ainsi S. M. de I'obligation d'adopter contre lui des mesures d'une rigueur exem- plaire, etc., etc » Cette piece, qui m'a ete communiquee par un intendant en disgrace, me semble un des monumens les plus caracteristi- ques de cette epoque de violence. Voilk done un roi qui met au ban de la justice la moitie de ses -sujets, etpourquoi? Parce qu'ils sont restes fideles a une cause qu'il avait jtu'e de defendre et qu'il a trahie avec indignite. II va chercher tout ce que I'bomme peut avoir en lui de bons gernies pour lesfle- trir, pour les corronipre. II sape tout principe social en semant la haine et la defiance entre les fils du raeme sol , et le deses- poir au cceur des citoyens rejetes du droit commun. Le mi- nistre auteur de ce grand crime de lese-humanite est mort sur ime terre etrangere , hai et delaisse ; le roi qui I'a convert de son nom I'a suivi dans la tombe, sous le faix d'une vieil- lesse precoce et infirme ; mais leur ouvrage survit , et la (1) Une circulaire spcciale enjoiot positivement aux juges d'appliquer a ces derniers le maximum de la peine en toute occurrence, et le minimum auxelusdc S. M. 4^4 NOTICE jeunesse, recueillant celionteux heritage, se traineavecigiio- niinie sur les traces sanglautes d'un vieillard iiiecliant et par- jurc. Italie ! Italic ! tes propres enfans, les fils de tes en- trailles sont conjures contre toi ct te dechircnt ! C'est le prince de Canosa , le rival de Medici , qui iraagina le premier d'elever autel contre autel. II avait cree la secte des Calderari pour I'opposer aux Carbonari, et projete un massacre des seconds par les premiers, L'exil Tempecha seul de mettre en pratique ce systeme qu'il a longuement deve- loppe dans un livre; et ce livre sanglant, il a ose luidonner un titre champetre ( 1 ) . Apres tout ce que je -viens de dire, le mot de justice expire sur les levres ; la plume se refuse a le tracer comme on rougit de prononcer uu nom sacre dans un lieu profane. Les lois fussent-elles parfaites, elles se corrompraient dans la bouche de pareils jnges; et le royaume de Naples en est reduit a ce point qu'un bon magistral est preferable a une bonne loi. La Sicile est plus maltraitee encore, sous ce rapport, que le reste du royaume , et la confusion judicial re y est an corable. Naples et ses provinces de terre ferme ont au moins eu le tems de se faire aux Codes francais sous la longue domination d'une cour et d'une administration francaises ; mais la Sicile, a peine echappee aux langes de de la feodalite et au patronage anglais, depouillee tout a coup de ses franchises, de ses parlemens , de son existence nationale , a recu en echange des codes mu- tiles (car il s'en faut que les lois francaises aient ete mainte- nues intactes), et fondes sur des principes tellement nou- veaux pour elle , qu'apres plus de quinze ans elle n'a pas encore reussi a se reconnaitre dans ce grand dedale. Le re- gime hypothecaire , par exemple , est un vrai chaos. Beaucoup de gens avaient place leur fortune entre les mains des barons, (1) Piferi della Montagna[\es Pipeaux de la Montagne ), parcc qu'il Tccrivit a Pise , au pied du mont de San-Giulano , ceUe inontafjne , comino dil Dante • Perche i Pisan vetler Lucca non fioiino. STIR LES DEUX-SICILES. 455 qui leur payaient line rente annnelle. A I'abolition des fidei- coniniis et des droits feodaux , ceux-ci n'ont pu les renibourser pecuniairemeut : on a dii y suppleer par des terres , et on noraraa des juges pour en faire la repartition; luais cette re- partition devalt toujours etre sanctionnee par le roi ; de la mille longueurs, raille formalites inextricables. La loi n'est point dans les mceurs, et les ministres charges de I'executer, la comprenant mal eux-memes, ou robscur- cissant par les comraentaires de I'interet et de rambition , la detournent de ses vrais principes, et ne font qu'ajouter de nouvelles tenebres auxtenebres de cette legislation heterogene La mauvaise foi trouve tant de subterfuges , la plaidoirie est tellement longue, tortueuse, enibarrassee, que le creancier n'apresque aucun recours contreson debiteur ; et si Ton ajoute a cela les considerations politiques ou individuelles, et les vingt mille homines de loi dont j'ai parle plus haut, on aura I'idee de I'etat judiciaire de cette malheureuse ile. Je ci- terai a ce propos le mot d'un vieillard blanchi dans leshautes magistratures , qui, lour a tour juge, procureur-general et eusuite president d'une grande cour de Sicile, vitmaintenant retire a Syracuse, ou je I'ai connu : « Dans ma carriere de quarante ans, me disait-il , je n'ai pas vu une seule fois nos tribunaux oondamner un homme riche ou puissant. » L'organisation judiciaire et administrative de la Sicile est la meme que celle des provinces continentales. L'ile est cou- peeen sept intendances; seulement on a aboli par economic les sous-intendans : tous les employes civils sont siciliens. Le Lieutenant-general des domaines au-dcia du Phare a snc- cede aux vice-rois. Ce n'est qu'une ombre , car la jalousie du cabinet napolitain est trop soupconneuse pour ne pas tout concentrer en lui, et la centralisation est complete. Les provinces napolitaines sont si malheureuses qu'elles appcllent la Sicile une republique, et les Siciliens leur ren- dent le compliment. L'impot direct est bicn plus fort en Si- 456 NOTICE cile que dans le reste du royaunie, et voici comment. L'or- cupalion anglaise avail repandu Tor a pleines mains dans Tile, et la rente des terres etait doublee , triplee par cette ri- chesse passagere et factice. On fit alors un cadastre, et les impositions fiirent fixces a 7 et demi pour cent. Elles out ete augmentees cliaque annee h mesure que les terres diminuaieut devaleur; et aujourd'hui I'impot est de i5 et demi pour cent, et frappe toujours sur le revenu de 1811. Or, pour avoir une idee de I'abaissement des terres et de lout, il suf- tira de savoir que le ble, qui se vendait alors jusqu'h 20 onces la salme, estdcsceudu jusqu'a 5 ou A-; qu'un attelage de boeufs, qui sepayait jusqu'h 60 onces , se paie aujourd'hui 16 a 18. Ainsi done le proprielaire d'un domaine de mille onces paie le quinze et demi pour cent d'un domaine de cinq mille , si telle etait I'estimalion du cadastre. II y a sur cette somme un et demi pour cent a prelever pour des ponts et chaussees qu'on ne fait point ; car la Sicile a payc dix fois les routes quelle n'a pas. II n'y en a qu'une, encore esl-elle etablie en grande partie aux frais des communes , et soumise, meme pour elles , a. un di'oit de passage. II ne faut pas croire que les impositions directes se bor- nent la , il y en a cinq ou six autres , et toutes reunies elles devorent un grand tiers au moins du revenu des proprietaires; aussi la misere esl-elle dans toutes les classes. H y a entre autres un impot de consommation reparti arbitrairement et avec la derniere injustice. On estime la consommation pro- bable de chaque famille , et on etablit I'impot sur cette base. Par exemple , uu homme a-t-il dix personnes a sa table , ou estime la quanlite de vin qui doit se consommer dans sa mai- son , et il paie en consequence. Et si , comme il arrive sou- vent, la misere le force a ne boire que de I'eau, n'iniporte, il faut qu'il paie pour le vin qu'il ne boit pas. On conviendra que ce serait fa, certes, une bien etrange republique. Le clerge sicilien esl innombrable et puissant ; sous ce STIR LES DEUX SICILES. 4^^7 rapport, la Sicile c'est I'Espagne. Quoique moins riches , les coiivens y sont aiissi nombreux. Le niveau de la revolution n'y a point passe comme dans les provinces continentales ofi les couvens ont ete presque tous abolis. Les mceurs nionas- tiques sont execrables , I'ignorance y est profonde , la super- stition contagieuse , I'intolerance a son corable. On ne craint pas depousser le peupleau meurtre, en prechant que la moi't d'un heretique est une ccuvre digne dii paradis. L'avarice et la venalite gardent I'autel ; on vend tout , jusqu'a la commu- nion , et le pauvre qui n'a pas le tari quelle coute n'est point inhume en terra sainte. J'ai vu a Castrogiovanni un Frere queteur enlrer dans une des cavernes qui servent d'habitatiou aux families miserables , et n'en sortir qu'apres avoir extorque a la pauvrete son iniique obole. II y a cette difference, entre le clerge insulaire et celuidii continent, que le premier est moins devoue an gouverne- ment napolitain, qu'il deteste au fond comme usurpateur, et dont il ne fait I'apologie que parce qu'il en recoit protection et assistance. L'autre au contraire est son seide. II embrasse et defend ses interets avec une ardeur infatigable. , car ce sont les siens propres. La buUe d' excommunication fulminee a Rome , en \ 821 , contre les carbonari fut affichee dans toutes les eglises du ix)yaume , et commentee du haut de toutes les chaires ; car des liens etroits ont de tout terns uni la cour de Naples "a celle de Rome. Le ministre Tanucci fut hostile au saint-siege, et le venerable archeveque de Tarente, monsei- gneur Capece-Latro , se distingua par son esprit de lumiere et de liberte dans cette lutte de I'independance nationale con- tre un vasselage etranger. II a ecrit a cette occasion un livre ou il prouve par les faits que tous les malheurs du royaurae sont dus aux pretentions des papes. Des lors le gouvernement s'est replace humblement sous la vei'ge ecclesiastique , et le concordat de Terracliie, conclu en fevrier 1818, consacre implicitement la suzerainete du snint-siegc sur la cour des TOME L. JUIN l85l. 00 458 NOTICE Dcux-Siciles (1). Anssi bicn le incme esprit Ipsaninio, Ics menies principes president h leur gouvernemcnt. Les eveques jouent un role considerable dans la police. A eiix appartient la prerogative de tenir le ponvoir an coiirant de I'esprit public de leurs dioceses, etleurs reconimandations ou leius censures pesent dans la balance. Je ne repeterai pas ici ce que j'ai dit ailleurs de I'emploij de la confession , nouvelle torture destinee k arracber aux coupaljles, c'est- a-dire aux carbonari , les nonis de leurs complices. Cette in- vention , digne de la prime qu'nn empereur donnait a qni- conque trouvait un nouveau supplice, a peuple les bagnes et les cachots. Je ne connais pas de plus grand fleau que la reli- gion dans la main du ponvoir temporel. Speculer sur les croyances et sur les consciences est I'arlifice le plus bas, le plus bonteux que puissent imaginer la faiblesse et la peur. Hatons-nous de dire que beaucoup de pretres furent com- promis dans la revolution de 1820, quoique le liaut clerge fut reste indifferent, hostile a ces genereuses tentatives. On vit alors des populations arriver k Naples sous la conduite de leiu'S cures. Ceux que le bras seculier n'a pas frappes ont expie plus tard, en rentrant sous la discipline ecclesiastique, le crime de liberte; ce qui ne les empeche pas d'etre encore au- jourd'hui sous I'ceil vigilant et sombre de la police temporelle. Cette police atroce, ce mauvais genie du pays qui s'altacbe "a sa mine , j'y reviens san's cesse, car on la retrouve a chaque pas et sous toutes les formes. Je voudrais une fois en finir avecelle, mais elle est toujours la et n'en finit jamais, elle. La police, c'est I'etat. Sa premiere arme, c'esl la delation; sa garantie , une defiance reciproque et universelle ; son but, I'esclavage de tout ce que Dieu a fait libre. Traliison, vio- lence, tons les mojens lui sont bons. Voici , entre mille , {i) On (lit alors a Naples, rnjouaiit sur Ic mot, que c'ctait un Con-cor- ilalo {Aonni avcc Ic cocur). SUR LES DEUX-SICILES. 4% un trait qu'il faut conuaitre afia de le fletrir, car il est digiK', par sa perfidie , d'etre attache comme uii signe d'opprobre a ce systeme de faussete et de sang. Au raois de decembre iS^\, dans la premiere ardeiir des persecutions, on fit circuler dans le royaume des listes de proscription ; il n etait bruit que d'arrestations nouvelles , d'un redoublement de rigueur. En meme tems, le gouverne- ment fit publier officiellemeut qu'il delivrerait des passeports k tous ceux qui en demandcraient pour I'etranger : c'etait un exil; niais les hommes compromis, efl'rayes par ces listes mysterieuses , par ces sourdes menaces, se haterent d'en de- mander et en obtinrent. lis s'accusaient eux-memes , et le but du gouvernement etait atteint. Les premiers et les plus prompts parvinrent a Rome sans difficulte, soit que le guet-apens ne fiit pas encore dresse , soit que les cours de Naples et de Rome (car elles etaient complices) eussent voulu donner quelques formes a leur infa- mie. Le jour du grand depart arriva : environ deux cents exiles s'embarquerent ensemble dans des voiturcs de toute es- pece ; les uns se rendaient en P^rance , les autres en Suisse, le plus grand nombre dans les divers etats d'ltalie ; tous done prirent le meme chemin. Arrives a Terracine, premiere viJle- des etats de I'Eglise, ils furent retenus par I'officier de police, sous pretexte qu'il ne pouvait livrer le passage a tant de monde, et qu'il attendait des ordres de Rome. Les fugitift resterent plusieiirs jours entasses dans les mauvaises hotel- lerics de la ville; enfin les ordres arriverent , le passage leur fut refuse. lis furent reconduits sur la frontiere napolitaine, mais I'entree de leur patrie leur etait deja fermee, et ces deux cents malheureux , joues et ballottes par la deception la plus noire, rejetes par les uns, repousses par les autres, resterenf exposes sur le grand chemin aux intemperies de la saison. II yavait des vieillards etdesjeunes gens, des pretres et des do. 46o NOTICE laiques , des lioniraes de toutes les conditions, lis euvoyerent a Fondi counier sur courrier, et ils fureiit eiifiii menes a Gaete. Uii coiuraissaire de police de Naples les y attendait, pret h leur dresser de nouvelles embiiches. II offrit a ceux qui voudialent se rendre "a Tunis d'autres passepoits et des em- l)arcations pour les y conduire. lis refuserent, craignant quel- que perfidie, quelqu'assassinat en pleine mer. Ramenes a Naples par la gendarmerie , ils furent jetes en prison , juges et condamnes les uns au cachet, les autres aux galeres. Je tiens ces details d'un vieux pretre qui faishit partie de cette expedition malheureuse. II fut pour sa part promene de prison en prison , et renvoye cliez lui a la disposition de la justice ; c'est le supplice de Damocles. Apres avoir fonde dans le catechisme social le dogme de la delation, la police a mis toute sa soUicitude a I'introduire dans les mceurs. Lestribunaux, dans leurs arrets, les eveques, dans leurs niandemens, les missionnaires, dans leurs predications, se sonl efforces a Tenvi de conlribiier a cette ccuvre de scele- ratesse. II est recu en principe que toute delation , meme ano- nyme, est bien venue. Un meme individu, pour un meme fait, aurait ete I'objet de quatre-vingt-dix-neuf denoncia- tions , reconnues toutes fausses , que la centierae sur ce meme fait serait prise encore en consideration. C'est ce qu'ils appellent le Scrutinio. li'intendant a dans sa main I'administration et la police. A ce double litre , il est tout puissant dans sa province, et a mille moyens d'influer sur la justice des tribunaux. Ilempri- sonne deson clief, et pent meme, h son greet sansjugement, exiler un citoyeu, non pas il est vrai hors du royaume, mais, ce qui est souvent pis , dans quelque province qu'il lui plaise de choisir, h cinquante licues, a cent lieues, n'imporle. Le malheureux arrache a sa famille, "a ses devoirs, a scs plus (liers interrls, rocourt-il an miuistrc, le niinistrc renvois sa SUR LES DEUX'SICILES. 4^^ ]ilaiiUe a rinteiidant lui-meme, afiii qu'il 3' ait egard, s'il y a lieu. Tel estle sort de toutes les reclamations. L'intendant etlesous-imendant sont assisies d'un commis- saire et d'un inspecteur de police, d'un capitaine ct d'un lieutenant de gendarmerie, et les uns et les autres sc sur- veillent, se denoncent an besoin, et se perdent qnelquefois. La surveillance mutuelle est le second dogme du pouvoir. Ge spectre invisible, assis an seuil de cliaqne niaison, an foyer de cliaque famille, an chevet de chaque lit, empoisonne i'air qu'il respire , et brise tous les liens de la vie. La province oix ces seniences de corruption ont germe plus profondement et porte des fruits plus monstrueux est la Principaute ulte- rieure. EUe appartenait, en -1820, & la division militaire du general Guillaume Pepe ; et c'est la, a Monteforte, pres des confins de la terre de Labour , qu'eut lieu la premiere explosion. La reaction de I'annee suivante y fut terrible. J'ai vu, dix ans plus tard, les villes et les villages de cette mal- heureuse province decbires par les partis, et offrant, an mi- lieu de leurs sauvages montagnes , le spectacle des baines civileset de la desorganisation sociale. Du reste, il n'y avail pas lutte , car I'equilibre est depuis long-tems rompu. II n'y a que des vainqueurs insolens et charges de depouilles, des vaincus silencieux et depouilles. C'est Ta qu'on vit les peres denoncer leurs enfans , les en- fans leurs peres, et les pretres vendre plus effrontement les se- crets de la confession. C'est Ta que la joie du triomphe fut plus sanglante : c'est la que la colere de la defaite est plus pro- fonde,plus concentree, et que la vengeance sera plus terrible. Un certain Rega , homme sans entrailles et sans conscience, s'est fait dans cette province un nom a placer a cote de ceux des Vanni et des De Mattheis. Delateur infatigable, calom- niateur ehonte , il s'est fait un marcbe-pied de sang pour se grandir , et a fini par atteindre une iutendance que la recon- ^ naissance du gouvernement lui a jetee comme on jette un os 462 NOTICE a ronger au chien qui a fait la meilleure chasse. Apres ce que j'ai dit du pouvoir ilcs intcndans, il est effrayant de voir de telles charges aux mains de tels homraes, Mais Rega a pris la bonne route; suivre celle de Thonneur et de la justice, c'est se foiuvoyer : la cour de Naples ne se soucie ni de Tun ni del'autre. Si j'entreprenais de raconier tous les abus de pouvoir des intendans, en leur double qiialite de chefs de la police et de radniinistration, je passerais de beaucoup les borncs queje me suis prescrites. Mais oa les devine par ce qui precede. Qu'il suffisede dire que toute une province, c'est-k-dire plu- sieurs centaines de mille hommes sont a la merci d'un seul. II n'a qu'a les representer au gouvernement commodes rebelles pour que celui-ci ferme Toreille a toutes les plaintes, les yeux sin- toutes les persecutions. II n'y a pas une province quin'ait ete foulee a sou tour, et qui n'ait paye a la colere royale son tribut de larmes et de sang. La force armee est a la disposition de Tintendant. Outre la gendarmerie , coinposee du rebut de la nation , il y a dans le royaume une garde urbaine, qui lui sert d'auxiliaire ; pour y ctre admis, il faut etre sans tache ; et les taches se soucient pen d'un pareil honneur, taut il est peu honorable. Les gardes lubaines n'ont point d'uniforme et sont arraees d'un simple fu- sil de chasse. Les permis d'armes ne s'obtiennent qu'avec une extreme diflicnlte, et doivent etre soUicites du ministre lui- meme , par I'organe de I'intendant, qui apostille la requete. II suflit de faire gras le vendredi pour ne point obtenir sa de- niande. Excepte la petite minorite des elus , le rojaume est desarme sous les peines les plus barbares. L' experience m'a prouve que les juges d'arrondissement {di circondario) peuvent faire beaucoup de bienou beaucoup de raal au pays. On doit porter la plus scrupuleuse attention dansle choix des autoritesinforieures : destinees a avoir des con- tacts continuels et iramcdiats avec le peuple, elles exercent sur SUR LES DEUX-SlClLEb. 4b3 lui la premiere et peut-etre la plusgrande influence; carc'est dans leurs mains qu'est la justice preventive, la justice initia- tive. Mais c'est ce que Ic gouvernemeut n'a guere h ccem- -, il nomrae ordinairement h ces places de jeunes debutans , sou- vent plus ambitieux qu'eclaires ; toujours etrangers a leur ju- ridictiou, ils en iguoreut les besoins et I'esprit, et sont , par consequent, incapables d'y exercer cette autorite morale et conciliatrice qui rcfonne pen "a pen les mocurs. Peti payes (1 ), ils sont d'ailleiu's dans un mouvement perpetuel et changent tons les trois ans. II est rare aussi qu'uu intendant reste plus long-terns dans la meme province; avec cela comment mettre de I'lmite dans uue administration? Toujovus inquiet et jaloux , le gouveniement craint les influences et les affec- tions. 11 suffit qu'une province demande la conservation d'un magistrat pour qu'il soit transpose a I'instant. Le juge est aussi clief de la police dans son arrondissemcnt et cumule ainsideux attributions qui devraient etre, en bonne cquite, a jamais separees. Dans les communes qui ressortissent de lui, la police est faite par les syndics'(maires), et ce sont eux qui fonneut le premier anneau de cette chaine de fer qui garotte le royaurae, la premiere maille de cet immense reseau qui I'enveloppc connue lui linceul. J'ai connu beaucoup de juges , et j'en ai trouve d'excellens qui gemissaient sur I'etat de leur malheureuse patrie , et re- pngnaient a entrer dans la ligue infernale ; les jeunes , sans haines politiques, negligent souvent leurs fonctions de sbires, et recoivent de terns en tems de vigoureuscs reprimaudes de leurs superieurs. J'etais I'hote d'uvi de ces jeunes magistrats, avec lequel meme je me suis lie d'une amitie durable , lors- qu'il recut une circulaire oii I'intendant lui mandaitquele mi- uistre de la police generale se plaignait de leur indolence , et (1) lis sont divises en trois classes ; cciix de la dcrnierc n'oiit quo six carlins (2 fr. 40 c.) par jour. 464 NOTICE qu'il les voyait avcc peine s'eiidonair dans line monotone rou- tine : c'etaient ses propres teimes. Tout leiir crime cependant etait de laisser respirer les vaincus et reposer un instant le glaive sanglant de la persecution. Les jnges ne sont pas plus que leurs superieurs a I'abri des delations. Achaque denonciation anonyme ousignee, on en- voie des commissaires charges de surveiller leur conduite; ccs emissaires caclient leur espionnage sous le masque de quelque mission judiciaire on administrative, et font an ministre les rapports qu'il leur plait. C'est ici le cas de rappeler ce que j'ai dit ailleurs de la Junte d'etat ou tribunal supreme, ce qui se borne a deux mots : lorsqu'on a dit que c'est une inquisition politique, on n'a rien a ajouter. J'entends dejk se recricr I'essaimdes voyageurs qui, pour avoir passe huit jours k Naples , monte le Vesuve , pousse peut-etre jusqu'a Pestum, s'imaginent connaitre a fond le rojraume , I'esprit public et les besoins de sept millions et demi d'homraes ; je les entends appuyer leurs dementis d'un fj ai e'te'j qui eblouit les niais et leur ferme la boucbe. Moi, j'ai fait plus que d'y aller, j'y ai vecu ; je suis entre dans les moeurs nationales , je me suis fait Sicilien en Sicile , Calabrois en Calabre; et je defie de nier unseul des fails que j'ai avances en de prouvant cette denegation par des fait contraires. Pliit a Dieu que j'eusse dit faux et que la partialite eiit egare mes jugemens ! mais helas ! si incroyable quelle paraisse, je n'ai dit que la verite. II faut remarquer d'ailleurs qu'aucnnc capitale n'est moins propre que Naples "a donner I'idee des provinces. De Paris on peut , jusqu'a un certain point , juger la France , car la pressc est si vigilante , si causeuse, que rien ne lui echappe et qu'elle lie tail rien. Mais dans ces tristes contrees oi'i la presse n'est qu'un instrument de caloranie ou de faussete, il faulaller soi- memc iccueillir les fails un h un , rtudier les moeurs village a SUR LES DEUX-SICILES. /^65 village , I'esprit public homme a homnie ; et c'est ce que j'ai fait. Les Napolitains eux-menies ne voulaieut pas croire que j'eusse traverse les Calabres sans elre assassine ; car, pour le Napolitainde Tolede ou de Chlaja , tout Calabrois est un bri- gand, et tout provincial est un Calabrois. On n'a pas I'idee d'une telle partialite et d'une telle ignorance. Si resserre que soit encore ce tableau , 11 serait par trop incomplet si je pas- sais sous silence le brigandage ,un des mille fleaux de ce triste pays, frappe de plus de plaies mortelles que I'Egypte sous la verge du prophete. Je dois dire avant tout qu'il en est bien souvent de ces ter- ribles bandits comme du Moine-bourru , dont tout le monde parle et que personne n'a vu : quant a moi j'ai joue de inal- beur, ou de bonheur si Ton veut ; j'ai traverse dix-sept fois I'Apennin, et je n'ai pas ete vole une seule fois. Cependant il y a des voleurs, il est impossible qu'il n'y en ait pas, et il y en aura aussi long-tems que le gouvernement semblera prendre a tache de les faire naitre ; car le brigandage nait des institutions, comme les guerriers de Cadmus des dents du dragon. Et d'abord quelques fails. J'ai rencontre en Sicile beaucoup de cbaumieres desertes ; les proprie ta ires, dev ores pa-rle fisc et incapables de faire face a ses exigences, lui avaienttout abandonneets'etaient mis en campagne. Voila des brigands ! II y avait un jour h Gatanzaro (Calabre) une grande foule sur la place, autour d'un homme assassine, mort dans son sang, et tout le monde maudissait le mort non le meutrier. — « Inlame Calvo , s'ecriait-on , tii as la peine de tes crimes !» — Or ce Calvo etait un employe de Tintendance, un pur ; il avait profile de sa position pour s'at- tacber a la ruine d'un ennemi, qu'il avait en effet reduit a la misere, lui et sa famille ; mais celui-ci etait suspect de car- bonarisme, et on rit de ses plaintes. Le desespoir le prit, il etait Calabrois, et en plein jour, devant tout le monde, an 466 NOTICE milieu de la place publique , il frappa Calvo dc trois coups de poignard , et se mit en campagne sans qu'aucun des assistans lit seulement le gcsle de rarroter. Voila encore uu hrigand. — Un grand proprietaire deMolise, mine par le Las prix des denrees et par I'enonnite des irapots , dut mettre en friches une partie de ses terres, pour econoniiscr des frais que la vente des prodiiits ne couvrait pas; il appela ses paysans et leur dit : — « Jene peux plus cultivermes terres, allez chercher votre pain. » — Mais ou? Dans les fabriques? II n'y en a point. — Dans Tarmee ?Ony est malnourri et roue de coups. lis se mirent en campagne. Voila encore des brigands. Voici quel reraede le gouvernement applique au mal : sur une simple absence , sur des soupcons , sur des conjectures , et aussi peut-etre par vengeance ou par faux zele et preven- tion , I'intendant, le procureur general et le commandant mi- litaire de la province se reunissent en comite secret, et dres- sent une premiere liste , dite preventive, ou sont mentionnes les noms, prenoms et qualites du suspect, avec I'enonce des presomptions qui pesent sur lui ; cette liste est affichee , et si lepreveuu, dejadeslionoreparlapublicite, et ignorant peut-etre cet appcl, ne s'est pas justifie dans le delai de huit jours , la meme commission de trois membres dresse une seconde liste definitive, liste de proscription, oii il est Aec\dtxifuorhanditOy c'est-'a-dire bors la loi et a la merci de cbacun. Frappes de ce mandat de mort, les Juorbunditi se retran- client dans des montagnes inaccessibles , on une gendarmerie aiissi lacbe qu insolente nose les poursuivre , etils ne sortent de leius retraites que pour enlever les riches proprietaires, et les ranconncr suivant leur fortune. II est pen de families qui u'aient ete atteintes de ce fleau. J'ai un ami a Cotrone a qui il en a coiitc 1 8,000 ducats (80,000 fr.)pour racbeter son fils, eideve a la porte de la ville et retenu prisonnier vingt-sept jours par les bandits, dans les bois de la Sila. Cos bandes-la ne vont qu'a coup sur et attaqueat rarement les voyageurs. Ondit que le general Manlies avait dctruit le brigandage; il SUR LES DEUX-SICILES. 4^7 iTavait fait que coiiper I'arbreh coups de sabre sansl'extirper daussa racine. II a bienlut repousse. De son lenis, ceux qu'on appelait brigauds c'etaient des partisans qui faisaient guerre ouverte aux Franrais. lis out resiste a Massena lui-iueme , et pendant dix ans I'etendard de la guerre ne s'est pas reploye dans les Calabres; tandis que les Francais regnaient sur I'Europe entiere , le Calabrois , comme le guerillas espagnoL conibat- tait toujours. Ces habitudes giierrieres et independantes out survecu ; elles sont dans les moeurs , et aujourd'hui qu'il n'y a plus d'etrangers a coinbattre, on fait la guerrre, dans la pro- pricte et la richesse , a une societe qui ne donne aucune ga- rantie, ou nul besoin n'est satisfait , nuUe faculte employee , nulle plainte ecoutee. II faut s'etouner , non pas quil y ait des bandits, mais que le royaume lout entier n'entre pas en canipagne. Toutes les provinces montagneuses , les Calabres , les Abruzzes , le comte de Molise, sont plus ou moins profon- deinent atteintes de cette plaie sociale. 11 y a , selon I'abon- dauce de la recolte , le caractere des autorites, la misere pu- blique, des alternatives de securite complete et de perils imminens. Flusieurs fuorbanditi officiels erraient dansl'As- promonte (1) quand je I'ai traverse ; etdans le Matese (2), il existait une bande dont on disait le chef en cainpagae depuis vingt ans, et charge de quarante homicides. II etait protege par divers habitans d'un bourg voisin, ct venait de bruler un pretre par vengeance. C'est du moins ce que racontait la voix publique. Nous avons vu que les mesures preventives du gouvenie- men sont nuUes, sont funestes, puisqu' elles sont laitcs pour reduire les hommes au desespoir ; ses juoyens de rejiression (I) CVst la ]ilns liautc nionlaf;nc de la proniierc f!alabrc I'ltcrioiiic. (i) Nom dc la grande ciiainc dc rApciinin qui soparc la province dc Mo- lisr dc la TeiTc-dc-Lahour. 4^^8 NOTICE ne soiit ni mieux eiiteiulus iii plus eflicaces. 11 pactisesoiivcnt avec les voleurs , les trompe bassement par dc faiisses am- iiisties, les fait egorger les ims par les autres ; mais en general il met une moUesse extreme dans la poursnite des cou- pables, et laisse la propriele exposee sans defense a leiirsatta- ques. Je dis sans defense, car si le proprietaire est an nombre dcs suspects, il n'obtient pas le droit d'avoir des amies dans sa maison , et pent etre ainsi devalise inipunement. La police se fait an besoin nn arine de ce fle'au , en mettant sur les listes ) La fm de cette lettrc nous apprend que nous avons ete pri-j DE l'ACADEMIE DE TURIN, ^85 ves d'un ouvrage qui eiit ete d'lin grand prIx pour I'histoire de I'esprit luiniain : « Agreez un exemplaire d'line liarangue que j'ai prononcee il y a treize ans; peut-etre y trouverez-vous quelques rernarques qui iie yous deplairont pas. J'eii avais prononce, six ansauparavaut, une de pItilosop//id newtoniand, dont il ne reste plus qu'un seul exemplaire. Si j'avais ete ap- pele h en prononcer d'aulres, j'aurais traite de hjpothesihus mec/mnicis , de hypothesihus cpialitatum occultarum , de hj- pothesihus physicis, toujours d'apres I'esprit de Newton ; et tout cela aurait fait sur la philosophic newtonienne un ouvrage dont tons les inateriaux scut prets. Rien de tout cela n'a paru, uon plus que des notes tres-considerables que j'avais faites pour la harangue de phdosophid newtoniand ; elles con- tiennent des anecdotes litteraires tres-peu connues sur New- ton , sur Huygens , sur Leibnitz , qui ue laissent pas que d'etre assez importantes. » Le cinquieine Meuioire ou Essai de nosologic arithmetique ne coraprend pas toutes les classes de la population : I'auteur a fait usage des registres de I'etablissement fonde h Turin pour secourir a domicile les indigens malades, institution qui a servi de modele aux dispensarys de Londres , imites ensuite a Paris. Les observations de M. le comte Balbo out etc faites sur 25 annees de terns paisibles , oii les seules causes de variations qui aient exerce leur influence sont toutes phy- siques ; et, par consequent, les resultats moj'ens obtenus dans de telles circonstances peuvent etre consideres comme la me- sure exacte de Taction siraultanee de toutes les causes qui concourent h la production des eflets o})serves. Durant les vingt-trors annees que I'auteur de ce memoire a souniises a ses calculs, -1-40,000 malades ont ete enregistres comme se- courus a domicile : ainsi 1' exactitude des resultats moyens est suffisammcnt garantie par la multitude des faits dont ils sont deduits. D'ailleurs, les consequences q\ie Tobservateur en a tirees, et qu'il restrcint prudcuuncnt aux lieux de scsoliser- 486 MEMOIRES vations , out etc confirmeos depiiis dans toutc rEurope moyenne, et niiscs an nomln-e dcs acquisitions faites depuis pen par les sciences economiqucs. Ces sciences avaient besoin dun guide aussi siir que le calcul pour ne pas etre egarecs plus d'une fois par les formes ordinaircs du raisonnenient : qui aurait pense , par exemple , qu il y a souvent plus de ma- lades parmi les pauvres lorsque le pain est a has prix que lors- que cet aliment de premiere necessitc est rare et chcr ? Tenons- nous done pour bien avertis, et ne nous pressons pas d'ad- mettre comrae vraies des consequences qui ne sont que plau- sibles ; confrontons nos raisonnemens avec I'experience ; observons et mesnrons. Entre la classe des sciences niatbematiques et physiques , et celle des sciences morales, historiques et philologiques, la ligne de delimitation n'est pas tracee de maniere que Tune et I'autre soil forcee de s'arreter a ses frontieres. A laquelle des deux devait etre adresse le niemoire de M. Francisco Lkkcisa, intendant de la province de Novi , sur Yindustrie de la soie dans le roj aume de Sardaigne? Puisqu'il y est question d'arts raecaniques, la premiere pouvait la revendiquer : mais Teco- noniie [publique y tient la premiere place , et la classe des sciences morales s'en est empare. Une commission de trois membres, MM. les comtes Napione et Sclopis , etM.le che- valier Manko out ete charges de I'examiner, et Vanalyse eten- due quele rapporteur en a faite donne, sans doute, une no- tion assez complete des vues de I'auteur, et justifie les eloges que la commission a decernee "a son ecrit. Comme I'Academie I'a inseree dans ce volume, nous nous abstiendrons d'entrer dans aucun detail sur I'inleressant rapport dont il a ete le su- jet , et nous procederons Immediatement h I'examiner, en pre- nant soin de comparer nos jugemens a ceux que M. le comte Sclopis a exprimes an nom de la commission. Le memoire de M. Lencisa est intitule : Discorso sopra I'industria delle sete nei regit stati. L'auteur manifeste des DE l'ACADEMIE DE TURIN. 4<^7 rraiiites tres fondees sur la conservation des ressourccs que la proiluclion de la soie procure maintenant h ritalic. < et son histoire, donnee avec detail par son vieux complice , le patriarche de la revolte , Adams , de niatelot insubordonne devenu aujourd'hui methodiste rigide, est d'un interet aussi vif que le poeme. Lorsque Byron ecrivit, on ne connaissail de cet etrange evenement que ce qu'en avait appris la relation du commandant du vaisseau, le capitaine Bligh, qui, aban- donne au milieu des mers sur une frele barque, avec le tiers de son equipage demeure fidele, etait parvenu a regagner I'An- gleterre. Ze5o««^^allaitrecueillirhOtahity^arbreapainpour le transplanter dans les Indes occidentales. Force d'attendre la saison favorable, il fit dans I'Archipel de la Societe unsejourde six mois, pendant lequel ce climat si doux, cette nature si fe- conde, ces femmes belles comme la nuit etoilee, donees corame I'approche dusoimneil, caressantes comme les vagues oii elles se jouent dans leurs caprices gracieux , seduisirent I'equipage. Ily avait vingt-trois jours que le Bounty avait quitte Otahity quand la revolte eclata, et le vaisseau revint, toutes voiles au vent, ramenant les rebelles et Christian "a leur tete.La crainte d'etre decouvert "a Otahity Ten chassa ; il repartit avec ccux de ses caraarades qui , plus prevoyans que les autres, parta- geaient ses apprehensions , et fut s'etablir dans la petite ile deserte de Pitcairn. Avec quelques femmes eidevees a Tile cherie, et quelques naturels d'Otahity, que, des leiu' arrivee, les Europeens truiterent en esclaves , il forma une petite co- DANS LA MER DU SUD. 497 lonie. Le vaisseau fat brule, toutes precautions fiirent prises avec succes pour la surete des mutiiis : iiiais la paix , panni eiix, lie fut pas de longue duree. En vain Christian avail conserve iine influence qui prouve la force de son caractere et la superiorite de son anie ; la discorde se rait dans cette poignee d' exiles : presque tons , dans les trois premieres an- nees, mourureiit de raort violente ; cnfin, des premiers co- lons, Adams survecut seul pour elre toiiche de repentir, et faire de ce nid de rebelles une espcce de convent protes- tant. Les longs details donnes par Beechey sont curieux comme histoire philosophique de I'homme. Ce qui ne Test pas moins ce sont ses observations et celles de Kotzebue sur les travaux des missionnaires et des socieies bibliques dans les archipelsde la mer Pacifique. A la premiere apparition du cbristianisme, il venait faire pour tons ce que la philosophic n'avait fait que pour le petit nombre des plus eclaires ; ne pouvant detruire tout a coup I'esclavage, alors tout-'a-fait dans les mceurs,etqui, sous des formes raoditiees, existe cependant encore , il affranchissait fame, et , pro- clamant I'cgalite devant Dieu, annoncait la liberte. Maintc- nant les sectes etroites qui sont nees de la religion chretienne prennent trop souvent mission de faconner les masses a I'u- sage d'un petit nombre d'hommes; et , falsifiant les paroles du fondateur, elks travaillent pour Cesar, et rivent des chai- nes a I'avance de notre civilisation qu'elles annoncent comme un fleau. La religion n'est pas I'oeuvre de rhoranre ; elle a toute la spontaneite de la vie ; comme tout ce qui est primi- tif et beau , elle nait , et ne se fait pas. Otahity, I'ile des fleurs et des parfunis, on les Europeens irouverent une gaiete si riante , une activite ingenieuse et des commencemens d'art si na'ifs qu'ils faisaient dire au poeie : li!e serait sans objet et tiavaillerait sur le vide. L'auteur s'aide d'un tres-beau morceau de Linne, des idees de Voltaire et de Bonaparte , pour prouver la premiere de ces grandes realites , dont il trouve surtout la demonstration, ainsi que celle de I'existence de I'ame et du corps, dans les idees et les senlimens spontanes qui naissent de la constitution physique et morale de I'humanite. « Au reste, dit-il, nous serous compris par tons les lecteurs , de quelque ecole qu'ils soient , puisque nous n'entendrons jamais par Vame que le principe qui en nous produit les phenomenes moraux ; corame en parlant de Dieu , aous entendrons le principe qui, dans I'univers, produit les phenomenes physiques et leurs lois. (P. 21 . ) Avec les materianx que fournit I'existence de Dieu, dc I'esprit et de la matiere, vous parviendrez bien a avoir un grand nombre de faits isoles , un eclectisme imparfait ; mais vous n'aurez point de philosophic. Elle ne pent resulter que d'un fait primitif qui reunisse en lui et systematise tons les faits connus et a connaitre. C'est 1' absence d'un tel principe qui a rendu jusqu'icitoutes les philosophies fausses ou incom- pletes. Si celui sur lequel M. Massias appuie ses doctrines est vrai , il est plus general que celui meme de I'attraction ; car il s'etend aux phenomenes physiques et moraux. Nous allons faire nos efforts pour I'exposer aussi intelligiblement que pos- sible. Principe psjcho-phjsiologique . II n'est point d'etre vivant, soit vegetal, soil animal, qui ne provieane d'une graine ou d'un ceuf , et qui, avant de vivre, n'ait ete dans un etat de mort apparente. II faul lour premier anneau cncyclopediqiie a la religion ct a la mdtaphysiquc , in- tcrvprlissant ainsi la fjencratinn des idees Pt la niarche do I'esprit humaiii. 5 I 2 TRAITE DK PHILOSOPHIE que roeuf soil couve et que la graiiie soil mise en leire, pom que Icur vie lateiUe soil ilevoloppee. La grainc et I'ocuf seuls ne jouissent done pas d'uiie vie complete. D'uu .mire cote , la chaleur et les emanalioiis terrestrcs ne sont pas la vie; ellc resulte de riiymon des gei ines , de la chaleur ct des gaz. Dans tout etre anime , vegetal ou animal , estdoncunodonlile action , celle du tlehois et celle du dedans, Taction nniveiselle et Taction individuelle. Mais ces deux actions ne sont point separees dans Tindividu ; elles s'y reunissent pour former une action une, quoique coniplexe. Entre Taction de Tindividu animal et Taction de Tindividu vegetal , la difference est que Teffet en est percu par le premier et ne Test pas par le se- cond. Quant an mineral , on y observe aussi une double ac- tioii. Mais, comme il nest pas individu , cette action ne lui est point propre et personnelle ; elle n'est que resistance et produit reliechi et indirect de Tactivite du dehors. Et comme sa maniere de resister lui est speciale, chaque espece de mi- neral, suivant la conformation de ses elemens, se cristallise et se developpe dans une forme propre "a sa constitution, et obtientainsi une espece d'individualite. Cette double action, inherente "a tout ce qui a vie et qui forme agregation , s'ob- serve aussi dans tons les phenomenes produits par les facultes humaiiies et seit a lever une foule de difficultes centre les- quelles avaicnt jnsqu'ici echoue les diverses philosophies. L' action da dehors et celle du dedans re'unies dans I unite del' individu ou de f agre'gat , tel est le principe de la phy- losophie de toutesles sciences phjsicjues et morales. La vie, d'apres Tauteurdu traite que nous examinons, est le raouvement organique dont Teffet est percu dans le regne animal , et ne Test pas dans le regne vegetal. A cette entree dans le domaine de la physique, une observation s'est presen- tee bien naturellement. Counnent la philosophic des sciences physiques peut-elle se rapportcr a la definition primitivement donnee de la philosophie , connaissance de llionime et de ses PSYCHO-PUYSIOLOGIQUE. .) 1 3 rapports? Sans la connaissance des sciences physiques, rhomrae ignorant la place qu il occupe dans ruiiivers et ses relations avec les objets qui I'environnent , le modifient , et d'ou depend souvent son existence, ne pourrait se connaitre lui-merae. En traitant ce sujet, M. Massias a eu occasion do discnler la question relative hridentile de structure des ani- niaux, agitoe avectant dc talent devantllnstitutpar MM. Cu- vier et Geoffrey Saint-Hilaire. II la resout en disant que, los animanx ne pouvant etre concus tels que parce qu'ils vivent et qu'ils sentent, et que la necessite de vivre les soumettant a des formes aussi opposees que les milieux auxquels ils soiit coordonnes, ilj a unite dans I idee et le plan de l' aniinalite, et parie'te dans le t)pe des organisations. L'etude des sciences physiologiques est I'etude d'une moi- tie de riiomme , inseparable de sa partie morale. La philoso- phie commence a etre ici pleinement dans sa sphere. «Ledegre u'auinialite se mesure sur le degre de sensibilite, et cclle-ci sur le degre de perfection du systeme nerveiix. » (Page 88.} L'enveloppe exterieure et interieure du corps huniain offre sans interruption des surfaces nerveuses au moyen desquelles nous sorames en rapport avec Tunivers et avec nous-niemes. Les nerfs qui nous mettent en communication avec I'exterieur sont semes de nceuds on renflemens nommes ganglions. Les nerfs de la nioclle rachidienne et du cerveau nous mettent en rapport avec nous-memes ; les premiers sont & la disposi- tion de la nature, et servent a former les actes instiuctifs ; les autres sont a la disposition de notre anie, et servent a former les actes volontaires. Par les uns , nous faisons partie de I'univers ; par les autres, nous sorames individus. Apres avoir etudie I'instrument de la sensibilite, Tauteur cherche ce qu'est la sensibilite en elle-meme. Dans toute sensation est connaissance. « La sensation est la perception de I'effet d'un mouvement organique. » (Page 88.) La on I effet de ce niouvenient n'csi point porni , il pent bien y ,')l4 TRAITK DE PHILOSOPHIE avoir vie, iiiais iioii aiiiiiialiiti el seiisihilitr. Uiie seiisalioii noil conmic, non perciie, est im abus dc mots, iin baibarisiue centre le l)on sens. De la nature menie de la sensation , M. Massias coucliit la spirituallte do Tame. « Plaisir, dou- leiir, admiration, sont des clioses qu'h moins d'etre fon on ne pent dire n'etre pas re'elles , et qu'il est impossible de trouver dans matiere, forme et monvement. Et notez bien qne , dans tons les moyens organiques qni prodnisent la sen- sation , vous tronvez matiere , forme et mouvement, lesquels sont la partduphysiologiste; mais qu'il y a depliisunEFFET, xnie re'alite, plaisir, douleur, admiration, qui echappent au scalpel le mieux affile et aux plus forts microscopes. Non, jamais I'esprit humain, quoi qu'il fasse, ne decouvrira dans la matiere mue et figuree douleur , plaisir, admiration , objets bien plus positifs etplusintinies que nos modifications corpo- relles. Non , jamais , ce qu'ont vainement tente MM. de la Place et Broussais, on ue fera de la psychologic avec de la physiologic. » (Page 96.) Dans le chapitre VII , I'auteur ramene tons les plieno- menes de la sensibilite h Y amour de soi, qu'il a bien soin de distinguer de Y amour-propre. Le Vllle chapitre , qui appartient en enticr a la metaphy- sique, traite des phenomenes de I'intelligence communs a toute I'espece humaine, et des facultes de I'ame. Le principe de la philosophie psjcho-phjsiologique , applique aux phe- nomenes purement intellectuels , separe totaleraentlesysteme de I'auteur des innombrables theories emises sur le mejne objet : aussi a-l-il eu soin de distinguer dans I'ame les pro- prie'te's des faculte's , distinction importante qui force k voir dans I'homme deux actions indivisibles reunies dans Tunite de soumoi. « Par les proprietes, la nature s'est reserve la di- rection des etres et leur maintien dans leur essence ; par ks facultes, elle les a rendus ses cooperateurs. Dans les proprie- tes , elle agit par I'instincl ; dans les facultes , ils agissent par PSYCHO-PHYSIOLOGIQUE. 5 1 5 le libre avbitre et la reflexion. Par les proprieles , ils font partie de I'ordre luiiversel ; par les facultes , ils sent indivi- diis. » (Page 120.) Les proprietes sont , en quelque sorte, sa statique , et les facultes sa dynamique. En considerant , en effet, dans I'ame, I'intelligence, la memoire, I'iraagination et la volonte , on voit qu'il y a iinc intelligence, une memoire, une imagination et une volonte independantes de nous, et que ces memes facultes en sont, aussi quelquefois dependantes. Nous ne pouvons etre sans connaitre , nous souvenir, imaginer et vouloir ; mais nous pouvons disposer, pour les modifier et les developper, de notre intelligence, de notre memoire, de notre imagination el de noire volonte Les resultats de Taction des proprietes et des facidtes sont Videe , le jugement, la proposition , la pense'e , la compa- raisorij, la deduction j Yinduction , le raisonnement , \ ana- lyse, la sjuthescj Y abstraction analytique , Y abstraction sjnthe'tique , les langues, ]es sciences , les arts el\esme'tho- des. Les bornes de cet article ne nous permettent pas de nous arreler sur chacun de ces objets ; mais nous ne pouvons nous empecher de faire connaitre cc que I'auteur dit de Yide'e etde Y abstraction analjticjue et syntJic'tique. II definit I'idee : L' imitation d'une perception dans une image ou dans un son. Ceite definition, que jjous avons meditee avec attention et qui nous a paru exacte , change toute la face de la philosophic , et detruit par son simple expose les doctrines sur le meme sujetde Platon, d'Arislote, de Descartes, de Mallebranche, de Locke, de Hume et de I'ecole ecossaise. Quant "a Y ab- straction analjtique et a. Y abstraction synthe'tique, ces deux fails qui different de I'analyse et de la synthese , et qui , jus- qu'ici, n'avaient ete ni signales ni nommes, sent les deux plus vastes operations de I'esprit humain. « Ces deux sortes d'abstraclions different de I'analyse simple et de la synthese , en ce qu'elles out le ])ut importanl d'arrivcr aux differences 5l6 TRAITE DE PHILOSOPHIE et aux rcsseniblanccs iles objets , tanclis que les aiitres n out pour fin que d'en separer on reunir les elcmens. « (Page i 59.) Tant (le divers resullats de ractivite de Taiiie ne detruisent pas son identite. L'auteur luontre qn elle est tout entiere dans ehacun de ses actes, que cliacnn renferme tous les autres, et ([u'on ne pent connailre , elre intelligent, sans etre iin. 11 finit cc chapilre, dans lequel est faite Tanatomie de I'esprit humain , en montrant, parletemoignage des physiologistes eux-meraes, que les fails capitaux de cette metaphysique dont le noui seul fait sourire tant d'lionimes superficiels ou prevenus, sont plus positifs et plus certains que ceux de la physiol igie. L'intelligence, dont nous vcnons d'etudier la nature et les actes, moiitre ce que dej'a nos ])esoins nous avaient appris , savoir, que nous naissons etres sociaux. Ne pouvant suivre l'auteur dans toutes ses idees sur ce sujet , nous nous arrete- rons "a trois points capitaux, le gouuernement naturel, le droit et la som>eraincte'. Est-il \\n gouvernement essentielleraent bon qui derive de nos besoins et de nos facultes ? telle est la question que se fait M. Massias, et qu il resout par Taffirmative. Umontre pu chercbe k raontrer que toute agregation d'hoinmes , sans ex- ception , se separe en trois fractions , qiielles qu'en soient les denominations : les chefs, les grands et le peuple , et que ces trois eleinens politiqucs se trouvent dans toute espece de gou- vernement, deniocratique, republicain , oligarcliique , aris- tocratique et despotique; concluant que la monarchie consti- tutionnelle , forme'e de l' element royal , aristocratujue et de- mocratujue , est le goui^ernement naturel. Qui dit droit, dit droit h quelque chose, relation a quel- que besoin. Le droit est lui-meme le besoin primitif de tous les etres, notammeut des etres sensibles qui tous ont droit de satisfaire aux besoins qui derivent deleur nature : tout serait dc'sordre si les creatures en etaicnt privees. Le droit est la sanction de I'ordre , volonle dii'ine , ronime la loi est la pro- PSYCHO-PHYSIOLOGIQUE . ,) 1 y mnlgation et I' intimation du droit; et la justice, V application de. la loiet du droit, I'ordre stable et permanent de la socie'le, Jussum stabile. Une agregatioia d'individus n'est point peuple; ellenel'est que lorsqu'elle a coiistitue ses pouvoirs, loisque, pour ainsi dire, elle a donne des orgaiies au corps politique. Un peuple lombe dans Tanfu'cbie et se livrant au desordre, n'est pas plus soiwerain que le despote qui obeit "a ses caprices raalfai- sans. La souferainete' reside dans le peuple agissant re'gulie- rementpar ses de'le'gue's, n'etant alors soumis qu'a la raison, alaloi, a la justice, a I'ordre. L' omnipotence parlementaire n'est ainsi que la souverainete du peuple raanifestee par les trois pouvoirs , c'est-a-dire par le peuple entier s'etant donne son organisation sociale. Si Ton nous dit que le despote qui don.ie de justcs lois est, d'apres nous, souverain , nous re- pondrons qu'il Test par uu cas exceptionnel , et que le bicn qu'il fait est produit par un moyen illegltime. Le Ijien , il est vrai, reste iiien ; mais lo moyen n'en est pas nioins dangereux et reprehensible. C'est pour satisfaire "a leurs besoins , pour jouir de leurs droits, que les horamesse sont mis en societe : mais ccs besoins supposentdes facultes. CommeV ordre a voulu que les besoins fussent satisfaits, il vent de meme que les facultes soient emploj'ees h leur objet. Les besoins impliquent le droit; les facultes impliquent des devoirs. La loi sociale est I'intimation et la promulgation du droit ; la loi morale est I'intimation el lu promulgation du dei^oir. Le devoir est la loi , la prescrip- tion divine qui v eut que les facultes humaines soient employees "a la satisfaction des besoins de Thumanite. Les droils et les devoirs ne seraient que de vaius noins sans force et sans autorite, sils n'avaient la sanction du legislateur supreme. Les rapports entre Dieu et riiomme constituent la religion, qui con^acre tons les droits et commande tous les devoirs. La seule veritable est celie qui est tout cntiere dans 5l8 TRAITK ])E PHILOSOPHIK. ramoiir de Dieu et dn piochaiii , qui est ou sera la religion dc runivei's , et qui ne perira jamais, parce que sans cesse ellc renait plus belle et plus sublime de uotre constitution phy- sique et morale. Lesphcnomeues qui out lieu dans rordre physique et moral excitentennous le sentiment du beau et du sublime. Le heau , dans les objets , est la possession de toutes les qualites ou d'un grand nombre de qualites du type de leur espece. Le sublime possede ces qualites dans une mesure qui excede notre pouvoir de sentir et I'absorbe dans son action. « Nos faculles peuvent circonscrire et etreindre le beau ; mais elles sont de toutes parts debordees par le sublime ; elles s'y engloutissent et s'y perdent, comme un rayon dans des torrens de lumiere. Nous jugeons le beau ; le sublime nous laisse a peiiie le lems de respirer et de sentir. » ( P. 242. ) Apres avoir etudie I'liomme physique, organique, sensible, affectif, intelligent, social, moral, religieux, et capable d'eprouver le beau et le sublime, M. Massias fait voir que, dans ces neuf modes d'etre , nous sommes en rapport intime avec la nature, sans I'aclion de laquelle nous ne serions rieu de ce que nous sommes. A cette occasion, il appelle I'atten- tion de seslecteurs sur I'importance de ce mot rapports , mot peut-etre le plus vaste et le plus profond de la science , dont la definition bien faite, une fois adniise, leverait une foule de dilTicultes, et donnerait a la langue philosophique un degre de clarte approchant de celui qu'ont les mathematiques. Avoir montre les rapports de la nature h Thomme, en don- nant an mot rapport sa signification philosophique, c'est avoir prouve Yinstinct que nia tout le dix-huitieme siecle. L'auteur, en faisant voir que les impressions instinctives ou volontaires, souvcnt repctces, se fixent et deviennent per- nianentes dans les corps bruts etles etres sensibles, est remonte "a I'origine et aux moyens de toute education. Dans ces tlico- ries se tiouvc la scule manicre d'expliqncr ks effets dn Dio- PSYCHO-PHYSIOLOGK^UE. 5 i 9 tama et Ic savoir de Bianco et tie Miinito, dont riiistructioii a emerveille tout Paris. Le XVI*^ chapitre est un traite entier snr les phases de la vie instinctive dd'homme, c'est-h-dire sur le somnamhulisme natiirel et artificiel. Aussi eloigne dereutlioiisiasined'un sec- taire que d'une incredulite aveugle et arrogante, I'autcur en examine, explique on clierclie a expliquer les divers pheno- menes , et les raniene tons aux fonctions naturelles de I'oi-ga- nisation , disant , avec Bacon , que I' explication des. causes fait disparaitre les miracles. Nous croyons po avoir affirmer qu'aucun autre livre ne renferme des choses plus curieuses et plus raisonnables sur cet objet. Dapres ce qui precede, il n'a pas ete difficile de niontrer la superiorile de I'lioniine sur les animaux : aussi M. Massias fait de noire espece un regne a part dans Tunivers. Ayant donne dans son premier chapitre la definition de la philosophic , il dit dans le dernier quelle en est la fin : « La fin de la philosophie est le perfectionnement de la raison et de la i'olonte'; de la I'olonte' par la raison , de la raison par la volonte', dont I action commune a pour re'sultat la produc- tion de la sagesse et de la vertu. » Nous terminons cet article par la conclusion qui termine le traite de Philosophie psjcho-phjsiologique . « Si ( ce que nous osons plutot esperer que croire), aide des recherchcs de nos devanciers, de nos propres reflexions, d'un amour sin- cere pour la verite, d'un travail continue avec courage pen- dant de longues anneesetplein de bonne foi , nous etions par- venus a ramener tous les phenomenes de notre nature a un meme principe reconnu vrai, la science philosophique serait faite ; nous aurions donne an public un ouvrage essentielle- ment utile, necessa-'-earesprit humain, et qui fournirait des bases naturelles, par consequent imniuables, a toutcs les sciences et a tous les aits. II ne nous reslerait qu'a rendrc de sinccres et profondcs actions de graces a celni qui a departi sa 0 30 DE L ARISTOCRATIE. tache a chaciin de nous, qui tient e^alemcnt roinpte du pen on du beanconp faits avec inic egale bonne volonte, ctenvers qui iiotre petitesse senlc nous doiine des droiis. » A COMPARATIVE VIEW OF THE SOCIAL LIFE OF EkC.LAKD AND France, etc. — Vue comparative de la vie sociale en Angletekre et en France, depuis la restawation 2J quelques ridicules , niais qui plaisait et anuisait. Etre admis dans les cercles nobles de rAngleterre , c'est participer a tout. I'ennui que peut inspireiunefouleoisive, glacee, silencieuse, preoccupee de sa propre importance et de la crainte de se commettre avec des iuferiorites. Jaloiise de la classe enricbie, parmi laquelle elle s'est souveut recriitee , la noblesse affecte de la teuir a distance, et parvient a lui imposer tout le poids de sa morgue. Alors commence un assaut de ruses et de pla- titudes ; la richesse se fait servile pour acquerir, a son tour, droit d' insolence; et I'argent, dont le plus beau privilege est de rendre independant , n'estqu'im moyen de satisfaire la plus sterile et la plus miserable vanite. Si le negociant on le ban- quier a le sens assez droit pour rester dans la sphere on il a su se faire respecter, sa femme , ses lilies, son fils ne seront pas aussi sages. La noblesse qui sent ce qu'un pareil prejuge lui prete de force maintient avec art son terrain, et n honore quelle et ses pareils. Jamais Tentliousiasme du genie ne I'electrisa. II fallut a Byron son titre de lord pour qu'elle le trouvat digne d'abord de ses louanges , plus tard de sa liaine , lorsqu'il deversait sur elle les Hots de son amere et sanglante ironie. Quand Hume, habituellement silencieux et d'un esprit lourd, vint visiter Paris, sa reputation d'homme distingue lui valut les empressemens de la societe la plus brillante : on vit dans sa taciturnite de la profondeur, de la naivete dans sa gau- cherie. A une epoque plus recente, sir Humphry Davy fut accueilli par les savans francais avecle plusvifenthousiasme, et Napoleon leva pour lui la defense faite k tout sujet britan- nique d'aborder sur notre territoire. En Angleterre la partia- lite du grand monde se fonde sur de moindres distinctions. Un homme de genie peut passer inapercu ; en revanche, un due ou un prince est sur d'etre fete, fort independamment deson merite. Gependant le poete done d'un esprit flexible, d'une ame souple , pourra parfois recruter un protecteur titre^ 34. 524 ^^ l'aristocratie ct faire partie de sou apanage, corame jadis les troubadours ambiilans etaieiit de la suite des seigneurs. Mais s'il ambi- tionne des sucoes dans ce cercle d'elus, qu'il se garde de faire appel a des sentiraens eleves! Personne ne I'entendrait. Qu'aurait a faire Tame au milieu des absurdes distinctions, des joies niaterielles qui sont devenues la vie de ces oisifs bia- ses? S'il en restait une etincelle, elle o'eveillerait en eux comme un remords. En France, du nioins, quand la cour de liOuis XIV et son aristocratic donnaient Ic ton , il y avait dans les moeurs un vernis chevaleresque , un besoin de retrouver, au tbeatre, dans les livres, des emotions nobles. L'exaltation !a plus romanesque succedait aux plus coupables egaremens. Sous la regence meme , a cette cpoque d' impure me- moire , le ridicule n^osait flctrir un acte de devouraent, un sentiment genereux. Les sublimes inspirations de Cor- neille dans Poljeucte, dans le Cid, etaient applaudies avec transport par les courtisans d'un Boiu'])on et d'une ma- dame de Pompadour. On tacbait d'echapper ainsi aux de- goiits de la realite ; et, quelque bizarre que fut cette alliance, grace a elle I'arae ne s'eteignait pas tout entiere. Dans les cer- cles aristocratiques de I'Angleterre, un dedain froid et com- passe , un sourire ironique, accueillent presque toujours une pensee elevee. La licence pratique surpi-end et cboque moins que la profession de motifs purs et desinteresses. Pauvres gens ! lis en sont venus a regarder le devoument comme une folic, I'ame comme du superflu. II ne faut pas croire que ces croyances s'arretent Ik : elles descendent et se propagent plus bas. La classe mitoyenne en Angleterre ne place la considera- tion que dans I'argent ; essentiellement marchande , elle me- sure le merite sur I'etendue de la fortune , elle a meme pour cela des expression consacrees, et tout-k-fait caracteristiques. S'agit il d'adraettre cliez soi un etranger, ou d'entrcr en re- lation avec lui , vous entendrcz demander tout d'aljord : How much is he. worth ? Comhien vmd-il ? He is worth ANGLAISE. SaS ten thousand poimds n year. Jlvaiit dix mdle louis par an. En arrivaiit au peuple, u qui Ton impose It; ciillede la iiais- sance et de la richesse , oii reucoiitre uiie troisieme idole qu'il s'est faitc, saus trop en coinprendre le caractere et Tetendue : c'esl la liberie. Froisse entre les deux aristocraties qui le dominent, il s'en est compose une a sa guise. Elle consiste dans ses privileges devant la loi et sa uationalite. Les premiers sont en grande parlie illusoires ; il les a long- tenis pris sur parole : la seeonde, fort exaltee pendant ses guerres avec le continent, faiblit depuis la paix. Toutesdeux ne le contentent plus. II y sent de I'incouiplet, et reclame autre chose. Cependant il y aurait grande erreur k le croire miir pour un plein developperaent d'institutions liberales. Les prejuges de plusieurs siecles ne s'effacent pas en mi jour. «Je mourrai contente, disait une petite pavsanne du Yorkshire, venue a Londres pour y etre domestique, car j'ai monte une fois dans une voiture de lord. » C'etaitpour elle les carrosses de la cour dont I'acces donnait jadis droit de noblesse aux vilains. Et un tailleur, I'aisant I'eloge des appartemens qu'il louait, et d'un peintre qui les avait occupes, ajoutait d'un air profondement honore : cv C etait un grand genie ; il pei- gnait the nohility.» Ce respect est general dans les classes infe- rieures. Un commis de bureau refuse un papier qu'on lui de- mande , se laisse accabler d'injures par un noble , et cede a Tinstant, sans recrimination ni colere, des que le lord decline son nom et son titre. Pour nous autres Francais, ce n'est Ik qu'une degoutante servilite : cependant, en y regar- dant plus attentivement, il y a mieux que cela. Le peuple anglais voit, dans I'aristocratie qui s'est mise a sa tete, la base de sa constitution , le rempart du pouvoir souverain , le de- fenseur oblige de ses privileges. II croit que Tordre existe par elle et en elle, et il tremble a I'ebranler comrae les piliers du temple. Le respect qu'il professe pour ses superieurs , il I'exige rigoureuscment de ses inferieurs. La servante d'un 526 DE l'aristocratie artisan ne parlera de lui on h liii qu'en rappelant »i«?fre , et il aura soin de la wiaintenir dans I'idee de sa dependance, non par des traitemens durs , raais par la conscience de sa propre dignite. C'est iine hierarchie bicu etagee, ou chacun rend a Cesar ce qu'on doit a Cesar, sans plainte ni murmure. C'est le lueme sentiment qui fait qu'une foule d'ivrognes, de femmes de mauvaise vie, raraasses la nuit par les watch- men dans les rues , niarchent en troupe de dix ou douze , der- riere un homme de la police desarme, et se laissent conduire par lui, comme un docile troupeau, chez le juge de paix, qui les condamnera, les luis \ Tamende, les autres a la prison. Le peuple anglais a long-tems accepte l'aristocratie comme une necessite , et s'y est soumis comme a la loi ; et si ce respect louche k sa fin, c'est que la noblesse en a trop abuse. Son avidite insatiable , le debordement de ses vices, enfin le germe de mort qu'elle porte en elle, et qui tend I'apidement a se de- velopper, tout prepare sa chute : et elle tombera , moins par les efforts du dehors que par la corruption qui la rouge au dedans. Ce sera une grande lecon et un effrayant et doulou- reux spectacle que cette institution vieillie, croulant d'elle- meme du faite des richesses et du pouvoir, et ecrasant encore de ses debris les proletaires qui se rueront sur elle. Un Anglais me disait dernierement : « Pour votre revolution de 89 il vous a fallu inventor la guillotine \ pour la notre , il nous fau- dra une guillotine a vapeur ; » et ce mot horrible ne peint que trop bien le bouleversement qui menace I'Angleterre. La po- pulace, celle qui porteraitles premiers coups, est de beaucoup plus abrutie et plus avilie que la notre. Elle n'a pas eu I'edu- cation d'honneur militaire que Napoleon nous a faite. A Londres , une foule ameulee aura soif d'or et de biere; k Pa- ris, elle a demande a grands cris de la gloire et de la 11- berte. Un petit decroteur de douze ans, frappe aux (^hamps- Elysees par un enfant plus jeune que lui, se disposait a le lui rend re ; une vicille marchaudr do fruits roiint son bras \NGLAISi:. /)27 leve , en liii disaal : n Tn ii'as done pas de creur ! » L'exaj^e- rationd'un sentiment noble est grandeur d'anie dans les masses, et rimmortelle semaine de Paris aproiive a quel point le peu- ple francais est capable d'entbousiasme et de generosite. « Nous nesommes pas venus ici pour voler, « disait en jurant vui des hommes de juillet devant les Tuileries, «mais pour id- ler a la posterite ! » Dans ce mot etait toute I'impulsion du mouveiuent sublime qui balaya la tyrannic , s'arreta a la vic- toire , et n'exerca pas une seule vengeance inutile. Si I'aris- tocratie anglaise se trouve jamais aux prises avec cenx qu'elle a relegues au has de I'echelle sociale , Dieu la preserve de I'encontrer chez eux un reflet de sa froide impassibilite, de son scepticisme pour la vertu , de son mepris pour ce qui est noble et beau ! Ce serait le plus cruel chatiment que put lui reserver la providence. Plus la crise approche , plus il y a d'interet h connailre ce qui doit perir on survivre de cette etrange organisation, de ce monde "a part , ou tout se mesure sur une autre echelle , ou se meuventtantdemesquines ambitions, ou les passions prennent un cours d'autant plus actif que leurs buts sont plus misera- bles : machine compliquee , dont la force porte sur le vide ; bizarre echafaiidage de petitesse et d'orgueil, dont des nuances inlinies arrondissent les angles, adoucissent les trop brusques oppositions , amenant doucement la conscience a passer dv. la Venn au vice presque sans secousse. II y a des mots pour toutcolorer, pour tout excuser. La vie se depense en paroles. Pleins de leur propre importance , ces etres privilegies se compromettent rarement jusqu'h Taction : entoures de cour- tisans qui briguent leur dedain , centre d'lme foule de ma- noeuvres et d'intrigues, ils ne daignent pas descendre dans^ I'arene , et leur insensihilite meme est un aiguillon de plus au triomphe. C'est a Tceuvre qu'il I'aut voir taut de fats et de sots. De tons les roinans fashionables qui font profession de peindre les nia'urs ruistocraliqucs, nid u'en donnc une id.-'f 528 DE l'akistocratie anglaise. plus exacte que celui qui vient de paraitre a Londres sous le titre de Mother and Daughters. C'est une chasse aux maris habileiuent dirigee par une veuve h la mode , qui veut assurer a ses deux filles un e'tat dans le monde. Toutes les platitudes, toutesles miseres quepeuvent engendrerregoisraeysont mises a iiu avec une verite qui amuse quand elle ne degoute pas. On apprend dans ce livre comment des cadets de famille trouvefit moyen de depenser un million avec un mince re- venu ; comment des femmes ehontees concertent avec leurs maris le prix de leur deshonneur, ct se font seduire pour grossir leur fortune de dommages et interets ; comment d'i- gnobles laquais savent se frayer un cherain dans cette tourbe titree : on y mesure toute la portee morale de cette classe in- llueute, dont I'auteur a sonde an vif les hontenses plaies : pourtant il ne s'indigne pas, et pen s'en faut qu il n' admire. L. Sw. B. III. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. LIVRES ETRANGERS. AMERIQUE SEPTENTRIONALE. CANADA. i4o. — Epitres, Satires, Chansons, E/jigrainines et autres pieces de versj par M. Bibaud. Montreal, i83oj imprimerie de LudgerDuvcrnay^ e'diteur de la Minerve. In-ia de I'^S pages. La poe'siefran9aise joiiit, comme notrc langue, de 1' universal ite que les idiomes de I'antiquite'classique n'ont obtenue quelorsque Ics modernes les ont qualifies de langues mortes. La Grece, aux e'po- ques de sa splendeur , ne parvint pas a faire connaitre ses chefs- d'oeuvre au-dela de I'Asie occidentale et de I'ltalie me'ridionale : sans I'exil d'Ovide , les rives du Bosphore n'auraicnt point en- tendu les acccns d'unclyre latine. Camoens,d'autresPortugais et des Espagnols bien moins celebres , ont cultive' la poe'sie de leur patrie dans les Indes , au Bre'sil et dans les Antilles ; mais c'est dans toutes les parties du monde que la poe'sie franjaise comptc des disciples. L'Ame'rique n'a pas un Etat ou ne re'sident de jeunes Franfais qui y cliantent les e've'nemens dont I'Europe s'affUge ou se rejouit. Notre revolution de i83o a inspire' moins de vers a Paris qu'a Rio-Ja- nc'iro et a New- York , qu'a la Nouvelle-Oile'ans et a Lima. Des i 'i a 1 5 gazettes qui , dans TAme'rique du Nord, paraisscnt en fran- fais , la plupart des nume'ros ou cahiers contiennent des pieces com- pose'fts dans leurs localite's. Le Bas-Ganada , qui e'tudie presque ex- clusivement notre litte'ratiire , corapte deja un certain nombre de vt'rsificateurs. On y regrcttc que les poesies choisies de feu Joseph Quesnel n'aient pas e'te imprime'cs. Tandis que la Socicte' litte'raire /iSo LIVRES ETR ANGERS. (1 liistoricpie de Quebec applaudissait, en i83(), a la lecture d'ua poenie sur le siege de Missolonglii, M. Bibaud a public' a Montreal \\n volume de ses poe'sifs. Cc recuell, le premier qui ait ainsi paru dans ie Canada , curieux jiour les bibliophiles , est interessant aiissi pour les litterateurs , par la varie'te' de ses matieres , par ses de'fauts et ses qualite's. Est mo- dus in rebus , forme le sujet de I'une des c'pitres ; I'auleur , parfois apre ccnseur de sa patrie , aurait du ne pas prouver lui-memc que Un style injiirieux n'est point chose nouvelle Au pays canadien Encor, quant aux dcrits, convient-il d'etre juste, De ne poinl ressembler a ces ^crivailleurs , Marteleurs du bon sens, ^ternels criailleurs , Qui, sans discernement et sans critique aucune, Semblent , comme les chiens, aboyer a la lune ; Trempent , pour un ami , leur plume dans le miel , Et pour un ennenji la remplissent de fiel. . . . L'homme de bicn, toujours, tient un juste milieu, Donne a tout son vrai nom , met tout en son vrai lieu. M. Bibaud est assure'ment un homme de bien, un de'fenseur cou- ragcux de la morale ; mais ses idees parfois mal coordonne'es , son style heurte' , incorrect , diffus , montrent rpi'il n'est pas toujours reste dans le -vrai lieu. II a compose des imitations d'Horace , il s'estnourride nos classiques, il affectionne Boileau; mais enhardi par le poete latin , il se permet souvent des inversions et des enjambe- mens que defend I'auteur de uotre Art poetique. Dans ses quatre satires , il est parvenu a ne pas trailer, comme Iicux communs , I' avarice , I'envie , la paresse et V ignorance : La paresse nous fait uial parler notre langue : Combien peu , debitant la plus courte harangue , Savent garder ot I'ordre, el le vrai sens des mots, ' Commencer et tlnir chaque phrase a propos ? Tres-souvent , au milieu d'unc phrase frangaise, INous plaf ons , sans fafon , une tournure anglaise : Presentment , indictment , impeachment , foreman , Sheriff, writ, I'erdirt . bill, mast-beef, -warrant, -walchinun. Nous <5corchons lorcille avcc ces mots barbares , Et rendons nos discours un poir des yeux sent des sujets partout use's ou connus. II existe encore des peuplades d'aborigenes , restes de tribus belliqueuses , aimantes et fe'roces , qui , convie'es a la civilisation par des moines , et non par- des agronomes et des William Penn , ont pre'fe're' la vie inde'pendante. Leurs e'nergiques harangues , leurs assemble'es, leurs chassese^ leurs amours n'ont pas encore e'te traite'es par la poesie. Combien d' epopees lui procurerait le Canada ! M. Bibaud ne s'est essaye que dans une ode, les Grands Chefs , et par un ditliyrambe a la me'moire de Montcalm. II nous procure aussi trop pen de traits des moeurs canadiennes, car dans quel pays ne troiive-t-on pas des orateurs ennuyeux. , des foUicu- laires , des charlatans? En resume, M. Bibaud aiuait dii soumettre, avant I'lmpression , ses poesies a des amis severes , et surement le Canada n'est pas de'nue d'hommes de goiit et instruits. II n'a pas c'te' son propre critique, lui qui re'dige avec succes V Ohservateur canadien , recueil de litte'raturc et des arts s cahiers pas mois); mais il a de la verve, et c'est du patriotisme que son talent a recti 532 LIVRES ETRANGERS. dcs inspirations : des versidcateurs ,dans nos de'partenicns , puhlicnl lies recucils dc Icurs poesies , qui, certcs, sonl infeiieurcs a colics du poetc canadien. Isidore Led run. EUROPE. GRANDE-BRETAGNE. i4'- — American Ornithology , etc. — Ornithologie aine'ri- caine , ou Histoire naturclle des oiseaux dcs Etats-Unis; par Alexandre Wilson et Charles-Lucien Bonaparte , re'imprime'e sous la direction de Robert Jameson. Tome i. Edimbourg, i83i ; Constable. Londres , Hunt, Chance ct C. Ce qui distingue cette nouvelle edition d'un ouvrage si justement celcbrc , c'est non-seulement sa forme commode et peu chere , ct I'ordre que le professeur Jameson a apporte' dans tout I'arrangement scientifique , c'est surtout la curieuse notice sur Wilson qui y est annexe'e. Cc savant naturaliste tut d'abord pauvic tisserand a Paisley , pres Glasgow; puis, emuiye' de ses occupations se'dentaires , il prit , a I'age dc vingt ans , le sac de colporteur. Poete ille'tre', ses poemes nc lui gagnercnt pas gi-ande popularite'jet, dans le journal de sa vie qu'il tenait a cette c'poque , il raconte que deux shellings e'tait tout cc qu'il pouvait gagner par le travail assidu d'un jour eutier, ct qu'il lui fallait, pour arriver a cette somme, pe'nc'trer dans plus de deux cents mise'rables chaumieres. Mais , comme la plupart des hommes d'imagination , sujet a des acccs de decouragement , il n' e'tait pas de nature a y cc'der , et se relcA'ait sans ccsse sous la prcssion de la mauvaisc fortune. Inquie'te' pour quelqucs satires, opprimc' pour s'ctre associc a des re't'onnateui-s , il e'migra en Ame'rique. Afm d'a- masser I'argent necessaire , il travailla durement , et ve'cut pendant quatremois, en depensantseulemcnt un shelling par semaine. Ayanl ainsi re'uni de quoi payer Ics fi'ais du voyage , il prit conge de ses amis, et, se rendant a pied a Port Patrick , s'y erobarqua pour les ftlals-Unis. Sans connaissanccs , sans recommandalioii , un lusil dc cliassc a la GRANDE-BRETAGNE. 533 main, quelques shellings dans la pochc , il debarqiia siir ccttc tcrrc, assez pen hospital! ere pour ceux qui sont sans argent et sans amis. II est a j'emarqucr que sa premiere action fut de tuer un oiscau de Tespecedes pivcrts des bois a tete rouge, comme s'il coramcncaiL deja sa carriere d'ornithologiste. II travailia dans les villes a son me'tier de tisserand, voyagea comme colporteur, fut maitre d'e'cole en diffe'rens villages , faisant sa propre education en s' occupant de celle des autres Les tendres et sjTnpatLiques dispositions de son coeur se de'ployerent a I'arrive'e d'une parlie de sa famille , venue d'Ecosse pour se fixer en Arac'rique. II fit huit cents milles a pied pour Taller recevoir et aider de son expe'riencc. Ses lettres a son neveu sont pleines d'une bonte' touchante. « Mon clier ami et ncveu, lui ecrlt-il , je voudrais que vous pussiez trouvcr une lieure de loisir dans la soiree pour donner quelque instruction aux cnfans , et surlout ap2)rendrea lire a Mary, et a e'crire et compter a Alexandivc. Ne vous laissez pas decourager par les Icnteurs des progres de tous deux ; mais perseverez tous les soirs ; vous ue pouvez employer unc hcure plus utilement. Si je demeurais pres de vous , j'oterais cc fardeau de dessus vos e'paules... » Ses conseils , sur les soins et la protection que son neveu donne a sa famille, sont tendres, ses encouragemens pleins d'ame : « II y a plus de vraie grandeur , dit-il a son parent , dans les peincs que vousprenez, avec tant de tendresse, pourleur subsistance et leur bonlieur , que tout le sanglant catalogue des he'ros n'cn pent de- ployer. » Ce fut apres avoir rempli pendant plusieurs anne'es les fonctions de maitre d'e'cole dans le voisinage de Philadelphie , qu'ayant forme' le projet de faire la collection de tous les oiseaux de cette pai-tic tie rAme'riquc,il se mit al'ceuvre aveczele : sa petite cliambre ressem- blait a I'arche de Noe', « avec cette difference, e'crivait-il en plai- santant , qu'il n'y a pas une femme dans un des coins pour I'c- gayer » . Les petits garf ons des environs lui apportaient, pour quel- ques pence, une foule de sujets d'histoire naturelle : un d'eur. lui arriva un soir avec une hotte pleine de corbeaux. « Je I'altends au prochain voyage avec des grenouilles . si je nc I'arrcte , » disait- il. II dessinait une souris qu'attrapaient ses e'coliers dans sa classcj 534 LIVRES ETKANGERS. il avail complc la tucr pour la mcltre daus les series d'liti bibouem- pailic , mais il fiit toucbe des palpitations de la pauvic petite crea- ture pantclantc, pendant qu'elleposait pour le naturaliste; ct, ayant laisse' tombcr (pielqucs goullcs d'eau prcs d'elle , la fa^ou dont elle les le'cba avidement , et son regard suppliant et craintif lui allcrenl au coeur, et il lui reudit la vie ct la libcrtc. Wilson est d'une tcndre et bonne nature de savant qui rappcUe Hubert , se rejouissant que scs longues experiences sur les fourmis (pendant quarante ans, je crois ) , n'eusscnt coute' la vie qu'a deux de ces inscctes , et encore par accident. Enf'in Wilson parvint a faire imprimer, en 1808, le premier vo- lume d'une histoire naturelle , pour laquelle il avait visite en detail tous les pays a 1 5o milles de la cote Atlantique , depuis le flcuve St-Laurent jusqu'a celui de St-Augustin dans les Florides. Alors il recommenca ses voyages, a travel's les Etats-Unis , pour chercher des souscripteurs : « Je visitai, ecrit-il , grand nombre de nos ricbes et lettre's Cincinnatus modernes , leur proposant de souscrire. Tous m'ontre'ponduqu'ils_7/;e«5er«jV7if. C'est un ^p\x^\etres-penseur. h. Annapolis, je fis circuler monlivre dans les deux cbambrcs des le'gis- latcurs. Les sages du Maryland sale passerent de bancs en bancs, en ouviant de grands yeux. Donner 1 20 dollars pour un livre ! lis n'a- vaient jamais entendu parler de rien de pareil ! et je n'eus pas un a^e , un oui pour la souscription Dans le Hanovre, principale- ment habite par des Allemands , un certain juge prit sur lui de dire qu'un ouvrage comme le mien ne devait pas etre encourage', qu'e'- tant d'un prix au-dessus des moyens de la masse , il e'tait en opposi- tion avec nos institutions republicaines. Bref, dit-il, j'ai tra- vaille' avec le zeled'un cbevalier errant, montrant partout mon livre, voyageant avec , comme un mendiant avec son marmot , de ville en ville, de pays en pays j j'ai e'te charge d'eloges , de complimens, de politesses , prcsque mis en pieces par les diligences , j'ai erre' parmi les etrangers , entendant partout les memes oh I et les memes ah\ et lecommencant partout la meme histoire un millier de fois. » Le second volume fut public en Janvier 181 o, et , imme'diatc- ment apres, Wilson recommenca ses voyages, descendant I'Ohio, de Pittsbourg a la Nouvelle-Orleans, dans une petite barque decou- GRANDE-BRETAGNE. 535 verte , moyen tte transport plus favoiaLIe ii ses rcchcrchcs cl plus en rapport avec ses moycns ; et avec quelqiie peu cle biscuit et de fromage , une bouteillc de cordial qui lui avail etc donne'e , son fusd , sa malle et un grand manteau , il se lanca dans Ic courant , it navigua a travers les orages , la grele, la neige, par des nuits froides et dcs jours laborieux, depuis le a4 fevrier jusqu'au i j mars , ayant fait sept cent vingt milles seul, avec tout loisir pour observer et re- fle'chir. Tant de travaux , tant de perseverance ont produit I'ouvrage le plus remarquable et le plus extraordinaire en liistoire naturellcj mais le pauvre, le bon , le laborieux ouvrier , sorti ainsi de la classe oil les lois de la socie'te actuelle parquent les prole'taires , expia ses succes, et saisi d'une dyssenterie, suite de fatigues qui surpassaient ses forces, mourut le si3 aout i8i3, jcune encore, pendant qu'on imprimait le liuitieme volume de son Ornitliologie , et avant d'y avoir mis la derniere main. j(d. M. i4'«. — Thoughts chiefly designed as preparative or persua- sive to private devotion, etc. — Pensc'es ayant principalement pour but de preparer et d' exciter au culle prive' ; par John Sheppard. Quatrieme edition. Londres, i83o; G.-B. Wittaker.In-8''de xvi- 365 pages. 11 existe, cbez les Anglais et chez les Allemands , un assez grand nombre d'ouvragcs ayant pour objet d'offrir, d'une maniere eleve'e et philosopbique , tout ce que la religion renferme de plus pur et de moins sujet a la controversc. Les auteurs de ces sortes d'e'crits, de- gageant la religion du melange des principes , des dogmes et dcs croj'ances dont on I'a surcliarge'e , et la ramenant a sa simplicile' pri- mitive , sembleat s'adresser seulement aux esprits e'claire's , a ceux qui ont besoin dun culle pour le bonheur ou la consolation de leur vie , et qui savent s'affrancbir de toutes ces inventions plus ou moins modernes quel' imposture a fait adopter al'ignorance et a la cre'dulite. C'est le but que s' est propose le ce'lebre ecrivain allcmand Eckartz- hausen , et qu'il a atteint dans son ouvrage intitule : Dieu est I'a- mourle plus pur, ma priereetma contemplation. Get ouvrage est devenu le livre de pre'dilection de toutes les personnes qui allient la philosophic a la piefte, et qui ne pourraient se contentcr des ffeures 536 LIVRES ETRANGERS. a I'lisagc des bonnes fcmmcs. Ainsi celles qui sont impriine'es dans Ics divers dioceses de France, avec rautorisation dc revecfue et des grands vicaires, sont e'crites dans un maiivais style, et offront on niaints endroits les traces d'une devotion puerile el ridicule. Le livre d'Eckarlzhausen est au contraire d'une lecture attacliante , et il est deja Ires-re'pandu parmi nous , qiioique les ecclc'siastiques aicnt pro- nonce anathcine centre Te'crivain allemand. Les Pensees dc M. Slieppard nous paraissent avoir un but analo- gue. L'auteur anglais a voulu prouver que Dieu estpartout, ct qu'on n'a besoin ni de temples ni de pretres pour I'adorer et lui rendreles homraages qui lui sont dus. Son ouvrage indique les regies qu'on doit suivrc dans le culte de I'Etre supreme ; quelles dispositions on doit apporter a la priere; enfin la route qui pent vous conduire a la pie'tc et au bonheur. Ajoutons que le style de M. Sbeppard est tou- jours correct , clair et elegant , et nous aurons explique comment son livre est deja arrive' a la quatrieme edition. M. Slieppard s'appuic sur un grand nombre d'autoritc's , et parmi les noms cites nous avons remarque avec plaisir Fe'ne'Ion, Abbadie, LaHaipe, et notre honora- ble collaborateur M. JuUien de Paris. JVous ne pouvons re'sister au plaisir de traduire textuellement un passage del' c'crivain anglais, on il appre'cie le travail d'un auteur e'tranger : « Un inge'nieux e'crivain francais (M. Jullien, Memorial Horaire) a imagine un registrc syste'matique pour noter avec ime grande brievete les diffe'rens cm- ])lois du terns; et les diverses sortes d'occupations- auxquelles des colonnes se'parces sont assigne'es (en omcttant toutefois celles qui dependent entierement de votrc choix et celles dans lesquelles une personne pieuse ne s'engagera pas vraisemblablement), font voir que, meme dans la vie prive'e ou dans celle qu'on appelle une vie de loisir, les vingt-quatre heures peuvent etre divise'es en uu petit nom- bre de sections.)) M. Slieppard entre icidans le detail de ces divisions du terns, et adopte entierement les ide'cs de Te'crivain francais, qu'il cite d'ailleurs a plusieurs reprises. — Une Ictlre qui fut adrcssee a M. Slieppard par lord Byron est donne'e dans son entier : clle renferme des details curieux sur les principes religieux de I'illustre ])oele qui se trouvait alors a Pise , et qui I'a c'crite sous 1.' date du 8 de'cembi e 1 8 u i . GRANDE-BRETAGNE. 53'J Poiir rc'sumer en qiielqucs mots iiotre opinion sur les Pensees de ]M. Sheppard, nous ainions a declarer que cct ouvrage nous a paru trcs-reraarquable. Nous rcgrettons de ne lui consacrcr ici qu'unc mention abre'gee j ct nous souliaitcrions qu'une j'lume exerce'c put, en le traduisant dans notre langue, le faire mieux appre'cier chcz nous. Servan de Sugny. — The quarterly Journal of education. — Journal d' education, paraissant lous les Irois mois , public' par les soins de la Socie'te pour la propagation des sciences utiles. Londres,i83i ; Charles Knight, Pall Mall east ; prix , 5 sliillings ( 6 fr. ). II a deja paru deux nurac'ros de eettc publication , sagement pense'e , et dont les avantages ne se feront pas scntir en Angleterre seulement. L'e'tablissemcnt de ce journal n'cst pas le moindre des titres a la reconnaissance publique de la socicte' recommandable qui public tant de traite's utiles. Le but du comite qui dinge cctte nou- velle Quarterly est de donner a re'Jucation , en Angleterre , un centre d'union, et de coordonncr les travaux faits dc tons cote's pour I'avancement de I'esprit liumain. Les e'tablissemens fondcs pour I'in- struction des diffe'rentes classes, soit par les gouverneniens , soit par les parliculiers , scront de'crits dans cet ouvrage. Les avantages ct les inconve'niens que pre'scntent leurs syslemes d'cnseignement et leur organisation seront examines ; on rendra compte des diverses rae'tliodes , des ameliorations apporte'es a re'ducation dans les pays ou elle est le plus avance'e , et des efforts faits dans ceux oil Ton commence a s'en occnper ; enfinlcs livrcs d'inslruction, tant c'le'men- taires et pratiques que spe'ciaux , sont analyses dans la seconde partie du journal. On ne pent que loner le plan, et la raaniere dont il est exe'cute. Cependant le vice de la socie'te anglaise, toule fonde'e par et pour I'arislocratie, se fait sentir encore dans cette cntrcprisc pliilantro- pique. « II n'y a pas, dit I'introduction , de pays ni de ciasse de la so- cie'te dont I'e'ducation ne rentre dans notre plan ; pas de livrcs , soit employe's dans I'instruction la plus e'le'menlaire , soit dans les etudes les plus e'leve'es, dont le comite ne puisse avoir occasion de parler... TOMIi L. JUI>- l85l. 35 538 LIVRES i'TRANGElUS. OcpciKlanl son opinion osl que c'cst siir IVducilion g<'ne'ralc dp <-es classes de Ja cominunaiile auxqiicUes leur situation dans Ic iiionde donne toiilc direction ct conti ole siir les classes plus pauvres, (pie son atlcntiondoit principalement se dirigcr, commc sur le point le ])lus important. J'ai peine a comprendre , jc I'avone , que toujours la dasse la plus nombreuse, cellc qui fait la nation, soit regarde'c corame secondaire. L'instniction du peuple devrait etre la large base sur laquellc se iondc toute c'le'vation, toute supe'rioritc'. Les degre's dc science nc pcuvent etre c'gaux pour tous; mais les principes , les coramencemens , devraient etre les memes pour tons les lionimes ; I'application , rintelligcncc, vicndraient ensuite e'chclonner, sur ce i'onds commun , la veritable aristocratic, la seulc qui soit legitime, et ne permette pas de re'clamatioiis. Je serais tente' aussi de reproclicr an comitc' qui dirige ce non- veau journal, d'annoncer que ce seront, autant que possible, des employe's des diffe'rens e'tablissemens d'e'ducation qui seront charges d'en rcndre compte. C'cst cbarger un auteur de faire Tanalysc dc son ouvrage , car I'esprit de corps n'est pas moins aA'eugle el moins puissant cpie Tamour-propre. Dans les deux nume'ros qui out paru , la Quarlerlr rend un compte de'taille de notre Ecole Polytecbniqiie et des divers cbange- mensqu'elle a subis; de I'EcoIe de Me'decine de Paris, des univer- site'sd'Allcmagne, de celled' Oxford, etc. L'etatdci'e'ducationen Es- pagnc, a Rome, sont aussi I'objet dc longs articles j plusieurs me'tliodes, entreautres celle de Jacotot, sont analyse'es avec talent. Le retour period ique de cet ouvrage ramenera notre attention sur lui, et nous en parlerons pkis au long que nous ne le pouvons faire dans une simple annonce. ^d. M. i44' — Remarks on instruction in schools for infants. — Remarques sur I'instruction dans les e'coles des enfans ; par ^Archi- bald PRE^'rlCE, membie de la Socie'te' litte'raire et pbilosophique dc Manrhester. Deiixieme edition. Manchester, i83i ; Archibald Pren- tice, imprimeur. In- 12 de 44 pages. M. Prentice entreprend une re'forme capitale dans les divers sys- lemes des e'coles de I'enfance; il en bannit la contrainte, I'ennui , et converlit I'enseignement et Te'ducation en jeux , en j>asse-fcms agre'a- GKANDE-BRETAGNE. 53g bles; et ce n'est pas un simple projet qu'il soumet aux pcrcs de fa- millc et aux amis dcs enfans et de lem- bonbeur : « Je suis pleine- jnent convaincu, dit-il dans sa preface, que raon systeme finira par etre unlversellenicnt adojjte. Je n'ai jamais rencontre' personne qui , ajjres I'avoir vu en action, ait doute qu'il fiit pralicable partout , dans tousles tcms, et surtout e'minemment utile.)) Dcs e'tablisseraens-rao- deles sent forme's , des socie'te's savantes les ont inspecte's . et cellc de Glasgow a fortement engage' a les imiter; un extrait de son rap- port est inse're dans ces remarques. L'inte'ressante narration d'une visitefaite a re'cole de Salford monErc le parti qu'un instituteur lia- bile et bienveillant sait tircr des circonstances accidentelles pour les faire servir a I'instruction de ses eleves. Beaucoup d'autres faits analogues sont rapporte's par M. Prentice , et mettent les lecteurs en e'tat de comparer les anciennes e'coles de I'Angleterre a celles oil le systeme qu'il propose est suivi avec succes , il rappoile les juge- mens prononcc's sur les anciennes e'coles par MM. Brougham, Wil- berforce , Smith , Tliorpe , Allen , Calthorpe , Irving , Lushig- ton. II recommande. a ceux qui voudront e'tudier a fond I'impor- tantc question de I'enseignement priraaire donne a I'enfance, les e'crits de M. Wood sur les e'coles d'Edimbourg, et un mc'moire de M. Jarrold inse're dans le ./>/o?if/?Zx-iJfflg'fl!r:ine, avril i8ij5. F. 145. — The family lihrarj, vol. xxi. — History of England, ■vol. I. — Bibliotbeque de famille; tome '21*'. — Histoire d'Angle- tei're (Anglo-Saxons), par Francis Palgrave , e'cuyer. T. I. Lon- dres, i83i ; Murray. 146. — The cabinet cj^clopcedia. — England, vol. 11. — His- toire d'Angleterre, par sir J. Mackintosh. T. II. Londres, i83i ; Longman et comp. 1 47- — Commentaries on the life and reign of Charles the first. — Commentaires sur la vie et le regne de Charles F"", roi d'Angleterre; par J. d'IsnAELi. T. V. Londres, i83i ; Col- burn et Bentley. Les premiers historiens , chroniqueurs de la venerable antiquite', ont ete ses premiers iheologiens , ses premiers ge'ographes , savans , artistes , poetes : tout alors etait re'uni dans I'histoire , elle enseignait tout. Le travail continuel dc I'humanite, qui alternativement divise 54o LIVRES ETRANGERS. et rc'iinit , trcssant , dans la longne diue'c des sicclcs , Ic large tissu des connaissances liuraaiiics , a re'trc'ci plus tardlc domaine de I'his- torien ; narrateur des e'vc'neincns qui se passaient de son tcms, et, en quclque sorle, sous ses ycux, il a fail des me'moires, et raconte en se passionnant. Puis , de nouveau , I'histoire s'est agrandie en se cene'ralisant, en se desse'chant aussi. Destlie'oriciens, dcsphilosophes ont analyse les eveneinens ; quclquefois, lanfant sur I'humanitc tout entiere de ces eclairs subits qui la font entrcvoir dcpuis son prin- cipe, etprojctlcnt Icur lueur sur I'avenir, deduit du passe ; plus sou- vent, pliantles faits et les faconnant, pour les faire cadrer avee d'e'troites theories, tels e'taient les liistoi'iensdu sieclc passe; maisdepuislesbeaux ouvrages de M. Augustin Thierry , nous reprenonsgout a lave'rite , etcomracni;ons a recherchcrles faits, a nous y plairc, .i racontcr enfin. L'histoire des Anglo-Saxons de Palgrave, premier volume d'une histoire complete de la Grande-Bretagne, rentre dans celte nouvelle maniere ; cependant I'auteur s'y montrc parfois encore plus anti- quaire qu'hislorien ; plus curieux des vieillcs coutumes , du pitto- resque de detail et de costume, que de l'» recherche des scntimens iii- timcs des hommcs, que de la peinture de leurs passions. II recucille avec soin les vieillcs et amusantes chroniques, dans lesquelles I'ima- gination du peuple s'est plue a parer les faits d'un merveilleux qui Icur est approprie, qui en devient Tame, et en explique admi- rahlcment I'csprit. Par excmple, il nous montre Edward -le-Gonfcs- seur, roi des Anglais , empereur ct monarque de tons les souveraius, dc toutes les nations qui habitent I'lle, Cambriens, Scolls, Bretons, entoure de sa cour : du stallere (connetable ), charge du soin de rarine'e el dc I'ecurie du roi; pas un clieval du haut et puissant mo- narque qui soit envoye au vert sans I'ordre cxprcs de ce grand offi- cier ; du dish thane, celui qui dccoupc les viandcs pour la table; enfin du lower thane { le chambcllan ), qui tient lc3 clefs du tre'sor royal. «C'est cc dernier qui percoit, enlre autres taxes , celle qui fut imposce par Iclachc EthcbcdlI,pour acheterle depart des Danois,ct stigiuatise'e du nom dc danegelt (argent danois), le premier et le ])lus vexatoire des impots tcrritoriaux, et qui dura jusqu'au jour oil le loi « s'etant levc de son lit, demanda la clef au chambellan Hugo]ine,et serendil seul dans la cliaml)re du tre'sor. Quand il en rovint, la figure GRANDE-BRETAGNE. 54 1 .ille're'e, I' ceil pleinde terreur, il dit a tons, qu'il avail vii les demons, les maiivais esprits , dansans sur ces sacs qui contcnaieiit I'or arra- clie, extorque a son mallieiireux peiiple , el giin^anl des deuls dc joie. » Edward abolit la taxe , depuis re'lablie par Guillaimie-lc- Conquc'rant. Edward e'tait ])ourtanl iin roi reslaure ', el ceux-la ne sonl pas sujels adiminucr I'impck. l.es ceremonies sent de'crites avcc science, ct dans un slyle facile el clair : la pciiilure en esl vive ct atlachante. Dans le Wienagemot on veil loute celle assemblee de souverains , de corales, de nobles; le siege dc Malcolm, roi des Ecossais, que Ton commence a appeler roi d'Ecosse, esl yacanl ; le monarque anglais lui a pcrmis de s'absenlcr, allendu que pour se rendre a Londres el relourncr au milieu de ses lurbulens sujels, « il ne lui failail pas moins d'une demi-anne'e passe'e sur les roules. » Parmi les grands dignilaires de la couronnc, Palgrave nous peinl Sirward, celiii qui a I'air si sombre el si farouche ; c'esl le fds dc Beorn, comle de Nor- tliumbrie. Les bonnes gens du Nord, qui croienl a lous les sagas , soul convaincus que le grand-pere de Sirward elail un ours des fo- rets de Norwe'ge, el quand Beorn soulevail ses cbeveux en desordre, on voyait pointer les oreilles velues , marques de son originc. Le peuple est admis aussi a eelte assemblee ge'ne'rale du Wilenagemot. 11 est la pour crievjea, j-ea (oui , oui ) ; el Ton se plaint de cette liberie donnee a celui qui , « n'ayanl nulle part a la lerre , ne doit avoir nulle part au pouvoir • » et Ton songe a re'primer son appro- bation ; car celui qui dit oui, pourrail aniver a direnon. Le volume de Palgrave finit apres I'alTaire d'Hastings : le re'cit de cette bataille decisive, el surtoul des acles qui la suivircut irame'diateraeut , est plein d'interel. C'est un singulier cclianlillon de 1' esprit de ces terns recule's que re'rectiou de I'abbayc de Battle , donl le raaitre-autel s'e'levait sur le lieu meuie oil avail flotte I'clendart d'Harold; donl les moines de- vaienl unc priere perpe'luclle aux morts tombe's dans le combat , et qui ful fonde'e par Guillaume , saisi soudain de pilie' et de remords lorsque , dans I'ivresse dc la victoirc, il festoyait au milieu des ca- davres.Onpourrait peut-etre reprocber al'auteur anglais d'etre trop porle , pour un hislorien, a se contenter dc probabilite's le'geres et a 542 LIVRES ih'RANGEHS. ajouter foi a ces tradllions populaircs qui sont plus du domaine du roman que de celui de I'liisloire , par exemple, a celle qui fait survivre Harold a la bataille d'Hastings, et scion laqucllc il meurt long-teins apre?, vicillard decrepit, dansune cellule, tandis que sur la tombo merHeuse qui soulcnait son effigic, sous les voutes de I'ab- baye de Wallliam, on lisnit depuislongues anne'es : Hie jacet Ha- rold infeli.v. Mackintosli est de la classe dcs bistoriens qui ne prenneut Ics faits que corame point de depart, comme une table de malieres , sur laquelle ils fondent et arrangent leurs theories. II de'crit en une ligne la bataille d'oii depend lesortde la monarchies illanommeenquelque sorte tout simplement; mais s'il dedaigne ce qui est action, il s'attache a suivre la marche de I'esprit humain , et son livi'e est un essai sur les lois , le gouvernemcnt , le commerce anglais. Pousse par son education legale et le tour pliilosophique de ses ide'es dans le champ de la speculation , il precede toujours par abstraction , et raoissonne partout des ve'rite's ge'ne'rales. Son histoire est un com- mcntaire savant sur la constitution d'Angleterre : il voit dans une reslauration le commencement d'une longue se'rie de revolutions ; il reproche rintolcrance au protestantisme , fonde sur le droit de libre discussion , comme une absurdite et une contradiction manifeste : d'ailleurs jamais la persecution ne renssit a de'truire une secte , pour cela il faudrait tuer tout le parti vaincu , et le vainqueur, s'il en a le pouvoir , n'aura pas la Constance nccessaire. Selon Mackintosh I'esprit d'cntreprise , qui amena la de'couverte du Nou- veau-Monde , est dii tout cntier au deVeloppement du commerce. La richesse s'e'tait de'place'e , elle passait des mains des nobles , qui ne connaissaicnt d'occupation que la guerre, a celles dcs marchands dont toute I'activite e'tait tournc'e du cote du gain. Dans ce volume, qui commence a Tavenement d'Henry VI , et conticnt I'histoire dcs divisions de York et de Lancastre , ^Varwick , ce celebre faiscur de rois, qui remplit toute I'histoire de ce tcms de ses caprices giganles- ipies, disparait prcsque comple'tcmcnt; il n'a pas influe sur la mar- che de I'esprit public : sa vie, ses changemens de parti , sa mort , sont des accidens qu'il suffit d'indiquer. Dans le regno trouble, mais fortune, d'Henry VII (jui remplit senlemcnt 4o pages, cc ([ui I'rappe le GR/iNDE-BRETAGNE. RUSSIE. 543 j)lus rhislonen c'est la de'couvcite de la cote de Labrador jjar Galjol , et le traite de commerce entrc I'Aiiglelerrc ct la Bourgogne : « en lisant ces transactions nationales,onsentqu'a]ors onc'taitproche de ces chan- gemens puissans , mais non observes encore , qui allaient de'troner les institutions Icodalcs. et donner aux classes mitoycnnes une in- fluence dont elles n'avaicnt pas encore joui. » D'Israeli est I'avocat du roidont il coramcnte I'histoire; il discutc ses motifs , excuse ses t'autes , et inontrc qu'cUes ctaient le le'sultal presque ine'vitable des circonstances dans lesquellcs il e'tait place. Ce qui gei'mait a I'e'poijue dont Mackintosh fait I'liistoire portait ses fruits au terns de Charles. II ne I'estait plus du pouvnir fe'odal use que les prejuge's et les formes j les discussions religieuses avaienl conduit aux discussions politiquesj la couronne paiivre u'avait plus pour s'appuyer que de vieDles et fausses pretentions , dont chaqiie jour mcttait la faiblesse et le ridicule a nu • I'ancien e'tat de choses avait encore unc existence apparente , mais Finte'rieur en e'tait ruine. C'e'tait comme ces e'difices travaille's par les termites , dont la carcasse est entierement ronge'e, ct qui tombent tout a coup sans que rien les puisse e'tayer : et Charles , entre les prejuge's et les ex- pe'dier.s , le pir^ legs du passe' et ce qu'il y a de plus instable dans le present et I'avcnir, dcvait se pcrdre et sc perdit. Onpourrait reprochcr a M. d'lsraeli trop de penchant a chercher le trait , trop de goiit pour tracer des portraits et des caractcres; au total , ime maniere qui n'a ni la largeur ni la naivete de rhistoire. Une de ces pcnse'es qu'il aime a presenter dans une forme saillante ni'a frappe, et me semble de nature a etre medite'e dans nos jours de trouble et de progres :«Tout changemcnt, dit-il (et il le prouve par I'histoiredel'e'poque qu'il de'crit), « tout changement , pour etre pro- litablc , doit etre graducl. » Nous rcvicndrons , quand elles seront coaiple'tecs , sur les histoi- rts de Mackintosh et de Palgrave. Ad. M. RUSSIE. 1 4B. — Bulletin du Nord , journal scientifiqwe et litteraire, pu- blie par Lecointe DE Laveau. Moscou , iSaSetiS'iQ; inipri- meric de Semen, -i'^ cahiers mensuds iii-(S'\ Ces deux annecs 544 LIVRES ETRANGERS. formcnt 0 volumes. ( Voy. /fw. J?nc. , septcmbrc i83(), t. xi.vii, pp. 7GG-7G7). Cc rccucil franfais, public dans iine dcs capitalcs dii vastc em- pire russc renferme plusicnrs morccaux intc'rcssans. II est en go'neVal bien e'crit. Toutcs les branches des connaissanccs humaines y figurcnl tour atourj mais la partic littc'raire est la plus riclicj elle conticnt plusicurs traductions ou imitations dc pieces poc'tiqucs d'c'crivains russes pcu connus encore parmi nous et qui nc sont pas indigncs de I'etre davantaj;e. Parmi les documcns rclatifs k la Russic, onremar- quera ( caliier d'octobre 1 829 ) une notice cxtraite des ouvrages da savant M. Koeppen, et qui pre'sente un tableau luslorique de la fondation des c'tablissemcns d'instruction publique dans cet empire. M. Koeppen fait remonter an rcgne de Wladimir-lc-Crrand les pre- mieres traces d'un enseigncmcnt public en Russie. Cc prince donna a ce sujet des instructions au mc'tropolitc Miclicl. Son fils Jaros- laff r*" cre'a a Novogorod une e'cole de 3oo cleves; mais depuis eette e'poque jusqu'au quinzieme sieclc on n'a que pen dc renseignemens. A partir du seiziemc siecle presque cliaque annc'e est marquee par une fondation de cettc nature. La totalitc des c'coles dependantes du ministere de I'instruction publique s'e'levait en i8u5 a i44i- ^e reglemcnt a suivre dans les gymnases , e'coles de district et ccoles paroissiales, a subi en iSS quelques modifications facheuscs. Dans les premiers, les classes de pliilosopliie, d'histoire naturelie , des beaux-arts etd' economic politique onte'tesupprimc'es; dans les e'coles de district, on a supprimc rcnseignemcnt des devoirs de Vhomme et des clcmens dc tcclinologie, et ajoulc cclui de I'liistoire ecclesias- tique. La metliode mutuellc sera adoptee pour les e'coles primaires; de petites bibliotheques sont atlaclie'es aux ecoles paroissiales dc fafon que mevie un paysan puisse emporter les livres et les lire chez lui. L'enseignement du francais est gene'ral dans les ccoles de la couronne. Le norabre de ccs ecoles , qui sont du ressort des uni- versitc's, est de 368, savoir : 48 gymnases, 3i5 c'coles de district, re'cole supe'ricure du district de Stavropole et les quatre e'coles dcs provinces du Caucase ct des Cosaques de la mcr Noire. Les de- penses ne'cessaircs a I'entretien de ces etablisseraens se montent a ■1,91 1 ,645 roubles. P.tA. Dufau. KUSSiE. 545 i 49. — Dilijance , Hi Nabludatel , etc. — La Diligence 011 rObscrvateur des moeurs nationales. Moscou, i8-.>.f); iinpiiinerie de Stc'panof. In-i6de VIII et 19'^ pages. « D'apres cc litre (dit le Bulletin dit ]\ord, cahier de sep- tembre 18^9, p. Gi), on s'attend a trouvcr une imitation on an moins un essai dans le genre de Sterne on de Jouy. Lcs Icctcurs , entre les mains desquels cet ouvrage pourra par liasard toiuljcr, con- sentiront difficilement a rapproiivcr. » i5o. — Messinskaia Nei^esta. — La Fiancee de Messine, tra- ge'die de Schiller, tradiiitc en vers nisses; par Alexandre RoTTciiEF. Moscon, 18^9; imprimeric de Se'livanovsky. Li-8'' de XX1-106 pages. Le Bulletin du Nord (septembre i8'«9, p. (r,i-G3), donne sur I'original ct la traduction le jngement suivant : « Si sous Ic rapport dramatique la Fiancee de Messine est loin d'offi'ir les memes beaute's que Ton rencontre dans Jeanne-d' Arc et dans Marie- Stuart, ceUe'^ihce^considcVccsim^ievcienlcoiamexmeaiiisrc^iociiqae, peut etre raise au rang des plus belles compositions de Schiller. De toules scs trage'dies , c'est ccllc 011 son ge'nie sc montre le plus for- tement empreint de ce coloris antique dont les productions mo- dcrnes dc tons les peuples n'ont pu aflfaiblir I'e'clat. Schiller y parle le langage des trage'diens grecs ; mais il le parle comma un liomme inspii'e' , et non comme un imitateur : ce langage y est devenu cehii de son genie. M. Joukovsrv avait deja prouve , dans sa traduction dc Jeanne-d' Arc , que les langues russe et allemande avaient assez de ressemblance , pour qu'il fut possible de presenter un caique qui conservat toutes les beaute's de I'harmonie poe'tique de I'original; mais le style dans Icqucl est e'crit Jeanne-d' Arc est loin d' avoir rc'Ic'vation qui distingue particulieremcnt celui de la Fiancee de Messine. M. Rottchef aura vraisembl ibleraent compris cette dif- ference , et si meme il n'a pas entierement re'ussi , on doit lui savoir gre' de n'avoir pas renonce a une lutte dont la seule entreprise c'tait glorieuse. Dans cette traduction , M. Rottchef prouve qu'il est ve'ri- tablemcnt poete ; car c'est pre'cise'ment dans les morccaux les plus beaux et les phis difficilesde Schiller, qu'il s'est le plus rapproche de I'original. Quel que soit le succes qu'il ait obtenu , tous les amis 54^ LlVUfcS ETilANGERS. de la littcratuie rus.se desireroiit saiis doute qu'apres s'elre assure dp sa force, il pienue un vol plus e'leve en chercLant a obtenir un ran^' distingue' parmi les poetcs originaux de sa patrie; et si nous en jii- geons d'aprcs ses premiers essais, il n'y a point de doute (ju'il n'v parvienne. » P. UANEMARK. i5i. — ^llgemeines fForterbuch der deutscken und fran- zosischen Kriegs-Kunstsprache . — Dictionnaire militaire alle- mand-francais , et franrais-allcmand; par F.*Reinhold, ofGcier d'artillcric au service de Dancmark. CopenLague , i83o. Gr. iu-8" de '.iQo pages. Ce dictionnaire mauquait depuis long-temps aux c'crivains qui s occiipentde la science militaire. II pre'sente dans Ics dctix langues, et avec une grande exactitude, tons les terraes de la tactique , du genie, de rartillerie et en general tons ceux propres a la guerre. 11 sera done d'un grand secours auxmilitaires des deux nations. Himli. 1 52. — Breve, etc. — Lettrcs a un ami sur divers e'tablissemens d'alie'nc's de I'Allcmagnc et du Daneniarkj par le docteur /e««- Chre'tien-Guillaume WETiDT. Copenliague, i8'.i'^ ; imprimerie de L.-J. Jacobsen. In-i2 de T07 pages. Des details exacts sur les hopitaux des aHc'ne's offrcnt toujours de I inte'ret ; car rexpe'rience prouve que le succes du traitcment de ces maladies depend en grande partie de la forme , des dispositions et du regime des e'tablissemens oii ils sont soigncs; aussi M. Esquirol a-t-il dit qu'un hopital d'alie'ne's est lui-meme un instrument de gue'rison. Convaincu de cette ve'rite , M. Wendt , mc'decin en clief de I'Hopital ge'ne'ral de Gopenhague , entrepi-it , en 182'y , un voyage dans le but de connaitre les principaux hospices d'alicne's de sa pa- trie et de TAllemigne. II pu-blia depuis , dans un journal de Co- penhague, une se'rie de lettres sur les e'tablissemens qu'il avait vi- sile's. Ces lettres , qui forment I'ouvrage que nous avons sous les yeux , contiennent une notice rapidc et trcs-succinctc sur les hopi- taux de fous de Vienne , Prague, Wurzbourg, Bamberg, lirlangcn, Munich , Sonnoncstcin prcs Pirna (Saxel, Leipzig , Berlin , Hani- bourg, Sclilesvick ct Rocski]de(l)aiioinaik). DANEMARK. 547 Vienne, selon noticatUeur, ne possedc aiiciin hopital public d'a- licDe's, car celuiqu'on appellela Tourdcs Fous {der Narrenthurm) est si mauvais sous tous 'es rapports, qii'il ne me'rite pas d'etre cite. Mais dans I'un dcs faubourgs dc celte capitaie, il y a un e'tablisse- ment particulier , fonde ct dirige par Ic docteur Briino-Goergcu, qui peut elre comptc parmi Jes iiieilleurs de rAUemagne. Aprcs avoir parle de I'excellente tenue de cet etablissement , M. VVendt rapporte qu'a mesure que les acces des malades perdent d'intensite', le docteur Goergen les rapprochc dc sa f'amille. Dans une grande et belle salle, qui a une issue dans le jardin, ce ine'decin re'unit tous les jours a sa table environ quarante alie'ne's des deux sexes. M. Wendt a assiste plusieurs fois a ccs diners , et a lui-meme e'te place entre deux pensionnaires de I'e'tablissement. II admire I'ordre et ia tran- quillite' qui regno dans ces reunions. Si un alie'ne s'avise de dire quelque chose de dc'raisonnable , il suffit d'un regard de M. Goer- gen, ou de sa fenime, pour luiiinposer silence; mais si le paroxysuie parait augmenter , le raalade estj^oliment rcconduit a sa cellule par un des surveillans qui , durant le diner , se tiennent dans la sallc a manger. jM. Goergen donne ascs pensionnaires des fourcLettes d'ar- gent a quatre fourclions et des coutcaux a lames d'argent arrondies par le bout; et pour qu'ils ne s'en ofiensent pas, toute la corapagnie se sert d'instrumens pareils. L'auteur a observe, dans cet etablisse- ment, que les conversations des alie'ne's entre eux peuvent, en certains cas, avoir une heui'euse inQuence sur leur esprit; elles servent au moins, dit-il, a satisfairc le vif besoin de se communiqucr , que la plupart de ces inforUinc's eprouvent , et qui nait de leur i:;o!emcnt du reste de la socie'te. M. Wendt confirmc les e'loges qu'on donne ge'ncralement a I'liopi- tal d'alie'ne's de Sonncnstein , pres Pirna. Get etablissement, qui est situe sur le pencliant d'une uioiUagne, a le grand avnnlage de se trouver dans un air pur et sain. II est dirige par le cclcbre docteui' Pienitz. Les convalescens y dinent avcc le me'decin en chef ct sa I'a- mille, comme a \ icnne , cLcz M. Bruno-Gcergen. A Berlin, tous les alie'ne's sent recusdansl'liopitaldeZrt C/uirile. Les deux sexes sont complc'tement se'pares; niais, au reste, le clas- sement des malades laisse beaucoup a de'sircr On donne aux alie'ne's 54s LIVUES ETRANGERS. des occupations analogues a rc'duration qii'ils ont icciie. I^es liom- mes, par cxemple, font rexercice militairc , scicnt du liois , labou- rent la terrc, etc.; Ics fenimes racconimodrnt du linge, tricotent, fdent, etc. On enseigne aux liommcs ct aus fcmmps la j^vograpliie, le dcssin et la nnisique. Lcs dimanclics on Icur pcnnct dc joucr aux cartes, an billard et aux quillcs. L'e'tabllsscment d'alie'ncs de la ville dc Sddcsvick est dirigc par le doclcur W. Jessen, et destine a rccevoir les malades des duche's de Scldesvick, Holstcin et Lauenbourg. On y traite ordi- naircincnt environ cent trentc ])ersonnes, qui sont classc'es d'a- pres ic caracterc et la pe'riodc de leur maladie. Les idiots et les e'pdeptiqucs sont exclus de cet hopital. Le re'glement qui deter- mine tout ce qui est relatif a I'admission des malades defend ex- pressemcnt d'y introduirc des vetcmcns dc couleur rouge. Le me'de- cin en chef est charge dc tenir un journal exact sur chacun des ma- lades. Ces journaux, qu'on conserve dans les archives de I'e'tablis- sement, sont d'unc tres-grande utililc pour la science; ct il serait a de'sirer qu'il en fiit tenu de parcils dans tons les hospices d'a- lie'ne's. Aprcs avoir passe en revue des c'lablissemens de moindre impor- tance, Taiiteur donne une description de celui de Bidstrupgaard , prcs Roeskilde (Danemark). Cet c'taljlissement est compose de deux sections, dont Tune rcfoit les alie'ne's, et I'autre les vieillards, les aveugles, les apoplectiques, etc. Lc quartier des alie'ne's, qui est situe' sur une cdlline , et entoure de belles promenades , pent conte- nir soixante-seize hommes et autant de femmcs. II y regne la plus grande proprele, les malades sont bien vetus et les lits excellens. Tons les raoyens accessoires, propres a distraire ct a occuper les alie'ne's , y sont re'unis. L'c'tablissement possede une petite biblio- theque, et rejoit les journaux du pays, qu'on distribue aux con- valescens. On apprendra avec plaisir, par cet e'crit, qu'a I'exemplc donne par la France , les hopitaux de rAUemagne et du Danemark ont proscrit les violens moyens de re'pression , tels que les chaines , la machine rotatoire, la re'clusion et autres semblables. Les alie'ncs de ces pays rcfoivent aujourd'hui im traitemcnt beaucoup plus doux ct plus salutaire qu'aulrefois. DANEMARK. ALLEMAGNE. i)/^() En resume, I'opuscule de M. Wendt est digiie de fixer raltcn- tion dcs me'decins ; ils y trouveront iin grand nombre d'litiles ren- scigneniens sur les differens hopitaux que I'auteur a examines , et qiielqucs ide'es neuves et inge'nieuses sur Ic traitcment des affections mentales. D. Meldoi.a. ALLEMAGIME. i53. — Archw fur neuere Kriegs und Ariiiee-Gescliichte. — Archives pour I'liisloire mililairc et des guerres modernes. (Suite du Manuel militaire toni. I"^.) Leipzig, i8'2g; Baumgartcn. 3 caliicrs in-8". Ainsi qu'il Tannonce dans le litre de son ouvrage, I'auteur se borne a presenter des notices et des me'moircs sur plusieurs objets qui font partie du domaine de I'histoirc militaire des guerres moder- nes ; ce sont dcs exposes liisloriques de toute une campagne , des relations d'une seule bataillc ou des signes isole's, des extrails d'ou- vrages et de journaux inilitaires dont il refute liabileiuent les asser- tions crronc'cs , enfin des analyses d'ouvragese'lrangcrs sur la science de la guerre , etc. Himli. 1 54- — Topographie der Stadt Rom. — Topographic de la ville de Rome; par Ernest Plataer , Charles Bunseiv , Edoitard Gernhap.d et Guillciume Roestel. i'' volume. Stuttgart et Tu- bingue, i83o. In-S" avec un atlas in fol. Encore unc des conceptions dcriUustre Niebuhr, dont la science ne saurait trop deplorer la pcite. II e'tait ambassadeur a Rome, lors- qu'en i8i5 M. Colta concut le projet de faire une nouvcUe edition du livre de A'olkmann Lalandc. Niebuhr proposa d'y substituer un travail nouvcau. M. Platncr se chargea de I'histoire de Rome chrc- tienne , de scs monumens et de la description des muse'es. M. Bun- sen, qui succe'daal'ambassadedejNicbuhr, cntreprit la redaction. La preface est consacree principalcincnt a rappeler les ouvragesqui out traite'le nieii.e sujet, depuis le Elorentin San Gallo jusqu'a nos jours. La premiere partie est absorbe'e par les ge'ne'ralite's ; la seconde con- tiendra les descriptions des diverses parties de la villc. En conse- . quencc nous posse'dous de'ja les recherches historiqnrs , physi(|ues et 55o LIVRES KTllANGERS. techniques, cl memo clans le dcmicr cliapitrc nousavons dcs details curicux siir les remparls, jcs porles, les enceintes des divcrses epo- ques , puis dcs tables synclironistiques, un plan et uncplanclic gc'o- gnoslique. Voici maintenant la distribution des volumes a venir : le second renfermcra tout ce qui conccrne le quartier du Vatican, et un catalogue coniplct du Musccj le troisieine donnera le Capltolc , le Forum et les environs. II en faudra deux encore, dont le dernier nous cnrichira, dc plus, d'inscriptions importnntes. Examinons ce que nous avons sous les yeux, et d'abord, les observations sur les longitudes et les latitudes, surleTibre, surrele'vation et I'encombre- mcnt de son litj la comj)nraison dcs mesurcs ancicnnes etnouvelles. Toutes ces remarques sontdc M. Bunsen. M. Hofmann y en a ajoute d'autres sur la nature du sol , sur ses formations , sur les combinai- sons produiles par I'eau douce et notamment le Travertino , enflu sur les formations marines et les influences volcaniques, M. Bunsen reprend ensuite la plume et nous parle de Yaria cattii'a , du niau- vais air, que les dc'fricliemens ont deja beaucoup assaini. Le second livre commence jjar un beau morceau de feu Niebuhr: c'est I'liis- toire des agrandissemens et de la de'cadence de la ville ; elle est sui- m vie de tablettes synclironistiques et chronologiques qui sont habile- m ment divise'es par e'poques , principalcment en ce qui conccrne les objcts d'art et les monumcns. M. Bunsen, autcurde ce travail, entre apres cela dans des discussions historiques : i° sur la Rome des roisj c'e'iait d'abord lePalatium des Pclasgcs; lcPomoerium,selon I'auteur, limitait I'espacc oil il e'tait pcrmis de pi-endre les augures ; la ville Sabine e'tait sur Ic Capitole , ct communiquait avec I'autre par trois portes; I'Avanlin fut le quartier ple'])e'icn des I'origine de la plebs. La division de Servius Tullius avail jiour liase une repartition lo- cale , etc. On passe ensuite aux monumcns des rois au nombre de six, i et Ton conclut de tout cela que Rome est beaucoup plus vieille que | Eon histoire. Rome rc']ml)lique et Rome impe'rialc, sa population, Tinccndie de Ne'ron , rctcnduc dc cclte capitale au lems de Vespa- sien, serontpoiu- lelcctcur tout ai-.taut de sujcts de satisfaction. Nous voici dans Rome chrc'tienne a discuteravec M. Raestel I'authenticite' et la ve'racite dcs biographies pontificalcs , a fairc des recherches sur I'election des papes, sur les cardfnaux. De Constantin a Charlema- •v ALLEMAGNE. 55 1 giip, c'cst pncore uiie autre c'poquc , oii les destructions et les inva- sions des Larbares so succedent. Enfin on vn dc la renaissance de IVmpire d'Occident jusqu'en 1417 : on voit aniver sur la scene rcnipercur Henri I Y, RoLert Guiscard, Rienzi, Pe'lrarque. Vient Ic schisme de trente ans , puis le pape Martin V , et Ton descend le cours des ages jusqu'en 181 5 a la rentre'c de Pie VII. Les appendi- ces conticnnent des documens fort cnrieux ; tcls que la description de la peste sous Grc'goirc-le-Grand , une coraplainte sur I'e'tat dc Rome au commencement du douzieme siccle, ctc.M.Gernhardouvrcletroi- sieme livre par d'excellentes considerations sur les arts et en parti- cufier sur les sculptures antiques ; le second cLapitre de M. Platnrr s'occupe des pierres dont on faisait usage pour Tarcbitecture et la sculpture ; la sont signalc'es toutes les especesderaarbre,la sont com- pare'stous les noms anciens et tons les noms nouveaux. Les catacombes sont I'objet du troisieme cbapitre de ce livre ; les basiliques et les mosaVques, du quatrieme j I'hisloirc del'art, du cinquieme.Le livre suivant est deja plus spe'cialement voue' a la topograpLie dutems de Servius , aux fortifications d'Aurelienj on rejelte I'opinion qui veiu que Seplime-Se'vere ait fortifie'le Janicule, etl'on de'raontre que Ton s'estmepris a cet egardsur un passage de Spartien. Get ouvrageest du premier ordre et par son me'rile et par I'importance du sujct. 1 55. — Uebersicht der Strafrechts PJlege. — Couji d'oeil sur I'administration de la justice dans le duclie' de Bade. Carlsrulie , i83o. Tn-4". L'autcur de Tarlicle du Journal de Heidelberg qui rend compfe decetravail estM. Zacharias, si celebre par ses ouvarges de legislation el de participation aux debats parlementaires du duclie' de Bade. La Prussc seuleposscdait des tableaux annucis sur I'administration de la justice ; la Bavierc annoncait dans ses feuilles une publication de ce genre ; mais rien encore n'approchait du compte rendu que la France voit paraitre tons les ans. L'introduction n'est qu'un resume fort bien raisonne des re'sultats offerts par ce livre qui a frois sections principales. Dans la premiere, les decisions de la cour supreme ot des quktre autres cours ihofgerichte) ; dans la seconde, les decisions des bailliages ; dans la troisieme , I'indication des fails a raison des- qnels on n'a pu exercer de poirsuites, fels ane les homicides ])ar 0.)2 LlVllES ETRANCtERS. accident, los suicides j aussi a-t-on rcmarqiie avec justice que le tra- vail du luinistcrebadois s'c'tcnd incmea dcs oljjets queiiotrc ccnnpte rendu ne louche pas. P. ue Goi-dkrv. i5(5. — Historisch-etnographische Uehersicht der wissen- schaftlicJien Kultiir, Geistesthatigkeit iind Literalur dcs Ostrei- chischen h'arserlhiiins. — Aprrcu IiisNiri(|uect ctnograplii([ue de la culture scientiri([ue do i'activitd intcllcctucilc et dc la litte'rature de rempire d'Autriche , d'apres ses dit'fe'rens idiomes , leur degre' de perfection, etc.; par Francois SM\Toni. T. Y^. Vienne, i83oj Charles Ceroid. Get ouvragc important cmhrasse avcc tant dc luciditc et d'exac- titude la litte'rature de I'enipire d'Autriche d'apres tous ses idiomes que le lecteur pent d'un seal coup d'ceil juger des richesscs litte'rai- res de I'Aulriche, depuis la renaissance deslctlrcsjusqu'a nos jours. Ce livre indique tout ce qui a paru de remarquaLle dans jilus de quatorze idiomes diffe'rcns , et le but des immenses recherches de I'auteur est de rc'soudre cctte question : si la monarcuie autrichienne, conipose'e de trentc-deux millions d'hnbilans , a unc litte'rature qui lui soil propre, Cctte litte'rature ne comprcnd jias seulemcnt les ou- vrages qui ont paru dans I'Autriche proprcinent dite et qui compte six millions d'Allemands , mais encore ccux des diverscs nations qui dependent de Tempire, tcls que qnatorze millions de Slaves, quatre mdlions et dcmi d'ltalicns, qualre millions de Hongrois , deux millions de Valaques, cinq cent mille juifs , des Arme'niens , des Grecs, des Turcs , etc. Les productions Ijttcraires de ces dil'fe- rcnspeu])les, totalcmcnt inconnues a I'ctrangcr, lesont egalement de I'un de ces peuples a I'autre, et c'est a peine si rAllcmague et I'Au- triclie raeme en ont connaissancc. L'auteur cherche done a de'truire cctte ignorance, et dans son pre- mier volume, qui a dcj'a paru, aprcs unc introduction oil il jette un coup d'ceil general sur la population de Tempire d'Autriche et sur la diversite que les diffe'rcns idiomes apportent dans sa liltc'rature, il divise ses chapitres de la maniere suivante : litte'rature des Slaves , des Bohe'miens et des Moi-avcs ; des Sclovaqucs , en Hongrie ; dcs Polonais, en Galicic et dans la Sile'sie autrichienne; langue et e'crils des Bulgares; litte'rature des Creates; langue et litte'rature nationalc ALLEMAGNE. 5i).i tics ])alin;itcs, des Ragusais et des lUyrieus; litte'raturc valaquc, cii Hongrie ct en Tiansylvanie ; nouvelle littc'rature grecqne , dans la monarcliie autrichienne • littc'rature italienne, dans le royaume Lom- bardo-Ve'nitien , en Dalmatic , en Illyrie et dans Ic Tyrol ; littc'ra- ture arme'nienne, a Venise et a Vienne; littc'rature Lebrai'quc, en Au- triche , en Bobeme , en Moravie , en Gallicie et en Hongrie ; litte'ra- turc orientale. Le dcuxicme volume qui va paraitrc conticndra : i " Un exj^osc liistorique de la litte'raturc allemande dans I'cmpire d'Autriclie; ■.>," la litte'raturc latine des Hongroisj le dialccte milanais et ve'ni- lienj la langue des Seltc-communi ^ celle des Cle'mentins , etc.; 3° une bibliothequc biograpbique ct bibliograpbiquc autrichienne ; 4° un catalogue raisonne de tous les ouvrages pe'riodiques de I'Au- triche qui ont paru jusqu'ici; 5" un coup d'oeil sur les univcrsitc's , les lyce'es, les gymnases, les ecoles polytechniques et primaires, et en ge'ne'ral sur tous les e'tabbssemens d'instruction ; 6° une description des bibliotlieques et des muse'es ; un jugement sur les socie'tc's sa- vantes de la monarchic ; •y" une narration des voyages scientifiqucs entrepris par des Autrichiens ; 8" un esamen des ceuvres dramati- ques ; 9° un c'tat de la librairie autiicbicnne; io° un expose dc la typographic dans I'cmpire ; 1 1" des details sur la fabrication dii papier et la reliurc ; 1 2° I'histoirc des contrefa9ons de livres. Tel est le prc'cicux contcnu d'un ouvragc qui, sous tantde rapports, pent etrc conside're comme un des plus beaux monumens c'leve's a la littc'rature. L'auteur a dans le premier volume re'pondu a la haute idee que Ton avait con^ue dc son talent ; le second offrira indubitablement le raemc inte'ret, et Ic monde savant et les AUcmands en particulicr lui voucront une grande reconnaissance pour un ouvrage qu'on re- clamait depuis si long-tems. Himly. 157. — Die Insel der Gliickseligkeit. — L'ile du Bonheur , conte dramatique, en cinq aventures, par D.-A. AxTERBOMjtraduit du sue'dois, par H. Neus. P^ partie. Leipzig, i83i ; Brockhaus. ln-8" de 294 p. Nous ne connaissons pas I'original sue'dois de ce poeme drama- tique, et n'ayant devant nous que la moitie' dela traduction, nous ne TOME L. JUIN i83i. 56 554 LIVRES ETRANCxERS. pouvons encore porter iin jngeinciit sur ronseiiiLlo. Nous ne voyons nu'iiie pas si rauteiir a voiilu sc'neusemcnl nous donner unc suite do peintures orientales, ou si c'est une ironic, inspire'e par les abus de la poesie. La scene ouvre par une chasse aux ours Llancs sur les glaces du pole duNord. TiCS chasseurs attendent le roi, quis'est e'carte - dans les forets dc sapins; ce roi ne parait point, parce qu'il s'cst e'gare en sc dirigeant a Test, ou, selon I'opinion vulgnire, habitcnt les csprits suruaturcls. Le pocte nous fait quitter les chasseurs pour nous conduire a la suite du roi e'gare'. Astolphe ( c'est le nom de ce prince) amve a la grotte dc la reine dcs vents, Ane'motis , et dc'crit cctte demeure de I'Eole du Nord. Un de ses fils, Ze'phir, devient I'ami d'AstoIphe, et le conduit sur ses ailes dans I'llc dc la Fe'licite', oil rcgne une reine charmante, Felicia, dans la socic'te' de ses nymphes et dans un palais de crislal , soutenu par des colonnes de saphirs et d'e'meraudes. Voila toute Taction de la premiere partie de ce poerae dramatique. Mais cette action devient vivante par une foulc de details, de scenes, et surtout de longs entretiens, dans les- quels le pocte a fait une grande dc'pcnse d'csprit et de poesie. Le tradKcteur parait s'ctre astreint a une fide'lite scrupuleuse, au point que sa traduction est quelqucfois a peine allemande. Ces passages sont heureusement rares; ailleurs on lit la traduction ti'es-couram- ment sans s'apercevoir que cc n'est pas un pocme original. II faut que M. Attcrbom possede une imagination bicn fe'conde pour batir sur un fond aussi le'ger, oil il n'y a presque pas d'action , un dramc ou un poeme dramatique en deux volumes. Nous pourrons revenir sur cctte composition, lorsque nous la connaitrons tout entiere. 1 58, — Erzdhlungen von Therese Huber. — Coutesde The- rese Huber, rccueillis et publics par Y. A. H. Tom. F"" et IF. Leipzig , 1 83 1 ; Brockhaus. II n'y a pas long-tems que nousavons parlc dcs Icttrcs dc Forstcr, publie'es par sa veuve , M""" Huber. Pen dc terns apres avoir mis au jour cette correspondance inte'ressante , M'"'' Huber est mortc. Son fils recueille maintenant les contcs qu'elle inse'rait depuis plus dc vingt ans dans les almanachs ou qu'cllc publiail elle-memc. Madame Huber etait une femnio de l)eaiicoup de jugemcnt, et bonne observa- ALLEMAGNE. 555 trice des mceurs et des travers de la socie'te. Ses contcs ne brillent pas par une grande invention j son imagination n'est pas tres-poe'ti- que ; son style n'cst pas pittoresque , ni la marclie de son action vive et rapide ; mais elle c'crit bien , elle a concu sagement les petits ro- raans qu'elle nous donne , et Ton voit que I'auteur connait bien le monde. En un mot , il y a de I'inte'ret dans ces contes, et quelques- ims sent touchans. II est probable que des e've'nemens reels servent de fond a quelques-unes de ces compositions. De plus , ils sont mo- raux, et pcuvent etrelus sans danger pour les imaginations ardentes. Nous aurions desire' que I'auteur eut fait plus d'aline'as : il y a des passages continus d'une longueur effrayante. Les auteurs de nos jours entendent mieux leurs inte'rets , et connaissent da vantage la paresse des lecteurs ; ils font des alineas presquc a chaque deuxieme ou troisiemc ligne. Parmi les contes des deux premiei'S volumes nous signalons : Vocation de convent, V Histoire d'un pauure juif, et le Mariage mal assorti. L'editeur nous promet encore qua- tre volumes. D.-g. 1 59. — Briefwechsel zwichen, etc. — Correspondance enlre Schiller et Guillaume de Humboldt; avec une introduction contc- nant des souvenirs sur Schiller et la marche du de'vcloppement de son esprit; par G. de Humboldt. Stuttgart et Tubingue, i83o; Cotta. i6o. — Schillers Leben. — Vie de Schiller, e'crite d'aprcs les souvenirs de sa famille , ses lettres et les renseignemens fournis par son ami Kcerner. Premiere partie. Stuttgart et Tubinguc, i83oj Cotta. 161 — Die vier Jahreszeiten. — Les quatre Saisons , suite de tableaux champetres , composes et en grande partie execute's en bas- reliefs dans le chateau royal wurtembergeois de Rosenstein ; par (7ow/'rt^WEiTBRECHT. i*'^cahier. Stuttgart, i83i; Cotta. Gr. iii- folio. i6'i — Entwurfe und Studien, etc. — Esquisses et Etudes d'un maitre des Pays-Bas au quinziemc siecle; d'apres les originaux con- serve's dans la bibliotheque royale de Berlin. Berlin , i83o; Dunkov 5G. 556 LIVRES ETR ANGERS. ct Humblot. Cahier in-S" oblong oontcnant i8 planches litliogra- phic'cs ct 1 4 pages dc tcxtc. ITAIilE. i63. — Le Re'gulateur universel, ou Traite complct des poids. mesures , changes ct monnaies de toutcs les nations conimer^antcs ; re'dige d'apres les rcnscignemens les plus posilifs sur Ic plan des Ta- bles de Martin , par F. Hortolan de Liisuhe , ouvrage dc'die a S. E. le marquis de Ruffo. Naples , i83o ^ de rimprimerie franfaise. '2 vol. in-8°. Les relations commerciales et les recherches scientifiqiics rendent indispensable la connaissance des rapports des poids et mesures usi- te's dans les diffe'rens pays. Mais il regne, dans la plupart des gou- verneurs , une telle incurie relativemcnt a cette partie essentielle de Tadministration publique, qu'il est tres-diflicile d'assigner ces rap- ports , non-seulement a raison des variations qu'ils e'prouvent au grc des lieux et des circonstances , mais aussi parce que la puissance des gouvernemens s'est rareraent exerce'e a mettre de la precision dans re'tablissement des e'talons regulateurs , et que les prepose's ont souvent neglige' les devoirs imposes pai* la fonction qui leur e'tait attribue'e de surveiller les usages commerciaux. On sait que les mesures franjaises e'taient incertaines et mal deTinies avant la re- forme qu'on y a apportec, et que les re'sultats nume'riques donne's par Lalande, d'apres un travail eclaire' et attentif, se sont trouve's contredits par ceux que la commission des poids et mesures a de- puis obtenus , parce qu'elle s'cst servie d'ctalons plus authen- tiques. M. Hortolan nous offre un autre exemple de ce genre d'incerti- tude. « En i74'-i, dit-il, la Socie'te royalc de Londres et 1' Academic des sciences de Paris preparerent chacunc deux assorlimens d'ctalons des poids et mesures des deux nations , afm d'echanger I'un d'eux , dans le but de de'terminer leurs capacite's relatives j et il fut aussi convenu que les e'talons ainsi compare's seraient de'pose'set conserve's dans les archives des deux societe's. Ccs socie'le's fiirent d'accorddans toutes leurs cxpc'rienrcs , el trouvercnt que la livrc fian^aise valail ITALIE. 557 7560 grains anglais. Ce fut cette proportion qui forma la base de lous les calculs et des comparaisons subse'quentes entre Ics poids des deux pays. Dans les experiences faites en 1830 , la livre franjaise , de'pose'e a la Monnaie de Londres , fut reconnue peser seulement 7555 grains de Troy. Cette difference de 5 grains donna lieu a exa- miner les e'talons de 1 742 , taut anglais que francais , qui avaient e'te soigneusement conserve's par la Societe royale; la livre fran9aisc fut reconnue parfaitcmcnt coincider avec celle de la Monnaie ; mais la livre de Troy fut trouve'e trop le'gere d' environ 4 grains. Cette er- reur, transporte'e ensuite au kilogramme , par le calcul , le rendit trop pesant de 10 grains. » Les savans les plus distingue's de ces deux pays ont tente de fixer la longueur du metre en pouces anglais ; les determinations du ge- neral Roy, de MM. DeZach, deProny, sir G. Schuckburg sc sont trouve'es discordantes dans les milliemes de pouce. Ce n'est que de- puis les experiences du capitaine Kater qu'on sail pre'cise'ment que le metre vaut 39,87079 pouces anglais. Si les deux nations les plus e'claire'es de I'Europe ont e'te long- tems incertaines sur les rapports de leurs mesures , si meme ac- tuellement queleur legislation a regie leurs poids d'une maniere fixe et authentique , le rapport de ccs poids n'est pas encore de'gage de toute incertitude , on doit croire qu'a p4us forte raison on n'est pas non plus arrete' sur les valeurs absolues des mesures des autres nations. Le gouverneraent anglais , qui ne perd jamais de vue les clioses relatives au commerce , a senti qu'il devait se servir de I'influence qu'il a acquise, pour obtenir des renseignemens positifs sur les poids et mesures des peuples qui ont des relations ayec lui. C'est au plus impopulaire de tous les ministres quest due la mesure qui a permis de dissiper une partie des obscurite's qui enveloppe ce sujetde recherclies. En 1818, le vicomte Castlereagb e'crivit a tous les consuls anglais , pour qu'ils se procurassent des e'talons autben- tiques dc tous les poids et de toutes les mesures employe's dans les rontre'es e'trangeres , afin de les comparer avec ceux qui sont en usage en Angleterre. Cette mesure , exe'cute'e avec zele et talent , a permis d'obtenir ccs rapports avec toute la precision dont ce genre 558 LIVRES ETRANGERS. de travail est susceptible ; du nioins, en supposant, cc qui n'est pas enticrement exact, que Ics gouvernemens ont cux-mcmes pris soin de re'glcr cette maticre , ct d'adopter pour leurs peuples , d'uuc ma- nicre fixe, des e'talons execute's avec conscience et talent. II ne faut done parler maintenant que pour mc'moirc des anciens travaux sur les poids et mesures; les ouvrages de Kruse, Ricard , Vega, Pancfon , etc. , ont perdu presque tout leur me'rite ; c'est aux recherches modernes qu'on doit se borner. Le cambiste de Kelly a d'abord pose les conditions essentielles du sujet : cet estimable traite a e'te suivi des 4 volumes , successivement pidjlie's en alle- mand et en francais , a Leipzig , par Lobmani) , sous le titre de Tables pour la reduction des poids , mesures et monnaies. Le nouveau livre de M. Hortolan est compose avec soin , et fait lion- neur a son talent , aussi bien qu'aux presses napolitaines qui I'ont produit , en se servant des beaux caracleres fundus expres par M. Firmin Didot. Cet ouvrage est un ser^'ice rendu au commerce et aux sciences. Une des principales difficulte's que presente la matiere consiste dans les petites variations , continuellement possibles, des mesures des pays oil le gouvernement n'a pas pris le soin de les de'finir. Ainsi la livre de Russie n'e'tant constate'e par aucune ordonnance legale qui permette de la reproduire autrement que par une comparaison spe'ciale ct actuelle avec un e'talon , il doit arriver qiie cette expe- rience donnera des re'sultats diffe'rens, du moins dans les petites fractions, avec ceux que fourniraient d'autres comparaisons de raeme espece. Comme les unite's me'triques fran^aises sont exactement de'finics par la loi , comme on pent les reproduire , sans e'talons, en les tirant des donnees sur lesquelles ellcs sont e'tablies , ce systeme inge'nieux est adopte , non-seulement par quclques autres nations , mais en- core par tous les savans de I'univers. Ces mesures offrent done un terme de comparaison , sur Icquel il ne pent rester aucune incerti- tude : aussi sont-elles toujours cmj)loyees a cet usage dans les divers traite's modernes sur les poids et mesures, et particulieremcnl dans I'ouvrage que nous annonjons. Tout y est ra]>portc au meire, au kilogramme, etc. ITALIE. 559 Mais les etalons etrangcis qii'on a compares a nos iiicsuies onl |)U varier dans d'e'troites liiuites , et il en sera resulte des rapports nil pen diffe'rens de ecus, qu'on trouve dans les ouvragcs dc Kelly t'l de Lolimann. C'est ainsi qu'on espiiqucra Ics petites errcurs que presente le livrede M. Hortolan, qui, malheureuseraent,n'explique niillc part sur quelles bases il a ope'rc , et pourquoi scs nomLres ne ,s'accordent pas rigoureusement avec ecus, de ses pre'de'cesseurs. C'est ce qu'on remarquera principalemeut pour le pied du Rliin, si usite' en Alleuiagnej pour Ics poids anglais, et dans une multitude d'autres cas. II m'a paru aussi que les TaLles n'etaient pas exemptes de qnel- ques fautes de calcul. Par exemple, I'auteur donne ( page xi)le rapport du pied anglais au metre; il en faut conclure que le yardde 3 pieds vaut 0,91 43834 metres, et non pas 0,9147388. II y a vi- siblemcnt ici erreur de division. Une designation essentielle qui manque au livre que nous annon- cons , c'est le nom des subdivisions des mesurcs et poids de cliaque pays. Vous n'y trouvez nulle part les tcrmes de chaldron , peck , gallon , quarter , fathom , si usites en Angleterre , non plus qu'une multitude d'aulres d'Allemagne , d'ltalie , etc. : point de de'veloppemens relatifs aux usages commerciaux qu'on fait des di- verscs mesures , ni aux bases sur lesquelles I'auteur a e'tabli son travail. II est des contre'cs, autrefois sous la domination francaise , telles que Pai-me, la Belgiquc , leMilanais, etc. , qui se sont si bicn Irouve'es de notre systeme me'trique , qu'il y est conserve'. M. Hor- tolan nous laisse ignorer cette circonstance , et ne nous parle que des anciens usages qui n'y existent plus. A toules les villcs de France, il ne cite de meme que les mesures employe'es autrefois. II ne dit rien du nouveau systeme adopte en Prusse , non plus que des poids et mesures des re'publiques americaines , etc. Au reste , il parait que le but de I'auteur n'a e'te que de donner des Tables , construites comme celles de Martin, mais sur des bases plus judicieuses , afin dc presenter tons les multiples de I'unitc de i a 9, de maniere a faciliter les calculs du commerce, en les rc'dui- sant a de simples additions. Sous cc rapport , ce livi'e rendra des services a I'industric ; mais nous regretlons que I'auteur n'ait pas 56o LIVRES ETIIANGERS. songe plutot a tairc un travail utile aux savaus , en le rendaut plus complet ct plus precis. Le second volume est entierement consacre aux monnaics et aux changes. Francoeur. 1 04. — Saggi di Morale e di Economia priuata , etc. — Essais de Morale et d'Economie prive'e; par Benjamin Franklin. Pise , i83o ; Nistri. Le nom seul dc Franklin signifie tout un monde , toute une civi- lisation ; car son nom rappelle ct sa vie ct des e've'nemens immcnses, ct les livres si courts et si pleins ou il a depose' I'essence, pour ainsi dire, d'un esprit si vaste et si net, d'une ame si pure, d'une volonte' ferme comme I'airain. Ces livrcs raeme, par la puissance qu'ils ren- ferment , ont une grande importance , et nous pensons qu'il serait facile de prononcer d'apres ce seul indice sur la civilisation et sur la moralite' d'une nation oil ils seraientdevenuspopulaires.La, on pent le dire, il y aurait de I'ordre et de la liberte, de I'industric, de la soumission aux lois , de la dignite' dans les mceurs et meme de la civilite veritable dans les manieres. Ce n'est point assure'ment pour faire une miserable epigramme que nous e'mettons ces obsei'vations devenues pvcsquc tri- viales, en annonfant la premiere traduction italienne de ces ouvrages. Nous voyons au contraire dans cefait une nouvellepreuve delaraarche desesprits en Italic sur une route ou quelqiics liomracsge'ne'reux vien- nent de se lancer avec une violence licroique et mallicurcusc. Un pays oil circulent les bonnes pensees ne ta.rdera pas a se couvrir de belles ac- tions, etce presage est undeceuxquine trompent jamais I'observateur. Quant ^a cette traduction elle-meme , nous n'avons rien a en dire , si ce n'est qu'elle est exacte et me'rite des e'logcs. On remarque bien quclque gene dans cette langue pompeuse pliee par force a exprimer des idc'es simples , une certaine gaucherie comme d'une coquette qui marcherait en saliots ; mais le sens est rendu fidclemcnt , et c'e'tait la chose importante. 1 65. — Le Cose rimarchevoli dellacilta di Noifarra, etc. — Les choses remarquables de la villc de Novarrc, pre'ccde'es d'uu Abrege historique ; \>aiV A. Bianchini, avocat. Novarrc, i8u8. Tn-S". Si les Italiens sonl condamncs a n'avoir jamais pciit-c'lic une ITALIE. 56 1 bonne histoire ge'nerale , a cause du morcellement inlini de leur ter- ritoire, il faut convenir que mil peuple n'a de plus grandes facilite's pour e'crire ces histoires particulieres qui ne sont ni moins drama- tiques ni moins utiles, et, il faut le dire,ni plus facilespour I'anna- liste. Chaque ville de I'ltalie peut trouver dans sa vie du moycn age, et raeme dans son histoire moderne les e'le'mens d'une etude cu- rieuse pour tout le monde et pleine d'inte'ret pour ses baliitans. Le livre que M. Bianchini vient d'ecrire pour Novarre est d'un bon exemple pour ses concitoycns, et nous espe'rons qu'ilaura dcs imi- tateurs. Florence a e'te' le tbe'atre de plus de scenes dramatiques et de lecons historiques que tel empire peuple de quarante millions d ames. Nous avons tcnte' en France de faire I'histoire de Venise ; mais combien la tache eute'te' plus facile pour un Italien, et corabien I'auteur aurait trouve' plus de confiance dans ses lecteurs , en merae tems que ses lecteurs auraient de'couvert en lui plus de passion ! Nous devons avouer queTendi-oit oil M. Bianchini de'critles heu- reux effets de la domination fraufaise sur Novarre nous a j)rocure' une vive satisfaction d'orgueil national. En general, les Ita- liens n'ont pas etc justes envers les Francais sous ce rapport. Nous connaissons tous leurs griefs, nous comprenons toutesleurs plaintesj et pourtant nous pensons qu'ils auraient pu , sans oublier nos torts , chercher dans notre conduite quelques motifs d'excuse , quclques compensations, qu'ils auraient certainement trouve's , qu'il ne nous appartient pas de faire ressortir, et que M. Bianchini a su mettre en saillie, sans blesser, ce nous semble, ni I'une ni I'autre nation. 1 66. — Folchetto Malaspina, etc. — Folchetto Malaspina, ro- man historique du XIF siecle; par I'auteur de Sibilla Odaleta. Milan, i83o- Stella. Nous avons annonce' dans le tems la publication du premier on- vrage de I'auteur, et ensuite la traduction fran9aise de ce roman re- marquable. Celui-ci ne me'rilc pas moirs d'e'loges, et I'e'crivain a fait un progres incontestable , soit sous le rapport du style , soil comme romancier dramatique. La scene se passe vers le milieu du XIF siecle , sous les murs de Tortona , qu'assiege Barberousse , ce general non moins fe'roce qu'habilc, donl I'ltalie a garde de si tristes souvenirs. Nous renon(;'ons a analyser I'intriguc qui est pcut-etre ab2 LIVRES ETRANGEltS. liioins inlercssaiile que Ics Jescrijilioiis de inoenrs scrae'cs avQC laleiit ;iu milieu de narrations dcs guerrcs civilcs qui alors de'solaient I'lta- lie; il nous sufilt d'avertir ccux qui sont asscz lieureux pour pou- voir lire ccUe langue si pleinc de poe'sic et de passion , de cette source nouvelle de plaisir litteraire ; ct en nicmc tcnis les traduc- leurs dont la bienveillance s'cmpresse de reproduirc , en les affai- blissant un peu a la ve'rilc les couleurs Lrillanles dc ccs tableaux oxoliques. ' A. P. BELGIQUE. 167. — Woticeaiu: memoires de V Academic rojale des Scien- ces ct Bclles-Lcttres de Bruxelles. Tom. VI. Bruxelles , i83o; Haycz. In-4''. L'Acade'mie dc Bruxelles vise moins a 1' eclat qu'a I'utilite. II est peu de corps savans dont les travaux soient plus constans et plus souteiuis. Seulement on s'ctonne qu'un petit noiubre de ses nicmbrcs soient en quelqiie sorte charge's seuls du poids de toute la besogne. Les plus aclifs semblent etre MM. Quctelet et de ReifTenbcrg : Ic premier cultive les sciences; Ic second, les differentes parties de la litte'rature ine'dite. M. Quetelct a fourni au volume que Dous aunonfons deux memoires sur I'intensite' magne'tiqnc dc dii'fc- rcns lieux de TAllemagne, des Pays-Bas, de la Suisse ct de I'Ttjlie. Le second en a donne' dix sur les archives de Louvain , des actes des dues de Brabant Henri II et Henri III, des lettres d'indulgcnce du pape Jules II , les sires de Kuik, la famille de Pierre Paul Rubens et I'abbc Maun , sans compter de nombreux extraits des manuscrits de la bibliotheque de Bourgogne. Nous trouvons encore dans le raeme volume une dissertation de M. Marchal sur la date du di- plome de I'empereur Otton-le-Grand , qui confere le litre d'avoue de I'aljbaye de Gembloux a Lambert , comte de Louvain , et nous sommes surpris que I'auteur n'ait rien dit a cette occasion des rai- sons pe'remptoires a I'aide desquclles on attaque , dans les nouvelles archives de M. de Rciffenberg, I'authenticitc de cette piece diplo- matique. M. Chasles, officier du genie en France , corrcspondant de rAcadc'mie , est auteur de deux beaux memoires de geometric BELGIQUE. 563 tonsacie's aux propiiete's ge'ue'ralcs des cones du second dcgre ct dcs coniques spheriques. Puisse 1' Academic se livrer long-tems a de pa- reilles spe'cidations et e'chapper aux de'sastres de I'e'pocpie I P. 1 68. — Memoire sur les abus dans V enseignement sitpe- rieur actuel , pre'sentc au congrcs national; par P. F. Verhulst. Bruxelles, i83i ; Hayez. In-B". Quandla revolution du mois d'aoiit i83o e'clata, on c'tait au mo- ment d'apporter a Tcnscignement supe'rieur de notables ameliora- tions. Nous-memcs nous en avions signale' les de'fauts avec une fran- chise dont notre position sociale n'avait point affaibli I'expression ( i ) et nous avions quelque cspe'rance que notre voix seraitentendue. Un eVe'nement aussi terrible qu'impre'vu vint lendre inutiles les travaux commence's. L'autorite, qui s'e'tait constitue'e a la bate dans les jours de tumulte, songea a sauver le depot de I'instruction publique, et, sous ce rapport , on lui doit de la reconnaissance ; mais elle devait ce'der a des exigences impe'rieuses , a des prejuge's qui n'admettaient pas de composition • elle ne pouvait en meme terns se defeudre con- tre ce besoin d'innover qu'e'prouvc tout pouvoir qui succede a un autre. Ainsi le mal existant fut aggrave et le bien disparut. Au nom du liberalisme on se monti-a peu liberal en vers des professeurs qui avaient le tort d'etre e'trangers , tandis que des e'trangers remplis- saient les rangs de I'armee et prenaient part a nos affaires les plus de'cisivesj des nominations pre'cipite'cs corapromirent la dignite' de la science ; on ne tint point compte de droits ante'rieurement acquis; une application malheureuse du principe de la liberte' pre'para I'a- ne'antissement des e'tudes , en favorisant la paresse , les petils calculs et les pre'tentions sidialternes. Qu'est il arrive? Nos liautes e'coles ressemblent assez aujourd'hui a ces editions d'auteurs classiques ex- purge'es paries Jouveacy et consorts ad usum studiosce juventutis, prive'es en consequence des plus beaux passages du texte et charge'es de notes insignifiantes. Done d'un esprit juste , anime d'un patrio- tisme veritable, M. Verhulst n'a pu voir sans ge'mir les dangers que couraitchcz nous I'enseigncment. II a pris la plume, et en quclqucs ( 1 ) Essai de reponst aux questions ofjlcielles sur Penseignemeiit su/jc- litiir ; par de REiri'ENiiERG pt Warnkoenig; Bruxelles, 1828. In-S". 564 LIVRES ETRANGERS pages il a laclic ilc rciiie'tlicr aii plus jnessc; iiiais Ics moycns qu'il indiquc ne sunt que des pallialifs ; il faiit attaquer Ic lual jusqu'en sa racine. Dans ce l)ut il propose de former une commission de profes- seurs et de personnes instniites qui pre'pareraient les dispositions legislatives sur la matierc. Certcs une telle commission pent etre d'un grand seconrs , pourvu toutefois qu'elle soit bien choisie et qn'cllc agisse avcc nnc indcpendance complete. II faut des hommes quiaient le droit de dire : terra quam calco mea est. i6g. — Jnalecles belgiques, ou recueil de pieces inedites, memoires , notices , fails et anecdotes concernant Vhistoire des Pajs-Bas; public par L. P. Gachard , conservatem- adjoint des archives du royaume. iF'" et 6'' livraison. Bruxelles, 18805 Brest van Kempcn. In-S". Aucune consideration politique ne nous empechera de reconnaitrc que le dernier gouvernement avail fait beaucoup pour les lettres. L'histoire surtout avail fixe son attention. II de'sirait que nos annalcs eussenlpour fondement les documens les plus aulbentiques; el il prit, dans cette vue , toutes les mesures pour facililer les recberches his- torzques. M. Gachard, charge de la surveillance d'un depot pre- cieux, voulut profiler de I'avanlage de sa position, comme I'avait deja fait M. Dejonge. Ses Analectes , dont il cmprunla le litre aux Dumbar , aux Matlha;us , aux Hoynck van Papendiecht , litre que Ghesquiere se proposait de donnerplus tard a une collection pareille a cellc de Du Chesne , de Dom Bouquet ou de Pertz , devaient etre un recueil de loutes les pieces les plus pre'cieuses que recclaienl nos archives. Le premier volume offre une grande diversite de matieres el unchoix fort judicieux. Ce qui est de nature a donner une idee des institutions politiques, a faire juger du caiactere d'une e'poque ou d'un personnage ce'lebre , a e'claircir un e've'neraenl peu connu , ou a de'gager une tradition hislorique de tout ce qu'elle renferme d'in- exacl, de fabuleux ou de mcnsonger, a etc prefe're par M. Ga- chard. Ses notes, rares et courtes, ne sontplace'es que la ou clles sc Irouvcnt ne'cessaires , tandis que ses notices originates reposent agrea- blement le lecteur en I'inslruisanl. Quelques facsimile sonl un or- ncmenl de bon gout, un nouvel clement de vcrite et d'instruction. 11 est a regretter que les circonsfances aicnt force' M. Gachard a suspcndjc la publication de son recueil. Dr. Reiffenberg. LIVRES FRANCAIS. i-yo. — Nouvelle Flore des environs de Paris , suivant la rae- thode naturelle , avec I'indication des vertus des plantes usite'es en me'decine; par F. V. Merat , docteur en me'decine , raembre dc r Academic royale de me'decine. Troisieme edition. 'TomeW, con- tenant la phanerogamic. Paris, i83i; Me'quignon-Marvis. In-i'i de 535 pages J prix, g fr. Le premier volume de cct oiivrage trailera de la crjptogamie , et no paraitra que le dernier : un avis du libraire cxplique cette sin- gularite'. Le second volume e'tait pret , Ics e'tudians le re'clamaient, il n'y avait point de motifs pour en diffe'rer la publication jusqu'au moment oii I'auteur aura pu dooncr au ])remier le degre de perfec- tionnement qu'une troisieme edition doit atteindre. La connaissance des plantes cryptogames est moins avance'e que celle des ve'ge'taux donl la ge'ne'ration est moins myste'rieuse ; mais depuis peu d'anne'es elle a fait des progres qu'il faut constater avec soin, avant dc leur assignor une place dans les ouvrages consacre's a I'enseignement. Ainsi M. Merat a raison de ne point publier trop tot la troisieme edition de la Flore des crj'ptogames , et de nous avoir donne en attendant la Flore des phane'rogames. A la fin de la })re'fuce de cette nouvelle edition , I'auteur ajoute , a I'eloge me'rile des charnies de I'e'tude des plantes , cette observa- tion , qui en provoque plusicurs autrcs : « Combien les terns de re'- volutions oil nous vivons n'ont-ils pas offert d'exemjoles de gens con- sole's par la botanique des maux qu'ils avaient soufferts?)) L'aima- ble science n'est pas la seulc qui possede cette puissance consola- trice; Monge re'solvait des problemes de malhe'matiques dans son jardin , tandis que Ics Russes et les Prussiens occupaient sa niaison; Lavoisier demandait a ses juges-bourrcanx !c leins d'achevcr une expe'rience comniencec ; des prieres aiixqucllcs il n'aurail pas des- o'oG LIVRES FRAN^ATS. ccndu pour prolongcr son existence lui furcnt anaclie'es par I'amour (Ics tlccouvertcs. Arcliimcdc, assassine au milieu de savautes lue'di- tations , est un niodelc que nos terns modernes ont rej)roduit, et peut- etre surpassc. Toutes Ics sciences ont ccrtainement assez d'altraits pour maitriser , absorber les facultes intellectuelles de rhomme, et commander ainsi a toutes les passions; il n'est pas certain que la bo- tanique I'emporte, a cet e'gard , sur aucune de ses sreurs. Recueillons, des a present, quclques matc'riaux pour une qua- trieme edition de cet ouvragc. Puisqu'un tres-grand nomlwe de planles d'originc e'trangere ont obtenu des lettres de naturalisation aux environs de Paris, il serait injuste de refuser la meme faveur a plusieurs aulres qui se pre'sentent avec les memes litres. Le meleze est de ce nombre , el reclame hautement tout ce qui pent le recom- mander a 1' attention des planteurs ; on ne doit pas oublier les ex- cellentes qualite's de son bois , le plus pre'cieux des coniferes , sans en excepter le cedre du Liban. On doute que le mespihis cetoneaster ne se soit pas cmpare de quelque fente de roclier dans la foret de Fontaincbleau , ou d'autres lieux analogues , tandis que dans tout le rcstc de I'Europe il semblc n' avoir neglige aucune des locabte's oii il pouvait s'etablir. En tracant autour de nous un ccrcle d'une Irentaine de lieues de rayon, Ics bornes que nous prescrivons a notre univcrs sont encore bien recule'es , en raisou de la brievete de notre vie et de la prodigieuse varie'te de la nature. La Flore des environs de Paris ne sera peut-etre jamais terminee; M. Merat le- guera de grands travaux a ses successeurs. Mais la longueur de la route a parcourir est pre'cise'ment ce qui nous invite a la suivre ; nous ne daignerions peut-etre point fairc Ic voyage, si nous en apercevions leterme. Attendons-nous iide nouvellcs dc'couvcrtcsdans notre Flore , et a voir grossir, a cLaque uouvelle edition , I'invcn- taire de nos ricbesses botaniques. M. Me'rat s'esl attache a ne rien omettre dans la liste qu'il donne des ouvrages public's sur la Flore des environs de Paris : mais dc- vait-il surcliarger son catalogue du nom du miserable comjiilatcur Buchoz , dont la me'raoire et les ceuvres sont condamne'es depuis long-tems a un oubli total? Rappelons les ecrits digncs dc quelque estime,et rendons au ne'ant ceux dont la science ni son hisloirc ne peuvent tirer aucun profit. i* • LIVRES FRANgAIS. 567 171. — Manuel de Velectricite atmospherique , comprenant les instructions ne'cessaires pour e'tablir les paratonnerres et Ics para- grelcs , par John Murray , mcmbre de plusieurs socic'te's savantes • traduit de I'anf^lais , ct augmentc de notes tirecs des meilleurs au- teurs, par M. A. Riffaut. Paris, i83i ; Roret. In- 18 de 2G4 pages , avec des planches grave'es en taille-douce ; prix , 1 fr. 5o c. Ce petit ouvrage est fort inte'ressant ; il est tres bien traduit , et les notes que le traducteur y a joinles rae paraissent bien pre'fe'ra- bles a I'ouvragc meme. On y trouve, en particulier , le rapport quo M. Gay-Lussac a fait a 1' Academic des Sciences sur I'utilite el la construction des paratonnerres. Le public a fait a ce travail I'accueil .qu'il me'rite , et maintenant les proce'de's de re'tablissement de ces appareils sont parfaitcraent e'tablis, en sortc que cliacun peut facile- ment ajipre'cier les moyens qu'il doit employer pour garantir un edi- fice de la foudre. Cette instruction est merae a \a porte'e de toules les intelligences , et doit contribiier a re'pandre ces utiles pre'scrva- tifs du tonnerrc. Quant a 1' ouvrage de M. Murray, ilm'a paru avoir le grave in- convenient de supposer le lecteur parfailement instruit de la the'orie des deux electricite's et de leurs actions par influence. II m'au- rait paru ne'cessaire d'exposer les principes fondaraentaux de cette science avant d'en indiquer les applications. L'auteur cite une foule de faits curicux , parmi lesquels il en est que je voudrais voir mieux constate's , parce qu'ils sont de nature a exciter le doute. Je citerai , par excmple , celui qu'on lit page 80 , oil l'auteur veui prouver que les vapeurs atmosphe'riques sont condcnse'es par les ar- bres. « Je fus , dit-il , te'moin de ce fait sur la route de Lichtfield. Des nuages de poussiere s'e'lcvaient sur la cliausse'e de la route, qui etait recouverte d'un brouillard epais; malgre cela, cependant , il ne se de'posait de I'humidite que dans le voisinage des arbres et des bales ; dans ces points la precipitation e'tait considerable , spe'cf ale- ment la oil il se trouvait un peuplier d'ltalie isole et d'unc grande hauteur. Autour de ces arbres, il torabait unc telle quantile d'eau qu'elle ressemblait a une petite pluie , et elle donnait naissance a un ruisseau dont il eiit cte possible de tirer parti ])our faire tourner la roued'une scierie. » Assurc'ment l'auteur n'a pas apercu quelque cir- l68 MVRES FUAN^AIS. Constance locale, qui e'tait la vi-Vi table cause de la reuniun cl'unc masse d'cau aussi considerable. Francoeur. iT'i. — Resume de ce qui a ele fait depuis deux ans pour ameliorer le regime alimentaire des pauvres , eny introduisant Vusa^e de la gelatine des os ; par M. Darcet. Paris, i83i ; im- primerie d'fiverat. In-8" de 1 6 pages. Get e'crita e'te hi, le 28 avril, a la seance gc'ncrale de la Socicle des e'tablissemens charitables , et inse're' dans le Recueil industriel, public par M. de Mole'on.Les experiences, long-tems continue'cs avec le meuie succes , ont prouvc' que les 05 contenus dans un quintal de viande peuvent fournir plus de bouillon qu'on n'en eiit tire de la viandc elle-meme. An moyen del'appareil imagine' par M. Darcet, et employe a I'Hotel-Dieu, al'hopital Saint-Louis de Paris , ainsi que dans plusieurs hospices des de'partemens , ces e'tablissemens ont ob- tenu de notables ame'liorations du re'gime alimentaire des malades et des convalcscens , outre des e'conomics tres-dignes d' attention . Mais ce n'est pas aus malades seuls que la gelatine des os a e'te se- courable ; on peut en juger par un fait communique' a M. Darcet par M. Tocquaine , architecte a Remiremont. Un petit appareil eta- bli dans cette ville avait fourni , du 18 mars au 10 aviil,5,oG3 rations de soupe ou de legumes avec de la gelatine. M. Tocquaine estime qu'il serait possible d'abaisser a 4 centimes le prix de la ra- tion , et il ajoute que la bonne qualite de ces alimens commence a etre reconnue et appreciee par ceux auxquels ils soul des- tines. « On sait qu'en France la quantite de substance animale consom- me'e par chaque individu est beaucoup trop faible , et qu'elle n'est que la moitie de celle dont le soldat dispose ; on sait aussi qu'une grandc partie dc la population y souffre a divers degre's de la laim, et que , lorsque les circonstanccs devienncnt plus difficiles , la li - mite de ce cruel bcsoin s'etend d'une maniere si effrayante qu'au- jourd'hui il est beaucoup de villes oil Ton compte plus du quart de la population reduitea vivred'aumones.Ehbicnl nous osons le dire avec la confiance que donnent des succes pratiques bien constates , le moyen le plus puissant de cnmbattrpremal, qui menace d'eire plus LITRES FRANC ATS. 0G9 dangpreux encore pom- Ic piochain liivcr, le sen 1 icinede prompt ct cfficace qii'il soit facile d'y apportcr , e'est la creation d'appareils extracteurs de la gelatine , dans toutes les villcs ou les ressources or- dinaires sont insufiisantes pour soulager la miserc des pauvres et des ouvriers sans traTail. » M. Grouvelle, inge'nieur civil , rue des Beaux- 4rls ^ n" 9., construit des appareils extracteurs , ct en a deja place dans plii- sieurs villcs. I -J 3. — Coup d'ceil sur la premiere exposition des produiis de Vindustrie agricole et manufacturiere dans les etats du roi de Sardaigne, etc.; par M. Bonafous; Paris, i83i;M"""Hu- /ard. In-8" de 5o pages. « L'influencc saliitaire qnc re'miilation excrce sur le progrcs des arts industriels ne pouvait ctrc ine'connuc du gouvernemcnt sarde; il a pense' qucrien n'e'tait plus propre a deVelopper une lieureuse ri- valite, et a vivifier les sources de la fortune publique, que I'institu- lion d'un concours triennal, dans lequel I'artisteetle fabricant seraient nppele's a exposer les produits de leur industrie , a recueillir les elopes ou les conseils d'un public enijircsse, et a recevoir Ic prix de leurs ge'ne'reux efforts. » Les expositions publiques peuvent etre de quelque utilitc, dans quclques jieux , surtout pour une industrie naissante el pour les pe- t its etats : mais, si Ton vent appre'cier avec exactitude Tiufluence de celtc institution , on sera trcs-einbarrasse. Si les gouvcrneincns cmployaient d'une autre nianiere, au profit de I'induslrie, les fonds absorbe's par ces fetes pe'riodiques , ne seraient-ils pas encore plus as- sures d'ope'rer le bien qu'ils out en vuePRc'pandre I'instruction par- mi les artisans ; importer des instrumens et des procc'de's ; aider les e'tablissemens industriels, ou nouveaux, oupcrfcctionnc's, etc. : cette action directe et d'une incontestable efficacite sufOrait peut-etre, et le prestige des expositions publiques ne peut y supple'er. IMais cette question ne peut etre discute'e en passant; die provoque un fexamen tres-attentif. La croyancc a I'utilite' des expositions parait etre universelle sur le continent curope'en ; elle entraine les meilleius esprits, puisquc M. Bonafous lui-meme est une de ses concjuetes. Si cc n'est qu'une erreurse'duisante, comme il y en a bcaucoup en c'co- TOMK I,. .iriN I 801 . 37 5']0 LIVRES FRANCAIS. nomic politique , le fl;imbcau dc la raison qui dissipera cettc faussc lucnr doit clrc nianie a^TC adrcssc , dc peur que les ycux blesses par un tiop grand eclat nc se fcrmenl ct nc refusent de s'ouvrir. Ce conseil dc prudence est aujouid'hui tiop neglige en politique ; cepen- dant il ne fut peut-ctre jamais plus nc'cessaire de s'y couf'ormer. Le zele des fahricans, pour orner dc Icurs plus beaux produits cettc premiere exposition, en i8.ig, re'pondit parfaitement l)ien aux vues du goiivernement. La Sardaigne n'y paraissait point. Parmi les dif- fe'rentes industries , on remarquait des lacunes; et I'absence de I'hor- logeric annonjait que cet art, cultive avec tant de succes dans les Alpes, ne s'cst pas encore e'tendu sur le revers me'iidional de cette chaine de montagnes. De louables efforts avaient e'te fails pour reliausser Te'clat de cette fete de I'industrie. La Socie'te d' agriculture avait envoye a I'exposi- tion plusieurs machines de son consei-vatoire ; le corps royal de I'ar- tillerie avait fourni des ouvrages de ses arsenaiix. Les beaux-arts ont profite de cette occasion pour mettre leurs ouvrages sous les yeux du piJjlic ; mais cet empressement e'tait peut-etre nuisible a I'effet que I'institution doit produire ; I'attention du public, partage'e cntre les charmes des beaux-arts et les bonnes qualite's ct la perfection des pro- duits des arts utiles, est affaiblie pour les uns comme pour les autres. Quant aux travaux de I'artillcrie , les conceptions capables de les pcrfectionner ne sont pas inspire'es par cette sorte d' emulation qu'ex- 1 citent les i-egards du public. M. Bonafous termine son inte'ressante notice, « en pre'sageant a I I'industrie agricole et manufacturiere un avenirplus florissant, lors- que I'instruction sera plus re'pandue dans la classe ouvriere, lorsque j le gout des consommateurs sera plus severe ; quand les arts utiles i jjrendront le rang qu'ils doivent occuper dans re'chelle des connais- sances liumaines, et que les liommes d'e'tat auront constamment a la pense'e cette reflexion judicicusc de Leopold II ,qui a dit avec ve'- litc': II en est du commerce comme du cours des rivieres ; lors- quon le gene, ou il de'bor-de , ou il s'arrete. » F. in|. — Manuel du hottier et du cordonnier , ou Traitc cora- jilet ct siraplilie dc cesarts , eontenant les racillciirs precedes a ^uivre' pour confoctionncr Icr. chnnssiires dc loutc espcce; an(]ucl on a joint. LIVRES FRANCAIS. 5'J l d'apres les renseignemens particuliers foumis par plusieurs chefs d'ateliersde la capitale, tous les moyens susceptibles de les rendre aussi commodes que durables : re'dige' par J. Morin , membre de plusieurs socie'te'ssavantes. Paris , i83i ; Roret. In-i8de 3iapages; prix, 3 fr. L'art du cordonnier est un de ceux qui offrent le moins d'attrait aux gens du monde : quelques-uns peuvcnt se plaire a relier des li- vres , a faire des cartons , a tourner , a faire de la raenuiserie et de Tebenistcrie, etc. ; mais I'odeur du cuir, I'usage des corps gras ou resineux, contrarient les habitudes delicates ; et le Manuel du bot- tierne fera pas surmonter cette repugnance natnrelle. Toutefois , ce n'est pas une chose indigne d'inte'ret que de connaitre les proce'des qu'emploie un art aussi utile; lorsque Robinson fut abandonne dans une lie de'serte , il dut , pendant ses vingt-huit anne'es d'exil , re- gretter de n'avoir aucune idee de la maniere de construire cette piece si utile de ses vetemens ; et sa chaussure incommode ne devait pas etre la partie la moins grotesque de son accoutrement. Le nou- veau Manuel rend tres-bien compte des procede's de l'art du cor- donnier : nous de'sirerions seulement que le style en fut moins ne- glige. Francoeur, 175. — Manuel des jeunes gens, ou Sciences , jirts et Re- creations qui leur conviennent, et dont ils peuvent s'occuver avec agrement et utilite , tels que jeux de billes , de toupies , de balles , d'agilite et d'esprit , les exercices et recreations gymnasti- ques , etc. ; traduit de I'anglais par Paul Vergnaud ; ouvrage orn^ d'un grand nombre de vignettes, grave'es sur bois par M. Godardj adopte par plusieurs maisonsd' education. Paris, i83i ; Roret. •1 vol. in- 1 8 de 296-244 P^ges; prix, 6 fr. Quand meme M. Vergnaud n'aui-ait point suivi pas a pas I'au- teur anglais dont il s'est rendu I'interprete , personne ne songerait a le lui reprocher , puisque ce livre , tel qu'il est , convient parfaitc- menta sa destination, et que des lecteurs qui ne sont plus jeunes le liront encore avec plaisir. A ceux-ci , indiquons un petit nombre de cLapitres qui leur donneront une idee juste de tout I'ouvrage : dans le premier volume , apres V Introduction , qu'ils lisenl les ^vis dit docteiir Franklin au.r nageiirs, la notice sur Ic jeinie calculateni St. 572 LIVRES FRAN5AIS. Bidder, les divers amusemens aritliractiqucs , etc. ; quant au second volume , qui se conforme aux progres que la jeuncssc a dii faire , oil les amusemens s'unissent a des connaissances et a quelque Labitude des combinaisons , nous citcrons les adieux de I'auteur a ses jeunes amis. On ne sera pas moins satisfait de la traduction que de I'o- riginal. F. I 'j6. — Itineraire descriptif de la France ; — Route de Pa- ris aux deux Bagneres , Bareges , et autres eaux des Pyrenees. — I" partie. Paris, i83o; Jules Rcnouard , rue de Tournon. In-S"; prix, 4 fr. Nous avons deja plusieurs fois recommande aux Iccteurs de la Revue cette importantc collection , qui oft'rira , ainsi que I'auteur se I'est propose' , ime ge'ographie complete de la France par ordre de routes, et qui, interrompue pendant peu d'anne'es , se continue au- jourd'hui avec un zele et une exactitude ])ien louables. Le volume que nous annoncons est digne en tout de ses oine's. On pourra sans doute en dire autant de celui qui contiendra la route de Paris a La Rocbelle et a Bourbon- Vendee, qui, a ce qu'on nous assure, est en ce moment sous presse , et doit paraitre tres-procbaineraent. Le volume dont il s'agit ici nous fait connaitrc, dans tons leurs de'tails , les trois routes si interessantes de Bareges ct des deux Ba- gneres. La premiere , et la plus courledes trois, passe par Orleans, Cliateauroux , Limoges , Pe'rigueux , Agen , Auch et Tarbes ; la deuxieme , beaucoup plus longue , par Bordeaux , Langon et Agen ; la troisieme , par Bordeaux , Langon , Bazas et Roquefort. En fai- sant ainsi traverser a ses electeurs ime partie du centre ct du midi de la France, I'auteur ne neglige jamais de leur faire remarqucr ce qui, dans chaque ville, dans cliaque bourg unpen remarquable, doit attircr leur curiosite'. Ainsi, nous visitons successivemcnt avec lui Bergerac , patrie de Cyrano et des deux marecbaux de Biron , si- tue'e dans un des plus beaux pays de la France ; Agen , dont la vastc plaine jouit d'une incroyable fertilite', presque double de celle dc la Limagne et de la Brie , et qui ne le cede en Europe qu'a celle de la Sicile ct de I'Andalousie ; Agen , qui a vu naitre Sulpice-Severe , I'e'rudit Scaliger, Lace'pede, et ce Bernard de Palissy , aussi grand physicien , dit Fontenellc , que la nature en- puisse former. L'an- ,L1VKES FUANgAlS. 5'j'i tcur aurait pu ajouler , i ce qii'il dit de cet lioinme ce'lebre , doiit ies ouvrages tres-recherche's font aujourd'hui ronionent de nos ca- binets de curiosites , qii'il constata le premier la presence des co- quilles fossilcs dans Ies couches mine'rales , ct posa ainsi le pre- mier I'ondemcnt certain de la geologic. Nous visitons ensuite Auch , remaiquablc par sa belle catlie'drale , et Tarbes , dont I'autcur donne nne description cbarmantc. La deuxieme route partant , commc il a ete' dit , de Bordeaux , passe par Langon , et se dirige sur Agen , en traversaut La Re'ole , celebrc dans ces derniercs anne'es par la mort des freres Faucher , et dominant tristement sur cctte magniliquc valle'e de la Garonne , qui excite a si juste titre 1' admiration des voyageurs; la petite villa de Marmande , pres de laquelle Fauteur aurait pu citer le chateau de Miremont, appartenant a iiu ex-ministre , I'un des orateurs Ies plus e'loquens de notre c'poque, M. de Martignac; enfin Tonneins , connu par sa manufacture de tabac ; et Aiguillon , ancien chef -lieu d'nn duche'-pairie. La troisieme route s'ouvre dans an pays moins riche et surtout juoins gracieux , qui n'offre d'un pen remarquable que Ies petites villes de Plaisance et de Vic-de-Bigorre , d'oii Ton va joindrc , a Tarbes, la premiere route ci-dessus. La description de la jolie ville de Bagneres-de-Bigoire et de ses environs, qui vient ensuite, a'beaucona d'inte'ret el de charme. L'auteur y a employe, outre ses propres souvenirs , des morceaux agricoles ou instructifs cmpruntes a divers voyageurs et naturalistes, pariui lesquels il ne pouvait oublicr le celebre Ramond et le doc- tenr Alibcrl. Lcs agremcns de la ville , Ies eaux et leur nature , Ies promenades delicieuses du pays ( parmi lesquelles l'auteur n'ou- bliepas celle qui passe pour avoir ete de'couverte parmadame Cottin), sont indique's avec tous Ies details que Ies plus curieux et Ies plus infatigabk'S voyageurs pourront de'sirer. La route dirccte de Paris a Bagneres-de-Luclion, par Toulouse et Saint-Gaudens , donne occasion a l'auteur de de'crire lcs villes de Muret, Saint-Gaudens, Saini-Bertrand-de-Comminges , batic sur Ies ruines d'une cite'romaine, Lugduna Convenerum, oil M. Dumege a trouvc'de pre'cicnx restes d'antiquite. En s'cnfon^ant dans lcs Py- renees, qu'il n'avaii pas encore abordccs, ct entrant dans la vallce 574 LIVRES FRAN^AIS^ d'Arar , M. Vaysse nous apprond un fait qiii, sans doiitc, siu])ren- dra, comrae nous, un asscz grand nombre de lecteurs. Les sources de la Garonne , et la partie superieure du cours de ce fleuve , ne sont pas en France , raais bien en Espagnc , parce qu'au lieu de suivre ici , comnie sur tout le rcstc de la limite des deux territoires , la Crete des Pyrenees, on a de'vie tout a coup vers I'oucst, de maniere a donner a I'Espagne cette valle'e d'Aran , qui a2)partient de droit a la France , et qui y a meine e'te' re'unie pendant quelque tems. Les habitans de cette petite contrc'e ont d'aillciu's beaucoup de rapports avcc les Francais , et n'ont de communication avec I'Espagne que par les cols etroits qui traversent les Monts-Maudits , les sommite's les plus eleve'es des Pyrenees espagnoles. L'auteur , qui , en par- lant de cette contre'e si riclie en merveillcs , a trouvc moyen de n'en oublier pour ainsi dire aucune ;, rappelle le voyage de M. Ramond au sommet de la Maladetta. II aurait puciter aussi celui de M* Cor- dier , de I'lnstitut, dont la relation offre des faits non moins curieux, et qui indique, pour la hauteur absolue de ce point des Pyrenees , un chiffre de beaucoup infe'rieur a celui que donne M. Vaysse , sans doute d'apres M. Charpenticr. Le site de Bagneres-de-Luchon , et la ville meme , offrcnt a l'au- teur beaucoup moins d'agre'mens de tout genre qu'il n'en a trouve' a Bagneres-de-Bigorre , bien que I'opinion des voyageurs semble partage'e sur ce point. La route de communication de Bordeaux a Auch , par Bazas et Ne'rac, donne occasion a M. Vaysse de de'crire Nerac et les rives de'licieuses de la Baisc , et surtout cette garenne celcbre , ou se trouve a chaque pas le souvenir du bon Henri IV , qui s'intilulait qutjque- Ibis le meunier de Barhaste. Apres Nerac , on trouve Condom , ipii a donne le jour a I'historicn Dupleix, au trop ce'lebre Montluc , et dont Bossuct a e'te eVeque. D'autres communications de Toulouse a Bordeaux et aux Bagneres, de ces deux villes entre elles, de Moissac a Toulouse , et de Tai-bes a Bagneres-de-Luchon , et les aperfus statisliques des quatre de'par- lemens que nous venons de traverser , terminent le volume qui , auisi qu'on a pu en juger, n' offre pas moins d'intcret que les pre- cc'dens sur lesquels ilal'avantage de serapporter a I'unedcs contre'cs de la France les pkis attrayanles pour les voyageurs. \.-Z. LIVRES FRAN^AIS. ^r,) i']'j. — Essai de psj'chologie phjsiologujiie , par C Chahuel, aiUcur dc I'Esquisse de la nature humaine. Paris , 1 83 1 ; l)iircaii de 1' Encyclopedic portative. In-8° dc 35 1 pages; prix, 5 fr. On entend par psychologic la description et la classification des faits intellectuels et moraux tels que la connaissance, la croyance, ic doute , I'ide'e de signe , la rae'moirc , le raisonnemcnt , la me'thode , I'imagination , le plaisir, I'amour, le desir, la peine, 1' aversion , I'instinct , I'habitudc , la volition et la libeitc. On cherche a consta- ter rinduence de ccs phe'nomenes les uns snr Ics antres , ainsi que Taction du moral sur le physique et celle du physique sur le moral. Mais on a rejcte de la science, comme n'e'lant pas susceptible d'etre re'solue par I'observation , toute question sur la nature du lien qui unit I'arae au cor2is , on, si Ton veut, sur la nature de la cause qui d'une pensee fait sortir un phe'nome'ne animal ou physiologique , et re'ciproquement d'un phe'nomcne physiologique fait sortir uuc pensee. Or c'est justement ce dernier probleme que M. Chardel s'esl pro- pose. II n'a done pas fait un ouvrage de psjcliolcgie , mais un traile d'ontologie. Nous insistons sur ce point , afin qu' on ne mette pas sur le compte de la premiere, qui est maintcnanl dans les voics dc I'observation, et au rang des sciences positives, les hypotheses dc la derniere, que son objet retiendra loujours au nombre des rc- clierches conjecturales. Cela pose , voici I'hypothese de M. Chardel. II n'y a dans Ja na- ture que deux principes: la raatiere re'sistante et la luraicre. Lors- qne celle-ci s'engagc dans les corps , elle cesse d'etre lumineuse , et ellc produit la chaleur et le mouvement. Toute lumiere vicnt du so- leil; celle que les corps donnent en brulant n'est que la lumiere dii soici! dont ils s'e'taient pe'ne'tie's et qu'ils restituenJ. Bernardin de Sainl-Pierrc avait deja e'mis une conjecture semblaljle : « Je soup- conne, avait-il dit, que le feu e'lectrique et que tout feu en general lenferme en lui plusieurs propriele's qui nous sont inconnues, enire autres,le principe du mouvement. Je pense aussi que tout feu vient du soleil. )) {Harm, de la nat. ) M Chardel pousse cette conjec- ture jusque dans ses dernieres conse'quences, et il explique par la tons Ics phe'nomenes inorganiquos et organiqucs. La lumiere, en sc .>7(> LCVKKS FRAN^JATS. lombinaut axecle corps liuiiiain, y dcvient d'abord la vie vet^e'tale ; |)iiis (He se conveitit en fliiide neiveux, et elle porte les impressions (111 corps au ceneau ; enfin elle se transfoimc en ce que I'auteur ap- j)elle \ariespiritualisee, fjui transmct a I'aiac les sensations du cer- vean et qui reste en paiiie au service de la velonte, Cette portion n'e- prouve plus de circulation que coUe que I'amc lui imprime; et Tainc, en quillant la terrc, entraine la vie spiritualise'e qui brille comme uu voile luminciix. C'cst a I'aide de celte especc de sublimation du fluide nerveux . qui en principe n'est que la lumiere du soleil , que I'ame agit sui- k- corps. «Voila pourquoi, dit I'auteur, apres descxercices fatigansoit line longue veille , quand on a bcaucoup de'pensc' de vie , les mou- vemens deviennent difficilcs et la volout(> les fait peniblement excjcu- tcr, quoi([uc son c'ncrgie morale soit la menie. » L'ame, parl'agcnt appeli; uie spiritualisee, renouvelle les impressions du cerveau, et voile la me'moire; et quand elle choisit parmi ces impressions pour cre'er dcs images de fantaisie , c'est I'imagination , qui pent aller quelqucfois jusqu'a la I'olie. EnGn cette explication suflit encore aux phc'nomcnes du magnc- tisme animal. Le magne'tiseur dirige au dehors sa vie spiritualise'e et agit par elle sur I'organisation d'une autre personne ; il provoque ainsi le sommeil et le somnunibulisme magne'tiques, De son cote le somnambule, dontla vie spiritualise'e est enticrement libre, puisqu'il n'a plus a gouvcrner son corps qui est sous le pouvoir d'autrui , dis- pose a son gre de cette lumiere spirituelle et il en use pour eclaircr, soit rinte'rleur de ses organes , soit les objets e'loignc's et se'pare's de liii par des murs. M. Cliai-del rend aussi compte de rinsensibilite des somnambules magne'tiques , que le docteur Bertiand nommait des extatiques , ainsi que de la vue inte'rieure, de la vuc a distance, etc., phe'no- menes que ni I'un ni I'autre ne re'voquent (>n doute , et dont ils rap- portent dcs exemples dont ils ont eiix-memes c'te te'moins. Tout-a-fait etrangeraces experiences, j'ignore ce qu'il faiitmettre sur le compte de la verite , ou sur celiii de I'imagination et de I'esprit de systeme. Si ces phc'nomcnes sont vrais, I'agent (jui les prodiiit cst-il le meme quecelui qui pre'side aux fails ordinaires de la vie inlellecluelle elde LIVRES JRANCAIS. jn'^ la vie aniniale, ve'ge'lale et minerale ? — Depuis qn'on etudic, il a'est presque pas de jour qui n'aitvu naitre une explication universellf.. EUes out toules e'te jusqu'a present detruitt's par la diversite des fails. Nous croyoiis qu'il eu sera de meme de la uouvclle hypothese. ^dolphe Garmer. in%. — Discours. — De la civilisation , ses lacunes et ses abus ; par B. Victor pRANKLm, avocat. Paris, i83i ; Delaunay. In-S" de 7 '2 pages; prix , u fr. 5o c. Ce discours a e'te' couronne' par I'Atlie'ne'e des arls , a la se'ance gc'ne'rale du 22 mai de cette anne'e. L'autcur a pris pour devise : Nous rendons graces a Dieu de ce que nous valons heaucoup mieux que nos peres. Cependant il s'e'tait presente aux juges du concours avcc une modcstie sans affectation ; et en abordant Ic pu- blic , son attitude u'est pas raoins respectueuse : « Puisse ce debut d'un jeune homme, dans une carriere devenue si hasardeuse par les nouveaux juges qu'elle lui donne, n'etre point, pour son premier essor, une nouvcUe mer Icaricnne I Depuis que cet ouvrage est acheve', tant d'c've'uemens extraordinaircs se sent ope'rc's en Europe , se pressent et s'cncbainent de toutes parts , qu'ils m'ajjparaissent au- jourd'hui comme I'heureuse realisation d'un songe oil j'e'tais plonge en le composant, et scmblcnt devenir par la la vivante image des ve'ri- te's morales qu'il renferrae : profonde et soudaine metamorphose que je ne vovais encore que dans le lointain des tems , et qui , mieuxque tous les suffrages du monde, f'era le bonheur de ma vie, si elle par- vient un jour a consolidcr celui de I'humanile' I » ( Preface. ) M. Franklin commence par developpcr I'ide'e qu'il s'cst faite dc la civilisation; elle n' est pas towt-a-fait juste, mais c'est pcut-etre la fautc de notre languo, si malpourvue decequicst indispensable pour exprimerjapense'eavecprecision etbrievete'. La civilisation n'aaiicun droit a la haute dignitc qui lui est conferee dans ce discours : elle ne tend pas a perfectionner I'inte'rieur de I'homme ; la vcrtu n'est pas son but ; les Romains , du tems des Ce'sars , e'taient reellcment plus civilises que le meme peuple aux plus belles e'poqucs de la re- publique. Nous ue dirons done point : « Le mot civilisation reii- ferme en lui-meme ceux de liberie, bonnes moeurs, ordre public, lois sages . justice, vertu, etc. Sans ces ide'es constitutives , necessai- 578 LIVRES FRANgAlS. reiuent inhcrenles a sa nature, cc mot n'a plus ([u'une signification abstraite et vide de sens. » Non , cc mot no rcufcrme point dans son acccption cc que vous vouicz y comprendre, pas plus que la poli- Icsse n'est do la bienveillancc, que Ics visages de la bonne compagnie ne supposent toiites les qualite's estimables dent ils donnent au raoins I'apparence. Sparte conservant les lois de Lycurgue eut eu , dans tous les terns, plus de vcilus et raoins de civilisation qu'Atlienes. Qu'on scrute attentivement I'opinion de cliacun sur cette sorte de perfection- uement dcs socie'tes humaines, et qu'on resume ces avis , assez ge'ne- ralementd'accord, pour en composer I'exacte definition du mot qui la de'signe : on verra que la civilisation preside aux formes sociales , qu'elle prend soinde les orner, de les embellirj qu'elle ne se borne point a protc'ger les arts , qu'elle les appelle, les excite, les dirigej mais, en (racant les limites de ses domaines, on lui refusei'a toute participation aux oeuvres dont I'accomplissement est reserve' aux plus haules conceptions de I'esprit pliilosopbique, scconde'es par une fcrvente ct courageuse pbilantropie. Les pcrfectionnemens sociaux qui dependent des lois , des institutions , du progrcs des connais- sances approfondies , agissent puissamment sur la civilisation , ct la modifient a son avantagej mais ils n'en e'prouvent qu'une tres-faible reaction. Nous insistons suv la premiere page de cette brochure, parce que la pense'e fondamentale y est tout entiere ; mais ii nous est impossible de placer ici tous les deVeloppemens qu'exigerait I'impor- tance du sujet. II semble que ni M. Franklin ni les juges du con- cours n'ont bien compris le programme : en effet , si la civilisation e'tait I'ensemble des applications de la science sociale perfectionne'e , ct des effets que ces applications ont ope're's ; si le degre' de civilisa- tion auquel un peuple est arrive ne pouvait etre fixe que par une statistique sociale bien complete, ou ce peuple serait conside're sous tous les aspects intellectuels et moraux , le raot abus serait de'place dans le programme, car on n' abuse ni de la perfection morale ni des bonnes lois , etc. Si dcs lacunes dans les institutions sociales per- mettent 1' irruption de quelqucs abusj si nous ne pouvons atteindic le degre de perfection qui les exclucrait totalement, il ne serait pas moins injuste d'attribucr a la civilisation, telle qu'elle est de'finie dans cet ccrit, aucun des maux que nous souffrons en de'pit d'elle; LIVRES FRANCAIS. 579 il faudrait suppiimer cette expression : les ahus de la cwilisation. Ainsi I'idee que le programme attache a la chose dont il demande ime definition precise est cellc des qualite's acquises ct d'etat social dont on pent abuser. Telle est , en e£fet , la civilisation comprise dans le sens vulgaire attache a ce mot, et le sens vulgaire d'un mot est toujours le veritable. La classe des sciences philosophiques et morales de I'Athe'nee des arts avait re'dige ainsi son programme: Determiner avec precision le veritable sens du mot civilisation ; signaler les principaux caracteres de notre civilisation actuelle, seslacunes et ses ahus. Si M. Franklin avait con^u la pense'c des re'dacteurs telle quelle se pre'sente le plus naturellement, il n'aurait peut-etre pas entrepris de traiter la question proposee; les difficulte's d'une analyse ve'tilleuse, I'aridite de la discussion , la contrainte impose'e a I'e'crivain dont cha- que expression doit etre snrveille'e scrupuleusement , de peur qu'une incorrection dans les termes ne produise , en raisonnement , un aussi mauvais effet qu'une fausse intonation en niusique ; toutes cos en- traves de la pense'e sent bien propres a la de'courager; et , pour les eviter, elle clioisit une route plus libre. CcUe que M. Franklin a suivie diverge quelqne |)eu de celle que le programme semble avoir trace'e , mais elle n'interdit point I'eloquence, et meme tout y est dis- pose' pour que Te'crivain puisse aider et assurer par les charmes du style les victoires de la raison. L'objet de ce discours est 1' ensemble des progres sociaux : I'auteur en trace brievement I'histoire, assigne les causes des changemens les plus remarquables dans I'etat des so- cie'te's, indique les hommes et les livres qui y contribucrent le plus efficacement , et parvient ainsi jusqu'a notre age, sans deviations qui lui fassent perdre de vue sa premiere direction a laquelle il revient constamment, apres de le'gers e'carts. Parmi les opinions qu'il e'met chemin t'aisant , et que Ton pent contestov , il en est une plus grave ct plus influente , que nous devons de'noncer a sa propre raison , a ses meditations ulte'rieures; il n'admet de pcrfectibilite inde'finie que dans le domaine des facuUe's intellectuelles de I'homme, ct regarde lesfaculte's sentimentaies comme essentiellcmcnt limitees, mcapables de tout progres. On sail bien que les richesses exploite'es par les tra- vaux de I'esprit humain vont toujours s'accumulant, comme celles que I'art du mineur extrait du scin de la terrc ; mais il s'agit des 58o LIVRES FllANgAIS. J'aciiltes dc I'hoinnic , et non de ce qu'cllcs ont produit. Dt»ns re'tat d'inculturc que nous avons nommc satn>age, rine'galile entrc les in- dividiis est extreme, ct la niesurc moyenne pen elcve'e est au-dcssus du tcrme inferieur : cliez Ibomme eullivc , cclte raesuic raoyennc s'c'leve progressivement , quoique la distance cntie les extremes ne puisse croitre que dans le meme rapport ; ses limites sont, d'un cote', les forces du genie, etdel'autre, I'idiotisnie. Rien nc fait pre'sumer encore que cette mesure vioj-ejine des faculte's Inimaiucs approchc dc son maximum , des bornes qu'elle ne pent de'passer. Quant a la nature diverse de ces faculte's, qu'oa y fasse wne se'rieuse attention; tpi'on les soumettc a une analyse pousse'e plus loin ; on reconnaitra qu'ellcs diffeient beaucoup moins qu'on ne I'a suppose, qu'ellespeu- vent n'etrequ'uneseule et memefaculte' applique'eadesobjetslie'te'ro- p;eneslcs unsauxautres, et que laporte'ederintelligenceetcelledusen- timentdependente'galementde la faCulte d'abstraire ct degeneraliscr. L'homme d'une faible intelligence est aussi invinciblement subjugue' par le te'moignage de ses sens que re'goiste par le sentiment dc son inte'ret ; ni I'un ni I'autre n'a le pouvoir de confronter ce qu'il e'prouve avec les affections analogues ressenties par d'autres liommes ; les comparaisons qui ge'ne'raliseraient les te'meignages et les interets ne sont pas meme commence'es , et I'imprcssion imique conserve toute sa force. Malgre' les observations critiques dont nous avons era ne pouvoir nous dispenser, que tons les amis des progres du bonbeur social con- sacrent quelques momens a la lecture de ce discours : ils ne regret- teront pas I'emploi du tems qu'ils lui auront accorde. Puisque I'au- teur est jcune, il ne s'offensera pas, sans doute, de noire franchise im peu austere, mais bienveillante , et qui n'affaiblit nullement en nous I'estirae que me'ritent son e'crit et les sentimens dont il est animc. Nous I'invitons a s'abstenii"-, surtout dans les matieres de raisonne- ment , de ces expressions ambitieuses dont I'incolie'rence de'cMe ordi- nairem-ent un de'faut de justesse dans les ide'es. II ne devait pas dire, en parlant du sol de la France : « Que de fois le peuple fran^ais, en le voyant tantot sillonne' par la lave bouillante du volcan des reso- lutions, tanlot ravage' par les fureurs homicides de la conquele, a soupirc apres la ])nix, pour lui rcndre les milliers de bras si propres LIVRES FRANgAIS. 58 I a la f(''( onder, et a fairc jaillir tie ses flancs ge'nc'rcux. Ics filons dc la prospeVite publique. » A la suite d'images si e'trangement rassera- ble'es, le lecteur n'est pas surpris de trouver beaucoup d'errcurs sur rindustrie, les vues des e'conomistes , les avantages de la vie cham- petre , etc. II est raalheuieusement trop vrai , quoi que puissant dire ceux qui ont pea visite' les campagnes, que la famine peut alteindre les cultivateurs, et meme, dans certains cas , plus que les populations livrc'es aux travaux des manufactures. C'est ainsi qu'a une e'poque dc'sastreuse, les horlogcrs du Jura Suisse vinrent au secours des pay- sans francais dans la meme cLaine de montagnes, et partagerent avec eux les provisions qu'ils avaient pu faire, tandis que les cultivateurs place's dans leur voisinage, sur un sol de meme nature, ayant a peine ce qu'il faut pour leur consommation annuelle, se trouvaient dans un de'nuement absolu. F. I rc). — Lettre au roi sur la nomination aux emplois , aux fonctions , grades, inagistratures ci^'iles et militaires ; et sur les recompenses puhliques. Paris, i83i; Delaunay, Palais-Royal, et Langlois, rue des Gres. In-S"; prix, 60 centimes. L'auteur de la lettre reproduit un projet soumis par Mirabeau a lAssemble'e constituante, celui de n'admettrcaux divers emplois pu- blics que les employe's qui ont deja servi.dans les grades infeVieurs. 11 voudi'ait en outre qu'on s'assurat de leur capacite' par des exa- mens ou des concours , lorsque cela serait possible. Pre'voyant qu'on lui objectera qu'un tel mode de nomination porterait atteinte a la pre'rogative royale, il soutient que ce que Ton nomme la preroga- tive royale en fait dc nomination n'est pas meme la prerogative mi- niste'rielle par I'impuissance absolue oii se trouvent les ministres de connaitre et d'apprecier les droits de ceux qu'on leur dc'signe pour etre nomme's a tons les emplois , ou pour obtcnir dc I'avancemcnt et des distinctions , que ce n'est enfin que la prerogative des bureaux. II de'montre que la prostitution des emplois , des grades , des magis- traturcs,etc.; que les prevarications qui s'introduisent dans lesnomi- uations, exercent I'influence la plus pemicieuse sur les moeurs et sur la prospe'rite' de I'Etat.Et, en rappelantlcs scandales qui onte'te' donne's a ce sujet sous tons les re'gimes et en particulier sous la res - tauration, et meme depuisla revolution dc i83o, il fait srntir I'im- 582 LIVRES FRAN^AIS. pc'ricusc necessite de fairc dcs lois qui dctcrmincnt avcc la plus grande pi'ccision pour toules Ics cairicres , finances , magistratuies judiciaires et adininistratives , grades militaires et decorations; enlin ])our tons Ics emplois salaries par I'e'tat , et pour tons les degre's a parcourir dans ccs caiTieres , Ics conditions d'age , de capacitc , d' instruction. II ajoute que ccs lois doivent consacrer un mode dc presentation et un mode pour la formation des tableaux d'avance- ment , qui puisse garanlir au prince que le choix sera nc'cessairemcnt fait parmi les plus dignes, et preserver toutes les carrieres de eel arbitraire , source de desespoir pour I'homrae ve'ritablcmcnt de'vouc aux interets de son pays , ve'ritablement attache' a ses devoirs et a la carriere qii'ila embrasse'e. Z. 1 80. — Histoire du regiie de Charles X et de la revolution de i83o, jusqu'a rave'ncment de Louis-Philippe F'' ; par M. N. A. Dubois , professeur en TAcademie de Paris. Paris, i83i ; Ju])in ; Dondey-Dupre. In-8" de 444 P^ges; prix , 6 fr. L'e'crivain qui traite I'histoire contemporaine a I'avantage de pou- voir recueillir les faits avant qu'ils aient subi une alteration sen- sible ; plus d'un e'cucil se trouve aussi sur sa route. '\\ doit se garder de ces haines recentes dont parle Tacite ; se montrer im- passible te'moin la oii il e'tait peut-etrc partie inte'resse'e. En cette matiere , comme en beaucoup d'autres , il faut avouer franchement que Ic role de la critique est le plus aise', et nous-memes, si nous avions le malheur de prc'sumcr assez de nos forces pour nous jeter dans une semblable entrcprise , nous n'oserions re'pondre de nous garantir toujours d'un sentiment de partialite' involontaire. Nous nc blamerons done point M. Dubois d'avoir adopte une opinion poli- tique de'cide'e , et pour laquelle nous e'prouvons d'ailleurs quelquc sympathic , en nous retrafant le regne du monarque de'chu; mais pour remplir notre office d'Aristarque , nous devons lui reprocher de se livrer parfois a dcs declamations qu'il neglige d'appuyer de preuvcs j ustificati ves . On n'a pas tout ditquand on a declare que la loi des communautcs religieuses e'tait une loi grossc cle j^crfidcs arriere-pensees de ji-'sui- lisnic , quand on a flctri la loi sur le sacrilege du noni d'enfarit de justice et d'amour dc M. PevionncL La Bruyerc a dil : Anias d'e'pi- LIVRES FRAN^AIS. 583 thetes , mauvaises louangcs ; nous ajouterions volontiers : Amas d'c- pithetes , mauvaise maniere de l)laraer. La loi du sacrilege est iin crime le'gislatif asscz grave jwur que I'historien de Charles X ail du lui consacrer plus de deux lignes. La qualificalion de monstrueuse convient mieux que toule autre sans doute a la liste civile du roi- chevalier; des chiffres eussent e'te , selon nous, plus eloquens, sur- tout mis en regard des 5o,ooo francs reserve's par la munificence royale a I'instruction primaire. Des observations analogues s'appli- queraient a presque toutes les pages du livre que nous annonrons. Hatons-nous de convenir , toutefois , qu'en racontant des e've'nemens aussi rapproche's , et que le tems n'a pas encore effaces de la me'- moire des lecteurs , il eilt e'tc'fastidieux d'entrer dans de trop rainu- tieux de'tails. Mais notre critique ne subsiste pas moins pour tons les fails de quelque importance. Nous sommcs d'autant mieux en droit dc le fairc_, que M. Dubois , si bref sur les travaux des cham- brcs , se monlre prolixe quand il est question des Memoires de la Contemporaine , ou des succes de madame Pisaroni. II ne de'daigne pas de mentionner I'arrive'e de la girafe a Paris , ct le transport de la statue de Louis XIV a Lyon. Craignail-il done que la matiere lui manquat pour remplir un volume dont la revolution de juillct et les pieces justificatives occupent plus du tiers ? Si Ton excepte les indi- cations d'anne'es qu'offre le haul des pages, I'ouvragede M. Dubois ne renferme pas de dates : on y remarque cependant une scr\^ililc extreme a suivre I'ordre des eve'nemens. Apres avoir signale ( page 1 56) les poursuites correctionnelles dont Be'ranger fut I'objet en 1828 , il s'interrompt pourparler des pastorales de M. de Quclen, des Memoires de Fidoc , de la Grece , de la Golombie, ete. Arrive' enfin a la condamnation de notre poete national , il n'ose passer a la souscription propose'e en sa faveur , qu'npres avoir soigneusemcnt note I'affaire du faux eligible , M. de Bully, et rc'rection d'un de- pot de mendicitc par M. de Belleyme. Cc respect religieux pour I'ordre des tciusa plus d'un inconvenient : le Iccteur est fatigue de parcourir tant d'objets divers, ct la mc'moire en prolJte pru. Le recit est decousu : 011 e'tait le moyen d'imaginer des transitions vraisemblables , ]iour rallaclier les bals dc Tambassadeur d'Appony aux r!nK''raiUolittion de juillet. En re- sume, si M. Dubois ne borne pas ses pretentions a etre le premier entre dans la carriere, qu'il e'tudie nos bons historiens modcrnes , M. Thiers , M. Mignet, qu'il e'tudie surtout lesmonumens le'gisla- tifs et d'aulres documens authentiques , dans lesquels il n'a pas assez puise, tels que le proces des ministres, et il pourra foire un bon ouvi'age, pourvu qu'il rejelte du sicn cetlc foule de details qui nui- sent a I'effet general. Enfin, et c'est peut-etre par cette reflexion que nous aurions dd commencer , au lieu de se conformer a un vicil usage , en pronant pour point de depart I'avc'nement d'un roi , qui n'est cerles pas I'objet principal de I'histoire, au lieu de jetcr sou- dainement le lecteur au milieu d'un ordre d'ide'cs qui exigerait des <^xplications pre'liminaires, il eut mieux A'alu remonter jusqu'au mi- LIVRES FRANCAIS. 58ri ni.slure \illcle, ou mcmc jusqu'.i la restaiiration : il y a unite nia- nifeste dans Ic systeme d'attaques, Irop bicn suivi depuiscctte e'po- rjiie, conlre la libeite de la presse et 1' extension de nos droits poli- li({iics. Felix B. S. i8i. — Memoires sur les campagnes cles armees du Bhin et de Rhin-et-3Ioselle, depiiis i'^q'i jusqu'a la paix de Campo-For- mioj par le mare'chal Gouvion-Saint-Cyr. Paris, 18148 ; Anselin. 4 vol. in-S", avec 16 cartes annexues a roiivrage et un atlas de 18 planches, sur colombicr, cartonne' ; prix, ■jo fr. 182. — Memoires pour servir a I'histoire militaire sous le directoire , le consulat et V empire ; par le mare'chal Gouvion- Saint-Cyuj depuis 1798 jusqu'en i8i3. Paris, i83i; Anselin. 4 vol. in-8'', avec 9 cartes annexe'es a I'ouvrage et un atlas de 17 plancbcs sur grand-aigle, colombier et grand-je'sus; prix, 60 fr. Nous nous plaisons a consigner ici Fannonce de ces importans memoires dus aux laborieux loisirs de I'un des plus illustres capi- taines et des plus habiles administrateurs de cette grande e'poque qui vit les berdiques combats de la re'publique et les prcstigieux triom- plies de I'empire. Le taleat du mare'cbal Gouvion-St-Cyr comme e'crivain militaire a e'te' dignement appre'cie' deja par ses compatriotes. Aujourd'hui il ne manque plus rien a sa gloire : elle est confirmee par I'assentiment meme de ceux qui furent ses adversaires et nos en- nemis. C'est avec plaisir que nous citons le jugement suivant, ex- trait du Journal militaire de Vienne, et dont les eloges ne pourront paraitre a personne suspects de partialitc : « L'ouvrage que nous annoncons se distingue e'minemment entre tous ceux qui oflt e'te' e'crits sur la guerre de la revolution frangaise. La haute position de I'auteur, mort depuis peu, les fticilite's dont il jouissait pour se procurer les meilleurs documens qui se rat- tachaient a son travail, sa brillante reputation militaire, I'avantage d' avoir e'te temoin actif d'une grande partic des e've'nemens qu'il de'crit et d'avoir commande des corps d'arme'e sur le theatre de cette guerre, sont autant dc garanties du mc'rite de ces memoires. En les parcourant, on demcure en outre convaincu que I'auteur a ob- serve les principes les plus surs de I'art historiquc, et le talent qu'il TOMF. L. JUIN i83i. 38 586 LIVRES FRANgAIS .1 montrc dans sa narration U- place au premier rang dcs ecrivains inilitaires. » lei Ic journal de Vienne cite ie passage suivant de la preface : « La France est environnc'e de nations belliqueuscs ; elles doivent a I'esprit militaire , que de nobles encouragemens ont fait prosperer cliez elles, et aux progres qu' elles ont faits dans I'art dc la guerre , leurr. forces , leur agrandissemeut et Icur elevation au rang de puis- sances du premier orcb'e. Elles n'lgnorent pas que les causes qui ont e'tabli leur preponderance peuvent seules la maintenir : aussi la paix est pour elles un moyen de perfectiouner leurs institutions mi- litaires en profitant de 1' experience acquise pendant la guerre. » Apres avoir donne un soramaire des titres des divers cbapitres dc I'ouvrage et une nomenclature dcs plans et des cartes dont se com- pose I'atlas joint aux Me'moires^ le journal autricbien continue ainsi : « Ces Mc'moires critiques sont riches en instructions d'une haute uti- lite' pour quiconque veut e'tudier la grande guerre. Car toutes les fautes qui, au jugement de I'autcur, onte'te coramises par les ge'ne- raux des deux partis, soit dans les mouvemens, soit dans les ope'ra- tions des arme'es , sont signale'es sans me'nagement. Peu d'ouvrages franfais sur les guerres de la revolution sont empreints d'une plus vive ardeur de faire ressortir la ve'rite' , et Ton voit que i'auteur n'a rien neglige pour se procurer tons les mate'riaux francais qui pouvaient remplir son but. II se plaint cependant a plusieurs reprises des la- cunes qui existent dans les archives du ministere de la guerre ( par exemple, p. 34o, vol. i"""^, et page SSg, vol. a, etc. ) » Les auteurs de me'moires contemporains ne se trouvent pres- que jamais a portee de se procurer des documens vrais et officiels de la partie adverse. lis sont done reduits a raconter les e've'ne- mens tels qu'ils se sont developpes devant eux. Obliges de recourir a des conjectures pour tout le reste , ils ne peuvent de'crire que ce qu'ils ont saisi par leurs propres yeux ou puise aux sources mises a leur disposition. Dc tels me'moires ne peuvent done presenter des details positifs que sur les faits principaux survenus d'un cote'. Quant a I'autre, il est loujours envcloppe de nuagcs qui nc peuvent elre entierement dissipes que par dcs pieces officielles de ce memc parli. Aussi les me'moires des te'moins ocuIaiiTS nc sont-ils genera- LiVREs fran(;;ais. 58^^ Jcmenl que d'excellens matc'riaiix oii les auteurs d'line generation suivante pourront puiser des documens certains sur les deux parties bellige'rantes, et e'crire ainsi I'liistoire avec une exacte vc'ritc. » Ce qui frappe le plus dans les Me'moires du raare'chal Saint-Cyr, c'est le coup d'oeil pc'ne'trant avec lequel il saisit les operations et jusqu'aux moindres raouvemens des ge'ue'raux commandant les deux armees , c'est sa grande impartialite dans la critique , et la vive clarte' qui regne dans ses re'cits. Les nombreuses pieces justificatives a I'appui ferment un rccueil authentique du plus grand inte'ret. Les plans et les cartes sent parfaitement dessine's d'apres des mate- riaux que I'auteur pouvait seul fournir et utiliser. lis sont graves ou lithographies de main de maitre, et la beaute' de la typographic et tons les soins en ge'ne'ral donne's a I'ouvrage contribuent au grand prix que Ton doit y attacher. II obtiendra done tout I'interet que commandent les e've'nemens qu'il retrace , et les amateurs de faits militaires , et principalement les ge'ne'raux futurs , y trouveront une riche matiere d'instruction. Enfin, tous les auteurs qui de'sormais voudront e'crire sur les guerres de cette e'poque mediteront les Me'- moires du mare'chal , et la comparaison qii'ils en feront avec les documens et les raate'riaux qu'ils auront deja en main les conduira par la controverse a la de'couverte de la ve'rite' , seul but de I'his- toire. » P. HiMLY. i83. — Voyage en Russie. Lettres e'crites en 1829; par Leon Renouard de Bussieres. Paris , i83i ; Levrault. In -8" de 3 16 pages; prix , 6 fr. * Ces lettres , iutc'ressantes par leur sujct , sont d'une lecture agre'a- ble, non-seulement sous le rapport de la facilite' et de re'le'gancc du style, mais a cause d'un talent que peu de personnes possedenl au meme degre' , celui de la clarte' , celui d'entrainer pour ainsi dire le lecteur a la suite du voyageiu", de lui faire voir ce que voit celui-ci et comme il le voit. On retient sans effort les descriptions , et c'est tout au plus si, apres avoir aclieve'le volume, on aurait besoin d'un guide pour se promener dans Pe'tersbourg ou dans Mosrou. II y a , dans la premiere lettre, des tableaux pleins de mouvement et d'un rolnris (|iii s'approche de la nature: tels sont les details sur I'arrive'c 58. 588 LIVRES FllANgAIS. a Cronstailt ot a Saint-Pe'tcrsboiirg : « Lc solcil dardait ses rayons a- ploinb stir la ca]>italc des Rnsses, dont rimmeiisite se re'velall dcja par la vastc ctendiic qu'cllfi occiipait a I'horizon. Lcs rivagcs du golfe se. rapprocbaicnt toujours davantagc , ct la transparence de I'air pcrmettait d'en saisir tons les details. Nous adniirions la profusion de chateaux , de maisons de cainpagne et de batimens divers , repan- dns, au iiiilit'u des pares ct des forets, sur les coUincs qui garnissent en amphitheatre lcs cotes de la mer; nous ne pouvions comprendrc qu'une nature toute septentriouale fut aussi riche ct aussi gracicusc ; • mais nos regards se reportaient toujours sur Pe'tersbourg, dont I'en- semble grandissait et se de'veloppait a vue d'ceil. Cette villc magni- ilque semblait surgir du sein des flots ,brillante dejcunesse ct d' eclat; ses edifices les plus rapproche's touchaient a la mer , ct deja nous etions pres de les atteindre , lorsque les clochers lcs plus eloignc's se perdaient encore dans un horizon vaporeux; enfin nous avions quittc la mer , nous etions dans Petersbourg ct nous remontions lc cours de la Neva. » Les investigations minutieuses de la police, la rigiditc desdouauiers sont racontees avec finesse, et la simplicitc qu'on vient de reraarquer prcfside encore aux descriptions des iles charmantes oil sont les maisons de campagne des grands. Quant aux observations de mceiirs, lelecteur les trouvera toujours piquantes etbien frappe'cs : point de ces ge'ne'ralitc's , de ces longueurs qui s'appliqueraient tout aussi bien a I'Eui-ope cnticre qu'a un pays de'terminc. Nous recom- manderons particiilierement ce que dit I'autcur sur I'e'tat des serfs , sur les paysans russcs , ct surtout le chapitre oil il est parle de la foire de Nijnei-Gorod : c'cst la une des principalcs prties de I'ou- vra-^e : il est curieux de passer en revue lcs Boukharcs , les Tatars, les Sibe'riens, les Persans, les Arme'niens, les Kirgisses, etc., etc. Les e'tolfcs de coton a elles seules s'e'levaient a une valeur de pres de dix-huit millions : on vend chaque annee pour huit a neuf millions de pelleterie , et les caravanes de Sibe'ric avaicnt appoitc deux mil- lions pesant de the. A la suite de details trcs-curieux, tres-utiles sur- tout sur ce marche des bords du Volga, I'autcur nous entrcticnt des monts Ourals etdelcurs productions. La topographic de Moscou a jussi bcaucoupd'intcret J puis une exclusion enLivonic captive nctre attention : « C'eiail un autre pays, un autre pru]>le... I'asport d'unc LIVRES FRANCA IS. riSq iiaiuic iiaiitc enchantail DOS regards ; dfs forets, ties collincs, dc verlcs |n-airies et dcs lacs a rivages pitloresqucs ; line ligne bleiiatro dc raontagnes fermait I'liorizon. II faut avoir traverse les piaines de Russia pour comprendre le ravisscmcnt que me fit c'proiivcr celtc vue; au lieu des e'glises moscoviles surmonte'cs de minarets et de coupoles, je voyais des clochers semblables a ceux des villages d'Al- Icmagne ; enfin les ruines d' antiques manoirs jete'es ca et la sur des plateaux eleve's me rappelaient que ce pays a fait partie depuis des siecles de la grande famille europe'enne.)> L'auteur revient a Peters- hourg, oil il de'crit encore quelques e'tablissemens publics, line chose surprenante, c'est la rapidite' de ce voyage : parti le i*^"^ aout de Tra- vcmunde, M. Renouard , qui est alle' jusqu'aux rives du Volga , y est de retour le G octobre ; de la il se dirige vers le nord, va visiter Copenhague et Christiania. Je finirai par un reprochc, celui de ne nous avoir pas parle' de ces deux villes. P. de Golcerv. 184. — Voyages historiques et lilteraires en Italie, pendant les annees 1836, 1827 et iSaS; ou I'indicateuritalienj parM. Va- LERY, conservateur-administrateur des bibliotheques de la com-onne. Paris, i83i ; Lenormant. 2 vol. in-8° dc 487 et 807 pages; prix, .4fr. Ce livre n'cst pas de ceu>c avcc lesquels on s'acquitte par une sim- ple annonce. L'importance du sujet, la conscience des rechcrches , la uouveaute' des observations et des jugemens , le me'rite du style , lui donnent destitres a un examenapprofondi, a une analyse detaille'e. En attendant, constatons son apparition et son succes, et disonsqu'on y retrouve le tour d' esprit ingenieux,le langage de'licatet elegant que notre Revue (t. XXIII, p. 100; et t. XXX, p. 5o6) a deja loues chezlememeautenr dinsses^tudes morales , historiques et litte- raires , et dans sa nouvelle de Sainte-P erine . H. P. 1 85. — Prinse de Lyon et de Montbrisonpar les protestans , en 1 562. Lyon, i83i j Barret. In-8" de 82 pages. M. Pe'ricaud, bibliotbecaire de la ville de Lyon , vient de (aire reimprimer cet opuscule devenu fort rare, et qui renferme des documenscurieuxsur Tune des e'poques les plus importantes de notre liistoire. Nous devons le'pe'ter ici ce que nous avons dit deja a I'or- oasion dc quelques publications semblables dii docte et consciencionx 090 LIVRES FRAN5AIS. editeur, c'est que les savans et les litterateurs qui babiteut nos de- partcmcns ont sous leur main des matcriaux qu'ils peuvent cxploi- ler avec avantap;e et sans avoir aucune concurrence a rcdouter. II depend d'eux de donner a Icurs travaux un degre' d'inte'ret et d'uti- lite' incontestable, en s'attachant a fouiller dans leurs vieillcs archi- ves , a raettre an jour tous ces tresors historiques cache's dans des mines fccondes et que des investigations locales peuvent seules de- couvrir. Espc'rons que la centralisation s'affaiblira de plus en plus , et que les hommes habiles disse'mine's dans nos departemens n'au- ront pas toujours les yeux tourne's vers la capitale et sauront jouir des richesses de leur sol en les exploitant. II est tems que les pro- vinces sortent des chaines honteuses de la tutelle , de I'espece de vasselage qui a si long-tems pese sur elles , et qu'elles reprennent leur physionomie particuliere , leur individualite' que la centralisa- tion leur a fait perdre. C'est en reproduisant les vieilles cliartes , les histoires particulieres de chaque contree, que les litterateurs distingue's de nos departemens contribueront puissamment a detruire la centralisation, et a faire aimer a leurs concitoyens le pays qu'ils babitent et les souvenirs pre'cieux qui s'y raltachent. Telle est la tacbe que M. Pe'ricaud semble avoir entreprise, et dans laquelle il a d'heureux rivaux , parmi lesquels nous aimons a citer le nouvel bistorien de la ville de Vienne, M. Mermet aine'. Ge dernier littera- teur a fait imprimer, il y a deux ans, un ouvrage sur sa ville natale, et ily a fait preuved'une erudition e'tendue et d'un esprit judicieux. Servan de Sugny. 186. — Noiwelle Bibliotheque classique , ou Collection des chefs-d'oeuvre de la litte'rature francaise. Theatre de Moliere. Paris, i83i ; Treuttel et Wurtz. a vol. in-B"; prix, 3 fr. le vol. S'il n'cst pas d'e'poque ou les grands classiques de notre langue aient e'te' attaque's avec plus d'acbarnement et d'amertune que de nos jours, il n'en est pas non plus oil la collection de leurs oeuvres ait etc re'impi'imec aussi souvent et avec autant de magnificence. Elle a passe par tous les formats, ct de rin-8°est descendue a I'in-Sii, coramc si le I'j" etle 18" siecle eussentvoulu en appeler aussi a ces masses po- pulaires auxquelles semblent s'adresscr de preference les apotresdes doctrines nou voiles. La collection ([ii<' public en cc moment MM. Trent- LIVRES FKAN^AIS. ,^91 lef ft Wiirtz est d'un pns. assez mocliqiie pour pouvoir ihc'Icii- (Ire .1 cette popularitc, et, cl'iiue autre part, est inipiimee avec assez de luxe et de soin pour teniravec honneur une place daus les biblio- theques. Le papier en est beau, le caractere net et facile, Ic texte re- vu avec conscience. La livraison que nous annonjons renferme les deux premiers volumes des oeuvres de Moliere. Lc premier est orne d'un beau portrait, qui, jctc au milieu de la premiere page, enlrc le titre et le nom des editeurs , rappcUe avec goiit et simplicite les titres decore's des anciennes e'ditions de luxe. Le Theatre de notro grand comique, suivi dans cette edition de divers divertissemens qui lui forment une sorte de complement liistorique , est encore prc'ce'de' de la notice rectifiee et des jugemens sonmiaires de Voltaire sur chaque corae'die. La preface generate de la collection promet les memes soins aux auteurs qui suivront Moliere. Lechoix qu'annoncent les e'diteurs est deja une garantie : car cette collection ne doit presenter que les chefs- d'ceuvre; Moliere, Racine et Boileau seront seuls complets. Ghaquc auteur d'aillcurs aura sa notice et ses e'claircissemens litte'raires , historiques, bibliographiques. M. Patin s'est charge du travail sur Racine. Co jeune professeur a trop profonde'ment c'tudie' !e dramc antique pour que son commentaire ne pre'sente pas un haut inte'rel . A. DE L. 187. — OEuvres de Voltaire , avec prefaces , avertissemeiis , notes , etc. , etc. j par M. Beuchot. I'l" livraison : t. 3, 4 ct '^1 • Paris , i83i ; Lefebvre , rue de I'Eperon , et Firmin Didot. 3 vol. in-8". Nous avons deja, plus d'une fois, recommande' aux Iccteurs de la /Jet-Me cette importante publication, la plus remarquable, sans contredit , qui ait encore etc faite des oeuvres de I'un de nos plus grands ecrivains. On a dit et nous nous plaisons a le re'pe'ter, que personne n'e'tait mieux prepare' a un travail de ce genre que M. Beuchot; ses vastes connaissances en bibliographic , son exactc ei consciencieuse erudition , et, par dessus tout , 1' etude approfondie et minutieuse des moindi-es ouvragesde son auteur (pousse'e a tel point, qu'il le rectilie souvcnt lui-meme dans ses propos citations), tons ces genres de merites difl'erens , qu'aucun edilcur n'avait encore offerts 592 LIVRES FRAN(;AIS. au memo dejijic, sc font remarquer dans cette dcinicre livraison , dc inemc que dans toutes celles que nous avons dcja fait connaitre. Nous nous contcnterons , comme a I'ordinaire , d'indi(|uer sommai- rement la inatierc de ces trois volumes Les volumes 3 ct 4 se rajjportcnt a la correspondance , et com- prenncnt 707 Icttres , depuis le n" O09 jusqu'au n" i3i5 , et de I'anne'c 1738 a i744- 0" demeure confondu quand on songe a ce que devait coiilcr de terns et de soin, au milieu de Lien d'autres travaux tout autrement sc'rieux, cette vaste coiTespondancc , cntre- tenuc sans relacbe pendant quarante ans avec une partie des hommes ce'lebies dd'cpoque, et qui offt-e, en meme terns, le modele leplus parfait de toutes les nuances du style epistolaire, etla galerie la plus inte'rcssantc des illustrations du dix-liuitieme siecle. L'e'diteur, entre autrcs soins dont le public lui tiendra compte, a eu celui de placer, a la fin de cbaque volume , une table des personnes a qui les iettres sont adresse'es, et qui presente, en outre, les n°^ dccelles-ci , classefes par ordre de dates. Les plus nonibreuses sont celles que Voltaire adressaita Frederic II, soit comme prince royal, soil apres son ave- nemcut au trone, en 1740. Les re'ponses de ce dernier ne sonl pas moins curieuses ; il est piquant de voir I'heritier d'une monarcliie naissante , qu'il e'leva depuis au premier rang des puissances euro- peennes, s'arreter a ce concert d'admiration qui environnait alors I'auteur de la Henriade , lui soumetlre ses doutes litte'raires , et s'et- forcer, d'une mauiere qui ne fut pas toujours beureuse , de lui re- pondi-e, sinon dans le merae style, du moins dans la meme langue. Ces Iettres , ou le futur vainqucur de Molwitz pousse la modestie , feinte ou re'elle, jusqu'a se placer uii peu au-dessous de la seivante de MoUere, contrastent d'ailleurs assez tristement avec la con- duite qu'il tint plus tard envers I'objet de tant d'admiration , qu'il proclamait encore le plus grand c'crivain de son siecle, alors meme qu'il le laisail arreter a Francfort , ct garder a vue , avec sa niece , par une compagnie de grenadiers. Le tome ui , le troisiemc de la livraison que nous ainioncons , contient le precis du siecle de Louis XV. Le soigneux e'diteur nous appiend dans sa preface que cet ouvrage a etc compose, en partie , avec de longs fragmens d'une flisloire de la guerre de 1 7 j 1 . rcMigcV p;ii' V sa qiialite d'historiographe de France , et qu'il aljandoiina dans im juste inouvement d'indignation apres rarrestation du prince Char- ks-£douard a I'Ope'ra , en i749' L'cditeur a consulte' des exemplai- rcs et des manuscrits pre'cieux des deux ouvrages , eta joint, commc a I'ordinaire , ses propres notes , qui ne sont pas les nioins inte'res- sautes , a celles de I'auleur lui-menie , des editcurs de Kclil , et de M. Clogenson. y. z. 188. — OEiwres litte'raires de M. Jaj. Paris, i83i j Moutar- dier, rue Git-le-Cceur, n" 4- 4 '^'o'- in-8° ; prix , 'i8 fr. En attendant que nous puissions offrir a nos lecteurs une analyse raisonne'e des oeuvres litte'raires de M. Jay, nous nous liatons de re- mercier I'auteur de I'heureux choix d' opuscules varie's que pre'sen- tentces qnatre volumes. Nous aimei'ons a revenir sur ses pliilosophi- ques passe -terns de Sainte-Pcla^ic , sur ses inte'rcssantes nouvelles de TAmerique, et si nous contestons a Jacques Delorme un certain nombre de ses assertions litte'raires , nous partagcrons franchement sa pre'dilection pour Montaigne , et sa sympatliie pour le talent et Ic caractere de raadame Dufre'noy. Nous pourrons bien aussi restcindre un pcu Tadmiration excessive ;, selon nous, qu'il prodiguc a RajTial ; mais nous nous associerons de toute notrc ame a la ge'nc'reuse in- spiration qui lui a dicte' Tcloqucut eloge du general Foy. i8g. — Poesies politiques , par Marc-Antoine ivi.i.ni.'s, Ac Paris , auteur de r£'55aj sur I'emploi du terns, fondaleur-diroc- teur de \ii Revue Encyclopedique , e\.c. , etc. Paris, i83i ; Sc- diUot , rue de I'Ode'on, n" 3o. In-8° de 1 1 5 pages ; prix , 4 i'- Jete , bien jeune encore , au milieu des grandes commotions :de la revolution fran^aise , M. JuUieJl de Paris a recueiili, dans le spectacle de cette glorieuse e'poque, Jes vives et patriotiques emo- tions qu'il est venu dc'poser plus tard dans une se'rie de poesies po- litiques; et ces poesies , c'est au milieu des secousses d'une revolu- tion nouvelle qu'il les livre aujourd'hui a la France. Quelle est la pense'e de ce recucil? La pense'e memc de la vie en- tiere du pocte ; cc vif amour de la patrie , cet immense de'voument a riiumanite , qui tant de fois a pousse I'auteur a supple'er par des nistiUilions parliculicres a ce qui pouvait manqucr aux insfiliiticns 094 LIVRES FRANyAIS. politiques du pays ; enfin ce piofoncl sentiment dc la dignile natio- nale, qui, en 181 3, dictait a M. Jullicn cette e'loqiiente protestation dcs rcprc'sentans, qui apparaitra iin jour dans I'histoire comme le contre-poids de Waterloo. G'est la qu'cst en partic le caractere ori- ginal dc ce recucil. Mais il est surtout dans cette noble itnpartialitc qui a ferme I'ame du poete atout ceque I'esprit de parti adehaineux ct d'amer. Ces poe'sies ne sont pas des chants du moment , des co- leres ou des apotheoses du jour , des cris de passion en un mot ; ce sont des souvenirs , avec tout ce que ce mot pre'sente de doux et de calme, c'est le letour d'un homme qui a bcaucoup vu , beau- coup senti , sur un passe' auquel il n'appaitient plus que par des regrets. Aussi rien de plus me'lancolique quelquefois, et de plus tou- chant que les inspirations de M. Jullien. Chez lui toute pense'e poli- tique prend une forme grave et presque religieuse, comme aussi toute pense'e qui paraitrait au premier abord e'trangere a la politique ne tarde pas a prendre la forme ct la couleur des ide'es habituelles du poete. Un double exemple achevera ma pensee , et apprcndra a nos lec- teurs tout ce qu'il y a de variete' poe'tique dans I'unite' de ce recueil, tout ce qu'il y a dans le style , de vie, de force et d'ele'gance. J'emprunte le premier morceau a la piece des Dix lustres, que je voudrais pouvoir citcr tout entiei'e. De nion cinqui^mc lustre un cachot voit I'aurore; Une sombre doulcur en secret me devore. Le printems de ma vie est done empoisonnd. Par de laches amis jc suis abandonne; Je lanfjuis dans les fers. Adieu , belle esp^rance Dc consacrer mes jours a la gloire , a la France. La gloire n'est qu'un songcevanoui pour moi. La France , qui rcfut mes sermens et ma foi , Me livre sans defense a la haine acharn^e , Qui , bien avant le terns , defruit ma destinee. II ne sont plus ces jours de calme ct de bonheur , Qui , d'un long avcnir, m'offraientl'espoir trompcur. D'une jeune bcautd I'imagc enchantercssc Penetrait tous mes sens d'une amourcusc ivTcsso. Sous un riant bosquet, dans un air paiTumc .Vcprouvais le dcsir, Ic bcsoin d'etre aiinc. LIVRES FRANQAIS. 09 5 Tourniciitc J'une vague ct douce reverie, L'ombre d'liii bois (5pais , I'email de la prairie ; Lc murmure confiis des limpides ruisseauv , Fdcondatcurs dcs champs qu'ils baignaient de Icurs eaux^ Le tableau ravissant de I'immense nature , Des prodiges creds par I'humaine culture , Le silence des nuits, Teclat brillant du jour, Tout remplissait mon coeur d'espdrance et d'amour. O que I'amour est doux dans les jeunes anndes ! Voici le second , que nons citcrons tout entier : Quej'aime, 6 Wendermir, tes fortunes rivajfes I Aux bords de ton beau lac , j'ai vu tes verts ombrages, Qui , refldchls au loin dans lc miroir des eaux, Seinblaient un boisdpais prolong^ sous les (lots. Le soleil, repandant sa fdconde lumi^re, Du feu de ses rayons rdjouissait la terre. Et la terre erabellie etalait a nos yeux Un spectacle rival de la pompe dcs cieux. J'aime a voir de ces eaux la surface tranquille , Et leurs Lords enchanteurs et ce champetre asilc, Ou Ton peut a loisir contemplertour a tour, Et I'aurore naissante et la fin dun beau jour. Puis du lac agitd les ondcs blanchissantes , Oflrent a mon esprit les images vivantes Des flots des passions qui, dans des sens divers , Tourmenlent les humains ct troublentFunivers. Bientot du vent du nord la malfaisantc baleine A cessd de soufflcr sur la liquide plainc , Et le cristal des eaux reproduit sous nos yeux Des coteaux d'alentour les sites gracieux , Des antiques forets les verts amphitheatres , D'un ciel pur et serein les nuages bleuatres , El le clocher voisin d'un rustique hanieau Et le sombre cypres penche sur un tombeau. Ainsi quand de nos jours la saison orageusc, Oil domine des sens la fougue impdtueuse , A cessd dexciler les tempctes du toeur^ Quand Tamour dcs vertus dans noire amc est vainqui^ur , Gc doux calme des sens et cello paix de Tame llepandcnl sur la vie unc celeste llamnic , 596 LIVRES FPwVNCAIS. L'n rayon I)i('iir»i$ant qui , dc iios drriiiers jniirs Colorant Ihorizon , viont einhtllir leur cours. De nos jours Ics homines poIili(pcs c'ciivcnt leurs raemoires. Les me'nioires de M. Jullicn, ce sont scs poesies, et le lecteur lui saur.i grc' de la foiinc qu'il a clioisie. 1 90. — Chants Armoricains, ou Souvenirs de Basse-Bretagne , par M. Boucher de Perthes. Paris, i83i^ Treuttel el Wurtz, rue de Lille, n" 17. In- 18; prix , 5 fr. « L'auteur, en re'unissant qiiclqiies traditions recueillics sur les lieux , quelques souvenirs d'un long sejour en Basse-Bretagne , n'a ]ias eu la pre'tcntion de faire un poeme ct encore moins un om'ragc savant. II a taclie' de rendre dans une prose rime'e les impressions qu'il y a e'prouve'es. Plusieurs de ces chants sont une imitation d'an- cicns re'cits que re'pete encore le paysan des collines d'^re, ou le riverain de Ponturval et de Saint-Panl-de-Leon. » Ce peu de lignes de'tache'es de la courte preface des Chants Annoricains en est la meilleure critique. Ce livreu'offre en effet qu'une se'rie de tra- ditions inde'cises qui consacrent d'ancicns usages plutot que des fails, si toutefois la peinture des usages d'un people primitif n'est pas toute son histoire. II semLle que la vie d'une nation jete'e sur les cotes de la mer, disputant jour a jour sa vie a la ste'rilite d'une tcrre avare et aux dangers toujours renaissans des flots , pre'sente une grande varie'te' d'aventures. Au premier coup d'oeil , il est vrai, la varie'te' en parait grande; mais au fond rien de plus uniforme, et par consequent rien de plus monotone que les re'cits du poete. 11 pouvait cependant e'vitcr cetle monotonie si , au lieu dc se contentcr de tra- duire ces fugitives traditions de Basse-Bretagne , il eiit donne une physionomieplus caracte'rise'e a ces he'ros qu'il nomme a peine et qui passent trop vite et trop confuse'ment sous nos yeux dans ces rapides compositions. Pourquoi nepas les jctcr dans un cadre vivant et ani- me? Ces raceurs toutes locales que le poete s'est efforcc de peindre nous auraient bien autrement interesse's dans un ensemble dramatique et passionne' , dans lequel elles auraient ajoute' a I'originalite des ca- racteres et a I'illusion du re'cit. Tout cela ,• le poete s'en est prive lui seul ; car qui rcmpccliait de faire ])asser dans ses chants , tout en lour ((inscrvant la lonu'' de la clianswi , (■omme dans les romances du LIVRES FRAN^AIS. 5gy Cid , qiiclqiie chose de ce vif inte'ret qui brille a cbaqite page dcs trois noiivellcs en prose ossianique qui tcimincnt ce volume? Cela dit , il faut rcndre justice au style de I'autcur, toujours simple, ele- gant, facile, quelquefois faible et un peu pale, raais quelquefois aussi e'nergique et fortement colore , et la preuve la voici : Lescorbeaux de Carnac ont paru dans la plainc. Les vautours desccndent des monls. lis ont senti la mort j Ercch brise sa chaine. Dys a parl^ : nous coinbattrons. Les dieux , les justes dieux comblent inon esperancc ; Demain , nous verrons les h^ros , Nous verrons Ui'-maz-IIan , au champ de la vaillancc. Demain, s'ouvrironl les tombeaux. Ecoute , mon coursier ; au cliquetis des amies , Joyeux , il liennit de plaisir. Dejk son noble coeur appcUe les alarmes. L'etrangei- vient , il vent parlir. 191 . — Lejeurie Romantujue, ou la Bascule litleraire. Tableau satiriqiie en cinq parties et en vers par F, Grille (d' Angers). Pa- ris, i83o; Levavasseur, an Palais-Royal. In-8° de 80 ])ages; prix , '1 fr. 5o c. Nous commencerons par louer M. Grille An litre qu'il a choisij qiioiquc son ouvrage fi'it dialogue , il a scnti qu'il n'avait pas fait uuc come'die , et il a donne' a son ceuvre le litre de Tableau satirique, non en cinq acles, mais en cinq parties. Ne cliei- cliez dans cctte piece ni une peinture vraie des moeurs du monde , elle ne s'y trouve que par moment , ni une critique bien approt'ondie des questions d'art, elle ne s'y montre (jue par intervalle, et ne s'ex- primc qii'en saillies. Les caracteres ont quelque chose d'inde'cis ; les situations sc dcvcloppent avec peine, les conceptions nc sent pas tou- jours heureuscs. Tout cela empechait que le livre de M. Grille fi'it une come'die, mais n'empeche pas qu'il soit une satire souvcnt ingc- niousc, vive, mordante , spirituellc. Je ii'ai pu saisir le fond de la pcnsc'e de I'auleur, et je Ic soupconnerais volonticrs de se mcquer dcs deiix c'roles qu'il met aux prises. Acceptons-lecomrac il se donne, 5g8 LIVRES FHAN^AIS. et, qnand nous lui aurons demande iin peu plus d'e'galitc dans |c style , un pcu plus de force dans les ide'cs , louons scs vers en les citant. Sais-lu que j'ailends le matin La touchantebcaut<^ qui r^jjle mon deslin? As-tu pard le temple? et,dis-moi , la toilette De mon apparlement sera-t-ellc compile ? Pour aplaiiirlcs pas a mesjeunes amours, Mets-lu sur le parquet les tapis de Velours ? En touffe as-tu lid I'iris , riiemcrocale , La rose du Japon et celle du Bongale ? Le classique enfume travaille dans un coinj Et de fleurs pour dcrire, il n'a jamais Lesoin. Mais moi j'aime le luxe , ct dans mes reveries , J'ai con{;u que Bufl'on travaillat aux bougies. Ajoutons que 1' episode des Deux Libraires est de la bonne co- me'die. A. de L. i9'2. — Epitre aux souverains, par madarae la princesse Constance de Salm, avec cette e'pigraphe : Nul de vous n'apercoit ce qui nous frappe tous. Paris, i83i; Se'dillot et Firmin-Didot. In-8" de 2 1 pages ; prix , i fr. 5o c. Les grands inte'rets politiques absorbent aujourd'hui toutcs les pensees , la poe'sie elle-meme doit subir I'influence de cette disposi- tion ge'ne'rale des esprits , et la politique est devenue" pour elle unc source feconde d'inspirations. Les nobles pensees, lesve'rite's morales et politiques d'une haute porte'e acquicrent une nouvelle force , si elles sont exprime'es , et , pour ainsi dire , burine'es en beaux, vers. Le langagc poe'tique les reproduit avec plus de concision et d'e'- nergic. Cette remarque pent surtout s'appliquer a la nouvelle production iitteraire, dans laquelle madame la princesse Constance de Salm , depuis long-tems chere aux muses fran9aises , se rend , avec imc courageuse franchise , I'organe de tous les amis des lumieres et de la liberte. Son Epitre aux souverains ahsolus serait un veritable ser- vice rendu aux rois ainsi qu'aiix pcuplcs , si les rois, assiege's jwr lours com-lisans et lours flatteurs. pouvaicnt voir les choscs conune LIVRES FRANgAIS. 599 cllos sont rcellement , et appre'cier les besoins et Ics voeux dcs na- tions ct leurs proprcs inte'rets dc gloire ct de stabilite. Dans la situation actuelle dcl'Europc, cctte manifestation dcs sentimens et dcs vucs d'une ame forte et ge'ne'reuse, ct d'lin esprit e'leve, n'en produira pas moins un effet salutaire, en fixant de nou- veau I'attention sur la gravite' des circonstances , Tiinminence dcs dangers, la saintetc' des devoirs impose's aux gouvernemcns. Yoici le deTjut de I'Epitre : Sonvcrains , qui r^gncz comme r^gnaicnt vos percs , Qui . dans ces tcins d'cclat , de grandeurs , de lumiercs , Au nom du droit divin , voulcz lout asservir , Dans ce vasle dessein croyez-vous reiissir ? Lorsque la libertd , par vos mains cnchain^c, A de honteux dedains si long-tems condamn^e , Se leve tout a coup et rcprend son essor , Croyez-vous Tavilir et la dompter encor ? Apres avoir comliattu les illusions , les cspc'rances ct les projels que nourrissent encore les rois absolus et leurs rninistres , le poetc continue ainsi : Oui, des vieilles erreurs relevant la banniere, Vous voulcz lout braver, mais vous ne pourrez faire Que la marche des tenis s'arrele devant vous , Que les ordres dc I'un reslent les lois de tous, Et quVn paix la raison , "a I'ombre de vains litres , Du sort de Tunivers vous laisse les arbilres, Vous resjterez en vain , vous ne le pouvez pas .... RespectCj mais juge, le Irone liereditaire Est de I'opinion devenu tributaire, Et de tant de vains droits , un scul droit est resle , Lc droit de la justice et de riuinianit^. Madame de Salm rappelle aux rois absolus qu'ils ont eux-memes proclame , naguere ( en 1 8 1 3 ct 1 8 1 4 ) pour renverser Napoleon , les memes ve'rite's dont I'application les effraie aujourd'hui. Ccs ve- rite's, qui ont trouve de i'e'cho en Europe, ont suffi pour exciter un entliousiasmc general parmi les peuplcs , et pour assurer le triomplie de la formidable cioisadc qui marclia eonfrc la France, en croyant (■)00 LIVRES FRAN^AIS. iigir ot conibattrc pour la cause de ia liberie contre le despo- lismc. Siir son tronc ap;randi cliacun renionte en maitrc; Voiis roprcnez vos droits par vos pcuplcs conqiiis. Lcur courage a Iciiu cc qu'il avail promis. Mais vous, grands souvcrains , dont la parole saintc D'un poiivoir tout divin etait, dil-on, empreinte. . . . Les serinens fails par vous, les avez-vous tenus ? L'auteur presse vivement les souverains, et prouve qu'ils n'ont su ni donner les bienfaits promis aiix peuples , ni les faire jmiir d'une sage liberie, ni briscr dcs chaines odieuses, ni mis desbmncs ail pouvoir , ni mcme fait briller quelque espe'rancc fonde'e d'un raeilleur avenir. Ce qui pour vos sujets partout serait un crime , Le parjure est par vous devenu legitime . . . L'univers est chang(i, vous seuls restez les memes. Nous regrettons de ne pouvoir multiplier nos citations, ct pre'sen- ter la peinlure vivante ct anime'e du grand exeraple qui a frappe' I'linivcrs, ct dont rinfluence contagieuse s'est comraunique'c soudai- nement a plusicurs Etats. Le pocle trace avec vigueur I'explosion de la re'sistance des peuples et ses lerribles consequences , et les com- mencemens de guerres civiles sanglantes , dont le de'lii-e momen- tane s'c'vanouit au nom sacre' de la patrle. Elle peint la honteuse ftiite de cclui c[ui a cru pouvoir imposer par la force ses volonte's iinmuables ; elle montre que tels seront de'soi'mais I'rivenir et le sort dcs monarques aveugles et obstincs qui ne sauront pas faire a Icms dcs concessions raisonnablcs , jiistcs , ne'cessaires. Souverains, vous formicz une sainte alliance j II s'en formait une autre, elernelle en ses droits, Celle de laraison, dcs peuples ct dcs lois La raison s'est murie , LVnfance dercsprit est a jamais finie. Madame de Salin caracterise la nouvellc c'poqiie , et declare, au nom du sii'cle , Que la force n'cst rien sans la publique cstinie , Qn'nn roi qui rend lieurrux est toujonrs li'nitimo. LIVRES FRAN^AIS. 6o I Elle intci-peUc de nouveau les rois absolus, ct Icur demande s'ils oseront me'connaitre ces ve'rite's sacre'cs , armer leurs bras centre les liberte's des peuples , saper cux-mcmes leurs trones , en appelant sur leur pays d'incalciilaljles raallieurs. L'univers dcsold uaccuscra que vous. Puis , revenant a I'espe'rance que les rois comprcndront pcut-etre mieux leur position , et consentiront a suivre les conseils de la mo- deration et de la sagesse , elle les avertit Que les yeux sont ouverls, que chacun les contemple, Que d'un mot, d'un refus, leur avenir depend, Et que riiistoire cnfin est la qui les attend. Nous avons suivi la marche simple, rapidc, e'nergique de I'au- teur , pour donncr une idee plus nettc et plus precise de I'ensemble de I'ouvrage, de I'encliainement des ide'es, de la logique serre'e qui s'y fait remai'quer. Maintenant nous emprunterons , pour exprimer notre jugement sur I'Epitre de madame la princesse de Salm, les paroles d'lme femme poete , non moins distingue'e par son talent su- pe'rieur que par ses qualite's sociales , qui prouvent bien , comme elle I'affirme avec eiiasion, quit n^ est pas vrai que les femmes ne sachent pas jouir des productions et des succes des autres femmes. « Oh non,je le sens dans mon coeur, cela n'est pas vrai.)) «... Dans cette e'pitre, la hauteur et la justesse de la pense'c se joignent a la force et a I'energie de 1' expression : elle est scrae'e de vers que Ton citera souvent.... Ge n'est pas que je croie que ceux a qui elle est adresse'e en profiteront : rien n'c'claire I'orgucilj la raison n'a jamais pe'ne'trc' I'e'paisseur de son bandeau; mais la ne'cessite' les contraindra sans les convaincre. Cette e'pitre n'en sera pas moins utile. Des vers bien frappe's devicnnent une ha- bitude pour la me'moirc ; ils se reproduiscnt en citations. Les ve'- rite's qu'ils renferment, plus conciscs que la prose , outre cct avan- tage, ont uu charme aimc de I'orcille, ct que la pense'c ne de- daigne pas. » TOME L. JUIN i85l. 39 5o2 LIVBES FRAN(;A1S. Nous partageons cntiercnient cctte opinion , qui nous est coui- mune avcc bcaucoup de Iccleurs judicicux. Mais il n'apparlrnail qua unc ferame spiritucllc ct sensible de la icvclir dc cetic forme delicate et le'gerc qui fait inieux goiiter la raison cmbcllie par la grace. M. A. .lii.i.iiN, (Je Paris. IV. IXOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTERAIHES. AMERIQUE SEPTENTRIONALE. ETATS-UMS. Etat de New-York. — Education. — (Extrait tic Y^iimial Register, i83i.) La population de I'e'tat est actuellement de 1,616,458 habitans, ycompris 49,933 boramcs de couleur. g,o6a e'coles primaires de district sont fre'quentc'es par 499,4^4 enfans; et comme il y a beaucoup d' e'coles particulicres dans les villes (on en compte 44'-^ ^ New-York) , et qii'on en trouve merae dans plusieurs villages , on a constate par le dernier recensement que I'instruction est donne'e annuellement a 55o,ooo enfans, qui forment a tres-peu pres les deux septiemes de la population totale. Les classes des col- leges et des academies ne comptent que 3,835 e'tudians En compa- rant la France a I'etat de New-York, nous y trouverons un nombre proportionnel d'c'coliers dans les classes supe'rieures j mais nous ver- rons avec regret combien I'instruction commune est rare chez nous , en comparaison des progresqu'elle a fails aux Etats-Unis de I'Ame'ri- <{ne du Nord. Dans I'e'tat de New-York, les e'coles primaires coutent annuelle- ment 1,061,689 dollars (environ 5, 160,000 fr.). Si la France irai- tait, pour ce grand objet , la libe'ralite dont le Nouveau-Monde liii ilonne I'exemple, ses e!coles primaires lui couleraient plus de cent millions. AFRIQUE. Excursion a Vile de Sainle-Helene ; Visite au tombeau de Napoleon (janyier iHaS). r^a corvette la Coquille, dont les voiles cnfle'es par un vent frais liataicntle sillage, vit bientot surgir du scin derOcc'an Atlantiquelcs rocliers biulcs de Sainte-Hclene , dont Ics flancs calcines sont tailles en hautcs miirailles vcrticales. Tout poite Tompreintc de la ste'rilitc' sur ces apresi'ivages, ou la vue attriste'e cbercheen vain a se reposer. Snr ces cotes de fer, dcs laves , des scories entasse'es , ajoutent a la tristessc de I'abordj ef,pour completer ce tableau, des signaux sans cesse mouvans, des batteries berisse'es de canons , des guetteurs c'pars sur les mornes et sur les cretes ardues dcs montagnes, tc'moignent de I'inquiete ct active surveillance des possesseurs do cette aire mari- time. Toutefois, en approchant del'ile, les ocres rouges et bigarre'es, aux vives coulcurs , s'entr'ouvrent pour laisser apparaitrc dcs ra- vines, au fond desquelles coule une caufraiche et limpide,ctquc cou- ronne une verdure riante et presse'e. Notre vaisseau, qui gouvernait sur la rade dc James, apres avoir satisfait aux exigences d'une garde place'e a la pointe du Pain-de-Sucre , ne tarda point a laisser tom- ber I'ancre au milieu des navires baleiniers qui ope'raient leur re- tour en Europe, apres plusicurs annees d' absence. Rien ne pcut peindrc cette impatience sourd'e d'un navigateur dcpuis long-tcms en mer ct qui va bientot saisir cette tcrre qu'il a plus d'une Ibis revee dans son sommeil : tout Tcmeut alors , tout sourit a son ame j la pierrc sur laquelle il deljarque , la touffe d'herbe sur laquellc il se jette en sortant du canot. Mais a Saintc-Helcne d'autres pensc'es do- minaicnt Ics sensations individuellcs d'un Francais : cette ile avait c'te la sepulture vivante du plus grand homme des tems modernes; la git sa de'pouille mortelle. Notre premiere visite fat consacrce au gouverneur dc I'llc , sir Walker, general dela compagnie deslndcs. Je m'emprcssai de solli- ciler, pourmes courses d'histoircnaturclle,la permission dc parcourir rmtc'rieur de I'llej car je n'iguorais pas qu'il e'tait exprcsscmcnt de'- fendu de laisser nenetrcr aucun c'transrer au-dc!a dcs murailles de la \FRIQUF.. 6o5 villede James. Sir Walker noiis coinbladcpoiilesscs , cl m'accorda giacieusemeat ce que je lui demandais, en y mctlaul une seule con- dition , cellc d'etre accompagnc d'un officier anglais qu'il de'signa aussilot. Je m'cmprcssai le jour inenie de fairc une excursion sur les montagnes de I'llc; el, muni detout I'attirail d'un naturalistc, je me jetai avec aideur dans les halliers pour courir aprcs les papillons, recolter des plantes^ ou chercher des cscargots. Que mon compa- gnon de voyage dut maudire cette course a travers champs I Je voyais, a la mine allonge'e et a I'air maussade de cet officier, combien de telles promenades e'taient pcu de son gout ; je pris pitic de son martyre , et nous ue mimes plus sa complaisance a re'preuyc que ^ pour visiter la demeure de I'empereur et son tombeau. Cepelerinagc etaitdcpuis long-tems I'objet ardent de uos de'sirs ;■ nous e'tions les premiers Francais qui toucliions a Saintc-Helcnc de- puis que Napoleon n'eftait plus. Par une de ces journccs qui, sur cet ilot, seraient brulantes si elles n' e'taient temperc'es par la brise de mer, nous quittames la villa de James; et notre calvacadc , grossie par quelques officiers anglais, selan9a avec prestcsse vers les Briars , par la route de Side-Path. Briars est une maison de plaisancc dont la perspective est des plus pittoresques. Place'e a mi-coteau sur I'lle , si e'leve'e elle-meme au-dessus du niveau de la mcr, cette de- meure domine James's- Valley, la ville qui est a ses picds, ct les navires qui se balancent sur I'ancre qui les rctient au rivage. La vue n'est arrete'e que par I'horizon bruraeux et loiutain que forme le ciel en s'abaissant comme une coupole , tandis que les ]ut.ons sour- cilleuxdu mont Diane, liauts de presde 2700 pieds anglais, se per- dent dans les nuages. Ce fut la premiere demeure qui rc^ut I'hdte britannique , ce fut le premier pied-a-terre du nouveau The'mistocle admis au foyer du prince regent j mais Briars, entourc d'ombrages epais, place dans une position dc'licieuse, offrantun panorama animc ct mouvant , pouvait peut-etre apporter des distractions passagcres a la gTandc infortune qui s'y trouvait confine'e : aussi fut-il bientot rerais a ses proprie'taires ; ct Napoleon ne tarda pas a clre rele'gue a Zowgwoo^^, residence du gouvcrncur en second, et batie dans la partic oricntale de Tile. I/ongwood est une maison sans agrc'nicnt, place'e a rextremitedes 6o() AFRIQUE. longues juTlt's, (|iie Ijoidcnt dc proloiuls ravins, cles fondrieres cscar- pees, etne commiiulqiiant que par unelroit sentieravec James-Town; sentier que bordent dc grands conyzas au fcuillage triste et lugubre comme cclui des oliviers. Ses alcntours sont nus et ste'riles; elle occupe le commencement d'une sorte de plainc littorale, e'leve'e de \']()-i picds au-dessus dii niveau de la nicr, mais que d'apres roclicrs calcine's abritcnt a I'horizon, de maniere a de'robcr sa surface. Car, de sa triste prison, le regard d'aiglc de I'liote de Longwood venail se briser sur un horizon de pierre, ou se repliait sous Ics feux de'vo- rans d'un ciel des tropiques. Lorsque nous visitames cette raaison , ennoblie par la grande inlbrtune que rcce'lerent ses murailles , un ignoble desordre, pire que ['abandon, I'avait transforme'e en un blut- toir ou se vannait le grain pour I'usage des employe's de la colonic confine's dans cette partie de I'lle. Une creclie occupait la place du lit deNapoIe'on, et sa cliambre a coucher e'tait dcvenue une e'curie ! ! I Plus de tapisseries, plus de boiseries; ricn dans cette dcmcure n'at- testait qu'elle eiit servi de refuge a un cmpereur mis au ban des rois ! Seulement les barrieres qui genaient jusqu'a sa promenade e'taient reste'es dcbouta I'entour, et leur labyrintlic embarrassait encore les pas des visiteurs. Non loin se trouvait place'e une maison plus oonvenable, que le gouvernement anglais fit batir pour son prisonnier, et qui n'e'tail point encore terminee lorsque Napoleon mourut. Get e'difice, com- mode comme logement , construit avcc e'lc'gancc , entoure' de galeries touvertes , de jardins trace's avec gout , meuble avec recherche bien qu'avec simplicite', nous fut montre' avec ostentation par nos guides. Mais," dans ces pieces froides et vides, quipouvait nous inte'resser? Cette bibliotheque, cette salle de billard, ces bains, ne refurent ja- mais celui que sir Hudson Lowe avait pour but de faire mourir d'un suicide moral. Quelques fleurs, venues du Cap, avaicnt channe I'cmpereur : elles ouvraient alors leurs coroUes embaume'es , ellcs nous prodiguaient leurs charmes : aussi mimes-nous le plus vil empressement a les cueillir, a les desse'cher, comme de pre'cieuses reliques, et comme une e'manation d'un lic'ros. Nous quittames Longwood avec tristessc. Que de reflexions cruellos, que d'aineres angoisscs la grande amc de I'exile' dut de- AFRIQUE. 607 Void' sue (-e peti; c-inc de terrc ! el pciil-etre le regret le plus poi- gnant pour son coeur dut-il souvent empoisonner ses reflexions, en songeant cpie de victoires il lui avait fallu remjiorter pour nous re- inettre sous un joug qui, sans lui, n'eiit jamais courbe et avili nos tetes. Nous primes conge de ces lieux sans oser detourner nos regards. Nos re'fles.ions e'taicnt trisles et austeres • elles n'avaient change' de nature qu'en visitant I'asile d'une araitie' honorable, d'un devoumenl sans bornes, car lajide'lite an malheur est une vertu dont la pen- see rafraichit et tempere, commc Ic calme du soir par un beau jour d'e'te. Nous suivimes ientement des chemins e'troits et entortille's pour gagner la valle'e de Sinn. Des roches calcine'es, des ravins noircis , I'enfer du Dante , quant a I'aspect des lieux , I'lle du Ca- moens , par quelques ravines fraiches et emaille'es , se succe'daient a nos yeux. Bientet enfin il nous fallut metti-e pied a terre; nous al- lions entrer dans la valle'e oil gisait sous quelques pierres la grande ombre de Napoleon. Cette valle'e semble revetir les formes les plus fantastiques ; si des e'boulemens et des roches brise'es par la nature nous donnent I'image du chaos, de fraiches pelouses, des ondos murmu- rantes qui fuient a travers des herbes d'un vert gai nous rappelleni, les charmes d'un paysage plus riant. Des pins, aux noirs rameaux , au sombre feuillage , attirerent nos regards ; ils occupent la portion resserre'e du valde Sinn; puis, ils cessent bientot, et sont remplace's par des massifs de geraniums aux coroUcs dc feu. La s'e'levent des chataigniers de la vieille Europe, des pommiers de Normandie. Sous d'e'norraes touffes de fougeres jaillit des flancs du ravin une source qui se perd en humectant le gazon. Tout est riant dans cette partie de la valle'e, tandis qu'a quelques pas plus en avant ses bords sont ntis, tachc's de rouge et de noir, traverse's par des zones bigar- re'es d'ocres calcine'es , et des crevasses de'coupent de leurs festons les parvis de re bassin, 011 des pans de rochers menacent mines. Ici, la devastation et la mort ; la, la fraicheur, Ic calme et la vie. La vie I I I Voire permis , gentlemen, nous cria un soldat qui portait sur I,» plaque de son shako fValetioo! Soldat vetu de lougc, i'l accent 6o8 AFRIQUK breton , a parole breve ct imperative comme une consigne ; soldat dont la pre'sence de'truisit nos reflexions pcnsives , rejcla loin dc nous dcs terns qui absorbaient nos faculte's, et qui, en nous tirant du monde liistorique , nous ramena brusquement a I'existencc d'un fait matei:iel accompli. Ce soldat, saguc'rite^ quelques saules pleureurs elcve's , une picrre plate , jete'e , toute blanche encore , au milieu d'herbes vertes , un tombeau au milieu des fleurs et des ruincs de la nature, dcs barreaux de fer, range's autour d'une plate-forme qua- drilatere : melange lieterogene, s'il en fut jamais, d'un liommagc toucLant, d'une barbarie raffinee , d'un grand bomme , d'un cadavre ronge de vers, voila ce qui frappait des yeux francais. C'e'tait le tombeau de Napoleon Bonaparte. II me fallut quelques instans avant de pouvoir mc rcconcilicr avec la presence d'un soldat anglais dans ce lieu si plein de grands souve- nirs. Mais la complaisance de ce geolier de mort psamoldiant , pour la millieme !ois , quelques details vulgaires, finit , s4non par nous inte'resser, du moins par nous faire oublier sa presence. Cette eau limpide et murmurante , qui baigne le fond de la vallee, e'tait celle dont Napoleon airaait a se rafraichir ! Cette pelouse gaie et molle e'tait celle ou il se reposait volontiers , a la suite de ses promenades a cheval , qui devinrent si rares pendant les derniers tems de son sejour a Sainte-He'lene ! Plus d'une fois il y chercba le calme et vint y goiiter un repos de quelques instans. Maintenant ces grands saules abritent son tombeau : son tombeau, que recouvrenl quelques larges dalles dc pierre, sa«s inscription , sans ornemens , sans un seul mot qui te'moigne sa destination; cependant que ne dit pas cet humble mausole'el L'Europe entiere en est e'mue! Nous arrachames quelques branches des saules , que nous devious conseiTcr rcligicuscmcnt. Plus d'lme larmc humectercnt la paupiere dcs ofliciers, mes compagnons. J'avoue qu'cntrc au service de ma patrie sous Napoleon, mes yeux restercnt sees. Mes premieres an- ne'es , toutes d'entliousiasme, lui de'vouerent le tribut exclusif d'un age sans experience. Sa grande infortune fit disparaitre les torts de sa vie impc'riale; mais un Franrais , ami de'vouc' de son J'ays, ])oui-- rait-ij oublier que soldat, il milrailla des Franjais sur le parvis Saint-Roch; plebeicn , il s'entoura d'une noblesse j general , il per- EUROPE. ALLEMAGNE. 609 dit les frontieres que lui avail Ic'guees la re'piibliqiie j fils de la li- berie , il e'toidfa sa mere ; savant , il ecrasa les sciences par le mono- pole ; roi , il osa metlre en pralicpie ces mots de Louis XIV : La Franca, c'est moi; il 111 la guerre pourparquer les peiiplcs comme des betes de somme ! I ! El cependanl que de genie dans cette arae froide et brulante tout a la fois; que de courage, que de mc'pris des hommes sous se sourcil abaisse a Tangle ; que de gloire , que de batailles a jamais fameuses; que de raonumens elevc's dans nos vi'.les par son active pensc'e! ! ! Fallait-il pour terminer une telle carriere se livrcr confiant a la generosite' des gouvernans de la Grande-Bretagne ! I ! Lesson. EUROPE. ALLEMAGNE. Donations , legs et dispositions pour fondations en faveur de V instruction puhlique en general. — Les dons fails par des particuliers pour la fondation d'elablissemens destine's a I'instruc- tion publiqiie , ou pour I'encouragement , I'ame'lioralion et la pro- pagation de cetle meme instruction en ge'ne'ral , nous paraissent etre d'une assez grande utilite' pour que la Revue les fasse connaitre et en re'pande la connaissance, ne fiit-ce que pour encouragcr d'au- tres bommes a s'occuper aussi de cette partie , qui , dans bcaucoup de pays , et notamment peul-etre en France , a tant bcsoin encore qu'on s'occupe d'elle avec une active bienveillance : ainsi qu'il nous soil permis de rappeler ici quelques-uns de ces dons faits par di- vers particuliers de I'Allemagne. Puisse Icnr exemple Irouvcr des imitateurs I Le chanoine Spiegel de Desenberg, de la province de Minden , dans le royaumc de Prusse , a assigne' au jjastcur protcstant de Warbourg un trailcment annuel extraordinaire de 80 rixdalcs et 'JO boisseaux de seiglc , et au mailrc dc'colc de la meme paroisse un semblablc salaire de [\o rixdalcs ot 10 boisscaux de seiglc, au moycn de quoi tons deux sont tcnus d'inslruirc- graluitcmcnt la jeu- 6lO EUROPE. ncsse de la paroissc. — Un maicliaiid C. J. G. Pieschel, mort, a Londres des I'annc'e i8iii , a legue par testament a sa villa natale , Magdcbotirg , iine somme de 33, ooo livres sterling , pour fonder dans If voisinagc de cetle ville unc c'colc piiblique gratiiite pom- les pain res enfans des deux sexes. Get etaLlisscment de bicnfaisance vient d'etre ouvcrt a Berg, petite ville des environsdcMagdeboui'g.Il y sera elevc 80 enfans pauvres. — M. Stein , professeur au gyranase de Berlin, a fait don a cet c'tablissement d'une somme de 1 0,000 rix- dales, dont les inte'rets doivent ctre employe's au profit des pro- fesseurs age's. S. M. le roi de Prusse a de'eore Ic donataire , deja distingue par les services qu'il a rendus dans I'instruction pu- blique , de I'ordre prussien de I'Aigle-Rouge de troisieme classe. — Un autre professeur du meme gymnase , le prorecteur Seidel , qui est maintenant en retraite , a fait de meme don a cet c'tablissement d'une somme de i,'25o rixdales pour la fondation d'une bourse. M. lecomtede Sach^ cliambellan et grand-A^eneur du royaume de Prusse, a institue I'ctaljlissement d'instruction publique dit Maison des orphelins, a Halle, le'gataire uuiversel de toute sa fortune, qui est considerable. — Feu M. le docteur 5aZc^ow , professeur de droit a I'universite de Halle, a de meme institue' la meme maison des or- phelins le'gataire universelle de toute sa fortune , qui , deduction faite de quelques legs particuliers , se montc a environ 6,000 rix- dales. Enfin, S. M. le roi de Prusse a accordc' une somme annuelle de 9,000 rixdales a la principaute' de Neufchatel , qui doit etre em- ploye'e a perfectionner et a e'tcndre I'instruction ele'mentaire dans cette province. Le decret royal contenant cet encouragement est remarquable par les principes de sagesse et de magnanimite qui y sont exprime's. Jh. de Lucenay. Exemple de lon^ci>ite. — On peut citcr , comme exemple de longe'vite tres-remarquable , Jean Chiossich , mort a I'age de 1 17 ans , a la maison des Invalides de Murano, prcs Venise. Nc a Vienne, le 26 de'cembre 1702, il entra a I'age de 8 ans comme fifre dans le regiment d'infanterie autricliienne Stahrenberg. Aprcs avoir fait comme simple soldat la guerre d'Aine'rique , il combaltit sous rempercur Charles VI contre les Turcs , en llongric ; sous le rcgne AI.LEMAGNE. ITALIE. (ill de Marie-Tlie'resc, eu i74i» contre la Priisse; puis, centre les Fran9ais, en 174'^) dans la Boheme, ct , en 1744? dans Ics guerres des Pays-Bas. A cctte e'poque, il quitta rarme'e d'Autriche pour en- trer au service de la republique de Venise , et il fit partie dc plu- sieurs expeditions maritimes, notamment dc celle que le general Emo dirigea contre Tunis. Enfin, le i''"' mai 1797, il fut admis dans la maison des Invalides de Murano, oil il mourut le I'j. mai 18.20. D'apres cet expose, Jean Chiossich a done compte' 87 anne'es de service eflectif, et si on y ajoute les lo qu'il a passe'es aux Invalides , il aura e'te simple soldat iio anne'es de sa vie. Cet exemple est unique dans les annales militaires. Les grandes fatigues et les privations de toute espece que Jean Chiossich a dii c'prouver pendant ses nombrcuses campagnes sur terre et sur mer n'avaient en rien alte're sa bonne constitution , et il conserva toujours la gaite de son caractere. Exempt de toute passion violente, il a vecu dans la plus grandc simplicite' de moeurs et avec une chastete' remarquable. Le pere de ce militaire a atteint sa cent cinquieme anne'c, et son oncle paternel a vecu 1 07 ans. P. HlMLY. ITALIE. Rome. — Population. — Lc Diario di /?07?ia public le talilcau suivant sur la stalistique et I'etatde la population de Rome, pendant les douze mois qui se sont e'coule's dcpuis lc jour de Paques 1 Bsig jus- qu'au jour de Paques de i83o. Eglises paroissialcs .' 54 Families 34,805 Eveques 50 Preires. 1 ,455 Moines et religieux 4,986 Religieuses 1 ,385 Scmiiiaristes et collegiens 560 Hdrcliques, Tares et infideles , les juifs non coinpris. 266 Prepares a la communion 1 07,433 6l2 KUROPE. Noil prcpar." en employant, pourcette impression , une couleur qui aurait pour base le pre'cipite noir qui se forme dans la cliaudiere a teinture des chapeliers ou I'encre clle- meme conside'rablement e'paissie , a la maniere des fabriqucs de loile peinte ; 3" enlin en donnant au papier timbre une date legale que Ton obticndrait soil en I'imprimant dans la pate, soit en la gravant sur la vignette ou sur les timbres, et plus simplement encore en fai- sant tourner chaque anne'e , sur lui-meme , le timbre sec dont toutes les feuilles de papier doivent porter I'empreinte. — M. Donne' lit une note relative a des expe'riences qu'il a pratique'es dans le but de determiner si la gelatine possede les propric'te's nutritives qu'on lui a suppose'cs dans ces derniers tems. Les re'sultats auxquels M.Donne est arrive' paraissent contraires a ccux qu'a obtcnus M. Darcet. On sait que, d'apres les conscils de cet habile chimistc, des hospices et des hopitaux ainsi que les e'tablisscmens de bienfaisance aA'aient pour la plupart introduit I'emploi dc la gelatine dans le regime alimcn- taire desmalades et dcspauvrcs. On conceit alors toute I'imjjortance d'une semblablc question. En consc'quence I'Acade'mie a nomme' une commission, com])ose'e dc MM. Darcet, Chevreul, Serullas, Serres et Magendie, qui examincra le travail de M. Donne el fera de nou- velles expe'riences sur les proprie'te's nutiitives de la gelatine. 6l6 FRANCE. — Seance du i3. — M.Remi, medecin a Chatillon, fait part dc fjuclqucs experiences relatives a I'emploi du clilorure de chaux coinme moyen de preVenir le dc'veloppcment de la petfte-vcrole. — M. Desprctz communique quelques experiences d'ou iire'sulte : i" que I'hydrate do baryte se decompose a une clialeur rouge sou- tenuej i" que I'azoture de fer pent se former directement en sou- mettant a Taction d'un courant de gaz azote du fer maintenu a une temperature rouge; 3" que tons les sulfates qui ne sont pas decom- posablcs par la chaleur seule de'gagent du soufre quand on les traite a une forte chaleur rouge par- le chai'bon ou le gaz hydrogcne. — M. Darcet pre'sente des considerations ge'ne'rales sur I'usage alimen- ' taire de la gelatine des os. «Ayant pris connaissance du Mc'moire prescnle par M. Donne dans la seance pre'ce'dente , j'ai cru , dit I'ho- norable acade'mien , devoir presenter un resume des considerations qui m'ont decide a lutter contra de nombreux obstacles pour faire adopter I'emploi de la gelatine des os dans le re'girae alimentaire des malades et des pauvres. II m'a paru d'ailleurs utile de faire connai- tre a la commission cbarge'e de re'soudre de'flnitivement cette ques- tion les bases du travail qui lui est confie et la mesure du grand in- teret qui s'y rattache. Laviande de boucherie contient par quintal, terrae moyen : Viande sethe 24 Eau 6i Os <5 Total 100 Les OS conticnnent au cent : Substance terreuse 60 Gelatine 30 Graisse 10 Total 100 En compai-ant ces deux resultats on voit que les 1 5 parties d'os contenues dans loo parties de viande de boucherie peuvent fournir (i parties de substance animale pure, ct, par consequent, que loo li- vres de viande , qui n'en produiscnt ordinairement que 'i^ de sub- stance alimentaire, en pourraicnt donner 3o si Ton utilisait la ge'la- PARIS. 61-7 line oil la graisse des os. Dans ce cas , quatre boeufs fourniraicnt iiiie quanlite d'alimcns c'galea celle que Ton retire aujourd'lmi de cinq. Voilii la question nettement pose'e : il s'agit, commc on le voit, de crcer tout d'un coup, sans de'pense , et pour ainsi dire dans le mondc entier, unc rcssource alimentaire tellement grande que ricn de com- parable n'a pu etre produit en France dcpuis 1789, malgre tons Ics cncouragemens que les circonstanccs , les societe's savantes ct le gouvernement y ont donnes a I'agriculture et a I'eleve des bestiaux. Voyons jusqu'a quel point I'expe'rience est venue re'aliser les espe- rances concues a ce siijet. Una coiuraission, nomme'c par la Facullo de me'deciiie ct compose'e de MM. Leroux, Dubois, Pclletan , Du- me'ril et Yauquelin, a fait distribuer des bouillons a la gelatine pen- dant trois mois a 4o malades et gens de service de la clinique interne ; ct elle a declare', dans le compte qu'elle a rendu de cette grande e'preuve : i"que I'eniploi delage'latine apporte dans le regime alimen- taire , non-seulcment une grande amelioration , mais encore une e'cono- mie qui n'est point a ne'gliger ; a" que le bouillon fait avec la gelatine est au moins aussi agre'able que le bouillon -ordinaire des hopitaux; 3° que non-seulement la ge'latine est nourrissante et facile a digc'rer, mais encore qu'elle est tres-salubre et qu'elle ne pent produire par son usage aucun mauvais effct dans I'e'conomie animalc. Voila des faits positifs ; en voici qui le sont plus encore. L'hopital Saint-Louis possede un appareil qui produit assez de gelatine pour preparer yoo bouillons par jour. Get appareil est en activite depuis vingt mois; il a deja fourni au service alimentaire de cet hopital 55o,8oo i-ations de dissolution ge'latineuse , et plusieurs rapports faits a ce sujet a I'adrainistration des hospices s'accordent tons sur les bons effets qu'on en retire. L'apparcil qui est e'tabli a I'Hotel-Dieu y fonctionnc depuis plus de quinze mois; il a dcja fourni 443,t>5o rations au ser- vice alimentaire de cet hopital, ct des rapports favorablcs ont e'tc fails a I'administration gc'nc'rale des hospices. M. Desportes , admi- nistrateur de I'HotcI-Dieu , annonce qu'il est pai-venu a obtenir, au moycnde la ge'latine, non-seulement une grande ame'lioration dans le regime alimentaire de cet hospice, mais encore une economic notable en argent sur celte parlie dii service. II laut d'aillcurs rcmarquer que les faits qui vienncnt d'etre cites sont Ic re'sultat d'cxpcfrienccs TOMi': I.. juiN 1801. 4n 6l8 FUANCH. laites sans iutciruption pendant dix-huit mois dans Ics deux phis grands liopitaux de Paris , et en y consommant commc substance ali- incnlaire 994, 45o rations dc dissolution gclatineuse. En rcflc'chissant au\ nonibreux travaux fails jusqu'a cc jour sur la gelatine , dit M. Darcct en lerminant, ct qui tous sans exception ont concouru a la monticr comme e'tant I'e'ellement nutritive, je ne puis me defendie d'e'metlre ici le vceu que les premieres cxpe'riences contrairesa cctto opinion n'arrctent pas imme'diatement I'impulsion que j'ai eu tant do peine a donner, et que I'opinion publique puisse au raoins roster ei» suspcns jusqu'au moment ou la commission charge'c de rc'soudr;' cette importante question aura pu achcver ce travail et rcndre comptc a I'Acade'mie de la mission qui lui a e'te confie'e. — Seance du -io. — M. Cordicr communique une nouvelle notede M. Rozet sur quelques phe'uomcncs physiques obscrve's dans les en- virons d' Alger. M. Piozct avait dcja eu plusieurs fois en France I'oc- casiond' observer que, dans certaincs circonstant.es, I'air atmosphe'ri- (piejouit de la proprie'te de donner deux images desobjets, a pen pros comme le spath d'Islande. Depuis son sejour en Afrique , lo meme phc'nomene s'est pre'sente' a lui d'une maniere tres-remartpia- ble a diffe'rcntes reprises, et particulicrement au camp de Staonelli , le '1'] juin i83o. Vers dix heures du matin, le ciel etait tres-beau, ot le thcrraomctrc dc Picaumur marquait -ai degre's. En regardant la ligne de bataille formc'e en avant du camp, on voyait bien dis- tinctement deux images. L'image extraordinaire e'tait moitie moins forte que I'autre , mais ne'anmoins elle se distinguait encore parfaitc- ment. Cellc-la se trouvait eleve'e d'un quart de la hauteur des objels ol tros-peu device latc'ralcmcnt. Le meme phe'nomene avait lieu pour les hommcs isole's j beaucoup dc tentes alge'riennes, toinbe'es au pou- voir de.; Francais , avaient, surle sommet, des spheres en fcr-blanc portant un croissant ; sur toutcs ces spheres on en appercevait tres ■ distinctcment une sccondc, tangente a la premiere, au point qu'an ])romier coup d'oeil on auiait cru qu'il y en avait deux. — Quand le . vent du sud souffle dans les environs d' Alger, la temperature aug- mente rapidement de 5 et meme de 10 degre's centigrades. Le 17 septembre dernier, le thermometre monta jusqu'a 89 degre's a I'oin- hre. Ol) e'tait alors commc dans une fournaiso; hs hommes et les PARIS. G19 animaux avaient beaucoup de peine a respirer. l.c capitaiiic du genie Boissel , qui dirigcait cc jour-la des travaux an faubourg de Babazon , rcmarqua que les hommes ivres tombaicut sans connais- sance; ceux qui c'taicnt entre deux vins re'sistaient un pcu plus, mais finissaient aussi par tomber; enfin ceux qui n' avaient qu'un pen trop bu e'prouvaient dc violens maux de tete et e'taient obliges de s'asseoir. Fort heureusemcnt que ce vent ne dui'e jamais plus dc vingl-qaatre heures, aulrement il causerairbeaucoup de raal. — Sous leclimatd' Alger les orages sont asscz rarcs ; dans le couiant de ccttc anne'e, on en a cependant cprouvc plusicurs qui ontparticulierement eclatc'surr Atlas. Le 8 au soir, Fair se troiivait trcs-charge d'e'lectri- cite'au sud , tout I'horizon e'tait en feu, et le tonnerre grondait conti- nuellemcut. Dans ce moment, a I'extremite' de tons les mats de pa- vilion qui sont dans rinte'rieur de la villc d' Alger ct sur les forts voisins , on vit une forte lumiere blancbe qui persista pendant une demi-heure. Des officicrs du genie ct de I'artillerie, qui se promc- naient tete nue sur la terrasse du fort de Babazon, furcnt tres-c'ton- ne's de sentir leurs clieveux se dresser et de voir une petite aigrette a rextre'mite dc cliacun. Quand ils levaicnt les mains en I'air, des aigrettes se formaient au bout de Icurs doigts ; cllcs disparaissaient en les abaissant. Pendant tout le tems que dura I'oragc , tout le monde e'prouva des mouvemens nerveux , une lassitude dans tout le corps et particulieremcnt dans les janibes. — M. Foy, I'undesme'decins envoye's en Pologne par le comite' polonais, fait part a TAcademie de quelques experiences qu'il a pratique'es sur lui-meme dans la vue de de'cidcr si le cholera est ou non contagieux. Ce mc'decin s'est inocule' sans re'sultat le sang des chole'riques ; il a avalc de la ma- liere vomie, a respire' leur lialeine, et sa sante' n'a e'te' nullemcnt compromise. — Seance puhlique du 9.'j juin. — Prix decerne's. — i " Grand prix des sciences naturelles. L'Acade'mie avait propose' pour sujet de grand prix de jibysique dc cctte annee , « dc faire connaitre par des rechcrches anatomiques et des figures exactes I'ordre dans lequel s'opere le dc'vcloppcment des vaisseaux , ainsi que les principaux changemens qu'e'prouvent en ge'ne'ral les organcs destine's a la circu- lation du sang chcz les animaux verte'bre's avaut et apres Icur nais- /,o. 6^0 FRANCE. saiu'c H dans Ics diffc'rentes cpoqucs dc leur vie. » Ellc n'a rcfii qii'un Mc'inoirc, qui n'a'jwinl ic'solii !a question propose'e, niaisqni contient cles reclu-rchcs nombreiiscs ct inte'ressantcs. L'Acadcmie a cm devoir accorder, a litre d'encouragcment , la somrae entierc des- finc'e au prix, a I'anteur, M. Marttn de Saint-Ange. — •2" Prix fonde par M. Alhumhert. L' Academic avail propose' la ques- tion suivante : « Exposcr d'linc raaniere complete el avec des figures les changemcns '(u'e'prouvcnt le squelctte ct les muscles des grc- , nouilles et des salamandres dans les diffc'rentes cpoques de leur vie. » Lc prix a etc' decerne' a M. Duces, professeur a la Faculte de me'dccine de MontpcUier. Une mention honorable a etc accorde'e a M.Martin be Satnt-Ange. — Prix de phjsiologie experiinen- iale fonde par M. de Montjon, L'Acade'mie a arrete que la me'- daille de I'lnslitut en or sera dc'ccrnee aiix savans dont les noms suivent , comme te'moignage de I'estime que lui inspirenl leurs tra- vaux : 1° M. Baek , pour son ouvrage sur le deVeloppement des ani- maux, spe'cialement celui des oiseaux; 3° M. Burdach , pour son grand travail sur le cerveau el son travail de physiologic sur la gene- ration ; 3° M. Kathke , jiour son ouvrage sur le deVeloppement dc I'ecrevisse; 4" M. PoiseiiillE , poiu' la continuation de scs rc- cherchcs sur le phe'nomene de la circulation ; 5" M. Panizza , pour scs reclierches sur le systeme veineux et lyniphatique des organes de la generation J 6" M. Kusconi , pour I'enseuible de ses travaux sur I'organisation des reptiles amphibiens a I'e'tat d'adultc et de tetard ; ■y" M. Jacobson , pour la continuation de ses reclierches sur le sys- teme veineux renal et sur les capsules sus-re'nales. — 4" Prix fonde par M. de Mon{j'on en faveur de celui qui aura decouvert les mojens de rendre un art ou un metier moins insahihre. L'Aca- de'mie a accorde' a M. Parent Duchatelet une somme de i5oo fr., a litre d'encouragcment pour les nombreux travaux qu'il a public's dans le but d'amc'liorei' Ic sort des ouvriers. — ^^ Prix fonde par M. de Moiiijoji en faveur de ceax qui auront perfcctionne I' art de gue'i-ir. L' Academic a arrete: 1° Qu'une somme dc 6,000 francs serait accordee a M. (^ourtois pour la de'couvcite de I'iode • '2° 4)OOo francs a M. Coindet, pour I'avoir ap2)liquc contre lc goitre el avoir indiquc I'emploi que I'on pourrait en faire PARIS. b?. I ("OiiU'c k's scrol'ules j 3" G,()oo francs a IVI. Lvgol , j)our avoir cou- Ljtatp la luctbodo a siiivrcpour cct einploi et en qvoir obtcnii d'licii- reux rcsultats; 4" '-«,ooo francs a M. Seutunek, pour avoir reconnu la nature alcaline de la morphine, et avoir ainsi ouvert une voie qui a produit do grandes. decouvertes rae'dicales; 5*' G,ooo francs a M. Amussat, pour des rccLcrches relatives a I'emploi de la.lorsion des arteres; 6" 6,ooo francs a M. Leroy {d'Etiolles), pour I'ap- plicalion qu'il a faite a la lithotritie de la piuce a trois branches ; 7° 2,ooo francs a M. Hatin , pour ses instrumens proprcs a facili- ter la ligature des polypes des arriere-narines. — 6° Prix de statis- tjque fonde par M. de Monlyon. Co prix a e'te' de'cerne a M. Ro- liiQUET aine, ancien inge'nieur en chef, auteur de I'ouvrage intitule : Stalistique de Id Corse. — Prix proposes. — Grand prix de physique pour i833. L' Academic propose pour sujet de ce prix les questions suivantcs : « Les organes creux , que M. Schultz a de'signe's sous le nom de vaisseaux du latex, existent-ils dans Ic grand nombre des ve'getaux , et quelle place y occupent-ils ? Sont-ils se'pare's les uns des autres ou re'unis en im re'seau par de fre'quentes anastomoses ? Quellcs sont I'originc , la nature et la destination des sues qn'ils conticnncnt ? Ces sues ont-ils un mouvcment de translation , et a quelle cause, soit in- terne, soit externe , faut-il attribuer ce mouvement ? Enfln jusqu'a quel point est-on en di-oit d' adopter ou de rejeter I'opinion de quel- ques physiologistes modernes qui admettent dans les ve'getaux unc circulation de sues comparable a celle du sang chez les animaux? » Les concurrens devront joindre a leurs Me'moires des dessins anato- miques fails d'apres nature. Le prix consistera en une me'daille d'or de la valcur de 3,ooo francs. — Grand prix de mathematiques pour 1 83a. L'Acade'mie avait propose' le sujet suivant pour le prix de mathe'matiques qu'elle devait adjuger en 1 83o : « Examiner dans ses details le phe'nomcne de la resistance des fluides , en de'termiuaiif avec soin par des experiences exactes les pressions que supporient se'pare'ment un grand nombre de points convcnablcment choisis sur les parties ante'ri cures , laterales et poste'rieiues d'un coi-ps, lorsqu'il est expose an choc de ce fluide en mouvement, et lorsqu'il so meut dans le memc fluide en repos; mcsurer la vitesse de I'eaii 632 FRANCE. en divers points dcs lilcts qui avoisinent le corps; construire sur les donne'es dc I'observation les courbes que forment ces filets j de- terminer le point oil commence Icnr deviation en avant du corps ; cnfin c'tablir, s'il est possible, sur les rcsullats de cos experiences, dcs forraules empiriqucs , que Ton coinparera ensuite avec I'ensemble des experiences liiitcs anlcrieuremcnt sur le mcme sujet. » L' Aca- demic n'ayant pu dc'ccrner ce prix a aucune dcs pieces envoye'es au conrours , la question est remise. Le prix consislera en une me- daillc de la valeur de 3,ooo francs. Apres cette distribution dcs prix deccrncs par rAcade'niie , M. Cuviera prononcc'rc'loge historique de Vauquclin; etM. Arago, I'e'lojje de Volta. Athenee des Arts. — Seance publique. — Amelioration du dessin topographique. — L'Athe'ne'e des Arts , la plus ancienne des socie'te's litte'raires qui aient cte fondees a Paris depuis la glo- ricuse revolution dc 1 789 , a tenu te 22 mai dernier sa quatre-vingt- dix-septiemc seance publique , sous la prc'sidence de M. Adet, con- seillcr-maitre a la cour des comptes , supple'e par M. Rcnaud Lc- bon. Fun des vicc-pre'sidens. M. Valleray, secretaire general , a rendu un compte succinct , me'thodique et elegant des travaux de la Societe' depuis sa derniere .seance publique. Plusieurs lectures ont etc ecoutc'es avec un vif intc- ret, nofammenf : i ■ la notice de M. Mirault sur le venerable sra- o veur M. Ponce , octogc'naire, qui e'tait encore un dcs membrcs les plus assidus et les plus laborieux dc FAtbene'c • -2° deux pieces dc vers de mesdames De'sorme'ry et Celeste Vien; 3" un rapport de M. Pcrrot sur la topographie peinte a Vhuile, de M. Caj^lin ; 4** Un morceau de prose de M"'"' Alexandrine Aragon, sur les pro- gres de Vinstruclion chez les femmes du xix""' siecle. Ce frag- ment a oblenu, sans contredit, les bonneurs de la seance, et il les ineiitait par la finesse des aperjus , Telcgance du style, et la grace que I'auteur a mise a le lire, car madame Aragon a lu cUe-mcme son ouvragc, et le pubbc lui a su gie de cette lieureuse innovation aux us acade'miques. Un concert compose' avec goul a fini la seance. On PAKIS. G23 y a eutendu, eutic aiities , la jcunc Lconoika Newman , Polonaise dc I '2 ans, qui a execute un air varie' sur le violon. L'inte'ret de la science nous oblige a leveuir sur le genre de des- siu topograph ique invente'par M. Caplin, sorted'intermediaireentrcla topographic ge'ome'triquc et le paysage. Dans son essai , dontle sujetcst le goli'e de Naples , il s'est hardiment alYranchi de la routine qui dc- signait tuujours par des placards de rouge la position des villes , cl ii emploie du blanc , teiute bcaucoup plus nalurelle et bien plus com- ])atible avec I'liarmonic de son tableau, maintenant expose' au Louvre. L'artiste a pai-faitement rendu le ton general de la plaine et Ic volcaa dont la boucLe vomit la destruction , tandis qu'unc ve'gc'ta- tion luxuriante couvre ses pieds. Le bleu cclataut qui charge la mer de M. Caplin est d'une teinte vraie, cemme le reflet d'un beau cieL Les topographes purement ge'ometres trouveront que Ics chc- mins et les cours d'eau nc sont point assez prononce's , que la forme des villes et des villages , aiusi que les sinuosite's de la cote, offrent de I'he'sitation ; au contraire, les paysagistes voudront plus dc vague, plus de vaporeux dans les details. Mais ces reproches ne scronl pas plus foude's les uns que les autres ; car c'est , nous le re'pe'tons , un terme moyen entrc la precision rigoureuse du trait ct le Vuguc de la peinture que M. Caplin a voulu rcproduire, et, selon nous, il y a re'ussi comple'tement. Ainsi, graces aux efforts dccct .irtiste au lieu dc ces tailles synie- Iriquos et dc ces teintes fondues du somraet des montagncs a leur base; au lieu de ces petites tt>chcs employees pour exprimer les par- ties boise'es ; au lieu enfin de ces parties enticrcment blanches dans les lumieres et en tailles de'lic'es et imperccptiblcs dans les jours , nous aurons un travail male et nourri dans les ombres , des lumieres larges, fortement accuse'es; des rochcrs, ou anfractuosite's, e'clairc's par reflets ; en un mot , des touches hardies et bien entcndues , qui donnent partout de la transparence et montrcnt le raonvenient de chaque pente ou inclinaison de terrain. Le but de TM. Caplin est I'imitation la plus fidclc de.ia nature- il faut le louer d'une si noble recherche. ALBERT-MoniXEMOisT. d'^i FRANCE. REVUE DES THEATRES. AcADEMiE RoYALE DE MusiqUe. — Lc Philtre , opera en 2 aclcs, paroles de M. Scribe, musique de M. Auher. — Depiiis long-tcms s'cnnuyer a I'Opc'ia etait devenu proverbe. II est vrai qu'on y gou- taitun ennui de bonton, un ennui aristocratique 5 mais I'ennui est tou- jours de I'ennui, et, au risque meme de compromettre la dignite' dcs spectateurs et du theatre, les auteurs du Philtre ont voulu y porter re'mede et amnser enfin le parterre. Aux poemes grandioses, a la pompe de la mise en scene, au fracas d'une musique d'airain, ont suc- ce'de tout-a-coup de joyeux accords , un gai libretto , et des sites cham- petres . Des effets surprenans et audacieux du grand maestro , nous sommes brusquement revenus a I'liarmonie me'lodicuse du Devin de Village. Une soiree nous a fait rctrogradcr ou avanccr d'un dcmi- siecle, comme vous voudrez. Une valle'e des Pyrenees est le lieu de la scene. M""" TLe're'sine, fermiere et aubergiste , est belle et surtout coquette. Guillaume et Jolicoeur soupirent pour elle. Guillaume, jeune paysan, au coenr nail, a la passion timide; Jolicoeur, sergent-recruteur effronte, li- bertin, lovelace de regiment. Jolicoeur est le bien venu pres de la jolie The're'sine; en amour rien n'est heurcux comme un fliauvais su- jet. Le pauvre Guillaume, de'daignc, repousse', selivre au de'sespoir quand survient le seigneur Fontanarose, personnage imposant, clia- marre de dorures, a la parole tranchante, au gcste imperieux, dis- tribuant, duhaut de son cabriolet, a cent pour cent de pei'te, par phi- lantropie, un elixir dont les propric'te's sont inerveilleuses. « Ren- drait-il M"'" Thc're'sine amourcuse de moi, s'ecrie Guillaume? —En raoins de douze licures , repond Tempiriquc; et voila le par.vre gar- 9on buvant, savourant, avalant une large dose du breuvage, lequci, soitdit en passant, n'est autre chose qu'un vin cliaud ct gene'reux. Tjc cervcau de Guillaume s'cnflammc- il devient bavard , railleur, turbulent; il rit en apprenant Ic fntiir manage de Jolicoeur ct dc The're'sine, confian! qii'il est dans r('re d'une fille, Marie , sur laquclle il a concentre toutcs scs affec- lions. Dans tout I'Alcntij'o, il n'est bruit que de la vertii de Mario et de la fe'rocitc de Farruch. Et voici qu'Isabclle de Lopez, belle , cipricieiise, coquette , cntoure'e d'honimages , veuf tiiomplier de la 628 FUANCE. tlurcle clu peic, et clou Alpliunse, fiance d'lsaljcllc, ile la vcrtii dc la nile. J'adoptcMarie, dit IsabcUe a Fanucli ; etFairucli se sent pics- qu'attendri lorsqu'un cri se fait entendre : Marie vient dc se prcci- piter du liant d'uu roclier pour e'cliapper aux amourcuses poursuitcs de doti Alplionsc; el Farrucli apporte sur la scene un cadavrc qu'il jottc aiis. pieds d'Isabellc : Comtesse , voiUi votre Jille ! Comle , j' irai demain frapper a votre porte ! En effet, au second acte, on trappe Irois coups a la porte du comte, c'cst Farruch. Alphonse lui ofTrc dc For, dcs bijoux, il refuse. Que veux-tu done? Je veux ta fiancee , je veux la comtesse Isahclle. Alphonse, fre'missaut , prodigue au Maure les plus infaraes cpitbi-tes. II le traite de vil pourccau ; a quoi Farruch rcpond : Un pore pent quelcjuefois vous cracker au visage, et ilin'o\o([ue en duel don Alphonse qui lui rit au nez : Voudrais-jc, dit-il , souillcr ma lame d'un sangnoir? Un sang noir I s'e'crie Farrucli , et d'un coup de poignard il se brise la veine d'oii jaillit un ruisseau de sang d'un tres-bcau rouge. Ce passage, ap- plaudi a oulrauce, et qui parait dramatique au premier abord, n'est, comme on A'oit , base que sur un jeu de mots. C'cst une boutade de sauvage que rienn'amene nine motive. Farruch, en s'eloignant, promet d'apporter aux deux amans un beau pre'sent de noces. Ce present de noces , c'est le viol et I'incendie. Isabelle n'a epousc Alphonse qu'apres avoir vu son palais brule , qu'apres avoir c'te dcshonore'c par le Maure. Depuis ce tems, le souvenir de sa honte la poursuit et sa noire tristesse c'veille lessoupfons et la jalousie de don Alphonse. Qu'est devenu le Maure? On ne sail. II a etc pcndu, dit-on. Mais im beau matin un pretre offre a don Alphonse de lui de'voiler le crime d'Isabelle. II le fait cacher et confesse la comtesse qui avoue son infamie. Bondissant de sa retraite, le comte etcnd la malheu- reuse a scs pieds, s;uis vie. Le pretre s'e'crie aloi'S en poussant un long eclat de rirc : Comte , je vous apporterai votre present de noces. C'est encore Farruch. Alphonse au dcsespoir s'e'lancc pour punir cc monstre, mais il est arrete par ces mots : Je suis pretre. — Ainsi finit cette longue se'rie d'atrocite's, oeuvre d'un jeune homme dc seize ans I — La Veuve a deux maris ^ vaudeville en un aclc; par MM. Saint- Hihiire et Paulin (•>. juin) , est un dc ccs liors-d'ceuvrcs sans con- PAUIS. 629 sequence qui nc semblcnt fails que pour preparer Ic spectatcur a la digestion du me'lodramc. NouviiAUTEs.- • Cc maUieiireux theatre languit dans un marasmc effrayantauquellM. Ancelot lui-memcne pent, inais. Lc sauveur du Vaudeville n'a pu jusqu'ici sauver IcsNouveautes. La Morle on De- part et Retouj\ drame en 4 actes (9 juin), fonde' surune donnee bi- zarre n'a point olttenu do succes. C'est une longue histoire tire'e des causes ce'lebrcs. Une fcmme meurt; de son vivant , elle arait un mari ct un ainant ; I'amant veut revoir encore une fois celle qu'il adoraitj il prodigue ace corps inanime' des baisers qui le ranimej bref la niorte ressuscile, son amant I'en'eve, repousc, ct puis au bout de quelqucs tcins tout se de'couvre. Une autre piece joue'e sur la mome scene n'a pas produit plus d'cf- fet que la Mortej i8'.ii , i83i , i84ij vaudeville en 3 actes; par MM. Filleneuve ct Masson ( i4 j"in )■> <^st une espece dc panorama oil figurent les ce'le'brite's passees, presentes et a venir. Gaite. — n y a seize ans , me'lodrarae en trois actes , par M. Victor Ducaiige (20 juin). — Ame'lie de Clairville , sacrifiant h I'araour filial sa repugnance pour le mariage, consent a donncr sa main au colonel Saint-Yal, a qui ftl. de Clairville pere doit rcstituer un depot, dont un vol I'a depouille hii-memc ; mais avant do contrac- ter cet hymen, elle c'loigne du toil paternal Felix, jcune hommc qui passe dans lamaison pour un orphelin e'le've par charite'et qui n'est autre que lc fils d' Ame'lie , le fruit d'un attentat brutal dont elle a e'te victime il y a seize ans. Lc pauvre enfant perd son guide siu' la route de Paris et tombe cntre les mains d'incendiaires . qui jiarviennent a faire peser sur sa tele le soupcon d'un crime qu'ils ont commis pendant son sommeil. Saisi et intcrrogc' par I'aulorite', Felix se .trouble. On trouve surlui des diamans qui semblent dans ses mains le produit d'un vol. D'un raotilpourrait sc disculper,mais le vertucux enfant aimc micux s'a- vouer voleur et incendiaire que de reveler lc secret de sa mere. Rc- connn par un villageois, il est conduit au chateau de Clain'ille; a sa vue, saini^re troublc'e laisse e'chappcr un cri. Le fatal raystcre est de'- voilc'e; elle est dc'shonorce. Sculeavecsou e'poux qui va la quitter pour toujours ellc lui raconteles circonstaiiccs du malheur qui a cm- 63o FRA.NCE. poisonne sa vie. Saiut-Val recoute attentivcmcnt. Kile parle encore que dcja il est a scs genoux. C'cst lui qui commit le crime il y a seize ans , c'est lui qui est le pere de Felix. II y a de rinte'ret dans cediame. Plusicurs scenes sont e'criles avec elegance et conduites avec art. Si M. Ducange avait pris sur lui de sacrifier le second acte qui n'est que le tableau tanlot hideux et de- goutant de complots incendiaires , tautot niais et blaliird de jeux vil- lageois, on n'aurait guere a lui reprocher que la couleur fausse et trop romanesque donne'e au caractere de Felix. Theatre du Palais-Royal. - Ce thpatrc n'a encore (]ue dcs auteurs; il n'a point de pieces; nous ne citeroas que pour me'moirc celles qui ont e'te jouc'es jusqu'ici ; ce sont : lis n oiivriront pas, prologue (6 juin); — L\4udience du prin- ce, comcdie-vaudeville en un acte; par MM. Bajard et Paulin (6 juin); — le Comte de Saint-Ronan, ou VEcole et le Chateau, come'die-vaudeville; par MM. Dupin et Gratien ('Ji juin); — le Salon de i83i , comcdie-vaudeville en un acte; par MM. Brazier , Bayard et Varner (3o juin ). Theatre Moliere. — De'cidement, dans peu de terns cliaque rue de Paris aura sa salle de spectacle, avec des actcurs et dcs pieces a son goiit et a sa porte'e. Le theatre Moliere a e'te' cre'e' pour les me- nus plaisirs des lialjitans duquartier Saint-Martin. II est situc' dans une espece de cloaque dont les abords sont inaccessi])les , entre la rue Saint-Martin et la rue Quincampoix. Lorsqu'aprcs des efforts inouis vous aurez pene'tre' dans I'inte'rieur vousverrez une salle e'le- gante,biene'claire'e, biendistribue'e, mais riendeplus; il n'y a que la salle a voir; des trois pieces qu'on joue chaque soir a ce tbe'atre pas une ne me'ritc des e'loges, la Tireuse de- carte excepte'e. Ce me'lo- drame en trois actes, de MM. Alhoise etDupre (9 juin"), faille sur le patron du vicux genre, olfre pourtant quelques situations drama- raatiques. Quant a V Origine des Mayeux, a-propos-vaudcville en trois actes, pai- MM. Rousseau, Alboise ci Devergers {c)'p\n); quant a VAuherge de la Grosse-Ti'te, vaudeville en un acte, par MM. Decourcy cX Rousseau {'y.Q\\\n\); leplus bel cloge qu'on en puisse fairc est dc n'en rien dire. C. B. PARIS. 63 1 BEAUX- ARTS. NuMiSMATiQUE. — MeduUles fiappe'es pendant I' anncc i83o. — Depuis quelqiics anne'es Uous avons pris riiabitiide de rendre compte a nos lecteurs de I'e'tat de la numismatique moderne, et de leur faire connaitre Ics principales productions qui soitent des mains de nos gravcurs dc mc'dailles. L'anne'e derniere , fe'conde en e've'ne- mens politiques , a du exeicer leur burin , et en effet ils ont consa- cre' des monumens aux principales epoques de notre derniere revo- lution. La premiere me'daille, gravee par M. Caunois, est decer- nee pai- les citoyens reconnaissans aux 'in votans de V^dresse au Roi. Elle repre'sente la France debout , tenant de la main droite I'Adi'esse au Roi, et embrassant dela gauche une colonne surmonte'e d'un coq, et sur laquelle on voit le mot Charte dans une couronne de laurier, et une ancre, symbole de I'espe'rance. On lit autour : 1 6 mars i83o. Diametrc, ^4 lignes. La Frise d'^lger, par M. Gayrard , avec la date du 5 juillet i83o, vient ensuite. La France, assise sur un lion, fait Hotter sur les muraillcs de la ville conquise le drapcau fleurdelise'. .22 Hg. Les Evenemens de juillet succcdent a cette conquete, dont ils ont si rapidement detourne I'attcntion , ct ils ont fourni les quatre me'daillcs suivantes. Une femmc e'ploree , a genoux. , tenant le ckapcau tricolore, trace sur un monument ces lignes : A la memoire des Francais morts pour la liberie. Le monument est couronne par la Libcrte. Un cliien , symliole de la lide'lite, est couche aupres. On lit a I'exergue : 27, 'iS et 29 juillet i83o. Cette me'daille est faite par M. Caque. On lit au revers quatre vers de M. Casimir-Delavignc. Le peuple francais , caracte'rise' par un jeune liomme d'unc force liercule'enne , trace sur un toinbcau la dale des e'vc'nemcns de juillet; il ticnt de la main gauche des couronnes civiques. Aupii's du tom- beau s'e'leve im laurier; a ses pieds est un bouclier portant le coq gaulois J dans le champ , une ruche , un fusil , un drapcau tricolore et une branclie de chenc de'signent I'industrie ct le courage du peu- ple. On lit autour : A la memoire des Francais inurts pour la li- berte. Cette me'daille est de M. Dcsseaut. Le revers portc, dans 6 St FRANCE. line coiuonno do laurieis: Aux bra^'es defenseurs de nos lois , la patrie reconnaissante . i81igncs. La tcte dc la Liberte, surraontcc d'un astre rayonnant ct accoin- iiaOTc'c d'un faisceau , est entoure'c dc cettc Ic'gendc : Liberte natlo- nale reconquise par le peiiplc , '^7, 28, ic) juillet i83o. Lc ro- vers ofiro line table siir laquolle on lit : Regiie des lois. EIlo est accompagne'c d'unc balance, d'un rairoir et d'un serpent, synibole dcla juslicc, dc la ve'ritc' et de la prudence. Cettc me'daille est de M. PlNCRET. La tcte casque'e de Pallas. Honneur a la ville de Paris, le 'I'], 'iS, igjiiillet i83o. Rovers: Liberte, egalite , ordre public. \ 1 lignes. Tete de Louis-Philippe , roi des Francais, par Gayrard, d'aprcs Caque. R. All conservateur de la liberte, 9 avril i83o, daus unc couronne de chene. 18 lignes. Tete de Louis-Philippe , par Peuvier. R. Foila le prince qu'il nous f ant : c^est la meilleure republique {Lafayette, 7 aoik i83o). Paris. 18 lignes. Tete de face du Roi sur un cippe oii on lit : Charte constitution- neZZe : autour sont dcsdrapcauxsiu-monte's d'un bonnet dcla Liberte, d'unc fleur de lis , d'un aigle et du coq francais. Devant, un enfant couche'pres d'un lion endormi et d'un coq vigilant, i83o, et le nom de MicHAUT. Le'gende: Z.-P. d' Orleans, acceptant la couronne, reunit les partis. On lit au revers , entre une branche de chene et unc dc laurier : Desormais la Charte sera une ve'rite; et autour, Liberte, ordre public. Dediee aux gardes nationales de France. Un lion , unc lajnpe, une ancre en fleuron. Tete du roi. R. Liberte, ordre public. Garde nationale. Pre- miere revue general , le uc) aout i83o. '16 lignes. Tcte du Roi. R. Le retablissement de la garde nationale. Un coq entoure de drapcaux, au milieu d'unc couronne civiquc. Tcte du Roi. R. Surete et vigilance. Garde nationale, i83(). Un coq, les ailes e'tenducs, une patte sur un fonds, I'autrc sin- un globe oil on lit lo i:i(jt liberie , par M. Lem:que, i() lignes. Tcte du general Lafayette J par M. Caunois. R. Jppele par le voeu unanime des citojens au commandement general des gar- des nationales , le '>,8 juillet i83o. PARIS. 633 Tete (111 general Lafaycttej par M. Brassevx. R. .4u general Lafayette , V arrondissement de Meaux , juillet r83o. La meme tele, par M. Pingbet, a servi a phisieurs mc'daillcs de la garde natjoiialc de Dijon , de Dunkcrque , etc. La sympathie que le peuple anglais a manifeste'e pour la nouvelle re'volirtion francaise a inspire' a deux artistes la medaille suivantc , compose'e par M . Caque et grave'e par M. Gaybard. Un genie aile ,, tenant d'une main un flambeau et de I'autre une branche de laurier , est debout sur le globe du monde aupres du- quel un caduce'e et une come d'abondance indiquent la prosperite' du commerce. Une ancre et un aviron, sjTuboles de la navigation , le livre des lois , deux mains tenant une epe'e surmonte'e du bonnet de la Libertc' , reraplissent le cliamp , dans lequel on lit : ^11 mankind are brothers ( Tous les hommes sont freres) •, Peace and liberty {Paix et liberie). Le revers indique les trois jours de juillet, et autour, pour le'gende : The French people to the English nation {Le peuple francais a la nation anglaise). Vne me'daille a e'te' de'die'e a Ferdinand VII , roi d'Espagne , par la junto et le considat de Cadix, pour avoir declare' cette ville port franc. Ellerepre'sente le roi a chefval. Le nom du gravcur qui, nous c'tait encore inconnu, est M. F. Sagai;. La tete de Marie- Christine de Naples, par M. Dubois, est grav^e avec facilite' et d'une manierc gracienso. Georges IF, par M. Durand. Le roi et la reine de Naples , et leur fils. R. Onze membres de la famille des Bourbons, a Grenoble, le 3i octobre 1829. Huittetes dans de petits me'daillons. Cette me'daille est de M. Barre. La collection des hommes illustrcs s'cst aug-mcntc'e de Bertrand Duguesclin. Copernic , par M. Oleszczynski , son compatriote, figure assise tenant un globe celeste. Le'gende : sta sol. L'abbe Prevost , par M. Domarh. Bethoowen , par M. Gatteaux. Deseze, par M. Barre. Le revers, par M. Desboeufs, lepre- sente un monument fune'raire aupres duquel la France et un ge'nie TOME L. JUIN i85l. 4 • 634 FRANCE. — PARIS. apportent unc palme et iinc coiironnc. On lit sur un cippe : Defense (III roi Louis XT^I. Auget de Montyon , bicnfaiteur de 1' Academic franfaise , par Gayrard. Barnabe Brisson , inspcctcur dc Te'colc des Ponts-et-Ghaussecs pt professeur. Cctlc mc'daille Ini est de'cernc'e par les ingenieurs et les e'lcves du coi-ps royai des Ponts-ct-Cbausse'es; elle est grave'e par M. DOMARD. Droz , graveur, conservateur de la Monnaic des mc'dailles; par J. Dubois. Les me'dailles IVappe'es potir des personnages vivans sont : le comte Fozzo di Borgo , ambassadeur dc Russie en France j par M. Barre. Le comte Muraire , par M. Peuvrier. M. Eynard , de Genei'e , par le mcme. Au revers : L'ami des Grecs. M. Bojer-Collard , par M. Tournier. Les medailles frappe'es pour des sujets divers sont d'abord celle du Barrage-ecluse de Saint-Valerj-sur-Somme , qui repre'sente le canal par lequci est e'tablie la communication definitive de Paris a la mer. line mc'daille a MM. L.-J. George , J .-B .-A . Daurier, et F. Claudot , par les artistes et ouvriers reconnaissans. Cette mc'- daille , frap]ie'e pour les cours gratuits de sciences industrielles que donncnt ces professeurs dans la ville de Nancy, repre'sente des ma- chines et des instruraens de physique ; elle est dessine'eparM. Trelis et grave'e par M. Michaud. Un buste couronne de laurier, dans des nuages au-dessus d'un groupe dc peupliers ombrageant une tombe sur laquellc expire un chien. Legcnde ; Plus heureux , mais aussijidele. R. Francais rendu a la patrie et a V administration puhlique. lie d'Elbe , Sainte- Helens. Mc'daille grave'e en I'lionncurdu uiare'chal Berlrand , par M. Sambard. NECROLOGIE. — BALBIS. 635 NECROLOGIE. Italie. — Balbis {Jean-Baptiste ), memhre de 1' Academic dc Turin , professeur de botanique a Lyon^ et auparavant a rAthe'nee de Turin; ne a Moretta , village du Pie'mont, en 1761 , mort a Turin , le 1 3 fe'vrier 1 83 1 . Aprcs de bonnes etudes me'dicales , le jcune Balljis I'ut refu doc- teur me'decin , et attache a I'enseignement , d'abord comme re'pe'li- teur , et ensuite comme docteur agrege, en 17H7. Lorsque la re- volution franjaise eut change le sort du Pie'mont , Balbis, qui s'e'- tait distingue' par ses travaux en botanique , fnt charge de I'ensei- gnement de cette science, a I'Athe'ue'e de Turin. Mais, en 1814 , I'ancien ordre de choses fut retabli , et le professeur de'place. Son ardeur pour les progres de la science ne fut pas refroidie par la disgrace ; les herborisations dans les Alpes et I'accroissement de sa ricbe collection de pkntes le de'dommagerent amplement. En 1819, la municipalite' de Lyon I'invita a se charger de I'enseignement de la botanique dans cette ville , ct de la direction du jardin des plantes qu'elle venait d'e'tablir : le professeur pie'montais accepta. Mais, en i83o, I'amour du pays natal triompha de toute autre affection; Balbis voulut terminer sa carriere au sein de sa patrie , eutoure' dc ses perens : la municipalite de Lyon le vit partir avec regret, ct lui assigne une pension de 1,000 francs. Les amis de la botanique se proposent d'honorer sa me'moire en lui e'levant un tombeau . Outre un grand nombre de Memoires sui- la botanique et une Flore Ijonnaise , Balbis a public un Traite de matieres me- dicales. G. D. France. — Victor in? av^i^e, mortaParis, leigmai i83i . — Les lettres etlaliberte viennent defaireunegrande perle. ViclorinF a^rv. n'est plus. Honore' de sa constante amitie, qu'il me soit pennis dc payer ici un fidelc hommage a la me'moire de celui que je pleure. Marie-Jacques-Josepli-Fictorin Fabre , naquit a Jaujac , de- partement de TArdeche , le igjuiilet 1785, d'unefamille ou la vcr- tu est d'antique heritage. 11 re'vela de bonne hcurc tout ce q'lc son ame contenait a la fois de tendre et d'heroiaue. Dans I'automae do 636 NECROLOGIE. i8o5 , il retournait dans sa famille avec son jeune fiere: la barque qui les poitait s'enfonja dansle Rhone. Victorin Fabre ne savaitpas nager, mais qu'importe? d'un bras, il saisit son frerc_, dc I'autre il liitte centre les flots ; et, apres d'incroyables efforts , il depose enfin sur lerivage ce fardeau clieri. C'cst cememc Auguste Fabre qui fait aujoui'd'hui , qui a tonjours fait un si noble usage dc cette vie con- serve'e par la tendresse fraternelle. On sait quels glorieux succes signaierent ies debuts de Yictorui dans la carriere des lettres : cUaque lutte fut une victoire , ct a cet age, oil le talent s'essaie a peine, sa jeune tete pliait deja sous les palmes acade'miques. Rappeler les noms de ses rivaux, citcr Mille- voie,MM. Jay, Soumet, de Barante,c'est rebausser sagloire. L'm dependance de Vhomme de lettres, les Emhellissemens de Pa- ris , I'Eloge de Corneille , VEloge de La Bruyere , le Tableau Utteraire de la France au dix-huUieme siecle , VEloge de Mon- taigne, I'ode intitulee le Tasse, couionnee par rAcade'mie des jeux floraux, telJes sont les riches creations qui placerent presque tout-a-coup \'ictorin si liaut dans I'opinion publiqucj et il n'avait pas vingt-cinq ans I Circonstances bien rcmarquables dans les annales des concours academiques : en 1810, deux productions oratoires du mcme auteur, t'Eloge de LaBriiyere, et le Tableau Utteraire de la France au dix-huitieme siecle , furcnt couronnees dans la meine seance. Aussi rinstitut terminait-il son rapport sur ces deux production.s par cette phrase: By-Laws of the Massachussetts general hospital , 336. C. (jalligraphe (leparfail), oumdlhode pourapprcndresoi nienieaecrire en pen o ,616. — (Traite de ) , de Berzelius, tra- duit en italien , par A.J. L. Jour- dan , i3o. — (Traite' de ) elemenlaire , par Philippe Cassola , 355. — des arts, etc., par Arthus L. Por- ter, 107. Chine , 386. CmRURGrE , 365. f^o/.auwi Scien- ces MEDICALES. Cholera-Mokbus, i85, .^06, l^1:>, 619 Chouans (les) , ou Coblentz et Qui- beron, drame, 202. Chronologie , 'iS-f. Civilisation (de la ) , ses lacunes el ses abus , discours , par B. Victor Francklin, 577. Coindet. L'Acade'mie des Sciences de Paris lui dc'cerne un prixpour avoir applique I iode conlre le goitre , 620. Colla I yiliysi!) nnvi scitaminea- rum generis de stirpe jam co- gnita Cnmmenlalio , 355. Colonie de Ljberia ( Notice sur ia ), 646 TABLE ANALYTIQUE sur les cotes occidcnlalcs de PA- frique , INl. z^i. Cnminentairessur la vie el le regno de Charles !*■■, roi d'Aglelerre ; par J. d'Israeli , S'ic). Commerce, 37, i56, 34Ji, S-^G. Comle ( Cliaries ) , C. M. , 217. Comle ( le ) de Saint-Ronan , on I'Ecole et le Chateau , conicdie- vaadeville, par Diipin et Gratien, 630. Concert pour les Polonais. P'oj^. Parisicnne. Constitution of thcMassacJiussetls charitable mechanic association 33G. Contemporaine (la) en Egypte , 160. Contes de Therese Huber , So^. Correspondancc cntre Schiller el Guillaume de Humboldt , 555. f'ojr. Hisloire nalurelie de.*; poissoiis. CjclopccJia (the Cabinet ) , 339. I). Daguerrc. \'ue de I'aris , prise dc Montmartre; le 28 juiilct i83o,a l'H6tel-de-Ville ; le tonibeau de Napoleon a Pile Sainle-Hel^ne : trois tableaux de eel artiste au Diorama de Paris , 20!. Danemark, 546. Darcet. Resume de ce qui a e'fe fait depuis deux ans pouramc'liorer le regime alimenlaire des pauvres , 5C8,GiC,. — f^oy. Donne. Decourc)'. f'oj. Auberge de la Grosse-T^te. Correspondence (thc^ 0/ the ri^ht\ DkcovVERTES , 4<^G. honorable sir John Sinclair , 34.. I CoSMOGRAPHIE , 125. Costaz. De la division et de la no- menclature des monnaies, 186. Cour (la) des Messageries, tableau- vaudeville , 2o3. Courtoi*. L'Acadc'niie des Sciences de Paris lui dtcerne un prix pour la decouverte de liode, 620. Cranmer (archevequc). f" oy. Todd. Crawfurd (John). f"oy. Liberie' du commerce. Creole (le), nouvelie , par Henri Zschokke , 126. Creuze de Lesser (A). F'^oy. Dernier hommc. CuLTE- 1^0/. Sciences HELiGiEUSES. Culture scienlifique (Aperqu histo- riquedela), etc., dans Pern pi re d'Autriche, parFrangoisSartori, 552, Cuvier (Georges\ F'oj. Regne ani- mal. For. Re'volutions du globe. dans la mer du Sud; nouvelles de M. de Lapcrouse , etc. , 52. Deleschainps. Decouverte de PHi- cine, 4°''. Dc'lil ( le ) politique, vaudeville . par Dupin , G20. Dernier hommc (Le ) , po^mc imie' de Graiiiville , par A. Creuze de Lesser , 082. — Jour(ie) d'un condamne', par Victor Hugo, A. 81. Desboeufs el Harre. Deseze , me- daille, G33. Desjardins(G.) A monsieur de Cha- teaubriand , '.t'JD. Desnoycrs ( Cli. ) Fof. Faubourien. Despommiers. P'oj. Agriculture. Despretz. Experiences chimiques , G16. Dessin , 555. Destiny , or the Chiefs Daughter , 343. Deux-Siciles (Notice sur le royaume des ) . M. 438. Devergers./^oj.OriginedesMayeux. I DES MATIF.nES Diana Vernon , comcilic en prose , par D'Hcrmilly , 202. Dictionnaire mililaire, allemand- fran^nis el franqais-alleniand, par F..lltinhoid , 546. Diderot, f^oj. Mt'iiioires. J)idier (Charles), C - M. 438. Diebilsch Sabalkaiisky ( Portrait du — Droz , medaille , 63^. 647 — Penal , taS , 3-17. — Public , 17 , 345. Dubois (N. A. ). Hisloiro du regne de Charles X , 58-2. Dubois, graveur. Tete de Marie- Christine de Naples , nie'daille , 633. felil-niart'chal conite de ) , par Belmont , 354- Dien ( Charles ). Voy. Uranogra- pliie. Diligence ( la ) , ou I'Observateur des nioeurs russes , 545. Diorama de Paris , y.o3. Discours snr les avantages qui re' Ducange (Victor). Voj. Education. — Toy. II y a seize ans. Duel ( le ) , dranie, par Edouard , 2o3. Durau(P.A.),C.-B.,544. Dufresnoy. Des caraclercs particu- liers que pn'sente le terrain de craiedans lesudde la France, 186. sultent de IV'tude de la littcralure Duges,deMonlpellier. L'Acadcmie sacrc'e , etc., par Th S. Grimke, 332. — pronoiice a I'ouverlure du couis d'hygiene appliquc'e aux profes- sions nip'caniques, par le docteur Scontelten , de!^Iel^,^6i. Doctrine saint-simonienne , 142. Domaid. Barnabe Drisson et Pabbe Prevbst, deux me'dailles, 633, 634. Don fait parM.Skinner a laSociete asiati(|ue de Londres , d'un vase indien , 3g5. JJon Martin Gil , bistoire du tenis de Pierre-le-Cruel , par i\]orton- val, 388. Dona tionspourfondati onsen fa%-eur de Pinslruction publique en Alle- niagne , 6og. Donne. Experiences pour determi- ner si la gelatine po.ssede les pro- prie'tc's nutritives que )M. Darcet lui allribue , 6i5. Dragonnades (les), ou les Ce- vennes en 1703 . niclodrame his- torique , -203 , 387. Droit, ^o/. Jurispkudence. — ( du ) et du fait de la propriele, M. 17. — Commercial , i56. des Sciences de Paris lui decerne le prix fonde par JM. Albunibert, 620. Dumas (Alex. ) Foy. Antony. Duniersan. /-'o/. Victorine. Dupeuty Voy. \^ictorine. Dupin. Vny. Dc'lit politique. — Foy. Comte de Saint-Honan. Dupin ( Charles ). Progres de la ri- cliesse frangaise , 187. Duple. Foy. Tireuse de carles. Durand. Georges IV , roi d'Angle- terre , medaille, 633. Diisseaut. Medaille a la me'moire des Frangais niorls pour la liberie , 63i. Dutrochet. Observations sur le de- faul de symclrie des organes in- te'rieurs des aniniaux , 4^5. — Kemarquessur rirrt'gularite des organes (les vegc'laux , 6i4- Duverger. Foy. Paganini. Duvernoy. Memoiresurlcs nioyens de dislinguer lesserpensvenimeux de ceux qui ne le sont pas , 4o5. Duverl. Foy. Chapolard. E. EaUX IHINERALF.S, I 38. Ecoles (des) philosophiques en liis- toire, A. , 2g4- 648 TABLE ANALYTIQUE hcoles ( des) primaires dans Petal York , 6o3. ECONOMIE DOMESXrQUE, 36l. — POLITIQUE, 37, 339. — PUBLIQUE, 481- — RURALE , 36o. EcossE. Voy. Grande-Bretagne. Edouard. Voy. Duel. Education, 121 , 373, 53; ,571. — nationale , T^oy. Petition. — des chevaux , i3o. — ( r) et Ic Nature! , come'die , par Victor Ducange, 62C. Eitelkeit and Flatter sinn , etc , 352. Eleclricite' atmospherique. f^oy. Murray. Encyclopedie , i33. — et me'thodologie universelle, par Charles-The'odore VS^elker, 345. Enfans(les) comme ils sont, ou contes et dialogues pour de jeunes lecteurs, 121. Enquete sur la politique des deux ministeres, par de Balzac, i5i. Enseigncmentsupe'rieur. /^q/.Ver- hulst. Entomologie , x34. Epitreaux souverains, par madame la princesse Constance de Salm , 598. Epitres , Satires, Chansons, Epi- gramines et autres pieces de vers, par Bibaud, S2g. Esclwage 241. Escousse (Victor), f^oy. Fairuch. Espagne , 3 1 6. Escjuisses et Etudes d'un maitre des Pays-Bas , au quinzienie siecle , etc. , 555. — du caractere irlandais , par Hall , 343. fitat actuel (de 1') de la France et de ses causes, par Alexandre Mar- tin , I -(5. Etats-Unis , 107, 173, 332,391 , fio3. Ethnographie, 3i6, 438, 55a. Etudes liistoriques , par J. A. de Chateaubriand , A. , 2o4' Eurianthe, opc'ra, paroles deCastil- Blaze, musique de Weber, 202. Examen critique de I'organisation et de la compc'tence des tribunaux de commerce, par Edouard Grar, i56. Excursion a Tile de Sainte-Hc'lfene, 604. Expe'riences sur la raideur et la force de quelques bols, 178. Exposition (Coup d'ceil sur la pre- miere) des produits de I'industrie dans les etats du roi de Sardaigne, par Bonafous , S69. Fabre(Victorin). /^o/.Necrologie Fais ce que dois , advienne que pourra , 379. Falsification des actes publics. Moyens de la pre'venir , 6i4. Farruch le Maure, me'lodrame, par Victor Escousse , 627. Faubourien ( le ) , vaudeville, par Ch. Desnoyers , 2o3. Favorite (la), vaudeville, par Scribe 4''9- Favras , me'lodrame, par Mcrvillc et Sauvage. Felice (G. de) , C.-M., 241. Ferriere. Voy. Hotel des Princes. Ferry, C.-A. 471- — B- '4^- Fick {H). Cravefurds Ansicht ilbcr den freyen Handel, 348. Fifi Lecoq , anecdote contempo- raine, par Philippe et Antonin , 202. Finances , 37. Flora Brasiliensis. Voy. Martins. Flore (Nouvellc) des environs de Paris , par F. V. Meral , 565. Flourcns , de Tlnstitut, C.-A. 267. Foirc de Leipzig, 3<)8. Folchetto Malaspina , roman histo- rique italien , 56i. Fonlan. f^oy. Moine. FoRETS, 173. Fournier. Royer-Collard, medaille 634. Fournier. Voy. Poupee. France, Sy, 6), i33, i45, i47) i5o, i5i, i53, i58, iS3, 36o , 368 , 4oi , 5ao , 565 , 614. Francoeur , C.-B. 56o , 568, Syi. Franklin (Benj.). Saggi di Morale e di Hconomia privata , 56o. Francklin (B. Wz\.ov].Voy. Civili- Gabricl. Voy, Viclorine. Gachard ( L.-P. ) Voy. Analecles belgiques. Gait ( John ). Voy. Bogle Corbett. Gamier (Adolphe), C.-M. 17. — B. 577. Gatteaux. T^te de Bethowen , me- daille , 633. GauUier d'Arc. Voy. Ruines de Pompei. Gayrard. La prise d'Alger , me'- daille , 63i. — T^te de Loui.s-Philippe , roi des Fran^ais , ine'daille , 632. — Medaille de'die'e au peupls an- glais , 633. — Auget de Montyon , me'daille , 634. Gence./^q/.Me'ditations religieuscs. Genoux. Nouvelle methode de ste- rcotypage. Genthe {T.-W.]. Geschichte der macaronischen Poesie , i25. Geoffrey Saint-Hilaire. Ossemens fossiles de'couverts dans les envi- rons de Caen , 4o3. Geographie, 52, 121 , 357 , 368 , 473. Voyez aussiYoYKG'e.S. — ( Essai sur la ) physique et bola- DES MATIERES. 6/|() nique du royaumede Naples, par Tenore , 35g. Geologie , 1 8b. Geometrie analytique (Notions de) appliquc'esa la recherche des pro- prie'tes des courbes du second de- gre , par J.-N. Noel , i3o. — ele'inentaire ( Traild de) , par le m^ine , ibid. Gernhard (E. ). Voy. Platner. Geslin (Th.), Voy. Registre. Giuli. Statistica agraria della Val- di-Chiana , 357. Glanford Bell's Summer and Winter Hours , 121. GnoiTiologie , ou choixd'anecdotes antiques et modernes , etc., par Nicolas Pasco , 359. Godwin's { WiUiam ) Thoughts on man , iiis nature , productions, and discoveries , etc. , iJo, 336. Golbe'ry(P.).C.-B.,i24, .62,172, 348,355,532, 589. — N. 21/,. Gouvion-Saint-Cyr ( iVIare'chal ). Voy. Memoires. Grainvilie. Voy. Dernier Homme. Grande-Bretagne, 109, 174, 217, 336 , 3g5 , 5^0 , 532. Grar ( Edouard ). /^oj". Examen cri- tique. Gratien. Voy. Comte de Saint- Ronan. Green ( W^illiam Child ). Voyez Ali-Beg. Gre'goire ( Henri ). Voy. Necro- LOGIE. Gre'gory. Lettre relative au trans- port du clocher de Crescenlin , 402. Grille (F.). Voy. Jeune Roman- tique. Grimke ( Th.-S. '. Oration on the advantages to be derived from the introduction of sacred lite- rature , etc. , 332. Grimm. Voy. Memoires. GymnastiQUE , 571. 05() H. lAIiLE ANAI.YTlQtlE Histoirelitldraiie , ia5, SSu Hall's Slirlrhcs of Irish charnr ter, 33{. Han d'lsbnde , par Victor Hugo , A., 8i. nanckr(G.-W.)-l)e la INIelhoap propliylacliqiie , employee ^'i. Hciires dVHc cl d'liiver , poesies par Henry Glanford Bell, 121. Hlldcbrand ( T. de ). Jnnales sciiolce cliniccE medica tici- nensis , i3o. Himly(P.:)C.-B., 549 , r,53 , 587. — N.,6ii. HlSTOlRE, Jl'J, 160, 309,3^1, 349,49. ,564,585, 589. — universelle ( Introduction a 1' ) , par !\Iicliclct , A. , 294- — ( AbrJg'.; d' ) , second.; parlie , parBourgon , iSy. — d'Anc'leterre , par Francis Pal- grave , 53g. — d'Anglelerrc, par sir J.iMackin- tosh , 53(j. — des Fran^als au (piatorziemo siecle, par Amans Alexis Monteil, A. , 63. — du regne de Charles X, el de la re'volution de i83o, par N.-A. Dubois , 582. — ( liclaircissementsur r ) du dix- builiemesiecle, par John Nichols, 3}.. — Natituelle, 109, I'iS, 1-3, 4'i2, 4o5 , 4:3. — des manimifferes du Paraguay , paiJ.-B. Hengger , 126. — des poissons, par le baron Cuvier et Valenciennes. Quatrieme ar- ticle, A. , 267. HisloT-iens (Collection des ) de By- zance,parNiebulir, Bekkcr,etc., 122. — HOLLANDE, 612. Hollard (H.). Lcttre aux disciples de Saint-Simon , \!^i- Honnnages i Berangcr. Pamphlet ; Aux Dix-neuf , i63. Hopital general (Reglemens pour 1') de Massachussetls , 336. Horace. Voy: OEuvrcs completes. Hortolan de I/mche. Voy. Ke'gula- teur universel. H6lel ( r ) des princes , opera co- mi(pie, paroles de Ferriere et Marconnay, musique dePrevost, Hoivltt's ( TVniiam ) Book of the Seasons , no. Hubcri Therese). Erzcehlungen , 554. Huffland ( C.-\\.)-Vof Hcrwig. Hugo (Victor). Qualre romans , A. ,81. Humbert. Vof. Manuel chronolo- Humboldt {PT'.von), Brh-f^vcrhsel zwischen Schiller und ihm, 555. HvDtlODYlSAMKiUE , 47 5- Hydi\auliqiie , 4?^- Hydrophobie , 125 Hygiene , i25 , 362. 353. 1 ICTITYOLOGIE, 267, 35.5. DES MATlliRES II y a Seize Ans, melodramc , par Victor Uucangc , S-jg. lie (!') ilii Bonhciir , conle drama- lifjiie , par Alterboni , traduil dii siiedois en alleinaiid. par H. Neus, .'>53. Indes orientales, ii4, 393 , SgS. Industrie , 3g8 , 486 , 569. — des oiseaux , i^S. Inscription grecque , relative a l.i ge'ogrnpliie anciennc du Bosplinrc Clinme'rien , dccouverte a I'iie de Taman, 179. InSTITUT. f^'of. SoCIETiJS SAVANTES. Instructeur (P) the'orico-pralit]iiL' de la piononcialion ariglaise, etc. par L. Kudelle, 38i. Instruction publique, 563, 6of). — ( Ilemarques sur 1' ) des enlans dans les e'coles , par Archibald Prenlire, 338. Intinies(les), par Michel Raymond, 1 65. Inventions , 1 13, 398 , 4o6- — d'un nouveau proce'dc- pour pre- server les pompiers de I'aclion du feu, i83. Irlande. f^of. Gp.ande-Bretagne. Israeli's (J. d' ' commentaries on the life and reign of diaries the first , 53g. Italir , 117, 181 , 355 , 38o, 556 , 589,611. Itine'raire descriptif de la France , 368, 572. 65 1 Jacohsen. L'Academie des Sciences de Paris lui de'cerne une medaille dor pour scs reclierchcs siir to systeme \einenx renal, 6ao. Jameson (Robert). P^oj: Ornitho- logie amt'ricaine. Jay. CEuvres littc'raircs , 5g3. Jeune (le ) romantique on la bas- cule litte'raire , par F. Grille , 597- Jeunesse ( la) de Talma, vaudevilles par Lheric, Bruiiswik et Barllie- lemy, 202. Jcux (les) Innocens, vaudeville, par Leon ct JNIasson , 4"9- Jomard. Rapport fait a la Socicle d'Encouragement siir la mclliode tacbygrapbiqiie et I'impression de la tncliygiaphie, i84- Jourdan (-4. J.L.). Trallalo di cliimica, diJ.-J. Perzelius, i3o. JOUUNAUX et ReCUILS PERIODtQUES — publlL-s enAllemagne : Kritische Zeilschrift^ a Heidelberj; . i23. — publics en Angleterre : Tlie Lmv Magazine, or Quarterly lievicw of Jurisprudence , a i.oiidres, 337. — The Quarterly Journal of education , a Londres, 537. — publics en France : Memorial Encyclopcdic|ue , a Paris, i33. — Le Cultlvattur , a Paris, i36 — Lyct'e .Trmorlcain, a Nantes, 164. — publics en Italic : I. Cavalli , a Milan , i3o. — publics en /i'/5«'V .' Bulletin du Nord, journal scientifique et lit- te'raire, en fraiigais, a Moscou , 543. — publics en Suisse : Feuillcs Neuf- clialeloises, 116. Julien. ^'or. Perle des Maris. Jullien ( M. A. i, fondateurde la Revue Encyclopcdique. C.-N. , 206. — B. 60 >. for. Poesies politicjues. Jullien 'Augusle) ills, Tun des di- recteurs de la Revue Encyclope- dique, C. — Lesarticles signes J. JuRisPRUDENCi--, -^23, 337, 38i. T'ny. aussi Legislation. Jury (le), la publicite, le de'bat oral, principalement en ce qui concerne le droit criminel , par J. Zentner , 347. Juvenal ( Satires de ) , traduiles en frangais par Baillot. 161. 652 K. Keppel's (G.) Narrative oj a jour- ney across the Balkan, 1 16. King's (the ) Secret , 343. Kolb (J.N.) Voy. Bromatologie. Kolzebue's (Otto dc(.'Ne\y Voyage round the world, A. , 492. Lafayette (ge'ne'ral). /^o^. O'Con- nor. Laffon de Ladebat (Edouard).f^oj-. Rapport. Laffitte. Voy. Amitie'. Jjongue anglaise , 38i. Lape'rouse. Voy. Lesseps. Voy. Ue'couvertes. Larrey (Hippolyle). Voy. Relation chiriirgicale. Lausanne. Voy. Chapolard. Ijavalliei'e et Montespan, drame , 409. Lavini. Sulfate d'argent ferrugineux 480. Lazzari (F,). Compendia delle piu interessanti regole di architet- tura , etc. , 127. Lebrun (Isidore), .C-B., i36, 365, 532. Lecointe de Laveau. Bulletin du Nord, 543. Lemons (Trois) sur ce qu'il en coute pour obtenir de Targent, etc. , par N. W. Senior, 33g. Ledreuille (F. A.) Voy. Adresse au roi. Legislation, i56,337,3(5, 353. Legitiinite' (la) ct la soaverainete du peuple, 377. Le Glay (A.) Voy. Catalogue. Leniercier ( Ne'pomucene L. ) , de rinstitut, C.-N. 193. Lencisa (Francisco). Mc'moire sur I'industrie de la soie dans Ic royaume de Sardaigne, 48B. TABLE ANALYTIQUE Leon. Voy. Jeux innocens. Lcontine , vaudeville, par Ancclot, 409. Leroy d'fitiolles. L'Acadcniie des Sciences de Paris lui de'cerne un prix pour I'application a la litho- tritie de la pince a trois branches, 621. Lesseps. Voyage de Lape'rouse, re- dige' d'aprfes ses manuscrits origi- ginaux, A. , Sa. Lesson, C.-N., 609. Lettre a MiNL les disciples de Saint- Simon , sur quelques points de leur doctrine, par H. Holiard , — au Roi, sur la nomination aux emplois , aux fonctions , grades , etc. , 58 1. Lettres a Julie, sur I'entomologie , parE. Mulsant, i34. — de Paris et de la France, tcrites en i83o,par Fre'de'ricdeRaumer, 35i. — sur divers elablisseniens d'alie'ne's de TAllemagne et du Danemark, par J. C. G. "Wend;, 5 16. L'Eveque. Tete du roi Louis-Phi- lippe, medaille, 632. Le'zard a deux tetes, 4o3. Lhe'ric. Voy. Jeunesse de Talma. Voy. Madame de Lavalliere. Liberie' du commerce (Reflexions sur I'e'tat acluel et futur de la) , par John Crawfurd, traduit en allemand , par H. Fick , 348. LiBRAIRIE , 3g8. List. C.-M. 37. LiTHOGRAPHIE ,^71. LiTHOTRITiE , 186. LiTTERATURE allemande, 126, 352, 545 , 554 , 555. — ancienne clas- sique, 161 , 162. — anglaise, no, 121,125, 343, 520. — bibliquc, 332. — cauadienne , Svig. — fran- galse, 81, i63 , 164, i65 , 1G7 , 'hi >9i> •9'') '97. '99 > 2"^-. DES MATIERES. 386, 387, tio3, 354, 38a, 385 388, 408, 409, 410, 4i2, 529, 543 , 590 , 591 , 593 , HgG , 597 , 598 , 6^4 , 625 , Gaf) , 627 , 628 , 639 , 63o. — lu'bra'K|iie , 387. — helvetiqiie, 126. — italienne, i3o, 358 , 359 , 55 1 . — russe , 168, 543, 545. — sut'doise, 553. Livre (le) des saisons, ou le calen- drier de la nature , par William Howitt , 1 10. — (le ) de tousles me'nages, oul'art de conserver toutes les substances animales, par Appert , 36i. Lois (Recueil des) de la Prusse, re- lativement aux impels indirecfs, parJ.J. M. Pliilippi,353. Longchamps. P'oy. Annuaire des Eaux Minerales. Longueville (H.) F'oy. Ce qui s'est fait. Lucenay (J. de) , C.-iS. , 610. Lucius Carey, ou la femme mystc- rieuse de la caverne de Mora, conte anglais, 343. Lugol. L'Acade'mie des Sciences de Paris lui dt'cerne un prix pour Temploi de I'iode conlre les scro- fules ,621. M. Mac Grt'gor , drame , par Morel, 408. Machine ( Nouvelle ) invente'e a Moscou , pour la fabrication des chales a la maniere de ceux de ca- chemire , 398. Mackintosh 's ( James ) History 0/ England , 539. Madame de Lavalllere, par Lhiiric et Brunswick, 202. Magasin de Droit , ou Revue de la jurisprudence anglaise , 337. Magnan. /^o/. Camille Desmoulins. Magne'e ( T. ) T-^oj. Calligraphe. Maisonde re'forme (Re'glement pou r 653 la ) desline'e aux jcunes gens de Boston , par E.-M.-P. Wells , 335. Maladies des boeufs. J^oy. Toggia. Malebouclie (T. ) f^oj. Systenie des doctrines. Manno. L'indiffe'rence est naturelle a la majeure partie des hommes, 489. MANUELchronologiqiiesyncbronis- lique, par Humbert, 354. — du boltier et da cordonnier , rcdige par J. Moiin , 570. — des jeunes gens , ou sciences , arts et re'crt'ations qui !eur con- viennent , etc., traduit de I'an- glals par Paul Vergnaud ,571. Manuscrit trouve aux Tuileries le 29 juillet i83o , et publie par No- gues , i58. Manuscrits de la bibliotheque de Cambrai. f^oy. Catalogue- Manzoni (-/.'^ Sulla morale ea- tholica , etc. , 129. Marconnay Voy. Hotel des Princes. INlartin (Alex. ) Voy. Etatactuel de la France. Martin de Saint-Ange. L'Acade'mie lui de'cerne le grand prix des sciences nnturelles, 620. MarliusC.-F. -Ph.de). i^om^ffm- siliensis , i25. Massius. Voy. Philosophic psyclio- physiologique. Masson. Voy. Jeux innocens. — /^oj". Mil huit cent. Mathematiques , i3o , 366, 474 , 621. Mecanique , 402. Medailles frappe'es a Paris pendant Tanne'e i83o, p3ge63i. Medecine. Voy. Sciences medi- CALES. Mt'dicis et Machiavel , drame en vers , par Pelissier , 195. Meditations religieuses en forme de (liscours, pour touteslessituations g54 TABLE ANALYTlQUli de la vie, parMonnard ct Gencc , | M-^t ( F-'V. yVoy. Flore. ?.'*. / lA \ r 11 <;/,> Mesdouzcpreniieicsannc'cs, i6<). Meldola (D. )' ^'•""•> ^^y* 1 ,, TNIelosviUe (Xavier). Voy. I'oiiffon. Mktaphysique , Soq. Memoires (I. )= Revue politique Metkorologie, iSa. {Anxelme Pctetin) , i.— Du Michaut.T^lcduroiLouis-Pliilippe, droit et du fait ile la propriote medaille , 632. {Adolphe Gamier), 17.— Des _ ct Trelis. Medaille dcdice aMM. riiformesc'conoinlqiiesjcommer- Georges, Uauricr et ClauJol , dales et linancieres de la France ; 634- . . second article (/>w< ) , ^V- — ^^ Miclielet. Introduction a I h.sloire la reformc parlenientaire en An- universelle , A. , 294. cklerre ( f/idr/f.s- t'om/e ), 217. klillinit cent vingt-un, trente-un — Notice sur la coloniede Liberia et quarante-un , vaudeville, par ( G dc Felice ) , 24i. — Sur la Villeneuve et Masson , 629. mortalite causce par le cholera Mittermaier et Zaccharise. Journal peslilentiel ( Morcnu de Jon- critique de jurisprudence et de «rs-),4-25.— Molicesurleroyaume | legislation, i23. desUeux-Siciles{C/i/7r/Ml>''«^'''-'-\ i Moine (le), mclodrame , par Foi.- 438. tan , 4''-'- _ Nouveaux de TAcadcmie royale lyioliere (Theatre de ) , Sgo. des sciences et belles-lettres de ^^^^^^.^ , 556. Bruxelles,562. 1 ISIonnard. Voy. Meditations reb- _ correspondance et ouvrages inedils de Diderot, d'apres les manuscrits conficsi Grl.nm, 382 _ sur les campaniles des arn.eesdu Rhin ctdeUhin-et-Moselle, etc., par le marecbal Gouvion-Saint- Cyi- , 585. . _ pour servir a Thistoire m.lita.re gieuses- Montaberl (P.de). Traile complet de peinture , A., 97. Montanan{G. Igna-Jo). Frani jnenli di Rabirio poeta , 358. IMonteii ( Amans Alexis ). Histoire des Fran^ais des divers etats , au qiialorzieniesiecle, A,. 63. • pour »ei VI' " ■ "■ qiKiioi /.icii->- -i^- -^7 ■ -) sous le directoiie , le consulat et L^^^^^^^^^^^^j ^^ Plionneur de Uip I'empire , par le meme , ibid. ^^^j,, ^ i^, ^ IMc^morial encyclopedique et pro gressif des conuaissances hu- maines, etc., pnblie par Bailly de Merlieux , i33 Moore (Thomas ). Les Amours des Anges , poeme traduit en alle- mandparPauldeHaugwilz,i25. Morale, 56o. Memnrias de la Sociedad "^''"''- PVile la ) catholique , par Alexan 'o-o.? de Guate ; ,, ■ ,.,,^ dre Manzoni , 129. MoreandeJonnes.Quelquesdcta.s recenssur le cbolera-morbus,i«b. mica de los Amis, mala., 108. Memoric della realc Acadenna dellr science di Torino , A. , 4: 1. , ^, ^^ ^^5 Mcnsual de '"/?'^'^''f, Jf^; Morel, ^or. Mac Gregor mica de los Jm.gos del Kstaclo | ^^^^.^^j ^ ^,.^^^^ j^^^^^,, ,,„ bott.er. Moris, r Academie des sciences de , „ Turin couronne son ouvrage sur mica • de Guatemala, in8. ( Prospecto del ) . ibid- MerPacifique, 121 - 492- i Phisloirc iialurclle clii I'it'iiioiit , 473. Mortalile ( sur la ) causce par le cholt'ra pestilentiel en Asie et en Europe , tie 1817 a i83o , M. ,4-i5. Morte(la), ou Depart el Relour, drame, par Aiicelot , 629. Mortonval. P'oy. Don iNIartin Gil. Mosquee el biijliolliecjiie d'Akhal- zik , 394. Mother and Daughters , A., Sao. Mulsanl ( E. ).VnY. Lellres a Jnlie. Murray ( John ). Invention pour elahlir instanlanement une com- munif'.ition avec la terre en cas . — Jean- Baptiste Ha/bis, professeur de botanicjue. a Lyon, ()35. — Marie- Jacques- Joscph-A'ictorin Fahre , litte'raleur frangais,a Paris, ()35. Neus (H.) Voy. Atterboin. Nichols (Jolin '. Illustrations of the li.terarj History , etc. 34 1. Niebuhr^ Bekker, etc. Corpus scrip- DES MATIEUES. G55 toniin liisloria: lijzantitice, 122 Noailies (ducde). (Jpiniori sur le projel de loi relatil' a I'exclusion de la branche ainee des Bourbons, 379- Narggeralii. Die Unvwalzungeii. der Erdrinde , etc., i25. Noel (J. N.). /'q/. Geomelrie ana- iylique. — / o) . Geomelrie elenientalre. Nogues. f^oy. Majiuscrit. Norma, on I'infaullcide , Iragc'die , par Alexandre Souniet , k);. Notre- Dame de Paris, par Victor Hugo, A. 81. NouvEi.LE-GuiNiiE. Ses liabil:ins ar - cus'.'s d'etre alitbropopbages, 39.'). NOUVELLES SCIENTIFIQUKS ET LIT- TKKAIRES (IV): Afriquc, Go'). — Alleniagne, 180, SyS , Gog.- — Elals-Unis, 173 , 391, 6o3. — France, i83, 4oi,f)i4. — Grande- Bretagne. 174, 395. — Hollande, 612. — Iiidcs orientalcs, SgS. — Italic, 181, Gi[. — Paris, i83 , 401, 6i4- — Russie, r79,397. — Turquie asialique, Sg^. Navarre (les choses remarquables de la ville de), par A. Biancbini , 5Co. NuMlSMATlQUE niodernc , G3i. ■ atmo ;lais pai O. Observations sur le climat de I'A- merique du Nord , par David 'I lionias , 'iy I. O'Connor ( Arthur Condorccl ). Lettre au general Lafayette, etc. , 147. Ode liJbraique et iVan^aise , en Ihonneur de S. M. Louis Phi- lippe F'', par E. Carnioly, 3S7. CEovKES de Ballanchc, A. 288. — de Noltaire, publiees par Beu- cbol , ."igi. — completes d'Horace , traduitcs en fraii5. Revue encyclopedique. Changc- ment de direction. Avis essentiel, 5. — politique, M. , i. Rey (Joseph), /'^o^. Petition. Riffaut ( A. ). T'oy. Murray. Ring (Max.). /Vy, Vues pittores- ques. Hipperdj. / oj. jMonunient. Robiquet ]^:iinc'. I/Acaddmic des Sciences de Paris liii dtcerne le piix destatistique , 621. Hoederer (P. L.). L'Esprit de la revolution de 1789, A., Sog. Roestel ( Guil). P"oy. Plainer. Romans , 8 1 , i a i , 1 26 , i3o , 1 65 , 167, i68, 343, 388, 520, 554, 56i. Rome. f^oy. Topographic. — ^oy. Population. Rossi (Francois). Observations ana- toniiques et patliologiques sur I'organe de la vuc et le strabisme , 480. Rottchef CAIex.) Foy. .Schiller. Rousseau. J^. Origine des Mayeux. — P^oy. Auberge de la Grosse-Tete. Route a ornieres (Avantages d'une) du Havre a Strasbourg par Paris, 48. Rozet. Phenomenes physiques ob- serve's dans les environs d'Alger, 618. Rudelle (L. ) f'^oy. Instruction. Ruines de Ponipei. Extrait d'une note de M. E. Gauttier d'Arc , 181. Ruppels Beschreibung ei.niger Fis- che des Nils ,353. Rusca. Perfectionnement de la trombe hydraulique de Dietz , 473. Rusconi. L'Acade'mie des Sciences de Paris lui dt-cerne une medaille d'or pourses travauxsur I'organi- sation des reptiles amphibiens , 620. RussiE, 179, 397, 543, 587. Sagan (T.) Medaille de'dieea Ferdi- nand VII par la junte de Cadix, 633. Saint-Hilaire. f" oy. Veuve. DES MATIERliS. ()5fi Sainte-IIelene (He de). ^q> . Kxcur • Salm (princcsse Constance), fipilre aux souverains , 5g8. Salon (lej de i83i, comedie-vaudc- ville , par Brazier, Bayard et Var- ner , 63o. Sanibard.Iled'Elbe,Saintc-Ht'lenc, medaille grave'e en riioiineur du mare'clial Bertrand , 63;{. Sartori (T.) Historish etnogra- phische Uebersicht der tvissen schaftlicben Kiiltur , it. s, w. , 5 J2. Sauvage. P^oy. Favras. Savi(P.) OrnitoIogiaToseana, etc. i3o. Schiller. La Fiance'e de Messine , trage'dle traduite en vers russes , par Alexandre Rottchef , 545. — Leben, 555. Voy. Humboldt. Sciences medicares, 125, i3o , 353 , 363 , 406 , 4^5 , 47^ > 48o , 620. — RELIGIEUSES , 1 29, 332, 371, 535. Sclopis (Fre'de'ric). Rectification dc quelques points de I'hisloire de Thomas , premier comte de Sa- voie,49i. Scoutetten. f^oj: Discours. Scribe. J^oy. Favorite. Fny. Philtre. Sculpture , 555. Seance publique de la Societe de Me'decine de Caen, 363. Secret (le; du Roi , 343. Se'guier. Me'moire sur les appareils a vapeur, 407- Selection (A) from the papers of the carls of Marchmont , 34 1. Senior's Three lectures on the cost of obtaining money, SJg. Serturner. L' Academic des Sciences de Paris lui de'cerne un prix pour 66o TABLE AN avoir reconnu la nnlurc alcalinc de la morphine , 621. Scrvaii (le Suguy , C.-B. 53;, 57i. 66-1 W TADLE ANALYTIQUE UES MATIEUKS. f^'ood's ( iV. ) Practical Treatise 'VN'^ebcr. Voy. Eurianlhe. ffcithrecht ( Conrad ). Die vicr Jahreszeiten , 555. U'elkcrs universal jiiristischpoli- tiiche Encyclopedic , 34^- IJ'e/ls ( E. M. P.). Rules for the house of reformation , etc. , 335. Wendt (J. C G. ). Lettressur di- vers etablissemensd'alicnes', etc., 546. Wetzel ( Auguste ). De'coiiverte d'lin nouveau moteur , ^o&. Wcyraiich {A.-H. von). Die Bar- ricaden , 35 ^. yVilson ( Alex. ) and Ch, Lucien Bonaparte. American Ornitho- logy , 53i. on Hail-Roads , 1 20. Y. Youry Miloslavsky , ou la Kussic en 1612 , roman Iilstorique, par Zagoskiue , traduit en frangais par madame S. C. , 168. Zaccharise. F'fy, Mittermaier. Zagoskine. f^oy. Yory Miloslavsky. Zentner ( J. ) Das Gcschwornen- gericht , 347. Zschokke {H. ]. Der Creole , 126, Zoologie , ia6, 2 '"'"- "- i On sou sent a Paris, chez les Libraires ci-anres : rREUTTEL et WuRTZ , rile de Bourbon , n° 17 ; Charles Bechet, quai des Augustins, n» 55; Rey et Gravier, quai des Augustins, no 55; A LA Galerie de Eossange pere , rue de Richelieu , n" 60 ; RoRET , rue Ilautefeuille , no 1 2 ; J. Renouard , rue de Tournon , n° 6. On souscrit aussi chez tous les Directeurs des postes, et chez les priii- cipaux Libraires, dans les de'partemens et dans les colonies. L1BRAIRE& chez lesquels on Muscrit dans lesvxYS ETRANGERS. Amsterdam, Delachaux- drivers, Ancelle. Arau (Suisse), Sauerlander. Berlin, Schlesinger. JBcrne, Clias; — Bourgdorfer. JBresluu, Key gel. Sruacelles , Dujardin-Sailly ; — Denial ; — Horgnies-Re'nie ; — Librairie parisienne, frangaise el etrangere. Florence, Pialti; — Vieusseux. Francfort-sur-Mein , Jugel. Gant'., V'andenkcrckoven fils. Geneve, Chcrbulicz; — Barbezat et Delarue. La Hajre, Icsfrferes Langenhuysen. Lausanne, Fischer. Ze//?z/]j', Brockhaus; — G. Zirges. Liege, Desoer; — Colardin. Lisbonne, Paul Martin. Londres, Dulau et C°; — Treuttel et Wiirlz ; — Bossange, Barthcz, Lowel etCc. Madrid, Dennee; — Peres. Manhrim, Artaria et Fontaine. iJfi7a«,Giegier; — Vismara; — Bocca. 3Ions, Le Roiix. Moscou, Gautier; — Risspereetfils; — Urbin et Q^', — Semen. Naples, Borel ; — Marotta et Wanspandock. New-York (Etats-Unis), Foreign and classical bookstore; — Be'rard ct Mondon. l^ouvelle-Orlcans , Jourdan ; — A. L. Boismare. Paierme (Sicile^, Pedonne' el Mu- ratori; — Boeuf ( Ch. ). Pdtersbourg, F. Bellizard el C*; — Graeff; — Phichar*. Rome, de Romanis; — Merle. Stuttgart et Tubingue, Colta. Turin, Bocca. p'arsovie, Glucksberg. Vienne ( Aulriche ), Ge'roid; — Schaumbourg ; — Schaibachcr. Tous les ouvrages annonces dans la B-evue Encjclope'dique se trouvent chez S^dillot, libraire, rue de rOdeoii, n* 30. Cantiittang Ir^ la JSausrrtptiun. ha. Revue Eiicyclope'di(iue parait mensuellement , depuis Jan- vier 1819, par cahiers de plus de 200 pages d'impression. Trois > ahiers forment un volume, terniine par une Table analytiquc et alpliabe'tique des matieres. Chaque annee est independauie des anoees precedentes, et of'fre UP, Anmiaire scientifique et litte'raire j en A volumes in-S^. JJrii- l»f r^lbonncment. A Paris 46 fr. pour un auj 26 fr. pour six mois. Dans les departeraens. 55 » 50 » A I'etranger 60 » 54 » En Angleten'e. ... 75 » 42 » A partir du I^J' Janvier ou du ier j^iHet. Lc niontaiit de la souscription, qui doit etre paye d'avance et ciivoj^e par la poste; La correspondance ; Et lout 06 qui concerne la redaction, les livies de tout genre, les gravures, etc. , dont on desire fairc rendre compte, doivent etre adresses, franc de port, AtX DIRECTEIKS DE LA REVUE EXCYCLOPEDIQUE, liCJE DE L'OD^OIV, W 30. Pour les abouucinens et les reclamations, on doit s'adresser .h M. Sedillot, menic Maison. Imhlin'ciic d'i^-. IRAT , rue Ju CiiiUlJii , u" llj.