^,,^ ' IcMt cU^ /Tv^^^e^^ a/r *^ o^ REVUE ENCYCLOPEDIQUE. Politique , Religion , Philosophie , Sciences , Economie politique , Industrie , LiTTERATURE ET BeaUX-ArTS. PARIS. AU BUREAU DE LA REVUE ENCYCLOPfiDIQUE , rue des Saints-Pferes , N" 26 ; i.KTiiANi). r.LE ii.u;tefeuili,i;, n" ?.i. OGTOBRE 1S31. BEVLE ENCYCLOPEDIQUE REVUE ENCYCLOPEDIQUE, ou ANALYSE RAISONNEE UES PRODUCTIONS LES PLUS REMARQUABLES DANS LA POLITIQUE, LES SCIENCES, l'iNDUSTRIE ET LES BEAUX-ARTS; RECUEIL MENSUEL , Jl. j^ippoljJtc OTarnot. f TOME LII. PARIS. AU BUREAU DE LA REVUE EISCYCLOPEDIQUE , ROE DES SAINTS-pfeRES , n» 26. OCTOBRE 1831. « Toutcs Ips sciences sonl Ics ramcaux d'une memc tige.i) Bacon . REVUE ENCYCLOPEDIQUE. DE LA POLITIQUE EXTl^RIEURE ET INTERIEURE DE LA FRANCE DEPUIS LA REVOLUTION DE 1830. — ^99^^Bm DEUXIEME PARTIE. POLITIQUE INTERIEURK. Le drapeau national venait de reinplacer ie drapeau blanc sur les tours de Notre-Dame et sur le pavilion des Tuileries. Le peuple des barricades etait maitre de Paris par droit de con- quete , et d'heroiques prolelaires veillaieut attentivement sur les palais et les comptoirs. Sous ces vainqueurs en haillons , I'ordre regna veritablement dans la capitale de la France; neaninoins leur domination, toute admirable quelle etait par son caractere moral , devait bientot avoir un terrae. II fallait se hater d' organiser un gou- vernement sur les ruines de celui qu'on venait d'abattre. Tout naturellement I'attention et la confiancepubliques se lournereni vers les hommes qui avaient acquis le plus de renommee par leur 6 DE LA POLITIQUE INTER lEURE opposition an regime dechu. Les corabattans de jiiillet mirent leur victoire en depot dans les mains dii plus illustre et du plus ancien soldat de la liberie : un grand nombre d'entre eux le presserent raeme vivement d'accepterla pre'sidence d'un gouver- nenient provisoire , jusqu'a la constitution definitive du pays par un congres national. Mais Tami de Washington crut que Tinte- ret de la France et le souvenir d'une longue vie, pure de toute vue ambitieuse, lui cominandaient un refus. II le prononca an milieu des notabilites de tous les rangs, qui s'agitaient aupres de lui, et qui s'eclieloniiaient, pour s'elever graduellement a I'aide les unes des autres. Des lors , la pente retrograde se trouva ainsi ctablie : le peuple s'etait rallie k Lafayette ; Lafayette se confia aux 221 •, les 221 s'offrirent au due d'Orleans ; le due d'Orleans se livra aux doctrinaires , et les doctrinaii'es toucluiient a la res- . tauration Tout fut logique et necessaire dans cette serie de temoignages et d'actes de confiance. Du moment que Lafayette ne jugea pas utile et couvenable de prendre sur lui la responsabilite du gou- verneraent de la France , et de fonder un nouvel ordre de choses avcc des hommes nouveanx , dont son immense reputation eut sufiisamment etaye Fobscin-ite, il fallait s'attendre "a tout ce que nous avons vu depuis un an. La nation ne connaissait rien de plus liberal , et n'avait rien de plus populaire que la fatneuse opposition, dont la perseverance , en reduisant Charles X aux coups d'etat, avait involontairement provoque I'explosion de juilict. Les doctrinaires, rejetes depuis plusieurs annees dans les rangs de cette opposition, par les envaliissemens du parti nobi- liaire et sacerdotal, y figuraient avec eclat. Leiu- chef, Royer- Collard, avait ete elu sept fois en i 827. Comme on leur suppo- saitdes idees etendues , des counaissances ptofondes, mie theorie complete sur Torganisation sociale et sur le mccanisme gouver- uemcntal , ils parvinrcnt a sintroduire sans obstacle dans les conscils du prince a cote de quelques liomnies qui jouissaiont dune favour plus graude aupies du parti national. Leur aveue-- DE LA FRANCE. 7 ment au pouvoir devait produire , ainsi que je I'ai dit prece- deniinent , le sysleme du j'uste-milieu ^ et toute la partie de la nation qui est habituee a faire ceder les considerations lointaines ou elevees a des besoins actuels de repos et de tranquillite devait aussi s'attacher viveraent, coraine elle I'a fait, a. ce systeme. II ne s'agit pas , je le repete , d'iraputer a crime aux doctri- naires leur conception de la quasi-leg'itimite. Je crois avoir deja explique comment I'influence de leurs anlecedens , les traditions du canape J et le caractere necessairement etroit de toute poli- tique de coterie, avaient du les amener, malgre toute I'elevation de leur esprit et toute la profondeur de leurs etudes , k une appreciation miserable du sublime raouvement de juillet, et leur faire considerer les institutions et les traites de \ 81 4- comnie les seules garanties possibles et efficaces de I'ordi'e public et de la paix. -Nous avons vu ce qu'avait ete cetle paix , poursuivie avec tant d'ardeur par notre diplomatic; il nous reste a examiner ce que c'est aussi que cet ordre public , dont les hommes et les doctrines de la restauration devaient nous assurer Tinvio- labilite. Des le mois d'aout, I'emeute commenca par les ouvriers im- primeurs, c'est-a-dire par les memes honnnes qui avaient donne le signal du combat contre la gendarmerie et la garde royale. Elle continua en septerabre , devint plus effrayante en octobre , fut gcnerale et terrible en decembre , triompha pendant deux jours en fevrier , et n'a cesse depuis d'avoir ses retours presque perio- diques et toujours plus menacans pour les lois et les autorites existantes. Dira-t-oa mainlenant que cos desordres permanens , que cette turbulence continuelle, n appartiennent qu'a une poignee de factieux? Maish qui pourra-t-on persuader que, dans un pays, comme la France, ou la civilisation est si avancee, ou le besoin d' ordre et de repos est si general et si pressant , il soit permis "a quelques perturbateurs d'ebranler a leur gre la confiance pu- blique, et de plonger incessamment une immense capitale dall!^ 8 DE LV POLITIQUE INTERIEURE los agitations et les alarmes, si la societc ne renferinait pasd'ail- Icurs dcs causes profoudes de malaise et d'irritation ? Que les partis inter vienneiit dans Ye'meute; qu'ils cherchent a I'entrete- iiir, a la grossir , a I'exploiter, cela est toiit-k-fait vraisemblable ; mais qu'ils puissent la fairea volontc, independaniment de tonte raison legitime de plainte, de loule disposition morale des masses, tie toiite participation de I'opinion publique , c'est ce qu'on ne })cut admettre quaud on a ose voir I'emeute sans prevention , I't quand on a reflechi un pen snr I'origine et la nature des mou- vemens populaires. Cepcndant le ministere et scs amis ont toujours affecte de n"attribuer les troubles de la capitale qu a un petit nombre de mecontens, qu'ils ont presentes le plus souvent corame repu- hlicains i pour insinuer ensuite que 1' opposition parlementaire pouvait bien , par sa tendance democratique , ne pas etre tout-'a- lait etrangere aux e'meuteurs. L' opposition s'est indignee de cette supposition ; elle a recri- niine-, elle a renvoye I'accusation a la police ; elle a fait reraar- qucr, avec raison , par la boncbe de M. Mauguin, que rinter^ vention tumultueuse de la multitude n'avait profile qu'a ceux qui s'en montraient les plus effraj^es; et que, toutes les fois que les ministres avaient ete vivement iftterpelk'*; au sein des Cham- bres, I'emeute, comrae un auxiiiaire in extremis, qui ne leur a jamais manque , etait iuopinement survenue , a leur insu sans doute, mais tout-k-fait h propos, pour les tirer d'embarras. Les derniers evenemens qui avaient agite Paris en fournissaient uii cxcmple frappant. Apres trois jours de deuil , de consternation , de clameurs et d'exci-'s condamnables , la tranquillite renaissait dans la capitale ; ct le lundi 19 septembre, la plupart des journaux annoncaient que la crise violente el si redoutee , dont la nouvelle de la prise de Varsovie avait et« la cause et le signal , etait enfin apaisce. (^etait ce jour-la meme que le ministere avail a repondre a la double interpellation de MM. Mauguin et Laurence. Des le DE LA FRANCE. 9 matin , cent tambours battirent le rappel dans tons les quartiers fie Paris , et ne contribuerent pas pen a replonger son immense population dans I'anxiete. Je ne veux point provoquer le soup- con et le blame sur ces actes del'autorite. L'etat des esprits parut sans doute assez effrayant au ministere pour necessiter I'appareil militaire qu'il deploya autour de la Chambre des deputes, afin de proteger la representation nationale contre I'influence du dehors. Mais, quelque legitimes que fussent les motifs de cette bruyante convocation de la garde nationale , il n'en est pas moins vrai qu'elle servit a I'amener les attroupemens au lieu de les dissiper. En effet, partout ou il se presenta des corps armes, les curieux accoururent , des rassemblemens se formerent, quelques agitateurs purent s'y meler, la verge de la police et le sabre du soldat intervinrent , il y eut e'meute Jlagrante , et le ministere, presse de rendre compte de sa conduite , repondit , non pas cette fois comrae Scipion , en montant au Capitole pour y chercher I'appui de sa gloire , mais en montrant le Forum tuniultuenx , et en descendant jusque dans la ruepour s'y refugier derriere la gloire des dragons et des sergens de ville. L'opposition parlementaire , ainsi etourdie , etouffee , vaincue par les clameurs exterieures, avait done le droit d'exiger du ministere, sauve par I'emeute, un peu plus de pitiepoursa liberatrice, sous peine d'ingratitude. Les derniers troubles, d'ail- leurs, avaient eu une origine et un caractere particuliers qui commandaient I'indulgence. II est incontestable, en effet, que la premiere explosion des sentiraens populaires, a la nouvelle du triomplie des Russes , si elle fut accompagnee de cris et d'actes coupables, si elle fraj^pa ainsi d'epouvante les amis de I'ordre, servira du moins de temoin dans I'histoire , pour faire absoudre la France de toute complicite dans le meurtre de la Pologne ; pour decharger notre pays de toute solldarite dans la conduite de ses ministres, et pour attester qu'il y eut dans Paris douleur xuiiverselle et profonde, AonXeuv jusqu'au de'lire , quand on npprit que Varsovie ctait au pouvoir de I'autocrate , et que The- lO DE LA POLITIQUE INTERIEI]RE roisme dcs Polonais n'avait fait que prolonger leuragonie! 11 est horrible, sans doute, que notre justification devant le tiibunal de la posterite s'etablisse par des mouvemens seditieux et par des vociferations homicides •, il est horrible que le genie de a France, si jamais on I'accuse d'avoirassiste, impassible, "a I'assas- sinat d'un peuple ami , ne puisse se defendre qu'en citant des scenes de desordre et des actes de vandalisme. Mais sur qui doit done tomber la responsabilite de cetle apologie deshonorante ? qui a conduit la nation la plus civilisee del'iinivers a cette extre- mite, de ne pouvoir ecliapper a lahonte dont I'avenir accusera sa diplomatie qu'ea iiivoquant des souvenirs de barbaric et de brutalite? Si les hommes qui habitent les hautes regions de la politique eussent fait leur devoir ; si les sentimens fraternels du peuple Francais pour la Pologne eussent ete dignement expri- mes en langage officiel , I'intervention desordonnee d'une multi- tude furieuse n'aurait pas afflige !a capitale , et la douleur publique n'aurait pas ete reduite a prendre pour interpretes dcs orateurs de carrefour. Mais quand les hommes puissans se taisaient, on ne donnaient que des lannes steriles au malheur des Polonais; quand tout etait de glace, Ih ou Ton se pique d'urbanite et de mansuetude , il fallait bien , pom- I'honneur de la France , que le feu sacre de la sympathie, le bouillonnement des passions genereuses et le sentiment moral de la nation se montrassent quelque part ; et alors , c'est le peuple des rues qui est veuu suppleer sous une fonne effrayante le silence et la reserve du peuple des salons. Tout en reprouvant ses exces, lout en fletrissant I'expression furiboude qu'il a donnee "a ses regrets pour ses freres du Nord , il est impossible de ne pas reconnaitre que son exaltation tumul- lueuse aura pour rcsultat de constater, unjour, combien la popu- lation parisicnne hit iunoccnte des tons de la diplomatie francaise, et de faire oublier peut-elre qu'im minislre et un depute de la nation qui devaitle plus a la Pologne s'attacherent, I'un a nous vassurer sur Ic triomphc des Russes, en disant que I'ordre DE LA. FRANCE. I 1 reguait maintenant a Varsovie I I'aiUre a nous consoler de rex- termination, de nos plus fideles allies, en soutenant qu'une Pologne ctait impossible , et en justifiant le fameux partage qui scandalisa le raonde civilise h la fin du dix-huilieme siecle... Noa, Temeute parisienne, quelque parli que la police et les factions aient voulu en tirer, n'a jamais eclate sans avoir sa cause reelledans le malaise general de la population, dans le froissement des opinions et des sympathies des uns , dans la misere et le desespoir des autres. II vaut mieux reconuaitre touleTetendueet loute la profondeur de la plaie, pour s'occuper efficacement de la guerir, que de cliercber a s'etourdir sur des dangers manifestes , en fermant obstinenient les yeux. He bien ,il est tellement vrai , tellement evident que I'agitation perpetuelle de la capitale tient a des souffrances morales et materielles dans les classes les plus norabreuses de la societe, que cette agitation s'est montree depuis un an sur tons les points de la France. Le peuple des villes etdes campagnes, Thonnne du nord et du midi , se sont leves et se levent k la fois aujourd'hui pour menacer ou violer Xordre le'galy que beaucoup de gens avaient pris pour le dernier terme du perfectionnement social. Au milieu de tant de symptomes de detresse, de tant de temoignages sinistres de linsuffisance de la loi et des vices de notre organisation actuelle ; au milieu des revokes royalistes de I'ouest et des seditions democratiques de Toulouse, de Perpignan et de Grenoble ; a la liieur des incen- dies qui consument les registres et les bureaux des octrois, des droits reunis et des douanes , en presence et avec la cooperation meme des gardes natlonaux , dans la plupart des villes du Languedoc, de la Provence, de I'Auvergne, de T Alsace, qui oseraitdire encore que les embarras dupouvoiretl' inquietude des citoyens ne proviennent que d'unepoignec d' agitateurs que l'or~ dre et le calme de'sesperent ? Les partis se melent sans doute "a ces actes de desordre, a ccs scenes deplorables; mais pourquoi le gouvernement laisse- t-il aux partis unauxiliaire aussi puissant que la misei'epublique? 12 DE L\ POLITIQUE INTERIEURE Poiirqiioi lie s'eiiipiesse-t-il pas de leur eulever Tappui dii me- coiitcntement universel, et de leur arracher le drapeau de la re- fornic, cu le deployant lui-raeme sur les masses populaires , qu'une legislation abusive et le besoin pressant d'amelioration pousseiit aux plus graves exces? 11 y a un nioyen sur de rendre vains et solitaires les efforts des factieux , c'est de ne pas donner pretexte h la sedition , de ne pas fournir un aliment k la revoke , en repoussant des voeux legitimes, en meconnaissant des besoins imperieux. A defaut de sentiment d'ordre et de dispositions pacilicfues, les fauteurs de troubles ont du moins assez de cette sagcsse qui consiste a calculer les chances favorables ou funestes d'une entreprise, pour ne pas tenter de soulever une nation libre ct prospere , une nation pleinement satisfaite de ses institutions ct de scs cbefs. ha done oil la perturbation se manifeste, oii rinsurrection eclate , il y a evidemnient lieu d'accuser les vices de la loi ou les fautes du poiwoir, rirnpuissance de la constitu- tion ou rimpei-itie de I'autorite. Que le gouvernement reprime le desordre par la police et la force militaire, qu il defende la tranquillite publique centre les agitatcurs, rien de mieux : on ne pent qu'applaudir "a sa sollicitu- de eth sa vigilance. Mais, cette taclie indispensable et salutaire une fois remplie , qu'il s'occupe ayssi de prevenir les exces dont il ne peut le plus souvent arreler le cours que par d'autres exces, que par un recours extreme a de sanglantes raesures ; qu'il voie, dans les cris des agitateurs et dans les explosions du des- espoir, d'utiles avertissemens, et qu'il ne dedaigne pas d'en pro- filer pour fairc cesser la cause premiere des troubles, en portant im prompt remede aux iiiaux qui affligent le corps social , et en fondant ainsi la securite des citoyens , non plus sur I'application homicide d'une loi marliale , raais sur la satisfaction des interets g(''nc'raux , sur le redressement des griefs, la reforme des abus et le bonheur du peuple. Les homines d'etat qui out gouverne la France, depuis la revolution de juillet, soit par une action directe, soit par la seule DE LA FRANCE. lO influence de leurs conseils, ont-ils agi avec cette prudence? ont-ils coiupris les avis desordonnes de la multitude? ont-ils nia- nifeste une parfaite intelligence de la situation des classes labo- rieuses? Se sont-ils montres penetres de la hecessite qui pesait sur eux , des devoirs qui leur etaient imposes ? Je ne puis le penser Une dynastie, qui avait pour elle I'appui de la tradition poli- tique et religieuse et le prestige de notre antique gloire , venait de disparaitre devant I'indignation , la colere , la vengeance , la justice du peuple. A ce terrible, mais admirable spectacle d'une chute immense ; "a I'aspect d'une nation, jadis idolatre de ses rois , et brisant aujourd'hui , comme un jouet d' enfant , le sceptre re- doutable qu'avaient porte Charlemagne , saint Louis , Henri IV et Louis XIV, fallait-il avoir beaucoup medite sur les causes de la grandeur et de la decadence des empires pour sentir que ce divorce eclatant de la France avec im trone lie a ses destinees pendant quatorze siecles ne pouvait s'accomplir sans entrainer de vastes changemens dans les anciennes relations des diverse classes de la societe , sans amener de grandes ameliorations dans le sort d'une nation juslement rebelle et definitivement vic- torieuse ? La revolution de i 789 avait dclivre le tiers-etat des immuni- tes , des privileges et de toutes les distinctions aristocratiques dont le moyen age avait dote le clerge etla noblesse. L'universa- lite de I'impot , 1' abolition des ordres , I'unite du corps social , I'egalite devant la loi , furent alors les couquetes importantes qui signalerent la premiere catastrophe de la race des Bourbons. Lorsque, apres vingt-cinq ans d'exil et quiuze annees de restau- ration , cette famille raallieureuse etait rejetee une derniere fois sur la terre etrangere , devait-on croire qu'un eveneraent de cetle nature resterait sans consequence pour ceux qui I'avaient con- somme? Devait-on croire que le peuple serait cense avoir com- battu sans interet , et ne s'etre leve contre la branche ainee des Capetiens que pour defendre I'integrite de I'ordre social qu'elle l4 UE LA POLITIQUE INTERIEURE nous avait fait subir depuis 1814-, avec I'aide et le concours de la sainte-alliance? C'etait a la partie la plus norabreuse, la plus active ct la plus'eclairee de la nation qu'etait due la revolution de 1850. Ces innombrables proletaires qui triompherent des Suisses apparteuaient a la classe ouvriere ou a la jeunesse qui est disseminee dans toutes les carrieres utiles et dans les profes - sions liberales. II fallait done reconnaitre qu'il mauquait quelque chose a ces homines energiques , a ces masses d'ouvriers et d'etii- dians, pour qu'ils se fussent ainsi rencontres sur la place pu- bliqueen face de la mitraille, pour qu'ils eussent renverse de con- cert le trone de Charles X , apres I'avoir mine pendant long-tems par les conspirations et les emeutes. Les fameuses ordonnances ne touchaient directement que les electeurs et les eligibles , que les journalistes et leurs abonnes. Les classes inferieures serablaient tout-k-fait etrangeres au coup d'etat , et c'est cette apparence qui rendit si temeraire et qui precipita dans I'abime le dernier ministere de la restauration. On croyait fermement a. la cour c/ue lepeuple ai>ait donne sa demission, et qu'il resterait impassible jusqu'au bout en presence des querelles de la bourgeoisie avec I'antique noblesse et le vieux sacerdoce. Quelques feuilles de I'op- position constitutionnelle avaient elles-meraes accredite cette opinion. Sous le ministere de M. de Martignac, le Journal des Dehats , alors, comme aujourd'hui , organe officiel de la classe bourgeoise qui essaie d'elever une nouvelle aristocratic sur les debris de I'ancienne , et de substituer I'influence de la fortune hereditaire au credit et "a la consideration du patriciat ; le Jour- nal des Dehats s'expriraa avec vuie naivete bien reraarquable pour demontrer combien le peuple etait desinteresse dans les questions politiques qui ne sortaient pas du cercle trace par la Charte , et pour laisser ainsi a la bourgeoisie seule le soin et le droit de les resoudre : « Fortiliez, disait-il, le salutaire ascendant de la bour- geoisie, loujours araie du repos etde I'ordre; car, apres tout, qui sonffre de la loi d'ainesse? la bourgeoisie qui a quelque chose ii partager entre ses enfans, et non le petit peuple qui n'a rien. Qui DE LA FRANCE. l5 se ruiiie an 3 p. 100? la bourgeoisie. Qui s'indigne de la cen- sure ? la bourgeoisie , qui aiirie a. lire et k penser librement , ct non le petit peuple qui n'a que le teins de travailler afin de ga- gner sa vie. » Si done le petit peuple , qui ne forme pas moins des neuf dixienies de la nation, ainsi dedaigne, ainsi place en dehors dela loi politique par la restauration , a pris sur lui, sur lui seul, de cliasser les princes qui lui avaient impose un regime quirexcluait de toute participation aux affaires publiques, et qui I'abandon- naitk sa laborieuse misere, comment pourrait-on penser qu'il n'est sorti genereusement de I'indifference humiliante h laquelle on le condamnait que pour continuer de vivre sous lepoids des memcs exclusions , des memes charges et de la nieme misere? Non, le peuple , dont la voix est bien reellement celle de Dieu quand il manifeste un desir de progres, quand il sape les prejuges, re- siste au genie du retardement et punit le parjure, non le peuple n'a pas pu travailler en vain dans la grande semaine. Si son oeuvre sublime n'a pas encore recu sa recompense , c'est que tout son lieroi'sme n'a servi jusqu'ici qu'a faire passer le pouvoir aux hommes memes qui , en 1827, affectaieut de ne le compter pour rien dans Tordre politique , et qui depuis n'ont accueilli sa vic- toire que pour Tetouffer. Ces hommes, je le repete, ne pouvaient pas agir autrement qu'ils n'ont fait, sans renier leurs aniecedens, sans dementir toute leur histoire , sans abdiquer leur personnalite politique ; et comrae de pareils sacrifices sont rares , il fallait se rappeler le mot de Napoleon : Les Manes sont toujours blancs, et nepas trop espe- rer que les metaphysicicns royalistes du canape pussent jamais donner I'exemple d'une heroique et sublime inconsequence, eu abjurant tout a coup leurs vieilles affections et leurs ancienncs theories , pour se convertir k la souverainete du peuple , dont la resurrection triomphale venait derenverser leiu" propre ouvrage. 11 etait dans leur destinee d'etre les executeurs testamentaires de la legitimlte , et non pas les tuteurs de la resolution. lis out 1 6 DE LA POLITIQUE INTERIEIIRE tres-bicn conipris ct reinpli lour role : la France aiirait dii s y attendre , et ne pas leiir abandonner si long-tenis la scene pom- leur laisser jouer une mauvaise parodie de la restauration. II est beau sans donte de pardonner h ses enneniis aprcs la victoirc ; niais il n'cst ni sage rii prudent de leur livrer son epee et de sc reraeltre entre leurs mains. Cesar, riiorame du peuple, nou content d'avoir use de clemence envers les superbes patriciens qu'il avait vaincus a Pharsale, se flatta de les attacher franche- ment a sa cause en les coniblant de bienfaits et en leur rouvrant les portes du senat ; et ce fut au milieu du senat que I'implaca- ble noblesse lui temoigna sa reconnaissance parvingt-trois coups de poignard. La liberte , apres son triomphe des barricades , a im peu trop imite Cesar ; et ses ennemis , quelque bizarre que puisse paraitre a certains egards ce parallele , ont aussi fait les Brutus , slnon par I'austerite des moeurs et du patriotisme , du moins par I'ingratitude et la tenacite aristocratiques. Mais, si les auteurs de la restauration de 1814 n' ont fait que rester fideles "a leurs doctrines et k leurs affections politiques , en s'appliquant a amoindrir le plus possible les evenemens de juillet, il n'en a pas ete ainsi de quelques-uns de leurs auxiliaires. On a vu de jeunes bommes , apres s'etre ftiit une certaine reputation dans les rangs du liberalisme ,.par des discours on par des livres qui renfermaient I'adbesion la plus complete aux principes de la revolution ; on les a vus rougir soudainement de leur admiration pour les demolisseurs gigantcsques de I'Assemblee constituante et de la Convention , et s'efforcer d'obtenir grace , dans les sa- lons de I'aristocratie, pour la hardiesse et la generosite de leurs premieres opinions , en deposant sans regret le telescope de riiistoire pour prendre le microscope des coteries. Les quasi-le'gitimistes se sont beaucoup applaudis de cetlc de- fection, qui leur promettait Tappui de quelques renommecs nais- santes, de quelques talens deja tres-distingues. lis en ont tire, eu effet, d'abondans sccours "a la tribune; car depuis I'insaisis- sable et inepuisablc M. Pasquier, nul ministere n'avait trouve, DE LA FRANCE. 1-7 / dans ses dociles phalanges, tant de ressonrces en esprit Ji en ern- dition et en paroles. Cependantqu'a produit, en definitive, cette depense prodigieuse de sophismes assaisonnes d'epigrammes?Oii sont les fruits de cette prodigalite de sarcasmes et de citations historiqnes? Que reste-t-il des sentences solennelles de I'orgueil- leuse metaphysique et des saillies triviales de la faconde parle- nientaire? Lcs embarras du pouvoir sont-ils nioins grands, les alanncs des ciloyens nioins vives , les souffrances du peuple moins profondes ? Non, sans doule ; toute la subtiJite oratoiro des professeurs d'optimisme , qui ont voulu nous niontrer I'Eu- rope et la France par la lucarne ininisterielle, comma ces coiu-- tisans de Tancien regime , qui ne savaient rien voir qu'a iravcrs rcpil-de-bceuf de Versailles ; toute lour subtilile oratoire n a pas plus trompe le bon sens national sur I'intensite des maux qui affligentou menacent notre pays, que sur les resultats desastreux du silence et de I'inaction de notre gouvernement a I'egard de ritalie et de la Pologne. Les fails ne perdent pas leur caractere , et I'histoire du present, pas plus que celle du passe, ne se de- pouille de sa gravite pour prendre des formes mesquines, parce que cette metamorphose pourrait convenir a des hommes d'es- prit, qui, apres avoir dedaigne une place loiutaine dans I'estinie de la posterite , pour jouir de la faveur iuimediate de I'opulence et -de la grandeur contemporaines, se trouveraient heureux de reduire le grand drame du developperaent progressif de Thuma- nite aux petites proportions du monde qu'ils font mouvoir, afiii de n'etre pas accables par la comparaison, et de rester toujours d'importans personnages. Le monde ne change pas, dit-on , il ne fait (jue se modifier. Pitoyable jeu de mots ! qui, sous un hommage hypocrite a la loi du progres, qu'on vent bien appeler la plus noble crojance des terns modernes, cache un veritable outrage a la raajeste de la pensee divine, qui se deploie d'age en age dans lcs conceptions toujours plus larges et plus clevees de la raison humaine. Et pourquoi cet outrage ? Parce que le souvenir des revolutions TOME 1,11. OCTOBUli 1851. 2 \8 1)E L.\ POLITIQUE INTERIEURE cinljarrasse et iinporlune les partisans idolatres du statu quo; parcc fiu en rapetissant les magnifiqncs evolutions de I'esprit humaiii dans le passe, on se flatte d'attenuer rimportance et la necessite (les ameliorations que h present reclame. Luther et Bacon , Descartes et Newton, consolez-vous, si, du sein de la posterite reconnaissante, s'elevent quelques ingrats qui vondraient offacer les traces glorieuses et profondes de votre pas- sage sur la terre, en pretendant qu'il n'en reste plus rien que Cinde'pendance de quelques cours d' Allemagne , que la saisie de quelques bie/ts d'e'glise , que des discussions unpen plus libres dans les crojances , quune observation un pen plus exacte de la nature J, que des modijications qui n'ont pas empeche le monde (Valler comnie auparavant. Consolez-vous , cette negation au - dacieuse de votre influence sur la marche ascendante de I'esprit humain, de la renovation immense dont vous avez donne le si- gnal dans le domaine de I'intelligence, et par consequent dans celui de la politique; cette negation impie trouvera pen d'eclios chez les nations civilisees de I'Europe , et sera consideree comme nn blaspheme partout oii le progres inspirera une foi vive et sincere ! Consolez-vous aiissi, philosophes et tribuns du dix-huitieme siecle , si I'enormite de vos trayaux et I'immensite de votre gloire sent meconnues a la tribune meme dont vous avez prepare les materiaui et jetc les fondemens. Consolez-vous : ceux qui nient votre oeuvre colossale out pris a tache de tout retrecir. II entre dans leurs pelits arrangemens de reduire les plus grandes reformes a de petites proportions ; h les entendre , les siecles les plus fa- meux n'ont eu que de folles pretentions quand ils ont cru faire du nouveau, et pen s'en faut qu'ils n'en viennent a parler des sublimes monuniens de la perfectibilite humaine comme de I'enfantement ridicule de la montagne de la fable. Une espece de monomanie deprimante s'est emparee d'eux ; on dirait qu'ils ont mission de descnchanter le monde sur la grandeur des evenemens et sin- rillustration des hommes. Remplacer la genereuse inspiration DE LA FRANCE. ig (111 poete et la haute raisoii dii philosophe par le calciil du bureau- crate, substituer le parlage a I'eloquence, I'erudition a la science, et I'adresse "a Thabilete ; meltre la faii.iliarite de la presomption au-dessus de la noblesse de Tassurance , preferer le comraerage a la solennite dans les conseils des nations , pretendre que la supe- riorite des niodernes surlcsanciens repose avant tout sur la trans- formation decroissante du theatre de la democratie, et se feliciter de ce que le Forum des Gracques nest plus aujourd'hui qu'un salon d'honnetes gens : voila la mesure de leur intelligence politique et de leur foi au progres! Pitie done, mille fois pitie pour qui s'ef- force ainsi d'etouffer le genie de I'avanccnient dans des bras de pygmeepar de perfides etreintes ! Pilie pour qui ne voit qu'un modificateur dans Mirabeau, qu'un Don Qidchotte dans le co- inite de salut public, qu'un de'i^astateur dans Napoleon! Pitie pour qui se deniene niiserableraent devant les geans de I'his- toire, et s'evertue a les faire descendre a son niveau, afin de pouvoir les insulter face h face ! Un jour aussi , sous la restauralion , des paroles de dedain tomberent de la tribune francaise sur la meuioire de quelques grands hommes de I'antiquite : c'elait le tfnis ou la sainte- alliance tenait garnison a Paris , ou les debris de Coblentz et de la Vendee formaient la majorite de notre representation nationale. On vit alors un marquis de Montcalm, rempli de terreur au sou- venir des triomphes de Teloquence, ne trouver rien de mieux a dire, pour premunir ses coUegues contre la puissance seductrice de la parole, que d'accuser Ciceron et Demosthenes d'ui'oir fait plus de mal ijue de hien a leur pays. On se souvient qu'un mi- nistre, dont la voix entrainante n'avait pas pen contribue aux alarmes du noble depute, lui reprocha d'avoir voulu ravir a 1 homme ses plus belles illusions, et lui deraanda plus de respect pour les orateurs immortels dont un chancelicr de France avait dit que la nature s'etait reposee long-tems apres les avoir mon- tres au mondc. Demosthenes et Ciceron , si digiiement venges du marquis de 30 DE LA POLITIQUE INTERIEIJRE Montcalm, par reloquent hcriticr des orateurs de la Gironde, elaieat loin cepcndant davoir rendua la cause du piogres des servi- ces aussi eininens que ceiix de Mirabeau et de ses successeurs. De- niostlienes defendail le statu quo dans une deniocratie retrograde; Ciceron faisait ^w juste milieu a Rome, apres la defaite de I'aris- locratie qui avait d'ailleurs toutes ses affections. Si done nous sounncs blesses en voyant outrager la gloire que le talent seal a conquise , comment pourrions-nous ne pas protester energique- nient contre des insinuations qui out pour but de ternir I'eclat des illustrations les plus populaires, en contestant rimmensite de leur influence sur la ruarcbe de la civilisation ? « Les bommes celebres du dix-huitieme siecle , dites-vous , avaient annonce qu'il n'j aurait hientot plus ni nobles ni rois , et nous avons toujours des rois et des nobles ; ils avaient annonce que la royaute et I'aristocratie seraient un jour eirantes le long des re'puhliques J et Taristocratie et la royaute sont toujours de- bout! » ce qui vous enbardit h egayer les representans de la France aux depens des malencontreux propheles qui lirent cetle temcraire prediction. Mais nos pbilosopbes et nostribuns se sont-iis tellement troni- pes que votre raillerie puisse les atteindre ? Oii sont les nobles et les rois donl il presagerentla chute? montrez-nous I'aristocratie et la royaute dont ils ceiebrerent d'avance les funeraillcs. Publi- cistes d'anticbainbres , orateurs de salon , qui osez rire de ces colosses d'iuielligence et de renommee, relisez done les pages que le genie de I'bisloire vous dicta autrefois par meprise. AUez mediler dans la solitude de Versailles, aux environs du Jeu-de- Paume , sar les mines de la Bastille , Ik on s'eleverent les tentes de Conde, autour du monument de Quiberon , a la placode la Concorde, et riez cnsuile, si vous en avez le courage, des folles predictions du dix-lmitieme siecle! Et , si ce lugubre tableau du long enterrement des nobles et des rois irapitoyablement con- damnes par vos devanciers ue sufTit pas pour vous faire preiulre au serieux Its proplieticsdemocraliques de la pbilosophie et de la DE LA FRANCE. 21 tribune, voyez ce que nous-memes, hommes du dix-neuvieme siecle , nous avons fait de cette royaute et de cette aristocratic qui vous paraissent avoir survecu aux previsions de nos peres , pour les denientir, et pour vous fournir un vaste stijet de mo- querie. Le genie lui-raenie, roi de notre choix , est tombe du trone, quand nousn'avons plus voulul'y soutenir; etla legitimite, protegee par une ligue redoutable, a cesse de regner sur nous, quand il notis a parii que son heure etait venue. I-a souverainetc du peuple et le droit divin ne nous ont donne tour k tour que des inagistrats revocables, qui n'avaient, des lois, que le nom, et qui , aux yeux de la France, ne faisaient plus qu'appliquer des sobriquets a leurs courtisans quand ils croyaient faire des nobles. Railleurs des philosophes et des tribuns, consolateurs des nobles et des rois, songez-donc a Sainte-Helene et a Holyrood , avant de taxer de ridicule le presage de tant de catastrophes accom- plies ! Songez que si la noblesse et la royaute feodales ne sont pas errantes le long des repuhliques (1 ) , elles promenent leur nuUite ou proclament leurs perils le long des revolutions \ Et que faites-vous autre chose tons les jours que eonstater vous-memes la realisation des propheties du dix-huitienie siecle, lorsque vous signalez avec effroi i'envahissement des idees repu- blicaines , Timpopularite de I'aristocratie et la faiblesse du pou- voir royal? C'est vous ou les votres qui vous etes ecries, il y a long-tems, que la de'mocratie coidait a pleins hords (2) ! c'est a voff cotes qu'on a dit que les rois s'en allaient (5)! c'est la voix de vos oracles qui a lletri du titre d'esclat^e (A) le trone ou s'assirent Louis XIV et Napoleon ! Ces cris d'alarme, sortis de votre bouche, ne renferment-ils pas la justification la plus eclatante des previsions qui vous ont semble si singulieres etsi risibles? (1) Voir les discours et la brochure de M. Thiers , le plus abondant etleplus. iiifatigable des apologistes de la. quasi-reslauralion. (2)M. dcSerrc. ~ f5) M.Laine. (4) M. Dupin. ai DK LA POLITIQUE INTERIEURE Ainsi done , ui les philosophes , ni les tribuns du dernier siecle ne se sont tronipes , qiiand ils ont sigiiale ou qu'ils ont era accomplir luic granJe revolution. Ainsi, Ton ne s'abuse pas aujourd'hui sur le caractere dcs evcnemensdejuilletet surl'eten- due de la perfectibilite huniaine, en reclauiant et en prcsageant comme prochaines de vastes ameliorations. S'il est donne au mondc de se modifier leutement, jl esl aussi dans sa destinee d'operer par intervalles d'inimenses reformes, qui resunient en une Leurc les progres de plusieurs siecles, par la consecration politique de nouveaux principes qui changent tout a coup I'exis- teuce et la condition sociale d'un peuple. C'etait une de ces re- formes exti-aordinaires que Turgot et Necker voulurent tenter par rabolitlon des inimunites nobiliaires et ecclesiastiques, par rela])lissement de I'egalite proportionnelle de Timpot territorial , par la suppression des corvees, des gabelles , des jurandes et des maitrises ; et c'est parce que le clerge et la noblesse comprirent bienqu'il ne s'agissait pas dune simple modification^ mais d'une renovation complete, qu'ils s'obstinerent a repousser les plans des ministres populaires. Qu'arriva-t-ilcependant? en faisant ecarter, du timon des affaires, I'liomme d'etat dont Malesherbes a dit qu'zV ai^ait la tete de Bacon et le cceur de I' Hospital, les ordres privilegies n'echapperent h une revolution pacifique que pour tombcrdaus une revolution sanglante. Ilsn'avaient pas voulu de Turgot et de Necker, et ils snbirent Minibeau et Robespierre. Toutes les modifications graduelles dont le regime feodal avait cte I'objct depuis Pbiii])pc-Auguste et saint Louis ne purent empecher rimmense explosion qui, dans la nuit du 4 aoiit, ruina soudaineinent et de fond en comble un edifice que les rois et le peuple avaient mine leniement de concert pendant toute la duree de la troisieme race ! et, chose reraarquable ! les ordres privilegies entraiuerent dans leur chute la dynastic meme qui I'avait ])reparee ! Alois aussi lespcnseuis de I'aristocratie , disciples de Boulain- villiers, accusercnt d'imprudcnce et de legerete les ministres qui ;;:,•:: DE LA FRANCE. 20 avaieut cru possible d'attenuer la puissance des preiuieis ordres sans compromettre I'existence de la royaute feodale elle-meme. Alors I'abbe Maury et le comte de Montlosier , qui avaient gemi de toutes les concessions faites an tiers-etal , et qui seiitaienttoute la porteedes principes pbilosopliiques qu'on invoquait contre les prerogatives dela noblesse et du clerge, parent se croireet furent reellement des politiques plus profonds que les courtisans et les homines d'etat qui avaient applaudi ou participe an mouvenient liberal du dix-huitienie siecle, sans en prevoir les consequences. Mais leur profoiideur n'etait pas autre pourtant que celle de Caton predisant que la ruine du patriciat eutrainerait celle do la republique; et, il faut bien le reconnaitre, la veritable pre- voyance, aux terns voisins de Pharsale corame anx approches de I'emigration, ne consistait pas a. comprendre et a proclamer la liaison intime et la coraraunaute d' existence de Taristocratie et du vieil ordre social, niais "a sentir la necessite d'un ordre nou- veau et a marcher hardinient sous I'empire de cette conviction. Ainsi , quelle que fut la superiorite de Caton sur les senateurs impnidens qui acceptaient ou favorisaient les innovations tribu- nitiennes sans y voir un symptdme de decadence et de mort pour I'ancien systeme republicain, on pent dire avec assurance que Marius et Cesar, independaranient de leurs vucs anibitieuses, manifesterent une intelligence bien plus profonde encore de Timpulsion et des besoins de leur epoque, en se mettant h la tete du parti populaire , contre une aristocratic inflexible dont les pretentions surannees ne faisaient que gener le developpement de la societe romaine. Ainsi Maury et Cazales, lout en s'elevant au-dessus des Montmorency et des d'Aiguillon par le sentiment des atteintes mortelles que I'ancienne monarchic francaise recul dans la nuit du 4 aoiit, n'en furent pas moins inferieurs a Tur- got, k Necker et a Mirabeau, qui, an lieu de s'arreter aux perils d'une institution antique, allerent audacieusement a la recherche des institutions nouvelles que I'etal moral et materiel de la nation rt'damait imperieusement. Ainsi Icspublicisttsqui, dans la discus- 24 DE LA POLITIQUE INTERIEURE sion parlenientaire sur le pouvoir moderateur, ontsoutenu que I'abolition de I'heredite ancantissait la pairie et condulsait 'a rattaqne dcs autres droits que la loi civile attribue h la naissaiice, ainsi les metapbysiciens de la quasi -restauration etaient foudesh reveudiquer la profondeur philosophique -vis-a-vis de ceux de lours collegucsqui, devoues comnie eux au mainlien dii statu (juOj se sont neaumoins laisses eutrainer k voter eoiitre rheredite: iiiais la veritable profondeur, aujourd'hui comnie au declin de la republique romaine el de la monarcbie feodale, consiste moins dans I'appreciation des rapports intiines qui lient et rattachent les divers eleiueiis de Tordre ancien , que dans le pressentinient de Tordre nouvean, dont la necessite et I'urgence eclatent de toutes parts; c'est-a-dire qu'il fallait beaucoup moins de portee dans I'inlelligence el d'elevatioa dans I'esprit pour decouvrir que la pairie ne pouvail exibter sans heredile, que pour reconnaitre I'in- c ompalibilite croissanle de toule espece de privilege avec les mcEurs el les idees actuelles du peuple Francais. En verite, le journal officiel des doctrinairess'abuse etrangement sur I'autorile de ses jugemens, s'il pense que la France puisse croire , sans autre garantie , a la philosophie projonde des mi- nistres et des deputes, qui font, de t impopidarite une preuve de sagesse et une condition d' existence pour les gouvernemens (1); qui proscvivenl les theories et les passions , (2) c'est-h-dire I'en- chainement des idees et la cbaleur des sentimens, pour vivre miserablemeut au jour lejour, sans autre appui que Fempirisme le plus etroit, sans autre guide que la plus aveugle routine; etqui s'efforceni enfui d'etouffer la democratic dans la loi, apres avoir declare qu'ils avaient rendu graces k Dieu de la -voir couler a pleins Lords dans la societe ! (3) Avec une pareille philosophie , on se trouve reduit a offrir au (<)M. Guizot. (2) Idem. (3) Discouis Jf M. lloyer-Ciili.irJ siii la pairie. DE LA FRANCE. 25 dix-neuvifeme siecle Texeiuple tin senat romain, ou la raison sou- veraiiie de Platon (i). Avec une pareille science, on salt mal ce qui fut, plus mal ce qui est , et Ton ue sait rien de ce qui doit etre ! avec une pareille profondeur Ton va droit "a Utique ou a Gand, et Ton place inevitablement son pays sousle glaive d'un despote ou sous la uiassue populairel Rlais quel est done Yordre nouv^eau qu'une philosophic vrai- nient profonde puisse decouvrir et signaler? Quelle est la revo- lution, la reforme nouvelle , que le vceu des nations les plus avancees doive provoquer, apres tant de reformes et de revolu- tions qui ont change si souvent la face du inonde et bouleverse les emp ires Certes , j'ai fait une profession assez solennelle et assez fre- (|uente de mes opinions et de nies croyances , pour que Ton puisse deja pressentir ma reponse a cette double question. Oui, per- suade plus que jamais de la verite de la doctrine qui donne le progres pour principe et pour base a ses preceptes et "a ses prati- ques , j'ai I'intime conviction que les privileges de la naissance seront un jour abolis sans exception , et que la societe pourra realiser pacifiquement, dans I'ordre hereditaire, la pensee hardie et feconde qui s'offrit "a Pascal (2) , a Montesquieu (5) , et a (1) DiscoursdeM. Royer-Collard sur la pairie. (2) « Vous tenez vos richesscs dc vos ancetres, disait Pascal a un fils de due; mais n'est-ce pas par niillc hasards que vos ancetres les ont acquiseS et qu'ils vous les ont conservecsPVous imaginez-yous aussi que ce soit par quelques lois naturellcs que ces Liens ont passe de vos ancetres a vous? cela n'estpas viiri- table. Gel ordre n'cst fonde que sur la volonte des l(5gislateurs , qui ont pu avoir de bonnes raisons pour Tetablir, mais dont aucune certainement n'est prise d'un droit que vous avez sur ces choses.M Ce passage est extrait des Essais de Nicole, tome II. (3) « Justinien, dit Montesquieu, appelle barbarc le droit de succ^der des males au prejudice des fillcs. Ces idees sont venues de ce qu'on a regarde Ic droit des enfans de succedcr a leurs pcrcs comnie une consequence dc la lol naturoilc, ce qui n'cst pas. 26 DE LA POLITIQUE INTERIEURE Mirabcau (1 ) , commc un episode prophetique au milieu de Icurs vastes etudes, de leurs immenses travaux et de leurs piofondes meditations ; lapensee que Saint-Simon a precisee, que ses disci- ples cut developpee, et qui va devenirde plus en plus populaiie. Mais quelle que soit ma foi dans Favenir que les philosophes les plus illustres des derniers siecles (2) out entrevu , et dont le presage se trouve aussl dans les ecrits les plus reniarquables de « II est vrai que I'ordre politique ou civil deniande souvent que les ealans sut- cidcnt aux peres; mais il ne Texige pas tonjours. « La loi naturelle ordonne aux peres de nourrir leurs enfans j mais elle ne les oblige pas dc les I'aire lie'ritiers. [Esprit des lots ; liv. XXVI , chap. VI ) (1) n Vous avcz commenc(5 par dctruire la fcodalild , disail Mirabeau, vous la poursuivez aujoiird'hui dans ses effets , vous allez comprcndre dans vos reforines ces lois injustes que nos coutumes out introduiles dans les successions Ceux qui ont traite ccUe niatifere ont pu se meprendre sur le fondcnient et le caracterc d'un systenie aussi general. Ce qui est (inivcrsellcnient adopld peut etre regarde a:s(iment comme un principe pris dans la nature ; des erreurs bien plus grossiercs ont dchappc "a la philosophic des Icgisles II n'est aucunc partie du sol, au- cune production spontanee de la terre , qu'un boinine ait pu s'approprier a Texclusion d'un autre hoinnie ; ce n'est que sur son propre individu , ce n'est que sur le travail de ses mains , sur la cabane qu'il a construite , sur I'animal qu'il a abattu , sur le terrain qu'il a cul'ivd , ou plutdt sur la culture , indme sur le />ro- iluit , que I'homme de la nature peut avoir un vrai privilege.... Des le moment qu'il a recueilli \e fruit de son trafail , le fonds sur lequel il a deploye son in- (lustrie relourne au doM/vine, et rcvient comniun "a tousles hommes. Voila ce que nous enseignciU les premiers principes des choses... Nous pouvons done regarder le droit dc propricte comme une creation sociale. Je pense que les droits de riiommc sur sa propricte ne penvcnt s'dtcndre au-dcli) du terme de son existence i> { Disc, de Mirabcau sur I'egalite des partagcs dans les successions. ) Dans le dis- cnurs preliminaire plac(S en tele du projct du Code civil , on trouve les menies principes ainsi dnonces : « Le droit de propriete Gnit avec la vie du propridlaire... Aucun riicmbre de sa famille ne peut reclamer ses bicns a litre rigoureux de pro- priete Sur des biens varans par la mort du proprielairc, on ne veil d'abord d'autrc droit que cclui dc TEtat. » (2) L'iddc si ncttcmcnl exprimec par Saint- Simon, sur la perl'cctibilild liumai- ne, avail liie ciitrcvue et sigiialce avec plus ou moins de precision , mais sans ii|iplicalion a relablissemcnt d'un nouvcl ordre social, par Vico, Turgot, Herder, Li'ssing, Price , Priestley , Kant, Condorcct , etc. DE LA FRANCE. notreepoque {^)^, quelque bonlieur que j'eprouve a partagerdes esperances dontraccomplissement a pourgarantie la triple auto- rile de la philantropie, de la logique et de I'histoire, je ne me dissimule point que trop de preventions s'elevent encore (I) M. dc Chaleaubriand s'exprime ainsi, dans la preface de se^ Etudes histo- liques: « La societe, on avanpant, accomplit ccrtaiiies transformalioiis gdnerales, et nous sommes arrivds a Tun de ces grands chaiif;cmens de I'cspece humainc. . . Du servage on a passe an salaire, et le salaire se modificra encore , parce qu il ii'csl pas line entiere liberie ». ( OEnvres completes , 121 et 151 .) « Nous sommes a une des plus fortes epoqucs qucle genre huniain ait a fran- (hir pour avanccr vers le but de sa destinee divine, dil M. de Lamartine, a une rpoque de renovation et de transformation sociale pareille peut-elrc "a IMpoque (5vangelique.... Nous allons a une des plus sublimes halles de i'humanite, a une organisation progressive et complete dc I'ordre social , sur le principe de libertd d'action et d'egalite de droits.. .. Tout est debris, tout est vide devant nous; le sol est niveld comme pour une grande reconstruction sociale , preparee par le di- vin arcliitecte. » {^Sur la politique rcitionnelle , pag. 19, 21 et 41 . ) « Nous sommes arrives a une epoquc palingendsiq,ue, dit M. Ballanclie , el la ville des expiations est un tableau par lequel j'ai voulu signaler les principalcs tendances de celte epoque... j'ai voulu peindre le malaise general qui saisit les peuples dans ces jours , dont la memoire est ensuile consacree par des solennitds publiques, dans ces jours de fin et de rdnovation ou les anciennes croyances so- cialess'eleignent pour etreremplacecs par de nouvelles croyances, ou une partie des hommes vit encore dans Ic passe, pendant que Tautre s'avance vers Tavenir. » ( Palingdnesie sociale , pag. 1 91 .] « II faut nous tcnir prets, dit dc Maislre , pour un evenemcnt immense dans Tordre divin vers lequel nous marchons avec une vitesse acceldree , qui doit frapper tons les observateurs. II n'y a plus de religion sur la terre; le genre hu- niain ne pent rester dans cet etat.... Mais atlcndez que I'affinitd naturelle de la religion et de la science les rdunisse dans la tete d'lin seul hommc de genie; I'ap- parition Sr cet homme ne saurail elre dloigndc , et peut-etre meme existe-t-il deja.Celui-la sera fameux, et mettra fin au dix-huitifeme siccle qui dure toujours^ car les siecles intellectuelsne se re;;lent pas sur le calendrier, comme les sieclcs proprement dits » [Soirees de Saiiit-Pe'teisbonrg , onziemc et dernier enlrctien, tome III.) Dans scs Considerations sur la France, cc grand ccrivain avail deja exprime celte pensde prophcliquc de la manierc suivante : « Lorsquc je considci'c Taffai- blissement gencrrxl des principos inoraux , la divergence des opinions, Tcbranle- 28 DE L\ POLITIQUE INTERIEURE coiitie les idces saint-simouiennes , pour que leur cntiere appli- cation ne paraisse pas chimerique ou desastreuse h la foule des liommes, d'ailleurs ])ieu intentionnes , qui suivent docilenienl rimpulsiou de la routine monarchique ou de rempirisrae liberal, et qui professent un culte supersiitieux pour les traditions roya- listes ou pour les oracles constitutiouuels. Ainsi , tout en gardant mcnt dessouverainctcs qui maiKjiient debase, rinimensile de iios besniiis el I'iiia- nile de nos moyens, il me semblc que tout vrai philosoplie doit opter cnlre ces deux liypotheses, ou qu'il va se lormer une nouvelle religion , ou que le christia- nisme sera rajeuni de quelque maniere extraordinaire » (Page 66.) « Tout a change autour de nous , dit M. de La Mennais : lois , institutions , moeurs, opinions, rien ne resscmblc a ce que virent nos pferes^ les iddes ont pris ft eontinuent de prendre des Jireclions nouvelles ; le zele le plus vif ne servirait a rien sans la connaissance de la socield au milieu de laquelle il doit s'cxcrcer. » ( Progrcs de la Revolution. ) « Pcut-ctre sommes-nous , dit madame de Stacl , a la veille d'un ddveloppe- ment du christianisinc , qui rassemblera dans un memo foyer lous les rayons t-pars , ct qui nous fcra trouver dans la religion plus que la morale , plus que le bonheur , plus que la philosophie, plus que le sentiment meme, puisquc cliacun deces biens sera multiplie par sa reunion avcc les autres » ( V Allcinagne, 4° partie , chap. I. ) « La perfcctibilite de I'espece humaine , dit Benjamin Constant, n'est autre chose que la tendance vers Fegalitd L' esprit humain a trop de lumieres pour se laisscr gouverncr plus long-tems par la force ou par la ruse Les connaissances , qui etaienl jadis la proprietc dun petit nombre , deviennent celle d'un nombre bcaucoup plus grand, et, de la sorte , les lumieres gagnent lour a lour en inteiisite el en et,endue. II en est de meme de la morale L'indus- irieest soumise a la memo loi de progression Long-tems inferieure a la proprielefoncicrc, die devicnt par degrcs son egale, et bientol lui est supcrieure.. La lerrc devionl mobile. . . . Cette revolution change la socieie jusque dans ses bases. La propricte foncicre estla valeur de la chose, Tind ustrie celle d{"(.rhomme. L'epoque ou la proprietc fonciere se voit dompt(5e par Tindustrie est cello d'un uouvcau progr6s duns la route de la valeur morale et du perfectionnement intcl- 1 'ctuel )■. «Nnus avons citd cos divers exemples, ajoute I'illuslre »5crivain , pour en conclurc qu'il cxiste une loi de progression , qui s'cxerce dans tous les sens ct sur tous les objcts. La religion seule en serait-elle cxcmpte? 'Non , sans doutc. » ( MclangKs tie poliiit/ue et de lUle'ialure , pages 97 , 98 , 99 , 1 00 , •107 ct 412. ) DE LA FRANCE. 29 ma conviction entiere sur la realisation future et complete du systerae social que tant de sublimes penseurs ont plus ou nioins apercu , et que Saint-Simon seul a concu nettemcnt ; tout en declarant que ce systeme ne consacre nullement , comme tant de gens Tont trop legerement avance , ni la loi agraire , ni la coni- munautc des biens, ni celle des femmes , ni le mepris des liens de famille ; mais qu'il ne fait que substituer la liierarchie selon la capacite a la hierarcliie selon la naissance ; que remplacer la notabilite heredilaire par la notabilite du merite; qii'etablir m\ ordre de succession plus equitable et plus rationnel , en prenant pour base la vocation au lieu du hasard (1) ; que raffermir le nceud conjugal , par la disparition des considerations de naissance et de fortune dans I'acte le plus religieux de la vie , et par I'ele- vation del'epouse au niveau de I'epoux ; et que donner enfin pour guide et pour appui aux enfans la sollicitude toule puissante et jamais Inactive de la societe entiere , sans lespriver de la protec- tion particuliere et affectueuse de leurs proches; tout en croyant plus ferniement que jamais "a la doctrine dont Pascal et Montes- quieu , Turgot et Necker (2) , Coudorcet el Mirabeau furent Ics (1 J iM. Pages a tres bicn fait scnlir , dans son Discours sur la pairie , Ics avan- tagcs de la succession, scion Toi-Jrc des capaciles , sur Pheredile selon Ic hasard de la naissance : « Une snneriorite succede a I'autre , a- l-il dit , et pour reclamiT I'S'.eritage d'une illustration, il I'aut proiiver qu'on est de la famille, ct qu'on pent porter le poids de la celcbrite. G'est la la veritable hercdite politique. » (2) « En arretant sa pensee sur la sori^'.e et sur ses rappcrls , disail decker, on est frappe d'unc idee f;c'nerale qui merite bien d'etre approfondic : c'est que presque toutos les institutions civiles ont dte faitcs pour les proprielaiics. On est effraye, en ouvrant Je code des lois , de n'y decouvrir partout que le tdnioi,q;nage de cette verile. On dirait qu'un petit nombre d'bommes, .ipres s'clrc partago la lerre , ont fail des lois d'union ct de garanlie contre la multitude, comme ils auraient mis des abris dans les hois pour se delendre des be'es sau^ ages. Ccpen- dant, on ose le dire , apres avoir etabli les lois de propriete , de justice , de li- berty , on n'a presque rien fait encore pour la classe la plus nonibi-euse des citoyen.s. « Que nous iinportcnt vos lois de propriete? |ourraicnl-ils dire. Nous ne possddons rien. — Vos lois de justice ? INous n'avons rien a dcfeniVe. 3o DE LA POLITIQUE INTERIEIJRE preciirseui's , et que Napoleon (1) appliqua par anticipation clans les camps avec tant tie succes , je counais trop notre situa- tion preseuteetles liinites ties possibilitesactuellcs, pour deraander aux liommes d'etat qui gouvernent la Fiance d'imposer a leui- pays nne foi qu'ils n'ont pas eux-memes , et qui ne peut s'etablir que par Tinfluence pacifique de la persuasion. Maisje pense toutefois que, si le but propose par Saint-Simon (Tamelioration des masses popiilaires par I'abolition complete des privileges hereditaires ) ne peut pas etre .itteint encore, il est essentiel , necessaire, indispensable, de ne pas perdre de vue que les institutions sociales doivent tendre inccssamment a celte amelioration, et affaiblir le plus possible , par des mesures gra- duelles, les droits du hasard de la naissance an profit de la capa- cite. G'est ce qu'ont tres-bien senti quelqxies orateurs du cote gauche dans la discussion sur Theredlte dc la pairic, entre autres MM. Demarcay , Salverte, Dubois, Thouvenel et Mos- bourg. Seulement il ne suffit pas de proclamer ce principe a propos d'une question de metaphysique constitutionnelle ; il faut surtout en faire Tapplication aux interets ninraux et mate- riels du pays , a I'education et an bien-elre du peuple. Nousne voyons pas aujourd'hui, il est vrai, comraesous Tan- — Vos lois de liberie? Si nous ne travaillons pas dcmaiii, nous moiirrons. » ( MdiHoires de Sully , p. 170. ) (4) Le nom de Fapolcon n'cst encore si pnpiilairo, malprc tout ce que I aristo- cratiectles classes moyennes ont dil de son despotisme el de sou insatiable ambi- tion , que parte (ju'il fit de son armce une socicle scion la capacile , et non pas scion la naissance; une sociele ou le nicrile seul donnail droit a la fonction et "a la recompense. Napoleon avait coinpris auss-i qu'une revolution s'acconiplissait dans la propri^td. « Naguere , disuit-il a Sainte-Helune, on ne connsMSsait qu'une es- peee de propricle , celle du terrain II s'en est forme une nouvelle , celle de Tin- dustrie aux prises en ce moment avec la premiere. Cest la {juerre des champs contre les ateliers , des crencaux contra les comploirs ; et c'est pour ne pas re- coniiaitrc cctte (jrande revolution dans la proprietd qu'on sVxposc enrnrc a lant de bonlcversemcns. ( Memorial . ) DE L\ TRANCE. 3 1 cieii regime, un tiers-etat humille, possedant peu et supportaut toutes les charges publiqiies, en presence d'une noblesse et d'un clerge possedant presqiie tout et ne payant rien ; mais nous avons sous les yeux un autre spectacle qui, sans etre aussi revoltant, nous montre pourtant des abus h detruire et des souffiances a guerir. L'immense majorite de la nation francaise (i) gagne encore son pain a la sueur de son front, subit les privations les plus cruelles et reste expos^e a toutes les chances de corrup- tion, d'ignorance et de misere, sur un sol que la nature a riche- ment dote, et dans un pays qui se vante a bon droit d'etre le centre des arts et des lumieres. Que fait-on cependant pour sou- lager tant d'infortunes , pour calmer tant de douleurs, pour faire cesser une situation si affligeante ? Quand il arrive a un deput6 d'appeler I'attention de ses collegues sur la detresse des classes laborieuses, a propos desemeules, on rit (2)ou bienonkii oppose qu'il n'est pas dans la question (5). Quand la represen- tation nationale se ravise et reclame la sollicitude du gouverne- ment en faveur des classes pauvres (4), im adepte du doctrina- [\) Sur trente-deux millions d'habitans, plus dc vingt millions ont a peine vingt-cinq centimes par jour pour se nourrir et se velir , et les deux tiers de la population parisienne.meurent a Fhopital, ou ne laisscnt pas dequoi payer leurs fundrailles. (2) M. Beaus^jour ayani vouhi appeler I'atlcntion de la chanibre sur la misere des classes laborieuses , des eclats de rire partirent aussitot des bancs ministeriels, c(, a la meme beure, devant le Palais de Justice , la police arrctait un hommc qui , monlrant sa poitrine nue, offraitsa chemise aux passans pour avoir dequoi acbcter dupain. (3) Cette objection fut faite "a M. Audry dc Puyraveau , et cxprimee par des clameurs si vives, que IMionorable depute ne put pas achever la lecture de son discours. (4) Lors dc la discussion de Tadresse, M. Baudot Dulary prcsenta, en faveur des classes pauvres, un amendement qui ne fut pas adoptd. Mais une proposition qui expriniait a pen pres les inemcs voeux, et faite par M. Cliasles , obtint un meilleur accueil. M. de Cornicnin fit accepter aussi un paragraplie tout-"a-fait favorable aii\ masses populaires, et si la chambrc le repoussa cnsuito, ce fut pour s'arretcr a une nouvelle redaction de M. Gillon , qui en avail rcprodnit la parlie la plus essen- liellcmrni philantropique. 32 DK L,\ POLITIQUE INTEBIEIJRE risme (1)se leve, el, de pa?' la liherte, re\}Ousse comme ime erreiir economique la pretention tic soumettre le pouvoir a regler le soil dcs ouvriers et a s'occiiper de lenr foiuiiiides moyensd'exislen- ce, tandis qu'un niinistre de I'instruction puhlique declare que la France, qui a donne plusieurs milliards en quelques annccs pour payer les dettes et les prodigalites de la branche ainee dcs Bourbons, et qui sera encore assez riche poiu' consacrer quinze on vingt millions a Tentreticn annuel de la brancbe cadelle, ne pent pas faire la depense de soixante millions pour elever et instruire gratuiteraent les enfans de hnit ou dix millions de families. Lorsque Cbarles X tomba du trone, les notabilites altieres de la petite secte anglo-liberale qui gouvenie la France affectercnt de dire, les uns a la tribune , les autres sousle secret des salons , que sa chute n'etait que I'expiation inevitable de son ignorance des besoins actuels de la societe, et ils allferent prononcantpartciit avec dcdain les mots de demence et de stupidite. Pourquoi done, apres avoir traite avec tant de severite un prince dont I'aveugle- ment pouvait au moins trouver une excuse dans les souvenirs ineffacables de I'enfance, dans un attaclicment cbcvaleresqueaux traditions de Tancien regime, et dans les prcyuges religieux de la vieillesse, pourquoi se montrer soi-meme tout aussi pen intelli- gent et non moins opiniatTO, en face du peuple qui a si glorieuse- mcnt et si cruellement puni le monarque dont on a prodame I'insuffisancerationnelleetlateraerite, en meme terns que Ton se partageait sa depouille? Charles X, heritier de soixante rois, re- presentant de la legitimite, veteran de V ceil-de-hceuf el de Co- hlentz, ne pouvait croire a la possibilite de I'ordre en France (l)CcfulM. Jaiibcrt qui cnit devoir roclanicr vivcmcnt conlre la priJlcntion tic soiimctlro Ic gouvcrnemcnl a rournir du travail aux classes ouvricrcs; pretention qu'il avail apcrfuc dans ranicndement de M. dc Cornionin. Depuis, MM. Guizol el Coiiitc se sont cxprinics avoc plus dc ncttete encore. J'ai taclie do I'airc rcssor- lir, dans un discours insere au Globe du 21 oclobro , les consequences revol- lanlcs dc lour svslemc. DE LA FRANCE. 33 qu'h la condition de retablirle plus possible la hierarchie que la revolution avail brisee; a ses yeux, la splendeur et la prosperile de la France tenaient h la rehabilitation politique des hautes classes, dont la consideration et le credit avaient fait la force etla gloire de I'ancienne raonarchie. Un tel prince, habitue a se regardercommc le premier gentilhomme de son royaume et comine le lils ain6 de Teglise , devait etre preoccupe avant tout du besoin d'accroitre I'importance sociale de la noblesse et du clerge' ; et c'elait en quelque sorle pour lui une affaire de foi que de laisser tomber suvlepeiiple I'indifference et le mepris dont I'orgueil feodal faisait parade envers tout ce qui n'etait pas ne'. Mais ceux qui fureiu donnes , des le berceau , au genie revolutionnaire ; ceux qui ont ete eleves pour la dt^mocratie , ceux qui ont applaudi dans les clubs, ou qui ont combattu sous I'armure republicainc; ceux a ne pourraient rien alleguer de plausible pour se faire absoudre de I'abandon et de I'oubli auxquels ils condamneraient les inte- rets populaires. Qu'on y songe bien cependant : si le tiers-e'tat fit la revolution de 1789 parce qu'il ne pouvait plus supporter la concentration de la vie sociale dans les ordres privilegies, les prole'taires ont fait la revolution de \ 850 parce qu'un instinct infaillible les poussait aussi k prendre place dans I'Etatjet c'est quand ils se sont montres si dignes de cette tardive promotion, quand le monde admire en eux les vengeurs de la morale publique , les sublimes artisans du progres, les interpretes, les sauveurs du PEUPLE-jioides temps modernes, c'est alors que Ton repousse avco hauteur leurs vceux d'amelioration , et qu'on leur applique inso- lemment I'epithete defaux peuple! Cette masse innombrable d'hommes laborieux , dont on paio les travaux et les services avec des injures et du mepris , se resi- gnera-t-elle long- terns au salaire de I'ingratitude ? Si les I'^^f^.? cejvelles et les ietes carre'es qui , selon 1' expression de M. de Chateaubriand , ont imagine successivement qu'il suffisait, pour aplanir Ic passage d'un regime a un autre , de changer les dnips TOME LII. OCTOBRE 1851. 5 34 DK I^A POLITIQUE INTERIEURE cln lit de Bonaparte pour y o.oucher Louis XVIll , ot do glisser cnsiiile Plillippe dans le lit de Charles , se llattent de persuader au peuple de juillet qu'il n'a fait qu'uue ceiwre de chamhellan et qu'une revolution de costume, ouenjuge autrement non-seu- lenient eii France , mais cliez les nations les plus civilisees do TEurope. H y a peu de jours en efl'et que les publicistcs officiels du cabinet de Saint-James (les redacteurs du Courrier anglais), declaraient naivenienl que les proletaires fi'ancais n'ayant brave la luitraille quafiu d'obtenir quelque amelioration dans leur sort pour prix de leur devouuieut , seraient d'aulaut plus im- pitoyables s'ils reprenaient le pom'oir des bairicades que leurs premieres esperances ont ete docues. He bien ! c'est cetle nouvelle explosion de la colore nationale, ce nouvel acte de la justice populairc, ce nouveau soulevement des classes laborieuses , cette menace d'ebranlenient des paves de Paris, ce retour de la cliarrue revolutionnairc, qu'il faut prevenir par la satisfaction de tons les vceux el de tons les besoins legiti- mes , par des lois qui etablissent progressivement et sans secousses une repartition plus equitable des charges et des avantages so- ciaux (I). Ouvrez une voie large aux reforines graduolles et pa- cifiques, et vous n'aurez plus a redouterles reformes brusques et violentes. D'uu seul coup vous pouvez alteindre Tinsurrection royaliste dela Vendee , et Tenieute republicaine ou napoleoniste delacapitale, endonnant au peuple assezd'education,d'instruc- tion et de bien-ctre , pcur que nidle pensee seditieuse ne puisse trouver acces aupres de lui. L'allegement des impots qui I'ecra- sent plus specialement , I'aljolilion des droits sur les boissons et sur le sel , seraient sans doute d'importantes ameliorations ; mais elles auraient plutot pour effet de soulager I'infortune et d'attcnuer la soulfrance que de produire la richesse et d'enfanter le bonheur. 11 s'agit done moins d'ebrancher et de reduire un (<) MM. D'Ar(^enson , Bcaus^jour , Pngcs , Laboissiere , clc. , out proiiono; des I', .^0c. siirle net. Contrib. dircctcs 0 90 L'impot dii sel 10 Les doiianes IB Contrib. indircitcs 20 GO La loicric 28 25 All ninven des reforincs financicrcs que nous proposons les Iruis dc pcrccplion id 7 35 id. id 11 id. id 21 80 id. id. 26 id. id. 59 49 id. DTI BUDGET DE l832. 4^ il a till resulter de leiir sysleme , qu'en exploltantles travailleiirs, ils ont augmeute les charges de la propriete. II siiftit seulement, pour s'eii convaincre , d'examiiier raccroissement qua eprouve , depuis qiiinze annees , la dette publique ; et , si Ton ne vent point se faire illusion , qu'on se demande quelle est et quelle doit etre en definitive la garantie du paiement des interets des rentes , sinon le rei^enu oisif? Avec I'importation de la constitution anglaise, la restauratiou a importe en France les prejuges financiers de la Grande-Bretagne. L'experience avait demontre que I'Angleterre , pour lutter avec la revolution francaise , avait pu entretenir de nombreuses ar- mees et une puissante marine ; elle avait egalement supporte le fardeau toujours croissant d'une dette enorrae ; son industrie etait prospere , et c'est principalement dans les contributions in- directes que gisait la source de ses revenus : un tel precedent etait une verification trop palpable pour qu'on ne fut point porte "a conclure que la fiscalite anglaise , de meme que sa constitution , pouvait servir de type aux Etats quisentaient lebesoin de s' orga- niser en vue du travail. Le sysleme anglais fut done preconise en France par les homines de tons les partis. Les impots dits de consommation avaient effectivement une apparence atlrayante ; remplir les caisses publiques de moissons et d'cxploitation la totalile des recetles ne s'^levraient en moyenne qu'a 8 fr. pour 100 fr. sur le produit brut, eta 8 fr. 55 c. sur leprodiiit net. Tandis que, sur Ic budget presente par M. le ministrc des finances, cettc moyenne sVleve a 12 fr. 20 c. pour 100 fr. sur le produit brut, et a 14 fr. sur le produit net. On voit que les impots qui frappcnt plus pariiculierement les classes pauvres sont ecus dont la perception est la plus onereuse ; tandis qu'au conlraire ceux qui attei;;nent plus particulierement les classes riches n'qccasionent que des frais trfes-moderes ; des considerations financieres , tout aussi bien que des con- siderations politiques et morales, reclament done la prompte suppression des im- pots du sel, de la loterie, des boissoiis et du tabac. Nous dirons bientot comment cctte suppression est inimediatement possible. ' 46 exmvip:n chaque joiiv phis aboiidantes , an nioyen d'uu proceJe presque insensible; sans huissiers, recors, iii garuisaires; sans elre oblige (le vendre sin- le niarohe le mobilier dn contribuable insolvable, ct snrtont sans non-valeurs! C'etait le beau ideal de la bnreau- cratie. Chacun , disait-on , etait lihre de payer ou de ne point payer, cest-h-dire que chacun pouvait a son gre , en consom- mant ou bien en ne consonimant pas , activer on ralentir la per- ception. Chacnn lihrc! Qnoi de phis bean pour uu penple im- patient de briser ses chahies !... La morale politique a fait depuis lors dassez rapides progres pour qn'on pnisse se dispenser de faire ressortir tout ce qn'il y avait d'amerement derisoire dans una semblable argi.imentation. On reconnait anjourd'hni que les inipots indirects etant etablis sur les objets de premiere necessite, nul ne pent s'en affranchir; on reconnait anssi que c'est une veritable capitation, que c'est le mode de perception le plus injuste, puisqnd frappe e'gale- ineiit le pauvre et le riche ; on reconnait enfin que ces inipots sont eminemraent nuisibles a la consommation , partant a la production y et que deslors, en augmentant les prit^ations du pauvre, ils diminuent aussi ses viojens de traimil. Du reste, on commence aujourd'hui a comprendre que ce systeme de finances, loin de rendre I'Angleterre florissante , est au contraire dans son sein une cause perpetuelle d'agitation et de desordres , d'oii resul- tera infailliblement une crise epouvantable, si de prompts et ef- ficaces remedes ne sont apportes a la misere qui afflige les pro- letaires anglais. On concoit toutefois qu'en Angleterre, oul'influence politique est exclusivement attribuee a \ aristocratic , les lois out du etre une continuation de I'exploitation des classes inferieures ; on concoit egalement que les financiers de la restauration aient suivi de semblables erremens , car les hommes de Temigration ne pon- vaient avoir de tres-vives sympathies pour le petit peuple, pour le tiers-e'tat. Mais on ne concevrait point qu'apres la revolution de juillet, le systeme des torjs anglais ou des feodaux de Co- DU BUDGET DE l832. 4? bleiitz et tleGand put etre religicuseraent conserve par la bour- geoisie liljerale qui tient aiijoiircVhui les renes du gouvernenient, Les budgets de i 851 et i 852 sont douc de funestes anomalies, car ils ne sont que le caique plus ou moins servile de tous les budgets de la restauration. Le budget de i85l a ete vote d'ur- gence ; celui de i 852 va sul)ir I'epreuve d'un examen rigoureux : s'il ne devait sortir de la discussion qui va s'ouvrir que des modi- fications insiguifiantes, on serait autorise apenser qu'en finances, bieu mieux encore qu'en politique , on aurait eu raison de dire que la revolution de juillet n'avait ete qu'un simple accident, lapu- nition dun parjure, un retour a la Charte; qu'eile avait ete poli- tique ei nullement sociale, etc. , etc. En un mot , on serait force de recoanaitre que la comedie est la meme , h cela pres pourtant que les acteurs sont changes. Quelle que .soit cependant la puissance de I'esprit de routine, quelle que soit la repugnance qui se temoigne des qu'il s'agit d'innover, on a sentiquel'etat des finances de la France reclamait de grandes modifications, mais on a juge convenable d'ajourner les ameliorations , et de ue les produire que dans le budget de 1855. En attendaiit le nial empire, les souffrances s'aigrisscnt ; et dopuis que M. le ministre des finances a presenteses budgets, la situation de la France a dii indiquer a la chambre des deputes que le mal etait trop grand pour que les ameliorations pussent etre ajournees : les desordres graves qui out eclate a Bordeaux, a Strasbourg, a Perpignan , a Orange, a Villefi-anche, aCaliors, a Brives, a Aurillac, a Beziers et dans vingt autres localites, a I'occasion de la perception des impots indirects, sont un avertis- sement des dangers que pourrait entrainer la conservation d'un systerae financier qui blesse aussi profondement la morale que la prosperite publique. Nous aliens reproduire le resume du budget de 1852, tel qu'il a ete presente a la chambre des deputes par M. le baron Louis : nous indiquerons ensnite les modifications qu'il serait immediate- nient possible de lui faire subir. BELEVE GENERAL DU BUDGET DE 1832. DfiPENSES. PREMIERE PARTIE. DETTE PUBLIQUE. RENTES 5 , 4 '/a , 4 ET 5 °/„ INSCRITES AU GRAND-LIVRE. Aucomptcdescoiiipaguiesetdes particuliers. 108,580,825' Imdrels des rentes a inscrire 4,250^000 j Rentes qui seront acquises , lei "Janvier I s)i^{^ gp^ t>fi5 1&32, par la Caisse d'amortissement ct dont Tintdrel liii sera payc' 42,937,411 Fonds d'amortissement 43,093,621 Inlcrcts dc capitaux ot decautionncmens. . 9,000,000^ 94 000 000 Intcrets de la dctte nottante 15,000,0001; ' ' Detic viagfere 0,200,000 Pensions, civiles, militaircs , cccldsiastiqucs, . iiationales , de la pairie , fonds de retraite ' ' des ministres 50^589,054 Total 545,451 ,517 DEUXIEME PARTIE. DOTATIONS. LisTE CIVILE ( mdiBoirr ) Chambrp des pairs, Cliambrc des d('putds, Ldgion-d'Honncur 4,002,417 TROISIEME PARTIE. SERVICES GENERAUX. MINISTERE DE LA JDSHCE. Administration ccntralc , conseil d'Etat , cours dc cassation, royalcs , d'assiscs. A rcporler 350,055,954 Dll BUDGET DE l832. Report . . . iribunaux , justices de pais et frais de justice crimincllc (ces derniers compris pour 5,300,000 fr. dans la somme totale) , ci MlNISTiRE DES AFFAIRES ETRANCERES. Administration centrale , iraitemens, depenses secretes , missions extraor- dinaircs MINISTERE DE l'iNSTRCCTION PUBLIQl'E ET DES CULTES. Administration centrale 262,000 \ Ciilic catlioliquc . . . 35,727,600 ] Culleprotestant. . . . 750,000 ( 3^,542^600 Cidte isra^iite 65,000 I CoU^fjesroyauxetbour- \ ses royalcs 1,675,000 2,575,000 Instruction primaire.. 900,080 ) MINISTERE DE l'iNTI^RIECR. Administration centrale .• • • 580,000 Lijnes tdlegraphiques 700,000 ( Portd comme extra ) secours aux rdfugies Strangers 600,000 Depenses secretes 1,500,000 MIKlSTiRE DU COMMERCE ET DES TRAVAUX PUBLICS. Ordinaire 112,500,000 | Extraordinaire , 11,000,000 ( MINISTERE DE LA GUERRE. Service ordinaire 177,306,000) Service extraordinaire 130,128,0005 MINISTERE DE LA MARINE ET DES COIOSIES. Marine 59,000,000 Colonies 6,000,000 A reporter. TOME LIl. OCTOr.UE 1831. 4y 350,053,934 19,469,700 7,502,000 37,379,600 3,380,000 1 25,500,000 307,434,000 65,000,000 913,719,234 4 5o EX A MEN Report MINISTERE DES FINANCES. Cour deseomples 1,249,000\ Adminislraiion ccntralc 6,844,900 Frais dc liquidation ct monnaics 1,573,600 | Cadastre 6,000,000 Frais de service et de trcsorerie 3,000,000 | Bonifications aux receveurs des finances sur le recouvrcment des contributions dircctes. 2,000,000 | Taxations aux receveurs des finances pour IVncaissement desrevenusindirects. . . 1,200,000 Traitemcns et frais de service des payeurs. . 1,120,000 I 913,719,251 22,787,500 QUATRIEME PARTIE. —FRAIS DE REGIE, DE PERCEPTION , etc. Frais administratifs et de perception des contributions directes 18,096,400 Idem de renregistremcnt, du timbre et des domaines 9,647,750 Idem de surveillance ct d'alicnation des for^s 4,238,800 We»i de perception des douanes 25,217,698 Exploitation des tabacs 21, ol 3, 000 Pastes, service administratif et transport. 17,276,585/ 118,211,833 Frais administratifs ct perception de contri- butions indirectes 19,949,600 Frais administratifs et perception des pou- drcsa feu 2,312,300 ] Frais administratifs et de perception dc la loterle 1,874,700 Salines ct mines de scl de Test 1 85,000 Remises sur les coupes de bois 100,000 A reporter 1,054,718,567 DU BUDGET DE l832. 5 1 Report 1 ,054,71 8,5G7 CINQUIEME PARTIE. REMBOURSEMENS , RES- TITUTIONS ET PRIMES. Restitutions et non valeurs sur Ics conti-ibu- tions directes 24,862,445 Remboursemens do sommes indumcnt per- fues sur produit indirect 2,015,000) 42,989,445 Restitutions de produils d'amendes, etc. . 3^312,000 Prime a rexporlation des marchandises . . 10,000,000 Escomptc sur droits dc douane et scls. . . 1,800,000 Tola] des d^penses 1 ,097,708,012 RECETTES. CONTRIBUTIONS DIRECTES ET EN PRINCIPAL ET EN CENTIMES ADDTTIONNELS. ( Les 30 c. extraortliuaires sont retraDches. ) Contribution fonciere 244,873,409^ Idem personnelle 29,400,000 Idem mobilifere 35,665,000 1 Idem portcs et fcnetres 32,540,000 [ •5''2,746,900 Idem patentes 28;918,50o| Frais dc premier avcrtissemcnt 650,000 ■ A reporter 572.746,000 b-^ EXAM EN Report 572,746,909 pnODUlTS INDIRECTS ET DIVERS. Contributions sur les bois des communes. . Enrcjjislremcnt, grcffes et hypoth^ucs . . . Timbre Rcvenus et prix de domaincs, domaines et boJs cngagds ou ^changes Forcts • • Douanes Sels 51,300,000 Idem , perfus par Tadmi- nistr. dcs conlribut. ind. 7,360,000 Idem, salines de rest. . . 1,400,000 Roissons , fabricat. de bieres , licences, etc. Voilures, cartes, 10° des octrois, navigation, matieres d'or et d'argent , etc Tabacs Poudres Posies Loteric Jeux Produits divers , crdance d'Espagne, amen- des, etc 1,177,000 153,458,000 27,960,000 11,807,000 24,000,000 103,000,000 60,060,000 69,800,000; 22,360,000 67,300,000] 4,t80,0U0 54,290,000 8,000,000 5,500,000 12,947,482 605,839,482 RESSOURCES EXTRA0RDINA1RES. Affectation ct transport a 1 832 de I'excddant dcs ressources du budget de 1831 .. . 131,467,267^ 181,467;267 Produits de la vente des bois 50,000,000 | Total des receltcs. 1,160,053,658 De I'examen dcs depenses publiques , il ressort : i " Que certains chapitres importans ne peuvent etre modifies qu'en raison des modifications que la politique generate pourra DV BUDGET DE l832. 53 cprouver; teiles sout les depenses de la guerre, de la marine el des colonies ; 2° Que d'autres chapitres peuvent subir immediatetnent une revision, une reforme complete , parce qu'ils sont la consequence d'un fauxsysteme de finances : tels sont ceux de ramortissement et des impots indirects. Nous ne nous occuperons pas specialement des reformes qui tou- chent au systerae politique ; nous ne pouvons cependant point nous dispenser d'indiquer que le moment n'est sans doute pas eloigne oil Ton pourra largement modifier le systeme des armees perma- nentes , si ruineux pour les Etats europeens , car I'organisation des gardes natlonales ne serail qu'une grande superfetation , si die ne permettait point d'alleger les contribuables des sacrifices en hommes et en argent qui leur sont imposes. II estegalement a presumer que le systerae colonial sera I'objet d'un serieux exa- men , et que Ton pourra se demander si , pour conserver quel- ques lies et quelques points de relacbe en Afi-ique et dans les Indes , la France doit s'imposer les depenses enormes que ces pretendues colonies occasionent, et accorder en outre aux colons pjvpn'e'taires le monopole, si onereux pour tons les con- sommateurs francais, de la vente des denrees coloniales. Nous allons done commencer par indiquer les reformes finan- cieres que le budget pent immediatement eprouver. SUPPRESSIONS A OPERER SUR LE CHAPITRE DES DEPENSES DU BUDGET DE l832. Dotation de la caisse d'aniortissenicnt 43,093,62 1 llcntes acquisespar la caisse d'amorlisscment 42,957,417 Les reformes don I il sera parlc plus has pcrmcttant la suppres- sion des impots du sel , des boissons, du tabac et de la loterie , il faul retrancher les frais de perception , de regie et d'adminislration que ces impots occasionent : voici reva- luation de ces retrancheincns : Cour des comptes , 1 ,249,000. — Suppression 600,000 A reporter H6,fi51 ,038 54 EX\MEN Rq)oit «G, 051, 058 Sur I'adminislration ccntrale ( voir la note n° 1 ) 2,100,000 Frais lie trcsorcric , 3,000,000. — Suppression 1 ,000,000 TaxatioiM pour rocouvrement des revenus indirccts et frais de service despayeurs, ensemble 2,520,000. — Suppression.. 1,200,000 Frais de perception de Tiinpot du scl ( compris dans les frais des douanes ) 5,000,000 Frais de perception des salines de I'Est ^ 85,800 I'.scomplc sur les droits de consommalion du sel (budget, p. 5G2 ) 1 ,400,000 Kxploiiation des tabacs 21 ,51 3,000 Frais dc perception des contributions indirectes •19,949,600 Idem dela loterie - 1,874,700 Restitutions de droits et amcndcs indilment pcrf us ( budget, p. 562 ) 745, 51 ) 46,458,808 .\ reporter 419,185,717 DTT BUDGET DE l832 1)5 Report 419,185,717 Comributions sur les bois des communes 1,177,000 Enregistrement, greffcs et hypothfeques 153,458,000 Timbre 27,960,000 Kevcnus et prix des domaines , domaines et bois engages ct dchang^s 11 ,807,000 Forets • 24,000,000 Oouanes 105,000,000 Voitures, cartes, 10° des octrois , navigation , pdages , ma- liferes d'or et d' argent , etc 22,360,000 Postes 54,290,000 Poiidres 4,180,000 I'roduits divers , cr^ance dEspagne , amendes, etc 12,947,482 Total 8)4,565,199 Affectation ct transport a 1832 de Tcxcddant des ressources du budget de 1831 131,467,267 I'roduit de la vente des bois 50,000,000 Total 995,852,466 KTAT DES MODIFICATIONS QUE LE BUDGET DES RECETTES AURAIT EPROUVEES. On aurait supprinie : Les droits sur le sel 60,060,000 Idem sur les boissons 69,800,000 Le produit de la vente des tabacs 67,^500,000 Idem delaloterie 8,000,000 Idem de la ferme des jeux 5,500,000 Ensemble 210,660,000 On aurait rctabli par contrc les 30 cent, addi- tionnels de la contribution fonciere 46,458,808 El Ton aurait obtenu unc reduction sur la masse des impois de 164,221,192 Le chiff-e total du budget de 1852 , etabli par M. le ministre (les finances, s'eleve: Pour les rcceltes a 1,1 60,053,658 Pour les depcnses a 1,097,708,012 Exccdant destine a amortir la dcttc llottante 62,345,64d ri(\ EX A MEN 11 resultcrait dcs modifications que nous avons indiquecs siir le nienie budget que Ic chiffre total Dcs receties scrait rddiiil a , 995,852,466 El que celui dcs dcpcnscs serait ^galcment rediiit a 946,509,674 Excddant disponibic 49,522,792 L'excedant de recette qui resulte du budget du ministre de- passe le notre de 12,822,854- fr. Mais on conviendra sans peine que, par suite des suppressions que nous avons proposees surles impots indirects, la consommation et le traimil devraient eprou- ver un accroissement notable , et qu il en resulteralt pour la richesse publique une telle amelioration que les revenus de I'en- registrement , du timbre, des palentes , des douanes , des postes et des produits divers , devraient egalemeiit s'accroitre dans une proportion t res-forte. II resterait^a prelever, soit sur ces accroissemens de revenn , soit sur l'excedant disponible . une somrae de -10 "a 15 millions , pour accorder aux employes congedies uue demi-solde tempo- raire ou viagere, selon la durce du service. Apres avoir groupe des chiffres, indique des retranchemens, et conseille des additions , il nous reste a justilier le systeme financier que nous venons d'exposer. Dans cette justification , I'amortissement dolt evidemment jouer le principal role : cette economic une fois admise , nous n'aurons pas besoin de faire de grands efforts pour convaincre dc I'utilite de la suppression dcs impots du sol, des boissons , du tabac , de la loterie et des jeux; et, liormis les employes supe- rieurs de ces adraiuislrations financicres , nous pensons que ccs mesures se concilieraient facilement tons lesesprits etsatisleraient tons les interets. C'est done de I'amortissement que nous dcvons d'abord nous occuper. DU BUDGET DE 1 832. 57 Depuis long-lems ces questions out ete posees : Est-il ncccs- saire de consacrer a cliaque emprunt contracte par le gouverne- ment un fonds destine a en operer le rachat dans un terns plus ou moiiis eloigne ? Le fonds d'amorlissement est-il une garantie necessaiie aux preteuis ? Est-il pour I'Etat emprunteur la condi- tion indispensable d'un bon systeine financier? II y a dejh quelques annces qn'en Angleterre ces questions out ete resolues negativeraent ; le fonds d'amortissement y a ete sup- prime , et I'excedant du revenu est seul consacre k 1' extinction de 'a dette -, il est bon d'ajouter que cette derniere restriction est illusoire ; car an fur et a uiesure que les revenus s'accroissent, on reduit ou Ton abolit des impots. En France, les personnes qui se sont occupees de finances ou d'economie politique reconnaissent I'inutilite de I'amoitisse- luent , et comme mesure de credit, et comme garantie des pre- teurs. D'autres defendent encore ce vieux prejuge financier par des motifs tires de la legalite et du respect des droits acquis. I.e plus petit nombre , servilement attache aux traditions du passe , preconise encore les pre'tendnes mert^eilles de I'inte'ret compose' , et ne voit que la hanqueroute dans la suppression du fonds con- sacre a I'extinction de la dette. II est facile de reduire a leur juste valeur ces divers argumens. Nous pretendons, nous, que la condition essentielle du maintien du credit consiste uniquement dans la bonne gestion des affaires pnbliques, et dans le service regulier des interets ; toutes autres considerations sont de pures illusions , des leurres dont les esprits ctroits peuvent seals se bercer. On compare assez vulgairement les affaires de FEtat a celles des particuliers , et Ton dit que ses finances ne peuvent etre prosperes, qu'il ne pent eviter de grandes catastrophes qu'en cherchant a se lihe'rer. Dans une certaine limite le raisonnenient est juste; raais cette comparaison est viciee par un element dont on ne tient point assez compte : c'est la question du terns, de Yop- porUmite. Ceux qui se complaisent dans luitcl rapprochement no 58 KXAMEtf Eongcnt point que la i>ie d'lui particulier est liiiiitee, et qii'aii coiitraire la dure'e d'nn Etat est sans homes ; et c'est eu coii- Ibndaut deux choses aussi distinctes qu'on cherche a imposer "a TEtat les memes conditions qu'aiix individus. La question principale , celie qui doit dominer tout examen de ramortissement, est celle-ci : Lorsqu'une depense extraordinaire est urgente, est-ii plus avantageux de demander les capitaux a remprunt ou bien a I'impot? Nous ne craignons point d'etre de- mentis en affirmant que le mode d'emprunt est dans ce cas pre- ferable au mode d'impot , en ce qu'il preleve les capitaux sur les reuenus , tandis que I'impot les enleve a la production. Etpour preciser les termes, nous dirons que si Ton avait ete oblige de pre- lever sur les contribuables les sommes dont se compose la dette publique, au fur et a mesure qu'elles out ete necessaires, nous posons en fait qu'il eut ete radicalemeni impossible deles obtenir, et qu'on n'aurait memc pu le tenter sans epuiser les sources du travail. Ce point une fois admis, n'est-ou point aiitorise a resoudre aflirmativement la question suivante : Si Vemprunt est preferable a I'impot , I'impot destine k annuler un emprunt n'est-il point par la meme eminemment nuisible? II est evident en effet que le mecanisme de Tamortissement a pour objet de detruire les avantages qui sont attaches au mode d'emprunt, puisqu'il preleve des capitaux Ih oii ils sont uti- lement employes ; c'est-h-dire qu'il les prend dans les mains des contribuables qui, en masse, en retirent, en les appliquant "a leurs travaux , un profit annuel bien plus considerable que I'in- tcrct de la dette publique; et cela dans le but d'offrir ces capitaux aux rentiers et aux capilalistes qui , en taut que capitalistes et rentiers , ne sont point dans le cas de les employer. Apres avoir pose la question en ces termes , il nous serait fa- cile de revenir sur rarguraent qu'on invoque a I'appui de I'a- niortisscment , en prelendant que I'Etat doit agir comme un par- ticulier. Nous pourrions demander quel est I'homme asscz pen DU BUDGET DE l832. 5(.J Koucieiix de ses propres iaterets, pour consentir a deplacer des capitaux qui friictitient , par exemple, a raison de 8 ou 10 pour cent par an (i ) , pour eteindre uue dette constituee a I'in- teret de 4- ou 5 pour cent ? Et combien la question serait encore plus simplifiee si Ton songeait aux enormes frais de perception que ce deplacement occasioune ! « Mais , dira-t-on encore , la caisse d'amortissement n' avail pas seulement pour but d'operer le rachat de la dette ; on a meme du reconnaitre que celte pretention etait illusoire, car I'experience a prouve que les Etats ne pouvaient traverser une longue periode d'annees sans contracter de nouveaux emprunts; ce qu'on a voulu principalement se proposer en dotant cette caisse, c'est d'assurer aux porteurs des coupons de rentes un acquereur journalier a la Bourse de Paris. » Examinons la valeur d'un serablable argument (2) . Le fonds annuel de la Caisse d'amortissement, reuni aux interets des rentes qu'elle a achelees , s'eleve aujourd'hui a 86,031,058 fr. Ce capital, egalement reparti, pennet d'affccter joiirnellement 280,000 fr. a I'achat d'environ quinze mille francs lie rente. Quand on compare ce resultat mesquin aux enormes operations en rentes qui se traitent k la Bourse de Paris , on est surpris de I'importance qu'on attache "a Taction de I'amortissement , et Ton est force d'en conclure que ceux qui paraissent le plus ferme- ment attaches a la conservation de cette institution ne se sont (l)L'interet mojen paye parlous les contribuables dans leurs relations com- merciales depasse dix pour cent. Dans les petiles industries , dans le commerce de detail, un petit capital fructific souvent, en se reproduisant, a raison dc cent pour cent; qu'on calcule I'interet des faiblcs sommes qui dans les halles sont em- pruntees a la petite seinaine, et Ton verra que nous sommes encore ;iu-dessous de la veritt^ C'est cependani surles contribuables qui empruntcnt "a ce taux que por- tent principalement les inipots dont nous avons propose la suppression. (2) L'auteur de cet article a public dans le Globe les calculs qui vonl suivrc , el ils sont tellemenl rijoureux que pcrsonnc n'a cntrcpris dc les refutcr. 6o EXAMEN point suffisammciit rendu coinptc de rimpoitancedcs operalioiis sur les fonds publics. Voici des chiffres : La chambre sjiidicale des agens de change percoit un droit de cinq francs sur chaque vente ou achat dont le capital noiniaal est de cent inille francs. Ce droit preleve seulement sur les ope- rations qui s'effectuent d' agent de change a agent de change, c'est-a-dire dans le parquet de la Bourse , produit , annee moyenne, environ clouze cent niille francs, ce qui porte la totalite des negociations ainsi faites a un capital nominal de vingt-quatue MILLIARDS, soit cu rente un milliard deux cents millions. Mais la menie operation donnant lieu k une vente etli un achat, pour obtcuir le chiffre de roperation rcelle, il faut prendre la nioilie de celte soinme , et des lors on trouve que I'ensemble des operations de F annee s'eleve : En capital, a douze milliards , En rentes, a six cents millions. Ces sommes reparties sur les 500 jours pendant lesquels la Bourse est annuellement ouverte, ou trouve que le chiffre inoyen des operations a terme s'eleve chaque jour : En capital, a. quarante millions , En rentes , a deux millions. Si Ton ajoute maintenant a cette somme les operations que chaque agent de change traite directemeut de client ii client sans I'interinediaire de ses coUegues , operations qui, quoique tres- iioinhrcuses , ne sonl point souniises au droit preleve par la ( hambre syudicale, ct qui des lors ne penvent etre evaluces ; si Ton ajoute egalenient les rentes vendues au cowptant (I), ainsi (t) Rclevt5 general du Iransfert des rentes pendant raniidc \ HjO. — E\lralt du soinptc general rendu parle ministre des finances , f"^ 318 ct suivans. .S p. 100 en rentes, 109,000,487 fr. ; en capital, 2,i;)2,00i),74() fr. :•. p. idem, 71,504,847 fr.; idem; 2,o7(>.82S,455 fr. t 'a id., 517,554 IV.; id., 7,051, 8(i() fr. 4 id., 7,007,958 fr.; id., 190,198,9511 fr. DU BUDGET DE l832. 6 1 que celles qui sont vendues en dehors du parquet, on aura an moins une somme egale k celle que nous venons d'indiquer. Ainsi sur 80 millions d'operations(l) qui se traitent chaque jour a la Bourse de Paris , quelle pent etre Tinfluence des 280,000 francs que la caisse d'amortissement vient quotidienne- raent y emplo^^er? G'est une goutte d'eau qui vient se perdre dans un gouffre immense. Et cependant combien de larraes ameres, combien de privations cruelles , sont provoquees et entretenues par cette miserable goutte d'eau ! Combien ce funeste emploi du Imdget que Ton jette cliaque jour en bribes aux badauds de la Bourse pour les divertir, pour ne point contrarier les etroits calculs de leur ignorance et de leur routine, est deplorable en Moiivement annuel en rentes, 188,830,626 fr. ; en capital, 4,768,088,989 fr. Ce qui represcnte un niouvement journalier , en rentes de 629,435 En capital de 15,893,630 Les 15,000 fr.de rentes achetees cliaque jour par la caisse d'amortissement sont compris dans ce mouvemcnt quotidien de 16 millions de transactions au comptant sur les fonds publics ; il est juste d'ajouter quMl y a aussi dans ce re- Icvd quclques transferts resultant de ventci a terme , et des doubles transferts provisoirement faits a des agens de change. (1) On cherchera a nous opposer qu'une grande partie de cette somme ne re- pose que sur des operations iej'eu , que ce ne sont point des achats reels', d'ac- eord, mais ohacune de ces operations peut ctre immfidiatcmcnt realisee par un iransfert ; et souvcnt la plus l(-gere difference dans le prix du report ( on appelle report la difference qui existe entrc le prix des rentes au comptant et des rentes a terme) converlit une operation a terme en une operation au comptant. Du rcsle, lorsqu'il s'agit d'amortissement, on seraitpeu recevablc a venir parlcr d'af- faires/icfjVei, d'affaires de Jen ) car I'amortissement en lui-meme nVst qu'une grande Jiction,cl toutcs les operations qui en rdsultent ne sont que des affaires dc jeu, puisqu'il est rcconnu que depuis que la caisse d'amortissement est in- siilude, il a did dmis par I'Etat une plus forte quantitc dc rentes qu'ellc n'en a achete. 62 EXAMEN face dc la detresse indnslricUe ct de la miscrc dii plus grand nombre ! Apres avoir examine ramordssement dans scs resultats genc- I'aux et dans son ;ipplication journaliere, il nous reste a trailer la question legale, qui consiste "a savoir si, en siipprimant ce fouds de rachat, on ne viole point les engagemens contracte's en vers les preteurs. Cettc objection est sans contredit la plus specicuse de toutes. « Si dans un contrat vous violez, dit-on , I'une des stipulations, toutes les autres stipulations cessent d'etre imperatives : sup- priraez aujourd'hui le fonds d'amortissement pour cause d'uti- lite publique, et pour la nierae cause rien ne s'opposera a ce que demain on ue vienne reclamer la suppression du paieraent des inter ets. » On voit que nous ne cberclions point a attenuer les argumens qu'on pent opposer au systeme que nous soutenons : et nean- moins sur ce terrain meme la reponse est facile. Si Ton se tient toutefois k une interpretation judaique des lois qui regissent la matiere, si Ton s'attache a la lettre d'un contrat et qu'on en neglige X esprit. , on pourrait en quelque sorte sus- peudre les effets des ameliorations finaucieres que nous propo- sons , quoique, meme dans ce cas, on puisse trouver le moyeu de concilier les esprits les plus rebelles , ainsi que nous le prouve- rons bientot {^). Mais nous devous declarer qu'une pareille inter- pretation des contrats esth nos yeux une contradiction manifestc avec toute I'histoire de I'humanite ; car sides textesmortsavaient pu eternelleracnt encbainer les liommes, ils gemiraient encore (1) A part leso millions de rentes 4 °/„ qui ont eliS vendus a 102, 07 '/a. '« cours de tocs les autres fonds publics est aujourd'hui a un prix injliiiment plus ekvd que cehii auqucl ils ont tile emis. Les portcursde coupons dc rente 4 "/„ scraienl donc,alarip,ucur, seulsrcccvables areelamcrlc main lien dc 1,700,000 ff qui, dans la doialion dc la caisjcd\imorli5scincnt, sent destines au racliat dc cet cmprunt. I DU BUDGET DE l832. 63 SOUS le poids dii regime des castes egyptiennes. Les contrats pu- blics ne sauraient etre assimiles aux contrats prwe's (et Ton salt meme que ces deraiersne sont pas toujcurs imperatifs) ; les con- trats publics sont d'utiles barrieres, en politique, contre le retour au passe ; en finances , contre I'oubli des principes d'equite et de loyaute; en dehors de ce cercle, ils ont toujours ete et ils seront toujours modifies en vertu de la loi du progres qui a fait qne rhunianite s'est incessamnient degagee des entraves apportees a son libre developpement. Ce ne pourrait done jamais etre en vertu d'un pareil principe qu'on pourrait deduire de la suppression du fonds d'amortissement la suspension du paieraent des interets ; car si Ton observe attentivement la marche des societes, on voitle credit public on prive tendre toujours k se developperet "a se raf- fermir davantage ; au fur et a mesure que le principe mili- taire , que le regne dela violence s'effacent et s'eteignent, on voit s'etablir au sein des nations les plus civilisees ces relations ci- mentees par la bonne foi, par la confiance ; et I'un des signes les moins equivoques d'une civilisation arrieree pent incontestable- ment s'apprecier par 1' absence des institutions de credit. On doit enfin sentir en France le besoin d'asseoir le credit pu- blic sur ses bases veritables ; on doit sentir le besoin de le dega- ger desjictions indignes d'un grand peuple dont on s'est efforce de I'entourer. Qu'on laisse aux le'gistes le culte des codes et des chai'tes ; en fait d'industrie et de finances, corame en fait de gou- verneraent , ils ont assez prouve leur incapacite pour que leur autorite puisse etre meconnue. Le credit d'un Etat, tout aussi bien que celui d'un particulier, ne se rafferrait que lorsque , par une gestion de plus en plus eclai- ree , il tend a ameliorer ses affaires , c'est-a-dire lorsqu'il diminue sa depense et qu'il augmente ses revenus ; des lors la solvabilite des Etats ne saurait , pas plus que celle des individus , consister dans le chiffre plus ou moins eleve de leurs dettes , mais bien dans le bon ou mauvais emploi des capitaux qui leur sont conlies. La longue influence que les avocats ont exercee sur le manie- ii/y EX A MEN iiient des affaires publiqucs nous a ti'op habitues a la inetapliysique constilutionnelle ; c est toujours par tie pures abstractions qu' on a cmbrouille toutes les questions, meme colics qui par Icur na- ture etaient exclusivenient positives. On a fait de Y Etai un etre abstrait, et Ton a dit : « Si I'Etat ne paie point ses dettes, i! inarche infailliblement vers la hanqaeroute. » Mais qu'est-ce done que VEtnt , sinonle centre vers lequel tousles interets viennent con- verger? En finance , quel est done le but que I'Etat doit se pro- poser, sinon une bonne administration des deniers de tons, des interets des contribuables commede ceuxdes rentiers? Quand done on pent demontrer qu'en continuant a amortir, I'Etat, indepen- damment des 87 millions qu'il cmploie annuellement au rachat des rentes, est oblige de sacrifier 60 millions en frais maleriels de perception et disperdition de forces (1), on arrive h cette conclu- sion irrefragable, qu'il eut niieux valu, dansl'interet des contri- buables et des rentiers , leur laisser la libre disposition de ces 147 millions : car, soitdans leursplacemens industriels, soitdans leurs operations en fonds publics, ces capitanx eussent eu une bien plus grande iniluence sur la baisse de Vinteret, parlant sur la hausse des effels de I'Etat. Mais, ce qui prouve encore mieux que tousles raisonnemensia vanite de I'institution de la caisse d'amortissement comrae nioyeu d'extinction de la dette , c'est le rapprochement du chiffre des rachats qu'clle a effectues, et des rentes qui, durant la nieme periode , ont ete emises. Depuis 1 81 6, on a erais'l 56,547,41 9 fr. de rentes, et il n'en a ete rachete que 58,957,511 fr. (2). (1 ) Pour percevoir une somme neUe de 87 millions, il faut dcbourscr, au moycn des impots indirects, 50 millions en frais de perception. Si I'on suppose que les employes sonl reli-ibues cu raison dc lour ulilitd ct dc Icur travail, on est amend a fonclurc que, dans des carricrcs industricllcs ou scicntifiqucs, ils acconipliraient nn travail dont la valeur nc saurait ctrc nioindrc de 50 millions; c^cst done fiO millions qui se trouvent ainsi ravis a la production. (2) Sur ces 58,957,511 fr., 10 millions sculcmcnt ont etc rcellcmeiit amonis : Toxcddant rostc infcrit au jjrand-livrc. Ainsi done il a I'te ?mis , depuis 1R1G DU BUDGET DE l832. G.") Des lois lie doit-oii point sentir la necessite de repudier un svs- tenie qui lie repose que siir le mensoiige et la deception? Du moment oil, en instituant une caisse d'amortissement, on ii'a point forniellement interdit a lEtat la facuite d'emettre de uouveaux emprunts , on a virtuelleraent detiuit et aiinule le piiii- cipe du rachat. On I'a detruit par des nioyens obliques, et, comme loute dissimulation ne peut a la loiigne qn'etre nuisible a celui qui en fait usage , il est arrive que ceux qui out concouru a maiii- tenir i'amortissement apres que les motifs qui avaient necessite son etablisseraent avaient cesse, en trompaiit h leur insu et les contribuables etles rentiers , les ont graves d'impots onereux et de frais considerables, et que, continuant "a emettredes rentes en bloc pour les raclieter ensuite par parcelles , on s'est constamment as- sujeti a payer plus cher ce qu'on avait vendu (1). Si Ton veut rester fidelement attaclie au coutratqui engage TEtat "a amortir, ne serait-il point plus convenable qu'au lieu d'agir comme par le passe, c'est-k-dire qu'au lieu de commencer par e'mettre des emprunts ^ pour les racheter ensuite , on fit I'o- peration inverse , et qu' oh commencdt par racheter pnrneWemeni des rentes a la bourse avec des fonds provenant de remission des bons royaux (^), \>ouv rei^ en dre ensuite cesmemes rentes en bloc on rentes, y coinpris li!s27 millions de Tindemnile des Emigres 1 3(>,547,41 9 fr. La dotation de la caisse d'amortissement a etd auffmeiitc'e de 3,093,621 Total 1 59, (ill ,040 A dediiire pour les rentes reellement amorlies 16,020,094 Ainsi, indcpendamment des sacrifices occasiones par Ten- trclion du fonds d'aniortissiment , la depense a/i7;zie//e de la delte publique s^est accrue, depiiis 1816, de la sommc de 123,620,946 (1)11 rdsulte de calculsrip,ourcusement etablis que, dcpuis 1816,1a differenre cntre le prix d'cmission des emprunts et le prix moycn des racliats cffectu^s par la caisse d'amortissement, constitue I'Etaten pcrtcde 1,800,000 fr. dc rente. (2) Le tresor a une clientele accoulumee qui vicnt journellemcnt lui apporlcr TOME I.II. OCTOBIIK 1851. 5 G6 EXAMKN lorsque Televation des cours perraettrait de los emettre , sinon avec benefice, dii moins sans aucune pcrte? Les interets et les prejiiges de tons se trouveraient ainsi concilies , et les contribua- bles se tronveraient sonlages des impots les pins onerenx. Nons devons toutefois avertir que ce moyen , bien qu'il soit le- galeraent et imni^diatenient applicable , et qne son application soit infiniuaent plus profitable a I'Etat que le systeme actuellement en vigueur, n'a d'autre valeur logique a nos yeux que celle de faire ressoitir, d'une maniere pins palpable, plus saisissable pav ceux menie qui ne se sont jamais occupes des questions de finan- ces , la puerilite de Targumentation legale , et la maniere dont ce qu'on appelle la religion des contrats a ete jusqu'a ce jour obser- vee par ceux meme qui s'en portent les defenseurs les plus fcr- vens. II existe toutefois un moyen plus efficace d'arriver h amoitir reellement la dette perpetuelle, tout en supprimant le fonds d'amortissementactuel, et en introduisantles rcformesfinancleres que nous avons deja developpees. Ce moyen consisterait dans la reconstitution des rentes viageres. Necker, en fondant un nouveau systeme de finances, emitsi- multanement , pour les emprunts qu'il fut dans le cas de contrac- ter , des rentes perpetuelles et des rentes viageres ; ces dernieres ne sont point entierement eteintos , et elles figurent encore dans le budget. Ce mode d'emprtmt a ete depuis lors abandonne. II est juste de dire que cette emission de rentes viageres n'a point ete faite alors avec tout le discernement et toutes les precautions dont on pourrait I'entourer aujourd'hui. des fonds momenlandment disponibles : les sommes qu'on lui apporle par cc moyen s'accroissont dans une telle proportion que, pour en diminuer le chiffre , il est succcssivcment oblifjd d'cn baisHcr Tinteret. On pourrait pretendre qu'une parcillc rcssource ne pourrait point offrir une rdgularile asscz certame pour per- nietlrc d'elablir un systeme constant de rachat ; on pent rcpondre a cet argument <|ifun inarche passd aVcc la banquc de France pourrait assurer ce service. On sait du reste queletrcsor ne pent pas aujourd'liui employer tons Ics capitaux qu'lls'est engag^ d'cmjjruntcr a la banque. DU BUDGET DE l832. 67 Le besoin des rentes viageres s'est tellement iait sentir en France que deja, dcpuis ilix annees , ponr reniplir cette lacune dans la constitution dn credit public , trois etablissemens se sont formes a Paris, sous la denomination de Conipagnies (V assurance surhK VIE. Depuis plus d'un siecle de seniblables associations sont en Angleterre en plein exercice ; trente compagnies d' assurance survk. VIE sont le resultat du besoin de prevoyance qui travaille tons les esprits. En France, comma en Angleterre, les hommesl es plus recommandables par lenr credit et par leur position sociale out concouru a fonder ces utiles etablissemens ; mais la uonveaute de ces institutions n'a point encore permis que les compagnies fran raises soient parvenues "a I'etat prospere dans lequel se trou- vent les memes societes cliez nos voisins d'outrc-mer. Quel que soit le credit qni doit entourer les compagnies francaises , il est impossible que des societes particulieres puissent , en dehors du cercle de la capitale et des cinq on six principales villes indus- trielles de France , inspirer un degre de confiance assez etendu pourqne cbacun veuille leur confier entierement et son avenir et I'avenir de ses enfans. Le gouvernement seul pent contracter des engagemens dent la porlee est si longue , dont I'exactitude est si importante. Lorsque I'Etat se sera constitue compagnie d' assurance sur la VIE , (1) alors on verra affluer dans les caisses du tresor les fruits des economies de tons les Francais sans exception , et I'epargne du pauvre comme le capital du riche. Voici quel est le mecanisme des compagnies d' assurance sur I.A VIE : En vertu de calculs de probabilites rigoureusement etablis sur (4) L'aJoplioii dc cette mesure ne saurait cnlrainor la revocation des com- pajpilcs qui out etc anterieuremeiit autorisdes ; il est a presuracr ccpendant que ces societes particulieres nc pourraient soulcnir la concurrence du gouvernemenl el qu'clies fiiiiiaicnt par transjner avec lui. 5. 68 EXAM EN des tables de mortalite, ces societes recoivent tons les versemciis annuels et tons les capitaux qu'on vient leur apporter, et s'enga- gent "a les rerabourser : i° Soit en une retite viagere , variable en rai^on de I'ago auquel elle doit commencer "a etre servie (1 ) ; 2° Soit en une rente viagere reversible sur une ou plusieurs tetes (2) ; 50 Soit en uu capital augmente des interets et des chances de mortalite, qui doit etre paye dans le cas du deces de I'assure (5) ; (1) Le verscinent d'un cap ital lie \ ,0U0 produit en I'uiger les interels eal- cul^sa 4°/„) : A 55 ans — 60 "r. 90 c. de rente. 40 — 64 90 45 — 70 10 50 — 77 50 55 — 86 50 GO — 98 80 65 — 118 70 - 130 75 — 155 (2) Dans le cas de reversibilild, la quotite de la renle varie en raison de Tape du constiluant et de Fage du survivant; ainsi, lorsqu'iin mari ag^ do 55 ans vcut faire un placement viager de 1,000 francs , reversible aprcs sa mort sur la tetede sa femme, ag^, de 50 ans, il obtient 66 fr. 10 c. de rente ; si les deuxt'poux ont 60 ans , la renle est de78 fr. 50 c, etc. (3) Pour assurer a sa famille un capital de 1 ,000 fr. apres sa mort , il faiit vcrscr , 20 ans — 59 fr . 60 cent, par an 21 — 62 30 22 — 65 10 25 — 68 20 24 — 71 30 25 - 7li 70 26 — 78 50 2- — 82 20 28 — 86 20 29 — 90 60 50 — 95 20 34 _H6 . 08 DU BUDGET I)E l832. 69 4^* Soil enfiii eii im capital egaletnent augmenle des interets et ties chances de mortalite, qui doit etre paj'e dans Te cas de vie de I'assure (1). Ces combinalsons principales , et d'aiitres qui n'en sont que des applications varices , se plient aux diverses positions des in- di\idus , et correspondent aux besoins que des situations diverses font naitre. Rien de plus moral que ccs placemens ; au moyen d'unelegere economic annuelle faite pendant I'age viril, I'homme pent s'assurer une retraite dans ses vieiix jours , ou bien laisser "a sa veuve ou k ses enfans un capital capable de les premunir contre les vicissitudes dans lesquelles I'absence de larges institu- tions de prevoj-^ance generale pent encore les laisser ; il pent egalement assurer une dot "a sa fille , une garantie a ses crean- ciers , etc. , etc. Les taldeaux de la compagiiie sont calcules sur un interet de 4- p. 100 par an , et les benefices des actiomiaires consistent dans la difference qui existe entre cet interet de 4 p. iOO et I'interet qu'elles obtienneut en placant les capitaux qui leur sont confies. En general, elles achetent des fonds publics, qui leur produisent enviroji 5 p. IOO. On voit done que si I'Etat faisait les memos operations basees sur les memes calculs, sur les memes tabkaux , il pourrait amortii reellementdes rentes perpetuelles, et beneficier encore d' environ 1 p. -100 sur I'interet des rentes amorties. Dans une semblable combinaison tons y gagneraient : le contribuable , snit par la re- duction des impots, soit par la diminution de I'interet; le rentier, (1) Au moven d'un vcrsement annuel de 100 fr., effectuc a partir de Page dc \ 0 ans, on obtient , a 40 ans , un capital de 7,079 fr., ou bien une rente via- gerede 457 fr. Le mcme versement effeclue, a parlir dc 1 5 ans, on obtient "a 40 ans un ca- pital de 5,097 fr , ou bicu une rente viagere de 329 fr. Eta partir de 20 ans on obtient , a 60 ans , un capital de 14,914 fr. , ou bien une rente viagere de 1,474 fr. 'JO EXAMEN par relevatiiin que les fonds eprouveraient cic ractioii non iii- lerroinpue Juu amortissement reel el loujoiu's croissant ; riiuliis- Irie en general , par la Laisse qui en resulterait dans le taux de rinteret; cnfiu tons les Francais, qui trouveraient dans le gouvernenient un refuge tutelaire contre les perturbations ct les coups de fortune dont sont souvent frappees, dans Tepoquc actuelle , les existences le mieux etablies. C'est en se montrant salutaire a tous , c'est en prenant la de- fense de tous les interets , c'est en combinant toutes les ressources financieres de la France, qu'on pourra resoudre le probleniequi parait si difficile aux yeux des esprits preoccnpes de la routine du passe •, a savoir , d'ameliorer le sort de ceux qui travaillent et manquent de tout , sans nuire a. ceux qui Jouissent de tous les avantages de la sociele et sans les spolier. Si Ton veut bieii peser la partie politique des reformes finan- cieres que nous avous proposees , et dont ce qui precede n'est que le commentaire ; si Ton veut apprecier les avantages qui resulte- i-aient deTentiere suppression des inipots sur le sel, sur les bois- sons, sur le tabac et sur la loterie , on ne pourra se refuser a reconnaitre que le gouverneinent qui serait hardiment entre dans inie semblable voie aurait acquis par la meme plus de stabilite, plus de force, plus dc popularite que par la concession la plus large qu'il poinrait faire de droits politiques et de lois liberates ; toutes mesures qui, pour le dire en passant, n'ont jamais einpe- che personne de niourir de faiin. En entrant dans uneseniblable voie, on accroitrait immanqua- blement la prosperile materielle de la France, et par suite on eloignerait toutes les chances de guerre ; car, quelle que soit la repugnance que pent inspirer aux souverains feodaux telle forme de gouvernenient on telle dynastie , ils rellechiraient long-tems avant de venir troubler la prosperite de 55 millions d'hommes qui , connne Ta dit le grand Frederic , peuvcnt connnander a VEurope on la paix on la guerre. La paix est le premier jjcsoin des st)(;ietesj c'est dans la paix DU BUDGET DE l832. ^I que peuvcnt se developper les arts et rindustrie; les rois et les peuples coinmencent a comprendre que les graiides questions po- litiques ne peuvent plus se lesoudre par la guerre. Les progres de la civilisation, la diffusion des luniicres, les coinniunications plus rapides qui s'etablissent entre les nations, I'extension des rapports comnierciaux , tout concourt h subalteniiser la puissance de la force brutale. Le regne des conquerans touche a son tenne, car celuides travailleurs pacifiques est arrive; et si Ton considere attentiveraent le niouvement qui s'opere dans tous les esprits , on reconnajtra qu'une pensee feconde subjugue aujourd'hui bien plus promptenient , bien plus profondement les peuples, que ne pourront jamais le faire les armees les mieux organisees. Par la revolution de juillet, la France avait seiuble lancer un defi audacieux a tous les potentats de I'Europe ; en rejetant au- delk des mers les derniers representans de la feodalite , la France avait rompu violemiuent avec toutes les aristocraties , et lalegitiniite, cheminant silencieusement de Rarabouillet a Cher- bourg, semblait devoir donner le signal de la marche aux armees du Nord. Au bruit de la chute d'une dynastie de dix siecles, peuples et rois se dresserent en effet ; les nations voisines crurent voir re- naitre en France la convention et le comite de salut public •, on crut voir se lever menacantes les quatorze armees de la republi- que, et surgir, du seindeces jeunes bataillons , un nouveau sol- dat de fortune destine a promener encore du septentrion an midi ses cohortes victorieuses. En France , tous les yeux etaient fixe's sur les frontieres; on attendait un nouveau manifeste de Brunswick; Pitt et Cobourg, et leurs conjurations , serablaient devoir renaitre ; la double invasion se presentait hideuse a tous les esprits, et le vieux chant d'affranchissement et de guerre , la Marseillaise , se trouvait rajeuni et faisait battre tous les coeurs genereux. Et tous s'arnierent, et tous se mesurerent avec colere; une de- fiance generale fut le resultat de releuient nouveau que la chute de Charles X avait iatroduit dans I'equilibre curopeen. ^2 EXAM EN Quiiize iiiois d'bc'sitation , pendant losquels la France s'esl sa- Inrcc de vaincs discussions siir des thf'orios ahsUailes, desonnais sans valeur, onl appris aiix puissances du continent que I'enlrc- lien de leurs arniemens cxtraordinaires etait un lourd ct inutile I'ardeau pour les peuples (1). L'Angleterre, laisant un triste retour sur le passe, comprit enlin (jn'en triplant sa dette et en ruinant son commerce, sa lutte de vingt-cinq annees contre la revolution francaise avaif ete im- puissante a detruire le piincipe nouveau qui avait siirgi en 1789. Les efforts de tousfurent done diriges vers le raffermisse- ment de la paix. Dire ici quels en furent les preliminaires et les conditions, dire a quel prix ce resultat a ete obtemi, n'est point la tache que nous nous sommes imposee; qu'il nous suffise d'in- diquer la tendance generale des peuples , le progres des idees (1) Depuis la revolution de juillct , iiidcpendaiiiment des levees cxtraordi- naires d'liommes et des auninentations d'inipots, il a <5le emis en Europe environ 800 millions d'emprunis nouvcaux , repartis conime suit : Hollande 300,000,000 fr. Autrichc 200,000,000 France ( nonobstant. les vcntes de Lois ct 1 emission extraordinaire de bons royaux ) 1 40,000,000 llussie 80,000,000 Bclgique 25,000,000 Piemont 25,000,000 Elats remains 1 ti, 000,000 Prusse ( elle a emis , dit-on , de nonvelles obli{;ations anglo-prussieunes , niais Toperation n'a point eni publiquc, et le chift're n'est point connu) Memoire. Emprunts eflectiies 786,000,000 En France, pour couvrir les depenses exlraordimiiies de 1832, on a vu que le budget dovra elre complete par roiiiission d'un nouvcl cmprunt de 150,000,000 El par unc vcnte exlniordiiiaire di; bois de 50,000,000 La villc df Paris doit egalcmcntcnictlrc un einprunl dc. . . . 40,000,000 DIJ BUDGET DE l832 yS l)ucifiqiies, et la decroissance correspondante des sentiinens guerriers. Cette digression , qui toutefois n'est point etrangere au snjet que nous traitons aujourd'hui, nous a momentanement ecarte de Texamea du budget de 1852; nous y revenons. Depuis que M. Louis a presente a la Chanibre des deputes ses lois de finances, on ne pent nier que les garanties de tranquillite exterieure ue se soient considerablement accrues, et que la France ne possede actuellenient des gages de la conservation de la paix bien uiieux etablis que ceux quelle possedait a cette epoque ; les puissances feodales ont eu , depuis juillet, d'assez frequentes occasions de rompre avec la France , pour qu'on puisse penser mainteaant qu'elles n'entendent plus faire une guerre pour telle ou telle dy- nastie; et il est a presumer que les souverains du Nord ne son- gent plus a bruler une amorce en faveur de Cbarles X, ou de I' enfant du miracle. Ce n'est done qu'une guerre de principes qui pent etre faite a la revolution de 1830. Des lors les condi- tions de la paix reposent uniquenient sur la marcbe de la politi- (|ue interieure; c'est en cahnant toutes les passions qui fermenleut dans sonsein, c'est en donnaut satisfaction a tous les interets et a tons les besoins legitimes; en un mot c'est par 1' union , c'est en resserrant le lien de I'association, que la France pourra acqucrir- cette force iraposante sans laquelle il n'y a point d'indepeudance ni de paix durables. Les mesures financieres que nous avons developpees dans cet article nous paraissent les plus propres k arriver k ce resultat, et nous pensous que si elles etaient immediatement adoptees on pourrait suspendre tous les armeraens el meme commencer k di- niiuuer I'effectif de I'armee. Cent trente millions figurent au budget du miuistere de la guerre pour allocations e.xtraonJinaires . Cette depense pourrait etre des lors supprimee du budget de 185'i2, et par suite renipruni de fr. 151,467,267, qui, dans cc budget, est destine a couvrir cette depense, deviendrait inutile. ■74 EXAMEN On a vu que Ic cliif.rc total dii builj^ct dovrail sVlcvcr , aprus Ics refiirme* que nous avons propose d'y introdiiirc , a ■ y4G,30',),G74 La suppression du credit extraordinaire de la guerre produiraitune reduction de : i" pour le credit extraordinaire 130,128,000 \^ 1'57 12ft 000 2° pour Ics intercts qui scraicnt retranches 1 du budjjet par suite dc la non-emission dc j Temprunt dc 151 ,467,267; ci environ, 7,000,000 I Le budget dc 1832 nc s'^leyerait done ca tolalilc qu'a 809,181,674 C'est par I'acloption de serablables mesures que nous conce- vons pour les contribuables le soulagement des charges dout ils sont accables; et certes, si Ton veut eu diniinuer le fardeau pour les generations futures, on y parviendra bien niieux en s'efforcant de ne point augmenter la dette par des depenses im- productwes qu'en cherchant "a deplacer des fonds utilement emploje's pour amortir deseraprunts au moment merae ou on les emet. Diminuerle fardeau des generations futures ! telle est la preoc- cupation des defenseurs les plus intrepides de I'amortissenient; on ne saurait se dissimuler qu'il y a dans cet argument une apparence de generosite et d'equite qui n'a pas peu contribue au niaintien de cette institution ; niais Fequite n'est qu'apparente, el I'erreur dans laquelle on torabe h cet egard provient uniquement de la pensee qu'il y a, dans ramortissement h inte'ret compose, une vertu reproductwe , independante de tout trnt^dil et de tons sacrilices pccuniaires. L'illusion est evidcnte, car le travail scul est productif. Dansl'aniortissemcnt, tout, au contraire, est impot; et la dotation, et les rentes acquises, et les interets capitalises, ne se grossisent cbaque annee qu'au nioyen des quittances dii pcrccpteur et des ecus du conlribiiable. Aniortir des rentes dans le but de soulagcr l'(U>enirQ\\ imposant le present y c'est done fairc ccttc siqiposition absurde : que I'Elat DU BUDGET DE l832. 'j5 est un etre en dehors de la societe; etre fictif qui n'a point les meines besoins, les meraes interets que les individus dont elle se compose. Kii se placant au contraire sur le terrain de la realite, on concoit que, loindeseliberer, I'Etat / a/r/^r^? lorsqu'il ne tire point le nieilleur parti possible des forces reproductives qvi'il renferme dans son sein. Par ramortissemcnt il ne selibere point, car il ne fait que deplacer des capitaux, et dans ce deplaceinent il perd et il detruit d'une maniere barbare, et tous lesfrais de per- ception, etle travail de ses employes, et les benefices des capitaux enlevesa la production. Independarament de I'oubli on Ton tombe des veritables prin- cipes de la science economique, en maintenant le fonds de rachat de la dette, on concourt a entretenir la fascination du public, car quelques-uns s'imaginent encore que Famortissemeni soirtient la rente et prod uit I'elevation des cours. Certainement, si Taction non interrompue de ramortisseraent n'etalt point genee par les nouvelles emissions de rentes qui s'ef- fectuent avec une regularite desesperante , la masse des ca- pitaux oisifs qui viennent journellement soffrir a la bourse, pour obtenir un revenu assure, tel que I'Etat seul pent le garantir, donnerait, h la longue, aux rentes un prix factice qui, par son elevation, serait hors de toute proportion avec le prix du lojer del'argent et des terres (1 ). Cette elevation exageree serait finale- (1) Les rentes inscrites an grand-livrc do la delle piililiquo sc subdivisaient ainsi au 30 juin 1831 : 76,719,907 fr. de rentes sont immobilisccs ou acquiscs par la caisse d'anior- tisseincnt. 10,451,114 apparlicnncnt a des etablissemens publics ou a des compagnies, et ne sont guerc susccptiblcs d'etre Iranslerccs. 9,209,57^2 sont liinitecs dans les dcparleincns et uc sont point non plus frequcninient transferees. 90,580,595 "7 6 EX AM EN meiit iuiisible aux capltalistes et rentiei*s an profit desquels elle aurait ele d'abord provoquee; mais telle n'est point I'liypothcse oil Ton doit se placer; pendant que I'Etat aniortit , il pent (iniettre et il emet en ei'fet des eiuprimts qui depassent Ic Report. 96,580,595 I1I,1GU,U25 apparticnnciU a (livers propridlaires ; ces rentes et les precedentcs soiit cc qifon appelle class^ts. 511,600 sont ail porleur; clles appartieiincnl eii general a des etrangers. 5,959,904 sonl dans Ics mains des banfjuiers, agens de change et capitalisles. 214,012,120 Totalild dc la deltc inscrilc au 30y«m 1 851 . L^anionissement agit prcsquc exclnsivement snr les 6 millions de rente qui sunt dans les mains des banquiers , agcns de change et capitalistcs; c'est re qu'on appelle les rentes Jluttunles, pour les distinguer des autres qni sont itiimo- bilise'es ou classees. Ce sont ces rentes llottantcs qui scales se joiicnt et produisent jom'nellement CCS brusques alternatives de bausse el de baisse. Au fur et a mesure qu'elles se classent, les grands spdculateurs peuvent plus facilement maitriser les cours. Si cclte partie dc la detle n'etait pas siiccessivemcnt alimentee par les nouvelles emissions d'emprunts , les chances de baisse seraienlmoins fortes; car cliaque jour lasomme des rentes qui sc classent estbien plnsimportantequelasommedc cellos qui se de'classent. C'est donS pour intervenir dans les transactions qui s'operenf surcesG millions de^rcntequcl'amorlisscmentabsorbet7/«cs qui pesent sur les classes inferieures est une condition essenlielie du mainticii de Pordre et de la tranquillite publique. Les ressources financieresde la France, bien apprcciees, sont asscz puissanlf s pour qu'il ne soit point necessaire de recourir a des inoycns facticcs pour soulc- nir son credit En ^tablissant un (5quilibre entre remission des emprunts et Ic chiffre des rentes now c/aMe'ti, on assure bien mieux la hausse que par raclioii de la caisse d'amortissement. La brusque emission des rentes de rindemnitc.pio- duisit a la bourse la crise de 1 826; et c'cst au fur et a mesure que ccs rentes se classcrent que les fonds purent rapidemcnt hausser et se maintenir a des pri\ ilevds,jusqu'au commencement de I'annee 1 850, cpoquc a laqucllc ful dmis I'em- prunt dc 4 "/„. (1) LVmprunI du 4 "/„, a 102, 07 '/,. -yS EXAMEN ilont on n'a point encore assez tenu conipte, csl la baisse de I'in- te'ret. La masse des produits realises par le travail de rhonime ne so consonnne point an moment do la prodnction ; il y a chaque an- nee nnc econoinie pins on inoins considerable snr I'ensendde des produits. Getteeconomie, sons quelque forme quelle soit realisee, vient incessannnent grossir le fonds de production les defrichc- mens , les routes, les communications de tons genres , les edifices publics et privcs, les richesses des sciences et des arts, les outils ct les machines, les produits de toutes les industries, enfin les metaux precieux, sontle maguifique heritage que les generations se leguent en se succedant; et de generation en generation ce legs se grossit et s'etend ; oar le domaiue du travail et de I'in- vcstigation dc Thomme s'clargit sans cesse. C'est an moyen de cette accumulation de richesses que s ameliore successivement la situation des travailleurs , que le lojer des instrumens de travail, fcrmages et interets , va toujours en decroissant. La baisse de I'interet est correlative a la liausse du prix venal de la rente ; c'est la seulement que repose pour I'avenir la garan- tied'un veritable amorlissement ; c'est dans la reduction des ren- tes que les contribuables peuvent esperer d'obtenir un soulage- ment reel des charges que la dette publiqne leur fait supporter. En meme terns que I'interet baisse et que les relations de credit s'etablissent, on voit anssi s'accroitre les benefices du travail et leprix des produits. Cette consideration, jointe h la decroissance successive de la valeur des metaux precieux (1 ), est un argument de plus en faveur de I'abolition du fonds d'amortissement ; car une rente payable en espcces, constiluee sous Henri IV, ne repre- senterait plus anjourd'hui mie anssi forte quantite de produits qu'au moment de sa creation ; par la meme raison le poids de la (1) Cette decroissance est autant le fait dc rintroduclion des signes de crddit ttans les (5clianp,cs que du porfectionnement des moycns mis en usage pour I'extraction des divers metaux. DU BUDGET DE l832. -9 delte piiblique actiielle sera bien plus leger pour nos arriere-iic- veiix que pour nous. Depuis quinze annees, le credit public a fait en France de rapi- des progres ; mais son developpement ne s'est point eflectue re- gnlierement. Diverses commotions politiques I'ont derange dans sa niarche ascendente ; c'est ce qui fait queles homnies purement pratiques, ceux qui ne jugent c^xxeXe?, fails, ceux enfin qui out constamment la face tournee en arriere, n'ont point su apprecier les veritables elemens du credit: aussi se sont-ils fait un bouclier niagique de la jonglerie de ramortissement, et en fondant cette institution , preoccupes qu'ils etaient des catastrophes financieres qui avaient signale le dernier siecle, ils n'ont en en vne que d'offrir uu abri tutelaire contre le retour de pareilles calamites. Rembourser a ete leur pensee doniinante, etdans leur preoccupa- tion , ils n'ont point corapris que, lorsque le remboursement est ruineux, I'Etat gaspille ses plus precieuses ressources et inarcbe par Ik raeme vers un abime. Lorsque nous parlons de remboursement ruineux, nous ne pensons point qu'on puissenous taxer d'exageration ; cependant nous avons besoin de preciser plus exactementce mot, afin d'eu faire sentir toute la portee : nous avons deja dit ce que content en frais de perception et en pertes de forces les '66 millions de I'amortissement : voici maintenant les resultats compares des emprunts et des rachats simultanes qui ont ete operes depuis i 81 6 jusqu'au 1 ««■ Janvier \ 851 {\ ). II aetevcndu par I'Etat 102,404,561 f. dc rente(2), qui ont prod. 1,492,856,405 II a ete racli ete par ra- mortissement 55,492,208 fr. idem , qui ont coilid \ ,035,734,446 Ainsi 46,91 2,555 fr. id.se irouventemis pour 457,101,957 (1) Les 27 millions de rente accordcs aux emigres , ni Temprunt contracte eo 1831, ne sont compris dans ccs ealculs. (2) Le prix moren de ces diverses rentes est 72 fr. 84 c. 8o EXAMKN En (leJuisaut de cctte soniuie de 4^57,101,957 IV., cnviioii 200 millions pour Ics I'rais de perceplioii (1) occasiones par le milliard qui a ete employe par la caisse d'amorlissement , le solde ci-dessus de 46,91:2,555 fr. de rente n'a produit net au tresor que 25(i millions , ce qui represente une emission de rentes 5 p. % au prix de 27 fr. 42 c. Si , sur Ics raemes donnees , on veut encore apprecier phis exactement ce qua de desastreux I'operation du rachat, qu'on envisage avec attention ces simples rapprochemens : Par Faclion sinuiltanee dc ramortisscment ctde I't^mission des nouveaux cm- prunts , il s'cst effechie, ainsi qiroii vient de le voir, iiii rei>ireiiient de rcntis duquel il resullc que FEtat reste debitenr de 46,91 2,353 fr. dc rente, qui liiiont produit un capital de 457,101,957 Pour effoctuer cet ecliange , I'Etat a recllement dd- bourse en frais dc perception 200,000,000 II n'est done rentre dans les caisses publiqucs qit'une somme netic de 257,101,957 Pour obtenir une somme egale, il nc faudrait cmettre aujoiiid'hui que 13,531,682 dc rente. On vicnl de voir qu'au contraire il a 6li cmis au moyen dc la combinaison de la caisse d'amortisse- ment 46,912,353 de rente. La tirclire financierc a done fait inscrire au grand- livre EN PURE PERTE 33,380,670 de rente. Soil on capital au cours acluel du 5 °/„ (95 fr.) 634,233,000 &r. D'apres un semblable resultat on est conduit invinciblement a reconnaitre cette verite de.sesperante : "a savoir, que depuis 1816 jusqu'au i er janvier 1 851 les deux tiers des sonnnes percues par (1) Si 70 millions d'inipot sur lesboissons cofitcnt 20 millions dc frais de per- ception et produiscnt net, par cons(f'qucnt, 50 millions, une somme nelte dc 1,035,734,446 fr. devrait avoir coutd 414 millions; en portant done ici seulc- mcnt 200 millions, Ic chiffre est loin d'etre force. 4 DV BUDGET DE l832. 8 1 la caisse d'amortissemeiit ont ete entierement decore's par les frais de perception et par les benefices de I'agiotage , et qu'iin tiers seulement (1) a ele consacre k Fextinction de la dettej est- ce un dedoniniagement suffisant pour tons les sacrifices que la France s'impose ? La premiere partie de ce travail etait dejh sous presse lorsque les evenemens dout Lyon vient d'etre le theatre nous ont ete connus. De ces scenes de carnage etde desolation, resulte un en- seignenient terrible pour les homnies charges du maniement des affaires publiques. A I'aspect de cent mille proletaires , horames et fenniies, que la faim pousse h la rebellion la plus effroyable; a I'aspect de ces malheureux fabricans que la concurrence impi- toyable pousse a la banqueroute on a la mort; a I'aspect des per- plexites de la France enticre que cette epouvantable catastrophe a jremplie d'effroi, et qui commence k entrevoir I'enormite des dangers qu'une viciense repartition des irapots et une mau- vaise distribution des fruits du travail pent lui faire courir , nul ne sera sans doute tente de temporiser et de celebrer encore les douceurs du statu quo ; la situation actuelle est insoutenable; et nous pensons que le moment est vena de sender hardiment la plaie du corps social En presence de ces grand maux , les grands remedes sont in- dispensables. Le moment des pelites modifications financieres est passe; c'estpar de larges ameliorations qu'on pourra soulager ces profondesdouleurs. Jusqu'k ce jour on a beaucoup disserte sur la necessite d'introduire des changemens dans I'assiette de I'im- pot ; le moment est venu oii de la theorie on doit passer k la pratique, on les actes doivent remplacer les discours. (1-) Afin d'etre plus ri(;oiircux dans nos calcnis, nous nous sommes bonics a les dtablir sur les elemens que nous avons puists dans les complcs produiJs par le ministre des finances ; si, aux frais de perception , nous eussions joint la pertc occasionee par remploi improductif des employes , la totalite des sommes petf ues par la caisse d'amortissemcnt aurait die absorbde. TOME Lll. OCTOBRE 1 85 I . 6 S-2 EX A MEN Nous avons longueniciit dcveloppe los fiincsles cuiiseqiieiicfs (|ui resnlleut dn ir.ainlien dc la caisse d'ainortissenieiit, et nous avons donnc Its iiioyens d'etablir un mode reel de rachat, mode qui aurail pour ohjet de satisfaire en nieiiie terns aux intcrets dc rindusuie, comme a ceux dos contribuables et des rentiers ; ii nous reste luainteuanl a prouverqu'en uiaiiitenant an budget de 1832 lesoOcent. additionnels pcrcusen I80I sur la contribution fouciere, nous ne greverions en aucuue fiicon les proprietaires fonciers; quelque elrange que cette proposition puisse paraitre de primc-abord , il nous sera facile d'expliquer notre pensce en peude mots. La propriete est tellement divisee en France (■) qu'en etablis- sant un calciil sur une cole fouciere de 1500 francs^ on aura com- pris dans ses previsions Fimniense majorite des proprietaires et ceux surtout dont la situation uierite les plus grands raenagemcns . D'apres le i)udget de 1852, dont on a supprime les 50 cent, additionnels extraordinaires ^ le principal de la contribution fouciere se trouve anguiente de 1 (i cent, sans aficclalinn sj;ccia!c. 19 pour (leprn'sos fi\o.s, variables Pi fonds ronimun des de- [larlmicns. 2 |)nnr non-valciirs el di'f;reveniens. Enscniblc 37 ccnl. addilionnels ordiittiire^. 500 francs de contribution fonciere se coniposent done de 565 f. en principal, et de 135 fr. pour les 57 c. additionnels; si les 50 c. extraordinairement percus en -1851 se trouvaient retablis pour i852, une taxe fonciere de 500 fr. eprouverait done une augmentation de 109 fr. 50 c. (I) Nous Irouvons, uaiis un oiivra;;e pubKc cu 1830 par ii. Arniand Seyuiii, Tdtal ct Ic riasscinent des coles foncitres aujourd'luii en recouvrement ; nous In DU BUDGET DE l832. 83 Si Ion calcule niaintenant le dedommageraeiit qu'offrirait la suppression ties irapots des boissons , du sel et du tabac , sur I'e- cononiie dans les frais d'lin menage , on reconnaitra quo cen'est point lapriser haut que de I'evaluer a 109 fr. 50 c. par an. Que Ton veuille bicn remarquer en outre que, par la franchise de I'exploitation du sel, des tabacs et de la culture de la vigne , la consoniniation , et par suite I'industrie agricole et manufactu- riere, eprouveraient un tel accrolssement, soit par le plus facile ecoulement des produils , soit par Faccroissement qui en resnl- terait sur I'eusenible de la richesse puldique , que la valeur des propricies territoriales dcvrait promptement s'ameliorer dans uue proportion tres-forte ; de cette amelioration resulterait encore unjiouveau dedommagement pour lesproprietaires. D'ail- leurs, comnie on ne saurait trop le repcter , le bien-etre de la classe la plus nombreuse est I'eleinent principal de la tranquillite et de la propriete publiques ; or, par un terns calme et prospere, la propriete augmentc rapidcment de valeur dans une propor- tion considerable. Les relations des gonvernans et des gouvernes sont telles aujourd'bui qu'il est a pen prcs impossible aux preiniers d'inter- venir dans le reglement des interets des autres; et Ton voit que rapportons ici "a tilrc dc rcnseiffnement , en avertissant touterois que 1 aiileur n'aj ant poim fail connailre comment il avait pti Ic dresser, nous n'avons pu en verifier Fexactitude. Au-dessous dc 20 fr. par tete , ii y a 8,024,987 cotes foncieres; de 20fr. a 30 663,237 642,345 525,991 322,659 68,457 33,662 13,447 de 3y 50 de 50 100 dc 100 500 de 300 500 de 500 1000 de 1000 et au-dessus Ensemble 10,296,785 cotes. 6. 84 . EXAMEN ciiiand ils veulcnt sortir de cotie limite olroilc ils iic peiivent , conime il A'icnt d'arrivcr h I-yon, clicrcher a satisfaiie quel- ques interets , sans blesscr profoiidenienl d'aiilrcs inlerets iioii moins respeclaljles. Par la foinie et le ])rincipe du gouverne-' nienl actuel, il est done, et, a bon droit, interdit au pouvoir de s'imniiscer directement dans Ics rapports individuels, si ce n'est potir reprinier les collisions, les desordres, les chocs violens ; Taction gonvernenicntale est aujoiu'd'luii puremcnt iiegatwe^ elle consiste presqne exckisivement dans des fonctions de police, Cc role, bien qn'encore necessaire, est cvideninient in- digne des liommes qni, par la position elcvec qn'ils occiipent dans la hierarchie sociale, peuvent considerertontel'etendue des niaux qui alfligent la nation tout entiere; et on doit s'effor- cer de hater le moment on le pouvoir aura mission d'intervenir positivement dans les rapports des hommes pour les regler, pour les harmoniser, pour les diriger vers uu but commun , vers I'a- melioration du sort de tons et de chacim. En attendant que ce moment soit venu , le pouvoir doit , par tons les moyens que la legislation actuelle lui perinet de mettre en usage, chercher a degager de plus en plus la production des entraves qui nuisent a son developpement ; c'est h quoi Ton pourrait arriver en partie en adoptant les mesnres financieres que nous avons proposees ; il devrait en outre , par I'adoption et lamise a execution d'un vaste systeme de commmn'cations , maintenir le prix de la main- d'oeuvre "a un taux toujours croissant. Des travaux crecs simulta- nement sur tousles points de la France auraient sur la fixation des salaires une influence autrement tutelaire , autrement du- rable que I'adoption de tons les tarifs leganx ou illegaux. En nieme terns cpie les canaux , les routes et les chemins de fer que I'on pourrait ouvrir, procureraient du travail "a ceux qui en manquent, et diminueraient la concurrence que se font les prolctaires , souvent au prix des plus dures privations , ils con- courraient h accroilrc ct les benefices de I'industrie et la valeur des proprietes. DU BUDGET DE 1 832- 85 A cottc occasion; et sans entrer dans rexamen des reformes que le systeme des douanes necessite iniperieusement, nous pen- sons que, pour I'aciliter la construction des cliemins de fer, on pourrait accorder aux concessionnaires des entreprises qui , a I'avenir, pourront etre fondees, la faculte d'intvoduire, en Iran- cbise de droits , des fers etrangers pour I'emploi special des che- mins en construction. Cette disposition iransitoire , toute d'interet general , ne prejugerait en rien la grande question de I'abaissement du tarif des fers ot des fontes. Nous dirons quelques mots des primes d'exportation que nous avons rayees du budget : « C'est, dit-on, une restitution de droits , une prime d'encouragement donnee h I'industrie natio- nale. » Nous pensons qu'il vaudrait infinlment mieux soulager la masse des contribuables des dix millions que ces primes ab- sorbent cliaque annee , et n'attendre que de I'aisance publique un accroissement de consomniation qui, combine avec les pro- gres des industries si etrangement encouragees, serait bien plus propre h acliver le developpement du travail que cet auxiliaire ruineux et factice. Le systeme actuel des impots et le regime des douanes ne sont certes point avares de grosses erreurs d'econoniie politique ; raais il faut avouer qu il serait difficile d'en trouver de plus cboquantes que celle des primes d'exportation. Quand on en examine les re- sultats , on est force de reconnaitre que Vbomme qui administre- rait ainsi sa propre fortune serait dans un cas flagrant d'inter- diction ; une courte citation suffira pour prouver Texactitude de notre assertion ; voici le mouvement d'eiitree et de sortie des sucres pendant I'annee 1 850 : 86 EXAMEN 69,tJ2G,9^ti Kiloj. siicrc> brut.', de toutc espicc sout entics il outpayC-, ;, laisoi! de 49 fr. 50 c. j.ar 100 kilo:;. 35,555,174 fr. (Le suppletoent de droits potir Ic siicrcitruvcnaul dcs colouics etranycx-es u» merlte poiut d'etre roentiunue, en raiKon de la fnilile qiiautite que la surlaxc perinet d'iinporter. ) 1 4,980,559 kilog. lint ete cxport^s suus la lurme suivante : ' 8,419,780 kilog. eu siicic lafiinc, ct out perf u la prime a raison de 120 fr. par 100 kilo- grammes. 10,101,078 0,506,572 kilo, euintlasse, 1 10,889,666 fr. a^cc prime de 12 f. 787,988 \ 14,980,552 54,640,584 kilo, out ete consnmines en France et onl produit net, 22,04 Si, corame nous venous de le dire, on supprimait la prime d' exportation , et si Ton rcduisait en merae terns a 25 fr. par centki!ogiainraes(decime conipris)le droit d'entree siu- les sucres coloniaux ( qui est aiijourd'liui de 49 fr. 50 c. ), au lieu de 70 millions de kilogrammes qui sont importes, eu egard au droit actuel, I'iraportation s'eleverait h 100 millions de kilogrammes qui produiraient au tresor 25 millions. Cette mesure aurait im- mediatement pour effet d'activer le commerce ct la navigation, d'augmenter la consommatlou , et par suite le travail des raffi- neries , puis enfin de realiser nn supplement de rcceltes de quel- ques millions. Les reclamations des fabricans de sucres de betteraves ont en grande partie mis obstacle a I'adoption de cette mesure ; il ne faut point penser toutefois que cette reduction du droit d'entree des sucres de canne porterait i>n coup mortel k la fabrication du sucre indigene ; des renseignemens qui nous ont ete fournis a cet egard, et sur Texaclitude desquels nous croyons pouvoir compter, prou- vent, aucontraire, que nonobstant la reduction de 25 fr. par cent kilogrammes, cette iiidustrie pourrait continuer ses travaux : nil BTJDGKT HE 1 832. 87 avec avautage (I). Qiioi quil en soit, si la fabrication *le sucre indigene ue pouvait se soutenir qu'a I'aitle d'un droit anssi exor- bitant que celni qui est anjourd'hui percu ( cent kilogrammes de Sucre livres a la consommation an prix de liO^et niemel 10 fr. , ont paye an fisc -49 fr. 50 c. ) , 11 faudrait se hater de reconnaitre que cette industrie est mauvaise, et qu'en ^continuant a la proteger aussi aveuglement , on augmenterait les embarras de I'avenir. Si done la reduction du droit devait ( ce que nous ne pensons point ) reudre impossible, sans perte , I'exploitation de ces fabriques, il faudrait malsre tout passer outre, mais ac- corder en meme terns des indeninites aux individus que cette mesure aurait blesses; les contribuables trouveraient promnte- ment un ample dedommagement a ce sacrifice temporaire. Pour en finir avec les primes d'exportatiou , et pour en bien faire apprecier la Inzarrerie , nous pensons quil nous suffira de resumer en deux cliiffres ies resultats de cette mesin-e : Icssucres indigenes fabriques a Paris, tout aussi bien que les siicres exotiqnes raffines(car il est impossible de constater la difference), se ven dent a Paris meme a raison de 21 sous la livre; les memes siicres, transportes a Geneve , peuvent s'y vendre , malgre les frais de transport, a raison de iO sous, I'Etat ayaiit accorde pour le deplacement une prime de 12 sous par livre ! Combien d'infortnnes contribuables francais se trouveraient heureux de profiter de ce sacrifice que I'Etat s'impose aussi benevolement ! Nous croyons inutile de devclopper pour les laines rinntilile de la prime d'exporlation ; le principe est le meme, Ics conse- quences n'en peuvent etre differentes. Dans le cours de notie travail on aina pn remarqner qu'eii (1 ) La qualite de sucre indigene brut qui se vend nu inoins 1 25 f. les 1 00 kilog. revicnt, aux fabriques de V'alcnricnnes el d'Arras, a environ 80 fr. La reduction de 24fr. 50 c., op^rce siir le droit des sucres cxotlques, ferait baisser le prix dc vente a 1 00 fr. 50 c., el laisscrail par consequent uii bcneOce suflisant a ccs ^la- blisscmciis. 88 EXAM EN cherchant dans riinpot et dans I'organisation financiere les raoyens de reraedier aux souffraiices de toutes les classes de la societe, nous nous soninies principalcment altaohe a signaler les reformes generales , celles qui peuvent avoir une influence di- recte, immediate, sur la prosperite publique. L' experience a dii prouver en eftet que les pelites modilications out toujours ete im- puissantes a atteindre ce but ; et si Ton vent recapituler les econo- mies qui , sous la restauralion , out ete obtenues par I'exaraen et la discussion des quinze budgets que les Chanibres ont votes , on sera force de reconnaitre que ces economies n'ont jamais valu la perte de tems qu ellcs ont occaslonee. Par la loi du \ 2 decembre 1 850 , 1'impot sur les boissons a ete reduit de 54,168,000 fr. , et Teconomie dans les frais de percep- tion n'a ete que de 1,9:29, 400 fr. , soit 5, 6/10 pour cent. Les frais de perception de ce qui se percoit acluellement sur I'exce- dant du menie impot s'elevent a 20 6/10 pour cent ; c'esten in- troduisant ainsi des reformes partielles et incompletes qu'on laisse peser sur les contribuables le fardeau devorant de la bu- reaucratic. Nous n'avons indique aucun retranchement sur le budget du niinistere des cultes et de I'instruction publique ; la revision de ces depenses est un exaraen de detail qui pent eprouver d'impor- tantes niodilitations dans lesein des commissions de la Chambre; il noussuffira de dire, entermes generaux, qu'en attendant que I'Etat puisse, sans briser trop brusquement des existences , sup- primer la sulnention accordee a tous les cultes sans distinction , laissa.it aiiisi a la piete des fideles le soin de pourvoir aux besoins de leurs pasteurs , nous pensons qu'on pourrait operer des retran- cbemens sur les traitemens du haut clerge, a(in d'augmenter les fouds consacres a I'instruction primaire. II suffira de citer quelqucs chiffres de ce budget pour faire seulir la necessite de ces modifications : 900,000 fr. sent alloues pour Tinstruction de tons les prole- taircs francais ; , DU BUDGET DE l832, 89 575,000 formeut le traiteraeiit de quatorze archeveques ; 990,000 forment celui de soixante-six eveques. Un tel rapprocliemeiit doit etre clioquant aux yeux meme des hommes les plus peuetres de la foi catholique. Mais en meme terns que la societe se montre si parcimonieuse lorsqu'il s'agit d'instruire et de moraliser le peuple, elle sait etre prodigue lorsqu'il s'agit de sevir, de frapper. Le budget de la justice s'eleve a 19,469,700 fr. ; dans cette somnie figurent seiilement pour les cours d'assises etles fraisde justice criminelle, 5,500,000 fr. Ce n'est point encore a cela que se borne cette fa- cheuse allocation; 2, i 56,700 figurent en outre an budget de la marine (page 429) pour la depense generale des chiourmes. Quel luxe pour les nialheureux forcats ! une ligne du budget fixe le credit de linstructionpriraaire, etun cbapitre entier est consa- cre aux bagnes. Si on eut su depenser ces sommes a propos, ces hommes, au lieu d'etre le fleau de la societe, en eussent ele des membres utiles, et on aurait ainsi pu prevenir bien des chutes , empecher bien des crimes ! Un projet de loi sur I'instruction primaire a ete presente dans cette session ; tout porte a croire qu'il ne sera point disciite. M. Arago a fait une proposition dans le but d'organiserdesecoles industrielles , complement indispensable de I'education des tra- vailleurs ; cette proposition a ete ajournee. La Chambre devrait cependant songer que de semblablcs mesures sont autrement iraportantes qu'une loi sur le bannissement des Bourbons et des Bonaparte. La hste civile ne figure sur le budget que pour memoire. Des economistes de cour ont essaye d'insinuer qu'une liste civile ele- vee etait indispensable Tpour Jaire aller le commerce. En presence de la misere publique et des calamites qu'occasionne la faim une telle aberration d'esprit est certainement plus qu'une faule , et il faut esperer que la Chambre fera justice de ces pretentions pour la plupart interessees. Diminuer les charges qui pesent sur les classes inferieures sans go EX AMEN DU BUDGET DE l832. troubler rexistcnce des classes superieures ; activer la consoiuiiia- tion et la production; developper le travail cl prodiiire successi- vement uue hausse dans le prix dfs salaircs ; augnientcr Ics inoyens d'instruclion , et arrivcr par suite a dimiuiicr les moyens de repression par une nieilleurc direction des ricliesscs sociales, par la fondation d'un vaste syslenie de l)anque, qui facililerait la pronipte circulation des sigiies de credit, et etablirait succes- sivement un lien plus etroit entre les diverses localites et I'en- semble des ti-availleurs; produire sui I'inieret des capitaux une baisse que reclamont les amelioralions de I'agriculture et de I'in- dustrie ; constituer I'Etat caisse d'epargne , et distributeur des I'onds de retraite a tous les liommes econoraes et prevoyans , tel est le but que nous nous souiines propose d'atteindre. Notre travail est le resultat d'une conviction intime ; en ex- posant nos vues, nous avons la conscience d'avoir accompli ime ceuvre utile , une oeuvre morale ; en en conseillant I'application immediate, nous croyons remplir un devoir politique de la plus baute importance. Lorsqu'un iuipot excite et souleve des repugnances generales; lorsque, sur divers points, on refuse violeninient de I'acquitter; lorsque, par cenx-lh meme qui I'appliquent , il est reconnu in- juste et vexatoire , il appartient a. la pievo\ance du legislateur d'y mettre un terme sous peine dos plus graves desordres. Des qu'un inipot est etabli il doit etre percu , car tout est lie dans Torganisation sociale ; el si les services publics sontarretes par une reaction inevitable, les travaux industriels sont suspendus. Lors done qu'on veut assurer le developpement regulicr Je la production et de radminisi ration publique , on ne doit voter une depense et maintenir un inipot qu'apres en avoir reconnu I'iu- dispensabilite. Ensuivant luic route opposec, on sejetteimprudemment dans une voie perilleuse, subversive de tout ordre; et on se rend par Ih meme complice de toutesles consequences funesles qui pcuvent ulterieurement en resultcr. Kmile Pkueikk. SCIENCES. couRS d'histoire des sciences naturelles , PAR M. CUVIERS(l). PREMIER ARTICLE. Les sciences, reflexion brillante de I'activite intellectuelle de Thomme, ontdiigrandiretserepaudre a travers les siecles, en sui- vant la chaine du developpement progressif del'liumanile. Aussi loin qu'il est permis de remonter dans Thistoire, on les volt atta chees aiix destinees de Tespece liumaine, et subir en tons lieux les chances et les variations de ses bonnes ou niauvaises fortunes. Brillant avec eclat dans Athenes et dans Rome, tant que ces cites ont su marcher a la tete des nations , elles y ont deperi et y sont mortes des Tinstant oii I'incurie, mi fol entetement , ou les vices d'une societe decrepite lenr ont fait I'epousser des ameliorations qui devaientleur donner uiie noiivelle jeunesse. Depuis,ollcs ont voyage a la surface du globe , se ])alancant entre une foule de peuples, visitant mille contrees, se fixant aux sols ou ellcs pou- vaient prosperer , s'exilant des terrains ingrats ou tombes en ste- rilite, et ne sejouniant dans les lieux qui les avaieut accueillies qu'autantqu' elles pouvaienty continuer leurs progres. A ces con- ditions, elles ont paru successivement en Arabie , en Allema- gne, en Italic ; mais elles s'y sont eteintes , du moins en Arabie et en Italic, par la meme cause et sans espoir pro'jhain de retour. La France ell' Angleterre, qui en avaient herite, out sulesmieux (1) Coins de I'histoire des sciences naturelles, professe au college do France, par M. Ic baron Cuvier , rcdige et public avcc fles notes , par M. Magdeleine DE Saikt-Agy, natiiraliste; 2° partie. Paris, 1851 ; Bechet GIs , rue de I'Obser- vance, n° 5, pres FEcole de Medccine. Cette seconde partie se compose de vingt lefons ou livraisons in-8": prix, 10 fr., et 12 fr. franc dc port. On peut souscrirc a la meme adresse pour les Icfons de la troisieme partie, dent Ic pn\ est 0\c a 12ct 14 jr.; ou /f) cent, pour chaque lei'on separee. 92 COURS D HTSTOIRF. conserver. Pendant deuxsiecles, et jusqii'a nos jours, elles eu out fait le bonhcur et la gloiie. Aujounriuii ^ on ue pent se le ilissimuler , la, conime ailleurs, malgre une apparence de pros- peritedue h des travaux de detail, elles sont en pleine decadence, et rien ceitainement ne retardcrait leur mine, si Ton ne s'empres- sait d'arretcr le nial dans sa source en reformant des institutions, jadis riches el fecondes, niaintenant epuiseeset frappees d'impuis- sance. Pendant ccs oscillations des sciences, malgreles alternatives de lumieres et de tenebres qui ont precipite tour h tour tant de peu- plesde rillustration dans Tobscurite et deplacele corns dela ci- vilisation, I'humanite n'a rien perdu hleurspassageres eclipses. Le depot des connaissances huniaines a toujours ete religieusement transmis aux successeurs des peuplesdecluis-, car les sciences nese sonteffacees dansiin point que pour aller respleudir dans unautre, et elles ont continues se repandrc dans toutesles directions. Nous disionsquelesemigrationsdessciencesn'ont rien faitperdre k I'hu- manite ; il faudrait dire que les sciences, et par consequent I'hu- manite , y ont sans cesse gagne, s'il est vrai, comrae I'atteste rhistoire , que ces transplantations sont de veritables regenera- tions , dans lesquelles les sciences se depouillent de leur primitive rudesse et presentent une nature plus reguliere. C'estdonc nn fait que les sciences , sorties du sein de Thuma- nite , brutes d'abord et grossieres connne elle , se sont polies pen a pen et perfectionnecs a mcsure qu'elles ont ete cultivees par un plus grand nonibre de peuples. La niarche ascendante des sciences , telle que nous venons de la constater , est un fait accepte par les defenseurs de tons les systemes. Comment se fait-il done qu'en presence du raoyen age la plupart reculent devant cetle conse- quence, et qu'ils relcgueiit dans la barbaric une periode de six sieclesqui a enfante ini nouvel ordre social? Le fait de revolution progressive des sciences, deleurs balan- cemens cJl de leurs retoiirs altei'natifs , est clair et evident pour tons. Ce qui se cache, c'est le mecanisme de ccs mouvemens, d'apparence irregulierc et pourtant progressifs; c'est le jeu el les DES SCIENCES NATURELLES. ()3 combinaisons des puissances qui transportentles sciences de Tunc a I'autre contree, leur font fiancliir, sans y laisser de vestiges, de vastes espaces interniediaircs, les dispersent et les concentrent , et les promenent aiusi, capricieusement pour les yeux vulgaiies, providenliellementpourrhonimeeclaire, dans toutes les latitudes, chez mille peuples divers. L'histoire des sciences doit pcrcer ces raysteres ; elle doit cher- cher la raison de ces phenomenes , an premier coup d'ail si bi- zarres, saisir le fil qui les lie, decouvrir enfin la loi qui les fait rentrer dans I'ordre general. Toutes les sciences ne sont pas contemporaines ; chacune est nee dans son tems et s'est developpee sous des influences aux- quelles elle ne pouvait echapper. Avant I'ere chretienue , on ne cultivait que les sciences physiques ;■ Tastronoraie , I'agriculture, quelques pratiques de chimie etdemelallurgieetaientlesseulesen credit aupres des peuples d'Orient dout la guerre n'avait pas ab- sorbe tons les loisirs. Socrate, Fun des preCurseurs de Jesus- Christ, donne le premier signal des etudes phijosophiques. Cette impulsion serenforcadurant treize siecles. Pendant cette periode, il resta pen de place pour les autres etudes. An quatorzieme et an quinzieme siecle , presque tout "a coup le goiit des savans se transforme , et les sciences physiques reparaissent sur la scene. C'est en effeta cette epoque queseproduisirent pour ainsi dire a la fois la physique proprement dite, la chimie , la botanique, la zoologiej car, depuis Aristote, Theophraste etPline, a quelques exceptions pres , ce genre de travaux avait entierement cesse. Nous ne disons pas que pendant tout ce tems il n'y eut plus ab- solnment aucune application aux autres sciences , nous signalons simplement la tendance dominante des savans de cet age. Long-tems avant le mouvement scientifique general , si im- proprementdesignecomme I'epoque d'une renaissance des sciences et des lettres , un peuple illustre, dissemine sur tous les points du monde connu , entretenait avec ardeur le foyer des sciences physiques. Seul, avec le clerge chretien , qui etait plus exclusi- vement adonne aux (Hudes nietaphysiques, il brillait de tout I'eclat 94 couRS d'histoibe qui s'attache au genie : nous voulons parler des Arabes. C'est au contact do ce peuple, touchaiit partout "a nos frontieres, et "a leur source dans T Asie , sur Ics pas des croises , que I'Europe alia pui- ser lesgemies de connaissancesqu'une religion toute spiritualiste I'avait empechee deproduire. Qiielles causes out fait alors germer et murir ces sciences en Europe? D'ouvient que les Arabes, seuls jusque Ta, enavaient Vusufruit? Pourqnoila preference du nioyen age pourle dogmatismeplatonicicn et sa repugnance pour la phi- losophic d'Aristote ? Pourquoi , depuis quatre siecles , I'exi-stence dc la disposition contraire ? Ces questions , avec celles que nous avons dejh posees,' un historien des sciences ne pent les passer sous silence ; dies sont la tele et Ic coeur de Thistoire. 11 importe bien sans doute de savoir la date precise d'un fait, de suivre I'enchai- nement chronologique des decouvertcs , et do tenir Tinventaire exact des ecritsouise sont succedes; mais ce qui importe surtnut, c'est dc connailre les circonstances qui poussent les siecles et les peuples "aeiUrersi diversement dans la carriere des sciences, qui ontaltere, transfornie celles-ci, etqui, suivant les bornesoul'es- prit deleur repartition, out fait inscrire "a des degres divers on fait effaccr compiclement des generations sur les registres de la civili- sation, quoique en dehnitive, et tons les peuples et tons les siecles aient conconru au perfectionnement de la societe. Raconter des fails sans suite ou sans autre liaison que leur situation dans I'es- pacc et leur succession dans le tcnis , ce u'est pas plus ecrire I'hisloire que Ion ne parvient h connailre un edifice en parcou- rant tons scs etages ct tenant en compte la juxta -position des pierres qui enformentlcs elemens. Pour les bien apprecier Tune et f autre, it est indispensable de combiner les details avec I'ensera- ble, de suivre I'ordrede leursrfy)ports, et de s'elever enfin jusqu'a I'entente du but de I'artiste et des motifs de Texecution. A ce prix vous etes archilecte, corame a ce prix vous tirez de I'histoire toute son instruction , puisque vous pouvez tourner au profit du present et eiendre dans I'avenir les avertissemens de Texperience et les lecons du passe. Tels sont les principes que nous prendrons pour guide dans J UES SCIENCES NATDUELLES. 95 I'examen de roiivrage tie M. Ciivier. Cetoiivragese compose des lecons qiiece savant a faites au college de France pendant nne suite d'annees ; il erabrasse toute Tliistoire des sciences natu- relles depuis leiir origine jusqu'a nos jours. La seconde partie est la seule qui ait encore para; elle comprend deux siecles, le sei- zieme et le dix-septieme. Nous consacrerons un article "a I'anal^'^se decliaque partie de ce cours, en suivant I'ordre des publications. Nousle reprendrons ensuite coUectivement, afin d'en offrirl'en- seinble et d'en faire saisir I'esprit. Nous tcrminerons entiu par exposer somniairement comment nous aurions.concu et execute I'histoire des sciences naturelles , justifiant ainsi, par I'applica- tion , les considerations preliminaires placees en tete de cette analyse. L'histoire des sciences naturelles, dans le seizieme siecle, s'ouvre par un resume succinct du mouvement de ces sciences, tel qu'il a ete expose dans les lecons precedentes , et par le tableau des deconveries deja faites au milieu des circonstancespolitiques qui out prelude aux evenemens du seizieme siecle. La fabrication du papier, rinvenlion de la poudre a canon , I'usage de I'artille- rie, la decouverte de I'imprimerie et de la gravure , celle de la boussole et de TAmerique, la nouvelle route des Lides, sont des conqueles anterienres a Tepoque ou nous sommes transportes, et dont le seizieme siecle a bien su protiter. La prise de Constan- tinople , la liberie de penser et d'ecrire, fruit de la reforme et des luttes rcligieuses, favoriserent encore ravancenient des sciences naturelles. Dans l'histoire de leurs progres, I'illustre professeur passe en revue snccessiveinent I'anatomie , la zoologie, la bota- nique , la mineralogie et la cliimie : il traite des institutions scien- tifiqncs qui ont apparu aux di verses phases de leur developpe- ment couime un temoignage de I'ardeur qn'excitait leur etude et des succes qu'elle avait amenes ; enfiii les voyages dans les differentes parties du monde comui, les travaux et les noms des voyageurs les plus celebres, complettent les instrumens employes par Taclivite des savans, pour multiplier et perfectionner les qG cours d'histoire sciences. Dans cotte perioJo, composeededeuxsiccles, M. Cmier etahlit uue division bicn tianchee, fonilce sur le changemont iu- troduit dans les etudes par la substitution d'une methodc nouvelle a rancienne maniere de raisonner. On compread qu'il s'agil de rimpidsion donnee par Bacon vers le milieu dn dix-septieme siecle. Nous aliens suivre le professeur dans cliacune de ces divisions. L'anatoraie etait peu cultivee dans le selzieme siecle; les pre- juges religicux. existaient encore h cet egard dans toute leur force contrela prelendue profanalion des depouilles de riiomme. Mun- dinns, professeur de Bologne dans le quinzieme siecle, etait a peu pres le seal guide dans cette direction. II avail compose un ouvrage classique en ce genre. Pendant pres d'un siecle, les ana- tomistes perdi rent leur terns a I'expliquer, I'etendre et le com- menter. Berenger de Carpi , aussi professeur a Bologne , de 1 502 a -1527, le premier qui ait applique les frictions mercurielles au iraiteraent de la syphilis , fut aussi le premier "a joindre des figures a un petit traite d'anatomie qu'il publia. Ce siecle etait celui des arts en AUemagne et en Italic. La peinture et la sculpture ne pouvaient se passer de I'anatomie : aussi les peintres et les sculp- teurs de I'epoque contribuerent-ils a hater, par leur exemple, le moment ou les entraves opposees aux recherches anatoniiques devaient etre k jamais brisees. La France suivait alors , a cet egard , le mouvement de I'ltalie. Gui de Chauliac et Gonthier y firent les premiers de I'anatomie. Gonthier, allemand, etabli en France , fut le premier professeur de cette science a Paris. II forma presque tons les anatomisles de son siecle, en prenant non plus Mundinus pour modele, mais Galien. Au nombre des disciples de Gonthier, Michel S(!rvet, espagnol , de Villa Nuova, refugie h Paris h cause de ses opinions religieuses anti-trinitaires, a decrit tres-nettement la petite circulation, ou circulation du poimion. On trouve cette description dans I'ouvrage intitule : Chrislianismi lieslitutio. 11 s'en est peu fallu que cet ouvrage ne demeuratinconnu; car Servet, appele a Geneve par Calvin, yfut denonce par ce reforraateur, ct condamne au bucher, ainsi que DES SCIENCES NATURELLES. 9^ son eciit, doiil un exeiuplaire fut lieiueusement conserve. Apres Servet, Sylvius , autre eleve de Gonthier, dcciivit les valvules des veines, et jeta aiiisi les gcrmes de ia decouvcrte de la grande circulation. Dans le raeme tenis vivaienl cncort: Vesale, clief des anatoiaistes de ce siecle; Columbus de Creiuone et Cesalpin, qui exposerent plus clairement encore que Servet la marche de la circulation pulmonaire. Vesale, Fallope et Eustacheetaien ties princes des anatomisles du seizienie siecle : Vesale fat successivement professeur a Paris et a Padone. Medtcinde Cliarles-Qnint, il siiivit ce monarque en Espagne, oil I'anatomie etait si arrieree qu'il ne put trouver "a Madrid une tete osseuse d'homme. Neannioins Vesale ponr- suivit ses recherches dans ce pays, niais il fut victime de son zelc pour la science : sur Taccusation d'avoir disseque un sujet dont on avait vu palpiter les fibres, il fut condannie, par Tinquisi- tion , a faire un pelerinage a la Terre-Sainte : a son retour il fit naufrage sur les cotes de Zante, et y uiourut de faini. Son ou- vrage est en grande partie une refutation de Galien, que ses predecesseurs avaient trop servilement imite. Les planches de ce livre, coniuic celles des anatomistes ses contemporains, sontgra- vees sur bois, niais elles sont tres-belles. On se souvient qu'a cette epoque Its arts etaient a leur apogee dans lltalie. Fallope, nohle modemis , avait des cadavres en abondance pourle terns; il d sposait de sept on huit chaque annc'-e. II avait d'ailleurs loutes les facilites possibles, pour se distinguer en ana- tomic , dans la protection el les enconrageniens du grand-due de Toscane. La complaisance de ce prince allait jnsqn'au point de livrer "a Fallope tons les crirainels, que ce medecin sacrifiait , conime il I'entendait, a rinierct de la science. Eustache elait aussi italicn, et aussi distingue que les deux premiers. Eustac'ie et Fallope soutinrent , contre Vesale, Tautorite et la reputalion de Galien. Ce n'estpassenlcmentensecouant lejong de Galien, enenrichis- sant I'anatomie du fruit de ses propres investigations, que Vesale TOME LII. OCTORKE 1851. 7 (j8 couRS d'histoire s'est recommaiide h la posterite ; il a coiitribiie a repandre legout de generaliscr les oliservalions founiies par raiiatoniie de rhonimc, en coniparant les orgaiies de ce dernier aux nieincs organes cliez les animaux. Cette disposition , qni est la base de ranatonije comparative, a ete encore plus prononcee cliez Fabrice d'Aqua- pcndcnte, son disciple et son successeur a la chaire de Padoue. Cette melhode devint bientot generale en Italic, dcs la premiere moitie du dix-septienie siecle, et prepara Tinstant on les faits recueillis devaieiit etre coordonneg et disposes en corps de science. Fabrice etudia beaucoiip les velnes, et il nota cette observation, que leurs valvules sont toutes dirigees vers le coenr. A la meme epoque, et sous les auspices de ce celebre anatomiste, Guillauuie Harvee etudiait "a Padoue. C'est dans cette faculte , la jilus illustre de I'epoque, que, des i 6^ 9, il enseignala circulation , et qu'apres en avoir rasserable les preuves , il publia , en 1 G28 , cette graude decouverte, qui a renverso le vieil edifice physiologique et donue h la medeciue ua rang distingue parmi les sciences po- sitives. La zoologie devait suivre et suivit en effet les erremens de I'anatomie. Les zoologisles vecurent d'abord entierement sur les aiiciens ; ils les expliquerent , lesetendirent etles commeuterent: ajoutons que les ouvrages sur cette science u'etaient , a cette epoque, que des traites partiels et tres-bornes sur quelqu'une desesspecialites. Gilles d'Albymit enordrelescEuvresd'Elien,et y fit quelques intercalations d'apres d'autres auteuis. L'histoire des animaux d'Elien a servi de base h tous les travaux ulterieurs. Un Anglais, Edward Wollou, fit aussi un traite complet de zoo- logie, analogue a celui de Gilles, si ce nest qu il prit pour type Aristote au lieu d'Elien. En tete dcs ouvrages de zoologie du seizierae siecle sont ceiix des trois ictbyologistes Belou, Salviani et Rondelct, tons les trois contemporains , et qui s'etaicnt communique reciproquement leurs travaux. Le premier ct le dernier sont Francais, I'autre est Italien ; le plus parfait est cclui de Rondelet, de MoiUpellier , le 4 DES SCIENCES NATURELLES. 99 premier qui ait enseigne ranatoiiiie dans cette ville. Oa iroiive dans son livre la base de la distribution niethodi(|ue aiijour- d'hui recue, au moiiis quant a I'onlre des seurfs. Ces trois ai-i- teurs out servi de fondement a toutts les etudes icthyologiijacs jus- qu'a la qioilie du dix-huitienic siecle. lis sont riches d'oljservatious propres, el remarquables par la critique rigoureuse qu'ils out fiiite des auteurs anciens. A la suite des oiivrages d'icthyologie dontnous venous de par- ler, riiistoiredesauiuiaux de Conrad Gessner se presente corame uue vaste encyclopedie ou se trouve tout ce qui avait ete dit jus- qu'a lui. Get houinie reniarquable a traite tons les sujets d'histoire naturelle. Ses travaux, dont le nombre et le volume sont ef- frayans, surtout si Ton considere qu'il n'a pas vecu au-dela de quarante-neuf ans , sont uue immense compilation des observa- tions d'histoire naturelje, recueillies par les aucieus et les mo- derncs ; ijs renferuient aussi beaucoup d'observations propres a I'auteur, et un esprit de critique qui ne lui fait pas recevoir aveo la meme faveur tousles objets de sa vaste collection. Gessner est le premier qui ait fonde un cabinet d'histoire naturelle. Apre.s* Gessner parut Aldrovaade, de Bologne. Ses travaux sont du meme genre que ceux de Gessner; ils ne sont pas moins consi- derables ; du resle ils sont faits avec moins de gout, et contien- nent moins de iliits originaux. Les recherches deGe.ssneret d'Aldrovandravaient leve beau- coup de dilficultcs qui empcchaient les savansde se livrer a I'e- tude de la zoologie; elles avaient rassemble en nn seul recueil une foule de materiaux epars dans une foule d'anteurs; et tout volumiueux qii'etait I'ouvrage de ces deux honunes, il etait plus facile dese procurer un ta!)leau complel dela science enle consul- tant que d'avoirale faire.soiinemcen lisantleslivresqu'ilsavaient compiles. Aussi , des la fin du seizieme siecle, et vers la fin du dix-septieme, I'histoire naturelle excita una ardeur universelle , qui produisit des observations multipliees dans toutes les direc- tions. Fabins Columna s'occupa descoquillages , Olina d'orni- 7. ) OO COIIRS D HISTOIRE lliologie, ct Thomas Moufet des insectes, en menic teiiis que dcs iiaturalistcs plus aventuieux, tels que Margraaf, allerent explo- rer sur les lieux les productions des contrecs les plus reculees ; enlin nu ouvrage de Jonston, d'origine ecossaise, fixe en Silesie, resume tous les travaux de zoologie depuis la renaissance des sciences. Get ouvrage, acconipagne de planches avec des figures gravees sur cuivre, parut de 1649 jusqu'a iGoo. Les diffcrentcs editions de cette compilation ont domiue la zoologie pendant pres d'un siecle. La botaniqne n offre d'abord aussi qu'un comnientaire et luie correction des anciens. Tels etaient les ecrits d'HermoIaus Bar- baro , noble venitien du milieu du quinzieme siecle ; Nicolas Leoniceus , JeanMonardusetrillustre Brassavola , noble de Ve- nise. Brassavola fonda le premier jardin botaiiique. La France et TAUemagne n'etaient pas plus avancees que ITtalie ; au con- traire , o'est 1' Italic qui servait alors de regie et de modeie aux sa- vans des autres pays. Les voyages entrepris a cette epoque con- tribuerent autant que les travaux des savans sedentaires a perfec- tionner la botaniqne. Par ce moyen, on connut lesplantes d'ou Ton tirait les epiceries ; on importa le tabac et la pomme de terre ; enfin le merae Gessner, dont nous avons parle, plus heureux dans la distribution des especesbotaniques que dans celleilesanimaux, jetta les fondemeusd'une classification naturelle des plantes, en I'e- tablissant sur les organes de la fructification : les fleurs, les fruits et lesgraines. Cesalpiu, deja connu parses travaux en anatomic, acquit encore plus de gloire dans i'etude de la botauique. II est considere k bon droit comme le fondateur de cette science. Mal- heureusementsessuccessenrsnesurent pasle suivre dans la route quil avait ouverte. II n'y eut que Columna ct surtout les deux freres Bauhin qui rencherirent sur les progres qu'il avait fait faire ; il faut merae arriver h Linnce pour trouver un botaniste qui les ait surpasses. La ruiueralogie , comme les autres sciences, reprit son essor en Italic. L'Allemagne est cellc qui I'a snivie de plus pres, et DES SCIENCES NATURELLES. lOI ineme, pour la miiieralogie , celle-cl I'a pniissee plus rapidemeiit tjiie ritalie ; on explique aisement ce lait par le nombre ct la lecontlite plus grande des mines dans rAlleniagne. Les premiers traites de mineralogie sont plcins des reves superstitieux de la ca- bale et de ralcliimie. Tel est celui de Leonard! de Pesaro, qui n'est d'ailleursqu'une compilation des anciens ecdts surcette niatiere. Un veritable observateur dans ce geiue, c'est Bauer, Allemand , en latin Agricola, medecindes mineursdesminieres deselecleurs de Saxe. Son ouvrage est plutot un traite de metallurgie generalc qu'un ouvrage de mineralogie. II s'eleve avec force conlre plu- sienrs idees snperstitieuses de I'epoque, telles que celles sur la ba- guette divinatoire, appelee hydroscope, a I'aide de laquelle des enthousiastes croyaient pouvoir decouvrir les mines etlessources d'eau. Cependant Bauer a ecrit un traite sur les fossiles , qui est veriiablement nn traite de mineralogie. II offre le premier exem- ple d'une distribution des mineraux fondee sur les formes exte- rieures , la consistance et les usages, telles enfin qn'on en fit depuis, avant qu'on neles etablit sur la constitution chimique des cspeces. Gessner explora encore cette branche de Ihistoire na- turelle ct s'occupa de la figure des mineraux ; il traita aussi des stalactites , sans decider la question de savoir si ce sont des produils d'etres vivans comme on le croyait encore dans le dix-scpiieme siecle , on simplemeut le resultat des forces generales de la na- tnre. Enfin, en 1573, Erkern s'est occupe dela docimasie. Ainsi, a la fin du seizieme siecle, lontes les divisions de la mineralogie avaie?it ete reconnues et traltees, soiten Italic, soit en Allemagne. Un Francais , d'Agen , Bernard Palissy, Tintroduisit , I'enseigna en France. Apres tons ces auteurs, Cesalpin, celui dont il a deja et(; question , vint apporter dans la mineralogie une methode de distribution qui rappelle celles qn'on a depuis admises en par taut de la corapositition des mineraux; et Jonston posa, comme il I'avait fait en zoologie, la borne des travaux de mineralogie Jus qn'au milieu du dix-scptieme siecle. La chimie naquit a Constantinople, dans le Bas- Empire etdaus 102 (OURS 1) HISTOIRE les ecoles des Arabes. Elle s'introdiiisit enKurope, et particulie- fementen AUeniagiie, apieslcs expeditions des crnisc'-s et pnr lesra]i- ports de ces peuples avec les Arabes del'Espagiie. Ceux-ci avaiem imagine qu'il existait line panacee ponr gueriitnutes les infirmi- tes huniaines, et que ce moyen etait le meme qui devait transfor- mer tousles metanx en or. Le gout pour la recherche do la pierre philosophale hit le grand mobile de I'etude de la chiniie en Eu- rope. Cette science etait iufeclee des reveries et des absurdites de la theosophie et du systeme des neoplatoniciens. Elle etait pre- sentee alors avec des formes mysterieuses , sous des emblemes el desenigmes. C'est dans cet etat qu'elle hit recue et qu elle gerinaf en Italic, et surtont dans I'Allemagne , sans y rien perdre de ce caractere enigmatique et mysterieux , soit, dit M. Cuvier, par suite de la disposition des esprits, soit par I'influence des prin- cipes philosophiqucs on des idees religieuses qui regnaient alors. Ecspremiers ouvragesou sont consignees les connaissances chi- miques de I'epoqne sont de Basile Valentin. C'est a Basile Va- lentin qu'on attribue la denomination d'rtrtn'mowe donnee an sti- bium des anciens. II a f';iit un traite expres pour prouver la j)uis- sauce merveilleuse de ce moyen heroique. Cet ouvrage, conniie tons ceux du meme leiiis, est ecrit en style obscur et mystique. II est remarquablc par les injures qu'il adresse aux medecins con- temporains, autant qu'a HIppocrate et a Galien. Ce caractere n'a pas cesse de se reproduire dans tous les ouvrages chinn'ques pos- terieurs.Paracelse Bombast est aussi du seizienie siecle. II hu pro- fesseur de medecine chiniique a Bale en 1529, et le premier pro- fesseur cohnu dans I'Europe modernequi ait faitses coursen lan- gue vulgaire. Malgre Texaltation de scs idees superstitieuses et les vices degoutans de sa conduite, Paracelse ne manquait pas de science. La chimie lui doit des progres reels , et pendant long- tems le titre de paracehiste hit pris par tons ceux qui s'occupe- rent de chimie. Enfin rAUerriagne vit se former , an commence- ment de la periode que nous parconrons , la societe des Roses- Croix ; societe secrete livree a loutes les pratiques de ralcbiinie ; DES SCIENCES NATURELLES. Io3 et qui s'annoiicait avec toutes les pretentions ile rcgi'uierer le nionde. C'est aux roses-croix qu'on doit d'avoir fait delaphysio- logie line simple explication de la chiniie. Eh Fiance aiissi les idees cahalistiqnes et de sorcellerie, repan- diies el accreditees dans toute TAlleinagne avec la science des al- chimistes, parvinrent h se faire jour. Uu grand proraoteur de cette raedecine, ou chiniie paracclsiste, fut Duchesne, medecin d'Henri IV. Cependant il s'en faut bien qu'elles y acquirent la nieme vogue qu'en Allemagne , puisqu'au contraire la faculte de medecine se jeta dans I'exces oppose et defendit, avec non nioins d'eniportement et d'aigreur que n'en mettaient les chiniistes dans leurs attaqnes , la medecine ancienne et la pharniacie de Galien. La faculte de Paris ctait bien loin alors de seconder le mouvement de regeneration scientitique qui se preparait. Par I'organe de Rio Ian , Tun de ses plus illustres membres, elle repoiissa de toutes ses forces la decouverte de la circulation du sang comme elle avait proscrit les decouvertes cbimiques. En effet , elle avait declare que tousles chiniistes etaient des empoisonneurs, et avait vote un decret qui proclamait rantiinoine un poison dans tous les cas. Ce decret est de 1 605 , et par consequent cnntenlporain des travaux de Van-Helmont, qui pouvaient faire pressentir le brillantavenir de la science chiniicjne, par les heurenses applications qn'il eu fit quelquefois, quoique d'ailleurs il fCit livre comme ses predeces- seurs aux absurdites de la cabale et de la theosophie. Ici se termine la premiere des deux periodes de I'histoire des sciences naturelles comprises dansla seconde parlie que nous analysons. On sait qu'elle embrasse tout le seizieme siecle et la premiere moitie diidix-septieme. Ainsi, dit M. Cuvier en resnmant cette periode : « Ni la chimie, ni les autres sciences naturelles , ne s'etaient de- barrasseesde I'autorite et de la philosophic scolastiques. On s'oc- cupait beaucoup plus de rassembler ce qui avait ete dit anterieure- ment; ou, quand on voulait faire des theories, de les faire cadrer avec la philosophic d'Aristote, que de pratiquer des experiences ou de faire des calculs reguliers. » 1 O I COURS lyniSTOTRE DES SCIENCES NATURELLES La seconde poriode s'etend a la derniere moitie dii dix-sep- tieme siecle. EUe commence a Bacon , Galilee et Descartes. Ce sont les U'ois homtnes de cette epoque qui ont le plus battu en mines la pliilosophie ancienne et ont fait les pins heureux efforts pourlnisubstituerla metliode del'observation et de I'experience. Ce genre de philosophic ne fut pas aussitot generalemeut adoptc. Des hommcs de raerite persisterent encore long-terns a marcher dans la vieille route ; c'claient surtout ceux qui apparteuaieut a des corporations el aux universites. Mais ces obstacles a I'intro- duction dela methode baconienne furent rompuspar le concours des honiraes les plus distingues qni etaient en dehors du cercle iniiversitaire , et principalement par les iravaux des societes scientifiques qui s'eleverent dans le dix-septieme siecle sur les principes de cetic nieme philosophic. En effet , c'est surtout "a la fin du dix-septieme siecie que se formerent ces institutions con- nues aujourd'hiii sons le nom d'academies, et auxqxielles sont dus jnsqu'a nos jours tons les progres des sciences naturelles; car, sans compter les travaux collectifs de la societe , il est peu de noms illustres , dans une dii'cction quelconc[ue de la science, qui ne soi;"nt sortis deleurseiu. Par 1' influence de ces nouvelles idees, la chiraie, ranatonile, la zoologie et tontes les sciences secouerent le joug des vieilles doctrines , s'enrichirent d'obscrvations et de decouvertes capitales , changerent enfin la face de la science, qui fut definitivenient renouvelee dans le siecle suivant. L'espace nous manque pour entrer dans les details des inur.euses travanx des savans dans la derniere moitie du dix-septieme siecle. En chimie , le renversement du paracelsisine et i'introductioii de la chimie pneuraatique ; en anatomic, la revision des anciennes ob- servations et une etude approfondie de tous les organes et de leurs tissus primitifs avec des applications toujours plus heureuses a la physiologic; enfin des resultatsnonmoinshrillans, obtenuspar Ja zoologie et la mineralogie, deposent en faveur de la superiorite de la nouvelle methode d'etudier , comme ils attestent la h'giii- iiiite des litres du dix-septieme siecle pour etre, avecle sierle sui- STATISTIQIJE MINER ALOGIQUE § ETC, 1 o5 uai»t , au premier rang paniii les sieclcs de gloire el tie decou- vcrtes. FusTER, D. M. , professeur agre'ge. — «MM^OC^<^ri INDl STRIE, IjNDICATIOW DFS FOUNTS DE LA FUAMCE OU l'oW EXTRAIT DU FEU HYDRAT6, ET STATJSTIQXJE DES HAUTS FOURNEAUX QUE CE MINERAI ALIMENTE. (Voycz Ret'. Enc. t. LI, p. 484-4y9.) DEUXIEME DIVISION MINER ALOGIQUE. QUATRIEME ARRONDISSEMENT. Orne. Leininerai de f^/- In tlrate csi aboiidanl dans ce departenicnl ; il y alimente quator/.e hants fourneaux ainsi distribues : Akrondissememt de Mortagne , six ; savoir : treis dans le canton dcTonronvre, dont un 'ii Bandonnajj,Vi\\3iLamotte {\), un a Tourouure ; un a ^iiihe , sur la Rille , canton de I'Aigle; iin "a Lorigny, dans le canton dn menie nom ; celui de 3Iouliji- Regnault ^ commune de la Miij^'deleine-Boiivet , canton de Reg- malard , a la limile du departenient cVEure-el-Loir (2). On extrait du mineral de fer dans plusieurs cantons, parli- culierement au lieu dit la Fonte-de-Villiers, canton de Mortagne; h Beaulieu, canton de I'Aigle ; "a Eillemin , la Foiletiere, Nor- mandel, dans le canton et pres de Tonrouvre ; "a Neuilly et La- lande, pres de la source de I'Eure, dans le canton de Longny. (1) En t826 , unc tentative a etc faitc pour remctlre ce fourneau on ac.iviie ; elle a cchoue par dos raisons ^tranyeros a {'alimentation du niincrai. (2) Cestrois derniers fourneaux, et celui Jc Boussard , que j'ai noiumd, p ) I de crtic Notice , fornieiit les quaire fourneaux Joiil 'I est fail nicnlinii p.. 105. (3) Memoire sur la mineralogie du Boulonais. ( Journal des mines , «" i , p. 53) ; 1794. I DE LA FRANCE. lof) l'Arrondissement d'Avesnes, savoir : deux a Hayon (I), roinniiine de Trelon, canton du meme nom ; un a Fourmies , ct deux dans la commune de Ferriere la Grande y canton de Maubeuge, sur la rivedroilede la Sambre. Dans le meme arrondissement , on exploite sur un grand nombre de points , paiticnlierement dans les conununes de Wignehies , Feion , Glageon , Fourmies , Trelon et Obain , des mines jaimes, qui sont tantot compactes, tantot argilenses. Les couches se prolongent jusqu'en Belgique , et renferment souvent du zinc oxide (2). Ces exploitations sont ouvertes dans le terrain de transition. Le terrain d'alluvion du depaitemeut du Nord renferme plus on moins abondamment le fcr oxide ap- \\ii\e fer limoneux; ce mineral s'y trouve assez pauvre , et n'est employe que comme fondant. SEPTIIJME ARRONDISSEMENT. Maine. Ce departement ne possede qu' un seul hant fourneau ; il est situe dans l'Arrondissement de ViTRT le-Fran^ais , et dans la partie de cet arrondissement qui toucbe le departement de la Meuse : c'est celui de Lomhroy , commune de Trois-Fontaines, can- ton de Thieblemont. II est alimente par les minerais en grains que Ton extrait en si grande abondauce sur les bords de la Saulx, dans le departement de la Meuse, minerais dont je vais parler a I'iustant. (t) Une orJonnance du 19 dcccmbrc 1819 autorise Taddilion d'lin second foyer aii liaut fourneau de Havon {yiniKilts des mints , t. V, \>. 274 ; iirciniirc scrie). (2) M^moire sur la ge'ologie du departement du Nord, par M. Poirier- Saint-Brice ( Annales des mines , I. XIII, p. 28-56 ; premiere serie) ; 1S2C. I I Q STATISTIQUE MINERALOGIQIIE Meiise. Le fer hydrate, en pctits fragniciis ;mi,Milciix et en grains, est extremement abondant dans ce departrment. M. Heion de Villefosse avail indique vingt-un hauls fourneanx dans laMeuse; au coinniencement de -1826 11 devait y en avoir vingt-deux; ce departenient en compte aujourd'hui vingt-cinq ainsi distribues : Arrondissemekt de Commeucy, tnize; savoii' : Irois h Boncoiirt et Fadonfille , sur les dfux rives de la Meuse, dans le (VTnton de Comraercy; un a /« Poudriere , sur le ruisseau dit la Fausse Riviere ;VadonvilleetBoncourttirentdes niinerais "aPont- snr-Mense, h Reffroy, "a Saint-Amand, et k la Brie-Bosseline(l). Viennent ensnite nenf Hants fourneanx concentres dans rarroii- dissement deGondrecourt, savoir : un "a Papon; un a Bonnet; un a Beaitpre, commune de Chassey^ ces deux dernicrs sur la I'ive gauche de TOrnnin. Les six autres sont echelon nes sur I'Or- nain, ce sont les snivans : un a Dain^dle, sur le ruissean de Maldite, un h Bertheleville , un "a ^4haim'Ule {^2) , ce dernier tire ses mines h Biancourt et a Rihaucourt, canton do Montiers-sur- Saulx : une ordonnance du 27 Janvier 1850 antorise la con- struction d'un bocard, de deux patouillets et de dix lavoirs a bras, destines a la preparation de ces mines, sur le ruisseau de Prouillons, dans la conunune de Maud re, canton de Monliers- snr-Saulx, et a la limile du canton de Gon(hecourt. Un "a De- mange-aux-Eaux; deux a Saint- Joire et Trei^eray (5).Pres de ceux-ci un bocard a ete construit il y a quebjues annees. En descendant ainsi TOrnain, nous entrons dans (1) piETRicu /I. Ill , p. 512. In-4°; 1799. i2) hOi Poudriere el Beauprii , Dairnille el u4baiinnlle , Sionne el Villouxcl ( Vosges ) sont les six hauls founieaux dont il esl fait menlion p. 65 de 1'/?//- qudte sur lajers. (5) Un second fourncau a ^te aulorise par ordonnance du 5 aoul \ 829 , inille (2) ; un au Vieux-Jean-d' Heitrs , dans la connnune de I'lle-en-Rigaud ; un a Pont-sur-Smdx. Ces quatre dernicrs, dependant dn canton d'Ancerville, s'approvisionnent, celui de Cousance excepte, aux mines en exploitation dans la commune de Brillon. Aruojvdissement de Mowtmedy, trois; savoir : una CJiau- fencj-Saint-Huhert , pres de Montmedy; un "a Stenaj , canton de Stenay; un k Lopigneux, sur le Chiers, connnune d'Ar- rancy, canton de Spincourt. Ces deux derniers tirent une grande partie des minerals qu'ils consorament des mines de Saint- Pancre (5). En general, les minerals qui alimentent toutes les antres usines de la Meuse sont extraits sur une foule de points, et par- ticulierenient dans les forets de Morley, de Ligny et de Mon- tiers-sur-Sanlx. yfrdennes- Le departement des Ardeiuies , dans lequel Tindustrie manii- facturlere a pris un si grand developpement, n'est pas moiiis (1; DiEiRir.Ti, t. Ill, p. 497. In-4'' ; 1799. (2) i'/.Y/z/cVe sur les fhs , p. 121. In-4° ; 1829. (5) Voycz le departemenL de la Moselle, p. 1 15. Les iisincs dc Lopiyneiix onl etc rccoiistriiiics en 1705 ( DiETRiCii , t. IIT , 112 STATISTIQUE MINERALOGIQUE remarquablc sous le rapport de rindiistrie mehillurf;i(/iie. 11 pos- sede d'ahondantos luinicres qui aliinciiteiit tronte-deux hauls fouruaux ainsi distribuos : AuuoNDissEMEAT DE VouziEKS , ucul'; savoi r : uu aJpremont, sur la derivation de la riviere d'Aire, cautou de Graudpre , a la liniite du departement dela Meuse ; uu a Biewres , commune de Laucon; uu a Cheheri; deux h Champigneul, sur I'Airon; cesquatre dernlers apparticnnent, comme celui d'Apremout, an cauton de Graudpre; un a AlUpont, commune d'luiecourt ; uu a Tailly ; uu a iJfaucozfr^ ^ commuue de Nouart ; nn a Belml-Bois-les- Dames , tons les qua! re dans le cautou de Buzancy. Eii general toutes ces usines de rarroudissement de Vouziers se trouvait dans la partie de cet arrondissement qui se rapproche du depar- tement de la Marne. Arkondissement de Sedan , six , savoir : un a Bairon, sur I'etaug du meme nom , commune de Mont-Dieu, etang qui e.st alimente par le Ruisseau de Chaguy •, uu "a Haraucourt , tons deux dans le canton de Raucourt ; uu a Brevilly , sur le Cliiers, canton de Mouzon ; un a Margut ^1), au(|uel il est iulerdit de s'approvisionner aux mines de Saint-Pancre, dout je parlerai plus loin (2) •, il appartient an canton de Carignan ; un a Saint- Basle , sur le ruisseau dc la Claire, couirauue de Vrigues-aux- Bois , pres de Donchery , sur la limite de rarroudissement do , Mezieres ; un a Thonnelle, sur le ruisseau de ce nom. Arrondissement de MtziiJuES, onze; savoir : wnaFenclresse, cautou d'Omont; deux a Signy-l' Ahhaye ou Signy-le- Grand, canton de ce uom; deux a Boutancourt, cauton de Flize; un a Guigiiicourt , canton de Signy-le-Graud ; un an lieu dit (1) Lc fourncau dc Maii^ul, cclui de BrevUlr , qui cKi\K en conslruclion , . I cchii de Chawency { Mciise), soni les trois foiirneaux dont il est fail mention p. H6dc VEnqu^le snrles fas ; \i^9. '2) Voyez le d^pnrternennle la /l/oifZ/c. DE LA FRANCE. 1 l3 la Folie ou le Petit JVaridon , tenitoire de Moiitcy-Notre-Daine, pres Charleville; un a Noiizon^ sur les bords de la Meiise, can- ton de Charleville; deux aux Mdzures, canton de Renwez, et a la limite de rarrondissement de Rocioy; un "a Linchamps, com- mune des Hautes-Rivieres , canton de Monterme. Arrondissement de Rocroy, six, savoir : un a Bosseneau^ commune de la Neuville-au-Tourneur ; wa. a La Neui^ille-aux- Joules y et un a Signj-le-P etit ^ lous trois dans le canton de ce nom; un sur la tete d'eau du moulin de la Petite Commune ^ territoire de Revin , pres et a Test de Rocroy ; un a la Com- mune, €n face de Revin, sur le ruisseau de Faulx; un a Saint- Nicolas ou Faulx , a deux lieues de Rocroy, sur la Meuse, canton de Fumay. (-1) Ces trente-deux hauts-fourneaux , ainsi que je I'ai dit , sont alimentes par le mineral Aefer hydrate. Des lavoirs sont etablis sur line foule de points ; tels sont ceux du troii de Barbaisse et du Petit-Braux, commmie de Monligny ; tel est celui d'lme- court; etc. , etc. RiCAPITULATIOIV. DEUXIEME DIVISION MINERALOGIQUE. re (5), dans le canton de Metzer- (1) Voir, sur ces mines, Dietrich, t. Ill, p. 45-471 (2) Journal des mines , t. XXVIII, p. 242 ; 1 8Ui. (3) Journal di's mines , t. XXX, p. 1 58 ; 1811. (4) Cptte nsine remonte au-dela de 1629. (5) L'usiiie (!c Moyoenvre csistait avaiii 1755 ( Dietrich, I. Ill, p. 427) \i»T VEnrjuctc sur les fers. p. 1(i2, in-4''; 1829. Il6 STATISTIQUE MINERALOGIQUE ville, siir la limile de ranondissement de Briey; deux a Creutz- wald (1) , canton de Bouzonville, a rextremite la plus orientale de rarrondissemenl. IjCS mines en exploitation dans rarrondissement de Thionville sent celles de Moya'uvre , d'Ha) ange , d'Ottange , de Castel , de Hargarlen, d'Erbring, de Meiching, de Grasaubach, deDalem, de Berus et de Diesen. Les mines de Villerupt , et surtout celles de Moj'ffiuvre , sont phosphoreuses. Je ne connais pas la qnalite des mines de Creutzwald, concessionnees par une ordonnance (2) du 6aout \ 825. EUes sont situees sur les territoires de Creutzwald, Porcelette et Diesen ; le filon principal est dans la foret de la Houve. La premiere concession de ces mines remonte an 15 Jan- vier 1759. Arrondissement de Sarguemihes : deux a Modherhausen ou 3lutterhausen J canton de Bittch, a la limite du departement du Bas-Rhin. On a exploite anciennement pour ces usines du mineral de bonne qualite a Sarralbe(Meurtlie) (5). Je terminerai ce qui est relatif an departement de la Moselle en rappelant que dans I'airondissement de Metz on trouve frequem- mentdes oxides et des pyrites de fer , notamment k Saint-Julien, pres de cette ville ■, mais on n'y exploite pas. C'est sans doute ce fer oxide que cite M. de Humboldt dans les environs de Metz, on, dit-il (4), il est dispose en nodules dans le Quadersandstein. (1) Eiablis en vertu d'un arret du 29 novembre 1749 ( Dietrich, t. Ill, p. 355. Voir une ordonnance du 27 fevrier 1822i, qni est relative a ces usines [y/iinales des mines , t. YII, p. 552 ; premiere scrie). (2) Annales des mines, t. VIII, p. 926-928 (premiere serie). (3) Mines et minicres metalliqites abandonnee': j etc., p. 12, 1826. Voir, dii- partement du Bas-Bhin, p. M7, les mines qui alinienlent ces usines. (4) Gisement des roches dans les deux hemispheres, p. 278. Paris, \ 823. DE LA FRANCE. 1 I 7 MEUVIEME A.RRON0ISSEMEWT. Bas-Rhin. Ce depaitement ne renferme que qiiatre hauts-fourneaux , tous sillies dans l'Arrondissement de Wissenbourg , et tous dans le canton deNiederbronu. II y en a un aJcBgerthalyi) , suv le ruisseau de Winstein ; deux a Reichsqffen , uu quart de lieueau-dessous, et un a Zinsweiler, a une lieue ouest de Reichsoffen. Dietrich, en 1789, avail decrit les mines et les usiiies de I'Alsace. M. Loysel a signale , en 1795 , les abondauies mines de fer en grains et hematites gisant entre le Rhin et la Mo- selle (2). C'est dans I'ouvrage merae de Dietrich qu'il faiit voir (5) I'enumeration des nombreuses minieres qui alimentent les usines de Ja'gertbal , Reichsoffen et Zinsveiler ; ony trouve aussiJe de- tail d'une transaction passee en 1781 (-4), et par suite de laquelle les mines deBistoffen, Huttendorf, Morschvveiller , Winterhau- sen , Kindtweiller, Hoechstett, Bosendorf et Perstheim , sont af- fectees aux usines de Mutterbausen ( Moselle ). Les minieres de fer de Lamperstloch sont situees dans la forma- tion tertiaire qui compose une suite de collines ondulees entre la chaine des Vosges et la basse-plaine d' Alsace , 3u nord-ouest du departeraent du Bas-Rhin. C'est dans ce terrein que les nombreuses minieres de Jer en grain de ce departeraent sont ouvertes (o). Toutefois on y exploite aussi du fer hydrate en roche. Tout le monde sait encore que c'est du mont Petronelle, arrondissement de Wissenbourg , que viennent ces belles geodes et ces superbes (1) Etabli en 1602 (Dietrich, t. II, p. 351). (2) Sur les mines et manufactures des pays conquis entre le Rhin et la JIo- selle , par M. Lotsel ( Journal des mines , 11° 15, p. 57 et 58 ); 1 795. (3)T. II, p. 275-500; 1789. [A) Ibid. Y- 279. (5) Deserifjtion des mines de fer des eni'irons de Berqzubeni, par M. TiMo- LEON Calmelet [ Journal des minis, t. XXXV, p. 229 ct 25G ). Il8 STATISTIQUE MINI^IULOGIQUE morceaux d'hematites 'briines qui ornent les cabinets tie inine- ralogie. Le miiierai du mout Petroiielle pent etre distingue en deux varietes, le fer oxide brun hematite et le fer oxide brun coiupacte ( biauner glaskopf ). Gette seconde variete est beaucoup plus abondante que la premiere (1). Je rappelerai ici , puur raemoire, la mine defer de la commure do Dam- bach, abandonnee vers -1750 (2), et celles de la foret d'O- bernay , commune du meme nom ; de la commune de Borsch ; des communes de Lembasch et de Muttstall ; de Kaenlhal , com- mune de Nieder-Steinbach (3). Haut-Rliin. Oil ne compte aussi dans ce departeraent que cinq hauts-four- neaux, distribues de la maniere suivante : Arrondissemewt de Bei.fort , quatre ; savoir : un a Masse- vaux (-4) , canton du meme nom, "a quatre lieues et demie nord- est de Belfort ; un h Belfort (5), et un "a CJidtenois , tons deux sur la Savonreuse on riviere d'Oye; una Bitschwiller , sur la riviere de Thuren , canton de 1'hann. Ce dernier fourneau a ete alimente pendant quelque terns par les mines dc fer de la vallee de Guebwiller, dites deDemberg, de Bidil, de Groslacker , de Rimnielsdorf et de Fundelko^pfel , communes de Guebwiller , de Schvveighausen et de Biihl ; mais elles out ete abandonnees avant la revolution (6). Arromdissement d'Altkirch : un seul , c'est celui de La- celie, canton de Ferrette , sur la limite de la Suisse. [\)lbid. t. XXXV, ]). 226. !^) Mines et ininieies metal I u/ tics abandonnees, clc, p- I i j 1 826. (3)/A/J. p. 12. I 4) Ce fourneau cxistait des 1578. II est tonibe en mines pendant la guerre des .Suedois; il a did reconslruit en 1686 ( Dietrich, t. II, p. 55 et 91 ). (.')) Existait en 1 659 ( Ibid. p. 40 ). (6) Mines et ininieres ine'lalliques abandonnees , etc., p. 15; 1826. DE LA FRANCE. 1 IQ Cesfourneaux sontalimentesenpartiepardes liematitesbrunes, en pai'tie par des minerais en grains, mais toujours par Wfer hy- drate c^ue Ton exploite a Roppe, Perouse, Andelnan et Chevre- mont (i ). Cependant le fourneau de Belfort brule en outre du fer oligiste de Saulnot (2), G'est dans les vastes fentes du calcaire conipacte , dit M. Thir- ria (5) , que Ton trouve a Cliatenois , Roppe, Chevreraont, les riches depots de minerais de fer en grains exploites pour les four- neaux de Belfort, de Cbatenois et de Massevaux. Je nommerai , en terminant, les mines de Lierperg (arrondissement de Belfort) et celles de Eichen-Runz , communes de Watw.iller et de Hart- manswiller. Dietrich avait deja cite (4-) les mines de fer du petit Pfaffenheim comme abandonnees ; en 1 826 , on projetait d'en reprendie I'exploitation (5). Vosges. M. Heron de Villefosse indique cinq hauts-fourneaux existaut dans cedepartement an commencement de 182G. A cetteepoque, il y en avait six , qui , ajoutes a deux autorises depuis , portent a huitle norabre de ceux qui existent aujourd'hui. Us sont ainsi distribues : Arrondissement de Saint -Difi , deux; savoir : un k Fra- mont; un "a Rothau , canton de Schirmeck. Arrondissement de Neufchateau, six; savoir : un a Revau- fois , commune de Saint-Elophe ; un "a Sionne, tous deux dans (1 ) Description des gi\es Je minerai et des houches a feu de la France , par Dietrich t. II, p. 37-45; 1789. — Rapport sur les fourneaux de Belfort et de Chdtenois par M. Duhamel ( Journal des mines , t. VII- VIII, p. 68 ot 72) < 797. (2) lYotice geologique stir les environs de iSaw/rtOt ( Haute -Saone), par M Thirria [Annates des mines, t. XI, p. 393 , premiere seric) ; 1825. (3) Ibid. t. XI, p. 415. (4) Dietrich , t. II, p. 133; 1789. (5) D.lines et minieres mclalliques ulxindonne'es, etc., p. 15 ; 1826. I 20 STATISTIQllE MINERALOGIQUK le canton de Goussey; iin a Fillouxel {i), construit en 1715 ; celui-cj prend ses mines sur le territoire de Morvilliers ; iin sur la riviere du Vair , aupres du nioulin de la Graviere , commnne ^Attigneuille ; mxa. Bazoilles , a la perte de la Meuse, une lieue au-dessus de Neiifchateau ; ces trois derniers appartien- nent an canton de Neufchateau. Le sixieme est cehii de f're- courty village sitae sur le Mouzon, dans le canton de Bulgiie- ville. On voit que tons lesfourneaux du departement des Vosges sont sillies aux extremites est et ouest et sur la liraite des departemens duBas-Rhiu et de la Haute-Marne. lis sont alimentes, en gene- ral , par des niinerais en grains ; cependant , pres de Metzyer el pour le sei^ice des usines de Framont, on exploite , sous le nom de miriejaune, un fer hydrate compacte , entremele qudquefois d'argile et de debris de roches et presentant des geodes d'hematite brune, dans laquelle pendent frequemnient des masses stalacti- formes de la meme substance (2). Des exploitations de mineral de fer out ete abandonnees ( quel- ques-unes sont reprises aujourd'hui) dans les comnuuies de Saales, de Sauxure, de Wildersbach, de Belmont et de Wisch (5). Hdute-Saone. Le departement de la Haute-Saone est lui de ceux ou le fer hydrate est repandu avec le plus d'abondance. Non-seulement il y alimente irente-sept hauts-fouriieaux , mais encore des expor- (1) Maintenus ( cciix dc Sionne et H". Villouxel ) avec les palouillets et lavoirs qui on dependent, par une ordonnancc du \" septembre 1824 ( Annahs des mines, t. IX, p. 94G ct 947 5 premiere sine ). (2) Notice sur les mines de fer et les forges de Framont et liothau, par M. Elif. on Beaumont ( Annales des mines , t. VII, p. 531 ; premiere s^rie) ^ 1P.20. (3) mines et niiniircs ine'talliqiies abundonnc'es , olc, p. 14; 1826. DE LA FRANCE. 1 31 ladons considerables out lieu dans d'autres departemens, "a la faveiir de la Saone. Les hauts-fourneaux sont ainsi reparlis : Akrondissemekt de Lure, huit ; savoir : un a J^arignej , h tiois lieues et demie de Luxeuil ; un an Beiichau (i) commune d'Hauteville , canton de Saint-Loup; les mines qui alimentent ce fourneau se tirent de Hauteville , Francalraont, Briencourt et Conflans , dans le meme canton ; un a M ailleroncourt-Charette , canton de Saulx ; un an Mngnj, pres et an sud-ouest de Lure ; lui h Saint-Georges ; un k Villersexel ; un h Fallon (2) , tons trois dans le canton de Villersexel ; un "a Chagej (3) , canton de Hericourt. A Gourchaton , vers la partie du canton de Villersexel qui avoisine le departement du Doubs, il existe, daus le calcaire oolithique grenu , une couclie de mineral de fer oolithique d'en- viron -l^SS de puissance, qui est exploitee pour les fourneaux de Magny et de Saiut-Georges. Ce mineral se compose de grains pisolithiques de fer oxide hydrate' j de la grosseur de la cendree , qui sont agglutines parun ciment argilo-calcaire(-4). Ces deux fourneaux, celui de Fallon et celui de Chagey, cou- sorament en outre du feroligiste de Saulnot (o). Cette exploita- tationa lieu , comme on sait , dans la foret communale de Saul- not, au lieu dit la Claje-Jean-Sire ; le minerai se trouve en amas on en filons engages dans des roches porphyriques et eu- ritiques. (<) Dietrich , t. Ill, p. 554 et 555 ; 4799. (2) Uno ordonnancedu 1 0 aout \ 825 affccte a ce fourneau trois lavoirj situ^s au iicu dit, canton de II email , commune d'Aroz {^Annahs des mines, t. XI, p. 495 , premiere serie ). (3) Lc fourneau de Cliagey faisait autrefois partie des usincs d'Audincourt ( Doubs ) ( Journal des mines, t. XIII, p. 148); 1 802. (4) Notice ge'ologique siir les environs de Smilnol, ( canton de Hericourt} arrondissement de Lure) ; par M. Thirria ( ^nnales des mines, t. XI, p. 412, jM-eniiere scrie ); 1 825. (5) Ibid. p. 593. \2-2 ST.VTISTIQUK MINERALOGIQUE Les mines de fer situees dans les communes de Sauliiot, Cha- vanaes et Villers-snr-Saulnot , ont ete concessionnees par or- donnance du let fevrier -1851 (-1). L'ensemble de la concession porte le nom de Concession de Saulnot. Jusque la ces mines avaient ete exploitces en vertu d'lm decret du 6 fevrier 1810^ pour le corapte des trois communes que je viens de nommer(2). Les mines de fer oligiste de Servance (canton de Melisey ) sont tenues aussi d'approvisionner les fourneaux de Magny et de Saint-Georges. Je citerai enfin dans cet arrondissement la mine de fer d'Op- peiians, canton de Villersexel. Arrondissement de Vesoul , dix, savoir : im a Bettancourt , a sept lieues au nord-ouest de Vesoul ^ et pres du departement de la Haute-Marne ; un a Breurej- -les-Sorans, sur le cours de la Buthier: un "a Conjiandeyj sur la Saone; imk Port-sur-Saone , tons trois dans le canton de ce nom ; un "a Scej-sur-Saone ; un a Fy-le-Ferroux; un a Baigne, k deux lieues un quart dc Vesoul , tons trois dans le canton de Scey ; un h Bonnal- Chas- sey -les-Mines , a trois lieues au sud de Vesoul ; un k Loulans , et un a Larians, sur I'Oignon ; tous trois sont dans le canton de Montbozon. Je citerai dans cet arrondissement les exploitations de Calmou- tiers, canton de Noroy; etcelle de Fleurey-les-Faverney, sur les bords de la Lantenne , canton d' Amance. (5) Arrondissement deGrat. Dix-neuf, savoir : un aPesmes (4-), sur rOignon ; un h P^allaj ; tous deux dansle canton dePesmes ; un a Batter ans, a une lieue est-sud-est de Gray, sur le ruis- seau de Batterans ; un a Saint-Loup ; un h Noirofi, sur la (1) Insdree an Bulletin des Lois, n° 55 , p. 528, n° d'ordrc 1411. (2) Journiildes mines, I. XXVIII, p. 408 cC 409. (5) Voyez, au departement du Doubs, quelques miiileres qui approvisionncnt les fourneaux de Fallon, Larians ct Loulans. (4) Voir VAiudyse des niiiieiais de Pesines ^yr M. Vauquf.h.n [Journal des mines, i. XX, p. 381-400 ); 1806. DE LA FRANCE. 1 23 Tenise , lous irois dans le canton de Gray ; un a Echalange j h deux lieues de Gray, un k Pont-de- Planches ou la Romaine ; \\n "a Etrai'aiix , commune de Grencourt ; un a Fellexon ; un h Sei^eux et mi a Beaujeux ; tons les cinq dans le canton de Frene- Saint-Mametz ; nndLBley; nu k Autrej , una Moulhureux- les-Graj ; tous trois dans le canton d'Autrey, renomme pour I'ex - cellente qnalite de ses mines ;un k Tre'court, a peu de distance de Champlitte ; un k fauconcourt , a huit lieues de Gray, snr la route de Gray k Combeau-Fontaine ; un k Renaucourt ; un au Crochot, et un k Dampierre-sur-Salon , ces quatre derniers dans le canton de Dampierre. L'extraction d^nferhjdrate aYitn snr une multitude de points du departement de la Haute-Saone. Je vais presenter les opinions emises sur ces niinieres en general. A quelques myriametres de Saulnot, dit M. Thirria (!) , se developpe la formation d'argile avec minerais en grains, forma- tion qui est une des richesses de la Franclie-Comte. Les exploi- tations ont lieu particulierement a Fallon , Uzelle, Pussans, Au- trey, Maikeroncourt , Louhans, etc. Cette formation , rapportee long-tems au terrain tertiaire ou d'allnvion, est consideree, par M. Thirria, comme forraant le quatrieme etage du calcaire juras- sique. Les minerais sont composes de grains de fer o\idiG~]irdrate', dont la grosseur varie depuis celle du millet jusqu'k celle d'un gros pois. Le minerai de fer, dit mine en roche , forme des conches subordoiuiees dans des marnes qui sont le plus souvent noiratres, tres-schislenses , tenaces et peu coquillieres (2) : nous allons revenir tout a Theure sur cette espece de mine. M. Charbaut ne partage pas I'opinion de M. Thirria, sur les minerais de fer de la Franche-Comte. Des excavations irregu- (1 ) Notice g^otogitjue sur les eni'irons deSaulnot, Haute-Saone, par M. TniR- KiA ( yinnales des mines, t. XI, p. 415-416 premiere scrie ) ; 1825. (2) Notice sur les gioties d'Echenoz et de Fouuent, Ilaute-Saone , par M. Thirria ( Annates des mines, t. V, p. 4 el 5, dcuxicnie serie; 182'J. ) 1 24 STATISTIQUE MINERALOGIQUE licrcs, dit-il {^) , designees, par Ics iiiaitres de forges, sous le iiom de sacs J, sont qiielquefbis remplies de mine de fer en grains, que je considere comnie appartenant a ime alluvion marine, coinposee de lits successifs et irreguliers de mine de fer, d'argile, de sable et de terre gravcleuse , qui aurait convert toute la Fran- clie-Comte immediatement apres la retraite des eaux qui ont du creuser les cavites que la mine remplit. II est fort remarquable que ces depots soient tres-abondans dans les parties basses de la province, surtout entre les rivieres de rOignon et de la Saonc , oii ils donnent lieu anx exploitations qui fournissent le fer de France le plus propre h la trefilerie , mais que sur les montagnes, d'ou sans doute ils auront ete enleves pour etre accumules dans les plaines en lits nouveaux superposes aux premiers, il ne resle rien de ces depots que dans les exca- vations qui pouvaient les preserver de Taction des courans (2). La terre vegetale y repose a uu sur les terrains jurassiques. A la separation des massifs de marnes et de calcaires durs , on trouve, dans chaque etage , des bancs de mine de fer. Cette mine , particuliere a ces terrains _, a generalement une contexture oolitbique ; elle est composee de petits grains d' oxide de fer ronds , egaux , et souvent lisses comme de la poudre de Suisse , qui sont assembles dans une raarne bleue ou jaune d'ocre , ou dans un calcaire jaune ou rouge fonce. Souvent, dans la variete calcaire , les grains perdent leur forme ronde; ils deviennent anguleux et snblamellaires ; la roclie passe au calcaire grenu ferrugineux, d'un rouge tres-fonce ; la variete marneuse se desa- grege promptement a I'air, et tombe en sable ferrugineux sus ceptible d'etre lave. Cette mine de fer, que les raaitres de forges designcnt sous {\) Meinoire sur les terrains de la chadie Jurassujue, par M. Gharbai't ( Annales des mines, t. XIII, p. 192 ct 194, premiere seric ); 1826. (2) S'il y a cu des courans, la grosscur variable des grains deposes dans k-s diverse.* localites piturrail cclaircr sur la direction dc ces eourans. DE LA FRANCE. ] aS les noins de mine en roche j en sable ou en poussihe, a qiiel- quefois ete confondue par les mineralogistcs avec la mine eu grains propreraent dite ; mais outre leur formation geologiqiie , qui etablit entre elles une separation si trancliec , leur qualite ne les distingue pas moins. La mine oolithique produit un ferbien inferieur a celui de la mine en grains. Le mineral de la Haute-Saone n'alimente pas seulement les usines du departement , et en parlie celles des departemens Yoi- sins (i ), d'enonnes exportations ont lieu, et surtout ont eulieii (2) pour les usines dela Loire. II suffira, pour donner une idee du commerce etenduqui s'en faisait, de dire que, de 1824 a 1828, trois fourneaux ont ete autolyses dans le departement de la Haute- Saone, et que dans le meme terns plus de deux cents lavoirs, ou patouillets, ont ete demandes et accordes. La seule CQ,mmune de La Chapelle-Saint-Quillain , canton et arrondissement de Gray, possede environ trente etablissemens de ce genre. DIXIEME ARRONDISSEMEKT. Haiite-Marne. Ce departement et le precedent sont , en y joignant la Cote- d'Or , ceux de France ou le fer hydrate' est le plus abondant et le plus facile a extraire. Le minerai du seul departement de la Haute-Marne alimente soixante liauts-fourneaux ainsi distribues : Arrondissement de Lamgres , cinq ; savoir : un a. Farin- court , canton du Fay-Billot , et a la limite du departement de la Haute-Saone ; un a La Folie , commune de Couzon et sur le ruisseau de ce nom , canton de Prauthoy et a la limite du de- partement de la Cote-d'Or; un a Bourg, canton de Longeau, {^) Saone-et-Loire ( usines du Creusot), Doubs ( fourneau de Montcley ). (2) Le haul prix du transport y a fait renoncer dans un grand nombre de cas. La navigation dc la Saone entre Gray et Clia'ons appellc un prompt perfeclion- nement. 1 26 STATISTIQUE MINERALOGIQUE sur la droite et lout pres de la route de Laiigres a Dijon ; un k Auheriue, et un k Jiout-res , tous deux sur I'Aube et dans le canton d'Auberive. Akrondissement de Chaumont , vingt-quatre ; savoir : cinq dans le canton d'Arc-en-Barrois, dont im k Aahepierre ; nn a CJieiTollej y commune de Dancevoir, tous deux sur I'Aube; un a Roch.ei>illiers J sur la Suize ; un a Arc , sur I'Aujon, petite ri- viere qui passe a Chateauvilain , Maranville , et va se jeter dans I'Aube , aupres de Clairvaux ; un k Cour-V Eueque y sur la meme riviere ; quatre dans le canton de Chateauvilain, dont una Cha- teauvilain et un a Marmesse , toujours sur lecours de I'Anjou ; un k Lauty, pres Dinteville, sur I'Aube ; et unk Orges (i), sur un petit ruisseau qui se jette immediatement dans I'Aujon ; un sur les Fontaines d'Huys, et un au lieu dit : les Vielles-Forges, sm' le ruisseau d'Arene, tous deux dans la commune de Mon- therie , et dans le canton de Juzennecourt ; un a Moiron , sur le ruisseau du Val-de-Moiron , commune de Foulain, can- ton de Nogent-le-Roi ; un dit lef^eidtu, a Orquevaux , et deux a Manois , tous deux sur la Manoise et dans le canton de Saint- Blain ; un a Ecot y et un k Riinaucourt ^ tous deux sur le Ro- gnon et dans le canton d'Andelot. Viennent ensuite sept hauts- fourneaux, tous disposes sur le cours dela Marne ; ce sont les sui- vans : un k Cotides (2), un a Brethenaj , oii il existait depuis long-tems un palouillet , et un k i?/aMcojzrf, tous trois dans le canton de Chaumont; deux k Bolognej un k Vraincourt et un k Frondes , tous les quatre appartenant au canton de Vignory. (\) Une ordonnance du 20 fevricr 1822 autorisaitlarcconsti-iiction dc Tancien fourneau dc Maranville ( .'//males des mines , t. VII, p. 352; premiere sdric). Une ordonnance du H mai 1826 autorise le transfcrl dii liaut-fourneau de Maranvillea Orges ( Ibid, t. I, p. 186 et 187 j deuxicme seric). (2) C'est I'ancien fourneau de Marault transport^ "a Condes, en vertu d'line ordonnance du 21 avril 181 9 ( Annales des mines, t. IV , p. 505 el 506 ; pre- mier* »(^rie). DE LA. FRANCE. 1 27 AniiOMDissEMENT DE Vasst , tieiite-un •, savoir : un "a Roche- sur-Rognon , iin a Saucourt et un a Donjeux , tous trois sur le Rogiion et dans le canton de Donjeux. Viennent ensuite six hauts-fourneaux , concentres dans le canton de Sailly ; les cinq premiers sont ecbelonnes sur le Rongeant dans I'ordre suivant : un a Tlionance-les-Moulins , deux a Noncourt, un au Vieux- Noncouvtj, i\n a Poissons ; le sixieme est eel ui d'Echenay^sur la Saulx. Le canton de Joinville n'en renferme qu'un , c'est celui de Thonance-sous-Joiiwille , sur le ruisseau de Montreuil. En se dirigeant vers la partie superieure de la \allee de la Blaize , on trouve sur leBlaizeronlefourneau de Charmes-en-l' Angle et celui de Ckarmes-la- Grande, qui appartiennent tous deux au canton de Doulevent, etla commence laserie de fourneaux qui sont presses sur le cours de la petite riviere de Blaize ; savoir : unk Cirey-le- Chdteau , un a Douleuent , tous deux dans le canton de ce nom ; un a. Dommartin-le-Franc , un a Tempillon , commune de Rage- court •, un a Brousset^al , deux au Chatelier , un au Bidsson, un a Allichamps ; ces sept derniers appartiennent au canton de Vassy. Le dernier fourneau , que Ton rencontre sur la Blaize, est celui A'Eclaron , . canton de Saint - Dizier. Remontant maintenant la Marne , nous trouvons, dans le meme canton de Saint-Dizier, un fourneau au Clos-Mortier et un a Marnai^al, un a Chamouillet'Bas et un a Chamouillet-Haut. Enfin , et toujours sur la Marne , deux a Eun>ille , un a Biejn>ille et un a Bayard. Un petit ruisseau, qui descend d'Osne-le-Val, fait marcher le fourneau de Curel. Ces cinq dernieres usines dependent du can- ton de Clievillon. En rassemblant tout cequeje viens de dire, on voit que si Ton remonte la Marne depuis Saint-Dizier jusqu'a Chaumont (18 (1) Les roues et le bocard de ce fourneau , contruit, en 1799, sont alimenl^s par Pabondante fontaine du Hautesan , qui a sa source a une portde de fusil de la Blaize, et verse ses eaux dans cette riviere, inim^diatement apres avoir fait inouvoir les divers artifices de I'usinc. 128 STATISTIQUE MINERALOGIQUE lieues de postc), on reucontrera quinze hauts-foiirneaux, et que si Ton remonte la Blaize depuis Eclaron jusqu a Circ}'^ (7 a 8 lieues de poste), on en reucontrera dix. On pent reduire a trois sortes les mines du departement de la Haute-Manie , i° les mines en grains ; 2° les mines en fragmens irreguliers de differentes grosseurs , qu'on exploite a d'assez grandes profondeuis , et qu on appelle dans le pays mines en ro- che; 5ocelles qui participent des deux etats , et portent, en con- sequence, le noni de demi-rocJie {\ ). Les mines en grains sontles plus abondantes. La mine en roche s' exploite h Thonance-sous-Joiuville , Mon- ireuil, Noncourt, Pencey , et surtout a Poissons , dans le canton de Sailly, a cinq kilometies sud-est de Joinville. La I'exploita- tion a lieu a ciel ouvert (2) dans les profondes excavations du cal- cairedu Jura. La mine, dite demi-roche, setrouveh Bettancourt , Dammar- tin , etc. , sur la rive droite de la Blaize. En general, ces mines s'exploitent comrae celles en grains , "a la surface, ou tres-pi'es de la surface. Ces dernieres se tirent sur ime multitude de points , a Dommartin -le -Franc ; dans les bois de la Belle - Faysse ; au Buissou-Rouge , pies Vassy ; dans la foret du Der ; a Narcy et Montgerard , le premier point sur la rive droite , le second sur la rive gauche de la Marne , et tous deux pres Saint-Dizier. Un nombre considerable de lavoirs , qui consistent en gene- ral ' en un bocard et un patouillet , sont employes au lavage de toutes ces mines. II est rare, dans ce departement , qu'on ne trouve pas , attenant k un fourneau , I'appareil destine au la- vage du mineral. Cependant il y a quelques-uns de ces bo- cards qui sont destines au commerce. Je citerai ceux qui sontpies {\) Suuistique mineralogique du departement de la Haiite-Marne , par MM. RoziERE et HoDRY ( Journal des mines, t. XVII, p. 415 et 419) 1804—1805. (Z) Sur Vexploitation des mines en masse par M. Baillet ( Jom/-««/ des mines, t. VII-VIII, p. 49G ct 520 ) ; 1797-1798. DE LA FRANCE. 1 29 de Joinville, siir le Rongeant; ceux de Montreuil-sur-Thonance, canton de Donjeux, et ceux qui se trouvent sur le ruisseau de la Combe-de-Bonneval, commune de Saint-Urbain , dans le nieme canton; ceux de Saudroii, sur le ruisseau du meme noni, canton de Sailly ; du lieu dit sous Bussy, commune de Vecque- ville, canton de Joinville; etc. Les produits de ceux qui ne dependent pas directenient d'une usine se rendent a quelques fourneaux voisins. La seule exporta- tion que je coniiaisse est celle qui a lieu pour le fourneau de Vil- louxel (Vosges), auquel le mineiai revient fort cher par suite des transports. II parait que cet etablissement est force a ce sacri- fice, car il y a long-tems qu'il le fait. On lit dans Dietrich ( I ) : « Le fourneau de Villouxel se procure de la mine de Poissons en Champagne, a six lieues de distance. Elie coiite dix-huit li vres la queue rendue an fourneau, outre vingt sous de droits. » Cote-d'Or. M. Heron de Villefosse avait indique trenle-cinq hauts four- neaux , tai-it en activite que hors d'activite , existant daus laCote- d'Or an commencement de 1826. Si ce chiffre est exact, connne je le pense, huit hauts fourneaux ayant ete autorises depuis, dans ce departement , il devrait s'en trouver aujourd'hui quarante- trois , je n'eu connais que quarante qui sont ainsi distribues : AllUONDISSEMEWT DE ChATILLON-SUR-SeINE. Dix-SCpt , Sa- voir : un a f' euxaules , a la limite du departement de la Haute- Marne, et un h 3Iontignj, tous deux sur la riviere d'Aube; un a Belan^ et un "a Champignj, tous deux sur TOurce. Les quatr3 fourneaux que je viens de nommer dependent du canton de Mon- tigny. \ iennent ensuite huit hauts fourneaux concentres dans le canton de Cbatillon-sur-Seine , savoir : mi a Nod; un a Cha- messon ; WW a AinpUlj-le-Sec ; un h Sainte-Colombe, lout pres de Chatillon, tous les quatre sur le cours de la Seine ; un a (I) Dfscripliwi cJes ^(tes de ininerui et ties j orges dc la Lorraine, par Dictricli I. TTI,p.;.530, in 4"; 1799. TOME Lit. OCTOBUE 1831. 9 , l3o STATISTIQUE MIN^R ALOGIQUE Vanvey ; un a Mnisey-h-Duc ; iin a filiate , et un a Pruxlj. Uii a Larrey, dans le canton de Laigucs , sur un etang , k deux lieues et demie ouestde Chatillou; \n\n Aignay-le-Duc , canton du nierae nora; un "a Froiclvent et un a / oulaine , tons deux sur rOurce; un h Essarois, sur la Digcnne , ces trois derniers dans le canton dc Recey. On voit, en recapitnlaut ce que je viens de dire , que la seule petite riviere d'Ource fournit ses eaux a huit hauts fonrneaux dans I'arrondissemejit de Chatillon-sur-Seine. Treize fourneaux (i) appartiennent a la compagnie des forges de Chatillon-sur-Seine , et aliinentent la belle forge k I'anglaise qui a ete construite en IS^Spres de cette ville. AniioNDissEMENT DE DiJON. Scizc ; savoii : un k Ciissej-les- Forges , sur la Thil , canton de Grancey ; un a Montot, dans la commune de Castil-Vergy, pres Val-Suzon , canton de Saint- Seine. Viennent ensuite six hauts fourneaux , concentres dans le canton d'Is-sur-Thil , savoir : \\\\&Thil-Clidtel, sur la grande route de Langres a Dijon , et sur la Thil ; un a V Ahergement- Moloy ; un a Moloy:; un a Dinej , et un a Tarsal on le Com- passeufj tons les quatrc sur le cours de I'lgnon ; puis un a Villecomte , sur Belle-Fontaine. Le canton de Selongey n'en possede qu'un , c'est celui de Vernois , sur un petit ruisseau qui se jelte dans la Thil , au village de Lux. Passant de la dans le canton de Fontaine-Francaise , nous trouvons le fourneau de ^ F ontame-F rancaise sur une tres-belle source, et celui de Lycey^ | sur la Vingeanne. Un a Rome-sous-Beze , qui a ete autorise k la condition de marcher au coke; un k Noiron-sous-Bezei un a Bezuotte j tous trois sur la Beze et dans le canton de Mirebeau (2) ; un a Dramhon (3), dans le canton de Pontaillier ■, il est aussi sur (1) Enqudte sur lesjers , p. 78, ia-4" ; 1 82^. (2) Les fonles de Bezuotte et de Fontaine-Franfaisc tonl an premier raiiij parnii les fontes de Franclic-Comte, qui snnl propres a la stconde fusion. (3) Voir une ordonnanre du 21 jiiin 1826, qui est relative a cctle usine ( /^ii- nales des mines, t. 1" p. 190, deuxiemc sdrie). Voir aussi I'analyse des mines el des fontos de Drambon, par Vauqcelin ( Journal des mines, t. XX, p. 378 et 5yi )i laufl. DE L\ FRANCE. l3l le petit cours d'eau de laBeze; uii a Fauverney (1), canton de Genlis : il est siir la riviere d'Ouche et sur la graude route d'Auxoniie a Dijon, Arrondissement de Beaune. Quatre ; savoir : un a Meix- BeaudauXj, commune deBrazey-en-Plaine; uu a Brazej, canton de Saiut-Jean-de-Losne ; un a Lacanche, canton d'Arnay, sur la I'oute de Paris h Lyon ; un k Veuvej-sur-Ouche ^ canton de Bli- gny , et sur les bords du canal de Bourgogne. Arrondissement de Semur. Trois \ savoir : deux a Buffon, sur I'Armancon , canton de Montbard ; et un dans le nieme canton, sur la riviere de Serin , au lien dit le Moulin-au-Lievre, commune de Precy-sous-Thil. Tous ces fourneaux sont alimentes par le /t?r hydrate en grains que Ton extrait de toutes parts dans le voisinage des usines que je viens de nommer. Dans la plaine de Saint-Thibaud (Auxois ), on trouve des mi- nerais en grains, accompagnes de chaux phospliatee (2). Toutes les montagnes sitiiees entre Avallon et Vezelay presentent, a pen pres aux trois quarts de leur hauteur, des plateaux tres-peu inclines sur lesquels s'elevent de distance en distance des tertres dont les flancs sont escarpes , et dout le sommet est encore un plateau. Sur le sol du premier etage des plateaux, on trouve beaucoup de silex presque resinites , et de minerai de fer , qui appartiennent sans doute au calcaire marneux. Parmi ces mine- rals, les uns sont en grains , ou oolithiques ; lesautres, en masses irregidieres qui ressemblent a un grcs fortement melange de fer oxide ou de^^r /«jf//'rtfe';quelques-unes de ces masses renferment des cavites rempliesde fer //^Jra^*?' pulverulent (5). (1) Cc fourncau marche au coke; il a el^ aatovisc , ainsi que deux palouillcts, par ordonnance du 8 aoilt 1827 ( yinnaLes des ?>2ines , t.lV, p. 152 , deuxienic serie). (2) Notice ge'oi^nosUque sur quelqnes parties de la Boiir:^ng:ie , par M. nr. BoNNARn ( ytnnnles da iniites, \. X, p . 205 ct 25S, premiere serie j. (5) Ibid. p. 435 ci 43G. 9. l3:i STATISTIQUE MINERALOGIQUE A Varennes , pros Beauue, on extrait depiiis pea de tems des minerals en grains, qui rendcnt vingt a vingt-deux pom- cent ; ils se trouveiit assez eloignes des diveises usiiies de Tarrondisse- nient , mais ils peiivent arriver facilemciit au ])ord du canal du centre a Chagny , et elre mis a Torcy, par ce canal, a la dispo- sition des nsines dn Creiizot, qni en fireiit dejk sur divers points des environs de Remigny. Dc tons cotes, dans le departement de la Cote-d'Or, sont des patouillets destines au lavagedes mineraisen grains; tels sont ceux de Sainte-Colonibe; d'Etrochey ; de Laraarclie-sur-Saone ; de Villotie ; de Thoires; de Magny-snr-Tille snr les bords de la riviere de Norge ; etc. Yonne. Cedepartenientneconiprendque troishauts fonrneaux, sitnes dans r AiiRONDi^sEMENTDE TowNEURE, savoir : un k /Incj-le-Franc; un a Vireaux\ un h Aisy-sous-Rougemout , tons trois dans le canton d'Ancy-le-Franc , et sur les bords du canal de Bourgo- gne. Chacun d'eux est nnnii d'un patonillet ponr le lavage des minerais en grains que Ton extraitdans les communes d'Aizy-sur- Arraancon , canton d'Ancy-le-Franc ; • de Saint-Martin-des- Champs , canton de Saint-Fargeau ; de Saint-Prive , canton de Blenau •, et dans les environs de Tonnerre. La fonte d'Ancy-le-Franc est de tres-bonne qnalite (f) ; elle rivalise , dans certains cas, avec les fontes de Franche-Comte , uiais elle est inegale. Niei're. Les nsines h fer de I'ancien Nivernais sont uonibreuses. On compte dans ce departement vingt-cinq hauts fonrneaux ainsi repartis : Aruondissemewt de Clamecy. Uu seul 'a Corbelin, com- I (<) iVofc ""• la fonte d'Aiicj-le-Fianc, liar M. BrRTnir.R [Aiinalcs des mines, I. TX, p. 318, premiere s [Aniutlvs drs mines, 1. Y, p. 262; dcuxicmc s(''ii« ', l34 STATISTIQUE MINERALOGIQUE Moutiers; enfin, im a Druy , siir I'etaug et dans la comnmne de ce iiom , ct un \\ Crecj^ sur le ruisseau d' Acolin, ces deux deruiers dans le canton de Decize, Tons ces hauls fourneaux sont alimentes par le miuerai i^QJer hydrate a^Q: Ton extrait sur une foule de points. En 1 796, les fourneaux de Craniain , Charbonniere , Cigo- gne et Meulot (commune de Montigny) approvisionnaicnt en partie la forge de la Churnay ( Allier ) ( I ) ; aujourd'hui les four- neaux de Cramain, Raveau, Charbonniere, Meulot et Parence sont attaches k la forge de Fourchambault. Cher. J'ai rappele , page \ 8 do cette notice , que le departement du Cher forrae avec celui de I'lndre I'ancieime province du Berri^ dont les fers sont justement renoranies pour leur qualite. II ren- ferme dix-sept hauts fourneaux ainsi distrtbues : Arrowdissement de Sancerre. Deux a Juoj-le-Pre j, canton de la Chapelle-d'Angillon , sur des etangs qui deversent leurs eaux dans la petite Sauldre. Arrondissement de Bourges, quatre ; savoir : deux a f^ier- zon (2) , sur I'Yevres , canton de Vierzon et h la limite du depar- tement de Lcir-et-Cher ; ils out ete construits en 1775 et tirent leurs mines en partie h Saint-Florent , en partie a la Magdeleine. Un a Mareuil , sur TArnon , canton de Charost et k la limite de I'arrondisseraent de Saint-Amand : il tire aussi ses minerais de Saint-Florent et points environnans ; uu a Precj , pres des sources de la Vauvise, canton de Sancergues : il a ete construit en 1652, et se trouve k Touest du departement, dans la partie ou sont concentrees presque toutes les usines du Cher. Arrondissemetvt de Saint-Amajvd-Mont-Rowd, onze, savoir: sept echelonnes dans la vallee de 1' Aubois sur la limite du depar- {\) Journal des mines , t. V-VI , p. 14',>. (2) Ces deux fourneaux de fierzon, joints a ceux dc Lille, Bonneau, cl celui dn JYorer , lous trois dans Plndrc , fornient les cinq fourneaux dont il est fait mention , p. 138 de VKnqu^te sur lesj'ers. In-4" , 1829. DE LA FRANCE. l35 lenient de la Nievre , ce sout les siiivans : un a Grossout^re , commnne de la Chapelle-Hugon ; un k SnlleSy constrnit en \ 785: il appartient a la connnune de Laguerclie et est alimente par un etang dont les eaux s'ecoulent dans I'Aubois; un "a Laguerclie j un a Chantej _, construit en 1657 sur un etang qui se tiouve sur la rive droite de I'Aubois; deux a Torteron (1), commune de Patinges, a une demi-lieue au-dessus de 1' embouchure de I'Au- bois dans la Loire : ces six fourneaux dependent du canton de Laguerche. Le septieme est celui de Feulardcj, commune de Mine- lou-Couture; il a ete construit en 1 65o, sur un ruisseau qui, apres avoir traverse cinq etangs, se jette dans I'Aubois. Viennent en- suite quatre hauts fourneaux disperses dans d'autres parties de I'arrondissement , ce sont les suivans: un a Meillant; un a Cham-- panges (2) , tons deux dans le canton de Saint-Amand et sur le ruisseau d'Yvernet qui afflue dans le Cher, pres de Bigny ; un a Bignj , commune de Valnay, canton de Chateauiieuf, sur le Cher et k trois lieues et demie au-dessous de Saint-Amand : ces trois fourneaux tirent leurs mines a la Peja-isse, proche Dun, sur les bords de I'Auron. Enfin , un a Forge-Neut^e, sur I'Arnon, commune de Saint-Bandel , canton de Lignieres. En 1796, les fourneaux de Precy , Torteron, Feularde , Meillant et Champanges, approvisionnaient en partie les forges de Charenton et de la Charnay , situees I'une et I'autre dans le departement de I'Allier (5). Depuis , la destination de ces fontes a change ; la belle forge de Fourchanibault pres Nevers est ali- mentee par dix hauts fourneaux , dont cinq dans le Cher et cinq dans la Nievre (4-) ; les cinq fourneaux du departement qui nous occupe , dont les fontes cat cette destination , sont les deux de (1) Lo premier construit en \ 004. Lc second autoris^ par unc ordoiinancc du <6 avril 1828 ( Annales des mines , t. VI , p. 140 j dciixienie s^rie ). (2) Construit en 1779. (3) Journal dei mines , t. V-VI , p. 14(1 ct Hit. {^) Enqudlc sur lesfers , p. 1. ln-4" ; 1829. l36 STATISTIQUE MINERALOGIQUE Torteroa, celiii de Laguerche, celui de Salleset celiii de Fcii- larde (i ). Toutcs ces usines soiit alimentees par Xefer hjdrate. 11 est peu de parties de ce departeinent qui iie recelenl du mineral en grains ou d'alluvion que Ton exploite a de tres-petites profon- deurs (!2). J'ai dejk indique quelques-uiis des points d' exploita- tion; c'estde Pelvezin et de Noirlac ( arrondissement de Saint- Amand) que les usines dn Troncais ( Ailier) tirent une partie de leur mine (5). Jllier. On connait dans ce departement six hauts-fourneaux sans ' compter les trois autorises a Fins, par une ordonnauce en date du \6 fevrier 1 827 (4) ; ils sont ainsi repartis : Arrondissement de Montlu^.on, trois, savoir : un a laPa- peterie J commune de Cosne, canton d'Herisson ; il a ete etabli en 1792. On y emploie un minerai en grains tire de la foret de Dreuil, et un minerai argileux qu'on tire de Tortesais, territoire de Villefi'anche, pres Cosne (5). Un a. Troncais ^ commune de Saint-Bonnet-le-Desert , sur un etang forme par la Sologne et par deuxautresrnisseaux; il aeteconstruiten 1788, et tire ses minerals en partie du bois de Vaux, territoire de Meaulne, en partie de Pelvezin et Noirlac (Cher) (6), comrae je viens de le dire tout a {\ ) Voycz,p. ■134 de celle notice, les cinq liauts fourneaux de la Nievre qui soul dans Ic meme cas. (2) Memoire sur les usmes d fer du departeinent du Cher, par M. de Barral, prefetdu departement r /ourn . des mines, t. XXVI, p. 260 et 269) 1809. (3) Voyezplus has, arrondissement de Montlufon. (4) Annates des mines , t. Ill , p. 182 ; dcuxicme scric. Unsciil de ces trois fourneaux a €x.i constniit, et, selon toules les apparentcs, il ne sera jamais allum(i. Non-sculemenI on n'a pas trouve Ic fer carbonate sur lequel on comptait , mais la houille elle-mome nc forme pas une couclie , et pa- rait n'ctre lii qu'en amas assez limitd. (5) Statisliqua mine'rale du dc'/nirlement de l\-4llier{ Journal des mines, I. V-Vl , p. 145); 1796-1797. {f>)IOid.,f. 147. A DE L\ FRANCE. l3'J riieure. Ces ininerais sont liraoneiix et en grains. Un a Sologne, commune de Saint-Bonnet-le-Descrt , dans le domaine de Saint- Jean-de-Bouis , et a un quart de lieue au-dessous de la forge de Troncais. II a ete construit en I'au II (1793-1794) (f); il con- somme les memes mines que celui de Troncais. On a tire aussi du minerai en grains dans la foret de Troncais, mais on a ete oblige d'y renoncer a cause de son pen de richesse (2). Ariiondissement de Moulins, trois, savoir : un a Messarges, canton de Souvigny, sur la petite riviere de la Queune, et pres de la grande route de Moulins a Montmarault; il a ete construit en •1778. Les minerais qui I'aliraentent sont de nature liraoneuse et hematite; onles tire "a Dreuil, Bussiere, Lagrue, Meslier et Gyp- sy , pres des sources de la riviere d'Ours dans le canton de Saint- Hilaire (5); un a Champroux (4), commune de Pouzy, canton deLurcy-I,evy, pres de la limite des departemens du Cher et de la Nievre ; un a Samt-Foir, canton de Neuilly, sur des etangs qui versent leurs eaux dans I'Allier; ce dernier s'alimente avec le minerai de Chalel-Perron , canton de Jalligny, minerai connu depuis I'an 111(1794-1795), et qui fut des lors indique (3) comme meritant de fixer I'attention. Sa6ne-et~ Loire. On compte, dans ce departement, douze hauls fourneaux, re- partis de la maniere suivante : Arrondissement u Autun. Sept, savoir : un a Pereuil , sur les bords du canal du centre , dans le canton de Couches ; celui de Boui^iers, commune de Saint-Firmin , canton de Montreuil ; cinq au Creusot{6) , dans le raeme canton. Les usines du Creusot (1) Statlstique minc'iali: du t' oilier [ Joitrn. de.i mines , t. V-VI, p. '148)5 1796-1797. (2)/Aj"c/.,p iU (3) /Z-£(/., p. 145ct ISO. (4) Autorise par un dc'cret du 20 fcvricr 1 81 1 ( Journal des mines , I. XXIX, p. 238 ). (5) Journal da mines . i . V-VI , p. 1 44 c( 1 45. (Ij) Dans Ic inoniciit oil ccUe usiiic a pioduil Ic plus dc I'onlc bruit' (cu 1850), l38 STATISTIQUE MINERALOGIQTJE out ete fondees en 178:2; ses hauls fourncaux sont les premiers, en France,. qui aient raarche au coke. Arrondissemekt de Charolles. Cinq, savoir : una Perrecj, canton de Toulon •, un h Gneugnon ; un "a Bcauchamp (I), com- mune tie Ncuvy , canton de Gucugnon ; un au Montet , pres Pa- linges; un h Changj , a ime liene au sud-ouest de Charolles. On exploite dn minerai de fer pres de cette ville (2). AuKONDissEMENT DE LouHAws. A la limitc dn departement du Jma , dans le canton de Beaiu'epaire, on a trouve dcs mine- rais en grains qui paraisseut etre d'excellente qualite (5). Aruomdissemejvt de Macon. La compagnie des mines de fer de Saint-Etieune a forme une demande en concession , pour ex- ploiter des minerais dont le gisement a ete reconnu dans la com- mune de Villars, sur les Lords de la Saone , pres Tournus (4). En general , tons les fourneaux du departement de Saone-et- Loire sont alinienles par \q. fer hydrate. Independanniient des minerais en grains que Ton extrait a Collonges sous Mont-Saint-Vincent, a Aluze, pres Saint- Leger, a Rcinigny (o), etc., on exploilc, au-dessous ducalcaire a gr^yhitesy a Chalencey , Epinac , Thury, Vellerot , etc. , un minerai Aefer hjdrate iort remarquable. La principale exploita- tion est a Chalencey (6) , pres Couches, pour les importantes usi- ([iiatre liauls lourncaux sculemcnl (Staicnt en aclivit<'' ; Ic cinquieme n'cst pas meine conslruil, mais il est autorise. (1) yJnnuaire du departement de S. STATISTIQUE OBSERVATIONS SUK LE PENCHANT AU CRIME AUX DIFF^RENS AGES. Qiiand on examine attentiveiuent les comptes ge'ne'raiix de V administration de la j untie e en Francs , et les documens qui ont parii dans les autres pays sur le meme sujet , on ne pent s'einpe- cher d'etre frappe de la regularite avec laquelle les memes crimes se reproduisent chaque aiinee. C'est un fait quej'ai tache de mettre en evidence dans differens ecrits. « On passe d'une au- nee a I'autre avec la triste perspective de voir les memes crimes se reproduire dans le meme ordre, et attirer les memes peines, dans les memes proportions. « (1) Cette regularite est telle que, dans les circonstances ordlnaires , et en France par exemple, on pent deja predire, pour I'annee suivante, quel sera le nombre des condamnes amort, des condamnes aux travaux forces h per- petuite ou h tems, des condamnes "a la reclusion, etc., de sorte que cette espece de budget pour I'echafaud , les bagnes et les prisons, est acquitte, par la nation francaise, avec une regula- rite plus grande, sans doute, que ne Test le budget des finances! Cette dette effrayante , qui est le rcsultat de I'organisation ac- tuelle de la societe, est bien propre a faire naitre de tristes re- flexions; elle merite surtout I'attentiou des philosophes et des legislateurs ; ils seront portes a une pitie plus grande envers les malheureux qui devienn^nt, pour ainsi dire , les boucs emissaires (1) Voycz : Ilecheiches statisliqnes sur le rojauine des Pnys-Bui. Kruxcllcs , 1829. In- 8"; ct Correspondance inatlicinatique el plnsique , tome V, page 177, et tome VI , page 21 4. Annces1829 ol 1830. l42 OBSERVATIONS de la societe •, et ils seatiroiil miiaix que jamais le besoiii d'ame- liorer les institutions sociales, de recheicher Ics causes des crimes et deles atteniier le pins possible. On ne sainait trop le repetera tous les homines qui out "a cceur le bien et Thonneur de leurs semblablcs , et qui rougiraient de raettrc sur la meme ligne quel- ques francs de plus ou de moins payes au tresor, et quelques tetes de plus oude moins abattues sous lefer des bourreaux : // est wi budget uuonpaie auec line re'gularite' eff raj ante , c'est celuides prisons, des hagnes et des e'chafauds ; cest celui-la surtout qu'il faudrait s'attacfier are'dinrc! La France compte annuellement un accuse pi^r quatre mille quatre cent soixante habitans ; et sur cent accuses elle en con- damne regulierement soixante-un. Sur ces individus le quart a pen pres exactement est accuse de crimes contre les personnes ; etlereste, de crimes contre les proprietes. Qu'on ne se figure pas que cette regularite ne s'observe que dans les masses, on la retrouve encore eii examinant individuellement les differentes especes de crimes, et les differentes especes de peines. Rien , au pi'eniier abord , ne semblerait devoir etre moins regulier que la marclie du crime ; rien surtout ne sembleiait devoir plus echap- per k toute prevision humaineque le uombre des meurtres, par exemple, puisqu'ils se comniettent, en general, li la suite des rixes qui naissent sans motif, et dans les rencontres en appa- rence les plusfortuites. Cependant I'experienceprouve que non- seulement les meurlres sonl annuellement a peu pres en meme nombre, mais encore que les instrumens qui servent h les com- mettre sont employes dans les memes proportions (I). Que dire alors des crimes que prepare la reflexion ! (1) 1826 1827 1828 1829 Mr.DRTREs 241 254 227 251 Fusil 47 52 .54 54 Pistolei • 9 <2 () 7 Sabro, cpec et aiUros armcs jicrmiscs 8 2 G 0 SUR LE PENCHANT AU CRIME. l43 Ce n'est done pas seuleiiient dans les sciences phj'siques qu'on observe line relation directe entre les causes et leurs effets, niais meme dans les phenoinenes moraux, et Tinfluence du lihre ar- bitre parait etre a pen pres nulle. On pourrait dire que ce qui se rattache a Vespece humaiiie, consideree en masse ^ est de I'ordre des fails phjsiques ; plus le nomhre des indii^idus est grand j plus la volonte' indiifiduelle s ejjace et laisse predominei^la se'rie des J aits ge'ne'raux qui dependent des causes gene'rales, d'apres lesquelles existe ct se conserve la socie'le. Ce sont ces causes qu'il s'agit de saisir et de modifier, dans la viie d'atnoliorer I'elat social , du nioins autant que le perniettcnt les facultes de rhonime. Je tacherai d'indiquer ici sommairement les causes qui exer- cenl le plus d'influence sur le penchant au crime; je me trouve force de renvoyer, pour les details, a. un ouvrage plus etendu dans lequel j'ai reuni les documens d'ou mes resultats sont de- duits (1). De toutes les causes qui agissent pour developper ou pour amortir le pencliaat au crime, \dge est, sans contredit, la plus influente. Le penchant au crime semble se developper en raison de la Stylet, poir^nard et aiitres amies prnhibccs 7 5 2 1 Coulcau 3U 40 54 4<) Baton , canne^i , etc 25 28 31 24 Pierrcs 20 20 21 21 Hachcs, foiirclies et aulrcs iiislr unions tranchans on piquans 13 20 16 14 Marteau et insirumcns conlondans 22 20 26 51 Slranjulalion^ 2 5 2 2 En precipitant on noyant 6 16 lanclies. l44 OBSERVATIONS force physique et dcs passions de i'honimc; il atteint son maxi- mum vers I'agc Je vingt-ciiiq ans, epoque ou le developpeineiit physique est a pen pres termine. Le devcloppement iiuellectuel et moral, qui s'opere avecpkis de lenteur, amortitensuite le pea- chant au crime, qui dirainue encore plus tard par I'affaihlisse- ment de la force physique et des passions de riionune. Si, au lieu de prendre collectivement les crimes, on examine chacun d'eux en particulier, par rapport a I'age, on a une nou- velle preuve que c'est entre vingt et trenle ans que ?e presente le maximum du nonibre des crimes de differentes especes , et que c'est bien veritablement vers cette epoque qu'ont lieu les pen- chans les plus pervers ; seulemenl I'epoque du maximumse trouve avancee ou retardee de quelques aunees, pour certains crimes, selon le developpement plus ou moins tardif de quelques qualites qui sout en rapport avec ces crimes. Ainsi Thomme pousse par la violence de ses passions se livre d'abord aux viols et aux attentats "alapudeur ; il entre presque en meme terns dans la carriere du vol qu'il semble suivre, comme par instinct, jusqu'a son dernier soupir; le developpement complet de ses forces le porte ensuite a tons lesactes de violence, a rhomicide, a la rebellion, aux vols sur les chemins publics ; plus lard, la reflexion convertit le meurtre en assassinat ou en empoisonnement.Enfin, rhorame, en avancant dans la carriere du crime, substitue de plus en plus la ruse a la force, et devient faussaireplus qu'h toute autre epoque desa vie. La difference des sexes a aiissi une grande influence sur le penchant au crime; on ne compte en general , devant les tri- bunaux, qu'une seule femme accusee pour quatre hommcs. Le penchant au crime croit et decroh a pen pres par les memes degres chez les deux sexes; cependant I'epoque du maximum arrive un peu plus tard chez les femraes, et a lieu vers trente ans. Le tableau suivant fera connaitre d'une maniere plus precise les resultats que je viens d'enoncer ; il est forme d'apres les don- nees de \ 826 , 27, 28 et 29 , fournies par les comptes geue'raux. Les deux dernieres colonnes font connaitre les degres du pen- 1 SUR LE PENCHANT AU CHIME. 1 45 cliant au crime aux differens ages et pour les deux sexes. On concoit qu'il a fallu avoir egard , pour la formation de ces tables , aux nombres d'individus de chaque age que presente la popula- tion de la France ; j'ai pris aussi pour unite le nombre le plus grand de chaque colonne. DEGRES DU PENCHANT 1 TNDIVIDUS CRIMES COIVTRE FEMMES 1 Ics proprieles criminelles pour AU CRIME. II a^,es do siir lOO crimes. 1,000 hommes. Hommes. Femmes. moins de 16 ans. 85 187 0,02 0,02 16 a 21 ans. 80 186 0,79 0,64 21 a 25 72 225 1,00 0,98 25 a 50 70 239 0,96 1,00 3(1 a 55 71 240 0,80 0,85 35 a 40 ■ 76 295 0,56 0,75 40 a 45 75 256 0,54 0,60 45 a 50 74 267 0,44 0,51 50 a 55 74 227 0,35 0,33 55 a 60 75 204 0,24 0,22 60 a 65 7\ 218 0,24 0,23 65 a 70 70 196 0,17 0,14 70 a 80 68 253 0,12 0,12 80 ct au-dessus. 74 56 0,06 0,01 La femme, sans doute, par le sentiment de sa faiblesse , corn- met plutot les crimes contre les proprietes que contre les pcr- sonnes ; et quand elle cherclie a detruire sou semblable , elle emploie de preference le poison. Du reste , en se livrant a I'ho- micide, il ne parait pas qu'elle soit arretee par I'enoraiite des crimes qui , pour la frequence , se presentent dans I'ordre sui- vant : infanticide , avortemeut , parricide, blessures envers ascendant, assassinat, blessures et coups, meurtre : de sorle qu'on pent dire que , comparativement aux hommes , le nombre des coupables diminue d'autant plus qu'elles doivent aller cher- cher leurs victimes plus loin et plus ouvertement. Ces diffe- rences tiennent sans doute aux habitudes et a la vie plus se- dentaire de la femrae ; elle ne pent concevoir et executer de TOME LII. OCTOBRE ^ 831 . 10 1^6 OBSKRVATIONS coupables projets qu'eiivers les indivicliis avec lesqucls ello a le plus (le relations. Les snisons exercent k leiir tour une influence tres-marquee sur le penchant an crime ; aiusi c est pendant I'ete que se cotn- nietteut le plus de crimes" contre les peisonnes , et le moins de crimes contre les proprietes : le contraire a lieu pendant I'hiver. n est h remarquer que I'age et les saisons exercent a pen pres la meme influence pour faire croitre ou diminuer le nondwe des alienations mentales et des crimes contre les personues. Les deux derniers resultats sont mis en evidence par le tableau siiivant forme, pour les crimes , par les donnees de quatre ans ; ot , pour les alienations mentales, paries nombres que M. Es- quirol a rennis "a Charenton, en i 826 - 27 - 28 (1). CRI.ME.S CONTRE BAPPuRT , ALIEMCS MOIS. dc CCS 1 admis a LE.S PERSONiSES. LF..S PROPRIKTKS. iionibrcs. riiaronton 57 Janvier. 282 1,095 5,89 F<5vrier 272 910 5,55 49 Mars. 555 9G8 2,89 55 Avril. 514 841 2,68 58 Mai. 581 844 2,22 44 Jiiin. 414 850 2,05 70 Juiliet. 579 828 2,18 61 Aoiit. 582 854 2,44 64 Sqjlctnbrc. 555 896 2,52 47 Oclohro. 285 92() 5,25 49 iNoveml)r(>. 501 9(i1 5,20 55 Deteinbre. 547 1,152 3,55 52 Totaiix . 5 847 i 1 ,205 2,77 619 Le climat parait avoir de I'influence, surtout sur Ic penchant au crime contre les persounes, qui se developpe avec plus diuten- site dans les pays nieridionaux ; tuidis que les cliraats rigiureux, (1) .-iniKiles dliygienc pitblic. Avril 1819 , pap,c 101. SUR LE PENCHANT AU CRIME. l47 qui font nailre le plus de besolus, produisenl aussi lo plus de crimes centre Ics proprietes. Les pays oil ont eu lieu de frequens melanges de peuples , ceux ou r Industrie et le commerce reunissent heaucoup de per- sonnes et de clioses, et presentent le plus d'activite , ceux enfiu ou rinegalite des fortunes se fait le plus ressentir, donneut, toutes clioses egales , naissance a un plus grand uombre de crimes. On remarque particulierement ce que je viens de dire en France , ou Ion voit que : j° Le plus grand nombre de crimes contre les personnes el de crimes contre les proprietes en nieme terns ont lieu dans les departemens que traversent ou qu'avoisinent le Rhone , le Rhin et la Seine, du moins dans leur partie navigable. 2° Le moins de crimes contre les personnes et les proprietes ont lieu dans les departemens du centre de la France, dans ceux qui sont situes a Touest vers I'Ocean , depuis les Basses-Alpes jusqu'h la Manclie , et dans ceux que traversent vers le nord la Somme , I'Oise et la Meuse. 3° La Corse , les bords de la Meditcrranee et les departemens voisins dont les geographes regardent les habitans comme des- cendans dc I'ancienne race pelagicnne, montreiit , toutes clioses egales , un penchant plus prononce pour les crimes contre les personnes , et la partie septentrionale de la France pour les cri- mes contre les proprietes. Les professions influent beaucoup sur la nature des crimes. Les individus de profession libre se livrent plntot aux crimes contre les personnes, et la classe ouvriere etles domestiques aux crimes contre les proprietes. Les habitudes de dependance, en meme tems que la vie sedentaireet la faiblesse pliysique, produi- sent les memes resultats chez la femme. On a beaucoup repete, dans ces derniers tems, que le defaut d' instruction est h\ principale cause des crimes, sans chercher a savoir si les fails etaientbien d'accord avec celtc assertion. II u'en lO. 1 ^8 OBSERVATIONS est cepeiiiliint. pas ainsi : Ics dfipartcvnoiis dii milieu de la France soiit oil general les moiiis eclaiies ; ce soiit ceiix qui , d'aprcs Ics calculs de M. Dupin , envoieut le moius d'enfans aux ecoles, et cesoni aussi ceux qui , d'aprcs les Comptes geue'vaux de la justice crhninelle, produisent, louies clioscs egalcs, le plus d'accuses qui ne savent ni lire ui ecrire; cependant ce sont eu meme terns les departemens les phis raoraux de la France. Au conlraire, les departeniens du Hautet du Bas-Rliin, aiusi que les departemens qui bordent la Seine , dans sa partie navigal)le, appartiennenl aux plus eclaires de la France, et cependant ce sont ceux oii Ton comraet le plus de crimes centre les personnes et contre les pro- prietes. Je pense que Ton confoud trop souvent riustruction mo- rale avec riustruction qui ne consiste qu'a lireet h ecrire, et qui devient la plupart du temps un nouvcl instrument de crime. Mes resultats, sous ce ra[)port , s'accordent enticreinent avec ceux auxquels est parvenu M. Guery, commejerai su depuis par une lettre que ce jeune savant m'a fait I'honneur de m'adresser (1). On a dit encore que hpauf^rete' etai'it une cause puissante des crimes; cependant plnsieurs departemens de la France, reputes les plus pauvrcs, sont en meme tems les plus moraux. L'homme (I) Cettc lellrc a eld imprimde a la suite de mes Becherches snr Ic penchant au crime aux ih'ffifrens ages. Voici comment s'exprime M. Guery : « L'igno- rancc est, dit-on , la cause principale des crimes. Cette opinion a eld sanc- tionndc devant les cliambrcs et dans la Socidtd royale des prisons, elle est {;dnd- raleraent adoptee en France, depuis le conipte de la justice criminelle surlout : die a die rcproduite avec tanl d'assurance, et dans des formes si varices, qu'elle est devenne aiijoitrd'hui une vdrite vul(;aire, un lieu commnn qui ne dcmande phis dc prcuves.L''inslriiction est un instrument dont on peu! faircun hon ou mau- vais usa;;e. Ccile qu'on va puiser dans nos ecoles, et qui consiste a savoir, d\inc maniere asscz iniparfaile, lire, ecrire ct compter, ne peut suppleer au ddfaut d'e- ducatioi) , et ne pent cxercer une {;randc influence sur la moralite — elle nercnd ni plus deprave ni meillciir. J'aurais peine a comprendre comment il suflirait dc former un homme a certaines opi'rations presque matdriellps pour lui donncr aussitot des mceiirs rc;',uliercs ct developper en lui des senlimcns d'lionnciir ct de prohite. » SUR LE PETSCHANT AU CRIME. 1 49 n'est point poiisse au crime parce qu'il a pen, iiiais plus goiiera- lement parce qu'ii passe il'iine maniere brusque de I'etat (raisance a la misere , et "a riusuffisance de satisiaire a tons les besoins qu'il s'etait crees : c'estce que Ton observe particulierement dans Ics departemens industrials, oil, par la luoindre commotion politique, par la moindre obstruction dans les debouches pour lesmarclian- dises, des milliors d'individus peuvent passer subitement de I'etat du bien-etre a des privations de toute espece. II est remarquable que , sur onze cent vingl-neufmeurtres qui out ete commis, en France, pendant Fespace de quatie ans, qiialre cent quarante-six Font ete par su'te de qnerelles et de rixes au cal)aret; ce qui montre assez la funesle influence de Yusage des hois sons. 11 est remarquable, encore, qu'en France, comme dans les Pays- Bas, on a compte annuellcment un accuse sur quatre mille trois cents babitans environ; mais, dans le premier pays, on acquittait trente-neuf accuses sur cent , et dans le second quinzc seulenient : cependant des deux cotes on faisait usage du meme code, mais dans les Pays-Bas les juges remplissaient les fonctions de jury. Devant les tribunaux correctionnels et de simple police, oil les prevenus n'avaient affaire qu'a des juges, la repression a eteb pen pres la meme dans les deux royaumes. Je ferai observer encore que, danscertaines circonstances , il etaitpermis, d'apres des modifi- cations apportees au code, en Belgique, d'attenuer certaincs pei- nes d'apres la moralite des accuses et selon I'arbitre des juges. 11 dcvait arriver de la que des accuses, qui etaient acquittes en France pour ne pas appliquer des peines trop disproporfionnees , se trouvaient condamnes devant les tribunaux de la Belgique. L'experience a prouvc, en effet, qu'on repugne d'autaul plus a appliquer les peines qu' files sont plus graves. C'esl ainsi qu'en ge- neral les crimes contre les personncs entrainent plus d'acquitte- raens que les crimes coulre les proprietes. J'ai commence par dire que le devcloppement du pcnclianl an crime a un lapporl tres-dircct avcc le dcveloppcmenl des pas- l5o OBSERVATIONS sioiis et de la force physique de riiomme ; at que , d'une autre part, Ic developpement de la raisou n'a pas luie iiilhience moins marquee pour amortir ce pencliant; j'ai essaye dans le tableau sui- vant de pi'esenler quelques donnees h cet egard. Les resultats pour les forces out ete obteuus au iiit)yeii du dynamometre de Regnier ; les resultats pour les alienes sont erapruntes a. un article que M. Esquirol a insere dans les Emmies d'hjgiene ( avril 1 8:29 ) ; j'ai eu soin de tenir compte, d'apres les tables de population , du nombre des individus qui ont de quinze a vingt ans , de vingt "a vingt-cinq , etc. Eniin la derniere colonne fait connaitre le nombre des chefs-d'oeuvre de la scene francaise, d'apres le repertoire de Picard, en tenant compte des deces des auteurs, et des ages auxquels ces deces ont en lieu. AGES I ADMISSIONS I a Ciiarcnion p. i f;ii('ris. I 2,2 2^2 2,7 ."5,5 5,8 5,t 4,5 5,5 2,5 fi 5.5 24 79 109 154 125 129 151 108 51 63 24 45 CllFFS- u'oEuvnn IVaiK-iis. 12 26 28 28 54 29 M 10 14 10 Ainsi ce serait entre quarante-cinq et ciuquanle aus que, toutes choses egales, le plus de chefs-d'oeuvre draniatiques auraient ete produits en France ; c'est alorsque Viinaginalion et la raison pro- duisent le plus •, et, par un singulier contraste, c'est vers cet age aussi que ralienation mentale se presenlo le plus frequemmeut, et cause les maladies dont la guerison offre le plus d' obstacles. Le developpement des forces pliysiques est termine plus tot , et SUR LE PKNCHANT AU CRIME. l5l I'oi! pent dire qu'il alteint son maximum a I'epoqiie oii la force inlellectiielle commence a se niontrer avec energie. J'ai trouve que les cliefs-d'ccuvre de la scene anglaise ont ete prodnits, quant "a I'age , a pen pies daus le meme ordre que ceux de la scene francaise ; il parait seulement que le talent dra- matique est plus piecoce en Angleterrede cinq a sept ans. Celte difference pent tenir en partie a cc que j'ai leraplace I'epoque de la composition d'une piece, quand elle ne m'etait pas suffisanm^-ent connue , par I'epoque de la premiere represen- tation. Ce qui precede raontre cependant assez que le maximum du penchant au crime se montre a I'epoque oii I'homme a presquc termine son developpement physique, et avant que son develop- pement intellectuel ait acquis une certaine energie ; cette epoque marque aussi le terme de la vie moyenne de I'homme. Je ne lerminerai pas cet article sans appeier I'altention du lecteur sur nne diffirnlte que semblent presenter toutes les re- cherches qui ont pour objet la slatistique des crimes. Nous ne possedons , en effet , pour former notre jugement , comme I'a fort Lien observe M. Adolphe de Candolle (1) , quun certain nomhre de de'lits coiiims et jnge's , siw line soinme totale incori' line de de'lits comiiiis. Comme celte somme totale de debts com- mis restera probablement inconnueh jamais, tons les raisonne- mens auxquels elle servira de fondement scrontplus on moins faulifs; je ne crains pas merae de diie que tout ce que nous possedons sur la statistiqne des ci'imes ne pourrait etre d'aucune ulilite , si Ton n'admettait tacitement qiiil existe iin rapport a pen pres inuariahle entre les de'lits coniius etjuge's ^ et la somme totale inconnue des de'lits commis. Ce rapport est necessaire; et s'il n'existait reellement, tout ce qu'on aurait dit jusqu'a ce jonr, d'apres les documeus statistiques des crimes, serait faux et ab- surde. On sent de quelle importance il est de legitimer un pa- (1) Considerations stir la slatistir/ne des ddlits ; Bibliotheqiie lumrrselle , levricr 1830. lD3 OBSERVATIONS SUll LE PENCHANT AU CRIME, reil rapport, et Ton pourrait s'etonner de ce qu'on ne se soif. pas occiipe de le faire jusqu'a present. Le rapport dont nous parlons varie necessairement selon la nature et la gravite des crimes ; dans une societe bien organisee, oii la police est active et oii la justice est bien administree , ce rapport , pour les raeurtres et les assassinats, sera h peu pres egal h Funite , c'est-k-dire qu'un indi- vidu ne disparaitra point de la societe par le meiirtre ou I'assas- sinat, sans qu'on en ait connaissance ; il pourrait ne pas en etre de meme pour les empoisonnemens. Quand il s'agira des vols et des debts de moindre importance , le rapport pourra devenir tres-faible, et un grand nombre de debts demeureront inconnus, soit parce que ceux qui en souf- freut ne s'en apercoivent pas ou ne veulent pas en poursuivre les auteurs, soit parce que la justice mcme n'apas assez d'indices pour agir. Or, si toutes les causes qui influent sur la grandeur du rapport restent les memes , on pourra dire aussi que les effets demeureront les raenies , en admettant que les effets sont pro- portionnels aux causes , comrae le prouvent d'une maniere si curieuse tons les resultats de la statistique des crimes. Ainsi , de ce que chaque annee reproduit le meme nombre d'accusations et d'accuses, le meme nombre de condamnations et d'acquiltemens, la meme proportion de crimes et de peines^ de differontes especes, etc. , nous serous fondes "a conclure, si I'activite de la justice n'a point varie, que le nombre reel des crimes conimis , quoique inconnu , est aussi deraeure le meme ; et en voyant la regularite avec laquelle se reproduisent tous les chiffres du budget des ecbafauds, des bagnes et des prisons, on pourra dire que ce qui ecliappe aunuellemeut an ministerc de la justice forme des somraes plus regulieres que celles qui man- quent aux revenus du Tresor. A. QuKTELET. BIOGRAPHIE. AUTOBIUGRAPHIE DE VOLEURS AMGLAIS ET AMlfelUCAIHS (f). Les meiuoires de voleuis et de filous sc muluplieiit en An- gleterre, etmeme en Anierique, et y deviennent plus norabreux et plus comrauns que cliez nous ; une grande morale est cachee dans ces yies de criminels ecrites par eux-menies , etje nesais comment, depuis long-lems, I'attention des legislatcurs ne s'est pas portee sur ce diagnostic remarquable d'une des maladies les plus funesles dela socielc. S'il arrive parfois qu'un scelerat, ecliappe aux serres de la loi, atteint par la main de Dieu , s'at- tendrisse sous les etreintcs d'une douleur on physique ou morale, rentre en lui-meme, deteste ses crimes, et, contrit, s'aceuse et se repente, il n'en est pas ainsi de ceux dont la justice humaiue se saisit, pour en faire la proie des cachets et des echafauds. S'ils racontent leur histoire, ce n'est pas une confession qu'ils hasar- dent humhlement, c'est un chant de trioinphe qu'ils entonnenf, et chez eux , ce n'est pas affaire debravade, comme chez le prisou- n'ler peau-rouge qui, accule a son -biicher, hurle son chant de raort , pour defier ses ennemis ; non : ces malheureux , sous le poids des verrous, dans un cachot, dans un fond de cale, (1) 1" The yJ iiierican Tienck etc. — Le Trenck Americain , on Mcmoircs Je Tlioiiins Ward , dcrond dans la prison de Ealiimore; condamnd a dix ans d'em- prisonncmcnt pour avoir vole la nialle des Elals-TJnis. Baltimore , 1829. In-18. 2" Ulemoirs . etc. — Memoirns de James Hardy Vaux, rsiroc et volciir, dcporte pour la seconde fois a la Notivcllc-Hollaiido,dcrils par liM-nieme; Londres, 1 829. In! 8. 5= Fads relaliiii^ , etc. — Faits relatil's a la peine do ninrl dans la melro- pole, \iiir luhvanl Gihion Wakei-ii;li) , esq. Londres, 1831 ; Ridgway. ln-12. 1 54 AUTOBIOGRAPHIE attendant rechafaud , la deportation, le bagne, se delectent nnivemcnt an souvenir de leur vie aventureuse : ils se vantent de lenrs tours d'adresse: leur orgueil se coaiplait a retracer Icurs litres de gloire, c'est-"a-dire leurs crimes. Que de fois ils out tronipe et les juges et leurs suppots! cpie de plaisirs fremissans ils ont goute dans une escroquerie savaniment ourdie, I'ceil fixe sur I'or qu'ils allaient soustraire, I'oreille au guet pour defier les sicairesde la police! Eu lisaut I'liistoire de ce combat continue], de cette guerre reguliere, entre les defenseurs de la societe et ceux qui rejeltent sa protection et ses chaines, quel lecteur ne s'est trouve quclquefois eu secret du parti du criminel? Qui n'a sympathise avec le condamne, et, gcnereux en depit de lui- meme, cedaut a I'entrainement du drame, quel lionnete bomme n'a cherche dans sa tete de nouvelles ruses h fouruir au prison- nier qui s'evade, au volcur pret k etre repris, ot n'a senti un nioiivement de joie quand le scelerat, seul poursuivi par tons, s'est adroiteraent esquive, ou courageusement del'endu ; quand le voleura trompe lemarchand, quand le forcat a rompu la cbaine? Des que notre propre interet est un moment oublie , un moment !:ors de ligne, qui de nous ne trouve au fond de son coeur une secrete sympathie pour ce petit nombre d'out-Zaws qui com- batlent coutre la societe entiere? Tbomas Ward, ecroue depuis dix a us dans les prisons de Bal- timore, pour avoir vole la malic des Etats-Unis, est un de ces condamues, lieros de leur propre bistoire. Fier de nonibreuses evasions, il s'intitulele Treiick americain. Eleveauseiu de cette nature si sauvage, si libre, dont les enfans ne peuvent etre tou- ches par les chaines de notre civilisation sans se faner et mourir, Ward ne deploie cependant pas, daus ses recits, cette poesie d'independauce, cette insouciance de la vie sauvagc, qui nous plaisent taut dans les moeurs desnaturels du Nouveau-Monde. II a plus de 1' esprit de commerce et de calcul d'un Americain des Etats-Unis, que de T insouciance pittoresque de I'lndien, qtu" preud quand il n'a pas, vend son lit quand il se leve, et, ii la DES VOLEURS. 1 55 veille cle la saison pliivieuse, doiiiie sa provision d'hiver pour uu verre A' esprit defeu. Thomas Ward prend sagemeiit ses iiie- sures, vole parce qu'il aime le plaisir, et que le plaisir s'acliete, combine les moyeiis de se soustraire aux reclierches, enfin ap- porte dans toiites ses actions le calcul et I'esprit d'ordre qui en auralent fait un commercant habile et accredite , eut-il eu un peu moins d'impatience a joiiir. Mais, a cehii qui n'a rien, il faiitj si long-tems pour aniasser quelque chose! Le prudent vo- leur, tout jeune encore, calcula qu'en restant honnete homme il avalt la perspective d'avoir de quoi goiiter la vie lorsque la vieillesse etl'epuisement, suites d'un travail opiniatre , Tauraient rendu incapable de jouissance. Il prit done une voie plus courte, s'erapara de la caisse de I'associe de son patron , du cheval de ce dernier, et commenra le cours d'evasions successives auxquelles ilMoit le surnom de Trenck ; il raconte ainsi la premiere. « Suivi par le constable et lui des suppots , je partis le cceur pesant. Nous voyagions k pied et avec lenteur : la unit vint ; il y avait encore huit a neuf milles a fairc. Le constable , assez ne- gligent, se laissait preceder , et j'avais quelquefois vingtou trente pas d'avance. Je resolus de.profiter de I'avantage. A un detour de la route , je m'elancai dans un fourre de buisson on je me tapis, etquand mcs sbires m'enrentdepasse sans me voir, je conpai un fort baton epineux, etje frayaimon cheniin a ma fanlaisie. vVpeu de distance, je rencontrai mi homme qui me regarda d'un air sonp- conneux , jelui demandai sur-le-champ, avec audace, s'il n'avait pas vu un drole se sauvant des mains des constables qui le condui- saient en prison? II repondit qu'il croyait que oui, rt que j'etais ce drole-la. « Fort bien , rcpris-je, si tu penses ainsi, arrete- nioi. » Mais, jetantlesyeux sur mon gourdin , il me laissa pour- suivre. A-rrive pres d'lnie taverne , je regardai h travers la croi- see, et j'apercus mon constable et son camarade qui soupaieut tranquillement ; leurs chevaux mangeaient sous un auvent voi- sin ; peu s'en fallut (^ue je n'en prisse un ; mais , voyant une l56 AUTOBIOGRAPUIE granite ii pen do distance, jo changoai d'avis, ot in'allaiil ctciidrc dans lo ioiii, jo dorniis paisiblcnieiit. » Des vols nouvoaux rcnniTiit Ward onlie U-s iniiins de la jiislioc, cl cliaryo do fors, il trouva encoio nioycn do s'ochappor : anssi so coniplaU-il dans lo souvenir de sou adrosse cl de sa presence d'esprit. « Le forgcron arriva , portant siir I'epaule uii gros paquet de lers de toute espcce. Le collier liit rive aiuonr de nion con, les entraves, liocspar une cliaiae , lurent fixees a nies chevilles, et iMie Ibis hisse sur le cheval, le collier et les fers de mes pieds furent joints par une cliaine , dont un cadeuas uuissait les deux bouts. Indopcndanuuent do cet atlirail , j'avais les menottes, el on me conduisait aiusi equipe vers la Georgie, a ti-avers une con- tree priucipalementhabitee par des Indiens. Nous nous arretames a deux journees du lieu de notre destination , dans une botelle- rio, la premiere que nous eussions rencontree. On ouvrit le ca- denas ; une partie de ma chaine fut touruee aiuour de mon cou, I'autre autourdema jambe, et, en cet etat, je m'assis , avec mes gardes, pour parlagor losoupcrdela Huuillc de I'bote. On avait desservi depuis long-tems, et nous restions autour de la table. La luiit otait noire et pluvieuse ; I'espoir de trouver moyeu de m'e- chapper s'emj.arait de mon ame. Je demandai a la servante un bassin d'eau pour me layer les pieds ; je pris soiu de scrrer et dattacber solidement la cbaine qui entourait ma jambe ; je priai cnsuite cette fille d'ouvrir la porte, afni que je pusse jeter Tean sale, ce que je fis ; et, voyant qu'ou ue pronait aucnn ombrago de uies mouvemens , je me jironionai en long et en large dans la chambre , saisis uiou cliapeau sans oiro rcmarqur ; puis tout li coup, urolanoant debors , je sautai la palissade qui i'ermait la cour, laissaiU lomber mon chapoau que jo ue pris pas lo toms de ramasser, et courauth toutes jambes , je m'eloignai de lamaison, on j'cntendais que tout ctait confusion , et dont les liunicres, al- lant et venant , projetaient des oml)res do mauvais augnre sur ma route. L'bolo avait uu gros cliion ; ils le lanooront apres moi. U DES VOLEliRS. iSj prit ma trace , et allait m'atteindre quand j'arrivai a une petite criqiie. Je me jetai dans Teau ; mais, an lieu de chercher a gagner la rive opposee , je marchai quelque terns, puis revins vers le Lord d'oiij'etais parti , et y lestai cache les jambes eiifoncees dans la vase , ccoutant les conjectures de ceux qui ine poursuivaieiit. » Persuades que j'avais traverse la crique, ils abandonnerent eiitin leur chasseet retounierent sur leurs pas. Je partis aussilot, etapres avoir couni pres de qualre milles, charge de fers comme jeVetais, fatigue, eperdu, je me couchai et dermis jusqu'au matin. Alors je reprisraa course, evitant lesmaisons, etesperant trouver dans les champs quelque esclave qui m'aiderait a me delivrer de mes enlraves ; mais je ne rencontrai personne.Vers midi, j'apercus une petite raaison isolee : me glissant du cote oil il u'yavait pas de fenetres, je decouvris qu'elle etait iuhabitee ; et, "a I'aide d'une cheville et del'esse d'une charrette que je decrochai, je parvins, non sans peine, a me debarmsser de mes fers, que j'enterrai au pied dun arbre, sous lequel je me couchai et doiinis jusqu au soir, n'o- sant voyager de jour. Je me levai au crepuscule , et marchai toute la nuit, me dirigeant au sud, vers la Caroline. A I'aube, j'avais fail trente milles. !Mon plus grand embarras etait le manque de chapeau. Arrive pres d'une riviere, j'apercus, a quelques toises au-dessusde moi, un pout qui la traversait : j'y courus, et restai appuye sur le parapet, jusqua ce que je visse un vovageur arri- vant de I'autre cote. Je lui dis avec beaucoup de calme et de gia- vite que le veut venait d'emporter mon chapeau dans lecouraut : je le priai de m'indiquer oil je pourrais reparer ma pcrte ; et il me conduisit tres-obligeamracnt dans un magasin. » Saas en appeler aux Me'moires evidemment controuves de Vidocq, que de vies de vagabonds, d'aventuriers, de voleurs, .- donneiU de nombreux , d'interessans details sur les joui.ssances poignantes de ces existences toutes d' emotions , on Thomme joue tout, sa vie meme, contre la societe, qui perd toujours a cette deshonoranle partie I le bourreau et les gendarmes tieuneut les 1 58 AUTOBIOGRAPHIF, cartes trim cote , quelques miseiaMes tie I'aulre ; et la propriete, qui fait les frais tlu jeii , degrade ses emissaires au-dessous iiieme de ses eunemis, parce quelle cherclie k retrancher el non a cor- riger. Nous ne connaissons plus ce sentiment matemel qui avail rajeuni Tliumanite aux premiers tems du christianisnie , quand cliaque clirelieu s'elancait au-devant de la brebis egaree , quand la parabole de I'enfant prodigue consolait le pecheur qui avail failli : aujourd'hui c'est un egoiste et etroit sentiment de defense personnelle qui , sous le nom d'ordre social , dicte les lois et erige des tribunaux , oii le juge est toujours partie , car il peut etre vole , assassine, par le miserable sans pain , qu'il condamne "a la fois aux fers eta I'immoralite. Nos ccoles sont etroites , nos prisons vastes , et le crime y est preche en toute liberie. Deux na- tions enneraies s'etablissent au sein de cliaque Etat : I'unea pour principe et pour fin Tordre, et rien que I'ordre , toute mediocrite y trouve aisement sa place ; I'autre, qui se recrute parfois de supe- riorites sans frein, d'bommesde passions et de facultt^s puissantes, a pour etendard la liberie. Ces homnies cherchent en dehors d'une societe , qui rejette les forces qu'elle ne sait pas utiliser, une vie aventureuse, et I'emploi d'une aclivite qui devrait et pourrait etre misc en ccuvre pour le bien general ; aussi , quand ces coramolions violentesqui ebranlent le monde, quand les re- volutions desorganisent toutes nos institutions, si etroitement , si proprement tissees , si soigneusement etiquetees , cette four- miliere de bannis reparait : ils redcmandent place dans la maison de leur pere conmie I'enfant prodigue; et , tie nouveau repous- ses , ils agitenl leur banniere, et la terre , non encore raffermie, tremble long-tems sous leurs pas. Je Tavouc , je ne puis m'en prendre entierement a eux de deur malheur , ni du trouble oii ils jetlent la partie saine de la socitke ; je m'en prends a elle, j'accuse la mere des vices des enfans ; toute son attention, toute sa puissance, se concentrent sur lecbatiment, qui ne delourne du crime que les araes laches. Ce n'est pas la DES VOLEURS. l5f) peur, c'est la conviction qui ramene, et nos moyens pour laiuc- uer nos freres egares sont effroyables. Un ouvrage curieux vient de paraitre a Londres; il jette une Inmiere qui fait peur sur toutes ]es ecoles de corruption, depuis les repaires, les asiles on Ton enseigue le crime, en quelque sorte a la facon de Lancastre , jusqu'aux prisons ou reuseigiieiuent se continue et a I'echafaud qui echoit , conuue un lot funeste, a ceux qui out eu niauvaise chance. Wakefield, condamne a trois ansde prison a Newgate, employa ce teins a observer ses com- pagnons de captivite, a penetrer dans leur hisloire, a voir I'irn- pression que leur faisaient le proces , les craintes, la prison, 1 echafaud ; il raconte comment les scelerats enrolent des com- paguons, comment des marchandes de galeaux affidees cnm- mencent la seduction de jeunes en fans en leur vendant a credit ; comment des maisons de prostitution, college de second degre dans cette education de vices, s'ouvrent a de jeunes garcons, a de jeunes (illes de dix a douze ans, qui suivent leur cours de degradation etdemisere : dans tout cela le gouvcrnement n'in- tervient pas , la societe laisse faire ; et quand les coupables sont mars pour les cachots, les prisons s'ouvrent: qu'inq^orle quo I'oeuvre de corruption s'y perfcetionne? N'y a-t-il pas des eclia- fauds? II faut entendre Wakefield raconter I'une des dernieres scenes de ce drame a grand spectacle, qui sc continue tons les jours au milieu de nos socieles civilisees. « Dans Newgate est une chapelle assez vaste pour contenir tons les habitans de ce triste lieu. Un eccldsiastique de I'eglise anglicane la dessert. Sa chaire est flanquee de deux galeries ou se tiennent les sheriffs et les gardes; et, vis-h-vis, au centre, exposd aux yeux de tons, s'eleve le large banc teint en noir, le banc des condamnes a mort. » Chaque jour, au service du matin, la congregation enliereprie pour les condannies ; niais le dinianche qui precede I'execution , d y a une ceremonie solennelle appelee Y of/ice des condamnes. Apresle sermon , on chante deshymnesde circonstance, telles que 1 6o A UTOBKJGRAPH IE . « les lamentations tl'iui peclieur, » et on reciic tine partic du service des morts Les sheritTs , en grand costmnc, avec leurs clialnes d'or, sont li leurs places , les sons-sheriffs derriere eiix ; des etrangers, attires par la cnriosite, sont admis dans leur banc, on deux grands laquais etaient les riches livrees de I'Etat. » Le chapelain est dans sa chaire ; son surplis est d'une blan- cheur inaccoutuiuee et fraichement plisse. Ceux qui voient ce pretre tons les jours peuvent remarquer plus de solennite et d'iraportance dans I'expression de ses traits et dans ses nianieres ; son clerc est affaire , cherchant et niarquant les psaumes dans le livre ; la tragedie commence. Les prisonniers entrent en ordre ; d'abord les enfans qui n'ont pas I'age, que la loi atteint; puis les prisonniers dont le proces n'est pas commence, puis ceux qui sont condamnes k la deportation , les femmes , et enfin les condamnes a mort. » lis sont quatre : le premier ne parait pas avoir plus de dix- huit ans. II doit mourir ; il a fait lui vol domestique de la valeur de plus de cinq louis. Ses traits n'ont rien de repoussant; ils sont beaux ; sa physionomie est agr^able et intelligente : la ruse, la peur, la debauche, n'y ont pas encore mis Icurs honteuses em- preintes. II marclie hardiment, la tete droite , leve les yeux sur la galerie des femmes etsourit. II veut passer pour brave de- m vaiit ceux qui I'ont pousse vers cette fin deplorable, mais ses * efforts sont impuissans : la peur est plus forte que la vanite, sa tete tombe tout a coup sur sa poitrine, il s'assied et ses genoux tremblent et se choquentTun I'autre. Le second est un ci'iminel endurci : ses coupables actions sontecrites sur sa figure; il a deja ete condamne a mort , la peine a ete commuee en la deportation pour la vie; par son retour en Angleterre il s'exposait de nou- veau a I'echafaud, et un vol avec effraction le ramene , pour la ' derniere fois, sur ce banc ; ses regards se portent sur les sheriffs et sur le pretre avec niepris et bravade. Le troisieme est un voleur de moutons; pauvre et ignorante creature! il y avail des circonstances attenuanies dans son crime , pourtant il sera pen- DES VOLEURS. l6l du, le hruit qii'il yavait recidiveayant atteiiit I'oreille dii secre- taire d'etat, et beaucoup de moutons ayant ete voles depuis peui II est content de mourir; grace au chapelain sa sitnation luiparait digne d'envie, et il voit les portes du ciel s'ouvrir pour le rece- voir. Maintenant regardez le quatrieme, ce miserable vieillard dont les vetemens noirs sont en guenilles; il est deja a moitie mort! c'est iin pretre de I'eglise reformee ( le reverend Peter Fenn) : il est convaincu de faux. Les efforts que ses amis et meme des etrangers ont fliits pour le sauver out nourri scs esperances jiisqu'au moment oii la sentence a ete prononcee. II est au desespoir, il se dirige en chancelant vers le banc fatal, vacille, bronche , se |)rosterne , et caclie sa tete dans la poussiere; les sheriffs frissonnent; les curieux s'avancent; les geoliers froncent les sourcils, en promenant leurs regards sur I'assemblee emue, le pretre frappe des mains, et le vieux clerc crie d'une voix felee : « Cbantons leslonanges et la gloire de Dieu. » » Peuple de Londres, y a-t-il une scene, dans aucune de vos tragedies, anssi frappante que ccllequi, Liiit fois I'an se joue au milieu de vos maisons paisibles ? On chante I'hyuuie du matin : demam a huit heures, ces qiiatre hommes mourront ! on passe au service des morts : le jeune homme, le seul parmi ceux auxqiiels I'office est destine qui soit eu etat de le lire , cberche en vain dans son livre de priere : le chapelain s'en apercoit, lance un coup d'ceil aux sheriffs, et dit ahaute voix : « Le service des morts ! » Les mains du malheureux tremblent , en laissant presque echapper le livre qu'il tient sens dessus dessous ; le larron endurci lache avec colere un juron, le voleur de moutons leve ses mains et son regard serein vers la voule de la cbapelle ; le faiis- saire n'a pas remue. Passons : les chants sont finis, le service est terniine, le sermon commence. » Le texte seul est de natnrc a remuer tout cet nuditoire. Le sacrifice tjue Dieu demnnde est an cceur hrise) Seigneur tn ne re- jetteras f,u>; U, coe.ur contrit et humili^-.' ic chapelain, d'abord, s'adresse a tons et tons ecoutent ; excepte I'ecclesiastlque, toujours TOMK I.ll. OCTOnRE 1851. jf 1 6 2 A nroBioGR aphi e roplie sur lui-inemc, €t le deporte, qui promeneautour de liii tics regards effrontes, et cligne impudeminent de I'oeil a quelques prjsonnieis de connaissance. Enfiu le prelre s'arrelc, baisse la voix et s'adresse aiix qiiatre heros dii jour d'uu accent grave et solennel; il parle pendant dix minutes de crimes , de fers , de chalimens , de lionte, d'infamie, de misere, d'angoisses, de de- cliircniens de coeur , de parens sans enfans , d'enfans sans peres , de veuves, d'orphelins, de cceurs contrits et brises, et deces quatre hommes pendus demain pour le salut de la societe ! ))Le jenne voleur se cramponne an dossier du banc,ses jambes defaillent, il pousse un faible cri , et tombe sur le plancher : pourquoi pei'sonne ne vienl-il le relever? A qnoi bon ? Fhomme endurci ne bouge pas, ne parle pas , mais sa face est d'une pa- leur de cendre . et quelques gouttes de sang coulent sur sa levre mordue. Son corapagnon, le patre, senible devenu fou; il leve les mains, murmure des paroles incoherentes et mystiques, ses yeux nagent dans ime joie iniljecille ! Quant au miserable vieillard quigh, roule par terre connne un cbien endormi, il s'agite tout a coup convulsivement ; ses pieds , ses jambes , ses mains, meme les vertebres de son dos se meuvent, comme par une secousse galvanique ; il laisse echapper un cri aigu , et se lait. Le silence est court : le chapelain reprend, et terniine par le souhait ordinaire ». On fx'issonne , quand on songe que c'est la de I'histoire, bien autrement digne de nos meditations que celle des peuples qui nous out precedes, etcependant nous endetournons les yeux avec horrenr. Que d'osprit , d'intelligence, de courage il a fallu quel- quefois a tel homme pour venir finir sa "vie au bagne ! combien entre les criminels eussent volontiers travaille avec et pour la societe si elle les avait accueillis de bonne heure et s'etait lait comprendre"d'eux ! que d'adresse , de souplesse , de connaissance du coeur humain deploient ceux qui se complaisent a raconter leur propre bistoire ! Yaux , pnr exemple, le gpvtlenuin d'iu- dusirie par excellence de Loudrcs , met en usage plus de com- DES VOLEUHS- 1 63 binaisons, plus d'elegance et de grace de manieies, plus de finesse d' esprit pour voler qiielques bijoux , qu'il u'en faut a nos diplo- niates pour perdre des royaumes : en lisant la narration de ses exploits de filou, on serait tente de partager celte admiration de sa propre habilete qui perce "a travers ses recils. Voici comme il conte sa visite a un des premiers joailliers de Londres. « Sur les cinq heures du soir, j'eiitrai dans sa boutique. J'etais habille avec beaucoup d'elegance ; ma montre etait belle , mes breloques , monlorgnon, etc., en or: j'avais poste mon vieil ami et aide de camp, Bromley, a la porle , pret a agir coranie les circonstancesl'exigeraient, et surtoiit avec mission d'observer les motiveraensdeM. Bilger (le ma rchand)etdesonmonde,au moment oiije quitteraisle champ de balaille. Quand je parusla dame Bilger sortit d'une arriere-boutique et s'enquit poliment de ce qui m'a- menait Jerepondis queje desirais voir M. Bilger. Elle sonna, et soamarientra. II salua ties-bas en me presentant un siege : a ma graude satisfaction nous etions seuls, la dame s'etant retiree; je me donnai les airs d'un habitue de Bond-Street , etj'appris au mai- chand qu'il m'avaitete recommande par un gentilhomme de raes amis qui savait que j'avais besoin d'une bague de prix : je deman- daidonc a voir Tuiassortiment. M. Bilger temoigna ses regrets de n'avoir rien sous la main qui put me convenir completement, ajou- tant que, si je lui faisais I'honneur de revenir dans luie heure au plus, il sefaisait fort de me montrer une collection desuiieux choi- sies, qu'il allait envoyer[)rendre chez son premier ouvrier. Jeparus contrarie, je tirai ma montre, et reflechis un moment. Je dis enfiji: « Soit, monsieur Bilger... J'ai rendez-vous au cafe Cannon, et si vousetes certain que les bijoux soientprets , je pourrai passer ici, un pen apres six heures. » II promit d'etre exact, me remer- ciant humblement de ma condescendance , et jesortis, me ba- lancant comme un dancfy^ et monhomme me recondnisant avec force complimens et politesses jusque dans la rue. Au premier de- tour , Bromley mc frappn sur I'epaule, et me demanda ce que je pretendais faire , car il avait suivi mes mouvemens a travers les H. lG4 AUTOBIOGRAPIIIK vilR'S, ft vu que Je n'avais pas execute mesgraiiJspioJets. Je lui lacontai ma conversation avec le joaillier , el nous allames boire iin verre de negus et furaer une pipe dans le cafe le plus voisin , en attendant riieure qne j'avais moi-meme tixee. A six heures et deniie , laissant Bromley comme la premiere fois , en faction a la porte , jo repaius sur la scene. M. Bilger me recut avec mi redou- blement de respect et d'egards , et me presentant un petit ecrin , m'exprima son regret de ce que Touviier n'avait pu envoyer que trois bagues, assurant que, si elles n etaient pas demon gout, il se trouverait fort bonore de prendre mes ordres pour en faire une nouvelle qu il se flattait d'cxecuter a mon enliere satisfliction. J'examinal gravoment et minutieusement les bijoux qu il me montrait : I'un ciait marque seize guinees, I'autre neuf , le troi- siemc six : tons trois etaient tres beaux. Je les trouvai beaucoup irop simples et trop raesquins : c'etait un present pour une dame, et je ne pouvais offrir semblable bagatelle •, il me fallait une bague qui valut, a elle seule , plus que les trois ensemble, quel- ques guinees de plus etaient pour moi chose de pen d'iraportance. Le fils de M. Bilger, qui etait aussi son associe, nous joignit alors, et son pere le pria de faire le dessin de quelques bagues de fautai- sie d'apresles indications que je lui donnerais. Les trois anneaux que j'avais vus furent alors repousses au coin du comptoir pres de la fenetre, et je fis au jeune homme la description detaillee de ce qu'il me fallait. Cetait vm groupe de petit brillans qui devaient en entourer un gros ; je desirais surtout que rien ne fut epargne pour en faire un bijou tres-elegant, digne d'etre presentea une dame de distinction. M. Bilger fils, ayant dossine plusieurs bagues sur unecarte,je les examinai long-temps, indecis dans mon clioix, el demaudai a voir quelques diamans qui ne fussent pas monies , pour prendre une idee plus exacte de la grosseur des pierres , de I'effet, eic. M. Bilger n'en avait pas sous )a main, ce futheureux pour lui : nepouvant done arreter mes idees sur la bague dcman- dee , je desirai voir quelques (^pinglee a lu mn.lp , en pierreries ; Ic marchaiid me presenta un ecrin oil il y avait beaucoup de bi- DES VOLEIJES. l65 joiix tie ce genre en perles, mais rien en diamans. J'exaniinai denx oil trois epingles, ct, luie des plus belles , marquee trois guinees, tomha immediatement dans ma manclie ; j'escamotai ensuite une belle agrafe en pierreries qui avaient I'apparence etl'eclat du diamant, montee en or, mais seulenient du prix de quatre gui- nees. J'aurais probablement prolonge cette visite lucrative, mais une dame etant entree dans la boutique, et le jeune M. Bilger I'ayant conduite "a I'autre bout de la chambre pour lui faire voir des boucles d'oreilles , je sentis que c'etait le moment de frapper le coup decisif. L'ecrin envoye par I'ouvrier se trouvait trespres de la moiitre que je regardais, ainsi que plusieurs petits objets places autour irregulierement; le lieu etait pen eclaire, et I'atten- tion du marcband se partageait entre moi et la dame , h laquelle il s'adressait frequemment : j'enlevai soudain les trois bagues, et les envoyai rejoindre I'agrafe et I'epingle, mais de telle facon que je pouvais les replacer sur le comptoir sans etre apercu, siTon s'avi- saitdeleschercber; ensuitejeregardaikmaniontre, annoncantque j'allais h I'Opera, et dis a M. Bilger que je ne voulais pas abuser plus long-tems de ses moraens, que tout cela etait trop commun, avait trop I'air clinquant pour me convenir , mais que je prenais les dessins dans mon portefeuille, et que si je ne trouvais pas de baguea ma convenance avant lundi on mardi suivant, jerevien- drais lui donner mesordres. Je tirai alors mes gants, presse de gagner le large pendant que nous etions sur d'aussi bons termes; mais M. Bilger, encLante de la perspective d'obtenir ma pratique, me pressa tellement de lui perrnettre de me faire voir son brillant assortiment de montres enricbies de pierreries , que je n'eiis pas le courage de lui refuser ce plaisir , bien qu'il me fit courir de grands risques. Je repondis done : « En verite, monsieur Bilger, je serais confus de vous donner une peine inutile, j'ai, comme vous voyez, ime tres-bonne montre qui va fort bien, quolqu'elle ne coute qu'une bagatelle, vingt guinecs je crois , mais elle m'est aussi utile qu'une plus cbere. Cependant, comme il est probable qu'avant ppu il m'en faudra iine plus elegante pour une jeune )66 AUTOBIOGRAPHFE dame, et que vous le voulez absolument , jc jetterai un coup d'oeil sur vos montres. » Le luaichand repliqua que c'etaient tout a fait dcs bijoux de mode tels que les portaient les dames dc la plus haute distinction, et qu'il detiait Londies tout entier de reunir une collection plus belle etplusriche. II me presenta alors, en dotachant I'ecrin de la cioisee, un assortiment d'une tren- taine de montres des plus belies, ornees de perles, de diamans, de pierres precieuses , emaillees, ciselees de la facon la plus deli- cate •, elles valaient depuis trente jusqu'a cent guinees, etle vieux commercant , se frottant les mains avec ravissement, s'ecriait : « Avez-vous jamais vu, monsieur , un plus bel assortiment! faites-moi la faveur d'en parier "a vos connaissances, elles vont toutes bien, monsieur, elles vont toutes ensemble! « Je souris interieurement a la derniere partie de ce discours , pensant que de tout mon coeur je soubaiterais qu' elles allassent ensemble re- joindre les bagues de diamaus. Je repondis qu' elles etaientfort belles, mais que je remettrais a ma prochaine visite un examen plus minutieux, que pour le moment j'etais presse. Ces montres etaient rangees regulierement sur cinq lignes paralleles, et enlre elles on avail place des cachets en or ou autres breloques , il n'e- tait done pas aise d'enlever un article sans que sa disparition sautat aux yeux : je parvins cependant, sous pretexte de les ad- mirer de plus pres , h deplacer quelques-unes de ces bagatelles et hasardai de m'emparer d'un riche cachet en or , marque six gui- nees. Declarant alors que j'etais attendu au spectacle , et ne pou- vais m'arreter davantage, mais que je reviendraistres-incessam- ment, jeposai quelqu'argent surlecomptoir, pour reconnaitre la peine que j'avais donnee, et jepris conge. M. Bilger m'exprima sa recoimaissance dans les termes les plus respectueux , me suivit jusque dans la rue, en me saluant profondement selon la mode de France dont il etait originaire. Partant alors de mon meilleur pied, je gagnai une rue i-eculee et deserte, ou m'etant retourne, je trouvai Bromley sur mes talons. II me prit les mains, me fcli- citant demes succes, etmecomplimeniant sur radiessecjuej'avais DES VOLEURS. 167 Jeployee, car ii avail tout vu , et me raconla que M. Bilger, sans songer k Vanangement ties bijoux encore epars, avait joint son fils ets'occupaitavec Ini dela dame restre dans lemagasin.D C'est aufond d'nne prison penitencialre que Vaux a trace cette narration et nombre d'autres, ecrites avec autant de gaiete et d'in- souciance. Assurement une prison perpetuelle , une prison soli- taire, telle qu'on i'a imaginee auxEtats-Unis comme im adoucis- sement aux penalites adoptees , est un supplice pire que la mort ; et on recule a I'idee d'y condamner un horame coupable d'escro- queries, qui sont devenues pour lui un metier, une profession plus amusanteque les autres, et qu'il exerce avec aussi peu de remords. Cependant, 6n sortant de I'ecole mutuelle des prisons, il est probable que Vaux, on tout autre, rapporteront dans le monde plus d'habilete encore, et plus de gout pour leur etat de voleur et d'escroc. Tl faut trouver les moyens de changer le point de vue du criminel ; il faut decouvrir pour ses facnltesun emploi utile, lui donner enfin de nouvelles idees. II n'y aura paix et amelioration reelle que lorsque les deux principes d'ordre et de liberie se seront reellement fondns ensem- ble; que lorsque I'industrie, I'agriculture, liberalement comprises et encouragees, la navigation, le commerce delivres detouteen- trave, les arts, les sciences, les lettres bautcmeut honores , en- seignes avec prodigalite , ouvrirout des voies larges et sans limites aux imaginations vagabondes ; quand il y aura pature pour toutes les intelligences et ecbange entre elles ; quand, an lieu de se re- pousser on partagera. L'boramepaisible ou metbodique y gagnera un peu de poesie pour eclaircir le coin obscur de soti comptoir, un peu d'imagination pour animer ses operations monotones ; le vagabond s'enrichira d'une pensee d'ordre, il apprendra "a dinger ses facultes vers vm but utile, et h I'heure ou les pensees de repos arrivent h Thomme, il aura un toit pour abriter sa vieillesse. Ad. DE M. POESIE. Les Feuilles d'Automjne , par M. J icior Hugo (1). Marie , roman (2) Un nouveau volume tie poesies deM. Victor Hugo ■vient de paraitre; nous nous contenterons aujourd'liui d'en faire I'an- nonce au public, reraettant a une autre livraison la lache de lui faire connaitre noire sentiment et notre appreciation. Un livre de poesie n'est pas un roman qu'on connait et quon sail pour I'avolr lu , feuillete ; ce n'est pas un reseau d'histoires a expliquer et a suivre , une serie de caracteres a critiquer ou definir , c'est un monde \ contempler, luie ame de poete a sentir. La poesie n'a- t-elle pas comrae la niusique ses harmonies et ses mysteres ? Est- il ini homrae qui , entendant pour la premiere ibis Don Juan ou Otello , se soit tout d'abord senti entraine dans ces oceans de symplionie, et en soit revenu , explorateur triomphant , rap- portant avec iui la mesure de leurs liraites et de leurs profon- deurs? Ce n'est que peuapeu, et par le cliarme de ces debris de concert qui poursuivent le souvenir comme un regard de femme , que Ton parvient "a s' imbiber de Tame melodieuse de I'artiste; ce n'est qu'alors qu'on pent pretendre a se jeter a sa suite, ce n'est qu'alors que le caur I'accompagne et s'egare en tourbil- lonnant avec lui dans ces abimes intinis de la pensee. (1) Paris , 1852(1831) ; Euf^. Rciiducl. In-S" dc416; prix , 8 fr. (2) Paris, 1831 : Aug. Auffray, passage du Cairc, n" 51 . I11-I8 ; prix, 5 fr. POESIE. 169 II serable qu'iin recueil poetique soil comme a ces chateaux que les anciens romauciers se plaisaient si souvent a decriie dans leurs contes. Le voyageiiv qui y penetre ne voit d'abord que ce qui se montre au-dehors ; il se proraene, admirant les cours et les tourelles, les etroits escaliers et les grands corridors , mesu- rant les salles d'armes , parcourant les galeries antiques et les por- traits suspendus aux lambris. Mais, s'il s'arrete et s'il sejouriie, de mysterieux retentissemens et d'etranges vibrations viendront frapper sou oreille , et I'avertirout qu'il est des choses que son regard errant n'a pu saisir ; alors , raeditant dans le secret de son ame, il reviendra sur ses pas, et quelque tableau neglige, s'eu- tr'ouvrant sous sa main inquiete, lui devoilera tout a coup des peristyles inondes de lumieres, des perspectives infinies de sta- tues et decolonnes, des jardins etincelansde cascades etd'albatres, tout uu monde de palais et de fleurs ; ou bien encore de sombres souterraius peuples de tombeaux, retentissant de soupirs et de pleurs, horribles h sonder, entasses comme des abinies echelonnes I'un sur Tautre. Ces richesses et ces merveilles, le genie de I'ar- tiste les derobe aiix regards du vulgaire , qui suit sans songer la route ouverte , et se conteute du pave que chacun pent mesurer de son pas ; mais il en a reserve la jouissance a ceux qui, par- courant I'edifice , ecoutent soigneusement les sons et les echos qu'eveille autour d'eux le bruit de leur marche, meditent aux tableaux et aux ciselures, interrogeut les froides murailles et leur commandent de s'ouvrir devant eux. Ces chants d'automne seront d'autant plus precieux pour le public, que jamais jusqu'ici le poete ne s'etait presente avec un abord si facile et si simple , je dirai presque une maniere si ami- cale et si intime. Ce n'est plus ce vol capricieux et emporte, impatient de voyages et sans cesse ambitieux d'images nouvellesj tantot a'jcompagnant dans sa course la nuee vengeresse de Go- morrhe, tantot s'abattant an desert parmi les tentes de I'Arabe, se relevant d'un bond pour domiuer I'aurore du haut d'un mma- ret oriental , epiaut les fiUes de la Grece parmi les bruyeres et les J 70 POESTE. temples mines, effleiiraut les vohiplueuses demeures des sul- tans, plaiiant sur les Espagnes, saluant Sainte-Helene ; ce n'est plus cette surface ornee de la tene, cette paruie que le so- leil rend brillante, ce n'est plus cette nature eiterieure que le poete a choisie pour la chanter et y repandre sa vie; il est de- meure en lui , et c'est dans ce monde de I'ame , ce monde infini on le ciel est sans voutes , qu'il se promene grave et solitaire , contemplant ces pensees eternelles qui circulent et gravitent parnii les tenebres comnie de grands astres. L'ange oriental, I'ange qui se uourrissait de chaleur et de lu- miere, a ploj'^e ses ailes de flamme ; la muse du coeur, la muse du foyer domestique est venue la remplacer pres du voyageur lasse ; souvenirs de jeunesse et d'enfance, joies et douleurs de famille, tristes pensees des morts, douces pensees des amis, lettres d'amour, reveries du soir, pour la muse fidele, tout s'epanche, tout s'echappe, tout se module. Feuilles d'automne qui tantot tremblent au vent, colorees et brillantes comme des fleurs de printems, et qui, tantot tristes et fletries, s'a- battent en tournoyant sur la terre des tombeaux. Feuilles d'au- tomne , il est vrai ! mais parmi elles bien des feuilles de prin- tems v^erdissent encore et s'etalcnt au soleil ; tableaux d'enfance exquis et purs, rondes bruyantes dujour, prieresdu soir, songes ailes de la nuit, vie sans regret et sans rides, enfans joyeux et beaux, avec les poses naiives et simples de Cliarlet, la carnation suave et pompeuse de Lawrence, Tame rapide et la vie elLeree du poete. Nous avons balance et chancele long-tems avant de nous de- cider a un choix; eufin , le hasard nous aidant un pen, nous nous sommes fixes aux deux pieces suivarites. L^uue est comme un grand resume poelique de la philosophic du dix-huitieme siecle et de Rousseau en particulier; I'autre est comme un de ces enfans de TAlbanc, endormis au berceau ou sur les geuoux de la Vierge. J. K. POESIE. Beau, frais , soun'ant d'aisc a celte vie i — Sainte-Beuve. — 71 T)aiis Talcove sombre, Prcs d'lui humble autel, L'enfant dorl a I'ombre Du lit malenicl. Tandis iju'il repose , Sa paupiere rose , Pour la terrc close, S'ouvre pour Ic ciel. II fait bien des reves. II voit par momens Le sable des greves Plein de diamans , Des soleils de flammes, Et de belles dames Qui portent des amcs Dans Icurs bras charmans. Songe qui I'enchante! II voii des ruisseaux. Une voix qui chante Sort du fond des eaux. Ses socurs sont plus belles. Son pere est pr6s d'elles. Sa mere a des ailes Cornme lesoiseaux. II voit mille cboses Plus belles encor; Des lis et des roses Plein le corridor ; Des lacs de delice Ou Ic poisson glisse , Oil TonJe se plisse A des roseaux d'or ! Enfant , reve encore I Dors , 6 nies amours ! Tajeunc ame ignore Oil s'en vont tes jours. ITi POESIE. Comme unc algue mono , Tu vas , que t'iinporle I Le courant t'emporte , Mais tu dors toujours ! Sans soin , sans litude , Tu dors en chemin , Et Tinquielude A la fioide main , De son onnle arido, Sur Ion front candidc Qui n'a point dc ride , N'ecrit pas : demain ! II dort, innocence' Les anges sereins Qui savent d'avance Le sort des humains , Le voyant sans arraes , Sans peur, sans alarmes , Baiscnt avec larmes Ses peliles mains. Leurs levres effleurent Ses levres de miel. L'enfant voit qu'ils pleurent Et dit : Gabriel ! Mais ran{;e le louche , El berf ant sa couche , Un doigt sur sa bouche , Leve 1 autre au cicl ! Cependant sa mfere , Promptea Icbcrcer, Croit qu une cbimerc Lc vient oppresser ; Flere, elle Tadmire , L'enlend qui soupire , Et le fait sourire Avec un baiser. POESIE. <.E QU ON EtVTEND SUR LA MONTAGNE. Avez-vous quelquefois , calme et silencieux , Monlesur la montagne, en presence des cieux? Etait-ce au bord du Sund ? aux cotes de Bretagne? Avicz-vovisl'Ocean aux pieds de la montagne? Et la, punchd surl'onde et sur I'immensit^ , Calme et silencieux avez-vous ecout^ ? Voici ce qu'on entend ; — Du moins un jour qu'en reve Ma pensee abattit son vol sur une greve , Et, du sommet d'un mont plongeant au gouffre amcr, Vit d\m cote la lei re ct de I'autre la mer, J'ecoutai , j'entendis , et jamais voix pareille Ne sortit d'une Louche et n'emut une oreille. Ce futd'abord un bruit large, immense, confus, . Plus vague que le vent dans les arbres touffus , Plein d'accords eclatans, de suaves murmures , Doux comme un chant du soir , fort commc nn choc d'armures Quandia sourde mel^e elreint les escadrons, Et souffle, furieuse, aux bouches des clairons. C'elait une musique Ineffable et profonde. Qui, fluide, osciliait sans cesse autour du mondc , Et, dans les vastes cieux , par ses Hots rajeunis , Roulait elargissant ses orbes infinis Jusqu'au fond oil son flux s^allait pcrdre dans Pombrc Avec le terns , I'espace et la forme et le nonibrc ! Comme un autre atmosphere epars et d^borde , L'hymne <5ternel couvrait lout le globe inonde. Le monde enveloppe dans cette symphonie, Commc il vogue dans I'air, voguait dans rharnionie. Et pensif , j'ecoulais ces harpes de I'dther, Perdu dans cede voix comme dans une mer. Bientot je distinguai, confuses et voildes. Deux voix dans cette voix Tune a Tautre melees , De la terre et des mers s'epanchant jusqu'au oirl , Qui chantaient a la fois le chant universel; Et jo les distinguai dans la rumeur profonde Comme (in voit deux courans qui sc croiseni >:ous Tondc. 174 POESIE. L'unc vcnait dcs incrs , chanl de j;loiro ! hymnc hciiiciiv ! C'^iaii hi voix des (lots qui se parlaient entre en\ ; L'autrc , qui s'elcvait dc la Icrrc oil nous soinmos , Eikit trislc ; c'elaitlc niurmurc dcs liomnies ; Et dans ce gi-and concert , ijui clianlait jour etnuit, Cliaquc ondc avait sa voix ct cliaquc liommc son bruit. Or, coramc jc Tai dit, Tocean niap,nirique Epandait unc voix joycfuse ct pacifique , Clianlait comme la harpe aux temples de Sion , El louail la beaute de la creation ; Sa slanieur, qirenipcrlaieiit la brisccl la rafale , Incessamnient vers Dieu montait plus irioinpiiale ; El cliacuii descs (lots , que Dieu scul pent domptcr, Quant Tautre avail Cni, se Icvail pour chanter. Cominc cc j',rand lion dont Daniel fut Tliole, Uoccan par moment rabaissait sa voix haute ; Et moi jc croyais voir, vers le eouchant en feu , Sous sa criniere d'or passer la main de Dieu. Cependant, a cote de Fau^justc fanfare, L'autre voix , comme un cri de coursier qui s'cfinre , Commc le p,ondrouil!c d\inc pone d'cnfer , Comme rarchct d'airain sur la Ijrc de fer , Griiifait; et pleurs , etcris, Tlnjiire, ranathcme, Refiis du viatique ct refus du baptcme , El malediction et blaspheme , ct clameur , Dansle flot tournoyant de Thumaine rumeur , Passaicnt , comme le soir on voit dans les vallecs De noirs oiscaux dc ntiit qui s'en vont par voltes. Qu'ctait-re que ce bruit dont millc dchos vibraicnt ? Helas ! c'etail la tene el Thomnie qui plcuraicnt. Freres , de ces deux voix ctrangfcrcs , inouies , Sans cessc renaissant , sans cesse <5vanouies. Qu'ecoute FEternel duranl reternilc , L'une disail : Nature ! et Taulre : llumanilcl Alors je meditai ; car mon esprit lidele , Hclas , n' avait jamais deploye plus graudc aile ; Dans mon ombre jamais n'avaitlui lant de jour ; Et jc revai loug-tems, cnntcmplant tour a tourj POESIE . Aprcs raljime obsciir que mc cachail la lamp, L'aiilre abinie sans I'ond qui s'ouvrait dans mon amc. Et je mc demaiidai pourquoi Ton est ici , Que! pcul eU'c apres tout le but dc tout ceci , Que I'ait lame , lequel vaut mieux d'etre ou dc vivre , El pourquoi Ic Scifjneur , qui seullit a son livre , IVIele elerncllcment dans un falal hymen Le cliantde la nature au cri du genre humain. ,75 Apres celte haute poesie de M. Victor Hugo, si pompeuse tout- a tour et si paree tie graces fraiclies et iiaiVes, il y a sans doute de la temerile a vouloir attirer les regards sur le modeste volume que vient de publier un de ses jeunes emules. L'auteur de Marie aurait peut-etre le droit de se plaindre d'un rappro- chement aussi dangereux, s'il n'etait point vrai que I'esprit, in- capable de souteuir long-tems les efforts qu'il lui faut pour s'e- lever a la contemplation de ces grandes pensees et de ces images gigantesques , aime quelqnefois h reposer sa vue sur des pavsages plus retrecis , sur un monde empreint d'un coloris moins eclatant, mais plus facile a fixer et h saisir. Marie n'est autre chose qu'un recueil d'idylles : non de ces pastorales dont Myrtil et Chloe ont eteles acteurs, ou de ces niaises turlupinades qui pretaienta Per- rette comme k Lubin le langage et les sentimens recherches de la cour ; la mode en est des long-tems passee ; mais une galerie de petits tableaux repuesentant avec simplicite des scenes rtjelles empriuitees a la vie champetre et domestique. C'est un doux re- flet des souvenirs de I'enfance ; comme elle , faible et souvent lan- guissante , quelquefois tendre et gracieuse , la poesie , sous I'inspiratiou timide de l'auteur, semble craindre de s'elever; et si les agrestes vallous de la Bretagne , patrie du poete , lui four- nissent ca et la quelques pittoresques details , quelques traits piquaus de moeurs , de sites et dc costumes, Tensemble manque ^^(3 POESIE. en general de force et d'originalite. Du reste on en pourra juger par les tleux morceaux suivans , qui donnent une idee assez exacte d'un recueil auquel on pent reprocher trop de monotonie dans le choix et le ton des siijets. Cliaque jour , vers midi , par un ciel chaud et lourd , Lec.erc , ellc arrivait a I'^glisc du bomg : C'etait au mois dc juin , lorstiu'au bord d'line haie , Sous scs pas on (Sveille un lezard qui s'effraie; Quand les grains dcs dpis commenccnt a durcir . Lcs herbcs a secher , les mures a noircir ; D'autres cnfans aussi vcnaient de leur village, Tous , pieds nus, en chemin ccartant le feuillage , Pour V trouver des nids , et tous a leux- chapeau Porlant ces nenuphars qui fleurisscnt sur Teau. Alors le vieux cure , par un long exercice, Nous pr^parait d'avance au divin sacrifice , Et nous interroijeait , et patient ct bon , Entonnait avec nous un cantique breton. Que cclui dont Icnfancc, cnnuyee et sterile, A lanc.ui tristemcnt au milieu d'une villc , Dans une cour obscure ; une cliambre , oil scs yeux A peine enlrevoyaient la verdure ct les cicux , Se raille du passe , le dedaigne et Toffcnse ; Hdlas ! le nialheureux n'ajamais eu d'enfancc ; II n'a pas grandi , libre ct joyeux, en plcin air , Au nuirmure des pins, siir le bord de la nier ; L'odeuv de la foret , et peneti-ante et vivc , IN'a point trcmpc ses sens , ct quelque amour naive . Demeui'ce en son coeur a travers I'avenir, ,'amais, vieux et chagrin , nc peut le rajcunir. Oh ! quand venait Marie , ou lorsquc le diinanche , A vcprcs , je voyais briller sa robe blancliC , Et qu'au banc de Teglise ellc arrivait enfin , Se cachant a demi sous sa coil'fe de lin , Volontiers j'aurais cru voir la Vierge immortelle , Ains! qu"'ellc appelec , et douce aussi comme clle ! Savais-je, en ce tems-la , poinquoi mon coeur Tainiail . POESIE. l^y Ou sa taille elancce , ou sa pcau briine cl pure? Non ! j'aimais une jciine et douce creature , Et sans chcrcher comment , sans me rien demandcr , L'offiee se passait a nous bien regarder. Je lui disais parfois : embrassons-nous, machere! Et je prenais ses mains ; mais, plus forte et le{>;ere , La sauvage fuyait, et moi , jeune amoureux, Je courais sur ses pas au fond du chemin creux. Long-temsje la suivais ; mais rendu , horsd'haleine , Je la voyais au loin se perdrc dans la plaine, Et du liaut d'un talus, svelte , et d'un air vainqueur . S'enfuir en me jetant quelquc baiser moqueur. Jours passes, que chacun rappellc avec des larnies , Jours qu'en vain Ton rcgretle , aviez-vous tant de cliarmes ? Ou les vents troublaicnt-ils aussi voire clarl^ , Et I'ennui du prdsent fait-il voire beautci? Marie. Humble et bon vieux cure d'Arzanno, digne pretre, Que tel je respectais , que j'aimais comme maitre, Pouroccuper tes jours , si pleins , si reguliers , N'as-tu plus pres de toi tes pauvres dcoliers ? Hdlas ! je fus I'un d'eux ! dans ma douleur prcsenle , J'aime a me rappelcr cette vie innocente. Le premier point du jour nous e\cillait ; bien vitc , Les fronts laves et purs , et la prifere dite , Chacun gap nail sa place ; et sur les grands paliers , Dans les chambres, les cours , le long des escaliers , En ete , dans les foms , couches sous la verdure, C'etait tout le matin , c'etait un long murmurc, Comme les blancs ramiers autour de leurs maisons , D'ecoliers a mi-voix repetant leurs ley ons ; Puis la messe, les jeux , et les beaux jours de fete, Des oflices sans fin chantes a plcine tele. Aujourd'hui qu'en mon cocur la foi n'a plus de feu , Sans culte et cependant plein de desirs vers Dieu, De ccs jours de fervour, oh! vous pouvez m'en crone, L' eclat lointain rechauffe encore ma memoire ; L'orgue divin resonne en mon ame , et ma voix Retrouve vers le ciel ses accens d'autrefcis. TOME LII. OCTOBRE ^So1 12 178 PO'IESIE. Jnnrs aimes ! jours (5teints ! coinmc iin jciino Ii'vili^ . J'ai poric Taiibc blanche et TtHole l>cnilo , CIiant<5 1 liymnc lalin dans le choeur, cl , Ic soir Aux marches do Tantcl balancd renccnsoir. Ccpendant tout un peuple a genotix snr la picrre, Parmi les (lots d'encens, les flcnrs cl la liimiire , Femmes , vicillards, cnfans, hoinmes graves et miirs , Tons dans un mcine voeu , lous avec descoeiirs purs , Disaicnt le Dicu des fruits et des moissons nouvellcs , Qui dardc ses rayons pour secher les javclles, Ou (juclquefois pcrmct aux fidaux souverains Dc fauchcr les fromcns el d'eni|)orter les grains. Les voix montaicnt , montaient-, moi, penohe sur ma sialic . Je subissaisde Dieu la presence fatale ; .Tavais froid, de longs plcurs rnisselaient de mcs ycux, Et , comme si Dicu mcme cut devoile les cicux, Inlroduit par sa main dans les saintes phalanges , Jc senlais lout mon ctre cclalcr en louanges; Et noyd dans des (lots d'amour ct de ciaric , Je m'andantissais devant rimmensite. Je fus poete alors ! sur mon ame embrasee L'imaginalion secoua sarosde, Et je rcf us d'en-haut le don intc^ricur D'exprimer par des chants ce que j'ai dans Ic cooitr ! II est dans nos cantons , 6 ma chere Bretagnc , Plusd'un terrain fangeux , plus d'unc aprc montagne j La de tristcs landiers comme nes au hasard Oil Ton voit a midi se glisscr le Iczard j Puis, «n silence lourd , fatigant , monotone , Nul oiseau dont la voix vous cbarme et vous ^tonne , Mais le grillon qui court de buisson en huisson , Et toujours vous poursuit du bruit desa chanson. Dans nos cantons aussi , lointaincs , isoldcs, II est de claircs eaux , et dc fraiches vallees , Et d'immenses forets , ct des bosquets de buis , Ou le gibler craintif va se cacher les nuits ; Enfant ! j'ai travcrsd plus d'un flcuve a la nage , Ravi sa dure (oxia trouve peu vraiseniblable que le ver luisant soit mis a part en provision, I'oiseau lie mangeapt pas la nuit et se plaisant a prendre sa nourrilure au solcil. L'existence des appartemcns se'pare's ne peut, scion lui, elre misc; en doute, ct ils ne sont pas destines a de suc- cessives couve'es , le tissu du nid ctant d'une scule couleur et evidcminent fait d'un meme travail suivi, et non rcpris a diverses fois. II serait trop long de parlcr du tailleur ( sjlvia sutoria ) , qui coud , GRANDE-BRETAGNE. 187 sc servant de son bee coiuhk! d'une aiguille , une feuille morte et unc vivace , et attache son leger nid de duvet a cette dcrnicri:'. Tant de mer- veilles se rattachent a toutes les parties de Thistoire natnrelle, qn'il fau- drait de'passer lesbornes d'un court article pour nommcr seulement les oiseaux qui foulent le feutre de leurs nids, ceux qui les fubriquent en pates succulentes , de'lices de la Chine, et I'un des revenus les jilus conside'- rables de I'ilc de Java. Ce A'olume de M. Rennie est d'un vif intc'ret , quoiqu'il soit peut-etre infe'rieur a celui qui I'a pre'cc'de, et qui traitait de I'architecture des insectes. Le caliier sur les menageries parlc surlout de re'le'phant, ct est en tons digne de cette collection si approprie'e aux bcsoins scicnlifiqnes des gens duinonde et de la jeunesse qu'ilsappellcntades e'tudesplus profondes, en suivant le pre'ccpte du Tasse ,en eramiellant les bords du vase. L'e'ditiou que nous annonfons du dictionnaire estime' du colonel Montagu est enrichie des notes de M. Rennie j il y a ajoute des details inte'ressans , des faits nouvcaux qu'il est habile a recueillir. 6. — The botanical Miscellanj-. — Repertoire de Botanique , con- sistant en figures et descriptions des plantes que leur nouveaute, leur rarete', leur histoire, leur application dans les arts, eu me'decine etdans I'e'conomie domestique, rcndent remarquables , ouvrage enrichi de notices et de notes scientifiques ; par TF. Jackson Hooker et Regius ,professeur de botanique a I'universite' de Glasgow. Londres, i83! ; Murray. In-8. ■J. — The Library of agricultural and horticultural knowledge. — Bibliotheque d'agriculture et d'horticulturc. Londres, i83i ; Baxter. In-8. 8. — The quarterly Journal of Agriculture , n. 12. — Journal d'agriculture, paraissant tousles trois mois. Edimbourg, fe'vrier i83i ; Blackwood. In- 12. Le Repertoire botanique est une belle entreprise , c'est un des plus re- marquables parmi les journaux scientifiques de I'Anglcterre, qui en a peu de ce genre , surlout si Ton compare ce petit nombre a I'effrayaute quan- tite' de publications pe'riodiques politiques et litte'raires. L'entreprise se soutient avec perseverance au milieu de circoustances peu encoura - geantesj le nouveau nume'ro contient la llore de I'lnde, des iles Malay , si peu connues, et d'une partie dc rAmerique du siid : les [)lanchcs . l88 LIVKES ETllANGERS. tics-bicn cxe'ciitecs , out cte terminees ct coloriets avec soin sous I'ins- pcction du doclcur Wight, dernier directeur dc rc'tahlissement bola- ni(jue de Madras. Mais ce n'est pas sculemcnt des gravurcs soignees ct exactcs , dcs explications techniques, claires et savantcs qui rcndent cct ouvragc recoinmandable; des extraits inedits de journaux de voyages de divers sa vans ajoutcnt a I'inte'ret.Des descriptions, pleines devie et de fraicheur, transportent dans les lieux oil naissent Ics fleurs , les plantes dont on n'a pas sculement la froide nomenclature, coinme il arrive trop sou- vent dans les ouvragcs dece gcncc ; et le Irais coloris des planches se re- trouve dans le style. C'est a M. Cruckshank (juc Ton doit le recit de la I'etc des narcisses dans la valle'e de los J^mancnes , au pied des Gor- dillicres, a une dcmi-lieuede Lima; celte espece de foiie gaie, Lrillanle, s'ouvre le soirdela Saint-Jean, a rcntre'e de I'liivcr, lorsqueles amaii- caes (narcisses) sont en plcincs fleurs ct e'tendcnt leur tapis d'or baume sur toute re'tcndue du I'rais vallon; alors les coUines environ- nantes , les routes, les plaincs se couvrcnt et sonl en quelquc sorle dia- pre'cs d'nnc population ])aree de fleurs et de vetemcns de couleurs briilantcs. Quand le jour est beau , que le brouillard remonle sur les hauteurs, la scene est singuliercmcnt pittorcsque : d'un cote', les flancs escarpe's et rocailleux de la valle'e sont bigarre's de troupeaux qui , garde's par des bergers ihdiens vonl , tournoj'ant dans les rochers, se perdre dans les nuages; la plainc , les valle'es, sont couverles de groupes ani- me's, et, a I'autre bord de la rivi(.n-e, on voit de nouveaux arrivans se detacher par bouquets snr le fond d'arbres et de bosquets d'orangcrs qui garnisscnt les jardinsdu faubourg; les aiguilles blanches des clochers de la ville se dessincnt sur des montagnes bleues , ct si I'ceil cherche a suivre les sinuosile'sdu vallon, il rencontre la vasle mcr et I'lle Saint- Laurent qui termine la perspective. M. Cruckshank, cntre autres vc'getaux, si^nale ]a. papas-amarillas , ou palate jaune : tons ceux qui en out mange' au Pe'rou la pre'fcrent de beaucoup aux notres ; mais, jusqu'a present , elle n'a re'ussi que dans les Andes , de'ge'ncre dans les valle'es d'Ame'rique et nc produit pas dans nos climats. L'csquisse biograplii(|uc sur feu le capitainc Dugald-Carraichaiil est un des inorceaux les plus saillans de ce luiniero du l\e])crtoire. Nc en J77'2, a Lismorc, dans les -Hebrides, Dngald echappait dcs son en- GRANDE-BRETAGNE. l8() fance a reducalion scolaslique dc sa paroisse pour encr dans ccs ina- rais, ces champs, ccs liciix de'scrls que riniagination nuageusc dcs lia- bitans de ces iles pcuple d'esprits malfaisans, dc lutins, qui dansent a cheval sur des feux i'ollets , ct gardent des tresors cache's. Sans crainlc il chci'chait , dans les lieux Ics ^ihis recule's , leurs ve'iitables tre'sors , Ics fleurs, les plantcs; it les dcssinait, les peignait avec i'ccorce brunc de I'aune : les pointes des bruyercs lui fournissaient le jaune, son sang Ic poui'pre, et I'encre donnait les teintes les plus soinbrcs. Les le'cits de Carmichael sur rhistoire naturelle, dont il recommande Fe'tude a la jeunesse avec une vive eloquence , sont d'un inte'ret facile a comprendre : il aimait trop la nature pour qu'elle ne lui livrat pas ses secrets. Ses remarques sur la mission Morave , destiue'e a ameliorer la situation des Hottentols , en surveillant leur instruction , m'ont plu beaucoup moins. « Instruire I'esclave , dit-il , avant le maltre , ne pent servir a rien de bon : une race avance'e et intelligente, au service d'une autre qui n'est ni instruite ni intelligente, serait une raonstruositc dans la socie'te hu- maine dont il n'y a nul exemple. » Cette simple citation suffit , cc me semble , pour indigner. En sommes-nous eacore a elever dcs hommes pour servir de betes de sorame et etre contens de leur sort I qu'ils s'ins truisent a le maudire , au moins ,.et remontent ainsi a la condition lui- maine qui est de juger, sentir, connaitre, fut-ce pour Sfouffrir. II n'est guere question de la situation de I'Afrique , meme de ses re'gions les plus me'ridionales , sans que les Anglais ne signalent, en s'en affligeant comme orgueil national, uotre e'tablissement a Alger; c'cst a leurs yeux le premier pas fait pour la civilisation de cette partie da monde , d'un si difficile acces. La Bibliotheque d' Agriculture , sous la forme d'un dictionnairc al- phabe'lique , s'occupe encore plus de pratique que de theorie, et offre plus d'applications faciles , d'cxj^e'rienccs bicn constatc'es que de grandes recherches et de curieuscs hypotheses. Ce journal , fait dans un pays oil I'agi'iculture est si gc'neralemcnt et si bien e'tudie'e , doit encore aider a I'avancement d'une science qui est en si grand honneur en Ecosse , que reccmment un de ses plus beaux ge'nies n'a pas dedaigne d'y consacrcr plusicurs de ses veillcs et quelqucs-uncs de ses plus belles pages. Jadis leplus illustre pocte ecossais, I'immortel Burns, murmurait ses vers ravis- sans en tracant le sillon le plus droit, et ne voyait sa gentille muse, sa muse accorte et naive , que revctuc du ])laid des moissonneuscs, cou- IQO LITRES ETRA^GERS. ronne'e de Lniycrc dcs raontagnes , et le bouquet dc fleurs ct d'enis a la main. A — de M. 9. — Flora horeali Americana , etc. — Flore de rAmerique bore'ale , composee principnlcmcnt d'apres Ics plantes rccueillies j)ar le docteur Richardson ct M. Drummond, dans ladcrniere expe'dition sons Ic coinraandeinem du capitaine Franklin; par W. Jackson Hookeb. Londres, i83i ; Trcuttel ct Wurtz. In-.j" , avec un grand nomhrc dc planches. 10. — Historical Researches on the conquest of Peru , etc. — Recbcrches bistoriques sur la conqucte du Pcrou, du Mcxique, de Bogota, etc., au treizicrae siccle, par les Mongols, accouipagne's cl'e'Ie- pbans, par J. RuNKiNr.. Londres, i83t ; Longman. In-S". 1 1 . — The life and adventures, etc. — Vie et aventures de Nathaniel Pearce , e'crites par bii-meme durant sa residence en Abyssinie, depuis 1810 jusqu'en 1819, avec un re'cit de la visite de M. Coffin a Gon- dar. J. J. Hali,s, c'diteur. Londres t83i ; Colburn et Bcntley. vl vol. in-i3. I i . — Narrative of the Ashantee war. — Histoire de la guerre des Asbantis , et tableau de I'e'tat actucl de la colonic de Sierra-Leone, par Ic major Ricketts. I;ondres, i83i; Sempkin et Marshall; Edgeiton- Ridgeway. In-8. En atlendant que nous y introduisions la civilisation par la porte que nos amies nous y ont ouverte, les Anglais cxplorcnt TAfrique. Leurs voyageurs la parcourentd' orient en Occident; leurs consuls, e'ta- blis sur les bords du Nil , font remonter ses rives jusqu'a la source de scs debordemciis re'gulicrs; apres Mungo Park et Clappcrton , et avec plus d'esprit d' observation , les frcres Lander (i) ont suivi le Niger, ou riviere Quorra , dans tons ses detours, sous tons ses noms sauvages, et I'ont desccndu caches, filant dans Icur bateau, sons les sombres avenues dcs Mangroves jusqu'a son embouchure. Le major Ricketts , sur les cotes de Guine'e, a peine cchajipe aux mams crnclles des Ashan- tis, raconte • leurs guerres et de curieux traits de leurs mceurs bar- bares ct herokpics. Pearce , en neuf ans de scjour en Abyssinie , dans [\\ Le curieiix voyage de Richard el Sohn Lander, dont tontc rAiijjlptcrre sa- vanle et liui'raire s'occiipc, paraitra sous trois mois environ; a Londres, chrz Murray; et rn iti^ltie temps a Paris, tradiiit par M""' Louise S\v. Beltoc. GRATMDE-BRF.TAGNE. I (j i le Tigre et le Gondar, a pu c'ludier en detail le pays et scs babifans. Marie' comme les natnrels, vivant avec cux, suivant Icurs coiiliimcs , favori du gouverneiir , du Ras du royaume de Tigre , Wellcd-Selasse, il e'tait devcmi tout-a-f'ail sujet de ce roi d'Abyssinie, et nc conservaif de I'Eurojie que scs souvenirs, et un esprit exempt de superstitions qui lui a perrais d' observer celles du pays oil il faisait un si long sejour. Ce marin vagabond, de'serteur, rcne'gat, par surabondance d'esprits vi- taux (car ce n' e'tait point un liommc vicieux , et ses folies sont de la nature de celles des enfans qui font Icurs plus grandcs sotlises uniquc- ment pour remuer ) , aurait pu nous donncr la relation la plus inte'res- sante , la plus roraancsque, bien que tout y fiat vrai j mais la forme manqne. L'esprit peu Qultive de Pearce n'a pas su mettre en ceuvre et coordonner ses mate'riaux et ses souvenirs. M. Salt, a qui il avait legue' ses papiers, les a transmis au conite de IVIountmorris qui, charge il y a vingt-cinq ans d' explorer les cotes occidentalcs de la mer Rouge et I'intcrieur de I'Abyssinie , avait laisse la meilieftre partie do sa taclie a M. Salt. Enfin le comic public,- par I'entremise d'un tiers , les documcns de Pearce, avec Icurs longueurs , leurs reditcs, et toule la froideur d'nne diction emban-assc'c. Pearce comptc sis Kas en Aljyssinie, tous parens , tons en guerre les tins avec les autres. La petite ve'rolc s'unit a la guerre civile pour dc- soler le pays. Le voyageur mentionne plusicurs autres maladies comme assez communes , entre autres le tigretier , c'lrange c'fal d'extasc qui so guerit , comme la piqure dc la larentule , par une musiquc et unc danse furibondes. Le rcmcde et la maladie, aussi extraordinaires I'un que I'autre , auraient tout I'air d'etre fabuleux sans la naivete des de- tails circonstancie's donne's par le voyageur qui, le premier a clever des doutes , ne s'est laisse convaincre que par ses propres yeux. Te'moin de plusieurs accidens graves et de quelques gue'risons , il faillit pcrdre sa femme du tigretier. A la suite d'une fievre Lrulante , elle e'lait tom- be'e dans une languenr qui la re'duisit a toute extrc'mite : elle ne man- geait point, ne dormait pas, restait couclie'e, ne pouvait parler que dans un iangage intelligible seulemcnt pour les personncs altaquecs du meme mal , vcrsait des torrens dc larmes mele'es de sang et d'cau ; enfin elle e'taif sujctte a de frc'qucntcs convulsions.' Pearce , soup^onnant une come'dic , cssaya d'un remedc brutal ; mais a peine avait-il frappc Ic- gerement Ja pauvre creature qu'elle devint scmblablc a un froid oa- 192 UVRES ETR ANGERS. davre, Ics jointures de scs mcmbres sc raidircnt ct clle pcrdit lout sentiment. Grace a la musiquc, ellc rcprit ses sens; inais pour la gue'rir il falhit avoir recours aux grands remedes , tcls que les pra- tiquentdans leTigrc tons ceux quisont suffisamracnt riches. Les pauvres sent oblige's de s'associcr pour ce traitement. On chargca le col , les bras amaigris , les jambes de squelelte de la moribondc d'ornemens d'argcnt , cmprunte's a toutes les connaissances , a tons les parens. La niusique entiero fut misc en requisition : troinpettes dc cuir d'c'le'- pliant , fifres de bois a sons sauvages , toras a voix rauque , et le gros tambour long et c'troit que Ton frappe des deux cote's comme nos tini- balles, nnlrcnt leurs bruits, leurs sons barbares. A ce concert terrible, la malade se ranima petit a petit ; elle commcnca a agiter sa tetc et ses e'paulcs, parties qui jouenl le plus grand role dans les ballets abyssiniens, et finit |)ar des sauts prodigieux et les mouvemens les plus extraordi- naires. II fallut plusieurs jours d'une danse qui e'puisait les musiciens charges de I'animcr , pour cliasser la maladie. Enfin la malade , apres un exercice convulsif inoui, detacha et laissa tomber I'un apres I'autre, toujours en dansant, les ornemens cmprunte's, s'cnfuit avec la rapi- dite' d'une Heche, tomba a plat , comme frappe'e d'une balle, et qnand clle fut rcleve'e, elle parlait sa langue et e'tait gue'rie. Ces peupks sont chretiens, mais leur religion est melee des plus e'tranges superstitions, dans lesquelles figurenl les saints change's en ser- pens, les eaux miraculeuses , les croix qui pleurent, les I'eux du ciel (allumes par un foyer de verre ) , etc. Les ceremonies d'enterrement rappellcnt les usages grecs et irlandais : tons ceux qui ont connu le raort vicnncnt le pleurer , prendre part au banquet , et apporter les diwes ou pre'scns. On chante des-especes de myriologues : il y a des pleureuses et des improvisateurs a gages. Pearce eut la douleur de pre- sidcr ces ceremonies a la mort de son fils enfant , et lui-merae, pret a raourir , rcfut les derniers sacrcmens, en conservant assez de presence d'espritpour racontcr des usages qui ne sont pastres-e'loigne's des nolres. Avant de I'adminislrer , le pretre , lui demandant son nom de bapteme, I'adjure de s'cn servir comme sauve-garde , de billet dc passe que .J.-C. lui a accorde pour son entree en I'autre monde. Nathaniel revint de cette maladie, non sans que les pretres , en faveur dc qui il avail teste , ne flssent valoir leur intervention , assurant que le sacrcment avail servi au salut du corps en prcparant cclui dc I'amc. GRANDE-BRETAGNE. 198 Les manages sont plus mahoine'taus que chre'tiens, cxcopte' danslcurs pre'liminaires : les jeunes fllles en age d'etre mariees, c'est-a-dirc dcs I'age dehuitans, sont expose'cs devant leur porte pendant tonte la sai- son de la se'clieresse , leurs clieveux sont natte's avec soin , leurs pau- pieres noircies 2>ar le cohot , leurs mains roiigics avec la socella ; elles fllent le coton ou vannent le ble tout le long du jour , leurs meres leur ont appris comment sourire et comment regarder , et elles attcndcnt le chaland. Une fois choisics , le mariage n'est qu'un simple accord avec les parens 5 il n'y a pas de sacrement. Des pre'sens sont e'cliange's ; les separations entre raari et fcmme sont frequentes, et la polygamic gene'rale. La licence des pretres et dc la noblesse , malgre' les jciincs fre'qucns et les pratiques exte'rieures nombreuses, a frappe' meme I'Europe'en. Les ouvriers , . surtout ceux qui travaillent Tor, I'argent, sont ho- noral^les et honore's ; quant aux potiers de terre et aux ouvriers en bois , aussi fideies que les autres a se conformcr a ce culle tout exte'- rieur , ils n'en forment pas moins une caste reprouve'e et repousse'e des c'glises ; on les accuse de se chane;er en hyenes et autres animaux fc'roces. Les convulsions sont toujours I'efl'et de leur mauvais regard, et ils sont e'galement craints et repousse's dans le Tigre , oil on les nomme tihhib , et dans le Amhara, oix ils sont appele's houda. Dans son excursion a Gondar , M. Coffin assiste a une cliasse d'e'le'phant ; il parle de celle des negres ou shangallas , complement de I'education d'un jeune prince ou fils de Ras : de'crit les puits secrets pour cacher les provisions et les tre'sors en cas d'invasion , parle de diflte'rentes races curieuses de singes , assez resscmblantes aux races d'liommes que RI. Hope trouva a Borneo et a Sumatra, chez les Caraibes, pres de la cote de Guine'e , dans la Samogitic , a rextrc'mite' nord du globe ^ et au midi dans la terre de Van-Dicmen et la Nouvclle-HoUande. Dans le voyage de Coffin , ajoute a la narration de Pcarce , il y a peut-etre , proportion gardc'e , plus de fails , plus de renseignemens que dans le travail de ce dernier, qui s'cst Irop e'tcndu sur les guerres entre les Ras rivaux et sur dcs pe- tits details d'inte'ret personnel. Le major Ricketts , arrive sur la Cote-d'Or, a Textrcmite occiden- tale de I'Afrique , en 18-i.i, au moment oil sir Charles Maccartliy pre- nait possession , en qualite de gouverneur, de la colonic que les Angla;s TOME LIT. OCTOBRE 1851 . 15 194 LIVRES ETRANGEBS. onl placce au-dcssous , ct en rivalite dc notre ctablisscmcnt dii Sp'negal, a o'lc te'iiioin dc toule la qucrcllc cnti'c les Aslianlis et Ics Anglais , a ])ris part a la guerre , et scs re'cits sont pleins d'un intc'rct poignant : ce nc sont que faits sanglans , details de supplices , paroles de courage ct traits de cruaute. Mecontent des Anglais , le roi des Ashantis leur fait dire de quitter le cap Coast-Castle , car il est re'solu de Ics rcpousser dans I'Occan : « S'ils veulcnt re'sistcr, qu'ils armcnt les poissons de la mer , car I'ar- nic'e des Ashantis sera innorabrable. » Sir Cliarles Maccartliy de'fait , grace a la laclicte' de la partie negre de I'arme'e anglaise qui s'enfuit sans combattre, tue a coups de feu au moment oil il sc rctirait du cliamp de bataille , fut de'pece en morceaux : les principaux chefs ashantis mangerent son coeur pour s'impre'gner de sa bravoure • ses os ct sa chair desscchc's , divise's cntre les phis vaillans , leur servaiciit dc talisman pour inspircr le courage; sa tete, conserve'c par le proce'de' connu dc ces sauvages , de telle sortc qu'elle scmblait encore vivantc , fut portc'c devant le roi a la bataille decisive dans laquclle , malgre ce talisman , il fut comple'tement battu. Plusieurs rois noirs , du parti des Anglais , montrei'ent une grande vaillance, et la reine d'Akim, jeune ne'gresse d'environ cinq pieds , a la physionomie enfantine , a la voix douce et affecte'e, chargc'e d'un collier massif de ballcs, brandissant un coutelas a raanche d'or e'maille', se lanca au plus e'pais de la melee. Le soir d'a- vant elle disait a quelques Europc'ens qui I'allaient visiter : « Osai m'a chasse'e de mon pays parce qu'il me croit faible , mais , bicn que femme, j'ai un coeur d'homme. » Une charge du roi des Akimbous, dans cettc bataille memorable qui lermina la guerre ct forja le fier roi des Ashan- tis a payer uq tribut de plusieurs onces d'or et a donner des otages , est contec avcc une grande verve par le major Rickets. « Sur la droitc le combat ne fut pas une moment doutcux ; le roi d'Aklmbou chassait tout devant lui , et , penetrant jusque dans le camp (les Ashanties , il Ics prit en flanc; sa route e'tait marquee paries colonncs dc fume'e qui s'clevaient devant lui; I'herbe courte, desse'chc'e par I'cx- cessive chalcur et par le sejour dc nos troupes qui avaient bivouaque deux nuits au pied des arbrcs, e'tait en feu; des Ijouffc'cs dc fiuuce s'eJe- vaicnt 9a ct la au-dcssus des cimcs des ai-brcs ; (|uclqucs capitaincs Ashantis se faisaicnt sauter dans leur de'scspoir; a ]icinc distinguail-on GRANDE-BRET AGNE. — ALLEMAGNE. igS le limit Acs explosions a traver§ Ics acclamations des uns , les oris dc doiileiir des autres , les ge'missemens des mourans , des blesses , et tout autour du gazon en flainmes la bataille se de'chainait dans toute sa fu- reur; c'e'tait une scene de I'enfer , I'imagination pent se la figurer , non la defcrircj le carnage, la destruction, faisaient songer aux bizarres fic- tions d'un conte oriental. Cela ne resseinblait point a un fait , a une re'alite' possible. » C'est chose effroyable qu'une guerre de ces barbares, fouillant le corps de I'cnnemi tombe' de leurspropres mains rougissantes, attcignant le coeur de leurs ongles sanglans , I'arracbant, et exprimant sur la terre le sang de cette palpitanle e'ponge , horrible libation de cannibales a I'heureux succes de leur cause. Apres ces re'cits, ces tableaux repoussans et terribles , les discussions sur les interets de la colonic de Sierra-Leone semblent bien fades. Le major se rejouit que I'emploi des recrues enrole'es parmi les naturels rende a I'Europe les soldats anglais ; car les fievres , que la chaleur in- tense du soleil semble pomper du sein de la terre , ouvert par les pluies, de'ciment cette population transplante'e. Les notres vont pe'rir la en ex- piation des malheurcux naturels du pays que nous envoyons mourir en Ame'rique en broyant la canne a sucre. A. de M. i3. — ^. Vindication of the south missionaries. — Refutation des errcurs contenues dans le Voyage d'Othon de Kotzebue, a Tegard des missionnaires de la mer du Sud, par W. Ellis. Londres , i83i ; Weslley. In-8". ( Voy. Bev. Enc. , t. L , p. 492 , I'annonce du Voyage de Kotzebue. ) 1 4- — Novelist's Library , etc. — Bibliotheque des Romans, pu- blie'c par Roscoe. Londi'es , i83i ; Cochrane. In-ii , avec fig. ALLEMAGNE. 1 5. — Briefwechsel zweier Deutschen , etc. — Correspondance de deux AUemands , publie'c par P. A. Pfizer. Stuttgart, i83r ; Cotta. L'auteur de cette correspondance politique est un patriote allemand qui appelle de ses voeux et de ses efforts I'unite de la famille germani- que : « II faut , dit-il , descendre chez les classes infe'rieures , il faut 15. 196 LIVRES ETR ANGERS. visiter la diauraicrc dii paysau pour mcsui'er toutes les calamite's ((ii'im iuncsteiuoiccllcincnt a appoitccs sur rAllcinaguc. C'est la que Ton pent voir le pcuplc le [ilus laborieux tie la terre gagner a peine de (juoi sc preserver du froid et de la fairu ; les natures les plus robustes s'cpuiser avant I'age par de dures privations et des fatigues outre'es , dans una lutte perpe'tuelle pour soutenir la plus mise'rabk existence; des milliers de pcres de ftimllle conside'rcr comiuc une faveur du ciel la mort de Icurs entans iuvalides , et leur proprc mort avec la stupide insensibilile de I'esclave ; les consolations de la religion inipuissantes pour e'touffer les cris d'un de'sespoir qui se plonge pour s'oublier dans une ivresse brutale, et les premieres ne'cessite's de la vie devenucs pour une foule d'horaines un luxe au({uel ils ne peuvent attcindre. » Si depareilles miseres aftligcnt i'Allemagne morcele'c , elles sont plus poignantes encore en Angleterre oil regne I'unite gouvernementale , telle du moins qu'on I'entend dans le systeme constitutionnel. C'cst done a I'ordre social lui-meme , c'est-a-dire a la repartition injuste de scs maUx et de ses taverns qu'il faut attribuer cette terrible crise. Dcman- dons cependant avec le publiciste allemand que les frontieres de tant de petits e'tats s'aplanissent devant une loi uniforme; car alors tomberonl ces lignes de douanes arrae'es contre Ic commerce , ces droits et ces prohibitions qui accablent I'industrie ; et alors les travaillcurs , libres dans leur fc'conde activite , seront bientot en e'tat d'aclielcr , sans les arracber par la violence, le rang ct les avantages qui leur son! dus. M. Pfizer pcnsc , avec lous Ics homines e'claire's , que la Prusse , malgrc la direction re'aclionnaire dans laquelle elle se trouve momcntanement engage'c sous I'infliience de la Russie, est ne'anmoins appcle'e a devenir un jour le foyer autour duquel sc grouperont les e'tats constitutiounels de rAUemagnc me'ridionale. 11 est facheux que des vues aussi bicn in- spire'es soient quelquefois interrompues par des jjassages oil le juste or- gueii national de I'auteur degenei-e en im patriotisme e'troit et sauvage , j/exprimant par la haine de Te'trangcr et particulicrcment de la France. i(>. — Philipj) Melancliton' s IFerke , etc. — Choix des oeuvres (le I'hilijipe Melancliton , public par le docteur F. A. Kokthe. 3 - G parlies. Leipzig , i8jc) — 3o ; Brockhaus. 4 vol. in-8 j prix des () vol. 2 th. 8 gr. Nous avons annonce ( Voy. Rev. Enc. , juin 1800, p. ()8i ) les deux ALLEMAGNE. . 197 ])reiuiersvoIuiiies decette collection a laqiielle preside un choixjiidicicux ct (jont le prix est cxtrememcnt modique. Ellc se trouve mainlenaiil complete et contient les principaux ouvrages de Melanchton , les iiits dans le style primitif collationne avec soin ( la Confession d'^itgs- bourg ) , d'autres en traduction ( W4pologie de la Confession et les fanieux Loci theologici ) ; ponr ce dernier ouvrage, la version du doc- teur Justus Jonas, revue par IVlelancliton lui-meme, et qu'il de'clarait supe'ricure a I'original latin, a e'te' choisie de pre'fe'rence aux versions plus modernes. Outre ces grandes compositions, le recueil de M. Koethc contient un volume d\'^i>is et Opinions choisis au nombi-e de vingt- cinq, quelques e'crits pole'miques , des discours , des lettres, des ex- plications de psaumcs , la vie dc Luther , etc. ; enfin un essai bio- graphique sur Melanchton , fait avec soin et fort c'tendu. La lecture de ces volumes doit etre recomraande'e aux personncs qui , sans pouvoir consulter I'immense collection des ceuvrcs des re'formateurs , vculcnt ce pendant avoir des notions approfondies sur le grand mouveraent reli- gieux de cette epoque et sur les principes qui servent de base au pro- testantisme. H. 17. — Ueber Pressfreiheit, etc. — Sur la liberte de la prcsse ct Ja censure des livres j)ar le comte /o5. de Dessewffy. Leipzig, i83i, Cette brochure est remarquable comme traduction d'un manuscrit latin pre'sente par son auteur a la diete hongroise , le 16 avril i83o. 18. — Gescliichte des Ilauses und Landes Furstenherg , etc. — Histoirc de la maison et du pays de Furstenberg , par Ernest MuNcii, T. L etlL Aix-la-Chapelle , i8'29-i83o; Mayer. Li-8°. 19. — Der Kampfim fFestlichen Frankreich. — La lutte dans la France occidentale pendant les anne'es i^gS a 1796. Leipzig, i83i ; Brockhaus. In-8 de 34 1 pages, avec deux cartes. Get historieu anonyme de la guerre de la Vendee termine sa preface avee4e plus grand sang froidpar ce voeu peu charitable : aPiiisse I'exeui- ple vraiment sublime d'une lutte continue'e presque toujours sans cspoir, et pourtant avec courage , pour le trone et I'autel, aniracr beaucoup de cceurs.»Il ne se doute peut-etre pas lui-meme que c'cst comme s'il souhai- taitque, partoul ou il se fait de grandes re'formcs dans I'l^llat, desirc'cs p,ir la majoritc, la partie la moms e'claire'e prcnnc les armes pour les lomljattic 198 LIVRES ETllANGERS. ot allume la guerre civile, sous pre'tcxte de de'fendre le tronc ct I'au- tel. Au restc, il est certain que cctte guerre, quclquc de'ploivible qu'elle soit, est faite pour exciter un vif inte'ret. Scion I'autcur, il y a peu d'ouvrages fran^ais satisfaisans sur la guerre de la Vendee , parce que les chefs ont tous peri , et que ceux qui les ont combattus n'ont pii connaitrc les ressorts secrets ou n'ont pas traite' leurs ennemis avec iin- partialitc. Comme I'auteur ne cite pas ses garans , nous ignorons s'il a connu tous les historiens , par exempic la Vie de Charette , par Le Bouvier-Desmortiers , les Fictoires et Conquetes , elc. L'auteur est quelqiiefois si bref, que I'expose des e've'nemens y perd. Par excniple , a la fin de la carriere de Charette , il se contente de dire que ce chef fut pris et fusille, ce qui ferait croire qu'on n'observa ineme pas les formes de la justice dans cette guerre. II est pourtant certain que Charette fut traduit devant un conseil de guerre, qu'il cut un dcTcnscur , ct qu'au moins les formes de la justice militaire furent conserve'es. Au total , cet expose est fait avec clarte' et avec assez d'ini|)artialite', malgre le voeu de la preface qui pourrait fairc croire, mais a tort , que l'auteur est froi- dement fanatique. D. — g. 20. — Ueler die Cholera- Krankhe it , etc. — Sur Ic cholcra- morbus , par J.-Ch. de Loder , conseiller d'etat a INloscou. Koenigs- bcrg, i83i; J.-B. Bon. Get opuscule se recoramandc par le nom de l'auteur, qui a cu sous sa direction un hopital consacre aux malades atteints du chole'ra. 21. — Geschichte der deutchen Natio?ial-Literatur , etc. — Histoire de la litte'raturc allcmande , par Charles Herzog. le'na , 1 83 r ; Schmid. In-8°. 22. — Geschichte der deutschen Poesie, etc. — Histoire de la poe'sie allcmande durant le moyen age ; par Ch. Rosenkranz. Halle , i83o ; Anton ct Gebbckc. 23. — Bibliothek deutscher Dichter , etc. — Bibliothcquc des poetes alleraands du dix-scptieme siecle. Douzieme volume , contcnant les poesies de Frederic Spee. Leipzig , i83i ; Brockhaus. Cette inte'ressante collection , commence'c par I'aulcur des Chants hellSfiiens, Wilhelm Muller, se continue depuis sa mort sous la direc- tion de M. C/t. FoERSTER. Le douzieme volume, public re'cerament, contient les ouvragcs dc Fr. Spec , jcsuite dc Cologne, nc en iSf).'* , ALLEMAGNE. KJQ mort en iG35, poete populaiic , dont Ics compositions portent rempieiiitc dii inysticisme religieux de cclte e'poque. 2i|. — Kurzgefasstes Lexicon. — Dictionnaire ahre'ge dcs aiiteiirs pseudonymes alleniauds ^ par i^r. Rasmakn. Leipzig, i83o. Haiick. In-8°. 'i5. — Hoffmann s erzdhlende Schriften, etc. — Choix des Contes et Nouvelles d'HoFFMANN , public' par sa veuve Micheline Hoffmann , avec la biographic de Vauteur , par Hitzig. Stuttgart, i83i ; Brodhag. 18 vol. L'inte'ressant ouvrage de Hitzig sur la vieprive'e et litteraire de son ami est un complement indispensable des ceuvres d'Hoffmann : ce sonl dcs me'moires c'crits par un autre lui-meme. Hitzig, I'un dcs criminalistes Ics plus distingue's de I'Allcmagne , homme d' esprit et de cceur a la fois , qui a vc'cu dans I'intimite de plusieurs e'crivains ce'lebres, a regarde comme un devoir envers cuxet envers le public, si souvent aljuse dans ses jugemens , de les peindre d'apres nature tels qu'il Ics a connns. Ses biographies d'Hoffmann et de Werner sont des monumens pre'cieux pour I'histoire litteraire de notre e'poque. La premiere parut en 1823, peu de tems apres la mort d'Hoffmann ( Berlin, chez Dummler, 1 vol. in-12). — La nouvelle publication que nous annonfons, ct qui ne comprend qu'une partie des compositions dc I'auteur, a decide Ic li- braire Reimer , de Berlin, a diniinuer conside'rablement le prix dc son edition , plus complete, des OEuvres choisies d'Hoffmann, en dix volumes ( 8 tlialersau lieu de i3). M. Reimer est I'ua des e'ditcurs Ics plus fe'conds de I'Allcmagne ; il a public successivement depuis peu d'anne'es , outre les OEuvres d'Hoffmann , cellcs de Jean-Paul , Ticck , Henri de Klcist , Hippel , Hegner, etc. 26. — Die Familien fFalseth und Leith , etc. — Les Families Walscth ct Leith, se'rie de nouvelles, par Henri Steffens. Deuxieme edition. Breslau, i83o , Max. Comment se fait-il que Steffens soit a peine connu parmi nous autre- ment que de nom ? \\ est peu d'hommes en qui la science et la poc'sie aient contracte une plus e'troite alliance : rien d' inter essant et d'animc comme ses traite's scientifiques ; rien de vrai et de sSvant comme ses magnifiques 'tableaux dc la nature , surtout lorsqu'il sc trouve en pre- sence des belles scenes de .s.ipritric scplcntrionale (Steffens est Norwe'gicu 200 LivRES Strangers. dc naissance). La hardiessede son imagination e'tonne souvcnt, sachalcur entraine, sa narration attache , scs pcintiires de caraclircs et scs insfc- nicuscs observations sur les e've'ncmens et les ide'cs de son siecle tou- client et penetrant profondc'ment. De pareils e'loges ne lui sont pas refu- se's par les adversaires de ses opinions , qui sont nombreux en Allemagne. Nous aiirons plaisir a les justifier aupres des Iccteurs fran9ais par I'exa- men de ses ouvrages. Nul plus que Jui ne laisse entrevoir les tre'sors de poe'sie que la contemplation de I'univers vivant doit inspirer a rhommc. Steffens est e'levc de Sclieliing , et I'un des plus e'loquens de'fenseurs de la philosopliie de la nature. Ses travaux nombreux comprennent les sujels les plus varies ; il a e'crit sur toutes les parties des sciences dites naturellcs , sur la religion , la politique et la litte'rature. Le roman, ou plutot la se'rie dc rouians dont nous annonfons une seconde edition , est son premier ouvragc de ce genre ^ il en a depuis public' un autre sous ce litre, les Quatre JYorwegiens. •i']. — Erzahlungen iind kleine Schriften. — Contes et petits ccrits, par J.-C. Veith. Vicnne , i83i ; Sollinger. a vol. Voltaire, et d'autres apres lui, par leurs re'cits comiques, ont de'verse' le ridicule sur les croyances et les hommes qui avaient preside long-tems aux destine'es de la socie'le , mais dont ils sentaient la mission finic , car ellc ne produisait plus que de mauvais fruits. L'auteur des Contes et petits Ecrils veut , par dc semblablcs moyens , relever ces hommes ct ces croyances , ct traduire a son tour leurs adversaires au tribunal du ridicule. Malhcureuscmcnt , pour combattre Voltaire avec ses propres armes , il faudrait etre i:u Voltaire. 'i'^. — Satirische Geisselhiebe , etc. — Flagellation satirique : Considerations ct oliservations sur les personnes et les e've'ncmens de nos jours. Meissen, i83i, Goedscbe, Sous le fouet de la Nemesis allcmande jaillissent une foule de traits piquans et ingc'nieux. Cumment ne jias rire de ces deux vieux courti- sans de Charles X qui , pendant que tout le monde est occupe a de'truire la restauration , s'en vont dans les forets royales de'truire les faisans , alin que ces morceaux de roi ne tombent point sous la dent grossicrc dc la populace ? Mais ces siijets , neufs au-dela du Rliin, ne le sont pres- qne plus poiu" nous, cliez qui les ridicules de la restauration sont deja si abondumiuent romplace's. H. ITALIK. ■2n. — Genigrafia italiana. - Ge'ni graphic italienne, dii flrere Gio- Giuseppe Matraja, de Lucques. Lucques, i83i ; typograpLic gcni- grapliique. In -8°. Voici venir dufond dii Pe'rou, oil raiiteur se vante d'avoir jc ne sais combien d'anne'es rempli les fonctions de consulteiir auprcs de Tinqui- sition ; voici venir , dis-je , un moiue franciscain qui promet aux Ita- liens de leur faire entendre toutes les langues sans les e'tudier et aiix e'trangers I'italien sans le savoir. \oila certes, une vaste et magnifiqiie promessejelle a de quoi aigiiiser la curiositc , enflammer I'imagination. II est vrai que ce n'esl an fond que le projet de langue universelle pro- pose par Leibnitz , Descartes , Wolf, Becker, Scotti et bien d'autres , et dont jusqii'aujourd'liiii le monde n'a pas eu Fair de se soucier. Je com- prends qii'un missionnaire de pj'opagandd Jide chcz les sauvages de rAme'rique me'ridionale ait vivement senti le prix d'un idiome univer- sel ; appcle' a inculqucr la trinile' et la transubstantiation dans les cerveaiix rebelles des Pampas et des Patagons, il a dii plus que per- sonne gcmir sur la confusion de Babel. Aussi cst-ce la , sous la tenlc du desert comme dans la cellule de I'inquisiteur, que le re've'- rend peie Matraja a con9u son vaste enfantement philologique ct pbi- lantropique. Je ne le suivrai pas dans le de'veloppcment de son sys- tcnie, il faudrait copier son livre et le terns me manque, a moi, comme au lecteur, sans doute, pour une telle besogne. Je rcnvoie les curicux chezle typographe ge'nigraphique de Lucques, et me contenterai de dire qu'ainsi que ses devancierSyl'auteur range les signesde la penseehumaine sous deux chefs ; les signes visuels ou mimiques et les signes auricu- laires. Les premiers sont ge'ne'raux, universels, de tons les tems , de tous les lieux ; les seconds sont borne's, particuliers, locaux, lempo- raires et constituent les differens idiomes. La question ainsipose'c, il nc s'agit plus que de substituer les premiers aux seconds et vous avez votre langue universelle; ainsi dit le reverend frere. Suivant lui,ridiome vi- suel pcut non-seulement repre'senter physiquement , mate'riellement, les diffe'rentes parties du discours dans leur etat absolu , mais de plus les cas , les genres , les modes , les tems , toutes les modiGcations enfin , des noms, verbes, pronoms, adjectifs, etc. Ces signes modiflcatcurs , I'auteur les nomme coefjiciens , il n'en invente point de nouveaux; les 202 LIVDES ETRANGERS. Ifttrcs , chifl'ics ct points existans liii sufriscnt. Voici , pour cxcin|tlo, coinincnt il cxprime ccttc idee ; Le soldat vaillant combat vo- lant iers : • 5 4 A 1. 1. II. o5.1 — G. 55 — 2.1.3. ]N. 16 — L. §6. Lc soldat — vaillant — combat — volonlicrs. Sans se noyer dans un ocean dc longnes argumentations , on comprcnd a cette simple vue que I'auteur veut appliquer ralgcbrc a rccritiire, comrae Dcscaitcs I'a appliqiie'e a la ge'omc'lrie,et que tout le systcme sc resume dans ce seul mot , langage nlgebriniie. J'ignore si cette algebie d'une nouvclle espece a fait ou fera fortune outre-monts; quant a moi, j'y crois peu et je crains fort qu'clle trouVc de par le monde mainte incredulite'. C'est une idee qui a de tout terns souri aux savans que de fonder une Jangue commune dans laquelle ils pussent correspondre. Long-tems lc latin leur a servi d'interprete. Aujourd'hui qucl'ignorancCjOu le progrcs si Ton veut, I'a ignorainieuse- ment relc'guc snr les bancs dc rhc'toriqiie , le franfais semblc etre montc' sur le trone scientifique et avoir ccint la couronne universclle. Contcn- tons-nous-en jusqu'a nouvcl ordre. Serrons-nousautour du nouveau mo- narque, qui est notre, et pour consoler le laboricux inquisitcur de I'l- solement , de I'abandon , dc la mort pcut-etre de son nouveau-ne, renvoyons-le an cliapilre xi de la Gcncsc ou I'Etcrnel dit an versct j : Orca descendons et confondons leur langage, afin qu'ils n'enten- dent point le langage Vim de V autre. Cot anathemc lance sur les Ills dc Babel , nous , leurs cnfans , nous le subissons, et il n'y a pas d'algebrc qui tienne centre la volonte d'en haut. Je m'e'lonne meme que le reverend franciscain qui est clerc , qui est missionnaire , qui est inquisile-ur, c'est-a-dire triple champion de I'or- thodoxie , ait osc protester contre une declaration si formellc et affronter les foudres du \atican; Galilee paya cher un p che de cette Hature. La Genigrapliie italienne est de'die'e a S. A. R. le prince de Lucques ; il parait que, sous une si puissanlc cgide, on ose tout oser. S. R. 3o. — Trattato di pirolechnia militare , etc. — Traite de pyro- tcclinle militairc, par Biondi PEHELi.i.Livourne, i83i ; Sardi. lu-o", avcc 30 planclies. ITALIE. 20,:) 3i. — Foesie Siciliane, etc. — Poesies siciliennesj par Giot'armi Meli, traduites en latin par Fincenzio Raimondi. Seconde edition. Palei-me, i83o; Sedoni et Muratori. In-S". La langue sicilienne n'en est point unej elle n'est qu'un dialecte dc transition, un idiorne fort incomplet, iin patois. II a servi de passage a une belle langiie , mais il est rcste stationnaire. C'a e'te comme un pont jete entre le mauvais latin du Bas-Empire;, dont il a garde certaincs lo- cutions , et cette riche , cette fe'conde langue italienne dont il n'a ni les ressources ni la souplesse. On trouve dans le patois sicilien des mots de toutes les nations qui ont re'gne' sur la Sicile dcpuis les Grccs et les Ara- bes jusqu'aux Espagnols et aux Allcinands. C'est un centon forme de lanibeaux de toutes les langues. Encore n'cst-il guere propre qu'a la poe'sie pastorale ou burlesque, au style marotique. II flecbirait dans le genre soutenu , car il est aussi riche en termes e'rotiques , en diminu- tifs, faniiliers, licencieux meme, que pauvre en formes nobles et patbe'ti- ques. Ce qu'il a produit et devait produire a foison ce sont des chansons et des id3'lles. Le seul des poetes siciliens dont le nom ait franchi le Phare est I'abbe Jean Me'lij il a laisse plusieurs volumes de poesies na- tionales, entre autrcs un poeme satirico-burlesque, intitule' la Fata gala7ite, la Fc'e galante. Mais il est plus connu par ses idylles; elles ont de la grace, de la fraicheur, quoique trop souvent emprcintes de cette niaiserie bucolique tenue long-terns pour le sublime du genre. Voici de lui quelques couplets anacreontiques (jui donneront une idee de sa raaniere et de I'idiome sicilien : Dimmi , dimmi , apuzza niia, Uniii vai cussi niatinu? Nun c' 6 cinia chi arussica Dc 111 inonii a nui viciiiu. Trcnia ancora , antora luci La niggiada 'ntra li prali : Duna accura , nun t' arruci L' all d'oru dilicati ! Ccrchi meli ? E siddii b cliissu , Ciiiudi I'ali , e' un ti straccari : Ti 111' nzi{i;iiu un liicu fissu Uniii ai sciiipri clii siicaii. 204 LI V RES ETR ANGERS. Lii ciiniisci III mill airiiiri, TVici mia di Tocchi bcddi ? ISlra ddi labbri c'e iin sapiiri 'Na diiciz/.a , clii niai spcddi , etc. " Dis-moi , dis-moi , gcntillc abeillei' Oii tu tVn vas si grand matin : Tout est unit , cl I'aiibc vcrnicillc Point nc roiigit Ic mont voisin. Vois dans les pres , vois la ros^o Encor blanchir , trembler cncor , Pourquoi , poiirqitoi , mal avisde Onvrir au froid ton aile d'or ? Cberches-lu du miel , clos ton aile , Viens avec moi sans tant courir Je sais un lieu , source etcrnelle , Ou miel jamais ne pcut tarir. Connais-tu point Nice , ma mie , Aiix fjrands ycux noirs pleins de lanffueur ? Viens , viens , de sa levre endormie, Rose ni tbjiii n'a la douceur , » etc. II existc a Palerme un homme qui sait le latin , le signor don Vin- cenzio Raimondi.Cet homme done s'est pris a rever une belle nuit qu'il etait pre'deslinc a rae'tamorplioser en pentameties et en liexametres latins les vers siciliens rime's ou non rime's de I'abbe Mcli , et qu'ils y gagne- raient fort; comme siquelque raoderne Scaliger,parexemplc,s'avisait de tradiiire les vers cbarmans de madame Taslu en latin de Sorbonnc. Dcs Ic matin, plume en main. Or, pendant qu'il traduit, le canon de juillel s'en vient rctentir jusqu'aux oreilles palermitaines j les csprits s'e- cLauffent, les coeurs bonillonaent , force consj)irations se tramcnt, s'e- ventent, se perdent et notre homme traduit encore. Lesang conle sur les echafauds, cachots et bagnes se peuplent, rien n'y fait; il traduit tou- jours , il traduit a travers sang et mines. G'est le juste d'Horace : Im- pauidum ferient ruiiKE. L'ojuvre commence'e s'acheve; elle s'imprirae , se vend s'achete; ellc a deux editions. Et voila, mon clicr lecteur, le phe'nomene dont j'ai voulu vous faire part. S. R. 1 IT A LIE. 200 3u. — Giovanna d'Arco, etc.— Jeatme d'Arc, trage'die deSdiillcr, traduite par le chevalier AndreaMAVFRi. Milan, i83i; Lampato. (Voy. Re^'. Enc, t. xlvi, p. 1 64 , I'annonce d'line traduction de Marie Stuart, par le merae poete.) 33. — Romeo e Giuletta , etc. — Rome'o ct Juliette, trage'die de Shakespeare , traduite par Gflete«o Barcieri. Milan, i83i; Trufli. In- 1 '2. Nous voyons avec plaisir les Italiensnc pas confondre dans une liaine commune les soldats et les muses germaniques , et accorder a celles-ci dcs lettrcs de naturalisation. Nous n'en demandons pas autant pour les autres. Pliit a Dieu que I'Allemagne ne fit pas d'autres presens a I'ltalie el gardat pour soi ses codes et ses arme'es. Nous aimons a voir aussi la littc'rature des e'trangers, leur theatre surtout prendi'e place auprcs du theatre italien et de la littc'rature nalionale. C'est le moyen de conserver les traditions dramatiques pretes peut-etre a s'e'teindre dans I'esclavage de la scene; c'est un moyen aussi de saper ces pre'- juges lilte'raires , cette exclusion insense'e dont I'inde'pendance de la presse et le libre commerce de la pense'e pourront seuls gue'rir les Italiens. En attendant cette heureuse ere, qu'ils ouvrent largemcnt et sans morgue leurs frontieres aux productions de la pense'e e'trangere , celles du moins que ne repoussent pas les ba'ionnettes autricbiennes et les foudres de Rome; c'est une dette qu'ils acquitteront tot ou tard. Quant aux traductions qui ontsugge're' ces reflexions, ellcs se distin- guent par la fidclite non moins que par une elegance soutenuc et une e'nergie brillanle. S. R. 34- — Iconografia conlemporanea , etc. — Iconographie contem- poraine , ou collection de portraits des plus ce'lebres personnages de ritalie , avec des notices biographiques , litte'raires et chronologiques ; dessin^s par Emini , et grave'es par Vendramini, Florence, i83i : Pezzati. In-folio. 35. — Collezione de" piii pregevoU monumenti , etc. — Collec- tion des principaux tombeaux de la ville de Venisc et de ses lies. Ve- uise , i83o-i83i. In-folio, avec planches. 206 LIVUES ETRANGERS. HOLLANDE. Sf). — Afrika en deszelfs bewoners , etc. — L'Afrique ct ses ha- bitans, scion Ics de'coiiveites les plus nouvelles; ouvragc destine a rc- pandre les connaissances de ces contre'es , desesproduits et de son com- merce; par M. N. G. Van Kampen. Harlem, i83i ; lie'ritiers Bobn. 3 vol. in-8 de xvi - 348 pag. , x- 4o6 pag. , et xii - 406 pag. , avec figures. II existc un ouvrage allemand de M. Ziramermann , intitule' la Terre et ses hahitans , oiwragc traduit en liollandais ct compre- nant pres de 3o vol. Get auteur pourtant a presqu'entierement oublie' I'Afriquc ct n'y parle que dc la seule cote de la Guine'e , dont il donne une courte description. Cette lacune , M. Van-Kampen , profes- seur d'liistoire et de litle'rature nationale a I'Athene'e d' Amsterdam , a taclie de la remplir. Son premier volume embrasse la partie me'ridionale de I'Afrique de I'autre cote de la ligne; le second, la partie septen- trionale et spe'cialement la Guine'e, les pays du Niger et du Senegal, Zara et la Barbaric jusqu'a Tunis ; le troisieme enfin s'occupe de la description de Tunis , Tripoli , Barca , I'Egypte , la Nubie et I'Abys- sinie. La carte de I'Afrique , qui se trouve a la fin du second volume , est compose'e sur une e'cbclle trop e'troite. II serait a de'sirer qu'une nou- velle carte d'une plus grandc eteiidue fiil dresse'e scion les faits c'tablis par r ouvrage de M. Van Kampen; on y trouverait de quoi rectifier beaucoup d'ancicnnes cartes , entre autres celle du ce'lebre Lapie. L'auteur , qui indique a la fin de chaque chapitre les sources princi- pales dont il a fait usage , a sans doute consulte les meilleurs voyageurs et historiens. Barrow , Paterson , Lichtenslein , Ritter , Grandprc , Forsler , Sparman , Bnrchell , Levaillant , Ravorinus , Kolbe , Va- lentyn, Campbell, de Jong, Sonnerat, Tuckey , etc., sont les princi- paux qu'on troiive cites dans cet ouvrage, pour nc pas faire mention des auteurs grccs ct latins, que M. Y. Kamjten a consultc's toutes lesfois qu'il importait de comparer les renseigQcmens des anciens avec les nar- rations des modernes. 11 serait a de'sirer que cet ouvragc fut traduit en une languc plus generalemcnt connue en Europe, afin que les liistoriens et ge'ographcs HOI.LANDE. 207 c'lrnngers fussent en c'tat dc profiler des jjrogres que lui doivent I'his- toire et la ge'ograpliie dc rAfriqiic. XX. 37. — rerhandeling aangaande de uitvinding der brillen. - Traite sur rinvention, I'usage et Tabus des lunettes , par M. W. Menskrt, oculistc de S. M. le roi. Amsterdam, i83i ; Portiels. Iu-8" de XIV et igg pages. Le but que s'cst propose' I'auteur a cle de combattre I'idee fausse que les lunettes donnent de la force aux yeux affaiblis et de pre'venir par la leur usage inconside're' ; de faire connaitre ensuite plus ge'ne'ralc- mcnt la veritable force des verres a lunettes , et de donner enfin queK ques conseils aux personnes qui les connaissent peu , afin qu'elles ne so laissent pas entrainer , soit par de mauvais conseils , soit par vanite' , a porter des lunettes et s'abimer totalement la vue. Get ouvrage nous a paru re'pondre parfaitement a son but. L. 38. — Nieuwe JVerken van de maatschappij der Nederlan- dsclie Letterkunde te Leiden. — Nouveaux me'moires de la Socie'tc de lilterature nationale a Leyde. 3 vol. i'''^partie, Leyde , i83i. In-B" de xxxviu pages contenant la liste des membres de la Socle'te' , et 1 35 pages. Ce volume contient un me'moirc de M. N. G. van Kampen , pro- fesseur de litte'rature nationale a I'Athe'ne'e d' Amsterdam : Sur le urai caractere distinctif de I' eloquence de la chaire , du barreau , des assemhlees politiques et des assemhlees litteraires , anquel a etc adjuge'e la me'daille de la Socie'tc dans rassemblc'e ge'ne'raledu I'J juin I ^i'lC). — L'auteur a cru trouver cc caractere , non dans la diffe'rencc des personnes auxquelles la parole est adresse'c , ni dans le sujet dont traite I'oratcur, ni dans le ton plus ou moins e'levc dont il se sert , mnis surlout dans le different but qu'il se propose. C'cst ainsi que, pour re'loqucnce de la cliaire, il tx'ouve que le butdc I'orateur doit etre d'edificr; dans les discussions pollliques c'est sur- tout h persuasion a hqnclle I'orateur doittendre; convaincre est le but de I'avocat et du plaideur qui parlg au barreau ; un amusement utile est cc qu'on desire de celui qui porte la parole dans nos asscm- ble'es litteraires. X. X. LITRES FRANC AIS. 3g. — Siir la politique rationnelle • par ^4lphonse be LAMjiii- TiNE. Paris, i83i ; Gosselin. In-8" dc 92 pages j prix, 3 fr. 5o c. 40. — De la noiwelle proposition relative au hannissement dc Charles X et de sa famille ; par M. de Chateaubriand. Paris , oc- lobre !83i ; Lenorniant. In-8° de i55 p. ; prix , 3 fr. 5o c. Deux liltc'raleurs ce'lcbres viennent en menie terns mettre le pied siir I'arene politique , I'un dcja veteran dans ce genre dc lutte , I'autre pour y faire ses premieres armes. Naguere un college electoral , peu sensible au charme des beaux vers , n'a point juge M. de Lamartine Lomnie assez positif\>o\\v e'plucher le budget , bien qu'il se fut signale Fan der- nier par une petition en favcur des proprie'taires de vignes. Ilsemble que sa brochure nouvelle ait pour objet de faire sentir leur tort aux e'lccteurs; du moins on pourrait voir dans I'affectation de son tilre le de'sir de protes- ter d'avance contre une accusation que M. de Lamartine parait craindie beaucoup, celle de nourrir quelque penchant pour la poVtique seiiti- mentale , tant de'cric'e par nos homnies d'affaires. Toutcfois , au risque d'encourir leur dedain , nous aurions prcfe're le pocte , animc d'une sainte ardeur pour la de'livrance de Varsovie , au diplomate chapitrant les Polonais pour avoir mal choisi leur jour , pour n'avoir pas entre- pris leur revolution un an plus tdl ou trois ans plus tard. M. de La- martine se monlre d'aillcuis fort liberal dans ses opinions; la pairie here'ditaire est , suivant lui , contraire a la morale et a la logique ; il so prononcc pour une seule representation nationale , demande I'election a plusieurs degre's , et laisse mcme e'chapper le mot d! election supreme : il veut lalibcrte'de la pressc, celle des cultes , et I'cnseignement gratuit pour le peuple. Tout cela nous otc le coui-age de signaler dans sa Poli- tique rationnelle mainte illusion dc ce mysticisme qui abonde chez les pubiicistes en apparcncc les plus positifs , mysticisme que nous aurons LIVRES FRAN^AIS. 2O9 souvcnt occasion de faire rcuiarqiicr en examinant leurs ouvragcs. II nous est bien plus agre'able de citer , dans la nouvelle production de rauteur des Harmonies ct dcs Meditations , quclques-uncs de ces pense'es proplie'tiqucs , dans lesquclles se rencontrent involontairement aujourd'hui tons Ics csprits supe'rieurs , ct qui sont si fre'quentes cliez les Ballanche, les de Maistre, les Chateaubriand, les Stael , les Benjamin Constant. Tons , par I'instinct du genie, out profonde'ment senti qu'ils assistaient a un de ces momens solennels oil la socie'te est prcs de subir un renouvellement general. Une pareille coincidence devra enfin frap- per les attentions les plus vulgaires. Voici quelques-uns de ces passages : « Nous sommes a une des plus fortes epoques que le genre humain ait a franchir pour avancer vers le but de sa destine'e divine , a une c'poque de renovation et de transformation sociale, pareille peut-etre a I'c'poquc c'vange'lique. » — « Tout est de'bris , tout est vide devant nous • le sol est nivele comme pour une grande reconstruction sociale pre'pare'e par Ic divin architectc. » — « L'ceuvre de cette grande e'poque , ceuvre longue , la])orieuse , conteste'e , c'est d'appliquer la raison humaine , ou le verbe divin , ou la ve'rite' e'vangc'lique , a I'organisation politique des socie'te's modernes, comme la veritc eVange'lique fut des le principe applique'e a la legislation civile et aux. moeurs. Rcmarquez-le bien : la politique a e'te' jusqu'ici bors la loi de Dieu ! la politique des p»uples cLre'tiens est encore pai'enne ! L'homme ou I'humanite n'ost a ses yeux qu'un veritable esclave antique, ne pour servir , payer , combattre ct mourir I horrible mensonge qui souille a leur insu tant de coeurs chre'- tiens , tant de bouches meme pieuses I L'homme social doit etre de'sor- mais.aux yeux du philosophe , aux yeuxdu le'gislateur, ce que l'homme isole' est aux yeux du vrai chrc'tien : i;n fils de Dieu , ayant les memes litres , les memes droits , les memes devoirs , la meme destine'e devant le pere terrestre , I'Etat , que devant le pere celeste, Dieu. C'est la forme que nous cherchons dans le droit et Taction de tons ; cette forme que les modernes ont appele'e democratic , par analogic inexacte avec ce que les ancicns nommaient ainsi , et qui n'e'tait que la tyrnnn'e de la multitude. » Cette brochure, adresse'e au re'dacteur de la Revue Euroyeenne , est lermine'e par ces mots qui annoncent un grand de'couragement : « Adieu, monsieur ; tandis qu'inutile a mon pays je vais chcrcher les vestiges do TOME LII. OCTOBRE 1831. 14- 2)o LiviiKS fran(;;ais. I'liistoirc, los momimcns dc la re'f;cneration clirc'licnnc , et los retontis- scnicns loinlains de la poc'sic profane ou sacrc'e dans la ponssif-rc dc I'figyplc , sur Ics mines de Palniyre ou snr le tombeaii de David , puissiez-vous ne pas assisler a dc nonvtiles mines , et ne pas prcparei- a riiisloire Ics pages I'unebres d'un peiiple (jui porta encore en soi dcs siccles dc vie , de prospe'ritc et de gloire I » Et cependant M. de Lamartine avait entendu « une voix importune et forte , une voix qui descend du ciel coinme die s'e'leve de la Icrre , lui dire que cc terns n'est pas celui du rcpos , de la contemplation , drs loisirs platoniques , mais que si Ton nc veut pas ctre moins qu'un liomme, on doit descendre dans I'arene de I'humanite' , et comljattrc et souffrir, et raourir, s'il Ic faut, avec elle et pour ellcl » Pourqnoi done ce pe'le- rinage en Palestine , au moment meme ou le vieux pelerin dcs iieux sa- cre's e'prouve le bcsoin dc quitter sa retraite pour venir se Jeter au milieu dc la melee ? M. de Chateaubriand exprime avec la francliisc la plus bardie son attachement ])our la dynastie decbue , son csperancc dc revoir un jour aiwle trone de scs ji'eres I' enfant (ie Robert-le-Fori, le candidal de sa tendre et pieuse fidelite , celui que inille ans noues a sa jeune tete pareront toujours d'une pompe au-dessus de celle de tous les monarques. 11 ne de'guise pas davantage son rae'pris pour une monar- chic achevee a Paris en trois coups de rabot dans une arriere-hou- tique ; pour cette quasi-chose qui tient de tout et de rien , qui ne vit pas , qui ne meurt pas ; usurpation sans usurpateur , journee sans veille et sans lendemain ; pour ccs arcs-de-triomphe ciinentes avec de la boue ; pour ccs ecornifleurs de gloire , de courage et de genie; chevaliers de la monarchie elective qui out perdu la Pologne , chapeau has , comme les marquis de la monarchie absolue I'avaient deja perdue une fois , chapeau sous le bras. Mais, au milieu de cc feu roulant de sarcasmes dictc's ]iar des senti- mens sans doute g^'ne'rcux , suivons les pensecs du dc'fenseur de Henri V. Les journc'es dc juillet advenues , que ])Ouvajt-on etablir? se dc- mande-t-il. La rejiublique, la monarchic sous une race toule nouvelle . ia monarcbic avec Reicbstadt , Orleans ou Bordeaux. La re'publiquc? I LivRES fran(;;ais. ' 211 n Quant a moi, qui siiis republicain par nature , monarcliiste par raison et bourbouniste par lionneur , je me serais bcaiicoup mieux ar- range d'une democratic, si je n'avais pu conservcr la monarcbie legi- time, que de la monarcbie batarde octroye'e de je ne saisqui. » line race nouvelle? « Apres les journe'cs de juillct , on aurait pu s'accommoder de cette mesure; mais ici la difficulle gisait dans le choix de rbommc. A I'in- te'rieur e'tait-il possible de trouver une faraille assez respecte'e pour ctre obe'ie? A I'extcricur pouvait-on emprunter un roi? Ouand ce souve- rain cut apporte en dot a la France des fronticrcs desirables, jamais le sang francais ne so scrait soiimis a la domination d'un sang e'trangcr. » Reichstadt? C'est une Ic'gitimitc'. « Napoleon avait marcbc plus vite que. toute une ligne'e : baut enjambe , dix ans lui avaicnt suffi pour mcttre dix siecles derriere lui. Mais rc'ducation e'irangere du due de Reicbstadt , les principcs d'absolutisme qn'il a dii sucer a Vienne , e'levaient une barriere entre lui et la nation : le fils ciit moins semblc rbe'ritier de la gioirc que du despotisme dc son pere. » Bordeaux ? « Les avantages de ce cboix e'taient e'videns. Ce cboix e'loignait toute crainte de guerre civile et e'trangere. Pendant la minoritc' de Henri V, les droits populaires auraient pris sans danger , a I'abri de la le'gitimite, leur extension naturelle ; tandis que ces memcs droits , e'tendus sous la faible monarcbie elective, nous peuvcnt precipiter. Le sceptre du joune Henri , soutenu des mains de la jeune France, ciit mieux valu pour le repos de cette France , pour le bonheur meme de celui qui regne , qu'une couronne entortille'e a un pave et lancc'e d'une fenetre j cou- ronne trop le'gere si on la se'pare de son poids , trop pesante si elle y reste attacbe'e. » D'Orle'ans ? « Joindre rhe're'dite a la monarcbie elective , de'blate'rcr contrc la succession legitime et recre'er imme'diatemcnt une autre succession legi- time, est une lamentable incobe'rence. — Les quatre autres combinai- sons politiques corrcspondaient a des masses populaires plus ou moins considerables , a des opinions connues. La monarcbie quasi-le'gitime , a quoi et a qui parle-t-elle? — II paraitrait que la vitalitc politique des 14. 212 LIVRKS FRANC/MS. Franftiis , dcpiiis qu'ils font et dcTont Icur goiivcrncmont , iic dc'passe gucre un dcmi-quait de siccle. L'ordre actuel , dans sa nicillciirc diance etnon re'genere par quclquc accident, ne rampcra pas si loin. — I^a con- duite dc Tadnlinistration a rinte'riciir et a I'exte'rieur a etc lout juste cc (jn'il fallait pour ])aralysrr Ic gonvcrncraent de jiiillet. » Apres celte discussion vicnt unc censuic motivc'c dcs acles du nou- veau pouvoir : la taclie e'tait facile , mais elle est ici reniplie avec une -verve satirique dont il y a pen de modcles. Nous avons peine a nous em- pcclicr d'extraire quelqnes citations. Lcs grandes et ics petitcs coleres, la frayeur et la cranerie, la na'i'velc et les fmasseries qui se sont mani- fcste'es dans toules les demarches ininislcrielles ; loi siir la pairie et emission de nouvcaux pairs , cliasse obligee aux croix et aux ficurs de lis et persecution spontane'e , sourde et publiquc , de la pressc et des liorames de juillet ; protocolcs beiges , abandon dcs Ilaliens et des Po- lonais : tout cela est I'objet d'attaqucs vivcs ct hardies. Ceci fait , M. de Clvatcaubriand expose re qu'il croit proprc a ter- miner la crise. « Le peuple dc Paris, a I'Hotel-de-Ville, avait re'dige im programme en six articles ; le dernier porlait : Adopte provisoire- ment et devant etre soinnis a la sanction de la nation , seide ca- pable de s'imposer le systeme de goiu'erneinejit qui lid conviendra. Le peuple de Paris avait done Ini-mcme fait ses reserves. Mainlenant qu'un congres national soit assemble', qu'il prononce , entre tou(cs lcs pre'tentions , cntrc tons les systemcs; alors les oppositions de principes tombent, la force gouverncmentale est centnple'e. Pour que la couronnc e'lective soit legitime , bcsoin est que la nation convoquce ni fasse le don.» Enfin M. de Chateaubriand aborde la question annonce'e par le titre de sa brocliurc , celle du bannissement des Bourbons. Elle peut etre a ses yeux la plus importante; mais, comma elle ne Test point aux notres, nous nous contenterons de re'pe'tcr avec lui : « II serait (eras d'on finir avec les lois de proscription ; elles n'empechcnt rien de ce qui doit ar- river, et elles ont un caractcrc dc fureur qui n'est plus en rapport avec I'humanite' du sieclc. » H. Les champions ze'le's du justc-milieu , mis en e'moi par les attaques de M. dc Chateaubriand , I'ont assailli d'un deluge de refutations, aux- quelles lui-mcme a rc'plique ])ar quclques pages aux lecteurs, pleines dc la plus raordantc iionie. Voici lcs litres dc phisicurs de ces contrc- pamphlcts , jiarmi le>que lemouvcmenlauquel il appartient. Quand le genie de la guerre, qui remua si long-tempsrEuropejusque dans ses fondemens, eute'tejete par elle sur le rocher de Sainte-He'lene, oil il expira, toutes les imaginations que fascinait ct absorbait re'clat de sa glorieuse aureole, I'ortcmcnt e'branle'es par cctte chute inouie, e'cliaj)- percnt enlin a Icur eblouisscment pour cliercher apres un moment de repos denouveaux objels a leur activite. Mais alors, pour pen qu'on cut quelque largeur dans la'pense'e, au milieu de ces petites lultes parle- mentaires, de ces petites escarmouclies , de ces victoircs d'lm jour , de cette pole'miquc politique et litleraire si e'iroite, on e'tait bientot dc'^outc' d'une fantasraagoric aussi insignifiante; le pied cnfoncait bicn vile sui- tes solutions si creuses et si e'pLe'mercs donne'es aux problemes sociaux , ct Ton se sentait avcc cffroi tomber dans le vide commc I'archange de Milton; c'est pourquoi, remontant de questions de plus en plus laiges , pour trouver un terrain solide sur Icquel ils pussent se poser en assu- rance et d'ouils pussent jugcr le present, interroger le passe' ct prcvoir en questions I'avenir , quclqucs hommcspuissanssc ratlacherentaux princi- pcs catholiques, qui, a leur grande admiration, avaient une fois dcja fait si lieureusement sortirl' Europe du chaos, et qu'iis croicnt encore destines a organiser lemondc : telsfurent de Maistre,]ja Mennais, le baron d'Ecks- 'ein, qui publiaZe Catholique, les re'dacteurs de V Avcnir, ceuxdu Cor- .respondant et de la Revue Europeenne , qui rcmplacc aujourd'hui Ic Correspondant. C'est ce mouvementsidignc d'altention a tons e'gards que nous saurons appre'cier sans le suivre, jugcr sans lui direanatheme. B. Deux ouvrages importans dans la meuic direction d'idecs vicnncnt de paraitrc sous les litres siuvans : 53. — Coup d' ceil sur la coTitnwerse chretienne, depuis les premiers sieclcs jusqu'a nos jours , par I'abbe' Ph. Gerbet. Paris , i83i ; aux bureaux de I'Agencc ge'neralc pour la defense de la liberie leligieuse , rue Saint-Germain-des-Pre's, n" lobis. In-8" dc viii-r)()'i p. ; prix, /jfr- "».|. — Melanges catholiques , c\Ua\\s (\c l\/\'enir. Paris, i83i ; aux menu'S !)ureriux. ■>. \(A. iii-8" d'euyiron mx) pages. LIVilKS FKANCAIS. 2 1.) 55. — ParaUele da saint-si inonien et du jepitblicaiii. Lettre .'iilresse'c par Jules Sambuc au president de la reunion des Amis de I'e- galite'. Grenoble, i83i ; iinprimerie de Barnel. In-S". Celte leltre parait e'crile dans I'intention d'e'viter que Ton puissc con- fondre Ics re'publicains et les saint-simoniens. M. Samijuc montre, dans douze paragrapbcs, la distance qui , selon lui , se'pare la doctrine qu'il professe de celle des disciples dc Saint-Simon. La plupart des diffe'- rences qu'il signale , sauf quelques erreurs , sont aussi impartialemen'. appre'cie'cs que sa propre conviction pouvait Ic permettre ; mais il est ne'cessaire d'obscrver qu'il n'oppose au re'publicanisme qu'un aspect de la religion saint-simonienne , pui.squ'il ne la considerc que sous le point de vue politique ; ct de pins , qu'il donne souvent a son systeme de re- publique une extension que Ton n'est pas habitue a trouvcr dans les discours du grand nombre deccux qui contessent partagcr ces opinions. Ed. Ch. 56. — De la Liberie en France et aux Etats-Unis de VAmerique du JVord. Courte conversation sur ce sujet. Paris, i83i; impr. dc Doyen. In-8° de Go pages ; pris., i fr. 5o c. Trois interlocuteurs ( I'entbouslaste , Tincrc'dule et le voyageur , es- pcce de jiiste-miiicu ) sont charges d'exposer les rapprocbemcns aux- quels pent donner lieu Te'lat actuel de ces deux paysj et la conclusion en parait e'vidcmnicnt favorable a la France. Cependant I'auteur a pe'ne'tre fort peu profonde'ment dans le sujet ; ses argumens , pour un cote comme ])our 1' autre , sont tire's du dictionnaire des lleux communsque le libe'ralisme de la rcstauration a mis a la mode. II est bien clalr aujourd'bui , pour tout bommc qui salt examiner les faits existans et re'de'chir sur leur liaison ne'cessaire avec le passe' comme avec ravcnir, que la re'publlque federative des Etats-Unis n'est pas plus la solution de- finitive de la perfcctlbilite des socie'te's bumalaes que ne Test notre mo- narchie constitutionnelle de la vieille Europe : aussi I'importaut n'e'tait pas de peser dans la balance , avec un e'quilibre conscicncieux , la plus ou moins grande dose de liberte' que les le'gislateurs ont juge' a propos d'adminlstrer aux deux pays. La question n'est point la pour qui salt la comprendre ; et il me semble probable qu'un voyageur impartial pourrait nous apprendre, sur la situation morale des £tats-Unis, bien des choscs que SOS pre'de'cesseurs n'ont point su voir ni raconter. Pent - etre trouvcrait-on , en y regardant de |)lns pies, que la oil rcgo'i'sme national 2l6 LIVRES FRANgAIS. parait etre devenu unc loi de I'Etat , la oil I'esclavage etalc encore scs de'plorabks de'sordres , la ou le christianisme conserve avec obstination les raffineinens mesquins de sa devotion dc'cre'pite , la ou la de'mocralic indigene n'a pu encore cxlirper les fortes racines qu'y avait jete'es I'aristocratie de la uie'tropole, la ou les beaux-arts ne peuvent se deve- lopper sous I'iufluence du rigorisme puritain, les iinposans dehors de la re'publique-modele lecelent encore , pour le uioins , autant d'imper- .fections et de raiseres que certains pays de I'ancien continent. A. J. 5^. — Conseils aux Instituteiirs des ecoles primaires, approuve's par le comite cantonnal de Mantes ( Seine-et-Oise ). Mantes, i83i ; impr. de M'"" V Refay. In-8° de 1 5 pages. 58. — De la politique etdii commerce des peiiples de I'antiquite^ par A.-H.-L. Heep.eT*, professcur d'histoiie a I'nniversile de Goellin- guej traduit de I'allemand sur la qiiatrieme edition, par W. Slckau. Tomes II et III. Paris, i83i ; Firmin Didot , rue Jacob, no u/j. ■! vol. in-8°; prix de cliaque volume, 7 francs. Nous avons annonce' et analyse' dans la Re\>:e Encyclopedique (octo- bre i83o) le premier volume de cet important ouvragc. L'autcur, apres avoir savarament de'crit la ge'ograpLie ge'ne'rale de I'Asie, conside're'e sons le rapport pliysique et sous le rapport politique , a donee en paiticulier un aperfu de I'empire des Perses divise par satrapies; il a deVeloppe ensuite, dans'Ja' seconde partie de ce premier volume', la constitution politique de la monarcliie persane. Le tome second se divise en trois parties. La premiere contient des notions sur deux peuples qui, depuis le terns de Cyrus, ont e'te incor- pore's a la monarcliie peisane, mais qui mcritaient d'etre de'taclics du ta- bleau ge'ne'ral de cet empire, parceque, pendant bien des siecles, i!s ont eu une existence inde'pendante , une puissante individualite; parce qu'ils ont exerce une influence immense sur les destine'es et le develop- pement intellectuel de I'Eiu-opc. Nous voulons parler des Plicniciens et des Babyloniens, qui ont exporle, dans une notable partie du raonde des anciens , ces religions terribies et volu])lucuses , cetle navigation , cc commerce maritime elp^r terre, cette exploitation des me'taux , ce tra- vail des denre'cs foui'nies par la nature, ces fabriqucs, ces e'crilures, ces sciences mallic'jnati(jues et aslronomiques, ces arts liljcraux enfin . donf ils apparaissenl, dans les auteurs anciens, comme les picniiers el LIVRES FRANCAIS. 2J7 sublimes inventeurs, mais qu'ils empnintcrent peut-etre a I'lnde. La sc- conde parllc du tome II est consacre'e a la ge'ographie dii grand plateau de I'Asie centrale, qui s'etciid depuis la cliaine du raotit Taurus jusqu'a celle de 1' Altai, et qui e'tait occupe par le peuple scythe proprement dit, ct par les tribus mongolcs et tarlares. On trouve insuile , dans la meme section , les details concernant le commerce et les rclalions de ccs differences nations. — La troisieme parlic du tome II se compose de di- vers appendices aux. deux premiers volumes , ou se trouvent traite's soit par M. Hceren lui-meme, soit par MM. Grotefend ctTvcHSEN, sos amis , plusieiirs sujets qui inle'rcssect an plus liaut degre la science de Tantiquite et la pliilologie. Ce sont des essais sur Pasagarde et le tom- beau dc Cyrus , sur la Pcise'polis de Herder , sur la plus ancienne navi- gation du golfc Persique , sur les e'critures cune'iformes et les inscriptions de Perse'polis, sur les mots indiens cites par Cte'sias, dont on chercbe a donner I'interpre'tation a I'aide du persan , sur I'explication dcs noms dc Pasagarde et de Perse'polis. Le tome troisieme comprend , en deus. sections : i ° nn aperfu critique de nos conuaissances sur les antiquite's de I'lnde ; 2" dcs fragmens sur I'histoire, la constitution et le commerce de I'lnde ancienne. Dans cetle partie de son ouvrage, M. Heeren n'a plus le secours des autcars grccs ct latins qui ont a peine connu I'lnde par oui-dire; il tire les no- tions qu'il nous transmet de la lilte'rature sanscrite elle-meme. L'cssai de M. Heeren sur cette partie de I'histoire ancienne a done le double avanlage dc nous initier non-seulement aux institutions rcligieuses , po- litiques ct industrielles dcs Indiens , mais aussi a ce que quinze ans d'e'- tudes ont fait connaitre a I'Europe des anciens et principaux ouvrages de I'lnde. L'ouvragede M. Heeren pre'scnte d'abord re'unies on faisccau lesdon- ne'es eparses dans une multitude d'ouvragcs scientifiques sur I'autiquitc'; et, quand il n'aurait que ce meritc cncyclope'dique , il se recommande- rait 3eja par une incontcstaljlc ct immense utiiite. Mais il contient en outre une foule de de'couvcrles proprcs a I'aulcur, qui repandcnt les plus vives lumiercs sur Ic taljleau de I'liumanile , j^ris aux plus anciens ages et continue pendant deux miile ans. Ce livre , indispensable aux savans , inte'rcssc toutes les classes dc la socie'lc' , memc'cclles qui n'ont qu'un degre mediocre d'instruclion. Dcs parties considerables re'veillent ■2\S UVKKS FR,\N(;A1S. la curiosite ([uc les voyages n'ont jamais trouvee cii deTaiit .- Ics Jioiuiucs dii niondc y troiiveront le plaisir avec iinc instruction solide. Nous avons compare, dans beaiicoup do passages, la traduction avec roriginal , et nous I'avons trouvee partout fidele; non pas de celte fide- lite (|ui, en rendant le mot pons le mot, ne pcrmet pas dc saisir le sens, inais dc celle au contraire qui cntre dans la pense'c de I'auteur original , qui la rend dans toute son e'tenduc , qui montre toute sa portee. Commc les matieres traitc'es par M. Heeren sont de natures tres-varie'es et tres- diffe'rentes , la version , pour etre exacte , re'clamait dans le traducteur dcs connaissances e'tendues. EUe fait done infiniment d'honneur a M. W. Suckau , inde'pendamment de I'intelligence approfondie de la langue allemande, que personne, jc suppose, ne s'aviscra de lui contes- ter. Le seul reproclie qu'on put adresser a quelques pages du premier volume e'tait une phrasc'ologie un peu longue; ce dc'faut a presquc en- tierement disparu dans la seconde et la troisieme livraison. A mcsuie qu'il s' est plus exerce a e'crire dans notre langue, M. Suckau lui a conserve' avec plus dc scrupule son caractere distinctif, la precision et la clarte. Nous devons ces deux volumes a M. Didot, qui ne fait pas souffrir ses anciennes publications dc I'immense et nuuvclle eutrcprise du Tre'sor de la langue grecque , et dont le nom s'associe si honora- blement a toutes les entrepiises de Tcrudition. A. PoiRso>f. Sg. — Histoire romaine. Premiere partie : Republique ; par Mi- cuELET , chef'de la section historique aux archives du royaume, maitre de conferences a I'Ecole normale. Paris, i83i ; librairie classique de li. Hacliette , rue Pierre-Sarrazin , n° .11. -i vol. in-8". ; prix, 12 fr. De grands travaux sur les Romains ont etc' entrepris depuis quelques anne'es , et ont reveille un vif inleret pour cette partie de I'histoire. Nous aurons a compai er les nombreuses et profondes recherches de Nicbuhr ( i ) avec les vues savantes et poe'tiques de M. Ballanclie et 1' erudition vi- vante de M. Miclielet, aussitot que les publications de ces trois liisto- riens seront complc'tc'es. Nous attendons ce moment avec impatience, el nous I'aurions meme devance , au risque de ne taire d'abord qu'un tra- vail fort imparfait , si le nom seul de M. Michelct n'e'lait une garanlie (I) llistnire roniaine , dc B. G. iNiF.niHr,, U-adiiUc [lar M. de (Ioljikuv. Paris, 1830; Lcvrault. Les deux premiers volumes ont parii . LIVRES FHANQAIS. 2 K) plus que sulfisantc pour tous Jes liommcs qui aiment a voir Ics details cle la science domine's par le coup d'oeil du pjiilosoplie et anime's par la plume de I'artiste. Z. Go. — Histoire des Francois ^ par J.-C.-L. Simonde de Sis- MONDi. Tomes xiii, xivet xv. Paris, i83ij Trcuttel ct Wurtz. 3 vol. in-S" de G^S , ■] i8 ct yol pages; prix, 8 fr. le volume. La Revue Encjclopedique a plusieius fois parle de V Histoire des Francais de M. de Sismondi ( voyez tome x , page !\-i\ ; xii , 84, XVII , 68i ; XIX , 58G; xxviii , 647 , 762 ; xxxii, 346; xl , 47^ ; xm , 92) ; mais , dans les articles d'analyse donne's sur ce beau travail , on s'est attache' a une critique de de'tails si minvitieuse que les deux pi-emiers volumes seulement out pu etre examine's. Nous nous pro- posons de rendre compte iucessamment de I'ensemljle de I'ouvrage , et nous nous appliqucrons surtout a faire ressortir I'csprit general qui a preside a sa composition. Savant infatigable , ecrivain brillant , penseur profond, publiciste habile , M. de Sismondi re'unit toutes les qualite's de I'historien ; et la porte'e de scs vues philosopliiques , la sagesse de ses jugemcns impriment a ses productions un cachet particulier. ^J His- toire des Francais , tache immense qu'il accomplit avec une perseve- rance rare , ajoutera un nouvel eclat a la reputation d'un auteur que V Histoire des repuhliques itnliennes du moyen age, et V Histoire de la litterature du midi de I'Ewope ont deja rendu ce'lebre. L. Am. S. Gi. — Histoire de France , racontee par un grand-pere a son petit-fils ; de'die'e par sir JFalter Scott a M. John-Hugues Loc- KHART ; traduile de I'anglais par A.-J.-B. de Fauconpret, traducleur des OEuvres de sir Waller Scott. Premiere se'rie, comprenant dcjnns la conquete de Cesar jusqu'au commencement du quinzieme siecle. Paris , i83ij Ch. Gossclin, rue SaintGermain-des-Pre's, n" g. 3 vol. in-i'2 de 290, 3oG, 344 P^gcs; prix , G fr. 75 c. Nous avons fait connaitre , a racsure de Icur publication , les divei-ses iivraisons de V Histoire d' Ecosso , compose'e il y a deux ou trois ans par Walter Scott , pour I'instruction de son petit-fils. ( Voy. Rev. Enc. , torn, xxxviii , p. 738; xLi, Go5; xlv, 4j8. ) Les qualite's par les- •luellcs il nous avait paru qu'elle se distinguait , une eonnaissance des fails , une science de rhorame et des socie'te's , qui ne peuvciit mac- 2 20 LIVRES FRANC/VIS. qucr a iin si grand peintre du j)asse , line expression plcine dc fainilia- rite et de bonhomie , qui se proportionne sans aucune gene , et non sans grace , a I'intelligence du premier age , tout cela sc retrouve et devait sc rotrouver dans la nouvellc histoire que nous annoncons. Seulc- ment, inaitre Little-Jolin a grandi dans rintcrvallc , et les lemons de son grand-pere sent devenues naturellement en peu plus se'rieuscs ; les re- flexions se raelent plus souvent au re'cit , et elles portent sur de plus graves objets, sans que pourtant I'auteur oublie jamais que c'esta un en- fant qu'il s'adi-esse , et soil lente de le trailer en trop grand garcon. On pent ciler coinme un modcle en ce genre resplication du systeme fe'odal et de I'institution de la chevalerie. Par la , ce livre se recommacdeau clioix des institutcurs et des peres , toujours si embarrasses de trouver , pour Icurs eleves ou lours enfaus, ce qui est en effet si rare, des ouvrages vraimcnt ele'mentaircs , a la fois instructiis et laciles. L'iinpartialile' est un desmcritcs ordinaires de Walter Scott , et diint il ne s'est jamais dis- pense' qu'envers les contemporains. Elle n'est point alte're'e sensiblement dans cette histoire , malgre' quelqucs preferences britanniques et quel- ques repugnances anglicanes, auxquelles il e'tait difficile qu'il cchappat enticrcment. Passons-lui , par exemple , de s'eteijdre sur les vicloires des Anglais plus complaisamment , de parler des vertus religieuses de saint Louis plus le'gerement qu'on nc le ferait de ce cote du de'troit. Quant a la traduction , faite avee unc rapidile trop visible , ellc n'est pas tou- jours suffisamment correcte , et clle pent avoir quclquelbis I'inconve'- nient de trompcr sur les regies dc la grammaire les jeuncs lectcurs aux- quels elle est plus particulicremenl destine'e. II seiait luieux qu'en appre- nant I'histoire de France ils ne risquassent pas d'oublier uu peu le francais. H. P. Oi. — Exlraits de la correspondance de M. DuxROMi avec M. le president Capodistuia, Paris, i83i; M. Cassin , rueTaranne, n" iii; au bureau de la Revue Encyclopedique et chez les marchands de nou- veaute's. In-S" de 4'-i p-; prix, i fr. (Se vend au profit des Polonais.) M. Dutrone , secretaire du eomite central polonais, et fondateur d'un autre eomite corrcspondant a Amiens (i), consacreaux malheurcux de- cnseurs de la liberte en Polognc le produitd'un ouvrage destine a ho- norer la meme cause qu'il a servie en Grece de sa personue : « car , dil-il , la liberte est solidaiie sur tons Us jjoinls du globe. » (1) M. Dutrone est conscilicr a la Goiir Royalo dc ccUc villc. LTVRES FRAN9AIS. 22 1 A la suite dc la mort delM. Capodistria, unc polc'miquc s'esl e'lcve'e dans Ics journaux. cntrc son ami , M. Eynard , ct plusieurs jeimes Hellenes , appartenant aux families qui s'e'taient distingue'es a la tele de I'oivposi- tion forme'e centre son gouvernement. Ceux-ci se sonl adresse's a M. Du- ti one , qui avail cxei'ce aupres du president les fonctions de secretaire , invoquant soffte'moignage pour e'claircr I'opinion publique sur le ve'ri- table caractere de celte lutte entre I'adminislration et I'aristocratie na- tionale. C'est pour repondre a ce voeu que M. Dutrone public des ex- traits de sa corrcspondance. On y voit avcc quelle sagacite il jugeait la marcbe du nouveaii gouvernement grec, pre'voyant son avenir, etaATc quelle francbise il s'exprimait a cet e'gard en e'crivant au president lui- meme. II lui rcprocbe d'abord de s'clre entoure' d'hommes incapables on malintentionnc's , au seul titre qu'ils lui e'taient altacbe's par les liens du sang. Scs deux freres e'taient du nombre; M. Dutrone ne Ics menage point. « Ge sont les autorite's, dit-il , qui ont cree I'oppo- sition. L'envaliissement des eraplois par des hommes qui les dc'slioDorent n'a pas laisse que d'avoir encore d'aulrcs effets non moins funestes que celui de tourner centre le gouvernement les forces dont il pouvait dis- poser naguere. Les mauvais cboix faits parmi les nationaux ont com- promis le peuplc grec aux yeux du monde civilise', re'sultat de'jilorabic qui est porte' a son corable. La faveur accorde'e a des c'trangcrs qui en soDt indigncs est unc injure ftiite aux peupics pliilhellcnes, ainsi qu'un retard apportc' au perfectionncmeiU politique et moral de la Grece. « II de'fend ensuitc la liberie de la prcsse , entrave'e par le gouver- nement. « Si , au lieu d'etre reduit a confier I'expression de ses dole'ances a un journal ennemi qui les denature et les fait servir de ve'hicule au poi- son qu'il repand (/e Courrier de Smj-rne), I'opposition cut Irouve' un organe dans la feuille nationale , cbaque jour vous y eussiez vu, mon- sieur le president, plus exactement que dans les rapports de la police, les motifs, les progres de I'irritation publique, et prubablcment vous en eussiez pris conscil. » Venant plus tard a caracte'riser cette opposition, M. Dutrone s'ex- prime ainsi sur I'e'tat du pays : « En Grece, 011 est la force? dans la classe patricicnne. Pour cette 222 LIVRES FRANgATS. cpoque, iin goiivcniPiiient s'abuscra toujours (jiiand ii croira pouvoir niarclior sans cllc. Jc ne crains point le icproche d'etre ontl.ousiaste dcs patricicns : on me voittrop rarcment les prendre pour clicns; mais , si je stipule d'liabitude honneurs et pouvoir en favcur de raristocratie inlellectuelle, on in'entendra toujours demander non moins instainment grace provisoire pour I'aristocratie cartulaire , dc naissance on de ri- chesses • car si , en general , rien n'esl tant a de'sirer que de voir substi- tuer la premiere a celle-ci dans I'ordre politique , le cliangement ne doit s'ope'rer que graduellement. Ici , d'ailleurs, il n'ya point de transposi- tion a faire : savoir, richesses , "naissance , sont reunis ; Ics dilfe'rcntes aristocraties font un tout compact. Celte federation a done droit qu'on lui pardonne pour le moment de fonder une partie de ses pretentions sur sa naissance , sur ses richesses , ct droit de ne pas eli'e repousse'e des affaires de I'Etat, puisqu'elle seule pent appre'cier leur marche. La condamnation de I'aristocratie grecque a la morl politique n'a point pour re'sultat de faire he'riter de son influence une classe plus capable. Elle disparut , il ne reste plus que I'aveugle classe moutonniere a con- duire. « Aux siccles de barbaric , le conque'rant qui , ks armes a la main , subjuguait une nation , faisait pe'rir ceux des citoyens de la part des- quels il craignait quelque resistance a son empire. La civilisation , dans ses progres , fit substituer aux massacres la proscription , peine que les Remains infligeaient par V intef diction de Veaii et dufeu. Or, les classes e'clairees ont , dans I'ordre moral , des besoins non moins pres- sans que ne Test pour tout homme , dans I'ordre physiologique , celui de faire usage de I'eau et du feu. L'un de ces besoins est de prendre part a Taction gouveriicmcntale. En exclure ces classes est les proscrirc, est les condanner a la mort politique , aussi rcdoutable pour elles que la perte de la vie. Cependant, en Grece,la classe inlellectuelle, celle qui a fait et conduit la revolution , celle de qui vous avez principalement recu votre mandat, monsieur le president, la seule classe capable , subit presque en masse ce cruel sort. Une pareille condamnation , provcnant d'un concitoyen mandataire, mis par I'origine de son pouvoir a I'abri du soup9on d'anti-nalionalile' , ne pcut etre qualific'e que d'erreur perni- cieuse • mais si elle venait d'un fonctionnaire exotique , intrus , manda- taire des potenfats e'trangers, je n'liesilerais nullement al'appelrr crime LIVRES FRANgAIS. 223 lie Use-nation. Et cc ciime serait dc'pourvu des circonstances attcnnantes que pre'scntaicnt Ics massacres et les proscriptions des conqiierans armc's. » Ces ide'es sont pleines de ve'rite' el dicle'es par la sagcssc ; le president n'y attacha pas asscz d'importancej il voulait joueren (irece un jole de Richelieu, mais les circonstances n'e'taient pas les meines. La noblesse franfaise avail deja cesse d'etre la classe la plus eclaire'e et la plus brave du pays : aussi fut-cllc bienlot remplace'e avcc e'clat par la roturej tan- dis qu'cn Grecc , selon M. Dulrone , « amputcr I'aristocratie , qui est la partie intellcctuelle de la nation , ne sei'ait point cliercher a re'soudre la difficullc' gouverneinentalc ; ce serait vouloir la trancher, ce serait la rendre insoluble; ce serait, pour un terns inde'fini, cmpecher la vraie civilisation de s'introduire en Grece ; car I'inauguralion que Ton pre'- tendrait en fairc par I'immolation des parens imprimerait pour elle, chez les enfans, une sainte et durable horreur. » Que la politique , pour proce'der sageraent^ prenne exeniple sur Ja marche de la nature; celle-ci he fait point ses mues avant d'avoir forme les nouveaux corps qui doivent remplacer les anciens. » Mais tons les efforts deM.Dutrone, pour eloigner demauvais conseil- lers et effcctucr un rapprochement entre I'opposition et le chef du gou- vernement, e'choucrent devant la volonte de ce dernier : Le gouverne- ment, dit-il , a assez de ceux qui Vapprochent. — Oui, lui re'pond M. Dutrone, pour consommer sa mine, mais voila tout. Ces citations suffisent pour donner une idee de I'inte'ret qu'offre cettc brochure. On attend de M. Dutrone un travail plus developpe' sur le meme sujet ; lui scul est en possession des documens ne'cessaires pour I'entreprcndre , ot Ton pent etre siir d'avance que sa franchise dispen- sera les historicns d'en ve'rilier les sources. *** 03. — Fojages historiques et'litteraires en Italia , pendant les anne'es iS'iO, 1827 et iS'^S, ou VIndicateur italien; par M. Va- i.ERY, conservateur-administrateur des bibliotheques de la eouronne. Paris, i83i ; Lenormaut. -i vol. in-8° de 487 et 307 pages; prix. Qui ne voudrait , partant pour I'ltalie, rencontrer un compagnon qui eut deja fait le voyage plus d'une fois ., et dont rexpe'rience piit sauvcr un voyageur novice des pre'tendues curiosite's que mele a de plus reelles la science routiniere du livret et I'indiscrctc obligeance du cice- rone J Qui ne trouverait avcc joie, dins ce guide intelligent , un ami 2 24 LIVRES FRANCAIS. dos ails , inslruit dc Icur liistoire et capal)lc d'apprecicr Icurs monu- nicns. a la fois d'apics son gout personnel et celui dcs critiques qui font autoritc? Que si, a cot esprit do clioix, a cc jngemcnt libre ct reserve , il joignait encore la connaissance du passe, partout e'crit en caracteres incffacables snr celte teire de souvenirs oii, pou-r emprunter une ex- pression splrituelle de Cice'ron, on ne peut faire un pas sans marcher sur quelque liistoire (i) ; I'etude de la liite'rature du paj's , qui en est la plus naturellc et la plus vivc explication, et qui y trouve re'cipro- qucraent le plus exact dcs commenlaires; unc observation attentive ct delicate a laqucUe n'e'cbappassent point les traits caracte'ristiques des in- stitutions et des mceurs contemporaincs; enfin, pour animer tout cela , un langage precis , c'le'gant, ingc'nicux j ne devrail-on pas, en cntrepre- nant sous de tels auspices un tcl voyage, s'applaudir de son heui'euse fortune ? Eh bien ! ce compagnon, ce guide , presque ideal , il est tout trouve' : c'est I'auteur du livre que nous annoncons , ou plutot c'est son livro. Emportcz soigneuscment cot J^ieZ italien avec vous , vous tous qui prenez la route de I'ltalie; et vous, qui en I'evenez, rcclierchez-le aussi : il vous fera repasscr utilement sur vos traces; re'sumcra, com ple'tera vos souvenirs, vos expressions; ajoutera a ces notions impar- faitcs , fugitives , recueillies en courant et souvent perdues de merae , les vues plus nettes , ])lus distinctes , moins faciles a alte'rer , raoins promptes a s'effaccr, dc la critique et de la science. Un e'loge qu'on doit a Terudition de M. Valery , c'est sa nouveaute , et , s'il est permis de s'exprimer ainsi , sa localitc. En toutes choses , c'est surtout aux lieux memes et au moment present qu'il demande ses renseiguemens , ses documcns ; il obtient ainsi , sur bien dcs questions controverse'es , le dernier mot, et arrive a une precision rigoureuse de details, dont manquent (son livre le prouve presqae a chaque page) , faute de cettc minutieuse et perse've'rante investigation , bien dcs bio- graphes et des historiens. La plupart se contentent d'aller puiser a dcs sources plus ancicnnement , plus genc'ralemcnt connucs , plus ouvertes , plus acccssiblcs , et quelquefois se copient simplement les luis les autres et se transmeltent de confiance, comme des vc'rite's reconnues , des eircurs (1) <( Qiianqiiam id quidcin infinilum est in liac iirbc : (niacumque oniin in- I {jredimur, in aliqilam hislnriaiu vcstip,iuin ponimus. De fin. Jinn, el Mai., V. 2. LIVRES FRAN^AIS. 2 2C) accredites. M. Valery a releve bon nombre dc ces mensonges convenus; et ce n'cst pas un petit honnciir pour bii d'avoir plus d'une fois pris ea defaut des e'crivains qui jouisscnt a juste titrc , par leur exactitude ct leur Yc'racite, d'une grande confiance, comrae MM. Daru et Gin- , guene. L'histoire btte'raire occupe une grande place dans le livre de M. Va- lery. Cela est tout simple : comme tous les voyagcurs, il porte eu pays e'trangcr ses preoccupations habituclles. Les uns nc voient en Ilalie que les debris de la grandeur romaine , de la civilisation grecque ct e'trus- quej les autres, que les tableaux, les statues, les palais, les e'glises, les pompes dontl'ont de'core'e la religion chre'tienne et les arts raodernes. Ceux-ci n'y sont conduits que par le jilaisir des oreilles , et la parcou- rent pour ainsi dire d'orchestre en orchestre; ceux-la n'y vont que pour jouir de sa tiede terape'rature , de sa luniiere doree , de I'azur de ses mers. II en est que nc satisfont pas ces jouissances de la sensibilite , du gout, de I'imagination, de la science, et qui sont plus attentifs au ge'nie particulier du peuple italien et aux modifications qu'il a pu rcce- voir ct refoit encore de la varic'te' des terns, des lieux, des mogurs, des institutions. Tel, que je pourrais citer, a conside're 1' Italic sous un point de vue si special qu'il n'y a aper^u que des uniformes autri- chiens , fuyant a cet aspect odieux sans trop la rcgarder , comme cet autre voyageur d'une autre nation, que la rencontre du spencer rose et de Tombrclle d'une lady cbassa , tout indigne, des ruines de Tbebes. M. Valery n'a certainemcnt neglige' aucune de ces faces diverses de son sujct; mais il est bibliotbe'caire et bomme de lettres. Faul-il s'e'tonner , faut-il se plaindre de la preference qu'il a quclquefois accorde'e, dans le partage dc son attention , aux livrcs et a leurs auteurs ? Non , sans doute : de la est re'sulte'e pre'cise'ment I'originalite de son (Kuvrc ; car ce qui la caracte'rise surtout , ce qui principalement la rend nouvcUe et pi- quante-, c'est d'cxpliqucr I'une par I'autre I'ltalie et sa litterature. Les poetes sont ses guides de preference : le Dante particulierenicnt est son habituel cicerojie ,- il Ic suit de lieux en lieux et I'intcrroge sur cha- oun, comme lui-mcme, dans son voyage fantastique, suivait et inter- rogeait Virgile. C'est plaisir que d' entendre tout a coup rc'sonner , au milieu de discussions sur des points contcste's de geographic ct dbis- toirc, cctte poe'sie sonore ct forte. Ainsi, dans I'ancicnne Grece , Irs TOME LII. OCTOBUe183I. 15 226 LIVRES FRANgiAlS. disputes sur Ics limitcs dcs fitats et la filiation des families so tcrini- iiaicnt souvent par la citation de quelques vers me'lodieux d'Homcre. Cctte nianierc a de quoi plaire j elle re'pand un agre'ment poe'tique , lueme sur Ics details les plus arides , ct il y en a ne'cessairement de ccltc nature dans les re'cils de voyages , commc il y a dans les voyages eux- mcmesdes momcns de fatigue ct de langueur. C'est la strophe de la Di- vine Comedie on de la Jerusalem qui cliarmait autrefois la lente et mo- notone navigation des lagunes. M. Valery , qui recueille partout sur sa route les souvenirs littc- raires, non-seuleraent de I'ltalie, mais des autres nations, et particu- licrement de la notre, a dii plus d'unc fois reraonter jusqu'a ceux de I'antiquite latine. L'aspect des lieux lui aide quelquefois a pe'netrer le secret de certaines phrases, de certaines expressions, mieux que ne I'onf fait des Iraducteurs , d'ailleurs justcment estime's , mais a qui ce genre de commentaire a manque. C'est ainsi qu'il releve plus d'une crreur dans la traduction qu'a donne'e Sacy de la lettre oil Pline le jeune de'crit la maison de campagne de son ami Caninius Rufus sur les bords du lac de Come. Ce bassin , dont parle le traducteur^ c'est le lac lui- meme ; et ce portique ou regne un printems eternel (porticus verna semper) c'est une alle'cd'arbres. M. Valery traduit plus heureuscment par le mot plus vague de galerie , nom que Ton donnc encore a la de'- licieuse avenue de chencs verts qui conduit d'Albano a Castelgan- dolfo. Ailleurs , parcourant la campagne de Mantoue , oil il respire un parfum virgilicn qui a passe dans sa description ; il y fait une veritable moisson de contrcsens, d'inexactitudes, echappe's, faute de connaitreles lieux, aux divers traducteurs de Virgilc , sans en excepter le poete qui , long-tems apres sa traduction faite , s'e'criait ( je cite de mc'moire, sans doute inexactcment ): Un jour jc te vcrrai , je vcrrai ion Lean ciel , Tcrre ou chanta Virc/ile , ou peignit Rapliai'l. Mais je m'apercois un pen tard que j'ai fait comme ccs voyageurs dont je parlais plus haut , qui voient des pays qii'ils parcourent seulcmentce que Icur gout particulicr les porte a y chercher. Mes predi- lections de professcur m'ontd'abord conduit , dans lelivre quej'examine, a ce qui y tient sans doute la plus grandc place, mais ce cpii pourtant ne LIVRES FRAN^AIS. 227 le rcmplit pas , il s'cn faiit, aux chapitres d'histoire litteraire. J'ai ne- glige ainsi bicn des clioses excellentes que devrait mentionner une revue raoins partiale et plus complete. D'autres re'pareront mes omissions dans les analyses se'ricuses qu'un ouvragc , fait avec autant de conscience et de talent , me'rite d'obtcnir , el obtiendra sans doute , malgre les preoc- cupations du jour dcs divers interpretes de la critique. lis s'arreleront davantage dans ces galeries , ccs muse'es , parmi ces monumens de toute espece que j'ai traverses un pen vite , effraye d'une richesse qui me fait peur de I'ltalie elle-meme, et qui rendun peu long, quoique reduitau strict necessaire , Ic catalogue de scs tre'sors. lis recueilleront beaucoup de traits pre'cieuxpour I'histoire des revolutions politiques et morales de ritalie , pour la connaissance de sa constitution pre'sente et de I'avenir de sa civilisation. Deja, lorsque ce livrc a paru, les journaux quotidiens en ont extrait des details pleins d'inte'ret sur un sujct qui e'tait alors et n'a guerecessc d'etre de circonstance : la domination autrichienne en Italic, sa nature , ses effets ; tous ont rendu justice a la sagacite de I'auteur et a une impartialite que n'ont pu altcrer les vives sympathies dn moment. II est honorable , dans un tems de passion , de savoir etre juste pour tout le monde , et de s'e'lcver par amour de la verite' , au-dessus meme de ses secretes pre'fe'reuces. Je ce'derais volontiers au plaisir de parcourir et d'extraire ces deux volumes. Mais j'en ai dit assez pour en faire connaitre le me'rite. L'oc- casion d'ailleurs se pre'sentera bientot d'en reparler. Spe'cialement con- sacrcs a I'ltalie seplentrionalc , ils doivent etre suivis et comple'te's par d'autres volumes qui rameneront naturellement les eloges qui leur seront dus. II en est un qui devient rare , c'est d'etre e'crits avec beaucoup de soin. Nous avons deja plus d'une fois (voy. Ref. Enc. , tom. XXIII , p. 100 5 XXX , 5oG j L , 589) range M. Valery parmi le tres-pctit nombrc d'e'crivains qui traitent encore le public avec quelque ce're'monie. Cj'cst une attention et une peine pour lesquelles celui-ci n'a pas toujours d'abord assez de reconnaissance, se'duitcomme les coquettes, ])ar les fafons cavalieres et ne'glige'cs des petits-maitres litteraires, mais que plus tard, revenu de ses gouts passagcrs , il recompense par ime estime durable. Tel est le sort , sort souhaitable, que je prends sur moi d'annoucer anx Fojages de M. Valery. H. Patin. 15. 2 28 LIVRES FRAN^AIS. (34- — Histoire sur V exploration d'un ancien cimetiere remain, silue a Gicvrcs , de'partemcnt de Loir-ct-Cher , ct sur la de'couvcrte de rcuiplacciuent de I'ancienne Gahris; par M. Jollois, inge'nieur en clicf du Loiret. Orleans, i83o. Iu-4". Si Ton considcre ce Me'moire sous le rapport purement arclie'olo- s;ique , il ofire line ample moisson d'objets d'antiquite tous parfaitement dessinc's et de'crits. Ce sont principalcment des vases et des monnaies , la plupart du terns de Claude : tiois planclies Ics repre'sentent dans leurs moindi-cs details , ct il y en a vraiment de fort singulicrs. La vue ge'ne'rale du paysage dc Gievres a beaucoup de me'rite aussi , non-seu- Icment parce que c'esl un fort joli dessin , mais encore parcc que Ton se trouve instruit de tous les accidens de la vuc du cimetiere remain. Enfin la carte de'termiue fort clairement les ancienncs positions des villes dc ces contre'es. J'y vois avec plaisir que Gcnabum est laisse a Orleans. L'opinion d'un antiquaire comme M. Jollois n'est pas indiffc- renle, surtout si Ton considere qii'ila niaintes et maintes fois parcouru ce de'partement , ct que par consequent il a pu appliquer au sol meme ses profondcs counaissauces. Quant a Gahris, sa de'couverte en fixe natu- reliement la place a Gievres sur la rive droite du Cher , tandis que Danville, seduit par la ressemblance du nom, s'c'tait declare pour Chabris qui est sur la rive gaucbc , et n'est point sur la route de Bourges [yivaticum ) a Tours (. Ccesarodunum). D'ailleurs rien qui renionle au dela du moyen age n'autorise a chcrclicr a Chabris unc station romaine; et le nom de Carobria qu'il portait d'abord rappellc bicn un passage sur le Cher, mais non la vicille Gabris. De Golbk'ry. G-j. — Geometrie des ecoles primaires , contenant le dessin li- nc'airc , les projections , le lever des plans de terrains ct de batimcns , I'arpentage et le partage des propric'te's; par C. L. Bergery, ancien e'lcve de I'ficole Polytechnique, jirofcsseur a I'e'cole d'artillerie de Metz , niembre de FAcademie royale de la meme ville et de plusieurs autres socie'te's savantes. Metz, i83i ; M""" Tbiel. Paris , Bachelier. In-S" dc \']'i pages et 3 planches ; prix, i fr. 5o c. M.Bcrgery est un de ces anciens eleves de I'ficole Polytechnique qui ont donne a la France le spectacle nouveau d'une reunion d'officiers d'un grand me'rite, consacrant Icur tcms el leurs soins a I'instruction HVRES FRAN^AIS. 229 gratuite des ouvricrs de la ville de Metz. Ainsi^ grace an ge'neVeiix pa- triotisme de M. Bcrgery et dc ses amis , les germes d'line instruction fe'condc et positive ont ete re'pandus en abondance parmi toute une po- pulation. Le livre que nous annoncons est un des ouvrages composes pour alteindre ce but salutaire, et ce n'est pas ici une speculation mer- cantile. Avcc nn prix aussi modique, a peine a-t-il pu couvrir les frais d'iiqpression du tcxte et de la gravure des planches. Qu'on juge par I'extrait suivant du deVouemcnt de ce savant aux inte'refs des classes laborieuscs. « Ce livre a ete re'dige et iniprime a la hate, en deux mois , pour fournir a quatre-vingt-treize instituteurs re'unis a Metz, par les soins de M. le pre'fet et de M. le recteur , le texte des trois lemons de geometric qu'ils recevaient chaque semaine. C'e'tait seulement ainsi qu'on pouvait rendre facile et meme possible 1' execution des traces et des calculs qu'ils avaient a faire comme applications des principes. Rediger , imprimer . expliquer et de'velopper seize pages in-S" par semaine , en meme tems que Ton corrigeait minutieusement environ aSo feuilles de dcssins et dc calculs , e'tait une tache qui exigcait bcaucoup trop de rapidite' pour que les details en fusscnt parfaitement soigne's. Au reste ce cours de ge'ome'trie pratique n'est ni une oeuvre d'amour-propre , ni une ceuvre de specu- lation J le seul but de I'auteur a ete de se rendre utile a son pays , en propageant les connaissances gc'ome'triques jusqu'au peuple des cam- pagncs; et ce but , on jugera peut-etre qii'il est alteint quand on saura que, de tousles instituteurs accourus des divers points du departenient de la Moselle , aux cours normaux et graluits de cet e'te , la raoitie se trouve capable , au bout d'une trcntaine de lefons , d'enseigner avec succes la ge'ome'trie , et que pen d'efforts sufflront aux autres pour les e'galer bicntot. » Si la Revue Encyclopedique e'tait plus spe'cialcment consacrc'e aux sciences exactes, nous ferions connaitre en detail la marche de I'auteur, qui ne se'pare jamais la ge'ometrie du dessin line'aire , son expression fidele ; qui fait suivre chaque the'orie d'applications aux arts utiles ; qui c'vite avec soin les abstractions , parle tout a la fois aux sens et a 1 in- telligence dos e'leves ; et qui , par un resume general place a la fin dc .son livre , donne le moycn de saisir d'un coup d'ceil les rapports des diverses parties, et de Ics dasser plus aise'ment dans la nic'rnoire. 23o LIVRES ri\ANg\is. Quant a la division des matiere adoptee par M. Bergery , nous la croyons fort bonne ; sa metliode est constaramcnt claire , facile , appli- cable ; mais elle n'est pas la sculc qui puisse etre offerte aux inslituteurs primaiics. M. Desnanot , inspecleur de racade'mie de Gienoble , avait deja public' une fort bonne gc'omelrie pratique, concue sur des bases diffe- rentes ; ct nous comprenons qu'il y ait encore d'autres voics pour initier Ics jeiuies gens a ces notions cle'mcntaires. Au reste toutes sont bonnes peut- etrequand le maitre reunit, a un zcle actif et soutenu , I'art de presenter des considerations ge'ome'triques comrae descboscs vulgaireset naturelles, e'vitant ainsi tout appareil scientifique. M. Bergery possede ce talent a un haul degre : il donne , comme des faits d' observation , les re'sultals ge'ome'triques qu'une the'orie savante peut seule de'montrer rigoureuse- ment; et il fait comprendre avec lucidite tons les raisonnemens qui doivent etre exposes a des intelligences peu exerce'es. Ad. G. 66. — Des Chemins defer consideres comme voies de communi- cations commerciales, et pariiculierement du chemin de fcr projcte' de Paris a Orleans, en concurrence avec le canal de TEssonne. Paris , i831 ; imprimerie de Gondelicr-Morisset. In-8°. II y a long-terns que la querellc est engage'e cntre les canaux et les cbemins de fer. Pour le petit nombre d'ingc'nicurs qui se sont pose' le problem'e sans prevention , une solution ne saurait etre donne'e en termes absolus , et la pre'fe'rence a donner a Fun ou I'autre de ces deux modes de communication leur parait etre une fonction de la localite' qu'il s'agit de traverser. Mais, pour chaquc localite' (sauf des exceptions rares comme de Manchester a Liverpool) il y a lieu a opterenlre I'un de deux modes. Que penser d'une administration qui , apres avoir au- torise en fe'vrier iSag 1' execution d'un canal dont les travaux voTit commencer , songe a autoriser en 1 83 1 un chemin de fer entre les deux memes points que le canal doit joindre? elle livre k ime affrcusc concurrence le soin de re'soudie une difficultc en presence de laqucUc elle se sent impuissante. L'auteur anonyme de la brochure (jue nous annoncons est e'videmmcnt inte'resse' a un titre qnelconque a I'execution du canal, et il cherche a de'montrer aux actionnaires du chemin de fer qu'ils seront certainement mine's. Nous nc partageons pas les idecs do l'auteur sur les chemins de fcr en general , ct dans le cas particulicr LIVRES FRANg\lS. 281 dont il s'agit nous regarclons comme incomplete la solution qu'il donne en faveur d'un canal jiour joindre Paris et Orleans ; incomplete, parce qu'il signale seulement les avantages du canal et les desavantages du chemin de fer. Un canal est-il ve'ritablement preferable a un chemia de fer pour joindre Paris et Orleans ? une etude spcciale de la localitc , sous tous ses aspects , peut seule permettre de prononcer. Mais I'administration qui a entre les mains un moyen puissant de prote'ger le public, puisqu'au jour de I'adjudication elle fixe la limite superieure du tarif, i'administra- tion devrait etre assez eclairee pour trancher de pareilles questions, ct e'viter que deux compagnies soient en pre'sence avec le desir et la certitude mutuelle de miner sa rivale (i). H. F. 6'y. — La Mort de Napoleon , ode d! Alexandre Manzoni, avec la traduction en francais, jtar Edmond Ay gt.lijsi, de Venise. Paris, i83i; imprimerie de Setier , rue de Grenelle Saint-Honore' , u" 29. In-i8 de 17 pages. Le nom de Manzoni est ce'lebre ; son ode sur la mort de Napoleon est une de ses belles compositions poe'tiques : le traducteur est un etrau- ger instruit et malheureux. 68. — Nos grands homm.es du dix-neuvieme siecle , croquis apo- logico-satiriques , en vers , avec des notes , et Poe'sies diverses ; par P. L. DuRONCERAY , avocat a la Cour royale. Paris, i83i ; Delaunay, Levavasseur. In-i8 de 286 pages j prix , 2 fr. 5q c. 6g. — Le Bravo , histoire ve'nitienne, T^ax Fenirriore Cooper. Paris, i83i ; Cli. Gosselin. 4 vol. in-12 j prix g fr. c. Dans les beaux-arts, un liommc qui apparait avec la puissance de cre'er jette au milieu du monde quelques types originaux em- preints de son genie , vivant de sa vie , de sa force , de son individua- lite tout entiere , types dans lesquels il re'pand ses passions , ses souve- nii's, ses douleurs; ces types cre'e's, I'liomme de ge'nie a fait son ceuvre : s'iWeut encore produire, sa tele affaiblie, sa main tremblante, son ima- gination tarie, n'enfantent plus que de pales copies, des ombres de I'etre vivant. Mais grace pour ces efforts impuissans en faveur de tant deer ca- tions sublimes! grace pour Agesilas en faveur du Cid et des Horaces ! (1) L'adjudication de Tenlreprise du chemin de fer de Paris a Orleans , n'a \m avoir lieu au jour dcsigne , faule de soumissionnaires qui consentissent a ac- cepter Ics conditions qu'on ieur iniposait. 23:1 LIVRES FRAN^AIS. grace pour Y Irene en faveiir de Zaire et tie Merope ! grace pour le tableau de Venus et Paris , en favcur du Le'onidas et des Sahines ! Enfin je dirai grace pour le Bravo de M. Cooper en faveur du dernier des Mohicajis , de la Prairie , du Pilote, etc. L'originahte' de ces types, qu'un liomme douc'de poe'sie est appele' a cre'er , se compose de I'originalile meme du poete , des emotions dont il a etc' agite, des lieux qu'il a parcourus. Aussi qu'il nc clierchc pas a s'inspirer de ce qu'il n'a pas senti , des liommes et des pays au milieu desquels il n'a pas vc'cu : il ne fcrait qu'une ceuvre inanime'e. Conmic Walter Scott aime son Ecosse ! Des I'enfance il a ete elevc' au milieu de ces lacs , de ces bruyeres , de cette nature sombre et sau- vage; il a e'te^'berce avec les ballades, les souvenirs de clans , de luttes sanglantes entre les hommcs de la plaine et les liommes des rochers : at- tendez, toute cette vicille liistoirc, ces rieux airs, cctte nature ossia- nique vont apparaitrc dans les creations du poete devenu homme ; el I'originalite' de son genie sera toute I'originalite meme de I'Ecosse qu'il nous de'crit et nous raconte. L'Ame'rique corcbattant pour son inde'pendance , I'Ame'rique sauvagc se de'battant contre les progres sans cesse envaliissans de la civili- sation , les grands lacs , les savannes immenses , les forets qui tombent et brulent, etla mer, la mer I qu'il aime comme rAme'rique elle-meme, voila la source de toutes les inspirations de Cooper; sa vie est la avec son passe', ses elans de patriotisme, ses souvenirs d'enfance , qui viennent re'vcler une nature nouvclle. II nous scmble done mallieureux pour M. Cooper qu'il n'aitpas senti que toute I'originalite de son talent e'tait dans I'originalite meme de cc monde nouvcau, de TAme'rique, et de cet autre monde, la mer, dont les scenes, en s'cmparant de son ame, ont cre'e' en lui une source si fe- conde de poesie. En cLercliant des inspirations en dehors du foyer de toutes ses inspirations, de ses souvenirs, de ses passions, desa.^ie tout entiere, son genie s'est desse'clie' , de'colore', comme la planfe enleve'e au sol qui la nourrit pcrd sa force, I'e'clat de ses couleurs , ses parfums. Nous ne sommes plus dans les prairies sans fin, au bord des grands fleuves, ausein des tribus sauvagcs , sur I'Oce'an; raais a Venise , sur les laguncs, au milieu de la place Saint-Marc, des pccbcurs et d'une aristocratic jalouse et cruelle. A I'e'poque ou se passent les scenes du ro- man, la republique de Venise tombe depuis long-temps en decadence. J HVRES FRAN(JAIS. 233 11 vcut en peindre les moeurs ct Ics personiiages. L'autcur ame'ricaiu e'prouve pour cctte aristocratic des lagunes toulc rantipalliie d'un de- mocrate de Boston, aiissi ne flatte-t-il pas son portrait. Cooper a person- nifie toiite sa repugnance rc'publicaine dans Antonio ;, seule creation un peu originaie de son roman. Cc pauvre pe'cbeur s'est vu enlever son petit-fils pour le service des gali;res; il estvieux , pauvre, solitaire ; iln'avait que ce petit-fils pourl'aider et I'aimer. II faut I'entendre exlia- lersa douleur et re'sumer, dans le sentiment d'indignafion qu'il e'prouve contre le gouvernement de Venise, toute sa haine d'bomme du peuple contre la noblesse , de I'exploite' contre I'exploitant. — Cooper est admirable dans la description des soufiVanccs morales d'un etrc simple, d'un homme du peuple; il trouvc pour les rendre des accens vrais , pathe'tiques ; les plaintes d' Antonio sur la perte de son petit-fils m'ont rappcle les toucbantes pages de VAiiliquaire , dans lesquelles le pecbeur ge'mit, en travaillant, sur la mort de son fils noye'. — Cet Antonio est appele' devant le tribunal secret , accuse d' avoir mal parle du gouvernement de Saint-itlarc , et secrete- ment jete'dans les lagunes. — Les pecbeurs accusent de sa mort Jacopo, le Bravo. Ce Bravo est une pale copie de I'Espion ; par de'voument pour son pere faussemcnt accuse d'avoir vole la re'publique, il a accepte la responsabilite de presque tous les assassinats secrets ordonnc's par le gouvernement ; il a accepte' Tcxecration publiquc qui s'atlacbe a sa persanne. Cependant c'esl un etre bon et vertueux , qui a sauve' plu- sieurs des victimes de Saint-Marc , ct qui a me'rite' tout I'amour d'une jeune Ve'nilienne, Gelsomina, creature de de'vouement, qui che'rit, dans celui qu'elle ne connait que sous le nom de Carlo, sa douceur, son ele- vation morale. — 11 y a de toucbantes scenes entre Gelsomina et le Bravo, de belles pages de me'lancolie et de de'sespoir cbez cet infortune , dont I'obscur de'vouement est paye de tant d'infamie. — Tous les pecbeurs I'accusent de la mort d' Antonio ; appele devant le tribunal de Venise , il est condamne'a mort. — A cctte action inte'ressante se trouve lie'e une intrigue tres-faible entre un jeune seigneur napolitain, le due deSainte- Agatbe, et une jeune et ricbe Ve'nitienne. Ces deux caractereS manqueot de force. Le talent de Cooper apparait surtout dans la description de Venise. L'auteur I'a babite'e, on le voit; il indique a coup sur les lieux , les 3.34 LIVRES FRANgAlS. places , les diftcrcns^qiinrticrs do la villc; raais celtc description a plutot un rac'rite d'cxacliludc statisliquc que do creation poc'lique. II n'cst pas la dans sa patrie. jllde'crit avcc le sentiment d'un exile qui rcgardc par distraction , par ennui], en songeant a son pays. II est a I'e'troit dans ces lagunes ; il ne fait pas manoeuvrer ses canots comme V Ariel on le vaissean du Corsaire; iliui faut rOce'an, la tempete; il lui faut les cordages innombraljics a nommcr , les voiles immenses a de- ployer. Sa vie , son genie sont dans cctte existence aventurcuse sur les mers, dans les solitcidcs d'une nature vierge, sauvage , dans les dangers d'une colonic perdue au fond cTcs forets, dans la lutte de la civilisation contre la barbaric , de I'liuinanite contre le globe qu'elle veut embellir et fe'conder. A. St-Ch. 70. — Uii Z)jVorC(?, hisloire du terns de I'empire : i8i'2-i8i4; par P.-L. Jacoi), bibliophile. Paris, i83i (i832). Eug. Rendiiel. In-S" de 36o pages ; prix , 7 fr. 5o c. . Chose e'lrange! c'estun antiquaire qui vicnt au sccours de M. Odilon- Barrot dans la discussion du divorce. Secouant la poussicrc dcs vieux manuscrits , il dit adieu , pour quclques jours , aux maisons pare'es de frontons triangulaires , aux villes herisse'es de clochers dentele's : I'e'cho de la tribune vient d'apportcr jusqu'au fond dcs silencieuses bibliolheques un mot qui c'branlc enfin son zelc philantropique pour les choses du siecle. Sans doutc, c'est le libraire, officicux ami, sans cesse a I'affutdcs inspirations digues d'exercer la plume de scs clicns, qui lui a transmis I'ordre dujour. Vous le voulez, adieu Rabelais, Froissard , Fleurange, et M. Jacob entrcprend de tracer fine histoire du lems de rempirc. Ce n'est point I'objct de predilection de ses etudes : non ; mais I'a-propos est la , qui dc'signe impe'rieuscment le sujet et I'epoque : il faut obe'ir. Le bibliophile a pcu lu les Fictoires et conquetes de M. Panc- kouckc : son humcur n'a rien de militaire; pour la litte'ratnre napole'on- nienne, il ne s'en est jamais soucic, et la connait a peine par ouf-dire ; quant au monde et aux hommcs , il ne les a guere vus que dans son menage, ou chcz quclques confreres. Qu'on le remarquc bien , jc parle ici de M. Jacob, qui se confcsse lui-meme de son ignorance sur ces points, non d'aucun autre. Jetant done un coup d'oeil sur son entourage , il commence par la mise en scene d'un couple hcurcux : deux artistes, sympalliisaut LIVRES FRANg\rS. 9.35 de jeuncsse, de gouts et de caractere. Felix, a deux ans adore Adeline , comme sa maitresse , lorsque la naissance d'un enfant vicnt former eutre eux un lien nouveau. Aiors seulement il dcmande an magistral municipal, a lui^seul , la sanction de cettc douce alliance. Avec ces deux modeles d'ide'ale perfection , ne vous attendez point a quelque retour impreVu des passions I Non , Adeline reste vertueuse , Felix ne cesse pas d'etre fidele. L'attrait des plaisirs, le besoin des relations sociales, la vivacite des preoccupations politiques , I'amLi- tion , la coquetterie , rien nc les de'tournera de I'accomplissement de leurs devoirs d'e'poux et de parens. Pourquoi M. Jacob me'dirait-il du mariage ? sa de'dicace nous pre'vient qu'il lui doit loute sa felicitc. IMais le litre, impose par la circonslance, fait loi : force est de Irouver une cause de separation, sans alte'rer, cela va sans dire , les vertus con- jugales des deux he'ros. Cette cause, ce sera Marielte, une simple soubrette , e'prise de son maitre , envicusc des caresses qu'il prodignc a sa bienfaitrice. Ses ruses sont grossieres ; son inexperience et sa ma- ladresse egalent son audace; n'importe: Marielte et le libraire veulent un divorce, il se conclura. Ici I'auteur nous parail maitre de son su- jet : Sainte-Palaye ne lui a pomt fait ouLlier Delvincourt ; et , entre autres dispositions du Code civil, il dc'veloppe fort pertinemment comme quoi deux e'poux_, en demandant le divorce par consentemcnt mutucl , devaient , avant d'entendre prononcer I'arret de'finitif , se representor a quatre e'poques diffe'rentes pendant le cours d'une anne'c, et declarer cliaque fois, devant le juge, Icur invariable resolution. Des que I'arret est rendu , on comprcnd que M. Jacob rccouvre toute liberie d'en re- venir a sa pcinlure favorite d'un menage bien assorti. L'invasion dc i8i4 et les cosaques arrivent loul juste a point pour faire de'couvrir la ve'rite : Mariettc , viclime des brutalile's d'un Baskir, avoue sur son lit de deliauche el de mort son impure passion et ses mauvais stratagemes; puis la toile tombe sur une reconciliation que la complaisantc legis- lation de New- York est cliarge'c de cimenler. Maintenant nous cliercherions en vain a dc'duire de loul cela une mo- ralitc' favorable au divorce. Ce qu'on y trouve , c'est une apologie du mariage , tel que M. Jacob parail avoir eu I'avanlage dc le rencuntrer, tel que I'usage ne se plait pas toujours a le faire parmi nous. Bieii loin d'approuvcr les vaines formalite's que le code impose aux epoux 336 LIVBES FRANCAIS. empresses de rompre des liens deveniis trop pesans pour cux,il scmbie plutot indiqiicr^ dans niaint endroit, qii'il serait plus simple de ne sou- mettrc I'amour a aucune consecration civile ou religieuse. Que pent en cffet, pour le bonheur conjugal, la parole d'un mairc ou la benediction d'un cure'? Comme on le voit , Fauteur n'a point corapris la porte'e mo- rale de son sujet; et cependant la taclie s'offrait grande et belle au ro- mancicr qui aiirait entrcpris de fouiller dans les miseres de notre civi- lisation decre'pite , pour nous montrcr la sainte institution du mariage , corrompuc par Ics speculations du vice et de la ctipidite', re'clamant en vain de nos lois impuissantes des remedes contra le mal qui la degrade. Ici le but pbilosopliique ae'le manque, car Taiiteur n'a pas suncttcmenl ce qu'il fallait prouver. Sous le rapport de Tart , c'est un ouvrage a la mode, asscz inhabile- ment compose. On est conduit," par soubresauts, de tableau en tableau , comme au me'lodrame. Cette vivacite, cette souplesse dans les allures , cette varie'te de costumes et de decorations, cette tendance continue aux grands effets , e'blouisscnt d'abord , mais fatiguent a la longue , surtout lorsqu'une fantaisie asscz bizarre a pretendu faire de ccs tableaux comme une suite de de'finitions en actions, ainsi que la table des chapitres semble I'indiquer. Cost une lettre , une mere , une causerie , une papillate , une fin et vingt autres articles indefinis qui se suivcnt merveilleusemcnt aligne's sur la page finale. Pour le style, on y recon- nait la manicre de Tc'cole qui obtient aujourd'hui les suffrages de la foule. Ine'gal, brillante', descriptif jusqu'a la minutie, il prodigue, avcc une affectation de're'gle'e , sans mesure et sans discerncraent , tons les artifices, loutes ks rcssources, que la science du rlic'teur pent inventer pour preter du relief et de I'eclat aux pensees les plus communes. De Tcspritetde rimagination,ily en abcauconp clicz touscesauteursque la vogue popularise : le jdus grave defaut qu'on puisse leur reprocher, c'est I'abus de cs clioses, c'est la prodigalile' avec lesquelles ils les dc'- pensent, imprbvisant un ronian ou un drame dans un scjour de trois se- mainesala campagne, e'puisant, pour un feuilleton, la verve qui aurait pu dieter, si ellc avail e'te me'nage'c, quelque chef-d'oeuvre plus impor- tant, mieux ordonoe', moins prctcntieux et plus durable. M. Jacob, ou celui (jui se cache sous ce vieux nom , a sa part des defauts de notre jeunc littcraturc ; ce qui ne nous empcche pas de nous joindrc au public LIVRES FRANgAlS. 207 pourapprc'cierliautcment sou talent. Ppurtant qii'il noussoit permis deliii soiiiuettrc iine courtc observation : croit-il faire ve'ritablcmenl de la coii- leur locale lorsque, probablement par reminiscence dc ses Habitudes de roniancier bistorique, il conserve a ses portieres I'ignoble pataquesou le grossier juron consacre's par Ics traditions du tbcatre des Varic'te'sPQu'il laisse ces enjolivemensde mauvais gout a I'e'cole deM.Pigault-Lebrun, a la litte'rature d'estaminet et d'anlichambre. A. J. ■^ I . — Une Pie d'homme , croquis , par M. Gustave Albitte. Paris, i832 (i83i); Charles Gosselin. In-8° de 4o8 pages; prix, -j fr. Ce livre peut etre classc parmi les romans pbilosopbiques du second ordre : il serait convcnablement place', par exemple, aquelque distance de la Confession et de la Peau de chagrin. Ce n'est pas qu'on y voie douiiner le scepticisme ironique de M. Jules Janin , ou la fantaisie souvent amere de M. Balzac j mais on y de'couvre des traces fre'quentes de la disposition d' esprit qui entrelient la verve critique de ces deux au- teurs.lM. Gustave Albitte essaie , comme eux, de peindre les angoisses d'une ame qu'obsedent le douleetl'inquie'tude, les de'chireraens d'uncceur en proie a des passions sans hut et a une terreur profonde d'avenir. L'homme dont il raconte la vie apparait a vingt ans, pauvre e'tudiant, sans parens , et ne connaissant pas ce que c'est qu'un ami. Ceux qui , au sortir de I'cnfance , partageant son innocente ignorance du monde , de bonne foi lui avaient prorais un attachement a toute e'preuve, onte'tc sans peine porte's , par le hasard de la naissance , au milieu de protec- teurs empresses de les conduire a la fortune. Ilspassent pres de lui avec un sourire insouciant, et se perdent au loin , a travers I'agitati^ eni- vrante des joies de I'opulencc , tandis qu'il reste au sein d'une foule in- connue , oblige de puiser en lui seul ses espe'rances et ses cncouragemens. II se livre d'abord avec ardeur a I'e'tude : il veut y enchainer loutes ses facultc's et y concentrer toute sa puissance d' affection. Apres plusieurs anne'es , il a fait de rapides progres : il a conscience qu'il a acquis le droit d'occuper a son tour un rang dans le monde, d'obtenir quclque ce- lebrite , de parvenir au moment d'etre heureux, ou du moins de le paraitre. Vaine pense'e ! alors encore il se retrouve avec son meme iso- lement , avec la meme pudeur de probite' , et sa science lui pese comme un inutile fardeau ; car il sent qu'il n'a pas seulement besoin qu'on lui fasse I'aumoue d'un cmploi : il lui faut avant tout etre lie a ce qui Ten- 238 LIVRES FRAN^AIS. toiirc , pressor dcs mains amies, entendre des paroles qui s'harmoniscnt avcc ses paroles ; il liii faut vivre d'une vie commune , avec foi , avcc de'voucment, et autour de lui, dans cette multitude d'ou il ne sort que des bruits confus , des sons discordans , il est froisse par toutes les jndividualite's qui , de'tacliees les unes des autres, s'empressent a I'aven- turc , se heurtent et se blesscnt a chaque instant. A hitter sans cesse avec les de'ceptions , sa longue patience s'c'puise ; ce qui lui restait de con- fiancc au fond du coeur se dissipe : unc revolution s'operc en lui ; il s'e'tait tcnu jusque-la en face dc la socie'te comme un suppliant plein d'liumilite' , ou comme le mendiant qui ge'mit et murmure a I'e'cart : main- tenant il se releve devant ellc (icr et liardi, il se dresse en juge , et il la condamne. Des ce moment, il se trouve dans cette extreme exaltation de doiileur et de mepris , ou les gfands e'crivains de notre tcms ont pris rhomine lorsqu'ils ont voulu ide'aliser toutes les vivcs souffrances que leurs puissans regards avaient lues au sein dc I'hunianite. Dans son histoire convulsive, qui se consume tout entiere dans deux amours sanglans, Edmond Virmer j ce nouveau type de doute et de de'scspoir , que M. Albitte a cre'e , est constamment une ressemblance originale , qnoiqucdans des proportions infe'rieures, de Werther, deChilde-Harold, de Juan ou de Re'ne'. Sous des costumes divers, tons ces hommes sont en effet I'homme du tcms ; dans des idiomes diffe'rens, ils tiennent tons le meme langage ; et pour bien connaitre ce que c'est qu' une t'je d'hovime, ce n'est pas assez d'cntendre le concert de'chirant de ces grandes voix qui raconfent la sombre tourmente de civilisation que nous achevons de tra- verser, il est encore une foule de plaintcs plus vulgaires qu'oii ne doit pas dedaigner d'e'coutcr , car elles re'velcnt d'innombrables miseres d'ame qui , dans les grands tableaux des poetes , sont demeurees cou- vertes de I'ombre de miseres plus poignantes. M. Albitte nous parait appele a ajouter plus d'un trait aux tristcs images des hommes de'pouil- le's detoute religion, de toute foi dans I'avenir : qu'il efface de son style quelqucs formes pretentieuses a la maniere de Sterne • qu'il cherche sur- toiit a se soumettre a plusde concision, et nous ne doutons ])as du succes du prochain ouvragc qu'il annonce sous le titre du Fandango. On ne saurail lui refuser dcs aujourd'hui un veritable talent d'obseivation et une juslc a|)|)rcciation de Te'lat actuel de la socie'te. Ed. Cii. WOUVELLES SCIENTIFIQEES, INDUSTRIELLES ET LITTERAIRES. EUROPE. GRAIVDE-BRETAGNE. Oj'igine electrique de tous les phenomeiies du magne'tisme terreslre vendue probable; Experience qui le demontre. — Tel est le litre d'lm Me'moire de M. Barlow, lu a la Socie'te royale dc Londres, le 27 janviei' i83i. On sait que M. Biot a lepre'scnte' Fac- tion magne'tique du globe par celui d'un aimant dont les deux poles seraient tres-pres I'un de I'autre et du centre de la lerre. D'un autre cote, M. Barlow a fait voir, dans son Essai sur le magnetisme , public' en 1819 , qu'uue boule de for creuse, aimantc'e par influence, re'agit comma unc boule pleine de nieme diamctre , en sorlc que Taction uiagnc'tique d'unc sphere pourrait ctre considcrc'c comiue re'sidant uniqucmcnt a la surface , re'sultat confirme' plus Uud par Its rcclierclics analyliqucs de M. Poisson. Dcs lors ii dcvcnait probable que la cause du magnetisme ten-cstre rcsidait , non pas au centre de la tcrre , comme M. Biot le snp- posait , mais a sa surface nieme. La dc'couverte de Taction des courans c'lectriques sui- les aimans est venue plus tard confirmcr les previsions de M. Barlow. D'apres M. Ampere, on pent supposcr que la surface du globe est sillonne'e par des courans c'lectriques parallclcs entrc cux, et au plan de Te'quateur magne'tique dans unc direction de Test a I'ouest. Pour donncr plus de fore*; a cette hypotlicse , M. Barlow a fait Texpe- ricnce tri^s-inte'ressanle que voici : il s'cst procure un globe de bois creux de I (> ponces de diamctre, sur leqncl on a trace dcs raies figurant I'e- 24o EUROPE. 6 Me'moire de M. Hoffmann siir la nouvelle ile volcanique de Ne'rita. Ce ge'ologiie , qui se Iroiivalt en Sicile a re'po([iie de I'e'ruption, doiine des details iinportans sur la constitution geologique dcs terrcs voisines dii point ou le nouvcaii vtflcan s'cst fait jour , c'cst-a-dire de I'lle de Pan- tellaria et de la cole oppose'e de la Sicile. Le sol de Pantellaiia est forme' de laves trachytiques vcrdatres ct comujc siiperpose'es, onduleuses et asscz semblables au gneiss. L'llcprc'scnte un enfoncement central duquel s'e'levent des montagnes de deux mille pieds : Tunc d'elles offre a son sommet un cratere, d'oii partent des coulees d'obsidienncs. Pourtant il n'y a cu dans les terns historiques aucune eruption ; mais on trouve des fentes d'oii s'e'levent des vapeurs c.haudes. 11 y a aussi un lac desis cents pieds de circonfe'rcnce , donl I'oau est chaudc et sale'e , dont les Lords sont abruptes, et qui est e'vidcmment un ancicn craiere. L'ilc de Pan- tcllaria manque de sources ; mais qtiand les pluies ne manquent point, ellc est extremcment fertile, corame le sont en general loutes ces lies volcaniques , et donne en abondance du raisin, du maVs et dii coton. Toutes ces observations sont dues a un naturaliste instruit, e'tabli a Pan- tellaria, M. Pascuale Piccini , qui a fait de ccttc ile Tobjct d'unee'tude spe'cialc. Sur la partie oppose'e de la Sicile, c'est-a-dire dans les environs de Sciacca, le sol est nn calcaire secondaire , mais qui pre'sente des fentes , des sources d'eau sulfureuses , dont la temperature s'e'leve a So" cent. ; de sorte qu'il y a indication e'vldented'une activite volcanique au-dcssous de ces couches calcaires. Ccpendant , depuis I'an 1740, on n'y avait ressenti aucune secoussejusqu' en 1816, oil, pendant trois jours, on en- tcndit dcs rugissemcns souterrains et continus qui, du reste, ne fiicnt tomber aucun edifice. Le grand tremblcmentde tcrre, qui, en j8i8, ruina presqueenticrcmenl Catania , et un grand nombre d'autres villcs , ne fut pas senti a Sciacca ; mais cette villc, ainsi que Palerme , e'prouva le 3o juin et le -2 juillet des secousses e'norraes. Les deux tremblemcns ap- partenaicnt e'vidouiment a deux fentes volcaniques diffe'rentes : c'e'taicnt deux systeraes d'oscillation. EntreSciacca cL Pantcllaria,existennbanclres-etendu oil lespechcurs d? Trapani vont clierclier le corail , et dont les sondes par consequent e'taient fort bien connues , ct variaient de dix-septa vingt-deux brasses. Maintenant M. de Blosscville annoncc avoir trouve dans quelques points 254 FRANCE. meincs de ccs parages , c'cst-a-dire dans les environs du volcan jusqn'a qualrc-vingts brasses dc fond , ce qni scniblcrait indiqucr qu'il s'cst ope're un changenicnt analogue a ceux qu'on a observes prcs de Lanccrotc ot sur les cotes dc Curnana a la Tcrre Ferme. La premiere pcrsonne'qni a cu connaissance de Teruplion est le capi- talnc du l)rick le Gustavo , F. Fretilotti , qui , en revenant de Naples , vit,le8juillet,reau s'e'lcverpe'riodtqueinent aprcs dequatre-vingts pieds de hauteur. L'intervalle entre les sou](3veraens etait de vingt a vingt- cinq minutes. La masse soulcve'e semblait avoir pour la longueur et la largcur a peu jires les mcmes dimensions qu'un vaisseau deligne. II vil beaucoup de fume'c on de vapour, mais ricn dc lumineux , ce qui tenait sans doute a ce que le volcan etait encore trop loin de la surface. Ou concoit fort bien que I'apparence lumineuse depend a la fois de trois conditions , de I'e'paisseur de la colonne brulante qui lui fait conserver plus ou moins long-terns sa chaleur, de la distance qu'cUe a a parcourir avant d'arriver au dehors , ct de la rapidite avcc laquelle elie parcouit cette distance. On ignorait toul-a-fait a Sciacca ce qui se passait sur le banc de Ncrita, ct, depuis qu'on ne ressentait plus de secousses, on croyaitl'ac- tivile'des])he'nomenes volcaniquessuspendue. Les scories qu'on vitflotter e'veillercnt d'abord I'altention. Bientot des pecheurs , s'avancant davan- tage sur le banc , trouvercnt une grande quantite dc poissons morts qu'ils emporterent et vendirent au marche. Le i3 juijlet, M. Hoffmann , qui se trouvait a Palerme avec un autre geologue allemand , M. Escher, cut connaissance des fails , et tous les deux partirent pour I'observer de ])lus pres. Le 'lo du meme mois , se trouvant sur la montagnc de Sam- bacca , a cinq railles encore du littoral , ils apercurent la colonne de fume'e , et dislingucrent une clarte' re'pondant au meme point. En arri- vant a la cote , ils rencontrerent quantite de scories qui, en qu(;Jqucs points , formaicnt des tas de quatre pieds de liautcur. Ccs scories conte- naient du pyroxene; mais on n'y voyait point de ponces bi-ise'cs : elles de'gageaient une odeur d'hytlrogene sulfure. La meme odour se faisait scntir parlout a Sciacca , lorsquc le vent soufflait dc la iner, et los habi- tans romarquerent qu'alors I'argentcric etait noircio. Pendant deux jours, nos geologues durent se borner a observer le phe- nomene de la terrassc d'une maison (pii dominait la mcr. lis virenf I PARIS. 200 suiivcnl que Ics plie'nonieneslinninciix s'accompagnaicnt d'un roiileinonl. do tonnerrc, proloiige (juclquefois pendant un quart d'lieuic. Le li/^ ils voulurent examiner de plus pies le volcan , dont le ciaterc, large de six cents pieds, etait deja apparent au-dessus de la surface des eaux et forme de rapilli. lis en approcherent jusqu'a la distance d'un quart de niillc ; mais alors il se fit une grande explosion de scorics noires , qui mirent les voyageurs en danger. A cinq cents pas dc Icur barque ces scories tombaient sans interruption : elles se cboquaient enl'air, et fai- saientun bruit corame celui des grelons dans cei tains oragesj elles e'taient Ires-cbaudcs, car elles faisaient clever dans la mer, au point oil elles s'en- foncaient , une vapeur comme cclle de I'eau projetc'e sur un fer rouge- Ellcs n'e'taient pas lumincuscs cependant • mais, au-dessus de la colon ne de vapeur qui s'elevait du cratere , il y avail de fre'quens e'clairs, dont chacun etait suivi d'un coup de tonnerre. Avant le moment dc I'explo- sion , la vapeur pre'sentait une masse ovoi'de d'une blancbeur cblouis- sante, etqui atteignait peut-etre deux mille pieds de liauleur. L'Acade'mic procede au scrutin a la nomination du candidal pour la cbaire de physique vacante a I'Ecole poljtecbnique par la demission de M. Pouillet. Lfe noms porte's sur la liste forme'e par la section de phy- sique sont ceux de MM. Despretz elde Montferrand, ex cequo , et dc M. Lechei'allier. Le nombre des votans est de 43. M. Despretz obtient 3 1 suffrages, M. de Montferrand 1 1 , M. CoUadon i. M. Despretz en consequence est le candidal que pre'sente I'Acade'mie. M. Dupuytren fait un rapport verbal tres-favorable sur un ouvrage de M. Dicffcnbach rclalif aux operations a I'aide desquellcs la chirurgic re'tablil , d'une maniere plus ou moins complete , des parties du corps accidentellement de'truites. Parmi ces operations , une des plus com- munes et des plus necessaires est la reformation du nez. Beaucoup d'habiles chirurgiens s'en sont occupe's , et M. Dieffenbach a cependant trouve' moyen d'y introduire une amelioration importante. Lorsqu'on refait le nouveau nez aux de'pcns de lapeau du front, ce qui est la mc- thode la plus sure et cclle que Ton cmploie presquc exclusivemcnt au- jourd'hui , il reste au milieu du front une cicatrice souvent trcs-difforme, parce que la peau des deux cotes ne pent etre assez rapproche'e pour couvrir entierement I'cspace qui a etc mis a nu. Le chirurgien prussien parvienl a ope'rer directcment le rapprochement des deux Icvrcs dc la a56 FRANCE. plaie, ail uioyend'une incision longltudinaicpratiquc'c siir cliaque tcinpc. La rennion s'opcre tres-promptemcnl , et est tres-solide • il leste, a la ve- rite , deux solutions de continuitc lateVales , mais cliacnne n'a en lar- geur que la moitie de ce qu'aurait cue celle du milieu dn front. D'ail- leurs , par I'effet de son c'lasticilc', la pcan tend a revcnir prendre la place qn'elle occiipait d'abord, de sorte que souvent il ne reste sur les cote's que deux cicatrices simplement linc'aires. M. Scrullas lit une note sur iine nouvelle combinaison d'hydrogene per-pbospliore , et de bromure de siliciura. Si Ton inlroduit du bromure de silicium sous une cloclie reiuplic de gaz bydrogenc per-phosphore, parfaiteraent sec , la reaction de ces deux corps se fait iiuinediatcment : d'e'paisses vapeurs rcmplissent la cloche, dont les parois se couvrent bientot de petits cristaux blancs , re'guliers et presque transparens : c'est la Ic produit dc la combinaison , produit que I'eau decompose en silice qui se pre'cipitc , en acide bromique qui se dissoiit , et en gaz bydrogene proto-phospliorc qui se de'gage. — T'j octobre. — M.Jomard lit un extrait de la relation du voyage dcs frercs Lander dans I'Afrique e'quatoriale , et cherchea faire voir que leur de'couverte ne facilitera pas , autant qu'on s'en e'tait flatte', les com- munications avec I'intcrieur de ce continent. M Bory -Saint-Vincent donnc quclqucs details sur les travaux de la commission] scientifique de Moree , qui se rappoitent anx sciences naturelles. M. Duges lit I'extrait d'un Me'nioire fort e'tendu sur la conformite organique dans Vechelle aiumale. __ L'imjiortance de cette malicre, les vucs neuvcs et profondes que M. Duges y a re'pandues, nous engagent a faire du travail de ce professetir le sujet d'un article special. — Du -i.!\ octobre. — M. Julia de Fonlpnelle annonce qu'ayant e'te' charge, conjointement avcc M. Darcet, de la redaction d'un projet d'a- limcntation au moyen de la gelatine , il a entrepris divcrses recherches tendant a ame'liorer la confection du bouillon d'os , et qu'il est dc-ja en mcsure de faire connailre quelques-uns des re'sultats qu'il a obtenus. Ainsi , d'apres ce chimiste, pour ce qui a rapport a la solution de la gelatine, il n'est pas vrai , coinmc on le croit ge'ne'raleraent, que cette substance soit tres-soluble dans I'cau bouillantc. La gelatine pure PARIS. aSy |)put. , ainsi que I'a leconini I'autcur tic la Icllrc, etro iiiaintrniie trcs- long-tcms dans Toau en pleine cbuUilion sans y e'proiiver autre chose qu'un gonflement plus ou moins grand ; an contraire , il I'a vu se dis- soudre avec la plus grande facilitc lorsrju'clle contenait une petite quan- tite' de savon ammoniacal , ce qui est toujours Ic cas lorsque la gc'latine a e'te pre'pare'e a la vapeur , tandis que celle qui a etc pre'pare'e par I'a- cide liydro-cblorique en est excnipte. L'addition d'une petite quantite d'acide ou d'alcali rend la gelatine soluble , mais communique au bouillon un goiit desagre'able j on e'vite cet inconvenient en usant du ]n-occ'de' suivant : apres avoir fait tremper pendant vingt-quatre heures dans I'eau pure la gelatine qu'on veut em- ployer, on la coupe en petits morceaux qu'on place dans un pot de tcrre vcrnisse', et sur Icsquels on verse de I'eau pure en quantite suffi- sante pour qu'ils soicnt comple'tement baigne's ; on met le vase dans un four dont on vient de retirer le pain • au bout de trois ou quatre lieures la gelatine s'y est dissoute, et, refroidie, clle apparait sous forme de gele'e tremblante tres-aise'e a dissoudre- cetle gelc'e contient a la ve'rite' un pen de savon ammoniacal , mais beaucoup moins que la gelatine cou- lee en tablettes. M. Constant Prevost adresse quelques details sur sa visite a I'lle de IVerita , qu'il propose de nommer Julia pour indiquer en meme tems I'epoque de son apparition et consacrer le souvenir de la revolution de juillet. Ce fut le '2'2 septembre qu'eut lieu la premiere tentative de de- barquement sur cette lie, de la part de 1' equipage du brick qui portail M. Constant Pre'vost. La mcr e'tait grosse , et le canot qui avail etc' mis en mer nc put aborder a cause de la violence des lames; cej^endant deux officiers et quelques matelots se jelerent a la mer , et parvinrent , non sans difGculte' , a gagncr I'lle , d'oii ils revinrent bientot charge's de nom- breux e'chantillons. Pendant ce tems , M. Pre'vost ct M. Joinville , des- sinateurs de rcxpe'dition , prenaicnt , du canot , unc vue ge'ne'rale de rile,alaquelle I'un et I'autre ils aborderent le lendeniain. L'ile pre'sente deux pitons dislincts , dont I'un ( celui du noi'd ) a soixantc-dix metres environ de hauteur , tandis que i'autre n'en a gucre plus de seize. C'cst a rextremite' sud que se trouve le cratere , large de soixante metres en- viron et se'2)arc' dc la mcr par unc langue de tcrre fort basse ct qui n'a guerc que cinq metres de largeur. Les bords dc ce cratere soiit incline's TOME MI. OCTORUK 1851. A7 2!)8 riUNCE. (Ic /(.V; Tcaii qiTil coulicnt avail, an inonicnt ilc la visitc, iino iciii- |i('raliirc dc (jf) a 98" ccntigradcs ; la icrrc , tlans Ics environs, avail a la surface line tcmperaliirc tic 81 a 85", Icinpc'ratiire qui diniiniiait scnsiblcmcnt quand on pc'nc'trait jiisqu'a un pied de prolbndciir. CcUc difference lient prol)aijl(aneiU a ce que les parties exle'rieiires sont c'cliaiif- fees par Ics vapeurs briilantes qui s'c'levent de nombreuses fissures, les lines apparcnlcs el les aulres cachecs sous Teau ■ les vapeurs qui se de- ga£;ent par ces oiivcrlures ne sont point inflaminables, clles de'poscnt sur les parois unc poussierc sale'e. Le sol de I'lle est foniie cl'un amas de scories pulverulenles , d'apparcnce ferrugineuse. M. Pre'vost y a vaine- ment cherche' quelques fragmcns de rochcs qui composent le fond dc la mer dans le voisinagej il y a trouve une doloniile ct de plus quelques corps globiileu-i donl il n'a pu encore constater la nature. M. de Humboldt lit [)lusicurs fragraens d'une lettre de M. Kupfer, inembre de 1' Academic dc St-Pe'lcrsbourg , leltrc danslaquelle cc savant communique a M. Arago diffe'rentes observations tres-inte'ressantes sur Ic magnetisme teiTcstrc et sur la mclc'orologic de I'Asic , ainsi que plu- sieurs determinations aslronomiqucs des licux visiles re'cemment par dcs voyagcurs riisscs. M. Kupfer annonee que la lignc d'obscrvations corrcspondantcs pour les variations horaircs du magnetisme lerrcstre , e'lablie sur les demandes de M. de Humboldt , est mainlenant poussec jusqu'a Pckin , grace aux soins de TAcadcmic dc Sainl-Petcrsbourg. M. Fust, frere du secretaire de cette Academic, a accompagne, en qualite d'astronome, la mission qui part tons les dix ans pour la Cliine ; mais nne fois cnlre sur le territoire cliinois il n'a pu faire aucune observation aslronomique , ces observations e'lant , par une loi , inlerditcs a loute personne qui n'cst pas attachce au tribunal des mallie'maliques. Arrive a Pekin, il a pu faire usage de ses instrumens ct determiner la position dc I'observatoire ma- gne'lique, qui a c'te e'tabli sur les memes principcs et avec les meracs precautions que ceux de Paris , Berlin , Freybeig , Saint-Pelersbourg , Kliasan ctNicolaicff. La latitude a etc' trouve'e de 3(f — 5/y — 9 ' 'U, de- termination qui ne differe que de 2" de celle du pcre Hyacinthe. Quant a la longitude, die n'cst pas fixe'c par un nombrc d'obscrvations suffi- sant, mais on sail dcja qii'elle diffcrera pen de 1 14° E. hnlre ee point et la fronlierc cliinoisc, M. Fust a fait dix-.srpt ' ob- t PAT, IS. aSij scrvations inagnc'tiqiies, car celles-ci n'e'taient pas interdites. A Pe'kin, !es observations se font dc^'a re'gulicrcmcnt et a la meme heure qu'aux liciix dent nous avons parle plus liaut. On y constate aiissi, quatre fois le jour, la liautcnr du baroraetre et du iherraoractre. M. Girard tcrmine la lecture de son Me'moire sur les bains. — 3 1 octobre. — M. Cuvicrfait, en sonnometcelui deMM.Brongniart et Cordicr, nn I'apport sur un ouvrage de M. Dcsliayes , ayant pour li- tre: Tableau comparatif des coqiiilles vivantes avec hsfossiles des terrains tertiaires de rEurope. Parmi les corps organise's , conserve's dans les couches de la terre , il n'en est pas de plus abondans, de plus rcpandus, ni par consequent de plus inte'rcssans pour la science que les coquilles. On comprend en cffet que leur multiplication rapide et leur nature pierreuse ont du , a la fois, les micux conserver , et les conserver en plus grand nombrej de sorte qu'cllcs doivent avoir laissc des te'moignagcs plus positifs de I'e'tat du liquid(? anibiant, a I'e'poquc m cbaque coucbe se de'posait sur son fond. Ces considerations out porte M. Dcsliayes a faire de ces corps une, etude spe'ciale, et I'ouvrage qui fait I'objet de ce rapport prouye que ses travaux ont e'te' tres-fructueux. M. Deshayes a entrepris d'examlncr les coquilles propres a chaque coucbe, et de les comparer a celles qui se trouventdans les couches su- pe'ricurcs et infc'ricures de tousles degre's, comme a celles que la mer nourrit aujourd'hui a toutes les latitudes, se proposant par la de s'as- surer s'il y a eu des successions, des extinctions de race, et de recon- naitre comment celles de ces races qui ont e'cbappe' aux alterations de la surface du globe sont re'partles dans les diverscs re'gions de la mer. II a bien senti qu'il ne pouvait arriver, sur ces importantcs questions, a des conclusions liors d'attcinte, qu'aulanl qu'il aurait observe' et com- pare le plus grand nombre d'especes possible; que ce n'est pas des genres mais-dcs especes qu'il s'agit, et que les genres qui ne sont que des cre'ations de I'esprit ne fourniraient aucune consequence quand ils passe- raient d'une se'rie de coucbe a I'autrc, taut qu'ils n'y jiasseraienl pas en especes idcntiques. II est done parvenu, par une assiduitc' sans cxemple, a re'unir plus de trois mille especes de coquilles fossiles , d'une origine ccrtaine, et il en a drcsse des tableaux qui, compare's avec Tordre connu des supcr- 17. i^bo rUANCE. positions lies couches , montrcnt .i quelle epoqiic cliaqiie espece a coin- iiieiioe, a quelle cpoquc ollc a fini ; tandis que Icur coinpaiaisou avec ])ius dc quatre niillc especcs vivanles montre aussl qucllcs sont cellcs de ces cspeces qui se sont conserve'es jusqu'a present, etqiielles sortes dc couches se sont dcja de'posees sur dies depuis leur apparition. Dc cette comparaison, il re'sulte , pour M. Deshayes, la conviction (jue Ton pent diviscr les terrains cotpiilliers d'une nianicre tranchc'c en (Icux grandcs series qui correspondent a deux scries dcja de'terminccs sous le rapport mlne'ralogique , raais avec moins de precision. La pre- miere , qui est la plus considerable ct la plus anciennc, ct que Ton con- nait sous le nom de terrains secondaires , ne contient pas uncseule es- ])cce fossilc, qui ait son analogue lossde dans la deuxiemese'ricj en sortc (|ue toutcs les races de ccttc o'poque seraienl non-seulemcnt e'tcintes au- jourd'hui , mais Tauraient e'lc deja lorsqu'a commence' la deuxicmc se'ric. Cette assertion ne senible pas pouvoir s'accorder avec quelques-uns des resuhals que M. Duircsnoy annonce avoir obtcnus; mais du reste cc n'est pas la I'objct principal du Mc'raoire, ct M. Deshayes portc prcs- {]ue cxclusivcmcnt son attention sur la secondc serie, qui comprend les terrains tertiaires propremejit dits. Avec cette scrie, dit I'autcur, com mcncc une zoologie nouvclle , qui, dans son ensemble, adc tres-grands rapports avec cclle qui existe acluellerncnt, ct se lie a Tepoque prc'- scnle, parce qu'cUe nous montre, dans dcs proportions divcises pour chaquc couchc, dcs espcces fossilcs identiqucment les mcmes que cclles qui vivent aujourd'hui. Dans les terrains tertiaires, M. Deshayes reconnait trois groupcs bien ilistincts, cori'cspondant a trois e'poqucs dilicrcntcs de formation. Dans le premier groupe, qui est leplus ancien, le norabrc dcs es})eccs de'tcrmine'cs jusqu'a pre'scnt est de treize cents environ, sur lesqucllcs quaraute-deux se rctrouvcnt a I'etat fossile dans les groupcs suivans, ct trente-huit sont analogues a des especcs vivantes. Dans le second , il y a plus de neuf cents especcs , dont cent soixante- treize sc retrouvent dans la formation supc'ricurc, ct cent soixantc-unc sont analogues a dcs especcs vivantes. Pour la troisieme e'poque , cette proportion entre Ic nombre des es- pccps encore vivantes avec les especcs pcrducs augmcnte bcaucoup; die e'lait dans le premier groupe de Irois pour cent ; dans Ic second dcdix- PARIS. 261 neuf poiir cent ; dans le dernier elle est de plus de cinquanle pour cent ; e'est-a-dire que, sur sept cents especes fossiles appartenant a ce groupe, trois cent soixantc environ ont leurs analogues parmi les coquilles ac- tuelles qui peuplent nos eaux.. Celte troisieme e'poque forme done en quelque sorle le commencement de l.'c'tat actuel des clioscs. II restait encore une recherche a faire , c'etait de comparer la distri- bution actuelle des coquilles qui ont leurs analogues fossiles avec I'an- cienne distribution sur leglohe. L'auleur a reconnu que , sur les trente- huit especes vivantes dc la premiere epoque , il y en a aujourd'hui de re'parties a presque toutes les latitudes; mais que ccpendant le plus grand nombre appartient aux regions intertropicales. La meme observa- tion a lieu pour les seize csjieces de la seconde e'poque; on en trouve la plus grande partie au Se'ne'gal , a Madagascar et dans I'Arcliipel des Indes. Un moindre nombre habite le midi de la Mediterrane'e , et quelqucs-unes seulement habitent dans les mers d'Europe. Cc qui est particulier aux especes analogues de la troisieme e'poque , c'est qu'elles habitent encore dans les mers qui baignent une partie des depots qui les recelent. C'est ce qu'on observe a Nice, a La Rochelle, ct en beaucou{) d'autres heux, oil des terrains coquilliersde cet ordre avoisinent la nier. Le travail de M. Deshayes, disent en terminant les commissaires , nous parait a tous c'gards un raodele. Fonde sur I'observation de plus de quarante mille e'chantillons , tout s'y de'montre par les fails, lout s'y re'duit en chiffres positiis. Nous proposons done a I'Acade'mie de te'moi- gner a I'auteur toutc la satisfaction ([ue son oavrage lui a fait e'])rouvcr, et de I'admettre dans Ic recueil des savans e'traugers. Ces conclusions sont adoptees. M. Duhamcl lit un Me'moire sur la conductibilitc inte'rieure el exte- lieure des coips. Nous parlerons de ce travail a I'occasion du rapport (|ui en sera foil a 1' Academic. M. Bennati lit un troisieme Me'moire sur les maladies des orgauesde la voix. L'auteur y donue les de'lails de douze guerisous qu'il a obtenues par les me'lliodes exposees dans les deux premiers memoires, ct princi- palementpar I'usage de I'alun. Les heureux succes de ce traitement,dans plusieurs des cas consigne's au Me'moire, ont e'te' constates par MM. Serres ft Magendic,que rAcade'mic avail commissionnes a cetelfel. M. Bcnnali , du reste, ue sc borne pas, pour les maladies de la voix, a rem])loi de 262 ni/VNCE. me'dicamens internes ou cxternes ; il a recounu qu'on tirait de grnnds avantages d'une sorte de gymnastique des organes vocaux. Ainsi, a iinc certaine e'poqiie du traileraent , il oljlige scs malades a de certains exer- cices de chant ou de de'clamation. Cours ouverts pour I'annee iH3i-iS3'2 , dans les etablissemejis publics etparticuUers. — Nous ne nous attacberons pas ici a e'nume'rer scrupuleusement toutes les ressources que Paris offre a I'instruction de la jeunesse qui abonde dans ses nombreuscs ccoles : peut-etre celle enu- meration , quelque riclie qii'elle piit etrc , paraitrait-cUe encore bien mesquine , toutes proportions de grandeur ct de population observces cepcndant, si Ton voulait la comparer a ces pi'ogrammes des universito's allemandes ou cbaque branclie, meme la plus inapercue, des connais- sanccshumaines obtient sa chaire; oiile nombre etle talent des professeurs sontconside're's paries gouvernemenscomme un des plus beaux orncm«ns de leurs capitales litte'raires ; ou rcnseignement enfin s'cst depuis long- tems empare des plus haules speculations de la pensc'e , pour les popu- lariser et les propager. Toutefois, Paris savante est au-dessus de toutes ses rivales par la gcnoTosite avec laquelle I'Elat y livre aux liommes avides d'apprendre les raoyens de satisfairc ce besoin. Chez nous , plus que partout ailleurs , la haute instruction est a la porte'e de toutes les classes , puisque les lemons des Cuvier, des Guizotet des Al)cl Remusat y sent gratuitement offcrtes a plusieurs centainesd'auditeurs. Sans pous- ser plus loin ce rapprochement, sans examiner a quels progrcs la France pent encore pre'tendre sous ce rapport , nous nous bornerons a citer aujourd'hui , parmi les cours qui vicunent de commencer, ceux qui nous paraisscnt les plus curicux par I'importance ou la nouvcaute' des sujets , le talent ou la cele'brite des mailres. Outre unc foule d'elal)lisse- mens spe'ciaux que I'Etat entretient avec un luxe scientifiquc, honoral)le pour le pays , et entre Icsquels il faut citer le Museum d'histoire na- iurelle , le Conservatoire des arts et metiers , la Bibliotheque ray ale, YObsen'atoire, etc., Paris couiptc deux grands foycis d'eiisei- gnement, le College de France et W4cademie , qui comprend cinq facultc's. Vingt-quatre cours figurent sur le programme du premier^ cciix de physique generale et experiinentalc , par M. Ampi'iu. (mardi. PARTS. 263 jctidi ctsamcili , a une liciirc), deVhistoire des legislations coinnar.'cs, ])ai' M. Lherminier (mardi et saincdi, a une heiire un quart) , d'kis- toire des sciences naturelles, par M. Cuvier (mardi , a trois licures), d'archeologie , par M. Champollion jcune (lundi , mercrcdi , ven- drcdi , a oiize lieures ct demie), d' e'conomie politique , par M. J.-B. Say (mcrcredi etsamedi , a midi ) , sont les plus nouveaux et les pins reraarquahles. — L'Acade'inie de Paris compte , parmi ses profcsseurs , M JouFFROY , pour Yhistoire de la philosophie moderne ( hindi et jcudi, a dix hcures ) ; M. Fauriel , pour la litterature etrangere (mercrcdi J a trois hcures ) ; M. Geoffroy-Saint-Hilaire, pour la zoologie , V anatomic et la physiologic (jcudi et samedi , a midi; M. Patin , pour Veloquence francaise (samedi , a deux heurcs et demie), elc. — Nous aurons I'occasion de reveiiir sur ces cours, prin- cipalement sur ceux de MM. Lherminier, Geoffroy-Saint-Hilaire et Cuvier, ainsi que sur les lefons que iait, a la Faculte de me'decine, M. Broussais. V Athenee ( rue de Valois, Palais-Royal, n" -j ) , dont les cours ont commence le 1 2 novembre , occupe depuis long-tems le premier rang parmi les institutions particulieres consacre'es a I'enseignement ; on y est admis moyennant une souscription assez modique. Parmi les cours de cette anne'e , confie's pour la plupart aux anciens professeurs , nous ne remarquons guere que le cours d' anthropologic ,.j)Sii- M. Spurzheim , qui promette quclque chose de neuf pour la science. — La Societe des methodes d' enseignement vient d'onvrir, dans son local de la rue Taranne , n" 1 2 , des cours gratuits destines aux gens du monde ; ils ont commence' le 4 de'cembrc , et se continueront jusqu'en juin i83"2 j les professeurs sont M. Raucourt {Phjsique phjsiologiquc de Vhomme , dimanches , a onze heures ; ; M. J.-P.-M. Royer-Gollard {Droit public , dimanches , a deux heurcs); M. Payen {Industrie ma- nufacturiere , lundis, a une heure) ; M. Leret {Physiologie ve'ge- tale ct botanique , jeudis, a une heure ]; M. Achillc Comxe {Etudes surleregne animal, \end'is , a huit heures), etc. , etc. — M. Dlpotet vient d'ouvrir, le 8 de'cembre , un cours de magnetismc , qui sc conti- nue , et sera suivi d'expe'riences ( les jeudis , a sept heures et dcmic du soir, rue Saint-Guillaumc , n" iC ). 264 FRANCE. Note siir un nouveau moyen de tourner dans les circuits des che- mins defer. — Parmi les causes qui nuisent a la circulation des cha- riots dans Ics circuits des clierains do for , I'ubligation pour les deux roues fixc'es invarialjlcincnt a uumeme essicude tourner simultanc'mcnt, ([uoiqu'en parcourant des distances differeules , est celle dont jusqu'a ce jour on a e'prouve Ic plus de difficulte's a s'affrancliir j M. Laignel , ingc'nieur-rae'canicien , deja connu avantageusement des industriels, vient d'lrnaginer un nouveau raoyen d' y remc'dicr. Cc uioycn consiste a disposer dans les contours raies de telle faron (pie les roues qui parcourent la courbc inte'rieure portent sur I'extre'mite' de la jantc, tandis que celles qui parcourent la courbc extcrieure reposent sur la partic de la jante la plus voisine du rcbord. Les jantes etant co- niques , les choscs se passent alors cominc si Ton eut diininue' le dia- luetre des roues qui parcourent la courbe inte'rieure, en conservant celui des roues qui se mcuvent sur la courbe exte'rieurc. La difference des diaraetres etant calcuie'e exactement , le chariot a unc tendance uaturelle a tourner. Lasiu'face conique des jantes est ge'ne'ralcment , dans les cha- riots ordinaires, assez inciinc'c pour qu'il soit possible dc ccttc manicre de cheininer avec facilite dans les courbes qui ont plus de deux cents metres de rayon. II est rare qu'on en trouve dont le rayon soit plus petit. Les roues portant un rebord sur la lisiere inte'rieure de la jante, on pent aussi, dans les circuits, faire reposer celle qui parcourt la plus grande courbe sur ce rebord , tandis que celle qui se meut sur la plus ]ietitc continue a rouler sur sa jante. On remplace alors la bande dc fer saillanlc qui forme la grande courbe par une bande de fer plate avec e'paulement ( une orniere plate ) ; mais pour que le frottement soit tres- notablement dirninue', il faut que la courbe du clicmin soit en rapport exact ou tres-rapproche avec la difference des diametrcs sur Icsquels tournent les roues. Des experiences ont e'te' faites I'ete dernier sur le chemin de fer de Roanne a Condrieux en appliquant ce dernier moyen. II en re'sultc que la ])erte e'tant d'environ uu demi-centicme en montant, I'apjilication du proce'de Laignel a rc'duit le frottement sur une courbc dc vingt-huit metres a moitic dc ce qu'il est ordinaircmcnt sur une coLU'bc d'un rayon a peu pros quatre fois aussi grand. Ccs incmes expe- riences ont prouve que, dansl'c'tat actuel des chemins de fer , le frotte- PARIS. 2^!5 merit sur une combe cle cent metres de rayon avec line pente ascendaiile d'lin demi-ceutieme est deja plus fort que sur une bonne route ordi- naire de niveau que Ton parcourt en ligne droite. Ge dernier fait in- (li(|ni' suftisamment conibien il est important d'e'vitcr les circuits sur Ics chcmiiis dc fer. NOLVELLES DES THEATRES. Opera. — Robert-le-Diable , opera eu 5 actes , paroles deMM. Sckibe ct Germain Delavigne , musique de M. Meyerbeer (21 novembre). — Une nouvcUe puissance vient de se joindre a celles qui rcgnent en cc moment a I'Ope'ra. De'sormais on ne prononcera plus les noms dc Ros- sini et d'Auber sans y joindre celui dc M. Meyerbeer. Chaquc rcpre ■ sentation de son nouvel ouvragc augmentc le nomlire de scs admirateurs, et devient pour lui I'occasion d'un triomplie. Encore e'blouis par Ic ])restige des decorations et par rexcellentc exe'cution de I'ouvrage , nous ne pouvons encore nous livrer a aucune ol)servation de de'tail; nous nous contentcrons dc signaler a I'attention de nos lecteurs les trois der- niers aetes , ct particulierement le troisicme , qui ne laisse rien a de'si rer. La coulcur sombre, tour a tour rcligicuse et infernale, destine'e a peindre la lutte terrible du bien el du mal , ne s'y de'raent pas un moment. Le clioeur d'iutroduction est un morceau parfaitement compose et d'un excellent effet musical, quoique peu en harmonic avec les principales pai-ties de I'ope'ra. Nous reviendrons sur cet ouvragc. Opera-Comique. — La Marquise de Brinvillicrs , ope'ra-comiquc en 3 actes , paroles de MM. Scribe et * * * * ^ musique de RIM. Au- UER , Batton, Blangim , Cherubini, Boyeldieu, Paer , Berton , Herold et Garafa. (3i octobre. ) Nous arrivons un peu lard pour parler de cetle piece , que tons les amateurs de musique ont entenduc et sur laqucUe I'opinion publiquc parait flxe'c. Cc^jcndant la siugularitc que pre'scnte une composition musicale, ecrite consciencicuscmenl par neuf autcurs de genres divers , nous excite a rendre comptc a notrc lour dc I'impression qu'ellc a produite sur nous. riGG FUANCH. LaMarquise deBrinvilliers , telle (jii'tllc est roji it'.sciUcc ,111 llicalic (le rOpe'ra-Comiquc, ne resscniblc pas plus au portrait, iin pen alte'rc, que nous en a donne Voltaire, qu'au personnagc mouslrueux dont on voit riiistoirc dans le recueil des causes cc'lebrcs. Suivaut Ics details (ju'on y trouve,et qui sont conformes a ce que rapportc niadaine deSe'vigne, clle einpoisonna son pere, ses deux frercs ct sa sceur pour s'approprier Icur heritage , tenta de faire raourir de la meme maniere son mari , sa femme de chambre , et quantite d'autres personnes ; parcourant Ics I16- pitaux , distribuant aux malades des potions uiortelles et des odcurs qui les suffoquaicnt, elle concut, peut-etrc meuie par I'essai des ses poisons, line passion^^detestable , re'sultat d'une organisation fatalc , developpe'e par i'c'tude de la chimie et les lefons de Saintc-Croix. 11 faut done sa- voir gre' aux autcurs de la piece nouvelle de I'avoir de'pouille'e d'une figure aussi liidc ne , et de nous I'avoir rcprc'sente'e comme nne fcinine entraine'e aux derniers degrc's du crime par un execs d'amour. Les situations fortes et terriblcs de celte piece devaient faire espe'rer line musique analogue , et dont le caracterc, sombre des le debut, pren- drait en avancant un aspect de plus en plus terrible , et finirait par e'cla- terd'une maniere effrayante. La scene eponvantable quiterminc I'ouvrage devait produire sur I'aiKliteur I'effetde la foudre tombant aux pieds du voyageur qui I'a long-tcms entendue gronder autour de lui.Pour arriver a ce re'sultat, il eiit e'te' ne'ccssairc que chaeun des auteurs se fiit inspire de rcnsemblc de I'ouvrage , et que I'inspiration cut e'te au meme degrc' pour cliacun d'eux ; c'cst cc qu'on nc pouvait meme de'sirer. Aussi la piece que cbacun d'eux, nous aimons a le croire , eiit pu faire a liii seul belle et complete , s'est-elle trouve'e line sorte dc pasticLe aprcs avoir passe entre tant de mains. Quel rapport de style et d'idces, en effet, entre MM. Cherubini ct Carafa , entre MM. Hc'rold et Blangini ? Examinons les diverses parties dont se compose I'ouvrage. L'ou- verturc est de M. Carafa. Nons ne savons pour quel opera elle a etc faite ; mais il parait certain qn'clle e'tait compose'e dcpuis long-tems , que I'auteur I'a lire'e de ses cartons pour I'appliquer a la piece nouvelle. C'est une symphonic brillante , parfailement exccule'e, et dont Ic prin- cipal de'faut est de pouvoir s'appliquer e'galement , ct meme iiiieux, a lout autre ouvrage. L'introduction , comraetous Ics ouvragcs de M. V,\w- rubini , est scrupuleusement ecrile ; mais on est ( n droit de bii repro- PARIS. 267 clier un pen de raidcur qui la rend fatigante. Le trio cl Ic finale dii premier acte sont de M. Batton : les formes n'en sont pas assez caracte- rise'cs , et cependant ce dernier morceaii est un de ceux qui ont attire le plus d'attention. On a trouve qu'il y re'gnait un peu de confusion, et je crois qu'il faut I'altribuer presque cntiereraent a Tinegalite des voix qui rexe'ciitent. Le deuxicme acte est le plus faijjle. Le seul morceau qui s'y fasse remarquer est le finale, precede d'un duo assez anime, cliante par Boulard et mr.dame Pradher : c'est un des morceaux qui ont e'te' juge's avec le plus de seVe'rile', et cependant il est dramatique , et rentie'e du cliceur prodult tonjours de I'effet. II est de M. Carafa , qui s'e'carte difficilemcnt de certaines formes qu'il a adoptees. Le troisieme acte est celui que je prctere. Tout le monde a e'te' frappc' du duo de M. Auber , cliante' par Fere'ol et mademoiselle Pre'vost. On entenddans la partie d'alto des notes sourdes qui pcignent de la manierc la plus pittoresque les progres du poison avec lequel Gualifaidi se sui- cide iuvolontaircment. Le finale est de M. Hcrold. C'est le plus court et sans contredit le mieux e'crit des trois : les formes en sont fortemcnt arrete'es, et I'autcur y a suivi une progression remarquable. C'est a M. He'rold que le poeme de la Marquise de Briiivilliers cut du etre confic. Zampa est pour nous une attestation du parli qu'il eut tire d'un pareil sujet. Je n'ai point paile des couplets de M. Bcrton , chante's par Fere'ol, et cependant, tels qu'ils sont, jeles prcfere aux deux grands airs froidement e'crits par MM. Paer et Blangini , et faiblement chante's par mademoiselle Pre'vost ct Moreau-Sainti. Au Theatre Ttalien , madamc Malibran a voulu renouvclcr dcvant le public de Paris une tentative qui avait me'diocremcnt re'ussi a ma- dame Pasta il y a quatre ans devant le public de Londres ; et le Lon goiit de I'auditoire a su rendre justice a son courage sans flatter sa te- me'iite. Outre le de'faut total d'illusion que prc'sente tonjours un Olcllo fe'minin, de'faut qui rend impossible tout cffet dramatique , un autre in- conve'nient a etc remarque' : c'est que la voix de madarae Malibran c'lant d'une octave ti op haute pour la plupart des morceaux d'Olello , dont le role est genc'ralement e'crit dans les cordes graves de la voix dc tenor, il en resulle un rcnversemcnt d'harmonie tout-;i-fail jK-uiLle pour les oreilies musicales. Kubini cl inadame Devrient ont me'ritc tons les ap- plaudissemcns aux([ucls le public les a habitue's. 368 FRANCE. Theatre Francais. — On a repre'sentc a ce ihcatrc, le5 novfinbie, la Reine d'Espagne , drame en 5 actcs ct en prose , ([tli n'a oblenii qu'unc representation , ct qui , ayant e'le imprime dcpuis , rentre dans Ic domaine do uotre bulletin bibliograpliiquc , oil nous en parlcrons iii- cessamment. — Josselin etGuillemette, come'dieavec prologue, parlVr.D'EpAGNv, representee Ic i5 novembre , est un petit actc fort amusant. Josselin , pauvre serf, appartient en toute propriete au sire de Boisgaillard. En I'absence de celui-ci , parti pour guerroyer en Terrc-Sainte , son inten- dant fait poursuivrc Josselin qui s'est enfui avec sa fiancee Guillemctte, faute d'avoir pu acquitter sa redevance annuelle; et le malhcureux est sur le point d'etre saisi par les recors de cc tems-la , quand une tcni- pete survient , et jette sur le rivage une caisse renfermant une armure complete de chevalier. Pour e'cliajiper a ses perse'cuteurs , Josselin s'en al'fublej ct, subite metamorphose, soudain le bailli lui prodigue les marques du plus profond respect , sc prosterue devant lui , le proclamc son seigneur et maltre, et va presque jusqu'a le haranguer". C'est epic Josselin, grace a son de'guisement , n'est plus le pauvre here poursuivv et traque comme une bete fauve, c'est le sire de Boisgaillard lui-racme; rc'cusson qu'il porte sur ses armes en fait foi. Tout obe'it done a I'amani de Guillemette qui, pour profiter dc son role de seigneur, repaud jjcaii- coup de bienfaits, et rend telles ordonnancos qui feraient honncura un pre'fet de nos jours. Mais voila que le legitime proprie'tairc dc I'armure, le veritable sire de Boisgaillard , aborde presque nu sur le rivage , et nc trouvant pour se couvrir que la miserable de'froque du ]>auvre scri', sc presente ainsi vetu devant son intendant, qui le meconnait , ct qui , Ic prenant pour Josselin , pousse rirre've'rence jusqu'a vouloir Ic faire pendi-e. Pourtant chacun rentre bientot dans son bien , a la satisfaction gc'ne'rale : Josselin redevient Josselin ct cpouse Guillemette. Le Vaudeville a donne, le3i octobre, le Fils du colonel, dranic dc MM. DuvERT ct Henry J puis, le Baron d' Hildburghaiisen., de M. Vaimdermtch, farce asscz plaisante, cgayee par lo jeti d'Arnal el de Bernard-Leon 8 novemlnc ); plus tard ( 1 8 novembre) la Dedai- gneuse, de feu Vulpian, petit acte sans pretention, oii Ton rcmanpie de I'csprit ct de jobs couplets ;cnfin le :>.'] septcmbrc, les Deux Jours, ou la Nouvelle Mariee, drame en trois acles de M. Ancelot, qui a PARIS. 269 fom ni an talent dc madame Albert une occasion nouvellc de se faire jipprc'cicr. Diireste, c'est tout bonnement une imitation , comme la pliipart dcs ceuvi'cs di'amatiques de notre tems. Nos autcurs sont si presses dc prodnirc, et Ic public est teliement avidc de cliangenicnt , que les premiers, au lieu dc se fatiguer long-tems a chercher dcs crea- tions originales , preTerent r'habiller a neuf les inventions de leurs pre'- de'cesseurs , romanciers ou poetes dramatiques. lis ont mis a contribu- tion les I'ttcratures de tousles pays, et la mine est teliement e'puise'e que lorsqu'un d'cntre eiix a de'couvcrt quclque lilon encore inexploite, la i'oule se pre'cipite avidcment sur ses traces ct a bientot cxtrait tout ce qu'il contient dc pre'cieux : aussi avons-nous vu dernierement trois ou quatre Catherines, autant de Mirabeaux, qui ont suivi la kyrielle dcs Carlins, emprunte's a la spirituelle correspondance de M. de Latouclie. Ce mois-ci, comme on Ic voit, il y a plus de varie'te dans les titres, sans qn'on puisse espe'rer d'y rencontrcr beaucoup plus d'originalite; car je doute que , parrai les vingt ou trente autcurs qui lui ont apporte le tribut de leui' plume, il y en ait beaucoup qui puissent revendiquer ic sujct qu'il a traite' comme sa proprie'te' bien autlientique : aussi glis- serons-nous tres-rapidement sur les productions offertes au public paries .nitres theatres. Au GvMNASE, c'est le Suisse de I' hotel, anecdote dc 1816, par MM. Scribe etBoNjouR('j3novcmbrc), quin'estauire chose qu'unecon- lre-e'preuvedePAz'Z«)o/;(? .cenouveau succes a ete'dii aujeujjlein deve'rite novcmbre), n'cst encoreqn'une imi- tation d'lmconte d!\[oiima.v\r\,\eBonheur an jeu {S^\c\er^uc\)^\\m dcs plus patbe'tiqiies et dcs plus sorabrcs de celle muse fantastique. Bien peu de CCS compositions, dont la pensce est si delicate et si fugitive, peuvent recevoir, sans en etre altc're'es, ledegre'de precision necessaire au tlieatrc. Celles qui paraissaicnt faire exception ont etc vite cxploitccs par les dramaturges allemands, qui ont transport^ sur la scene le Majorat, Maitre Martin et ses apprentis, de meme que nous avions eu, dans Cardillac, une traduction assez lieureusc de mademoiselle deSciideri. Les auteurs du nouveau drame ont aussi tire asscz bon parti de leur sujet , et obtcnu quclqucs succes. Le mcmc tlieatrc avail donne, Ic 8 novembre, les Sybarites de Flo- rence ^ opera comique de M. Lafitte, dont la musique de divers auteurs a ete' arrangc'e par M. Castil - Blaze; puis le 12 novembre, les Deux divorces^ vaudeville en un acte de MM. Theodore et HiPPOLVTE. Aux Varietes , apres/e Chanteur de romances^ opera dcM. Bi,an- GiNi (3 novembre), est venu Saint-Denis , ou une insurrection de demoiselles , vaudeville en trois acfes, par MM. Julien et I^ulippe, qui n'est encore, je crois, que lamise en scene d'lm des proverbcs de ma- dame de Chainilly, ou de quelqiie autre pseudonyme auteur dc scenes contemporaines. LeTheatre du Pat,ais-Royal n'est pas plus cre'ateur que les autrcs, puisqu'il n'a gucre donne de remarquable , dans ces derniers tcins, qu'une froide contrefacon de Carlin a Rom-, piece des Varietes et dc I'Ambigu : les Deux Novices, vaudeville en trois actes, par MM. \\ ar- NER ct Bayard ( ^4 novembre ). Enfin I'Odeon a donne , le 3 novembre, son Mirabeau , drame en cinq e'poqucs, qui n'a dii, a rautoritc imposante dn grand nom im- prime sur raflicbc, qirunc chute plus edatantc. PAKIS. 271 Un litteValciir allcmand, M. Si.wald, a iniporte snr le theatre do I'Ambigu un genre dc spectacle nouveau pour les Parisiens. Ce sont des Tableaux vivans. Un mode inge'nieux d'eclairage, des de'corations ot des groupes d'acteiirs liabilenicnt disposes, pre'scntent a I'ceihindrame miiet en pliisieurs scenes on niouvemcns.On a vii avcc jilaisir les Bri- gands surpris; les Souvenirs patriotiques; Sobrieski devantVienne; Mazaniello improvisant au bord de la mer; les Bohemiens, etc. Cctte invention est due, dit-on, a lady Hamilton, qui avait e'te come- dienne a Londres. Scs premiers cssais eiirent un grand succcs dans les salons avant que le tlic'alre s'cn cniparat. Publications prochaines. — On annonce pour le raois de Jan- vier un roman nouveau dc M. d'Arlincourt , intitule' : les Rebelles sous Charles V. C'cst la peinturc d'une des e'poques les plus dramatiques de notre raoyen age, ct clle offre, dit-on ,une foule de rap- prochemcns piquans sur I'e'tat de clioses actuel. Nous en reparlerons. Parmi les ouvrages les plus rcmarquables que la librairie promet , en oulre , a nos soire'cs d'hiver, nous citerons encore Robert de Paris, par f Falter Scott , le Manuscrit vert de M. Droui- NEAu , un roman irlandais dc Banim , de nouvelles productions de MM. Sainte-Beuve , Alfred de Vigny, Latouche , de ma- dame DE Souza , les Contes de V atelier, du pseudonyme Michel Ray- mond , les lambes de M. ^Mg'M5..>. aout i83'J, a I'aiiteur clu incilJeiir Momoiro siir Ic sujcf siiivant : Exposer les connaissances positives qui constituent la science phrenologique dans so?i etat actuel. Lcs Mc'moires doivcnt ctre adresse's , avant Ic i'' juin i83o. , an secretaire general , rue dp rUniversitc , n° 25. La Societe de geographic a propose iin prix dont le sujet est I'his- loire critique de toutes lcs mesures exe'cutees jusqu'ici sur des arcs do meridicn ou des paralleles a rcquateur. La Societe d' agriculture , commerce , sciences et arts du depar- tement de la Marne vient de publier un programme des prix qu'elle met ail concours pour I'annce i832. La question est cclle-ci : U in- fluence politique de Paris sur tnute la France a-t-elle plus d'incon' veniens que d'avantages? En cas d' afjirmative , quels seraient les mojens d'attenuer cette influence? Les Me'moires devront ctre par- venus avant le i*"' juillet i83'2. Des medaillcs sont offcrtes a la commune qui justifiera avoir le micux entrctcnu ses chemins vicinaux , a la meil- leure statistique d'un canton de de'partcment , au medecin qui aura vac- cine' le plus grand nombre de sujets pendant I'annee , aux cultivateurs ou proprietaires , commcrcans ct artistes dont les travaux lui paraitront dignes d'etre encourages. NECROLOGIE. AsiE. — Batavia. — On a refu ici la confirmation de la nouvelle de la mort du comic Charles Vidu.a de Gonzano , connu par ses inte- rcssans voyages dans la plus grande parlie de I'Europe, sur la cote occi- dentale de TAme'rique et la majeure partie de I'Asie. Ce celebrc voyageur avail passe, en 1829, plusieurs raois a I'ile de Java, occupc do visiter la plus grande partie de I'ile et de'ployant souvent une incon- cevable force corporclle pour surmonter tous les obstacles qui s'offraient a lui. II avait le projet de fixer, par des observations baromc'triques faites sur le sommct des montagnes, une ligne partant de Samarang ct aboutissant a la cote mcridionale de I'llc. Pour continuerscs reclicrclies, il visita depuis I'archipel Indicn , et lcs lies Moluques, d'oii il lit en- core une excursion a la cote de la Nouvelle-Guince. C'est au mo- NECROLOGIE. '>.-j3 iiient oil le iiavire qm If ranicnait de I'lle Ce'leljes ciitrait dans Ic golf'c d'Amboine qu'il mouiut, le 9,5 de'cembre i83o. Ainsi se tiouve anniile le projet qu'il avail tc'moigne de visiter encore la Nouvelle-Hollande et la cote orientale de rAme'rique. Le comte de Vidua n'a pas public de relations de ses voyages. Tout ce qui a ete public jusqu'ici est une collection d'inscriptions grecqucs qu'il avait recueillies dans I'empire turc. Mais on assure qu'il n'avait point cesse d'envoyer a iin de ses amis , en Europe , des copies de ses notes. On espere acquerir la confirmation de cette nouvelle, afin que les obsei-vations inte'ressantes faites par lui ne soient ( oint pcrdues pour la science. X. X. Allemagne. — ScHMALz. — KoERNER. — Dcux liommes , dont les noras ont marque dans la lilte'rature allemande , sont morts a Berlin , presque dans le meme tcms. Le professeur Schmalz est connii par des travaux d'e'conomie politique , fort arrie'rcs , puisqu'ils s'ap- puienl encore sur les principes de Quesnay, aprcs la critique d'Adam Smith etde son ecole, maisqui n'ont pas ete sans utilite'pour 1' Allemagne, oil cette science e'tait alors a peine cultive'e : il est plus connu encore , du moins dans sa palrie , par ses qiierelles a I'occasion des associations i-ecretes qui exercerent une si giandc influence sur les c've'nemens poli- liques de i8i5 , querelles dans Irsquelles il eiit pour advcrsaires tout cc que rAlleraagne comptait de patriotcs e'claire's, Niebuhr, Wicland , Rriig, etc. Schmalz e'tait ne a Hanovre , en fjSg; il devint successi- vement professeur de droit a Rinteln, Koenigs])crg, Halle et Berlin, oi'i il est mort, a I'age de j'^ ans. Son enscignement etait facile et agreable , niais sans beaucoup de sohdite , de meme que son savoir s'e'lendait a picsquc tons les genres de connaissances , mais sans grande profondeur tians aucune. Malgre ses violentes guerres de plume , le caractere de Schmalz etait doux et bieiifaisant, et, malgre les principes du plus ser- ■\ ile-absolutismp , il demcura , jusqu'au dernier moment, un fidcle dis- liplc de la Physiocratie de Quesnay. Srs ouvrages priniipaux portent les titles suivans : Exposition du Droit naturel pur; Manuel d'l'ca- nomie politique (Iraduit en francais par M. H. Jouffroy, conseiller au service du roi de Prusse) ; Collection de cus judiciaires remar- (fuahles de la faculte de Halle. T^e conseiller Koerneb , perc du celcbre pocte de ce nom , avait e'te TOM»^ I,n. OCTOBRE I 85 1 . -J 8 274 NECROLOGIE. Tami et le ineccne de Schiller; ij a public, rannc'e deinicre, des docu- mens pre'cieux, fiuils de cctle relation. {Fie de Schiller, ecrite d'n- pres des souwenirs de famille , el sa propi-e correspondance.) La ^ reputation de son fils a fait la sienne , et peut-etre, malgre son rac'ritc reel, serait-il drmcurc inconmi sans la luort lieroiqne de ce dernier. Le lieu oil Theodore Koerner toniha , en conibattant pour la libcrte de son pays, et ou sa sa»ur a c'te de'pose'e pres de lui , a e'te aiissi choisi par leur pere pour sepulture. — France. — Guillaume-Jean Favard de Langlade, president de chambre a la cour dc cassation , est raorl derniercmcnt a Paris. Ne pres d'Issoirc, le 3 avril I'j&i , il e'lait avocat a Paris lorsque la revolution e'clata. Son de'partement le nomma, en I'^gS, raembi'e du conseil des cinq-cents, oil il parla en laveur des prctrcs non assermente's et des enfans d'e'migre'sj il s'y e'leva aussi contre la grande facilite' ac- cordc'c aux divorces par la nouvelleloi. Entre an tribunat en de'cembrc 1799, a la Gour de cassation en 1809 et au conseil d'Etat en 181 3, il concourut a la re'daction du Code civil ct dc presque tons les travaux legislatifs accomplis depuis cetle epoque. Le departeraeut dc la Dronic I'elut en 181 5 a la chanilire des repre'sentans : il fit ne'aumoins partie de la chambre introuvable, oil il vota avec la minoritc, et continua long-tems de sie'ger au Palais-Bourbon. Si la flexibihte dc ses prin- cipes politiques a peniiis a M. Favard de Langlade de servir avec le meme zele tons les gouvernemcns qui se sont succede's en France depuis quarante ans , ses qualite's prive'es lui ont fait de nom- breux amis , et ses travaux de jurisprudence lui assurent un nom esti- mable. Voici les litres de ses principaux ouvragcs : Conferences die Droit civil , 8 vol. Motif's du Code civil, 8 vol. Traite des privi- lege- et lijyotheques. Reper oi e de la noiivelle legislation , 5 vol. TABLE DES MATIERES CONTENUES DAi\S LA 154' LIVRAISOX DE LA REVUE EXCYCLOPEDIQUE. OGTQBRE i83i. M^MOIRES. Pages i . De la politique extdrieure et interieure de la France , depuis la re- volution de 1 850 j 2° article Laurent. 5 2. Exanien du budpjet de 1 832 E. Pereire. 40 3. Cours d'Histoire des sciences natiirelles , par M. Cuvier .... Faster. 91 4. Indication dcs points de la France ou I'on exirait dii fer hydrate, et Statistiqcie des liauts fourncanx que ce mineral alimen^e; 2° article. Henri Fournel. 1 05 .'i. Observations sur le penchant au crime aux differensages. /J. Quetelet. 141 6. Autobiographie de voleiirs ^. de M. 153 7. 1 " Les Feuilles d'Automne, par M. V. Hu{>o. — 2" IMarie , roman . 1 68 BflLLETIIV BIBLIOGRAPHIQUE LIVRES ETRANGERS. AMERIQUE SEPTENTRIO^'ALE. — Etats-Ums. — Annales americaincs d'education ,180; — Troisionie rapport sur la maison de refuge de Phila- delphio , 1 82. EUROPE. — Grande-Bretagne. — Architecture des oiseaux , 1 82 ; — Les me- nageries , ibid. ; — Dictionnaire ornithologique , ibid. ; — Rdpertoire de bo- taniquc , 187 ; — Bibliothequc d'agriculture et d'horticulture, ibid. ,• — Journal d"agriculture, ibid.:, — Flore de I'Amerique bor^ale, 190; — Rccherches his- toriques sur la conqnele du P^rou , ibid. ; — Vie et Avenlures de Nathaniel Pearce, ibid. ; — Histoire de la guerre des Ashantis, ibid. ; — Refutation des erreurs contenues dans le voyage d'Olhon de Kotzebue , 1 95 ; ^ — Biblio- thequc des romans , ibid. — -Allemagne. — Corrcspondance de deux Allemands , 195 ; — Choix des oeu- vres de Philippe Melanchton , 196 ; — Sur la liberte de la presse, 197 ; — Hisloire dc la maison et du pays de Furstenberg, ibid.j — La lutte dans la France occidcntale pendant les annees 1 793 a 1 796jibid.; — Sur le cholera-mor- bus , 1 98 ; — Histoire de la litt^raturc allcmande , ibid. , — Histoire de la poesie allemandc pendant le moyen age , ibid.:, — Bibliotheque des poetes allemands du dix-scptifeme siecle , j'Sirf. ; — Dictionnaire abr^ge des auteurs pscudo- nymcs allemands ,199; — Choix des contes et nouvelles d'Hoffman, ibid. ; — 276 TABLE DES MATIERES. Les families Walselh ct I.citli , ibid. ^ — Contcs ct pclils Perils, 200 ; — Fla- gellation satirique , ibid. — Italic. — Genigraphie italicmie , 201 ; — Traile de pyrolcclinie militaire, 202; — Poesies siciliennes, 203 ; — Jeanne d'Arc, tragedie, 205 ; — Romeo ei Juliette, tragedie, ibid.:, — Iconograpliie contcmporaine, jiic la Qou^cription. hd. Rewue Encyclope'dujue parah meiisuellement , depuis Jan- vier -1819, par cabiei-s de plus de 200 pages d'impression. Trois caliiers foniient un volume, termine par une Table analyticjuc et alphahetujue des matieres. Chaqiie annee est iudependauie dcs annees precedentes, et ol'fre Kii Annnaire scientifique et iitteraire ^ en A volumes in-8<*. piix tit r^lbjaunfmciit. A Paris 46 fr. pour un an; 26 fr. pour six niois. Dans ks departor.eiis. 53 >>. 30 » A retianger 60 » 54 » En Angleterre. ... 75 « A2 » A partir du \ ^^ Janvier on du \ £«" juillet. Chaque caliier se vend separenient 5 francs. Le montant de la soiiscription , qui doit etre naye d'avance et envoye par la poste; La correspondance ; Et tout ce qui concerne la redaction, les Uvres de tout genre, les gravures, etc., dont on desire faire rendre compte, doivent etre adrcsses, franc de port, AU DIRECTEUR DE LA REVUE EIVGYGLOPEDIQUE, RUE DES SAIlVTS-Pt'lRES, A" 30. bii^.riincrie d'EVERAT ^ rue du Otdiau , d^ 1G. REVUE ENCYCLOPEDIOUE. POLITIQCE , ReUGION , PhILOSOPHIE , Sciences , Ecomomie politique , Industeie , LiTTERATCRE ET BeAUX-ArTS. PARIS. AU BUREAU DE LV REVUE ENCYCLOPfiDIQUE , rue des Saiats-P^es , N° 96 j ARTHUS BERTRAND, RUE HAUTEFEUILLE , N° aJ. NOVEMBRE 1831. REVUE ENCYCLOPEDIQUE. POLITIQUE. COUP D'OEIL HISTORIQUE LES DERNIERES REVOLUTIONS DE LA SUISSE. Lcs en fans d'une nombreiise famille, qiioique nes de meros dlfferenles et divises d' opinions , de carriere, quelquefois nienie d'intcrets, restent neanmoins lies par line communaute dc sang et de nora, par une reciprocite d'egards, par les hal)itiides do- mestiques, par la necessile enlin de conserver et defendre leur palrimoine. Telle etail prccisement la famille snisse de 181-4. La Suisse , du rcste , n'a jamais forme un tout compact ; c'est morns une auvre logique, une association rationiicUe, qu'une ceuvre de terns , une association de fait. La confederatioiT primitive n'etait composce que des trois can- tons forestiers (Waldslelles) Scliwylz , Uri ct Unlcrwald , faisant k peine aujourd'hui une population de soixante ct dix mille ha- bitans. C'est cette liero'ique poignee de raontagnards qui entre TOME LTI. NOVEMBRE 1 851 . 19 aSo COUP IVCKIL IlISTORIQUE prit de resister et resista "a la formidable niaison d'Autriche, et qui jeta au XIV^ siecle les fondemeiis de la liberie helvetique. Ce n'est pas dans Thisloire qii'il faut lire ce noble drame , c'est dans le Guillaume Tell de Schiller ; I'oeuvre du poete est plus vraie et plus belle que I'histoire elle-meme, parce que, corame dit Thistorien portugais (I) : « 11 a peint leurs ames et -' non leurs vetemens de sole, de laiue ou de pourpre. » Seuls les Waldstettes lutlerent vingt ans et ce ne fut que quinze ans environ apres la victoire de Morgarten que Lucerne fut recue dans la federation : une voie plus large fut ouverte ; Zurich, Claris, Zug et enfin Berne y entrerent successivemenl, apportant dans la societe , les uus leur pauvrete libre et fiere, les autres leur opulence et leur credit. Cependant ni I'arislocratie bourgeoise de Zurich, ni I'aristocratie nobiliaire et patricienne de Berne ne corrouipit les mceurs , les institutions democratiques des Waldstettes. Ces huit premiers cantons se signalerent pendant tout le qua- torzieme siecle par une resistance opiniatre , par d'eclatantes vic- toires, et TAutriche se vit forcee a lapaix, mais sans les reconnai- trede droit. Quanta cette formalite diplomatique, forlinsignifiante en soi , et a laquelle nos minces politiques attachent aujourd'hui une si puerile importance, il est bon d'observer qu'elle ne fut definitivement remplie que trois siecles plus tard , a la paix de Westphalie. Cela n' avail pas empeche les Suisses de vaincre et de dicier vingt fois des conditions de paix. Ainsi se passa le qualorzieme siecle ; le quinzieme apporta aax huit cantons des allies , des sujets , et partant des divisions et des guerres intestines. La Suisse pacifiee et agrandie eut a soutenir un choc terrible conlre Charles-le-Temeraire, et ce ne fut qua Tissue de cette memorable epreuve que Soleure , rompant avec I'Erapire, et Fribourg, avec les dues de Savoie, entrerent dans la confederation sous la protection de Berne , car Berne exercait M) Hisloiie de ViiisurrecUon caUiliinc , par don Manuel de Mcllo. SUR LF.S REVOLUTIONS DE LA SUISSE. 28 1 deja line supreraatie morale quelle coiiseiva long-tems. Bale et Schaffouse y furent egalement adinises apres la guerre de Souabe, ct eufin les Appewzellois fermerent, eu 1S15, la coufederation helvetique et furent proclames treizieme canton, pour prix du courage qu ils venaient de deployer contre I'abbe de Saint-Gall, leur ancien suzerain, et les villes souabes , ses alliees. A la suite des honteuses capitulations militaires, dont la prer miere fut passee avec la France en i 4-79 , la Suisse fut entrainee dans les guerres d'llalie et coiiquit pliisieurs provinces sur les dues de Milan. Puis vint la reformalion et avec elles les guerres de religion qui ensanglanterent la Suisse pendant une grande partie du seizienie siecle. C'est a. cette epoque aussi que Berne s'empara pour son conipte du pays de Vaud dont il exclut a ja- mais la maison de Savoie. La France se porta plus tard garant de la conquete. Les gueiTcs de religion se rallumerent au dix-septieme siecle. La Suisse fut enveloppee dans les desaslres de la guerre de trente ans; et seulement alors (coninie jeTai ditplus liaut), declaree in- dependante de I'enipire, elJe prit rang parmi les nations libres de TEurope. Aux guerres etrangeres et religieuses se joignit en plu- sieurs cantons aristocratiques un soulevement des campagnes : elles revendiquaient les menies droits que les villes et preludaient aux scenes de violence qui viennent de se renouveler sous nos yeux h Bale. Enfin la paix d'Arau (17-12) calnia I'anarchie. Ainsi s'ouvrit le dix-huitieme siecle. Je passerai sous silence les obscurs debats , les miserables intrigues qui Fagiterent pour Jeter un coup d'oeil rapide sur rancien droit public de la Suisse. De 1 51 3 a 1 798 la confederation avail et des allies et des sujets. Le Valais seul etait allie des treize cantons, Geneve ne I'etait que de Berne et Zurich, ses coreligionaires, et ainsi des autres; les allies envoyaient des deputes a la diete, mais ils n'avaiont voix qu'en ce qui touchait leurs alliances particulieres. Le sort des sujets etait miserable, et les cantons semblaient 19. 282 COUP d'(»;il historique s'attacher ia piouver qu'il ii'est pas de tyrannie pire que cclle des peuples libres. A rexception de quelques-uns qui joiiissaient de privileges municipaux tels que Orbe et Rapperschwill , lous les autres etaient traites moins en cadets de famille qu'en ilotes, et luils sous ce rapport n' etaient plus impitoyableinent foules que les baillages italiens. Les baiilis, on gouverneurs, y poussaient la morgue jusqu'a la deinence, la veiialite jusqua rinipudeur; on avait refuse aux sujets jusqu'a la faculte de se racheter. La souveraiuete collective des cantons souverains sur leurs sujets devait araener et amena en effel des querelles et des colli- sions facheuses ; du reste les cantons vivaient entre cux dans un etal complet d'hostilile. Di vises de religion, de principes politi- ques, de souvenirs, il regnait entre eux une bien pkis grande di- versite de constitutions que de nos jours. Les dietes n'avaient ni le pouvoir ni le vouloir de resscrrer le lien federal , et la diplo- matic etrangere s'etudiait h entretenir les divisions. Dans le sein meine des cantons regnaient la defiance et le me- contenteraent , ks campagnes etaient hoslilcs aux villes, parceqne les villes avaient pen a pen usurpe pour elles senles les preroga- tives de la noblesse et tenaient les citoyens extramuros dans un etat d'inferiqrite et presqne de servage; ceux-ci n'avaient presque change que de maitres. De la xnie irritation profonde. Qu'on ajoute h cela les monopoles industrielsct les turpitudes du service etranger, et Ton comprendra que la Suisse du dix-huitieme siecle appelait aussi inipericusenicnt nne refornie que la France. Malheureusenient il n'en fut pas de la Suisse comme de sa voisine, les reformes ne furent point spontanees; il y eut inter- vention etrangere , intervention sanglantc. Les sujets de la Suisse avaient accuellli avec transport les principes de la revolution francaise et le retentissement en fut clectrique ; le pays de Vaud surtout, plus proclie de ce vastc foyer de principes nouveaux, appela les Franrais "a son aide conlre les Bernois, qui les avaient i)eu a pen depouillesde loutes leurs innniniites et franchises. Le diiccloire ne chcrcliMit nu'iin pretexte; il fit envahir la Suisse, SUR LES REVOLUTIONS DE LA SUISSE. 2(S3 apres I'avoir dejk dcniembiee siir tiois points, la Valteline, Geneve et reveche de Bale. La resistance de Berne et des petits cantons fiit heroique , mais elle n'enipecha pas 1' edifice vermoulu de cioider, son heureetait venue, et le grand niveau passa sur la vieille confederation ; la republique helvetique une et indivisible fut imposee par la force des amies; il n'y eut plus de sujets, I'egalite des droits fut pro- clamee, les assemblees primaires instituces. De i 798 a i 803 il n'y eut que trouldes et resistances partiel- les, les lines excitees par cet esprit de federalisme dont les ra- cines sontsi profondes en Suisse, les antres par les pretentions etles regrets de I'aristocratie; enfin Y A ctede Mediation, emane du premier consul, fonda un nouveau droit public : il retablitle systeme federatif, porta hdix-neuf le norabre des cantons, main- tint I'egalite politique, constitua chaque canton suivant les lo- calites et les babitudes du pays , et proclama la liberie dindustrie pour toute I'etendue du territoire. Dix ans de tranquillite suivi- rent la destruction du systeme iniilaire ctla confederation se refit de ses blessures sous la puissante main de I'empereur. -IS-iS arriva, nouvelles catastrophes h I'exterieur, nouveaux bouleversemens "a I'interieur; la reaction menaca d'etre complete, les cantons aristocatiques et Berne "a leur tcte voulaientretournei' d'un seul bond a i 797 , se flattant que les anciens sujets eman- cipes depuis seize ans reprendraient benevolement Icurs chaines; mais la resistance fut si opiniatrc que force fut bien de souffrir ce qu'on ne pouvait empecher. Un nouveau pacte federal fnt conclu en 181-4 sous la protec- tion du congres de Vienne et sous son influence. Les cantons furent portes k vingt-deux et la confederation se trouva au grand coraplet. Je tais les fautes que les passions lirent alors commettre, je tais I'ignoble betise de 18-15, pour arriver enfin "a ce qui fait specialement le sujet de cet article. Grace pour ces preliminair^s, " je les ai juges necessaires h I'intelligence des eveneniens contem- porains dont je vais desormais exclusiveraent m'occuper : la uia- 284 COUP d'cEIL HISTOaiQUE tiere estvierge, mais mlnutieuse et confuse; ecrivant loin du theatre des evenemens et sur des rapports rarement coniplets, je demande grace encore pour les omissions, les repetitions insepa- rables d'un tel sujet. La Suisse de 1814 est en petit un specimen de toutes les formes politiques, depuis la democratic pure jusqu'a la nionar- chie, en passant par raristocratie et roligarchie ; ce mot de mo- narchic a droit d'elonner lorsqu'il s'agit d'une republique ; ce- pendantlaprincipaute de NeufcMtel, attachee plus qu'incorporee a la Suisse par le congrcs de Vienne, est reellenient une province prussienne : il est vrai quelle jouit de franchises municipales , mais le Brandebourg et la Silesie en out aussi. Quant h des in- stitutions politiques, Neufchatel a, dans ses audiences g^nerales, une ombre de representation nationale ; mais ce corps legislatif est si imparfait dans son organisation , si gene dans ses mouve- mens, qu'il repond mal "a I'idee qu'on a droit de se faire d'une assemblee nationale. Le pouvoir monarchique n'a done reelle- raentdebarriereque dans un eloignement de 2001ieues, dans les privileges des bourgeoisies et dans les us et coutumes du pays ; or ces us et coutumes qui ont force de lois, quoique non reunis en code regulier, ni meme ecrits, sont les memes depuis le onzieme siecle , c'est-a-dire depuis le royaume de Bourgogne. II est peu de pays on le moyen age ait laisse de plus pro- fondes empreintes, non le moyen age feodal et seigneurial, mais le moyen age municipal et bourgeois. Nous venons plus tard comment cet etat de choses devint la source de troubles graves et de pretentions fondees. Tandis que I'esprit monarchique regnait dans ce canton royal et la democratic dans les cantons pastoraux, I'aristocratie, reins- tallee a Berne et dans les grands cantons catholiques a la faveur des baionnettes autrichiennes, etait rentree dans toutes ses ancien- nes prerogatives; etl'oligarchie bernoiseen particulierse consolait de la perte de ses anciens sujets par les honneurs et les emplois qu' elle se partageait a I'interieur , par les grades et les pensions SUR LES REVOLUTIONS DE LA SUISSE. 285 militaires, dont les capitulations etrangeres Uii livraient le iiio- uopole; sous ce rapport, la reslauration fut complete. Je m'etendrai davantage sur Berue , parce que Berne imprimait le mouvement h la niajorite des cantons, et pesait sur tous autant par son etendue territoriale et sa po])ulatiou que par une antique habitude et une certaine habilete dans les affaires publiques, EUe est de plus la residence du corps diplomatique et le foyer des intrigues etrangeres ; or ces intrigues out de tout tems exerce une grande influence sur les destinees de la confederation ; c'est Ta aussi que les abus aristocratiques etaient le plus flagrans et I'oligarchie bernoise etait comme le type sur lequel se jnodelaient les autres. Ici la question n'etait pas simplement entre la ville et les cam- pagnes, je dis campagnes pour ne pas dire provinces, leiu" exigui- te teiritpriale ne coniportant pas cette derniere denomination la question etait complexe, c'est-h-dire entre les campagnes et la ville, puis, dansla ville meme, entre labourgeoisie etlepatriciat. Voici d'abordh quoi se reduisait la representation des campa- gnes : le Grand-Gonseil ou Conseil souverain etait compose de deux cent quatre-vingt dix-neuf raembres ; sur ce nombre les campagnes nen envoyaient que quatre-vingt dix-neuf, les deux cents autres appartenaient a la ville; or, remarquons que la ville n'est que pour douze mille ames dans la population totale du canton qui s'eleve a pres de trois cent mille : douze mille ha- bitans etaient done representes par deux cents, et deux cent quatre-vingt-buit mille par quatre-vingt dix-neuf (1). Maintenant voyons comment cette enorme majorite de citadins etait repartie : sur les deux cent quatre-vingt families bourgeoises de la ville de Berne, quatre-vingts seulement sont reputees nobles ou patriciennes, et c'est dans les mains de ces quatre-vingts fa- [i] Observons encore que, pour neutraliscr IVlcmcnt d(imocratii juillet. Elle venalt de snbir les nonvelles recriminations de Glaris et d'Uri contre la presse ; le cholera-niorbns , le commerce et le ml- litaire suisses avaient ete success! vement soumis a ses delibera- tions , lorsqu'une nouvelle eruption ramena son attention sur le canton de Bale. L'insurrection s'etait reorganisee. Les paysans, irrites de la condamnalion de leurs chefs et de quelques vexations de la ville, soutinrent que I'acceptation de la constitution n'avait pas ete libre et reclaraaient toujours une constituante. Leurs meneurs etaient (dit-on) des gens d'assez pen de consideration. II y avait de fait , dans le canton, deux gouvernemens , celui de Bale et celui de Liestall. Enfin ce qu'on prevoyait ari'iva, les hostilites recommencereut au mois d'aoiit. Liestall fut pris etrepris; le combat fut sanglant et les Balois battus. A cette occasion la Diete eut des seances longues et orageuses. Plusieurs cantons tenaient pour la campagne , d'autres pour la ville. Enfin, le 9 septembre, elle declara qu'elle allait faire oc- cuper railitairement le canton de Bale par les troupes federales. Cette occupation n'a pas pour but d'imposer a I'un des partis les opinions de Tautre, car elle n'en a pas le droit, et ce serait contraire au pacte federal ; elle est destinee seulement a arreter I'effusion du sang et "a prevenir de nouvelles hostilites. Jusqu'a present leur but a ete rempli ; mais si on ne se bat plus, on est loin encore de s'entendre. Quoique deja si demesurement long, cet article serait par trop incomplet si je negligeaisde parler deNeuchatel. C'est la ques- tion du moment, elle est flagrante, et les liaisons du pays avec la cour de Berlin lui donnent une importance toute politique. J'ai dit plus haul ce que c'est que Neuchatel : une principaute prus- sienne dont Tincorporation a la confederation Suisse est une heresie republicaiuc, une mystification de la Sainle-Alliaucc. SUR LES REVOLUTIONS DE L\ SUISSE, 807 Des le mois de jaiivier dernier, entrainees par un exemple que le voisinage de la France rendait plus puissant, ecLauffees par I'ar- deur des iiouveaux principes, les communes de Valengin, du Locle, et de la Cliaux-de-Fonds avaient aneanti une declaration du gouvernementneucliatelois tendant "amaiutenir le statu (jun. Des petitions demanderent la liberte de la presse et I'abolition des audiences ge'ne'rales, pour faire place h une vraie representa- tion nationale. La fermentation gagna le Val-de-Riiz , il y eut des assemblees de citoyens, et M. de Pfuel, commissaire prus- sien , se mit a parcourlr le canton pour ramener les egares dans le giron royal. Bientot une ordonnance du roi de Prusse fit subir aux au- diences une reorganisation nouvelle beaucoup plus liberale que I'ancienne. LeVal-de-T ravers refusa les concessions, sollicitant, avec beaucoup d'autres communes, une separation de la Prusse. La bourgeoisie de Neuchatel, satisfaite de ses franchises ef plus pres de la source des royales faveurs, tenait bon pour la cour.Enfin le 15 septembre, anniversaire de I'entree de Neuchatel dans la confederation, le Val-de-Travers et la Cote se mirent en pleine insurrection; ils arrivcrent en masse a Neuchatel, s'emparerent sans resistance de I'arsenal, et , reunis dans la cathedraie, proce- derent avec ordre et tenue a la nomination d'un gouvenrement provisoire, compose d'hommes honorables. lis reclamal^nt aussi une constituaute. L'ancien gouvernement s'etait retire d'aborda Valengin ; mais ii rentra dans la ville et continua d'y sieger a cote du nouveau. Des deniandos furent faites "a la Diete pour qu'elle prononcat une rupture avec la Prusse; mais elle n'en voulut et n'en devait rien faire. Elle agit avec prudence, et s'abstint. Seulement elle envoya un commissaire federal dans le canton , puis des troupes , afin de I'occuper en vertu du pacte federal et an meme titre que Bale. M. de Pfuel, de retour de Berlin, 011 il etait alle recevoir des instructions nouvelles, a pris dans ses proclamations un ton plus 3o8 COUP d'oeil historique liautet nienacant. Une premiere tenlativecontre-revolutionnaire, conduite par la jeunesse des premieres families, a effrajc, au mois d'octobre, ensanglante meme la ville, malgrc I'attilude ferine des troupes federalcs qui out agi en braves gens. Voila ou en sont les choses : la question est encore pendante. On dit que M. de Pfuel a pleins pouvoirs pour trailer de remancipation. Les Neuchatelois n'entendent pas I'acheter, ils veulentla conquerir. C'estune ques- tion entre eux et leur prince. La Diete n'y peut intervenir sans se Jeter dans des embarras qu'on doit eviter en ce moment. Ccpen- dant il faut en finir. Un pareil ordre de cboses ne peut durer : que Neuchatel soil prussien ou Suisse. Celte existence batarde n'est plus tenable; elle est contre le droit public de la Suisse, et si elle presente des avantages a I'aristocratie et h Tindustrle de la ville de Neuchatel, elle expose la confederation tout enticre a des conflits qui compiometlent sa surete. II y aurait beaucoup a dire Ih-dessus, raais je suis las "a rc- prendre lialeine. Pour le moment ma taclie est faite. La presse quotidienne tiendra au courant des evenemens subsequens, et j'attendrai pour y revenir de plus aniples donnees. II est line autre question que la longueur de cet article m'in- terdit d'aborder, et que je suis force de remettre a un prochain ; c'est le nouveau droit public de la Suisse. Le pacte federal del 81 5 est incompatible avecle nouveau regime cantonal. II est a refaire. II ne snffit pas d'avoir reforme, ameliore les parties , il reste h les coordonner de maniere h en composer un toiK. Sans unite la machine fcderale ne peut marcher. Sans cela on n'a fait que batir sur le sable, et au premier orage I'edifice croulera. Les jours d'orage approchent cependant, et le moissonneur n'attcnd pas que la pluie lombe pour serrer ses gerbes. II ne manque pas de prophetes de malheur qui , assis sur les ruines du privilege, predisent aux peupladcs helvetiques de niauvais jours. — Endetrnisant des Inslitutions secnlaires, discnt- ils, vniis avez portc nne atleinte mortelle a la nationalile helve- SllR LES REVOLUTIONS DE LA SUISSE. 3og lique. Elle y etait iiiherente. A riieiire dii danger el!e fera defaut, et voiis moiirrez, vous et voire oeuvi'e d'imitation. Allez, ames timorees ctmeconleiites, nousavons foi en nous et nos ceuvres; mals tout en repoussant vos oracles nous acceptons voire reproche d'imitation. N'est-elle pas uue souveraine loi de notre nature; un des liens sociaux qui rapprochentles hommes? L'imltation, c'estle niagnetisrne politique qui electrise lespeuples, qui les unit dans une vasle chaine de fraternite et d'amour. C'est a Firaitation que I'enfant doit la parole, le monde ses progres. Sans doute il y a , dans tout ce qui finit, dans tout ce qui tombe , de la tristesse et des larmes. La chute du toit paternel mouille notre paupiere , si devasle , si vermoulu qu'il fut par les anuees. Mais pourquoi les regrets? legitimes ou sans raison, que servent-ils? h quoi bon recriminer avec le passe? II faut mar- cher; eu vain, coursier rebelle, Vhomme regimbg-t-il contre I'ai- guillon, il faut marcher. II ne depend pas plus de lui de rester en place qu'il ne depend du soleil de suspendre sa luagnifique carriere. Nous obeissous a de plus hautes volontes , h des lois irrevocables. En avant! voila le cri du monde , la condition de toute vie. L'uiiivers est une arene eternelle de metamorphoses et de transformations. De nouvelles formes naissent des auciennes. L'avenir est uue source feconde qui ne tarit point. Subissons done sans murmure et avec courage nos deslinees. L'avenir nousappelle, quisait ce qu'il nous prepare? L'humanite est curieuse ; lasse de ce quia (ite, impatieute de ce qui est, avide de ce qui pent etre, elle va inlcrrogeant toujours et tou- jours esperant. Elle se debat dans les entraves qu'on lui impose jusqu'k ce qn'cUe les brise ; puis, se plongeaut dans rincouuu, comme le Macedonien dans les mysterieuses regions du Gauge, elle s'avance triomphante de conquete en conquele. Et moi aussi je venere dans les tems passes ce qu'ils out de grand, d'heroique; moi aussi j'ai une larme pour les mines, mais j'ai pris en main le l)aton de voyageur; comme I'apotre j'ai ceint mes reins pour la bataille, ot je chemine avecmon siecle sur les 3lO COUP d'cEIL HISTORIQUE routes noil encore baltiies de I'avenir. Ne dans cette Suisse, dont une rigoureuse uecessite m'exile, pour jamais peut-etre, j'aime a entretenir I'etranger de nia patrie absente ; j'aiaie a lui dire quelle a lance anatheme et mepris sur ce long trafic de sang humain qui la degradait, que son oreille est ouverte "a tons les cris de gloire et d'esperance. Suisses, mes compatriotes et nies freres , veillez sur vos frontieres, veillez sur vous aussi. II est une por- tion de I'heritage des ancetres que vous ne pourriez repudier sans lionte, I'independance nationale; conquise, cimentee par deux siecles de victoires , 'alteree par de longues aimees de discorde et de venalite, elle a pense faire naufrage dans la grande cata- strophe des republiques europeennes. Conime les juifs de Samuel, la Hollande a voulu des rois, elle les a. La pierre sepulcrale pese aujourd'hui sur Genes, sur Venise, vous seuls etes debout. Vous etes, vous, les republicains de I'Europe; montrez-vous dignes de cette haute mission II ne faut que deux choses : an dedans integrite , an dehors resolution. Paris, iiovcnibic 1851 . POST-SCRIPTUM. Depuis que cet article est ecrit, dcsevenemens graves sont vc- nus justifier nos craintes sur Bale et Neiicliatel. A BaleTaccord n'a pu renaitrc, et une separation complete entre la ville et la cam- pagne est ardemmcnt reclamee par celle-ci (1). La ville de Bale a soumis cette question aTassemblee generalc des citojens, ct la (1) On pent consultor a ce sujcl lo nicmoiie oii la campajjiic Laloise expose ses firicfs ct sollicite sa sj^paralion. II est (radnit en franrais , ct a pour liuc : yfjijicl lie la campn-^ne clc Rale a la conftilamiay {\) , commune do ce nom, canton de Pelus- sin, et sur la limite du departenient de I'Ardeche, enfui trois k Saint-JuUeii-en-Jnrest, canton de Saint-Charaond. Beaucoup de ces fourneaux n' existent qu'en projet (2) ; nean- nioins c'est a. I'etablissement de quelques-uns de ceux autorises quest du le grand developpement donne au commerce defer hydrate dans le departement de la Haute-Saone. Quelques-uns d'entre eux consomnient maintenant du fer oligiste de la Voulte (Ardeche) , dont j'aurai occasion de parler tout h. I'lieure (5). A Saint-Martin-la-Plaine, pres Rive-de-Gier, on trouve \efer hydrate' en masses isolees dans une terre ocreuse micacee, en couches associees a d'autres couches micacees. Le gisement de ces hydrates n'est pas assez exactement connu pour qu'on puisse affirmer qu'ils font partie du terrain houiller (-4). Aupres dii village de Laloiu", situe "a pen de distance et au nord de Saint-Etienne, entire, pourle fourneau du Janon, un mineral assez remarquable: c'est une roche bouillere impregnee d'oxide et dlijdrate de fer (3). II a ete decouvert en i 824 ou ^ 825 ; M. Beaunier pcnse que ce minerai est tres-voisin du sol houiller , mais qu'il lui est ctranger (6). On sail qu"a I'epoque oil fureut etablls des hauts-fourneaux dans Tarrondissement de Saint-Elienne, on avgit compte les ali- menter avec le fer carbonate, que Ton esperait trouver en abon- dance suffisante ; on sail aussi que ces esperances ont ete trom- pees , et que des recherches nombreuses ont ete faites dans (Tj Un spiil tie ces fourneaux avail ete conslriiit, et il dtait deja abandonni en 1819 [Enqudicsur ksftrs^^. 189.10-4"); 1829. (2) M. Beaunier n'en a cite que deux a Janon, et deux "a Saint-Julicn ( idis/ii, (■ p. 167.In-4°) ; 1829. ■ (3) Voyez page 5G7 de ce cahier. (4) Annates des mines , t. IV, p. 585; premiere s^rie, 1819. (^5) IVotice sur un minerai dejer (ie Laloiir-en-Jarcst; par M. S. A. Rah { Annates des mines, t. V, jq. 517-319; deuxiime sdric); 1^)29. (6) Enqu£le. sur les firs . p. 169, in-4", 1829. DE LA FRANCE. 35g I'arrondissement , pour reniplacer les minerals que Jes exploita- tions de Saint-Etienne lie donnaient pas. Je citerai les gites de raiaerai de far connexes et non connexes a^ec la kouille , situes aux environs de Villebceuf et de Fougivieux , communes de la Roche-Moliere et de Saint-Genest-de-Lerpt, canton du Cham- bon. Je citerai aussi les mines de fer de Saint-Chamond. Haute-Loire. Arrondissement DE Brioude. AGrosmesnil, dans le gresqui appaitient au terrain hoiiiller desbords del'Allier, MM.Berthier et Gueniveau out trouve dii/er Aj't/rafe'enmorceaux globuleux (1 ) . treizieme arrondissement. Doubs. Au commencement de 1 826 , M. Heron de Villefosse indi- quait, dans ce departeraent, huit hauts-fourneaux en activite et quatre en non-activite. Je n'en puis nommer que onze. lis sont ainsi distribues : Arrondissement de Montb^liard, deux; savoir : nxiSiBour- gm'gnon, canton de Pout-de-Roide ; un "a Audincourt , canton do ce nom , tons deux sur le Doubs. Cesdeux fourneaux consomment un melange die fer hydrate el de fer oligiste. Dans un rayon de deux outroismille metres d' Au- dincourt , on extrait , a quinze on vingt metres au plus de profon- deiir, des minerals en grains (2). On exploite des mines terreuses autour du fourneau de Bourguignon. Quant au fer oligiste, on le tire de Saulnot (5), mine qui appartient a la Haute-Saone. Arrondissement de Baume-les-Dames , trois ; savoir : uu a (1) Annahs des mines , t. IV, p. 384 et585; premiere serie. {^)Iiapport sur les usines d' Audincourt , par M. Brochin ( Journal dct mines , t. XIII, p. 148); 1802. M. Brocliin indique a (ort ces usines conime <5fant dans le departement du Ilaiil-Pihin. (5) Journal des mines, t. XTII , p. 150. — Voyrz aiis.'i Annates des mines. t XI, p. 393; premiere serie. TOME T.TI. NOVEMBKF. 1 ft.'li . '2-*- 3Go ST\TISTIQUE MINERALOGIQITR Montngnef, sur I'Oignon, canton de Roiigeniont ; iinala G;-dce- Dieii; un au Bief-Montot, comraiuie de Clerval , canton de CO nom, sur le Doubs , a trois lieues de Baume. Les minieres de fer sont extremement abondantes dans cet ar- rondissement et en particulier dans le canton de Rougemont. C'est dans ce canton que sont ouveites les minieres de Puessans , Cu- brial , Uzelle , Gouhelans , Gondenans , etc. , dont quelques- imes fournissent aux fourneaux de Larians , Loulans et Fallon (1 ), qui appartiennent au departenient de la Haute-Saone. Dans le canton d'Isle se trouvent les minieres de Bonrnois , Onans , Mc- diere , Morchamps. Les unes sont en roche, les autres sont en grains. Le fourneau de Montagney, corame ceux d'Aiidincourt et de Bourguignoa , brule un melange defer oligiste de Saulnot et de ferhjdmte'C^). Arrondissement DE Besan^on, quatre ; savoir : un "a Roche- sur-Latoue(d), dans la commune de Liesle , canton de Quingey, a la limite du departenient du Jura; un a 31ontcley, sur I'Oi- gnon, canton d'Audeux, a la limite du departementde la Haute- Saone ; im a Tbr^^e^, sur le Doubs, pres Boussiere et canton dece nom; vni a Gouille. On extrait du fer hydrate sur divers points du canton de Quingey pour les fourneaux de Quingey ct de Torpes. Le four- neau de Montcley est alimente par les minerals en grains de la Haute-Saone et en particulier par ceux qui sont laves dans la commune de la Chapelle-Saint-Quillain (4-). (1) Annuaiic statistique du Doubs pour V (in 1830, p. 220. (2) ytnnales des mirft, t. XI, p. 395 ; premiere scrie. (3) Sa remise en activite a ete autorisec par deux decrets, I'un dii 5 llicrmi- dor an ix (24juillct 1801 ), I'aulrc du 29 vcudemiaire an xi (2< oclobre 1802 ). — {Journal oj, sur TAin ; un a la Grange - de - ^ioulle , tous deux dans le canton de ChampagnoUes; un a Montaine, canton de Sal ins; un au /^ al-de-Salins . Arrondissement de Lons-le-Saulnier , trois ; savoir : un a Baudin , sur la Dorme , commune et canton de Scellieres ; un "a (1) A'lnuairt: statistique du dcpaitenient du Doubs pour 1 830, p. 220. Get annuairc, au rcslc, nc donuc Ips noms que rip sept fourneaux. 24. 362 STATISTlQtE MlNERALOGiQUK Toulouse J dt-dus lememe canton ; et iin "a Poite, dansle canton dr Clairvaux. Tous ces fourneaux sont alimentespar des minerals <}eferh)- drate'que Ton extrait de divers points voisins des fourneaux que je viens de noramer. Je citerai seulement les exploitations de Ro- mange, canton de Rochefort, arrondisseaient de Dole. Jfin. Des le commencement de 1826, la compagnic de I'Ain avail dcraande Tautorisatiou de constiniire un haut-foumeau h Ville- bois {i ). Je n'ai pas appris que cette autorisation eutete accordee. Arromdissemeht de Bellet. C'est dans cet arrondissement que se trouvent les mines de Villebois. Elles sont reparties sur divers points du canton de Lagnieux-, vers la limite du departe- ment de I'lsere. En parlant des mines de Chalencey ( Saone-et- Loire (2), j'ai eu occasion de donner quelques details sur ces mines et de dir^e sotts quel rapport elles Sont remarquables. Une ordon- nance , en date du 50 aoiit ^ 8*56 , porte que les mines de fer existant sur le territoire des comminies de Villebois, Soudon , SoUclin, Saint-Sovlin, Lagnien et Vaux , generaleraent connues sous le nom de mines de FillehoiSy sont et demeurent divisees en cinq arrondissemens de concession designes sous les noms d(^ Villebois, Seudon, Souclin, Saint-Sorlin et Vaux (5). On cite aussi des indices de minerai de fer dans le5 communes de Lizienx , Tenay , etc. , canton de Saint-Rambert (-4). [{) Voir Ic tableau plar^ a la page 548 du travail dc M. Heron he Villefossf, [Aimales Jes mines , t. Xtll, premiere serie ) ■ 1826. (2) p^ojrez p. 137 dtfce volume. (3) Annates des mines, f I", p. 34t5-r5S1 , dcunieme stirie. (4) ijlincs vt imnieres mc'tri/lif/iies abandoniie'cs , on quiii'otU jms rnror.- eu' f.r/i/oitecs vn France, p. 2U ct 21 . Dfc LA V«AN(iL. 3^3 QUATOnZlEME AKRONDISSEMEMT. here. Ce departement lenfenne quinze hauts-fourneaux, doutmoitie sont en chomage. Tous, excepte celui de Vienne, sont aliinentes par le fer spathique ( fer carbonate ); toutefois, pour que le ta- bleau des hauts-fourneaux de la France soit complet , je les nom- meraitousicl. lis sont principalement concentres dans I'arrondis- sement de Grenoble , corarae on va le voir ; au reste ils sont dis- tribues de la maniere suivaute : Arrondissement de Vienne, uu seul a Vienne ^ alalimite du departement du Rhone. II depend des usines de Terre-Noire (Loire ) (i). A'rrondissement de Saint-Marcellin , un seulk Saint-Ger- i>ais , commune d'Armieu , canton de Vinay, sur les bords de risere. J'ai eu occasion de visiter, en 1822, cette usine, qui ren- ferme une assez belle forerie de canons ; le fourneau n'avait pas ete mis en feu depuis \ 81 6. Arrohdissement de Grenoble , treize ; savoir : un a Saint- Hugon , canton d'AUevard , sur un torrent qui forme la liraite de la France et de la Savoie. Ce fourneau avait ete de'truit al'epoque de la revolution , il a ete retabli en 1822 ; un a Alleuard (2) , pres de cette ville et sur la Breda ; un a Pinsot , sur le meme torrent; uii- a Rioupe'roux , commune de Livet, canton de Bourg-.d'Oisans et sur les bords du Drac ; un a Saint-Fincent- de-Mercuse, dans une gorge a une demi-lieue de Touvet, (1) Enqucte sur les fers, p. 83. Tei're-Noii'e esl pies du Janon. (2) On pout voir I'analvse tic iHvors produits du fourneau d Allcvard, dans k 7(iu;/ja/ rfci mjHCi-, I. XXIIf, p. 181 otsuivanles; 1808. 364 STATISTIQUE MINERALOGIQUE chef-lieu de canton sur les bords de I'lsere ^ un a Allemoiit {\ ), canton d'Oisans ; quatre a /^/zf// .<:.-, k < k. i;d v/ IS Jui-a ■■ . /,". , .' 12 Ain .. 0 <)DATOR2lfelHE AHROIVOISBEMEIT (3). Isere 15 Drome 5 (QUlSZIEMf: ARRONOISSEMENT (4). Neant. Eli«emble pour scpl d^partcmens 56 Au commencement Ac 1826,M. Heron dcViHefosse en indiquait^ lant en aclivite que hors d^activile, dans la quatrieme inspection (5) S.'j difference 21 (1) Get arrondissement mindralo^iquc comprcnd , en outre, les deparlemens du Puy-de-D6me et du Canted. (2) Get arrondissement mindralogiqne comprcnd , e!i outre, Ic dcpartement du Ithone. (3) Get arrondissement comprettd , en outr^jies iddpnitemens siiiv$ng : h(atuts- ^Ipes , Bti<iNE. HLstoire naturelle du LangueJoc. (3) Extrait d'un rapporljiiit le 4 me^isidor an 11 ( 22 juin 1794 ), sur la mine da fer de la Voulte ( Journal des mines, n" 1 , p- -17 ) 1794. (4) Extrait d'un rapport fait /e30 thennidor an 11 (18 aout 1791) xur la mine de la Voulte ( ibid., ibid., p. '23 ). (5) Annuaire statisti.que du departement de I'yirdeche pour i 830, p. 234. (6) C'est la compagnic anonyme des fbnderies et forges de la Loire et dc I'Isere , compa[;nic autorisee par ordonnancc du 1 5 novcnibro 1 822. 368 STATISTIQUE MINERALOGIQUE La couche de La Voiilte est an milieu du calcaiie a Belenini- tes , et n'a pas moins de cinq "a six metres d'epaisseur (1). Le minerai est taiitot compacte, parlaitement pur, tantot leuillete et melange d'argile disseininee en veiues de plusieurs pouces d'epaisseur. La couche affleure a la surface sur lui quart de lieue (2) ; il parait meme qu'elle se proloiige vers Chassaigne et dans le territoire de Chalot (5) ; du moins les indices de fer he- matite et Ir/drate que Ton trouve sur le prolongerftent de la direction semblent indiquer que la couche regne sur une lon- gueur de plusieurs rayriametres (4). he fer hydrate se montre sur quelques points du departement. Gensanne (5) indique de la mine de^^?' en grains entre Saint- Pei'ay et Tournon , pre? de Chateaubourg. On voit dans 1' Arromdissement DE l'Argentiere, a Malbosc, canton de Vans , dans le voisinage des filons d'antimoine sulfure, de nom- breux afflcuremens de couches d'hematite hrune et d'immenses filons de ce minerai (6). Card. Deux arrondissemens de ce departement paraissent destines k jouer un role important dans I'industrie du fer, c'est cclui du Vigan, et surtout celui d'Alais. (1) Mcinoire sur la mine Je ftr de la Voulte ., jiar MM. Thirria et Lame [Annales des mines, t. V, p. 324 j premiere sdrie ) ; 1820. (2) Me'moire sur I' existence du gfpse et de dii'ers minerais mdtallijeres dans la partie supdrieure du Lias , du sud-ouest de la France ; par M. Ddfrenot {Annales des mines, t. II, p. 566 et 380 ; dcuxienie serie); 1 827. (3) Statistique mindralo^ique du departement de I'Ardeche ( Journal des mines, t. VII- VIII, p. 658-660 ) ; 1798. {A') Annuaire stalislique du departement deVArdeche pour 1830, p. 255. On peul voir quelques cssais faits sur le minerai do la Voullc [Journal des mines, t. XXVII, p. 420-423); 1810. (5) Cite dans la statistique min^ralogique du departement dc TArdeclie [Jour- nal des mines, t. VII- VIII, p. 660) 1797-1798. (6) Notice sur Sexploitation el le traitenient del'antimoinc sulfure de ;1 al- hose; par M. Jaiun [Annales des mines , l.I", p. 4; dcuxicmc tcrie ) ; 1827. DE LA FRANCE. 869 Aruondissement d'Alais. Des 1829, il etait question de construire immediatement six haiits-fourneaiix a Alms (1). Cette localite offre cela d'avantageux qu'on y trouve reuiiis le combustible, le minerai et la castiiie ; elle avail, au reste, ete sigiialee (2) depuis long-tems, et un fouineau , celui de la Baume (5), y existait en 1766 , sur les bords du Garden , dans la commune de Coudras. Les hauts-fourneaux sontaujour- d'iiui en construction , et plusieurs mines destinees "a les appro- visionner ont ete concessionnees ; ce sont les suivantes : Alais , Besseges et Robiac , sur le bord de la Ceze, canton de Saint- Ambroix , etc. Arkoivdissement du Vigam , un seul a Saint-Andre'-de-Ma- jencoules, canton de Vallerangue, et sur la riviere de I'Herauh. Parmi les mines en exploitation dans cet arrondissement , je cite- rai : celles des Deux-Jumeaux , canton de Sumene, qui avaient deja ete exploitees en 1809, puis abandonnees peu de terns apres , faute d' avoir traite le minei'ai par un procede convena- ble (4); celles de Mont-Dagout, etc. Ene ordonnancedu 1 4 Jan- vier 1850 concessionue les mines de fer de toiites sortes , com- prises dans le polygone de la concessioii des mines de houille de Cavailhac, pres le Vigan. Ces minerais du departement du Gard sont tantot a Tetat li- moneux, tantot sous forme globuleuse, d'autres fois sous forme' d'hematites , ou enfin a I'etat spatliique , et , dans ce dernier cas, leur cassure offre I'aspect d'uue demi-vitrification (5) . {\^ Notice sur les fonderies et forties d'Alais, p. 8, publiee en mars 1829, par M. Berard. Voir aussi le JoUrnal du Commerce, n° du 27 Janvier 1829. (2) AVIS AUX CAPITALISTES sur les mines de fer qui se trouvont dans les environs dc la commune d'Alais ( Gard) ( Journal des mine's , n" 15, p. 49 ) ; septembre 1795. (5) Ibid., ibid. p. 5U et 51 . (4) Mines et miniires mctalliques abandoitne'es ou f/ui 11 ont pas encore die txploitces en France, p. 28; 1826. (5) Journal des mines, n° 15, p^SO . J^O STAJISTIQirE MlNKltALUGlQlU: Lozkre. On connait des luinerais cle fer au pont de Cachepezoul. Voici dans quels termes M. Manot (1) doiine cetle indication : A line lieue de Saint-Etienne-de-Valdonnes ( canton et arrou- dissement de Mende), pres de la route qui conduit a Florae , les champs sont converts de fraginens de ininerai de fer ; le sol est reconvert d'une couche epaisse de terre vegetale extreme- meat rouge , qui enipeche qu'on ne puisse distinguer le rocher qui est dessous ; on est cependaut porle h croire que le terrain est calcaire. Leminerai quon trouve "a la surface est de deux sortes : Tune est compacte, un peu celluleuse, a une poussiere rouge, et est assez tenace ; I'autre est formee de grains agglulines ; sa poussiere est jaune, elle est friable. Tout porle h croire qu'il existedans cet endroit une couche de minerai qui affleure en quelque point, et qui a fourni les frag- mens que Ton voit epars sur lesol. II n'y a pas de bois dans les environs ; mais cette mine se trouve siu- la route de Portes kJVIende. HereLult. Ce departement reiifei'me plusieurs mines de fer qui ne sont pas encore exploitees. Arrondissement de Saint-Pons. Je citerai les mines de la Calmete, montagae de TEspinonze; celles de Ginnestet^ pres du pont de Mouline, au pied de I'Espinouze, canton d'Olargues ; celles de Ferrals eid'ydnduze, commune de Ferrals, canton d'Olon- zac, "a la liiuite du departement de I'Aude. Celles-ci ont ete au- (I) Notice sur la constitution gc'ologique et sur les richesses itiindrales du di'partement di: la Lozere ; par M. L. Marrot ( Aunales des mines, I. VIII, p. 485 el 486: premiere serie ) ; 1 823. DE LA FRANCE. 3'] I trefoisl'objet de travaux p€u impoitans (1 ) ; celles de Comiou ou Coumion, commune et canton de Saiiit-Pons-de-Tliomieres. AiiRowDissEiitEWT DE Beziers. Dans les environs de Saiiit- Gervais-la-Ville, canton de ce nom, et surla limite des depar- temens du Tarn et del'Aveyron, se trouve a Champ-Long el j4lzonm\ depot de fer carbonate qui n'a pas encore ete exploite. A la partie opposee de Tarrondissement et sur les bords de la Mediterranee sont situees les mines de Samt-Gen^ais, pies Agde , dont la concession embrasse plus de quatorze kilometres Carres. Pjren e'es- Orien tales . Ce departement, corame les deux pvecedens, ne possede pas dehauts-fourneaux, mais il renferme d'abondantes mines defer qui approvisionnent trente-cinq a quarante forges catalanes, re- parties dansle departement nienie, et dans celiii de I'Aude. Les mines de fer spathique que Von exploite h Escaro, Fillols, Tau- rynia, etc., sont accompagnees d'heraatite fibreuse et coni- pacte(2)-, je vais indiquer les positions de quelques-unes de cos mines. Arrowdissement de Prades. C'est dans le canton de Prades , et a deux lieues de cette ville , que se trouvent les mines si con- nues de Fillols et de Tawjnia (5). A I'ouest de Fillols et pres de Villefranche , on exploite a .-/rtuad^^s mines analogues (4). La (1) Mines ft minwres metallir/Kcs t/baridoiine'cx i>ii qui ii'oiit pas encore etc exploit^es en Franie, p. 30 et 51 ; 1 82-6. (2) Jfle'moiresiirle terrain gmnitifjue ties FyeMes, par M. de Charpektier {Journal des mines, 1. XX"Xm, p. 127 ct ISS ) ; 1815. Yoycz aiissi Geognosic "fles Pyrenees , par le nidine, p. 465 el 464; in-fl". 1825. (5) Voir des details sur ces mines dans un 3fe'inoire sur les forges catalanes de Gincla et Sahorre, par M. CoMnES {Annates des mines, t. IX, p. 529 ef sni- vantes ; premiere serie ); 1824. {A)Ihid.il,id.,x^.?>%l. 372 STATISTIQUE MINERALOGIQUE concession de Balaigt se tvouve aiissi dans les haiits vallons de Fillols et de Tanrynia. Je cilerai encore les mines de fer si- tuees sur le territoire de Torren, commune de Sahore , canton d'Olette. On connait dans cet arrondissement uu certain nombre d'ex- ploitations de mineral de fer qui sont abandonnees et paraissent susceptibles d'etre reprises ; telles sont celles du Pla-del-Pons , a Moligt, an nord-ouest de Prades; celles de Llech, -valloe dn meme noni, comrauue de Masos, canton de Prades; celle dc F'allestama J valleede Valmania, canton de Vinca (\). Arrondissement de Ceret. G'est dans cet arrondissement que se trouve la concession des mines de Las-Indis et de Roqiies- negres qui embrasse une partie des mines de la montagne de Calere, commune de Corsavy, canton d'Arles. dix-septieme arrondissement. Basses - Pjre'ne'es . On compte dans ce departement deux liauts-fourneaux nou- vellement etablis; tons deux sont situes sur Textreme frontiere d'Espagne. Arrowdissement de Maul^on. Un au lieu dit Fonderie de Baigony, canton de Saint-Etienne-de-Baigorry. Arrondtssement dOleron. Un a la Heirerie, commune d'Urdos , canton d'Accons. Une ordonnance du 25 septembre -1829 deiimite les mines de fer deBaburet, commune de Louvie-Soubiron, cabton de Laruns. Ces mines sont "a quatre lieues environ du fourneau de la Herrerie. (I) Mines et miniiies melalliqucs abandonnees on qui n'ontpas encore did exploitees en France, p. 26 ct 27; 1826. DE LA FRANCE. 873 Airie'ge. Picot de Lapeyroiise ( I ) et Dietricla (2) avaient decrit depuis long-tenis les diverses varietes d'lieinatites brunes que Ton ob- serve k Rancie. M. de Charpenlier (5) a determine leur gise- ment avec la precision qui lui est propre; mais c'est dans uu travail plus recent que sont donnes les details les plus circon- stancies. I.'importa'nte mine de Rancie (4) , pres du village de Sem , dans la vallee de Vic-Dessos, canton de ce nom (arrondissement deFoix), est, dit M. Marrot (5), un amas qui consiste en J'er hydrate'et eufer spalhique decompose. On y observe jusqn'h cinq varietes de fer hydrale, ct ce mineral pent etre considere comme forraant Tensemble de I'amas metallifere. Dans le meme arrondissement, M. de Charpentier cite des couches de mine de fer en grains , ou J'er oxide' glohuliforme , particuliereraent dans le canton de Lavelanet , an roc de Cassalet, vallee de Donctouoire, et aupres du vieux chateau de Roque- fixade ; puis a la montagne du Sauveiu', pres de la ville de Foix (6). (1 ) Trailii siir les mines de fer et les forties du cointe de Foix , par JI. Df.lv- PETRousE, p. 49 et 205. Toulouse, 1786. (i) Description des gtles de minerals et des bouchcs a feu de la France , nar M. le baron Dietrich, 1. 1", p. 179 et suivaiues. Iii-4°. Paris, 1786. (5) Ge'ognosie di;s Pyrenees, par 51. de Charpentier , p. 350 ct 555 ; 1825. (4) Elle alimente qiiaranlc-cinq feux Catalans dans le deparlcmcnt ( Annates des mines, t. ■XIII,p. 364; premiere seric). [S] Memoire sur le gisement, la nature et I'e.rploitation des mines defer de Rancie , par M. L. JIarrot. {Annales des mines, t. IV, p. 516 , 525 ct 524; n;e serif) ; 1828. (G) Ge'ognnsie des PiTcnc'es, par JI. de Charpektier, p. 465 et 464. 374 STATISTIQITE MINERALOGIQIIE Tarn. Ce departeraent ne renferme qu'un seul haut-fourneaii. II est situe dans 1' AuROMDissEMENT d'Alby , au licu dit le Saut-du-Sahot , coramune de Saint- Juery, canton de Villefranche , sur les bords du Tarn , et h deux lieues a Test d'Alby. II y avait long-tems que le piojet de cet etablissement existait ; car, en -1796, rexploitalion-de la minede Fraisse fut reprise dans le but d'aliraeiiter une grande fonderie , que I'ondevait faire mar- cher a la hotn"lle au Saut-dii-Sabot. Lesautres mines qui auraient alimente ce fourneau etaient celles de Raissac, de Saint-Michel, de la Calm , de Bennac , de la Barthe et d'Amblallet, toutes si- tuees dans des communes dependantes des cantons d'AJban et de Villefranche (I). Arrowdissemekt de Castres. a Meriguie-d'Arrifates, Lari- viere , Montcouyoul , on observe des mines d'hematite brune mamelonnee , de I'espece de celle que les AUemands noinment glaskopf. Ces mines offrent de puissans filons ; qui out ete super- ficiellement fouilles sur une grande etendne. Elles alimentaient les forges a la catalane de Lariviere, de Brassac et de Lacaze, qui sont detruites depuis fort long-tems, a cause de la raretc du combustible (2). A la forge catalane de Monscgou, sur la riviere d'Agout , dans le canton d' Angles , on traitait un fer oxide brun , hematite ou compacte , melange d'un quart h peu pres de fer spathique de- compose. On le tirait des mines dcFaydel , du Cayla , du passage (1) 3fines I't minicres m^liiHifjiies abandonit^s oh gni n'n?:t jnis rncoic e'le exploil^es en France, p. 33. Voyez aiissi ^itnuaire statistique du deparlvment ,lu Tarn, pour 1829 ; p. 129 et 150. (2) Rapport sur les mines Jeferdu de'parteinent du 7\irn , paiM. MAiiiinn 1 Journal d^s mines, t. VII-VIII, p. liG.'i ); 181(1. DE LA FRANCE. 3^5 de la Bessones , de Belair et du Plot-d'Epinet , canton de La- caune (1 ) , et aux environs de la ville de ce nom. Ces mines ont ete abandonnees vers i 8 1 6 , parce qu'elles ne prodnisaient pas un fer d'assez bonne qnalite (2). Arrondissement de Gaillac. On exploite a Penne , canton de Vaour, et "a Piiycels}'^, canton de Castelnau-de-Montiuirail, une mine de fer limoneuse d'une couleur brune jannatre , en petits globules de la grosseur d'un pois (5). Je vais avoir occa- sion d'y revenir. Tam-et-Garonne . On ne compte que deux hauts-fourneaux dans ce departement. lis se trouvent dans 1' Arrowdissement de Montauban. Aux bords de la Ga- ronne , sur im terrain situe aux environs de Bruniquel , canton de Monclar, territoire qui depend k la fois des departeniens duTarn et du Tarn-et-Garonne, il existe sur une longueur de douze a quinze kilometres , du midi au nord, particuliereraent k Test de la ville, de nombreux gites de mineral' Aefer hj dilate , dont les principaux sont ceux de Cazals (canton de Penne), de Saini- Maurice et de Laval (canton de Puycelsy) (4). Ces minerals se presentent, -1° en grains libres , 2oen grains agglomeres, 5" com- pactes quarzeux, 4-o corapactes argileux. (<) Sur la forge Catalane de Monse'gou , par M. Cordier [Journal Jcx mines, t. XXVII, p. 182); <8I0. (2) Mines et iniiticrcs mc'talliques abandonnees ou qui u'onlpas encore eld exploite'es en France , p. 33-54; 182G. (51 Journal des mines, n" 12, p. H-14 ; 1795. De nombreux d^lnils siir les minerals de fer du Tarn sont donnes dans Yjinnuaire statisticjue de ce depar- tement pour 1829, p. 126-152. (4) Sur les minerals dejer des environs de Bruniquel idcpartemeiu du Torn etdu Tarn-et-Garonne), par M. BERTiiiEn ( Journal des mines, t. XX\III. p. 102) ; 18!0. TOME i,n. jvovr.vinRE 1851. -•> 376 STATISTIQUE MINERALOGIQUE Tellcs sont les mines qui alimentent les fourneaiix de Cour- heval{ I ) et de Cassantts , situes dans la commune de BrUniquel , pres du confluent de la Verre dans I'Aveyron. Une ordonnance du 24 fevrier 1825 a aulorise la reunion des fouineaux de Conrbeval et Cassanus, sur TAveyron , dans la commune de BruniqUe!, pour continuer, dit le texte de I'or- donnance , la fonte des minerais de Penne etde Puycelsy. Ces mines presentent trois points d' exploitation : I'un dit Clot-Negre , sur la rive droite de I'Aveyron, a quatre kilometres de cette riviere et du bourg de Penne. Les deux autres, dits La- hairiere et Lai>al, sont places pres de Puycelsy, sur la rive gauche de I'Aveyron , a six kilometres de la mine de Clot-Negre (2). Latides. M. Heron de Villefosse n'a compte que quatre hauts-fouriieaux dans ce departement; ilen possedait six au commencement de 1826, et aujoui'dhui il en possede huit distribues de la maniere suivaiite : Arrondissememt de Mont-de-Maiisan. Cinq , savoir : deux dans la commune de Pissos, canton du meme nom , Tun sur le ruisseau d'Escoursoules , I'autre a Ychoux , sur le ruisseau de Mordonnat; un "a Fontens , canton de Mimizan ; et deux 'a Brocas , sur le ruisseau d'Estrigon , canton de Labrit. Arrokdissement de Dax. Trois, saA^oir : deux h Uza, com- mune de Lit, pres Patue, sur lebord de la mer; un a Castets : tous trois dans le canton de Castets. Arrokdissement de SviisT-vStvER. Daus cet anondissemcnt on exlrait du minerai de fer hydrale snv la rive droite do la Mi- douze , ii Careen, pres Tartas, canton de ce nom. (1) Conslruit siir la Vcrro, (^j yJnntiiiire slalistiqut: dn dcpui IcmeiH dii Turn \ia\iT 1829. j). 115). DE LA FRANCE. DIX-HUITIEME AURONDISSEMENT. Cironde. Ce departement pcssede qiiatrc hauls- foiirneaiix ainsi re- partis : Arrondissement DE BoRDEAUx. Dcux , savoii' : nil a Be- liet; uii a Liigos, sur le ruisseau de Bran: tons deux dans le canton de Belin , et a la limite du departement des Landes. Arrondissement de Bazas. Deux, savoir : una Castelnau-de- Mesmes, commune de Saint-Michel, canton de Captieux,a la limite du departement de Lot-et-Garonne ; lui a Illon , com- mune d'Uzeste, canton de Villaudrant. Ces quatre fourneaux sont alimentes par le mineral de ferJiy- drate , dont une partie provient des environs de ces usines , et dont I'autre partie est tiree a. grands frais de la Dordogae ( I ). Charente-Infe'rieure. Dans la petite lie d'Aix , pres La Rochelle , on trouve de fai- bles depots defer hydj-ate dans le gres vert (2). Charerite. Dans la partie de ce departement qui se rapproche de celni dc la Dordogne, il y a neuf hauts-fourneaux distribues dela maniere snivante : Arrondissement de Ruffec. Un seal a Taize'-Aizie , pres Ruffec. Ce fourneau , comme nous I'avous vu (page 16 de cetto notice), tire une partie de son rainerai du deparlement dc la Vienne. [\) Voyez p. 5P,I. (2) Gisement Je.i roclies dans k-s deux htf'iiiii/)!ierci parM. de Humiioldt, p. 295, Paris; 1825. 25. 3^8 STATISTIQUE MINERALOGIQUE Aurondissement de Confolens. Quatie, savoir : un a Clia- telard; et iin a Montrion : tous deux, canton de Montarabceuf, Un a C/iamplorier; et un a Pujrat^aux : tous deux canton de Saint-Claud. Arrondissement d'Angouleme. Qualre , savoir : un k la Roche-Ajidraj , et un a Piij-Mojen, territoire de Moutiers , h I'ouest-sud-OMest et pres d'Angouleme. A Ruelle , pves et au nord-est d'Angouleme , il y a sur le ruisseau de Touvre , h une lieue du point ©u ce ruisseau se jette dans la Charente, deux fourneaux , dont la fonte est employee h couler des canons pour la marine. Buffon proposa , vers -1770, de couler a Ruelle des canons de vingt-quatre , et meme de trente-six, avec un seul fourneau (t). On ex trait duyE Villefosse n'cn a indiqud que trente-cinq en 1826 ; il y a ciTcnr, pulsqifil n'cn a pas <5tc autorise depuis lors dans re deparlcinent. DE LA FRANCE. 879 lis sont ainsi distribues : Arrondissement de Nontron. Vingt-un ; savoir : un a Ethouars , sur les etangs de ce nom, aliraentes par la Done, canton de Bussiere-Badil ; un a Laveneaa , commune de Savi- gnac-de-Nontron , et deux a Jommelliere , commune de Ja- verlhac , tous trois dans le canton de Nonlron , et sur le ruisseau de Bandiat ; un a Moulin-Neiifj sur le ruisseau de Perigord , commune de Saint-Priest-les-Fougeres , et deux a Bonrecueit , commune de Saint-Sulpice-de-Mareuil , tous trois dans le canton de Mareuil-le-Jeune. Viennent ensuite huit hauts-fonrneaux concentres dans le canton de Jumilhac-le-Grand ; ce sont les suivans : un a Firheix , pres des sources de la Dronne^ et sur la.liraite du departement de la Haute-Vienne, Trois dans la commune de Jumilhac-le-Grand ; ce sont : le Grauier, Fiolette, tous deux sur la riviere de Tlsle; Fenieres, a la chute de I'etang de ce nom, alimentee par le ruisseau de Perigord, affluent de risle. \3na.Ma(^alei.x, sur la Valouse , commune de Chaleix, pres des sources de la Colle ; un a Laharde , sur la Limouze , commune de Sainte-Marie-de-Frugie ; un a Montardj ., sur la riviere de I'lsle, et un a Graffenaud , tous deux dans la com- mime de Saint-Paul-la-Roche. Six hauts-fourneaux dependent du canton de la Nouaille ; sa- voir : un a Fajolle , commune de Sarrazac , sur la riviere de risle; un a Beau-Soleil , commune d'Angoisse, sur Laloue; un a Gaudumas, commune de Dussac , sur la meme riviere; enfin un a Pajzac, un a Baillot et un a Malherheaux„ tous trois dans la commune de Savignac-Ledrier et sur le Haut-Vezere. On extrait des minerais sur une foule de points de cet arron- dissement , mais principalement dans le canton de Nontron , sur lesxommunes de Javerlhac, Saint-Martin-le-Pin , Nontronneau, Hautefaye, Teyzac, Lussac , Saint-Martial-de-Valette , etc. J'ai nomme en dernier les usines qui se trouvent a la limite du departement de la Correze et sur le Haut-Vezere ; en conti- nuant de descendre cette riviere , on entre dans 1' Arrondissemewt de Perigueux , oil Ton trouve cinq hauts- 38o STATISTIQUK MINERALOGIQUE foiirncaiix , dont iin h liovd, siir retana; de ce nom, commune de Saint-Mcsmin ; m\ h Aulhiac, sur le Haiit-Vezcre, commune d'Aulhiac, tous deux dans le canton d'Exideuil ; deux autres sont alimentes par le ruisseau de la Plume, a B adefol-iV ^4us , com- mune de la Boissiere-d'Ans , canton de Thenon. Le cinquieme est celui AeLafarge , sur Laloue, commune de Saint-Medard ; il appartient, comme les deux premiers , an canton d'Exideuil. On extraitdu minerai defer hydrate a Sainte-Eulalie, Nailhac^ Granges etc., canton d'Hautefort; a Saint-Orse , Gabillon, etc., canton de Thenon. Mais c'est a Exideuil que sont les exploita- tions Jes plus imporlantes du departement (1 ). Aruondissement de Ribeuac , un seul a Lavaure. , com^ inune de Sourzac, canton de Mucidan , sur la riviere de I'lsle. II tire ses rainerais de Saint-Capraise ( arrondissement de Berge- rac), car Tarrondissement de Riberac renferme aussi du miirerai de fer , mais il n'y est pas exploite. Arrondissement de Sarlat , qualre ; savoir : lui a / imont- Plazac , sxu" I'etang de Plazac, commune de ce nom, canton de Montignac ; un a Forge-Neiwe , alimcnte par leseaux de Reillac, commune de Saint-Seniin-de-Reillac , dans la partie nord du canton de Lebugue, et un a Beyssac, communes de Sireuil et de Meyral , canton de Saint-Cyprieu. Dans cet arrondissement, les exploitations out lieu "a Paulin , Jayac , Nadaillac-le-Sec, canton de Salaignac ; "a Plazac, canton de Montignac ; a Miremont , canton de Lebugne; etc. Les mines de Nadaillac-le-Sec font partie de ce plateau dont j'ai deja eu occasion de parler page \ 5 de cette notice (2). Arrondissement de Bergerac, sept, savoir : deux a Monclar, commune de Clermont-Beauregard; un ii Larigaudie, dont I'ean motrice est I'ournie par le Crcmps, commune de Saint-Hilaire- (0 Journal des mints, t. XXXVII, p. 00; 1815. (2) Voyez au restcJaurnaldes mines, I. XXI, p. 467; 1807. ibid.x.wn, p. 8. Jbid. t. XXVIII. p. 101. 1810, UE L\ FRANCE. 38 1 d'Eslissac, tons trois dans le canton de Villamblard ; deux li la M online, commune deSainte-Croix-de-Montferrand; un aSainte- Croix-de-M ontf errand , tous trois sur le ruisseau de la Couze et dans le canton de Beaumont ; enfin un a la Branie , dont I'eau motrice est fournie par le Dropt, commune de Saint-Sernin-de- Biron , canton de Monpazier. Dans cet arrondissement, des exploitations sont ouvertessur les bords de la Dordogne , a Saint-Capraise et Lanquais, canton de La- linde-, a Monthydi,er(l), canton de Bergerac. Sur les bords du Dropt, a Saint-Sernin deBiron, canton de Monpazier. Sur les bords du Candon, a Saint-Georges-de-Monclard, canton de Villamblard. L'abondance des mines de fer est telle, dans ce departement, que non-seulement les exploitations suffisent a alimenter les trente-huit hauts-fourneaux que je viens de nomraer, mais encore qu'elles alimentent ceux de la Haute-Fienne, de la Correse et en partie celles des departemens de la Charente et de la Gironde, ou Ton opere uu melange avec les minerais extraits dans les lan- des des environs de Bordeaux, minerais qui seuls produisent une fonte cassante (2). La seule variete de minerai de fer de la Dordogne, variete qui se rencontre aussi dans la Charente, le Lot et le Lot-et- Garonne, est celle qu'on designe sous le nom defer oxide' argileux , vul- gairement mine en roche. EUe se trouve disposee d'une maniere assez irreguliere et en couches peu distinctes parmi des bancs de sable et d'argile ferrugineuse ; on y trouve aussi, mais rarement , des fragmens d'hematite brune mamelonnee. La richesse des mines du Perigord est variable; celles du centre du departement, celles qu'on exploite aux environs d'Exideuil , rendent jusqu'a 45 et 50 pour cent ; les autres ne produisent gueres que 50 a 55. (1 ) Obseri'iuions sur les mines et usines du depdrleinent de la Dordogne, pai M. Alloc. [Journal des mines , t. XXXVII, p. 60. ) 1815. {^) Ibid, ibid., p. 51. 389. STATISTIQUE MINER ALOGIQUE Quant a I'exploitation , elle se rediiit sur quelques points a ra- luasser le mhierai dans Ics sillons du labourage ; a Exideuil on I'ex trait par des puits qui ont dix-sept a quarante metres de pro- ibndeur (1 ). Lot-et-Garonne . Ce departement compte six hauts-fourneaux , je n'en puis nommer que cinq , repartis de la maniere suivante : Arrondissement de Nerac , un a Neuffons, commune de Castel-Jaloux , canton de ce nora , sur la riviere d'Avane ; il tire son minerai dans la commune de Fargues, canton de Damazan. Arrondissemewt de Villeneuve-d'Agen, quatre, savoir : un "a Greze;\m. "a Saui>eterre ■, un au lieu dit, le Moulinet, commune de Saint-Front; un a Cuzorn, commune de ce nom-, ces trois derniers echelonnes sur la Lemance , dans le canton de Fumel et "a la liraite du departement du Lot. Les minerais que Ton traite dans ces fourneaux sont les memes que ceux du departement de la Dordogne , comme je I'ai dit page 58i . C'est dans la partie montueuse de cet arrondissement que les exploitations sont ouvertes. Lot. II n'existe qu'un seul fourneau dans ce departement, il est situe dans 1' Arrondissement he CiouRDON, a BourzoUes , sur le ruisseau de la Borreze, canton do Souillac, kla limite dudeparlcmeiit de la Dordogne. Le minerai qu'on y emploie est un oxide de fer argileux, compacte , en grosses masses tuberculeuses ct souvent a couches concentriques. Apres avoir ete lave, il rendun peu plus du tiers de son poids, on le tire des mines qui sont k la frontiere septen- (1) Journal (Ics mines, t. XXXVII, p. 5G , 57 ct 60. DE LA FRANCE. 383 trionale du departement , savoir : "a Nadaillac-le-Sec , qui de- pend dela Dordogne ; a Nespouls, qui depend dela Correze et a Cressensac , qui appartient au Lot (i ). La mine dc Cressensac appartient a ce plateau secondaire dont j'ai eu occasion de parler page 1 5 de cette notice (2). Elle depend du canton de Martel et consiste en une couche d'argile sablonneuse qui contient du minerai de fer irregulierement disse- mine dans son sein ; il sepresente soit enrognons, soit en veines. Les roguons sont des masses tuberculeuses ou arrondies , compo- sees d' oxide de fer argileux compacte etformees ordinairement de couches concentriques de differentes couleurs, savoir : brunes, d'un brun rougeatre et quelquefois d'un rouge de brique ou d'un jaune d'ocre; I'exploitation se fait, tantot a cielouvert, tantot par des puits de sept a huit metres (5). On cite, dans le meme arrondissement , les mines de Liohart, qui sont en partie dans le canton de Gourdon , en partie dans le canton de Salviac ; elles ont ete exploitees sur une foule de points pour approvisionner la forge catalane de Groleza ; mais , depuis que cette forge est detruite, I'extraction est abandonnee (-4). Arrowdissemeut de Cahors. Sous le nom de mines defer des j4rques , on exploite, a la limite des arrondissemens de Cahors et de Gourdon , dans les communes de Monclera , Saint-Andre , les Arques, canton de Cazals: dans celles de Vaisse, Goujou- gnac , Lhei'm , Cfinourgues et les Junies , canton de Catus (5) , des mines semblables aux precedentes par leur gisement , et com- posees comme elles d'oxide de fer brun argileux (6). Elles ali- (1) Statistique mine'ralogique du departement du Lot; par M. Cordier ( Journal des mines , t. XXII, p. 8 ) ; 1 807. (2) Journal des mines, t. XXI, p. 466 et 467. (3) Journal des mines, t. XXII, p. 10-12. (4) Ibid, ibid, p. 25 et27. Voir aussL Journal des mines, t. XXI, p. 467 ct 4b8. (5) Journal des mines , t. XXII, p. 21-24. {^)lbid., t. XXI, p. 468. 38 1 STATISTIQUE MINERALOGIQUE meiitent les trois forges catalanes ties Arques, dc la Butte, etde Pechaurie (1). Dans cette localite le niinerai se presente sous des formes ex- tremement varices (2) . Ai ejrc Des 1806, M. Blavier avait indique les divers points (5) ou il serait possible d'etablir des hauts-fourneaux dans ce departe- luent. On n'a songe que viiigt ans plus tard a lirer parti des di- vers minerais qu'il renferrae, et en particulier, duminerai dejer hydrate', qui y parait assez abondant. Aiijourd'hni , neuf hauts- fourneaux sont autorises dans i'Aveyron ; ils sont ainsi repartis : Arrondissement de Villefranche , huit ; savoir : quatre "a Firmy et quatre k Lagrange ; tons dans le canton d'Aubiu. On exploite pour ces usines des minerais de fer ires-varies : Dufer carbonate lithoide , aux mines ouvertes dans le terrain liouiller d'Aubin ; aux mines de Trepalon etde Fraux; Flagnac, Livinhac-le-Haut , et Saint-Santin , canton d'Aubin. Du fer oxide' rouge , aux mines de Montbazens , Lugan , Roussenac , canton de Montbazens. Lh, le fer oxide rouge se presente en couches superficielles (4). Du ferhjdrate, aux mines de Veuzac, pres Villefranche, on Ton trouvc , dans le calcaii-e , de petits amas de fer oxide rouge , et menie des grains oolithiques ferrugineux qui , en ce point, forment une couche puissante (5). (1) Journal des mines , t. XXII, p. 12-19. (2) ^italjses des minerais defer de la valine des Arques (ddp.irtcment du Lot), et des scories des forges qu'ils aliinentent ; par M. P. Bertitier [Jour- nal des mines , t. XXVII, p. 195-212) 1810. (5) Statistique ndneralogique du departement de I'Aveyron ; par M. Bn- viER [Journal des mines , t. XIX, p. 56-50) 1806. (4) Mines et minieres mdtalliques nbandonnees ou qui n'onl pas encore die e.rploite'es en France, p. 55; 18^6. (5) Mc'moire sur l' existence du gypse ct dc dii^ers minerais melalliques dans DE L\ FRANCE. 385 Da fer oxidule , a Combenegre et Bosplo, comramie de Mor- Ihoii, pres Villefranche , sur la rive gauche de I'Aveyron (1). Arrondissement de Rhodez , im seiil aux Bar dels , com- iiiuiie de Miiret , canton de Marcilhac. Je citerai dans cet arrondissement : les minerals ferrugineux de Boutonnet, commune du Monastere, canton de Rhodez, et an sud de celte ville ; la concession dite deSolzac et Mondala- zac y qui embvasse toutes les mines de fer existant dans la com- mune de Salles-Comtaux. A Saint-Cyprien , canton de Conques , il existe , dans un quarz blanc-laiteux , des anias contemporains di hematites brunes (2), analogues a celles de I'Arriege , dont j'ai parle page 575. Tout pres du meme point, k Kaymar, commune de Pruines , dans la plaine de Lunel, canton.de Marcilhac, on observe un gres parfois tellement charge d' oxide de fer qu'il donne naissance a une couche de fer oxide' rouge de plusieurs pieds de puis- sance (5). Cette couche , dit I'auteur du Memoire auquel j'em- prunte ces details, sera d'un grand secours pour les usines a fer actuellement en construction dans le departement de I'A- veyron. la partie du Lias du siid-ouest de la France ; par M. Ddfrenoy. [.-Annates des mines, t. II, p. 359; dcuxieme sdri'e) i827. (1 ) Considerations ge'n^rales sur le plateau central de la France , et parti- ticulierenient sur les terrains secondaires qui recoui^rent les pentes me'ridionales du massif qui le compose; par M. Dofrenoy. (^Annales des mines , t. Ill, p. 60 et 61, deuxieme sdrie) 1828. (2) Mdme Memoire. [^nnales des mines, I. Ill, p. 60, dcuxieme serie), 1828. (3) Des formations secondaires qui s'/ippuient sur les pentes me'ridionales des montagnes anciennes du centre de la France; par M.Dufrenoy. {Annates des mines , t. V, p. 11)5; dcuxieme serie) 1829. '.^S6 STATISTIQUE MINERALOGIQUE RECAPITULATION. CINQUIEME DIVISION MINERALOGIQUE. SEIZIEME aurondissement (4). Ardechc 5 Card 7 Lozcrc 0 Herault 0 Pyr^ndcs-Orientales 0 DIX-SEPTIEME ARRONDISSEMENT (2). Basscs-Pyrdn^es 2 Arri6ge 0 Tarn i Tarn-et-Garonne 2 Landes 8 DIX-HUITIEME ARRONDISSEMENT. ' Gironde 4 Charenie-InKrieure 0 Charcnte 9 Dordogne 38 Lot-et-Garonne 6 Lot 1 Aveyron ^ Ensemble pour dix-sept departemens 92 Au commencement de 1826, M. Heron de Villefosse en indiquait tant en activity que hors d'activit^ dans la cin- quicme inspection (3) 56 Difference 56 (1) Get arrondissement comprend en outre le d^partement de VAu'le. (2) Get arrondissement comprend en outre Ics departemens de la Hautc-Ga- lonne, du Gers, et dcs Ilatites-Pjrc'ne'fs . (5) La cinquicmc division ou inspection mineralogiquc comprend en tout 21 ddpartcmcns. DE LA FRANCE. 38'J RECAPITULATION Gl^IVERALE. Premiere division mineralogique 71 Deuxieme divisioa 87 Troisieme division 231 Qualrieme division 56 Cinquieme division 92 Ensemble 537 Tel etait le nombre des hauts-fourneaux autorise's en France a la fin de \ 850 (1 ). Au commencement de * 826 , M. Heron de Ville- fosse en indiquait tant en activite que hors d'activite. 427 Difference -110 Je remarquerai de suite que huit departemens figurent pour plus de moilie dans ce nombre de 537 ; ce sont les suivans : Haute-Marne 60 Cote-d'Or 40 Dordogne 38 Haute-Saonc 57 Ardennes : 52 Meuse , 25 NievTe 25 Cher 17 Ensemble 274 Le tableau suivant, dispose par ordre alphabeiique, rappelle tous les departemens ou j'al indique 1' existence duy^r hjdrate, et renvoie a la page de cette notice oii sont doimes les details relatifs a chacun deux. (^1) J'ai cit^ I'ordonnance du 51 dcccmbre 1850 qui autorise le foiirneau d'E- claron , arrondisscment do Vassy, departemcnt de la Haute-Marne. Je rappelle ici que je n'ai pas coniple les trois fourncaux aulorise's a Fins (AI- lier). 388 STATISTIQUE MINERALOGIQUE TABLEAU DES DEP.mXEMENS PAR ORDRE ALPHABl^TIQUE. Dc'partcmens oil Ton tvoiive (111 ftr hydrate. Ain . . Aliier Ardechc Ardennes Arricge Avcyrnn Calvados Cliarente Cliarenle-Infdr. Cher Corresc Cotc-d'Or Cotes-du-iNord. Creuse Dordogne Doubs Drome Eure Eure-ct-Loir. . . Gard Girondc ...... Herauh Illc-ct-Vilainc . Indrc Indre-et-Loire. Iscre Jura Landcs Loire Loire (Haule) . A reporlcr. . 0 (5 5 32 0 9 0 9 0 \7 4 40 4 0 58 12 ' 3 10 IS 15 12 14 0 274 Pages de celte notice. (1) 362 136 367 111 375 584 107 577 377 134 475* 129 482* 476* 578 359 565 107 473* 368 577 370 480* 477* 474* 565 561 576 357 559 Departemcns oil Ton troiivc i\\xji;r hydra t(i. (A) Pages do cette notice. 0) D'autre part .... Loire- Infdrieure. Loir-et-Chcr . . . Lot Lot-et-Garonne. Lozere Maine-et-Loire. . Marne Marnc (Haute) . . Mayennc Meuse Morbihan Moselle Nicvre Nord Orne Pyrenees (Basses) Pyrenees (Orien). Rhin (Bas) Rbin (Ilaut) Sarlbc Saone (Haute). . Saone-et-Loirc. . Sevres (Deux). . . Tarn Tarn-et-Garonno Vienne Viennc (Haute). Vosfjcs Yonne 274 5 1 Total. 14 5 14 2 0 4 5 5 57 12 1 1 537 6 5° 0 5" 1 r 60 5° 6 r 25 2° 7 r 481* 474* 382 532 570 478* 109 125 479* 110 482* H4 152 108 105 572 571 117 118 480* 120 157 475* 574 375 476* 476* 119 152 (A) Lc chiffre place dans cette colonnc indiquea quelle dwiiion luiiie'ralogir/ite afpar- lirnt chaquc dcpartemcnt. (1) Tous leschiffrcs de cette colonne qui sont marques d'une dtoile sc rapporlont an tome 51 Ac la Ri-i-iie F.ncyclop^dique : les autres sc rapporlcnl an prc'senl tomo 52. DE LA FRANCE. 389 Dans le commerce , les fontes et les fers ont conserve les de- nominations des anciennes provinces. En jetant les yeux sur le tableau que j'ai place a la page suivante, on verra que la presque totalite des hauts-fourneaux de France sont concentres dans la NOKMANDIE, la BoURGOGNE, le BeRRI , Ic NlVERNAIS , la ChAM- PAGME, la Lorraine, la Frajnche-Comte et le Perigord. 39 oo STATISTIQUE MINERALOGIQUE IVORD. Boulonais et Artois (1 ) 0 Hainaut I'ranf ais et Cambresis(2) . . Picardie (5) 0 IV'ormandie. Perche(4) 24 Ilc-dc-France. Brie. Gatinais (5). . 0 QUEST. 25 Brctagne ((i) .... Poilou (7) 4 Anjou et Maine (8) . . H "38 CEIVTRE. Orlcanais f9) 2 Touraine (l 0) ■ 5 Bour{jO{;nc (11) 5 j Berri(12) 52 iNivernais (15) 25 Bourbonnais (14) 6 Aunis. Sainlonge. Angouinois(15). 9 Marche. Limousin (16) 0 'Aiivergne. Velav (17).... 0 Forez (18) ' 14 Lyonnais (19) 0 SUD. Roussillon et Ccrdaf;ne(26) 0 Foi\. Couserans (27) 0 Cominge. Bigorre (28) 0 Beam. Navarre (29) 2 Giiyenne et Gascogne(50) 18 Perigord (51 ) 38 Que)-cy (52) 1 Roucrgue (33) 9 Langucdoc. Vivarais. Gevaudan. Albigeois (34) 15 Provence (55) 0 Dauphine (36) 18 Gonilat Vcnaissin (37) 0 IN'ord (29). Centre (1 59). Sud (101). 289 Quest : . 58 Est 210 EST. Champagne (20). .. Les irois Eveches(21 ) Lorraine (22) Alsace (23) Franthc-Comt(;(24). Brcsse. Bugcy (25). Ensemble 557 hauts-fourncaux. s, Calvados, Manclie , Sciue-Iufe- e , Seine , Seine-ct-Oise , Seiuc-et- C6tes~du- (O Pas-de-Cal (,) Nord (•). (3) Somme. (4) ^™';^^'" (5) AlsneToi, Marue. ^G) Ille-el-ntame , Loire-Infer Nord, Morbihau, Fiuistcre. (7^ Deux-Sevres, Viennc, Vendee. (8) Majeime , Sarlhc, Mamc-et-Loire. (q) Eure^et-Loir, Loir-et^Cherj Loiret. (10) Iiidre-el-Lotre. (11) Culc-d' Or, Saone-el-Loire, J^omie. fn) Imlrc, Cher. (.3) m.rc. )i5) Charmtc, Cliarente-inleriemc. (16I Corr'cze, Haule-Vunuc, CreuM'. /xy) Cantal, Haute-Lolre^ Puy-dc-Uuiuc. fiS) Loire. (*^ Tons!cs departemcns tcrils en italic|uc sont ceiix oil il y ^") M nr iniiKiiic ici f[ncla Cttrscpanr avoir Ics 86 di'parlc; (■n) I (,5) {■xG) (»7) (»«) ('0) (3o} (3,) (33) (34) (35) (3(3) (5:) (") Rb6ue. Ardennes, Mame, Ilaute-lilnnie, i Moselle. Vosgcs, Mouse, Mcutthe. Hmu-Rhin, Bas-Hhin. Dotihs, Jura, Hauic-Saone. kin. Pyrenees-Orientalcs. Arriege. Han.es-Pyr^nees. Biisses-Pyrcticvs, Gironde, LandeSj Lot-ct-Garonnc, Dordo^nc, Lot. A.cjroru Gard, Haute-Garonne, Ande, Herai el-Garo„„e, Aidk-lio, Lozcrc, T, Rasses-.ilpes, Boiiclies-du-Rliuue , ^ Ilanles-Alnes. Drome, here. Vaucluse. adcs liauls-fourueaux. :nrns '.^e l.i Fp.uvc acliicllc I)E L\ FKANCE. SqI II resiilte de ce qui precede que Xefer hjdrate peut etre consi- dere coiume aliraentant aujourd'hui envirou 450 hauts-four- ueaux (1) en France, car il n'y a que ceux qui avoisinent les Alpes et les Pyrenees qui consomraent diufer spatliique. Le nom- bre de ceux qui ajouteritdu^^r oligiste aux minerais hydrates est. tres-petit, conime on I'a vu •, et quant auy^r carbonate lithoide , on sait combien il est pen abondant dans les terrains houillers de la France. La difference entre le nombre total auquel je suis arrive et celui donne par M. Heron de Villefosse, au commencement de 1826, est HO. Mais comme j'ai nomme un certain nombre de fourneaux que cet ingenieur avait omis , cette difference n' ex- prime pas V augmentation des hauts-fourneaux pendant les cinq annees de 1826 h 1830. Pour mettre a meme de juger ce mou- venient avec exactitude, je vais presenter un tableau du nombre des autorisations donne'es a nout'eau (2) dans chacune des trente dernieres annees. (1) II pourrait en alimenter un bien plus grand nombre, car pour les usine* qui ont peu d'activite, si I'on met de cote quelques exceptions, c'est toujours uno question de combustible ou dc force molricc qui entrave leur travail. (2) J'ai eu soin de laisser de cotd les decrets ou ordonnaaces qui autorisent le re'tablissement de tel ou tcl fourneau abandonn^ dcpuis un terns plus ou moin* long. TOME LTI. NOVEMBRE 1831 . 26 39: STATISTIQUE MiNERALOGlQUE. ANNEES. 1800 1802 1803 1804 1808 1811 1814 1818 1819 1820 1821 1822 1 823 1824 1 825 1826 1827 1828 1829 1850 Alais (Gard) (1) En lout En 1830 je irouve. Done en 1800 N OMBRE DE DOCKETS et ORDONNANCES. .1 ..1 ..2 ..1 ..1 .12 ..3 ..2 ..6 .11 .i5\ .16, .15 .14; .15| ..6 .39 .80 128 128 537 hauts-fourneaux. 409 cxislaient. Si Ton considere maintenant que , I" dans le nombre de 557, j'ai compris quelques fourneaux comme cclui de la Comhe-de-Lath- fe;^(page 564), qui en 1794 etait depuislong-tems en choiuage ; comme ceux de Sonnant et de la Grande- Chartreuse ( Isere ) , qui marcliaient eucore en 1794, mais qui etaient peut-etre de- .truits en i 800 ; que 2° je n'ai conipte dans le tableau ci-dessus que les autorisations donneesa noui^eaUf et que quelques usines, dontles travaux avaient peut-etre cesse a une epoque anterieure a (1) Je ne connais pas la date de Toidonnance qui aiitorise les fourneaux dW-- lais. DE LA FRANCE. SgS 1 800 , ont ete retahlies (i ) ; si Ton considere surtout que le de- partenient de la Dordogne tigiire pour trente-liuit dans mes ta- bleaux, et qn'en 1801 il ne possedait que vingt-six hauts-four- ueaux, on verra que, raeme en supposant quelques omissions , le chiffre de 409 exprime le maximum des hanls-fourneaux existans en France en 1 800. Dans un rapport fait recemment a la Socie'te' du Bidletin uni- fersel par M. Perdonnet, rapport que le Journal du Commerce a donne par extrait dans son iiumero du 1 3 mai 1 831 , on porte a 450 le nombre des hauts-fourneaux qui existaient en 1 801 sur le sol de !a France re'duite a son e'tat actuel, et Ton compte que 420 de ces fourneaux etaient alors en activite. J'ignore d'apres quels renseignemens ce chiffre a ete adopte , car on n'a aucune donnee precise sur la fabrication du fer eft France a cette epoque , et Ton concoit qu'il devait en etre ainsi , puisque la France alors sortait "a peine d'un etat ou elle etait par- tagee en provinces plus ou moins etrangeres les unes aux autres. Voici ce qu'on lit "a ce sujet dans un travail redige en 1794 : « On ne pent donner sur la fonte et la fabrication du fer , en P' ranee, avant la revolution, que des notions partielles et bor- nees a quelques-unes des anciennes provinces. La guerre a I'ait eclore un grand nombre de nouvelles usines , €t, dans toutes , le travail redouble d'activite (2). » A la verite M. IIassenfratz annonce (3) que , « sur un re- gistre ou sont notes les noms et la situation de toutes les usines qui existaient en 1792, il a trouve enuiron 600 hauts-four- neaux « ; et e'caluant le nombre de ceux qui avaient pu etre ajoutes par suite de I'agrandissement de la France , il portait a 800 nil moins le nombre dc ceux qui existaient au moment ou (1) Par exemple le fourneau de Bosseneau (Ardennes), celui de Maranville (Haute-Marne) , etc. (2) yipercn de rextraclion et du commerce des substances minc'rides en France {J owned des mines , n" 1,p. 64), vendemiaire an ni (scplcmbrc 171)4). (3) Sidefrotechnie. PrtTace, p. v. in-4°, 1812, 394 STATISTIQUE MINERALOGIQUE il ecrivait. Gepeiidant , cii 1810, M HfenoN ue Villefossk avait dit : (1) « L'etat actuel des mines et usines a fer de 1' empire nest pas entierement constate; il resulte cepeiidant des renseignemejis recueillls par le conseil des mines que Tadministratiou a con- naissance exacte de treize cents usines k trailer le fer ; ces eta- blisseraens sont en activite dans soixante departemens de l'em- PiRE ; \h renkTment eni^iron six cents haiUs-fourneaux . » Ce chiffre se rapproche probableraent bcaucoup de la verite ; aussi, au commencement de 1826, M. HiSron de Villefosse trouva-t-il dans la France , reduite a son e'tat actuel „ 427 hauts- foiirneaux, savoir : En aclivite 579 Hors d'activit^ 40 Isere ( colonpe d'obscrvalions) ^ Ensemble 427(2) J'ai nomine trenle hauts-fourneaux que n'avait pas comptes M. Heron deVillefosse ,• • • ^^ Atitorisations donnees depuis 1826 80 Total en 1830 537 Mais revenons au rapport de M. Perdonnet. Le chiffre qu'il a adopte est eviderament force, etTon conceit pourquoi il s'est laisse entrainer "a I'admettre legerement , c'est qu'il elait preoccupe de la pensee de raontrer k la Socie'te' dii Bulletin les proves developpes par la concurrence (5). Ainsi il a dit : «Eu 1 801 , avec quatre-cent-vingt fourneaux, il a ete pro- duit cent douze milles tonnes {4) de fonle ( deux cent soixaute- (1) Rkhesse mindrale , t. I , p. 407. In-4° , 1810. (2) Annates des mines , t. XIII, p. 346 ; tableau n" 1 . ^3) La concurrence , dil Tauteur, a r^ussi beauconp mieux que n'avaient pu le faire les conseils des gens de Tart, a faire cntrcr Tinduslrie du fer dans la voie des ameliorations. (4) La tonne comptant pour 1000 kilogrammes. DE LA FRANCE, SqS . six tonnes par fourneau); en 1828 , avec trois cent soixante-dix- jieiif appareils semblables, onaproduitcent qimtre-viiigt-quatre inille tonnes de fonte ( quatre cent quatre-vingt-cinq par four- neau ), DONG la concurrence a determine des ameliorations nom- breuses dans le travail , puisqu'un fourneau , en \ 828 , a produit presque le double ( le rapport exact est celui de neuf a cinq) de ce qu'il produisait en \ 801 . D'abord, et en laissant de cote la petite inexactitude des chif- fres (1), il eut fallu distinguer I' actwite plus grande donnee aux divers etablissemens et les progres de I' art. De celte distinction il serait resulte que k concurrence a , en effet, pousse chaque fa- bricant k produire plus qu'il ne produisait ; on aurait vu que le prix toujours croissant dn combustible (2) avait determine cha- cun d'eux k exercer une surveillance unpeu plus scrupuleuse sur les consomraations ; mais on aurait reconnu aussi que les progres de I'art avaient ete presque /jzi/* en France. On concoit en effet que lorsqu'un fabricant est constamment" oblige de 5e defendre et de veiller h sa consert^ation , son esprit se tourne pen vers les perfectionnemens ; // les craintj voilk tout. On assure que cette concurrence effrenee nous procure le fer a bien n^eilleur niarche. Voici un tableau ou se trouvent en regard les prix de i 785 et de di verses epoques recentes. (1) CcUe inexactitude porte sur ce qu'il n'y pas avait quatre centvinyt fcurneaux en activite en 1801, etsur ce qu'il y en avail plus de trois cent soixanlc-dix-nenf en 1828. (2) En 1785, un double stere de bois de chene reveiiait, au fourneau de Mas- sevaux, a 2 fr. 35 c. (Dietrich, t. IT, p. 95). II n'y a aucune exaycralion a dire oue ce prix a quintuple dans ces derniercs anneee. 396 STATISTIQUE MINERALOGIQUE PRIX DE 1,000 K' PRIX DE 1,000 K*. DF, FERSUR LESLIEUX DE FER SUR LES LIEUX EN 1785. (7). Gros feis d'Alsace (1) Fcrs d'Ulemain (Lorraine). 5»20 fr. F'ers di". Champagne. E1H8I6, 410 f. Prix miriiinum. 290 a 500 (2) 1827, 500 Prix maximum. Fers du Cliatclet (baillagc de Neiifcliateau(5) Fers de la forge de I'Hote du Bois (baillage de St-Dicz) 270 i» 270 280 (4) Fers du Berri. 1816, 500 f. Prix minimum. 1 827, 680 Prix maximum. Fers de Normandie. Fers de Kaslel ( baillage de 1816, 550 f. Prix minimum. Schainbourg (5) 240 1826, 620 Prix maximum. Fonte de Franche-Cointe. 1816, 195 f. Prix minimum. Forile de Francho-Comte (6) 120 fr. 1 826, 500 (8) Prixraaximum . La difference est enoirae, et I'inspectiou de ce tableau dispense de tout cominentaire. Serait-ce que la main-d' ceu^re -a beaucoup varie de prix et que le sort de I'ouvrier a ete remarquableuient ameliore ? En 1785 , le prix de facon de mille kilog. de fer variait en (1) Dietrich, t. H, p. 14, iu-4", 178y. (2)/AiJ., t. Ill, p. 52. 1799, (5)/6«/., p. 55. {4) Ibid., p. 108. (5) /6j- J., p. 415. {^) Jbid.,t. II, f. 18. (7) f^ojez Ic tableau n° 7, de VEiu/ucle stir les firs , iii-4", j y ai puise les prix donnes dans ccttc colonnc. (8) Dcs marches ont cle lHiL< a 520 Ir. DE LA FRANCE. ' 897 Alsace de 1 >4 a 1 6 fr. (1 ) ; en Lorraine , il etait de 1 6 fr . (2) ; au- jourd'hui il variede 13 a -14 fr. (5). Tout ici a tourne en isiV eur duprop?-ie'talre d'usines et du ^ro- prie'taire de bois. Les baux se passent k des prix decuples de ce qu'ils etaient il y a trente ans. Les bois out quintuple de valeur dans le raeme tems. La position Axxproducteurowfermier-A'^evi change ; le moindre des inconveniens de cette position est d'offrir Vincertitude apres LE TRAVAIL. CcUe du consommateur est evidemment plus mau- vaise , et pourtant la pan de 1' omrier est, a coup sur, INSUF- FISANTE. En coraparant plus haut le prix de facon donne en i 785 , et le prix actuel, je ne pretends pas dire qu'eii general le prix de la niain-d'oeuvren'apasaugmente, meme dansVindustrie metallur- gique. Je sais tres-bien qu' autrefois un maitre fondeur gagnait 50 a 56 fr. (1 ) par mois, et qu'aujourd'hui il gagne 50 a 60 fr. ; jesais tres-bien qu'un journalier gagnait de 0 fr. 80 c. h i fr. par jour, et qu'aujourd'hui il gagne \ fr. 25 c. "a \ fr. 50 ; inais ba- tons-nous d'ajouter que cette classe d'hommes est au moins aussi miserable qu'autrefois , car le prix des choses necessaires a la vie a angmente dans une proportioii plus grande que le salaire. On pent inenie dire que le salaire compare au prix de ventCj je ne dirai pas du fer , car le prix de facon n'ayant pas varie , j'aurais trop d'avantage ; niais que le salaire compare au prix de vente de lafonte, par exemple , en etait une fraction plus inipoi'tante qu'aujourd'bui. En cffet , supposons qu'un fourneau rende soixante niille kilog. par raois , la main-d'ceuvre d'un maitre fondeur, paye "a 56 fr. par mois , figurait pom- Ofr. 60 c. (1J Dietrich , t. II, p. 19, 27, 94 et 96. (V, Ibid., t. Ill, p. 10, 52 et 459. (3) Malgre ce ddsavantage apparent, le forgeron peut gagncr un peu plus au- jourd'hui, parce que chaque usine travaille iinplus grand nombre da mois qu'au- trefois. C'est merae a cela , pour cette Industrie , que se rdduiscnt a peu pres , les grands peijectionneniens que Ton attribuc a la concurrence. (1j Dietrich , t. II, p. 59, et t. Ill, p. 58. 598 STATISTIQUE MINER ALOGIQUE ])ar mille kilog., c'est-a-dire pour 3^0"' dans le prix de vente, qui etait 1 20 fr. (1 ). Cette maiu-d'ceuvre d"un fondeur, pave "a 60 fr. par mois, ligure pour i fr. par 1000 kilog., c'est-k-dire pour un 575 "** dans le prix de vente qui est 247 fr. (moyenne entre -1 95 et 500 fr.) (2) . Aiiisi en -1785 , la part de I' ouurier (o) dans le prix de vente etait PLUS iiMPORTAWi^i quaujourd'hui. Elle etait deiroo'"; Elle u'cst que de t^j-'"'- De tout ce qui precede, il resulte que les economistes qui veu"- lent faire I'eloge de la concurrence , des progres qu'elle a reali- ses , dii hon marclie' quelle procure aux consommateurs , de la diminution qu'elle tend k amener dans Yintensite'dei.'EXT?hoiTA.- TioN d'lme classe par V autre y doivent, k I'exemple de leur maitre(M. J.-B. Say) , eviter de citer I'industrie du fer. Cette industrie est-elle par la mise hors de cause? Assurement non. Les faits que je cite ne prouvent qu'une chose ; c'est que Veconomie politique , telle que I'ont enseignee les economistes du i 8^ siecle et leurs successeurs , est incomplete. Son insuffisance se ma- nifeste de toutes parts, etcependaut, telle est laybi des indus- triels eclaires de notre epoque dans le principe de la concurrence ^ que les dcsastres dont ils ont ete tant de fois les temoins , et qui chaque jour les menacent , n'ont pu les ebranler. Places entre la guerre qui nait de la libre concurrence et la paix que donnaient lesjurandes, les maitrises , les corporations , ils ont uobleinent cLoisi de mourir en comhattani plutot que de vii're en trauaillant sous Tempire d'une organisation retrograde et usee ; en cela , ils ont servi puissamment la cause du progres. Maisaujourd'hui que les lisieres de I'industrie enfant sont brisees sans crainte de les (1) Voytz le tableau place a la page 596. (2) IhiJ. ibid. ■ (5) Jc n"ai pris que le maiire fondcur; la conipaiaison rcstcrail la iiiunie cii prcnant tous les ouvricis et faisant U somme de leurs salaircs. DE LA FRANCE. 899 voir renouer, aujourd'hui que de si nombreuses victiines sont la pour temoigiier del'inipuissance da remede employe, n'esl-il pas terns d'appeler de tons nos voeux une organisation noin>elle phis protectrice et plus large que rorganisation passee, plus active et plus feconde que la concurrence ? Pour moi , j'en ai la convic- tion profonde, et je ne sais que la doctrine de Saint-Simon qui porte en son sein les gerraes de la puissance qui sera neces- saire pour regulariser un jour I'industrie nietallurgique de la France. SEULE , elle donne les moyens de resoudre ce pro- bleme , qui n'est qu'un cas tres-particulier de I'organisation ma- terielle prise dans son ensemble. J'engage ceux qui s'occupent de pareilles questions a ne pas se hater de jugev avant d'avoir examine \\i\e doctrine qui merite I'attention de tons les horaraes eclaires, I'amour de tous les coeurs genereux. Henri Fournel, Ing^nieur au corps royal -des mines , ex-directeur des mines , forges et fonderics du Creusot. POESIE. AUX PKILOSOPHES. (Deuxieme Article.) ( Voy. t. LI, caliier d'aout, p. 499. ) De la Poe'sie de notre e'poejue. Nous terminions notre precedent article en disant que toute la poesie de Tepoque etait empreinte de ce caractere de profonde desolation qui ne pent manquer de se raanifester dans une crise de renouvellement. Les philosophes , disions-nous, ont engeu- 4oO POESIE. dre le doute ; les poeies eii ont seati ramertume fcriuenter dans leurcoeur, et ils cliaulent le desespoir; ils chantent, glorieux mais tristes, entre une tombe et uu berceau , entre un ordre so- cial qui aclieve de s'ecrouler etun nouveau monde qui va naitre: et nous leur reprochioiis de tenir pluiot les yeux tournes vers le passe qn'e vers I'avenir. Nous teuous a demontrer que tel est, en effet, le caractere de la poesie de noire tems. Voulez-vous conuaitre, d'une epoque, son essence meine, sa pensee la plus intirae, sa vieintellectuelle, sa vie morale, prenez ses poeies : vons trouverez en eux tout cela, et de plus vous y trouverez le gernie de I'epoque suivante. Les poetes sont des homines de desir^ et c'est leur pensee qui engendre. Ainsi, pour prendre I'exemple le plus rapproche de nous , le dix- huitieme siecle est, bien plus qu'on ne le croit, en germe dans la poesie du dix-septieme. Toutes les altaques des pbilosophes contre la noblesse et I'inegalite des rangs avaient ete devancees par les at- taques aussi vives de Boileau et de Moliere. Si done la poesie ne faisaitpas entendre aujourd'hui ce concert de douleur qui annonce le besoin d'une regeneration sociale, et si en meme tems elle ne je- taitpas dejh, dans toutes les ames capables de la sentir, le germe de cette regeneration •, si elle n'y versait pas, avec la douleur de ce qui est, le desir de ce qui doit etre ; en un mot si elle n'etait pas, cequ elle a toujours ete , proplietique, nous aurions tort de representer I'etat actuel de la societe comme une crise qui doit enfanter une societe nouvclle. Or il semble, au premier coup d'oeil, que les objections abon- dent contre notre maniere de Juger la periode poetique actuelle. On nous citera en loulc des ceuvres et des nonis d'artistes qui paraisseiit delruire cette opinion. Que faites-vous de Walter Scott, dira-t-on? que faites vous de Cooper? Onbliez-vous la chanson de Beranger? Voila des ojuvres qui n'ont pas ce carac- tere de tristcsse, de doute, de scepticisme, dont vous parlez. Beranger ftut des odes coinme Horace et Anacreon, etil n'est pas dc poete plus pnpulaire que Uii. Le poete et le siecle ne son* UE LA POKSIE DE NOTUE EPOQUE. 4©* Jonc pas si tristes que vous les faites. Walter Scott est si peu occupe d'liiie regeneration sociale, qu'il est bien plutot tory que wigh ; et cependant quelle immense influence ses ecrits n'ont- ils pas eue sur toute la iitterature europeenne depuis qiiinze ans? Quant a Cooper, il fait le portrait de la nature, et ses sauvages, ses forets , ses mers , ont pour nous un charme comparable "a celui des plus grands poemes. D'un autre cote, ajoutera-t-on , nierez- vous les poetes chretiens? Oubliez-vous le plus grand de tous , oubliez-vous Laraartine? Manzoni n'a-t-il pas fait des hymnes sacres? Tous les poetes de la restauration nont-ils pas plus nu moins fait im retour vers le cbrislianisrae? Tous n'ont-ils pas subi plus ou moins I'influence des ecrits de M. -de Cha- teaubriand ? Voyez , le siecle debute par le Genie du christia- nisme;et a la suite dece livre nait toute une generation d'auteurs qui vivent de son inspiration. Loin done que le siecle, quand on le considere dans ses artistes , paralsse devore de tristessse et de spleen , on le dirait au contraire soutenu doucement par la religion du Christ , tandis que ses yeux se promenent avec deli- ces sur les tableaux du passe ou sur les scenes de la nature que ses romanciers sont continuellemeiit occupes a kii peindre, et qua ses oreilles resohne la delicieuse et enivrante musique de Rossini. Ou done, encore une fois, est cet accord de doute et de tristesse que vous attribuez a I'art, ce besoin d'une regeneration sociale, d'une religion iiouvelle, que vouS lui supposez? Laplu- part de nos artistes, suivant capricieusement la penle nalurelle de leur genie qui les porte h observer, a peindre , s'abreuvent a ces deux grandes sources de I'art , la nature et I'histoire, tandis que les plus reveurs d'entre eux , les plus nietapbysiciens, cher- client appui et consolation , inspiration et luniiere, dans la reli- gion eternelle, la religion du Christ? Voila ce qu'on nous dira , et il faut repondre ; cur nous ne soraraes pas de ces barbares qui , prenant de travers de grandes propheties d'ayenir, se desheritent sans facon du passe, parlent de I'art de notreepoque avec un niepris qui fait rirc, el nuiseut 4o2 POESIE. ainsi, sans le savoir, aux verites qui leui' ont ete ensejgnees et quils sont charges de repandre. Mais , pour dissiper tous les doutes et toutes les objections , il est necessaire qiie nous dissertions uu pen sur Tart et sur la loi de son developpenicnt : sanscela nous n'arriverions a rien de clair. Car si je vous dis que le caractere d'une epoque poetique est tel ou tel , et que vous me citiez en opposition des auteurs dramati- ques ou des romanciers , il faudra bien que je clierche ce qu'il y a de plus poetique en eux , la pen^ee avec laquelle ils font du drame et des caracteres , il faudra bien que je leur deraande leur pensee lyrique ; ce qui suppose que nous nous entendons , moi et le lecteur , sur cette question : A quelle condition le drame et le roman sont-ils de Tart? Ou bien , si je parle, par exemple, de I'art du moyen age et du christianisrae , et que Ton m'objecte la renaissance, I'ecole de Ronsard, ou celle de Racine et de Boileau, il faudra bien que je montre comment ces ecoles se detachent du moyen age , et perdent a. la fois le sens moderne et I'originalite pourl'imitation. Ainsi on est toujours ramene aces deux ques- tions : Qu'est-ce que I'art en lui-meme , et comment se deve- loppe-t-il dans le developpement general de I'humanite ? Parlons done un instant de I'art. L'art! c'est un grand mot, que beaucoup celebrent avec enthousiasme , sans en avoir tou- jours une idee bien nette. L'homme a ete place sur la face de la teii're pour achever I'oRuvre que Dieu I'a charge de terminer. Sa main est celle de Dieu lui-meme, et elle se promene avec une infatigable perse- verance sur la surface rude et ebauchee du globe pour la polir et I'achever; et si le monde terrestre est I'oeuvre de Dieu, il est aussi I'ceuvre de Thomme ; car partout doja sa volonte et sa puissance ont laisse leur trace etleur empreinte. Aux broussailles et aux forets qui herissaient le front de la planete comme une chevelurc sauvage , succcde une douce et ondoyante chevelnre DE LA POESIE DE NOTRE EPOQUE. /^o3 de moissons et de prairies ; les fleuves obeissent a la voix et re- toivent de nouveaux lits ; les torrens vagabonds dans la plaine se resserrent entre des rivages escarpes comme une digue de ro- chers; de nouvelles lignes d'eau se dessinent , et sillonnent la terre de leurs bassins et de leurs cauaux ; les montagnes s'apla- nissent ; les rochers , frappes par la verge des sondeurs , laissent jaillir des fontaines; et I'liomrae, devenu createur de lumiere , eclaire dans la nuit la face de sa pianete , qui , paree de ses lan- ternes, se promene silencieuse parnii les tenebres de I'espace. Voilk Xindustrie. Ce n'est plus la nature abandonuee a elle- meme, ce n'est plus I'industrie de la nature, si Ton peut parler ainsi ; c'est la nature continuee par Thomrae sous un de ses as- pects. Mais si I'homme continue la nature sous un rapport par I'in- dustrie, il la continue encore sous un autre rapport, par Vart. Pensez a ces myriades de spectacles que la surface vivante de la terre , aniniee par le contact des cieux , engendre k chaque instant de I'eternite, et qui n'attendent pas, pour se produire toujours nouveaux, qu'un ceil ou une oreille soient la pour les saisir. Que de vie, que de beaute sans cesse renaissante dans le moindre horizon ! Quand les -nuages promenent leurs mouvans bataillons autour d'une belle montagne , ou plongent en se courbant entre ses cimes, tantot irainobiles comme une foule de navires a I'ancre dans le port, et tantot se balancant sans changer de lieu , ou s'eloignant rapidement comme une flotte qui met a la voile, qu'on suit I'ombre et la lumiere illumi- nant ou obscurcissaut ses vallees, et qu'on en tend les eaux sour- dre de ses flancs, que de proportions, d'harmonies, de beaute dans cette seule portion de la nature proraenanl autour du mont immobile son elernelie mobilite ! Et quand I'homme etait encore absent de la terre, quand son ceil n'etait pas la pour jouir de ces decorations , qu'importe , elles se reflechissaient dans I'ceil des animaux qui la peuplaient, et qui, en harmonic eux-meraes avec la geometric divine, goiitaient de cette beaute du monde les 4o4 POESIE. rayons qu'ils pouvaient en saisir etquiles animaieiit, commc en- core aujourd'hni , sans qu'ils en eussent conscience, comme I'air qu'ils respirent, la lumiere qui leseclaire, la chaleur qui les echauffe, I'orage qui les effraie. Et quand il n'y aurait eu ni hommes ni aiiimanx sur la terre, sa beaute n'en aurait pas mollis contenu virtuellement I'rt?-/^, qui devait sc produire quand, par la serie du progres et la marche coutinue de I'ceuvre de Dieu, rhomnie apparaitrait h sa surface. Vouloir refaire la niontague serait insense; I'imiter en petit, comme les Cliinois, est nne absurdite puerile; la dessiner, la peindre pourelle-meme, pour en retracerles formes, les propor- tions, les coulenrs , c'cst de I'habilete graphique, ce n'est pas de I'art. Mais tirer de la vue des forets et des montagnes une insj)ira- tion creatrice, donner "a i'habitationon les liommes se leunissent pour adorer le Dieu infini qnelque chose de I'aspect de ces su- blimes montagnes , et elever des temples qui s'harmonisent avec nos grands vegetaux comme les petils temples de la Grece s'har- nwnisaient avec les lentisques et les Grangers , voilh Yat^t. C'est lamontagne et la foret changes en temple par I'homme, et repro- duits par lui comme il lui convient de les reproduire. La foret, la montMgne , etaient des monumens de la nature: le teinple, in- spire par elles , est un monument de I'lionime. Et alors s'etablit dans le monde une noiivelle harmonie : Vhomuie ne pent plus voir les colonnades des forets et les autels des montagnes , sans que I'idee d'un temple a TEternel lui revienne en memoire. C'est ainsi que le monde tout entier, en y coraprenant Yaj-t „ qui en fait parlie au meme titre que les monnmens naturels auxquels ils'ajoute, dcvient s^)mholif]ue. Le symbole! nous touchons ici au principe meme de I'art. En efff t , cst-ce seulement de la nature ce qu'on pent appeler heau qui est la source et la semence de I'art ? Non : c'est aussi lo laid, I'horrible , le dilforme ; c'est un ciel gris et terne , aussi bien qn'nn ciel bleu on un oraged' eclairs etdo fondres ; une terre OK L\ POESIE BE NUTUE EPOQUE. 4^^ aride , un champ de mort , uii desert, comme une foret vierge ; des cris discordans, comme des sons harmonieux; c'est tout enfin, c'est la vie universelle. Or, comment la vie du monde devient- elle art en passant par I'homnie ? Voilala graude question sur cetle question de Tart; voila ce qui n a guere ete compris, ce nous semble, et ce qui a cngendre taut d'opinions diverses qui se com- battent. Les phllosopbes qui traitent de I'estbetique disent que I'indus- triea pour principe I'utile, et Tart pour principe le beau (I). Qu'est-ce que I'utile? quest - ce que le beau? Ce sont, di- sent-ils , des idees primitives ; il n'y a rien "a leur demander apres cette definition. lis ne s'apercoivent pas que les artistes peiguent conlinuellement , et comme a plaisir, des objcis bi- deux , repoussans , horribles. Anssi qc.e de discussions sont sorties de cette consideration superficielle ! que de disputes sur I'utile et le beau ! II y a toujours eu une veritable guerre entre ceux qui comprenaient I'art et ceux qui ne le sentaient pas ; jamais cette guerre n'a ete plus acharnee que de notre terns. Les partisans de la doctrine de I'utile veulent que les ar- tistes ne fassent des poemes, des statues , des tableaux que pour I'utilite sociale. Les artistes , de leur cote , reclament fierement leur independance. Le poete , disent-ils , est completement libre, il fait ce qui lui convient. Dieu I'amis sur la terre en lui disant : Cree , et il cree. Quand il a produit son oeuvre, il demande au public : Esl-ce bien ou mal ? mais il ne doit compte a personne du but qu'il s'est propose. — Au moins , i-epondent aux artistes ceux qui ne sentent pas Fart , soyez done fideles a la regie du beau. Pourquoi tons ces monstres que vous vousplaisez h nous peindre? — EtJ'on a pouss6 la folie jusqu'a demander de quelle utilite etait au monde VOttiello deShakspeare ; on a propose serieusement a rhumanite d'abolir le drame : car le drame etant la peiulure de i^t) Voyez , parc'xcmple , les Leroin tic M. Cousin ; t" aniice. 4o6 FOESIK. passions tristes on coupables , on iic voyuit pas quel avantage en resnhait pour Thumanite. 11 y a des gens quicroientserieusement quel'avenir delaissera tous lesproduits de I'art anterieur, deiueine que, lorsqu'on a inventeune nouvelle machine superieure a une autre, on laisse perir celle-ci ou on la brise. II faut avouer que ceux qui n'ont aucuu sentiment de Tavt sont tres-excusables de s'egarer aussi singulierement. Us ne pourraient etre ramenes que par des I'aisonneniens : or I'esthetique n'a pas encore une base assez claire pour eux , et la definition que nous citions tout-h- Iheure n'est pas de nature a lui en donner une. Voyons s'il ne s'offrii'ait pas naturellement une distinction plus large et plus nelte, qui , en nous faisant penetrer dans le sens profond de ces mots , art et Industrie, dissiperait tout d'un coup lesnuages etles controverses sur 1' utile et le beau. Par tous nossens, par route notre vie de relation, nous recevons des impressions , des images, nous eprouvons des atlraits, des repulsions. C'est la le fonds connnun de tous les materiaux dant notre sensibilite, notre memoire, uotre imagination, notre in- tellect, se composent. C'est ainsi que nous puisons notre vie a la vie universelle. Et de menie que uotre vie de nutrition se de- veloppe et s'entretient en s'assiniilant des parties materielles du moude exterieur , de meme notre vie de relation se developpe et - s'entretient en s'assimilant des inqiressions du meme monde ex- terieur. Comment celte double nutrition se fait-elle? C'est lepro bleme dela vie, aussi insoluble pour les psychologues que pour les physiologistes. Mais il y a cette difference qu'a peine avons- nous conscience dans certaines maladies des plienomenes de notre vie de luitrition , tandis qu'a I'exception , an contraire , de cer- taines maladies et du sommeil coniplet , nous avons conscience des phenomenes de notre vie intellectuelle. Celle-ci est done, a proprement parler, notre vie : Vautre nous est presque aussi etran- gere que la vie du monde exterieur. Or , veritablement, les actes que nous faisons pour modifier la vie du monde exterieur doivent avoir un caraclerc tout autre que les actes qui se pro- DE LA POESIE DE NOTRE EPOQUE. 4^7 duisent dans notre propre vie. L'industrie a pour objet noire ac- tion siir la vie qui est en dehors de nous et que nous ne sentons pas ; tandis que I'art est I'expression de la vie qui est en nous. Cast dire qu'entre l'industrie et Tart il y a rhomme tout entier. Dans rinduslrie, d'oii vient la vie? De la nature, tou- jours d'elle. La vie du nionde exterieur coule sans cesse , et l'industrie humaine la gouverne coranie nous poussons de I'eau avec une ranie. Par l'industrie, quelque merveilleuse quelle soit , riiomme ne fait qiie diriger une vie qui n'est pas en lui ; maisl'art est I'expression de sa propre vie, ou, mieux en- core , sa vie elle-meme se realisant , se comrauniquant aux au- tres honimes , et faisant effort pour s'eterniser. Or , riiomme ne cree rien , en prenant le mot de creation dans un sens absolu. II n'adonc pas d'autre nioyen de realiser le produit de sa vie interieure que de I'incarner dans ce qui exisle deja. De Ta il suit que le principe unique de I'art est le sjmbole. De rhomme k I'licmme il u'y a en effet que deux modes de communication. Ou rhomme exprimera directement , mais tres-imparfaitement, par le langage abstrait , le resultat de sa vie interieure ; Ou il ira puiser dans le monde exterieur, "a la source commune des impressions , dans I'ocean de vie on tons nous sommes plon- ges, des images capables de donner par elles-meuies les sen- sations , les sentimens , et jusqu'aux jugemens qu'il veut ex- primer. Le premier mode d' expression est, comme nous venous de le dire, le langage abstrait, qui n'exclut ni I'eloquence , ni uieme le sublime. Le second mode d'expression , c'est la poesie. La poesie est cette aile niysterieuse qui plane a volonte dans le monde entier del'ame , dans cotte sphere infinie dont une par- tie est coulenrs, inie autre sons, une autre mouvemens , une autre jugemens, etc., mais qui toutes vibrent en meme teuis sui- TOISIE T.tl. NOVEMBr.E 1831. 27 4o8 POESIE. vant certaines lois , en sorte qu'iine vibration Jans line region se coniniuaique a line autre region, et que le privilege de Tartest de sentir et d'exprimer ces rapports , profondement caches dans lunite merae de la vie. Car de ces vibrations harinoniques des diverses regions de I'anic il resnlte un accord, et cet accord c'est la vie; et quand cet accord est exprirae, c'est I'art ; or, cet accord exprime , c'est le syrabole ; et la forme de son expression , c'est le rhythme, qui participelui-meme du syrabole : voilh pour- quoi I'art est I'expression de la vie , le relentissement de la vie, et la vie elle-meme. La poesie, qui prend pour instrument la parole , et qui rend par des mots le symbole et le rhythme, est un accord J comnie la musique , comme la peinture , conime tons les autres arts : eu sorte que le principe fondaniental de tout art est le raeme, et que tous les arts se confoudent dans I'art , toutes les poesies dans la poesie ( I ). L'art n'est done ni la reproduclion, ni I'imitation de la nature. Taut que I'homme ne fait que modifier la nature, imiter, tail- ler, deplacer des parties de I'^tre universel , gouverner en un (1) Racine analyse des senlimens , comme Condillac des pensccs. Racine est plus souvent eloquent que pocte. L'amour de Romeo qui chcrclie scs rapports ct ses harmonies avec le ciel et la terre , avec le scinlillement des etoilcs et le clianl du rossignol , voila la poesie. Voltaire n'est pas poele quand , pour peindre Tamour , il cmploic tous les ter- mes abstraits ou toutes les metaphores usees du dictionnaire ; mais Tautcur du Canlique des Cantiques , dont Voltaire se moquait , est poetc quand il compare les dents de sa maitresse a de petits moutons blancs qui sortent en rang du la- voir . On s'etonne de retrouver tant de poesies primitives 5 voila un demi-siecle qu'on en deterre, et la mine semble encore vierge; on est surpris d'en trouver jusqnc cliez les negres et les saiivafcs de TAmerique du Nord. Vrainient Tadmiration est iia'ive: est-ce dans des maisons closes, dans des villes , que Ic ciel se fait voir, qu'on entend les oiscaux , qu'on voit les montagnes? Au surplus les considerations sur Tart , renfcrmdcs dans cet article , auraicnt bcsoin d'etre dcvelo])pi5es plus largement. Quanta la podsie du style, en parti- culier, nous I'avons deja fait autrefois dans des articles insdrds dans I'ancien Glche. DE LA POESIE DE NOTRE EPOQUE. 4<^9 mot la vie qui est en dehors de lui, il fait de rindustrio , il ne fait pas de I'ait. Les absurdes theories qui ont pris pour base I'iinita- tiou de la nature, meme en indiquantpour butl'aspcctdubeau , ne inerilent pas qu'on s"y arrete. AUons plus loin. De lueme que I'art n'est pasrimitation de la nature (car a quoibonimiterlanature?) n'est -ellepas sous liosyeux, et pourrions-nous I'imiter sans la defigurer? d'ailleurs , si nous y parvenions, ce serait encore la nature et pas autre chose, riende nouveau, rien de produit, rien de cree, mais un monstre qui nous troniperait par son identite avec la nature), de meme I'art n'est pas la reproduction de I'art, car ce serait encore le meme tort que pour limitation de la nature. Mais de meme que I'art, c'est le developpement de la nature sousun de ses aspects, "a travers I'liomme, une chose nouvelleet differente de I'art qui est dans la nature, de meme , a une epoque donnee, I'art est I'art de cette epoque , faisant suite a I'art des -epoqiies anterieurcs. L'art croit de generation en generation , comme un grand arbre qui chaque annee ajoufe "a sa taille et eleve sa cime vers le ciel, en meme tcms qu'ii plonge plus profon4ement sa racine dans la terre. Les a'uvres des grands artistes, tons inspires par leur epoque, se succedent, et cette succession est Le de'i^eloppement de Fart. Mais s'inspirer uniquement du passe , refaire ce qui a ete fait, c'est imiter, c'est traduire, c'est manquer son epoque ; c'est faire de l'art intermediaire , de l'art qui n'a pas sa place marquee dans la vie de l'art. Goethe refait les tragiques grecs ; j'airae mieux les tragiques grecs. Cet art intermediaire ou d'imitation est a l'art vrai , c'est-a- dire a l'art inspire par une epoque, ce que nous disions tout-a- I'heure que I'industrie etait par rapport a l'art lui-meme. De meme que dans I'industrie I'homme ne fait que modifier la nature , 27. 4 10 POESIE. tailler, greffer, deplacer , ou grouper ce qui est deja; ainsi, dans cet art intermediaire, il ne fait que modifier I'art qui existe deja , en tailler des debris , en deplacer des portions , greffer dessus quelques inspirations d'un autre age ; et il n'arrive , la phi- part du tenis , qu'a defigiirer et amoindrir les reuvres sur les- quelles il travaille , comnie I'industrie fait souvent dun animal genereux un animal tiraide et sans beaute , ou dun arbre elance et vigoureux un arbre rabougri ou mouslrueux dans sa forme. Quelle est la conclusion a tirer de ces considerations sur Tart que nous aurions voulu supprimer, mais que rendait indispen- sable le devergondage d'idees qui regneaujourd'hui sur ces ques- tions ? C'est que I'artiste est libre, mais non pas indepeudant an point que quelques-uns I'imagiuent. Quel sera mon criterium pour juger lui produit de I'art, un tableau, une statue, un poeme? Certes , je ue chercherai pas si I'objet qui est represente est beau ou laid, je ne ferai pas de sophisme pour soutenir qu'il y a de la beaute jusque dans la laideur; je ne demanderai pas si on pent tirer directement de cet ouvrage une conclusion morale : non, mais j'ecouterai I'impression qu'il fera sur ma vie. L'art, c'esl la vie qui iiadresse "a la vie. Je dirai done a I'artiste : Vous etes libre; exprimez la vie qui est en vous ; realisez-la poetique- ment. Mais j'ajouterai : Si au lieu de vous inspirer de votre epoque , vous vous faites le representant d'un autre age , per- mettez que je range vos ouvrages avec les produits de I'epoque anterieure "a laquelle vous vous reportez. Ou si, oubliant que l'art c'est la vie, vous faites de l'art uniquement pour en faire, souffrez que je ne voie pas en vous le propliete, le vates que riiumanile a toujours cherche dans ses poetes. Si ces principes sont vrais , les objections contre le caractere que nous attribuons h la pocsie de notre terns seront facllement dissipees. Cooper estuu grand ailisle f|ui s}'inbolis('a(hiiir;iblcni('nt la na- DE LA POESIE DE NOTRE EPOQUE. 4' ^ lure. Walter Scott est iin grand artiste qui symbolise adniira- Llement des epoques liistoriques dans des tableaux et des ca- racteres. C'est rAmerique , c'est I'Ecosse qui ont produit Cooper el Walter Scott. Jamais homme d'lin genie egal au leur, mais euui par les profondes secousses de notre France , de noire Europe , n'aurait pu avoir la patience de peindre pour peindre , sans beaucoup de lyrisnie au fond du coeur, comuie Scotl, avec une froide et etonnante inipartialite ; on, comnie Cooper, avec une nielancolie assez vague , une pensee sociale incertaine el dou- teuse , et seulemenl le sentiment vif el profond de la nature _ex- lerieure: un tel homme n'aurait pu s'interesser, comme eux , "a ces mille petites nuances qui les interessenl ; et, tourmenle par les rudes problemes qui occupent rhunianite de notre age , ii lui eut ele impossible de relever curieusemenl les moindres accidens de jour, de lumiere, de paysage , de costumes. II faut pour cela avoir le coeur libre , la tete pas trop ardenle ; il faul n'avoir pas la tradition et Iheritage de la partie la plus vivante deriiumanite. M. de Chateaubriand a voyage dans TAmerique duNord: il a fail Atala et Rene, oil il est plus question de» la desolation de coeur laissee par les doctrines du dix-huitienie siecle et par la re- volution francaise que des sauvages qui y sont mis en scene. El voilh, pour le dire en passant, ce qui condamne la foule des imitaleurs que Scotl el Cooper out trouves, et qui , nes sur le sol volcanise par les philosophes, les jacobins el Na- poleon , ont eu la maladresse de vouloir conlrefaire 1' allure qui sied si bien a ces enfans de rAmerique et de TEcosse , peignant d'apres nature et selon leur propre nature. Aussi ces tableaux du passe walterscottise's , comme on dit , sont-ils la plupart sans vie. 11 n'a manque h lours auteurs que d'avoir ele eleves dans quelque pays de civilisation arrieree , et nourris des leur enfance de ballades et d'histoires raerveillenses : avec cela lis auraient pu faire des romans liistoriques, non-seulement sur 4 12 POESIE. les traditions de leiir nouriice, mais siir d'autres pays ct d'autres terns. Je regarde done Scott et Cooper comiiie des prodnits naturels de Tart de notre epoque ; leurs oeuvres rentient tout-a-fait dans le principe dii developpement de Tart. lis ont ecrit par une in- spiration aussi vraie , aussi actuelle que les aiiteurs de Vlliade, onceux dii Eomancero. L'Amerique du Nord , sedepouillant de ses forets et de ses liabitans sauvages , a fait entendre un long soupir, que Cooper a ecoute et a su rendre; Vl^lcosse a produit le genie observateur et pittoresque de Scott , qui , se trouvant tout forme et lout grandi, s'est ensuite transporle , quelquefois pen heureusement, hers de ses liraites naturelles de terns et depays. Mais qu'on ne park pas de Scott et de Cooper pour nier le ca- ractere general que nous assignons h la poesie de ce terns. Ces deux ecrivains ne sont pas places au centre du mouvement de notre age; ils sont a. I'extreniite. II est bien vrai qn'un lien d'e- troite affinile est dejh forme pour une grande parlie de la famille humaine; I'Ecosse et I'Amerique , toutes reculees qu'clles sont , recoivenl les pulsations du coeur ; et le cceur c'est la France. C'est en ce sens que Scott et Cooper font partie dc I'art de notre, epoque ; ils tiennent au mouvement general de Thumanite coniuie leurs pays tieunent h I'ensemble de la grande famille Americo- Europeenne. Nous pouvons prendre un plaisir iufiui k leurs ou- vrages, comme nous enprenonsa la lecture d'nn dra ne indien, de Sacoiitala J par exemple , et meme ils ont avec nous un rap- port de parente que n'aurait pas le drame indien ; mais ils ne peuvent fai re autorite dans la question qui nous occnpe. II est tout simple que TAmerique du Nord, naive et virginale quand on la considere sous un de ses aspects, vieille, refroguec , pe- dante et aristocrate quand on regarde sa civilisation exotique, produise la poesie de son ciel et de ses foreis, en contraste avec la mesquinerie de ses colons. II est tout simple que la vcrdoyante Ecosse , qui conserve , toute fraiche et toutc vivante, la tradition do SOS clans ct de ses petiles guorres civiles, et ou il rcste mille DE lA POESIE DE NOTRE EPOQUE. 4'^ traces dii moyen age qui ii'est pas remplace pour elle, ait ilonue au momle un genie conteur et original, ami des traditions mer- veilleuses ct des peintures du moyen age. Et il est tout simple encore que la partie la plus avancee de I'Europe lise avec ravis- sement des ecrits qui lui font oublier un instant son spleen et son scepticisme. Les ouvrages de Walter Scott et de Cooper sont , rclativeinent a la question que nous traitons, presque dans le mcme cas que toutes ces poesies primitives qui out lant de vogue aujourd'hui. lis ne peuvent pas plus nous apprendre quelle est la tendance de I'esprit humain , quel germe de progres rhumanite porte acluel- lement dans son sein , quels desirs la tourmentent , quel est son sort d'aujourd'hui, quel sera son lendemain, que ue le feraient des chants grecs ou illyriens. Nous dire cela ne pent etre re- serve qu a des poetes sortis directement des trois grands peuples qui se pressent I'un contre I'autre au centre de I'humanite , la France , rAllemagne et I'Angleterre; qu'a des poetes qui auront porle avec douleur les graves pensees de notre age ; qu'a des poetes qui auront sent! Timpulsion des philosophes du -1 8^ siecle, ces predecesseurs des poetes actuels; qu'a des poetes, enfin , qui nous montreront leur ligne de parente avec Rousseau , Di- derot et Voltaire, la revolution francaise et Napoleon, soit qu'ils se soientmis en lutte ouverte ou qu'ils vivent en harraonie avec tous ou quelques-uns de ces grands colosses qui avaient dernie- rement en eux la vie du rnonde, ct qui, glaces dans leur tom- beau , tiennent encore en main le sceptre de I'avenir. Depuis cinquante ans que la philosophic du dix-huitieme siecle a porte dans toules les ames le doutc sur toutes les ques- tions de la religion, de la morale et de la politique , et a ainsi don'ne naissanceh la poesie melancolique de notre siecle, deux ou trois genies poetiques tout-h-fait hors de ligne apparaissent dans chacune dtS deux grandes regions qui composent I'Europe, c'csl-a-dire I'Angleterre et rAllcmagne, qui rcpresentent tout le nord, ct la France qui represente loute la partie sud-occiden' 4 1 4 I'OKSIE. tale, le doin;iiiie paiticiilier de rancieiiiie civilisation romai- ne. Autour de ces grands hommes gravitent, comme les pla- netes antour des soleils, une foule d'ecrivaiiis remarquables , lua'is d'un ordre inferiem-, Byron , par la nature particuliere de son genie, par rinfliience immense qu'il a exercee, par la fran- chise avec laqnelle il a accepte ce role de doute et d'ironie, d'en- thousiasme et de spleen, d'espoir sans borne et de desolation , reserve h la poesie de notre epoque, nieritera pent-etrede la pos- lerite de donner son nora a celte periode de I'art : en tout cas, ses contemporains out dej'a commence a lui rendre cet hommage. C'est que nul n'a su mieux que lui reprodiiirc, avec une par- faiteoriginalile, Teffetde cette poesie shakespearienne dont I'Al- lemagne et la France sont aujourd'hui plus enthousiastes que I'Angleterre elle-niemc. Gatlie cependant I'avait precede de bieu des annees; mais Gcethe, dans une vie plus calme, se lit line religion de I'art , et Tauleur de Verifier et de Faust, devenu im demi-dieu pourrAUemagne, honore des faveurs des princes, visite par les philosophes, encense par les poetes, par les rau- siciens, par les peintres, par lout le monde, disparut pour lais- ser voir un grand artiste qui paraissait hcureux, et qui, dans toute la plenitude de sa vie, au lieu de rcproduire la pensee de son siecle, s'amusalt a chercher curieuseraent I'inspiration des ages ecoules ; tandis que B^Ton , aiix prists avec les ardentes pas- sions de son coeur et les doutes effrayans de son esprit , en butte "a la morale pedante de I'aristocratie et du protestautisme de son pays, blesscdans ses affections les plus intimes, exile de son ile,, parceque son ile anti-liberale, anti-philosophique, anti-poetique, ne pouvait ni I'estimer comme homme, ni le comprendre comine pocte , nienant sa vie errante de pays en pays, chercliant le sou- venir des mines, voulant vivre de lumiere, de lumiere ecla- tante, et se rejetant dans la nature comine autrefois Rousseau, fut franchement pbilosophe loute sa vie, ciuiemi des pretres, cen- seur des aristocrates , admirateur de Voltaire ct de Napoleon ; toujours actif, toujours en tete de son siecle, mais toujours uial- 1)E LA POESIE UE NOTRE EPOQUE. 4*5 heureux, agite conime d'une tempete perpetuelle, ea sortequ'eii liii rhonime et le poke se confondent, que sa vie intime repond a ses oiivragcs ; ce qui fait de lui le type de la poesie de notre age, ( La suite au prochain cahier. ) P. Leroux. DE LA POESIE POLITIQUE. Iambes ; par M Auguste Barbier (1). Loisqu'apres avoir suivi dans I'liistoire^riiarmonieux enchai- nement des raouvemens de riiunianite et avoir vu les grands hommes arrivant tour "a tour au travail , et], rheure|venue, se levant pour presider aux grandes epoques, apres s'etre bien penetre de cet admirable rapport des hommes et des terns, on revieut au present tout en meditant sur lelenderaain, f^oii ne pent s'empecher de scruter curieusenient autour de soi et de sonder la foule pour y decouvrir les germes d'hommes quelle recele. Ceux qui avant pen dresseront une tete puissante et do- mineront Timmense confusion ou nous sommes errent vague- ment par la ville, inconnus au raonde, et ue connaissant eux- niemes ni la fatigue ni la gloire qui s'amassent pour eux. Assui'ement le jour est proclie oii I'Europe nouvelle, cette Eu- rope qui, en 89, poussa son premier cri, et qui aujourd'hui , genee dans les langes qui renchainent, se contient et balance son effort, le jour est proche oii , devenue assez forte enfin pour parler baut et sefaire eile-oienie sa part, brisant comme ce geant les liens qui (1) Paris, 1832 ; Urbain Caiul ct Ail. Guyol , rue dii Bac , n" 104. In-8' lie i'(5 pages; prix , 5 IV. 4l(> POESIK. la tienneiu an bcrceaii, ellc se presentera an banquet des rois, laissant comprendre, a sa demarche calme etdecidce, son droit ot sa volonte. En juillet la France a donne le signal , ct les iiienibres out essaye de se tendre et de se raidir coutre leurs chai- nes : de I'Oural jusqu'a la Peuinsule tout s'est ebranle ; mais la force a manque, et la vieille Europe, \vec son gantelet defer, a rejele renfant dans le bcrceau. II se connait aiijourd'hui et il grandit. Ainsi, lorsque dans les enlrailles profondes duVesuve se brasse et s'agite la matiere ardente qui un jour, refroidie et tranquille, couvrira ses collines et nourrira leur eternel printems, line secousse d'alarme passe sur le sol et enseigne aux Iiabitans qu'il faut savoir sender le secret de la terre, et se preparer a voir paraitre devant eux ce qu'elle Iravaille dans le sein de ses re- traites mysterieuses. La crise dans laquelle T Europe toutentiere doit se meltre de- bout et marcher est reservee aux jours oii nous sommes , et ne saurait se faire long-tems attend re. Tons les problenies ont ele poses , il faut une solnu'on ; la philosophic a enseigne et discute, il faut que la politique realise; la taciique des Fabius est passee, la guerre a ete declaree k I'Europe feodale , il faut le combat, Mais oil done sont les chefs qui doivent se dresser comme des etendards et dominer la melee? Dans I'agitation tumultueuse de la bataille, Homere elcve, au-dessus de la foule des peuples , des heros dont la voix eloquente desigue les coups et entretient I'ardeur ; oia done s .nt ces hommes puissans dont la parole or- donnera les peuples et dictera les mouvemens? On sont ces hommes puissans que les nations mettront sur le pavois et feront princes un jour? Misere ! misere ! la louange est muette, il n'y a place cliez nous que pour la pitie on la derision. C'est \\n tristc spectacle que dc voir ainsi la recolte abandonnce ail soleil, loiitedoree elpresquc mure, abandonnee corame indiffe- rente dans le desert etla solitude ct entource du froid silence, lors- qu'il ferait si beau y entendre les chants joyenx du moissonneur. Quelle anierc ot doulourouse satire do la France ot deTEurope DE LA POESIE POLITIQUE. 4*7 ietenlitdaoslecoeur,lorsque rou pensea ce grand people qui cou- vre le globe, h ce peuple qui s'agite si niiseiablemeiit danssa force et sou ignorance, et qn'apres avoir promene ses regards sur lontes contrees et tons royauines , on revient avec cette assurance qne notre tribune est la premiere duraonde! L'esprit ne songe gnere alors a s'eu aller qnetant et I'uretant "a travers la coline pour en tirer les vices et les travers et les couvrir de son degout on de son ironie ; il ne s'agit plus de nos jours de s'amuser a quelque courlisan d'antichambre tranchant de rhomme d'Etat, a quelque plaideur de palais tranchant de I'orateur. Boileau, appre- tant toutes les ressources de sa verve satirique pour criliquer Paris et le desordre de ses rues enconibrees, pour egayer les scan- daleux chagrins de I'liynien , ou les debats innocens des prelats , Boileau n'est plus de ce nionde. Notre enfance a ete bercee d'e- veneraens trop grands et de passions trop vigoureuses pour que si petites choses puissent aujourd'hui venir nous captiver et nous saisir. Le drame qui tient I'attention de la societe ne se passe plus entre les intrigans et les valets, les marquis et les soubrettes ; les nations se sont de mieux en mieiix reunics en corps, dies se connaissent et s'entretienneiit I'une I'autre; elles se sont, pour ainsi dire, faites homnies, et ce sont elles qui, de nos jours, occupent la scene duraonde; le noeud se complique et I'interet redouble, Femotion accompagne les victimes qui succorabcnt, la colere s'amasse et gronde , et I'esperance anime les cosurs ge- uereux en leur faisant pressentir le denoument qui se prepare. Eu verite il n'est pas d'hommes assoz depourvus d'ame ou de raison pour avo;r le droit de demcurcr froids et indifferens an milieu des par;is qui luttent et se debaltent ; il s'agit de savoir si, en suite detout ceci , ce peuple, qui est tout et qui porte toutes charges, pourraparaitre cnfin et sortir de cet exil oil le tiennenl depuis si long-tcuis ringralitudc et legoisme. Ce n'est pas chose si miserable, quoi quil semble, que ce salon parlemenlaire , il est bon d'y ecouter parl'ois ; c'est un prologue, uu prologue un })eu longpeul-etre; maisaqiii sait vo'rle fond, il enseigiieel amionce. 4l8 POESIE. L' appreciation de ce qui s'y agite et I'intelligence de ce qui s'y prepare ne sont pas choses donnees a tons ; bien des germes a peine indiques se developperont, bien des personnagesdu prologue s'e- clipseront pour ne plus reparailre. Cost le camp de AVallensteiu. Dans le draine antique, le choeur etait sans cesse present sur la scene; vigilant et severe , il accompagnait et eclairait la marche des grands evenemens; fernie danssa sagesse et son impartialite, il versait le blame ou donnait la louange ; attache a I'invariable des- tincomme une escorte providentielle, il savait en tirer d'eclatantes lecons, et, profitant de ce qui passait comrae une image sous les yeux du peuple, il en faisaitatous un hautet noble enseignement. Si tons ceux qui aiinentle peuple, le grand peuple qui gemit et travaille , si tons ceux quicompreunent que leur but doit elre de le tirer de ce desert sans manne et sans rosee ou il s'epuise et de Taffranchir des tyrans aux cent, bouches qui Vaffament , qui sen- tent que la fin de toutes choses doit etre la victoire de I'egaliteet la mort du privilege; si tons, unissant leurs voix puissantes, res- suscitaient chez nous le choeur antique , le peuple reconnaissant soutiendrait leur marche de son applaudisseraent et de son enlhou- siasme, et le progres des nations serait leur recompense et leur gloire. O peuple, peuple grossier des ateliers et des campagnes , tu assistes comme nous a la politique, inais tu es jcle aux derniers raiigs , et les tableaux qui se succedenl frappent tes yeux et de- meurent confus dans ton souvenir sans que tupuisses comprendi-e les relations qui les enchainent et les mouvemens nouveaux qu' ils annoncent. Parmi taut d'hommes que la chose publique reraplit et agite , il n'en est poiiit qui s'occupent de toi , et rien n'est fait pour ton oieille de tous ces discours qui reraplissent la tribune et la ville. Les seigneurs que tu nourris vivent trop haut pour te voir, et tu deraeures parmi I'herbe de tes champs , actif et invi- sible comme un peuple de fourmis. Les castes out disparu, la gloire des ancetres est venue au fonds common et n'est pins la propriete des families; le noni n'est plus que ranneau fiigitif de J)E LV POESIE POLITIQUE. 4' 9 deux generations qui se suivent, le lieu du fils avec lepeie; cha- cun se presente u'ayant droit a porter sur sa tete d'autre valeur que la sienne : mais ce n'est ui Tiiitelligeuce ni la taille qui font la mesure; le merite s'apprecic a I'eclielle de la richesse. Resu- nierla vie des honunes et la jeter dans la balance pour en peser leprix etait chose grave et difficile; on a imagine, de nos jours, d'y jeter Tor de leurs coffres , et Ton est venu a calculer ainsi leurs rapports nunieriques ; on a defiui les capacites avec le metre, et le cadastre a ete charge de classer les citoyens par les methodes geometriques. Pauvre peuple , dans une telle repu- blique les privileges de ta vie politique sont semblahles a ceux des etres qui partageut avec toi le defricheinent et le labeur des cam- pagnes, a ceux des machines qui viennent lutter conlre toi jus- que dans le sein de tes demeures industrielles. Les constitutions et les lois se choquent et se menacent , les nuages changeans des orages se croisent et se confondent ; mais ce n'est qua ceux qui possedent qu il est donne d'avoir une tete assez haute pour atteindre les regions elevees qu'habite la poli- tique.Ceux qui n'avaient detitres que le titre du souvenir de leurs peres out disparu de la scene, le combat est ouverl aujourd'hui entreceux qui possedent unpeuet ceux qui possedent beaucoup. Courage ddnc ! que I'or deploie enfin tout 1' eclat de sa puissance, que I'interet annuel des honneurs politiques lul soit Icgalement affecte , que I'opposition triomphe, et que le cens electoral abaisse la pretention de son tarif au niveau des proprietaires inferieurs ; la petite aristocratic aura vaincu lagrande, il ne resteraplusqu'a s'enquerir du peuple. Jusque Ih , convert d'un vaste oubli, il de- meure dansles tenebies, vivaiit de quelque relief delaissequ'on lui abandonne , bornant son instruction a la manoeuvre dun metier, reglant son Industrie sur le caprice d'une concurrence effrenee , et guidaut sa morale sur la trace obscure d'un vieux dogme en lam- beaux. Aux jours solennels ccpendant son nom sort du silence et retentitmysterieuscment sous les lambris dores des palais; il sort de sa retraite, grave et majesturux, coiumc jadis les images sacrces 420 POESIE. dans Ics UHes dii temple, iiiais ce n'est qirnn vain son qui un instant agite I'air et s'eteint en anivant a I'echo. Ses pontifes aveugles, lejugeant semblable au dieii (rEpicuve, le respectent dans sa profondeur, ct vivenj; de sesbienfaits sans le troublerpar I'hoinmage de leurs sacrifices on rerapi'essement de leurs actions de grace. liC peuple, puissant comme le dieu des armees , avait fait de grandcs choses, et en trois jours sa main avait donne naissance a un monde nouveau . Alors, regardant autoiu' de lui , il avait clioisi pour etre les serviteurs de son nom et les ministres de sa volonte des hommes dent le front etait juste et dont il croyait le cceurfidele-, il les avait elus pour accomplirses desseins et porter fierement le sceptre des nations etrangeres, pour soutenir ceux qu'il aiinait et renverser ceux qui meditaient I'outrage et conspi- raientcontresaloi.Mais la presomption et I'orgueil les ontegares, ils ont brisc le sceau de Talliance , et ils sont frappes d'aveugle- ment; ils ont onblie aujourd'hui ce qui etait hier, etlenr bouche a cesse de s'ouvrir pour rendre honiniage a la volonte souveraine de celul qui est tout puissant, lis vivent dans leur prosperite d'un jour sans songer qu'une grande colere s'aniasse dans le silence, parce que celui qui les a faits est jaloux de sa dignite et de son lionuenr , el ne souffre pas qu'on I'abandonne et qu'on le ne- II serait l^eau qu'au-dessus de la tourbe infidele de nos politi- qnes egoistes, qu'au-dessus de cette race qui a trahi le culte du peuple pour faire pacle d'impiete avec les rois etrangers , il serait beau qu'un noble et puissant poete se dressat d'indignation et de colere, et comme Jeremie, secouant sur les palais la cendre ora- geuse de ses vetemens, elevat, au milieu des clameurs iusensees de Jerusalem idolatre, I'eclat inflexible de sa voix menacante. Mais chez les hommes denotreepoque la poesie, oublieuse de son aulorite antique, recule incertaine a I'aspect des champs de gloirc que la politique moderne a ouverts devant elle. Jerusalem s'est elevee autour dn poeme de Moise, et la Grece s'est nounie DE L\ POESTE POLITIQUE. 4^1 des chants d'Homere. II iie s'agit pas , pour les poetes , de laisser leur fantaisie flotter siir le passo et elfleurer mollenient les ages; la ou est la vie des liomines, la est leur doinaine, leur royaunie. Certes il est doiix de chanter conime Horace ou coniiiie Anacreon; il est grand de chanter comme Tyrtee ou Daniel. Si la muse, indifferente aux masses, est delaissee pour de la declamation de tribune et de la rhetorique de journal, et reduite a errer mesquinement do boudoir en boudoir, le poete peut-il se plaindre, lui qui abandonne ce qui fait palpiter les cceurs qui renvironnent pour s'en aller jouter en arriere avec scs emu- les de I'antiquite ou de la renaissance? Malheur a lui si sa voix toute jeune et toute vivante n'a pas une energie plus active que la parole inspireeaux homnies d'un autre age ; malheur a lui si, negligeant I'avantage de son henre, il consent a. quitter le soleil qui nous echauffe pour descendre au tombeau des anciens poetes se penetrer de leur cendre et copier leurs cadavres. Oh! j'ainie encore mieux errci' moi-raeine parmi les livres, m'incliner devant ces grandes depouilles , et laisser mon anie chercher sa nourriture parmi les debris qu'a respectes le tenis. Si nul ne se leve investi de la menace et revetu de la prophetie , si devant la corruption et I'impiete la poesie demeure indifferente, si Jeremie dort lout en- tier dans la tombe, j'evoquerai sa grande ombre et je demanderai a sa voix sepulcrale quelque chant pour animer ma vie et sou- tenir mon courage. « Malheur a ceux qui font des lois d'iniquite et ecrivent Tin- justice pour opprimer les pauvres et ravir le droit de ceux qui sont humbles dans le peuple. « Vous n'avez point dit dans vos cceurs : craignons celui qui nous donne I'abondance et qui nous garde la plenitude des mois'sons. « Vous vous etes nourris et engraisses, et vous avezmarche sur sa loi ; vous n'avez fait justice ni aux orphelins ni aux pauvres. » Ne visiterai-je point toutes ces choses? dit le mail re ; et ma colere ne se promenera-t-elle pas sur cclte race? 422 POESIE. » N'est-ce pas iin lieu de troniperic que cettc niaison suv la- quellc on a jure nion nom? » Je ferai h cette maison sur laqiielle on a jure iiion nom , a cette maison sur laquelle vous vons fiez , et aux places que je voiis ai (lonnees a vous et a voire famille ; je ferai ce que j'ai fait a Silo. » Je vous chasserai de nia presence comme j'ai chasse vos pa- reils , la race d'Ephraim. » Vous avez pause a la legere la plaie de la fdle du peuplc en disant : Paix , paix ; mais la paix n'etait point. » Vous avez attendu la paix , mais elle n'etait pas bonne ; le tems de la guerison , mais voici le trouble. » Un peuple viendra du pays de I'aquilon ; une grande nation se levera dans les lieux lointains. » lis prennentl'arc et I'etendard ; ils sont cruels el sans pitie. Leurs voix retentissent dejk comme le bruit de la mer : les houiraes de guerre sont monies sur leurs clievaux, et ils sont equipes pour le combat. » De Dan on a entendu le hennissement des clievaux, ct le sol a tremble sous leurs fremissemens. » En appreuant la nouvelle , vos mains deviendront laches et vous serez dans rangoisse comme des femmes qui accouchent. » Vous avez comniis rabomination , mais vous ue vous etes point confondus dans la bonte , car vous ne savez rougir ; c'est pourquoi vous toinberezparmi ceuxqiii toiubcnt, vous tomljerez au jour ouje vous ferai visile. » Je suis le Seigneur, le maitre , le roi loujours vivaut ; mon indignation ebraulc la terrc , et il n'esl pasde nation qui puisse soulenir ma menace (1). » Voil'a , voila des paroles a la voix desquelles lui peuple lout entier s'agitait, et donf, apres deux mille ans, I'audacieuse energie gronde encore, dominant de son dernier retentisscment {{) .liTt'iii. , c. 7-9. DE LA POESIE POLITIQUE. 4^3 les chants effemines de nos poetes romanciers. Certes , si des ac- cens siiuples et graves comnie ceux dii prophete s'elevaieiit au milieu de la confusion ou nous somnies , ecrasant I'injustice du poids de leur sainte eloquence , enseignant la verite et montrant I'avenir au noni de la Providence , on pourrait s'apercevoir alors que les hommes de notre race ne sont point desherites du senti- ment de I'admiration et de la poesie. La grande satire s'est refu- giee aux colonnes periodiques , et chaque matin les journaux a grande troupe et "a grand bruit prennerit leur volee sur les pro- vinces, remplissant Fair de leurs cris discordans ; les uns men- tant, calomniant, flattant, quetant le pouvoir; les autres met- tant leur parole au gout du jour, vendant leur conscience, mendiant I'argent ; ceux-ci jasant , mordant , raillant , gamba- dant j ceux-la menacant, s'emportant, accusant, combattant ; tous s'injuriant, se disputant, se dechirant. La est compris tout Tart du joui', toute la poesie de la canipagne et de la ville ; muse des terns modernes, tantot epigrammatique el rieuse, tantot tragique et severe, tantot didactique et pedaute; independante du rliytbnie et affrancbie de la contrainte, desordonnee, echeve- lee , licencieuse , puissante parmi les puissans , oracle des peu- ples, reine des palais et des chaumieres. Seul parmi cette cobue entrainante, ce cbcEur assourdissant de voix a heure fixe, un poete lajjorieux et constant a su retenir samuse alexandrine dans le respect de la rime ef, de la prosodie, tout en la faconnant "a I'exactitude bebdomadaire du service, D'autres, moins confians dans la docilite de leur enthousiasme, en sont demeurcs a I'epitre politique et au pampblet versifie. Voici un jeune poete, bouiilaat d'audace et d'ardeur, qui se pre- cipite tout baletant dans la lice: I'aspect d'un peuple passionne avait renipli son ame ; mais, lorsqu'apres trois jours de dignite et de grandeur, il a vu cette noble race de juillet s'effacer sous les baillons de la race de Paris ; lorsqu'il a vu les nouvclles ambitions, les nouvelles vanites et les nouvelles bassesses suinter detoutes parts, revenir a flot, et de nouveau gorger Tegout, le TOME Lll. KOVEMBUE -1 8.T I . 28 424 POKSIK. dedain et la colere I'ont envahi, et il a frappe, frappe avec uiie violence de jeune homme. Au resle, pour terminer, d'uneinaniere plus con forme a la regie de son titre , cet article que j'avais connnenceen vue des lainbes de M. Barbier , et qui s'est eusuite laisse eniporter au de- hors de ses premieres limites , je dirai que la situation toute poli- tique de la plupart des esprits explique facilement I'aureole ephe- mere qui a couronne ce livre et les applaudissemcns qui ont acconipagne I'allure de prostituee de sa muse insolente. Ce n'est pas qu il se soit rencontre dans I'auteur nne de ces pensees crea- trices, de ces inspirations fecondes qui versent "a I'ame une emotion sans cesse vierge, sans ccssefleurie: seulement, entraineeau niou- vement du jour , sa poesic est venue s'adapter a la populace de la rue et a. I'emeute de la place publique. Son procede est pcu varie, et I'analyse d'un seul de ses tableaux donne la cle de tons les autres; c'est une imitalion en vers de cette maniere de pein- ture a couleur foueltee et "a devergondage maniere qui parfois au salon avail I'a vantage de captiver le suffrage des curieux. Le sujet clioisi, M. Barbier le personnifie, le dresse devant lui, rhabille, puis, apres I'avoir figure de la sorte, le decrit avec une energie et une passion quilaissent quelquefois unpen d'affectation se irahir dans un cynisrae voue plulot a Texpression qu'ala pen- see. S'ii veut decrirela liberie, c'est une forte fdle aux puissantes mamelles, qui ne preud ses amours que dans la populace, qui ne se laisse embrasser qu'avec des bras rouges de sang, qui court les camps liabillee en vivandiere, etc. L'emeute, c'est une femme soule qui hurle en battant les murs le long du quai. La popularite? c'est une nymphe impudique qui tient dans ses bras I'univers et prodigue salement ses caresses a. qui en re- clame la faveur. S'il s'agit du peuple, les fornjes a developper, les details a peindre se pressent et affluent. Le peuple des trois jours, c'est le lion qui boudit, bravant les balles, secouant sa crinierc, se jetanl au Louvre, sanglant, haletant, la langue rouge, etc. Le peuple de Napoleon, c'est une cavale sauvage; DE l.A POF.SIE POLITIQUE. 4^5 elle se laisse dompter par le Corse aux cheveux plats qui monte tout, botte sur son dos et la conduit aux batailles, jusqu'a ce qu'un jour elle tombe sur un lit de mitraille et du coup casse les reins au cavalier malidit. Le peuple , c'est enGn la fillc Jc laverne. La fille buvant du vin bleu , Qui veut dans son amant un bras qui la gouverne , Un corps de fer., un ocil de feu ; Et qui , dans son taudis , sur sa couche de paille , ?i'a d'amour chaud et libertin Que pour I'homine liardi qui la bat et la fouaiilc Depuis le soir jusqu'au matin. Le peuple de Paris , c'est le pale voyou , Au corps chetif , au teint jaune comme un vieux sou ; C'est cct enfant criard que Ton voit "a loute heure Paresseux et flanant , et loin do sa demeure BaUant les maigres ciiiens , ou , le long des grands niurs, Charbonnant en sifflant mille croquisimpurs. Assurement ees vers sont heureux , c'est bien le croquis franc et spirituel de Charlet, c'est bien I'enfant de la rue ; mais , en verite, apres ce tableau , le poete pense-t-il avoir decrit ce peu- ple de Paris, si mobile dans sa nuance, si varie dans son niou- veraent, si niysterieux dans la profondtur de ses jugemens?Je voulais teriniiier eet article en essayant'de montrer quel degoiU et quel desencbantement verse aujourd'hui dans une anie d'ar- tiste le morne spectacle de notre societe sans croj^nce, sans elan , sans entbousiasme ; mais je prefere ciler la piece remar- quable qui termine le recueil deM. Barbier et qui, parsa verve deliraiite et son audacieuse inipiete, s'elance comme un blas- pheme et domine de sa hauteur la ligue monotone du reste des lambes qui la precedent. Les ames tendres qui , au sortir du sorameil de I'eufance, viennent a la vie du monde, gemissent douloureusement comme la jeune fille qui , au sortir des reves 28. 426 POESIE. du cloitre, tombeaux bras d'un vieil epoux sans cbaleur et sans ame ; ceci est un gemissement energique. Commc toat jeune coeuf encor vierge dc Gel , J'ai (lemandd d'abord ma pocsie au cicl. H^las ! il n'en tomba qu'une rdponse amfere ! Pauvre fou , cria-t-il , que la pensec altera , Toi qui J haussant vers moi tes deux Icvres en feu , Cherche , comme un peu d'eau , le pur souffle de Dieii , Oh ! de moi n'attends plus de celestes haleincs , Car te vent de la terre a dessechd mes plaines ; II a bruld mes fleurs et , dans son vol fougueux , Fait men sein plus peld que la nuque d'un gucux. L'encens humain parfois a beau fumer encore, Ce n'est qu'un souvenir qui bientot s'evapore ; II retombe a la terre , ct ne va pas plus haul Que la voiite du temple et son froid dcliafaud ; L'homrae enfin ne peut plus parler avec les anges , J'ai perdu tous mes saints , mes vierges , mes archangfts , Tout cepeupledu ciel qu'aux regards des humains, Un homme aime de Dieu , pofete aux belles mains , Raphaijl fit souvent descendre sur ses toiles. Tout est mort maintenant : par-deia mes dtoiles , Par-dela mon soleil nul echo ne repond • Et Ton ne trouve plus qu'un abime profond , Un vasteet sombre anneau sans chaton et sans picrrc , Un gouffre sans limile, une nuit sans lumifere , Une fosse beante , un immense cercueil , Et I'orbite sans fond dont Fhomme a creve I'oeil. Plus de Dieu , rien au ciel ! ah ! malheur et misere ! Sans les cieux maintenant qu'est-ce done que la terre ? La terre! — Ce n'est plus qu'un triste et mauvais lieu , Un tripot ddgoiitant ou I'or a tud Dieu , Oil, mourantd'unc faim qui n'est point assouvic , L'homme a jauni sa face ct decharne sa vie , Ou , vidant la son coeur , liberty, ciel , amour, L'infame a tout joud, lout perdu sans retour Un ignoble clapicr de dcbauche et de crime , Que la mort , a mon grd , irop lentcment dccime ; , Un cloaque bourbcux , un sol gras et glissant , Ou , lorsque le pied coule , on tornbe dans du sang ; DE LA POESIE POLITIQUE. 4^7 Lcs debris d'un banquet , ou , la face rougie , Roulc la brute humaine ; — une effroyable orgiel La , sans frein , sans remords , et prcte a tout rattier , La femelle s'etale h qui veut la payer ; Quant au male, il en rit, il blaspheme, il parjure , II jette a tout visage et la boue ct I'injure ; II tue , il demolit , il monte sur I'autel , SurTor du saint caliccil pose un bras charnel ; Puis il niaudit tout haut la sant^ de son pere, Et meme encore plein du tdton de sa mere , Sa premiere parole , en sortant du maillot. Est pour lui souhailer de I'enterrer bienlot : Tanl la ciipiditd le travaille et le mange, Tant Tor , ce dieu de boue , emplit son coeur de fange . Tant ie souffle de Tor sur son frent abattu, Avant le premier poil , fait tomber la vertu . Ainsi done jetle bas toule sainte pensee , Comme un ^pais manteau dont I'epaule est blessee , Comme un mauvais baton dont tu n'as plus besoin , Au premier carrefour jclte-la dans un coin ; Puis , abaisse la tete et rentre dans la foule ; La, sans but, au hasard, comme une can qui s'ecoulc, Loin , bien loin des sentiers battus par son aVeul , Dans ce monde galeux passe et marche tout seul ; Ne presse aucune main , aucun front sur ta route ; Le coeur vide et Toeil sec , si tu peux , f.iis-la toute , Et , quand viendra le jour ou, comme un hommc las , Tout d'un coup malgrd toi s'arreteront tes pas, Quand le froid de la mort , denouant ta ccrvclle , Dans le creux de tes os fera geler la moclle , Alors, pour en linir, si par hasard tes yeux Se reinvent encor sur la voute des cieux , Souviens-loi , moribond , que la-haut tout est vide; Va dans le champ voisin , prends une pierre aride, Pose-la sous ta tete, ct sans penser a rien , Tourne-toi sur le flanc et creve comme un chien. Rhapsodies, par M. Petrus Borel (1). Ce livre se rattache egalement, bien que d'une luaniere moins directe, aumouvement de notre age; comme il passaitau milieu (1) Paris, 1832 ; Levavasseur. In-<8 dc xiv-124 pages j prix , 3 fr. 4^S POESIE. de la foule , je liii ai tenrlu la main et j'ai insciit son uom ; si je le recommande par le cortege d'nn article , ce n'est point assiire- raent que je veuille le donner pour un bon livre, je crois que I'auteur lui-menie en riraitj niais je le dirai, entre tons, livre original , independant , brut et sans manieres , souvent faux et mal appris , an demeurant vrai dans ses declamations, naif dans ses empbases , sincere dans ses doleances; liagniens epars d'une vie de jeune borame, jctes au debors sans dessein et sans reflexion , puis broches au basard et faconnes en livre. Sous le strict rapport de la forme et de I'art , la lonange n'a pas grand'- cbose a faire en ce recueil, malgre le patronage de la cour poeti- que, jusqu'ici peu celebre, qui a preside a sa naissance, et malgre la guirlande nouvelle des peintres, statuaires, poetes et rausi- ciens, dont les noms protecteurs dominent deleur eclat typogra- pbique le titre de chaque rbapsodie. Ce qui plait dans M. Petrus Borel est moins sa qualite de poete rimeur que ce caractere de franc camarade de sa camaraderie; ce qui plait , c'est cette de- dicace a ses amis, jetee comme un toast au milieu du style dever- gonde de sa preface , francbe et plaisante dans son emportement d' admiration pour ses grands hommes d'ateller, fiere de loyaute et de dedain. « C'est "a vous surtout, coujpagnons , que je donne ce livre ! il a ele fait parmi vous, vous pouvez le revendlqner. II est "a toi , Jeban Duseigneur , le statuaire, beau et bon de coeur, fier et courageux a I'oeuvre , pourtant candide comme une fiile ; courage ! ta place serait belle ; la France , pour la premiere fois, aurait un statuaire francais. — A toi , Napoleon Thorn, le peintre, air, franchise, poignee de main soldatesqiie ; courage! tu es dans une atmosphere de genie. — A toi , bon Gerard ; quand done lesdirecteurs gabelous de la litlerature laisseront-ilsarriver au comite public tes cenvres, si bien accueillies de leurs petits comites. — A toi , Vigneron , qui as ma profonde amitie , toi qui prouves au lache ce que peut la perseverance ; si tu as porte Tauge , Jameray Duval a ete bouvier. — A toi , Joseph Bon- Dli LA POESIE POLITIQUE. 4^9 chardy, le graveur, coeiir de salpetre! — A toi , Theophlle Gau- ticr ! — A toi , Alpboiise Brot ! — A loi , Aiigiiste Mac-Keat ! A toi , Vabre ! A toi , Leon ! A toi , O'Neddy! etc. ; a vous tons que j'aime ! » C'est uue embrassade d'artistes apies le champagne , iin cli- quetis de verres qui se fiappent et se briseiit, un feu d'amitie qui oclate et petille, un delire d'eiitbousiasme qui jetle a la \olee ses proplieties et ses couroniics. Paris est un araas de populatioHs qui se disputent le meme sol, se partagent le luerae air, se heurtent aux memes rues, en- cadrees Tune dans I'autre, maisvivantcbacune en soi, sans souci et sans melange des autres ; siiivant les terns , I'line ou I'autre se dresse , dominant la ^ille, appelant les yeux du monde, se faisant Paris : u:i jour le noble , un jour le bourgeois, un jour le peuple. Ce petit livre seuible ecbappe a la fourmilliere des ar- tistes sans toit et sans corainande, population pen connuc, pen apparente, pen puissante dans ce siecle de roture financiere; gens de cceiir, gens de nioiivement, ardens , vivans, mais re- fouies dans la misere et dans I'ombre, se raniassant par troupes et combattant , folic en tete, I'austere pauvrete : peintres sans toiles el sans coulenrs , reduils "a cbarbonner les niurailles ; ar- chitectes sans inacons, peuplant leurs niansardes de palais sur chassis ; statuaires de poteries sculptant la glaise economique ; compositeurs sifliant leurs fantaisies, ct, comme I'oiseau, \ersant leurs symphonies "a Tecbo solitaire ; divises par socieles joycuses; vivant au cabaret du fonds commun , depensant le genie comme des bouffees decigarres, s'epuisant "ane rienfaire; repnblicains a chapeau verni , appelant les revolntions par amour de poesie et par degout de la prose des bourgeois gentilshorames. Au resie , s'il faut en croire Tannonce du libraire, avant peu nous verrons paraitre en public nombre de ces messieurs qui , lasses apparemment de I'obscurile de leur cour poetique, sorlent de la retraite et s'en viennent ^e jeter a I'aventui'e au travers de la foule : Appel aux jeiines Francais a caeur de lion , par M. Bo- 43o POESIE. rel ; Odelettes, par M. Gerard ; Mater dolorosa, par M. Augnste Mac-Keat, etc. , etc. Nousleur souhaitons boa siicccs, leur re- commandant toutefois un pen moins de pretention h la gran- deur, leur laissant volonliers rencensoir dans I'atelier s'il leur agree, mais leur conseillant de ne point le niontrer an dehors. Enfin , pour ne rien mentir an public et achevcr mon role d'af- fiche developpee , il font bien dire qu'on rencontre quelques meditations sur Saint-Just et le pere Duchesne, qui sontpeudans les moeurs du jour, et, en presence des circoustances nouvelles de nos revolutions politiques , semblent aussi intenipestives que le seraient des meditations sur la Ligue ou Louis XIV. Les peuple ne se repetent pas; nous n'imitons pas plus nos peres que nos grands peres. L'exageration du poignard pent tout au plus se pardonner a Vinspiration d'une emeute d'eludians ou d'une charge de gendarmes. II faut bien dire aussi que I'araour n'est pas toujours traite avec la delicatesse qui convientaun salon ou raeme a un boudoir. Quant a ces assertions, je ne me soucie point de les confirmer par citations authentiques , demandant sur ce point "a etre cru sur parole ; et preferant choisir , pour nos lecteurs , quelque morceau de facture moins etrange; je choisis celui ou cette pauvre ame de poete , abandonnee toute nue aux frimas; se prend a I'eclat d'un joyeux concert, et bourdonne tristeraent aux vitres resplendissantes du salon comme un papillon de la nuit: Son joyeux , importun , d'un clavecin sonore , Parle , que me vcux-tu ? Viens-tu dans mon {;renier pom' insultcr encor A ce coeur abattu ? ' Son joyeux , ne vicns plus ; verse a d'aulres Tivresse ; Leur vie est un fcstin Que je n\ii point trouble ; tu troubles ma detresse , Mon rale clandestin ! Indiscret , d'oii viens-tu? Sans doute unc main blanche, Un beau doint prisonnier Pans de riches joyoux , a frappe sur ton anchc P'ivoirc et d'cbcnier. DE LA POESIE POLITIQUE. 4^ ^ Accompagnerais-tu d'une enfant ang^lique La tiinidc lepon ? Si le rhythme est bien sombre et Fair melancolique , Trahis-nioi sa chanson. Non : j'entends les pas lourds d'une foule ameutde Dans un salon elroit ^ EUe vogue, en tournant par la valse exallde , Ebranlant miir et toil. Au-dehors bruits confus, cris , chevaux qui bennissent , Fleurs, esclaves, flambeaux. Le riche epand sa joie^ et les pauvres gemissent, Honleux sous leurs lambeaux ! Car tout m'accabic enfin ; n(5ant^ misere , envic Yont morcelant mcs jours ! Mes amours brocliaient d'or le crepe de ma vie j Desormais plus d'amours. Pauvre fille! c'est moi qui t'avais entrain^e Au sentier de douleiir j Mais d'un poison plus fort avant qu'il t'eut fanee Tu tuas le malhcur! Eh moi! plus qu'un enfant, capon, flasque , gavachc, De ce fer acer^ Je ne dechire pas avec ce bras trop lache Mon poitrail ulcere ! Je rumine mes maux ; son ombre estpoursuiTie D'un geindre coutuiiiier. Qui done me rend si veule et m'enchaine a la vie?. . . Pauvre Job au fumicr ! JEAN REYN.\UD, BULLETIN BIBLIOGRAPIIIQUE. LIVRES ETRANGERS. AMERIQUE SEPTEINTRIONALE. ETATS-UMS. ■ya. — The Americati Common-place book. — I^c'pcrloirc aiiic- ncaiii dc poeiucs, avec notes critiques j par Georges B. CHiiEVER. Boston , 1 83 1 . 73. — The Pleasures of friendship. — Lcs Plai.sirs de ramitie, et autrcs poesies; par James M'Henry. Ciufpiieme edition. Phiiadcl- \A\\c , i83o. In- 1 8. 74- — The Fulfiment of a promise , etc. — L'accoinplisscinent d'une promesse, etc. ; poernes , de'dic's par Emma Willabd a ses elcvcs. New- York, i83i ; White Gallalicr et White. In-8. Les Etats-Unis , bien que separes depuis long-tems de I'Angleterre . siibisscnl le sort dcs colonies , toiijours reflets de la mere patrie : I'intelligence des homnics s'y de'veloppc dans des travaux d'une utilite actuelle , dans I'industrie, Ic commerce , et dans les sciences qui marchent avec et par I'histoire, s'appuyant sur une de'couverte pour passer a I'autre, et avan^ant par des degrcs en quelque sorte jire'vus et re'gulicrs. Mais les arts qui sont d'instincl , la poe'sie, ce lien mystcVicux qui unit I'homnie a la nature , la matiere a I'esprit , les I'aisant vibrer d'accord ; eel art ineffable qui retrempe et rajeimit les lortes imj)ressions , les pensc'es yigoureuses de Thommc fait , en cm- pruntant aux naivcs joies, aux douleurs expansives, et meme au tendre be'gaiement de Tcnfance, quclques-unes de leurs graces les plus at- Irayantes, c'est la ce qui manque a I'Amc'rique el a toutes les nations transplante'es qui n'out pas de bcrceau , et qui tombcrcnt du trop plein ETATS-ITNIS. 433 et de la coiruption dcs vieilles cilc's. C'est vaincmeiit que Ics critiques de New-York prc'lendent que « le genie de lapoe'sie, en de'scrtant I'An- glelerre, va se fixer sur leurs rivages j que la vie positive est re'Iement dans leque! Ics Muses vivent ct se mcuventj que les memos causes ge'- ne'rales qui donnent la sante et la vigueur au corps politique, et Tacli- vite a tous les travauxdans les diverses professions, devcloppcnt, dans line plenitude proportionnelle , les gcrnies des sentiniens les plus ele- ve's (i).)> Bref, c'est en vain que la Revue amcricaine assure que les doctrines re'trecics d'inte'ret et de bien-etre individuel qui font la pro- spe'rite acluelle dc rAnie'rique favorisenl I'essor de la poc'sie et des arts. Loin de la, les luttes de re'goVsrae mercantile leur sont antipathiques. Les pre'cedcns font les sciences et tuent la poe'sie : car, plus riiomme est pres de la nature , plus il est pocte; les Ame'ricains ont derriere eux pour faner la fraiclieur de leurs images , pour user ct e'puiser leur langue, toute la litte'ralurc anglaise. Aussi c'est cbez les Natcliez, lesWampa- noags , les Iroquois , Ics Moliicans, les mille tribus des bois, des prai- ries, des lacs et des rives des flcuves qu'il faut chcrclier les poetes du Nouveau-Monde. L'histoire du pe;hcur des grands lacs , la vie du chas- seur dcsforet vierges, sont des poemcs pleins de mouvemcnt , de frai- clieur, de sublime : I'ignorant sauvage n'e'crit pas cc poeme: il le fait , il en joiiit , il I'empreint de iioesie. Coojicr I'a senti , et c'est au ma- telot qui s'identille avec son vaisseau et dort a la musique des vagucs; c'est a riadien, dont l' esprit erre dans les bois avec les brises , dont les regards plongent dans les savannes , qu'il a demande des insj)irations et une littcrature que rArae'rique policc'e n'avait pas j mais ccs tribus sau- vagcs mourent, ear dies n'c'taient que poe'sie , et la civilisation e'paisse et positive d'un peuple de coinmergans les e'touffe. Cooper a rafraichi iin moment I'imitation dc Walter Scott dans ccs sources de vie , de telle sorte que nas premiers journaux litte'raires n'ont pas ciaint de le raettre au niveau et memc au-dessus du romancicr liistorien , dc ccliii qui a d?'tr6ne' les he'ros et reporte I'interet sur les masses , et qui, tout toiy-qu'on I'accase d'etre , a scrvi de tout son genie la cause populaire, celle de tous contre quelques-uns. Neanmoins le son natif que la lyre americaine, jusque la faiblc echo du concert de la mere palrie , a (!) N-}Hh Jmerican /fei'(eu'(octohrc i«5l , p. 2y»-2ai>). 434 LIVRES ETRANGERS. rendu sous les doigts de Cooper, est isole , et la longue lisle dc poetes et de poe'sies que nous prc'sente M. Chcever , bicn qu'on le loue de n' avoir rien oublie' de saillant , n'enricliira pas beaucoup la litte'rature. Ce n'est pas un nouvcau ton ajoute a riiarmonie du monde , c'est un loin- tain retentissement. Dans ce norabreuxessaim de poetes , je distinguerai cepcndant Bryant et Dana : tons deux suivent le mouvement litteraire que Byron , Scott , Wordsworth et Crabbe ont imprirae a I'Anglcterre, et qui s'e'teint dans les voix affaiblies de Coleridge et de Southey. Mais ils ont mele aux impressions des poetes anglais quelque chose de leur propre fonds : il y a de I'emotion religieuse dans les chants e'leve's de Dana. Wordsworth, qu'ilimite souvent, est certesplusharmonieuxj il a la marche bien autre- mentsouple, ondoyanle et capricieuse- mais on aurait peine a trouver dans les morceaux les mieux inspire's du poete du lac un enthousiasme plus profonde'ment senti que celui qui s'exhale dans quelques pieces dc Dana , entre autres dans ces vers sur rimmortalite' : « Ce saint mot est ecrit sur le rayon limpide Que la lune argentee epanche dans le vide ; | II Ilotte sous I'dclat du couchant ; et la nuit, Dc longs crepes voilee , a pas lents et sans bruit , A notre couclie vient parfumcr notrc oreille Du son vague et divin. L'aube aux gloires vermeilles , Le soir pcnsif, et I'ombrc , et Ic jour radieux ; Et les terns , et Tespace , ct la terre et les cieux , Comme un vaste instrument sous une main puissante , Vibrant dc joie , ont dit la parole vivante , Iinmortalite ! » Ces elans de poe'sie se noicnt dans des de'veloppemens the'ologiques et techniques : tout, en ce monde, a sa partie poe'tique et pitloresque, et sa partie dogmatique. Lacire et le miel sont dans le calice des fleurs; I'a- beille prend tout, puis se'pare ; il ne faut que le miel au poete. Bryant imite assez souvent les coupes des stances de Byron , dans Don Juan et Childe-Harold. Cepcndant il s'cssaie vainement a narrer en vers , ses intentions dramatiques e'chouent. Et si le nom du poete du 19'' siecle vient un moment a I'esprit en lisant les poesies descriptives de Bryant , c'est a des inspirations pleines dc fraichcur et d'un sentiment dc jouis- ETATS-UNIS. 4^5 sancc au sein d'une nature ncuve et feconde qu'il Icdoil; nous cile- rons en preuve ses belles stances au vent dii soir. Esprit , dont les soupirs ent'i-ouvrent ma croisde., Quand , sur le soir , du jour tii viens calmer les feiix, Et sur mon front brulant secoucr la rosee ; Tout lejour, chevaiichant les cretes des flots bicus, Au large , lu I'es plus , sur la vague brisee , A disperser I'ecume, a poursuivre joyeux La voile qui se gonfle : ah , viens! accours, rapidc , De tes moites baisers couvre la plage aridc. Je n'appelle pas seul ; des millicrs , Esprit, Pour vivrc de Ion souffle implorent ton passage ; Le mouranl se ranime , et notre pouls bondit Quand ton ailc frissonne, en rasant le rivage ; L'herbe au loin se deroule et sous ton pied fremit^ Ton haleine, en passant , reverdit le feuiUage : Cours, et sois ici-bas , ou Tombre va croissant , Le souffle cr^ateur venu du Tout-Puissant. Va, berce en te jouant , I'oiseausur sa nichee ; Fais rider Teau des lacs , autres cieux eloiles : Enleve, en laroulant, la fcuille dessecli^e, Ou , courbant des vieux bois les fronts echevelcs, Eveille 1 harmonic en Icurs ramcaux cachee, Mystiques sons , accords doux, inarticules. La branche, sur ta route , accueille ta venue, L'onde souril , la flour s'incline et te salue. Le vieillard cpuise baisse un front soucieux : La sueur a brills sur les tempes bleuatres Do I'enfant endormi : Va secher ses cheveu\ , Ses levres s'ouvriront "a tes baisers folatrcs : Et I'ami qui, pencb(5 sur un lit douloureux, Surveille d'un ami les maux opiniatres , Ouvre , des que ton aiie a frole les vitraux, _ Car ton haleine pure apporte le rcpos. Cours ; tout change en ce monde , et meurt et se ravivc ; Demain, I'aubc rendra tes caprices aux mers, Tu rempliras au loin la voile fugitive Des bruits de la cil»f> viai ; la seconde , en pailaut iiiutilcmciU d'unc mauicrc liO|> flcnrie , 446 LIVllES ETRANGERS. par des chants passionnes qui excitent dcs de'sirs irapiirs, etc, ; la troi- sieme , en tenant un langage vulgaire et grossicr ; la (juatrieme , par duplicite, en faisant comprcndrc une chose d'lmc fa^on a I'un et d'unc facon a I'autre , etc. CiNQUiEME LOi. — Tu ue boims point de liqueurs fortes. — Le commentaire cite plusieiirs exemples de de'soidrcs commis par I'ivro- gnerie. SixiiiME LOI. — Tu ne parjumeras pas tes cheveux sur le som- met de ta tete , et tu ne peindras pas ton corps. — Le commen- taire dit que, dans I'lnde, on a la coutume de se j)ai-fumer le sommet dc la tete avec desfleurs, et que les principaus dcs haljilans pcignentaussi leur corps; mais un pretre de Bouddha ne doit pas agir ainsi. Septieme LOI. — Tu n'entendras pas des chants , ni ne verras des pantomimes , des pieces de theatre, et tu n^ en executeras point toi-meme. — Le commentateur s'iudigne a la pensec que ces choses puissent sc'duire un pretre bouddhique. HuiTiEME LOI. — Tu ne te reposeras ni ne te coucheras sur une haute et large couche. — Le commentaire remarque que la couche d'un prelre bouddhique nedoit pas etre plus elevc'e que cello de Boud- dha lui-meme , qui u'avait que la dix-neuvieme partic d'une coude'e. Elle ne doit pas etre enloure'e de flours ni d'autres orncinens. Neuvieme LOI. — Tu nemajigeras pas a heure indue. — Le commentaire dit que I'heure indue est apres raidi. Les c3[)rits du ciel mangent le matin , les bhouddhas a midi , les betes apres midi , les demons la nuit , et d'autres choses de cctte force. Dixieme LOI. — Tu n'auras en ta possession aucune figure de metal ( une idole ) , ou d'or, ou d' argent , ou d'une matiere de prix. — Le commentaire ajoute que tons les homines avares et avides devientdu droit chcmin ; remarque fort judicieuse. II dit que Bouddha a fait connaitie que Tor et I'argcnt e'taient des productions de la lei'ic dont les pretres ne devaient pas faire usage. » Les notes de M. Neumann prouvent autant d' esprit que d' erudition. Nous soLihaitons qu'il nous fasse bientdt part dc sos nouvcaux li-avaux. l.ede'faut de tcxtc nous a empeche de comparer sa traduction a I'ori- ginal ; mais nous pcnsoiis qu'ellc esl exaclc. P. GRANDE-BRETAGNE. 441 8 1 . — ^7i Essay on the distribution of wealth, etc. — Essai sur la distribution de la liclicsse et sur les sources de I'impot , par le re've- rcud Richard Jones , du college de Gonville et Ca'i'us, a Cambridge. Londres, 1 83 1 ; John Murray. Grand in-8° de 4'-i4 P'^g^s. 8'2. — Letters on the cholera in Prussia. — Lctlres sur le cho- lera en Prusse ; par F. W. Becker , professcur de rae'decine a I'Uni versite, et ine'decin d'un quartier de Berlin. Lettre premiere a John Thompson , professeur de rae'decine et de pathologie ge'ne'rale a I'uni- versite d'Edimbourg : des Causes du Cholera et des mo^-ens de le pre'uenir. Londres, i83-2; John Murray. M. Becker, dans la grande querelle de contagion et d'infection , sc prononce , trcs-de'cidement , pour la contagion. II avoue qu'il y a pres- que toujours des causes de'terminantes , telles que Ic froid, la fatigue , I'ansie'tc d' esprit, I'usage immode're' de nourritures ou de bolssons. Mais ces causes ne produisent la maladie qu'aux licux et aux e'poques ou I'e'- pide'mie est de'clare'e, et ou, selon lui, clle aiu'ait e'te' importe'e; car il la croit produite paries exhal lisons des corps des cliole'riques, et il apportc en preuve : i° la maniere dont la maladie s'est e'tendue a travers les dii'fe'rentes nations de I'Asie et de I'Europe , augmentant d'intcnsitc' a proportion que les populations e'taient plus serrces et les communica- tions 2>lus fre'quentes; marcbant, non pas seulement du sud-est au nord- oucst comme le pre'tendent les me'decins qui tienncnt pour Tepidcmie , mais , a I'ouest comme a Test , au nord , au midi , sans consideration de longitude ou de latitude, de niveau, de froid, ou de chaud, ct en suivant les routes et surtout les rivieres. M. Becker en re'fere, quant a la marchedu cholera en Asie,au rapport de M. Moreau de Jonnes.{\). •i° Le medecin prussien met en avant la maniere dont le cholera s'e'- tend dans les villes ou il parait , en suivant toujours les lignes de com- munications , et il apporte en preuve une suite de faits sur la maniere dont la contagion, entree par la navigation de la Spre'e, s'est propagc'e dans Berlin. 3" Ijc retour de la maladie dans les maisons ou ellc a paru une fois. Le docteur ne dissimule pas que ses antagonistes jire'sentent le fait con- traire a I'appui de leur opinion , savoir: que le plus souvent un malade ft) So\<:i Rcviic JCncyclopc'difiuc , Ionic L ,jiiin, 1851, [laye 42 t el suiv. 44S LIVRES ETRANGERS. t'st sciil attcint du cholera qui e'pargnc tons Ics aulres habitaiis de b maison. Cola nc pcut ctre rcgarde comiuc un argument , dit M. Becker, cc fait poiivanl etrc explique par Ic prompt transport du malade a I'ho-' pital, le soin pris par les voisins pour e'vitcr I'infection, ct vivre de iiianierc a dctruirc tonic tendance a prendre la contagion ; predispositions qui ne seraient pas nioins indispensablcs pour contracter le cholera, quand niemc il serait e'pidcmique ; cette observation dc'truit , selon le luedccin prussien, laraisonconcluantedesanti-contagionisles.Tldonne udc table du nombre de fois que le cholera a reparu dans les maisons oil il s'e'tait deja montrc' a Berlin. II y a eu dans la ville sept cent soixante-dix malades (dont vingt-neuf avaient e'te trouve's dans des bateaux et dans la rue). Une scconde attaque dans la maison oii le cholera avaitparuacu lieu Le lendemain fi5 Apres deux jnurs 54 — trois 29 — qiiatre ■) t> — cinq 11 — six 7 — sept 3 ~ hnit 2 — neuf 0 Total 161 M. Becker cite nombre.de cas, dont il a etc tc'raoin, ct qui, a son avis , meltcnt la contagion hors de doutc , et dc'truiscnt toute probabilite que Ic cholera soit le fruit dc quclque agent tcrrcstre ou atmosphcrique. II rcgardc comme contes populaires les bruits qui ont circule que le poison , principe du chole'ra qui infectait I'air , attaquait d'abord les animaux et surtout les oiseaux. II affirme qu'il est faux que les ha- bitans dc Moscou , en fuyant Icur ville attaque'c, n'aient pas porte la maladie avcc eux ; au contraire, ils I'ont rc'panduc dans les provinces adjaccntcs : apres avoir donnc I'opinion de M. Becker sur la contagion, ilestinutile dedire qu'il rcgarde I'enqiloi duchlorureeldcs de'sinfectans comrac tout-a-fait inutile , et conseille les cordons sanilaircs ct Ions les luoyens possibles d'isolcr les malades. Les mesures preventives me jia- laissent plus redoutal>lcs que le chole'ra lui-memc; sans rela, apres I'a- GRANDE-BRETAGNE. — ALLEMAGNE. 449 voir 111, je serais tentc de me ranger dc I'avis du docteurprussien, tant dcs chiffres et des fails sont clioses difficilcs a conibattrc. J—de. M. ALLEMAG.ME. 83. — Ueber die Hauptperioden der schcenen Kunst. — Snr les e'poques principales dcs bcaus-arts, par Amadeus Wendt, profes- seiir de philosopliie a runiversite' de Goettingue. Leipzig, i83i j Am- brosiiis Barth. In-S" de 3'y8 pages (i). M. Wendt e'tait deja connu par la continuation dcVHistoire de la philosopliie de Tcnncmann. Nomme pour succe'der a Bouterweck , dans la cliairc de philosopliie et d'estlie'tique de I'univcrsitc dc Gcettingue, jl vient de de'buter dans cettc cbaire par un ouvragc sur les epoques des beaux-arts. L'AUcmagne possede sur ce sujct de nombreuses theories ct une foule de traitc's historiques; mais, conime bistorien , M. Wendt a classe les e'poques autrement qu'on ne I'aA^ait fait , et par 'a prcsente'le dcveloppement del'artsous un jour nouveau; comme phi- losophe, il cousidere I'art d'un point de vue plus c'leve' qu'on ne le fait ordinaircment. Ses ide'es sur le beau ct sur 1' essence dc I'art ne sont pas neuves pour qui connait les ouvrages de Schclling , de Hegel et de Krausc , et il a en particulicr fait dc trcs-nombreux emprr.nts a ce der- nier; mais , loin de lui en faire un reproche, nous aimons a louer cette aptitude aux ide'es ge'ne'rales, cette sagacite'philosophique qui Ini fait adopter et de'velopper les vues les plus larges , ct qui lui donne, sui- vant nous, une si grande supe'riorite' sur son pre'de'cesseur Bouter- weck. M. Wendt a concu le lien qui rattache I'art et le dc'veloppcnient de I'art a I'ide'c religicusc. La beaute', dit-il, est un attribut de Dicu. Dicu, en qui est I'univers, se manifcste dans I'univcrs ; et cette mani- festation , ce reflet de Dieu dans les phe'nomenes ct dans les formes du monde , lorsqu'il est concu par I'csprit ct senti par le ccieur, produit dans r.homme ce sentiment actif , dont les beaux-arts sont I'cxpiession divine. Les beaux-arts sont en harmonic avec la religion ct la science; (1) On Irouve, aParis, chez MM. Heideloff ct Campc, librairrs , rue Vivieiinc, n° 1 1, les ouvra{;cs les plus nouvcaux publics par la lihrairic allcmande , cl ciiln? auucs ceux qui soul annonccs dans la Revue. 45o LIVRES ETRANGERS. car Dicu est leur source , leur objet commiin. Les beaux-arts ct la science forment les deux aspects principaux de la vie , qui se re'vele par la religion dans toute sa plenitude ct sa syntliese. Par la religion , riiomine tout entier comraunie avec Dieu. C'est de la religion que de- coulent les beaux-arts; c'est clle qui en est, pour ainsi dire, le foypr intcricur, invisible. Nous sommes touta-fait d'accord avec I'auteur sur tous ces points ; mais nous aurions desire qu'il eiit donne plus de de'velopperaent a ces ide'es ge'ne'rales. C'est a cettc lacune que nous altribuons la du'fectuosite' de ses divisions historiques. M. Wendt reconnait que les e'poques des beaux-arts , parlie de la vie de rhumanite, doivent correspondre aux epoques de la vie liumaine individuelle , aussi bicn qu'a celles de la vie de I'humanite' considc're'e coinmc im etre collectif. Mais en vain cher- cLeriez-vous dans son ouvrage la realisation historique de cette idee qui n'a e'te' jjour lui qu'une intuition obscure. L'luimanitc' est dcstine'e a passer par trois grandes e'poques. La pre- miere se pre'sente avec le caractere de I'unitc' , de I'infini , de I'absolu , de riiumobilite : alors les diverses parties de la vie humaine ne sont pas encore entierement de'veloppees ; celles meme qui ont repu quelque de'veloppement offrent un aspect informe , bizarre , et contraire a la vraie beaute'j la religion est encore a I'e'tat d'un panlhe'isme abstrait, sans vie, sans activite; et les beaux-arts cnfin ne pouvant pas reprc'senter I'infini, I'absolu dans les formes finies , qui seules leur conviennent , de'naturent ces formes, pour les assimiler a I'infini, en les rendant monstrueuses et bizarres. Dans la deuxieme e'poque, Thumanite entre dans la varie'te, la raultiplicite , rautagonisme; les aspects divers de la vie liumaine lultent ensemble; la religion devient le polytbe'isme mate- riel ou le monotbeisme spirituel , qui met encore Dieu et I'humanite' en opposition , en placant Dieu hors de I'humanite' et de I'univers. Alors les beaux-arts offrent le spectacle d'une vie e'nergique, agite'e , indivi- ducllcj et , sous le rapport religioux, leur puissance consiste a pcindre rhumilite ct lede'chirement du coeur dc I'hommc , qui se voit separe, abandonne' dc cet etre qu'il cb.erche e'ternellement hors de lui , parce qu'il ne Ic trouve pas en lui. Mais cet antagonisrae, qui dure encore , ne saurait^ltre I'c'tat dc'finitif de I'humanite. L'humanite attend une troi- sieuie e'poque, qui s'approchc deja a grands pas, oil Vharmonie de ALLEMAGNE. 4^1 loiile 1.1 vie Inimaiue, de tout cc qui s'est dc'veloppc dc bicn dans les epoqucs prc'ce'dentes , dc tout ce qui va suivre de plus beau , de plus luimain, de plus divin, re'gnera sur la terrc; oil la religion , la science , les beaux-arts , I'industrie , refle'teront dans la vie , dans la socie'te , cc lien par lequel ils sonl e'ternelleraent unis en Dieu. M. Wendt n'a eu qu'un le'ger pressentiment de ces ide'es; il est en- core au dualisme ; car apres avoir c'tabl; deux epoqucs des arts oppo- sees entre elles , il nie la possibility d'une barinonisalion de ces e'poqucs. Mais poursuivons plus en detail ses ide'es sur la division des epoqucs des beaux-arts. L'objct des beaux-arts , dit-il , est tout ce que rhoramc pent concc- voir , sentir et imaginer. Ces conceptions , et ces sentimens qui sont ex- primes dans les beaux-arts, il les appclle Videe, ou Y ideal; et il leur oppose la forme , par laquelle I'art se manifeste d'une maniere visible. Ces deux e'le'mens, dont se composent I'art, donnent naissance , d'apres IM. Wendt, a deux c'poques distinctes, suivant que I'un ou I'au- tre, Videe ou Xa forme , Vinterieur ou Vexterieur, V esprit ou la ma- iiere , pre'domine dans le de'veloppemcnt de I'humanite'. Mais cette division est-cUe bonne? pcut-on ainsi opposer la forme a I'idc'e? N'est-il pas evident que la forme est toujours Ic re'sultat inevitable de Videe , c'est-a-dire des objets qui sont rcpre'scnte's dans les arts. D'oii il suit que les arts ont autant d' expressions et de formes diverscs qu'il y a d'oljjets aiixquels ils peuvent s'appliquer, et qu'il y a autant d' e'poqucs historiques que Ic ge'uie de I'art pcut concevoir d' objets divers a son activite. Mais quels sont ces objets qui se re'velent dans les arts? N'cst- cc pas Dieu, I'esprit, la nature, et cet elre collectif, Ihomme et I'Lu- manite', qui est I'harmonie vivantc de Dieu , de I'csjHit et de la nature, Ic miroir de I'univers , le microcosme ? Or , rhumanite passe dans son de'veloppemcnt par trois grandes epoqucs, que nous avons cssayc d'es- quisserplus haut. Ces c'poques sereprodui sent dans I'histoire des beaux- aits sous tous les aspects que I'art pent cmbrasscr ; cela est si viai que M. Wendt, quoiqu'il soit encore bien loin d'cn concevoir ioute la ve- rite , est force' d'e'largir la signification des mots de forme et d'ide'e pour qu'ils puissent devenir les principes fondamcntaux d'une juste division de riiistoirc. M. Wendt e'tablit trois c'poques. La premiere est celle de Vart anterieur aux Grecs , ou I'ait des Indiens, des Egyptiens, des 4^3 LIVRES ETR ANGERS. Pcrscs, cles Ilo'breux, clcs Chinois ct des Phe'nicicns; la seconde est celle de I'art grec ou plastique des Giecs ct Remains ; la troisieme celle de Vart gerinanique. Quant a la denomination de la troisieme e'poque , elle est evidcrament fausse , parcc qii'elle est trop e'lroite. Car, quoique Ics Germains sesoicnt mele's avec presquetoiis les peuples qui ont coope're' a I'art raodernej, et que dc ce melange soient rc'stilte'es les langucs moderncs , ce ne sont pourtant ni les Gern.ains ni lour langue qni ont produit cet art moderne , ni jouc le role principal dans son developpemcnt ; c'est le ge'nic de Ions les peuples qui en a etc le cre'ateur. D'ailleurs, I'art moderne ne peut plus porter le nom d'un peuple. II y avait des peuples dans ranliquite; mais depuis dix-liuit siecles il existe une communion plus sublime, plus generale , dont les peuples europe'ens portent I'empreinte et Ic caractere; c'est le christia- nisme; ct I'art moderne n' est pas germanique , mais chre'tien. Exposons maintenant les caracteres que M, Wendt a assigne's a cliaquc e'poque. II rcconnait le caractere d'unite' et d'absolu dont est revetu I'art oriental. L'csprit humain est encore involontai- rement et a son insu enlace', pour ainsi dire, dans les liens de I' unite', manquant de varie'tc vivantc) il est encore accahle par la con- templation de I'univers; il n'est pas libre, et par consequent il ne sau- rait rendre librement les impressions que lui font e'prouver les objets exte'rieurs; 1' esprit pressent plus qu'il ne peut donner aux sens, ct ce sentiment sombre et illimitc' s'exprime par des oeuyres de'mesure'es. Le caractere de'mesure' et monslruenx est intimemcnt lie avec celui d'in- de'tei'mine, et avec la predominance de la signification sur la forme. La SVMBOLIQUE cst Ic caractorc predominant de I'art oriental. L'esprit luimain, ne pouvant pas rendre I'infini dans les formes linies, veut faire du fini une representation , un symbole de I'infini. La poe'sie, a cette e'poque, ne peut pas elre range'c parmi les beaux-arts, parce qu'elle ne s'cst pas encore scpare'e de I'imitation de la nature, et n'a pas encore acquis une individualite vivante, et Findividualitemanquait, parcc que l'esprit, absorbe dans la contemplation dc I'absolu, ne s'c'tait pas e'levc a la conscience dc la libre personnalite. La poe'sie indienne lie saurait done reprcscnlcr une vie agite'c, varie'c: aussi les anciens In- ■dicns ne connaisscnt-ils pas la representation dramatique. C'est une ■sympatliie lcndre,nnissanl riioiiimc avec loutc la nature, qui rogne dans ALLEMAGNE. 453 la poe'sie incliennc. Mais cetlc confusion dc rinfini et clii fini etait cnrorc ])lus de'favorable a \si plastique qii'k la poe'sie, parce que Ic fini bicn distinct est le domaine dc la plasliqnc j par consequent la forme hii- 7?ia/;ze, expression la plus haute du fini, ne pouvait pas etre repre'senlc'e. La symbolique e'gjplienne est dune part plus univcrscUe que ccllc des Indiens, parce qu'elle se rcpand sur toutcs les relations de la vie; d'autrepart, le divinyportc plus le caractere d'un pays determine. Les Egypticns sc plaisaient surtoul a cxprimer I'infini par les oeuvres gi- gantesques de V architecture. Leur plaslique se bornait, dc raemc que celle des Indiens, a la representation des animaux. CLcz les He'breux, dont la religion met Dieu au-dessus du monde ct ne reconnait dans le mondc qu'une ceuvre de Dieu , il se trouve deja nne opposition , im antagonisme , ct la symbolique se manifeste dans la comparaison, dans le parallele, oil I'image est ojjpose'e a I'ob- jet. — Mais dans tout I'Orient I'art n' etait qu'un moyen, et cc n'cst qu'en Grece qu'il rcfut une vie propre et individuelle. Avec Vart grec commence la deuxieme epoque de Vhistoire des arts. Dans I'Orient, la forme sc rapporte a quelquc chose d'exte'rieur , Yidee ct Xa forme e'taicnt separe'es; mais dans I'art grec Tide'e de I'ar- tiste est dans I'ceuvre comme I'ame dans le corps; I'esprit est dans la forme, et parce que I'esprit se refle'chit tout entier dans son ojjjet, le caractere predominant de Vart grec est la naivete. L'artiste se donnc dans son ceuvre tcl qu'il est, il prend les objets d'aprcs leur caractere individuel, et la heaute indi\'iduelle est un trait distinclif de Tart grec. C'est pour cela que la piastique qui exprime I'individuel, le determine', et surtout ce genre de piastique qui est I'image la plus fidele de la forme humaine ,,la statue , a acquis en Greceson plus haut dcgre de perfection. Quant h la poe'sie, Timportance dont jouissait I'in- dividudans le monde grec devait en faire la patrie de Vart lyrique,m.n est r expression d'un sentiment momentanc et individuel de rhomme; mais il ne pouvait prendre un cssor sublime que sous I'inspiration d'une religion qui , renversant les sentimens e'troits de la cite ct de la patrie, mcttrait I'hcramc en rapport avec tout I'univers, en lui faisant partout rcconnaitre I'image dcrEternel. La profondeur du monde invi- sible, du monde sjmpathique , restait inaperfue; le domaine des pres- sentiracns celestes etait encore ferme. Ce qui domine dans I'art grec, c'est 454 LIVRES :^TRANGERS. la contemplation ct iion Ic sentiment. L'art dramaticjue , on le jcii du de'vclopperaciit dcs caiacleics individuels, dcvait ctre Tart le plus favo- rise. La peinture dcvait lester dans I'c'tat d'inferioritc , par Ics memcs raisons qui firent predomiiier la plaslicpie ; car , dans la peinture , il s'agit plus de I'expi'ession mobile du sentiment que de I'empreinte du- rable du caractere. — Tout ce qui a etc dit de l'art grec s' applique en general c'galemcnt a l'art romain. Maisl'ancien monde perit, aprcs avoir accompli la phase du devclop- wment dc I'humanite qui lui cftait re'servc'e. Le cidte, la glorification du monde exterieur , materiel , avail c'te' sa mission ; elle fut digne- ment remplie. L'autre face de I'bumanite, le monde spirituel allaitcora- mencer son de'velop^>cment ; et de meme que le cube du monde mate- riel avait eu sa religion, 1' esprit devait obtenir sa consecration par une religion spiritualiste , et le cbristianisme parut. L'esprit se replia sur lui-meme, et alors ce monde d'ideesetde sentimens se montra dans loutc sa profondeur, dans toute sa ricliesse, avec tons ses prodiges. Les beaux- arts furent revetus d'une nouvcUe forme. L'arliste creantsous I'inspira- tion de la nouvelle religion cbercbait avant tout a rcpresenter les sen- timens , les pensecs , les de'sirs , en un mot Vetat interieur dc I'bomme. J/objectivite, comme on dit, la naivete du monde ancien disparut , et la sentimentalitz , cclte forme de l'art par laquelle les sentimens que font e'prouver les objets s'expriment plus dircctcment 9 scuU- enfin une forme particulicre de cct etie organiquc , comme etrc humain , rationnel et perfectible ? Quand nous sommes liberaux , nous le sommes dans un but pratique et determine' , qui excite tout notre in- tc'ret; nous n'avons point le Icms de regardcr derriere nous; qu'il nous suffise done de re'pondre au philosopbe : Cela va sans dire, ami : eh ! oui , nous sommes des hommes libres , nous sommes des hommes , en un mot, nous sommes, » - Nos lecteurs voudront bien nous pardon- ner cctte citation d'un journal litte'raire de Stuttgart , qui resume de la sorle son jugemcnt sur I'ouvrage de M. Gambihler. Si les liautes ab- stractions de I'auteur , pour de'duire de I'ide'e d'etre celle du libe'ra- lisme, et pour i-attachcr ainsi cette forme politique au monde de la pen- see , ont prodiiit sur un liberal allemand le meme effet que les raison- nemens d'un homme qui , avant de manger , Aoudi'ait trouver le lien logique entre les idc'es elre et manger du r6ti , qu'en penseront done les lecteurs franfais? Et.pourtant, selon nous, ce serait une erreur et une injustice que de juger de'finitivement cet ouvi'age d'apres une sem- blable analogic. Sans parler memo des sentimens ge'ne'reux de I'auteur, nous ne partageoiis point I'avis du journaliste de Stuttgart. Cette publi- cation nous parait avoir une grande utilite' pour son pays qui pent y trouver une parole d' alliance entre les speculations philosopbiques, aux- quelles il est enclin , et ses inte'rets positifs. S"]. — Deutschlands Ferghangenheit und Zukunft, etc. — Du passe et de I'avenir de I'Allemagne , des dangers qui la menacent, et des meyens de les e'vitcr, par le docteur Ernst Munch. Deuxieme edition , revue et augmenteV. La Haye , i83i ; Hartmann. L'auteur de cet e'crit I'a dirige' centre un parti politique d'AUema- gne , qu'il lui plait d'appeler le parti des liberaux franfais , et il tache de prouver a ses compatriotes que la Prusse doit etre conside're'e comme le centre et le point d'appui du parti liberal national et germanique, qu'il regarde comme radicalement oppose au premier. 88. — Der Foelker Fruhlijig, etc. — Le Printems des peuples et ses annonciateurs , par Jordaji Bkvisov . Nurnberg, i33i; Hoffmann et Campe. Les aunoncialeurs de ce prinlems sont, pour Taukiir, Bocrue. Heine et Weitzel . 46o LIVRES ETRANGERS. 89. — Franz von Spauns politisches Testament , ein Bei- trag, etc. — Testament politique de i^rares de Spaun , Essai d'histoire de la libcrte de la prcsse en general, ct particiiliereiTient en Baviere, puLlie par le doctcur Eisenmann. Erlangen, i83i j Palm et Encke. 90. — DeutscJiland , was es ist, etc. — L'Allcmagnc telle qu'ellc est et telle qu'clle doit etre , particuliercment en ce qui concernc la Prusse et la Bavicre. Deux-Ponts , i83[ 5 Ritter. 91. — Prenssen oder Andeutung, etc. — La Prusse , on avis sur la direction politique qu'elle doit prendre, ^axunPrussien. Niirnberg, i83i ; Canipe. In-i8. ga. — Ueher Freiheit, etc. — Sur la libertc', ses conditions et ses obstacles, par le doctenrM. C. Weber. Breme, i83i j Hcyse. 93. — Ueher jetzigeZeit , etc. — I)u terns present et de la poli- tique de I'Alleraagne , par le conseiller d'etat Reiniiard. Karlsruhe et Baden, i83ij Marx. 94. — Beitrcege zur^Eroerterung , etc. — Matcriaux pour I'examen des affaires de notre pays , rassemble's et public's par Henri Charles Hoffmann. Premier vol. en 3 livraisons. Darmstadt, i83i ; Leske. Get auteur est deja connu trcs-bonorablement par une histoire d'Al- lemagne , et par les persecutions dout il a etc' victime pour la cause do la liberie'. 95. — Der Liberalismus in seiner weltgeschichtlichen , etc. — Le Libe'ralisme dans son de'veloppement historique , par L. Peters, Leipzig, 1801 5 Weigaud. 96. — TFas ist RecJitens wenn die etc. — Qii'y a-t-il de mieux a faire quand le pouvoir d'un e'tat agit contre le but de sa constitution , par F.-K. de Strombeck. Troisieme edition^ augmente'e. Bruns- wick, 1 83 1 5 Vieweg 97. — Ueber die Nothwendigkeit der Herstelhing , etc. — Sur la ne'cessite du re'tablissemcnt de la Pologne, particuliercment par rapport a la Prusse et a TAutricbe. Niirnberg, i83i; Fr. Campe. In- 18 de 38 p. C'est un re'cit succinct et fidele des eve'ncmens qui ont prepare' 1' ex- plosion de la derniere revolution de Pologne , et un expose des raisons i ALLEMAGNE. '" • - 4^1 v|ui doivent faire considerer , par tout liomme impartial , le retalilisse- ment de cet etat (retablissement inevitable si Ton no veut pas snpposer r extermination d'lm peuple de 'lo millions d'liommes), comme reVe'- nement le plus utile pour la liberte et la paix de I'Europe. Nous ne doutons pas que ce petit e'crit ne contribue puissamment a dissiper en AUemagne le resle des prejuge's que I'inte'ret mal entendu jdes uns et I'esprit re'trograde des autres auraienl pu repandre sur ce sujct, et a faire accomplir bientot par les peuples les proniesses raensongercs des rois. 98. — Der Freiheits Kampfder Puhlen, etc. — La Campagne de la liberte des Polonais centre les Russes; i'" partie, jusqu'au 3i mars; la 2^^ dc cette e'poquc jusqu'a la mort de Die'bitsch. Altcnburg et Leipzig, i83i; Engclmann. C'est la continuation d'un ouvrage public dans la meme li])rairie, sous ce titre : Pohlens Schiksale , etc. (Sort de la Pologne dcpuis 1763). 99.— Geschichte des Polnisclren Folks, etc. — Histoirc du peuple polonais et de sa campagne de 1 83 1 , d'apres les documens officicls et particulicrs , par le docteur Spazier. Ansbach, i83i; Dollfuss. 100. — Kritische Zeitschrift, eic. — Revue critique de jurisprudence ct de legislation e'trangeres , publie'e par MM. Mittermaier et Zacha- RiAE. 4""^ volume : i"^*^ livraison. Heidelberg, i83i. II vient de paraitre un nouveau cahier de cet important recueil, re'- digc par de savans legistes, tant de 1' AUemagne que de la France et- d'autres pays. Voici les litres des ]>rincipaux. articles qu'il contient: Expose' critique de la legislation franfaise sur les faillites, ])ar M. Foelix , avocat a la cour royale de Paris ; Sur les codes des Indiens, par M. Spangenberg, conseiller a la cour d'appel de Celle. C'est un cxtrait rae'tliodiquc , mais secet peu nouveau, d'ouvrages public's dans les Indcs et en Anglelerrc. M. Spangenberg est connu.,2iar un ouvrage fort remarquablc sur le systeme pe'nitentiaire; De la philosophic du droit en France , par M. Warnkoenig , profes- seur a Gaud. Apres avoir expose', dans des articles pre'ce'dens, les theories de diverses ecoles philosophiqucs francaises , I'auteur s'attachc danscelui-ci a examiner la doctrine saint-simooiennc dans ses rapports 462 LIVRES ETRANGERS. avec la legislation. M. Warnkocnig est iin des collaborateurs de la Revue Encjclopediqiie , ou il a inse're plusicuis travaus sur I'enscigne- inent dii droit en Alleniag'nej Statistique crirainclle des Etats-Unis, j^ar H. Lagarmitte, avocat de Strasbourg , auteiir d'line traduction francaise des Lecons sur les pri- sons, de M. Ic doctcur Julius; Le Code ptinal du royaume des Deux-Siciles , compare avec celui du duclie de Parme, par M. Miltermaier ; Exaraen du cours de droit public interne et externe de M. Pinlieiro- Ferreira, par M. Michaclis , professeur a Tubingue. L'ouvrage de M. Pinheiro est e'crit en franfais; De I'instruction par e'crit dans la procedure civile de France, par M. Ranter , professeur de droit a Strasbourg. *** loi. — ^-dtlas des sieves et batailles des terns anciens et mo- dernes , en deux cents feuilles, par F. de Kaufler; S*^ livraison. Fri- bourg , i83i. Herder. Nous avons consacre un article a cliacune des livraisons pre'ce'dentes de cet ouvrage {yoy.Rev. jErac.,t. xlviii, p. 4-i8 ) ; celle-ci ne me'rite pas moinsDOtre attention. Nous sommes au bord duNil,avec saintLouis et Joinville. Le roi, ayant perdu la premiere bataille de Massoura , se pre'para a soutenir une scconde agression. Pres de ce-fleui>e qui passe par le pays d'Egjpte et vient du paradis terresire , saint Louis, ap- prenant que les Sarrasins , vainqueurs de I'aile commandc'e par le comte d'Anjou , pe'ne'traient dans le cam\), ferit des eperons , et se boute parmi la bataille, I'epee au poing. La eiidura maiuts coups , et lui emplirent, les Sarrasins, toute la criniere de son cheval de feu gre'geois. En lisant dans Joinville menae ces details a la fois na'i'fs et he'ro'iques , en les rapprochant du plan et des explications de M. de Kaufler, on ne pent s'empecher d'admirer la precision et la fide'lite hislorique qui pre'sidenla son travail. Sur la raeme feuille , nous avons la. bataille de Courtray,du ii juillet i3o'J, ou le comte Robert d' Ar- tois fut envoje du roi Philippc-le-Bel , s'y combattirenl lui et les Flamands , en telle maniere que les Francais furent tons morts , etymorit ledit Robert , comte d'Artois, etc.... Et , dit-on, que les cometes et eclipses de lune {vues en i3oO signifient cette malaven- ALLEMA.GNE. 4^3 tiire. Deux ans apres , nous nous trouvons a Mods , ou Pbilippe-le-Bel re'tablit le combat a la tete de sa cavaleric , et remportc une victoire si- gnale'e qui vengc ses armes de I'dffront de Gourtray . Encore iine san- glante bataiUe contra les Flamands, celle de Cassel , ou deja le camp franfais est pris quand les comtes de Bar et de Hainaut viennent enve- loppcr les assaillans et les tailler en pieces. Nous ne pouvons ici que renouvcler un voeu que nous avoiis deja e'mis ; c'est que M. de Kaufler veuillcbien joindre a son bel ouvrage une indication des sources ou il puise. Nous rcmarquons qu'elles sont toutes bonnes; mais cette precau- tion en releverait le me'rite historique. La place nous manquant pour e'liume'rer tons les plans impor- tans pour I'etude de la strategic , nous signalerons encore a I'atten- tiondenos lecteurs le combat de Comralnes et les exploits du conne- table de Clisson, labataille deRosbequc, le plan qui re'unit Morgarten, Laupen, Noefcls et Sempach, prodiges de valeur dus a I'araour de la liberie' qui anirnait une poigne'e de braves ; la bataille de Saint-Jaoques , cclles de Granson, de Morat, de Nancy. Pour les terns modernes , nous voyons Gustave^Adolpbe sur le champ de bataille deLutzen; plus tard nous assistons a la de'faite des Suc'dois a Nordlingen. Le prince de Comle a Allerheim, Villars a Friedliugen , Maurice de Saxe a Fon- tenoy , le grand Frederic a Prague , deviennent nos maitres dans I'art de la guerre. Le lecteur le plus e'tranger a la strategic, en examinant ces belles lithographies , se souvient de ses e'tudes historiques ; et ce qu'il a lu autrefois , il le voit maintenant et le fixe d'autant raieux dans son souvenir. Puisse M. de Kaufler ajouter a son texte une sorte d'index avcc renvoi a ses auteurs : de la sorte son atlas acquerra un prix nou- veau, en ce qu'il pourra etre joint a la plupart de nos historiens. 1 02. — Aristophanis Nubes. — Les Nue'cs d'Aristophane. Nouvelle edition, par Godf. Hermakn. Leipzig, i83o. In-8°. Ce n'est pas une simple revue de notes, non plus qu'une suite de discussions grammaticales sur les vers du pocte ; c'est une edition vrai- ment btteraire, et de plus elle offre un interet historique. Pourquoi Aristophane a-t-il mis Socrate sur la scene? C'est qu'il voulait dans a personne ridiculiser les pliilosophes qui occupcnt la jeunesse de reves sublimes et de questions de metaphysique, au lieu de les former au ma- niement des affaires et a la vie civile. II y a ici un jugement impartial 464 LIVRES ETRANGERS. sur Socrate et sur Aristote ; puis I'auteur cclaircit plusieiirs points d'histoire litte'raire : par exeinplc, il elablit que la come'die des Nudes nc fut jouc'e qu'une seule fois , ce qui cut lieu aux fetes de Bacchus de la premiere anne'e de I'olympiade 8g, sous I'archontat d'Isarque. Aris- topliane voulait la faire repre'senter encore; ct, comme elle avail de'plu , il y fit des cliangemens considerables; de la, deux editions des Nuees. On prouve que celle que nous avons aujourd'hui est la seconde , tandis que dans les grammairicns il y a des passages de la premiere. M. Her- mann les re'unit ; il combat I'opinion d'Esser ct de Reisig, qui aA^aienl avance qu'il e'tait de'fendu de repre'senter aux fetes de Bacchus autre chose que des pieces nouvelles. II e'tablit que cettc prohibition ne regar- dait qu'une seule journee de ces fetes. C'est avec raison , dit M. Hcr- ]nann , que Ton prefe'ra les pieces d'Amipsias et de Cratinus aux Nuees qui furent joue'es en meme terns. Le texte a e'te' beaucoup ame'liore' par- la comparaison desprincipaux raanuscritsj les variantcs importantes sont consignees dans les notes au-dessous du texte. Enfin le nouvcl editeur n'a ricn laisse a de'sircr a ses lecteurs. P. de Golbery. io3. — Feierklcenge , etc. — Cantiques religieux, par J. W. S. Lampert, pasteur d'Ippeshcim. Nurnberg, iSS-j (i83i); Campe. In-i8. Cerecueil de chants, pour les diverses solennite's religieuscs de la vie dans Teglise protestante , ne se distingue pas par re'lc'vation de la poe'sic , mais par I'expression d'une pie'to' douce ct tole'rante. 104. — Tulifasntclien. — Tulifji'Utchen, poeme hc'ro'i'que en trois chants, par CrtrZ iMMERMANN.Hambourg, i83o; Hoffmann et Campe. In- 18 de 1 44 pages. 105. — Fielliebchen, etc. — Almanach liistorico-roniantique pour 1 832; par A. de Tromutz, cinquieme anne'e. Leipzig, i83i ; coraptoir de I'industric. 106. — Musenalmaiiach, cic. — Almanach des Muses, par Ama- deus Wendt. Troisicme anne'e. Leipzig, i83i ; Wcidman. 1 07 .- — Penelope, almanach pour Tannc'e 1 83 .i, public par Theodore Hell; vingt-unicme annec. Leipzig, i83i ; Hinrichs. 108. — Taschenhuch, etc. — Livre de ])oche_, almanach pour i83'i, dc'die a I'amour ct a I'amitie', par le doctcur 5( Scuutze. Francfort, i83i ; Wilmqns. ALLEMAGNE. 4^5 1 09.— Fergissvieinjiicht, etg. — Ne m'oubliez pas , almanach public' par Carl Spindler. Stuttgart, i83i ; Halberg. no. — Urania. — Uranie , annuaire de i83i. Leipzig, i83i ; Brockbaus. 1 1 1 . — Gedenke mein , etc. — Pensez a raoi , almanach pour I'anne'e i83'2. Yienne, i83i ; Pfaulscb. 112. — I Anekdotenahnanach , etc. — Annuaire anecdolique, mis en ordre et public' par Carl Muchleb. Berlin, i83ij Dunker et Humblot. On sait quel est, en Anglcterreet en Allemagne, le luxe de ces alma- nacbs que la mode a, depuis quelques anne'cs , adoptes en France. De ces produits que ieur destination semblait condamner a une ephe'mere existence, I'industrie dcs libr.iires est parvenue a faire dc petits cbefs- d'ceuvre de grace et de bon goiit , oil Tart dil graveur ct la fantaisie des conteurs prodiguent, avec abondance , des tre'sors plus durables que la circonstance alaquelle ils sont consacres. Les annuaires anglais sont plus renomme's pour I'exquisc perfection des gravures ; ceux de Leipzig , de Francfort ct de Vienne se font remarquer surtout par le talent des poetes et des romanciers qui excellent dans les genres le'gers que com- porte un cadre aussi exigu. Nous avons eu sous les yeux les principaux almanacbs public's cette anne'e en Allemagne : une revue rapide suffira pour les faire connaitre. M. de Tromlitz est un romancier a la mode qui fait seul les frais dc son almanach historico-romantique , oii il donne cctte anne'e trois nou- vellcs qui semblent appartenir a Te'colc de Walter Scott : le Brasseur de Gand , le Portrait, le Fieiix de Furnatsch. L' Allemagne aussi a son almanach des muses, moins antique sans doute que le notre , mais probablement micux converti aux ide'cs modernes. Arndt , Chamisso , emigre franfais e'galement connu par ses travaux en histoire naturelle, ses remans et ses vers j Hegner^ Menzel , le spirituel e'diteur dc Morgenhlatt ; \e comit dc Platen, Ruckert; A. V. de Schlcgel , presque aussi fameux chcz nous que chez nos voisins , et Ic celebre Tieck, figurent les premiers pai-mi les contribuables mis en re'quisition par M. Wendt. Penelope est une vieille connaissance dcs amateurs d'c'trcnnes. Elle se recommande cette anne'e par des noms connus , Johanna Schopenhauer, 466 LIVRES ETRANGERS. Wilhelm Blumenhagen , Theodore Hell, pour les contes; Castelll , Tiedge et Liidomann, pour la poe'sie. Raniberg est \m dessinateur plein d'esprit et do gaiete , qui continue, en Allemagne, la se'rie des caricaturisles si glorieuscment comracncc'e en France par les Charlet , les Monnier, les Granville ; en Angle- terre, par Cruikshank. C'est un probleme que je ne saurais re'sou- drc de savoir si les poesies de Theodore Hell ont servi de canevas aux gravures de I'artiste, ou bien si celles-ci n'ont e'te' faites que pour servir d'accompagnement au pocrae. Du reste , le volume public par M. Schutze conlient d'autres richesses : ce sont des nouvelles de Miltitz, Friederike Lohmann, L. Kruse , W. Blumenhagen , des poe- sies fugitives de Ghamisso, d' Agnes Franz et de I'editeur lui-meme. Spindler, I'un des romanciers les plus populaires et les plus fe'conds de sa patrie , encourt seul la responsabilite attache'e a la publication d'un petit volume, oil Ton reconnait les traces de sa plume spiri- tuel'.e. Enfin M. Brockhaus , chef de I'une de ces grandes maisons de la li- brairie allemande qui ont ennobli leur profession [)ar d'litiles et savantes entreprises de lilte'rature, a donne ur nouvel echantillon de son Uranie, dent Willibald Alexis , Georges Dcering et Ludv?ig Tieck se sont char- ge's de faire les honneurs au public. J. SUISSE. II 3. — La Ferite rendue sensible , ou Essai sur la civilisation. Capo-Lago (canton du Tessin). i-3i. In-H° de io/|. pages. a II y a dix ans (1H19) , dit I'auteur de cette brochure dans sa pre- face ( la preface fut ecrite en iHvq) , que me'ditant au milieu des Alpes , j'ai fini cet ouvragc , oil j'expose des ve'rites fondamentales sous ' le titre de : Doctrine normale , et Essai sur la civilisation; ce n'est certainement pas ma faute si I'impression en a e'te' retarde'e. » Don ze ans d'intervalle entre la composition et la publication d'un' e'crit politique sont un tems bien long a une epoqiie de renouvcUement comine la notre , oil la scene des e'^'e'nemens est si changeante , oil tant d'idces et tant de seutimens nouveaux sont chaque jour jete's au milieu de la socie'te oii ils luttent el fcrinentcnl comme dans unc vastcfournaise. < SUISSE. IT A LIE. 4^7 On trouve dans cette bi-ochure une appreciation courle, mais assez exacte, de la marche de la civilisation, du mouvement indiistriel et scienlifique depuis le quinzieme siecle , des vues jiistes et ge'ne'reuses sur la diminution et I'estinction de la guerre , sur la ne'cessitc d'unc union entre les peuples de TEurope II est a regretter seulement que I'auteur n'ait point fe'conde son travail primitif par le fruit qu'en douzc aune'es d'experience , un esprit aussi distingue' que le sien a du ne'ces- sairement puiser dans I'e'tude des ide'es nouvelles sur la pliilosophie de I'histoire. B. 114. — De'mophron , Journal d'instruction natienale, par I'auteur de Theophron ; n" F'". Yverdon et Orbe , i83i, Ce litre est bien obscur et bien pre'tentieux pour un journal consa- cre a I'instruction populaire ; le style de I'auteur a les memes de'fauts. II doit absolument s'en corriger pour atteindre son but , auquel nous ne pouvons qu'applaudir, celui de tirer des enseignemens politiques et moraux de I'histoire j seulement il ne devrait pas se borner a I'histoire nationale ; c'est une pense'e etroite et contraire aux sympathies qui unissent deja tous les peuples civilises. n 5. — Osseri'azioni semi-serie , etc. — Observations demi se'rieuses d'un exile' en Angleterre, par G. Pecchio. Lugano, i83i ; G. Ruggia et compagnie. In-S". ITALIE. 1 16. — Teoria delle leggiec. — The'orie deslois de la surete sociale , parle profcsseur Giovanni Carmignani. Tom. I. Pise, i83i ; f'reres Nistri. Voici le premier des quatre volumes qui doivent composer I'ceuvrc totale. L'importance du sujet et la reputation de Carmignani , profcs- seur a I'universite de Pise , et I'un des premiers criminalistos de I' Ita- lic , nous ramencront a ce travail alors qu'il sera termine. Un ouvrage de cctte nature a besoin d'etre vu dans son ensemble pour etre juge et appre'cie'. ■ Ce n'est ici qu'une annonce bibliographique. I ' 6. — Principii del diritto commerciale. — Principes du droit 468 LIVRES ETRANGEKS. commercial, suivant I'csprit dcs lois pontificales, j)ar Emidio Cesarini, ciiriale romano. Rome , 1827 — igSi , 5 vol. LcsEtats de I'Eglisc furcnt long-tems prive's d'lincode de commerce. Les causes commerciales e'taient porte'es a im tribunal special compose I de ncgocians qui jugeaicnt suivant leur bon plaisir , ct pour qui les an- ' tc'cedens avaient force de lois. Les abus d'une telle legislation e'taient crians , et la fortune dcs particuliers abandonne'e a I'arbitraire , sans qu'aucune garantie leur fiit offerle. Apres les Icnteurs inbe'rentes a toutcs les ameliorations faites ou promises dans les domaines eccle'sias- tiques , le gouverncmcnt remain finit par pi'omulgucr un corps de lois commerciales , base', a peu d' exceptions pres, sur le code de commerce francais encore en vigueur en quelques parties de I'ltalie. Mais ce re'- I glement n'est que provlsoire, car c'cstpresque toujours sous cette forme ambigue que procedc I'administration papale. C'cst sur ce texte, tout provisoire qu'il est, qu'a travaillele curial remain dont nous annoncons I'ouvrage. Son livre est un coramentaire pratique des cas et des lois; un livre de faits coinmerciaux plus que dc philosophie commerciale. Son iiti'ite parait done borne'e aux pays oil les lois qu'il commente sont en vigueur, et aux sculs etrangers curicux des legislations eurojie'ennes ; 1 mais aujourd'hui que I'e'tat eccle'siastique est dcvenu cliez nous le texle d'une espece de pole'mique administrative ct politique , I'ouvrage de M. Cesarini acquiert un inte'ret actuel , nous le recommandons ct comme un agenda exact et comme le fil d'Ariane dans le la]:>yrinthe des lois pontificales. S. R. 118. — Lezioni di fisiologia. — Lecons de pL^'siologie , de Lo- renzo Martini. Turin , imprimerie royale. 13 vol. in-8". - iig. — OpuscuU scientifici. — Opuscules scientifiques , par le doctcurTANTiM (/'ra^icow) , profcsseur bonoraire de runiversite royale de Pise. Troisieme et dernier volume , accompagne de quatre tables. Pise, i83o. In-8". C'fst un recueil varie' contenantune foule d'objets rclatifsaux sciences et aux arts qui s'appliquent principalcment a la mc'dccine. L'autcur y a rassemble' tout ce qu'il a obseiTc' en ce genre de plus curieux et de plus instructif. II y a ajoutc des renscignemcns authcnticjucs qui lui sont venus de I'e'tranger. Cette collection a le double me'rite bicn rare d'in- struire ct de de'lasser. Nous la recommandons comme une source xlans ITALIE. 469 laquelle on pulsera , sur ime foule de fails et de points de doctrine , des notions aussi exactes qu'inte'ressantes. R* 120. — Lezioni di Marina. — Lecons de marine et d'art nautiqiic, par Gaspard Toinello , professeur de construction navale , mera- bre de r Academic de Trieste. Venisc, i83i; Avisopoli.Trois vol.in-S" ont paru. 121 . — Peregrinazione , etc. — Pelerinage dans la Ligurie et dans le Piemont. Codogno , i83o" Luigi Cairo. In-S". 123. — Famigli celebri, etc. — Families ce'iebres de l'Italie,par le chevalier Po;n/?e'e LiTTA , 53* volume. Milan, i83i. Ce grand ouvrage historico-domestique se poursuit avec succes. C'cst une galerie de tableaux piquans par leur varie'te , une espece d'appen- dice aux bistoires ge'ne'rales de I'ltalie. C'est, dit I'auteur, im monu- ment destine aux generations futures. II aurait tout aussi bien pu dire aux generations contemporaines , car on ne pent certcs pas les ac- cuser d'indiffe'rence pour les annales du terns passe'. L'ouvrage de M. Litta a, pour les Italiens, un inte'ret national; c'cst un livre de fa- mille oil chacun aime a retrouver son nom. Mais comrae I'histoire des bommes se lie a I'histoire des choses , les e'trangcrs y trouvcront des in- structions, des fails curieux, des dc'tails ignores. Entre autres families il- lustres, le present volume renferme I'bistoire des Guicciardini de Flo- rence, et,acepropos, I'auteur fait del'historien un portrait trop flatteur peut-etr.e comme hislorien, mais vrai en lanl qu'bomme. « Guicciardini, dit-il, fut, des sa jcuncsse, d'une conduite irreprochable; point c'lourdi, point colere, point ne' avare, mais mesure dans ses de'penses, recevant presque avec de'pit les polilesses d'autrui, etc... » 123. — Delia Fortuna , etc. — De la Fortune des mots , par le clievalier Joseph Manno , de Tacademie des Sciences de Turin. Turin , i83i ; Giuseppe Pomba. 2 vol. 124. — Eri^a Lampugnani. — Tragediede Charles Aivgiolini , Milanaisj Milan, i83o. Giuseppe Crespi. «'-i5. — Anna Erizzo. — Trage'die de Joseph Vedeche. Florence, 183i ; imprimerie Magheri. 126. — Gismonda. — Trage'die d'un Florentin. Florence, t83i ; Magheri. 470 LIVRES ETR ANGERS. Voici Irois nouvelles pieces italiennes dont nous donnons Ics litres sans avoir d'opinion a cxprimer siir aiicune d'ellcs isolc'ment ; car ce sont trois tragedies qiu resscmblent a toules Ics tnigc'dies, sans inven- tion, sans originalite, trois maigrcs pastiches d'Alfie'ri. L'admiration des Italiens pour Alfieri est de I'idolatrie. Je con^'ois inieux ccUe des Anglais pour Shakespeare; Shakespeare lecre'ateur du draine modcrne, du drame europc'en , chez qui se trouvent en germc tontcs Ics formes , tons les caracteres , toutes les situations , j'ai presque dit toutes Ics conceptions drainatiqucs. Pour Alfic'ri , le sec, le i'roid Alfieri , j'avoue qu'il n'est pas mon poete , et je trouvc inalheurcux de prodigucr tant d'encens a une idole si pen divine. Ricn ne me semble plus incomplct, moins vrai, moins inte'ressant surtout que les pieces de ce pohe. Elles pe'chent la plupart d'ahord par I'invention ; puis la ve'rite historique y est foule'e aux pieds; par systeme; de telle fafon qu'en changeant les noms , vbus avez a volonte une trage'die romaine , chre'ticnnc ou chi- noise ; partant nul respect des localite's physiques et morales ; et tout cela jete' dans des cadres use's , dans des vers force's jusqu'a la torture. Je sais qu'il ne faut pas disputer du goiit des peuplcs. Felicitous scule- ment ceux qui placent bien et haut leurs admirations. Les Italiens ne se rendent pas compte eux-memes de leur idolatrie. Je suis convaincu que la moitie' de leur enthousiasme en politique , et que les mots liherta et tiranni, dont Alfieri a saupoudre' ses pieces , ont les premiers lionneurs de I'apolbeose. Je regarde leur culte pour le dramaturge piemontais comme un acte d'opposition , d'hostilitc contre leurs gouvernemens. Quand I'opposition n'est pas libre , elle revet lous ies deguisemens. Mais pour etre respectable sous ce rapport , leur ado- ration n'en est pas moins funeste a I'art , comme tout ce qui est exclusif et outre. Manzoni , le premier poete vivant de I'ltalie, I'a senti. II a combatlu pour la liberie litte'raire ; mais quant a I'application , il n'a guere tire des sources larges et fe'condes de I'inde'pendance que de<||jncces faibles sous le point de vue dramatiquc. En general il me semble avoir donne une importance exage're'c a la question sccondairede la forme niate'rielle aux unite's , et perdu de vue la question vitale , la haute question de philosophic. II a pris Te'corce pour I'arbre; il a cru ou paru ci oire que, la cause du terns et du lieu gagne'e , tout c'tait fait. C'est un pas sans ITALIE. — BELGIQUE. 4? ' doute, ct gloirecn soil a Riauzoni. Mais sa voix a trouve peud'e'chos ; son cxemple siutout , pen d'imitaleiirs. Cbaciin a craint pour soi iine cariiere on iin talent si distingue n'avait pas comple'tcment re'ussi , cc qui n'cmpeche pas toutefois que ses deux pieces {Adelchi ct Carma- gnola) ne soient les meilleures de I'ltalie actuelle. Tons les auteurs (li'amatiqucs ont continue a suivre, comme par le passe, ct suivent tons les jours, de loin ou de pres, les traces d'Alfie'rij et la pauvrc muse tragique, cahote'e dans cette vicille orniere, en est re'duite au silence ou, qui pis est, a des imitations somniferes. Disons-le aussi, I'independance politique du theatre manquant, tout doitmanquer. II faut avant tout, aux e'crivains dramatiques, la haute sanction populairc. Le parlci-re est, a la longue, le meilleur raaitre , mais il faut lui laisser la faciilte' de choisir, et s^f liberte il n'y a pas dc choix possible. S. R. BELGIQUE. li.-. — Memoire de Geometrie pure sur les proprietes ge'nerales (les cones du second degre , parM. Chasles, Correspondant de 1' Aca- demic dc Bruxelles ct dc la Socie'te Philomatiquc. Bruxelles, i83i ; Hayez. Paris , Bachdier. Iii-4" de 58 pages. I 28. — Memoire de Geometrie sur les proprie'tes generates des coniques spheriques , par le meme. Bruxelles , i83i ; Hayez, Paris , le meme. In-4" de 46 pages. Plusieurs grands geomctres se plaignaient en leurs tcms de I'usage immodc're que Ton faisaitdes me'thodes analytiques , de I'abandon dans Icqucl on laissait la geometrie des anciens. Depuis une trentaine d'an- nc'es , des travaux inte'rcssans ont e'te fails dans cette derniere direction par plusieurs ge'ometres plus ou moins remarquabies , et surtout par Carnot , Mascheroni , Brianchon , Poncelet , etc. Des mines qu'on avail crues e'puise'es ont etc' explore'es de nouveau et avec succes. Aux yeux des personnes qui ne jugent une ceiivre que par son utilite immediate (i), (1) Ces travaux , outre (jcrils ont concouru a perfection iicr la mtUa;;hysique de la silence, ont scrvi a nietlrc a la porlee d'un plus grand nonibrc des connais- jiances ^comelriqiios ncccssaires a rinduslrie. TO]«r: Lll. ROVEMBr.E -1851 . , o] 472 LIVRES ETRANGERS. bcaucoiip dc ces travanx ont pu nc paraitrc que dc simples jcnx d'cs- prit, Ccpcndaut si la geometric , re'ge'ne'rc'e par rintroduction de prin- cipcs noiiveaiix et feconds , tels que les theories de la dualite et des poiaires re'ciproqiics dc Gcrgonnc ct Poncelct , iie pent pre'tendre a la solution dcs grands problemcs dc la science actuclle , scs progrcs scront utiles a I'analysc en engageant les savans a rechcrclicr quclque considc'- ration analytique , quelque synibole qui puissent tenir lieu de ces prin- cipes nouveaux. II a deja etc fait quelques rechcrclies assez. Leureuses dans cette voic , ct on a lieu d'cspercr que la ge'omc'trie de Descartes , dont lavaleurn'a pas e'te encore suffisamment comprise, rcccvra bicntot les de'veloppemens propres a c'tendre I'usage de cette magnifiquc o^m- ception. On sait qu'un cone du second degre' peul etre coupe suivant un cercle par deux series de plans paralleles a deux plans fixes , qu'on peut sup- poser passant par le sommet ; de plus il existe dans cc meme cone deux droites situees dans sa grande section , et telles que tout plan perpendi- culaire a I'une d'elles coupe la surface suivant une conique dont un des foyers est sur cette droite. M. Cliasles , deja connu dans le monde savant par des travaux re3narquables sur les surfaces du second ordre , cherche dans le premier des rae'moires cites les proprie'te's de ces plans qu'il nomme cycliques et de ces lignes auxquelles il donne le nom de focales; il arrive par des methodes elegantes a une double se'rie de tlie'oremes dont chacune peut se de'duire facilement de I'aulre au moyen de la conside'ration du cone supple'mentaire , et il en deduit quelques proprie'te's des angles triedres et de rhyperbolo'i'de a une on deux nappes. Si Ton imagine un cone ayant son sommet au centre d'une sphere, on obtiendra par I'intersection des deux surfaces trois portions dc courbc qui seront les coniques sphe'riqucs : aux jilans cycliques et aux lignes focales correspond ront des arcs nomme's cycliques et des points nomme's foyers dont il sera facile de conclurc les proprie'te's de cclles des plans cycliques et des lignes focales : celte deduction est I'objct du second me'moire que M. Cliasles tcrmine par la solution de quelques questions relatives aux conicpies planes et aux quadrilateres. Les per- sonncs qui s'cccupent dc sciences matlic'nialiques liront ces deux inc'- inoircs avec plaisir. L. LIVRES FRAIVCAIS. 129. — De la nature de la richesse et de I'origine de la valeur, par M. Auguste Walras , professeur de rhe'torique au college d'fi- vreux. Paris, t83i; Jolianneau. In-B" de 335 pages; prix, 6 fr. Depuis Adam Smith jusqu'a Saiiit-Simon, les e'conomistes qui se sen- taient bien la puissance d'efudier, mais non celle de transformer les rap- ports sociaux , ont volonlaircment circonscrit le champ de leurs explo- rations. Tous ont hautement declare que la politique devait rester en dehors de leur domaine, que la science de la richesse e'tait essentiellement distincte de la science du gouvernement; et ils se sont fe'licite's de ce di- vorce, comme d'un veritable atfranchisscment qui permettait a I'e'conomie politique de se conslituer a part et de sc de'velopper d'une manierc a la fois plus libre et plus fructueuse. L'e've'nement a de'montre' qu'ily avail, au fond du sentiment qui inspirait leur conduite , quelque chose de pro- fonde'ment vrai. En effet, a I'epoque oil I'e'conomie politique prit un nom et une existence re'elle , la politique re'gnante e'tait aussi peu favo- rable que possible 4 I'application des tlie'ories encore imparfaites, il est vrai, de la science nouvellc. Aussi vainement Quesnay se proposa-t-il I'e'tablissement d'une orga- nisation sociale oil la science e'conomique aurait joue' un grand role; scs disciples furent obliges , entravc's qu'ils e'taient par un ordre politique encore fortement fe'odal, de se mettre a part; et les e'conomistes, jus- qu'a nos jours , ont de plus en plus imprirae' la meme direction a leurs travaux. Cette marche a etc bonne puisqu'elle a permis aux savans d'e'tudier I'ordre industriel sans se laisser detourncr par la preoccupation des ca- tastrophes qui s'accomplissaient a leurs cote's; mais letems est venu oil le respect prolonge de cette verite' temporaire serait une veritable ca- lamite'. Les e'conomistes ont pu jusqu'ici faire dc la science abstraite , 51. 174 LIVHES FRANCAJS. il est tcins d'cnticr dans I'cic do la realite ; ils ont ctudie I'indu.slric en soi, il faut muintcnant rctudicr dans ses relations avec la socicli; tout cntierc. Lciiis travaux ont etc utiles pour determiner la nature et la liniite dcs faits qu'ils devaient counailre; aujourd'hui ils doivent se persuader que toules leurs speculations, leurs classifications, leurs apliorisraes, tra'nsportes do la solitude du cabinet dans le re'glement politique , sont necessairement frappe's de ste'rilite tant qu'ils ii'auront pas e'tc' mis en rapport avec la pense'c do I'ordic general. C'est par la seulement que. I'econoinic jiolitique acqucrra une iin- raense importance; elle sera alors la science des inte'rets mate'riels des socic'te's. Pour lui donner cctte valeur qui lui manque et I'e'lcver gra- duellement an role qui lui est reserve', il faudrait sortir liardiment du pre'sent et de I'abstrait, c'est-a-dire oliserver Taction qu'excrfontsur la constitution industrielle les scntimens moraux qui re'gissent la socie'tc', sentimcns dont rinfluencc toute-puissante moditie profonde'ment les re- lations dcs hommes, aussi Lien sous le rapport materiel que sous le rap- port scientifique , et se pe'ne'trer de cette ve'rite que tout se lie dans les socie'te'shumaines.S'il est impossible d'e'tudicr avec ton tl'avantage possible une des branches de I'arbre social, en la separant du tronc duquel elles diranient toutes , il faut sorlir du pre'sent , car le pre'sent conside're scul est rauet, est mort; ce n'est qu'en le raltachant au passe, en observant dans la suite des ages les transformations diverses d'un meme fait , qu'on peut enfin de'couvrir la loi de son de'veloppement , et indiquer les trans- formations nouvelles el procbaincs qu'il doit subir encore. On parle beaucoup de progres aujourd'hui , raais en ve'rite' ce mot sera vide de sens tant qu'on n'aura pas dit en quoi consiste le progres pour le passe , en quoi il doit consister pour I'avenirj progres suppose une sc'rie de termcs successifs; n'en presenter qu'un , c'est se condamner a I'impuis- sance, c'est ne rien faire. L'auteur de I'ouvrage que nous annon^ons ici a fait un pas dans cette direction ouverte par Saint-Simon et poursuivie par scs continua- teurs. II a senti qu'entre Teconomie politique ct le droit naturel , ou la science de la propricte, il y avait un lien intime qu'il est de'sormais impossible de me'connnitre. Voici do quelle manicre il se rend coniple de ce lien : entre tous Icsbicns dont rhommc pout jouir rt user, il y a une distinction a faire; Irs uns sont illiniites dans leur <[iiantite, ou t!u L'VRES FRANyVIS. 4?^*^ iiwins sunt re'pandiis dans le monde avec tant de piolusiun , tcLs que i'air, la lumieie, I'eau, elc. , qu'ils restcnt par le fait memc de leiir abondance inde'finie en dehors de la possession exclusive et de V appre- ciation comparative dcs homraes. lis forment lesdomaines comimms de la race liiimaine. D'aiitres , au contrairc, n' existent qu'en quaiitile li- mitc'e, borne'e, ils sont tares. Or cctte raretc, cette limitation est cc quileurdonne de la -uaZew/' , cc qui determine un Lomme a echanger une utilite qu'il possedc, contre celle qu'il desire. Or l' economic poli- tique est la science dcsvaleurs e'changeablcs. D'un autre cote' , si Ton y re'fle'chit, on verra que cette valeur n'cst susceptible d'etre posse'de'e , acquisc, assure'e a im homme a Texclusion de tout autre , qu'en raison meme de sa nature hornee , limitee , rare, qui la rend saisissable , ap- propriable. La valeur et la propriete sont done deux consequences logiques du fait de la rarete de certaines utilite's ; la science de la va- leur, la science de la propriete' sont done rattache'es toules deux par unc communaute d'origine au fait gc'nc'rateur de la rarete , de la limitation dc certains biens. Ici I'auteur, divisant sa tache, s'efforce d'abord de suivre, dans re'conomie politique, les deductions duprincipede la rarete. Ghacun sail que la question de I'origine de la valeur, question plcine jusqu'ici de difflculte's et d'obscurite, avait partage' le monde e'cono- raique cu deux e'colesdissidentcSjl'une attribuant avec Smith et Ricardo la valeur desobjets exclusivement au travail que leu r production acoulc, I'autre soutenant avec M. Say que la valeur des objets se regie d'ajjres la proportion ( tablie entrela quantite offerle et la quantite demandee. M. Walras s'efforce de substituer a cette double explication celle de la rarete , et de concilier les deux ecoles en vertu de cc principe plus large qui les comprend et les complette toutes deux. Nous ne le suivrons point dans la controverse qu'il c'tablit a cc sujet , nous nous bornerons a dire que, sur presque tous les points, ses efforts nous ont paru cou- ronne's de succiis. L'ouvrage de M. Walras est d'aillcurs recommandajjlc par la fcrmete logique, I'esprit d'exactitude scientif ique , et surtout par la vigueur de syste'matisation avec laquelle il ramene toute la science au jirincipe nouveau qu'il pose. I.c style de l'ouvrage n'est pas moins re- inarquable par la clarte et la propriete de rexpression. Apres avoir pose' dans un premier volume Ic principe de la rarete , et avoir indiquc les niodilications et les simplififitions fondamentalcs qui 476 LIVRES FRAN^AIS. on seront la cpnsdquence , I'auteur annonce qu'il se propose de publier , suivant I'accueil qui sera fait a son ouvrage, un second volume dans Ic- qnel il se livrerait a des deVeloppemens plus etendus et plus spc'ciaux a la foisj nous ne pouvons qu'applaudir a cc desscin, qui nous proract d'utiles travaux. Toutefois , ainsi que nous I'avons dit en commen^ant, il ne faut pas oublier que la science e'conoraique nc peut etr-e aujour- d'hui renouvcle'e qu'autant qu'on inscrira, en tete du livre, un prin- cipe moral qui donne a la science un but de'lcnnine, qui lui iinprime une tendance , une direction nouvelle , et qui la fasse sorlir , par con- sequent, de I'etat passif, speculatif, abstrait , immobile dans lequel ellelanguit aujourd'hui; car il ne s'agit pas seulement d'un perfection- nement de detail a ope'rer, mais d'un de ces viremens, d'une de ces nouvelles positions de questions qui contiennent tout un avenir, Ad. G LT. i3o. — Philosophie du droit, par E. Lerminier , professeur de riiistoire ge'ne'rale des le'gislations compare'es, au College de France. Paris, i83i ; Paulin, place de la Bourse. 2 vol. in-S" de 4oo pages environ cliacun ; prix, i/j. fr. Get ouvrage est la seconde edition du cours de M. Lerminier au Col- lege de France , cours suivi par un nombreux auditoire que charme et attire la parole anime'e du jeune professeur. Le livre que nous annon- fons est I'introduction a Y Histoire des legislations comparees; avant d'entrer dans cclte raatiere, M. Lerminier a cru devoir s'occuper de la base et de la source de la legislation , c'est-a-dire du droit. II a de'fini le droit; il a dit ce qu'il c'tait dans I'homme , dans la so- cie'te', dans I'histoire, dans les systemes des pliilosophes ; de la, la di- vision de son ouvrage en cinq parties : la premiere traite de I'homme , la seconde de la socie'tc , la troisieme de I'histoire , la quatricme des phi- losophes J la cinquieme de'finit la science de la legislation proprement dite. Ces deux volumes se terminent par des eludes snr Saint-Simon , sur les Etrusques de Ch. Otfried Midler, etsur IViebukr. — Pour aujour- d'hui , nous nows bornons a cettc simple annonce ; dans notre prochain nume'ro , nous donnerons un jugement detaille sur cet ouvrage remar- quable de M. Lerminier. ii i-j nu St. Ch. i3t. — Messianisme , ou Philosophic absolue. Premiere e'poquc : LIVRES FRANg\IS. 477 Union antinomienne ; Prospectus. P;iris , i83i ; an bureau dcrUnion, rue Monluiartrc, n" i6'\. \n-\° . Outre Ic prospectus de Y Union antinomienne, cette brochure con- tient deux, e'pitres, Tune a tons les souverains de I'Europe sur I'Mnion antinomienne, I'autre , spe'ciale a I'empereur Nicolas, sur le nieme sujet, et en particulier sur la Pologne. L'auteur, M. Hoene Wronski, doit savoir raainteuant quelle e'tait la valeur de son pressentiment que I'empereur tendrait une main paternelle et amie a sa noble fille la Pologne. Nous sommes loin de vouloir relever par des paroles ironi- ques I'erreur de M. Wronski; mais qu'il songe bien qu'aujourd'hui la force et les sentimcns ge'ne'reux ne se trouvent plus ni dans la feodaiite', ni dans I'aristocratie. Les proLlemes dont M. Wronski promet la solution sont assure'ment les plus importans qu'on puisse poser; nous, pour qui est effcctue'e deja I'union de la philosophie avec la religion , nous attendons cepen- dant avec impatience les nouveauxcaliiersqu'il promet, et dont le premier volume vient de paraitre. Nous nousproposons de rendre bicntot compte a nos lecteurs , dans un article special , des travaux mathe'matiques et pliilosopliiques de M. Wronski, travaux qui jusqu'ici n'ont point e'te apprc'cies corame ils le me'ritent. L. B. 1 32. — Le Jehovah de Mo'ise, ou la Divinite' meconnue; ouvrage plii- losophique, de'die a I'esprit du jour ; par M. i\jcHER , de Saint-Flour. Bordeaux , i83o ; Lavigne jeune. Paris , Lecointe. In-8" de 4o8 p. ; prix, 5 fr. S'il est une chose qui caracte'rise le premier tiers du dix-neuvieme siecle, c'est sans doute cette tendance vers un ordre nouveau ge'ne'rale- ment inconnu , mais pressenti par tout cc qu'il y a d'esprits e'claire's , souhaite par tout ce qu'il y a de nobles cceurs , et bruyamment appele par mille commotions populaires. La destruction de I'autel chre'tien touche a son terme ; le dix-huitieme siecle en a fait sa proie. Quelle est la mission du notre , issu des ruines faites par son pre'de'ccsseur ? Cer- tains hommes se sont amuses , comme de faibles enfans , au milieu des debris gigantesques qui les entourent , a e'quarrir les vieilles pierres de re'difice renverse ; ils ont mis leur gloire a retrouvei- une me'daille , a remettre pe'niblement sur pied une colonne a moilie brise'e ; d'autres , plus se'rieux dans leurs pensc'es , plus passionne's de Tordre, ont eu hate, 4^8 LIVRKS FRANCAIS. pour ne pas etre temoins d'une destruction universclle , dc ralluincr anx ctincellcs c'parses sous les cendres Ic pale flambeau du passe • un petit noinbre d'esprils Ic'gers et sceptiques ont continue contre I'ombrc du calliobcisme les railleries dc Voltaire , moins la verve qui I'aniniait. L'ouvracje que nous annonfons reunit le triple caraclere du scepticismc badin, dc vagues cspe'rances , de vncs mal formule'es sur I'avcnir , ct . de declamations outrc'es. L'autcur y passe en revue les diverses phases de I'histoire du peuple be'breu; etd'un bout deson livre a I'autre il fait un crime a MoYse de n' avoir pas eu sur la Divinitc des ide'es chre'ticnncs. Cost en ve'rite lui rcprocberd'avoir vecu deux raille ans trop tot. De la Timportante mission dc Mo'ise comple'tcmcnt mc'ccnDue : dela aussi pour l'autcur la nc'cessitc de secoucr a I'avenir Ic vicux prejiige qui consisle a croire que les peiiples ont de tout terns etc' victimcs dc la criminelle ambition dc leurs chefs. Considc're'c de cc point de vuc, prive'e de toiite moralite, Thistoire n'offre aux youx dc rinunanilc dc'gradc'c que I'c'ter- nelle domination du genie du mal. Un parcil systeme outrage encore plus les nations qu'il ne calomnie la conduite des rois. La gloire dc Moisc surtout a etc noblcment venge'e par rcxccUent travail de M. Salvador, sur les Institutions que ce grand homme donna a un peupic d'csclaves. Ce dernier ouvrage , qui ne saurait etre trop connu de quiconque traite nn si important sujet , est digne d'e'clairer utilcment I'auteur de Jeho- vah , dans les nouvelles compositions dont il aniioncc la publication comme prochaine. Dans la disposition favorable , et du reste assez bieu sentie, ou il se trouvc a I'e'garddu christianismc , il j^ourra plus facile- ment s'expliquerapres cette lecture pourquoi Ic Christ a etc le continua- tour de la loi mosaVque , ct dans quel sens il a rc've'lc lui-mcme qu'il etait venu la completer, non la detridre. Des negligences irapardonnables , quelques formulcs d'assez mauvais goiit , trop rcpc'te'es , dc'parent souvcnt un style dont une clarte' remar- quablc fait du rcste le principal me'rite. Celarier. 1 33. — Me'moire aux Chambres, a V occasion des evenemens de Lyon, par Theodore Benazet. Paris, i83i j typographic de Pinard. ln-8" dc 'ii pag. L'autcur n'a point jugc les cv('ncmcns de Lyon avcc la Ic'gcrelc qu ont tcmoignce a cette occasion la plupart des journaux.Il en a scnti 1 nupor- tance cl la cause profdiKlc. « Si I'lm me dit ([uc ! i politi([ue est (Iran- hlVllES FHANCArS. 479 geie a ce grand mouveiuent d'liommcs , que les masses, apres leur victoire , ont e'te piires de tout cxces , jc ne Irouvc dans ces choscs sans cxemple qu'une nouvclle raison dc ni'cffiayer dnvantage. Plus il y a eu absence de mauvaise passion , phis le motif determinant a du ctre pro- lond , pressant , irresistible ; et ce motif , qui ne le trouve sur-lc-champ ? qui nedit : c'cst la faim? Personne ne le nic. Mais qu'on ne tombe pas dans une crreur dangereuse , qu'on ne s'imagine pas que ce soit a Lyon senlement qu'il y ait urgence a appliquer leremcdc. II y a ulcere sur ce point; mais la maladie est dans tout le corps. Du pain pour les masses, voila le probleme de notre socie'te' modcrne. » L'objet du me'moire public' par M. Benazet est dc proposer une re'- duction de 7.5 millions dans les charges publiques ; 5o millions sc- j-aient le re'sultat d'c'conomies faites sur le budget du clerge , la lisle civile et i'amorlissement ; les vingt-cinq autres seraienl le produit d'un de'grcvement de moitie' sur la taxe du sel. Voici le calcul de Fauleur : Le peuple versant la meme somme qu'auparavant dans les coffres de I'Etat pour une double quantite de denre'cs , il y aurait re'ellrment pour lui dc'cbarge d'une somme e'gale a la moitie , soit i5 millions. M. Benazet e'tait dans une excellente voie , et nous ne saurions donncr trop d'e'loges au sentiment philantropique qui I'inspire ; mais puisqu'il se declare I'ennemi des demi-mesures , qui, dit-il, ne remc'dient a rien, pourquoi est-il demeure' lui-meme a mi-chemin ? Pourquoi, parexem- plc, apres avoir reconnu dins I'amurtissemcnt luie grande deception poUlique , se borne-t-il a en demandcr la reduction ? Au reste, M. Einile Percire , dans le dtrnier cahier de la Revue Encyclopedique , a traile' en detail toutes ces questions de finances et pi'opose' un systeme de re'- duction bicn plus large et plus efficace. ** 134. — Trois Philippiques , on Leltres de M. de Cormenin sur la liste civile ; avec cette e'pigraphe: « Les impots que je leve ne sont point pour cnrichir mes ministres ct mes favoris , mais pour supjiortcr les charges de I'Etat. Si mon domaine eut etc suffisant pour ccla , jc n'aurais '^'oulu rien prendre dans la bourse de mes sujets. » ( Paroles ile du roi (V^ngle- terre , par M. de Moleon. (Extrait de la Revue de Paris. ) Paris , i83i ; imprimerie d'Everat. In-8° de 16 pages , avec un tableau. i36. — ^4ppel aux esprits genereux de toutes les opinions; par mademoiselle de F.*** Paris, i83i; rue Lou is-le- Grand, n° '25; Dentu. In-8" de 17 pages j prix, 5o cent. C'est une dame qui fait de la jiolitique scntimentale, en demandant a la France si « elle ne ressent aucune sympathie pour ce royal enfant qui tressaillit dans le sein de sa mere aux angoisses de son ame! etc.; » et qui nous apprend « que le parti royaliste est celui qui a encore le plus d'influcnce, parce qu'il s'appuie sur un principe, le principe de I'lie- redite, que toutes les socie'te's politiques ont reconnu et admis. » 1 37 . — L'enlevementetl' existence actuellede Louis XF II demon- tre's chime'riques; i)3irM. EcKARD,auteur des Me'moires historiques sur ce prince. Paris, i83i ; A. J. Ducollct. In-8° de 56 pages. Prix : '2 fr. Nos lecteurs ne se doutent guere sans 'doute que I'existence du der- nier Dauphin soit encore une question conteste'e. Cependant , un coup I d'oeil sur le Journal de la librairie leur apprendra qu'il y a des hommes qui se donnent , de terns a autre , la peine d'c'crire pour de- fendre les droits pretcndus de quelque nouvel he'ritier de Louis XVI; ct, en voyant annoncer successivement les Me'moires du due de Wor- mandie , e'crits ct public's par lui-memc, en juillct i83i , et surlout la LIVRES FHAN^AIS. 48 I seconde edition des Revelations sur Vexistence de Louis XFH , par M. Fabrcli de Fontaine, bibliotbecaire de S. A. S. M""^ la diichesse d'Orle'ans, douairicre, ils sauront qu'un futiir Mathmin Bruneau pent encore trouver un pnblic ct des biograpbes. M. Eckard n'a pas beau- coup de peine a re'fiiter les recentes allegations des niais qui veulent a toute force ressusciter un malbeureux enfant que la France a des long- teras oublie, et dent I'apparition re'elle n'aurait pas plus de succcs que les ignobles jongleries- d'un Hervagault ou d'un Persat. Du resle , pour tranquilliser les amis scrupuleux de la le'gitimite , rvous leur appren- drons que le plus illustrc de ces pre'tendaus , le grand gene'ralissime Die'bitscb-Sabalkanski , est morl dans la dernicre caiupagnc contre les Polonais. Ce qui avait surtout accre'dite le bruit ridicule de I'idcntite' de Louis XVII et du lieutenant de Nicolas , c'e'tait probablement la conforraite deleursages. Die'bitscb e'tait ne tres peu de tems apres le fils de Louis XVI, Iei3 mai 1785; inais, comme on a pu le veriOor, il vit le jour a Gross-Lews , dans la Sile'sie prussienne , a cinq ou si:^ cents lieues du royal berceau qui fut le premier asile du petit prince. J. 1 38. — Representation adresse'e au ministere espagnol, par don V. Beutran de Lis. Paris, i83ij imprimerie dWuguste Mie. lu-B" de g3 pages. L'auteur, dans son e'pigrapbe , laisse devant nous une longue carrierc aux revolutions : «Les revolutions nc cessent d'etre possibles qu'a une seule e'poque , c'est quand les masses sentent qu'elles ont autant debien- etre qu'elles en peuvent avoir. » II est une autre condition de nature a arreter toutes les tcntatives re'volulionnaires : c'est lorsque le pcuple est cpnvaincu par les actes de son gouvernement que celui-ci fait sincere- ment ses efforts pour ame'liorer sa situation. Y a-t-il beaucoup de gou- vernemens curope'ens dans ce cas ? Celui de I'Espagne au moins nc pa- ralt pas etre du nombre. Lisez plutot la brochure de M. Bcrtran de Lis; il re'capitule, avec une moderation vraiment remarquable clicz un proscrit, une partie des griefs que les libe'raux ont le droit bicn acqtiis d'e'lever contre le ministere cspagnol; contre le ministere, car M. Ber- tran de Lis ne s'e'carte point des formes rcspectueuscs a I'e'gard de la personne du roi; et I'un des reproches que lui fcront sans doute ses com- pagnons d'infortune, c'est d' avoir adresse a Ferdinand des conseils pleins de sagesse, en s'imaginant qu'ils pourraient etre accueillis. ** 48-2 LIVHF.S FiJAN^AKS. i3g. — Precis de I'histoire ancieiine, j)ar MM. Poiusow ct Ca\ \ , professeiu'S d'histoircaux colleges de Henri IV et de Charlemagne; oii- vrngc adopte' par le conscil royal de runivcrsite de France , et prescrit pour renscigncmcnt de I'liistoire ancienne dans les colleges royaux et dans les autres e'talilisseinens d'instruction publique. Troisieme edition. Paris, i83i ; T>oiiis Colas. In-8" de xx et 538 pages; prix, 6 fr. 5o c. Le prc'cis d'liistoire ancienne dent nous annoncons la troisieme edi- tion, approprie par sa lurmc a I'cnseignement historique dans les colle- ■ ges , est line oeuvre de science qui prc'sente sous un jour nouvcau les annales de rantiquite'. Nous avons donne une analyse sommaire des premiers travaux de M. Poir^on ( Voyez Rev. Enc, i. xi.i , mars i8'.i9, p. GG6-678 ) et fait ressortir, par un aperfu rapide , les de'couvertes dont nous sommes redevables a son e'rudition ; nous an- rions 2)ourtant de'sirc que, dans ses rechcrches sur I'histoire particu- liere des Grecs, il nous eut montre' d'unc maniere plus positive re'lat des rapports qui existaient cntre les diverses classes d'habitans , aux diffe'rentes e'poqnes des revolutions nationales. Ainsi il e'tablit qu'uu tcms de la guerre de Troie , la Grece e'tait en pleine possession de la liberie civile et religieuse : il n'cst e'videmmcnt question ici que d'une partie de la population , de castes privile'gie's ; car I'esclavage cxistait , esclavage d'individus et non de nations, suivant I'auteur ; mais les destine'es de cette masse esclave ne me'ritent pas moins de fixer I'attention du pbilosophe. Au treiziemc siecle, la Grece est done arrive'e a un degre de civilisa- tion assezavance; les moeurs conservent Icur rudcsse, mais I'intelligence humaine parcourt toutes les voics de progres ouvcrtes dcvant elles; des poetes, dont les chants scrvirent de prelude a ceux d'Homere, des as- tronomes, des mc'dccins, honorent Icur pays; tandis que les arts I'em- bellissent par des monumens aussi admirables que les pyramides d'E- gvpte, inais d'un caractere different . Pres d'un siecle apres la prise de Troie, vers 1 190, un vaste eTiran-J lement occasione par I'invasion connue sous le nom de relour des, Heraclides , semble ajourner la civilisation pour six sitjcles. Le boidevcrscment social qui a lieu cst-il uniqucment le re'sultat de hi. conquete? Doil-on en rechcrcher , dans riiistuire morale de la pe« I.IVIUS HiANC^^AIS. 483 )icitle qui pn'tcdc, (jiiclquc cause caclie'e, iiiais vivc, ardeiitc? LaGrece est-elle anivc'e a I'une de ces e'[ioqucs oil , dans I'affaiblissemcnt et la confusion dcs croyances, riiumanite s'agite, murit pour un cliangc- nient , leve un avenir meilleur? Est-ce Ic fe'tichisme expirant , apres les modifications nom])rcuses que lui ont dcja fait subir Ics colonies e'trai - geres ? Est-ce le fe'ticliisnie faisant place au polytlie'isme grcc? Ben;r.- niin-Constant nous a laisse d'admirables pages sur cette transition si ii - tcressante ; inais ses pense'es , jete'es avee eloquence , ne se rattachent ])oint a un systcme liistorique czact. M. Poirson a effleure' ce sujctj avfc quelques devcloppeinens de plus , il auiait c'clairci I'ud des points Irs phis importans de I'liistoirc de I'csprit liuiuain dans rantiquitc. 11 nous monlrc les rfteKjrdeveuant nationaux, et, dans cette fusion ded- ^ CIS cultes, un polythc'isme c'gal pour tons naissant du choc politique. Puis , rrtracant les eve'ncmens qui sc'parent les deuxepoques, le savant ])rofesseur prouvc que la conquetc dn Pcloponcse par les Doriens, cellc de la Grcce centrale par les Arne'ens, de FHcemonie par lis Thessalicn.s, auiena unc sorlc de moyen age dans la Grece d'Euro2)e; tandis que la civilisation prece'dente c'migrait dans I'Asie-Mineure , oil elle prit son plein essor, depuis Homere et le onzieme siecle jusqu'au sixieme, ct oil cllc prodiiisil une suite non interrompue d'horames illustrcs dans tons les genres. Pendant cct cspace de terns, on trouve dans I'etat de la socie'tc grccqiic , dcs rapprocheinenscurieux avccnotre moyen age moderne. L'in- te'ret s'attaclie avec vivacitc au re'cit des revolutions qui se succedent : Ic poll voir est d'abord dispute' par Ics chefs ou rois, les grands, ct le peupledes vainqueurs; de ce chaos sort rautoritc de I'aristocratie ctablie sur les mines de la royaute; ct cette aristocratic admet certaines dis- tinctions dont nous rclrouvons Ics analogues en Europe avec un sens different, au sisicme siecle^ apres I'ere clirc'tienne, ('vt'^ovtsc, seniores; crjiTzoi, optimates J Tzponoi, proceres- ikt-h: , equites) ', elle re'duit Pancienne population a la condition d'csclavcs, sous le nom dc penestes et d'iiotcs, de thetes, etc. C'est ici que nous devons revenir sur notre premiere observation ; parmi Ics- vaincus , on distinguait Ics homines iibres et les csclaA'es; !e memesoit les atteint-il apriis la conquetc? Ldir condition rcste-t-cllc dif- ierente? Quelles consequences doit-oiitiicrde ces de'nominalionsdc Spa:- tialcs, dc ijacoiiicns , d'iiotcs? II scrait done ne'ccssaire d'e'tiidier avrc soin I'liistoirc de ces populati'DS divcrses , ct siir:out de cette classc d'i- 484 LIVRES FRANgAlS. lotes qui tenta a plusieiirs reprises dc rcgagner la liberie, par de justes mais infnictiieusos rcvoltes. Ainsi , lorsque M. Poirson nous apprend plus tard que le peuple des vainqueurs ct le peuple des vaincus , de- pouilles de leurs droits, puis appeics a servir dans les arme'es, resaisi- rent Icur importance comme les habitans de nos communes , choisirent des chefs nouime's tyrans ct usurpateurs , qui couvrirent la Grece pen- dant un siecle cntier et renverserent les gouverncnicns fondc's par la con- quete; il est presumable que, laissant de cote' la classe infe'rieurc, M. Poirson n'cntend parler que de la parlie de la population vaincue qui a conserve quelques franchises , que de cette fraction aristocralique , si je puis m'exprimcr ainsi , qui n'avait pas e'te' reduite ve'ritablement a I'esclavage : alors prirent naissance les nouvclles formes politiqucs qui rc'gnercnt depuis Solon jnsqu'au tems d'Alexandre. L'auteur, poursuivant le cours dc ses recherches, a tire e'galcmenl, pour la premiere fois , des originaux, la fin de I'hisloire de la Grecej apres nous avoir rendu six sieclcs au commencement dc celte histoire, il a re'tabli et recrc'e' , en quelque sorte , depuis la mort d'Alexandre jusqu'aux victoires des Romains , pr(3s de deux sieclcs de ces annales si curieuses et si peu connues jusqu'a ce jour, malgre les innombrables ouvrages e'crits prcce'demment sur cette matiere. Nous regrettons beaucoup que ce savant professeur ait public, dans un precis , les rc'sultals de ses importans travaux ; lorsque la A^e'ritable erudition se montre si modcstc , le Iccteur a droit de s'en plaindre. Oblige de s'inlcrdirc dc trop longs developpemens , l'auteur a dii sans cesse resumer, resserrer sa pense'e; de la, ce style ferine, concis , qui exprimc tant de choscsen peu de mots. Nous de'sirons que M. Poirson nous donne enfin I'histoire ge'ne'rale de la Grece , qui nous manque , et que peu d'horaraes sont aussi bien que lui en mesure de retracer d'une maniere supe'rieurc. Ses nombreux eerits nous ont proiive' que sa jilu- me pent, au besoin, dcvcnir vive et brillante , sans perdre dc sa vi- gueur; et ses de'couvertes rccevront un nouveau lustre lorsqu'elles pa- raitront cntoure'es de cette vie de de'taiis, de celte poe'sie de I'hisloire, sans lesqucllcs on ne peut reproduire avec exactitude Ic caractcre par- ticulier d'une cpoquc, la physionomie des tems et des hommes. Si, adoptant celte vue large ct philosopliique qui s'attache d'abord a I'his- toire des pcuples et rejclle sur le second plan les individualites , LIVRES FRANCAIS. 485 M. Poirson rcssuscite d'nnc manicrc complete le caractere general de ces grandes pe'riodes de rantiqiiite, il aura c'leve iin monument du- rable a la gloire litte'raire de la France; son pic'cis en est la base. Cette froisieme edition a etc conside'rablemcnt augmente'c; M. Cayx a jelc sur les terns antc'diluviens des ide'es fort jnstes , et , dans la partie de I'ouvrage" dont il s'est cluirgr, notamuient Tbistoire des Juifs, on reconnait un esprit sage et e'claire. II a e'galemcnt rassemble la plu- part des faits qui pouvaient re'pandre quelque lumiere sur le commerce des Pheniciens, sur Rhodes, et enfin sur sur I'ancicnne Carthage; etce travail est heureusement place dans le precis. L'importance de ce livre et reelle : c'est cc que nous posse'dons de plus exact et de plus complct sur les annales des anciens. L. ^m. Sedillot. 140. — Notice historique sur le chateau de Brionne. Rouen, i83i; imprimerie de Nice'tas Pc'riaux. In-4" de iG pag. , avec unc i'ue ; prix , 2 fr. Cclte notice procure une page curieuse pour notre histoire fe'odale. De Brionne , que sa situation destinait a etre pour I'industrie une cite im]iortanle,rart de la gueric n'a su faire qu'unc tres-petite ville. Ce fut d'abord au milieu de la Rille qu'on e'leva un fort,quifutbiitre'en 1090 : aussitot on construisit , en Irois anne'es , sur le sommet de la montagne voisine , im cbfiteau, dont Henri F', due de Normandie et roi d'Anglc- terre , par\int a s'emparcr en 1 124 , par le feu , plus puissant que les armes et les machines. II ne reste plus du donjon, dont la bautcur pent etre de quarante pieds , et la largeur de trente environ , que les murs des cote's nord et oucst. Ces mines n'attirent pas le voyageur sans lui pro- curer des points de vuc delicieux ct de nomlueux sujels de inc'dila- tion. Non loin de la, au sein d'une valle'e cbarmantc, quoique de'pouil- le'e en partie dc ses grands bois, gisent aussi quclques debris; ce sont ceux de I'abbaye du Bee , e'cole celebre qui a fourni des prelats in- struils , des savans , des hommes d'Etat a TAnglelcrre , a la France , a ritalie. La "Hautc-Normandie , malgrc la sollicitude trop peu seconde'e dc ses antiquaires , perd cbaque anne'e de ses mines pre'cienses. Le terns menace d'une destruction imminente le chateau de Tancarville ct la fa- meuse abbayc de Jumiege. A Saint- Vandrille , c'est le martcau qui 486 LIVRKS FRANOAIS. acliovc , })nr cupiditc , d'aliallrc I'l-glisc , ddiil nagiuTC on aduiirail la rcprc'scntalion au Diorama. J'ai revu recerament cetic hcllc province ; si Ics notivcaiix conseils de de'partemcnt n'accordent pas d'allocation , d'autrcs temples et clialeaux nc tarderont pas d'etre perdus pour les arlset pour les etudes liistoriques. Lillebonne , qui renait a une grandc induslrie , veille a la conservation de son chateau pittoresque, et son champ des Arenes , grace au zele d'un citoyen gene'reiix. , sera bientot entieremcnt deblaye. Isidore Lebrun. \!y\ . — Memorial encjclopediqiie et progressifdes connaissances kumaines, ou Annales des sciences, des lettres et des beaux-arts; des arts industricls , des manufactures ft des metiers; de I'histoire, de la ge'ogra])liie et des voyages; formant le complement annuel de I'En- cj'clopedie Y>oital\ye , et une Revue niensuelle des progrcs, inven- tions , perfectionnemcns , de'couvertes et acquisitions de I'esprit humaiii dans toutes les branches de connaissances et dans toutes les parties du mondc; avcc la bingraphie des hommes distingue's dans I'annee, et le catalogue des meilleurs ouvragcs publics ou rc'imprime's ; termine par des tables alphabetique et systematique ; re'dige' par M. Malepeyre aine', avec I'assistance ot les avis du conseil de perfectionnement de V Union Encyclopedique pour la propagation des connaissances utiles ; sous la direction de M. C. Bailly de Merlieux. Paris, i83i ; a la direction de I'Union Encyclope'dique, rue du Jardinct, n" 8. Le Me'moi'ial parait re'guliereraent par cahiers mcnsucls de 128 pages in-32 , ou de 3'J pages grand in-8° ; prix de I'abonnement annuel , 10 fr. a Paris , 1 1 fr. dans les de'partemens , et 1 i fr. a Te'tranger. 1 4-i. — Archives des decouvertes et des inventions nouvelles, failes dans les sciences , les arts et les manufactures , tant en Fi-ance que dans les pays e'trangers, pendant I'anne'e i83o. Paris, i83i ; Treuttcl et Wurtz, rue de Lifle, n" v^. In-8'' de 464 psges; prix, '] fr. J/anne'e i83o, qui a e'te' si riche en e'vc'nemens politiques , a etc' pauvrc de de'couvertes scientifiques et industrielles : le livre que nous annoncons en fait foi. I.es e'diteurs ont , arcliivistes fideles , rassemble' tout cc que la science et I'industrie ont produit de remarquable ; mais, dans aucune direction , ils n'ont rencontre de ces pense'es larges et fe'- condes qui changent la face des problemes ou donnent naissancc a des problemcs nouveaux. Tics-noinijrciix rccuoils qu'ils ont ronsultes ne leur LIVRES FKAN5AIS. 4^7 out offert que des travaux. de Retail , et ils n'ont pii consigner que des details. II y a peu d'espoir que Ics annc'es suivantes soicnt beaucoup jjIus riches, car aujourd'hui un grand norabre d'csprits e'leve's sc tour- nent vers d'autres sujets de me'ditation , et nous nc doutons pas que les auteurs du rccueil que nous annonfons soient prochainement conduits a faire figurer les sciences morales et politiques au-dessus des sciences naturelles , physiques , me'dicales et mathe'iiiatiques , dont ils se sont borne's a constater les progres. La division essentielle de leur livre re- pose sur la division trinaire des travaux liumains , beaux-arts , SCIENCES, INDUSTRIE J ils scutiront la ne'cessite de pre'senter a leurs lecteurs les conceptions qui dorainent et embrassent ces ti'ois manifesta- tions de I'esprit humain. H- F, 143. — Coiirs de matheinatiqiies , rc'dige' en 181 3 pour I'usagc des ecoles inilitaires , par MM. Allaire, Billy, Boudrot, professeurs de matbe'matiques, et M, L. Puissant, meiubre de I'lnstitut , etc. Deuxieme edition, revue etauginente'e. Paris, i832 (i83i); Anselin, rue Dauphine, n° 9. In-8°, avec plauches ; prix, 7 fr. 5o c. Get ouvrage, redige avec clarte' et simplicite , offre, dans un cadre rcsserre , toute la parlie ele'mentaire des matbe'matiques et leurs princi- pales applications a I'art railitaire. Qiioique destine spe'cialement aux e'leves de Saint-Cyr, ce traite' sera tres-utile aux personnes qui ne peu- vcnt donner beaucoup de terns a 1' etude des matbe'matiques. De tcls ouvrages mc'ritent attention , car ils tendcnt a vulgariser una etude que les progres de I'industrie rendent de plus en plus ne'cessaire. 11 serait fort a de'sirer que nous eussions , sur les bautes mathc'matiques , un traite aussi simple et aussi complet. Nos voisins d'Anglcterre et d'AUemagne sont plus avance's que nous sur ce point comme sur beau- coup d'autres : ricn n'cst utile aux progres d'une science comme sa po- pularisation. Malbeureusement renseigncment des sciences malbe'ma- tiques et physiques en France est loin d'etre a la hauteur des pei-fection- nemens. Cette seconde e'dition sera , nous n'cn doutons pas , re^uc avec faveur. L. B. i44- — Lecons d' arithmetique theorique et pratique ^ renfermant un grand nombre d'escmples ; Resume du corns fait a I'llotel-de-Ville de Paris , par Alexandre Meissas, ancien e'leve de TEoole Polytech- TOME LII. KOVEMBRE 1851 52 I 4(S8 LlVllES FRAN^ATS. niqiic, professcnr au college dc Henri IV. Paris , i83i ; an depot de I'aiiteur, rue Saint-Germain-des-Pre's , n" g. Iu-i8 de -j.SS pages; prix , ^o centimes. Avant de parler dii livre de M. Meissas, nous croyons devoir rappc- ler Ics circonslances aux'[iiclles on doit I'ouverture du conrs gratuit qui lui a servi de teste. Imme'dialomcnt ajires la re'volutiou de jiiillet , il se forma une asso- ciation d'anciens cleves de I'Ecole Polyteclinique, compose'e de plusieurs centaines d' homines instruils ct pe'ne'tre's de zele pour le bicn public. Cette socie'te s'occupa des diverses raalicres d'interet general , mais I'instruction populaire, le perfcctionnement mor^l des ouvriers, lixe- rent particulierement son attention. Les anciens elt-ves dc i'Ecole Poly-> technique pouvaient se considerer a juste litre comme ayant pour mission specialc de populariser les notions e'lemcntaires des sciences , de faiie participer les masses a ccs connaissances positives qui, pendant si long- tcms , furent le domaine privilegic des academies et des universite's. Deja un certain nombre d'anciens eieves dc cette e'cole savante , inge- nieurs militaircs, des ponts-et-chausse'es , des mines ou de la marine , artilleurs, professeurs , fonctionnaires meme de I'ordre administratif, profitaient avec succes dans plusieurs villes de province des cours gra- tuits pour les ouvriers. L'ide'e de ge'ne'raliser cet enseignement fut ac- cueillic avec la plus grande faveiir au sein de Tassociaiion. Quelques membres s'offrirent a commencer imme'diatement des cours d'arithrae'ti- que applique's aux usages de la vie , et qui devaicnt etre suivis de cours de ge'ome'trie, de mecanique applique'es aux arts et metiers, de phy- sique , de chmiic , d'aslronomie populaire , de dessin line'aire , d'e'cono- mie industrielle , etc. Avant tout , il fallait des locaux propres a de nond)reuses assemlile'es. L'autorilc en posse'dait a Paris , qui restaient sans emplois utiles : elle trouva toutes sortes d'obst.cles a les ceder. Cependant M. Meissas put ouvrir son cours a ril6tel-dc-Ville ; mais bienlot il fallut se transporter dans la salle moins spacicuse de Saint-Meny, attendu que la grande salle Saint-Jean de rHotel-de-Ville devait servir a des concerts et a d'aulres reunions oiseuscs. M. Guibert, professeur a Louis-le-Grand , coramrn^ait en meme tems un cours d'arithme'tique pour les ouvriers, a la salle des Petits-Peres , mairie du troisieme arrondissement , et M. Au- LIVRES FRAN^AIS. 4^9 guste ComtCjdans ce dcmier emplacement, faisait, toujoursdans le memo but, un cours d'astronomie popu'aire. Ccs messieurs , tons auciens c'leve de I'Ecole Polyteclinique , consacraient gratuitcment un terns conside'ra- ble a I'instruction du peuple , bien qu'ils fusscnt d'aillcurs assujcttis a des occupations nombreuses et oblige'cs. Les ouvriers apprc'cierent I'utilite' de cours pareils, faits par des hommes tres-inslruits. On hs vit de tous les ages et de toutes les pro- fessions accourir en foule a ces lecons , qu'iIs suivirentunc annc'e entiere avec ['attention la pliis sontenue. Pour rcpasser leurs mhtieres , ils nom • merent parrai eux des re'pe'titenrs, qu'ils fircnt agrccr a leurs maltres , et les re'sultats de'passerent les esperanccs de I'association polytechnique. C'c'tait un spectacle digne des regards de I'obscrvateur, de voir des cen- taincs de jcunes ouvriers on d'liommcs raiirs , I'ardoise a la main,suivre dans le pIUs grand silence les calculs da profcsseur, qui venait de tems en tems inspecter leur travail et corrigcr, du ton de I'amitie', les crrcurs qu'ils devaient sonvent •commettre, e'trangers qu'ils e'taient aux notions scientifiqucs les plus e'le'mentaircs. "" D'autres cours- gratuits ont e'tc' annonce's , et aussitot se sonl fait inscrire comme professeurs d'autres meinbres de I'association ; mais des obstacles materiels sont venus s'opposer a leur ouverture; I'association espere les mettrcen activite' dans le cours de cette anne'e. Le livre que nous annoncons est le resume des le9ons de M. Meissas, a I'Hotel-de-Ville et a la salle Saint-Merry : il est e'crit avec simplicitc, clarte et pre'cision. L'auteur cherche toujours a faire coraprendre , par des usages familiers aux ouvriers , les diverses ope'rations de I'aritlime'- tique. II donne une foule d'cxemples bien choisis pour servir d'exercices a ses e'leves ; puis il passe aux premiers e'le'mens de I'algebre , afin de pouvoir manier I'instrument le plus fe'cond dans la re'solution de tous les problemes qui n' exigent que des equations du premier degre. Peut-etre aurait-il pu renvoyer cette derniere partie de son livre, d'aillcurs Ires- bicn traite'e, aux ouvrages spc'cialement consacrcs a cette science. Cette arithme'tique ne s'adi'esse pas seulemcnt aux ouvriers : sa lec- ture serait encore tres-profitable aux e'leves des colleges qui suivent des cours de matliematiques. Nullc part ailleurs ils ne trouveront autant d'ap- plications utiles et inge'nieuses. ^d. G. 145. — Traile du cholera-morhus conside're sous les rapports 52. 4gO LIVRES FRAN9AIS. pliysiologique _, anatomico-patliologiquc , the'rapeutiquc ct hygieniquo ; conlenant Tanalysc critique de tout ce que Ics auteurs ancicns ct modcr- nesont e'critsur le cliole'ia-morbus ; par P. -A. Pkost, D.M. P. Paris, i83'2 (i83i) ; Compere jcune , librairc , et I'aulcur , boulevard Saint- Martin, n" 3. In-8" de viii et 5'i8 pages; pnx, 5 fr. a Paris, 6fr. 70 c. dans les de'partcmens , et 8 fr. 4" c. a I'e'tranger. Le livre de M. Prost est un ouvrage consciencieux , fruit de la pratique et des etudes me'dicalcs de I'auteur; mais il ne nous parait point propre a jeter de grandes lumieres sur la questiou si eni- brouille'e de cette inaladie. Fait a la maniere allcmande, son traite ren- fernie beaucoup de fails , trop meme , puisque la majeure partie est e'trangere a la maladie , et qu'une autre partie ne s'y rattache que par analogic et tres-indirectement. On y trouve (pielques ide'es positives et mele'es, dans beaucoup de vague. L'auteur a un sysleme general qu'ii a expose' dans de pre'cc'dens ouvragcs , et qui tient de tons cote's au jjbysiologisme de M. Broussais; il en fait I'application au cho- le'ra. II voit cette maladie tout entiere dans I'affaiblissemcnt de la peau et des extre'mite's , et dans la sur-excitation des orgaues abdominaux : c'cst bien la aussi Tide'e qu'on a pu s'en faire sur la lecture de ce qui a e'tc' public'. II n'a d'aillcurs pas vu de cbole'riques • il n'a point fait d'ouvertures ; il trouve que toutes celles qu'on a faites I'ont ete' sans me'thode ; il pense qu'cn s'attacbant a tel ou tel organe on aurait obtenu des donne'es plus certaines , mais tout cela nous serable tres-conjcctural ; t'est de loin , e'est de Paris que l'auteur voit le cliole'ra e'pide'mique , et d'aussiloin on voit mal, ou du raoins il y a probabilite' qu'on voit mal. Son style est brillant, anime' ^ plcin d'imagination ; mais il ne serait pas a so«liaiter que tous les me'decins adoplassent cette maniere d'e'crire ; ellenous semble s' eloigner de ce qui convient,deladignite', duse'rieux, qui doivent re'gncr dans un livre de science : los me'tapliores , les com- paraisons scraient micux placees ailleurs , ct si nous n'avions pas beau- coup d'cstiine pour rauteur, nous pourrions provoqucr le rire des lec- tcurs par d'e'tranges citations a cct e'gard. Son livre n'est point un Traite du choldra-morbus ; il serait plus convenablement intitule : Obsenui- tions gene'ralcs sur le clwlera-morhus et aulres maladies. En rc'sunie', ce traite sera In avec fruit, parce ipic l'auteur ne restc pas dans Ics sentiers battus , qu'il a des ide'es a lui , dont il est possible certainemcnt de tirer un grand parti. P. D-x. LIVRES FRAN^AIS. 49' 146. — U eau fraiche , specijiqiie infailUble contre le cholera , propose jiar M. Oertel , profcsseur a Anspach en Bavieie. Paris , i83i ; Heideloff. In-8°; prix , i fr. -25 c. Comme on le voit , le remede conseillc par M. Oertel n'est ni dif- ficile a se procurer, ni trcs-compliqiie' ; mais est-il hon? la est toute la dil'ficultc'. Si nous en croyons notre propre experience, il ne scraitpas a de'daigner. L'eau fraiche en eifet jonit d'une foule dc ]>roprie'te's mal apprc'cie'es ge'neralement ct trop de'daigne'es, qui nous paraissent a priori devoir hitter avantageuscment conlrc le cholera ; dans tous les cas il serait tout-a-fait inoffcnsif , c'cst an moins un privilege que tous les spe'cifiques propose's ne possklrnt pas. 147. — Etat de la science , relativement mix maladies epide- miques; par M. Lassis. Paris, i83i. In-H. Cctte brochure estleproduit de I'exaspe'ration d'un autcur qu'on s'est trop hate' dc condamner , parce qu'il propose sur les affections e'pide- iniques des ide'es qui s'ccartent des opinions accre'dite'es aujourd'liui. Peut-etrc que les formes un peu acerbes avec Icsquelles il les a presen- tees et les pre'tcntions exage're'es qu'il a annonce'cs ont uui autant a leur succes que leur originalite a I'e'gard des ide'es de Tcpoque. Plus tard nous rcvieudrons sur toutes ces questions , et nous serons justes envers lui , plus sans doute qu'on ne I'a e'te'. R*. 148. — Typophonie on art d'ecrire et d'imprimer en noiweaux caracleres propres a abre'ger tres-nctahlement Vecriture et les li~ i'res, applicable a toules les langues, invente par J, Painpare. Paris, i83i ; I'auteur, rue Vcrdelet , n" 4- Une feuille in-plano ; prix, 1 fr. 5o cent. Entre toutes les me'thodes inventc'es pour abre'ger Te'criturc, le systcme d'abre'viations invente' par M. Painpare se fait remarquer par une grande re'gularite , une simplicitc extreme et unefacilite d'exe'cution qui pourra rendre cette e'criture usuelle. Un point essentiel la distingue des a pre- sent, c'est qu'elle seulc s'est montre'e iraprime'e en caracteres mobiles. Toutes les autres impressions que nous posse'dons daus les types tachy- graphiques , ste'nograpliiques et autres , n'ont pu etre reproduites qu'a I'aide de la gravnre on dc la lithographic ; la configuration des carac teres de ces diverses ccritures abre'gc'cs s'opposant a ce que cliaque signe fut indcpendant du signe voisin. Dans la typophonie, I'emploi constant 492 LIVRES FRAN^AIS. de la ligue verlicalc a rcrae'dic a cet inconvenient. Nous cngagcons toutes les personnes qui ont des notes rapides a prendre, ou bien qui doivent I'cnferincr bcaucoup dc pense'es dans un cspace limite' , a consulter ce tableau. Elles apprendront en tres-peu dc tenis, sanssecours c'trangers, I'art d'e'crire d'une maniere clairc et concise , et , peut-eti'c , avcc un peu d'usage, aussi vite que la parole. Dans la pratique ce syslerae su- bira quelques modifications qu'il serait trop long d'indiquer ici , siais qui scront facileinent pressenties par I'auteur et par les personnes qui se livreront a I'e'tude de son systenie. P. D-\. i^g. — Nouvelle Fraxigraphie, ou Manuel the'orique et pratique de I'ortographe francaise , contenant , outre les regies ne'cessaires pour bien ortograpbier, un rccueil de dictees (non corrige'es) sur toutes les parties du discours , etc. 5 par F. Sauger-Preneuf. Paris , i83i; Auguste Delalain. In-ii de xii-i68 pages; prix, i fr. 5o c. i5o. — Le Sacerdoce litteraire, ou le gouvernement des liommes de letti'cs; centilogie en trois acles, par M. Aristophane , citoyen de Pa- ris. Paris , 1 83 1. In-8° de viii-8o pages; prix, i fr. Victor Hugo convoque les homnies de lettres dans le cabinet des fi- gures dc cire de Curtius , pour leur pre'scnter un projct de gouverne- ment dont ils seraient les chefs; mais il s'agit, avant tout, de rattacber au nouveau pouvoir la Pleiade marseillaise , compose'e de Me'ry et Barthelemy, Rey Dusseui! , Reybaud, etc. Une seconde asseinble'e a lieu dans les salons de la Revue de Paris et une troisierae au Cirque Olympique ; cette dernicre est dissoute par la force publique , a la tete de laquclle se pre'sentent MM. Casimir Pcrier, Gisquet et Lobau, et le tout se termine par une farce dc carnaval. Tel est le sujet de cette satire dramatiqueoufigurent la plupart des poetes, romanciers ou journalistes de I'e'poque. II y a de I'csprit , du mauvais goiit , et plus encore de me'- chanccte dans I'ceuvre du citoyen Aristopbane; mais son antique liomo- nyme avait plus de ]oyautc,il attaquait scs ennerais a de'couvert. On peut bien n'appliquer qu'avec derision Ic noin de Sacerdoce a la pro- fession de Tbomme de lettres lorsqu'on en fait un parcil usage. ** i5i, — Shynetes , par M. Paz^Z Foucuer. Paris, i83'2 (i83i); madame veuve Charles Be'chct, quai des Augustins, n° 5(). In-8° de 437 pages ; prix , 7 fr. Ce qu'il y a de plus neuf dans ce livre, c'est le titre; I'auteur a scnti LIYRES FKANQAIS. 49 3 qu'il n'avait pas fait de grands efforts d'iraagiiiation pour crc'cr ccs scenes decousucs , ces pcrsonnages coinmuns, ces p3ssions iioires ct meiirtriercs; et afin d'appiendrc an moins qiielqne chose an Icctciir, il a einprunte' a M. Me'rimcc an litre dramatique qui n'annonce ni dcs drames, ni des provcrbcs, ni dcs tragedies, ni des me'lodrauies. Quand vous entrcz cliez votre libraire et que vous liscz sur la couvcr- ture d'un livre, couleur chamois : Saynetes , vous de'sirez sans doute connaitrc cette nouveaute' piquante : voici ce qu'il vous restera de vos deux heures de lecture. II a existe, je ne sais a quelle "e'poque, un jeune homme norame Theodore , Icqucl avail une tante , madame d'Ofelly ; Theodore aimait sa tante, madame d'Ofelly aimait son neveu , et la consequence de cette fatale passion, complique'e d'un duel , c'est que le mari de madame d'O- felly fut tue', et que la femme adultere s'e'crasa la tete sur des rochers ; quant a I'amant, on ignore ce qu'il devint. Cetle histoire a un sens profonde'ment moral , c'est de prouvcr I'exis- tcnce d'une impitoyable fatalite qui pese sur nous de tout son poids. Lafatalite ! c'est maintcnant la religion de nos poetes : en prose , en vers, dans les drames, dans les odes et les elegies, ils scmblent avoir abdique le sentiment de la liberie de I'horame, son amour pour la su- blime pre'voyance qui preside a toutes ses destine'es; la fatalite , ce mot grave sur les murailles de Nolre-Dame de Paris , est Ic credo , le blaspheme du poete. Plus de Dieu , done le diable! Plus d'amour, plus de vie I Done la haine, la mort, le ne'ant, la fatalite'. Voila bicn la douleur qui ronge tanl de coeurs, et donne aux drames de nos jours une leinte si noire; maisapres Childe- Harold, Faust , Notre-Dame de Paris , M. PaubFoucher n'a invente', dans la premiere de ses Sajiietes , qu'une redite e'puise'e. Maintcnant sortons de la fatalite ct entrons dans une rue de Jaen , ville d'Andalousie, ou un jeune homme , euvelnppe d'un mantcau , sort d'une maison et cmbrasse une femme; c'est Vitloria, suivantc de dona Isabclle : le pere de celle-ci la destine a don Louis, qui, sans la con- naitrc, la sauve, un beau jour, de I'attaqtie brutale de plusieurs jeunes gens , sur une grande route , et devient amoureux d'elle. Don Louis ignore aussi que le gouverneur de Miircie , centre lequel il conspire , 494 LIVRES FRANgAIS. est I'oncle de sa maitresse : la conspiration est de'couverlc , ct don Loius se Irouve place' enlre la ne'cessite de violcr le serment qui le lie a ses complices on de rcnoncer a ccUe qu'il aiuie. L'auteur n'a pas voulu de'- cidcr quel parti devait prendre don Louis. Cctte intrigue cspagnole res- scmble a toutes celles que vous connaissez. Les trois dernieres Saynetes sont : Vlnterieur d'un harem , ou Ton voit un rajah indicn enlever a un de ses csclaves sa maitresse pour la faire entrer dans son propre se'rail; le Manage d'un vinine , peinture dcs inconvc'niens de la tonsure ct de la soutane quandon est amoureux: le Lorenzo de M. Paul Fouclier est une pale reminiscence de Claude Frollo; enfin la Quittance, etude sur le regne dc Francois F"" , ter- mine le volume. Cctte piece en vers est la plus curicusc; c'cst un clief- d'ceuvre de demolition du vers alexandrin ; il est la brise' , broye' , pul- verise' ; en vc'rite' , je ne comprends rien a une pareille re'gc'ne'ration de Yart, et il m'est impossible de senlir de la poe'sie sous cet abattis versi- fie. Quant au drame, il s'agit d'une somme de 4oo,ooo ecus qui avait etc' remise, par le seigneur dc Scrablan^ay , a la mere de Francois F"", pour etre cnvoye'e a Lautrec , afin de continuer la guerre d'ltalie. Louise de Savoie donne quittance de la somme au baron de Semlilanfay et la garde , pour jeter dans I'embarras Lautrec, son cnncmi. Tel est le sujet de cctte e'tude dans laquellc se trouve une scene asscz dramatique entre le secretaire du seigneur de Scmblancay et sa maitresse , qui, en- tratne'e par les conseils de la reine-mere , veut obliger son amant a dc'rober la quittance an baron. La lutte entre I'amour et le devoir est cncrgiquement rendue. Nous n'en dirons pas davantage sur les Sojnetes; elles ne sont pas la derniere production de M. Paul Fouclier : fortjcune encore, il pent apprendre d'un poete qui lui est cher , comment on sait grandir et pe'- netrer de plus en plus dans le domaine de I'art et de la poesie veritable. iSa. — Reves poetiques, par Emile Souvestre. Nantes, i83i j imprimeriede Mellinet. In-ij ; prix, 4 &"• 1 53. — Trois femmes poetes inconnues ; recucil public' par le meme. Nantes , i83i; a la librairie industrielle. In-i'^. 1 54. — Revue de V Quest, ancien Lyce'e armoricain , publie'e par M. Emile Souvestre. Nantes, i83r. On souscrit clie» tons les li- baircs de la Brctagne. Ce recueil parait tons les mois ; prix de I'abou- nement, i5fr. pour unan, 9 fr. pour six mois. LIVRES FRAN^AIS. 49^ Sous le litre de Feiiilles d'aiitomne , un grand poete vient de chan- ter ses emotions , ses extases , au milieu dc riiarraonie de la nature , en face des c've'nemcns politiques , en un mot toute sa vie intc'ricure 5 c'est aujourd'iiui la source la plus vivc de poe'sie quo cettc existence concen- tre'e dans le foyer domeslique , forme'e dc nos larmes sur la mort d'un enfant , d'une c'pouse ou d'une mere. Dans notre socie'te , veuve de liens et de croyances communes , le poete doit expriracr avec le plus de sentiment les details intimcs de sa vie ct se chanter lui-meme; et , comme il souffre, la forme poe'tique qu'il adopte , c'est I'ele'gie. Aussi I'ele'gie , expression de la douleur et du doute , se rcproduit- ellesous tons lesnoms , dans tousles chants. II ne suffit pas d' entendre la voix puissantc et liarmonieuse de Victor Hugo , pleine d'accords larges et magiques; e'coulcz tous ccux qui chanlent , tons ceux qui ge'missent; e'coutcz , non pas seulement ici , dans Paris , mais partout, au loin , au fond de la province, obscurs, ignores. De la Bretagne , voici venir un jeunc poete dont , il y a quclques jours, nous lisions les vers, sur Icsquels nousappelons tout Tinte'retde nos lecterrs. Sous le titre modeste de iJet^es poetiques, M. Emile Souvestre nous a rc've'Ie tout ce qui fait sa vie a lui , la-bas : des souvenirs d'enfance , un premier amour, la beaute' du soir , les elans de gloire et de poe'sie , toute cette existence simple et vraie , douce et melancolique, d'un jeune homme aux e'motions tendres et ge'ne'reuses , a la pitie ardente pour les souffrances de I'humanite'. C'est avec je ne sais quel bonheur, qui rcssemble a celui de trouver un ami , que nous avons lu ces vers , dont Ics pense'es ct la me'lodie nous ont fait sentir , comme par une e'trcintc de la main , par un regard qui de'voile tout un etre , une de ces natures de de'voument, d'exalta- tion sainte et sublime , qui font le poete. On le sent , M. Emile Souvestre a vraiment souffert et pleure : il n'invente pas ses joies ct ses miseres pour chanter a plaisir • son ame est dans seS" vers. Mais M. Souvestre ne vient pas nous faire connaitre seulement les mystercs de son existence , il en possede d'autrcs plus tendres ct plus naifs , des tre'sors dc poe'sie cnfouis jusqu'a ce jour dans trois cceurs de femmes. 49^ LIVRES FRANgAIS. Sous ie litre do Trois femmes poetes inconnues , il nous donne Ics aveux, los souvenirs , Ics elans de tendrcsse, de pitie , de trois jeunes femmes (jui ne se savaient pas poetes , parce qu'ellcs laissaicnt e'cliapper leurs vers coiume Icius larmes, sans en rien dire , dans le silence ct la solitude. Ces vers sont d'une me'lodie plcine de cliarme ct d' abandon , d'une grace facile et suave qui pe'nfctre douccmcnt et vous fait sourirc avec cettc Iristesse me'lancolique qui s'empare de vous a la vue d'une jeune femrae pale et languissante. Mais I\I. Eraile Souveslre ne pouvait se contcnter d' employer son ta- lent a exprimer des souffrances individuellesj place dans un pays qui, plus que tout autre , a besoin de sentir I'influence d'hommes e'claires et possesseurs de tous les progres accomplis dans notre e'poque , il devait chercher par la presse a faire pe'nc'trer dans la Bretagne les ide'es d'arae'- lioration qui fermentent aujourd'luii parnii les liommes les pkis avance's. Sous ce rapport , nous ne saurions trop applaudir au reciieil pe'rio- dique public par M. Souvestre , sous le litre de Revue de V Quest, La premiere livraison que nous avons sous les yeux contienl un pros- pectus en vers, par I'autcur des Reves poetiques , dans lequel il expose le plan de sa revue et I'inspiration sous laquelle elle sera composee; celte inspiration est e'leve'c el ge'ne'reuse. La suite de cette livraison est remplie par des morceaux litte'raires ine'dits. Nous savons que M. Souvestre ne doit pas fnire de la Revue de V Quest seulemcnt un recueil de poesies inc'dites, de fables ou d'histo- rietles , mais y exposer aussi des ide'es critiques sur les plus liautes questions d'art , de pbilosopliie et de morale; presser et indiquer toutes les ameliorations a apporter au sort de la classe souffrante , surtout en Bretagne. Le talent que M. Souvestre a monlre' comme pocte nous as- &tire du succes de la Revue de V Quest, el nous attendons beaucoup pour son pays de cettc inle'ressanle publication. A. St. Ch. i55. ^- Poesies , par madame Sophie Doin. Paris, i83i ; impri- merie de Ducessois , quai des Augvistins , n" 55. In-H" de Hu pages. 1 56. — Cinq chansons , par la meine. Paiis, i83i ; le meme. In-8" d'une feuille. Ces poesies sont oompose'es par une jeune femme veillant dcpuis deux anne'es son epoux souffrant , ami qui nous est cber , ([ui ful long-tems LIVRES IRANgAIS. 497 iin de nos coUaborateurs dans cette Revue , et que nous esperons voir enfin bientot rendu aux sciences et aus leltres. Le lien inlime ct d'af- fection'qui nous unit au docteur Doin nous interdit en quelque sorte I'eloge du talent de I'auteur. Nous nous permettrons une seule remar- que ge'nerale. II est terns que Ton fasse bonne justice de re'tonnement ridicule qu'excite encore trop souvent I'apparition dcs femmes poetes. II est ne'cessaire , surtout dans une e'poque de transition oil tout est a recre'er, que toutes les individualite's soient admises a venir projeter un reflet de leurs traits a la source de I'art nouveau : nous u'avons pas manque' jusqu'ici d'liommcs qui se sont fait femmes dans leurs poe'sies j eutcndons desormais sans preventions les femmes a leur tour nous dire leurs douces et de'licates impressions de jeunes filles, d'e'pouses et de meres; elles ont une moitie' cntiere du monde poe'tique a nous re've'ler. Sans vouloir prononcer aucun jugement , clioisissant au basard quel- qucs lignes dans le dernier ouvrage de raadame Doin, nous citerons un fragment, de'veloppement d'un vers bien connu de Voltaire : K La patrie est aux lieux ou Pamour nous attire , Oil CO qui nous est cher tout pres de nous respire , Ou Ton voit ses parens en paix vivre et mourir , Oil le present heureux garantit Tavenir , . Ou les droits, Jes devoirs d'un ciloyen utile Ne sont jamais troubles dans leur course tranquille; Ou de lendrcs enTans grandissent pleins d'ardeur, Sans craindrc des puissans Torgueil ni la favcur. La patrie est aux lieux oii Ton seche des larmes , Oil de la bienfaisance on goule tous les charmes, Oil contre rinjuslice on defend lopprime, Ou Ion sent picinemcnt le bonheur d'etre aim(i. Partout oil I'cxialcnce est utile, cherie, Ou I'on fait des heureux e'est la qu'est la patrie!)) E. G. iS-.^^Paris, ou le Livre des Cent-et-Un. Paris, de'cembre i83i ; Ladvocat. In-8° de 424 pages; prix du volume, 8 fr. (Voycz cabicr de- septembre , p. 544- ) Ici se pre'sente un probleme sans doute difiicile a re'sQudre , puisque des hommes d' esprit n'ont pas e'te d'accord pour lui trouver une solu~ 498 LIVRES FRANgAIS. tion commune et definitive. C'est un axiome qui a ete pose' par Ics uns que , ce livrc e'tant une oeuvre de gcne'rosite' , dcvant Ini la critique dc- vait s'abaisser muctte , ct laisser , sans cntravcs , Ics ponipes de I'afficlie excrcer leurs seductions sur la credulite des passans. Irresistible argu- ment! Soumettez-vous , lectcurs; payez luiit ou neuf francs votre cote exige'e de la souscription a laquelle , sur tons nos quais, dans tous nos carrefours , vous convient le cynique Diogcne et son collcguc Asmode'e , spirituelles fantaisies du crayon d'Henri Monnier. L'arret est prononce : payez les yeux ferme's ; par mesure de precaution , les comperes interdisent I'examen pre'alable. Eli ! que n'accorderait- t-on point a ce bon M. Ladvocat, pour i'indemniser de scs malen- contreuses speculations sur Byron, Chateaubriand et Delavigne : la France, vous dit-on, ne saurait manifester trop de gratitude envers I'habile commerfant qui , le premier , a su comprendre ks desline'es nouvelles que promettaicnt a la litte'rature les annonces marchandes , le prestigieux cabriolet et les dejeuners de garcons ! Certcs , rien qui ne fasse lionneur au bc'neficiaire dans cet empresse concert de louanges dont la docile centurie flattc ses oreilles; et ma foi, vous tous qui soupirez apres la renomrrie'e, avoucz-le, n'est-ce pas une bonne fortune , pour un homme qui attend paisiblement la gloire dans son salon, que cettc lettre de Charles Nodier, imprime'e et rc'pan- due a trois mille cxeniplaires, et qui commence par la pre'cieuse formule : Mon cher ami. Cependant , la me'ciiancete pourrait trouver quelque plaisir a de'scncbanter ce magnifique e'talage de deVoiimens. La , ou le vulgaire se plait a signaler une pcnse'c gc'ne'reuse , clle aurait moyen de nous montrer une nouvelle conception du charlatanisme contcmporain, a analyser dans son creuset les influences varices d'amour-propre , d'ambilion , de complaisance, d'entrainement, de manie d'imitation qui ont pu de'cider une aussi extraordinaire unanimite'. L'admiration ferait place a la raoquei'ie, si, la croyant sur parole, on pensait avoir devinc les sentimens intimes qui ont engage tcl jeune inconnu a enroler son nom , encore ignore' , dans laliste brillante denos illustrations litte'i-aires ; les secrets motifs qui ont pu vaincre les repugnances de certain classique, stupe'fait d'apostiller de son style acadeinique le dcvcrgondage ampoule du romanlisme, ou arraclier un savant dc sa sludieuse retiaile, pour le mclcr alafoulc des Addissons uiondains qu'arecrutc's le librairc a la mode. LIVRES FRANC A IS. 499 Mafs lintons-noiis de lircr un discrct rideaii siir ces myst^rcs de la cons- cience : cctte enviciise recherche n'cst point notre affaire. Nous laissc- rons a tons les lionnciirs de leiir belle action. hcLu're des Cent-et-Un ressemble a ces bazars que la bienfaisance de nos grandcs dames sc plait a ouvrir pour le benefice des Grecs , des [)auvresou des Polonais. Ghacun doit y trouver son compte. Graces a cette invention du siccle , I'utilitaire fait Faumone en e'changeant son of- frande raisonne'e centre un objct qui restc, ornement flatteur de sa toi- lette , de son boudoir, ou de sa bibliotlieque. Quant aux donataires, artistes et industricls amateurs, ils dirigeut avec empressement , vers ce debouche nouveau , les chefs-d'ceuvre jusqu'alors ensevelis dans le seci-et de la famille , et qui peuvent , sous I'inviolable patronage de la philan- tropie, braver enfin sans crainte les hasards de la publicite. On ne s'ar- rete point, dans ces grands jours de charite fashionable, a faire la jwrt scrupuleuse des vanites qui s'etalcnt dcvant le public. Non, on profile bonneraent dela circonstance pourmettre d'accord la sympathie que re- clament les malhcureux. et re'conomie bien entendue d'un homme habi- tue'a balancer habilement le bilan de ses besoins et de ses ressonrces. La, chaquc chose, cette gaze delicateraent tissue par une aiguille du- cale, le paysage ebauche' sur le noble chevalet d'un peintre a vingt quartiers , le joyau qu'une main fraiche et rosce a tire' de son c'crin , tons ces appats pre'scnte's a notre zele ont une valcur in- trinseque que les dispositions particulieres des acheteurs font hausser jusqu'au niveau de Icurs caprices ou de leurs sentimens. Comme sur tout autre marche' , le cours s'ctablit par la concurrence des offres et des demandes. Chez M. Ladvocat, il n'en est point ainsi; et, je ne crains point de le dire , c'est une maladresse autant qu'une injustice. Seize anteurs ont fait les frais de ce volume, dont le prix est invaria- blemcnt fixe' a huit francs. Soit indulgence complaisante des supc'riori- te's , soit jalous calcul des subaltcrnes, tons sent confondus dans la memo cate'gorie. La prose de Chateaubriand nous est livre'e pour cinquante cen- times , tout comme les alexandrins de Barthe'le'my , la philosophic de Jules Janin , la misantroj)ie de MM. Jouy et Ke'ratry, dc'piorables victimcs de I'ingratitude populaire , ou la malice enjoue'e de Charles Nodicr. Force nous est d' accepter le tout en masse , quittes a prendre sui' les bons morceaux une compensation aux mauvais. N'aurail-il pas SOO LIVRES FRAN^AIS. cte plus sage de laisscr an public son clioix entier? Quelqucs de- vouc's en aiiraient souffert probablemcnt : raais, si liberie lui avail etc laisse'e de payer tribut , selon ses gouts el son luimeur , a ses ve'ri- tables favoris , la foule sc scrait certaincinent picssec plus nonibreuse dans les inagasins de rc'ditcur. Cela s'cst fait autrement : qu'airive-t-il aujourd'hui ? Apres avoir organise cette incolie'rcnte confusion de grands noms et de noms sans avetiir , de dominatcurs dela vogue et dc ses plus dedaigne's courlisans , les Ccnt-et-un ont craint de cottiproraettre la for- tune de leur honorable ami , en exposant sa dot aux ccueils de la cri- tique. Defense a cte porte'e aux jonrnaux de mcdire de leur entreprise. t^asse pour le premier volume , specimen pe'niblement e'laljorc , pros- pectus liabilement combine' d'e'chantillons de clioix; le lecteur a hoche' latete, et, tout en repe'tant : Pas mal, s'est repose sur les tomes suivans du soin de salisfaire toutes les espe'ranccs qu'on lui avail inspire'es. Continuez, livrez une seconde serie : cette fois encore, la rccette sera complete et lucrative; mais craigncz que la critique , a laquelle vous avez maladroitement bouclic ses issues naturclles, ne rentre cnfin dans ses droits par une reaction fatale a la caisse del'association. He'las! gare la vengeance des chalands dc'sappointe's qui s'e'taient laisses prendre d'a- bord aux pipeaux de M. Janin, et qui , sur la foi de ses promesses , ont reju , le 1 5 de'cembre dernier , la livraison promise ! Soyons de bon compte pourtanl : devaienl-ils s'attendre a mieux? Comment espe'rer que cent talens , si divers d'habitudes el d'inspira- lions, vont tous se plier , avec un egal bonheur, a I'allure de Sterne ou dc Mercier. Quelques bommes de sens et de ge'nie refuseront^ il est vrai, de fle'chir sous ces nouvelles fourclies caudines que pre'tend leur imposer I'Asmode'e moderne : Chateaubriand n'abdiquera point sa haute politique ni son langage poe'tiquemenl inspire'; Be'ranger sera loujours cliansonnier, meme dans le livrc'de M. Ladvocat. D'autres esprils origi- naux preleront bien leur originalile' au canevas banal qu'ils ont entrepris de remplir. lis sauront se faire un cadre a leur taille pour y enchasser, sous des formes neuves el piquanles , quelque suave re've'lalion de poe'sie , un aperfu de philosophic , ou quelque inge'nieuse observation morale. M. Janin revetira de sa parole e'loquente une vigoureuse satire de cette e'glise franfaise qui se croit mission de ranimer un cadavre , jadis plein de vie, mais use' par le terns, avanl que Lulher el la revolution LIVRES FRAN^AIS. /To f franfaise I'ensscnt ecrasc sous leiirs coups degeaiit. A M, Sainte-Benve d'e'tayer de sa ciirieuse erudition, dc sa pcnetrantesagacite, quclques vucs fugitives sur les soire'es litte'raiies et les poetes cntre eux. M. A. Bazin se fera fort de semer dans la description topographique du ma- teriel dcia Chambre dcs deputes une abondanteraoisson d'e'pigramincssur les traversdu corps rcpre'sentatif. Nous suivrons voJontiers ]\I. Charles Nodier , pour quelqucs minutes , dcvant le simple tre'teau ou Policliinclle cache, sous ses deux Iwsscs, un complet resume' des grandeurs et des miscres Inmiaines ; et nous applaudirons aux c'clairs de verve dralua- tique qui jailliront 5a et la, sous la plume de M. Alexandre Dumas dans son rc'cit d'une course en cabriolet de place. Mais la foule rcstcra maussade et ennuyeuse. A voir I'umfoimite' constante de ses pro- cedes d'analyse, cctte gene continue de style ct de saillie, cette labo- rieuse affectation de finesse dans des observations vulgaires , celle pro- saique enluminure d'un monde si vivant ct si naturcllcmenl colore, on est plus d'une fois tente de renvover un Lesage improvise un honnete e'crivain deroute, a son feuillcton quotidien , a la tribune parlementaire , voire meme au fauteuil acade'mique. A chacun sa vocation; le bonhomme I'adit, ne forcez point votre talent- ct si Ton vous pardonne , pour cette fois , ces maladroites excursions hors de vos doraaincs respectifs, dans Tinte'rct de votre gloire, de nos plai- sirs , et de vos bonnes ceuvres , messieurs , le public vous en prie n'y revenezplus. A. J. i58. — Le Lorgnoji. Paris, iS3i (i83i); Alplionse Levavasseur Charles Gosselin. In-8" de 3Go pages ; prix, -j fr. 5o c. A qui n'arrivc-t-il pas, enchaine a un travail fastidicux, de saisir en fraude un eclair de loisir, et de se dire avcc joic : «Tcl jour i'irai chcz Reudiiclou Gosselin, chez Giroux, chez Pacini ; il y a lone-tems que je n'ai rien vu de nouveau : il se sera amasse de charmans ou- trages , de jobs tableaux , des partitions toutes fraiches. » Lc jour vient : on part Ic'ger et palpitant doucement d'attente : on regarde , on cherche, on choisit : et Ton emporte son biitin, les yeux rayonnans avec grande hate d'arriver au logis pour e'taler ses richesses sur la table ct les peser, les comparer, les tourner en miljesens, en ne s'inquie'tant ni du bruit du dehors^ ni de I'heure qui passe , car alors le present est tout,, Pt Ton est seul au monde. 5o2 LivRES fran(;:ais. II y a trois jours, j'e'tais ainsi rcntrc dans nia cliainbre, ct, des nom- brcux ouvrages ([iii ont etc public's dcpuis qucl(iiie terns, jc n'avais rap- porte, lielasi que trois volumes j encore I'un d'eux elait le Lorgnon. Rien autre chose ne m' avail tente. On criera , si Ton veut , a I'injustice ct au mauvais gout. Que puis-je y fairc ? Ma conscience est tran- .quille. J'ouvris le Lorgnon avec indifference, jc Ic confcsse. Vingt minutes apres , je me trouvai face a face avec ce mot laconique tt uiaussadc : fin. Je fermai le livre avec un demi-soupir ot le couvris de mes deux mains sur mes genoux. Sur trois cent soixante-trois pages , j'en avais a peine passe quatre-vingts. C'est un des plus pomj)eux e'loges que j'aie depuis long-tems entendu prononcer. Byron n'a-t-il pas e'crit : « Qu'est-ce qu'un livre (je n'en excepte aucun)? sinon un de'sert oil, dans un jour de raarcbe , on rencontre ca et la quelques sources , et peut-etre un on deux bocages. » Jc rcvai ensnite plus d'une licure au jeune Edgar , lisant a travers son lorgnon en^verre de Boheme , avec de lents de'lices , dans le coeur d'une jolie veuve qui I'aime. Le soir, je racontai, en un coin de salon, plein d'une sorte d' effusion de reconnaissance , mon bonheur de la jour- ne'e. D.... me lira a I'ecart, et liaussant les e'pauies, d'un air cruel de compassion , me tint un long discours dont je n'ai retenu que ces mots : « He I c'est une donne'e commune! » — a AUons , Emile, tu me comprendras. II n'est pas aujourd'hui lui seul petit homme rond et e'pais qui, a la fin d'un vaudeville ou d'une comcdie , ne se pcnclie vers sa daue et ne se re'crie trcs-haut , avec un mc'prisant sourire : « ^a finit toujours par un mariage. » Ehbien, moi , j'ai vu ou lu plus de deux millc vaudevilles et de six cents come- dies , et il ne me serait jamais venu a la pensee un pareil reproche. Prends deux amans, habille-les a ta fantaisie, fais-lcs parler a ta guise; qu'ils entrent en scene , et des qu'ils se seront jetc un regard qui signi- fiera «jet'aime, etmoiaussi, »oui,je serai encore inte'resse' et d'a- vanee attendri : si tu te scrs ensuite habilement de ta passion , je sijis a toi, je vais oil tu veux, je me laisse entrainer haletant, et, vers le de- noiiment, jc pourrai memetc prier, toi, mon Emile, a mains jointes, de marier les pauvres jeuncs amans , si cela ne te contrarie pas trop, et si les parens ou les e've'nemens peuvent s'arranger. LIVRES FRANgAlS. 5o3 » C'est qu'il est des donne'es qui seront e'ternellement vraies , e'tc-r- nellement neuves pour les ames bonnes ct simples : ce sont celles qui onl pour principe un sentiment indestructible du coeur Inimain. II sera toujours beau et pur, n'est-ce pas , que Ton sunisse pour la vie a celle qu'on alme ct qu'on comprend le mieux parmi toutes les femmes. Cost doubler scs sens , c'est agrandir sa vie , c'esl faire une conquete sur de folles incertitudes et sur une vicieuse mobilite'. » Je sais bien que tu vas me dc'montrer qu'il n'en est pas de meme des donne'es sorties des vagues regions de Tcsprit. Je confois cela; mais, mon ami , ainsi que demandait la soeur d'Anne : encore un petit moment de patience. » Avant de connaitre le Lorgnon, je connaissais parfaitement I'an- neau de Gyges , et les chapeaux de Fortunatus et du prince Lutin qui rendent invisibles , le tableau magique d'Azor, et deux outrois lunettes ou telescopes qui permettent de voir, a travers toutes les distances , a travers les murailles et les rideaux de soie. J'avais feuillete' avec respect Porta, Lebrun , Lavater, Gall, et la legion d'auteurs qui ont cherche a cnscigner les moyens de deviner les pense'cs d'un liomme a la seule in- spection de sa tete, de son visage , de son attitude , de ses gestes, de son souiire, de ses rides, ou de son e'criture; j'avais meme me'dite la preface du Livre des Cent-et- Un , frontispice de tous les ouvrages a tiroir, de toutes les galeries de portraits , de tous les voyages d' obser- vation passes et pre'sens. Cependant, quand meme on devrait me rire an nez , me dire : Vous etes fou , me tourner le dos , ou me siffler , fredon- ner en m'e'coutant , je declare que je me suis encore francliement amuse' a regarder dans le lorgnon d'Edgar , au jardin des Tuileries , au cafe' de Paris, aTOdcon, au bal, dans les soire'es, et a la noce qui termine I'histoire ainsi qu'un conte d'enfant. Jc me suis rejoui a voir ce mer- veilleux instrument troubler les plus babilcs coquettes , les plus fins di- plomates , et j'ai joui de'licieusement a suivre a nu les caprices de I'a- mour reserve et un peu fier de Valentine , a effleurer cffrontement sa pense'e intirae, meilleurc ct plus pure que ses levres memcs. Peut-etre je lirai le Lorgnon une secoude fois; et il est six ou huitautres nouveau- te's qu'on vante beaucoup autour de moi , dont le plan n'est pas vieilli sans doute , soit parce qu'il ne s'y en trouve aucun, soit pre'cise'ment parce qu'il est unique en son genre , etque personne ne relira jamais. TOME Lll. NOVEMBRE 1831. 33 5o4 LIVRES FRANCAIS » C'est qu'au grand nombre des esprits curieux ct inquiets d'avenir, il arrive de sc plaire a tout jcu d'imagination , fut-il renouvelc des Grccs commc dans rexcmplc acluel , qui caresse I'esperance d'uH raffi- ncmcnt, d'un de'ploiement , ou d'unc multiplication des cinq misc'rablcs sens que nous avons, pauvres liommcs! Et I'un des dc'sirs les pins vils qu'evoque en ge'ne'ral a tout moment la fantaisie, c'est, pour eux , celui de lire dans Ics secrets sentimcns des autres , afin surtout d'y de- couvrir la bienveillance , I'affection et la tendressc dont chacun de nous a besoin pour s'avancer avec confiance dans celte foule d'etre mas- ques, pour rcspirer a I'aise et abondammciit , pour vivrc. C'est d'ail- leurs ce que prouve la pretention que nous avons tons, plus ou moins , d'etre pbysionomistes. » J'aurais parlc ainsi pendant la soiree entiere sans faire autre cliose peut-etre que de m'expliqucr un peu mieux a moi-meme pounjuoi j'aime le Lorsnon. Emile , qui me voulait quitter, avoua qu'il n'avait parcouru que les analyses de I'ouvrage dans les journaux. Si , comrac lui, vous vous contentez de les lire, y compris ce que je viens d'c- crire (ce qui est pourtant sans vanite' , ce que Ton a encore dit de plus clair et de plus complet a ce sujet), vous n'aurcz pas plus que lui le di'oit de trouver mauvnis le roman de madame Emile de GlRARnl^■ , car on ne saurait rendre couqitc de la delicatesse de style qui est son principal mcrite : il serait plus facile d'en Iraduire le cliarme avcc nn arcliet ou un pinceau. Ed. Cn. iSg. — Contes dii Chalet, traduits de I'allemand de Hoffmann, Lamothe-Fonque , etc. ; par Rastoin , professeur de botanique de MesdemoiscUes d'Orle'ans. Paris, i83aj Audin. i A'olumes in-i8 dc 225-'25t pages; prix, 6 fr. II serait difficile de deviucr a quelle nature de lecteurs ces contes sont destines. Des enfaas les comprendraient trop peu , et des personnes graves les comprendraient beaucoup trop. Ce n'cst qu'aux lecteurs en- tliousiastes d'Hoffmann qu'ils nous paraisscnt pouvoir convenir. lis cn extrairont quelques cbarmans enfantillages qu'ils racontcront lorsquo I'occasion sc presentcra d'arn'ter les pleurs ou de fixer 1 'attention de I'un de leurs petits amis : i!s conscrvcront pour eux les souvenirs d'ef- fcts fantastiques ct d'inspirations d'art vraiment rcmarquablcs. Lc me- rite des deux volumes est presque entieremcntdans lc soul contc dc I'au- LIVRES FRAN5AIS. 5o5 tcur que nous venoDS de nommer : il est intitule la Jeune Fisionnaire : il auiait mieux valu lui donner pour litre Casse-Noisette , comino dans I'original allemand. Lcs autrcs histoires , dont Ywna {le Repas d' Adieu) a deja etc' inse're'e dans Za Gazette litte'raire , nous semblc-nt tres-infe'rieures, quoiqu'ellcs soient e'crites et traduitcs avec talent. E. C. 160. — Daniel le lapidaire, ou les Contes de I'atelier, par Michel Raimond. Paris, 1882 (i83i); Levavasseur. 2 vol. in-S"; prix, i5 fr. II y a quelques anne'cs la France posse'dait un bibliograplie d'une es- pcce peu commune. Feu Antoine-Alexandre Barbier avait une merveil- leuse aptitude a de'couvrir les noms honteux cache's sous le masque du pseudonyme ou dc I'anonyme. Son diclionnaire contient la revelation de quelque vingt millc secrets de ce genre, dont le plus grand nombre etait enseveli , dcpuis fort long-lems, dans les tenebres d'une complete indiffe'- rence. Peu importe, en effet, au public de nos jours, qui rima telle mau- vaise chanson centre le Mazarin, qui dc'cocha telobscur pamphlet centre un Lavrilliere ou un abbe Terray. A part un petit nombre de curieuses exceptions, auxquelies I'infatigable erudit avait, avec raison, applique toute sa science , la [ artie la plus piquante de ce catalogue concernsit les contemporains. Que de singulieres evolutions de conscience opere'es, dans le cours de quarante anne'es, paries girouettespolitiques! Aquelles sources modestes ct inconnucs il faut souvent se re'soudre a laisser re- monter I'origine dcs genies lcs plus sublimes , des talens les plus popu- laircsl QucUcstogcsvenc'rables ont long-tems reconvert sans scandale un licencieux emule de CoUe , un sensuel disciple de Grimod de la Rey- niere ! L'indiscret mit a nu sans pitie' tons ces mysleres de la biblio- graphie. C'est I'egret qu'il n'ait point laissc de successeur. Avec son aide nons parviendrions , sans doute , a de'noncer aux bravos des lec- teurs les pei-sonnages reds qui e'crivent et font imprimer sous la raison commune de Michel Raymond. En effet, et sans que le Figaro, confident oblige de ces Messieurs, ait eu besoin de laisser e'chapper ses oracles, qui e'veillcnt le soupfon sans coiitenter la curiosite' , il a etc facile de s'apercevoir que ce nom d'emprunt sert de passeport a des talens divers. Le Macon n'appar- tient point, cc me semblc, a la meme famiile que les Jntimes ; et Daniel le Lapidaire est tout au plus leur cousin-germain , parent plus rappro- che cependant du premier que des derniers, Ce qui le distingue , c'est 33. 5o6 LIVRES FRANgAlS. line inclination bicn de'ciclee vers Ics proletaires, si dedaignes par Ics romanciers an muse ct al'ambre, par les beaux contours de salons. Du rcste , ce fait est facile a expliquer : Daniel n'est guere sorti de son atelier; et, s'il a vu les lienrcux du jour, cc n'est sansdoute qu'a Uavers les stores d'un rapide equipage, ou dei'riere les fantas- tiques rideaux qiu refletent les clartes d'une salle dc bal. Son style ressemblc a scs lic'ros, par !a simplicite' j'entends ; car, pour n'etre pas toujours rcvetu des apprets a la mode, il n'en porte pas moins ge'ne'ra- lemcnt i'empreinte d'une ele'gance de bon goiit. Toutefois, Daniel, s'il a compris les miseres du peuple, s'il a confu la ge'ne'reuse pense'e de faire , par leur pcintnre, un appel a notre philantropie , n'a point pe'ne'tre bien profonde'ment dans les causes intimes du raal; il n'a point re'ussi a evciller ccs emotions poignantes ct vigoureuses qui arrachent des larmcs d'indignation et depitie, qui viennent, jiisqu'au fond du coeur, bouievcrscr ces e'lranges systemes d'optimisme, invente's par ]c riche pour tranquilliser sa conscience. C'est un observateur qui de'crit I' aspect supcrficiel , et s'arrete la, n'osant aller plus loin: lorsqu'il veut de'noncer les abus du privilege, les tyrannies de I'arbi- traire, les prejuge's des castes, il semble vouloir se persuader qu'il n'en existe plus, car il s'attaque at-ix maitrises de I'ancien regime, atix suppots du lieutenant-geneVal Tliiroux de Crosne , a la conscription im- pe'riale. Moins poctcque philosoplie , moins philosophe encore que rao- raliste, Michel Raymond analyse avec exactitude les details mate'riels; mais il n'est jioint aussi familierement initio' aux allures des passions , aux ressorts complique's du me'canisme social. Avouons-le pourtant, son livre est une louable tentative vers un genre de liue'raturo laisse jusqu'ici pi-esquc entierement en friche, el, parmi Ics productions qu'a fait e'clore I'automnc e'coule, c'est une des plus inte'rossantes. Les Contes de I' atelier sont au nombre de six. Dans la Femine du Refvactaire , on pro'sente Ic contraste de deux mo'nages , place's dans les spheres oppose'es du monde opulent et de la quasi-domesticite , et chez lesquels le bonheur commc la vertu est en raison inverse de la richcsse. Ge parallele toutefois n'est qu'ebauche : aussi ne nous arreterons-nous pas adiscuter le plusou moins do justesse de sa morabte. La pense'e primitive disparait souvent pour laisser pren- dre le dessus a des scenes de ma-urs d'un autre ordre. L'adultcre, ce LIVRES FRANgAIS. So'J grand I'essort du roman moderne, yjoue son role; et s'il n'cst pas le produit de cet amour exuberant et de'vergonde que nos dj-amalurges se croient sans cesse obliges de mettrc en jeu , il n'en est peut-etre qu'un reflet phis fidcle de notre socic'te, ou, sous les complaisantcs lois de rindiffe'rcnee, la passion s'e'nerve hativement par latriste facilite' du succes. * Une Mere , c'est Fanchette qui nous offre deux faces distinctes de la vie des femmes. D'abord, livre'e sans de'fense aux se'ductions que la bru- tale supe'riorite' des hommes se plait a semer sur la voie de leurs mal- heureuses victimcs , elle se rachete , plus tard , de I'infamie par son inalterable perseVe'rance de de'voument au bonheur d'une fille adoree. Sans doute, cettc donne'e est heureuse , et s'il y avait plus de nettete' dans la disposition du sujct, plus d'liarmonie dans scs proportions, nous donnerions ici des eloges sans Ics reslreindre. Une anecdote conniie, arrange'e avec des noms nouveaux, forme le sujet dc la Complainte. Voyez , dans cette mansarde , a peine e'clairee \)diX la Ircmblante lueur d'une lampe fune'raire, veille un niallieureux que les tortures du de'sespoir ne peuvent arraclier a son horrible laclie. La , sur un lit de mort , repose le cadavre dc sa bien-aime'e ; et cc pa- jiier oil sa main impi-ime , avec une de'lirante ardcur , des caractercs convulsivcment presses , c'esl une chanson , gai raodcle de la lille'rature burlesque. L'e'diteur I'attend au matin meme, et, dc sa caisse, cent ecus, sala ire de cette ceuvre infernale, iront payer les frais des fune'- railles. Quel sujet pour Hoffmann! Ce que nous avons essaye' de faire cuiuprcndre sur la nature du talent de Michel Raymond suffira pour cxpliquer comment iln'cn a point tire tout Ic parti possible. La Maitrise nous ramene a 1787. Le litre seul le dit : voila I'arti- san , ficr, probe, laborieux, liittant avec sa lime et son marleau contre la famine et le de'nunicnt , en pre'sence du privilege industriel et de la police du despotisme. Qu'il ploie, ou \€s inte'rets combine's des tyrans dc Versailles et du syndicat vonl le jeter , proie vile et de'daigne'e , aux galercs du roi de France. Puis, la revolution viendra briser ses chaines, et faire luire, pour ses freres , I'aurore jusqu'ici trompeiise d'un meii- leur avenir. Suivent deux petits chefs-d'oeuvre. L'Enseigne est une satire ingcnieusc et piquanlc de la bienfaisance 5o8 LIVRES FRAN^AIS. (Ic parade. Pauvre Claire ! dts parens inconnus t'ont laissc'e seule , aban- (lonnoe , an jiiilieii de ces amas de mciiblcs ele'gans ou vermoiilus que le demon de la banqucroute accumule quotidiennement siir la place du Cliatclet, dans la foulc de ces trafiquans, usuriers ou dupes, que dis- ci])line la voix d'un commissaire-priseur. Claire , pourtant , ne sera point livre'e au gouffre de I'liospice dcsEnfans-Trouve's. On la recueille ; luais I'inte'ret a calcule bien vite quels seront les profits de cetle e'clatante ge'nc'rosite J ct Claire est ballotte'e, instrument de succes ct de fortune^ du comptoir d'un cafe aux tre'teaux du boulevard, du fil d'archal dcs Acrobates au myste'ricux dortoir d'une pension a la mode. JouetdeTc- goYsme mercantile de ses protectenrs , elle est , dans leurs mains, I'ha- mecon effronte que Ic cliarlatanismc tend a la bourse des badauds. Ont- ils mordu , I'appat dcvicnt inutile ; et le coeur cndurci des parvenus n'a point de me'moire pour la pauvre orpheline. Nulle part , dans le cours de ses mc'tamorplioses vagabondes , Claire ne rencontre une mere d'a- doption , une amie prete a ouvrir un e'panclicnient a ses sympathies r elle n'a pas quinze ans lorsque le cliagrin et la mort vicnnent cnfin I'ar- racher aux pbilantropiques speculations de la cliarite. Ce prole'taire, sans nom, sans ancctres, sans forttme, sans titrcs, sans avenir , perdu dans I'immensite dcs villes, e'touffc sous le poids du luxe qui I'entoure, efface' par re'clat des grandeurs qui le foulent aux pieds , c'cst le Grain de sable ? Mais animez son coeur d'liomme d'une passion gene'reuse, armez ses bras e'nergiqiies d'une volontc' de fer, il s'e'levera ge'ant et de'passeradc toute la hauleurde sa nouvelle puissance les pygme'es quelcbasard de la naissancea seal intitules grands. Hugues, simple artisan dans la residence d'Offenbach,voit succomber, sous les mensongesincon- side're's d'un grand seigneur, la bonne renomme'e d'une soeur cbe'rie.Re'- paration e'clatante leur est due. Si le noble appel fait a la probite d'un Lomme d'honneur ne suffit point, eli bien! que la lutte s' engage! Le ge'nie de la vengeance aura bicntot rapproche Fhumlile champion de son puissant antagoniste , les forces s'c'galiscront , ct le premier ministre finira par fle'chir devant I'inflcxible vouloir du menuisier. C'cst un drame attachant et palhetique. Que Michel Raymond en e'crive encore de semblablcs, et nous lui assurons un rang honorable dans les faveurs du public. A. J. 1 6 1 . — Album lyrii/ite , compose de douze romances. Paris , 1 83 1 ; Roniagnesi , c'dilcur, rue Yiviennc. In-fiilio^ piix , \-}. fr. LIVRES FRAN^AIS. 5oC) \Gi. — Album lyrique , compose de seize moiccaux ; par madame Malibran. Paris, iSSij Troupenas , rue Saint-Marc-Feydeau. In- lolio; prix , i6 fr. 1 63. — Album Ijrique , compose' dc douze romances , clianson- iiettes ou nocturnes, raises en miisiqiie, avec accorapagnement de piano , par Auguste Panseron. Paris , iHSi ; Petit , rue Vivicnne , n" 18 ; prix , I '2 fr. 164. — Album Ijrique , offert a madame Malibran, avec un tres- joli portrait de cctte ce'lebre artiste , et compose de romances franjaises , italiennes , anglaises , espagnoles , de deux galopes et dix lithogra- phies. Paris, i83i ; Pacini , boulevard dcs Italiens , n» 11. In-folio , cle'gamment relie ; prix , 8 fr. On trouve chez le meme e'ditcur les nouvclles partitions de Rossini; Anna Bolena, de Donizetti ; il Pirata et la Sonnambula , de Bellini ; la Donna Caritea , de Mercadante , avec les airs detaches de ces divers ouvrages. Nous avons sous les yeux les principaux albums lyriques public's cette anne'e. Le premier contient douze romances compose'es par madame Du- chambge et MM. Bruguiere et Romagne'si. De M. Bruguiere , une tyrolienne a deux voix : C'est vous que je revois , fort pale , et qui ne scrait d'aucun deljit si elle n'e'tait accompagne'e de morceaux plus agre'a- blcs , compose's par un auteur qui a fait de meilleurcs choses ; une clian- sonnette fortjolie, Laurelte; un nocturne a deux voix : Chant des Py- renees, tres-faible ; et le Lazzarone , barcarolle napolitaine, ve'ritable- ment napolitaine, car dans la troisieme edition d'un recueil de chansons public' a Naples , sous le titie dePassatempi musicali, on y trouve une calascionata napolitana , en si be'inol , sur laquelle M. Bruguiere a caique' note pour note la barcarolle qu'il public aujourd'hui , et que beaucoup de personnes supposeront de sa composition , parce qu'aucune note n'indique la source oil il I'a puise'e. Nous serons plus heureux dans nos observations sur les trois romances de madame Duchambge : elles sent pleines de naivete et quelquefois d'heureuses inspirations. Ce sontlesmeilleuresdu recueil. L'unc d'elles, siu-toul Gaismatelots , nous a paru digne d'etre distingue'e. Le chant sacre a trois voix qu'elle y a joint pour completer son contingent leur est infeiieur. On retrouve avec un vif plaisir quelque chose dc la grace et de la naivete' dcs an- 5lO LIVRES FRAN5AIS. cienncs compositions de M. Roraagne'si dans les Jumeaux , ct surtout dans les Yeiix d'une mere. Lcs paroles de cette dernicre romance , plcines de dc'licatesso et depoe'sic, sont dc fen Brault. Les deux auties, la Pliiie , ot Mon pauvre coeiir, j- peiisez-vous , sont trcs-faibles. M. Romagne'si a besoin de paroles spirituelles pour s'inspirer. L.e recueil de madame Malibran est orne' des plusjolies litbograpliies qui aient jamais decore les albums de nouvelle anne'e. Elles sont de MM. Deveria et Grenier. Get album contient dix chansonnettes , taren- telles , etc., ecrites pour voix de mezzo-soprano, et plus souvent encore de contralto. La plupart parcourent une e'tendue de deux octaves. Les chants de madame Malibran paraissent rarement inspire's par un senti- ment vrai • et a force de viser a I'originalite , ils de'generent en bizarre- rie. On y rencontre de terns en tems un passage de chant passionne' , et qui du moins n'a jamais I'air d'une reminiscence ; mais I'inspiration ne s'y soutient pas assez. Faiblement rendus (et ils sont en general fort dif- ficiles ) , aucun d'eux ne serait supportable. II regne cependant un peu moins de bizarrerie et autant de passion dans les deux premiers mor- ceaux et dans ceux qui sont intitules : les Refrains et la Bayadere. Nous n'avons que des eloges a donner aux quatre nocturnes a deux voix qui suivent les romances. Les trois premiers surtout , comple'te- ment exempts de ce de'faut que nous avons reproche' a regret aux com- positions qui les precedent , sont extremement jolis , et feront fortune dans les salons de Paris. L' Album de M. Panseron est le plus faible de tous ceux que nous avons examines. II y regne beaucoup de monotonie. Ses romances, bai'- caroUes a une ou deux voix , presque toutes fort pales , semblent des imitations les unes des autres et de toutes celles que nous connaissons deja de lui. De plus, les paroles qu'il choisit sont en general peu spiri- tuelles. ffe'las! le verras-tu jamais , et J'ai cru le revoir, romances, et JRamons vers le rifage , barcarolle a deux voix , sont les meilleures du recueil. L'Jlnglais a Paris est encore une assez jolie chansonnelte. Le recueil public par M.Pacini est le plus variede tous et le moins cher. On y trouve quatre romances de M. Masini. L'unc d'elles , I'Attente , et c'est la meilleure , n'est pas sans rapport avec quelques compositions deM. Romagne'si. Le nocturne a deux voix qui les suit est assez agrcable; on y trouve un passage de chant qui se trouve aussi tout entier dans un LIVRES FRANQAIS. 5 1 I nocturne fort connu de madame Gail. La chansonnetle de M. F. Bcrton: lime disait J est tres-jolie. Mais la composition \a plus remarquable de I'Albura est sans conlredit la romance de mademoiselle Pacini : J'at- tends voire relour. C'est une des meilleures romances que nous ayons cues depuis long-tems sous Ics yeux. Elle module d'une maniere pen commune , sans que le chant perdc rien de sa naivete, et de maniere au contraire a en augmenter I'expression. Nous I'iudiquons avec confiance aux amateurs. Ces divers morceaux sent suivis de deux romances ita- liennes , celle de M. Tadolini est la meilleure ; une cavatine anglaise de M. Hom , assez ennuycuse , une se'guidille espagnole fort originale, de M. F. Sor, et deux galopcs allemandes , la premiere fort jolie , ter- minent la collection. G. D. IHOUVELLES SCIEIVTIFIQUES, INDUSTRIELLES ET LITTERAIRES. — *a^ AMERIQUE. AlVTILLES. Cuba. — Statistique : Population ; Commerce. — Nous veoons de recevoir de la Havane un des ouvrages Ics plus inte'ressans qu'on ait pu- blic's sur le Nouveau-Monde (i). II est d'autant plus remarquable qu'il est le premier livre de statistique imprime' en Ame'rique, sous la zone torride, etcontenant la description de I'une des grandes Antilles, faite par unauteur ame'ricain. 11 est un te'moignage pe'remptoire de la diffu- sion des lumieres et dc la propagation des sciences , et ce qui en mani- festo non moins e'videmment I'heureuse influence, c'est que I'intendant general dc Cuba, le comte de Villanueva, s'est empresse d'ouvrir Ics archives du gouverneraent a jM.de la Sagra , et qu'il a soutenu et en- courage son zele dans la tache longue et difficile qu'il avail entre- prise. Quelques details que nous emprunterons a cet ouvrage le feront mieux appre'cier que les eloges que nous donnerions a son autcur. D'aprcs le recensement de 1 8117 , la population de Cuba e'tait ainsi qu'il suit : (<) Historia economica, politica y estadislica de la isla de Cuba, etc. — • Histoire dconomique, politique et statistique'de Tile de Cuba, ou des progres de sa population, de son agriculture, dc son lommerce et de ses revenus, par don Rdmon uE la Sagra. La Ilavane, Ui31 ; imprimerie de Arazoza ot Solcr, iiu- primeurs du gouvernement. In-4'' de xviii-587 pages. AMEIUQUE. CUBA. 5l3 168,6531 142,398) 3H,051 Femmes , ' '" """ ' Blaiics. — Hommes Femmes Libres. —Hommes 5t,962( ^Qg 494 Femmes 54,532 j Esclaves.— Hommes 183,6821 ggg ^4^ Femmes 103,290) Total general 704,487 habitans. II y a eu, en 1827 : Blancs, 12,928 naissances. 1,868 manages. 6,632 d^ces. Libics. 4,826 idem. 385 idem. 2,952 id. Esclaves . 12,729 id. 1,381 id. 7,081 id. Toiaux. 30,483 id. 3,634 id. 16,665 id. On a compte conse'quemraent : Parmi les blancs une naissance sur 25 individus. Parmi les libres una id. sur 22 id. Parmi les esclaves une id. sur 22 id. Parmi les blancs un mariage Parmi Ics libres un id. Parmi les esclaves un id. Parmi les blancs un d^ces Parmi les libres un id. Parmi les esclaves un id. All total ct sans distinction de classes : line naissance sur 23 habitans, Un mariage sur 194 Un deces sur 43 Nous livrons ces mate'riaux aux statisticicns j ils trouveront dans ccs tei-mes numeriques de curieuses donne'es, dent le rapprochement, avec celle qii'offrent les diffe'rens pays de TEurope , pent leur foiirnir d'in- tc'ressantes comparaisons. Nous ajoiiterons seulcincnt, pour les ecouo- sur 167 sur 130 sur 108 sur 46 sur 36 sur 40 5l4 AMERIQIIE. EUROPE. mistcs , qiielques cliiffres , qui leiir fcronl connaitre Ic commerce de la Havane a Tepoquc la plus rc'ccnte. 1850. — Importation nationale 3,728,694 piastres. — ^trangfere 7,715,768 Total H, 443,462 Exportation nationale 2,712,932 — eirangere 6,457,032 Total 9,169,964 Ainsi le commerce patent de la Havane s'e'leve au moins a i Si5 mil- lions. Celui de contrebande ne peut etre e'value; inais il est conside'- rable. Les transactions commerciales dont nous venons d'e'noncer la valeur ont e'te' faites en i83o : A Tentrde , par 283 navires espagnols , dii port de 32,893 tonneaux. 657 — (Strangers 112,993 Totaux. 940 navires. 145,866 A la sortie, par 267 navires espagnols, du port de 50,631 579 — etrangers 106,142 Totaux. 846 navires 136,773 II est vivement a de'sirer que les grandes lies voisines de Cuba , la Jamaique et Haiti , trouvent dans leurs nombreiix habitans quelques statisticicns aussi laborieux et aussi eclaire's que M. de la Sagra , qui puisse les faire connaitre par des donne'es positives et autlicntiques , comrae celles qu'a rassemble'cs ce savant economiste. A. MOREAU DE JONNES. EUROPE. GRAIMDE-BRETAGIVE. Societe pour ameliorerla condition du peuple enlrlande , fondee par les soins de M. Robert Owen. — Dans une reunion de la noblesse et de la bourgeoisie, qui a cu lieu a King's-Arms Tavern, Palace-Yard, GRANDE-BRETAGNE. 5l5 Westminster, jeudi G octobre , le mare'chal-lord Bereford , occupant le fiuiteuil, il a etc propose, par le major-ge'neral sir W. Parker- Carrol, appnye par F. D. Masscy-Dawson , e'veqne, et declare qu'unc societc scrait formee sous le litre dej SocUHe pour ameliorer la condi- tion dupeuple en Irlande. En consequence, le lord Lastan a fait, et le colonel sir John Milley Doyle, raeuibre du parlemcnt, a appuye' la mo- tion, e'galemcnt adoptee par les ajsistans, que les personnes dont les noms suivent formeraient un comilc ayant le pouvoir de s'adjoindre d'autres merabres dans le but de preparer des mesures pour mctlre a execution les vues de la Socie'te. [Suivent les noms.) Dans une reunion du comitc clioisi par la Socie'te' , qui a eu lieu a King's-Arms Tavern, vendredi 'j octobre i83i , F. D. Massey-Dawson, prc'sidant , il a e'te propose , appuye et unanimcment adopte', qu'il sera subdele'gue un comite' de liuit membres, pour recliercber quel est le meilleur plan de colonisation qui puisse etre adopte pour reme'dicr a la misere du peuple en Irlande el en faire un rapport au coraile'; que le comite subdele'gue' conside'rera de quelle maniere le systeme de coloni- sation des pauvres introduit en HoUande peul s'appliqucr a un pareil cssai en Irlande, {Suivent les noms des huit membres.) Le comite subdele'gue' s'e'tanl re'uni plusieurs fois , sous la pre'sidence de sir W. Parker-Carrol , le rapport suivant fut unanimemenl adopte. Rapport sur la Colonisation interieure. En conse'quencc de la rc'solution prise par le comite' pour ameliorer la condition du peuple en Irlande, le comite' subdele'gue' a dirige', avcc toute rattention possible , ses investigations sur la colonisation interieure en general et particulierement sur celle de Frederick's Oorder en Hol- landc. Apres I'examen de plusieurs documens relatifs a ce sujet , et les observaliens pcrsonnelles d'un de ses membres qui derniereraent a visile' relablisscmcnt en question , ie coniilc subdele'gue est arrive a la con- clusionj que le systeme de colonisation interieure suivi en Holiande a amene les re'sultats les plus avanlageux et qu'il est applicable a I'lrlande. Dans la formation du plan annexe, le comite' subdele'gue' a pris pour modcle les reglemens adopte's en HoUande ely a apporte tellcs additions et variations que les circonslances locales de I'lrlande paraissent re'- clamer. 5l6 EUROPE. Lc comite subdelegue a done I'honneur dc vous souraettrc Ic pro- spectus suivant comme une e'bauche qui pourra servir au comite pour ar- river a 1' execution de son projet. 1° On propose que le gouvernement nomme une commission com- posc'e d'un president et de douze membres avec un secretaire sa- " larie, qui se re'unira a Dublin , pour mettre a execution un sysleme de colonisation inte'rieure en Irlande. On ose compter que des personncs respectables et intelligentcs se trouveront dispose'es a devouer gratuite- meni leur attention et leurs soins a cc sujct j 2° Que cette commission re^oive le pouvoir d'acbeter des terrains dans chacune des provinces de Tlrlande oil ce sei'a praticablcj et la, oii Ton n'en pourrait point aclieter, dc contracter des baux de quatre-vingt- dix-neuf annc'cs au raoins : lesdits terrains seraient confie's anx commis- saires j 3° Que le gouvernement soit prie d'emettre des bons de I'e'cbiquier pour le montant de...., on de lever pareille somme par la voie de I'im- pot , ou de toute autre maniere , pour mettre les commissaires a merae d'acheter ou louer lesdits terrains, et d'y faire construire des villages agricoles , ou agricoles et manufacturiers , pour contenir environ mille personnes , avec des temples pour Ics religions de toute denomination ; des ccoles , grenicrs , dispensaires et toute autre construction qui pourra etre requise, et pour fournir des provisions de toute nature, instru- mens, etc., durant I'cnfance de ces colonies} I'eslimation en a etc' remise aux commissaires ; 4" Que pour mettre ce plan a execution les commissaires cboisisscut une pcrsonne capable, comme directeur , pour demeurer dans ou pres la colonic, rctribue'e par un salaire proportionne, ayant la direction ge'neralc de la colonic pour laquelle elle sera appointee, mais revocable a la discretion des commissaires , etc. io° Que les depenses suivantes soient supporte'es pour I'etablisse- ment dc chaquc famille : i° cout d'liabitation j u" meubles } 3" babille- mens; 4" provisions; 5° scmences (i''" anne'c); G" avances en provi- sions ; 7° avances d' autre nature; 8° cbanvre, laine ou coton pour ctre files; 9" quatre acres de terre, etc.... 1 3° Que la terre soit cultive'c en comraun pour les commissaires a I'exception de la petite portion attacbe'e a cbaque habitation comrae GRATSfDE-BRETAGNE. 5l'] jardin particulier : que Ics commissaiies nommes par le gouvernemcnt soient charge's de la surveillance jusqu'au reraboursemcnt du capital et des interels, et ensuite dans rinte'ret dcs colons. i/i" Qu'une portion d'ouvrage soit distribue'e a cliaque individu ct payee en bons allouant au porteur iine certaine valeur en provisions on autres articles des raagasins de la colonic : si le colon de'pense moins que le montant de son bon , la balance sera place'e a son credit et restcra a sa disposition. 15° Qu'on cnseigne aux colons la fabrication des articles les pins ne'cessaires et les plus utiles, et qu'une certaine portion du travail soit distribue'e pour etre payee de la meme maniere que les travaux agri- coles : les produits des manufactures , aussi bien que les produits agri- coles, dcviendront la proprie'te' des commissaires. iG" Que, lorsque le capital sera remljourse' , les be'ne'fices provenani du travail productif dcs colons seront appliques comme suit ; un quart des profits annuels de re'tablisseraent sera place au profit des colons et tenu a Icur disposition , el les trois autres quarts seront applique's aux besoins des age's ct infirmes de la colonic, et a re'tablissement de pa- rcilles colonies pour la reception des pauvres sans travail. I'j" Que, comme il a e'te' calcule que, par le systeme sui^n enHol- lande, le capital employe a la culture de la terre par les pauvres sur des terrains de la plus mauvaise qualite, le capital avance' pent ctre rembourse , avec inte'ret , a une e'poquc peu e'loigne'e , et comme i! a aussi e'te calcule par dcs pcrsonnes compe'tentes qu'un emploi judicicux du capital dans une direction convenable, dans lemode recomniande, ne soulagerait pas seiilement la misere du peuple, mais re'aliscrait des be'- ne'fices , il est propose dc solliciler du gouvernement que ces calciils soient examines ct I'expe'rieuce faite. 1 8° Que cet cssai nc doit en aucune fa^on intcrvenii- dans le svstcme des impots ou de la taxe dcs pauvres, ou les remplacer, ec. ALLE1VIAG>VE. Foire de Leipzig en automne. iS3i. — Le catalogue de la foirc dc Saint-Micbel conticnt 3,'28G articles. Si Ton en de'duit soixante-douzc cartes ge'ographiqucs , trente-deux pieces de musiqnc , sept jeux, cent 5 1 8 EUROPE. quatre-vingt-dix articles envoye's en commission do I'etranger, il reste en tout 2^38 ouvrages nouveaux. A la foire do Paques , la libraiiie al- Icmande avail livrc au commerce 2920 ouvrages. Le noinbre total des publications qui ont cu lieu en AUemagne , pendant ranne'c i83i, est done de 5658 , 268 de moins qu'en i83o. Sur les deux mille sept cent trente-huit ouvrages de la derniere foire, on compte quatre-vingt-dix e'crits dans les'langues e'trangeres modernes (soixanlc-dix-neuf romans ^ vingt-scpt pieces de theatre), cent vingt- cinq sur le cholera-morbus, etapeu pres autant sur la politique du jour. Les affaires de chaque e'tat de la confederation germanique ont donne naissance a quelques brochures , mais le plus grand norabre de cellesci est consacre' a la cause polonaise. Le vif inferet que ce raalheureux peuple inspire a l' AUemagne ne se manifestepas avec moins d'evidence dans les romans , dont plusieurs ont choisi leurs he'ros et leurs heroines parmi les de'fenseurs de la Polognc. En general , on remarque dans ce catalogue I'absence des grands noms et d'oeuvres capitales pour les pro- gres des sciences. Cependant I'histoire n'a pas fourui moins de publi- cations importantes que les anne'es pre'ce'dentes , et dans cetic branche I'Allemagne a conserve son ancienne preeminence. Nous citerons,pour le prouver, les publications suivantes : le sixieme et dernier volume de I'Histoire du droit romain pendant le moyen age , par Savignyj I'His- toire des Mace'doniens , par Flathe ; les additions a I'Histoire de I'ordre teutonique en Prusse, par Schubert; I'Essai sur le commerce au moyen age, par Wilda ; des villes de Souabe pendant le moyen age, par Jaeger j I'Hisloiie de la ville de Vienne, par Mailath; I'Histoire de la ville d' Augsbourg , par Seida ; I'Histoire du Tyrol , par Mersi ; le sixieme volume de I'Histoire d' AUemagne, par Luden; le quatrieme volume de I'Histoire raoderne des Allemands , par K. A. Menzelj I'Histoire de Ferdinand F'', par Buchholz; la Conjuration contre Venise, en 1618 , par Ranke; la quatrieme partie de la traduction de I'Histoire des croi- sades , par Michaud ; les Monumenta Boica , public's par la maison Cotta); la nouvelle edition dc I'Histoire des tems modernes, de Hor- raayer; les lettres c'crites de Paris sur I'Histoire du seizieme et du dix- septieme siecle, par Ranmcr; I'Almanach d'histoire moderne, par W. Menzel; I'ouvrage sur les Campagncs dc Prusse, en 1793, public d'apres les papiers laisses par le cclebre strate'giste Wagner; I'Histoire ALLEMAGNK 5\g militairc dc I'an 1 81 3- 181 5 , par Stiihr ; I'Histoire cle la guerre riisso- turquc, par Elironkrcnz; I'Hisloire de France sous Louis XVIII ct sous Charles X , par P. Kobbe; rHistoire des associations secretes en AUc- magne, en Pologne ct en Russiej les Me'moires du baron Julius Soden; TAImanach historique, de Raumcr j I'extrait en quatre volumes de I'Histoire univcrselle, de Rotteck; I'Histoire de lapelnture, de Lanzij la troisieme partie du second volume de I'Histoire del'Eglise, de Neau- der- I'Histoire critique du chnstianisnie primitif, par Gfroerer. Grimm a donne la troisieme partie de sa celebre Grammaire allemande. On a public' la collection des oeuvresde J. Muller et de Westerrieder. Parmi les biographies , on remarque la vie de Durcr, par Nellcr; la vie de Kepplcr, par Breilschwert • les leltres de J. H. Yoss, celles de Bag- gesen , et le sixieme cahicr de la vie de Jean Paul. Les sciences naturelles se sont enrichies de pUisicurs ouvragcs de me'- decine ct de quelques inte'ressanles relations de voyage , telles que les Tableaux de la Foret-Noire, par Buhrlen; I'ouvrage de Burkliardt sur les Bedouins; la Chine et la Manlschourie , par Plaths ; le Voyage de Hebcr en Jiide'c; les observations geognostiques dans I'Ui'al, par Hoff- mann; un ouvrage sur le Japon , public a Berlin , chez Hasselberg ; les Voyages en Egypte et dans l.i Terrc-Sainte , par Prokesch ; la seconde partie des Voyages en Colombie, de Gosselmann; les Voyages dc Wenchs et de Martins en Bre'sil ; la troisieme partie de la Russie, comme elle est, par Sainte-Maure ; les Voyages de Lessing en Norwege; le Voyage- de Horn dans rAUcmagne conside're'c sous les rapports de la me'decine, etc. Pour la the'ologie , outre les ti-avaus sur I'histoire eccle'siastique que nous avons deja menlionne's, on remarque trois ouvrages sur le saint- simonisme , dont un de Carove; la nouvelle edition de la Fausse the'olo- gie de Steffens , ct TApotheosc du Luthe'ranisme , pai- le memc auteur. La philosophic est cetle fois un pen pauvre en tiavaux importans. Nous ne trouvons dans le catalogue qu'une nouvelle Encyclopc'die , par Herbar! ; le troisieme volume de I'Histoire de la philosophic, par Ritler j I'Anthropologie de Heinroth , et une nouvelle edition de la Critique dc la raison , par Fries. Citons aussi un nouvel ouvrage dc ce dernier auteur sur I'organisation el I'adrainistralion des ctats allemands. Lc ve- TOME l.TI. NOVEMBUE 1851. 54- 520 ET'ROPE. teran dc la philosophic alleniandc , Schclling, qui fait encore attcndre son grand ouvrage annoncc: dcpuissi long-leras, a puLlie un petit traitc sur la nicthode danslcs etudes philosophiqucs. , Lcs lettres de Bcernene setrouvenl point dansle catalogue. Quant aux brochures politiques , publie'cs sans nam d'auteur, lcs plus reniarqua- bles sont cellos dc Murhardt sur la souveraiucte du peuple, ct de Troxler sur son proces de Bale. La liue'rature proprenicnt ditc, est, corame a I'ordinaire , richc en nouvelles jiublications. On a donne des editions completes des ceuvres dc Spindler, Van Dcr Veldc, Ebcrhard , dc madame Schopenhauer , lcs coilectiims des ceuvres de VV. Alexis, L. Schefer, et de ma- dame Th. Hubcr. Dans Ic genre lyrique, nous avons distingue la cin- quicmc edition des poesies de Uhland ; la traduction en latin de tons les poemes dc Schiller , par Feuerlein ; la traduction en allemand des chan- sons dc Berangcr. Le sixiemc volume de Shakspeare , par Tieck et Schlegcl, vient de paraitrc , ainsi que des Nouvelles de Tieck, et la cinquicme edition dc Don Quicholte. La raaison Weidmann annoncc la prochainc publication des Ic'gendes russes. Nous ne passeron-s pas sous silence I'ouvrage de I'infoitunc' Lessman , le livre de voyage d'un me- lancoliquc , sa preparation a la mort. Harro Marring, qui a public re- cemmeut des me'moircs sur la Pologne, annonce des additions a ce dcr-. nicr ouvrage. Parmi les romans les plus dignes d'etre cites sont ceux de Bechstein , Bronikowski, Che'zy, Agnes Franz, Gersdorf, Hanke, Herloszsohn, Lewald, Pichler, Storch, Wolf, etc. En conimuniquant a nos Icctcurs ces nouvelles recentes sur la situa- tion de la presse ailemande , nous voudrions attirer Icur attention sur le caracterc nouveau qu'ellc a commence a prendre, surtout depuis la revolution de juillet , sur sa tendance dc plus en plus politique et posi- tive. Qui de nous n'a ressenti la plus vive joie en apprenant rheureuse issue de ccs efforts perse'vcrans des Welker, des Rotleck, des Mcbold, des Jordan, qui vienncnt de soutcnir, avec tant dc de'voiiiuent , unc lutteeourageusepour raffranchisseraent de la pense'e dans Icur patrie? Sur tons les points de rAllcmagne, au milieu des graves e'vencuiens po- litiques ipii ont rcmuc I'Europe , se sont manifeslcs de nobles elans de sympatliic pour la cause de la liberie. En assistant a ce spectacle nou- veau chc7. nos voisins d'ontrc-Kliin, a ccs debats des cliambrcs et des i ITALIE. 521 journaux, tout empreints des sentimens sociaux Ics plus avance's, n'est-» on point entraine a pre'voir la procbaine realisation de la sainte-alliance des peuplcs ? Cette nouvelle vie se produit deja dans toutes les branches de la litte'rature. La pense'e s'ouvre, en AUemagne, la carriere la plus eleve'e et la plus fe'conde en grands re'sultats , celle de la recliercLe et de la poursuite des ame'liorations sociales. Nos voeux les plus sinceres et notre attention la plus assidue raccompagncront dans cette oeuvre. L'es- timable journal de M. Colta (Morgenblatt) , auquel nous avons em- prunte la notice pre'cc'dcnle , fait a ce sujet des remarques pleines de justesse et d'csprit. II prononce, en quelque sorte, I'oraison iunebre de la litte'rature de la restauration, dont les deinieres lueurs s'e'teignent peu a peu ; et il drcsse I'acte dc naissance de cette litte'rature d'affranchisse- ment politique dont I'ere glorieuse vicnt de s'ouvrir. Nous regrettons beaucoup que les borncs de cette partie de la Revue ne nous permettent que d'indiqucrce morceau inte'ressant. Notre bulletin bibliographique peut fournir , au reste , une sorte de verification de ce que nous avanjons sur cette nouvelle tendance de 1' esprit allemand. B. J— i. ITALIE. Bibliographie. — Nous annoncons aux amateurs la vente de la bi- bliotheque du comte Boutourlin a Florence. Ce vaste recucil bibliogra- phique, fait avec patience, avec amour, renferme, outre des manuscrits pre'cieux, la collection complete^ ou presque complete, des livres de Bodoni , plus de quatre cents Aides , et les plus belles et les plus rares editions du quinzieme siccle. Les histoires italiennes y sent prcsqu'au complet, et re'unies aussi en un corps ; cllcs sont difficiles a trouver, meme en Italic. Litte'rature, sciences , jurisprudence, toutes les branches enfm du savoir liumain sont representees dans la bibliotheque du feu comte russe. Ce serait grand dommagc de voir s'e'parpiller cette riche collec- tion , et il serait a de'sirer que la munificence d'un prince en dotal quelque capitale. Le catalogue en a e'te compile et public par Stephano Audin , sous le litre de Catalogo della biblioteca del conte Boutourlin. Jtlns geometrique de la Toscane. — La science gcographique 34. 522 F.UROPK fait des progres en Italic. Nous recommandons le nonvfl atlas du ("uvukI- Duche comiue digne dc toutc rattention dos savans ct dc rintc'ict (ics voyageurs. II est divise en vingt-six parties , dontcliacune ne coute giieie plus de 3o sous ( 3 paoli ). A la tcte de I'ouvrage est place le nom d'lin savant toscan , Ic pcre Inghirami , celui de tons les astrononies italiciis (pii a le plus rassure' la Pe'ninsule sur la comete dc i83'2. Fouilles de Pompei. — La maison du Faune est connuc de tons ceux qui ont visite Pompei ; c'est Tune des plus grandes et splendidcs habitations de la ville ressuscite'e. La science y a fait a diverses reprises de pre'cieusesde'couvertes.Mosaiques, bronzes, ornemens d'or , picrres gra- ve'es ont successivement passe de ses appartemcns deserts dans les sallos du muse'e Bourbon. De nouveaux tre'sors yicnncnt d'etre conquis sur les te'nebres et rendiis au solcil de Naples j ce sont quatre raosa'iqucs de cou- leurs naturelles, qui , par Icurs dimensions, leurbeautc ct rimportancc des sujets , semblent de beaucoup I'emporter sur tout ce que I'antiquile' nous a le'gue' dans ce genre; on n'en excepte pas meme la fameuse uio- saique dc Palestrine avec laquelle, du reste, trois des nouvelles ont unc singuliere analogic. Ces trois premieres, placees sur le seuil d'une des cbambres contigiii-s au jardin,' ont en tout vingt-trois palmes napolitains de longueur sur deux et demi de hauteur. EUes repre'sentent le cours du Nil avec line nuc'e d'oiseaux aquatiques, toutes les plantes locales , et parmi elles le papyrus, et divers aniniaux aniphibies, teis que le crocodile , la gre- nouille, le serpent, et le monstrueux hippopotame dont la gueulc be'ante sort du fond des eaux. Cette de'couverte , digne de toutc I'attention des arclie'ologues , n'cst pas raoins inte'ressante pour le peinture et le naturaliste ; le naturalistc surtout qui peut y trouver la solution de plusieurs ])rob]emes scienlifi- ques, enveloppes par la sagesse antique d'alle'gories ingc'nicuscs ou pio- Ibndes dont la notrc n'a point encore pe'ne'tre le mystere. II est a remarquer que le proprie'taire dc cette maison avait un guut decide' pour les animaux, car les mosa'i'ques trouve'es clicz lui pre'ce'dem- ment et dcja connues repre'sentent , pour la plupart , des poissons, des oies, des colombcs et jusqu'a des chats. Ces diverses peinlures d'ani- maux forraent a elles seules un cabinet parlicidier du musee royal dc Naples. ITALfE. :)2.) La Ljuatrieme mosaVque , re'cemment exhume'e , a ncuf paliues et demi tiens, dont les tetes em- baume'es e'taient sous mes ycux , avaient e'te de'pose's dans les tombeaux de Tiiebes jusqu'a Tc'poque actuelle. Je crois pouvoir assurer aujourd'hui que cette varie'te , si remarquable pour la conformation de scs temporaux et la position de scs orcilles, cxiste encore en Egyptc. Jc suis e'tonnc seulcmcnt ([iic ccttc observation 53o FRANC K. ail echappe jusciu'ici aux savansqui out regardc des cranes dcs moiiiics ct aux noinbrciix voyageurs qui ont parcouru la Hautc-Egyptc. Jc puis citcr coninic I'exemplc le plus frappant dc celte siDgulim conformation, qa'on pcut rcgarder comme Ic type e'gyptien, unCopte dc Ja Haute-Egyptc , Elias Boctor, qui a vc'cu 20 ans avcc nous , et qui e'tait profcsseur d'arabc vulgairc. Je I'ai beaucoup connu; je ne Ic voyais ja- mais sans que la hauteur do ses oreilles , qui s'e'lcvaient sur sa tele comme deux petites cornes, me frappat involontairement. II me rappelait le Mo'i'sede Micliel-Ange , auquel lesculpleur n'a peut-etre donnc'dcux j)ctites cornes qu'a cause de la proe'rainence de ses oreilles, caraclere distinctif de sa race. Je laisse aux anatomistcs a de'duire les changcmens dc proportions que la configuration dc la boite osseuse du crane a dii introduire dans le volume du cei-veau. La race lie'brai'que a beaucoup de rapports et de rcs- semblance avec la race e'gyptienne; cllo s'est conserve'e presque sans me'- lange. J'ai du I'examiner et j'ai trouve chez M. Carmeli, juif, profes- scur d'he'breu, que I'oreille , sans etrc ])lace'e aussi liaut que dans les momies et les Copies de la Hautc-Egypte Tc'tait plus notablcment que cliez nous. Je pcnse done que ces caracteres spe'ciaux et constans de la bautcur du trou auriculaire et de la depression des tcmporaux suffisent pour e'tablir dans la race caucasique une nouvelle varie'te' ou unc sous- especc qu'on pent nommer e'gyptienne, et dont les branches les pUis rapproche'es sont la race hebraique et la race phc'nicienne ct arabe. M. Daussy lit un Me'moirc sur les mare'es des cotes occidcntales de France , et insiste particulicrement sur les differences que pre'sente ce phe'nomene a rembouchure des deux fleuves qui viennent y aboutir. Dans la Loire , par exemple , les mare'es cessent de se faire sentir a una tres-petite distance de la cote, tandis que, dans la Gironde , elles sont tellemcnt e'tendues que , dans le cours inferieur, les vingt-cinq dernieres lieues peuvent etre conside're'es comme un veritable bras de mer. M. Daussy s'est occupe de determiner le degre' d'influence qu'exer- cent sur la hauteur des mare'es la force et la direction des vents et la pression atmosphe'rique indique'e par la colonne barome'trique. Les re'- sultats des nombreuses observations qu'il a entrepriscs a ce sujet sont consignees dans des tableaux annexe's au Me'raoire. — Seance du i4 novembre. — M. CagnardJjaloiir coiumunique dej PAKIS. 5.1 1 noiivellcs observations relatives a la syrcne, instrument de son invention dans lequel Ics vibrations sonores sent, comrae on le sait, cxcitc'es aussi bien par Taction d'un coiirant d'eau que par cclle d"un conrant d'air. L'auteur a reconnii que lorsque la machine est mise en jeu par I'eau , le son du timbre hydraulique varie suivant ramplitiide des oscillations , comme cela a lieu dans le cas de I'air. Unelettre de M. de Saint-Laurent, commandant AcV Armide , donnc, sur la nouvelle ile de Ne'rita, quelques renseignemens qui n'ajoutcnt presque ricn a ceux qui ont etc pre'ce'dcmmcnt fournis par M. Constant Pre'vost ct par les officiers du brick la Fleche. Nous apprcnons seule- ment par cette communication que les eaux contenucs dans le cratere ont sensiblement baissc dcpuis le depart de la Fleche. M; Latreillefait, sur le cinquicme volume du species des cole'optercs dc la collection de M. le comte Dejean , un rapport tres-favorable , mais qui porte sur des points trop spe'ciaux pour que nous en donnions i:i I'analyse. M. Cordicr communique une note de M. Rozet , sur la geologic des environs d'Oran. — Oran est situe sur le bord de la mer , dans le fond d'une baie. An sud et a Test se developpe une vaste plaine , coupe'e par quelqueS petits coleaux , plaine qui s'e'tend jusqu'au pied de I'Atlas, dont la chaine; e'loignee de six a sept lieues, court E.-N.-E. a O.-S.-O. A I'oucst , la ville est dominc'e par de liautes montagnes , les monts Mezctta ct Santa Cruz qui s'elevent, I'un a 4'j8 metres, I'autre a 4<>o au-dessus du niveau de la mer. Au N.-O. se trouve la baie de Mars el Kebir, la seule oil les batimens puisseut mouiiler. Cette baie est cn- lonre'e par les monts Rarnmra qui atteignent 470 metres d' elevation absolue. Apres le fort de Mars el Kebir , situe a I'extremite nord de la baie, vient une cote forte escarpe'e a laquclle succede la plage de las Aguadas(\m s'e'tend jusqu'au cap Falcon , a quati'e lieues nord-ouest d'Oran. G'est a ce point que ce sont arrete'es les observations de M. ]io- zet , du cote de I'ouest. Au sud et a Test, il n'a pu s'e'carter de la villc plus de G,ooo metres. Les Arabes nc pcrmettent a pcrsonnc de s'cloi- gncr impune'ment. Des falaises fort escarpe'es qui s'elevent souvent a bo et 100 me- tres au-dessus de la mer , des vallees profondcs ct quelques carriercs rendeut facile I'etudc de la constitution ge'ognostique du pays. M. l\o- zet y a reconnu : 532 FRANCE. i" Le terrain dc triinsilion , compose de phyllade, passant au schiste ardoise , rarcnicnt au schiste talqucux , renfermant de nombreuses cou- clies de quartzite , et coiipc par des vcines de quartz. Ccs couches sont en general verticales ; quelquefois aussi on Ics voit plongcr vers le nord en faisant iin angle qui n' est jamais moindre de So". La formation tout entiercparait dc'pourvue de me'taux et de rcstcs organiques. C'est ellc qui constituela masse des montagncs depuis Oran jusqii'au caj^ Falcon', mais cllc disparait quelquefois sous le tci'raiu tertiaire. •2." Les formations secondaires manquent tout a fait a Oran. Dans les valle'es et les cscarpemens des montagnes , on voit le terrain reposer ira- mediatement sur les chistes. Co terrain est compose de couches alter- nanlcs de marne et de calcaire. Les marnes sont jaunatres et souvent schisteuses, au milieu d'elles sc distinguent deux bancs , ayant chacun un metre de puissance , d'unc argile blanche schisteuse qui se fend comme I'ardoise et rcnferme une grande abondance de poissons fossiles de trois a quatre especes; mais point d'autres restes organiques. Dans les marnes au contraire, ccmmedans les calcaires, on trouve des peigncs, quelques e'chinites, quclques grandes huitres et des gryphites. A la car- riere Saint- Andre , et dans le ravin au pied du village Rastaine les hui- tres melange'es avec les gryphites forment des bancs assez e'tendus. Au pied du Mezetta on rencontre des escarpemens d'une breche fei'- rugineuse qui recouvre le terrain tertiaire, et dans laquelle il y a beau- coup de fragmens de trapp. Le terrain tertiaire occupe la plaine qui s'e'tend a Test d'Oian. On le trouve sur les monts Mezetta et Raramra, a 470 metres au-dessus du niveau de la mer. Dans la plaine, les couches sont assez parfaitement liorizontales ; mais sur les montagnes elles sont souvent inclinees de 1 o et meme dc uo". Ce terrain fonne aussi le sol de la plage de las Agua- das. Entre cette formation et les schistes se trouvent des amas immenses de coquilles, peigncs, bucardcs, huitres, etc., identiques avec celles qui vivent encore dans la mer, mais pas une seule gryphite. 3° Le fort de Santa-Cruz s'cleve sur une rochc noire et compacte avec quelques points brillans, a laquelle M. Rozet donne provisoirement le nom de trapp , roche tres-dure, mais ne faisant point de feu sous le bri- quet et donnant dans I'acide hydro-clilorique une effervescence assez vivc. EUe est accompagnee de parties scoriacees et contienl quelques PARIS. 533 A'oincs cVunc subslance blanche ot iiiamelonne'e , ct des traces de frr oli- giste. Le trapp passe a iine rochc jaunatrc qui le siinnonte siir tons Je^ points oil ils existent cnscmljlc et a laquelle M. Rozet donne le noni de phonoUthe. I.e fer oJigiste est tics-aLondanl dans cette roclie, et y forme de nombreiiscs veinesdirigccs en tuiitscns. Les deux roclies n'offreutau- ciine trace de stratification, et pre'sentent, siiivantl'aiiteiir du Me'uioire toutes les apparences d'line formation volcanicpie. Ce terrain est dcve- loppc sur nnc longueur de qiiaire lieues , depuis Oran jiisqirau cap Falcon. Sur le Mezctla,- il semble recouvrir le terrain tertiaire; a Mars el Kehir, il occupe le sommet d'une montagne qui s'e'leve a 3go metres au-dessus de lamer; il descend ensuite le long des plaines etvient for- mer la pointe sur laqiieile le fort est bati. C'est lui qui constitue le cap Paleon etles rocliersqiii I'environnent; la il recouvre encore le scliiste il ne contient plus de fer oligiste, mais une immense quantite de /er carbonate siiblainellaire qni s'y pre'sente en grosses masses intimcment bees a la roclie. Le maraelon qui s'eleve au-dessus de la pointe E. du cap est une masse de fer carbonate ayant 200 metres de Ion"-et 20 a aS de hauteur. Cette masse est intimcment bee a la phonolithe sur laquelle elle repose. 4° Le long des cotes , et particulierement dans la baie de Mars el Kehir, on trouve , par-dessus toutes les roches, des agglome'rats dc co- quilics, les memes qui vivent encore, dans les mers actuelles, change'es en spath calcaire, ct re'unis par un cimcnt ferrugineux qui a beaucoui) de rapport avec la breche. M. Rozct attache une grande importance a la presence des gryphites qu'il a trouve's dans le terrain d'Oran, et qu'il a vus e'galement dans la partie supe'rieure du calcaire grossier des environs d'AIger. II trouve dans ce fait des motifs pour affirmer qu'on a donne dans la classiflcation des terrains une importance fort exage're'e a la valeur des caracteres tires des reStes fossiles. M. Warden fait une communication relative a de nouvelles lies de- couvertes dans I'ocean Pacifique par la goelette ame'ricaine VAntarctique. Cebatiment, se rendant de la Nouvelle-Ze'lande a Mauille, eut con- naissance, le a3 fc'vrier i83o, d'un groupe de six iles qui ne se trou- 534 I RANG!.. vent point marquees sur les cartes; le lendemain il dccouvrit encore dc nouvelles ties courant vers le sucl-est dans une longueur d'cnviron -^o a n5 rallies. Le -25 il rencontra aussi une ile assez grande et qui hii pa- rut couverte de cocoticrs. Parti de Manille, le I'l avril , V ^ntarctique se dirigea vers les lies Fcdge : apres avoir rcconnu un assez grand nombrc d'lles connues , ct touclie a quclques-unes d'entre elles , oil il ne trouva d'autres rafraJ- cliissemens que des cocos, il arriva, le 23 mai , en vue de six pctites lies se'pare'es par des canaux et couvertes d'une belle vegetation. Ayant fait de'barquer une forge pour quelqucs reparations dont le batiment avail bcsoin, il futbicntot entoure des naturels , qui essayerent de lui de'rober plusieurs iustrumens. II s'e'leva a ce sujet , cntre eux el les ma- telots , une petite rixe , malgre laquelle le capitaine envoya le lendemain ses Iravailleurs a terre. L'imprudence de cet acte fut bientot reconnue : les naturels assaillirent subitenient les matclots, dont cinq sculcment parvinrent a regagner le bord. Le capitaine, prive ainsi d'une grande partic de son equipage, fut oblige' de retourner aussitot a Manille pour y prendre de noiiveaux ma- telots; de la il rcvint vers Vile du Massacre, ou levaisseau e'tail a peine arrive qu'il fut altaque par une flottille des insulaires. Quelqiies de- cliarges ayant dissipe les assaillans , on vit bientot apres partir de la cole un petit canot dans lequel I'e'quipage de V Antarctique reconnut , a sa grande surprise , un des matelots que Ton croyait massacre. Get honime, appcle' Leonard Shaw, avail trouvc raoycn de sc sous- traire, en se cacbant dans les bois, a la premiere furic des sauvages. Rencontre par eux quelqucs jours apres , et d'abord fori mallniile', il fut enfin e'pargne ct occupe a forger pour les insulaires des couleaux avec les inorccaux de fer qui avaient e'le laisse's a terre dans le premier de'sastre. Shaw reronnul que les six lies sont soumiscs a un seul souverain qui a dans chacunc un lieutenant ou plulol un grand vassal , lequel a sous lui d'aulres vassaux de differens degre's. Shaw pretend qu'il n'existc chez ces peuiiles aucune trace de religion. II pretend encore, ce qui est beaucoup plus difficile a croire , que Ton fait mourir dans ces iles tous les cnfans exccpte ceux du chef. Les habilans de ce groupe d'iles sont noirs, de haute taille , el , a ce qu'il parait , trcs-adroits. PARIS. 535 M. Moreau dc .Tonnes demande .\ faire quelques commiinicalions re- latives au cholej'a-morhus. Le president cnnsulte rAcadc'mie pour sa- A'oir s'il convient do dc'roger a I'arrcte pris dans une seance pre'cedente, arrete qui prcscrit de rcnvoyer dircclenicnt a la commission du cliolcra toutcs Ics communications relatives a. cclte maladie. L'Acade'mic decide que M. Moreau sera entendu. L'lionorable academicien donne alors lecture de deux lettres de sir William Peel, siirintendant general des quarantaines , lettres dans lesquelles ce me'decin cnti'e dans des details asscz longs relalivcmcnt aux mesures sanitaires prises a Sunderland. Ces mesures n'ayant ricn de particulier, nous n'en dirons rien ici , mais nous ne pouvons passer sous silence le fait suivant, qui prouvc, suivant nous , que, lorsque risolcnient d'une certainc partie de la population n'est accompagnc ni d'encombrcment ni de toutes ces privations qui, a la verite' , accompagnrnt liabilucllement \eshlocus, il pent 'offrir un moycn de se garantir du chole'ra-morbus. Le fait auquel nous faisons allusion est rapporte' par le doctcur Russel, me'decin, qui, dans I'lnde, e'tait anti-contagioniste, etqui, en Russie, a etc' force dc reconnaitrc qu'd avail juge avec ])re'cipitation. M. Russel done annonce que, s'e'tant rendu, avec son confrere le docteur Barry , a Pe'terboff et a Tzarsko-Selo , apres la leve'e des cordons , ils ont refu des deux me'decins de I'empcreur, MM. Cricliton etWislie , I'assurance positive que , dans les deux enceintes protegees par Ics cor- dons, il ne s' e'tait pas manifeste un scul cas dc cholera , quoique, dans I'enceinte de Tzarsko-Selo, il n'y eiit pas moins de dix mille per- sonnes. Ce fait est tres-impoitant pour la question scicntifique; quant a I'ap- plication , c'est chose fort diffc'rcnte, et nous sorames persuades que , dans une ville ou n'eiit pas e'te rempereur, le cordon sanitaire eut agi bien plus efficacrmcnt pour empecher I'entre'e des vivres que pour em- pecher celle de la maladie. — Seance du 21 novemhre. — M. Cuvier foit, en son nom et celui de M. iTumcril , un rapport sur im Me'moire de M. Dugcs , destine a servir de supplement aux reclicrches que ce savant a dcja presentees sur Vosteologie et la mjologie des hatraciens (voy. ci-dessus , p. 3i3). Apres avoir determine d'une manierc positive I'cspcce que , dans son premier Me'moire , il de'signait sous le nora de crapaud brun , M. Dug(-s TOME Lir. NOVEMBKE 1851. 35 536 FRANCE. jn-e'scnleclcs fails qui, suiv;int lui,sontfavorablcs a la doctrinrclcl7;om<;- lo^ie ct cla]jlis.scntpIuscom|ilctcincntqii'onnc ravailfaitjusfiiiela I'analo- giccnlrc rc'paiilcct Icbassin. Lcsauteiirstlu rapport no ])ailagcnt pas en plf.sicurs points les opinions emises par M. Dugcs, rclativcmcnl a la ilctrr- mination dc plusicurs dcs pieces osscusos dcs ceinlurcs antcrieurc ct postc'rieiirc dii tronc. Du reste ils rcconnaissent qu'inde'pcndannncnl des opinions toujours phis ou moins contcstablcs, il y a dansle Me'inoirc do M. Duges differcns fails nouvcaux ct tres-intc'rcssans. lis signalcnt en particulicr tons ceux qui sont le re'sultal dcs observations de rautcur sur les changemens que subit la tele cartilagincuse du telard lorsque I'aninial approchc de re'lat parfait. «■. Ces fails, dit le rapporteur, concourent a completer I'histoire d'un plie'nomene important de physiologic animalc , ct nous scmblcnt devoir mc'ritcr au Mc'nioire dans Icquel ils sont consi- gnes I'apprcbation de rAcade'mle. » Ces conclusions sont adoptees. M. Cuvier fait, en sou noui et ccUii de M. Chevreul, un rapport sur de nouvclles observations microscopiques communique'es par RI. Turpin . Get obscrvateur, ayanl examine an niiscroscope des ceufs de liraacon [helix hortensis) , a trouvc', dans la partie de la matiere albumincuse qui avoisine TcnA^eloppe , un grand uoinbre de cristaux rbomboVdiques parfaits , incolores , transparens , dont I'axe n'excede pas un centieme de millimetre , et qui sont tantot isolc's et tanlot groupe's irrcfguliercment. Inexactitude de cette observation a etc' constate'e par les commissaires , qui ont reconnu : i" que les cristaux font une vive effervescence dans I'acide nitriquc, ou ils se dissolvent enlierement et trcs-promptcment ; •1° qu'autant qu'oa peut juger par une comparaison faite seulement a la vue avec des rhombo'idcs priraitifs de carbonate de chaux, les cristaux dont il s'agit ont cxaclement la mcme forme ; 3° qu'ils ont une durete analogue a cclle de la poussicre du spatli d'Is'ande et une limpidile sem- blable. D'apres cette re'union de caracteres, il est a presunier que ces cristaux sont de ve'ritables rhomboi'des de carbonate de chaux. L'ann- lyse cliimique pourra seule du reste confirmer pleinement celte con- jecture. Tout le mondc connait le role important que le carbonate de chaux joue dans la slruclure de la plupart des niollusques , des radiaires ct dcs zoophytes ; les pieces qui en sont compose'cs affectcnt toutcs des PARIS. 537 formes organiques. Lorsqu'on casse Ics pieces, on les frmive donees do cet e'tat d'agrc'gation confuse que les mine'talogistes appellent e'tat compact. Dans cerlaincs cspeces , cet e'tat devient fibrenx, ct plus laremenl en- core imparfaitemcnt lamellaire ; ainsi agre'ge'e , la substance calcairc est toujours cntrcmclee d'une certaine quantlte de matieres animales. Si les petits cristaux dc'couvcrts par M. Turpin sont composes, comme on doit ie pre'snmcr, il faudra admcttre cliez les animaux un quatrieme e'tat d'agregation de cette substance , e'tat beaucoup plus remArquable que les trois pre'ce'dens , puisqu'il offre nne absence complete de formes or- ganiques , et que la matiere calcairc sc pre'scnte au contraire pourvue de tons les caracteres des mine'raux ordinaires. II est a observer dc plus que la forme des cristaux dont il s'agit est ])re'cise'ment celle que la nature re'alise le plus rarement dans les cristaux calcaircs ordinaires, quoique la division me'canique donne pre'cise'ment cette forme a tons Icurs e'lc'mcns. L'Acade'mie , sur la proposition de MM. les commissaires , or- donne I'insertion duMc'moire de M. Turpin dans le Recueil des savans e'trangcrs. M. le general Rogniat fait, en son nom ct ceux de MM. Prony et Savart, un rapport sur un fusil a amorces fulminantes , presente' par M. Lcfaure, arqucbusier. Dcpuis long-tems , dit le rapporteur , on a senti le bcsoin de reme'dier aux inconve'niens qu'offie pour I'arme'e I'u- sage des fusils a pierre. Ces fusils , en effet, (jui , dans les circonstances les plus favorables , ratent environ sept coups sur cent , pcuvent par un tems huraide ct un de'faut de soin rater jusqu'a soixante fois sur cent , et laisser ainsi le fanlassin prcsque sans defense. Le fusil a percussion a sur le fusil a pierre des avantagcs bicn con- nus : non-seulement il rend le coup bicn plus siir et bicn plus vif , et repousse moins , mais il a encore I'avantagc pre'cieux d'e'conomiscr presque la moitie' des poudres ne'cessaires a la charge. Toutcfois on lie'site encore a I'introduire dans les arme'es. On craintque, dans le moment du combat, Je soldat chargeant avec pre'cipitation n'adapte pas bien la cap- sule a la cbemine'e. D'ailleurs on no trouve dans aucun des fusils a percussion proposes jusqu'ici toutes les gai-antics de solidite et de diirc'e ne'cessaires. ~ M. Tiofaure aA'ait des iS^S presente a TArademie un fusil h percus- 538 FRANC K. sioii, rccominandal)lc sons pliisicuis rapports. Celui qn'il soumet main- lenaiit a rcxamcn poitc comme le premier un reservoir d'aniorces i'lil- ininantes qui vicnnent se placer cVelles-mcmes sous le coup du piston .; mais ce reservoir , qui c'tait mobile el rau par un me'canisme sujct a sc deianger , est fixe mainlenant ct consiste dans un petit lube loge dans lo bois du fusil parallclcment au canon. Cc tube , qui conticnt cent soixante amorces, porle a sa pnrlie infcricurc unc petite regie mc'tallique mobile ct percec d'lui trou de meme diametre. Lorsqu'on tient le fusil debout , une des bouleltes-amorces du tube se logo naturellement dans le trou de la regie ; alors on poussc cette regie par le moyen d'un bouton jusqu'a ce qu'cllc trouveun arret; I'amorce qu'ellc contenaitpeneire dansun petit mortier pratique' dans I'e'paisseur de la culasse, puis une soupape mue par un ressortla retient en place et I'isole des autres amorces contenues dans le tube ; enfin im piston lance dans le mortier par une detente ordinaire fait dc'tonner et embrase la poudre par la lumiere pla- ce'e au fond du mortier. Ce me'canisme parait satisfaire aux condi- tions qu'ou clierclie dans les fusils a piston pour les introduire dans les arme'es: facilitc, ce'le'rite ct simplicitc pour amorcer, et solidite de la lumiere; mais on pent craindre quelques inconveniens, par exemple , que la boulette-amorcc ne s'c'crasc et n'obstrue I'oiiverture de la regie, ou qu'apres quelques de'cbarges la lumiere ne s' engorge , ce qui se- rait trcs-grave , attcndu qu'tn ne pent la dcboucher sans dcmonter I'arme. Le fusil de M. Let'aure offre un autre cbangement, c'est I'encastre- ment complet dc toutes les pieces de la batterie dans I'intc'rieur de la crosse; par la , cctle batterie estbien mieux prcscrve'e des causes de de'- te'rioration dues aux chocs et a I'bumidite'; mais cet avantage n'cst ob- tenu qu'au dc'pcns d'un affaiblissemcnt dans le bois a la poigne'e, partie deja faible dans les fusils ordmaires ; ellc entraine en outre ime grande difficult • pour le ncttoicmcnt. Pcut-etre serait-il aise de faire dis|\araitre CCS dc'l'auts, alors il ne resterait plus de motifs qui s'opposassental'intro- duction de ce fusil dans rarmc'e, loutcfois si les e'preuves re'pcte'cs , aux- quelles il devrait pre'alablement etre soumis, n'y faisaient pas de'couvrir des inconveniens que le raisonncmcnt sculn'a pu faire soupconner. MM. les commissaires proposcnt en conse'quence que I'Acade'mic te'- moignc sa satisfaction a IM. Lcfaurc, ct I'invitent aenvoyer son fusil au PARIS. 539 uiinistre de la guerre , qui seul peut ordonner los e'preuvos convenables pour hien en appre'cier le me'rite sous le rapport niilituire. Cos conclusions sont adopte'es — Seance dii 'iH nos'emhre. — M. Dietniar fait liommage a I'Aca- de'mie d'un ouvragc intitule : Nouvelle theorie des aurores horeales. M. Arago en fcra I'objct d'un rapport verbal. M. Cuvicr pre'sente en son noin ct ccbii deson collaboratcur, M. Va- lenciennes , le liuiticme volume do leur Histoire nalurelle des poissons. M. Scouteten , dans una lettre adresse'e a M. Magendie , fait part de quelqups teutatives infructucuses qui ont e'te' faites a Berlin pour gue'rir le cholera au moyen de la transfusion du sang. Lc premier sujet sur le- qucl I'operatiou fut essaye'e mourut entre les mains raeme de I'ope'ra- teur. Le sang e'tait introduit dans la veine jugulaire externe , mais pro- bablemcnt il arriva au coeur avec quelqucs bullcs d'air dont la presence de'termina una mort presque instantane'e , et acconijiagne'e de tons les symptomes qui s'observent chez les animaux soumis a ce genre d'expe'- rieuces. L'auteur de la lettre d'aillcurs ne seuiblc pas soup^onner Taction de cette causa dans le fait qu'il rapportc. Les autres cas de transfusion n'ont pas e'te' accompagne's de seniblal^les accidens, uiais du resle ils n'ont pas amene' de plus heureux rc'sullats. C'est, a ce qu'il parait, seulemcnt apics plusieurs tentatives de ce genre qu'on songea que Tinlrodiiction d'i;ne nouvelle masse dc sang ne pourrait etre conside're'e coramc utile que dans le cas oii le cours de la circulation serait encore libre; or I'absencc complete du pouls, cliez certains individus, donnait de forces raisons de douler que le sang ar- rivat jusqu'aux extrc'mite's. On voulut s'eu assurer , et cliez un malado dont I'etat e'tait de'sespe're' et pour Icquel on proposait la transfusion, on mita nu I'aitere radiale , on I'ouvrit dans I'clendue de plusieurs pouces ct Ton vit qu'elle ne contcnait qu'im tres-mince filet de san^' coagule, et tout portail a croire que dcpuis plusieurs beures sa cavite n'avait e'te parcounie par aucun li(]uide. Au reste il parait que la circu- lation peut rester partiellement abolie pendant un tems assez long sans que les fonctions de relation en soient notablement trouble'es. Un niilimire , plus de vingt-quatre lieurcs apres que le pouls e'tait dcvenu complc'tement insensible au poignet et que ses meiubres avaient acquis vuicfroideur cadave'rique , conservait I'usage des sens, de la parolc;, et K >. 540 FRANCK. se jji'onicnait encore pfes(jiic an luomeut ou la mort vint le surprendrc. M. Tlienard lit un Mcinoire sur Ic soufre liydroi^e'iie 011 liydrnrc de soiilVe. — L'liydriirc de souiVe a ete observe pour la jn-emiere Ibis par Scbccle, qui I'oblint en versant du suUurc liydrogenc de polassedans un cxcesd'acidcliydrocblorique e'tendu d'can. Get bydrure sepre'scnlc sousla forme d'un licpiide jaunatre, de consistance buileuse ct d'odeur de'sagi'ea- l)le. Lcs travaux de Scbeele el ceux de Jjerlbollet avaient apjiris que sa densite' est pbis grande que celle do I'cau , qu'il nc se dissout point dans ce liquide, inais sc de'compose spontane'rnent meme a la tempera- ture ordinaire , ctqu'enfin les acidcs un pcu forts , loin dc le de'truire, lui donnaient de la consistance. M. Tbe'nard , en soumettant cclle substance a un nouvel examen , y a reconnu les proprie'te's suivanles : applique' sur la langue , le soufre by- droge'ne' y produit le meme effet que le bi-oxide d'hydrogene , c'est-a- dire qu'il la blancbit ct y cause unc cuisson difficile a supporter ; e'tendu sur la peau du bras ou toute autre partie du corps, il finit par la decolorcr ct meme par ralte'rcr. II de'truit facilement la couleur dc tournesol , ct cet effet a lieu instantane'ment surtout lorsqu'apres avoir verse' du sulfure hydroge'ne de potasse dans I'acide bydrocblorique , on plonge le papier bleu dans la liqueur ou I'liydrure se trouvc suspcndu. La consistance de la liqueur varie, et taniot elle coule comme une buile grasse, tantot comme une huile esscnticlle, ce qui, scion toute apparcnce, depend de la quantile de soufre et d'bydrogcne sulfure qu'elle contient. II est probable que sa densite cbange dc meme. Dans un cas oil la flui- dite' n'e'tai pas tres-grande , cette densite a ete trouve'c e'gale a i ,769. Un froid de lio degrc's nc solidide pas I'bydrure de soufre. La clia- Icur dc I'eau bouillante le decompose promptemcnt, et meme la decom- position commence vers la tempeVatiire dc Go a 70 degre's. Dans tons les cas le liquide sc transforme en gaz bydrogene sulfure qui se de'gagc en un rcsidu de soufre. Abandoune'a lui-mcine, Ic soufre bydroge'ne' s'altcrc pcu a pcu. S il est pur, il laisse un rcsidu forme entierement de soufre , qui d'abord est luou , mais finit par se solidificr. L'air est sans action sur lui dans les circousiances ordinaires; mais a I'approclie d'luic bougie allumec , ii s'enibuumc, I'liydrogenc forme de I'eau, le soufre de I'acidc suifiueus. PARIS. 541 Lc cliarljon ties-divisc produit avec Ic soiifre liydrogc'iie un proiiipl degagement de gaz bydrogeue sulfure. Lcplatine, I'or, riridiiira , cl plusicurs aiitres rac'taux en poiidrc, y occasionent un scrablable degagement de gaz. Bcaucoup d' oxides re'duits en poudrc jouissent de la meine propricte, et avec pliisieurs lueme il sc produit une vive effervescence. Tcls sont en partlculier le peroxide de manganese, la baryte, la raagnc'sie, la slron- tiane , la cliaux , la potasse et la sonde. Ces deux dcrnicres , ce qui est fort remarquable , donnent naissancc au meme plie'nomeiie , quand , au lieu d'etre en poudre , elles sont a I'e'tat de dissolution. Les oxides faciles a de'soxige'ner sont re'duits instantane'ment par I'liy- drure de soufre , avec production d'eau et incandescence. Les sulfures tendent aussi a decomposer le soufre bj^drogc'ne et a en de'gager I'liydrogcue sulfLue. L' effervescence est tres-sensible avec les sulfures alcalins en poudre : elle Test merae avec les sulfures dissous ; alors en meme terns qu'il y a degagement de gaz^ il y a precipitation de soufre. Le Sucre, I'amidon, la fibrine^ la cliair musculairc , agissent sur lc soufi-e bydroge'ne' ; Taction est lenle, mais du I'cste plus marque'e avec les maticres animales qu'avec les ve'gc'tales. L'eau nedissout pas sensiblement I'bydrure de soufre; quanta re'tlier, il opere sur-le-cbamp la dissolution de la liqueur, mais bienlot il laisse de'poser des cristaux en aiguilles, qui semblent etre du soufre pur. Nous ne suivrons pas I'auteur du Mc'moire dans I'examen de toutes les propriete's du soufre bydroge'ne; mais on peut voir deja , d'apres ce ijuj A^ent d'etre dit, que ce compose' jouit , comme le bi-oxide d'bydrogcne dc'couvert il y a quelques anne'es par M. Tbe'nard , de la proprie'le tres- remarqunble de se laisser de'composer par bcaucoup d'autres corps , sans que ceux-ci s'emparent d'aucun de ses principes. II est pi'obable que Ton de'couvrira avec lc fcins d'autres compose's analogues aux deux dont nous venons de parlcr , ce qui e'tablira en cbimie une brancbe toute nouvcllc. M. Flourens lit un Me'moirc ayant pour titrc : Experiences sur la rumination. Le mot de rumination de'signe, comme cbacun sait , la facuke qu'ont certains auimaux de ramener a la boucbe , pour les ma- clier ctlcs avaler ime scconde fois , les alimens qu'ils avaient deja maclie's et avale's une premiere. Lorsqu'on cbercbe a se rcndre ronijtte Am me'- 542 FRANCE. canistne de celte ope'raliou , oa est arrete {)ai- des difficulte's qui resul- IciU princij).ileiiicnt de la disposition fort conipliqiiec dcs organes qui y concourciit. Lcs aniiuaux ruiuinans ont en effet quatre estomacs , dont cliacun a sa structure propre , et doit avoir par consequent des usages particu- liers. II taut done , pourbien connaitrc le me'canisine de la rumination , savoir quelle party prcnd cliacun d'eux. De ces quatre estomacs le pre- mier et le second (la panse et le bonnet) sont place's parallelement I'un a I'autre , on au niveau I'un de I'autre, et Tcesopliage se rend presque e'galement dans les deux. Ensuite Tcesopliage se continue en une gout- tierc ou demi-canal, et ce demi-canal se rend presque e'galement encore dans deux estomacs, le second et le troisicme (le bonnet et le feuillet). Enfin toutes ces parties , I'cesophage , son demi-canal , le premier, le deuxieme et le troisieme estomacs, toutes ces parties , disons-nous , non- seulemcnl communiquent entre elles, mais elles communiquent toutes jiar un point commun. Trois questions se pre'sentent a resoudre : i", dans quels estomacs se rendent les alimens lorsqn'ils sont avale's la premiere fois ? ■>," quelles sont les parties qui entrent en action pour les ramener dans la bouche? 3° oi!i se rendcnt-ils aprcs avoir subi cette seconde trituration ? Pour rc'soudre la premiere question il suffisait de tuer des animaux immediatoment apres les avoir fait manger. Dans une premiere expe'- rience , M. Flourens a fait manger de I'herbe a un mouton; I'ayant tue' et ouvert pen d'initans apres , il a trouve la plus grande partie de cette lierbe imjiarfaiteraenl liaclic'c dans la panse ; le bonnet en contenait aussi une quantite' notable. Le meme re'sultat a etc oblenu avec de I'avoine qui s'est trouvee entiere et ine'galemcnt repartie entre la pause et Ic bon- net. Le meme re'sultat a e'te obtenu en faisant avaler a un troisieme ani- mal dcs morceaux de carotte , longs d'un demi-poucea un pouce, qu'on introduisait directcment dans Tocsopliage , alin d'cmpecher qu'ils nesu- bissent une premiere mastication. En donnant a manger a un quatrieme mouton de la carotte re'duitc en bouillie par une premiere mastication , le resultat a e'te un pen different, car une petite partie de celte pulpe a pene'tre jusque dans les deux derniers estomacs, le feuillet et la caillette. Dans toutes lcs experiences que nous venous de rapporter, I'auteur du Me'moire Irouva , soil dans la panse, soil dans le bonnet, mcle's aux PARIS. 543 alimens que Tanimal venait d'avaler , beaucoup d'autres alimcns qai c'taient e'vidcmment le reste d'un repas ante'rieur. Ce fait, qui nc pou- vait dans le cas dont nous nous occupons maintenant dcvenir une cause d'crreur , parce que les alimens qu'on avail fait prendre aux animaux sc trouvaient encore parfaitement reconnaissables apres la jiremiere de'- glutilion, devenaitaiicontraire un obstacle tres-grand lorsqu'il s'agissait desuivre la marched'alimens denatures et change's d' aspect par la seconde innsticalion. L'cxpc'ri mcntatciir a done da changer entierement son procc'de, et tacher d'examiner directemcnl ce qui sc passait dans chaqiie estomac pendant la seconde de'glutition. 11 y est parvenu en e'tablissant pour cliaque , mais sur diffe'rcns animaux, cc qu'on appelle en chirurgie un anus contre nature; la porle qu'il pouvait ouvrir a volonte dans cha- cun d'eux jui permettait d' observer tout ce qui s'y passait. Ainsi il vit au momcntdelapremierede'glutition les alimens arriver immc'diatcmentdans le bonnet ct la pause; il vit que, dans certains cas, sans qu'il y eut de'glu- tition, les alimens pouvaient passer du premier estomac dans le second au raoyen d'une contraction de la pause aidc'e par celle des muscles de I'abdomcn. Dans la deglutition qui suit la ruraination , les choses se pas- sent dift'e'rcmment. Une partic de Talimcnt rumine' arrivait bien encore dans la pause et dans le bonnet; mais unegrande partie suivait le demi- canal de I'ossophage et passait imme'diatcment dans le troisieme estomac (le fcuillet). Si Ton examine , dit I'autcur , ce qui se passe dans I'cesophage pen- dant les deux de'ghiti lions, on voit a quoi tient la difi'c'rence dans la marclie des alimens, dans I'un ct dans I'autre cas. Dans la premiere, le bol alimentaire est volumineux, et re'siste en descendant; il dilate suc- cessivement I'ffisophage, ouvrc son extre'mite inferieure, et arrive ne'ces- sairement dans la pause et le bonnet; mais, dans la seconde de'glutition, raliraent est trop fluide pour pouvoir exercer cette distension : I'extre'- mitc infeVieuie de I'cesophage reste ferme'e devant lui, ct alors il ne lui reste pour continuer sa marche d'autre route ouvcrte que cclle du demi- canal qui le conduit a I'orifice du feuillet. Si quelque partie des alimens prenait cette voie dans la premise deglutition, elle e'prouverait, a cause, de sa-consistauce , un obstacle en raison de re'lroitesse de rouverturc dii feuilkt , et il est a croire memc que dans ce cas I'ouverture qui est con- tractile sc resserrerait a I'approchc de cos alimens grossiers. 544 FRANCE. Dans um; st'cnii'le partic do son INFenioire, M. Flonrens considcrora I'acle de lu jc'gnrgitalion, qui precede la scconde mastication. reOLVELLKS DKS TIIEATJIES. LETTRE SUR LES XnEATRES. Vous voulez, mon ami , que je vous parlc dc nos theatres. IIal)itant une province e'loignc'eoiile bruit quQ font icinos cliefs-d'oeuvre n'a guerc de retentisseincnt; asscz heurcux pour que I'unique libraire de voire petite ville soil trcs-pauvrement assorti en nouveaute's , ce qui vous dis- pense du soin dc les lire, vous profitez de vos avantages pour rae faire ici voire correspondant dramalique. Vous m'appelez , rnalgre moi , a I'honneur de vous rcpre'scnler auprcs dc nos liaules puissances tlie'a- trales, a cliarge de vous transmettre raes rapports siu' ce que j'aurai vu et entendu, ainsi que doit en user tout lionnele ambassadcur. J'acceplc Temploi que votre amilie m' impose , et quoique je n'aie pas I'avantag-e d'etre accre'dite aupres des puissances dont il s'agit, el que, par conse- quent , je manque de qualile' legale pour m'occuper de Icurs alfaires , je tacberai pou riant de vous foiunir, aussi exactcmcnt que possible, Ics renseignemens que vous desircz. Qui sail? pcut-elre n'en scrcz-vous que Tiiieiix ipforme'. Sachez d'abord que la situation dc nos tlicalres est, en ce moment, tres-pcu prospere. Plusicurs sontauxabois. L'Opc'ra-Gomique n'apurc- sisler au succcs dela Marquise de BrinvilUers et a ses einbarras inte- rieursj les Nouveaute's font rclache forcc'e; ct j'en sais d'autres qui ne valent guere mieux : c'est rbonorable explication dii ton tres-ra- douci de critique qu'ont en general adoptc les joiu-naux a leur e'gard. En ce pays-ci Ton ne fait d'opposition que contre les puissans. II y avail plaisir a liarceler les dircctcurs, alors qa'ils posse'daicnt un privi- lege ministe'ricl en vertu duqucl ils pouvaient, librcs de toute con- currence, s'endormir nonchalamment dans une oisivete de rois faineans^ mais mainlcnant que le sceptre comique est devenu si lourd a porter, PAR15. 545 la presse meuagc ces souveraius raallieuieux : aussi, quels que soicut Icurs acles, enregistre's tous les malins sur Ics afficlies de llicVitic, que Ton peut appclcr leur bulletin des lois , la criliquc est devcnuc pour eux si douce et si inoffensive que nos ministies ont du quelquc fois la Icur envier. Quant a cc fait que je vous signalais, I'e'tat pre'caire de nos tlieatrcs, iln'est malbeuieusement que trop reel. Sans parler de quelqucs abus scandalcux qui se cacbcnt dans I'interieur des comite's de lecture, abus que j'cclairerai peut-etre quelque jour, ct qui devraient disparaitre de- vant I'ceil vigilant des dirccteurs, il est une cause grave qui tend a pa- ralyser leurs efforts : c'est I'e'tat incertain et mal de'fini de notre socie'te' qui s'ignore, en quelque sorte , elle-meme , qui n'a pas foi en elle , et qui ne pre'sente anosartistes aucun foyer d'inspirations. Pas de but, pas de direction, pas d'ide'es communes ; j'tntends communes a tous; car, dans I'autre sens, les ide'es communes ne manquent pas. Sur tous les sujets graves et serieux, dissentinicns profonds , oppositions largemeut tran- clie'es; aucune trace de cctlc vive,de cctte ge'nerale exaltation des esprits sous I'influencc de laquelie Vollaire et Beaumarcbais attaquaient cbacun a sa maniere les abus de la vieille socie'te' , et qui , plus tard , lanjait uosjeunes gens, au sortir du the'atre, a la defense de la liberte. Mainte- nant les coeurs sont comprime's; aucun e'Lui. Les sentimens nobles et ge'- ne'reux dorment au fond des ames. Le grand but social, dont les esprits sont pre'occupe's , ne se dessine pas encore assez nettement aux yeux de tous; ct la frivolite' est la seule divinite' a laquelie on sacrifie. Or le fri- volc s'e'puise vite. Je n'en voudrais d'autre preuve que la niultiplicite de nos pieces nouvellcs. Ne pouvant la faire belle tii I'as faite riche, disait Appelle a un jeune peintrc ; ne pouvant prodiiire une bonne piece , vous en avez fabriquc' vingt me'diocres : vo-ila la traduction du mot d'Appclle adresse a nos auteursdu jour. Oncssaie de piquer la curiositc d'un public que Ton ne peut retenirpar un lien plus fort , et Ton v rc'ussit quelquefois; a I'aide de tableaux plus ou moins licencieux , de leyons d'irauioralitc prcsente'es avec plus ou moins de cynisme et de talent, on rassemblc encore quelqucs spectateurs; mais le goiit se perd, I'art •s'en va commc les rois de M. Ijaine', le vrai public s'e'loigne deplus en plus, et le the'atre nieurt. A cc lugubrc pre'ambulc liatuiis-noLis do i'airc succcdcr I'analyse de 546 FRANCE. nos ncuvcaiitc's dcrniercment c'closos. 1-a pliipart, he'lasl sont deja vieiiles; luais d'aiiticssc preparenta Its rcmplacer; et, sous cc rapport, la jeune aiincc promct de nc pas rosier en arricre dc sa devanciere. Ecoiitez done : All Theatre- Francais rien dc nouveau de^ms Pieire III, de M. Victor Escoiisse ( 28 novcinbrc ], Law , do M. McnnccLet ( 10 de- cerabre), ct la Prediction de M. Beauvalet(i7 de'ceniLre ). Vous en- niiicrais-je dc Tanalyse de ces trois oiivragcs? Nou en ve'rite. Ce n'est que rareiiiont ct coinmc pour conslater un droit acquis qu'on en liasarde encore de loin en ioin, !a representation : or la critique doit autant de ine'nagemens ascs lectcurs que le semainier de la Come'die-Francaise ascs liabitue's ; et je n'oublie pas d'ailieurs que la justice des honimcs s'arretc a laiuort des coupables. Lc fait le plus saillaiit, en ce moment, au Thea- tre-Francais, c'est I'accueil qii'ont rccn du public deux de ses ancicns socie'taires, Baptisle aine et Baptiste cadet, et la rcntre'e de mademoi- selle Mars, actrice inimitable dont le talent semble dcficr les anne'cs. Ellc nous fait attendre avec moins d'impaticnce le Louis XI dcM. Ca- simir Delavigne , que i'on re'pete avcc activite'. Bobert le Diable , a I'Opera , continue la se'rie de ses triomphes. Un de nos amis s'cst charge' de I'analyse de'taille'c de ce chef-d'oeuvre mu- sical. Je vous renvoie a son article. Au Theatre-Italien, toujours Vltaliana in .^Igieri , Otello , la Gazza, il Barhiere. Je me plaignais de la fe'condite de nos auteurs ; sous ce rapport, Icdirccteur de rOpe'ra-Ilalien est pur de tout rejiroche. Mais les artistes charge's de nousfairc entendre la de'licieuse musique de Rossini ont un autre moyen de satisfaire a ce goiit du public qui tou- jours demande du nouveau 5 ils se succedent les uns aux autres dans les memes roles, et fournissent ainsi a nos dilettanti ample maticre a com- paraisons et a rapprochcmens. Anna Bolena, de Donizzetti , est venu varier un pcu cc vieux repertoire qu'ii faudra bien un jour essayer de rajeunir. On annouce , pour le I'.i dc cc mois, la rc'ouvcrture du theatre de rOpERA-CoMiQUE, sous Ics auspiccs de ]M. Laurent. Nous cssaicrons de pre'scnter a cet habile directcur quclques conseils sur les ameliorations que le public attend dc lui, pour la prospe'rite d'un the'aire dont il nc PARIS. .Jify faut pas,quoi qu'on en ait dit, faire un rival dii grand Opera, ni del'O- pe'ra-Italien. L'OuEON est raaintenant administre par le direcleiir du theatre de la Porfe-Saint-Marlin • je ne crois pas que ce soit unc mauvaise idee de transporter siir rette scene les oiivrages qui ont c'puise la ciiriosite des habitues du boulevard, et qui sonl presque tous parfaitement ignores sur I'aDtre rive de la Seine. Napoleon a Sainte-He'lene , Marion Delorme . T'ictorine , font tous les soirs, avecsucces, le voyage du faubourg Saint-Germain. Le GvMi^ASE, que vous aimiez tant , n'esl pas en veine de bonheur. Ses auteurs ordinaires, M. Scribe a leur tete, ne nous ont encore donne cet hiver que des pieces a petit succcs. Dans le Luthier de Lisbonne , de MM. Scribe et Bayard (7 de'cembre) , un seul role est quelque peu comique , c'cst celui d'uu fanatique de Icfgilimite qui est Leureux qnand il a vu le roi; car alors il peut se dire : j'ai vu le roi; du reste, sur cinq personnagcs, pas un seul qui inspire le moindre inte'ret. G'est encore un succesdccuriosite qu'on espe'rait : en effet, don Miguel en scene, et sous les traits de Bouffe qui , dit-on, lui rcssemble a s'y me'prendre ( circonstance qui vous sera d'ailleurs parfaitement indifferente), cela promettait quelque chose, sed habent sua fata lib elU. Je ne vous dirai qu'un mot d' Emmeline ou la Porte secrete , dc MM. Me'lcsville et Paulin {•I'j de'cembre) : c'est une piece froide et insignifiante, et qui a le nialheur d'avoir deux actcs. Joseph Tritbert , ou VOuvrier, au Vaudeville (20 de'cembre), drarne compose' pour Henri Monnier , n'a pas re'pondu aux espe'rances de ses auteurs, MM. Dupeuty et Duvert. Non , ce u'est pas la I'ouvrier tel que le ge'nie d'un poete saura un jour nous Ic traduire sur la scene _, bon , simple , et pret a repondre , pai' son de'voument et son amour , a la parole de confiancc qu'on lui aura fait entendre. Je n'ai vu dans la piece du A audeville qu'un joucur foicene, un mauvais garnement, qui n'inspire aucun inte'ret. J'aime bien mieux \'j4j't de payer ses dettes ^ deMM. Me'lcsvillcet Warner (10 de'cembre); c'est un petit acte fort gai , fort spirjluel. Figurez-vous unjcune extravagant qui a fait de I'industrie a sa ntaniere. II aachete'chevanx, voiturcs, meublcspre'cieux; puis, quand le moment de solder les me'moircs cslvenu, il s'est livre'ace qu'ilappelle des operations de revirement. II a paye I'ebe'niste avec le sellier, le tapi^ 548 FRANCE. sicr ,ivcc le marcliand de clievaux, etc. Enfin, qnand il voit que son sys- fc)ne d'amortisscment ne liii re'iissil pas, ilsedc'cide fort sa^einentapayer ses cre'anciers d'une manicre plus sc'rieuse , au lieu dc les jeler par la fcnetre , ainsi qii'on faisait dans I'ancicnnc come'die. Mais, coiniue sa bourse est vide , il se voit re'duit a payer de sa personne, ct il s'en ac- quitte trcs-plaisamment. En dernier lieu , il ne lui reste plus qu'une seule delte; ct pour reteindre, nouveau Dufre'ny, il c'pousc la cre'an- ciere, Manette, sa hlanchisseuse. Lc dernier ouvrage represente au Vaudeville est la Nuit de Noel {'i^ dcceuibre) , tradition allemande que MM. Rochefort et Emmanuel ont imitc'e d'un conte dcRaupach, et qui ne manque ni de grace ni de fraiclieur. Le theatre des Vabietes , pour appuyer V Insurrection de demoi- selles, nous a donnc le Fosse des Tuileries (lo de'cembrc) , revue en un acte , dont Ics auteurs (MM. Phimppe , Julien et Lhep.ic) ne se sont pas fait faute de plaisantcries et d'allusions. Une scene entre autres est extremement comique : c'est celle de la conference de Londres , ou , sous I'habit d'un diplomate e'tranger, Odry mystifie notre cre'dule arabas- sadcur. Odry aurait-il rencontre juste? Un quiproquo assez drole^ oiile meme acleur est transforme en un aubcrgisle de village , fait tout le me'rite dc la Giroiiette ariglaise , de M. Paul (29 de'cembrc) , dcr- niere nouveautc qui ait paru a ce tlic'atre. Le theatre du Palais-Royal nous a montre Potier (le 10 de'cem- brc) dans la Jeunesse de Louis XI , de MM. Melesville ct Simon- ivm , piece assez froide , ou mademoiselle Dejazet trouve pourtant nioyen de faire applaudir un jeu franc, et une jolie voix. Mais pounpioi s'obs- tine-t-on,dans les pieces compose'es pour Potier, a lul re'peter toujours le meme role? Reraarquons en passant I'cspece de fatalite qui poursuit certains acteurs ce'lebres. lis chcrchent partout des roles , et ils n'en troiivent pas. Mademoiselle Mars elle-meme est dans ce cas ; et pour sa rentre'e , vous la voyez , faute de role nouveau , obligee de revenir a Elmire et a Celimene. Dans Feu M. Mathieu (G dccembre) , M. Brazter nous trace le por- trait d'nn hommc riche , fds de scs ceuvres , employant noblemcnt sa fortune , sans luxe et sans faste, an bonheur de scs concitoycns. Celte idee est belle et fait du bien. Du reste, point dc piece. PARIS. 549 Je me tairai siir la Salade d' oranges , car il ne faiit pns piiblicr Ics laiites cle ses amis. Pour en finir avec cc theatre , j'aiirais encore a pailer de Robert le Diablo {'I'l dcccmbre). Mais comme plusieurs aiiti'es parodies se pre'pa- rent siir le meme sujet a la Gaite' et ailieurs, je me propose de les re'u- nir pour vous en rcndre comptc a la fois. ,1'arrive an theatre dc la Pop.TE-SAiNT-lMAnTiN; ct , apres vous avoir entretciui de LIuettes plus ou inoins spirituelles , je vous signale enfin une oeuvre d'art ct de talent, Richard Darlington , de MM. Dinaux freres (10 de'cembre). Get ouvrage, e'crit de verve, etdont la louche est male et vigourcuse , offre im caractcre d'ambitieux admirablcment trace, avec son accompagncment oblige' d'cgoVsme et de durete' de coeur. L'o- dieux dc ce role est parfaitement rendu par Fre'de'rickj mais, comme je suis exigeant , je voudrais a mademoiselle Noblet une voix plus douce. Entre cette resignation patienle d'un etre faible et opprime' , ct la sau- vage c'nergie , la violence brulale de son tyran, le contraste ne pouvait ctre trop fortcracnt marque. 11 est triste de penser qu'une passion pent maitriser I'liomrac a ce point , qu'elle Ic dcpouille de tout sentiment d'iionneur ct memc dc pitic. Malheur a la femme qui est associe'e a I'ambitieux ! Georgel , ou le Possede , a la Gaite (a/j. de'cembre) , est une mau- vaise contre-e'prcuve de Dominiqtie ,du The'atre-Francais; et je regrette queM. u'EpAGNY ait aussi mise'rablement Iravcsti un ouvrage agre'able quoique bcaucoup trop vantc. C'est maintenant une parade aussi ignoble que possible. Nous avons encore a la Gaile un Robert le Diahle voire meme un Robert le Bossu ; mais je les ticns en reserve , ainsi que cclui du Palais-RoyaL Quand j'aurai reuni les divcrses parodies dc I'ope'ra de MM. Scribe et Meyerbeer, je mettrai tons ccs Robert ensemble dans un des bassins de la balance, et nous verrons ce que cela pese. Vous parlcrai-je des Six Degre's du crime a 1'Ambigu-Comique (•jQ novembre)? Vous parlcrai-je de Paul 1" , de tragique mcmoire i u 7 de'cembre) ? Non , dccide'mcnt non. Diderot, dans ses Salons si spirituels ct si pleins d'cxcellentcs choses , avait coutiime, quand il ren- contrait un tableau mal peint et sans effet , de le juger par ces seuJs mots : « Au pent Notre-Dame I » Au pont Notrc-Dame done. Je n'aurai plus , pour completer ma revue , qu'a vous enlretenir des 55o FRANCE. Polonais tlu CmQUE-OLYMPiQUE (a.i dc'cembrc), ct a vousfaire admi- rer la pompc c'tonnante dii spectacle ct ie racrvcillcux de la mise en scene. Mais je viens de lire les journaux allemands ; et quand je me re- pre'sente ces vingt mille proscrits volontaii'es qui baisent la terre de Prusse, autrefois tcnc polonaise , qui s'y attaclient , xjui s'y crampon- nent en pleurant, ct qui prcTercnt Ics flots de la Vistnle a la cle'mence du tzar moscovite , men coeur se serre et il faut m'arreter. Plaignons cette pauvre Inimanite' qui u'a que des regrets et des larmes pour de pareilles douleurs ! M. Robert le Viable , opera en cinq artes, paroles de MM. Scribe et Germain Delavigne, inusique de M. Meyerbeer. — Jamais pieces plus brillant etplus complet ne suivit la i epre'sentation d'aucun grand ouvragc a 1' Academic royale de musique, et jamais aussi succes ne fut ])lus me'ritc que celui de Robert le Diablc. Nous nous contcnterons de donner quelques de'tails sur la musique de cct opera, que les journaux ont assez fait connailre au public pour qu'il soil dcvenu supcrflu d'en expliquer le sujct. Le compositeur lui a donne' , ainsi que nous I'avons deia fait observer , une couleur altcrnativement religieuse et infernale , qui caractc'rise parfaitement les roles d'Alice et de Bertram ; mais in- distincte encore pendant toutc la dure'e du premier actc, la voix de I'enfer , qui s'est tue loul-a-fait au commencement du second pour laisser entendre les acccns de la princesse de Sicile , ne se fait entendre dans toiite sa force qu'un moment avant le tournoi , lorsque le messager de Bertram porte a Robert un de'fiau nom'du prince de Grenade. Le spec- tateur, qui a conserve la mc'moire de ccssons terrib]cs,Ies rctrouve avec line nouvelle e'nergie dans le cours des Irois derniers actes. Nous appellerons d'abord I'attention sur rinlroduction de I'ope'ra et snr le choeur de cbevalicrs qui la suitj ces deux niorccaux, tres-dislincts et cependanl re'uuis , pre'scntcnt un contrastc frappant. En effet , les pre- mieres mesurrs qui viennent frappcr nos orciUcs de leurs notes vagues ct myste'rieuses , e'crites en mincur, offrent identiquement le meme chant que le deliut de revocation aux nonnes chante'e par Bertram , et serventa preparer I'impression ge'ne'ralc qui doit rc'suller de Tensemble de Vonvrage ; tandis que le cbceur des chevaliers qui les suit inime'dia- »■ ""^ ' PARIS. 55 1 tpm<>nrcst plein de clialcur , plcin dc vivacite , ct detruit momcntanef- ment cette premiere impression dont il ne reste plus que le souvenir. Ce morceau est ccrit avec le plus grand soin et merveilleusement exe- cute ; des musiciens pointilleux y signaleraient peut-etre ccpendant un passage de chant, italien d'origine, dont on a fait un si grand abiis qu'onl'entcnd a regret dans unchceur d'ailleurs ])lein de verve et d'origi- nalite. Nous ne nous e'tendrons point sur la ballade de Raimbaud , cbante'e par Lafont , belle de chant et surtout d'instrumentation , ni sur la de'li- cieuse romance d' Alice , fort bien cLantee par mademoiselle Donis , afin d'en venir plutot au finial. L'or est une chimere , Sachons nous en servir : Telest le refrain de la Sicilienne chante'e par Nourrit ct qui lui sert de debut. II invite les chevaliers a jouer et veut leur tenir tete a tous , Bertram Ty encourage de sa voix diabolique. Robert perd , il veut jouer encore , il perd de nouveau. II joue ses pierreries , sa vais- sellc, ses armcs , il perd tout : et le traitre Bertram satisfait cherche a le consoler en lui re'pe'tant le chant joyeux de la Sicilienne •• Plus de depit Car tu Fas dit : L'or est line chimere , etc. L'accompagnement et les modulations prennent avec la voix dc ce dernier un caraclere sombre qui denature entierement le chant du re- frain. Toute cette premiere partie du finale est traite'e avec un grand talent et ne laisse rien a de'sirer quant a I'expression dramatique ; mais le compositeur ne paratt pas s'etre maintenu au meme degre de force et d'inspiration dans la seconde partie du morceau, qui devait ^fre encore plus e'nergiquc que la premiere. Malheur sans egal , O sort infernal, etc. Lc chant plaque sui ces paroles ne peinl point avec assez de force le TOME LH. NOVEMBKE 1831. 36 552 FRANCr.. de'scspoir du joueur mine. Sa furcur d'abord concentie'e n'cclato pas avec assez dc fracas , ses menaces raanqucat de vigucur ; son comroiix et, un moment aprcs, les railleries des joueurs qui I'ont ruine' ct qui rient de ses menaces , manquent de vcritc et d'lnspiration. An total ce morceau , qui eut e'te tres-bon dans un ouvragc mediocre, nous a paru faiblc dans une partition e'crite d'unc manicre si supe'rieure. Le rc'citatif qui precede ce final me'rite une attention particulicre; c'est un des passages qui peignent le mieux les efforts iiiutiles de Robert pour se soustraire a I'influence de Bertram. II lui reproche les con.veils perfides dont il le poursuit en tons lieux, les malhiurs dont il a etc pour lui la cause. Je crains ta funeste influence. Peux-tu douter de ma tendressc? lui re'pond le traitre ; et Robert est de nouveau subjugue par la voix ca- ressante du mal. Le trait de violon qui suit incessamment ce dialogue a quelque chose d'e'trange dans son rliythme et dans son chant qui sert a exprimer I'incertitude et les angoisses de Robert le Diable : il suit les deux voix de modulations en modulations sans cesser de se reproduire sous la meme forme. C'est comme une image que Ton atoujours sous les yeux , de quelque cote que Ton de'tourne la tete. A la fin de cet acte, les soupcons, qui se sont"porte's timidcment d'a- bord sur I'arai de Robert , deviennent plus assures, lorsquc Ton a e'te te'moin des pertes successives de ce dci-nicr et des conseils qui I'y ont conduit- Le dcuxieme acte s'ouvre par la cavatine d'Isabelle si habilement sui- vie par les chceurs alternatifs de soprani et de contralti. C'est un mor- ceau ravissant ^ I'allegro surtout , lorsque la princesse a rccu le placet de Robert , presente' par Alice , est plein de grace et de le'ge'rete'. II faut ajouter que niadame Damorcau le chante avec toute la perfection que Ton peut de'sirer. Le duo qui suit est tres-infe'rieur , et quoique I'habi- lete' des chanteurs leur vaillc toujours une salve d'applaudisseraens, lors- qu'ils executent les traits dc vocalises en duo qu'il renferme, elle ne peut en de'guiser la faiblesse. La partie de tenor qui imite les chants du soprano est fort difficile ii chanter et sans effet, ce qui est pis. .Te ferai remarquer en passant que les IromLonnes, qui accompagnent de Icurs sons rctentissans la voix du prince des tcnebres , iic doivcnt plus laisser de doule sur la nature de ce pcrsonnage et dc Bertram dont ii est I'en- vove. PARIS. 553 Le petit qualuor sans accompagnement : Sonnez, clairons, est pleiii de suavite'. II eiit ete' a de'sirer qu'il lilt suivi d'un clioeur biillant et clievaleresquc propre a cxpiimer Taideur des chevaliers pour qui Li lice va s'ouvrir. Au lieu de cela , vient un air de madame Damoreau , fort bien chante sans doute , raais insuffisant. II est accompagne par des cliceurs dont les dernieres mesures rappellent celles d'un fort beau cliceur du premier acte de Mo'ise. Le troisitime acte est le plus long de I'ouvi'age. On pent le diviser en deux parties : la premiere contient un duo comique chante par Bertram et Raimbaud, dans lequel on a remarque' I'habilete que M. Meyerbeei- a mise a trailer le genre ironique : I'ide'e principale y rcparait trois ibis ; la valse infernalc ne devient ve'ritablcment originale qu'au moment ou les accens de'sespe're's de Bertram viennent s'y joindre. Les voix sou- terraines frappent alors sans interruption de deux notes succcssives le premier tems de cliaque mesure , et la trompette se joint a elles pour en augmentcr la force. Cette fin du morceau est de la plus grande beautc. Les cornets dont on se sert pour imiter I'effet des voix souter- raines prodiiisent toujours un effet prodigieux. J'appellerai I'attention sur le trait de violons qui suit la premiere reprise de la walse. Beau- coup de personnes demandent pourquoi, depuis que Ton fait chanter les demons, on n'a pas imagine une forme de chant qui leur fut propre et qui flit moins en rapport avec la rausique essentiellement religieuse. La romance d' Alice , qui entre en scene un instant apres que Bertram s'est plonge' dans le gouffre oil il doit etrc instruit de la destine'c de son fils, laisse a de'sirer; mais elle est si heureusement place'e qu'elle ne manque pas d' effet. Les deux couplets sont se'pares par quelques hurle- mens souterrains parfaitement e'crils a I'orchestre, et qui s'eloigncnt peu a peu , apres avoir un moment effraye rimagination d'AIice. Ce sont des fragmens du terrible morceau precedent. Le bruit infernal recom- mence avec plus de fureur lorsque la romance est termine'e. Alice , qui entend prononcer le nom de Robert , mele' a de nouveaux hurlemens , surmonte sa frayeur par amour pour son maitre , et s'avance vers les lieux d'ou les sons semblent sortir. Elle disparait un moment et rentre c'pouvante'c , apres avoir entendu I'oracle et assiste a I'assemblee de I'enfer. Bertram la suit , en rappelant I'oracle qui le condamne a perdre poiu- jamais son fils , s'll ue sr donne a lui avant minuit , et aperfoit la 554 FRANCE. paiivre fille tremblante au pied de la croix qu'elle embrasse avec fer- veur. II y a ici im fort beau duoi, dont le chant, dessme par les violon- cellos , ne se montre aux voix que par fragraens ou il suit le dialogue. C'est un des beaux morceaux de I'ouvrage. Le trio suivant , sans or- chestic , produit beaucoup d'effet ; et il faut dire qu'il est chante avec tme purete irrc'prochablepar Nourrit,Levasseur et mademoiselle Dorus, quoique les modulations en soient fort complique'es. Le duo des Cheva- liers de ma patrie termine d'une maniere brillante cette premiere partie du troisicme acte. Ici la decoration , qui repre'sentait des rocliers de'serts , change et nous laisse voir les ruines dn couvent de Sainte-Rosalie. C'est entre les mains de cette sainte qu'est depose le rameau dc cypres qui doit donner a Robert une puissance sans bornes sur la.princesse de Sicile. II faut commettre un sacrile'ge pour s'en saisir • mais I'amant d'Isabelle a cc'de' aux conseils de Bertram , et va venir en ces lieux. Les arceanx du cloitre , encore debout et coiu'onne's de lierre , les tombcaux que Ton distingue 9a et la , sont e'claii'es par la lueur de la lune, et leur ombre se dessinc sur le sol de maniere a prodiure une complete illu- sion. Bertram s'avauce du fond de la scene , et on peut voir son ombre qui le suit et se dessine a cote de lui jusqu'au pied de la rampe. La rausique est venue ajouter sou prestige a cette decoration merveil- leuse. M. Meyerbeer lui a donnc , dans toute cette partie du troisieme acte , un ton vaporeux parfailcment en barmonie avec le sujet. C'est jnoins de diables et de diableries qu'il y est question que de fantomes et de nouveaux prestiges plus myslei'ieux que les premiers. L'e'vocatiott aux nonnes , d'un ton solennel et severe , et cbaute'e par Bertram , est un magnifiquc morccau. II corapte sur leurs seductions pour achever dc determiner Robert. Les bassons seals d'abord , puis auxquels viennent se joindre lentement et successivement tous les inslrupiens de i'orchestre, peigncnt de la maniere la plus vraie la resurrection des nonnes. On les voit arriver par groupcs nombreux, et avec la lenteur des nuages , de^ toutcs les parlies du clourc : quelques-unes se levent de lours torn- beaux et paraissent n'avoir qu'un souffle de vie- d'autres sortent Icnte- ment ^e terrc Une fois ressuscitp'es et re\^uies , on les yoit se livrer a leur joic infernalc : la pusique change cUo-raeine dc caracterc en sui- vant le nouvoau mouvcment. Robert arrive : cl!cs le seduisent pcira pcu PARIS. 555 «t I'entrainenti cueillir le rameau fatal; mais leur triompheestde courte dure'e. A peine le rameau cueilli , on les voit toutes ce'der au pouvoir qui les a tire'es de la torabe , ct s'etendre a terre sans vie. Le quatrieme acte se passe dans la chambre a coucher de la prince»se. Apres un clioeur d'introduction , oil le compositeur a reproduit avcc de no)iveaux details d'orcliestre le chant d'appel des chevaliers, re'pe'te' au troisieme acte par les timballes seules , Robert entre , la branche de cypres a la main. Isabelle et sa suite , a cet aspect , sent saisis d'un sora- raeii le'thargique. Seule , a la voix de son amant, la princesse se reveille , et la commence un duo fort long , mais de la plus grande beaute. Qui n'a e'te frappc en effet de ce trait anime de I'orchestre , tantot dans les parties e'leve'es , tantoc dans les basses , qui suit la voix de Robert, de mesure en mesure, de modulation en modulation , sans cesser un mo- ment de se faire entendi'e? Qui n'a cru y reconnaitre la puissance active et secrete du i-ameau, la puissance de Bertram, la puissance de I'eufer qui regne sur Robert depuis qu'il est devcnu possesscur sacrilege du rameau , qui accompagne ses pas , qui le suit partoiit et ne cesse de se faire sentir sur le coupable qu'un seul moment , lorsque la princesse e'leve vers lui sa voix et ses mains suppliantes. Robert vaincu ne sait plus re'sister a ses larmes : il brise le rameau , et tons les chevaliers de la suite d'lsabelle , rendus a la vie , se saisissent de I'audacieux qui a ose' pe'ne't! cr dans son palais. Le finale, qui marche sur de si beaux accords , a e'te trop vante lors- qu'il a e'te mis par d'habiles connaisseurs au-dessus des autres morceaux de I'ouvrage , et Facte entier trop admire' aux depens des autres^ lorsque les memes musiciens I'ont declare supe'rieur; car il contient cer- tainement beaucoup moips de bonne musique que Ic troisieme, et ne s'eleve pas a la hauteur de passion du cinquieme, qui est au-dessus de tout eloge. Que dire en eftet de ce raagnifique choeur de basses-tailles qui lui ticrt d'iulroduction , morceau plein de grandeur et de majeste religieuse ? Que direde ce duo ou les accords dc I'orgueviennent balancer la puis- sance de Bertram sur le cosur de son fils , de ce trio si passionne oii Ton voit si distinclcment une ame humaine se de'baltre entre le ciel et Teulcr? coiul)at terrible qui se tcnuincj;ar la dcfaile des puissances dia- loliques el le de'sespoir de Bertram. Unc IcUrc cciite par la mere de 556 FRANCE, Robert , et dont Alice, depositaire , Ic force a prendre lecture , ajoiitc encore aux angoisses de ce fils eperdu. « Fuis, mon fils, lui dit-elle, I'uis les conseils du se'ducteiir qui m'a perdue. » C'est dans cet instant d'horrible lie'sitation que I'heurc fatale sc I'ait entendre , et force Bertram a rentrer seul dans les cavernes de I'enfer d'ou il est sorti. On voit que, dans ces trois derniers actes, il r^gne une couleur reli- gieuse qui se caracte'rise et sc rembrunit de plus en plus ; tandis qu'a peine indique'e dans le premier acte , elle ne se montre au second dans toutc sa force que pendant un moment. Pcut-etre ce peu d'accord entre la premiere et la seconde partie nuit-il a I'ensemble de I'ouvrage, ct Ic verrons-nous , lorsqu'il aura subi les re'ductions impose'es a Mo'i'se et a Guillaume-Tell , y gagner autant que ces deux derniers y ont perdu. II nous reste a parler de I'exccution de ce bel ouvrage. Nourrit a saisi avec la plus grande habilete le ton general et les nuances les plus de'licates de son role. Ce nouyeau triomphe achevera de lui assurer la reputation de grand acteur et d' excellent cbanteur, que le role d' Arnold seul devait suffire pour lui donner. Levasseur, enbardi , s'abandonne davantage aux beureuses inspirations de son intelligence, et de'veloppe, avec un rare talent, dans le role de Bertram, 1' une desvoixde basse les plus ctendues qu'on ait jamais entendues sur aucun the'atrc. Quant a madame Damorcau , qui remplit le role d'Isabelle , c'est toujours la meme puretef, la meme flexibilitc , la meme perfection de chant , et Ton doit ajouter qu'elle s'est montre'e rarement aussi bonne actrice que dans ce role. On a remarque surtout la maniere dont elle seconde I'admirable jeu de Noiu-rit, dans la grande scene du quatrieme acte. Mademoiselle Dorus s'est infinimcnt e'levee dans I'opinion publique; sa voix e'c'atante et en meme terns veloutc'c convient parfaitement au role que M. Meyerbeer lui a confie , et la maniere dont elle le joue realise au-dela des espe- rances qu'on avait confues. Lafont s'acquitte fortbien du role de Raim- baud, et 1' execution des choeurs est de la plus grande nettete; les plus pctites nuances meme y sont exactement observe'es. Je ne me rappelle pas avoir jamais vu sur aucun the'ati'e aucun opera dont la representation ait e'te aussi comple'tement irreprochable. Ch. Duvort. PARIS. 557 La Reine d'Espagtie, dranie en cinq actes, par M. H. de Latou- ghe(i). — Ce drame est oublic'jrepre'sentc une seule fois sur leThe'atre- Franfais, analyse un jour dans les feuilletons,il a disparudes preoccupa- tions ge'ne'rales. Cependant il a laisse un souvciiir fatal dans quelqucs ames froisse'es, en I'e'coutant, dans leurs scntimens les plus intimes et les plus purs, dans leur pudeur la plus naive; j'assistais a la premiere et derniei'e representation de la Reine d'Espagne , etje I'avouerai , telle a e'te mon impression; j'ai e'te profonde'ment blesse, comme on Test a Ja vuc de ce qui est immoral, comme on Test au toucher, au baiser impur d'un Majeux. J'aurais peut-etre oublie ces sensations de'sagre'ables , s'il n'avait convenu a M. Delatouclie de me les rappeler. II a fait im- primei- son drame precede' d'une preface dans laquelle il se sert de tout son esprit (et Dieu sait s'il a de I'esprit) , pour cxpliquer et justifier son ceuvre, pour re'agir centre ceux qui Font juge'e a la repre'sentation , et plaisanter ironiquement sui* les murmurcs des vierges du parterre , comme il dit. En retirant sa piece du theatre, nous avions espe're' que I'auteur ce- dait a un repentir inspire' par les legitimes re'pugnances du public, mais sa preface nous a de'trompe's ; il persiste , c'est pourquoi nous croyons utile d'y revenir aussi et de dire un mot des questions de mo- rale et d'art qu'elle souleve. Oui, le poete , comme le veut Victor Hugo, est bicn le maitre de ses sujcts ; cependant il y a des limites a cette liberte , surtout quand c'est un sujf t dramatique , une action qu'il s'agit de rcpre'senter devant Je public. On connait la re'ponse de Voltaire aux romantiques de son terns qui voulaient tout dire parce que tout e'tait dans la nature ; avec riiistoirc aujourd'hui on vcut aussi tout justifier ; il suflit qu'un fait soit historiqiie pour que Ton se croie autoi'ise' a I'e'taler dans toute sa nudite : comme s'il n'y avait pas dans I'histoire de ces faiblesscs hon- leuses , de ces turpitudes , qu'il fant voiler ou laisser au scandale des me'raoires secrets! Comme si le poete n'avait pas a clioisir dans les fails ceux dont le souvenir peutetre un enseignement salutaire, exercer une action moiale. Rien de cela ne se retrouvc dans le drame de M. de Latouche. Tous (1) Paris, 1831 ; Lcvavassour. Tn-S" (le 180pa[|e.s. 558 FRANCE. les journaiix ont juslcment flo'tri rohscenilc! ilu sujct rt rimpiideur du langage; mais il est iin rapport grave sons leqiiel cc dranie n'a e'te en- visage' par aiicun d'eux , c'est celiii qiii regarde lafemme. Jamais son e'tat d'infe'riorite', d'liiimiliation , d'exploitation , n'a e'le expose avec une le'gerctc' aiissi de'daigneuse. Unc jcune fille, pleine de piidcur , de grace ,• de chaste et naif abandon , se trouve jete'e , p.'ir la diplomatic de Louis XIV, deson propre pere, dans les bras d'un vicil- lard imbe'cille et impuissant : aprcs une anne'e de mariage , il proud fantaisie a celui-ci d' avoir un he'ritier, en dc'pit dc I'ambition du roi de;fFrancc, qui pre'tend faire passer la couronne d'Espagnc dans la fa- mille des Bourbons , et qui , par pre'voyance , fait surveiller , par am- bassadeur, les tendresses conjugales dcs deux e'ponx et les faiblesses que pourrait avoir sa fille. Telle est toute Fintrigue de ce drame , Tac- tion deVeloppe'e en cinq actes. La femrae apparait la, comme nouS la voyons si souvent ,'^.avec son existence immole'e a des calculs d'ambi- tion , avec ses affections brise'es , ses de'sirs les plus innocens me'connus, de'daignc's, e'touffes par de froides et ridicules convenances', avec sa chaste rongeur livre'c!a des riresfroids et moqueurs. Mais, en piacant la jeune reine d'Espagne^ Marie-Louise d' Orleans, dans les situations les plus equivoques , en la rendant I'objet de projets grossiers , des pro- pos d'un Francais au cceur servile et e'goiste , des de'sirs ridicules d'un vieillard absurde, M. de Latouclie n'a nullcment songe a inte'resser pour cette jeune femme; il n'a nuUement senti ce qu'il y avait de fletrissant dansun parcil rolej il semble avoir trouve' cela tout simple , tout natu- rel! Comment a-t-on pu concevoir une telle situation et ne pas etre ar- rive' a sentir I'e'tat douloureux auquel la femme est encore soumise dans notre socie'te? Sous ce rapport , le public qui I'a siffle n'est guere plus avance ; ce- pendant ses murmures prouvaicnt en lui une de'Iicatesse , une pudeur qu'il fallalt respecter, au lieu de la railler avec 1' affectation d'un esprit fort , au-dessus des prejuge's vulgaires. L' excuse donne'e par M. de Latoucbe et puise'e dans des motifs poli- tiques, dans I'intention de ridiculiser la royaute et la diplomatic, ne peut justifier la maniere par trop francbe avec laquelle il a accompli cet acte d'opposition rc'])ublicaine. Admettons, pour un instant, la le'gitimifc dn choix du sujct , il fal- PARIS. 559 lait au inoins faire oeiivrc d'art en le de'vcloppant ; il fallait (et ccla dc- vait tenter unhommed'esprit)lutter centre lesdifficulte's de la situation et se montrer poete,en lui otant avec adrcsse ce qu'elle a de repoussant; il ne fallait pas surtout la rendre plus rcpoussante encore par je ne sais quel langage appris dans je ne sais quel lieu. 11 est impossible d'abdiquer (oute poe'sie , tout art , comme M. de I/atouche semble 1' avoir fait a plaisir ; a plaisir, dis-je, car M. de Latouche est poete, il est artiste. La litte'i'ature est arrivee a exploiter I'horrible , tons les degre's du crime, les e'cbafauds, les bopitanxj il ne lui manquait plus que de de- venir obscene et de'goutante. Sortie du sang , se jettera-t-elle dans la Ixiue ? Nous sommes sinceres ct nous croyons devoir I'etre , non-seulement a cause du sentiment moral qui a e'te de'sagre'ablement froisse, mais encore a cause de I'espece de bravade avec laquelle M. de Latouche , dans sa preface , defend son oeuvre et attaque le public qui I'a juge'. Voila le pcu de mots que nous e'prouvions le besoin de dire sur cette publication. Nous en ge'missions , comme d'un signe de decadence pour I'art ; lieureusement qu'il parait aiileurs d'autres signes de vie , de re'- ge'ne'ration ; heuieuscment qu'au milieu de ces voix impures , une voix chaste se fait entendre , une voix d'liomme qui regrette des etres bien- airae's , de voyageur qui revient de loin , d'enfant qui prie comme un ange, une voix qui berce d'harmonie, qui exalte par de nobles sentimens, une voix qui fait pleurer , qui doute et de'sespere aujourd'hui , mais qui plus j;ard saura faire croire et espe'rer. Nous avons relu les Feuilles d' Automne apres la Reine d'Espagne St. Ch. Publications prochaines. — Parmi les ouvrages acluellement sous pressc, on cite surtout les Memoires sur Mirabeau, par feu Etienne DuMONT, de Geneve, qui vont paraitre chez MM. Gosselin et Hector Bossange. Onannonce aussi une traduction deV Histoire des assassins, de M. DE Hammer ; une edition complete des Chansons de Debraux, recommande'e par Be'ranger dans une circulaire aux diffe'rens journaux, ct dont leproduit sera en partie consacre' a sa veuve ; un roman nouveau dc M.Merville, le Baron del' Empire; Gt7?>er<, roman historiquej la 56o FRANCE. NKC.l'.OLOGIE. Fieillo Fronde , par M. ^enrt Martin; Han d'Islande , dr.iinc emprunte a M. Hugo, et que prepare Ic llic'atre dc rAinbigu-Cornique; une trage'dle en cinq actes que vient derecevoir a I'unanimite le comite' de la Comedie-Franfaise, ct dont I'auteur, M. Jules de Resseguier, a pris son siijct dans les chroniques du nioycn-age. — De rOrigine des Latins [Dell origine dei Latini), ou Essaid'unc analyse compai'e'e de la langue et religion laline avee I'antique langue et religion des peuples de I'lnde , par Francois Salvolini : tcl est le li- tre d'un ouvrage qu'un Italian , exile je crois, sc propose de publicr a Paris par souscription. II a lance un prospectus danslequel il expose son plan ct qui prometune ouvrage savant et inlc'ressant. Entrcautrcs monu- mens curieux snr lesquels M. Salvolini fonde rorigineliindoue des peu- ples du vieux Ijatinm, il a recucilli une longue se'rie de racines latincs primitives dont I'origine lui parait c'videmraent indienne. Identite' dc sons et de sens, tout lui semble prouver cntre cllcs une source com- mune. Rien de plu3 obscur que les origincs italiques, cellcs surtout du vieux. Latium {Latium antiquissimum), et M. Salvolini a bicn mc'ritd de la science eo faisant de ces regions inconnues de I'ancienne civilisa- tion le sujet de ses etudes et de scs investigations savantes. Nous re- commandons chaudemcnt son lirre a tons les Italiens, et a ceux qui savent la langue dubelpaese ore il si suona. — On re^oit les souscrip- tions a Paris , chez Dondey-Dupre, rue Richelieu , n" 47 ^'•^i ^^ i"'^^' Saint-Louis, n° 46 (Marais). Le prix est de 7 fr. ^EICROLOGIE. Allemagne .—'Frederic-Philippe Wilmsen , premier prcdicateur de I'e'glise paroissiale de Berlin, est mort dans ccltevillelc4 mai i83i , a I'age de soixante-unans.Ilc'tait ne'a Magdcbourg le 23 fe'vrier 1770. Paries fonctions qn'il exer^a pendant un espacc detrente-quatrcannc'es, etpar ses nombreux ccrits, Wilmsen a rendu dc grands servicesa I'ensei- gnement de la jeunesse. Cette carriere , pour laquelle il avait ete forme par les conseils de Moritz, , Gedicke , Hanstein , ct aulrcs liommes non moinS distingue's , e'tait cclle de son clioix; il y de'ployait une douceur, une perseverance rcmarquablcs. — Comme e'crivain , Wilmsen a e'te ' nomme le Berquin de rAllemagne , ou Campe ct tant d'auteurs ont ob- tenu des succes si bien me'rite's dans le mcme genre. Son Ami d^es Eii- NECROLOGTE. 56 1 Jayis, qui a cu plus dc cent editions a cinq mille cxeniplaircs , est cer- tainement , apres I'Ecritiu'e-Sainte, le livie le plus fre'quemment imprime de notrc c'poque. Ses autrcs oiivragcs embrassent la plupait dcs Ijianclies dont sc compose renseigneinent , outre les proce'de's de I'cnseignement lui-meme, auquel M. Wilmsen a apporte les fruits dc sa longue experience. Son aclivite' litte'raire I'accompagna jiisqu'a son lit de soiiflrancej et , le jour meme de sa mort , parut la dernierefeuille de son Histoire naturelle. Espagne. —ToRRjjos. — Le general Torrijos est ne a Madrid, le 2 mars I'^gi, d'une famille illustre. Apres aAoirconslammcnt servicontrelesar- luecs de jSapoleon en Espagne, il finitcesmemorablescampagnes convert - dcblessurcs, de decorations et degrades supe'rieurs. A la paix de iBi3, Torrijos, dcja brigadier-general, fut dcsignc jiar Ferdinand VII pour commander en second dans Texpcdition que dirigeait le general INIorillo centre la Colombie. Mais ce brave ofiicicr , fidcle a ses principes poli- tiqucs, pre'fe'ra recevoir une demission honorable que d'aller combattrc les patriotes d'un autre hemisphere. Se trouvant a Muicie a la tete d'un des plus beaux regimens espa- gnols, lors de I'arrestation d'un de ses amis (le general Van Halcn) , il fut lui-meme enferme avec plusieurs de ses officiers dans les cacLots du saint-office, au moment oil il de'ployait tons ses efforts pour de'livrer sa patrie d'un joug honteux. Apres avoir passe vingt-sept mois au secret le plus rigoureux et supporte' des souffrances inouics , Torrijos fut mis en liberie par le peuple qui vcnait de seconder le noble clan de Ric'go et de Quiroga. Employe', depuis 1820 jusqu'en i8'23 , tantot a la tote d'un regiment de la garnison de Madrid, tantot a la tete des forces mobiles envoye'es en Catalognc pour ane'antir I'insurrection , ct tantot enfin comme ge- neral en chef des forces de la Biscaye, quoique age' seulcmentde3i ans, Torrijos remplit toujours ces haules fonctions de la maniere la plus ho- norable; et, ayant de'fendu jusqu'a la derniere extre'mite les places de Carthagene et d' Alicante , contrc I'arme'e francaise qui vcnait d'envahir I'Espagne, il succomba le dernier ; et prcfe'rant a la honte de se sou- metti'e a Ferdinand perdrc ses grades , ses decorations et le fruit d'une si brillante carriere , il se laissa conduire en France. La, couvert d'ou- tragcs par les autoiitc's, il fut force de quitter le continent et se rcndit 562 NFX.ROLOGIE. en Aiiclctcnc, on le plus gc'ncrcux accueil vint d'abord soulagcr Ics malhcurs dc son emigration. Toujouri) laborieux et applique, il s'y livra a dcs travaux litleraires. Les niilitaires espa'^^nols lui doivenl la traduc- tion du faniciix Mc'nioircsdc Gourgaud ct de Montholon. Cependant Torrijos s'occiipait sans relaclie de la cause de sa patrie , faisant toujours des demarches plus ou moins fructueuses, avec le noble desir de rafftancbir du dcspotismc. Le gouverncment espagnol, rcdoiitant son influence, le signala au gouverncment anglais, ct Ic due de Wellington , alors premier rainistre, lui retira la pension qu'on lui avail primitivement accorde'e. Au milieu des plus grandes privations , Ic general Torrijos nc se de- couragea pas : il avait su conservcr, par dii'iercns moycns, des commu- nications tres-frc'qnentes avec les patriotes de I'iuterieur de I'Espagne , jusqii'aii mois de juin i83o , e'poque a laquclle, jaloux d'etre le pre- mier a faire flotter sur le sol natal Te'tendard de la liberie, Torrijos s'embarqua sur le continent avec quelques-ims de ses courageux com- pagnons , avant meme les e'vcnemens de juillct qui paraissaient devoir deveuir si favorables a la cause des peuplcs. Mais les entreprises d'autres patriotes espagnols ayant ecboue du cote des Pyrenees , le general Torrijos fuL force de se retirer a Gibral- tar, oil il souffrit de nouvelles persecutions de la part des autorile's anglaises. Accabie de tant de malheurs, et ne pouvant espe'rer, malgre ses reclamations , d'obtcnir la moindre modification aux mesures de cruaute dont il etait I'objet, il s'etait decide a quitter Gibraltar pour se rcndrc en France. Sa chute et sa mort sont deja consignes a la poste'ritc paries joiirnaux , et I'Europe a su apprccier son devoiiment a la cause de la liberte, ainsi que I'atroce perfidic de ses bourreaux. TABLE DES MATIERES CONTENUES D.\I\S LA 155* LIVRAISON DE LA REVUE El\CYCLOPEDIQL'E. NOVEMBRE i83i. M^MOIRES. Pages ■I . (loup d'ccil siir les derniferes rdvolutions de la Suisse. Charles DiJier. 279 3. Dc la confonnil^ organique dans Ics aniinaiix Diiges. 315 o. Fragmens de geologic el de climatologic asiatiqucs, par A. dc Humboldt. Jean Rejnaud. '5'17 4. Des chcmins de fer aux Etats-Unis List. 54<» 5. Indication des poinls de la France ou I'on extrait du fer hydrate, et Statistique des liauts-fourncaux que ce mineral alimente ; 3° et dernier article Henri J''ouniel. 537 t). De la poesie de notre epoque P. Leroiix. 39t) 7 . De la podsie politique : 1°Ianibes, par M. Augusle Barbier; 2° Rhapso- dies , par M. Petrus Dorel Jean Reynaud 415 BrjLLETIlV BIBLIOGRAPUlQ«£. LIVRES ETR ANGERS. AMERIQUE SEPTENTRIOjNALE. — Etats-Uiv:s. — Po&ies am^ricaines , 432. AMERIQUE MERIDIOTSALE. — Bresil. — Rapport sur Ics prisons , les cou- vens , etc., 459 ; — Relation des travaux de la Soci^te de mqdecine , ibid.-^ — Annivcrsaire dcsjournees dejuillct, ibid. EUROPE. — Grande-Bretacne. — Les preceptes dc J^sus , par Rammohun Roy , 440 ^ — Sur I'oi'igine et la destination de riionime , ibid. ; — Traduc- tions du chinois et de rarinenien , 444 ; — Essai sur la distiibution de la ri- chesse , 447 ; — Le Cholera en Prusse , ibid. — Allemagne. — Sur les ^poques principales des bea»ux-arts , 449 ; — L' aristo- cratic de I'Allcmagne et Lettres sur la nob'lcsse , 455 ^ — Philosophic du li- beralisme, 458 ; — Dix brochures sur les affaires de I'Allemagne, 459 ; — Trois Merits sur la cause polonaise , 460 ; — Revue de jurisprudence et dc \6- gislation etrangferc&, 461; — Atlas des sidges et batailles, 462 ; — Les Nudes d'Aristophane, 465 ; — Cantiqucs religieux , 464; — Tulifccntchcn , ibid. ; — Iluit ainianachspour 1832, ibid. 564 TABLE DES MATIEHES. — Suisse. — Essai siir la civilisation, 466 ; — Ddmopliron , 4(57 ; — Oliscrva- tions d'un exile , ibid. — Italie. — Theorie des lois , 467 ; — Principos du droit roramcrcial , ibiJ. ; — Lcfons de physiologic, 168 ; — Opuscules du docteur Tantini, ibid.:, — Le- fons de marine , 469; — Pcilcrinayc en Ligiiric , ibiil. ; — Dc la fortune des mots, ibid. ; — Quatre tragedies nouvelles , ibid. — Belgique. — Memoires de gdomdtrie , par M. Chasles , 471 . LIVRES FRANCA IS. De la nature de la ricliesse, par M. Walras, 472 ; — Philosophic dy droit , par F. Lerminicr , 476 ; — Messianisme , ibid. ; — Lc Jehovah de MoVse , 477 ; — Memoirea Poccasion des evdnemens de Lyon, 478 ; — Trois Philippiqucs, 479 j — Docurnens sur la liste civile d'Anglelerre , 480 ; — Appel aux csprils g^ncreux ^ ibid. ; — Louis XVII , ibid. ; — Reprdsenlation au minislere espa- gnol , 481 ; — Precis de Thisloire anciennc , 482 ; — Notice sur Brionne , 485 ; — Memorial encyclopddique , 486 ; — ^"Archives des decouvertes , ibid, j — Cours de math^niatiques, 487 j — Lepons d'arithmetique iheorique , ibid, j — Traite du cholera-morbus, 489 j — L'eau fraiche , 491 ; — Etat de la science rclativenient aux dpidemies , ibid. ; — Typophonie , ibid. , — Praxi- graphie , 492 ; — Le Sacerdoce litleraire , ibid. ; — Saynetes , ibid, j — Poesies d'Emilc Souvestre , 494; — Revue de FOu^st, ibid; — Poesies de madame Doin , 496; — LeLivre des Cent-el-lJn , 497; — Le Lorp.non, 501 ; — Contes du Chalet . 504; — Dai)iel-le-Lapidaire , fAiV/ ; — Albums lyii- ques , 508. IVOUVELLES SCIERITIFIQUES ET LITTERAIRES. AMERIQUE. — Antilles — Cuba ; Statistique, Population, Commerce, 512. EUROPE. — Grande-Bret ACNE. — Societe pour ameliorer la condition du peuple enlrlande, fondee par les soins de M. Robert Ouen, 514. — Allemagne. — Foire de Leipzig en automne 1831 , 517. — Italie. — Bibliographic : Mise en vente de la bibliotheque dc feu le comtc Boutourlin , 521 ; — Atlas geomdtriquo de la Toscane , ibid. ; — Fouilles de Pomp^i, 522. — HoLLANDE. — Stance de I' Academic des beaux- arts d'Amsterdam. — France. — 3Iarseille : Cours de philosophic de Fliistoire , 526. — Parts. — j4caddinie des Sciences : Seances du mois de novcmbrc 1831 , 527; — Lettre sur les theatres , 544 ; — Robert le Diable, opera , 550 ; — la Reine d'Espagne, drame , 557; — Publications prochaines , 559. N^CROLOGrE. — AlleinaLnt : Wilmscn, 560; — Espagnc : Torrijos , .'61. On souscrit a Paris, chez les Libraires ci-apres : Treuttel el WuRTZ , rue de Bourbon , n<» 17 ; Charles Bechet, quai des Augustins, o^ 55; fiET et Gravier, quai des Augustins, no 55; A LA Galerie de Bos^ange p^re , rue de Richelien , n^ 60 ; RoRKT, rue Ilautefeuille, n" la; J. Renouard , rue de Toumon , n" 6 ; Heideloff, rue Vivieune, n" i4. "On souscrit ausd chei tous Ics Directcurs des postes, et che» les ftrin- cipauz Libraires, dans les de'partemens et dans les colonic?. Libraires chez lesquels on souscrit dam les paT5 etrakgers. Amsterdam, Dalachauz* Anvers, Ance.lle. Arau (Suisse), Scuerlander. Berlin, Schlcsinger. Berne, Clias; — Bourgdorfer. Breslau, Key gel. Bruxelles , Demat ; — Horgnies-Renie ; — Ltbrairie parisienne, fran^aise et etrangere. Florence, Piatti; — Vieusseux. Francforl-sur-J\^ein, Jugel. Gand, Vano inkerckoren fils. Geneve, Chcrbuliez; — Barbeiat et Delarue. Z/a Hajre, les frires Langccbuysen. Jjausanne, Fischer. Leipzig, Brockhaus ; — >■ G. Zirg^ Uige, Desoer; — Colardin. Usbonne, Paul Martin. Lortdres, Duiau et C°; — Treuttel et Wiirli ; — Bossange, Barthez, LoweletC«. Madrid, Denne'e; — Per^s. Manha'm, Artaria et Fontaine. JI!/i/a«,Giegler; — Vismaraj — Boooa< Mons, Le Rou^ Moscou, Gautier; — Rissp6reetlib; — Urbin et C«; — Semen. Naples , Borel ; — Marotta e< Warwpandock. New-York (EtatJ-Unis), Foreign and classical bookstore; — Berard et Moudon. Nouvelle-Orlians , Jourdan .j — A. L. Boismare.. Palerme (Sicile), Pedonne' et Mi>- ratori;~Brimeri« d'EviRAT , rnc da Cadno, n° 16. -* REVUE ENCYCLOPEDIQUE- Politique , Religion , Philosophie , Sciences , Economie politique , Industrie , LiTTERATURE ET BeAUX-ArTS. PARIS. AU BUREAU DE L\ REVUE ENCYCLOPADIQUE , lae des SainK-Pires , T'i"' 96 j AR'THUS BERTRAND, RCK BA.UTEFEDILLE , N" 33. OEGEMBBS 1831. PRINCIPAUX ARTICLES PUBLICS PAR LA REVUE ENCYCLOPi^DIQUE , EN i^7>\ Janvier. — Coup d'oeil sur I'elat du globe en i83o ( P.-^. Du/au ) ; — StatisliqJ morale et politique de I'ltalie ( & Didier) ; — Histoire des poissons par Cuvi^ {Flourens) ; — Napoleon dans les hisloncns etdans le drame {j4venel); etc. Fevrier. — £tat de la socie'te religieuse au treizieme siecle ( Capefigue ); — Revi] des journaux politiques ( Pelctin ); — Memoires de 1' Academic de Pe'tersboui {Ferry) ; —Histoire des Croisades {Depping) ; etc. Mars. — Re'formes (.'conomiques applicablcs a la France {List): — Projet de loi poiJ rinslruction primaire; — Colonie d'enfansindigensa ^ay\i\vch {de Fellenbergjl — Des Romans bisloriques du bibliophile Jacob ( Peletin ) ; etc. AvRit. — Revue politique {Petetln) ; — Du droit et du fait de la propric'le' {Adolph Gamier); — Histoire des Frangais au quatorzieme siecle {Dherbelot) ; Des romans ds M. Victor Hugo ( Cliauvet ) ; etc. Mai. — De la reforme parlementaii e ( Charles Comte , de'put^ ) ; — Notice swr la i lonie de Liberia ( do Felice ) ; — CEuvres de M. Ballanche ( A. M. ) \ — Di e'coles pbilosopbiques en histoire : Chateaubriand et Michelet ( Dherbelot ) ; Une annee en Espagne ( Ad. M. ) ; etc. JuiN. — Mortalite' cause'e par le chole'ra {Moreau de Jonnes); — Notice sur Deux-Siciles {Didier) ; — Me'raoiresde PAcadeinie de Turin {Ferrj) ; — "Voyari dans la mer du Sud ( Ad. M.) ; — Ue I'arjstocratie anglaise {Louise Belloc) ; el JuiLLET. — Les esperances el lesrealite's ( Sitmondi ) ;] — De la Pairie { Petelinl P.-A. Du/au ) ; — Rapports du Conseil de salubrile' (Rigoflot) ; — De la dcmont logic et de la sorceilerie (Louise Belloc) ; — OEuvres ine'dites de Diderot {A. j — CEuvres de M.Jay ( A. de Latour ) ; etc. AOUT. — De I'e'tat de la France ( J, -P. Pages) , de'pute' ) ; — Situation financiere £tats dc PEurope {Adrien Balbi) ;. — Ues conseils municipaux et de'partem^ taux ( F. Quintard) ; — Histoire du christianisme ( de Golbery) ; etc. Septembre. — De la politique de la France depuis la re'volulion de \%Zo{Laureni\ — Statislique des hauts fourneaux ( A. Fournel); — Rapport sur le cholf cnde'mique ( Double ) ,' — Religion : aux Philosophes ( P. Leroux ) ; etc, OcTOBRE. — De la politique de la France (second ail'ide), { Laurent ) ; Exai du budget {Pereire) ; — Cours d'liisloire iles sciences naturelles , par Cu ( Fuster ) ; — Observation sur le penchant au crime aux dilt'e'rens ages ( A. Qi telel) ; — Autobiographic de \o\tuTs{Ad.31.) ; — Pocsie : les Feuilies d'autom^ Marie ; etc. NovEMBRE. — Dernieres revolutions de la Suisse ( Didier) ; — De la conformildi ganique dnns lesanimaux (Diiges ) ; — Fragmensasiatiques , par A. de Humbd {J. JfieynKud ) ; — Des cheniins de fer aux fitats-Unis ( List) ; — De la pofl de notrc I'poque (P. Leroux) ; — De la poc-sie politique : Nemesis, lar ' d'Auguste Rarbier , etc. [J. Reynaud) ; etc. Decembre. — • Les doctrinaires ( Laurent) ; — Philosophic du droit , par Lermit ( Saint-Cheron ); — De I'usage physiologique de I'oxigene ( Dutrochet ) ; — 1 la pocsie de notrc epoque : LanKirlinc , Victor Hugo , Sainle - Beuve ( P. A roux) ; — Beranger et la Quarterly Review ( Ad. M.) ; — Memoires 4|j prt'dicateur sainl-.simonien ( Cfuirlon } ; etc. Outre les memoires , donl nous ne doiinons ici (ju"une I'ste abrc'gee , la Re| de i83i contient Tanalyse de /im// r,inic. Mounier avait ^te LES DOCTRINAIRES. 583 assister a ce triomplie complet de leurs idees ? comme ils auraient celebre, eux aussi , la sagesse profonde que le ciel, seconde par les cosaques, venait de couronner rairaculeusement pour fermer rabime des revolutions ! comme ils auraient, parle avec enthou-> siasme de Vauguste auteur de la Charte! Mais le tribut d'en- cens el de louanges qu'une mort prematuree les empecha de payer an prince le'gislateiir dont ils avaient ete les premiers conseillers ; ce tribut fut largement servi par d'autres , par leurs heritlers, par leurs enfans. Madame de Stael , qui avail affecte un silence sietrange k Tegard de Napoleon, dans son livre de I Jlllemagne ^ eut des paroles flatteuses pour Louis XVIII, qui, a son retour de Gand , lui lit, dit-on, reracttre les deux millions que Necker avail deposes au tresor, et dont la restitution avail ete refusee par les gouvernemens anterieurs. M. le due de Broglie et M. le baron Mounier , digues representans des plus celebres ponde'ra- teurs de 1789, ne manquerent pas non plus de s'emouvoir et de tressailllr de reconnaissance pour le roi philosophe qui avail comble , par I'octroi d'une charte, les derniers voeux de leurs peres et les premiers soubaits de leur enfance. Ils furent promqs I'uu et I'autre aux fonclions les plus elevees de I'Etat, et revetus des dignites les plus eraiuentes. Tame des as-cmblecs de Vizille el de Romans; Neckor voulut, a Texerviple de Turgot, ctablir Y imput territorial , et I'on ne peut pas oublier que le Tiers- Etat lui diit sa double representation et le vote par tete, innovation qui en- traina la revolution tout entierc. Cos deux hoinmcs reculerent Irop lot, sans doule, devant leur propre ou- vrage, et ils manquerent a leur gloire, en cedant, des le debut de leurs travaux constitutionnels , soil a la peurdela democralie , soil aux suggestions dela vanitd blessee. Mais quelle qu'ait ele leur erreur , il n'en est pas moins vrai qu'ils pii- rent professer , en 1788 , et au eommencement do 1789, des idees eniinemment progressives pour cette cpoque , bicn qu'elles soient essentiellement retrogrades aujourd'hui-Selon les tems, lememesystemepeul avoir pour champions des geans ou des pygmees. C'est la une consequence n^cessaire de la perfectlbilite des so- fi^t^shumaincs. 58. 584 POLITIQUE. Ce flit done le constitutionalisme anglais , et non le royalisme pur, qui s'empara de la restauration de iSiA. Ce fut le parti modere qui presida partout k la premiere reaction centre les em- ployes de la repnblique et de I'empire ; ce fut la faction interme- diaire quigarrotta la pensee, qui ouvritles portesde la France aux Suisses, qui placa le goupillon sous le patronage dela police, etqui donna le signal des tentatives contre-revolutionnaires en provo- quant I'erection du monument de Quiberon , et en faisant declarer implicitement I'etat spoliateur par la restitution des biens inven- dus des emigres ; ce fut en un mot la coterie des e'quilibristes qui rendit inevitable et qui amena la crise du 20 mars ; cette coterie qui , si elle tient un pen de la involution par le cote' spe'culatif , se rattache beaucoup plus k I'ancien i-egime par le cote' pratique , par les mccurs, les manieres, I'ambition, la vanite et la fortune. Apres les cent-jours, le pouvoir resta aux memes mains. Tal- leyrand, Pasquier, Louis envahirent les ministeres; M. Guizot fut encore secretaire general , et ces hommes de moderation qui plus tard repousserent avec tant d'indignation le venerable Gre- goire, faussement accuse de regicide, accueillirent alors parmi eux et recurent dans leur intimite le veritable regicide Fouche. Voyons-les maintenant a I'ceuvre. Qui signa les listes de proscription du 24 juillct? qui garda le silence pendant plusieurs mois sur les assassinats du midi? qui laissa rappeler a I'ordre M. d'Argenson, sans I'appuyer dans sa courageuse denonciation ? qui accepta des traites deshonorans pour la France? qui elabora et fit adopter des lois d' exception contre la liberie de la presse et la liberie individuelle? qui res- suscita les cours prevotales? qui osa imaginer de proposer une loi de bannissement sous la forme d'une amnistie? qui fit in- struire le procesdu niaiechal Ney? qui dirigeales poursuites con- tre Labedoyere? qui tenait les balances de la justice et le glaive (les lois, quand les freres Faucher furent egorges sans defense, (juand Bonnaire et Travot succomberent , quand Gruyere et Chanlran f(uent inimoles? qui versa le sang pour reprimer des LES DOCTRINAIRES. 585 insurrections dans lesquelles on rencontrait toujours Taction souterraine de la police ? qui envoya par le telegraplie , en Dau- phine, I'ordre defaire tuer sur-le- champ de malheureux paysans qui s'etaient laisses nobleraent entrainer par les souvenirs glo- rieux de I'erapire et par la vue du drapeau tricolore? qui fut I'ame du systeme terrible dont Canuel et Donadieu n'ont ete que les bras? qui , en un mot, gouverna la France , du 8 juillet 1815 au 5 septembre 1816? Demandez-le aux miiiistres Talleyrand , Pasquier , Barbe- Marbois, Louis, Laine et Decaze ; aux directeurs generaux, conseillers-d'ctat , raaitres des requeles , etc.; Be(;quey, Royer- Collard, Beugnot, Mounier, Guizot, etc. ! ils vous repondront, ouje repondrai pour eux : Les nioderes ! toujours les moderes! L'ultra-royalisme , en effet , n'eut a cette epoque que deux ministres qui lui fussent devoues dansles conseils de la couronne, Clarke et Vaublaiic ; et il est meme remarquable qu'avec una majorite immense dans la chambre des deputes , circonstance qui est ordinairement decisive dans le regime representatif pour donner a un parti I'investiture des minisleres , il ne put jamais arriver au pouvoir , dont M. Decaze et sa clientele naissante ob- struaient toutes les avenues. Seulement, pour calmer un peu son effervescence et son impetuosite, et pour le d^dommager aussi de la privation des portefeuilles , on lui passa les vengeances po- pulaireset les vexations locales. Dieu sait comment il usa de cette concession ! Cette situation d'un gouvernement constitutionnel , sans ma- jorite parlementaire , etait trop anormale pour ne pas forcer le monarque a opter entre les deux nuances du parti royaliste , de mailierea donner au pouvoir une action independante et homo- gene. Louis XVIII se prononca pour les moderes , qui conser- verent le miuistere et firent dissoudre la Chambre. Les nouvelles elections confirraerent le choix de la couronne ; le systeme de W- Decaze sortit triomphant de la lutte. 586 POLITIQUE. Mais corame la victoire avail ete vivement disputee, il fallut songer alors k la rendre plus siire et plus facile dans I'avenir. On s'occupa done d'une loi electorale qui laissat luoius de chances alaliaute aristocratic, et qui fit passer I'influence politique aux classes raoyennes, soutiens naturals du parti interinediaire qui avail en main les renes de I'Etat. Ce parti coraptait dans son sein des theoriciens et des praticiens, des raisouneurs et des homraes d'affaires, des metap^iysiciens et des administrateurs , des pen- seurs et des inlrigans , des faiseurs d'abslraction et des faiseurs de coups d'etat, Royer-CoUard et Talleyrand , Guizot et Decaze , de Broglie et Pasquier. Les faiseurs d'abslraction on ete designes de- puis categoriquement sous le nom de doctrinaires. lis ne for- maient encore qu'une petite coterie, qui etait nee, dit-on, dans le salon du vieux Suard, des debris de I'ancienne anglomanie, et dont les raembres pouvaient tenir sur un canape. On les reconnaissait an raoindre gesie et k la premiere parole. lis affectaient la sagesse, la dignile, la profondeur. Leur langage etait souventobscur, loujours pretentieux; leur ton sec el peda- gogique, et quelquefois aussi erapreinl d'aigreur et d'araertunie. Psycologues et publicistes egaleraent tenebreux , on eut dit qu'ils visaientk rendre creuses, inintelligiblesel enigmatiques la science de I'individu et la theorie de la societe, portanl sur les bancs de I'ecole et a la tribune la manie du transcendantalisme et la fu- reur du jusie-milieu ; partisans de V eclectisme en philosophic et de la bascule en politique ; aimant enfin k cheminer orgueilleuse- ment dans les'regions superieures , et a travers des nuages , sans perdre toutefois le gout dupositifel des re'alite's du pouvoir. Pour abattre les pretentions et troniper les esperanccS de rultrk- royalisme qui menacail toujours denvahir les premieres marches du Irone, les doctrinaires se rattacherent d'abord a la fameuse lo du 5 fevrier 1817, sur les elections. Mais lorsque cette loi eut fait entrer a la Chanibre des deputes des noms hostiles a la restau- ration, des homraes trop populaires , des liberaux irop aiclens et soupconnes de repugnance pour les iastilulions arislocratiques , LES DOCTRINAIRES. 58'] nieme empriinlees a I'Angleterre, oli! alors \e canape se senut ebranle sur sa base ; il tressaillit de depit et d'efl'roi , et ime gueixe a mort fut juree a la constitution electorale dont on faisait dependre le salut de I'Etat peu d'annees auparavant. Nouveaux Brutus, M. Decaze et ses amis fireat taire en cette occasion leur tendresse et leur orgueil paternels ; ils etoufferent sans pitie le fruit de leurs premieres conceptions, pour enfanter le double vote. II est juste de dire que Tabbe Louis refiisa d'entrer dans cette conspiration liberticide , et qu'il se separa das doctrinaires pour partager la disgrace de deux ministres patriotes, vieux sol- dats de la republique et de I'empire, Gouvion-Saint-CjT et Des- soles. Mais toute I'habilete des coryphees de la bascule et des faiseurs de la police, et toute la profondeur et la subtilite des oracles de la metaphysique ne purent etablir encore ce juste-milieu tant re- cherche, qui devait ecarter a la fois Villele et Manuel. Les doc- trinaires se trouverent surpris un jour par un eveneraent qui de- concerta tous leurs projets ; ils furent eraportes loin des affaires , et rejetes dans I'opposition, par le mouvement retrograde doat I'assassinat du due de Berry devint le pretexte et le signal. Ils ne manquerent jamais cependant de montrer combien ils etaient fideles k leurs anciennes affections et k leurs vieilles hai- nes ; combien ils tenaient a leurs idees et k leurs petites passions ; combien leur alliance avec les liberaux etait precaire , superfi- cielle et fortuite. Lors de I'expulslon de Manuel , par exemple , M. Royer-Collard, tout en s'elevant contre la proposition incon- stilutionnelle des reacteurs du cote droit, qui etaient alors ses adversaires les plus violens, ne laissa pas que d'exprimer un blame severe sur I'explication courageuse et irrefragable que I'ora- teufpatriote avail donnee de la raort de Louis XVI , en I'atlri- buant aux conspirations interieures et aux manoeuvres extericu- res de Taristocratie. C'etait encore la le conflit perpetuel de la revolution et des Bourbons, et M. Royer-Collard, qui a tou- jours boude la revolution, aimyit pav-Jessus tout les Bourbons. 588 POLITIQUE. Son langage devait done porter le cachet de ce double sentiment, Manuel u'oublla pas d'en faire la remarquc : « Si Tun de nies de- fenseurs, dit-il, egare sans doute par d'anciennes preventions, a laisse echappei- quelques mots d'improbation au moment ou je viens braver tant de fureur, je puis dedaigner un acte defai- hlesse ou de rancune . » Sous le triumviratde MM. de Villele, Gorbiere et Peyronnet, les doctrinaires, reduits an silence, condamnes a Tinaction, et consignes en quelque sorte dans les salons de la bonne compa- gnie, garderent tranquilleraent leurs arrets. On assure pourtaut que quelques-uns d'entre eux furent consultes sur les nioyens de restreindre la liberie de la presse , et que ce recours a Icur expe- rience et a leurs lumieres ne resta pas sans effet. Quoiqu'il en soit, la coterie conserva ostensiblement sa position hostile vis-a- vis de la faction jesnitique , et obtint par la une quasi-popularite . Les choses en vinrent au point, et la France se trouva avoir tellement recule vers Vancien regime , sous I'empire de la septen- nalite, dela loi d' amour ^ des substitutions et du sacrilege, que les provocateurs du double vote , malgre les souvenirs du retour de Gand , sous la banniere de I'etranger , malgre les traces toutes saignantes des lois d' exception de ISIS et des dragonades de \ 820, se virent tout h coup metamorphoses en liberaux aidens e| presque soupconnes de jacobinisme. AlorsM. Royer-GoUard frit nomine dans sept colleges, et le nom deM. Guizotsortit aussi derurneelectorale. Le~pays s'etait eveille au bord dc I'abime ou le conduisait le parti retrograde , el dans sou cpouvante et son indignation contre les exageres du royalisme, il ne trouva rien de mieux a faire que de se livrer aux constitutionnels moderes : ce fut le regne de M. de Martignac. II s'entoura des doctrinaires, qui deserterent volontiers le canape pour s'asseoir au banc des ministres et sur le fauteuil de la presi- dence. Que firent-ils, cependant, ainsi parvenus a leur apogee? Ge qu'ils avaient fait en 1815 et en -1820, ce qu'ils ont fait de- nuis en 1850, ce qu'ils font encore en 1852. lis combattireut LES DOCTRINAIRES. 58^ toutes les raesures progressives, et tacherent de faiie penetrer I'esprit oligarchique dans toutes les parties de I'ordre politique , dans radministratioiT des departemens et des communes. L' opi- nion publique, qui les avait poussesau pouvoir, et pour laquelle ils n'avaient plus que des rigueurs ou des mepris , s'eloigna d'eux et les accusa d'aveuglement et d'ingratitude. Les absolu- tistes etle parti-pretre, qui avaient toujours TorelUe du roi , et qui gueltaient les fautes de leurs ennemis pour en profiter, s'a- percurent bientot, et s'applaudirent viveuient de la desaffection et du discredit qui succedaient a la faveur passagere de ces nou- veaux monarchiens . Quand il fut bien evident que le ministere Martignac n'avait pu prendre racine dans la nation , qu'il n'avait fait qu'assoupir le patriolisme et que manifester son impuissance, le ministere Polignac dut croire que I'heure de se montrer etait venue, et il fit brusquement son apparition solennelle, le 8 aoiit 1 829. M. Royer-CoUard , surpris d'apprendre k son lever par le Moniteur la deconfiture de Vordre legal, dont il avait jure et espere la perpe'tuite , s'ecria que c'etait un effet sans cause. M. Royer-CoUard oubliait en ce moment Tin certitude, lamoUesse etl'imperitie du ministere dechu; les deceptions, la faiblesse et la sterilite qui avaient marque I'administration de ses amis, et qui pouvaient bien servir d' explication et donner une cause a I'avenement niinisteriel des champions les plus fougueux de I'emi- gration et du jesuitisme. Le ministere du 8 aout gouverna comme on devait s'y atten- dre, comme tout le monde I'avait prevu. Les doctrinaires et les raoderes de toutes les nuances furent done contraints de se resi- gner encore a I'opposition. Ils subissaient ce role pen conforme a leur nature ambitieuse et superbe, lorsque parurent les fameuses ordonnances du 25 juillet. Le premier cri des feuilles franche- ment liberales fut une protestation heroique, un appel "a la re- sistance, le signal de Tinsurreclion. Les publicistes du parti mitoyen, au contraire, se mirent a discuter sur la legal ile du coup d'Etat, el conseillerent la soumission a leurs journaux ofii- 590 POLITIQUE. ciels, le Constitutionnel et les Dehats, qui s'enipresserenl en cflVi d'obtemperer a I'avis de leurs patrons , et qui se livrerent pieds et poings lies au ministere; tandis que les ecrivains patriotes faisaient parattre le Terns, le CourrierFrancais, le National, etc. , se laissaient assieger dans leurs bureaux, et preparaient des car- touches. Cette capitulation pen honorable desorganes du moderantisme a ete universellemeut attribuee jusqu'ici a I'influence exclusive de I'interet et de la peiir. Sans nier la part assez large de cette double consideration dans I'attitude humble, les dispositions debonnaires et les demarches serviles des pontifes et des lidelcs du culte de la legalite, il est juste de reconnaitre que tout ne fut pas dicte par le calcul et la lachete dans la conduite de ces hom- mes; et Ton doit admettre qu'il y en eut parmi eux qui , en re- fusant de desobeir a I'arbitraire rojal et de s'associer a la resis- tance populaire , se determinerent avaut tout par une question de principe, par leur aversion pour les dognies revolutionnaires, par leur attachement pour les Bourbons et la legitimite. Voyez en effetces homraes pendant le combat, alors que, sortant de la profondeur de leur retraite pour savoir ce qu'ils ont a esperer on acraindre, ils apercoivent le vieux drapeau dont le vent secoue sur I'Hotel-de-Ville la poussiere qui ternissait ses nobles cou- leurs ! quel est leur premier mouvement, leur premier mot? « Ces couleurs ue sout pas les notres; ce drapeau est seditieux ; nous ne voulons pas sortir de la legalite. » Mais la victoire les interrompt; elle a passe definitivement du cote du peuple. Alors on commence h comprendre qu'il faut renoncer a I'espoir de conserver le panache blanc ; mais conime on se souvient aussi que Louis XVI regna constilutionnellement sous I'etendard tri- colore, on se flatte de garder Charles X a la merae condition : des bataillons de diplomates volontaires se mettent aussitot en campague , la cocarde nationale an chapeau , pour aller negocier atravers les barricades , en faveur du prince qui jouait paisible- inent aux echoes a Saiut-Cloud , tandis qn'on mitraillait en son nom a Paris ! LES DOCTRINAIRES. ^9 I Forces neanmoins d'abandonner le monarque parjure , les me- neurs del'aristocratie liberale pvirlentalors d'abdication et propo- sent I' enfant du miracle. Battus et dejoues encore siir ce terrain, ilsne se rebutentpas, et, acceptantle sacrifice d'un drapeauetde trois rois, ilsparviennent a saiiver ce qu'ils ontde plus cher dans I'edifice de la restauration , la Charte, qui les delivre du joug de la vieille noblesse et qui soumet le peuple k leur domination. Bien plus, ils font declarer solennellement que le nouveau roi n'a ete choisi qu'en consideration de sa qualite de premier prince du sang, et ils creent audacieusement, en face d'une nation sou- veraine et victorieuse , le dograe de la qiiasi-legitimite. A leur avis, les evenemens de juillet n'ont rien change en France, il n'y a qu'un bomme de moius. Aussi les auteurs de la restaura- tion de \^AA surgissent-ils de toutes parts pour envahir les pre- miers postes de I'Etat. MM. Louis, de Broglie etGuizot devien- uent ministres; M. Pasquier preside la chambre des pairs, et Talleyrand, I'inevitable Talleyrand, revetti de la premiere am- bassade, va reprendre a Londres le fil diplomatique qui lui a servi a ourdir tant de Irames funestes. II faut que la Sainte-Al- liance sache bien que le sang du peuple francais a coule en vain, que son triomphe u'est qu'un accident sans consequences, que la substitution de Louis-Philippe a Cbarles X ne fera pasperdre unpouce de terrain aux rois, ni gagner uu brin de liberie aux na- tions, et que la hoiite des traites de Vienne et de Paris continuera de peser sur la France. Pour rendre la conviction des potentats sur ce point plus facile , plus prompte et plus complete, on con- seillera au roi-citoyen d'ecrire, desaraain, h un autocrate, pour I'assurer qu'il n'a accepte le trone populaire que dans I'interet de I'ordre monarchique qui regne en Europe, et pour sauver la Charte y dontl'empereur Alexandre sentait si bien Timportance ; et afin de ne pas laisser le raoindre doute dans I'esprit du tzar sur la sincorite de cette apologie, on dira a I'elu de I'Hotel-de- Ville qu'il doit qualifier de catastrophe les evenemens glorieux qui lui ont donue la couronne. 092 POLITIQUE. LES DOCTRINAIRES. Voila le langage des doctrinaires! voila I'oeuvre des moderes ! On pent voir maintenant si j'ai eii lort de les signaler comme les representans dii passe, corame les organes d'lin parti extreme, faussement pares dii titre demediateurs. Depuisplus dequarante ans qu'ils se sont constitues, a I'assemhlee des notables, dans le comite des sages , sous les auspices de Monsieur , jusqu'a leur soUicitude actuelle pour Charles X, ils n'ont pas cesse un in- stant de defendre, autant qu'ils I'ont pu, ouvertenient ou dans les tenebres, les interets de la monarchie legitime et le principe aristocratique, contre le principe et les interets de la democratic. Qu'on ne leur fasse pas un crime de cette perseverance anti-revo- lutionnaire, qui derive naturellement de leur position sociale ; niais qu'ils ne s'en fassent pas eux-memes un titrc au gouvernement d'une nation qui se vante a bon droit d'avoir ete revolutionnaire en 1789 et en 1850. « Ce n'est qu'une insurrection, « disent-ils des journees de juJllet. Ainsi parlait Louis XVI apres la prise de la Bastille ; mais le due de Larocliefoucauld lui repondit : « Sire, c'est plus qu'une insurrection , c'est une revolution ! « C'est ce que la France crie a Louis-Philippe ; c'est ce que I'histoire redira, ce queTavenir prouvera; aussi la veritable moderation consiste-t- elleaujourd'hui a reglerlemouvement de cette revolution, a bien ordonner sa marche , k graduer ses progres , et non a la nier avec audace, a I'attaquer dans son principe et a I'etouffer dans ses consequences, par respect superstitieux ou interesse pour des institutions et des doctrines dont le siecle et le pays ne veulent plus. P.-M. Laurent. PHILOSOPHIE. PHILOSOPHIE DU DROIT , Par E. Lermimier, professeiir de Tllistoire generale des legisladons , au College de France (I). Le inouveuient philosophique est arrete en Europe. L'Alle- magne, patrie de la pense'e, comma dit madame de Stael , com- mence a. descendre dece monde des idees , son asile excliisif de- puis tant d'annees ; au relentissement des fusillades de juillet, de la lutte des Beiges et des HoUandais , au cri de revoke et de mort de la Pologne , elle s'est seiitie saisie par la main rude et sai- gnante de I'humanite qui souffre, elle s'est reveillee de ses lon- gues contemplations, de ses reveries sublimes, pour regarder attentive autour d'elle et jouer son role dans I'oeuvre d'emancipa- tion qui se prepare. Les academies ne se remplissent plus d'une jeunesse ardente et studieuse , enthousiaste de Kant, de Fichte., de Schelling ou de Hegel ; ses philosophes et ses savans meurent, se taisent ou s'absorbeut dans la politique ; Hegel et Niebuiir ne sont plus ; la mission philosophique de Schelling est achevee j Goetlie jouit dans le silence de tout un passe de gloire et de poe- sie; M. A de Humboldt suspend ses voyages et ses travaux geolo- giques pour des arabassades diplomatiqucs a Paris; la jeunesse (l)Pans, 1831 ; Pauliii. 2vol. in-8» de 400 par;rsclu.cun; prix , 14 fr. 5t)4 PHILOSOPIIIE. alleniaude se revoke "a Brunswick, a Goeltingue, a Munich •, deja paraissent des ecrits politiques qui discutent les bases do I'ordre social , et attaquent 1' existence de la noblesse ; TAllemagne lit avec ardeiir les journaux francais, et suit avec une curiosite toute patriotique la marche des affaires de la France ; elle commence, par des proces depresse, I'apprentissage de la lutte contre le poll voir; les debats des chambres d'une petite principaute de la confederation reteutissent dans la Germanic entiere : evidem- ment, rAUemagne est entree dans une vie nouvelle , la voila appelee a revolutionner, dans son sein , le monde social, comma elle a revolutionne, depuis Luther, le monde des idees. Les angoisses de I'lrlande affaraee , les incendies de Bristol, la Reforme, la lutte toujours plus menacante d'une aristocratic gorgee de richesses , et d'une democratic industrieuse rongee par la misere, voila plus qii'il n'en faut pour absorber, h cetteheure, toute Tactivite de I'Angleterre. L'ecole ecossaise a acheve ses destinecs ; Reid et Dugald Ste- wart sont morts ; depuis Byron, il ne nous est revenu aucun echo de cettemuse d' Albion si harmonieuse et si melancolique ; Wal- ter-Scott, malade, epuise, voyage en Italic. En France, I'ebranlement social, produit par la revolution de 1850 , a plus profouderaent encore dirige tons les esprits sur les questions politiques. Les desastres de I'industrie , la misere tou- jours plus criante du peuple, I'emeute sans cesse renaissante, la revoke de Lyon, eiiergique requete de ceux qui ont faim "a ceux qui man gent tout, ontjete dans les cceurs de Tinquietude, de sombres preoccupations. De nouvelles solutions sur les causes de cette crise devorante , sur le prouleme social de notre epoque ont ete produites ; de vastes et radicales idees sur la propriete sont en germe dans tons les esprits. Au milieu de ces evenemens, quest devenue la philoso- phic? L'eclectisme , philosophic de la Charte de la restauration , a eteemporte, comme cette Charte, par le flot populaire ; cette UE LA PHILOSOPHIE DU WROIT. 5g5 philosophic de juste-milieu s'est realisee dans un parti politique qui a compromis par son etroitesse de sentiraens la haute mission revoliitionnaire de la France ; les chefs de reclectisme sont an pouvoir ou amis dix pouvoir actuel. M. Cousin ne s'est plus senti la puissance, depuis I'ere nou- velle coramencee en juillet, de continuer ses eloquentes lecons de la Sorbonne. II git obscur et oisif dans les conseils de I'Aca- demie. La philosophie catholique est egalement devenue sterile ; so- lidaire, malgre ses protestations, de la legitimite , elle a ete vaincue comme elle , et Fun de ses chefs les plus ardens et les plus oplniatres est, a cette heure, a Rome, mendiant humble- ment au pape 1' indulgence, pour avoir ose tenter de lui remettre sur la tete la tiare de Gregoire VII. L'ecole sensualiste ne donne pas signe de vie. Ainsi tons les systemes qui out tant remue les intelligences ont disparu de la scene du monde , on du moins ne marquent plus dans le mouvement general du siecle. Sur les ruines de toutes ces theories philosophiques, il s'est eleve une religion nouvelle; mais jusqu'a ce jour, I'oeuvre la plus eclatante du saint-simonisme a ete de s'annoncer, et de de- poser dans la societe le germe de ses principes , il n'a pas encore transforme les idees , et ne s'est pas empare de la direction intellectuelle del'epoque. En dehors de I'elaboration du saint-simonisme, il est done vrai de dire que depuis la revolution de A 830 la philosophic est arretee dans sa marche. Quelle pent etre, dans ces circonstances, I'inspiration philo- sophique d'un \i\ve sur ]a. philosophie du droit? quelle sera la theorie, I'unite qui presidera a cette etude, qui fera juger tons les faits, tons les elemens de droit? qu'est-ce que le droit? Par quelle conception , dans quel systerae d'idees Tautcur en puiscra- t-il la definition? Sera-ce dans Rant, dans Schelling, Hegel, 596 PHILOSOPHIE. Reid, Cousin? ou biea trouvera-t-il en lui-meme puissance de produirc une theorie nouvelle plus piofonde et plus large? La nature de M. Lerminier, mobile et impression nable, bril- lante et facile, singulierementpropre ii s'assirailer toules les idees, toutes les passions, ne se pretepasacetteuniterigoureuse quien- serre tons les faits de la science, les juge, les classe, les relie a elle •, 11 n'a pas la patience de dcduire toutes les consequences d'un principe, d'epuiser ime question et de chercher long-tems la solution d'un probleme qu'il aura su poser. Son esprit artis- tique se porte avec ardeur et enthousiasme sur tons les objets ; il embrasse chaleureusement toutes les opinions, leseffleure, les discute , les propage avec eloquence ; il a le sentiment du progres et de I'avenir, et sail se jeter en avant, saisir les idees nouvelles et les annoncer. Cette nature du talent de M. Lerminier est empreinte dans son livre, ceuvrebrillanteetanimee, qui resume toutes les questions, met en scene tons les grands hommes; mais vague quelquefois, manquant d' unite et de conclusions positives. Le sujet clioisi par M. Lerminier est vaste et ressort tout natu- rellement du mouvement actuel de la societe. N'est-ce pas dans une epoque toute revolutionnaire , mena- cante d'emeutes, de guerre civile, de guerre etrangere, epoque solennelle dans laquelle a sonne I'heure d'une grande emancipa- tion , et rafTranchisseraent du prole'tariatf de la race salarie'ej n'est-ce pasalors que les bases de I'ordre social sontprofondement ebranlees, toutes les existences deplacees, depuis le souverain jusqu'au plus petit bourgeois; toutes les autorites meconnues, la liberte inquieie, toujours en lutte, tons les liens qui unissent les hommes brises, la chaine qui relie le present au passe rom- pue, I'avenir ignore ; epoque de crai-nte, de doute, de deses- poir, n'est-ce pas alors que le moment est venu de recbercher les deslinees et la nature de I'homme et de la societe ; les lois de I'histoire, les enseignemens des philosophes et de se poser cette immense question : qu'est-ce que le droit? J DE LA PHILOSOPHIE DU DROIT Sgy Rien d'immuable, rien d'immohile dans le inoiidc ; c'est pourquoi le droit se transfoniie progress! vement dans I'hu- nianite, comme la religion, la politique et la science; c'est poHrquoi chaque peuple , cliaque civilisation en donneront une definition differente , qui exprimera le caractcre nieme de leur eiat social, qui resumera toute leur vie; en effet, \e droit etant la source de la legislation , le principe qui regie les rapports des honimes entre eux , qui fonde les societes et fixe leurs rela- tions, il change et se metamorphose comrae Thorame et la societe et I'humanite tout entiere. C'est dans ce sens que Ton pent re- pousser la celebre pensee de Bossuet : iliij" a pas de droit contre le droit; il y a contre le droit d'une civilisation retrograde \t droit d'une civilisation plus avancee. De plus c'est dans I'homme, dans la societe, dans rhumanite, que le droit prend racine ; c'est de leur sein qn'il surgit ; il fant done pour posseder la science du droit connaitre la science de r/iomme, de la societe et de I'humanite'; quand nous saurons riiomme, la societe et I'humanite, leur nature, leurs clemens, leurs destinees, alors nous saurons le droit. Vojons done ce que M. Lerininier pense aujourd'liui sur ce sujet. L'homme, dit-il, est un animal politique, scientifique et reli- gieux; le fliit qui frappc tout d'abord en lui, c'est I'individua- lite; entraine hors de lui-meme par la guerre, par ses sens, par leplaisir, il eprouve cependant I'invinciblc besoin de revenir "a lui-meme, de se retrouver hn, toujours ini, mecontcnt de sa personnalite', incapable de la denoniller; ce qui constitue cette individualite, ce sont les passions , I' intelligence et la r>oloute'. Cette analyse est assez exacte ; niais elle manque de precision et surtoutne nous apprend rien deneufsur lesfacultes del'bonime et siu" ses destinees. Nosce te ipsum, tel a etc le grand principe mis en pratique par rhonnne, depuis le jour on, a force de lultes et de travaux, il est parvenu a se distinguer de i'enseinlde des etres, a se sentir libre et fort, a conquerirsa place, sa fonction d'initiatenr souverain TOME LII. DECEMBKE I Mo 1 . 39 5g8 PHILOSOPHIE. de tons les autres etres, sa haute et divine personnalite ! Se connaitrel savoir ce que c'cst que I'homme, quelle est sa nature, quelles sont ses facultes et ses destinees, enfin quel est son DROIT, voira la raison de I'histoire, de la philosophic, des re- volutions! Et du milieu de I'histoire, de la philosophic et des revolutions, I'homme s'est avance toujours en penetrant davantage les mys- teres de son existence, les raerveilles dc sa nature, la puissance de toutes ses facultes; toujours done en se connaissant mieux et, a chacune de ces revelations sur lui-meme, se creant une plus belle place surlaterre, brisant les institutions indignes de sa grandeur nouvelle, indignes du sentiment plus eleve qu'il avail acquis de sa valeur, et reclamant avec energie, de la religion et de la societe, la possession d';^« droit plus vaslc et plus libre. Et cet horame, exalte par toutes les religions qui se sont suc- cede, eclaire sur lui-meme et sur ses relations avec le monde qui I'entoure par toutes les decouvertes de la philosophic et de la science, fortifie et sociabilise par toutes les revolutions qui out Iransforme les conditions de son existence, arrive, a travers les siecles etThisloire, avec la revelation entiere de sa nature, de ses facultes, de ses destinees, se connaissant toui entiev , par consequent connaissant tout son droit, et le revendiquant aujour- d'hui, a une religion expirante, a une societe divisee, usee, croulante. On repete vulgairement : « L'homme ne change pas ! >) il est banal de repondre en demandant ce que c'est que ces religions qui passent, ces societes qui disparaissent, ces civilisations qui s'effacent, si ce n'est Thoramequi se metamorphose et se renou- velle; c'est /'^o/«7?ie d'aujourd'hui, et non I'homme del'Inde, de la Grece ou de Rome , c'est cet homme qui est nous avec nos besoins d'egalite , d'independance pour tons, avec I'invincible necessite d'une personnalite conquise a grande peine et grandie de toutes les lultes des societes , des civilisations et dc la nature entiere; nous, ayant recu par le christianisme la puissance d'e- DE LA PHILOSOPHIE DU DROIT. O99 chapper aux desordres des societes anciennes, et la revelation de verliis nouvelles, de la purete, de la cliastete, de la coustance, de ramoiir, c'est cet liomine qu'il taut connaitre et aimer, ce sont les desirs , les besoins de celui-la qu'il faut con suiter et satis- faire. Or de I'etude de I'homme, 1<;1 qu il vit en nous , a cetteheure, doit sorlir un droit nouveau. Avant la grande eniancipaticMi chretienne, sous le regime des castes et de I'esclavage, I'hoviine ne se connaissait pas dans toute son unite; car, pour les politiques et les philosophes les plusavances, il existait deux natures d'liomnie, la nature libre ou komme et la nature esclave. Sur cette division etaient fon- deestoutes les institutions sociales qui exploitaient la personna- lite de la classe la plus nombreuse, qui I'etouffaient et la reie- guaient, de droit naturel, dans les derniers rangs de la societe. Le christianisme , en prechant que tous les hommes sont freres , en enseignant au monde I'unite humaine , a revele I'homme y devoile tous les mysteres de sa nature , exalte en lui im sentiment de sa personnalite, autrement profond encore que dans les plus energiques patriciens des aristocraties de I'lnde ou de Rome ; il a constitue son individualile. Jesus etait la figure et le type de cet liouime nouveau , et c'etait avec la consciencede sa nature elargie etdivinisee, de sa personnalire conquise, de sa liberte grandie, a laquelle les cieux etaient ouverts comnie un refuge contre rexpioitalioa sacerdotale et patricienne, que I'liu- manite saluait le Christ, en disant : Ecce Homo! Et cependant ce n'etait pas encore Ta tout Thomme. Nous sentons en nous une personnalite plus complete, plus profoade, plus libre que celle dont la conscience a ete reveillee dans notre cceur par Jesus ; notre nature a Iressailli de desirs nou- veaux , d'esperances nouvelles , en elle fermentent des besoins non salisfaits, des facultes non developpees. Elle s'est sentie di- gne d'une indepeiidance plus large que celle qui lui avait ete donnee par les institutions chretiennes, elle les a brisees; plus 59. boo PIIILOSOPIIIE. elevee , plus intelligcnte de ses destiuees que la religion , qui ilejii Tavait einancipee, elle Ta reuiee. Un homme nouveau s'est fait jour a travers I'egliseetla feodalite : c'est liii qui aproclame Tin- ilependaiice de sa raison coiitre une autorite sacerdotale qu'ellc avait dcpassee; c'cst liii qui a clargi ce monde de tout un autre monde; c'est hii qui a penetre Ics secrets dcs cicux ; c'estlul qui a sonde les niysteres de son intelligence ct analyse toutes ses fa- cultes, otudie toutes les merveillts de son organisation physique; c'est lui enfin qui a voulu realiser sur la lerre la liberte et I'ega- lite pour tons , qui , par toutes les revolutions qui ebranlent I'Eu- rope depuis deux cents ans, a commence la plus magnitique ere d'emancipation universelle : et cet homme, c'cst I'liomme mo- derne, c'est Lulher, c'cst Galilee, Descartes, Newton, Bacon , Kant, MIrabeau, Bonaparte, la popvdace de juillet; ecce homo! Le droit dans rhomnie a pris enfin toute son extension Lu- niaine, il exprime lout cequ'il peut y voir de volonte, dedesirs, de bcsoins dans sa nature, qui a le droit d'etre satisfaite tout en- tierc ; alors, comnie M. Lcrminier, nous pouvons dire: «. le droit , c estla vie », on plutot c'cst la capacite', c'est le droit pour tout etie lunnain, Lonnne et feninie, dc posseder sa place legi- time dans la sociele, d'acquerir la puissance d'accompHr sa dcs- tinee, dc developper toute la vie qui est en Ini , toute I'encrgie vitalc d'aniour , d'intelligencc et de force qui constituent son individualite. Gardez-vous de confondrc ce scntimeindelindividualite avec I'individualisme , avec ce petit cgoisnie qui isole , desunit , ctouffe toute dignite, tout clan d'anie, toute foi , tandis que le sentiment de I'individualite est la sainte exaltation dc I'homme qui sent la vie en lui ct dans tons les autres etres, et dans la na- Kn-e et en Dieu. L'lionnne ainsi rcconnu avec tous les caracteres progressifs dc notreepoquc, vovous-)e dans ses rapports avec la soric'te , et dans celle-ci examinons surlout les eleniens qui touchent plus essen- 1)F. LA PHILOSOPHIE DU DUOIT. hO I tielleiuent a rexisteuce de rintlividu, le manage et hi pro- priety. Comnie riiomme ct par rhoninie , la societc change , ses bases se renouvelleut, lespiiiicipes qui la fondent se UaiisronneiU ; raatorite, la famille, la propiiete, se modifient en raisoa de ions Ics pi'ogres de la personnrdite hiimaine ; M. Lerniiiiicr expose tres-bien ce fait et lemontre dans tons les details da mouvemcnt social. Dans les rapports de riiouime et de la feinme, c'est le christia- nisnie qui a vrairaent constitne le mariage , en prechant I'egalite de riionime et de la femme; avant lui il n'y avait dans I'liuma- nile que la volonte souveraine d'nn niaitre sur nne femme, et una exploitation de proraiscuite. Nous avons dit que la destinee providentielle de tout etre hii- main etait la conquete de sa personnalite ; c'est un fait qui n'est pas encore assez senti de tout le monde, que jusqii'a ce jour la femme a partage avec le peuple la misere d'une individuallte exploitee, impuissante h satisfaire ses desirs, ses elans d'ainour, toute la virtualite de sa nature. Anssi toujours a-t-elle tendu "a s'affrancliir , a s'elever, et de ehaque revolution, de chaqne grande transformation religieuse, est-elle sortie plus libre. Dans ses rapports avec Fliomme , les progres de sa liberte ont ele de se degager du chaos impur de la promiscuile , de cet ctat abject oil tontcs etaient confoudnes dans les desirs de rhonnne , et passaient en sa puissance, sans qu'il y eut de leur part election d'amonr, preference, association. Toujours elle a cherche a s'unir a un seul homnie , a partager il tout jamais I'amour et les dcslinees d'uu seul houime ; faile compie lui a Timage de Dieu , clle a senti toujours au fond de son coeur assez de puissance, assez d'energie de sentiment et d'e- levation de pensees pour repondre "a la nature de Thomme , s'associer a sa destinee et combler sa vie; et quand la femme, ayant une foispressenti, avant le terns, le bonhenr decetfe union avec un seul honnue , s'est vne rejetee dedaignensement par la 602 PHILOSQPHIE. societe, plutotque cle retomberdans I'esclavage de la promiscuite, file est moite dedouleur, comme TEurydice de M. Ballanche, des- espereede ne poiivoir devenirrepouse d'Oiphee. Toute llieorie morale qui aurait, dans notre epoqiie, pour but derealiser la promiscuite de la fenime, seraitdonc, apies I'emau- cipation chretienne , une audacieuse atteinte portee a sa liLerte. Jusqu'a ce jour, dans la question du mariage et du divorce ^ rhonime n'a jamais etii assez preocciipe de la liberie , de Vindit^i- dualite de la femrae ; ce reproche peut s'adresser a M. Lermi- nier, et a tons ceux qui ont traite le sujet du divorce; pour eux le droit de la feinme u'est qu'un fait secondaire , enveloppe dans les interets generaux de la societe , et subordonne a ceux de rhomme. II en devait etre ainsi ; la feinme n'a pas de d?-oit en- core, car elle n'a pas conquis son individualite ( et tout etre qui manque d'indii^idualite' Maanque de droit ) ; la femme ne sera libre, la femme ne possedera toute sa persounalite que le jour ou la so- ciete proclamera que le droit dans le mariage , c'est I'association, sous la foi de I'egalite, de rhomme et de la femme (1). J'arrive maintenanta la proprie'te ; ce chapitre est imdes plus brillans de I'ouvrage de M. Lerrainier, celui qui contlent les ob- servations les plus neuves et les plus larges. Voici quelles sont les principales idees de I'autenr : La propriete est le developperaent necessaire de la liberte ; sans la propriete la puissance de I'homme ne serait pas prouvee ; mais, dans ce monde, il n'estpas seul; il existe des rapports enlre lui et les bommes reunis; ce sont ces rapports qui modifient le droit absoln de I'individu sur la propriete. L'histoire nous offre le spectacle d'une lutte terrible entre les (1) Voyez pour Ic devcloppcment de ces ptnsecs une brochure deM. Bazard, run des deux chefs de fanciennc liierarchie sainl-sinioiiicnne. — Discussions. innrtiles , poUtiqiies et religiciises sur les causes qui mil amene la sc'paialioit qui s^esl efjcctue'e dam le scin elcppeme.ut le plus complet de la proprie'te pour tous les indi^idus dune association j or Theredite, tendanta maintenir perpeluellement la prop?ie'te' dans les niemes families, exolut du droit de propriete I'immense majorite qui ne possede pas, et par consequent s'oppose an del'eloppement le plus com- plet de la propriete pour tous les imlu'idus dime association. DE LA PHILOSOPHIE DU DROIT. 6o3 Si, comtue c'est aiijourtVhui la foi de tout homnie libie, de lout honime aux sympathies genereuses, nous marclions dans une ere d'einancipation , il faut done travailler k reconstituer la propiiete sur des bases nouvelles qui permettenta toute indivi- dualite de surgir, de grandir, d'etre libre; le droit ancieu du privilege de naissance est use et a cause la luisere et les douleuvs qui soulevent les proletairesdont les agitations nienacenthchaque heiire d'ebranler toute la societe; le droit nouveau, c'est que la propriete ne soit donnee qu'au travail et h la capacile. Prepare!- fles institutions qui soient la realisation de ce droit y telle est Toeuvre immense du dix-nenvieme siecle. Apres avoirexpose lesprincipes qui Font guide dans ces ques- tions de I'liomme , de la socie'tc, de la fninille, du mariage, de h pioprie'te , M. Lerminier en clierche la verification dans I'bis- toire et les systemes des philosophes ; il esquisse a giands trails les niouvemens de la marclie de I'bumanite, la pbysionomie des peuples, les revolutions et les transformations religieuses; il etudic Rome, le catbolicisme, la feodalite, la refornie, la revolution francaise; il analyse les theories politiques et philosophiques de Platon , d'Aristote, de Spinosa, Kant, Rousseau, Saint-Simon, et de toutes ces theories, de toutcs ces agitations sociales, de tons ces empires fondes et detruits , de ces civilisations diverses qn'est-il sorti pour I'humanite? La liberte, la liberie toujours plus developpee dans riiomrae et la societe, toujours commnni- quee a un plus grand nombre d'individus. Et ces guerres eternelles qui ensanglantentlhistoire dn monde , ces luttes de cites, de nations, de castes, de palriciens, de niaj- tres et d'esclaves, qu'ont-elles enfante? Le pro'gres derharmonie entre-tous, de la paix , de I'association. Oui, elles sont etouffees, aneanties a tout jamais cesanlipathies de deux natures d'bommes, des nationalites exclusives , juivcs, romaines, grecquesou barbares, qui loutes pretendaient posseder seules Thuraanite en elles ; la lulte de I'aristocralie et de la demo- cratic expire, toutes lesarislocralies despotiques, privilcgices par 666 PHILOSOPHIE. la naissance, disparaissent incessamraent ; a cette heure, on pent (lire qu'il n'y a pas eii France d'aristocratie vivante et puissante , profondenient assise surle sol; de tons ces elemens du passe, de toules ces existences opposees, acharnees les unes contre les au- trc's, s'est degage rhomme, I'liomnie avec sm individualite pro- pee, rhoinme avec son genie providentlel, non plus marqne par le hasard de sa naissance, d'une fatalitede caste, de patriciat, de plebeianisme, d'esclavage, de servage on de proletariat salarie , mais bien rhomme appele a developper toute I'energie de ses fa- cultes, a prendre dans la societe la place, la fonction resei'veek son intelligence, "a sa force, kson amour. On ne sent pas assez aujourd'hui combien est sainte I'indi- vidualite d'un etre; on ne sent pas combien d'individualiles, hommes et femmes , sont encore opprimees et manquent a leur destinee; donner a Thorame un sentiment plus profond et plus large de sa personnalite , de ses devoirs, de son droit, la reveler surtout k cette foule d'etres qui Tignoreut ou ne la reclament que par la revoke, modifier progressivement toutes les institutions qui enchainent le libre developperaeut de leur nature , tel est le caractere de I'ere d'emancipation dans laquelle nous marchons, Alex. Saint-Cheron. SCIENCES. PHTSIOLOGIE. DE l'usage physiologique de l'oxygene, Considere dans ses rapports awec Inaction des excitans y Par M. DuTROCHET. Le mouvement actuel des sciences est un des signes les plus eclatans de la tendance generale de I'esprit humain a notre epo- que; leurs travaux et leiirs progres s'associent, et seniblent se porter comrae de concert vers la conception de 1' unite , dans la va- riete presque infinie de ces phenoraenes qui constituent la partie du monde physique oil il est donne "a notre vue d'atteindre. Ces centres, dans rorigiue si distincts et si iudependans, autour des- quels etaient venues se grouper les sciences, out vu pen a pen leur sphere s'etendre, et ces espaces vides qui les separaient et dans lesquels iis erraient sans liaison et sans rapport se remplir des richesses nouvelles souinises a leurs lois ; deja bien des li- niites se touchent, bien des doniaines se penetrent, bien des rappfochemens se preparent. On en est venu "a pressentir gra- vement que I'etude du monde physique n'offre an genie de I'hu- raanite qu'une science, et que le genie individual de I'honime, trop faible pour en saisir d'ensemble Tiraniense detail, I'a divisee en sections et en chapitres pour en poursuivre plus facilenient Go8 SCIENCES. retude. ComineiU concevoir I'liarmonie dc runivcrs s'il ne de- pend pas dune loi unique qui, par les variations de sa formule generalc, produit cette serie de phenomenes, toujours divers, toujours relies, toujours niarchant avec ordre, parcc que tou- jours ils out le memc principe et la meme origine. Au lieu de chercher a deraeler I'essence de ce phenomene si iniportaiU de la vie, dans ce qu'il presente de plus riche ct de plus eleve, on a remonte vers sa source; et de meme que dans I'anatomie on arrive anx parties simples que Ton vent saisir, en rejctant celles qui tiennent a une organisation plus compliqnec, dans la premiere etude de la vie on a rejete tout ce (pii tcnait a un ordre superieiu', et Ton a commence I'ctude pliysiologique de riiomme par I'etude pliysiologique des animaiix intcrieurs, k\s prenant pour ainsi dire commc des elcmcns isoles que la na- ture avait elle-meme detaches de cet ensemble trop complexc, ct nous presentait tout vivans. Les consequences hardies que M. Dutrochet a tirces de ses interessantes experiences sur les infusoires paraitront sans doute hasardees en meme terns que hardies ; mais il laut se souvenir qu'elles se raltachent a un systeruede considerations cVune portec beaucoup plus gcnerale que ccllcs qui servent isolement de base au meraoire que nous offrons a nos lecteurs. Au reste, pom apprecier "a leur valeur les deductions tirecs par M. Dutrocliel de ses observations sur Taction de roxygene , il nc faut pas per- dre de vue le role immense qui a etc reserve h cet agent dans les phenomenes naturels les plus fondamentaux. A son intervention se vatlachent la production de la luniicre, de la chaleur, des courans electro-chimiqucs, des mouvemens organiques, etc., tout ce qui estdu domaine de la terre, depuis Taction propre du globe jusqu'a Taction superficielle de ses habitans , se rattache a son influence par des liens plus on raoins immediats. Dans ce travail M. Dutrochet, apres avoir ctudie une cause aussi uni- verselle dans un de ses accidens, sans sortir du cercle de Thy- pothese, en a etendu les cifets, ct cu a deduit , sin- le grand USAGE PHYSIOLOGIQIIE DE l'OXYGENE. 609 pioblenie tie la vieillesse des ctres, des aperrus brillans d'origi- nalile et de delicatesse. DE L'USAGE PHYSIOLOGIQUE DE L'OXYG^KE. Tons les physiologistes savent que Toxygene est pour aiiisi dire Valiment de la vie. C'est par son intervention que le niou- vtMiieiit vital existe ; sans lui, il n'y a ni faculte de sentir ni fa- culle de se mouvoir ; les excitans sontalors sans action. La ques- tion de savoir quel est I'usage physiologique de Toxygene est done la question la plus imporlante peut-etre de la science des corps vivans. Les tentatives qui ont ete faites pour resoudrecettc question n'ont eu pour but, jusqu'a ce jour, que de determiner counnent I'oxygene, en se fixant dans le tissu organique, entre- lient la chaleur aniniale; encore doit-onconvenir que celte ques- tion est loin d'etre conipletement resolue. Maisle phenomene de la production de la chaleur animale n'est qu'nn deseffets de I'in- troduction de I'oxygene dans I'organisme : son usage le plus important, usage dont le mecanisme estle plus ignore, est celui d'entretenir I'excitabiiite. Comment I'oxygene intervient-il dans Taction des excitans sur Torganisme vivant? Le physiologiste qui essaierait d'attaquer ce probleme de front se perdrait en efforts superfius. Comment en effet , observer un pheno- mene qui a son siege dans le tissu le plus intime des organes vivans, et qui se derobe ainsi a tous nos sens? Pour faire quel- ques pas dans une route aussi tenebrcuse , il faut done etre guide par itne de ces lueurs inattendues que la nature manque rare- ment de faire ])rlller aux yenx de I'observatenrqui la scrute avec perseverance jusque dans ses retraites les plus cacliees. C'est en observant les animalcules infusoires quecette Incur a frappe mes ycux. On confond generalemcnt parmi les animalcules des infusions 6lO SCIENCES. beaucoup d'animaux microscopiques qui ne merilent point le nom diinfusoires. II existe, par exemple, sur beaucoup de plan- tes, des animalcules microscopiques qui , doues , comme le roti- fere, de la faculte de ressusciter, meurent pendant la secheresse, et reprennent la vie lorsque les feuilles des plantes sont de nou- veau mouillees par la pluie. Telles sont , par exemple, loutes les mousses , parmi lesquelles je me bornerai ici "a citer celle qui est designee par Linnee sous le nom de hjpnum Jilicinian. Cette plante, etantrecoltee par un tems pluvieuxet misedans I'eau, fait voir k I'instant meme une multitude d'animalcules de diverses formes, qui , veritables amphibies, vivaient sur la plante humide et continuent de vivre au milieu de I'eau dans laquelle ils nagent avec vivacite. Ces animalcules, pouivus d'une organisation tres- apercevable au microscope , ne sont point de veritables animal- cules infusoires. Ils n'apparaissent que dans les infusions k froid et jamais dans les infusions qui out bouilli. II ne faut, au sur- plus, que trois ou quatre jours pour leur apparition dans les infu- sions a froid de la mousse vivante mais non mouillee, tandisqu'il faut au moins qiiinze jours d'infusion pourTapparition des verita- bles animalcules infusoires, lesquels apparaissent egalement dans les infusions a froid et dans les infusions qui ont bouilli, Ce sont ces derniers animalcules, seuls veritables infusoires, qui sont I'objet des o])servations qui vont suivre. Je les designerai, pour abregcr, sous le nom d' infusoires de la mousse. Le premier phenomene que presente I'eau dans laquelle on a mis macerer de la mousse est la formation d'une peliicule a sa surface : cette peliicule est entierement composee de globules, et il m'a paru que ce sont ces globules qui deviennent des animal- cules infusoires. Ce qu'il y a de certain , c'est que c'est exclusi- vement de cette peliicule que naissent les infusoires, lesquels ne se multiplient point par generation. Aussi lorsque cette substance qui produit les infusoires est enlevee, ou lorsqu'elle a perdu par la decomposition sa faculte productrice, il ne se produit plus de uouveaux infusoires, et ceux-ci, places dans certaines circon- USAGK PHYSIOLOGIQUE DE l'OXYGENE. Gil Stances, vieillissent tons euseinble et raeurent sans laisser de posterite, sans s'accroitre en nonibie, ainsi que nous le verrons plus bas. Lorsque ces infusoires sont nouvellement produits , ils pre- sentent un instinct tres-reinarqiiable , c'est celui de se reunir en troupes. Ce phenomene offre un spectacle fort curieux lorsqu'on examine an microscope une gontte d'eau chargee de ces infu- soires ; ils ne lardent pas h se grouper et k se rassembler en une ou en plusieurs troupes : ils presententdansl'eau un spectacle en- tierement seniblable a celui qu'offre dans Fair un essaira d'abeilles fixe en grappes, autour de laquelle on voit voltiger les abeilles encore eparses : de meme on voit nager autour du groupe des in- fusoires ceux qui n'y sont pas reunis. Ce phenomene atteste chez, ces animalcules un instinct d' association qui prouve incontesta- blement leur animalite. Get instinct d' association n'est plus aussi marque quelcpies jours apres qu'on a commence a I'observer, et il finit par disparaitre corapletement lorsqu'il y a environ d'lx a douze jours que ces animalcules sont produits. Un autre instinct fort remarquable de ces infusoires est celui de fuir la lumiere. Ainsi, lorsqu'on raetVeau qui les contientdans un tube de verre fixe verticalement pres d'une fenetre, ils viennent tous se pciser a I'etat d'imniobilite sur la paroi du tube opposee a la fenetre de laquelle vient la lumiere, et ils y restent fixes pendant un «;er- tain tems. Ce second instinct disparait comme le precedent, lorsque les infusoires sont parvenus seuleraent ii I'age de dix jours. Passons actuellemeut a Tetude d'uu autre phenomene que pre- sentent les infusoires de la mousse: pour I'observer, je mets de I'eau charg('e ue ces infusoircsdoiis \\n flacon de cristal allonge et aplati.Xes flacons dont je me sers pour cette observation ont F. l'oXYGENE. 62.3 gauisiiie que des causes de'terminnntes d' o.ryge'naU'on.U excitabilite est ainsi line veritable comhustihilite, laqiielle a Ijesoin, pour etre mise en jeu . de 1' intervention d'une cause de'terminante ou exci- tante. Cette excitahilite, cette coinhustihilite' organique est tres- grande dans la jeuuesse, parce qu'alors Torganisme est eininein- nient oxydable, il ne possede presque point d'oxygene fixe deii- nitivement. Alors il y a vine grande i'acilite d'oxydation , et les causes excitantes qui agissent en determinant cette oxydation exercent leur influence avec une extreme facilite. Par le progres de I'age et par Teffet du nombre des excitations, il se fixe defiin- tivement de I'oxygene dans Torganisme, lequel se trouve ainsi en partie hrdle'ow oarj'^e' d'une maniere definitive. Ce phenomene a necessairement pour effet de diminuer la combustibilite qui est mise en jeu par les excitnns, c'est-h-dire V excitabdite. Alors les excitans ont peu d'empire sur Torganisme, parce que, tendant a lui adjoindre de I'oxygene, ils le trouvent dej'a en partie sature definitivement de cette substance. Nous voyons ainsi la confir- mation de ce que nous avons etabli plus haut , savoir que I'accu- mulation de I'oxygene definitivement fixe chez les infusoires de la mousse constitue veritablement \eur e'tat se'nd , puisque cette accumulation produit progressivement la diminution deVexcita- bdite, diminution qui est generalement le signe caracteristique de I'etat de vieillesse. Ainsi c'est avec pleine raison que nous avons dit que les infusoires de la mousse etaient rajeunis, lorsque nous lour avons fait perdre I'oxygene fixe qui avait ete accumule chez eux par le progres de I'age et par le nombre des excitations. Chez ces infusoires I'etat senile est redu t a sa plus simple expres- sion, il parait n'etie point complique de ces nombreuses altera- tions oi'ganiques que produit la vieillesse chez les aniraaux d'un ordre plus eleve. lis ont seulement diminue considerablenient de combustibdite' "p^iV le fait de I'accumulation chez eux du principe comburant , et ce principe peut etre artificiellement elimine , en sorte que le phenomene de la vie est rainene a ses conditions ini- tiales : il y a rajeunisscmeuL, retour de la combustibilite ou de 6 2 4 SCItNCES. rexcitabilite qui existait dans la jeuuesse. La saturation d'o-r >- gene se nil aneantit necessairement la combustion organiqiie vi- lale, c'est-a-dire la vie. Du moment qu'il nous est deniontre qne les causes excitantes agissenl sur la matiere organique vivante en la determinant, en V excitant a s'adjoindre Toxygene qui est a sa portee , il devient facile de voir pourquoi I'excitabilite disparait lorsque I'oxygene cesse d'etre introduit dans reconoraie vivante. Nons ponvons nieme suivre, chcz les vegetaux, rencbainement de tous les phe- nomenes qui ont lieu depuis Taction de la cause excitante exte- rieure qni agit siu- une sensitive, par exemple, jusqn'aii mouve- ment des organes locomoteurs de cette plante. J'ai demontre , dans un precedent memoire, que la sensitive perd completement son excitabilite lorsqu'elle a ete privee de Fair contenu dans ses oiganes aeriferes par un sejour'de plusieurs heures sous le reci- ])ieut de la porape pneumatique. Alors elle ne se mcut ni sous ] I'influence de la Inmiere, ni sous rinflnence des chocs, etc. Son excitabilite est done liee a Texisteuce de I'oxygene gazeux dans son tissu. Voyons comment son excitabilite' esl liee a sa locomo- tilite'. J'ai fait voir, dans un precedent ouvrage, que I'organe que , j'ai designe, chez la sensitive, par le nom de bourrelet, et qui se- rait mieux nomme organe motetir , est compose de cellules de- croissantes de grandeur de dehors en dedans. J'ai fait voir que c'est rendosraose de ces cellules decroissantes qui occasione I'inciirvation da tissu organique qu'elles composent. J'ai de- montre que c'est cette incurvation, dans un sens ou dans un autre, qui meut les feuilles. Actuellement, si nous voulons sa- voir comment les causes excitantes agisseut pour determiner les mouvemens de ces organes, il ne s'agit que de savoir comment I'enilosmose de ces memes organes est modifiee par les causes excitantes. Or rien u'est plus facile, d'apres ce qui vient d'etre expose. Une cause excitante, telle que la chaleur, la lumiere, une pressiou, un choc, agit sur la sensitive. Cette cause excitante j Diodilii' rapi'lcinciil Toxygruaiiou des licpiides organiques ; USAGE PHYSIOLOGIQlli DE l'oXYGENE. 620 cetle modification de roxygeuation des liquides, on de cer- tains litjm'des, modifie leur densite; la modification de la densite des liquides modifie Tendosraose; I'endosmose modifiee produit le cliangement de la force d'inciuvation de Torgane mo- teur oil de I'lnie de ses parties, et le mouvement de la i'euille s'en- suit. Nous voyons ainsi comment V excitabilite est \ieea la loco- motilite chez tons les vegetaux. Ces deux proprie'tes vHales ne sont , dans le fait , que des plienomenes de physique generate en- chaiues dans un ordre determine. Leur mecanisme nous est plei- nement devoile par I'obsiervalion. U excitahilite est, comme je I'ai dit, une veritable comhustibilite , ou une oxjdahilite , la- quelle a besoin, pour etre mise en jeu, de I'intervention d'une cause determinante ou excitante. Derriere ce phenomene pal- pable il y a indubitablement un autre phenomene qui est inaper- cevable, un phenomene que ron pent soupcouner etre electrique. C'est ce que j'exarainerai dans un autre travail. II resulte des observations precedentes qu'il existe, chez les etres vivans, une alternative continuelle d'oxydation et de des- oxydation. L'oxydation presente trois modifications differentes . ■ \°Yoxydation transitoire, sans cesse detruite par la cause de desoxydation qui existe dans I'organisme vivant, et sans cesse renouvelee; 2° VoxYdation temporairement fixe , c'est elle qui con?,m\\&\A fatigue; elle est detruite pendant lerepos, c'est-a- dire pendant I'absence des causes excitantes ou oxydantes par la cause de desoxydation qui existe dans I'organisme vivant* 30 Yoxydatiou fixe, c'est elle qui coustitue Vetat sehil. I^es observations precedentes nous montrent combien est utile I'observaliou des etres vivans les plus simples. Chez eux on pent voir a rlecouvert des pheiiomemcs que les animaux d'un ordre plus eleve ne nous monlrernient jamais. Ceite etude sert, en outre, a agramlir le cercle denosidees pbysiologiques; elle nous apprend a ne point considerer comme merveilleux certains phe- nomenesque ne presentent point les animaux des classes plus elevees. Les etres dontl'organisatioji est simple, out, par ceJa G26 SCIENCES. US.\GE PHYSIOL. DE L OXYG. nierae, certains privileges que ne posseJeiit point les etros donl I'organisation est complexe. Celui qui ne connaUrait que la phy- siologic de riiomme considererait comme des nierveilles fabu- leuses la reproduction que les salamandres, que les ecrevisses, font de leurs pattes lorsqu'on les leur coupe: il refuseraitdecroire que le limacou reproduit sa tete amputee; que certains vers aqua- tiques etant coupes transversalement en deux, lamoitie anterieure reproduit une queue, et que la moitie posterieure reproduit une tete qui est pourvue de ses yeux et de ses autres organes; que les polypes coupes par morceaux devieriuent autant de polypes qu'il y a de fragmens. A cote de ces phenoiuenes, qui seraient d'etranges merveilles pour des animaux d'un ordre eleve, etqui sont ici dans I'ordre de la nature, pent se placer le phenoniene du rajennissenient des animalcules de la mousse , phenomene qu'ou pent mettre en parallele avec ceUii de la resurrection de certains animalcules, et notamnient du rotilere de Spallanzani , resurrection dont on a doute a tort, car J'ai experiraente plu- sieurs fois que ce phenomene est des plus incontestables. Celte resurrection, au reste, n'est pas plus merveiUeuse que ne Test celle des erabryons seuiinaux qui, apres avoir vecu et s'etre developpes dans la graine lorsqu'elle tenait a I'ovaire, se dessechent dans la graine mure, et restent ainsiquelquefois pen- dant plus d'un siecle dans un veritable e'tat de mort, sans dc's- organisation , et avec possibilite de retour ii la vie lorsqu'on leur rend I'eau etla temperature necessairespour la germination. La resurrection des cmbryons scminaux, cel'.e des rotiferes, le rajeunissement des infusoires de la mousse, cesseront de nous paraitre des pheuomenes raerveilleux lorsque nous serous fami- liarises avec cette idee que la vie n'est qu'un phenomene phy- sique qui, comme beaucoup d'autres , peut , dans certains cas, etre raniene "a ses conditions iuitiales lorsqu'il est voisin de sa ^ terminaison, et qui, lorsqu'il a ete interrompu par I'absence de ses conditions d'existence, peutaussi, dans certains cas, etre reniis en jeu par le retour de ces memes conditions. POESIE. AlIX PHILOSOPHES. (Troisieme Article*.) De la Poesie de notve epoque. (Suite.) Lamartjne. — Victor Hugo. — Sainte-Beuve. A quoi tiertt ce reflet de christianisme , cette aureole de foi re- ligieuse qui brille sur les ceuvres des deux grands poetes de la France? Pourquoi sembleut-ils faire antithese avec Goethe et Byron? Comment, nes dans le pays qui a produit la philosophic la plus audacieusement sceptique, et qui a presque enlierement accompli la destruction du raoyen age social et religieux , ont- ils moins que ces fils de I'Angleterre et de rAliemagne cette af- freuse tristesse d'un reve qui ne s'acheve pas, el eu nieme tems cette fierte de Satan et cette vie du desespoir, cette vitalile du poison, conime parle Byron (1)? Cela tienten partie, selon nous, a I'epoque politique ou ils out commence a ecrire. Et d'un autre cote nous pensons que cette foi chretienne n'a pas un caractere aussi profond chez eux quon le croit generalemcnt. C'est une parure de leur genie, a Voy. t. LI, cahier de scptembrr, p. 499, ct t. LII, taliicr de novcnibre. p 59y . (i) Tlicro is a very life in our despair, \ ilalily of ]ioison ; a quick rooi "Which feeds these deadly branches. Childe-Haroli*. G28 POESIE. travers laquelle percent le doute et riucrediilite, comine rorgiieil de Diogene percait a travers les trous de son manteau. C'est surtout pour Laraartine qu'il existe un prejuge qui le fait considerer comme un poete chretien , je dirais presque comma un poete sacre, et qui caclie ainsi a la foule seduite le veritable caractere de son ceuvre. L'affinite qu'il a avec Byroa disparait devant ce mensonge du christianisme ; car qu'est-ce qu'un chris- tianisme tellement affaibli ou transfigure qu'il ressenible a un pantheisme encore obscur, sans lien avec I'humanite, sans ap- plication sociale. Vous appelez Lamartine chretien , et moi je Tappelle scepti- que ; il n'a du chretien que la crainte devant Dieu. Pantheiste , de sentiment plutot que d'intelligence, 11 voit tons les etres s'ab- sorber dans I'Etre des etres ; et ne comprenant rien a i'humanite, n'ayant pas la revelation du plan providentiel qui la guide, tous les travaux deshommeslui paraissent aussi futiles que I'ouvrage des fourmis qui soulevent d6s grains de sable. Ce n'est plus ni la terre ni le ciel des chretiens , unis entre eux par une chaine a la foishumaine et divine, visible et invisible : esperance, foi, cha- rite, terre et ciel, tout a disparu devant la solitaire contempla- tion de ce vaste ocean de 1 etre ou tout va s'engloutir. Et cette pensee de I'intini fait flechir ses genoux ; et il cherche a prier, et sa priere I'inonde de pleurs : H^las ! pourqnoi si hatit mes yeiix ont-ils monlcS ? • Et il adore Dieu dans un tremblement coiuinuel ; et il ne sait que repeter sans cesse que tout est vanile et que toute pensee est une erreur. Vous I'appelez chretien parce qu'il a pris a la Bible quelques fleurs , au christianisme quelques formes, comme il a pris "a Horace ses continuelles images de I'incertitude de la vie. Mais son idee fixe est la terreur. L'univers pese sur son coeur ct I'accable. Tous ses chants sont plaintifs, comme les murmures de la colonil)e sous la serre de Taigle. DE L\ POESTE DE NOTRE EPOQUE. 629 On peat etre sceptique lout en s'occnpant beauconp de la grandeur divine; on pent vivre dans le doute et I'incertitude avec un sentiment religieux tres-aclif et tres-profond. Quelques progres qu'ait faits riiumanite, le mystere I'enve- loppe toujours ; quelque grande que soit la carriere que nous poii- vons lui niesurer, il y a toujours Tinfini en avant et en arriere ; quelque travail que nous puissions assigner a son activite dans une periode donnee, il reste toujours le debut et le but final, le commencement et la fin en Dieu, lepourcfuoiea Dieu. L'homme, pour etre vraiment religieux, doit avoir a la fois le sentiment de sa faiblesse et de sa force, le sentiment de I'infini et du fini , de Dieu et de I'humanite. Or c'est la precisement ce que donnent les religions : elles jetent le pout entre nous et les autres hommes, entre I'liumanite et Dieu. Mais quand les religions meurent, les hommes les plus religieux, loin d'etre consoles dans le sentiment de I'infini, sont ecrases par lui. C'est en ce sens que Lamartine est un grand poete religieux , quoique devore de doute et d'incredulite. Mais sa religion, loin de soutenir et d'il- luminer ses lecteurs, ne fait que les abattre, les troubler, les prosterner , surtout quand leur esprit a de la vigueur et de la portee ; et le cliristianisme dont il la decore n'est qu'un cbristia- nisme de convention , comme on pent en faire encore quand tons les dogmes chreliens sout depasses par la science huraaine, quand toutes les institutions chretiennes sont ecroidees. Est-ce a dire que le poete soit trompeur pour voiler ainsi sa pensee? Assurement nou. Mais son idee religieuse avail besoin de revetir une forme, et, dans son abandon, son isolement, sa nudite, elle a pris le dernier vetement use et perce de trous quelle avail sous la main. Les grands hommes qui se succedent d'une generation a la suivante ne se repetent jamais ; mais lorsqu'ils semblent faire une ceuvre opposee, souvent ils se contiuuent. C'est peut-etre parce que la France avail produit la philosophic du dix-huitieme siecle et la revolution qui est cette philosophic en action , que les deux TOME MI. nECEMCr.E I 8.T J . A\ 63o POESIE. poetes qui out le plus diiecteiiientexprime I'etat d'anarchic et de desolation oii cette philosophic ploiige, sans cepeudantliii rorapre sa visiere, sans la nier ni la combattre, sont un Anglais et un Al- lemand ; tandis que la France a prodult , depiilstrente ans, une nombreuse conronne de penseurs et de poetes qui se sont raltaches au christianlsme. Ne croyez pas cependant que le mouvement et I'inspiration du dix-buitieme siecle ne soient pas profondement entres dans lenr sein. C'est au contraire parco qu'ils sentalent pro- fondement la mine du monde social et religieux du moyen age, et parce que d'un autre cote ils ne pouvaient concevoir comment il nnitrait de cette ruine un monde nonveau h la fois social et religieux , qu'ils sont revenus versle chrislianisme. Supposez un poete frappe de cetle grande mine du monde so- cial, connne Boulanger suppose qiie les generations postdilii- viennes furent frappees, apres le cataclysrae da monde physique, d'un effroi qui , suivant lui, a donne naissance a loutes les reli- gions. II se rejeltera plein de tristosse et d'aniertume dans la na- ture •, et c'est en effet la niarche que notre lilterature a suivie : ainsi avons-nous vu faire et "a Jean-Jacques Rousseau, qui donna le signal de cette ret raite dans lanalure au milieu meme du dix-huitieine siecle, et a Bernardin de Saint-Pierre , et a M. de Chateaubriand ; et c'est alors , c'est dans la solitude, au sein de la nature, que la poesie apris ces grands ecrivainset les a emportes sur scs ailes. Votik done ce poete tombe dans la contemplation de Finfini , de I'harmonie universelle, et necomprcnant pas I'anar- chie deThnmanite. II estbientot altaque de la maladie de Wer- ther, de Rene, d'Obermann. A-t-il de la force, il resiste a celte effroyable teinpete de scepticisme absolu ; mais il n'y resiste qu'en sortant religieux de lalutte. Son esprit a plonge dans rinfiniment grand et dans rinfiniment petit, et partout il a rencontre Dieu. Or tout homme qui conimcnce k sentir Dieu eprouvele besoin de se rapprocher de ceux qui Tout senti avant lin'. Le tems vient on nous embrasserons , oil nous relierons toules les conceptions re- ligieuses , et oii , de toutes les traditions , nous formerons la tra- t)E LA POESIE DE NOTRE EPOQUE. 63 1 dition universelle, la graiule Bible de l^humanite. Mais cette ceiivre , qui se commence maintenaiit , n'etait pas meme soup ■ coniiee tlu plus grand nombre des espri[ssupeiieurs il y a dix ans. 11 devait done arriver que les ames les plus frappees de la tristesse de cette humanite livree au hasard , et de cette incertitude de Tesprit humain en presence d'lnie science en apparence purenient critique et negative, rechercliassent les solutions chretiennes , et se rapprochasscnt des liommes qui souffrirent les meraes luaux de Tame dans une epoque analogue de riiumanile. Y a-t-il rieu en effet qui ressemble plus a ce que nous souffrojis que ce qu'ont souffert autrefois les Basile , les Jerome et les Augus- lin? Et remarquez qu'il y avait eu avant ces Peres de I'Eglise et qu'il y avait en meme terns qu'eux des araes genereuses qui souffraient comme eux dn meme mal, mais qui n'ayant pu apercevoir I'etoile nouvelle mais encore petite et obscure, de I'avenir, cherciiaient leur lumiere dans le passe eteint, et se re- fngiaient dans le stoicisms, dans les souvenirs de la republique, ou dans les mysteres. C'est ainsi que sous I'impulsion meme de la philosopliie du dix-huitieme siecle, mais en reaction appa- rente contre elle , des ames malades de philosopliie sont revenues au christianisme. En I'absence des elemens, decomposes a jamais, de I'organisation theologique-feodale, ils out reve possible la restauration de la monarchic et du papisme ; en presence de la science moderne, ils ont reve la restauration d'une foi foudee sur la science du passe. Ainsi s'explique la tendance retrograde de beaucoup de grands esprits de notre terns , tels que De Maistre, La Mennais, Chateaubriand, Ballanche, Lamartine, Victor Hugo. Quand le poete s'est une fois rapproche du christianisme par le sentiment religieux , il lui est assez naturel de se croire Chre- tien , et il se fait un point d'honneur et unegloire de le paraitre. On s'humilie par grandeur meme d' esprit, autant que par lassi- tude de chercher et d'attendre. On dit a la science et a la philoso- phic quelles sont menteuses, parcequ'eu effet, en cejour, a cette 41. 632 POESIE. heure , ellos ne soiU pas encore arrivces au point ou, reliantlciii-s ranieaiix epais, ct vivifices par line charite nouvelle, dies dcvien- dront line religion , coninie autrefois elles devinrent le christia- nisme. On repousse de son esprit tons les grands progres fails depuis les Peres de I'Eglisc ; ou voudrait presque s'en tenir h leur physique, a leur astronomie. On adopte ou on allegorise les tra- ditions qu'ils ont adoptees. On voudrait a toute force voirlc deve- loppement de Thuuianite, couime Bossuet, dans I'histoire hebrai- que. Mais le doiite sur tons points reste au fond du coeur. De la ce christianisme de decadence ou de renaissance, comme on vou- dra Tappeler, qui court dans tanl de livres de notre terns. On voudi'ait faire tenir le monde agrandi des niodernes dans I'etroit horizon d'une religion faite il y a deux mille ans , ou bien on agrandit le cadre dc cette religion ponr que tout puisse y entrer. On parle du Seigneur, comme si Ton conservait la tradition du Dieu (|ui apparaissait dans un bnisson ardent, et c'cst dn Dieu de Galilee ct d'llerschell que Ton veut parJer. On a I'air de re- porter conlinnellement sa pensee sur le Sinai , les rives du Jonr- dain et Jerusalem ; mais le Sinai, le Jourdain et Sionne sontque des echos sonores pour donner a la parole du poete un accent de foi religiense. On se fait un paradis mystique et tout spiritua- liste, bien different duparadii chretien, du paradis sii?' la terre, on les corps devaient renaitre qnandleregnedeDieu seraitvenu. Quant aux anges, on en parle a tout propos sans y croire ; cha ■ cun en cree avec sa fantaisie ; quelques-uns meme decrivent lenrs amours , et Icurcomposent un laugage de tontcs les coqnet- teriesdu boudoir. Enfinon se fait luie religion vaporense, qui ne ressemble pas plus au christiauisme quand il vivait, que les muses et les nymplies de la poesie raythologique de Boileau et de ' Voltaire ne ressemblaient au paganisme. Aussi , pour apprecier les poetes Chretiens de notre tems, les pins serieusement reli- gieux comme les plus legers , M. de Lamarline connne Thomas Moore, il fan t bien distinguer leur veritable inspiration , leur pensee lyrique, lenrs tristesses ou lenrs joies, soiisces voiles chre- DE L\ POESIE DE NOTRE EPOQUE. G33 liens dont se pare leur nuise. 11 en est pour qui la chose est se- rieiise, pour qui c'est le lourmeut do. leur ame cle ne pas trou- ver appui et consolation dans ces debris fantastiques da passe ; pour les autres, c'est purement affaire d'art : la niythologie pa'i'enne etait usee, Ronsard et Boileau I'avaient a deux fois inu- tilement rcstauree ; que restait-il a faire? "a tenter lanouveautedu christianisuie. Pour tons, c'est bien plutot la maliere de Fart que I'art lui-meme; ce nest pas leur vie franchement devote qui s'exprime , c'est leur vie douteuse , incredule, affligee , qui cherche confort , et qui trouve cet aliment. Qu'on voie dans cette poesie cliretienne le bruit qui acconi- pagne la chute de tout ce qui s'ecroule , le dernier soupir d'un mourantjles vives chu'tes que jelte une luniiere qui s'eteint, on, si Ton vent, le dernier chant du cygue , je le concois : mais y voir la vie, c'est-'a-dire h la fois la vie du christianisiue et la vie du poete, une foi veritable, une communion de I'un avecl'autre, corarae le dons repos de I'enfant dans les bras etsous les baisers de sa mere, on comiue la conversation d'un ami avec son ami , voila ce que je ne puis admetlrc. Je ne puis voir dans tons ces chants chretiens qu'un deuil, une pompe fnneraire et la plainte derniere sur un mort. Quand les sauvages pleurent un chef, les femmes chantent les louanges du morl, elles disent ses vertus et scs combats, et par momens, en presence du cadavre, elles revenl le heros marchant encore dans sa force et dans sa beaute : ainsi font nos poetes avec leur fiction de christiauisrae ; ils commencent par la plainte, la desolation, puis leur vient le regret de la derniere religion connue d'eux , el ils finissent quel- quefois, en s'exaltant, par s'imaginer quelle vit encore. Que si iinfantome d'elle alors leur apparait et pose devant eux, si une image du passe, se derobant a la tombe, semble se relever et marcher, est-il etonnant que ces araes poetiqnes prennent leur reve pour une realite? Or c'est la precisement ce qui est arrive a nos poetes chretiens. La Restaiiration a ete le fantome qui les a inspires et qui les a fail croire , et eux , de leur cote , avec leur 634 POESIE. voix puissante et leur don createur, ont communique a ce fiiii- tome une sorte de vie galvanique, une vie qui n'etaitpas en liii, mais que son aspect seul a suffi pour eveiller dans le seiu des poetes, et qui lui est revenue par eux. Chez des politiques ou des theologiens coramc De Maistre et M. La Mennais , cette empreinte de christiaiiisrae , une fois prise , est tenace, et s'attachera a toute lenr existence. Ce sont avant tout des penseurs; ils n'ont pu se decider et se former que par de longnes considerations, de profondes etudes de faits et de raisonnemens ; changer, c'est une vie a refaire : aussileur croyance survivra-t-ellememe a la chute definitive du fantome quiles avait illusiones. D'aiileurs les graudes metamorphoses de Thumaniie ne se font pas si vite qu'il ne reste long-tems des masses d'hom- mes et des peuples entiers aux defenseurs des religions declines : si la France leur echappe, il leur reste I'Espagne, la Belgique, rirlande : ainsi quand les villes echappaient aux dieiix du paga- nisme, leshabitansdesbourgsdevinrentlcs paiens. Quant a ceux qui tiennent a la fois du penseur et du poete , comme M. Cha- teaubriand et M. Ballanche, leur reve de restauration du chris- lianisme ira s'affaiblissant ou se transfigurant : I'un laissera la religion pour la politique, et cherchera dans Tactivite de chaque moment une continueile distraction coutre sa propre incredidite; I'autre conservei'a obstinement le nom de christianisme a toule la serie des initiations de Thumanite. Mais les poetes purs sont plus changeans ou plus naifs : comme ils avaient delaisse et les argumens theologiques et les grands ensembles d'idees, comme ils n'avaient pris de la religion dechue que des inspirations et des images, surlout comme ils sont honnnes de sentiment et dc vie lyrique, quand leur vie change, quand le doute les i"e- prend, quand leur trislesse d'ame se prolonge malgre tous les rcmedes dont ils avaient vante I'efficacite, ils le disent ou le font entendre k tout le monde ; et ils ne pourraient faire autrement, ou ils seraicnt obliges de se laire; car Tart c'cst la vie du poetc qui s'exprime telle quelle est au moment ou i! chaule. DE LA POESIE DE NOTRE EPOQUE. 635 II est aise de remarquer en effet que le doute el I'incertitiitle sont devenus de plus eu plus visibles chez Lamaitiiie a niesare que les annees s'ecoulaient. Ses premieres Meditations sont de tous ses ouvrages celui oil les cioyances cliretienues se font le plus sentir. On dirait alors que le poete habite encore les fron- tieres de ce moade a la fois social et religieux de Nicole et de Pascal , de Bossuel et de Feiielou, dont un siecle de philosophic et de revolution nous separe desonnais pour toujours. Cette reniarque s'applique egalement k Tautre grand poete dont la France est here. On I'a deja dit avant nous, il y a bien plus de calme religieux , de croyance arretee dans les odes de la pre- miere jeunesse de Victor Hugo, que dans ces Feuilles d'automne , on sa reverie, sipuissante et si triste, creuse si profondement. G'est d'abord que leur pensee est devenue plus forte avec I'age; c'est ensuite que tout a chaftcele autour d'euK; c'estqn'ils out vu cette "societe qu'ils croyaient rentree dans la voie de la tradition s'en ecarter de nouveau ; c'est que cette tentative si bien nominee restauratioii , qui pretendait rendre a la France son ancien ordre social et religieux, a decu toutes leurs espe- rances, partages qu'ils etaient entre les sentimensdegloire et de liberie de notre age, el cette gloire du passe qui avail bien de quoi les seduire. Eux el M. de Chateaubriand, trois poetes, out ete non- seulemenl les chantres, les bardes inspires , mais aussi les hommes d'action et de courage de cette resurrection du passe qu'ils au- raient voulu graude, glorieuse et populaire. M. de Chateaubriand s'est charge de la restauration de loutc maniere, comme religion et comme societe; il Fa p'recedee, introduile dans le monde, exaltee tour "a lour et abaissec : il I'a corrigee comme une mere corrige son enfant, abandonnee comme on abandoniie un fds ingrat; et I'enfanl s'etanl tue a force de folies, il en porte encore le deuil. Lamartine fut plus specialemenl le poete religieux de la res- tauration , c'est-h-dire qu'il essaya de refaire le ciel religieux du 636 POESIE. passe. Victor Hugo fit priucipaleraent la tene de ce ciel; et comme la monarchie qu'il avait sous les yeux ne repondait pas a la grandeur de son genie, ni a son anie forte et independante, il remonta plus haul dans les siecles, et sa lyre se passionnapour ce inoyen age dont elle voyait le reflet dans notre terns : c'elait naivement qu'elle se passionnait ainsi ; raais on aurait dit que c'etait pour dorer ce reflet, ces derniers rayons presque eteinis, que sa poesie essayait de rallumer le soleil du moyen age. A la suite de ces deux grands maitres, \me foule de disciples et d'imitatenrs se lancerent dans la voie qu'ils ouvraient. De la toute cette poesie de la restauration , dont le caractere general est un retour vers le passe, une exploration du passe, un entliou- siasnie vrai ou faux pour le passe, sans elan , sans impulsion en avant : comme si, apres la philosophic novatrice et enthou- siaste du dix-huitierae siecle, une reaction d'immobilite et de retrogradaliou fut necessaire, afin que I'esprit humain, apres avoir reconquis son passe, revu son heritage et sa vie anterieure, put, riche d'experience et de savoir, se lancer de nouveau, avec plus d'assurance etd'espoir, dans la voie de I'avenir. Semblables done a ces doctrinaires qui prirent la restauration pour lesbonies du monde, et qui arrangerent la philosophic expres pour elle, les poetes semblerent pendant long-tems faire de la poesie, non pourle peuple, non pour Thumanite, maispour la restauration. Oui , Lamartine et Hugo furent. aussi , eux , les soutiens de la restauration ; et ils n'ont pas h en rougir. lis en furent les soutiens comme des artistes , amans de la gloire et du beau , et par ce cote- la airaant dejh le peuple; reliant d'ailleurs, dans leurs idecs reli- gieuses, le pouvoir temporel a la boute celeste, soumettant le devoir et la grandeur des rois ala charile du christianisme. C'etait un reve, un ideal qu'ils poursuivaient, ne voyant pas, dansleur exaltation de poetes , combien les tems etaient changes et com- bien ce reve etait absurdc. Mais h mesure que les annees s'ecoulaient, le reve s'evanouis- sait. L'un s'eleva de plus en plus vers ks pensces iiifinics, a une DE LA POESIK PE NOTRE EPOQUE. 687 hauteur qui ne lui pcrinettait plus d'apercevoir la terre. L'autre fit comme Goethe avail fait apres Werther et Faust: il prit I'art au point de vue absolu. Plus jeune, d'ailleurs, eleve au bruit des batailles, adaiirateur de Napoleon, aniant de la liherte, il sentit un nouveau culte s'elever dans son coeur; et, dans son indepen- dance, il porta de rudes coups a ce fantome du passe qu'il avait d'abord encense (1 ). Et quand le fantome a disparu, ils n'ont fait, ni I'lm ni l'autre, conirae ceux dont nous parlions tout-h- I'heure , ils ne se sont pas attaches a un autre fantome, essayant de donjier a celui-ci la ressemblance du premier, lis sont restes avec le doute, qui n'avait jamais entierement abandonne leur cceur. C'est ainsi que Thuroanite de notre tems ayant depouille defi- nitivement la pensee sociale et religieuse du moyen age , eux qui ont voulu vivre de cette pensee et en faire Tame de leur poesie , n'ont pu y reussir, malgre I'illuslon de la restauration , qui les a seduits comme un mirage trompe les matelots "a la mer. lis n'ont pu trouver un sol ou leur chiistianisrae prit racine , et d'ou il tirat des sues assez nourriciers pour couvrir ensuite la terre de son ombrage. II n'y avait point de ruche ou I'abeille i\t son miel ; point de rocher solide oil I'aigle deposatson nid : I'abeille a ele entrainee par les torrens de I'air , tenant dans ses pattes le sue odorant des fleurs, qui ne s'est pas trausforme en miel ; I'aigle a vecu solitaire, contemplant le soleil, sans compagne et sans nid. Que leur pensee religieuse puisse subir une metamorphose et revetir une uouvelle forme, c'est ce que nous croyons; et nous dirons dans un autre article siir quels signes, faibles encoie, nous nous fondons pour le croire. Mais c'est de leur oeuvrepassec que nous nous occnpons aujourd'hui ; c'est elle que nous vou- lons caracteriser. (1) II est bien dvidenl que cc mot s'applttjue au syslcmc dc la restauration , en general , et non pas aux homines. Jamais poclc 11c sc 111011 Ira plus iiidepcndaiU dc tout pouvoir que Victor Ilr.go. 638 POEsiE. Laissez done de cote, pour uu moment, toute cette couleiir de cliiistiauisme qui est comme le fard dont uue femme malade voilerait sa paleur; entrez dans le fond de leur pensee , et voyez ce qu'ils sont. L'uu ne sait chanter que la vie diffuse dans Tespace et le tems, coulant dc forme en forme dans le vaste ocean de I'etre. Toujours abime dans la contemplation de la force divine, les etres finis ne lui apparaissent que sous dcs traits pen arretes , connue des oiidulationsde la vie generale. Ou il ne voit danstoutes ces for- mes que des cliaines qui emprisonnent la vie, en empechant cliaque partie de se reunir a I'etre universel; ou bien, qiiaiid son coeur d'liomme recommence a battre, quand la vie s'indivi- dualise uu instant pour hii , il les contemple avec effroi , comme des enveloppes trop faibles pour preserver la vie qu'ellc reufermen t contra rocean de vie qui les bat et qui va les briser, connne des digues impuissantes que le flot univcrsel du tems et de I'espace emporte. Voila les deux seuls mouvemens de sa poesie : sembla- ble a la mer qui monte ct redescend , qui apporte un instant quelques corps sur le rivage, et bientot les replonge dans I'obscu- rite de son sein. L'autre, aucontraire, saisit la vie dans tons les moules qu'elle revel ; il se place dans un point de Tespace et da tems, et s'y enracine profoudement; il separe, il anime chaque objetqu'il lou- che ; il en projette au loin les reflets et les ombres ; il en decrit tons les rapports, toutes les harmonies et tons les contrasies. Sa poesie est comme I'univers, dont Pascal a dit, centre partout, circon- ference nulle part ; la vie, qui pour Lamartiue est un tout , luie unite , un ocean , parait dans Victor Hugo comme la lumierc qui inonde tons les corps, mais qui, tout en les eclairant, en les baignaut de ses flots , disparait elle-meme devant eux , et ne se manifeste qu'en dessinaut leurs contours cten peignant leurs couleurs. Lui aussi , quand il le vent, il pent, comme Lamartiue, bri- ser tons les moules el generaliser la vie ^ en vingt vers il print DE LA POESIE DE NOTRE EPOQUE. 689 I'extase devant la vie luiiverselle : mais le sentiment des etics finis ne I'abandonne jamais , meme quand il a le sentiment lo plus profond de I'infuii. D'ailleurs il se livie rareraent h cettc contemplation ; son genie le porte a individualiser la vie , c'est- a-diie a peiudre toutes les formes de ce qu'on appelle la matierc et de ce qu'on appelle Tesprit; a peindre des portraits, des ca- racteres et des passions. En d'autres teiines , I'un n'est que lyrique , et encore n'est ly- riqueque d'uneseule maniere ; I'autre est a la fois lyrique et dia- matique. Par une consequence necessaire , la poesie de Tun se rappro- che plus de la musique-, celle de I'autre, de la sculpture et dc I'architecture : ce qui ne veut pas dire que I'un spiritualise la matiere, et que I'autre materialise 1' esprit. Cette distinction , qu'une critique superficielle a faite quelquefois entre eux, n'a aucun fondement. La poesie de Victor Hugo n'est pas plnsnia- terialiste ou materielle que celle de Lamartine. Je le repete, I'un generalise la vie, et I'autre rindividualise : voilh leur vraie et fondamentale distinction. Et quant au precede artistiqiie, il est le meme pour tons deux , eu ce sens que le symbole et le rhythmc etant les formes essentielles et uniques de I'art , ces deux grands poetes ne different que dans I'emploi qu'ils en font. II est evident, en effet, que celui qui contemple toujours la vie universelle symbolisera scs idees et les rhylhmera tout autre- ment que celui qui contemple la vie dansses formes particulieres. L'un recherchera dans I'univers tout ce qui , pour ainsi dire , n'a pasde parties, c'est-h-dire les fluides impalpables ou tangibles dans lesquels les parlies tendent sans cesse ase rejoindre et a se reunir en itn tout : I'air, les eaux , les sons, lesnuages. Et par une con- sequence egalement necessaire, son rhythme seraabondant, doux ctfluide, mais souvent sans relief, trainant et vaporeux, comme los objets qui lui fournissent ses images. L'autre prendra surtout ses symbolcs dans I'univers visible, (j'est de I'ccil qu'il lui faut. Les elres que nous appelons vivans ot 64o POESIE. ceux que nous regardons coraine iuanimes, Ics edifices uaturels que la terre presente h nos regards, et les edifices que riiomnae y a ajoutes, seront les miroirs ou il lira et fera lire sa pensee. Sa vue percante saisit les lignes des niontagnes ct riiariuouie coni- pliquee d'une catliedrale du moyeu age. 11 regarde la Corse et Sainte-Helene, et v lit la destiueede Napoleon; il voitcette des- tinee dans la bombe qui , partie de la terre , y revientapres avoir louche le ciel ; il la voit dans le Vesuve, que I'ocil decouvre tou- jours au milieu de tons les sites et de toutes les merveilles de ritalie ; etil rendra iin culte d'artiste aux pyramides et a la co- lonne, ou Napoleon lui-nieme, ce grand artiste, a impriuie son sceau. Et uou-seulement son style peindra toujours , luais son rhythme menie peindra, parce qu'il sera toujours I'enveloppe de sou idee ou de son image, pareil a I'argile qui dans les mains du raoulenr prend toutes les formes. Aussi rejettera-t-il avec de- dain la melopee insignifiante, et son rhythme sera piein de relief et d'eclat, mais brisant la lumiere quand il le faudra, d'une science et d'mie perfection que le vulgaire ne comprendra pas. Voila , nous le repetons, le rapport fondamental et la dis- tinction egalement fondamentale de Victor Hugo et de La- raartine. La nieme inspiration pantheistique, le sentiment le plus exalte et le plus profond de la vie universelle, la foi que dans le monde tout est lie, tout est inii, accorde, (pi'un anneau qui s'ebranle ebranle la chaine, qu uue corde qui vibre fait vibrer toutes les cordes de cette harpe infinie qui est Dieu ; voila la grande pensee lyrique dans laquelle lis sontunis, et j'ose dire que c'est la toute leur religion ; voilk aussi la partie vivante de leur ceuvrc; voilh ce qu'on decouvre toujours sous I'enveloppe de leur poesie ; voila le fond do leur amc sous toutes les formes transltoires qu'ils ont pu ou qu'ils pourront revetir. Et remarquez que ces deux grands poetes , mis en parallele sous le rapport de Icurs resscmblances comme sous celui de leurs contrastes, s'harmonisent adrairablement, et forment entre eux un parfait accord: car ils ont tons deux, au plus haut degre, DE L\ POESIE DE NOTRE EPOQUE. 64 1 le nieme sentiment N'est-ce pas une boinie I'ortune que ce trail d'histoire? Ah ! si 652 POESIE. Beranger n'avait raieux h laire, eu sa douce et leveuse paresse, quel sujet de chanson cet article lui fournirait ! Jamais requisi- toire n'offnt plus riche matiere a la plaisanterie. Marchangy , Jacquinot, tons ceux que le poele marquait an front de son rire , nioins recules que I'Anglais, coniprenaient mieux que lui le chansonnier. Ce qui par-dessus tout etonne le redacteur de la Quarterly, c'est que celui dont les chansons ont ete louees, appelees odes sublimes par lui vicomte, ce Beranger qui traite sur un pied d'egalite avec les Pairs de France , et que les muses et les na- tions ont adopte , soit petit - fils d'un tailleur I Je ne m'e- tonnerais point, moi, que le critique anglais fiit le fils d'un ai- gle. Cependant , le redacteur est compatriole de Burns , dont les chants purs aussi , harraonieux, eleves, pleins aussi de I'amour de la nature, tout brulans de patriotisrae, furent modules en tra- cant des sillons. Le poete , laboureur comme son pcre, puis garcon de ferrae, mouilit douanier. Le grand Shakespeare etait fils d'un boucher : esperons que I'historiographe du roi d'Yvetot leur a decouvert une genealogie. Tant de parvenus ! cela deshono- rerajt le Parnasse. Qui croirait, h moins de le lire et de le velire, qu'apres la chanson, (c Je suis vilain et tres-vilainp) on puisse faire un crime a Beranger de sou lie aristocratique ! Ici I'erudit developpe une rare finesse, et un talent d'investigation tres-remarquable. Avant juillet, le chan- sonnier s'appelait de Beranger; depuis, il ne se nomme plus que Beranger ! II prend le caractere de poete radical , voila pourquoi il repudie le de. Et, la dessus, la Quarterly jure ses grands dieux, avec une rare innocence, qu'ellc nc priserait ni plus ui moins les vers de Beranger ( ce quelle eiuet comine grande preuve d'impartialite), qu'il cut ou non droit a la particule. «Mais ( encore une fois je cite) nous confessons (c'est Ic criti- que anglais quiparle) que nous n'admirons pas beaucoup, soit la vanite aristocratique qui, pendant quarautc ans, osa s'attribuer un nnin niiriucl clle n'avait pas droit , soit la deniocrati(jue pi u ■ BERANGER ET LA QUARTERLY REVIEW. 653 dencequi, dans ces derniers quatorze mois , a abandonne cette designation , en supposant quelle fut legalement portee. Voilh ce qui excite dans uotre ame une impression pen favorable a la can- deur on an courage du poete liberal. Si son nom n'etait pas de Be'ranger, il n'aurait jamais du s'en targuer; s'il I'etait, il n'au- rait jamais du I'abandonner ! » Le dilemme est effrayant. Eh, pauvre homniel ne sais-tu pas que le peuple a des diminutifs pour les objets de son admiration et de son amour? II les rappro- che de lui , car il est lendre et passionne. II ne connait pas de litres, point de Lord, de Monsieur, avec ceux qu'il aime ; et Beranger, devenu son Be'ranger, a petit a petit accepte cette no- blesse que coiiferent les masses , et qui laisse bien loin en arriere celle que donnent les rois et les arbres genealogiques. Du reste , la Quarterly connait a pen pres aussi bien I'esprit de la France que celui de Beranger. Si on Ten croit , ainsi que M. Bermont de Vacheres, son autorite en cette importante matiere, nous te- nons prodigieusement aux titres et a la particule aristocralique. Renvoyons , pour plus ample informe, la Revue anglaise et M. Bermont de Vacheres a la Chambre de \ 851 , seance du 7 decembre. II est a la longue fatigant de relever ces inepties, surtout qiiand on songe a la Ijelle carriere que I'Anglais avail a parcourir , a la riche moisson qu'il avait h faire ! C'etait la vie de Beranger, son caraclere , ses opinions, sa religion, sa morale, le poete tout entier, raconte, explique parses chants. Roger-Bontems, leTail- IcnretlaFce, ma Vocation, les vers "a M.Laisne, leGrenier, etc., on avait Tasa biographic complete. «La Muse en fuite,Solcil si doux an declin de Tautomne, » toutes les premieres chansons de son troi- sieme volume donnaient son proces,sa prison. Que de vers char- mans pour peindre son insouciante independance, sa noble et fiere pauvretd, ses amours gracieux, quelqiie pen legcrs ; mais c'est a Lisette a s'en plaindre ! L'etroit puritain qui s'attaqne a sa morale ne I'a nuUement comprise. Beranger a rempli la haute mission de la poesie, qui est d'appeler a line Fympathie uni- 654 POESIE. verselle. Ses regards decouvrent le beau en chaque chose; il voit Tor dans la mine, la perle au fond des mers, le diaraant sous la fange : il sail ce qu'il y a parfois de tendresse et de de- voueiuent dans I'ame de la grisette, de philosophic et de franche independance dans celle du Bohemien , de courage dans le coeur du contrehandier, lien des peuples. Ce n'est que contre les enneinis de la patrie et de la civilisation qii'il irouve une verve amere; et la Quarterly a raison une fois, dans son longet lourd article, en disaut que le caractere des poesies de Berangei" est indique dans ce vers : « D'uii Iiith joyeiix il aUendrit Ics sens. » Le journal de I'aristocratie n'a pas vu ou voulu voir non plus cclte poesie nouvelle, toute de I'epoque, que Beranger a creee. En celebrant la gaudriole, il lui a enleve son trone; la chanson a frissonne sous de patriotiques et sul)limes emotions; le drame, Tode ont ete concentres dans ce cadre etroit. Le chansonnier fait des poemes, des satires, et ses poesies sont enivrantes, parce qu'elles sont I'extrait, I'esseuce de tout. Si quelquefois sa muse s'est egaree, ignorons-le : n'est-elle pas presque toujours comme ces statues antiques, qui sont si belles qu'il faut etre per- vers pour songer qu'elles sont nues. Bien que celui qui s'est charge d'introduire les chansons de Beranger de I'autre cole du canal fut pen digue de cette mission, encore je lui rends grace. II a gagne des amis k notre poete; il a elargi nos sympathies, car il a cite; il n'a pas parfaitement choisi , n'iraporte, au hasard il a cite; et nos voisins enten- dront dans Beranger la voix sonore du peuple, naissant "a la vie sociale , corame nous avons entendu les derniers accens de I'aristocratie, resignant sa place, dans les chants admirables de Byron . Ad— E. M. VARIETES. MEMOIRES D'UN PREDICATEUR SAINT-SIMONIEN. PREFACE. Ce matin , j'ai range soigneusement mabibliotheque , j'al rein d'anciennes lettres et remne long-tems quelques joyaux an fond d'un coffret noir que nia mere m'a donne. H y a plus d'un an qu'il ne m'etait arrive de m'enfermer aiusi pour faire lentement uu delicieux inventaire de mes souvenirs. Mon Dieu ! que s'est-il done passe en moi depuis un an ? quelle elrange influence bonne ou mauvaise m'a rendu tant de jours infidele h toutes ces choses qui m'enlourent et que j'ainie. J'avais oublie jusqu'k mes vieilles estampes , dontles mille figures mouvantes m'appellent avec des signes mysterieux , jusqu'ii ce joli buste d'enfant qui me sourittoujours "a mon reveil. Quand je regarde en arriere a travers mes douze derniers mois , il me semble vraiment que je parcours lui pays inconnu ou mes pensecs se perdent une "a une, vagues et indislinctes. A peine ma meraoire reluit c"a et Ih a de rares intervalles. Je suis comme au premier instant du retour d'un rapide voyage , alors qu'as- sailli par mille impressions confuses, on ne pent d'abord se sou- venir-que de quelques monumens eleves , de groupes bizarres de passans sur les routes , ou de perspectives fortement contras- tees dans la plaine. Qui voudra me croire si j'essaie de raconter des scenes de ma vie en 1851? Ne soupconnera-l-on pas que je m'eveille en sur- ()5G VARIETES. saut apres line de mes reveries ordinaires, ou que je vicns dc feriner uii volume de ces fantaisies qu'uu infortune couseillcr d'Alleniagne a mises a la mode. CHAPITRE PREMIEK. Uii Eiiseignenient saiiit-simonien. — 3fa Conversion. Je me rappelle parfaitemeut le moment ou je commencai a sortir « du monde reel, >> pour me servir de I'expression des Lommes positifs. II etait nuit ; seul dans ma chambre, depuis plus d'une heure j'entendais au-dessus^ de ma tete un murmure de paroles , un bruit turaultueux de pas. Je m'etais attriste a penser a la jnort recente du plus cher de mes amis d'enfance , au raariage prochain de la plus aimable des jeunes filles que je connaissais , a un maiivais drame refuse, a une plaidoirie d'assises, que sais- jc encore? Distrait, je m'habillai "alabate, et montant Tescalier, j'entrai en meme terns que plusieurs personnes dans une grande salle consacree a des assemblees publiqnes. II y avait une reu- nion nora])reuse. L'atmosphere etait etouffante. Assis devant une table au milieu d'un rang de jeunes gens, deux hommes demoyen age attiraient tous les regards. Leur attitude et leur physionomie revelaient line grande puissance de volonte , de meme que leur stature temoignait d'une force physique remarquable. L'un d'eux parlait : les mots s'echappaient lentement de ses levres ; il tour- nait entre ses doigts une tabatiere d'un bois comraun; et sa tete presque constarament immobile se rejetait seulement de tems a autre en arriere par secousses iraperceptibles : il ne levait les yeux que lorsqu'il voulait faire sentir quelqu'une de ses expressions plus vivement que les aiitres. — Comment nommez-vous celui qui parle? mc basardai-je a domander tout bas a. mon voisin. — Bazard , mc repoudit-on. — Et celui-lh? ajontai-je, en indiquant lo second personuage iMKMOiRES d\in saint-sii\ioni^:n. 6r>7 cjui, d'uii air singiilier de niajesie, pronieiiait des regards cares- sans sur I'auditoire. — Enfantin. Ces noins m'etaient entieremciU iiiconnus. Je regardai autnur de moi et je reconnus les traits d'un ancieii carbonaro, de qucl- ques ecrivains d'line conviction politique incertaine, et an fond deTenibrasure d'une fenetre, d'unpetltabbemoliniste. Dumoins, liialgre les mouvemens de trouble et de surprise que j'eprouvai plusieursfoispendantle coursdela soiree , je ne crois pas avoir ete trompepardefaussesresserablances. Je me disposal ensuilekecou- ter attentivement , m'efforcant de deviner dans quelle sorte d'as- semblee leliasardm'avait conduit. Etait-ce unclub, une congre- gation ou un coinite pliilantropique ? Rien ne pouvait encore me I'indiquer : I'orateur traitait tour "a tour les questions les plus ge- nerales de la religion , de la politique et de la philosophie , de I'industrie , de la science et des beaux-arts. Souvent le petit abbe souriait gravement en signe d' approba- tion, et alorsle carbonaro haussaitlesepaules. Ad'autres passages c'etait le contraire : quelquefois les assistans exprimaient tons un meme assentiment ou une meme reprobation. Mon etonnement et ma perplexite redoublaient a chaque phrase. Et cependant il ar- rivait que la plupart des liardis principes , en apparence contra- dictoires, qu'on exposait devant moi , me semblaient des souve- nirs de meditation que je n'avais jamais ose raconter a personne, ou des axioraes d'une si grande simplicite et d'une si complete evidence, que je me reprochais de ne pas les avoir moi-mcme decouverts. On leva la seance ; et sur-le-cbamp de toutes parts les voix , romparn le silence , se croisereiit dans de serieusescontroverses. Quelqnes vives interpellations me devoilerent alors en partie Ic but de ces reunions, que je n'ai compris entierement que beau- coiip plus tard. Mais, sentant ma tete lourde, je me levaict me frajai un passage pour sortir. Bientot une fatigue inou'fe me fcrma 658 VARIETES. les veux an milieu tie reblouissemeiit de iiiille pensees nouvelles qui me poursuivirent dans mou sommeil. Singulier reve ! m'ecriai-je le lendemain matin. Ilmefallut plusieurs minutes de reflexion pour dissiper cette erreur. II m'est impossible d'expliquer la nature deTattrait austere qui rae forca de suivre toutes les autres lecons de M. Bazard aver, une scrupuleuse exactitude ; cela devint insensiblement pour moi une habitude et un besoin. Ses enseignemens sur I'histoire humaine et sur I'avenir des societes m'etaient une sorte de grave consolation, qui croissait et s'etendait chaque jour dans le vide aride qu^avaient fait autour de moi un long desenchantement de toutes choses et une paresseuse raelancolie. Mes parens et raes amis ne tarderent pas "a remarquer les pre- miers effels de ma metamorphose; mais ils s'arretaient "a consi- derer men air plus libre et plus joyeux , ma paleur moins sombre , mes reponses plus vives et moins douloureuses. Lorsque dans uii instant d'exaltation je parlais avec chaleur du bonheur qu'on devait sentir a. se jeter dans la melee des opinions individuelles pour les rallier, a. sauver le devouement des etreintes epuisantes de regoi'sme, a dominer par un travail noble et digne une mes- quine profession, a elargir dans de grandes et genereuses affec- tions des passions etroites et languissantes de jeune horame, et a marcher toute sa vie vers un but cheri, glorieux , en epandant avec joie sur ses pas les tresors d'un coeur pur et plein d'ardeur ; autour de moi Ton souriait , et tandis que quelques personnes chercbaient "a me comprendre, les autres se disaient a demi-voix : — Madame, voyez done comme il s'anime. — Vraiment ilest beaucoup mieux. — II n' est plus triste comme autrefois. — Oh! il a bien change h son avantage. Je ne sais pas a quel evenement secret leur penetration attri- buait la revolution qui s'operaitdans toutmonetre; j'enignorais moi-meme la cause. Je m'etais abandonne sans projet a men admiration du bel avenir que je commencais "a entrevoir. IJn jour, dans luie discu.ssion, ini jeune depnte venant a con- MEMOIRES d'uN SAINT- SIMONIEN. 659 foadre avec le principe de I'abolition progressive des privileges de iiaissance Tutopie de la communaute des biens , involontai- rement je m'ecrlai : « Mais nous iie disoiis pas cela. » Au meme instant lefils d'lm general de la republique me prit la main et m'attira dans mie antre partie de la salle; nous eiimes ensemble luie loiigue conversation. Depuis ce moment, quand on m'in- terrogeait sur mes opinions philosophiques on politiques, je re- pondais : je suis saint-simonieii. CHAPITRE II. H'llel saint-siinonien, rue Monsigny ^ n" 6. — Je deuiens rc'dacteur dn Globe. — DU'ision de travuux. — Repas. — Soirees. « Je viens vons enlever, me dit un jour en entrant chez moi Gustaved'Eichthal ; jusqu'ici vous n'avez fait qu'approuver notre doctrine, il est tems d'agir : si vous croyez a la verite de nos ensei- gneraens, prouvez-le par des ocuvres. Laissez la vos occupations ordinaires qui vous glacent et emoussent toutes vos facultes. Avec votre foi , vous ne pouvez plus etre heureux desormais qu'avec ceux qui partagent toutes vos sympathies , et qui ont resolu de vouer leur vie entiere a. les repandre dans le monde. » Ces paroles etaient prononcees avec I'aiitorite que donne la conviction , par un jeune horame plus matliematicien que poete, et qui depuis a sacrifie loyalement une partie de sa fortune "a la propagation des idees saint-simonienues. En les entendant , je me sentais honteux de mon inutilite, et les doutes coufus qui m'agilaient malgre moi me repugnaient comme de laches con- seils d'egoi'sme. Je demandai un seul jc-ar pour reflechir. Le lendemain , emu et sans avoir pris aucune decision , j'allai a la rue Monsigny. On avait employe les premieres sorames d'argent qu'on avail pu reunir "a loner des apparteraens dans I'ancien hotel deGevres, {■)()0 VARIETKS. liont line panic est jetee comme uii poul sur lo passage Choiseiil. C'etait nil spectacle inoui de voir le moiivcmeiit silencieux rt la joie serieuse qui regnaient dans ces salles encore brillantes des restes d'une anciemie splendeur, mais alors a peine eclairees par qiielques pales bougies et depouillees de leurs riches tentures. Trenle ou qiiarante jeuaes gens, ingenieurs, raodecins, avocats, artistes, les traversaient en tons sens, se serrant les mains, et s'embrassant avec un veritable attendrissement. Les uns avaicnt fait transporter leurs livres , les autres leurs meubles ; chacuu offrait ce qu'il possedait, et murmurait sans douleur un adieu a ses travaux , a ses plaisirs , a ses esperances d' autrefois , aux sou- venirs et aux conseils de la vie passee. On eiit dit la fondation d'une colonic. La plupart proplietisaient les rapides triomphes de la religion nonvelle ; discours singuliers qui n'etonnaient personne : « Cette bibliotheque est bien pauvre ! — Eh ! ce sont les pre- miers rayons de la bibliotheque universelle. « « Ces charabres seront bientot trop petites. — Avant six mois nous aurons un palais et un temple. » Unordre, une hierarchic commencaient a s'etablir. Les plus auciens disciples se reunissaient entre eux "a certaines heures et formaient le premier degre ou le college; il y avait un second et un troisierae degre : depuis on a constitue un degre d'initiatlon, et au-dessous encore lui degre preparatoire divise en deux sec- tions, celle des ouvriers et celle des bourgeois. Les membres de chaque degre inferieur donnaient aux membres des degres supe- rieurs le nom de Peres. Aux divers rangs furent successivement introduites des dames, des demoiselles, qui recevaieut les nonis de meres , de soeurs et de filles. Les travaux les plus importans etaient les enseignemcns, la conversion individuelle, la correspondance, la redaction d'ar- ticles, la conservation dc la bibliotheque et les soius intericurs d'adminiiitralion. MEMOIRES d'UN SAINT-SIMONIEN. 66 1 « Prenez-moi, dis-je k I'uii ties chefs , iudiquez-raoi une fonc- lion, je suis a. vous. » On m'envoya vers Michel Chevalier, le directeur du Globe. Pendant trois mois, depiiis neuf heures du matin jusqu'a deux heures apres minuit, je travaillai assiduement, decoupaut, re- duisant les nouvelles d'Europe , alors si mysterieuses , les discus- sions des chambres, alors si elonnantes, recevant pendant le jour les solliciteurs de recommandations et d'annonces , et pen- dant la nuit couvrant de signes hizarres des marges d'epreuves dans le cabinet de rimprimeur, a la lueur rouge d'une lampe, a Todeur lourde qui s'exhalait des presses. Sans la foi, c'eiit ete un rude et ennuyeux travail . Notre nombre augmentait chaquejour. Les divisions, I'im- puissance du liberalisme depuis juillet , et la miscre croissante des classes pauvres nous exaltaient de plus en plus. Le ridicule meme dont on nous couvrait, et qui s'attachait indistinclement aux principes dusystemeleplusincontestablementvrais et utiles, ne faisait que redoubler notre enthousiasme. Froisses par I'irrita- tion aveugle on le dedain ignorant qui nous accueillait partout, indifferens aux questions de circonstance etrangeres al'ceuvre que nous accomplissions, nous nous etions promptement habitues a ne trouver de satisfaction pure que dans la maison commune; et nos occupations multipliees empechant qu'on piit se parler beaucoup dans le jour, c'etait toujours avec un vif sentiment de plaisir qu'on se rencontrait aux momens des repas. On dejeiinait a dix heures ; on dinait a six heures. II est impossible d'imaginer ce qu'il y avail pour nous de charraes alors "a entendre parler des personnes qui commencaient a se convei-tir, a. entendre citer des fragmens de lettrcs favora- bles, on raconter les propos extravagans repandus sur nous dans le monde. Onlisail lesattaques des journaux, les plaisanteries de Figaro,et Ton riait de bon cceur quand elles etaient spirituelles. Les deux chefs, Bazard etEnfantin, etaient places en face I'un de I'autre. TOME LII. DlfecEMBRE 1 83 I . 4-5 G6a VARIETES. Knfantin scrvait; ils'iiiqnietait avec unc admirable solHcitiidc de chacun de nous , et nous interrogeait tour h tour sur mille details. Bazard dirigeait ordinairenient la conversation sur le mouve- ment politique exterieur, pxesageant les intentions des ministres ou Ics scandales de la chambre des deputes. Plus d'un bon mot prononce par lui "a table devenait le texte de longs articles ou de longs discours. Le dimanche et le jeudi, les diners etaient moins familiers ; on y invitait les personnes qui paraissaient s'interesser aux succes de la doctrine. Souvent on y voyait des artistes de renom , des elrangers , des officiers d'artillerie et du genie , et des journalistes de province. Apres ces diners d'apparat il y avait des soirees ; celles du jeudi etaient les plus nombreuses et les plus brillantes. Aucun bal , aucune reunion litteraire ou diplomatique ne pent donner une juste idee de ces asserablees ; jamais on ne jouait ; on dansait rarement; quelquefois on valsait. (^'a et la des groupes se proraenaient dans les salles, ou s'arre- taient devant les canapes. Do tems h autre une voix se faisait entendre au piano; tons les cntretiens cessaient, on se pressait en demi-cercle au salon , et on savait bien trouver d'autres moyens que des applaudissemens pour exprimer ce qu'on eprou- vait. Parfois les deux chefs se retiraient dans une chambi'e voi- sine avec quelque nouvel adepte. Confiantes dans la preoccupation serieuse qui dominait toutes les conversations , les dames se melaient aux promenein\s , pre- naient part avec aisance h leurs debats , brisant les abstractions par des saillies naives , et traduisant en causeries les dissertations animees sur les souffrances et les discordes actuelles de I'huma- nite , sur ses joies , ses harmonies de I'avenir ; car ces sujets seuls, sous mille formes, occupaient les esprits. II semblait qu'on etait transporte au belvedere eleve d'un phare : le bruit du monde ne parvenait point jusque-la. D'ailleurs, il etait difficile qu'aucune personne indifferente ou MEMOIRES d'un SAINT- SIMONIEN. 663 hostile s'y introduisit ou bieii y revint plusieurs fois , car on y parlait une langue toute neuve , et il n'existait pour I'apprendre ni grammaire , ni dictionnaire. On ne la poiivait connaitre par- faitement qu'apres avoir assiste long-teras aux seances , et apres de frequentes entrevues avec I'un do nous. Or jamais unhomnie de bonne foi ne subissait de telles epreuves sans estimer au moins les saint-siraoniens. Dans ces derniers tems, lorsque j'eus rendu quelques services et fait preuve d'un entier devoument , ce m'etait une singiiliere situation de voir qu'on s'empressait autour de moi , que de jeunes ferames avec leurs epoux , de jeunes fiUes amenees par leurs freres , me consultaient affectueusement et me demandaient de leur donner de I'espoir et du courage. II y avait des jeunes gens au visage rose et sans barbe encore qu'on appelait/7ere*, et des homraes d'un age miir, des vieillards, qu'on appelait^iy. Tout ce que je viens de dire se passait en i 851 . CHAPITRE HI. Reflexions. Beaucoup de personnes out ri de mon illusion et m'ont pris en pitie. Pourquoi done? J'etais profonderaent convaincu que je travaillais a I'ceuvre la plus grande et la plus belle du monde. Mes journees etaient actives , animees. Dans cette atmosphere de devoument , une chaleur d'ame , douce comme le « merci « du pauvre m'enivrait sans cesse. J'aimais tons ceux qui m'entou- raient et ils m'aimaient aussi. Oh! qua chacune des annees qui me restenlDieu attache une illusion semblable! Ne suis-jepas en- core pret "a donner ma vie, meme au prix de moins de bonheur, ■A qui me persuadera qu'il pent la rendre utile? 45. 664 VARIETES. CHAPITRE IV. Salle Taithout. — ./<■ siiis pie'dicateur. Chaque dimanche, a midi , dans la salle de la rueTaitbout, sous tin loit de verre, une foule nombreuse emplissait trois etages de loges, et couvrait les banquettes rouges d'un amphi- theatre. Trois rangs de jeunes gens vetus de bleus, ou se melaient quelques dames en robes blanches avec des echarpes violettes , venaient tour a tour se placer sur une estrade en face du public. Un moment arrivaitou ces trois rangs se levaient a la fois ; c'cst que les deux peres supremes entraient , conduisant le prcdica- teur ; et quelquefois le predicateur c'etait moi , car en sortant du bureau de redaction du Globe , je m'etais eleve de grade en grade dans les enseignemens de Paris et de Versailles. Je restais cinq minutes assis derriere la tribune entre Bazard et Enfantin. Pendant ce terns , I'assemblee achevait a la hate ses dialogues, prenait son equilibre, s'asseyait et apaisait son tu- midte. De mou cote je parcoiuais tons les visages , je voyais des sourires sardoniques a faire fremir un accuse devant un jury; j'apercevais d'anciens amis qui me reconnaissaient et me regar- daient d'un air effare, de jeunes daines qu'autrefois dans les bals j'avais pu entretenir de singulieres folies, ou des habitues de nos seances , que le matin , au milieu des tortures de I'attente , j'a- vais rencontres , et a qui mon oeil desespere avait dit : Vous etes bienhenreux de vous promener ainsi , d'allerlentement sans souci le long du chemin ; dans quelques lieures vous viendrez tranquillement m'ecouter, et moi je crains, je souffre a vous pre- parer une heure d'cmotions peut-otre infecondes. On me donnait un signal, et j'approchais de la tribune, chan- celant, les genoux brises, les yeux a demi morts, le corps vide de mon sang, qui refluait et me bouillonnait au ccenr. D'abord, MEMOIRES d'un SAINT-SIMONIEN. 665 des paroles vagues et plaintives s'echappaient sourdement de ma poitrine ecrasee : mes levres etaient de plorab. Bientot je pouvais m'entendre parler , je redevenais peu a peu mon niaitre, je me sentais emporte dans im courant de pensees , et je prenais courage. Je suivais mes souvenirs, passant avec calme et confiance de Tun a Vautre, et m'entourant hardiment de leiir seule influence. Si j'invoquais la pitie pour les miseres du peuple, j'avais reellement froid, j'avais faim. Si je plaignaisles douleurs de I'liomme isole, trahi, je retrouvais autour de moi I'an- c'enne solitude de ma chambre d'etudiant, ou devant moi des traits dedaigneux repoussant mes prieres. J'etais heureux , car je vi- vais corps et ame plus qu'il ne ra'avait ete donne de vivre en au- cun autre instant de mon existence : mon etre entier se repandait et flottait dans I'enceinte : toutes mes impressions de tendresse, de douleur, de regret ou d'esperance s'elancaient avec moi en jets brulans: je planais sous un ciel mysterieux, souleve par mes emotions les plus vives comme par de puissantes ailes. Parfois, il est vrai, entraine liors du plan que je m'etais trace, ma memoire s'egarait : les mouvemens qu'en silence j'avais ar- ranges avec art s'effacaient sous mon front : mes paroles de tran- sition tombaient en anneaux brises. Je pressentais que j'allais etre oblige de m'arreter ; je flecbissais, j'enfoncais en terre, et toutes les figures, grandissant devant moi, devenaient plus dis- tinctes, plus lumineuses , plus menacantes, ainsi que d'effrayantes apparitions de fantasraagorie. Je ne saurais concevoirde telles sensations de terreur qu'au na- geur qui, sentant ses forces epuisees, du pied cherche au fond vainementle sable, et voit monterla vague, oubien aumalheu- reux-aeronaute qui vient d' avoir les cordes de sa nacelle rompues par le vent, et, eperdu, regarde dessous lui grossir les rochers, les forets, les tours arraees des villes. Cependant jamais il ne m'est arrive de ra'interrompre et de demeurer muet. Seul j'avais conscience de mon epouvante. Ma bouche parlait , mes bras frappaient I'air , les muscles de mon vi- 666 . VARIETES. sage se contractaient ; interieurement moii esprit courait en ar- riere pour trouver dans ce labyriuthe d'idees le fil que j'avais perdu , courait en avant pour decouvrir des traces de pensee nou- velle , una route a suivre , s'agitait en tous sens , tressaillait des- espere et se lancait avec rage, tandis que j'epiais I'auditoire pour y decouvrir si Ton soupconnait mon inquietude , tandis que raes oreilles recueillaient le moindre luurraure , le raoindre souffle. Get horrible tourment ne cessait qu'au moment ou tous ces etres divers , parties separees de mon etre venant a se ren- contrer tout a coup et a se ressaisir , une commotion violente m'emportait , me brulait ; je m'ecriais d'une voix tonnante , et quelquefois un fracas que me renvoyait I'assemblee me rendait a moi-meme, me permettait de prendre un instant de repos et de me recueillir. Je me rappelle ces predications, comme on se rappelle peut-etre une bataille ou une course au clocher. Aupres de ces souvenirs viennent aussi ceux plus simples du Prado et de I'Athenee, ou sans trouble, sans apprets , j'etais tout eutier au desir de faire luire a travers les attaques, les murmures, les cris, les sifHets ou les bravos d'auditoires orageux, des verites que j'aimais et que j'aime encore, n'ayant enseigne que ce qui s'etait pris a ma con- viction , sans plus de peine qu'en mon enfance les vertueuses le- cons de mon pere et de ma mere. CHAPITRE v. Retour d'une mission saint-siinonienne. — Anarchie tt division. Assoupi et reveur dans une diligence des messageries royales, sur la route d'Orleans a Paris , je revenais d'une mission dans la Bretagne , dans I'Aunis et la Saintonge. J'avais preche dans des salles de bal , de spectacle, de jeu de paume, a Brest , h Lorient, a Nantes, a Rochefort. J'avais fait ceuvre d'apotre dans les voi- \ MEMOIRES D'UN SAINT-SIMONIEN. 667 lures, dans les hotels, dans les cafes, sur les vaisseaux ; j'avais disciite avec les jouinalistes et les savans de province, avec les maires et avec les comraissaires. Plusieurs fois je m'etais trouve an moment de raanquer d'argent ainsi que mon compagnon , excel- lent jeune homme , et nous nous etions vus exposes a tous les soupcons, a tons les outrages. La relation de mes aventures se deroulait sous mes yeux taiidis que j'approchais de Paris ; je comptais un k un les partisans que nous nous etions faits dans chaque ville; je pensais a Emile Souvestre, ami precieux que j'ai conquis a Nantes , puis je me disais : « Dans quelques instans , je serai au sein de ma grande fa- mille, que depuis deux mois je n'ai pas vue. Avec quelle joie ils vont me server dans leurs bras, avec quels transports ils m'ecouteront raconter mes fatigues et mes victoires. Demain je reprendrai ma place accoutumee et mes anciennes occupations. » Je tremblais d'impatience : quelques heures apres, oh mon Dieu ! j'etais entre dans la inaison commune. Tous ceux que je rencontrais m'embrassaient avec une froide surprise etpassaient a la hate. Je me fis introduire dans un salon ; une partie du college y etait assemblee : toutes les figures portaient les traces de longues insomnies ; les yeux etaient plombes , les levres pales, les cheveux en desordre; il y avait des traits decomposes, des regards' extatiques , des sons creux et lugubres. Dans de certains momens, toutes les voix s'elevaient ensemble, se melaient, grandissaient confuses et algres comme les clameurs d'une eraeute; ensuite elles s'abaissaient , s'apaisaient et tombaient comme sous un coup de vent. Ce quej'entendais medonnait des vertiges; on parlait de I'un des chefs et d'un grand nombre de ceux que j'etais habitue "a aimer, a consulter, ainsi qu'on aurait parle de per- sonnes mortes ; et cependant a considerer toutes ces tristesses ensemble, elles semblaient exprimer la joie; a entendre toutes ces voix enseralile , sans cliercher a les distinguer les unes des autres, il en sortait une sorte de murmure fantastique, sonore comme un chant dc triomphe eloigue , qui me faisait eprouver un fremissement cruel : ()()8 VARIETES. « La doctrine secrete! la doctrine secrete ! ellesourdissait, et file creusait sa pente, petite, petite, cacliee. La voila ! la voila ! liCpere Enfantin I'a fait jaillir pour desalterernoslevres. Fuyez ! fiiyez loin dici, docteiirs, philosophes, republicains ; loin d'ici, honimes du devoir ancien, liommes de la vieille morale; nous appellerons la femme libre qui nous dira une morale nouvelle. » Et plusbas resonnaient aussi ces accens timides etentrecoupes : <( Nous t'invoquons, nous t'implorous, nous t'attendons, type vivant de la morale nouvelle, reine d'Orient et d'Occident , de Rome paienne et de Rome chretienne, divine Androgyne, oues-tu, couple souverain des mobiles et des immobiles, des amans du divorce et des amans de la fidelite ? » Oh ! que disent-ils? et la sueur me decoulait du front. A la folie ! ils jettent des pierres "a I'horizon ; veulent-ils done murer I'avenir? Mais d'un autre endroit de la salle, uu autre murmure repon- dait : « Laissons la doctrine secrete. A I'emancipation des classes pauvres , a la vraie liberte ! Que chacun n'ait de part au repos , "a la richesse, que suivant son travail , sa vertu ! Paix a la fa- mille ! que la sainte individualite se leve ! que I'autorite soit franclie , simple de coeur, sincere. AUons, allons, pas de couvens, pas de remparts entre nous et le monde, Ne relevons pas les de- bris des trones et des chaires antiques. Memphis et Venise , gardez en vos tombeaux vos ossemens et vos mysteres. » Je suppliai, je m'emportai pendant un mois, un mois d'af- freuses douleurs apres une annee de bonheur et d' exaltation. Le 21 novembre , je me suis separe de toute hierarchie saint- si monienne. CONCLUSION. Oui , je sais qu'un jour, devant moi , quelques voiles brillans se sont detaches. J'ai etc effraye, les voyaut tomberainsi, car MEMOIRES D'uN SAINT-SIMONIEN. 669 d'abord j'ai cm follement que c'etait I'azur meme du ciel qui se dechiiait. A cette heure meme , je ressens encore au cceur les traces d'un senement doulouxeux ; mais, malgre moii isolement et ma faiblesse , je suis calme et confiant. Si ce vent impetueux, qui disperse et cliasse en avant tous les enfans du siecle, a enleve en lambeaux la tenre cii j'avais espere vivre toujours, au raoins il n'a pu refroidir dans mon sein les pensees genereuses que des mains amies y ont deposees. Elles germeront en moi et autour de moi. Hommes du dix-neuvieme siecle, mes freres, je n'oublieiai pas que nous assistons a une nouvelle oiigine de la societe qui incessamment renait pour niourir etmeurtpour renaitre encore. Notre generation aura peu de chose a detruire, parce que tout est mine derriere elle, et aussi a edifier peu de chose, parce que devant elle tout est "a fonder ; sa mission est de se jeter au large k son tour dans luie re- cherche consciencieuse d'une solution de ces grands problemes : Dieu et Thnmanite. Maintenant venez , mes vieilles reveries de famille et de pa- trie, et ne repoussez pas lesnouvelles compagnes que vous donne mon retour : ce ne sont pas des ennemies , quoiqu' elles soient plus que vous ambitieuses et fieres. Edouard Charton. 2 Janvier 1822. ■^i».. — Works of lord Bjron , etc. — OEuvres de lord Byron. T. i". Londrcs , 1882; John Murray. In-i-i. C'e'tait bien a M. Murray, a I'homme dont les nobles proce'de's avaient arrache a I'ame ulcere'e de Byron I'aveu que la conduite de son editeur lui donnait lieu de conside'rer la nature humainc sous un join- tout autre que celui sous lequel il avait coutume de I'envisager, qu'il appartenait d'e'levcr a la me'moire du poete le beau monument de cette edition. Lorsque Byron, presse' par ses cre'anciers, se de'cida en 181 5 a vendre sa bibliotheque, M. Murray s'empressa d'envoyer au noble poete trente-six mille francs, avec I'assurance qu'une somme e'gale se- rait a ses ordres la semaine suivante , et I'offre , si ces secours ne suffi- saicnt pas, de se Hc'sister de la proprie'te de tons les ouvragcs passe's dr GRANDE-BRETAGNE. 685 lord Byron, pour en mettre le prix a sa disposition (i). Le noble pair n'accepta pas; mais , dans un tems ou femmes , amis , ennerais , lui lan- ^aienl la pierre ; ou , I'aristodratie tout entiere rejetait de son sein avcc c'clat le transfuge , plus noble d'ame encore que de rang , qui de'sertait son injuste cause pour celle du peuple qui n'e'tait par encore assez mur, pas encore assez haut pour le comprendre et lui ol'frir un asyle digne de lui , il dut etre consolant, pour Byron , d'etre ainsi force' a rouvrir son amc a des sentimens d'estime, d'affection et de reconnaissance. Cette edition complete , dont le premier volume a paru le i '^'' Janvier, comprendra la vie , les journaux , la correspoudance et tous les ou- vrages en prose et en vers de lord Byron , en 1 4 volumes in- 1 'i , dont le dernier sera mis en vente au i*^"^ fe'vrier i833. Le papier et I'impres- sion sont d'une grande beaute'j chaque volume, orne d'une delicieuse gravure et d'un frontispice dus au precieux burin de Finder , tres-joli- ment relie en e'toffe , selon la nouvelle et inge'nieuse me'thode anglaise , ne couteca pas plus de 6 fr. , ce qui met I'edition tout entiere a 84 ft". , payes par quatorziemes. Des illustrations, de Finder encore, et du meme format que I'ouvrage, paraitront se'pare'ment , par caliiers correspon- dans a chaque volume, et se composent d'un portrait et de quatre paysa- ges qui se vendront au prix modique de 3 fr. Grace a I'invention de la gravure sur acier, qui rend le tirage ine- puisable , les prospectus , re'pandus avec profusion , ont pu donner des e'chantillons ravissans des frontispices de I'ouvrage. Une vue de Cons- tantinople , et surtout un defile de la Sierra-Morena, sont d'admirables choses. Le portrait , en tete du premier volume _, est grave' comme grave Finden , et la vue de Cadiz , illuraine'e d'un rayon de soleil a travers les nuages , est d'une delicate beaute. Les appreciateurs les plus modestes portent a cinquante mille \e nom- bre des souscripteurs deja enrole's pour cet ouvrage , ce qui suppose I'emploi de trente-cinq mille rames de papier pour les cinquante mille cxempkires, soixante mille aunes d'e'toffes, et cent mille livres pesant de carton pour la reliure. Le norabre d'imprimeurs, compositeurs , as- [i ) IUc'moires de lord Byron , publics par Tliomas ilooic , traduits par mu- daiiieL. S^^. Bclloc ; I. Ill, p. \7 rt HS. 686 LLVRES ETR ANGERS. seinbleurs, brocheurs, relieurs, gravciirs, peintres, enfin, artistes et ouvriers employes pendant quatorze mois a ce travail , ne s'e'levera pas a moins de trois cents pcrsonnes : les droits percus par Ic tre'sor public passeront 193,000 fr. , et 6,000,000 et plus scront mis en circulation. Ainsi, I'impression des ceuvres completes du poete qui, dans sa vie et ses ceuvres est I'expression la plus fidele , la plus e'nergique de sob siecle, constitue a elle seuleune iuduslrie, ct c'est la encore un carac- tere de I'e'poque. A—de M. i'^3. — Poland, etc. — La Pologne, poeme par Th. Campbell. Londrcs, i83i ; Cochrane et compagnie. In-12. ALLEMAGIVE. i'j4' — Andeutung eines Systems speculativer Philosopliie. — Es- quisse d'un systeme de philosophic speculative; par G.-Fr. Daumeu. Nurnbcrg, i83i ; Campe. In-S" de x-ii6 pages (i). TENDANCE SOCIALE ET RELIGIEDSE DE LA PHILOSOPHIE ALLEMANDE. L'ouvrage de M. Daumer est un nouveau te'moignage en faveurdu ju' gement que tous les csprits attentifs et sc'rieux ont poite de I'Alle- magne. L'AUemagne est dcpuis long-tems le grand atelier philoso- phique de I'Europe : des systemes nombreux s'y sont praduits, et, apres avoir contribue, chacun pour sa part, a I'ceuvre ge'nerale, ils ont disparu; mais, pendant qu'ils se combattaient et se succe'daient , la position des questions se pre'cisait davantage, la conscience de I'ceuvre a accom- plir devenait de jour en jour plus claire , et les forces augraentaient a mesure que Ton approchait de la solution definitive. Toutefois ce grand mouvement philosophique de TAllemagne ne pent etre appre'cie a sa ' juste valeur tant que Ton ne connait pas le but final auquel tous ces efforts devaient aboutir, et ont en effct abouti. Croire que toutes ces theories philosophiques n'ont e'te que le fruit d'une imagination reveuse, qu'une sorte d'exercice de 1' esprit alleraand en I'absence d'occupation se'rieuse dans la vie re'clle et politique , est un vieux prejuge assez re- (1)Ontrouve,aParis, chez MM. Ileideloff et Campe, libraires, rue Vivicnne, n° 16, les ouTrajjes les plus nonveaux, publics par la Itbrairic alleniandc, ct cn- tr'autrcs ccux qui son! aimonccs dans la Rct'iic. ' ALLEMAGNE. 687 pandu , mais trop futile, en ve'rite, pour que nous nous y anctions- il ne prouve , chez ceux qui I'adoptent , que leur complete inconipelence quand il s'agit de juger la destine'e des divers peuples et en particu- lier la mission du peuple allemand. Si I'esprit allemand s'est jete avec ardeur dans la carriere de la plii- losophie, c'est qu'ilattendait de la philosopbie des solutions qui amene- raient la re'ge'ne'ration et le salut de I'humanite. Notre espoir, notre perse've'rance dans Ics reclierches les plus pe'nibles , ne devaient pas etre trompe's. La philosopbie allemande, cctte philosophic en apparence si loin de la terre, avait, non seulement la mission d'engendrer une nou- velle thcorie de la pratique de la vie, de V organisation sociale; clle avait aussi la destine'e sublime de produire ce qu'il y a pour I'homme , pour I'humanite, de plus saint, de plus grand , ce qui embrasse tout, une raoMt'eZZe reZ/g-Jon. Depuis long-tems (depuis 1807) le systemc philoso- phique deM. Krause en avait jete' les fondemens (i); mais cette grande tentative ne pouvait etre comprise et sentie tout d'abord; et, quoique le fondateur de cette doctrine ait sans cesse provoque' ses conteraporains a fonder la religion et lassociation, sa voixn'a e'te e'coute'e que d'un petit nombre de disciples , qui ont embrasse avec ardeur la doctrine nouvellc, et qui ont voue leur vie entiere a sa propagation et a sa realisation. Dans ces derniers tems, les idees politiques et religieuses des disci- ples de Saint-Simon pe'ne'trerent en Allcmagne, et alors on s'est souvcnu que Krause avait deja expose' une doctrine qui a les plus nombreuses analogies avec la doctrine saint-simonienne(2). Ce rapprochement a e'te et deviendra de plus en plus fecond; el I'exemple donnc par la France reportera I'attention des AUemands sur une philosophic religieuse iice au milieu d'eux , et qui scmble le dernier mot , le dernier re'sultat de tous les travaux scientiGques et philosophiques qui ont e'te la mission (t) Dahs le Journal de la vie de I'hunianitel (J^a^^Xan des Mensclieitlebciis; Dresden, 18H), ev dans son ouvrage : Lldiial de r/mmanitc [Li-bilA dcr Menschheit; Dresden, 18H ). • 2) Cetle remarque a ete faite dans phisieurs ecrits, tels que rouvrage de Garove : Der Suint-Siinonismiis iiiid die Philosophic des i 9'<« Jahrhundeits in Frankreich 1851 , et les Feuilles pour I'entretien litteraire ( Blaellcr fur litcrarischc Unlorlialliing ). ^88 LIVRES ETRANGERS. ct la gloire de FAllemagne (i), Ainsi nous voyons les germcs de I'avcnir se montrer a la fois cliez les deux nations les plus avance'es dii monde , nous pouvons licr les travaux philosopliiques de rAllemagne a ceux de la Franccj nous sentons qu'un jour viendra ou elles s'uniront, dans la pensc'e d'unc menie organisation sociale et d'une religion commune, celle qui aura donne la solution la plus complete dc toutes les questions vitales de I'liumanite. II est du devoir dc tousles homines ge'ne'reux, de tons ceux qui sen- tent les nouveaux besoins, si clairement manifeste's par tant de commo- tions politiques, d'examiner soigncusement tout ce qui sort de la plume des hommes qui aimoncent une nouvelle religion, soitqu'ils se bornent a la prophe'tiser, soit qu'ils exposent une doctrine plus ou moins com- plete. Que les AUemands fassent cela pour la France, les Franjais pour I'Allemagne : cette attention re'ciproque, cet examen fait avec loyaute' et dans le seul de'sir de conduire I'humanite' vers sa destination , acce'le'rera le jour de la doctrine et de I'association universelles. Aussi donnerons-nous aujourd'hui une attention particulierc a I'ouvi'age de M. Daumer • car, lui aussi , il a cette se'rieuse pense'e qu'une religion nouvelle est le resultat auquel tend et doit arriver toute la philoso- phie modeme de I'Allemagne. Au titre de I'ouvrage nous n'avions pas soup9onne' cette tendance religieuse, raais elle y est nettement prononce'e. Nous allons mettre nos lecteurs eux-meraes en e'tat d'en juger. En ouvrant le livrc , je m'arretai a ces mots par lesquels M. Daumer debute, et que je traduis litte'ralement : « Ce systeme reconnait Dieu en esprit , qui s'est determine en soi et » par soi comme personnalite' , et qui a libremcnt conpu en soi I'ide'e du » monde et le plan de sa realisation.)) Sacliant que M, Daumer est un partisan de la pliilosophie moderne que ses adversaires ont nomrae'e pantheisme , je crus qu'il allait , dans son livre, essayer de remplir une grande lacune que cette philosophic a laisse'e, et que le systeme philosophique de| Krause me semblait seul avoir comble'e. On sail que Schelling, le rcnovatcur de la philosophic dite panlhe'iste, posa, a I'imitation de Spinosa, comme principe de la science, (1)? Telles sont les ide'es principales dc M. Daumcr quand il caracte'rise Ics diverses phases du christianisrae, et qu'il chcrche a pre'ciser son idee sur la religion de ravcnii-. ALTiEMAGNE, GqS L'cspace nc nous permet pas de parlor de la seconde partie du livre , dans laqiiclle Tauteur cherche a de'montrer historiqiicment que les trois idees genc'ralcs qu'il a e'mises sur la nature de Dieu se rencontrent sous des formes diffe'rentes dans toules les anciennes traditions , reli- gions el mythologies de I'lnde , de I'Egypte , de la Perse , de la Grcce , de I'ltalie, et dcs peuples du nord de I'Europc. Nous sommes dispose's a reconnaitre dans cette partie luie grande erudition et beau- coup de sagacite, quoique nous ne soyons pas d'accordavec I'auteur en quelque points sur la partie de la mythologie que nous connaissons ; car il y a plusieurs series , la serie egyptienne et I'liebraique par exeniple , dont nous n'avons qu'unc connaissance superficielle , et sur lesquelles nous n'avons pas de jugcment a porter. Nous avons donne a cet ouvrage une attention particuliere a cause de I'importance qu'il a a nos yeux. M. Daumer s'est place' parmi les an- nonciateurs , les prophetes d'une nouvelle e'poque religieuse. Mais ce qui nous a surpris, c'est que M. Daumer ne disc rien ni de la doctrine saint-siuionienne , ni de la doctrine de Krause. II dit bien que la nou- velle religion s'annonce doja par quelques manifestations particulieres , mais il ne cite pas ces manifestations. Toutefois nous ne pouvons croire qu'un philosoplic , qu'un savant , vivanl en AUemagne, ou toute nou- velle qui inte'rcsse la science et la pliilosophie se re'pand avec la ra- pidite' d'un eclair, n'ait pas eu connaissance de ce qui se passe en France , et de ce qui attire dans ce pays 1' attention detous les penseurs, ou qu'il n'ait pas connu les ouvrages dans lesquels son compatriote a jete les germes do )a nouvelle religion. Nous faisons cette observation, parce que nous regardons commc le devoir de tout liomme qui desire le pro- gres de rhumanite, d'c'tudicr consciencicuscment tons les faits qui manifestent une tendance progressive , de combattre dans les tentatives nouvelles ce qui lui paratt faux, de reconnaitre ce qu'elles ont de juste et de vrai. C'est ce que nous avons fait en analysant I'ouvrage de M. Daiyner. H. Ahrent, de Goettingue . I "J 5. — Geschichte der geheimen Verhindungen , etc. — Histoire des associations secretes de notre e'poque. i*^"^ — 5'' cahiers. Leipzig, i83i;Barth. Le re'cit des efforts tentes depuis vingt ans par les socie'te's secretes , pour combattre le despotisme en Europe , est intimement lie aux 43. 696 LI V RES ETRANGERS. niouvemcns politiqucs de ces dernicres annces , et doit ofiVir Ic plus haul intcrct. L'ouvrage que nous annonpns, ctdonllcs premiers cahicrs^ comprennent dcs notices curicuses sur les associations de cc genre en AHemagnc ct en Pologne , ne saurait avoir de veritable pretention au titrc d'histoire, dont son e'ditenr J'a revctu ; mais il sera consulte avec fruit comme les me'moires de Schulz, Wesselhocft , Hoffmann, Wit' Docring (i), et la hrocliurc puLlie'e re'cemmcnt par M. F. de Corcelles, sous ce titre : Documens pour sen'ir a I'histuire des conspirations et des sectes. II serait a de'sirer que quelqu'un des homraes qui ont joue' un role actif et important dans le carhonarisme fran^ais se cliargeat d'en c'crire I'histoire; beaucoup d'entre eux doivent avoir du loisir et continuent a se glorifier de leur passe , car tous ne sont pas devenus ministres ou procureurs-ge'ne'raux. *** I ']6. — Eustatliii archiepiscopi Thessalonicensis Commentarii ad Homeri lUadem et Odjsseam. — 'Commentaire d'EusIathe , archevcque de Thessaloniquc , sur I'lliade et I'Odysse'e.Tome iv, de I'liiade. Leip- zig, i83o. In-8". La publication de ce volume met fin a la belle entreprisede M. Wei- gel, qui de la sorte a bien me'r^te de la litte'rature ancicnnc ; on sait qu'Eustathe, arclieveque de Thessaloniquc, e'crivait sur Homcre do volumineux commentaires : il y a , sans doute, beaucoup de longueurs , beaucoup de subtilite's e'tymologiques ; mais ce sont des tre'sors de tradi- tions anciennes ct d'e'rudition liistorique. L'auteur a un goiit trcs-silr, et il n'est pas possible de bien e'tudier Honiere sans le secours de son livre. Cependant il c'tait dcvenu difficile de se le procurer. Public a Rome, de i54'ia i55o, en 3 vol. in-folio, il e'tait presque hors du commerce , et Ton payait un prix exorbitant tout exemplaire qui se ren- contrait dans les ventes. Quant aux e'ditions de Bale et de Florence, elles sont pen estime'es , et ne remplissaient pas la lacune qui re'sultait de re'puiscment de celle de Rome. Or c'est celle-ci que M. Weigel a reproduite en tres-beaux caracteres et avec beaucoup de corrections : il ne donne point le texte d'Homere j mais il indique les vers par des nu- me'ros place's en tcte dc cliaquc remarque, et , corame les e'ditions de (t) L'oiivrajjc do M. noering a elo Iraduit en franfals. ALLEMAGNE. 697 Uouic ct de Bale ont sei-vi dc base aux cilalionsqu'on a faites d'Eiistallie, leur pagination est rapporte'e en marge. Je ne sais si nous devons at- tendre encore, ou si nous ne Taurons pas, iin index des passages d'auteurs die's oil expliques par Eustathe ; mais I'e'diteur I'avait promis dans sa preface, ainsi qii'un erratum que je ne vois pas davantage.Quoi qu'i^en soit, on nous donne I'excellcnt index de Devarius joint a re'dition dc Rome, et les fautes de ce livre sont assez peu considerables pour que I'crratum ne soil pas fort regrettable. Qui dit commentaire, dit ennui , minutie, et repousse les lectenrs. Ici ce serait se me'prendre que de sc laisscr effrayer par le titre. Rien de plus altrayant que la lecture deces causeries sur tout ce que dit Homcre : on s'e'toune qu'au XII' siccle on ait su tant de choses encore , tant d'anecdotes : car il y avait si long- tems depuis Acliille a Andronic Comnene , et des terns he'roiqucs a la cour du bas-empire ! P. de G. '77* — Altfranzoesische Folkslieder, etc. — Collection de vieilles chansons populaires franjaiscs , publiee avec des notes grammaticalcs et cxplicatives par O.-L.-B. Wolff. Leipzig, i83i; Fleischer. Malgrc la negligence que Ton ncus a souvcnt rcproche'e a I'e'gard des anciens monumens de notre poe'sie nationale , plusieurs collections de ce genre ont e'te publie'es en France , et contiennent probablement presque tous les morceaux qui se tronvent dans celle-ci. Je ne me souviens pas ce- pendant d'y avoir lu I'histoire de Gilion de Trasignjes, que M. Wolff a imprirtie'e a la fin de son volume, d'apres un manuserit rare de la bi- bliothcque d'le'na. Cette histoire ressemble bcaucoup a la vieille tradition allemande du comte de Glciclien , auqucl le pape accorda , dit-on , d'e'- pouser deux femmes, dont I'une lui avait sauve la vie en Orient. Bcau- coup de poetes ont traite'cesujct sous diverses formes. (Goethe dans son drame de Stella.) Ni I'auteur, ni le coplstc du manuserit d'le'na ne sont connus ; mais il est orne' des armoiries etdu chiffre de son possesscur, Philippe de Kleve. 11 se terniine par ces mots : Et cy fine la vraje histoire dupreu Gilion de Trasigrtyes , ditquel qui plus au vraj- en vouldra savoirsivoise en I'abbaye de V Olive, ou son cuer gistz entre leslumbes de ses deux femmes , ausquelz Dieu face mercy . Am.en. L'abbayc dont il s'agit est siluee dans le Bi-abant . entre Biniho ct Ni- velles. La collection de M. Wolff est nombrcusc cl vance, Ijien (pi'il en ,iit GqS livres etrangers. excliila poc'sic piovencalc, commc appaitenant a des moRuis eta uti idiorae ])articiilicrs. La Normandic est celle do nos provinces qui lui a fourni la plus abondante re'colte. On trouvc dans son volume des chants d'amour, des baccbanales, des saillies patrioticpics , des couplets tautot ulcgiaques, tantot joyeux ct meme un peu graveleux; il I'a de'die a la Societe pour la litterature etrangere qui s'estformee a Berlin. M, Wolff etait deja connu par des recbercbes ciirieuses dans ce genre. 178. — Olivier Cromwell, etc. — Olivier Cromwell ou Ics Re- puLlicains, drame bistoricjue en quatreactes, par G.-A., baion de MiLTiTz. Hambourg, i83i; Hoffmann et Campe. In-iS de xiv-'ii6 pages. Le meme sujet a ete' traite' re'cemment, en France, par Victor Hugo ct par un jeune poefe dramatique , M. Leon Gue'rin , dont I'ouvrage sera, dit-on,procbaineraent repre'scnte' ; il !'a ete en Allemagne par Rau- pach , Klingemann et Weicbselbaumer. Nous ne connaissons pas e'gale- ment toutes ces compositions, dont I'existence n'a point erapeche M. de Miltitz de s'essayer sur un sujet qu'il craint, dit-il dans sa preface, de trouver au-dessus de ses forces. Son nouveau diame n'est point de'- pourvu d'int.c'ret et d'action tbc'atrale ; mais les caracteres y sont lour- dement et trop me'tbodiquemenl dessine's, et nous doutons fort que I'bis" toire de Cromwell justifie la conception de ce personnage, doue, par e'gales portions, d'amitie de'voue'e, de mc'fiance et d'byjiocrisie , dont I'auteur a fait le centre de sa piece. M. de Miltitz est deja connu par des productions supe'rieures a Cromwell. *** '79* — ^'^ heyden Liberalen. — Les deux Libe'raux; tire des Memoires d'un jeune Parisien , et public' par Leontine Romainville. Leipzig, 1 83 1 ; Brockbaus. In-8" de 840 p. Ce livre brille moins par I'cnchaincmcnt d'aventures merveilleuses que par le tableau comparatif des mceurs allemandes ct franjaises, sur- lout de cclies du grand monde. Sous le nora de Romainville se cache, dit-on, une jeune dame qui, nee en Allemagne, est e'tablic a Paris et y fait ragrcmcnt d'un cercle nombreux de personnes do diverses nations. JiUe supjiose qu'un jeune Alleraand , epris pour la liljcrte qu'il chciche en vain dans sa patric. vient a Paris, ct s'y lie d'amitie' avec un jeune Parisien , qui adore la meme diviuile. L'aulcur dc'crit a cctle occasion, la graiidc socic'le de Paris; et lorsquc le sort conduit les deux libcraux. ALLEMAGME. H'ALIE. 699 «n Allemagne , nous sommcs introduits e'galement dans la haute socic'te de ce pays , et nous apprcuons de la bouche de I'auteur beaiicoup de details qui annoncent un esprit juste et habitue a refle'chir. Une histoire intercale'e et intitule'e V Enfant du boulevard , donne iicu a uue des- cription inte'ressante du chateau de Fontainebleau. 180. — Erzaehlungen, etc. — Contes de The'reseiivTi^R; recueillis *t publics par V. A. H. ; t. Ill et IV. Leipzig, i83i ; Brockhaus. Deux vol. in-8" ; il y en aura 6. Les deux premiers volumes de ce recueil de contes ont e'te annonces dans notre Revue. Les suivans , que nous venons de reccvoir , con- tiennent d'abord un roman interessant : La Famille Seldorf, dont Tac- tion se passe en France pendant la re'vohuion de la fin du dernier siecle ; puis une suite de contes , qui ont e'le' originairement composes pour des almanachs , mais qui n'ont pas tons un mcritc e'gal ; la plupart sont bien narre's. On y trouve aussi des Lettres sur la Pologne, que I'auteur avait visite'e en 1790. Ces Lcllrcs contienncnl des details in- structifs sur I'e'tat social et moral des Polonais a cette e'poque. Ces de- tails n'ont pas encore perdu toufe leur valcur. D ~ g. ITALIE. 181 . — Discorsi, etc. — Discours sur divers sujets d'utiiite pubii- que, par /g-na^io bECoNXRERAS. Palerme; imp. Gaffeo. In-S". Ces discours sont au nombre de quatre , et mc'ritent une mention ho- norable. L'auteur, trcs-jeune, a ce qu'il parait, nous apprend qu'il est dans une position fort malheureuse, que la vie est pour lui pleine dc degoiit et d' ennui , et que sa proprc infortune I'a inle'rcsse a celle dc ses freres en larmes. Comme Fontenelle, il a regarde au-dessous delui , ct a vu qu'iI y avait dans les bas e'tages de la socic'te des maux bien au- trement profonds que les siens. Il-consacre sou premier discours aux pauvres , et recherche les moycns de pourvoir a leur subsistance et d'extirper la mendicite, cette plaio sanglante de la Sicile. Ses second et troisieme discours ont pour but Tame'lioration des etudes, les re'formes a introduire tant dans I'univcr- site de Palerme que dans la bibliotheque publiqucj dans racadc'mie del Buon Gusto ct dans I'organisalion des concours. Lc dernier, enfiii. 700 LIVKES ETRANGERS. traitc de la necessite ct des moyens de raaintenir dans Ics homines les sentiraens naturels d'humanite et de justice. Or on voit qu'il ne s'agit de rien moins dans ces quatre discours que de la question sociaie dans toule son e'tendue, sous toutes ses faces , c'est-a-dire de la condition morale , intcllectuelle et physique de I'homme. Les moyens proposes par le jeune Sicilien sont bien inipuissans , biea insuffisans , sans doute ; raais la recherche seule a laquelle il livre sa jcunesse fait honneur a son amej ct ce qui ne fait pas moins d'honneur a son esprit , c'est que , s'il n'a pas re'solu la question , toujoms est-il qu'il est bien dans la vraie question. Ce n'est pas de Sicile que nous attendons la solution du grand pro- bleme ; ce ne sont pas de ces terres de souffrance brutale et de reaction violente , oil la plus e'troite , la plus inepte des politiques, a , depuis des siecles, retre'ci et degrade les intelligences les mieux doue'es, ce nesont pas elles, dis-jc, qui peuvent jamais prendre I'initiative des re'formes sociales : trop d'inle'rels mesquins et mate'riels les pre'occupent, trop de liens les entravent ; c'cst a nosgrandes villes, immense arene de lutte inde'pendanto et de liberte , ou tant de principes se heurtent , tant d'opi- nions se choquent, tant d'inte'rets se croisent , tant de personnalite's s'an- nulent, sous le niveau des ge'ne'ralite's sociales, c'est a nos vastes Ba- bylones qu'un si grand role est reserve', s'il est reserve' a quelqu'unsur la terre. Mais il est un fait qu'il faut constater : c'est qu'au midi comme au nord , dans les petits comme dans les grands Etats , dans les pays libres comme dans les pays de servitude, il n'y a qu'un cri de deuil, qu'une voix de larmes; c'est que I'Europe, partout e'puisee ct partout soufr frante, crie'grace et raerci. Ce vaste concert de lamentations, cette si- multancite' de douleurs et de plaintes ne scraient-ils que les angoisses d'un mal incurable ? Ne sont-ils pas plutot, comme la justice provident tielle nous ordonne de le croire , les symptoraes d'une graude crise so- ciaie, d'une, regeneration fondamcntale et universelle? S. R. i8'2. — Prospetto , etc. — Plan d'instruction populaire, par Pierre MoLossi. Milan, imprimcrie Rivolsa. i83. — Storia del commercio fra il Lei>ante e VEuropa. — His- toire du commerce entre le Levant et I'Europe, par M. Dapping; ana- ITALIE. 70 T lyse'e par Ic chevalier Grabehg de Hemsoe. Extrait de \' jlnlologia. Florence, i83i ; iniprimcrie de Pezzati. In-B". M. Graberg de Hemsoe, qui occupe un poste consulaire de la Suede en Italic, a inse're', dans rexcellcnt recucil connu sous le noiii i' ^ntologie de Florence, unc analyse tres de'taille'e de I'liistoirc du commerce entre I'Europe ct le Levant, re'dige'e par M. Dcpping, ct couronne'e par TAcademie des Inscriptions a Paris. M. Graberg a mele son analyse de beaucoup d'obscrvations qui sont le fruit de ses propres recherches. C'est cette analyse que I'auleur a fait imprimer se- parement. C'est un bon aperfu de I'histoire du commerce levantin, ct il pourra elre joint a I'ouvragc de M. Dcpping, comnie un resume fait par un homme initie' dans la matiere, tant sous le rapport des rcclicr- ches historiques que sous celui de la pratique. M. i84. — Dei delitti, etc. — Des debts considere's dans I'acte et la volonte, par Alberto de Simoni , juge a la Cour de cassation de I'ancien royaume d'ltalie, etc. Quatrieme edition. Milan; Giovanni Pirolla. Ce n'est point un livre nouveau que nous annonfons ; c'est la simple re'impression d'un ouvrage dout la reputation est depuis long-lems faile en Italie. De Simoni est dc I'e'cole d'huraanite et de progres , ouvcrte par Bec- caria; deja en 1776 il avait public' en Suisse un ouvrage sur le vol {Del furto e sua pena) tout-a-fait conforme aux principes du maitre. Celui que nous annoncons est tout a la fois historique et philosopliiquc : liistorique en ce qu'il expose la loi romaine , puis les modifications in- Iroduites par les Ic'gislations barbares, et enfin Ics opinions diverses des interpretes; pliilosophique en ce qu'il s'attaclie a de'duire des principes pose's les conse'quences et les applications qui appartiennent au domainc de la science criminelle. Et certes jamais science plus vaste, plus socialc, plus urgentc , ne fut soumise aux investigations de I'esprit humain, aux me'ditations des pcn- seurs". C'est dans la science criminelle que la socie'te tout enticre vient se refleter d'age en age ; elle est le vrai , le seul crite'rium logique dc la civilisation. Voulez-vous connaitre I'e'tat politique et moral d'un peuple, ses ha- bitudes prive'es et publiques, ses penchans, ses moeurs , son genie ct jusqu'a son histoirc, lisez ccs codes; tout est la. C'est ainsi que les lois des Lombards et des Goths nous donnent sur 701 LTV RES ETRANGKRS. «es pciiplcs, si caloranie's parce qu'ils furcnt sipeu connus, des notions bien plus justes , bicn plus exactcs que toutcs les chroniques dii moycn age. C'cst ainsi encore que les institutions judiciaircs du loi Roger de Sicile ctdc I'empereur el roi Frederick II nous initient plus profonde'ment dans la civilisation des Souabes et des Normands que les histoircs par- lialcs ct passionne'es de ces illustres dynasties. Je vais plus loin, et je dis que les histoires d'une nation peuvent pe'rir, ses traditions s'e'teindre, sans que cette nation pe'rissc, sans que son souvenir s'e'tcigne, si ses lois survivcnt. Ellc se prcsentcra tonjours .uissi suremcnt et plus utilement a I'avenir, ses codes a la main , qu'avcc le volumineux cortege des chroniqiieurs , les poudreuses bibliolhequcs des e'rudits. Et 2'our preuve, comment aujourd'hui savons-nous I'existence dc Locres, de Crotone , de Metaponte, de toutcs les re'publiques de la i^rande Grece ? Par les historiens? Mais aucun des leurs ne nous est parvenu , et a peine leurs noms apparaissent-ils de loin a loin dans ceux de la Grece et de Rome. Si leur me'moire n'est pas morte avec ellcs , si nous avons une idee ge'neVale dc leurs moeurs , de Iciu' organisa- tion sociale, dc leurs revolutions politiques, nous le devons a quelques- uncs des lois dont les avaicnt dote'es Pythagore et Zaleucus , et qui sur- nagent encore dans I'immense naufrage de I'antiquite. Le grand capitainc de dos terns, kii a qui la gloire e'tait si chere, il le scntait bicn , cl il e'tait plus fier d'avoir baptise' le Code des Francais que d'avoir plante leur drapcau au desert ct au Kremlin. II n'ignorait pas qu'un code est un brevet d'immortalite plus sur qu'unc bataillc gagne'c ou qn'une ville prise. Et en effct est-ce un lie'ritage de sang et de bruit que nous demandons au passe'? C'cst im lie'ritage de progres, un heritage de pcnsc'e; or le progres bumain, lapense'e sociale sont dans la loi. - De tout tems la science legale fut cultive'e par les Italiens , cl aujour- d'hui ils soutiennent sur cc point la reputation de leurs aucetrcj. A Beccaria et aFilangieri ont succe'dc Romagnosi , Carmignani, Rossi (i), dc Simoni et d'autres. A un prince italien , le grand-due de Toscanc Pierre-Leopold , appar- (1) (.■uoique Rossi ait ctrit rn fraii'-als ct soil iialnralisti ;',('iii\ols . il appai- lif 111 a rilalic par sa naissancc ci pas ses <-lu(lcs. ^ ITALIE, 70.) ticnt la gloire dcs premieres refornies legalcs. C'est lui qui se cliargea de mettre en pratique les doctrines de Beccaria. L'abolition dc la peine de mort et des tortures a exerce sur scs sujets line heureuse influence; et quoique aujourd'hui les reforraes soient abandonne'es , annulees et I'ancienne legislation remonte'e sur le Irone , le peuple toscan se distingue toujours par la douceur de ses moeiirs; la rarete des crimes y est pour ainsi dire classiquc , tant il est vrai que I'adoucissement des peines re'a- git sur le caractere national et i'adoiicit. II ressort de cet axiome un autre axiomc , c'est que toute institution doit etre progressive et toujours en avant delasocicte, puisque aus insti- tutions appartient la prerogative dc rame'liorer. Cette ve'rite est exprimc'e noblement par de Simoni : « Platon , dit-il , Xc'noplion et leur raaitre Socrate n'ont jamais cru que la politique fut I'art servile de trailer les horames tels qu'ils sont; un tel art est reserve' au tyran et au despote, ([ui ne consideient I'homme que dans la circonstance actueile et acci- dentelle de sa servitude et de sa soumission a leur injuste autorite. » Or ce qui est vrai pour la politique Test surtout pour la legislation , dont I'influence est plus immediate de tousles jours. C'est la du reste une vaste question sur laquelle nous aurons a re- venir souvent, sans cesse. L'avenir de notre socie'te' est la, et nous ne cesserons d'invoqucr les reformes le'gales que notre age reclame. Elles sont urgentes en France , surtout dans le domaine de la legislation cri- minellc- Toutcs nos lois pe'nales sont a refaire, car elles reposcnt toutes sur dcs bases fausses. Tout le monde le sent, le dit; mais il sembleque jusqu'a present on ait recule devant les profondeiirs de la question so- ciale; on n'en a pris que les sommite's, et I'iuiquite' rcstc flagrante. II est terns enfin qu'im tel scandale cesse; il est tcms que la socie'te ne se fasseplus I'instigatrice dcs crimes, en consacrantrine'galite en tout et Tcxploitation de tons au profit de quelques-uns; asscz long-tems elle a fait de la cause du petit nombre sa propre cause , et s'est arme'e conlre rinte'rct dcs masses. C'est au bicu-etre de tous qu'il faut songcr main- tenant ; cai- vous aurez beau viser et reviser vos codes, vous batirez toujours sur le sable , si a^ous ne fondez pas vos institutions sur I'ame'- lioration intellectuelle et mate'riclle du peuple. Toutcs les tentations du crime sont dans la misere et dans I'abjection dc resj)rit. Lclairez done I'csprit; travaillez a baniiir !a misere, c'est la meilleiirc justice preventive. 7o4 LIVRES ETRANGERS. i85. — Delia struttura , etc. — Dc la stnicliirc dcs or^ancs clc- iiienlaircs dans Ics plantcs , ct de Icurs fonctions dans la vie ve'gc'tale , par leclicvalicr Domenico Viviani, professciir de botaniquc ct d'liis- toire naturelle a I'univcrsite de Genes. Genes , i83i ; Yves Gravier. In-8". Nous aurons c'galement a revenir siir cet oiivragc dc I'un dcs bota- iiisles les plus distingiie's dc I'ltalie. II ne nous est pas encore parvenu , ct ne nous est jusqu'a present connu que par le titic. 1 8(3. — Manuale , elc. — Manuel univcrscl de mc'dccinc tlieoriquc el pratique, par le docteur Joseph Matthky, profcsseur de mc'dccinc ct de clinique raedicale a I'bopilal dc Viterbe , etc. Vitcrbe, i83i , Cainillo Tosoni. ln-8''. Le tome premier scul a paru. 11 ne rcnfermc que dcs gc'nc'ralite's dc la science me'dicalc , savoir le discours preliminaire , et un apcrfu his- torique de la me'dccine. 187. — Tavole anatomiche, etc. ^Plancbes anatomiques, a I'usage des peintres et dcs sculpteurs, tire'cs dc I'ouvrage classique de J.-B. Sa- BATTiNi, profcsseur d'anatomic a 1' Academic dcs Bcaux-Arls dc Bolo- gne- dcssine'cs par le pcinlrebolonais Giuseppe Guizzaudi , et grave'cs par Louis Rados. Milan , Jean Silveslri , etc, Dix-sept planches en quatre livraisons. 188. - — Su'l Cholera-morhus , etc. — Sur le cliole'ra-morbus , no- tions bistoriqucs et tlic'rapcutiques , et instructions sanitaires , par Jacques Tommasim. Parmc, i83i. In-8''. L'e'pouvante dn cholera a cnvabi aussi I'ltalie , et les mc'dccins dc la Pe'ninsulc ont paye' un large tribut a la curiusite' scienlifique ct a I'ef- froi populaire. L'illnstre Tomiiiasini h'est pas rcsle en arricre ; mais son ouvrage , comme son titrc I'annonce , est plus jibilantropiquc que scienlifique. « Cet aperfu succinct , dit-il dans sa preface , n'est point destine aux mc'dccins crudits qui, grace aux bibliotbcques publiques et prive'cs ct aux cabinels litlc'raires, ont eu sons les yeux ct les journaux scien- tifiqucs et les nombreux ouvrages public's sur ce grave sujet ; mais bien a ceux (etc' est Ic plus grand nombrc) ([ue Ic sort ticnl eloigne's dc tout ccrcle acade'iuique , ct condainne a ignorcr les jibis iiuportantes notions an imlieii des canipagnes ou dcs iiumls. » IT A LIE. 70 5 Son livre done est tout pratique ; mais, quoiquc non de'vclo|)pec,s , (le simples assertious out dans sa boiKhe unc liaulc valcur , a])puyees qu'elles sont sur des ante'ccdens illustres. Fidele a son but, Thabilc nic- decin expose ses ideas avec nettete , avec evidence. Apres ayoir fait riiistoire du cholera , et de sa marclie du centre de I'Asie presqu'au inidi de I'Europe, il s'occupe des symptomes et du cours de la maladie, et des alterations trouve'es dans l^s cadavres; il passe de la aux remcdcs et aux diverses methodes curatives adopte'es et recomniande'es jusqu'a ce jour. Viennent apres ses propres considerations sur les faits exposes par lui, afin d'en tirer quelque lumiere qui puisse diriger dans le choix des remedes. II e'nonce ensuite les motifs qui lui fout croire contagieii.v le cholera peslilentiel , et finit en preserivant les moyens de precau- tion et les dispositions sanitaires a opposer a la propagation du fle'au. Telle est la rapide analyse d'un ouvrage e'minemment utile , et auquel le nom de Toramasini donne toute I'autorite' d'une vaste science et d'une grande renomme'e. 189. — Scriptorum veterum , etc. — Nouvelle collection des au- teurs anciens , tire's des manuscrits du Vatican, par ^^/jg-eZo Maio , bibliothe'caire du Vatican. T. IV et v. Rome, i83i ; Imp. du Va- tican. Les tomes iv et v de cette vaste collection conticnnent des mate'riaux importans pour I'liistoire de la religion , les antiquite's chrc'tienncs et les langaies orientalcs. Le tome iv renfcrme I'histoire ine'dite d'un synode tcnu a Constanti- nople I'an 1 16G , sur le sens a donner a ces })aroles de Jesus-Christ : Quia pater mens major me est. L'e'ditcur a juint au texte grcc une traduction latine et deux gravures reproduisant , Tune le portrait de I'erapcreur Emmanuel et de I'impe'ratrice Marie, I'autre la signature du premier ainsi que celle de tons les e'vequcs el patriarches pre'sens au synode. La plus grande partie de ce volume est consacre'e a un long et riche catalogue des manuscrits arabes du Vatican , soit chre'ticns , soit malio- metans. II y en a entre autres plusieurs du Coran. Le tome cincpiieme contient d'abord un bon quart au moins des innombrables inscriptions chrc'tienncs , recueillies a grande peine -job LIVRES KTRANGERS. par Gaelano Marini , et dont 1200 deja tapisscnt Ics parois dc Inn des pins longs corridors du Vatican. Apres Ics inscriptions chre'tiennes vient un nouvcau catalognc des raa- nuscrits oricnlaux du Vatican , savoir : '202 inanuscrits syriaqncs ; 80 hebreux, tons inconniis jusqu'a ce jour j plusicurs ethiopieus , quel- ques slaves, quelques hindous et enfiu 80 cophtes environ. Suit une longue dissertation de Giuseppe-Simonio Assemanni , cora- posce en i'^33 , et conscrve'e en manuscrit an Vatican , sous le titrc suivant : Delia nazione de Copti , e della validita del sacramenlo delV ordine presso loro. Ce cinquierae volume enfin est terminc par un court catalogue de manuscrits armc'niens , une table alphabctiquc des manuscrits syriaques axsemanniani , ct par deux fragmens hislo- riques dc Giuseppe-Simonio sur les diverses conlroverses des Nesio- riens et sur les nations chretiennes d' Orient. C'est ainsi que Ic Vatican , arsenal inepuisable , mine profonde et mysterieuse , rend peu a pen a la science les innombrables tre'sors que les siecles y ont entasse's. L'antiquite, le moyen age, I'Orient en sortcnt lour a tour comme MiueiTC du cerveau de Jupiter ; I'Orient surtout oil rintelligcncc mo- derne va cherclier son histoire et ses dcstinces avec une infatigablo Constance. C'est un spectacle a ravir la pense'e que celui d'un monde oublie . pei-dn dans les tenebres , enseveli pendant des myriades d'annces dans la cendre des raorts , et qui tout a coup remue et ressuscite , qui , sous la baguette magiqiie de la science , se leve , secoue la poussic-re defi tombes , inonde de lumiere les te'neljres secidaircs, qui revit enfin pour re'gner encore sur le monde historique. Ainsi , Rome, la rcine de I'Occidcnt, livrc de ses proprcs mains les armes qui doivent la de'troncr et rcndrc I'antique sceptre de Tintelli- gence a son antique rivale. igo. — /rare/, etc. — Hymncs de Joseph Borghi. Florence, im- primerie Borghi et compagnic. Je comprcnds que, las d'un monde que dochirent tant de passions, que tant de miseres accablcnt , on emprunte au psalmiste ses ailes , ct qn'on se re'fngie avec lui dans le sanctuaire. L'auteur des hymnes sa- crces que nous avons sous les ycux parait etre, a en juger au moins par ITALIK. 707 sa poe'sie, iin de ces liommes tendres et simples que la religion touclie encore et console. C'est a elle qu'il a demande' des inspirations, et c'est d'elle qu'il en a ref u de vraies , de poe'tiqiirs. 11 la chante avec amour, il croit en elle, et la foi est une muse plcinc de fidelite et de charmes. Le poete ne re- cherche pas les allusions terrcstrcs , mais il nc les repousse pas lors- qu'elles viennent Ic trouvcr dans les hautes spheres qu'habite sa poe'sie. Ce n'est pas que la teri-e lui soit indiffe'rente ; on sent au contraire qu'il I'aime , qu'il la regrette , qu'il sympathise avec ses souf- frances. II la voudrait, je ne dis pas plus belle , car ce n'est pas la beautc' qu'un Italien peut souhaiter a la terre, niais plus vertueuse et plus hcureuse. II implore pour elle « cette liberie' sincere qui donnc des lecons au vulgaire et au roi , qui e'galise entre eux le fardeau des pcines. » Mais son imagination est frappe'e : on sent en lui le fds d'un pays de re'action et demisere, I'homme abatlu, I'ltalien sans espoir. «Freres, s'c'crie-t-il , ou vous pre'cipitez-vous? Ici s'e'mcut tout un peujile en delire, il court aux armes, il foudroie qui lui donna des lois. Mais apres le sang etles larmes , nait, des mines du tronc, la force brutale , qui A'cnge le droit antique et le roi. » La jeunesse supcrbc a perdu jusqu'a I'ombre de I'honneur, le vicil- lard se livre a la de'bauche sur le seuil de re'ternite. » On fait marche de I'adultere et dupoignard; les tramcs de I'op- presseur trainent a I'autel , a travers les tribunaux de te'nebres , les plus purcs victimes; le pe'che', les vaines pense'es, regnent au carrefour et dans les palais royaux', sous le toil laborieux de I'artisan et dans la saintete du sanctuaire. » Ce regard de de'couragement jete sur la vie est douloureux, et la muse du poetc est aussi lugubre sur terre que confiantc et paisible dans le ciel. Ileureux qui a cet asile ou se re'fugier! Plus heureux, dit-on , celui pour qui la vie n'a rien de se'rieux et qui se livre au courant sans regarder les bords I Impassible au milieu des factions, il les voit tonr- billonner autour dc lui sans que sa paix d'amc en soit trouble'e ; les emotions des hommcs ne rcincuvent pas ; le spectacle des miseres so- cialcs , des discordcs publiqucs, est impuissant a nssombrir ses pense'es , il y assiste commc a un dramc de theatre. 7o8 LivRES Strangers. Tel n'cst point Joseph Borglii , ot sa tristessc te'moigne en sa favour ; son sccjtticisnie humain n'est pas dii de'dain, c'est de rabattemcnt; s'il cliantc la foi divine, rcspc'rancc celeste, la cliarite chre'ticnne; s'il inv0([ue la Vierge ou leVerbc, c'cst qu'il ne sait qui invoquer ici-bas. qui chanter parmi les hoinmes. Telle est I'inipression que j'ai recue de ses hyuines. Ce n'est pas, je I'avouc, qu'il y regne beaucoup d'originalite, que les pense'esy soient fortes ou profondes , les images neuves et grandes ; ruais il y a de la grace, de I'harmonie, de I'ensemble. Sa strophe a de Te'clat et du nombre ; et soil qu'entrame par cette me'lodie douce et grave , j'aie e'te reporte' par elle aux belles terres ilaliques , soit que le poete m'ait sur- pris dans une heure de tristesse et de de'couragement , ou que les nou- velles infortunes de I'ltalie e'veillant toutes mes sympathies pour ce peuple malheureux me rendent suspect de trop de bienveillance, j'ai e'te souvent louche par les vers du poete , et sa religion m'a ete souvent au cocur. A tout prendre c'cst, le mode d'appre'ciation le plus juste et le plus sur de tout ouvrage d'artj et il y aurait, certes, moins de querelles litte'raires , moins de dissensions dans le domaine de I'art , si on accor- dait plus de foi a ces impressions individuelles , si on les sourncttait moins aux compas de I'arbitraire et des convenances. J'aurais voulu appuycr mon avis a des citations, mais, outre que les bornrs d'un bulletin s'y refusent, la traduction partielle de poe'sies ly- riques est toujours quelque chose de si imparfait , qu'elle aurait mal rempli mon but. Je crois mieux servir le poete en renvoyant a sou livrc. I q I . — Stiidj poetici, etc. — Etudes poe'tiques du chevalier Andrea Maffei. Milan, i83i j Antonia Fontana. In-S". M. Andrea Maffei est un des Italiens qui ont pris a tache de natio- naliser en Italic les littc'raturcs e'trangeres. II a public dcja des tiaduc- tions de Schiller, dont nous avons parle. Son nouveau recucil a le merae but. Ce sont des traductions ou imitations de poesies anglaises, francaises et autres. Le Lac de Lamartine est une des meilleures. Nous reprochcrons cependant a M. Maffei de ne pas respecter assez la pcnse'e originalc, etdcliii fairc subir des metamorphoses (pii la dc'naturent. Per- niis a lui de la revelir d'une forme sienne, c'cst son droit; luais la cor- ITALIE. — HOLLANDE. ^09 riger, mais I'ariangcr , c'est outre-passer ses privileges de traducteur, c'est inspirer a ses compatriotes unc idee inexacte de son modele ; c'est leur donner de la poe'sie italienne, non de la poe'sie franfaise, du Maffei, non du Lamartine. Meme reproche a M. Achille Mauri. Sa traduction des quatre Medi- tations poetiques, qui ferme le volume de M. Maffei, est faite dans le meme systcme d'arrangement. La fide'lite, je ne dis pas de la lettre , mais de la pense'e, est le premier devoir d'un traducteur, surtout lorsque son but est de faire connaitre un ouvrage non encore traduit. On ne voile pas la tete d'une statue qu'on soumet aujugemenf public. 19a. — Opere varie , etc. — OEuvres mele'es , franjaises et ita- liennes , A' Ennio-Quirino Visconti. Milan, i83i ; Ant.-Fortunato Stella et GIs. 4 vol. in-S" , avec figures. La douzieme et derniei'e livraison vient de paraitre. Nous ne faisons que I'annoncer aujourd'hui j nous aurons I'occasion de revenir sur ces inte'ressans fragmens du Winckelmann italien. ic)3. — U Architetlwa , etc. — L'architecture antique de'montre'e par les monumens , par I'architecte Louis Canina. Rome, i83i . HOLLANDE. ig^. — Deux Letlr^s sur les affaires de France et d'An^le- terre , par I'auteur des Lettres relatives a Vetat actuel de la Hol- lande. Amsterdam, de'cembre i83i ; Diederichs freres. In-8" de i5 pages. iq5. — Gedenkwaardigheden uit de Geschiedenis van Gel- derland , etc. — Mc'raoires sur I'liistoire de la Gueidre , e'claircis et justifies par des monumens ine'dits J par M. Is. -An. Nyhoff, membre correspondant de la deuxicme classe de I'lnstitut, directeur des archives provinciates de la Gueidre. Tome \. Arnheim, i83o. In-4 ' de cxxxfv et 477 pages, avec figures. Parmi les auteurs qui ont traite particulicrement de I'histoire de la province de Gueidre, MM. Boudam et Van Spaen meritent une distinc- tion particuliere. M. Boudam entreprit la publication complete des Charles des dues de Gueidre et des comtes de Zutphen; M. Van Spaen commenca une Histoire de la Gueidre; mais aucun des deux TO.ME Lll. DECEMJtiUE I 85 1 . 4() •J 1 O LIV n ES KIT. A L\G KliS. oiivragcs n'n etc conliiuic au-dcia du piTinici- volume, qui , clicz. [joii- dam, s'aneto .i I'anne'e i '^fi, «t chcz Van Spacn , a rannc'e i'6^3. M. Nyliolf, conmi par scs rt'cherchcs savantes siir Ics antiqiiilc's de la Giieldrc, a cnticpris de Ics completer I'lin ct I'autre; et le premier vo- lume do scs Me'moires , qui se rapporte en entier a I'c'tat do la Gucldrc dans la premiere moitie' du quatorzieme siecle , conticnt aussi principa- lement la continuation de Touvrage dc Boudam , en nous offrant Ics cbartcs de 1.2^6-1343 , prccede'es d'une introduction sur I'etat dc la Gneldre a cette e'poque, dont la ])remicre jiartie de'crit le pays ct le ])cuplc ; la seconde, les institutions politiques dc cc tcms-la. Dcs anno- tations critiques, historiqucs et philologiqucs , servont a e'claircir Ics points douteux qui sc trouvent dans ces monumcns du moyen age. A ce volume sonl annexe'es trois tables alphabe'tiqucs , des lieiix , dcs pcr- sonnes et des dictions suranne'es que Ton rencontre dans Ics cliartes. L'ouvrage sera terminc par VHistoire du due Charles d' Esmond, qui mourut en i53o. 19G. Verhaal van eene Reize naar en langs de Zuidfvi'St- kust van Nieuw-Guinea , etc. — Relation d'un voyage a la cote sud- oucst de la Nouvellc-Guine'c , fait en 1828, sur la corvette le Triton ctle scViooncr VIris, par M. J. Modeua, lieutenant de marine dc la dcuxieme classc. Harlem, i83o. In-S° de xvi et i Go pages. Une colonic bollandaisc a etc ctablic dans ccs parages , et Ton y a construit une forteresse pour la de'fense dcs tcrrcs dont les Hollandais sc sont cmpare's , depuis le /(.i'' degre dc longitude de Greenwich, sur la cote mc'ridionalc , jusqu'au cap de Bonne-Espe'rancc , sitiie' sur la cote septcntrionalc de la Nouvelle-Guincc. Get ouvrage , j)lein dc details in- tcressans sur Ics liabitans ct Ics tcrrcs, que I'anteur a visitc's, ine'ritc I'at- tcntion des c'trangcrs, comme repaiidant de nouvcllcs luinicrcs sur ces regions lointaincs ct pen connucs. On y a joint une trcs-bonne carte ge'ograplijquc. iQ']. — Annales -^cadcmice Rheno-Trajectince. Anne'e i8.i8- 1829. Utrecht , i83c). In-8°. On sait que, suivant les I'cglcmens sur renseigncincnt supcrieur dans notre pays , les univcrsilc's sont obligees de pubber annucllcmcnt les discours prononce's par Ics professcurs ct les rac'moircs ecrits sur diftcrens sujets proposes d'ayancc, qui out c'lc'jugc.s digncsdcsmc'dallbs nOLLVNDi:. BELGIQIJE. 711 d'or dues a la munificence dii goiivcrncment. Tel est le contemi du vo- lume dcs Annalcs de runiversile' d'Utreclit que nous signalons a I'attcn- tion du public. Apres un discours de M. le professcur Kops siir les progres de I'eco/iomie rurale dans les Pajs-Bas , depuis ces der- nieres ajmees , vicnncnt les memoires couronne's , parmi lesquels nous distingnons cclui dc M. Cosmaiv sur une question de droit naturel I'cla- tive a la source des obligations conventionnelles ou des contratfi - selon les principes de droit naturel , et celui de M. Van Beeck. Calroen sur le Phedon de Platou, el la valeur des raisons qui y ont e'te' dcvcloppe'es pour prcuver rimmortaiite de I'ame. X. X. BELGIQUE. iC)S. — Re^olutio7is de Liege sous Louis de Bourbon-, par M. de Gerlache. Bruxellcs, i83i ; M. Haycz. In-8". Si M. Gacbardnous indiqu; des materiaux liistoriques(i), M. de Ger- lache nous montre comment on pent les ractlre en teuvre. Nous unis- sons d'autant plus voloiitiers ces deux e'crivains, que le second avoue n'avoir pas de petites obligations au premier. II a rendu a la ve'rite' po- sitive un episode du beau roman de Quentin Durward, episode oil Walter-Scott n'a pas toujours e'te fidele a rcxaclitude des raoeurs, a la tradition des caractcres, lorsque, par exemple, il fait de Liege une villa flamande, parlant flamand, peuple'e de Flamandsj el de quels Flamands encore I de ces caricatures ponvenues , propriete' suranne'e du theatre , 011 de CCS grotesques que la charge du pinccau dc Teniers a pris plaisir a de'former. Nous avons deja eu I'occasson de signaler ces erreurs dans le Foreign litei'arj Gazette et aillcursj aussi ne nous y arielerons- nous pas davantage. Quant a I'anachronisme commis j^ar Walter-Scott, en faisant perir Louis de Bourbon pendant le regne de Charics-le- Ilardi , il e'tait dans son droit dc poete; mais M. Buchon n'y e'tait pas, lorsque, commcntant, a la fin de I'ouvrage de M. de Barante, la Chro- niffne mc'trique de Georges Chastelein et dc Moiinet , il suit la Chro- nologic de Scolt, au lieu de celle de Foulon , dc Bonille', de Chapeau- ville ou de M. Dcwez. Le tableau de M. de Gerlache, car c'est un viai (1 ) M. Gachard est autciir des u4nalecles belgiqiies , ou Recueil de pieces in • e.dites conccinanl Vlii<:loire tlesPays-Bns. ( Voy. i?er. Enc. . \.\,, p. 564.) 713 LIVRES KTR ANGERS. I.iblcau, est (lls])ose d' line manierc lieiiicuse el cbaiideinent colore. Lc I laducteur de Salliistc n'a qu'a se loner du cidtc Irop rare qu'il a rendu aiix muses. II scrait deplorable que Ic tumulte des affaires publiques I'en- levat a la litte'rature. De Reiffenberg. 1 99. — Memoire gene'alogique sur la hranche de la tres-an- cienne noble famille de van den Kcrckhofe , Kerckhoffs ou von Kirchhoff^ qui s'esl c'tablie dans le Limbourg j re'digc' d'aprcs d'an- ciens mauuscrits ct d'autres documens autbentiques, par M. de Borcht. Bruxclles, i83o; iraprimerie de Fxanek. In-8° de 82 pages, avec une planclie. Ce Memoire peut interesser les amateurs du blason : il renferme des de'tails bistoriques sur les armoiries et les noms propres de famille. I^a maison dont il donnc la ge'ne'alogie est originaire d'Allemagne, et parait etre issue des ancicns dues de Franconiej elle lire son nom d'un cba- teau situe' prcs du Fichtelberg et appele' dans I'anliquite' , lors de I'usage du latin : Atrium; et, plus tard, dans la langue du pays : Kirckhoff et Kirchbofen. Lorsque cette famille s'est e'tablie en Flandre et en Brabant , elle a ortbograpbie' son nom suivant I'idiome flamand : van den Kerckbove et Kerckboffs. Elle a produit des magistrals, des savans , des ge'ne'raux , des bommes d'etat , etc. Jean de Kerckbove , adversaire celebre de la fe'odalite' qui , par ses ouvrages , s'attira tant de persecutions de la part du clerge' , etait issu de cette famille. Force de s'expatrier, il se fixa en Hollande, ou I'amitie de la maison de Nassau I'appelait. II est enterre a I'e'glise de Saint-Pierre de Leyde, oil les e'trangers vont admirer son magnifique monument. LITRES FRANCAIS. ■->.oo. — Coup d'oeil sur la r.ontroverse chretienne, depuis les pre- iiiicrs siecles jiisqu'a nos jours; par I'abbe Ph. Gerbet. Paris, i83i ; agence ge'ne'ralc pour la defense ge'ne'rale do la liberie religieuse , rue Saint-Germain-des-Pre's, u° lo (bis). In-8° de viii-362 pages; prix, 4 fr. 5o c. Lorsque apres les Constituans, les Girondius, le Dircctoire et Na- poleon, les me'taphysiciens furent mis au de'fi de batir, comme ils s'e- taicnt vante's de le faire , un monde avec de I'espace ct du mouvement , rimpuissance a rien fonder, inanifeste'e alors par les e'coles de la sensation et d€ reclectisme, fut telle, que Te'cole de la revelation put y voir pour son reve de restauration du catliolicisrae un nouveau motif d' en- couragement. Le besoin ge'ne'ralcment senti d'une croyance apres trois siecles de doute , la defection qui se glissa dans le camp philosophique avec le de'sencbantement , par-dessus tout I'e'tat d'enveloppement oii sc trouvait encore pour les pliilosophes celte loi du progres en vertu dj laquelle nous marchons d'une unite' incomplete a une unite' plus vaste , a travers les inevitables boulcversemens de la transition , toutcs ccs cir- constances , jointes a beaucoup d'autres , ne conlribuerent pas peu a entrctenir les pretentions de ceux qui , dans le grand mouvement intel- lectuel du dix-neuviemc siecle, ue voyaient qu'une chose : la restau- ration catbolique de I'csprit humain. On s'e'lait dit, trois siecles auparavant : De'truisons toujours, uous rebatirons apres. Au dix-neuvieme siecle la position n'e'tait plus la meine : avant de s'endormir du sommeil pesant et passager de la res- tauration , le peuple avait dit a ses pbilosopbes : « Je de'truirai cc qui reste a de'truire ; rebatissez. » C'est alors que ceux-ci , apres avoir doute detout, doulerent d'cux-memes. Pas asscz d' observations , pas assez de faits n'avaient e'le amasses; il fallait altcndrc rave'nemcnt de la c,rande unite pre'ditc par \'i(0, Lcssing, Herder, etc. Les catholiques 7l4 LIVBES FIVAN^AIS. prirent acte dc cct aveu; ainsi la certitude iie icposait done pas, corume Ics pliilosoplics I'avaient pre'tondu, sur la vaison individiielle : cette raisoii siiperbe avait confessc son impiiissance; elle se rcconnaissait vainciic. Aux esprits baletans apres rmiile do doctrine, ellc n'offrait done que de Yagues analyses dcs faculte's et dcs principcs dc I'entende- raent, que de lictives categories de I'anie, de riionime et de la nature, que des dc'bris , cnfin , de la conception clire'tienne , dissoute en abs- tractions creuses , en veritables atonies pbilosopbiques , en pares nega- tions : telle fiit I'idc'e de la premiere partie du livre de i'indiffe'rencc; et il faut convenir que sur ce terrain , la confusion dcs partisans exclusifs de la raison individuelle fut a son coiuble; ils renvoycrcnt bien a leur juge, et cela non sans fondeinent, I'accusation de scepticisrae que ceiui- ci leur avait lance'e j de justification pour eux-menics, aucune. La certitude ne reposait pas sur la raison individuelle, done ellc re- posait sur I'autoritc. M, de La Mennais consacra en consequence la seconde partie de son Essaia I'exposition desa doctrine du sens coniniun. II n'y avait que deux principcs au monde : le principe catliolique et Ic principe cai'tesicn; ce dernier s'avouait vaincu , done, etc. La tlie'oric catholique de I'esprit huinaiu, constituant la raison a I'e'tat naturel de croyance, conciliait tout. Nous nc rcprodiiirons pas ici pour la rc'futer cetle llie'orie, a quoi se re'duisait-elle ? a constatcr sans I'expliquer \m fait evident, a savoir que Te'tal normal de I'liomme n'est pas le doute j qu'il faut des donne'es premieres a rintelligcnce pour que son de'velop- pement ait lieuj mais quelies donne'es? Ges donne'es sont-elles immua- bles, on bien sont-elles progressives? Dans la re'ponse a ces questions c'tait la ve'rite' ou I'erreur; en dehors dc la, c'elait de I'ob^ervatiott psychologique ou historique, et rien de plus. Lorsque I'homme n'est j)lus a I'etat de doute et dc recherche, lors- qu'il croit et qu'il a Irouve', il ne demande pas a Dieu du mouvement ct de Tespacc pour fairc un monde : le mouvement , I'espace et le monde lui sont donnes; il n'est alors ni sensualistc, ni spiritualiste , ni e'clec- tiquer mais il est a la fois tout cela; il cholsit , il pense, il agit, il travaille, il sait, ilestlibre; alors il y a non plus seulcment des traite's de philosophic , de morale, de religion; mais il y a ime philosophie, une morale, une religion. Les termes sont pose's; I'esprit luimain les acceplc^ il croit ct ii comprcnd : I'alliancc enlrc la science ct la foi est Ln'RLS franc; i is. ^i5 Ic piwliiil n.itiucl dcson esprit. Telle a etc la coudilionclerintelligence liiimaiiie an moyen age, autant querc'tat de la civilisation I'a coinporte. M. de LaMennais et son e'coleen concluent la reconstitiition de la science liumainc siir Ics bases dii catliolicisrac, attaquees selon lui, mais non renversecs par la philosophic et la relbrme; ct quclsera I'instruinent de cette reconstitiition prochaine? La doctrine de raiitorite, qui est la doc- trine dii catholicisme , qui est le dernier mot de la controverse et de la pole'inique des dernicrs siecles . qui n'a pas e'te formule'e jusqu'ici , ce qui esplique les progres des reformistes et des jjhilosophes , qui Test enfln, et avec laqu«lle commence pour le catholicisme une ere nou- vclle, dont le changement survenu depuis ce grand e've'nement dans les controverses est un indice plus que certain. Tel est I'esprit ge'ne'ral dans le.juel a e'te compose Touvrage nouvcaii de M. Gerbet; le but qu'il s'y propose n'est j)as une exposition doginatique, de la doctrine qu'il de'- fend , mais une verification , par I'histoirc, du fait suivant : a savoir que cette doctrine n'est que la traduction philosephiqiie de celle des peres de I'Eglise; qu'elle est le de'vclopperacnt et le produit de la logique memo du catholicisme. Dans un traitc qu'il publia en 1826, il avail chcrche' a de'terminer les lois de cette logique d'une manicre abstraite ; dans son nouvcl ouvrage, il envisage cette logique en action comme un grand fait dont la controverse chrctienne, a ses divcrses epoques, pre'- sente le devcloppement. JNous ne ferons pas I'analyse des dilTe'rcntes epoques que I'auteur distingue dans toute cette grande pole'mique religieuse , qui s'e'tend de- puis la publication de I'Evangile jusqu'a nous 5 il nous suffira de dire que M. Gerbet s'efforce de de'montrer que cette pole'mique a toujours, et sur loutes questions fondamentales , roule'dans le ccrcle qu'il a indi- que, c'est-a-dire qu'elle rcvient loujours a la grande question ge'ne'rale de I'aiitorite' et de la tradition; La philosophic du dix-huitiemc siecle , en attaquant une a une les ve'rile's religieuses et en re'duisant la pole'mique a une petite guerre do detail, fit, suivant M. de La Mennais et ses disciples, retrogradcr la discussion au lieu de la faire avancer. On cu vint cependaiit la aussi a faire entrer les faits dans un systeme d'ide'es ge'ne'rales ; on abandonna I'exaiuen des te'moignages historiqucs pour demander connucnt la |)os- sibilite et la ne'cessile de l,i foi , de la revelation, de rautoritc, ainsi niG LIVRES I'KANC^AIS. que d'une religion unique , pour des intelligences divcrses , pouvait se concilier avec les droits de la raison individuellc , suppose'e naturellc- ment inde'pendante. Cl'est effcclivement a cos tcrmes qu'aboutissent les questions agite'es particulierement par Rousseau , et voila aussi comment Bergier fut conduit a attaquer le principe commun des incre'dulcs , comme Bossuet et Nicole avaient attaque Ic principe commun des pro- testans. Bergier posa en principe que la voic de tradition et d'autorite, et non pas celle dc raisonnemcnt, pouvait conduire les hommes a la connaissance certaiiic de la vraie religion en general. Confirraant son principe fondamental par I'experience de la pliilosopLic ancienne et Tpoderne , corame les adversaires cathoHques de Jurieu ct de Claude avaient confirme' leur argumentation par I'experience des variations et des contradictions du protestantismc , il reproduisit I'ordre d'ide'es que les anciens Peres avaient oppose' aux pliilosophes de leur tems; mais il le pre'senta , conforme'ment au caractcre propre de I'esprit moderne, sous des formes plus logiqucs, plus precises et plus rigoureuses. Les profondes questions remue'es par Huct , Pascal ct autres esprits du premier ordre, les travaux liisloriqucs du dix-liuitieme siecIe,tout ce vaste de'ploiement de logique et d' erudition , avaient prepare un grand de'veloppement de la ve'rite', qui nc pouvait tarder de sortir de cette fermentation de I'esprit luimain. M. de Maistre a e'tabli dc fait I'harraonie de la foi et de la science, Les travaux de M. de Bonald ten- dent plus directcmenl a etablir en principe I'alliance de la foi et de la science^ abstraction faite des questions de detail. M. dc LaMennais, enfin, en produisant sa the'ori&de I'esprit humain, a donne le dernier mot des questions qui furent remue'es. Ce dont il s'agit maintenant c'cst done de pre'senter cette doctrine, bien qu'invariable dans son essence, sous divers points de vue qui soient en rapport avec les habitudes in- tellectuelles de cliaque peuple; mais , avant tout, il faut qu'en France, d'oii le mouvement part , I'enseignement theologique , dont on sent assez ge'ne'ralement I'insuffisance dans son e'lat actuel , s'e'tablisse sur un meil- leur plan. M. Gerbet tcrraine par un programme de llie'ologie, base' sur les principes de la doctrine d'autorite. Tel est I'ouvrage nouveau que nous annonfons a nos lecteurs. Tout ])ersuade's que nous soyons avec son auteur, au talent distingue' duquel nous nous plaisons a rendre hommage , de rave'nemcnt prochain d'uno LIVRES FRAN5AIS. 717 grande e'poqiie pour la science religicuse , nous ne partageons pas ce que nous croyons fciraeracnt son illusion quant a la restauration catbo- lique de I'esprit huinain : l.i est TeiTeur; c'est sur ce point que porle, dans ce qu'il a de fondamental, notre jugement quant a I'esprit ct a la porte'e de son ouvrage. Nous saAons comme lui que les essais de reconstruction tcnte's dans ces derniers tems par les pliilosophes n'ont eu d'autre re'sultat poureux que le plus amer de'scncliantement; mais ccci n'est pour nous que la manifestation d'unfait, a savoir que le principe carte'sien est e'puise' a son tour comme le principe catliolique I'etait il y a trois siecles; sa mission destructive finie, il disparait, car il n'a pas mission de recon- struire, pas plus que le principe qu'il a de'truit; il disparait avec lui , parce qu'il e'tait de sa destine'e de se frapper lui-meme en le frap- ])ant, de se tuer en le tuant. Voila done, selon nous, tout ce qu'il y a de change'; c'est un acte de deccs a rediger; c'est un extrait mortuaire de plus, et voila tout. Lors done que M. Gcrbet altribue la defection qui s'est glisse'e dans le camp pliilosopliique avec le de'couragement, a Taction toute-puissante de la doctrine de I'autorite' , nous croyons qu'il est dans I'eireur par suite de sa naturelle prc'occupation en faveur de la doctrine qu'il defend. La Cfiuse principale de ce fait nous parait etre, ainsi que nous I'avons dit , I'e'puisement meme du principe protestant ct pliilosopliique; mais nous y voyons aussi I'expression d'un fait beau- coup plus general , qui se produit nc'cessairement aux epoques de fin et de renouvellement. Lorsquc le travail de destruction est fini, et que le moment d'entrer dans un systeme de croyances ct d'institutions nou- velles approche, mais n'est pas venu encore, I'liomme nc se de'tacbe pas de ses traditions, de ses souvenirs, de son passe, pour se jeter corps ct ame a la prophetic, aux espe'rancos , aux pressentimens d'a- venir qui le sollicitent au progres. Non, son progres ne se fait jamais d'une maniere brusque, mais par continuitc, mais par suite, mais par enchainement. Une conception nouvelle de Dicu, de I'liomme etde la nature n'est jamais que le de'veloppement de la dcrnicre solution pro- duite sur ces grandes questions ; c'est done de cette deroierc solution , comme point de depart, que I'liomme s'e'lance vers son point d'arrive'e, qui est la solution nouvelle; de la cette position que les esprits elevc's ])iennent aujourd'hui vis-a-vis du christianisnie, a mcsurc que la phi- 7l8 I.IVBES FRAN(:AIS. loso[)hie qui, cntrc la conception clirctieiine ct la conception nouvclle, a fait le vide, sc de'iobe sons eux; c'est a la tradition qu'ils so raltaclicnt, c'cst l.i qu'ils attendent la proj)he'tie , c'est la qu'ellc Ics viendra cher- clier. Qu'on y songc, Ic cliristianismc naissait lorsque Jamblique et Porpliyre s'effor^aient de sauvor le paganisnic , en I'expliquant an inoycn d'une philosophic moitic oricntale et nioitie platonicienne ; et une ibule d'esprits distingues dcs e'coles rationalistes d'alors , de'goiite's du lyce'e et du portique, gravitaient vers cette philosophic nouvcllc, qui pre'tendait, elle aussi, jeter un pont entrc la tradition ancienne et la raison individuelle, entre la science et la foi , entrc I'autorite et le sens inliine. Nous laissons nos lecteurs sur cette pense'e. J. Bl'chey. •JO I . — Belation des evenemens qui ont precede et suivi f expul- sion de soixante-dix-huit Anglais , dits trappistes de Meilleraye, du H au 1 5 novembre i83i; par M. de Regnon , tc'moin oculaire. Nantes , i83i ; Inguct-Busscuil. In-H" de 64 pages. Pour tout homme qui sent le videlaissc dans les moeurs par I'absencc d'une religion , et qui croit ferinement que le travail qui s'opere aujour- d'hui dans tons les coeurs et dans tons les esprits doit araener, apres bien des tentatives diverses, un lien moral nouvcau, la liberte reli- gieuse est e'videmment une de nos plus pre'cienses libertes, qu"'il fant defcndre ardcmmcnt ; c'est pourquoi nous sigiialons cette brochure pu- blie'e pir I'agence gc'ne'rale pour les liberies religicuses , et qui rend compte des eVe'nemens de Mcilieraye , a I'occasion desquels la Chambrc des de'pute's a passe d'une manicre Ic'gere sur une des plus graves questions d'ordre social que Ton puisse agiter aujourd'hui. 'ioi. — Discussions morales, politiques et religieuses , qui ont amene la separation qui s'est effectuee , au mois de novembre 1 83 1 , dans le sein de la saciete saint-siinonienne . — Premiere partie. Relations des hoinmes et desfemmes. Mariage, divorce. Paris 1 83^; rue des Saints-Peres, n" 26, et clicz les libraires Paulin, Delaunay^ Heideloft'. In-8" de xvi et 3o pages. 2o3. — Religion Saint-Sirnonienne . — Reunion generale de la famille. — Ensaigneinens fails par le Pere supreme. Paris, i83u- rue Monsigny, u" (J. In-8" de iS/j pages. ".I'l'i. — .lux Suiiit-Siiiiuniens. — IjeUic sur la divnsion survcuuc LIVRES FllANgAIS. 719 dans V association saint- simonienne ; par Jules Lechevalier. Paris, i83i . In-8° dc 5G pages. '2o5. — Simple e'crit d'Abel Transon aux Saint - Simoniens . Paris, i83'i. In-8° de 3'.i pages. Dcs dissentimcns profonds sur Ics points de doctrine !cs plus impor- tans s'e'tant e'leve's an sein de la societe saint-simonienne, il en est rc'sulte line separation dont pliisieurs journaux ont parle avee pen de connaissance des fails ct de leiirs causes. Aiijoiird'liiii le puljlic est en possession dii dehat, porte devant liii par quelques meinbres de I'an- ciciine hie'rarcliie^ qui vicnnent raconter arec f'rancliise les motifs de Icur coiidiiiie , ct par des expositions de MM. Bazard etEnfantin, chefs dc I'association dissoute. Des thcoi'ies nouvelles presentees par cc der- nier, commc Ic developpement des principes fondanientaux e'tablis dans Jcs ouvrages de Saint-Simon, theories sur I'autoritc' et sur les rapports dcs sexes, qui furcnt rcpousse'es par M. Bazard et par une portion con- siderable des membres du college saint-simonien , comme destructives de toute morale et de toute liberte, ont e'te la cause de cette rupture, furt ante'rieurc aux ponrsuites judiciaires dont les adherens de M. En- fantin vicnnent d'etre I'objet. Celui-ci professe ses opinions dans le Globe et dans un enseignement dont ics qualre premieres lecons sont im|)rimees. M. Bazard, dans ime brochure qu'il a fait paraitre re'cem- mcnt, et qui doit ctre suivie de plusienrs autrcs, rend compte des mo- tifs de la scission et expose avec une precision ct une imparlialite rares et ses proprcs opinions et cclles de son adversaire. Nous nous bornons a annoncer ccs diverses publications, rc'servant pour notre cahier pro- chain un article etcndu sur I'historique et rc'tat actuel de la doctrine saint-simonicnne. * * + 9.06. — U Eiiropeen , journal des sciences morales ct cconomiques. Paris, i83i-i83'2; on s'abonne rue Chabannais, n" 8, et cliez Paulin, place dc la Bourse; prix dc rabonncnient , 36 francs pour une anne'e, 9,0 fr. pour six mois, 10 fr. pour 3 mois. II parait tons les samcdis un nume'ro de 16 pages in-4". ■io-j. — Le Semeur, journal religieux, politique, philosophique et littc'rairc. Paris, i83i-i83.j. On s'abonne rue Martcl, n" 1 1 ; prix de rabonneiuent, r5 fr. pour rannc'e, 8 fr. pour six mois, 5 francs pour trois mois.l) parait tons les mercredis un uTimc'ro de 8 pages in-'i". ■^20 LIVRES FRANCAIS. L'intcntion de ccs deux publications parait elre de rcmedier au manqiio flagrant dcprincipesge'ne'raux et dccroyanccs arrete'es, qui est la honle et la plaic de toutes Ics discussions oil s'agitcnt les organes des divers partis. EUes ont dc commun la pretention de ne porter de jugement que sur Tenscmble des eve'nemcns, de rallier a unc meme lignc ccs mille tendances qui divergent au souffle des mille inte'rets et des mille pas- sions du jour, de substituer I'exposilion et la defense calme d'une doc- trine a des disputes sans portcc ni largeur, grosses de golcre , en pro- portion du vide des ide'cs, de re'pandre enfin un peu de vie et de foi au milieu de tous ces debris caducs de doctrines qui ne se meuvent plus que par le ressort d'e'goismes mesquins. Un but , une regie de jugement et d'action, ou au moins des tendances de'termine'es vers un ordre har- raonieux d'ide'cs et de pratiques, voila ce que proposent, et se font fort d'e'tablir, cliacuu dans sa direction , VEuropeen et le Semeur. L'Europeen est I'oeuvre d'un ancien disciple de Saint-Simon, M. Bu- CHEz , qui a concouru a la redaction du Producteur, fonde apres la mort dece grand philosopbe, par ses principaux eleves. Lorsqu'apres la cessation dc cc journal, plusieurs des re'dacleurs voulurent rc'aliser la pro- messe qu'avait faite Saint- Simon d'une doctrine ge'ne'ralc, en formu- Jant le principe dps theories e'conomiques et liistoriques, deduites dc ses travaux, dans un dogme religicux, M. Buchez, trouvanttrop pre'cipitc'e la conception qu'ils proposaiont , se se'para de ses anciens amis. Depuis ce terns, il s'est enlouie d'un certain nombre de jeuncshommes, avcc I'aide desquels il a travaille, asa maniers, au pcrfectionnemeut des ide'es emises dans /e Pro. Enc, t. xxxni, p. G.i8.) Diffe- rentes substances, plus ou moins caustiques, des lessives , la chaux , Ic tabac, des huiles, ont e'te' employers : on a eu i-ecours a dcs moycns me'caniques , a la serpcttc, memo a la haclie, mais c'est des racines jusqu'a I'extremite' des branches que se re'pand I'insecte. Le resume de ces essais infructueux, e'crit avec talent par M. Eudes-Deslongchamps, parattrait desespe'rant, si I'obsei-v'ation n'aA'ait enfin reconnu I'efficacite d'un agent, le plus terrible, il est vrai , lefeu, par lequel conclut M. le docteur F. Blot, dontle me'moire est ties-rcmarquabje. Ainsi le coiilinage , que les Gaulois employaient a leurs fetes druidiques du solstice d'hiver , par lequel les enfans ce'lebrent en Normandie la venue deNoel, en courant armc's de torches dc glu autour des pommiers , sans savoir qu'ils debarrassent ces arbres des lichens , des mousses et des feuilles morles, promet d'etre le meilleur moyen pour detruire le puceron lanigere , et conscrver a I'ouest de la France ses superbes plants et sa boisson dore'e. Isidore Le Brun. 2 1 8. — Manuel de la Bourse ou des fonds publics franfais et e'trangcrs. — Des ope'rations de la bourse de Paris. — De la boiu'sc de Londres. — Du change. — De I'etat des finances dc toutes les puissan- 736 LIVRES FRANgAIS. CCS Jii globe, etc; parZ. Am. Sedii.i.ot. Cinquieme edition. Paris, 1 83^-; a la librairie encyclope'diqiic , rue des Saints-Peres, n° '26. In- 18 de 25'2 pages ; prix , a fr. 5o c. Ce petit traite' merite raccueil que le public lui a fait , et la cin- quieme e'dition offre sur les pre'cedentes diverses ameliorations qui la rendcnt rccommandables. On y trouA'c des tables tres-utiles ct de pre- cieux documens sur I'e'tat financier des puissances de I'Europc , d'apres les autorite's les plus respectables. L'autcur y donne des regies plus fa- ciles a pratiquer que celles qu'il avait proposc'es pour effectucr les cal- culs d'achats et de ventes des effets publics , d'apres leur cours actuel. Ce Manuel met promptenient au fait des divers genres d'ope'rations qu'on cntreprend a la Bourse , tels que marclie's, fermes ou a prime, a terme ou au comptant , etc. On pent pre'dire a cette e'dition le meme succcs qu'aux pre'cedentes. L'auteur devrait y joindre un extrait de I'article que M. Pereire a inse're dans la Reme Encyclopedique du mois d'octobre i83i , sur le budget de i83'2, sur I'amortisscment et sur la quotite' d'ope'rations qui se font a la Bourse , quotite qui ne va pas a moins de 80 millions de capital cliaque jour. Francoeur. aig. — Fers , par Emmanuel Arago. Paris, i83.i; Paulin , place de la Bourse. In-8" de 218 pages; prix, 5 fr. Ce petit livre e'tait coupable d'un tort , meme avant de paraitre, par I'imprudente convocation adressce a tous, par rinterme'diaire des jour- naux , de vouloir bien assisler a sa naissance ; ch.irge de ce pe'che ori- ginel et n'ayant point pour le racbeter Ic don de la grace , il a mis le comblc a sa premiere faule en vcnant s'cxpossr a la lumiere du monde. Lorsque Ton porte , par droit honorable de naissance , un nom cclcbre , il faut se gqrder de le jeter avant toutau public pour exciter son attente, car alors , en meme terns que I'a'tente , s'c'veille I'exigence. L'auteur parait etre un tout jeune liomme, qui n'ayant pas encore sur la poe'sie d'ide'es bien se'rieuses , s'est cru poete parce qu'il avait ecrit des vers. J'avoue meme que rien qu'a ce litre raalencontreux du volume , Vers par Emmanuel Arago , il me sembia que je pressentais deja I'essence du livre. Qu'est-ce en effet que le vers , sinon une musique assez imparfaite et grossiere , qu'a de'faut d'harmonie plus delicate la jjoe'sic emprunte pour en faire sa voix. La poe'sie est au cicl , et lors- qu'clle descend sur la terre , clle ramasse sur le sol cette lyre banalc LIVRES FRAN5AIS. 787 dont chacunpcutebranlerlcscordes, mais dont elle seulef'ait jaillir la vie; elle s'eiupare de rinstnimcnt, ct I'animant de son mouvement, elle le force a suivre les sublimes inspirations de son ame : alors les honimcs e'coutenl et adrairent ; mais quand les chants ont cessc et que Tinstrii- raentest retombesur le sol, les cufans s'approchent et s'essayant al'en- tour s'e'merveillent aux sons qui re'pondont a leurs doigts curicux. Le vers , c'est I'hote vulgaire du cabaret et du carrefour, le moulcdc I'al- manacli pour ses pronostics et ses phases de lune, le metre du cate'- chisme pour ses commandemens de jeune et de careme , le tribut quo- tidicn de Tenfant qui travaille sous la ferule du pedagogue. Le rhytbme est comme le manteau du poete qu'entraine I'ardcnt ge'uie , tantot som- bre et serre', tantot librc et flottant dans I'air; I'artisle vit dans la nature , et , toujuurs varie dans sa parure et guide' par des convenances nouvelles, il marche de fete en fete, suivant le terns, chargeant son front du diademe e'tincelant de lumiere , ou couronnant mollement sa tete de verdure et de fleurs. On n'imite point un grand .homme en affectant ses habitudes et sin- geant ses vetemens : imitatores, servuin pecus, a dit Horace. L'au- teur, comme tant d'autres , a voulu marcher sur les traces de M. Hugo , et s'est mis a calquer au liasard sa coupe bardie et sa haute maniere. II aurait pu se souvenir de cet autre conseil du poete j Pindarum quisquis sUidelaemulari, lule, ceratis ope daedalea Mais que M. Emmanuel Arago se console , la chute qui a train son effort ne lui sera point funeste comme a Icare; cette vaste mer dans laquelle il est venu tomber ne lui dcmande que I'oubli de son livre en expiation de sa tcme'rite. La vie naturelle qui percejaet la au traversdc cette vie faclice de poete romantique, de ce langage de convention de spectres, d'amans, de pirates, de demons, parait tout empreinte de re'a- lite et d'ardeur; pourquoi la jeter a des rimes, a des copies, a des fantomcs ? Nous pouirions assure'mcnt amuscr quclque terns nos lecteurs en Icur offrant la depouille de ce recueil , mais la critique en serait amere , ^ ei amertume a un jeune homme c'est presque injustice. D'ailleurs, la scule lecture de ces vers suffit pour e'veilicr dans I'csprit de chacun 758 LIVRES FRAN^AIS.- tout cc que nous pourrions dire sur Baridon , sur Cromwell , sur Mephistopheles , etc. j nous aimons mieiix terminei* par I'cncourage- racnt, en citant quelques fragmens de la piece int\{u\ee Education, inspire'e non par la servile ambition de la forme d'autrui , mais par cet esprit de sc'rieuse politique qui domine notre c'poque. La manicre franclie de cette satire se tranche comple'tement de toutes ces autrcs maniercs fan tastiques et meme des poc'sies adresse'es a cetle pauvre revolution de juillet , qui semble aujourd'hui si pen se'rieuse qu'on n'ose vraiment plus enparlcr, a moins de voidoir faire rire a scs de'pens les doctrinai- res, et amuser de sa simplicite les poliliques du jour. Oui, I'ediication est line lepre immonde, Un ulcere, un poison lent qui ron{',e le monJe. Des Fenfance elle prend les hommes par la main Et les emmcne tous loin de lenr droit chcmin. Elle dit a celui qui devrait, tMe dure , Passer sa vie entiere a balayer I'Drdure ; « Ton pfere est riche ; bien ! n'exerce pas tes bras , Je te ferai niinistre et lu gouverneras. » Elle dit a celui qui , naissant sous le chaume , L'ame forte , devrait gouvcrner le royaume : « Ton pere est pauvre ; bien ! va fatiguer tes bras, Tu ne sauras pas lire et tu laboureras. » Elle prend au collet un enfant de genie , L'allachfi sur un code, et, sanglante ironie , Lorsque son avcnir devait etre vou^ Au sublime de Tart , en fait un avO'U^ ! On voit chamarr«^ d'or et de croix et d'acier ,- Un general trfes-bon pour elre un dpicier , Pour s'en alter crier dans chaque promenade , Des boutons a cinq sous et de la limonade ; On voit a la cuisine un profond orateur , Qui par hasard est ni fils d'un restaurateur ; Cette dducation qui change tout de place Sur le trone de France assied un garde-cbasse , Jurant qu'un souverain sans contredit est bon , Scrait-ce Charles X , s'il sc nomme Bourbon. Fi des oisifs , de ceux qui consument le tems A vivre pour nc pas mourir et sonl cnntcns. LIVRES FRANgAIS. 789 IniUiles autant que de froids automates, Lorsqu'ils sont parvenus a incttro leurs cravaies , De fafon que Ics bouts en un scul rcunis , Aillent , multipliant des anneaux infinis , Se perdre sous les plis de beaux gilets de soie DonI la forme gothique avec art se deploic. Fi cent fois dcs oisil's , de ces ,oTands avaleurs Qui gloutonnent les fruits des ardens travailleurs , De CCS plats muscadins qui , pdtris de sottise , Ne peuvent dire un mot sans dire une betise. J. R. 'i'20. — Conies de mon hote , recueillis et public's par Jedediah Cleisbotham , maitre d'e'cole ct sacristain de la paroisse de Gander- cleugli; traduits de I'Anglais, par A.-J.-B. Defauconpket ; quatrieme et derniere se'rie, contenant : Robert de Paris , le Chateau perilleux. Paris, i832 (i83i); Ch. Gosselin. 6 vol. in-12; prix, i5 fr. Un genre de litte'rature n'a qii'une e'poque, pendant laqiielle il appa- rait poe'lique et fe'cond , inspire des besoins , des sentimens et de la situa- tion sociale des hommes ausqucls il s'adresse; apres le reman de moeurs et d'intrigues, apres I'abbe Pre'vost , Richardson, Crebillon fils, est venu , de nos jours , le roman Listorique. La revolution de 89 aclievee, la socie'te c'tait nivele'e, les classes dites supe'rieures avaient perdu toute leur influence; la puissance, et To- riginalite n'e'taient plus en elles ; peu importaient leurs mceurs, leurs intrigues , leurs deT^aucLes ! pour la litte'rature , il n'y avait plus ricn a puiser dans la vie de ces classes de'cre'pites , descendues toutes sous le niveau commun d'une existence bourgeoise peu faite , comme onsait, pour inspirer la poe'sie. C'est alors que se fit sentir le besoin de revivre dans le passe , dans le moyen age , au milieu d'une civilisation pittoresque , pleine de mou- veraent et d'agitations belliqueuses , avec des races au langage e'nergi- que, au costume pittorestpie ; on voulut surtout s'e'cbapper des salons , et contempler I'homme sous le soleil , dans les plaines, sur les lacs , les fleuves et les montagnes ; on voidut se trouver face a face avec la na- ture , la nature sauvage ou champetre , la nature qui rappelle le coeur aux emotions vraies , naivcs , gc'nereuses , sublimes I 74o LIVRES FRANgVIS. Telle fut I'inspiration de Rousseau et de Bernardin-dcSaint-Picrrc , puis celle de Chateaubriand , de madamc de Staiil et de rAlleniagnc. Les ronians de Walter-Scoit et de Cooper sent rexpression la plus large de cet cntrainemcnt de I'liomme vers la nature. Toutcs les passions , toute la vie de leurs ])ersonnagcs , tous les raou- vemens des populations qu'ils rcprcscntcnt sont en harnionie avcc le pays qu'ils habitent; unc situation dramatique, un combat , une scene d'amour I'appellent toujours a votre souvenir un site poe'tique, une plaiue, une valle'e, un rocher que vous n'oublicrez jilus. .11 y a dans cette liltcrature toute une j^oc'sie nouvolle el le gernie d'une poe'sie encore plus fe'conde et plus inspire'e. Mais , comme je le disais en commencant, un genre de litte'ralure n'a qu'une e'poque, et le romjm historique de Scott et de Cooper parait epuise dans ces deux grands poetes. Nous avons park' du Bravo, faible e'tincelle e'cliappe'e a»i genie de Cooper , nous soinmes obliges d'annoncer aujourd'bui deux nouvelles productions de Walter-Scott, plus faibles encore, signe de- plorable d'e'puisement et de ste'rilite. Le sujet de Robert de Paris est pris dans I'histoire de la premiere croisade, celle qui a ete chaiilee par Ic Tasse. Les croise's, commande's par Godefioy de Bouillon, arrivent a Constantinople; Tcmpereur Alexis Comnene refoit les liommages de I'armce chre'tienne ; mais , au moment oil il descend de son trone pour aller au-devant d'un chevalier qu'il veut bonorer par cette marque de distinction particuliere , passe un seigneur franc , tout barde' de fer , qui s'assicd insolemmcnt sur le trone vide de I'einpereur. Ce seigneur est le conite Robert de Paris. Alexis, prince astucieux et craintif, refuse de sc venger de la bra- vade de Robert et parvient a I'attirer a la cour. La, le comte e'prouve une suite d'aventures insignifiantes; il est jete' dans un cachot, attaque' par un tigre qu'il assomme, puis par un orang-outang qu'il poignarde, et de'livre' enfin par un Saxon, soldat du corps des Varangicns. Avec Robert de Paris est venue a ia croisade la comtesse Brenhilda , arme'e de pied en cap, comme son illustre epoux, ce'lebre par ses exploits et sabeaute' ; cette male beaute a se'duit le Cesar lache et effemine' de la cour d' Alexis^ Nicc'phore Brienne. La comtesse est attirce dans les jardins d'un pliilo- sophe-magicien, Age'lastcs, qui conspire avcc le Ce'sar pour enlever Brenhilda a Robert; mais la comtesse sail re'sister a toutes les tentatives Ll'VliES I'R\N(^;AIS. r/^i de Nicdplioic, ct finit par le dc'ficr en cliaiiip clos, proiucltanl d'appai- tenir au Cesar, si e!le est vaincue. Le jour du combat arrive, mais iii le Cesar , ni la comlesse ne paraisscnt ; celle-ci est retenue dans les jar- dins du pliilosophe, Nicephore est arrete dans le palais d'Alcxis , ac- cuse de conspiration centre la personue sacre'e de rempereur. Dans I'u- rene se presentent Robert de Paris et le soldat Hereward. Ce person- iiage est un dcs priucipaux lie'ros du roman, II parait dans toutes les in- trigues, au milieu de tous les partis; il est le guide et le sauveur de Robert dans Constantinople; niais , en fidele Varangicn , il soutienl la cause du Cesar, gendre d' Alexis, et s'ofire pour re'pondre au dc'fi du cointe : il est vaincu et e'pargne par Robert ; pour recompense de son de'voumentj Alexis lui permet de relourner dans son pays , en.Angle- terre. A toute cctte action tres-enibrouillee , bizarre, souvent insianidante , 7 7 O ^ se mele uue intrigue politique qui menace la vie de I'einpereur; mais celui-ci parvient a jouer tous ses ennemis et leur pardonne. II est impossible de rien trouver de plus ennuyeux que la lecture de ce roman. Tous les caractercs sont manquc's, ou plutot les personnages n'en ont pas; la narration est longue et diffuse. La, conmie Cooper dans le Bravo ^ Walter-Scott est entierement de'payse : aussi ne trouve- t-il pas une seule inspiration, pas un mouvement patbe'tique, pas une scene passionne'e. Ce livre te'moigne d'autant plus de I'e'tat d'e'puisement de Walter- Scott , que le sujet e'lait beau et pretait a des de'veloppemens pleins de poesie et de dramatique. C'etait un spectacle e'trange, fertile en con- trastes piquans, que celui de cette courdu Bas-Empire, deTjauclie'ejcffe- mine'e, perdue dans les details minutieux de I'e'tiquette, ct celui de ces Lommesnouveaux , converts de fer, intre'pides, d'une foi active qui ne se pcrd pas dans le bavardage ct les disputes de mots. D'un cote', tout cet empire d'Orienl qui s'en va, qui expire de langueur, incapable de porter une armure , oblige de soudoyer les barbares pour se de'fendre, ct de raulre,rOccident tout entier qui dcfborde, le monde nouveau qui se pre'cipite sur le monde ancien, une civilisation nouvelle, sauvage encore, qui pcnetrc au milieu de cclte civilisation de'cre'pite, tombe'etn quenouille. Dans Richard en Palestine , Waltcr-Scott s'c'tait deja transporte a TOME Lll. DLCEMBIIE I 851 . 48 ^42 " LIVRES FRAN^ATS. Tcpoque dcs croisades ; mais avcc quelle grandeur , quelle puissance dc genie I Lc comic Bohert n'cst que la parodic de Richard, si brave, si impe'tueux , ct bon cepcndant comme tous les braves. Je passe an Chateau perilleux. Ce roman est encore un episode dc la longuc guerre acbarnGe dcs Ecossais et dcs Anglais. Lc chateau de Douglas est garde par une garnison anglaisc, commandc'c par sir Jolin Walton ; dcpuis plusieurs mois , ce chevalier defend la place coutre Ics altaques des Ecossais. Walton met d'autant plus d'ardeur dans cette de- fense, que la main d'une j)arcnte du roi d'Angleterre est promise a cc- lui qui saura conserver lc chateau. I-a princesse , a ce qu'il parait, est pressc'c d'appartenir au gouvcrneur, car nous la trouvons aux environs du chateau, dc'guisc'c en polcrin et accompagnc'c d'un rac'ncstrel. Elle vent s'assurcr par elle-meme du courage de son araant. Retiree dans un monastere , elle observe tous scs mouvemcns; mais Walton conceit des soupcons sur la presence dc ce jeune moine ct vent le faire arreter. Lady Augusta se sauvcj clle est prise par Douglas, qui propose de rendrc a Walton samattrcsse, a condition qu'il rendra lc chateau. Le gouver- neur refuse, mais il n'cn pcrd pas inoins lc chateau. Sir Walton, ayant e'te vaincu dans une attaquc imprc'vue des Ecossais , au milieu dc Tc- glise dc Douglas , est condamne a quitter la place. Lc roraan affirme que le gouvcrneur n'a pas etc blame par lc roi d'Angleterre, et qu'il a sauve son honneur , mais il ric fait pas connaltre s'il a epouse lady Au- gusta. II n'y a rien a dire d'un pareil livre, si ce n'est que Waltcr-Scott parait I'avoir e'crit en dormant. Les pcrsonnagcs n'ont aucunc origina- litc, aucunc passion forte ct dramalique. Dans les descriptions, plus de cettc poe'sie de la nature , de cct amour de la terre d'Ecosse qui donne tantde charme a ses creations. Ces deux romans sont le dernier souffle du vicillard, comme dit Walter-Scott, a la fin du Chateau perilleux. Dans ce post-scriptum, le sublime conlcur fait ses adicuxau public ct lui annonce son depart pour ritalie ; nous adrcssons aussi au genie du poetc romancier un dernier adieu , mais un adieu d' admiration et de reconnaissance. Toutc la chaleur et la poesic du soleil dc Naples nc pourront raviver la source e'puise'c dc ces histoircs dc Clans qui nous ont tant charme's dans nos raauvais jours dc se'chcrcssc, d'cnnui ct dc dc'scnchantement. I LTVRES FRANCJAIS. 743 A son retour, Walter-Scott doit se rencontrer avec Goethe; ccs deux grands Tieillards auront de beaux souvenirs a se redire j ainsi est e'teint .aiijoiird'inii le gc'nie des trois poetcs crcaleurs de la poe'sie moderne , lord Byron, Walter-Scott, Goethe; Ics chants ont ccssc; nous n'cnten- drons phis que I'echo affaibli de leur voix, rctentissement me'lodicux encore chez Lamaitine et Hugo. Mc'ditons aujourd'hui avec recueille- raent ces grands poetes , et cherchons encore dans leurs inspirations I'inspiration d'nne pocsie nouvelle. A. Si-Ch.... 111. — La vieille Fronde ( i64S) ; par ^e/zri'MARTiN. Paris , i83'.i; publication de Charles Lemesle, chez madame veuve Charles Be'chct , quai des Augustins , n" 5q. In 8° de xi-364 pages', avec une vignette de Tony Johannot ; prix , ■y fr. 5o c. M. Henri Martin a voulu traduire en scenes dramatiques une e'poque de notre histoirc ; et il a e'te' heureux dans le choix de son sujet. La vieille frondcl y a-t-il rien de plus anime, de plus piquant ? et les Mc- moires du cardinal de Retz , quelle source ine'puisable ? Les caractcres se pressent sous le pinceau de I'artiste ; d'un cote' Anne d'Autriche , Mazarin et cette cour corronipue , trendilans , souplcs a I'heure du dan- ger; arrogans, hautains, lorsqu'ils croient n'avoir plus ricnacraindre : de I'autrc le coadjuteur et son gc'nie , le pre'sident Mole et son flegme imperturbable, les conseillers Broussel , Quatresous, etc. , et leur pa- role breve et tranchantc Que d'agitations I que d'e've'nemens I que d'inte'rets mis en jeu I Ccrtes , il est impossible de ne pas voir dans les troubles de la frondc un des prologues du grand drame qui se de'roule encore devant nous. A travers le chaos de passions qui se hcurtent du- rant cette tcmpete de quatre anne'es , il est facile de de'meler et dc suivre le progres de 1' esprit national et des doctrines politiques. Le peuple commen^ait a compter pour quelquc chose ; des voix coii- rageuses proclamaient au sein du parlement de Paris les grands principes de la liberie individuelle , du vote libre de I'impot , de I'abolition des monopoles ; de nobles tentatives , quelquct'ois couronne'es de succes , e'taient faites pour imposcr de sages limites a la puissance des rois. On ne pent dire au rcste que la frondc du jiarleiuent , cc court mo- ment de regeneration politique , qui brilla veis le milieu dn dix-scptieme 48. ^44 UVRES FRANC MS. sicclc , soil rcstc'e sans rcsultat ; Ic mouvemcnt qui amcna la declaration dii ^4 octobrc 1 64^ c'lait un jalon jete siir la route de la liberie'. M. Henri Martin , apres avoir csquisse dans son introduction la si- tuation de la France apres la niort de Richelieu , commence son action au coup d'etat qui suivit la bataille de Lens , et la terniinc a I'arret de proscription lance contre Mazarin et au sie'ge de Paris. II etait inutile de faire dcs frais d'iraagination pour trailer un sujet si dramatique par lui-memc ; aussi I'auleur s'est-il conlente' de grouper aulour de ses ca- racteres liistoriques quelqucs figures sccondaires qui ne manquent pas d'originalitc , mais qui n'ajoutent rien au tableau. A part quelqucs negli- gences de style, M. Martin e'crit facilcment et bien; son ouvrage est comme une e'bauche le'gere qui nous promettrajt un peintre de plus , mais qui indiquerait une main encore pcu exerce'e ; nous I'encouragerons done a perse've'rer dans la carriere oil il vient d'entrer avec distinction y et a contiuuer des travaux litte'raires aussi dignes d'inte'ret. '222. — L' Assassinate scenes meridionales de i8i5j par Meuy. Paris, i832; Urbain Canei et Adolphe Guyot. In-S" de 336 pages j prix , 7 francs. De notre tcius les ide'es naissent , passent et se succedent avec une rapidile que I'esprit le plus actif a peine a suivre. Nous avons abdique toutcs vieillcs croyanccs politiques , litteVaires, religieuscsj et la so- cie'te est en travail de complete renovation : paroxisme fie'vreux d'in- certitude et d'essai, qui use, avec une infatigabic persistance de des- truction, les monumens inachevc's et iragiles qu'e'lcvent, dans la nuit et sans but, dcs mains mal assure'es. On est presse de jouir abondam ment du present, quand on n'a plus foi dans I'avenir. Pourquoi les artistes perdraient-ils dcs anne'cs a mc'dilcr de grandes cLoscs , lorsque le monde roiile si vile auprcs d'euxj ct, changeant cbaque jour de so- leil , nc doit plus s'incliner domain devant I'astre qui les inspire au- jourd'hui? Aussi, dans ce siecle mobile ct remnant, cbercliez quellcs sont, en general, pour les arts , les productions les plus goutc'es : a jieu d'exccptions pres, des e'baucbes seulemenl. Ce fail general cxplique, je crois, I'emprcssement avec lequel des e'crivains, doue's d'ailleurs de beancoup de. talent, se sont porte's vers un genre que I'lnde'cision de ses formes rendait aussi commode a leur paresse que proprc a satis- LIVRES FKANCAIS. 745 faire les de'sirs variables de noire inconstance. Pour le draine on jiour le roman ordinaire, il ne siiffit pas dc jctcr encore brute, a des lecteurs oil des spectateurs que Tappareil dii litre a rcndus difficiles, une con- ception qui vienl d'e'clorc. Voycz : il faut d'abord I'agencer avec c'tudc, harmoniser ses proportions, distribuer savamment Tinte'ret, polir et lustrer les details. Quel long travail ! et le public est la, impatient, qui prete pour quelques minutes une oreille attentive : on perdra I'occasion de ses bonnes graces , si Ton ne se liate de les captiver. Vite, ii I'ceuvre ; et Ton de'laie , en vingt on trente scenes dialoguees , quelque donnc'e de I'histoire, quelque fiction romancsquc, drame batard sans perspective , sans costume et sans illusions, informe roman oil manquent Ic charme des de'veloppemens , le prestige des descriptions et des rc'cits. Tout y est superliciellement effleure : moeurs, caracteres, passion, intrigue, style : rien n'cst approfondi, rien n'est lermine; point de relief, point d'harmonie. C'est une vieille comparaison : on a grave sur la cire, avcc un Ic'ger crayon , des traits qui la creusent a peine ; vient le tems, et fa- cilement il efface tout, pour livrer le meme canevas, pret toujours a re- cevoir et a perdre tour a tour ces moUes empreintes, aux favoris suc- cessifs de la vogue. M. Me'rypeut sansdoute pre'tendre a des succcs plus durables; aussi je ne crois pas que sa gloire soit fortenient inte'resse'e aux destine'es de son nouvel ouvrage : VAssassinat est une esquisse qui appartient a I'ecole que les scenes historiques de M. Ludovic Vitet ont mise a la mode. M. Me'ry nous y montre I'un des coins les inoins e'claircis jus- qu'a present du tableau qu' ont offer t les reactions impurcs dc i8i5. Mais sa palette, d' ordinaire si riclie et si vivante, ne lui a point, cette fois, fourni les teintes vigoureuses que re'clamait le sujct. Ce que je pre- fere, dans ce volume, c'est I'introduction , simple narre' des fails donl I'auteur fut ^e te'moin oculaire, lucide expose' des observations locales que sa me'moire et sa penetration lui ont fournies sur les causes in- times de cetle ephe'mere terreur, resume succinct des traits princi- paux de son di-ame. Celte trentaine de pages forme un morceau, sinon tres-neuf, du nioins curicux, d'hisloire ct de moeurs conlempo- raines. L'e'crivain y signale avec sagacile la pcinicieuse influence de ces comrae'ragcs de parti qui, descendant des sommite's, propagcnt de proclie en proche la calomuie jusqu'a ce qu'clle ait pris racinc dans les -746 LIVRES FRAN^AIS. ccn'caiix ignorans , opiniatrcs ct ardens , ou la haine fermente soiirde- mcnt avcc le de'sir de la vengeance, ct n'c'clate enfin , au dehors, que par Ics exces de la plus de'lirante ciuaiUc. Puis il fait justice de la la- chcte' de ccs nobles et de ces pretres, hardis a attiser dans rombre , au nom du tione ct de I'autel , Ics mauvaiscs passions qu'ils n'osent, au jour du danger, ni dinger ni relcnir. II de'voile enfin ce singulier tra-. vers des fanfarons de raeurtrc, pour qui les prouesscs sanglantes de 1 8i 5 furent long-tems un objet de parade dont ils s'affublaient volontiers dans leurs vantcries de cafe. Apercus inge'nieux et vrais qu'il essaic en- suite pe'niblcmcnt a personniGer sous des noms supposes. Pour acliever de refroidir cclte tcrne idealisation, une pudcur de patriotisme, fort respectable d'ailleurs, lui a sugge're'une precaution maladroite. M. Me'ry n'a point fait de son assassin un enfant de la Provence , il I'appelle I'Etranger. Maure , Ge'nois, Catalan, Grcc, Sicilien ou Calabrais, on ne saitj et sa physionomie reste aussi indc'cise que sa veritable patrie. Ce qui est rcmarquable , dans une ceuvre e'chappee a la pUiine du collaborateur de Barthelemy, c'est I'abscnce de poe'sie, le niaigre pro- sai'sme de la conception et du coloris. On repre'sentait il y a pliisieurs raois, sur les theatres du boulevard, un rac'lodrame jntitule la Mort du marechal Brune , ou quelque chose de semblable. Un acteur, Jemiua, je crois, pretait a Trestaillons sa taille eleve'e ct des traits e'nergique- inent grimes. Vraiment, son feutre drape d'un mouchoir blanc, sa veste de velours, fantastiquement ornc'e de boutons a tetesbrillantes, son accent meridional ct passionne' , scs geslcs vifs, brusques et mena9ans en presence du calme he'roiqiie dc la victime, faisaicnt mieux com- prcndre ce qu'il pent y avoir eu de pittoresque et de caracte'ristique dans ce hideux episode des moeurs du midi. A. J. '2i'6. - Jean Cavalier , ou les Camisards et les Cadets dc la Croix ; roman historique, par //ern^nc? Roswalde. Paris, i83i ; Lccointe et Pougin , quai de Augustins, n° 495 ^^^ Ricard-Farrat , rue Baillif, n" lo. 6 vol. in-i'j; prix, i5 fr. La guerre des Cc'venncs a , dcpuis quelques anne'es, inspire les ro- manciers. Outre le chcf-d'ccuvrc uialhcurcuscment incomplct 'de Louis Tieck, un autre e'crivain allcmand, F. Scybold, a traite lemcmc sujet. Nous avons en France la Protestante ct le Camisard ; il a aussi paru .i Londrcs un roman sous ce dernier litre. LIVRES rRAN(5:AIS. 7 I7 Ce fut vers la fin du regne dc Louis XIV qu'e'claterciit dans Ic niidi de la France , ct particulierement dans les Ce'vcnnes , les troubles auxquels on a donne' le nom de cainisades. Les liabitans de ce pays, de- signe's pendant cette guerre par le surnom AeCamisards, qu'ils avaient jiris ou qu'ou leur avail donne, se leverent en masse , ct re'sisterent avec Constance dans leurs montagnes aux dragons et aux ge'ne'raux du grand roi. Les me'moires et les liistoires du tems ont raconte diverse- ment , et ont envisage' sous des faces dissemhlables cette e'meute reli- gieuse et les causes principales qui la firent naitrc, Dans ccs protestans, enleve's a leurs families eta leur patrie,prive's de leurculte par la re'-.o- cation du ce'lebre edit de Nantes , perse'cute's dans leur foi , exaspe're's par leur de'sespoir , etre'clamant lie'ro'i'quement, par tons les nioyens au pouvoir de I'liomme , la liberie de conscience et I'exercice inde'pcndant de leurs pratiques religieuses , les historiens du parti calholique ( et ce furcnt pour la plupart despretres et des soldats) nevoulurcnt voir que des mise'rables fanatiques et des re'volte's audacieux que Ton eul raison de re'duire au silence jiar la force des armes. lis re'crivirent dans leurs me'moires , et Y Encyclope'die , vers la fm du dernier siccle , enrcgistra cette opinion dans ces colonnes , y ajoutant par forme de conclusion , « Qu'ils furenl soumis, grace au courage el a rintrepidite du mare'clial de Villars.)) De leur cote, les protestans rejeltent lout le blame et I'o- dieux de cette guerre sur les catholiques, qu'ils appellent des bour- reaux, el dont ils de'taillent a plaisir les atrocite's et les perfidies. Au milieu de ce conflil d'opinions diverses se heurtant I'une I'au- tre , un jeune homme se pre'sente aujourd'hui dans I'intention, louable assure'mcnt, de jeler enfin quelquc jour sur ccs de'plorables e've'ne- mens, sur cette guerre civile, cause'e il y a plus d'un siecle par Ic finatisme et I'lntole'rance, dans un coin dc la France; il veut a son lour retracer d'une maniere plus vraie et plus fidele Fliisloirc do cette escarmouche , faii'e mieux connailre cette secte religieuse avec ses femmes prophetesses, scs pre'dicans inspires, ses moeurs el scs habitudes de guerre el de religion; en un mot, il tcnle , pour les pro- testans des Ce'vcnnes, ce que Walter-Scott et Cooper ont fail avec succes pour les puritains d'Ecosse et d'Amerique. L'entreprise e'lait hardic pour un debut , elle offrail une foule d'obstacles que I'auteur n'a peut-etrc pas loujours surmonte's cnlierement , mais ou il a fail plus y48 LIVRES FRANCAIS d'unefoisprenva de talent ct d'habilete : sa clironiquc, cmprunte'e a des re'cits originaux ct puisc'e dans Acs me'moires manuscrits en sa posses- sion , offre souvent de I'inte'ret ; le caractcre de son he'ros , Jean Cava- lier , est assez bien soiltcnii : ce chef de parti , ajircs avoir fait la guerre centre les troupes du roi et I'intendant de la province , traite d'cgal a e'gal avec le mare'chal de Villars , et dcmande pour les siens la liberie' de conscience : ici le roman se termine sans dire s'il obtint les conditions qu'il re'claraait, et quelques pages plus loin, dans une note, I'auteur nous parle d'un e'trangcr abordant dans une ile voisine de I'Angletterre oil il refoit I'hospitalite d'un vieillard et de sa famille. Or ce vieillard n'est autre que Jean Cavalier lui-meme , le cbef des Camisards , qui confie a I'e'lranger un manuscrit d'ou cette hisloire est tiree. Ch-s M. ri'24- — Vecuyer Dauberon, ou I'Oratoire de Bon-Secours; par M"* MelanieW\i.T)OR ; orne de gravures et de vignettes de MM. Johan- not et Gigoux. Paris , 1 832 ; Moutardier. Tn-8° de 4o4 pages ; prix , 8 francs. II y a vingt ans, trois ou qiiatre libraires exploitaient incognito le rao- deste commerce des romans. La France avait alors autre chose a songer; et I'aiglc de Napoleon, entrainant dans son vol prestigieux tout ce que la patrie comptait de coeurs avides de gloire et d'action , laissait a peine aux salons de Paris quelques imaginations timore'es , qui mesuraient au mesquin compas de I'abbe' Delille une poe'sic sans grandeur et la versi- fication la plus froidcment syme'trique que docteur en prosodie ait ja- mais enseigne'e. Pigaiilt-Lcbrun tcnait alors le sceptre d'un genre ou pen de rivaux s'exercaient avec lui : athe'e de mauvais ton, moraliste bavard, dont les saillies bouffonnes et de'regle'es s'harmonisaient mer- veilleusemcnt avec la philosopliie du bivouac ou les delices d'un ar- mistice. Son e'cole s'est perpe'tue'e jusqu'a nous , et quelque colle'gien , qui pre'fere a Tite-Live Victor Ducange et Paul de Kock a Cice'ron , pourrait vous e'numc'rer ses chefs-d'oeuvre nouveaux; mais I'astre de M. Botte s'est eclipse dans la toule des constellations dont s'enorgueillit le regne des derniers Bourbons. Le canon de Montmarlrc et de Waterloo dissipa tristement les vaines fume'es de gloire dont nous cnivrait le genie du grand capitaine; une phase de travail philosophique ct litte'raire succcda a cette phase brillante de guerres etde conquetes. La jeunesse LIVRES FRANCA IS. 749 se pre'cipita dans la carriere de re'tiidc comine elle avail couiii pic'ce- demment aux champs de bataille; et les bulletins de la grande armc'c furent remplace's par le fcuilleton des Dehats et les romantiqucs co- lonnesdu Globe. Leioman,qn ^4 dolphe, Corine etiJfJ.ne'avaienta peine sauve du me'pris des hommes de gout , fiit re'liabilite : Walter-Scott , Cooper et Victor Hugo se basardei'ent , d'abord sous la raodeste livre'e des in-douze de M. Gosselin , a braver la repugnance des lecteurs; ils re'ussirent, et tant est qu'aujourd'hui le roman, industrie lucrative des e'diteurs et des auteurs , e'tale pompeusement ses titres gothiques, fan- tastiques, bistoriques et galans sur le large frontispice du grand in- octavo. Tout ce pre'ambule pour en venir aparler de la decoration exterieure du livre que nous annonjons. Qu'une seule observation nous soil encore permise : Dans une litle'rature moins d'inspiration individuellc que d'impulsion exterieure, chcz des hommes qui e'crivent pour e'crire,avec leur esprit plus souvent qu'avec le coeur et la conscience, doit-on s'e- tonner que ces efforts factices aboutissent fre'quemment a la pretention dans les formes comme a I'affectation dans le fonds. Voyez, ce de'faut se trahit jusque dans I'execution mate'rielle de nos livres : titres iliisi- bles a force d'e'trangetc dans les caraclcrcs e'gyptiens, tudesqucs et chinois que I'art du fondeur s'applique a varier sans ccsse; vignettes a fantasmagoriques effets oil I'originalite' s'efface a force d'etre myste'rieu- scment obscure; longues pages blanches a la fin des chapitres qui fati- guent le doigt pendant que la pense'e se distrait: toujours iinc vanitcuse pre'tention a sortir des voies communes. Une femme ne pcut se dispenser de satisfaire aux exigences dela mode, et I'auteur de rEciijer Daiibe- ron est toute excuse'e d'avoir, pour lui obe'ir, accueilli les de'plaisantes gravures ou son roman est traduit en logogryphes. En cela son e'ditcur seul nous semble responsable et reprehensible. Quant a madame Waldor, passons enfin a I'ouvrage lui-meme. Ali3e, c'est rhe'roine du texte comme des vignettes. Elle vit solitaire et reveuse dans I'enceinte fe'odale du chateau de Grigny , situe' (jc I'ap- prends au second chapitre, et n'ai point le tcms de verifier sur la carte) dans les environs de Fontaineblcau. Son amant c'est Xavier, capitainc des gardes, qui chcvauche de Meliin a Fontaineljleau, de Fontaineb'cau a Grigny, sur Ralph, noble coursicr a la ciiniere ondoyante , aux 75o Ll\'RES FRANg\IS. jambes mcnues et nerveuses. Leiir amour s'est e'lectriqucraent allume iiii soir, le premier dc leiir connaissance_, devant un grand livre ou Xavier depose ringe'nieuse declaration de ses sentimens dans un vers de douze piedSjintercale enfie deux rimes du Cid, le Cid de Pierre Corneillc. Par grand dommage vicnt a la traverse unc courtisanne, Gertrude Rim- bault , Franf oise Givry , comtcsse de Montjoie : une trinitc de nonis pour la mcme personne. Gertrude est coquette, fausse ct cupide , courtisane sans passions, sans libertinage, sans gatte, sans philoso- phies jc pre'ferc Marion de Lorme ou Ninon, scs contcmporaines. L'amour-propre du pauvre Xavier est f.icilemcnt la dupe des artifices de cette e'honte'e maitresse, et lemalheureux se laisse prendre aux feux foUets d'unc feiole passion, qui I'attircnt d'erreur en errenr jusqu'a I'abime qui doit I'engloutir. Lugubre de'noument ! Le convoi d'Alide vient croiser la voiture de noces ou se pavane la honteuse fiancee de I'e'cuyer: rappelant cclui-ci a la conscience de ses torts, ce fatal incident le frappe de mort tragique, ct realise ainsi la devise des deux amans : Unis 7nalgre tout. La moralltc, la voici : « C'est grande pitie' que la faiblesse chez les hommcs ! Ceia pent conduire a toutes Ics fautes , a tons ies ridicules , a tous les crimes. » Cette sentence sort de la bouche de Louis XIIIj car j'allais oublier de dire que ces e'veneraens se passcnt de son terns , en 164... et prcsque dans sa cour. Qu'importe, apres tout? Subtituez aux noms prcsque gothiqucs de Bcrthc, Alix, Robert, Gertrude, des noms d'un goiit modcrne; mettezuncachemire a la cour- tisane , une robe d'HerbauIt sur la taille elegante de la demoiselle de Vermanteaux; rcmplacez le Juif, diseur de bonne aventure , par made- moiselle Lenormand ou quelque sybllle de la Cite; re'tabiissczdans cer- taines phrases les monosyllabes omis a dessein pour donner une date au dialogue, et vous aurez une histoire de iSSa , avec des acteurs assez imparfaitement caracle'rise's , des passions faiblement approfondies , mais ou la touche gracieuse, delicate et fine d'une femme a laisse son em- preinte dans quelques scenes de coquetterie feminine et de douce senti- raentalite. Des vers agre'ables, epars dans les recueils des dernieres anne'es , ont me'rite a madame Waldor une place dans la cour poetique oil sie'gent mesdames Delphinc Gay, Desbordes-Valraorc et Amable Tastu. Son roman , s'il nous est pcrmis d'etre francs, n'aurait point suffi pour lui en' ouvrir rentrc'e ; pourlant nous sommcs loin de prc- tendrc qu'il puisse Ten exciure. A. J. LTYRES FRANgAlS. 701 •i-i5. — Les Rebelles sous Charles V, par M. le vicomtc d'Arlin- couRT. Paris, i83'i; librairie cncyclope'diqne, rue des Saint-Peres , n** '26. Trois vol. in -8°, ensemble do To4'-i pages; prix, 'x\ francs. On a mis en vente il y a pen de jours le nouvcau roman de M. d'Ar- lincourt , et deja la seconde edition va paraitre. Nous nous bornons au- jourd'hui a constater le rapide succcs de ce livre , nous re'servant de I'analyser dans notre procLain cahier. •x:iQ). — Le Manuscrit iter?; par Gustave Df.ouineau. Paris, 1882 ; Charles Gosselin , rue Saint-Gci'main-des-Pre's, n» 9. Deus. vol. in-8° de 383-367 pages; prix, i5 fr. Le cltristianisme commence a ctre de mode; la morale est de bon ton, et se porte, cet hiver, dans les salons; en the'orie, bien entendu , la pratique serait ridicule ct de niauvais gout, ce serait a se faire mon- trer. On a tant besoin d'etre quelque cliose, de sentir quelque chose, que, dans ce vide d' existence, ce ne'ant de croyances, on est pris secre- tement d'une vague inquietude, comme si toutes choses allaient soudai- nemcnt finir; on ne voit, en avant, que te'nebres, et Ton craint que ce ne soit une nuit flottante a la surface d'un abime, et alors on se rejette en arriere et on se rattache nerveusement a quelques poigne'es d'un gazon fle'tri que I'humanite, en avangant, a deja foule sous ses pas. On-en est venu a sentir le degoutant e'goismequi s'exhale de ce mate'rialisme ration- nel si prone' par certains pliilosophes,si pratique' par certains politiques, et la reaction commence. Chacun plante sa banniere^ et le toot religion commence a ne plus faire rireles esprits forts. Les uns, descendus aux derniers degre's d'aveuglement,partent de I'unite' pour affirmer que tout est bien , et re'habilitant ce que flc'trissait la morale du passe' , le'gitiment toute passion et donnent sanction aux vices les plus de'goutans et aux plus honteuses turpitudes. D'autres veulent encore le christianisme pour I'avenir, raais refait tout a neuf: et Ton se dispute sur'la facon du nouvel habit : est-ce avec le pape , successeur legitime de Sainl-Pierre ? mais on ne croit plus a la le'gitimite'; est-ce avec une armce spirituclle de pretres et d'evcques? mais le seul nom de pretre est une condamnation ; est-ce avec un pa- radis mystique, peuple d'ames ange'liques? mais on ne comprend guere la communication et I'existencc des esprits sans le sccours d'une mani- festation matc'ricUe. 752 LIVRES FRANQAIS. II en est enlln qui vculcnt l.-v science , rien que la science ; pour toule leligion la rae'canique et la physique, qvii doivent peimettrc au le'gisla- teur de calculer a I'avance les inoiiveniens dcs hommes , ct do tracer les orbites de ces satellites d'espece nouvelle, cnclialne's a la surface de la jilanete regulalrice. Mais nous disons, nous, qu'une religion n' est pas cliose qu'un reveur improvise on qu'un manipulatcur raccommodej lorsque I'liumanite' a de'passe la croyancc qui suffisait a ses percs, et qu'elle I'a brise'e avec les e'le'mens informes des ve'rite's nouvelles que ses grands bommes ont conquiscs, il faul dc' longs travaux ct de se'rieuses meditations pour arriver a coordonner lous ces fragraens de'sunis de I'c'difice nouveau , ct concilier a la fois rhe'ritage impe'iissable dc la religion de'chue et les dons nouveaux. dc la philosophic victorieuse. M. Drouincau, effraye' du ravage du malc'rialisme en action, et con- duit par Ic noble de'sir de Jeter, au milieu du tumulte, un cri dc ma- rale, se prc'scnte au milieu dc I'arene, son Maniiscrit wrtk la main; il veut, pour tout cnscignement, pcindi'c Tanarcliie religieuse de la so- cie'te' avec ses couleurs rc'elles, ses peintures vivantcs; il met en pre- sence les divers systemcs qui se parlagent les hommes de nos jours , e'go'israe et de'voumcnt , e'picurisme et christianisrae , doctrinarisme et patriotisme, amour de salon et amour de I'ame. Au reste, la facon du livre n'est pas heurcuse : c'est une espiice de traite de philosophic asscz gauchcment diape en forme de roman.« Les habitans du Mexique, dit madame de Stael, portent chacun , en passant sur le grand chemin, une pierre a la grande pyramide qu'ils e'levent au milieu de la coDtrc'c. Nul ne liii donnera son nom , mais tons auront contribue a ce monu- ment, qui doit survivre atous». C'est la I'epigraphe que M. Droui- ncau a choisie ; et , se conformant en vrai croyant a I'habitude mexi- caine , il a de'grossi sa petite pierre , et est venu la lancer au milieu dc Tcnormc entassement de la librairie moderi!j. II y a affaire de conscience a rcndre justice a la bonne intention dc I'auteur, qui a tente de repousser, par un mouvement de cceur, ces theo- ries arides ct fle'trissantes qui pesent sur la socie'te comme un nuage ; les livres immoraux se pressent avec une telle irapudeur, qu'il y a quelquc raerite a essayer un livre moral, lors meme qu'il devrail etrc cniniycux comnic une tragcdie d'acadc'micien ou un sermon de sciuinarislc. Pour- LIVRES FRAN5AIS. 753 qiioi rautenr n'a-t-il pas micux atteint son but? C'cst un regret, non un reproche. Le roman en question nous peint Ics tribulations d'un honnele jcunc lionime au milieu de cette impertinente socie'te' qui occupe les sommite's dc rcchelle du luxe et du bon ton. M. de Flavigny le pere, qui avait acquis la sagesse au prix d'une longue experience , laisse en mourant , a son fils unique, pour tout heritage , un excellent livre qui se nomme le Manuscrit vert, a cause de sa reliure , qui se trouA^e etre faite d'un maroquin de cette couleur ; ce livre renferine, d'apres le peu quej'en ai vu , une foule de conseils de morale fort sages et fort sense's; on doit assure'ment regrctter qu'un recueil aussi pie'cieux soit reste' manuscrit, et que M. Drouineau, qui en a eu connaissance, n'ait pas juge convenablc d'enpublierau raoins quelquesextraits et sentences clioisies.Quoiqu'il en soit, le Manuscrit vert ]one dans le cours du roman un fort grand role, car c'est grace a son inflexible se've'rite que M. de Flavigny se decide a refuser les avances d'une jeune personne, fort accomplie sous tons les rapports , mais dont il trouve I'e'ducation religieuse trop peu developpe'e. La demoiselle en e'pouse un autre , espcrant trouver notre jeune heritier raoins de'licat apres le mariage; mais lie'las ! elle ne connait pas le ta- lisman de maroquin , et son entrainante seduction vient tomber comme une caresse impuissanle devant un certain cliajjitre du manuscrit qui parait avoir ete' rudement fiappc. Dc I'araour outrage a la colere, de la colere a la vengeance, il y a un enchainement d'usage en tous romans , pour nouer I'intrigue et activer le mouvement. hide mali tabes, dc la tous les maux qui vienncnt tour a tour assaillir I'infortunc jeune liomraej de facon que si Ton faisait, ce que je ne soupfonne guere, quelqiie re'im- pression de ce livre en province , I'amplificateur du titre pourrait fort bien e'crire : le Manuscrit vert , ou le danger de resister aux avances d'une jolie fenime. Je ne puis terminer cet article sans ra'etonner qu'on puisse penser qu'il-est de notre age de venir tenter des scenes a cffet, en mettant en avant ce grand mot si sonore de regicide. En vcrite' ce livie en repre'sente un , mais un des plus terribles , un de ces monstres a figure humaine que la restauration avait elus pour en faire ses croquemi- taines; quant au nom de ce formidable personnage, il m'est impossible de le dire, car dans tout le cours du roman il n'est prononce qu'une 754. LIVRES FRANgAIS. seule fois, dans une soiree toute sombre, mais a I'orcille du he'ros, sous le sceau du secret , ct si has , que personne nc I'a entendu , de sortc que notrc regicide demcure un regicide anonyme. Que M. Droiiineau soit encore sous I'influcnce de scs souvenirs d'en- fance pour tout ce qui est relatif a I'liistoire dcs ogres en appe'tit de chair fraiche , assure'ment personne nc lui en fera de rcprocbes ; mais , sur mon honneur , il y a plus [que de I'enfantillage a nous construire du mc'lodramc avec ces hommes dont I'energique stoicisme nous a bris(? le passe' et prepare' I'avenir j devant eux que notre voix soit grave , car pour eux deja la postc'ritc commence. J. R. •227. — Memoires de la Societe d' emulation de Camhrai. Cam- brai, i83i ; Hurez. In-S". II n'v a pas encore long-tems qu'il e'tait d'un excellent ton de tourner en ridicule ce qu'on appelait I'esprit et I'erudition de province. Rien ne scrait de plus mauvais goiit aujourd'liui que la France , loin de re- levei- servilement de Paris, s'efforce de multiplier Ics foyers de lumierc. Parrai Ics academies des dc'partemens , il en est pcu d'aussi actives que la societe d' emulation dc Cauibrai, a l.iquelle M. Le Glay s^mble avoir communique son amour pour les lettres , pour les recherclics laborieuses, pour les travaux utiles et modestes. On ne connait peut-etre pas dans la capitale de la France aussi bien qu'a I'e'tranger tons les titles de cet e'crivain a I'estime des savans. Nous avons cvi plus d'une fois I'occasion de les signaler dans la Revue Enc^clopedique , ct nous en retrouvons une partie dans les Memoires de la Societe', et principalcmcnt dans le volume que nous annoncons ct qui est le douzieme. Le premier date de Tanne'e 1808. Deux nouvelles de M. S. H. Berthoud, dont on vient dc re'unir les Contes misanthropiques ; dcs pieces de vers parMM. Char- les Quenlin , Fideie Delcroix , I'original M. Micl ct le fe'cond M. A. Bi- gnan ; une dissertation de I'abbe' Servois sur la transfigiu'ation du Christ ; ime nouvelle methode dactylologiquc , par M. Dcleaujeune, figurcnl avantageusement a cote dcs travaux de M. Le Glay. Nous ne finirons pas ces lignes sans annoncer que ce dernier se propose de publicr le Chronicon cameracense avec une traduction, commc M. de Fortia Ta fait pour Jacques de Guyse, cliose peut-etre raoins utile que cou- teuse aux lecteius de parcils e'crits. 228. — Memoires de la Societe des bibliophiles francais ; t. VI. Paris, i83i ; A. F. Ditlot. Grand in-H". LIVKES FRANgAIS. 'j55 Au milieu des toiirmentes politiqucs, Ics bibliophiles francais ont conserve leur cliarte paisible arcc fidclilc , seulcment ils y ont ajoute tin article par lequel ils ont decide qu'ils publieront a I'avenir, au lieu dc recuei's, des brochures se'pare'es. Le sixiemc volume des Melanges est done le dernier. II doitbeaucoup a M. de Monlmerque, e'rudit selon mon cceur, si je puis m'cxprimer ainsi, e'rudit consciencieux, sans charlata- nisme, sans plagials de'guise's. Comme ce volume n'est tire' qu'a trente exemplaires , etqu'ilest, par consequent, une rarete dans toute la force du mot, on ne sera pas facbe d'en trouver ici la table des malieres : Li josAdan, par Adam de le Hale. — Moralite de I' Enfant de perdi- tion. — Le Dialogue du fol et du sage (scizieme sieclc). — Farce recreative de Tout, Chascun etBien. — Notice sur quelques outrages singuliers , composes sur des sujets analogues. — Proces de Caroline Mathilde, reine de Danemark. — Lettres d'Etieiine Baluze, de Saint-Ilyacinte , de Piron, du marquis de Caraccioli, de madame de Pompadour , du comte de Ferriol, de Maupertuis , de madame Deshoulieres , de Racine le fils , de Foltaire {Xrhi-c\\r'\enses). — Lettres jesuitiques relatives a Gresset. de Reiffenberg. 'i.'i^. — Table decennale de la Revue Encjclopedique, on Re'per- loire general des malieres contcnues dans Ics quarante premiers volumes de ce recueil; public par les soins de M, A. Jullien, de Paris, de iBiQa i8'i(j; mise en ordrcet re'dige'epar M. P. -A -M. Miger. Paris 1 83 1 J rue des Saints-Peres, n" 26. Deux volumes in-8» de 5io et G16 pages en petit-texte; prix, 16 fr. Cette table, qui contient pres dc quinze millc articles, n'a pas e'te' seulcment faite pour les possesseurs dc la collection complete de la Revue Encjclopedique j le soin avec lequel elle a cte re'dige'e la rend inte'res- sante pour tous ceux qui voudront connaitre les produils de rcsprit humain pendant les dix dernieres anne'es. C'est en effet un vas!e ma- gasin oil sont classes, sous I'indication gene'ralcdcs contre'es et des scien- ces aiRquelles ils apparticnnent , les faits, notions et decouvci'tes , oil sont analyse'es les compositions litte'raires de tous les pays, de telle sorte que le lecteiir le moins exercc pcut facilcment comparer entre ellcs soit les diffc'rentes nations ct leurs littc'ratures , soit les diffc'rentcs bran- ches des sciences et des arts , et appre'cier leurs progres ou leur dcfca- dence. • ^. INOUVELLES SCIEINTIFIQUES , INDUSTRIELLES ET LITTERAIRES. AMERIQUE SEPTENTRIONALE. MEXIQUE. Mexico. — Extrait d'line lettre ecrite par un vqyageiir fran- cais (-25 octoLie i83i). — Difficulte des communications; Leperos; Servitude des cultivateurs ; Foleurs de grands chemins ; Pices des hautes classes; Passion du jeu; Pratiques religieuses ; Revolutions poliliques. — Un scjour prolonge en Angleterrc , les difficulte's d'unc navigation oiageusc et d'un penible voyage par tcrre, m'ont fait diffe'rer jusqu'a pie'sciit dc vous e'crirc. A Londres , j'ai etc te'iuoin de pJusieurs des emeutes dent les journaux. vous ont entreteniis , et j'ai pu m'assurer derimmense distance qui se'pare encore les classes infe'rieures de Lon- di-es et celles de Paris. On ne voyait , dans cette premiere ville , que fi- lous, se poussant, abattant les cliapeaux. des passans (ainsi comraen- ^aicnt la plupartde ces affaires) et se ruaut dessus : c'e'tait , en un mot, une veritable canaille. Qu'il y a loin de la au peuple de juillcti — Traversant le sud de I'Angleterrc , nous allames nous cmbarquer a Fal- mouth; et, apres avoir vuMadere, les Canaries, la Guadeloupe, nous toucliames a Jacmel pour deposer la correspondance de Haiti. Je voulus fouler du pied cette terre qui fut franf aise , et j'y appris avcc quelle fa- cilite s'oublient les baines nalionales , surtout sous un ciel oil les ge'nc- rations pas$enl aussi rapidement qu'a Saint-Domingue Nous deljar- quames a Vera Crux, ce tombcau dc tant d'Europe'ens , et dont Ic climat est plus redoutablc encore pour Ics Mcxicains dc rintericur. Les cent licucs qui se'parcnt cette ville de Mexico prcsentcnt plus de diffi- AMERIQUE SEPTENTRIONALE. MiXIQUE. '^5 J culte's au voyageur que la traverse'e de la France au Mexique. Poiir donner une idee de la nature des communications entre ces deux points, il suffira de vous dire que nos de'penses se sont e'leve'es a cent mille francs environ , pour le transport des personnes (au nombre de onze) et des bagages; nous avons fait deux journc'es en litiere , espece de chaise a porteur , ou deux personnes se couchent a I'aise , et que portent deux mules, une ^^lace'e devant, I'autrc par derriere. Enfin ;, apres avoir se'- journe a Jalapa et Puebla, etc. , nous arrivamcs a Mexico. Situe'e sous un climat de'licieux, cetle ville serait une des plus belles et des plus agre'ables du monde , si I'incurie des habitans ne laissait pas croupir I'eau dans les rues, et si celles-ci n'e'taient pas infeste'es, jour et nuit, par 1 5 ou 20 mille leperos , qui sont les lazzaroni du pays, volcurs audacieux et cruels^ pleins d'intelligcnce et adonne's a tons les vices. lis fabriquent des poupe'es oil le nu est e'tudie' avec un talent ve'ritable : «tant eux-memes presquc entierement et continuellement nus , on ne doit pas s'e'tonner que les belles formes se gravent dans leurtete. Comrae toute la partie de la population mexicaine qui n'est pas riche, leur avoir se compose d'un drap de laine^ leur unique vetement , dans le- 'qucl ils s'enveloppent le jour, prive's d'ailleurs de chemise et de toute parure, et sur lequel ils dorment la nuit. Leur nourriture est celle de toutes les ti'ibus indiennes : de I'eau , et des tourtes tres-minces , qui sont pe'trics avec des grains de ma'i's , concasses sur une pierre , apres avoir trempe' dans de I'eau de chaux. Des qu'ils ont travaille' quel- ques heures , il faut les payer , et aussitot ils vont se griser avec du pulque , liqueur fournie par les maguey s , sorte de cactus qui s'e'leve quelquefois jusqu'a 12 et i5 picds de haul. Le jeu et I'ivrogncrie sont les fle'aux de la population mexicaine. Aussi, dans les classes inferieures, ne rencontre-t-on qu'etres petits , maigres et chetifs , peu ou point de vieillards. En traversant la plupart des villages , on s'aperfoit que la moitie' des cabancs tombent en ruines ou restent abandonne'es , preuve d'un notable de'croissement dans la po- pulation , malgre la grande fe'conditc' des femmes. Quoique citoyens , les agriculteurs, tous de race indienne, sont trai- tes a peu pres comme les negres. Les riches leur pretent de I'argent , aussitot converli en pulque et en eau-de-vie; puis, pour en obtenir le remljoursement, ils les font marcher au travail a coups de baton. Les mal- TOME Lit. DECEMBRE "1831. -^9 ^C)8 AMERIQUE SEPTENTRIONALE. liciircnx I'cstcnt ainsi, pendant lour vie cnticro, sons le jong deces dcttcs^ cl, comme la lotalitc des terres cultive'es appaiticut a do grands propric- taircs, lent- condition est en rcalite cellc des serfs j car, des qii'ils veu- lent passer sur uue autre habitation, Ic j)roprie'taire de Y hacienda Ics reclame et les retient, en s'antorisant de leur qualite de debiteurs. A pen d'exccptions pres, la terre est enlrc les mains des hlancs ; aussi les Inclios, les regardant coranie des intrus, les volcntsans scrupule et sans mise'ricorde. On gai'de de jour et de nuit les plantations de- nial's. La plupart des metis sc livrent a la contrebande , puis au brigandage. Aussi est-il toujours bon de rester arme' jusqu'aux dents. Sous ce rap- port, le pays est dans un e'tat de'plora!)le. Quoiqu'un voleur de grand chemin soit d'abord fusille, puis pendu, puis de'capite, et sa tele ex- ])ose'e dans le lieu merae oil le crime a e'te commis , des bandes de 3o a ,fO horamcs vont , se promenant par le pays , delivrer leurs camarades prisonniers. Nuls sont les moyens de repression. Le mieux est de ne'go- cier avec les voleurs, qui du restc sont prcsque aussi laches que cruels. Reste la classe eleve'e. Chez elle, le luxe est excessif, et les cou- tumes sont celles de I'Espagne. D'ailleurs elle n'a conserve du caracterc cspagnol aucune de ses qualite's; ses defauts seulemcnt lui sont reste's. Manger , jouer , fumer, dormir, telle est la vie de gens qui ont jus- qii'a lOo , 200 mille livres de rente et plus. Tout le monde ici fume : les dames etlesjeunes pcrsonnes comme les hommes. La passion du jeu est effrc'nee ; les enfans en contractent I'habitude des I'age de 6 on T ans. On fait par jour cinq repas en forme , plus les fruits et les mc- nues friandises qu'on prend dans les intervalles. Rien ne contraste avec Li sobric'te des pauvres (pour le manger seulemcnt ) comme la gloutosi- nerie des riches. Un Jour, a diner, chez un noble marquis (le gouver- ncur de 1' e'tat de Mexico), sa femme, au dessert, de'siraut du vin , trouve mon verre a moitie vide aupres d'elle,Je prend et I'acheve: a un autre banquet d'apparat, un de mes voisins demande du riz; vite une autre dame du meme rang lui en sert de sa propre assielte, apres en avoir mange' deja une partie. Tout cela nalurellement : c'cst I'u- S3ge. Dans une contre'e oil la famille n'est pas meme organise'e, oii le pere MEXIQUK. 'jSg est sans pouvoir , oii ics enfans d'abord , puis la fcmme , ordonncnt et coinmandcnt , il est difficile qii'un goiivcinement ait de la stabilite; on pent meme avancer qu'il ne pcut y en exister d'autre que le dcspotisme. Or nous sommes ici en re'publique! dit-on. Les militaires et le clerge ont \ei\TS fueros , c'est-a-dire qu'ils ne peuvent etre juge's que par leurs pairs; et , comme garde national, chacun est militaire ou non, a vo- lonte. D'autre part , avec. des lioinmes doue's des dispositions les plus Leureuses , la re'publique ne compte pas une seule capacite , faute des e'tudes ne'cessaires pour les de'velopper. Aussi V aspirantisme est-il en- core plus effrayant ici qu'en Europe ; car son principe n'est point I'am- bition des honneurs ou des places , mais celle de I'aigent , pour jouer. En ce moment, en pleine paix, le'gouvernement emprunte a 5 % par mois : pour quels urgens besoins? On n'en sait rien, Ce qu'il y a de certain et d'ave're' , c'est que les ministres courent les tripots : la ils jouent avec les premiers venus j et un seul tour de cartes y fait passer rapidement en d'autrcs mains des sommes de i o a 1 5 mille francs. A la porte de la meme maison , des mendians jouent sur les memes cartes la monnaie de cuivre que leur ont procure'e leurs poignards. Du r£stc bcaucoup de religion. Chacun a son scapulaire. Un Anglais a e'te massacre pour ne s'etre pas mis a gcnoux , an milieu de la rue , quand passait le viatique. Devant lui les voiturcs s'arretent et les co- chers descendent de leurs sieges; meme dans I'interieur des maisons, toute occupation cesse alors pour laisser a chacun la liberte de s'age- nouillcr. A Vaiigelus, ou couvre -feu , les tetes se de'couvrent instan- tane'ment dans la rue. Prcsque toutes les maisons de Mexico sont la pro • prie'le des couvens. Les e'glises sont orne'cs avec une extreme richesse. Je compterais par milliers les tableaux et les statues qui en couvrent les murs. Dans le nombre sont des niorceaux remarquables qui m'ont donne une haute idee de I'e'cole ospagnole , sous le rapport du dessin comme sous le rapport de la couleur. On a ici bcaucoup de gout pour la inusique , avec tres-peu d'instruc- tion musicalc. De nos compositeurs curope'ens, Rossini seul cstconnn . mais on a, en revanche, une foule de morceaux espagnols ou mexicains d'une melodic simple mais pleine d'originalitc. La guitare est I'instru- ment de predilection. Outre les danses espagnoles , j'ai vu une danse nationalc, aux attitudes lascivcs, avecaccoiiipagncment dc paroles grave- 49. 760 AMERIQUE SEPTENTRIONALE. — EUROPE. Icuscs. Elle est admisc partout : avcc des scapulaires, on n'cst pas Icnii d'y regarder de si pres. Quant a la politique, j'aurais peine a rien pre'ciser. Pedraza , e'lu pre'sident, selon la loi , il y a trois ans, est menace de la peine capitale s'il rentre dans le pays. Guerrero, qui le renversa, pour usurper sa place , avcc I'aide du parti populaire , a cte' fusille par son vice-presi- dent Bustamente , qui gouverne actuellemcnt; et sa mort a donne le si- gnal de grandes rejouissances. Aujourd'hui, le parti aristocratique do- mine ; mais on parle d'une revolution immincnte. On va jusqu'a designer publiquement les chefs qui en profiteront. Tout cela se fait d'ailleurs sans grande effusion de sang. On s'arrange. C'est une af- faire d'argent^ qui n'inte'resse qu'une vingtaine de families. La masse de la population ne sait seulement pas de quoi il s'agit , et ne s'cn mele que lorsqu'on juge a propos de lui abandonner le pillage des boutiques , comme il y a deux ans. Comment finiront ces petites guerres de condot- tieri politiques, dans lesquelles un homme sans talent et sans caractere n'cn chasse un autre que pour lui substituer sa propre nullite? Je crains bien que le terme de tout cela ne soit une revolution de race, a I'hai- tienne. II est vrai que la population indienne est notablement diminuee: d'autre part , les blancs ne se recrutent plus d'e'migrans espagnols. Quoi qu'il en soit , les Indios commencent a prendre part aux troubles politi- ques comme soldats. L'acharnement qu'on a montre centre Guerrero , I'un des fondateurs de I'inde'pendance , tenait beaucoup a sa couleur de me'tis. EUROPE. GRA\DE-BRETAG1\E. LoNDRES. — Societe pour delruire les causes de V ignorance et de la pauvrete. — Le i 'i decembre , on a tenu au Bazar Royal une assemble'e publique compose'c de plus de quatorze cents personucs, sous la pre'sidencc de M. G. Evans Bruce, dans laquelle on a adopte' les re'solutions suivantes : Dans le but de donner une education convcnable et un emploi avantagcux aux personnes qui en sont prive'es , dans toute Te'tendue de la Grande -Bretagne , il sera forme une association d'hom- GRANDE-BRETAGNE. 76 1 mes appartenanta tons les rangs, sectes ou partis, qui, par Icurs capi- taiix, par leurs talcns ou par leur travail, voudront concourir a cebut. Gette association prendra le nom de Societe pour detruire les causes de I'ignorance et de la pauvrete. Les premieres mesurcs pratiques dont elle s'occupera seront : 1° d'e- claircr le public, au moyen d'un enseignement liebdomadaire , sur la tendance immediate et cloigne'ede ses travaux; ^''d'etablir des maisons d'e'ducation oil Ton dirigera le de'veloppemcnt moral des enfans des deux sexes , depuis le plus bas age jusqu'a leur sortie de I'adolescence ; 3° de fonder des ecoles industrielles pour I'enseignement de professions varices , afin d'assurer aux jeunes e'leves les moyens de se faire une existence inde'pendante; 4° de mcttre a profit les decouvertes scicnti- fiques pour preparer la nourriture le plus sainement et le plus e'cono- miquement possible, tantpour I'entretien des membres de ces institutions que pour les personnes du dehors; 5° d'e'tablir une bibliotheque et un salon de lecture ; Q" la societe' recevra toutes sortes de produits, tels que provisions, vetemens , etc., qu'elle paiera au moyen de billets de travail {labour notes), d'apresle principe equitable d'e'cLange de quan- tite's e'gales de travail; 7" elle etablira une banque qui e'cliangera les billets de travail contre le numeraire du pays; 8" elle tachera de pre- senter sur ime large e'chelle le modele de toutes les dispositions mate- rielles dont une societe doit se premunir pour faire disparaitre de son sein I'ignorance, I'immoralite et la pauvrete; 9° elle chercLera a chan- ger graduellement le systeme de concurrence et d'individualisme en un systeme rationel d'association , en donnant a la jeunesse les dispositions morales, les habitudes et les connaissances ne'cessaires pour vivre en communaute' d'inte'ret et de sentiment. Les batimens connus sous le nom de Rojal London Bazar, conve- nant parfaitement aux projets de la Societe, elle doit s'en assurer la libre disposition pour la formation immediate de son e'tablisscmcnt. Elle cherchera aussi a faire I'acquisition d'un terrain , a distance convenable de la capitalc , sur les bords du Regent's canal (q\ii passerait aupres de son etablisscmcnt \ afin de mettre les e'leves a memB de se former aux travaux dejardinage, d'agriculture et de fabrique , de profiler, sousle rapport de leur sante , du changement de sejour , comme aussi pour approvisionncr re'tablissement en produits vegetaux ct agricolcs. 762 EUROPE. M. Robert Owen a cte prie d'acceptcr la direction dc i'e'tablisscuicnt en qiialilc d'adniinistrateur et do tre'sorier. La Societe sera regie par un bureau de dirccteurs et un comite indus- tricl composes de trente membres chacun. Les directeurs , outre le patronage royal qu'ils chcrclieront a obtcnir, doivent solliciter le lord chancelier d'acceptcr la pre'sidencc de la Sacie'te, et offrir aux autres membres du conseil , ainsi qu'a un nonibre e'gal de inemjjres de I'ojipo- sition, les vice-pre'sidences. Et de plus, \\i le caraclcre nniversel dc la Societe, dont k-s travaux. devrout profiter aux classes industrieuses de tous les pays , les ambassadeurs des puissances e'trangeres , re'sidant en Anglcterre, sont e'galement de'signe's pour le meme titre et les memes fonctions. Tous les trois mois, trois rapporteurs seront choisis par leurs collegues dans le sciu des comites , pour rendre un compte public et de'taiile de la gestion de Tetablissement. ITALIE. Fouilles de Pompei. — Les fouilles de Pompe'i continuent d'etre heureuses. Nous avons parle dans notre dernier caliier de la de'couverte de deux mosaiVjues d'une haute importance pour la science de I'anti- quite'j depuis on a fait de nouvelles conquetcs. Quatre clianibres et unc cuisine ont ete' ouvertes ; on y a trouve' un nombre conside'rable de vases de bronze ct d'ustensiles de fer , inte'ressans en ce qu'ils nous initient toujours plus profondc'ment dans les usages domestiques des anciens. L'une des cliaml^res c'tait plcine d'amphores , dont quelques-unes sont d'une forme tout-a-faitnouvelleetjusqu'ici inconnue. EUes portent pour la plupart des inscriptions grecques ou latines e'crites en noir. Plusieurs renfermaient du vin desse'clie qui, liquelie avec de I'eau, conservait un gout assez fort. Des charbons et des cendrcs gisaient encore dans le foyer de la cuisine. II y avait un beau pie'destal de jaune antique, ct unc lampe dc terre cuite , de la forme d'un jeime homme a genoux, tenant en main une soucoupe de sacrifice. Pres de la etait un squelette dc femme, que Ton suppose etre celui de I'esclave commisc aux soinsdc la cuisine. Le succes desdernieres fouilles semi ile avoir pique' d'lionncur le gou- vernemcnt napolilain ; ollcs so poursuivent plus activcmcnt iju'cllcs nc ITALIE. GRECE. ^63 Tonl ete de long-tems. Sous le regne dc Murat, la reine Caroline en avail fait une chose d'ainour-propre , et les objets les plus pre'cieux fu- rent conquis sous ses auspices. Depuis , les travaux languirent y furciit merae souvent suspendus , comme une grande partie des cboses entre- priscs par la dynastic napole'onienne. Esperons, pour I'houneur des rois legitimes , que de si mise'rables susccptibilite's ne s'elcveront plus a I'a- venir entre la science et les raonumens dont elle reclame rhe'ritage. Details sur la tjrannie et la mort du president Capo-d' Istrias . — Dans une lettre e'crite de Smyrne, par un voyageur grec qui passait ■a Nauplie au moment de I'assassinat du vice-roi , se trouvcnt de nom- breux details sur la tyrannic de Capo-d' Istrias , et la baine qu'il avait inspire'e a la jilus saine partie de la nation a juste titre , si nous en croyons notre correspondant , dont nous pouvons du moins garantir la candcur et la bonne foi. Pbisieurs des plus bonorables patriotes , qui s'e'taient fait connaitre par leur de'voument depuis le commencement de la guerre, avaient leurs maisons pour prison par ordre du souvc- rain Russo-grec , et cela sans jugement , accusation , ou forme quelcon- que de justice. Ccux qui avaient verse Icur sang pour I'affrancbissemcnt dc la patrie, entre autrcs Mavromiclialis , languissaient en prison j les veuves et les orphelins de ceux qui e'taient moits pour la Grece men- diaient leur pain dans les rues. «Un jour, avant la raort de Capo-d'Istrias, ecrit le voyageur, la fillc dc Stournaris alia lui demandcr I'aumone. Elle lui rappela qu'elle e'tait fillc d'un des premiers capitaines de la Grece, veuve d'un autre qui sauta en I'air a Missolonghi ; elle lui parla de son frere et de tant d'au- tres des siens , car c'etait une famille de be'ros. Capo-d'Istrias a re- pondu que peu lui importait, et I'a mise dehors en lui disant de prendre un tirgue , et de mendier au large. Quand elle nous a raconte ccttc reception , les larmes se se'chaient d'abord sur sa paupiere brulante , puis elles ont coulc a flots , et qu'elle e'tait belle en pleurant ! II faut savoir que c'est une de nos plus belles femmes; mais, quand, s'enflam- niant de plus en plus , elle a jure' par les manes de son pere et de son man , de nc pas dcvorer cot affront , se'crianl que puisqu'elle n'avait ^64 EUROPE. jias de frcre pour la defcndre , elle saurait se venger elle-meme; alors cllc e'tait siihlime", plus imposante, plus terrible qu'im capitaine raon- tagnard. » II faut savoir que cette coinparaison est ce qu'il y a de plus grand , de plus beau dans I'opinion d'un Grcc montagnard comine celui dont jc cite les paroles. Voici ce qu'il dit de I'assassinat du president : « Quatre jours apres mon arrive'c , Mavromichalis fils et son oncle , se sonl de'voucs pour sauver leur pays d'un si ine'cbanf bommc. Je n'ai pas encore lu de journaux, et ne sais ce qu'on dit des Grecs depuis la mort de cc miserable. Mais ccrtes ^ c'est pour le bonbeur de la Grece que ce sacrifice a e'te' fait , et il a coute' aux Grecs , qui ne voidaient pas passer pour des assassins. Gloire a la famille de Mavromicbalis ! Jc ne puis retenir mes larmes quand je songe aux derniers mots de I'oncle de Mavromichalis, traine' sur le port et dans les fanges des rues. Mvi fzs svcy.),-/j!7'.«g. Mope , ^kv eupio-jtSTae xavsva 7ra)i>?zapt , va fzs (piivn ftta itn^-oklx. Ne me souillez pas, enfans, c'est a la parte de I'e'glise qu'il faut Jeter la boue. Enfans , n'y a-t-il pas parmi vous un palicare pour me tirerun coup de^pistolet? ■» II faut savoir que , pour venger son pays , lui et son neveu avaient pris leurs plus riches costumes albanais , dont le velours disparaissait sous les dorures , et que c'est a la porte de I'e'glise qu'e'tait tombe Capo-d'Istrias. Je I'ai vu, ce noble assassin, et, tout defigure de coups de baionnetles , il e'tait encore beau et fier. J'emportc un morceau de sa foutanelle sanglante comrae une sainte rclique , etc.» P. D. BELGIQUE. Publications prochaines. — M. de REIFFE^BEP.G, qui a deja essaye de revetir de couleurs poe'tiques des souvenirs historiques relatifs a son pays , vient de mettre sous presse un recueil de vers , sous le titre de Traditions nationales beiges. — M. I'abbe de Ram, auquel on doit la collection en deux gros vo- lumes des synodes de Malines, se propose de donner au public un l*>;'- nodicon belgicum complet; et, poussant meme plus loin ses vues, il ne scrait pas e'loigne' , si son entreprisc prend faveur comme elle Ic racritc , BELGIQUE. FKANCE. 765 de s'occuper de la redaction d'une Belgica Christiana sur le plan de la Gallia Christiana que tout le raonde connait , et sans laquellc il est presque impossible d'c'tudier I'histoire du moyen age. Gommc le zeledc M. de Ram n'a pas de homes, il ne demande que des collaborateurs , et nieme que des docuinens pour coraple'ter les y/cla sanctorum Belgii, dont Ghesquiere fut I'e'dileur et Ic re'dactcur principal. FRANCE. DEPARTEMEIVS. Association lyonnaise. L'e'conoraie politique n'est pas seulement une science de calcul j elle est aiissi une science d' observation. On ne saurait arriver a des re'sultats empreints d'un veritable caractere de certitude et de ge'nc'ralite' , lorsque Ton traite des questions humaines, en conside'rant Ics lioinmes comme depures absti'actions mathe'maliques. moteurs ou producteurssans senti- ment et sans passion ; ce serait etrangement me'connaitre ou me'priser la dignite de I'liomme , que de penser que Ton ptiisse ainsi disposer de sa personne, pour tel ordre ou telle nature de travail, sans tenir compte de son goiit ou de son antipathic, ct par la seule raison qu'il en doit re- sultcr une plus grande somme de richesse. C'est une economic politique bonne pour des doctrinaires e'goYstes , mais dont nous ne nous soucions gueres , nous, que cctte e'conomie po- litique, qui pretend apporter la regie definitive de I'industrie, en dres- sant , par la the'orie de concurrence illimite'e, pour le profit des consom- mateurs oisifs de la richesse , des productcurs d'un me'canisme jierfec- tionne', travaillant a has prix. et d'un mouvement continu. II s'agit de con- suiter, non-seulement ceux qui ont inte'ret a ce que cette production de richcsses atteigne son maximum , mais encore ceux pour lesquels cette question demeure indiffe'rentc, re'duits comme ils le sont a la ration con- stante de leurs strictes ne'cessite's, et de savoir d'eux si , pour ne pas contrarier les prc'ccptes de la science , ils consenliront a e'touffer en eux toute vie d'homme , et a s'aligncr dans leurs ateliers comme des ma- chines toujours en mouvement et toujours recommenfant le meme tra- 766 FBAKCE. vail , Hc demandant pour 1 epos qiic le cliomage indispensable a la repa- ration dcs fatigues, et pour nourritnre epic I'aliment ne'ccssaire a I'cn- tretien de la force. 11 s'agit, en un mot, dc decider si I'economie poli- tique pent etre traitc'e coinme le serait la physique ou Tastronomie, en dehors de toute politique, et sii au contrairc, elle n'est pas lie'e dans son essence a I'ensemble de I'organisation sociale. Parmi les irnmenses problenics qui se posent par-devant nos socic'te's modernes, celui-ci est un des plus vastes et des plus importans, c'est la question de vie ou de mort, le to be or not to be des classes prolc'taircs. Certes jamais voix ne s'e'levera avec plus d'ardeur ct de foi que la notre en faveur de la liberie des masses; mais ce grand mot de liberte a e'te tellement souille' par I'agiotage des spe'culateurs d'industrie et dc politi(pic, que, comme celui de religion, on ne pourra bientot plus I'employer sans commenlaire : Liberte' en politique, arbilraire a un j>arti, oppression aux autres; liberte en industrie, souverainete d'une classe , exploitation d'une autre. Puisse cette ere de liberte , si ingenieu- scment pre'pare'e et ouverte par nos philosophes liommes d'e'tat , s'inter- rompre pour le salut du peuple , et faire place a une ere de liberte plus reelle et moins de'daigneuse du principe d'e'galite! La liberte pour les industriels travailleurs ne pent se trouver que dans I' association; car dans I'e'tat de de'sassociation oili ils vivent, on ne saurait faire a cc qu'on nomme I'industrie une seule concession de liberte', qui, a I'in- stant , ne retombe sur eux en une charge pesante : comme cette liberie du dimancLe , consequence force'e du libe'ralisme absolu , et qui , en vertu de la concurrence, se pre'sente comme un nouvel impot sur le tra- vail de la classe ouvriere. II est done e'galemcnt inte'ressant pour le philosophe qui poursuit la science abstraite , et pour le philantrope qui se livre au sentiment so- cial , de constater avec soin toutes les tendances et tous les mouvemens qui signalent ce besoin instinctif des socie'te's modernes de se re'unir et dc s'entendre sous le rapport de I'industrie, comme elles ontdeja commence a le faire sous le ra])port de la politique. L'insurrection lyonnaise, se levant tout-a-coup avec la force et la violence d'une re'volution populaire, non pour un de'bat de cliarte ou de religion, mais bien poui un de'bat d'e'conomie politique, constitue , pour C('u\ qui voient au fond des choscs, un fait plus important pent- I J.YON. 767 etrc, clans I'lustoirc luoderne, que cctte troisieme negation de la nio- narchie des Bourbons, que le peuple a re'pete'e en juillet. Le mouve- ment de Lyon , comme celui de Paris, faute d'ide'es et de principes ca- pables de le re'gler et de lui continuer la vie , est retomhe' sans conti- tinuation et sans retentissement. Quelques jeunes hommes de ceux qui avaient guide' cettc grande c'nergie, et qui paient aujourd'hui dans les prisons le prix de leiir imprudent entliousiasme , ont entrepris de jeter les bases d'une association a la fois politique et industrielle, ayant pour but I' amelioration des classes lahorieuses . Assure'ment il n'est point d-e but plus noble, et toute tentative pour y attcindre, lorsqu'clle est faite sans raensonge et sans cliarlatanisme , me'rite la reconnaissance et re'loge 5 mais malheureusement ce but est si haut place dans re'clielle de I'organisation sociale, et nous, enfans du dix-neuvicme siccle qui commence , nous sommes encore place's si bas , que ce n'est qu'apres de longs et se'rieux travaux de philosophic sociale, que nous pourrons nous unir et marcher d'ensemble et sans encombre vers la realisation pra- tique de cette sainte amelioration. Les terns ne sont point murs encore pour ce germe d' association , et il ne pousscra point autour de lui des jets hai'dis comme il I'eut fait plus tard; c'est aujourd'hui la saison de pre'parer la semence , non de la confier a la terre. Aussi est-ce moins comme cle'mens d'une association destine'e a gran- dir, que comme document propre a caractc'riser le mouvement moderne, et aussi comme te'moignage de sympathie sincere , que nous rapportons les statuts de cette association mutuelle , sur les travaux de laquelle nous desirons avoir a revenir. J. R. l'union, association mutuelle. Statuts de la Societe. L'union fait la force. Les fondateurs de la societe ont fait de cet axiome la base de I'association mutuelle , dont quelques mots sufiiront pour indiquer le but. Former un lien puissant qui unisse les socie'- taires , cre'er cntre eux une mutualite' de services , reunir dans un centre commun toutes les professiojis , toutes les industries, pour les rc'partir entre tons les raembres de la societe' , former une associa- (ion nuituelle qui dcvicnnc, pour chaquc mcinbrc, une assurance centre 768 FRANCE. le malheur, tel est le but que nous nous proposons , et ce but , nous sommes surs de I'atteindre, parce que notre association est base'e sur uii principe immuablc , rintc'ret particulier combine de maniere a concou- rir au bicn-etre general. Art. i*"^. — Le norabre des membres de la socie'te est illimite. Art. 2. — Nul ne pourra etre admis dans la socie'te', si les trois quarts au moins des societaires n'y consentcnt. Les propositions seronl faites par I'organe du pre'sident, qui ne nommera jamais le socie'tairc proposant. L'admission ou le rejet ne seront decides que par la voie du scrutin secret. Art. 3. — Chaque nouveau membre, au moment de son admission , devra signer sur un i-egistre ad hoc la profession de foi suivante : Les distinctions e'tablics entre les bommes par la fortune ou par la naissance ne sont rien pour moi. Tous les liommes sont frcres, ils sont egauxj et cette conviction profonde me fait un dcA^oir de n'admettrc eutre eux aucune difference. Les services rendiis a la socie'te ont seals droits a notre estime et a notre veneration. Je sympatbise avec le peuple , et je secondcrai de tous mes efforts le gouvernement qui procurera a cette classe', dont je fais partie , la plus grande somme de liberte' possible. Je connais toutes les obligations que m'impose le litre de membre de I'association mutuelle j je promets de les remplir et je serai fidele a ma promesse. Art. 4. — Les fondateurs, ne voulant exclure aucune classe de la so- ciete , ont fixe' le prix de la reception a 5 francs. Art. 5. — Chaque membre devra payer une somme de i fr. 5o cent, par mois. Art. 6. — Inde'pendamment de ce versemenl raensuel, chaque membre devra re'pondre , sur la decision de la majorite , a un appel de fonds , qui ne pourra, dans aucun cas, cxce'der la somme de 10 fr. Art. 7. — II sera forme dans le sein de la socie'te une commission prise parmi les membres. Cette commission devra s'occuper des moyens d'e'ta- blir I'association sur les bases les plus solides , et de lui donner toute Tcxtension dont elle est susceptible a chaque assemblc'c gene'rale. Un rapporteur donnera lecture a la socie'te des operations de la com- mission. Art. 8. — II sera cgalement foimc, dans la sociclc , un bureau com- LYON. PARIS. ^69 pose de la maniere suivante : 1" Un president j 2" un vice-president; 3" un secretaire ; 4° "f' tre'soricr. Ces mcrabres seront nomme's au scrutin secret , et devront etre rc- nouvele's tons ies trois mois. Cependant les memes membres pourront etre re'e'lus. Art. 9. — La socie'te' e'tant fonde'e siir la bonne foi , on rcnonce aiix amendes et aux moyens ccercitifs. Un membre sera exclu des qu'il aura refuse de satisfaire a scs engagcmens, ou qu'il ne se sera pas soumis aux obligations que la socie'te lui impose. Ces obligations sont (et nous devons le re'pe'ter ici) de concourir de toutes ses forces au bien-etrc ge- neral. Enseignetnent de la geographic. — On a propose' et deja mis a exe'cution depuis assez long-tems dans le colle'ge de Pont-Levoy, un pro- ce'de' fort inge'nieux pour graver dans la mc'moire des enfans , en les pre'sentant constamment a leurs yeux , les situations respectives des pays, des fleuves, des chaines de montagnes, etc. II consiste a utiliser les grands murs , ordinairement nus et enduits de cbaux ou de couleur a la colle , qui donnent presque toujours un aspect assez triste aux mai- sons d' e'du cation , en y trajant des cartes ge'ographiques muettes, ou les villes soient indique'es sculement par des points noirs. Dans une grande classe on peut tracer une mappe-monde de soixante pieds Carre's , une carte d'Europe de quatre-vingts pieds cane's et une carte de France de la meme dimension. PARIS. ACADEMIE DES SCIENCES. Seance du 5 de'cemhre. L'Acadc'mie, sur la demande du ministre de la guerre et conformc- ment-a I'ordonnance du i5novembre i83o, nomme au scrutin trois de ses membres pour faire partie du conseil de perfectionncment de I'e'cole polytecbnique. MM. Lacroix , Arago et Legendre re'unissent la majc- rite des suffrages. Sur le refus de M. Lacroix, M. Poinsot , qui avail obtenu le meme nombre de voix que M. Legendre, est appele a faire partie dc ce conseil. 77<> I'RANCE. M. Chevreul fait en son nom et au nom deM . Tlic'nard iin rapport siir le travail de M. Soubeiran , relatif aux degres inferieurs d oxidation du chlore. Les re'sultatsauxquels ce cliimiste est arrive sont les suivans : i" \J Euchlorure dc Davy est un melange on proportions variables de chlore et de deiitoxidc de clilore; "2° Les compose's que Ton a coutume de conside'rer conime des com- binaisom de chlore avec des oxides sont des melanges d'un chlorite avcc un chlorure metallique ; 3" La de'com position des chlorures d'oxidc par les substances orga- niques ou inorganiqucs consisle dans une de'soxyge'nation de I'acide chlo- reux, et une oxyge'nation de la matiere sur laquelle le chlorure agit ; 4" Le blanchiment par les chlorures d' oxide est un phe'nomene tout different de Taction que le chlore libre exerce sur les tissus ; 5" Une quantite' donnce de chlore libre a une puissance de de'colora- tion beaucoup plus graude que celle de la lueme quantite' dc chlore combine'e a un alcali. G" L'alcool, en de'soxyge'nant le chlorure dc chaux , donne naissancc a un liquide e'the're que les chimistes ne paraissent pas avoir connu jus- qu'ici, et qui est forme' de deux atomes de chlore. deux atomes d'hy- drogene et un atome de cai'bone; de s-orte qu'on pent se le reprc'senter comma une comljinaison de chlore et d'hydrogene percarbone'. Ce li- quide contient deux fois plus de chlore que la liqueur des Hollandais , et quatre fois plus que la liqueur e'the're'e qu'on obtient au moyen de Taction directe du chlore sur l'alcool; •j" L'acide chloreux et Tammoniaque peuvent s'unir chimiquemcnt ; mais le chlorite d'ammoniaque est si peu stable que l'acide et la base sc de'composent rautuellcmoDt peu de tems apres que la combinaison sa- line a e'te forme'e ; 8" L'oxide de chlore obtenu par l'acide sulfurique concentre, et que Stadion a conside're comme une combinaison de 2 volumes de chlore et 3 volumes d'oxygene, a la meme de'composition que le gaz de'couvert par Davy , et que ce chimistc et M. Gay-Lussac ont trouve forme de I volume de chlore et a volumes d'oxygene ; 9" L'acide chloreux pent devenir partie constituante d'un e'ther tres- remarquable par sa disposition singulierc a se changer en e'ther ace'- tiquc. PARIS. 771 De I'ensemble cle scs rccherclies, M. Soubeiran conclut que le clilore ne se combine pas aux oxides ; mais qu'il les decompose a la maniere des autres corps ne'gatifs en les transformant en chloruies me'talliqiies et en chlorites. Le rapporteur examine succcssivement les diffe'rentes propositions que nous Tenons d'e'noncer. La premiere, celle qui se rapporte a la com- position de reuclilorure de Davy, ne leur semble pas suflisamment prou- ve'e , et les faits que M. Soubeiran cite a I'appui de son opinion trou- veraient e'galement leur explication en adoptant celle de Davy. Pour la seconde proposition , quoique I'auteur du Memoire n'ait pas etc' le pre- mier a la de'montrer , il a du moins le me'rite de I'avoir e'taye'e de preuves nouvelles et tres-concluantcs ; mais ce qui , dans le Memoire dont nous nous occupons , semble aux connaisseurs particulicrcment digne de fixer I'attention, c'est la de'couverte des deuxliquides e'the're's. « Au reste , ajoutent MM. les commissaires , tout dans ce travail an- nonce un chimiste destine a contribuer efficacement aux progres de la science.)) L' Academic, conforme'ment aux conclusions du rapport, de'cide que le Memoire dc M. Soubeiran sera inse're dans le recued des savans etrangers. M. Flourens termine la lecture de son Memoire sur la rumination. Dans la premiere partie , I'lionorable Acade'micien s'e'tait occupe de decrire les phenomenes qui accompagnent les deux deglutitions aux- qucllcs sont soumis succcssivement les alimens chez les ruminans; dans la seconde , il envisage le me'canisme de la regurgitation , c'est-a-dire de cct acte par lequel les alimens imparfaitement triture's sont ramene's a la bouche pour y subir la seconde mastication et y etre mele's plus in- timement aux sues salivaircs. Tousles autcurs qui ont traite de la regurgitation out reconnu qu'ellc etait due au concours d' action , d'une part des muscles de I'abdomen et du diapliragme , de I'autre des estomacs ou plutot de certaines parties de cet organe multiple. Duverney , puis Camper attribuerent cette fonc- tion a la panse , tandis que Daubenton , Bourgclas , Chabert et Toggia voulaient que ce lut le bonnet qui I'exe'cutat. M. Flourens, pour deci- der la question , a pratique dans des points convcnables de I'abdomen des ouvertures qui , tout en laissant les estomacs sous I'influence des muscles abdominaux et du diapbragme , influence aljsolument ne'ces> "^2 FH \NCi:. saire pour la production du phcnomene , a reconnu que les deux csto- macs y prennent part , mais chacun a sa maniere ; il a vu de plus que ce n'est ni Tunc ni I'aulre de ces poclies qui donnc la forme aux bols arrondis d'alimens qui sent successivemcnt ramenc's a la bouche ; qu'a la ve'rite la separation en divcrses portions de la masse alimen- f aire commence dans la pause , mais que cbacun refoit sa forme dans Ic demi-canal qui constitue tcmporaircment unc cavite' close par la suite de la fenncture de I'orilice infe'rieur de I'cesopbage et de celle de I'en- tre'c du feuillet. La pelote une fois forme'e , elle ne pent remontcr qu'autant que Ic canal qu'cUe doit parcourir est sufflsamment lubre'fie. C'est ce qui fait que, lorsqu'on pratique aux parties supe'rieures de I'cesopbage une ou- verture par laquelle s'ecbappe la salive , la regurgitation est prcsque toujours inipossilile. M. Flourens , rccbercbant Taction qu'exer^ent sur la regurgitation les organes imme'diats , c'est-a-dire Ics muscles du diapbragme et do I'abdomen , s'est assure' que la section des nerfs diapbragmatiques rend tres-penible ce raouvcment re'trograde du bol alimcutaire. Que la sec- lion de la moelle e'piniere au-dessous de la dernierc vertebre costale , section qui entraine la paralysie des muscles de I'abdomen, n'em- pecbe pas la regurgitation , les nerfs diapbragmatiques restant intacts ; mais sur un autre mouton la section ayant etc pratique'e au niveau de la sixieme vertebre costale, I'animal but et mangea encore plusieurs fois , mais il ne rumina plus , quoiqu'il fit de fre'quens efforts pour regur- giter. M. Duhamel adresse de nouvelles Recherches relatives au re- froidissement des corps. Les pbysiciens qui ont e'tudic le refroidissement des tbermomelres ont suppose' que tons les points du liquide interieur et de I'envcloppe avaient au meme instant la meme temperature ; or , il est tres-probable qu'il y a au contraire une difference sensible entre les temperatures de la coucbe extc'rieure de I'enveloppe et de sa coucbe inte'rieure , ainsi qu'enlre les temperatures de cettc dernierc et du liquide interieur. Voila done une premiere cause d'erreur qui se pre'scnte dans la re- cherche expe'rimentale des lois du refroidissement; mais il en existe encore une autre de'pendante du meme fait, et que personne jusqu'a PARIS. 77.1 present ne scmLlc avoir soupfonne'cj die consiste en cc que, pendant loutc la duree dii refroidissemeul d'lin tlicrmoraetre parfaitement gra- due , la hauteur du liquide , non-sculement ne fait pas connaitre la temperature de I'cnvcloppe, raais meme n'indique pas celle du Ji- quide inte'rieur. En effct , le thermomelre est graduc' de manierc a in- diquer la temperature commune au liquide et a I'enveloppe, celle que tous les points de I'instrument acquerraient si on les laissait j>cndant un tems suffisant dans une enceinte ou I'e'quiliLre de chaleur au- rait lieu. Mais si la tcmpe'rature moyenne de I'cnvcloppe est moindrc que celle du liquide , ce qui arrive quand le tlicrmometre se refroidit , le volume inte'rieur de I'enveloppe est plus petit qu'il ne devrait etre, et par consequent rextrcmite' de la colonne liquide est trop e'leve'e et indi- que sur i'eclielle une temperature trop forte. Le contraire :irrive quand le tbermomctre s'e'chanffe. M. Dubamel a cherche' a conflrmcr par rpxpe'rience ce qu'indiquait Jc raisonnement. Mais si, pour appre'cier la temperature re'elle du li- quide inte'rieur, on eut voulu se servir d'un petit thermometre place dans le grand , il est evident que les memes causes d'cn-eur se seraient reproduites. II fallait done arrivcr a connaitre par un autre moyen la temperature re'elle du liquide inte'rieur a un certain instant;, et la com- parer a celle que lle'chelle indiquait au meme moment. Pour cela il suflit de former un thermometre avec un liquide qui , comme I'eau, ait un maximum de densite'. Soit un thermometre ainsi construit ; si, apres I'avoir e'leve a une certaine temperature, on le plonge tout a coup dans un melange frigorifique, on vena baisser la colonne avec une rapidite' plus moins grande, et ce mouvement descendant, qui re'sulte dc I'exces de la dilatabilite de I'eau sur celle du vcrre , conti- nuera , quoiqu'en se ralentissant, jusqii'au moment 011 les dilatabilite's des deux corps seront e'gales , ce qui arrivcra tres-pres du point ou I'eau est a son maximum de densite. Ce point passe, et le rcfroidissement conti&uant , I'enveloppe continuera a se resserrer, tandis qu'au con- traire le liquide contenu se dilatcra , et par consequent la colonne mou- tera de nouveau. Ainsi quand, apres etre reslee un instant stationnaire, I'eau contenue dans le tube commcncera a y rcmonter, on sera certain que sa tcmpe'ratm-e est tres-pres de 4*''?2> puisque c'cst a cette tcmpe'- rature qua lieu son maximum de densite, et il sera aise de voir si c'est TOAIE 1,11. Dl'X.EMBUE 1831. 50 nrj^ FRANCE. en effet I'mdicalion que donne re'chelle. Or plusieurs experiences de ce genre ont fait reconnaitre a M. Dubamel que, dans ce cas, la temperature du liquide peut diffe'rcr d'un grand nombre de dcgres de celle que re'- chelle indique, comme de la temperature moyennc de I'enveloppe. Cette difle'rence est d'autant grandc dense que le milieu est plus dense , etque sa temperature diffcre plus du liquide inte'rieur. Lors doncqu'un thermometrc se rcfroidit rapidement, non-seulement la temperature du liquide est plus grande que celle de la surface en contact avcc Ic milieu, et ainsi , toute loi base'e sur leur c'galite serait insuffisante , mais encore cette temperature est indique'e d'une maniere tres-inexacte par re'chelle et pour cette double raison, les lois du refroidissement jusqu'ici admi- ses semLlent necessiter une nouvelle verification. Seance du \^ decembre. M. Ehrenberg fait hommage a I'Academic d'un ouvrage intitule' : Organisation sjstematique et distribution geographique des ani- maux infusoires. M. Ehrenberg est parvenu, par un moyen aussi simple qu'inge'nieux , a montrer que ces animaux ont une structure bien moins simple qu'on ne I'avait d'abord suppose. En les placant dans une eau teinte par I'in- di"0 ou le carmin , il les a contraints en quclque sorte a injecter eux- memes leurs cavites alimentaircs dont la forme s'est ainsi bien nette- ment dessine'e ; il a pu s' assurer par ce moyen que les infusoires , loin d'etre re'duits a recevoir leur nourriture par une simple imbibition a la surface externe, avaient des estomacs ve'ritables, dont la figure et le nombre (car chez quelques-uns il n'y en avait pas moins de douze' sont constates pour chaque cspece et peuvent ainsi fournir des caractcres de distribution. — L' Academic rcfoit un ouvrage ecrit en franjais et ayant pour titre -.Positions geographique des VOby depuis Tobolsk jusqu a la mer Glaciale, corrigees par JdolpheEmian. M. Hanstecn ayant en- trepris, par ordre du gouvernement suedois, un voyage dont le but e'tait de recueillir des observations plus completes sur les divers e'le'mens du magne'tisme terrcstre , M. Erman, Ills du ce'lebrc physicien de Berlin, s'adjoignit a lui , et I'accompagna de Moscou a Ekatherinebourg, To- bolsk et Irkutsk ; la il se se'para de lui , se rendit aux bouches de I'Oby , PARIS. 775 an Kamstcliatka ; puis, s'e'tant embarque siir un batiment, il revint pai- le nord-ouest de rAmerique, la mer du Sud, le Bre'sil ct jusqu'a Cion- stadt, ayant fait tout ce voyage a ses propres frais. En nicmc terns que MlM.Ennan el Hansteen oLscrvaient dans le nord de la Sibe'ric, M de Humboldt, muni comme eux d'excellens instru- mens de Gambey , faisait des observations analogues dans les regions me'ridionales de la Sibe'rie, le long des frontieres de la Dzongarie chi- noise, de la steppe des Kirguis et de la mer Cnspienne. Les voyages de MM. Hansteen , Erman el de Humboldt ont fourni la plus grande masse d'observations ou se trouvent a la fois indique'es la de'clinaison , I'in- clinaison et I'intensite' magne'tique. II est inutile d'ailleurs de faire re- marquer combien la simultane'ile des ope'rations de ces trois savans, et la grandeur de I'espace qu'elles ont comprises sont favorables aux pro- gres de cette branche de la science. — M. Geoffroy-Saint-Hilaire presente ses Recherches sur les grands sauriens trouves a Vetatfossile, et d'abord designe's, quoique improprement, sous le nom de crocodiles. Le meme acade'micien depose sur le bureau , pour prendre date, un Tableau des os hyoides dans les differentes classes de verte'bre's, tableau qu'il presente comme contenant le re'sidtat de'finitif de ses re- cherches surce sujet. — M. Turpin adresse des observations microscopiques sur la strui;- tiu-e des fibres musculaires , observations d'ou il re'sulterait que chaque flbre serait compose'e d'un tube membraneux, plise' transversalement et enveloppant des filaraens plus de'lie's, lesquels , au bout d'un certain terns , et seulement par Teffet de la decomposition , se re'soudiaient en globules. — Le ministre de la marine annonce a I'Academie que, conforme'ment a sa demande , il a autorise' le commandant du brick la Fleche a rela- cher sur les divers points des cotes de la Sardaigne et de la Corse, ou la commission scientifique envoye'e pour explorer I'lle nouveUe de Ne- rita jugera utile de se presenter. — M. PoissoN lit un me'moire sur le Calcul des variations. Lagrange, a qui Ton doit les premieres notions sur ce genre de calcul , lequel consiste a trouver les valeurs maximum et minimum des inte'gralcs, n'a complete cette the'orie que pour les inte'gralcs simples ou 50. 'j'^ii FRANCE. 3 une seulc variable j on ne doit regardcr que commc dcs essais, les travaux de ce genre fails par lui ou par ses successcurs sur les inte'- grales doubles oii a deux variables indepcndantes. M. Poisson s'csl charge de reraplir cettc lacunc , qui avait e'tc deja signale'c par M. I.a- croix, dans son grand traitc dii Calciil difjerentiel et integral. Apres avoir rappcle les principes du calcul des variations pour les integrales simples, M. Poisson donne la thc'orie complete des variations pour les integrales doubles, puis il en fait I'application au cas de la lame e'lastique. — M. Morin lit un racmoire rclatif a de nouvelles experiences sur le frottement , faitcs par lui a I'e'cole d'application de I'artillcrie a Metz. Coulomb, dans les rcclicrcbes qu'il a faites sur Ic mume sujet, a passe Ic'gcrement sur diverses questions qui n'avaicnt pas de relation avcc le but qu'il se proposait (I'application a la marine). D'ailleurs riiabilete de cct expe'rimentateur ne pouvait supple'er entierement a I'im- perfection de I'appareil , et les resultats qu'il a consigne's dans les me- moires de I'Acade'mie sont si peu d'accord entre eux , que depuis long- tems il s'est e'lcvc des doutes sur 1' exactitude des lois qu'il a e'nonce'es. M. Morin, dans le travail qu'il a entrcpris sur le frottement , a fait usage d'un appareil beaucoup plus de'licat que celiii de Coulomb. 11 a fait varier la vitesse par tons les degrc's, jusqu'a arriver a plus de trois metres par seconde , ce qui de'passe de beaucoup les mouvemcns les plus rapides execute's dans les machines. 11 a varie'de meme les surfaces depuis quelques centimetres Carre's jusqu'a trcnte decimetres, et les pressions depuis quarante jusqu'a milie et onze cents kilogrammes. Entre ccs limites tous les re'sultats ont e'te' d'accord pour monlrer que le frottement des surfaces, glissantJes unes sur les autres , est inde'pen- ilant de la vitesse, comrae aussi de la surface , et proportionnel a la pres- sion. Coulomb avait annoncc les memes ; mais dans beaucoup de cas il y indiquail des exceptions j M. Morin n'en a trouvc aucune , mais de plus il a reconnu des erreurs notables dans les valeurs assignees par ce physicien au rapport du frottement a la pression. Ainsi, par exemplc , dans le cas du chene glissant sur le cheue, sans enduit, et les fibres etant paralleles entre elles et parallcles au sens du mouvement, de nom- breuses experiences s'accordent pour inditjuer ce rapport commc e'gal a PARTS. 777 48/100; Coulomb nc restimait qu'a iiyiooj il est probable que I'es- timation trop faible donne'e par cet Labile physicien tient a ce que le bloc de cbene qu'il faisait glisser, au lieu d'avoir e'le simplenient poli , avail c'te le'geremcnt frotte' avec quelque corps gras. II n'est pas exact de dire, comme on le fait trop souvent, que le frot- tement est moindre erllre les substances d'especes diffe'reutes qu'cntre cclles de la ineme nature; si cela s'observe quelquefois, le contraire a lieu c'galcment : ainsi le frotlemcnt dcs me'laux sur le bois de cbene est plus grand, comme I'a reconnu M. Morin, que celui du chene sur le bois de cheue. Seance du i9 de'cembre. M. Lefehvre adresse un me'moire sur la panification de la pomme de terre. — Cholera- morbus. — M. Dumeril donne lecture d'une lettrc e'crite de Sunderland, en date du 3 de'cembre, par M. Magendie, lettre dans laquelle ce me'decin rend compte de ce qu'il a observe sur les cho- le'riques de cette ville. II fait remarquer que la frayeur qu'inspire I'e'pi- demie est bien moins grande dans les lieux ou elle exercc ses ravages, que dans les contre'es qui en sont un peu e'loigne'es, de sorte qu'on pourrait dire que la peur est en raison inverse de la distance. L'ljono- rable acade'micien loue beaucoup le gouvernement anglais de n'avoir point songe' a e'taljlir, aiitour de cette ville, un cordon sanilaire; une pareille mesure e'tait, dit-il, toul-a-fait insufCsante pour empecher la pro- pagation du mal , en le supposant contagieux , et aurait place dans des circonstances tres-defavorables toutesles personnes qui se seraient trou- ve'cs comprises dans Tcnceinte. La misere et la malproprete', ajoute-t-il, contribuent ccrtainement beaucoup a redoubler les ravages du mal, aussi I'administration, en faisant distribuer aux indigens des vivres et dcs vetemens, apris le moyen le plus efficace pour y reme'dier. —;^ Rhjnoplastie. — M. Blandin, chirurgien a I'hopital Beaujon, adresse les de'tails d'une operation qu'il vicnt de faire sur un individu auquel il a, dans le meme jour, enleve' un nez canceVeux et reforme' un nouvcau nez au moyen de la pcau du front. Dans cette dernicre partic de I'operation, M. Blandin a inlroduit une modification qui lui semble presenter dc grands avantagcs. « Au lieu de couper le pe'diculedu lam- ^-78 FRANCK. beau cmpninte au front , j'ai redouble , dit-il , la peau qui le formait ; puis, apres avoir enleve sur la racine du nez lestegumens qui restaient encore, j'ai determine 1' adhesion de ces parties opposees. De la sorte , bien que transplante' de la region frontale, le nez de men malade y communique encore par Ics vaisseaux et ies nerfs qui ont enlrclenu la vie dans Ies premiers jours de I'operatiou. II est plus solide que ceux fails par section du pe'dicule, et, ce qui est plus important, il n'est pas expose' comine eux aux effets facheux de Taction du froid. » — M. Gendrin communique a I'Acade'mie un nouveau mode de traitement pour la colique de plomb. Les ouvriers qui travaillent a la fabrication du blanc de ceruse , au famissement du plomb de chasse ou a I'emaillage de la faience , sont at- faque's plusieurs fois en leur vie de la colique de plorab, qui finit trop souvent par les priver dc I'usagc de leurs membrcs. Le traitement par les drastiques et les e'me'tiques, employe communement centre cette ma- ladie, et connu sous le nom de traitement de la Charite est sur dans ses re'sultats ; mais il est repugnant pour les malades, qu'il ne guerit ja- mais en moins de six a huit jours ; il laisse quelquefois une convales- cence pe'nible , et enfm il est trop cher pour que I'ouvrier puisse le suivre c.licz lui. Ces divers inconveniens ont fait chercher une autre me'- thode, et le sulfate acide d'alumine et de potasse ( alun ordinaire du commerce), recommande depuis long-teras par Grahuis, Adair, Michae- lis, etc., est employe' avec beaucoup de succes a I'hopital Saint-Antoine de Paris. Cctte me'thode , introduite d'abord dans I'hospice par M. Prat, et suivie aujourd'hui par M. Kapeler, consiste a administrer I'alun en dissolution a la dose de un a trois grains par jour. II guerit constam- ment la colique de plomb , quclque intense qu'eUe soit , dans I'espace de trois a cinq jours, ct ne fatigue nullement les organes digestifs. Sur cin- (piante-buit malades atteints de coliques, dont plusieurs avaient re'siste a d'autres moyens de traitement , M. Gendrin n'a pas vu I'alun echouer une seule fois. Ce succes lui a inspire' la pense'e de I'adminis- trer comme pre'servatif ; mais il n'a pu encore trouver d'ouvriers qui A oulussent se soumettre a I'usage habituel de cette substance. D'aillcurs, I'ayiiiil administre a la dose d'un gros et demi au debut dc la maladie, il a constamjucnt arrete la colique en dix a quinze hcures. Vingt-trois pcrson'.ies, dont six u'ont pas etc obligees d'intcrrompre leurs travaux, ont etc gue'rics par cc moycn. PARIS. -yiyc) Cherchant a se rendre compte de I'effet curatif du sullate d'alumine et de potasse, M. Gendrin a ete conduit a soupcouner que c'<5tait a I'a- cide sulfurique que I'alun devait cette proprie'te. II a constate' en effct qu'une limonade d'acide sulfuriqup (an gros a un gros et demi d'acide dans quatre pintes d'eau ) gue'rit la colique de plomb aussi surement e! avec plus de promptitude que Talun. Douze cas de coliques a un haut degre, et quatre de coliques commen9antes , ont ete traitc'es et gue'ries par ce moyen ; les quatre derniers dans I'espaee d'une demi-journe'e. M. Gendrin pense qu'une limonade sulfurique, le'gere boisson peu couteuse, et qui n'a rien de de'sagre'able , pourrait eire employee comme pre'servatif par les ouvriers qui emploient des preparations de plomb. — M. Frederic Cuvier fait un rapport tres-favorable sur une publica- tion de M. JVerner, Vhistoire des Perroquets , avec figures colorie'es. — Lc meme acade'micien rend compte dun ouvrage de M. Painpare relatif a une noavelle methode d'ecriture abregee , a laquelle I'auteur donne le nom de lypophonie. Cette methode semble offrir sur les ste- nographies proposc'es jusqu'a cc jour divers avantages , dont le prin- cipal est de laisser moins a I'arbitraire dans la lecture de ce qui a e'te' e'crit. L' usage seul d'ailleurs pourra faire voir si elle leur est e'gale sous le rapport de la rapidite. — L' Academic procede a I'e'lection d'un membre correspondant dans la section d'anatomie et de zoologie. Les candidats proposes forraent deux listes , une de zoologistes, comprenant MM. Ehrenberg et Lesson, ex cecfuo , puis MM. DeJle Chiaje et Gaymard; I'autre d'anatomistes, compose'e de MM. Carus et Duges. M. Ehrenberg obtient trente-sept suffrages, M. Lesson, douze; M. Duges et M. Gaymard, chacun deux; M. Carus, une. — M. Latreille fait, en son nom et au nora de M. Dume'ril, un rapport trcs-favorable sur un Essai de classification naturelle des crustaces de'capodes , par M. Milne Edwards. Pour etalilir sa nouvelle distri- bution, I'auteur a cru necessaire d'ajouter une nouvelle section, celle des anomoures , aux deux sections dans lesqucllcs cct ordre c'tait dcja partage' (les brachiures et les macroures). Le rapporteur croit que sans faire un aussi grand changement M. Edveards cut pu obtenir une dis- tribution aussi naturelle que celle qu'il indique, distribution qui, du rcste,offre plusieurs avantages sur celle qui avail ete suivie jusqu'a pre- tSo fuance. 4 sent. Mais, lors memc qu'il ne sc iccoiuinanderait pas sous ce rapport, le inc'moire dc M. Edwards me'riterait encore de fixer I'attention pai- les rechcrches spe'ciales qu'il renferme, recherches tres-nonibreuscs , ct dont plusieurs I'ont conduit a des re'sultats fort curieux. — M.Flouuens, fait en son nom et au nom dc MM. Geoffroy-Saiut- Hilaire, Serre et Ampf-re, iin rapport sur iin me'moire dc MM Costa ct Delpech^ relatif a X evolution de Vemhryon. La commission nommc'e pour rendre compte dc ce me'moire devait rcpe'ter les experiences qui s^y trouvent consignees, oudu moinsassister a leur re'pe'tition. Les deux auteurs , en consequence, se mirent plusieurs fois en mesure de pre'sentcr a I'observation , en une seule se'ance , des ceufs a toutcs les pe'riodcs de I'incubation. Cepcndant , aux diffe'rens jours de'signes , la commission ne fut jamais complete; la saison s'avan- 9ait et deja il deveuait tres-difficile de se procurer une quantite suffi- santc d'ceufs fc'condc's , de sorte que racade'micien qui s'etait chargcf do faire le rapport assista cnfin aux observations. MM. Coste et Del- pcch ne purent lui faire suivre qu'une partie des plie'nomcnes qu'ils avaient mis sous les yeux de ses collegues, et c'est a ceux-la seulement que M. Flourensa cru devoir borner son rapport. Nousue rcproduirons ])as ici I'analyse qu'il en donne, parce que nous espe'rons pouvoir pro- chaincmcnt faire connaitre d'une maniere plus complete Tenscmble de cet important travail. MM. Coste et Delpecli ne sc sont pas borne's a de'crirc les phe'no- mijnes de revolution dc rembryon ; ils ont encore porte' leur attention sur les causes physiques qui peuvcut etre conside're'es comme y presidant. M. Flourens n'a pas juge devoir comprcndre dans son travail cette partie du me'moire, et c'est M. Ampere qui s'en est charge. L'honorable acade'micicn loue les deux auteurs d' avoir signale les analogies remar- quables que prc'sentent les phe'nomenes des premieres pe'riodcs de revo- lution du poulet avcc ceux qu'on observe dans les corps inorganiques soumis a Taction de re'icctricite' en mouvement. On sait en cffet, par les belles reclierclies de M. Becqnerel, que beaucoup d'effets , qu'on nepcut obtenir en faisant agir des courans e'nergiques , sont produits par des courans tres-faibles, parce que, soit que ceux-ci de'composcnt les cor])s, soit qu'ils donncnt lieu a des combinaisons nouvcUcs, leur action est cxtrcmcmcnt Icnte^ et donne aux molecules le iems de se cristalliscr .. PARIS. 70 r tandis que, lorsqu'on agit avec des forces plus considerables, Ics mole- cules ne s'agre'gent que d'une maniere confuse. II faut de meme que I'evaporation d'une dissolution saline s'opere d'une maniere tres-lentc pour que les molecules du sel aient le tcms de se disposer en cristaux i-e'gulicrs. Cette donnee, les experiences de M. Serullas, cite'es par les auteurs du Memoire, etsurtout cellcs que M. Dutrocliet a communiquees re'cemraent sur I'agregation produite par les courans e'lectriques entre les globules organiques nagcant dans les liquides animaux , paraissent indiquer que c'est une cause scmblable qui determine I'agregation des premiers e'le'mens des etres organises. G'est ce qu'ont essaye d'ctablir MM. Delpech et Coste. S'ils ne sont pas parvenus a une demonstration, du moins ils ont e'tabli une assez grande probabilite' pour qu'il soil permis d'espe'rer que des travaux ulte'rieurs souleveront bientot peut- etre un coin du voile qui recouvre encore la partie de la science re- lative a la reproduction des etres orgaiiise's. MM. les commissaires concluent a ce que TAcademie tc'moigne sa satisfaction aux deux auteurs du Mc'moireet les engage a continuer leurs travaux. Ces conclusions sont adoptees. — M. Becquerel lit un memoire ayant pour titre : Considerations generales sur les decompositions electro- chimiques . Quand on refle'cliit , dit I'honorable acade'micien , aux reactions chi- miques qui ont lieu continuellcment dans les organes des animaux et des ve'ge'taux , n'est-on pas conduit a admcttre que la vitalite dcveloppe des forces particulieres e'lectriques, ounon, qiii,faiblesenapparence, pro- duisent ne'anmoins des effels que Ton ne peut obtenir avec les affinite's , que lorsque celles-ci ont une certaine intensite'. Pour remonter a I'expli- cation de ces phe'nomenes , M. Becquerel a pense' qu'il y avait quelques chances si Ton essayait de produire sur des composes inorganiques de grands effets chimiques avec des forces e'lectriques faibles , qui sont si re'pandues dans la nature. Api-es avoir donne I'historique des de'couvertes qui ont e'te' faites par Berzelius, Hisinger et Davy , sur ies decompositions e'lectro-chimiques , avec des piles d'une certaine intensite' , il a examine , a I'aide d'appa- reils particuliers , ce qui se passait dans un melange de plusieurs disso- lutions salines soumises a la meme action , et a etc' conduit au principe suivant , qui I'a mis a meme de re'duire immc'diatemcnt, avec de petites ■^82 FRANCE. forces elcctriqucs, la magne'sie , la zircone, la glucine, etc. Lorsquc Ton prend deux tubes ferme's dans leurs parties infe'ricures avec de I'argile humecte'e , que dans I'un on met una dissolution de sulfate de cuivrc , ct dans I'autre une dissolution de nitrate de potasse , que les deux tubes plongent dans I'eau , le premier en coramuniquant au moyen d'unc plaque de platine avec Ic pole ne'gatif d'une pile , et ie second de la meme maniere avec le pole positif , le nitrate de j)otassc est seul decom- pose' avec transport de ses ele'mens. La potasse , en se rendaiit dans le tube ne'gatif , re'agit sur te sulfate de cuivre , en chasse une partie de I'oxyde de cuivre , et donne naissance a «n double sulfate de potasse et de cuivre qui rc'siste long-tems a Taction de la pile. II en rcsulte que I'acide sulfurique ne se rend pas dans le tube positif, tant qu'il reste du sulfate de cuivre a decomposer. La reduction du cuivre est due dans ce cas a deux causes , Taction de la pile et celle de Talcali sur le sulfate de cuivre. M. Becquerel a observe que cette double action ne suffisait pas en- core pour produire de grands effcts de decomposition avec de pe- tites forces , et qu'il fallait que Thydrogene arrivat tres-lentement dans le tube negatif, pour qu'il restat le plus long-tenis possible a Te'tat naissant. C'est ainsi qu'en operant sur des chlorurcs de magne- siilm, de zirconium, de glucium, il est parvenu a retirer les me'taux de cette dissolution , et meme a les faire cristalliser en cubes et en octae- dres, re'sultats que n'ont pu jamais donner les piles les plus e'nergiques qui aient e'te' construiles et que Ton n'obtient en chimie, sauf lacristalli- satiou , qu'avec les plus fortes affinite's. M. Becquerel a done e'tabli ce principe qu'avec des forces electriques faibles , aide'es d'affiuite's chi- miques, on pent produire de grands effets de decomposition. Seance du 26 de'cembre. Le miuistre de la marine transmet Textrait d'une lettre de M. de Rozilli , capitaine de V Astrolabe, lequel annonce que, se rendant de Tou- lon a Navarin , et passant dans les premiers jours de novcmbre devant Tile de JVerita, il a vu que le volcan e'lait c'teint, mais en meme terns il a reconnu, a deux milles a Touest, des indices d'une nouvcUe e'ruption sous-marine, qui n'avait pas encore amene' de laves a la surface. - M. Thilorier adrcsse, pour Ic concours Monlyon , une noiivelle PARIS. 783 pompe a faire le vide , laqiielle ne lenferme ni piston, ni soupape, ni robinet, el qui fonctionne par un proce'de purement hydiostatiquo. Celle pompe, a laquelle rauteur donne le nom de pneiimo-statique , diffcie done essentiellement des pompes a merciire qui ont ete' pre'sente'es jus- qu'ici. — M. Dupm pre'sentc, au nora de M. Fayard, une note sur un ap- pareil destine' a renjplacer le levier de bois sur les voilures emjiloyees a transporter les boisdc charpente. L'Lonorable acade'raicien fait remar- quer a cette occasion que rinsuffisance du levier ordinaire , causant dc graves et de frequens accidens , I'appareil de M. Fayard me'ritc, tout humble que soit son usage, de fixer I'attcntion de I'Acadc'mie.MM. Gi- rard ct Dupin sont charges de faire un rapport a ce sujet. — Le docteur Faure adresse, pour le concours des prix Montyon, un me'moire sur I'emploi des poeles riisses dans les hopitaus et autres grands e'tablissemens. II fait remarquer que I'appareil construit I'an passe au Val-de-Grace, I'ayant e'te' en son absence , peche sous plusieurs rapports , et ne doit pas , par consequent , etre pris pour terme de com- paraisonj mais un nouveau poele , sur les memesprincipes, vient d'etre termine' a Strasbourg. L'auteur , qui I'a fait construire sous ses yeux, demande que 1' Academic en fasse constater les effets par les correspon- dans qu'elle a dans cette ville. — M. Hachette communique I'extrait d'une lettre dans laquelle M. Farada-y fait connattre quelques re'sultats de ses nouvelles recher- ches sur les phenomenes electro-djrnamiques. Cat habile physicien a constate' re'cemment qu'un courant d'e'lectri- cite voltaVque , qui traverse un fil me'tallique, produit un autre cou- rant dans un fil qui en est voisin; que ce dernier courant est dans une direction contrairc au premier et ne dure qu'un moment; que si I'oQ e'loigne le courant producteur, un second courant se manifcste sur le fil soumis a son influence , et dans le raeme sens , par conse'quent dans une direction inverse a celui qui s'e'tait produit dans le premier cas. En approchant des almans des spiralcs helices , M. Faraday a produit des courans clectriques; en eloignant les spirales, il a vu des courans se produire en sens contraire. Ces courans agissent fortement sur le galva- nometre , passenl , quoique faiblement, a travers I'eau sale'c et d'autres dissolutions J mais dans un cas parliculicr M. Faraday a obtenu une { tinccllc. ■^84 FRANCE. Un Iroisiemc article de la lettre se rappoite a I'expc'iience ties- curicusc dans laqucUe M. Arago fait toniner iin disquc mctalliquc sous I'influcncc d'un ainiant. M. Faraday considcre ce plienomenc comnic iii- timcment lie a celui de la rotation magne'tique qu'il a eu le bonbcur de trouver il y a dix ans; il a reconnu que , par la rotation du disque rae- tallique sous Tinfluence d'un aimant , on pent former dans la direction des rayons de ce disque des conrans e'lcctriques en nombre assez consi- derable pour que le disque devicnne une veritable machine e'lec- trique. MM. Ampere et Arago rappellcnt a cette occasion des experiences de M. Frcsncl, coraraunique'es anciennemcnt a 1' Academic, sur Ics couraus par Taction des aimans , experiences que M. Fresnel crut en- suite devoir retracter , parce qu'ayant substitue de I'eau distillce a I'eau commune, les effets observe's ne se produisirent plus. lis ne devaient pas se produire en effet, parcc que , commc on le sait aujourd'hui , I'eau distille'e n'est pas conductrice. — M. Arago communique ensuite les re'sullats obtcnus par lui dans des expe'riences qui font suite a ses.premieres , sur V influence qu'e- prouve une aiguille aimantee de la part d'un disque tournant. Les belles de'couvertes de M. Ampere lui donncrentl'idced'essayer si la rota- lion du disque mctallique u'excrccriiit pas sur un fil me'tallique parcouru paruncourante'lcctrique la mejne influenccqu'clleexerce sur une aiguille aimantee. Le re'sultat fut tcl que M. Arago I'altendait, scmblable de tout l>oiat a celui qu'on obtenait dans les premieres experiences, c'est-a-dire que, lorsque la rotation du disque e'lait tres-rapide, le fil tournait lui- meme, tandis que le mouvcment ctait plus lent, le fil s'ecarlait seulc- mcnt un peu de sa direction primitive. G'e'lait pre'cise'ment ce qui avait lieu qnand, au lieu du fil parcouru par un courant cicclrique , on em- j)loyait un baircau aimantc. La meme analogic se montrait relative- mcnt a I'inclinaison, et ainsi il y ayait une extrcmile du fil souleve'e, comme dans I'autre cas une extre'mite du barreau ; enfin on pouvait rcndre le fil , comme I'aiguille , insensible a la rotation du disque , en pratiqnant dans cclui-ci de profondes entaillures. — M. DE Hlmisoldt met sous les ycux de rAcade'mie un groune de tiisiaux d'e'meraudes trouve recemmcnt dans la region moycnne dc I'Oural. au nord d'Fkalcrincbourg , ct que i'empcreur de Russie Aicnt PARIS. 785 (Ic Itii cnvoyer en present. L'e'meraiide de I'Oural se trouve, non point dans le schistc carbiire' de transition , comme les e'meraudes de Muzo , dont M. le doctcur Roulin a prc'senle' rc'cemnient un si bel e'clianliilon a I'Aca- de'mie, rnais comme cellcs de TEgy^ite, dans le mica-schiste. Le gronpe d'cmeraudes de rOiiral pese i,5i4 karats , le cristal unique de Muzo en pesail a lui seul i ,'ioo. — M. Magendiil, de rctour de Sunderland, fait un tableau ef- frayant de la misere d'une grande partie dc la population de celte ville, de sa malproprele ct de son cncombreraent, dans des maisons ctroites ct situe'es au milieu des vapours infectes qui se de'gagent de la riviere et des rues attenantes. L'honorablc acade'micien rcproduit les ide'es qu'il a dcja e'mises plusieurs fois sur les cordons sanitaires; il en re'sultc une discussion en termes que nous nommerions assez peu academiques , comme on dit a la chambre expressions peu parlementaires. M. Ma- gendie soutient que le gouverncment anglais connait fort bien I'inuti- lite des quarantaines , et que s'il en a e'tabli , c'est seulement par con- dcscendance pour les autres puissances, que ces quarantaines n'e'tant que pour la forme, on ferme aisc'mcnt les yeux sur leur inexe'cution. M. MoREAU DE Jo^JTVEs combat fortement ces assertions. — M. DE MiRBEL commence la lecture d'un memoire intitule : Re- cherches anatomiques et physiologiques sur le raarcbantia polymor- ))ha, pour sen>ir a Vhistoire du tiss:( cellulaire de l^e'pidenne et des siomates. Nous donnerons , dans le prochaiu nume'ro , une analyse dc rensemble de cct important travail. COURS DE PHILOSOPHIE DE M. JouFFROY. Le cours qii'a fait I'annc'e dernierc M. Jouffroy avait pour matiere la recherche des bases de la morale et du droit naturel. li eaibrassait , comme on voit , I'ensemble des questions vitales dont la solution est cssentieile a I'liomme et aux socie'te's, pour apprendre a I'un les regies de sa conduite , aux. autres les principes de leurs institutions et les lois dc leur de'vcloppemenl. II roulait sur le probleme immense ct obscur de la destine'e de I'liomme et de I'humanitc , auquel se ramene la phi- losophic tout entiere. -^86 FRANCE. Cottc annul', poursiiivant sa taclic, qii'il n'a encore qu'cbauchc'c , M. Jouffroy , avanl cl'aborder I'objet special de ses rcclierches pro- chaines , a commence' par poser de nouveau danssa general itc'Ieprol)! erne de la destinee humainc , en indi([uant les proLlemes particiiliers , mais vastesct intimemcnt unis , de morale, de politique , de legislation, etc. , qu'il comprend tons a la fois. Quand on decompose le probleme general , Ic premier problcmc pa;- ticulier que Ton rencontre , c'est celui de la destinee de Thomme siir celte terre , au sein des conditions qui I'y entourent ; c'est le probleme moral dont la position et la solution ont ete Tobjet du cours precedent. Celui qui vient ensuile est le probleme religieux, qui a la fois presup- pose le premier et le comprend avec tous ceux. qui s'y ratlaclient. Rc- chercher si la vie presente n'a pas etc prece'de'e , si elle ne sera pas suivie d'une autre vie, examiner si pour nous tout commence a la naissance, si tout finit a la raort, trouver si, en dehors de ces deux points, nous avons eu un passe, si nous devons avoir un avenir, quelle doit etre la nature de ce passe, celle de cet avenir : tel est I'objet de ce probleme myste- rieux dont I'immensite' nous accable , parcc qu'il nous met par ses deux faces en contact avec I'infini. Pour en donncr la determination , il y a done ne'ccssite de tout re- commencer ; car le passe et I'avenir de I'bomme sont lie's a sa vie pre- sente, et les ele'mens que nous avons, pour les comprcndre , sont aussi bicn en dedans qu'en dehors des limites oil celle-ci est renferme'e. II faut reprendre les questions dans toute leur ge'ne'ralite ; il faut remon- ter a la conception de tout ce qui touche a la fm de I'homme , essayer d'en trouver le secret, qui tient a celui meme des existences. Tout etre a un but , est fait pour quelque chose. C'est la une convic- tion ne'cessaire que le spectacle du monde inspire a notre raison. Rien n'a ete cree en vain et n'existe sans une raison d'etre. Les creatures et I'ensemble meme des cre'atures , la creation , ont une fin. Quelle est la fin particuliere de chacune d'elles , la fin ge'ne'rale du tout , et quelle est I'harmonie qui les fait concorder I'une avec I'autre?... II y a des etrcs qui accomplissent leur fin sans s'en douter ; telles ces forces obscures qui se de'veloppent au sein des corps organises , sans le savoir ni lesentir. II y en a d'autres qui , non-seulement rcmplissent leur fin , mais en ont le senliment , et ce qui est plus encore , en cherchent PARIS. 787 le secret J tel I'hoiiimc qui jouit de cc privile'ge , non parce qu'il est done' de la conscience de lui-meme ct de la fiiculte' de sentir le plaisir et la doulcur, qui I'un et I'autre lui sont communs avec Ics animaux , raais parce qu'il est douc' de la raison , c'est-a-dire capable de cherclier les causes des effets et les effets des causes, de pe'netrer le principe et la fin des etres quise de'veloppent sous ses yeux. Comprenant done qu'il a une fin et en meme terns qu'il est charge d'y tendre par lui-meme et par ses efforts volontaires , il cherclie quelle est celte fin , pour agir en vue de I'atteindre et savoir quelle doit etre la regie de sa conduite. S'il n'a pas la lumiere sur ce point capital , igno- rant comment il doit agir, il n'est pas tranquijle. Ses inquietudes ne se renferment pas dans les limitcs de la vie ac- tuelle. II est pousse au dehors par sa raison , qui lui fait sentir que cette vie n'est qu'un termc d'une sc'rie peut-etre sans commencement ni fin de vies ante'rieures ou futures. II a besoin de voir un peu clair dans I'infini pour completer les explications qu'il lui faut sur les choses qui le tourmentent. Mais tout ce qui concerne sa destine'e individuelle n'est pas exclusive- ment contenu dans la sphere de son developpemeiit personnel. II ne vit pas isole ct sans rapports ; il vit au milieu d'un nombre d'etres qui lui ressemblent et parmi lesquels il compte comme unite j il est uni a I'hu- raanite. D'ou vient I'humanite? car elle a commence', I'histoire nous I'apprend ; comment a-t-elle e'te' appele'e dans I'espace et dans la dure'e , au milieu desquels nous la voyons perdue? Quel role y doit-elle rem- plir , et quelle sera le terme de ce role? Si elle a commence', ne doit- elle pas avoir une fin? La dure'e est un ocean au sein duquel se perd I'intelligence humaine, (pii n'en pent embrasser qu'un seul point e'claire d'une faible lueur. L'espace est un autre ocean qu'elle voudrait e'galement explorer dans toute son e'tendue. Quelle place remplit cc monde que nous habi- tons au milieu de tant de mondes que nos yeux aperfoivent a peine , ct de tant d'autres dont notre raison scule nous re'vcle I'existence? Que signifient tons ces mouvemens si re'guliers et oil tendcnt-ils? voila les questions qu'elle fait. Elle n'est pas contente si elle ne sail pas ce qu'il y a dans Tespace , d'ou est venu et comment se maintient tout cela , si elle ne comprend ■^88 FRANCE. pas rensciuble dc toutcs clioses, si le mot liii manqiic dc la creation do tout ce qui cxistc , si Dieu lui reste inconnu. II n'cst pas d'c'poques, il n'est pas do lieux oil I'liomme no se soit fait toutcs ces questions • il n'est pas un e'tat de civilisation ou il n'ait cprouve le besoiu d'apprendre comment toutes clioses avaient e'te , al- laient et devaient aller autour de lui , parce que toujours et partout il s'est senti charge de sa destine'e et partout oblige d'en savoir les condi- tions ct les alentours, s'il veut bien vivre et en paix. La conduite que tiennent I'homme et les socie'le's depend pour beau- coup dc-s solutions qui les dominent, grossieres ou profondes. Car il n'y a pour I'homme que deux mobiles d'action : i " les passions et les ten- dances de sa nature, expressions primitives de sa destination, qui ne varient ni avec les tems ni avec les lieux , gouvernement mobile dont la vie de I'enfant nous offre un exemple ; i° les idees de son intelligence , la conception de la fin pour laquelle il est fait , gouvernement sage et re'gulicr auquel il arrive le jour oil la raison lui est acquiseavec I'em- pire sur lui-memc. C'est ce dernier element qui, dans sa nature, comporte le progres , I'eleve sans relour au-dessus des animaux , et donne naissance a dcs va- rie'tes de developpement exte'rieur entre les individus et les socie'te's dcs diveis lieux et dcs divers tems. Car ce sont les idees qui gouvernent la volontc', et la volonte qui gouverne les sens.D'oii il suit que, pourcom- prendre les actes de riiuraanite ct entrouver le sous dans la determina- tion des mobiles successifs qui I'ont dirige'o , il faut roraontcr jusqu'aux ide'es; d'oii il suit encore que I'histoire de riuimanite' n'est que la tra- duction d'une autre histoire qui n'est pas faite encore, celle de scs idees. L'histoire, dans son origine , n'a cu pour objct que de rccucillir les e've'nemens particulicrs et les faits mate'riels de la vie des nations , de ra- conter les traite's, les batailles, les revolutions qui I'ont remplie. Ainsi tile a etc conoue par toute I'antiquitc. Ainsi I'ont faite Hc'rodote, Thu- cydide, Tite-Live, etc. Plus tard on s'est apcrfu que tous ces faits particulicrs sc ratlacliaicnl a des faits plus ge'ne'raux qui poiivaient en donner I'explication. Alois ce qu'on a e'tudie'dans la vie dcs peuplcs , ce sont leurs institutions, et dans les principes de ces institutions on a essaye' de troiiver les raisons PARIS. 787 de la predominance des uns sur Jes autres , de rcle'vation de ceux-ci , de la chute de ceiix-la. C'est ainsi qu'ont proce'de Voltaire et Rlontes- qiiieii. Ne'anmoins les fails particuliers et les institutions ne sont an fond que les effets et les consequences des idecs qui sont dans les intelligences hu- maines sur les questions morales qui les inquietent. L' explication de riiistoire de riiumanite rentre done tout entiere dans celle des progres de son intelligence. La est I'esprit meme de I'histoire. En effet , qu'une idee soit re'pandue, qu'un dogme soil reju dans une socie'te , tout son de'veloppement sera en consequence des solutions qu'elle se sera donne'es du probleme moral , religieux, politique, qui est un dans son principe et son oLjet. La forme sous laquelle se produisent ces solutions , dans les grandes phases de la civilisation^ est celle des religions, dont les dogmes ne sont rien autre chose que des re'ponses cate'goriques a toutes les ques- tions qui se posent dans I'humanite'. Le paganisme et le christianisme les conlenaient toutes et n'en contenaient ni plus ni moins. L'un et I'autre ont fait grandir et se maintcnir des socic'te's tout entieres^pendant des siecles , parcc qu'ils prevenaient toutes les inquietudes des hommcs en leur donnant un mot pour Tenigme de leur destinc'e. lis coupaient le doute dans sa racine; aussi I'harmonie existait-elle entre les coeurs et les intelligences : il y avait une foi commune a un meme systeme politique ; il y avait une vie commune. Mais quand le scepticisme vient a souffler sur les religions et les fait e'vanouir, I'incertitude renait, et, devenant ge'nerale, ne tarde pas a enfantcr I'anarchie. II y a, pour 1' ordinaire, au moment oil les religions se de'truisent, des hommes qui arrivent e'galement, mais par une autre voie, a toutes ces solutions. Leur me'thode et la forme sous laquelle ils les obtiennent sont toutes rationnelles. Ils ne font pas de religion, mais des philosophies qui sont accepte'cs par d'autres hommes , en petit nomhre , dont la re'u- niofl^ toujours fort borne'e forme ce qu'on appelle une e'cole. Telle est I'oeuvre qu'ont accomplie Platon , Aristote, Epicure, Ze'non, Leibnitz, Kant, etc. Une religion nait sans que son auteur lui-meme ait le secret de la maniere dont clle a e'te con9ue dans son esprit. Elle nait a I'improviste et dans la rencontre de toutes les doctrines qui regnent simultane'ment , TOME 1,11. DECEMBRE 1 85 1 . 5i -ySS FRANCE. jaillit couinic iinc elincclle dont Ic lien n'n pas eu iVindices , bicn qii'cllc ait etc inevitable. Dc la vient que toule religion so croit dcscendne d'en liaut , se dit reve'lc'e par Dieu et s'impose d'autorilc aiix masses aii nom et eu vertu dc son originc. Une philosophic est rceuvre des nic'ditations solitaires dc gcnsappar- tenant aux classes e'clairccs de la suciete , qui n'imposeut pas leur pen- see, parce qu'ils savent qu'cUe ne vient que d'eux seals , raais la pre'- sentent comme vraic , et ne pre'tendcnt la faire accepter qu'a ce seul litre. Leur langage est de pure raison. Celui des religions est dogmati- que ct cntonre' de mythes , de figures et d'images. La ne'ccssile' de se poser toutes les questions dont nous parlons e'tant inevitable , Tintelligence humainc est toujours nantie des solutions ou en train de les travailler. Mais aucune solution n'a e'te immortelle. Toutes ont peri successivemcnt devant le scepticisme dont la domina- tion n'a jamais etc' que passagerc ct s'est toujours eflface'e devant une re- ligion nouvelle qui , ellc-meme, s' efface a son tour, une fois son ceuvrc accompli e. Toutes s'e'croulent, parcc qu'on s'apcrcoit, apres un certain espace de tems, qu'elles n'ont e'te que des essais impai'faits de solutions que d'autres plus satisfaisans doivent suivre. L'esprit humain , poursnivant sa recherche continue de la ve'rite' , brise une doctrine insuffisantc pour en constituer une autre qui Test moins , mais qu'il briscra plus tard. Et en nicme tems il renverse les institutions de'rivant dc tons ces dograes , ct il achemine I'espece humainc vers des manieres d'etre qui s'ameliorent de plus en plus. Tel est le travail et I'objet de la civilisa- tion. La civilisation n'est que le de'veloppement successif des solutions qui naissent au sein dc rhumanite sur la question de sa destine'e, et qu'elle e'claircit et complete pcu a pcu en faisant graduellemcnt dispa- raitre les erreurs et les symbolcs obscurs qui ont enveloppe ses pre- iniei's essais. Les societe's dans leur progres passent done allcrnativemcnl par deux e'tats diffe'rens , I'un de foi et de dogmatismc , I'a'itre d'incre'dulite' et dc revolution. Les deux theories dc I'etablissemcnt d'un dogme et d'une revolution pcuvent jcter une grandc Ic.micrc sur I'liistoirc. Mais la tlic'orie com- plete do riiisloire ne serait pas faile encore, car il restcrait toujours a PARIS. 789 savoir quel est Ic dogtne imparfait par lequel a conunence rhumanite et qnels sont ceux par lesquels elle passera. Cette science n'cst pas et no sera tres-probablemcnt jamais possible, car elle de'truirait Thistoire , en la soumettant a une loi inevitable dont on pre'dirait d'avance toutes les applications. Mais on pcut de'lerminer comment un dogme s'e'leve et comment il tombe. Sa premiere influence s'exerce sur les intelligences, et c'esl seu- lement apres qu'il les a bien pene'tre'es qu'il passe dans les re'alite's mahirielles. Des lors la socie'te tout entiere s'ordonne et marche selon saloi. Dans cette double pe'riode de conquete intellectuelle et de domi- nation materielle , le doute n'existe pas ; il y a partout harmonic. Mais I'intclligcnce humainc n'cst pas stationnaire. II arrive un jour oil elle aper^oit dans Ic dogme des imperfections qui ne I'avaient pas encore frappe'e. Les esprits se de'sabusent et les coeurs se refroidissent. Le scep- ticisme organise la lutte intellectuelle. Puis il altaque les institutions qui re'alisent I'ancienne doctrine. C'est la la premiere e'poque d'line revolu- tion. Elle amene rhumanite a n'avoir plus do foi ni d'institutions. Mais comme c'est sur elles que sa vie repose, le besoin invincible qii'elk en e'prouve produit un nouveau mouvement portantlecaracterede I'organisation, et de'bulant par I'invention et I'enfantement d'un nouveau dogme , qui doit se jiropager dans les intelligences et fonder plus tard de nouvelles formes sociales, de nouvelles institutions. Tel est I'ordre suivant lequel s'accomplissent les i-e'volutions , ordre fatal dont les momens successifs ne peuvent etre supprime's ni interver- tis. Telle en est la the'orie ne'cessaire , absolue, s'appliquant aux plus pctitcs comme aux plus grandes revolutions , aux doctrines les plus minces comme aux plus importantes. Nous pouvons suivre ce deVeloppement dans la phase de revolutions -qui s'accomplit depuis plusieurs si^cles, et dont nous voyons une partie se de'rouler sous nos yeux. l/cs premiers qui de'couvrirent une imperfection dans le dogme du christianisme furent brules , pour avoir fait pressentir le sceptlcisme. Ceux qui vinrent apres surent s'allier avec des inte'rets dont I'appui les gai-antit des bucliers et les aida a fonder le dogme sceptique. Les philo- sophes s'en saisirent et lui donnerent un grand caraclere de hardiessc , de profondeur et de determination. Puis il dcscendit vite au sein des 51. rc)0 FRANCE. classes e'clairc'es qui comraencerent ia gucrie. On discuta long-tcms ct trcs-liaut. On critiqua tout a la fois Ic bon comme le mauvais, parcc qu'on c'tait presse de se debanasser a lout prix du dernier. Avec du terns et du ge'nie on vainquit le dogme dans les intelligences. Une fois cctte revolution bien avance'e, il s'en accomplit une autre, s'adrcssant aux re'alite's el aux inte'rets , et qui , apres avoir e'clate a diffc'rentcs c'po- ques ct en dift'e'rens lieux , a produit chcz nous son acte le plus vigou- reux. Le cliristianisme avait tout organise selon ses principes , morale , politique , pouvoir , legislation , etc. La revolution dut attaquer et atta- qua toutes clioses. Tout est fini maintenant, et dans I'ordre dcs intelligences et dans I'ordrc des re'alite's mate'rielles. tJn grand vide est fait et nous le sentons profondement. C'est de la que vient 1' inquietude qui regno de toutes parts, et se porte naturellement vers I'examen des grandes questions vi- tales. C'est le besoin de trouverdes solutions qui fait e'tablir, dans I'inten- tion expresse d'en cherclier , des reunions, dcs cours dont , il y a quatre siecles, personne n'eut pu de'couvrir le sens ni la raison. Moi qui fais ce cours, dit M. Jouffroy , et vous qui I'c'coutez, nous nc sorames ici qu'en vertu de la fatalite qui nous pousse irre'sistible- mcnt vers la reorganisation qui s'approclie. II a quelque chose a de'cou- vrir j nous sommes en quete. L'ide'e qui maintenant preoccupe les esprits est celle de fonder , ct cc de'sir atteste que la mine du passe est fort avance'e. Mais on ne fonde rien si Ton ne sait pourquoi , dans quel but. De toutes parts , il y a done impuissance absolue , parce qu'on ne connait pas encore la fin que doit se proposer la socie'te. Les hommes les plus avance's sont arrives au deniier cliapitre dc I'histoire que nous venons de tracer, et pressentent le de'nouraent. Mais tons ne sont pas au meme point. H y a dans les masses des gens qui vi-« vent encore dans I'ancienne foi j il y en a d'autres qui viennent dc s'cn de'sabuser pour la premiere foisj d'autres encore qui portent conlre cllc ieurs attaques. Ici quelques-uns entrent dans I'indiffe'rence. Plus loin , il en est qui s'inquictent d'une nouvelle croyance et plusieurs meme qui croient I'avoii- dcja trouvce. II n'y a pas de loi rc'guliere d'action possible au milieu d'une telle confusion des langues. Mais la majorite, qui s'est de'tache'e du passe' ct PARIS. 791 qui sc Irouve prive'e de dogme et d'institutions , a hate de soitir dc cette situation qu'elle ne comprend pas , mais dont elle sent vivenient les douleurs. Le vide des intelligences ne la frappe pas; c'est celui des institutions. Elle en veut done et demande qu'on lui en construise , sans soupfonner que pour cela I'invention d'un nouveau dogme est ne'ces- saire. Elle appelle I'effet avant que la cause ne soil, la consequence avant le principc. Alois des essais divers de reconstruction sont faits par des horames a qui manque une vue nette du caractere de leur e'poque et qui sc de'vouent a hitter contre I'anarcliie, croyant pouvoir la dompter, parcc qu'ils n'en aperfoivent pas Torigine. Sortis pour la plupart de la generation qui a accompli la destruction , ils donnent pour base a leurs tentatives de fondation les ide'es ne'gatives qui ont servi a I'ceuvre con- traire , et croient e'tablir des institutions en de'ployant un grand appareil de tons les moyens pre'servatifs et de toutes les garanties , appelc'es li- beries, qu'ils ont oppose's aux vices du regime ancien, comme s'il ne s'agissait toujours que d'organiser un systeme de defense, apres que I'ennemi a disparu. En outre, dans I'ceuvre active qui avail e'te ante'rieurement remise entre leurs mains, ils ont eu chacun un role paiticulier a remplir, et ils I'ont rempli avec tant de foi , avec une si grande e'nergie, que leur vie s'en est impre'gne'e tout entiere. Leur intelligence s'est pe'trifie'e daas I'ide'e de leur grand jour ; et, quelque diverses que soient les cir- constances , on les voit toujours prets a recommencer la mission par- lielle dont ils ont etc charge's passagerement. C'est ainsi que parmi nous tant d'hommes dignes d'estime et de respect sont Teste's en contempla- tion devant un ideal dcpuis long-tems evanoui ; ceux-ci a la consli- tuante , ceux-la a la convention , d'autres a I'empire , d'autres a la re- volution de juillet, et a cent points de vue diffe'rens, d'oii pas un scul ne peut cmbrasser I'horizon tout entier. Un phe'nomene d'un autre genre est produit au sein des masses par lejneme e'tat d' anarchic morale, et devient une nouvcllc source dc dan- gers. Sous le christianisme , il est certain que I'individu , comme aujour- d'hui , e'tait portc' a agir par scs passions et ])ar ses inte'rets. Mais il y avait un autre mobile encore, a savoir I'ide'e morale qui avait recu une determination positive ct dogmatique , et cpii e'tait la loi dc Dicu. 11 est ^92 FRANCE. bien vrai qu'on la violait, mais on le savait et puis on en falsait penitence. Les rois, qui y e'taient e'galement soumis , la violaient e'galement , mais ils le savaient et s'en repentaient. La conduite des individus et des gouvernemens n'etait pas raeilleure peut-etre que de nos jours. Mais, pour la juger et la qualifier , il exis- tait une regie reconnue des uns et des autres. La pratique des homines e'tait domine'e par une moralite' qui , bien qu'obscurcie fre'quemment , se relevait toujours par sa vivace e'nergie apres les intervalles de chute. Maintenant le but de la vie s'est voile. Toutes ces perspectives mo- rales qui , de momens en momens , s'ouvraient aux yeux du croyant et lui inspiraient de poe'tiques sentimens, se sont evanouies. L'individu ne voit plus rien au-dela de cette vie , et ne voit meme pas au-dela de quel- ques jours de cette vie. Ses actions ne re'sultent plus que de ses passions bonnes ou mauvaises du moment , ou bien de quelques habitudes qu'il suit machinalenient ct avec une indifference profonde, sans en avoir le sens ni la moralite'. Or , supposez que cette absence de tout sentiment moral , si pe'nible par elle-meme , soit accompagne'e de grandes miseres , quel frein aura- t-on a opposcr aux instincts qui pousscront les masses a s'agiter? N'a- percevant ni n'espe'rant plus desormais un but et un terns e'loigne' ou justice doit etre renduc a tous , elles ne comprendront que cette alter- native : etre heureux ou malheureux; elles seront naturellement porte'es a de'sirer tout le bonheur qu' elles voient et confoivent, et partant a se ruer sur celui des autres. Leur action n'aura plus de limite ni de loi , parce qu' elles ont cesse d' avoir rintelligence de leur situation qui leur e'tait donne'e par le chris- tianisme. Tous les e'le'mens sociaux sont soumis a la de'composition et livre's a I'impuissance ge'ne'rale. Les arts et la poe'sie en pre'sentent de mani- festes symptomes. Quelques artistes ont encore foi au passe'; d'autres sont anime's contre lui d'une vive hostilite'j mais, apres le chant du regret et la satire de la haine , il n'y a plus rien que la poe'sie du doutc , la ))oe'sie de Byron. Tout cc qui dure encore se rapetisse et descend du sublime au gro- tesque. Les re'volutions , si grandes dans leur originc au lems de la PARIS. 'JC)3 hiltc, victorieiises , u'ont plus de force, et , privc'es de leiir eniicuii qui les excitait par sa resistance, scmblent toinber d'inanition. Les plus grandes questions se transforuient en minuties, et les guerrcs violentes et gigantesques d'autrefois en de mesquines disputes. Cette situation est passagere , iiiais fatale , comme tous les de'veioppe- luens intellectuels de I'liumanitc'. Elle n'cst ni plus ni moins glorieusc ou fausse que toute autre ; elle est ne'cessaire et ine'vitable. II faut en acque'rir I'intelligence nelte ; a cette condition on sera to- le'rant , car on comprendra les raisons des convictions et des actes de tous les^hommcs etde tous les partis j on sera calme, car on saura com- ment doivent s'accomplir les progres qui sont procliains , et quels sont les obstacles et les retards qui les doivent entraver. Mais quels que soient les defauts de regies, de principes et de foi, il y a toujours nc'cessite d'agir , et pour les gouvernemens ne'cessite de gouverner. Dans la meditation pliilosophique , on peut accepter la pri- vation absoluc de toute doctrine et se lenir sans inconvenient a I'e'tat d'irre'solution; mais, pour la pratique, les devoirs poHtiques et mo- raux ne sauraient etre un seul moment suspendug. Lorsquc Descartes eut conju le projet de reformer la pliilosophie et de rcfaire la me'taphysique tout entiere , il commencapar de'truiretoutes les croyances qui existaient dans son esprit , et par y e'tablir un doute general et complet. Mais , comme il avait toujours avec ses semblables des rapports qui ne comportaient pas la meme indifference pour agir , il se fit une morale provisoire sur laquelle il devait vivre jusqu'a cc qu'il eut trouve les lois et les regies de conduite qu'il clierchait. Nous sommes aujourd'hui dans une position analogue a celle dc Des- cartes , cntre un passe' qui n'est plus ct un avcnir qui n'cst pas encore. Dans I'absence de tout principe d' organisation , I'ordrc moral senti et cru , I'ordre vrai n'est pas possibl-e. II faut que nous nous fassions une morale ct une politique provisoires. ■Si un ordre vrai-est impossible, et parcc qu'on nevcut plus de celui qui vient de tomber, et parce que le nouveau n'est pas encore trouve' , ineme seulement dans les intelligences , ce qu'il importe de faire en cc moment , c'est de maintcnir , tant bien que mal et comme on pourra , I'ordrc mate'ricl (pii subsiste encore , en attendant le dognic fondateiir ptomis a la generation qui s'avaucc. 794 FRANCE. Nous tons , philosophes plus on moins, dit M. Jouffroy , nous dcvons employer les efforts de notre raison a essaycr les solutions aujourd'hui si ne'cessaires. II y a du boulieur a sortir d'une sphere etroite d'action ou Ton ne sail ni ce que Ton doit faire , ni si cc que Ton fait est bicn , ni a quoi cela servira , pour rcvenir rcspirer dans la libre S2>lierc de la phi- losophic et de I'histoire. La recherche est la mission des philosophes ; car le dograe ne nait pas sans avoir ete prc'pare par un travail pre'liminairc , qui do droit appartient aux hommes les plus e'claire's de la socicte'. Mais les theories qu'ils e'mcttent sous la forme rationnelle dcscendcnt peu ?, peu vers la foule et y produisent un retentissemcnt sourd et prolonge. Bientot quel- •quc homme place dans I'espace interrae'diaire , entre la masse e'claire'e et la masse ignorante , entre les philosophes et le peujjle , ou il recueille tons ces bruits dont I'air est rempli, croit entendre un son nouveau qui lui parait venir d'unc voix inconnue. Les ve'rite's fa et la re'pandues trouvent en lui leur moyen terrae; il les incarne en sa personne • il en devient le verbc, le rc'vc'lateur. Les philosophes sont les pre'curseurs des relfgions, mais ils ne les fondent pas. Puis , apres que le re've'lateur a paru , le peuplc qui vient de recevoir la formule du dogme refuse de reconnaitre que les philo- sophes aient eu le premier me'rite de la dc'couverte. II se tourne contre eux en hostilite', et les philosophes sont en ge'ne'ral brule'sau nom de la ve'rite qui est sortie de leurs investigations. Les cinq sicclcs qui out pre'ce'de' Je'sus-Christ nous fournissent des fails en confirmation de ces ide'es. Ces siccles, qui fonderent tant do philosophies sur les ruines du dogme religieux, depuis Orphe'c, qui est peut-etre le pendant de Luther, jusqu'a Thales et Socrate, qui furent comme les Bacon et les Descartes de ce terns , et a tous leurs successcurs et e'leves , ont prepare' le christianismc , qui pourtant n'a pas ete fonde' par un philosophe. Ensuite les chre'tiens, ne reconnaissant plus les ide'es des philosophes sous les formes symboliques dont elles venaient d'etre revetues , ont repousse toute solidarite avec eux. Aujourd'hui , (lit le professeur en tcrminant , un dogme nouveau se prepare : il faut en hater la promulgation. L'anne'e dernicreje croyais, et j'ai dit que ce dogme ne pourrait se produire que sous la forme ration- PARIS. 795 nellc ; cette anne'e, je n'en sais rien. La mission dcs philosopbes est dc poser ct de bicn determiner les questions. L.-L. Gadkbled. COURS DE PHYSIQUE GENERALE DE M. AMPERE. M. Ampere a consacre une parlic de ses lemons du coUe'ge de France a une revue encyclope'dique des sciences qui pre'sente tout I'inte'ret des grandes ide'es ge'ne'rales. Nous attendrons la fin de ce cours polir en examiner I'ensemblc et en faire le sujct d'un article spe'cial; les travaux inspires par le de'sir d'associer les sciences par le lien religieiix, en grou- pant dans une seulc unite' tout ce que pent embrasser I'esprit de I'iiomme, sont d'une importance trop haute devant ceux qui ont compris la car- riere pbilosopbique ouverte au dix-neuvieme siecle, pour qu'il nous soit permis , lors meme que leur tendance nous parait re'trograde , de les oraettre ou de les ne'gligerj ce serait manquer a I'esprit progressif qui dirige ce journal. Nous nous contenterons d'exposer succinctement les classifications que M. Ampere introduit dans chaque groupe dc scitnces , et les tniits les plus larges par lesquels il les caracte'rise , tout en maintcnant avec soin les considerations d'un ordre plus e'leve' que cet illustrc professeur chcrclie frc'quemment a rattacber a la grande theorie du cbristianisme. Le cours e'tant commence depuis quelque terns ^ nous ne reviendrons pas sur le detail de ce qui a e'te' traite dans Torigine; nous le prcndrons au point ou il se trouve a peu pres actuellement , c'est-a-direaux scien- ces de la vie. Dans I'e'tade des oljjets natuicls, M. Ampere c'tablit direc- tement une division binaire, en les considc'rant d'abord en eux-memes et en les considerant ensuite dans leurs rapports avec Thomrae; la pre- miere partie correspond a I'ide'e de ve'rite' , d'intelligence; la seconde , a i'ide'e de passion , d'inte'ret. Dans les sciences matbe'matiques , une division binaire est e'galcment fournie par la contemplation de la ve'rite absolue dans un monde quelconque , et la contemplation de la ve'rite telle qu'elle existe dans I'e'tendue re'elle. Dans les sciences morales et politiques, on retrouve les deux divisions correspondant a Tide'e passion et a I'ide'e intelligence. Revenant a I'e'tude des objets naturels pour con- tinuer a faire dcs coupures dans les deux premieres divisions , M. Am- pere en e'tablit qiiatre dans chacunc d'clles, comprenant : la description 796 FRANCK. cxte'rieiire , I'analyse des parties, relablisseinent des lois, rexplicalioii dcs plic'nomfcnes. Ainsi dans I'etude dc la tcrrc ccs qiiatre sections cor- respondent a la geographic, la mine'ralogic, la geognosic ct la gf'ologie proprement ditc. Dans I'e'tiide des ve'gc'taiix, en vertu dii principe que je viens dex- poser, s'etablissent les deux divisions fondamentales : botaniqiie ^ agriculture. La botaniqiie, qui considerc Ics ve'ge'taux en cux-raeraes, comprcnd : la ^ftj'fogra^AtV, description de la forme apparente, caraclere des tiges, des racines, des fleurs, etc. ^ designation de la zone d'habitation, pays cbauds ou froids, plaines ou inontagnes, etc.; Vanatomie vegetale , distinction des diverses parties, des tissus, etc., examen des organes internes ; la phjtonomie , comprenant les rapports et les lois de I'orga- nisation vegetale j la physiologic vegetale , comprenant le mode d'ac- iion auquel sont dus les phe'nomenes dc naissance, de croissance et de reproduction des ve'ge'taux. Les ve'ge'taux sont compose's d'utricules forme's par les substances ele'mentaires ct accole's les uns contrc les autres , de maniere a donner lieu a des formes el dcs apparences yariecs. Ce tissu , dispose par chaines liue'aires dans les tiges et les racines , s'e'tale pour donner naissance aux feuilles et aux fleurs, qui ne sont que dcs agroupcmens de fcuillcs di- versement accidentces et nuance'es, Ces ulriculcs , par leur action sur Irs molecules mine'rales, carboncs . bydrogenes, etc. , les de'terminent a se grouper de la mcme maniere eta constitucr de nouveaux utricules. Dans certaines circonstances , et particuliercment cliez les etres d'un ordie infe'rieur, ces utricules, detaches, peuvent se de'velopper isole'ment et reproduire de nouveaux etres; mais en general la reproduction, quoiqiic toujours occasionnc'e par Taction des utricules sur les molecules cnviron- nantes, n'a lieu qu'avec le concours d'un certain ordre de phe'nomenes qui scut ceux de la floraison ct de la germination. Les ide'es contenues dans la Gcnese de Moise , et adoptees par les chre'tiens , avaient conduit a des consc'quences fort diffe'rentes sur la naissance des etres. La cre'ation ayant etc une teuvre distinctc posee enlre deux ctcrnite's, un acte d'unc durc'e limitc'e, apres lequel le cre'a- tcur c'tait rcntre dans le repos, il paraissait logique de penscr que dans celtc pcriododc six jours Dieu avait cnfantc non-seulcment tous les ctrcs PARIS. 797 qui peuplerent le globe dans I'origine , mais encore le germe de tons ceux qui dcvaicnt le peupler dans la suite des tems. De la la the'orie de la pre'exislence et de I'emboitement des germcs d'apres laquelle chaque graine rcnfcrme, a re'tat rudinientaiie , tous les e'lemens du ve'ge'lal futur ct de ses graines, de sorte qu'unc seule graine en renferme une infinite renferme'es a I'infini I'une dans I'autre. Ces germes , cre'e's a I'origine , ne font que se de'velopper successivement a mesure que I'heiire de pa- raitre arrive pour eux. M. Ampere cberche a de'moutrer que celte opi- nion n'cst pas une de'duction rigoureuse du dograe cbre'tien , qu'clle est meme oppose'e a la parole du texte qui dit : crescite et midtiplicate , ct qui, dans I'bypotbcse de la pre'exislence, auraitdu sc bonier a cres- cite. Sans voiiloir enseigner ncttement la grande idee de la creation continue, il declare conforme a la Icltre de la Genese de penser que Dieu, dans son travail, au lieu de cre'er les etres. a cre'e les lois qui devalent les reproduire ; comrae si une loi pbysique , forfanl la nature a lui obe'ir, e'tait autre chose que la continuation de la volonte creatrice foixant la matiere a marcher a son commandement. M. Ampere repousse e'galement I'hypothese de Buffon qui regardait les globules ge'ne'rateurs comme cre'e's a I'origine ct indcstructibles. L'e'tude de la chimie montre qu'ils se de'coraposent facilement en leurs elemens priraitifs, ct I'observation des phenoinencs dc la vegetation montre qu'ils se recomposent par leur influence mutuclle. Quelques physiologistes ont pcnse que les phe'nomenes que pre'sentent les etrcs organises durant leur existence e'taient dus a une force parti- culiere, designee sous le nom de force vitale; mais il parait plus con- forme a I'unite des vues de la Providence de penser que tous les mou- veuiens de la nature sont dus aux variations des memes forces. La germination est de'termine'c par les petits corps rcnfcrme's dans les grains du pollen, qui viennent a s'introduire dans I'inte'ricur du liquide e'mulsif homogene de la graine , et y de'terminent la consolida- tion d'un noyau qui devient I'embryon de laplante nouvelie. On pourrait croire que les corpusculcs renferme's dans les grains du pollen sont de petites piles compose'es de matiere organique, comme celles de la tor- piile et de la gymnote, et qu'arrive'es dans le liquide de la graine, elles y e'tablissent des couz-ans electriques, agregent les utriculcs qui s'y trou- vaient a I'e'tat de suspension, et les re'unisscnt en un germe qui dc'ler- •jqS rilANCE. mine la i'oniialion de nouvcaux utriculcs, et occasionc par la Ic de'vc- loppcment du \ egc'lal. La solidification de la fibre ligneuse scrait e'galement due a dcs forces e'lcclriqucs qui agre'gcraient les uns avcc Ics autres les iitricules.dcja prepares isolciuent an contact des utriculcs analogues deja existans. L'action partant du bourgeon en descendrait A'ers la racine en se com- muniquant successivemencacbaque particule dcs qu'elle serait encbaine'e, ct lui donnant par consequent la puissance d'amener a elle la particule qui lui succede. Tout se lie dans la nature, et cct important pbcnomcnc de I'accroissenient dcs ve'gc'taux rentrc dans I'analogie de ce pbc'nomene depre'cipitationchimiquesignale'dcpuis si long-tems sous \cnom d'arbre de Diane. Lorsqu'on pre'cipite sur le mcrcure I'argent contenu dans line dissolution d'acide nitrique , il se forme une ramification de globules d'argent qui a sa base par le mercure; un courant s'e'tablit le long de la cbaine qui transporte au mercure I'oxygene et I'acidc , ct a Tcxtrcmite du courant les molecules d'argent, jouant lour a tour le role de [lile , se dc'posent les unes sur les autres. La nutrition chez les animaux et en particulier V ossification , on depot de particules de phospbate de chaux autour d'uu premier centre qui se determine dans le tissu ccllu- laire, sont de merae ordre et dus a des causes semblables. La direction verticalc des plantes est un trait important de leur exi- stence , dans Icquel on ne saurait mc'connaitre I'influence d'une dcs forces les plus ge'ne'rales de la nature, la pesanteur. La racine marcbe toujours vers la force qui tire, et la tige marcbe toujours en sens inverse, quelle qu'ait etc la disposition pre'alable de la graine. En placant des graincs sur les rayons d'une roue verticale en mouvement, la force centrifuge qui se produit dirige les racines vers la circonfe'rence etles tiges versle centre; en les placant sur une roue borizonlale, soUicite'es a la fois par la force centrifuge et la pesanteur , les racines marcbent vers la circon- fe'rence , mais en s'inclinant sur la verticale d'une quanlite proportion- nelle au rapport des deux forces agissantes. La tendance spontane'e des racines vers I'bumidite et des tiges vers la lumicrc denote cgalement deux fails du plus grand interet, mais dont I'explication est en-core fort obscure. La.sccondc brancbe de la science des ve'ge'taux com j)rcnd tout ce que, sons le point de vue de nos bcsoins, ils peuvent offrir a noire PARIS. --Qf) t'ludc , dcpuis Iciir naissance jusqu'au moment oii ils peiivent satisfaire la consommation ; c'cst Y agriculture . Elle se subdivisc e'galcmcnt en qiiatre parties : la geoponique , description des proce'dc's employe's pour cultiver les ve'ge'taux utiles; Vagroristique , calcul des prodnits de la terre , des avantages commerciaux , des valeurs agricoles ; V agronomic, comparaison des me'thodes qui donnent le plus grand profit , lois empi- riques , proce'des d'assoleraent relatifs a chaque terrain ; la physio- logie agricole , recherche des causes des phe'nomencs agronomiques , de la maniere dont agissent les engrais , des causes qui font qu'il con- vient de varier les plantes que Ton met successivement dans le meme terrain, etc. Apres ces ide'es ge'ne'rales sur la classification et la philosophic des sciences qui se rapportent aux ve'ge'taux, M. Ampere passe a I'e'tude des animaux , qui ne doit rcnir qu'apres a cellc des ve'ge'taux , puisque Ton concoit I'existence des ve'ge'taux inde'pendamment de celle des animaux , landis que I'invcrse ne saurait avoir lieu. J. R, Statistique. Releve des deces de I'annee i83o, pour la vi/le de Paris (Extrait d'un rapport adressc a M. le ministre du commerce et des Iravaux publics.) — Ce rapport a pour objet de signaler le dcgrc d'infbicnce que la salubrite peut exercer sur la vie des hommes et sur le dc'veloppement de certaines maladies, en coinparant la inorfalite des quarticrs , eu c'gard a leur population. A cet effet les maires et les agens des hospices civils sont invite's a transmettre , a I'expiration de chaque quinzaine , a la prefecture de police , un e'tat des de'ccs survcnus dans leurs arrondiiscracns respcctifs et dans les e'tablissemens confie's a leur surveillance; et, pour obtenir des renseigncincns uniformes, on faitim- primer les feuilles qu'ils doivent remplir et qui indiquent la date des de'ces"", la nature de la maladie , le nom des de'ce'de's , leur sexe , leur age , leur profession et leur demeure. Ces documens scrvent a la redac- tion des c'tats de mortalite , dresse's chaque aune'c par la prefecture de police, et qui prc'sentent les de'ces occasion c's par quelque maladie que ce soit, dcpuis un jour jusqu'a cent ans, suivant des pc'riodes de'termi- nc'es. De cctte maniere on voit an prem.ier coup d'oeil les sexes et les 8oO , FRANCK. ages qui sont plus particulierement sujels a telle ou telle maladic, et celles qui font le plus de victimes. Parmi ces dernieres nous trouvons en premiere ligne , sur Tc'tat des de'ces do I'anne'e i83o : 1<>Lc calarrlic pulmonaire , qui a occasione 5,535 ddccs , savoir : )803 dii scxe masculin et 1,732 du scxe feminin. ( 1,422 m. 2° La plilliisic pulmonaire 2,948 I , . ,r r e 1,0-D 1. ^ ,^,t 1,040 m. •■^"LVn.eri.e 2,45^ J ^^^^^^ ( OH iunammallon intestinale ). ^ ,_ f 1,104 m. 4° La pneumonic 2,1 50 < ( 1 ,05o l. . ,>„,( ''?'3 m. 5° La P,aslritc ". 1 ,997.] '' I 1,014 f. d" Les convulsions .... 1 ,880 I 7° L'apoplexie 1 ,308 J 8" La ficvre ccrebralc 1,2 938 in. 942 f. 820 m. 488 f. 724 m. 564 f. Les autres maladies nc se rencontrent que dans des proportions infi- niment raoins fortes et celles qui suivent les prece'dentes , d'apres leur ordre de gravite , presentent savoir : (, 112 m. 1 ° Lc squirrhc et cancer 605 .„„ „ ( 490 f. \ 122 m. 2' L'hydropisic •^^'^ / 264 f. - T- . . --,«( 168 m. o" L anevi'israc .572 ( I 204 f. ( 56 m. 4° La pL-ritonile 351 < ,„- . (ou Inflammation du bas-ventre). S H6 m. 5° L'iivdrolhorax 358 i „ .j. , (ou liydropisie de poiirinc). ^^ ( 168 m. 6" La petite vcrole .529 i „. j. ^^,S 120 m. 7" La rounoole 224-< '' ( 104 f. PARIS. 801 Lcs maladies qui vicniient ensuite, tellcs que le croup, la dentition , ia coqueluche, la scailatine, qui attaqucnt les cnfans, princij^alement jusqu'a I'age de cinq a six ans , ne presenlent pas uoo de'ces pour cha- cune. Dans les nomenclatures qui pre'cedent , on n'a pas compris les enfans morts-nes, qui ont e'te au nombre de 1 1 lo du sexe masculin et dc lO'iS du sexe fe'minin; lesdeces, suite de faiblesse de naissance , s'clevent a 588, savoir t25i du sexe masculin et 387 du sexe fe'minin; et enfin V ajfaihlissement se'nil, autrement dit la vieillesse et la de- crepitude , qui donne 968 de'ces , 35a liommes et 606 ferames. On n'a pas conside're' ces de'ces conime e'tant le re'sultat de maladies. Que si maintenant nous reclierclions les ages et les sexes qui ont e'te' plus particulierement afiecte's par ces maladies, nous remarquerons que Ic catharre pulmonaire se'vit centre les enfans , principalement jusqu'a I'age de cinq ans, et qu'il en est mort, en i83o, 121 du sexe masculin et ga du sexe fe'minin. Qu'il atteint les liommes et les femmes vers I'age de trente ans , et qu'il fait dcs progres rapides de cinquante a quatre- vingt-dix ans, notammcnt de soixante-cinq a quatre - vingts ans. Que la phthisic pulmonaire se de'clare a partir de quinze ans chez les liom- mes ; qu'elle se prcpage d'une maniere effrayante dc vingt-cinq a quarante ans; qu'elle va en de'croissant de quarante a soixante-dix ans, et qu'elle dcvient ensuite fort rare ; que , chez les femmes , elle commence vers I'age de nenf ans , est fre'quente de i5 a 35, perd une jjartie de son in- tensite' de trente-cinq a quarante-cinq ans, et disparait ensuite; qu'en de'finitive, les femmes sont bcaucoup plus sujettes que les hommes a cette maladie. Que I'ente'rite s'attache principalement aux enfans, puis- quo, sur les 2452 de'ces qu'il a occasioue's en i83o, on compte jusqu'a I'age de cinq ans, 790 enfans du sexe masculin et 1 155 du sexe fe'mi- nin, c'est-a-dire 19450 plus des trois quarts; qu'il en est ainsi de la gastrite, qui a fait pe'rir en i83o, jusqu'a I'age de six ans, et notam- mcnt de un jour a trois mois, 1 1^3 enfans, savoir 58 1 du sexe mas- culin et 542 du sexe fe'minin , ce qui forme pres des deux tiers de la totalite des de'ces, qui ont e'te' de 1997. Que la pneumonic attaque les deux sexes, de quaraute-cinq a soixante-dix ans, etbeaucoup d' enfans avant cinq ans. Que les convulsions sont tres-fre'quentes jusqu'a I'age de cinq ans , et surtout jusqu'a trois , et qu'elles disparaissent presque cntieremcnt des I'age de dix a quinze ans. Que la petite ve'role se'vit 803 FRANCE. JHsqii'a I'age de dix ans , et que Ics vicillards en sont tres-rarcmcnl atteinls. Quant a I'apoplcxie , on en rencontre quelques cas avant I'age dc cinq ans , et notamment de un jour a trois mois , mais presque aucun decinq avingt ans; die est commune de quarante a soixante-cinq ans, tres-fre'quente dc soixantc- cinq a soixante-quinze ans, faiblit ensuite, et devient rare dans les ages trcs-avance's. Mais il faut remarquer que I'apoplexie frappe beaucoup plus d'horames que de femmes; nous trou- vons enfin que la fievre ce'rcbrale atteint ordinairement les enfans jus- qu'a I'age de dix ans; ellc est pen commune passe cet age, et n'attaque presque jamais les vieillards. En resume, il est mort a Paris, en i83o, savoir : Dans les arrondissemens , Sexe masculin 8,964 ( ^^^^, ^ ^^^^^ Sexe Kminin 9,530 ) Dans les hospices et Lopitaux , ^"^^ "^^^"'''" ^;^Z ^ Total 10,009. Sexc feminin 4,927 I Total general, 'i8,5o3 , ce qui donne sur I'anne'e 1829 un exce'dant de 4,^35 deces. TcUes sont les inductions ge'nerales que nous avons tire'es de ce tra- vail ; elles sont e'tablies sur des chiffres qui offrent depuis plusieurs annees peu de variations ; nous les livrons aux meditations des hommes del'art, en leur laissant le soin d'en dc'duirc des conclusions. En rapprochant les re'sultats de la population dc la capitale prise par quartiers , on pent e'tablir la proportion des deces, eu egard a cette popu- lation, connaitre les quartiers dans lesquels la mortalite' est la plus forte, et par suite , les causes de'tcrminantes de cctte mortalite. Ces renseigne- mens sc trouvent consignes en partie sur un tableau qui pre'sente la population des quartiers, en proccdant dc la plus faible a la plus forte, le nombre des deces etleur proportion avec la population. Le quartier dans Icquel cette proportion a etc la plus elevc'e est celui de I'Hotel-de- Ville, ail il est mort une personne sur 3i ; le (juartier dans lequrl la mortalite a e'le la plus faible est celui dc la Cliaussce-d' Antin , oii la pro- portion est de i sur 63, ce qui donne avec rH6lel-de-Ville une diffe- rence de moilie. Mais on tomberait dans de graves eneurs si Ton e'lablissait d'aprcs ces PARIS. . 8o3 resiiltats 1' influence ge'nc'ialc des quaitiers sur la santc des babitans. Le menie quartier pre'sente dans sa distribution , dans la disposition rt I'e'tat sanitairc de scs rues , dans la maniere de vivrc de ses liabitans, des varjations infinies; ainsi, par cxen^ple, !e quartier du Luxembourg passe ge'ne'ralcnient pour I'un des plus salubres de la capitale; les vastes jardins qu'il renforme , son elevation, sa proxiniite de plaincs immen- ses, scs rues largos et bien ae're'es, offrent toutcs les conditions que Ton pcut dc'sircr; si nous recberclions mainlenant quelle a e'te' la raor- talite de ce quartier, nous trouvons qu'il est un dc ceux oil ellc a c'le' le plus eleve'c (i sur 38), et qu'il pre'sente peu de difference avcc le quartier des Marches , I'un des plus insalubres de la ville , et oil la mortalite a ete de i sur 35. Ainsi, si Ton s'cn tenait a ce re'sultat, il serait indifferent pour la sante d'babiter I'un ou I'autre dc ces deux qnartiers. Mais c'est ici qu'il faut abandonner les inductions ge'ne'rales et reehercher les causes qui peuvent produire un re'sultat qui semblc de'truire tout ce qui a ete dit sur I'influence de I'air ; alors on de'couvro daus le quartier du Luxembourg des rues e'troites, mal vcntile'cs, bor- dees dc maisons eleve'es, toujours sales, humides, ge'ue'raleraent habi- te'es par des gens peu aise's , et qui doivent determiner un giand nombiT de de'ces, qui, suivant les proportions que nous venons d'indiquer, sont reporlc's c'galement sur la partic salubre du quartier. C'est done par rue et par maison qu'il faudrait calculer la mortalite; alors onaurait des re'sul'.ats exacts , des faits iiTe'cusables qui pourraient re'pandrc un grand jour sur les question dc I'bygiene et de salubrite' dont on s'occupe depuis si long-tcms et sur Icsquelles nous n'avons point encore de solutions definitives. Mais il faudrait, avant tout, avoir la stastistiqiie de chaque rue, de chaque inaison, connaitrc son exposi- tion , la maniere dont ellc est tenue , le nombre dc ses habitans et enfin toutcs les causes d'insalubrite qu'elie renferme , puis , en comparant la mortalite' des rues les plus insalubres avec celle des rues les plus salu- brest,, on connaitrait presque mntlie'matiquement le dcgre d'influence de la salubrite sur la sante des houimes. Les bulletins sanitaires qui onl e'le envoye's aux commissions de salubrite donneront d&ja une grande par- lie dc ces documens. Ce travail a e'te confie'aux soins de MM Petit Qt Che^ialier , lucmbrcs du conseil de salubrite , et Trehiicliet , chef du bureau sanitaire dc la prefecture de police , qui , inde'pcndamment du TOME LII. DlfeCEMBRE I 83 I . 52 (S04 FRANCE. concoiirs de MM. k'S inembrcs dcs commissions de s.ilubritc, comjitcnt, en outre, siir la cooperation de plnsieurs me'dccins inslniits qui sc sont dcja offerts pour les aider dans lenrs rcclicrclics. Les renseigncmens qu'ils auront reciicillis sur la statistique des rues et des raaisons seront porte's sur des tableaux particubcrs. Nous aureus soin de pubber les re'sultats de leurs rechercLes. Les rcnseignemens dont nous venons de donncr un extrait out pour but de faire connaitre les especes de maladies les plus commune'mcnt mortelles dans la capitale , et le rapport du nombre des individus qui y succombcnt avec les circonstances d'agc , de sexe et de condition , an milieu dcsquelles ils se trouvent place's. Ici se pre'sentent quelques re- niarques. D'apres quel type dc'termine-t-on I'espece de ces maladies j a- t-on une regie sure pour faire cette determination? Dans les e'tats du meme genre , pubbc's aux diverses e'poques , on voit figurcr , au rang des maladies les plus ge'ne'rales , des affections dont on ne voit presque auciine trace dans les tableaux releve's a quelques anne'es de distance , c'est-a-dircque d'une anne'earautreronaccordeouron refuse aux memes maladies le privilege de grossir la table de la mortalite'. Ainsi il y a encore pcu de tems que les ficvrcs e'taient le plus repandues , quelques anne'es plus tard ce furcnt les affections du cocur , plus tard encore les intlammations du tube digestif, aujourd'hui c'est le tour des maladies de poitrine. On voit , en un mot , la nomenclature des maladies rc- gnantes changer avec I'espece ct le cre'dit des systcmes pathologiques les plus contradictoires. Nous le demandons , qu'espcre-t-on dcs re'sul- tats e'tablis sur des bases aussi fragiles? Tant que la pathologic flottera dans le vague ou nous la voyons aujourd'hui , la seule utilite' des tra- vaux statistiques pre'ce'dens sera re'duite a I'expression ge'nc'rale des rap- ports de la mortalite avec la population. D'ailleurs, rimperfection que nous de'plorons s'opposera sans cesse a I'application d'aucune mcsurc particuliere, et arretcra les progrcs de I'hygiene en rcslreignant son usage a I'observation des pre'ceptes e'terncliement connus sur I'ame'- lioration de la sante' publiqiie. PARIS. 8o5 IMOUVELLES DES THEATRES. LETTRE SUR LES THEATRES. Dcpiiis ma dcrniei-e letlre , ricn dc bicn saillant n'a para sur nos theatres ; et je m'apercois qu'cn voiis prevcnant que jo vous cntretien- drais seulement dcs pieces dignes de votre attention , j'ai liiuite' ma tachc plus que je ne le pensais. J'ai grand' peur en ve'rite , si je m'en tiens striclcmcnt a ccttc condition , de vous e'crire des leftres Lien courtes, Mais en ce cas j'aurai la ressource , pour allonger mon e'pltre , de vous transraettre a chaque fois I'exacte et fidele nomenclature de toutes les oeuvres dramaliques representees aux differens theatres , avec indication du nombre d'actcs , sans oublicr les noms des auteurs, de'corateurs , raachinistes et acteurs, iraprimc's en caractere particulier pour Icur plus grande glolre , et cela ne laissera pas que de prendre de ia place. De plus , j'ai la confiance que quand vous possc'derez cctte listc pre'cieuse , vous en saurez autant sur les ouvrages qui y figureront, quoique e'loi- gne' dc Paris de i5o licues , que bon nombre d'habitans dc cette capi- talc qui ne liront pas meme ma lettre, et qui, par suite de cct instinct raerveillcux qui nous porte tons tant que nous sommesa fuir notremal, se tiennent priidemment a distance de tons nos modernes chefs-d'oeuvre^ Teresa a rOpeVa-Comiquc (ce qui ne vcut pas dire, que ce soit un opera, car c' est au contraire im drame sans musique) et Louis ATau Thc'atre-Francais, voilace dont j'ai a vous parlcr aujouru'hui. Teresa, que Ton s'est e'tonne' en general de voir paraitrc a la salle Ventadour, a pour auteur M. AlexandreDvMki, etdevaitdans le principe ctrc donnc'c aux Nouveautes. Mais la fermeture de ce the'atre a du changer les pre- mieres dispositions, ct M. Laurent a recuciili Fheritage de son infortunc confrere. An reste cette fixe delimitation des genres affrcte's a chaqnc scene est a mon avis chose fort indiffe'rente au public. En pareille af- faire, je pourraisdire en toute affaire, le success est tout. Si lecbame al- tire du monde dans la salle Ventadour, M. Laurent aura eu raison dc lyaccueillir; de meme que le directeur de I'Ambigu-Comique a cu tort, 52. 8o6 FRANCE. I'an dernier, de faire chanter I'opera a ses niais ct a ses tyrans dc nie'lo drame, parcc que ])ersonne nc s'est soiicic' d'allcr les entendre. A ce propos , je me rappelle que ra'e'tonnant devant une dame tres-spirituelle de celte bizarre imagination du dirccteur dc I'Ambigu , et lui deman- dant ce que deviendrait le cbant dans ce singuber ope'ra-coraique , et s'il n'y aurait pas a en pouffer de rire , elle me re'pondit : Eh ! bien juste- meni, ce sera la partie comiqne de V opera. .le n'eus rien a re'pb- quer. Mais revenons a Teresa. Celte piece nous donne I'ide'e de I'erreur oil pent tomber le talent , quand , au ben de s'attacher a peindre sans exageration des moeurs rcelles et vraies , il s'e'gare a la suite d'une ima- gination exalte'e , et se complait surtout dans des tableaux que leur im- moralite; rend repoussans. II s'agit ici d'un double adulterc que nous voyons presque consoinmer sur la scene , et il semble meme que nous y assistions par ambassadeur ; car nous voyons du moins le serviteur dc- voue qui, a la portede sa maitresFe , veille la dague au poing pour e'carler les survenans ; de sorte que, si on a la fantaisie de tirer sa montre , on sail a point nommc, eldcpuislelraouvement d'aiguillejusqu'a tel autre, ce qui se passe derriere la coulisse. Sans doute , afin de nous indemniser de ce qui s'y passe a noire insu , il y a dans le double adultere que j'ai deja indique une circonstance plus odieuse encore ; c'est que les cou- pables sont unis par les liens de la famiile , et que le double crime est enferme pour eux dans I'enceinte du foyer domestique. Ce sont gendre, belle-mere, amis, proches parens. Ainsi , ce n'est pas seulement le ma- riage que Ton fletrit, et qui aura pour sa part grand' peine a se de'fendrc des rudes coups qu'on lui porte de tous cote's , c'est aussi la fam.ille ; la famiile qui seule nous rcstait encore, et oiiles senlimensdoux ettendre.'* chasses d'ailleursaimaient a se cacher comme dans un refuge assure. Je ne veux point toutefois contester le talent eminent qui brille dans cet ouvrage ; il renferme d'admirables scenes. Mais si I'e'nergie bril- lante du pinceau dc M. Dumas, si la vigueur peu commune de ses ide'es et de son style lui marquent une haute place , la premiere peut-etrc^ dans I'avenir, parmi ses rivaux , qu'il s'cfforce done , s'il vcut se concilier les suffrages des horames de gout, de rester dans les limites du vrai , de ne pas se jeter aussi souvent , a propos d'un drame bourgeois , dans les voics d'une poc'sie aventureuse , ct surtout , et PARiS. 807 avanl toute chose , de respecter ce qui maintenant plus que jamais doil etrc entoure' de nos e'gards , I'asile consolateur dc la I'amille. J'arrive maintenant au Louis XI de M. Casimir Delavigne, qui vient de faire son apparition au Theatre - Francais. C'est , vous le dirai-je, une ceuvre de patience, une IjrilJante collection de beaux vers un peu acaddmiqnes. Le talent, le faire habile, y sont marque's en traits qu'on ne peut me'connaitre sans injustice. Mais oil est ''ame de la tragedie, ou est I'interet vif et puissant qui devrait mai- triser les spectaleurs, oil est le feu, oil est la vie ! J'ai cherche inutile- ment tout cela. Louis XI le cruel , le cauteleux, le superstitieux , I'lia- bile Louis XI ne me parait pas propre a faire un he'ros tragique. Un tel caractere peut etre une bonne fortune pour I'historien et pour le roraan^ oier , mais non pour le poetc dramatiquc. Otez maintenant cet inte'r«t puissant qui fait la vie du draine, que reste-t-il? Le talent des details et de I'exe'cution male'ricllc. C'est aussi le me'rite, et Ic merite reel du nouvel ouvragc de M. Delavignc. II serait te'mcVaire, au reste, de juger un ouvragc aussi important sur la premiere audition , et je me promets de vous en reparler dans ma procLaine lettic. Une seule reflexion en attendant : Le travail patient et assidu , la perseverance studieuse et ac- tive du talent doivent-ils done, dans le siecle oil nous sommes, ce'der le pas a I'inspiration aventureuse, au coup de pinceau vif et hardi de I'artiste qui produit vite? Louis XI est le fruit de longues veilles, d'e- tudes consciencieuses et qui ont coiite' des anuees ; Louis XI est froid ct est accueilli froidement. Antony, Teresa paraissent au contraire le jet facile d'unc seve abondante et riche qui coule d'elle-meme. On a couru a Antony, on courra peut-etre a Teresa. J'aurais tort de ne vous rien dire du Chaperon, au Gymnase. C'est un job petit marivaudage plein de finesse et de details inge'nicux. Un mot encore sur Folhert ou le Mari de la cantatrice, aux Varie'tes, qui .merite mention pour le cynisme de'honte qui s'y etale ; et quant au reste, jc prcnds la liberte, e'conome de votre tems et du mien, de vous rcn- voyer, pour me'moire, a la nomenclature ci-dcssous, qu'il ne tieudra qu'a vous de lire'courageusement jusqu'au bout, si vous avez du tems a perdrc. Theatke-Fran^jAis. — 1 1 Janvier. Le Prince et la Grisette , come die en trois actes et en vers, par M. Crkuze nb Lessek. 8o8 FRANCE. NECROLOGIE. Odeon. — 1 7 jauvier. Jeanne de Vauhernier, dramc en ciiKj aclcs, par MM. de Rougemont et Lafitte. Gymnase DRAMATiQUE. — 23 janvicr. La Vengeance d'une Ita- lienne, come'dic-vaudeville en deux actes, par MM. Scribe, Delestrc et Desnoyers. Vaudeville. — 17 Janvier. La T^ie de Moliere, come'dic-vaudeville en trois actes par M!VI. Dupeuty et Etienne Arago. — 117 Janvier. Les Chapeaux seditieux, a-propos-vaudevillc en un acte, de MM. Bha- riER, Melesville et Carmouche. Varietes. — 'if\ Janvier. L' Homme de la nature et V Homme po- lice, roman inele de couplets en 5 tableaux , par MM. Paul de Kock et Dupeuty. • Theatre du Palais-Royal. — i a Janvier. Le Collaborateur, vau- deville.— 1 3 Janvier. La Chanteuse et V Ouvriere , vaudeville, par MM. de Villeneuve et Xavier. Ambigu-Cop^ique. — 25 Janvier. Han d' Islande , me'lodraine en trois actes, par MM. Acxo et Palmyr. Gaite. — aS Janvier. Raimond , me'lodraine en trois actes , par M. Aususte Lebras. NECROLOGIE. Nous terminons ordinairemcnt nos cahiers par des tablettes ne'crologi- qucs oil se troiivent renferme'es de courtes notices sur les hommes suc- cessivemcnt enlcve's aux sciences, aux lettres, aux arts ou a la politique. II est facile de concevoir les causes qui s'opjiosent a ce que cctte parlie de notre cadre soit completement remplie, malgre' nos soins et notrc vigilance. Le tableau suivant, oil Ton s'est efforce' de reunir les ce'le- brite's. de tons genres et de tous pays que la mort a moissonne'es pendant I'anne'e i83i , comblera plusieurs dcs lacunes que les Iccteurs ont du remarquer dans cctte partie de la Revue Encjclopedique ; raais nous aurons occasion de revenir plus tard sur quelques-uns des hommes a la mcmoirc dcsqiicls nous nc donnons aujourd'hui qu'une mention , soit NECROLOdlE. 8oiJ pour rctraccr I'liistoire de leur vie , suit pour niicux. appre'cicr Ic carnc- tere de Icurs ecrits et de leurs travaux. Eu Asie , MooLA Feerooz , grasid-pretre dcs Parsees , auleur dii George Nama, poemc c'piquc en langue persanne, sur la conquetc de rinde par Ics Anglais , ce'lebre par I'ctcudue de ses reclierclics dans la littc'rature oiicntale, et possesscur d'une riclie bibliotlicqiie de raanus- crils asiatiqucs , est mort a Bombay, a I'age de soixante-douze ans. Le Mexique a vu fusilier I'un des nombreux prdsidens que I'incon- stance de ses vicissitudes re'volutionnaires avait e'leve naguere au faite des lionneurs de la re'publique : le general Guerrero _, traiti'euscmcnt arrete' par les agens du gouverneiuent actuel , a e'le' execute le 1 4 le- vrier i83i , a Oayaca. Les Etats-Unis ont perdu James Monroe , cinquieme pre'sident de la re'pablique , mort a New- York, a I'age de soixante-treize ans, le 4 juillet , jour anniversaire de la declaration d'independance ; — ct Sa- muel Mitchell, me'dcciu et savant distingue. Dans la Giande-Bretagne, la mort a frappe' tour-a tour Henri Mackenzie , auteur de " The Man of Feeling , " etde plusieurs au- tres romans dont la reputation est dcpuis long-tcms solidement e'la])lie • — le docteur Abernethy , ebirurgien et anatomiste tres-celebre ; — JVilliam Roscoe, ancienmembre du parleraent, auteur des Histoires de Laurent de Medicis et de Leon X, philanlrope liberal dont les ecrits sur les prisons , entre autres , appartiennent a I'e'cole de Bentham ct de I'aine'ricoin Livingstone; — John Jackson, ce'lebre peintre de por- traits; — Thomas YiovM. , connu parses ricbesses, sa belle collcclioii de tableaux, et ses ouvrages : Anastase^ roman qui a cu plusieurs edi- tions; des rechcrches curieuses sous le titre de : Costume of the an- cients, qui lui ont acquis une certaine ce'le'britc' dans le inonde savant ; et cnfin un Essai sur I'origine el la destination de I'homme , an- nonce dans ce rccueil {vuyez ci-dessus, p. 44o).j ft ^1"' . Enc. , torn, l, pag. 635), I'aca- •le'niicicn G. Guassi , le ce'lcbre anatomiste L. Rolando. — Florence a conserve' les restes du graveur milanais Joseph Longhi , et du dau- phinois J.-L. Pons. ,directeiir de I'oljservatoire fondc par le grand-due. — G. ScACCiA, directcur general des travaux hydrauliqiies dans les Etals romains, inge'nieur savant ct habile , merite encore line mention. On sait que le president Capo-d'Istrias est mort , en Grece , de la main d'un palriote me'content. Pour V Espagne , nous citerons deux gene'raux seulement , O'Farril et ToRRiJOs, et nous renverrons aiix notices inse'rc'es dans la Revue (torn. LI , p. 5o8 , et t. lit , p. 56 1 ). La Hollande a perdu I'honime qu'elle presentait aux etrangers avec orgueil comme son plus grand poete : Bylderdyck , auteur de poemes sur I'astronomie , sur la dclivrance de la Hollande , d'imitations d'Os- sian , etc. est mort a Harlem le -lo de'cembre 1 83 1 . En France, la Chambredes pairs a perdu le comtc de Montalem- BERT , ancien ambassadeur; — la Chambre des deputes, le venerable Labbey de Pompieres, I'unde scs doyens d'age, ctM. Duvergier de Hauranne, auteur de plusicurs e'crits politiquesj — I'lnstitut, le bo- taniste Du Petit-Thouars , ragronome Yvart , le sculpteur Cartel- LiER, et CoQUEBERT-MoNTBRET , acade'micien libre , connupar des tra- vaux de divers genres, et, entre autres, par la re'daction de la No- menclature des nouveaux poids ct mesures; — i'arme'e, le general baron de Goguelat , auteur de Memoij'es relatifs a la rei'oluUon , et le vicomte Garbe, lieutenant-general du genie ct dc[)ute'; — la Cour de cassation, le pre'sident Favard de Langlade; — le barrcau, J.-V. Delacroix , I'un des coUaborateurs de \Ency dope die. Nous citerons ensuite le comte /. Defermon des Chapelieres, mi- nistre-d'e'tat sous I'empire; et T/eMrt Gregoire , conventionnel , plii- lantrope, ami des negres et prelat gaUican. Parmi les poctes , les litterateurs ct les savans : le laurc'at Fictniin Fabre; — le traductuur de Tibidle , Servan de Sugny; — J.-U. PoiRSON , collaboratcurdc Menlelle ct auteur de cartes cstime'cs; — Ic NECROLOGIE. 8l3 cliansonnier Emile Debraux; — le A'audevillistc Joseph Pain; — Sevelinges , connu par des feuilletons de journaux, une traduction de fFerther , fort peu estimable , et sa haine impuissante contre Jean-Jac- ques; — I'e'lc'giaque Edinond Geraud ; — Lamesaivgere , redactcur d'un Journal des modes; — Felix IS ogar^t , qui fiit long-tems Ic doyen des homracs de lettres ; — et enfin madame de Genlis , dont les innombrables productions ont re'pandu an moins le nom dans tonte I'Eu- rope. Parmi les artistes , P. Bouillon, peintre d'histoire, aiitcur du Mu- se'e des antiques , I'lin des plus beans ouvrages niodernes de calcogra- pliie; — MfiLLtNG, dcssinateur et architecte du sultan Selim III, puis peintre du cabinet du roi de France, auteur de Foyages pittoresqu s a Constantinople el dans les Pyrenees; — /.-/. Avril, et Nicolas PoKCE , graveurs; — Rodolphe Kreutzer, compositeur, auteur d'u4ristippe, Paul et Firginie , etc. ; — Ignace Pleyel, facteur de pianos et compositeur ; — Sebastien Erard , ceiebre par dc norabreux perfectionneraens et inventions dans I'art du facteur de Larpes et de pianos; — F. Lays et L. Nourrit , celebres chanteurs de I'ancien Opera. France. — Bruyere {Louis), officier de la le'gion-d'honneur, in- specteur, ancien dirccteur-ge'neral des travaux publics de Paris, luoit le 3 1 de'cemlire i83i , a I'age de 78 ans. — Loui? Bruyere naquit a Lyon, en 1758, d'une famille honorable, qui lui donna une education distingue'e; de bonne heurc il s'occupa d'arcbitecture, et deja il s'e'tait livre a la pratique de cet ait; lorsqu'il fut admis en 1788 a Te'cole des ponts-et-chaussees , que dirigeait alors le ceiebre Pcrronet, et qui e'tait destine'e a former des inge'nieurs pour I'exe'cution des travaux publics. — Sorti de cctte e'cole pour etrc employe en qualite de sous-ingenieur dans la ville du Mans , il eut occasion d'y exe'cuter qaclques travaux d'tme utilite locale, parmi lesquelles nous citerons les deux promenades du Greffier et des Jacobins, qui forment ^ujourd'hni I'un des ornemens de cette ville, oil il se distingua par le soin particulicr qu'il apporta a I'entretien des routes soumises a sa surveillance. Cette partie peu bril- lante , et cependant tres-importante du service de I'ingenieur, offrit a un esprit aussi observaJeur que celui de M. Bruyere un stijct d'e'tudes inle'rcssantcs. «Sl/| NECROLOGIE. En 1799,11 fat appele a I'e'cole des ponts et chaussecs commc profes- sciir : il chercha a y organiser des cours regulicrs, et a soumettre a des lois precises les obserA'ations diverses et les fails nombrcux dont I'en- scmble constituait alors presque uniquement la science de ringenieiir; il donna la les premieres lefons de construction a des hommes qui , de- puis, se sont distingue's par d'importans travaux, et qui, tous out con- serve avec reconnaissance le souvenir du bienveillant inte'ret que leur portail leur ancien maitre; et du zele avec leqiiel il Icur exposait tous les details de son art, soit dans les cours qu'il professait, soil dans les entretiens particuliers qu'il engageait avec ses eleves , en leur faisant dresser sous scs yeux des projets de routes, de ponts et de canaux. Peu de terns apres , et tout en conservant sa place de professeur a I'e'cole , il fut nomme secretaire du conseil-ge'neral des ponts-et-cliaus- se'es , et charge' en cette qualite de I'examen de tous les projels de con- structions et toutes les affaires contentieuses du ressort de son adminis- tration. L'importance de ses fonctions fut encore augraentee par la con- fiance presc^ie sans bornes que lui accord erent les directeurs-ge'ne'raux qui sc succe'derent a cettc e'poque , MM. de Montalivet et Mole' , confiance mc'rite'e par la haute capacite' et par la probite' connue de M. Bruyerc et qui n'honora pas raoins les protecteurs que le protege. Corame secretaire du conseil, on vit M. Bruyere re'diger les premiers projets du canal Saint-Maur, apporter la lumiere d'une raison supe'- rieure dans des questions d'art du plus haut inte'ret, telles que la forme des cintres, la position des ecluses destine'cs a mettre en communication ini canal et une riviere, etc., et ame'liorcr, par ses avis judicieux et par ses conseils, fruits d'une longue experience , la plupart des grands projets de routes, de ponts, de canaux qu'avait concus le gc'nic de Napo- leon et qui s'exe'cuterent sous son regne. Dans les affaires contentieuses, si de'licates pour un fonctionnaire integre et zele', qui doit concilier la de'fense des interets ge'ne'raux avec la protection due a I'industric parti culicre , M. Bruyere sut conserver Tindependance d'un magistral , et s'acquitter de scs devoirs a la satisfaction du public et des chefs du gouvernement. Sans cesse consulte par les directeurs-ge'ne'raux, il exerfa aussi une grande et henreuse influence sur les avancemens et les muta" tions qui s'operaient parmi les membres du corps des ponts-et-chausse'es, donl personue inieiix ipic lui n'e'tait a meine d'ajjprecicr le nicrite et les services. NECKOLOGIE, Sl.'T Telle flit la vie dc M. Bruyere jusqu'a I'age de cinqiiante-lrois aiis , lorsqu'en Janvier 181 1, rcmpereur, sur la proposition de M. de Mon- talivet, alors ministre de I'inte'rieur , le nomma directeur-ge'ncral des travaiix publics de Paris. Ici commence pour lui une nouvelle carri(?re : La place importanfc qu'il occupc, il ne la doit point (exeinple trop rare de nos jours) aux ca- prices de la faveur, il I'a me'rite'e par trente anne'es d'une vie laborieusc, utile et irre'prochable. Jusqu'a present M. Bruyere ne nous est apparu que comnie un ingc- nieur habile et comme le conseiller utile de ses superieurs ; dans une nouvelle position , il deploie a la fois le genie d'un administrateur et toutes les qualite's d'un artiste. Pendant neuf anne'es que dui'e son admi- nistration, il ese'cute dans Paris pour soixante millions de travaux, parmi lesquels nous citcrons les abattoiis, les nouveaux marches, I'en- trepot general des vins, le college d'Harcourt et la bourse. « Un seiil rapprochement, dit M. Navier, dans une notice ne'crologique sur Bruyere, adresse'e au conseil municipal de la ville de Paris , fera appre'cier I'in- fluence d'un homme tel que M. Bruyere sur ces grandes entreprises, I'orgucil de Paris et du regne de Napoleon ; il suffit de comparer les marches execute's avant lui , tels (|ue ccux des Inuocens ou des Jacobins, avc les marches de Saint-Germain et autres qui ont e'te faits sous sa di- rection : les premiers, qui venaient d'etre termine's , semblcnt appertcnir a un autre siecle. « Les construction exe'cute'es sous M. Bruyere prou- vent une e'tude approfondie de la nature et de la destination de chaquo e'difice. Ses marches, ses abattoirs, son entrepot general des vins offrent un ensemble de dispositions nouvelles parfaitement adapte'es aux usages auxquels ces monumens sont consacre's; on les imite aujourd'hui dans toutes les villes de France, et ils serviront long-fems de modcles. L'e'tude des questions d'art ne fit pas oublier a M. Bruyere ses devoirs d'administrateur ; il perfectionna les formes de comptabilite usitees dans les travaux civils , imprima a tons les ouvrages qui s'exe'cutercnt sous lui une extreme activite' , et firent senlir partout I'influence d'linc volonte ferme , d'une probile severe et d'une connaissance approfondie dc la science du constructeur. Sa sante avait e'te alte're'e par ses longs travaux et surtout par les inquietudes et les fatigues auxquelles il s'c'tait livrc en 181 4 et 181 5 , lors des deux invasions , pour la conservation des monumens publics qui lui e'taient confic's , et dont plusieurs avaient 8l6 NECROLOGIK. etc laissc's dans im ctal d'abandon qui poiivait aincncr Iciir depcrissc- ment. En 1819, des attaqiies de goutte auxqiicUes il etait sujct , c'tant dcvcnues plus frcqucntes et plus douldureuscs , il crul devoir renoncer a sa place , ct i-eprit les foiictions d'inspectcur general des ponls ct cliaiis- sc'cs ■ position dans la([uclle il eut encore I'occasion de rcndrc des ser- vices, malgre le deplorable etat de sa santc, .-loit par des rapports sur des questions d'art, soil par des experiences sur les cliaux et pouzzola- ncs artificicUes , dont il s'occupait encore pcu de terns avant sa inort. lia vie de M. Br;iycrc fut pleine ct honorable : il fut un honinie cnii nenimcnt utile , ayant la passion de scs devoirs, s'acquittant aveclememc zele du service d'inge'nieur des routes du Mans , et des fonctions do directcur-ge'ne'ral des travaux publics de Paris ; conservant dans toutcs les positions sociales qu'il occupa la simplicite de ses goiits , la dignitc de son caractcre et Tindcpendance de ses opinions. Si les titrcs et les honneurs ne vinrent pas le clierclicr dans sa vieillcsse , il eut Testime et I'amitie' de tons ceux qui le connuren', recompense pins rare ct plus di^ne de lui. II est niort prcsque sans fortune , ly; laissant a sa veuve ct a ses enfans qu'un nom honorable. Comme inge'nieur, M. Bruyere a etc' I'un des hoinmes qui ont le plus illustre le corps des ponts et chausse'es : il a etc un constructeur instruit et un architecte plein de goiit , et Ton citerait difficilcment un artiste ou un savant qui ait rcuni an meme degre' que lui le sentiment des arts et la connaissance des sciences. M. Bruyere a laisse un grand ouvrage : Etudes relatives a I'art des constructions ^ qui renferme des modeles d' edifices de toute especc et des de'tails pleins d'interet sur les diffe'rens genres de constructions. L'indication des matiercs traite'es dans les douze chapitres qui composcnt cet ouvrage suffira pour donner une idee de son importance. On y trouve la description , accomnagnc'c de dessins dctaillc's , dc ponts en fer ct do ponts en pierre , execute's en Angletterre et en France , et des princi- paux grcnicrs , marches , abattoirs, halles aux grains, etc. , qui existent en France , en Suisse et en Italic; on y rencontre enfin des modeles dc cintrcs , dc ponts en bois, de portcs d'e'cluses , de maisons destine'es a differens usages, avec des observations importantcs sur toutcs les par- tics dc I'art des constructions. Ad. Jui.t.lEN , Ingenieur des Ponts et Chaussees. TABLE DES MATIERES CONTENXJES DVIVS LA 156' LIVRAISO^' DE LA REVUE EMCICLOPEDIQUE DfiCEMBRE i83i. Pafjcs •I . De la moderation politique : Ics doctrinaires Laurent. 565 2. Philosophic du droit , cours Ac'M. Lerminier.. Alex. Saint~C/ieron 595 3. De I'usafje piivsiologiquc dc Toxygene Dntrochet. 607 4. De ia poesie de notre epoque : Lamartinc , Victor Hugo , . Sainte-Beuve. P. Leroux. 629 5. Bcrangcr et la Quarterly Review • A — ile M. 648 6. Memoires d'un prddicateur saint-simonien Edouard Charlon. 655 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. LIVBES ETR ANGERS. AMERIQUE SEPTENTRIONALE. — Etats-U^iis. —La chute des Indiens : Biographic des trois derniers sachems des Wampanoags, 670^ — Vie de Henri Clay, ibid. ; — Cours de Iittt5rature allemande, par Ch. Follen, 678. EUROPE. — Grande -Bretagne. — Bibliotheque des sciences utiles : Philo- sophic nalurelle, 679; — Algebrc de Mohammud-Ben-Musa , 682; — Ma- nuscrits orienlaux de sir William Ouseley , ihid.:^ — Aventurcs sur la riviere Columbia , 685; — (Euvres de lord Byron, 684 ; — La Pologne , poeme, 686. — AllemAcne. — Sysleme de philosophic speculative , par Daumer 6I. Jouffroy , 785 ; — Cours de phy- sique generale, par M. Ampere , 795; — Slatistique : Releve dcs deces de I'annee 1 850 pour la ville de Paris, 799 ; — Lettre sur les theatres , 805. MEGROLOGIE. IVe'crnlogie de 1851 , 808 ; — Brnyere, 813. ERRATA. Page 65(1 , ligncs 2 et 5 , au lieu de rompre sa visiere , lisez : lompr.' en I'isiire; — Page 694 , lignes H et 1 2, plus heureuse , lisez : plus crettse ,■ — Page 704 , Jigne 6 , apres nous aurons, supprimez eguleiiient. ' 9 ;■ '■ ,- J ^U^i!^^^ ,- i> V-v- J AVIS. On peut se procurer la collection de I'annee ^ 831 et celles des annecs precedentes Au bureau de la Revue Ewctclop^dique , rue des Saints- Peres, n" 26. Au prix de 46 fr. pour Paris. 53 fr. pour les departemens. 60 fr. pour I'etranger. Chaque cahier detache coute 5 fr. ^4ux A caddmits et aux SocidtA- suvantes de tous les pays, Les academies et les socie'les savantes, el d'utilite' publique , fran^aises et e'trangferes , sont invitees a faire parvenir exaclement , franc de port , au directeur de la Revue Encjclopedique , les comptes rendu* de leurs travaux et les progranimes des prix qu'elles proposenl. ^■lux e'dileurs d'ouvrages et aux libraires. MM. les editeurs d'ouvrages pe'riodiques , fran^ais et e'trangers , qui dt'sireraient cchanger leurs recuells avec le n6lre , peuvent compter sur le bon ac :ueil que nous ferons a leurs propositions d'echange, et sur une prompte annonce dans la Revue des publications |de ce genre , et des autres ouvrages nouvellement publics , qu'ils nous auront adress^s. Aux libraires , et aux dditeurs d'oui'rages en Allemagiie. MM. Dyck , libraire a Leipzig , et Jaegek , libraire a Francfort-sur- le-Mein , sont charge's de recevoir et de nous fairc parvenir , par I'inter- me'dialre de MM. Heideloff et compagnie, de Paris, les ouvrages pe'riodiques qui sont dentine's a I'e'change , et les ouvrages que MM. les libraires , les e'diteurs et les auteurs, dc'sircraient faire annoncer dans la fievuf En- cyclopedlquc. Canlritions trc la Qomctiption, La Reuue EncydoptHique parait mensuellement , depuis Janvier 1819 , par cahiers de plus de 200 pages d'irapression. Trois cahier^ formcnt un volume , ter- mine par una Table analjtiqtte et alphabdtix/ue des malieresc Chaque anndc est ind<5pcndante des arrn^es pr^c^dentes , et offre un .4niiiiaire scientifique st Utt^rairc en 4 volumes in-8°. PRIX DE L'ABOiVNElVIENT. A Paris 46 fr. pour un .an ; Dans les d^partemens. 55 » A I'^tranger 60 » En Angleterre 75 » 26 fr. pour six mois. 50 » 54 .) 42 » Chaque cahier se vend separcment 5 fr. Le montant de la souscription, qui doit etre payd d'avance et envoyd par la poste; la correspondance , et tout ce qui conccrne la redaction j les livTes de tout genre , les gra'vures , etc. , dont on ddsire faire rendre compte , doivcnt etre adres- sis, franc deport, au directeur de la Jieyue Encjclopefdique. , rue des Saints- P^s,n°26. On souscrit, a Paris, chez les libraires ci-apres : Treottel et Wcrt?, , rue de Bourbon, n° 17 j — Ret et Gravier, quai des Augnstins, n° 55; — Charles B^chet, quai dei Augustins, n° 55; Roret, rue Hautefeuilie n° 1 2 j — J. REtrouARD , rue de Tournon , n" 6 ; — Heideloff , rue Vivienne, n° 1 6 ; — Cordier, rue de la Vrilli^re , n° 2 ; — Pacum , place de la Bourse. Dans les principales villes des ddparumens et des pays laagers , chez : Amsterdiim , Delachanx. Berlin, Sclilesioger. Bordeaux, Delpech. Boston ( Etats-Uais ), Burdett. Breslau, K.eygel. Bruxelles , Demat; — librairic parisiaunc ; — E. Perrot. Copenhague , GyldendaU. Florence , Pialti ; — Vieusseui. Francforl'Siir- Mein , Jugel ; — Jaeger. Geiieve, Cheibuliez. Havre , veuve OuQa. Kcenigsberg, Boustrom. teifzig, Brockbaus ; — Dyck ; — Mickelsen. Liege, Desoer ; — Colardin, Loudres, DulaUj etcompagnie; — Treuttel el Wurtz ; — Bossange , Barthez , Lo wel et C«. Lyon, veuve Raillard. Madrid. Dcnnec ; —Peris. Marseille, CanioiiI|; -^MaSveVt. Mankeim , Artaria et Fontaine.. Milan , Giegler ; — Bocca. Hlons , Lcroux. Moscou , Gautier ; — Riss ; — Urbin . Nantes, Fore.vt. Naples , Borel ; — Marotta et Vanspandock. 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