RE ENCYCLC rstyv M grsf; par DE MEMBRKS D£ L'lNSTI REVUE ENCYCLOPEDIQUE /£ /. REVUE ENCYCLOPEDIQUE, on ANALYSE RAISONNEE DES PRODUCTIONS LES PLUS REMARQUABLES DANS LA LITTe'rATURE , LES SCIENCES ET LES ARTS; par une reunion DE MEMBRES DE L'lNSTITDT ET d'auTRES HOMMES DE LETTRES , MM. %u#mte 2niiim et ftnsdmc fldrtm. TOME LI. PARIS , AU BUREAU DE LA REVUE ENCYCLOPEDIQUE, ET CHEZ SEDILLOT , LIBRAIRE , RUE DE L'ODEON , N° 30. JUILLET 1831. (( Toutcs les sciences sonl les rameaux d'une meme tige. » Bacon . « L'art n'est autre chose que le controle et le registre des meilleurcs pro- ductions... A controller les productions (el les actions) d'uiv chacun, il s'en- gcndre envie des bonnes et me'pris des mativaises. » Montaigne. n Les belles-lettres el les sciences , bieu etudiecs et bien comprises , sont des instruinens univer^cls de raison , de vertu , de bonheur. » M A. J IlEVUE ENCYCLOPEDIQUE, ou ANALYSE RAJSONNEE DES PRODUCTIONS LES PLUS REMARQUABLES DANS LA UTTERATURE, LES SCIENCES ET LES ARTS. I. MEMOIRES. LES ESPERANCES ET LES REALITES(1). Apres la glorieuse revolution de juillet, nous cher- chames a rnontrer 1'avenir, tel que nous croyions l'en- trevoir , avec ses osperances et ses dangers , a signaler le but vers lequel on devait marcher , avec les obstacles a surmonter, et les devoirs que la revolution iraposait au (l)Nous attaclions, sous plusieurs rapports, une grandc importance an Me'/nolre qu'on va lire, et nous appellerions vivcment sur lui l'attention con- scieneicusc des homines dc bonne loi, a quclque opinion qu'ils ap])articnncnt, s'il n'dlaitdeja suffisammentrecommande par le noin dc son auteur. Peut-etre scra-l-on inoins pressc d'accuscr d'exajjeralion nos eroyanccs poliliques , et 6 LES ESP^RANCES peuple et au gouvernement. Des lors et pendant pres d'une annee, nous ay-ons cru devoir garder le silence. Des homines partes par la confiance de leurs concitoyens arrivaient au pouvoir ; ils donnaient pour garantie de leur conduite future la lougue experience de leur devoiiment a la patrie et a la liberie, ils avaient droit ace qu'on les attendit a l'ceuvre, a ce qu'on ne s'empressat point deles condamner, a ce qu'on leur tint compte des difficultes de leur position , a ce qu'on ne les aggravat point par une critique interapestive. Le frequent rcnouvellement du munsiere a prolonge ces egards dus au pe- nible apprentissage des ministres; tandis que des voix hai- neuses retentissaient sans cesse dans les journaux , nous n'a- vons pas voulu joindre nos critiques a des reproches dejatrop opposition d'hostilitd factlcuse , quand on verra un homme tel que M. de Sis- mondi, qui d'abord s'dtait ratlin franchement , ardemment , aux ministries heriticrs de la revolution de \ 830 ( voyez dans ce recueil Particle intitule : L'Avenir, aout i 830), cclaird par les faits , par la conduite meme de ce pou- voir oit il roraptait tant d'arais, reprendro un role deposition qu'il eut voulu pouvoir abandonner. Ce changement, qui est tout entier l'ouvrage des dvenemens, nous est prd- cieux , nous l'avouons : nous nous croyons plus forts en sentant dans nos rangs un esprit si loyal et si puissant, et sa presence nous rassure contre I'espcce descrupule que nous dprouvons quelquefois en apercevant parmi nos adversaires des hojnmes auxquels il nous est impossible de refuser cnliere- inent notre estirae. Du restc, si nous ne partageons pas l'avis de notre savant collaborates sur d'aulres bommes, a la droiture desquels il nous est difficile de croire , on n'en doit pas etre surpris plus que nous ne le sommes nous-memes : eloign^ elle triomphera bien plus surement a l'avenir des resistances que le pouvoir essaierait encore de lui opposer dans on interet prive. Aussi les institutions de la France sont desormais destinees a donner de la maturite a cctte volonte avant de la cbanger en loi. II faut que le peuj»le soit force a rellecliir, a s'eclairer, a repeter son vocu a plusieurs reprises , pour que la passion du moment ne se confonde pas avec la volonte persistante , et pour que la sin prise ne saltribue pas les droits de la resolution. (Test uneerreur deparler d'equilibre, d'independance depouvoii*s ; il n'y a jamais qu'un seul pouvoir dominant; il a ete tour-a- tour sacerdotal , aristocratique, monarcbique et democratique : toutes les institutions politiques qui i'accompagnent ne doi- vent etre que des moyens d'enrayer sa course trop impetueuse. Ces moyens doivent se proportionner au caractere et a Tesprit de cbaque peuple ; le francais, impatient d'opposition , em- presse a generaliser ses idces, eta prendre pour demontre le principe qu'il eominence a ajiercevoir, est celuiqui a le pln.i besoin de barrieres,et celui qui les supporte le moins. II est essenticl qu'fl ne se meprerme point sur ce qui est recllement pour lui une volonte nationale; tous les vetos qui paraisscni ET LES REALITES. 9 l'entraver ne sont au vrai que suspensifs , ils l'arretent pour lui donner le tems de s'assurer de ce qu'il veut. Si les oppo- sans pouvaient s'appuyer sur un equilibre de forces , s'ils etablissaient une lutte prolongee entre deux pouvoirs dans l'Etat , ils ameneraient necessairement, ouranarchie , par la cessation dumouvement social , ou la guerre civile, par sa double direction. La volonte nationale est la reunion de toutes les volontes individuelles, mais celles-ci n'existent que chez ceux qui pensent , et qui se donnent la peine de vouloir. Aussi le suf- frage universel ne represente point la volonte, car il coinpte comme volontes individuelles 1111 grand nombre d'indiffe- rences. Beaucoup de citoyens s'abstiennent de venir aux co- rnices et de donner leur suffrage ; ils prouvent assez par-la combien ils sont indifferens a la decision qu'on va prendre : voudriez-vous les forcer a voter , et faire ainsi triompher leur indecision sur la volonte , ou refiechie, ou passionnee des autres? Parmi ceux qui sont venus volontairement pour donner leurs suffrages, pouvons-nous regarder cbaque vote comme ayant une egale importance aux yeux de Tindividu qui 1'emet? Combien y a-t-il d'hommes qui savenl ce dont il s'agit? combien qui adopteront de confiance l'opinion d'hom- mes plus instruits? combien qui la rejetteront par jalousie sans se donner la peine de l'entendre? combien qui , absolu- ment indifferens , voteront sans savoir ce qu'ils font? La re- ponse a toutes ces questions est differente selon l'objet des de- liberations , les tems et les lieux ; elle est differente selon cbaque nation, cbaque province , peut-etre chaque haraeau. Ccpendant e'est a une votation que nous demandons l'ex- pression de la volonte nationale. Nous chercbons d'abord a consumer le corps electoral , en en excluant les ignorans et les indifferens, qui n'ont point une volonte, mais nous sommes forces de faire ce triage presque auhasard; nous rassemblons ensuitelesrepresentans de ce corps electoral, etnoussupposons 10 LES ESPERANCES que leur volonte sera identiquc avcccelle Je leurs electeurs. Mais c'estparce que nous marchons ainsi de suppositions en suppositions, que nous avous besoin de faire uue pause avantde convertir la volonte de ces representans en loi de l'Etat, et que nous la soumcttons a la revision dcl'autorite royale, et a celle d'un senat, pour nous assurer qu'elle est bien reelle- ment uue volonte nationale. La loi qui constitue le corps electoral , en excluait, corame ignorans ou indifferens , tons ceux qui ne payaient pas 500 fr. de contributions directes. L'experience a prouveque cette li- mitation, toute arbitraire, donnait peut-etre en majorite des electeurs liberaux et animes de l'interet de la France; il etait impossible de s'en assurer a l'avance. Apres la revolution , le vote electoral a ete reduit a 200 francs ; ce cbangement etait destine a appeler a voter un nombre considerable de citoyens qui, malgre leur etroite fortune, avaient eu le loisir de pen- ser et de se former une volonte reelle, mais il donnait le meme droit a un nombre plus considerable encore d' electeurs igno- rans ou indifferens, dont le suffrage sans valeur reelle etait livre a rintrigue. Le pouvoir devait-il gagner ou perdre a ce changement, e'est ce qu'on n'apprendra que par une bien longue experience. Cependant l'opposition insistait pour rabaisser beaucoup plus la cote electorale ; mais les carlistes , avec plus de vivacite encore, insistaient dans le meme sens , et demandaient le suffrage universel. Les deux autres partis nous paraissent disputeren aveugles , sans savoir si ce qu'ils demandent leur sera avantageux ou nuisible ; les cai'listes seuls voient. leur but. Le suffrage universel leur donnera le plus grand nombre possible d indifferens , pour etouffer la \ i ilonte nationale ; soit qu'ils reussissent a egarer ces derniers, :i |)rofiter deleurs preventions, de leurs superstitions, de leurs sonffiances, pour les faire un jour voter en leur faveur, soit <|u'ils les poussent au contraire a des exces qui decrediteront la deinocratie, ils auront toujours servileur cause. ET LES REALITES. I I Les deputes du peuple, lorsqu'ils deliberent dans leur Chambre , sont supposes exprimer le vceu du corps electoral ; niais de menie qu'il n'est pas sue que la pensee du corps elec- toral soit la meme que la pensee nationale, il n'est pas stir que la volonte des deputes soit celle du corps electoral. Lux aussi sont susceptibles de passion , de seduction , d'entrainement, de precipitation et d'erreur. Toutes les formes apportees a leur deliberation, pour la ralentir, toutes les sanctions demandees au roi ou a une seconde Cbambre, n'ont d'autre but que de leur donner le tems de se calmer, de refle- chir, d'etudier mieux, de se mettre d'accord avec leur com- mettans, de mettre leurs commettans d'accord avec cette puissance abstraite , qu'on ne peut saisir, et a laquelle seule on doit pourtant obeissance, l'intelligence nationale. Les droits du roi et des pairs, lorsqu'ils s'opposent a la volonte des deputes , out ete declares absolus , et il faut qu'ils pa- raissent tels pour donner du courage a ceux qui les exercent ; ils ne sont dans le vrai que suspensifs. Lorsque Charles X pretendit l'annee passee exercer sa prerogative dans un sens diametralement oppose aux volontes de la Cbambre , le re- sultat de ses efforts ne pouvait etre que de le renverser lui- meme, de renverser la Chambre, oude dechirer l'Etat. La seconde Chambre ne peut pas mieux que le roi refuser definitivementsonconcours a l'ceuvrede la legislation. Quand une fois la Chambre des deputes a ete renouvelee par une elec- tion libre, quand elle est animee du meme esprit que ses elec- teurs, quand elle traite une question sur laquelle la volonte nationale estbien prononcee, il faut que la seconde Chambre cede, non-seulement parce qu'il serait theoriquement absurde qu'une petite partie de la nation s'opposat a la volonte du lout, mais parce que ce serait impossible. Sur une question vitale, le dissentiment s'aigrirait, la Chambre des deputes refuserait de sanctionner des lois , de voter des impots , la machine sociale s'arreterait, la souffrance deviendrait uitf- I i LIS ISP :■: RANGES verscllo, Id guerre civile ou la revolution paraitrait prefe- rable a eel etat d'auarchie, et la nation ne tarderait pas a s'y pn'vipiter. En Angleterre, les pairs ont rarement ose soute- rtir line lougiic opposition contre la volonte des Communes ; e'est dans la Chambre meme de celles-ci qu'ils ont cherche a etablir la domination de l'aristocratie ; d'ailleurs les An- glais sont patiens , parce qu'ils sont confians dans la duree de leur liberte ; ils savent par experience que le rejet d'un bill , pendant line on deux sessions, n'est qu'un ajournement. En France, il y a plus d'impetuosite , l'avenir parait plus dou- teux , les partis sont plus violens ; et plutot que de laisser se prolonger un dissentiment entre les deux Chambres , le roi est oblige de fa ire une de ces nombreuses nominations de pairs , qui changenl la majorite dans la premiere. Expedient deplorable qui discredite la pairie, qui, la mettant dans la main du roi, rendcelui-ci responsable de ses ecarts, qui de- jruit l'avenir, et qui n'est preferable qua la guerre civile. Cependant le ministere anglais sera force d'y recourir aussi , si la chambre des pairs rejette le bill de reforme. II ne faut done point envisager la Chambre des pairs com me donee d'une independance absolue , ainsi que la constitution la defiuit ; la necessite Ta modifiee , elle l'a re- duite a la prerogative declairer par un debat nouveau une question deja traiteedans une autre chambre, de la reprendre dans son ensemlde, avec des amours-propres qui n'ont point encore ete aigris, de coordonner les articles qui ont ete suc- successi Yemen t enleves par 1'iin ou par l'autre parti, dans la i lialcur de la discussion, et si elle ne peut ameliorer la loi, de rajourner pour une ou deux annees. Dans cette capacitede tribunal de revision legislative, la Chambre despairs, en France, a rendu d'eminens services. Elle a suspendu beaucoup de decisions passiounees ou imprudentes, deja sanctionnees par les factions qui avaient tour a tour domine la Chambre des deputes j elle a repare des oublis graves ; elle a apporte de ET LES REALTIES. ]3 l'ordre et ile la sagesse dans des lois souvent empreinles de precipitation et decolere; elle a enfindonne unexempledonl la France aura longtems encore besoin, celui d'une assem- bled legislative deliberant avec calme , avec mesure , avec di- gnite et des egards mutuels. Comment se trouvait-elle propre a des fonctions quelle a si bien remplies? Dieu le sait. Les rois ou les ministres qui l'avaientformee n' avaient jamais porte leurs vues si baut. S'il y avait up but dans leursehoix, c'etait derassembler dans la Chambre haute des complaisans et des hommes devoues au pouvoir. Mais des considerations secon- dares les avaient plus souvent diriges : desireux de donner du lustre a ce corps qu'ils creaient, ils en avaient emprunte a tout ce qu'ils trouvaient devant eux ; ils avaient demande des re- presentans a l'ancienne pairie feodale, et au senat imperial, riche du souvenir des dernieres victoires ; ils l'avaient ensuite recrutee de tous les ministres mis en retraite , de tous les hommes qni avaient passe par de grandes affaires , et c'est ainsi que toutes les capacites, toutes les experiences y sont entrees. La Chambre despairs, si recente destitution, si suspecte d'origine, soit a l'ancienne aristocratie, soit a la de- mocratie, sentit bientot quelle n'avait point de racines dans le pays , point de consistance , et quelle etait sans forces quand les grandes passions etaient en jeu. Elle n'essaya point de de- fendre ni la liberte contre Charles X, ni le trone de celui-ci contre le Hot populaire, ni sa propre constitution quand on l'a mutilee. Elle s'est effacee pendant l'orage; mais le senti- ment de sa faiblesse lui a fait chercher toute sa garantie dans les talens qu'elle deployait. Se defiant elle-meme de ses droits , elle n'a jamais perdu l'occasion demontrer qu'elle etait bonin ;i qnelque chose. C'cst cette Chambre des pairs que le vceu presque uiianiini des electeurs a coudamnee en se prononcant contre la pairie hereditaire. II faut un degre de foi que nous n'avons point pour mettiv Ijeaucoup d'inqiortance a la maniere dont se ive- l4 LES ESPERANCES nouvcllera un corps qui a si peu de vitalite dans la generation actuelle; re qui pour nous fait l'objetd'un doute, ce n'est pas si les enfans des pairs actuels succederont a leurs peres, mais si les peres eux-memcs siegeront jusqu'a la fin de leur vie. Dans cet etat precaire, la Chambre ne fait pas rnal ses fonc- tions ; en conservant l'institution il est difficile d'y apporter une modification qui ne la rende pas plus mauvaise; si on donne au roi l'eleetion des pairs a vie , c'est augmenter la puissance royale ou ministerielle ; si on la donne au peuple , c'est pis encore : c'est donner aux deputes de la nation des rivaux redou tables, c'est 6ter a la volonte nationale cette sou- verainete, grande conquete dela revolution. Qu'on n'oublie point que 1' essence de la seconde Chambre doit etre de ceder quand il est terns. Plus on la rendra nationale , plus on en fera la representation exacte de quelque grand interet public , moins elle se resignera a ceder ; en cas de dissentiment elle invoquera l'aide de ses commettans , et, au lieu d'equilibre entre les corps de l'Etat , on aura organise la guerre civile. II nousparaitqu'ilya une erreur semblabledanslezeleavec lequel les liberaux cherchent aujourd'hui a organiser fortement les municipalites. Ce n'est plus au pouvoir royal qu'ils appor- tent ainsi desormais des limites; c'est a celui du peuple. Une opposition entre la volonte souveraine de la nation et la vo- lonte des provinces arreterait le mouvement et la vie du corps social. La premiere, reconnaissantlesnecessites et les dangers de l'Etat, impose les sacrifices; la secondelesaccomplit. Les Cham- bres votentles impots, les levees d'bommes; ellessoumettentles villes au dur regime des places de guerre. Plus les adminis- trations provinciales et muni cipales rep resenterontavec verite l'esprit des localites, plus elles repousseront leur part de ce fardeau; plus elles seront composees d'elus du peuple, abso- lument indepcndans du pouvoir , et plus elles trouveront d'appui dans le peuple, pour refuser un sacrifice. Leur resi- stance pourrait etre tellemont efficace que la volonte generale ET LES REALTIES. l5 ne serait plus obeie, etque la nation perirait. On ne remedie point a ce danger en appelant, comme Fa voulu le ministere, des aristocraties locales, au lieu de democraties , a former les administrations provinciales. Le probleme a resoudre, c'est de constituer les autorites locales de telle sorte qu'elles soient en meme tems intelligentes et obeissantes , qu'elles connais- sent et represented bien tous les interets des administres, mais qu'elles cedent a l'interet general : qu'elles accoutument tous les citoyens a se meler partout de toutes leurs affaires , mais qu'elles les penetrent en meme lems de l'idee que leur commune n'est pas la nation, que leurs interets doivent ceder aux interets de tous, qu'on les appelle enfin au conseil pour plaidcr, pour eclairer le gouvernement , pour s'eclairer eux - memes , et non pour commander. Ainsi, selonnous, la revolution, en mettant la volonte souveraine du peuple a la place de la volonle du monarque , a cree tout un nouvel ordre politique et de nouveaux prin- cipes. Les memes privileges que les Francais demandaient comme des libertes deviendraieiit aujourd'bui des limitations a l'autorite populaire. La science a change d'aspect ; les axiomes sont devenus objets de doute, et dans une etude nou- velle, le meilleur conseil a suivre , c'est de ne pas se presser, de ne pas changer pour se conformer a des principes dont aucun n'est solideraent etabli , mais seulement pour porter remede a un mal eprouve, de s'appuyer sur 1' experience , et de s'abs- tenir de suspecter les intentions de ceux qui different de nous, tandis que nos opinions a nous-memes admettent tant de doutes. Appliquant cette regie au ministere , nous ne verrons aucun lieu de l'accuser de n'avoir pas travaille au progres d' institutions sur lesquelles tant de lumieres nous manquent encore. Mais, si la politique interieure du ministere pouvait encore etre enveloppee de doutes et de difficultes, sa politique exte- rieure decoulait de principes plus simples; il lui suffisait de It) LES ESPEKANCES i Hiisulter riionnciir franeais, les affections franchises, tie mar- cher avec franchise devant lui dans nne route tout uuie. La science diplomatique u'avait point change comme la science politique ; mais elle le laissait libra, parce que la revolution avait aneanti tons les traites anterieurs. Dans les terns ordi- naires , chaque nation se trouve placee sous une double ga- rantie, celle du droit des gens, qui reconnait a chaque etat une egale independance , et qui regarde la societe europeenne comme ebranlee quand 1111 seul est opprime, et la garantiedes traites qui, fondes sur d'anciennes affections, sur des interets communs, associe une moitie de 1' Europe pour se defendre contre l'autre , des que la paix generale serait troublee. Cette double garantie, lorsqu'aucune passion politique ne fermente, s'etend egalement sur les etats lihres et sur ceux qui ne le sont pas , sur les republiquees et les monarchies. II y a un siecle encore que la liberte n'etait ni comprise ni desiree par la plus grande partie dc 1'Europe. La constitution de 1' A.ngleterre , celle de la Suisse et de la Hollande excitaient a peine quelque curiosite en France, mais aucune envie. Tout est change au- jourd'hui : l'Espagne et l'ltalie, 1'Allemagne et la Pologne, la Russie meme, ont prouve par des revolutions ou des con- spirations que les peuples y desirent avec ardeur la chose meme que la France vient d'obtenir , que les rois la regardent avec horreur. L'exemple de la liberte , au milieu d'une fer- mentation si univerelle , est contagieux. Les souverains n'ont d'autrc choix que de l'accorder a leurs peuples ou de 1'etouffer chez leurs voisins. lis n'ont fait aucune concession aux desirs dc leurs sujets en Allemagne, en Italie, en Espagne ; ils sont done rcsolus d'oter aux Francais celles qu'ils ont conquises. Le droit des gens n'est plus rien pour eux , a cote de cet in- teret de surete ; ils attendent , ils epient le moment opportun pour attaquer la France a l'improviste , l'ecraser, la partager, on tout au moins lui enlever ses institutions. Ils y entreront • limine ils sont entres dans l'Etat de l'Eglise, sans meme se croire tenus a une declaration de guerre. ET LES REALITES. I r La garantie des alliances est aneantie tout comme celle du droit, des gens. Les Bourbons, depuis leur retour, chance- lant sur leur trone , n'etaient qu'imparfaitement appuyes par leurs anciens amis ; ils avaient perdu la Suede et la Turquic ; lis ne pouvaient altendre de la Suisse qu'une simple neutra- lile; le Piemont etait douteux , l'Espagne et Naples leur res- taient : ce sont aujourd'hui les plus acbarnes entre les enne- mis de la France. Celle-ci n'a pas uu allie parmi les rois, pas une epee qui se tirat pour elle. L'Angleterre , la Suisse , les Etats-Unis , ne j)romettcnt , au nom de leur amitie , qu'une simple neutralite. On done sont les trades qui lientla France quand toutes ses alliances sont rompues, quand tons ses voi- sins arment et font avancer leurs troupes comme a la veille d'une invasion ? La paix subsiste, parce que cbacun,"dans son propre interet, attend sa convenance ; mais la paix sub- siste sans traites , la France sait bien que personne ne se croit obligeenvers elle. La France seule, il est vrai, a prouve qu'elle pouvait se defendre contre toute l'Europe ; mais a quelprix? quels sacrifices de richesses et de sang ne lui out pas coute les campagnes de la revolution? dans quel etat d'ivresse et de fureur n'a-t-il pas fallu jeter toute la population virile pour la transporter aux frontieres? La France, repoussee du droit com- :nun , abandonnee par tous , insultee par tous, doit rallu- mer son propre entbousiasme pour se suffire a elle-meme ; mais elle doit aussi rechercber et conserver soigneusement les seuls allies qu'elle puisse avoir , ne fut-ce que pour nepas de- voir cbercber sa garantie dans les fureurs du terrorisme. Ces allies existent et sont tout trouves; les revolutions ten- tees dans tous les pays voisins ont demontre qu'une seule cause, mi seul interet , partage aujourd'bui l'Europe ; que partem t les peuples sont las de leurs chaines ct seraienl em- presses de seconder les Francais lorsque ceux-ci offriraient de leur rendre la liberie. Dans l'etat de doute et de danger on se trouve le monde civilise, tous les traites sont rompus ; mais TOME LI. JUII.LET l85l. 'A !8 l.KS ESPERANCES les Fiancstis, non plus que les rois allies, ne veulentpas pren- dre sur eux la terrible responsabilite de commencer la guerre-. Aussi 1c premier ministere de la revolution proclama-t-il un mode de vivrc, pour remplaccr tout le reseau biise de I'an- cienue diplomatic ; e'est ee qu'fl appela le printeipe de la non- intervention. La verite foadamentale du droit publicj quecha- qne Etat independant est n.aitre chez lui et peut reformer ou changer a sa guise scs institutions , non plus que la verite morale qu'un gouvernement qui a excite la haine populaire , au point de ne pouvoir se maintenir par lui-meme, n'csl point digue d'exister, n'avaient pasbesoin de la sanction du minis- tere francais; toutefois , le principe qu'il proclamait comme sa regie avait une triple application. 11 annoncait que, quelquc besoin qu'eiit la France d'allies, comme elle voulait main- tenir lapaix, elle n'irait point provoquer des soulevemens dans les pays etrangers ou offrir son aide aux mecontens pour accomplir des revolutions; il annoncait d'autre part que, s'il laissait dans cbaque pays ses amis et ses ennemis aux prises, sans donner d'aide aux premiers, cetait sous la condition quaucun Etat etranger n'assisterait les seconds, car la sainte- alliame des rois serait immediatement suivie de la sainte-al- liance des peuples ; il annoncait enfin que, s'il etait coniraint a defendre les homines libres , ce serait comme allies , non comme sujets , car i! reconnaissaitrindependance des peuples et ne pretendait pas faire de ronquetes. Ces principes, pro- clames au milieu de l'Europe armee et menacante, qui ne se croyait plus tenue a aucun traite envers la France , etaient en meme terns un dernier gage de paix offert aux rois, une garantie promise aux peuples, enfin un engagement contracte envers les neutres , envers l'Angleterre surtout , qui , ayant fait sa revolution depuis un siecle et demi , nest point coin- prise dans la coalition contre les libertes de la France, mais Jiien dans celle contre ses conquetes. Alors eclata la revolution de Belgique, et la France, fidele ET LES REALITES. 1 9 a ses principes, n'assista point les Beiges contre les Hollan- dais, niais ne permit point quclesroisassistassentlesHollandais contre les Beiges. Une reunion lui etait offerte, tout aumoins par un parti nombreux ; elle la repoussa , et tranquillisa ainsi l'Angleterre, dont Finimitie aurait ete dangereuse ; elle donna en meme tems aux peuples une garantie nouvelle de sa mo- deration ; Findependance leur est chere a l'egal de la liberte , et il importait qu'ils fussent convaincus que la France les aiderait pour en etre aidee , qu'elle combattisait de concert avec eux leurs communs ennemis , mais qu'elle leur offrait son alliance et non un changement demaitres. Malheureuse- ment la France se laissa engager alors dans des negociations avec les rois , ou la France se liait sans que personne fut lie envers elle. Ecoutant les petites craintes dont ils etaient eux- memes tourmentes, elle donna lieu de croire qu'elle courait les memes dangers qu'eux , et que Felection d'un prince de la maison de Napoleon ou la constitution d'une republique dans son voisinage pourraient etre dangereuses pour elle. Le ministere prefera donner la Belgique a un prince protege par l'Angleterre , et il crea ainsi un grave mecontentement en France, qu'il aurait evite s'il avait compris qu'aucun autre pays n'a les memes motifs que la France pour choisir une monarchic constitutionnelle, et que l'exemple du trone cban- celant d'un roi etrangerh son peuple est plus dangereux pour la dynastie d'Orleans quecelui d'une republique. N'importe , la Belgique, meme avec un prince anglais , ne sera point donnee a l'Angleterre ; ses institutions republicaines sont trop fortes et le prince trop faible pour qu'il puisse braver les vo- loutes de son peuple. Dans la guerre generale , tout pays qui aura fait sa revolution et l'aura maintenue combattra pour la France ; tout pays qui ne l'aura pas tentee, ou qui l'aura laisse echouer, combattra contre elle; avecle prince Leopold, et malgre Facte de neutralite, la Belgique restera alliee de la Fiance. •JO I.ES ESPERANC.ES Mais le miuisteredevah a\ i>ir la conscience de cettealliaace, qui esl dans loscinirs.ot (|iii vaut niioux que los trailesccrits-, il devait vouloic que i;> Belgique rut puiasaute, quelle gardat sos [orteresses el son annee; il devait repouaser la proposi- tion dece\ ante de sa aeutralite. Lcs lettrcs que la Suisse vicnt ilc recevoir >!»• 1'Autriclio, dela Russieet de la Prusse she scs armemens, devaient suffiie a lY'daircr ; olios disent assez haut que oos puissances no eonsiderent la aeutralite de laSuisse oue comme Le droit Ac conserver une porte ouvertc sur la France. 1. a Suisse osl contrainte d'arinor oont millo homines pour niaintonir cotto noutralito, qui exiged'elle de plus grands efforts qu'aucune alliance offensive. En faisant dire au roi que los places de la Belgique soront domolios, le ministers s'ost vauto de eo qU'll n'avait point fait, do co qu'il devait ompo- cliora tout prix, oar ces places oouvrent dosonnais la France; il a offense lis Beiges, sos souls allies, il a (lit onliu ee qui n'otait pas. Pouvait-il par une soulo phrase common ro plus • le Unites.' La revolution de la Pologne ot colle do l'ltalio cdntrale oolatoront onsuito. Le royaume de Pologne etait indepen- (lanl de 1' empire Russe, quoiqiril oiAit lc memo souvorain, i somme le roynume de Hanovre est independant Ac l'empire liriiannique. Los Ftatsde l'Fgliso, los duchos de Parme et de Riodene n'etaient pas meme attaches parce lieu equivoque a aucun souvorain etranger. Les derniers trades lour avaient ga- ranti des droits qui etaient violes a\oe impudence. LeuW re- volutions s'otaient aussi aocomplios sans aide e trans; ore; ils s'etaient donne des gouvernemons qui etaient leeonuus dans toute l'etendue de chacun deces quatre Etats, savoir, dans le royaumede Pologne, les deux ducb.es et do la partio do l'Ftat de L'Eglise qui avait appartenu au royaume d'ltalie. Les pcu- ples , ni lii soui rant lour existence, iuvoquaient le souvenir do lour ancienne alliance avec la Franco, du sang qu'ils avaieni verse pour elle; ils montraient l'identitc de lour ET LES REALITES. 2 1 cause, 1'identite lns nombreuse quelle ne lest die/ nous, toute cota- paraison bite : celle des families vivant dans I'aisance. Nous partageons completemeni ses idees surce sujet; mais nous no croyons pasqu'onen puisse tirerla consequence qu'on a voulu en faire sortir, savoir : qu'il cxistc dans la societe francaise ties oleinens an inoins egaux d'arislocratic, et qu'il est tres- I'.ieilc tie les constitucr politiquement. L'etudedel'histoireest la plus dangereuse vie toutes . quand on \ porte des vues passionnees ct tics resolutions aiTclces d'avance, 11 landrail la proscrire si ellene devait servir qu'a refaire saus cesse te passe, a fournir des principes et des Faits morts comme germes des evenemens future; en un mot, ''a souiller L'avenir de tons les debris que le tems a pourris dans sa inaivlie. Parce que 1' Xn^letenea vecu long-tems glorieuse- inent sous un regime de representation aristocratique, on en conclut que nous, qui commencons settlement a user dugou- vcrneiacut representatif, nous devons nous hater de creer one aristocratic qui puisse resister a tons les orages qu'a traverses la Grande-Bretagne. Ou s'empresse d'ecrire des systemes ou l'ou developpe ce beau theoreme de la necessite d'une aristo- DE LA PAIRIE. 35 cratie dans tout etat constitutionnel ; on repasse toute l'liistoire des revolutions d'Angleterre pour montrer comment les grands surent faire de leur influence un veritable balancier politique, portant leurs forces tantot du cote du peuple, tantot du cote de la couronne , protegeant tour a tour le plus faible des deux, jusqu'a ce que Tun ou l'autre prit une attitude si menacante, ou proclamat des principes si subversifs, que sa defaite totale devint necessaire pour garantir le corps social d'une ruine irreparable. On combine de cettefacon un systeme d'equilibre tres-savant et tres-ingenieux , on il ne manque absolument rieu qu'une base. Si nous voulions nous servir d'argumens equivaleus a ceux qu'on nous oppose, nous pourrions nous bonier a faire le ta- bleau de l'etat actuel de l'Angleterre, soit corarae corps na- tional, soit coinrae famille sociale, et demander si c'est la un resultat a faire envie , et si c'est pour nous y conduire dans quelques siecles qu'on se donne aujourd'hui tant de peine , qu'on violente la nature des clioses, l'equite , lebon sens, les croyances populaires et les theories rigoureuses des specu- lateurs. Mais nous consentons a regarder comme un element de prosperite cettearistocratie monstrueuse, qui place l'Angleterre sous le peril continuel et quotidien d'une revoke de la cite ou des fabriques de Manchester, d'une revolution de pillage et de massacre , d'un bouleversement complet de l'ordre social et politique; nous voulons admettre comme desirable la situa- tion d'un pays ou la banqueroute, suspendue par un fil, peut entrainer d'un jour a l'autre la ruine de la fortune publique et des fortunes particulieres : et nous disons que ce bonheur nous est interdit, que cette prosperite ne nous est paspermise, qu'il nous est impossible d'atteindre a la source de tous ces biens, en un mot, que nous ne possedons point et ne pouvons pas fonder une aristocratic Nous disons plus : il etait impossible de la fonder en 1 789, 5. 36 DE LA PAIRIE. quand tons les elemens de la vieille societe feodale semblaient existcr encore-, et c'est par line erreur historique tres-grave que Mounier et d'autres bons espritscherchaient alors a natura- liser en France une institution qui, veritableinent, ne futpas toujours pour les Anglais oppressive et ruineuse. Alors, dejk, rimmense developpement des idees philosopbiques avait de- truit le prestige d'illustration qui fait la puissance de la no- blesse, et qui dure encore en Angleterre; des lors le lems et les transformations successives de la propriete et de l'indus- trie avaient transporte en d'autres mains la force reelle qui pent suppleerau prejugenobiliaire, etqui etait demeuree pres- que entiere dans la caste aristocratique de la Grande-Bretagne. Ainsi ce n'est pas au regime batard de la restauration qu'il faudrait nous faire reculer pour trouver en France les mate- riaux de celte digue politique qui, dans 1'bistoire d' Angleterre, se jette a cbaque instant entrele trone et le peuple pour ar- reter les cupidites de Tun et les vengeances de l'autre. Ce n'est pas meme aux Etats-Generaux de 89, ni au regne niveleur de Richelieu, ni a celui du roi constitutionnel Louis XII, ni aux guerres des Grands- Vassaux , ni a l'emancipation des Com- munes, il faudrait nous repousser jusqu'au terns de la con- quete des Francs ; car 1' Angleterre moderne date de Guillaume- le-Normand. Uii ecrivain qui, au travers de beaucoup de puerilites, decouvre souvent des vuesjustes, lumineuses et profondes , de Lolme , qui ecrivait dans un tems oil personne assure- ment ne songeait a la question qui nous occupe , a developpe avec une singuliere precision l'idee que nous emetlons ici. Qu'on nous permette de citer ce passage remarquable ; il porte en lui-meme 1' excuse de sa longueur : « C'est a Tepoque de la conquete qu'il faut cbercher les ve- ritables fondemensde la constitution d' Angleterre. « Des lors , ditSpelman, novus sectorumnascitur ordo.n Guillaume, ayant derail Harold et s'ctant saisi de la couronne , renversa l'ancien DE L\ PAIRIE. 37 edifice de la legislation saxonne; il extermina ou chassa ceux qui possedaient les terres , pour les distribuer a ceux qui l'avaient suivi , et il etablit le gouvernement feodal comme le plus convenable a sa position et le seul d'ailleurs dont il eiit l'idee. Ce gouvernement etait aussi celui de presque tout le reste de 1' Europe. Mais au lieu qu'il avait ete transporte en Angleterre violerament et tout a coup, il ne s'etait developpe ailleurs, et particulierement en France , que par une longue suite d'evenemens , et cette difference devait avoir avec le tems des consequences aussi imporlantes que peu faciles a prevoir. « Lespeuples deGermanie, quipasserent le Rhinpoursub- juguer les Gaules, etaient des peuples extremement indepen- dans j leur prince n'avait de titre que par sa valeuretleur suf- frage; et n'ayant acquis dans leurs forets que des notions peu etenduesdel'autorite, ils suivaientun chef moins comme sujets que comme associes a la conquete. De plus, cette conquetene fut pas l'irruption d'une armee qui ne s'empare que des places fortes, ce fut l'invasion d'une nation qui se trausplante, et les vainqueurs se trouvant en tres grande proportion avec les peuples vaincus , qu'une longue paix avait d'ailleurs enerves, le danger finit avec l'expedition ; l'union finit aussi avec lui : ils se separerent en se partageant les terres qui leur convinrent, et quoique leur possession fut precaire dans l'origine a cet egard , cependant ils ne dependaient point du roi , mais de l'assemblee de la nation. Sous les rois de la premiere race, les fiefs, par la connivence reciproque des chefs, devinrent d'abord annuels , ensuite a vie. Sous les descendans de Charlemagne, ils commencerent a devenir hereditaires ; et enfin lorsque Hugues Capet se fit elire au prejudice de Charles de Lorraine, voulant rendrc la couronne, qui au fond etait un fief, hereditaire dans sa famille , il etablit , comme un principe general , l'heredite des fiefs, et c'est a cette epoque que les auteurs fixent l'entier etablissement du droit feodal 38 DE LA PAIRIE. en France. D'nn autre cote , les seigneurs qui donnerent lcur suffrage a Ungues Capet ne le lui donnerent pas gratuite- ment : ils acbeverent de romprc les faibles liens qui les rete- naient a l'autorite royale, et se rendirent de tous cotes inde- pendans. Ils ne laisserent au roi aucune juridiction, soit sur eux , soit sur leurs vassaux ; ils s'attribuerent le droit de se faire la guerre entre eux ; ils se reserverent meme dans cer- tains cas de la faire au roi lui-meme. Et si Hugues Capet , en rendant la couronne bereditaire, jeta les fondemens de la grandeur de sa famille et de la couronne elle-meme , pour sa grandeur propre il fit tres-peu, et n'acquit guere qu'une su- periorite nominale sur les souverains dont la France etait couverte. « Mais Vetablissement du droit feodal et la conquete ne firent en Angleterre qu'une seule et meme epcque. Cette con- quete d'ailleurs s'etant faite par un prince soudoyant lui- memela plus grande partie de son arraee et a la tete d'un peuple dont il etait le souverain hereditaire, cela donna au gouverne- ment de ce royaume une tournure bien differente. Environne d'une nation vaincue a la verite, mais belliqueuse , Guillaume retint sous le drapeau une partie de ses soldats. Les Anglais , et apies eux les Normands eux-memes s'etant revokes, il les ecrasa , et le nouveau roi d' Angleterre , a la tete de troupes victorieuses , ayant a faire a deux nations ennemies, con- tenues l'une par l'autre et egalement accablees par le senti- ment de leur resistance malheureuse , se trouva dans la po- sition la plus favorable pour se rendre monarque absolu, et ses lois, proraulguees pour ainsi dire au milieu de la foudre et des eclairs , imposerent un joug despotique sur les vainqueurs et sur les vaincus. » II distribua 1' Angleterre en 60,215 fiefs simples, tons relevant de la couronne; leurs possesseurs devaient, au pre- mier signal , se rendre en armes aupres de lui , a peine de confiscation ; il soumit non-seulemcnt le peuple , mais de DE LA PAIRIE. 3g plus les seigneurs, a toutes les rigueurs du droit feodal ; il les coroprit meme dans ses tyranniques lois de forets. II s'attribua le droit d'imposer des taxes. II se reserva en entier le pouvoir executif. Mais ce qui fut de la plus grande consequence, il s'arrogea le pouvoir judiciel le plusetendu par l'etablissement du tribunal qu'on appela aula regis; tribunal redoutable qui recevait les appels de toutes les cours des barons , qui jugeait en dernier ressort des biens , de l'bonneur, de la vie des ba- rons eux-meines; et qui, n'etant compose que des grands officiers de la couronne , amovibles a la volonte du roi , et ayant le roi lui-meme pour president , tenait dans ses mains le premier seigneur du royaume comme le dernier des sujets. » Ainsi, tandis que, par suite du developpement lent et successif du gouvernement feodal , le royaume de France ne fut a la fin qu'un assemblage de pierres posees les unes a cote des autres sans adherence mutuelle, celui d'Angleterre , an contraire , par suite de la transplantation forcee et subite de ce meme droit , se trouva compose de parties liees par les plus fortes attaches, et Fautorite royale, comme un poids im- mense, achevait par sa pression cl'en faire un tout indiso- luble. C'est a cette difference dans la constitution originelle de la France et de I'Augleterre , c est-a-dire dans la puissance originelle de leurs rois, qu'il faut attribuer la difference , si peu analogue a sa cause, de leur constitution actuelle. En France Tautoriteiw-ale etaita la verite presquenulle, mais la liberte generale iti'en fut pas plus grande. Les seigneurs etaient tout, etla nation elle-meme n'etait comptee pour rien. Toutes ces guerres que Ton fit au roi n'avaient point pour ob- jet une liberte dont les chefs ne jouissaient deja que trop, et n'etaknt que l'effet d'ambitions ou meme de fantaisies parti- culieres. Les peuples n'y marchaient pas comme associes a une defense commune; ils y etaient traines en esclaves et a l'aveugle. Et les lois en vertu desquelles leurs maitres etaient vas.^aux n'ayant auciui rapport avec celles en verlu 4o DE LA PA1RIE. desquelles ils etaient eux-nienies sujets , la resistance dont ils etaient l'instrument n'avait point en leur faveur de conse- quence avantageuse , et n'etablissait pas de principes dont il existat pour eux aucun cas d'application. La noblesse subal- terne participant a l'independance de la grande , et venant joindre ses vexations au despotisrae de tous ces divers souve- rains , les sujets , accables de misere et las de souffrir , es- sayaientquelquefois de se soulever; mais, se trouvant distribues dans tant d'etats differens , ils n'etaient jamais bien d'accord ni sur la nature ni sur le tems de leurs plaintes : les insur- rections, qui eussent dii etre generales, n'etaient jamais que particulieres , et les seigneurs se reunissant pour venger la cause commune des maitres, et tombant avec avantage surdes hommes divises , les peuples etaient remis sous le Jong force- ment et en detail , et la liberte , ce fruit precieux qui demande le concours continue de tant de circonstances, etait partout etouffe avant que de naitre. Lorsque enn'n par des conquetes, des e'chutes , ou des traites, les differentes provinces vinrent se jeter dans le vaste reservoir de la monarchic, elles y arri- verent toutes dressees a obeir... Ce fut l'immense pouvoir du roi qui rendit l'Angleterre libre, parce que ce fut cette im- mensite meme qui y fit naitre 1' esprit d'union et d'une resi- stance raisonnee. Possedant de vastcs domaines , le roi se voyait independant ; y joignant les plus redoutables preroga- tives, il ecrasait sans peine les seigneurs les plus puissans; ce ne fut done que par de nombreuses et etroites confederations que ceux-ci purent resister , et ils fluent meme obliges d'y asso- cier les peuples et de les appeler a la liberte... Les peuples , d'un autre cote, savaient que la cause qu'ils etaient appeles a defendre etait une cause commune ; ils savaient de plus qu'ils en etaient les soutiens necessaires : ils sentirent done toute leur importance... Ils exigerent que la loi pro- tegeat desormais tous les individus , et ces droits , contre lesquels les seigneurs s'adossaient pour faire face a la tyran- DE LA PAIRIE. 41 nie , devinrent les palissades qui devaient un jour arreter la leur. » Voila la premiere cause de la ruiue de l'aristocratie en France, si toutefois il a jamais existe une aristocratie. Elle avait separe des l'abord ses interets des interets populaires ; le peuple l'abandonna a la haine vindicative de la royaute. Elle s'etait liguee pour l'asservissement des villains ; les villains s'allierent aux rois pour l'abattre. Toute l'bistoire de France n'est que l'histoire de la guerre des seigneurs contre le peu- ple , aide quelquefois de la couronne. Jusqu'a la monarcbie absolue de Louis XIV , il n'y eut en France d'autre pouvoir tyrannique que l'aristocratie; et , on peut le dire , d'autre pouvoir bai. D'un cote , l'affrancbissement contagieux des communes; de l'autre, la tactiquede Louis XI, de Ricbelieu etde Louis XIV, e'en etait assezpour la perdre.D'autres causes sereunirenta celle-la : premierement, le droit de transmission des biens nobles n'etait pas aussi rigoureusement trace que dans les lois anglaises ; en second lieu , !e negoce faisait deroger. Ainsi, tandis qu'en Angleterre tout etait prevu afin que les aines recueillissent une part de l'heritage patrimonial suffisante pour soutenir 1' eclat de leur maison , et s'attacbassent a la terre , en constituant dans cbaque comte des centres de richesse et d'influence ; les cadets trouvaient dans le commerce une carriere ou ils luttaient avec des avan- tages au moins egaux contre les roturiers. En France, au con- traire, l'aine, vivant presque toujourshors dulieunatal, dans les garnisons, au camp, ou a la cour, ne connaissait ses vas- saux que par ses intendans; et les cadets, forces d'opter entre la magistrature et l'eglise, n'y portaient le plus souvent que la paresse ou une fausse vocation , et s'y perdaient dans l'obscu- rite del'ignorance et de l'oisivete. En 1789, cela etait si evi- dent, qua ses propres yeux et selon le temoignage meme de plusieurs de ses membres les plus distingues , la noblesse n'a- vait plus de racines dans la population et ne meritait plus ses 4 2 DE LA PAIRIE. privileges. Cc sentiment etait general, et futassez clairemeiit exprime par les resolutions de la nuit du 4 aoiit ( 1790). Ce n'est done ni dans la pairie de l'ancienne monarchic frairicaise, ni dans les corps senatoriaux du directoire, du consulat et de l'empire, ni dans la pairie anglaise qu'il faut chercher un modele a la pairie dont on veut doter aujourd'hui la France. II n'existe plus chez nous l'ombre d'un prejuge nobiliaire, et nous ne concevons point de pairie sans prestige de "caste ; car rillustrationpersonuellen'a pas besoin d'etre classee pour etre iufluente, et nous ne pensons pas que Chateaubriand ait perdu la puissance magique de sa parole depuis qu'il s'est eloigne des bancs du Luxembourg. Ainsi nous voila obliges de creer une aristocratie factice , e'est-a-dire d'ecrire dansnoslois unmensonge : il nousfaudra mendier a la vieille noblesse quelques Larochefoucauld, quel- ques Montmorency, quelquesNoailles;demanderaux debris de la convention quelques lambeaux deleur celebrite sanglante; aux ordres dujowde l'empire quelques gloires deja ternies par le terns et l'oubli ; enfin il nous faudra tirer des comptoirs de la restauration des banquiers et des industriels. Et quand tout cela sera reuni qu'aurons-nous fiiit? aurons-nous cre'e une force politique? La puissance sociale ne se cree pas ; elle se constate par des textes qui s'effacent quand l'influeiice meurt. Ici se presente naturellement a l'esprit une question grave. La pairie est-elle une institution necessaire ? Hereditaire ou viagere, represente-t-elle une force reelle, quand elle ne represente pas l'aristocratie que nous avons de- montre ne point exister en France? Est-elle un pouvoLr mo- dt'rateur eutre d'autres pouvoirs hostiles? Sous le dognie dela souverainele du peuple y a-t-il deux sources et deux sorles de pouvoirs ? En un mot , une seconde chambre aristocra- DE LA PAIRIE. 4^ tique est-elle indispensable a la marche du gouvernenient re- presentatif ? Nous demandons la permission de repondre a cette vaste question par une serie d' observations qn'il est necessaire de derouler. Le gouvernenient representatif, tel qu'il est etabli en An- gleterre , fut assurement une habile combinaison pour le pays ou il se trouve applique ; ce que nous avons dit plus bautde son origine le demontre clairement. Que celle combinaison ait conduit l'Angleterre a l'etat oil nous la voyons aujourd'hui , c'est certainement un grand malheur, mais qui se trouve jus- tine par la supreme loi des faits , et dont il est facile d'ailleurs de suivre la necessite logique, en remontant des effets aux causes, depuis la reforme qui s'accomplit jusqu'a rinvasion de Guillaume. Ce respect de la constitution , qui est une sorte de fanalisme en Angleterre , consacrait la dignite de l'aristocratie ou le prejuge nobiliaire. Les droits populaires et les prerogatives de la noblesse sortaient de la menie source , s'appuyaient sur le meme titre , et la position des seigneurs serait demeuree inexpugnable, s'il ne s'etait forme un autre peuple que le peuple vassal , cree une autre richesse que la ricliesse territoriale. Mais, quand la richesse industrielle] de T Angleterre fut arrivee a une certaine puissance , cette force nouvelle s'insurgea contre l'aristocratie , qui alors dominait tout, meme la nryaute. La couroune vient de tendre les mains a cet auxiliaire nouveau et le sort du bill de la reforme parle- mentaire decidera du sort futur de la noblesse anglaise. 11 a fallu long-tems au trone pour oser se mesurer en champ-clos contre un si redoutable adversaire. Mais c'etait, et ce serait encore une deplorable erreur que de modeler sur ce gouvernenient notre constitution qui nait au 19° siecle, au seind'une societe purgeede toutesies immo- ralites feodales , toute energique tie democratic et de lumieres , toute pieiue d'une force qui se sent, se commit et se dirigti 44 DE LA PAIHIE. elle-meme. II serait monstrueux de livrer une influence im- mense a des castes qui meurent, et de priver de tout pouvoir legal des masses qui possedent la toute-puissance materielle et morale ; de jeter dans un plateau de la balance d'incalculables poids, dans l'autre une outre gonflee de vent. Or, cette erreur, il faut bienl'avouer, la France tout en- tiere semble l'avoir commise depuis 181-4. Un vertige d'an- glomanie s'est empare de nous, et les doctrinaires, maitres de la plupart des moyens de publicite, n'ont pas manque de l'ac- croitre autant qu'ils le pouvaient, et ils ont pu beaucoup. Ainsi nous en tendons repeter depuis long-tems quele gou- veruement representatifse compose de troispouvoirs, detrois forces egales , quoique differentes , destinees a se faire mu- tuellement equilibre. Et quand nous demandons quels sont ces trois pouvoirs, on nous repond que ce sont le roi, la Cbambre des pairs, et laChambre des deputes. Voyons si cette reponse ne couvrepas le vide. Sans doute ce n'est pas en son propre et prive noni que le roi regne; car ce serait alors un roi de droit divin. II regne en vertu d'une delegation ; il represente quelque cbose ; il regne au nom du peuple ; il represente et personnifie , pour aiusidire, le principe immortel de l'ordre, cest-h-dire du gouvernement ; Tadministration materielle et la distribution de la justice sans lesquels la societe se dissoudrait dans l'anar- chie. Depuis 1 850 , cela n'est plus conteste. Mais les Chambres ne deliberent, ne votent pas non plus en vertu de leur autorite propre. Elles represententaussi quelque chose , la nation , qui les nomine pour controler et guider le pouvoir royal. La Chambre des deputes represente le peuple, personne ne le nie ; mais la Chambre des pairs , que repre- sente-t-elle? La propriete, dit-on? — Mais la propriete est-elle done exclue de la Chambre des deputes! — La richesse? — Elle a etc jusqu'a present representee seule a la Chambre basse. — DE LA PAIRIE. ^5 L'illustration personnelle ? — Mais le talent est-il done sans influence sur les elections, et ne tient-on mil compte a Mauguin de son eloquence , a Guizot et a Daunou de leur savoir , a Dupontde sa probite, a Lafayette de sa glorieuse et seculaire vertu? — L'experience ? — Mais sont-ce des adolescens qu'on a jusqu'ici envoyes au Palais -Bourbon? La Chambre des pairs ne represente rien, rien que les pairs et leurs families. C'est un pouvoir en dehors du peuple, qui n'emane pas de lui , ne pent rien et ne doit rien faire pour lui , et vient jeter une influence individuelle et egoiste dans des debats ou ne doivents'agiter que des interets generaux. Dans toute machine un ressort inutile est un ressort dangereux. Les doctrinaires out mis a la mode un argument dont nous rougissons denous occuper. lis ont avance que, dansungou- vernement constitutionnel, ce sont les interets qui doivent etre representes, et que tout le reste doit etre compte pour rien. Les metaphysiciens qui ont invente cet axiome nous auraient rendu un grand service s'ils avaient bien voulu con- sentir a le rendre plus clair. Mais ils n'out eu garde de le faire : le theoreme. ainsi reduit a son expression la plus simple, aurait preseilte une fonnule trop absurde ou trop niaise. Nous admettrons d'abord que la societe est organisee au profit des homines et non au profit des choses. Ainsi ce sont les volontes et les intelligences quil faut faire entrer dans les calculs de la politique , non les terres et les ecus. Les maisons et les marchandises ne peuvent rien , ne sentent rien , ne souf- frent pas le mal , ne jouissent d'aucun bien ; et s'il est une mesure a prendre, une loi a proposer, on ne s'apitoiera point sur les arbres abattus, sur les monumens detruits par Tidee de la peine que ces objets en auront eprouvee , mais par celle des plaisirs dont leur destruction prive un norabre plus ou moins grand d'etres intelligens et sensibles. Or la douleur que ressent un paysan de la perte de son ane est au moins egale a celle qui afflige le possesseur d'un superbe andaloux ; l'apo- jti ])K L/V PA1RIE. logue est hicn vieux : mais toujours les grands oublicnt ou meprisent les prophetes. Un paysan done a tout autant d'interet au bon emploj de l'ecu qu'i 1 paie a l'etat que le millionnaire a celui des mille francs qui le rendent eligible, ou, pourmieux dire, il y est beaucoup plus interesse, e'est-a-dire que le bien-etre ou la douleur qui resultent pour lui d'une depense utile ou inutile estbien plus sensjble , car cet ecu est pris sur les premiers besoms de la vie , tandis quele riche ne preleve sa contribution que sur des fantaisies deluxe auxquelles lui-meme attache tres peu d'im- portance. Maintenant, additionnez tous ces interets si vifs , si pres- sans, si intenses dont se composent les masses populaires; calculez les douleurs innombrables que cause une mauvaise inesure qui tombe dans ces foules comme la foudre sur une fourmilierc, et mettez en comparaison , si vous l'osez, la contraricte qu'eprouventcinq ou six cents families opulentcs, forcees par une loi democratique d'apporter quelque modifi- cation a leurs plaisirs , de poser une limite au luxe dont elles s'ehivrent. Remarquez encore que, quelque egalite que vous ecriviez dans le texte de la loi, la richesse, qui est une des conditions de notre societe, mettra pourtant une immense inegalitedans son application. Que le cens d'cligibilite soit aboli , les riches u'en continueront pas moins d'exercer sur les elections une incal- culable influence; et si quelques homines pauvres parvien- nent "a la deputation, on devra regarder ce fait comme un prodigeet croire qu'il aura fallu pour le produire que l'un des concurrents fut un miracle de talent et de vertu populaire, ou I'autre un monstre d'ineptie et d'immoralite. II y a des gens qui repliquent par un mot singulierement naif : ils disent que les riches sont plus interesses a la stabi- lite , e'est-'a-dire que se trouvant bicn de l'etat actuel des ehoses ils le veulcnt conserver. DE LA PAIRIE. Ifj Cela est facile a croire , raais c'est renverser la question au lieu de la resoudre; les riches veulent s'arreter, les pauvres veulent avancer ; il ne reste plus qua faire un calcul des forces agressives et defensives, et le resultat, sans doute, sera bientot tronve. Les forces, voila ce qu'il faut representer, et non des in- terets qui ne sont rien que par 1'intelligence et le sentiment de ceux qui les eprouvent et par la puissance materielle qui les defend. Mais la force materielle elle-meme est inerte et mort.e sans une volonte qui la pousse et la dirige , et nulle volonte ne se manifeste que sous le vehicule d'une conviction; nulle conviction ne s'opere que sousl'effort de l'intelligence. C'est riutelligence qui doit etre representee , ou plutot c'est elle qui se representera si vous ne lui posez des entraves ab- surd es. Laissez-la faire , point de privilege et point d' oppression , elle regnera sans effort ; car l'intelligence c'est la raison , c'est la verite , c'est la force eternelle qui fait graviter les mondes. Une double representation ne nous semble , d'apres tout ce que nous venom de dire, qu'une dangereuse complica- tion. La representation nationale doit etre unique, car le peuple est un , et n'a pas des volontes de deux natures ; il n'y a pas deux nations dans une seule , et sans doute l'aristo- cratie , ou ce qui s'appelle ainsi , n'a pas le droit de nous traiter en pays de conquete , de mettre ses interets feodaux a part des notres , et de sortir de la foule pour la dominer. Nous entendons deja les reclamations des gens qui se sont berces de cette idee poetique de trois pouvoirs egaux et non semblables, se contre-balancant mutuellement au profit de tous et de chacun ; qui s'effraieut de voir deux pouvoirs seule- ment^le roi et les deputes en presence l'un de l'autre et prives d'un tiers, arbitre de leurs differends, mediateur dans toutes leurs querelles. Nous essaierons de leur repondre, et nous esperons leur faire comprendre que cet equilibre si 48 DE LA PAIR1K. vante est un mot ereux doat l'experience a deja prouve le mensonge. Des homines de bonne foi et cle talent ont cherche a de- montrerla necessite d'une Chambre haute, tout en diminuant beaucoup son importance constitutionnelle. lis ne lui attri- buent qu'une sorte de veto suspensif propre a prevenir les effets de la trop grande precipitation que la Chambre basse pourrait apporter dans ses resolutions. lis veulent que le spectacle de cette deliberation nouvelle , spectacle grave et solennel , enseigne plus de maturite aux mandataires du corps electoral , et que Topinion publique elle-meme s'eclaire par ccs debats nouveaux. Quoique la Chambre des pairs, ou l'on entrait a vingt-cinq ans, ne nous semble pas presenter jnsqu'ici une garantie de gra- vite et de maturite plus forte que celle de l'autre Chambre oil Ton n'entrait qua quarante ans , nous ne repoussons pas d'une maniere absolue les avantages qu'on decouvre dans une discussion de revision. Ces avantages peuvent exis- ter en beaucoup de circonstances ; mais il y a un moyen tres- simple de les obtenir sans recourir a la pairie hereditaire ou viagere, a une nouvelle election aristocratique, ou a la no- mination royale : c'est la division de la chambre unique en deux sections, ou la majorite se formerait par des combinai- sons trop faciles pour que nous prenions la peine de les ecrire. II faut avouer que le role adopte par la Chambre des pairs pendant la duree de la restauration a ete tres-propre a entre- tenir en France de fausses idees sur le gouvernement repre- sentatif. Comme la liberie, en general, et meme la liberie individuelleetaienten peril par les theories de lalegitimite ab- solue , bien plus que Tegalite qui nous reste seule a conque- rir aujourdliui , les membres de la pairie se trouvaient inte- resscs autant et plus que tous les autres citoyens a com- primer le developpement de la theorie du droit divin , et a DE LA PAIIUE. ^9 s'interposer en ire le peuple et le trone quand celui-ci allait trop vite on trop loin. lis avaient a perdre a 1'application du systeme absoln an- tant qu'au triomphe de la souverainete popnlaire , et tons lenrs efforts ne tendaient qu'a prevenir Tun et l'autre. Mais cette position ne ponvait pas tenir long-tems. Le principe de despolisrne, a moitie brutal , a moitie theocratique , jete au milieu d'une societe telle que la notre , devait rencontrer bientot dans 1' eclat ante evidence de la verite politique , dans la popularite du bon sens, un obstacle inebranlable. Les deux partis, c'est-a-dire ( n'en deplaise aux ennemis des theories) les deux systemes , etaient dans une situation equi- voque : ni l'un ni l'autre n'osait prononcer son dernier mot. Eufin rimpatience les prit, et le plus bardi ne fut pas le plus fort. Ce fait menie est un acte d' accusation bien eloquent contre cet equilibre des pouvoirs dont on parle avec tant d'irre- flexion. L'inviolabilite royale s'eclipsa comme une ombre, et la responsabilite ministerielle ne servit pas plus a garantii la couronne qu'a proteger la constitution. La constitution en effet etait un roman, et pour le dire franchement c'etait un roman immoral. Elle renfermait, elle renferme encore une grande fiction , une monstrueuse iniquite. Lesensexquis de justice qui reside dans le peuple nelui permit point de l'accepter, et c'est parce qu'il refusa d'y croire qu'en 1 850 il culbuta tout a la fois et le trone et le ministere. Les ecrivains qui parlent de Y infaillibilite du roi constitu- tionnel disent une grande absurdite. A moins de nier que le roi soit homme, on ne peut contester qiwl soit faillible. Le peuple , qui voit son roi tous les jours et qui l'aime comme homme, ne s'habituera jamais a le considerer comme un dieu ; quelque parfait que fut son gouvernement , le spectacle et le sentiment continuel de ses fautes le rappelleraient bien vite a la verile. TO.UE I.I. JIHLLET l83l. -4 5o i>::- LA PA1KIE. 11 faut que le coi soit faillible ei inviolable en memetems, inais non point corame on l'a entendu jusqu'ici, c'est-a-dire qu'il connncttc une faute et qu'nn autre en porte la peine. II faut qu'il rcste faillible et que pourtant il ne puisse com- mettre aucun acte criminel. Comment allier ces deux necessites en apparence contra- dictoires ? C'est tout le probleme du gouvernemcnt representatif, Ou'on nous pardonne de croire en avoir trouve la solution. Si l'orgueil de la decouverte nous aveugle , notre excuse est dans 1'ardeur consciencieuse avec laquelle nous l'avons cher- cliee. Aussi long-tems que le roi sera personne'dement appele par la constitution a prendre part aux acles materiels du gou- verncment, qu'il signera des ordonnances , sanctionnera des lois, nommera des fonctionnaires , fera rendre la justice en son nom , conclura des traites de paix , de commerce et de guerre, le peuple, qui le connait faillible parce qu'il le sait homme, ne le croira point inviolable. La signature de tous les ministres aura beau etreplacee sous la sienne, commepour en accepter la responsabilite , le peuple ne se fera point a cette fiction : toutela consequence qu'il en tirera, c'est que le mi- nistere partage la responsabilite du roi, etqu'ils sont solidaires run de l'autre ; et quand la constitution sera violee par le pou- voir executif, le peuple en colere ne fera pas, plus qu'il n'a fait en 1850, la distinction metaphysique qu'on lui enseigne : il tuera ou cbassera les ministres et le souverain , parce qu'il ne verra la que ce qui y est en effet, un seul pouvoir, un seul crime, dont les auteurs, quel que soit 1'instigateur, et quels que soient les complices qui ont offer! leur bras a l'execution , doivent etre punis du meme cbatimenl. Le peuple jamais ne se pretera a ce mensonge immoral fie ministres responsablcs pour les actes oil le roi prend un role principal ; cela repugne prol'onelement a ce sentiment admi- DE L\ PAIRIE. 5 1 rable d'equite qui n'abanikmne pas lcs masses, parce qu'il est un instinct de ihumaniie. Lirmolabilite, entendue ainsi, ne serait que Vimpunitey et nous avons tous applaudi a cette violation de la Charte de \ 81 A , qui a repousse Charles X sur une cote anglaise. Dans le systeine que nous proposons, se retrouvent bien plus completernent les trois pouvoirs equilibres. La Chainbre des deputes represente dans toute son exactitude la nation qui discute et qui approuve on repousse les mesures de Tadministration , ou bien provoque de nouvelles lois. La richesse, la gloire, le talent, s'y trouvent eux-memes repre- sentes avec la juste proportion de leur importance dans la nation; et, apres l'abolition du cens d' eligibility et des re- ductions successives du cens elecroral , 1'inegalite n'est plus possible. Le ministere represente le pouvoir executif, variant dans son esprit et dans ses formes suivant les interets, les opinions et les besoins du moment. II prend la responsabilite de tous les actes du gouvernement, quels qu'ils soient , sauf la reserve des quatre mesures dont la decision est laissee au roi. Le roi, enfin, juge, ou plutot rapporteur des debats des deux pouvoirs legislatif et executif, n'a que quatre actes a commettre pendant toute la duree de son regne : i ° convoquer la Chambre; 2° la dissoudre; 5° noramer des ministres; -4° dissoudre des cabinets ; quatre actes qui renferment im- plicitement la connaissance exacte de tous les autres et qui resument toute la politique representative, Que la Chambre rejette successivement plusieurs projets du ministere, le roi sera place dans l'alternative de dissoudre la Chambre'oii de changer le cabinet. Que l'opinion, par la voie de la presse ou par toute autre , accuse les ministres d'avoir fausse les elections et acquis par rintrigue une majorite qui partage avec lui l'impopulariteet les fruits materiels du pou- voir, le roi aura a examiner s'il doit renvoyer ses ministres 4- 5 1 DE LA PAIRTE. ou convoquer line Chambre nouvclle, ou s'il doit casser et lc cabinet et la Chambre. Mais quoi qu'il fassc dans ces differens cas, quelles que soient ses intentions ou ses lumieres, il ne pent etre coupable; car, que fait-il? II provoque lejugement du pays. Dans rinsuffisance de son jugement pour decider si ce sont les ministres ou les deputes qui representent la majo- rite et ses vceux, il en appelle a cette majorite elle-meme, et quoi qu'il arrive, il est toujours absous d'avance ; car il a re- mis le sort de la nation entre ses propres mains, et ne s'est reserve pour lui ni le pouvoir ni ses perils. Les ministres, sans doute, pourront toujours violer la con- stitution, mais alors c'est au cabinet seul que s'adresse la re- volte, dernier acte constitutionnel d'un peuple iusulte; les ministres sont renverses, sont massacres meme, ce qui sera un tres-grand malheur ; cependant la constitution restc intacte, et les deux autres pouvoirs demeurant en vigueur, il suffit pour que tout reprenne le cours ordinaire et legal que le roi nomine un nouveau ministere. Le roi lui-meme (tout commc la Chambre) peut attaquer la loi fondamentale ; il peut se porter a toute sorte de crimes , et, des fenetres du Louvre, assassinerles citoyens. Qu'arrive- t-il alors? L'emeute le renverse ou la justice le condamne comme meurtrier ; car c'est toujours en qualite de citoyen et seulement a ce titre qu'il pourra etrejuge et puni. La constitu- tion a prevu la vacance du trone, en consacrant sonhercdite, et le roi ne meurt pas plus sous le regime representatif que dans les monarchies absolues. Tel est, selon nous, le veritable systeme du gouvernement constitutionnel , et nous avons la conviction la plus ferme que son application seule peut donner au pays la stabilite, et tout a la fois le progres , les deux conditions essentielles de tout etat, de toute societe, de tout etre. Ce systeme resoudrait d'une maniere absolue la question de la pairie. Nous ne parlons pas de l'heredite : c'est aujourd'hui DE LA PAIRIE- 53 chose jugee; du moins l'opir.ion nationale semble-t-elle avoir prononce , dans les elections qui viennent de se termmer , son verdict solennel, contre lequel osent a peine protester ouver- tement les serviteurs du pouvoir. D'ailleurs la difficulte de trouver chez nous les elemens d'une pairie nouvelle est si reelle et si grande, que les hom- mes de la plus haute capacite, tout en reconnaissant que la pairie de la vestauration ne peut resister plus long-terns, af- firment qu il est impossible d'y apporter aucune modification sans se Jeter dans des difficultes sans nombre et des perils im- menses. (Voir le Memoire ci-dessus : les Esperances et les Realties, page 5.) Cependant nous reconnaitrons sans difficulte que 1 applica- tion immediate des idees que nous venous d'exposer ren- contrerait des obstacles presque insurmontables , et que 1 o- pinion publique n'y est aucunement preparee. II faut done se borner a obtenir que la pairie qu'on va constituer le soit de facon a preparer cette innovation, ou du moins a n'y pas opposer des barrieres assez fortes pour necessiter une effraction violente , quand le terns en sera venu. On doit regretter que l'opinion , preoccupee exclusivement de laquestionderheredit^n'aitpasdiscutecellederorganisation, qui arrivera ainsi confuse et obscure a la legislature actuelle. Le pouvoir, vaincu sur le terrain de l'heredite, ne sera pas delivre de tout embarras. II lui faudra trouver un autre principe, et son horreur pour les theories , la profonde ignorance des homines qui l'occiipent dans la veritable science politique, lelaisserontbienincertain sur une matiere dontla gravite est vraiment effrayante. Ses journaux, dans le terns on il etait question de con- cessions a faire aux radicaux , out propose des termes moyens sur lesquels il nous est impossible de nous appesantir. Les uns out parle de conserver Vheredite pour les pairs actuels, et de remettre le reste "a la nomination royale. Ce serait une sune 54 DE LA PAIRIE. de la peur que le parti carliste inspire a la cuuronne, ou uue nouvelle politesse ajoutee a celles dont on l'accable pour le seduire, et qui lui donnent taut d' arrogance. Les autres ont parle de conlier la moitie des nominations a la couronne : ce seraient des pairies viageres ; et de laisser l'autre a l'election des conseils generaux de departement : ce seraient des pairies hereditaires. D'autres enfin ont imagine de faire presenter par lesconseils generaux des candidats a la nomination royale pour toutes les vacances pardeces. Cette pairie eiit ete viagere. Les gens qui nous reproclient mi amour excessif des essais et des innovations ne voient pas quils se jettent icidansles hasards d'elemens tout-a-fait inconnus; car personue ne sait encore ce que seront dans l'avenir les conseils departementaux etce qu'il est possible d'en attendre. Une autre observation generate nous porterait a repousser toute hypothese ou Ton ferait intervenir les conseils de depar- tement. Ces conseils doivent etre et seront probablement composes dans des vues exclusives de localites. Bcaucoup d'hommes y seront admisk juste titre qui manqueraient com- pletementde lacapacite necessaire pour user d'un pouvoir po- litique aussi etendu que la nomination d'un pair. II est bon d'ailleurs que , dans toute machine, chaque ressort remplisse son role propre et ne vienue point se meler irregulierement au jeu des autres pieces. Un systeme qui a des partisans nombreux, meme parmi les radicaux, c'est celui qui ferait sortir la Chambre des pairs de la Chambre des deputes, par des nominations a la majorite des voix sur des candidats choisis soit dans le sein de cette derniere Chambre, soit au dehors. Remarquons d'abord que ce systeme , dans ses deux hypo- theses, annulle d'avance tout ce qu'on attend u'une chambre haute , el quelle enleve une chance de plus a l' exactitude de la representation, puisqu'elle donne a I'eleetiun un troisieme DE LA PAIR It:. 55 degre, et que la ve'rite'de I' election vas'affaiblissant a inesure ([lie les rapporls se compliquent. 11 faut observer en outre que e'esttoujoursdans un gouver- nement essentiellement mobile et progressif mi inconvenient considerable que de consolider une majorite d'un instant par des moyens factices ; la cbambre quinquennale , elue sous l'inspiration de tel ou tel sentiment, de tel ou tel intercl , pourrait perpetuer ainsi , en rinoculant a la chambre haute, un esprit que notre constitution elle-meme a voulu soumettre a des revisions frequentes. — Nous ne disons rien de la diffi- cult tres-reelle de candidatures aussi nombreuses et aussi vagues : e'est un embarras d' execution qui ne serait pas bien compris dans la speculation et qui deviendrait tres-serieux le jour de 1' application. Quant a la seconde hypotbese , la nomination faite par la Chambre des deputes parmi ses propres membres, elle entrai- nerait des maux plus nombreux encore et plus graves. An moyen de la majorite, un ministere parviendrait facilement a etouffer une voix importune et puissante, a eloigner de son bancun chef de section, a depeupler les rangs d'une opposi- tion contagieuse. Ce serait un nouveau levain de corruption jetc sur des matieres ou ils sont deja trop multiplies et trop corro- sifs ; ce serait reduire beaucoup les chances de salut que le pays possede dans l'independance et les lumieres de ses man- dataires; ce serait enfin compliquer a 1'infini pour toute loi iniportante les questions de majorite et de minorite dans les deux Chambres, questions aujourd'hui si claires et si intelli- gibles pour tous. On a parle encore de candidatures formees par des elec- tions departementales soumisesau choix de la couronne. Nous cherchons vainement ce que vient faire ici la nomi- nation royale : rette intervention de l'un des trois pouvoirs dans la formation d'un autre noussemble vicieuseen principe; et en fait , elle aurait des resultats lacheux qtt'U est facile de 56 DE L\ PAIRIE. provoir des aujourd'hui. Pour peu que les candidatures fussent nombreuses, il vaudrait autant attribuer au roi ou aux mi- nistrcs la nomination directe. En these generale, ceux qui croient aussi sincerement que nous a la necessite actuelle d'un tr6ne hereditaire devraient reunir leurs efforts pour empecher tonte intervention de la couronne dans la forma- tion de la Cbambre haute; pour separer nettement sa cause des intercts de l'aristocratie et la laisser tout-'a-fait en dehors du debat qui se prepare pour l'avenir entre les proletaires et les classes opulentes. Car ces dernieres seront vaincues indu- bitablement, et il serait deplorable que la monarchic subit de nouvelles defaites. Deux modes restent a examiner; ce sont ceux qui ont, ce nous semble , trouve le plus d'assentiment parmi les hommes eclaires et qui reunissent a tine grande simplicite d'application une rigoureuse exactitude theorique. Si nous n'avons point concu une fausse idee de la pairie telle qu'elle peut exister desormais pour un terns plus ou moins long, elle doit, moins queTautre Cbambre, etrela re- presentation exclusive de la richesse, et le corps electoral qui la formera devra contenir encore plus d'elemens intelligens. M. de Chateaubriand, M. de Bonald, M. de Broglie, pour- raient ecbapper aujourdMiui a l'election, M. de Martignac vient d'en etre cxclus, et pourtant les uns et les autres doivent necessairement faire partie de la pairie francaise. Ainsi le corps electoral actueletant employe a la nomination despairs, ildeviendrait indispensable d'y faire entrer toutes les capacites que nos lois d' elections en ont bannies. En supposant cette adjonction admise , le premier mode consisterait a faire choisir par les electeurs et parmi eux les membres d'un nouveau corps electoral dans la proportion d'un dixieme, par exemple. Ces nouveaux electeurs nomme- raient directement, sur des candidalures libres et affranchies de DE LA PAIRIE. 5 'J toute condition d'eligibilite, les pairs de premiere creation ou de remplacement. Le second mode consisterait a etablir sur une base pins aristocratique le cens electoral, en adjoignant encore aux ca- pacitcs presnmees les capacites certaines. Dans ce systeme, le nombre des pairs serait limite (1 ). Quant acette limite raeme, elle est assurement difficile a fixer; mais on peut affirmer qu'il n'y aurait presque aucun inconvenient a rendre la Cbambre tres-nombreuse, tandis qu'une foule de perils naissent d'un si grand pouvoir confie a trop pen de mains et de consciences. Notre Cbambre basse, malgre r augmentation qu'elle vient de recevoir, est encore composee d'individus trop puissans par leur petit nombre. II est dangereux qu'une rae- sure soit livree a l'indecision de quelques voix sur lesquelles des milliers de seductions agissent incessamment , et il serait miraculeux avec un budget comme le notre, avec des croix, des rubans, des faveurs de toute sorte, que les ministres ne pussent pas vaincre une opposition devenue si faible. En abolissant toute condition d'eligibilite , il faut necessai- rement doter la pairie pauvre. Les lieux communs et les rai- sons plus ou moins specieuses avances contre l'indemnite de- (1) Un journal qui pretend en toute occasion defendre le veritable esprit du gouvernement representatif [le Temps) , ayan$ail dernierement que le nombre des pairs devait rester illimitd , afin que le roi put faire , quandil le croirait convenable, des fourne'es pour briser une majorite persistante. Nous avons besoin de nousrappeler la gravite du sujet, pour nous persua- der qu'une idee pareille a pu etre ecritesericusement. Admettre comme moven constitutionnel et habituel de gouvernement une mesure qui,, en annu- Iant un pouvoir, rompt Tharmonie de tous les trois , c'est declarer que ce pouvoir est inutile; eten effct nous trouvons ici un syllogisme tres-fort a Pap- pui de notre systeme : ou le nombre des pairs sera limite , et alors on doit prevoir les resultats de Tinteret de corporation , c'est-a-dire la resistance in- ddGnic de la pairie a une mesure democratique , et par suite la revolution; ou bicn leur nombre sera illimite , et alors la pairie sera dans la main du mi- nistere. 58 DE LA PAIKIK. mandee pour lee deputes peuvent etre opposes a cette dota- tion et seront renverses paries memes argumens. D'ailleurs, conmic il s'agit ici d'uue pension viagere, on devra douner une pensee a l'economie ct n'allouer la dotation qu'aux rlus dont le cens n'atteindfait pas tel on tel taux , par exemple 500 francs de contributions. Nous ne nous dissiniulons point les incoiweniens de ces deux modes. Le plus grave est peut-etre dans ce qui paraitra au premier coup d'ceil leur plus grand avantage. La pairie sera forte, sera nationale; plus puissante et peut-etre plus de- mocratique que laCliambre des deputes. De la le danger d'uit conflit entre deux corps si energiques et si vivaces par leurs communes racines. — Quel remedc ? . . . aucun. Faible ou forte, la pairie n'enfante que des dangers. On pourrait multiplier beaucoup ces combinaisons ; nous ne les pousserons pas plus loin , car notre esprit se refuse a cbercher des conditions de force etde duree pour une institu- tion que notre conscience nous montre essentiellement epbe- mere et transitoire ; et nous devons l'avouer, si les deux der- niers projets nous paraissent superieurs aux autres, c'est sur- tout parce qu'ils tracent au terns une route facile pour ameiler des modifications progressivement democratiques ; c'est parce qu'ils permettront soit 1' augmentation successive du nombre des electeurs du second degre, soit la reduction du cens aris- tocratique de l'electorat, de telle sorte qu'a la fin les deux corps electoraux n'en fassent plus qu'un , en meme terns que les deux Cbambres seront reduites a une seule, divisee, s'il le faut,en deux sections deliherant separement et votant ensemble. Nous nous interdisons aussi d'entrer dans les details de l'exccution : notre voix n'aura pas , sur la grande mesure que la Franco attend avec anxiete, assez d'inlluence pour que nous prcvenions les incidens de la discussion : nous en lais- sous le snin aux hoinmes qui toucberonl de plus pres a cette oeuvre seculaire. Inscbnc Petetin. DE LA CHATVIBRE HAUTE , ETC. 5g Analyse des constitutions de tous les etats representa- tifs sous le rapport de lorganisation de la chambre HAUTE (I). II y a trois classes de gouvernemens representatifs : 1° ceux qui ont encore conserve l'ancienne division par ordres et dont le corps legislatif, ordinairement denomme Etats , est com- pose de trois et quelquefois de qua t re cbambres, conime en Suede ; 2° ceux ou l'ancienne assemblee d'Etat a ete transfor- raee en un corps representatif unique, comme l'Espagne sous les cortes; 5° en fin ceux qui se composent de deux chambres. D'apres le systeme adopte , il est clair que les derniers doivent seuls nous occuper, et dans cette classe nous etablirons sur-le- champ une division qui jette une vive clarte sur la question. Nous conside'rerons tour a tour les gouvernemens des pays ou existe encore l'aristocratie, et ceux d'ou elle a entierement disparu ; par une coincidence parfaite avec les idees develop- pees dans le Me'moire precedent, il se trouve que, dans les premiers , le principe d'beredite est consacre par la constitu- tion en faveur des membres de la premiere chambre , tandis que , dans les seconds, ils sont nonimes a vie ou pour une duree qui varie. La France , telle que l'a constituee Louis XVIII , faisait exception a cette regie, puisqu' avec une noblesse sim- plement titulaire, la Cbambre des pairs etait hereditaire. La Pologne, oil une aristocratie reelle est representee par un se- nat dont les membres sont nommes a vie , est une autre excep- tion dans le sens inverse. (I)M. P. A. Dei' ac , auqucl on doit deja un excellent ouvrage sur les Constitutions j/oluu/ues , prepare en ce moment un travail sur le sujet spe- cial qui--nous occupe , et il a bien voulu en resumer pour nous la partie suh- stantielle , que nous placons ici comme le corollaire de Particle qu'on vient de lire, et en quelquc sortc eoiinne les pieciS justiftcaUves de la these qui y est developpec. 60 DE LA CIIAMBRE IIAUTE Dans la serie des etats dont la loi politique consaere unc aristocratie se rangent l'Angleterre, la Hongrie, la Baviere, le Wurtemberg, les grands-duches de Bade et de Hesse- Darmstadt et enfin la France, pour peu de terns encore, il est permis de l'esperer; rangeons dans la seconde serie la Norvege, la Pologne, la Hollande, la Belgique et tous les etats du nouveau continent de la surface duquel toute institu- tion aristocratique a etc radicalement effacee. En Angleterre , la chambre des pairs ou cbambre haute se compose des lords spirituels ou eveques , et des lords temporels ou laics. Le nombre de ses membres est illimite. Le roi cree des pairs a volonte. L'initiative lui appartient comme a la cbambre des communes , et tout bill qui pourrait affecter les droits de la pairie doit prendre naissance dans son sein ; les bills de finances sont au contraire portes d'abord aux com- munes, et la chambre despairs lesaccepte ou les rejette pure- ment et simplement. Un pair nomme par le roi peut etre de- clare indigne par la chambre; un pair ne peut jamais etre emprisonnepour condamnationsciviles ; un etranger, quoique naturalise, n'est point apte a devenirpair; on ne peut sieger dans la cbambre avant vingt-un ans ; il est loisible a tout pair, avec la permission du roi,"de donner procuration a un autre pour voter en son absence ; chaque pair a le droit de faire en- registrer au proces-verbal de la chambre une protestation contre ses actes. Le president est nomme par le roi. La cham- bre juge les agens de la couronne sur accusations intentees par les communes ; elle juge egalement les membres des deux chambres. La pairie est hereditaire et attachee aux families avec un titre seigneurial particulier ; elle se transmet d'apres les regies appliquees a la succession des fiefs et passe ainsi aux filles qui la portent en mariagealeur epoux. Voila ceque presente de plus important, au sujetde la pairie, la legislation politique de TAngleterre. 11 suffit assurement de jeter un coup d'oeil rapide sur Tbistoire decc pass, et de voir comment se DANS LES INVERSES CONSTITUTIONS. 6 1 sont etablies avec le tems les prerogatives de cette portion du corps representatif britannique, pour reconnaitre combien une telle institution est de nos jours impossible dans la plus grande paitie des etats du continent europeen. D'apres l'ancienne constitution de Hongrie, la diete est diviseeen deux chambres : la premiere, qui porte le titre de chambre des magnats , se compose des princes , comtes et bauts barons et archeveques; laseconden'estelle-memequ'un corps aristocratique compose des deputes de la noblesse d'un ordre inferieur, du bas clerge et des villes royales. La di- gnite de magnat est hereditaire ; le roi peut la conferer a tout noble hongrois. Du reste, l'ordre feodal s'est maintenu dans cet etat a tel point que les nobles sont exempt? d'irnpots, et ne paient que des subsides volontaires, et qu'ils jouissent du droit de la juridiction seigneuriale en premiere instance a 1'egard de leurs vassaux. II n'y a rien de plus a ajouter. Quatre Etats germaniques, dont les constitutions respectives presentent de grands rapports parce que leur organisation ci- vile est a peu pres la meme , doivent a present nous occuper. En Baviere, d'apres la constitution de 1818 , l'assemblee des Etats du royaume se compose de deux chambres , celle des senateurs et celle des deputes (tit. VI, art. \ ). La chambre des senateurs se compose des princes majeurs de la famille royale, des officiers de la couronne, des premiers di- gnitaires du clerge , des chefs des anciennes families de princes et comtes qui etaient Etats de l'empire germanique ( la di- gnite devant elre he're'ditaire pour ceux-la tant qu'ds resteront en possession de leurs anciennes seigneuries ) ; en fin des per- sonnes que le roi nommera a vie pour services rendus a l'Etat (2). Le droit hereditaire ne peut passer qua ceux qui possedent la plenitude des droits civils et politiques et un bien-fonds, soit feodal, soit en fideicommis, payant au moins 500 florins d'imp6t(5).Le nombredes senateurs a vie nepeut depasser le tiers des senateurs hereditaires (4-). Le senat peut 6 J 1)E LA CHAMBRE HAUTE recevoir en premier lieu toute proposition de lois autres que celles relatives aux iinpots qui doivent etred'abord deliberees par les deputes (1 8). Les Etats sont convoques au moins une fois tous les trois ans, ( titre VII , 22 ). A cette constitution est annexe un edit constitutif de la noblesse qui lui assure le droit de jouird'une juridiction privilegiee, d'etablir des fideiconnnis de famille , d'e'lire le Iiuitieme des deputes dans la seconde chambre, etc. En Wurtemberg , d'apres la constitution de 1819, la chambre des seigneurs se compose des princes de la famille royale, des chefs de families de princes et de comtes, et des representans des nobles aux possessions desquels etait atta- ched une voix djuis la diete de 1' empire ou du cercle ; enfin des membres nommes par le roi , a vie ou a titre heredi- taire (129). Quant aux membres hereditaires , le roi ne peut les choisir que parmi les nobles de la classe des barons et des chevaliers qui justifient d'une propriete, dans le royaume, se transmettant suivant le droit d'ainesse avec charge d'un fidei- commis et d'un revenu annuel de 6,000 florins , abstraction faite des redevances (150). Les membres a vie peuvent etre choisis parmi les citoyens les plus recommandables sans egard a la fortune et a la naissance (1 51 ). Le nombre des membres nommes par le roi , soit a vie „ soit hereditairement , ne peut exceder le tiers des autres membres de la chambre (152). En session , les princes de la maison royale occupent la premiere place ; apres eux viennent les barons qui occupent des rangs determines entre eux ; les autres siegent dans l'ordre deleur nomination (162). Toute proposition de loi peut etre portee d'aborda la premiere chambre, excepte celles concer- nant Tinipot qui doivent l'etre d'abord a la chambre des de- putes (178). Aucun membre ne peut etre arrete pendant la session, sauf le cas de crime flagrant (184-). Tous sont aptesa faire partie de la haute-cour, qui se compose de douze juges, dont six sont choisis par le roi parmi les magistrats des autres < ours, et six choisis par les Etats dans leur sein (196). DANS LES DI VERSES CONSTITUTIONS. 63 II ennvieiu de rapprocher do ces dispositions constitutive* de la premiere chambre d'autres articles du meme acte qui reglent les droits des possesseure de biens nobles , leur assurent lelection de treizc membres de la chambre inferieure dans leur ordre , le droit de voter dans chacun des cercles ou ils possedent des biens nobles (59, 136, -145). Dans le grand-dnche de Bade, d'apres la constitution de 1818, la premiere chambre se compose des princes de la maison ducale , des chefs des maisons dites d'etat, de deux dignitaires ecclesiastiques , de deux deputes des universites , de huit deputes de la noblesse et enhn des merabres qu'il plairait au grand-due d'y appeler sans distinction de rang ni de naissance (27). Remarquons ici que, dans cet Etat , il y a trois classes de nobles qui jouissent de droits politiques differens : 1o les membres des families dites d'etat, anciens immediate de l'em- pire germanique ; so les possesseurs de terres seigneuriales , et 5° eeux de biens simplement nobles. Les chefs des families nobles a qui ]e grand-due accorde uue dignite de la haute noblesse entrent dans la premiere chambre comme hereditaires et egaux aux barons , pourvu ([u ils possedent, en vertu du droit d'alnesse etde succession, un bien de famille ou un fief qui soit porte, apres deduction des charges , a une valeur de 300,000 florins (28). Les huit deputes de la noblesse sont etas par tons possesseurs de sei- gneuries ayant alteint vingt-un ans ; ils doi vent eux-meraes, pour etre elus, avoir droit de vote et l'agedevingt-cinq ans! Chaque election a lieu pour huit aus ; la moitie sort tous les quatre ans (29). Les deux deputes des deux universites sont elus pour quatre ans (51). Le nombre des membres de la premiere chambre norames par le grand-due ne peutdepasser huit (52). Toutepropositiond'impot doit d'abord etreportee a la seconde chambre (60). Les seances sont publiques par exception aux constitutions de Baviere et de Wurtemberg(78). Le principe 64 DE LA CHAMBKE HAUTE de 1' election a deux degres est consacre pour la seconde chambrc composee de soixante-trois membres (5-4). Peuvent voter pour faire des electeurs et peuvent le devenir tous les individus agesde vihgt-cinqans, qui sont reputes citoyensdans le district electoral on y exercent une fonction publique (56) . Dans le grand-ducbe de Hesse-Darmstadt , la constitution de 1 820 a institue une premiere cbambre qui se compose des princes de la maison ducale , des cbefs de families dites d'etat, bereditaires , de deux dignitaires ecclesiastiques, l'un catbolique, l'autre protestant; du cbancelier de l'universite et des membres nomnies a vie par le grand-due ; le nombre de ceux-ci ne peut exceder dix (52). La seconde cbambre se compose de deputes de la noblesse et des villes elus pour six ans par une triple election (57). La loi des finances doit etre d'abord portee a la seconde cbambre (67) . Les constitutions de quelques autres Etats allemands, trop peu considerables pour fixer notre attention, presentent des dispositions a peu pres conformes a celles des quatre constitu- tions precedentes.il est digne de remarque que, dans tous ces actes, le principe d'beredite se trouve presque exclusivement consacre en faveur des families qui etaient souvei'aines dans l'empireavant la revolution, et qu'on a voulu ainsi dedom- mager, ce semble, de la perte de leurs bautes prerogatives. Parmi nous , e'est en -1795 que fut pour la premiere fois consacre le principe de la division du corps legislatif. Jusque la il n'y avait eu qu'une seule assemblee qui , dans les derniers tems, avait absorbe en elle tous les pouvoirs. La constitution de Tan in mit un terme a la terrible unite de la Convention nationale. II y eut alors deux conseils , tous deux electifs ; e'est celui dit des anciens qui peut etre compare aux pre- mieres chambres des autres gouvernemens representatifs. Les membres de ce conseil etaient nommes par les assem- blies electorales , formees elles-memes par les assemblees piimaires; cbaque departement devait concourir a leur nomi- DANS LES DI VERSES CONSTITUTIONS. 65 nation a raison de sa population (49). Tons les dix ans le corps legislatif devait , d'apres lcs etats de population qui lui seraient adresses , determiner le nombre de raembres que chaque departement aurait a uommer (50). Le coilseil devait etre compose de deux cent-cinquante membres ; tout membre devait avoir qnarante ans accomplis , etre marie ou veuf, et do- miciliesur le territoirede la republique depuis quinze ans(85). II appartenait exclusivement au conseil des anciens de rejeter ou d'approuver les resolutions du conseil des cinq-cents(86) ; il pouyait changer par un decret le lieu de la residence du corps legislatif (102). On sail que c'est a la faveur de cette derniere disposition que fut cousommee la revolution du i 8 brumaire, qui renversa les conseils , le directoire , et enfin la republique elle-meme. L'ceuvre de deception qu'on appelle la constitution de l'an vin, et dont le veritable but etait d'etablir le pouvoir d'un seul aux depens des libertes de tous, introduisit une organi- sation legislative toute nouvelle. Le tribunat, qui remplaca , a quelques egards , le conseil des anciens, se composait de cent membres, ages de vingt-cinq ans aumoins, renouveles par cinquieme tous les aus , et indefiniment reeligibles tant qu'ils demeuraient sur la liste nationale (27). Cette liste nationale se formait desdixiemes de cbaque liste departementale, desi- gnes par les citoyensqui en faisaient partie (9). Les tribuns, ainsi que les membres du corps legislatif et d'autres fonction- naires eleves , etaient choisis par le senat conservateur parmi les individus compris dans la liste nationale (20). Le tri- bunat recevait d'abord communication des projets de loi, les discutait et les adoptait ou les rejetait; trois orateurs pris dans son sein etaient cbarges de porter au corps legislatif, d'exposer et de defendre les projets de loi qu'il avait adop- tes (28); chaque tribun recevait un traitement annuel de 1 5,000 fr. (56).Lesenatus-consulteorganique de i 802reduisit a cinquaj#e le nombre des membres du tribunat, etle divisa TOME LI. JUILLET 1 85 i . 5 66 DE LA CHAMBRE HAUTE en sections (77) ; il attribuait an senat le droit de ledissoudre etdelerenouvelcr en cntier, ainsi que le corps legislalif(78). Le senatus-consulte organique de -180-4 interdit lonte discus- sions de projet de loi en assemblee generate des sections (97). Des lors 1' institution se trouva entierement denaturce; ce n'e- tait pins qu'un conseil d'Etat, qui, ayant encore conserve une ombre d'independance, disparut devant le despotisme imperial. Par senatus-consulte de 1807, 1' unite dn corps re- presentatif se trouva ainsi ramenee dans le gouvernement; car il faut regarder comme nul et non avenu l'article 71 du statut de 180-4, qui accordait an senat le droit de declarer, apres trois lectures d'un decret adopte par le corps legislatif , qu'il n'y avait pas lieu a le promulguer. Cest sur ce terrain que Louis XVIII construisit en 1814 la Chambre des pairs , dememhree peu de tenis apres une premiere fois, et qui vient de subir a la suite de la revolution dejuillet un demembrement bien plus considerable, et tel qu'il n'en reste plus que quelques faibles debris. L'article 27 de t'ancienne Charte porte : « La nomination des pairs de France apparticut au roi ; leur nombre est illimite-, il pent en varier les dignites, les nommer a vie , cm les rendre he're- (litaires selon sd volonte'.v Un fait qui n'a pas ete assez rcmar- que, e'est que le principe d'beredite n'a veritablement recu une consecration et une application universelle que par une ordoimance du 19 aoiit 1815, qui porte que la dignite de pair est hereditairede male en male, par ordre de primogeniture, dans les families des membres actuels de la Cbambre des pairs , et que la meme prerogative est accordee aux pairs qui serontnommes ci-apres. Or , cette ordoimance rapportee, on rctomberait sous le regime de l'article 27, e'est-a-dire de pairs Iie're'dilaires on a vie, a volonte. Deux autres dispositions du meme acte doivent etre rnppc- lees, savoir : l'article 28, qui donne entree a la chambre a viugt-cinq ans, et voix deliberative a trente; et rarticle55, DANS LES DIVERSES CONSTITUTIONS. 67 qui attribue a cette chambre la connaissance des crimes de haute traliison et des attentats a la surete de l'etat. En Portugal, la Charte constitutionnelle, donnee en 1 826 par le prince qui vient de descendre du trdne imperial du Bresil, avait constitue une pairie d'apres les principes de la Charte de 1814; les membres etaieut aussi hereditaires ou a •vie , uommes par le roi , et en n ombre illimile. L'ancienne constitution polonaise n'admettait qu'un corps representatif et un seul ordre de la nation. La noblesse y etait uniquement representee par ses principaux membres. Avec le terns, une seconde fraction de corps nobiliaire s'introduisit dans la diete , et y fut representee par les membres appeles nonces. En 1774-, lors de la premiere dislocation du ter- ritoire polonais, que eonsommerent deiinitivement plus tard , contre tous les droits des nations, trois grandes puissances aujourd'hui encore investies de ses depouilles, la constitution fut reformee ; il y eut un senat et une chambre des nonces, qui siegerent separement. Le senat se formait des eveques, des palatins, castellans et grands dignitaires de l'etat. Comme par le passe, les nobles seuls concouraient a la composition de la chambre des nonces. Les memes principes furent mo- mentanement consacres par la constitution de \ 79 1 . En \ 807, Napoleon, ayant recree d'uu des debris de l'ancienne Pologne le grand-duche de Varsovie, lui donna une constitution par laquelle furent retablies les institutions des constitutions pre- cedentcs ; la premiere chambre dut se composer de dix-huit senateurs, dontdouzepalatinset castellans nommesaviepar le roi, et six eveques (25, "24- et 26).Lesenatne pouvait refuser son approliation aux projets de loi votes par les nonces que dans certains cas, notamment quand ils lui paraissaient contraircs ala sikete de FEtat,ala constitution, etc. (28). Ouandle senat refusaitsa sanction, il investissait le roi de l'autorite necessaire pour annuler la deliberation des nonces (29) ; en cas dereftis, le roi pouvait creer jusqu'a douze senateurs , et represeitter 5. 68 DE LA CHAMBRE HAUTE de uouveau la loi adoptee par les nonces (52) ; enfin le roi pouvait, uonobstant le refus du senat, donner sou consenle- meiit au piojet, qui devenait ainsi loi (54-). La chambre des nonces se composait de soixante nonces, nommes par les districts on assemblers des nobles de chaqne district, et de quarante deputes des communes (35). Ces articles, sauf quelques modifications, out passe dans la Charjte constitutionnelle donnee par rempercur Alexandre en 18l5,etdont la violation perpetuelle a ete le principal motif de la lulte heroique qui signale aujourd'hui le nom po- lonais a 1'admiration dela posterite. Aux membres composant le senat , d'apres les actes precedens , il faut ajouter les princes du sang imperial et royal , qui siegent et votent a Tage de dix-huit ans (108 et 112). Le nombre des senateurs ne peut depasser la moitie de celui des nonces et des deputes; le roi nomme douze senateurs a vie, sur la presentation de deux nonces par le senat pour les laics (1 10). Nul ne peut etre elu s'il n'a trente-cinq ans accomplis et s'il ne paie unc contri- bution annuelle de 2000 florins de Pologne (LI 1). Le senat, translorme en baute cour nationale, statue sur la proposition de la miseen jugeinent des senateurs , ministres, etc., accuses par les nonces (1 1 6). LaNorvege, sournise, ainsi que la Suede, au sceptre de Tun des plus illustres generaux de nos annees republicaines, a recu en 1814 une constitution speciale, instituant un corps representatif, qui se subdivise lui-meme en deux chanibres. Voici lespriucipes d'apres lesquels s'elfectue cette bizarre et democratique composition d'une cbambre haute. L'article 49 de la constitution porte que le peuple exerce le pouvoir le- gislatif par la diete appelee Storthing, et qui se compose de deux chaml ires, sous les noms de Lagthing et Odelstbing, mots qui peuvent se traduire par ceux-ci : ekambredes le'gistes et chambre des proprie'taires. Les membres du Storthing sont eluspar des electeurs, elus eux-memesen assemblees primaires, DANS LES DIVERSES CONSTITUTIONS 69 an noinbre tie 1111 sur cinquante citoyens ayant cfroit de vo- ter (57). Nul ne peut etreelii s'il.n'estage tie (rente ans et domi- cilii depuisdixans dans leroyaume (61). Tout represen tan t ale droit d'etre iiulenini.se par le tresor de l'Etat des frais de route et de sejour au lieu 011 siege la diete (65). La diete s'assemble tous les troisans , saul' les cas extraordinaires (68). Des quelle s'est constitute , elle choisit panni ses membres un quart pour former la premiere cJiambre , 011 Lagthing; les aulres trois quarts eomposent la seconde, ou l'Odelsthing; chacune a des lors ses assemblees particulieres et nomine son president et son secretaire (74). Toute loi doit d'abord etre proposee a la seconde chambre, puis renvoyee a la premiere, qui l'approuve ' ou la rejette, et, dans ce dernier cas, la renvoie a la seconde cbambre avec ses observations ; celle-ci, l'ayant de nouveau examinee, la renvoie a la premiere cbambre, avec ou sans ainendement. Quand un projet a ete deux fois repousse par la premiere cbambre, les deux assemblees se reunissent et de- liberent ensemble sur le projet; les deux tiers des voix deci- dent le rejet ou 1'adoption. II doit s'ecouler au moins trois jours entre chacune de ces deliberations (76). La signature du roiapposee a une resolution adoptee par la diete en assem- blee partielle ou generate en fait une loi (78). Une resolu- tion a laquelle le roi a refuse son consentement ne peut lui etre proposee de nouveau que dans la diete procbaine; s'il a refuse une seconde fois son consentement, elle ne peut lui etre proposee une troisieme fois que dans une troisieme diete; mais alors elle acquiert force de loi , nonobstant le refus de la sanction rojale (79). La diete ne peut prolonger sa session au-dela de trois mois, sans automation royale (80). Les mem- bres de la premiere chambre eomposent , avec ceux de la cour supreme, la haute cour du royaume qui juge les fbne- tionnaires poursuivis par la seconde chambre, et les membres de la diete eux-memes, pour des crimes commis en leur qua- lite de representans. Le president de la premiere chambre 70 DE LA CHAMBRE HAUTE preside la haute cour (86). Il suffit, pour expliquer celte ((institution, sans contredit la plus liberale de toutes celles qui regissent des etats monarchiques, derappeler que l'aristo- cratie, qui n'a jamais cte fort considerable enNorvege, y est aujourd'hui entierement effacee, et que divers articles du meme acte constitutif interdisent au souverain d'attacher a ancun litre des functions hereditaires, et d'etablirdenouvelles baronnies. La constitution donnee en 181 5 auxPays-Bas, etqui depuis la revolution de septembre 1850, reproduction fidele et non nioins.glorieuse de nos journees de juillet, est aujourd'hui la constitution du seul royaume deHollande, a pour la premiere fois introduit dans les provinces le principe de la division du corps representatif. La premiere chambre est ainsi formee d'apres cette constitution : elle se compose de quarante mem- bres au moins et de soixante au plus; ces membres sont nom- mes a vie par le roi , parmi les personnes les plus distinguees par leurs services, leur naissance ou leur fortune; ils doivent etre ages de quarante ans (80). Ils n'ont pas l'initiative des propositions , et l'ejettent ou approuvent simplement celles qui ont ete deliberees par la chambre elective (114 et 115). Ils recoivent pour indemnite de deplacement et de sejour une somme de 5,000 florins (87). La constitution du nouveau royaume des Beiges elablit egalement une premiere chambre sous le nom de senat : les membres de ce corps sontelus par les colleges electoraux qui elisent la chambre elective ; le nombre ne doit pas depasser la moitie de celui des membres de Tautre chambre ; ils sont elus pour une duree double de celle attribuee a ces derniers ; le senat pent etre dissous par le roi ; pour etre senateur , il faut etre age d'au moins quarante ans et payer 1 ,000 florins d'im- positions directes, les patentes meme y sont comprises. Dans cerlainesprovinces, la liste des eligibles pourra etreaugmentee des plus imposesjusqu'a cequ'elle s'eleveaunsurG^O habi- DANS LES DIVERSES CONSTITUTIONS- 7 I tans ; ilsnerecoiventni traitementni indemnity nieritierpre- somptif da souverain fait de droit partie du senat a fage de dix-buit ans; mais il n'y vote qua vingt-cinqans. En Amerique , un Etat jeune encore, mais a qui sa raarclie rapide dans la voie de la civilisation a deja fait devancer les con trees du monde occidental , possede line constitution qui a servi de modele en general aux Etats recennnent affranchis du jong des melropoles. Le plan de la constitution federate de l'Union fut arrete par line convention en 1787 et adopte le 5 mars 1 789 par tons les Etats ; depuis on y a ajoute douze articles additionnels qui attribuent le pouvoir legislatif tout entier au congres , divise en un senat et en une chain b re des representans. Le senat se compose de deux senateurs nommes poor six aiis par la legislature de chaque Etat et qui out cbacun une voix.Irest divise en trois series, dontune est renouvelee tons les deux ans. Si une place vient a vaquer pendant Tintervalle des sessions de la legislature de l'Etat auquel appartenait le senateur decede, le pouvoir executif de cet Etat pourvoit a la vacance jusqu'a l'ouverture de la session. II faut, pour pou- voir etre senateur, etre age de trenteans, avoir ete citoyen des Etats-Unis pendant lesneuf annees anterieures a la nomi- nation, enliu habiterau moment de l'election piesente TEtat ou Ton est elu.Lesenatest preside parle vice-president des Etats- Unis ; mais ce fonctionnaire n'a voix que lorsque les suffrages sont egalement partages.Le senatjugeseulles accusations de crime d'Etat.Les deux tiers des membres sont necessaires pour qu'il y ait condanmation. La legislature de chaque Etat present 1'epoque, l'endroitet le mode des elections des senateurs ainsi . que des representans. Le congres a pourtant le dioit de faire des reglemens a cet egard. Les senateurs recoivent une in- demnite du tresor ainsi que les representans. lis ne peuvent etre arretes pendant la duree des sessions que pour trabison. Nal senateur ne peut, pendant le tenne pour lequel il est elu, 72 DE LA CHAMBRE HAUTE elre nomine a aucnn emploi civil clans le gouvernement , et tout citoyen ayant un emploi quclconque dependant du gou- vemeinent lie peutelreelu membre d'aucune des diamines. Les constitutions particulieres de chaque Etat sont a pen d' exceptions pies basees sur ces principes. Dans tous, lepou- voir legislatif est divise en deux corps dont Tun , le premier , porte le titre de senat. Les Etats de Connecticut , New-Jersey et Vermont seuls ont un corps qui, sous le titre de Conseil , participe au pouvoir executif; le gouverneur et le sous- goiiverneur de l'Etat qui sont elus par le peuple en font partie. Dans les autres Etats, le senat forme un pouvoir dis- tinct du pouvoir execntif et un des elemens du corps legislatif. Partout les membres de ce corps sont elus par les citoyens pour une duree qui variede unanasixans; en general les actes fixent une certaine propriete qu'ils doi vent posseder. Quelques- uns n'en font pourtant pas mention. II en est de meme pour le domicile politique dans l'Etat ou se fait l'electioil ; certaines constitutions exigent une residence qui variede deux a neufans. Le nombre est egalement tres-variable : il est de soixante-deux membres dans la Caroline dunord, de quarante-trois dans la Ca- roliuedusud,dequarantedansleMassacliussets, leMaryland et la Georgie, de trente-deux dans le New-York, de treize dans le New-Hampshire et deneuf dans le Delaware. Dans d'autres Etats, unelimite estsiinplementposee.Enfin,pourragerequis, il varieentre vingt-et-un ans et trente-cinq. Quelques-uns de ces actes seulement attribuent au senat la haute prerogative judiciaire et uneindemnite a chaque senateur. La constitution federate du Mexique de \ 824 est en general calquee sur les principes decelle des Etats-Unis. Elle instilue aussi un congres divise en deux corps : un senat et une chambredes deputes, tous deux electifs. II n'y a rien de plus a ajouter dememe que pour cellc de la republique de Guate- mala ou de lAmerique centrale. A. Haiti, d'apres la constitution de 1 806, qui regit aujour- DANS LES DIVERSES CONSTITUTIONS. ^3 d'hui la republique, le pouvoir legislatif reside dans une chambre desrepresentansdes communes et dans un senat (54). Le senat est compose de vingt-quatre membres et ne peut ja- mais exceder ce nombre (101). Les senateurs sont nommes pour neuf ans par la chambre des repi'esentans (1 02) sur des listes de candidats , portant trois noms pour cbaque titre de senateur, presentees par le pouvoir executif (107) , les sena- teurs doivent etre ages de trertte ans au moins (105) , non re- vetus de fonctions publiques autres que lesmilitaires (1 05); les senateurs a elire ne peuvent dans aucun cas etre pris panni les membres de la chambre des communes en fonctions (1 11). Un senateur ne peut etre reelu qu'apres un intervalle de trois annees (112). Le senat est permanent et ne peut s'ajnurner pendant la session (1 1 4) ; les senateurs recoivent du tresor public une indemnile de 1 ,600 gourdes (1 20). Le senat peut rejeter les lois qui lui sout proposees par les cbambres des communes sans en deduire les motifs (154). Independainment de ses fonctions comme corps legislatif, le senat est investi d'autres prerogatives importantes ; a lui seid appartient la nomination du president (125) ; sur la de- nunciation du pouvoir executif ou de la chambre des repre- sentans, il rend les decrets d'accusation contre les comptables ou autres fonctionnaires (124) et les traduit devant la haute cour de justice (126), sanctionnelestraitcs (125), decrete les sommes qui doiventetre affectees aux divers services publics. La constitution desProvinces-Unies duSud (la Plata), faite a Buenos- Ayres en 1819, etablitun congres national compose de deux cbambres : la premiere , appelee senat , se forme d'un senateur par province, de trois senateurs militaires, de quatre ecclesiastiques , d'un senateur pour cbaque universite, et des directeurs de l'Etat a la cessation de leurs fonctions (1 0). 11 faut avoir trenteausaccomplis, laqualite de citoyen depuis neuf ans, etposseder un capital de 800 piastres (environ 40,000 fr.)ou une rente equivalente, ou une profession honorable (1 1 ). 7-4 BE LA CHAMBRE HAUTE Les senateurs restent en fonctions douzeanset sont renouveles par tiers tons les quatre ans ( f 2). Les senateurs des provinces sont clus par des electeurs designes dans chaque muiiicipalitc (14); les senateurs militaires sont nommes par le directeur, et les eeclesiastiques par le clerge (15 , i6 et -17); les accusa- tions portees par la chambre des representans sont jugeesen audience publiquc par le senat (1 8). Le senat concourt a l'e- lection du directeur de larepublique ainsi quela chambre des representans (62). Tons projets de loi peuvent d'abord lui etre presented, sauf ceux des finances (46). Cette constitution, nee an sein des dissentions civiles, a depuis ete alteree par divers actes. La constitution federale des provinces de Venezuela et Ga- raccasde 1811 avait egaleinent institue uu senat dote dattri- bulionsa peupressemblables. En 1821, la constitution de la republique de Colombie institua un congres divise en deux chambres; la premiere, egalement nominee senat, a le droit de recevoir tons les projets de loi d'abord, sauf les projets de finances (41 ) ; les senateurs sont nommes par les departemens au nombre de quatre pour cbacun (95) ; la duree des func- tions est de buit ans et ils sont renouveles tous les quatre ans par moitie (94); ils doivent etre ages de trente ans, etre domi- cilies au moins depuis trois ans, sauf exception, et posseder line propriete fonciere de valeur nette de 4,000 piastres , ou un revenu annuel de 500 piastres , ou etre professeurs d'une science utile (9]6). Ils formaient une cour de justice (97). La constitution de 1850 a apporte quelques modifications a cette organisation. D'aprescet acte, il faut, pour etre senateur, avoir 40 ans accomplis, posseder unbien-fondsde 8,000 piastres, ou jouird'un revenu de 1 000 piastres s'il provient crunbien-fonds, 1,500 s'il provient d'une profession utile. Les senateurs sont nommes pour buit ans et renouveles par quart de deux en deux ans. lis sont noinines par les assemblies provinciales lormees d'electeurs qui imminent aussi les representans , ainsi que les presidents et vice-presidens de la republique. DANS LES DIYERSES CONSTITUTIONS. 7.) La constitution du Perou est basee sur les memes^ftin- cipes. Au Chili , il y a cgalement un senat compose cle nenf mem- bresnommes annuellement paries assemblies el ectorales, mais qui peuvent etre reelus. lis doivent etre ages de trente ans et posseder une propriete valant au moins 5,000 pesos. Au Bresil, enfin, la constitulion de 1825 institue un senat compose de membres a vie et norames par l'empereur sur des listes triples formees dans les elections provinciales (40 et 45). Le senat doit etre moitie de l'autre cbambre- (41). Les con- ditions sont d'etre age de quarante ans au moins, d'etre savant, habile et vertueux , d' avoir rendu des services a la patrie, de posseder unrevenu annuel de 800,000 reis, soit en biens, soit parsonindustrie, commerce ou emplois (45). Les princes de la maison imperiale en font de droit partie a l'age de vingt-cinq ans (46). II forme une haute cour nationale (47). Le subside des senateurs est double de celui des deputes (50). Tels sont les principes d'apres lesquels on a cru , suivant les terns et les lieux , devoir organiser la premiere -cbambre du corps representatif. C'est parmi ces elemens divers qn'il faut puiser pour operer une combinaison nouvelle sagement adaptee a notre etat social . II. ANALYSES D'OUVRAGES. Collection des rapports generaux sun les travaux du CoNSEIL DE SALUBRITE DE LA VILLE DE PARIS ET DU DE- pautement de la Seine , publiee sous les auspices de M. le prefet de police ; par V. de Moleon. T. I. (1). Si tous les rapports du Conseil de salubrite de Paris pre- seutaient les developpemens qui se trouvent dans quelques- uns de ceux qui ont ete publies dans ees dernieres annees, ils formeraient comme un cours d'hygiene publique appliquee a line capitale immense, ou, a tous les inconveniens d'une grande reunion d'individus, s'ajoutent les inconveniens que des industries de toute nature entrainent apres elles. Mais les resumes annuels des travaux de ce conseil adres- ses a un prefet de police , qui est cense 1'avoir preside et etre an courant de tout ce qui a ete fait, ne renferment suuvent qu'une indication insuffisante des objets soumis a ses delibe- rations et a pen pres inutiles pour le lecteur; on a remedie , y est-il dit , a tel abus , a tel accident, et on se tait sur le moyen qui a ete mis en usage. N'etant d'abord , il est vrai , qu'une simple formalite et destines a s'ensevelir dans les carious de la police, ces rapports etaient courts et superfi- ciels ; ce n'est que par la suite et lorsqu'on s'apercut qu'ils pouvaient attirer 1'atteatiQn , qu'on les travailla avec plus de soin, qu'on saisit l'occasion d'y traiter quelques questions (i) Paris, 1830 ; an bureau du Recueil industriel , rue Godol-Mauroj . n" 2. In-H° ; prix , 7 fr. pour Paris , el 8 i'r. pour les deparleinens . RAPPORTS DU CONSEIL DE SALUBRITE. 77 •run interet general; et meine les derniers, par leur redaction, semblent plutot adresses an public qn'an prefet de police. C'est la un effet l)ien natnrel du progres qn'ont fait en France les idees eoustitutionnelles ; n'est-ce pas le public qui est, en definitive, le juge de ce qu'ont cherche a faire pour son bien-etre le Conseil de salubrite et le prefet de police? II est perm is cependant d'attribuer, en grange partie, ce changement avantageux a M. de Moleon , qui , appre- ciate combien il importait de repandre la connaissance des decisions que ce conseil avait prises, demanda en 1821 l'au- torisation d'ajouter , a l'ouvrage periodique eminemment utile qu'il publiait sous le titre d' Annates de I Industrie na- tionale et e'trangere , le recueil officiel de ses travaux. Malgre les imperfections que nous venous de signaler, ce qui donne du prix a cette collection , c'est qu'ou y trouve le tableau des principales causes d'insalubrite qui pendant plus d'un quart de siecle , de 1 802 a 1 826' , ont appele l'in- tervention de 1' administration. Pendant ce laps de terns , la population et 1' importance comrnerciale de Paris se sont beaucoup accrues , ses relations avec le reste du monde ont cbange , il a ete le theatre des plus grands evenemens politi- ques. Toutes ces causes auraient-elles pu rester sans influence sur la sante de ses babitans ? Le premier et peut - etre le plus important resultat de 1'agglomeration d'une population noni- breuse dans une grande ville est la viciation de Pair ; il suf- fit que des bommes vivent rapproches, pour que leurs ema- nations le rendent insalubre et deviennent , dans des cir- constances donnees , de veritables germes d'infection. Des rues etroites, fermees an vent, desmaisons elevees, n'ayant que des coins retrecies, des appartemens resserres, oil I'airue circule-p'is, que la lumiere solaire ne vieut point vivifier, ne renferment ordinairement que des individus chetifs , disposes aux maladies aigues et chroniques, et destines a mourir avant le terns. C'est d'abord dans le jeune age que la priva- -8 RAPPORTS tion d'unair pur a des effels desaslreux. II est certains quar- ters de Paris ou, pour cette seule cause , presque tous les en- i'ans suecoinbcnt avant leur dcuxieme annee; les soins ma- terncls les plus tendres n'y peuvent rien ; il leur est Lien pre- ferable d'etre livres aux mains d'une femme mcreenaire, ne remplissant souvent aucun des devoirs d'une nourrice , niais habitant une catnpagne bien exposee. Les affections scrophuleuses , et l'affreusc plithisie pulmo- naixe viennent ensuite moissonner de bonne heure ceux dont l'enfancc a echappe a ce premier danger. Le releve des deces prouve qu'un quart de la population de Paris mcurt phthi- sique (I). Des causes diverses y contribuent sans doute ; on a remarque que cette maladie etait plus frequenle dans quel- ques quartiers et pour certaines professions , mais on a parti- culierement observe que les fennnes dont les occupations sont sedentaires, qui, vivaut renfermees dans lememe air, sont plus exposees aux influences des logemens malsains qu'elles ha- hitent, y sont surtout sujeltes. S'il se montre des maladies epidemiques ou contagieuses, e'estdans les rues populeuses qu'elles se propagent de prefe- rence , au milieu des habitations etroites et pen aerees ; on l'a observe dernierement a Moscou pour le cholera - morbus , qui a surtout exerce ses ravages dans de semblables localites. Le Conseil de salubrite a plusieurs fois reclame contre les inconveniens des constructions trop peu spacieuses qui s'ele- vent de tous cotes et quencouragent le grand accroissement de la population et raugraentation du prix des loyers. 11 serait (1) La phthisic fait perir lc cinquiente tics haliitans de Paris, et le calnrrlic piilmonairc le douzicmc; mais ces deux maladies sont lellement facilcs a confondre qu'il convient dc les reunir , et a e'.les deux elles causenl les 1 7/00° des deces. Si, faisant abstraction des maladies propres a renfance , on nc s'occupait que dc la mortalite de Page adultc et dc la jeunessc , la part dc la phthisic ptflmonaife serait bun plus yrandc encore, puisque pins d\m tiers des drees se compose d'enfans au-dessnus de dix ans. DU CONSEIL DE SALUBRITE. J$ bien a desirer que ses remontrances eussent plus d'autorite. En clargissant les rues , en menageant des places , des prome- nades, des jardius publics , en empechant de donner aux mai- sous une trop grande elevation, l'administration pent fkire beaucoup. Mais ue faudrait-il pas quelle put intervenir dans la distribution des babitations particulieres , et mettre do quel que maniere obstacle a la cupidite des batisseurs? S'il pouvait s'elever quelque doute sur 1' importance de ces me- sures , il suffirait pour les dissiper de citer l'exemple de Manchester ; e'est aux soins apportes a la ventilation et exiges par les reglemens de police que cette ville, assure-t-on , doit son extraordinaire salubrite ; la mortalite n'y est que de 1/74- ( en 1811); elle est a Paris de 1/52 ( i 821 ) ( 1/55 en 1 827 ) . Les depots d'immondices, les voiries, les cbantiers d'equar- rissage, les cimetieres, accompagnemens indispensables des grandes villes , sont encore pour elles une source d'inconve- niens. Les valines de Montfaucon infectent de leur odeur la moitie de Paris, et sont une cause d'insalubrite pour deux on trois de ses faubourgs. Le sol d'unc partie des nouveaux quartiers etait jadis oecupe par des ainas de bone qui y ont forme des collines artificielles, qu'il peut etre imprudent de creuser. C'est ce qu'ont prouve les miasmes putrides qui se sont degages lors des fouilles faites pour la construction de Teglise de Bonne-Nouvelle. On connait depuis long -terns l'influence pernicieuse des marais et des eaux stagnantes ; celle qu'exercent an milieu des babitations les eaux pluviales et menageres , et surtout les eaux savonneuses des buanderies lorsqu'elles ont peu d'ecou- lement , n'est pas moins nuisible. L'exemple suivant est reraarquable : a Vincennes il y a trois rues , occtipees par des pecsonnes aisees , oil depuis dix ans la mortalite a ete de 1^50 pendant que dans les autres elle n'est que de 1/50. La seule cause, on s'en est assure, est qu'elles sont parcou- rues par un ruisseau dont la pente est trop faible et ou se 80 KAPPORTS rendent les eaux du reste du village ( rapport de 1828 ). Les bords fangeux de la sale riviere de Bievre, qui circule dans l'lin des plus miserables quartiers de Paris, ont une ac- tion analogue sur la saute des riverains. On a propose de construirc a Vincennes un egout ou les eaux seraient recues , et de rendre le voisinage de la Bievre moins malsain en aug- nientant le nombre de ses affluens. Les ateliers, les usinesde toute espece qui donnent de l'occupation a une si grande multitude d'ouvriers , contribuent encore a rendre Fair moins pur. II s'en degage des emanations metalliques , des acides mineraux , des vapeurs acres ou nauseeuses, des gaz fetides et des miasmes putrides, tous plus ou moins malsains et in- commodes. Sous ce rapport , une grande amelioration a ete produite par les ordonnances publiees en 1815, qui ont etabli un classement entre les differentes manufactures , en raison du degre de leur nocuite , determine celles qui ne peuvent plus s'etablir dans les villes , et celles qui n'y sont tolerees qua condition d'employer les procedes que le per- fectionnement des sciences a fait decouvrir et qui en annihi- lent les inconveniens. Le droit doune a la police d'intervenir et de prescrire certaines precautions a rendu supportables des professions qui etaient pleines de danger pour ceux qui les exercaient, et tres-incommodes pour les babitans du voisinage. L'usage des cheminees fumivores , de celles ou un courant d'air est toujours entretenu , l'obligation d'operer a vases clos , l'eniploi des cholures qui detruisent si prompte- ment les emanations putrides produites par la decomposition des substances animales, ont rendu de grands services aux do- reurs , aux alliueurs , aux fabricans d'acides mineraux , de bleu de Prusse , de vernis , aux boyaudiers , aux fondeurs de suit", aux hou^royeurs. On est aussi parvenu a eloigner de Paris d'autres usines dont il etait difficile de detruire rincora- uiodite. On doit beaucoup de reconnaissance au Conseil de salu- DU CONSEIL DE SALUBPaTE. 8l brite pour les efforts souvent heureux qu'il n'a cesse de faire pour diminuer le danger auquel exposent certainesjindustries, et pour adoucir le sort des ouvriers. Actuellement que nous jouissons d'un gouverneraent etabli dans l'interet de tous , et que des conseils generaux reconnaissent que ce qui importe le plus pour assurer a la France le calme et la prosperite, c'est 1' amelioration des classes pauvres , tout ce qui pourra y con- tribuer , tout ce qui portera au moins quelque lumiere dans tin sujet aussi difficile , a droit a nos encouragemens. La pauvrete est la plus puissante de toutes les causes qui tendent a abreger la vie , et c'est dans les grandes villes , dans Paris surtout , que cette plaie du corps social se montre sous sa forme la plus bideuse. Pour apprendre quelle immen- site de pauvres renfenne cette riche capitale, il suffit de dire que 2/5 de ses habitans meurent a l'hopital , et que sur ceux qui succombent dans leur lit un grand tiers peut-etre n'a pas le moyen de payer les frais de son enterrement. De ce grand nombre de malheureux , les uns, couverts deshaillons de la misere , en eprouvent sans cesse les besoins ; d'autres , en apparence plus a leur aise , tombent dans la meme penurie des qu'une cause accidentelle interrompt leur travail journa- lier. C'est pour la classe indigente que l'administration a tout a faire ; c'est sur elle , sur ses besoins qu'elle doit veiller sans cesse. C'est elle qui s'entasse dans les rues etroites et malsaines, qui occupe les logemens les plus resserres , se livre aux occu- pations les plus insalubres , se repait des alimens les plus grossiers , s'enivre des boissons les plus mauvaises. Si sous le rapport de l'hygiene publique il y a reellement deux especes d'hommes , les riches et les pauvres , differens entre eux sous tant de rapports , il se retrouve une inegalite pareille et bien digne de remarque entre les divers quartiers de Paris, selon qu'ils sont habites par des personnes a leur aise ou par la population ouvriere. Ainsi la mortalite est de 1/36 dans le huitieme arrondissement , elle n'est que de 1/56 dans TOME LI. AOUT I 85 1 6 82 KAPPOKTS le troisicme(l) : dans ce dernier , les naissances l'eniportent constamment et de beaucoup sm les deces; dans d'antres arron- dissemens , an contraire , les deces l'emportent de beaucoup sur les naissances. Lorsquc, dans les tableaux de la population de Paris, on compare les naissances et les deces, l'avantage se trouve en faveur des premieres, et Ton est porte a en conclure l'eiat prospere de cette ville ; mais en cela on se trompe beaucoup et cette conclusion porte a faux. En effet , plus du tiers des eufans sont illegitimes, et la majeure partie d'entre eux, aban- donnes par lours parens , meurent dans leur premiere annee, en nourrice , bors de Paris. (En i826, sur 1 0,502 enfans uaturels, 8,08-4 furent abandonnes. ) C'est done pour la po- pulation un surcroit illusoire et une charge reelle. L'impor- lant pour TEtat nest pas qu'il y ait un grand nombre de naissances, mais qu'une quantite suffisaute d'enfansparvienne a fage d'honune. On ne doit pas eire etonne, d'apres tout ce que nous venous de dire, si les Parisiens sonl en general delicats , si leur race est chetive ; ce qui empeche qu'elle ne degenere trop et ce qui produit l'accroissement annuel de la population , c'est 1'aftLux continue! des provinces , c'estle grand nombre d'ouvriers forts et vigourcux qui viennent s'y etablir. De cette maniere se trouventcontre-balancees les causes de deterioration sans cesse agissantes auxquelles les classes inferieures sont exposees par lesejour de cette grande ville. Pour changer un etat de choses en lui-meme aussi affli- geant, il faudrait repandre Y instruction jusque dans lesrangs les plus bas de la societe , eclairer autant que possible les malbeureux sur les dangers qu'ils pourraient eviter et aux- (i) La disproportion est peut-elre beaucoup plus forle encore, si on re- in irque que la plupart des indigens vonl mourir a Thopital, et que dans ce releve il n'est question que des deces a domicile ; c'est la surtout ce qui ex- plique lc rapport \fiti. DU CONSEIL DE SALUBRITE. 83 quels ils s'exposent avec tant (Timprudence , il faudrait leur donner des habitudes de proprete, d'ordre, d'economie qui leur sont si etrangereset qui seules peuvent adoucir leur triste condition. Lesanciens codes religieux n'avaient pas neglige l'hygiene publique, ils renfermaient des regies de conduite , des pre- ceptes sur le regime, des prohibitions qui n'etaient pas sans importance et auxquels on se soumettait aveuglement. Actuel- lementla loi est runique puissance a laquelle on obeisse; mais, chargee de regler les rapports nombreux que les hommes ont entre eux , elle est impuissante dans beaucoup de cas et ne peut atteindre une foule d'actes, de negligences, d'exces qui nuisent surtout a ceux qui les commettent. On n'y portera remede qu'en donnant aux indigens , qui surtout s'y aban- donment , une education calculee sur leur position sociale et qui puisse, sans les rendre moins utiles a l'Etat, les faire sortir de rabjection ou ils sont plonges. Rigollot fds. DeMONOLOGY AND WlTCHCllAFT. Dli LA DeMONOLOGIE ET de la Sorcelleiue ; par sir IValterScoTT ; deuxieme edi- tion (formant le tome xvi de la Bibliotheque de famille) , ( 1 ) De tout terns, les reeks merveilleux, les evenemens surna- turels ont excite an plus baut point linteret des hommes. « Nous ne sommes pas seulement lascbes a nous deTendre de la piperie , dit Montaigne, mais nous cherchons et nous con- vions a nous y enferrer. II ne faut a notre esprit ni matiere , ni baze : laissez-le courre : il bastit aussi bien sur le vuideque sur le piein. » Est-ce, en efiet, richesse d'imagination ? Est-ce (1 ) Londres , { 830 ; John Murray. Petit in-12 , ornr d'une eravure ; pris', S sh. 6. 84 T)E t*K DEMONOLOGIE. plutot ignorance des clioses reelles, comme chez 1'enfalit, qui, novice a la vie, aux nierveilles dont il est entouie, accueille toute riante fantaisie, existe dans un monde qn'il pare et penple a sa guise, y poetisant Tor, les ferames, les bijoux? II ne sait pas encore oil poser les lim-ites du vrai , pareil en cela ii ce jeunc sauvage des iles Sandwich qu'a Londres on mena voir une ascension en ballon, etqui, au lieu de s'extasier, eomme on s'y attendait , s'etonna seulement qu'on se donnat taut de peine pour voyager en l'air, dans un pays oil il etait si facile de se procurer un fiacre. Lee Bou etait rassasie de pro- diges. Une voiture etait pour lui une invention tout aussi sur- prenante qu'un aerostat. II ignorail oil s'arretait le possible : et si on lui eiitmontre 1'hippogriffe d'Astolphe, il en eiit pro- bablement juge d'apres les regies de sa commodity particu- liere, et aurait prefere un petit coin bien confortable dans une bonne voiture. L'amour des contes, si vif et si general chez les enfans, est- il un germe d' observation , un Liesoin de connaitre, une anti- cipation de la vie? Qui ne se rappelle avoir ete emu aux larines des dangers et du subterfuge du Petit-Poucet? Qui n'a senti battle son cceur pendant le dialogue vraiment drama- tiquc de ma Sceur Anne et de la femme de Barbe-Bleue? Etles rnille et une metamorphoses de Cendrillon, de Peau-d'Ane , quelles jouissances ne nous ont-elles pas donnees ! Les enfans prendraient-ils le meme plaisir a des prodiges de science , a des phenomenes d'histoire naturelle ? Je le pense ; et nean- moins, petits ou grands, il est de notre nature d'etre desap- pointes quand nous pouvons assigner une cause simple a nn effet qui nous surprend. Enveloppes et comme oppresses de mysteros ici-bas, il semble que nous nous plaisions parfois a epaissir le voile, et a nous plonger au plus fort des tenebres. Partout l'insaisissable, l'invisible, nous ementet nous charme. Nous donnons la plus grande , la plus noble part dans notre destinee a fame, ce pur esprit, dont personne ne connait la DE LA DEMONOLOGIE. 85 figure ou l'essence. Nos emotions les plus vives naissent de je ne sais quelle revelation par-dela les mots. II existe une sorte de lutte continuelle entre la portion materielle et la por- tion immaterielle de uotre nature. Celte derniere a revetu toutes les formes, a figure dans toutes les croyances, appuyee sur une conscience de notre irainorlalite tellement in nee en nous qu'on a trouve chez des sourds-muets prives de toute instruction des idees premieres de la divinite, la notion de la separation de Fame et du corps ; une fois ce principe admis , il en decoule une foide de conjectures et uu ordre de faits nouveaux. Le domaine delapensee , peuple d' observations et d'experiences , s'est enrichi de tout ce que rimagination pou- vait evoquer ; mais comme il ne nous appartient pas de creer, nos reveries out pris naturellement la forme de ce que nous connaissions. Les anges out en des visages d' homines et des ailes doiseaux. Les raorts nous sont apparus comme nous les avions vus jadis agir et se mouvoir. Quelquefois ce monde fantastique 1'emporte sur le reel , et nous retire peu a peu de la vie et des choses positives : le cerveau domine tons les autres organes et lui impose ses songes. C'est un etat maladif et voisin de la folie. Cependant il suffit d' une disposition reveuse, jointe a quelques circon- stances exterieures , d'une crise de douleur ou de crainte pour conjurer momentanement des fantomes, et les rendre visihles a l'ceil. Sir Walter Scott rapporte une illusion de ce genre , qui a lout l'air de lui etre personnelle, bien qu'il ne se nomme pas : « Peu de terns , dit-il , apres la mort d'un poete illustre qui avait occupe pendant sa vie le plus haut rang dans la litterature anglaise ( probablement Byron ) , un homme de lettres jle ses amis lisait, a la lueur d'un beau crepuscule d'aulomne, une publication nouvelle qui pretendait donner avec detail les mceurs, les opinions, les habitudes du deiunt. Le lecteur avait vecu dans rintimite du poete, et ces indica- 86 DK LA DEWONOLOGIEi tions, meme incompletes, avivaient tons ses souvenirs. La salle on il etait assis s'ouvrait sur un grand vestibule ouetaienten- tasses pelc-mcle de vieilles armures, des peaux d'aniniaux sauvages, des costumes divers. L'obscurite ne lui permettant plus de continuer, il leima son livie, et s'achemina vers le vestibule, on la lunecommencait a briller. Touth coup il vit distiuctement debout devant lui l'exacte representation de 1'aini qu'il avait perdu. II s'arreta un moment pour observer avec quelle miraculeuse exactitude l'imagination lui relracait les gestes , le maintien , et jusqu'aux moindres particularity du mort. II n'avait pas un doute sur la nature de cette illu- sion, mais il s'etonnait qu'elle put etre a ussi complete. Enfin, il fit quclques pas vers la figure : il ne trouva a la meme place qu'un paravent charge de redingoies, de cbales,de plaids. Revenu a l'endroit d'ou il avait vu l'apparition , il essaya vainement de la recreer, les cboses avaient repris leur veritable aspect, etson imagination eutbeau faire, ses sens ne voulurent plus s'y laisser trompet. » II nest presque personne qui n'ait eprouve de ces decep- tions; mais leur contiuuite est effrayante , ettrahit un manque d'equilibre entre les facultes. Les lunatiques tournent les ob- jets exterieurs aux caprices de leur fantaisie , et parviennent a maltfiser jusqu'au temoignage de leurs sens. Parfois aussi ces derniers se revoltent et protestent haut contre les crreurs de rintelligence, comme il advint a un jeune foil, renferme dans l'liospice d'lvlimbourg. Sa folie avait pris un caractere de gaite. La maison lui appartenait ; du nioins il lecroyail , et trouvait moyen d'ecarter tout ce qui necadrait pas avec ses droits de proprietaire. II y avait. beaucotq) de malades ; e'etait sa bienveillance naturelle qui lui faisait aimer a sou- lager les malbeurenx : il sortait pen , meme point ; e'est que ses habitudes etaient sedentaires; il se plaisait surtout clicz lui. — II ne voyait pas grand monde, mais il avait tons les matins la visite des tnedecins les plus dlstirigues , et cette so- D£ LA DEMONOLOGIE. 87 ciete lui suffisait. Avec tant d'aisance supposee, taut d'illu- sionsde richesse, ime seule chose troublait lerepos dupauvre optiiniste. II etait fort recherche pour sa table , choisissait les meilleurs ciiisiniers, avait chaque jour a diner trois services et du dessert; et pourlant quelque chose qu'il fit, tout ce qu'il mangeait avait gout de soupe aux choux. C'etait, helas ! ie seul aliment du pauvre honune a tons ses repas. L'extreme vivacite de son imagination, qui faisait sa folie, l'avait abuse sur tousles autres points, mais son gout resistait et derangeail seul ses suppositions imaginaires. D'autres fois , ce sont les sens qui s'egarent et portent a un esprit sain de fausses impressions. II y a telle maladie de l'orgaue visuel qui change complement l'aspect des objets exterieurs. On sait que la jusquiame , prise en certaine dose , a la propriete de faire voir les choses retournees et les gens la tete en bas. Des habitudes d'ivresse, line vie dereglee , sont presque toujours l'origine de la maladie que les Anglais ont nominee the blue devils , les diables bleus. Les plus noires visions obsedent l'esprit , enervent le corps , et jettent le pa- tient dans un etat de terreur nerveuse , contre lequel tout rai- sonnement echoue. Sir Walter Scott , en passant en revue ces miseres de l'in- lelligence, si bizarres et si difliciles a expliquer, cite unc multitude d'anecdotes curieuses. Avec son penchant pour le pittoresque, son sentiment si dramatique, il ne pouvait manquer de s'en prendre aux faits. Laissant de cote les causes toujuurs conjecturales et souvent introuvables , nous suivrons son exemple, et lui emprunterons quelques-uns de ses plus piquans recits. Un des chefs de la magistrature anglaise qui , en diverses occasidlis, avait deploye une grande fermete d'ame, beaucoup de sens et de jugement , tomba peu a peu dans un etat de langueur et de tristessc qui altera rapidement sa sante. Bien qu'il continuatdevaquer a ses occupations habituelles avec la 88 DE L\ DEMONOLOGIE. meme liberte d' esprit , la lenteur de son pouls , l'absence d'appetit , 1' irregular! te de la digestion , enfin un abattement constant , presageaient one maladie grave. Le medecin , per- suade qu'une cause secrete de chagrin agissait de la sorte, consulta la famille } personne n'en savait plus que lui. On ne connaissait a son patient aucun malheur apparent; on ne lui en soupconnait point de cache. II resolut alors de s'adresser au raalade , et le pressa de telle facon , lui faisant craindre que son honneur se trouvat compromis s'il persistait a se taire , qu'il en obtint la promesse de parler. Lorsqu'ils furent seuls , et que toutes les portes furent soi- gneusement fermees , son patient lui dit : « Vous ne pouvez, mon cher docteur, etre plus convaincu quemoi du danger de mort ouje suis. Toute votre science y echouera. Cependant cette souffrance ne m'est pas particuliere. Vous avez lu Gilblas. Vous rappelez - vous la maladie qui tue le due d'Olivares ? — Oui , e'est l'idee qu'il est bante par une apparition. II n'y a pas foi , et cependant il meurt abattu sous le poids de cette angoisse. — Eh bien , e'est ce qui ra'arrive. 11 y a deux a trois ans que , pour la premiere fois , je me trouvai obsede de la presence d'un gros chat, qui venait et dispa- raissait, sans que je pusse m'expliquer comment. J'acquis bientot la conviction que ce n'etait point un animal vivant, mais une vision qui tenait a une divagation de ma vue. Comme je n'avais pas d' antipathic pour les chats, j'endurai ce bizarre compagnon sans trop d'efforts, et la chose finit meme par me devenirindilferente. Mais, au bout de quelques mois, une autre apparition succeda a la premiere. Un huis- sier de la chambre me precedait parloutet me servait d'intro- ducteur. Si je montais un escalier dans ma propre maison ou dans celle des autres , il montait devant moi , vein en habit de cour, Tepee au cote, le chapeau sous le bras. Je le retrou- vais dans le salon , oil il se melait a la compagnie , bieu (|iie personne n'eut Tair de s'apeveevoic de sa presencn , et que DE LA. DEMONOLOGIE. 8t) seul je fusse dans sou secret. Ce nouveau caprice tie mou imagination me donna quelque inquietude sur la nature de ma maladie, et commenca a me faire craindre pour ma rai- son. Cette modification de mon mal n'eut qu'un terns. L'huis- sier de la cliambre fut remplace par un etre hideux, par l'image de la mort mejne , par un squelette enfm , qui ne me quitte plus; que je sois seul on eutoure , il est la, toujours la. Jeme suis dit cent fois que ce n'est pas une realite, mais uu fantome, evoque par uue imagination exaltee, par une fai- blesse d'organe ; j'ai beau faire , je ne puis m'en delivrer. Ni la science, ni la pbilosophie, ni la religion meme n'ont de remedes a un tel mal ; je mourrai victime de cette illusion, et ce qu'il y a d'affreux, de cruel , c'est d'en sentir toute la faussete , et de ne pouvoir la combattre. » Le medecin vit avec peine a quel point cette idee preoc- cupait 1'esprit de son malade. II lui fit plusieurs questions sur les circonstances qui accompagnaient la venue du fan- tome , esperant 1'amener a quelque contradiction qui ren- drait l'erreur palpable a ses sens. «Avez vous toujours ce squelette devant les yeux? lui demanda-t-il. — Oui, je le vois sans cesse. — Mais est-il dans ce moment meme present a votre imagination? — Sans doute. — Et dans quelle partie de la cbambre le voyez-vous? » Le visionnaire etait alite. « II est la , repondit-il , immediatement au pied de mon lit. Quand on laisse les rideaux entr'ouverts le squelette m'apparait dans l'espace vide. — Puisque vous avez la con- science que c'est une deception de votre vue, reprit le doc- teur, auriez-vous le courage de vous lever et d'aller vous placer a l'endroit que vous semble occuper le fantome ? » Le pauvre homme soupira , et secoua tristement la tete. * Eh Lien , eSsayons d'une autre experience. » Se levant et se placant entre les deux rideaux au pied du lit , le medecin s'enquit du malade si le spectre etait encore visible. — Non , pas entierement , nipliqua le patient, pa ice que votre per- (,o DE LA DEMONOLOGIE. sonne est entre lui et moi ; mais j'apercois son crane au-des- sus de votre epaule. » Le praticien tressaillit, etueput s'empecher d'eprouver un frisson de crainte, coinine il l'avona depuis a sir Walter Scott en lui contain ce fait. II essayade tous lesmoyenssanssucces. Le malade empira , tomba dans un abattement de plus en plus profond , et mourut. Triste exemple du pouvoir que l'imagi- nation pent exercersur le corps, memequand elle ne parvient pas a vaincre l'intelligence. Les annales de la medecine sont pleines de faits analogues quoique nioins saillans. Une jeune fille , a la suite d'une chute qui ebranla fortement ses nerfs , se persuada ue plus pouvoir marcher dehors. Elle s'est condamnee a ne plus sortir de chez elle^ et tel est l'empire de cette preoccupation que, con- duisant quelqu'un jusqu'a la porte de la maison, elle n'en peut franchir le seuil sans lomber dans de violentes attaques de nerfs. On a tente de combattre cette disposition : elle a fait volontairement une tentative ; mais a peine dans la rue ses teneurs l'ont reprise avec une telle force quelle a deniande grace. Elle comprend toute la bizarrerie de ce mal, elle en raisonne, et desire ardennnent se guerir, mais ses nerfs sont plusfaibles quesa volonte. L'oreille a ses illusions comme l'ceil. Le son , deja modifie a l'infini par le plus ou moins de densite de Tatmosphere, par le voisinage de corps retentissans , nous arrive souvent dena- ture par une disposition parliculiere de Tome. Le docteur Johnson fut toute sa vie a peu pres convaincu que, dans sa jeunesse, il avail entendu distinctement la voix de sa mere qui Tappelait, bien qu'elle fut a plusieurs milles de distance du college qu'il habitait alors. Sir Walter Scott lui-meme se |iromenant il y a deux ans, dans un site sauvage et solitaire, avec un jeune homine attaque de surdite, crut entendre le cri d'une meute eloiguce. Comme on etait en ete , il peusa qu'il ^c trompait , et cependant le bruit continuait, se rapprochant DE LA DEMONOLOGIE. 9 1 et s'eloignant sans discontinuer. II appela deux de ses chiens qui le suivaient. lis vinrent fort tranquillement , et, a leur calme, il etait evident qu'ils nentendaient pas les sons qui avaient attire l'attentiou de leur maitre. « Je suis doubleruent Jache de votre infirmite dans ce moment, » dit Tillustre Ecossais a son compagnon , « car vous eussiez pu entendre passer la Tueute du spectre chasseur. » Le jeune bomme , qui avait coutume de se servir d'un comet , se tourna vers sir Walter Scott pour mieux saisir ses paroles, et le phenomene setrouva explique. Le son, aulieu d'etre loin, etait proche. C'etait le resultat de l'air resserredans l'instrument dont se ser- vait le sourd ; quelque combinaison particuliere lui avait prete une ressemblance que l'imagination du romancier, preoccu- pee d'idees de chasse, avait sans doute completee. La super- stition qui lui etait ainsi rappelee, et qui est si repandue en Allemagne , dans le Nord et en Italie , n'a pas eu d'autre ori- gine que les modulations des sons traversant les forets , re- montant des rochers , repercutespar les echos, renvoyes du fond des cavernes, seperdant et se faisant entendre de nouveau. Enfin , le toucher peut revendiquer sa part dans les erreurs de notre jugement. Moins cultive'que les autres sens, il est moins sujet a se tromper , et ce n'est guere qu'en reve qu'il nous abuse. Un homme menant une vie assez dereglee , se coucha l'estomac plein. Le travail penible de la digestion amena un caucbemar. II lui sembla qu'un raort le tenait par le poigaet, et s'efforcait de l'arracber de son lit. II s'eveilla terrifie , etsentit l'impression d'une main froide sur son bras. II s'ecoula pres d'une minute avant qu'il put se rendrecompte que sa main gauche s' etait engourdie, et serrait fortement le poignet de son bras droit. II serait trop long de rappeler les innombrables supersti- tions que ces deceptions des sens ont fait naitre , et quel parti en ont tire de tout terns les fourbes et les ambitieux. C'est un travail qui , du resle, a ete fait avec beaucoup de conscience 9 3 OEUVRES INEDITES et d'erudition par M. Eusebe Salverte, dans son traite des Sciences occultes. II y a devoile et explique d'une faeon fort ingenieuse les points on se rencontraient jadis le savoir et le charlatanismc. Sir Walter Scott a traite son snjet a\ec moins de profondeur. II a songe snrtont a faire im livre amusant , et il y a reussi. II co.nte avec le charine et la bonhomie qu'on lui connait tout ce qui a frappe sa mobile imagination. Nous consacrerons mi second article aux fees , a la bande joyeuse des lutins et des farfadets, aux sorcieres et a leurs malefices. Louise Sw.-Belloc. MeMOIRES, CoRRESPONDANCE ET OuVRAGES INI^DITS DE Diderot, publie's d'apres les manuscrits conjie's , en mourant , par Fauteur a Grimm. (1) Ce n'est pas sans hesitation que nous entreprenons d'ecrire les reflexions que la lecture de cette Correspondance nous a inspirees. Le XVIIIe siecle, en general, et en particulier les encjclope'distes qui en out resume l'esprit et le caractere, semblent aujourd'hui juges d'une maniere si definitive, qua peine osons-nous emettre sur ce sujet une opinion qui con- tredit formellement l'arret du terns. Les critiques auxquelles a donne lieu dernierement l'ouvrage posthume de Diderot, que nous sommes charges d' examiner, n'ont fait quaccroitre nos craintes, que fortifier des scrupules invincibles, par cela meme que les sentimens qui les inspirent sont consciencieux et vrais. Un jeuue ecrivain, qui parait avoir beaucoup etudie Dideiot, et qui a en effet une grande partie de ses qualites et de ses defauts, s' est attache particulierement , avec une cha- leur donl sa modestie ne lui aura pas permis de devincr la (4) Paris j \V,7>o ; Puulin. i vol. in-H° Jc 454 ct 449 pages ^ pt|« , 14 fi DE DIDEROT. 9 3 source, a encherir encore sur les eloges accordes a Diderot, a orner les traits de cette physionomie de poete et de philo- sophe, a en charger tellement l'expression sentimentale , que sous son pinceau elle est devenue presque une figure grima- cante. 11 nous sera difficile, sans doute, de detruire des preven- tions si Men accreditees , d'entamer une reputation dcja con- sacree par la mort , defendue nou-seulement par sa propre gloire, mais encore par des talens auxquels 1'avenir garde une gloire peut-etre egale. Mais, si nous ne pouvons esperer de changer le sentiment public, nous ne renonoons point cepen- dant a exposer le notre dans toute sa sincerite. Un etranger, qui ne jugerait le XVIIIe siecle que par ce qu'on en a dit en France depuis trente ans , en aurait asso- rtment une idee tres-fausse et tres-bizarre. Lorsqu'un soldat, songeant a organiser 1111 empire avec les debris d'une vieille monarchic et d'une republique avortee , eut releve des autels oil se rattachaient encore tant de croyances , le sentiment re- ligieux, long-tems comprime, fit explosion et trouva, parmi les esprits les plus forts et les plus jeuties, d'ardens et eloquens interpretes. M. de Chateaubriand vint soutenir a ce barreau solennel son vieil ami Laharpe, athlete use par les conversions, qui ne prononcait pas une parole qui ne fut un aveu, et ne jetait pas un anatheme qui ne retombat sur sa tete. Cette epo- que fut done une reaction contre ledix-huitieme siecle, et le Genie du Christianisme une vengeance de la foi contre l'in- credulite. Mais, dansun terns ou les sciences exactes etaient si avancees , ou le raisonnement avait pris une si grande puis- sance, les demonstrations rigoureuses n'etaient plus au ser- vice des defenseurs de la foi ; la logique de la Sorbonne etait morte, et ce n'est pas par la discussion qu'on pou- vait convaincre les esprits. Apres des bouleversemens ou tous les cceurs avaient ete froisses, e'estpar l'onction, par la poesie qu'il etait possible d'arriver a la persuasion. Ainsi il 94 OEUVRKS INEDlTliS fut necessaire de fletrir le XVIIIe siecle commc mi tenis d'egoi'snic froid et sec, de traiter sa philosophic conmie tin amas de maximes arides, sans poesie et sans passion, en un mot, de la faire considerer comme line theorie d'alheisme for- mulee algebriquement. Cette tactique fut heurense : on avait besoin d'aimer apres tantde haines, de croire a l'ordre elernel apres des desordres immenses, de seconfier a line Providence superieure, clemente et protectrice , apres avoir vu lemonde livre a des intelligences sanguinaires, irapitoyables et souvent ineptes. Pour comprendre encore mieux combien cette reaction etait naturelle, il suffira de se souvenir que le parti le plus inhabile parmi ceux qui se disputerent le champ de la revolution , mais qui trouva le plus de sympathie, parce qu'il fut le plus persecute, que les Girondins representaient aux yeux de la foule, et sous le rapport litteraire et philosnphique, le beau siecle des lettres francaises, le siecle de Louis XIV et de Bos- suet; tandis que les disco urs partis de la Montague etaient tout empreints des idees et de la couleurdes encyclopedistes , et qu'on retrouvait, dans chaque harangue de Robespierre, des lambeaux de style arraches tout entiers a Rousseau. La miserable litterature de fempire laissa tons ces jugemens sans revision ; elle n'ajouta rien au proces. Disciplinee comme un regiment d'Austerlitz , elle observa fidelement la consigne du maitre qui lui interdisait de se jeter trop hardiment surles sujets extremes, de descendre trop has, de remonter trop liaut. Souverain, par la force, d'un mondequibientotne devaitplus se mouvoir que par le levier de l'intelligence, Napoleon ne voulaitpas qu'on touchat certaines matieres qui supportent tout, et renferment dans un cercle eterriel les peuples et les rois, le sort des dynasties et des empires; il deteslait l'a- theisme tout autant que rultramontanisme, et ne pardonna pas plus a Parny d' avoir fait la Guerre des Dieux qua Cha- teaubriand d'avoir ecrit son magnifique ouvrage. Aussi, ex- DE DIDEROT. 95 t:epte quelques bommes d'esprit, qui se bornerent a exploiter la vieillelegerete franchise, commeMM. Etienne et Andrieux, uul n'ecrivitpour l'avenir , et aujourd'bui deja, nous voyons vegeter pauvrement et mourir uu a un les vestiges de ce tenis sterile. Nous n'avonspas besoin d'expliquer dans quel but et par quelle raison l'ecole doctrinaire adopta et propagea avec ardeur le jugement que le catholicisine ressuscite avait porte sous le consulat etsous l'erapire. Ce parti ou cette secte, corarae on voudral'appeler, poussa evideinment vers le protestantisme pendant toutlecoursde la restauration, et lesprotestansavaient contre les materialistes de l'Encyclopedie les memes griefs que les catboliques. Le protestantisme, d'ailleurs, avait en- core raoins de preuves rigoureuses que l'eglise-niere a opposer aux incredules ; ses doctrines se lient beaucoup nioins logique- raent, soit entre elles, et de consequences en consequences, soit avec un principe primitif et invariable. C'est par l'onc- tion qu'il pent agir; par une morale a moitie mystique, a inoitie mondaine; par le conlraste de mceurs religieuses plus douces, avec la severite du clerge romain; par Y, organisation patriarcale de son sacerdoce ; enfin par la poesie que repand abondamment sur le culte et sur les dogmes la lecture conti- nuelle des Ecritures , la source la plus large de poesie simple et sublime qui ait ete enfermee dans des paroles bumaines. L'ecole doctrinaire vient de se ruiner elle-meme par ses propres fautes assez completement pour qu'on ne doive pas craindre de lui rendre justice. II faut done reconnaitre que, bien qu'appuyee sur un principe etroit, cette secte possedail une grande puissance d'intelligence etde savoir. Soitbonlieur, soitbabilete de parti, ellene poussa en avant que ses bommes les plus .forts , que des bommes jeuues , qui veritaljlement me- ritaient un rang eleve dansl'ordre social et intellectuel. Ainsi ce ne fut point une influence usurpee que celle qu'elle jeta dans les destinees de la France pendant la restauration. Par gG OKUVRKS INEDITES ses longuesel tides sur l'Angleterre , parses liaisons avec les whigs de ce pays, et meme par ses sympathies de protes- tantisme, elle etait seule capable d'introduire chez nous les premieres notions du gouvernement representatif ; notions imparfaites , sans doute, et qui doivent se perfectionner sous le rapport logique, et sc mettre enharmonie avec le caractere national avant qu'elles nous puissent assurer un demi -siecle de paix , niais qui etaient un germe necessaire et un progres evident dans la science du gouvernement. Si Ton -veut y reflechir, on verra que le XVIIIe siecle fut livre presque sans defense aux doctrinaires pendant les seize annees qui viennent de s'ecouler. II ne trouva, durant toute cette periode , que deux anxiliaires pour proteger ses doctrines et sa memoire : leCenseur, ouvrage de quelques homines forts par la conscience autant que par le talent, et qui, a cause deccla raeme, aimaientl'avenir encore plus que le passe; et la Minerve, production sans aucune valeur, si on en detache les ecrits de deux publicistes (1) qui se seraient rattaches sans doute a cette secte, si limmoralite radicale de ses doctrines ne le leur eut pas interdit. Enlin une ecole qui s'eleve et a laquelle un tout autre ave- nir est reserve, celle de Saint-Simon, a trouve pour peindre le XVIHe siecle les raemes couleurs que les catholiques et les protestans, parcequ'elle avaitun interet semblable a en falsi- fier les traits ; et c'est un fait curieux a cnregistrer dans l'his- toire des sectes, que cette mutilation derniere, car jamais doc- trines religieuses et politiques n'eurent entre elles uneressem- blance plus parfaite que celle qui existe entre le pantheisme des Saint-Simoniens et le deisme des encyclopedistes. On peut done aflirmer que le XVIHe siecle n'a pas encore ete juge impartialement parmi nous (2). Nous disons parmi (1) MM. Benjainin-Conslant ct J. P. Pages. (2) Si Ton nous demandait pourquoi nous nous croyons plus compdtens que lant de juges estimables, nous r^pondrions que nous ecrivons un article do critique , ct non point une profession de foi. DE DIDEROT. 97 nous et nous devons expliquer cette expression, car on pour- rait croire que nous attribuons aux etrangers le merile de nous avoir mieux compris que nous ne l'avons fait nous-memes. Telle n'est point notrepensee : les etrangers ont adop'e gene- raleinent sur ce sujet, comme sur beaucoup d'autres , les opi- nions franchises; niais ce grand mouvement intellectuel Se fit sentir chez eux aussi, ct ces vibrations lointaines furent tres- exactement appreeiees par ceux-memes qui les eprouvaient. La raisonen est facile a decouvrir : le mouvement venait du dehors et agissait ainsi sur des mceurs plus tranchees ; en se- cond lieu, le mouvement etait plus faible et laissait plus de sang-froid aux observateurs. Mais, si Ton se reporte a l'epoque oil parut la pailosopliie sentimentale (nous ne trouvons pas de mot qui rende plus exactement notre idee), on comprendra que 1'aniour de la na- ture etait un sentiment tout neuf, qui devait etre regarde comme une merveilleuse deeouverte et qui deviut une mode universelle, portee , comme toutes les modes, par les esprils absolus jusqu'a une extravagante exageration. D'un cote, lafausse imitation de Vantique commencait a fa- tiguer des esprits qui voyaient tres-clairement que le genie de Corneille et de Racine avait pousse ce genre batard aussi loin qu'il pouvait aller ; Dorat et ses fades imitateurs avaient montre dans un autre genre jusqu'a quelle platitude le mau- vais gout peutconduire des homines d'espritdans l'expression de la passion la plus simple , parce qu'elle est la plus vraie. D'un autre cote, dans l'ordre politique, le scandale des abus etait devenu si criant que cbacun en pouvait librement parler avec horreur, meme ceux qui en profitaient , et parmi ceux-ci, meme nos pbilosopbes, a une grande et vertueuse exception.pres. Le contraste effrayant d'un peuple ignorant et soumis, devore par une aristocratic crapuleuse et eclairee; ce monstre social d'une nation courbee sous le baton de maitres dont l'insolence dedaiguait meme l'hvpocrisie; en un mot, TOME H. JUII.LET l85l. 7 98 OEUVRES INEDITES ce phenomene cxtra-naturel et immoral, qui ne fut jamais plus saillaut qu'alors, d'une foule immense tie travailleurs ('•erases par 1111 petit nombre d'oisifs, tout cela devait faire re- ehereher a des homines d'uue intelligence cultivee tine regie morale hors de la loi des fails. Mais 011 la trouver? Le catholicisme etait detruit, 011 plu- tot il s' etait detruit lui-meme en se faisant le complice du crime social qui se consommait depnis des siecles. II y a loin du deniiment qui fait cherciier la grande loi du monde, an genie qui la trouve on plutot qui la cree. Locke et Condillac ne fournirent que des instrumens : e'etait les materiaux qu'il fallait produire. Nul ne fut et ne pouvait etre assez fort. On se boma done a remonter vers un ordre primitif des ehoses creees , oil plutot a imaginer certaines lois naturelles auxquelles on se fit un plaisir et un devoir de comparer tons les vices de la civilisation existante. Malheur aux faits qui sortaieut de ce cercle inva- riable ! Malheur aux hommes qui croyaient a d'autres regies ! lis etaient aussitot foudroyes d'axiomes absolns, d'anathemes liautains, de maledictions dedaigneuses. Sans les raisons que nous venous d'exposer longuement , nous ne concevrions point comment on a pu parler si souvent et si long-terns de la philosophic railleuse , du septicisme mo- tfuew&a dix-huitieme siecle. ATexceptiondequelques contes de Voltaire , ou perce pourtant assez frequennnent la pruderie sentimentale qui dominait son temperament epigrammati- que parce quelle dominait son siecle , nous ne decouvrons rien parmi les monumens de ce terns qui justifie ces expres- sions devenues presque triviales depuis qu'un celebre profes- seur de la Sorbonne les a mises a la mode. A nos yeux , le caractere le plus saillant du dix-huitieme siecle et des cncyclopedistes , e'est line exageration ridi- cule de scnsibilite, qu'on a assez bien rendue par le mot de sensiblerie ,• e'est une sentimentalite quiva, meme chez DE DIDEROT. 99 les plus habiles ecrivains , jusqu'a la niaiserie la plus plate; c'est une morgue de style et d' opinions qui ne quitle un sar- casme faux et vide que pour monter a l'enllure la plus bizarre ; en un mot c'est I'll ypocrisie de langage et de pensee. Nous avons dit que nous ne nous adressons qu'aux hom- ines de bonne foi, disposes a revenir sur un premier juge- ment ou a rejeter celui qu'ils auraient accepte tout fait. Ainsi nous invitons ceux que notre franchise n'effarouchera pas a relire avec attention de nombreux passages de la Nouvelle Heloi'se et meme de YEmile, oil ces defauts ressortent avec une evidence revoltante. Diderot , qui n'est guere moins habile ecrivain que Rous- seau, nous fournirait dans lous ses ouvrages autant d'exem- plesque nous en pourrions desirer. Mais nouslaisserons-la les livres qu'il a publies lui-menie ; nous ne dirons rien de se* articles de X Encyclopedic y ni du Fils naturel, ni de la fieU- gieuse, qu'un grand homme a jugee avec une severite si equi- table et pourtant si rigoureuse(l). Nous prendrons nos preu- ves dans sa Con espondance , ouvraged' abandon, denature!, de laisser-aller, s'il en est parmi ceux de Diderot. Nous allons voir ce philosophe ardent, impetueux, passionne ; cet artiste d'inspiration soudaine, sublime et simple; nous allons le voir s'exprimer librement dans le secret delettres qui ne devaient quitter ses yeux que pour aller sous ceux de sa maitresse. N'oublions pas que Taniant a passe la cinquantaine, et que l'amie n'est guere plus jeune et porte des lunettes. « J'aieleve dans son cceur (le coeur de mademoiselle Voland) une statue que je ne voudrais jamais briser ; quelle douleur pour elle si je me rendais coupable d' une action qui m'avilit a ses yeux ! N'est-il pas vrai que vous m'aimeriez mieux mort que mediant? Aimez-moi done toujours afin que je craigne toujours le vice. Continucz de me soutenir dans le chemin de (1) Voyez 1c Memorial de Sainte-HeVne. lOO OEUVRES INEDlTES la bonte. Qu'il est doux d'ouvrir ses bras quand c'est pour v recevoir et v serrer un bonime de bien ! C'est cette idee qui ronsacre les caresses : qu'est-ce qiie les caresses de deux ainans, lorsqu'elles ue peuvent etre l'expression du cas infini qu'ils font d'eux-nicmos? Qu'il y a de petitesse et de raisere dans les transports des ainans ordinaires! Qu'ilyade cbarmes, d' elevation et d'energie dans nos embrassemens ! Venez, ma chere Sophie, venez, je sens mon cceur echaulfe. Cet at- tendrissement qui vous embellit va paraitre sur ce visage. II v est. Ah ! que n'etes-vous a cote de moi pour en jouir ! Si vous me voviez dans ce moment, que vous seriez heureusc ! Que ces yeux qui se mouillent, que ces regards, que toute cette physionomie serait a votre gre ! etc. » Assurement il y a line idee juste sous ces paroles ridicules : roais pourquoi cetie exageration grotesque qui ferait presque douter que celui mcme qui les a ecrites 1'ait entrevue? Voici un autre passage qui, pour etre un peu moins bour- soufle, n'en est que plus faux : « Si je connaissais quel- qu'etre an moins qui put , en m'eclipsant a vos yeux , contri- buer infiniment mieux que moi a votre bonheur , quel merite plus grand me resterait-il a ambitionner apres celui d'etre ce qu'il serait, sinon de vous le procurer? S'il n'est pas en moi d'etre le mieux qu'il est possible pour vous , faut-il que je me prive de l'avantage de vous presenter ce mieux , si je le con- nais ailleurs? » Mais le fragment que nous allons citer mettra dans tout son jour ce marifOudage philosophique , et fera bien coni- prendre la critique geuerale que nous avons faite des ou- vrages de Diderot. La conversation que nous rapportons tout entiere se passe an Grandval , chez le baron d'Holbach, entre Diderot, madame d'Aine, belle-mere du baron , et M. Hoop, Ecossais melancolique et fort original , dont notre auteur fait plusieurs fois un portrait et des recits tout pleins de verve et de naivete. DE DIDEROT. lOI « On parla ensuite d'uu M. de Saint-Germain qui a 150 a 160 ans , et qui se rajeunit quand il se trouve vieux. Ou disaitque, si cet homme avait le secret ile rajeunir d'une heure, en doublant la dose, il pourrait rajeunir dun an, de dix, et retournerainsi dans le ventre de sa mere. « Si j'y reu- trais une ibis, dit l'Ecossais, je ne crois pas qu'on m'en fit sortir. » A ce propos, il me passa park tete unparadoxe... et je dis an p ere Hoop, car c'est ainsi que nous l'avons sur- nomme parce qull a l'air ride, sec et vieillot : « Vous etes bien a plaindre ! mais s'il etait quelque chose de ce que je pense, vous le seriez bien davantage. — Le pire est d'exister, et j'existe. — Le pire n'est pas d'exister, mais d'exister pour toujours. — Aussi je me flatte qu'il n'en sera rien. — Peut-etre ; dites-moi , avez-vous jamais pense serieusement a ce que c'est que vivre? Concevez-vous qu'un etre puisse jamais passer de l'etat de nou vivant a l'etat de vivant ! Un corps s'accroit on diminue, se meut on se repose; mais s'il ne vit pas par lui- merae, croyez-vous qu'un changement, quel qu'il soit, puisse lni douner de la vie? II n'en est pas de vivre comme de se mouvoir; c'est autre chose : un corps en mouvement frappe un corps en repos, et celui-ci se meut; mais arretez, accelerez un corps non vivant , ajoutez-y, retranchez-en, organisez-le , c'est-a-dire disposez-en les parties comme vous l'imaginerez ; si elles sont mortes, elles ne vivront non plus dans une posi- tion que dans une autre. Supposez qu'en mettant a cote d'uue particule morte une, deux ou trois particules mortes , on en formera un systeme de corps vivant , c'est avancer, ce me semble, une absurdite tres-forte , ouje ne m'y connais pas. Quoi! la particule A, placee a gauche de la particule B , n avait point la conscience de son existence, ne sentait point , etait inerte et morte ; et voilh que cede qui etait a gauche mise a droite, et cede qui etait a droits mise a gauche, le tout vit, se connait, se meut ! Ceia ne se peut. Que faitici la droile ou la gauche ? Y a-t-il un cote et un autre dans 1 espace? Cela serait que le sentiment et la vie n'en depen- 102 OEUVKES INEDITES draient pas. Ce qui a ces qualites les a toujours eues et les aura toujours. Le sentiment et la vie sont elernels. Ce qui vit a toujours vecu, et vivra sans fin. La seule difference que je connaisse entre la vie el la mort, c'est qu'a present vous vi- vez en masse , et que dissous, epars en molecules , dans vingt ans d'ici vous vivrez en detail. — Dans vingt ans ( dit le pere Hoop ) , c'est bien long. » Voila qui est admirablement pense et ecrit; Diderot pour- suit avcc non moius d'esprit ct de bon sens : « Et madame d'Aine : — On ne nait point , on ne meurt point; quelle diable de folie ! — Non , madame. — Quoiqu'on ne meure point , je veux mourir tout a l'heure si vous me faites croire cela. — Attendez : Thisbe vit, n'est-il pas vrai? — Si ma chienne vit? je vous en reponds; elle pense , elle aime , elle raisonne , elle a de 1' esprit et du jugement. — Vous vous souvenez bien du terns ou elle n'etait pas plus grosse qu'un rat? — Oui. — Pourriez-vous me dire com- ment elle est devenue si rondelette? — Pardi ! en se crevant de mangeaille, comme vous et moi. — Fort bien! et ce qu'elle mangeait vivait-il oui ou non? — Quelle question ! pardi non il ne vivait pas. — Quoi ! une cbose qui ne vivait pas, appliquee a une cbose qui vivait, est devenue vivante, et vous entendez cela? — Pardi, il faut bien que je l'en- tende. — J'aimerais tout aulant que vous me dissiez que, si Ton mettait un homme mort entre vos bras, il ressusciterait. — Ma foi, s'il etait bien mort, bien mort... ; mais laissez-moi en repos ; voila-t-il pas que vous me fericz dire des folics ! » Jamais on ne fit une lecon de metaphysique avec plus de sel et de grace ; nous allons voir maintenant Diderot faire lui-meme , avec une affectation pitoyable , une plate carica- ture de cette delicate esquisse : « Lerestedela soiree s' est passe a me plaisantcr stir moil paradoxe — On m'offrait de belles poires qui vivaient, des raisins qui pensaieiil , et moi je disais : Ceux qui se soul aimes pendant lour vie et qui se font inbumcr Tun a cote dcTautre DE DIDEROT lo3 ne soul peut-etre pas si fous qu'on pense. Peut-etre leurs * cendres se pressent, se melent et s'unissent ! que sais-je? peut- etre n'ont-elles pas perdu tout sentiment, toute memoire de leur premier etat. Peut-etre ont-elles un reste de chaleur et de vie dont elles jouissent a leur maniere au fond de Turne froide qui les renferme. 0 ma Sophie! il me resterait done un espoir de vous toucher , de vous sentir, de vous aimer, de vous chercher, de m'unir , de me confondre avec vous quand nous ne serons plus , s'il y avait pour nos principes une loi d'affinite , s'il nous etair reserve de com- poser un etre commun, si je devais dans la suite des siecles refaire un tout avec vous, si les molecules de voire ainant dissous avaient a s'agiter, a s'emouvoir et a rechercher les votres eparses dans la nature! Laissez-moi cette chimere, elle m'est douce ; elle m'assurerait l'eternite en vous et avec vous. » Si e'est la de la philosophie sceptique et moqueuse nous ne savons plus quel sens attacher aux mots , et nous renoncons a qualifier les choses. Nous osons affirmer qu'une lecture im- partiale et attentive ferait trouver dans Rousseau heaucoup de passages ou le langage de la passion n'est pas moins ridicule , et Voltaire lui-meme, dans ses aphorismes de morale senten- tieuse et guindee , est souvent d'aussi mauvais gout. Mais nous avons ecrit le mot Shypocrisie, et sans doute nos lecteurs attendent que nous prouvions cette accusation qui doit paraitre singuliere, appliquee a Diderot, l'homine naif par excellence. Pour ne point nous jeter dans des citations ou dans des dissertations trop longues, nous nous contenterons de rap- procher Tun de l'autre deux fragmens auxquels nous laisse- rons toute l'eloquence du contraste : sans doute chacun de ceux qui liront ces lignes sont assez heureux pour posseder des amis , chacun aussi a eprouve la puissance des affections de faniille : ainsi ce contraste est de nature a frapper tout le monde. Grimm avait fait une absence de quclques mois : lO.j OEUVRES 1NEDITES « Quel bonlieur , ecrit Diderot , j'ai en a le revoir et a le reeouvrer! avec quelle chaleur nous nous sommes serres ! moil cteiir nageait. Je ne pouvais lui purler ni lui non plus. Nous nous embrassions sans mot dire, et je pleurals. Nous ne l'attendions pas. Nous etions tous au dessert quand on l'an- nonca : C'est monsieur Grimm! — C'est monsieur Grimm! repris-je avec un cri ; etje me levai, je courus a lui et je sautai a son cou ! 11 s'assit , il diua mal, je crois; pour raoi je ne pus desserrer les dents, ni pour manger ni pour parler. II etait a cote de moi , je lui serrais la main , ct je le regardais Apres diner, notre tendresse reprit ; mais elle fut un pen moins muette — Je sais seulement que ce fut pour les autres un spectacle bien doux , car ils me l'ont dit. » Ecoutons maintenant le recit de ce pere de lamille qui rentre dans sa maison : « Me voila done de ret our a Paris. J'arrive et je retrouve Jeanneton convalescente de plusicurs abces a la gorge , pour lesquels elle a etesaignee plusieurs fois, et qu'il a fallu ouvrir les uns apres les autres ; ma femme au vin de quinquina pour une fievre reglee dont elle a en les premiers acces dans les premiers jours de raon depart et qu'on n'a point encore pu deraciner ; la petite fille avec le nez galeux , la fievre et les amygdales enflees : ainsi me voila dans un hopital, et je suis ou je dois etre car je ne me porte pas trop bien. J'ai l'estomac tout-a-fait derange. J'avais pris sur moi de ne plus paraitre a table le soir : ils m'entrainerent hier malgre moi , il y avail des poircs excellentes , j'en mangeai une , et puis une autre, et puis une troisieme , etc. » Ces poires sont en eflet excellentes, et font ici tres-bonne figure. Si nous voulions attaquer la sincerite des sentimens poli- liques de Diderot, il nous suflirait de transcrire le passage suivant, qui renferme un sophisme tellement trivial dans son DE DIDEROT. I o5 immoralite que l'egoiste le plus effronte oserait a peine s'en servir serieu semen t : « Des le matin j'entends sous ma fenetre ties ouvriers. A peine le jour commence-t-il a poindre qu'ils out la beche a la main, qu'ils coupentlaterre et roulent la brouetle. lis mangent un morceau de pain noir; ils se desalterent au ruisseau qui coule ; a midi , ils piennent une lieu re de sommeil sur la terre ; bientot ils se remettent a leur ouvrage. Ils sont gais, ils chantent; ils se font entre eux de bonnes grosses plaisanteries qui les egaient, ils rient. Sur le soir ils vont retrouver des enfans tout nus autour d'un atre enfume, une paysanne hideuse et malpropre , et un lit de feuilles sechees, et leur sort n'est ni plus mauvais ni meilleur que le mien !... » Du reste pour bien jugerla portee politique de Diderot, il faut lire la lettre du 25 juillet 1762, qui contient le recit d'une fete donnee a Copenbague pour l'installation de la statue equestre duroi, et oti ce prince, enivre des acclamations populaires, s'elanca bors de sa voiture , et , jetant son chapeau en 1'air, repondit aux vivat de la foule par des cris de vive mon peuple ! vivent mes enfans! On doit bien penser que Diderot ne laisse pas echapper une si belle occasion de pathetique exagere. « Ab! mon arnie, que cela est rareet beau ! l'idee de ce spectacle me fait Iressaillir de joie, mon cceur en palpite et je sens les larmes se tourner dans mes yeux. Ce recit nous a tous egalement attendris. Je relis cet endroit de ma lettre etil m'attendrit encore. Convenez que ce chapeau jete en l'air marque une ame bien enivree ! Quel est d'entre ses sujets le fortune qui est reste possesseur de ce chapeau? si c'etait moi, on m'en donnerait sa forme pleine d'orque je n'echangerais pas. Quel plaisir j'aurais de le montrer a mes enfans , mes enfans aux leurs et ainsi de suite jusqu'a ce que la famille s'eteignit! Combien 1'heureux mo- ment qui m'en auraic rendu possesseur se serait repete! com- bien je raconterais de fois la chose avant de mourir! croyez- 106 OEUVRES 1NEDITES vous quequelqu'un osat jamais le mettre sur sa tete? ceteffet ne serait-il pas mille fois plus precieux que Tepee de Cesar Borgia, ou Ton voit encore des gouttes de sang?... Au milieu de cette allegresse publique, il i'allait avoir perdu son pere ou train sa maitresse pour etre triste. » Nouscroyons avoir assez prouve , par toutes ces citations , notre these sur l'esprit du dix-huitieme siecle et sur Diderot , aux yeux des gens qui partagent notre goiit passionne pour le simple et le naturel : nous tenterions vainement de convertir les autres. Toutefois, si nous nous en tenions a cet examen critique, nous aurions tres-mal rempli notre tache et donne une tres-fausse idee de l'interet de cet ouvrage posthume d'un homme qui , malgre tous ses defauts , possedait un esprit prodigieusement actif et une plume bieu eloquente. Nous ne pouvons encore connaitre tout le merite d'une publication qui est loin d'etre achevee. Mais il est facile de juger d'apres les d-eux volumes qui viennent d'etre mis au jour qu'on trouvera ici d'exoellens et de curieux renseignemens surla partie la plus importante, et sur les boinmes et les ecri- vains les plus puissans d'un siecle qui laissera dans rhistoire une trace si profonde. On y verra surtout le talent de Diderot applique a un genre ncuf pour sa plume , ou du moins pour le public. Les frag- mens que nous avons Iranscrits ont pu deja donner une idee de l'art admirable de ses narrations et de ses dialogues. Nous ne pensons pas qu'en ce genre l'originalite alliee au naturel ait jamais ete poussee plus loin. On relira sans se lasser les con- versations du chateau de Grandval et une foule d'observa- tions delicates auxquelles la correction , la nettete et l'ele- gance du style donnent le plus grand prix. A la verite, il y a beaucoup de choses qu'on disait el qu'on ecrivait sans facon dans ce tems-Va, et que la pruderie de notre siecle ne nous permettrait pas de transcrire. Mais tout en passant sous DE DIDEROT. I07 silence les endroits les plus libres , nous deinandons cependant pardon pour le trait que nous allons rapporter : « Le soir nous etions retires. On avait beaucoup parle de 1'incendie de M. de Bacqueville , et voila raadame d'Aine ( nous nous croyons obliges de rappeler l'age tres-respectable de madame d'Aine ) qui se ressouvient dans son lit qu'elle a laisse une enorme soucbe embrasee sous la cheminee du salon; peut-etre qu'on n'aura pas mis le garde-feu, et puis la soucbe roulera snr le parquet, coinme il est deja arrive une fois. La peur la prend... elle se leve, met ses pieds nus dans ses pantoufles et sort de sa chambre en corset de nuit et en chemise, une petite lampe de nuit a la main. Elle descen- dait l'escalier lorsque M. Le Roy, qui veille d'babitude, et qui s'etait amuse a lire dans le salon, remontait ; ils s'aper- coivent. Madame d'Aine se sauve, M. Le Roy la poursuit , l'atteint, et le voila qui la saisit par le milieu du corps et qui la baise, et elle qui crie : el moi! it moi! a mon secours! Les baisers de son ravisseur l'empechaient de parlor distinctement. Cependant on entendait a peu pres : A moi , vies gendres! s'il me fait un e?ifant taut pis pour vous. Les portes s'ouvrent , on passe sur le corridor et Ton n'y trouve que madame d'Aine fort en desordre , cberchant sa cornette et ses pantouiles dans les tenebres; car sa lampe s'etait eteinte et renversee, et notre ami s'etait renfenne cbez lui. II les a laisses dans le corridor, ou ils faisaient encore a deux heures du matin des ris sem- blables a ceux des dieux d'Homere , qui ne finissaient point, et qui en avaientquelquefoismoinsde raison, car vous convien- drez qu'il est plus plaisant de voir une femme grasse, blan- che et potelee, presque nue entre les bras d'un jeune homme insolent et lascif , qu'un vilain boiteux , maladroit , versant a boire a son pere et a sa mere apres une querelle de menage asscz maussade. C'est la fin du premier livrede l'lliade. Cette aventure a fait la plaisanterie du jour. Les uns pretendent que madame d'Aine a appele trup tot, d'aulres qu'elle n'a 108 OEUVRES 1NEDITES DE DIDEROT. appele qu'apies s'etre assuree qu'il n'y avait rien a crain- dre, etc. » Diderot a eu plus que qui que ce soit peut- etre le talent de formuler en quelques paroles precises ou une observation juste, ou un sentiment delicat, quand le sentiment ne le poussait pas a l'enflure. Voici quelques-uns de ses traits : « Pour notre pasteur ( le cure de la Chevrette ) c'est un des meilleurs esprits qu'il y ait bien loin ; il n'y a pas d'homme dont les passions se peignent plus vivement sur son visage ; c'est peut-etre le seul qui ait le nez expressif : il loue du nez , il blame du nez et prophetise du nez. Grimm dit que celui qui enteud le nez du cure a hi un grand traite de morale. » « La maman marclie comme un lievre, elle ne craint ni les ronces, ni les epines, ni le fumier. Tout cela n'arrete point ses pas ni les miens, n'offense pas son odorat ni le mien. Allez, pour un nez honnete qui a conserve son inno- cence naturelle, ce n'est point une chevre , c'est une femme bien musquee , bien ambree , qui pue. » Ailleurs il parle du cointe de Lauraguais, qui avait a ses gages des poetes et deschimistes charges de faire pour lui des tragedies et des decouvertes. II revient , la decouverte s'est i'aite , on la lui communique et le voila persuade quelle est de lui ; il s'en vante , il en est fier , meme vis-a-vis de ces deux pauvres diables a qui elle appartient, qu'il traite avec me- pris comme des sots et qu'il fait mourir de faim. Encore , s'il disait : « Vous avez du genie et point d'argent , moi j'ai de 1' argent et je veux avoir du genie , entcndons-nous ; vous aurez des culottes et j'aurai de la gloire. » Enfin nous retrouvons ici le veritable auteur d'un mot faineux sur la societe de Jesus, attribue a un avocat , celebre par ses differens aussi bien que par ses liaisons avec cette societe : c est une e'pe'e dont la poigne'e est a Home et la points partout. Ce mot est de Raynal , ex-jesuitc. Nous n'avons rien dit des Me'moires excellcns quoique OEUVRES LITTERA1RES DE M. JAY. 1 09 trop courts, places par madame Vaiuleul , fille cle Diderot, en tete des deux volumes que nous venous d'analyser ; nous aurons occasion d'y revenir en rendant compte des volumes suivaus qui sont, dit-on , prets a parailre. Anselme Petetin. CEUVRES LITTERAIBES DE M. JAY , DEPUTE DE LA GIRONDE (l). Ce qui fait le caractere particulier de la litterature francai'se au dix-septieme siecle, ce qui donne un ckarrne singulier meme a ces ecrivains de second ordre qui se trainaient a la suite des genies superieurs, c'est la franchise de leur pensee et la simplicite de leur langage , c'est ce naturel qui plait meme lorsqu'il est le seul ornement d'un livre. L'auteur et 1'homme ne font qu'un : l'art est moins dans l'imagination que dans le cceur. A mesure que vous avancez vers l'age sui- vant, cette union intime ne reparait plus que dans les ecri- vains de premier ordre, et encore ceux-ci se presentent-ils souvent a leurs lecteurs avec une sorte de solennite majes- tueuse qui inspire plus d' admiration que de syinpathie. On sent que la litterature est devenue une puissance; on ne s'a- bandonne plus avec confiance a son auteur, parce que celui- ci ne se livre plus a vous avec la meme naivete ; c'est l'age 011 Buffon se poudrait et allumait les bougies pour ecrire ses ad- mirables pages de l'bistoire naturelle; l'histoire s'est chargee d'expliquer cette difference. La litterature avait jete taut d'e- clat dans la societe du dix-septieme siecle , que l'admiration publique lui avait fait une place dans l'Etat ; et lorsque s'ou- vrit le dix-huitieme siecle, cette puissance de la parole n'avait (1) Paris , 1831 ; Moutardier , rue Git-le-Cceiir , n° 4. 4 vol. in-8"; prix , 2fi fr. 110 GEUVRES LITTERAIRES qu'k changer de sujet pour parler fortement a tons les esprits. La philosophic la fit descend re delacourdans !e peuple. Une autre raison decoule de celle-ci : la vie des ecrivains dusiecle de Louis XIV etait studieuse et solitaire; ils ne vivaient que dans leurs idees; leurs actions, c'etaient leurs ecrits ; ils ne communiquaient que par eux avec le raonde qui les environ- nait. De la la necessite de se faire de son lecteur un ami dans le sein duquel on epanchait son aiue tout entiere. Au con- traire, dans lage suivant, la vie des auteurs se precipite dans le tourhillon du monde , et en accepte le joug. La mode s'em- pare de leurs personnes aussi hien que de leurs ecrits , et les jette au milieu de tous les accidens de la societe. Leur existence devient toute exterieure. Aussi voyez comme dans leurs livres ils prodiguent les images de ce monde dans lequel ils sont venus reclaimer leur place; ce n'est plus eux quils peignent dans leurs compositions ; leur pensee ne se replie plus sur elle-meme, elle s'elance au dehors, et c'est la societe qu'elle s'etudie a reflechir , cette societe dans laquelle ils vivent, pour laquclle ils ecrivent, a. laquelle ils sehatent de demander la gloire que leurs devanciers attendaient de la posterite. No- tre sieclene changera rien au mouvement general des esprits. Nous aurons, nous avons deja des poetes qui vivent au dedans d'eux-memes, et qui racontent naivement leurs impressions personnelles ; vnais ces meditations, toutes detachees de ce monde qu'elles semblent au premier abord , ne sont cepen- dant encore que Techo de ce monde agite, dans lequel la main puissante des revolutions a tout remue , tout confondu. Sous ce rapport, la poesie de notre terns resume le double ca- ractere de la litterature des deux ages anterieurs, etant a la fois individuelle et inspiree par le monde exterieur. Mais ce mouvement, presque inapercu dans la poesie, se laisse voir ouver'tement partout ailleurs, et Thomme tend deplus en plus a se separer de l'ecrivain. Vous vous croyez loin deM. Jay, et ces reflexions vous amenent directement a lui ; c'est que M. Jay est precisement DE M. JAY. I I I «n de ccs hommes qui ont leur talent dans le cceur, et qui, dans une civilisation aussi avancee, savent retrouver, dans la niodestie de leur caractere et l'amenite de leurs raceurs, ce naturel dont uous parlions en commencant. Avant d'arriver a l'analyse des essais reunis dans ces quatre volumes, nous eprouvons le besoin dinsister sur ce charme d'heureuse sim- plicite qui s'attache a leur lecture, et sur cette source d'e- motions morales qu'elle ouvre silencieusement dans les araes. On sent a chaque page l'honnete liomme qui vent instruire avant de plaire, et plait par sa droiture meme et son amour de l'liumanite. M. Jay n'est pas toujours auteur: quelquefois il n'ecrit pas, il cause, avec malice par moment; maisavecune malice sans amertume, et une conviction qui, pour ne pas arriver toujours a l'esprit dulecteur, n'en a pas moins son origine dans la conscience de Tecrivain. Vous souvenez-vous de ces bons livres sans nom d'auteur que nous a legues le siecle de Louis XIV, ces livres dont le bon sens et le naturel enchantent, et qui reposent si bien la pensee du spectacle des convulsions de notre epoque. Eh bien ! mettez les saines idees philosophiques a la place du mysticisme religieux , et animez le style, sans alterer toutefois sa clarte et sa simplicite un peu fainilieres, de cette verve vive et spirituelle qui reste du commerce du monde, et vous retrouverez la tout ce qui vous a charme dans les suaves confidences des solitaires de Port-Royal. Quelle que soit la variete des productions reunies dans ces quatre volumes , elles peuvent toutes se ramener a deux divi- sions : les conceptions originales et celles qui appartiennent ala critique'. Occupons-nous dabord des premieres. Je trouve en commencant quelques esquisses americaines : et d'abord, nous reprocherons a M. Jay d'avoir ete trop se- vere envers lui-menie, en laissant, dans les divers recueils ou nous les avons lues autrefois, plusieurs nouvelles charmantes quidevaient, comme leurs sojurs, trouver place dans cere- 112 QEUVRES LITTERAIRES cueil. Tous ceux qui liront le Prisonnier de New-York se plaindront avec nous de l'cxcessive reserve de l'auteur dans le choix de ses nouvelles. Je ne sais si l'image qu'il nous of- fre de la civilisation des Elats-Unis me fait illusion sur le charrae des personnages qu'il prete a ces bienheureuses con- trees, mais je ne sacbe pas avoir In ailleurs un plaidoyer plus touchant en faveur de la refonne denotreregimepenitentiaire. L'auteur, pour donner plus de force a sa pensee, a eu l'heu- reuse idee de mettre en regard des prisons americaines l'epou- vantable spectacle de nos cacbots. Voyez aupres de Fitz- Allan la sombre figure de William Baxter , pauvre fugitif de l'lr- lande, que la faim et le desespoir abandonment en France a toutes les funestes inspirations de la mauvaise fortune, et qui termine sur l'echafaud une vie que son ancien compagnon acbeve si heureuse dans les solitudes de l'Amcrique. Celte longue nouvelle est suivie dune autre plus courte, on Tauteur a presente avec le meine interet la secte des Qua~ kers , ces jansenistes du protestantisme. Le grand art de M. Jav, dans ces petits ronians , est d'entremeler les reflexions morales au rccit, de telle sorte qu'elles lui empruntent quel- que cbose de touchant et de local ; tandis que le recit, a son tour, recoit de ces reflexions une sever ite de ton qui agraudit la scene et eleve les personnages. La troisieme nouvelle a pour titre Dona Ehire; c'est une jeune Espaguole jetee brusquement au milieu de la vie sau- vage , et oubliant la magnificence des palais de son pere dans la buttc d'un pauvre Indien. II y a bien Ik cet interet d'a- venturesetdehasards quis'attacbe auxevenemens inattendus; mais le sujet est emprunte a un monde trop etranger a I'ecri- vain pour que nous ayons une foi entiere a la verite des cou- leurs. Nous suivrons M. Jay avec un vif plaisir dans les villes et surtout dans les prisons du Nouveau- Monde , mais non dans la mysterieuse profondeur de ses libres forets. Nous de- venons exigeans : que de nouvelles americaines out descn- cbante pour nous les romans de Cooper ! DE M. JAY. 1 i 3 A ce tableau des moeurs americaines , il faut opposer les es- sais die Nicolas Freeman. Cet autre ermite parisien a retrace dans des scenes de fantaisie les mceurs franchises de notre terns. Mais ici le conteur nous a paru inferieur a lui-meme. Le langage de ses personnages n'a pas cet accent de verite qui donne aux creations de l'esprit l'air de la vie et de la realite. lis sont plaisans, mais avec effort; singuliers, niais d'une originalite qui est rarement dans la nature; et puis fintrigue semble moins empruntee a notre age qua cette societe d'au- trefois, qui ne vit plus que dans Moliere et dans Regnard, celle des maltres dupes et des valets fripons. N'est-cepas aussi une idee assez malheurense que celle de faire marcher de front trois caracteres, dont un seul est lie directement a Taction ? Cette critique hasardee , louons maintenant dans cet essai de mceurs une foule d'observations fines, sinon profondes, spiri- tuellement exprimees. Le Dialogue de The'ophraste et de Mehedeme, jete accidentellement dans le recit, reproduit ingenieusement, avec la couleur dePlaton, rargumentation interrogative deSocrate; et M. Jay ne pouvait trouver que dans son ame le delicieux episode de Matilde. Ces nouvelles sont suivies de deux dialogues des morts , qui, par la finesse de la pensee et la vivacite du style, rap- pellent quelquefois la maniere deLucien, avec une hauteur de vues que n'avait pas le philosophe grec. Sans nous arreter a discuter si cette forme n'a pas perdu tout son charme dans 1'etat actuel des croyances et des mceurs , nous reprocherons a M. Jay de n'avoir pas mis assez en relief Tidee premiere de ces deux dialogues; ils manquent un pen de cette unite rigou- reuse dont les accidens de la conversation ne doivent qu'in- directement ecarter l'esprit du lecteur.Dans Fun, c est Bona- parte et Cromwell, qui deroulent tour a tour leur systeme politique : on pourrait y repreudre certains traits qui ne sont pas dans les caracteres ; on pourrait demander a Napoleon ce qn'il a fait dans les enfers de son laconisme expressif , et de TOME LI. JUJLUiT 1 85l. 8 Il4 OEHVRES LITTER AIRES ces brusques saillies qui lui arrivaieut au eonscil comme siir le champ de bataille : comme aussi peut-etre n'etait-il pas ne- cessaire de faire lire Voltaire a Cromwell. Toutefois une idee de ce dialogue que nous devons signaler , comme eminem- ment conformc a l'histoire , e'est que Cromwell , fanatique de bonne foi avant darriver au souverain pouvoir, continua depuis par systeme ce qui jusqu'alors avait ete en lui une ne- cessite de son terns , et comme une inspiration instinctive de son genie. Le second dialogue est superieur au premier sous le rapport des caracteres. II appartenait a l'bistorien de Richelieu de mettre en scene son heros entre Retz et Maury. C'estd'ail- leurs une maniere fort originale de rapprocher trois epoqucs diverses , et le tour vif de ce dialogue tout politique laisse assez bien entrevoir cependant, a cote de la haute et severe figure de Richelieu, le breviaire de M. le coadjuteur et les burettes de l'abbe Maury. Un homme qui aime taut la verite qu'il se sert quelquefois pour la dire de la bouche d'un cardinal homme politique devait , sous l'ancien gouvernement , etre accuse de franchise et de philosophie; M. Jay paya sa dette, et le mois qu'il passa en prison nous a valu un petit traite de resignation qui sera pour les habitues de Sainte- Pelagie ce que le livre de Boece est pour les veritables affliges. Ce manuel des prison - niers pour opinion vous fera connaitre le pays , ses habitans , ses usages, les ressources qu'on peut encore y rencontrer contre 1' ennui. L'auteur vous interessera a son etroite cellule , a un rayon de solcil qui ly rejouit, aux livres qui l'y out suivij et quand vous verrez s'epanouir le visage austere du gardien qui viendra vous ouvrir ces portes massives qu'il ne doit plus fermer sur vous, peut-etre aurez-vous regret a vos habitudes nouvelles, a vos compagnons d'infortune, a ce bon pere Blln , vigneron de Failures , enferme deux mois jivee vous pour avoir dause un jour de mardi-gras que l'auto- rite uumicipale n'ctait pas en belle humeur. On sent , en li- DE M. JAY. 1 l5 sant cette esquisse, qu'elle a ete tracee sur les lieux. L'ideal s'y roele au reel d'une facon originale. Le prisonnier lisait 1' Apologie de Socrate, et peut-etre etait-il deja devenu Athe- nien _, et meme un peu Socrate, Socrate injustement con- damne , lorsqu'il est rappele a lui-meme par un groupe de promeneurs parmi lesquels se dessine la douce et spirituelle figure de Magallon. Je ne voudrai d'autre preuve que ce pe- tit livre de l'insouciance philosophique de M. Jay. Tel est le petit nombre de compositions originales que l'auteur a cru devoir reunir dans ce recueil. Leur caracterc general est cette douce egalite de talent qui sait relever la simplicite par 1' elegance, et temperer I'energie par une grace naturelle et une familiarite de bon gout. Nous allons suivre M. Jay dans sa mission de critique, et chercher le caractere nouveau qu'il a donne a cette partie de la science litteraire. T/ouvrage le plus important de l'auteur, dans cet ordre de compositions , est le Manuscrit de Jacques Delorme , on la Conversion d'un romantic/ue ; roman d'ide'es dont nous dirons d'abord le motif. Voici bientot trois ans qu'il parut, sous le noni de Joseph Delorme , un recueil de poesies assez etrange , mais de nature a saisir forternent les imaginations. C'etait une ame malade , non pas a la facon de Lamartine qui sait garder taut de grace dans sa douleur et jusque dans les elans du desespoir. La douleur de Joseph Delorme etait quelque chose d'amer et de repoussant comme une plaie nue. Son style appartenait a cette langue rude et sauvage qui prend ses images aux amphitheatres et ses plaintes au cri des souffrances physiques. Toutcela etait mortellement triste; aussi le poete en etait-il mort ; mais voici qu'un an apres il repaint avec un nouveau volume qui annoncait , car une heureuse metamorphose de maniere, que l'auteur n" etait pas mort, mais gueri. M. Jay, s'emparant de l'idee et du nom de Joseph De- lorme, lui donne un frere qu'il charge de raconter au public 8. 1 1 G OEUVRES LTTTERAIRES comment le romantique n'est pas mort, mais s'est converti au cuke de Racine et de Boileau. M. Jay rassemble autour du malade un certain docteur Lefranc, qu'il charge de la partie metaphysique de la question, M. Dumont, un respectable professeur;et, entre ces deux physionomies severes , il jette la gracieuse figured' une jeunefilledont les rares paroles entrent plus vite et plus profondement dans Tame du jeunehomme que les longues dissertations des deux docteurs. Enfin le ban- deau tombe des yeux de Joseph qui , portant dans sa convic- tion nouvelle le zele exagere d'un nouveau converti , se hate de prouver , par le fanatisme avec lequel il se precipite dans le culte oppose, la sincerite de sa croyance. Tel est le cadre ingenieusement simple dans lequel M. Jay a place la discus- sion des doctrines litteraires qui depuis quelques annees out porte dans l'art la lutte que les nouvelles doctrines politiques etablirent , il y a quarante ans , dans la societe de 1 789. Disons bien vite que nous ecartons de la question ces vagues denominations d'ecole romantique ouclassique qui ne laissent qu'indecision dans les esprits. Hatons-nous aussi de mettre hors de la discussion tout ce qu'on y a raele mal a pro- pos. Reduite au fond des choses, cette discussion deviendra simple. Et d'abord laissons de cote toutcs ces vaines accusa- tions de la malveillance et de l'esprit de parti ; reconnaissons qu'on peut admirer Shakspeare sans denigrer Racine , comme aussi on peut aimer Boileau sans proscrire lord Byron. Qu'on s'accoutume des deux parts a ne pas mesurer la justesse des idees sur le talent de ceux qui les defendent ou les attaquent : n'interessez pas maladroitement la gloire nationale dans votre cause; vous , ne nous nommez pas Racine pour cacher votre impuissante faiblesse , et vous , Skakspeare, pourexcuser vos reveries bizarres. .T'entends accuser les novateurs (et je regrette sincerement que cette accusation se retrouve dans le livre de M. Jay) de meconnakre les unites. L'unite de terns et de lieu, d'accord ; r DE M. JAY. I 17 mais 011 ont-il ecritque le poete dramatique pouvaitse passer ile 1' unite d'action? lis lui substituent, dites-vous, 1'unite d'interet: prenez garde; cclle-ci suppose necessairement 1' au- tre ; ou serait 1'unite d'interet dans une action multiple? Geci convenu, la question se trouve reduite a ses veritables termes qui sont ceux-ci : la litterature est-elle l'expression de la societe? cetaxiorae de M. de Bonald, admirablenient com- mented par madame de Stael , avait ete reconnu jusqu'ici comme la loi de l'histoire litteraire. M. Jay en conteste la le- gitimite, et, pour le coinbattre, appelle une distinction a son secours : II y a euf dit-il, a chaque epoque , deux especes de litterature : I' une que j appellerai litterature fugitive , I autre qu on peut noiwner litterature normale ou re'gulatrice . La premiere re'fle'ehit en effet le mouvement exterieur de la so- ciete.— mais cette litterature passe avec les circonstances qui I' out un moment soulevee. Et plus bas : Venous mainte- nant a la grande litterature ., inde'pendante des formes acci- dentelles de la societe', qui constate et determine les progres de I' esprit humain, etc. La distinction nous parait juste et les deux termes en sont defiuis avec clarte et precision. Oui , tout age a deux litteratures, Tune ephemere et l'autre du- rable, mais toutes deux images de la societe qui les voit nai- tre. Seulement l'une n'en reflecbit que les formes mobiles et fugitives, l'autre en reproduit la pensee meme, mais sous les formes que celle-ci a revetues. Ouvrez l'histoire litteraire de tous les tems et de tous les peuples , et vous serez force de reconnaitre que les plus beaux monumens de l'esprit humain ont ete des ouvrages de circonstance , si Ton veut bicn ne pas prendre ce mot dans son acception vulgaire et futile. La litte- rature d'une epoque est, en poesie, le chant des passions de cette epoque ; en philosophie, le tableau deses mceurs, de ses progres et de ses conquetes sur la nature ; en histoire, l'image pathetiqueet animee de la forme que revet a cette epoque la grande lutte de la force contre le droit , de la matiere contre Il8 CEUVRES LITTER AIRES V esprit, de la fatalite contre la liberte. Prenons un exemple : le dix-septieme siecle a eu les deux litteratures dont nous avons signale plus haut la double existence, litterature fugi- tive et litterature normale. Eh bien ! laquelle des deux a ete l'expressioii veritable de la societe d'alors , la poesie de Yoi- ture ou celle de Racine , la prose de Bossuet ou celle de Balzac ? Balzac et Voiture reproduisaient merveilleuseraent tous les petits hasards decette societe superficielle qui s'agitait a la sur- face du grand siecle; mais souscetteenveloppe mesquine etait la grande societe de l'epoque qui avait pour poetes Racine, Corneille, Moliere, Boileau et La Fontaine; pour orateur et historien, Bossuet; Fenelon et Labruyere pour pbilosoplies. Meconnaitre cette verite, ceserait dire que Racine n'a ete que le reflet de Virgile , et Boileau l'ecbo d'Horaceetde Juvenal. Comment se fait-il que Racine ressemble si peu a Euripide , tout en le traduisant, et que Virgile ait si peu la pbysionomie d'Homere, d'Hesiode et de Theocrite, tant de fois imites par lui? C'estque nos grands poetes , etc' est la qu'est la veritable originalite de leurs ouvrages, n'ont emprunte de leurs mo- deles que le systeme de leurs compositions, et ont puise dans le spectacle des mceurs contemporaines Tinspiration et meme la forme de leur pensee. Si M. Jay a pris le mot societe dans le sens restreint qu'on lui donne quelquefois, la raison est de son cote : mais il faut aussi convenir que si tel etait le sens de l'axiome que nous defendons, il ne valait pas la peine d'etre refute ; car, en l'admettant , il faudrait, pour etre consequent, pro- clamer Dorat le poete du dix-huitieme siecle. Nous n'irons pas plus avant dans cette discussion, qu'ilnous suffise d'avoir marque le point de depart des deux opinions qui se disputent le monde litteraire. En analysant Cromwell du haut de sa croyance person nelle, M. Jay a du blamer beaucoup de choses que, dans la leur, ses adversaires auraient droit d' admirer. Ces details nous meneraient trop loin. DE M. JAY. I K) Nous avons In quelque part Jans ce rnanuscrit de Jacques Delorme que toute litterature devait etre nationale; le critique accuse MM. de Vigny et de Lamartine de ne pas aborder les sujets patriotiques, c'est-a-dire de se tenir en dehors des idees politiques. Ne pourrait-on pas demander alors a M. Jay ou est la nationalite de cette admirable poesie du dix-septieme siecle qui nous enchantecommelui? La poesie n'a-t-elle done qu'une corde a sa lyre? pendant que MM. Beranger, Dela- vigne et Victor Hugo emeuvent fortement les ames franchises par l'accent patriotique de leurs chants, n'est-il pas bon que M. de Lamartine et de Vigny nous entretiennent un peu de rhomme et de ses eternelles destinees? Nous saisirons cette occasion de signaler, dans la litterature contemporaine, une innovation funeste selon nous ; e'est Tintroduction violente de la politique dans Tart, comme au dix-huitieme siecle l'inva- sion de la philosophie dans toutes les formes de l'esprit hu- main. La philosophie etait alors la vie des intelligences, la preoccupation de tous, et son apparition dans un livre en de- cidait le succes ; mais aujourd'bui elle glace pour nous toute ceuvre oil elle n'est pas a sa place. La politique aura le meine sort. Nous en retrouvons la trace avec plaisir dans toute ceu- vre nouvelle ; nous saluons avec enthousiasme toule verite de cet ordre, jetee hardiment dans une scene ou dans un roman. Mais cette scene ou ce roman arriveront froids et decolores a l'avenir qui aura d'autres passions que les notres. Ce qui pour nous a le charme de la nouveaute et l'interet du moment, le terns en aura fait une verite triviale. Nous dirons aussi quelques mots de cette litterature de l'empire que M. Jay vante avec tant de complaisance. Cette indulgence , nous la concevons ; l'auteur aime dans l'empire le souvenir de notre gloire nationale, et peut-etre aussi le succes de ses amis; mais nous ajouterons, pour etre sincere, que les noms justement celebres qu'il cite a l'appui de son admiration ne changent pas notre conviction. M. Jay 120 OEUVRES LITTER/URES voudrait bien pouvoir compter madame de Stael ct M. de Chateaubriand panrii les gloires litteraires de l'empire ; il les nomine, mais, parun scrupule d'honnetehomme, iljetteobs- curement ces deux noms dans une phrase d'une couleur incer- taine ; quelque chose l'avertissait que l'empire n'avait aucun droit a revendiquer ces deux genies, devenus grands malgre l'empire, et animes d'une autre inspiration que la sienne. II faut le dire franchement, parce que la France, si feconde pen- dant deux siecles, a bien eu le droit d'etre un peu sterile pen- dant dix ans; l'empire n'a rien inspire de vraiment grand dans les lettres. La raison en est simple. Le genie francais etait alors tout en action : la France etait au camp , dans une vie si occupee, il n'y avait pas place pour les chants, meme dans l'intervalle de deux victoires. Remarquez que les lettres , qui brillent d'un eclat singulier apres les grandes commotions politiques, sont muettes ou sans grandeur veritable pendant ces violentes secousses. Aussi long-tems que dure la formi- dable lutte, l'esprit humain se refugie au-dedans de lui-meme et amasse l'inspiration qu'il epanchera plus tard au-dehors. Serait-ce encore que les puissantes facultes qu'eveillent les revolutions ne peuvent demeurer oisives quand la tempete s'est apaisee , et portent toute leur energie dans les lettres ? Toujours est-il qu'un grand siecle litteraire vient a la suite d'un bouleversement social : la revolution d'Angleterre n'a enfante aucun monument immortel dans la litterature qu'elle a creee ; mais laissez l'orage se calmer et Milton chantera les ineffahles amours d'Eden et le tragique reveil de Satan. Ce nom de Milton m'amene naturellement a parler de la notice que M. Jay a consacree a ce grand poete. Ce qu'il faut louer dans cet essai , ce n'est pas seulement l'art avec lequel sont presentes les faits , l'auteur nous a accoutumes au charme de ses ecrits ; ce n'est pas non plus l'impartialite des juge- mens , sortez de notre epoque , et M. Jay sera le plus impar- tial des juges. Mais il faut lui savoir gre de nous avoir fait DE M. JAY. 12 1 connaitre par une longue analyse, qui est souvent une tra- duction fidele, 1' opera de Comus, qui n'etait connu du grand nonibre que par les eloges des compatriotes du poete. II faut surtout remercier le critique d'avoir rectifie quelques erreurs de Voltaire au sujet de Milton , erreurs toujours difficiles a relever par cela seul que l'esprit de parti ne reconnait pas a tout le monde le droit de refuter Voltaire. Cette finesse d'apercus historiques qui distingue quelques endroits de cette notice , vous la retrouverez dans up mor- ceaupiquant sur l'ancien regime, dans les analysesde l'ouvrage de M. Aignan surl'etat des protestans en France , et de celui de Lemontey sur la monarchie de Louis XIV. Mais elle se montrera surtout avec des formes eloquentes dans l'essai sur l'eloquence politique et le general Foy. L'Academie francaise avait, en 1810, propose un grand sujet a la France : le tableau de la litterature au dix-huitieme siecle. Traite avec talent par MM. Jay et Victorin Fabre , il le fut en dehors du concours par M. de Barante, qui repondit en ecrivain superieur a l'appel de l'Academie. Le discours du laureat, que nous analysons, est un expose elegant et rapide de l'etat de la litterature francaise pendant cette memorable epoque. Celui deM. de Barante est un livre savamment com- pose' et admirablement ecrit, ou tons les auteurs celebres du terns viennent se grouper comme des faits autour de la grande pensee qui domine tout le tableau. M. Jay ne pouvait s'ar- reter qu'aux grands noms ; e'etaient les caracteres generaux qu'il fallait saisir avec nettete et presenter aux regards des juges dans un ensemble lumineux. M. de Barante, qui n'avait pas a hitter contre les conditions d'un programme, a pu et a du rassembler , autour des grands hommes qui menent le siecle , cette foule d'esprits distingues qui repetaient au peuple sous toutes les formes l'enseignement qu'ils recevaient de la bouche des maitres. Disciple du dix-huitieme siecle, M. Jay en a fait l'apotheose. Appartenant par sa foi philosophique ii 12i OEUVRES UTT^.UAIRES line epoque nouvelle , et d emeu re etranger par son age a la seduction du passe, comme aussi par la superiorite deson esprit aux injustices de la reaction, M. deBarante a juge le dix-hui- lieme siecle avec l'impartialite du philosophe ct deriiistorien. Le discours couronne doit rester comme une eloquente protes- tation de l'esprit philosoplu'que contre les idees retrogrades, l'autre comme un dcs plus hardis monumens do la critique franchise. Partis d'un point de vue different , les deux auteurs sont arrives au meme resultat ; c'est qu'elle sera eternellement memorable dans l'histoire de l'esprit Lumain , cette epoque qui s'ouvre sur le tombeau de Louis XIV et se ferme sur celui de Napoleon. A l'avenir plus calme de decider si le dix- huitieme siecle a fait les philosophes ou si les philosopbes ont cree le dix-huitieme siecle. Couronne par l'Academie, en 1810, M. Jay trouva encore devant les memesjuges un rival redoutable, en Tan 1812. Son eloge de Montaigne obtint l'accessit. Celui de M. Ville- main avait eu le prix. Montaigne inspira heureusement ses deux panegyristes. C'est la meme justesse de gout avec plus de finesse dans M. Villemain , plus de simplicite dansM. Jay, plus d'apercus ingenicix dans 1'un , plus de connaissance du coeur bumain dansl'aut.re. L'un et l'autre a retrouve le secret de cette physionomie si originale du seizieme siecle, sur la- quelle la bonhomie ressemble quelquefois a la malice et la naivete est presque du scepticisme. Mais ce que je reprocberai aux deux ecrivains c'est de n'avoir pas assez fait rernarquer qu'il y a deux homines dans Montaigne, le philosophe supe- rieur a son siecle qu'il juge , et 1'homme empreint de ses pre- juges , anime de ses passions ; personnages tellement distincts qu'ou les croirait parfois etrangers l'un a l'autre. La foi de Montaigne aux dogmes religieux de son tems a un tel carac- tere de simplicite qu'on serait tente de croire que les revela- tions de son genie pbilosophique ne lui apparaissaient que comme des jeux de l'esprit ; et d'un autre cote, il y a un si DE M. JAY. 123 grand air de verite dans le langage de sa raison sceptique qu'on lui deraanderait compte volontiersde la sincerite de sa croyance religieuse. C'est dans cette inexplicable contradiction qu'on doit chercher selon nous l'originalite de Montaigne. C'est a cette condition qu'il se presente a nous comrae le type admi- rable de son epoque , et qu'il a droit de nous dire encommen- cant son livre : Ceci est un livre de bonne foi. L'bistoire litteraire doit a notre eerivain la rectification de plusienrs opinions errouees, Peut-etre anssi exagere-t-il qnel- quefois la verite qu'il met a la place d'une erreur. C'etait justice de relever de terre Raynal trop deprecie de nos jours. Mais je crains qu'en l'elevant trophaut M. Jay ne l'ait expose a tomber une fois encore. II faut reconnaitre a ce philosophe un esprit eleve a qui l'amour de la verite revele quelquefois une langue exaltee qui ressemble a l'eloquence. Mais la cause de la justice et de la verite, sacree toujours et partout, perd de sa puissance en passant des livres quelle doit uniquement remplir dansceux quelle ne doit qu'inspirer. L'extrait des Memoires de madaine d'Epinay s' eleve au- dessus d'une simple analyse par le soin qu'a pris l'auteur de rassembler tout ce qui peut jeter quelque jour sur la realite de cette conspiration dont Jean- Jacques s'est cru si long-terns l'objet. M. Jay croit a cette persecution de Rousseau, et le ca- ractere de Grimm, tel que nous le trouvons ici, en est une assez bonne preuve. Apres ces piquantes revelations sur des terns et des hommes qui sont loin de nous , on lira avec charme une courte notice sur madame Dufrenoy. Nul ne sera tente de reprocher a M. Jayd'avoircelebreune gloire defamille; car pour la muse de madame Dufrenoy l'eloge n'est que de la justice , et 1'en- thousiasme n'est souvent que de l'impartialite. Ce qui recom- mande particulierenient cette notice ce sont de rares fragmens des memoires inacheves du poete. Pourquoi M. Jay nous en- vie-t-il ce qui en reste? On n'a trouve^ dit-il, dans ses ma- 1 24 OEUVRES LITTERAIRES DE M. JAY. nuscrits qu'un petit nombre de pages , ou les details de son enfance et les premieres impressions de sa jeunesse sont ra- conte'es avec naivete, mais aid nepeuvent offrir d' inter ep qua safamille et a ses amis intimes. Et qu'avons-nous a faire du reste? c'etait precisenient ces premieres revelations du talent qu'il nous importait de connaitre et de recueillir. Ici s'arrete notre tache ; il ne nous reste qu'k transcrire les dernieres lignes de la conclusion qui termine Vouvrage. Hon- neur et respect a l'ecrivain qui a le droit d'ecrire aujourd'hui : « En relisant les trois volumes imprimes avant notre revo- lution, je n'y ai pas trouve un mot que je voulusse changer, une pensee qui ne fiit digne d'une epoque de liberte. Sous 1' empire , sous la restauration , je n'ai eu , comme ecrivain , qu'uneseuleidee, cellede faire servirlalitterature au triomphe des verites morales qui ennoblissent les destinees de l'homme et des principes politiques qui rendent les nations libres et heureuses. » Antoine de Latour. III. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. LIVRES ETRANGERS. AMERIQUE SEPTENTRIONALE. ETATS-UMS. i . — Geological text book, etc. — Sommairc de ge'ologie; par Amos Eaton. Albany, i83o. M. Eaton aspire a la gloire d'imposer a son siecle une nomencla- ture mine'ralogique et gc'ologique de son invention • mais avant de se re'signer a cctte sorte de contrainte , on fera bien d'attendre que le savant amc'ricain ait publie le sjsteme complet de ge'ologie qu'il proiuet dans ce Sommaire, et qu'il ait arrete de'finitivement cette nomenclature dont il veut enrichir la science. « Voici , dit-il , la neuvieme publication que j'en ai faite, et chacune est marquee par des changemens plus ou moins importans. » Ainsi les lecteurs qui l'ont suivi dans ses longs essais ont perdu leurs peines , et ne seront point dispenses d'une etude nouvelle , lorsque l'ceuvre dont ils ont vu les transformations successives leur sera presentee sous la forme qu'elle doit conserver. D'ailleurs M. Eaton , attachant plus de prix a l'ordre des faits, tel qu'il le concoit, qu'a l'exactitude des obser- vations, ne peut etre re'ellement utile a une science ou les faits sont, a peu pres, tout ce qu'il nous est possible de savoir. On peut done laisser en Amerique le Sommaire de ge'ologie ; il n'ajouterait rien aux connaissances acquises en Europe , ni aux moyens de les propa- ger. On ne concoit point comment l'auteur a pu lire avec assez de distraction les ouvrages des ge'ologues curope'ens, pour en conclure que I5 pages. 8. — Religion and the triumphs of faith , etc. — La religion et les Iriomphes de la foi, poemes; par lc reverend Daniel Hun- tington. Boston, i83i ; Perkins et Marvin. In-12 de 38 pages. 9. — The spirit of free Masonry, etc. — L'esprit de la franc- maconnerie, poeme; par Andrew Nichols. Boston, i83i; John Punchard. In-8° de 24 pages. ASIE. 127 10. — The polite present , etc. — Manuel des bonnes manieres, extrait de divers auteurs. Boston, i83i ; Munroe et Francis. Tn-3'2 de 68 pages. ASIE. 1 1 . — Ferhandlingen van hetBataviaasch Genootschap, etc. — Me'moires dela Socie'te des Arts et Sciences de Batavia.T. XII. Batavia, i83o; imprimerie de l'Elat. In-8° de x-38g pages. Les guerres continuelles que les Hollandais ont eu a soutenir dans ccs dernieres annees conlre des princes indigenes ont interrompu les travaux de cette Socie'te , et retarde'la publication de ce volume. La tranquillite re'tablie , les travaux scientifiques et litte'raires ont etc' repris avec une nouvelle ardeur. Le premier Me'moire que nous rencontrons est e'erit en latin par M. le docteur Siebold. Un long sejour dans le Japon lui a donne l'occasion d'e'erire la Synopsis plantarum ceconomicarum universi regni Japonici , qui se trouveici page 1 — ^4- Trois tables ajou- tc'es a la fin du Me'moire contiennert la nomenclature de ces memes plantes, en latin et en caracteres chinois et japonais. Un expose' des guerres qui , depuis 174* jusqu'en i"j5i , ont eu lieu entre les Hollandais et les princes indigenes de File de Java , sc lit pages 75— 'i5\. II y a deja long-tems que cet e'erit a c'te' com- pose. II circulait en manuscrit et parait avoir pour auteur un nomine Munnik, qui dans le tems de ces guerres occupait une charge a Samarang. La Socie'te a juge cette piece digne de l'impression,parcc qu'elle peut e'tablir un point de comparaison entre les guerres de ces derniers terns , et cclles qui eurent lieu dans le dix-huitieme siecle. Letroisieme Me'moire est du me'decinDEGAucHARD,etse rapporte aux maladies qu'ont e'prouve'es les militaires dans l'expc'dition de l'lle Celebes, et dans les derniers troubles de Java. X. X. Le restc du volume est rempli par le journal d'un voyage aux montagnes Praann , par M. D. J. Domis. t'-i. — The Shair , and other poems. — Poesies anglaises, par un Indou : Kasipradat Ghosh. De'die, avec sa permission, a lord William Bentinck. Calcutta, i83o. 1 28 LIVRES ETRANGERS. Voila lc premier Indou qui se soit aventure apublier un volume dc pocraes anglais, Eleve dans le college anglo-indicn de Calcutta , il a pu faire des vers anglais comme nos rhe'toriciens en font de la- tins, aussi pen colorc's de verve et de sensation. Son livre est une curiosite , voila tout. Sha'ir est le nom persan des me'ncslrels on bardes ; e'est le plus long de ces pomes. Quclques autresplus courts et detaches , les Fetes de Vlnde , de'erivent les plaisirs des Indiens; et des sonnets et autres compositions , dans toutes les varic'te's du metre, completent cet ouvrage. Le plan du Sha'ir est aussi simple que possible : e'est un me'nes- trel qui pcrd sa compagne et se tuej et aucune fraicheur de detail , aucune sensibilite et poe'sic de style ne ranime ce fond use. C'est une perpe'tuelle imitation, comme cela doit etre dans un pared tour de force ; et quand Byron a dit : My native land , good night , il serait ridicule, si Ton n'e'taitpaslndou, de venirnous rcdire avec variantes : Mj native land ! for e'er farewell. Ad. M. EUROPE. GRANDE-RRETAGNE. i3. — Fragments of voyages and travels, etc. — Fragmcns de voyages et anecdotes de la vie maritime , ouvrage destine parti- culierement aux jeunes gens; par le capitaine Basil-Hall. Edim- bourg, 1 83 1 ; Padell. Londres.Whittaker ctcompagnie. 3 volumes in-12. Le capitaine Hall est un homme heureux : sa vie de marin a surpasse les ardentes espe'rances de son enfance. Lorsque la lecture dc Robinson Crusoe , seul de'lassement qu'il connut dans la classe enfume'e de son college d'Edimbourg , lorsque les longs re'eits dc Forage qui cbranlait la maison paternelle an moment ou il vint au monde , faisaient battre son coeur et rcmplissaient son imagination de vagabonds desirs ; lorsque aux vacances , si impatiemment atten- dues, il errait le long dese'cueils qui bordent la cote d'Ecosse , e'piant une voile a I' horizon; plcin d' emotions a I'aspect des naufrages, fre- GRAMDEBRETAGNE. 1 29 aliens parmi ces re'cifs , il ne revait pas line vie si surcharged d'a- ventures, des dangers si palpitans, dcstcrres inconnues si pare'es de merveilles, des lies si fraiches et si parfumc'es, que sa situation et scs voyages devaient lui en offrir. Malheureux sur les bancs de l'c'- cole, sombre et d'humeur taciturne, ilballottait en idee sur les mers sa frele barque; il souhaitait les brises et les rafales , et s'affligcait quand il voyait dans les poetes , dans Young , dans Gray , ces regrets des joies du college qu'il ne connaissait pas. Coinme il le dit avec. ve'ritc : « Notre bonlieur est en nous-memes ; car dans toutes les si- tuations de la vie, on tiouvcra, a la longue, qu'il est en raison di- recte du zele que nous apportions a l'exercice de nos devoirs. » Les reflexions de M. Hall ne sont pas toujours aussi justes ; et il prouvc, dans plus d'un deses ouvrages, que le plus excellentma- rin , et le meillcur liomme du nionde , pent faire un tres-mauvais plnlosophc etunpitoyablc politique. Sans recourir a son anti-liberal voyage aux Etats-Unis , destine a servir de contre-poison a son voyage liberal dansl'Ame'rique du Sud, et qu'il a depuis escorte d'un article dans la Quarterly, qui pre'eonisait les faineuses ordonnances , an mo- ment oil elles menacaient le monde qu'elles ontbouleverse depuis, je trouvedans ces derniers fragmens de tristes preuves de ceque je viens d'avancer. Lecapitaine pretend que l'anstocratien'a pas uneassez large part dans la marine royale. Selon lui, il est indispensable d'attirer dans ce corps une plus grande quantite de gentilshommes; ce sont, a son avis, les meilleurs officiers, et ils peuventseuls « communiquer le bon ton , les manicres distingue'es , sculs mettre a la mode toutes les choses bonnes et vraies en pnncipe, et adoucir les aspe'rite's de la vie commune, en encourageant les lettres, les sciences et les beaux-arts. » Graces au ciel , en Angleterre merae , je l'espere , on commence a se degouter de ce vernis , destine a donner un aspect uniforme a toutes choses , a affadir la vertu , a polir le vice. II ne s'agit pas pour 1'hu- manite ame'Iiore'e de repousser 1'aristocratie , mais de 1'c'tendre , de la fondre dans les masses dont elle fait partie , et a mestire que les ge'- ne'rations-s'eclairent , la haine contre cette classe qui conduisait les autres, haine qui a remplace le respect, s'effacera a son tour avec les distinctions qui l'ont fait naitre. II seraitdonc tout-a fait supcrflu de combattre M. Hall et ses e'tranges movens d'attirer les gentils- TOME LI. JUILLHT l85l. 9 l3o LIVRKS ET11ANGERS. liouiinos dans la marine, en leur faisant un pont d'or, en lcur pro- mctlnnt 1111 avancemcnt privile'gic, en re'glant la rapiditc des promo- tions, noil sur le livrc dc loch ct sur lcs e'tats de service, mais hot les arbres ge'ncalogiqucs. Mieux vaut rcvenir vite an mann que de combattre le le'gislatcnr a vues e'troitcsj mieux vaut jouir de ses impressions, si vivcmcnl contc'es , lorsqu'il s'assc'yait an foyer du pecheur et e'coutait les rc'eits de fatigues ct de dangers ; ou , pele-mele avcc lcs filets et la mare'e , ilse faisait promener dans lcs bateaux a une voile; ct , revenant ma- lade de l'affreux roulis, n'avait qu'a monter sur la berge ct a porter ses regards dc Wolf s-Cragg au Firth de Forth , pour oublier scs souffrances devant cctte admirable vuc, ct reprendre tout son amour pour cettc mer si belle, quil'avaittroprudement berce. Quelle joie loi-squc, avec 1'assistance d'un brave garcon cliarpenticr, depuis ha- bile constructeur de navires , il parvint a faire et a lancer un petit vaisseau , fabrique avec de yieillcs souches escamotces dans la colli- de la ferme, ayant pour mat un pieu de palissade, pour voile un paillasson de serrc , ct dans lequel , par un bon vent , il fit sur i'c- tang une heurcuse travcrse'e de dix minutes ! Sa biographie personnelle, ses anecdotes navales se font lire, et avec un veritable plaisir , quoique le style soit un pen trop he'risse de locutions familieres seulement aux commensaux d'un navire, et qui forcent les gens dc terre ferme a recourir au dictionnaire. Du reste , ce de'faut existc probablement pour nous plutot que pour les compatriotes du capitaine. L' Angletcrre , qui tire toute sa vie de 1' Ocean , sur lequel die surnage , comme un immense mollusque c'ten- dant au loin ses bras gigantcsques 2>our aspirer partout la nourriture, ne pent jamais ctrc e'trangere aux expressions et aux usages des ma- rins. Ce que je reprocherais avec plus de raison a M. Hall, ce sont des nuances de mauvais goiit dans les plaisanteries dont il seme des re'eits un peu difftis , quoique nourris de sensations , et dans lcs longs details qu'il donne sur la vie des midshipmen , et sur lcs plaisante- ries qui ont coins parmi les aspirans de marine. Ainsi l'hisloire de Shaking, pauvre roquet , amusement de la joycusc bandc , ct que les officicrs fircnt inhumaincment noycr, pour empecher lcs mesal- liances eutre leurs beaux cliicns tic cliassc ct 1'igno'ilc basset , csl un GRANDE BRETAGNE. 1 3l pen trop tongue , bien que la vengeance imagine'e par un vienx marin soit assez plaisanle. « II ne pent y avoir grand mal , raes enfans , nous dit le bon vieux pere, a mettre les autres cliiens en deuil pour Ja perte de leur eher ami Shaking, dont la mc'moire doit etre res- pecte'e. » En consequence , tons les chiens des officicrs eurent un crepe a la jambe gauche , au-dessus de la rotule. Ces marques de deuil ayant e'te prohibe'es par re'tat-major du vaisseau , tout le troupeau de cochons , alors considerable sur les vaisseaux de guerre, fut lache sur le pont des officiers , et ajouta aux insignes de deuil son sinis- tre grognement. II y a dans tous ces petits details des puc'rilite's, mais un sentiment profond des jouissances de la vie de marin : elle est pour Basil-Hall une suite d'enchantemens et de vifs plaisirs. II donne dans ces trois volumes les impressions de huit anne'es de sa vie, depuis i8o3, e'poque ou, presque enfant, il entre dans la ma- rine, jusqu'en 1810. Toujours il voit les choses du beau cote ; e'est sans doute cette heureuse disposition qui l'a fait s'abuser si coniple- tement danssa relation sur Lou-Chou; mais, si Ton ne peut ajouter foi entiere a ses re'eits, ils n'en sont pas moins attrayans. Peut-etre n'est-il si content de cette vie vagabonde que parce que son imagi- nation la lui traduit en roman. Du reste , il assure que le contente- ment est une vertu que Ton peut eultiver et accroitre , et ici il le faut croire, car il met l'exemple a cote' du precepte. 1 4- — The Correspondence of Isaac Basire, D. D. — Cor- respondance A' Isaac Basire, D. D. , et Me'moire sur sa vie; par W. N. Darnell. Londres, i83i • Murray. i5. — A View of the general tenor of the New-Testament. — Coup d'oeil sur le sens general du Nouveau-Testament , en ce qui a rapport a la nature et a la dignile de Jesus-Christ , renfermant un choix de divers passages des evangiles, des Actes des apotres et des e'pitres qui ont trait a ce sujet ; par Joanna Baillie. Londres , 1 83 r ; Longman et compagnie. In-8°. itj. =— The Trial of the unitarians. — Proces des Unitairiens. Londres, i83i ; Longman et compagnie. 1 7 . — A Sermon, on I Corinthians. — Sermon sur le verset 1 ■>. dii chapilie •>. de la Premiere aux Corinlhiens, preche a Sainte-Maric devaiit l'univcrsitc d' Oxford , le dimanche 6 fe'vrier i83r; par le 9- l3a LIVRES ETRANGERS. Reverent H.-B. Bulteel. Troiswme edition. Oxford, 1 83 1 j Baxter. La liberie', premiere base de toute idee de conscience et despiri- tualisnic , est aussi, ([uoi qu'en disent les the'ologiens , le fondcineni de totitc religion ; elle devrait. presque de'ge'ne'rer en licence de dis- cussion dans le prolestantisnie , tout ibnde sur l'cxamen le plus se'- ditieux. C'est en discutant que Luther , Calvin , ct leurs disciples ont renverse l'autorite ! Prenant l'homme miir et raisonneur, la re- ligion protestante n'est pas descendue sur lui comme une inspiration, coinnie une incarnation divine ; greffe'e sur le catholicisnic , auquel elle a fait une ingue'rissable plaie, elle s'est e'tablie avec et par le jugement humain ; et pourtant les dd'fc'rcntes sectes n-'forme'es pre- tendent poser leurs bornes , dc'fendent a leurs adherens de pousser plus loin l'examen, et de continuerleurfoi par les menics moyens qui Tout cngendre'e et nourrie. Toute opinion, des qu'elle a pris quelque racine, s'emprcssc de repousser la critique qui lui donna naissance , et la traitc d'instrument de mort qui ne peut rien produire. Une autre plaie, non moins funeste a l'esprit religieux, c'est l'assujeltissement aux puissances temporellcs; c'est encore la une rude attaque a la liberie qui est la vie des religions; prive'es de liberte', ellcs ne sont plus qu'uD culte.En Angleterre , comme en France, on commence a s'e'lever contre cettc espece de sacrilege qui secularise le pretre, en en faisant un fonctionnaire salarie'. 11 est curicux de voir dans cettevieilleuniversite'd'Oxford, aveuglc etsourde gardienne de la purete ( autant vaudrait dire de la ste'rilite de l'e'glise angli- cane), un des docteurs de la loi s'e'lever contre les usurpations de la puissance temporelle : elles ont commence avec Henri VIII, avec 1'c'tablissement du protestantisme dans la Grandc-Bretagne; c'est loujours l'Etat qui a distribue les benefices , les cures , les e'veche's. Avec moins d'e'loquence que M. deLa Mennais, mais avec autant de conviction, le docteur Bulteel s'e'leve contre cet abus destructif : « d'apres cet e'tat de choses, s'ecrie-t-il, nous e'tonnerons-nous si, en cxaminant la generation cntiere des ministres de l'Eglise , de tout ordre ct dans tons les terns , nous trouvons dans la plupart d'entre eux des homines de plaisir, des habitues de routs et de salles d'opcra , des joueurs , des piliers de bal , des danseurs , des amateurs de chasse et de courses de chevaux on de raffine's admirateurs GRANDE-BRETAGNE. ] 33 de musiquc , de concerts, et d' oratorios?... Nous pouvons avee justice demander en voyant ces cboses si nous fumes , si nous soinmes conduits par l'esprit dc Dicu ? » Ilyavaitplusd'csprit religieux dansIeclerge'autcmsd'IsaacBasire qu'aunotre; tout simplementparcequ'alors il e'tait persecute : aujoui- d'hui il est devenu perse'euteur. La prospe'rite' abaisse singulierement l'ame de 1'hommc , ct fre'quenunent entre le bonhcur materiel ct la valeur morale s'e'tablit un e'lrangc jcu de bascule , qui ferait penscr ail philosoplie qu'il y a au fond de loutes cboses quelquc esprit mo- qneur qui sc rit de nous. C'est avec ve'rite' que Dominique , dans une come'die nouvellc, s' eerie : « II fallait bien que le diable s'en inelat, je re'ussissais dans tout , et j'c'tais honnete bomme! » Le docteur Basirc aurait pu prendre le contrepied de cette excla- mation; car sa carriere fut difficile, et sa vie long-tcms ballotte'c. Nc a Rouen, en 1607 , fils d'un petit gentilliomme francais pro- testant , il fut appcle en Angleterre en iOup; et,admis dans les ordres , devint cbapclain de Morton , et e'veque de Coventry. La revolution d' Angleterre vint boulcvcrser son existence; se sau- vant trois fois de villes prises d'assaut , proscrit , il fit deux fois le tour de l'ltabe et de la Sicile ; visita Malte , les iles dc la Grece , fit un pelerinagc a Jerusalem , parcourut la Syrie et la Terre-Sainte , ou il cut dc fre'quentcs communications avec les pa- triarchesgrecs; traversa I'Eupbrate, la Me'sopotamie , et apres avoir fait plus de deux mille lieues par tcrre , gagna Constantinople , oil il desservit , pendant quelques anne'es , une petite congregation protestante francaise. Appele' par Ragotzki, il alia s'e'tablir enTran- sylvanie, comme institutcur du fils de ce turbulent waiwode,et pro- fesseur de tbe'ologie a runivcrsite' que ce seigneur avait fonde'e a Weisscmbourg. Apres la mort de Ragotzki , tue' dans une bataille contre les Turcs , Basire rctourna en Angleterre oil la restauration lui rendit scs benefices ct en ajouta de nouveaux : il fut nomme archidiacre de Northumberland ct cbapclain dc Charles II. Les dbcumens de ce terns , re'unis par M. Murray, dont l'activite judicicuse ade'ja tant snricbi la biograpbie, ont un genre d'inte'ret tres-grandpour robscrvateur, c'est la vie privce d'bonnttes bourgeois en ce siecle dc corruption. Cliaque classc alors e'tant se'pare'e des l34 L1VRES Ei RANGERS. autres et en quclque sorte mure'e , les moeurs relache'cs et elegantes de la cour ne devenaient pas contagieuses, il y avait cordon sani- taire. Les lcttres mal orthographie'es de Mn"' Basire, danslesquelles elle rend cotnpte a son inari de ses affaires de menage , sunt d'une purete extreme , et cedes des amis du docteur ont je ne sais quel parfuui d'honnetete bourgeoise qui reconslruit pour l'imagi- nation tout l'inte'rieur re'gulier, minutieux , d'une petite maison de ccs anciens tems , avec ses boiseries sombres et luisantes , la matrone gravement assise a tricoter ou affaire'e romesses de vie et d'immortalite, et leur joic s'e'panclie en cris et en hymnes. Le mouvement dramatique de l'Ancicn-Testamcnt, les passions terribles qu'il met en scene, avaicnt engage plusienrs poetes a en pa- raphraser des passages; mais jusqu'ici Klopslock avait scul, jecrois, ose hasarder une messiade. II est curieux que ce soit une femme qui, la premiere, ait marche sur ses traces. A la ve'rite, il ne faut pas chercber dans son ceuvrc 1'ardeur inspire'e , la mysticile profonde du poete allemand; ce sont dc rapides impressions, donne'es sans pe'dantisme et sans autre importance que celle que leur prete une foi sincere. Pour la ve'rite' de sites et de mceurs, elle est comple'to- ment nulle. C'est la Jude'e telle que la peut rever une imagination angiaise, berce'e dans les brouillards dc la Tamisc, et cependant aide'e de la lecture de quelques voyages en Orient; mais 1' antique Jude'e, ce petit point lumineux pu devait se lever le christianisme , soleil des mondes, ce berceau d'une croyance si vaste et si fe'eonde, oil fermentaient toutes les ide'es puissantcs qui devaient faire la base dc cette foi nouvelle, cet esprit dc judaisme aussi fort dans sa re- sistance que son antagoniste dans ses conqueles,cespeupIes, eclairc's comme aux-e'poques de transition, et de'vore's du besoin de croirc; tout cela est non avenu : 1'auteur n'y a pas meme songe ; cllc n'a voulu qu'associer le lecleur a dc fraicbes visions, et a quelques emo- tions vives et pures. Louise S\v. Belloc. I 38 LIVRES ETRANGERS. iq. — Gelrir. — Gebir, le Goute Julien et autros poeines; par W a Iter Savage Landor. Londres, i83i ; Moxon. Pendant qu'un pauvre lndou, dontnous avons annoncc plus haut les poesies {voy. p. i vf), s'efforce de se rendre propre la langue du vain- qucur, M. Savage Landor fait des efforts pour de'figurer la sienne. Une orthograplie bizarre est I'etrange originalite qu'il se donne. Du reste il est aussi froid classique que 1'Indou; peu importe pour cela qu'on imitc \ irgile on Byron : il suffit qu'on s'inspire de ce qu'on a lu et non dece qu'on a observe ou senti. II faut que la reaction et le rc- tour vers l'imitation des anciens , qui re'gnait en Anglelerre du terns de Pope , ail encore bien de 1'influence pour que M. Landor songe a publier la traduction en vers anglais d'un poeme en vers latins, ceuvre de sa jcunessc. Si cette rage de se traduire soi-meme gagne les rlie'to- riciens, nous sommes pcrdus , et tout ce qui pouvait survivre encore d'amour, du nombre etde l'harraonie, de gout pour la reverie et les images, etces rapprochemensinattendus oil se plait la poe'sie, tout cela s'ira perdre et noyer dans un deluge d'alexandrins. Ad. M. ao. — A literary and historical French Grammar , etc. — Grammaire francaise, litte'raire et liistoriqnc, re'dige'e sur un plan tout-a-fait nouveau pour les grammairiens, ct conformeaux progrcs de la science , oil tons les verbes. francais sont ramene's a trois con- jugaisons, ou le genre des noms est fixe' clairement par deux regies, et les participes traite's d'apres de nouvellcs vues, avee beaucoup d'autres de'eouvertes propres afacililer l'e'tude de la langue francaise, par Francois Leharivel , membre de plusieurs socie'te's litte'rai- res, etc. Troisieme edition, revue et conside'rablement augmente'e. Londres, i83i; Souter, librairie des e'coles. In-8U de 383 pages, avec un tableau des conjugaisons ; prix , 6 shellings. L'auteur explique dans sa preface le sens de ces mots : Gram- maire litte'raire et hislorique ; ils signifient que toutesles applica- tions qu'il fait des pre'eeptes grammaticaux sont en meme terns des exercices de litte'rature et d'histoire. II a voulu que son ouvrage fut doublcinent une source destruction ; et de plus , il a eu soin que scs lcyons eussent encore d'autres attraits que ceux de l'utilitc ; il parait avoir reussi , et sa grammaire peut etre lue avec plaisir , meme par ceux qui n'onl plusbesoin de lVtudier. N. ALLEMAGNE. 1 3q ■ ALLEMAGNE. •21. — DerRechtsweg, etc. — lies Voies du droit; essai d'unc comparaison critique entre la procedure civile francaise el la proce- dure du droit commun de l'AIlemagne ; suivi de l'examen des projets de loi qui ont e'te' pre'pare's sur cette matierc dans les derniers terns; par M. de Holzschuher, docteur en droit. Nuremberg, i83i. In-8°. Rien de plus facile que de tracer a grands traits un systemc de legislation compare'e ; il suffit de nos jours qu'un auteur estime ait e'nonce quelques ide'es ge'ne'ralcs sur line legislation e'trangere , pour que les auteurs du second ordre se croient en e'tat de se prononcer avec assurance sur le me'rite de cette legislation et pour en faire la comparaison avec celle de leur pays. L'cxanien en de'tail des lois c'trangeres leur parait inutile. M. de Holzschuher n'est pas tombe dans ce de'faut. En comparant la procedure civile francaise tant avec celle qui est usite'e dans la plupart des pays de 1'Allemagne , qii'avec la procedure particuliere e'tablie en Prusse, ainsi qu'avec quelques nouveaux projets de loi sur la matierc , il a examine' ces diffe'rcns svstcmes dans toutes leurs parties , ct il a fait preuve d'une connais- sance approfondie de chacune des legislations qu'il a soumises au creuset de la critique. II marclie en cela sur les traces des savans allemands , qui ont e'crit des traite's de legislation compare'e sur d'autres matieres , notamment M. Mittermaier, professeur en droit a Heidelberg, auteur d'un ouvrage sur la procedure criminclle sui- vie en France, en Allemagne et en Anglcterre, ouvrage qui a paru en 1827. Le jurisconsulte francais trouvera dans le livre de M. de Holzschuher la philosophic de la proce'dure de son pays et unc com- paraison exacte des dispositions du Code francais avec celles de la proce'dure en usage dans les Iribtinaux allemands. Je ne repc'lerai pas ici le juste tribut d'e'loges que l'auteur paic a plusieurs reprises aux le'gislateurs francais ; il les fe'licite d' avoir maintenu les prin- cipcs aussi salutaires qu' utiles de la plaidoirie et de la publicite' des audiences : principes sanctionnc's par I'usage constant des nations depuis la plus haute antiquitc, et repousse's uniquement par le des-* l/fO LIVRES ETRANGERS. [•olisiac on par une doctrine mal cntcnduc. 11 fait voir que , pour e'tablir un bon systeme de procedure civ:le, il faut admcttrc ces deux principes dans toute Jeur rigucur, et combien sonl pen satis- faisans quelques projets de loi qui tendent a les amalqamer avee I'inslruction par e'erit , base de la procedure allemande. M. de Holzscbuher applaudit a ce que le droit francais a conserve au pou- voir judiciaire toute la puretc de son institution, en dispensant les magistrate de s'occuper de la citation et de l'exe'cution clu jugcincnt. II approuve le principe qui reduit a deux les degrc's de juridiction, ainsi que restitution d'une cour supreme charge'e uniquement de mainlenir 1'cxe'cution du texte de la loi. II defend, contrc les attaques de quelques autres jurisconsultes allemands , le systeme des nullite's du Code de procedure et 1' abolition de la restitution en enticr en matiere de formes et de de'lais : il exprime sa satisfaction de voir les de'lais de procedure fixe's par la loi elle-ineme, au lieu d'en faire de'pendre la fixation du bon plaisir du juge. II se plait a voir que le le'gislateur francais a su amencr les avoue's et les avocals a 1'cxac- titudc et a la de'bcatessc dans l'accomplissement de leurs devoirs , par les simples principes de 1'lionneur, tandis qu'en Allemagne on n'a cru atteindrc cet but que par des amendes. II de'taille les avan- tages qui re'sultcnt de ce que la direction du proces appartient a l'avoue et non au juge, etc. Toutcfois M. de Holzschulicr a aussi fait la part de la critique. Entre autres dispositions , il rejettc la ne'eessite du prc'liminaire de conciliation , comme ne produisant aucun effct. Pour prcvenir des surprises, il attacberait, a l'inobservation des articles ^ duCode de procedure civile et 70 du de'eret du 3o mars 1808, une condamna- tion aux frais contre l'avoue. II rcgarde comme contrairc au prin- cipe de la plaidoirie 1' usage de quelques tribunauxde ne jamais pro- noncer de suite leurs jugemens. II voudrait que ['opposition au ju- gement par de'faut ne fut recevable qu'autant que le de'faillant cut payc les frais du de'faut; et que tout jugement fut sounds a l'appel , quelle que fut la valeur de 1'objet en litige , le pauvre pouvant. etre ruine par la pertc d'une valeur au-dessous de 1,000 fr. II exigerail que le defendeur a I'cnquete fut tcau d'articuler e'galement les fails dont il se propose de faire preuve, et que le tribunal de'eidat sur la ALLEMAGNE. I \ I pertinence dc ces faits ; il proscrit la condamnalion du tc'moin dc- faillaiit a des dommages-inte'rets au profit de la partie; ilrcgrette l'ab- sence d'une distinction positive entre leste'ntoins incapables et ceux simplemcnt rcprochables ; il propose d'ordonner la publicitcdes en- queues, ct dc faire que celles qui seraicnt de'clare'es nulles par la faulc d'un officier ministe'riel pusscnt etre recommence'es aux frais dc ee dernier. II voudrait que les experts, commis par la justice, nc pussent proce'der a leurs operations qu'en presence et sous la direction du juge-comiaissaire. II rejette comme inutile la voie dc la tierce-oppo- sition ; il trouve la requete civile enloure'c de trop de difficulte's par les amendes et dommages- intc'rels. L'auteur expose les differences qui existent entre le Code de pro- cedure civile francais et lc projet de loi qui a deja etc' discute' dans les chambres du ci-devant royaume des Pays-Bas : il a souvent 1'oc- casion de cntiquer les dispositions du projet sur la meine mat] ere prepare pour le royaiinic de Baviere. Durant l'impression de l'on- vrage , il a paru un projet dc Code de proce'dure civile pour le Grand-Duchc de Bade, re'dige par une commission dontM. Mitter- maicr a fait partie. M. dc Holzschuher n'ayant pu s'en occuper, nous dirons que ce projet de loi se rapprocbe beaucoup de la proce- dure francaisc , dans laquelle il a cependant fait entrer plusieurs e'eritures , en pre'venant l'abus des defenses et re'ponses longucs et inutiles. II laisse au juge une partie de la direction du proces; rejetant lc systcme des nullite's , il n'admet pas I'organisation fran- caisc des huissiers; enfin il conserve, toutefois avec des modifica- tions , la the'orie de la restitution en entier contre l'expiration des de'Iais. Foelix. 'J2. — Allgemeine Geschichte.—Yiis\.o\Yo. universelle , -depuis les fails les plus anciens jusqu'a nos jours ; par Charles de Rotteck, professeur a l'Universite, membre de racade'mie de Munich. Sep- tieme edition. Fribourg, i83o. 7 vol. in-8°. Cetouvrage est l'un des plus remarquables de cette e'poque;iln'cn faudrait pour preuvc que i'accucil qu'il a recu. On nous assure qu'il s'en est vendu, en sept editions, plusde dix mille exemplaires. Les journaux Htteraires de l'Allemagne lui ont chacun consacrc une at- 142 LlVRfcS ETRANGERS. tention spe'eialc; nous nous borncrons pour lc moment a on fairc con- naitre sommairement lc planet la division. Trois volumes sont consa- cre'sa l'antiquite; le qualricmc va dc Thc'odose a Charlemagne; le 1 111- quieme, de Charlemagne a la fin des croisades; le sixicme, de cette c'poque a la de'eouverte de lAme'rique. C'cst la que M. dc Rotteok marque le commencement dc l'e'poque raoderne : d'abord il continue 1'histoire depuis la de'eouverte des deux Indes jusqu'a la paix de Wcsl- plialic; puis de cclle-ci a la revolution francaise ; enfin le scpticmc volume s'arretc a la formation de la sainte-alliance. Une taLle dc matieres compose a elle seule un petit volume additionnel.Sicc livre est d'unc lecture foil agre'ablc , il y a dans l'introduction de profon- des etudes h. faire sur 1'histoire en elle-meme, et sur les connais- sanccs accessoires, sur les sources, sur la manii;re dont l'eciivain doit ypuiser. On trouvc aussi dans eelte introduction d'cxccllcntes vues sur la chronologie ct la geographic Chacune des pe'riodes est pre'ee'de'e d'une indication des sources auxquelles M. de Rolteck a recount, et d'une courtc discussion chronologiqucj ainsi , pour la premiere, il a suivi le pere Petau , et la table s'est conforme'e aux dates hebra'iqucs. Apres les re'eits viennent dans chaque volume des considerations gc'ne'rales sur la civilisation des gouvernemens, les re- ligions, les arts , les sciences. Nous citerons commc particulicrement belles 1'histoire de Mahomet, celle de la grandeur des papes, la narralion des croisades; des reflexions sur la chevalerie, sur les ar- me'es dj moyen age. La guerre de trente ans est admirablement re- sume'e ; il y a dans tout ccla rapidite' , clarte et surtout unc aitiquc excellente. M. de Rottcck envisage 1'histoire sous un aspect (res- philosophique , ct quand il en vicnt a nos derniers terns , I'esprit national ne lui dicte rien d'injuste contre la France. On pourrait ju- gcr des sentimens de l'auteur par la vue du frontispicc, qui rcpre- sentc 1'e'pe'e , le chapcau et la tombe de Sainte-Helene. M. de Kotleck pense que la poste'rite nepourra jamais rien produire d'e'gal a notrc Convention, soit pour les grandes actions, soit pour les grands cri- mes; il fait un tableau trace de main de maitre dc rhe'roi'smede cette ce'lebrc asscmble'c. Les vicloires de Bonaparte , quoique raconuics sik'c ■inctoment , inspirenl le plus noble enthousiasme a l'auteur. Commc il de'pcint le retour miraculeux de 181 3, ct la lultc qui lc ALLEMAGNE. i^S suivit ! commc il rend justice a cette chambre des reprc'scntans , qui continua scs deliberations jusquc sous le feu del'ennenii ! 11 proclaim' toutes les ide'es nobles et ge'nereuses qui out triomphe depuis; niais nous oublions que nous ne voulions qu'indiqucr iei les sujets trailes par l'autcur. 23. — Hannibals Heerzug iiber die Alpen. — March e d'An- nibal a travcrs les Alpes ; par Ferdinand-Henri Muller. Berlin, i83o. In-8°, avec une carte lithographie'e. L'auteur est Anglais ; nous jugeons ici la traduction de son livre. M. Midler vient appuyer l'opinion de Malville et de M. de Luc de Geneve; il clierche a re'futer M. Letronne, et ne s'occupc pas de M. Fortia d' Urban, qu'il trouve suffisaninient combattu par ce der- nier. Son principal effort a pour but de de'montrer que cen'est point Tite-Live mais Polybe qu'il faut prendre pour guide. Annibal , selon lui , passa les Pyrenees a Bellegardej il prit la route de Per- pignan, Narbonne, Beziers, Montpellier, Nimes; de la il se dirigea vers le Rhone, qu'il traversa a Roquemauro, et remonta le fleuve jusqu'a Vienne , ou inemc un pen plus loin • ensuite il le quitta ," franchit le Daupliine et rejoignit le Rhone, pres de Sainl-Genis- d'Aoste. Ce fut en ce lieu qu'il gravit le niont du Chat, vint a Chambery., et atteignit I'lsere a Montraeillan. II suivit apres cela le bord de cette riviere jusqu'a Scez, gravit le Petit-Saint-Bernard et arriva sur lesbords de la Doria-Baltea, en passant par Aoste et Ivre'e. Selon M. Muller, e'estainsi que le general carthaginois serait arrive a Turin. II y a dans cet ouvrage de bonnes descriptions de localites et quelques explications de tex'e assez salisfaisanles. Nous l'avoue- rons cependant , les efforts de l'auteur nous ont paru impuissaus pour de'truire l'opinion de M. Letronne, quoiqu'il eut eil meilleur raarclie des autres. Au surplus, cette question sera toujours fort conteste'e ; mais on e'eoutera toujours avec le meine inte'iet eeux qui s'attacheront a i'e'claircir. II y a dans les appendices plusicurs nior- ceaux iraportans , tels que l'extrait du Theatrum Sabaudice , sur la fondation du couvent du Petit-Saint-Bernard , puis un examen du tems emplove par Annibal pour faire ce trajet et des per'cs qu'il a eprouve'es. P. de Golkery. •>,.\. ~ Die HeilqueUen , etc. — Les eaux mine'rales d'Aix-L.- 1 J | LIVRES KTRANGERS. Ghapelle, d<- Bartscheid, deSpaa, de Malmckiy et d'Heilstcin , coiiskIc'itVs sous lcs rapports dc l'histoirc, de la geologic, de la phy- sique, dc la cliimie ct de la me'dccinc; par le docteur . I. -P. -J. Monhkim. Aix-la-Cliapelle , i83o; Berlin, Mayer. Grand in-8" de \ ii- 1 1 i pages, avec une carte et une gravure. 25. — DieMolken and Bad Anstalt Kreuth, etc. — L'c'tablisse- ment de bains de Kreuth, dans lcs inontagncs bavaroiscs , pros dc Tcgcrnscc; par 1c docteur C.-Pn. Kraemer, ine'dccin de l'e'tablis- semcnt. Munich, 1829; Fleischmann. In-8° dc vi-237 pages, avec une planche. 26. — Die Heilquellen am Unterharze , etc. — Lcs caux mi- nc'rales du Harz infc'rieur. Stuttgart, 18295 Hoffmann. In-8" de xxi-98 pages , avec 3 planches. 27. — Stebens Heilquellen , etc. — Eaux minc'rales de Stebcn ( en Baviere ) , surtout par rapport a leur usage ; par le docteur W. Reichel. Hof, 1829. Grand in-8° de xvi-280 pages. 28. — Die Miner alquellen zu Liebenstein , etc. — Des eaux minc'rales de Liebenstein , essai historique , topographique et me- dical ■ par le docteur J.-H.-G. Schlegel. Meiningen , 1827; Keyssner. In-8° de 199 pages. 29. — Der Rehburger Brunnen , etc. — Lcs eaux dc Rehburg , lieu de traitement et dc recreation 5 par le docteur Aug. Dumenil. Hanovre, 18295 Helwing. In-8° de vm-200 pages, avec une gra- vure. 3o. — Ueber das Bad Rehburg , etc. — Sur les caux dc Rehburg ct leurs proprie'te's me'dicales • par le docteur Albers. Hanovre , i83o • Hahn. In-8° de i52 pages. 3i. — Beschreibung des Klausner Stahhvasser , etc. — Description physique et chimique des caux de Klaus , en Slyrie 5 par le chevalier de Holger , d. m. Viennc , 1829. Grand in-8" dc 4'-* pages. 32. — Neueste Nachricht uber Kissingen , etc. — Recueil des notions les plus re'ecntes sur Kissingen et ses eaux minc'rales. Wurz- bourg, 1829. In-8" dc 47 pages. 33. — Neueste Nachricht von der Heilquelle der Sirona , etc. ALLEMACVNE. l/f5 t iAccucil ile notions sur les eaux de Sirona , pres dc Nicrstcin. M;i\ence, i8.ic), Knpferberg. In-8" de 10 pages. 3/j. — Bemerkungen iiber Salzbrunn, etc. Observations sur Salzbrunn et Altwasscr , avee un appendice sur CharioUenbrunn ; par le docteur J. Radius. Leipzig , i83o; Yoss. In-8° dc xn-68 pages. 35. — Die Ileilkrcefte Marienbads , etc — l)es propi ie'te's curatives des eaux de Marienbad dans les diverses maladies cbro- niqucs, explique'es par une se'rie de faits; par lc docteur F. Scheu. Egcr , i83f) ; Kobstsch et Gschihay. In-8 dc xu-170 pages. 3(>. Ueber die Eigenschaften , etc. — Des propric'tc's , des ei'fcts et de 1' usage convenable des eaux de Bade , dans le grand- ilnclie; par le docteur Kramer. Bade , i83o; Marx. In-ia de iv- ^3^j pages. 37. — Die Miner alquellen zu Tatenhausen , etc. — Des eaux inine'rales de Tatenhausen , dns le co rntc de Ravensberg ; par R. Brandes etK. Tegeler. Leingo, i83o; Meyer. In-8° de xn-a36 pages. 38. — Chemische Untersuchungen , etc. — Recherches chi- miques sur Alexisbrunnen , source nouvcllement de'eouverte dans le Selkenthal ( Harz ) , etc. ; par le docteur J. B. Trommsdorff , avec des notes mc'dicalcs , par le docteur Curtze. Leipzig , i83o ■ "Vogel. In-8" de iv-91 pages. 3g. — Ueber den Gebrauch der Minerahvcesser von Karls- bad , etc. — De l'usage des eaux naturelles et artificielles de Karls- bad , Enibs , Mariembad , Eger , Pyrmont et Spa ; par le docteur F. L. Kreysig. Seconde edition. Leipzig, i8'2&; Brockhaus. In-8° de xvm-33o pages. 4o. — Carlsbad , ses eaux inine'rales et ses nouveaux bains a vapeurs , :vec un appendice j par le chevalier J. de Carro. Karlsbad , 18:29. Ia"8° de 2$i pages , avec 3 planches. 4.1. — Traite sur les eaux thermales de JFiesbade et sur leur ejjicaeite dans les maladies de Vorganisme ,■ de'montre'e par des observations pratiques ; par A.-H. Peez ; traduit de l'allemand TOM* LI. JIIILLFT 1 85 1 IO I 46 LIVRES ETUANGERS. sur le manuscrit dc la sccondc edition ; par J. -P. Graffknaveh. Wicsbadc , , sans date ) ; Hitter. Grand in-8" dc xn-433 pages. ( Voyez ci-apres , an Bulletin Suisse, p. i4q, 1'annoncc de deux autres ouvrages relatifs aux sources rninc'rales de ce pays. ) 4'2. — Handbuch des preussischen Militcerrechts , etc. — Manuel du droit militairc prussien, ou Tableau des principes en vi- gueur dans l'arine'e prussienne , sur le droit , la police , la disci- pline ct la justice militaires; public, avec l'autorisation de S. M. , par Ch.-G. de Rudloff, major. Nouvelle edition. Berlin, i83o; Rucker. Deux volumes in-8°. 43. — Vorlesung iiber die Encyclopcedie der Alterthums- wissenschaft , etc. — Lecture sur l'Encyclopedie de la science des antiquite's; par Fr.-Aug. Wolff ; publie'c par J.-D. Gurtler. Leipzig , 1 83 1 ; Lebnhold. In-8° de vni-496 pages. 44- — Praktisches Lehrbuch , etc. — Manuel pratique de la languc bobe'inienne, ou Exercices sur les diverses regies dc la languc slave parlc'e en Boheme , en Moravie , et dans la Slovaquic hon- groise , avec des observations sur les provincialismes et line intro- duction , etc. ; par Fr. Trnka. Brunn , i83o ; Haller. ln-8° dc xxiv- 1 89 pages. SUISSE. 45. — Passages poetiques ; poemes, par J. Petit-Sewn, auteur de la Miliciade. Geneve , i83i. In-8°. Nous connaissions deja M. Petit-Senn comme auteur de mordantcs e'pigrammes et de spirituelles chansons. Le voici maintenant qui entre dans la carricre du pocmc descriptif e'lc'giaque , s'efforcant de rallier ses compatriotes a la poe'sic , en celebrant dans ses vers leurs montagnes , leur lac et leurs collines. Ce n'est pas, dit-on, chose facile que de de'ridcr ces austeres cal- vinistes genevois. Voltaire y e'ehoua et lanca contre eux , dans son de'pit , cct arret devenu populaire : On y calculc ct jamais on n'y rit , L'arl doBareine est lc scul qui fleurit. SUISSE. 1 47 Tcls ils c'taient alors, tels ils sont aujourd'hui; Geneve est une ville lettre'e mafs point litte'rairc. Hicfrigent musce , disait Erasme. Nous avons vu mourir a Paris dans le malheur un jeune liommc qui aurait donne un poete a Geneve , sa patrie , si Geneve ne l'cut repousse avec durete. C'est de M. J. J. Galloix que nous voulons parler. II parait qu'il fut bafoue' chez lui parce qu'il faisait des vers , et qu'on le tenait pour une especc de fou. Traite' en paria dans son pays, il vint a Paris , ou il tut accueilli avec bonte'. Victor Hugo , Benjamin Constant, Charles Nodier et beaucoup d'autres notabilite's litte'raires le jugerent avec moins de rigueur queses compatriotes.Ils trouverent dans le jeune c'tranger les germes d'un talent poe'tique que l'age et le calme eussent miiri. Mais une mort pre'eoce , une mort affreuse l'arreta tout court , et il expira en appelant sa patrie absente , ses amis disperses , sa jeunesse e'teinte. II n'avait que vingt-deux ans. On a trouve dans ses papiers beaucoup de vers reinarquables par une individuality pleine decharmes, ctempreints d'une tristcsse qui n'e'tait pas joue'e. Nous avons oui dire que ses amis e'taient dans l'in- tention de les publier. Nous ne saurions que les oncourager a cette ceuvre de justice , a cet acte de pie'te. M. Petit-Senn nous pardonnera d'autant plus aise'ment cette di- gression qu'il e'tait ami de son jeune compatriote , et qu'il a deplore' sa mort. Loner son ami c'est le loner lui-meme. Les vers de M. Petit ont de la facilite , trop de facilite. Le sen- timent en est vrai, mais 1' expression trop souvent faible et prosa'i'que. Son style satirique a plus de trait que son style e'le'giaque. Nous lui reprocberons de trop delayer ses pense'es , et d'e'erire avec plus de sagesse que d'inspiration. On sent dans sa poc'sie je ne sais quoi de genevois qu'on aimerait n'y pas voir. Son premier poeme, intitule Saleve , est descriptif. C'est une promenade sur une montagne de ce nom aux portes de Geneve , et cbante'e par Lamartine dans la de'dicace d'un de ses poemes. M. Petit done se promene et de'erit. II de'erit le ciel et la tcrie, la plaine et la montagne , les rivieres et les bois , que ne dc'crit-il pas ! il finit meme par citer dans ses notes une quarantaine de vers descriptifs de feu Jacques DeUllc , l'infatigable descriptif. Ces vers ine'dits sont a la gloire d'un savant genevois qui avait, a ce qu'il parait, un petit 10. 1 48 LFVRES ETRANCxERS. ermitagc sur h mont Saleve ; ils devaicnt trouvcr place dans Ics Tnus Ri'gnes, qui ne gagncnt ni nc pcrdcnt a ccttc lac.une. Le second des poeincs de M. Petit est intitule Cologny. Cologny est un coteau sur lc lac dc Geneve , habite naguere par lord Byron. Jc nc sais oil le poete a trouve qu'il l'avait etc bien avant lui par Milton. Licence ou non lc rapproclieiuent est heurcux : Millon devant Tazur dos cieux N'abaissait point encor scs de^hiles paupicrcs . Sans doute en conlcmplant ccs licux , Cos bois, ccs pros (Icuris, sillonnes dc rivieres , D'un tableau pur ct gracicux Jl enrichissait sa me'moire ; Peut-elrc m.on pays servit-il a sa gloirc. Et lorsque son pinceau , magique talisman , Crea du paradis la divine pcinture II so souvint de la nature , Si belle aux rives du Leman Nous ne donnons pas ces vers pour les meilleurs du volume , mats pour feliciter M. Petit de son patriotismc. Un liomme d'esprit a dit que les Genevois regardent leur pays comme unc edition comjiacte de l'univers. M. Petit termine son second ct dernier poerae par unc noble allo- cution a M. de Chateaubriand , qu'il appellc avec justice De la foi des sermens une illustre victimc , et qui , ainsi que cbacun sait , est alle chercher une retraite au bord du lac de Geneve. Ce poeme est done une espece de galcrie oil les grands noras ne manquent pas; M. de Chateaubriand est arrive la tout expres pour y voir figurer le sien. Gest une bonne fortune poe'ticpie. Cologny est descriptif comme Saleve , son frerc jumeau ; le poete y varic e'galement les tons, passant du caustique,du plaisant meme, au se'rieux. et au triste. Somme toule , nous pre'fe'rons M. Petit satirique et surtout chansonnicr a M. Petit e'le'giaque. Gettc corde de sa lyre est quelque peu rebelle; celle du couplet lui est bien plus docile. Un de ses amis nous fait connaitrc quclques-uries dc ses chansons de niceurs impri- SUISSE. — ITAL1E. 1 49 mces dans des recueils gencvois , et nous y avons trouvc beaucoup de selet d'originalite. II seinblc du rcstcque la chanson soit de tons Ics genres de poe'sie le seul qui ait obtenu droit de bourgeoisie a Geneve comme pour donucr un dementi a Voltaire. Tout en louant les efforts de M. Petit pour y iraplanter l'ele'gie, nous doutons de son succes , car nous voyons rneme a Paris que les esprits pre'occupe's du trois pour cent sont d'une nature peu sympatbique aux larmes. 0. 46. — Beshreibung allerberuhmten Boeder inderSchweiz, etc. — Description de tons les bains ce'lebres de la Suisse , avec un coup d'ceil sur les bains du second ordre et sur les sources qui n'ont pas encore etc utilise'es. Arau, i83o; Sauerlaender. In-ia de 3gi p. 4^. — Mineralquelle und Bad zu Jenatz , etc. — Source et bains de Jenatz, dans le Prcttigau , canton des Grisons, pour servir a l'histoire des eaux mine'rales dans ce pays; par le docteur Paid Eblin. Coire, 18^8; Otto. In-8° de xn -98 pages, avec une vue lithographie'e. ITALIE. 48. — Aritmetica ragionata , etc. — Arithme'tique raisonne'e, destine'e aux jeunes gens de l'un et del'autre sexe; par E. Giamboni. Milan, 183 1 ; fruffi. In-S° de 106 pages. M. Giamboni e'met, dans la pre'face de cet ouvrage, des ide'es d'une justesse remarquable, et dont il serait bien important qu'on se pe'ne'trat , dans notre pays comme dans le sien. II vondrait que l'e'tude des matlie'matiques tint une plus grande place dans 1' educa- tion des jeunes gens , non pas seulement pour l'utilite possible de 1' application de ces connaissances , mais encore et surtout comme moyen de former I'esprit et de le discipliner au raisonnement. Sous ce poiut de vue, il insiste pour que les jeunes personnes ne soient pas excepte'es de la regie; car elles auront besoin , tout autant que les homines, de justesse d' esprit, et elles ne sont pas plus qu'eux de'nue'es de la faculte du raisonnement. L'objection qu'on ne mau- quera pas dc faire, c'est la difficulte et la seclieresse de cette etude. Sans doute il faudra changer beaucoup au mode d'enseignement suivi jusqu'a present , mais quant a la difficulte re'elle de la science. l5o LIVRES ETR ANGERS. c'cst un argument qui sera bicntot refute , si Ton vent rcmarquer que les enfans font a tout instant, pour Ies rnceurs et les habitudes socialcs (lout les e'le'inens leur sont tout-a-fait iueonnus, des calculs bien plus complique's; si Ton veut refle'chir que la notion du nombre et de l'e'tendue une fois bien saisie, les raisonnemens s'enchainent avec la plus grande simplieitc' sur des faits palpables, mate'riels, que l'enf'ant peut tourncr, retourner, conside'rer et analyser a son aise. Quant a la difficulte du langage alge'brique, elle nc reside que dans lc de'faut d'habitudc, et on peut soutenir qu'il faudrait a un enfant inoins d' efforts et de tenis pour lire les formules de la plus haute analyse que pour retenir toutes les combinaisons de sons que renfernie fart d'e'peler et de lire dans notre langue on dans la langue anglaise. L'ouvrage de M. Giamboni est excellent pour donner a l'cnseignement la simplification ne'eessaire dans une education faite sur ce systeme. 49. — Saggio di sermoni sacri di Lorenzo Sterne , etc. — Choix deserrnons.de L. Sterne, traduits en italien, avec unelettre sur l'art de la chaire; parl'abbe Giuseppe Barbieri. Milan, i83i ; Stella et fils. In- 16. L'honneur qu'on a fait aux sermons de Sterne nous semble un mauvais service rendu a 1'ensemble de sa reputation eomme e'erivain, comme pretre et comme homme. Le de'faut de conviction s'y fait sentir a chaque page : l'expression est fausse , les images sont exa- gc're'es ; il y a beaucoup de petits moyens pue'rils qui rc'pugncnt a la dignite' de la chaire chrc'tienne et a un esprit e'leve', quand il est bien pe'ne'trc. On sent que l'orateur n'est qu'un rhe'teurj et comme la faussete' porte toujours son fruit , elle fait de lui un mauvais rlic'teur. Nous ne i-echerclierons pas si la faute doit etre attribue'e an pretre ou au culte et aux dogmes eux-memes , a l'Lommc ou a l'institution, e'est-a-dire a la situation du clerge anslican ; nous demandcrons seidement ce que ces sermons ont a faire en Italic? Nous nc parta- geons point a cet e'gard les vues critiques de M, 1'abbc Barbieri. Pour dire notre pense'e dans toute son e'tendue, quoique avec liu- milite et avec la crainte de n'e'erire qu'un paradoxe, nous avouerons que, depuis les peres de I'Eglise, en comptant parmi eux saint Ber- nard, nous ne voyons ricn tic vraiment remarquable parmi les era- 1TAL1E. l5l teurs chre'tiens, considered surtout corame Chretiens .Exccpte'quel- ques rares passages de nos quatre grandes renomme'es de la chaire, et l'exorde'de Bridaine , ou plutot de Maury , tout le reste est trop sec, trop apprete, trop mondain, et e'videmrnent trop hypocrite. L'incre'dulite pcrcc partout , et passe de I'orateur au cceur des audi- teurs, pour y c'touffer 1' emotion. Quant a Sterne, si l'on en veut faire un orateur chre'tien, il faut bruler son Voyage et ses Lettres a Elisa; si on veut le re'duire a sa qualite d'e'rrivain profane , et en meme terns d'hoinme honnetc et consciencieux, il faut bruler ses sermons. 5o. — La Vita di Salvatore Rosa , etc. — Vie de Salvator Rosa; par P hilippeB Ahmnucci, Florentin, avec plusieurs augmen- tations. \enise, i83o; Alvisopoli. In-16 de 23a pages. Cette publication est une re'impression, faiteparM. Gamba, de lout ce qui a e'te' e'ciit de plus inte'ressant sur Salvator Rosa et par cet hominc ee'lcbrelui-meme.L'ouvragedcBaldinuccijouitdepuislong-tcmsd'une reputation me'rite'e; les lettres du peintre a Reicciardi , publie'es de'ja par Bottari, sa piquante satire de la peinture, et d'autres fragmens sortis de la plume de cet artiste , a la fois poete comique , philosophe bizarre, conspirateur de'mocrate, enfin critique inge'nieux, seront lus toujours avec plaisir. On saura gre' a M. Gamba d' avoir re'uni dans cette edition toules les anecdotes qu'il a pu recueillir sur Salvator , et les morceaux historiques et critiques qui peuvent jeter du jour sur la vie et sur le genie decet esprit robuste et original. 5i. — La Virgina Una, etc. — La Vierge Una, poeme en douze chants ; par Edmond Spencer ; traduit de l'anglais par G.-B. Martelli. Milan, i83i; A.Fontana. Iu-8° de xxn et 287 pages. L'inspiration de Spencer revient a sa source : imitation fidele et presque servile de l'Arioste , elle se revet, apres deux cents ans et sousle pinceau d'un homme de talent, des couleurs qu'elle dut avoir dans l'imagination du poete avant de se transformer en stances an- glaises sous un ciel pale et froid. Spencer e'erivait au dix-septieme siecle : un homme du dix-neuvieme, qui s'est nourri delapoe'sic de son tems , poe'sie va gabonde , e'gare'e , sans but , sans autre objet qu'un de'vergondage d' esprit et de passion , ne pent guerc s'empecher d'eti-e surpris en c'Uidiant les poetes contemporains de Spencer , qui I 52 LIVliKS BWUKGERS. sous le dramc poetique pktcaient toujour* nn autre drame moral ou the'ologique ; espece de pko soutertrain ep»'i] tie taut jamais pcrdrc de vue en suivanl Irs details du plan cxte'rieur. Si Ton parvient a ne pas rire de celte bizarre complication , on admire Ics combinai- sons savantcs de cettc double trame ou lc talent de l'ingemcur a presquc autant a faire que la verve du poetc. Scuderi , que nous ne voulons comparer a Spencer en ricn qu'cn ce que lour terns leur rendit commun . a donne dans son jpocmc d'stlaric , ou Rome vaincue , tout a la fois un cxernple et un traite complet de cette poe'tique de l' epopee. Nous n'avons pas le courage df analyser la longuc dissertation (ju'il a placc'e en tetede son ceuvre; d'aillcurs Boilcau a donnc a ce poeme une ce'Ie'brile qui rendrait notre travail inutile , bien que les exemplaires en soient dcvcnus rarcs. Quant a Spencer, il avait d'abord forme lc projet d'ecrirc dans vingt-quatre poemes la the'orie des perfections d'un veritable gentilhoinme. 11 ne put accom- plir que la moitie' de sa laclic : il ne tiaila point des vcrtus poli- tiques , et sur les douzc poemes consacre's aux vertus morales il ne nous en est parvenu que six. C'est le premier de ces romans alle'go- riques que M. Martelli a traduit ayee un ties-grand succcs. Le tra- ducteur en a change le titre ; car dans l'original ce poeme est inti- tule : Legende du Chevalier de la Croix rousse ; Traite de la saintete. Le chevalier trouve sur son chemin tous les obstacles que peuvent enfantcr les ne'gromans, magiciens , enchanteurs , demons ; il parvient enfin a les vaincre et a epouser la vicrge qui a conquis son cceur. Tous les details des aventures multiplie'es et enehaine'es av.ee assez d' art sont imit.es de l'Arioste et du Tassc. M. Martelli n'a pas pu donner de l'inteiet a un sujet aussi pauvre , mais il a su conserver et nieme souvent accroitre les bcaute's de style qui ont fait vivre I'ouvrage anglais. 52. — Annali delle scienze del regno Lombardo-Veneto. -- Annales des sciences pour le royaume Lombardo-Ve'nitien. Padoue, i83i ; il parait eliaque mois un cahicr ; prix d'abonncment pour uu an, t5 livr. iml. Ce recucil , dont il a paru deux tres-bons cabiers, s'occupe do loutes les branches des sciences, et vient.remplacer beaucoup de recueils spe'eiaux qui sont morts fautc d'un auditoire suffisaut. Sou ITALIE. — BELGIQUE. l53 haitooa ' c clui-ci de meilleures destinc'es; il en est dignc. Le fonda- tciu- est M. Fusinieri, physicien tres-distingue'. 53. — Rivista orticola. — Revue horticole, ou Journal des jar- diniers et des amateurs, renf'crmant tout cc qui pent inte'resser les homines qui s'occupent du jardinage . l'annonce des nlantes utiles ou agrc'ables nouvclleinent de'eouvertes , les nouveaux proce'de's de cul- ture, les perfectionnemens et les inventions d'instrumens, des ana- lyses et extraits de tous les ouvrages publie's en Italic et an dehors sur {'horticulture. Plaisance, i83o-i83i ; on s'abonne chcz Joseph Tedeschi ; il parait un cahier de •! a 3 l'euilles chaque trimestre ; prix, pour un an, 3 francs. Cette revue a publie' son premier cahier an mois d'avril i83o : depuis lors , elle a parfaitement re'pondu aux espe'rances qu'on avait concues de son utilite'. II noussemble toutefois que l'e'diteurpourrait sans inconvenient agrandir son cadre , et faire a ses lecteurs des communications plus fiequentes ct plus e'tendues. 54- — La Ricreazione del savio , etc. — Les recreations d'un savant en communication avec la nature et avec Dieu ; par le pere Daniel Bartoli , de la compagnie de Jesus. Venise, 1 83 1 ; Gattei. In- 1 (3. II y dans cet ouvrage plus d' eloquence, plus d'imagination et de couleur que de savoir et de raisonnement severe. 55. — Manuale dell' architetto, dell ingegnere , etc. — Ma- nuel de laichitecte et de l'inge'nieur • par Ar.toine Ascoiya. Milan i83o ; Sehiepatti. Ans. P. BELGIQUE. 56. — Recherches sur la loi de la croissance de I'homme ; parM. Quetelet. Bruxt'lles, 1 83 1 . M. rIayez.In-4" de 32 pages, avec une planche. L auteur dece Me'moire approfondit une question que Ton croyait re'solue : prolitons de cet avertisscment , et sachons avouer que nous avons beaucoup a apprendre sur les choses meme que nous crayons savoir le micuxj mais e'est principalemeiit dans les recherches rela- tives a 1 liumme que les esprits justes , ct par consequent pen disposes a se COBtenter d'une mediocre instruction , eprouvent bientot combien l54 LIVRES ETRANGERS. il est difficile tie decouvrir unc voic qui puisse conduirc an but qu'ils veulent atteindre ; ct lorsquc cctte voie leur est ouvcrte, d'autres obstacles mettent leur perseverance a l'e'preuvc. « Lcs plantes et les ammaux paraissent obc'ir , comme les raondes , aux lois immuables de la nature ; et ccs lois se ve'rificraient sans doute , avec la meme rc'gulaiite pour les uns et pour les autrcs , sans l'intervention de l'liomme , qui cxerce sur iui-menie et sur ce qui 1'entoure une ve- ritable force perturbatrice dont Tintensitc parait se de'velopper en raison de son intelligence , et dont 1'effet est tel que la socie'tc nc se ressemble pas a deux e'poques differ entes. » Nous serons peut-etre long-teins re'duits a nous contenterdc cette distinction entre les forces dont nous avous observe Taction, a regarder cclles dont il nous est possible de pre'voir et meme de mesurer les effets comme tout-a-fait e'trangcres a quelques autres dont Taction nous semble tout-a-fait irre'guliere; e'est celles-ci qu'on regarde comme perturbatrices. Mais la science de Thomme est la moins avance'e de toutcs les divisions de nos connaissauces; si noire planete subsiste asscz long-tems sans commotion qui ane'antisse la race bumaine , nos annalyses seront porte'es plus loin , et nous saurons peut-etre ramener a des lois ge'ne'- rales tous les faits de la nature , en y comprenant ce qui est relatif a Thomme. Ne nous pressons point de faire des theories , et tachons d'epargner aux generations futures la peine de de'molir ce que nous aurions e'difie en terns peu convenable, avec des mate'riaux qui nc seraient pas a Te'preuve du terns. M. Que'telet repre'sente par une courbe, dont il donne V equation, le rapport entre la taille moyenne de Thomme et Tage de Tindividu , depuis la naissance jusqu'a Tentier de'veloppement. Les donne'es dont il a fait usage ont ete' choisies avec soin , mais siu- un espace trop circonscrit pour que Ton puisse encore ge'ne'raliser les re'sultats nu- me'riqucs auxquels il est arrive. L'auteur lui-meme les restreint a Bruxelles et a la province de Brabant; il est probable queplusieurs, au moins , pcuvent etre e'tendus au-dela dc cctte limite. Quclques- uns de ces re'sultats contrediscnt des croyances ge'ne'ralemcnt accrc'- ditees; ainsi , par exemple , on ne soupconnait point que « la taille dc Thabilant des villes surpassc de deux a trois centimetres celle de Thabitant des campagnes , a Tage de dix-neuf ans; que lcs jcuncs gens qui apparliennent a des families aise'es, et qui se livrent aux BEEGIQUE. HOLLANDE. l55 etudes , de'passent ge'ne'ralement la taille moyennc. » Le calcul a fail de'couvrir d'autres rapports tres-remarquables entre l'age du jeunc liomine et le de'veloppemcnt correspondant ; la loi de continuite y est observe'e : « Depuis plusieurs mois avant la naissance jusqu'au de- veloppement complet, les accroissemens diminuent avec l'age. Entre cinqetseize ansj'accroissernent annuel est assez re'gulier , et il est le douzicme de celui du foetus dans les mois qui precedent la naissance. Les citations que nous avons faitcs exciteront sans doute la curio- site , et ceux qui se plaisent aux lectures propres a satisfaire a la Ibis les curieux et les penseurs voudront lire ce Me'moire; ils y revien- dront plus d'une fois. F. HOLLANDE. 5"]. — Over het Kasteel van Antwerpen. — Sur la citadelle d'Anvers; par Adam Simons. Utrecht, i83i. In-8° de i i9pages. C'est en i568 que le due d'Albe posa la premiere pierre de la citadelle d'Anvers , qu'il fit construire pour contenir la population de la ville , comme il avait fait pour d'autres villes des Pays-Bas , munies aussi de citadelles. Sa circonfe'rence est de deux mille cinq cents pas.L'e'glise contient encore beaucoup de monumens fuue'raires de nobles Espagnols qui y ont e'te enterre's. Au milieu de la grande place existait autrefois la statue que le due d'Albe s'e'rigea a lui- meme avec les canons pris sur l'ennemi; trait d' arrogance que le roi et les nobles ne lui paidonnerent jamais. La citadelle d'Anvers, quoique prise plusieurs fois dans ces derniers siecles , est tres-forte. Carnot a montre en 1814 comliien elle offre de moyens de defense. M. Simons termine son discours par quelques allusions a Fc'tat actuel des choses dans les Pays-Bas. 58. — Letlres a M. Letronne , sur quelques monumens gre'eo- e'gyptiens du Muse'e d'antiquite's de Leyde, parM. C.-J.-C. Reuvens, professeur d'arche'ologie et directeur du Muse'e. Leyde, i83o. In-40. Les trois lettres ici publie'es contiennent une dissertation scienti- fique sur les papyrus bilingues et grecs et sur quelques autres monumens gre'co-egj'ptiens. M. Reuvens, e'tant a Paris il y a quelques anne'es, ycommuniqua aM. Letroime les difficultes qu'il e'prouvait a lire, sur un monument en marbre du muse'e de Leyde , une inscription grccquc qui lui I )(» LIVRES ETRANGERS. semblait etre d'onginc c'gyptiennc. Le sens de 1' inscription prise en masse e'tait asset evident; raais quelques mots dorit la signification paiticuliere cmbarrassait le professenr n'avaient etc cxplique'es par pcrsonnc, lorsrpie l'accjnisition faile par le gonvernement des Pays- Bas de la collection d'antiquite's e'gyptiennes dc M. le chevalier Anastasy vint henreuseinent faciliter a M. Reuvens rintciligence du texte jusque la reste' obscur. Parmi les objets tres-curieux dont abondait cette collection , se tronvait un certain nombrc de mannscrits sur papyrus , parini les- quels on en comptait vingt en grec et trois bilingnes. Ge sont ces derniers qui servircnt a M. le professenr Reuvens ponr arriver a l'explication de son inscription. La collection Anastasy, line autre collection de M. de Lesclurc . ne'gociant a Bruges , une derniere enfin de madame Cimba, de Li- vourne , re'unies a ce qn'on avait pu se procurer d'autre part , for- merent bientot un riche muse'e e'gyptien. Le professeur jugea altars a propos d'e'tendre son travail a la classe cntiere des monumens gre'co-e'gyptiens, formant une introduction naturelle aux monumens puremeut egypliens. Les travaux et les dissertations sur cct inte- ressant sujet composent l'ouvrage divise en trois lettres qu'il adresse aujourd'hui a M. Letronne. La premiere de ces lettres est consacre'e a une notice prelirainaire sur deux principaux mannscrits bilingues sur papyrus , du musee deLeyde. Dans la secondc , M. Reuvens expose scs conjectures sur l'inscription grecquc en question. La troisieme est relative aux pa- pyrus grecs. L'auteur nc considere ces lettres que comme une espece dc preface a un grand ouvrage sur ces divers mouumens. La pre- miere lettrc s'occupe dc deux papyrus en caracteres bie'raliques , dc la plus grande importance. lis paraissent etre des rituels magiques e'mane's du systeme mythologique e'gyptien , que modifiaient plus ou moins les principes des seetes philosopbiques ctlliaumaturgiquesdes premiers siecles de notre ere. On decouvre surtuut clans le second manuscrit des allusions a des ceremonies magiques entrepnses SOUS I'invocation de 1' Amour. — Ce qui rend surlout inte'ressant le premier manuscrit, e'est qu'etant generalement hie'ratique, il conUeut a\c( quelques testes grecs des transcriptions interline'aircs de mots dc'mo- tiques trace's en caracteres grecs. Tl provient dc llielio HOLLVNDE. 1 5*] Le sujet de la sccondc lettrc est un monument de marine portant une peiuture d'un oiseau tenant dans ses griffes une souris avec 1'in.scription grecque : Archates Pelrius le devin ( a de'die ) cet oiseau de presage des devins(&a prix)-dt? quatre assanions. Les raisons donne'es par 1M . Reuvens pour dc'montrer l'origine e'gyptienne de ce monument rare ont paru convaincantcs. - La deuxieme parlie de la secondc lettre a pour objet la description d'unc momie. La personne morte esl une jeune fdle de seize ans , et sa filiation est le sujet de l'ins'criplion , ainsi que l'epoque a laquelle elle a ve'eu. La troisieme lettre se compose d'une revue ge'ne'raic de la masse principale des monumens gre'eo-e'gyptiens de Leyde, savoir, les pa- pyrus grecs et d'autres monumens d'un moindre volume, mais qui se rattaclient a la meme etude. L'autcur les examine l'un apres l'autre, et y de'ploie la plus profonde erudition. Mais ce que nous avons dit suffira pour faire appre'eier le me'rite du nouvel ouvrage de M. Reuvens. Les lettres adi'esse'es a M. Le- tronne trouvcront sans doute en France des juges qui ne manqueront pas d'en faire une analyse plus complete et une critique judicieusc. •Nous n'avons voulu en donner ici qu'un apercu. 5g. — Gedichten van M. M. C.van Hall; Tweede f'erzame- ling. — Poe'sies de M. M.-C. van Hall. Seconde collection. Amsterdam, 1829. In-S° de x-*ioo pages. M. van Hall, avantageuscment connu parson Pline le jeune , traduiten francais, et son Val. Messala Corvinus , etpar d'autres ouvrages, avait deja conquis sa place au.Parnassc batave en pu- bliant un volume de poe'sies. Nous sommes loin de la flatterie , en assurant que celles qu'il publie aujourd'hui nc cedent aucunement a celles qui les ont pre'ee'de'es. Nourri dans l'c'tude des classiques romains , M. V. Hall n'aban- donne pas la route trace'e par ses maitres : c.'est un ton male ct viril qui domine dans le poeme intitule' M. Tullius Cicero. Une ode , a I'occasion du a5oe anniversaire de l'universite de Leyde, me'rite sous tous les rapports d'eti e placc'e au rang des mcilleures poesies lyriques hollandaises. Parmi les autres pieces contenues dans ce vo- lume , nous distinguons encore Corne'lie, mere des Gracches , oil la versification facile et elegante e'gale la hauteur des pense'es. XX. LIVRES FRANCAIS. Co. — Theorie des ressemblances , on Essai philosophique sin- ks nioyens dc determiner les dispositions physiques et morales des animaux d'apres les analogies de formes , de robes et de conleurs ; par le chevalier Da Gama Machado. Paris, i83i; Treuttel et Wurtz. In-4", orne de ao planches colorie'es. L'ouvsage que nous avons sous les yens, n'a point encore de place dans le cadre des sciences naturelles , et sous ce rapport il ne peut etre accueilli qu'avcc tie'deur par les naturalistes dont les ide'es sont fixes et arrete'es. Un anatomiste, en effet , rejctte toutce quele scalpel ne de'montre pas a ses yeux , et le physiologiste n'e'taie que sur les organcs fondamentaux les theories dela vie , dont il resume les actes a l'aide de raisonnemens a priori ou Lien a posteriori de- duitsdeleur organisation fondamentale. La theorie dcGall,d'ailleurs, qui a servi de base a ce travail , est loin d'etre goute'e en Fiance comme elle le me'rite. Objet de sanglantes critiques ou de plaisan- terics ameres , elle a e'te negligee par des savans qui trop souvent passionnent leurs jngemens; et sans pouvoir dire jusqu'a quel point elle me'rite les e'loges exclusifs ou le blame dont elle a e'te l'objet , toujours est-il que chez nous cette doctrine tient peu de place , tandis qu'en Allcmagneet surtout en Anglcterrc elle fleurit et prometderendre des scivices aux sciences morales. La Theorie des ressemblances , basc'e sur l'application des ide'es dc Porta , de Lavatcr et de Gall applique'es aux mceurs des animaux, a qnelquc chose d'original, de neuf , qui blcsse de prime-abord nos ide'es conventionnelles sur les me'thodes ou sur les svstemesde classification adoptees pour reccvoir les descriptions de formes des etres. Porta et Lavater, par le dc'cousu des jugemens erronc's qu'ils ont trop souvent avance's , ont de'truit le LIVRES FRAN^AIS. i5g me'rite dc burs observations. Le premier surtout, laissant errer son imagination , a invente' le plus al)surde systeme qu'il soit possible de cre'er , et cependant , de meme que Virgile trouvait de l'or dans le fumier d'Ennius, que de germes de hautes pense'es morales sont seme's fa ct la dans le livre peu connu de Porta ! La pense'e fondamentale du livre de M. Machado ( que nous pou- vons nommer , bien qu'il ait garde une sorte d'anonyme , en ne mettant sur son livre que les initiates de son nom) est celle-ci : Que tout etre, quelle que soit sa classe, qui ressemble a un autre par ses formes exterieures , doit avcirles mimes mceurs et les memes habitudes que celui qui en. est le prototype. Or c'est rentrer , comme on le voit , dans 1'adoption pure des causes finales exclu- sives , sujet si controverse et pendant encore au tribunal de la science. Toutefois , appuye sur 1' unite' d'espece de M. Lamarck, et sur la grande loi pose'e par le savant Geoffroy Saint-Hilaire sur les ana- logies, M. Machado de'duit de ses tableaux et de ses descriptions des faits applique's en partie a la doctrine de Gall, et qui constituent sa the'orie des ressemblances. Nous ne devons pas nous dissimuler que long-tems pre'valut parmi les naturalistes une opinion comple'te- ment fausse , savoir : que la couleur des animaux et la nature dc leurs te'gumens exte'rieurs e'taicnt cboses fugaces, variables et de peu d'importance, et que jamais enfin ces parties (telles que les poils et les plumes, par exemple ) ne devaient fournir de bons caracteres zoologiques. L'auteur,en donnant une grande importance physiogno- monique a ces parties , de'passe peut-etre le but ; mais nous pensons entierement comme lui , et cette opinion est partage'e par divers na- turalistes, surtout par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire : selon eux, la nature et la forme des poils ou des plumes , et meme leur coloration, ont une fixite' assez grande pour etre du plus grand poids dans les rapprochemens d'especes et de families. Nous nous croyons en mesure aujourd'hui, a l'aspect seul d'une peau d'oiseau mulile'e, de la I'apporter au vrai groupe naturel de sa famille. Une partie tres-inte'ressante du livre de M. Machado est celle 011 il de'erit les mceurs des animaux qu'il e'leve avec une rare perseve- rance et de grands frais. L'histoire morale des mammiferes ou des oiseaux est a peu pres comple'tement negligee dans les livres de nos l6o LIVRES FRANCJAIS. ndturalistcs , ct ecrlcs plus dune description consignee dans cc livre sera utt episode dont s'emparcront les livrcs de zoologie. ties lialiitudes du sansonnet gouttenx, vieil hdte de l'auteur , du se'ni- gali , du roilelet , du troglodite , el surtou! celles du joli singe saimiri, sont d'un veritable inte'ret. Le livrc de M. Maeliado est principalemcnl destine ;m\ gens du inondc, et plus parliruliercmcnt encore aux dames. II a voulii qu'au lieu d'un album futile, cllcs prissenl gout a I'etude de la nature. En basant ses prineipes snr les Ibrines extericures , il a voulu cnlever a leur scnsibilile jnsqu'au plus le'gcr pretext c de ne'gliger unc elude agre'able et utile, -xo ])lanclies colorie'es avec soin et reprc'scntant par des cxcmplcs saillans tous les objets de'erits, parlcnt aux yeux inicux que les paroles. Un abre'ge du sysleine de Gall , avec plus d'une application faite par l'auteur d'anres ses observations , scrt (^introduction a ce volume nnprime' avee lc plus grand soin. Enfin on doit des rcmercimens a 1VI. Machado de ce qu'e'tranger il ait public son livre en francais, de ce que, riche, i! consacre tous ses loisirs a ['education des animaux pour observer leurs mceurs, et de cc qu'enfin, homme du monde, il cbercbe a populariscr dans une classe plus avide de jouissanccs que d' etudes , un gout qui ne pent que touraer a l'avantage de la science. Son livre d'ailleurs est e'erit avec une simplicite noble ct rapide, \t procure une lecture agrcable, et notamment 1' introduction, oil brillcnt de ge'ne'reuses pense'es. Partout I'atiteur se montre homme de bicn , el de'gage dc toute opinion exclusive. Lesson. 61. — Statistujiie botanique ou Flore du departement de la Somme et des environs de Paris; par Ch. Pauguy. I"' livraison . Amiens , i83 1 j Paris , Gabon. In-8° de xiv et 28 pages. Cet ouvrage, qui re'unit , mais de maniere a ce qu'elles puissent ctre distingue'es , les plantes des environs de Paris ct celles du de'- partement de la Somme , differc par sa forme des nombreuses flores qui ont paru jusqu'a ce jour. L'auteur a employe , pour les families naturclles , pour les genres dc chaque famille , ct pour les especes dc chaque genre , des tableaux synoptiques faits avec beaucoup de soin etqui, n'admettanl pas des caractcres opposes et bien tranche's, conduisent sans hesitation an nom spe'cifiquc qu'il s'agit de deter- LIVRES FRAN£AIS. l6l miner. Toutes les personnes qui ont e'tudie la botaniquc doivent se rappeler combicn leurs premiers pas e'taient mal assures , et quel e'tait leur embarras , lorsqu'une flore a la main , il leur fallait nom- mer les especes qu'elles avaient cueillies. Les descriptions les plus longues, par cela qu'elles ne sont pas comparatives et ne pre'sentent pas une opposition suivie entre les caracteres, ne laissent souvent que des ide'es confuses; tandis que des descriptions courtes paraissent presque toujours insuffisantes. MM. Delamark et Decandolle obvierent en partie a cet inconve'- nientdans leur Flore francaise; maisla me'thode dicbotomique pure- ment artificielle qu'ils employerent e'tait pe'nible a suivre , et surtout ne laissait ricn dans 1' esprit. Les tableaux que M. Pauguy a composes, et dans lesquels il nous parait avoir pris pour modelc la zoologie analytique de M. Dume'ril , qui a la ve'rite ne s' e'tait pas occupe des especes se'pare'es par des caracteres plus le'gers , remplissent parfai- tement le but qu'il a voulu atteindre et seront tres-utiles aux com- mencans. Dans cette premiere livraison,ontrouve : i° ceux qui conduisent a la determination des q3 families naturelles qui composent la phane- rogamie. On a fait un cboix des caracteres les plus faciles a etre reconnus a ceux tire's de l'insertion des e'tamines, qui , tout essentiels qu'ils sont, sont saisis avec peine paries e'leves; on a substitue des caracteres tire's du nombre des e'tamines et des pistils : il en est re- sulte que plusieurs families se trouvent scinde'es sue ces tableaux et reporte'es a diffe'rentes places; mais alorson a eusoin d'indiquer chaque fois quels sont les genres ou les especes qui donnent lieu a ces divi- sions. Cette sorte de fusion entre le systeme sexuel de Linne'e et la me'thode naturelle facilite beaucoup l'e'tude et e'vite une des plus grandes difficulte's de la distinction des families. 20 Les tableaux relatifs aux renonculace'es , berberide'es , nym- phe'ace'es , papave'race'es , fumariace'es et le commencement des cru- ciferes. Les genres et les especes se trouvent en outre range's dans leur ordre naturel avec indication des caracteres qui n'ont pu entrer dans la composition des tableaux synoptiques. Rigollot fds. 62. ^^ — Du moiwement des ondes el des travaux hydraul'u\ues TOME LI. JUILLET l83l. 11 ]f>3 LIVRES FKAN^AIS. maritimes, par A. R. Emy, colonel du genie on retraite , etc. Paris, 1 83 1 ; Anselin, in-4° dc 188 pages, avee un atlas in-f° dc 10 plan- ches ; prix, 1 5 fr. M. le colonel Emy a e'te' charge long-tems dc la direction des tra- vaux dc fortifications a la Rochelle et a Bayonne; il a fait une c'tndc speciale da mouvement des ondes ct de leur action sur les obstacles qu'on leur oppose , etles faits qu'il a vns lni ont foumi la base d'nne the'orie difiercnlc de celle que Ton avait admise jusqu'a present. II s'est borne a ce que l'observation a constate, mais il a pense que rien ne devaity etre omis; il n'adinet point les suppositions que les ge'o- metrcs ont introduiles dans leurs formules, pour rendre praticables les operations du calcul analytique. Dans une preface tres-courle , 1'auteur expose avee clarte' et precision l'ordre et le but de ses recher- ches : il faudrait transcrire presquc toule cette introduction pour donner une idee exacte de tout l'ouvrage ; citons au moins le re- sume qui la termine. « Quoique je sois force d'examiner la the'orie des ondes admise jusqu'ici , pour montrer en quoi elle est imparfaite, et que je pro- pose de lui en substituer une autre plus complete , on ne doit point s'attendre a trouver de l'analyse dans cet ouvrage, qui , par conse- quent, n'est pas un savant traite de I' oscillation des ondes , mais settlement la reunion de mes nombreuses observations sur des faits reconnus vrais jiar tons les marins , ou recueillis par moi , et des ex- plications au moyen desquclles j'ai cherche', sinon a former une the'orie complete , au moins a ajouter quelques connaissances utiles a celles qu'on a deja sur des phe'nomenes que les inge'nieurs combattent demiis long-tems avee pen de succes. Je crois en avoir dit suffisam- ment pour ce qu'exige 1'art de construire a la mcr et de maitriser lesjlots, ce qui e'tait mon principal but. Je serais hcureux si mon ouvrage pouvait attircr assez 1'attention des savans , pour determiner des recherches rigoureuses qui sont du ressort des ge'ometres physi- ciens. » L'auteur consacre son premier chapitre a la description des phe'- nomenes du mouvement des ondes ; il expose ensuite la the'orie ac- tuelle de ce mouvement. Apres ces deux chapitres , il passe a l'expo- sition de sa nouvelle the'orie , mi'il dc'veloppe en l'appliquant aux LIVRES FRAN^AIS. 1 63 ondulations simultane'es , a la reflexion des ondes , an clapotage, au ressac, etc., etc. Auxtrois cliapitrcs employes a ccs explications, M. le colonel Emy en ajoute un sur les ras de mare'e et. sur le mas- caret ou barre a 1' embouchure des fleuves dans l'Oce'an. Nous re- grettons que cette nouvellc the'orie ne puisse se passer du secours des figures pour etre facilemcnt intelligible. Les explications que l'auteur en a dcduites ont aussi besoin d'etre e'claircies par I'inspec- tion des planches, en sorte que nous sommes dans lane'cessite'de ren- voyera l'ouvrage meme ceuxde nos lectcurs qui voudronts'approprier cette nouvelle acquisition des sciences physiques. Letemsqu'illui con- sacreront ne sera pas perdu pour les jouissances que procure la simple curiosite'. L'auteur passe en revue un grand nombre de phe'nomenes, dans les divcrses conlre'es du globe , et parvicnt a leur appliquer sa the'orie d'une maniere tres-satisfaisante. Apres avoir fait la part de la science, il passe a celle de l'art des constructions maritime.-; il de'crit et discute la forme qu'il propose de donner aux profils de revetement pour les ouvrages a la mer ; il soumet a l'examen les di- vers moyens employe's jusqu'a present pour e'tablir le calme dans les por.ts ; et compare les revetemens plans a ceux de figure concave qu'il a proposes. II faut bien que les changemcns qu'il s'efforce d'inlroduire dans cette partie des constructions maritimes soient fon- de's sur des raisons tres-spe'cieuses , car plusieurs inge'nieurs les ontadopte's, sans attendre lesre'sultals d'expe'riences assez prolon- ge'es pour etre de'cisives. Cetouvrage est du nombre deceuxdontles traducteurss'cmparent, et qui se naturalisent dans tous les lieux ou les sciences et les arts prosperent; l'auteur doit s'altendre a trouver des interpreles en An- gleterre, en Allemagne et ailleurs. 63. — Memoires sur le canal de I'Ourcq et la distribution de ses eaux ; sur le desse'chement et l'assainissement de Paris , et les divers canaux navigables qui ont e'te mis a execution ou projete's dans le bassm de la Seine , pour l'extension du commerce de la ca- pitale; avec un atlas descriptif; par P.-S. Girard, inge'nieur en chef des ponts et chausse'es , charge' du service municipal de la ville de Paris, membre de l'institut national de France, etc. T.I. Paris, 1 83 1 ; Garilian-Gceury. Grand in-4° de 8o feuillcs d'impression , 1 1. I 64 LIVRES FRANC/VIS. avec 3o planches gravc'cs par J. Adam; prix, 45 francs. L'ouvragc cntter sera tic 3 volumes de 80 feuilles chacun , et I'atlas dc 100 planches. Le second volume sera public en i83'2, et le dernier en 1 833. L'histoire du canal de l'Ourcq est tres-propre a de'voiler aux in- ge'nieurs toutes les difficulte's morales contre lesquelles ils auront a hitter dans la direction de travaux de quelquc importance , ou qui s'e'eartent des vues et des moyens vulgaircs. L'auteur commence par cctte narration, et lui consacre neuf chapitres, outre un grand nombre dc pieces justificativcs. La chronique relative a, la navigation de l'Ourc([ remonte jusqu'au seizieme siecle; mais a la fin du premier chapitre, le lecteur est transporte a l'e'poque de 1802, ayant franchi en 18 pages un intervalle de deux cent soixante-douze ans.Dans sa course rapidc.l'historien arecueilli des faitstres-dignesd'etreconnus, et dont quelques-uns trouveront peut-etre leur place dans d'autrcs hisloires. Ainsi on ne manqucra point de rapporter que les lettres- patentes octroyees en i63'2 au sieur Foligny, qui se chargeait de rendre la riviere d'Ourcq navigable jusqu'a la Ferte'-Milon,conferent la noblesse a cet entrepreneur et a huit personnes qu'il de'signera, pourvu qu'elles ne soientni dela Normandieni duDauphine. — Dans l'histoire des mceurs de cour, on pourra citer la me'saventure d'un succcsseur de Foligny , qui apres avoir sacrifie' des fonds tres- conside'rables pour continuer 1'entrcprise de celui-ci . se trouva de- vance' par un gentilhomme de la chambre auquelcette meme navi- gation e'tait conce'de'e par lettres-patentes enregistre'es au pailement. II fallut que le malheurcux entrepreneur consentita des arrangemens tres-one'reux avec le courtisan. « II parait que, dans ce tems-la , 1'obtcntion de ces sortes de concessions e'tait un grand sujet d'in- trigues , et que l'autorite qui les accordait , voyant apparemment en cela un moyen facile de partager ses faveurs , ne i'aisait pas difficulte' de pourvoir du meme titre diffe'rens solliciteurs , en leur laissant le soin de contester ulte'rieurement entrc eux et de tirer , aux de'pens les uns des autres, lemeilleur parti de leurs pretentions mutuclles.w Une telle administration n'c'tait ]>as propre a faire prospe'rer les entreprises industrielles : la navigation de l'Ourcq fut enlin ote'e aux concessionnaires qui l'avaient achete'e tour a tour et donne'e au due LIVRES FRAN^AIS. I 65 d'Orle'ans, commeune partie de l'apanage du duche deValois, con- stitue en sa faveur. Enfin , on vit paraitre un projet d'une utilite re'elle, analogue a ee qu'on a fait au commencement du dix-neuvieme siecle , et dont le dix-septieme cut pu jouir. Apres avoir acheve'le canal deLanguedoc, le ce'lebre Riquet proposa d'amener , par un canal navigable , les eaux de l'Ourcqjusqu'a Tare de triompbedu faubourg Saint- Antoine, sur un de'veloppement de plus de vingt lieues ; de les conduire par un autre canal pratique dans le fosse de l'enceinte fortifie'e qui en- tourait alors la partie de la capitale situe'e sur la rive droite de la Seine, depuis 1' entree decetle riviere jusqu'a sa sortie, et de pour- voir ainsi a la siirele de la navigation dans tous les terns , outre qu'elle eut e'te de'barrasse'e des obstacles que lui oppose le passage des ponts , etc. Ce projet, s'il cut etc execute a cette e'poque, aurait eu sur la prospe'rite, et peut-etre sur les destinees de Paris, une in- fluence plus e'tendue qu'on nc le croirait au premier coup d'ceil ; plus puissante et plus forte qu'elle n'avait puledevenir, meme sous le regno de Napoleon , la capitale cut pu repousser l'e'traugcr. Le projet de Riquet avait surmonte les obstacles qui retarderent son adoption, et les travaux e'taient commences lorsque cet illustre inge'nieur mourut : quelques anne'es plus tard , la France perdit Colbert : les travaux sur l'Ourcq furent suspendus en 1684 , et le projet oublie pendant trente ans ne reparut en 1 7 1 7 que pour etre de'linitivement repousse par le regent , malgre les modifications qu'on y avait faites, dans l'espoir de le faire accueillir plus favorablement. Le dix-buitieme siecle s'e'coule , le directoire de la re'publique fran- caise a remplacc' l'ancienne monarcbie , et succombe lui-meme , avee la liberte' de la France , lorsqu' enfin , en 1802 , le projet execute fut adopte par le gouvernement consulaire. M. Girard fut charge de la direction des travaux. Les chapitres suivans sont l'bistoire de ces travaux, et quelquefois aussi cede de quelques embarras cause's par des pretentions rivales, des vues diffe'rentes de cedes qui avaient pre'valu , une complication toujours nuisiblc dans line administration , aulant que dans une ma- chine. L'itrvasion de la France , en 1 8 1 4 > fit suspendre quelque terns l66 LIVRKS FRAN^AIS. Ics travaux tin canal. Lorsqu'il fut possible de les continuer , on y ressentit bicntot l'influence du nouveau goiivemcmcnl ; d'ancienncs pretentions revinient; dcsquestions re'solues depuis long-terns furcnt soumises a de nouveaux dc'bats; enfin !a direction dcs travaux passa en d'autres mains. Mais les soinsde M. Girard ne furent pas perdus pour sou entrcprise de predilection, pour l'ceiivre a laquclle il s'etait de'voue tout entier; dans un terns critique, lorsque re'puiscnicnt du tresor public la menacait d'un abandon funeste , il parvint a lui pro- curer des ressources qui l'amenercnt a une heureuse fin ; le courage ct la perseverance furent couronne's par lesucces. Le constructeur de ce monument a eu le droit de placer a la fin de sa notice bistorique le mot exegij mais en conside'rant l'instabilite desclioses bumaines, ces revolutions rapides dont nous fumes te'moins, et celles dont i'avc- nir semble menace' , il n'ose acbever le vers d'Horace. Puissent les destine'es de la France garantir la plus longue dure'e aux construc- tions dont l'utilite' publique est 1'objet , et perpe'tuer en meme tems la juste renomme'e du talent et du savoir qui pre'siderent a ces travaux ! Quinze pieces justificatives viennent a l'appui de cette narration , depuis les lettres patentes accorde'es par Louis XIII a M. deFobgny pour la navigation del'Ourcq , jusqu'a rordonnancedeLouisXVIH, ratifiant, en 1818, le trait c entre le pre'fet de la Seine et les entre- preneurs des canaux de Saint-Denis et de Saint-Martin. A la suite de cette introduction bistorique , 1'auleur a place un Memoire intitule : Essai sur le mouvenient des eaux courantes , et sur la figure quil convient de dormer aux canaux qui les contiennent. Les travaux qu'il dirigeait e'taicnt une suite d' expe- riences oil sa tbe'oric e'tait soumise a des verifications decisives. Muni de ces nombrcuscs observations , il a retoucbe' et completle Y Essai public en i8c>4 sur le meme sujet , et le prc'sente aujourd'bui aux pjbysiciens et aux ge'ometres comme un outrage entierement nou- veau. M. Girard considere une masse fluide comme compose'e de filets ou de lames auxquelles il substitue, bypotbe'tiqucment, des chaines 011 des tissus d'unc flexibilite parfaitc; 'il legitime ensuitc cette sub- stitution en de'montrant que les circonstances du mouvement et les L1VRES FRANCA1S. 1 67 conditions de 1' ecoulement stable sont les memes pour un fluide in- compressible tel que l'eauetpour une cliatne telle qu'il l'asuppose'e. J^stabilite de l' ecoulement est l'c'tat d'e'quilibre entretoutcs les causes acce'le'ratricesetretardatricesqui tendent a modifier la vitessedu fluide ou de la chaine. Cos rechercbes ne sont accessiblcs qu'aux lecteurs familiarises avec le calcul des variations. Le Me'moire est termine' par des applications de l'analyse mathe- matique a Taction des eaux courantes sur les parois de leurs fits. L'auteur en de'duit plnsieurs consequences importantes. Dans les Me'moires suivans , les ge'ne'ralitc's sont abandonne'es et l'atlention des lecteurs est tout entiere pour ce qui concerne le canal de l'Ourcq. On trouve d'abord nn extrait du rapport fait par M. Girard, en i8o3 , sur la destination du canal de l'Ourcq, etc. , rapport sur lequel on ne statua qu'en 1804. Le jaugeage des eaux de la riviere d'Ourcq est l'objet d'un Me'moire oil les divers proce'de's employe's pour cettc mesure sont discute's , et leurs re'sultats compare's entre eux. Le reste du volume est rempli de documens sur divers travaux de construction et;de reparation , et l'auteur y joint des recbercbes et des dissei'tations d'un inte'ret plus ge'ne'ral. II discute les divers systemes de ponts ou fixes ou mobiles , qui c'tabbssent la communi- cation entre les deux rives d'un canal navigable; il fait voir qu'un pont fixe, avec des cbeminsdcbalage qui passent par-dessous, coule moins que celui qui , dans le meme emplacement , n'offrirait point eette facilite' pour la navigation; il pre'fere les ponts-levis et a bascule aux autres formes de ponts mobiles , sur un canal d'une largeur me- diocre , tel que celui dont il s'agit. Une dissertation sur les me'thodes employe'es pour mesurcr la force physique des ouvriers pre'sente la question sous un aspect nouveau : e'est par le produit d'un travail ordinaire bien dirige que M. Girard determine cette mesure , et de preference , par le produit des ateliers nombreux, ou des hommes inc'gaux en force e'tant re'unis peuvent donner , en un seul jour, la connaissance de la mesure moyenne de la somme de leurs efforts, du re'sultat de leur travail. F. G4v_ — Statisti/fiifi generate du departement du IlautlViin , l68 LIVRES FRAN^AIS. jmblie'c par la Societe industrielle de Mulhausen. Premiere el deuxieme livraison. Mulhausen, i83i. In-4° de liuit feuilles par livraison. II existe a Mulhausen une socie'te' de proprie'taircs industricls qui n'a pas eu la pretention de se faire academic, et qui raodestement a ope're beaucoup plus de choses utiles qu'on ne dclute communc'ment de phrases dans les socie'te's savantcs.On lui doit les plus grands en- couragemens pour l'agriculture et lc commerce, et voila que ,frappe'e d'une lacune facheuse , elle public a grands frais, et avec un soin ex- traordinaire, un travail quimanquait a la province. En effet,bien des anne'es se sont c'coule'es depuisle dernier essai en ce genre ; la marche du tems a amene des changemens essentiels , et l'unde nos julus beaux de'partemens demeurait a peu pres ignore'. La Socie'te a done com- mence par donner trente-deux tableaux, dont trois sont consacre's a faire connailreles e'tablissemens oil Ton travaille le fer, soit au moyen de martinets, soit par des tre'fileries , soit dans les forges. Des co- lonnes nombrcuses mettent le lecleur au fait de tout : il apprend quels sont les produits , le nombre des fours , celui des ouvriers , les con- sommations de combustible, etc. , etc. Viennent ensuite des tableaux sur les arts et professions relatifs aux autres me'taux; il en est un spe'cialement voue a l'e'tablissement si connu de M. Japy, a Beaucour. On trouve ensuite des details sur les exploitations de houille , les carrieres, les fours a chaux, les briqueterics, les verreries, sur les tourbes, le bois a briiler; j'y lis avec effroi que Ton n'en consomme pas moins de 274/275 steres par an , sans compter les fagots. A partir du quinzieme tableau , on s'occupe des produits agricoles , et des professions qui s'y raj^portent. Ony apprend que le de'partement duHaut-Rhin donne anne'e commune 276,283 hectolitres dc vin, et 72,480 hectolitres de biere, chose d'autant plus facheuse que la vente des vins expovte's autrefois sur lc duclie de Bade et la Suisse se trouve presque entierement entrave'e par suite de repre'sailles exerce'es en haine de notre impot sur les betes a comes. Ainsi, par un mauvais systemc de douanes , la France se privc d'une importation conside- rable de numeraire e'tranger, importation qui bonifierait la balance du commerce d'environ deux millions. On dit que le marche de Poissy s'en trouve bien ; e'est une consolation pour lc vigneron alsacien LIYRES FRAN^AIS. 1 69 lorsque le percepteur vient lui demander son dernier ecu. Apres ces tableaux, on trouve ceux qui concernent les cotons, les toiles peintes , la laine, la soie, les cuirs, les colles, etc. , etc. Celui de l'instruction publique nous montre unc seule e'cole d'enseignement mutuel , tandis qu'il y a dix ans la province en e'tait couvcrte. Si la premiere livraison est chiffre'e, la seconde este'criteet fortbien c'crite. J'ignore a qui il faut en faire compliment, mais il y a me'tbode , clarte' et bonne distribution. On s'occupe d'abord de la description physique : les lacs , les montagnes , les rivieres, les canaux; et Ton donne un e'tat fort interessant des diffe'rentes elevations au-dessus du niveau de lamer. La plus haute montagneest le ballon deGuebwiller, qui a i,432 metres de hauteur au-dessus de la mer, tandis que celui de Guemagny n'cn a que 1 ,'i/^o. La oe'te'orologie suit tout na- turellement ces observations , puis les divisions politiques et admi- nistratives, le cadastre, lesdouanes, les contributions, enfin, et ce n' est pas le chapitre le inoins important, une excellenle description ge'ognostique qui ne pent etre quel'ouvrage d'un savant tres-profond. Quand on fait de pareils ouvrages, on rompt entierement la facheuse parente' qui, auxyeux des personnes peu e'claire'es, unit encore les statistiques et les almanachs. Les parties qui restent a publier sont la zoologie, la flore d' Alsace et des Vosges limitrophes, les anti- quite's, les de'veloppemens a donner aux tableaux , enfin une carte qui formera la derniere livraison. Le prix de l'ouvragc est foil mo- dique. P. de Golbery. 65. — Atlas topographique , statistique et ge'ologique du departement du Puy-de-D6me , e'tabli sur les plans du cadastre , et dresse d'apres unc triangulation ge'ne'rale , raltache'e a celle du de'- jiot de la guerre; par F.-E. Busset, ge'ometre en chef du cadastre, membre de la Socie'te de Ge'ographie , et de la Socie'te des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Clermont. 7" carte. Paris, i83i; Piquet, quai Conti, n° 17 , et Goujon, rue du Bac , n° G; prix, 12 fr. L'atlas du departement du Puy-de-D6me sera compose' de vingt- cinq cartes, dont sept paraissent actuellemcnt. Celle que nous annon- cons renferme une partie de l'arrondissement de Riom , oil se trou- vent les communes d'Ennezat , Entraigues , Volvic , etc. La lettre ■ct la ta*ille-douce sont parfaitement traite'es; tons les accidens du lei- 17° LIVRES FRAN^AIS. rain sontlidelemeut rcpresente'sdans le systeme dcla lumiere oblique. Les rapports (|iu ont etc fails, par MM. Puissant, Corahceuf etBrous- seaud , an depot de la guerre et a la Socic'tc de Geographic , rendent a ce Lean ti avail la justice qui lui est due, et le mettenl Lien au- dessus de l'atlas qu'a public feu Desmarcsts sur la ineine conlre'e. Nous espe'rons que celte entrepr ise importante obtiendra un favorable aceueil des savans et des ge'ographes , et qu'clle sera couronne'e d'un hcurcux succes. Francoeur. 66. — Le Christianisme explique , ou l' unite de crorance pour tons les Chretiens; par M. J. A. Gle'i'zks. Paris, i83o; Fir- min Didot, rue Jacob , n° 'i\. In-K" tie re- cieusement le petit nombre d'anecdotcs que la me'moire de niadamc d'Abrantez lui a fournies. Nous en avons remarque unc entre autres qui place le grand homme sous un jour si neuf ct si piquant, que nous ne pouvons re'sister au de'sir de la citer. « Jeme rappelle que le jour ou il (Bonaparte endossa l'uniformc, il e'tait joyeux comme tous les jeunes gens a parcil jour; mais il avait dans son babillement une cbose qui lui donnait une apparence fort ridicule , e'e'taient ses bottes : elles e'taient d'une dimension si singulierement grande que ses petites jambes , alors fort grelcs , disparaissaient dans leur ampleur. On sait que rien ne saisit le ridicule comme l'enfance; aussitotque, ma sceur et moi , nous le vimes entrer dans le salon avec ses deux jambes affuble'es de la sorte, nous ne piunes nous contenir, et des riresfous s'ensuivircnt. Alors, comme plustard, il n'entendait pas la plaisantcrie ; des qu'il se vit 1'objet de notre hilarite', il se facha. Ma sceur, qui e'tait plus grande que moi et beauconp plus age'e, lui re'pondit tonjours en riant, que puisqu'il ceignait l'e'pe'e, il devait etre le chevalier des dames, et qu'il e'tait bien hcureux qu'eiles plaisantassent avec lui. « Onvoit bien que vous n'etos qu'une petite pensionnaire , » dit alorsNapole'on, d'un air de'daigneux. Ma sceur avait alors douze a treize ans. On peut penser combien ce mot la blessa. Elle e'tait fort douce ; mais nous ne le sommes plus, nous autres femmes, quels que soient notre age et noire caractere habituel, lorsque notre vanite' s'en mele. Celle de Ge'cile fut blesse'e au vif de repitbete de petite pensionnaire. « Et vous, re'pondit-elle a Bonaparte, vous n'etes qu'un chat botte'. » Tout le monde semit a rire; le coup avait porte. Je peindrais diffi- cilement la colea-e oil il mit Napoleon. II ne re'pondit rien , el il fit bien. » On n'avait pas encore parle, me semble, des ridicules de Napo- leon; mais, ce qui est plus remarquable, e'est l'impression que cette 182 L1VRES FRANgAIS. iunocente plaisanteric produisit sur un esprit aussi fier. Vingt ans apres cllc n'e'tait pas oublie'e, ct raadarae d'Abrantcz s'en servil alors, avec son adresse dc fcmnic, pour e'mousser les traits mordaus que 1'empereur lancait, dans ses acces de bonne bumeur et avec assez peu de genc'rosite , sur les commensaux de sa maison impe'riale. Le portrait suivant achevera de peindre Bonaparte, et de donner une idee du personnagc qu'il devait laire dans la belle socie'te. « A celte e'poque de sa vie , Napoleon c'tait laid. |Depuis , il s'est fait en lui un changement total. Je ne parle pas de l'aure'ole presti- gieusedesagloire; je n'entends que le changement pliysique qui s'est ope're graduellement dans l'espace deseptanne'es. Ainsi toutce qui c'tait en lui osseux, jaune, maladif meme , s'est arrondi, e'clairci, embclli; ses traits, qui e'taientpresquc tousangulcux et pointus, ont pris de la rondeur, parce qu'ilsse sont revetus de chair, dont ilyavaitpresque absence. Son regardetsonsouriredeiueurerent toujoursadmirables; sa personne toute entiere subit aussi des changemens :sa coiffure, si sin- guliere pour nous dans les gravures du pont d'Arcole , e'tait alors toute simple ; parce que ces memes muscadins , apres lesquels il criait tant, en avaient encore de bien plus longues : mais son teint e'tait si jaune a cette e'poque , et puis il sc soignait si peu , que ses cheveux, mal peigne's, mal poudre's, lui donnaient un aspect de'sagre'able. Ses petites mains ont aussi subi la metamor- phose. Alors elles e'taient maigres , longues et noires. On sait a quel point il en e'tait devenu vain, avec juste raison, depuis ce tems-la. Enfin, lorsqueje me repre'sente Napoleon entrant, en 1795, dans la cour de l'hotel de la Tranquillite , la travcrsant d'un pas assez gauche et incertain , ayaut un mauvais chapeau rond enfonce sur ses yeux, et laissant echaipper ses deux oreilles de chien mal poudre'es, et tombant sur le collet decette redingote gris dc fer, devenue depuis banniere glorieuse , tout autant , pour le moins , que le panache blanc de Henri IV; sans gants, parce que, disait-il, c' e'tait une de- pense inutile; portant des bottes mal faites, mal cire'es ; et puis tout cet ensemble maladif, re'sultat dc sa maigrcur , de son teint jaune : enfin quand j'e'voque son souvenir de cette e'poque et que je lc revois plus tard, jc ne puis voir lc meme homme dans ces deux portraits. » Madame d'Abrantcz juge avec plus dc preventions favorahlcs le LIVRES FRAN^AIS. 1 83 lu-ur de Napoleon : clle le montre, dans di verses circonstances , done d'une bonte d'ame et d'une sensibilite'qu'on n'a point l'habitude de lui attribuer. Doit-on s'en rapporter, sous ce rapport, aux ob- servations d'une jeune lillede dix a quinze ans? Je ne sais, mais Je role qu'il joue dans unc affaire ou se trouve implique Salicetti, son cnnemi personnel et myste'rieux , est bonorable et ge'ne'reux. Tout le re'cit de 1' evasion de ce conventionnel, poursuivi par une de ccs reac- tions si communes dans la Revolution, est plein d'un inte'ret pressant. et dramatique, dont on ne rencontre pas un second exemple dans la suite de ces Me'moires. A.J. 73. — Revue normande , re'digc'e par une societe de savans et de litterateurs de Rouen , de Caen et des principales villes de Ja Normandie; cahier de Janvier. Caen i83i ; Paris, Lance. In-8° de i3i pages; prix de l'abonnement , i5 fr. pour un an. Cctte revue, par des articles varies , utiles, atteint son but de faire mieux connaitre une province qui a plus de ce'lebrite'historiqnc que certains Etats (V.Rev.Enc. t. xLvin, p.774)-Pmsie,us de ses collaborateurs e'tudicnt d'une maniere spe'cialc 1'arcLc'ologie , et ils u'epargnent j)as, a une e'poque rc'ccnte, de durs reprocbes pour des devastations dont les guerres de religion et ensuite l'incurie des administrations avaient laisse' de plus nombreux exemplcs. Apres tant de circulaires , de mesures ministe'rielles , qui sont rcste'es sans efficacite, pour la conservation de nos anciens monumens , le gou- vernement de 1 83o n'a pas assez compris que le moyen le plus sur de les restaurer , ou d'en pre'venir la demolition , est dans l'organisation constitutionnelle qu'attcndent encore les conseils de dc'partement , d'arrondissement et de municipalite. Naguere j'ai pu verifier, au ministere de l'inte'rieur, que les bureaux jugeaient comme construc- tion gothique une des plus belles abbayes normandes , rebatie sur le plan de la nouvclle maison de Saint-Denis. Des conservatcurs , aussi instruits que de'sinte'resse's , se sont charge's de l'inspection des mo- numens innombrables de cette province : pour 1'Eure et la Seine-In- fe'rieure , MM. Le Prevost, Fe'ret, Gaillard, Deville, La?iglois, Estancelin , de la Chambre des deputes; pour le Calvados , MM. de Caumont , Lambert, de Formeville ; pour la Manchc, MM. de Gerville , Asselin , Tracers, Bitouze-d'Auxmenil;\wmYOrn(, l84 LIVRES FRANCAIS MM. Vaugeois, Galeron, Libert, Patu de Saint- fincent. Les socic'tc's savantes, qui comprcnnent l'archc'ologie dans Ieurs travaux , nc dc'crivcut le plus souvcnt que des monumens isolc's ct assis sur leur tcrritoirc. M. dc Caumont , c'diteur a Caen dc la Revuenormande, agrandit ccs rccbciches par des voyages; e'est ainsi qu'on lui est rcdevable d'un aperai sur l'e'tat des etudes arclie'olo- giqucs dans tout l'ouest de la France. Cette Revue retrace l'e'tat moral de la Normandic en 18:29, d'apres le comptc general de 1'administration dc la justice crimi- nelle. Nous avons de'ja dit que cette statistique n'est admissible que comme renseignement {V. Rev. Enc. t. xlix, p. 674 ). Comment de'duire d'unc formule alge'brique la morabtc d'un pays , admett! e qu'on rencontrera dans la Seine-Infe'rieure un coupable de vol ou de meurtre parmi 2,4'-*4 habitans, et un semblable criminel parmi 4,773 individus dc l'Orne? II a c'te'eommis dans l'Eure 1099 debts 1'orestiers et 4o sculcment dans le Calvados, parte que cc dernier de'- partcment est dc'pourvu de bois. Dc meine, l'Orne pays agricolc, pen manufacturer, n'a eu que 91 accuses Ac grands crimes, tandis que la Seine-Infe'rieure, beaucoup plus peuple, couvcrt de fabriques, voisin de la capitale, en a compte '.>.84.— Pour 1829, les dons el legs, au- torise's par ordonnances royales, se sont e'leve's, dans la Normandic, a 730,348 fr. , dont 516,817 fr. aux e'tablissemens religieux. Mais pour les c'colcs primaires , pour l'instruction du peuple,... ricn!!! On trouvc encore, dans ce rccueil, des l'enseigncmens inte'ressans sur les travaux scientifiques , litte'raircs ct industriels de la Norman- die. Nous avons fait connaitre, dans la Revue encjclope'dique, les plus inqiortans des ouvrages qui ont e'te'dernierement public's. Le pre- mier volume in-4° de Ia2cse'riedesMe'moiresde laSocie'te linneenne dcNormandica obtcnu un grand succes qu'il doit principalement a la traduction, par M. de la Foye , professcur a la faculte des sciences de Caen,d'une partic delaDcscriptionphysiqucdesiles Canaries, par ML Leopold de Bucli. M. Girardin, professcur de cliimicaRouen, a public aussi des Considerations gc'ne'ralcs sur les volcans (1). Nous parlerons plus tard du Cours d'antiquitcs monumen tales , par M. de (I) Rouen, 1830; in-8° tic 250 page*. A Paris , Carillan-Gocury ; prix.. LIVRES FKAN^AIS. 1 85 Caumotit. Lne emulation patriotique, trop rare dans les unties provinces , anime les socie'te's savantes de la Normandic : a Caen , comine a Rouen, et par leurs nombreux correspondans , ellesriva- iisent dc zele par leurs recherches , de savoir par leurs observations el leurs me'moires , pour le progres et la prospe'rite du pays. Si notre siecle n'a pas , ainsi qu'on le re'pete , le genie qui cre'e les sciences , d'abord e'est que les sciences sent faites , et il possede le genie po- silif qui les compare entre elles , les sort de la the'orie pour les ren- dre cannaissauces usuellcs. Isidore Le Brun. 74- — Programme des principales recherches a j aire sur Vhistoire et les anliquites du de'partement du Word; par A. Le- glay. Canibrai, i83i; Hurez, imprimeur. In-8° dc 68 pages. « La Socie'te d'Emulatiou de Cambrai , adoptant le programme ci- dessus, declare qu'ellc de'eernera une me'daille d'or de 200 francs an meilleur me'moirc sur un point quelconque des anliquites ou de l'histoire du de'partement du Nord. Les me'moires devrontetre adres- scs a M. le secretaire perpe'tuel avant le ier aoiit de chaque anne'e. » Le programme de M. Leglay est effectivement un guide necessaire pour les e'rudits qui voudront prendre part a ceconcours. En 1820, ce laboneux investigatcur , se bornant alors a l'arrondissement de Cambrai , avait fait, pour cette partie du de'partement du Nord, ce qu'il a etendu depuis les cotes du Pas-de-Calais jusqu'aux Ardennes. II indiquc les lieux dignes d'attention, les ouvrages oil Ton trouvera des c'claircissemcns sur quelques-unes des ncuf divisions de rccber- clics a cntreprendre : arche'ologie , numismatique , pale'ographie, diplomatique, topographie , hisloire et biographie , philologie , (.-Ihvgraphie , bibliographie . Le grand nombre d'auteurs qu'il cite, les savantes dissertations deja publie'es sur ces divers objets , poui- raieut laire penser que des recherches ulte'rieures ne re've'leront plus nen d'important : M. Leglay est d'un tout autre avis. F. -J. — Le Monde Nouveau; par M. Rey-Dussueil , autcur de l» Fin du Monde. Paris, i83i ■ Eugene Renduel. In-8° de m et >()(> pages; prix , 7 fr. 5o cent. 5 fr. L'Acadcmie des sciences deRouc;i a insdrc cct ouvra^e dans le volume dr scs Metnoirts dc 1 830 . l86 L1VRES FRAN^AIS. •jii. — Les Trois Amis , histoire du terns present , par le menu-. Paris, i83i ; A. J. De'nain. In-8" de xvi-34S pages; prix, 7 ft. 5o c. Nous avons annonce dans le tems la publication du pre'ee'dent ouvragc de M. Rey - Dussueil ( voyez Bev. Enc. , t. xi.ix , p. io'i , Janvier i83i ). L'auteur de la Fin du Monde abien voulu accepter une des critiques que nous avions faites de son livre ; il convient que ce ne sont point des romans qu'il e'erit, raais des pamphlets politiques. Get aveu nous autorise a re'prouver encore plus fortement la forme qu'il a choisie pour la Fin du monde et le Monde nouveau. Son livre est-il destine aux femmes et aux honimcs superficiels ? La matiere qu'il traite est trop grave , et il la traite trop pesamment. Est-ce aux esprits se'rieux qu'il s'adresse ? II y a trop de frivolite's inutiles , et la matiere n'est pas explore'e assez profonde'ment. A. la ve'rite, il semble se faire un me'rite de ce papillonnage indigne du sujet. « Si l'auteur , dit-il dans sa preface , avait voulu de'veloppw toutes les ide'es politiques qu'il a remue'es en passant, il lui aurait fallu e'erire des volumes; mais il n'est pas de ceux qui, dans leur hautaine vanite, se dc'fient de 1'intelligence des lecterns ; il na presente que des sommite's d' ide'es ; quand une pense'e a e'te indique'e, il a cru devoir s'abstenir de tout de'veloppement. » Les lecteurs seront sensibles a ce com- pliment; mais ils aiineraient mieux , sans doute , avoir a remercier M. Rey-Dussueild'unbon livre que d'ime galanterie. Chacund'eux, ai-rive' au bout de l'ouvrage , demandera quel a cte' le but , quel est le systeme , quelles sont les opinions de l'auteur. La re'ponse est assez difficile. Dans les sujets de cette nature, ce sont pre'eise'ment les sommite's d'idees qui sont triviales et rebattues. Ce qui est rare, e'est une idee , une idee complete , embrasse'e dans toute son e'ten- due , de'veloppe'e dans tous ses details , pousse'e a bout et re'sume'e en systeme : e'est la le travail d'unc tete forte et d'une conviction profonde. Mais courir d'hypothese en bypothese, poser a plaisir ou des problemes insolubles , 011 des problemes re'solus par les faits , depuis la fondation du monde social ; mais , au milieu d'une deduc- tion logique , s'arreter tout court et terminer la discussion par une plaisanterie, tant spirituclle soit elle, ce n'est point l'ceuvrc d'un L1VRES FRAN^AIS. 187 pcnseur 011 d'un pamphletaire utile, ce n'est point ce que M. Rey- Dussueil nous promettait dans sa preface par ces mots e'nergiques : « Quand les plus simples notions du juste ctdu vrai sont livreesa la confusion, quand une poigne'e d'avocats s'efforcent de rabaisser la France a lcur taillc, et plaident la revolution de juillet avec les misc'rables arguties du Code deprocedure , tout artiste doit jeter sa palette et faire servir son talent a la plus juste des causes. » Le be'ros du Monde Nouveau continue ici le reve qu'il avait commence dans la Fin du Monde; la comete de i83u,a fait pe'rir la vieille societe dans un autre deluge; Bre'mond, sauve' avec quatre femmes , une comtesse francaise , une baronne allemande , une marquise italienne et une lady anglaise , se voit force de re'aliser ses utopies de gouvernement , et d'appliquer ses ide'es d'ordre social. La famille d'abord, puis la cite, puis la nation, se de'veloppent sous ses yeux; il faut les organiser, et il y procede par une se'rie d'expe'- riences traverse'es par beaucoup de de'sappointemens. Cependantson monde marcbe assez bien, quand une catastrophe vient renverser tous ses plans : les doctrinaires et la Chambre de i83o, qui ont sauve tant de cboses , se sont eux-memes sauve's du naufrage uni- versel, et viennent s'e'tablir a cote de la uaissante colonie. Leurs fu- nestes conseils ont bientot bouleverse' tous les plans de Bre'niond, et ane'anti tout le fruit de ses efforts. Le monde nouveau repasse par toutes les revolutions qui ont ensanglante l'ancien ; et lorsqu'a la fin le peuple lasse jette un cri de republique , Bre'mond se reveille dans sa chambre, a Paris, et entoure' de ses amis, joyeux de le voir sor- tir de sa le'thargie. Ce qu'on remarquera surtout dans ce livre c'est un style rapide et brillant, quoique souvent manie're et boursouffle; c'est une pi'odiga- lite de plaisanterie spirituelle. La description de la colonie doctri- naire est une bouffonnerie de tres-bon gout , et tres-amusante. Nous ne notons point quelques exage'rations si fortes que l'auteur lui-meme les ferait disparaitre a une seconde lecture de son livre. Un Lomme aussi instruit que M. Rey-Dussueil ne doit pas dire se- rieusement des choses telles que celle-ci : « Quand la comete est venue, il y avait plus d'ide'es politiques dans la tete du dernier e'tu- diant que dans la tete d'un ministre du dix-huitieme siecle, commc J 88 LIVRES FRAN^AIS. mi mince professeiir de college e'tait plus avance que Newton dans les sciences malliematiques. » La jcuncssc dc ce terns est forte , sans doute ; mais e'est nne raisou pour ne pas lui preter des fanfaronnades' ridicules. Dans les TroisAmis^l. Rey-Dussucila chcrchc unc forme moins seclie pour de'velopper ses ide'es politiqucs sur 1c moment present. A-t il rc'ussi? a-t-il fait one peinturc vraie des moeurs ct des liommcs an milieu dcsquels il vit? nous ne lc croyons pas. Les trois liommcs qu'il fait paraitrc sur la scene, au milieu d'une intrigue d'amour bi- zarre ct froidc , ne rcprc'scntcnt scion nous aucun des types que pent offrir notrc c'poquej celui qu'il a charge du role de 1'ancieii regime est d'une nullite' complete , ct sans quelques hominages bicn sinceres de l'auteur lui-meme a f elegance ct a l'urbanite du faubourg Saint- Germain, companies aux manieres des salons dc nos banquiers, cctte fraction des moeurs contemporaines ne scrait point mentionnee dans son tableau. — Le pcrsonnage auquel il a fait porter tout le fardeau de sa juste aversion pour les doctrinaires est d'une exage'ration re'voltantc. Dans un tems oil la ve'rite' en tout genre trouve tant de garantics , e'est un mauvais moyen de ruiner ses ennemis que dc les calomnier. Or, e'est calomnier une sccte politique telle que le parti dont il s'agit que de la pcrsonnifier dans un etre si vil qu'on manque d' ex- pressions pour le pcindre, et qui a une dc'goutante immoral ile' joint un cynisme de langage qui le ferait bannir de toute socie'te' , jc ne 4 EUROPE. GRANDE-BRET AGNK. loiquicst coupablc de tons ccsiiHiirtrcs; ellepunil de mort un hominc pour la piraterie : il n'y a pas de plus forte peine pour l'assas- sinat ; et, comme vous savez, il est plus sur de mettre les te'moins a l'e'cart. Je suis certain que s'il y avait gradation dans les peines , le meurtre deviendrait plus rare. » Quoiquc Gibbs ne donne aucune marque de repentance, il est evident que les souvenirs de sa vie passe'e lui sont a charge. II a maigri conside'rablement durant le terns de son proces ; son visage est devenu pale , ses yeux se sont creuse's , ses membrcs se sont af- faiblis ; mais son ame de'sespe'ree, hardie, entreprenante, se con- serve aussi fcrmc; son caractere est affable ct communicalif, et son sourire aimable et doux. Ad. M. EUROPE. GRANDE-BRETAGNE. Nouveau proce'de de distillation. — M. Robert Hicks , liicdc cin anglais, vient de faire unc de'eouverte remarquahle , et qui pent avoir une influence indirccte , mais iinportante , stir le commerce des grains et sur ragriculture. II a utilise la vapeur qui s'e'leve du pain a mesure qu'il cuit, ct il en tire, en la condensant, l'alcool qui y est suspendu en forme de gaz. Le four et l'appareil de distillation qu'il a fait construire a cet effet sont simples, e'eonomiques dans I'cinploi des combustibles, et semblent ne rien laisser a desirer. Le four, de forme circulaire, en plaques de fcr, la partic inte- rieure revetue de briques pour recevoir les pains prepares comme a Tordinaire, est porte'e sur un ouvrage a jour en briques , qui laisse tout autour du four un espace libre oil la flamme et l'air chaud peu- vent circuler. A un pied au-dessous du fond, la grille a charbon est supported par une plate-forme en fer , de meme diametre et de meinc forme que le four; fixe a un axe vertical et mobile, ce plateau iourne aveclui,al'aidc de deux roues a engrenage quise commandent l'une verticale, tenant a l'axe, 1' autre liorizontale , et mue par une mani- vclle. Gr^ce a ce foyer mobile , la chaleur se distnbue e'galcment GRANDE-RRETAGNE. ?.o5 siir toiitcs les parties du fond et dcs cote's du four. Un large ttiyau, place' au-dessus, recoit la vapeur que la cuisson de'veloppc, et la fail circuler a travers un long tube on re'frige'rateur , selon les proce'de's ordinaires de distillation. La vapeur du pain contient du gaz acide carbonique , melange avec l'alcool vaporise'; ce dernier se condense, et le gaz s'chappe du recipient qui recueille V esprit. Au soinmet du four, une invention inge'nieuse regie la temperature avec la plus grande precision. Un tube en fer , contcnant un thcrmometre plonge dans l'huile , est dis - pose de maniere a etre enfonce' et retire du four a volonte, de facon a pre'venir tout danger dans le cas oil la chaleur deviendrait trop intense. L'alcool obtenu ainsi est pur et sans couleur ; sa le'gere saveui acide, qui rappelle cclle de 1'e'tLier, n'a rien de de'sagre'able , et dis- paraitrait probablement par une rectification. On assure qu'un pain de quatre livres peut donner trois onces d'esprit de vin , pendant le terns ne'eessaire a sa cuisson , et la pate est plus le'gere et meilleure, la vapeur s'exhalant a mesure qu'elle se forme. M. Robert Hicks a pris un brevet d'invention. Londres. — Nouveaupont. — Londres, ville du comfort pour les riches , oil leur perte viendra peut-etre de ce qu' une partie de la po- pulation savoure avec exces toutes les jouissances de la vie , dont les prole'taires n'ont quelavue,vientde s'embcllird'unnouveau pont.Le modique pe'age est pre'levc au profit dcs ouvriers blesses. C'est un ouvrage splendide ; les deux trottoirs sont paves de larges blocs de granit, et par dessus les parapets, hauts de pres de quatre pieds, on jouit de la plus admirable perspective. A Test , la Cbambre des communes, les Douanes, la Tour, et une foule de mats, de'ployant, au vent, qui pousse jusqu'aux pieds des vastes magasins les flottes charge'es des richesses des deux mondes, leurs pavilions, leurs flammes de mille couleurs ; enfin l'horizon est ferine' par les douces ondulations des collincs de Kent. L'entre'e du pont, du cote de la cite', n'est pas encore termine'e, a cause de l'immense e'gout que Ton creuse a la profondeur de trente- six pieds au-dessous des maisons. — Un nouveau projet pour alimenter la ville d'eau pure et sainc 206 EUROPE. vient d'etre mis an jour par l'ingcnieur Wellman Wright. line s'a- git de rien moins que d'c'tablir sous le lit de la Tamise les fibres a travers lesquels l'cau clarific'c sortira en quantitc suffisantc, non pour abreuver toute la ville , mais pour en fournir abondammcnt a la coinpagnic qui la vcndra et distiibuera aux acheteurs, et qui peut sc promettrc dc grands profits de cctte speculation. Societe pour la conservation des monumens nationaux. — II s'est forme dans la yiile d'York une societe pour la conserva- tion des monumens anciens. Grace aux souscriptions de ce comite de restauration , qui rappelle, pour nous en faire rougir, notre fameusc bandc noire , ou comite de destruction , non-seulcment la celebre tribune , mais aussi les mines pittoresque de l'abbaye de Saintc-Marie, et les muraillcs qui entourent la ville ne tombcront pas en poussiere. Puisse le peuple anglais conservcr cct amour des souvenirs , ce culte du passe' , dans l'e'lan qui le pousse a un rajeu- nissement! Prophetic — Le New Monthly raconte que dans le comte' de Kent, pies Wincheap, a Green-Field (le Champ-Vert), mieux nomine le Champ des Martyrs , ou , du tcms de la sanguinaire Marie, e'taient dresse's les buchers, les e'ehafauds, les instrumens desupplice, des enfans ont de'eouvert , ense jouant prcs d'un trou qui fut la place meme des exe'eutions , un vase en terre vernisse'e d'une conservation parfaite, et ou se trouvent deux pieces de monnaie anciennc, un poignard d'une forme e'trange , dont le manche est incruste d'argent, et un rouleau de parchemin qui portc l'inscription suivante en vieil anglais : cc iO lO v-r a W vf in coT -^ wf ^ CO cT ** to" aT fcO -^ to cT *o &i ** «*■> vs. to O '.O 5 W r- 1<1 r> 51 ^«3 '-O 5 C. '^>fl G-l CM 3 i n r - ' - ^ ■-■ ■- C. CM — C. lO ' ^i>'JlO?l '- — ■ ~ O ' * O W t - ( - c j wl'c~„vt' ° '■* -° lfv^ "~-°, "^ IC,C1C^.; J r-T cf— ** o" cC — * cc -* rjf O o"— ■" >n" < : iO - O ?* O to x 11 Ci ' - 'Co 51 C = ••T -O CM tO -* i -> i - CM C M -O c ■ O - ' : cc — — CO — co "■o — t-" co" 6" c-7 •** *■£ to" of r- cm ** t- c. ^ o ci CM CO CM CM -r- ) tO t- »o '.O Oi CTi r- CM — CT. to O < JSIO^C.'- lO JO C * - 'O W CM 'O i OO ^ r- Vf O W O (MO 'Jocr O — CM_CM^ 00^ CM CM CD BCS to" «-T — " o'^'o'o" SJ^tCOO'rOO c^ — co cc -t -o '.-, ~ O ~ %D lO ■■-:■ -■-■ cVV'V'vCM tO E-. tO 'OCC'* trCof -X lCcT— cTrC~ O^to" rO ^ O t- *" lO io — "3 S = — le^fSfiaa,<^aa,Cifljj-3 TOME LI, JUILLET 1 83 1 '4 OOQ ^ g o u ~ — 2 -: — o - C O 2 10 SUEDE. — HOLLANDE. — FRANCE. La Suede cntrctient des consuls dans les ft tats Barbaresques; mais, pendant l'annee 1819, aucun navire n'est cntrc dans les ports dc cette contre'e. La comparaison de la navigation de la Suede pendant ranneei87.<) avec celle des anne'es prece'dentes ne prc'scnte pas un rc'sultat avan- tageux ; car ellc montre que l'anne'c pre'ee'dente a occupe 5'.i batiniens de plus pour lc commerce exte'rieur. Parmi les pays avec lesquels les relations commerciales de Suede ont diminue se trouve la France. On attribuc ce fait principalement aux e'normes impots sur lefer, qui, e'tant deja d'un prix e'leve' en Suede , se vend maintenant moins favorahlemcnt en France , surtout depuis les progres de la fabrication du fcr dans ce pays. Les bois de Suede y sont aussi moins rcclierchc's , excepte pourtant au Havre, ou nne plus grande quantite de cette denre'e s'est vendue en i829qu'en 1828. G. B. M. HOLLANDE. Leyde. — Prix propose. — Le 5 juillet 1 83 1 , la Socie'tc' de lilte- rature liollandaise de cette ville a tenu sa seance ge'ne'ralc annuelle. M. le pre'sident Siegenbeek a ouvert la seance par la nccrologie des membres de'ee'de's, MM. Adriani, Bodel , etc. L'Acade'mie a mis au concours la question suivante : « Quelle influence ont eu les re'fugie's Francais qui ont quitte leur patrie a cause de la revocation de l'e'dit de Nantes, en i685, non- seulement sur le commerce et l'industrie , mais surtout aussi sur la litte'rature , la civilisation et les rnceurs des Hollandais. » Les me'moires devi'ont etre adresse's a M. le professcur Tydeman, secretaire de la Socie'tc, a Leyde, et y etre rejus avant le ^""Jan- vier 1 833. FRANCE. PARIS. Institut. — Academie des Sciences. — Seance du 4 juillet. — M. Latreillc fait un rapport sur un me'moire dc M. Lamarre- PARIS. 211 Piquot , relatif an bombix paphia , que ce naturaliste se propose d'inlroduirc dans lcs possessions francaises d' Alger. En s'al>stenant de prononcer sur le projet de 1'auteiu', la commission n'en rend pas inoins justice au merite de son travail , qui renferme des faits in- te'ressans , et qui merite les encouragemens de 1' Academic — M. Poisson lit un me'moire de M. Gallois , relatif aux conditions de re'solubilite des radicaux. Les conclusions de ce rapport sont peu favorables a l'auteur. — Seance du 1 1 . — M. Roulin e'crit une lettre sur l'emploi de la gelatine comme aliment, en re'ponse aux observations de M. Donne'. Cette lettre , a cause de son e'tendue , est renvoye'e a la commission de'ja nominee pour examiner la question dont il s'agit. Le fait principal rapporte par M. Roulin est fort curieux. Dans une excursion que ce jeune savant fit, vers la fin de i8a5, dans les fo- rets qui couvrent la pente ouest de Quindiu ( Colombie), le voyage, qui ne devait durer que deux jours, s'e'tant prolonge' jusqu'au qua- torzieme , e'puisa comple'tement ses vivres. Apres des recherches inutiles pour se procurer quelques substances alimentaires , il vint a l'ide'e d'un de ses guides d'essayer de manger ses sandales , qui e'taient en cuir non tanne et tres-ramollies par l'humidite du bois. II en fit rotir une, et commenca a la ronger. M. Roulin et trois per- sonnes qui l'accompagnaient suivirent son exemple. Apres avoir mange cbacun un tiers de semelle , ce qui ne leur coiita pas moins de deux heures de mastication , ds se sentirent e'tonnamment res- taure's, et ils reprirent leur route. lis n'abandonnerent pas cepen- dant les cceurs de palmiers dont ils avaient deja fait usage ; mais ils observerent cbaque fois que cet aliment relevait beaucoup inoins leurs forces qu'un morceau de cuir roti. Ils arriverent encore vi- goureux , le quatorzieme jour, apres avoir mange cinq paires de sandales et un tablier de peau de cerf. — M. Geoffroi Saint-Hilaire lit un memoire sur les dents ante'rieures des mammiferes rongeurs , oil il cherche a e'tablir que ces dents dites jusqu'alors incisives , sont des analogues des dents canines.— M. Becquerel lit l'analyse d'un me'moire dans lequel il examine les changemens qui s'operent, dans l'c'tat e'lectrique des corps , par Taction de la chalcur, du con- tact, du .frottement et de di verses actions chimiqucs et les mo- i4. 212 FRANCE. difications qui on re'sultcnt quelquefois dans l'arrangeinent de leuis parties constituantcs. — Lc reste dc la seance est consacre ;'i la lecture d'un me'moire dc M. Dutrochet , sur la respiration des plantes. La plupart des physiologistes ont conside're' les feuillcs conunc des especes de racines aeriennes, destine'es a puiser dans l'atmospherc l'eau et les autres principes qui contribucnt a la nutrition du vegetal. La face infe'rieurc dc la feuille, moins eolore'e (|ue la face superieurc , a paru , d'apres les experiences de Bonnet , el re spe'cialemetlt destine'e a l'absorption des emanations aqueuses qui s'c'levcnl du sol. D'un autre cote, on a reconnu que e'est dans les feuillcs que s'opere 1'c'lahoration dc la seve, qui rend le fluidc propre a la nutrition du vegetal. En consequence, plusieurs pliy- siologistes ont conside're les feuillcs comme les poumons des plan- tes. Cctte opinion a e'te reproduite par M. Brongniart , dont les rcchcrches sur la structure anatoraique des feuillcs ont de'montre dans ces organes l'cxistencc d'une grande quantite' de cavite's aeriennes , situe'es spe'cialement a la face infe'rieurc de la feuille ct communiquant avec l'air exte'rieur par les ouvertures des stomates. Toutefois il n'a point expc'rimentalcracnt prouvc' que cct air inte- rieur cut un usage physiologiquc analogue a celui de l'air employe dans la respiration des animaux : e'est le point que M. Dutrochet a essaye de re'soudre. Cet auteur , ayant observe que certaines feuilles , et principalement celles des le'gumineuses , perdaient asscz promptement la teinte blanchatre de leur face inferieure, lors- qu'elles e'taient plongc'es dans l'eau , soupconna que cela pro- venait de l'imbibilion de la feuille dont les petites cavite's aeriennes e'taient envabics par l'eau. Cctte opinion fut confirmee par une experience dont il donnc le detail. Apres des considerations mnl- tiplie'cs sur differens points dc la coloration des plantes, M. Dutro- eliet est venu c'tablir que les cavite's ae'riennes des feuillcs ne sont point des cavite's isole'es , mais qu'elles font partie d'un systemc pneumatique qui s'e'tend sans discontinurte dans toute l'e'tcndue du vegetal. Celte assertion est dc'montre'e par dc nouvelles expe- riences. II re'sulte du travail dc M. Dutrochet que, dans toutes les parties des ve'ge'taux, il existe des organes ae'riens remplis d'un gaz compose d'oxigene ct u'azotc , dans des proportions variables , mais paris. a is dans lequcl l'oxigcne est toujours en moiud^p proportion que dans I'air atmosphe'rique : ce qui prouve qu'il a e'te absorbe par les or- ganes inte'rieurs de la plante. Les expediences de cet autcur prou- vent en outre que cet air inte'rieur est eclui qui est le plus indispen- sablement ne'eessaire pour l'exercice des actions vitalcs des plantcs et meme de leur vie. Les plantes respirent done txacteraent couime les insectes , e'est-a-dire au moyen du transport de l'air respirable e'lastique dans toutes leurs parties. Mais l'origine de cet air respi- rable n'est pas tout-a-fait le meme : les insectes puisenl tout leur air respirable dans l'atmosphere qui les environnej les vegetans y pui- sent seulement line partic de leur air respirable ; ils en fabriquenl une partie plus considerable dans leurs tissus par 1'influencc de la lumiere, en sorte qu'on peut les aspbyxier e'galemcnt par la pompe pneumatique et par l'obscurite. — Seance du 18. — M. Savart lit un me'moire sur la limite infe'rieure du nombre dont doit se composer un son pour etre per- ceptible a l'oreille hamaine. M. Savart avait deja prouve , par des experiences communique'es l'an passe' a l'Acade'mie, que la limite supe'rieure devait etre recule'e beaucoup au-dela de ce qu'on avait imagine; par exemple qu'on entendait tres-distinctement des sons resultant de plus de 40,000 oscillations simples dans une seconde. Au moyen d'un nouvel appareil, dont il donne la description, le meme acade'micien fait voir maintenant qu'on obtienl des sons tres- nettement perceptibles , et meme tres-forts , quoiqu'ils nc sc compo- scnt pas de plus de huit vibrations par seconde. — M. Humboldt lit un fragment d'un me'moire intitule : Considerations sur le climai de I ' Asie et sur la temperature du sol dans ses rapports avec la conservation des parties molles des animaux antediluviens. — M. Geoffroy Saint-Hilaire lit im Me'moire sur Vemploi errone de de Vos intermaxillaire , pour en deduire les conditions indica- tives du caractere des dents incisives. — Seance du a5. — M. Grouvelle adresse une notice sur un perfeclionnement apporte' a la preparation en grand du bouillon de viande. Ce sujet se rattachc de pres a une question scientiflque qui a depuis pen attire l'attention de 1' Academic , celle de l'emploi de la gelatine oomjne aliment. II sera impossible en effet de bien jnger 2l4 FRANCE. des qualite's du bouillon de gelatine, tant qu'on n'aura j>as wppfa'aqfe a sa confection des procc'de's aussi parfaits que ccux avec lesquels on obtient le meilleur bouillon de viande. Jusqu'a present on a fabriquc en grand le bouillon dans des marmilcs profondes , chauffe'es dircc- tcnicnt par le feu. L"e'bullition toujours trop vive, etlapression due a la hauteur du liquide, altercnt si profonde'ment le bouillon , qu'il perd sa saveur et presque toute sa qualite. Pour fabriquer de bon bouillon au feu direct, il faut employer depetits vases et des foyers se'parc's; e'est ce qu'a fait jusqu'a ce jour la compagnie hollandaise du bouillon a domicile, qui obtcnait ainsi d'excellcus produifs pour une somme considerable. La haute temperature du bouillon dans les autoclaves donne aussi de tres-mauvais produits. Les calc- facteurs de Lemare , excellcns en petit , ne re'ussissent pas en grand, l'e'bulition y est irre'guliere ; le cuivre e'tame' donne toujours au bouillon une amertume sensible , et on n'y peut substituer la houille aucbarbon de hois. M. Grouvellea fait exe'euter , pour la compagnie hollandaise, d'apres les conseils de M. Darcet, qui l'avait, il y a plusieurs anne'es , propose a l'administi'ation des hopitaux , sans qu'elle en ait compris l'importance , un grand bain-marie entole, oil Ton a jete du sel provenant de raffinage du salpetre, pour re- monter le degre d'e'bullition de l'eau. Dans ce bain-marie , on fa- brique , avec douze ou quinze marmites de fer-blanc et avec la plus parfaite regularite, 1,000 ou 1,200 litres d'excellent bouillon, et au lieu de 3o ou 35 francs de bois, on ne consomme que 4 francs de houille. — M. Cassini fait en son nom et celui de M. de Mirbel, un rapport sur un me'moire de M. A. Brongniart, ayant pour titre : Observations sur la structure et le mode d' accroissemenl des tiges dans quelques families de planles dicotyledones. L'autcur, discnt MM. les commissaires , paiait avoir eu pour but , dans ses recherches , d'essayer de combler une lacune signale'e par M. Decandolle , qui pense que la classification ne pourra etrc complete que lorsqu'on sera parvenu a fairc concourir constammenl les caracteres de'duits des organes de la vegetation avec ccux que fournisscnt les organes de la reproduction. L'essai que pre'sentc au- joiiid'hui M. Brongniart conticnt un certain nouihrc de faits qui peuvcnl fairc espeier que les vues de M. Decandolle se re'aliseront PARIS. 310 unjoin1, puisqu'il rcsulte de ces i'aits que plusieurs families nalti- relles offrent dans la structure tie leurs liges quelques caracteres dis- tinclifs qui leur sont propres. M. A. Brongniart declare cntcrminanl son ine'moire, que l'anatomie compaie'c lui para it devoir etre la base dela classification des ve'ge'taux aussi bien que de celle des animaux. II pense que les feuilles et les fleurs ne peuvent pas offrir des modi- fications essentielles sans que la structure interne de la lige qui les produit en offre e'galement. II croit ineme que le vrai type caracte- ristiquc de 1' organisation d'une plante doit se trouver dans le corps de sa tige plutot que dans les appendices qui constituent ses feuilles et ses fleurs. — Academie francaise. — Seance publique du g aout i83i . — Le jour de cette solennite' a e'te', comme on voit, change par suite des e've'neraens politiques survenus en i83o, et reporte' a l'anniver- saire de la fondation de la monarchic nouvelle. — M. Lebrtin, di- recteur, pre'sidait. II a ou vert la seance par la lecture d'un rapport surla distribution des prix Montyon pour les actes de vertu. Quatre prix et onze medaillesont e'te de'eerne's. Les premiers ont e'te' obtenus par : Joseph Ignace, de Vic (Meurthe); Marie Mathieu, de- meurant a Lyon ( Rhone); Marie -Anne - Scholastique - Sophie Daudin, d'Orle'ans (Loiret); Alde'gonde-Josephe Ducrocq, de- meurant a Saint-Germain-en-Laye ( Seine-et-Oisc). Le re'eit des ac- tions qui leur ont valu cette honorable recompense a plusieurs fois e'mu vivement l'auditoire. — Trois prix fonde's pour les ouvrages les plus utiles aux mceurs ont e'te accorde's : i° a M. Thurot, au- teur de Y Introduction a V etude de la philosophie (prix de G,ooo francs ) ; j° a M. Monteil, auteur de l'ouvrage intitule' : Mceurs des Francais aux XIVC et XVe siecles (prix de 4,ooo f.); 3° a M. Bouilly, auteur des Contes populaires (prix de 27ooo f.) — Le prix extraordinaire sur cette question , mise au concours en iH'i-j : De la charite consider ee dans son principe , dans ses applications et dans soji influence sur les mceurs et sur I' eco- nomic sociale, a provoque' 1'envoi d'un grand nombre de Me'moires, dont l'Acade'mie n'a pas pu terminer encore l'examen : elle rendra compte de son travail dans une des prochaines seances pubbques de I Academic ou de l'lnstitut en coqis. — L'Acade'mie a remis au con- 2l6 FRANCE. cours unc autre question, qui n'avait pas etc' traite'e d'tinc maniere satisfaisante par les premiers concurrens : De lJ influence des lois sur les moeurs et des mceurs sur les lois. Les me'rnoircs dcvront etre envoyc's avant le i5 mars i83'^. — Un autre prix extraordinaire dc 10,000 francs sera de'cerne' a l'auteur dc la meillcure trage'die on come'die en cinq actes et en vers , compose'c par un Francais , repre- sentee, imprime'e et publie'e en France, du 9 aoiit i83i au 9 aoiit i834, et qui re'unira au me'rite litteraire le me'rite non moins grand d'etre utile aux moeurs etauxprogres de la raison. Les mernbres de 1'Acade'mie sont seuls exclus du concours. — Le sujct du prix d'e- loquence pour i83'2 est celui-ci . Du courage civil, de ses diffe- rens caracteres , des services quil rend a la societe , de ses droits a la gloire et a la reconnaissance publique. Le prix d' eloquence de i83o, rerais a i83i , avait pour sujct VEloge de Lamoignon de Maleslierbes >■ il a ete' remporte par M. Bazin , avocat a la cour royale de Paris , qui en a lu plusieurs fragmens , remarquables surtout par la puretc de style. Le sujct du prix de poe'sie e'tait : La gloire litteraire de la France. M. A. Bignan l'a me'rite par un morceau intitule : Epitre a un jeune romantique. Nous avons trouve dans cette piece, dont la versification est tres-correcte , unc grandc pauvrete' d'ide'es neuves, une grande se'cliercsse , une absence totale de cbaleur et de mouve- ment. Le rapport de M. Andrieux sur ce dernier concours e'tait elegant comme tout cc qu'il dit et e'crit; mais, nous l'avouons francbement, quoique avec bumilite, ses e'pigrammes e'taient un peu triviales i il est bien tcms d'en finir avec cette guerre de la jeunesse , qui cherche du neuf et qui se trompe souvent, conlre la vieiUesse , qui aimeses babitudes , bonnes ou mauvaises , et veut les imposer a toutlemonde. Tout cela est use' et de plus ennuycux ; quand on a de cent fa- cons reprocbe' aux romantiques pygmies d'attaquer les ge'ans classiques, on n'a encore rien prouve sur l'objet en discussion. Methode nouvelle pour I ' enseignement du dessin. — La So- ciete des me'thodes , qui s'occupc si beureusement des moyens dc PARIS. 217 re'pandre l'instruction , a sanctionnc dernierement unc uiethode propre a favoriser l'enseigneinent du dessin. C'cst la me'thode adop- tee par M. Alexandre Duputs, peintre d'histoire, qui en fait usage dans son atelier , rue Richer , n" 10, et dans plusieurs col- leges et maisons d' education. Voici en quoi elle consiste esscntielle- ment. La nature ne nous pre'sente que des objets plus ou moins sail- Ians , que le dessin est oblige de nous repre'senter sur des corps plans: dans la me'thode ordinaire, on commence par presenter a 1'e'leve des modeles graves qui ne lui offrent que des traits plans a imiter; de sorte que, lorsqu'on lui pre'sente des modeles en relief, il a une e'tude toute nouvelle a faire. M. Dupuis pre'sente aux siens, des 1'origine , des bosses, ou modeles en platre faits expres. Mais commeun commeneanl ne peut saisir a la fois plusieurs parties d'un tout, et veut etre conduit du simple au compose, on ne lui oflie d'abord a imiter que des tetes de'pourvues des traits de la figure, mais avec des mouvemens diffe'rens; ensuite des tetes oil les plans et les saillies sont indique's, mais sans aucuns details j puis des tetes dont les traits sont fortement accentue's ; enfin des modeles parfaits : telle- ment que 1'e'leve , parvenu a les imiter , ne trouve plus aucune diffi- culte's a rendre les plus beaux modeles de 1'antiquke'. On sent ce qu'une pareille me'thode a d'expe'ditif. L'e'leve voit d'un coup d'ceil ce qu'il s'agit de repre'senter , e'est-a-dire la nature en relief. II n'est point de'eourage par la ne'eessite de dessiner, pen- dant des anne'es, des yeux , des nez , des bouches , qui , n'e'tant pas mis a leurs places, ne lui pre'sentent pas d'ide'es nettes. Avec M. Du- puis, il voit l'ensemblc d'abord , et ce n'est qu'apres coup qu'il y place les details ; e'est la marche de la nature. Faut-il etre surpris des succes qu'il obtient soit dans son atelier, soit dans les e'coles publiques, soit chez les parens eux-memes? J. B. S. REVUE DES THEATRES. 'Ihkatre-Francjais. — Dominique , ou le Possede, come'die en trois actcs'et en prose de MM. D'Epagnv et Dipin {-i-i juillct). — 2l8 FUANCE. 1/ intrigue de cettc come'die est bicn nonce et attachnntc; les inci- dens bizarres, inattcndus, surgissent dJune facon comiquc et natu- relle. Les scenes sont bien amene'es, et lc rule du Pnssede, adrairablenicnt jouc' par Montrose , est une composition nenve et dramatique. Ricn de ])laisant comnic la scene ou il voit paraitre dc- vant Jui sa maitresse; ricn de plus original que l'cmbarras et l'inde'- cision de ce inalheureux, place entre le de'sir de re'pondre aux ca- resses de celle qu'il aime et la crainte que ccs caresses ne soient une suggestion diaboliquc. Aux e'loges nombrcux et me'ritc's que MM. D'Epagny et Dupin ont droit de rc'clarner, je joindrai pour- tant une critique le'gcre. Le premier acte de leur come'die m'a paru tourmente, torture, charge d'incidens inutiles, qui ne sont la tout au plus que pour temoigner de la facilite des auteurs a se cre'er des difficulte's et de leur talent a les vaincre. En resume , Dominique est une bonne piece , dont le sneces sera durable et fructueux pour la Come'die-Francaise. — Ce theatre avait fait repre'senter plusieurs jours avant (4 juillet), la Crainte de V Opinion, come'die en cinq actes et en vers, par M. Barrault. L'auteur est, comme on sait, Tune des capacite's fondamentales de la religion saint- simonienne. La piece, compose'e . dit-on , avant que les doctrines dc Saint-Simon n'eussent e'te' e'rigc'es en culte par l'enthousiasme de ses disciples , re've'lait la vocation de M. Barrault. Cette ceuvre n'est qu'une longue pre'dication oil domine l'ennui. L'auteur a prouve que la salle Taitbout c'tait le sent theatre qui convint a son talent, d'ail- leurs incontestable , et nous l'engagerions a ne point courir apres des succes profanes, si ses peres n'avaient pris l'initiative en procla- mant, par l'organe du Globe, que M. Barrault renoncait a l'art dramatique pour se vouer exclusivement a la propagation de la foi. Academie royale de musique. — V Orgie, ballet en trois actes de M. Corali, musique de M. Carafa ( 18 juillet). — Beaumar- chais nous a dit en termes spirituels tout le prestige qu'il y avait dans une affiche , un titre. Or, l'un et l'autre me semblent avoir at- teint aujourd'hui le dernier terme de perfectionnement. Si Ton ju- geait une piece , un livre sur lc titre, jamais notre litterature n'eut offert plus d'inte'ret et d'originalitc. Mais , loin de la , nos auteurs ne nous donnent guerc que des rcdites, des situations vieilles, usees, PARIS. 219 qu'ils remettent en circulation a l'aide d'un nom inintelligiblc , horrible, scandaleux, bouffon; que sais-je? En lisant le mot Orgie, qui ne se f&t attendu a des scenes cnivrantes de folie et de de'bau- che , a des tableaux pleins de dcsordre , de mouvement , de gaite , de poe'sie? Illusion! L' Orgie n'est qu'un mensonge. Quatre 011 cinq c'tourdis boivent, se grisent et cassent une pile d'assicttes , voila 1' orgie ! tout ce qui vient ensuite n'est qu'une longue remi- niscence de Le'ocadie , augmente'e et embellie de quelques details enrprunte's a un me'lodiauie de M. Ducange, II j a seize ans. Inu- tile done derendre compte de ce ballet-pantomime, dans lequel, d'ailleurs, la musique ne rachete point l'insignifiaDce et 1' ennui du canevas. Odeon. — Le Jeune Prince , ou la Constitution, come'die en trois actes et en prose, de M. Merville (7 juillet). — Cettc piece, qui ne manque pas de talent, mais oil Ton ne trouve rien de nenf , n'a obtenu qu'un succes conteste'. Opera-Comique. — Le Grand Prix , ou le voyage a Rome, opera comique en trois actes, paroles de MM. Gabriel etMAssow, musique de M. Adolphe Adam (g juillet . — Les auteurs de li- bretto se sont reserve , pour se soustraire aux critiques et aux repro- ches, une porte de'robe'e, savoir : les exigences du musicien; de de telle facon que celui-ci se trouve a la fois responsable de ses ceuvres et solidaire de celles de ses coll abora ten rs. Dans le Grand Prix , le compositeur s'est seul mis en frais de talent et de gaite'; il y aurait injustice de notre part a ne pas mentionner diffe'rens mor- ceaux de la partition, oil Ton trouve de la grace, de la rapidite , des intentions sprituelles. Vaudeville. — La Famille improvisee , come'die-paradc melc'c de couplets, par M. Henri Monnier (5 juillet). — L'auteur, connu par unefoule de caricatures spirituelles, e'tait acteur dans sa piece. Tous deux out obtenu un brillant succes. Varie'tes. — Les Croix et le Charivari, vaudeville en unacte, par MM. Brunswick, Seron et Lheric (4 juillet). —Cost une critique bouffonne et plcine de sel , ou sont tournes en ridicule et le pouvoir qui distribue des decorations a tort et a t ravers , ct les gens qui en ddniandent et en recoivenl sans litres ni raisons. 2 20 FRANCE. Nouveautes. — Ce theatre a fait jouer trois pieces : Le Chateau de Saint- Bris , drame en deux actes, par M. Ancei.ot (i3 juillet), taille avec des ciseaux sur ]c roman de M. Mortomal; La Grippe , a-propos en nn acte, melc de couplets, par MM. Bakthelemy , Roche et Maximilien (8 juillet) , qui reproduit dans un cadre in- signifiant tons les bons mots lances par les petits journaux sur le juste milieu; enfin Le Voyage de la Liberte, par MM. Fontan, Desnoyers et Mlller ( 1 4 juillet) , qui doit son succes au patrio- tismc dout tous les couplets sont empreints , et a la vive syrnpathie qu'inspire la noble cause de nos freres de Pologne. Theatre de la Porte Saint-Martin. — Encore an Prejuge, on les deux Eligible s , vaudeville en trois actes, de MM. Saint- Hilaire, Brlnsavick ct Lheric( 2 juillet). — Prejuge'sdenaissance, prejuges de socic'te , prejuge'sdemceurs ontc'te passes en revue sur la scene. Voicivenir maintenant le prejugc dercligion. A la bonne Leure. M. de Noirville, qui doit sa fortune au jeune Gustave, ne veut pas lui accorder la main de sa lille parce qu'il est israe'lite. Si M. de Noirville est un sot et un ingrat , la socic'te' n'en peut mais , et je nc vois pas pourquoi elle serait ici en butte a des c'pigrammes qui ne devraient point lui etre adresse'es ; mais enfin pcu importe ! M. de Noiiville veut etre nomine depute; il e'ehouc contre le pere de Gus- tave. Alors la scene change. II est evident que si Ton doit he'silcr a marier sa fille a un israelite, on ne pent la refuser au fils d'un de- pute'. M. de Noirville donne done son consentcment ; les amans se marient, ct toute cette intrigue, qu'on ne comprend gucre, avait pour but d'amener une foule de couplets ou. Ton drape un parti dont le ridicule n'est pas le seul crime. Ces couplets ont fait le succes de la piece. Theatre du Palais-Royal. — Le Philtre Champ enois , co- medic melee de couplets, par- MM. Brazier et Melesville ( h) juillet). — Cctte piece est un petit chef-d'oeuvre de gaite pastorale, dans lequcl acteurs et auleurs ont rivalise de talent et d'esprit. Ambic.u-Comique. — Les Landers et les Capucins , folie-vau- (U'villc en un acte, par M. fivr.Ar.D (•>.>. juillet). — C'cst une farce dans le genre decelles qu'on jouait jadis sur les trc'teaux de la loirc. — Antonine , ou le cimctere d'h'rr, melodrame en trois actes ct PARIS. sept tableaux, par M. Poujol ( :>.5 juillet). — Ccttc piece , oil sont complaisamment c'tale'es toutes les borreurs de l'e'cole incderne, n'a point obtenu de succcs. BEAUX-ARTS. EXPOSITION DE I 8 3 I . L'bistoire des arts chez un peuple se lie intimement a son bistoire politique; commela litte'raturc , les aits se ruoulent sur la socie'te , et en sont 1' expression : si bien qu'un monument d'artdonne', on recon- naitra sans peine, non pas seidemcnt a quelle pbase de son progrcs Tart e'tait arrive cbez le peuple qui nous aura laisse' ce fragment , mais encore a quelle pbase de son de'veloppement politique ce peuple sera parvenu. Cettc etude, facile a faire cbez nous, Test surtout cbez les Grecs , nation artiste , singulierement e'prise de la forme, et qui avait besuin, pour ainsi dire, dedonner un corps a ses ide'es. Ainsi, comme leur bistoire j>olitiqne , l'bistoire de l'art pouirait se diviser cbez eux en trois e'poques principales : i° the'ocratie; i° terns bc- ro'i'ques ; 3° e'poque pbilosopbique. La premiere e'poque finit a He'siode et a Homere , et cache sa source dans l'origine menie des Hc'lenes. On peut dire de l'art , en Grecc, comme des babitans memesde cette terreprivile'gie'e,qu'ilest autocb- tonc. Aussi loin que vous rcmontez dans les cbroniques des Grecs, vousde'eouvrezdes traces de ce ge'nie d'ai'tisles. Les terns de leur the'o- cratie en ont laisse d'immenses ; ce sont ces colossales constructions, dites cyclope'cnnes , qu'on retrouve encore dans 1' Afrique , dans l'Asie mineure, et surtout en Sicile. Au meme terns, la sculpture nais- sante, sous l'influence des pretres, s'exercait a repre'senler les images des dieux. Ces statues, dont unrite inge'nieux avait present al'artistc la forme traditionnclle, temoignent assez, par l'esclavage de l'art, de la subordination de ceux qui adoraient de tel'es divinite's : la fa- meuse Diane d'Epbese , sti'od disait etre tombe'e du ciel, avait les jambes rapprocbe'es , les mains colle'es au corps, et, comme l'lsis d'Egypte , se tcnait raide et immobile. L'art , a proprement parler, n'e'tait guere alors qu'un metier, une profession qui se transmettait 222 ' FRANCE. dc pine en fils : telle la famille des De'dalidcs , race dc sculpteurs doni Soorate pre'tendait descendrc. On voit par les poemes d'Homere que l'art , comme la socie'te , avait ronipu les langes saccrdolales : les dieux d'Homere parlcnt , agissent , corubattent ; on en est aux tems he'roi'ques. La Diane et son frere sont sveltes , e'lancc's ; Apollon guide le char du soleil , Diane parcourt les forets. L'art, d'abord exclusivcinent reserve aux dieux et a rembellissement de leurs temples, a pe'ne'tre' dans la de- meure des hommes ; l'arcbitecte construit de magnifiques palais , et le sculpteur les ferme avec des portes d'airain ; le poete , e'merveille de ces prodiges , s'arrete a chaque pas et de'erit tout cc qu'il admire. On dirait d'un enfant pour qui tout vient de naitre et est un sujet d'e'tonneraent : les temples sont toujours de marbre et superbement orne's; les portes d'un travail exquis; les gonds, les serrurcs d'un ha- bile otivrierj il faut tout examiner, tout voir, et la robe d'He'lene, et les amies de Paris; quand Ulysse , rentre chez lui, demande quelques mets a la vieille Euryde'e, l'esclave passe d'abord l'c'ponge sur la table , et cette table est d'un bois pre'eieux et reluit agre'able- ment sous l'e'ponge; puis, les coupes toujours sculpte'es, et les cise- lures des casques , des chars, des bouclicrs : toujours Tart ornantla vie , et sans fin reproduisant ce qui se passe dans le ciel et sur la terre; a savoir les querelles des dieux et des hommes , les hauts faits des he'ros et l'intervention des dieux. II serait mal aise' , aprcs Ho- mere, de continuer i'histoire dc l'art : nous dirons qu'Eschyle forme cette seconde c'poque qu'on appelle hero'ique , e'poque d'unc abon- dante poe'sie oil la pense'e divine retentit encore , et dans laquelle s'essaie de'ja la pense'e humaine. Avec l'art philosophique llcurit Phidias. II acheva d'affranchir Part , comme Socrate avait affrauchi la philosophic. Les dieux sor- tirent de leur repos e'ternel, et furcnt pris librement comme symbolcs de la pense'e. Le Jupiter Olympien et la Minerve du Parthenon sont nc's sous le ciseau de Phidias : or, la dcrniere est la de'esse de la philosophic , et les deux fronts superposes de l'Olympicn sont la re- presentation la plus sublime dc ia pense'e divine mesure'e par la pense'e humaine. Cette haute importance que la philosophic grecque attribuait a PARIS. 223 l'individu trouvait done son application et dans {'importance poli- tique d'Athencs , de chaque citoyen , aussi Ics diverges creations de l'art. Si nous ne prenons que la sculpture , niieux connue de tons , nous verrons que l'art, a partir de Socrate, va toujours en s'indivi- dualisant : les types primitifs se perdent, les ge'nc'ralite's s'effacent , la pense'e de plus en plus se fractionne et l'art descend a l'individu. Ce caractere individuel , Lysippe fut le premier , ce nous semble , qui le donna a ses ouvrages • il excella a rcproduire les differences caracte'ristiqucs de la nature; aussi apres lui tousles artistes s'appli- querent a cette nouvelle branche dc l'art : le nomine de portraits et de bastes qui nous est rcste' de cette derniere e'poque de l'art sta- tuaire, soit clicz les Grecs, soil chez les Romains, est immense. Cette rapidc esquisse de l'bisloire de l'art aux terns anciens ter- mine'e , on ne demandera pas que nous en tracions chez les mo- dernes une histoire parallelc : lc terns et l'espace nous manquent, et d'ailleurs la reproduction des memes pbases par lesquellcs avait passe' l'art antique est e'vidente. La troisieme e'poque , 1' e'poque phi- losopbique , est celle oil nous vivons. L'antique organisation est rompue, le libre examen regne partout, et l'importance socialc de l'individu est la meme denos jours qu'au tems de Phidias et de Socrate : l'application de ceci se voit dans le salon de i83i . D'abord, aucun peintrc d'histoire , tel du moins qu'on le conqirc- nait autrefois. Quelques pauvres e'gare's dans cette voie prouvent du reste que les babiles, the'oriquenient ou par instinct d'artiste, s'en sont e'earte's. Les tableaux de M. Delarocbe , le Cromwell et les deux jeunes princes, ne sont que des portraits : tout l'inte'ret de ces tableaux est dans l'analyse qu'e'veille en nous la pense'e de Cromwell ou dc Richard III. Le fait, le fait par lui-meme et pour lui-meme n'inte'resse plus, mais bien par les scntimens qu'il e'veille dans l'ac- teur principal de ce fait , par 1' elude que nous aimons a faire sur lui de ces sentimens, par les traces plus ou moins vives que ces sen- timens peuvent imprimer sur la figure de ce personnage. Ainsi l'e- tude de l'homme, patre ou roi, quel qu'il soit, se de'voilant a nous, 1' etude de l'individu , voila ce que nous cherchons dans l'art , voila ce que l'art doit nous rcprc'sentcr. Quel pcintre d'aujourd'hui espe- rerait je ne dis pas nous inte'resscr en tracant l'insipide histoire 524 FRANCE. tin manage dc Henri I\ , mais meme de trouvcr en lui des forces suflisantes a celte besogne dc manoeuvre? On Rubens ne scrait plus un peintre , on Rubens ne ferait plus dc notrc terns la famcusc ga- lcrie. Ca etc la l'c'cueil dc l'c'colc romantiquc enpeinture : vivement c'prisc dc Rubens ct dc sa couleur , cllc s'est imagine qu'avcc la meme magic dc pinceau , si die pouvait la de'couvrir, elle obtien- drait les memes honncurs. Cctte absence de toutc base pliilosophique est fort affligeante pour la destine'e de I' art en France. Les Alle- mands s'e'garent trop souvent dans les idc'alite's dc l'csthe'tique, mais contrairement nos artistes de'daignent toutc me'tapbysique ; de la vient que si une inspiration chaleureuse , ou qu'une de ccs rares passions qui doublent les forces, ne vient a les animer, ils faiblissent, ct, faute dc tout soutien, succombent au milieu de leur route. M. Eugene Delacroix, qu'on pourrait proclamer le chef de la nouvelle e'eole , a seul atteintle but qu'il cherchail, parce que, s'c- lancant sans guide et d'e'lan , il obe'issail irre'sisliblement a une vo- cation forte. Oui , e'e'tait une belle et pliilosophique inspiration dans cc jeunc peintre , non comme l'ont compris scs maladi'oits imi- tateurs , dc faire une reaction contre le dessin en faveur du coloris , mais de briser tout a coup les types ge'ne'raux sur lesqucls 1' Acade- mic s'acharnait depuis lant d'anne'es, et, regardant autour de soi , de jetcr hardiment sur la loile toutes les individualite's que ses yeux pouvaient saisir. Ainsi s'explique la renomme'e dc M. Delacroix , dc meme 1'inteYet qui s'est attache cctte anne'e aux compositions dc M. Scheffer, de M. Decamps, des deux frcres Johannot , tous ar- tistes relevant d'eux-jnemes et voyant par eux-memes, avec amour reprc'scnlant l'individu dans toutes les varie'te's de ses formes , ou quclquc fois, comiuc M. Scheffer, parcxcmplc, transportant partout et dans tout sujet leur propre individualitc. II serait faligant de poursuivre plus loin les de'vcloppemens de cettc tlie'oric. Constatons seulement une dernicre fois que, par l'im- portaucc scule de l'individu dans un gouvcrnement librc, pent s'ex- pliqucr ct 1c grand nombre de bustes et de portraits qui garnissaient les longnes sallcs du Musc'e, et aussi 1' excellence de la jdnpart de ccs portraits. Remarqaohs encore que jamais exposition n'offrit moins d'unifoi'inite, meme dans les artistes qui exploitent le meme PARIS. 2 25 genre , soit pcintres ou statuaires, paysagistes ou peintres d'histoire, tant la liberte philosophique est aussi entree profonde'ment dans 1'art! L'art a pu librement suivre son impulsion et se faire scs regies ! Ici nous n'avons qu'a clore cette page. Les journaux quotidiens ont donne unc analyse de'taille'e du salon • nous ne devions , nous , n'en donner que l'esprit. Puisse ce sentiment de liberte', que nous croyons le souffle fe'eondant dc la pense'e , inspirer de'sormais tous nos artistes ! Comme l'exposition qui vient de finir, celle de i83'.t sera riche et glorieuse. Dans l'espace d'un siecle et demi , la Grece, lorsqu'elle eut conquis sa liberie, a produit plus de peintres, de sculpteurs , de poetes , de pbilosoplies , qu'aucun peuple du monde. — B. Nous demanderons a 1'auteur des observations pre'ee'dentes , aujourd'hui absent de Paris , de parcourir rapidement les salles du Muse'e, et de signaler les morceaux qui , dans tous les genres , ont le plus vivement attire l'attention. Saint Front invoquant le Saint-Esprit, par M. Forestier; une peste a Rome , par M. Lariviere; Sixte-Quint jetant sa bequille au milieu du sacre'-colle'ge , parM. Montvoisin, sont des morceaux dignes d'obtenir les suffrages des eonnaisseurs. M. Lariviere est un praticien habile , mais qui doit laisser un peu plus carriere a son imagination. Mcme remarque , a peu pies, s'adresse a M. Montvoi- sin. Le sujet qu'il a choisi,heureusement concu,traite avecfranchise et cbaleur , eut produit plus d'effet, sous une moindre dimension. L'ide'e qu'il repre'sente , comique en elle-meme , eut gagne dans un tableau de genre; ellea perdu dans un tableau d'histoire. Ce dernier est comme la tragedie , une pense'e bouffonne peut en compromettre le succcs. Le public a pu remarquer, depuislong-tems, au palais du Luxem- bourg , un immense chassis charge de peuple , de sc'nateurs , de pa- triciens, dc cliens, de consuls, de femmes, d'enfans : e'est le supplice desjils de Brutus. M. Lclhiere, auteur de cette composition, dont nous ne contesterons pas le me'rite , mais ou l'inte'ret se trouve trop divise', trop e'parpille; M. Lethiere nous a donne' celte anne'e un ta- bleau d'une facture analogue. C'est encore une page dc 1'histoire romainc , ct unc page meiutriere : Firginius egorgeant sa file. TOME LI. JUILLF.T t85l. l5 2^6 FRANCK. Dans ecttc eeuvre ncmvcllc, 'meraes dc'fauts (|iic dans I'anciennc, uioins lcnerf, la vigueur ct l'c'clat. II est. facheux c;uc M. Lethicre consume ainsi, dans dcs conceptions longues, inde'finics, un terns it un talent qui, micux economises ct micux dislribuc's , ajoutcraient ccrtainemcnt a sa reputation. Non loin de firginius , est la Jeanne cl' Arc dc M. Eugene De- vc'ria, artiste aux brillantes esperanccs, dontle colons chaudlicurte rappelle la manicrc de Paul Veronese , avec un pen plus de se'che- resse. M. Dcvcria excelle a me'nager l'attention et l'inte'ret du spec- tatcur , en faisant rcssortir les accessoires sans nuire an sujet principal ; mats, gc'nc'ralement, l'air circule mal autour dc ses personnages. Sa perspective est brumcuse, cliargc'e de nuages, dc vapcurs. Peut-etre cc de'faut cst-il le rc'sultat d'un systeme particulicr a 1'auteur; peut- elre son but cst-il d'ai'faiblir l'effct dc'sagi cable que produiraient sur un fond net et pur dcs tons trop vifs, dcs contours trop saillans. Quoi fiu'il en soit, le moyen imagine parM. Deve'ria ne veut etre employe que le plus raremont possible. Voici venir maintcnant M. Horace Vernet, poete universel, Vol- taire dc la toile, se jouant conirne lui avee tous les genres, se'rieux, bouffon, censeur, frivole et toujours original, dc'pensant son imagi- nation ct sa verve avec la prodigalite' fougueuse d'un fils de famille qui voit dans l'avcnir deux heritages, eclui de Joseph, son a'ieul, et celui dc Carle, son pere. Nous ne dirons ricn des batailles dc Jcmmapes et dc Valmy , connues depuis long-tems , et efface'es d'ail- lcurs par les re'eeutes inspirations du dircctcur de Rome. Leon XII el Judith sont deux ouvrages devant lesquels la critique se tait et s'inclinc. Jamais pcut-etic le rnaitrc n'avait etc plus correct et plus severe , sans cesser d'etre chaleurenx , brillant , poe'tique. Si je passe des tableaux d'histoire aux tableaux de genre, ma taclic devicnt embarrassante. J'aui'ais trop d'ouvragesaciter, tropd'c'loges a distribuer. Cette espece de composition a fait, depuis quelqucs anne'es , d'immenses progres ; plusieurs artistes semblent meme etre arrives an tcrme de l'arl, a la perfection, et de ce nombre est sans rontredit 1'auteur de Cromwell. Son Richelieu remontant le Rhone, --(m Mazarin au lit de mart , sont de vc'rilables chefs-d'oeuvre, ou 1'itii surprendrait difficilcmcnt uiic imperfection meme le'gere. Ri- PARIS. 227 ( liclieu de'vorc de souifraiices , en proie aux douleiirs aigucs qui Ie ronduisirent au toinbeau , rcmontcle Rhone, trainant a sa suite Cinq- Mars et de Thou , qui doivent etre de'capite's a Lyon. Les deux jiu- nes gens sont calmes et re'signe's; le cardinal, soucieux, exte'nue', rcve, enfonce dans d'e'normes coussins. Sur cette face jaune, amai- grie, se peigncnt les ravages dti terns, dc 1'ambition etduremords. Cc veillard impiloyable, un pied dans la tombe, ramasse ses forces expirantes pour y prc'cipiter avant lui deux victimes riches de vie, de jeunesse et d'avenu-. Dans les moindres details de cette scene , dans ce tapis dorc que trempent les (lots , dans cette tente impene- trable aux rayons du soleil, a 1'e'clat du jour, que de poe'sie ! Que de poe'sie dans ces figures attentives , silencicuses , interrogeant le souffle du maitre ! Que de poe'sie aussi dans cette socie'te' enjoue'e, rieuse, folatre qui bourdonne autour du lit de Mazarin. Le cardinal sc fait tirer les cartes par sa niece , et le soupconneux Italien qui, de son vivant ne crut a rien , ajoute complaisaiument foi aux predictions burlesques d'une jeunc folic. Ces deux tableaux ne sont pas, dans l'espece , les seuls remar- ({iiables. M. Delaroche a de dignes e'mules , ct ce n'est qu'avcc peine que je me vois force par l'espacc a n'accordcr qu'une simple mention a MM. Steuben , Langlois , Lessore , Horace Vernet , Des- touches, Court, Robert, Schnetz, etc. Ces deux derniers ont con- centre sur l'ltalie leurs passions et leurs etudes. Personne ne rend mieux cet air brulant sous un cicl bleu, ces teintes chaudes, e'tince- lantes , cette carnation anime'e et rembrunie , ces types re'gubers et purs qu'on ne trouve qu'aux environs dc Naples 011 de Rome , ct que reproduit avec tant de bonhcur le Relour de la moisson ( par M. Robert). A cote de cc chef - d'eeuvre si piquant, si frais , viennent se grouper des compositions dont je ne parlerai que pour appeler sur dies le blame et le ridicule : je veux dire cette multi- tude de toiles ignobles ou horribles , dans lesquelles la ste'rilitc du peintrc s'est forniule'e en scenes effrayantcs ou licencieuses. Ces sales orgies d' atelier, que les femmes ne sauraient regardcr sans rougir, sont autant d'attcntats a la morale , au talent et a la reputation des artistes. Le de'gout en fera justice ainsi que de ces conceptions gro- tesques 4 force dc viser a l'cffrayant. Quel avenir y a-t-il dans 2 28 FRANCE. riiomine qui jette dans nn cadre, ct expose dcvant un public qui a le sens commun , trois ctrcs , des femmes , des homines , je nc sais le- qucl , car ils sont trop hideux pour avoir un sexe , se de'ehirant , se de'vorant, se de'ehiquetant. A coup siir ce serait a fairc fair, si ce n'e'tait a Cadre pitie'. Et je n'attribue pas comme le Journal des De'bats cette monstruosite' a une decadence de Tart. En bonne con- science , l'art n'est point encore descendu si bas. Je ne trouve dans un pared fait que b depravation du gout d'un seul, et non celle de toute une e'cole. Nous ne termincrons point cette revue rapide sans payer aM. Gu- din letribut d'admiration que me'rite son inimitable talent. Je signa- lcrai aussi a l'estime des connaisseurs les paysages de MM. Bertin, Giroux, le comte de Forbin, Regnier, Aligny. Le bal de V Opera au profit des indigens , charmante produc- tion , expose'e pendant les derniers jours seulcment , et autour de la- quelle une foule avide s'est inccssamment presse'e , fait le plus grand bonneur a M. Roqueplan. Citons encore , parmi les peintres de portraits qui se sont le plus distingue's , MM. Champmartin , Cogniet, madame Trippier-Lefranc ( ne'e Lebrun ), dont la reputation est deja bien e'tablie, etM. Belloc, qui a reproduit avec infiniment de grace et de talent les traits d'une dame dont nos lecteurs ont pu appre'eier depuis long-tems la critique fine et spiriluelle. La sculpture a e'te' relativement moins fe'eonde que la peinture. Elle a produit ne'anmoins plusieurs morceaux remarquables. Le Spartacus de M. Foyatier, dont on a pu admirer le modele en pla- tre a la derniere exposition , est cette anne'e execute en marbre , avec une purete', une correction irre'prochablcs. Cette academic, qui respire une male e'nergie , une ge'ne'reuse indignation . est exempte cette fois de plusieurs taches impcrceptiblcs qu'avaient signale'es le tact ct le gout du public. M. Foyatier a mis beaucoup d'empresse- ment et de bonne grace a faire droit aux critiques de l'opinion : e'est dc sa part une preuve de modestie qui sied bien a la supe'riorite de son talent. Dans le groupe des Trois Graces, de M. Pradier , l'ceil estse'duit par un stvle gracieux ct des formes plcincs de mollessc, mais qui peclicnt peut-etrc par runifonnite. Ccs trois figures se res- NECROLOGIE. 229 scmblent trop, memepour dcs sceurs. Mercure inventantla lyre , de M. Duretj le Triptoleme, de M. Gateaux ; un ligre comballant un serpent, sent aussi des ouvrages dignes d'e'loge. C. NECROLOGIE. Allemagne. — Louis-Achim d'Aenim, l'un despoetes de 1'Al- lemagne les plus spirituels et les plus originaux , que la niort vicnt d'enlever le 21 Janvier de celte anne'e, e'tait ne a Berlin , le '^6 Jan- vier 1 781. II s'appliqua de bonne heure aux sciences naturelles, et son premier ouvrage , The'orie des phe'nomenes de I' electric ite , pre'sente des recherches utiles , inte'ressantes et d'un genre particu- lier. Des voyages qu'il Gt plus tard, dans plusieurs pays, et ses liaisons avec plusieurs hommes d' esprit , paraissent avoir donne une autre direction a son esprit : il s'appliqua a la poe'sie. II avait pre'ce'dein- ment de'ja public la Vie et les Amours de JIallin, acconipagne'e d'une Vie de Rousseau, son intention etant de mettre enparallele une vie purement humaine et mondaine avec une vie scientilique. Puis il publia , en 1804 , a Goettingue , son roman intitule' Les Revelations d' Ariel. Une collection d'anciennes poe'sies nationales allemandes, qu'il publia conjointement avec Clement Brentano , a Heidelberg, oil ils vivaient ensemble, sous le titre de La Come miraculeuse du petit garcon , eut le grand me'rite d'appeler 1' attention des Allemands sur ce genre de poe'sie assez neglige' jusque-la. Sa muse e'tait tres-fertile , et elle a produit un grand nombre d'ouvrages de ce genre. Tous ses ouvrages portent 1'empreinte d'une grande ricbesse d'imagination , de sentiment et d'humeur , dans le sens de ce mot en anglais. On y reconnait une grande varie'te de connais- sances ; le talent d'un observateur profond et beaucoup de facilite a donner de la vivacite et de la vie a ses tableaux. Mais pai- contre il s'abandonnait parfois, dans ses compositions, surtout dans ses premiers ouvrages , a une trop grande negligence , a des ide'es sin- gulieres eta trop de bizarreriej et le manque de re'gularite dans la forme comme dans l'exposition nuisait beaucoup a ses inventions d'ailleurs re'ellcment inge'nicuses. Tout cela re'uni a fait que, malgre toute son originalite et tout son talent , d'Arnim n'a pas produit 23o necrologue. — d'arnim. dans le public tout Feffet qu'il aurait dii produirc , et qu'il n'a pas joui d'une reputation aussi brillantc que 1c me'ritaient scs ouvrages , qui , malgre' leur irrc'gularite' ct Icurs de'fauts , renferment beaucoup d'exccllcntcs choses ct ont un grand me'rite reel. Dans la suite il se (ixa a Berlin et a sa terre de Wicpersdorf , pies de Dahme , dans le petit pays de Baerwalde , ou il vivait alternativement , et ou il est mort d'une attaque d'apoplexie nerveuse a l'age de cinquante ans. Outre l'ouvrage scientifique cite, il a encore insere beaucoup de dissertations sur les sciences naturelles dans les ouvrages pe'riodiques des Gilbert, Schexrer et Wolf , consacre's a ces sciences. Tous ses travaux de ce genre sont encore tres-estiine's. Ses autres ouvrages sont purcment litte'raires. Les principaux sont, outre les trois dc'ja cite's, son Jardin d'hiver, collection de nouvelles, Berlin, 1809; la Gazette des Solitaires , ou Collection de traditions et le'gendes anciennes et nouvelles, d'histoire el de poesies, Heidelberg, 1809, in-4° ; le roman intitule' Pauvrete , Richesses , Fautes et Repentir de la comtesse Dolores., histoire veritable , a vol. , Berlin , 1810, sur lequel, dans les annales de Heidelberg, Jean Paul appela l'at- tention du public en en faisant l'e'loge ; Halle et Jerusalem , jen d'e'tudians et aventures d'un pelcrin, Heidelberg, 181 1; son Theatre ( Schaubuhne) , Berlin, i8i3;un roman non acheve, Les Gardes de la Couronne , ou Premiere et Seconde Vie de Ber- thold, ier vol. , Berlin , 1817 : ce roman est surtout tres-richc de beaux tableaux; enlin son dernier ouvrage dramatique est une co- medie : Les Egaux . II a travaille en outre pour plusieurs feuilles litte'raires. Jh. de Lvcenav. TABLE DES MATIERES CONTENUES IMNS LA 1 51 ° LIVKAISOIV DE LA REVUE ENCYCLOPEDIQUK. JUILLET 1 83 1. I. MEMOIRES. 1 . Les esperances et les realitds J. C. L. de Sismondi. 5 2. De la pairie. Anselme Petetin. 30 3. De la chainbre haute dans lcs divcrses constitutions. P.A.Dufau. 59 II. ANALYSES D'OUVRAGES. 4. Collection des rapports sur les travaux du Conseil de Salubrite de Paris Rigollot. 70 5. De la demonologie et de la sorcellcric , par Walter Scott. L. S\v. Belloc. 83 (i. Meinoires , corrcspondance et ouvrages inddits de Diderot. A. P. 92 7. CEuvres litleraires de M. Jay Anloine de Latour. 109 III. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQLE. LIVRES ETRANGERS. AMERIQUE SEPTE1NTRIOTNALE. — Etats-Ums. — Sonimaire de geo- logic , 125 ; — La pratique de la me'decine , 126 - — Qu'est-ce que la civilisation, ibid. ; — Recueil des lois de la Pensylvanie, ibid. ,- — Esquisses de Vhistoire ancienne et nioderne , ibid. ,• — Essai sur Junius , ibid. : — Recueil americain de podsie, ibid. ,- — La religion, poemes , ibid.; — L'esprit de la franc-maconnerie , ibid. ,• — Manuel des bonnes manieres , 127. ASIE. — Menioires de la Socie'te' de Ratavia , 127; — Poesies anglatses , par un Indou , ibid. EUROPE. — Grande-Rretagne. — Fragraens de voyages, 128 ; — Cor- respondance d'Isaac Rasire , 151 ; — Coup d'ceil sur le sens du Nouveau Testament ; ibid. ,- — Proces des Unitairiens , ibid. ; — Sermon preche a Oxford, ibid. ,• — Traditions de la Palestine, 155 ; — Gebir , poeme , 138; cr- Granimaire irancaise , ibid. 9.3 2 TABLE DES MATIERES. — Allf.mac.ne. — Lcs voics dii droit , 139; — Histoire univcrsellc , 141 ; — Man-be d'Annibal a traversles AIpcs , 143; — Ribliograpbie dc 17 ouvragcs sur les caux mine'rales dc rAllcmagne , 144; — Manuel du droit militairc prussien , 14G; — Lecture sur les antiquitds , ibid. : — Manuel pratique de la languc bohemiennc, ibid. — Scis.se. — Paysagea podtiqucs, 146; — Description des bains de laSuisse, 1 49 : — Bains dc Jcnatz , ibid. — Italie. — Aritbmetiquc raisonnee, 1 49 ; — Sermons de Sterne, 150; — Vie dc Salvator Rosa , 151 ; — La Vicrgc Una , ibid. ; — Annalcs des sciences , 1 52 ; — Revue borlicolc, 1 53 ; — Les recrdalions d'un savant, ibid: ; — Manuel de Varcbitecte , ibid. — Relgiqde. — Recbercbes sur la loi de la croissance , 1 55. — Hollande. — Sur la citadelle d'Anvers, 155; — Leltres sur des monu- mens grdco-dgyptiens , ibid. ; — Podsies de M. Van Hall, 157 LIVRES FRANCAIS. Tbdorie des ressemblances , 1 58 ; — Flore de la Sommc , 160; — Du mnu- vement des ondes, 161 ; — Mdmoires sur le canal de FOurcq, 163 ; — Statistique du Haut-Rhin , 167 ; — Atlas du Puy-de-D6me , 169; — Le christianisme expliqud , 170 ; — De la libertd dans scs rapports avec le christianisme , 1 71 ; — Documens pour Thistoire des secies , 1 72 ; — La France aux Elections de 1830, 174; — Sur la neccssite d'amdliorer le sort des troupes , 176 ; — Considerations sur Alger , 177; — Mdmoires de la ducbesse d'Abrantcz , 179; — Revue normande, 183; — Programme de recberches a faire sur rbistoire du departcment du Nord , 1 85 ; — Le Monde nouveau , ibid. ,- — Les Trois Amis , 1 86 ; — Dubois , cardinal , et une tucrie de cosaques , 189; — Atar-Gull , 191 ; — Odes d'Horacc, traduiles par un ancien gdndral , 196. IV. NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTERAIRES. AMERIQUE SEPTENTRIONALE. — Etats-Unis. — De la cause des vents, 200; — Comparaison de la marine marcbande des Etats-Unis avec celle de la Grandc-Rretagne , 201 ; — Confession d'un pirate , ibid. EUROPE. — Graxde-Rretagne. — jNouveau proeddd de distillation , 204 ; — Nouveau pont a Londrcs , 205 ; — Societe pour la conservation des monumens nationaux, 206; — Propbdlie , ibid. — Scf.de. — Tableaux statisliques du commerce de la Suede , 207. — Holl\nde. — Prix propose1 par la Societe" de Lcyde, 210. — France. — Paris. Acadt'mie des Sciences : Seances du mois de juillet, 210. — Academic francaise : Sdanco publique du 9 aout, 215 ; — Me- tbode nouvcllc pour renseignement du dessin , 21 6 ; — Revue des tbda- tres ,217; — Rcaux-Arts : Exposition de 1 831 , 221 . Necrolocie. — Allemasne: D'Arnim , 229. On souscrit a~ Paris, chez les Libra/res ci-apres : Treuttf.l et Wurtz , rue dc Bourbon , n° 17 ; Charles Bkchet, quai des Augustins. n° 55; Rey et GrAyier, quai des Augustins, n° 55; A LA Galerie de Bossange pere , rue de Richelieu , n" 60 Roret, rue Ilautefeuille, n° 12; J. Renouard, r:ie de Tounon , n° 6. On souscrit aussi chez tous les Directeurs des postes, et chez les prin- cipaux Libraires, dans les de'partemens et dans les colonies. X.1BBAIRES chez lesquels on souscrit dans /esPAYS etrangers. Amsterdam, Belachaux." Anvers, Ancelle. Aran. (Suisse), Sauerlander. . Berlin, Schlesinger. I Berne, Clias; — Bourgdorfer. t Breslau, Keyge!. I Bruxelles , Dujardin-Sailly ; — Detnat ; — Horgnies-Rcnie' ; — Libiairie parisienne, franchise et e'trrngerc. Florence, Piatti; — Vieusseux. Franc/orl-sur-Mein, Jugel. Ganr1, Vandenkerckoven {lis. I Geneve, Chcrbuliez; — Barbecat et Delarue. I La Hayr, les freres Langcnhuysen. Lausanne, Fischer. I Leipzig, Brockhaus; — G. Zirges. I Liege, Desoer; — Colardin. i Usbonne, Paul Martin. Londres, Dulau etC; — Trcuttel et Wiirt*. ; — BossaDge, Barthez, , Lo wel et Ce. Madrid, Denne'e; — Vtrks. Manheim, Artaria et Fontaine. iJ//7crra,Giegler; — Vismara; — Boc.ca. Mons, Le Roux. Moscou, Gautier; — Risspereetfils; — Urbin et Ce; — Semen. Naples , Borel ; — Marotta et Wanspandock. New-York (Etats-Unis), Foreign and classical bookstore; — Be'rard ct Mondon. bouvelle-Orlcans , Jourdan ; — A. L. Boismare. Paierme (Sicile), Ped-^nne' et Mu- ratori; — Boeuf ( fth. ). Pdtersbourg, F. Bellizard et Ce; — Graeff; — Pluchart . Ro/r.e, de Romanis; — Merle. Stuttgart et Tubingue, Cotta. Turin, Bocca. Farsovie, Glucksberg. Vicnne ( Autriche ), Ge'rold; — Schaunibourg ; — Schalbacher. Tons les ouviages amionces dans la Revue Encyclope'dicjue ,se trouvent chez S£ditxot, t.:braire, ruede l'Odeon, n° 50. Contritions tic la Sousniptton. K\j& Revue Encydope'dicjue parait mensuellement , depuis Jan- vier 1819, par cahiers de plus de 200 pages d'impression. Trois cahiers forment un volume, termine par une Table analytique et alphabe'tique des matieres. Chaque annee est independante des armees precedentes, et offre un Annuaire scientifique et litte'raire , en 4 volumes in-8°. prii ie I'Zlbonnemmt. A. Paris. 4-6 fr. pour un an; 26 fr. pour six mois. Dans les departemens. 55 » 30 » A l'etrangei 60 » 34 » Eu Angleterre. ... 75 » 42 » A partir du 1 er Janvier ou du \ er juillet. Chaque cahier se vend separement 5 francs. Le montant de la souscription , qui doit e'trepaye d'avance et envoye par la poste; La correspondance ; Et tout ce qui concerne la redaction, les livres de tout genre, les gravures, etc., dont on desire faire rendre compte, doivent etre adresses, franc de port, ■MUX DIRECTEURS DE LA REVUE EKCYCLOPEDIQUE, RUE DE L'OD^ON, K" 30. Pour les abonuemens et les reclamations , on doit s'adresser a i\I. SfLDiLLOT, meme Maison. Iiinjrimcrie d'liVERAT , rhe Ju Cadran , uu 1G. REVUE ENCYCLOPEDIQUE par line reunion OK MEMBRES DE l'INSTITUT ET D'AUTRES HOMMES D7, LETTRES, -jooj /a turect'ion a& HUM. august* 3uiUm *t Hmdme fMetttu PARIS. AU BUREAU DE LA REVUE ENCYCLOPEDIQUE , ET CHEZ SEDILLOT, LIBRAIRE, rue de l'Odeon , N° 3o ; ARTHOS BERTRAND. RUE HAUTEFEUILLE , N° *S. AOUT 1831. REVUE ENCYCLOPEDIQUE, ou ANALYSE RAISONNEE DES PRODUCTIONS LES PLUS REMARQUAI3LES DANS LA L1TTERATURE, LES SCIENCES ET LES ARTS. I. MEMOIRES. DE L'ETAT DE LA FRANCE. L'etat d'une nation divisee par des partis est difficile a de- crire : l'ecrivain , quelque impartial , quelque desinteresse qu'il puisse etre, appartient malgre lui a l'une de ces nuances d' opinion dont ii veut tracer le tableau; il a ses esperances, et s'il parle de ses amis, il exagere leur ascendant; il a ses craintes, et lorsqu'il peint ses adversaires, il donne a ses cou- leurs une teinte trop sombre; malgre lui et a son insu, il denature des opinions qu'il ignore , il prend des paroles pour desprojets, et le murmure pour la revoke. Les jugemens contemporains sont rarement empreints d'impartialite ; le lec- teur prudent doit distraire de ces arrets tout ce qui touche a l'exageration. La verite reste alors degagee de toutes les in- vraisemblances qui peuvent la farder : c'est ainsi queje juge; c'est ainsi que je desire etre juge. La revolution de juillet abrise un gouvernement dequinze ans et des souvenirs de plusieurs siecles. Les bommes qui tenaienfii ce gouvernement et a ces souvenirs ont dii voir TOME LI. AOUT 1 83 1 . lG 234 DE I^ETAT avec peine line catastrophe qui brisait leurs destinees. Cepen- dant, dans le nombreet en depit des soinsqu'on s'etait donnes pour ne choisir que des fonctionnaires devoues, il en est qui, serviteurs-nes de tousles pouvoirs qui les paient, ne voient dans l'ordre social qu'un seul cataclysme qui puisse les at- teindre, la destitution. lis out servi la republique, 1'einpire, la restauration ; ils servirontla revolution avec le meme zele, assis sur le present, quel qu'il soit, ettendant la main a l'a- venir, quel qu'il puisse etre. Ceux-ci ne doivent pas entrer en ligne de compte. II est des homines d'honnenr pour qui la legitimite est une veritable religion politique, qui l'ont suivie dans 1'exil , qui pour elle se sont consacres a vingt ans de misere, qui ont brave 1' usurpation dans les prisons, sur l'ecbafaud , qui, les armes a la main, l'ont attaquee dans la Vendee, dans le midi , et qui en ce moment ont vu toutes les esperances s'e- vanouir dans une revoke de quelques heures. Je crois aux opinions qui font des martyrs ; et les hommes qui savent mou- rir pour ce qu'ils croient, je les honore, meme lorsque je ne partage pas leur croyance. Dans ce siecle de corruption, si peu d'ames sont susceptibles de devoument et de sacrifices, que l'homme qui se devoue et se sacrifie est un etre a part , en dehors de cette pourriture ou l'interet personnel a con- duit l'espece humaiue. Ces hommes, j'en suis sur, ont des voeux et des larmes pour les republicains de Pologne; et les gens de bien et d'honnenr, a quelque opinion qu'ils appar- tiennent, ne peuvent refuser 1'estime a ceux qui leur ressera- blent en tout, excepte dans quelques idees politiques. Ces homines doivent susciter peu d'inimities, ils ne se trouvent sur le chemin de personne. La decheance de Charles X fut un arret qui dicta leur conduite-, ils se retirerent devant une revolution qui blessait leurs sentiraens plus encore que leurs opinions-, et plusieurs se retirerent avec noblesse , comme M. de Chateaubriand, ou avec une rudesse hautaine, comme DE LA FRANCE. 235 M. de Kergorlay. Malheureusemcnt pour la nature humaine et heureuseraent pour l'etat de choses actuel , ceux qui vivent d'un principe sontrares, et les gens de bien de toutes les opinions se reuniraient en pure perte, ils seront toujours en minorite. Se disent royalistes ceux qui, pendant quinze ans, ont vecu du milliard du budget et que la revolution a chasses de leurs emplois ; sont conlrains d'etre royalistes tons ceux qui, bras~ sards, verdets, delateurs, espions, prevots, ont trempe plus ou raoins directement a tous les crimes de la reaction de 1 81 5. Ceux-ci ont peur qu'une justice tardive ne vienne leur de- mander compte du passe ; ceux-l'a redoutent qu'une misere prochaine ne se hate d'attrister leur avenir. Le clerge forme une classe a part ; les pretres anterieurs a 1815, separes de l'ordre politique par la revolution de 89 et par le concordat de 1 801 , rentreront volontiers dans l'ordre religieux. Mais les pretres que les jesuites ont faconnes pour lesbesoins terrestres, qui veulent appuyer l'autel contre le trone, eleves pour gouverner plus que pour prier, et que la revolution de juillet a deslierites de leurs esperances mon- daines, se reuniront a tout ce qui pourra leur rendre le pou- voir qu'ils convoitent et qu'ils ont perdu. Le sacerdoce nouveau a ete faconne pour unbut politique. Les petits seminaires entretenus par l'Etat et par les aumones d'un parti eussent ete une conception habile si le siecle ne l'eiit repoussee. Les portes en etaient fermees a tous les en fans dont les peres etaint suspects de philosophic ou de patriotisme. On prenait des nobles pour en faire des eveques, et des paysans pour en faire des cures. Ceux-ci, places entre la charrue qui force l'hommea gagner son pain a la sueur de son front, et le breviaire qui lui permet de mener une vie oisive , n'hesi- terent pas un instant. Ils n'apportaient de leurs chaumieres aucune idee native, aucune preoccupation de famille, aucune opinion politique. C'etait une cire molle qu'on pouvait petrir 16. a 36 de l'etat a son gre. Faute dc point de comparaison, ccs jeunes seidcs adopterent de bonne foi toutes les formules jesuitiques dont les seminaircs sont inondes. Ici plusieurs subdivisions se presentent : les tins, frappes de la detresse de leur pere, n'ont vu dans le socerdoce qu'un moyen de fortune, et leur men- diante rapacite irritc sanscesse les villagcois quelle ranconne ; les autres sont entres dans le temple pour sortir de la chau- miere paternelle; aucune vertu ne les poussait vers le sanc- tuaire, et toutes les passions vulgaires et vicieuses semblaient les en eloigner; on leur offrit a choisir entre le travail et l'oi- sivele : ils repudierent le travail, et Toisivele vint accroitrc tous ces vices dont le germe etait en eux. De la ccs scandales qui ont repandu, dans un grand nombre de paroisses, lede- goiit et 1'borreur du clerge ; de la ces crimes odieux dont quelques pretres se sont fletris et que les homines les plusper- vertis n'auraieut ose concevoir. Cette tendance a creer une armee sacerdolale bien aguerric, !)ien passive, est une des causes qui ont le plus influe sur l'etat actuel de la religion. Elle s'est elablie par des interpretes hypocrites en etat d'hostilite contre la liberte. On l'attaque a son tour avec injustice ; on veut la rendre responsable de tout ce qui se fait en son nom ; on ne veut pas voir qu'il est an grand nombre de pretres qui vivraient en paix dans l'eglise, etrangers a toutes les tentatives mondaines des directeurs du clerge , rendant a Cesar ce qui lui appartient , sans demander quel est et d'ou vient le Cesar qui gouverne. Ceux-ci du moins , et le nombre en est grand, n'eussent pas ete un obstacle s'ils n'etaient pas un secours, et toute protection leur etait due. Mais les phi- losophes et les sophistes du pouvoir , superstitieux comme des moines et fanatiques comme des inquisiteurs, veulent a tout prix que la philosophic triomphe du christianisme ; ils ne connaissent ni la tolerance ni la protection ; ils veulent vain- cre, et ne se doutent pas de la force et des racines de leurs adversaires. J'ignore quel sera le resultat de cette lutte; mais DE LA FRANCE. 23y le jour ou il ne restera aux pretres que l'Evangile , les pretres seront plus forts qu'avec toutesles bulles du Vatican, les man- deraens des palais episcopaux, lenrs basiliques et le budget. La division des adversaires de la revolution de juillet leur serait funeste, si les revolutionnaires n'etaient pas egalement divises. Elle etait a peine eclose qu'on s'est hate de la dena- turer. Le peuplc, les soldats etaient encore aux prises que des ramas d'intrigans tachaient deja d' exploiter une victoire qui etait encore incertaine. Les ordonnances fatales avaient suscite la revolte. Ou crut a Saint-Cloud que retirer ces ordonnances et cbasser le minis- tere qui les avait proposees, etait un moyen sur de retablir la paix publique et la monarchic legitime. Ce moyen pouvait etre tardif, mais il etait sage. Charles X nous preparait un ministere Perier, et c'est a un ministere Perier que nous a conduits la revolution. Le 29 juillet M. Perier nous aurait donne, quelque parcimonie qu'on puisse luisupposer dansses liberalites, au moins autant que nous possedons aujourd'hui. II nous eut epargne la ruine de 1'industrie et du commerce, un budget de 1,500 millions, l'insurrection de la Vendee, les troubles du midi, les probabilites de guerre, l'anxiete pu- blique, notre honte enltalie, notre conduite equivoque en Belgique et l'etcrnel deshonneur que le massacre de la Pologne fera peser sur la France. C'est au nom de la Charte que le peuple faisait la guerre a la royaute ; il fallait lui montrer la royaute rentree dans la Charte ; et pour s'opposer aux flots populaires, pour les faire rentrer dans l'ordre, il ne fallait qu'une seule vertu , le courage. Cette vertu doit etre rare par letems qui court; elle ue fut a la disposition ni des partisans de Charles X, ni des partisans de Philippe Ier, ni des parti- sans de Napoleon II : ou plutot ni les wis ni les autres n'a- vaient en realite des partisans. L'interet personnel fait qu'on ne s' attache a un pouvoir que par le profit qu'on en retire. Dans les grandes crises , le serviteur delibere s'il doit s'exposer 238 de l'etat pour son maltre ou renoncer aux avantages que ce maitre lui procure, et ce choix n'est pas douteux. C'cst ainsi que tous ces hommes que la restauration avait ramenes, eleves, enri- chis, qu'elle avait faits les depositaires de son pouvoir, de ses tresors, de ses pensees, de ses esperances, disparurent de la scene an premier bruit du peril. C'est ainsi que les Bretons, les Vendeens , les chouans ont vu Charles X et ♦oute uue fa- mille de rois traverser sous une faible escorte leurs cheniins deserts et leurs villes muettes, sans que cette profonde infor- tune ait rappele quelques souvenirs, quelques promesses, quel que devouement; sans qu'elle ait rallume quelque cou- rage. En France, toutes les sommites sont corronrpues ; le soldat lit son devoir , le people fit son devoir , les notabilites seules ne chercherent que leur profit. Les carlistes , on nomrae ainsi les hommes qui ont aban- donne Charles X en \ 830, Louis XVHI en \ 81 5, Louis XVI en -1790, les carlistes, dis-je, existent; ils sont vivaces , nombreux, ils ont organise leurs forces dans louest, dans le midi; ils ont leurs journaux, leurs predicateurs , leurs cour- riers; le terns, les soins, l'argent, ils prodigueront tout; la seule chose qu'ils ne compromettent pas, c'est leur personne. Celle-ci vaut mieux que la position sociale que la restauration leur avait donnee, que la revolution leur a fait perdre, et lorsque le calcul et la frayeur se melent dans les conspirations, qui ne vivent que de perils et de sacrifices, on pent predire des troubles , mais on ne saurait prevoir un renversement. Au premier rang des partis liberaux , il faut placer les bo- napartistes ; ils peuvent exploiter en France une si grande communaute de gloire et de malheur, de victoires et de desas- tres; ils ont si pleinement rempli 1' Europe et le monde; ils peuvent si fortement compter sur 1'admiration des con tempo - rains, sur celle de la posterite, qu'une grande part des eve- uemens de la France devrait leur appartenir. II n'est pas un village, pas un hameau oil 1 81 5 n'ait renvoye unde ces sol- DE LA FRANCE. 289 dats qui, d'Arcole a Waterloo, furent les compagnons du grand capitaine, qui ne soit plein du grandiose de l'empire et de ce faste de gloire qui environnait l'empereur. Son nom senl pourrait encore rendre le despotisrae vivant et l'aris- tocratie populaire, mais ce parti a besoin de chefs. Les homines qu'il a laisses suivirent l'empire pour faire leur for- tune, et se prosternerent devant la restauration pour la conser- ver. Ce ne sont plus des homines tout d'une piece tels qu'il les taut aux conspirations. lis exciteront toujours des defian- ces ; ils ont manque a tant de promesses que la credulite du peuple , quelque aveugle qu'on la suppose , doutei'a toujours deleur loyaute. Que pourrait faire d'ailleurs un parti dont les pieds sont a Sainte-Helene , le corps en France et la tete en Autriche ? Pense-t-on que l'erapereur et son oligarchie voulut livrer le fils a ceux qui ont trahi le pere? qu'il fit en "1831 ce qu'il re- fusa dans les cent jours ? le ferait-il sans s'attribuer la haute direction des affaires de France? la France voudrait-elle d'un prince qui ne pourrait se mouvoir sur son trone qu'avec la permission d'un empereur etranger? Ici encore je vois des symptomes de troubles , je n'y saurais decouvrir des motifs de renversement. Les republicans viennent ensuite. J'emploie cette expres- sion accreditee parl'usage, et que la suite expliquera. Jedois d'abord dire ici qu'il ne s'agit pas de ces grands citoyens de la Grece et de Rome qui , par une noble abnegation de leur fortune, de leur famille et d'eux-memes , se font une vertu de tout sacrifier a lapatrie, qui retournent a leur charrue comme Cincinnatus ; qui , comme Curtius , se jettent dans le gouffre, et qui, comme les Gracches , ne peuvent etre distraits de leur route que par l'assassinat. La civilisation n'est plus la meme : les hommes ontdii changer avec elle. Nous retrouve- rions plutot nos exemples dans les republiques de l'ltalie. La on trouvait plus de haine contre les oppresseurs que d'amour 2^0 DE L'ETAT pour la liberie , plus de convoitise des privileges que d'affec- tion pour l'egalite , plus de soif de gouverncr que d'envie de re'gler le gouveruement par des lois equitables ; en un mot plus d' esprit dc parti que de patriotisme. Oter le pouvoir a la noblesse pour eunoblir la bourgeoisie, remplacer la noblesse d'epee par la noblesse de comptoir, la noblesse de soie par la noblesse de laine ; mais avoir toujours pour objetl' usurpation de la noblesse et de la puissance, voila ce qu'on prit long- terns pour du patriotisme a Genes, a Florence, a Pistoye. Nous ne ressemblons pas en tout au modele : la civilisation est venue adoucir plusieurs traits qui denalurent la ressem- blance. Nous voulons cependant une pairie bourgeoise , un ministere bourgeois; nous voulons que la bourgeoisie s'im- plante dans toutes les magistratures , viagere dans les unes, bereditaire dans les autres ; les Roban n'auraient pas mieux fait , Massena n'eut pas mieux demande ; et par-dessous ces prerogatives politiques, nous conservons religieusement des privileges personnels; et les sobriquets de baron et de comte, de marquis et de due rejouissent notre plebe republicaine comme ils flattaient la vanite d'un tresorier de France ou d'un capitoul. Cette aristocratie professant des principes democra- tiques est difficile a comprendre ; mais j'expose des faits , le terns seul pourra les expliquer. Depuis que les royalistes se sont trouves en presence de ces liberaux , leur role est change ; ils en ont eu peur , ils ont voulu en faire peur, ils ont evoque les ombres sanglantes de Robespierre et de Marat, la terreur et les ecbafauds ; a les en croire toutes les horreurs de 95 planaient sur notre tete comme Tepee de Damocles. De 1 8*20 a i 850 ils n'ont effraye personne, car ces homines qui devaientbouleverserlaFrance, traques par la police , poursuivis par les gendarmes, amonce- les dans les prisons, traines a l'echafaud, apparaissaient comme des victimes et non comme des bourreaux. Les republicains de 95 , armes de leur niveau , precipitaient toutes les som- DE LA. FRANCE. 2^1 mites de l'echelle sociale. Les liberaux de la restauration au contraire tachaient de grhuper d'echelon en echelon afin de se percher parmi les superiorites contemporaines ; et puis, ils demandaient pour eux le viager ; et puis, Thereditaire ; et puis , ils groupaient au-dessous d'eux une petite aristo- cratic plebeie^ne a cent ecus d'impot ; et puis , lorsque la re- volution de \ 850 a donne les coudees francbes aux libe- raux de 1820, ils ont mis 1'aristocratie a la baisse, et , avec une mauvaise grace dont il faut leur tenir compte , ces demagogues ont descendu l'electorat a deux cents francs. Du peuple vaincu de la restauration , du peuple vainqueur de juillet il n'en est pas bruit encore. Les deputes revolution- naires ont bien defini les electeurs et les eligibles ; la Chai te revolutiounaire a tres-sagement conserve la noblesse ancienne etmoderne, les majorats et les substitutions; mais du titre de citoyen , les republicains n'en ont rien dit encore. Pour etre baron ou due il faut irapetrer des lettres du sceau ; mais pour etre citoyen fraocais , je ne sais a quelle loi , a quel ma- gistral il faut s'adresser. D'ailleurs quel droit vous donuerait ce titre ? il faut meme etre electeur pour avoir l'honneur de cboisir un conseiller municipal. Tous les pays se gouvernent par des faits ; le notre au rebours se gouverne par des paroles. Depuis longues annees, des republicains, deerg. . Hanuvre. . . . Saxe , Bade Ilt^se. . . . . Hes>e-Electorale Saw-Weimar. . Nassau Brunswick. . . 1 ,i< lii- 1 1. 1. 'in . REVENUS SELON LES ESTIMATIONS DE Cannabich en 1818. 25,000,000 10,000,000 9,058,000 9,058,000 6,000,000 4,000,000 4,000,000 1,5011,000 1,557,000 2,717,000 40,000 Liechtenstein en 1819. 20.000,000 10,000.000 9,450,000 15,500,000 5,500,000 3,500.000 - 4,000,000 1 ,500,000 ' 1 ,557,000 1,800,000 19,(500 Richard Hassfl Steiw Maixiu s. en 1822. en 1822. en 1825. en 1820. 30,(500,000 30,258,000 34,638,000 30,791,000 9,350,000 8,557.000 9.600,000 1 1 ,040,000 10,000,000 8,102.000 12,000,000 1 1 ,500,000 10.000,000 11,000,000 14,498,000 13,500,000 5,278,000 7,890,000 9,170,000 9,486,000 6,000.000 4,997,000 5,816,000 5,810.000 4,000,000 5,900,000 4,500,000 5,200,000 1,500,000 1,500,000 1,875,000 2,250,000 1,550,000 2.800.000 •> 2,830,000 2,250,000 2,500,000 2,000,000 2,965,000 30,000 1,500,000 17,000 21 ,000 Hassfx en 1820. 29,940,000 8,557,000 11,700,000 1 1.000.000 9,185,000 6,077,000 4.500,001 1. 875, (Ml 1 ,950 000 2,000,000 1 ,200,000 La nouvelle edition de la Ge'ograpJiie de M. Cannabich , publiee a Ilmenau , en 1 829 ; le Tableau staiistujue de I' Eu- rope , public a Berlin, par M. le baron de Zedlitz, dans la ineme annee ; les estimations des revenus de tous les Etats de l'Europe, faites par M. le baron de Malchus, dans sa Science des Finances , imprimee a Stuttgart , en 1 850 ; DES ETATS DE l'eUROPE. 25 1 X Almanack de Weimar, de cette derniere annee, et celui de Gotha, de 1829, offrent a la verite raoins de discordance sur certains Etats , mais continuent toujoursa differer prodi- gieusement a l'egard de certains antres , surtout si Ton veut tenir compte des differences provenant des monnaies. Leur comparaison nous a prouve que quelqnes auteurs out admis dans la meme colonne le florin du Rhin et celui de conven- tion ! Nous ne citerons qu'unecouple'd'exemples. Les revenus du grand-duche de Bade sont estimes a 9,294,029 florins, par M. Cannabich ; a 9,852,200, par MM. Zedlitz et Mal- chus ; a 9,852,000 , par X Almanack de Weimar ; et a 9,581,000, par celui de Gotha. Les revenus de la princi- paute de Lichtenstein ne s'elevent qu"a 20,000 florins, selon MM. Cannabich etMalclius, tandisqu'ils momenta 1 ,200,000 selon les Almanacks de Weimar et de Gotha, et a 1 ,700,000 selon M. Zedlitz. Nous comraencerons 1' analyse des nombreuses causes qu'on doit regarder comme les sources principales des erreurs dans la determination des revenus et de la dette d'un Etat, par l'annee a laquelle ces elemens statistiques doivent se referer. Cette seule circonstance, eu egard aux phases differentes de prosperite ou de niisere par lesquelles un Etat peut passer , offre parfois des resultats qui different d'une maniere eton- nante, dans le court intervallede quelques annees. Nous nous borneronsa citer l'Espagne, dontles revenus en i 802 s'eleve- rent, independamment de ceux qui provenaient de ses riches colonies, et de plusieurs impotsd'un produitassez important, a la somme de 199,001,000 francs, tandis qu'en 1789, ils ne montaient qu'a 154,074,000. Cette difference serait en- core bien plus considerable, si Ton voulait comparer les re- venus de cette monarchie en 1 807 avec ceux de 1 809. L' evaluation de la dette, calculee a differentes epoques, offre des differences encore plus grandes. Les empires russe et d'Autriche, et la monarchie prussienne, qui ont mainte- '7- 2bl SITUATION FINANCIKRE nant tics (lottos tres-eonsiderables , avaienl pea ou point Je dettes avant la premiere revolution franchise. Dans une conrle periode delink ans, e'est-h-dire de 1816 a 1823 inclusive- ment, la France a augmente sa dette d'un capital nominal do 1,998,787,720 francs, ce qui a exige une augmentation de 99,959,586 francs dans les depenses annuelles, pour en payer les interets. Depuis 1805 jusqu'en 1815, la dette anglaise s'est augmentee de 491 ,940,407 livres sterling , ou de 12,298,510,175 francs. Le 11 octobre 1824, la dette fede- rate des Etats-Unis etait encore de 90,797,920 dollars; vers la fin de 1826, elle n' etait plus que de 74,000,000 dollars; on calcule quelle sera enlierement eteinle en 1 854. Une difference non moins remarquable vient de la maniere de calculer les revenus : les uns prennent toute la totalite de la rccette, y compris les frais de regie etd'administration, ce qu'ils appellent le tevenu brut; les autres, an contraire, de- falquent dn revenu total les sommes depensees pour la regie et ^administration ; la soinme restant constitue le revenu net. La difference entre ces deux sommes est plus ou moins grande selon rimperfection des systemes administratifs des divers pays. Dans les contrees bien administrees, la totalite de ces frais n'arrive pas meme a un douzieme , tandis que dans cer- tains Etats elle depasse le tiers. Les Etats del'Europe offrent sous ce rapport, comme sous tant d'autres, les differences les plus frappantes. Tandis que les frais de perception et de regie ne montent, selon quelques auteurs, qu'a onze pour cent en Angleterre, et qu'ils forment actuellcment en France environ un neuvieme de la recette, ils figurent pour un pen plus d'un neuvieme dans le budget du royaume de Hanovre ; pour un huitieme dans celui du royaume de Baviere; et pour plus d'un tiers dans celui de Portugal. Mais quelques faits jetteront sur ce sujet plus de jour que tons les raisonnemens que nous pourrions faire. La recette totale de la France , pendant l'annee 1 826 , est evaluee dans DES ETATS DE l'eUKOPE. 253 le budget a 987,620,000 francs, dont 140,000,000 environ represented les frais de regie etde perception. Le revenu brut moyen de l'Espagne a ete evalue , en 1822, a 663,765,457 reaux de vellon ; en retrancbant de cette somine 1 1 3,765,457 reaux pour les frais de perception et de regie, on aura le re- venu net de 550,000,000 de reaux , tel qu'il a ete estime par le ministre des finances, et adopte paries cortes. Dans la redaction de nos tableaux statistiques, nous avons tacbe de donner, toutes les fois qu'il nous a ete possible, le revenu brut de cbaque Etat, parce que les frais de regie et de perception , formant une partie reelle des somraes payees par les contribuables, representent une partie des ressources du pays, et ne peuveut ni ne doivent etre negliges lorsqu'il est question de les comparer hceux d'autres Etats. D'ailleurs ces frais donnent des moyens d'existence a un grand nombre de personnes; et, en soumettant 1' administration des finances et toutes les autres brandies a un plan pluseconomique et mieux entendu, il ne tient qu'au gouvernement d'en tourner une plus grande partie au profit del'Etat, en auginentantle revenu net a proportion qu'il parvient a diminuer les frais de regie et de perception. Mais il y a certaines sommes qui figurent dans ie» recettes de quelques budgets, dont le staiisticien ne doit absolument tenir aucun compte, parce que ce ne sont aucunement des revenus bruts, mais bien des depots ou des capitaux, seule- nient avances pour l'achat du sel, du tabac et d'autres articles que le gouvernement revend ensuite avec des benefices tres- considerables. C'est ainsi que, dans le budget des revenus de quelques cantons suisses, il faut faire de fortes souslractions pour l'achat du sel; que, dans les budgets francais etespagnols il en faut faire de plus fortes pour l'achat du tabac; et que le budget anglais exige une immense reduction pour la recette provenant des drawback (I). . (1) Dfaiit de consommation , rembonrse artx c\|in; loicur do raarchan- dises dc fabrication anslaise. j54 situation financiers II y a plusicurs Etats ou les biens domaniaux ont une ad- ministration toute particuliere, et dont lcs revenus, malgre leur grande importance , ne figurent jamais dans le budget. Quelques statisticiens et bien des geographes , soit par igno- rance de cet element statistique, soit parce qu'il leur semble plus convenable de suivre en cela le procede des gouverne- mens respectifs de ces Etats, ne tiennent aucun compte des revenus provenant de ces biens, et donnent ainsi des evalua- tions qui different enormement des estimations correspon- dantes faites par des auteursqui les admettent dansle budget. Par le rapport fait , en 1 822 , aux Etats du grand-duche de Hesse, on voit que, sur la totalite des recettes, estimees a 5,996,310 florins, les domaines seuls entrent pour la valeur de 1,910,(355 florins, c'est-a-dire qu'ils forment le tiers du revenu. La recette provenant des domaines du royaume de Hanovre egale presque celle des revenus de 1'Etat , qui sont seuls portes dans le budget , et dont parlent les joumaux et les ecrits periodiques. On peut en dire autant de ceux du ducbe de Nassau. Ceux du grand-ducbe de Saxe- Weimar montaient meme a 690,000 rixdalers en 1830, lorsque les revenus de l'Etat n'etaient evalues qu'a 650,595 rixdalers. On peut dire en general que presque tons les revenus doma- niaux des petits Etats de la Confederation Gennanique sont beaucoup plus forts que les revenus publics ou nationaux. II est inutile de dire que nous avons cru devoir porter toutes ces sorames dans la recette des Etats respectifs. Mais ici il se presente une difficulte qui nous parait avoir echappe jusqu'a present a Tattention de tous les statisticiens et des geogi-apbes les plus distingues. Doit-on, dans un tableau comparatif general corame le notre , porter dans la recette de certains Etats les revenus considerables qui proviennent des biens situes hors de leurs territoires respectifs, ou de trans- actions politiques passees avec d'autres Etats ? Dans ce cas particulier, nous croyons que le meilleur parti a prendre se- DES ETATS DE L1 EUROPE. 2o5 rait d'omettre ces somraes, qui ne doivent jamais figurer parmi les ressources de ces pays, auxquelselles sont etrangeres, tout en indiquant cependant leur existence dans des notes ou des observations preliminaires. La recette des produits extraordinaires provenant d'em- prunts, ou de ventes de possessions publiques, ou de paie- mens arrieres, doit etre comptee parmi les causes qui con- courent le plus a produire la disparite qu'on observe dans 1" estimation des revenus des Etats. Toutes les sommes prove- nant de ces trois branches ne devraieut jamais, selon nous, figurer dans un tableau comparatif , parce que ses colonnes ne doivent offrir au lecteur que des elemens comparables autant que possible. Dans un tableau statistique de l'Europe, publie en 1818, dans les Ephe'me'rides ge'ographiques delVeimar, les revenus de la monarchic britannique nesontevalues qu'a 1 99,275,855 florins, ou a environ 20,760,000 livres sterling. Dans celui de Fredau, publie en 1819, ils moment a 290,000,000 rix- dalers, ou a 58,000,000 livres sterling; et dans celui du baron de Liechtenstein , publie a Vienne en 1819, ils sont portes a 465,000,000 florins. Hassel, dans son Dictionnaire ge'ographique , publie a Weimar en 1817, les evalue a 421 ,000,000 florins , ou environ 45,850,000 livres sterling. Stein, dans son Dictionnaire ge'ographique,, imprime a Leipzig en 1818, les portea 57,560,691 livres sterling, pour 1816, et a 47,277,450 pour l'annee suivante. M. de Laborde eva- luait , il y a quelques annees, la rente fixe de cette monarchic a 62,000,000 livres sterling. L'e'tat actuel de V Angleterre au commencement de 1 822 , redige sur des documens officiels, estime le revenu annuel a 56,000,000. On voit d'un coup d'oeil que ces grandes differences viennent de ce que les uns comptent pour rente les seuls revenus qui servent a couvrir les frais d'administration, faisant abstraction tantot de ceux em- ployes a payer les inlereti dela dette,qui montaient vers cette >.""><• SITUATION FINANCIEKE epoque a environ 50,000,000 livres sterl. , tantot de cenx qui forment le fonds d'amortissement , qui s'elevait le 5 Jan- vier 18:20 a 15,815,001 livres sterling, et tantot deces deux somrues ensemble, pendant que d'autres comprennent dans leur evaluation tons les revenus, quelle que soit leur desti- nation, eonnne nous l'avons fait nous-memes dans nos tableaux afiu de pouvoir y presenter une echelle comparative des finances des differens Etats. Nous remarquerons merae que dans 1'usage ordinaire, le budget annuel anglais ne comprend que les depenses extraordinaires et celles qui sont susceptibles d'augmentation ou de diminution, telles que Tentretien del'ar- mee, de la flotto, de l'artillerie, etc.; carles depenses bien plus considerables de l'interet et de 1'amortissement de la dette consolidee, et celles de la liste civile sont considerees corame ordinaires, parce qu'elles sont permanentes. D'apres ce sys- teme, la recelte du Royaume-Uni, pour l'annee -1822, a etc evaluee par le tresorier derechiquiera21,272,670 liv. sterl. et la depense a 21 ,196,456 livres sterling. Une autre source d'anomalie, e'est que quelquefois on ne comprend pas les re- venus du royaume d'Irlande, comme nous l'avons vu dans un tableau comparatif de la recette du Royaume-Uni, entre les annees 1818 et -1819, que Ton estimait dans la premiere annee a 48,982,960, eta 48,162,255 livres sterling dans la seconde. Pour avoir la totalite du revenu en 1818, il faut y ajoiiter celui de Tlrlande, qui, s'etant eleve dans la susdite annee a 5,070,971 , donnera pour total general 54,055,957 livres sterling. Les Etats qui possedent des colonies offrent dans leurs budgets une autre source Feconde d'evaluations les plus dis- parates de leurs revenus. Voyant que, danspresque toutes, les frais d'administration et de defense nelaissaient presque au- enn revenu net , la plupart des geograpbes et des statisticiens n'en tenaient aucun compte avaut les revolutions politiques qui, de nns jours, out tant change la face de 1'Amerique. DES ETATS DE l'eUROPE. iS'] D'autres, au contraire, ont porte en somrae, dans les recettes de la metropole, le revenu net qui provenait de ces posses- sions lointaines , tandis que d'autres y ont ajoute la totalite des sonimes percues, c'est-a-dire leur recette brute. 11 nefau- drait done pas s'etonner si un tableau, redige d'apres ces trois manieres differentes d'envisager les revenus de la monarchic espagnole, en 1807, par exemple, offrait des recettes qui , pour cette meme annee, differassent entre elles de quelques centaines de millions de francs. Que serait-ce si Ton voulait appliquer ces trois manieres differentes aux finances de toute la monarchic anglaise, dont les seules possessions asiatiques ajoutefaient presque un milliard de francs a la recette brute de son budget ! Le royaume actuel de Hollande offrirait en- core des differences enormes dans ses recettes, puisque nous savons positivement que le revenu general de l'Oceanie- Neerlandaise(Hollandaise) a depasse dernierement la somme de 27 millions de florins hollandais, quoique la mere-patrie n'ait rien recu de cette somme, a cause des frais extraordi- naires exiges par la guerre qui desole ces superbes colonies. Aussi, prenant en consideration les nombreuses difficultes que presente revaluation des revenus de ces etablissemens lointains, nous avons pris le parti de n'entenir aucuncompte dans la colonne des revenus des etats de l'Europe. Avantde quitter cet important sujet, qu'il nous soit permis defaire quelques observations relatives aux revenus des Etats, dont le budget offre certaines branches de la recette, qu'on peut assimiler aux sources des revenus des Etats que nous re- gardons comme hors du domaine de la statistique , et dont nous aurons a parler dans l'introduction au tableau statistique de l'Asie; d'ailleurs elles serviront d'eclaircissement aux ob- servations que nous ferons dans le chapitre qui les concerne. Dans la recette du royaume de Suede, par exemple, il fau- drait tenir compte des revenus considerables dont jouissent les nossesseurs des fiefs militaires, soit pour 1'entretierl de •258 SITUATION F1NANCIERE Yindelta ou de l'armee pennancnte non soldee, soit pour Ten- tretien des equipages de la flotte non soldee ou des matelots re'partis (indelta) dans les fiefs militaires, conimc nous le verrons plusbas. Dessommes tres-considerables, qui ne figu- rent jamais dans le budget, devraient aussi etre ajoutees a la recctte generate de l'empire d'Autriche, a cause des biens- fonds qui servent a l'entretien de cette nombreuse armee de soldats agriculteurs , etablie dans les coniins nnlitaires. Nous ne parlerons pas ici des colonies militaires de la Russie, parce que les frais extraordinaires qu'a dii necessaireraent exiger leur fondation ont augmente les colonnes du budget de la depense, au lieu de pouvoir etre porlees dans les colonnes de la recette. Mais les finances de 1' empire russe offrent plus que tout autre Etat de l'Europe chretienne une foule de re- venus directs ou indirects, dont on doit tenir compte dans nil tableau comparatif, quoiqu'ils ne figurent point dans les geographies et les statistiques. Nous les puiserons dans 1' im- portant ouvrage que M. Schnitzler a publie recennnent sur Tempire de Russie, et dans lequel il a resume, avec un talent remarquable, tout ce que Ton pent savoir de moins vague et de plus authentique sur la statistique encore si imparfaite de cette grandepartie du globe. « Certains revenus particuliers, dit ce statisticien consciencieux, l'exploitation de lapeche du fleuve Oural, par exemple, nesont jamais portes sur le budget, attendu qu'ils servent de paie, et sont assignes a perpetuite, soit a des individus, soit a des classes d'hommes; des gou- vernemens entiers sont souvent requis a fournir les deurees uecessaires a 1'approvisionneinent de 1* armee , au lieu des inipots dont sont greves les auti'es contribuables, et la va- leur de ces fournitures ne figure pas non plus dans le bud- get; d'ailleur-s le taux auquel le gouvernement recoit cesap- provisionnemens en ble et en fourrage est assez bas pour lui assurer des profits considerables; le travail des mines, le trans- port des metaux etdusel, remplacent, dans quelques contrees, DES ETA.TS DE l'euROPE. 25g la capitation ou au moins line partie de cet imp6t ; des tribus entieres ensont exemptes, a condition de faire le service mi- litaire toutes les fois qu'elles en sont requises par l'empe- reur : or ces travaux et ce service seraient payes cher partout ailleurs, et de meme qu'en d'autres pays ils grossiraient la depense, ils dcivent ici figurer parmi les recettes; de plus, quelques nations paient leurs tributsen peaux et en fourrures, qu'on emploie en grande partie pour les besoins de l'armee, et dont on ne tient pourtant aucun compte dans le budget. On n'y fait pas entrer non plus le marbre et les pierres pre- cieuses que TEtat retire de sesdomaines, les boulets de canon que lui fournissent ses fonderies, et une foule d'autres objets de valeur qui trouveraient ailleurs leur place dans le budget des depenses. En portantsur celui des recettes le produitnet de certaines exploitations qui se font au profit du gouverne- ment, ce dernier ne tient pas compte, parmi les depenses, des frais occasioned par les transports et la main-d'ceuvre, frais qui, pour d'autres articles figurant dans la raeme liste, viennent en deduction de la valeur du produit net. Toutes ces valeurs ajoutees au budget des recettes en augmenteraient considerableraent le chiffre, et, dans tous les cas, lant de matieres d'approvisionnement, d'equipement et de construc- tion, tant de bras qu'il faudrait payer ailleurs, et qui, en Russie, sont a la lib re disposition du gouvernement, expli- quent plus ou moins l'exiguite du chiffre qui marque le mon- tant des depenses. Qu'on ajoute a cela que les employes sont a la verite nombreux , mais que leurs traitemens sont en ge- neral plus que modiques, que la paie des soldats et des raa- telots est extremement faible , qu'un grand nombre de services sont gratuits , et Ton sera moins etonne de la difference si frappante que presentent au premier abord les sommes du budget russe avec celles d'Etats beaucoup moins importans.» Generalement parlant, la dette d'un Etat derive des sommes empruntee&par le gouvernement dans lepays ou a l'etranger. 260 SITUATION FINANC1ERE Mais il faut hien se garder dc croire, commele font presque tous les faiseurs de tableaux statistiques , et presque tous les geographes et les statisticiens , que Ton pent evaluer la dette d'un Etat lorsqu'on connait meme exactement toutes les sorames qu'il a recues par des emprunts. II y a d'autres sources qui peuvent augraenter ses dettes ; car il peut aussi en eontracter, soit en laissant s'arrierer les paiemeus des services qu'il a de- manded, soit en levant des capitaux par voie d'autorite, soit enfin en creant du papier- monnaie, ou en mettant en circu- lation une monnaie beaucoup au-dessous de sa valeur nomi- nale. Tout en connaissant avec exactitude les dettes d'un etat, on sera expose a commettre des erreurs graves dans leur eva- luation, a une epoque donnee, si Ton ignore les sommes qui en ont ete racbetees. Quant aux dettes proprement dites , on doit y distinguer : la dette fonde'e, la dette jiottante , la dette diffe'ree ou celle qui ne paie pas d'interet , la dette non encore reconnue ou non liquide'e , la dette viagere , la dette particu- liere des communes _, celle des domaines de la couronne , et quelquefois les dettes particulitres des membres de lafamUle. royale; toutes ces dettes different de la dette naiionale ou de Vhtat , et montent dansquelques pays a des- sommes qui sont trop considerables pourpouvoir etre negligees. On devrait en outre compter parmi les dettes d'un Etat les sommes qu'il tient en depot pour cautionnemens et celles qui proviennent des fonds des communes, des bospices etdes autres etablissemens de bienfaisance. Toutes ces subdivisions de la dette d'un pays que nous venous de signaler indiquent la source feconde de l'etonnante disparite d'opinions que Ton rencontre dans tous les ouvrages oil Ton traite ce sujet difficile. Si l'espace nous le permettait, nous pourrions offiir au lecteur un tableau comparatif oil revaluation de la dette offrirait les memes dis- cordances que nous a offertes celui des revenus. Ce n'est pas sans etonnement que nous avons vu des auteurs estimables et consciencieux rejeter notre evaluation officielle de DES ETATS DE l/EUROPE. 26 1 la dette du Royaume-Uni , pour adopter 1'evaluation erronee donnee par un ministre des finances de France, dans son discours a la Chambre des deputes, le 19 mai 1828. M.Roy ne peut avoir porte la dette anglaise a 1 ,280,000,000 livres sterling (52,000,000,000 de francs ) , qu en ne tenant aucun compte de la dette raclietee, qui , bien loin d'etre une dette, doit etre an contraire regardee comme une branche conside- rable du revenu, depuis que Ton a pris le parti d'employer la plupart du produit des rentes rachetees a convrir les de- penses de l'Etat , au lieu de les faire servir, comme l'exigerait leur creation primitive, a grossir le fonds d'amortissement. Le 5 Janvier 1 81 9 , la dette fondee. du Royaume-Uni s'elevait a 1 ,250,595,567 livres sterling; mais sur cette somme enorme 589,657,04-9 ayantete racbetespar le loads d'amortissement, la dette reelle n'etait que de 840,758,51 8. Le 5 Janvier 1 850, Ja dette reelle fondee n'etait que de 771,251,952. Ces esti- mations, que nous avons puisees aux docnmens publies par le parlement , demontrent combien sont erronees certaines estimations reproduites deruierement dans les jonrnanx fran- cais, allemands et anglo-americains , qui portaient la dette fondee anglaise a 897,098,557 livres sterl., en Janvier 1827, et d'autres, jusqu'au-dela de 1,280,000,000 livres sterling. Ce que nous venons de dire de l'Angleterre doit s'appliquer a la dette irancaise. Cette derniere n'est pas telle quelle parait etre dans le budget, ou, an 1er Janvier 1827, la rente con- stitute est portee a la somme de 199,599,000 francs, repre- sentant un capital nominal de 4,541,557,000 francs; mais bien de 156,884,600 francs , qui ne representent qu'un ca- pital nominal de 5,41 1 ,991 ,000. Cette difference vient du racbat de 929,546,000 francs, opere par le fonds d'amortis- sement. La somme admise dans le tableau est beaucoup plus forte, parce qu'on y a compris la delte flottante et autres arti- cles qu'on a cru devoir ajouter. Des statisticiens tres-distingues, ne tenant pas compte des 262 SITUATION FINANCIERE epoques diverses auxquelles se referent plusieurs docuraens officielsou semi-officicls relatifs aux dettes de certains Etats, les ont non-seulement singulierement exagerees, mais quel- quefois ils lour ont attribue meme des dettes iinaginaires. Le savant Crome porte encore en 1827 a 3,973,4-26 rixdalers la senle dette de TEtat , ou la dette nationale du duche de Brunswick; cette evaluation, toute erronee qu'elle est pour cette annee, serait assez exacte si on la rapportait a l'annee ■1 81 5 ; mais deja a l'epoque de la publication de l'ouvrage de M. Crome, plus de la moitie de cette sonime parait avoir ete rachetee ; quant a la dette dont les domaines de ce duche etaieut affectes, on nous assure qu'elle a ete entierement ra- chetee. MM. Hassel, Stein, Liechtenstein, Gaspari, Canna- bich, Zedlitz et tous les autres statisticiens de l'Allemagne, s'accordent a donner au grand-duche de Toscane line dette de 60 a 80,000,000 de florins; le savant et consciencieux baron de Match us lui-meme, dans son ouvrage surles finances, publie en 1850, porte encore a 56,000,000 de florins du Rhin la dette de cet Etat. Cependant, depuis plusieurs annees, la dette de la Toscane, qui, en 1 806, s'elevait a 1 1 7,000,000 de francs, a ete entierement eteinte par l'execution fidele du plan trace par M. de Chabrol sous le regime imperial. Nous n'avons pas ete peu surpris en voyant M. Hortolan, dans la nouvelle edition du Re'gulctteur universel de Martin, repro- duce a la fin de cet excellent livre les colonnes des revenus et des dettes publiques des principauxEtatsdu globe, publiees dans la B (dance , en modifiant nos estimations de maniere a donner a la Toscane, en 1850, uue dette de 60,000,000 de francs ! Cela est d'autant plus extraordinaire que M. Hor- tolan, ecrivant a Naples, pouvait s'assurer facilement de l'exactitude de ce que nous avions dit dans les observations preliminairesde la Balance, relativement a la dette imaginaire que les statisticiens et les geographes s'accordent a donner a cet Etat. DES ETATS DE l/EUROPE. 263 Les personnes etrangeres a la statistique ne peuvent se for- mer une idee des difficultcs sans n ombre qu'on rencontre dans l'estimation des dettes, surtout lorsqu'on vent tenir compte du pupier-monnaie , qui est rcellement nne dette contracted par le gonvernement envers la nation, et qui exige de nou- veauxenipruntsou denouveaux impotspourl'aneantir. Mais, tout en ajoutant aux dettes desEtats les sommes qui represen- tent la masse de leur papier-monnaie respectif mis en circu- lation, nous avons tenu compte des quantites qui en out ere detruites par les differens gouveruemens, jusqu'a la fin de 1826. Avant la creation de la banque, la Russie n'avait pas moins de 875,557,920 roubles d'assignats en circulation ; dans 1'espace de cinq ans, on en a briile pour la somme de 191,109,420 roubles, et de 44,768,250 en 1822; a la fin de 1826, la masse restant en circulation etait reduite a 595,776,510roubles. L'empire d'Autn'chen'offre pas des re- sultats moins favorables. La masse du papier-monnaie qui, en 1811 , s'etait elevee a 1,060,000,000 de florins d'Augs- bourg, en 1828 etait reduite a 78,500,000 florins; aussi ses fonds publics a 5 pour cent, qui en 1817 etaient cotes a la bourse 48 , sont montes progressivement a 56 en 1818, a 75 en 1820, a 85 en 1825, a 90 en 1826, et encore derniere- ment ils sont montes jiisqua 92. II arrive quelquefois que les gouveruemens contractent a une certaine epoque des empruiits pour des sommes conside- rables dans le but de faire certaines operations financieres ou de se livrer a des entreprises tres-coiiteuses , dont 1'execution setrouve retardeepar differens motifs. En attendant, la moitie seulement, et quelquefois meme une petite fraction des sommes stipulees dansi'empmHt, ont ete deli vrees paries capitalistes. Le statisticien qui entreprend la redaction d'un tableau general dont tous les cbiffresdoivent se rapporter a la meme epoque devra-t-il admettre dans sa colonne des dettes la totalite des sommes Stipulees dans ces emprunts, dont une partie seule- 2(>4 SITUATION FINANCIERS nient a ete versee entre les mains du debiteur? Nous avons cru que nous ne devions porter en sommc que les quant ik;s reellement versces jusqu'a la fin de 1 826 , puisque les sommes restantes n ay ant pas ete encore recnes, leur emploi doitfigurer parnii les ressources des annees suivantes. Nous citerons deux exemples pour eclaircir ce sujet , et mettre a l'abri de la cri- tique nos evaluations des dettes de la monarchic danoise et des Etats-Unis de l'Amerique centrale. M. Barberena, an- cien depute de Guatemala, nous a assure de la maniere la plus positive que sur 1'emprunt projete de 1,428,750 livres sterling, et indique, dans les Statistical Illustrations, comme ayant ete realise a Londres en 1825, il n'y eut de paye que la somme de 165,000 liv. Sur la sommede 5,625,000 livres sterling de Tempi'iint contracte en Angleterre par le roi de Dannemark, dans la merae annee, nous avons la certitude que le gouvernement danois n'en avait pas recu la moitie jusqu'a la fin de i 826. Nous ajouterons encore quelques lignes relativement aux revenus et aux dettes des Confederations. Dans ces gran des reunions d'Etats , il faut toujours distinguer le budget fede- ral du budget particulier de cliaque Etat. Comme les nom- breuses recherches auxquelles nous avons dunous livrer pour la redaction de cet abrege ne nous a pas lai?se assez de loisir pour connaitre, du moinsapproximativement, le revenu par- ticulier de chaque Etat de ces grands corps politiques, nous avons du nous bonier a ne donner dans le tableau statistique du Nouveau-Monde que leurs budgets federaux respectifs. A Tegard des confederations del'Europe, nous ferons observer que la Confederation Gennanique ne nous offrait aucuiie dif- ficulte ; nous avons meme ete assez heureux pour trouver les moyens de donner au complet tous les budgets de la Confede- ration Suisse, enveloppes jusqu'a present dans lemyslere, et presque tous inaccessibles a la statistique ; nous en sommes redevable aux fails importans que M. le baron de Malchus DES ETATS DE l' EUROPE. 2 65 a consignes dans son ouvrage sur la science des finances et de I administration , et a l'obligeance d'un de nos correspon- dans, qui a bien voulu remplir les lacunes laissees par le sa- vant statisticien allemand ; nous regrettons beaucoup qu'il nous soit defendu d'en prononcer le uom , et que la differente valeur des florins en usage dans cette contree laisse beaucoup de doutes sur revaluation du revenu de quelques cantons. Notre cadre se refuse aux details dans lesquels nous devrions entrer pour indiquer les sources si differentes d'ou decoulent les recettes des budgets federaux du Nouveau-Monde. Nous dirons seulement un mot sur celui des Etats-Unis, a cause de son importance et de sa stabilite. En tems de paix le revenu general de la Confederation provient de deux sources princi- pals : 1° des taxes indirectes ou droits sur le tonnage des na- vires et sur les marcbandisesetrangeres, au moment deleur im- portation ; 2° de la vente des terres nationales. Les autres bran- chesderevenusconsistent dans le prix des passe-ports de meret des declarations de sortie, dans les amendes, les forfaitures, les produits de la poste aux lettres et des brevets d'invention ; les dividendes de 70,000 actions dela banque nationale, qui appartiennent au gouvernement federal. En tems de guerre on emet des billets du tresor; on fait des emprunts et Ton cree des impots ; mais toutes ces taxes sont abolies aussitot que la guerre est finie. TABLEAU. TOME EI. AOUT 1 83 1 • 18 a66 SITUATION FINANCIER*: TAULEAU DE L'EUKOPE. ETATS. EUROPE OCCIDENTALE. Partie centrale. MONARCHIE FrANCAISE Confederation Suisse. ('anion dcs Grisons Canton dc Berne Canton du Valais Canton do Vaud Canton dii Tessiri Canton de Saint-Gall Canton de Zurich Canton de Lucerne Canton d'Argovie Canton de Fribourg Canton d'Uri Canton de Schwitz Canton de Claris Canton de Ncufclialel Canton de Thurgovie Canton d'Undcrwald Canton de Soleure Canton de Bale , Canton d'Appenzell Canton de Schaffouse Canton de Geneve Canton dc Zug Confederation Germanique Rovaume de Baviere Royaume de Wurtcmberg Royaume de Hanovrc Rovaumc de Saxe Grand- diiebe dc Bade Grand-duche de Hesse Hesse-Klectorale Grand-duche" de Saxc-Weimar Grand-duche deMeklenbourg-Scbwerin. . . Grand-duche de Mecklenbourg-Strelitz. . . Grand-duche" de Holstcin-Oldenbourg. . . . Duche de Nassau Duche" de Brunswick Duche de Saxe-Cobourg-Got'ua Duche" dc Saxe-Meiningen Duche" de Saxe-Altenbourg Duche" d'Anhalt-Dessau Duche d'Anhalt-Bernbourg Duche" d'Anhalt-Krcthcn Principaute" de Reuss-Greiz Priinipautc dc Reuss-Schlciz Principautc de Reuss-Lohensteiii Ebcrsdorf. REVENUS EH FRANCS. 987,620,000 10,410.000? 854,000 2,267,000 251,000 1,487,000 524,000 578iO00 1,016,000 5l7,ooo 070,000 402,000 10,000? 30,000 ? 38,000 ? 584,000 215,000 20,000? 267,000 581.000 37,000? 40,000 ? 731,000 1 1 ,000 ? 242,110,000 60,753,000 20,000.000 27,000, 000 28,000,000 20,000,000 12,000,000 11,000,000 4,913.000 6,000,000 1,500,000 3,1100,000 6,000,000 6,300,000 2,500,000 1,93!),0oo 1,526,000 1,400,000 (,100,000 630,000 * - 562,000 550,000 021. ooo DETTE EN FRANCS. 3,900,000,000 703,862,000 265,200,000 60,000,000 64,000,000 70,000,000 59,000,000 27,000,000 5,000,000 16,291,000 20,500,000 3,000,000 0,500,000 8,000,000 11,600,000 8,000,000 5,000,000 1,600,000 1,700,000 3,105.000 517,000 1,810,000? DES ETATS DE L EUROPE. 267 ETATS. Principaute de Schwarzbourg-Rudolstadt. . Principaule de Schwarzbourg-Sondershausen. Principautc dc Lippe-Deimold Principality dc Lippe-Schauenbourg. . . . Principautc de Waldcck Principautc de Ilohenzollern-Sigmanngen. . Principautc de Hohcnzollern-IIechingen. . Principautc' dc Licbtcnstein Landgraviat de Hesse-Hombourg Republique de Francfort Republique dc Breme Republique de Hainbourg Republique de Lubeck Seigneurie deKniephausen Empire d'Afjtriche Monarchic Prussienne . . . Monarchic Hoilandaise ROTAUMF. DE BeLCIQUE Partie meridionale . Royaume Sardc ( Italie) Duche de Parmc (Italie) Duche de Modene ( Italie) Duche de Lucques (Italie) Principaute de Monaco (Ilalie) Republique de Saint-Marin (Italie). . . . flrand-duche de Toscane (Italie) Etat de rEglise (Ilalie) Royaume des Dcux-Siciles (Italie). . . . Monarchic Porlugaise (peninsule Hispanique) Monarchic Espagnole (pcninsule Hispanique) Republique d'Andorrc (peninsulellispanique) Partie septenlrionale. Monarchic Danoise Monarchic Norvegieno-Suedoise Royaume de Suede Royaume de INorvege Monarchic Anglaise EUROPE ORIENXALE. Empire Russe Empire Russe proprcmentdit Royaume de Polognc Republique de Cracovie Empire Ottoman Principaute dc Servie Principaule de Valachie Principautc de Moldavie TVouvel etat de la Grece Republique des lies Ioniennes REVENUS EN FRANCS. 800,000 600,000 1,267,000 556,000 1,054,000 5011,000 510,000 50,000 400,000 1,634,000 1,054,000 5,600,000 1,054,000 40,000 440,000,000 215,000,000 85,000,000 90,000,000 70,000 6,500 5,000 1 ,700 120 70 17,000 45,000 84,000 54,096 178,600 000 ,000 000 000 000 0u0? 000 000 000 000 000 53.000,000 49,500,000 41,000,000 8,500,000 1,585,000,000 454,000,000 400,000,000 34,000,000 861,000 360,060,000 3,900,000? 13,000,000 6,000,000 6,000,000 ? 51656,000 DETTE EH FRANCS. 600,000 540,000 1,500,000 1,034,000 5,105,000 2,600,000 700,000 1,164,000 17,000,000 7,800,000 40,000,000 9,000,000 1,700,000,000 726,680,000 2,858,000,000 849,445,000 100,000,000? 12,000,000 1,500,000? 1,000,000? 350,000,000 500,000,000 160,000,000 4,000,000,000 1 50,000,000 ? 81,000,000 54,000,000 27,000,000 20,345,000,000 1,575,000,000 1,440,000,000 155,000,000 r(),000,0i;0 18. DES ATTRIBUTIONS DES CONSEILS MUNICIPAUX ET DEPARTEMENTAUX. Ce qui doit etonner les esprits attentifs toutes les fois que les lois municipales et departementales viennent a la discus- sion des Chambres, c'est la preoccupation exclusive que pro- voque la partie organisatrice de 1' election, tandis que celle qui doit fonder les attributions sur des bases larges et sur une reformation radicale ne parait exciter presque aucune sollici- tude. Ainsi, lors de la celebre et courte discussion du projet de 1829, la commission de la Chambre des deputes ne fit dans la loi communale que d'insignifiantes modifications au reglement des attributions , et pourtant le projet ne faisait guere que substituer les prefets et les conseils de prefecture au ministre et auconseil d'Etat dans la plupart des cas d'au- torisalion ou d'homologation. Recemment encore, dans la discussion de la loi municipale qui a du, nous en convenons, donner la priorite a rorgani- sation de lelection, les orateurs qui ont montre le plus d'exi- gence en faveur des doctrines populaires ont semble ne pas aspirer a l'abrogation complete du systeme de la loi du 28 pluviose an vm. Y aurait-il done un tel prejuge que Ton se persuadat que le remede au malaise des interets locaux git uniquement dans l'origine des conseils qui deliberent surces interets? Attribue- rait-on au principe electifune telle puissance qu'il dut snr- monter seul les entraves de toute sorte qu'opposc une centra- lisation assez generalement reconnue sinon nuisible, au moins inutile a Taction du pouvoir royal? Certes il ne faut pas une observation bien profonde de l'etat present des cboses pour reconnaitre que le plus grand mal qui affecte les besoins des DE ^ORGANISATION COMMUNALE , ETC. 269 localites, et surtout ceux des communes , a' est pas taut dans l'usurpation du droit de composer leurs conseils que dans un mode abusif et illusoire de surveillance de la part du gouver- nement. Si, par suite de cette usurpation, les departemens, et, ce qui est plus deplorable, les communes, out perdu 1' esprit de la propriete collective, il est materiellement incontestable que, 1'eussent-elles conserve, il se briserait continuellement contre les lenteurs, les formalites minutieuses et meme les contrarie- tesdu systeme vicieux de controle que 1' organisation actuelle attribue au pouvoir royal. Ce serait reculer au-dela de ses proportions les bornes de cet essai que d'exposer par des exemples les desastreux effets et l'inefficacite d'une tutelle confiee a des fonctionnaires eloi- gnes et de plus surcharges de bien plus bauts interets. Nous prions seulement nos lecteurs de jeter les yeux sur les affaires de leur commune, et de dire ensuite s'ils croient que le seul remede est dans l'election des conseils municipaux , et meme dans l'accroissement de competence , si je puis ainsi parler, des prefets et de leurs auxiliaires inferieurs. Qui ne sent d'ailleurs ce qu'il y a d'irrationnel et d'incon- sequent de confier a des agens dont les fonctions sont plus essentiellement actives que deliberates le controle des ges- tions locales, lorsqu'au sommet de notre ordre politique les choses sont distributes precisement d'une facon inverse? Qui ne comprend enfin, par la seule reflexion, lors meme qu'on n'en aurait pas tous les jours la preuve de l'experience, que les avis des sous-prefets , les decisions des prefets et du ministre ne peuvent pas etre le resultat de leur propre examen , mais bien celui de leurs bureaux? Qu'est-ce des lors qu'une insti- tution qu'on n'ose pas inscrire sur les tables de la loi dans son entiererealite? Une reforme complete des attributions des conseils muni- cipaux dfe departement et d'arrondissement est done urgente, 27O BE L ORGANISATION COMMUNALE pour ne pas laisser enervees ou turbulentes les assemblies electivcs dont la legislature va doter Ie pays. Elle doit etre homogene et coordonnec, c'est-a-dire abjurer un systemc cree pour d'autres terns. Enfiu die doit, comme on l'expli- quera, etablir des rapports intimes entre les conseils munici- paux ct les conseils dc dcpartemens et leurs subdivisions. D'ou suit la necessite de comprendre dans une seule loi les attributions departementales et municipales. Osons niaintenant aborder le sujet dans ses specialites , et commencons par sa base, c'est-a-dire par les communes. Les communes doivent etre considerees sous deux points de vue principaux : -|° Comme division du territoire, partie inie'grante de l'E- tat, dernier anneau de l'ordre bierarcbique administratif; 2° Comme association d'individus ayant des besoins com- muns, des recettes et des depenses communes, possedant des biens , poiwant en acquerir, en aliener en leur nom collectif. Lorsqu'on fait abstraction de ce dernier aspect et qu'on n'examine la commune que sous le premier, on est bientot convaincu que ses rapports avec l'Etat sont ceux de la partie envers le tout, du sujet envers le souverain ; qu'il s'agit plutot pour elle de devoirs a accomplir que de droits positifs a exer- cer. La commune est dans cette nature de relation en matiere d'assiette et de recouvrement de contribution de quotite, de recouvrement de contributions de repartitions, en matiere de recrutement, de garde nationale , de police generale etjudi- ciaire, de registres de l'etat civil, etc. En effet, d'une part est le pouvoir supreme de l'Etat, qui, en ecbange de la pro- tection a rinterieur et a rexteiieur, repartit les sacrifices et enexigele recouvrement, et de l'autre, des individus prote- ges qui, sous peine de la dissolution de la societe generale, n'ont pas le droit d'opposition a ces exigences regales. Si , sous le premier des deux rapports dont nous venous de parler, les corps municipaux n'ont aucune fonction, on KT DEPARTEMBNTAliE. 'in I eoncoit leur imporlauce, lorsquc la commune nc so presence plus que comme association d'interets prives, quoique col- lectifs. Pour determiner les attributions de ces corps, il est neees- saire de se faire une idee juste de la nature de la person ne morale qu'ils representent. Et d'abord les communes sont-ellcs mineures, comme de graves autorites tendraient a le faire croire ? La minorite est un accident de la vie civile : pris dans le sens le plus restreinl, ce mot signifie I'etat des personnes qui n'ont pas encore atteint l'age auquel la loi attache la pre- somption de l'entier developpement des facultes intellectuelles de Tindividu (article 588 du Code civil). Synonym e d'inca- pable,lemineur serai t .encore l'interdit, la femme mariee: l'in- capacite decelle-ciestfondeeenvuederunited'administration conjugale. Lesautres sont etablies uniquement dans l'interet de ceux qu'elles atteignent, et par leseul motif qu'ils seraient infailliblement victimes de leur faiblesse toute physique. Quel rapport y a-t-il entre ces caracteres et ceux qui constituent la commune? Se fonderait-on, pour soutenir l'analogie sur leur nature, de personnes morales qui les obligentde faire gerer leurs affaires par des rep resen Sans? Ceserait seulement recon- nailre le fait incontestable que les associations un pen nom- breuses doivent subir la loi du regime representatif. Mais la raison de la representation de la commune est essentiellement differente de cellc des mineurs. Pour ceux-ci, c'est leur fai- blesse et leur inexperience individuelles et temporaires ; pour celles-la, c'est 1'impossibilite absolue et permanente que tous les membres de la corporation administrent en ineme terns les choses communes. C'est la loi, et par suite une volonte etran- gere au mincur, qui lui donnent son tuteur. Les communes se donnent ou doivent sedonner leurs administrateurs. Le lutein* est une personne entiercmeut distincte de son pupille. Les mamlataires des communes font partie de la corporation. En 272 de l'organisation communale faisaut les affaires de la commune, ils administrent en meme tems leur quote-part; on a done detourne les mots de leur si- gnification veritable, en posant le principeque les communes sont mineures, et malheureusement cette confusion dans les mots en a entraine de graves dans les choses. Les communes (dit la loi romaine, loi i , parag. 1 , quod cujuscumque unwersitatis nomine agatur. — Loi 1 6 , de ver- borum significations — Loi 22, de fidejussoribus) , les com- munes sont des corporations fondees a l'image de la saciete elle-meme, se comportant, pour ce qui concerne leur patri- moine , comme des personnes privees et representees par des gerans ou syndics charges de faire ou de procurer ce qui doit etre fait ou procure en commun. Cette definition , si elle etait complete , assignerait aux communes une position exactement analogue a celle de toute autre association fondee en vue d'un interet purement prive. Leurs affaires etant de meme nature que celles des particu- liers, elles pourraient vendre, acheter, hasarder le capital communal dans toute enti'eprise, sans que la loi eiit plus a s'occuper de la bonne gestion de leurs interets qu'elle ne le fait et ne peut le faire pour les parti culiers majeurs. Mais ce qui place les communautes territoriales sous un regime special , e'est ce fait important qu' elles subsistent et se perpe'tuent , lors meme que leurs membres viennent a changer. (L. 7, p. 2, quod cujuscumque universitatis nomine agatur. ) Des lors les communes ne sont plus vraiment proprietaires. Obliges , sauf des cas graves, de conserver aux generations qui suivent les biens qu'ils ont recus de celles qui les ont precedes , les mem- bres actuels sont des usufruitiers. Les communes sont done perpetuellement usufruitieres. Si done les communes ne sont pas des incapables dans le sens que la loi civile attache a ce mot ; si le nombre des mem- bres de la corporation, les forcant a confier a quelques-uns d'entre eux la gestion de la communaute, les assimile, sous ET DEPARTEMENTALE. 278 ce rapport, plutot aux associations privees qu'a des mineurs; si enfin elles sont usufruitieres, c'est dans ce fait que doit se trouver la mesure et la liniite de leurs droits, la necessite d'une surveillance prise hors d'elles-memes. Tous les actes des gestions municipales, meme les budgets et les comptes qui reclameraient un article entier, peuvent se classer sous deux divisions importantes : ceux de simple regie ou d'usufruit qui ne touchent qu'aux revenus ordinaires , et ceux de propriete, qui affectent le capital de la commune. Les premiers doivent etre laisses a la prudence des conseils municipaux sans que 1'autorite centrale s'en inquiete autre- ment qu'en veillant a ce que ces corps ne depassent pas la li- niite de leurs attributions. Les seconds ne pouvant, sans danger pour les generations futures, etre abandonnes a lentrainement des besoins actuels, doivent etre garantis par un controle place hors des interets municipaux et independant d'eux. Le projet de loi aurait done a distinguer soigneusement et avec sagacite les actes de simple usufruit de ceux de propriete. Dans la premiere categorie seraient compris , par exemple , l'administration et la disposition des revenus ordinaires de la commune, le droit de louer a court terme les biens immeu- bles , de percevoir leurs fruits annuels et les arrerages des capitaux mobiliers. On pourrait y faire entrer la disposition des centimes ordinaires communaux, etc. Dans la seconde categorie se classeraient naturellernent l'a- lienation , l'ecbange , l'acquisition , les emprunts , le droit d'hypothequer , etc. Avant d'expliquer comment nous concevons le mode de surveillance de l'usufruit communal , nous avons a cbercher les fonctionnaires ou les corps les plus capables d'exercer cetle surveillance. Dans les considerations generales dout nous avons cru devoir faire preceder cet essai , nous avons , a cause du cadre 2^4 DE ^ORGANISATION COMMUNALE etioitou nous nous renfermons, laisse le lecteur reconnaitre, par ses scules observations, l'impossibilite d'examen de la part des fonctionnaires de 1'administration active, leur eloi- gnement, leur ignorance des besoins et des ressources des communes , les lenteurs si prejudiciables des formes actuelles . Nous tromperions-nous maintenant en professant la convic- tion ou nous sommes que le controle des gestions municipales serait avec d'immenses avantages confie aux conseils du de- partement et de ses subdivisions ? La, au moins , debat, con- tradiction, deliberation reelle ; la aussi connaissance plus exacte des faits , puisque chacun des membres de ces conseils est un homme de la localite , qu'il en a necessahement etudie plus ou moins les besoins et les ressources en administrant ses propres affaires; la enfin le germe de ces associations qui doi- vent commencer une nouvelle ere de prosperite pour notre beau pays, luttant contre des formes administratives impuis- santes surtout pour seconder notre etat industriel. Pour expliquer maintenant les rapports que nous conce- vons entre les conseils dedepartement et de leurs subdivisions et les corps municipaux , il font supposer resolue une ques- tion dont l'exainen trouvera mieux sa place plus loin. Cette question est celle de la substitution de 1'administration can- tonnalea 1'administration d'arrondissement. Admettons done pour un moment comme demontree l'utilite de la suppression des sous-prefectures et des conseils d'arrondissement , la pos- sibility de transferer a des comm'ssaires cantonnaux les fonc- tions d'administration generale et active des sous-prefets , et aux conseils cantonnaux les attributions de ceux d'arrondis- sement, et voyons comment ce changement pourra s'adapter aux principes que nous avons emis. Puisque le caractere dominant de la commune est l'etat d'usufruitier, il faut la remettre en pleine et entiere posses- sion de ce droit incontestable. Ainsi les corps municipaux devraient etre aptcs a faire les actes de notre premiere catego- ET DEPAUTEMENTALE. 2^5 rie sans etre obliges de les soumettre a la sanction d'un autre pouvoir. Quant a ceux que nous avons appeles actes de -propriete ' , la deliberation d'un conseil municipal, qui en exprimerait le besoin ou l'avantage et les moyens de realisation , devrait necessairement , et avant qu'on procedat a aucun aete d' exe- cution , etre soumis , parl'intermediaire du commissaire can- tonnal, a la procbaine session du conseil de canton. Cet agent devrait encore recevoir, avant leur execution, connaissance des actes de simple regie. On concoit , en effet, que, pour garantir la distinction des competences, il est ne- cessaire qu'un autre pouvoir que le corps municipal juge de la nature de l'acte que celui-ci rangerait dans la premiere categorie ; mais a l'egard de ceux-ci, lorsque le commissaire cantonnal apercevrait ou croirait apercevoir quelque ca- ractere d'un acte de propriete, son role se bornerait a tin simple veto suspensif signifie au corps municipal dans un delai determine. Dans un certain delai aussi , le commissaire cantonnal, apres avoir pris les instructions de son superieur hierarchique immediat , le prefet, ou leverait le veto, s'il avait mal juge, ou signifierait que Facte est defere au conseil cantonnal. Si nous ne parlons pas du conseil de departement , c'est que nous ne voulons pas entrer dans le detail de ses attribu- tions vis-a-vis des conseils cantonnaux. Ce soni des questions d' execution que celles de savoir si tous les actes de propriete, ou seulenient les moins importans, devraient etre soumis au conseil cantonnal ; quel" seraient ceux qui devraient etre de- feres en premier et dernier ressort au conseil general. II en est de raeme de l'appel au conseil general , soit par le corps municipal , soit par le commissaire de canton, des exceptions qui devraient atteindre les communes d'un revenu assez eleve pourreclamer la sollicitucle de la legislature, de l'epoquedes sessions , de la tenue des deliberations, de la forme des deci- 3^6 de l'organisation communale sions ; enfin du role que rerapliraient pres de ces conseils les agens de L' administration active. II est inutile de dire que nous voudrions voir abroger cette puerile precaution qui ue perinet pas aux corps municipaux de s'assembler qu'apres y avoir ele autorises par le prefet. Sous la legislation actuelle, les actes les plus simples des gestious municipales sont astreints, corame les plus impor- taus , a l'approbation du prefet ; les formes qui precedent cette revision livrent sans garantie les interests communaux a la negligence ou a la preoccupation des bureaux. 11 ne serait pas difficile d'en citer mille exemples. Dans le systeme simple, rapide, que nous venous d'es- quisser, a 1' expiration d'un delai de quinze jours, impose au commissaire cantonnal pour repondre a la deliberation d'un conseil municipal, les communes pourraient mettre a execu- tion ces actes si frequens de simple regie pour lesquels Tap- probation du prefet nest qu'iuie vaine formalite, emancipa- tion dont ceux-la seuls comprendront toute l'importance qui out vu de pres 1' administration communale, premiere et veri- table conquete a faire sur la centralisation, base enfin du droit municipal largement et sainement compris. Nous nousattendons a cette premiere objection que les corps municipaux ou les maires abuseraient de la libre disposition de rusufruit communal. D'abord on concoit difficilement la pretention excessive du pouvoir ministeriel de proteger , surveiller et meme diriger radministration municipale dans tous ses actes meme les plus minimes, tandis qu'elle abandonne au controle deleurs pro- pres actionnaires celles des associations fondees par l'interet prive avec lesquelles 1'usufruit communal a la plus grande analogic Et quel si grand prejudice resulterait done pour les com- munes d'une latitude renfermee dans des bornes si etroites et confiee a un corps electif et interesse a prevenir les abus ? ET DEPARTEMENTALE. 277 Qu'on laisse d'ailleurs les operations des conseils municipaux el des maires soumises aux formes de la publicite et de la con- currence dans toutes les circonstances ou elles peuvent etre appliquees, et les revenus et depenses des communes seront entoures de garanties assez fortes pour qu'il ne soit pas ne- cessaire d'aller chercher un controle aussi vain que celui de la sanction des agens de l' administration active. De bonne foi , est-ce parce qu'nn proces-verbal d'adjudication de re- coltes de quelques fruits sauvages on de loyer de terrains communaux sera revetu de I'approuve du prefet, qu'il de- meurera constant que l'acte est sincere et sans fraude? Lors- qu'un conseil municipal cboisit un garde champetre, est-ce la signature du prefet au bas de la deliberation qui garantit la bonte du choix? En verite, c'est paperasser a plaisir. Quant aux affaires qui touchent a la propriete communalc (et Ton devrait y joindre la verification des budgets et l'apu- rement des comptes annuels), les conseils canlonnaux, dans des sessions mensuelles ou trimestrielles , et les conseils ge- neraux , semestriellement , expedieraient ce travail aussi promptement et assurement avec plus de connaissance de cause que les bureaux de prefecture. Quelque prevention que Ton professe contre les corps de- liberans , il est impossible de nier que dix a douze homines les plus considered d'un canton, appeles a deliberer sur un acte aussi important que ceux de notre seconde categorie , n'apporteraient pas dans leur decision toutes les lumieres et toute la prudence dont ils sont capables. Les reproches ou l'approbation de la commune sur les interets de laquelle ils auraient prononce, la publicite des decisions, le droit d'appel au conseil general reserve concurremment au conseil muni- cipal et au commissaire , voila certes plus de garanties mo- rales que n'en presente ce qu'on appelle la triture d'un chef de bureau. Nous repousserons egalementl'argument tire de l'ignorance 278 de l'organisation communale encore trop generale dans les communes rurales , en disant combien nous verrions d'efficacite dans les representations oflicieuses et raisonnees du commissaire cantonnal et du pre- fet a un conseil municipal dont ils remarqueraient la fausse direction. Ce role, si convenable a l'administration , en pla- cant le precepte a cote de l'espece, en reclamant non l'obeis- sance, mais un nouvel examen, porterait plus de lumieres adminislratives dans les campagnes que ces circulaires dont le style est presque toujoursau-dessusdela portee desbommes a qui elles s'adressent, et quisupposent ordinairementetbien a faux la vue generale des lois ou ordonnances qu' elles com- ment ent. DES C0NSE1LS DU DEPARTEMEiXT ET DE SES SUBDIVISIONS. Les deux especes de rapports sous lesquels nous avons considere les communes se reproduisentpourlesdepartemens. En effet, a la tete de ces autres circonscriptions du territoire sont des agens du pouvoir central, charges de pourvoir aux besoins generaux, de faire respecter les droits individuels, de reprimcr l'infraction aux lois , enfin de recueillir les sacrifices que l'Etat exige de cbacun de ses membres. A cote de cette action se trouve aussi celle qui s'occupe des interets distincts de la circonscription departementale , de meme que l'admi- nistration municipale veille aux interets de la commune , considered en dehors de ses rapports avec l'Etat. Toutefois , et on l'a souvent fait remarquer avec raison , le departement, l'arrondissement, le canton, different de la com- mune en ce point cssentiel que celle-ci existe par elle-meme, c'est-a-dire par le fait de la propriete collective, tandis que la division departementale, toute arbitraire, est susceptible par consequent de modifications plus ou moins importantes , suivant les ciiconstances ou la legislation. De la aussi une notable difference dans ics attributions des pouvoirs delegues ET DEPARTEMENTALE. 279 pour representer les interests municipaux et du departement. Le droit municapal decoule de l'analogie complete de la commune avec les associations fondees par l'interet prive. II a done son fondement dans le droit prive, etnous n'avons eu qu'a deduire de ce principe les fonctions des corps munici- paux. Mais nous ne trouvons pas le in erne guide pour con- clure les attributions des conseils de departement. Les proprietes departementales sont plutot des charges que des sources de revenus. Tels sont les hotels de prefecture, les batimens des tribunaux, les prisons, les maisons desecours, les casernes de gendarmerie, les routes departementales, etc. Rien n'eiit ete plus rationnel que le pouvoir souverain se flit reserve la propriete , et par suite l'administration des ob- jets que nous venous denumerer. lis semblent devoir faire partie plutot du domaine national que de la possession departementale , puisque leur usage se rapporte plutot auxbesoins generaux qua ceux dela localite. II a paru plus expedient d'en faire la matiere des soins des conseils locaux; soit, on n'en conteste pas l'avantage. Ce qu'on veut couclure de ceci e'est que les attributions des con- seils generaux et d'arrondissement out moins pour base la propriete, le droit, comme celles de la commune, qu'une delegation arbitraire de fonctions propres au pouvoir central. Rappelons brievement la legislation actuelle : 1° Le conseil general fait la repartition entre les arrondis- semeus du contingent des contributions directes imposees au departement ; 2° II statue sur les deiuandes en reductions faites par les conseils d'arrondissement, les villes, bourgs et villages; 5° II donne son avis sur les cliangemens de circonscriplion territoriale; •4° II exprime son opinion sur les besoins etl'etat du depar- tement, et meme sur la legislation generale. 5° 11 a sur retablissement et l'emploi des centimes addi- 280 DE l'okganisation communale tionnels une action qui varie suivant la nature de ces cen- times. Les centimes ordinaires affectes aux depenses fixes sont votes par la legislature et centralises autresor pour etre ordon- nances par le ministre de l'interieur. Les centimes ordinaires pour depenses variables sont egale- ment decretes par la legislature; mais leur emploi est vote par le conseil general, sous l'approbation du ministre de l'in- terieur. Le conseil general peut voter, dans des limites determinees par la loi de finances, descentimesditsfacultatifs,pour d'au- tres depenses que celles auxquelles sont appliques les centimes variables, ou pour excedant de celles-ci sur le produit desdits centimes. Le prefet lui en rend compte. Enfin il y a des centimes facultatifs extraordinaires que le conseil general peut voter pour des depenses urgentes et im- prevues, et sous la sanction des chambres. Les attributions comprises dans les trois premiers paragra- phes sont evidemment une delegation de l'administration generate ; car on concoit facilement le pouvoir central de l'Etat, procedant parses officiers a ces trois sortes d' opera- tions , qui lui sont propres de leur nature. Le droit enonce au paragraphe 4- est une des faibles et pen nombreuses garanties laissees par le gouvernement imperial aux localites. II est devenu assez inutile sous le regime actuel pour qu'on ait deja propose, et avec raison, de l'enlever aux conseils generaux. G'est done dans le vote des charges locales, dans leur em- ploi au profit des besoins et des proprietes des departemens, quil faut chercher les veri tables fonctions locales qu'exercent les conseils generaux. Et d'abord remarquons que dans l'etat actuel les centimes ordinaires fixes sont un veritable impot central qu'il a paru plus commode de specialiser sous la denomination de centimes ET DEPARTE MEN TALE. 2$i additionnels, mais qui conserve reellement son caraclere de generalite, -10par les objets auxquels il s'applique, puisque tons ont pour destination un service public ; 2° par sa cen- tralisation an tresor et l'emploi qu'en faille ministre, sans le controle des local itcs. Les conseils generaux n'ont pas pins d'action sur limposi- lion des centimes variables. C'est, comme on lesait, la legis- lature qui les present sans leur concours. Mais ils ontsurleur emploi une sorte do voix consultative, a laqnelle le ministre pent deferer, mais que rien ne l'obligea satisfaire. C'est doncseulement dansle droit d'imposer au departement les centimes facultatifs ordinaires et extraordinaires, et dans le vote et la surveillance de lenr emploi , que la legislation actuelle a laisse aux conseils generaux quelques traces de re- presentation des interets locanx. Mais d'abord pourquoi cette difference de pouvoirs conlies aux conseils generaux pnur les centimes variables et les cen- times facultatifs, puisque ceux-ci ne sOnt le plus souvent que le supplement^ rinsuflisance de ceux-lh, et qu'ilss'appliouent les uns et les autres a des depenses de raerae nature? Sans doute on comprend tres-bien l'interet majeur que le gouver- ncment doit porter a la bonne gestion des objets que doivent desservir les centimes variables. En effet, l'entretien des ho- tels de prefecture, des batimens de tribunaux, des prisons departementales, des casernes de gendarmerie, etc.. tient peut-etre plus aux services publics qu'a l'interet distinct du departement. Le gouvernement, preparant une loi nouvelle, craindrait-il que les conseils generaux ne fussent trop avares de leurs centimes , et ne laissassent souffrir des choses qui tiennent de si pies a l'ordre public? Cette crainte serait-elle serieuse et fondee? Tl faut alors classer les depenses faculta- tives sous le regime des depenses variables; il faut cnlever aux conseils generaux le peu qu'ils out encore d'attribulions reelles, pour les reduirc au role de comit.es consultalifs. 11 toaif. u. aoi;t i 85 i . 10 282 de l'organisation communale faut faire rentier dans le domaine de l'Etat lcs proprietcs, la plupart onereuses, cedees anx departemens par le decret du 9 avril 181 1 , de meme que les biens que les departemens out pu acquerir depuis leur courte existence. En un mot, il faut detruire le departement comme person ne morale, pour ne le laisser subsister que comme division administrative. Si, au contraire, 1' experience a prouve que les conseils generaux etaient jaloux de la bonne gestion des proprietes departement ales, qu'ils ne laissaient pas plus en souffrance les cboses destinees a un service public que celles qui touchent plus immediatement a l'interet du departement ; si meme d'habiles administrateurs ont pu avancer avec verite que cer- tains services (celuide la gendarmerie, par exemple) avaient gagne en economic depuis que le compte de leurs depen- ses avait ete confie a la surveillance des conseils locaux (31. de Bar ante : des Communes et de I ' Aristocratie , page 166), on ne doit plus craind re de s avancer dans cette voie d' amelioration. Laloi a intervenir n'aurait plus a distin- guer des lors que deux sorles de centimes additionnels : les centimes fixes, votes par la loi de finances, ordonnances par le ministre et appliques a des depenses generales; et les cen- times facultatifs, votes, employes et surveilles par les conseils generaux. L'babilete du legislateur se montrera dans la clas- sification des depenses , dans l'une ou l'autre categoric C'est assurement une grave et serieuse delegation du pou- voir supreme aux conseils locaux que le droit de repartir une notable portion des charges publiques, et d'imposer une division du territoire pour subvenir a des besoins plus ou moins generaux ; mais ce nest pas a cela que nous voudrions voir bonier les hautes fonctions imposees aux homines que la confiance de leurs concitoyens enverra sieger dans les conseils du departement. II est une autre grande et nouvelle attribution a conferer aux conseils generaux et a leurs sous-divisions, qui doit, en dechargcant I'administration active et generalc d'une mission ET DEPAPiTEMENTALE. 283 quelle est incapable de remplir avec efficacite, etablir entre le departement et la commune des rapports plus intimes , et deplacer la protection actuelle des interets de celle-ci , pour la fonder sur la representation de celui-la. Cette innovation, dont nous avons expose les avantages en ce qui concerne les communes, en traitant de celles-ci, nous reste a examiner sous un autre point de vue bien im- portant, celui de savoir si les cbangemens qu'elle necessite pourront rentrer dans le systeme general de radministration sans y apporter de perturbation. Constructeurs prudens, nous craindrions d'enlever une piece de la macbine avant de nous etre assures que celle que nous voulons lui substituer s'adap- tera aux rapports de la premiere. Nous ne voudrions, en effet, pas moins que la suppression de la division et de radministration arrondissementale , et son remplacement par la division et radministration can- tonnale. Deja , en expliquant comment nous concevons le mode d'action du conseil et du commissaire cantonnal vis-a-vis des municipalites, nous avons prevenu toute fausse interpretation de ce systeme, et Ton ne doit plus le confondre avec celui qua etabli la constitution de Ian in. II ne s'agit pas en effet ici de constituer au canton une mu- nicipalite collective et composee des agens de chaque com- mune, controlant respectivement leurs actes. II s'agit encore moins de confier, comme le faisaient leslois des 5 et 21 fruc- tidor an m, a un corps electif, radministration active et rad- ministration deliberante, et de saperainsi le principe de res- ponsabiliteministerielle qui domine notre ordre social. JVous sommes de ceux qui croient aux grands avantages pratiques de la distinction posee par laloi du 28 pluviose an viii, entre Tac- tion et la deliberation du pouvoir administratis Toutefois , a cote det:ette conviction, et tout en reconnaissant les vices nombreux des lois des 5 et 21 fructidor an in, il y a lieu d'etre frappe des regrets qu'eprouvent grand nombre de bons esprits ?.$'{ DE ^ORGANISATION r.OMMTINALE de la perte des institutions cantonnalcs. Eli examinant av© attention cette apparente coatradictioa , ae recoaaaitrait-on pas qu'il en est de cette question commedetant d'autres, on le vrai se trouve dans les deux opinions contraircs? Ce que recla- ment les partisans de l'ordre municipal de Tan m, c'est nioins la forme collective de l'administratioa des communes que le coatrole exerce sur les gestions municipales au chef-lieu i!u canton, par une assemblee elective et forte, c'est la concla- sioa des affaires locales par l'autorite des conseils locaux, ce sont ces rapports si precieux qui commencaient a s'erablir entre les communes d'un canton; c'est enfin cette sous-divi- sion si aaturelle du department, sacrifice a lacirconscriptiou arrondissemeutale, daas l'interet d'ua pouvoir qui mettait (peut-etre avec raison alors) au-dessus da biea-etre des loca- lites la prompte execalioa de ses ordres. Ea reclamant une plus large definition du droit municipal, en demandant que la surveillance de ce droit soit enlevee a l'administration active, pour etre deleguee pleinement et sou- verainement aux conseils cantonnaux et de departement , de- venus electifs, que faisons-nous autre chose que d'adberer a ces voeux si legitiaies? D'un autre cote, est-ce bien oter de la force au pouvoir central de l'Etat que de debarrasser ses agens des soins d'Mte- rets entieremeat ea dehors de soa action, sartout qaand on lear coaserve aoa-seulemeat lears attribatioas geaerales , laaiseacore ua role elevede communication etde consultation entre les conseils du departement et les municipalites? Certes personne ne soutiendra que les contributions publiques seront recouvrees avec moins de facilite ; que le recrutement de l'ar- mee sera entrave, l'ordre hierarchique des fonctionnaires pu- blics trouble, la police generate rendue impossible, parccque le ministre ni les prefets n'autoriseront plus les communes a vendre, echanger, acquerir, emprunter; parceqa'ilsncseiout plas encombres de leurs budgets et de leurs comptes. Dans 3'abaadoa de ce qu'oa appelle la tutelle des coaimunes , y ET DEPARTEMENTALE. 285 aurait-il une alienation aussi formelle d'nne portion essentielle de la souverainete que dans le droit donne aux conseils gene- raux et d'aiTondissement , de repartir les contributions directes et d'imposer les centimes facultatifs? Et si le service public s'est bien trouve de ces graves delegations, ne serait-ce pas un singulier prejuge politique que de repousser ce que nous pro- posons, par la raison que ce serait empieter sur les droitsdela couronne ? Les avantages de l'ordre actuel, en ce qui concernc la force du pouvoir supreme, restent done tout entiers, si Ton par- vient a prouver que les fonctions du sous-prefet , autres que celles qui out rapport aux gestions muuicipales, peuventetre repartiesentrequatre oucinqcommissaires cantonnaux, etque Taction du prefetsurtoute l'administration ne sera nullement entravee par la multiplication de ses sous-agens immediats. Et d'abord ce n'est pas la juridiction en matiere de grande voierie , ni celle en cas de contestation sur les tarifs de na- vigation, conferees aux sous-prefets paries lois des 7 ventose an xii et 8 prairial an xi, qu'il serait impossible d'attribuer au commissaire cantonnal. Loin de la, ce serait sans aucuu inconvenient rapprooher le juge du justiciable dans le plus grand nombre des cas. En ce qui concerne le recrutement , le commissaire can- tonnal remplaceraitd'autant plus completement le sous-prefet que celui-ci ne procede en cette matiere que par cantons de son arrondissement (loi du 10 mars 1818). La repartition des contributions directes devant, comme beureuse et inevitable consequence de notre systeme, etre faite par le conseil general entre les cantons , les fonctions qu'exercent les sous-prefets , en conformite de la loi du 5 fri- maire an vn, et de l'arrete du 24 floreal an vm , passeraient na- turelleirent au commissaire cantonnal. Quand nous examinerions de meme chaque matiere spe- ciale a Tegard de laquelle le sous-prefet doit verifier, inspecter, surveiller, decider, reprimer, donner son avis, nous ne 286 de l'organisation communale trouverions nulle part de motif plausible pour refuser a l'of- ficier cantonnal ce qui a ete defere a celui d'arrondissement , si ce u'est toutefois les rapports du sous-prcfet avec les admi- nistrations financieres que nous ne sommes pas assez nova- teurs pour vouloir reduire aussi a la mesure cantonnale; mais alors il serait bien simple de donuer ces attributions au com- missaire le plus central qui serait alors \e primus inter pares (i) . Quant aux rapports d'un prefetavec vingt-cinq ou trente of- ficiers cautonnaux substitues a cinq ousix sous-prefets, il fau- drait ne pas connaitre les formes administratives pour voir da us ce changement un surcroit excessif de travail pour le premier. Comme les sous-prefets, soit en matiere de tutelle des communes (pour nous servir de l'expression en usage), soit en ce qui concerne l'administration generale, ne sont, sauf de tres-rares exceptions, que des agens d'information et de- struction , et que la decision , dans presque tous les cas , est reservee au prefet, que de plus chaque affaire exige une cor- respondence speciale, il est evident que la centralisation a chaque sous- prefecture de radministration de plusieurs can- tons ne diminue rien, ou presque rien au travail de la pre- fecture. Et en supposant que des instructions a transmettre a un nombre centuple de sous-agens exigeraient quelques expe- ditionnaires de plus, on trouverait une ample compensation dans la suppression de ces bureaux de Tadministration com- munale surcharges aujourd'hui de toutes les affaires les plus minimes des municipalites, tandis qu'il ne leur arriverait plus, de la part des commissaires cantonnaux, que des ques- tions qui presenteraient des doutes sur la competence des (1) Voir les lois du 25 mars 1817, 15 mai 1818, 8 ddcembre 1 8I4 , 28avril 1816, »7 juillet 1819 , 8 mars 1810, 21 avril 1810, 16 scpternbre 1807 , l'ordonnancedu 29 levrier 1 816 , les lois du 9 ventose an xu , 21 ger- minal an xi , 1c d<:crct du 15octolue 1810, 1'ordonnance du 1 4 Janvier 1815, lea hois des 26 septembre , 28 octobrc 1791 , H aout, 17 eclobre 1792, 17 fructidor an vi, lc Code foreslier , article 1 1 . ET DEPARTEMENTALE. 287 conseils municipaux ; ils deviendraient , pour ainsi dire, le parquet du ministere public pres les conseils dudepartement, au lieu de rester obliges de tout voir, tout prescrire , tout decider dans les gestions des communes. II n'y a pas lieu non plus de s'effrayer du surcroit de depense que la multiplication des agens inferieurs au prefet imposerait au tresor ; uu sous-prefet coiite annuellement 6 a 7000 francs, frais de bureau compris, et tout le monde con- vient que cet emploi n est pas assez retribue. Qu'on repartisse seuleiucnt cette somme entre cinq ou six commissaires can- tonnaux choisis parmi les hommes les plus honnetes et les plus instruits residant dans le canton; que Ton renouvelle la disposition de la loi du \\ pluviose an iv, qui permettait au pouvoir executif d'exempter, de la residence au chef-lieu du canton , les commissaires pres les administrations , lorsque la population du chef-lieu etait au-dessous de 2000 ames, et Ton verra si pour cette honorable fonction, presque gratuite, on ue trouvera pas des hommes au moins aussi capables qu'on en trouve a choix pour les justices de paix. Resumons ce que nous aurions voulu etablir avec plus de details, et ce qu'une autre plume eiit demontre avec plus de force et de clarte. Definition plus large et plus vraie du caractere des com- munes , et par suite du droit municipal ; l'usufruit des re- venus et la simple regie des interets communaux laisses plei- nement a la prudence des conseils municipaux, que protege- raient seulement contre leur inexperience les representations ofjicieuses de l'administratioii generale , et contre les entrai- nemens et des connivences improbables, la limite de leurs attributions exclusives ; enfin le deplacement de Tautorile chargee de ce qu'on appelle la tutelle des communes, tutelle restreinte dans ses bornes raisonnables et exercee par des corps electifs et deliberans, et non par un officier ministeriel amovible et etranger au pays. Pour ce qui regarde les departemens, une utile extension 288 1)E I/ORGANISATION COMMUNALE , ETC. de leurs droits sur les centimes additionnels par la reunion ties centimes variables aux centimes facultatifs, auxquels les premiers seraient assimiles, une imposante autorite attachee a des corps qui recevraient, outre le droit de repartition et d'iinposition, la paternelle mission de garanlir dans chaque commune l'avenir des fautes ou des dilapidations du present; sous un autre point de vue, une meilleure sous-division du dt'partement , dont les resultats seraient une sous-repartition phis exacte des contributions directes, l'esprit d'association excite vivement dans la circonscription cantonnale , assez resserree pour avoir vraiment des interets communs, tandis qu'on doit reooncer maintenant a le voirnaitre de la division arrondissementale. Repetons encore, pour etre completement compris, qu'il ne s'agit pas ici d'enlever au pouvoir supreme du pays ce qui constitue sa mission et ce qui fait sa force en meme tems que celle dela societe, le droit de pourvoir, par des agens de sonchoix, amovibles a savolonte, aux interets generaux , tels que le recrutement, l'etablissement et le recouvrement des impots, la police generale, enfin tout ceque la legislation a mis a ce titre dans sa main (1 ). Ferd. Quintakd (I) An moment ou cet article s"imprime , le gonvernement presente a la c liambre Jes deputes trois projets de Ioi sur ('important objet qui vient d'etre uailiS. Ces projets , dont les dispositions auraient du etre renfermees dans une seule loi aver la loi du 21 mars 1831 , repondcnt bien imparfaitcment aux vues (le fauteur de cet article et aux besoins generaux. Partout se fait senlir rinfluence du vieil esprit routinier des bureaux , et Tabsence de prin- cipesarreles et de regies logiques. Tout y est arbitraire, sans base, sans liai- son ■ il nous a paru , il est corn/enable , il est juste ,' tels sent les motifs dont on anpuie chaque disposition , la confirmation ou la modification de cliaque article. Les communes demeurent , comme auparavant , iiiineuirs et en tit- telkj riniervention du prelet , du mintstrc, du conscil d'Elat est applicable a une foule de mesures, el le vicieux systems dc la centralisation reste intact. — La discussion ameliorcra sans doute ces projets in formes ; mais on pent prcVotrqu'il sefont encore bien iinparfaits , et que Pavenir restera charge de 1'organisation definitive ct durable Av la commune el ftu departemcirt. ' Yote MEMOIlil.S ti;s a 1' Academic do Saint Petersbourg, ce corps savant etait greve d'une dette fort ancienne envois le public; des eerits tres-importaos faisaient un trop long sejour dans lcs cartons de son secretariat. Op liiemoire do mecanique, par M. le pro- iesseur Schulten , a supporte pendant neui'ans cetto obscu- rite, et le pins recent, celni de M. le professenr Baktels, sur 1«S i'ormules de la geometric ii trois dimensions, n'a vu le jour que cinq ans apres que Tautenr 1'eut soumis au jugemont de 1' Academic La publication isolee dee Memoires des savans e'trangers (non academiciens) ne pcrmet point d'y fairc line division des matieres, comme dans le recueil des memoires d'acade- miciens : et comme los sciences matbeinatiqncs v dominent, elles liniront par en expnlser totalement ce qui nest pas com- pris dans leurs attributions. Ainsi les deux sections des tra- \au\ acadomiques ne seraient point traitees avec une cgale iavour, et les sciences politiques, pbilologiques, etc., au- raient a fiiire de justes reclamations. Quoi qu'il en soit, quand memc le nouvoau mode de publication adopte par l'Aca- demie de Saint-Petersbourg demeurerait tol quil est, sans admettre les ameliorations dont i! parait susceptible , il meri- tcrait encore les eloges etla reconnaissance du inoiide savant. Ii ouvre une carriere de pel lection nemens qui cxerceront uue puissante inlluonce sur la mareke de l'esprit bumaiu; il fera participor nos facultes intellectuciles ii 1'acceleration du 111011- veiueiit que recoiveat partout les forces pbysiques appliquees aux tiavaux iinlustriels. Les instiuinons do la pensee ne suf- iiseut plus maintenaut aux operations quelle se sent en etat d'entroprendre, pourvu que ses effets soient mieux secondos el i|iic les secours dont elle a besoiu ne se {assent pas attendre : attacbons-nous done a perfectionner de plus en plus les lan- gbea el les metbodes des sciences, les orocedes de Tanalvse, lis \ oios qui menent aux decouvertes ; et en ineine terns pre- paions et nnilliplions d'autrcs voies non moius necossaires . DE L ACADEMIE BE PETERSBOIJRG. Kj'S relies qui font cireuler liiisli iiction et la repandent. Ie ])ln.s prornplement dans tons hs iieux Ml les esprits sont disposes n Ja recevoir. Les societes savautcs guideront la piesse perio- dique et la trouvcront toujours prete a repondre a leur appel , a se con former a leurs avertissemens, a suivre la direction qu'clies auront tracer. La politique ne troidjlera point ces paisiblcs relations entre les anus des connaissauces utiles; d'autres interels l'occupent exclusiveinent. Avant que la di- plomatic ait acheve les immensestravaux qui lui son t imposes, la raison publiqiie aura le terns de se fortifier, de faire one ample provision de savoir, d'accroitre sou energie par le sen- timent de ses ressources, de rnniformke des doctrines, de h tendance generale vers le nieine but. Jamais la sainle cause de rhumanite ne reunit en sa faveur autant de talens, de lu- mieres et de courage; mais cest la perseverance qui ia (era triompher. Esperons que celte \ertu ne manquera point aux homines gouereux qui se consacrent tout entiers a sa defense, qui lui devouent leurs pensees, leurs actions, leur vie ! Dans les trois livraisons que nous avons sous les yeux, les mathematiques sont au premier rang, et la politique estforcee a se contenter du second. MM. les academiciens Collirs et OsTROGRADSKI , et MM. ScHULTEN, DeGEN Ct BaRTELS Ollt traite des questions de mathematiques pures; MM. les acade- miciens Parrot et Tarkharoff, ainsi que MM. St nci.xi.:* et Bazair'eoiU fourni des Memoires de mathematiques appli- quees. Nous differerons jusqu'a farrivee des livraisons sui- vantesTanalyse de ces travaux remarquables , afin d'avoir le terns de les comparer a ceux des geometres de l'Alh ii.a^nc , de l'Angleterre, de la France et del'italie. Nous aurons a examiner si les sciences mathematiques n'affectent point de se rapprocher du Nord, moins bouleverse par lesorages des re- volutions, quoiqu'ilait eu sa part des maux qu'ils ont causes danstoute FEurope. Ea premiere livraison, consacree aux sciences mathemati- 2Q4 memoires ques, physiques et naturelles, est terminee par un bulletin scientifique ou Ton annonce deux nouveaux Memoires de M. Ostrogradski, Tun sur la propagation des ondes a la sur- face d'un liquide renferme dans un vase ayant la forme d'un secteur cylindrique, et 1' autre sur la raarche de la chaleur dans l'interieur des liquides. II ne sera point sans interet de voir ce que le geometre russe a su ajouter aux recherches de deux illustres membres de notre Academie des Sciences. Les Memoires sur les sciences politiques sont dus a MM. Hermann etSTOucn. Le premier a choisi pour objels de ses recherches les nombres compares des homicides et des sui- cides commisen Russie durant les annees 1819 et -1820, et l'etat actuel de la population tatare danslaTauride. Le savant auteur se defielui-meme de l'exactitude desdonnees qu'ilem- ploie; dans l'un et l'autre Memoire, il a soin d'avertir que les resultats auxquelsil est conduit ne peuventetre considered comme des materiaux propres a la statistique, ni servir aux applications decette science. Dans ses recherches sur le nombre des crimes d'homicide compare a celui des suicides, il exa- mine si ces faits moraux ont quelque connexion avec les cir- constances locales, avec les grands traits de la geographie physique aussi bien qu'avec l'etat de la societe ; il passe suc- cessivement en revue les villes et les compagnes, les pro- vinces, les plateaux compris entre les fleuves, les regions bal- tiques, l'influence de la culture, du commerce et des richesses. Dans l'etat actuel de nos connaissances, des considerations aussi generales ne peuvent etre que des essais , quand meme elles seraient dirigees par des donnees plus dignes de foi que celles dont M. Hermann a fait usage. Dans ce Memoire, les individus dont l'ivresse a cause la mort sont mis au nombre des suicides. Nous ne donuons pas a ce mot un sens aussi etendu; nous le resueignons a ceux qui n'ont pas eu le courage de supporter les maux de la vie. de l'academie de petersbourg. 295 Les opinions des philosophes sur le suicide ont trop varie pour qu'il soit permis de le mettre au norabre des crimes; l'eloquente declamation de Rousseau ne s'adresse qu'au senti- ment, etnepeut convaincre la raison. Uue population peut etre tres-morale, tres-digne d'estime a tous egards, quoique le nombre des malbeureux qui jettent loin d'eux le fardeau dela vie y soit plus grand que partout ailleurs. La multitude de ces morts volontaires est un signal de detresse qu'un gou- vernement sage doit apercevoir, afin de porter promptement des secours et de preparer des remedes appropries a la nature et a la gravite de la maladie. M. Hermann met le suicide au nombre des crimes, en sorte que ceux qui sont d'un autre avis n'adopteront point ses conclusions. Les recbercbes du meme savant sur la population tatare de la Tauride font voir que l'accroissement de cette popula- tion est tres-lent, quoique la duree moyenne de la vie soit a peu pies la meme dans cette presqu'ile que dans les provinces meridionales de la Russie. II ne parait pas que la polygamie soit favorable a la multiplication de la race humaine. En iS2i , la population tatare du gouvernement de Tauride etait del 24,899 homines et 120,589 femmes (245,4-88 indi- vidus), outre les Russes et les Cosaques, dont le nombre est estime a 35,000 homines et 22,000 femmes. Suivant l'au- teur, les 20,000 Cosaques de la Mer-Noire (Cosaki Tcberno- morskie) n'ont que 9000 femmes, ce qui est 1' oppose de la polygamie. Les Memoires de M. Storcb sont tres-courts, mais d'une baute importance. Quels sont les effets d'un papier-monnaie deprecie dont la valeur se releve? L'accroissement progressif du capital d'une nation est-il jamais a craindre? Les reponses du savant academicien a ces deux questions etonnentd'abord, et seront admises par le plus grand nombre des lecteurs qui les auront meditees avec l'attention que meritent le sujet et la renommeede l'auteurde ces Memoires. «Puissent, dit-il, les o.qG MKMOIRES administratcurs de la chose publique se convaincre dc cette grande verite : Que eeriest pas on proroipiant des variatii>ns dans la valeur d un papier-monnaie quoit paivient a I'amc- liorer, mais en readmit sa valeur invariable autant qu'il est possible. (Test vers ce but que doivent tendre leurs efforts, et il pent etre atteint saus de grands sacrifices. Precedem- ment, l'auteur avait dit : cf Chacun sail dans quelle detresse l'Angleterre s'est trouvee , il y a quelques annees, a Tissue de cette guerre si longue et si dispendieuse qu'elle avait faite a la France. De Faveu meme des publicistes anglais les plus respectables, la cause principale, quoique la moius comprise de cette detresse, a ete la restauration de la valeur du papier- monnaie. » L'auteur developpe avec clarte ce phenoraene, et indique a ceux qui desirent des informations encore plus precises l'ouvrage deM. Joseph Lowe, intitule: The present state of England in regard to agriculture , trade and finance ; (Londres , \ &2'2) \ et a lhistoire critique et raisonnee de la si- tuation de l'Angleterre au lcr Janvier 1816, par M. dk Moa'tveiian ; ( Paris, 1819. ) Le Memoire sur les effets de l'accroissement progressif du capital d'une nation combat line opinion de M. deSismondi, qui pense que cet accroissement ne pent exceder certaines li- mites sans devenir funeste a la prosperite nationale. M. Storch soutient que les faits sur lesquels cette opinion est fondee n'ont ete que transitoires , et qu'ils ne peuvent exercer une influence durable ; « que l1 accumulation des capitaux et la production se proportionnent toujours a la consommation , com me Smith la enseigne, et comme nous 1'avons cm jus- qu'ici. Sans doute cet equilibre peut etre derange par des evenemens imprevus, et alors il ne peut se retablir que par des pertes plus ou moins sensibles ; mais il nen demeure pas moius constant qu'il tend toujours a se retablir. » Nous sommes reduits a ne faire qu'une simple mention de deux Memoires tres-savans, mais non susceptiblcs d'extrait ; de l'academie de petersbourg. 29-7 l'un de M. Schmidt sur la langue et l'ecriture du Thibet, et l'autre de M. Gr^fe sur une inscription grecque trouvee dans les ruines de Zaritzine. L'habile antiquaire a restitue les lettres alterees, les mots effaces : a-t-il reussi? et quand meme il ne manqueraitrien aux verites qu'il a decouvertes, ellesn'a- jouteraient rien aux faits instructifs qui seuls devraient com- poser l'histoire. On doit au meme academicien un Memoire intitule : Sub mammonte nostro fabulosum antiquorum odontotjrannum latere conjicitur, additis observationibus criticis in Jul. Va- lerium. Cette dissertation sur le mammont on mammout des modernes et Y odontotjrunnus des anciens est pleine d'une erudition qui ne peut etre acquise qu'au prix de longs et pe- nibles travaux.Ceux quivoudront approfondir cette matiere, non dans les manuscrits alteres par des copistes ignorans, mais dans la nature, qui ne peut ni mentir ni se tromper, n'ont rien de mieux a faire que de consulter 1' excellent Memoire de M. Tilesiussur le mammout; ils le trouveront dans les Me- moires de I' Acade'mie imperiale des sciences de Saint-Peters- bourg (annee 1815). Graces au nouveau mode de publication deces Memoires, nous aurons l'occasion d'y revenir souvent, et d'indiquer a nos lecteurs les sources abondantes d'instruction que cbacune de ces livraisons met a leur portee. Ferky. TOME LI. AOUT J 85 I . HlSTOlllE UNIVEUSELLE DE l'LgUSE CHRETIENNE, par S. Matter, Ce n'est point une histoire tbeologique restreinte aux seuls faits tlu dogme, de 1'organisatiou du clerge et de la litterature e.cclesiastique ; ce livre repond a l'univeisalite de son tit re ; il offre reellement toute l'histoire huellectuellederiiunianiu'', depuis la grande epoque de regeneration sociale signalec par 1' apparition du cliristianisme jusqu'a celle ou nous vi- vons. Le point de depart est fixe an moment menie oil un monde nouveau recueille et modifie dans ses doctrines tout l'heritage cpie lui a laisse la philosophic de l'antiquite , oil il commande la foi a ties preeeptes inspires, pu la the'osophie, se mettant a la place de la discussion , enfante des discussions nouvelles. L'auteur est habitue a nous ramener vers cette epoquede transition : ses Gnostit/ues, son Ecole d'Alexandrie, suffisent pour la faire connaitre. Mais la carriere qu'il va parcourir est immense : d'abord il nous montrera le cliristia- nisme, luttant pour s'etablir, et faible en sa naissance, grandir bientot assez pour enlacer dune vigoureuse etreinte les membres epars et languissans du judaisme et du paganisme. Enfin Constantin le fait monter sur le trone imperial; alors, a la faveur de la domination universelle de l'empireromain, cette religion se repand sur toute la terre, et prend, dans cette seconde periode de son existence , une attitude offensive ; elle persecute a son tour , elle ecrase les restesdu paganisme. Mais au fond de l'Orients'dleve un plus dangereux rival : Mahomet accuse les chreliens de degeneration, de polytheisme ; Jesus- Christ nest qu'un prophete comme lui , marcbant de con- HISTOIRE DU CHKISTIANISME. 399 quetes en conquetes , les successeurs tie cet homme extraor- dinaire-iuenacent la religion dcs apotres ; puis a la fin du 011- zierae siecle, unobscurpelerin, animeparle pontife deRome, aime tout rOccident; des populations entieres se precipitent sur l'Asie pour rejeter le mahometisme dans son berceau, et le repousser loin du tombeau sacre. Plus tard, et dans la cpiairieme periode , l'Eglise latine compense les malbeurs de l'Eglise grecque , en exterminant des paiens en Prusse , des Maures en Espagne et des beretiques en Fiance. L'Amerique recoit, avec nos vaisseaux, la lei du souverain pontife; sa puissance s'aecroitd'unmondenouveau, etl'ancienluiecbappe. Lutber a parle , de nombreux reformateurs viennent apres lui ; la guerre ravage l'Europe , et la face du raonde changee fait prevoir des lors le triompbe de la raison sur des doctrines de- generees , qui d'ailleurs ne repondent plus a la civilisation des peuples. Le raisonnenient ne pouvait rien contre la foi nou- velle : on a recours a l'epee ; apres de sanglantes luttes, la paix seretablit; les uns, comnie le dit M. Matter, reviennent a TEvangile; les autres, a la raison; et cette periode de tolerance s'etendra sans doute jusqu'anotre posterite, puisqu'un clerge aussi remuant que celui dont la puissance vient d'etre brisee n'a pu remettre en question la liberte religieuse. Tel est le vaste plan trace par l'auteur ; mais ces derniergs reflexions nous appartiennent. Pour lui, il s'est voue a un systeme d'impartiale neutralite. II voudrait, a part toute con- viction , se placer en debors de son sujet pour en ruieux juger l'ensemble ; il voudrait, en prenant la plume , cesser de faire partie d'aucune communion chretienne. Les deux volumes dont nous presentons Tanalyse remontent a des epoques trop anciennes pour que la pensee de l'auteur fasse pencber la ba- lance d'aucun cote. II etaitnaturel de commencer par nous faire connaitre quels etaieut les decombres qui couvraient le sol sur lequel s'eleva l'edifice du christianisme. La nouvelle religion les dedaigna 3oO HISTOIRE toutes, excepte les debris dumosaisme. II iinporte done de sa- voir quel etait alors l'ctat moral et philosophique de la nation juive. Ses docteurs se partageaient en Pharisiens , qui se pre- tendaient seuls possesseurs des anciennes traditions , et qui lisaient les livres saints de maniere a substituer aux idees de l'ecrivain les conceptions du lecteur; en sadduceens, dont l'inexorable et seehe critique rejetait tout , excepte le Penta- teuque, et qui affectaient la plus pure vertu tout en niant rim- mortal ite de Fame ; eufin en esseniens , qui rejetaient avec une egale fermete le luxe des esperances pharisiennes et l'apre se- cheresse du sadduceisme. lis passaient leur vie dans la medita- tion et la priere, et formaient une association de sages sur les plages occidentales dela Mer-Morte. Pour mieux pratiquer la bienfaisance, ils se livraient a Tart de guerir. Quant aux Juifs qui vivaient loin de leur patrie , ils avaient adopte les doctri- nes persanes et chaldeennes que les cabalistes transmettaient a leurs adeptes , comme une science revelee a 1'homme par la Divinite. En Egypte, le docte Pbilon s'etait approprie tout le platonisme ; il l'avait en quelque sorte confisque an profit des vieilles doctrines du juda'isme ; par cette fraude pieuse il rap- portait a sa nation toutes les plus belles conceptions du genie. A cote de ce juda'isme , ennobli par d'habiles larcins , se pre- sente la secte des therapeutes , etablis sur les bords du lac Mocris, comme les esseniens sur ceux de la Mer-Morte. On les a meme regardes comme une colonie de ces esseniens, opinion que M. Matter n'admet pas. II termine ce chapitre remarquable en constatant deux grands faits. Le premier, e'est qu'a l'avenement de Jesus-Christ toutes les institutions mo- rales et religieuses tombaient en mines ; le second , e'est que celles des Juifs etaient encore les plus fortes et les plus pures. Passons sur les details de l'enfance de Jesus. L'auteur combat les systemes qui le font eleve des esseniens , des sadduceens ou meme de l'ecole d'AIexandrie. Probablement il n'avait hi que Moise et les prophetes. II ne connut de DU CHRISTIANISME. 3o 1 temple que le vaste univers , n'institua de sacerdoce que l'apostolat. Vainement les Juifs revaient un enq)ire dont Jerusalem serait le siege , le nouveau legislateur declara que le sien n'etait pas de ce monde. II ue faut pas non plus le eon- siderer comme un simple reformateur de l'ancienne religion : s'il ordonnait a ses disciples d'aller vers tous les peuples , c'etait pour en proclamer une nouvelle. La premiere insti- tution imaginee par les apotres pour multiplier les secours fut la creation de sept diacres , dont les fonctions repondaient a la signification du mot grec, et ne s'accordent nullementavec ce qu'indique aujourd'hui le meme titre. II y eut des femmes diacres , car il ne s'agissait que de donner des soins aux ma- lades. Cependant l'assemblee chretienne devenant plus nom- breuse, on chargea les anciens du maintien de 1'ordre, a l'instar de ce qui se pratiquait dans les communes romaines et dans les synagogues judaiques. Or ces irptaSvrsoot , 011 plus ages, n'etaient pas charges del'enseignement , pas plus que les diacres ou serviteurs. Mais, quand les apotres eurent cesse dexister, on ne tarda pas a voir s'elever a leur place une sorte de chefs, qui furent , comme l'annoncait leur titre, des surveillans , des i7rwxo7roi. II parait que dans l'origine c'etait un equivalent de npzaSxtzzpoi ; du moins les apotres n'etabli- rent nulle difference entre ces eveques et ces pretres. En general , l'eglise primitive n'etait que l'assemblee des chre- tiens : ici encore le mot grec parle de lui-meme, puisqu'il est precisement celui qui , dans les anciennes cites , desi- gnait la reunion des citoyens. Quiconque eut pretendu se constituer l'organe de la Divinite eut beaucoup surpris les fondateurs du christianisme , et les fonctionnaires furent d'a- bord a la nomination des communautes. Les premieres doctrines furent aussi simples que la pre- miere organisation. On lisait les livres saints dans les reunions ; 00 ecoijtair. les explications qu'en donnaient les chefs , on ce- lebrait les agapes, et Ton chantait des hymnes. Deux sym- 302 HISTOIKK boles avaient ete imagines pour perpetuer le souvenir des bicnfaits et de la niort du Christ : celui etu pain et celui du vin. Ici rauteur resume les opinions de saint Paul et de Justin , martyr : si ce dernier dit que le pain de la cene est la chair du Christ , que le vin est son sang , cette doc- trine ne put penetrer dans Feruditt Alexandrie ; Origene en a donne une explication toute ratinnnelle. Le bapteme pou- vait s'administrer par tons les Chretiens baptises. Dans la suite on soutint que les seuls eveques pouvaient le conferer, et ceux qui ne l'avaient pas recu d'eux demandaient plus tard cette espece d'investiture de la qualite de chretiens ; de la le sacrement de la confirmation. Les actes de la penitence n'etaient pas moins symboliques , et la remission des peches etait abandonnee a celui qui seul peut les remettre. L'histoire des premieres divisions de l'eglise ehretienne , les doctrines des gnostiques , les persecutions eprouvees par les chretiens , sont pour M. Matter une abondante matiere de discussion. Mais abordons avec lui le rfegne de Constantin. Selon les idees recues , cet empereur , en adoptant le chris- tianisme, obeit a une necessite politique. L'auteur est d'avis contraire : mais s'il fat chretien par la foi , s'ecrie-t-il , il fut pa'ien paries ceuvres ; il a fait mourir son fils, sa femme , son beau-pere , son beau-frere et son neveu. Quant au Labarum , on en fait severe justice; le panegyriste Eusebe est le seul qui en parle ; aucun monument n'en fait mention , et Lactance , qui vecut a la cour de Constantin, n'en dit mot , pas plus que Sozomene. Veut-on faire connaissance avec les ariens,les nestoriens, les eutycheens , avec d'autres sectes encore : on trouvera des details aussi complets , aussi lucides que ceux qui , dans la periode precedente, offrent un excellent resume defouvrage sur les gnostiques. Nous ne pouvons quy renvoyer. Portons nos regards sur un autre sujet : voyons grandir le pouvoir des prejres ; suivons surtout les eveques de Rome , et demandons- DU CHUISTIANISME. 3o3 leur corapte tie cette preeminence et de cette domination ignorees par la primitive eglise. On concoit comment toutes les affaires se concentrerent entre les mains des eveques : le titre de patriarche se donnait anx plus venerables ; puis vint le concile de Calcedoiue, qui l'attribua exclusivement aux metropolitains de Rome, de Constantinople, d'Alexandrie, d'Antioche et de Jerusalem. L'eglise s'achemin-ait ainsi vers les formes monarchiques , et le liaut rang de l'eveque de Rome n'est du qua l'importance de cette ville. II estcurieux de suivre M. Matter a travers tant de conciles, de syuodes , et par consequent d'innovations. Voici uu premier fait de preeminence : le concile de Sardique declara que si un fr.Sque avait e't&condamne et eroya.it avoir une bonne cause , ceux qui Yauraient juge e'criraient, pour Jionorer la me'moire de Pierre, a l'eveque Jules de Rome , ajin quil fid rendu par les eveques les plus voisins une sentence nouvelle „ et que Jules en de'signdt les commissaires. Voici un autre fait : Gre- goire avait complimeute sur son avenement le sanguinaire Phocas, qui venait de massacrer 1'empereur Maurice et ses enfans; Phocas, reconnaissaut envers le siege de Rome, de- livra au successeur de Gregoire, Boniface IV, un decret qui declara son eglise seule tete de toutes les autres , et en desi- gna l'eveque commele seul patriarche unwersel. A la verite, les papes n'ont voulu voir ici que la reconnaissance des an- ciens privileges fondes sur le vicariat de saint Pierre. Des le sixierae siecle, ils se mirent a la tetede l'eglise. Une des plus belles parties du premier volume est celle on les modilications du culte et les nouvelles doctrines sont exposees avec ordre et clarte , oil Ton voit naitre l'invocation des saints, les pe- lerinages , les reliques , oil il est question de la vie mona- cale, de son influence sur le clerge et sur le celibat des pre- tres. L'ascetisine, qui donna lieu aux institutions des cloitres, dominait la sociele chretienne depuis le second siecle : en myant dans les deserts, on evitait a la fois les chaines des 3o4 HISTOIRE persecuteiirs ct les delices du monde. Les premiers solitaires fuiTiit Paul de Thebes, saint Anloine. Pachome, disciple de ce dernier , fonda un immense etablissement dans l'ile de Tabenne; Anion en crea nn autre dans les montagnes de Vitrie. Hilarion etablit des monasteres en Palestine , en Syrie, en Sicile, en Dalmatie, a Chypre, et bientot les soli- taires et les anachoretes furent tellement nornbreux qu'on pent dire qu'une moitie du genre humain fuyait l'autre. Quant aux femmes , elle montrerent tant de zele que, quand elles ne trouvaient pas de monasteres qui leur fussent destines , elles se deguisaient pour etre recues dans ceux des hommes. Le clerge ne vit d'abord dans les moines que des laiques disposes a se soumettre a une discipline plus rigoureuse ; d'ail- leurs c'etaient toujours des pretres qui gouvernaient ces asso- ciations ; mais, dans la suite, les abbes se pretendirent les egaux des eveques, les moines ceux des pretres, etmeme ils se regardaient souvent comme superieurs, au point qu'il en est beaucoup qui ne voulaient pas etre consacres. Plus tard , ils aspirerent aux fonctions ecclesiastiques ; on les proposait pour modeles aux pretres ;im paperecommanda a sespretresde se faire moines , et on les assimila aux religieux. II fallut done sortir de la vie civile et renoncer aux liens qui y attachentle pere de famille. M. Matter rappelle que le synode de Cesaree punit de la perte de sa place tout pretre qui se marierait , et qu'il fallut beaucoup de peine pour empecher le synode de Nicee de proscrire le mariage des pretres. Le celibatn'a done pas ete improvise par le pape Gregoire VII, et ne l'avait pas ete nonplus par l'eveque Siricius , qui, des la fin du quatrieme siecle, tonna contre les pretres qui, apriss leur consecration , ont des enfans de leurs femmes et d'autres; e'est, dit l'au- teur, I opinion publique qui I'a etabli. L'Orient se montra moins rigide a cet egard que l'Occident. Neanmoins la seule Italic, an terns de Gregoire , etait rigoureusement tenue au celibat ; le reste du clerge ne s'y soumettait guere. DU CHRISTIANISME. 3o5 La religion chretienne s'etendait sur tout l'empire d'Au- guste et sur des provinces qui n'avaient jamais connu le joug de Rome. Tout a coup parait Mahomet , descendant de cet Ismael a qui les Arabes rapportent ce que l'Ecriture dit du sacrifice d'Isaac; instruit dans les idees du mosaisme par un docteur juif, et dans celles des Chretiens par un moine de Syrie, temoin des divisions qui affligeaient les chretiens, ce grand liorame , soit qu'il fiit enthousiaste ou irnpos- teur, concut le projet d'enseigner enfin la religion la plus pure que pussent recevoir les homines. Selon lui , toutes les fois que la religion etait alteree , la Providence en avait averti le genre humain par l'organe des prophetes : depuis la chute d'Adam, cent vingt-quatre mille elus avaient recu des lu- mieres prophetiques ; ti'ois cent treize apotres avaient com- battu rerreur ; cinq legislateurs etaient venus expliquer l'im- muable verite. Adam etait le premier, puis Noe, apres lui Abraham ; mais Moise et Jesus-Christ les avaient tous surpas- ses. Enfin le Coran revele au dernier, au plus grand des prophetes , renfermait la verite pour tous les ages futurs. Le Coran fut trace sur des omoplates de mouton, des pierres blanchesetdes feuilles de palmier. Cependant Mahomet eprouva bien des obstacles , et essuya de violentes persecu- tions. II fut oblige de s'enfuir a Medine, on il etablit la pre- miere mosquee ; il attaqua ensuite de petits princes juifs et arabes , et quelquefois avec assez peu de bonheur pour que le decouragement s'emparat de ses meilleurs amis ; mais il pro- mettait une telle felicite apres cette vie qu'on finit par sou- haiter la mort. II y a ici des details tres-interessans sur ses expeditions, sur son dernier pelerinage a la Mecque, sur la reforme du calcndrier. Quatre-viugt-dix an s apres samort, l'empire fonde par lui etait plus vaste deja que celui de Rome : exalte par les plus seduisantes propheties , Y Arabe se precipila avec Timpetuosite du fanatisme sur les plus beaux pays de la terre. La Perse tomba sous les fiers musulmans ; Aboubekre, >oti HISTOIRE gendrcet premier successeur de Mahomet, en fit coramcncer la conquete des Pan 633 ; cnfin j apres avoir aneanti mages et chretieus, on alia jusqu'au-dela del'Oxus imposerlafoi aces hordes turques qui devaient, plus tard , venir commander aux indigues , successeurs de Mahomet, et precipiler de leur trone les heritiers degeneres de Coustantin. D'un autre cote, la Syrie fut envahie : Damas, Jerusalem, Alep, Antioche, Tyr, Cesaree, Ptolema'is, tomberent an pou- voir des vainqueurs ; Heraclius fut contraint de s'enfuir a Constantinople , ou il se livra a des discussions dogmatiques. De la Syrie, Amrou, l'impctueux general d'Omar, passa dans l'Egypte, la terre classique du christianisme, le siege des plus belles ecoles. Thebes et Memphis ouvrirent leurs portes aux Arabes, trop heureuses d'echapper a leurs ortho- doxes persecuteurs. Si Ton veut juger de la splendeur d'Alexandrie par ce qu'en ecrivait Amrou apres 1' avoir prise, il y avait alors dans cette magnifique cite quatre mille palais, quatre cents theatres ou salles destinees aux plaisirs. II en demanda le pillage; mais Omar (malgre les contes debites plus tard sur l'incendie d'une bibliotheque dont Cesar avait deja fait briiler uneparlie) lit respecter Alexandrie; et long- tems encore dans sa decadence , cette cite , creee sur les bords du Nil par un roi de Macedoine , rivalisa de grandeur avec la cite naissante du Caire. Au siecle suivant , l'Espagne, vaincue a la bataille deXeres de la Frontera, fut soumise a son tour. II ne resta aux Goths independans et aux compagnons du brave Pelage que les re- traites iuaccessibles des Asturies ; enfin les Maures porterent leurs armes et propagerent leur religion du golfe de la Bis- caye aux rives du Rhone ; deja meme Abderame marchait sur Lyonet Besancon, sur Tours et Sens, lorsquc Charles Mar- tel sauva la France dans les champs de Poitiers et de Nar- bonne. Les musulmans, cependant, continuaient leurs con- quetes; ils s'emparerent de la Sicile, ravagerent la Calabre, DU CHRISTIANISME. 3o7 la Campanie , pillerent les faubourgs de Rome et les eglises reverees de Saint-Pierre et de Saint-Paul. Dans ce chapitre, que Ton voudrait pouvoir transcrire en entier, parce que le style repond a la beaute du sujet, M. Matter se montre a la fois penseur profond et babile ecri- vain. En le lisant , il est impossible de ne point reconnaitre que lhistoire de l'Eglise telle qu il la concoit n'est pas une bistoire ecclesiastique. Nous avicns d'abord assiste a cette grande revolution de l'esprir. humain qui porta de contree en contree les lumieres d'une religion nouvelle, d'une reli- gion que ne peut arreter le sang des martyrs, et qui s'asseoit troimpbant.e sur le trone desCesarspersecuteurs, parce que ce trone est celui du monde , et que les conquetes de Rome lui assurent un empire universel. Desormais elle s'altere, sa sim- plicity fait place a la pompeet au faste desesministres, lama- jeste de ses doctrines aux arguties des ecoles, aux divisions des aliens, des nestoriens, des priscillianistes , etc. , etc. Le con- querant sort des deserts del'Arabie : on argumente; et plusieurs siecles apres , quand lesbarbares se presentent pour aneantir l'empire d1 Orient, on argumente encore. A l'aspect de taut d'inepties, dobstination, de persecutions , on ne sait silepo- lytheisme des paiens n'eiit pas ete, pour le repos de l'univers , preferable aux absurdes consequences que Ton voulaitarracher auxplus sublimes verites. La pbilosopbie avail eclairequelques grands hommes , leur avait revele l'existence de Dieu ; le vulgaire le divisait en attributs qui constituaient autant de divinites separees ; mais les docteurs de l'Eglise depecaient en quelque sortela Divinite, etrien n'est moins ingenieux, moins poetique , que leurs querelles pour decider , par exemple , si Dieu le Fils est omousios on omoiousios avec Dieu le Pere. L'ouvrage de M. Matter a l'avantage d'apporter beaucoup de clarte dans l'bistoire de ces bizarres opinions ; les gens du monde"^ trouveront des notions su ffisantes sur toutes ces sec- ies f|u'il n'est pas permis d'ignorer ; les savans, d'excellens 3o8 HISTOlRu resumes et des sources a consulter pour approfondir ces tristes connaissances. Pendant que l'epee musulmane, s'agitant autourduberceau du Christ, aneantissait les vieilles ecoles de l'Egypte et de la Syrie, l'Eglise s'indemnisait par des conquetes dirigees vers les sombres contrees du Nord. Ce n'etait point assez d'avoir abaisse devant le signe redempteur les enseignes sanglantes des barbares qui firent tomber l'Empire , elle porta la croix j usque vers les froides demeures de leurs compatriotes : les tribus guerrieres des Angles, des Saxons , des Scandinaves, des Slaves, des Polonais, reconnurent le christianisme.D'au- tres pays furent convertis pardes missions. Telle fut la Grande- Bretagne, qui reagit sur les contrees des Alpes etdes Vosges, au moyen de quelques pieux solitaires qui se mirent a par- courirl'Allemagne.Nousciterons saint Columban, saint Gall, Killian et Willibrod, etc., tous zelateurs du christianisme, tous ennemis redoutables du culte d'Odin. Le plus remarquable de tous ces missionnaires est Winfried, que nous appelons Boniface, celui qui sacra Pepin, parce que le pape Zacharie avait juge qu'il valait mieux donner la couronne a qui avait deja la puissance. Les pertes du christianisme, en Orient, tout en diminuant rimportancedu patriarcbe de Byzance, elevaient le patriarcbe de Rome, qui rctira de l'usurpation de Pepin et de la grandeur de Charlemagne un nouveau moyen de domination ; la deca- dence des successeurs de cet empereur ne fit qu'affermir la sou- verainete des papes. Bientot ils firent des traites , des guerres , et furent regardes comme les agens de Dieu dans la nomination des empereurs. Au neuvieme siecle, Nicolas Ier osa aj outer une couronne aux insignes de la papaute. Dans la suite Ni- colas II etablit un nouveau mode d' election : ce furent les sept eveques du territoire de Rome, les cardinaux pretres, et les vingt-buit premiers pretres des paroisses de la ville, qui choisireut le souverain pontile , en demandant toutefois le DU CHRISTIANISME. 3og consentement du peuple et des autres membres du clerge. D'apres l'ancien ordre de choses retabli par Henri-l'Oise- leur, il fallait l'agrement de l'empereur. Nicolas n'osa pas trop s'en ecarter, inais il en fit un privilege personnel, en 6tant ce droit aux successeurs de eelui qui regnait alors. L'histoire de la sou vera mete spirituelle n'est pas moins re- marquable. L'ambition des pontifes fut secondee par cette circonstance, que l'Occident n'avait de patriarche que celui de Rome, et qu'a lui appartenait, par consequent, le droit d'etablir les circonscriptions de tous les dioceses qui se ran- gerent au christianisme , pendant que l'Orient perdait les siens. Plusieurs faits cependant prouvent que cette soprematie ne s'etablit pas sans contestation. II est des circonstances ou les eveques de France, et surtout ceux ties metropoles, pa- raissent s'etre considered commede veritables collegues de ce- lui de Rome : on les voit fort surpris de l'intervention de Gregoire IV entre Louis-le-Debonnaire et ses fils : a les en- tendre c'etaient la leurs affaires, et ils declarerent que s'ilve- nait pour les excommunier, il s'en irait excommunie. De leur cote, les eveques nenegligeaient rienpour s'agran- dir : ils s'eraparaient des affaires publiques et particulieres, decidaient des pretentions des princes et des testamens des particuliers, en corrigeantceuxde ces actesouetaient oubliees les fondations pieuses, ou en y ajoutant souvent des clauses posthumes. Dans une assemblee nationale , Charlemagne con- sacre la dime, reclamee, convoitee depuis long-tems. On ex- ploitaitadmirablementr ignorance publique; plusieurs annees de disette ayant afflige le huitieme siecle, ce fut chose conve- nue que lomission de cette prestation en etait seule cause, et d'autant plus, que pendant la nuit on voyait des legions de diables arracher les epis dans les champs des refractaires. On se rappelle qu'il y a peu d'annees encore les bons cultivateurs trouvaient deslettres de Jesus-Christ, etque descroix, visibles pour des gendarmes et des sous-prefets, apparaissaient bril- 3lO HISTOIRE lantes an ciel. C'est toujours la meme tendance, toujours les esprits faibles servent d'instrumens aux ambitienx. Faijt-il s'etonner d'avoir vu inscrire le lab arum de Constantin dans dc graves histoires, apres les ridicides assertions dont nous avons ete temoins ? Le bas clerge etait dans les liens d'une inflexible discipline, et nous trouvons dansun synode d'Es- pagne la preuve quon traitait les pretres inferieurs comme on en usa depuis avec les soldats autriebiens ; il defendit aux eveques de les faire battre. Dans le chapitre qui a pour objet les rapports des peuples avec les princes et les laiques en general , nous remarqtions un superbe portrait de Gregoire VII , que 1'auteur presente sous unjour tout-a-fait nouveau, en s'ecriantavec l'accent de la verile : Ilfautpourle comprendre allerjusqua lui. Plus loin il s'occupe de la regie de saint Basile en Orient, de saint Benoit en Occident, et parle des services rendns par les cou- vens a la civilisation. Ce chapitre sur la vie monastique n'offre pas moins d'interet que celui que renferme le premier volume. Voici un fait curieux : le deuxieme synode de Nicee donna aux chefs des couvens la faculte de conferer les ordres infe- rieurs : tout aussitotles abbesses pretendirent au meme privi- lege, et il fallut une disposition de Cliarleinagne pour la leur interdire. Chaque epoque est suivie d'un coup d'ceil sur la litterature chretienne; les principaux ouvrages ysont analyses, les autres indiques. La on apprend a connaitre les Peres de l'Eglise, et Ton voit les noms aussitot oublies qu'apercus de quelques obs- curs theologiens. Mais ce n'est pas la tout le merite de ces chapitres : ils renferment souvent des choses tres-dignes d' at- tention. On ne cesse de torturer un mot d'Eginbard pour sou- tenir que Charlemagne ne savait pas ecrire : M. Matter nous semble en donner une explication bien plus vraisemblable , en nous disant que cet empereur ne savait pas bien former ses lettres. On y trouvera aussi des explications neuves sur la DU CHMSTIANISME. 3 I I fondation des ecoles qui out precede l'Universite, et la preuve qu'elle ne fut etabliequ'au douzieme siecle, etque , par con- sequent, Charlemagne n'en est pas le fondateur immediat. Veut-onsavoir ce qu'etait an terns de ce prince l'instruction du clerge? ecoutons Theodulfe, eveque d'Orleans, l'un des savans de son siecle, qui se borne a demander qu'un eccle- siastique sache reciter le Symbole et l'Oraison Dominicale, administrerconvenablementle bapteme, et chanter les hymnes et les psaumes. C'est dans cette troisieme periode, c'est-a-dire du septieme au onzieme siecle, que les formes du culte subissentleschan- gemens les plus notables. On presentait a I'autel et a la com- munion le pain et le vin ordinaires, et si Ton substitua des hosties a la premiere de ces substances, c'est parce quele peu- ple se plaign-it de la mauvaise qualite du pain et de la negli- gence avec laquelle on le preparait. Quant au vin, dit un synode, il est l'image du Christ, l'eau figure 1'homme : aussi, pour confondre ces deux etres, mele-t-on l'eau avec le vin : alors s'eleva la grande discussion qui avait pour objet de sa- voir si c'etait en effet le corps et le sang de Jesus. Mais deja saint Ambroise et des peres beaucoup plus anciens avaient dit que, par suite de la consecration, le pain etle vinchangeaient de nature. La pensee etait encore incertaine : l'opinion con- traire invoquait Gregoire de Naziance et saint Augustin , qui, conformement aux habitudes symboliques de l'Orient , ne voyaient dans ces choses que des signes et des images. Les choses allerent ainsi , sans obligation fixe, personne ne songeant a exigerde precision dans des opinions toutes mystiques: aussi, quand Paschase Radbert, professeur de Corbie, pretendit retrouver dans le pain et dans le vin le meme corps , le meme sang que Jesus avait recude Marie, ce fut une opinion tellement nouvelle , que Charles-le-Chauve se hata de consulter Jean Scott. Iljaut suivre cette discussion dans l'ouvrage meme. Avant de terminer cette analyse, nous citerons des ex- 3l2 HISTOIRE DU CHRISTIANISME. plications fort piquantes sur la papesse Jeanne, dont on nie F existence , puis dcs remarques sur le manage despretres , qui en Danemark et en Suede etait encore usite au treizieme sie- cle. L'auteur ayant judicieuseraent etabli que la dissolution du clerge ne peut etreappreciee que par comparaison avec l'etat general de la societe , il nous presente un tableau fidele de ce qu'etaient alorsles inceurs, les croyances, la superstition, etce morceau n'est pas le moins important de ce livre si utile et si consciencieusement ecrit. Parmi les personnes qui s'appliqueut a 1'etude de l'histoire, il n'en est pas une, sans doute, qui vouliit demeurer absolu- ment etrangere aux annales d'un des peuples repandns sur la surface de l'univers : on est avide de faits, on veut connaitre tous les individus qui , dans cet immense ocean des siecles , se sont montres un seul instant au-dessus des vagues agitees par la tempete ; mais l'histoire intellectuelle est plus majestueuse encore, elle est au-dessus de l'autre, autant que les causes 1'emportent sur les effets. La pense'e humaine , les croyances, les religions sont les mobiles qui agitent les gene- rations , meme a leur insu ; c'est en reportant nos regards sur celles que la tombe a devorees , c'est en interrogeant leur foi , leursmceurs, leurs superstitions, que nous eclairerons d'une vive lumiere des faits deja connus. En lisant l'ouvrage de M. Matter, plus d'un lecteur eproirvera le sentiment duvoya- geur qui traverse en plein jour des regions qu'il n'avait par- couruesque pendant 1'obscurite des nuits. P. CE GOLEERY. Memoires et souvekirs du comte Lavallette, publie'spar sajamille et sur ses manuscrits autographes (1 ). M. Lavallette est un singulier exemple del'influence de la revolution surles destinees particulieres. Ce n'est pas seulc- ment dans les spheres elevees que la tourmente politique et sociale prenait les homines dont elle voulait faiie ses jouets : elle allait les chercher dans les rangs les plus tranquilles et les plus obscurs de ce monde paisible naguere , pour les bal- lotter rudement , les porter par secousses jusqu'aux astres et leslaisser ensuiie retoraher lourdement au point d'oii elle les avait enleves. Ce bouleversement de la vie des nations et des existences privees est un sujet immense de reflexions; mais a quoi sert de les ecrire ? qui ne les a pas faites cent fois en parcourant l'histoire de ces evenemens cyclopeens, et surtout cette multitude d'histoires personnelles qu'on nous prodiguc depuis quelque terns , et qui , bien qu'inspirees par un senti- ment egoiste, n'en seront pas moins precieuses pour l'histoire generate? qui ne s'est pas perdu dans la contemplation de ces effrayans prodiges ? quel lecteur n'a pas senti le livre echapper de sa main , en se reportant a ces terns miraculeux, par le souvenir s'il eut le bonheur d'y vivre ; en regrettant de n'y avoir pas vecu s'il n'en connait les merveilles que par les re- cits des contemporains ? M. Lavallette , sorti d'une famille de la bourgeoisie de Paris , fiit d'abord destine a l'etat ecclesiastique ; mais cette vocation ne hit pas de longue duree, et bientot il hit employe au classement de ces innombrables bibliotheques de couvens dont la revolution venait d'enrichir l'Etat, et puis attache a l'une des bibliotheques de Paris : c'est la qu'il connut M. d'Or- niesson, pour lequel il concut une affection tres-vive, et bien (1) Paris, 1851; H. Fournier jeune. 2 vol. in-8° de xl, 370 et410 paj.; pris , i 5 fr. TOME LI. AOUT l83i. '21 I j MEMOIRES meritee d'ailleurs par lcs bontes dont cet homme excellent entoura sa jeunesse. Cependant la revolution grondait autour de l'asile paisihlc on Lavalettc s'etait refugie. Ses rugissemens terribles vinrent troubler la paix dont il jouissait , et le forcer a les ecouter. La politique etait descendue sur les places publiques , et le forum etait an coin de cbaque rue. Dans ce duel a mort entre deux interets antipathiques , entre deux principes inconci- liables, entre des prejuges furieux de chaque cote , il fallait adopter un parti. Sorti du tiers -etat , Lavallette avait sa place marquee parmi les adversaires des abns nobiliaires , religieux et monarcbiques : ce n'est point dans leurs rangs pourtant qu'il alia porter ses convictions candides et sa jeune ardeur. Entraine sans doute parson tendre attachement a M. d'Or- messon , il se jeta dans le parti de la cour, dont il ne connais- sait qu'un homme : peut-etre n'aurait-il pas eu tort, si le resle eitt repondu a rcchantillon place sous ses yeux. Quoi qu'il en soit , Lavallette se fit remarquer dans le bataillon de garde nationale auquelilappartenait, par son devoument a la cause voyale. Dans une revue passee par Louis XVI, peu de jours avant le lOaout, un jeune bomine sortit du bataillon du faubourg Saint-Antoine , s'elanca au-devant du monarque ivec des cris de vive le roil des houras d'enthousiasme , et des scrmens de lidelite jusqirh la mort. C'etait Lavallette , dont Louis XVI recut ce bruyant bommage, d'abordavec un peu de frayeur , peut-etre , mais ensuite avec cette bonte bourrue qui lui etait particuliere. Le 10 aout vint mettre ce devoument a l'epreuve ; La- vallette en montrala sincerite : il se rendit aux Tuileries avec une faible fraction de la garde de son faubourg , et assista a tous les incidens de cette triste journee. Ses Memoires jettent une lumierc nouvelle sur oet immense episode de la revolu- tion : Limperitie et la faiblesse de la cour y ressortent avec DE LAVALLETTE. 3l5 une evidence plus frappante que dans aucnne des relations publiees jusqu'ici. Quandla terreur regna sur Paris et la France , Lavallette chercha ainsi que tint d'a litres un refuge aux frontieres : il s'engagea comine volontaire , et partit avec deux autres jeuncs gens qui partageaient ses perils, pour rcjoindre le corps place a Villefranche sous les ordres du colonel Baraguay-d'Illiers. Son voyage fut marque par une aventure qui caracterise les mceurs du moment : cette scene est assez originate pour que nous la citions ; car on connait bien la terreur a Paris , et tres- peu la terreur en province, et surtout dans les campagnes. « Nous primes la route d' Autun , et nous arrivames le len- demain dans un village peu eloigne de Vermanton, situe au milieu des bois, etdont les habitans gagnaient leur vie a faire des sabots. Deux jours avant notre arrivee, nn eveque et ses deux grands-vicaires, qui se sauvaient dans line berline , fu- rent arretespar eux. lis fouillerent la voiture, ils y trouve- rent quelques centaines de louis, et, pour se dispenser de les rendre , ils trouverent tout simple de massacrer ces infor- tunes ; ce nouveau metier leur parut plus lncratif que l'autre, et ces honnetes gens se tenaient a i'affut de tous les voyageurs. Notre habit de matelot promettait peu , mais nous portions la tete haute; notre air leur parut dedaigueux, et un petit bossu, greffier de la commune, s'iraagina que nous pourrions con- tribuer a les enrichir. Les paysans, qui ne voulaientplus faire de sabots et qui etaient affriandes par leur premier coup de main , applaudirent au bossu ; on nous fit entrer dans la mu- nicipalite, espece de halle , ou la foule nous suivit ; le greffier s'etablit sur une large table, semit a lire avec empbase, en grossissant sa voix de chantre , tous nos passe-ports. II com- menca : Auguste d'Aubonne , Leclerc de la Ronde , Marie Chamans de Lavallette ; le drole ajouta la particule de , qui n'etait pas dans le passe-port. A cette kyrielle de noras aristo- crates , la rumeur commenca ; nous ne vimes plus que des 2 J. 3l6 MEMOIRES yeux enneniis, et le bossu s'ecria qu'il fallatt visiter nos sacs. La bonne recolte ! J'etais le plus paavre de la compagnie, et j'avais vingt-cinq louis ea or. Nous elions perdus, lorsquc d'Aubonne, dont lataille etait tres-elevee , s'elanca sur la table ct se mit a perorer l'assemblee ; il faisait de jolis vers et pour- taut il savait tout le Vade par coeur. II commenca par une bordee de juremens et de propos des halles qui surprit tout l'auditoire ; bientot il eleva son style et leur prodigua les mots de patrie , de liberte, de souverainete du peuple, avec une telle vehemence et d'uiie voix si eclatante que l'effet devint tout a coup prodigieux et qu'il fut iuterrompu par des applau- dissemens uuauimes ; mais l'etourdi ne s'en tint pas la : il donna huperieusement l'ordre a Leclerc de la Ronde de mon- ter sur la table. Celui-ci, quoiqu'il ne fut pas bossu, etait le plus grand mime que j'aie jamais rencontre ; e'etait un homme de trente-cinq ans , ridiculement bati , le visage noir connne celui d'un Maure , les yeux enfonces et couverts de sourcils noirs et epais , le nez et le menton d'une largeur demesuree. D'Aubonne dit a l'assemblee : Vous allez juger si nous sommes des republicans de Paris , et se tournant vers la compagnie , il lui dit : Reponds au catecbisme republicain : qu'est-ce que Dieu , qu'est-ce que le peuple , qu'est-ce qu'un roi? L'autre, d'un air contrit, d'une voix nazarde , et se tor- tillant comme Arlequin , repondait : Dieu , e'est la nature ; le peuple, ce sont les pauvres; un roi e'est un lion, un tigre, un elephant, qui dechire, qui devore, qui ecrase le pauvre peuple. II n'y eut plus moyen d'y tenir; l'etonnement , les cris , l'enthousiasme etaient au comble ; on embrasse les acteurs , on les presse , on les enleve , e'est a qui voudra les avoir chez soi ; il fall ut boire, et l'embarras de quitter ces brutaux comme amis devint aussi grand que la crainte avait ete forte dene pas leur echapper comme ennemis. Heureuse- ment d'Aubonne sut encore nous tirer d'affaire : il leur repre- senta gravement que nous ne pouvions nous arreter, et que DE LAVALLETTE. 3 I 7 la pa trie reclamait notre courage : enfin, ils nous laisserent allcr » Cette scene, d'un comique si naturel, est d'autant moius suspecte que l'auteur a la modestie de ne s'y reserver auciui role et de rester tout-a-fait dans l'ombre. Dc Villefranche, Lavallelte passa a l'armee du Rhin, et il y arriva an moment ou Ion apprit la nouvelle du jugement et dela mort de Louis XVI. Apres avoir depeint l'effet qu'elle produisit sur le peuple et sur L'armee , il examine avec beau- coup d'impartiali teles motifs qui firent regarder a la majorite de la Convention cette sanglante mesure comrae une necessite de haute politique. Cependant il ajoute une reflexion qui me- rite d'etre pesee. « Mais la Convention n'avait pas le droit de lejuger, et, en le faisant mourir, elle commit une faute. Comment ne vit-elle pas qu'oter la vie a Louis XVI , c'etait donner la couronne a Louis XVIII (I); qu'il fallait conserver leroi prisonnier, pour n'en pas donner 1111 al'ennemi...? » Lavallette quitta l'armee du Rhin avec le general Bara- guay-d'Illiers, dontil etaitdevenu aide-de-camp. Mais, avant de le suivre d'abord a Paris , puis a l'armee de la Vendee , notons un aveu plein de candeur et de naivete courageuse dont on trouverait diflicilement peut-etre un autre excmple. « Quant j'arrivai a l'armee du Rhin, j'eiaispenetred'enthou- siasme , et j'avais la volonte de bien faire ; mais je ne posse- dais que des idees confuses de la guerre, et j'etais sans expe- rience. Je n'avais pas encore vu 1'ennemi et je m'inquietais beaucoup du maintien que j'aurais a la premiere action. Je me trouvai d'abord un courage bouillant qui ne me laissait pas la tete libre ; mais j'eus le bonheur d'etre attache a la di- (1) Si Ton objecte que la Convention gardait le roi dans la personne du jeune Louis XVII, on peut rdpondrequc ce n'en ctait pas moius remetUe la rcjjenee ^Monsieur , <[iii , en effct , la proclama ct la fit sifjnifier a tons les cabincU. 3 1 8 MEMOIRES vision du general Desaix : le calme facile et imperturbable, la douce gaiete de cet excellent homrae au milieu du feu le plus meurtrier, me firent sentir qu'il n'y a pas de veritable va- leur sans toutes ces qualites. Je m'examinai severement et je fus mecontent de moi : je ne savais pas maintcnir raon cbeval dans la ligne du boulet; je traversais trop rapidement les troupes qui se battaient ; quelquefois je preuais des detours quand je pouvais aller tout droit ; j'eus bonte de tous ces ma- neges , et je me travaillai si bien qu'a la fin la mitraille avait perdu le droit de m'importuner : il me fallut du terns pour arriver a ce degre de tranquillite. Combien defois suis-je re- lourne sur mes pas, pour meplacerau milieu du feu? Quand j'y etais reste long-tems, j'etais content de moi : cela est si doux ! » Lavallette assista a la pacification de la Vendee , et passa ensuite avec Baraguay-d'Illiersa l'annee d'ltalie, ou il devint bientotle huitieme aide-de-camp de Bonaparte; le jeune ge- neral commencait a devenir un objet d'inquietude pour le Directoire, et de son cote il meditait deja les plans qui de- vaient renverser cette faible pentarchie. II avait besoin de bien connaitrela marcbe des evenemens, les projets des ter- roristes du Luxembourg et des conseils, les complots des bourbonisteset les menees de ses ennemisparticuliers.il jugea que Lavallette, avec ses manieres elegantes, son langage spi- rituel, son earactere liant et doux, et son devoiiraent per- sonnel, serait tres-propre a etudier sur les lieux l'etat des choses et a l'en instruire. II l'envoya done a Paris avec cette mission qui fut parfaitemeut remplie. Les Me'moires renfer- ment des notes excellentes sur les homines de cette epoque ; nous nous contenterons de citer une anecdote qui prouve quel culte madame de Stael professait alors pour le jeune conque- rant de l'ltalie , culte que des amis passionnes de cette femme celebre out nie depuis, nous ne savons trop pourquoi : « A cette epoque , madame de Stael portait jusqu'h l'enthousiasme DE LAVALLETTE. 3 1 9 son admiration pour le general Bonaparte. Je la vis pour la premiere fois chez M. de Talleyrand ; pendant tout le diner, ses eloges du vainqueur de lTtalie avaient toute l'ivresse, toutle desordre, toute l'exageration de Inspiration. En sor- tant de table , la societe se dirigea vers un cabinet pour y voir un portrait du heros ; et comme je me reculais pour la laisser entrer : Comment oserais-je passer, dit-elle en s'arre- tant, devant un aide-de-camp de Bonaparte ! Ma confusion fut si visible qu'elle lui en donna un peu et qu'elle fit lire jusqu'au maitre de la maison. J'allai la voir le lendemain ; elle me recut assez bien pour que j'y retournasse sou- vent , et j'atteste que son entrainante imagination , son in- croyable activite ne se sont pas dementies un instant jusqu'a la catastropbe (18 fructidor). Elle ne voyait que la contre-revo- lution, le retour des Bourbons, les vengeances des emigres et la perte de la liber te. » Lavallette, qui venait d'epouser mademoiselle Emilie de Beauharnais, cousine de Josephine, accompagna Bonaparte en Egypte; ildonne des details fort curieux sur cette expedi- tion, notamment sur la fatale campagne de Syrie. II revint en France avec lui sur la Muiron. Le recit de leur arrivee a Ajaccio est plein de pathetique. « Les habitans, etonnes de voir au grand mat Hotter le pavilion amiral, se precipiterent sur le rivage ; mais quand ils apprirent l'arrivee de leur il- lustre compatriole , ses anciens amis et ses parens se je- terent dans les barques, aborderent lebatiment, et bientot la quarantaine fut rOmpue... Parmi la foule qui s'agitait dans les barques autour de la cbambre de poupe , une vieille femme vetue de noir tenait ses bras eleves vers le general , en criant : Caro figlio! sans pouvoir atlirer les yeux du general; enfin il la distingua, et se mit a crier : Madrel Madre! Ce- tait sa nourrice , qui vit encore au moment ou j'ecris ceci. >>^ Apres avoir rempli sous le consular quclques missions di- 320 MEM01RES ploraatiques en Alleinagne, Lavallctle prit la direction gene- rale ties postes , qu'il conserva jusqu'a la chute de I'cmpire. C'est a dater de celte epoque que ces Me'moires prennent un interet plus puissant , plus vif , plus dramatique que toutes les histoires qui ont ete ecrites jusqu'a present. Lavallette ra- conte admirablement toutes les causes de mecontentement se- mees par le gouvernement de la premiere restauration. Pre- voyant uue catastrophe que tous ses sentimens devaient lui faire desirer, mais qu'il ne pouvait ni hater ni retarder, il comprit combien sa position etait difficile, car si des conspi- rations se fonnaient , il y etait completenient etranger , et ce- pendant il devait natnrelleraent attirer les sonpeons et lamal- veillance de la police royale. On a souvent agite la question de savoir si le retour de l'ile d'Elbe avait ete prepare a l'interieur. Les Bourbons , honteux d'une chute si prompte et si eclatante, firent tous leurs efforts pour accrediter la croyance d'une vaste conspi - ration militaire, et M. Bourrienne, dans ses Me'moires, n'a pas man que de la coufirmer de son temoignage. Lavallette, dont personne ne contestera la competence sur ce point, tranche la question. II y eut en effet uue conspiration , mais elle fut completement inutile a Napoleon et etrangere a son miraculeux retour; car il ne fut instruit qu'a Paris, ou tout au plus a Lyon ou a Grenoble, des tentatives de ses amis : les conspirateui's chercherent vainement a se mettre en relation avec l'ile d'Elbe; et Lavallette, ancien directeur general des postes, auquel on s'adressa, comme au plus capable pour y faire parvenir quelques avis , declara qu'il scrait de toute im- possibility d'y reussir et tres-dangereux de l'essayer. Le ma- rechal Davoust , les dues d'Otrante et de Bassano et le general Lallemant etaient les chefs principaux de l'entreprise ; suivant Lavallette, ce qui decida surtout les militaircs dehaut grade a conjurer la perte des Bourbons , ce furcnt lesinsulles dont la marechale Ney fill l'objet a la nouveile cour ; les momeries DE LAVALLETTE. 3ai monarchiques ordonnees a Nantes , en commemoration des guerres de la Vendee , et enfin le traitement brutal dont le general Excelmans fut frappe par le ministere. Ecoutons Lavallette raconter le retour de l'emperenr : «... Nous apprimes que Lallemant et Lefebvre-Desnouettes avaient echoue a la Fere , que Lallemant etait pris avec son frere et que deja un conseil de guerre etait convoque pour les juger. C'etait une cause perdue sans ressource. L'inquietude et le desespoirs'emparerent detous les amis deTempereur quand tout-a-coup une autre nouvelle , mais prodigieuse , im- mense, un vrai miracle enfin, circula d'abord sourdement et bientot avec eclat. C'etait le lundi 7 mars, je traversais les Tuileries vers le 9 heures du matin J'entendais quel- qu'un marcher pres de moi , et j'allais me retourner lorsque ces mots furent prononees a voix basse : Ne faites aucun geste , ne montrez aucune surprise , ne vous arretez pas : l'empereur est debarque a Cannes, le iCT mars; le comte d'Artois est parti cette nuit pour aller le combattre. — Je ne puis rendre le desordre ou me jeterent ces paroles , V emotion m'empechait de respirer ; je marchais comme un homrae ivre, en me repetant : Est-il possible? n'est-ce pas un reve, ou la plus cruelle des plaisanteries? ■ — En arrivant sur la ter- rasse du bord de l'eau, j'apercus le due de Vicence; nous nous joignimes; mot pour mot, et du raeme son de voix, je lui donnai la nouvelle que je venais de recevoir. Mais lui, d'un caractere irascible et trop habitue a voir les choses du mauvais cote : Quelle extravagance ! quoi ! debar- quer sans troupes!... II sera pris; il ne fera pas dcuxlieues en France ; il est perdu. Mais e'est impossible! Cependant, ajouta-t-il , il est trop vrai que le comte d'Artois est parti precipitamment cette nuit. — La mauvaise humeur du due de Vicence et ses pressentimens facheux me faisaient mal. Jc le quittai pour m'abandonner sans crainte a toute l'ivressede mes sentimens. » 022 MEMOIRES Les passions contradictoires qui ont agite les auteurs de 3Ie'moires sur notre epoque embarrasseront prodigieusemeut les historiens d'une autre generation. S'ils veulcnt , par exemple, connaitre l'accueil que Paris fit le 20 mars a son empereur trioniphant, ils auront a consulter les souvenirs de deux homines qui furent long-tems attaches a la personne de Na- poleon , et qui out du, 1'un et l'autre, apprendre la verile par mille voies differentes. Cependant, comment faire con- corder leurs recks? M. de Bourrienne dit laconiqiiement : « Rien ne futplus triste que l'entree de Bonaparte a Paris; elle eut lieu a la uuit close par un brouillard epais. Les rues etaient desertes, ct on lisait l'expression d'une vague terreur sur la plupart des physionoinies. Le soir, personne sur le pas- sage de Napoleon , si ce n'est aux approches des Tuileries , et dans le vestibule du pavilion de Flore, oil l'attendaient ses fideles. On entendait quelques cris de vive V empereur! mais ils etaient couverts de ceux-ci h has la calotte ! que vociferaient des groupes de polissons. » (Bourrienne, T. X, page5H. ) Que Ton compare cette phrase seche et froide a la narra- tion ardente de Lavallette. « Des olficiers qui arrivaient de Fontainebleau , en precedant 1' empereur, nous dirent qu'il etait tres-difficile d'avancer sur la route. Des masses pro- fondes de paysans la l)ordaient des deux cotes, ou plutot s'en etaient empares. L'enthousiasme etait au comble. On ne pou- vait dire a quelle heure il arriverait. Iletait'a desirer qu'il put n'etre pas reconnu, car, a travers tout ce delire et ce desordre, la main d'un assassin pouvait penetrer jusqu'a lui. Mais il avait pris le parti de se jeter avec le due de Vicence dans un mauvais cabriolet ; et enfin, a neuf hemes du soir, cette voi- ture s'arreta devant la premiere entree, voisine de la grille du quai du Louvre. A peine eut-il mis pied a terre qu'un cri de vive V empereur ! mais tin cri a fendre les voutes, un cri for- midable se fit entendre : e'etait celui des officiers a demi- solde, presses, etmdTes dans le vestibule et remplissant l'es- DE LAVALETTE. 323 calier jusqu'au comble. L'empereur etait vetu de sa celebre redingote grise. Je m'avancai vers lui , ct le due de Vicence me cria : « Au nom de Dieu, placez-vous devant lui pour qu'il puisse avaucer ! » II commenca a monter l'escalier. Je le precedais en montant a reculons , a une marche de distance , le contemplant avec une emotion profonde , les yeux baignes de larmes, et repetant dans mon delire : « Quoi , e'est vous ! e'est vous! e'est enfin vous! » Pour lui, il montait lente- ment , les yeux fermes , les mains etendues en avant , comme un aveugle , et n'exprimant son bonheur que par le sourire. Arrive sur le palier du premier etage , les dames voulurent s'avancer pour arriver jusqu'a lui ; mais un flot d'officiers de 1' etage superieur bondit sur leur passage, et si elles avaient ete moins lestes le flot les aurait ecrasees. Enfin l'empereur put entrer cbez lui , les portes se refermerent avec effort , et la foule se dispersa , lieu reuse de l'avoir entrevu. » II y a quelque cbose de bizarrement atroce , nous dirons presque de piquant dans la proscription de Lavallette en \ 815. C'etaient MM. de Talleyrand et Fouche qui composerent la grande liste et qui y porterent un homme dont la carriere, com- mencee par un bel acte de devoument au 1 0 aoiit , fut tou- jours poursuivie depuis avec la plus loyale fidelite pour ses sermens et ses affections. Lavallette proscrit par Fouche est une singularite qui etonnera nos neveux plus quelle n'a frappe les contemporains. Nous voudrions pouvoir transcrire tous les details de ce proces monstrueux : il est raconte par M. de Lavallette avec une vivacite et un talent qui en font un veritable drame plein d'interet et de pathetique. II y a dans cette narration une couleur horriblement fidele des homines et des choses du moment. Quiconque n'aurait pas dans le cceur une pro- fonde aversion pour les Bourbons de 1 8 1 5 la sentirait naitre en voyajit ces ames laches etferoces s'endurcir contre la pitie, une femme repousser avec une froideur insolente les supplica- 324 MEMOIRES lions d'unc femmc, d'une epouse; livrer au Jiourreau sans s'emouvoir deux homines teis que Ney et Lavallctte, et refu- ser a celui-ci, jusqu'a la derniereheure, l'honneur de mourir sous la balle d'un soldat plutot que sous l'ignoble coutcau dc la guillotine. Le prodige d'amour conjugal qui sauva Lavallette est connu generalement , surtout par la publicite du proces in- terne aux trois Anglais qui s'associerent genereusement pour assurer sa fuite. Cependant nous osons afhrmer qn'on se fait a peine une idee de l'ardent interet qu'inspire cet evenement, raconte dans toutes ses particularity par celui qui en fiit le lieros etqui fut si pres d'en etre la victime. C'est une histoire mille fois plus attachante que le meilleur roinan , et qui vous empeche de respirer jusqu'a ce que vous soyez arrive au bout ct que votre condamne soit en surete. On sait que ce fut d'abord dans l'hotel meme du ministre des affaires etrangeres, M. de Richelieu , que Lavallette fut cache par son ami M. Baudus. II n'en sortit que pour etre confie a sir R. Wilson et a ses deux compatriotes, qui faci- literent sa sortie de France. M. Wilson l'accompagna jus- qu'en Belgique. Lavallette se retira en Baviere aupres du prince Eugene, qui raccueillit avec une affection fraternelle et ne put cependant le mettre completement a l'abri de quel- ques tracasseries de la diplomatic francaise. Enfin , apres un exil de six ans , Lavallctte rentra dans son pays ct apprit alors pour la premiere fois que sa noble epouse avait rachete sa vie au prix de son intelligence, et que les emotions de son cceur avaient bouleverse sa raison. II seconsacra a la retraite, d'oxi il ne sortit plus jusqu'a sa mort , qui a eu lieu en 1850. Lavallette avait decide que ses Me'moires ne paraitraient point de son vivant ; quand on les a lus on s'etonne de cette precaution , qui senihle bien inutile, car jamais ouvrage posthume ne preta moins au scandale , ne fut de nature a exciter moins de haines el moins de souvenirs amers. II v DE LAVALLETTE 325 brille partout une candeur spirituelle , une naivete douce , un ton de franchise indulgente, qni fait croire aux recks de l'ecrivain comme a des faits demontres , et qui rendent ces simples souvenirs , ecrits d'une plume elegante et facile , des documens precieux pour l'histoire. X. X. X. La Peau de chagrin, romanphilosophiaue; parM. deBalzac; orne de vignettes imprime'essur papier de Chine , dessinees par Tony Johannot, et gravees par Porret. (1 ) Les lecterns de la Revue Encyclope'dique connaissent dejh M. Balzac par le compte que nous avons rendu du Dernier Chouan et de la Physiologie du Mariage , deuxlivres remar- quables et dignes d'eloges et de critiques. Depuis la publica- tion de ce dernier ouvrage, M. Balzac a acquis, particuliere- ment dans les salons de Paris, une celebrite qui n'estpas de la gloire, mais a laquelle un homme mediocre est encore heu- reux d'atteindre en ce terns d'atonie litteraire. Gependant cette immortalite d'un mois doit-elle suffire a un homme tel que M.Balzac? Gette reputation de boudoir peut-elle satisfaire un esprit superieur? Nous serions tentes de croire que l'auteur du Dernier Chouan renferme en effet ses pretentions dans des limites aussi modestes, quand nous le voyons prodiguer son talent pour alimenter chaque semaine la curiosite des lecteurs de journaux , eparpiller pour ainsi dire son imagination dra- matique et puissante, son style pittoresque, son erudition lit- teraire et sa connaissance profonde du cceur humain, en une multitude de productions hatives, de petites nouvelles in- completes, d'esquisses inachevees, qui, reunies , peuvent (i) Paris , 1831 ; Charles Gosselin. 2 vol. in-8° de 393 et 374 pages ; prix , \ 5 fr. 326 LA PEAU donner une haute idee de la fecondite de sa tete, de larapidite de sa plume , mais ne formeront pas une seule pierre pour I' edifice del'avenir. Toutes cesnouvellesontun grand channe denouveante , une couleur vive et fraiche : pourquoi clans le nombre immense que M.Balzac a publiees n'enpouvons-nous citer aucune? pourquoi n'ont-elles laisse dans notre esprit que des souvenirs confus oil nous ne pouvons retrouver avec precision ni une scene, ni un caractere, ni une idee philoso- phique developpee dramatiquement? C'est la leur condam- nation : oeuvres d'un jour , elles n'ont vccu qu'un jour. Nous avons peut-etre plus que d'autres le droit de faire entendre a M. Balzac le langage d'une critique severe ; car plus que personne nous prisons son talent energique et sa vive imagination , et avant tout autre nous avons cberche a attirer sur lui rattentiou parcsseuse du public. Le Dernier Chouan etait imprime depuis long-tems et avait passe inapercu dans la foule des roraans de cabinets de lecture quand le hasard fit tomber cet ouvrage sous nos yeux : notre admiration pour l'auteur inconnu s'exprima vivement et le signala aux amis de la bonne litterature. Cet appel , nous osons le croire, ne fut pas inutile au succes de M. Balzac. Depuis lors nous l'avons vu avec chagrin se jeter a corps perdu dans une litterature marchande indigne de lui; a l'ex- ception des Scenes dela vie prive'e, oil Ton a justement loue une fine observation des moeurs de notre terns , M. Balzac n'a rien produit qui merit at Texamen de la critique ; il s'est borne a une fabrication presque mecanique de tableaux sans verite et sans profondeur ; il s'est epuise dans les efforts d'une fecon- dite sans fruits. (I) (1) jSous ne parlons pas d'une brochure politique de M. B:ilzac , dont nous avons, dans le terns, annonee la publication , Enqudte surles deux ininistcres. Evidetnment rauteur faisait viclence a la nature de son talent: anssi ne put-il que resumer en un style eli'jiant et ferine des lieux communs DE CHAGRIN. 327 La Peau de Chagrin doit-elle etre consideree comme line amende honorable pour ce libertinage litterahe? 1'auteur s'est- il repenti de cette prodigalite de jeunesse et de forces? a-t-il concentre cette snrabondance d' images et de passion pour la mieuxdiriger et en composer une cenvre d'art, avec un plan, un motif, un but? a-t-il, en un mot , fait un livre? Non : il n'a fait qu'un chaphre de roman ; et ce roman , quoi qu'en disc le titre, est tres-pen pliilosophique . On pent en juger par le sujet que nous allons resumer. Un jeune homme, qui s'est livre a tons les exces de la de- bauche, et qui vient de perdre au jeu son dernier ecu , prend leseul parti qui restek quiconqueen est arrive la; carl'homme alors est mine moralement aussi bien que pecuniairement : il se decide a se jeter a la Seine. II vient done se promener sur les quais en attendant l'heure ou il pourra sans trop de scan- dale accomplir son dessein. Tout en fldnant, il s'arrete devant Tetalage d'un marchand d'antiques et de curiosites ; puis,, comme son tems est tres-peu precieux, il entre et visite dans le plus grand detail tons cesmagasinspleinsde richessesbizarres. C'est le proprietaire de ces tresors , personnage fantastique d'une piquanie originalite , qui. Itii fait present de la peau de chagrin et l'instruit de sa singuliere propriete. L'inscription en langue sanscrite , peinte, imprimee ou incrustee au coin de cette peau, est un arret terrible pour celui qui en voudra faire usage : « Si tu me possedes, tu posse'deras tout ; mais ta vie m appartiendra. Dieu ta voulu ainsi. Desire , et tes de'sirs seront accomplis. Mais regie tes souhaits sur ta vie : elle est la. A ehaque vouloir je de'eroitrai comme tes jours. Me veux-tu? prends. Dieu i exaucera : soit. (le politique ; ct I* ou. il vnulut etrc neuf , il commit de graves erreurs de faits sur des matieres qu'il n'avait point suffisamment e'tudiees. Quand cet opus- cule nous fait soumis, les renseignemens nous manquaient pour relevcr ces erreurs que nous avons dqmis icconnues. 328 LA PEAU On decouvre d'ici le restede l'histoirede Raphael : d'abord innnodere dans ses souhaits, il use sans mesure de sa toute- puissance ; mais bientot effraye par le retrecissemcnt de la peau de chagrin, il reprime ses desirs, iletouffe ses passions, il annule sa volonte, se fait lui-meme automate, et pourtant, malgre toutes ces precautions , voit se resserrer peu a peu son talisman et s'affaiblir sa vie , et puis il meurt enfin nuse- rablement, au milieu de l'acces d'une passion delirante et d'une jouissance surhumaine. S'il y a dans cette histoire longuement developpee une verite philosopbique, ce ne peut etre que celle-ci : la maladie la plus dangereuse pour l'homme est son insatiable desir; en d'autres termes , les passions usent le corps et l'esprit. Voila qui n'est pas neuf et qui n'avait guere besoin d'etre pronve. M. Balzac a-t-il dn moins pris soindedednire avec art et logique cette demonstration triviale? II s'en est inquiete si peu qu'en plusieurs endroits de son livreil contredit formel- lement sa proposition fondamentale , et que la peau de chagrin perd a tout instant sa valeur emblematique pour devenir le sujet de quelques plaisanteries spirituelles sur les academies, les sciences et les savans. La Peau de Chagrin est done tout simplement un conte fantastique sans aucune moralite , mais dont l'auteur a eu evidemment Tintention de faire a la fois un drame de passion et un tableau de mceurs. C'est sous ces deux points de vue qu'il convient de l'examinei'. Si quelque romancier bien inspire nous apportait anjour- d'hui une intrigue simple, une passion forte et pourtant vul- gaire, racontee avec un style uni, il est probable qu'il serait recu du public avec enthousiasme et qu'il nous reveillerait du caucliemar ou nos jeunes ecrivains nous plongent. En verite, nous ne doutons point que ces homines sensibles n'eprouvent des emotions tres-fortes, mais pourtant ils devraient songer DE CHAGRIN. 329 que quand ils veuleut bien les faire partager au public, ilest de toute necessite qu'ils consentent a les peiudre en francais et de facon a etre cornpris. L'office du poete n'est pas seule- ment de sentir vivement, il faut surtout qu'il traduise intelli- giblement ces cris, ces gemissemens , ces sanglots etouffes, ces hurlemens de la passion , quon ne peut pas reproduire sur le papier avec 1' eloquence qu'ils ontsur la place publique, et c' est dans cette traduction que reside tout le talent del'ecrivain. Nous avouons na'iveraent que le style bizarre et exagere qui est de mode aujourd'hui dans les scenes passionnees donne un tel travail a notre intelligence , que l'emotion se perd au milieu de la fatigue de la traduction : nous retrouvons par- tout des locutions qui pour etre deveuues triviales n'en sont pas plus comprehensibles : Sa cerveUe setord, le remords lid de'chiquetait les entrailles _, le de'sespoir lui mordait le cceur , etc. Nous n'accusons point M. Balzac d' avoir ecrit textuellement celles-ci-, mais son livre est plein de phrases du meme genre, et comme on n'emploie ce style que quand la passion devient ardente et la scene dramatique, il est evi- dent que c'estl'impuissance qui conduit a Texageration. Dans le dernier roman qu'a publie M. Victor Hugo, les scenes de passion ne manquent pas ; il est a remarquer que celles ou il met cette recherche d'energie sont precisement celles qui ne produisent aucun effet, tant ce style superlatif et torture est glacial et anti-poetique. Ainsi tout le caractere de Claude Frollo est presque insignifiant a force d'exageration. Au con- traire, le cbapitre de Notre- Dame de Paris qui cause gene- ralement a la lecture une emotion invincible, et qui amene par force les larmes aux yeux, est celui ou la Sachette re- conhait sa fille dans la bohemienne qu'elle-meme vient de livrer au bourreau. Cette scene est dechirante par la simpli- city de ces cris materaels que l'auteur na pu trouvcr que par Uli miracle de talent et d' instinct. L'exageration est le defaut caracteristique de M. Balzac : TOME LI. AOUT 1 85 I . V'A 53o LA. PEAU on en voit deja des traces dans son premier et son meillenr onvrage , et bien loin de s'en corriger il s'est laisse de plus en plus pervertir par cette mode detestable ; il est impossible de la pousser plus loin qu'il ne l'a fait dans la Peau de Chagrin: il y a des pages entieres qu'on ne peut pas lire et qui ne pre- sentent reellement aucun sens a l'etude la plus attentive. Si M. Balzac persiste h marcher dans cette voie, il est certaine- ment perdu sans ressource : dans dix ans ses romans auront besoin d'etre traduits en francais. En general, sous la plume de M. Balzac la passion est peu sympathique, bien qu'il possede uu grand talent de mise en scene et qu'il soit probablement fort emu lui-meme. II y a dans sa passion quelque chose de factice , d'exagere , de farde, qui glace et surprend le lecteur tout etonne de se trouver les yeux sees. On dirait des passions d'opium qui agitent le cerveau sans remuer le cceur : son inspiration manque d'onc- tion et de cette force penetrante et douce dont Bernardin de Saint-Pierre a emporte le secret. Comme peinture de mceurs , nous pouvons encore moins accorder a la Peau de Chagrin des eloges dont tout le monde pourrait verifier le mensonge en mettant la tete a la fenetre. Si laposterite croyait M. Balzac sur parole, nos neveux au- raient de nous une singuliere idee , et ils auraient sujet de se moquer de nos moqueries de la regence. Un journal mi- nisteriel va etre etabli ; le banquier qui en fait les fonds reunit, pour celebrer le commencement de cette entreprise , les redacteurs et les autres personnes qui doivent y etre atta- chees. Ce n'est pas d'un diner qu'il s'agit, ni d'un bal , ni d'un concert : e'est d'une debauche , d'une orgie. Tous les convives s'enivrent comme des cochers au milieu des discus- sions les plus violentes et les plus grossieres , et puis des filles terminent la soiree, ouplutot la nuit , car le soleil retrouve le lendemain tout ce monde d'ivrognes couches pele-mele sur le parquet, dans un desordre dont M. Balzac ne nous epargne DE CHAGRIN. 33 I pas la degoiitante peinture. Ces mceurs sont-elles de notre tems ? nous ignorons dans quel monde l'auteur a pu les voir. Nous aimons a penser qu'elles n' existent que dans sa tete et dans son livre : il vaudrait mieux qu'elles ne fussent nulle part. La societe de la comtesse Foedora, espionne de haut pa- rage , n'appartient pas non plus a notre epoque ; il pouvait y avoir quelques salons pareils sous l'empire et au commence- ment de la restauration : ceux qui restent aujourd'hui sont places trop bas pour que Tamour y puisse vivre. Enfin , ce n'est pas de notre tems qu'une jeune personne comme la baronne de Witschnau parcourt Paris seule dans une voiture avec un jeune homme quelle aime , l'accompagne chez lui , y passe des journees entieres, sans qu'il soit dans tout cela question de mariage. Ce n'est pas seulement comme moraliste descriptif que M. Balzac uous semble meriter le blame; mais encore comme moraliste didactique. II lui prend fantaisie parfois de soutenir des theses singulieres qui , a la verite , n'ont pas toujours le merite de la nouveaute. Par exemple , il s'est donne la peine d'ecrire une apologie de la debauche qui aurait fait fortune parmi les jeunes seigneurs de la cour de Louis XIV, lorsqu'il etait de mode de s'enivrer au cabaret et de se montrer en public debraille et les vetemens taches de tabac et de vin. La fureur de faire e'cole est aujourd'hui si forte que nous ne vou- drions point repondre de ne pas voir s'en former une au- tour des axiomes de M. Balzac. Nous citons : « Pour l'homme prive, pour le Mirabeau inutile, ou qui, vegetant par un regne paisihle, aspire encore a des tempetes, a debauche comprend tout. Elle est une perpe'tuelle e'treinte de toute la vie , ou un duel avec une puissance inconnue , avec un monstre. D'abordle monstre epouvante, il faut Vat- taquer par les comes. Ce sont des figures inouies. La nature vous a donne je ne sais quel estomac etroit ou paresseux 2 2. 332 LA PEAU Vous ledomptez, vous lYlargissez! vous appreneii a porter le vin ; vous apprivoisez rivresse ; vous passoz lcs suits sans somnieil , vous vous faites cnlin un temperament reteudions compreudre Walter Scott et 338 LE ROI Charles X, Victor Hugo ct M. de Polignac dans la meme proscription. L1 imagination des artistes pouvait se complaire sans danger a ces reves du passe qui ont araene la lourde chute de quelques homines d'Etat imbecilles ; et nous devons a cet enthousiasme passager pour le moyen age des chefs- d'oeuvre dans plus d'un genre, qu'on peut aimer et admirer sans se rendre coupahles de complicite avec les auteurs de la loi du sacrilege et des ordonnances de juillet. Pourtant , meme dans ces hautes regions de la litterature et de la poesie , la reaction devait s'arreter a de certaines li- mites , quels que pussent etre ses avantages pour l'art et pour nos plaisirs. Que le poete allat puiser aux sources memes des couleurs plus frafches et plus vraies pour peindre ces passions energi- ques et primitives , ces mceurs naives et souvent gracieuses que l'intolerance philosophique avait a dessein meconnues : c'etait bien; mais, en se glorifiant du merite de cette imitation, fake, autantqu'il etait en lui , d'apres la nature meme, de- vait-il oublier ceux auxquels il s'adressait , qui seuls etaient la pour jouir de ses ceuvres et les juger? C'est ce qui pourtant est arrive. Cedant a d'etranges preoccupations, resultat de leurs savantes etudes, entraines par une singuliere aber- ration d'amour-propre, une ecole d'artistes s'est avisee de vouloir nous raconter les fails et gestes d'autrefois avec le langage de chaque siecle, bien mieux, de chaque generation ; elle s'est crue appelee a creer , pour rendre les inspirations quelle allait puiser dans les monumens de nos aieux , une langue nouvelle, dont le genie, tout autant que les mots, differait du francais que nous parlous et que nous comprenons tous. A la rigueur, pour rendre toutes ces nuances sidelines, dont l'ensemble forme la couleur generale d'une epoque, il serait plus simple et plus facile, en admettant d'abord que cela fut reellement possible , de recourir a la langue qui s' etait modeleesur cette epoque meme : sinon vous me rcduisez, dira DES RIBAUDS. 339 le malheureux ecrivain, a la tache in grate du traducteur, mourant sur son dictionnaire avant d'y trouver l'equivalent du mot grec ou latin que reclame sa phrase inachevee. Mais pourq*uoi , malgre leur insufnsance bien reconnue , fabrique- t-on toujours des traductions? pourquoi la consommation de ces produits imparfaits suffit-elle encore a l'entretien d'un bon nombre de manoeuvres? Pour une classe peu considerable d'heureux adeptes , il est vrai , les originaux etalent sans mystere leurs precieux tresors; mais le vulgaire, qui n'a ni le tems ni l'occasion de consacrer de longues veilles a 1' etude des langues, a soif aussi de ces ricbesses de poesie et de pen- see que recelent les litteratures etrangeres. En definitive, les traductions s'adressent a cette immense majorite du public qui , dans les arts comme en toutes choses , finit par imposer ses lois. A ceux done qui nous apportent avec orgueilces ingenieux pastiches, ou le travail patient de l'antiquaire a rassemble, pour en faire un tout plus ou moms bien assorti, mille bribes eparses dans nos poudreuses bibliotheques, nous demanderons a quoi bon se donner tant de peine. Pour les homines qui savent lire et comprendre l'antique et naif gaulois, il y a Froissart d'a- bord, puis Commines, Pasquier, Marguerite de Valois , Ra- belais, Brantome, que sais-je encore? Pour nous, ignorans, mauuscrits et imprimes datant deplusde deux cents ans sont tous lettres closes. Aussi grande est notre reconnaissance pour les erudits qui veulent bien descendre a notre niveau , et revetir de formes adaptees a notre intelligence les precieux resultats de leurs recherches : temoin 1' immense succes de Walter Scott. Vous ne direz pas sans doute que sen merite consiste a repro- duire litteralement le style des cbroniqueurs. S'il en etait ainsi , que serait-il devenu dans les in formes traductions que nous avons tous devorees? C'est d'ailleurs an fait bien avere inaintenaht, que Walter Scott, tout etrange que cela puisse paraitre , a commis d'innombrables anacbronismes , et dans 3ifo LE ROI lo langage surtout , pretant a Elisabeth les locutions do Richard , a Richa'rd celles d'Elisabelh. Aux Francais du dix-neuvieme siecle , parlez la langue de Chateaubriand, de Lamartine , de Beranger ; elle est ricbe, sans doute , puisqu'elle a suffi a ces brillans genies. Etudiez 1c gaulois, palissez sur les reliqueslilteraires, e'est votre affaire, a vous qui pretendez peindre les vieux terns ; puis , quand vo;is serez bien penetre de l'esprit d'autreibis , quand , a force d' etudes et de veilles , vous vous serez refait, pour ainsi dire , contemporain de Philippe- Auguste ou de Char- les VIII , faites-nous part des impressions qui vous en seront restees ; parlez-nous des homines d'armes , des mauvais gar- cons, des fous de cour. des pages, non pas en gaulois, nous nele comprenons pas, mais en francais moderne. Assouplis- sez-le a votre fantaisie , sans vous ecarter cependant des regies qu'impose son invariable genie ; intercalez ca et la quelque mot rajeuni , derobe a votre vocabulaire favori, lors- qu'il deviendra necessaire a la perfection du tableau. La tache n'est pas si difficile pour vous , M. Jacob , savant biblio- phile , dont la science n'a pas ete assez lourde pour etouffer en vous toute sympathie en faveur de votre siecle. Le Roi des Ribauds, pas plus que les Soirees de fValter Scott, moins encore peut-etre que les Deux Fous, n'est point ce que nous desirons. Pierre de Talleran, seigneur de Grignaux, de cette illustre famille de Perigord, je crois , qui nous a donne , an dix- neuvieine siecle, uti grand-chambellan , un archeveque de Paris , et des pairs , ambassadeurs , generaux ou prefets par douzaines ; Pierre, leur a'ieul, est le heros du livre, le roi des ribauds. Dennir exactement la nature de sa charge , car lui aussi avait charge en cour , e'est chose assez difficile; et fauteur lui-meme , avec toute sa science, avec le sccours de ses deux grands in-8°, n'a pu nous en donner une idee bien precise. Toutefois , ce ((tii parait certain, e'est que le roi des DES RIBAUDS. 34 1 ribauds partageait, avec le prevotde l'hotel, la haute et basse police du palais des rois. Les jeux et les courtisanes a la suite de la gout etaient sous la juridiction du premier : aussi ue doit-ou pas s'attendre a lire uue histoire bieu edifiante. L'aniour , qui en fait le sujet, n'est pas cet amour cheva- leresque qui jadis iuspirait de si magnaniines devoumens. Cost une passion assez brutale , a peine coloree ca et la d'un mince vernis de cette galauterie francaise, dejh fort enrenom au quinzieme siecle. Louis XII, Francois Ier, alors due de Valois , son gendre ; le due de Suffolk , le page Balthazar Villon; le sorcier, partie integrante de tout romau histo- rique; la rc-ine Marie d'Angleterre ; Anne de Boleyn ( qui, par parenthese, n'avait alors que sept ans, mais que, d'un coup de sa baguette de romancier, M. Jacob fait avant l'age fille d'honneuret fort experte au deduit d'amour ); la duchesse de Norfolk, Jehannette-la-Bien-en-Point : tons sont plus ou inoins possedes de la meme folie erotique. Louis XII, ce n'est pas le pere du peuple, ce roi bonhomme, econome et taut soit pen cauteleux , qui oublia les injures du due d' Orleans , porta si obstinement la guerre sur la belle terre d'ltalie , et eut le privilege de faire verser des larmes sinceres sur son cercueil. Comment le reconnaitre , dans cette chambre nuptiale, ou, frappant sa poitrine , invoquant la vierge et les saints, il cherchc en vain a dissimuler son impuissante faiblesse? Mille pages durant, e'est toujours le meme vieil- lard grognon , en proie aux medecins et aux confesseurs , mourant enfin sous le poids du remords d'avoir laissii a la nierei d'un etranger les cbarmes de sa jeune epousee. Les autres caracteres historiques me semblent avoir plus de verite que cette mauvaise caricature; et, quoiqu'une cri- tique plus minutieuse put relever encore quelques leigeres erreurs de pinceau , nous nous plairons a rendre justice a la grace et aji fini d'un petit nombre de portraits qui parent le premier volume. Que Ton nous demande, apres cela , quelle 342 LE ROI opinion nous avons concue de l'ensemble, nous repon (Irons par une derniere observation. Et d'abord , s'il est permis de parler d' unite , quand la jeune France a declare nulles et non avenues celles d'Aristote, je dirai qu'il n'y a pas , dans cet ouvrage, unite de but. Au risque de faire une pedante analyse , j'y distinguerai trois ceuvres bien distinctes : oeuvre de litterature , oeuvre d'eru- dition bistorique, oeuvre d'erudition grammaticale : aussi quelle confusion! L'auteur a voulu faire un roman; il ourdit une intrigue quelconque : c'est bien. Les personnages ont agi, ils ont parle, ils ont interesse plus ou raoins : n'im- porte. L'antiquaire vient qui prie le romancier de lui preter quelques pages pour la description technique d'un tournoi. Onnepeutlui refuser cette grace; et nous de voir defiler, dans leur ordre d'etiquette , et tout comme aurait pu le pres- crire feu le grand-maitre des ceremonies , herauts d'arraes , pages, varlets, echevins, compagnies d'ordonnance, par- lement, moines , corps de metiers, et bien d'autres encore, avec leurs vetemens , ornemens , amies ou emblemes bien soigneusement decrits et enregistres. Ce n'est pas tout : le heros et sa maitresse , apres avoir fait belle contenance dans cette pompeuse ceremonie, sont enfm de retour presdu foyer domestique.La conversation s'engage, la passion se rechauffe, s'anime , et l'interet avec elle. Mais , vient le grammairien , avec une abondante recolte de noms propres eu us ou en as , d'epithetes expressives et pittoresques , de verbes go- thiques et de substantifs a venerable tournure. Une petite place seulement pour deposer cet inestimable fardeau : tant pour l'amant , tant pour l'heroine ; et le dialogue s allonge en phrases interminables , la passion est oubliee , l'interet s'eteint , et le lecteur s'endort. De bonne foi est-ce la ce que vous appelez ceuvre d'art ? N'auriez-vous pas du mille fois perir d'ennui vous-meme , M. Jacob , lorsqu'apres avoir transcrit sur quelques centaines DES RIBAUDS. 343 de menus papiers les phrases ou les fragmens de phrase qui devaient composer votre livre, vous avez entrepris ce jeu de patience d'un nouveau genre, ou l'habilete consiste a faire accorder Tun avec 1' autre les morceaux contigus ? C'est miracle pourtant comme le talent surnage de terns en tems au-dessus de tout ce fatras d'antiquailles. Sa seve inipa- tieute rompt parfois les digues que cherche vainement a lui imposer l'esprit de systeme-, il deborde des qu'il a trouve son issue , et ce n'est qu'a grauds renforts de science heral- dique ou de petlantisme gaulois que son niailre parvient a le comprimer de nouveau. Et pourquoi ne s'affligerait-on pas de cette funeste manie? pourquoi ne prierait-on pas avec instance notre savant bibliophile de partager ses facultes en plusieurs personnages , au lieu de persister a les accumuleren un seul? Pourquoi, puisqu'il veut et qu'il peut faire a la fois des ro- mans, des dissertations sur les antiquites , sur les origines , ne continuerait-il pas a publier , sous la raison du venerable M.Jacob, les fruits les plus arides de ses penibles veilles? Puis il restituerait au nom de tel jeune contemporain que nous connaissons bien la partie romanesque et legere de ses livres, dont la responsabilite peserait trop au consciencieux antiquaire des qu'on 1'aurait debarrassee de son enorme al- liage d'erudition. J. III. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. LIVRES ETRANGERS. EUROPE. GUAKDE-BRETAGNE. 67. — The Life of Samuel Johnson, etc. — Vie dc Samuel Johnson, avec le journal dc sa tourne'e dans les Hebrides ; par James Bosavell , e'euyer. Nouvelle edition, auginente'e denora- breuses notes et additions, par J. N. Crok.er. Londres, i83i; Murray. 5 vol. in-8°. 08. Family Library, etc. — Yingt-deuxieme liviaison de la Bi- bliotheque de Famille : Vie des celebres Ecossais; par Patrick Fraser Tytler , e'euyer. Londres , 1 83 1 j Murray. Ijes biographies sont la monnaie de l'liistoire, et quelquefois , commc les Anglais , jc me sens dispose alespre'ferer A ces re'eits d'ap- parat, qui ne prennent les bommes que sur untrone ousur lepilori, le pie'destal ou l'e'cbafaud. Le biographe les va chercber dans la vie prive'e, dans l'intimite de la maison paternclle. II les recoit des mains de la nourrice; avec lui nous suivons le de'veloppcment de leurs intelligences , la croissance dc passions encore en germe; nous lisons dans les causes avant d'apprendre leurs effets; et je me pints a ces portraits de grands bommes dont Plutarque a offcrt les premiers modeles, bien plus qu'a des peinturcs ge'ne'ralcs, souvent tout c\tc- rieures. Jc ne vois au-dessus que i'histoirc, telle que depuis pen elle a etc comprise : nourrie de chroniques, dc mc'moircs particuliers , de journaux quotidiens , et coordunnant lesrecits ct les fails de telle sorte , en leur imprimant unc forte unite, que les Individus se (on- GRANDE-BRETAGNE. 345 dent dans les nations , et deviennent les mcmbres du pcuple qui prcnd unc existence cornpacte , une individualite , et excite un in- te'ret aussi suivi , aussi intime que le pourrait faire un romanesque be'ros. Alors les nations apparaissent comme des personnages gigan- tesques que l'on suit des leur naissance, que Ton aime, que Ton hait : etres e'tranges , qui raettent des siecles a faire un pas , trois jours a boulcverser le monde. L' Anglais, dont la vanite, plus tenace et moins versatile que la notrc, lui survit, garde tous les souvenirs avec un religieux amour; il se complait et s'admire dans ses grands homines. Chacun a le respect du soi, songe de son vivant a sa rae'moire, soigne l'origi- nalite qui lui sert de cachet, et aide a l'avance par ses journaux, ses notes , ses corrcspondances , a son biographe futur. Les mate- riaux ne manquent done pas; mais, dans le choix immense a faire, mil n'a eu la main plus heurcuse, nul ne s'est montre' j)lus habile, n'a de'ploye un gout plus sur que M.Murray. On lui doit les biogra- phies les plus curicuses, les plus completes , celle entre autres du picux e'veque de Calcutta, He'bert; e'est lui aussi qui a exhume' du foyer de Moore ces pre'eieux debris des journaux de Byron , que madame Belloc a rendus populaires en France ; et les deux derniers ouvrages que nous annoncons ne sont pas des moins remarquables dans cette riche mine de me'moires qu'ouvre aux curieux la plus ce- lebre librairie de Londres. Boswell, premier biographe de Johnson, dont M. Croker repro- duit le travail en le nourrissant de tout ce qui parut dans le tems et depuis surlefameux, l'excentrique docteur anglais , e'tait l'homme par excellence pour comprendre et peindre Johnson. C'e'tait un his- torien toujours e'eoutant pour une vie toujours parle'e; car, malgre ses volumineux travaux , Johnson , comme notre Diderot, e'tait plus ce'lebre encore par sa conversation que par ses e'erits. Mais bien que dans quelques points il se puisse comparer avec le philosophe ba- billard du dix-huitieme siecle , si son esprit a moins de le'gerete et de finesse, il est bien autrement consciencieux; son originalite' est bien plus franche et plus ronde; sa vanite a plus de rudessc et de bonhomie. Ce causeur si piquant que, lorsqu'il toussait ou entr'ouvrait ses TOME LI. AOUT 1 83 1 . 8,3 3/i6 L1VRES ETRANGERS. levies, les assistans se hataicnt d'imposer silence a ses plus illustrcs eontemporains, en s'e'eriant : « Chut, chut, lc docteur va parler ! » a produit l'ouvrage lc plus volumincux, celui qui exigeait les plus laborieuses recherches , lc dictionnaire lc plus complet, le plus par- fait , vrai raodele pour tous les peuples , et pour nous en par- ticular, qui attendons si patiemment le dictionnaire de 1' Aca- demic. A chaque mot de ce beau lexique , il a joint une et souvent plusieurs etymologies. L' explication des diffe'rentes acceptions de chaque expression est donne'e avec une rare clarte' ; des exemples pris dans les poetes et les prosateurs les plus estime's achevent dc faire sentir la valeur et les nuances de chaque mot ; et une his- toire de la langue, et une grammaire dont la science , la concision et la clarte sont adinirables , enrichissent ce bel et volumineux ouvrage. M. Groker a donne une singuliere preuve de I'effet produit par le dictionnaire du savant Anglais : e'est une consultation de l'avocat general, qui incrimine une des definitions du nouveau dictionnaire. Johnson y traite V excise de « detestable taxe levee sur les denre'es , mais dont l'adjudication , au lieu d'etre faite par les appre'eiateurs le'gaux et ordinaires de la propricte , est abandonne'e a des misera- bles gage's par ceux qui pre'levent Texcise. » Cette explication fut attaque'e comme un libelle ; mais , bien que tory, Johnson ne la changea point. Walter Scott , Mackintosh , tout ce que l'Angleterre a de plus remarquable s'est empresse' d'apporter son tribut a cette biographic. Une note du premier nous apprend que ce fut lorsque Johnson , en sa tourne'e aux iles Hebrides, visitait Edimbourg , que M. Henri Erskine , presente au docteur par Boswcll , apres avoir fait un res- pectueux salut , glissa un shelling dans la main de l'introducteur, en murmurant a son oreille : « G'est pour la vue de votre ours. » De nombreuses anecdotes sur les amis et eontemporains de John- son enrichissent cette nouvelle edition : nous en citerons une sur Goldsmith , oil la vanite bonasse et candide de l'auteur du Ministre de Wakefield est plaisamment caracte'risee : « Une apres-midi , le co- lonel O'MooreetM. Burke, allantchez sir Josua Reynolds, aperfurent Goldsmith, qui s'y rendait aussi, arrete sur la place, examinant une grande-bretagne. 347 foulc assemblee devant un des hotels de Leicester-Square; le people battait des mains et poussait des acclamations a la vue de quelqucs c'trangeres qui se montraient aux fenetres : « Regardez un peu notre ami, dit Burke a M. Moore, et faites attention a ce qui va se passer entre nous. » II poursuivirent leur route et furent bientot rcjoints chez Reynolds par Goldsmith, que Burke accueillit avec une froideur marquee. Le brave homme en parut trcs-peine' , et insista pour sa- voir en quoi il pouvait avoir offense son ami. Burke sc tint long- temps sur la defensive , etfinitpar dire qu'il e'tait vraiment honteux de conserver quelque intimite' avec un homme qui venait de's'affi- cher d'une maniere si ridicule. Goldsmith prolesta avec la derniere vivacite' qu'il nc savait de quoi il s'agissait. « Comment! reprit Burke, me nierez vousque , tout a l'heure , sur la place meme , vous venezdevous e'erier en regardant ces femmes : « Faut-il que ce peuple soit compose de stupides animaux , pour resterla, en admiration, devant ces Jesabels fardees , tandis qu'un homme de mon me'rite passe sans qu'on y fasse attention ! » Goldsmith se re'eria , frappe d'horreur : « Surement, surement, mon cher ami, je n'ai rien pu dire de semblable ! » — « Vraiment? re'pliqua le malin railleur , com- ment le saurais-je si vous nel'aviez pas dit? » — a Au fait , e'est vrai re'pondit Goldsmith en toute humilile' , j'en suis confus : c' e'tait tres- sot , j'en conviens. Je me rappelais bien que quelque chose de ce genre m'avait traverse' l'esprit; mais, en conscience, je croyais n'avoir rien dit. » Le volume des ce'lebres Ecossais commence par Alexandre m et contient les vies de Michael Scott, Wallace et Bruce. Je serais tente'e de me plaindre que M. Tyller n'ait pas fait entrer dans son plan l'histoire de plusieurs des hommes ce'lebres que , sans remonter aux e'poques he'ro'i'ques et mensongeres de Fingal et de Fergus , on ren- contre dans ces temps recule's ; entre autres Malcolm Canmore , et le premier des Douglas , « le noir vieillard qui tua le chef danois et decomfit son host. » Je regrette surtout Thomas d'Ercildonne Tom le rimeur , inventeur de cette strophe employee par Spencer , dont elle a pris le nom , et que Byron a ravive'e de toutes les vives cou- leurs de.son style. L'existence du vieux poete ne peut etrc mise en donte , malgre le merveilleux dont on a voile son histoire. Les 348 LIVRES ETRANGERS. mines de son chateau , encore debout, ont protege, re'eemraent en- core, unsorcicrque Ton croyait en relation avec lui. Ses predictions sc chantent toujours. L'arbrc d'Eildon, sous Iequel il rendait ses oracles, n'cxiste plus, mais la place est marquee par une large picric qui se nomine la pierre de l'arbre d'Eildon ; le fdet d'eau qui murmurc a cote s'appelle le bog-burn, leruisseau du lutin; enfin la vie de Tom, semi-liistorique, serai-fabuleuse, a tout l'attrait d'une mytliologic plus neuve pour nous que l'autre , peut-ctre parce qu'elle est cclle de nosperes, ctd'autantmoinsconnue a rorgueildel'honmie fait ipi'elle touclie de plus pres a ses croyances enfantines. Tom le rimeur, qui mourut avant i3oo, dont la mc'moire est chcre aux pay- sans et aux nourrices d'Ecosse , dont l'liistoirc sc murmurc pres de chaque berceau, se chanlc a chaque veille'e de Noel, fut, toutjeuner cnlevc par les fees : leur rcine s'e'tait e'prisc du garconnet aux beaux dires , et elle le garda sept ans dans ses jardins enchante's. Enfin elle le rendit a later re, mais plein de merveilles : ses paroles e'taient de miel et ses yeux lisaicnt l'avenir. Gependanl elle n'avait pas re'signe son favori a tout jamais, il avait jure de venir au premier appel, et sept ans apres sonretour parmi les siens , comme il s'e'jouissait avec ses amis en la tour d'Ercildomic, on lui vint dire avec grande frayeur et e'moi qu'un lievre et une biche, quillant la foret voisine, parcouraient les rues du village , et s'avancaicnt gravement ct majestueusement vers la tour. Le prophete a l'instant se leva , quitta sa demeure , et suivit les animaux merveillcux dans la foret , d'oii Ton ne le vit jamais re- venir; pourtant il vit encore dans le pays des fees : demandez plu- lot a tous les paysans du voisinage du rocher a trois pointes d'Eil- don ! Les vieiiles fileuses des enviroDs nont-clles pas connu Murray, Je sorcier , qui vivait , il y a peu d'annees , dans la tour ruine'e de Learmont, reste du patrimoine des descendans du rimeur, et qui , en cueillant des simples au clair de la bine sur les lisieres de la foret , avait rencontre Thomas ct appris de lui a pre'dire l'avenir? L'histoire de Thomas d'Ercildonne , que M. Tytlcr ne nous a pas donnec, me rejette loin d' Alexandre, dont le favori des fees avait pre'dit la mort, et de Michael, magicien d'une autre espece, car, en ccs temps de miracles, la science aussi bien que la poe'sie avait ses sorciers, oi toute supe'riorite s'enveloppait de images. Michael GRANDE BRETAGNE. 3 \ (j Scott, quclquefois appcle malhematicus , ne pen avant I'anne'e i'ii47 au commencement du rcgne d' Alexandre 11, voyagea, comme tons les premiers savans, en quete dc la science chez les divers pen- pies : il c'tudia a Oxford et dans les universite's de Padouc et de Paris, ou il est probable qu'il fut condisciple dc Bacon. Dante lni donne une place e'uiinente dans sonenfer; Villani, l'historien italien , rapporte avec grande confiance qiiclques-nnes de ses predictions. II alia aussi en Espagne noner des relations avec les Arabes , grands maitrcs en magie et science; bien recu a la cour d' Edward Fr, roi d'Angleterre , apres avoir passe' quelque temps a sa conr , il re- tourna dans sa patric pour y etrc un des ambassadenrs qui allaicnl demander a Eric , roi de Norwe'gc , la vierge du Nord , la belle Mar- guerite. C'est la dernierc occasion ou Ton retrouveleuomde Micliael Scott. Les cbroniqueurs italiens sc sont empares du savant e'eossais pour lui donner la destine'e d'Eschyle : selon eux il fut 1'inveuteur d'une nouvelle espece de casque ou doublure d'acier appele cervile- rium, qu'il portait sous le bonnet defourrure oude velours, coiffure des savans de son temps. Ayant tire son horoscope , il avait de'cou- vert que sa ruort serait cause'e par la chute d'une pierre qui lui bri- serait le crane; il entreprit de conjurer sa destine'e, de vaincrc le diable a l'aide du diable , et , par des encliantemens foimidables , il construisit ce casque magique et le rendit invulnerable. Mais il ne pouvait e'ehapper a son sort : passant prcs d'une eathe'cb'ale au mo- ment ou la cloche sonnait vepres, Michael entra pour faire ses devo- tions; oubliant le cervilcrium qui doublait son bonnet, il se da- couvrit en s'ageno;;illant de'votement. La corde du beffroi , par son frottement, avait de'tache la console sculptc'e quiornaitlavoute, sous laquclle se trouvait le magicien , et la pesante masse tomba sur sa tete. Suivant Benvenuto de Imola , Michael eut encore la force dc soulcver la pierre et de s'assurer qu'elle c'tait du volume juste et du poids qu'il avait pre'dit; ce qu'ayant declare, ajires avoir, comme il c'tait convenable, fait son testament en bonnes formes, il expira.il est curieux de trouver dans la patriedu savant une super- stition d'un autre genre, toujours sur la coiffure de Michael : inais, dans le nord, il n'est plus question du casque, c'est le bonnet bleu in- digene qui , second en Fair par le redoutc magicien , fait lnirler les demons e'eossais, attendantd^ns la nioyenne region le gesledu inaitrc. 35o LIVRES ETRANGEKS. I.es vies dc Bruce et de Wallace sont trop rem plies pour tenter d'en extraire quelques inorceaux. Qui ne connait le roi aventureux dont Walter Scott a csquisse Thistoirc? Qui n'a pleure sur les malbeurs de Wallace et ne s'est re'joui de sagloire? 69. — Summer and winter hours. — Heures d'hiver et d'c'te; par Henry Glassford Bell. Londres, i83i ; Hunt, Chance and company. Un vol. in-8°. 70. — The Assassins of the Paradise. — Les Assassins du Paradis , conte oiiental en quatre chants; par l'auteur A'Abassah. Londres, i83i ; Bull. In-8°. 71. — The Siege , etc. — Le Siege dc Constantinople, en trois chants , suivi d'autres poemes; par Nicholas Michell. Londres, 1 83 1 ; Smith , Elder and company. In-8°. 72. — The Moorish Queen, etc. — La Reine maure; souve- nirs de Pompe'ia et autres poemes; par Eleanor Snowden. Douvres , i83j; Batcheller. In-8°. 73. — Lays from the East , etc. — Chants du Levant; par R. C. Campbell. Londres, i83i ; Smith, Elder and company. 74- — Enthusiasm , etc. — L'Enthousiasme , et autres poemes de Susanna Strickland ( maintenant mistriss Moodie ). Londres, 1 83 1 ; Smith , Elder and company. 75. — The last Autumn, etc. — Le dernier Automne a une habitation favorite , et autres poemes ; par mistriss Lawrence , 3° edition. Londres, i83i ; Longman and company. 76. — Vers de Thomas Haynes Bayly. L'haleine manque anommer tant de poemes et de poetes, igno- res de nous , et qui cependant ne sont pas tous sans mc'rite. Qui choisira dans ce deluge? De nos jours il faut que ceux qui n'ont pas des ailes d'aigle, pour s'elancer a la source de la lumiere et planer dans ies rayons du soleil , meurent : « Eiouffe dans la foule Fautc d'etre assez grand , » disait Be'ranger en prenant son essor au-dessus de tous ; mai.s les pelits imitateius de Byron . Irs melancoliques suivans de Words- GKANDE-BKETAGNE. 35 1 worth, Coleridge et Southey, qui, apres eux , cherchenla rafraichir leurs rimes dans la rose'e du matiu et le niiroir uni des lacs , ne sont que de pales reflets qui s'e'teignent sans avoir etc* vus hors de leur petite coterie. Dans un autre tems, ils eussent eu leur part de gloire ; certes il y a de petites pieces de Bayly , entre antres the neglected Child{ l'Enfant negligee ), qui , lues dans les ceuvres de Wordsworth, se confondraient avec ses petites pieces lyriques.Nous cedons au plaisir de donner celle-ci : L ENFANT NEGLIGEE. « Je ne fus jamais pre'fe're'e. Jamais ma mere ne sourit sur moi avec moitie de la tendresse qu'elle accordait a sa plus belle fillej je l'aivue baiser les fraichesjoues de masoeur, caresse'e surscs genoux, tandis que je me de'tournais pour cacber mes larmes : il n'y avait pas de baiser pour moi ! » Et cependant je m'efforcais a plaire de toute ma petite intel- ligence : je m'efforcais a plaire, et, sijeune, comment aurais-je pu offenser? Mais quand mes na'ives caresses rencontraient un froid de'dain, je n'osais pas me jeter a son cou, et le baigner de mes larmes. » Que be'nies sont celles qui sont belles ! l'amour veille sur leur naissance. Oh beaute'! des mon berceau j'appris aconnaitre tonprix; car meme la , je me suis sentie abandonne'e et seule , et j'ai souhaite ( d'autres le souhaitaient bien ) que jamais je ne fusse ne'e. » Je suis sure que mon ame e'tait tendre; mais dans tous les traits de ma scaur, il y avait un charme si doux qu'il appelait le baiser, le sourire; et quand j'avancais mes petites levres pour cbercher les caresses cheres a l'enfance , nul ne devinait les sentimens de mon cceur : ils ne parlaient pas dans mes yeux. » He'las ! ce cceur sentait trop amereinentles angoisses de l'oubli : je voyais la charmante tete de ma sceur pare'e de bijoux et de fleurs , je ne les enviais pas; mais, souvent repousse'e par le caprice, j'enviais son privilege d'etre la seule aime'e. » Cependant un tems de triomphe arriva , tems de douleur aussi. La maladie jeta sur les traits de ma sceur son linceul envenime. Les trails qui avaient e'te si beaux prirent la teinte de la mort , et ses premiers amis reeulerent (levant son souffle infccte'. 353 LIVRES ETKANGERS. » Ce fut alors qu'mi'atigable , jour et unit je veillai prcs de son chcvet, sans tcrreur appuyant sa pauvrc tete sur mon scin. Elle vc'cutj elle m'aima : mes larmes se tarirent. J'avais etc un ctre so- litaire, maintenaut j'eus une amie. » M. Glassford , qui a intitule ses poesies Hiver et Ete, tout uni- ment parce qu'clles ont e'te' conipose'es dans ces deux saisons, a aussi, an milieu debeaucoup de platitudes et de trivialite's, quclques mou- vemens de poc'sie qu'il emprunte , en general , a Byron. Ces imita- tions sont un principe de mort pour la plupart des poetes modernes anglais j ils ne puisent pas aux seules vraies sources, la nature et l'observation , et sans cesse manient et remanient les sublimes pen- se'es , les fortes sensations que l'homme de gc'nie a marquees avant cux de son ineffacable sceau. Quelques observations de detail assez heureusement rendues dis- tinguent les poesies de 'Susanna Moodie , et il y a de la sensibilite dans les elegies de mistriss Lawrence, mais rien cependant d'assez saillant pour leur consacrer une annonce particuliere. Les Assassins sont e'erits avec assez de purcte'. Le titre d'auteur d'Abassak ne levera pas le voile de l'incognito dont s'est enveloppe l'auteurdc ce dernier poeme j il a cboisi des personnages parmi ces fanatiques qui , en ioqo , s'e'tablirent dans le Caucase , et prirent ce nom, que nous avons ainsi alte're du mot Haschish, chanvre sauvage , plante avec laquclle ils pre'paraient une liqueur fermente'e, qui jetait ces sectaires dans une stupeur profonde , d'ou , selon leur croyance , ils se de- vaient e'veiller dans un jardin semblable a ceux que Mahomet piomet a ses e'lus. Cet fiden e'tait habilement arrange' pour cet e'tat de demi-re'veil dont ils jouissaient entre deux ivrcsses , et l'obe'issance la plus implicite a leur chef , dont l'ordre justiOait toute action , payait ces plaisirs menteurs. Le he'ros du poeme, d'abord se'idc, puispassionne, puis repentant, offre a 1'auteur, dans ses jouissances et son de'sespoir, le sujet d'assez beaux vers. L'ouverture du poeme est remarquable , quoiqu'elle rappelle un pen celle de La Fiancee a" Abjdos de Byron : « Know ye the land where the cypress and myrtle. Know ye the land of cedar and wine \\ here the dowers ever blossom , etc. GRANDEBRETAGNE. NORWEGE. 353 T;a fable du siege de Constantinople est lout-a-fait d'invention j le siege et la chute de Byzance ne sont pour ainsi dire que la inise en scene, et l'inter£t roule sur l'amour d' Arnold , fds ille'gitime de Constantin, pour Irene, jeune grecque d'une beaute' aussi incompa- rable qucpuissentlede'sirerles^araateurs de poemes etderomans, qui doivent etre biases sur les beaute's sans pareilles. Rebelle a son pere, banni , Arnold a combattu parmi les inlideles : il a pris le turban , devenu un des chefs les plus redoutables de l'arme'e ottooane , et obtient, pendant le siege, une entrevue de nuit de sa rnaitresse. Celtederniere, pendant son absence, a pris le voile. Les amans sont surpris par le pere d'Irene , qui tue sa fille plulot que de la voir dc- venir victime de celui qu'il prend pour un musulman. La fable n'a rien de nouveau, et la catastrophe n'est pas presentee d'une facon saillante ; mais les vers , divise's par stances assez longues , sont pu- rement et facilement e'erits. Quoique les e'pigrammes de miss Snowden finissent toujours par un calembourg, elles valent mieux que ses poemes : la reputation de la Reine maure ne s'e'tendra guere au-dela des murailles de Douvre. Quant aux Chants de V Orient ou du Levant, deM. Campbell, l'o- reille encore pleine des accens de Byron et de Moore , il est impos- sible d'e'eouter ces froides exage'rations des poetes orientaux , leurs personnifications , des baisers , des ze'phirs , des parfums, etc., etc., de'pourvues de leur richesse d'imagination, de leur allure facile, et surtout de ce sentiment de jouissance et d'e'panouissement naturel a ccuxqui, ne's sous un beau climat, ont goute'de cette vie me'ridionale ou vivre est un plaisir materiel , respirer une volupte. H'ors de ces heureux pays le genie seul peut rendrc ces sensations de'licieuses , parce qu'il est cosmopolite, et qu'il devine et pressent tout. A. de M. NORWEGE. 77- — Erindrmger af min politiske , selskabelige og lite- raire Vandel. — Souvenirs de ma vie politique , sociale et litte- rairc en France, par P.-A. Heiberg. Christiania, i83i ; P.-J. Hoppe. In-»80 de 408 pages avec le portrait de Tauteur par Gorbitz. L'anteur, deja connu par ses ceuvres litte'ra-ires , et que la Revue 354 L1VRES ETRANGERS. Encyclopedique a long-terns corapte parmi ses collaborators , vient maintenant, a un age trcs-avancc, dedonnerau public un livrcqu'on pourrait appeler ses adieux. Livre' des sa jeunesse a la litte'rature, ses e'crits ont toujours respire l'amour de la liberte et de la ve'rite. Ne en Danemark , dans un pays despotique , oil ses sentimens libe- raux nc pouvaient etre tole're's , il fut , a cet age oil l'homme pense ct agit avec le plus de force et. de vigueur , oblige de quitter sa pa- trie. II se re'fugia en France, oil il s'e'tablit en 1800. En i8o3, il fut attache' an bureau de traduction e'tabli au ministere des affaires e'trangeres, place qu'il conserva jusqu'en 1817, e'poque oil il fut adniis a la retraite. Devenu chef de ce bureau , il travail la sous la direction du prince de Talleyrand et des dues de Cadore, de Bassa- no et de Vicence; il les suivit a Berlin, a Vienne , a Varsovie , a Bayonne , a Erfurt , a Wilna et a Dresde, et jouit constamment de leur confiance. M. Heiberg a done eu 1' occasion de faire conuais- sance avec plusieurs personnages qui, sous l'empire , jouerent un role politique assez remarquable. II raconte a leur propos plusieurs anecdotes inte'ressantes et qui sont e'galement pre'eieuses pour l'his- toire et pour la biographic M. Heiberg, qui reside encore aujourd'hui en France, y jouit de l'estime due a son talent et a son beau caractere. Un de ses e'crits : Sur V abolition de la peine de mort, y a obtenu les suffrages' de ses nouveaux compatriotes. G. B — m. ALLEMAGNE. 78. — Das Thierreich geordnet nach seiner organisation. Le regne animal range d'anres son organisation , par M. le baron Cuvier, traduit sur la ae edition, avec des additions, par F.-S. Voigt , dirccteur du jardin botanique a Ie'na. Vol. I,contenant les marnmifercs et les oiseaux. Leipzig, 1 83 1 j Brockhaus. In-8" de 997 pages ; prix , 16 francs. Si M. Voigt s'e'tait borne' a une simple traduction de I'ouvrage si connu et si estime de M. Cuvier , nous ponrrions nous dispenser de l'annoncer ; mais le naturaliste qui s'est charge de transplanter I'ouvrage francais sur le sol de la litte'rature allemande a voulu faire davantage; il b;i a semble, pour nous servir de la figure cm- ALLEMAGNE. 355 ployc'e dans sa preface, que le palais construit et einbclli avec tant de savoir par l'auteur francais e'tait susceptible de rccevoir encore (pielques de'veloppemens , additions et ornemens. M. Voigt arrive trois ans apres la deuxieme edition de l'ouvrage de M. Cuvier; il a pu proliter de toutes les recherches qui ont e'te' publie'esdepuis 18-28; or , dans les sciences , chaque anne'e apporte maintenant une masse e'tonnante de connaissances nouvelles, surtout en histoire naturelle. Le naturaiiste allemand a d'ailleurs examine beaucoup d'objets du regne animal par lui-meme : il en a vu que M. Cuvier n'a pas eu occasion d'observer. Comparant le teste fran9ais aux ouvrages qui y sont cites , le traducteur a pu rectifier aussi quelqucs passages et corriger de le'gercs inadvertances qui pcuvent e'chapper meme a 1' es- prit le plus exact, dans une matiere aussi vaste que le regne entier de la nature animale. Le traducteur e'valuc ses additions a plusieurs milliers ; et , en effet , a ne voir que le premier volume , on trouve quelqurfois une serie d'especes , et meme des genres entiers inter- cale's avec la signature du traducteur dans le texte de M. Cuvier. Pour n'en citer que quelques exemples, M. Voigt ajoute, atix details a la ve'rite' un pen trop concis de M. Cuvier sur la race humaine, la class i(i cat ion de Blumcnbach, qui date d'un demi-siecle , et d'apres lequel on distingue dans la race humaine cinq especes , ou , si Ton veut , autant de varie'te's. II ajoute l'analyse du Me'moire de M. Bory Saint-Vincent sur les quinze varie'te's de son systemc. Quoique ce travail ait clioque' les Allemands par quelques phrases peu re'fle- chics , M. Voigt reconoait pourtant que la classification de M. Bory Saint-\'incent a e'te ve'rifie'e et trouve'e exacte. En parlant des deux especes du coati, M. Voigt a pre'fe're les descriptions du docteur Rengger a celles de M. Cuvier, qui lui paraissent confuses. Au sujet du dipus, le traducteur a profite du me'moire de Licbtenstcin sur le Garbois (Berlin, 1828), et il en fait connaitre douze cu treize especes de plus que son original. C'est surtout dans la fa- mille des oiseaux que les additions du traducteur sont nomhreuses. II e'numere une vingtaine d'especes de gobe-moucbes dont il n'est pas parle dans l'ouvrage fran9ais. Les additions sont encore plus fortes au texte qui traite du genre des colombes. Ici M. Voigt e'nu- mere uri especes qui inanqucnt pour la plupart dans l'ouvrage de 356 LIVRES ETRANGERS. M. Cuvier. Ces additions e'taicnt-ellcs toutes nc'cessaircs? voila cc que nous ne nous permettons pas dc decider; nous nous bornons a constater le fait et la peine que s'est donne'e lc traducteur pour completer l'original. Au rcste M. Voigt rend un bel hommage a l'ouvrage francais. II avoue que , plus il a e'tudie' son auleur , plus il a etc entraine a l'admiration de son profond savoir, du tact in- comparable de M. Cuvier a signaler les traits les plus caracte'risti- ques, et a la concision classique de son style. Sans doute M. Voigt apportera lc meme soin a la traduction des autres parties du manuel du naturaliste francais. 79. — VeTsuch einer systematischen Behandlungder empiris- chen Psychologic — Essai d'un expose systematique de la psycho- logic empirique; par Franc. Har. Biunde, professeur de philoso- phic a Treves. Treves, i83i ; F. A. Gall. 2 vol. in-8°. La science que les Allcmands enscignent dansles colleges sous lenoin de psychologic est la the'orie des sensations , qucronn'enscignenulle part en France, maissur laquelle il ae'te'publie des ouvragespar Con- dillacet Bonnet. En Alleraagne, ilexiste peut-etre cinquanteouvrages e'le'mentaires sur cette science. M. Biunde vient d'en augmenter le nombre par un nouvel expose qui parait devoii etre plus e'tendu que la plupart des ouvrages prece'dens, puisque les deux volumes qui viennent de paraitrc nc sont annonce's que comme une premiere li- vraison. L'auteur a l'avantage d'etre au fait de tout 011 de presijue tout cc qui a e'le' public sur la psychologies il cite souvent les opi- nions de ses devanciers, soit pour s'en appnycr, soit pour les re'fii- tcr. II commence par indiquer les sources 011 Ton pent puisei- les connaissances relatives a la science qu'il traite. Dans cc chapitre, on trouve la liste de la plupart des ouvrages psychologiqucs qui ont paru jusqu'a present. M. Biunde parle ensuite de la me'thodc 011 du systeme dc la psychologic, puis dc la division. II entire ensuite en matiere en traitant d'abord de la vision, puis dc ['intuition et des perceptions; il est amene dc la a s'occuper dc l'miagination et de tous ses phe'nomenes. Lapense'cest le sujet du serond volume; l'au- teur entrc dans la the'orie des idces, traite de la raison envisage'e comme faculte dc penser, de la conviction, de la foi. Nous n'indi- quons ici que les principales matiires; car l'auteur y rattache nue ALLEMAGNE. 357 foulc dc matieres sccondaircs ct fait de frequentcs excursions sur le terrain de la me'taphysique et meme de la philosophic. II nous sem- ble qu'il e'tend un pen plus qu'il ne convient, les limites de la psy- chologic II est vrai qu'on ne peut guere traiter convenablement de cette science sans emprunter quelque chose a la me'taphysique: aussi ferait-on mieux peut-etre de la rattacher a cette der- niere science ou a la logique. En general , M. Biunde est un pen diffus dans son enseignement , et ses e'leves doivent avoir quelque peine a se retrouver dans cct ouvrage trop e'tcDdu : pour des livres e'le'rnentaires il faut plus de brievete' et de clarte. Du reste , on recon- nait dans M. Biunde un professeur qui a beaucoup me'dite et beau- coup lu. Ge qu'il dit de la physiologie du somnarnbulismc ne pa- ra itra peut-etre pas suffisant aux me'decins qui connaissent toutes les observations faites dans les derniers tems. D — g. 80. — Uber die JYothwendigkeit durch greifender Reformer bei der gegenwartigen Lage Deutschlands. — Surlz ne'eessite' de re'formes ge'nerales dans l'e'tat actuel de 1'AUemagne, par K.-H. Jurgens. Brunswick, i83i; Vieweg. Parmi tous les ouvrages politiques que les circonstances actuellcs ont fait e'clore en si grand nombre dans 1'AUemagne , celui-ci me'rite sans contredit d'occuper la premiere place. L'auteur, quoique par- tisan des re'formes, est loin d'etre ce qu'on appelle aujourd'hui un revolutionnaire , car, s'il present aux gouvernans la justice, la moderation , la sagesse et le patriotisme dans un langage plein de raison et de convenance, il engage en menie tems les peuples a ne jamais sortir des voies le'gales. Suivantlui, le gouvernement repre'- sentatif est le meilleur , le plus conforme a la dignite' de 1'homme leseul convenable de nos jours a une nation grande, puissante et amie de la liberte ; mais , pour que cette liberie ne soit pas un vain mot , M. Jurgens demande que tous les actes de l'administration soientmis au grand jour, que la presse soit libre et les pouvoirs de 1'Elat in- de'pendans les uns des autres. II exhorte les gouvernemens a ne pas ajourner indefiniment les re'formes et les principes de regeneration sociale, mais a saisir 1'in- stant favorable de faire aux peuples toutes les concessions raison- nables. II montre aux souverainsle danger des demi-mesures , et leur 358 LIVRES STRANGERS. rappelle le triste sort du vcrtueux Louis XVI , qui , par son extreme bonte, la versatility de ses opinions, ses irresolutions ct surtout par son aveuglc confiance dans ses courtisans et une noblesse sans ccssc interpose'e cntre lui et la nation , arriva au dernier degrc du mallieur. II pretend que 1' amour du peuple est lc vrai et unique souticn de la royaute, et qu'on ncs' oppose jamais en vain aux volonte's precises d' une nation, a 1' esprit du siecle, et aux progres de la raison hu- maine. 11 termine enfin ]iar cettc citation de YHisloire de la revo- lution francaise par Mignet : « II est des momens oil Ton a l'ini- tiative des sacrifices ; il en est d'autres oil il ne rcste plus qu'a se donner le me'rite de leur acceptation. Les concessions ne satisfont qu'avant la victoire. » Si tons les de'positaircs du pouvoir se penelraient des sages prin- cipes contenus dans l'ouvrage de M. Jiirgcns et les mettaient en exe'- cution , le bonbeur des peuples reposcrait dc'sormais sur une base ine'branlable. P. Himly. S\. — Lehrbuch der historische Propaedeutik. — Manuel d' etudes pre'paratoires a la science de l'bistoire; par Frederic Reiim. Marbourg, i83o. In-8°. La chronologie , la geographic , I'ethnographie et la ge'nealogie , sont des sciences que , sous le rapport historique , 1'auteur qualifie d'e'le'mentaires. En consequence , il consacre a chacunc d'elles un examen et un resume particulier, en indiquant de la maniere la plus complete possible les sources oil il faut puiser et les principaux ou- vrages de 1' erudition moderne. II ne se borne pas a cela: il expose l'e'tat de la science , en fait connaitre a ses lecteurs les parties les plus essentielles , et leur abandonne le soin de suivre la route qu'il leurindique. II y a, dans cette division relative a la chronologic, un grand talent d' exposition et une louable rapidite de style ; toutes les cres sont indique'es , toutes les regies de calcul appre'eie'es, L'auteur reconirnande l'usage et surtout la composition de tables synchronis- tiqucs , et dans une note il en cite unbon nombre de forts recomman- dables. Colics que vient de donner M. Humbert n'avaient pas en- core paru; mais nous rcgretterons qu'il ait garde le silence sur celles que M. Lamp de Strasbourg a public'cs en i&*5. On pense ALLEMAGNE. 35c) hien que pour la geographic il n'a pu suivre la memo mc'thode que pour la chronologie, ni parcourir la terre avec ses lecteurs commc il avait descendu avec eirx le cours des ages. Cependant il examine I'e'tat des connaissances ge'ograpliiques chez les diffe'rens peuples , ct a cette occasion je remarquerai qu'il fait vivre Scylax 3()o ans avant J.-C, contrairement a 1'opinion de MM. Niebulir et Lc- tronne. J'engagerai fort 'es lecteurs «a me'diter ce qu'il dit de la geo- graphic du moyen age. Les chapitres de 1' ethnographic et de la ge- nealogie comportcnt raoins de dc'veloppemens. Ayant ainsi passe en revue les sciences element aires de 1'histoire , il en vient a celles qui lui servent d'auxiliaires ; telles sont la philosophic , la gram- maire , le droit public. La philosopbie a son histoire particuliere ; par grammaire il entend surtout la connaissance des langues , sans laquelle il n'y a pas de recherches possibles. Dans une autre sec- tion il est parle d' historiomathie , e'est la critique des faits , la re- cherche de la ve'rite. La , sont examinees les sources de 1'histoire , les traditions , les monumens , les me'dailles, les e'erits , les inscrip- tions , les chartes , etc. Enfin Ton donne des regies pour ecrire 1'histoire , et Ton donne l'histoirc de 1'histoire elle-meme. L'ouvrage est termine par un sommaire dc lecons qui divise la science en e'poques et rapporte a chacune d'elles tons les titres d'ouvrages a consultcr. II y aurait un grand avantage a suivre un pared guide : de quelquc partie de 1'histoire qu'on voulut s'occuper, on serait assure de ne rien omettre d'important. P. de Golbkry. 8a. — Uber die neuere Revolution in Frankreich. — De la Revolution nouvelle en France : Un mot de saison e'erit a Paris en septembre i83o. Leipzig, 1 83 1 ; Brockhaus. In-8 ' de 6(3 pages. Nous sommes surpris de voir un e'erit aussi insignifiant sortir dc la librairie de M. Brockhaus, qui ne publie ordinairement que des ouvrages utiles. A quoi sert aux Allemands, qui ont vu avec tant de satisfaction le triomphe de la liberte' en France , un pamphlet car- lisle dont l'auteur ne parait pas avoir jamais e'te en France, quoi- qu'il pre'tende avoir e'erit son factum a Paris? La maniere dont il parle des journaux, de l'esprit public, des libe'raux, prouve qu'il ne conntiit point ce pays, et qn' avant d' ecrire sur la revolution de i83o il aurait mieux fait d'en e'tudier les causes. Cc pamphlet et un 260 L1VRES ETR ANGERS autre qui a paru , dit-on , a Berlin , sont probablement les settles voix discordantcs qui se soicnt fait entendre au milieu des acclamations avec lcsqueiles le rc'lablissemcnt de la libcrte francaisc a e'te'accucilli en Allemagne. D — g. 83. — Wallenstein , historischer Versuch. — Essai bistorique sur la vie de Wallenstein , par Jean Sporschil. Leipzig, 1829 ; Fischer. L'auleur commence par de'clarer que, s'il a publie cette biogra- phic, e'est uniquement dans l'intention de dissiper entierement les nuages obscurs qui couvrcnt encore la vie politique de Wallenstein, malgre les beaux, vers de Schiller et les nombreux e'erits de toute espece qui ont paru sur cet homme extraordinaire. II pretend avoir poise aux meilleures sources pour peindre avec autant deve'rite que de precision le caracterede cet dlustre guerrier; mais, en parcourant l'ouvrage, on est frappe de la partialite avec laquelle M. Sporschil s' attache a justifier la conduite de Ferdinand n pour blamer sans me- nagement celle de Wallenstein. Son enthousiasme pour 1'empereur est si grand qu'il va presque jusqu'a fairc l'apologic des assassins de Wallenstein, en transformant leur crime en un actc de justice. Mais la partialite de l'auteur une fois reconnue , on est force' de mention- ner houorablement les nombreuses recherches auxquellcs ils'est livre' el les details pre'eieux et palpitans d'inte'ret que contient son ouvrage. II e'erit en homme consomme dans l'art bistorique, et ses re'eits sont toujours pleins de vie et de couleur. La description qu'il fait de la guerre de trente ans est surtout empreinte d'un grand cachet de ve- rite' , et ses observations sur les operations militaires , sur l'esprit et les mceurs du tems, re'velent un talent fort remarquable. II ter- minc en declarant que Fexemple dangereux de reliellion donne par Wallenstein a l'armee fut cause que plus tard les ge'ne'raux autri- chiens ont c'te mis si rigourcusement dans la de'pendance du conseil aulique. P. HlMLT. 84. — Physiologie des Menschen, etc. — Physiologie de 1' homme, par Frederic Tiedemann, professeur d'anatomie et de physiologie a 1'universite de Heidelberg. Tome 1 : Considerations ge'nc'rales sur les corps organiques. Darmstadt, iS3o; Leskc. In-8Q de xiv -7 19 pages. ALLLMAGNE. SUISSE. 36l 85. — Fersuch einer Phjsiologie des Schlafes , etc. — Essai sur la pbysiologie du sommeil; par Em. L. H. de Benheim. Leipzig, i83i; Comptoir d'industrie. 2 volumes in-8°. 86. - Zeitschrift fiir die Ophthalmogie, etc. — Journal dc l'ophthalmogie, publie de concert avec beaucoup de me'decins, par ledocteur F. A. d'Ammon. icr volume : i" et 2e caliier. Dresde i83i ; Waltber. In-8° de 276 pages. 87. — Geschichte derlprotestantischen Theologie , etc. Histoire de la tbe'plogie protestantej par le docteur G. J. Planck. Gcettingue, i83i; Vandenbceck et Ruprecbt. In-8° de xii-370 pages. 88. — Ueber das Schuldwesen, etc. — De la dette dans les Etats del'Europe acluelle; par le docteur K. S. Zachari.e. Leipzig, i83o. Hinricbs. In-8° de 70 pages. 89. — Tableaux genealogiques et historiques de V 'empire bri- tannique, accompagne's denotes critiques et de quatre dissertations historiques critiques; par F. baron de Reden, ministre d'Etat dc S. M. B. Hanovre, i83o; Habn. Grand in-fobo. go. — Geographische Beschreibung , etc. — Description ge'ograpbiquc des grands-duches de Mccklenbourg-Schwerin et Mecklenbourg-Strelitz; par Gustave Hempel. Neu-Strclitz , 1829. In-8° de viii- 1 47 pages. SUISSE. 91- — Notices genealogiques sur les families genevoises , dcpuis les premiers terns jusqu'a nos jours; p:ir J.-A. Galiffe , c. g. Geneve, i83i ; J. Barbezat et compagnie, rue du Rhone , n° 177; et a Paris, rue des Beaux- Arts , n° 6. 92. — Materiaux pour V histoire de Geneve; recueillis et pu- blic's par le mime. Geneve, i83i ; le meme. 2 vol. in-8" ont paru. II fut question au congres de Vienne de reunir puremcnt et sim- plement Geneve a la Savoie, c'est-a-dire au royaumc de Sardaigne. Qu'importe Geneve! disaient quelques diplomates de mauvaise hu- meur, Geneve n' est qu'un point. — C'est vrai, mais e'est un grain de irnlsc gui parfume l'Europe , rcpondit le comto Capo-d'Istrias , TOME LI. AOUT T S3 1 . %£. 362 LIVRES ETRANGERS. alors reprc'sentant de la Kussic an grand bazar dcs peoples , aujour- d'lmi president de la Grece divise'e. Geneve, a laqnelle s'inle'rcssait l'ciiipereur Alexandre, pre'sente en effet plusicurs points d'un haut inte'ret pour quiconque ne voit pas tout dans le nombre des homines et l'e'tendue du territoire. M. Galifl'e nous apprend que Mmc de Stacl avait etc sur le point d'e'erire l'histoire de cette petite re'pu- bliquc, ct que Mirabeau en avait e'erit une qui s'est perdue. Beaucoup restent, mais aucune n'est bonne, M. Galit'fe s'en plaint. Zelatcur ardent de l'e'cole historique a laquelle appartient M. de Barante, il ne voit l'liistoire que dans les archives , et il a entrcpris de publier celles qui lui ont paru rc'pandre du jour sur l'histoire desa patrie. Ses Notices sur les families genevoises ont pour les gens du pays un inte'ret qu'elles ne peuvent avoir pour des e'trangcrs. C'cst un livre de faraille dans l'acception la plus rigoureusc du terme. II a cependant ccla d'un inte'ret general , que Geneve est une espece de canton compose de toutes sortes de peuplcs. Ce petit asile ouvert de bonne heme aus homines persecutes a pris de l'importance par ccux meme quelle accueillait, et, par la plus sage et la plus le'- gitimc des politiques, elle a profite des fautes de ses voisins et s'est enrichic a leurs de'pens, s'est revetue de lcurs depouillcs. C'cst ainsi qu'on trouve a Geneve des Francais , des Italiens , des Anglais, des Turcs meme. Le livre de M. Galiffe est curieux a par- courir sous ce point de vue; l'auteur, fort habile sur les genealogies, nous fait remonter souvent bien haut ct voyager bien loin. Son introduction est amusantc. II nous montre de grands noms de'ehus , et je me rappelle a ce propos avoir cntendu parlcr au pays de Vaud d'un taupier, cousin germain du roi de Sardaigne. C'est pour obvier a de semblables catastrophes autant que pour chatouiller ramour-propre national que l'auteur a entrcpris ses laborieuses pu- blications. II cite dans son introduction la requete d'une veuve au conseil , en 1 54o , demandant la permission de sc remarier , attendu quil j a deja cinq mois quelle est veuve. Cette impatience , cette hate d'une veuve de cinq mois ne donne pas une haute idee de la Constance des Arte'mises genevoises du scizieme siecle. Lcurs dots n'e'taient pas brillantes cependant , car une demoiselle de bonne maison n'apportait a son mari que ncuf florins de dot et Suisse. 363 pour trois florins de joyaux. C'e'tait au quinzieme siecle. Le florin genevois fait moins dc dix sous de notre monnaie. «Messire Ame'de'e de Viry, chevalier, noble Jean de Viry et vingt-deux autres furent garans , en 1 43o , de la dot de Jeannette Guignet , femme de Jean- Gervais de Sisegnin , de douze livres dont quarante sols furent paye's d'avance. » En ce tems-la lesnotaires e'taient fort conside're's et souvent anoblis. II y avait infiniment peu de me'decins. On en compte deux ou trois par generation. On se faisait traiter par les barbiers. M. Galiffe re- marque en meme terns l'extreme rarete des malades. Les apothicaires e'taient de families nobles et riches. Outre les drogues, ils vendaient les cierges pour les enterremens et des e'pi- ceries. Quelques-uns meme e'taient patissiers. Les families e'taient fort nombreuses ; les lilies se mariaient de 1 5 a 17 ans , et on a pu voir par la requete de la veuve de cinq mois que les veuvages n'e'taient pas longs. Tous ces details et beaucoup d'autres ont de l'inte'ret et recom- mandent Fouvrage de M. Galiffe. Ce sont des documens tout prets pour les Walter Scott genevois , s'il y en a. lis sont de bon aloi , car il parait que l'auteur a e'te vingt ans archivistc de la re'publique. Le second ouvrage contient des mate'riaux non e'labore's , range's dans l'ordre chronologique, aussi haut que l'auteur les a treuve's. II rapporte , entre autres pieces a consulter , le texte de divers proces politiques intente's par les dues de Savoie contre les citoyens mar- quans de Geneve. Nous ne le suivrons pas dans les details de toutes les dissentions des bourgeois et de leur e'veque* nous renvoyons a son livrej ce n'est ici qu'une annonce. D'ailleurs il est probable que nous serons appele's a y revenir , puisque deux volumes seulement ont paru et que l'auteur compte leur donner une suite. Nous avons dii constater l'existence de cet ouvrage de conscience et d' erudition comme une espece de phe'nomene , car nous ne sachons pas qu'on puisse trouver ailleurs un homme qui consentit a se consacrer a des travaux aussi laborieux , aussi ingrats sous tousles rapports, dans la seule vue de l'utilite publique , et cela dans un tems de revolution. Ce nj?st pas que l'auteur soit un e'rudit en us, sans connaissance du tems present. II nous dit dans ses prefaces qu'il a voyage par 24- ;»f>4 L1VRES KTRANGKRS. toute I'Knropc , et nous avons cu sous lcs yeux quelques brochures delui, ou il nous scmble avoir suivi le inouveincnt curopccn d'un ceil sage ct intelligent. 11 paratt connaitrc Lien 1'Angletcrre, ct nous nous souvenons d'unc lettre sur le clerge anglais oil nos doctrinaires, pe'tris d'angloinanie, pourraient apprendre que tout n'est pas a imitcr dans cc pays-modelc, ct qu'il faut a la France rajeunic et re'gc'nc're'e des institutions nioins caduqucs que cclles qu'ils vont pronantde lieu en lieu. Mais a quoi bon lcs conscils? C'est le discite justitiam de Virgilc. Pcrsonnc ne l'apprend. 0. ITALIE. ()3. — Annali universal i di agricoltura , etc. — Annates universelles d'agriculturc, de l'industrie ct des arts e'eonomiques. Milan , i83i ; a la Socie'te des Annales universelles. ( Yoyez Revue Encyclopedique , t. xxxvn , p. 737. ) Le cahicr de mai et juin dc cet inte'ressant recueil contient un grand uombrc de notices sur la culture du rainier ct l'e'ducation des vers a soie. II parait que l'ltalic est bien convaincue de l'impor- tance de cette exploitation , qui est aujourd'hui l'une des principales sources de sa ricbesse commercialc , et que des concurrences plus ou moins redoutables commenccnt a nienacer tres-se'rieusement. Trois Me'moires de M. Bonafous, de'ja public's en francais, sont ici en ilalien ; M. le docteur Lomeni rend corapte des experiences qu'il a faites sur la nourriture des vers a soie avec les feuilles de salsifis ! scorsonera hispanica ) ; les resullats de ses cssais n'encouragcront point de nouvelles tcntatives pour entreprendre de faire produire dc la soie aux pays dont le raiirier ne s'accomraode point • il y a tout lieu de penser que M. Lomeni a comple'fement rc'solu la question , et qu'il faut s'en tenir a ses conclusions. Nous devons faire aussi une mention particuliere d'un article intitule : Deux mots sur les mit- liers et sur les vers a soie. C'est un tres-bon re'sume'des counais- sances acquiscs depuis quelques anne'es sur cette partie de re'eonomie ruraleet manufacturicrc, rceuvre d'un philantrope c'claire, sincere, equitable , meine lorsq'ue les inte'rets dc toutes lcs nations semblent contraires a ccux de sa patrie. En parlant de 1' introduction du rau- ITALIE. 365 ricr ct des vers a soie dans les £tals-Unis , en Arne'rique , il ap- plaudit aux efforts de'sinte'resse's de notre compatriote Domergue , seconde's avec zele par M. Duponceau. II rappelle aussi cette inaxime ge'ne'rale que les agronomesperdent de vue trop souvent : Le meilleur moyen d'introduire tons les perfectionnemensdont I' agriculture est susceptible , e'est de perfectionner le moral des cultivateurs. Pour louer dignement la collection de ces Annales , il suffit de dire qu'on pent en juger par ce cahier. F. g4> — Succincta relazione del viaggio fatto in Abruzzo , etc. Relation succincte d'un voyage fait pendant l'e'te de 1829 dans I'A- bruzze et une partie de l'rhat pontifical, par M. Tenore; ouvrage lu a l'Acade'mie Pontaniana le 6 de'eembre de la meme anne'e. Naples, i83o; imprimerie de la Socie'te philomatique. In-4° de 90 pages. Ce voyage entrejiris par M. Tenore, professeur de botanique a Naples, de concert avec le professeur Mauri de Rome, et M. Or- sini d'Ascoli , avait pour objet de visiter scientifiquement les plus bautes cimes des Appennins dans les Abbruzzes. lis monterent d'a- bord sur le Velino, e'leve de 7,3oo pieds au-dessus du niveau de la mer et trouverent cette montagne riche de plantes remarquables , parmi lesquelles M . Tenore cite Y Euphrasia, la Daphnis glandu- losa, la Pulsatilla, Y Adonis distorta, le Ranunculus brevifo- lius , Ylberis stylosa, la Potentilla apennina , etc. Arrives au grand sas a'ltalie , el sur la limite dela region des glaces, ils de- couvrirent encore la Saxifraga glabella et YHesperis crucifera. 9.5. — Memoria slorico-diplomatiche appartenenti alia citta ed ai marchesi di Salluzzo , etc. — Me'moires historico-diploma- tiqucs relatifs a la ville et au marquis de Saluces , recueillies par 1'avocat.DeZ/moMuLETTi, de Saluces, etpublie's avec des additions et des notes par Charles Muletti. Saluces, 1829-1830; Lobetti- Bodoni. 4 vol. in-8° avec tableaux lithographies. Nous avons loue plusieurs fois ce patriotisme e'claire qui porteles e'erivains italiens des divers e'tats a ecrire l'histoire de leur palrie restreinte dans ses plus grands de'tails pour fournir des mate'riaux auxhistoriensdelagrandefamilleitalienne. Ilya dans ce travail un p,rand courage joint a une grande abnegation ; car il produit peu de 366 LIVRES ETRANGERS. gloire et n'a guere qu'un obscur mc'rite d'utilite. L'auteur de ces re- cherches n'a pas joui de la satisfaction meme le'gere que lew publi- cation pouvait lui procurer, ilestmortavant del'avoir acheve, son fds lesa comple'te'es etc' est lui qui les livre au public. Le raarquisat de Saluces a eu par sa position une grande importance militaire et politique pendant le moyen age , et mdme dans les dernieres guerres de la monarchic francaise en Italic On trouvera dans cet ouvrage les de'tails les plus exacts du role qu'il a joue dans les diverses phases des revolutions italiennes aussi bien que l'histoire de son gouvernement inte'rieur , et il est impossible d'e'erire une mono- graphic plus fidele et en meme terns plus intelligente. 96. — Classicorum auctorum e Vaticanis codicibus edito- rum , etc. — Classiques latins publie's sur les manuscrits du Vatican, T. I et IT , contenant la Republique de Cice'ron , les fragmens des harangues de Cice'ron de'eouverts jusqu'a present, ct des parties des Verrines , d'apres les anciens palimpscstes du Vatican ; avec des fragmens de Gargilius Martial , de Salluste et d'Archimede et sept tables d'airainj par l'abbe Mai, bibliothe'caire du Vatican. Rome , 1 83 1 ; de 1'imprimerie du Vatican. 2 vol. in-8°. M. Mai a pense que l'e'dition in-4° de ses magnifiques travaux pouvait etre inconnue de beaucoup de bibliotheques , et que I'in-8* servirait a completer ses editions de classiques faites sur ce format. Sans interrompre sa grande collection , il a done entrepris cette nou- velle publication qui n'est pas une simple re'impression, car il a ajoute beaucoup , soit aux textes , soit aux notes , soit a la pre'face qui precede le premier volume. On remarquera sur-tout dans ce vo- lume plusieurs fragmens de Proclus , tire's de son commentaire sur le dixieme livre de la Republique de Platon , imite's par Cice'ron dans le songe de Scipion. — M. Mai a enrichi cette e'dition non- seulement du fruit de ses propres recherches , mais encore des tra- vaux de Niebuhr et du professeur Peyron de Turin , qui ont re- cueilli de belles palmes dans le champ oil il moissonne a pleines mains. X.X.X. BELGIQUE. 97 . — Recherches sur Vinlensite magne'tinue en Suisse et en ltalie. Bruxellcs, iK3i; llaycz. In-4". BELGIQUE. 367 Ce nie'inoire fait suite a un autre, inse're dans lc sixicme volume dc 1'Acade'mie royale de Bruxelles , relativement a des observations sur l'intensite magne'tique, faites en diffe'rens licux de l'Allemagne et des Pays-Bas, pendant l'anne'e 1829. Les observations que publie actuellementM. Quetelet ont e'te faites pendant le milieu de l'anne'e dernicre; son catalogue comprend la plupart des points les plus re- marquables de la Suisse et de l'ltalie. L'auteur, en passant par Paris, avait eu la precaution d' observer ses aiguilles a l'Observatoire royal, dans le cabinet magne'tique de M. Arago , qui peut etre conside're comme une station normale. Les re'sultats qu'il a obtenus dans quel- ques endroits de la Suisse et du Tyrol s'accordent assez bien avec ceux qu'y avaient obtenus pre'ce'demment d'autrcs voyageurs ; mais des observations dans les Alpes ne sont pas favorables aux ide'es de M. Kupfer sur Taction des montagnes; il est remarquable en effet que les re'sultats obtenus a des hauteurs plus ou moins grandes , comme a Saint-Gervais , sur la mer de Glace , -au col de Balme , a l'hospice de Saint-Bernard, auSimplon, a Seefeld dans le Tyrol, pre'sentent a peu pres exactement les memes re'sultats que ceux ob- tenus dans les valle'es, comme a Sallanches , Servoz, Cbamouni , Martigny et Briegg. Les observations au sommet duVo'suve ont pre- sente' une anomalie considerable ; l'intensite horizontale y e'tait a peu pres comme a Lyon et a Munich. « II serait peut-etre inte'ressant , dit-il , de rechercher si le volcan n'a pas un centre particulier d'ac- tion magne'tique. Quoi qu'il en soit, il ne parait pas que l'intensite horizontale en soit sensiblement alte're'ea l'Observatoire de Naples. » line parait pas non plus que la presence des volcans e'teints , comme a Radicofani , produise des anomalies dans Taction magne'tique, ce qui porterait a croire que les anomalies naissent plutot des effets chimiques qui ont eu lieu dans Tinte'rieur des volcans en pleine ac- tivate. L'auteur regrette que nous posse'dions encore si peu d' obser- vations exactes sur Tinclinaison magne'tique , et il propose un petit instrument au moyen duquel on pourrait determiner a la fois l'inten- site' entiere dumagne'tisme terrestre, l'intensite' horizontale et Tangle d'inclinaison que forme Taiguillc aimante'e en un lieu donne'. II exa- mine les inconve'niens etles avantagesde cet instrument, qu'il croit pouvoir etre utilement employe dans un grand noiubre dc circon- stances. Z. 368 L1VRES ETRANGERS. 98. — Journal d' agriculture , d' horticulture , aV economic rurale et des manufactures des Pays-Bas, rccueil pc'riodique dc tout ce que 1'agriculture, I'horticulture , les sciences et les arts qui s'y rapportent offrent dc plus utile ctde plus inte'ressant ; public sous la direction de la Socie'te agricole de Bruxelles. Bruxelles , au bu- reau du journal , rue des Sablons , n° 28. Ce recucil , dont la premiere apparition fut a pen pres conterapo- raine de la naissancc du royaume des Pays-Bas , survivra long- tems a cette monarchic e'phe'mere. Lorsque le nouvel c'tat de ia Belgique sera consolide , les e'diteurs changeront sans doute ce qui rappelle encore , dans le titre de leur journal , un ordrc de choses aboli par la puissance nationale. Dans les deux cabiers minis de mai et juin de cette annee , on lit un extrait des Annales d' agriculture , oil quelques pre'juge's sur la culture des pommes de terrc sont attaque's avec les armes de l'expe- rience. On pense , on e'crit , on insere dans des livres tres-savans que ces tubercules sont beaucoup plus savoureux s'ils ont e'te forme's dans un sol le'ger, sablonneux et non fume : on regarde les engrais deposes dans un champ de pommes de terre conime une speculation de cultivateur peu jaloux de plaire aux gouts de'licats , ct sacrifiant la perfection du produit a son aboudance. Cette opinion est com- battue avec succes dans les Annales dJ agriculture , et les agro- nomes de la Belgique ont joint leur te'moignagc a celui des Fran- cais , en inse'rant leurs observations dans ce recucil. Bappelons a ce sujet un fait qui n'a e'te' vu qu'une seule fois hors de l'Eu- rope, et qui vient encore a l'appui de la doctrine d'horticultuie dont il s'agit : Un curieux se trouvait en Sibe'rie , vers le Go'' de- gre' de latitude. Au printems ( mai ) , il prit un pot de terre d'une dixaine de ponces de profondeur, garnitle fond de deux poli- ces de terreau , sur lequel il deposa une pomme de terre pesant moins d'une once; le pot fut ensuitc rempli de terreau provenant de fumier de cheval, ainsi que celui du fond. Six scmaines aprcs les premiers soins donne's a la jeune plante , le pot fut enteric dans une couche,etpar consequent la substance des engrais fut le scul ali- ment de la plante , qui parcourut le cercle entier dc sa vegetation annuelle. A l'e'|>Oque de la uialiirite des tubercules , le pot se trouva BELGIQUE. 36g totalcmcnt rempli; il fallut le casserpour fairc lare'colte. Leterreau du fond avait disparu • aucune parcelle n'en fut retrouve'e , en sorte qu'il avait e'te absorbe par le vegetal. Les tubercules s'e'taient moulds les uns contre les autres de manierc a ne laisser aucun vide, et pre- sentaient les plus e'tranges configurations : ajoutons qu'ils e'taient de la meillcure qualite, au jugeraent del'auteur de l'expe'rience, lequel se pique d'etre connaisseur en fait de pommes de terre. Cette expe- rience me'riterait d'etre renouvele'c . et ses re'sultats mis sous la sauve-garde de quclque reputation agronomique, afin de leur ouvrir l'entre'e de la science et de les mettre au rang qu'ils doivent occuper dans les sciences physico-e'conomiques. On acquerrait certainement. par ce moyen de nouvelles connaissances sur les mysteres de la vege- tation, de la nutrition des plantes , etc. F. 99. — Bibliotheque des instituteurs.N0S Ac de'cembre 1810, Janvier, fevrier et mars i83i. Mons, i83i ; les liliraires et direc- teurs des posies aux Icttres. (Ce journal parait tous Iesmois, par ca- biers de deux feuilles d'impression.) Une vive sympa:liie, que les derniers e've'nemens politiques ont encore augmented , a de tout tems e'tabli de nombreux et intimes rapports entre la France et la Belgique. Nos compatriotes ne verront done pas avec indifference l'annonce d'un journal public dans ce pays, en notre languc, et sur une niatiere qui inte'ressc, a si juste titre, toutes les classes de citoyens. Nous allons presenter une analyse rapide de ce que les nos ci-dessus offrent de plus remarquable. II semblerail re'sulter, du reste, de plusieurs articles de ce journal, dont nous n'avons pas a appre'eier ici la tendance politique , que la liberte' absolue de Tinstruclion e'le'mentaire , actuellement etablic en Belgique , n'y a pas eu d'heureux re'sultats , et que le nouveau gou- vernement n'a fait encore , pour cette branche si importante de l'ad- ministration , ni ce qu'il avait promis , ni meme ce qu'avait ope're , pendant de longues anne'es , le gouvernement de'ebu. Nous avons particnlierement reraarque', dans ces quatre nume'ros, les seuls que nous ayons eu sous les yeux , une suite d'articles sur un plan a" education physique et morale , qui pre'sentcnt des vnes mures et un ensemble du plus baut inte'ret. On ne pent douter que les enfans e'leve's d'aprcs ce systeme, auquel la pratique obligerait 370 LIVRES ETRANGERS. pcut-ctre d'apportcr quelqucs modifications , confies d'aillcurs a un institutcur ferine , bienveillant et e'claire, ne dcvinssenl vin jour des hoinmcs remarquables, ctsurtout,de vertueuxcthonorablescitoyens. On lira ensuite avec plaisir, des observations sur les recompenses et les punitions, sur la gymnastique e'le'mentaire d'apres Pestalozzi , sur l'cnseignement du desseiu line'aire , et sur la me'moire des yeux applique'c a 1' etude du dessein. La me'thode proposee par 1'auteur de ce dernier article, qui voudrait qu'on exerpat les e'leves a dessiner de me'moire, des signes d'abord, puis des figures, puis des tableaux entiers , est sans doute inge'nieuse et pourrait etre d'une application fort utile ; mais il nous permettra de ne pas croire avec lui , que l'e- cole de David avait tout materialise' ; que la peinture e'tait perdue sans les peintres romantiques , attendu quun rustre , avec de la patience, pouvait alors deuenir, indiffe'remment , peintre d'his- toire , menuisier , ou arpenteur ; ce qui , apparemment, n'est plus possible aujourd'hui. Que ne gaterait-t-on pas avec de pareilles exa- ge'rations ? Y. Z. LIVRES FRANCAIS. 100. — Cours d'Entomologie , ou d'liistoire naturelle des crus- tace's, des arachnides , des myriapodes et des insectes, a l'usage des e'leves de l'e'cole du Muse'um d'histoire naturelle; par M. Latreille. Premiere anne'e. Paris, i83i ; Roret. In-8° de 568 pages , avec atlas de 24 planches anatomiques; prix , i5 fr. Au milieu des questions palpitantes qui remuent toutes les intelli- gences , de cette pole'mique qui absorbe les esprits , de ces faillites qui tuent la librairie , de cette litterature qui cherche de nouvelles issues pour captiver nos imaginations blase'es , que vient faire un livre de science ? un livretout positif, l'ceuvre d'un professeurconnu par d'immenses travaux , qui preside encore aux destine'es de I'en- tomologie , qui e'tudie avec une scrupuleuse minutie les organes les plus cache's de la structure d'uu insecte, pour en de'duire de hautes considerations ge'ne'rales, apporter de nouveaux perfectionnemens aux me'thodes de classification , el ajouter sans cesse a un e'difice auquel sa vie entiere , longue et laborieuse, a e'te' employee ? Certes si le livre de M. Latreille n'avait pas un long avenir, il verrait le jour dans des circonstances bien de'favorables ; mais le nom de l'au- teur est pour lui une garantie de vieet de succes, et le calme, rame- nant le gout des etudes paisibles , lui ouvrira un e'coulement non mterrompu. Ainsi que l'indique le titre , ce volume est un resume' du cours que M. Latreille a fait en i83o, au Muse'um d'histoire naturelle; il devient done de premiere ne'eessite pour les e'leves qui suivent les lecons du Jardin du Roi. D'un autre cote, les entomologistes auront indispensablement besoin d'etre fixes sur les changemens que l'au- teur aura apporte's dans scs pre'ee'dens ouvrages , et sur les travaux les plus re'eens qui ont avance la science, soitde la part des auteurs lrancais, soit par les publications c'trangeres. 372 LIVRES FlUNgUS. Le discours d'ouverturc prcnd la science cntoniologiquc a l'ere linne'cnnc, pour la France, du moins, et relate toules les acquisitions qu'clle a faites aux diverses phases de notre situation politique, mais surtout depuis la paix. M. Latreille paie un juste tribut d'e'logcs aux voyageurs qui ont cnriclii lc Museum ; el e'est probablcmcnt par oubli que notre nom a e'te' omis dans cette liste; car les collections de crustaces ct d' insectes n'avaient point etc dedaigne'es dans le voyage autour dn raonflc de la Coquille , et les passer sous silence scrait pour le moins line injustice de la part d'un professcur du Mu- seum. M. Latreille s'attachc a definir les animaux invcrte'bre's en ge'ne'ral , et cette partie de son discours est remarquable par une eru- dition qui c'claire singuliercmcnt la question bistoriquc de la distinc- tion des animaux en diverses classes. De la l'auteur est conduit a proposer un nouveau nom pour designer les inscctes , c'csl celui de condylopes (pieds a jointures 011 articule's). Enfin un tableau de l'histoire ge'ne'rale de l'entoraologie reprend la science an terns d'A- ristote, parcourt I'espace des siecles, et la conduit jusqu'a ces der- niers terns. Personne n'e'tait plus a memc que M. Latreille de jeter de main de maitre une esquisse vive et vraie des phases qu'a subies une etude devenue aujourd'hui en quelque sorte populaire , ou du moins tres-re'pandue. Les condylopes {insecta , L.) sont divise's de la maniere qi;i suit : apiropoda : premiere classe, crustaces; denxieme classe , arachnides ; troisieme classe, myriapodes ; hexapoda: quatrieme classe, insectes. Les crustaces de la section des apiropodes torment la premiere classe; ils sont groupe's dans deux divisions, comprenant douze ordres, qui sont : les crustaces max illaires, de'eapodes , stomapodes, loemodipodes , amphipodes , isopodes , dicladopes , lophyropes , os- trapodes, pliyllopes , trilobites , xypbosures , sipbonosloines. La deuxieme classe, ou cellc des arachnides , pre'ee'de'e de con- siderations ge'ne'rales , se compose des pubnonaires, des aporobran- cbes , et des tracbe'ennes , formant trois ordres. La troisicme classe, les myriapodes , n'a que deux ordres, les cbilognatbcs et les cbilopodes. Knfin la quatrieme classe . ou cellc des insectes proprement dits, LIVRES FRAN£A.IS. 3j3 tstla pjusriche en divisions, car elie embrasse une multitude infinie i!c formes, fournies par un nombre effrayant d'especes, bien qu'on puisse les ramener a des types pen nombreux et distincts. Des ge'ne'- ralite's d'un liaut interet precedent les divisions admises par M. La- treille. Ces general ite's traitent naturcllcment de 1'organisation fon- damcntale de ces animaux , de leur anatomic , ou des connaissances les plus positives sur la texture des organcs , la nature des e'lc'mens qui les constituent, leur assemblage en systemes, et lesfonctions de ces derniers, puis les formes exte'rieures de l'insecte , les noms qu'on leur donne, etc. , etc. Ici les travaux les plus re'eens sontmis a con- tribution , et forment un ensemble complet de doctrine qu'on ne trouvc nulle part ailleurs. L' article Geographie des insectes est surtout d'un liaut interet. Les insectes proprement dits sont divise's en douze ordres , et quel- ques tribus que nous passons sous silence : les thysanoures ou les anoplures de Leach; les parasites, les syphonapteres , les coleop- leres, les dermapteres, les orthopteres, les lie'mipteres, les ne'vrop- teres, les hyme'nopteres , les le'pidopteres , les rhipipteres et les dipteres. On concoit que dans cette le'gere indication nous ne mentionnons pas une foule de coupes destine'es a faciliter singuliei'ement la clarte des dc'finitions , et a pre'eiser avec plus de chances de succes les re- clierches de ceux qui se livrent a l'etude de ces animaux. A la suite de ce vaste ensemble d'une me'tliodc ge'nerale, apres avoir resserre' et condense la matiere de la science proprement dite , mise an courant des de'eouvertes les plus re'eentes, l'auteur reprend les trois premieres classes, c'est-ii-dire les crustaces , les arachnides et les myriapodes? et les de'erit cbacune par des caracteres distinc- tifs et ge'ne'raux, en descendant ensuite a des divisions, a des sec- tions, a des families et aux genres. La quatrieme classe, ou celle des vrais insectes, manque done dans ce premier volume, et tout annonce que ce sera l'objet d'un second tome. La nature de ce recueil ne nous permct point d'entrer plus avant dans les distinctions scien- tifiqnesqu'il a pour but d'e'tablir. Les lecteurs spe'eiaux ne pourront sc dispenser de recourir a unouvragc qui est lc resume le plus sub- stanticl de rentomologie a l'e'poque actuclle. Vingt-cpiatre planclies 3y4 LIVRES FRANgAIS. gravc'cs par un burin pur et correct, font comprendre, par unc des criptiongraphiqucdes details anatomiques les plus de'licats, ce que la description n'aurait pu faire appre'eier coraple'tement. Ce livre, en un mot , est done indispensable a quiconque veut savoir cc que e'est qu'un insecte. Lesson. i o i . — Art de cultiver les jardins , ou Annuaire du bon jardi- nier et dc l'agronomie. Paris, i83i ; Roret. In-i8dcxxvni-(J46p. prix, 3 fr. 5o c. Au milieu du grand nombre de livres qui se publient chaque an- ne'e, ce manuel de 1'agronomie , qui compte plusieurs anne'es d' exis- tence , sc soutient avec faveur. La modicite de son prix le rend surtout utile a la classe des jardiniers-fleuristes, et les indications precises qu'on y trouve suffisent pour le simple amateur. Ce volume se trouve enrichi des ve'ge'taux introduits en 1 83o dans le commerce, et se compose d'un caleudrier de culture, des plantes fourrageres, des ve'ge'taux, des vergers, des principes ge'nc'raux d' horticulture, de la distinction des terres , des engrais , des multiplications des plantes (marcottes, boutures, greffes , etc.), dupotager, et enfin des plantes d'agrc'ment, range'es par ordre alpbabe'tique. On y trou- vera de'erites les nouvelles varie'te's de poiriers , de noisetiers , d'a- bricotierset de pommiers , obtenues re'eemment; lesarbres forestiers obtenus de semis ou hybrides; les nouvelles varie'te's de roses, car cet arbuste , veritable prote'e , est en possession de fournir chaque anne'e aux amateurs des roses dont les noms sont une sorte d'bistoire politique mobile des homines et des e've'ncmens. Aux roses Charles X , du Dauphin, de Madame, etc., ont succede en i83o la rose Philippe Iei , le bengale Socrate, etc. Les arhrisseaux de serres les plus remarquables parmi les acquisitions re'eentes sont les camelia fionia, imperialis , jloribunda et quelques autres, I'euphorbia- J T breony , etc. u- io2> Cours de mecanique industrielle , fait aux artistes et aux ouvriers messins, pendant les hivers dc 1827 a i3a8, et de 1828 a 18^9, par/. V. Poncelet, capitaine du genie, professeur de mecanique applique'e aux machines de l'e'cole spe'eiale de l'artil- lerie etdu genie, etc. Premiere partie (preliminaires et applications). Metz, 1829; madame veuve Thiel. In-8° dc 260 pages , avec vingt quatre planches. L1VRES FRAN^AIS. 375 M. Poncelet a de'die sonouvrage a M. Charles Dupin, ze'le prorao- tcurdel'enseignement industriel dans toute la France. Cet hommage est c'galement honorable pour 1'officier du genie qui l'a fak et pour l'acade'micien qui le recoit; l'c'cole industrielle de Metzsuffirait seule pour montrer a tous les peuples e'claire's quelle peut etre 1'influence d'une instruction plus e'leve'e, re'pandue parmi les classes ouvrieres. Les professeurs de cette e'cole ne sont paye's de leurs travaux que par les succes qu'ils obtiennent; cet encouragement ne leur manque point, et ils y ont double droit, car, apres avoir forme de bons e'leves, ils publient de bons livres pour guidcr les maitres et les disciples , assu- rer et multiplier les fruits de leur enseignement. M. Poncelet s'est de'voue a la propagation des connaissances en me'canique , entreprise plus difficile qu'on ne le croirait au premier aspect. II s'agit d'ac- coutumer aux theories deshommes imbus du pre'jugc'que la pratique est la source de toute instruction re'elle; de leur faire soupconner 1'iDsufGsance de ce qu'ils croient avoir appris d'eux-memes ou par les traditions des ateliers; deconvaincreune ignorance pre'somptueuse, en lui re've'lant la ne'cessite d'une etude bien dirige'e. A Melz, la classe industrieuse est entierement convertie a cet e'gard : le zele des e'leves e'gale celui des professeurs ; l'instruction n'y rencontre plus les obstacles moraux qui la retardent encore ailleurs; il ne resteplus a surmonter que les difficulte's des sciences memes , et surtout celles de leurs principes, ne'cessairement abstraits el trop voisins des te'ne- bres de la mc'taphysique pour que leur clartc n'en soit pas affaiblie. C'est dans cet e'tat que M. Poncelet a trouve la me'canique e'le'men- taire : il s'est attache a faire nattre les ide'es et les notions dans l'es- prit de ses auditcurs , au lieu de les presenter imme'diatement sous la forme de definitions ou de the'oremes. Dans un awant-propos qui n'cst pas fait pour les e'tudians , mais pour les hommes instruits qui voudront connaitre la me'thoded'expositionsuivieparl'auteur , cette me'thode est justifie'e par des motifs tellement plausibles qu'on pre- voit le terns ou elle sera gene'ralement adoptee , au moins dans l'en- seignement industriel. Transcrivons quelques-unes des pense'es utiles que M. Poncelet a re'unies dans cet avant-propos. « On pense bien que je veux , pour nos jeunes e'leves , une in- struction solide , appuye'e de donne'es positives et dechiffres exacts 376 LIVRES FRAN^AIS. nourrie dc principes d'une application immediate dans les arts; une instruction^tellc enfin quelle puisse portcrdes fruits des les premiers pas dc l'e'leve dans 1' etude, eta quelque e'poque que la ne'ecssite on son peu dc perseverance lui fasse quitter l'enseignemcnt dc la rae'ca^ nique; et cette opinion que je me pcrmets de jcteren avant a l'instant racrae 011 tant d'babilcs professeurs , pour re'pondre a l'appel de M. Dupin, tcntcnt d'ouvrir les voics les plus facilcs a l'instruction dc la classc industrieuse , servira , j'espere, a me mcttrc a l'abri des critiques qui pourraient de'sapprouvcr que j'aie compose un volume entier sur le de'veloppement dc principes en apparence Ires-simples, lorsque ces principes occupent a peine quclques pages dans les traite's ordinaires; de ce qu'enfin j'ai accorde tant d'espace a des applica- tions qu'on a coutume dc rejeter dans les recueils spe'eiaux , ct qui semblent trop complexes pour servir de simples exercices nume- riques. » Loin de craindre, en effet, d'en avoir trop dit sur les applica- tions , jc regrette , an contraire , que le terns m'ait manque' pour donncr tons les de'veloppemens necessaircs a cellcs qui concernent 1'ac ion des moteurs, anime's 011 inanime's, les divers frottemens ou resistances nuisibles des corps , et la force de reaction qu'ils opposent directement a la traction , a la compression , a la rupture , etc. Ces applicalions eussent en quelque sorte complete le tableau et l'e'tude des diffe'rentes forces que pre'sentent les pbe'nomenes de la mecanique industrielle; elles eussent servia donncr aux c'leves une connaissance substantielle de ces causes de mouvement , dont la nature intime e'ebappe a notre intelligence , quoiqu'elle se manifeste a nous par des effcts matc'riels si varies, si dislincts, et avec lesquels on ne saurait trop tot se familiariser par l'e'tude re'fle'ehie dc ce qu'clles offrent de plus simple ct d'imme'diatement mcsurable ou compre'bensible. Je compte poursuivre ces applications un peu plus tard, si cellesqueje public aujourd'bui sont favorablement accucil- lics, ct s'il m'est de'montre par Fexpe'rience ou par des avis e'claire's que jc ne me suis pas engage' dans une fausse route » II laut que la notion d'inertie , en mecanique , soit essentiellement obscure, car M. Poncelet n'a pas encore fait penetrcr asscz de lu- miere dans cette partie de la science. On e'vitcrait les cmbarras qui LIVRES FRANCIS. 3^ viennent a la suite de cette propriete, dont la me'taphysique a dote la maticre, si Ton se bornait a la consideration de la masse des corps, car on ne peut se dispenser de reconnaitre que la masse est une des dimensions de l'effet dont un corps est capable, en raison de son mouvement. Le mot dimension cstpris ici dans lesens e'tymologique pour de'sigoer chacun des aspects simples sous lesquels on peut con- side'rer une quanlite, pour lui appliquer la mcsure. Dans ce sens le mouvement a deux dimensions , la masse et la vitesse ; or c'est une loi gc'ne'rale du raisonnement qu'une quantite doit etre evaluee par le produit de ses dimensions , quel que soit leur nombre. Cette observation est la seule que nous ayons a faire sur cet ou- vrage, oil tout est mis a la porte'e de l'intelligence ordinaire , et dans l'ordre le plus conforme aux habitudes d'esprit que le travail manuel fait contracter, et qui mene cependant tres-loin dans la science ceux qui prendront la peine de l'e'tudier. Esperons que l'auteur achevera ce qu'il a si bien commence', et que nous aurons bientot un autre volume de ce cours de mecanique industrielle . F. i o3 . — Le Verificateur des escomptes , on me'thode neuve , simple et expe'ditive de verifier et de calculer les inte'rets par des nombres fixes, pour tel nombre de jours que ce soit, etc. ; ouvrage utile aux banquiers, negocians, fabricans , etc. ; par J. F. G. Pa- laiseau (Parisien), ancien comptable aux arme'es d'Allcmagne, d'Egypte, etc. Troisieme edition , augmente'e de quatre taux et de neuf fractions diverses a chacun d'eux. Paris, i83o; imprimerie dc Decourchant. In-4° de 8 pages ; prix , i fr. , au profit des veuves et des- orphelins viclimes des journe'es me'morables des 27, 28 et 29 juillet i83o, dont 1'auteur a etc' te'moin oculaire. La me'thode de M. Palaiseau n'est pas neuve : ses nombres fixes sont l'inte'ret d'un franc pour un jour et pour le taux indique'sur la rueme ligne; il ne s'agit done plus, comme il le dit, que de multi- plier ce nombre fixe par la somme et par le nombre de jours. Ce qui vaut mieux que sa pretendue invention , c'est l'usage qu'il fait du prix de son travail, la destination patiiotique qu'il lui assignc ; a la recommandationde 1'iitilite', son Ferificateur ajoute celle d'une bonne_action. Y. 104. — Dictionnaire topographique , historique et stutistique TOME LI. AOUT 1 85; . 25 378 LIVRES FRANCAIS. de la Sarlhe, stiivi dc la biographic ct de la bibliographic du Maine, par J. R. Pesciie, membre dc plusieurs socie'te's savantes. XVIe , XVIP et XVIIF' livraison. Le Mans , i83o-t83 1 ; Paris , Bachclicr, Lance. 3 cahiers in-8° de 96 pages chacun; prix dc la livraison , 1 fr. 5o cent, pour les souscriptcurs. La librairic de Paris a interrorapu ou abandonne' la plupart dc ses entrcprises : les circonstances difficiles ou nous nous trouvons n'empcehent pas la province de continuer ses publications. C'estque ces ouvrages , quoique privies asscz souvent des moyens d'annonce si bicn cxploite's dans lacapitale, exposent les besoins , c'clairent les in- te'rets particuliejs des de'partemens, tout en offrant matiere a l'in- struction des autrcs parties dc la France. Tel est le dictionnaire que nous examinons. M. Pesche aussi apportc plus de zele a le terminer que quelqucs-uns de ses nombreux souscripteurs ne meltent d' exac- titude a remplir leurs modiqucs engagemens. La 1 6C livraison contient la description de la ville et de l'arron- dissemenl de la Fleche. On a dit que cette A'ille avait pris son nom de la tour dc l'e'glise romane de Saint-Tbomas. La construction des clocbers en aiguille constitue un des caracteres de 1' architecture des Normands. Ce peuple belliqueux et intre'pide, apres avoir affronte' sur les cinbarcations les plus frcles les mers du Nord , voulul braver les orages par ses raonumens rcligieux. La foudre vient dc renverser une des fitches de la cathe'drale d' Angers; naguere elle a incendic la principale tour de celle de Rouen; en I7'i5, un ouragan cnleA'a et ti*ansporta a 40 metres dc distance la fleche dc l'e'glise de Saint- Thomas. Des 1c Xe siccle , la Fleche e'tait unc des principals villes de l'Anjou : tombe'e ensuite dans une extreme decadence, elle recouvra de la splendeur par les dons magnifiques et si impre'voyans que Henri IV fit aux jc'suites en t6o3 pour l'e'tablissement du college. Ce palais e'tait a peine acheve' quand ils y conspirercnt deja la pertc de leur bienfaiteur. A la procession , pour transferer le coeur dc ce roi a l'e'glise du college, un je'suitc apostropha ainsi un cure' pres duqucl il marcbait : Bos non arat cum asino. Cette e'eole ce'lebre, oil Cresset a compose presque tout Vert-Jrert, reunissait au XVIF sic- cle plus dc 1,000 c'lcvcs,parmi lesqucls des Amcricains, des Tar- LIVBES FRAN^AIS. !^9 tares , des Indiens , des Russcs , merae des Chinois : du moins les je'suites lc disaicnt pour se vanter de l'universalite de Icurs relations. Henri IV avait entendu doter ce college seulement de 20,000 liv. de rente; mais, en 1762 , le revenu de ses immeubles s'e'levait a plus de 120,000 liv. L'arrondissement de la Fleche renferme une population de 92,840 individus ; il a pre'sente pour les dix anne'es dernieres 8,285 consents pour ses 78 communes. La renomme'e qui soutient tant de reputations usurpe'es attribue aux volailles du Mans les qualitc's qui sont particulieres aux poulardes de la Fleclie. Telle est encore la routine que les especes de be'tail restent che'tives dans quatre can- tons , tandis que , dans ceux de Sable , de Brulon et de Mayet , les races sont estime'es ; commc la culture y est florissante a cause de l'exploitation de l'anthracile , qui , convertie en chaux , fournit un puissant engrais. La plupart des communes sont encore prive'es d'e'coles primaires. Dore'uavant les statistiques devront indiquer avec precision les lieux d'e'coles, le nombre des e'leves payans et gratuits, les allocations qu'elles recevront des conseils municipaux et de de- partement. On trouve e'galement dans les 17 et i8e livraisons des recberclies liistoriques , des renseigncmens cirrieux sur l'adminislration, 1' In- dustrie 011 ragriculture de chaque localite. Des repetitions e'taicnt peut-etre inevitables; le style est parfois neglige'; la partie ge'ologi- que parait moins irre'procbable que celle de l'arcbe'ologie , ([uoique 1'auteur ait seulement indique la plupart des antiquite's qui sont en si grand nombre dans le Maine. Des actes authentiques , commc un testament (p. 566 et suiv.), appartiennent an moyenage, qui, dans cctte province surlout , se perpe'tua par la fe'odalite'. D'autres notices sont gc'ne'alogiques : ces siecles ne faisaient de l'histoire que par les families nobles et par le clerge; et e'e'taient les moinesqui re'digeaient les le'gendes et les chroniqucs. Le dictionnaire biograpbique ramene aux e'poqucs les plus re'eentes, souvent a celle de la chouannerie. Ilcomprend, outre les personnages ce'lebres dans les sciences , la lilte'rature et la guerre , qui sont ne's dans le Maine , les foncticmnaires et autrcs personnages qui y ont reside : un des plus honorables est M. Auvray, qui a e'te pre'fetde la Sarthe pendant trcize 25. 38o LIVRES Fli/VNgAlS. ans. La ctflcbritc legitime ct incontestable de plusieurs Manceaux brille an milieu d'unc foule d'antres dont les onvrages et la vie ap- partiennenta l'oubli. Bclon inspira le goiit de la botaniquc al'undes fri-res Bcllay, 66e e'veque du Mans , qui mourut en 1 546 : ces sa- vans contribuercnt ainsiauxprogres de l'horticullure dans 1c Maine, qui en fait une de ses industries. Ce dictionnaire, qui procure des rectifications et des supple'mcns pour la biographic et la bibliographic dc France , est indispensable a tous les fonctionnaires de la Mayenne et de la Sarthe; des pre'fets , recteurs , e'veques , administrateurs se succc'dcront dans ce de'parte- ment en cxploitant l'ouvrage de M. Peschc. Isidore Le Brun. io5. — Essai sur la statistique de V arrondissement de La Fleche (de'partcment dc la Sarthe); par Th. Cauvin, ancien pro- fesseur, membrc de la Socie'tc royalc du Mans, correspondant dc cclle des Antiquaires de Normandie. Au Mans, i83i ; Monnoycr. In- 1 a de 3g6 pages. Voici un ouvrage consciencieux que nous rccommandons a tous les hommes qui aiment a recucillir , par gout ou par e'tat, des docu- mens statistiques exacts et complets. M. Cauvin , qui a deja consacre' d'utilcs travaux au de'partement de la Sarthe , continue sa tache la- borieuse avec un zele digne de grands e'loges. 1 06. — L' Organisateur beige, journal de la doctrine de Saint- Simon, public une fois par semaine , depuis le mois de mai i83i. Bruxelles, i83i ; on s'abonne au bureau, place de Louvain, n° 7. 107. — Letlres sur la religion et la politique , suivies de Ve- ducation du genre humain , traduit de l'allcmand de Lessing. Paris; i83i , au burca* de I' Organisateur. In-8° de 182 pages. 108. — Tableau synoptique de la doctrine de Saint-Simon. Paris, 1 83 1 j Everat, imprimeur. Une fcuille grand format. 109. — De la religion saint- simonienne , discours aux e'leves de l'Ecole Poly technique. Paris, 1 83 1 ; A. Mcsnier. In-8° de 70 p. 1 10. — Religion saint-simonienne : Enseignement central. Pa- ris, 1 83 1 j au bureau de V Organisateur. Deux brochures in 8° do xix et 6/j pages. LIVRES FRANCA IS. 38 1 1 1 1 . — Predication sur la constitution de la proprie'te. Paris, 1 83 1 ; au bureau de I'Organisateur. In-8° de 23 pages. H2. — Predication surles beaux-arts. Paris, 1 83 1 ; au bureau de I'Organisateur. In-8° de a3 pages. 1 1 3. — Religion saint- simonienne : La Presse. Paris, i83i ; au bureau du Globe. In-8° de 28 pages. 1 1 4- — -Economic politique , et Politique. Paris, i83i ■ au bu- reau du Globe. In-8° de 176 pages (1). Tous ces ouvrages se trouvent au bureau du Globe , rue Mon- signy, n° 6; salle Taitbout, rueTaitbout; et a l'Atbe'nc'e, place dc la Sorbonne. Cette longue liste d'ouvrages publie's depuis quelques mois, et dans laquelle nous n'avons pas compris plusieurs re'impressions (1), attesterait l'infatigable activite' des disciples de Saint-Simon , si elle ne I'e'tait d'ailleurs suffisamment par la publication de deux journaux a Paris, le Globe et I'Organisateur , l'un quotidien, 1' autre beb- domadaire; par des pre'dications et des enseignemens journaliers dans tous les quartiers de la capitale , et pour toutes les classes d'au- diteurs, savans, artistes, artisans, oisifs, prole'taires ; par des mis- sions sur presque tous les points de la France* par des conversions nombreuses et par la fondation de centres nouveaux de propagation dans un grand nombre de villes. Discussions sur 1' Industrie, la littc'rature, la the'ologie, la legislation, la morale, la politique exte- rieure et inte'rieure, les saint-simoniens prennent part a tout; sur quelque terrain que Ton se place , on les rencontre aujourd'bui. Cette apparition est sans contredit quelque cbose de fort extraor- dinaire : dans une epoque ou , malgre de grandes pretentions , toutes les forces sembleut absorbe'es par des recherches et des modifications de dc'tail , une doctrine qui ne tend a rien moins qu'a transformer (1) On annonce encore, coamme devant paraitre incessamment , les Leltres sur la legislation dans ses rapports avec Vindustrie et la proprie'te', par M. Decodhdejiakche , avocat; et le Recueil des jne'dicalions saint-simo- niennes. (2) Entre autres la troisieme edition del' Exposition ge'ne'rale [\ct \o\.) ([ui \ icnt d'etre raise en vente, et le 2" tirajjc du Resume dc cette exposition , public pour la premiere fois dans la Revue Encyclopedique. 382 L1VRES FRANCAIS radicalcmcnt les relations sociales , les theories scicntifiques et la pratique industrielle; dans une e'poquc ou tous les drapeaux sunt dc'colore's, oil les croyances sont tellcincnt chancel antes que les hom- mes les plus courageux cherchent a csquivcr la rcsponsabilitc de leurs opinions, une foi qui s'annonce hauteinent, parlant toujours a la premiere personne , dans des reunions solennelles ou la foule se presse; dans une e'poquc d'e'goismc oil la souverainete' individuclle est prononce'e au plus haut degre, des horames de talent et de ca- ractere, qui se soumettent volontairement a une hie'rarchie, qui abandonnent des positions avantageuses pour la carriere pe'nible de l'apostolat , qui , re'pandant avec profusion l'enseignenient par la pa- role et par l'e'criture, donnent le premier exemple d'un journal (le Globe) distribue gratuitement a quiconque de'sire s'e'clairer et peut en appre'eier les vues et la moralite , qui associent et instruiscnt les classes ouvrieres , et fondent des maisons d'e'ducation oil les enfans sont e'leve's sans distinction de naissance , pour recevoir ensuite , e'ga- lement sans distinction de naissance , une function ou profession ap- proprie'e a leur capacite' : assure'inent l'cnsemble de pareils actes pre'sente un tableau assez singulier , assez pen en harmonie avec les ide'es et les habitudes de 1' e'poquc pour me'riter d'etre e'tudie'. L'es- prit de coterie a bien pu imposcr sur ces fails un silence me'dite , a des journaux qui ne laisseraient point passer sans en fairc mention l'accident d'unc diligence verse'e, un banquet provincial, ou quel- ques centaines de francs offerts a une souscription charitable par un personnage en renom. Quant a nous, qui avons pour objet de faire connaitre tout ce qui nous parait me'riter d'etre connu , et qui pro- ce'dons dans cette tache avec toute l'impartialite dont nous sommes capables, nous nous sommes empresses de signaler la dectrinc saint- simonienne aux penseurs, en accueillant un resume de son Exposi- tion ge'ne'rale , quand elle s'est presentee a nous coinme le travail d'unc e'eole philosophique; nousy reviendrons encore au meme titre. Mais aujourd'hui que de la theorie nous la voyons passer a la pra- tique , ses progres incontcstables , et les solutions nouvclles qu'elie apporte sur les questions les plus vivantes de notre ordre social , nous font un devoir de la signaler aux hommes d'etat, aux philan- tropes, enfm a la classc la plus nomhreusc et la plus pauvre, dont ellc se met en mesure d'ameliorer re'elleraent la situation. LIVRES FRAN^AIS. 383 Lcs publications que nous nous bornons ici a annoncer seront l'objet d'un examen plus de'taille. Z. 1 1 5. — Principes du droit de la nature et des gens, par Marc Barreau. Paris, i83i ; Ladvocat. In-i6de 184 pages ; prix, afr. et '2 fir. 5o cent, par la poste. Ce volume devrait etre intitule : Principes du droit de la nature, du droit politique et du droit des gens; car l'auteur ne s'y occupe du droit naturel que dans ses rapports avec l'especc et la forme des gouvernemens; et, hormis deux ou trois chapitres pre'liminaires , le livre entiern'est, a proprement parler, qu'un petit traite de droit public inte'rieur et exterieur. Cela n'ote rien au me'rite de l'ouvrage; mais cette inexactitude du litre peut lui nuire, parce qu'on ne saisit pas bien , faute d'etre averti , la cbaine des ide'es de l'auteur. II e'tablit dans les trois premiers chapitres comment l'e'tat social est un besoin. Dans les suivans, il de'finit la liberte civile , de'montre 1'iIIegitimite de l'esclavage, et pose en principe que tous les hommes doivent participer a la confection des lois. Cette parti- cipation seule caracte'rise le citoyen. Puis il passe en revue les diffe- rens pouvoirs et les diverses formes de gouvernement. Sa pre'dilec- tion n'est pas doutcuse , il l'expose aussi adroitement qu'e'loquem- ment. Son but est la liberte du monde. Dans la seconde partie , il trace un plan de constitution. On remarquera son chapitre mal inti- tule' du Salut public, et qui traite de 1'instruction populaire , et son chapitre sur la religion civile et naturelle. II conduit enfin le corps social jusqu'a sa dissolution , c'est-a-dire jusqu'a I' annihilation complete du droit de proprie'te et jusqu'au retour au droit de tous sur toutes choses, e've'nement dont il y a eu pen d'exemples jusqu'a present. La troisieme partie traite du droit public exterieur ou du droit des gens. L'auteur y pose en these ge'nerale le principe de la liberte du commerce; puis il indique et de'finit les diverses sortes de trade's, d'alliances, de federations que peuvent former entre eux les gouvernemens et les peuples. Ce qu'il dit ici du systeme fe'de'ratif serait mieux place pcut-etre dans la premiere partie , puisqu'il s'agit de constituer line unite nationale. L'auteur examine ensuite quelques consequences du droit do guerre. — Au total le livre de M. Barreau est un tissu d'idoes saincs presentees d'une maniere ferme el pi- 38| LIVRES FRAN^AIS. quante; mais cc qu'il y manque, e'est la clartc. 11 est propre a for- tifier dans leur iuaniere de voir tin certain nombrc d'esprits vigou- rcux et c'claire's; mais il n'est malheurcuscment point destine a rendre ces ide'es populaircs. Tel aurait du ctre cependant le but d'un traite de cette dimension. C'est au peuple aujourd'hui qu'il faut que Ton s'adressc, non d'un style sentencieux, obscur, pas- sionne ct vehement, mais d'une maniere simple, claire et precise, de facon a operer dans son esprit la conviction. Car a quoi sert-il de precher sans cesse, et dans des livres, les convertis? B. L. 1 1 6. De la pairie , des liberies locales et de la liste civile, par /. Fievee. Paris, i83i ; Alexandre Mesnicr. In-8° de ioo pages; prix, 2 fr. 5o c. 117. Jeremie Benlham a ses concitoyens de France sur la chambre des pairs et les se'nats; traduit de l'anglais, par C. L. Paris, 1 83 1 ; Bossange. In-8° de 68 pages j prix, 1 fr. 5o c. 1 18. — Lettre sur Vheredite , a MM. les disciples de Saint- Simon, par le baron Massias. Paris, 1 83 1 ; Firmin Didot. In-8° de 24 pages • pr;x, 1 fr. 119. — Aphorismes sur la constitution primitive des trois pouvoirs du gouvernement representatif, offerts a la meditation et au jugement de MM. les deputes de la Chambre de 1 83 1 ; par lememe. Paris, i83i; Firmin Didot. In-8° de 36 pages; prix, 1 fr. 120. — Vues sur la nouvelle organisation de la pairie en harmonie avec la Charte de i83o; par le meme. Paris, i83i. Firmin-Didot. In-8° de 24 pages; prix, 1 fr. 121 . — De la pairie (Extrait du Journal du Loiret, avec cette signature, B. D. M. ). Oilcans, 8 septembrc i83i. In-ia de 1 00 pages. 122. — Projet de constitution de la pairie nouvelle; par M. Taillefer. Paris, i83i ; Lcbegue. I11-80 de 24 pages. 123. — Q11 'avons-nous fait , que devons-nous faire pour l or- ganisation des institutions republicaines de la monarchic ? par Aug. Billiard. Paris , i83i ; Mesnier. In-8" de 24 p.; prix, 1 fr. 124. — Courtes reflexions sur les pouvoirs e'lectifs el here- LIVRES FRAN^AIS. 385 dilaires , et sur Vequilibre qu'il faut etablir entre eux. Paris, 1 83 1 ; Ledoyen. In-8° de3i pages; prix, i fr. ia5. — Jiiillet 1 83 1. Premiers problemes a resoudre ; re- naissance du credit; organisation definitive de la pairie. Paris, 1 83 i ; Porthmann , imprimcur. In-8° de 28 pages; prix , 1 fr. 126. — P elites Lettres sur de grandes questions, adressees a M*** , membre de la Chambre des deputes. Lettre n° 9. He- redite de la pairie. Circonstances dans lesquelles se presente la question de I'heredite de la pairie ; par /. C. Bailleul , an- cien depute de la Seine-Infe'rieure. Paris , i83i ; Renard. In-8° de 44 Pages5 Prix > l 'fr- 5o c. I2^. — J)e I'heredite , Paris , i83i ; Lachevardiere , impri- meur. In-8° de 4 pages. 1 28. — De la pairie et de ses rapports avec la constitution de I'Etat. Paris, i83i ; Dclaunay. In-8° de 38 pages. 1*29. — De la pairie. Petition a la Chambre des deputes ; par /. Houel. Rouen, i83i; Briere, impriraeur. In-8" de iG pages. i3o. — Opinion sur la noblesse et la pairie he're'ditaire ; par Laiseaume. Paris, i83i ; Dondcy-Duprc. In-8° de 40 pages. i3i. — Simples questions sur I'heredite et la constitution de la pairie en France ; par M. Eugene Renault , avocat a la cour royale de Paris. Paris, juillet i83i ; Jes marchands de nouveaute's. In-8" de 18 pages. 1 32. — Examen du projet de hi sur la pairie; par le mime. Paris, aout i83i ; Blaise. In-8' dc 1 1 pages. 1 33. — QuJest-ce que la pairie ? Paris , i83i ; Delaunay. In-8° de 24 pages; prix , 1 fr. i34. — Rapports de la commission charge'e d? examiner le projet d 'article destine a remplacer V article 23 de la Charte constitutionnelle ; par M. Berenger ( seance de la Chambre des deputes du 19 septembre i83o ). De la longue discussion qui s'est e'tablie d'un bout de la France a Pauttfi sur la pairie, il nous serablc qu'il ressort deux faits bien clairs ; premierement , lc principc dc I'heredite politique est coni- plctcmcnl banni dc nos mceurs ct de nos croyances ; secoudement , 386 LIVRES FRANCAIS. liors de ce principe on ne sait plus sur quelles bases appuyer la pairic , de quel pouvoir la fairc c'maner, quel role lui attribuer dans les rouages du gouvernement repre'sentatif. Eu un mot, il est evi- dent que la plupart de ceux qui se sont occupe's de la question, en placant l'heredite hors de cause , sont arrives , mais sans oser l'a- vouer, a la conclusion que nous avons nous-memes tire'e dans ce re- cueil , de l'examcn que nous en avons fait , savoir , que la pairie est un pouvoir inutile ou dangereux dans le gouvernement de la Fiance actuelle et future. Geux-memes qui , comme le baron Massias , comme le Journal des Debuts et le Temps, se sont obsline's a de'fendre le principe de l'heredite', ont confirme d'une autre facon notre opinion, puis- qu'ils soutenaient line these rendue absurde par le sentiment profond d' aversion que la France a manifeste contre rhe're'dite' , dans les der- nieres elections. On peut resumer facilement toutc la discussion et en tirer , par de nouveaux raisonnemens , la consequence que nous avons expose'e. Nous voulons bien admettre rhe're'dite' dans les combinaisons pos- sibles , et , parcourant tous les modes proposes pour la constitution de la pairie , nous trouvons les rc'sultats suivans : La pairie he're'ditaire , d'apres les avantages meme qu'on lui at- tribue, entraine un esprit de corporation, ou, comme on dit, de conservation. Nous ne dirons rien de l'iniquite du privilege; nous nous en remettons au sentiment universel. M.Be'renger,en cherchant apres le Journal des De'bats a de'montrer la le'gitimite de l'aris- tocratie, pour justifier son utilite' renverse absolument la question : e'est tout le contraire qu'ilfallait ^^rouver. Mais, de la le'gitimite de l'aristocratie et del' utilite de rhe're'dite, dansquelqucs circonstances donne'es , comme en i8i5, lorsque Manuel et Benjamin Constant les appuyaient d'un te'moignage dont on tire aujourd'hui un si grand parti , conclure la ne'eessite de riie're'dite en tout e'tat de cause , e'est commettre une grossiere faute de logique. Les memes raisons qui faisaient,en i8i5, voter Benjamin Constant pour rhe're'dite, l'en- gageraient en i83o a seprononcer hautement contre elle : e'est une observation qui a pu e'ehapper a la commission, mais dont il n'est pas besoin de de'montrer l'cxactilude a des hommes de bonne i'oi. LIVRES FRAN§AIS. 387 Nous avouons volontiers , et cet aveu me'rite quelque confiance , nous avouons que si la fiction qu'on a e'cbafaude'e sur la revolution de i83o e'tait une re'alite, si nous avions effectivement une consti- tution tout entiere moins la pairie , l'he'rc'dite nous semblerait ne- cessaire dans ce vicieux gouvernement reprc'sentatif auxlrois pouvoirs e'quilibre's , les Chambres et le Roi, agissant et irresponsable . Mais quelles institutions fondamentales posse'dons-nous done pour oser jeter an moule pour l'e'tei'nite' un pouvoir dont il est difficile de pre'voir toute la force, etqui peut s'opposer a toutes les modifications qu'exige notre e'tat social et politique , modifications dont nous con- naissons encore moins l'importance et la forme ? Quoi ! notre Code electoral repousse des colleges les hommes qui possedent le titre le plus incontestable pour y etreadmis; il restreint, par le cens d'e'li- gibilite' le pouvoir souverain des e'lectcurs , en meme -terns qu'il e'loigne de la Chambre les capacite's peut-etre les plus actives et as- sure'ment les plus pures. Quoi ! nos lois d'impot sont a refaire en- tierement ; elles sont partout publiquement viole'es , a cause de leur forme vexatoire aussi bien que pour leur ine'gale repartition ; le peuple des prole'taires s'e'tend de plus en plus et reclame impe'rieu- sement une autre assiette des finances; quoi! nos communes ct nos de'partemens manquent d'une organisation forte et libe'rale; en un mot, tout l'e'difice politique etadministratif reste a construire, et vous allez des ce moment vous cre'er a plaisir un obstacle persistant ! Tout est a changer ou a modifier, et vous allez faire un corps con- servateur ! Le moment serait bien choisi ! Je sais que quelques vieillards nieront cette necessite des innova- tions; nous voudrions partager leur conviction, car le mouvement est une fatigue pour tout le monde; mais quiconque a e'tudie avec zele et conscience le malaise universel qui travaille toutes les classes de la population , et particulierement les plus nombreuses , sans oser pre'dire quelles seront ces modifications , ne peut s'empecher de croire que la socie'te est assise sur de fausses bases , et s'agitcra jus- qu'a ce qu'elle se soit approcbe'e de plus pres de la justice et de la ve'rite. M. Be'renger et l'auteur de la brochure intitulee : De la pairie et de ses rapports avec I'Etat, invoquent complaisamment This- 388 L1VRES FRANgAlS. toirc de la pairie he're'ditaire de la restauration pour prouver futi- lity de 1'aristocratie et de 1'bcreditc'. En vc'rite l'histoire est un instrument bicn dangereux dans la main de ccux qui l'cmploicnt sans discernement ! Nous avions pre'vu ct refute ce triste argument : nous sommes forces d'y revenir. N'est-il pas evident que lc role modera- teur adopte' par cette chambre lui e'tait dicte par sa faussc position dans une question mal pose'e ? Les pairs n'avaient-ils pas tout a perdre a l'e'tablissement du pouvoir absolu comme au triompbe de la souverainete' du peuple? La restauration a-t-clle e'te autre cbosc qu'une guerre sourde on de'clare'e entre ces deux principes , ct des lors la conduite de la Cbambrc haute n'e'tait-elle pas commande'epar la ne'ecssite oil ellese trouvait de mode'rer les tcntatives deces deux partis c'galcment hypocrites par des nceuds diffe'rens? Enfin la ques- tion n'a-t-ellc pas cntiercment change' de face aujourd'hui et la sou- verainete du peuple est-elle contcste'e par personne? Les pairsn'ayant plus a s'interposer entre deux partis antipathiques ne seraient-ils pas oblige's , a moins de s'annuler , de se cre'er des inte'rets propres a eux seuls ou coalise's avec des inte'rets exte'rieurs , tres-probablement aristocratiqucs? Mais d'ailleurs e'est choisir pour prouver i'uti]ite de l'he'rc'dite un singulier exemple que eclui d'un corps qui n'a ve'cu que quinze ans , qui s'est recrute' plusieurs fois par d'immenses fourne'es , et qui, aujourd'hui meine, ne renferme pas, je pensc, plus de dix a douzc membres admis par l'he're'dite. II est remarquable qu'on recuse l'exemple de la pairie anglaise toutes les fois qu'il s'agit des maux immenscs que ce corps fait peser sur la Grande-Bretagne et qu'on n'he'site pas a y recourir des qu'on pense y trouver une preuve de l'utilite' de 1'aristocratie et de rhe'- re'dite'. AiDsi M. Be'renger nous rassure d'abord contre le danger de voir se former chcz nous ces families qui de'vorent une e'norme partic des richesses nationales ; et puis il affirme ensuite que cette aristo- cratic est tres-paternelle, et il remonte tout le long de l'histoire d'Anglcterre pour nous montrcr les nobles prole'geant le peuple contre les vexations de la couronne : nous croyons avoir fait justice de cette analogic historique. M. Massias, qui se declare aussi pour riieredite , ne manque pas non plus de rapporter un mot de L1VRES FBANCAJS. 58g niadame dc Stacl, mot piquant comrae un paradoxe ct se'duisant comme un conte. « Mon fils ainc , fait-elle dire a un pair d'Angletcrre, n'a garde d'etre aristocratc , car il a toujours autour de lui , dans la personne de scs freres , dcs repre'scntans du pouvoir de'mocratkpie. » C'est la une fiction : chacun sait que la chambre haute dispose de la plus grande partie dcs sieges de la chambre des communes, et qu'elle y place la plupart dcs cadets dc families nobles , qui de la passent et s'e'tablissent dans les grands emplois de 1'administration cl de Feglise. M. Fie've'e a su re'sumer en une phrase spirituelle toute cette panic de la question : « Ce serait , dit-il , une belle chose que des pairs de France , s'il y avait en France des pairs de France. » En effet , on a beau s'agitcr et" disputer , on ne mettra pas dans les institutions d'un peuple ce qui n'est pas dans scs mceurs. Tons les sophismes se briseront conlre cette impossibilite'. Maintenant si, laissant la l'hc're'dite', vous vous fiez a l'inamovi- bibte, vous n'avez encore aplani aucune difficulte'. Faites dcs pairs e'ligiblcs : formcrcz-vous un nouveau corps elec- toral avec un cens plus e'leve', ou bien prendrez-vous celui qui existe en faisant un cens d'c'ligibilite aristocratique, ou bien combinerez- vous les deux mesures? Alois vous ressuscitez les grands colleges de la restauration , et vous allez constituer dans la chambre haute la representation des grandes fortunes en opposition avec les inte'rets des masses, et Dieu sait si c'est le moment de commencer cette guerre! — Laisserez-vous les memes conditions d'electoral et d'e'li- gibilite que pour la Chambre des deputes? Alors vous placercz a chaque legislature nouvclle un corps vieux et de'bile en face d'une chambre toute e'nergiqne de son election d'hier. Comment ce corps decrepit oserait-il se mesurer, au besoin, contre ce jeune et vigou- reux athlete... ? Enfin , tout en conservant Selection , briserez-vous 1'inamovibilite et ne donncrez-vous a l'exercice des fonctions legislatives qu'une duie'e dc'tcrmine'c ? Mais vous n'aurczfait que doubler la Chambre dcs deputes , et il vaudrait tout autant diviser celle-ci en deux sec- tions debbe'iant sc'pare'mcnt , apres deux ou trois lectures. II v a d'autres modes encore : — Youlez-vous altribuer an roi la ^9° LIVRES FRAN^AIS. nomination des pairs dont le nombre sera limile? — Vous ajoutcz un nonveau rcssort a ccttc monarchic ministe'rielle qui sera si fa- tale tant que' les pouvoirs dc la royautc ne scront pas inieux de'finis, et sa rcsponsabilitc micux separee de celle du cabinet. En outre vous detruisez d'avance tout moyen de pre'venir un conflit sans autre issue que la guerre civile. — Si vous accordez le nombre illimite, vous donnez au ministere, el au ministere seul, qu'il ne faut pas confondre avec la royautc, line puissance illimite'c : vous lui attri- buez les sept huiticmes dc la souverainelc nationale. Comptons : un tiers par lc pouvoir royal , e'gal en tout au pouvoir dc la Chambrc dcs deputes; un tiers par la Chambre des pairs dont il maitrisera toujours les deliberations; enfin, l'influence que lui donne sur les elections et sur la chambre basse le milliard dont la libre disposi- tion lui est laissee. La commission a cependant trouve unc autre combinaison : e'est l'inamovibilite , le nombre illimite, et la nomination royale ren- ferme'e dans dc cerlaines categories designees d'avance. Aprcs tout cc que nous venons de dire, il ne nous rcstc plus qu'a c'tudicr ces categories et a ehercher quelle force et quel esprit elles porteront a la chambre haute. Remarquez d'abord que, tandis que dans toute constitution repre- sentative on s'efforcc soigneusement dc se'parer le pouvoir le'gislatif du pouvoir exe'eutif , on a tout fait ici pour les confondre. Six ca- tegories settlement , parmi les dix-neuf ou se recrutcra la Chambre des pairs, ne sont pas des fonctions salarie'es a la nomination du 5 jusqu'en 1807, publie'parM. J. J. Riffaut. irc, *2e et 3C livraison. Paris, i83ij l'auleur, rue Hauteville , n° 46. Grand in-folio contenant 1 1 planclies ; l'ouvragc entier se composera de 3oo planches et de 5 volumes de texte. On connait de'ja par de nombreux ct favorablcs rapports , prc- scnte's a l'Acade'mie des Sciences, les laborieuses et utiles recherches que M. Riffaud a faites pendant un long sejour en figypte et en Nu- bie. Ces rapports suffiscnt pour recommander au public la belle collection qu'il lui offre aujourd'hui, et qui doit jeter tantdejour sur l'etat des arts et de l'iudustrie dans les pays qu'il a parcourus. Cependant nous ne ne'gligcrons pas d'en faire connaitre les livraisons successives a mesuie qu'elles sorliront de la presse. (1) Nous devons dire un mot des vignettes qui ornent ce volume , et que le litre annonce. Elles sont le resultat d'une invention , qui pent avoir de nombreuses et utiles applications. Le procede' de M. Deschamps consiste a composer les orncmens typograpliiqucs comme on compose une page dim- prcssion. Les vignettes sont formdes de pieces mobiles fondues comme les caracteres ordinaires d'imprimerie et dela meme hauteur; on varie convena- blement la disposition dc ces pieces , et Ton parvient ainsi , avec un certain nombrc de dessins , a multiplier presquc a 1'infini la figure des ornemens. TOMi; hi. \out i85i. 27 IV. NOUYELLES SCIENTIFIQIJES ET LITTERAIRES. AMERIQUE DU NORD. WASHINGTON. Histoire des tribus indiennes. — II existe a Washington , an de'partemenl dcs affaires indiennes, une curieuse collection de por- traits d'hommes rouges, qui , commence'e en i8'2i , a e'te continue'e avec soin dcpuis cette c'poque sous la direction du pouvoir exe'cutif. Elle comptc environ cent vingt figures. Cette piquante galerie , dont on ne pent nier 1'importance pour I'histoire physique de la race hu- maine,atoujours attire une nombrcuse affluence de visiteurs, natio- naux et e'trangers. On se propose aujourd'huidepubher un recueil de facsimile des portraits dont elle se compose. La grandeur des origi- naux, duspresque tous au talent deM. King, de Washington, serafi- delement conserve'e dans la copiej etles noms des dessinateurs charge's de ce travail offriront une garantie certaine de l'exacte resseni- blance des gravures. Dix-huit tribus sont comprises dans cette col- lection ; on y ajoutera quelques autres portraits e'pars dans des niai- sons particulicres. Pour completer cet ensemble de documens au- thentiques sur un peuple dont 1'existence ne se prolongera probable- ment point dans un avenir fort e'loigue, le colonel M' Kenney , dc- puis long-tems employe' par le gouvernement ame'ricain dans ses re- lations avec les derniers restes dcs pcuplades rouges , s'est charge de la redaction d'un texte historique et biographique. II comprcn- dra, oulre un essai ge'ne'ral sur I'histoire et les mceurs de cette inte- rcssante nation , dcs vocabulaires de ses diffe'rens idiomes , des no- tices particulicres sur les principalis personnages dont on a conserve AMERIQUE DU NORD. EUROPE. 411 les traits etdes anecdotes relatives aux memes sujets.Une carte sera jointe a l'ouvrage > et donnera l'indication des localite's attributes a chacunedes dix-huit tribus. Vingt livraisons, du prix de six dollars ( 3o fr. environ ) chacune, composeront ce recneil , qui a de'ja ob- tenu l'approbation et 1' encouragement des hommes les plus e'claire's et les plus distingue's des Etats-Unis. Onse propose d'en publier si- multane'ment une seconde edition en Europe , ou 1' attention parait devoir etre doublement stimule'e par 1'ignorance ou nous sorames teste's jusqu'ici sur presque tout ce qui concernait l'ancienne popula- tion de l'Ame'rique du Nord. EUROPE. RUSSIE. Apercu du commerce exterieur de Russie en i83o. — Lc commerce exterieur de l'empire de Russie , pendant l'anne'e i83o, me'rite une attention particuliere , sous le rapport de la quantite' et du prix e'leve des marchandises russes exporte'es a 1'e'tranger et de la quantite d'or et d'argent importe's en Russie. En totalite , il a e'te exporte en maicbandises : Roubles. A 1'e'tranger pour. 253,144,466 En Finlande 2,642,SH * Dans le royaume de Pologne. . . . 7,955,028 Dans la Bessarabie 10,571,723 En lout pour . . . . . . 274,312,12ft II a e'te importe en marchandises : De l'dtranger pour. . . ... 187,302,527 De la Finlande 614,448 De la Pologne 8,051,855 De la Bessarabie 2,164,002 En tout pour 198,132,812 L' importation de For et de l'argent s'est e'leve'e a 48,5i6,5()o 27. /\ I 2 EUROPE. roubles; deduction faitc de I'cxportation, il est restc pour 45,o64, 1 3o roubles dc ces me'taus en Russie. reexportation des marchandiscs russes en i83o a surpasse cclles dc toutes les anne'es pre'ee'dentes , a 1' exception dc 1817 et 1818, anne'es oil I'cxportation des grains avait etc immense , a cause des mauvaiscs rc'collcs ct de la chertc des ce'rc'ales dans tous le restc de J'Europe. Mais , chose rcmarquable , cctte supe'riorite est due plu- tot a 1' augmentation dc valeur des marchandises russes qu'a la quantite des objets exporte's. Coraparativement a l'anne'e i8'.>.g, il y a eu, en i83o, accroissement dans I'cxportation de quelques ar- ticles, telsque les grains, cuirs cms, chanvrcs , potasses, etc. , et diminution dans celle de quelques autres ( les fers, la cire, le suif, la viandc de boucherie et lc lin ). Les plus fortes exportations ont eu lieu par les ports de Saint-Pe'tcrsbourg , dc Riga , d'Arkangel , d'Odessa et de Taganrog. Autant les prixdes produits russes sc sont c'leve's , autant ccuxdes marchandises e'trangeres sur les marches russes ont baisse , cc que prouve la comparaison des prix auxquels diffe'rens articles e'trangcrs se sont vendus a la bourse de Saint-Pc'tcrsbourg en i8'.J9 et i83o. Ainsi , par exemplc , l'indigo, qui , en 1 829 , valait 290 roubles lc poud , n'a pu de'passer , en i83o , lc prix de 23o roubles; la co- chcnille esttombe'e de 470 roubles a 435 , et le sucrc brut de 27 r. a 24 r- 7^ copecks. Cette baisse a eu pour rc'sultat que les impor- tations, en i83o, ont e'te' de 13,799,690 roubles moindrcs qu'en 1829, quoique diffe'rens articles aient e'te importe's en plus grandc quantite ; il y a eu particulicrement de 1' accroissement dans 1'impor- tation des couleurs etdes matieres tinctoriales; on en a c'galement rc- marque' dans cellc des cotonnacles, des soicries ct des c'toffes delaine, cequi peut avoir eu pour cause la leve'e dc la prohibition dont quel- ques articles e'taient ante'rieurement frappe's. D'un autre cote, l'ini- portation de la soie Cle'e a conside'rablement diminue' ( 1 167 pouds an lieu dc 5, :iq5 ). tandis que cellc des soies greges a plus que dou- ble. Le commerce d'importation s'est fait principalcment par les douancs dc Saiut-Pc'tersbourg , dc Riga, de Polangcn, de Radzivi- lof et d'Odessa. L'acquiltcment des droits a la douane de Moscou avait cprouvc une interruption a cause du cholera; e'est par la RUSSIE. 4J3 meme raison que le commerce de la mer Caspienne , en 1 83o , le cede en importance a celui de 1829; sur les lignes de Sibe'rie et d'O- renbourg, au contraire, les affaires ont eu plus d'activite. Le com- merce de Kiakhta a gagne par l'linanimite' des ne'gocians a soutenir le prix de leurs marcbandises ; quoique la quantite' de the's qu'ils ont c'changes ait e'te moindre , les the's ont e'te d'unc meilleure qualite, et les caisses plus pesantes. Le nombre des arrivages a surpasse celui des anne'es pre'ce'dentes; il est entre' dans les ports russes , Avec des cargaisons. Sur lest En 1830. En 1829. Navires. Navires. 2,254 1,891 3,555 2,597 Totaux 5,809 4,488 Excedant en 1 830 1,321 Le nombre des departs a e'te : En 1830. En 1829. Navires. Navires. Avec des cargaisons .... 5,942 4,489 Sur lest 94 120 Totaux 6,036 4,609 Excedant en 1 830 1,427 Cet excedant a e'te remarque particulierement dans les ports de la Mer-Noire , ou le pavilion amerrcain a paru 'pour la premiere fois. Roubles. Copecks. Les droits dc douane , en 1 830 , ont produit 65,708,646 75 '/4 DiffeVens autres droits 1,185,369 35 '/, Droits percus au bdneTice des villes . . . 1,735, 862 15 Total 68,629,878 23 */■ (Extrait dc la Gazette de Sainl-Pelersboure,.^ 4 1 4 EUROPE. NORVEGE. Statitique. — Constitution; Justice ; Administration; Budget; Banque ; Armee ; Instruction. — La Norve'ge , quoique re'unic a la Suede et regie par le racme souverain, est libre et indc'pendante. Sa constitution, re'dige'e avant sa reunion a ce dernier royaumc , fut proclame'e dans l'assemble'e de la nation, tenue a Eidswold le 17 mai 181 4- Elle a subi, il est vrai , quelques le'gcres modifications , sans perdrc cependant le ca- ractere liberal qui en fait une des meilleures cliartes que possedent les peuples del'Europe.Un acte, drcsse en cotnmun par leStorthing de Norve'ge et les Etats de Suede , le 6 aout 1 8 1 5 , e'tablit les bases des relations qui doivent exister entre les deux pays, tout en mainte- nant leur separation a l'egard des lois et des institutions. La Norve'ge est une monarchic tempe're'e ou constitutionnelle ; le trone est he're'ditaire dans la ligne masculine. La religion luthe'- rienne est celle de l'Etat. Le roi est majeur a dix-huit ans; mais, avant'de monler sur le trone , il doit preter serment de gouverner le pays conforme'ment a la constitution et aux lois. Le pouvoir exe'entif appartient au roi , dont la personne est invio- lable, mais la rcsponsabilitc repose sur le conseil d'Etat, compose d'un ministre et de sept conseillers. Le ministre et deux conseillers , qui sont rem place's tous les ans, resident aupres du roi a Stockholm. Le vice-roi, s'il reside a Christiania, ou le gouverneur du royaume et les autres conseillers exercent la re'gence en l'absence du souve- rain ; cependant les affaires , apres avoir e'te' pre'pare'es par la re'- gence, doivent etre soumises au roi, qui rend sa decision en presence du ministre et des deux conseillers place's aupres de sa personne. Le roi a le droit de faire la guerre et la paix ; il peut contracter des alliances et les rompre; il rassemble et commande l'arme'e dc terre et de mer, mais il ne peut l'employer qu'a une guerre defen- sive , a moins que le Storthing n'ait donne son consentement pre'a- lablej il ne peut conduire hors de la frontiere que les troupes de ligne. II nomme tous les officiers civils et militaires , qui doivent etre Norve'giens ou naturalises par 1c Storthing , excepte les proles- NORVEGE. 4^ scurs , lcs me'decius ot les consuls. Les employe's aux de'parlemens de la re'gence sont amovibles , mais les emplois supe'ricurs civils oti mi- litaires sont inamovibles. Les cinq conseillers qui resident en Norve'ge ont chacun un de- partement entre lesquels toutes lcs affaires du gouverncment sont divise'es et forment la re'gence , dont la chancellerie est dirige'e par un secretaire d'Etat. Les cinq de'partemens du royaume sont : i " 1' in- struction puhlique et les affaires eccle'siastiques ; 2° la justice et la police ; 3° les finances , le commerce et les douanes ; 4° la guerre ou l'arme'e de tcrre ; 5° la marine. Le pouvoir le'gislatif est partage cntre le roi et le peuple , repre- sente par environ 8o deputes e'lus par les bourgeois et les pro- prie'taires ruraux. Ces elections ont lieu tous les trois ans ; les provinces nomment deux tiers de ces deputes, et les villes le troi- siemc. L'assemble'e des de'pute's s'appelle Storthing , et sc re'unit tous les trois ans; elle se divise en deux sections : la premiere , for- me'e du quart des deputes, se nomme Lagthing; et la seconde, forme'e des trois autres quarts, Odelsthing. Tout projet deloi est pre'sente' a l'Odelsthing, qui l'approuve ou le rejette;dans le premier cas il le remet au Lagthing, qui l'exaniine, et, s'il est adopte , on le soumet au roi, qui donne sa sanction ou la refuse. C'est apres ces e'preuves qu'un projet est converti en loi et promulgue'. Toute loi , tout re'glement approuve par deux stortliings conse'eutifs devient exe'eutoire de droit , malgre' le refus de la sanc- tion royale , s'il est pre'sente' au roi par un troisieme storthing. Le Storthing vote les impots, les emprunts, regie le budget, sur- veillc l'administration de la banque et des finances et revise les comptes de tous les fonctionnaires publics ; il accorde des leltrcs de naturalisation aux e'trangers qui veulent s'c'lablir dans le royaume. Pendant les intei-valles qui s'ccoulent entre chaque storthing le roi regie provisoircment par des ordonnances le commerce , les douanes, la police, les affaires eccle'siastiques , celles des corps des me'tiers. II confere les ordres de chevaleric , mais il ne pent, eumme en Suede, confe'rer un grade, si Ton n'a point l'emploi de ce grade (i). II n'y a point de noblesse en Norve'ge. (1) En Suede le roi peut donner le tilre de major a uncapitaiue , de lieu- 4*6 EUROPE. Le pouvoir judiciaire est exerce par : i° la cour du royaumc ( Rigsretten), compose'e dc membres du Lagthing ct mi-partie des membres dc la cour supreme. Elle prononcc sur les crimes ct de'lits des membres du conseil d'Etat et dc ccux de la cour supreme , commis dans l'exercice dc leurs functions , ainsi que sur les causes qui lui sont renvoye'es par le Storthing. — 2° La cour .supreme {Hoejeste Ret- ten) : elle juge en dernier ressort toutes les affaires publiques et pri- ve'es. On nc pent appelcr de ses decisions. Le roi a le droit de faire grace, mais il depend du coupable de profiter du benefice dc cettc grace ou dc subir le jugement de la cour supreme. — 3° Cours pro- y'mcisXcs (Stifts-Ovcrretten).W.y en a quatrc, unepour chaquc divi- sion du royaume , nomme'e en norve'gien stift. Elles siegent dans les cliefs-lieux des stifts. Ce sont des cours d'appeloude scconde in- stance. — 4° Tribunaux infe'rieurs (Underretten). lis sont ctablis dans les villes du second ordre, sous la pre'sidence des maires (Bj- fogde ) , et dans les villages sous celle des juges infe'rieurs (Sore7i- Skrivere). II yadans cbacun de ces tribunaux huit assesseurs(Lrtn- grettesmend) cboisis parmi le peuple. Les affaires ecclcsiastiques sont porte'es a un tribunal parliculier , qui juge en premiere instance. Ge tribunal , liommc Prosteretten , est compose d'un prcvot qui preside , et d'un certain nombre d'eccle- siastiques. Elles sont porte'es en seconde instance devant un consis- loire qui siege dans chaquc chef-lieu des stifts (provinces ), et ju- ge'es en dernier ressort par la cour supreme. Les affaires militaires sont juge'es en premier ressort par une cour martiale, nomme'e Krigsretten , sur 1'appel a 1' Oveskrigsretten , en dernier ressort a la cour supreme. II n'y a que deux competences pour les affaires administratives t celle des pre'fetsdegouvernemens (Stifls-Amtmend ou Amtmend),cc\\e des e'veques pour les affaires ecclcsiastiques. L'appel est porle devant la re'gence. Les autrcsemployc'sdc l'administration sont : i° Kongens-Foged, prcvot du roi, recevcur de tous les impots et droits publics dans chaquc district ;i! est aussi accusateur public ct charge' de l'cxe'cution tenant-colonel a un major, d<- conseillcr a mi assesseur, etc. (!<■ sont scule- C mcnl dos litres hononfique ; il ne !<• pent en Norvegc. NORVEGE. 4' 7 des arrets, etc. — a0 Sorenskrivere , ou juge de premiere instance. C'est lui quiestcliarge'dupartagedcs successions, qui dirigelesventes |)ubliqucs et remplit les fonctions de notaire dans son district ( So- renskriverie). Ces districts sont subdivise's en fingldng, qui, dans les gouvernemens de Stavanger ct de Bergenhuus , prennent le now de skibreder. Dans ces subdivisions se trouvent des employe's subalternes (Lensmand), nomme's par les pre'fets, qui aident les so- renskriveres dans tous les actes de leur ministere et remplaccnt les agensde police. — 3° Bjfogde, ou maire, qui exerce dans les villes les memes fonctions que les sorenskriveres dans les campagnes. Les de'penses de l'feat norve'gien s'e'levent annuellement a i,5oo,ooo speciedaler environ (i). On y fait face par les revenus des douanes et d'autres impots et droits qui sont determines par le Storthing pour les trois anne'es d'intcrvalle entrechaque session. Les de'penses principales sont : Speciedaler. 1 ° Liste civile 96,000 2» Storthing 20,000 3-> Administration civile 270,000 4° Justice et police « 50,000 5° Universite- 30,000 6° Etablissemens de repression et de correction ....... 25,000 7° Etablissemen t des mines et des fabriques de Kongsberg. 25,000 8° Pensions et expectances 170,000 0° Interet de la dettc de FEtat 40,000 1 0° Affaires etrangeres 50,000 \ \ ° Armee 500,000 12° Marine 150,000 Total 1,456,000 Les revenus principaux sont : 1" Douanes , environ 700,000 2> Droits des viiles 1 00,000 3° Impots de la campagne 440,000 4" Timbre 70,000 5° Impot sur la fabrication de l'ean-de-vie 50,000 (I) Un speciedaler vaut environ quatrc francs. 4 1 8 EUROPE. 0° Revenus des doniaines de TEtat ct contribution I'on- ciere 50,000 7° Posies 50,000 8° Rentes 30,000 9° Divers revenus 20,000 \ 0" Inipot sur les moulins { 5,000 Et quelques autres de peu de valour. Total 4,505,000 Le revenu surpasse done les de'penscs de 79,000 speciedalcr. La banque gc'ne'rale de Norve'ge est e'tabliedans un systeme d'ordre admirable. Elle est formee detrois divisions : la banque d1 emprunt , la banque de virement des fonds et celle des depots et consigna- tions. Elle fut fonde'e en i8i6;son capital e'tait de 2,000,000 espe- ces sounantes, repre'sentant 8,000,000 de francs, fourni par les plus riches citoyens da pays. Son e'tablissement central est a Trondhicm, et elle a des caisses particulieres dans les chefs-lieux des stilts. Elle estadrainistre'epardes inembres nomme's par le Storthing. Les cspcccs monnaye'es da pays sont 1 , 1/2 , i/5 species d' argent , a dix de- niers et demi; des pieces de 8 shillings d'argent de six deniers et d'aatres pctites monnaies, faites a raison de 9 1/4 de speciedalcr pour unelivre d'argent fin. La Norve'ge adeplusun papier-monnaie qui repre'sente 1 00 , 5o , 1 o , 5 et 1 speciedaler , et l'on se sert do papier rouge , vert , jaune , bleu et blanc pour les reconnaitre On peat se faire une ide'e du credit de ce papier, en apprenant que pendant l'anne'e i83o on n'a demande' le remboursement de ce pa- pier que pour une somme de 3o4o spd. 45 shillings ( 12,162 francs ). En i83o, le dividende partage entre les actionnaires fut de 7 jioar cent. La force militaire du pays consiste en une arme'e de 12,000 hornmes de troupes de ligne, dont 2000 homraes appartiennent a ranne'e recrute'e et 10,000 a rarme'e nationale, sans y comprendre les officiers an nombre de 5oo , et les sous-officiers , la masique et les oavricrs qui font ensemble un total de 1796- L arme'e nationale est divise'e en une brigade de cavalerie ou chasseurs a cheval de 1070 NORVEGE. 4l9 hommes,unc brigade d'artillerie de 1288 hommes, et cinq brigades d'infanterie formant 9642 hommes dont 2000 chasseurs. Les bri- gades sont subdivise'es en corps , et ceux-ci en compagnies. Cette arme'e peut etre considc'rablement auginente'e en cas de besoin. La marine norve'gienne est encore dans son enfance. Elle estcom- pose'e d'une frc'gate, de quelqucs brigantins, de moindresvaisscaux et d'un petit nombre de clialoupeset de barques canoncieres.La station principale de la marine est a Fredriksva?rn.La force navale compte 23, 602 hommes, dont 533 sont recrute's ; les autres, qui sont nomme's marins enroles , ne prennent le service que lorsqu'on les appelle. L'e'tat des officiers de cette marine , qui , toute pauvre qu'eLle est , suffit a la defense du royaume , ne comprend que 5 officiers supe'- rieurs , 12 capitaines , 12 capitaines-lieutenans , 24 lieutenans en premier et 24 en second. Le besoin de progres et de lumieres , ne' de la liberte', a eu les re'sultats les plus efficaces dans la Norve'ge. Quand on jette les yeux sur un pays peuple d'environ 950,000 ames, on ne pent que s'ctonner du nombre des pcrsonnes qui recoivent le bienfait de l'enseignement dans les institutions publiques. Voici une courte no- menclature de ces institutions : Christiania , le centre de 1' instruction du pays , a une universite, institue'e en 181 1 , oil 1 7 professeurs et quclques lecteurs enseignent les diffe'rentes sciences et les langues anciennes et modernes. Parmi ces professeurs se trouvent plusieurs savans ce'lebres, entre lesqucls on distingue surtout l'astronome Hansteen. et le ge'ologue Kielhau. Cette universite' est fre'quente'e chaque anne'e par 600 a65o e'tudians, qui sont divise's en deux classes : les e'tudians proprement dits , au nombre d'environ 400, qui, apres avoir, dans les colleges 011 ailleurs, acquis debons e'le'mens sur les sciences, s'adonnentaux etudes solides pour subir unexamen en latin. Cet examen leur donne le droit d'occuper un emploi scientifique on judiciaire et de parvenir a la haute adminis- tration; et les pre'liminaristes , au nombre d'environ 25o, qui, sans e'gard a leurs premieres etudes, y viennent subir un examen sur la langue norve'gienne, a l'effet d'etre employe's comme subalternes dans Tadministration. L'universite possede une bibliotheque qui con- siste en i3o,ooo volumes environ, et qui s'augmente tous les ans, 420 EUROPE. un jardin botanique, un muse'c, qui conticnt des clioscs pre'cicuses pour l'histoire naturellc', les antiquite's et la numismalique. II y a aussi a Christiania : i° un college (LccrdSkole)qai possede deux bibliotheques, l'une de 7 a 8000, et l'autre de i5 a 16,000 volumes, avcc une collection de productions naturelles et demodeles. II est frc'quentc par environ 1 20 e'leves. C'est principalement dans un college qui est divise'en 3 a 4 classes, que les jeunes gens re- coivent l'instruction pre'liniinaire , pour etre admis a l'liniversitc ; 'i° une e'eole bourgeoisej 3° une e'eole des dimanches pour les ou- vriers et les commis- 4° une e'eole de dessin ou Ton enseigne aussi l'arcbitecture , et 5° une e'eole pour le commerce et la navigation. En outre , on trouve a Christiania d'autres institutions scientifiques et industrielles , comme la socie'te' militaire et celle de ge'ologie , et la socie'te' du bien public en Norvc'ge, (Selskab for Norges vel ) une institution pour encourager re'eonomie et l'industrie. II parait a Christiania 1 1 journaux et 7 journaux scientifiques. Des colleges ou Lcerde Skoler sont aussi e'tablis a Christiansand , Trondhiem et Bergen , chefs-lieux des Stifts , et a Brammen , Fre- drikstad etStkien, et on peut y compter environ 4oo e'leves. On trouve dans les trois premieres villcs des bibliotheques assez consi- derables et desmuse'es, parmi lesquels celui dc Bergen me'rite beau- coup d'attirer l'attention. ATrondhiem on doit remarquer la Socie'te rojale des sciences. La plupart des autres villes ont des e'coles e'le'mentaires appelces Middelskoler, ou les e'leves recoivent Fenseignement des deux pre- miers degre's des colleges. Le nombre des e'leves peut etre porte a i5oou 200. Outre les e'coles que nous avons mentionne'es il y a : Dans les villes : 1 ° Ecoles bourgeoises ®* '2" Ecoles pour la classe omTi6re 55 Total "6 A la campagne : 1" Ecoles permancntcs t°3 2° Idem amuulatoircs 1,610 . < Tolal 1 ,7'J-"5 NORVEGE. 421 Ces e'coles sont fre'qucntc's par lc nombrc suivant d'e'lcves : i " Les ecoles bourgeoises par 1 ,079 2° Les ecoles d'ouvricrs 6,G02 3° Les ecoles permanentcs a la campagne 15,695 4° Les e'coles ambulatoires 152,5G2 Total 455,756 Dans les e'coles de la campagne, on enscigne la lecture, la religion, l'histoire de la Bible , le chant des psaumes , l'e'criture, les calculs, et dans quelques e'coles permanentes la geographic et la grammairc. Outre ccs matieres, les e'leves des e'coles bourgeoises rccoivent aussi renseignement dans l'histoire, les mathe'matiques , les langues fran- chise , allemande , anglaise, et quelquefois le latin. L'enseigncraent mutuel a e'te introduit a Christiania , Drommen, Kongsberg, Laur- vig , Fredrikshau , Fredrikslad , Christiansand , Osterrisoer , Bergen ct Trondhiem. Dans prcsque toutcs les paroisses a la campagne, il y a des bibliotheques communales , fonde'es par les paysans et enlretenues par la socie'te' du bien public en Norve'gc. Une socie'te' a propose chez nous 1' etablissement de pareilles bibliotheques pour les cam- pagnes; ses succcs sont encore loin de re'pondre a son attenlc; cela devait etre. L'inslruction publique n'alteindra pas , de long-terns , en France, ledegre d'extension etde prospe'rite qu'elle a acquis dans la Norve'ge , malgTe les efforts re'pe'te's des citoyens les plus de'voue's au bien public. G. B— m. BELGIQUE. Bruxelles. — Etablissement perfectionne pour I 'education. — Depuis deux ans, il s'est forme a Bruxelles un etablissement d'e'- ducation qui me'rite une attention particuliere par la bonte de ren- seignement et par les hcureux re'soltats qu'on est deja parvenu a y oblenir : aussi a-t-il comple'tement rc'ussi , malgre' les difficulte's que les e'vc'nemens politiques lui ont ojipose'es. Afin d'e'viter les de'sordrcs nombreux qur naissent de la reunion de jeuncs gens de diffe'rens ages , ceux-ci sont distribuc's d'apres leur age ct leurs connais- sanccs, dans quatre locaux diffe'rens, quoique de'pendans de lamai- 422 fcUROPE. son centrale; ils y sont excrce's shv les differentcs parties de l'ensei- gncruent, ct apprennent successivement par l'usagc les langues vivantes qu'il lcur importe le plus clc connaitre. Ainsi le jeune liomme qui complctte ses etudes dans l'inte'rieur de l'e'tablissenient commence par entrer dans la maison hollandaise et allemande; dans la premiere division entreat les e'leves beiges : on nc lcur per- met dc parler que la languc hollandaise ; le gouverneur et les gens de sendee sont de cette nation ; dans la seconde division entrent les e'leves e'trangers qui ne de'sirent point apprendre le hollandais, et on ne leur permet de parler que la langue allemande : le gouverneur et les gensde service sont allemands. L'enseignement des langues, de rarithme'tique , dc l'e'criture , du dessin et de la musique vocale se font par la me'thode de Pestalozzi ; le rcste du terns est rempli par la gymnastique , la danse , la course et la promenade ; les recreations ordinaires des autres institutions sont proscrites. Apres un an et demi an plus l'e'leve cntre dans la maison Jrancaise , oil il passe a peu pres le meme espace de terns a entretenir et a de'velopper les connaissances acquises, et a e'tudier les principes des langues an- ciennes et les e'le'mens de la ge'ome'trie et de la sphere. L'e'leve reste ensuite trois anne'es dans la maison anglaise ; on y enseigne et on y parle 1' anglais pendant la premiere anne'e; pendant les deux autres anne'es, l'e'leve parle alternativement chaquc semaine les langues qu'il a de'ja apprises : ses etudes principales sont alors celle des lan- gues grecque et latine, et celle de la geographic et de l'histoire. Quant aux exercices du corps , la danse fait place a l'escrime, et Ton continue non-seulement les promenades , mais aussi les exercices de la gymnastique et de la course j enfin 1'e'levc coinplette dans la maison des belles-lettres les huit anne'es qu'il passe dans l'e'tablissement. On continue a de'velopper 1' etude des langues, et Ton y joint les principes des langues italienne et espagnolc, la logique , les mathe- matiques supe'rieures , la physique , la chimie et les e'le'mens de l'his toire naturelle. Les exercices du corps diminuent, mais on y joint l'c'quitation. Ge vastc plan, que nous ne pouvons qu'indiquer som- maircment, exige le concours d'un grand nombre d'hommes instruits : aussi M. Gaggia , qui l'a concu et qui cherche a l'exe'cuter dans seS diffe'rentes parties, avec le plus louable de'sinte'ressement , n'a rien BELGIQUE. — FRANCE. 42^ neglige pour s'associer des hommes d'un me'ritc ge'ne'ralemcnt rc- connu. Ainsi les cours de litte'rature francaise et de logique sont enseigne's par M. Raonl , qui s'cst acquis une reputation distinguc'e en traduisant Horace , Perse et Juvenal , et qui enseignait les memes cours a l'universite de Gand , avantla disorganisation de notre ensei- gnement. Le cours supe'rieur d'histoire est donne par M. Baron, professeur auMuse'e, et ancien e'leve de l'Ecole normale de France; le cours moyen d'histoire par M. Dele'le', ancien professeur au col- lege Bonaparte , a Paris ; la physique , la cliimie et les mathe'matiques sont cnseigne'es par M. Plateau, a qui Ton doit des recherches intc'- ressantes sur les couleurs accidentelles et sur la dure'e de la sensation de la vue; d'autres cours de sciences sont enseigne's par MM. Pioch et le docteur Limauge. MM. Beving, Lenz, Rasquinet, Gloden, Blaverdyk , Panigada et Brown , a qui est confie l'enseignement des langues, se recommandent presque tons par des grades acade'iniques. Le cours d'e'criture est enseigne d'apres l'excellente me'thode de M. Magne'e , par l'auteur lui-meme. Les sciences commerciales sont expose'es par M. Feigneau, auteur d'un ouvrage sur cette partie ; les le9onsde musique sont donne'es par M. Balta et ses trois fils, qui se sont aussi fait connaitre tres-avantageusement dans la partie qu'ils professent. Sur vingt-trois professeurs attache's a l'e'tablissement de M. Gaggia , soit pour les lettres , soit pour les sciences , soit pour les artsd'agre'ment, douze resident dans l'inte'rieurdere'tablissement. A. Quetelet. FRANCE. PARIS. Institut. — Academie des Sciences. — Seances du mois d'aout i83i. — Du icr aout. — M. Gannal envoie un e'cbantilloo de charpie vierge dont il est l'inventcur, et il prie l'Academie de faire constater les avantages qu'elle prc'scnle sur celle qui est faite avec les vieux linges. Cette charpie vient d'etre adoptee pour le ser- vice des hopitaux , comme exerapte d'une foule d'inconve'niens aux- quels est sujette la charpie ordinaire. — M. Auguste Saint-Hilaire 4a/f FRANflE. fait tin rapport trcs-favorablc sur un me'moirc dc M. Alfred Moquin, relatif a la famille des chc'ico|)ode'es. Cc rae'moirc est rcmarquable par un excellent esprit de me'thode, parune grande finesse d'obsci- vation ct par nne redaction soignee. — L' Academic entend deux atitres rapports de MM. Cassini ct Mirbcl sur les memoires dc MM. Brongniart et Adricn de Jussieu. Dans un premier travail , qui a obtenu le prix depbysiologie dc'cerne'par 1' Academic en 1827, M. Brongniart, cntre autres recbercbes sur la fe'eondation et la for- mation dc l'cmbryon vegetal , s'c'tait particulieremcnt atlacbc a de- couvrir comment lc pollen s'agitait surle stigmate, ct par quelle voic lc fluide fecondant paivient de la jusqu'a 1'ovule. II crut avoir suffi- samment e'tabli son systeme sur cet important sujet a l'e'gard de toutes les plantcs dont les organes rcproductcurs , construits sur le plan ordinaire , ne prc'sentcnt aucune anomalie ; mais il convient qu'on pourrait e'leverdes doutes se'ricux a l'e'gard dc certaines plantcs d'unc structure insolite, telles que les asclc'piade'es , les orchide'es, les cistine'es. II a done du s'efforcer de retrouver, au moyen de nou- vellcs observations dans les plantes be'tc'roclites , le mode de fe'eon- dation qu'il avait assigne aux A'e'ge'taux ordinaircs. II se borne jus- qu'ici aux deux dernieres families , ses recbercbes sur les premieres n'e'tant pas encore tcrmine'es. — Apres une analyse du travail dc M. Brongniart , analyse que nous avons donne'e lorsque l'auteur a lu son Mc'moire, M. le rapporteur conclut a cc qu'il soit inse're dans le rccueil des Memoires des savans e'trangers. — Lc me'moire de M. Jussieu est un travail de classification relatif a la famille des malpigiacc'es. Un travail de cctte nature, dit M. Mirbel en ter- minant son rapport , se refuse a l'analyse : cbaque mot y cxprime un fait, et tous les faits y sont exaclement lie's. Du rcste il n'est pas dans la science dc travail plus ne'eessaire etplus solide. M. de Jussieu a de'ja public plusieurs memoires sur le meme plan. Son but visible et avoue est de refaire toutes les families a neuf. C'cst une entreprise courageusc, la tacbe est longue ct pc'nible; mais i! nepcuten laisser a d'autres la fatigue et l'honneur. — Du 8 aoiit. — L'ordre du jour appelait l'clcction d'un nou- veau mcmlirc dcstiiu: a rcmplaccr M. Dupetit-Tbouars dans le sec- tion de botaniquc. Sur 48 votans M. dc Jussieu a oblcnu 25 suf- PARIS. \l5 Gages au premier scrutin, et M. Adolphe Brongniart ii. — Ln second scrutin , pour une place d'acade'micien libre , donne :i(i voix a M. Coztas; 8 voix a MM. Se'guier et Lamande; 7 voix a M. Bory de Saint-Vincent; et 2 a M. Mongez. — M. Augustc Saint-IIilaire fait en son nom et celui de M. Desfoutaines un rapport sur un Me- moire de M. Virey, intitule : Flore nocturne , ou recherches nou- velles sur les fleurs qui veillent de nuit , et sur les causes de ce phe- nomene. M. Virey, dans son Me'moire, commence par jeter un coup d'ceil sur les harmonies qui re'sultent du sommcil des plantes, puis il e'nonce les principes suivans, comme resultant des expe- riences qu'il a entreprises sur ce sujet : le froid et l'luimidite dimi- nuent la transpiration des ve'ge'taux ; la seve alors , loin de monter vers lcur cirne et dans les rameaux des feuilles et des fleurs , comme pendant le jour, redescend vers les racines. II s'cnsuit que les ca- naux se'veux de ces parties , si freles et si minces chez une foule de plantes, sont alors de'seinplis; ils se ressei'rent sur eux-memes par leur rcssort naturel. Telle est la cause qui fait clore tant de fleurs compose'es, les malvace'es, les convolvulus, etc., pendant la nuit 011 memo lorsque le ciel se couvre de nuages. Pareille raison faitreplier et dormir une foule de plantes a feuilles pinne'es. Auconlraire, lors- que le soleil se Ieve radieux sur l'horizon, sa chaleur , sa vive lu- miere, rappellent bientot une seve abondante dans le feuillage et les rameaux des plantes; alors on voit s'e'talera ses rayons les petales des fleurs et les cimes verdoyantes. C'est done la chaleur et la lu- miere qui , en attirant la seve vers la cime des ve'ge'taux , dilatent leurs vaisseaux avec une sorte de turgescence , e'panouissent le feuil- lage et les feuilles jusqu'a ce que le retour de la nuit les fasse re- fermer en replongeant la seve vers les racines. Pourquoi en est-ii autrement des fleurs nocturnes que l'ardeur du soleil accable et i';iit paiaitre languissantes pendant le jour ? C'est parce que cette ardeur agit trop fortement sur la texture frele de certains petales , et e'vaporc trop la seve et les sues nourriciers qui remplissent leurs mailles, que ces fleurs se ferment; mais, dans la fraicheur des nuits, ces sues, cette seve, moins dissipe's, rcstent plus accumule's dans le tissu do ces plantes, dilatent leurs canaux , en sorte que les fleurs ct le feuil- lage se rouvrent. TOME LI. AOUT 1 83 I . !i8 4 :*6 FRANCE. — Du i() aoiit. — I\l. UcmiI.iv adrcsse un Me'moirc sur lcs maladies dc la moellc e'piniere et w ses enveloppcs clicz le eheval. li'autcur s'atlachc a de'montrer dans cet e'erit que l'apoplcxie dc la moelle e'piniere est aussi fre'qucntc chez le eheval que celle du ccr- veau chez l'liorumc , et montre que cc fait s'accorde avec le degrc d'importance et d'activite que pre'sentent ccs deux organcs dans lcs deux cspeces. — Du 29 aoilt. — M. le docteur Chaponnier annonce que dans l'lnde lcs habitans cmploient conticlechole'ra-morbus dd'hude dans laquclle ils ontl'ait infusera cbaud des feuillcs ct des bourgeons de carnphricr. II sera facile d'obtenir en France une huile douce des incmes propric'tcs en faisant dissoudre du camphre dans de l'lmile d'olive a la dose dc i-i grains par once. L'buile camplirc'c ne parait pas agir moins efficacenient que l'lmile dc cajeput, dont les bons effcts ont etc' recennnent cxpose's dans un Me'moire In a TAcadeniie de Me'decine, et cllc pourrait s'obtcnir a bas prix, tandisque la premiere est cbcre ct trcs-rare dans le commerce. — M. Cbevallier e'erit qu'il a reconnu que la pierre lithograpbique existe en grande abondance dans le de'partcment de la Haute-Marne , 011 , faute de mieux , on I'emploie a la construction des batimens et a l'entretien des routes. — Le ministrede la marine annonce que le brick la Fleche, que com- niande M. Lapicrre, lieutenant devaisseau, devant aller trcs-prochai- neraent reconnaitre le volcan qui a fait depuis peu e'niption a 25 millcs du cap Saint-Marc, dans le sud de la Sicile, le passage sera accorde' sur ce batiment, conforme'ment a la demande del' Academic, a un 011 deux naturalistes , qui devront se rendre le plus prompte- incnt possible a Toulon, port d'ou le brick est pres de partir. — M. Roulin annonce que le phenomene observe le 10 aout a Saint- Sever, parM. Leon Dufour, et dans tonte la longueur des Pyrenees par diverses autres peisonnes , a etc vu beaucoup plus a l'cst et jusqu'a Bologne, oil il s'est reproduit plusieurs jours de suite. !\T. Roulin ddnne en outre des details sur un phenomene semblaM«' observe dans la nouvelle (irenade. — Depuis le 1 1 deccmbre 1K08 jusqu'a la fin de Janvier 1H09 , le disquc du soleil se montra pale , de'nuc de rayons cblouissans , de sorte qu'il arriva plusieurs fou? qu'an premier aspect on le prit pour la lime. Opendanl , quand il PARTS. 4-7 e'tait tres-e'leve' dans son cours , il reprcnait a pen pres l'aspect et 1'e'tat ordinaires. Le matin ct le soir, quand il e'tait peu e'loigne' de l'liorizon , on le vit quelquefois teint d'une lc'gere nuance de rose, de vert clair ( on l'a vu aussi de cctte couleur a Bologne ) , on d'un «ris bleuatre approchant de celui de l'acier. Le froid pendant tout ce tenis fut beaucoup plus vif que de coutume , et souvent 1c matin les campagnes drs environs de Bogota apparurent entierement cou- vertes d'une geje'e qui brula les jeunes pousses des plantes , ee qui ne s' e'tait pas vu de me'moire d'homme sur le plateau. Le ciel e'tait constamment couvert d'un voile brumeuxtranslucide et uniforme'ment re'pandu , constant de jour eomnic de nuit. Cette brume ne produisait point ces cercles colorc's qu'on voit en pareil casautourrlu soleiletdela lune; elle de'robait comple'tement a lavuelcs e'toiles de quatrieme etde cinquieme grandeur. Pendant tout ce terns l'air*fut constamment sec , habituellement calme. Les vents qui soufflaient par courts intcrvalles furent toujours du sud. — Ce phe'nomene s'observa a Pasto-Popayan, Neyba-Tunja et Santa-Martha, e'est^a-dire du premier au douzicme degre de latitude sud. M. Arago fait observer que le brouillard de 1 784 ne fut pas moins e'tendu, puisqu'on l'observa en meme tems en Napolie et en Afrique , et que sa dure'e fut encore plus grande. Ce brouillard e'tait remarquable par son extreme se'eheresse , et les ob- servations de Sennebier nous apprennent que l'hygrometre , en arri- vant dans ce milieu , marcbait vers le sec. Quelques personnes vou- lurent le conside'rer commc la queue d'une comete ; d'autres pre'ten- daient rattacher son apparition a l'e'ruption d'un volcan qui eut lieu a la meme e'poque. — M. Geoffroy depose un cinquieme Me'moire sur les pieces osseuses de l'oreille chez les crocodiles et les te'le'o- saurus. L'ensemble du Iravail sur les crocodiliens se composera de douze Me'moires. — M. Silveslre fait un rapport verbal sur le traite d' education positive de M. le colonel Raucourl : « Cct inge'nieur fait partie de la reunion d'anciens e'leves de l'Ecole Polytechnique qui travaillent a propager gratuitement l'instruction utile parmi les classes ouvrieres. Tandis que ses confreres s'occupent a donner aux 011- vriers les moyens de jierfectionuer leur induslrie , M. Raucourt cberche a les perfectionner sur la partie morale de leur existence , en leur faisant appre'eier, d'apres les dispositions physiologiques de <>8. 428 FRANCE. it-Hi- etre, queues sonl Les .sources incontestable! de leurs veritable besoins, afin d'en deduire des preeeptes positifs qui puissent scrvir de base a lcur conduitc. — M. Raucourt a divisc son traite d'e'du- cation en deux coins. Le premier cours offert a l'Acade'mic a pour objet l'e'tude de l'homme, ou l'art de se former, de se conscrvcr ct d'etre lieureux a peu de frais. L'auteur cherche a prouver que si la sante , la fortune , la puissance , l'instruction , sont des moyens de bonlieur , on ne le trouve re'ellement que dans la connaissance de soi-meme, dans le savoir-choisir parmi toutes les sensations possibles de I'hominc , existant, vivant , sentant , aimant et pensant. C'cst ce savoir-choisir qu'il nommc education positive. D'apres ce prin- cipe, M. Raucourt a du altacher beaucoup d'importance a la connais- sance de la physiologie de l'homme; et en effet cette etude ticnt unc grande place dans les premiers chapitres de son ouvrage. L'auteur cherche a familiariser scs auditcurs ayee les differentes fonctions des organes, soit en personniliant ceux-ci, soil en assimilant leurs opera- tions a des faits naturels dont les ouvriers qui l'e'coutent ont du plus d'une fois etre te'moins; e'est sur l'emploi judicieux de nos divers moyens d'action, des sentimens, des sensations, que l'auteur fondc le bonlieur auquel il est possible d'alteindre; et les nombreuses appli- cations qu'il fait de ses principes n'ont pu inspircr que de bons sen- timens a ses auditeurs. Bien que le colonel Raucourt ait annonce que la seconde partie de son traite serait la philosophic pratique de la grande industrie , 1' education' positive des gouvernans ou l'art de gouverner , il a ne'anmoins inse're' dans le premier cours un grand nombre de principes d' economic publique et de politique qui sem- blent de'couler des premiers e'le'mens de eonduite prive'e qu'il a e'non- CC3. L'Acade'mie s'abstenanl loujours d'e'mettre un jugernent sur les e'erits imprime's , je ne puis parlor ni du me'rite de l'ouvrage ni des opinions de l'auteur ; je puis seulemcnt faire des vceux pour que le succes qu'il obtiendra sur Ic caracterc et les habitudes dos e'levos soit en proportion des nobles sentimens doni il est amine'. Reclamation de M. Houtolan, sur un article de la Revue En- cyclope'dique ( voy. juin 1 83 1 , p. 55g), rclatif a l'ouvrage infi- tule : Rigulateur, on Traite des poiels , mesures , etc. - In PARIS. 429 savant distingue , M. Francoeur , m'imputo une crreur de division dans mon rapport du yard au mette. La difference rclcvc'c provient de ce que j'ai ope're sur unc autre base qui, raeme en admettant la plusgrande precision dans celle qu'a donne'e M. Francoeur, n'cn dif- fc'rerait a la rigueur que dans les milliemes et ne constituerait pas une erreur prcjudiciable aux intc'rets des comincrcans. Je ne crois pas me'riter davantage le reproclie d'inexactitude re- lativement au pied du Rhin ; la valeur que je lui donne de 3,i38 est Lien la valeur recue. Quant aux termes , je n'ai jamais employe que ceux des inesures ct poids principaux; ainsi je ne pouvais me servir du peck, mais bicn du boisscau, dc celui de Winchester qui est une mesure legale, et qui vaut 4 pecks, 8 gallons , etc. , etc. Je crois pouvoir assurer qu'on ne trouvera dans aucun traitc les rapports exacts et multiplies sur l'ltalie, inse're's dans le Re'gu- lateur : j'ai eu pour cette contre'c les renseignemens les plus precis. Je ferai observer qu'a l'article Berlin j'ai indique l'ancien sys- teme , et a celui de Prusse le nouveau; cette inronstance seule a pu induire M. Francoeur en erreur. Le systeme adopte en Belgique e'tant celui de la France, je n'ai indique que les anciens poids , les tables de France servant pour les nouveaux. En inse'rant les poids et mcsures de France d'apres le systeme me'trique, je n'ai pas cru etre dispense de rapporter les anciens. Les poids ct mesures employe's aux Etats-Unis sont ceux de 1'An- gleterre , comme ceux de l'Espagne sont ceux du Mexique. HoRTOLAN. J'avais pense que la petite erreur dans le rapport du yard au metre provcnait d'une faute de calcul. L'auteur ne nie pas cette crreur ; il l'attribue a une autre cause ct l'excuse en disant qu'elle est si minime qu'elle ne peut prejudicier au commerce , a qui son livre est destine. Je pense ace sujet comme lui : toutefois mon observation subsistc. Je persiste aussi a croire que, dans un traite aussi complet, il cut etc convenable d'indiquer les noms et les subdivisions des me- sores prrocipales. Les volumes n'cn auraicnteprou've que pen d'auc; 43o 1 HANCE. mentation, surlout sil cut supprimc quelques doubles cinplois ot inutilite's. Quant au reproche que je lui ai fait sur les mesures italiennes, je rcconnais que son travail est c.omplet , exact et fait avee un grand soin. Je me fondais sur ce que les nombres qu'il a adopte's contre- disent ceux des autcurs les plus accre'ditc's ; mais M. Hortolan apris des renseignemens plus precis que ses pre'de'eesseurs et me'rite plus de confiance. J'avais accuse a tort M. Hortolan d'avoir neglige dc donner les nouvelles mesures de Prussej e'est que jc n'avais trouve que les an- ciennes sous le titre de Berlin et qu'il fallait recourir a l'article Prusse. J'aurais beaucoup desire que l'auteur eiit indique par des signes de convention quelles sont les mesures anciennes , pour e'viter de les confondre avec celles qui maintenant sont partout en usage , et qu'il donne aussi, mais sans distinction. Ce travail est fait avec talent et conscience , et me'rite l'appro- bation du public. Francoeur. REVUE DES THEATRES. Odeon. — Llwmme au masque defer, drame en 5 parties v en prose, par MM. Arnould et Fournier ( 3 aout ). — Ce n'est pas la premiere fois que Ton met en scene ce prisonnier myste'rieux, dont le secret est depuis long-tems livre a l'oubli ; et en effet, e'est chose se'duisantc , pour un autcur dramatique , que celle destine'e singulicrc d'un homme auquel 1'bistoire a d'avancc prete tant d'in- te'ret, et que la fiction peut douer, sans trop blesser la vraisem- blancc , de toutes les passions que la ne'eessile the'atrale reclame. Les nouvcaux auteurs ont profile avec adresse detoules les donne'es re- cueiljics jusqu'ici sur l'Honune au masque de fer , et ils sont parve- nus a en faire le lie'ros d'un drame qui a obtcnu un succes me'rite'^ Portu-Saikt-Martin. — Marion deLorme, drame en 5 actcs PARIS- 401 et en vers, par M. Victor Hugo ( 1 1 aoiit,. — Peut-elie la liberte des theatres aurail-cllc produil dans un autre terns des efl'ets plus heureux; aujourd'lnii elle est paralysee par rindiffe'rence force'e du public pour toutc espece de plaisirs. Toulefois, nous lui devons l'apparition de certains ouvrages que les rigueurs de la censure on les pretentions des coniediens avaient retenus jusqu'ici dans les car- tons. De ce nombre est l'ouvrage de M. "Victor Hugo. II est heurenx pour lui que les e've'nemcnsraient oblige de choisird'autresinterpretes que ccux auxquels sa haute et vehe'mente poe'sie devait d'abord etre confie'e. Nous pourrons peut-etre un jour revenir sur cette oeuvre importanle d'un homuic dont les moindres productions forcent l'at- tention • nous nous borneions aujourd'hui a reconnaitre qu'un petit nombre dc conceptions dramatiques energiquement renducs, des rYVs pleines de verve etde grace seme'esa chaque pas , font oublier cc que le de'dain des notions historiques, et rc'trangefe syste'mati- quement affecte'e des formes du langage offrent d'abord de choquant. Ajoutons que 1'ensemble remarquable de la mise en scene et le jeu pathetique et noble de M. Bocage et de Mme Dorval en ont heureu- sement releve les beaule's. Que dire des produits de ccs theatres a couplets , qui, naguere; faisaient l'un des ornemens de 1'aris? Que des chansons ne suffisent pas aujourd'hui pour detourner l'attcntion des cris du champ de ba- taille de Varsovie on des e'loqucntes inspirations de notre tribune ; que les emotions politirpies out du plus d'une fois e'touffer 011 refroi- dir la verve de nos spirituels chansonniers. Aussi ne pouvons-nous citer que pour mc'moirc les dix ou douze ouvrages enfante's pendant un rnois par les auteursa la mode, et ou l'cpigramme contre lejuste- inilieu, le refrain jjatiiotiquc au nom de la Pologne , ne manquent jamais de se glisser pour faire excuser cestentatives d'unretour, im- possible sans doute en cc moment, a I'ancienne gaite' francaise. Au Vaudeville, on a donne les Boucles d'oreilles , come'die-- vaudeville en 1 acte,parM. Rochefort (ieraoiit); — Marionnette, imitation en 5 parties de la parodic de la Porte-Saint-Martin , par MM. Duvert et Dupedtv ( 29 aoiit). Aux Varieties , ce sont Adieu aux jillettes , piece en 3 actes, melee dc vaudevilles , par MM. Philippe et Julien ( icr aoiit); — 432 FRANCK. V Idiot , coine'die en i acte, melee de couplets, par MM. Dlmek- san et Brazier ( 18 aout ); — le Nouveau Sargines , ou I'Ecole des Malins , vaudeville grivois en i acte, par M. Francis (a5 aout); — la Gothon du passage Delorme , imitation en 5 endroits et en vers de Marion de Lorme , par MM. Dumersan , Brunswick, et Ceran ('29 aout ). Au Gymis'Ase dramatique , la Future de province , ou Zes In- formations , come'die-vaudeville en 1 acte, par MM. Philippe et Antonin (18 aout).' Aux Nouveautes , le Juste milieu , ou le Nouveau pre'fet , come'die-vaudeville en 1 acte, par MM. Berville, VARiNetDEs- vergers (ier aout) j — V Idee fixe , ou le Dernier des Digards, vaudeville en 1 acte de M. Alexandre ( 9 aout ) • — une Nuit de Marion de Lorme, piece en 1 acte ( 18 aout). .„, Au Theatre du Palais-Royal on a donne les Chansons de Beranger , 011 le Tailleur et la Fee , piece fantastiquc en 1 acte , par MM. Ferdinand Langle et Vanderbuch ( 9 aoiit ) ; — le Voleur , vaudeville en 1 acte, par MM. Carmouche et De- courcy . A la Gaite, Zanetti , ou la Fille du refugie , me'lodrainc en 3 actes, par M. Saint-Amand ( 1 1 aout). NEGROIiOGIE. France. — Regnault , ( Jean - Baptiste. ) — Lorsque la jnort frappe un homme au printems de sa vie ; Iorsqu'eJle de'truit tout un avenir, les regrets que sa perle fait naitre en sont d'autant plus douloureux; et comme le terns lui a manque pour parvenir a la maturite de son talent , les travaux qu'il a laisse's sont juge's avec une indulgence que l'envie elle-meme n'oserait blamer. Mais si, au contraire, un homme ce'lebre a ve'cu de longs jours ; si Ton peut sui- vre le de'veloppement de ses faculte's dans toutes les phases de la vie, alors ce nc sont plus seulement des regrets que Ton doit faire en- tendre sur des espe'rances fonde'es, mais de'eues, e'est un jugement impartial sur un fait accompli. M. Regnault est heureusement par- venu a un age fort avance ; sa carriere a etc longue ; il l'a seme'e de nombrcux et importans ouvrages ; il touche a deux e'poques tres- diffe'rentcs entre elles : il a vu, pour ainsi dire , naitre et s'e'vanouir une e'eole nouvelle , un systeme tout entier. Examinons ce qu'il a fait pour sa gloire et pour celle du pays auquel il devait le jour. Regnault naquit a Paris, le 17 octobre 1754. J'ignore a quelle classe de la socie'te' appartenait sa famillo ; mais , au fond , cetle circonstance est asscz indiffe'rente , car e'est du peintre que je m'oc- cupe et non de ses ai'eux. Sa jeunesse fiit aventurcuse : oblige' de suivre son pere , qui s'ctait transporte aux fitats-Unis avec toute sa famille, il parait que la vue de 1' Ocean, le spectacle de la vie agite'e, pe'rilleuse des marins, e'murent sa jeune imagination, et lui inspi- rerent le de'sir de suivre cette carriere. II est constant, au moins, qu'il fit plusieurs voyages de long cours; ainsi, pendant quelqucs anne'es, il fut tout-a-fait e'loigne de sa veritable vocation. II y fut rappele par un e've'nement aussi douloureux qu'inattendu. Sa mere, ayant perdu son e'poux et trois de ses enfans , revint en Fi'ance. Un seul fils lui restait , mais elle ignorait sa destine'e; elle fit des de- marches pour savoir ce qu'il e'tait devenu; le capitainc du bili- tiK'iit sin lequcl servait Ic jeune Regnault , inslruil de ces rechcr- 43f NECROLOGIE. chi'S , s'empressa de rendre le ills a sa mere. Dans tous ses voyages il avait toujoitrs dessine : ce fut, depuis ce moment , son occupation constante. M. de Montval, qui , avant le depart dn jeunc Regnaull pour I'Ame'riquc, avait su discerner ses heurenses dispositions, l'accucillit de nouveau ct le placa sons la tntelle de M. Bardin, alors sur le point de partir pour Rome. Ce pcintre, qui connaissait bien lc me'canisme de son art , avail commence' ses etudes dans le tems de la plus grande degradation de l'e'cole franchise ; il aurait done pu lui donncr des conseils pcrni- cieux; mais la vue des chefs-d'oeuvre que renferme la ville des sept collincs e'tait la meilleure lecon que le jeunc Regnaull put rcce- voir, et il en profita d'autant plus librement qu'il n'avait rien a ou- blier. An restc, le jeune Regnault se montra rcconnaissant des soins et des te'moignages d'affection qu'il avait reens de M. Bardin , et dans un age meme avance' il se plaisait a re'pe'ter qu'il avait etc pour lui un pere adoptif. Pendant son premier sejour a Rome , il ne se contenta pas de se livrer a 1' etude de la peinture ; il voulut encore acque'rir une in- struction solide, et il se livra meme avec succes a la culture de la musique. Revenu a Paris, vers l'age de vingt ans, il concourut et obtint le grand prix; le tableau qu'il fit pour ce concours, YEntre- vue de Diogene et d' Alexandre , est encore aujourd'hui Tun des meilleurs de ceux qui ont c'te couronnc's. Le jeune Regnault retourna done a Rome comme pensionnaire du roi , et il y tcrmina ses etudes d'une maniere brillanle. A la vue du Bapteme de Jesus- Christ , Tun des ouvrages qu'il exe'euta pendant ce second sejour, Raphael Meugs , frappe dn style et de la couleur de ce tableau, erut qu'il e'tait d'un mailre italien , et il s'e'eria : Questo e di scuola nostra ! Si tous les tableaux italicns e'laient des cliefs-d'oeu- vrc , ce scrait un c'loige sans restriction ; dans tous les cas , l'cxela- mation deMcngsprouve qu'il prete'rait l'e'cole italiennc de cettc e'po- qtte a l'e'cole f'rancaise , et que le tableau du jeune Regnault avait les qualite's qui distinguenl la pfeioiere. Son tems de pensionnat a Rome c'tant expire, il revint en I' ranee, et passa par Marseille, 011 il refusa d'epoiiser la (ille uni(|ue d'un 1 iche ne'gociant, paree que l'une des conditions de ce manage elaii REGNAULT. fi5 (jue lc gondre se fixerait dans cette ville j il se rcndit done a Paris, precede d'une reputation deja me'rite'e. C'est de ce moment que commence la longue et brillaulc carriere de ce peintre. En 178^, il fut agre'ge'a 1' Academic depeinture, dont son tableau d' Andromede et Perse'e lui ouvrit les portes. L'anne'e suivante, V Education d' Achille lui valut, et avec raison, le titre d'acade'micien. Ses principaux ouvrages , depuis son retour en France , inde'pendam- ment de ceux que je vieus de designer, sont : une Descenle de croix , destine'e pour la chapelle du chateau de Fontainebleau , et qui est encore en ce moment a la galerie du Luxembourg ; la Mort de Priam; Iphige'nie en Tauride; le Deluge; Hercule arra- chant Alceste aux enfers ; Mars desarme par Venus; la Mort de Cleopdtre ; la Mort du general Desaix ; Alcibiade arrache par Socrale des bras de la Volupte ; la Mort d 'Adonis ; les trois Graces; V Amour endormi sur le sein de Psyche; la Toi- lette de Venus ; V Enlevement d," Orythie; Pan et Syrius; Jo et Jupiter; Danae , etc. A l'e'poque oil la gloire de 1' empire se refletait dans toutes les productions contemporaries , M. Regnault fut charge de peindre , pour une des salles du Luxembourg , Napoleon s'avancant sur un char triomphal vers le temple de la Paix. C'e'tait une de ces grandes machines oil le peintre ne rachete la froideur du sujet que par le me'rite de l'exe'cution. Sous ce rapport, cet ouvrage e'tait tel que Ton pouvait l'attcndre d'un peintre habile ; mais ce n'est pas dans une production de ce genre qu'il faut juger le talent d'un artiste, car rarement il trouve l'occasion de s'y de'velopper tout en- tier. 11 faut re'tudier dans ce qui est le fruit de ses veilles et de la fermentatiou de son imagination. Du terns des empereurs, on faisait a Rome, comme en Grece, une singuliere mutilation : on enlevait la tete de la statue d'un dicu, d'un empereur, d'un personnage quelconque , poury substituer la tete d'un autre personnagc, bientot abattu denouveaupourrecevoir une nouvelle consecration. C'est ce qui a eu lieu pour le tableau de M. Regnault, dans lequel la figure de Napoleon a ete remplace'e par cclle de hi France, ce qui devient un non-sens; c'est ce qui a eu lieu aussi au dome de Sainte-Genevieve, oil M. Gros avait repre'sente 436 NKC.ROLOGIE. Ics chefs ilos quaiic dynasties qui ont re'gne siir la Fiance. Napoleon. Marie - Louise , 1c roi dc Rome , composaient la quatrieme dynas- tic, dont l'avenir alors semblait bien assure; mais cette dynastie a disparu avant que le pcintre cut terniine son ouvrage, et Ton a ima- gine dc la rcnqilaccr par Louis XVIII et sa famille , dont on a voulu ainsi indiqucr le retour au trone de France. La branche aine'e des Bourbons a quitte le sol a son tour; comment la remplacera-t-on ? Jc l'ignorc : cc que je sais bicn , e'est que les monumens de la flattcric humaine sont pen durables de leur nature , et que ce qui survit a tout e'est le souvenir des bienfaits , ainsi que des grandes ct belles actions. M. Regnault a laisse des productions d'un caractcre tres-opposc ! il a fait, entre autres, des allegories politiques, et une foulc dc dessins ct d'esquisses dont les sujcls sont puise's dans Ovide. II a ete'mieux inspire par le poete latin que par les e've'nemcns qu'il a voulu cou- vrir d'un voile. Au reste , les ve'ritables titres dc gloire de ce peintre sont : la Descente de croix , le Deluge , V Education d* Achille , enfin Io et Jupiter, l'une de ses dernieres productions. Le premier de ces tableaux, une Descente de croix, est savam- ment c'tudie dans tontes ses parties : les tetcs sont d'une belle ex- pression , l'cffct general bien entendu , et , si Ton n'en connaissait pas l'autcur, on pourrait avec raison l'attribuer a l'un des Carrache dont il rappcllc la maniere. II y avait une sortc de te'ine'ritc a traiter un sujet que Poussin avait empreint de son genie. M. Regnault a eu la gloire de n'ctre pas reste au-dessous , je ne dirai pas de son modele , mais de son de- vancier. Le peintre , pour donner l'ide'c d'un grand bouleverse- ment , tel qu'un cataclysme universe!, n'a d' autre ressource que lc choixd'un episode qui permette a l'imagination de saisir par la pen- see 1' ensemble du sujet. M. Regnault a su saisir ce choix avec dis- cernement; son deluge nc parlc pas seulement a l'imagination; il eineut l'ame aussi par lc caractcre dc la scene qu'il a representee. De toutes les productions de ce peintre, la plus connue ; la plus rc- marquablc aussi, a tons e'gards, est celle ou, mettant une nature jeunc, belle, telle qu'on doit la supposcr chez Achille, a cote d'une nature fantastique participant de I'hommeetducheval ;ila montre lecentahre REGNAULT. /ft*] Chiron enscignani au fils de Pc'le'e a tirer de l'arc. La scene est bien dispose'e ; les deux etres n'ont qu'une raeme pense'e , qu'un raeine but. C'est une production de baut style ou l'artiste a de'ploye' toutc sa science , et que Ton pent regardcr comme un des ouvrages c[ui ho- norent l'e'cole francaise. Habilcment grave'e par Berwick , cette com- position orne , avec raison , le cabinet de tons les amateurs. Quant au tableau dans lequel M. Rcgnault a repre'sente' l'infidele souverain des cieux cachant Io dans une nue pour la de'rober aux regards de Junon , je le considere comme le plus important de tous les ouvrages qui n'ont e'te connus du public que par la mort de l'aiitcur . II regne dans cette composition une volupte qui se devine plutot qu'elle ne se voit; elle parle a l'imagination sans blesser ses regards; c'est un genre de me'rite que les peintres ne recherchent pas toujours assez. L'cxe'cution est delicate ; il y a de 1' eclat et de la finesse dans la couleur ; enfin on voit que le peintre a fait cc tableau avec amour. M. Rcgnault e'lait ne peintre ; en general , il sait bien agencer ses figures; son execution cstrapide et facile; son dessin vrai sans etre cependant d'une grande finesse ; mais ses ouvrages laissent quelque- fois a de'sirer sous le rapport de l'invention et de la pense'e. J'ai dc'ja parle de ses allegories politiqucs , dans lesquelles il me senible avoir me'connu leslimites et la veritable puissance de son art; je pourrais donner encore pour preuve le tableau ou il a repre'sente la toilette de Venus. Jene dirai pas que cette scene, compose'e entierement de figures de femmes nues , exigeait une elegance de formes , une grace de mouvemens que Ton y cherche en vain : c'est l'ceuvre de la vicillcsse; mais je reprocberai au peintre d'avoir donne' a Ve'nus une ceinture orne'e de franges; c'est traduire une ine'laphore dans un senspositif. Lorsque Junon, voulant se'duire Jupiter, vient empriin- ter la ceinture de Ve'nus , et que celle-ci a consenti aux de'sirs de l'astucieuse de'esse , Homeredit, il est vrai : « Aussitot elle de'taebe de son sein une riche ceinture orne'e de broderies ; » puis il ajoute : « La setrouvent tous les charmes se'ducteurs ; la sont l'amour, le dc'sir , les doux entreliens et lesdiscours flatteursqui trompent memel'ame prudente d^s sages. » Est-cc que la ceinture de M. Rcgnault pent rendre tout cela ? La veritable ceinture de Ve'nus, c'est l'accord le plus lieureux de la grace, dc la jennesse et de labeautc. La Fontaine 438 NECROLOGIE. — ItEGNAULT. l'a litell senti, ct il l'a smiout exprime' de la rtwniere la plus tou- rlianle iorsqu'il a (lit : Kirn nc manque a. Venus , ni les lis , ni les roses , Ni le nidlange exquis des plus aimables clioscs , Ni re charme secret dont Peril est encbante, Ni la jjrace plus belle encor que la beaule. (Vest sur l'ensemblc dc ses productions qu'il faut juger un artiste^ Sous ce point de vuc, M. Regnault sera toujours considere comme l'un des peinlrcs les plus rcmarquables dc 1'c'colc francaise; plus jcunc que David, raais seulcment dc quclques anncVs , il soutint eclte redoutable concurrence sans trop dc dc'savanlagc. II cessa , de bonne bcure, d'exposer ses ouvrages aux regards du public, et se renferma dans son atelier, oil il se livrait a la culture de son art avec unc ardcur qui rendit sa vieillesse lieureuse et qui nc l'abandonna qu'avec la vie. Dans sa jeuuesse il avait beaucoup fait de ces petits tableaux de boudoir tres-recberclie's des amateurs, ct qui ont etc meme , je crois, la source de sa fortune. Unc imagination riante , voluptueuse, le faisait exceller dans ce genre, et Ton voit qu'Ovide a e'te son poete favori. La juste celebrite dontiljouissait attirait toujours dans ses ateliers un grand nombrc d'e'leves, parmi lesquels il en est plusieurs, lels que MM. Gue'rin, Heisent , Blondcl et Ricbomme, qui prouvent que leur maitre e'tait capable, par ses exemples et ses conseils, de fe'eonder leurs beureuscs dispositions. M. Regnault a joui , pendant toute sa vie ct sans melange , de la juste consideration due a son talent : e'est un bonheur reserve a peu d'bommes ce'lebres et dont il parait avoir senti tout le prix. C'est aussi une sorte de patrimoine que la gloire : celui-la seul est a l'abri de toutes les vicissitudes ; mais il n'appartient pas seulement a la famille de celui qui a su racque'rir, c'est un patrimoine public : et le nom de M. Regnault est inscrit au rang des h-jmmes ce'lebres que la France s'honore d'avoir produits. P. A. TABLE DES MATIERES COFJTENTJES DANS LA 1 52" LIVKAISON DE LA REVUE ENCYCLOPEDIQUK. AOUT 1 83 1. I. MEMOTRES. \ . Dp TEtal dc la France J. P. Pages. 255 '2. Essai siir la situation financiere lies Etats lie FEuropc. . A. Balbi. 249 5, Des attributions des conscils nuinicipaux ct drparlemcntaux Ferd. Quintard. 268 II. ANALYSES D'OUVRAGES. 4. Memoircs lie F Academic des sciences dc Saint-Petersbourg Ferry. 290 5. Histoire du cliristianisme , par Matter P. de Golbdry. 555 (>. Memoircs et Souvenirs du comte Lavallctic X. X. X. 515 7. La Pcau de chagrin , roman philosophique, par M. de Balzac. X. X. X, 525 8. Le Roi des Ribands, hisloire du terns de Louis XII, par P.-L. Jacob , bibliophile J. 556 III. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. LIVRES ETR ANGERS. EUROPE. — Grande -Bret acne. — Heures d'hiver et d'e'te", 550 ; Les Assassins du paradis , ibid. ,• — Le Siege de Constantinople , ibid. : La Reine maure, ib. ; — Chants du Levant, ibid. • — L'enthousiasnie, et au- tres poemes , ibid. ; — La derniere Automne , et autres poemes , ibid. : — Vers de Thomas Hayne Bagly , ibid. — NrjRVEGE. — . Souvenirs de ma vie politique , par Heiberg , 555. — Allemagne. — Le regne animal range1 d'apres son organisation , 554 • — Essai d'un expose syslematique dc la psychologie empyrique , 556 : Sur la necessite de reformes generates dans Petat actuel de 1'Allemaone , 557: — Manuel d'etudes prcparatoires a la science de Fhistoire, 558 ; De la revolution nouvelle en France, 559 ; — Essai historique sur la Vie de Wallenstcin , 260 ; — Pbysiologie de Fhomme, ibid. ,• — Essai sur la physiologie du sommeil , 361 5 — Journal de Fophialmogie , ibid. : 44° TABLE DES MATIERES. Ilistoirc de la the'ologie pro:estanie, ibid.; — Dela dctte dans les Etats dc l'Europe actuelle , ibid.; — Tableaux gendalogiques ct liistoriqucs de ('empire britannique , ibid. ; — Description geogTapbiquedes grands-du- cbes de Meklcnbourg-Scbwerin et Mcklenbourg-Strelitz , ibid. — Suisse. — Notices genealogiques sur les families gcncvoises , 361 ; — Materiaux pour Tbisloire de Geneve, ibid. — Italie. — Annales universelles d'agricultnre, 364; — Relation d'un Voyage dans I'Abruzze, 356 j — Mdmoires bistorico-diplomatiques , rc- latifs a la ville et au marquis dc Saluces ,• ibid. ; — Classiques latins , pu- blics sur les manuscrits du Vatican , 5G6. — Belcique. — Rechercbes sur Tintensite magncHique en Suisse et en Italic, 566; — Journal d'agriculture, 368; — Bibliothcque des instilulcurs , 369. LIVRES FRANCAIS. Couvs d'Entomologie , 571 ; — An de cultivcr les jardins, 574; — Coins de mecanique industriellc ; ibid. ; — Le VeVificaleur des comptes , 577 ; — Dictionnairc lopographique de la Sartbc, ibid.; — Essai sur la sta- tistique de Tarrondissement de La Fleche , 580 ; — Annonces de 9 ou- vragcs sur la religion saint-simonienne , ibid.; — Principcs du droit dc la nature et des gens , 385; — Annonces dc 19 ouvragcs surla pairie, 584; — Rdpubliijuc monarchique, 592; — Tableau de la crise sociale , ibid.; — Trois lettres a M. le cure dc . . . . , 591 ; — Lecons sur les prisons , ibid.; — Opinion de M. Cristopbe, 595; — Journal d'un ol'ficier de Farmee d'Afrique, ibid:; — Memorial dieppois, 596 ; — Tresor dc la langue grecque , 598; — (Euvres de Voltaire, 402; — Epitrc au\ Beiges , ibid. ; — La Nymphe de la Vistule aux Francais , dilbyrainbe , 404 ; — La Nouvelle Foret , ibid.; — Le Giesbach , 405 ; ■ — Pctites bis- toires du coeur, 406 ; — Contes misantropiques, 407; — Dictionnairc des artistes de Cccolc francaisc , 418; — Voyage en Egypte et en ISubie, 409. IV. NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTERAIRES. AMERIQUE SEPTENTRIONALE. — Etats - Urns. — Ilistoirc des tribus indiennes, 410. EUROPE. — Russie. — Apcrfu du commerce exterieur enRussic, c'> 1850, 411. — NORVEGE. — Stalistique; Constitution ;Justicc; Administration ; Budget , Banquc ; Armee ; Instruction , 414- — Belgique. — Etablissement perfectionnd pour redttcalion , 421 . — France. — Paris. Inslitut : Seances de l'Academie des Sciences du mois d'aout; 425; — Reclamation, 428; — Revue des theatres, 450. Nrciu>T.or.!r. — France : Regnault , 453. On souscrit a Paris, chez les Libraires ci-apres : Treuttel et Wurtz , rue de Bourbon , n° 17 ; Charles Beciiet, quai des Augustins, n° 55; Rey et GrAvier, quai des Augustins, n° 55 ; A la Galerie de Bossange pere , rue de Richelieu, n" Go j Roret, rue Hautefeuille, n° 1a; J. Renouard, rue de Tournon , n° 6. On souscrit aussi chez tous les Directeurs des poste? , ct chez It's prii ipaux Libraires, dans les departemens et dans les colonies. LibraIRES chez lesquels on souscrit dans /esPAYS E 'RANGERS. Amsterdam, Delachaux- Anocrs, Ante.ll>-. Arau (Suisse), Sauerlander. Berlin, Sehlesinger. Berne, Clias; — Bourgdorfer. Breslau, Keygel. Bruxellcs , Dujardin-Sailly ; — Demat ; — IIorgnies-Re'nie ; — Librairie parisienne, frangaise et e'trangere. Florence, Piatti; — Vieusseux. Framcforl- sur-Mein , Jugel. Gand, Vano jnkerckoven fils. Geneve, Cherbuliez; — Baibtaat ct Delarue. La Haye, les freres Lnngenhuysen. Lausanne, Fischer. Leipzig, Brockhaus ; — G. Zirges. Liege, Desoer; — Colardin. Lisbonne, Paul Martha. Londres, Dulau et C"; — Treultel et Wiirlz ; — Bossange, Barthez, Lowel etC«. Madrid, Dennee; — Peres. Manheim, Artaria et Fontaine. iJ/Z/ara.Giegler; — Visinan); — Bocca. Mons, Le Roux. Moscou, Gautier; — Hiss pere et f:ls; — Urbin et Ce; — Semen. Naples, Borel ; — Morctta et Wanspandock. New-York (Etats-Unis), Foreign and classical bookstore; — Be'rard et Moudon. Nouvelle-Orleans , Jourdan ; — A. L. Boismare. Palerme (Sicile), Pedonne et Mu- ratori; — Bceuf (Oh.). Pdtersbourg, F. Bellizard et Ce; — Graeff; — Pluchart. Rome, de Romanis; — Merle. Stuttgart et Tubingue, Cotta. Turin, Bocca. F'arsovie, Glucksberg. Vienne ( Autriche ), Ge'rold; — Schaumbourg ; — Schalbacher. Tous les ouvrages annonces dans la Revue Encyclope'ditjue se trouvent chez Sldillot , librairk, ruede l'Odeon, n° 30. Contrition* tic la JSousrription. La Revue Encyclope'dicjue parait mensuellemeiU , depuis Jan- vier Iul9, par cahiers de pins de 200 pages d'impression. Trois cahiers ferment un volume, termine par une Table analytiquc et alphabe'tique des matieres. Chaqueanneeest independaute des annees precedentes, et offre mi Annulare scientifique et litteraire „ en 4 volumes in-8°. JJrir fre I'Slbonncment. A Paris 46 fr. pour un an; 26 fr. pour six mois. Dans les departemens. 55 » 50 » A Teii-angei 60 » 54 » En Angleterre. ... 75 » 42 » A partir du 1ev Janvier ou du i er jviillet. Chaque cabier se vend separement 5 francs. Le montant de la souscription , qui doit etrepaye d'avance et envoye par la poste; La correspondance ; Et lout ce qui concerne la redaction, les livres de tout genre, les gravures, etc., dont on desire faire rendre compte, doivent etre adresses, franc de port,, ALX DIRECTEURS DE LA REVUE ENCYCLOPEDIQLE, RLE DE L'OD^ON, \" 30. Pour les abonnemens et les lerlamations , on doit s'adresscr M. S^dillot, memc Maison. IiDprimerie d'liVERAT , rae du Cadran, n° \t _A. REVUE ENCYCLOPEDIQUE Politique , Religion , Philosophic , Sciences , E'conomie politique , Indust> - . lltterature et beaux-arts. PARIS; AU BUREAU DE LA REVUE ENCYCLOPEDIQUE; iue des Saints-Pfcres , N° 26; ARTHUS BERTRAND, RUE HAUTEFEUILLE , N° >3. SEPTEMBRE 1831. REVUE ENCYCLOPEDIQUE. AVIS. La Revue Encyclope'dique vient de changer de mains : M. Jullien de Paris en a fait cession a denouveaux editeurs. Une grande pensee avait preside a la creation de ce recneil. Rassembler en nn faisceau des lnmieres emanees de sources di- verses et eloignees etait la conception d'un esprit etendu ; reunir les notabilites eparses dans toutes les branches dn savoir pour les faire concourir a une meme ceuvre etait le fait d'un honnue entreprenant et ami du progres. A M. Jullien en appartient 1'honneur, et nous nous plaisons a lui rendre ici une justice eclatante. Mais a l'epoque ou cette heureuse idee fut concue el mise a execution, les savans , presque exclusivement adonnes aux tra- vaux d'analyse, rassemblaient laborieusement les materiaux de l'edifice scientifique, en l'absence d'un plan architectural des- tine a lui donner la forme. On ne songeait point, en un mot, et peut-etre n'etait-il pas encore tems de songer au lien encyclo- pedique, qui doit, sous peine d'anarchie , embrasser toutes les divisions de l'activite intellectuelle. Le fondateur de la Revue a done fait ce qu'il y avait alors de plus utile , et il a bien merite du monde savant, en ouvrant un rendez-vous commun a des compositions fragmentaires , en se faisant lui-meme le centre actif d'une multitude de relations individuelles. ( 2) Aujourd'hui lcs materiaux sont rassembles, ils sont inuom- brables, et la necessite de mettre de l'ordre dans cet immense magasin de decouvertes accumnlees se fait sentir chaque jour plus vivement aux esprits meditatifs : c'est a cette condition senlement qu'on pourra se livrer avec avantage a des recherches nouvelles. Le ralentisseinent qui se manifeste dans tout l'atelicr scientifique est une preuve du besoin que nous signalons ; presque tous les recueils etrangers aux debats de la politique journaliere en out subi la facheuse influence, et la Revue elle- meme n'en a point ete exempte. Mais pour etablir le nouveau lien encyclopedique , de grands travaux preparatoires sont in- dispensables ; nous voulons les entreprendre , et nous appelons les savans a y cooperer avec nous. Get appel s'adresse partieu- lierement a ceux qui depuis la fondation de la Revue ont depose dans ses cabiers les fruits de leurs veilles. Ramener a \ unite des theories isolees , souvent contradictoires , faire subir a ces theo- ries les transformations que necessite la pratique , telle est la tache que nous nous proposons. Mais la pratique et la theorie , en d'antres termes, l'industrie et la science, ne sont que les moyens : le but , c'est le perfec- tionnement materiel et moral des homines. Aux beaux-arts , a la poesie , la mission d'en faire desirer Faccomplissement ; ils ne seront point negliges par nous. Aux chefs des societes la mission de diriger tous les efforts dans cette voie ; nous contribuerons a y porter quelqucs lumieres. Chercher et indiquer les changemens que doivent subir les institutions administiatives , judiciaires , commerciales , pour ameliorer le sort des peuples, ecarter des debats legislatifs tout ce qui n'a point pour objet direct de faire cesser la misere et ranarchic, en recompensant le travail et fle- trissant l'oisivet e ; voila notre ligne politique ; nous n'en devie- rons point, siirs a l'avance d'obtenir la sympathie des cceurs ge- nereux , des esprits actifs , qui appellent de tons leurs vceux 1'ere des progres pacifiques. ( 5 ) Ces idees jetees a la hate seiont reprises avec detail dans un cahier prochain, ou nous exposerons nos vues sur les besoins de la science et sur le caractere que nous voidons imprimer a ce recueil. Hippolyte Carwot. Le plan actnel de la Revue ne sera que legerement modifie , mais il recevra successiveraent une extension assez considerable. Nous ne craindrons pas plus d'aborder les sciences et leurs ap- plications speciales avec le kngage qui leur est propre que de nous elever aux considerations philosophiqnes de l'ordre le plus general. Nous conserverons et nous completerons par des rela- tions plus actives notre bibliographie mensuelle , afin de realiser le but primitif du recueil ; analyser et jnger les publications prin- cipales dans toutes les langues , et epargner ainsi aux homines studieux des recherches penibles , des lectures immenses , des correspondances dispendieuses. Le changeinent de direction ayant occasione des retards -dans 1'impression du cahier de septembre, nous avons mieux airae , plutot que de les prolonger encore , publier ce cahier sous une forme incomplete. II sera suivi par celui d'octobrea quinze jours de distance, et des mesures sont prises pour que desormais les numeros paraissent regulierement pendant la premiere semaine de chaque mois. COMPOSITION DU CAHIER DE SEPTEMBRE. PUEM1E11E SECTION. \° Considerations surla politique exte'rieure, par M. Laurent. 2° Statistique mine'ralogique de la France, par M. H. Four- wel, ingenieur des mines, ancien directeur du Creusot. ( *) 3<> Dm cholera e'pide'mique ; rapport fait par M. Double a V Academie de me'decine. -4° Aux phUosophes , par M. Lehoux. DEUXIEME SECTION. Bulletin bibliographique . Analyse de 52 ouvrages etrangers et de M ouvrages francais. TROISIEME SECTION. Nouvelles scientifiques , industrielles et litter aires. Angleterre. — Russie. — Allemagne. — Italic — France. Coinpte rendu des travaux de l'lnstitut, des theatres, etc. PRIX DE L'ABONNEMEIVT : A Paris 4^ fr. pour un an ; 26 fr. pour six mois. Dans les dc'partcmens . 53 » 3o » A l'e'tranger 60 » 34 » En Angleterre. ... ^5 » l\'i » A partir du 1" Janvier ou du ier juillet. Chaque caliier se vend sc'pare'ment 5 francs. Le montant de la souscription, qui doit etre paye d'avancect envoye' par la poste; La correspondance , Et tout ce qui concerne la redaction , les livres de tout genre , les gravures , etc., dont on desire faire rendre compte, doivent etre adresse's , franc de port „ AU DIRECTEUR DE LA REVUE ENCYCLOP^DIQUE, RUE DES SAINTS-PERES , IM° 26. Imprimerie, D'EVERAT, rue du Cailran , n° 16. REVUE ENCYCLOPEDIQUE. DE LA POLITIQUE EXTEBIEURE ET INTEBIEURE DE LA FRANCE DEPOTS LA REVOLUTION DE 18.30. PREMIERE PARTIE. POLITIQUE EXTERIEURE. Lorsque la revolution francaise eclata , Burke s'ecria (ju'ily avait un vide en Europe. Burke avait raison. L' unite europeenne, fondee sur le droit diuin, fut alteree et rompue le jour ou les representans de la France , appuyes sur le principe de la souverainete nationale , jurerent, au Jeu de paume, de donner une nouvelle constitution a leur pays. Des ce moment la monarchic de Charlemagne et de Louis XIV dis- parut et laissa une lacune immense sur la carte de l'Europe feo- dale(-l). Mais Fox eut raison aussi de repondre a Burke que cette lacune, que ce vide etait un volcan. (1) M. Royer-Collard a pretendu que le droit divin dlait un mensonge histo- rique. C'est nier la formule sacramentelle de tous les aelcs de la royaute feo- TOME LI. SEPTEMBRE 1831. 29 \\-2 DK LA POLITIQUE EXTERIEGRE C'ctait la , en efi'ct , que bouillonoaient les laves deniocratiques que la philosophic du dix-huitiemc sieele avait preparees contre les institutions aristocrat iques du moyen age. Les rois, les nobles et les pretres, glaces d'effroi en yoyant s'ouvrir devant eux ce redoutable cratere , se liguerent aussitot pour le combler. Tout leur parut legitime pour parvenir a ce but. Fraudes diploma- tiqucs, raensonges officiels, hostilhes so uter raines , guerre ci- vile, invasions, manifestes incendiaires , trahison , rien ne les arreta dans l'accomplissement d'une ceuvre qu'ils devaient d'au- tant plus regarder comme sainte et sublime qu'ils croyaient defendre un ordre social revetu du sceau divin, contre des innovations criminelles suggereespar un esprit satanique, par le demon de la reforme, par le genie de la revoke et de l'impiete. On a beaucoup reproche aux rois Pilnitz; aux nobles, Co- blentz ; aux pretres, la Vendee. Les rois cependant firent leur metier de rois. II en fut de meme des nobles et des pretres. Mais le people francais aussi^'z son me- tier de peuple. Sous la republique et sous l'empire , le vide de Burke resla gloriensement ouvert, et s'agrandit meme d'une maniere ef- Trayante pour les defenseurs de l'ancien systeme europeen. Un instant , la feodalite continentale seinbla menacee d'etre enfermee vers le Nord dans d'etroites limites : l'abime creuse sous ses vieilles pretentions tenait de Cadix a Moscou. Quelques orateurs (MM. Guizot et Thiers) ontavance, dans une discussion recente, que ce vide volcanicjue avait frappe le monde d'epouvante , et rendu le nom francais odieux partout ou la conquete avait porte son action ddvorante. Le veteran le plus illustre de la revolution, le general La- dale , c'cst meconnaitre la consecration religieuse du principe politique qui rtglait, au moyen age, la transmission du pouvoir tcmporel. Quelquc opinion que I'onait aujoiird1hui surccitc puissanccde consecration, il n'en est pas moins vrai que les rois affeclerent toujours dene tenir leur couronne que de Dieu el de ktrr i-rc, et que les peoples ennent long-terns aussi a la legitimile de cetle pretention. T)E LA FRANCE. . f 4 3 fayette, s'est charge de protester contre celte oulrageaiite nega- lioii ile Vinfluence de nos triomphes sur la civilisation euro- peenne. II a dignement rappele tout ce qui avait recommande la republique et Napoleon a l'admiration et a la reconnaissance des peuples. J'examinerai plus tard pourquoi deux pnblieistes liberaux, deux ecrivains aussi distingues que MM. Thiers et Guizot, out insiste, avec quelque complaisance, sur les ravages et les desastres qui ont marque notre action militaire sur l'Enrope. On ne devait pas s'attendre a rencontrer chez l'histprien de la revo- lution d'Angleterre, pas plus que chez l'apologiste de la revolu- tion francaise, des traces de l'esprit de denigrement qui a dicte tant de pages injurieuses contre notre soif de liberte et de gloire , depuis les pamphlets de Rivarol jusqu'aux diatribes parlemen- taires du marquis de Londondery. Si les armees franchises n'eussent traine a leur suite que des calamites, la peur de la propagande n'aurait pas enfante tant dc coalitions, et les rois se seraient volontiers dispenses de toutes les mesures rigoureuses qu'ils durent prendre contre leurs sujels, pour les preserver de la contagion de nos principes. Mais la royaute et raristocratie feodales, qui voyaient surtout des initiateurs revolutionnaires dans nos soldats , savaient aussi qu'il y aurait danger pour les trones legitimes , et menace per- manente de contagion politique, aussi long-tems que la souve- rainete populaire , en bonnet rouge, ou en diademe, pourrait colporter de Paris , dans tout lc reste de l'Europe, les mceurs et les idees de la nouvelle France, non-seulement par la guerre, sur u n char de victoire , mais aussi par le commerce, les sciences et les arts, sous les auspices de la paix. Cest a cette conviction profonde de la royaute et de Taristo- cratie que sont duscesnombreux traites, aussitot violes que con- clus, qui composent l'histoire de notre diplomatic de 1792 a 1813. Quand la fortune mettait les empires a notre discretion, on s'humiiiait, on suppliait , on promettait; mais le vieil esprit 444 DE LA POLITIQUE EXTERIEURE monarchique, refoulant au dedans de lui-raeme son antique orgueil , ne faisait que se plier aux circonstances , que dissimuler ses repugnances et ses haines , qu'ajoumer ses projets de ven- geance, et que renvoyer, a la premiere occasion favorable, une nouvelle manifestation de son inimitie inveteree. L'ancienne Europe voulait etre homogene a tout prix : rien ne pouvait lui faireabandonner ce desir, qu'ellepuisaitdans l'instinct memo de sa conservation. Ni Fleurus, ni Jemmappes, ni Marengo, ni Arcole, ni Austerlitz, ni Wagram, ni Montmirail, ni Brienne, ne purent la dissuader. Le droit divin se sentait mal a l'aise et ne se croyaitpasen surete dans levoisinagedu principe revolution- naire. La forme imperiale ne remplissait pas mieux que la forme republicaine la sanglante lacune que les dynasties , les castes et les generations amies de l'ancien regime n'apercevaient qu'avcc effroi dans l'histoire de la legitimite. La paix entre la France et l'Europe ne fut done jamais qu'une treve arrachee par la neces- site a des ennemis irreconciliables, et violee intentionuellement d'avance par ceux qui la juraient avec le plus de solennite. Pour se convaincre de cette verite , il ne faut que suivre la diplomatic depuis les preliminaires de Leoben jusqu'a la rupture des con- ferences de Cbatillon. Enfin , apres tant de defaites essuyees , tant de revers reparcs, tant de traites meconnus, tant de pro- messes trabies, l'Europe feodale obtint le prix de sa perseverance. La victoire deserta un jour nos drapeaux, et le vide de Burke fut comble. La capitale du monde civilise vit eutrer a la fois dans ses murs l'ancien regime et la barbarie , les Bourbons et les Cosaques. La restauration ne combla neaumoins qua la surface le vide signale depuis vingt-cinq ans par l'illustre Anglais. Sous la couche feodale que la Charte octroje'e etendit sur la France, restaient intactes les lois civiles, les relations nouvelles, les mccurs liberales que la revolution avait creees. Louis XVIII etCbarlesX s'occuperent done successivement de relaire ccs majurs, ces relations et ces lois. Us scntaient que Tu- DE LA FRANCE. 44^ bime des revolutions n'etait que faiblernent couvert , et pas du tout ferme, par les vieilles formules du droit dwiny et par le re- tab] is sement du trone, de la cour et de 1' etiquette de l'ancien re- gime. II leur fallait une retrogradation qui ne s'arretat pas a la superficie de la region gouvernementale, mais qui penetrat dans la vie intime, dans les profondeurs de la societe. De la leurs tentatives pour ressusciter dans les corps politiques 1'aristocratie du passe, pour relever 1'antique sacerdoce en replacant le bourreau sur 1'autel, pour reconstituer la famille feodale par le droit d'ainesse et les substitutions , pour nous rendre le manage indissoluble et la puissance paternelle, selon les dogmes du moyen age. Mais , en elevant cet ecbafaudage gothique sur le sol niouvant de la France , qui ne pouvait plus rien supporter de semblable ; en posant tons ces debris du vied edifice sur le gouffre revolu- tionnaire, ils ne firent que fournir uu nouvel aliment au foyer volcanique qu'ils voulaient eteindre. Le cratere se rouvrit : en trois jours il devora l'ceuvre de quinze annees de restanration et de quarante ans de coalition. L'unite monarcbique, fondee sur la le'gitimite et misesous la sauve-garde de lasainte alliance, fut detruile. Depuis ce grand evenement, le vide de Burke existe en Europe. II est vrai que , malgre la reconnaissance formelle du principe de la souverainete nationale, le gouvernement issu de juillet s'est efforce de faire oublier son origine , et de persuader a l'Eu- rope du droit divin qu'il n'y avait qu'un homme de moins en France. Je sais que, pour faire croire aux rois que la nouvelle revolution ne changerait rien a l'homogeneite monarcbique et a l'unite du systeme etabli par les traites de Vienne et de Paris, on a ete jusqu'k fletrir du titre de catastrophe la victoire du peu- ple francais et la chute de Charles X ; promettant bien de main- tenir, sousle nomde quasi-legitimite \ l'ordre politique fonde en . 181 4, au milieu de uos revers et sous riniluence de nos ennemis. 44^ DE LA POLITIQUE EXTKHIEIHK Mais l'illusion ties princes et de leurs conseillcrs up petit rlen contre la puissance des fairs. Le cabinet du Palais-Royal a en beau caresser la vieille Europe, aller au-devant de ses fantaisies, menager sasusceptibilite, respecter ses exigences et ses caprice, jurer de he pas troubler le repos fragile de sa caducite, la vieille Europe l'a traite en parvenu qui voulait gagner sa legitimite a tout prix ; elle n'a pas cesse un instant de se preparer a lui inontrer qu'elle n'enlendait pas la revolution de 1850 dans un sens aussi etroit et aussi mesquin que le faisaient certains homines d'etat de la France. Certes , je suis loin de faire un crime a ces homines de leurs efforts pour apaiser la colere des rois et pour preserver les peu- ples des horreurs d'une guerre generale. Je ne lenr reprocherai pas non plus comme un tort irremissible d'avoir tremble a l'idee de renvahissement des opinions republicaines , et d'avoir eher- che a le conjurer, en se rattachant le plus possible, au dedans a la restauration, au dehors a la sainte alliance. II etait naturel qu'habitues a ne croire la paix et le bonheur possibles qu'a la double condition d'eviter les exces de 1'esprit retrograde et les empietemens de la democratie , ils ne vissent rien au-dela de la Charte et de la paix de 1 81 4, et qu'ils tendissent par consequent de toutes leurs forces a faire considerer les evenemens de juillet comme le simple cMtiment dn parjure royal et comme le triom- phe meme des theories constitutionnelles et des combinaisons diplomatiques dont ils avaient ete les auteurs ou les soutiens , a la fin de l'ere imperiale et pendant toute la duree de la restau- ration. Mais ces homines avaient-ils bien compris la France, en pro- clamant qu'elle n'avait voulu en juillet que continue* le regime dont'500,000 ba'ionnettes etrangeres avaient pu seules lui faire accepter lejougen 181-4 et 1815, et contre lequcl elle n'avait cesse de conspirer jusqu'en \ 850? Ces hommes avaient-ils bien compris les potentats et l'aristo- cratie de l'Europe, en se flattant de faire admettre h mi da bur- DE LA FRANCE. 447 ricades dans la vieille famille monarchique , et d'obtenir de la sainte alliance une paix reelle et durable pour le peuple qui ve- nait de rouvrir avec taut d'eclat le foyer du volcan revolution- naire? Je n'ai a repondre en ce moment qua cette seconde question : je m'occuperai plus loin de la premiere. M. Guizot a dit lui-meme, dans son dernier plaidoyer pour le systeme de la quasi-restauration, que I' Europe ne'taitpas de ceux qui 11 avaient rien oublie' ni rien appris depuis quarante ans ; et il a fait servir cette judicieuse remarque a jnstiner les soupcous et les mefiances que la diplomatie etrangere devait nourrir a legard de la France. Je partage pleinement sur ce point Topinion de M. Guizot ; mais j'en tire une conclusion tout-a-fait opposee a la sienne, c'est que l'Eiirope , ainsi alarmee par ses souvenirs et instruite par l'experience , ne peut pas tenir aussi fortement qu'on vou- drait nous le faire croire aux dispositions amicales et aux reso- lutions pacifiques qu'on lui prete. II y a contradiction manifeste a presenter les cabinets sous riufluence de la terreur inspiree naguere par nos armes, et a expliquer leurs immenses preparatifs par le reveil des anciennes antipathies nationales , pour nous engager ensuite a dormir dans une parfaite securite et a rever le desarmement general. Telle a cte pourtant la logique de MM. Guizot et Thiers, et elle a fait fortune a la chambre des deputes. II est vrai que ces deux ora- teurs, dont le talent parlementaire, les lumieres politiques et les connaissances bistoriques ont rendu 1'appui si preuieux au cabi- net du Palais-Royal, pour remplir la double tache de justifier le ministere et d'accuser Topposition de tous les maux qui pesent non-senlement sur notre pays, mais encore sur l'Espagne, l'lta- lie, la Belgique et la Pologne; il est vrai, dis-je, que ces deux orateurs, apres avoir rappele complaisamment tout ce que les gnerres de la revolution et de 1' empire avaient souleve en Eu- rope de preventions haineuscs contre le genie conquerant de la f48 DE LA POLITIQUE EXTERIEURE France , se sont cnis obliges d'attenuer l'influcnce peu pacifique que de pareils souvenirs devaient necessairement exercer sur l'es- prit des rois, en nous parlant du mepris que Ton temoignehau- teraent dans toutes les cours europeennes pour la branche aine'e des Bourbons. Mais, lors raeme que ce mepris serait aussi pro- fond que le pretend M. Thiers, dans la chaleur de son devou- ment a la branche cadette> quel motif de securite pourrions- nous y trouver pour la France? Ce n'est pas en consideration des qualites personnelles de Louis XVI ou de Louis XVIII que taut de coalitions ont ete forniees contre nous depuis quarante ans. L'affection et l'estime particuliere pour tel ou tel prince touchent peu et detemrinent rarement les cabinets. On ne professait pas un grand respect pour Ferdinand VII, aux Tuileries, lorsqu'on y resolut de le soustraire a la domination des cortes ; et il est fort probable que la plupart des souverains qui insistent le plus sur le raaintien du pouvoir absolu en Portugal font d'ailleurs peu de cas et [parlent souvent avec degoiit du monstre qui opprime ce malbeureux pays. Ce que desirent avant tout les vieilles dy- nasties, c'est le triomphe duprincipe en vertu duquel elles regnent; c'est de defendre partout ou elle est attaquee la solida- rite qui les lie ; c'est de retahlir 1' unite europeenne , fondee sur le dogme de la legitimite : peu leur importe le caractere du prince dont elles poursuivent la restauration. II n'est pas un acte diplo- matique qui aif dementi cette assertion, depuis la declaration de Pilnitz jusqu'au congres de Verone. Et puis est-il bien exact de dire que les rois de l'Europe me- prisent Cbarles X et sa famille ? Le corps diplomatique , infidele a sa discretion et a sa reserve ordinaires , a-t-il laisse ecbapper quelques indices sur ce point ? M. Thiers , admis aux plus hautes confiJences , a-t-il exprime reellement la pensee secrete des rao- narques europeens a l'egard de la dynastie dechue? De quelque autorite que jouisse le temoignage de cet orateur, ct quelque respectable que soit la source ou il puise ses rensei- DE LA FRANCE. 449 gncmcns , il est peroijs de lc croire mal informe en cette cir- constance. Que Charles X , contre-revolutionnaire opiniatrc , enneini aveugle du prbgres , protecteur fanatique de tout ce qui pouvait ramener l'ancien regime , soit represente sous le poids de la haine des peuples , cela se concoit ; rnais que l'ou pretende en- suite qu'apres avoii' encouru la reprobation du liberalisme par son obstination retrograde , il soit devenu l'objet du mepris des rois , dont il avait suivi l'exemple ou defendu la cause par son immuable volonte et son audacieuse -persistance , e'est ce qu'il n'est pas possible d'admettre. Les princes qui out pu blamer le plus severement sa conduite , en raison des consequences facheuses qu'ellc a eues pour le repos de l'Europe', ne Tout certainement pas trouvc me'prisable dans son rcfus de ceder aux exigences constitutionnelles de ses sujets ; et, tout en deplorant le re'sullat des fatales ordonnances , ils n'ont guere pu considerer la main supreme qui les avait signees que comme une gardienne vigou- reuse de la noblesse, de la dignite et des prerogatives de la couronne. Leur mepris a du tomber plutot sur ceux qui , sans se laisser rebuter par les avanies et les insultes , ont voulu acheter par des concessions journalieres, et n'ont cesse de mendier avec Thumilite la plus obstinee, une bienveillance qui ne pouvait jamais etre sincere de la part des potentats, et a laquelle on met- tait cbaque jour un plus bant prix D'ailleurs , le mepris royal qui peserait sur Charles X et sur d'autres membres de sa famille pourrait-il atteindre Yenfant que les partisans de la dynastie decline regardent comme le depo- sitaire des destinees de la France , et a qui 1'Enrope monarchique n'a rien a reprocher encore qui puisse le priver de la haute pro- lection et de la vive sollicitude qu'elle ne peut manquer d'ac- cbrder au represcniant de la legitimite, a Theritier du droit divin ! En verite, e'est trop compter sur la facilite de la France a se laisser etourdir par des phrases, que d'esperer de la rassurer par 30 jf>o I)K LA POLITIQUE KXTERIEURE de semblables moyens stir les dispositions ties puissances etran- geres. Pour dissiper les alarmes de la nation , !l faut antic cbose ([ii'iinc divulgation officieuse de l'opinion particuliere des sou- vorains et dc lours plenipotentiaires sur les exiles d'Holy Rood, surtout quand on s'est efforce dans le meme discours de faire un tableau bien sombre des exces de la rcpublique , des ravages de l'etnpire, des troubles ncsou a naitre dc la revolution dejuillct, et de tons les desordres passes ou imminens qui pcuvent cntrete- nir ccs plenipotentiaires et ces souveraius dans un etat continue! d'irritation, de mefiance et de haine contrc la France. Mais , disent les publicistes profonds qui out imagine, mis en pratique et defendu dans d'eloquens plaidoyers le systeme de la quasi-restauration , les graudes puissances , malgre leurs ap- prehensions legitimes , malgre tous les justes motifs qu'elles out de nous craindre et de nous hair, les grandes puissances ne nous feront pas la guerre si nous sommes sages ; car on ne se decide a la guerre que dans deux cas : lorsque des interets materiels l'exi- gent, ou lorsqu'il y a lieu de redouter le debordement d'un principe ennemi. Or l'Europe monarchique n'a aucun interet materiel en souffrance qui la porte a nous attaquer : il ne s'agit done que delarassurcr surlinvasion des doctrines liberates etles empietemens de la democratic , pour obtenir d'elle un desanne- ment general , et garantir aux peuples le maintien de la paix. L'Europe monarchique n'a pas ete froissee dans ses interets materiels par la revolution dejuillet! e'est incontestable ! Elle ne puisera pas dans ses interets materiels des raisons de nous declarer la guerre ! e'est encore evident. Le cabinet du Palais- Royal a trop pris soin de la satisfaire et de la rassurer sous ce rapport, en laissant l'Autriche s'etendre en Italie , la Prusse oc- cuper le Luxembourg, l'Angleterre regner en Relgiqne, et la Russic ecraser la Pologne , pour que la rupture puisse venir de ce cole. J'avouerai meme que si la guerre ne devait sortir que du conflit dcs interets materiels, je compterais assez sur V esprit concilialeur et facile dont le gouverncment franeais s'est montre DE LA FRANCES 45 r anime depuis quinzc mois , pour promeltre a mon pays une ere pacifique bien longue, avaut que la condcseendance de sa diplo- matic flit epuisee. Reste done seuleracnt la question de sagesse! Mais qui la jugera cette question? Les princes, les memes princes, qui n'ont vu que crime ou folie <\a.m la conduite du peuple francais , depuis la prise de la Bastille en 1789 , jusqu'a celle du Louvre et des Tuileries en 1850! On l'a dit avec beaucoup d'esprit et de verite a la tribune : Pour etre sages aux yeux des rois et de l'aristocratie , il nous faudrait reprouver d'abord lede'lire de juillet, renoncer ensuite a ses resultats, et retourner, pleins de repentir et d'bumilite, a la restauration. Quelles que soient l'experience pedagogique et la puissance doctorale des hommes d'Etat qui ont recueilli les traditions du canape' , je ne pense pas qu'ils parviennent jamais a enseigner eificacement cette sagesse a la Fiance. Mais ces homines se reorient ; ils pretendent que nous exage- rons les repugnances des cours etrangeres pour notre derniere revolution ; ils affirment que les exigences de la sainte-alliance sont raisonnables , et que ses dispositions resteront pacifiques aussi long-tems que nous saurons conserver les ministres et les principes du juste-milieu. Eh bien ! ces principes et ces ministres triomphent dans les conseils de la couronne et dans le sein de la representation natio- nale ! les grandes puissances en continuent-clles moins leurs preparatifs militaires? Cependant, si Ton s'est hate de les satis- faire sous le rapport materiel , en ratifiant les spoliations et les demembreraens de 181 4-, et en consentant a 1' extension de la puissance autrichienne en Italie, de la domination prussienne dans le Luxembourg, de l'influence anglaise en Belgique , Ton n'a pas ete moins empresse de ceder, sous le rapport, moral , aux desirs des cabinets de Madrid, de Turin, de Vienne, de Berlin, de Londres et de Petersbourg, en dispersant les refugies espa- ^5-2 BE LA POLITIQUE EXTEIUEURE gnols qu'on avait d'abord enregimcntes et amies , en emprisou- nant les proscrits piemontais et italiens , en laissant egorger les patriotes de Bologne et de Modene, en faisant avorter la repu- blique et l'election du due de Leuchtenberg a Bruxcllcs , eu re- poussant les vceux du peuple beige pour sa reunion a la France , en traitant avec don Miguel, et en refusant enfin a la Pologne expirante le simple appui d'une reconnaissance solennelle. Com- ment, apres tant de preuves de sagesse , tant de gages de mo- deration , le desarmement general , dont on nous parle depuis un an, n'est-il pas encore obtenu? Que faut-il done de plus pour apaiser la colere des souverains, pour les tranquilliser sur nos intentions, et pour les amener a prendre line attitude moins menacante et moins hostile euvers la France? Ce qu'il faut, ce n'estpas seulement que nous laissions etouffer le principe revolutionnaire chez nos allies et nos amis, e'est qu'on puisse l'eteindre surtout dans son principal foyer, e'est qu'on vienne le detruire au milieu de nous. Qu'importe, en efTet, que les ravages lointains du volcan soient repares , si le cralere est toujours ouvert, toujours fuinant, toujours en etat d'eruption flagrante ou procliaine ? Qu'importe que les rameaux de l'arbre de la liberte soient entierement coupes , et qu'ils sechent et pe- rissent separes du tronc , si le tronc lui-meme est toujours de- bout, plein de seve et devigueur, capable de reproduire, par de nouveaux jets, toutes ses branches perdues? C'est la derniere racine de l'arbre, c'est la derniere lave du volcan , qu'il faut a la saiute-alliance , pour quelle puisse , libre de toute crainte , deposer les armes et proclamer le regne de la paix la ou elle aura etabli la solitude et le silence des tcmbeaux. Et qui oserait se flatter de lui inspirer quelque securite, tant que le vide de Burke ne sera pas entierement comble, tant qu'il ne sera que superficiellement recouvert par des complai- sances diplomatiques et par des fictions paiiementaires ? Ou est le Napoleon en qui l'Europe feodale reconnaisse assez de force ct d'autorite pour se reposer sur lui du soin d'enchainer le lion DE LA FRANCE. 453 populaire , et de dire au torrent democratique : « Tu u'iras pas plus loin? » Qui oserait ? . . . ou est le Napoleon ? . . . — « Nous voici , » s'ecrient tres-sericusement les doctrinaires, les quasi-legitimistes, et tons les coryphees du juste-milieii : « Nous voici ! Qu'on veuille seulement nous laisser faire ; qu'on ait un pen plus de con- fiance en notre patriotisme, un peu plus de foi en notre genie, et nous nous chargeons de reeoncilier la nouvelle France avec la vieille Europe. » Mais l'Europe et la France, prenant en pitie leur pretention , se hatent de repondre : « II y a plus d'un an qu'on vous laisse faire > et depuis plus d'un an vous n'avez - pu passer un seul jour sans constater vos embarras, sans denon- cer votre impuissance , sans proclamer vos plaintes , vos ter- reurs a la face du monde ! Comment pouvez-vous done , si faihles , si incertains , si effrayes, aspirer a rhonneur et nourrir l'esperance d'accomplir une tache a laquelle ne suffirait rneme plus aujourd'hui un geant de puissance et de gloire ? » (Dependant les sages de la quasi- restauration , malgre leurs plaintes et leurs frayeurs continuelles , n'en persistent pas moins a croire en eux-memes , et ils s'efforcent obstinement de nous faire partagerla foi exclusive qu'ils ont en leurs propres lumieres. Rien ne peut les dissuader a cet egard , ni les catastrophes qui se multiplient au dehors et qu'ils nesaventpasprevenir, ni les de- sordres qui renaissent sans cesse au dedans. A les entendre, tout irait plus mal encore, si leur haute prudence ne veillait sur les interets generaux de l'Europe et sur le houheur particulier de notre pays. Car, vous dira M. Thiers, ces evenemens exterieurs que Ton deplore avec tantd'amertume, etquenous avons du accepter sous peine d'amener une conflagration universelle , dont l'horri- ble perspective a fait dire a l'illuslre Brougham que le ministre qui compromeitrait la paix europe'enne meriterait de perdre la tele; ces evenemens ne sont pas de nature apres tout a exciter taut de regrets et de si vidlentes recriminations. On pretend que nous avons perdu ('affection des peuplcs en rcfusant d'intervenii 454 DE LA. POLITIQUE EXTERIEUUE en faveur des insurge's de la peninsule, de la Romagne, de la Belgique et de la Pologne : mais il y avait plus de dangers que d'avantages a risquer une pareille intervention. Et puis,voyez s"il n'y a pas lieu de se consoler ! Les Espagnols, quoi qu'on en dise, et bien que nous ayons eu nous-memes un instant l'inten- tion de faire de la propagande a leur profit , les Espagnols nc sont pas nuns pour la liberte. Les Italiens manquent d' unite, d'energie et de courage ; c' est un ramassis de petits peuples plus 011 moinsmeprisables qui, aujonrd'hui menie, sous le baton lu- desque , malgre les reactions pontificales et les gibets de Mo- dene , sont plus heureux que si nous eussions tente de les secourir. La Belgique est gouvernee par un prince anglais, parce que nous ne pouvions y souffrir ni les formes de la republique , ni le sang de Napoleon, et qu'il n'etait pas convenable non plus que nous consentissions a la reunir a nous ou a lui donner pour roi un prince de race francaise , mais nous lui avonsfait obtenir la posi- tion la plus favorable a ses interets et aux notres; elle est neutre corarae la Suisse, et l'inviolabilite de son territoire se trouve tellement garantie que si l'une des puissances s'avisait de le vio- ler, toutes les autres pourraient aussitot le violer egalement. Quant a la Pologne , elle ne pouvait pas rester independante ; la geograpbie s'y opposait. Frederic l'avaitbien senti. Ce fameux partage, don t on a fait tant de bruit et queThistQire a enregistre parmi les grands attentats politiques, fut une necessite, dont la cause dure encore, et sera raeme eternelle, puisqu'elle lient a la situation naturelle du pays. Ce n'est pas le cas de faire du senti- ment , mais de la raison. On ne pent pas creer les nations par un acte legislatif , et une Pologne est impossible. D'ailleurs ce sont les clubistes de Varsovie qui out amene sa chute, et il n'est pas vrai que le peuple polonais fut notre avant-garde , car on ne place pas son avant-garde a une distance de -400 lieues. Telle est la pensee generate et dominante du discours de M. Thiers; tel est l'esprit de 1'apologie ministerielle qu'il a pro- noncee a la tribune nationalc. II est vraiment difficile de com- DE LA. FRANCE. 4 j-3 prendre comment ce jeune publicists , qui marqua de bonne heure dans le monde litteraire par la hardiesse de ses idees et par des travanx qui annoncaicnt une vaste intelligence et de graves etu- des , a pu descendre tout a coup de la hauteur de 1'histoire et de la philosophic a l'exploration minutieuse d'un dossier diploma- tique, et parler, avec la secheresse dubureaucrate, l'erudition de 1'archiviste ct la dextcrite de I'homme d'affaires , sur des questions qui exigeaient toutela generosite , la science , la franchise et 1' ele- vation du philantrope , de l'orateur et de I'homme d'Etat. II est impossible aussi, en lisant son argumentation spirituelle, destinee a nous persuader que tout a e'te pour le mieux dans la perte de nos allies; il est impossible de ne pas se rappeler le seul exemple que les tetns modernes et l'antiquite nous aient fourni d'une aussi etrange resignation. Les courtisans de Gallien vinrent lui annoncer un jour que le royaume d'Egypte s'etait revoke: « Eh bien ! repondit-il, ne saurions-nous vivre sans lelinge d'Egypte ?»Lorsqu'on luiapprit la defection des Gaules , il manifesta la meme indifference. « Qu'importe, dit-il, est-ce que l'Etat ne pent pas subsister sans les longues casaques et sans le diap d' Arras? » Quand enfiu on lui apporta la nouvelle d'immenses desastres qu'un tremblement de terre venait de produire en Asie , ct qui co'incidaient avec une invasion des Scythes, il ne prononca que ces mots : «Nous nous passerons de salpetre. » En verite , il est trop affligeant que nous ayons pu etre ainsi ramenes an souvenir d'un prince tel que Gallien, par le langage d'un representant de la natiou la plus sympathique et la plus ge- nereuse de toutes les nations civilisees. - Durestc, comme les contradictions doivent necessairement " abonder dans la defense des mauvaises causes , il n'est pas etonnant que les avocats du juste-milieu, apies avoir soutenu d'abord que le ministere avait fait tons ses efforts pour prevenir les malheurs de l'ltalie et de la Pologne, apres avoir cherche ensuite a atte- nuer les effets ou a nier meme l'influence de ces funestes evene- 4^6 DE LA POLITIQUE EXTERIEUHE mens surlcs destinces do la France, il n'est pas etonnant, ilis-jc , que les avocats du juste-milieu aient pretend u aussi qu'on no pouvait rien faircponr empecher ce qui s'est passe au pied des Pyrenees, au-dela des Alpes on sur les bords de la Vistnle, par la raison qu'il aurait fallu accepter les chances terribles dune guerre generate, et que les niinistres francais ne la redontaient pas raoins qne le chancelicr dela Grande -Bretagne. Mais pourquoi, avec cet ardent amour de la paix , n'avoir pas mieux proiite des repugnances du cabinet anglais pour la guerre? Le grand Frederic disaitquc, s'il e'tait roi de France, ilnevon- drait pas qu'il se tirdt un coup de canon en Europe sans sa permission. II valait mieux se souvenir de ce mot que de son apologie du partage de la Pologne. Ce qu'il eut fait avec la France seule, on pouvait l'executer plus efficacement avccl'appui de l'Aiigleterre. Etsi, malgre cette double intervention, lasainte- alliance avait persiste dans ses desseinshostiles contre les peuples emancipes; si le desir de refaire a tout prix 1' unite europeenne, selon la legitimite , l'eut emporte sur nos menaces, alors du moins nous n'aurions pas ete reduits a une defense solitaire, ct nos allies seraient encore debout On a mieux aime essayer de desarmer les rois et Taristocratie par un systeme de concessions et de menagemens qui n'ont fait qu'enbardir les cabinets et quaccroitre leurs exigences. De quel aveuglemcnt ne fallait-il done pas elre frappe pour se persuader que la moderation du nouveau gouvernement francais pourrait lui faire pardonner son origine i-evolutionnaire par les represen- tans du droit divin? Les cortes d'Espagne et le parlement de Naples s'hnaginerent aussi d'etre mode'res , pour conjurer Forage qui se formait a Laybach et a Verone ; que sont devenus le par- lement napolitain et les cortes d'Epagne? De 1820 a LS22, on disait aussi a Madrid qu'avec de la sagesse on obtiendrait grace pour la revolte de 1'ilc de Leon, et que la France, pas plus que le rcste de l'Europe, n'attaquerait la constitution de Cadix. Le parti des anilleros , qui avait pour chef un ecrivain celcbre, DE LA. FKANCE. ^5j Martinez de la Rosa, et qui ne differait de notre parti Aujuste- milieu qu'en ce qu'il avait pris an peu plus de part a la revolution et qu'il n'en elait pas a la repousser secretement et a la maudire, le parti des anilleros se croyait stir des cabinets et garantissait la paix a la Peninsule, a la seule condition de sa presence au timou des affaires. Le roide France confirmait ces assurances pacifiques, en declarant solennellement que la malveillance seule pouvait attribuer a des vues liostiles le cordon sanitaire des Pyrenees. Eh bien ! un an apres, les armees du roi de France envahissaient le territoire espagnnl , la constitution etait aneantie, Riego ecar- tele, et les moderes, Martinez de la Rosa en tete , se sauvaient a travers l'ocean pour chercher un asile en France et en Angle- terre, ou ils subissent encore aujourd'hui , apres huit ans de souffrances, toutes les rigueurs de l'exil. Malgre des exemples si recens et d'aussi tristes experiences, les professeurs de moderantisme persistent a se donner pour les sauveurs obliges du pays. « La premiere coalition , dit M„ Thiers, ne se forma qu'apres le 10 aout, et jamais 1'Europe n'eiit songe a nous attaquer si la revolution fut restee dans les limites de la sagesse. » M. Thiers oublie qu'il s'est autrefois charge lui-meme d'etablir, par une demonstration en plusieurs volumes, que les exces qui signalerent et suivirent le 10 aoiit furent amenes pre- cisement par les manoeuvres hostiles et la guerre souterraine que les cours etrangeres entretenaient contre la France. Le general Lafayette Ten a fait ressouvenir; et ce n'a pas ete une chose peu remarquable quede voirleplus illustre adversaire du jacobinisme, en 1792, attester les causes provocatrices de la demagogie de cette epoque, et les rappeler au premier historien qui eiit ose les reconnaitre hautement il y a quelques annees et qui eiit pousse l'appreciation courageuse des voies timides et des moyens termes jusqu'a porter cette sentence severe contre la moderation des girondins : « Ils ont compromis la revolution, la liberte et la France; ils ont compromis la moderation meine en la defendant TOME LI. SEPTEMCRE 1 851 . 31 458 m: la politique kxtkhieukk avec aigreur. » (Histoire de la resolution francaise ., tomeiv , page 50 1 . ) Mais, puisqu'ou a cite l'histoire de la revolution, pour nous rassiuer sur les dispositions des puissances , et pour justifier les esperances de paix que le ministere a fondees sur son systeine de moderation, ne craignons pas de suivre les apologistes du juste- milieu sur ce terrain, et peut-etre y trouverons-nous la refutation la plus accahlante de leurs sophismes et de leur pusillanimite. Gomme l'a fort bien dit le general Lafayette , dans sa reponse a M. Thiers, qui avait oublie la date de la declaration de Pilnitz, et qui attribuait la premiere coalition aux evenemens d'aoiit et de septembre 1 792 , la guerre del'Europe feodale contre la France commenca reellement le jour ou elle apprit quece pays avait jure d'etre libre. Neanmoins il y eut alorsaussi desrainistres qui con- seillerent la sagesse , dans l'espoir de raniener les rois, sinon a des vues bienveillantes, du moins a la tolerance en faveur de la revolution francaise; et comme cette sagesse des Montmoiin, des Saint-Priest et des Laluzerne, ne faisait que paralyser le pa- triotisme, qirencourager les factieux du dedans et les ennemis du dehors, de vives alarmes eclaterent bientot an sein de la nation. De toutes parts on reclama des armes , et ce fut M. Charles de Lameth, aujourd'hui le Nestor des quasi-legitimistes , qui, a la seance du 28 juillet 1790, se chargea d'exprimer a la tribune le vceu general : « Je demande, dit-il, que l'assemblee nationale decrete que les ministres donnerontdes ordres aux manufactures pour fabriquer des fusils et desbaionnettes. Un tres-grand nombre de municipalites sont sans armes. S'il yen avait eu a Montaubau le parti patrioten'auraitpas succombe. J'ai communique plusieurs lettres au minislre : tantot il m a repondu qu'il ferait tout son -possible, tantot il ma repondu ne'gatwement. Quon re'fte'chisse an pen surces circonstances , et on verra qu'onveut nous mettre sur les bras toutes les puissances voisines. » Malgre cet utile avertissement , qui renfermait une veritable accusation contre les ministres, le gouvernement de Louis XVI DE LA FRANCE. 4^9 persista dans son systeme de tiedeur etde temporisation. Les en- neinis de I'inlerieur en proiiterent pour continuer leurs menees, ceuxderexterieur pour ponrsuivre leurs intrigues etachever leurs armemens. Apres six mois d'agitation et d'inquietude tonjonrs croissantes, l'assemblee nationale fut obligee de charger son co- mite diplomatique de rassurer les esprits sur l'iraminence de la guerre ; et Mirabeau , qui connaissait aussi la situation de l'Eu- rope, qui avait lu toufes les correspondances des chancelleries, Mirabeau vint, le 28 Janvier -1791 , presenter 1'agression des puissances etrangeres comme tout-a-fait improbable. « Etendez vos regards au-dela de vos frontieres, s'ecria-t-il , vous n'y trou- verez que des voisins qui out besoin de la paix comme nous , et non des ennemis. » Certes, des assurances pacifiques , donnees sous l'autorite du nom et du genie de Mirabeau , ne devaient pas inspirer moins de confiance que celles qui sortent aujourd'hui de la bouche des champions les plus eloquens du ministere. Les evenemens ne tarderent pas neanmoins a parler plus hautement que le Demos- thene francais, et l'espoir de conserver la paix s'affaiblit de jour en jour. Mirabeau avait regarde la guerre comme impossible dans le premier mois de 1791 ; le 22 novembre de la meme annee , un nouveau rapporteur du comite diplomatique, un organe du parti Inodere , qui tenait alors les renes du pouvoir , M. Koch , en depit de tous les symptomes guerriers qui apparais- saient en France et a 1'etranger, et sans tenir compte des actes hostiles et des attaques mysterieuses ou patentes de la Prusse et de l'Autriche; M. Koch, bravant la conscience publique , osa prononcer ces paroles remarquables a la tribune de rassemblee legislative : « Deja , dit-il , les principales puissances de l'Europe repoussent loin d'elles ces projels insenses de contre-revolution , que la rage impuissante des ennemis de la constitution cherche en vain a nous faire redouler. » Alors aussi des orateurs surgirent qui signalerent les dangers de la fausse securite que Ton s'efforcait d'inspirer a la France. 46o DE LA POLITIQIIK EXTERIKURK L'un d'eux , M. Davcrhoult , dont le langage semblc s'adresser a notre epoque, cita l'exemple recent de l'asservisseinciit d'un peuple voisin , en pnnition de la faiblesse et de l'imperitie de ses chefs. « Proscriten Hollaude , dit-il, et sur le point d'y peril sur l'ecbafaud pour la cause de la liberte , j'y ai vu cettc cause sublime perdue en temporisaut : c'est pour avoir employe des demi-moyens, c'est pour n'avoir point combattu ses adversaires lorsqu'il en etait terns, c'est pour s'etre attachee aux effets sans attaquer les causes , c'est pour avoir attend u que ses ennetnis fussent en inesure de l'ecraser, que la Hollande est dans les chaines. » Les moderes de l'assemblee legislative se nioqueient beaucoup des funestes pressentimens du depute patriote ; et cependant deux mois "ne s'etaient pas ecoules que Gensonne , au nom du comite diplomatique, denoncait au moude la fameuse declaration de Pilnitz, et apprenait solennellement a la France que la Prusse et l'Autriche s'etaient formellement liguees contre elle des le 27 aovit 1791 , et que ces deux puissances travaillaient par con- sequent a renverser le nouvel ordre social , au moment meme ou 1'un des organes du parti de la moderation les presentait comme repoussant loin d'elles lesprojets insetise's de contre-re'volution. Dira-t-on maintenant que nous ne sommes plus dans les memes circonstances , que les rois et les peuples ont change , et que la moderation est aujourd'hui plus efhcace etplus puissante,? Certes ce n'est pas moi, qui m'estime si heureux d'avoir trouve taut de raisons de croirea la perfectibilite des societes humaines; ce n'est pas moi qui nierai les progres de la civilisation europeenue de- puis quarante ans; mais, sans craindre le renouvellement ccmplet des coalitions royales , des complots aristocratiques et des exces populaires, qui marquerent la fin du dix-builieme siecle , n'est-il pas sage et raisonnable de prevoir que le conllit des deux' principes du droit divin et de la souverainete du peuple ame- nera tot ou tard une lutte ouverte qui, si elle doit etre moins DE IA FRANCE. <\§l longue et moins terrible que la derniere, n'en est pas nioins cer- taine et inevitable? La moderation des revolutionnaires serait plus puissante qu'au- trefois sur l'esprit ties princes legitimes ! Mais quenosdiplomates veuillent seulement consentir a nous reveler tout ce qu'ils savent de 1'irritation des corns etrangeres contrela France, et Ton vena si la moderation du juste-milieu a reellement plus de succes au- pres des souverains que celle du pailement napolitain et des cortes d'Espagne; et Ton comprendra que, si nous ne sommes pas encore attaques ouvertement , c'est que , selon l'expression re- marquable du general Lafayette, tandis que la de'mocratie se montre fougueuse } I ' aristocratie suit attendre. Mais prendre cette patience de l'aristocratie pour un gage de paix ; maisse flatter d'eviter definitivement la guerre, parce que la sainte-alliance n'a pas ete en mesure de nous la faire depuis un an et qu'elle s'est bornee a la preparer sur tous les points ; mais croire que la legitimite peut se contenter d'une application moderee des doctrines revolutionnaires ! c'est s'abuser etrange- ment; c'est livrer son pays a une perilleuse securite, c'est 1' ex- poser au plus terrible reveil... Qu'importe aux souverains votre pretendue sagesse, si elleestimpuissantea calmer l'effervescence populaire, si elle ne fait que developper et qu'aigrir les passions democratiques dont ils veulent elouffer le germe? Que leur im- portent vos efforts et vos sacrifices pour le maintien de la paix en Europe , et votre sollicitude pour la conservation de l'ordre pu- blic en France , si votre ordre public ne consiste que dans la tranquillite des rues, incessamment troublee et peniblement retablie ; si votre mode'rantisme n'est qu'une cause permanente d'irritation ; si la paix n'est a leurs yeux que la sanction tacite d'une revolution qu'ils considerent comme une revoke ; si elle ne les preserve de la propagande liberale, a main armee , que pour les abandonner a la propagande plus active, plus vaste et plus continue du commerce , des arts , des livres et des journaux? Non , non , la paix ne peut pas etre la derniere pensee des rois {62 DE LA POLITIQUE EXTERIEURE absolus; et des lors c'est avoir compromis le salut des peuplcs libres que d'avoir laisse aiix premiers la faculte dc rassemblcr toutes leurs ressources, daffaiblir celles de lours ennemis, et de choisir les raeilleures conditions de lenis et dc lieu pour la rupture, en designant a leur gre I'heure et lc theatre des combats. t< I'ous ouhliez que la guerre e'tait impossible , disent les de- fen sours du ministere, appelant a la fois a leur secours la sta- tistique et la geographie, la strategic et Thistoire; vous ouhliez que nous n avians pas d'arme'e apres la revolution de juillet. On a beaucoup parle des premiers succes des soldats republicans : eh Men! cest une erreur d'en avoir attribue la gloire au.v as d'armee apres la revolution de juillet. Tout ce qu'on peut accorder au ministere sur ce point, c'est que cette grande commotion avait ebranle la discipline militaire, porte quelque desordre dans les regimens; c'est qu'il fallait donner le terns au nouveau gouvernement de moraliser, de recruter nos troupes. Mais cette tache ne demandait que quelques mois, et Ton se rappelle que le marechal Soult n'attendit pas rouverture du printems de 1851 pour declarer a la tribune que nous etions suffisamment prepares it repousser toute tentative "d'invasion. D'ailleurs, si nos mesures etaient incompletes, la position de DE LA FRANCE. 463 nos ennemis ne presentait pas non plus l'aspect formidable qu'clle offre aujourd'liui , meine sous le rapport de la force nu- merique , comme sous celui de la puissance morale de la France et de l'appui qu'elle pouvait esperer des autres peuples. Le re- tard d'une guerre qu'il faudra Lien accepter en definitive ne pou- vait done qu'attenuer nos moyens d'atlaque et de defense et que diminuer-considei'ablement nos chances de succes. Mais pourquoi se refugier derriere une impossibilite qui n'a ete que passagere, et qui meme n'a jamais pu exister dans un sensabsolu, pour justifier toute une annee de concessions , de faiblesses et de sacrifices? Pourquoi fonder, sur cette pretendue impossibilite d'un jour, l'excuse de la longanimite et de la perse- verance avec lesquelles on a poursuivi la paix a tout prix, quand il est avere, quand tout constate qu'on n'a recule devant la guerre que par la crainte de compromettre le systeme du juste-milieu sur les champs de batailleetde se trouver red nit a abandonner les erremens et les homines de la restauration ? J'examinerai bientot ceque e'est que ce systeme, an triomphe duquel on a tout subor- donne dans les negociations et les conferences diplomatiqnes. Mais avant de rcchercher quelles ameliorations le parti doctri- naire a apportees dans l'administration interieure du pays, en echange des avantages exterieurs auxquels il nous a fait renon- cer, dans Tinteret de sa propre conservation , je lui demanderai quels ont ete, meme a l'exterieur, les resultats de sa politique invariablement pacilique, et ce que e'est, aprestout, que cette paix an niaintien de laquelle il s'est cru oblige de faire ceder les considerations les plus puissantes ; cette paix qui nous a coute l'affection de nos amis et le respect de nos ennemis. Est-il bien vrai que nous jouissions lious-memes et que nous ayions fait jouirles autres peuples de ce que nous avons paye si cher? Est-il bien vrai que nous vivions, que le reste de l'Europe vive, dans une douce quietude, an sein de Tordre et de la tranquillite?... Oui , la paix regne entre les grandes puissances ; mais l'ltalie est orcupee par 1'AiUriche , la Belgique menacee par la Hollande, la 464 DE LA. POLITIQUE EXTERIKURE Pologne ecrasec par la Russie ! Oui, la paix regne en Europe, mais comme l'ohdiie a Varsovie ! Oui, l'harmonie diplomatique subsiste entre les cabinets ; et tandis qua la faveur de ce calme v officiel, les seigneuries , les excellences, les altesscs etles majes- tes peuvent vaquer a leurs plaisirs et s'endormir dans une deli- cieuse oisivete, une guerre reelle , profonde, acharnee , dechire les societes les plus paisihles en apparence ! Et que me fait cette paix mensongere? vous dira le veritable ami del'humanite; que m'importe le repos de vos courtisans et de vos privileges, si, pendant que vous vous efforcez deles rassu- rcr, par des protocoles, surla conservation de leurs donees habi- tudes , j'entends a mes cotes la partie la plus nombreuse , la plus active etla plus eclairee de toutes les nations protester contre le systeme que vous appelez pacifique, et qui livre les classes labo- rieuscs , le commercant, le manufacturier, l'agriculteur, l'artiste et le savant a toutes les chances de mine , d'agitation et de des- ordre? Que m'importe la honne intelligence de vos plenipoten- tiaires, si, dans tous lesrangs dela societe, il y a discorde, pertur- bation et souffrance? Que m'importe que lespotentats s'accordent a respecter les traites de Vienne et de Paris, si leurs sujets sontdivises d'idees, de sentimens et d'interets? Que m'importe que les heritiers de la sainte-alliance s'entendent a Londres sur la delimitation des territoires, si chaque contree est en proie a Tanarchie, incertaine de l'avenir, accablee sous le present? Que m'importe que les chancelleries se bercent reciproquement de protestations amicales, si Ton dresse des echafauds a Lisbonne , a Grenade et a Bologne ; si Anvers et Bruxelles sont toujours me- naces de la flamine et du fer ; si la Pologne expire, delaissee on trahie; si le sang coule dans la capitale et dans les provinces de la France, la sous le couteau du chouan , ici sous le glaive de la police ; si partout enfin je ne rencontre que perplexites, dechi- remens et misere ? Que m'importe l'harmonie des princes !... Je me trompe : l'in- difference serait ici bien imprudente ou bien coupable. L'accord DE LA FRANCE. ^&5 des potentats place l'Europe dans une situation a peu prcs sem- hlahlea celle dont parle Montesquieu a l'occasion de I'alliancede trois homines ( Cesar, Pompee et Crassus) , qui , pour mettre fin a leur rivalite, se partagerent 1'empire du monde. «Rome, dit-il, etait en ce raalheureux etat, quelle e'tait moins accable'e par la guerre que par la paix , qui , en reunissant les vues et les inte- rets des principaux, ne faisait plus qu'une tyrannie. » Oui, les relations araicales entre les puissances doivent inte- resser viveraent les peuples ; mais sera-ce pour y applaudir et pour s'en feliciter ? Je le demande a ceux qui out profondement re- flechi sur le^ causes de Tagitation qui tourraente aujourd'hui loutes les societes europeennes ; a ceux qui savent si Yordre que l'union des diplomates conserve, que le concert des rois raffer- mit, est autre chose que la consolidation des prejuges et des abus qui pesent encore sur le monde, autre chose que la permanence des desordres qui naissent du principe feodal , dont 1'empire s'e- tend sur la plus grande partie de 1' Europe ; autre chose que la perpetuate des privileges de Faristocratie, du bon plaisir des rois et de la detresse des peuples. Apres la revolution de juillet, l'homme d'Etat qui aurait senti toute la portee de cet evenement se serai t bien garde de n'y voir que ce qu'on a appele un changement de ministres en grand, et il a' aurait jamais pu supposer ni croire que la France n'eut voulu renverser les Bourbons que pour retablir dans sa purete' primi- tive le regime batard, le constitutionalisme mensonger qu'ils nous avaient impose, en 1814, de par le droit divin et l'etranger. II eut compris que cette masse d'ouvriers, de proletaires, soule- ves contre des ordonnances qui ne les atteignaient pas d'une ma- niere directe et sensible , n' avaient fait que protester instinctive- ment, au cri raeme de Vive la Charte, contre l'ordre de choses, contre le systeme retrograde, que la Charte et les traites de Vienne et de Paris avaient ramene parmi nous ; il eut compris que la grande nation venait debriser ses liens avec la vieille Europe, et de reprendre son rang a la tete de 1' Europe nouvelle. Et pre- 52 4GG DE LA POLITIQUE EX7ERIEURE voyant des lors que la sainte-alliance entreprendrait tot ou tard, et n'attendrait que le moment propice, de vcnger la dernierc de- faite de l'aneien regime, et de refaire l'unite europeeunc selon la legitimite, il lui eut commande de respecter l'independance des nations qui se seraieut empressees de suivre la France dans la voie du progres; et si , en prenaut l'attitude dont le mot de Frederic nous avait revele la puissance, nous n'avions pu obtenir l'appli- cation Tranche et rigoureuse du principe de nonintervention, rhonneur, la gloire, la generosite et i'interet du peuple francais l'auraient bienlot entraine dans la carriere ou il opera tant de prodiges; et quoique a regret, line fois encore la civilisation se serait defendue et aurait triomphe par les amies. Mais les destinees de la France, au lieu d'etre confiees a des homines d'Etat, furent remises a un parti dont les chefs, lies a la restauration par une vieille solidarite, ne purcnt echapper a la facheuse influence de leurs antecedens, et furent conduits jus- qu'a nier la revolution de i 850, pour conserver le plus possible, au dedans et au dehors , Y centre contre~re\'olutionnaire de 181 4. Cette intention devint maoifeste le jour ou Ton desigua pour l'ambassade de LonJres 1 nomme que Briot accusait il y a plus de trente ans, a la tribune du conseil des cinq-cents, d'etre la cause de tons les desastres de la patrie, et qui ne s'etait lave de- puis de cette accusation qu'en se mettaut successivement a la tete de toutes les defections et de toutes les intrigues souterraines contre la republique, Napoleon et Charles X. Je ne sais sile roi Louis-Philippe pourra mieux fixer que ses predecesseurs le de- voiiment et la fidelite si mobiles jusqu'ici de M. de Talleyrand; mais la chaleureuse"apologie de ce spirituel diplomate par le due de Wellington pent faire craindre a la royaute de juilletden'etre pas mieux traitee que la republique, l1 empire et la restauration, par celui que le generalissime de la sainte-alliance s'est empresse de couvrir de sa haute protection. Malheureusement cette interpretation etroite , cette explication intercssee des evene mens de juillet seduisit une grande partie des DE LA FRANCE. 4^7 classes moycunes, qui , par une repugnance bien legitime pour la guerre et l'anarchie , etayerent un systeme dont elles n'aperce- vaierit pas bien le caractere retrograde , a travers leurs preoccu- pations etleurs frayeuvs. II etait beau sans doute, il etait conso- lant d'esperer que, malgre tant dc motifs de rupture avec les rois absolus, l'affaiblissement des antipathies nation ales et de l'esprit militaire pourrait maintenir la paix generate et constater ainsi les immenses progres de la civilisation europeenne. Mais il fallait se demander si la paix , la veritable paix etait possible , si la guerre, tantot souterraine et tantot ouverte, ne devait pas elre perma- nente entre le droit divin et la souverainete du peuple ; si , par le dcsir bien louable, mais bien aveugle de se preserver aujourd' hid de l'anarchie et de la guerre generate, on n'en rendait pas l'ex- plosion plus certaine et plus terrible pour demean, II fallait se demander si Ton ne sacriliait pas a la tranquil] ite d'un jour des annees de repos et de prosperite ; si Ton ne faisait pas ceder a la peur d'une conflagration instantanee des besoins pressans d'a- melioration pour les masses contemporaines et pour les generations qui viendront apres elles. Si Ion se flit adresse toutes ces ques- tions , on serait parvenu peut-etre, en chercbant a y repondre inurement et avec bonne foi , on serait parvenu a reconnaitre que le peuple de juillet avait sa place marquee a 1' avant-garde des nations civilisees, et non a la suite de ia royaute et de l'aristo- cratie feodales. On n'eiit pas tant prodigue les concessions et les efforts pour adoucir des enncmis irreconciliables, pour vivre en bonne intelligence avec les defenseurs obliges et inebranlables d'un ordre social dont nous avions precisement mission de de- livrer 1'Europe. En un mot, loin de nous appliquer a amoindrir les evenemens de la grande semaine , et de courir au-devant des humiliations pour nous faire maintenir dans la sainte-alliance et pour combler le plus possible avec elle le vide de Burke, nous nous serions efforces d'elargir et d'etendrece vide, au profit des peuples, par la voie pacifique on guerriere, suivant les circon- stances et la necessitc. 468 DE LA POLITIQUE EXTEUIEURE , ETC. Eh bien ! ce que les ministrcs de la quasi-restauration n'ont pas pu faire, les ministrcs dela revolution le ferantj car la revolution, a nioins d'etre etouffee par son principe contiaire, doit finir par avoir ses ministrcs. II nest plus possible que la France reste en- core long-tems enlacee dans un systeme qui, d'un cote, suppose la revolution pour ecarter le representant du droit dh'in, et qui, d'autre part, nie la revolution pourechapper a ses consequences. Apres une annee de fansses mesures, de troubles et d'anxiete, le moment approche ou il faudra faire une reponse a ce dilemme : C est une revolution ou un simple cliangement de ministres que nous avons eu en 1850. Dans le premier cas, les doctrines etles honimcs de la reslauration doivent etre abandonnes; dans le se- cond, la Charte octroyee regne toujours, la loi a frappe ses in- fracteurs responsaMes , et il n'y a de niouarque legitime pour la France que Charles X ou Henri V. Oui , la reponse a ce dilemme va devenir de jour en jour plus pressante. C'est au gouvernemeut de la faire, car il est seul en po- sition de lui donner une forme pacifique , et de prevenir ainsi la solution violente ou terrible que pourrait avoir le probleme poli- tique dont le pays est tourmente , si Ton attendait imprudemment que le peuple entreptit de le resoudre. Certes le systeme des hommes du juste-milieu n'a pas assez reussi au pouvoir pour qu'il doive tout risquer et tout compromettre plutot que de s'en separer. Qui! considere done les embarras que ce systeme lui suscite jour- nellement depuis quatorze mois •, qu'il songe a tous les degouts dont la diplomatie 1'abreuve, a tous les dangers dont l'emeute renvironne ; et, fatigue d'une vielaborieuse, eclaire par une pe- nible experience, il proclamera hautement que la France, dans les immortelles journecsde juillet, arepris son rang supreme par- mi les nations, et que, loin de travailler a refaire I 'unite ' etl ' ordre du passe , selon lesdesirs de la royaute et de l'aristocratie feoda- les , elle doit desormais, soit en commandant la paix, soit en acceptant la guerre , servir de guide et d'appui a tous les amis du progres, former et developper le genae de la sainte-alliance , STATISTIQUE MINERALOGIQUE , ETC. 469 qu'a si bien pressentie et si admirableinent cbanlee le pluspopu- lairede ses poetes, et fonder liardiment sur la gloire et la subli- mit^ de la derniere revolution l'uwite ET L'ORDRE DE l'aVENIR. Laurent. Indication des points de la France ou l'on extrait du fer hydrate , et statistique des hauts fourneaux que ce minerai alimente. II serait a desirer qu'une carte industrielle de la France flit dressee avec le plus grand soin. Le rainistere du commerce s'oc- cuperait des diverses brandies manufacturieres ; a la direction generale des mines reviendrait tout naturellcment rindustrie mineralurgique. C'est pour fburnir des materiaux a la partie metallurgique d'un travail qui ne pent manquer d'etre entrepris procbainement , que je public aujourd'hui cette notice. Le terns n'est paseloigne, sans doute, oil l'experience douloureuse que Ton fait aujourd'hui du principe de la concurrence illirnitee serajugee suflisanteet decisive; il faudra alors substituer l'ordre au desordre, organiser les travaux , et mettre la production en barmonie avec la consommalion. Le gouvernement ferait acte de prevoyance en rassemblant , des a present, les nombreux ren- seigneinens qui serout necessaires alors pour remplir une pareille tacbe. Je pense que la forme la plus convenable serait celle d'une serie de cartes , sur lesquelles on jugerait d'un seul coup d'ceil tout ce qui se rapporte a cbaque branche de production. Ainsi, par exemple, sur une seule carte pourraient etre indiquees les forets , les exploitations des diverses combustibles ( bouille, au- tbracite, lignite, tourbe) , et en meine terns etre comprise toute l'industrie mineralurgique. C'est a la France a donner cet exem- ple pour qu'il soit iiuile par les autres nations ; il lui apparlient de presenter les premieres cartes del'ATLAS qui offrira le tableau de tous les instrumens industries du globe. \-]0 STATISTIQUE MINERALOGIQUE FER PEROXURE HYDRATE. Le fer pcroxure hydrate a recu, comme le for pcroxure anhy- dre fer oligiste, hematite rouge , fer micace), des noms qui varient avec sa texture ou son aspect. S'il est mamelone a sa surface et fibreux a l'interieur, on l'appelle mine biime, hematite brune {brauner glaskopf fase- riger brauneisensteiii) , parce qu'il ressemble, eu effet, a l'he- matite rouge. Mais il est toujours facile de les distinguer par la ruclure; la poussiere de l'hydrate est d'liu brim jaunatre, taudis que celle du peroxure anhydre est rouge (1 ) . Quelquefois il se presente en ge'odes (eiseniere) formees de couches concentriques ; ces geodes out depuis la grosseur d'une noix jusqu'a cclle d'une tete d' horn me. On l'appelle alors cetite (mtiten) j fer ge'odiaue , pierre d'aigle (2). Sous le nom de mine de fer anhydre , M. Hilniann parle de spheres creuses de mine de fer hematite qui sont a moitie remplies d'eau, et auxquelles on ne decouvre aucune ouverture par oil l'eau aurait pu s'intro- duire (5). Plus frequeinment, les globules ont line grosseur qui varie depuis celle d'un gros pois jusqu'a celle d'un 03iif de carpe: aussi les designe-t-on alors sous les noms de minerals oolithiques , mines en grains , fer oxide' globuliforme (4), fer pis forme ; d'autres fois ce sont plutot des fragmens anguleux que des grains arrondis. Dans tous les cas, le mode de formation qu'on leur attribue , avec assez de vraisemblance, les fait appeler eu general mines d' alluvion. Sous ce nom , le fer peroxure hydrate' ali- raente presque toutes les usines a fer de la France. C'est le bohnerz des Allemands (5). (1) IIady, Mine'ralogie , t. IV, p. 10'|, douxiimc cdilion. (2) Thumsuk , Systeme tie chintie, t. Ill, p. 561 . (3) Annates ) Dictionnau-ede'Rsm.ixji, p. 99 ; 1819. DE LA FRANCE. ^ I Le lieu ou se trouve depose dans la nature le fer peroxure hy- drate lui a fait donner aussi des noms divers; tels sont : he fer oxide des lacs (morasterz) , le^r oxide' des marais (sumpferz) , le fer oxide' des prairies (wiesenerz) (I) ; toutes mines comprises depnis bien long-tems sous la denomination de mines limoneuses (2) ou fer limoneux (raseneisen , raseneisens' tein, eisenklos, scltusselerz , modererz) (5). On sait, depuis 1810, par lcs travaux de MM. Berthier (4) , Daubuisson (5) et Hauffmann (6) , que toutes ces mines out la menie composition essentielle, et que la longue serie de noms que nous venous de passer en revue s'applique, chimiquement, a une seule espece, le fer peroxure' hydrate', combinaison de peroxure de fer et d'eau en proportions determinees, assez bieu representees par la forrnule mine'ralogiaue : 2 F e + A q (7) Qui donnepotir la forrnule chirruque : 2 Fe -f 3 A q D'oii Ton tire pour lc resullat calcule : 2 alomes de peroxure de for , correspondant a 85 30 Salomes d'eau, correspondant a 14 70 100 La date recente des experiences que je viens de rappeler est une indication sufnsante de la confusion qui a du exister dans tous les ouvrages de mineralogie avant la determination de cette (1) Brochakt, Mineralogie, t. II, p. 286 5 1803. (2) Wallerics , Mineralogie , t . I, p. 474 de la traduction. Paris , 1 753. (3) Diclioni 1 aire de BelrARD , p. 657. (4) Analyse des minerals de fer des environs de Brwiiquel , par 51. Ber- thier ( Journal des mines , t. XXVIII, p. 101-1 20 ) ; 1810. (5) Dujer hydrate' , considere commc espece mindraiogique , par M. Dau- kuissoN ( Journal des mines , t. XXVIII , p. 4-15-466 ); 1810. (6) Annates de Gilbert , t. XXXVIII , p. 1 . Thomson, Systeme dechimie, t. Ill , p. 559. (7) BERZELirs, Nouveau Systeme mine'ralogiaue , p. 74 et 207; 1819. 47 3 STATISTIQUE MINERALOGIQUE espece; et, en effct , si Ton jette les yeux sur les traites de mine- ralogie ou sur los memoircs publics avant 1810, on est a chaque pas incerlain sur la valeur dos mots employes pour desi- gner les minerals de fer, sauf quelques cas on des descriptions de detail permettent de reconnaitre et de fixer l'espece que l'obser- yateur a denommced'un nom vague ou insigniliant. Je me propose d'indiquer dans cette notice les nombreuses lo- calites on le fer hydrate est, en France, l'objet d'une exploitation de quelque importance. Je rappcllerai qu'indcpendamment des ocres, dont je n'ai pas a m'occuper ici , on a souvent indique, sous les noms de terres ocreuses , mines ocreuses, mines de fer brunes ou he'pathiques (1) , des oxures de fer qui accompagnent dans leur gisement le fer spathique et le fer sulfure , et meme qui proviennent de leur decomposition ; il est bien entendu que j'omettrai ces indications. Quant an fer hydrate proprement dit, je m'attacherai surtout a nommer les localites ou il est abondant, pour negliger, au moins dans le plus grand nombre de cas, celles ou il n'est que dissemble. Ainsi, par exemple, tous les -terrains de grcs houiller (2) en renfennent, et il est clairquece nest pas ici le lieu de nommer toutes les localites ou Ton observe ces ter- rains. Comme, en general , les usines sont placeesa peu de distance des points oil Ton exlrait le mineral , il est evident que le meil- leur moyen pour faire conuakre ces points d'extraction etait de donner une statistique detaillee des hauts fourneaux, en si grand nombre, que le fer hydrate alimcnte en France. II estinevi- table qu'un travail de ce genre renferme quelques erreurs; c'est a MM. les ingenicurs des mines a vouloir bien me les signaler, et j'attends de leur obligeance les indications qui me mettront a meme de rectifier les inexactitudes ou les omissions que sans doute ils decouvrironl dans cette notice. (1 ) Haut, Mineralogic , t. IV , p. 58 et 59. . (2) Annales ilea mines, t. IV, p. 359 ; \" scric. DE LA FRANCE. ^3 Pour introduire plus d'ordre dans remuneration des divers departemens , j'ai adopte le partage de la France en cinq divisions et dix-huit arrondissemens mine'ralogiques , tels qu'ils ont ete organises par le gouvernement en \ 814 (1). Je rne suis souvent guide , quant au nombre des hauts fourneaux , sur les chiffres donnes par M. Heron de Villel'osse, dans le Memoire (2) qu'il a publie en 1826. J'en previens ici, une fois pour toutes, afin de n' avoir pas a multiplier les renvois dejh si nombreux dans mon travail. PREMIERE DIVISION MINER ALOGIQUE. PREMIER ARRONDISSEMENT. Eure-et Loir. Ce departement est sans importance sous le rapport metallur- gique ; il ne renferme qu'un seul haut fourneau , il se trouve dans l'Arrondissement de LREUX.C'est celui de Boussard, com- mune de Mesnil-Thomas , canton de Senonches. On a tire pendant long-temps du minerai de fer hydrate dans la foret de Senonches, pres du bourg de cc nom; mais cette ex- ploitation a ete abandonnee , parce qu'on a decouvert, dans le voisinage , unemine plus abondante et plus riche (3). Telle est celle de Digny, dans le meme canton de Senonches ; telles sont celles deBoissy-le-Sec, canton de la Fcrte-Vhlarue, sur la limite du departement de l'Eure ; et de Torsay , pres Cha- teauneuf. (1) Journal des mines, t. XXXVI, p. 219; 1814. (2) Sur les usines a fer de la France , considcrees au commencement de 1826 , par M. Heron de Villefosse (Annales des mines , t. XIII, p. 347, V* serie); 1826. (3) Mines et minicres mdtalliques abandonndes , on qui riont pas encore itd exploite'es en France, p. 6 ; 1 826. TOME LI. SEPTEMBRE 1831. 55 17 I STATISTIQUE MINERAL0G1QUE DETJXIEME ARRONDISSEMENT. Loir- el-Cher. Ou necomptc aussi, dans ce departement , qu'un seul haut fourneau; il est dans l'Arrondissement de Vendome , a Fretteval, surleLoir, canton de Moree. Le fer hydrate qui l'alimente est extrait a Danze, canton de Moree, et a la Fontenelle, canton de Drone. M. Vauquelin a donne une analyse du mineral de cette loca- lite(-l). Arrokdissement de Blois. A la limite du departement de l'lndre, et sur les bords du Cher, on exploite du fer hydrate sur plusieurs points du canton de Saint-Aignau, particuliere- ment dans les communes de Meuues et de Couffy, ou Ton fait aussi un commerce de pierres a fusil. Indre-et-Loire. On connait, dansce departement, trois hauts fourneaux ainsi distribues : Arrondissement de Tours. Deux , savoir : un a Poce, dans le canton d'Amboise; et un a Boulaj, dans le canton dc Chateau- Regnault. Du cote de Nouzilly , dans ce meme canton , et du cote de Beaumont-la-Ronce , canton de Neuille-Pont-Pierre , on trouve des hematites et des scories qui annoncent qu'il y a existe des forges (2). Arrondissement de Chinon. Unseula Chateau-Lavalliere , pourlequel on lire du mineral sur les lieux. L'arrondissement de Chinon possede d'autres exploitations, dans le canton de Sainte- Maure, sur les bords de la Vienne. On indique aussi Saint- Christophe, dans le canton de Neuvy-le-Roi , comrae un des points d'exploitation. (1) Journal des mines, t. TX-X, p. 479 ct 480; 1799. (2) Annnairc Jit departement d' Indre-et-Loire. DE LA FRANCE. 4?5 Deux-Skvres. Ce departement ne possede qu'un seal haut fourneau situe dans l' Arrondissement de Parthenay. C'est celui dc la Meil- leraje, sur la rive droite du Thouet, commune dePeyratte, canton de Thenezay. II tire son mineral de ses environs. Arrondissement de Melle. Ala limite des departemens de la Vienne et de la Cliarente, se trouvent les exploitations de fer hydrate de Maire, Sauze, Montalemberg. Correze. II existe, dans ce departement, quatre hauts fourneaux re- partis de la maniere suivante : Arrondissement d'Ussel. Deux sur la riviere de Chavanon , en la commune de Monestiers-Merlines , canton d'Eygurande. Arrondissement de Tulle. Un a la Grenerie_, commune de Salons, canton d'Uzerche, dans lequel on extrait aussi du mine- ral pres de Medlars. Arrondissement de Brives. Un a dandier, commune de Beissat, canton de Lubersac. Voici rindication de quelques points d'exploitation situes dans cet arrondissement. Sur un immense plateau secondaire qui appartient au depar- tement de la Correze, a ceux du Lot et de la Dordogne, on trouve a Nespouls , pres Turenne, canton de Meissac, une grande quantite de fer limoneux en rognons ou en veines , et dont la richesse est extremement variable (1). A Perpezac-le- Grand et a Saint -Robert, dans le canton d'Ayen-le-Bas , et sur la limite du departement de la Dordogne , on extrait un minerai qui passe pour etre d'excellentequalite. Sur lameme limite, dans les communes de Ferrieres, canton (1) Journal des nunc* , t. XXI, p. 467; 1807 : ibid. , 1. XXTI , p. R. 47<> STATISTIQUE M1NERALOGIQUE de Larche, et Estival, canton de Brives-la-Gaillarde , des puits de trente a quarante metres ont ete ouverts , et sont abandonnes depuis long-teras. Les gites de minerai sont d'allnvion , et l'exploitation parait susceptible d'etre reprise (1). Creuze. Onconnait, dans ce departement, les mines de fer carbo- nate et hydrate de Bosmoreau , Tboron et Saint - Dizier, Arrondissement de Botjrg anetjf et a peu de distance de cette ville. Les coucbes de minerai de fer alternent avec les couches de houille. Fienne. Le departement de la Vienne n'est pas riche en productions minerales ; il ne renferme que trois hauts fourneaux , tous situes dans l'Arrondissement de Montmorillon , savoir : un a Gouex et un a Ferrieres, tous deux dans le canton de Lussac-les- Chateaux ; un a Luchapt, canton de l'lle-Jourdain. Les mine- rais qui les alimentent sont tires sur divers points des arrondis- semens de Montmorillon et de Civray , mais surtout dans la partie de ces arrondissemens qui avoisine le plus les departemens de la Charente et de la Haute-Vienne ; ils sont exploited presque a la surface. C'est de l'arrondissement de Civray que l'usine de Ruffec ( Cbarente) tire une partie des mines quelle consomme (2). Ces exploitations seraient susceptibles de prendre de l'importance , si la Charente etait rendue navigable (5). Haute-Fienm. On compte, dans ce departement , neuf hauts fourneaux ainsi distribues : (<) Mines etminieres me'talliques abandonne'es , etc. , p. 8 ; 1826. (2) Annuaire. statistique du departement de la Vienne pour 1830. p. 18. (5) On salt que ccttc riviere nc commence a ctrc navigable qu'aMontip.iiac . canion de Saint-Amand ( Cliarcnte). DE LA FRANCE. 47? Arrondissement de Saint-Yrieix , quatre , tous situes dans le canton meme de Saint-Yrieix, savoir: un a Bessons, sur l'etang dn meme nom, commune de Chalard, a la limite du departement de la Dordogne ; un a Coussac-Bonneval , sur le Haut-Vezere, a la limite du departement de la Correze, et deux dans la commune de Saint-Yrieix, l'un sur l'etang de Baudy , l'autre a Robert-Faye, sur la riviere Labouchouse. Arrondissement de Rochechouart , quatre ; savoir : un a La Riviere , commune de Cliampagnac, canton d'Oradour- sur-Vaires ; un a Ballerand , commune de Marsal ; et deux a Feujat, commune de Dournazac; ces trois derniers dans le canton de Saint-Ma thieu. Tous sont dans la partie de l'ar- rondissement qui avoisine le departement de la Dordogne. Arrondissement de Bellac , un seul a Bloudon , commune de Mailhac , canton de Saint-Sulpice-les-Feuilles , dans la partie de l'arrondissement qui touche le departement de l'lndre. Tous ces fourneaux sont aliraentes par le mineral de fer hy- drate. On en extrait a Saint-Bonnet-la-Riviere , arrondissement de Limoges , ainsi que dans les communes de Meizie , Puy-la- Vigne, Saint-Yrieix; mais, en general, les minerais que Ton traite dans la Haute-Yienne sont tires des abondantes exploita- tions de la Dordogne. Indre. Ce departement, avec celui du Cher, constitue l'ancienne province du Bern. II renferme quinze hauts fourneaux ainsi rfc^Jartis : Arrondissement de Chateauroux , huit ; savoir : trois a Clavieres, dont deux a la Forge-Haute et un a la Forge-Basse, j dans les communes d'Ardentes-Saint-Martin et d'Ardentes-Saint- Vincent ; un a Lisle , commune de Lourouer ; un aux Fosse's- j de-Filledieu , sur La Tregouze \ un a Bonneau, commune de | Buzancais, sur l'lndre ; una Caillaudiere , et un a Lucay-le- i Male , canton de Valencey , sur le Modon. Ce dernier est a 4;8 STATISTIQUE MINERALOGJQUE portce des mines de Meunes et de Couffi ( Loir-et-Cher) , dont j'ai parle page 474. Arrondissement d'Issoudun , un seid au lieu dit le Noyer, sur la riviere de la Theol, commune de Brives, a peii pies a e'gale distance d'Issoudun et de Chateauroux. Arrondissement du Blanc , quatre ; savoir : un a Corban- cotij, sur le ruisseau de Lyoson, commune el canton de Me- zieres-en-Brenne ; un a Gastevine et un a Chameuil, canton de Belabre, et un a Abloux^ canton de Saint-Benoit-du-Sault. Arrondissement de la Chatre ., deux ; savoir : un a Cro- zon t canton d'Aigurande , sur la riviere de Vanvre ; et un a CluisfJ sur la riviere de la Bouzanne, commune de Cluis, can- ton de Neuvy-Saint-Sepulcre. Ces quinze fourneaux , dont deux etaient en non-activite au commencement de i 826 , sont tous alimentes par le minerai de fen hydrate que Ton tire sur une multitude de points dans les communes qui environnent celles ou sont les fourneaux dont je viens de donner les noms. troisieme arrondissement. Maine-et-Loire . Je ne connais pas de haut fourneau dans ce departement (1), qui correspond a la province de X Anjou ; je connais seuleinent, dans l' Arrondissement de Segr£ , la forge de Pouance. Le canton de Pouance se trouve a. la limite des trois departemens de la Mayenne, de la Loire-Inferieure et d'llle-et-Vilaine, et l'usine que je viens de nommer est une dependance du fourneau de Boche, qui appartient a ce dernier departement. Des miner rais de fer hydrate sont exploites sur divers points du canton de Segre. On tire aussi de semblables minerais sur les Lords de (l) M. Heron do Villcfosse en indiquc un. DE LA FRANfcE. 4?9 l'Erdre, clans le canton tie Cande,'ala limite du departement de la Loire-Inferieure. Mayenne. Ce departement et celui de la Sarthe f ormenl ce que Ton ap- pelait autrefois lc Haul et Bas-Maine. M. Heron de Villefosse indique dans le departement de la Mayenne six hauls four- neaux (1) , dont un en non-activite ; ce sont les suivans : Aurondissement de Laval , quatre ; savoir : deux a Port- Brillet , commune d'Ollivet , canton de Loiron ; un a Chail- landj et un a Moncors , commune de Chammes, canton de Sainle-Suzanne. Arrondissement de Mayenne, deux ; savoir : un a Aron^ a cinq quarts de lieue de Mayenne, sur l'Aron, et a peu de distance du confluent de cette riviere dans la Mayenne ; un a Orthe, commune de Saint-Martin-de-Connee, canton de Baix, sur l'Ortlie , riviere qui se jette dans la Sarthe. J'ai eu occasion de visiter, en i 825 , les mines quel'onexploite pour le fourneau de Chailland, au lieu dit Bourgneuf-de-la- Foretj canton de Loiron, arrondissernent de Laval. C'est un fer oxide hydrate qui se trouve, a peu de profondeur, en gros rognons engages dans un argile grisatre. On y rencontre parfois de grosses geodes d^hematite brune. Dans le meme arrondisse- rnent, on extrait des minerals analogues a Saint-Germain-le- Guillaume et au Touille , canton de Chailland ; a Blandouet , canton de Saintc-Suzanne; a Evron et autres lieux. Les minieres d'Evron , qui sont a la limite de l'arrondissement de Mayenne , alimentent sans doute le haut fourneau d'Orthe , concurremment avec les minerais des Bercons , dont je vais parler dans un in- stant. Je terminerai en citant les mines de Chantrigne, canton d'Am- (I) Les six usincs que je vais nommer ici sont indiqudes dans VAnnuaire du departement tic la Mayenne pour 1830 , p. 52. 48o STATISTIQUE MINERALOGIQUE brieres, arrondissemcnt de Mayenne, situees dans la panic qui touchc le departement de l'Orne. Sarthe. Ce departement renferme cinq fourneaux , ainsi repartis : Arrondissement de Mamers, trois ; savoir : un a la Gandi- niere, commune de Songe-le-Gannelon ; un a YAulne, com- mune de Montreuil-le-Chetif, tous deux dans le canton de Frenay ; un a ) ibraje ou Cormerin, commune de Champrond, canton de Montmirail. On cite dans cet arrondissement un mi- nerai de qualite superieure que Ton extrait aux Bercons, a l'ouest de la ville de Frenay. Arrondissement du Mans , deux ; savoir : un a Chemire-en- Charnie , canton de Loue-en-Champagne, et una Antoigne, commune de Saint-James- sur-Sarthe, canton de Ballon. C'est dans cet arrondissement que se trouvent les minieres , assez nombreuses , reparties dans les cantons de Conlie , Pari- gne-1'Eveque, Loue-en-Champagne, Sille-le-Guillaume. On exploite [aussi du mineral de fer dans le canton de Brulon , ar- rondissement de la Flecbe. La grande quantite de scories que Ton rencontre sur plusieurs points, notamment dans les bois de Brice, proviennent d'an- ciennes forges a bras (-1 ). Ille-et-Vilaine. Ce departement , reuni a ceux de la Loire-Infe'rieure , des C6tes-du-Nord , du Morbilian et du Finixtere , forme l'ancienne Bretagne. Le departement d'llle-et-Vilaine est tres-pauvre en minerais de fer; cependant on y compte sept bauts fourneaux, qui sont alimentes en grande partie par des minerais tires de la Loire- (1) Annuairt statistiqiie du departement da la Sarthe. DE LA FRANCE. ^8 1 Inferieure. Ces foumeaux sont distribues de la maniere sui- vante : Arrondissement de Rennes, deux ; savoir : un a la bailee et un a Serigne ', tous deux dans la commune de la Bouexiere , canton de Liffre. Arrondissement de Montfort-sur-Men, deux a Pahn- pont{\), canton dePlelan-le-Grand, et a la limite du departe- ment du Morbihan; ils sont alimentes par le fer hydrate que Ton tire dans l'iminense foret de Paimpout, et par un mineral dont je dirai un mot plus loin (page 485). L'e'tablissement de ces foumeaux remonte au commencement du dix-septieme siecle. Arrondissement de Redon, un seul, celui du Plessis , au lieu dit XEtang du Moulinet , commune de Plechatel , canton de Bain. Arrondissement de Vitre, deux ; savoir : un a Roche _, com- mune de Chelun, canton de Laguercbe, et un a Martigne (2) , canton de Retiers ; ils tirent leur minerai de Rouze ou Rouge , arrondissement de Chateaubriant , Loire-Inferieure. Loire-Inferieure. En tout cinq hauts foumeaux, ainsi repartis : Arrondissement de Chateaurriant, quatre; savoir : deux a la Hunaudiere , commune de Sion, canton de Derval ; un a Moisdon, canton de ce nom , sur les bords de la riviere de Don, qui sejette dans la Vilaine, et deux a la Jahotiere , com- mune d'Abbaretz, canton deNozey. Arrondissement d'Ancenis, un seul , c'est celui de la Pro- votiere > en Riaille , sur la rive droite de l'Erdre, et a la limite de 1' arrondissement precedent. J'ai cite tout a riieure 1' exploitation de Rouge , qui alimente ( 1 ) Enqucte sur lcs fers , p. 127. In-4" ; \ 829. (2) Annuaire cFIlle-et-Fllainepom Tan XII. p. 212. 482 STATISTIQUE M1NERALOGTQUE le fourneau de Martigne ( Ille-et-Vilainc ) ; quelqucs-uns des fourneaux que je viens de nomracr sont a la portee dc celtc roi- niere. La mine de fer hydrate" de Rouge, exploitee a ciel ou- vert , parait etre un bajic enorme, toucliant an gres quartzeux , circonstance qui semble indiquer , dit M. Dubuisson (1) , que ees deux rocbes sont contemporaines. Les points d' extraction les plus nombreux, dans cet arrondissement , sont sur les bnrds de I'Erdre et du Don , entre Mars-Petit et Moisdon. Cotes- du-Nord. Ce departement possede quatre bauls fourneaux , rcpartis dans trois arrondissemens de la maniere suivante : Arrondissement de Guingamp, un seul a Belle-Isle-en-Terre, sur la grande route de Paris a Brest, et a cinq lieues de Guingamp. Arrondissement de Saint-Biueuc , un seul , a V Etang-du- Pas_, commune de Lanfrains , vers la source du Gouet, canton de Ploeuc. C'est dans la foret de Lorges , aux environs de Saint- Brieuc, que Ton a decouvert recemment un minerai de fer, for- tement magnetique (2). Arrondissement de Loudeac , deux ; savoir : un aux Salles, commune de Perret, canton de Gouarec; le V eauhlanc > com- mune de Plemet, canton de Lacbese, et sur la route de Lou- deac a Merdrignac ; ces deux fourneaux sont sur la limite du Morbihan. Morbihan. Ce departement n'est pas riche en productions minerales ; ou y compte cepenuant sept bauts fourneaux ainsi distribues : Arrondissement de Pontivt, un a Pont-Kalec , commune [\) Essai dune me'tliode gcologique , ou Traitc abrdge des inches , par M. Ddbxjissom , p. 66. Nantes, 1819. (2j Annales des wines , t. XIII , p. 227 ct 228 ; 1 " siric. , 1 826. DE LA FRANCE. /J.83 de Berne, pres du Faouet , canton du raeme nom, a la liraite du departement du Finistere. Arrondissement de Ploermel , un a Lanoue'e (1 ) , canton de Josselin , ou sont ouvertes des exploitations de fer hydrate. (Test aussi dans cet arrondissement et dans le canton deGuer, pres de la ville de ce nom , que Ton extrait un fer oxide rouge, pour le fourneau de Lanouee et pour ceux de Paimpont ( Ule- et-Vilaine ). Arrondissement de Lop ient, deux; savoir: celui de Be- nalec , commune de Pluvigner ; un a Lajoie , sur-le Blavet, commune et canton d'Hennebon. Arrondissement de Vannes , trois ; savoir : un a Lan- vaux , commune de ce nom , canton de Grandehamp ; un a Tredion, canton d'Elven ; un a Nivillac, sur l'etang du Ro- doir , commune de Nivillac , pres la Roche-Bernard , a la limite du departement de la Loire-Inferieure. La Bretagne , comme on voit, renferme vingt-trois hauts fourneaux. RECAPITULATION. PREMIERE DIVISION MINERALOGIQUE. PREMIER ARR05DISSEMENT (2). Eme-et-Loir 1 DEUXIEME ARROHDISSEMEHT. Loir-et-Chcr i Indre-et-Loire 3 Deux-Scvres i Correze 4 Creusc 0 (1 ) En \ 762 , il existait deux hauts fouvneaux a Lanouee. (Buffon , OEuvres completes , t. V, p. 493. ) (2)Lcs autrcs departemrns qui font panic du premier arrondissement sont au nombre de qualre , ce sont ceux de Seine, Seine-el-Oise , Seine-et- Maine , Loire t. 484 DU CHOLERA EPIDEMIQUE. Yienne 3 Haute-Vicnnc 9 Indre. . . „ 15 TROIS1EME ARRCWniSSEMEItT (1). Mainc-ct-Loire 0 Mayenne 6 Sarthe 5 Illc-et- Vilaine 7 Loire-Inferieure 5 C6les-d'i-Nord 4 Morbiban 7 Ensemble pour seize d^partemens 7\ Au commencement de 4826 M. Heron de Villefosse en indiquaitjtant en activite quehors d'activite dans la premiere inspection (2) 56 Difference 15 Henri Fouunel , Inge'nieur au corps roval des mines , cx-directeur des mines , forges et fonderies du Creuzot. ( La suite au procliain cahier. ) DU CHOLERA EPIDEMIQUE. Chaque jour voit eclore de nouveaux traites sur le cholera. II ne faudrait pas moins que des volumes pour analyser et juger ceux qui existent deja ; d'ailleurs nous y gagnerions fort peu , puisque , a quelques exceptions pres , tous ces ouvrages ne sont que des traductions les uns des autres, ou des repetitions banales d'idees connues de tous. Parmi ceux qui sortent de cette ligne , distinguons 1'essai du baron Larrey et surtout le traite sur le cho- lera asiatique par M. Weyland de Weimar. L'ordre et la preci- sion ne sont pas le seul merite de ce dernier, il se recommande encore par plusieurs vues larges, hardies et originales, telles (1) Les departcmcns qui font partie du troisieme arrondissement, sans figurer ici, sont ceux de la p^endc'e et du Finislere. (2) La premiere division ou inspection mineYalogique comprend , en tout, vingt-deux departcmcns. DU CHOLERA EPIDEMIQUE. 4^5 que les considerations sur Je rapport des epideraies avec les grands mouvemens de la civilisation et les changemens cosmi- ques considerables. Pourquoi l'auteur n'a-t-il fait qu'ebaucher ce tableau , au lien de l'etendre et de l'appliquer a son expose de l'origine et des progres du cholera ? A la tete de tant de productions ecrites, la plupart, sous l'm- spiration d'une honorable philantropie, mais dont l'execution ne repond pas toujours anx exigences de la science, le rapport de M. Double a l'Academie de medecine se presente comme un temoignage du parti que le genie medical peut tirer de l'obser- vation des autres, pour faire sortir, d'une foule de materiaux iucomplets et rassembles dans des vues differentes ou contraires, une doctrine pathologique aussi remarquable par la justesse des details que par la conformite de 1' ensemble avec les resultats de l'experience. Avant que ce travail, encore sous presse, ait vu le jour, nous croyons faire plaisir a nos lecteurs en transcrivant les passages qui nous ont le plus frappes. BAl'PORT A L'ACADiMIE DE MEDECINE SUR LE CHOLERA- morbus ; par M. Double. Le cholera-morbus est une maladie dont la connaissance re- monte aux terns les plus recules de l'observation medicale. Signale deja bien evidemment par Hippocrate, qui le combattait a l'aide des lotions chaudes, il a ete merveilleusement decrit par Areteede Cappadoce.La symptomatologie nette, concise, exacte, complete, que nous a laissee cet auteur, quiecrivait au commen- cement du cinquieme siecle, comparee meme aux descriptions tracees d'bier ou sous nos propres yeux , laisse a peine quel que chose a desirer a l'esprit le plus severe, et, sur ce point, les au- teurs qui ont ecrit long-tems apres Aretee n'ont guere fait que le copier. Cette maladie , sui generis, dont les caracteres sont tranches , constans autant que nulle autre, s'est presentee frequemmcm 480 DU CHOLERA EPiDEMIQUE. aux auteurs de tous les pays. On l'a vue souvent paraitre acci- dentellement sur un seul individuousurquelques personnes iso- lement , developpee par Taction de causes predisposantes , parti- culieres, idiosyncratiques , et bornee alors a ces etroites limiles. Dans cet etat elle est appelee sporadique ; il n'est point de me- decin tantsoitpeuexperimente qui n1 en puisse citer des exemples. II n'est pas rare non plus de voir le cholera regner assez fre- quemment sous rinfluence d'une constitution determinee de l'at- •niosphere , et par forme de maladie populaire ou de petite epi- deinie, comme disait Fouquet. Ce mode, plusjustementnoinme catastatique, pour exprimer qu il depend surtout de la constitu- tion reguliere, mais exageree des saisons, a ete souvent le mode suivi par le cholera. Ainsi 1' avail mentionne Hippocrate au livre VIIe des epidemies ; ainsi l'ont vu'a Londres , Sydenham en \ 669 et en 1 676 , Huxham en 1 74 1 ; ainsi a-t-il ete note a Paris a diverses epoques , et plus particulierement durant l'ete de 1 750 et en juillet 1780, tems ou Ton remarque deja que la maladie etait plus funeste aux hommes qu'aux femmes. Ainsi Tont de- crit dans I'lnde superieure Lebegue de Presle en \ 762 , Paisley en i 774- , Sonnerat de \ 774- a A 78 1 , Curtis et Girleston en \ 78 1 et 1782, Thompson en 1787; ainsi l'a observe le docteur Noel (alors chirurgien en chef de Texpedition) sur les troupes fran- chises qui , pendant le dernier siecle , etaient allees disputer a l'Angleterre la domination de la presqu'ile de I'lnde. Debarquee sur la cote de Coromandel, l'armee francaise eut beaucoup a souffrir de cetle epidemie, que Ton combattit avec succes a l'aide de doses fractionnees d'alcali volatile repetees toutes les deux heures et administrees a rinterieui' dans une infusion de melisse sucree. Mais , dans toutes ces circonstances, le cholera n'a jamais ete plus loin que rinfluence de la constitution medicale a laquelle il se trouvait lie. Les annales de la science presentent aussi le cholera en de ccrtaincs localites , dans des contrees particulieres : c'est le cho- DU CHOLERA EP1DEMIQUE. 4^7 lera endemique. Bontius, qui ecrivait en 1669, l'avait deja si- gnale sous cette forme dans l'lnde. Delcon et Lind l'ont observe de la merac maniere dans ces memes contrees ; et, depuis cette epoque , les utiles travaux , les savans memoires de la Societe physico-medicale de Calcutta'ont fait conuaitre de pareiis re- sultats d'observations cliuiques. Ce cholera endemique ne de- passe point les bornes que lui assignent les causes locales dont il est l'effet. Enfin le cholera existe a l'etat symptomatique , lie a des cas divers de maladies aigues, graves. Dans les contrees meridio- nales, on le trouve joint aux fievres bilicuses fortes , aux fievres typhoides intenses. Les exemples n'en sont pas rares. M. Bally a vu le cholera compliquer evidemment un cas de fievre jaune ; et avant notre collegue, le docteur Jackson avait decrit une fie- vre jaune cholerique dont il a donne la symptomatologie , les caracteres anatomiques et le traitement. Torti, et d'autres ob- servateurs apres lui , ont traite le cholera a l'etat de symptome dominant, de symptome pernicieux , dans les fievres reniittentes ataxiques. II est par consequent bien etabli que le cholera a ete, de tout terns, observe a l'etat sporadique, a l'etat catastalique, a l'etat endemique, a l'etat symptomatique, ct que, dans ces di verses conditions, il ne s' est jamais propage au-dela des circonstances qui l'avaient vu naitre. Mais le cholera regnant en grandes epidemies , en epidemies etendues , meurtrieres , par l'effet de circonstances que Ton ne peut pas rigoureusement apprecier ni connaitre, sous Taction de causes occultes qu'on ne saurait ni saisir ni prevoir , independamment des conditions speciales et des individualites physiques qui lui donnent naissance, bien au-dela des vicissi- tudes atmospberiques et des modifications des saisons qui le font naitre, en debors des particularites locales et des influences by- gieniques qui le produisent, loin des maladies aigues et de ces eiats febriles auxquels il se lie, le cholera ainsi produit ne s'etait 488 DU CHOLERA EPIDEMIQUE. pas encore presente aux etudes medicales, et c'est precisement dans cct etat que nous sonimes appeles a l'etudier aujourd'hui. Nature tie la maladie. Puisque lcs lumieres de I'anatomie pathologique nous laissent sans guide dans la recherche du siege et de la nature du cholera epidemique, voyons si la syraptoraatologie pourra nous etre en meilleure aide. Etudions d'abord cette impression si remarquable que produit sur l'organisation generale le mode epidemique. Partout cette influence a ete observee ; dans l'lnde , aussi hien qu'en Russie et en Pologne, les medecins de toutes les doctrines l'ont soi- gneusement notee; peu d'individus echappent a son action, merae parmi ceux qui n'ont eu aucun des symptomes du cholera realise. La presque totalite des personnes vivant dans les pays atteints par le cholera epidemique se plaignent de lassitudes spontanees, de malaises genera ux, de pesanteurs de tete, de vertiges fre- quens et de defaillances poussees jusqu'a la syncope. Yoilk deja hien evidemment, sur tons les individus places dans la sphere d'activite du foyer epidemique , les indices non equivoques d'une alteration, d'un affaiblissement de la grande fonction de l'inner- vation , c'est-a-dire de rinfluence vivifiante du systeme nerveux sur les autres systemes, sur les divers appareils , sur tous les or- ganes de reconomie; voilh l'effet primitif, capital, essentier, de l'agent epidemique , puisqu'il s'exerce sur tous les individus sains ou malades , forts ou faibles , quoiqu'a des degres diffe- rens. Ce fait, a la fois constant, positif , manifeste , domine tous les autres. A cette premiere action de l'affaiblissemeiit de l'innervation se joignent presque simultanement la constipation ou un devoie- ment leger, des anorexies , des inappetences , des borborygmes , une diarrhee legere, en un mot un trouble plus ou moins consi- derable des fonctions des membranes musqueuses gastro-intesli- DU CHOLEKA EPIDEMIQUE . 489 nales. Ainsi, d'unepart, affaiblisseraent de l'innervation, de l'autie, effets prononces de cette alteration de l'innervafidri sur les membranes muqueuses qui n'en sont qu'imparfaitement sou- tenues, vivifiees, animees : voila les deux faits primitifs produits par l'influence e'pidemique; et remarquez bien que, dans ces deux ordres de pbenomenes, l'innervation affaiblie, et cette fai- blesse de l'innervation portee specialement sur le systeme mu- queux, nous avons en realite les rudimens, le germe et comme l'abrege de la maladie tout entiere. Ce n'est pas sans raison que nous voudrions insister davan- tage sur des considerations d'un ordre si releve ; mais avancons. Lorsque le cbolera se realise , et qnand la brutalite de sa marcbe ne rompt pas d'un coup les liens de l'organisme vivant, les symptomes que nous avons signales prennent plus d'intensite. Alors commence la. periode d' imminence de la maladie , pe'riode dont les prodromes subsequens sont 1'oppression , la faiblesse du pouls, la decomposition de la face et l'anxiete epigastrique, tous accidens qui ne sauraient etre si rapidement produits ni plus na- turellement expliques que par une soustraction de l'innervation dont les effets frappent essentiellement l'appareil digestif et l'ap- pareil circulatoire. Les contractures des membres , les crampes des extremites , les lipothymies, les syncopes, les defaillances , la paleur, le refroidissement et les rides dela peau, la couleur bleue des doigts et des ongles, la face hippocratique nee en un instant et sans cause connue, la disparition toute particuliere et si effroyable- ment rapide des forces vitales qui sont brisees, eteintes, anean- ties, si on les considere en action, puisque la vie est si pres de cesser, et qui , considerees au contraire en puissance : sont pal- pitantes, intactes ; vivantes, puisque souvent le malade passe de la mort apparente a la sante parfaite aussi rapidement qu'il avait eprouve le cbangement inverse : tous ces symptomes ne don- nent-ils pas bien manifestement l'idee veritable de la maladie ? Ou trouver, en effet, ailleurs que dans la soustraction de l'inner- TOMK LI. SEPTEMBRE 1851. 55 4 DU CIIOLERA EPIDEM1QUE. vation, la raison suffisante et une explication complete de ces desordres? C'est parce que les muqueuscs gastro-intestinales nc sont plus aniiuees, soutenues, vivifiees par l'inlluence du systcme nor- mal, que, frappees d'atonie, elles n'ontplus d'action reglee par suite de 1' alteration de tout le systeme nerveux ganglionaire ; de la les secretions augmentees et depravees tout a la fois dont ccs membranes deviennent le siege. Dans les affections catarrhales epidemiques decrites jusqu'ici , la lesion catarrhale n'a guere depasse la membrane pulmonaire et la membrane gastro-intestinale. Dans le cholera , l'etat catarrhal s'est souvent propage a toutes les muqueuses de l'economie. Plusieurs praticiens, le docteur Orton entre autres , ont vu lc cholera epidemique debuter par les diarrhees seulement, et meme consister dans ce symptome unique , la maladie conservant d'ail- leurs toute sa rapidite et tous ses dangers. C'est presque toujours sous forme d'epidemies graves que les maladies catarrhales nous apparaissent. L'humidite de la conjonctive , le ramollissement de la langue , qui d'ailleurs est communement froide , humide et blanche , l'e- tat pathologique des membranes muqueuses, l'alteration marquee de la secretion muqueuse de l'estomac et des intestins , sont les indices incontestables de ce mode particulier d'affection catar- rhale. La vie purement virtuelle, n'existant plus guere qu'en puis- sance, comrae si elle ne pouvait plus suffire a toute l'economie et se defendre sur tous les points , abandonne la peripheric et se porte toute vers le centre. Elle se replie sur elle-meme et se con- centre a l'interieur : aussi voyez, il n'y a nulle trace de reaction vitale, pas plus dans l'appareil circulatoire qu'ailleurs; le pouls est a peine perceptible, la respiration est insensible, les sangsues ue peuvent plus soutirer une goutte de sang, el les phis larges ouvcrturcs des veines par lasaignee, si on la tente, permeltent a DU CHOLERA EPIDEM1QUE. 49 l peine d'exprimer quelques gouttes de ce liquide, toujours epais, noir et visqueux. L'acte de formation, la pathogenie du cholera, aussi bienque le cholera lui-rueme, eclairent done notre jugeraent dans la de- termination du siege et de la nature de cette maladie. Resumons maintenant cette doctrine : Le cholera, dans ses diverses periodes de duree, dans ses divers degves d'intensite, est une maladie speciale, compliquee, formee par une alteration profonde del'innervationgenerale, unie a un mode particulier d'affection catarrhale de la muqueuse gastro-in- testinale. L'un et l'autre de ces deux etats pathologiques sont suscep- tibles de dominer au point de reclamer plus parliculierement rattention clinique , suivant les complexions individuelles , les epoques differentes de la maladie , etc. La predominance de l'etat catarrhal sur l'etat nerveux, et reci- proquement, change principalement avec les periodes rapides, fugaces de la maladie. Dans la premiere periode, e'est souvent 1'affection catarrhale gastro-intestinale quil'emporte; dans la se- conde periode, les symptomes de 1'affection nerveuse sont sur- tout en relief. Presque toujours eependant les deux periodes s'u- nissent, se melent et se confondent, et avec elles se melent et se confondent aussi les caracteres phenomeuaux des deux etats pa- thologiques. Telle est la maladie poussee a son plus haut point d'intensite. II faut toute l'attendon, toute la sagacite de l'obser- vateur eclaire pour sa!sir ces nuances. C'est a la predominance de 1'affection nerveuse vers les epoques avancees de la maladie qu'il faut rapporter les frequentes transmutations typhoides que Ton remarque a la fin du cholera. Apres avoir ainsi envisage la maladie dans sa periode de for- mation ou dans le passage de la sante a la maladie , yoyons ce que va nous apprendre la meditation de la periode inverse, ou la transition de la maladie a la saute, la guerison. Un des premiers indices de la guerison dans le cholera epide- .|C)2 DU CHOLEKA EPIDEMIQUE. mique, cest la presence tie la bile dans la matiere des vomisse- mens et des selles. Un signe plus favorable encore, e'est le relonr de la chaleur a la surface exterieure du corps , et snrtout la cessation de la stu- peur et des spasmes an milieu de ces circonstances. Si la stupeur et les spasmes augmentent au moment ou survient la cessation des mouvemens et des selles , mefiez-vous du sort de votre malade. L'apparition des sueurs est un signe presque toujours favorable. La respiration qui redevient facile et libre, les battemens du pouls qui commencent a se faire sentir regulierement sur l'artere radiale , la libre secretion des urines , tels sont les changemens qui precedent de tres-pres la guerison ; et e'est surtout ici qu'il faut noter que leretour a la saute, apres une mort apparente, n'est ni moins marque ni moius rapide que ne l'a ete, en sens inverse, le passage de la sante parfaite a la maladie la plus grave. En somme , sur tous les points ou la maladie a ete observee , il reste constant que Ton a du bien augurer des malades chez les- quels il apparaissait des signes certains de la cessation definitive de la concentration des forces a l'interieur , et chez lesquels il se manifestait, au contraire, des indices satisfaisans de la juste dis- tribution des mouvemens a la peripherie. Ainsi done la maniere dont les phenomenes morbides se de- roulent et s'enchainent, aussi bien que la marche suivant laquelle ils s'amoindrissent et se dissipent, tendent egalement a prouver que la maladie consite dans la diminution ou la suspension de l'innervation unie a une lesion catarrbale des muqueuses gastro- iutestinales. Epuisons, s'il est possible, cet ordre de considera- tions , et voyons si le traiteinent eprouve du cholera epidemique peutnous fournir d' utiles renseignemens. Les inductions etiolo- giques tirees des methodes therapeutiques ne sont guere moins utiles, guere moins certaines que les indications curatives qu'on endeduit. Cest avec raison qu'on a dit : A juvantibus et Iceden- tibus sit indication e'est avec autant de fondement qu'on pour- rait dire : A juvanlibus et Uedentibus fit dignotio. DU CHOLERA EPIDEMIQUE. /^JJ Un moyen assez generalement employe contre le cholera epi- demique , c'est la saignee ; mais il faut remarquer que, sur tons les points et aux yeux de tous les individus , la saignee, recom- mandee ici des le debut de la maladie , a ete precisement et specialeraent indiquee a titre de revulsif, comme un moyen de ranimer, de rappelerla circulation excentrique. Du reste la saignee , qui est blamee par un assez grand nombre d'hommes recommandables, n'est adoptee par aucun que sous la condition d'une constitution jeune et d'une complexion robuste. M. Noel , au milieu d'une epidemie assez etendue , opere des prodiges a l'aide de l'ammoniaque liquide donnee plusieurs fois par jour, dans une infusion aromatique. INI. Deville fait prompte- ment cesser les de'sordres , a l'aide de Tether administre a haute dose aussitot que la maladie debute. Partout on associel'opium a des diffusibles , au muse , au camphre, a Tether , al'essence de menthe ; partout on prescrit avec succes les toniques, les amers et les aromatiques. Les Russes ont surtout preconise les bains de ■vapeurs, les applications aroiuatiques cbaudes sur la peau , les frictions excitantes , etc. Les vesicatoires de toutes les sortes et de tous les degres, les sinapismes, les ustions externes, sont autant de moyens tour a tour mis en usage. Tout re'eerament le docteur Leo a voulu prouver, par un grand nombre defaits concluans, que la methode constamment efficace contre le cholera consiste dans Temploi, a doses suffisantes, du sous-nitrate de bismuth, un des anti-spasmodiques actifs que nous connaissions. En voila assez sans doute de ces puissans indices pour demon- trer que les methodes therapeutiques, d'accord avec la symptoina- tologie analytique', conduisent a des conclusions serablables. CONCLUSIONS. L' analyse exacte , severe des symptomes et des caracteres ne- croscopiques du cholera, donne ce resultat, que la maladie, com- 494 DU CHOLERA EPIDEMIQUE. plexe de sa nature, se compose d'une alteration profonde de Tinnervation et d'un mode particulier d'affection catarrhale dcs membranes muqueuses gastro-intestinales. MESURES SAN1T.URES. La maladie debute par le derangement des fonctions des tissus cutanes dont les membranes muqueuses ne sont qu1 une sorte dc continuation ou de dependance. Elle s'elablit sur la concentra- tion des mouvemens a l'interieur et sur les effets generaux d'une affection catarrbale toute particuliere : aussi, maintenir l'etat normal de la transpiration, eviter les causes qui vont a produire l'etat catarrhal des surfaces muqueuses gastro-intestinales, pre- venir la perversion de l'influence nerveuse et ses consequences , resument merveilleusement les soinsque l'experience a consacres comme salutaires sous le rapport de l'hygiene domestique. II faut en premier lieu maintenir sa raison dans le calme et cette moderation qui sont generalement unpreservatif efficacede toutes les douleurs. Les douces habitudes d'ordre interieur et de morale privee sont aussi profitables aux interets materiels de la vie. L'ambition, le chagrin, la frayeur, les agitations morales, eten general les passions fortes , quelles qu'elles soient, mises en jeu sans regie et sans retenue, deviennent autant de causes cer- taines de la maladie. II convieut de se placer au milieu d'un air pur, exempt de toutes violations , resultant meme accidentellement de nom- breuses agglomerations d'hommes ou d'animaux ; c'est particu- liereraent au sein des grandes accumulations d'individus que le cholera nait et se propage. On doit eviter soigueusementi'humidite, dequelque maniere, sous quelque f )rme et daus quelque combinaison qu'elle se ma- nifeste. Le froid et l'huinidite , le chaud et l'humidite, ont une puissance d' action a peu pres egale pour produire le cholera. On aura soin de se tenir dans des lieux sees , eleves , sous une expo- sition salubre, loin de l'evaporation foumie par les amas consi- DU CHOLERA EP1DEMIQUE. 49 ^ derables d'eau , surtout d'eau stagnante ; que l'interieur des ha- bitations soit exempt d'humidite , a l'abri de malfaisantes exha- laisons, largement espace, con v enablement aere, d'une ventila- tion facile, d'une grande proprete, et sans cesse niaintenu libre de tout encombrement dhommes etd'animauxde quelque espece que ce soit. C'est dans des circonstances pareilles a celles qui nous oc- cupent que le regime ordinaire des hdpitaux se trouve insuffisant ou meme mal entendu. II faudrait pouvoir faire camper , faire baraqner separement les malades dans des sites convenables et sur des points beureusement choisis. II faudrait aussi des sejours particuliers pour les convalescens, afin de les isoler le plus tot possible des malades , puisqu'il est d'experience que les rechutes sont tres-faciles , tres-communes , sous 1'infLuence des conditions susceptibles de dormer naissance an cholera. Les vetemens doivent etre soigneusement maintenus sees et propres ; qu'ils soient toujours suffisans sans etre jamais legers ; on les choisira plutot chauds que froids et meme frais, mais en rapport surtout avec l'etat reel de l'atmosphere plus encore qu'a- veola saison. L'experience a consacre les avantages des ceintures de llanelle portees sur la peau. Au nombre des moyens hygieniques qui peuvent preserver de l'invasion cholerique , hatons-nous de signaler les frictions seches, les frictions spiritueuses aromatiques, les bains domestiques, les bains composes , les bains froids de riviere ou de mer , suivant les circonstances; les bains surtout , dont l'usage est aujourd'hui tres-repandu parmi toutes les classes, doivent agir inerveilleuse- mentpour nous preserver des at.teintes et des progres du cholera. On aura cependant grand soin de se garantir de l'humidite qui suivrait l'usage des bains pris sans precaution. La surveillance de 1' alimentation habituelle prend ici Tine im- portance de premier ordre : c'est presque toujours apres les ecarts du regime et a la suite des exces de table que la maladie sur- j()C) DU CHOLERA EPIDEMIQUE. vient ; ct c'est tout a la fois eu egard a la quantite et sous le rap- port do la qualite que Ton doit regler la nourriture. Lcs alimens qui conviennent le mieitx sunt cu general ceux qui tieuneut le juste milieu cntre la debilitation prononcce et uue tonification soutenue; il fatfdra qu'ils soient tire's du regne ani- mal bien plus que du regne vegetal. Mais dispensons-uous d'aborder les fastidicux details relatifs aux substances propres a satisfaire a toutes les conditions exigees par la propbylactique du cholera ; nous aurons bien plus lot dit ce qu'il faut eviter que ce que Ton doit cboisir. Les viandes fortes, les viandes fumees, les salaisons , les graisses , Tabus du poisson a fibre ferine , l'exces des legumes farineux on mucilagineux , le laitage en grande abon- dance, les fruits aqueux , oat ete, en general, nuisibles. Lesboissons de mauvaise ou meme de mediocre qualite viennent se placer en premiere ligne sur la liste des causes propres a donner naissance an cholera. Tous les liquides facilement fermentescibles, si communs et si nombreux dans le Nord , toutes les boissons preparees en Asie avec le lait de jument et le seigle fermentes, l'eau-de-vie et les liqueurs fortes dont Tabus est bien plus repandu dans les pays oil la vigne ne peut point croitre , sont autant de boissons qui disposent d'une maniere facheuse a Tinvasion du cholera. Les peuples auxquels la nature a donne avec le vin de Teau de bonne qualite , auxquels elle a departi surtout le don de ne faire de ces substances qu'un usage modere , sont bien plus favorises qu'ils ne pensent. Sous le titre de remedes desinfectans , on a essaye , a bien des reprises, le camphre, le vinaigre , les fumigations guytonniennes, celles de liabarraque, tous les chlorures desinfectans, etc. L' ex- perience fera connaitre Tcfficacite de ces moyens. C'est a Thygiene p'ublique qu'appartiennent la proprete et la salubrite des villes , des villages et des bourgs ; la direction , Ten- tretien et Tassainissement des marais , des etangs et des bords de rivieres ; la surveillance des approvisionnemens de toutes sortes , T amelioration des classes indigentes, dont il faut largement assu- DU CHOLERA EPIDEMIQUE. /f97 or les subsistances ; radministration des secours que ces classes reclament , la distribution des conseils et des consolations dont elles ont hesoin; le casemeraent, le campement des troupes, les luouvemens des corps d'armee, l'organisalion des hopitaux pro- visoires et des etablissemens de convalescence, s'il en etait be- soin ; le regime pbysiqueet moral des prisons , la disposition des ateliers et des manufactures. De concert avec les medecins, aussi bieu tpTavec les citoyens eclaires et ricbes , l'autorite administra- -tive, guidee d'ailleurs par les regies d'hygicne privee que nous venons d'etablir, aura tout a la fois le courage et la prevoyance de prevenir tons lesbesoinsetde repondre a toutes les necessites. En definitive , Thygiene publiquc n'est que l'hygiene privee faite sur une plus grande ecbelle , l'hygiene portee des individus aux masses et des besoins domesiiques aux exigences de la sociele tout entiere. Mais a l'hygiene publique appartiennent aussi les mesures sa- nitaires qui peuvent etre reclamecs par la maladie et autorisees par nos lois. Sur ce point, l'Academie est ofliciellement revetue aujourd'hui de la mission la plus grave; elle doit se prononeer sur ropportunite de ces mesures. Nous 1'avons deja dit, nous Tavons deja vu, quelques faits notes surtout en Europe, mais dont on retrouve aussi des indices en Asie, semblent annoncer que, dans certaines circonstances, ties individus, ayant vecu au milieu du foyer epidemique, ou n'ayant meme fait que le traverser, peuvent potter la maladie dans les lieux ou ils se rendent, encore que ces voyageurs res- tent , eux, exempts du cholera. Des faits analogues portent a soupconner que des individus atteintsde la maladie ont pu , sous certaines conditions, la trans- mettre aux habitans des pays dans lesquels ifs etaient transportes, ou meme aux personnes qui les entourent , dans des circonstances donnees. Enfin d'autres faits, en assez grand nombre, tendent a insi- nuer que la maladie s'est propagee d'un lieu a un autre par les 56 4q8 DU CHOLERA EPlDEMlQUE. voies nombreuses de la navigation; et, cependant, nous devons nous hater de le dire dans linteret des relations comraerciales , nulle part nous n'avons vu articuler aueun fait positif qui prouve que reellement le cholera se soit communique par le transport des merchandises; les individtis seids et leurs relations paraissent, dans quelques cas, accusables ou suspects. Encore que les faits de cet ordre soient a nos yeux incertains, incomplets et vagues; encore qu'ils puissent tous seconcevoir et s'expliquer par la seule raison epidemique, il nous sufiira cepen- dant, ,en vue de la science et de not re conviction, d'avoir ends cette opinion ; et , frappes que nous sommes de ce qui est consom- me deja en France sur ce sujet; frappes de l'exemple des nations voisines qui ont toutes use de precautions; frappes encore des dangers auxquels lhumanite tout entiere pourrait etre exposee, la commission ne balance point a conseiller unanimement les me- sures sanitaires autorisees par la loi du 5 mars 1 822, ou par l'or- donnance du 7 aout de la raeme annee : ainsi le veut la pru- dence des societes. L'Academie ne terminera pas cette partie de son rapport sans signaler au gouvernement les differences qui existent entre les pratiques sanitaires appliquees aux villes, villages et bourgs dc l'interieur ou de la terre-ferme , et ces meines pratiques sanitaires en usage dans les villes maritimes. Dans les ports de mer, tout est assez facile, assez regulier , assez innocent meme, en fait de police sanitaire. Mais en est-il de meme sur la terre-ferme? Les quarantaines et les cordons mi- litaires places autour d'une ville dans laquelle regne une ma- ladie reputee transmissible , en outre de la demoralisation qui en est la facheuse consequence , ont encore pour effet funeste de re- fouler , de concentret la population sur elle-meme, d'augmenter le denument des secours de tous les genres, d'ajouter a la con- fusion et a la tcrreur qui regnent deja , et de favoriser ainsi outrageusement les progres du mal : ce sont la autant d'incou- veniens graves qu'il faudra eviter. DU CHOLERA EPIDEMIQUE. 499 Encore un coup , l'Academie n'a pu travailler que sur des do- cumens dont elle ne saurait garantir l'exactitude , et auxquels die a souvent desire plus de details et plus de profondeur. Placee loin du theatre des faits, ellelesa accumules, rapproches, com- pares, analyses , critiques; et ce sont les conclusions qui en res- sortent tout naturellement quelle presente aujourd'hui au public et au gouvernement. RELIGION. AUX PHILOSOPHES. Le dix-huitieme siecle tout eiitier peut se resuruer dans une idee. Les philosophes ont dit aux rois, aux nobles et aux pretres : « Vous n'etes plus dignes de gouverner les homrnes, car vous n'etes ni les plus aimans, ni les plus intelligens, ni les pluslabo- rieux. » Les philosophes developperent cette pensee sous mille formes dans tous leurs ouvrages, et s'arreterent la. Dans leurs reves les plus aventureux , a peine oserent-ils prophetiser qu'un jour peut-etre les philosopbes seraient rois. Mais a peine les plus grands d'entre eux avaient-ils ferine 1'ceil, que le peuple, instruit par eux, brisait ces rois, ces nobles et ces pretres qu'on lui avait representes comme des tyrans et des imposteurs. Depuis cette epoque, tous ceux qui ont jete sur la societe un regard profond, se sont ecries : « La societe est en poussiere. » Les plus hardis des jacobins, parvenus au sommet de leur ceuvre sanglante, effrayes de cette mer qu'ils avaient dechainee, de ces flots que rien ne gouverne et n arrete , prirent des vertiges, et cher- cherent, mais vainement, unprinciperegenerateur qniputfixerla societe. On avait essaye les mceurs et la constitution de Tantiquite grecque et romaine, le regime de l'egalite et de la fraternite, comme sice qui convint quelque terns a de petites rcpubliques mi les citoyens, noarris par leurs troupeaux d'esclaves , etaient ■ >00 HI LIGION. en effet a pen pies egmx , pouvait elre autre chose pour nous <|u'une ridicule et hypocrite parodie. Napoleon, a son tour, prit modele sur le moyen age et sur Charlemagne ; et, accom- plissant an dehors son ceuvre de conquerant et de civilisateur, il garda la France militairement, comrae on garde une ville en etat de siege. La restauration vint ensuite essayer, par un adroit compromis avec nos idees de 89 , de nous remettre dans le rnoule brisede la vieille inonarchie. Le roi se regarderait comme le suc- cesseur de ses aieux , le mailre legitime de son people ; les nobles se pavaneraient de leur noblesse, et seraient privilegies ouverte- ment on en secret; les pretres entretiendraient la nation dans Tignorance; un parte s'etablirait entre tous ces vieux debris de l'ancien regime et l'aristocratie de la richesse; et cependant le people, le people immense, travaillerait poumourrir l'oisivete, livre lui-mAmehereditaireineni al'immoralite, a rabrutissement, a la misere. Et voila ce que des. homines d' esprit out regarde comme definitif; voila ce quiis ont pare du langage mystique du constitutionalisme! Fictions, pures fictions, contrelesquelles tunt d'honunes genereux ont an contraire proteste de toute nia- niere, et qu'un gesle du peuple a fait evanouir an soleil de juillet. Ainsi la France, apres avoir detruit l'ordre theologique et ftiodal , a ete livree a trois series d'experiences qui n'etaient toutes qu'une triste el inipuissaute retrogradation, qu'une parodie mi- serable de rantiquite , du moyen age et de la monarchic Et maintenant il ne manque pas de gens qui voudraient relever les lictions de la restauration du milieu des paves de Paris , leur rendre leur clinquant, nous endormir , et reprendre eux-memes leur voluptueux repos sur cet abime du peuple ou s'agitent tant de jniseres. Et ces pretentions rallument la haine et la colere des hommes qui croyaient en avoir fini avec le passe ; et la lutte con- tinue avec acharnement. Mais ni les uns ni les autres ne s'aper- coivent que nous sommes arrives a une de ces epoques de renou- vellemeut ou , apres la destruction d'un ordre social tout entier, AUX PHILOSOPI1ES. JO I un nouvel ordre social commence, parceque l'homme se concoit de nouveaux rapports avec Dien etavec les autres hommes. La revolution franchise n'a pas seulement ete une revolution dans les interets materiels; elle a etc aussi une revolution dans 1'ordre moral : elle nepeut se terminer que par une reorganisation morale et materielle a la fois. Hommes de la liberte, quand vous aurez bien combattu sur des mines, ce n'en serontpas moins des mines. Homines du passe, qui vous croyez hommes du present et pleins de sagesse, vos efforts retrogrades sont jnges; mais quand vous reussiriez quelque terns a faire de l'immobilite, ce ne serait jamais de 1'ordre, ce ne serait qu'un desordre cache : repos a la surface, trouble, confusion, desordre moral, intellectuel et materiel dans la societe tout entiere. Le sable du desert peut, sous une atmosphere lourde et chargee d'orage , rester immobile sans cesser d'etre poussiere. La societe est en poussiere, parceque les hommes sont desassocies, parce qu'aucun lien ne les unit, parce que l'homme est etranger a l'homme. Et il en sera ainsi tant qu'une foi commune n'eclairera pas les intel- ligences et ne remplira pas les co2urs. Voyez ! un seul soleil eclaire tous les hommes, et, leur donnant a tons une meme lu- miere, harmonise tous leurs mouvemens; mais on est aujour- d'hui, je vous le demande, le soleil moral qui luit pour toutes nos consciences ? Ce n'est pas en vain qu'on a appele revolution la serie d'eve- nemens qui a commence en 89 , afin de marquer par ce mot que riea de pared n'avait eu lieu jusque la dans notre histoire, qu'au- cune des crises anterieures n'avait depasse les limites de 1'ordre social et religieux du moyen age, et que, pour la premiere fois, cet ordre etait renverse. Parcourez les douze siecles de l'histoirc de l'Europe jusqu'au moment oil la philosophic posa seshardis problemes et donna ses solutions, vous reconnakrez dune ma- niere indubitable un caractere commun a toute cette epoque ; O0 2 HKLKilON. vous vcrrez toujours la raeme constitution sociale, ayant ses ac- cidens, ses crises, ses transformations comme tout ce qui a vie, mais conservant loujours les memes conditions d' existence, tou- jours une, quoique diverse et muable dans son developpement. La, comme dans tout etre vivant , la vie est une suite non inter- rompue de cliangemens ; maisl'enfance, la jeunesse , lavirilite, la vieillesse, forment une serie que vient terminer lamort. Que la vie renaisse de la mort, cela est certain; mais la mort est \\n terme apres lequel les conditions d'existence sont changees. Ainsi, a travers les luttes intestines de la feodalite, les com- bats de la monarchie et du tiers-etat contre la noblesse, a travers la lutte de la papaute contre le pouvoir temporcl, et des ordres nionastiques contre la societe en propriete ; a travers les guerres acharnees des secies religieuses entre elles , au milieu , dis-je , de tant d' elevations prodigieuses et de taut de chutes non moras remarquables, to uj ours (pour qui comprend comment l'esprit bmnain engendre et renouvelle la societe), toujours la societe, dans ce grand espace de terns, a ete fondamentalement la meme. Bien des commotions, sans doute, et d'innombrables change- mens ont eu lieu dans cet espace de terns si long ; les mreurs, les lois, les croyances, se sont modidees sans cesse : mais toutes ces evolutions s'accoinplirent dans le sein du meme ordre social et rdigieux; et, pendant qu' elles s'accomplissaient, le systeme lui- liienie reslait immuable et vivail toujours de la meme vie; car la circonference de l'esprit humain restait la meme; la terre et le eielnechangeaientpas : laterrelivreea uneinegaliteconsentie, le cielouvertachacun suivant ses merites. Danstoute cette immense periode, en effot, le prejuge des races exista; tout homme trou- vait juste de relever de ses peres, tous croyaient a la noblesse, a la superiorite du rang ; l'egalite des homines sur la terre n'etait pas meme soupconnee. Mais tous croyaient fermement a cette egalite devant Dieu et dans l'Eglise. Ainsi l'Eglise et la vie fu- ture quelle annoncait, et dont elle enseignait les voies, etaient le complement on la reparation de la vie seculiere et de la vie AUX PHILOSOPHES. 5()3 terrestre. Pour le cceur et l'esprit, la loi chretienne etait. souve- raine, et si elle n'administrait pas le monde materiel, elle le dirigeait et le dominait. II n'y avait pas un incredule sur uh million d'homnies. Aux affliges, aux malheureux , il restair. (meme apres que tout leur avait defailli) une croyance que rieu ne troublait, savoir, que cette vie n'etait qu'un passage vers la vie eternelle. Le juste et l'injuste etaient definis : quand un horanie violait la loi, on ne se demandait pas avec anxiete si la societe n'etait pas cause ou complice deson crime; on l'appelait mechant, et on le punissait. En un mot, toutes les ames avaient foi dans l'ordre politique et dans l'ordre religieux; et cette foi se manifestait dans tout ce que la poesie, c'est-a-dire le symbole, pouvait eufanterpour la vue ou pour les oreilles , les cathedrales, les tableaux, les poemes. Ainsi rhomme tout entier etait rcmpli ; tous les problemes que son esprit pouvait soulever avaient leur solution ; toutes les maladies de son ame, leur remede. Et qu'on ne croie pas que je veudle faire de ce moyen age une peinture agreable et fausse. Je dirai, au contraire, que ce qui a fait imaginer ces grandes et sublimes fables du cbristianisme, c'est la souffrance horrible des bommes a cette epoque. Plus la condi- tion des bomrnes etait mauvaise, plus leur foi dans le ciel equi- table devait etre grande. Le ciel et la terre se correspondaient et se suppleaient ; Tun etait la consequence, la deduction senti- mentale et logique de l'autre : tous deux etaient, pour ainsi dire, le produit dune pensee unique; et tous deux devaient dis- paraitre et tondjer en meme terns. Admirez, en effet, la logique de Tesprit bumain durant tout le moyen age, ou, pour mieux dire, depuis la venue du Christ jusqu'a la revolution francaise. Ce que rhomme n'avait pas et ne concevait pas possible sur la terre , l'egalile , la justice, le bonheur, il le placait dans le ciel, et en jouissait par antici- pation. Ainsi la conscience et rintelligence humaines etaient satisfaites. La terre, miserable, souffrante , couverted'iniquites, livree a la guerre, n'etait plus que le vestibule du ciel , le lieu 5o4 RELIGION . d'epreuves. Mais, pour comprendre corabien ce systeme etait complel , il faat rapprocher dp dogme du paradis le dogme dc la chute. L'inegalile de naissance et de races existait sur la terre ; on etait predestine de pere en fds; le fils souffrait a cause de son pere : pourquoi cette iniquite? redoutable probleme, dout voici la solution : c'est que toute l'humanite releve d'Adara, et a pe- che avec lui. Puis encore nouveau probleme et nouvelle solution ; car comment l'humanite pourrait-elle elre sauvee? entre la chute originelle et le paradis, il fallait bien un lien qui les unit, qui servit de pout a rhumanite : de la le dogme de ['incarnation de Jesus-Christ et sa passion. On put alors dire aux homines : « Vous vous plaignez de souflrir; et le juste par excellence , le Fils de l'Homme, le Fils deDieu, n'a-t-il pas souCfert aussi, n'a- t-il pas souffert plus que vous? Voyez sa croix! Et n'est-il pas venu pour vous racheter, vous et tous ceux qui souffrent? Nc vous a-t-il pas ouvert , par sa mort , la porte d'un sejour d'ou la douleur sera bannie, etoii tous seront retribues suivant leur rae- rite et pourleurssouffrances memes? » Je le demande, comment 1' esprit humain aurait-il pa douter de cecielen voyant la terre, et comment aurait-il pu rejeter la loi terrestre en voyant ce ciel? Vous vous etonnez que rhumanite ait pu rester si iong-tems emprisonnee dans ce redoutable cercle : ah! je m'etonne bien plus qu'elleait pu en sortir. Oui, je le compreiuls nettement, tout le travail d' edification o5 regne de Dieu, voila les termes d'une serie ou tout est clair lie, enchalne; serie ou le raonde reel d'alors, le nionde de l'ine- galite et du malheur, se trouve explique, entre un passe qui l'a produit , et un avenir reparateur. Douleur dans le present, done crime dans le passe, mais esperance et justice dans l'avenir : e'est ainsi que le cceur humain a senti, que l'esprit humain a raisonne ; et, recueillant avec joie dans l'univers entier tous les vestiges de son histoire, s'inspirant de la terre, des cieux et de tous les phenomenes tels que l'homme les concevait alors , l'hu- inanite a bati l'immense edilice du christianisme, et elle y a vecu. Ne separez done pas la religion de la societe : e'est comrae si vous separiez la tete d'un homme de son corps , et que, me montrant ce cadavre, vous me dissiez : Voila un homme. La societe sans la religion, e'est une pure abstraction que vous faites, ou e'est une absurdechimere qui n'a jamais existe. Lapensee humaine est une, et elle est a la fois sociale et religieuse , e'est-a-dire quelle a deux faces qui se correspondent et s'engendrent mutuellement. A telle terre repond tel ciel, et reciproquement le ciel etant douue la terre s'eusuit. Cette verite pourrait se demontrer pour toutes les periodes du de'veloppement de l'hunianite , comme pour la periode chretienne. Mais peut-etre est-on tente d'en douter en voyant ce qui se passe aujourd'hui, comme si l'etat present n'e- tait pas la plus eclatante demonstration qu'il n'y a point de societe sans religion. Vous demandez ou est aujourd'hui la reli- gion? et moi, je vous demande ou est aujourd'hui la societe. Ne voyez-vous pas que l'ordre social est detruit, comme l'ordre re- ligieux? la ruine de l'un joint la mine de l'autre ; car, encore une fois, l'edifice humain est a la fois ciel et terre, qui s'elevent, durent, et tombent en meme terns. An moins on ne niera pas que le ciel et la terre dont jepailais tout a l'heure n'existent plus pour nous. La terre est changee ou plutot bouleversee ; car l'inegaliti suivant la naissance n'est plus TOME LI. SEPTEMBRK "1851. 37 5o6 UEL1GION. conscntie : « Le prejuge des races est aboli, plus do noblesse, <( plus de privileges herediraires," tous les homines sout egaux , » voila la clameur univcrselle. Mais montrez-moi done cette egalite realisee sur la terre ; ne voyez-vous pas que le fait est eu opposition avec le droit , et que l'ordre ne sera retabli que lorsque le fait marcherad'accordavecledroitou s'achemincra pour lerejoindre? Le ciel du nioyen age aussi a disparu ; la croyance au peche originel, a la redemption et au paradisesttombec.il n'y a plus au- jourd'hui que colere et dcdain pour ce christianisme si fermement cru par nos peres ; et quand, apres des journees foudro) antes pour les trones et les aristocraties, la tempete revolutionnairc sem- ble gronder encore, si le Hot populaire se releve, c'est pour battrela croix au sommetdes eglises. Oui, les ci'oyances de nos peres sout ensevelies et dorment avec eux dans les tombeaux. Nous avons grandi, nous avons rejete bien des erreurs, decouvert bien des verites; nous avons souleve bien des voiles. Mais de progres en progres a quelle nuit profonde nous sommes arrives ! Ainsi quand on s'eleve ,au sommet d'une haute montagne , il scmble que l'ceil , plus pres des etoiles, va jouir d'une eclatante lumiere et de ravissans spectacles ; mais arrive au sommet , on est tout etonne de se trouver dans les tenebres, et le soleil qui brille dans cette obscu- rite vous envoie une lumiere qui vous blesse. Comme l'eau qui bouillonne et bride, et, a la fin, refoule tout a coup le poids de l'atmospbere, et s'elance en souffle in- sense ; ainsi l'esprit bumain, apres avoir bien bouillonne , a brise leslimites qu'il s'etait donnees a lui-meme : le ciel qui com- primait la societe, et la maintenait, et l'eclairait, etrecbauflitit , et la fecondait de rosees, et rilluminait de meleores , oe ciel est vaincu ; mais la societe est detruite, et le doute , le doute insense parconrt et sillonne la terre en tous sens. AUX PHILOSOPHES. Son Et comment en serait-il autrement? La terre est toujours ime vallee de larmes , mais les malheureux n'ont plus le ciel ; et plus le coeur et l'intelligence humaine se sont agrandis, plus le spec- tacle de cette humanite sans paradis est repoussant et cruel. Vous dites que tous les homines sont egaux : dites-moi done pourquoi tant d'hommes sont marques au front touteleur vie du stigmate de leur naissance ; expliquez-moi cette horrible fatalite qui pese sur les dix-neuf vingtiemes de l'espece humaine. Le bonheur et le malheur sont done l'effet du hasard ? Quels sont ces homines qui peuplent les prisons, les bagnes, et dont le sang coule sur les echafauds ? Vous savez l'influence de 1' education et Vempire des circonstances : la pi apart de ces cri- minels l'auraient-ils ete si le hasard de la naissance les avait favo- rises? etne seraient-ce pas les classes elevees, qui les meprisent, qui en out horreur, qui les jugent; ne seraient-ce pas elles qui paieraient le tribut au bourreau , si la roue de la fortune avait tourne differemment? Quel frein d'ailleurs avez-vous laisse a ces miserables , et quelle regie de vie leur avez-vous donnee? Vous avez efface de leur cceur Jesus-Christ, qui commandait aux hom- raes, mi nom de Dieu, de s' aimer les uns les autres, et qui pro- mettait un port aux aifliges : ainsi encore le crime est hasard, et la vertu hasard. Mais savez-vous que e'est une horrible chose de conserver le bourreau apres avoir ote le confesseur ! Je porte mes yeux sur les heureux de la terre. Je vois des homines qui, luttantavec acharnement les uns contre les autres , speculant sur leur mine mutuelle , et exploitant les miserables qui, sous le nom de proletaires , ont remplace les esclaves et les serfs, se livrent solitairement a leurs passions. Pourquoi vou- drait-on que je les honorasse? Ne serais-je pas expose , cent fois pour une , a honorer la fraude , l'avarice et la cupidite ? Et pourquoi d'ailleurs les honorer? ils n'ont travaille que poureux. La consideration est done encore livree au hasard. La gloire elle-meme, la grande et solide gloire, est entachec de do ute et de hasard. J'admire l'liomme dc genie, mais je mede- 5o8 RELIGION. mantle : n'avait-il pas dans la fonle un rival plus grand que lui et que la misere a etouffe? Helas! combien j'ai vu d'hommes doues d'un cceur d'artiste s'acheminer a la mort en passant par le desespoir etla folie ! » Je vois la femme tenue dans l'ignorance et prostituee pour sa dot ou pour sa misere. Ainsi la beaute et 1' amour sont encore la proie du hasard. Biens de la terre , eharraes du cceur , delices d'un amour par- tage, honneur, consideration, gloire, e'est done la fatalite qui distribue tousles lots? A quoi me sert que la vie anterieure de l'humanite ait developpe mes sympathies et etendu mon intelligence , quand toutes mes sympathies sont blessees et mon intelligence con- fondue? Je voudrais voir le bonheur et la paix regner parmi les hommes, et je vois de toutes parts la guerre etl'adversite. J'aime la justice, et je ne trouve que le hasard. On repete de tons cotes a mes oreilles le nom si cher de liberte , et le plus ecrasant despotisme est exerce par quelques privilegies sur tout le reste des hommes exploite comme un vil troupeau. Ah! ne voyez-vous pas que votre egalite devant la loi est un leurre, unechimere, quand tant de millions d'hommes travaillent sans relache pour soutenir leur triste existence , n'ayant pas un instant pour penser , pour s'elever , pour sentir , et sacrifies a des machines quand celles-ci coiitent moins cher a ceux qui exploitent et les hommes et les machines ! Voilala societe; etpourtant, je le repete encore, jamais les sympa- thies humaines n'ont ete plus developpees, jamais plus d'hommes genereux n'ont senti battre leur cceur de 1' amour de l'humanite. Par quelle fatalite se peut-il que la societe ne repose que sur la lutte et l'egoisme , quelle fasse une loi a chacun de ne songer qu'a lui-meme , que le malheur de l'un tourne au profit de l'au- tre, que les riches y vivent somptueusement de la faim des mi- AUX PHILOSOPHES. 5og serables , que le savant et l'artiste ne puissent la plupart du terns enrichir et avaucer 1'humanite qu'au prix de leurs souffrances, qu'un sexe tout entier soit encore tenu dans l'abaissement, et qu'il y ait encore sous une apparence de liberte une multitude innombrable d'esclaves ? Ainsi la terre est devenue un inconcevable probleme. Helas ! il semble que la nature avait donne a chaque homme sa destina- tion ; cbacun avait un but a atteindre ; ils devaient y marcher tous ensemble, se secourant, s'animant, se guidant les uns les autres : mais faute d'un soleil qui les eclaire , ils prennent chacun une route differente de celle que la nature leur avait donnee ; ils se heurtent, se combattent, s'egorgent; et les plusheureux, marchant sur le corps de leurs freres, arrivent a la fin de leur vie sans avoir vu autre chose qu une horrible et ridicule melee dans d'epaisses tenebres. Oui, voila la vie; et, comme s'il fallait un signe pour en montrer l'aridite et le froid glacial , vous entrez dans cette vie sans solennite , sans benediction , vous en sortez de meme. L' homme ne sait plus dire un seul mot sur le berceau ni sur la tombe ; la statistique y a remplace la religion et la poesie : quand un homme nait, quand un homme meurt, on inscrit son nom sur un registre. Oh! quel est celui qui ayant aime, et perdu l'objet de son amour, n'a pas senti sa tete s'egarer de folie, en voyant comment se consacre la double initiation de la vie et de la mort! Et quel est celui qui a pu parcourir vos cimetieres sans essuyer la sueur de son front devore par la douleur et le doute ? La ville des morts ressemble a la ville des vivants. Pour le riche, des inscriptions fastueuses, meprisees de ceux qui les lisent; une phrase chretienne aupres d'une phrase athee ; d'absurdes le- gendes d'un culte mythologique pour des mots abstraits dont on a fait des divinites : et pour la multitude des pauvres , une fosse commune, qui engloutit en une minute tout souvenir d'eux. Pour les riches, des tombeauxde toutes les formes, empruntes 5 10 RELIGION. gauchement aux siecles passes, indice d'un siccle qui n'a pas une pensee d'art arealiser pour la tombe; des pyramidc s egyptienncs, des torabeaux romains, des pierres qui dessinent la forme du cadavre, corarae dans le moyen age ; des croix de bois fragiles et a demi brisees sur de lourdes constructions de inarbre; d'obscurs emblemes de resurrection pris aux pbilosopbies antiques; et pins souvent encore, rien que des ossein ens figures sur la pierre. JYon, il n'y a rien au fond de toute cette pompe, qui, sans la raort qu'elle recele , ne serait guere plus serieuse qu'une decora- tion de theatre ; il n'y a rien , dis-je, qu'une epouvantable con- fusion , ou vient se reflechir dans toute sa hideurledesordrc de la societe. La, sur des cadavres, regnent encore l'injustice, le mensonge, l'inegalite, la discorde ; le doute est grave sur toutes ces pierres, et les paroles qui s'elevent des tombeaux se com- battent entre elles dans leur silence eternel, sans qu'il sorte de leur lutte aucune solution. Vainement vous avez choisi, pour deployer sous le ciel vos tombes privilegiees, un site pittoresque, des coteaux couverts de gazons et d'ifs funeraires : ce squeletLe d'une societe sans foi, sans esperance et sans charite, n'en est que plus hideux dans sa fosse, et 1' aspect de cette nature puis- sante contrastant avec cette misere de l'homme et cette inanite de l'esprit humain n'en est que plus douloureux. Ah ! laissez-moi : votre societe est un labyrinthe ou tout homme doue de sympathie et de force de tote est destine a etre devore par la douleur et le doute. Et si des homines je passe a l'lmivers , si du fini je porte mcs regards vers l'infini, jelrouve encore le doute, toujours le doute. Des moil enfance j'ai ouvert vos livres, 6 philosophes, je m'en suis nourri vingt ans. Jamais Babel ne vit une plus grande confusion et tant de discorde. An milieu de tons vos systemes, rien n'est certain pour prrsonnc que l'incertitude de toute chose. AUX PHILOSOPHES. 5 l I Le que sais-je de Montaigne est devenn l'axiome nnivcrsel ; et la grande verite dn siecle est le proverbe espagnol , De las cosas mas se gurus , la mas segura es dudar. Je demande aux philosophes qni gouverne le monde ? ils me repondent : Le basaid ; Quel est le mobile des actions bumaines? L'egoisme. Qu'est-ce done que l'humanite? Nous n'en savons rien. D'ou vient-elle, ou va-t-elle? Nous n'en savons rien. Quoi ! n'y a-t-il done pas une verite a laquelle je puisse m'at- tacber? Pas une. La terre est pleine de confusion , et en proie a mille fleaux ; 1'immense majorite des bommes vit et meurt dans la souffrance; on rencontre a cbaque pas Tiniquite triompbante et la vertu sacrifice etmeconnue : n'y a-t-il pas, ob! n'y a-t-il pas quelque part un lieu de reparation? Non, me orient les phi- losophes , et ma raison, eclairee par eux , est obligee de conve- nir que le paradis des chretiens est un monde imaginaire. Fatalite done ! Et voici la science elle-meme qui est une ecla- tante revelation decette fatalite qui pese aujourd'bui sur les hom- ines. Eneffet, apres tant de tra vauxde la philosophic materialiste, qui pourrait nier que chacundenous n'apporteen naissant des de- terminations, despencbans,des facultes diverses? La fatalite n'est done passeulementhorsde moi, elle est en germeen moi. Quand Gall emit ses idees, onnes'ytrompapas; lemonde eut un instant d'horreur et d'effroi ; on sentit que la justice humaine telle qu'elle est aujourd'bui, distributive ou penale, n'avait plus de base. Oui, Gall, ses devanciers et ses successeurs, ont rameneparmi nous l'idee de la fatalite antique. L'enfant est determine des le ventre de sa mere , et il me semble que je vois la main du phvsio- I6giste passer snr la tete du jeunehommepour faire une horrible experimentation, a Va, lui dit-il, tu te erois un agent libre, mais j'ai decouvert dans les plis de ton cerveau les motifs de tes 5 i 2 RELIGION. actions. Va , marche au milieu de ce monde ennemi ou embarras- se d'obstacles ; tu portes en toi une force divine , raais il y a tout a parier quelle ne produira que du mal. » Que, pour echapper au fatalisme, des sophistes s'epuisent a demontrer que, dans l'etat actuel de la societe, la science de Gall s'accorde parfaitement avec la liberte humaine , que m'im- porte leur bavardage? Ne voit-on pas que , pour qu'ils eussent raison, il faudrait qu'une providence harmonisat ces determina- tions iuterieures de chaque hoinme avec les penchans des autres homines et avecle monde exterieur? Or, cela est-il? Non. Done la fatalite regne. Oui, j'en conviens avec vous, sophistes, l'homme est une force libre; mais vous savez que cette force a ses limites etroites, que cette liberte cesse dans la folie'et dans 1' excessive passion. Or qu'est-ce que la folie et l'excessive passion, sinon le penchant inne en nous devenu aveugle et furieux faute d'etre dirige, ou satisfait, ou combattu par un developpement normal dela vie qui rende heureux celui qui le recele? Done l'homme n'est une force libre qua la condition d'etre associee etharmonisee avec les autres forces libres qui existent sur la terre. Or cette harmonie existe-t-elle avec la lutte du droit et du fait; du droit qui est l'egalite des hommes, du fait qui est l'inegalite de leurs condi- tions? cette direction, cette regie morale existent-elles avec le scepticisme universel, etle hasard qui preside a toute chose? Mais je suis desole , desespere ! J'avais retreci mon cceur , et concentre toutes mes affections sur quelques etres cheris. Hors de ce cercle , tout etait pour moi indifferent ou hostile. Je rapportais tout a eux ; tout leur etait sacrifie. N'aimant rien hors d'eux, ne connaissant ni Dieu ni l'humanite, mon amour etait devenu monstrueux; et cependant, comme Ugolin, a qui sesenfansdemandeota manger, et qui, devore lui-meme par la faim, n'a que des larmes, je n'avais que des doutes a donner a ceux que j'aimais ; et par eux ces doutes faisaient encore mon supplice. Et comme ces bbjets de mon amour etaient tout pour ADX PHILOSOPHES. 5l3 moi, que pour moi l'humanite se bornait a eux, le tems a leur duree, toules lenrs miseres, toutes leurs imperfections dechiraient mon cceur, sans que la consolation put Hie venir du dehors. Ah malheureux ! je ue me suis attache a rien d'etemel ; et ce que j'ai ainie je l'ai tire du monde, pour ainsi dire, et j'ai dit : « La est tout mon amour, toute mon esperance, toule ma vie ; » et voila que la douleur et la rnoit me fle- trissent ce que j'avais voulu sauver du naufrage universel de mes idees et de mes sentimeris ; et le monde tout en tier n'est plus pour moi qu'un desert ; et ces spheres infinies qui remplissent l'espace sont le neant pour moi, et cette marche eternelle du tems est pour moi le desespoir ; et je ne peux fixer mes regards ni sur le passe, ni sur le present, ni sur l'avenir. Ah! je ne vois plus qu'une affreuse fatal) te> des elemens en de'sordre, ou un mauvais genie qui rit d'un rire infernal surles maux du genre huinain ! Avez-vous au moins des chants pour endormir mes douleurs? Les philosophes ont engendre le doute; les poetes en ont senti ramertume fermenler dans leur cceur, et ils chantent le deses- poir. L'ordre social autrefois se peignait dans tous les arts; l'art etait comme un grand lac qui n'est ni la terre ni le ciel , mais qui les refiechit. Homines de mon tems , ou sont vos fetes on le cceur des hommes hat en commun? Vous vivez solitaires, vousn'avez plus de fetes. Vous vous hatissez des demeures alignees geoine- triquement ; mais vous n'avez ni maisons ni temples. Vos pein- tres rendent la nature sans verite et sans ideal, et aucune pcnsee ne dirige leur pinceau. Mais, je le repete, la poesie est venue fieurir dans vos mines; elle est venue, seule, celehrer des fu- nerailles. C'est Shakespeare qui conduit le chceur des poetes, Shakespeare quiconeut le donte dans son sein hien avant la phi- losophic Werther et Faust, Child-Harold et don Juan , suivent 1' ombre dHamlet, suivis eux-memes d'une foule de fantomes desole's qui me peignent toutes les douleurs , et qui semblent tous 38 5] 4 RELIGION. avoir lu la terrible devise tie l'enfer : Lasciate lasperanza. Que tu es grand, 6 Byron, mais que tu es triste! Et toi , Goethe , apres avoir dit deux fois la terrible pensee deton siecle, tu sem- bles avoir voulu t'arracher au tourment qui t'obsedait en reinon- tant les ages , te contentant de promener ton imagination passive de siecle en siecle, et de rcpondre comme un simple echo a tous les poetes des terns passes. D'autres, plus faibles, ont ete moins sages. L'Anglcterre aentendu, autourdeses lacs , bourdonner, comme des ombres plaintives, un essaim de poetes abimes dans une mystique contemplation. Combien I'Allemagne a-t-elle vu de ses enfans participer du puissant delire d'Hoffman et de la fo- lie de Werner ! Et la France, apres avoir produit et repandu sur l'Europe la philosophic du doute, la poesie du doule lui etait bien due, quelque douloureuse quelle fut. Pour la premiere fois notre langue a enh'n connu la poesie. Ce ne sont plus, comme dans les siecles precedens, quelques accens delicats et purs, quelques retours heureux a l'antiquite , de 1'analyse et de l'eloquence ; c' est la poesie ellc-meme qui aparu.Mais contemplez ceux aqui nous la devons , sondez lc fond de leur cceur : ne voyez-vous pas que leur front est empreint de tristesse et de desolation? C'est le doute qui les assiege et qui les inspire , comme il inspire Gcetbe et Byron. On bien ils essaient vainementde se rejeter en arriere et de se ratlacher aux solutions du christianisme ; on bien ils prodiguent leurs forces a peindre l'aspect materiel de l'uni- vers; et quand il s'agit de d'absolu et de l'eternel, ils font du fantastique sans croyauce, uniqnement pour faire de Tart. Ainsi aux gran des epoques de renovation, lorsqu'un ordre social tombe et qu'un nouveau monde vanaitre, le genie du mal semble se decbainer sur la terre et le manicheisme triomphe. AUX PHILOSOPHES. 5l5 C'est que tous les elemens dc la pensee humaine, ayant cessc d'etre coordonnes, luttentconfusement conime dansle chaos, jus- qu'a ce qu'une parole nouvelle, messie irapalieniment attendu , leur ordonne de s'harmoniser. II y a alors line crise de douleur et d'enfantement , de misere morale et physique excessive, de pleurs et de grincemens de dents. C'est la dissolution qui pre- cede la vie nouvelle; c'est l'agonie , la niort ; mais c'est aussi l'indice certain de la renaissance. Ce que l'hiunanite attend , c'est une parole de desir et d'esperance, c'est l'initiation a line nouvelle vie, c'est le programme de sa marche nonvelle, c'est le signal de son depart pour chercher iin nouveau ciel et une nou- velle terre. Cette parole sort du sein de l'hunianite souffrantepar la voix d'un homme , et cet homme initial, avec lequel l'huma- nite entre dans une nouvelle phase de son developpement, s'est tou jours appele un revelateur. Or nous, disciples de Saint-Simon , nous disons que cette pa- role a ete prononcee pour notre epoque, qu'elle est sortie du sein de 1'humanite souffrante par la voix de notre maitre ; et deja nous nous trouvons groupes et nombreux autour d'elle pour la defendre, la developper, la propager. Nous faisons plus , nous la pratiquons, eu realisant entre nous la veritable egalite. Et grace a la loi d' acceleration qui est vraie pour la marche de 1'huma- nite dans le terns comme pour la chute des graves dans l'es- pace, deja nous pouvons direde nous et de nos progres, six ans apreslamort de Saint-Simon, ce que les chretiens ne purent dire qu'au troisieme siecle de leur ere. Voici que nous consacrons a renseiguement de notre doctrine la Revue encyclope'dique, qui s'adresse plus specialeinent aux phi- losophes et aux artistes. Nous devrons done souvent chercher a montrer aux unset aux autres cequ'est aujourd'hui la societe, et a leur decouvrir la raison de ce qu'ils sont eux- memes. Tout ce que nous dirons aux philosophes aura pour but de leur prouver que le terns de la philosophic est passe et que le terns de la re- ligion est vena. Quand les homines commencent a douter de ce 5l6 RELIGION. AUX PII1LOSOP11ES. qu'ils oat cm, quaud ils detriment ce qu'ils avaient eleve, cc travail s'appelle philosophie. Alors ceux qui ne pensent pas co m me les autrcs s'appellent les sages , les pbilosophes. Mais quaud l'humanite , apres avoir bien ciierche avec les pbilosophes, a trouve la solution du probleme qui l'occupait, elle se reunit, s'accorde dans cette solution: les sages, les pliilosophes dispa- raissent dans la foule qui suit le revelateur; et alors cela s'appelle unefoi, une religion. Les philosophies detruisent les solutions in- completes adoptees par l'humanite , et cette ceuvre importaule prepare les religions qui doivent lenr succeder et les ensevelir. Et nous dirons aux poetes : Au milieu de toutes lesdoulcurs de cette epoque, vous calmez encore les coeurs les plus desoles pen- dant quelques instans , parce qu'il a ete donne a Fart d'etre doux menie en nousdechirant.Maiscombien les homines vousrendraient grace si vous aviez un chant d'esperance et de foi ! Ainsi Said entait ses furies 1'abandonner aux accens de David. Maistous vos chants, a vons, ce sont les plaintes d'une ame en peine qui ciierche, ce sont les gemissemens de la mere quienfante, et le cri du nouveau-ue. Cependant vous etes vous-memes les annon- ciateurs de la religion nouvelle. Vous chantez glorieux , mais tiistes, entre une tombe et un berceau. Pourquoi tenez-vous plutot vos yeux tournes sur le passe que sur l'avenir? Pourtant , je le repete encore , tout en vous enchainant a ce deuil du passe, vous seinez abondamiiient desgermesde renaissance , chantresde mort de 1'ancien ordre social et en menie teins fanfares eclatantes, qui appelez la vie nouvelle, et preludez, sans en voir vous- memes l'aurore , aux destinees promises a l'humaiiite. P. Leuoux. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. LIVRES ETRANGERS. AMERIQUE SEPTE^TRIQNALE. ETATS-UKIS. i52. — The History of Louisiana. — Histoire de la Louisiane , de- puis sa de'couverte, par Francois Xavier Martin. Nouvelle-Orle'ans. George Lyman et Beardslee , 18J.7. a vol. in-8°. 1 53. — Harper's Family Library. — Bibliotheque de Famille, d'Harper, n° i5. — Vie et Terns de George IV, par le reverend Croly. New-York , i83i. In-ia, oine d'un portrait. II y a dix-huit mois qu'une traduction de l'ouvrage de M. Barbe'- Marbois sur la Louisiane a para en Ame'rique , oil cette histoire a e'te' ge'ne'ralement goute'e. Le role important que M. de Marbois a joue' dans les transactions par lesquelles Bonaparte vendit, on plutot donna la Louisiane aux Etats-Unis comme bien a lui appartenant , avec en- core moins de facons qu'un roi de la vieille race des Bourbons , accou- ' tunic a regarder tout ce qui relevait de la France comme son patrimoine, n'en avait apporte a livrer, en 1763, cette colonie a l'Espagnc, a rendu le nom de notre compatriote populaire dans 1' Ame'rique du Nord, et sa longue residence aux Etats-Unis , comme secre'taire de legation, consul general , charge' d'affaires, etc. , l'a mis dans le cas de bien connaitre le pays. Si Ton joint a ces titres celui d'ai dent admirateur drs institutions pobtiques de cette partie du Nouvcau-Monde, on ne s'e'tonnera 'point que son livre y ait e'te' accueiili avec plus de faveur que celui que nous annoncons. Entrant plus avanl dans les uia-uis du pays et des differentcs races qui s'y sont heurtces a diverses e'poqucs, le livre de M. Martin , public 5 1 8 L1VRES ETRANGERS. depuis trois ans, est cependant tres-pcu connu. Juge a la haute conr de la Louisiane, 1'autcur, dont la science et l'inte'grite sont grandement es- time'es, seinble n'avoir mis ni ainour-propre ni inte'ret a repandre son ouvrage, content d'avoir re'uni de riches mate'riaux , et d'en avoir as- sure' la conservation en les publiant. Historien et te'moin d'une grandc parlie des e've'nemcns qu'il rnconte, nous nous plaindrons seulement qu'il ne s'en ticunc pas cxclusivcment a narrer ce qui s'est passe an- tour de lui, et cassc, par des digressions assez vaguement introduites sur tons les ages et tous les souverains de 1' Europe, le fil d'un re'eit tres-altachant tant qu'il nc s'e'earte pas du pays. Des details sur les Indiens, des anecdotes particulicres ajoutent a l'interet de l'ouvrage : nous citerons un beau trait d'un malheurcux vieillard de la tribu Colapissa. Son Ills , traitc' de chien de Francais par un Choctaw, avec qui il s'e'taitpris de querelle, tire son mousquct, tue son antagoniste, et s'enfuit a la Nouvelle-Orlc'ans. Les parens du jnort l'edemandent le meurtricr avec menace au marquis de Vaudreuil. Force de livrer le coupable, le gouverneur le fait chercher en vain ; il avail fni de nouveau , el echappa a toutes les poursuites. Son perc ce- pendant e'tait alle trouver les Choctaws, et s'offrir a leur vengeance. Les parens du niort, se refusant a toute compensation, a tout prix du sang , consentirent enGn a accepter la vie du vieillard pour celle de son Ills. Le vieux sauvage se coucha sur la souche d'un arbre mort, et un seul coup de tomahawk se'para sa tete de son corps. Ce trait de pie'le paternelle a fourni le sujet de la seule trage'die qui ait jamais e'te' faitc a la Louisiane , et qui fut compose'e par un officier francais , Le Blanc de Yilleneuve. L'infaine traite qui livra nos colonies a l'Espagne, l'odieuse tyran- nie du second gouverneur O'Reilly, de'eimant , en 17O9, les colons francais, qui avaient ose demander deux ans pour quitter leurs foyers et chercher un asile; la chemise sanglantc de Villere , jete'e pour unique re'ponse a la femme de ce malheureux, fille du commissaire-ordonna- teur francais , qui demandait a embrasser son mari , toute cette partie dramatique de l'histoire est raconte'e par M. Martinavec une simplicitc qui ajoute a l'interet , plutot quelle ne le refroidit. Mais les dcrnicres ne'gociations , par lesquclles le prince de la Paix, en 1800, rend la Louisiane a la France, et trois ans plus tard les ordres de Bonaparte ETATS-UNIS. 5] 9 qui la font pnsser anx Etats-Unis , c'cst dans M. dc Marbois qu'il Ies faut lire. Qn'il venillc on non y donncr cetlecouleur, pour tout ob- servaleur impartial l'csprit irape'rialistc, la domination du sabre, le moi du. grand liomme y sont c'crits tout entiers. « Je connais la valeur de la Louisiane , dit-il, quelqucs ligncs d'un traite'/nel'ont rendue,eta peine l'ai-je recouvre'e qu'il me la fautperdre!» Le to avril i8o3, ayant pris sa resolution , il fait appelcr deux deses conseillers j conseillers pour la forme, car qui conseilla jamais le grand liomme ? eh! ne cbassa-t-il pas peu a peu de sa pre'sence tout cequi n'e- tait pas valet ? consentait-il a supporter qu'il y eiit , non pas seulemcnt en France , mais en Europe un autre homme que lui ? L'un de ces con- seillers d'etat e'tait justement eclui qu'il voulait charger de la ne'gocia- tion avec les Etats-Unis. Tous deux crurent qu'ils avaient des avis a donner, et s'e'tendirent sur leurs motifs. Lepremier consul trancha la question. «L'irre'solutionetla deliberation ne sont plusde saison, dit-il, je renonce a la Louisiane. Ce n'est pas seulement la Nouvelle-Orle'ans que je cede, e'est la colonie entiere, sans reserve aucune Vous ne'gocierez cette affaire avec les envoye's des Etats. » Gomme figure historique et poetique, je comprends qu'on admire cet liomme, qui, pendant qu'il ve'eut , re'suma la France en lui. Mais je nc Jis pas un de ses actes dans 1'histoire queje ne rende grace a la main qui brisa son despotisme, ftit-ce la main de l'Angleterre, fut-ce avec 1'e'pe'e dc Waterloo (i). Dans les de'veloppcmens sur l'organisation inte'rieure , dans les de- tails particuliers,et en quelquesorte domestiques de l'liistoire, M. Mar- tin de'ploic l'instruction la plus c'tendue , la plus exacte. Sa situation lui a rendu plus facile qu'a tout autre les investigations les plus minu- tieuses , et a apporte a sa connaissance beaucoup de faits , et les causes (1) Nous devons declarer que Fopinion enoncee ici par Fauteur de cet ar- t icle n'est point la noire, et que nous differons aussi sur Futility et la conve- nance de la cession de la Louisiane aux Etats-Unis. Nous pensons que ce fut line idee vaslc el heureuse que celle qui n;uida Napoleon, et la prosperite" ac- tuclle de cette colonie , si long-terns miserable, est un motif dc plus pour les deux nations de se feliciter du traite qui Fa sortie de nos mains. ( Note du Reclacleur. ) 520 LIVRES ETRANGERS. de bcaucoup d'autrcs. Dans ccs deux volumes , cc qui conccrnc son c'poque est particulicrcment curicux. Les bibliotheques, ces especes d'encyclopc'dies partielles , miscs a la mode par Murray, ont passe de Londres a New- York , ou Ton est assez portc a prendre les modes de l'ancienne nie'tropole. Le vol lime que nous annoncons n'est pas un des mcilleurs dc la se'rie deja publie'e dc la bibliotlicque de M. Harper, e'est scu'ement le plus recent. Ce qui a trait a la declaration dc I'Ame'riquc ct a la guerre de Pindepen- dance est la parlie la plus soignee ; iriais le livrc cntier sc ressent dc P esprit de speculation qui preside gc'nc'rnlemcnt a ccs cntreprises de li- brairie ou Ton comtnande et oil Ton fabrique des ouvrages dc paco- tille. Ad. M. 1 54. — An Essay on the history , etc. — Essai sur l'histoire, les preparations et les usages tlie'rapeutiqucs de l'iode , par le doctcur Samuel J. Hobson. Pbiladelphie , i83o. In-8° de Go pa cs. EUROPE. GRANDE-BRETAGNE. 1 55. — The celestial Compass, etc. — Nouveau Compar. ce'lestc des- tine' atrouver la latitude du lieu, la variation du compasmagnetique, ou l'licure du jour par une seule observation , ct meme 1'attraction locale du vaisscau sur l'aiguille aimanle'e; par lc lieutenant-colonel Graydon, inge'nieur royal. Londrcs , i83i. In-lblio de 8 pages d'irapression, avec figures grave'es sur bois. Une boussolc porte un cercle mobile sur son diametrc , suivant la ligne est et oucst , de manierc a pouvoir incliner ce cercle a \*olonte sur le limbe; on le dirige sous un angle complc'mcntaire de la latitude du lieu , ct il se trouve parallelc a l'e'quateur quand i'instrumenl est orienle : un arc gradue' sert a donner a ce cercle l'inclinaison convenable. Per- pendic.ulairement a son plan , ct au centre , est une tigc qui portc un autre arc de cercle gradue', arme' a son extrc'mite d'un petit disque percc pour laisscr passer un rayon solaire dont 1'cmprcintc doit arrivcr en un point central marque' au bout de la tige : ccttc lige pent pirouetter sur son axe, pour porter Pare dc cercle dans lc mc'ridicn oil se trouve le GRANDE-BRETAGNE. 52 1 soleil. On pent lire Theme sur le cercle equatorial par la position que ce me'ridien occupe. Lcs personncs excrce'es aux observations astrono- miques comprendront 1' usage de cet instrument pour oLtenir l'une des inconnues e'noncc'es dans le titre de 1'opuscule , quand lcs autres quan- tite's sont donne'es. L'auteur explique , par des exemples, l'usage qu'on doit faire de l'instrument. On concoit qu'il n'a pas eu pour objet de de'- lerminer ces inconnues avec la precision qu'on attend des observations faites avec le sextant ou le cercle de reflexion ; mais les marins peu exerce's an calcul peuvent en tirer des re'sultats approche's qui suffisent a la navigation. Francoeur. i 56. — Voyages and Discoveries of the companions of Columbus. — Voyages et De'couvertes des compagnons de Cbristophe Colorub; par Washington Irving ; faisant partie de la Bibliotheque de Famille , publie'e par Murray. Londres, i83i. In- 12 de 33p pages. Tout le monde connait l'histoire du grand homrne qui de'eouvrit 1'Aine'rique ; mais on sait peu de chose de la foule d'aventuricrs qu'il entraina apreslui. M. Irving, qui a publie, il y a deux ans , la vie si dramatique et si pittoresque de Cbristophe Colomb, nous donncaujour- d'hui les avenlures et les de'couvertes de ses compagnons > ou plutot de ceux que la soif de l'or ou 1' amour de la gloire pre'eipiterent sur ses traces. A cette e'poque, les contcs lcs plus cxtravagans circulaient sur . ces regions lointaines ; les pierres pre'eieuses , les mines s'y rencon- traient , disait-on, a chaque pas. II n'e'tait bruit que des pechcries de perles de Paria et de Cubaza , de la Chersonese dore'e de l'antiquite , situe'e pres de Veragua , et qui passait pour avoir fourni tout l'or qui e'tait entrc dans la construction du temple de Salomon. II n'en fallaitpas tant pour echauffer des imaginations ardentes , pre'occupe'es d'ambitieux de'sirs , cherchant le pouvoir, le voidant a tout prix , et ne craignant ni dangers ni fatigues. Ce qui se de'pensa de courage dans ces vaines ten- tatives est chose inouie. II y cut des miracles de perseverance, de de- voiiment , melc's a des actions atroces , d'odieuses trahisons envers les naturels tremblans et de'sarme's, unc fide'lite a toutc e'preuve , et un res- pect chcvaleresqiie pour le moindre engagemcut contracte entre e'gaux; enfin , tous les crimes et toutes les verlus de ce tems d' oppression et de liberte , de ge'ne'rosite et de rapine. Chacun de ces hommes est un he'ros, avec un but mesquin , et un petit theatre; car partant pour faire la con- TOME I.I. SEPTEMBTiE 1851. 59 5-2 2 LIVRES ETRANGERS. quete du globe , ils allaient isole'ment s'e'ehouer dans quclque crique , sur unc rive inculte; on si parfois ils abordaicnt sur line tcrrc hcu- rcusc, ils y portaient la devastation et la mort; les populations fuvaicnt ou pcrissaient : et laisse's a cux-memes, ne connaissant ni la nature du pays ni ses productions, les nouveau-venus succorabaient bientot a la famine ou a lamaladie, victimes de leur propre cruaute'et dc leuis exci's. C'est aux travaux de l'infaligable Navarrcte que M. Washington Irving a du la plupart des details autbentiques qu'il a rasscmble's. L'his- toirc ge'ne'rale d'Oviedo, qui n'cxiste malheureuscment que nianuscrite a la bibiiothequc de la calbc'dralc ile Seville , les archives des Indes, a Madrid , et les eeuvres historiques de Herrera , de Las Cases , de Go- mera, et de Pierre Martyr , ont aussi c'te' mises a contribution par lui. Parmi les notices les plus inte'iessantes , nous citerons cellcs d'Alonzo de Ojcda , etde Vasco Nunez. L'excursion a Palos, lieu d'ou Culomb mit a la voile , n'est pas la partic la moins curieuse du volume , bien que rejeteedans l'appendice. 1 5n . — Haver-Hill; or Memoirs of an officer in the army offVolfe. — Haver-Hill ; ou Mc'moires d'un officier de 1'arme'c de Wolfe ; par James Athearn Jones. Londres , i83i ; T". Boone. 3 vol. L'auteur de ce livre est instruit et a beaucoup vu par lui-meme : aussi cut-il mieux e'erit des voyages qu'un roman. Sa fable est impro- bable , embrouille'e , et pourtant quclques scenes de'celent de la verve et de 1' observation. La peinture de la vie des classes infe'ricures en Ame'rique porte un cachet de ve'rite. Tl y a je ne sais quoi de carre, de mesquinement range , de monotone et de mercantile , dans les mceurs et les habitudes. On dirait une existence e'tiquete'e , mesure'e a l'aune , sans de'sir el sans passion , un amour du gain sans but ; car l'argent ne se de'pensc a rien de grand, de gene'rer.x. L'amour de l'ordre et de l'e'- conomie domine toules les pensccs , remplit toutes les tetes : on ne reve rien au-dela. II y a, dans ce repes plat, quelque chose qui glace ; et Ton sail gre a l'auteur d'avoir jete, dans le second volume d'unecliar- marite histoire indienne qui vient a propos nous tirer de la torpcur d'es- i)iit oil nous aArait plongc's le premier. L. Sw. B. 1 58 — Of the vocation of our age for legislation , etc. — De la vocation de notre sicclc pour la legislation et la jurisprudence : tradilit dc GRANDE-RRETAGNE. — ALLEMAGNE. 52J 1'aUemand dc Fr. Ch. de Savigny , par le doctcur Abraham Hay- ward. Londres, iS3i; Litllewood. In-8°de iga pages. M. Hayward, auqucl l'Anglcterrc doit de'ja d' utiles travaux sur la science de la legislation , a rendu un nouveau service a ceux qui se vouenta cc genre d'e'tudes, par la traductionde cet ouvrage de l'illustrc Savigny. i5g. — History of the cholera , etc. — Histoire du cholera spasmo dique e'pide'mique de Russie , par le doctcur Bisset-Hayvkins. Lon dres, i83i. In-8°. iGo. — Cholera, its nature , etc. — Le cholera , sa nature, scs causes et son traitcment, par G. Searle. Londres, i83i . In-8°. 161. — Payers relative, etc. — Documens relatifsa la maladic nom me'e cholera spasmodique dans les Indes , ct qui regne maintcnant dans le nord de l'Europcj imprirae's par Ics ordrcs des lords du conseil prive de S. M. Londres, i83i. In-8 . ALLEMAGftJB. r&>,. — Essai sur la metamorphose des plantes , par J. W. de Goethe ; traduit en francais par Frederic Sorel , et suiv de notes historiques. Stuttgart, 1 33 1 3 G. Cotia.In-8°. (Note luc par M. Geof- froy Saint-Hilaire a X ' Academie des Sciences le 5 juillct 1 83 1 . ) Un nouveau livre oil la philosophic des sciences naturelles est expose'e. avec unc bien grandesupe'riorite parait pre'sentement en Allemagne : en voici un premier cxemplairc, dont j'ai comme recu la mission dc faire hommage a 1'Acade'mie des Sciences. Cette communication m'est inspire'e par les soins que Fauteur a pris en effet de faire accompagner son texte allemand d'une traduction francaise ; soins dans lesqucls j'entrevois la pense'e de vous te'moigner tout le prix qu'il attache a vos suffrages. L'illiistre patriarche de la litte'rature germanique, le poete Gcethe , est l'autcur de cet ouvrage sur les sciences : j'en vais pre'senter en quelqucs mols l'analyse. Un tiers du livre se compose d'une re'impression de.s aphorismes 5 2 4 LIVRES ETR ANGERS. que ce grand e'crivain publia pour la premiere fois en 1790, leur ayant donne le titre d'Essai sur la metamorphose des plantes. Malgre la ce'le'brite de Goelhe , 011 plutut a cause de son genre d' illustration , cette oeuvre fut de'laisse'e. Elle i'ut juge'e une veritable faute : le fond et la forme en parurent e'galement reprochables ; mais e'e'tait une faute faite , comme il appartient au genie d'en commettre : Goethe n'avait eu re'clle- ment que le tort de produiie un e'erit sur les plantes pics d'un demi- siecle avant qu'il y cut des botanistes pour le pouvoir lire ct comprendre. Mais aujourd'hui qu'il rc'imprime son ancien opuscule, il le com- mente ; et il consacre en particulier la seconde partie de sa nouvelle pro- duction a des explications pour se faire reconnaitre des botanistes. « Qu'ils ne me rejettent point comme un la'i'que , dit-il , j'ai droit comme eux au titre de travailleur et d'homme du me'tier. » Ainsi il se defend d'etre exclusivement un philosophe occupe de dessiner Vhomme in- terne , un poete absorbe' par le prestige des illusions sce'niquesj et pour combattre d'aussi injustes preventions , il raconte comment il a apphque' une grande partie de son existence , avec entrainement , passion ct perseverance, a l'e'tude de la nature. Sice n'e'tait le nom qui figure en tete de ce re'eit , on croirait lire l'histoire des de'veloppemens de l'esprit liumain ; celle de son action gradue'e , pour se former a la contempla- tion et pour acque'rir l'intelligence des phe'nomenes de l'univers. Mais enfin , apres 1810, les conceptions pbilosopbiques de Gcetne surgissent de toutes parts. Notre illustre confrere, M. Decandolle entre autres, fait, quelques anne'es apres, de ces memes ide'es le sujet de ses Principes de la symetrie et de la metamorphose des plantes. Cette coincidence e'tant remarque'e , on recberche comment un poete auquel on n'accorde de dispositions naturelles que pour saisir les phe'nomenes moraux serait parvenu a de'couvrir avec autant de precision les lois du de'veloppement des organes des plantes ; mais Goethe repousse l'honneur qu'on en vent faire a sa sagacite : il pre'vient toute fausse conjecture en pre'sentant aux observateurs se'i'ieux lamarche historique de ses e'tudes. Dans sa troisicme et dernierc partie , 1'auteur sc livrc avec un gout SOP el une erudition tres-remarquable a un examen critique des ide'es pnblie'cs depuis lui sur 1'analogie des parties ve'ge'tales. Ses susceptibi- lite's particulieres relativemcut aux doctrines francaises se manifestent sans reserve , soit qu'il applaudisse au renversement de ce qu'il signalc ALLEMAGNE. 525 comine une facheuse et trop longue dictature , soit que tout au contraire il pre'conise certaines ide'es generates qu'il regrette qu'on n'encourage point assez. C'est a l'un de ces dernicrs travaux qu'il a fail l'honneur d'emprunter pour sonnouvel ouvrage l'e'pigraphe suivante : Voir venir les choses est le meilleur moven dc les expliqucr. Tdrpin. L'illustre poete avait terraine' 1'impression de son nouvel opuscule , quandil vint a lire, dans les Annales des Sciences naturelles , cahier de fe'vrier dernier , un article de moi , intitule : Sur des e'crits de Goethe lui dormant des droits au titre de savant naturalisle. II en e'tait terns encore : un dernier folio e'tait vacant ; Goethe y annote cette circonstance, y place pour moi une recommandation toute bienveillante, et me fait tenir aussitot l'exemplaire, que je me suis fait un devoir dc communiquer a 1' Academic Goethe , dans son premier e'crit ( 1 790 ) , avait cede aux seules in- spirations de son genie et s'y e'tait montre' simplement inventeur etnulle- ment e'rudit. Dans une edition de 181 7 (1), il rcchercha si d'autres avant lui l'avaient precede dans scs conceptions philosophiques , et ce fut alors que deja il prit plaisir a rendre justice a ses pre'de'cesseui's ; savoir : 1 ° A Joachim Jungius , qui , deux siecles et demi auparavant , avait dans ses Isogoge phyoscopica , essaye' , dans le meme sens que lui , une description organographique des ve'ge'taux ; '2° A Linnaeus , qui, diffe'remment toutefois, avait en i^Si donne les memes ge'ne'ralite's dans une the'orie dite de l'anticipation ouprolepsis; 3° Et enfin a Gaspard Frederick Wolf , professeur et acade'micien a Pe'tersbourg , lequel avait annonce et admis sans hesitation le principe du rapport analogique de tous les organes exte'rieurs des ve'ge'taux • tous ainsi re'ductibles a un seul type , malgre I'immense varie'te de leurs formes. Je viens de citer le prolepsis de Linnaeus : qu'il me soit permis de remarquer a cette occasion combien il est entre' de notions vagues dans (1) Cette publication de 1817 a ete traduite en francais par M. Fre'de'ric Gin- gins-Lassaraz. Geneve et Paris ,1829 ; Barbezat et Coinpaynicln-S". 52b LIVRES STRANGERS. lcs opinions re'gnantcs au sujet du grand naturalistc de la Suede , des que e'est moius par le cote de sa force philosophiquc que par celui de quclqucs theories transitoircs , mises a la porte'e des faiLlcs intelligences et que de'savouait son genie , qu'il a c'lc ge'ne'ralemcnt conside're et qu'il est devenu populaire. Vers la fin du dernier sieclc , surtout en France, ou la botanique a etc on grand lionneur , Ton c'tait absorbe par unc vue trop exclusive pour oser entreprendre davantagc. jLcs rapports naturels formaicnt lagrande ou niieux I'unique etude. Maisccs rapports acquis , qu'est-ce autre cliosc si cc n'est le savoir de la valeur re'eiproque des degrc's diffe'rentiels sur quclqucs points determines? Si ccttc etude a son prix , ce serait toutefois une grave erreur que de s'y conccntrer unique- ment. Et ccla devient manifeste aujourd'hui que la paraphrase des douze derniers aphorismesdu chapitre : Metamorphosis vegetabilis de la Phi- losophie botanique , e'est-a-dire que les lois dc la transformation et du de'veloppcment des parties ve'ge'lales, leur structure, leurs metamorpho- ses et leurs analogies respectives, fournissent a la speculation philosophi- que un champ plus vaste et plus instructif. Or ces douze aphorismes de la philc-sophie linne'enne , qui n'ont que peu ou point excite la sympathic des botanistes de la derniere e'eole , avaient etc admirablemcnt compris et furent savamment dc'veloppe's par Goethe en 1790 :cc poete faisait alors seul avec succes ce que la science, par tousles efforts minis des botanistes contemporains, s'occupe aujour- d'hui a mettrc en lumiere. Geoffroy Saint-JJilaire. 1 63. — Beschreibung von mehr als 1 100 Handschriften. — Des- cription de plus dc 1 100 manuscrits en partic ine'dits , du huitieme au dix-huitieme siecle , qui se trouvent a la bibliothcque publique de Bamberg; par. II. - J. Jmck, bibliothe'caire. Nuremberg, i83i; Hauben-Stricker. In-8°.de 148 pages. II serait a dc'sirer que l'obligation fut imposce a tons les bibliotbe- caires de dresser des catalogues exacts et descriptifs des manuscrits con- serve's dans les bibliotheques confie'es a leur soin , et que ces catalogues fussent imprime's. Ilya meme peu de grandes bibliotheques qui aient de bons catalogues de ce genre. Ordinairement l'indication des manu- scrits est trop concise, et quelquefois elle manque d'exactilude. M. J*ck, a qui est confie'e la garde dc la bibliothcque publique de Bamberg en ALLEMAGNE. 5 3 7 Baviere, vieot de rcmplir sa tache, du inoins provisoirement, car il prepare un travail plus considerable avec un grand nombre de facsi- mile: nous avons eu occasion d'en voir, une partie lors du se'jour de M. Jaeck a Paris, il y a plusieurs anne'es. La bibliotheque de Bamberg possede plus de onze cents manuscrits. L'autcur fait observer qu'elle a plus de manuscrits du onzieme et du douzienie siecle que la grande bi- bliotheque de Paris; malbeureusement la plupart sont des ouvrages the'ologiques ou asce'tiques, et par consequent peu utiles. Gependant il y en a qui me'ritent l'attenlion par leurs miniatures et par d'autres or- nemens. Une Bible dale du terns de Charlemagne , et me'riterait plutot le nom de Bible d'Alcuin que celle que M. Speycr-Passavant fit voir a Paris il y a peu d'anne'es , puisque celle de Bamberg conticnt le por- trait d'Alcuin , tandis que dans la Bible de M. Speyer-Passavant rien ne prouvait positivement qu'elle fut du regne de Charlemagne • mais e'est un beau manuscrit qui ne doit pas etrc d'une date beaucoup phis modcrne. M. Jaeck fait connaitrc plusieurs Missels , Amiphonaires, etc. remarquables sous le rapport de 1'art. Quclques-uns des manuscrits les plus pre'eieux de Bamberg durent etre livre's a la bibliotheque de Mu- nich , lorsque Bamberg cut e'te' re'uni a la Baviere : les capitales ont toujours la fureur de s'emparer des objets pre'eieux des provinces. A Paris aussi on a cherche plusieurs ibis a enlever aux villes de de'parte- ment les manuscrits qu'clles peuvent avoir. II est vrai qu'en province ces tre'sors reslcnt quelquefois enfouis pendant des siecles sans que per- sonne y fasse attention. Au nombre des manuscrits pre'eieux que Munich a enleve's a la bibliotheque de Bamberg se trouve le poeme biblique d'He'liaud en langue saxonne , un des plus anciens monumens de l'an- cien idionie germanique , dont le Muse'e Britannique a Loncb'es possede une autre copie. II a e'te public en i83o , par Schneller , a Munich ; long-tems auparavant , Gley , qui est mort l'anne'e derniere anmonier deslnvalides a Paris, et qui avait e'te attache a la grande arme'e en qualite d'interprete pendant les campagnes de Napoleon, l'avait fait con- naitrc en France. M. Jaack a soin d'indiquer dans son catalogue si les manuscrits qu'il fait connaitre sont encore ine'dits, ou s'ils ont e'te public's. II se propose de faire suivrc son travail d'une histoire de la bi- bliotheque a laquelle il pre'side. 5"a8 livres etr Angers. i 64- — Das Leben und die fFerke Albrecht Durors. — Vie et onvrages d' Albert Durer j par Joseph Heller. Leipzig, i83i; F. Brockhaus.3 vol. in8°j prix, 20 fr. Les Allematids ont cru devoir faire, pour 1' artiste le plus illusive dc leur e'cole ancienne , cc que les Italiens ont fait pour leurs peintres ce- lebres; ils lui ont e'leve un monument; ils respectent la maison qu'il a habite'e a Nuremberg : de'ja plusieurs auteurs ont publie des onvrages sur sa vie, et maintenant M. Heller, qui babite la ville ou demeurait Durer, entreprend un grand travail sur la vie et sur les ouvrages dc ce grandartistc. Ilest probable qu'apresM. Heller il n'y aura plus qu'a gla- ner. Le premier volume, qui doit contcnirlabiographie de Durer, n'a pas encoreparu ; l'auteur a commence par le deuxieme volume, qui contient une analyse raisonne'e des tableaux, gravures et dessins execute's par le grand artiste du seizieme siecle. L'auteur y signale toutes les particula- rite's , l'histoire ou le motif de ccs travaux , les copies ou imitations qui en ont etc faitcs , les monogrammes que Durer y a apposes , les diffe rences quelquefois peu sensiblcs qui distingucnt les originaux, et qu'il faut pourtant connaitre pour n'etre pas trompe's dans l'acquisition des planches ; enfin les endroits ou se trouvent les tableaux ou les dessins , ct les livres oil ils sont indique's , de'erits ou juge's. Ce catalogue raisonnc' romprend 2,555 pieces, et devra etrc consulle par les amateurs de ta- bleaux ct de gravures anciennes. L'auteur a donne' une autre liste oil les estampes de Durer et ses gravures sur bois sont range'es par ordre clironologique. D'autres listes font connaitre les diverses marques que l'artiste a appose'es a ses ouvrages , les recueils imprime's ou manuscrits qui contiennent des plaDches faites de la main de Durer r et dont quel- ques-uns sont au nombre des rarete's bibliographiques ; enfin les ouvrages dans lesquels on trouve le portrait de Durer. M. Heller en indique 5^ ; on a frappc sur cet artiste a3 me'dailles que l'auteur fait connaitre e'ga- lement. Ainsi cette partie est aussi complete qu'ellc pouvait 1'etre. Quel- ques personnes auraient peut-etre dc'sire des planches oil l'auteur aurait retrace' au moins les contours des principaux tableaux et des meilleures estampes de Durer ; mais M. Heller a craint sans doutc de faire un ou- vrage trop couteux. De'ja cc volume est tres-conside'rable , ct il doit etre suivi de deux autrcs. 11 fauttoujours savoir gre a l'auteur d'avoir re- ALLEMAGNE. 5 29 cueilli autant de renseignemcns sur lcs travaux d'un dcs liommes lcs plus remarqual)]es du terns de la renaissance des arts. 1 65. — Bilder des Orients. — Tableaux de l'Orient; poesies de Henri Stieglitz. Leipzig, i83i ; Cnobloch. 2 vol. in-12. Goethe a donne' un volume de poesies dans le genre oriental. M. Stie- glitz suit cet exemple ; il va plus loin j il se propose de donner un petit volume de pieces en vers pour cliacune des grandes contre'esde l'Orient. Ainsi, dans lcs deux volumes qu'il a fait paraitre, il rassemble des ta- bleaux poe'tiques de la vie publique et prive'e dcs Arabeset desPersans; il se propose de chanter, dansles volumes suivans, ITndc, l'Egyple etla Chine. Pour ce genre de poesies, il faut etre familiarise' avec les mceurs et la litte'rature des peuples orientaux , il faut avoir e'tudie' dans les re- lations devoyages le caractere physique et moral de ces contrees; ilfaut cnfin posse'der une imagination vive, qui transportc le poete sous ce ciel e'tranger, au milieu de ces mceurs singulieres , et qui y transportc a son tour le lecteur. II nous semble que M. Stieglitz a rempli assez bien ces conditions. La peinture de la scene est habilement fondue avec celles des mceurs locales • le metre des pieces de vers et les sujels sont varie's. Plusieurs de ces pieces sont peu importantcs en elles-memes , mais elles concourent a l'effet de 1' ensemble; d'ailleurs les poe'sies orientales sont en grande partie dans le genre le'ger. Quelquefois une se'rie de romances, ou gazcles, forment un tableau complet , ou un petit roman. C'est ainsi que, dans le premier volume, on voitun Arabe porter le ravage dans une tribu ennemie, enlever la belle Fitne'; puis, dans les romances suivantes, Fitnc chanter son amour , trembler pour son Turan , qui part pour de nouvcaux combats. Des Arabes brulent de venger l'enlevement deFitne sur le ravisseur ; Turan succombe enfin , et la se'rie est termine'e par lcs plaintes solitaires de la jeunc Arabe de'laisse'e. Nous allons traduire en prose la premiere de ces romances, inlilulc'e : le Combat, pour faire connaitre la manicre de l'auteur , en regrettant toutcfois de ne pouvoir rendre aussi ce que le rhythme, 1'inversion et la richesse d'epithetes dans la langue allemande ajoutent de poe'tique. «La poussiere s'e'leve dans le de'serl • le cliquetis des armes retentit, les chevaux frappent le sol de leurs pieds , les fils des Be'doites partent contre la farouche tribu de Hussein. 40 53(J L1VRES ETRANGERS- » Qui est eel Arabe sur un cheval noir, qui combat soul sur la collmc lointainc, la oil unc belle femmc panse les plaies des blesses devant les tentes noircs? e'est Turan , qui s'est fraye' unc route a travels les tour- billons de poussiere et la foulej son cceur briile de s'emparcr du bicn des ennemis ; scs regards avides fixent la jeunc Fitnc dont les ycux rcn- contrent les siens ; mais en ce moment approchent trois Husscinites arme's de massucs. » Fitnc le voit avec anxie'le s' engager dans 1c combat ; elle voit avec effroi chanceler le brave; mais voici Jussuf qui , avec sa lance bien arrete'e, accourt pour le lirer d'embarras. » II frappc deux fils d'Hussein; ils tombent e'puise's, tandis que Turan, reprenant courage , frappe et renverse le troisieme. o Oraon Jussuf, s' eerie Turan d'une voix affaiblie,toi, mon sauveur , mon vengcur ! » ct ils recomincncent le combat jusqu'a ce que les ennemis s'enfuient vers le rivagc. » Commc la poussiere vole en tourbillons sur la colli ne! LesBe'do'i'tes sortcnt du combat en poussant des cris de joic ; ils vont regagner les tenets , ct se livrer a la jouissance du repos. » En general, dans les poesies arabes,l'auteur a constamment peint des combats, des vengeances , des brigandages , des deserts , des amours passionne's. Les poesies pcrsanes qui remplissent le deuxieme volume sont ])lus varie'es , comme les moeurs , les habitudes , les amusemens du peuplc qu'clles chantent. Nous avons ici une religion mystique , des contre'es di<*nes d'etre le paradis terrestre, la jouissance des sens, un amour tendrc, une cour, des poetes, etc. Sous le titre de: maJournee a Ispahan, l'auteur a donne une suite de scenes qui nous pre'sentent au naturel le mouvement bigarrc d'une capitaledans l'Orient. T)-G. 166. — Topographisch , statistische Beschreibung, etc. Descrip- tion topographico-statistique des provinces prussiennes du Rliin , par Fr. de Restorff. Berlin, i83o; Nicolai. Gr. in-8°. iG7 .—Petersburg wie es ist. — Pe'tersbourgt el qu'il est, par W. de Ludemann. Dresdc , i83o; Hilscher. In-8° de ulo pages. ,08. — Napoleon oder die himdert Tage , etc. — Napoleon, ou les Cent-jours , drame eu 5 actes, par Grabbe. Francfort , i83i ; Hermann. ln-S". ITALIC. i6g. — Commenlarii della Rivoluzione francese , etc. — Commcn- laires surla revolution francaise depuis la mortde Louis XVI jusqu'a La restauration des Bourbons sur le trone de France; par Lazzaro Papi. Lucqucs , i83o; Giusti. 4 v°l- in-8'1 C'est surtout une histoire impartialc queM. Papi s'est efforce d'c'crire. II nous pre'vient lui-menie qu'il a voulu dispenser ses compatriotes de la lecture de toutes les histoires de la revolution , de tous les me'moires particuliers e'crits sur ce sujet, de lous les journaux , de tous les pam- phlets qu'il a fait naitre et dont la connaissance lui semble ne'cessaire pour prendre une idee exacte de cet e've'nement immense , dont le monde subit encore et subira long-tems les consequences invincibles. II a cru qu'un Italien e'tait en meilleure position qu'un Francais pour juger et ces e'crits et les fails auxquels leurs auteurs ont prispart, et surtout pour les re'sumer sans esprit de faction et sans preventions d' opinion ou de personnes. Nous n'examinerons point si le reproche general adresse aux e'crivains francais est fonde; si un Italien, pour avoir inoins profonde- ment pe'ne'tre dans ces passions ardentes, pour s'etre mesure'de moins pres a ces homines ge'ans , pour avoir vu de plus loin ces couleurs sanglantes et glorieuses qui pendant des siecles altireront les yeux e'tonne's des ge- ne'rations , est plus apte a raconter ce dramc immortel ou se jouaient les destine'es du monde. Nous dirons seulement (et c'est un avcu que nous de'sirerions voir faire par tous ceux qui sc targuent d'une impartialite' impossible', nous dirons que 1' indifference politique et philosophique peut seulc donner celte impartialite' qui inspire un si bizarre ct si vain orgucil , et que l'indiffe'rence , en ce cas , est un crime ou une sottisc. Quoi ! la liberte lutte contre la tyrannie , la vertu contrc le vice , et vous ne vous souciez pas de la victoire. Quoi ! des millions d'hommes suc- combent sous une aristocratic oppressive et vous ne Ieur donnerez pas une larme ! Quoi ! pas un voeu pour la bonne cause! pas une indignation contre la violence brntale , pas un coup de plume pour la justice, a de'faut d'un coup de poignard! . . . Ccla n'est pas seulement horrible ; cela est encore plus ridicule, et il n'est pas donne a un liomme d'etouffer ainsi tout ce que Dieu mit en lui pour senlir, pour croire , pour aimer. Assure'mcnt c n'est point lace qu'on cntend par impartialite; quoique 532 LI V RES ETRANGERS. ce mot ne puisse pas recevoir une autre interpretation; 1'impartialite dont on vcut faire usage est d'une autre nature. Par exemple on admire les actes de la Constituante , on aime les principes sublimes qui les ont produits , et on meprise aulant qu'on abhorre les crimes de la mon- tagne. Mais est-ce la de l'lmpartialite? non, e'est une opinion, e'estun parti pris : on appartient a une faction ; noble faction des penseurs libres et des philosopbcs mode're's, e'est-a-dire c'claire's; des poliliques de la paix, aussi long-tems qu'ellc est possible; de la guerre, humaine et mise'ricordieuse, quand la guerre est ne'eessairc. Du restc , il faut se re- signer a demeurcr dans l'arene , a se meler aux rangs des combattans , et ne se point flatter de planer de loin sur le champ de bataille ; car le soir on n'aurait rien vu, on ne raconterait que des mensonges et toute parole serait une erreur ou une lachcie. Marat avait une opinion ; Desezc en avait une aussi : e'erivez pour l'une ou pour l'autre , vous n'etes su- pe'rieur a aucune. Les licux oil M. Papi e'erit lui auront-ils permis meme de dire toute sa pense'e , quoiqu'clle ne paraisse pas tres-libe'rale ? nous n'osons pro- noncer ; ce soupcon de contraintc empoisonne tout le plaisir que nous e'prouvons a lire les ouvrages qui nous viennent d'au-dela des monts, et ce plaisir litte'raire a etc grand pour le livre que nous annoncons.M.Papi est un tres-savant et tres-habile e'erivain ; son style est d'une grande purete classique, d'une vigueur tout antique, et d'une elegance remar- quable. Son livre restera , sans aucun doute, un desmeilleurs que l'ltalie ait produits depuis le commencement de ce siecle. II y a une inversion dans l'ordre de publication des volumes qui composeront cet ouvrage. Les quatre volumes qui paraissent aujourd'hui comprennent seulement l'histoire de 1 793 a 1 798 , et nous attendrons quelque terns encore l'histoire de 1789 a 1793. Nous pourrions signaler dans ces quatre volumes une foule de passages brillans de style ou remarquables par une intelligence des hommes et des choses de la France qui est bien rare chez les e'trangers et qui prouve les etudes immenses que M. Papi a faites sur son sujet. La critique aussi trouvcra a s'exercer longuement, et nous ne renoncons pas a y revenir pour signaler a l'auteur quelques imperfections , quclques erreurs dont i\ sollicite lui-meme le redressement avec une louablc modestie. Aujour- d'hui nous lui signalerons seulement son portrait dc Napoleon, qui est BELGIQUE. 533 inexact en plusieurs points. Les talens litte'raires et oratoircs de 1'empe- reur y sont mal appre'cic's. Bonaparte est un grand e'crivain ct unhomme du gout le plus de'licat , comme le prouvent et ses admirables procla- mations ct les memoires dictc's a Sainte-He'lene , et les conversations lit- te'raires rapportc'cs par M. dc Las-Cases. A. P. BELGIQUE. 1 70. — Nouvelles Archives hisloriques des Pays-Bas , par le baron de Reiffenberg. Livr. 7-9. Bruxelles , i83i ; Deinat. In-8". La publication de ce recucil continue , malgre' les cireonstanccs pen favorables a une telle entreprise C'est toujours la meme erudition , la meme abondance de particularite's entierement neuves. Les articles principaux sont des notices et catalogues des manuscrits de la biblio- tbeque de Bourgogne , des explications de traditions populaires et des anecdotes, une cbronologie historique de la maison de Salm, qui est un supplement pre'eieux pour X Art de verifier les dates , une relation de la bataille de Grimberg, extraite d'un vieux chroniqueur appele Diuterus , des notes pour un glossaire wallon , quclques recbercbes sur la fleur de lis , symbole be'raldique ; et des memoires fort piquans pour Vhistoire de la bonne compagnie en Belgique. Ce recueil , estime en Allemagne , obtiendi'a le meme succes en France des qu'il y sera mieux connu. 1 7 1 . — Deuxiemeet troisieme Me'moire sur les premiers siecles de V universite de Louvain, par le meme. Bruxelles, i83i ; Havez.In-4°. Dans le premier Me'moire, l'auteur retrace tous les e've'nemens qui ont concouru a la fondation de l'universite' de Louvain. Dans le second, il expose ses rapports politiques , son intervention dans les affaires , qui ne scrattacbentpas imme'diatement a 1'enseignement public; et dans le troisieme, il commence a parler des e'tudes, en particuber, des vicis- situdes de la philologie ct de \ape'dagogique jusqu'a Erasme. Ces Me- moires , e'erits avec precision , renferment une foule de faits pre'sente's de maniere a e'clairer 1'esprit bumain. Aux sources connues, M. de Reiffenberg prefere les.documens ine'dits , et en public, en original, un certain nombre. Par exemplc il offre a ses lecteurs une cbarte de Wen- ceslas et de Jeanne relative aux e'coles de Bruxelles. P. LIVRES FRANCA1S. 172. — Philosophic transcendantaie , on Systeme A' Emmanuel Kant; par L.-F. Schun. Paris, i83i; l'Autcur, hotel Favart, place des Italiens • Johanneau, rue du Coq. ln-8". Nous nous bomcrons ici a l'annonce de cet ouvrage , dont le sujet sera prochainement pour nous l'occasion d'un examen approfondi. Plu- sieurs'analyses du systeme de Kant ont etc faites par Villers , Kinker et madame de Stael , dans son Tableau de VAllemagne. Sa morale a ete exposee par M. Cousin dans 1' argument du Philebe , et sa logique par Farcy dans la traduction de Dugald-Stewart (3° volume); mais nulle part l'ensemble de la philosophic transcendantaie n'avait etc pre- scnte d'une maniere complete et satisfaisante. M. Schoti vient de com- bier cette lacune, et il est parvenu a e'viter , plus souvent qu'on n'osait l'espe'rer dans un pareil travail , 1' extreme obscurite de son model?. Ceux qui ont e'tudic'^Kant sauront lui tenir comple des difficulte's qu'd a vaincues. Les trois principalis ouvrages dupliilosophe allemand, oil se trouvent a pen pres tous scs travaux me'taphysiques , sont resume's dans ce volume; savoir : La Critique de la raison pure, la Critique de la raison pratique, la Critique du jugement. ■ H. j^3. _ la Pologne et la Russie , par M. J. - H. Schnitzler, auteur de YEssai d'une Statistique generate de la Russie; avec cette e'pigraplic: « Non, la Pologne n' est pas encore perdue. » Paris, 1 83 1 ; Firmin Didot; Treutlcl et Wurtz. In-8U de vn-52 p. ; prix, i fr. 5oc. M. Scbnitzler accuse l'opinion d' avoir consulte, dans les affaires po- lonaises , les inspirations d'un entbousiasme docile aux exage'ralions , plutot que les lecons de l'bistoirc et de la science. Quant a la question de l'assistance que les Francais semblaient devoir a leurs anciens frcrcs d'armes, die a etc tcllement de'battue par la pressc pe'riodique on irre'gu- LIVRES FRANCA IS. 535 Here, a la tribune et dans les reunions publiques de toute espece , qu'il seraitaussi inutile que fastidieux d'en reprendreaujourd'hui la discussion. On aura beau voiler d'inge'nieux sopbisrnes le systeme suivi dans nos relations exte'rieures par le ministere actuel , la raison nationale et l'bistoire n'en ont pas moins de'ja consacre cette ve'rite' qu'un gouverne- menl iubabile a trabi les devoirs et les voeux dela France. C'est aujour- d'bui cbose juge'e, nous semble; et cet arret, rendu plus solennel encore par des e've'nemens a jamais de'plorablcs , est aussi de'eisif que severe contrc les coupables. Laissons doncM. Scbnitzler tenter une justification impossible; laissons-le aussi donner des e'loges beaucoup trop complai- sans a l'autocrate russe et a son rcgne de quinze anne'es sur sa triste conquete : arrivons a la partie importante de sa brochure , cclle qui traite de la resurrection probable et procbaine de notre antique allie'e; celle oil il a pu se plaindre, au moins avec quelque apparencede raison, de lale- gerete' franchise. Pour lui la defense du systeme ministe'riel, l'apologiedu tzar Nicolas, cen'estpas , comme pour certains orateurs, unjeu d' esprit, unde'fiaccepte'parlasuffisanceourimmoralite'qiuentreprendeffronte'ment de re'babiliter une mauvaise cause par la puissance du paradoxe : c'est l'erreur d'un honnetehomme; elle n'e'touffc pas en lui toutsentiment ge'ne'- reux, tcute sympatbie pour rhe'ro'i'smectle malbcur. Aussi M. Scbnitzler croit fermement a la possibility, a la necessite d'un empire polonais • mais il s'en rapporte, pour son re'tablissement , a la bonne foi de la vieille diplomatic europe'enne ! II espere qu'une Pologne sortira forte et inde'- pendante de ces impudens protocoles , bonteux heritage de i8i5, qui mesurent les territoires au metre et a la toise , les aines au cent et au mille pour en faire des lots proportionne's a 1' ambition des parties copar- tageantes! L' Europe a ve'cu , depuis quinze anne'es, dans un malaise continuel, qu'on s'expliqueaise'ment, si Ion jette les yeuxsur cette carte, bigarre'e d'enclaves de toutes couleurs, ou ics frontieres pose'es par la nature sur les limiles de chaque pays et de cbaque nation ne cadrent au- cunemeRt avec les frontieres artificielles , dessine'es par la politique , oil la main corrompue d'un ple'nipotentiairc a separe', d'un trait de plume, ce qui devait etre re'uni , re'uni ce qui devait etre separe'. Cet e'tat de cboses ne peut durer long-terns. D'autres combinaisons doivent pre'sider a l'organisation de 1' Europe que ces vains calculs d'e'quilibre , ces pre- tentions ge'ne'alogiques , jusqu'ici toute la science des congres. Ces por- tions de peuplc que Yienne avait pre'tendu soustraire a Icurs centres de 536 L1VRES FRANCAIS. gravitc, pour allonger l'hc'ritage de quelques dcscendans dc Wittikind on dc Rodolplic de Habsbourg, tendent sans cesse a s'y rallrer de nouveau. II laut aujourd'liui unc Italie, unc Pologne, une Allcmagne, une France, grandes , puissantes , compactes, pures de tout alliage etr anger, tclles que la nature et la civilisation les ont faites , des Alpcs a la Sicilc, des Karpathes a la Baltiquc , de la raer du Nord aux Alpes Carin- thiennes , du llhin aux Pyrenees ; mais n'attendons pas cette ceuvrc de justice et de sagesse des opprcsscurs de Bologne et de Wirsovie, n'ayons pas la siinplicitc de croirc que les agens de la sainte-alliance prendront plaisir a de'faire ce qu'ils ont pris naguere tant de peine a e'tablir et a consolidcr. Ce n'est pas pour euxque M. Schnitzler doit se livrer a ses curieuscs recherches d'bistoire et de statistiquc. Pen leva importe que la Gallicie se rattacbc a la Russie par ses traditions , ses croyances , ses mceurs et ses besoins : ce qui les pre'occupe ce n'cst pas le souci de constituer un royaumc homogene , mais bien de ne porter atteinle aucune aux inte'rets commc aux susceptibilitc's des gouvcrnemens directeurs. Heureusement le sort de l'Europe devient de plus en plus inde'pendant de leurs mau- vaises intrigues; ils fle'chissent de jour en jour davantage dcvant la force de l'opinion : c'est elle qui deviendra toutc puissante , c'est elle qu'il s'agit d'e'clairer. M. Schnilzler ne se trompe guere quand il accuse les Francais d'ignorance sur la Pologne et son bistoire, de pre'somption dans leurs calculs d'avenirpour ce pays. Aussi l'ouvrage qu'il, promet ama- t-il une veritable utilite : c'est un coup d'ceil sur l'bistoire de la Pologne et de la Russie , lcur longue rivalite , leur derniere lutte , leurs forces respectives et la situation politique et morale de chacune d'elles. Ce sujet est effleurc' deja dans la brochure que nous annoncons : l'auteur y trace , avec peu de precision encore , les limitcs que , scion lui , l'e'tat des cboses present au futur royaume : nous avouerons qu'il nous semble avoir par trop rogne' ce bel ensemble que notre sympathic se plaisait a promettrea nos freres; mais c'est deja beaucoup qu'unbomme, ricbe de connaissances spe'ciales et positives sur ce sujet , qui a vu de pres et e'tudie toutes les branches de la population slave, qu'un homme prodigue d'e'loges pour l'empereur Nicolas et pour M. Casimir Pe'rier , declare qu'il y a lieu de constituer une Pologne inde'pendante. Laissons-le venir plus tard, sa statistique a la main, et prevenons-le que , de son propre aveu , nous voulons pour notre Pologne tout ce qui lui appartient par L1VRF.S FRAN^AIS. 537 la langue, les mceurs ct le sentiment national ; se de'dommagent commc dies lc pourroiit les ancienncs spoliatrices du royaume des Jagellons ; rappelons-lui que nous ne consentirons a l'alie'nation d'une province cpie sur la production de fails bien avc'rc's , bien complets , constatant sa nature russe , autrichienne ou prussienne. A. J. i^4- — Des l°is actuelles sur le commerce des grains en France, leurs causes et leurs effets; par M. Gautier, ancien ad- ministrateur des vivres. Paris, i83i ; Potey. In-8" de 5y pages, avec deux tableaux; prix, i fr. 5o c. M. Gautier est connu depuis long-tcms par ses Iumieres spe'ciales sur le sujet qn'il traite aujourd'hui; et cependant, lant cette matiere est difficile et obscure , son travail n'aboutira qu'a poser des ques- tions qu'il avouc n'oser pas re'soudre. En effet, il ne s'agit plus dc discuter des principcs abstraits d'e'conomie politique, dont l'appli- calion soit a la longue favorable ou nuisiblc a la proprie'te nationale : il faut, d'un cote, poser une barriere a l'iritroduction excessive des ble's etrangers , qui ferait e'videmment , et quoiqu'en discnt les par- tisans de la concurrence illimite'e, pe'rir notre agriculture, c'est-a-dirc notre veritable ct fondamentale industries ct, d'un autre cote, il faut chercher jusqu'a quel point on peut s'en fier a la production nationale pour , dans une anne'e dc disette, subvenir aux besoins de ces classes ])auvres , qui deviennent si nombreuscs et dont les maux sont si dangcreux dans un lems d'e'motions politiques comme celui ou nous vivons depuis quarante ans. Les lois sur les grains sont de grandes lois politiques : on le sait bien en Angleterrc , ct elles exci- tent toujours dans les cliambrcs de longs et violens de'bats. Cbez nous elles' pre'occupent a peine un petit nombred'e'eonoraistrs, dc proprie- taires et d'administrateurs. Apres avoir analyse avec beaucoup dc clarte toules les lois qui ont e'te rendues eu France sur le commerce des grains, M. Gautier pose liuit questions sur lesquelles il appellc l'attention publique. On peut re'suraer ces questions en une seule : presenter un projet de loi complet, en s'appuyant sur le systeme de limite d' importation et d' exportation adoptc actuellemcnt, mais en en ve'rifiant toutes les bases et en s'assurant soit de l'exactitudc des cbiffres re'gulateurs , par rapport a la consommation ct a la production de la France, soit TOME LI. SKPTEMBKE 1H51 . 41 538 L1VRES FRAN^AIS. dc la veritable influence des marches regulateurs clans les quatre di- visions des fronlicres, soil enfin dc I'opportimitc' ct de la juslcssc dc ces divisions elles-incmcs. Pour aider les calcnls , M. Gauticr donnc a la fin dc son ouvrage mi tableau raisonne du prix du froment thins les trcntc-hnit depariemens fronlieres de la France, depuis le tnuis d'aoiit 1819 jusijuau inois d'aoiit iB3i. Nous desirous vivement, comnic M. Gauticr, que I'administXa- tion des donancs veuille completer ec document par la publication du tableau des importations et des cxportations sous le regime des derniercs lois de grains, cl qu'elle continue d'anne'e en anne'e cettc publication, sans laquclle tous les calcnls seront vagucs et incertains. Ans. P. 175. — Lettre sur le chole'ra-morbus , avee le traitcment de cctle maladie et les moyens pre'servatifs , par A C. Paris, i83i ; Mad. Be'chet , quai des Augustins, n. 5-j. In-8° de 40 pages ; prix, -i fr. 1 76. — Traite sur le cholera asiatique , ot'frant l'histoirc de cettc maladie , ainsi que les moyens de s'en pre'server ct de s'en gue'rir, par M. G. Wevland, de Wcymar, docteur en me'decine. Paris, i83i. L'auteur, rue Caumartin , n° 7. In-8°. ; prix, 3 fr. Nous avons dit quelques mots sur cette brochure , a propos du rapport de M. Double a l'Acade'mic dc me'decine. ( Voy. ci-dessus , p. 486.) 177. — Manuel complet preservatifet curat if du cholera-morbus, re'dige par plusieurs me'decins, d'aprcs la doctrine adoptee par X Aca- de'mie de me'decine. Paris, i83i ; Grochard, rue et place dc l'Ecole- de-Me'dccine , n° i3 , ct chcz Audot fils, rue du Paon , pres l'Ecole- de me'decine , n° 8. In- 18 ; prix, 1 fr. Cc petit ouvrage, e'erit eu languc vulgaire , est destine aux per- sonncs c'trangeres a la me'decine. C'est une hcurcuse idee de mettre ainsi a la porte'e de tout le monde l'ensemble des moyens propres a combattre une maladie , dont riieurcuse issue depend surtout dc la promptitude des secours , ct de la cooperation de certaincs circonstauces particulieres. La source dans laquelle scs auteurs ont puise' est un sur garant de rexeellencc de leurs pre'eeptes ; d'ailleurs rexe'eution , si Ton en exceptc quelques longueurs et des superfluite's , remplit parfaite- ment le plan qu'ils mil confii. F. LIVHES FRANQMS. •>■>«) in8. — Memoire sur les facteurs iiumet'iques ; par Jol'bi*. Le Havre, i83i ; impriraerie de Stanislas Fame. In-.f"; prix, j francs. La simplification des operations arithmetic] ues est assure'ment un sujet digne de rccherchcs ; depuis quelques anne'es de louables efforts ont etc faits dans cette direction : entre autres ouvrages 1'aiithnie'tique comple'mentaire de Bertlievin offre pour ainsi dire un resume de ces tentatives. Malhcureusemcnt , les me'thodes propose'es jusqu'ici , quoique tres-inge'nieuses et dignes d'exciter la curiosite, abregent tres-peu les calculs , ne s'appliquent avec commodite qu'a des cas tres-particuliers. M. Joubin , dans l'ouvrage que nous annoncons , s'est propose de rendre moins accablante la rccbercbe des facteurs d'un nombre; a-t-il re'ussi? Nous croyons que sa maniere de calculcr ne peut etrc avanta- geuse que dans un tres-petit nombre des cas ordinaires; d'ailleurs les demonstrations qu'il donne pouvaient etrc pre'sente'es d'une maniere heaucoup plus simple, puisque tout son me'moiren'est (pie 1'application particulicre de ce prineipe : un nombre e'cril dans une base quelconque est divisible par la base moins ou plus I' unite quand la sonnne on la difference de ses chiffres de l'ordre pair ou impair en est elle-meme un multiple ; dans le cas ou la base est une puissance n de dix , la regie indique'e par 1'enonce ci-dessus consisle a diviser le nombre propose en trancbes de n cbii'fres et a faire la somme de toules ces tranches ou re- trancher la somme des tranches de rang pair de celle des tranches de rang impair. Nous dironsla mtnic chose des i-emarques de l'auteur sur le caractere de divisibilite' par un nombre quelconque. II e'tait inutile de compliquer un sujet si simple par des notations de fonctions ct un algo- rithme nouveau. M. Joubin vcut interpreter autrement que ne l'a fait Euler le the'o- remc de Fermat , attribuant a la variable .r, dans l'expression 2*-f-i , une se'rie de valeurs commencant par 2 et dont le terme general se- rait tn-\-\ = 'i tn. II est possible qu'en effct alors le the'oreme scit vrai , mais toute ve'rification numeriquc est impossible , et une demon- stration serait de la derniere difficulte. Du reste l'auteur a le me'rite d' avoir mis en evidence quelques pro- positions assez simples sur la divisibilite' par certains nombres. L. 179. — Itineraire descriptij de la France , etc. ; par M. Waissk we \iluers , ancien insprcteur des postcs. — Route de Paris aux dens 54o L1VKES FRANgAIS. Bagneres, Bareges et autres eaux des Pyrenees; a'partic. Paris, i83i ; Jules Renouard. In-8° ; prix, 4 fr. En rendant comptc , dans un des prece'dens cahicrs de la Revue (mai i83i , p. 386), d'un des volumes dc eelte inte'ressante collection, qui contient la description de l'Auvcrgnc , nous faisions rcraarquer avec quel soin et quelle estimable exactitude M. Waysseavait recueilli toutes les indications qui peuvent guider le voyageur dans cettc region de la France si riclic en beaux points de vue et en curiosite's naturcllcs de toute espeee. La meme observation peut s'appliquer plus complc'tenient encore, s'il est possible, au volume que nous annoncons aujourd'hui, et qui comprend les routes de Paris a Saint-Sauveur, a Bareges, a Cau- terets, aux Eaux-Bonnes et aux Eaux-Chaudes, etc. Ce volume, comme l'indiquc lc titre ci-dessus, complete, avec celui que nous avons fait connaitre pre'ee'demment (cahicr dejuin i83i, p. 5^'i), la description des routes de Paris aux eaux des Pyrenees, et nous ne craignons pas d' assurer qu'il serait impossible de cboisir, pour un voyage de ce genre, un guide plus judicieux ni plus complet que le livre de M. Waysse. Y. Z. 180. — Voyages aux lies Hebrides , avec un texte et vingt-cinq vuesdessine'essur leslieux; parC. Panckoucke. — Premiere livraison. lie de Staff a. Paris, i83i ; prix, 8 fr. Malgre' son titre, cette publication appartient a I'arclieologie , autant qu'a l'histoire naturelle. En effet , pendant que le naturaliste admire l'immense grotte d'albatre de Sky , les masses de basalte de Staffa , l'antiquaire porte ses meditations sur le palais d'Ossian et sur la retraite de Saint-Col umban. Bancks est le premier qui ait publie desdessins de Staffa : ils parurent en 1772. Avant son re'eit on n'avait jamais entendu parler de cette ile merveilleuse , ni de ses masses basaltiques , dont Banks a comple'tcment manque la configuration, John Kroz, qui visita les Hebrides , en 1786, ne put aborder a Staffa ; M. Faujas Saint- Fond n'en a donne que des dessins inexacts , et les observations de M.Necker-Saussure ne doivent leur supe'riorite qu'a sa profonde science; la representation des objets est encore infe'rieure a celle de Faujas. II e'taitdigne de M. Panckouke de commenccr par justifier une description dc Tacite, auteur qui l'a si bien inspire pendant tout ce voyage : Mare ]ri«ium et grave rernigantibus. La description qui suit se distingue L1VRES FRAN§AIS. 54 I par line simplicite trop sonvent abandonnee par nos roraantiques ad- miratcurs de la nature. P. DE GoLBERV. 181. — Manuel de V inge'nieur forestier, ou technologic spe'ciale et sui generis expositive d'un corps de doctrine et d'un plan de regene- ration forcstiere tout-a-fait neuf ; a l'usage des agens forestiers de tout grade, des proprie'taires, des marchands de bois et des consommateurs ; par M. Plingtjet. Le Mans, i83r ; iraprimerie dc Monnoyer. In-8° de xxxv-224 pages. M. Silvestre a fait a l'Acade'mie des sciences un rapport verbal Un- favorable sur cet ouvrage qui renferme lc plan d'un nouveau sysleme administratif pour les forets de I'Etat. L'auteur en fait ressortir les avantages , soit par des raisonneinens , soit par l'exemple des succes qu'il a obtenus en suivant quelques-uns des pre'eeptes qu'il propose. Ainsi les forets de Montargis ct de Cliaumontois, qui ont etc soumises a sa direction, ont e'te porte'es, la premiere de 80,000 fr. a 180,000 fr. de revenu annuel, et la secondede 4i?ooo fr. a 127,000. M. Plinguet regarde l'impe'ritie des inge'nieurs forestiers commc une des grandes causes de la depopulation des forets nationales , ct reclame pour eux des etudes plus fortes que celles qu'ils doivent recevoir dans la nouvelle c'cole des caux et forets. II voudraitqueles e'leves n'entrassent dans celte e'eole que comme ceux de l'e'cole de Mctz, e'est-a-dire apres avoir passe par l'e'cole Poly technique. C'e'tait d'ailleurs, comme on le sait, l'ide'e de Monge que l'Ecole Polytechnique fournit des e'leves a toutcs les e'coles spe'ciales. R. S. 182. — Les Commandemens de Dieu et du Diable , avec la ressemblance de la nwrt. Chartres, i83i. Gamier His; et Paris, Techener, place du Louvre. Brochure in-8° dc xv pages ; prix, 5 fr. Aujourd'hui , e'est a peine si le bibliophile peut trouver assez de terns, assez de calme pour se livrer a ses recherches; au milieu du de'vergondage litte'raire de notre e'poque, ses travaux courent le risque de passer inapercus. On connait les publications de la Socie'te des biblio- philes , rarcs par leurs sujets , recherche'es a raison du petit nombre d'exemplaires auquel elle fixe le tirage ; le libraire Techener la seconde de tout son zele. C'est uuc rarete d'en voir la continuation en province; 542 L1VRES FRAN^AIS. c'est cepcndant ce que nous aimons a signaler. Deux ouvrages tres-cu- rieux vienncnt dc sortir des presses de M. Gamier fils, a Cliartres. L'exc'cution typograjiluquc lui fait le plus grand honneur. Lc dialogue entrc Dicu ct le Diable , et la remembrance ( souvenir ) de la mort , pa- raissent avoir e'te imprime's vers la fin du quinzieiue siccle , ou vers le commencement du seizienie. On voit sue quels sujets bizarres s'excrcait 1' esprit dc nos devots a'ieux. Ce petit ouvrage trouvcra done sa place dans le cabinet de l'amateur. N'oublions pas de dire qu'on en doit la publication a notre savant compatriote , M. He'risson , a qui, dans cette occasion , nous n'adrcsserons qu'un reproclie , c'est de ne nous faire jouir qu'a trop long termedes tre'sors que sa bibliotheque recele. J. Doublet de Boisthibault. 1 83. — Paganini et Beriot , ou avis aux jcuncs artistes qui sc des- tinent a renseignement du violonj par Fr. Fayolle, auteur du Dic- tionnaire des musiciens de Paris. i83i; Leguest, e'diteur, rue Riche- lieu, n° g5. In-8° de 69 pages ; prix, 1 fr. Appre'cie' par les ve'ritables connaisseurs , M. Paganini a trouvc de ridicules enthousiastes qui auraient fait grand tort a sa renomme'e si elle n'avait e'te au-dessus de toute atteinte. Ses de'tracteurs ont e'te jusqu'ici peu nombreux; et s'il en a trouve quelques-uns, ils n'ont point juge a propos de publier leurs pense'es a cet egard. Sans s'etre place' dans cette derniere classe , M. Fayolle n'a pas toujours partagc l'admiration de la majeure partie du public • les critiques d'un homme aussi instruit ne peuvent qu'exciter un vif inle'rct ; les amateurs qui, comme lui, s'oc- cupent des beaux-arts avec abnegation et perseverance , sont trop rares pour qu'on ne leur tienne pas compte de leurs travaux , meme quand on ne partage pas toutes leurs opinions. La brochure de M. Fayolle ren- ferme plusieurs details inte'ressans , des anecdotes et renscignemens sur divers violonistes ce'lebres; enfin cet opuscule n'a pas cesse d'etre de circonstance , puisque Ton nous annonce que M. Paganini doit bientot revenir a Paris et y faire de nouveau applaudir son incomparable talent. J. A. L. 1 84- — Tableaux synoptiques de la langue allemande , par W. Suck.au, traducteur de la Politique et du Commerce des peuples dc l'antiquite' , par Hecren. Seconde edition. Paris, i83i ; Firmin Didot. Tn-8n de i'\ pages avec des tableaux ; prix : ~> IV. LIVRES FRANCAIS. 543 Nous avons annoncc la premiere edition de ce petit ouvragc avcc les e'loges que me'rite un travail consciencieux : son utilitc le recommande du reste suffisamment a l'attention des personnes vouc'es a 1' etude ou a l'enseignement de la langue allemande. 180, — The dire d3 Eugene Scribe, de'die' par lui a ses collabo- rateurs. T. ix. Paris, i83i; Aime' Andre', quai Malaquais, n° i3. In-8", prix, 7 fr. Les liuit premiers volumes dc cette collection on I e'te l'objet d'un article d' analyse, dans lc 45c volume de la Revue encyclopedique; ct nous saisissons 1' occasion de la publication de ce ge volume pour attirer l'attention sur un recueil qui doit former un des principaux ornemens de toute bibliotheque de theatre. Valerie, le Mariage d' argent, les Manteaux , la Manie des places , ou lafolie du siecle , les Mora- listes , Malvina, ou un Mariage d 'inclination , voila le titre des pieces que renferme ce volume. Excepte le Mariage d' argent, qui n'a pas e'te accueilli avec la faveur a laquelle sont habitue's les ouvragcs de M. Scribe, les pieces de ce volume ont toutes obtenu un brillant succes, et sont encore applaudies chaque jour. Nous avons consacre' un article special an Mariage d' argent, a l'e'poque de sa premiere representation, ( voycz tome 36 , page 8a3 ) ; M e Mars avait sauve' la piece du nau- frage , et on la verrait encore avec plaisir si cette grande actrice pretait an role de Mmc de Brienne tout le charme qu'elle avait su lui donner dans la nouveaute'. Valerie est un petit roman tissu avec beaucoup d'a- dresse, oil les auteurs ont eu l'art de presenter, sans blesser la suscep- tibilitc du spectateur, l'une des infirmite's les plus tristes et les moins the'atrales. Sauf quelques rarcs exceptions , les maux physiques n'offrent a l'imitation dramatique que des tableaux sans effet , et quelquefois d'un effet contraire a celui qu'on a voulu produire; et ce n'e'tait pas une chose facile que de faire d'une jeune aveugle une composition si gracieuse et d'un inte'ret sitouchant. An reste, toutle mente de cette composition est dans les details ; le fond manque d'invention et d'originalite. Ge sont deux jolies tableaux de mceurs que la Manie des places et les Mora- listes ; l'un presente d'une maniere piquante un travcrs fort comraun chcz nous, et que les sarcasmes du theatre ne sont pas pres de corrigerj 1' alrtre retrace avec une vivacite tres-spirituelle une nuance fugitive des 5/|4 LIVRES FRAN£A1S. moeurs de certains salons , d'une coterie qui durant un instant a tenu quelque place dans la socie'te. Les Manleaux ne sont qu'unc bouffon- nerie , mais ellc est fort plaisantc ; c'cst unc piece dont lc coinique n'est fonde que sur des me'prises, mais clles sont licurcusement auicne'es. Enfin lc Mariage d' inclination est un petit chef-d'oeuvre, dont l'ide'e est neuve et l'exc'cution charinante; c'cst un nature! parfait dans les ca- ractere et le dialogue , joint a un effet tres-dramatique dans la combi- naison des incidents. Ge volume tientun rang distingue dans le theatre de M. Scribe et de ses collaborateurs , il fait vivernent dc'sirer les suivans , sans lesquels ces neufs premiers n'auraient plus aucun prix pour les amateurs. M. A. 186. — Paris, ou le Livre des Cent et un. Paris, 1 83 1 ; Ladvocat. In-8°j prix, 8fr. II y aura 10 volumes; les personnes qui n'auront pas souscrit avant la publication du second paieront le volume 9 fr. Voila un livre qui a e'te beaucoup prone long-tems avant son ap- parition ; qui a dii sa gloire anticipe'e , moins encore sans doute a la singularite de son origine et de sa composition , qu'a l'amour-propre de cent complices inte'resse's a ses succes et jouissant , pom- la phi- part, du privilege de cre'er ou de constater les imputations litte'raires. Dans cette circonstance , comme dans mille autres , l'effet n'a point re- pondu completement a l'attente excite'e par de pompeuses annonces; le Livre des Cent et un n'est pas un chef-d'oeuvre hors de ligne , et ce- pendant, avec une table des matieres qui comprend tant de beaux noms, ce ncpeut-etre une galeric de'uue'e d'inte'retet deme'rite. La, comme dans nosmuse'es, dans nos bibliotheques,dans toutes les collections pour les- quelles les hommes se cotiscnt payant leur part en ceuvres d'art et d'esprit , 1' excellent est a cote' du detestable , mais le mediocre domine. C'e'tait d'abord pour moi plaisir de penser a cette suite de tableaux oil tant d'esprits divers allaient de'poser leurs apercus les plus intimes sur Paris , sur cette vie de tous les jours , si monotone et prosai'que pour le vulgaire, si varie'e, si fe'eonde en myste'rieuses observations, si pare'e de multiples couleurs pour le genie qui sait l'e'tudier, l'approfondir et la revetir de la poe'sie de ses pense'es. Rassembler dans un seul cadre , comme dans ces fantastiques kaleidoscopes que la mode a sitotproscrits, ces nuances infinies de gout , d'liabitude, depaSsion, qui se re'pandent LIVRES FRANC/US. .If) sur tons lcs objcts dont l'horamc est cntoure, et en font, pour cliaeun , un raondc a part avec son allure , son colons , ses prestiges qui nc se de'eonvrent qu'a lui seul. Quel euricux objet d' etude ! quelle source nouvelle cV emotions et d'ide'es ! Mais, pensez-y bien , unouvrage pareil etait-il possible ? Unc reunion s'est forme'e : ils sont au nombre dc cent , romanciers , poetes. artistes, dames, savans, journalistes , deputes, acade'inicicns ; cliaeun est convenu d'apporter a ce piquc-nique htte'raire son contingent d' esprit, a jour fixe, dans des limites typographiqucs a peu pres con- venues : l'imagination doit e'clore pour le quinze de tel mois , quelles que soient d'ailleurs les phases de son soleil ; elle doit imposer a ses ailcs la rigoureuse loi de ne point depasser lcs barrieres de Paris , quelquc illusion qui lui sourie ailleurs! Du reste, pas dc pense'e ge'nc'rale, point de plan, pas de direction : une fidele image de notre socie'te quasi-dc- sorganise'e, oil 1'hommc travaille isole'mcnt, pe'niblement, apporte sa pierrc a 1' edifice commun, sans s'inquie'ter des proportions qui lui con- viennent ; oil le bizarre ensemble , forme par 1' assemblage de toutes ces portions incohe'rentes , n'offre plus qu'un chaos sans harmonic et sans unite'.... Maintcnant, frappez-vous le front, arpentez en tcus sens votrc cabinet solitaire , bienfaisans contribuables de l'e'diteur; et voyons si 1' inspiration se montrera fidele aux- exigences du devoir qui vous est impose. M. Jules Janin nous rc'pondra le premier : nous trouvons , avec sa signature de'ja ce'lebre, un bistorique pre'liminairedu genre dontce livrc doit, pour ainsi dire, offrir le resume contemporain ; e'est lui qui s'est charge de 1'introduction , qui a peint Asmode'c, cc diable de l'observa- tion, comme il l'appelle , dans ses milles metamorphoses a travcrs les variations success] ves de nos mceurs progressivement modifie'es. Pour l'auteui de V Ane mort, e'est chose facile que de colorer dix pages dc beau papier avec son style mervcilleus de graces neuveset piquantes, dc pittoresques fascinations; mais cctte marcheirre'gulicre, ce vernis cha- toyant convicnnent-ils bien a l'ansterite du critique , a la precision de 1'historien , a la ncttcte que reclame l'cxprcssion des ide'es philosophi- - qucs? On lit d'un bout a l'autre le chapitre d'Asmode'e, comme on lit certains feuilletons des Debats ; on cede a l'enlramement de cet etour- dissant langage : mais qu'en vcstc-t-il ? Un vague souyenir de mainlc 42 5 1 6 Ll VICES FRANC A IS. observation inge'nicuse, <;a et la repandue • mais de pense'e logiqucmcnt pose'eet dc'vcloppe'c , point. Sans doute, c'cst fairc un tiistc aveu de la faiblessc de mon intelligence , mais jen'ai pu saisir, dans Jc labyrinthc de phrases arlistement tissues par l'auteur, le fil de son raisonncment ; et ses conclusions me sont encore unc e'nigme. Aprcs eel 1 , parlerai-jc dc ce morceau , ou Ton pensc avoir paracheve' un tableau dc mceurs en inventoriant , avec une de'sespe'rante ininutic, Jos splcndeurs, les arcades, les chaises et les vices dont se compose le monde en miniature qu'on appelle toujours le Palais-Royal ? Ce n'est pas la ce qui pent sauvcr de l'oubli le livre de M. Ladvocat. Les vers de MM. Barthe'lemy ct Mc'ry sur le Jardin de Plantes te- moignent dc cctte science de versification , de ce luxe d'images aux- qucls Nemesis et la Villeliade ont depuis long-tems habitue leurs lec- teurs: mais ccs messieurs sont trop riches pour re'clamer a ce propos des louanges dont ils ont le tems et les moyens de faire bonne provision. Marat, Charlotte Corday, une maison de la rue de l'Ecole-de-Mede- cine , theatre de ce meurtre i'ameux , tel est le textc d'un chapitre assez chaleurcusement e'erit par M. Gustave Drouineau : son tort est de nous raconter ce que nous savions deja , et d'accablcr l'heroine de Caen sous un enthousiasme qui maintcnant ressemblc trop a un lieu comniun dc declamations. Quant a M. Charles Nodier, il a fait la monographic d'unc maladie dont lui-meme , je crois , n'a pas etc' toujoui's exempt. L'histoire de Theodore est, en quelquc sorte , un traite technique de bibliomanie, i iche en piquantes recettes dc'robe'es aux secretes archives de la profes- sion , et pre'sentant , comme episode , maints portraits des ccle'brite's du pont Saint-Michel ou dela maison Silvestre. Ce sont toujours 1c gout et 1'csprit gracieux de M. Nodier; mais peut-etre cette esquisse a-t-elle perdu en force et en originalite ce qu'elie a gagne sous le rapport de la lide'lite : le pcintrc qui parvient a rendre la physionomie dc son mo- dcle ^>vcc son expression la mieux caracterise'e n'est pas toujours eclui qui a pu rc'tudier de plus prcs , et en analyser scrupuleuscment les de- tails. Vient ensuite M. Jacob, amaleur de livres d'une aulrc especc. Que sont , pour lui , l'exquise perfection d'une reliurc de Dcrome , l'absencc d'one asu:ris<{ue ou d'un chiffre sur telle ou telle page d'un pre'eieux L1VRES FRAN^AIS. 5 \^ Elzevir, le tiers dc ligne de jilus ou de moins dans un Homere de Nerli, ou un Virgile de 167G? La bibliothcque d'un financier , a ma- gnifiques alignemens dc dos maroquine's , gauffre's, glace's, mais vide delivres ve'ritablcs ct. de science, n'a pas e'te invente'e pour lui. Ce qu'il cherclie rue dc Ricbclicu , a Sainte-Genevieve, an tranquille Arsenal , cc sont les reliques des anciens penscurs re'unies aux resultats des vcilles de notrc siecle; ce qu'il deplore e'est l'incurie dc certains biblio- the'eaircs; e'est la mauvaise et irrationnelle administration des c'tablis- semens confic's a leurs soins. La-dessus , il a e'erit vingt pages pleincs dc sens ct dc justcsse , oil le crayon de l'obscrvateur a trouve moyen de jeter epars quelqucs croquis curieux et vrais. Chez M. Jal , e'est une abondancc de noms propres, sotiven 1 fcers a nos souvenirs , souvent aussi trop c'trangers a nos sympathies. II y a bcaucoup de charmc toutcfois dans scs descriptions simples , mais un pen prolixcs, des soirees d'artistes depuis . 181 5. C'cst un des bons morceaux du recueil. Ccs confidences du cceur, ces c'panchemens d'nnc me'moire fidele an culte du talent et de 1' ami tie', ont mille fois plus de prix a nos yeux que les pretentieuses revelations de M. dc Salvandy , qui vient complaisamment se mettre en scene an milieu de vingt prin- ces ou princesses , dans les eblouissans salons du Palais-Royal, 011 Charles Xfaisait au roi dc Naples les honneurs de la fortune et de la popularite de son futur successeur; et ou , selon la naive expression du fashionable e'erivain , on vit , pour la derniere fois, cette varie'tc ma- giquc de broderies , de croix , d'armes et de couleurs qui fit la gloirc etla beaute des fetes dc la restauration. Qui n'a pas vu Henri Monnier, chargeant , avec une verve inimita- ble, les ridicules du pcuple parisicn , devant le fou rire d'un parterre du Vaudeville? C'est une bonne fortune qu'une nouvelle caricatuie bourgeoisc e'ehappee a sa plume spirituelle; et la maison du Marais , monarchic absoluc que gouverne une portiere, dont le comiquc n'est ]>as toujours aussi acheve que sa clelicicu.se idealisation de l'exccllent Prudhomme, ne laisse pas d'etre fort amusantc a parcourir, depuis la loge de madame Desbrosscs jusqu'au gite ae'rien de ses bavardes com- meres. Tout pres dc cctlc malicicuse cbauchc vient se placer la Morgue de M. Leon Gozlan, peintiire qui n'est pas depourviie de vigucur, 011 les 548 I.IVUKS TRANCAIS. conlrastcs abondent, ct qui rend asscz fidcleiuent le singulier aspect di- ce temple hideux du suicide , s'e'levant presquc inapcrcu , au milieu des pom pes et des joics d'une brillante capitalc. Que dire ensuite dc ces pages dans lesquclles M. Jouy, peut-ctre inspire par des preoccupations personnelles, deplore avec tant d'amer- tumc l'ingratitude dont la France paie les services rendus a la liberte par MM. Dupin et Pe'ricr? Que dire de cet interminable episode dc M. Paul dc Kock qui raconte , avec ses saillies de griscllc et sa morale de romancicr grivois, les deboircs dune socie'te' parisienne , en recher- che d'une fete de village? Que dire dc ces pales esquisses del'Abbaye- aux-Bois , dont plus d'une me'diocrite de salon fait partie inte'grante tout comme Chateaubriand ct madame de Stacl ? Jc parlerais pourtaut dc la chanson de Be'ranger et de la re'ponse dc son illustre corrcspondant , si tout Paris ne les avait deja lues dans ses journaux du matin : puis il me reste a citer la Conciergerie de M. Chas- lcs. Sans trop craindre de me tromper , je serais tente d'affirmer que, de toute la se'rie de'roule'e jusqu'ici , ce morceau est le scul qui ait etc le fruit d'une inspiration spontane'e. Un sentiment profond et vrai y rcgne d'un bout a (.'autre j une mc'Iancolie noble et touchante prete, meme aux ])lus petits details, son colons sombre et poe'tique ; l'auteur parle de lui-menie , mais avec une simplicite pleine de bon gout; son style elegant , anime, est libre de l'emphase et de l'exage'ration a la mode. L'liistoire dc t8i5 , cettc c'poque de sourde et lache terreur a fourni 1'e'pisodc que raconte M. Ghasles : avoir cejeune homme , in- nocent de toute faute , frele et de'licat, aux mains grossieres de l'i- gnoble police , qui ne se sentirait violemment emu d'indignalion ? Ne croirail-on pas, sous notre pretend u regime de liberte , que cette page c'loquente vient trop tard de'nonccr l'un des plus crians alms de l'arbi- traire ! He'las ! il n'en est rien , et nous pouvons en recommander la lecture aux professeurs officiels de le'galile : la police des Fouche et des Delavau existc toujours, et son contact impur pent souillcr encore im- pune'ment 1'hommc le plus honnete , 1' enfant le plus inoffensif 1 Voila tout, jc crois, ou a pen pres ; voila le premier produit de r.ettc association colossale de nos grands et petits artistes. Maintenairt n'y chcrchons pas la trace de eclte grandc synthese des mceurs actuclles que nous annon<;.a:l M. Janin , ayee sa trompctlc d'auteur de prefaces. LIVHES FRAN^AIS. 5>49 Dc synthese , il n'y en avail point de possible , avec cles homines qui , pour la politique , la religion , les ails , la morale memc , marchenl clans cles routes si divergentcs. Ne prenons pas la cliose autant au sc- rieux : le Livre des Cent-et-un , e'est tout simplement une analyse incomplete du chaos qui nous entoure. Ghacun s'est empare d'une de ses mole'cules pour la decomposer et la de'erire , avec sa perspicacite plus ou inoins subtile , sous son microscope plus ou moins grossissant. M. Ladvocat se consolera sans doute de n'avoir point realise cettc tache impossible de l'Asmode'e moderne ; car le public se prendra vo- lontiers aux bonnes ct belles pages que lui proinet son recueil , et lui pardonnera sans doute , en leur faveur, l'abscnce de plan et la faiblessc d'un grand nombre de chapitres. A. J. 187. — Barnave, par Jules Janin; avec celte e'pigraphe : Cest un conte allemand qui finit comme les vieux contes francais covi- mencent : II y avait une fois un roi et unereine. Paris 7 1 83 1 3 Alphonsc Levavasscur. ty vol. in-12; prix, 16 fr. Le public est mainlenant si loin des questions d'art et de pure lilte- rature que ce livre , malgre' tout son me'rite , n'aurait pas un seul instant altire' son attention si l'auteur n'avait pris soin d'y raltacher des per- sonnalites politiques , et de gater son ouvragc en le rc'duisaiit aux pro- portions d'un pamphlet. Cest la preface de M. Janin qui a fait Ac Bar- nave le livre a la mode, et cpii l'a porte surla table de tons les salons. Pauvre succes! Pour nous qui de'sirons la resurrection de la litte'rature, pour nous qui l'espe'rons , bien qu'il nous soit impossible de pre'voir comment elle sortira des fausses voies oil elle est engage'e , ces questions de personncs nous importcnt peu , et nous ne voulons examiner dans cet ouvragc que l'ouvrage lui-meme. Que nous importe que dc stupicles courtisans aient e'eonduit avec in- solence un homme de talent , assez pen digne de son talent pour le mettre en vente? Que nous importe qu'un e'erivain habile se venge d'une brotalite iinpertinente par- une ge'ne'alogie se'ditieuse ; et , pousse par la rancunc , se jctte dans un miserable parti convert de sang et de boue ? En ve'rite, la critique n'a que faire dans tout cela; il y a du ridicule pour tout le monde; il n'y a de la gloire pour personnc, 55o LiyHES FRANCA IS. C'etait une grandc question que de savoir s'il c'lait possible de poe- riser lcs homines ct les choscs de la revolution. M. Janin vient de la le'soudre. Puisqu'avec son beau style il n'a pu rc'ussir qu'a affaiblir 1'histoire; puisqu'avec ses vives couleurs il n'a pu que palir ces colos- sales physionoinies , il est dc'inontre des a present que l'artistc est trop faible pour reproduirc les emotions que les journaux, les pamphlets , les proces-vcrbaux des assemble'es, nous ont transmises dans leur ef- frayante ve'rite. Laissez parler Nodier qui raconte ee qu'il a vu : e'est le scul poete digne de son sujet. Nodier a vu Robespierre; il a vu sa figure de fouine, il a entendu sa voix seche, claire, aigue et criarde; il a vu Schneider, il a vu Saint-Just; e'est a lui de lcs peindre : e'coutons-le. MaisM. Janin, qu'a-l-il vu que nous n'ayons vu coinmcluia travel's lcs e'erits du terns ? de quel droit vient-il meltre les fantomes de ses reves a la place des ge'ans de nos souvenirs ? Ce n'est pas le piltoresque qui manque a la revolution telle que nous la connaissions avant Bamave ; les chansons de carrefour sur madame Veto , qui nous sont parvenues, en disentplus sur la populace dc Paris que toutcs les phrases elegantes et bizarres de M. Janin. Mais ce qui n'est pas aussi connu que ccs tableaux de rues , ce sont lcs causes se- cretes , les passions souterraines , les plans cache's qui faisaient mouvoir et parler les actcurs du grand dramc. Jusqu'a la Convention, touts'ex- plique, tout sc justific , tout effet se rattachc a une cause e'videnle ; mais alors commencent les mysteres , mystercs terribles de 1' organisation des peuples et des individus; alors s'elevent les grands spectres; alors se dessinent les grandes figures. Celui qui les expliquera se fera e'eouter, non celui qui les copiera. C'est la philosophic de la revolution qui reste a faire, et non pas sa poe'sie, qui est dans lanudite des faits. Aussi quel pauvre croquis M. Janin nous donne pour un tableau ! quclles caricatures de Mirabeau , de Bamave , de la reine ! M. Janin s'est depuis long-tems attache a Mirabeau commc au sujet le plus convenable pour son style superlatif; il a torture dans vingt feuillctons cette grande ombre de 89. Aujourd'hui il achevc la tache qu'il s'est donne'e : dans Bamave , Mirabeau est un fanfaron qui gri- mace a chaque mot; c'est un c'ncrgnmcnc toujours dans les convulsions de la colcre on dc la debauche; c'est un malamore de revolution qui nc justific pas trop ses vanteries ; ear on ne le voit guerc (pic dans des ta- LIVHES FRAN^AIS. bbl verncs et a dcs soupers de filles oil il joue un role fort ridicule; e'est un hablcur de mauvais gout qui lui-raerne sc de'eerne toutes les palmes , se place toujours au premier rang, s'adjugc sans facon la toute-puissance ct parle de la France comme s'il la tenait dans sa main; un fat poli- tique poussant 1'e'goYsme de 1' amour-propre jusqu'a la niaiserie la plus impertinente; le tout sur le souvenir de quelques mots e'ehappe's a Mi- rabeau dans 1' emotion d'une violente lulte de tribune , lorsqu'on cher- cliait a lui ravir cctte popularitc qui, dit-il , ne'tait pas un faible roseau qu'on put briser au premier effort. Mirabcau cut e'te' un etre bien ridicule s'il se fiit montre tel que le fait M. Janin, au milieu des bommes ele'gans de la noblesse et du clerge , et des bommes graves du tiers-e'tat de l'Assemble'e constituante. Si M. Janin ne professait pas le plus profond de'dain pour les docu- mens de l'hisloire , nous pourrions lui demander sur quoi il s'appuie pour faire tenir a Mirabeau, en presence du due d'Orle'ans, des paroles pleines d'un me'pris si offensant pour ce prince. On sail bien que Mira- beau, desespe'rant de faire dePbUippe un instrument utile a ses vues, exprima en termes significatifs le pen de cas qu'il faisait de lui : mais rien n'indique qu'il ait ose' l'insulter en face, et lout prouve que Phi- lippe n'e'tait pas homme a souffrir unc insulte. La vengeance qu'il tira de celles dont il avait e'te' l'objet a la cour de Louis XYI le te'moignc assez terriblement. Nous n'avons rien a dire de la scene grotesque que 1'auteur fait jouer a Mirabeau dans la foret de Saint-Cloud , lorsque se rendant au rendez- vous de la reine , le tribun s'e'gare , et , au lieu de cbercber son cbemin, s'endort au pied d'un arbre et fait tout liaut des reves fantastiques , oil M. Janin a prodigue' toutes les richesses du style ct de l'absurdite'. Quant a Barnave , ct au role que lui prete le romancicr, nous dirions difficilement de sang froid ce que nous en pensons. Est-ilpermis de fal- sifier ainsi les bommes qui appartiennent a 1'histoire? Les plus nobles ct les plus graves caracteres sont-ils a la discretion du premier e'erivain qui voudra les prostitucr a ses fantaisies? Est-il moral d'affubler d'un habit d'arlcquin l'un des hommes les plus de'voue's ct les plus ge'ne'reux qui aient ennobli les premiers jours de notrc grande revolution ? Compatriote de Barnave, celui qui e'erit ces lignes a e'te habitue a en- tourer son nom d'un respect religieux, et les jeux fantasqucs de l'imagi- 55a LlVKfcS FUANQAIS. nation dc M. Janin luiscmblcnl offcnsans pour lui, pour la province qui s'enorgucillit tin souvenir de ce noble jcunc lionirac. Cost un eulte sa- lt r i|iie eclui des souvenirs; quel que soit le talent d'un baladin , il nc lui appat'tient pas dc faire parader sur ses trc'teaux les dieux que les pfiuples ont place sur des aulels. Sous 1c rapport de la morale, M. Janin mc parait done inexcusable il'avoir rendu Barnave ridicule ; sous lc rapport de L'art, il n'est pas uioins blamablc d'avoir neglige et gate ce qu'il y avait dc poetiquc dans la vc'rilc, telle que l'liisloire la lui offrait. Barnave n'e'tait connu a Grenoble que cornmc un jeune bommc dc mceurs douccs , de maniercs elegantes , d'un caractere aimable ct sim- ple , cmand les premieres rumeufs du volcan re'volutionnaire se fircnt entendre a Vizille. Quelqucs bommes sculemcnt , les Virieu, les Mou- nier, l'avaient apprt-cie ct le portercnt a la deputation. lis avaient com- ]>ris sans doute tout cc qu'il y avait dc ge'nc'rcuses passions sous eclte figure calme et molle; tons les germes dc talent que couvraicnt ces pas- sions, lis ne s'e'taicnt pas trompes. On sait ce que Barnave devint a son arrive'e a Paris. Ce fut le plus pur ct le plus eloquent des orateurs de eclte assemble'c, dont la vertu ct l'e'loquence alimenteront l'admiration des siecles. Otez cette grandc ombre de Mirabeau qui obscurcit tout ce qui l'approche , Barnave sera la plus belle figure de la revolution. ' Pour ceux qui connaissent les details de la vie convulsive du jeune tribun , pour ceux surtout qui savent l'bistoire de sa mort, qui ont lu cette admirable lettrc e'erite de Dijon a sa mere et ii ses sceurs, dans une balte de sa marcbe vers l'e'cbafaud, il ne pent y avoir un doute sur la re'alite de cc simple et ferine be'ro'isme qui constituait son genie et son caractere. Voila l'homme dont M. Janin a fait un amant ridicule de la reine. A 1' entendre, Barnave e'lait amourcux de Marie-Antoinette, selon tontc probabilite, long-tems avant qu'il nc l'cut vue. II est a peine arrive a Paris, que cette passion subi'e lui fait tourner la tete, et le rend rene'gat a ses croyances : e'est pour s'attirer un coup d'ceil de la reine que Bar- nave raonte a la tribune, e'est pour s'en faire rcmarquer, pour s'en fane craindrc, pour s'en faire me'priser, que Barnave attaque la monarchic, tO)ranlc le U-one, se livre a toutc la fureur de l'csprit re'volutionnaire; et L1VHES FRANC VIS. 553 lui-memc, sous la plume de M. Janin , jure qti'il abandonncrait scs amis, la cause du pcuplc , la sieune propre , qu'd trahirait ses convic- tions, qu'il se ferait l'humble valet de la cour, pour un regard de la rcine ! Que le romancier ait cru convenable de rendre Mirabeau amoureux de l'e'pouse de Louis XVI , c'e'tait un mensonge bistoricpie sans invrai- semblance et sans injustice : Mirabeau e'tait amoureux de toutes les fem- mes,etlafillede Marie-The'resepeut avoir sc'duit son imagination libertine tout comme Sophie, tout comme madame Monnier , tout comme la pre- miere qui sc trouvait en son cliemin. Mais c'e'tait un e'trange contre- sens que de prefer line telle passion au jeune et candide avocat de Gre- noble. Barnave n'eiit pas e'te' cbercher si liaut l'objct d'une passion pour laquelle d'ailleurs il ne restait pas de place dans son cceur. Cependant si M. Janin ne pouvait absolument se passer de cet ac- cessoire romanesque, s'il lui fallait sa douzaine complete d'amoureux dc la reine, Mirabeau , Barnave, Castelnau, Vaudreuil, Lauzun , que ne placait-il la naissance de 1'amoiir dc Barnave la oil il cut e'te' dra- matique et touchant, dans la voiture de Varennes ? Dieu me preserve de faire entrer pour rien l'amour d'une femme dans la conduitc politique de Barnave a qui suffisait l'amour du peuple ! Mais si son esprit dut etre frappe de la faiblesse de ce trone, dont le pouvoir l'avait jusqu'ici effraye, si son ame dut etre touche'e du spectacle de cette grandeur de'chue qu'bier encore il croyait debout et menacante; s'il dut etre at- tendri par la grace et les vertus maternelles de cette femme qu'on avait calomnie'e, ce fut sans doute dans ce triste et solennel voyage. C'est alors que lui vinrent les grandes pense'es et le profond de'voiiraent ; c'est alors que la pitie et l'admiration durent faire naitrc 1'amour. Nous ne pousserons pas plus loin cette critique. On nous en pardon- nera 1'amertume , si 1'on peut bien remarquer que ce n'est pas M. Janin seul qui nous i'a inspire'e, et a qui elle s'adresse, mais aussi a une foule de jeunes e'erivains sans croyances politiques qui se font un jouet de tout ce qu'ils ne comprennent pas, et outragent la me'moire desbommes qu'ils ne peuvent e'galer. Quant au style de Barnave , est-il besoin d'en parler? II n'y a pas un de nos lecteurs qui ne connaisse au moins l'un des deux ouvrages qu'a publie's M. Janin , ou qui n'ait hi quelques-uns des innombrables articles TOME LT. SEPTEMBRE i 85 1 . t\0 &5% LITRES FRANfJAIS. que ce jcunc e'erivain seme avee tine si prodigieuse fe'eondite dans les journaux de toutc sorte. Or, quiconque a hi line page de M. Janin connait tout son style. C'est toujours cette mcrveillcusc souplcssc de tours, cette admirable precision des termes, cette elegante clarte, cette ricbessc d'images qui donncnt a tout ce qui sort de sa plume une origi- nalitc si frappantc. Mais; qu'il nous permettc de le dire , cette origina- lite meme a quelque chose de monotone par l'abus qu'il en fait : dans la boucbe de Mirabcau, de lareinc, de Barnave, du prince allemand, de Laclos , c'est toujours la meme affectation de naivete, la meme hachure de pe'riodes ( qu'on me passe le mot) , la meme exage'ration de figures et d'antitheses : toujours et parlout c'est M. Janin, quand ce devrait etre ou Mirabeau , ou Barnave , ou l'Allemand, on la reine. De la une fatigue qui vous saisit au bout de quelques pages et vous distrait du plaisir que devrait procurer ce luxe de langagc et de poe'sie. M. Janin pourtant est un grand e'erivain : s'il avail un peu plus le sentiment du vrai, s'il donnait quelque chose a la pense'e an lieu de tout sacrifier a l'image, je ne sais vraiment quel e'erivain on pourrait placer au-dessus de lui. Avcc ses qualite's et ses de'fauts , mil aujourd'hui n'est plus capable d'e'erire un cbapitre admirable ,' mil n'est plus iiupuissant a faire un bon livre. Dans Barnave, le vide de la pense'e se fait sentir a chaque page : a cote' d'un diamant de poe'sie pittoresque, on trouve a tout instant un plat lieu commun de politique lc'gitimiste. En ve'rite , c'est une honte a M. Janin de pouvoir etre pris , au tems ou nous sommes , pour un Carlisle. Quoi ! pour un esprit commc le sien , entre lui et les sots qui ont insulte son talent, ibn'y a rien que le carlisme ! Nous ne pouvons le croire : ce serait le signc d'une grande faiblesse d'ame ou d'une pro- fonde depravation. C'est lafoi qui manque a M. Janin; c'est la foi qui fait penser, c'est la pense'e'qui fe'eonde le style et donne aux livres leur place dans l'avc- nir. Celui qui a fait le cbapitre des Filles de Se'jan est digne d'e'erire l'histoire^mais pour raconter 1'histoine il faut croire , il faut croire a l'homme et a sa destine'e , et M.jpanin ne croit a rien. Ans. P. ,88. — Andrea, histoire du tems de l'empire; par M. Rey-Dis- L1VRES FRAN^AIS. 555 sueil, autcur des Trois Amis, de Samuel Bernard, etc. Paris, 1 83 1 j Charles Gosselin. In-8° de 317 pages; prix, 7 fr. 5o c. Les e'loges que nous donnerons a la nouvelle production de M. Rey- Dussueil recoivent quelque autorite'des critiques se'veres que nous avons faites de ses premiers ouvrages. Ce jeune e'crivain fait cliaque jour des progres e'videns; et malgre' 1' extreme fe'condite' d'une plume qui enfante un livre tous les mois, on peut rcmarquer la distance immense qu'ily a, pour le style, le gout , la ve'rite et la grace des images, entre la traduc- tion des Fiances , la Fin du Monde , le Monde nouveau , Samuel Bernard, les Trois -Amis , et le roman qui est sous nos yeux. M. Rey-Dussueil est revenu aux lieux auxqucls il dut ses premieres inspirations , et il y a retrouve' ces peinlures fortes et similes que les souvenirs de la patrie et de l'enfance produisent aux imaginations poe- tiques. La scene & Andrea se passe pres de Marseille , pays qui tient de la Grece et de l'ltalie , et qui a garde' des monumens de tous les ages. La unecolonie, re'fugie'e au sein de cette colonic, venue on nc saitenquel siecle de 1'Espagne chre'tienne , est se'pare'e du peuplc qui l'entoure. Ce sontdes Catalans qui ne s'allient qu'entre eux,qui ne torment avecles habitans de la contre'e que les relations ne'eessaires a leur commerce de poisson, isole's comme les patriarclies , hospitaliers comrne eux. Ce village renferme une jeune fille, Marie , que l'admiration puLlique a surnomme'e la belle Catalane. Marie a vu souvent , solitaire et re- veui' sur les Lords de la mer , Andrea , jeune et Lei e'tranger sur lequel courent des Lruits Lizarres. Quel est cet Andrea ? L'auteur ne rc'pond qu'au de'noument a cette question que tant de gens se sont faite. Andrea est un Grcc qui , mele a une conspiration enlrcprise pour la de'hvrance de son pays , fait prisonnier apres un comLat acliarne, te'moin des tortures de ses compagnons massacre's avant lui , ne peut re'sister a la peur de la mort, trabit le secret de la conspiration , et livre le nom detous ceux qui y avaient pris part. Dcpuis lors il erre loin de sa patrie , poursuivi par le me'pris de ses concitoyens et par son propre me'pris. Pai tout oil il rencontre un Grec il rccoit une insulte, et son oreille n'entend plus la douce langue de son pays que pour entendre des male'dictions. L'amour de Marie le distrait un instant de son infortune etrcleve peu a peu sa nature avilic , et Lientot il va 1'epouser , quand une vieille 556 L1VRES FRAN^AIS. femme , une Grecque, la veuve de l'line des victimcs de la lachetc d' An- drea, vicnt traverser son bonheur. Elle le suit avec ardcur depuis bien des amices. Tant qn'elle l'a vu courbc sous le fardeau de son existence miserable , elle l'a laisse vivre pour le laisser souffrir ; mais elle ne pcr- mettra pas qu'il vivc hcureux. La raort d' Andrea est affreuse. Un episode plein dc cliarmcs sc melc a cette simple intrigue. An moment oil l'histoire se passe, Charles IV, pauvre vieillard, dc'posse'de de la couronne des Espagnes et des Indes , pauvre pere, tralii ct msullc par ses enfans, pauvre e'poux, de'shonore et tyrannise par sa femme, pauvre ctranger, abandonne de tous , habite une petite maison de cam- pagnc prcs de Marseille. La colonic de Catalans , fidele au souvenir de la patric , le reconnait encore pour roi , l'entoure des bommages les plus tendres , du respect le plus religieux, et console ainsi le malheureux roi de'eouronne des traliisons du sort , de son fds , de sa femme , et de son grand ami Napoleon , qui le laisse vivre dans le plus triste de'nit- ment. C'est a ltd que la belle Marie s'adresse pour obtenir la liberte de son frere Matteo , arrete' comme consent re'fractaire. Justement la princessc Pauline Borghese vient d'arriver, et Charles , avec sa boote de vieillard ou d' enfant , se decide a Taller visiter pour obtenir la li- berte' de Mattc'o. Cette visite est faite en grand secret de ses tyrans les plus proches , la rcine et M. le prince de la Paz. Le rapprochement de ce vieux debris de 1' antique tronc des Bourbons avec la brillante fleur de la jeune tige napole'onienne a quelque chose dc touchant, ct M. Rey-Dussueil a fait preuve d'un talent vrairaentsu- perieur dans le re'eit de cette entrevue. A. P. NOUYELLES 8CIEINTIFIQUES , INDUSTRIELLES ET LITTERAIRES. EUROPE. GRAND E-BRETAGNE. Temperature du pole nord. — M. Arago, dans une note inse're'e dans XAnnuaire des longitudes, anne'e i8a5 , s'cst propose dc de'lerrni- ner, au moyen des observations thermome'triques rccucillies par les na- vigateurs , la temperature moyenne du pole nord. Coordonnant ces ob- servations d'apres des regies analogues a celles que M. de Humboldt a employees pour la determination des lignes isothermes, il a c'te conduit a conclure qu'en attendant de nouvelles observations , la temperature moyenne du pole nord devait etre e'value'e a environ — 25°. Cette de'termination a e'te' combattue par divers physiciens , et entre autres par M. Leslie, qui suppose que la moyenne dont il s'agit n'est que fort peu e'loigne'e du terme de congelation dc- l'eau. Si cette moyenne , dit-il, e'tait aussi basse que le suppose M. Arago , eile ne manquerait pas de produire une accumulation infinie des glaces dans les regions arctiques. Or une pareille accumulation aurait c'videmmcnt pour cffet de produire une augmentation dans la dure'e du jour, et cependant nous savons que depuis deux mille ans cette dure'e n'a nullement varie'. Un autre savant anglais , M. Forbes, vient aujourd'liui detruire cette objection en ana- lysant les circonstances qui president a la formation et a la dissolution dc la glace , et montrer comment menie , avee de tres-basses tempera- tures , l'e'quilibre est maintenu entre ces deux operations. Supposons , dit-il , la mcr a — ao° cent. , si la temperature vient a baisser brusquement , la glace se formera trcs - rapidcmcnt„et acqucrra jusqu'a plusieurs pouccs d'e'paisseur dans une nuit. Mais si le froid con- 558 EUROPE. tinuc , l'e'paisseur dc la glace ne pourra s'accroitrc du cole expose a l'influence frigorifique , e'est-a-dire du cote exte'rieur. La matiere qui fournit la glace est l'cau qui est dessous : Taction de ce froid intense qui abaisse d'un si grand nombre de degrees la moyenne annuellc ne peat done s'cxercer qu'a travers un mauvais conductcur , la masse dc glace deja forme'e , et celte action devient d'autant plus faible que la couclic glace'e a acquis plus d'e'paisscur. Quand le dc'gel s'operc , au contraire , la glace est continucllcmcnt et directcment expose'e a l'influence atmo- sphe'rique. Non-senlement la croute de'eroit par saface supe'rieure , mais clle de'eroit aussi, comme M. Leslie lui-meme en convient , par sa face infe'rieure , en raison des courans d'eau cbaude qui viennent des latitu- des moins e'leve'es. D'autres causes viennent d'adleurs sejoindre a celles- ci pour hater la prompte dissolution des masses congele'cs. Les pluies ramollissent d'abord la glace , la rendent spongieuse ; enfin quand vers le mois d'avril se font sentir brusquement les vives cbaleurs des e'te's po- laires , la glace subit une expansion de volume considerable et tres- irre'guliere : elle se brise en fragmens , que les vents du nord , qui soufflent a cettc e'poque avec une violence terrible, poussent vers des mers plus cbaudes, oil ils se dissolvent progressivement. Quelques masses seules re'sistent par leur volume , et s'avancent tres-au loin dans la zone tempe're'e. R. Noiwelle Societe de Temperance. — Une nombreuse reunion , forme'e en grande partie des membrcs de la Societe des Amis, a eu lieu a la cliapelle du reverend M. Fletcher, dans le but d'aviser aux moyens de diminuer, si ce n'est dede'truire comple'tement, a Londres, le vice de rivrogneric. On sait qu'aux Etats-Unis, el plus re'eemment en Ecosse, des socie'te's de ce genre ont apporte une salutaire re'forme dans les ha- bitudes de la classe ouvriere , primitivement tres-adonne'e aux boissons spiritueuses. Ce n'est pas ici seulement une question d'e'eonomie poli- tique , e'est une question vitale aux yeux de tout ami de rhumanite : je re'pugne a me servir du nom de pbilantrope qui, de nos jours, de'signe plutotun metier qu'une vertu. Dans cette dcrniere asscmble'e, plusicurs membrcs actifs du comite ont e'te cliarge's du soin d'e'tablir des clubs de sobrie'te dont les membres, recus sans nulle retribution, s'engageront a s'abstenir de toute liqueur enivrante. Une Societe pour V encouragement de la gravure des medailles se forme en ce moment en Anglctcrrc. Elle comprendra un nombre illi- GRA.NDE-BRETAGNE. 55c) mite de membres, payantune petite souscription annuelle. Son objetest d'encourager la gravure sur rae'taux , en publiant continuellemcnt des me'dailles en l'lionneur des grands hommes , ou en commemoration des e've'nemens remarquables , et en n'employaiit que des artistes anglais pour les cxe'culer. Le but de la Socie'te' serait plus tot alteint, et ses tra- vaux aideraient plus au de'veloppement de l'art , si les talens de tons les pays etaient indistinctcment appele's a ce concours. Les savans , les grands artistes, commc savans et comme artistes, n'ont point de patrie. Deux me'dailles de genres tres-diffe'rens ont c'te' dcrnicrement frap- pe'es a Londres. L'une, en bronze, porte une effigie d'enfant ,|avec°cette le'gende: Henri F, roi de France. Le revers pre'sente deux scej^tres croise's , surmontc's d'une couronne. Le mille'sime est i83o, a aout. Sur l'autre medaille, d'un me'trd blanc, sont inscrits les noms de Gui- laume IV et des ministres actucls. Au revers est grave' le mot Reforme, entoure de rayons qui indiqucnt qu'elle ne doit pas etre seulement poli- tique , mais s'appliquer a l'Eglise , a la legislature j etc. ffommage a Goethe. — Les admirateurs anglais du grand poete se sont re'unispour faire sculpter un riclie cachet en or, dont la devise est une e'toile entoure'e d'un serpent qui se mord la queue , et le motto , la propie devise de Goethe : Ohne Hast; aber ohne Rast. (Sans hate, mais sans repos). Au bord du cachet, court une guirlande e'maille'e de roses rouges et blanches, sc'pare'es par les vertes feuilles du chene, ein- bleme de l'Angleterre : au-dessus , une tele de hibou , partant d'une touffe de lierre , et un beau masque de satyre , sont surmontc's par un bouquet de fleurs , au milieu desquelles on lit cette inscription : « Au maitre allemand , ses amis anglais ; 28 aout i83i. » C'cst ce jour-la, anniversaire de la naissance de Goethe , que ce pre'eieux joyau lui a e'te pre'sente. Lesjournaux anglais donnent comme autographe du grand maitre de la litte'rature romantiquc ces quatrc vers francais , d'une ecrilure tres- ferme, signc's par Gcethe, et date's du a/fjuin i83o : CKaquo jour est un bien que du cicl je rcfoi , Profitons aujourd'liui dc celui qu'il nous donne ; II n'appartient pas plus aux jeunes gens qu'a moi , Et celui de domain napparlicnt a personne. Ad. IYI. 56o EUROPE. RUSSIE. Numismatique. — Une de'couverte inte'ressante a e'te faite l'anne'e dernicrc dans l'ile de Tainan. Un proprie'taire , deraeurant a l'extre'initc dc la baie dc ce nom , a trouve , apres une forte pluie , une petite mc- daille d'argent , repre'sentant d'un cote le buste d'Hercule , revetu de la peau du lion , et sur le revcrs , dans un carre en creux , une tete de cheval , avec la le'gende : Sivcftov , c'cst-a-dire monnaie des Sindes. Ce pre'cieux inorccau , d'une belle execution , et parfaitement con- serve', appartient c'videmment aux Sindis , tribu du Caucase cpii , sui- vant les ancieus ge'ographes , babitait les bords de la Mer-Noire , et les montagnes les plus avance'es de la chatne du Caucase , aux environs d' Anapa. Quelques colonies grecques e'taient e'tablies dans le pays des Sindes , telles que Gorgippia , Hermoniassa , Apaturam , le port Pindicus. C'est probablement dans une de ces villes que la me'daille nouvelleinent de'couverte avait e'te frapp e'e. Ad. M. ALLEMAGNE. L' Hermes a cesse' de paraitre cette anne'e ■ cc recueil scientifique t-t litte'raire, l'un des plus justement estirnc's de rAUeinagne , e'tait par- venu au 35'' volume ( i3e anne'e de publication ). Dirigc d'abord par le professeur Krug , puis par Fe'diteur lui-merae , M. Brockliaus , ii l'e'tait depuis 1824 par le docteur Schmid , conseillcr a labautc cour d'appel d'le'na. Des e'crivains distingue's dans toutes les branches de la science et des lettres ont pris part a sa redaction , qui n'a pas cesse de me'riter la faveur des homines studieux. Comment done expliquer le sort qui vient de frapper cette utile entreprise , et qui menace plus 011 moins presque tous les recueils de ce genre ; si ce n'est par 1' absence d'ide'es genc'ralcs , seules capables dc donner une valeur aux travaux dc detail en les coordonnant entre eux ? Ces travaux, en effet, concus et execu- te's dans l'isolement , n'offrent plus , malgre le talent ct le savoir de leurs auteurs, que repetition et incoherence. Des membres e'pars ne forment point un corps , qu'ils soicnt rassemble's , systc'matisc's , harmonises ; la vie n'est qu'a ce prix. ITALIE. Coup d'ceil S268 FHANCE. principaux alimcns. MM. les commissaires tcrmincnt lew rapport en demandant que 1' Academic clonne son approbation au mc'moirc de M. Onlrochet. Ccs conclusions soul adoptees. MM. Nobili et Melloni pre'sentent un instrument de leur invention, nomine thcrmo-muitiplicateur, au moyen cluquel on parvient a appre'eier des variations de temperature si petitcs et si passagercs qu'elles ne son! mdlemrnt indique'es par les thermoscopes ordinaires. Parmiles re'sultats obtenus a l'aide de cct appareil plusicurs sent entierement neufs et qucl- ques-uns comple'lemcnt inaltendus. La piece principale du thermo-mul- tiplicateur consiste dans une pile thermo-e'lectrique compose'e de 38 e'lc- mens (antimoinc ct bismuth) minis sous des angles trcs-aigus, ct disposes de manierc a ce que toutes les soudurcs paires sc trouvent d'un cote' et sur un memo plan , toutes les soudurcs impaires de l'autre et e'galcmcnt sur un meme plan. Ces lames sont engage'es vers le milieu dans un mince dia- phragme de substance idio-c'lectrique , qui forme un e'eran entre les sou- durcs paires et impaires, de sorte que lorsque les unes sont expose'es aux rayons partant d'un foyer unique de chaleurjes autres en sont garanties parl'e'cran. Cc diaphragrnc serl deplusa soutenir un anncau qui failpartie du support de rinstrument dont la pile se trouve ainsi isole'e eler triquc- ment. E anncau pent recevoir diffe'rens ajustages me'talliques , dont les tins sont cylindriques et destines a empecher l'arrive'e de rayons calori- fiques jiartant dc toute autre source quedu foyer soumis a 1' experience; les autres sont coniques et servent a faire converger , vers la face ante'- rieurc de la pile, les rayons partis d'un foyer dont la temperature est peu eleve'e. La seconde piece de l'appareil est un galvanometre a deux aiguilles , spe'cialement destine aux courans thermo-e'lectriques. On e'tablit la com- munication entre la pile et le galvanometre en inlroduisant , par des ouverturcs pratique'es aux points convcnables de l'anneau, les extre'mite's dc deux conducteurs me'talliques flexibles. Les communications e'tant ainsi e'tablics, il est evident que, tant que la temperature sc mainliendra e'gale des deux cote's de 1' e'eran dans lequel la pile est engage'e, les forces electiomotiices ne cliangeront pas, el que l'indicateur ne donnera aucun signe dc mouvement. Mais qu'au conlraire, des que l'unc des faces sera soumise a une nouvcllc source de clialcur, l'autre restant dans le meme PARIS. 56q etat , il se produira dcs courans d'e'lectricite qui parcourront le circuit mc'talliquc et i'eront devier plus ou moins l'aiguille du galvanomctre. Les premiers cssais faits avec le thermo-multiplicateur devaient avoir pour objet de comparer le degre dc scnsibilite de cet instrument et des tliermoscopes ordinaires. Mais, en raison dc l'imperfection des ther- moscopes que MM. Nobili et Melloni avaient a leur disposition , les expediences n'ont pas donne' des rc'sultats bien precis; seulement ils ont permis d'apercevoir une imperfection grave dans tous les instru- raens employe's jusqu'ici pour reconnaitre de petites quantite's de chaleur rayonnante. Quand on expose une lame de verre au soleil oiu toute autre source de rayons calorifiques , une partie seulement des ravons qui arrivent a la face ante'rieure traverse instantane'ment l'e'paisseur du corps transpa- rent; l'autre portion de la chaleur s'arrete dans les premieres couches , s'y accumule jusqu'a ce quelle ait acquis un certain degre' de force , et se propage ensuite de proche en proche jusqu'a la face poste'rieure. La premiere partie est d'autant plus petite par rapport a la seconde que la temperature de la source de chaleur est moins c'leve'e; d'oii il re'sulte e'videmment que, si les raycns proviennent d'une source tres-faible, ce qui en passe instantane'ment a travers la lame de verre se re'duit pres- qu'a rien. On voit done que les tliermoscopes, qui tous sont recouverls d'une cage de verre , sont par cela meme places dans une circonstance tres-de'favorable. Ce de'faut n'existe point dans le thermo-multipliea- teur, aussi indique-t-il le passage momentane d'un corps e'ehauffe tres- le'gerement ; tandis que le thermoscope de Reaumur, place dans les memes circonstances , reste comple'tement insensible. Une autre se'rie d'expe'riences a e'te entreprise pour determiner la ra- pidite du passage de la chaleur rayonnante a travers les corps transpa- rens. En general le passage instantane des rayons calorifiques a travers les corps scmble de'pendre de leur degre dc transparence , et cette rela- tion a paru constante pour toutes les premieres substances soumises aux experiences; savoir : le sulfate de chaux , le mica, 1'huile, l'alcool et 1'alcide nitrique; mais cette loi s'est trouve'e tout-a-fait en de'faut a Re- gard de l'eau. Ce liquide, en effet, ainsi que l'ont reconnu les auteurs du Me'moire , intercepte le passage instantane des rayons calorifiques , et 1'intercepte comple'tement : de sorte que , quelque mince que soit la TOME LI. SEPTEMBRE 1831 . 45 O70 FRANCE. couchc de liquidc, quand un parcil diapliragmc est interpose, on pent faire passer un boulet rougi a une assez petite distance sans que l'ai- guille varie en ricn. II e'tait difficile, apres avoir observe' la per- rac'abilite instantane'e de l'alcool , de l'huile et de 1'acide nitrique, de croire que la non-perme'abilite de l'eati de'pendit de son c'tat de li- quiditc'. Cependant les experiences ont e'te faites avec l'eau a l'e'tat so- lide, ct les re'sultats n'ont point etc' alte're's. Cettc proprie'te de l'eau sera- ble done tenir a sa composition chimique et non a son e'tat physique. La troisieme se'rie d'expe'riences a eu pour objet de determiner la chaleur prop re des insectes , du phosphorc et dc la lumiere lunaire. Pour les insectes , on a long-tems cru que leur temperature e'tait celle de Fair ambiant; cependant, comme il est certain que cesanimaux res- pirent , qu'il se forme en eux de 1'acide carbonique, et que par conse- quent il s'y opere une combustion qui doit etre un source de chaleur , Davy a pense que leur tempe'rature devait etre supe'rieure a celle de 1' atmosphere. En effet, en introduisant dans leurs corps un tres petit thermometre, il a vu en ge'ne'ral survenir une le'gere elevation du mer- cure. Cependant dans deux cas il y a eu abaissement. Au reste, le moyen employe par Davy e'tait fort iraparfait .- i° parce qu'il n'e'tait applicable qu'a de gros insectes ; i° parce que la masse du thermometre e'tant tres- grande par rapport a la masse de l'animal, 1'instrument produisait au contact avec le corps une grande soustraction de calorique ; 3° parce que 1' evaporation des humeurs suintant a la suite de 1'incision , de- venait une cause de refroidissement , cause a laquelle on doit probable- ment attribuer les deux cas anormaux dont nous venons de parler ; 4° parce qu'on observajt sur un animal souffrant. Avecje thermo-multiplicateur ces inconve'niens peuvent etre e'vite's. II suffit en effet de placer dans le prolongement cylindtique un petit diaphragme en fds mc'talliques ; l'animal est retenu entre ce re'seau et un couvcrcle de cuivre qui s'adapte a l'extre'mite libre du cylindre. L'extre'mite du prolongement conique est de meme ferme'e par un cou- vercle de cuivre ; de sortc que tout serait e'gal sur les deux faces de la pile , si cc n'e'tait l'insccte qui agit au moyen des rayons calorifiqucs partant de son corps , rayons qui , re'flc'chis par les surfaces brillantes de l'e'tui dans lequel il est enferme , arrivent prcsque tons jusqu'a la pile. Et ici on pent remarquer que l'insecte a sa temperature ordinaire, PARIS. 07 1 car ce n'cst point un animal incise, tounncnle , rnais quijouitau cou- traire de toute la liberte de ses monvemens. Or, avec cettc disposition, s'il y a chez lui nn exces de chaleur, cet exces devra se manifester par la variation de 1'aiguille daus le sens positif. C'est en effet ce qui s'est vu dans tous les cas. En comparant les re'sultats obtenus siu- des le'pidoptcres , dans leurs diffe'rens e'lats, MM. Nobili et Bclloni sont arrives a unc loi constante; savoir, que les chenilles possedent toujours une temperature plus elevee que les papillons et les chrysalides. Or comnie chez la cbenille la respiration est beaucoup plus active , et l'appareil respiratoire plus de'veloppe que dans l'insecte parfait , il en resulte que la the'orie qui at- tribue la chaleur aniuialc a une combustion lente pent s'appuyer de ce qui se passe dans les insectes , aussi bien que de ce qui a lieu dans les diverses classes de. vertc'bre's. II existe plusieurs corps qui , comme les insectes , donnent lieu a croire qu'ils possedent une temperature un peu diffe'rente de celle de 1' atmosphere : on peut s'en assurer par la menie e'preuve , et c'est ainsi qu'unc deviation de 5o° a e'te obtenue par l'inlroduction dans l'inte- rieur de l'appareil d'un tres-petit morceau de phosphore, qui, meme au contact du thermomelre le plus de'licat , ne donne aucun indice de chaleur. Les auteurs du Me'moire ont cherche de meme a e'valuer l'influence calorifique des rayons lunaires; mais des difflculte's inattendues se sont presentees et ne leur ont pas pcrmis jusqu'a present d'e'earter les causes e'trangeres de variation de temperature qui viennent compliquer l'ex- pe'rience. Au moyen d'une modification assez le'gere , MM. Nobili et Belloni ont adapte leur appareil a l'appre'ciation des pouvoirs e'missif , absor- bant et re'flecteur des corps. Parmi les substances me'lalliques ils ont i-e- connu que le meilleur re'flecteur du calorique est le mercurej puis viennent les aulres mc'taux dans l'ordre indique' par Leslie. Mais ce qui est ncuf, c'est la rcmarque qu'ils ont faite que le poli augmente fort peu le pouvoir refle'ehissant; en substituant en effet une lame de laiton brut , et tel qu'il sort de la fonte , a une lame de meme quabte , mais porte'e au dernier degre de poli, ces deux savans n'ont observe' qu'une diminution de 'i degre's sur 3G. 572 FRANCE. Lcs substances non me'talliqucs n'ont qu'a un tres-faible dcgre la fa- culte de rc'fle'cliir la chalcur , quel que soit d'ailleurs 1'e'lat de leur sur- face. Lcs recherches sur 1c pouvoir e'missif n'ont fait que confirmer des lois de'ja connucs; quant a la faculte absorbante, les experiences ont prc- scntc des re'sultats reraarquables. Voici comment proce'daient les obser- vateurs : Les substances dont on voulait connaitre la force d'absorption etaicnt colle'es sur des disques en fer-blanc qui portaicnt du cote oppose une tigc centrale perpendLcnlaire a la surface. On lcscxposaitensuitcquelque terns aux rayons solaires , puis on les pre'scntait par couples au thermo- multiplicateur muni de deux appendices cylindriques . en les appliquant aux ouvcrtures memes des tubes. Chaque disque lancait vers la face correspondante dc la pile la chaleur acquise , et fiudex inagne'tique tournait du cote le plus fort. Pour obtenir une contre-e'preuve , il suffi- sait de changer la place respective des disques et dc voir si k variation dcTaiguille avait lieu en sens contraire. En operant de la sorte on n' avait pas de resultats absolus , mais on connaissait avec une grande; exactitude si telle surface jouissait d'un pouvoir absorbant plus fort que telle autre. Ces experiences , varie'es de beaucoup de manicres , donnerent con- stamment ce re'sultat, que le pouvoir absorbant est pre'eise'ment en raison inverse de la faculte conductrice des substances. Ainsi, pour les e'toffes, la couleur e'tant la meme, on obtint l'ordre suivant de force absorbante : soie , laine , coton , Un et chanvre. Pour la conductibi- lite', e'est tout juste l'inverse. De meme dans les me'taux l'cclielle de conductibilite est , comme on le sait, cuivre , argent , or, acier, fer, etain et plomb. Celle qui re'sulte, pour la faculte absorbante, des cx- pe'riences faites avec le tbermo-multiplicaleur , s'obticnl en renver- sant cxactement cet oidre. On trouve dans la nature plusieurs mine'raux qui affectcnt la couleur jaunatre des substances ligneuscs. Des plaques deccs pierres furent com- pare'es avec des plaques de bois e'gales, autanl que possible , a clles . pour la couleur el I'e'tal du poll. Lebois, ])lus inauvais conductcur que les luinei.iuv , (luuiia toujours la plus grande force absorbante PARIS. 573 Le plomb fut compare a unc pierre de couleur analogue qui , moins bonne conductrice, se montra toujours plus absorbante. Au premier abord on serait tcnte de croire qu'un tel rapport inverse entre lespouvoirs absorbans et conducteurs n' est qu' apparent , et derive de la resistance plus ou moins grande que lc mouvement de la cbaleur e'prouve par Taction des corps ; de telle sortc que le calorique , ne pon- vant passer librement dans les couches inte'rieures de la substance pcu conductrice , s'accumule a la surface en quantite plus grande que dans les substances doue'es d'une meilleure conductibilite' 5 mais alorsla sur- face poste'rieure, dans le disque compose' de matierepcu conductrice, de- vrait e'videmment acque'rir une temperature moins e'leve'e que dans le disque forme par le corps qui conduit le mieux la cbaleur, et, en loui- nant dti cote de la pile la face de cliaque lame, qui n'a pas recu l'im- prcssion directe des l'ayons solaires , on devrait obtenir un effet in- verse. Or cela n'a point lieu, car quelles que soieut les surfaces des deux lames que Ton pre'scnte au fhermo-multiplicateur , on obtient toujours le meme re'sultat. On peul done conclure qu'a e'galite de circonstances dans la couleur et l'e'tat de la surface, un corps est d'autant plus doue du pouvoir ab- sorbant que sa conductibilite est moindre. — Du \'i septembre. — M. leministre du commerce adresse dcslrag- mens d'une ae'rolilbe tombe'e a Vouille', de'partemcnt de la Vienne. Une note deM.Babaut, conservateurduMuse'ed'histoircnalurellc de Poitiers, donne quelques details surla chute de cette pierre, qui pesait vingt ki- logrammes. Le fait lc plus remarquable est que cette ae'rolilhe, aprcs avoir fait dans sa chute un trou de /j.o decimetres de profondeur,partie aux de'pens de la terre ve'ge'tale superficiellc , et partie aux de'pens de la roche calcaire du dessous dont elle a rejete de nombreux fragmens , a e'te' clle-meme rejete'e sur les bords de la fosse. MM. The'nard, Bron- gniart , Cordier et Berthicr sont charge's d'analyser les fragmens rears par rAcade'mie. M. Rusconi remercie 1' Academic de la me'daille d'or qu'elle lui a accorde'e pour scs travaux d'anatomie compare'e , et fait remarquer que, dans sa patrie, de pareils travaux trouvent d' ordinaire bien peu d'en- rouragement, le nouveau plan d'elude venu de Vienne considerant 5^4 FRANCE. l'anatomic compare'e commc une simple de'pendancc de l'art vc'le'rinairc. M. d'Arcct lit une note sur l'emploi alinicntaire de la gelatine , en re'ponse au mc'moirc ct a la lettrc que M. Lonne' a lus a 1'Acade'raie sur le memesujet. M. d'Arcet commence par discuter 1' observation faite par M. Donne sur lui-meme. En ramenant a l'e'tat sec, au moyen du calcul, tous les alimens pris par l'expe'rinientateur pendant les cinq jours qu'il s'est nourri de gelatine sucre'e et de pain , on trouve qu'il a consomme dans ce temps 276 grammes de pain sec et 184 grammes de gelatine seclie. En operant de meme pour les alimens pris par lui pendant les cinq jours qu'il s'est nourri a la maniere ordinaire , on voit qu'il a alors consomme dans le meme cspace de tems 78 grammes d'extrait de bouillon sec, 55 grammes de viande de'sse'che'eet83i grammes de pain sec. Dans le premier cas, il n'a done pris que 46o grammes d' alimens sees, tandis que dans le second il a consomme dans le meme espace de temps 964 grammes d'alimens calcule'sa l'e'tat sec. On voit done qu'en se nour- rissant de gelatine, M. Donne n'a pas pris la moitie de la quantite' de substance alimentaire dont il a fait usage lorsqu'il s'est nourri avee du bouillon ordinaire, de la viande et du pain; mais on trouve en outre qu'en employant la gelatine, il a pris 4o parties d'alimens en dissolution contre 60 d'alimens solides , tandis qu'en se nourrissant corame de coutume , il a pris seulement 8 d'alimens en dissolution contre gi de substance ali- mentaire et non dissoute. Les experiences faites par M. Donne, sur des chiens , ne sauraient infirmer des re'sultats tout contraires , obtenus dans des expe'riences nombreuses et prolonge'es sur les memes animaux. Quant aux re'sultats obtenus par M. Desjoberts , sur des veaux , outre qu'on pourrait dire que, de tous les animaux, les herbivores sont les moins propres a elre alimente's par la gelatine , -on peut observer que ces ex- pe'riences e'laient conduites de maniere a ne pouvoir reussir , et l'obser- vateur lui-meme l'a reconnu depuis. Voici les details qu'il a donne's a ce sujet : II nourrissait comparativement des veaux avec 18 litres de lait-et 18 litres de solution de gelatine; or, dans le premier cas, il donnait par vingt-quatre heures a chaque veau 162 grammes de beurre, 63o grammes de matiere case'euse seche , nao grammes de sucre de lait , 188 grammes de substances salines et de matiere extractive ; ce qui fait en tout 1,700 grammes dc substances alimcnlaires seches, tandis qu'en PARIS. 5j5 nourrissant un veau a la gelatine, il ne lui en a donne auplus par jour que 36o grammes ou quatre ibis raoins d'alimens sees. Ajoutons que d'ailleurs, dans le premier cas, le lait se caillant en arrivant dans l'esto- mac , le veau a re'ellement recu 792 grammes d'alimens solides ct 908 grammes d'alimens sees, mais en dissolution, tandis que, dans le second cas, on ne lui a pas donne' d'aliment concret, et qu'il n'a eu en outre dans ce cas pour se nourrir que 36o grammes de gelatine seche en dissolution dans 18 litres d'eau. M. d'Arcet, avant de terminer, donne lecture d'une lettre de l'agent de surveillance de 1'hopital Saint-Louis, a l'administrateur des hopitaux. II re'sulte de cette lettre que l'einploi de la dissolution ge'latineuse a produit une amelioration sensible dans le regime alimentaire de 1'hopi- tal] que les malades et les gens de service l'ont toujours prise avec plaisir , et que les plaintes, quand il y en a eu, ont porte uniquement sur la plus ou moins grande quantite' de sel qu'on y ajoutait; qu'il n'y a point d'exemple que la gelatine se soit corrompue dans les vingt-quatre heures, de maniere a laisser 1'hopital sans bouillon. Une seule fois, dans les journe'es de la revolution , elle se corrompit, mais die avait e'le garde'e trois jours , ce qui est un cas tout-a-fait bors de la regie; qu'en- fin l'appareil fonctionne toujours et qu'on n'apercoit point de motifs pour discontinuer. M. Arago communique une lettre de M. Matteucci, dans laquelle ce savant expose des experiences au moyen desquelles il croit avoir de'mon- tre' que la chaleur obscure rayonnante pre'sente, comme la lumiere, le phe'nomene de l'interfe'rence. M. Arago fait remarquer qu'en se servant d'un corps lumineux un pen etendu on ne parvient point a obtenir les alternatives de franges obscures et lumineuses; qu'il en doit etre de meme pour la chaleur rayonnante obscure , si le corps ecliaiiffant a un grand diametrc, comme est la barre de fer dont s'est servi M. Mateucci: il en conclut que les re'sultats obtenus par le savant italien, s'ils ne doivent pas etre rejete's absolument, ne sauraient du moins etre adopte's avant que des experiences re'pe'te'es en aient suffisamment constate 1' exac- titude; le fait d'ailleurs est assez important pour que des raisonnemens peu favorables aux succes de l'cxpe'rience ne de'tournent pas de la faire. M. Girou de Buzaraingues lit un me'moire sur 1' amelioration des moutons , des boeufs et des cbevaux. L'auteur considere successivement 576 FRANCE. dans ccs animaux la taillc , la forme ct les qualite's. Pour la taillc , il c'tablit qu'cn general clle doit etre calculc'e sur cellc des plantcs qui ser- viront de nourriture aux animaux , e'est-a-dire qu'un sol 011 la vege- tation est luxuriante sera propre a nourrir des betes de haute taille , ct que par consequent l'agriculturc, qui donnc les moyens d'accroitre la taillc des ve'ge'taux, doit fournir egalement celui d'obtenir les races plus grandes. Dans les terrains sees , montueux et qui en de'pit de tons les efforts de 1« culture ne peuvent donner qu'une berbc courte et clair- senie'e, on nc doit point cberclier a introduire des moutons de grande race qui y dc'pe'riraient , mais ceux de petite taille peuvent y re'ussir fort bien. Pour les bceufs qui ne peuvent pattre dans les prairies arlificielles sans inconve'niens graves, et qui ne peuvent user a l'etable des fourrages de ces prairies sans que leur sante se ressente du long confinement en lieu clos , e'est encore sur la taille des gramine'es qui croissent sans arrose- mens dans les prairies naturelles que la taille doit etre calculc'e. Les chevaux, an contraire , pour peu qu^on ait soin de les faire promener , peuvent etre nourris sans inconve'niens a la creche ouau ratelier , a l'aide de fourrages artificicls et de ce're'ales; leur taille est done moins ne'ees- sairement de'pendante de la bonte des paturages naturels. G'est une des grandes crreurs des cultivateurs , dit 1'auteur dume'moire , que de vou- loir, quelles que soient les circonstances , obtenir de tres-gros bestiaux. Ce n'est meme que par 11 n de'faut de reflexion qu'on cherche a e'lever sans mesure la taille des moutons. Outre qu'un gros mouton ne pent meltre a profit les terres arides , il a proportionnellement moins de sur- face et par consequent moins de laine qu'un petit , etla finesse de celle- ci est, toute chose e'gale d'ailleurs, en raison inverse de la taille. Quant a la chair, celle du mouton de petite taille est en ge'ne'rale plus deli- cate ct plus estime'e. Ce n'est pas "a dire pourtant que, dans un terrain dont la vegetation est propre a de grandes races , on doive chercher a en obtenir de pelites. Si Ton croyait arriver a ce re'sultat en affamant les animaux, on se tromperait grossieremenlj on ne fera que de'truire le troupeau, sans abaisser la taille. Un des motifs qui out porte les agri- culteurs a e'lever des moutons de grande race , e'est que le droit percu par 1' octroi est le meme , quelle que soit la taille de l'animal. II serait a de'sirer que ce mode de perception flit change, et que ce droit, au lieu d'etre fixe pour chaque tete, fut pris proportionnellement au poids. PARIS. 577 L'auteur du rac'moire s'occupc ensuitc de ] 'amelioration a donncr aux formes; et d'abord, pourles moutons,il remarqucquesuivant qu'on con- sidere l'animal comme bete a laine , comme bete a lait ou comme devant donner de la viande de boucherie, on doit s'attachcr a obtenir des ac- croissemcns diffe'rens de parties , de sorte qu'il est en quelquc sorte im- possible de re'unir tontes ces qualites sur un meme individu. II en est de meme jusqu'a un certain point pour la race bovine. La vache bonne laitiere doit avoir le pistres-de'vcloppe', le bassin ample, le corps long , le cou mince , le front e'troit , les corncs pctites , mais la machoire forte et la bouche bien fendue. Cependant la race bovine e'tant spe'cialement utile par son travail et par la viande de boucberie qu'elle fournit, ce sont les formes dc la force qu'on doit cbercher de preference a donner au taureau. Le boeuf dont le cuir est souple et mince , le poil fin et brun , est sensible a l'aiguillon; s'il'a le dos et le poitrail larges et la cote ar- rondie, il s'engraisse bien et facilement; s'il a de plus les extre'mite's fortes, il est puissant au travail. Pour ce qui est des formes des clievaux, cc sujet e'tant tres-vaste, l'auteur s'occupeseulement dc ce qui a rapport aux chevanx de course : cbez ces chevaux la tete et le cou font office de balancier. Le coureur e'levc la tete au moment du depart, et la jette en- suite en avant en meme terns que le corps : la force qui re'sulte de ce moii- vement est enraison dela longueur ducou et dela grosscurde la tete mais on sent que cette longueur ainsi que ce volume doivent etre dans des rap- ports determine's, et que plus le cou est long moinsla tete doit etre grosse. Le muscle commun de la tete, du cou et du brass'attachant aux apo- physes transverses des premieres vertebres cervicales, le cheval, lors- qu'il e'leve le bras, trouve un point d'appui a Texti-emite du cou affermi par les extenseurs : aussi voit-on qu'il galope le cou en avant. Plus le cou est long , plus le muscle peut se contracter ; mais aussi plus les extenseurs doivent se fatiguer. Le cheval de course doit done avoir l'encolure plus allonge'e que le cheval de fatigue ou de voyage. Afin de pouvoir s'arreter plus aisement dans un galop pre'eipite, le cheval doit avoir la faculte de rejeter la tete en arriere , e'est-a-dire qu'il doit avoir l'encolure renverse'e. Le garrot doit etre saillant au-dessus des e'paules , afin que les extenseurs des premieres vertebres dorsales agissent sur un grand levier, et relevent avee force et rapidite les parties ante'rieures dans le cas oil l'animal veut s'aireter, comme dans celui ou il est rae- 46 578 FRANCE. nace de tomber en avant. Si 1'e'pinc du dos est le'gercmcnt voiitc'c , Ic poids du cavalier en determine l'aplatissement et facilite 1' extension du galop. Le contraire a lieu si les reins sont Las. Si la croupe est pres- que horizontalc , lc femur pent se porter plus loin en arriere que si la croupe est avale'e. La respiration doit etre facile, les poumons arnplcs par consequent, ellapoitrine large. Le ventre trcs-de'veloppe ajouterait inutilement au poids ; ainsi le cheval de course doit etre levrette'. L'au- teur du mc'inoire passe succcssivement en l'evue les diffe'rentes parties du corps du cheval de course, et indique les causes qui rendent avanta- geuses certaincs dispositions. 11 passe dela au moyen d'acque'rir ces for- mes rcconnues desirables, et d'abord il rappclle que dans le poulain lc pere transmet plus spe'cialement les formes externes, surtout celle des cxtremitc's et notamment des extre'mite's ante'rieures • (pie la mere trans- met plutot sa resscml)lance dans les organes internes , et dans quelques- unes des formes externes qui en dependent , commc sont la figure du tronc el de la croupe; enfin qu'elle a plus d'influence sur la taille. 11 deduit de ces observations, qu'a difference de taille cntrc le pere et la mere ,il vaut mieux quel'avantage soitdu cdte'de celle-ci. II remar- que de plus que la race de l'e'talon doit etre plus ancienne que celle de laferaelle, car, toutes choses c'gales d'ailleurs, la race la plus ancienne exerce la plus grande influence ; de sorte qu'on arrive a ce re'sultat que le moyen d'avoirde beaux produits est de donner a l'e'talon de[ sang pur des femcllesqui n'aient pas dutout de race. La nourrilure est aussi d'une grande importance pour les formes du cheval de course. Avec du trefle, de la luzerne , de la pailie, on fera un cheval ventru. C'est pour avoir cru qu'on pouvait clever des chevaux arabes commc 1 os chevaux de vile race qu'on a obtenu, dans les haras de la pure race arabe memc , des e'leves aux formes les plus communes. Aim d'obtenir une letc petite on doit avoir soin de placer la nonrriture de manicj'e a ce que f animal aittoujourslateteliautc.Sionlelaisseprendre sa nonrriture a terre, l'ha- bitude d'e'earter les jambes le fait devenir panard; si on lelaisse expose' habiluellemcnt aux intempe'ries del'air, lc besoin de dcrobei ses cuisscs au vent ou a la pluie par le moyen de sa queue lui fait rapprocher les jarrcts, en meme terns que lc besoin de couscrver l'e'quilibre lui fait e'caiter les pieds, et ainsi il devient clos des jarrcts. On ne doit done pas espe'rer de conservcr au cheval de course ses formes distinctives, si PARIS- 079 on le livre sans reserve a toutes les influences des habitudes ordinaircs et du climat. Du\q septembre. — M. Girou'communique a 1' Academic les rc'sullats de deux experiences sur la culture des ce're'ales. La premiere tend a prouver qu'il y a de 1'avantage a employer, pour cnscmcnccr un champ, les grains les mie;;x fournis , et que 1' economic qu'on pent Irouver a employer dans les scmailles des grains de rebut est loin d'e'quivaloir au deficit qui se montrea 1'c'poque de la re'colte. La seeondc montrc que les preparations employees pour preserver le hie de la carie nc peuvent etre conside're'es comme efficaces qu'autant que la seinence employee nc provient pas elle-meme d'nnc re'colte infecte'e de earie , quelque soin que Ton ait mis d'ailleurs a ne prendre que des grains sains en appa- rence. M. Warden communique un tableau de la population des Etats- Llnis en i83o. Cette population e'tait alors de 13,793,697 ames , dont 339,3Go gens de coulcur libres, et 2,011, Sao csdaves. L'augmenta- tion en dix anne'es , depuis le dernier reeensement , a etc de 3, 1 55,40,3. M. Navier fait un rapport trcs-avantageuxsur un nouveau Me'moire, dans lequcl M. Blom, inge'nieur suedois , donne de nouveaux details sur la construction des- maisons en bois invente'es par lui, et re'pond a qucl- ques objections presenle'es a ee sujet. M. Blom, au reste , annonce l'in- tention de faire venir en France une de ses maisons mobiles , et e'est alors qu'on pourra juger avec plus de certitude des avantages qu'cllcs pre'scntent pour notrc pays. M. Mathieu fait, en son nom ctceluide MM. Giraid, Arago et Damoi- seau , un rapport sur un Me'moire de M. Girou de Buzaraingucs, ayant pour objet la distribution des mariages, des naissanceset des sexes dans les diffe'rens mois. Dans ee Me'moire , M. Girou a principalement pour objet de montrcr que la reproduction de lhomme est soumise aux memes lois que celle des animaux domestiques , et que les circonstanccs qui elevent ce qu'il appclle la puissance motricc de l'liomme en affaiblissant cclle de la lomme favorisent la procreation du sexe masculin. Ainsi l'liomme pent devenir plus 011 moins apte a procre'er des garcons et des Giles suivant qu'il se livre aux cxcrcices qui de'veloppent la force mus- culaire , on a Foisivete qui la fait de'ehoir, suivant qu'il pratique l'oisi- vetc ou rintcm];e'rance. Le travail de M. Girou est fonde sur le mouve- 58o FRANCE. mcnt de la population en France pendant une dizainc d'anne'es , et sur la comparaison , mois par mois, des naissanccs, et par suile des con- ceptions avec la succession des travaux amene's par les revolutions des saisons. MM. les couimissaires terininent leur rapport en proposant que l'Acade'mie engage M. Girou a continucr ses inte'ressantes recherches pour verifier ct bien constater les re'sultats auxquels il est parvenu. Ces conclusions sont adopte'es. M. Auguste Sainl-Hilaire fait, en son nomet celuide MM. Cassini et Desfontaines , un rapport sur un Me'moire de M. Poiteau , lu dans une des seances pre'ee'den'es. M. Poiteau a cherche a appuyer par de nouveaux faits une opinion avance'e d'abord par Labire , puis de'veloppe'e et soutenue par M. Du Petit Tbouais ; opinion qui consiste a admcttre que les fibres ligneuscs qui se forment chaquc anne'e precedent des bourgeons de l'anne'e pre- ce'dente , et en sont comme les racines. MM. les comraissaires combat- tent cette idee ; et aux faits avancc's par MM. Du Pctit-Tbouars ct Poiteau ils en opposent d'autres qui ne pcuvent s'accorder avec l'by- pothese en question. Parmi ces faits , nous nous contenterons d'en citer un seul qui semble tout-a-faitconcluant. Si Ton enleve au tronc d'un e'rable- sycomore un large anneau d'e'eorce , et qu'on y substitue un anneau d'e'galc dimension emprunle a l'c'corce d'un e'rable rouge, la soudure s'opere en pen de terns, et l'arbre continue a grossir. Si, au bout de quelques anne'es, on fait dans le tronc une coupe longitudinale et passant par l'axe , on remarque que toutes les coucbes annuelles de bois qui ont etc formees depuis l'e'poque de la greffe pre'sentent une bande rouge dans la partie qui correspond a l'anneau d' e'rable rouge. Cependant si cet anneau n'avait rempli d'autre objet que celui que suppose M. Poiteau, e'est-a-dire fournir un abri aux radiculcs descendantes des bourgeons du sycomore blanc, ce serait, racme dans cet espace , dubois de syco- moreblanc qu'on devrait trouver : puisque e'est, aucontraire, du bois de sycomore rouge qui a etc' produit, il faut bien admcttre, avec la ge'ne'ralite des botanistes , qu'il a e'te forme par l'exstidation dc la partie interne^de l'anneau d'e'eorce de sycomore rouge. Du uG seplembre. — M. d' Arcct demande a ne plus faire partie de la commission cliarge'e d'examiner les proprie'te's nutritives dc la gelatine. M. Aragd comnnmicpic une lettre de M. Blosseville, datee dc Nava- PARIS. 58 1 rin , et dans laquelle on trouve des details sur File qui fut apercuc pour la premiere fois, lc i8juillet, par des pecbeurs de Draparno. Lorsque l'auteur de la lettre l'a vue , elle avait deja acquis un de'velop- pement considerable , pres de trois milles de contour et au moins 200 pieds d' elevation a sa partie moyenne; le cone laissait e'chapper des vapeurs e'paisses et blancbatres , mais point de flammes ni d'e'tincelles. Un batiment, qui passait de nuit pres de Pantellaria, a affirme' avoir vu des jets de flammes sortir de l'ancien cratere de celte ile. Ce fait serail important a constater, puisque le volcan de Pantellaria est de ceux qui n'ont donne' dans les tems historiques aucun indice d'activite. M. Blosseville donne les de'terminations astronomiques de la nouvelle ile, et adresse en meine tems line se'rie d'observations magne'tiques faitesa Smyrne, Napoli, etc; observations qui paraissent faites avcc unc tres-grande precision , etqui sont d'autant plus pre'cieuses que la science manquait absolument d'observations de ce genre pour toute l'Asie- Mineure. L'Acade'mie procede a la nomination d'un mcmbrc de la section d' eco- nomic rurale. Le nombre des membres presens est de quaranle-trois, celui des votans de quarante-deux : au premier tour de scrutin M. Du- trochet re'unit 28 suffrages , M. Micbaux 8 ; M. Girou de Buzarain- gue 3, MM. Huzard fils, Virey et Mathieu de Dombasle, chacun un. M. Auguste Saint-Hilaire fait, en son nom et celui de M.de Cassini, un rapport tres-favorable sur un Me'moire de M. Vallot, relatif a la synonymie de diverses plantes de l'Afriquc australe. M. Reboul, correspondant de l'Acade'mie, lit un pre'cis de ses observa- tions sur la structure des Pyrenees, et le resume dans les observations suivantes. i° Les Pyre'ne'es ne sont point dirige'es, comme on l'annonce commu- ne'ment, de l'E.-S.-E. a TO.-N.-O., mais a i5° au moins au sud decet alignement. Get axe en effct commence dans la Me'diterrane'e au cap de Cervercs, dont la Crete se'pare les coursd'eau dirige's vers lenordde ceux qui coulent au midi. A l'occiclent , Texti-emite de l'axe pyre'ne'en est plus difficile a determiner a cause de la bifurcation de la chainc, dont un rameau finit au cap Ortegal et l'autre au cap Finislere; mais un ali- gnement dirige' du cap Cerveres au point oil commence la bifurcation , et qui vient attcindre la mer pres de la Corogne, semble rciuplir le 58'2 FRANCK. micux lcs conditions prescrites pour un axe ge'ographiquc. Or cct ali- gnement s'e'carte sculement dc 6 a 70 de la parallellc a 1'c'quateur. a0 La direction des strates dansles Pyrenees est rarement parallellc a l'axedelacliaine. Cesslratessont presqucpartoutdirige'esvcrsrO.-N-.O., ct nous avons vu que e'est mai a propos qu'on avait suppose eclte direc- tion a l'axe. . 3° Lcs Pyrenees $e composant de plusieurs aretes qui affeclent des directions diffe'rentcs, soit dans l'aligucment de leur masses, soit dans celui de leurs strates, ne constituent pas unc chaine simple et qu'on puisse supposcr avoir e'te' forme'e d'un seul jet. 4° On trouve, dans les Pyrenees, les indices de roches soulevc'es a plusieurs e'poques, soit avant, soit apres celles des depots secondares les ])Ius re'eens porte's au sommct du Mont-Perdu. 5° Ces convulsions, qui paraissents'etresucce'dc'cs pendant une league dure'e des ancienncs pe'riodes , se sonl prolonge'cs, commes celles des Alpes , jusquc dans lcs terns assez avance's de la pe'riode tertiaire. M. Se'rullas lit unc note sur un nouveau compose de brome et de siliciumou bromure de silicium. Ce compose, qui n'avait encore jamais e'te obtenu , s'obtient par un proce'de semblable a celui qu'a employe M OErsled pour lc cblorure de silicium. M. Cagniard Latour lit un memoire sur l'effet sonorc produit par les solides de revolution, qui tournent avec une grande vitesse, suivi d'unc note sur la 1'ronde musicale. Efficacite du houx commun dans les fievres intermittent s . — Dans un de nos nume'ros pre'ee'dens , nous avons parle, a l'article de rAcade'mie des Sciences, d'un memoire du docteur Lmile Rousseau , sur l'efficacite des feuilles du houx commun ( ilex aquifolium) dans le traitement des fievres intermitlentes. Ge me'decin vient de pu- blier scs observations ainsi que celles qui lui ont e'te fournies par des praticiens distingue's, tant des hopitaux civils que maritimes, et de plusieurs nie'decins particuliers non moins rccommandablcs. Tons s'accordent a reconnaitre cette plantc indigene commc le plus puissant succe'dane du quinquina ct du sulfate de quinine. Bcaucoup d'o!isenra- tions rapporte'es dans cct ouvrage constatcnt que le houx a obtenu l'a- paris. 583 vantage sur 1c quinquina. Nous devons fe'liciter M. Rousseau d avoir fixe l' attention sur un moyen qui exempte la classe pea aise'e de !a so- cie'te du monopolc exorbitant de ce produit exotiquc. Le houx au con- traire estd'un prix tres-modique, et se trouve dans toutes les eontre'es de la France; on peut le recueillir et 1'employer dans toutes les saisons de l'anne'e avec le meme succes. Enfin ce me'decin phdantrope est parvenu, par sa perseverance, a faire isoler le principc actif du lioux, auquel il a donne' le nom d'ilicine , ce qui rendra d'importans services a la the'rapeutique. NOUVELLES DES THEATRES. Tueatre-Francais. — Deux pieces en un acte ont e'te representees le 5 et le 28 septcmbre : l'une {les Preventions) est emprunte'e a un cbarmant proverbedeM. Theodore Leclercq; F 'autre (PjEspipndumari, par M. Alexis) , se'rie de petites scenes agre'ables, a obtenu un petit succes. Mais bienlot, en voyant autour de lui le Vaudeville, la Porte- Saint-Martin et coiupagnie esquisser a plaisir quelques figures remar- quables du dix-huitieme siecle, monnoyer , pour ainsi dire , en drame, vaudeville , me'lodrame et farce, la vie d'intrigue et les royal es amours de Catherine II, 011 bien l'hisloire et les travaux de Mirabcau , ce gcntil- homme-peuple, amant de la reine a Versailles et tribun populaire a l'asseniblc'e nationale , le The'atre-Francais a voulu comme Irs autres contribuer pour sa part a celte prostitution des hommes et des choses du dernier siecle; il s'est empresse' dc nous ofl'rir la Famille de Lusi- gny. Or e'est apres une lourde piece dramatique de feu LacretcJle, apres un drame repre'sente froidement a l'Ode'on, ily a un mois, sousle titre de la Jeunesse de d'Alembert ( voyez plus bas Ode'on ) , que MM. Frederic Soiilie et Bossangesc constituent le droit de defigurer a leur gre l'aventure si connue de 1'ami de Diderot avec la marquise de Tencin. Leur piece, toutefois , se joue avec quelque succes. Theatre royal de l'Odeon. — (14 septcmbre.) Premiere et der- niere representation de la Jeunesse de d'Alembert, drame en trois 584 FRANCE. actcs, imitc dc Lacrctclle par M. Merville.Nous parlions tout a l'heurc dc la Famille de Lusigny; voici raaintenant la memo intrigue, maiscal- quc'e plus fidelementsur l'original : aumoins lcsnoms sont conserve's; et, Dicu aidant , avec les costumes a peu presde l'e'poquc , nous avonspu cora- prendre tant bicn que mal cequc cela voulait dire : Un enfant de famille distingue'e est abandonne en naissant a la pitiej pubhque. Un hommc du pcuplc le rectieille, l'e'leve et le nomme d'Alembert. Vous savez comment, plus tard, il rendit ce nom ce'lebre; comment la marquise de Tencin , sa mere naturelle, voulut reconnaitre alors, par vanite peut- etre, eclui qu'ellc avait de'savoue jadis; comment, enfin, le philosophe rcfusa ses offres brillantes et dit , en montrant la pauvre femme qui tout enfant l'avait e'leve : Voila ma veritable mere, je nen connais pas a" autre. Voila pour l'histoire. Quant au drame, le jeu de Lockroy et de mademoiselle Georges n'a pu paryenira animer cette ceuvre longue et froidc. Quinze jours plus tard environ, e'e'tait letour a Catberine II de paraitre surla scene, et, nouspouvons rendre cette justice a la piece de MM. Lockroy et Arnould, elleest la premiere en date, si non la meil- leure. — Charles VII chez ses grands vassaux , drame en 5 actes , en vers de M. Alexandre Dumas, a re'ussi sans opposition. Nous revien- drons peut-etre sur cet ouvrage , qui offre de grandes beaute's poe'ti- ques entremele's de de'fauts dramatiques. Theatre royal de l'Opera-Comique. — Lesportesde ce theatre se sontrouvertes, le 12 octobre, a quelques amateurs accourus sans doute pour voir si la jolie salle Ventadour avait e'te' restaure'e pendant cet en- tr'acte force de deux mois , oil si les acteurs chantaient un peu mieux qu'avant la fermeture. En nouveaute's , nous n'avons a signaler que le Roi de Sicile , opera bouffon , traite un peu se'verement a la premiere representation ( 1 7 octobre ) ; mais on compte sur la Marquise de Brinvilliers , drame lyrique en 3 actes , qu'on loue d'avance. Passons maintenant aux theatres .secondares. Le 7 septcmbre, le Theatre des Nouveaute's, qui, depuis juillet , s'intitule Theatre national , et qui pourrait s'appeler aussi justement the'atre politique , a donne Emile , sorte de plaidoyer en 4 actes de MM. Charles Desnoyers et Philippe Adolphe, contrc l'he're'dite de la pairie. Le lendemain ( 8 septembrc) , le Vaudeville lanpait son Mira- beau , drame-vaudeville en 2 e'poques ; Mirabeau amant de Sophie et PARTS. 56J Mirabeau orateur , tonnant contre la royaute , tandis qu'a la meme heme la Porte-Saint-Martin se raillait du juste-milieu , dc la litte'ra- ture , des pieces ct des autcurs, dans un petit vaudeville nomme la Caricature. Lc Theatre des Varie'tes , seul ait milieu de cettc petite guerre d' opposition et de pedantisme historique, est demeure toujours le meme, et partant amnsant toujours. Grace aujeii si naif a la fois et si couiique de Vernet, Carlin a Rome, ou VArleauinet lePape, vau- deville en un acte de MM. de Rochefort ct Gustave Lemoine, a re'ussi comple'tement, le 21 septembrc; ct le 5 octobre suivant,dans une nou- velie piece , le Chcvreuil, comedie en 3 actes, melee dc musique, par MM. Leon Halevy et Jaime, Odry , repre'sentant-un bon fermier an- glais , est d'une lourdeur et d'une betisc inimitables. — (24 octobre.) Lantara et Dorvigny , 0:1 Y Original des Jeannot , vaudeville en un acte, de MM. Brazier et de Coukcy , est une fort jolie petite piece, que Ton a vue avec plaisir. Vaudeville. — ( 6 octobre. ) Ici e'est encore une Catherine II, avec sa cour dissolue etcruelle, ses dots d'amans et d'admirateurs. Cette piece , monte'e avec soin , joue'e avec ensemble et talent par La- font, Volnys et madame Albert , obtient chaque soir un succes mciite. — Le Genie de la Clyde , vaudeville joue autrefois aux Nouveaute's, sous le nom de la Fiancee du Fleuve , a e'te repris a ce theatre avec succes. Aux Nouveaute's, apres Emile , dont nous avons parle plus haut, le Roi et le Page ( 19 seplcmbre) , triste rapsodie que nous avons deja vue l'anne'e derniere sous le titre d'lme Nuit du due de Mont fort, a disparu bientot pour fairc place aux Enfans du bon pasteur, petit dramc sentimental , deM. Alexandre (9 octobre). Le lendemain (10), les Poulets , folie-parade en 1 acte (22 octobre ). — Le Proces d'un Marechal de France, drame en 4 parties, de MM. Dupeuty et Fontan , annonce', et suspend 11 par ordre de l'autorite. Gymnase dramatique. — Nous n'avons rien a dire : le Dey d' Alger a Paris (3o septcmbre ) est une vieillerie de MM. litienne el Nanteuil, remise a neuf avec couplets, par M. M*** (24 octobre), — La Grande Dame , drame en 2 actes. tome li. septembre \ 831 . 47 586 FRANCE. Porte-Sai nt-Mabtin. — Voici cnfinun drameentier sur Mirabcau, un drame en 3 acles , par MM. Guslave Lemoine et Lemoine Montigny ('.17 septembre). Avecdes pretentions a la fidelite historiquc, les auteurs y ont souvent manque ; mais lc caractere original dc Jacques Bonhomme , quclqucs situations inte'ressantes et la famcusc scene de la seance du Jen de paume , representee au naturel avec tous ses ac- teurs, Robespierre, Pc'lion, l'abbe Gre'goire , dora Gcrlc , etc., etc., ct Mirabcau a la tribune , ont assure son succes. — La Jardiniere de I'O- rangerie, e'pisode du tems de Louis XIV, vaudeville de MM. Ville- neuve et Masson (6 octobrc). Quelquebuit jours apres cctte piece, la reprise du Bon Cure, joue' l'hiver dernier a ce theatre , sous le nom de VInCcndiaire. Ambigu-Comique. — La re'ouverture de ce theatre a en lieu le 1 6 septembre par le Watchman , me'lodrame , et le vaudeville des Assises dramatiques , revue comme on en fait tant ( 4 octobre ). — Arlequin et le Pape , vaudeville en un acte (8 octobre ). — L'lmpe- ratrice et le Cosaque , piece batie sur une nouvclle galanterie de Ca- therine II ('.i6 octobre). — Jeanne tie , me'lodrame en 3 actcs. Le repertoire du Theatre du Palais-Royal , de'ja accru des Arti- sans des deux Monde s , de Rabelais et de Louis XV, vaudevilles nou- veairx , dans le courant du mois de septembre , a voulu nous donner aussi sa Catherine ; ce qui est arrive en effet le 10 octobre, sous le nom d'wra Caprice imperial, suivis de pres par les Jeunes Bonnes et les vieux Garcons, nouvelle paraphrase de la charmante chanson de Be'ran- ger, et la Fille unique, vaudeville en un acte. The'atre de la Gaite. — Apres MM. Panoujle pere etfds, vau- deville grotesque en un acte ( 4 septembre) et le Tir et le Restaurant, come'die ( 1 1 septembre) , la Gaite s'est pique'e d'honneur , et nous a montrc Mirabcau l'orateur , et son frere Mirabeau , le marquis , face a face, dans un petit vaudeville en un acte , les Deux Mirabeau. — Lc me'lodrame de II y a Seize Ans obtient toujours la meme vogue ; il aura les cent representations. — ('27 octobre). La Vendetta, me'lo- drame en 3 actes, par M. Victor Ducange. Le Theatre du Cirque-Olympique , apres sa longne toumee de'- partcmentale , vient de rouvrir par la reprise de YEnipereur , el la foule se prcssc comme par le passe a ccs iructucuscs representations. PARIS. OO7 Folies-Dramatiques. — ( 1 1 septembre. ) M . Debbie, vaudeville ; 22 septembre) L'Enseigneetle Portrait, vaudeville; A 'rlequin che- valier enfant, parade dans lc genre anglais • (2 octobre) I/Anneau ties fiancailles , tableau-vaudeville en 2 actes par MM. Adolphe et Auguste ; La Fin d'un Joueur , me'lodrame en 3 actes, par MM. Alexandre et Armant; et ( 18 octobre) reprise du Grenier du Poete , vaudeville en un acte, de MM. Benjamin et Ponet. NECROLOGIE. Servan de Sugny. — Un homme de bien et de talent est mort ; je me hate de prononccr le dernier mot pour e'ehapper a la pense'e de cette fin pre'eoce, etn' avoir plus qu'am'occuper dcl'e'crivain. M.Jules Servan pre'luda par les couronnes du colle'ge, sipleinesdefraicheur, a cesvastes connaissances et a ccs durables succes qui recommandent son nom. II est de jeunes talens qui cre'ent avant d'apprendre : il suivit une tout autre route • l'italien, I'espagnol , l'allemand , l'anglais furent l'objet de ses longues etudes , et a la connaissance dc ces langues difficiles , il joignit l'e'tude raisonne'e ct non moins savante de la langue grecque; il les e'erivait et les parlait toutes, et a vingt-quatre ans M. Servan avait appris ce que d'autres passent leur vie entiere a connaitre. Une pense'e avait frappe M. Servan de Sugny : e'est le vice du sys- teme universitaire. Par des etudes fortes, il combla le vide de l'e'duca- tion premiere; et comme un jouteur qui exerce long-tems ses membres a une terrible lutte , charge, lui, des depouilles de presque toutes les nations , il descendit dans l'arene. Son premier ouvrage fut la traduc- tion en vers des idylles de Theocrite. Publie'e en 1824 > cette traduc- tion, d'un auteur qui n'e'tait connu de nous que par les vols de Virgile , obtint le suffrage des poetes et le suffrage plus stir des hellenistes. Fi- de'lite de texte , et richesse de style , tels furent les caracteres de talent qui marquerent l'essai litte'raire de M. Servan. Dans une seconde edition , M. Servan alteignit au mol abandon ct aux graces na'ives du chantre grcc, et parvint a effacer jusqu'aux traces d'unc rudesse parfois aprc, c'cueil d'un premier travail. A la difference 588 NECUOLOGIE. dc quelques traducteurs , il ne fut ni lourd , sous prc'texte d'etre savant , ni elegant a force d'etre inexact : aussi dc consciencicux c'loges et dc rares critiques accucillirent-ils cette publication j et lc Tlieocrile devint une composition harmonieusc et prcsquc irre'procliable. M. Scrvan nc borna point la scs travaux : la Chaumiere d'Oidlins parutun an apres ; dans un cadre simple, le moral istetraca des scenes inle- ressantcsde la vie domestiquc. C'e'tait l'eeuvre d'un excellent citoyen et d'un e'erivain habile; 1'ouvrage, rapidement c'puise, attend une seconde edition; dansl'intervallc qui se'para ccs publications, le jeune litterateur avait fail imprimer un poeme intitule : la Famille grecque,ct naguere une ode sin- la Pologne ; l'auleur devait lui-meme, gisant depuis un mois sur un lit, suspendre lc sentiment de ses maux pour compatir aux mar.x de cctte grande nation. M. Jules Servan est mort a 1'agc de trcnte-quatre ans; mais il est loin d'etre mort tout cntier : son The'ocrite vivra ; le Suicide , roman philosopliique, et ses Satires comtemporaines, actuellement sous piesse, sont autant de titrcs a une ce'le'brite que son noble cceur envia et que ses travaux lui assurcnt. La presse ya rendre publics ses dernirrs titres a la gloirc. Aug. VlDALIIV. 0'Farrii.l. — De tout terns la terre de France a ouvert un gene'reux asile auxbannis queles tourmentes politiqucs arrachent violemmcnt aux douceurs de la pa trie. Mais e'est dans les quinze dernieres anne'es sur- tout que Paris a vu se completer cette c'trange et touchante reunion d'hommes, venus dc tous les points du globe cbercber un refuge dans nos cercles hospitaliers et polis, et y puiser, comme a la source meme des lumicres , de nouvelles forces pour recoimnencer cette lutte acbarne'e. dont notre siecle offre l'imposant tableau, du progres et de la libertc contrc les tyrannies stalionnaires. Naples ct le Pie'mont out envoye's leurs carbonaris vaincus; la Pologne nous avait confie quelques-uns dc ses enfans, rebelles an joug bumiliant du tzarewitch, long-tcms avant que la pusillanimitc d'un ministere francais cut amene Niemojowski et Lelevcll sur la rive etrangcre : quelques debris des revolutions ame- ricaines , quelques libres penscurs , dont s'e'tait offusque'e la diete g< r- manique; des proscrits russes, beiges, romains , portugais, des cspa- ^nols surlout en graud nombrc , acbevent de constitucr dans nos salons OTARILL. 589 une sorte de representation du tnonde modcrne , une image imparfaite de la confederation des pen pics , unis aujourd'hui , malgre les efforts de la diplomatic , pour lc renvcrsement du vied edifice social , comme ils le seront bicntot pour s'aider mutuellement dans la carriere de per- fectibilite que l'avenir nous promct. La sage tolerance de la socicte pa- risienne n'aura pas e'te inutile , sans doute, pour cimenter celte futnre et veritable sainte-alliance , prophe'tise'e naguere par Beranger : deja, sans doute, elle a du produire de bienfaisans re'sultats, en rapprochant ceux que , sur la ten'e natale , divisaient des preventions politiqucs , mais que l'cxil et le malbeur ontrendus plus indulgcns pour des erreurs qui n'entachent en rien lc patriotisme. Je ne sais si le chef des insurge's Catalans et lc ministre du roi Joseph , si Mina et le general O'Farrill se sont rencontres souvent dans ce Paris 011 'les avait jcte's tons deux la haine d'un roi : mais bien certainement , pour raaints proscrits espa- gnols, appele's a connaitre de plus pres et a estimer leur ve'ne'rable compatriote, l'apologie de la conduite politique d'O'Farrill est devenue inutile. Ne'en 178/j. a la Havanc, ou sa famille occupait une place distingue'e dans la consideration publiquc , Gonzalo O'Farrill vint de bonne heure en Eui'ope : e'est en France , ou la fortune devait plus tard creuser sa tombe, qu'il recut sa premiere education , au college de Sorreze , alors de'ja ce'lebre. Des e'colcs militaires , cre'e'es en Espagne par un souverain qui s'occupait de l'avenir de son pays , Charles III , et de longs voyages dans la plupart des contre'es de l'Europe, acheverent dc former le jeune officier, et le rendirenl capable d'arriver progressivement aux plus liautes dignitc's de la carriere des armes. Le roi Joseph le trouva ministre de la guerre et membre de la junte du gouvernement, lors de son arrive'e en Espagne ; et le general O'Farrill , dupe comme d'autres patriotcs honorables des promesses de Napoleon , de'sireux d'e'pargner a la trisle Espagne les ravages de la guerre civile , se rattachafranchement au prince qui semblait apporter a sa patrie des garanlies depaix,d'inde'pendancc et de prospe'rite. Qu'importait en effct a l'Espagne que le trone fut occupe par un Bourbon ou un Bonaparte, si la France eut e'te' assez juste pour respecter sa jalouse nationalite ! L'histoire , en prouvant que les jose'- phins s'claicnt trompe's , ne les a point tons condamne's : elle a su dis- tinguer ceux que de nobles et patrioliques pense'es inspircrent. La paix H)C NECROLOGIE. — O FAIULL- de 1814 les a punis avcc uric rigueur suffisante , en les obligeant a demander protection a cette France qui les avail trompes. C'est a Paris que lc general O'Farrill vint sc fixer ; il resta jusqu'a I'epoque rc- ceate de son rappel a Madrid par lc roi Ferdinand , mesure qui scm- blait anuoncer des intentions medicares que cedes dont l'Espagne est la malheureusc victime depuis tant d'anne'es. C'est a Paris qu'il est mort, le 19 juillet dernier, laissant d'honorablcs souvenirs a sa patrie d'adop- lion comrae a cede qu'il avait servie des sa jeunesse (1). I) Vroycz Notice stir D. Gonzalo O'Farill , lieutenant-general des armecs de S. M. le roi d'Espagnc , son ancien ministre de la guerre; etc. ; par Andrea Muriel. Paris ,1831 5 Debure freres. In -8° de 82 pages. TABLE J)ES MATIERES CONTENE'ES DANS LA 153" LIVRAISON DE LA REVUE ENCYC.LOPKDIQim SEPTEMBRE i83i. MEMOIRES. \ . De la politique extdrieure et interieure de la France , depuis la re- volution de 1 830 Laurent. 44 I 2. Indication des points de la France ou Ton extrait du fcr hydrate, et Sla- tistique des hauts-fourneaux que ce minerai alimenle. Henri Fournel. 4G9 3. Rapport sur le choldra epidemique Double. 484 4. Religion. Aux philosophies P. Leroux. 499 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. LIVRES ETRANGERS. AMERIQUE SEPTENTRIONALE. — Etats - Urns. — fHistoire de la Louisiane , 517 ; — Bibliotheque de faniille dc Harper, ibid. ; — Essai sur l'histoire , les preparations et l'usage de Tiode , 520. EUP»OPE. — Grande-Bretagne. — IVouveau compas celeste, 520; — Voyages et decouvertes des compagnons de Christophe Colomb , 521 • — Haver-Hill , ou Memoires d'un officier de l'arme'e de Wolfe, 522; — ■ De la vocation de notre siecle pour la legislation et la jurisprudence , ibid.; — Histoire du cho- lera spasmodiquc epidemique dc Russie , 525 ; — Lc cholera, sa nature , ses causes et son traitement, ibid. ; — Documens rclatifs a la maladie nominee cholera spasmodique , ibid. . — Aliemagne. — Essai sur la metamorphose des plantcs , 523 j — Description des manuscrits dc la bibliotheque de Bamberg , 526 ; — Vie ct onvrages d'Albert Durer, 528 ; — Tableaux dc I'Orieut , 529 ; — Description topogra- phico-statistique des provinces prussiennes du Rhin , 550 ; — Pdtersbourg tel qu'il est, ibid.; — Napoleon, ou les Cent jours , drame , ibid. — Italie. — Commenlaires sur la revolution franc aisc , 531 . H)2 TABLE DES M ATI* RES. — Belgiqce — Nouvcllcs archives liistoriques des Pavs-Bas, 555 ; — Dcnuemc et troisieme Memoircs sur Ics premiers siecles de lTJniversite' dc Louvain , ibid. LIVRES FRANCAIS. Philosophic transcendental , 53'j ; — La Pologne ct la Russie , ibid. ; — Des lois actuellcs sur le commerce des grains en France , 557 ; — Letlrc sur le cholera-morbus , 538 ; — Traite snrle cholera asiatique , ibid:; — Manuel complet prcscrvalif et curalifdu cholera-morbus , ibid . ," — Memoire sur les facteurs numeriqu.es , 539; — Itinerairc descriptif de la Frame; ibid. — Voyages an iles Hebrides, 540 ; Manuel de Pingenieur forcslier, 541 ; — Les Commandemens de. Dieu et du Diahle , ibid. ; — Paganini et Beriot , 512; — Tableau synoptique de la langue allemandc , ibid.; — Theatre d'Eu- gene Scribe , 545 ,• — Paris , ou le Livre des Cent-et-un , 544 ; Barnave, 549 ; — Andrea , 554. NOEVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTERAIRES. EUROPE. — Gratstie-Bretagxe. — Temperature du pole nord , 557 ; — Nouvelle Societe de temperance, 558; — Societe pour rencouragement de. la gravurc des medaiiles , 559 ; — Hommaje a Goethe , ibid. — RrjssiE. — Piumismatique , 540. — Allemagne. — Hermes , journal , 540. — Italie. — Coup d'ceil sur la situation actuelle , o49. — France. — Paris. — Academic des Sciences : Seances du mois de sep- tembre , 555; — Efficacite' du houx commun dans les fievres intcrmittentes , 570; — Nouvelles des theatres , 571. >'ecp.oi.oc.ie. — France: Servan de Sugny , 575; — OTarril, 576. TABLE ANALYTIQUE ET A LP H A BET IQUE DES MATIERES DU CINQUANTE-LNIEME VOLUME DE LA REVUE EIXCYCLOPEDIQUE. JUILEET , AOUT , SEPTEMBRE 1 83 1. On a reuni aux quatre mots intlicatifs des quatre grandes divisions ile ce recueil : I. MEMOIRES , NOTICES ET MELANGES ; II. ANALYSES ET EXTRAITS DOUVRAGE8 CHOISIS ; III. BULLETIN BIBLTOGRAPHIQUE; IV. NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTERAIRES; le detail et le renvoi des articles qui s'y rapportent; puis on a caracte'rise' ces ar- ticles , a la suite du nom de leurs auteurs, par Tune des quatre abr^viations ci-apres : M. (memoires et notices) ; A. (analyses); B. (bulletin bibliogra- phique) ; N. (nouvelles scientifiques et LiTTERAiREs).La designation G. apres les noms proprcs indique les collaborateurs de la Revue. , lorsqu'il s'agit des ar- ticles qu'ils ont foirnis. Au lieu de comprendre sous la denomination geneYale sciences et arts (comme dans nos quatre tables des matieres de Tannee 1819) 1 indication des differentes sciences dont traite ce volume , on a cru devoir , pour rendre les re- cherches plus faciles et pour mieux caracteriser le but philosophique de la Revue Encyclopddique , ouvrir un compte particulier ct special , en lettres capitales , non-seulement a chacune des branches des connaissances humaines : agriculture , anatomie , etc. ; a chacun des elcmens essentiels de la civilisa- tion et des moyens principaux de communication eutre les hommes : academies et societes savantes, dictionnaires , enseignement mutuel, instruction publique , jocrnaux , theatres , etc. ; mais encore a chacun des pays dont n est fait mention dans ce recueil , de maniere qu'on puisse rapprocher ct comparer tour a tour, soit I'e'lat des sciences et des e'le'niens de la civilisation dans chaqus pays , soit les nations elles-memes , sous les diffcrens rapports sous lesqucls on a eu occasion de les considcrer. TOME T.I. SEPTEMBItlH83'l . 58 '!>i TABLE ANAI.vnot 1 A Abrantes (Memoircs de madninc la du- chesse d'), 179. Academies. Voy . Societies savantes. Ac.oustique, 213, 582. Adam (Adolplic). Voy. Grand Prix. Adieu aux Fillclles , vaudeville, par rhilippe et Julien , 431. Adolphc. Voy. Anneau. —(Ph.) Voy. Emile. Afrique, 581 . Agriculture, 211 , 567, 575, 579. .Aiders . Ueber das Bad JR.eeburgy elc> 444. Alexandre. Voy. Enfans. — Voy. Fin. — Voy. Ide"e. Alexis. Voy. Espion. Alexisbrunnen (Recherches ehimiques sur la source d'), 145. Alger, 177, 396. — ( Considerations statisliques sur), par Juchcreau de Saint-Denys , 177. Allemagke , 139, 154, 354, 523, 560. Amerique septentrionale , 125, 200, 410, 517. Amis (Les Trois), par Rey-Dussueil , 18G. Amnion (F. A. d). Journal de Toph- lalmogie, etc., 361 . Analyses (II) d'ouvrages anglais : De la De'monologie et de la Sorcellerie par Walter Scott (L. Sw- Belloc)] 85. — D'ouvrages francais : Collection de rapports sur les travaux du conseil de salubrite de Paris (Ili^oltol), 70. — Me'moircs, Corrcspondance et ou- vrages inedits de Diderot (A.-P-), 92. — CEuvrcs liltdraires de M. Jay (yintoinede Lalour), 109. — His- toire du Christianismc , par Matter [P. de Golle'ry), 298. — Memoircs et Souvenirs du 127. — Belgique , 153, 366 , 533. Etats-Unis, 125, 51 7. — France, 158, 371, 534. — Grande-Bre- tagne, 128,344, 520. — Hollande, 155. — Italie , 149 , 364 , 531 . — Norw(?ge, 353. — Suisse, 146; 361. Bulteel. A sermon on I. Corinthians , 131. Busset(F.-E.). Voy. Atlas. C Cabet (Ch.) Voy. Diclionnaire. Cagniart Latour. Memoire sur I effet sonore produit par les solides de re- volution qui tournent avec tine grande vitesse , 582. Calvimont (de). Voy. Fais ce que dois. Campbell ( R. C). Lays from the East , etc. , 350. Caprice (Unj imperial, vaudeville, 586. Caricature (La) , vaudeville, 588. Carlsbad, ses eaux minerales, etc., par J. de Carro , 145. Carmouche. Voy. Yoleur. Carro ( J. de). Voy. Carlsbad. Catherine II, drame , par MM. Lock roy et Arnould , 384. Carlin a Rome, vaudeville par M Ro- chefort et GustaveLemoine, 585. Cavaignac (G.). Voy. Dubois. Chauvin. Voy. Statistique. Ceran. Voy Gothon. Chansons (Les) de Beranger , piece fantastiquc , par MM. Ferdinand Langle' et Vanderbuch , 432. Chants du Levant, par M. R. C. Campbell, 350. Charles VII chez ses grands vassaux ; drame, par M. Alexandre Dumas, 584. Chateau (Le) de Saint-Biis, drame, par M. Ancelot, 220. Cheever ( G. B. ). The Americans common-place book and poetry, etc. ,126. Chevreuil ( Le), vaudeville, par MM. Leon Halevy et Jaime, 585. Chimie, 52o,582. Chirurgie. Voy. Sciences medi- CALES. CholeYa (Du) epidemique, M., 484. (Le), sa nature, etc., par C. Searle, 523. — (Histoire du ) spasmodique do DES MAT1ERES Russie , par le docteur Bisset Haw- kins, 525. — ( Papers relative to the) , etc. — Documens relatifs a la maladie nomme'e cholera spasmodique, im- primis par les ordres des lords du consei! prive de S. M. B , 523. — (Traitd sur le) asiatique, par Wey- land, 538. Cholera-morbus ( Manuel complet du), 538. — (Lettres sur le), 538. Chrislianisme ( Le ) explique , par Gleizes, 170. Christophe (Opinion de M.) sur les pro- hibitions el la liberie du commerce, par M. Boucher de Perthres, 595. Civilisation (Qu'est-ce que la ) , par James Sega, 126. Classiques latins , publics sur les ma- nuscrits du Vatican, par Tabbe Mai, 566. Commandemens (Les) de Dieu et du Diable, etc. , 541 . Commission (Rapport de la ) charged d'examiner le projet d'article des- tine1 a remplacer Particle 23 de la Charle constituiionnelle, par M. Be- ranger, 585. Commerce, 595, 537. — (Apercu du) exterieur de Russie en 1830 , 411. — (Tableaux du) de la Suede, 207. Compas (iVouveau) celeste , par Gray- don, 520. Confession d'un pirate , 201 . Conseil de salubritd (Collection des rapports du), par V de Moleon, A., 76. Conseils municipaux (Des attributions des) et departementaux , M. , 268. Constitutions ( Analyse des ) de tous les etats representalifs sous le rap- port de Torganisation de la cham- bre haute , M. , 59. Constitution , justice , administration , etc. . en Nonvege ,414. par ^97 Hear Contes misantropiques Berthoud, 407. Corali. Voy. Orgic. Corcelle (F. de ). Voy. Documens. Correspondance d'Isaac Basire et me- moires sur sa vie, par Darnell, 131 . Coster. The practice of medicine , etc., 126. Coup d'ceil sur le sens general du Nou- veau Testament, par Joanna Baillie, 131. Crainte (La) de l'opinion, comedie, par Barrault , 218. Crise (Tableau de la) sociale, par J. Mauviel , 592. Croissance (Recherches sur la loi de la) de Thomme, par Quetelet, 153. Croix ( Les ) et le Charivari , vaude- ville, par Brunswick, Seron et Lhe- rie, 219. Culte. Voy. Sciences religieuses. Dame (La grande) , drame. 585. Darcet. Note sur l'emploi de la gela- tine, 574. Darnell. The correspondence of Isaac Basire, 131. Daudin ( M.-A.-S-Sophie ). L'Acade- mie francaise lui decerne le prix de vertu fonde par M. Monthvon, 2t5. Debine (M.) vaudeville , 287. Decourcy Voy. Valeur. Delaroche. Ses tableaux a l'exposition, 227. Demonologie (De la) et de la sorcelle- rie, A., 83. Description geographique des grands duches de Mecklenbourg — Schwe- rin et Mecklenbourg Strelitz , par G. Hempel , 361 . Topographico-statistique des provinces prussiennes du Rhin . par Fr. de Berstoff, 550. Desnoyers ( Ch. ). Voy. Emile. — Voy. Voyage. 5q8 table anai. Dcssin ( Meihodc nouvclle pour l'cnsei- g-nement du), 216. Dcsvcrf;crs , Voy. Juste milieu. Dcttc ( De la) dans les Etals dc l'Eu- rope, par Zacharioe, 501 . Deve'ria ( Eugene ). Son tableau a ['exposition , £20. Dey (le) d' Alger a Paris, vaudeville par MM. Etienne et Nanteuil , 585. Dictionnairedes artistes de Tecole fran- faise, par Cli. Cabet, 408. Diderot. Memoircs, corrcspondam e ct ouvrages inedits, A., 92. Didier( Charles), CIS., 567. Distillation (nouvcau procede de), 204. Documens pour servir a l'histoire des Conspirations, etc., par F. de Cor- celles, 172. Dominique ou le poss^de , comedie, par d'Epagny et Dupin, 217. Double, C.-M., 485. Doublet deBoistbibault, C -B . 542- Droit. Voy. Jurisprudence. — (Manuel du) mililaireprussien , 1 46. — ( Prineipes du ) de la nature et des gens , par Marc Barreau , 583. Dubois, cardinal, par G. Cavaignac, Ducange ( V. ) Voy. Vendetta. Ducrocq ( A.-Josephe ). L'Academie francaise lui decerne le prix de ver- Ui, fonde par M. Monlhyon, 215. Dufau(P.-A.)C.M., 59.' Dumas (Alexandre). Voy. Charles. Dumesnil (V.) Der Rehburger Brim nen, etc., 144. Dumersan. Voy. Idiot. — Voy. Gothon. Dupeuty. Voy. Marionnette. — Voy. Proces, Dupin. Voy. Dominique. Dutrochet. Voy. Nominations acade- miques. — M&noire sur la respiration desplan- tes, 212. — Note stir la propridte fertilisante du sable siliceux, 567 . Duvert. Voy. Marionnette.. YTIQUK Eaton ( Amos ) Geological text book , etc. , 125. Eaux min^rales. 142, 144,145, 149. (Les) d'Aix-la-Chapelle , etc. , 143. du Hartz inferieur, 144. de Ileben ,144. dc Liebeinstein , 1 44. — de Bchburg , par Dumesnil ,175. — de Rebburf; , par Albers ,144. — de Klaus (Description physique et chimique des ) , 144. — de Sirona (Recueil de notions sur les), 144. — de Marienbad (Des proprietes cura- tives des) ,145. — de Bade ( des proprietes , des ef- fets, etc.), 145. — minerales de Tatenhausen, 145. — (de Pusage des) naturelles et arti- I'u :iellcs de Karlsbad ; 45. — (Traite sur les) thermales de Wies- bade , etc. , par A. Peez, 145. Eblin (P.). Mineralquelle unci Bad zu Jenatz , etc. , 149, EcONOMIK DOMEST1QUE , 211, 213, 555. politique , 381 . Education , 428. — (Etablissement perfectionne pour . 1'), 421. Eglise chre'lienne (Histoirc universelle del1), 298, Eloquencf.de la. chaire, 131, 150. Emile, vaudeville, par MM. Ch. Des- noyers et Ph. Adolphc , 584. Emy (A.R.). Voy. 162. Encore un Prcjuge' , ou les deux cli- gible's , vaudeville de MM. Saint-IIi- lairc , Brunswick ct Lht!rie , 220. Enfans (Les) du bon Pasteur , frame par M. Alexandre , 585. Enseigne (L ) ct le portrait , villc, 587. laudc- DES MATlEftES. Enthousiasme (L1), poemc, par Su- sanne Strickland , 350. Euloniologie (Coins d" ) , par M. La- treillc , 371. Epagny (D1) , Voy. Dominique, Epitreaux Beiges , par de Pongcrville, 402. Esconiptes (Lc verificateur des) , par Palaiseau , 377. Esperances (Les) et lcsllealiles, M. 5. Espion (L1) du mari , comedie , par M. Alexis, 583, Esquisses de l'liistoire anciennc ct nio- derne, dapres un nouveau plan , par le reverend Robbins, 126. Etats-U.ms, 125, 200, 410, 517, 579, Ethnographie , 41 U. Elienne. Voy. IJey. Evrard. Voy. Laurierc. Exposition de tableaux a Paris, 221. Facteurs (Me'moire sur lcs) numeri- ! (pics , par Joubin , 539. Fais ce que dois, advienne que pourra, par le comte de Calvimont , 174. Famille (La) improvisde , comedic- paradc , par Henri Monnicr, 2 1 9. - — (La) de Lusigny , comedie , par MM. Frederic Soulie et Ad. Bos- sangc , 583. Favori (Le) de Catherine II, drame , 585. Fayolle. Voy. Paganini. Fer hydrate\ Indication des points de la France ou Ton extrait du fer hy- drate1 , et statistique des hauts four- neaux que ce minerai alimente, M., 469. Ferry , C.-A. , 288. Fievee. Voy. Pairie. Fillc unique (La) , vaudeville , 586. Fin (La) d'un joucur , melodramc, par MM. Alexandre ct Armand, 587. Finances, 249, 561, 377. des Financiere (Essai sur la situation) Etats de TEuropc , M. , 249. Fisc. Voy. .Tresor. Fcelix C.-B. , 141. Fontan. Joy. Proces. — Voy. Voyage. Forostier. Son tableau ii ('exposition , 225. Foret (La Nouvellc) , par II. Smith , traduil de P anglais , 404. Fourncl (Henri) , C.-M. , 469. Fournier. Voy. Masque de Fer. Foyatier , sculpteur. Ses ouvrages a 1'exposilion , 228. France , 158 , 235 , 371, 423 , 535 . 567. — (De 1'etat de la) , M. , 235. Francis. Voy. Sargines. Frane-Maconncrie (L'Esprit de la), poemc, par A. Nichols, 126. Francceur, C.-B. , 1 70 , 430. Future (La) de Province, comedic- vaudeville, par Philippe et Antonin, 432. t. Gabriel. Voy. Prix. Galiffe. Voy- Gdndalogiqucs. — Voy. Histoire. Gauthier. Voy. Lois. Gebir, lc comte Julien ct autres poemes , 138. Gdndalogiques (Notices) sur lcs families genevoises, par J. -A. Galiffe, 5(il . Genie (Le) de la Clyde, vaudeville, 585. Geoffroy Saint-Hilairc , C.-B. , 526. — Memoire sur lcs dents interieur.es des mammiferes rongeurf- ,211. — Me'moire sur l'os inter-maxillaire , 2I3. — Memoire sur les pieces osseuses dc l'orcille chez les crocodiles , 427. Geograpiiie , 143, 169,361. Geologie , 125, 426 , 581. Giamboni [E). Aritmetica ragienata , etc., 149. (Joo TABLE ANALYTIQUE Gicsbach (Le), par Zschokke , traduit de PAllemand, par Lapierre , 405. (iirou de Buzaraingues. Menioire sur Famelioration des moutons , des boeufs ct des chevaux , 575. — Experiences sur la culture descerea- les, 579. — Menioire sur la distribution des ma- nages , des naissances et des sexes , dans les differens mois de Fannie , 579. Gleizes (J. -A.). foy. Cbristianisme. Goethe (Hommage a) , 559. — T^oy. Metamorphose. Golbery (P. de) , C.-B. , 143, 169, A., 298, 359 , 541. Gothon (La) du passage Delorme, pa- rodie en vers, par Dumersan, Bruns- wick et Ceran , 432. Grabbe. Napoleon oder die kundei t Tage, 530. Grammaire, 158, 542. — francaise , litteraire et historique (ouvrage anglais) , 138. Grakde-Bretagne , 128 , 204 , 344 , 520 , 557. Graydon. The celestial compass, etc., 520. Grenier (Le) du Poete, vaudeville, par MM. Benjamin et Ponet , 587. Grippe (La), vaudeville, par MM. Bar- thelemy , Roche ct Maximilien, 220. Grouvelle. Perfectionnement apporte a la preparation du bouillon deviande, 213, H Halcvy (Leon). Poy. Chevreuil. Hall ( Gedichten van ) , 157, Harpers Family Library, 516. Hase. Voy. Tresor. Haver Hill , Me"moires d'un officier de Parmeede Wolfe, par J. -A. Jones, 522. Hayward. ( Y.). Of'lhe vocation of our age for legislation , by Savi- gny, 523. Heiberg(P.-A.). Erindring er ofmin politiske, se/skabelige og literaire Yandel , 353. Heilquelle (neueste Nachricht von der) derSirona , etc. , 1 44. Heilquellen am Unterharze , etc., 144. Heller (J.). Das Leben und die M'erke Albrecht Durers , 526. Hempel (G.) Geographische Bes- chreibung , etc. , 361 . He>edite(de F ) , 385. — (Simples questions sur 1') et la constitution de la pairie en France, par E. Renault, 585. — (Lettre sur P) a MM. les dis- ciples de Saint-Simon, par M. Mas- sias , 384. Heures d'hiver et d'ete , par H. G. Bell, 350. Himly (P.). C.-B., 358,360. Histoire, 116, 141 , 185, 298, 358 , 381 , 367 , 377 , 51 6 , 531 , 533. — Universelle, par Ch. de Rolteck, 141. — de la Louisiane ; par Martin , 51 7. — des tribusindiennes ,410. — (Matenaux pour P) de Geneve, par Galiffe , 561 . — (Programme des principales re- cherches a fairc sur P ) et les anti- quites du departementdu Nord , par A. Leglay, 1 85. Histoires ( Petites ) du cceur , par miss Opie, traduites de Panglais, 405. Hobson (S.-J. ). An essay on the history } etc. , 520. Holger , Beschreibungdes Klausner Stahlwasser , etc. , 144. Hollande, 155, 210. Holzschuher ( De ). Der Bechtsweg , etc., 139. Horace (Odes d1), traduites en vers francais ,196. HoRTlCL'LTlinE, 574. Houcl. lro\ . Pairie. Houx (Efticacite' du ) comnmn dans les fievres intermiltentes , 582. Hugo (Victor). f-roy- Marion. Humboldt. Considerations sur le cli- niat de l'Asie , 213. Huntington. Religion an J the trium- ph of faith , etc , 126. Hydraulique, 1 til , 163. Hygiene, 76. Idee (!') fixe ou le dernier des Digards, vaudeville, par M. Alexandre, 432. Idiot ( le ) vaudeville, par Dumersau et Brazier, 432. Tgnace (Joseph). L'Academie fran- caise lui decerne le prix de vertu , fonde par M. de Monlhyon, 215. Iinperatrice (I1) et le Cosaque, vaude- ville , 386. Ingenieur ( Manuel de T) foreslier, par Plinguet, 541 . I.\ST1TUT. KOY. SllCIETES SAVANTES. Institutions (Qu'avons-nous fait, que devons-nous faire pour forganisa- tion des ) republicaines de la monar- chic? par A. Billiard, 384. lode ( Essai sur fliistoire , la prepara- tion etles usages de V ), 520. Irving {Washington). Voyages and discoveries of the companions of Columbus, 51 1 . Italie. 149, 364, 530, 361. Itineraire descriptif de la France par M. Waisse de Villiers, 539. Jacob (P.-L.). Le roi des ribands, A., 336. Jaime. Voy. Chevreuil. Janin (J. ). Proy. Barnave. Jardiniere ( La ) de 1'orangerie, vau- deville , par MM Villeneuve ct Mas- son , 586. Jardins (Art deculliver les ), 374. Jay. CEuvres litteraires , A. , 109. DES MATlERliS. 6o I Jeannette, meModrame , 586. Jeunesse ( La ) de d'Alembert, dramc, par M. Merville , 584. Jack ( H.-J . ). Beschreibung von mehr als 1 1 00 Handschriften, 526 . Jones ( J.- A. ) Haver Hill , or me- moirs of an officer in the army of ' Wolfe, 522. J i) ii lii ii. Voy. facteurs Journal d'un officier de farmed d'A- frique, 396. Journaux et recueils pe'riodiques. — Publies en Allemagne : Zeits- chrift der Ophlalmogie , a Dresde , 361 . — Hermes , a Leipzic, 560. — publies en Belgiaue ; journal d'a- griculture, etc. des Pays-Bas , a Bru- xelles,368. — Bibliotheque des in- stitutenrs, aMons, 369. — L'Orga- nisateur Beige , journal de la doc- trine dc Saint-Simon , a Bruxelles , 380. — public's en France : Revue norman- de a Caen", 1 83. — Memorial Diep- pois a Dieppe , 396. — publies en Italie : Annali univer- sali di agricultural^ Milan 364. — Annali delli scienze del regno Lombardo-veneto , a Padoue ,152. — Riiista orticola a Plaisance, 153. Juchereau de Saint-Denis. P^oy. Alger. Juillct 1 831 . Premiers problemes are- soudre , renaissance du credit; or- ganisation definitive de la pairie,388. Julicn, VoY- Adieu. Junius (Essai sur les lettres de), par B. Waterhouse , 126. Jurgens ( K.-K. ). Uber die JYoth- wendigkeit durchgreifender Refor- men bei der gegenwdrligen Lage Deutschland. 357. Jussieu ( Adrien de ). Memoire relatif a la famille des malpigiacees , 424. Justc-Milieu (Le) ou le nouveau pre- fet, vaudeville, par MM. Bcrvillc :, Varin et Desverners, 452. ()()•->. TABLE ANALYT1QUE K Kant. Voy. Philosophic. Kasipradat Ghosh. The sha'ir and other poems. 127. Kissinger/ ( JVeuesle Nuchricht iiber), etc. — Rceueil dcs notions les plus re'centes sur Kissingen et ses eaux minerales, 144. Kramer. Ueber die. Eigenschaften, etc., 145. Kraemer ( C.-P. ) Die Molken und Baa 'install Kreuth, etc., 144. Kresig^T.-L.) Uberden gebrauclider IMinerahvdtser von Karlsbad, etc. 145. Labeaume. Voy. Noblesse. Lamarre-Piquot. Memoire relatif a l'introduclion du bombix paphia a Alger, 21 1 . Lanciers (Les) et les Capucins, vaude- ville , parM. Evrard , 220. Landor(W. S.). Gebir, Poem, 138. Langle (Ferdinand). Voy- Chansons. Langue (Tableaux synoptiques de la) allcmande , parSuckau, 542. Lapierre. V~oy. Gicsbach. Lalreillc Voy. Entomologie. Latour (Antoine de) , C. A. , 109- Laurent. C.-M. 441. Lavallette (Lc comte de). Memoires et Souvenirs ; A ,315. Lawrence (Mislriss), The last au- tumn , etc. 550. Lebrun (Isidore), C.B., 177,185. Legislation". 1.26 , 139 , 522. Legislation (De la vocation de notrc sieclc pour la) et la jurisprudence , par Savigny ; traduit en anglais par Hayward, 523. Leglay(A.). Voy. His to ire. Lehtirh'el {^A). Literary and histo- rical Trench Grammar , etc, 138. Lemoinc (G.) Voy- Carlin. — Voy. Mirabeau. Leroux (P.) C.-M.) , 4!)!). Lesson C. B.) , 160 , 374. Lethiere. Son tableau a ^exposition , 225. LettresaM. Lelronnesur quelquesmo- numens grdco-dgyptiens , etc. , par C.-J.-C. Reuvcns, 155. — (Pelites) sur de grandes questions ; par J.-C. Bailleul ; 385. — (Trois) a M. le curd de , 394. Lherie. Voy. Croix. — Voy. Encore. Liberie (De la) conside'ree dans ses rap- ports avec le christianisme, par J .-L . Bertin , 171. Litterattjre allemande , 146, 4(15 , 529, 530. — anglaise, 127, 138,350,404 ,522. — dcs Etats -TJnis , 1 26 , 517. — francaise, 92, 109, 185, 186,189, 191 , 196, 325, 336, 402, 404, 406, 407, 543, 544, 549, 554. — grecque, 398. — helvcliquc , 146. — bollandaisc , 157. — ilalienne , 151 . — latine , 336. Lockroy. Voy, Catherine. Lois (Des) actuellcs sur le commerce dcs grains et farincs , par Gaullicr, 537. Louis XV, vaudeville ; 586. Lucenay (C.-Jh. de) , C. N. , 230. Ludeman. Petersburg wieesist, etc., 530. M Machado ( D.-G. ). Voy- Rcssem- blances. Magndtique (Recherches sur Pin tens He J en Suisse et en Italic, 566. Mai [L'abbe). Glassicorum auc to- rum e Vaticauis codicibus edito- rum ; etc. , 566. Manuel d'etudes preparaloircs a la science de I'histoirc, par F. Rchm , 358. — de bonnes maniercs ; cxtrait de di- vers auleurs , 127. Mamiscrits ( Description dc plus de onzc cents) de la bibliotheque de Bamberg , par Ja?ck , '86. Marine , 520. — de la Grande-Bretagne , 24)1 . — des Etats-Unis , 201. Marion deLorme, drame, par Victor Hugo, 431. Marionnette , parodie , par Duvert et Dupeuty, 451. Marldli ( G.-B- )■ La Virgina una , etc. , 151 . Marlin(F.-X). The History of Loui- siana , 517. Martineau (Harriet) . Traditions of Palestine , 135. Masque de fer (L'Homme an), drame, par MM. Arnould et Fournier, 430. Massias. Toy. HereVlite. — Toy. Pouvoirs. — Foy. Pairie. Masson. Troy Grand prix. — Troy . Jardiniere. Matheiuatiqees , 559. Matbieu (Marie). L'Academie francaise lui decerne lc prix de vertu , fonde par M. de Monthyon , 21 5. Matter (S-). Uistoire universelle de I'Eglise ehretienne , A. , 298. Matteuci. Lettrcsur l'interfercucc dela clialeur obscure rayonnante , 575. Mauviel. T'oy. Crisc. Maximilien. Foy. Grippe. Mecaniqce (Cours de ) industrielle , par J.-L Poncelet , 574. Medecine. Troy. Sciences medicales. Melesville. Voy. Pliiltre. Memoires (1). Les esperanccs et les realitds (J.-C.-L.de Sismondi) , 5. — De la pairie (Anselme Peletin , 30. — De la cbambre haute dans les diverscs constitutions (P.-A. Dufau) , 59. — Dc l'c'tat dc la DES MAT1ERES. (jo3 France (J. -P. Pages), 255. — Essai sur la situation financierc des Flats de ['Europe (A. Ba/bi), 249. — Des attributions des conseils mu- nicipal^ ct departemenlaux (Fen- dinand Quinlard) , 268. — De la politique exle'rieure et intcrieure de la France , depuis la revolution de juillet 1 850 (Laurent) , 44 1 . — In- dication des points de la France ou Ton extrait dti fer hydrate , et sta- tistique des hauls fourneaux que ce minerai alimente ( Henri Four nel), 469. — Rapport sur le cholera epi- demique (Double), 484. — Reli- gion. Aux philosopher (P. Leroux), 499. — Correspondance et ouvrages inedits de Diderot. A., 92. — de la Societe des arts et sciences de Batavia ~f27. — de TAcademie imperiale des scien- ces de Saint-Petersbourg. A. , 288. — presented a PAcademie imperiale des sciences de Sainl-Petcrsbourg. A ., 28. — et Souvenirs dti comic Lavalette. A. , 515. — historico-diplomatiques , relalifs a la villeetau marquisat de Saluces, recueillis parD. Mulctti • 565. Merville. Voy. Jeunesse. — Voy. Prince. Metamorphose (Essai sur la) des plan- tes , par Goethe ; traduit en francais par F. Sorel , 525. Meteorologie , 200 , 426 , 427 , 575 Mitchell (IV.) The siege of Constan tinople, etc. , 550. MlNERALOGIE , 469, Mirabcau, drame-vaudeville , 584. — drame , par MM. G. Lemoine ct Lemoine Montigny , 586. — (Les deux) vaudeville , 586. Moleon (V. de). Collection des rap- ports gencraux du conscil de salu- britc. A. , 76. 6o4 Monde (Lc) nouveau , par Rey-Dus- sueil ; 1 85. Mondes (Los Deux), vaudeville , 586. Monheim. Die Heilqurllen, etc . 145. Monnier (Henri) Voy. Famille. Monteil. L'Academie franoaise lui d<5- ceme le prix fonde pour Tom-rage le plus utile aux moeurs , 215. Monle^iiont (A.) Voy INympbes. Montigny (Lemoine). Voy. Mirabeau. Montvoisin. Son tableau a Texposition, 215. Moquin (Alfred). Memoire relatif a la famille des cheicopode>s , 424. Mouvement (du) des ondes , etc. , par A.-R. Emi, 161. Muletli (Deljino). Memorie slorico diplomatiche apparlenenti alia cittd etai Marchesi di Sallu zo, e tc . , 565. Muller (F.-H.). Hannibals Heerzug iiber die ^4 1 pen , 1 45. — Voy. Voyage. S Nanteuil. Voy. Dcy. IS'apole'on, ou les Cent-Jours, drame, par Grabbe , 550. >'ecrologie. Louis-Aehim d'Arnim , poete allemand , 229. — Regnault ( Jean-Bapliste ) , pcintre franeais , 455. — Servan de Sugny , poete franc ais , 587. — O7 Farril , g^ne- ral espagnol, 588. Nichol. (sindrew). The spirit of frees masonry , etc. , 126. Noljlesse (Opinion stir la) et sur la Pairie lieriditaire , par Labeaume , 535. Nominations academiques : de Jus- sieu , membre de TAcademie des sciences, 424. — Co ;las, membre li- brede I'Academie des sciences, 425. — Dutrochet , membre de FAcadd- mie des sciences, 581. NcmvKGE, 555, 414. TABLE ANALYT1QUE NoCVELLES SCIENT1F1QDES ET L1TTE- rAires(IV) : Allemagne, 560. — Belgique , 421 . — Etats-Unis , 200, 410. — France, 210, 425, 567.— GrandfS-Bretagne , 204 , 557. — Hollande, 210. — Italie, 561.— Norwege , 414. — Russie, 411 , 560. —Suede, 207. Nymphe (La) de la Vistule aux Fran- cais , par .J. Albert Montemont , 404. TNcmismatiqtje , 558, 559, 560. Nuit (Une) de Marion de Lorme, vaudeville, 452. 0 CEuvres litteraires de M. Jay, A., 109. — de Voltaire , publiees par Beuchot, 402. O1 Farrel. Voy. Ne"erologie. Opie(Miss). Voy. Histoires. Orgie (L'), ballet, par M. Corali , 218. Ourcq ( Memoires sur le canal de 1' ) , etc. , par P.-S. Girard, 165. Paganini et Beriot , par Fayolle, 542. Pages (J. -P.) , C. M. , 255. Pairie (De la) , M. , 50. — (Projet de constitution de la) nou- velle , par Taillefcr , 584. — (De la). Extrait du Journal du Loi- ret , ibid. — (De la) , des Liberies locales et de la Liste civile , par J. Fievee , ibid. — (Vues sur la nouvelle organisation de la), par le baron Massias , ibid. — (Qu'est-ce que la), 585. — (Examen du projet de loi sur la) par E. Renault , ibid. — (De la) . Petition a la Chambre des Deputes , par Houel , ibid. — (De la) ct de ses rapports avec la constitution de TEtat , ibid. Palaiseau. Voy. Escomptes. Panckouckc. Voy. Voyages. Panoufle (MM.), pere el Ills , vaude- ville , 586. Papjii (Lazzaro). Commentarii della Rivoluzione franchese , 551 . Pardon {John.). A Digest of the laws of ' Pensyli'ania , etc. , 126. Paris, 163, 210, 423, 567. — Ou le Livre des Cent et-Un , 544. Paugnv (Ch.). Voy. Botanique. Paysages poetiques , poemes , par J Peiit-Senn, 146. Peau (La) de Chagrin , par M. de Bal- zac , A. , 325. Peinture , 221. Pesche. Voy. Sarlhe Petersbourg tel qu'il est , par W. de Ludeman , 530. Petelin (Anselme) , C.-M. ,'30. — A. , 92. — B. ,174, 392 ,'. et [les articles signes Ans. P. Petit-Senn. Voy. Paysages poetiques. Philippe. Voy. Adieu. — Voy. Future. Philosophic transcendantale , ou Sys- teme d'Emmanuel Kant , parL.-F. Schon , 534. Philtre (Le) champenois , vaudeville , par MM. Brazier et Melesville , 220. Physiologie vegetale , 212, 214, 425, 523, 580. Physiologic de riioinme , par F. Tie- demann , 360. — (Essai sur la) du Sommeil , par E. de Benhcim , 361 . Physique, 211, 366, 557, 575. Planck (G.-J .). Geschichte der protes- tantischen The'ologie, etc. , 361. Plinguet. Voy. Ingenieur. Pof.sie, 126, .27, 138, 146, 157, 350, 396, 402, 404, 529. — dramatique, 189,217,218,430, 530, 543, 5R3. Poesies anglaises, par un Indou, 127. — de M. Van Hall, 157. Poirson. C.-B. , 402. DES MATIERES. (Jo5 Poiteau. Memoire sur le deVeloppc- mcnt des fibres ligneuses , 580. Polite (the) present , etc., 127. Politique, 5, 30, 59, 172, 174, 233, 26857.381, 584,585, 592, 594,' 595, 560. — (De la) exterieurc et interieure de la France , depuis la revolution de 1850, M. ,441. Pologne (La) et la Russie, par M. J.-H. Schnitzler , 555. Poncelet. Voy. Mecanique. Ponet. Voy. Grenier. Pongerville (de) Voy. Epitre. Pont (Nouveau) de Londres , 205. Pouvoirs (Aphorismes sur la constitu- tion des trois) du gouvernement rc- prdsentatif , par le baron Massias , 584. — (Courtes rdflexions sur les) dleclifs et hereditaires , et sur 1'dquilibre qu'il faul elablir entre eux , 585. Poujol. Voy. Antonine. Pradier, sculpteur. Ses ouvrages a Texposition, 228. Pratique (La) de la me'decine , par J. Coster , 1 26. Preventions (Les) , com^die , 585. Prince (Le Jeune) , ou la Constitution comedie , par Merville ,219. Prix decernes. — ParTAcademie franpaise , 215. — Proposes.- — Par l'Academie francaise, 216. — Par la Societe delitteraturedeLeyde, 210. ' Prix (Le Grand) , opera-comique, par Gabriel et Masson , musique d'A- dolphe Adam, 219. Proces (Le) d'un Marechal de France , par MM. Dupeuty ct Fontan , 585. Prophetic ,206. Propriete' (Predication sur la constitu- tion de la) , 581 . Psychologie (Essai d'un Expose sys- tdmalique de la) empirique , par F.-H. Biunde , 356. Oofi Quetelet (A.) C.-B. , 423. — Voy. Croissancc. Quintard (Ferdinand) , C -M. 11 268. Rabelais, vaudeville, 586. Radius [J. Beiuerkungen iiber Sa/z- brunn , etc. ), 1 45. Rcboul. Memoirc sur la structure des Pyrenees, 581 . Reclamations. — de M. Hortolau au sujet de son oti- vrage intitule, le Re'^ulateur, etc., 429. Recreations ( Les ) d'un savant , 1 55. Recueil des lois de la Pensylvanic, par John H. Pardon, 126. — americain de morceaux choisis de po^sie par G.-B. Cheever, 126. ReTormes ( Sur la necessity de ) gene- rales dans Petal actucl de FAllema- gne, par Jurgcns , 557. Regnault ( Jean-Bapliste). Voy. Ne- crologie. Regne ( Le ) animal rangd d'apres son organisation, par Cuvier, traduit en allemand par Voigt , 354. Rehm ( F. ) Lehrbucli tier hislorische Propoedentik, 358. Reichel ( TV . ) Hebeen's Fleiquellen, etc., 145. Reiffenberg. Voy. Archives. — Voy . Universite. Reine (La) maure, poeme, par E. Snovvden , 550. Religion. Aux philosophes , M., 499. — ( La ) et les triomphes de l.i foi , poeme par D.Huntington, 156. — ( Lettres sur la ) et la politique, traduites de l'alleniand de Lessing, 580. Renault ( E. ) Voy. Ilercdile. — Voy. Pairie. Republique monarchique , par Bellier, 592. TABLE AKALYTIQUE Resscmblances (thcoricdes), parD.-G. Machado, 158. Restorff. Topographisch-statistJiscJie Beschreibung, etc., 550. Revolution ( Commentaires sur la ) I'rancaise, par L. Pappi , 551 . Reuvens. Voy. Lettres. Rey-Dusseuil Voy. Andrea. — Voy. Monde. — Voy. Amis. Ribauds (Le Roi des) , par Jacob, A., 536. Riffaut. Voy. Voyage. Rigollot, fifs.C.-A., 76. — B. 161. Robbins. Outlines of ancient and modern history, etc., 126. Robert. Ses tableaux a l'exposition , 227. Roche. Voj . Grippe. Rochcfort (De). Voy. Carlin. — Voy. Boucles. Boi (Le ) de Sicile, opera comique, 584. Romans. 185, 186, 191, 325, 336, 404, 405, 406, 407, 525, 549, 555. Roqueplan. Ses tableaux a Imposition, 227. Rott [Ch. de) Al gemeine Geschichte, 141. Roulin, sur Temploi de la gelatine comme aliment , 2H . Russie, 411, 560. Saint-Amand. Voy. Zanetii. Saint-IIilaire. Voy. Encore. Saint-Simon (Tableau synopliquc de la doctrine de ) , 580. Saint-Simonienne (Religion) : ensci- gnement central, 580. — ( De la Religion) , Discours aux eleves de TEcole Polytechnique, ibid. — (Religion) : la Presse , 581. Salzbrunn (Observation sur) ct All- wasscr , 145. Sargines (Le nouvcau), vaudeville, par M. Francis , 452. DES MATIERES Sartlic ( Dictionnairc lopographiquc , historiquc et stalistique de la), par J. R. Pcsche,378. Savart. Memoire sur la limitc inle- rieiire du nonibre des vibrations d'un son perceptible , 213. Savigny. Voy. Hay ward. Scheu ( F. ). Die Heikraefte Mdrien- bads, etc. , 145. Schlegel (J.-M.-G. ). Die ntineral- quellen zu Liebenstein , etc. , 144. Scbnitzler, Voy. Pologne. Schon. Voy. Philosopbie. Sciences M^DICALES, 126, 361 , 484, 520,523, 538, 582. — Morales et politiques, 380, 384, 499. — Religieuses, 131,153, 170, 171, 361 , 380. — Occultes , 83. Scott ( W alter). Demonology and witchcraft. A. , 83. Scribe, Voy. Theatre. Sculpture, 228. Searle (C.). Cholera, its nature, etc., 523. Sega [James). J) "hat is true civili- sation? etc. , 126 Sermon sur le verset 12 du chapitre 2 de la premiere aux. Corinthiens, par Biiltell, 131. Seron. Voy. Croix. Servan de Sugny. Voy. N^crologie. Serullas. Memoire sur le brdmure de silicium, 582. Siege de Constantinople ( Le) , poeme parN. Michell, 350. Sinner (de). Voy. Triisor. Simons (A). Over he I hasleel van Antwerpen, 155. Sismondi(J.C.L.de)C.-M., 5 Situation (Coup d'ceil sur la) actuellc del'Italie, 560. Smith (II.). Voy. Foret. Snowden [Eleanor). The 3Iorish queen , etc. , 350. SOCIETES SAVANTES et d'utilile publi- que. (io7 — en Asie : Socie'te des arts et sciences de Batavia, 127. — en Angle tar re : Societe pour la conservation des monumens natio- naux , 206. — Nouvelle S< ciete de temperance, a Londres, 558. — So- ciete pour Pencouragement de la gravurc des medailles , 558. — en France ( a Paris ) : Institut : Academic des sciences, 210, 423, 467. — Academic francaisc, 2I5. Sommaire de geologie , par Amos Ea- ton, 125. Sorcl. Voy. Metamorphose. Soulie (Fr.). Voy. Famille. Source et bains de Jenatz ,149. Souvenirs de ma vie politique , sociale et litteraire, par Heiberg, 553. Sporschil {J. )■ Jf'allenslein , histo- rischer Versuch , 360. Statistique , 1 67 , 1 77 , 201 , 207 , 377, 414, 469, 530, 579. — generate du department du Haut- Rhin, 167. — ( Essai sur la) de Tarrondissement de la Fleche, par Th. Cauvin , 380. Sterne (Choix des sermons de L.), 150. Stieglilz (31.) Bilder des Orients, 529. Strickland (Susanna). Enthusiasm , etc., 350. Suckau. Voy. Langue allemande. Sue (Eugene). Voy. Atar-Gull. Suede , 207. Suisse , 146 , 561 . Tableaux genealogiques et historiques de TEmpire britannique , par le ba- ron de Reden , 361 . — De l'Orient, par H. Stieglitz, 5*29. Taillefcr Voy. Pairie. Temperature du polcnord, 556. Tenore. Succincta relatione delviag- giofatto in Abruzzo, etc. , 565. (io8 TABLE ANAMTIQUE. Theatres. De Paris, 217, 430, 583. Theatre d'Eugene Scribe , 543. Theoloc-ie. Voy. Sciences reli- G1EUSES. (Histoire de la) protestante , par G.-J. Plank, 361. Thurot. L'Academie francaise lui a de'cerne' le prix fonde pour Touvrage le plus utile aux moeurs , 21 5. Tiedemann {J.). Physiologie des Mensclien, etc., 360. Tir (Le) et le Restaurant , 586. Topooraphie, 135, 169, 377, 530. Traditions dc la Palestine, 135. Traductions. —En allemand , du francais, 354. — En anglais , de 1'allemand , 523. En francais , de Tallemand , 380 , 405, 323.— De l'anglais, 384, 404> 406. — Du latin , 396. — En italien, del'anglais, 151. Tr&or de la Languegrecque , de Henr Estienne, id. donneepar MM. Hase, de Snner et Fix , 398. Trial ( The) of the unitarians , 1 50, Tinka {Fr.). Praktisches Lehrbuch , etc. , 146. Trommsdorff{J.-B.). Chemische Un- tersuchungen , etc., 145. Troupes (Essai sur la ne'cessite d'ame- liorer le sondes) en temps de guerre, etc. , 176. Tytler {P-F). Family Library, etc.. 344. U Unitairiens (Proces des) , 151 . Ijnivcrsite (Dcuxieme et troisieme Me- moirc sur les premiers siecles de T) de Louvain , par le baron de Reif- fenberg , 553. Vallot. Mcmoirc sur la synonymie des plantes dc l'Afriquc australe, 581 . Vanderbuch. Voy. Chansons. Varin. Voy. Justc-milieu. Vendetta (La), mdlodrame , par M. Victor Ducange, 586. Vents (De la cause des) , 200. Verhandlingeni'an hel Bataviaasch, Genoolschap , etc. , 127. Vcrnet (Horace) . Ses tableaux a Im- position , 226. Vers de Thomas Haynes Bayly, 550. Vidalin (Aug.) , C.-N., 588. Vie de Salvator Rosa ,151. — de Samuel Jonhson , par J. Bos- well , 344. — et terns de Georges IV, par Croly , 516. — et ouvrages d'Albcr Durer, par J. Heller, 528. Vies des cclebres Ecossais, par Tytler, 22e livraison de la Bibliotheque de famille, 344. Vierge (La) Una , poeme, 151. Villeneuve. Voy. Jardiniere. Virey. Flore nocturne , 425. Voies (Les) du droit, 139. Voigt [F.-S-) Das Thierreich geord- net nach seiner Organisation , 354. Voltaire. Voy. CEuvres. Voleur (Le), vaudeville, par MM. Car- mouche et Dccourcy. 432. Voyage (Le) de la Liberie , vaudeville, par MM. Fontan Desnoyers et Muller, 220. — (Relation succincte d'un) dans l'A- bruzze , etc. , par Tenore , 365. — en Egvpte , en Nubie et lieux cir- convoisins, par Riffault , 409. — (Fragmcns de) et anecdotes de la vie maritime , par Basil-Hall , 128. Voyages et deeouvertcs des compagnons deChristophe Colomb, par Wash- ington Irving , 521 . — aux iles Hebrides, par Panckouckc, 540. 1)ES MATIERKS. w Waisse dc Villiers. P'oy. Itineraire. Wallcnstein (Essai historique sur la Vic dc) , par Jean Sporschil , 560. Warden. Tableau de la population des Etats-Unis , 579. Watchman (Le) , melodramc , 586. Jf^aterhouse . An essay on Junius , etc., 426. Weyland. Voy. Cholera. (jog Wolff. Voiinsun^ iiberdie Eucyclo- pcedie der Althvrthumswissens - chaft , etc. , 146. Zncharia;{K.-S-).UcberdasSchuld- ■wesen , etc. , 361 . Zanetti , ou la Fille du Refugie, me- lodrame, par Saint-Ainand , 432. Zoologie , 354, 371. Zschokke. Voy. Gicbasch. ERRATA DU TOME LI. Gahier de septembre , page 559 , lignes 15 ct 16 , application paiticuliere , lisez : extension facile. (n+1) — -2 2 FEB.95 EN \ENTE, RUE DES SAINTS-PEK KS , N" 2G, Ci-devant rue de l'Ode'on , 11" 3o.; TABLE DECENNALE DE LA REVUE ENCYCLOPEDIQUE REPERTOIRE GENERAL ET ANA LYTIQUE UES MATIERES CONTENUES DANS f.ESQUARANTE PREMIERS VOLUMES DE CE RECUEIL; 1819 a 1829. 2 forts vol. in-8° en petit-texte ; prix : \ 6 fr. Cette Table, qui pre'sente Phistoire ties travaux et desprogres les plus re- marquables dans tousles genres et dans tousles pays, sera non-seulement ne'cessaire aux posscsseurs de la collection complete de la Revue qui vou- dront y faire des recherches avec promptitude et facilite' ; mais encore elle pourra servir aux personnes qui, sans avoir a leur disposition les dix pre- mieres anne'es, dc'sirerontconnaitre, au moinssommairement,les ouvrages, les auteurs , les publications importantes , les me'moires couronnt's par les socie'te's savantes , les notices d'un inte'ret ge'ne'ral , et enfin lesentreprises litte'raires et industrielles, les inventions, les de'couvertes , les procede's nouveaux, les perfectionnemens, les faits curieux et instructifsqui ont e'te mentionne's dans ce long intervalle de terns. On peut, d'ailleurs, se pro- curer les anne'es de la Revue se'pare'ment et m£me des cahiers detaches , rue des Sainls-Peres , n° 26. La Table de'cenn ale avail ete primitwement annonce'ed i5/r., mais le nombre des feuiUes ajrant depasse nos calculs , nous avons ete obliges d'en porter le prix a i6//\ €0iii)itt en 4 volumes in-8°. prt* tfc l'2lb0nnemrnt. A Paris 46 fr. pour un an; 26 fr. pour six mois. Dans les departemens. 55 » 50 » A l'etranger 60 » 54 » En Angleterre. ... 75 » i'2 A partir du 1er Janvier ou du 1er juillet. Chaque cahier se vend separement 5 francs. Le montant de la souscription , qui doit etre paye d'avance et envoye par la poste; La correspondance ; Et lout ce qui concerne k redaction, les livres de tout genre, les gravufes, etc., dont on desire faire rendre coirpte, doivent etre adresses, franc de port, AU DIRECTED!! DE LA REVUE EflC\ CLOPEDIQUE , RUE DES SAINTb-PERES, IV0 30. Iiu|.riuiene J't\ BRA? , i ue Ju Cadran , n' 16.